BRRTE 4 HR UE tr Rs 458 ht be ' L; En tt Î { 1 Î tal . ue Fr lu * K Û If | # ! ( Û ( fi ù7r . LE ANNALES SCIENCES NATURELLES. TROISIÈME SÉRIE. LOOLOGIE,. PARIS — IMPRIMERIE DE 4. MARTINET, sur Miguon, 2 7 b ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE , LA BOTANIQUE, L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ; RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIE PAR M. MILNE EDWAKRDS, ET POUR LA BOTANIQUE PAR MOI. AD. EBRONGNIARIT ET J. DECAISNE. Troisième Série. ZOOLOGIE, TOME DIX-HUITIÈME. A ANS, C S Tukat OA { A2 PARIS. VICTOR MASSON, PLAGE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE , 17 1852, a à û mis mots PALETTE pHanyAs SANTÉ 2qnon Elu mis Fa a FRE LME tr ans vrai CTI # mr | L2 "{" Mie" | pur ne AA VA tél NAUIT or C0 lu ! TT dé ae 2 ns A 14 4 Sont ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. ESSAI sur L'ANATOMIE PHILOSOPHIQUE ET L'INTERPRÉTATION DE QUELQUES ANOMALIES MUSCULAIRES DU MEMBRE THORACIQUE DANS L’ESPÈCE HUMAINE, Par M. le D: Adolphe RICHARD, Aacien Prosecteur de la Faculté de médecine de Paris, Chirurgien du bureau central des bôpituux, (Mémoire présenté à l'Académie des sciences dans sa séance du lundi 26 janvier 1652, ) L'étude des anomalies du système musculaire est trop négligée par les analomistes francais. En vain l’illustre Jean-Frédéric Meckel en a montré toute l'importance : tandis qu’en Suisse et en Allemagne chaque description des muscles du corps humain est soigneusement suivie de l’énumération des principales ano- malies (1), que les journaux anglais s’enrichissent sur ce sujet de (1) Traité de myologie, par F.-G. Theile, dans l'Encyclopédie anatomique , 1843. 6 A. RICHARD. — ANOMALIES MUSCULAIRES mémoires originaux (1), nos ouvrages classiques présentent à peine à cet égard quelques notes éparses ; et, dans nos amphi- théâtres, les étudiants, à l'exemple de ceux qui les dirigent, s’habituent à ne voir aucun intérêt scientifique dans les anomalies variées que la dissection des muscles leur offre presque à chaque instant. Pour moi, depuis plusieurs années, je n’ai négligé aucune occasion de disséquer des anomalies musculaires. J’en ai con- servé un grand nombre; j’en ai fait dessiner plus encore. L'attrait que je trouvais dans cette étude était de vérifier et de rectifier souvent ce que les auteurs précédents avaient écrit sur les anomalies les plus communes, de pouvoir, sur une quantité considérable de cadavres , établir une sorte de statistique et d'échelle de fréquence, admirant ici, comme dans la plupart des autres points de tératologie, l’ordre et la régularité dans ce qui ne paraît au premier abord qu’un désordre inexplicable. Un travail complet sur cetle matière serait, à mon sens, d’une grande utilité, quoique peut-être d’une lecture peu attrayante. Ce que je me propose dans ce mémoire exige moins d'efforts, mais peut, si j'y réussis, fournir un résullat plus frappant : je vou- drais, par un petit nombre d'exemples rares et non décrits jus- qu'ici, choisis sur une portion limitée du corps humain, sur le membre thoracique, montrer tout le profit que peut et que doit tirer de ces études l’anatomie philosophique , et désigner ainsi dans quelle direction on pourrait espérer pour l’avenir faire pro- gresser celle partie de l’anatomie. LE. — Muscle tibial postérieur de l’avant-bras. (PL. 4, fig. 4.) Il existe peu de points d'anatomie comparative plus salisfai- sants et plus instructifs à la fois que le parallèle des muscles de la région postérieure de la jambe avec ceux de la région antérieure de l’avant-bras. La certitude de la démonstration, à laquelle vous conduit l’étude de ce parallèle acquiert encore plus de prix par (1) M. Hallett, Edinburgh medical and surgical journal , t. LXIX et LXXI, années 1848 ,1849, DU MEMBRE THORACIQUE DANS L'ESPÈCE HUMAINE. fl les difficultés presque insolubles qui semblent vous arrêter au début. À quoi comparer , en effet, au premier coup d'œil , cette disposition unique dans l’économie des muscles du mollet, la symétrie de leur couche superficielle à leur insertion supérieure, leur terminaison commune, malgré la multiplicité des origines, à un tendon le plus volumineux du corps humain, au tendon d’Achille ? Si vous opposez à cela les muscles de la région anté- rieure de l’avant-bras, tels qu’on les classe généralement, la plupart confondus en haut à une insertion commune à l’humérus, vers la main au contraire se séparant dans toutes les directions pour s'implanter très loin les uns des autres, vous ne trouverez que différences entre les deux paires de membres. Et si vous allez profondément, sans parler des pronateurs, comment se rendre compte de deux fléchisseurs communs à l’avant-bras, le profond et le sublime , quand il n’y en a qu’un seul à la jambe? Dès qu’on descend aux animaux domestiques, la plus grande difficulté disparaît aussitôt par l'évidence de l'interprétation que recoit le muscle soléaire. Chez le Chien, par exemple, sous les jumeaux, dont la disposition est, comme pour la plupart des Mammifères, presque entièrement celle de l'Homme, se trouve un muscle considérable que forme la réunion du soléaire et du plantaire gréle. Le plantaire grêle s’insère assez haut, eten arrière du jumeau externe, au bord externe du fémur ; le soléaire pro- prement dit est, à son origine, un peu éloigné du précédent, et intimement confondu avec le jumeau externe. Mais presque tout de suite, la masse commune de ces deux muscles s'isole du jumeau ; leur tendon, libre des fibres charnues un peu au-dessus du milieu de la jambe, contourne le tendon d’Achille, auquel il était tout à l’heure sous-jacent, devient superficiel , et glisse sur l’ex- trémité la plus postérieure du calcanéum. Là, il envoie à l'os une languette fibreuse, vestige de son insertion chez l'Homme , de- vient aplati et rubané, et, vers le milieu de la plante du pied, se divise en quatre bandes tendineuses pour chaque orteil. A part quelques détails de peu d'importance, cette description convient à la majorité des Quadrupèdes. Ainsi donc, le soléaire, uni au plan- taire grêle, est plus que l’analogue du fléchisseur sublime anti- 8 A. RICHARD, — ANOMALIES MUSCULAIRES brachial : c’est pour une foule d'animaux un fléchisseur sublime des orteils. Qu'on ne s'étonne pas de voir ce fléchisseur perforé des orteils du Chien ne pas toucher aux os de la jambe ; car le fléchisseur sublime des doigts du même animal ne prend aucune attache aux os de l’avant-bras, ct s’insère uniquement à l’humé- rus. Il en est absolument de même chez les Solipèdes pour les deux paires de membres. Dès que l’analomie nous dévoile la vraie nature du soléaire, comment, en effet, chez l'Homme, ne point être frappé de ses ressemblances avec le fléchisseur sublime ? Nous avons en haut trois insertions pour le fléchisseur sublime, l’humérus, l'extrémité supérieure du cubitus, la ligne oblique de la face antérieure du radius ; à.cela correspondent, pour le soléaire, le fémur (plantaire grêle), l’extrémité supérieure du péroné, la ligne oblique de la face postérieure du libia. Le fléchisseur sublime , comme le so- léaire, forme, l’un à l’avant-bras, l’autre à la jambe, la couche in- termédiaire entre les muscles superficiels et les muscles profonds; et tous les deux, par la bifurcation de leurs attaches supérieures, constituent la paroi profonde de l'arcade où passe le nerf prin- cipal du deuxième segment du membre, nerf médian, nerf tibial postérieur. i Ce qui doit surtout nous instruire dans cette comparaison, c’est l'étude de la terminaison du soléaire chez l'Homme. Telle est , dans l'espèce humaine, la prédominance des muscles superficiels du mollet, que, malgré son caractère si spécial de fléchisseur perforé , caractère conservé chez presque tous les Mammifères , le soléaire se trouve presque tout de suite absorbé par le tendon d’Achille ; là, en ellet, est le nœud de la difficulté pour s’y re- connaître dans ces muscles. Les jumeaux, par leur insertion au calcanéum (pisiforme), sont de toute évidence, pour leur partie principale, un cubilal antérieur. Entrainés , subjugués par le mouvement que nous voyons clairement pour le soléaire, les voi- sins du cubital antérieur, rond pronateur, grand palmaire, vien- nent se fondre en lui, et c’est l’ensemble de ces muscles qui pro- duit les deux jumeaux. Si l’on veut mesurer pour ainsi dire la force qui soude ensemble tous ces muscles par en bas, que l’on DU MEMBRE THORACIQUE DANS L'ESPÈCE HUMAINE, 9 mette en balance, d’une part, le pisiforme du carpe, de l’autre l'énorme saillie calcanéenne (1). Quand on descend de part ct d’aulre à la couche profonde, le parallèle laisse un desideratum, qui semble porter un grave échec à l'homologie des deux paires de membres. A l’avant-bras, nous avons le fléchisseur propre du pouce , le fléchisseur perforant commun des doigts; à la jambe, le fléchisseur propre du gros orteil, le fléchisseur perforant commun des orteils, mais de plus le muscle tibial postérieur (2). , Or le tibial postérieur est un muscle capital dans le membre par son étendue et son volume, la puissance de son tendon, sa con- stance presque générale dans la série des Mammifères, Normale- ment , rien dans l’avant-bras qui le représente ; on peut donc juger quel puissant intérêt m'offrit la disposition suivante que je vais présentement décrire. Description du tibial postérieur de l'avant-bras. — Sur un sujet qui présentait plusieurs anomalies musculaires , un rudiment de sternalis brutorum , un biceps huméral trifide, etc., au milieu de muscles de la région antérieure de l’avant-bras d’une régularité parfaite, le fiéchisseur propre du pouce attira tout de suite notre altention. Ce muscle est, en effet, habituellement l’un des mieux (1) Je parle de la saillie postérieure du calcanéum; car celle-ci (pisiforme) doit être séparée de la portion antérieure articulaire du même os, laquelle est le pyramidal du carpe. Évidemment, la plus grande masse du jumeau est for- mée par le cubilal antérieur. Mais le cubital antérieur formerait-il tont le muscle? ou, au contraire, pourrait-on y démêler ce qui est le rond pronateur , le grand palmaire ? Ces deux derniers n’auraient-ils pas entièrement disparu? Le grand supinateur lui-même, qui, malgré son nom, est un fléchisseur comme les précé- dents, est-il compris dans le jumeau , ou est-il absent du membre abdominal ; comme il manque au membre thoracique dans un grand nombre d'espèces ? Je ne discuterai point tout cela ; car ce travail a précisément pour but de montrer, par quelques exemples frappants, qu'il est un moyen sûr de trancher Lôt ou tard ces difficultés, c'est la recherche persévérante des anomalies musculaires. En de- hors de cela, toute discussion manquerait de fondement, Voyez Theile (Encycl. anat., p. 315), les anomalies du soléaire et des jumeaux. (2) Nous allons voir dans un instant la raison qui nous a fait négliger le carré pronateur où inlerosseux : c'est un muscle qui est Loujours représenté par l'aponévrose inlerosseuse, 10 A. RICHARD. — ANOMALIES MUSCULAIRES limités de l’avant-bras : immédiatement au-dessous de la ligne oblique qui, sur la face antérieure du radius, recoit le court su- pinateur et une portion du fléchisseur sublime , tout le reste du plan antérieur de l'os lui est destiné , si bien que , les muscles superficiels de l’avant-bras étant enlevés, on l’apercoit tout préparé sans dissection. Chez notre sujet, au contraire, le muscle destiné à fléchir le pouce ne prenait son origine que de la ligne oblique radiale et du faisceau, exagéré dans ce cas, qui, très ha- bituellement, lui est envoyé par le muscle perforant. Au contraire, les fibres, nées de la face antérieure du radius et de son bord externe, immédiatement au-dessous de l’attache du rond prona- teur, se portaient obliquement et symétriquement sur les deux côlés d’un tendon, large d’abord et aponévrotique, commençant vers la moitié inférieure du muscle, et visible sur sa face anté- rieure ou superficielle. Au niveau du pli radio-scaphoïdien, le tendon, dégagé du muscle, aplati et brillant, s’étale au carpe pour s’insérer au tubercule de la face antérieure du scaphoïde, envoyant en dedans une expansion aux autres os carpiens. Ce muscle est complétement isolé, excepté en haut et en dedans, où l’une de ses languettes va grossir le bord externe du fléchisseur propre du pouce. Notre muscle est un tibial postérieur jusque dans ses moindres détails; c’est le plus profond des muscles de l’avant-bras , ainsi que le tibial postérieur proprement dit l’est à la jambe. L'insertion radiale correspond rigoureusement à l’in- sertion au tibia (ligne oblique) ; seulement, à la jambe, le muscle plus développé touche le péroné. Les insertions carpiennes sont d’une incroyable précision ; l’attache directe au scaphoïde et au trapèze du carpe est l'insertion principale du tibial postérieur au scaphoïde tarsien et au premier cunéiforme; et, si l’on précise davantage, on lrouve que celte saillie de la face antérieure du scaphoïde carpien qui recoit notre muscle est la partie du carpe qui trouve dans le tarse l’analogie la plus frappante (tubercule du scaphoïde du larse, point d'implantation du tibial postérieur). Enfin, l'expansion latérale du tendon anomal aux autres os du carpe, particulièrement à ceux de la rangée métacarpienne, ainsi que cela est préparé sur nos pièces et représenté dans notre DU MEMBRE THORACIQUE DANS L'ESPÈCE HUMAINE. 11 dessin, cette expansion répond à une disposition anatomique qui n’est pas assez bien notée dans nos traités, et que j'ai vérifiée par un grand nombre de disseclions (1) : c’est que le tibial postérieur envoie des languettes aux deuxième et troisième cunéi- formes, aux métatarsiens attenants, ainsi qu’au cuboïde lui-même. Un dernier rapport entre les deux muscles apparaît dans leur conformation, c’est-à-dire dans la disposition relative des fibres Nous avons décrit cette disposition dans le muscle anomal : à la jambe, le tibial postérieur offre de même des fibres charnues, obliques, qui, vers la moitié infériere du muscle, se rendent de chaque côté d’un tendon visible à la face postérieure ou super- ficielle, et isolé des fibres charnues vers le bord postérieur de l'extrémité inférieure du tibia. IL. — Muscle pédieux de la main. (Pi1, fig. 2.) La signification bien entendue du soléaire donne la clef des museles plantuires. Dans la disposition des masses charnues de la plante du pied et de la paume de la main, tout est à peu près identique, si bien que les mêmes dénominations appartiennent au pied et à la main : abducteurs, adducteurs, courts fléchisseurs du plus gros doigt (ou orteil) et du plus petit; reste le court fléchisseur commun des orteils. Après tout ce qui précède, ai-je besoin de dire que c’est la continuation du soléaire et du plan- taire grêle, c’est-à-dire la portion du fléchisseur sublime qui appartient au dernier segment du membre. Si nous avions à développer l’homologie musculaire dans toute l'étendue des deux membres, nous ferions voir la généralité des deux caractères qu'offre ici au pied le soléaire, ou fléchisseur sublime : 4° s'étant arrêté tendineux à un os situé plus haut, au calcanéum, il renaît pour ainsi dire du même os, pour continuer sa route jusqu’à sa terminaison ; 2° des fibres tendineuses à la main (ainsi qu’au pied de la plupart des Quadrumanes) sont, dans le pied de l'Homme, remplacées par un véritable muscle. Oui, ces deux parlicularilés deviennent, à cause de leur fréquence et de leur (1) Voyez encore la Myologie de Theïle, dans lEncyel. anal, p. 318. 12 A. RICHARD, — ANOMALIES MUSCULAIRES régularité, deux lois qui régissent, et les anomalies musculaires, et, ce qui revient au même, la disposition des mêmes muscles chez les différents animaux , ou enfin des muscles homologues dans les deux paires de membres (1). A la partie dorsale de la main, rien ne représente, si l’on s’en rapporte à ce qui est généralement connu , le muscle pédieuæ. Eh bien, ce muscle est comme le tibial postérieur : les anoma- lies seules le démontrent. J’ai eu deux fois l’occasion de disséquer ce qu'on peut appeler le muscle pédieux de la main dans tout son développement. J’en retrouve la description dans mes notes; malheureusement je n’ai plus les pièces, et les dessins n’en ont point été exécutés. (1) Parmi un grand nombre d'exemples que je pourrais citer de ces deux lois, et sur quelques uns desquels je vais revenir tout à l'heure, je ne connais rien de plus satisfaisant que ce que j'ai recueilli par un grand nombre de dissec- tions, d'une part, sur le muscle petit pectoral, de l'autre sur le sternalis bruto- rum. Voyez les pièces que j'ai déposées à la Faculté. I. Il est vraiment bien surprenant que ni M. Theile, ni M. Hallett, qui ont fait des anomalies musculaires une étude aussi soignée qu'intelligente, n'aient pas noté la plus commune peut-être de toutes après la troisième tête du biceps huméral: je veux parler des insertions externes du muscle pelit pectoral. Au moins une fois sur dix sujets, le muscle petit pectoral, au lieu de s’arrêter à l'apophyse coracoïde, passe en totalité ou en partie sur la face supérieure de cette saillie osseuse excavée à cet effet; la portion étrangère à l'insertion cora- coïdenne allant soit se fondre dans le ligament acromio-coracoïdien, soit former le ligament suspenseur de la capsule scapulo-humérale, soit gagner l'humérus au-dessous de l'article. — Je ne veux point insister sur ces détails, qui mérite- raient à eux seuls un travail spécial. Ce que je veux prouver par là, c’est que le type évident du muscle petit pectoral, type réalisé chez tous les Mammifères, sans exception , où il existe, réalisé anormalement chez l’homme dans lesexem- ples précités, est de s'attacher à l'humérus ; et pourtant chez l'homme il s'ar- rête en chemin, à l'apophyse coracoïde, le ligament suspenseur de l'épaule représentant seul la fin de son trajet. II. Le sternalis brulorum n'est pas comme l'anomalie du petit pectoral; il a été décrit parfaitement et à tous les degrés. Ce que je veux dire ici, et ce qu'on peut voir sur mes pièces, c'est que ce muscle n’est autre que le changement en muscle de l'aponévrose” qui, continuant en bas le sterno-mastoïdien, va joindre le muscle droit abdominal. — C'est une des plus belles preuves que la structure est souvent un élément de nulle valeur en anatomie philosophique. DU MEMBRE THORACIQUE DANS L'ESPÈCE HUMAINE. 13 Dans un cas qui s’est présenté à moi dans l’année 1846, sur une très vieille femme, une petite masse charnue naissait, au dos des deux mains, du milieu de l’interligne intercarpien, particu- lièrement du haut de la face dorsale du grand os et de la partie voisine du semi-lunaire et du pyramidal, ou plutôt des ligaments étendus entre ces différents os. Presque tout de suite, cette masse charnue n'ayant pas plus de 1/2 pouce de haut, se partageait en trois langueltes tendineuses qui gagnaient, pour s’y accoler , le côté des tendons extenseurs de l’index, du médius et de l’annu- laire, un peu plus bas que la moitié inférieure du métacarpe, Dans ma note, je désigne ces languettes sous le nom de lombri- caux des extenseurs : il est évident que c’est là un vrai muscle pédieux. A peu de temps de là, un second exemple tout à fait semblable s’offrit à moi. Pendant tout l'hiver de l’année 1850, j'ai fait inutilement beaucoup de recherches pour retrouver dans son intégrilé mon muscle pédieux de la main. Je n’ai pu en ren- contrer. Mon collègue, M. Boulard, me dit que cette année même il en avait disséqué un qui répondait à ma description ; malheu- reusement, la pièce n’en fut pas conservée. Mais si le muscle pédieux, avec un développement à peu près proportionnel à celui qu’il offre au pied, est une anomalie rare à la main , des rudiments de ce muscle y sont, au contraire, chose commune, et peuvent être trouvés par tout le monde avec un peu de patience. Un sujet, sur une douzaine peut-être, présente une ou deux languettes charnues qui, nées des ligaments dorsaux carpo-métacarpiens, donnent naissance à un petit tendon, accolé bientôt au tendon extenseur principal du médius ou de l'index. J’ai fait représenter la disposition la plus fréquente ; voici en quoi elle consiste, Description des rudiments du muscle pédieux de la main. — A la partie postérieure et interne du premier interosseux dorsal ou abducteur de l'index , sur un plan plus superficiel que lui, se voit une languette charnue, triangulaire, allongée, à base supé- rieure et bifurquée. Celle-ci se fixe par une lame aponévrotique plus où moins élargie auligament dorsal des deux premières arti- culations carpo-mélacarpiennes, au lrapèze et au trapézoïde; de 14 A. RICHARD. — ANOMALIES MUSCULAIRES là, le petit muscle descend presque verticalement, et, après un trajet de 3 centimètres environ, dégénère en un tendon grêle, qui s’accole au côté externe du tendon de l'indicateur. La fusion a lieu au niveau de la jointure métacarpo -phalangienne. Je le répète, j'ai eu un bon nombre de fois l’occasion de faire cette dissection, et l’occasion de la reproduire s’offrira à tous ceux qui le voudront ; quelquefois le muscle est infiniment petit. Quand il y a deux languettes, elles appartiennent toujours au médius et à l'index. 11 serait très curieux de poursuivre toute la série des dégradations du pédieux de la main ; mais, tel que nous venons de l’esquisser, cet aperçu suffit pour tirer la déduction philoso- phique que nous avons en vue. Ici, comme pour le tibial posté- rieur, un muscle, qui manque d'habitude totalement, apparaît de temps en temps, par une anomalie précieuse , propre à dévoiler aux yeux les plus prévenus tout ce qu'offre de vrai et de fécond l'anatomie des comparaisons. IT. — Muscle grand fémor-adducteur du bras. (PI. 4, fig. 3.) La comparaison du système musculaire du bras avec celui de la cuisse est facile en beaucoup de points. Pour les régions postérieure du bras, antérieure de la cuisse, cela est pour ainsi dire superposable. Le triceps des deux paires de membres est construit sur le même modèle jusque dans ses moindres détails; c’est au point que, pour bien comprendre le triceps huméral, dont l'anatomie n’est pas partout bien faite, vous y parvenez surtout en suivant pas à pas la description depuis longtemps consacrée pour le triceps de la cuisse. Quant au ten- seur du fascia lata, il rentre avec le couturier, suivant nous, dans celte catégorie, signalée précédemment, des muscles aponévro- tiques, dont le pelit palmaire est le type. Pour le groupe des fléchisseurs, le point d’origine est iden- tique, apophyse coracoïde, ischion. Le biceps du bras représente, par la majeure partie de sa masse, le demi-membraneux. On sait que la double insertion supérieure du biceps n’existe que chez quelques animaux ; le plus grand nombre n’a que l’attache DU MEMBRE THORACIQUE DANS L'ESPÈCE HUMAINE, 195 coracoïdienne. Quoi qu’il en soit, le biceps huméral, parti de la pointe coracoïde (ischion pour le demi-membraneux), se porte en bas au radius, comme le demi-membraneux au tibia, La por- tion du biceps huméral, qui, échappant aux os, va se perdre dans l’aponévrose antibrachiale , représente le demi-tendineux. Nor- malement, par sa plus grande partie, le muscle demi-tendineux se termine dans l’aponévrose de la jambe; dans une anomalie qui n’est point rare, et dont dernièrement MM. Perdrigeon cet Parmentier me montraient un bel exemple, le demi-tendineux , étranger à la patte d’oie et à toute implantation osseuse, se perd en entier dans l’enveloppe fibreuse de la partie postérieure de la jambe, en tout semblable alors à ce qu’on nomme l’expansion aponévrotique du biceps. | Le biceps fémoral trouve son analogue dans la couche bra- chiale antérieure profonde, c’est-à-dire le\ coraco-brachial et le brachiai antérieur ; c’est à peine si l’on a besoin, pour s’en con- vaincre, de voir ces languettes échangées entre ces deux muscles, et que la dissection révèle si souvent. Nous avons déjà noté ce repos sur l'os intermédiaire d’un muscle, qui, dans d’autres cas, franchit tout un segment de membre sans sy arrêter (1). Du reste, au bras comme à la cuisse, c’est le même trajet, les mêmes attaches, de l’apophyse coracoïde au cubitus, et de l’ischion au péroné (2). (1) 11 n'est pas besoin de montrer que la démonstration est encore plus pro- chaine dans le cas actuel; car il ne faut pas oublier la partie fémorale du biceps de la cuisse ou sa courte portion. C'est elle surtout qui représente le brachial antérieur, et quand un échange existe entre le coraco-brachial et le brachial antérieur, vous avez rigoureusement sous les yeux un biceps fémoral. (2) A ce propos, je ne saurais passer sous silence la disposition remarquable, et ignorée pourtant jusqu'ici, du lendon inférieur des muscles fléchisseurs de l'avant-bras dans les espèces du genre Chien. Le tendon du biceps commence à peine à un travers de doigt au-dessus du coude. D'abord serré et arrondi, il s'épanouit en trois faisceaux bien distincts : — a. Un direct, tranchant, à bords antérieur et postérieur, qui se fixe à la tubérosité bicipitale du radius, entre le court supinateur et le fléchisseur du pouce, couvrant une sorte de ligament in- terne de l'articulation radio-humérale. — b, Un second, transversal, enroulé autour de l'apophyse coronoïde du cubitus, dans une gouttière lubrifiée et des- 16 A. RICHARD, —— ANOMALIES MUSCULAIRES Pour ce qui est de la dernière région dans les deux membres, c'est-à-dire des muscles internes, il faut avouer qu’il y a loin du groupe des adducteurs fémoraux à celui des pectoraux. Sans doute, on reconnaît dans le grand et le petit pectoral les deux étages superficiel et profond des adducteurs ; sans doute aussi les insertions fixes sont, des deux parts, très régulièrement ana- logues : ici clavicule, fourchette sternale, ligne médiane ster- nale ; là, arcade ischio-pubienne, angle sous-pubien , symphyse du pubis. Mais on est dérouté par ce contraste dans les attaches mobiles, qui fait que, si les pectoraux appartiennent à une por- tion très restreinte du bras, les adducteurs n’abandonnent le fémur dans aucun point de l'étendue de sa diaphyse. Sous ce rapport, l'esprit demeure bien satisfait devant l’évi- dence de l’anomalie suivante, qui s’est offerte à mon observation cinq fois, ou plutôt sur cinq sujets ; car elle existait toujours des deux côtés, et constamment avec les mêmes caractères. En voici la description succincte. Description du muscle grand fémor-adducteur du bras. — On voit partir du bord inférieur du grand pectoral un faisceau charnu, large dans sa portion horizontale , retenu en dehors à l'humérus par une lame aponévrotique, mais, près de l'os, se dirigeant tout de suite verticalement en bas, pour devenir alors tendineux, grêle, accolé à la cloison intermusculaire interne , et se terminer en s’élargissant à l’épitrochlée. On voit mal, avant la dissection, l'origine supérieure de ce muscle; le pectoral étant renversé, on trouve alors que, bien que maintenu à la face profonde de celui-ci, tinée au glissement de ce tendon. — c. Un ascendant oblique, qui se porte en s'épanouissant du côté de l'épicondyle, se confondant avec les ligaments anté- rieurs de l'articulation du coude. Ce tendon contribue à former la partie anté- rieure d'un ligament annulaire superficiel. Par cette trifurcation , le tendon bicipital forme une espèce de cavité com- plétée par quelques fibres transverses, dans laquelle plonge le tendon du bra- chial antérieur, mais en adhérant d'abord intimement au tendon bicipital; puis le brachial antérieur s’insère au cubilus, immédiatement au-dessous du biceps, de manière que superficiellement il est impossible de voir la séparation des deux muscles. Comment méconnaître dans celle trifurcalion du tendon bicipital des Chiens les trois expansiôns si caractéristiques du muscle demi-membraneux ? DU MEMBRE THORACIQUE DANS L'ESPÈCE HUMAINE. 17 notre muscle peut en être facilement séparé. Il croise oblique- ment cette face profonde pour aller s’insérer au milieu de la partie supérieure du sternum, non loin de la fourchette. C’est, du reste, comme on le sait, une disposition générale dans la struc- ture si singulière du muscle grand pectoral; les fibres les plus inférieures au tendon huméral sont les plus élevées à l’insertion interne, Tout est complet dans ce muscle pour son inlerpréta- tion ; tout force à le désigner sous le nom de grand adducteur : les deux insertions, supérieure et inférieure, dans les deux paires de membres , sont homologues; la structure est la même ; les rapports avec l’os du membre sont semblables, et de cette belle anomalie, qui est loin d’être rare, jaillit une nouvelle lumière pour la comparaison des membres thoracique et abdominal. IV. — Rotule du coude. Je voudrais, pour terminer, effleurer le point le plus difficile de l’analogie des deux paires de membres, le seul qui laisse encore beaucoup à désirer : c’est la comparaison du coude et du genou. C’est surtout dans un sujet pareil où, près de quelques vérités très claires, apparaissent encore de grandes obscurités, que tout raisonnement pur doit être écarté. Je me bornerai, comme dans les trois précédents paragraphes, à une démonstration matérielle. Disons d’abord que les extrémités supérieures de l’avant-bras ct de la jambe ne doivent point être. rapprochées l’une de l’autre en S’attachant à l'Homme , où éette admirable articulation du coude disposée non seulement pour la flexion , mais aussi pour les mouvements de pronation, privilége presque exclusif de notre espèce, reçoit de là dans tous ses éléments une modification pro- fonde et tout exceptionnelle ; aussi les différences les plus cho- quantes s’effacent chez les animaux. Voyez le Chien , le Cheval, le Sanglier, chez eux le radius (tibia) est la pièce fondamentale qui s'articule avec l'extrémité inférieure de l’humérus presque tout entière ; le cubitus (péroné) tend à s’effacer et à prendre le rôle accessoire qu’il a au membre abdominal. On est déroulé de voir chez l'Homme le triceps s’attacher au cubitus ; mais voyez a série. ZooL. T. XVIII. (Cahier n° 1.) ? 2 18 A, RICHARD. — ANOMALIES MUSCULAIRES le Bœuf et d’autres, l’olécrâne est soudé au radius, et le triceps huméral reprenant son vrai caractère s’insère à ce dernier os (1). Et remarquez qu’en définitive le triceps huméral s'attache à une portion osseuse isolée , l’os olécrânien (analogue à la fubérosité antérieure du tibia, qui, elle aussi, se développe comme un os séparé). Get olécrâne fait corps avec le levier osseux, qui sert dans le coude à l’extension et à la flexion : c’est le cubitus chez l'Homme, le radius chez le Bœuf ; c’est toujours ce dernier, c’est- à-dire le tibia, au membre abdominal de tous les animaux. Reconnaissons donc les différences, mais aussi gardons-nous de les exagérer. Je viens tout à l’heure d'émettre une opinion très décidée sur un point bien controversé : j’ait dit que l’olécrâne avait pour analogue la tubérosité antérieure du tibia, et je n’ai point tenu compte de la rotule. Au lieu de discuter les arguments pour et contre, je veux, fidèle à mon plan, me borner à la description de l’anomalie suivante , qui va nous montrer la rolule humérale, J'avoue que, pour moi du moins, cela tranche entièrement la question. Description de la rotule du coude. — C'est à mon collègue M. Boulard que je dois cette pièce ; je la conserve précicusement, mais je n’ai pu m'en procurer un dessin satisfaisant, malgré quelques essais, parce que, pour ne rien détruire, la dissection a été exprès laissée incomplète. On la trouvera au Musée de la Faculté. Sur un sujet, dont les deux membres thoraciques élaient, du reste, bien conformés , voici ce qu'on trouvait des deux côtés : Presque tout le triceps se rendait, comme d'habitude, au bord posléro-supérieur de l’olécrâne ; mais, en dehors, la portion du muscle qui, s’altachant au bas de l’humérus et à l’épicondyle, et, d’aulre part, au côté externe de l’olécrâne, est désignée sous (1) C'est à ce dernier point de vue que j'ai fait dessiner une pièce que M. Deville a eu la bonté de me donner à étudier. Par une disposition congé- niale, les deux os de l'avant-bras sont soudés à leur partie supérieure. Cela ramène presque entièrement le coude au modèle du genou. Je renvoie à la planche pour ne pas charger les détails d'un sujet par lui-même un peu aride. DU MEMBRE THORACIQUE DANS L'ESPÈCE HUMAINE. 19 le nom d’anconé; cet anconé, dis-je, voit se développer dans son épaisseur un os sésamoïde considérable, une véritable rotule. La rotule humérale se trouve donc dans l'épaisseur de la petite masse anconée du triceps, avec les mêmes rapports que la vraie rotule : en arrière, sous-cutanée, sauf la mince couche tendi- neuse qui la recouvre ; en avant, entrant dans la composition de l’articulation du coude , lisse , tapissée par la synoviale. Elle est aplatie d'avant en arrière, d’une circonférence ovalaire, à petite extrémité supérieure. Elle n’a pas moins de 4 centimètres 4/2 de baut en bas, et 2 environ d’un côté à l’autre. Sa face articulaire est partagée en deux moitiés. La supérieure répond à cette partie du plan postérieur de l’humérus qui s'étend du bord externe de la trochlée à l’épicondyle; elle glisse sur cette portion de l’humé- rus, qui revêt ainsi les caractères de la gorge fémorale, mais y est retenue cependant par des liens fibreux. Plus bas, notre rotule répond à la parlie postérieure de la cupule du radius, cette fois par une surface légèrement excavée , parfaitement lisse et polie. Je ne veux pas longuement commenter ces fails; j’espère que leur ensemble peut réussir à montrer ceci : 1° On trouve dans les membres des muscles anormaux, réappa- rilicn, pour ainsi dire, des masses charnues oubliées, négligées dans le type normal du membre. 2 Ces muscles représentent, par lous leurs caractères fonda- mentaux, leurs analogues normaux de l’autre paire de membres; et c’est pour consacrer cette vérité que je propose, pour ceux que J'ai découverts et décrits jusqu'ici, les dénominations de muscle tibial postérieur de l'avant-bras, muscle pédieux de la main, muscle grand [émor adducteur du bras. J'y joins enfin la rotule du coude comme dépendance du système musculaire. 3° Ce sont là autant d'espèces lératologiques qui, loin d’être une aberration simplement curieuse, une singularité désordonnée, offrent et offriront toujours aux observateurs les vrais carac- tères d’une espèce, ne variant, en effet, que par des conditions accessoires de volume, d’élendue, de forme, de structure, de fonction. 20 A: RICHARD. — ANOMALIES MUSCULAIRES , ETC, EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 4, représentant sur un avant-bras droit le muscle tibial postérieur de l'avant- bras. Muscle tibial postérieur de l'avant-bras. On le voit naïtre d'une bonne partie de la face antérieure du radius. Son tendon apparaît de bonne heure au milieu de sa face superficielle. — b. Insertion directe du tibial postérieur de l'avant-bras au tubercule du scaphoïde et au trapèze. — c. Expansion laté- rale du même aux os du carpe de la deuxième rangée. — d, Premier méla- carpien. — e. Tendon du fléchisseur propre du pouce écarté, pour bien mon- trer la terminaison du pouce anomal. — f. Carré pronateur. — y. Muscle «a. & fléchisseur propre du pouce, — À. Portion du radius qui apparaît à nu. C'é- tait l'insertion du large tendon du rond pronaleur, — i. Fléchisseur commun profond des doigts coupé vers son Liers supérieur. — k. Expansion fournie par le précédent au fléchisseur du pouce. On la rencontre presque toujours ; mais elle est notablement plus développée que d'habitude, — /. Court supi- nateur. — m. Extrémité inférieure de l'humérus. Fig. 2, figurant les rudiments du muscle pédieux de la main. a. Origine du pédieux rudimentaire de la main (pédieux de l'index). — b. Point où son petit Lendon s'accole au bord externe du tendon de l'extenseur com- mun pour se confondre avec lui. — c. Premier interosseux dorsal ou abduc- teur de l'index. — d. Tendon de l'extenseur commun qui se rend à l'index, — e. Tendon de l'extenseur propre de l'index. — f. Dos de la main. Fig. 3, représentant le muscle grand fémor-adducteur du bras. a. Portion charnue du muscle grand fémor-adducteur du bras. — b, Expansion membraneuse qui fixe cette portion charnue à l'humérus. — c. Tendon du musele grand fémor-addueteur du bras. — d. Terminaison de ce tendon à l'épitrochiée. — e. Brachial antérieur. — f. Triceps. — g. Grand supina- teur, — h. Biceps, — i. Delloide, — X. Acromion. — m. Clavicule, — 1. Sterno cléido-mastoïdien. — p. Muscle grand pectoral. RECHERCHES SUR LES POLYPIERS, Par MM. MILNE EDWARDS et JULES HAIME, HUITIÈME MÉMOIRE. OBSERVATIONS SUR LE GENRE LITHOSTROTIUM. Dansun article critique publié toutrécemment(1), M. W. Lons- dale a discuté avec détail les caractères de structure et de re- production des espèces que nous ayons comprises dans le genre Lithostrotium, et a présenté plusieurs objections contre la signi- fication que nous avons donnée à ce groupe et les limites que nous lui avons assignées. Il nous semble utile, en répondant à ces objections, de présenter ici quelques développements qui n’ont pu trouver place dans notre Monographie des polypiers des ter- rains paléozoïques, et d'étudier, avec plus de soin que nous ne l'avons fait, les importantes questions de nomenclature, de com- position organique et de développement, que soulève le zoophy- tologiste anglais au sujet des Lithostrotions. Indépendamment de l'intérêt que doit offrir d’une manière générale l'examen de principes qui servent de base à la caracté- ristique de tous les Polypes, les corps fossiles qui vont nous occu- per méritent de fixer particulièrement l'attention des géologues , aussi bien que des zoologistes, tant à cause de la multiplicité de leurs espèces et de l'abondance des individus dans les ter- rains carbonifères de tous les pays, qu’en raison des nombreuses variations de forme auxquelles est soumis ce genre de zoophytes. Avant d'exposer les particularités qui les distinguent, il est (1) Note on the genus Lithostrotion, par William Lonsdale (Annals and magu- zine of natural history, 2° série, & VIE, p. 451, 4851). 22 MILNE EDWARDS ET JULES MAIME. indispensable de tracer rapidement l'historique des principales espèces de Lithostrotium , et de montrer comment les auteurs qui les ont décrites ont contribué plus ou moins, par suite de leurs déterminations inexactes, des différentes manières dont ils les ont envisagées, ou du peu de compte qu'ils ont tenu des tra- vaux de leurs prédécesseurs , à amener l’état de confusion ex- trême où nous avons trouvé la nomenclature de ce genre, lorsque nous avons entrepris la révision totale de la classe des Polypes. Malgré nos eflorts constants à résoudre toutes ces difficultés par les règles si rationnelles de l'Association britannique pour l’avan- cement des sciences ; malgré la sévérité, peut-être même quel- quefois exagérée, avec laquelle nous avons obéi au principe de la priorité, nousne pouvons nous dissimuler que, dans quelques cir- conslances heureusement fort rares, il nous a été impossible de prononcer des jugements définitifs avec le seul secours de ces lois. Au milieu des complications qui peuvent se présenter, on est quelquefois obligé de recourir à l'arbitraire ; mais la décision que nous avons prise au sujet des Lithostrotions nous à paru commandée par des droits d’antériorité nettemeat établis, et il n'existe aucune raison valable de l’abandonner à une apprécia- tion personnelle. On sait, en ellet, qu’en 1699, Lhwyd (1) a représenté, dans la planche 93 de son ouvrage sur les fossiles de la Grande-Bre- tagne, un zoophyte remarquable par la forme prismatique de ses polypiérites, et auquel il a donné le nom de Zäthostrotion. Ce mot avait certainement à ses yeux une significalion très précise, car il ne l’applique pas à d’autres corps voisins, dont il est égale- ment question dans son livre. Quant au dessin qui représente le Lithostrotion, sive basalles minimus slrialus et stellatus, si impar- fait qu'il soit, il offre cependant, dans ses traits généraux, des caractères bien tranchés et dont l'importance ne saurait être méconnue. Ainsi celle figure montre avec netteté que les prismes basaltiformes sont striés transversalement, indice de l’épithèque plissée qui les enveloppe, et que leur axe longitudinal est occupé (1) Lithophylacii Britannici Ichnographia, Lettre V (p.122). RECUERCHES SUR LES POLYPIERS. 23 par une columelle styliforme simple et compacte ; on y remarque de plus des calices polygonaux, bien délimités dans leur contour et de grandeur inégale, et des rayons fort nombreux et droits. Toutes ces particularités de forme et d'organisation se rencon- trent dans le fossile que nous avons décrit avec plus de détails sous le nom de Lithostrotium basaltiforme, dans notre Monogra- phie des Polypiers des lerrains paléozoïques (tome V des Archives du Muséum, p. 441), et que nous avons figuré dans l'ouvrage inti- tulé : British fossil corals, tab. 38, fig. 3, et elles ne se représen- tent chez aucun autre polypier connu. Pas une seule des espèces massives du même genre ne réunit à une semblable inégalité des calices , des cloisons aussi nombreuses par rapport à la largeur des individus, et ces considérations ont certainement échappé à M. Lonsdale, qui s’est efforcé de prouver, dans le mémoire cité, que le polypier de Lhwyd est indéterminable , et qu’il n’y a pas plus de raison pour y rapporter le fossile dont nous venons de parler que toute autre espèce astréiforme du même genre. | La plupart des auteurs qui ont décrit le même polypier, à des époques plus ou moins éloignées de celle où écrivait Lhwyd, ont fait plus d'attention aux caractères tracés dans la planche 93 de lIchnographia, où ont mieux su en apprécier la valeur; et, en 1805, nous voyons Parkinson identifier avec cette espèce (Org. rem. , t. 1, pl. 5, fig. à et 6) un échantillon du pays de Galles, qui s’y rapporte incontestablement, et qui, dessiné avec plus de soin, a mis en lumière quelques nouveaux traits de structure, tels que la présence de traverses dans l’aire extérieure des poly- piérites. Parkinson a conservé la dénomination de Lithostrotion à ce fossile, qui n’a reçu de nom spécifique qu’en 1822 ; c’est dans le traité de W. D. Conybeare et William Phillips (1) que (1) Outlines of geology of England and Wales, p. 259. 4822. Dans cet ou- vrage, les auteurs citent, comme caractérisant le terrain carbonifère, un Zoophyte qu'ils nomment Astrea basaltiformis, en renvoyant à la figure de Lhwyd; et, quoiqu'ils ne donnent aucun autre renseignement , il nous paraît évident , con- trairement à l'avis de M. Lonsdale , qu'on ne saurait hésiter à adopter ce nom spécifique, parce que, selon nous, ils appellent ainsi Je Polypier figuré par Lhwyd, et non pas tel ou tel exemplaire recueilli par eux, et qui serait resté compléte- ment inconnu au lecteur, 24 MILNE EDWARDS ET JULES HAIME. le polypier de Lhwyd se trouve désigné pour la première fois par le mot basaltiforme, repris plus récemment par M. John Phil- lips (1) et par M. Portlock (2); seulement MM. Conybeare et W. Phillips ont placé ce Zoanthaire dans le genre Ashrea de Lamarck. Quelques années plus tard, le docteur Fleming (3), frappé de l’aspect basaltiforme de quelques espèces éteintes de Polypes britanniques, créa pour elles un genre particulier, qu'il nomma, d'après Lhwyd, Lithostrotion, et qu’il distingua principale- ment par le mode d’union et la forme des polvpiérites. Dans celte division générique, la première place est occupée par le fossile de Lhwyd (Lithostrotion striatum) , lequel est manifestement le type du genre, non pas seulement à cause de son numéro d'ordre, mais parce qu’il est le plus anciennement connu, qu'il montre mieux qu'aucun aulre le caractère regardé comme essentiel par Fleming, et parce que surtout c’est lui qui donne son nom au groupe tout entier. Il élait donc tout naturel que ce fut lui qui re- tint ce nom de Lithostrotion, si l’on venait à reconnaître que le genre établi par Fleming, d’après Lhwyd, renfermät des polypiers de structure différente ; d'autant plus qu'on y trouve une autre espèce (Lithostrotion marginatum), qui, bien qu’imparfaitement décrite, doit être regardée comme dépendant du même type (4). Nous verrons cependant que telle n’a pas été la manière de voir de M. Lonsdale, qui a cru préférable de déposséder le Zoophyte (1) Geology of Yorkshire, t. II, p. 202, pl. 2, fig. 22, 23. 1836. (2) Report on the geology of Londonderry, etc., p. 333. 1843. (3) British animals, p. 508. 1828. (#) Voici la description de cette espèce : « Hexangulaire ; chaque angle ayant une arête élevée et de nombreuses saillies distantes, petites, courtes et obtuses ; les faces plates et lisses; l'étoile consiste en cloisons qui vont du centre à chaque angle avec un petit nombre de lamelles transversales. J'ai trouvé dans le cal- caire carbonifère deux colonnes de cette espèce ayant environ 1/10° de pouce de diamètre. » (Op. cit., p. 508.) Le petit nombre de traverses et la petite taille des polypiérites ne permettent de rapprocher ce fossile d'aucune espèce connue du genre Lonsdaleia ; il est donc extrêmement probable qu'il se rapporte, soit à Lithostrotinn M'Coyanum (Brit. foss. corals, tab. 42, fig. 2), soit à L. Derbiense, Milne Edw. et Jules Haime (Pol. foss. des terr. pal., p. #45 ; Stylaæis trrequ- laris, M'Coy, Brit. palæoz. foss., pl. 3 À, fig. 5). RECHERGUES SUR LES POLYPIERS. 25 primitivement figuré par Lhwyd du nom que lui avait assigné cet auteur et que plus tard lui conserva Parkinson. Ce nom, il l’applique arbitrairement à l'Ærismatholithus floriformis de Mar- tin (1), compris également dans le genre de Fleming, et qui diffère réellement beaucoup des Lithostrotion striatum et margi- natum (2). Deux ans avant que le docteur Fleming ait assigné un rang générique au Lithostrotion de Lhwyd, Goldfuss (3) avait de son côté basé le genre Columnaria sur la forme prismatique qu’il avait remarquée dans quelques fossiles des terrains anciens. Les espèces qu’il décrit sous ce nom sont au nombre de trois : C. al- veolata , lævis et sulcata (h); mais il ne tarda pas à reconnaitre lui-même que celte dernière n’était autre chose qu’un exemplaire altéré de Cyathopliyllum quadrigeminum. Columnaria alveolata se distingue par des caractères bien tranchés, et des Cyatho- phylles astréiformes , et des Lithostrotions de Fleming, et c’est nécessairement à elle qu’il faut réserver le nom de Columnaria, car la troisième espèce, C. lœvis, est un échantillon en très mauvais état, qu'on ne peut rapporter qu'avec doute à une divi- sion générique. Blainville (5) s’est apercu que la définition des genres Co- lumnaria et Lithostrotion, telle que l'avaient donnée leurs auteurs, était exactement la même , et il les à réunis sous le premier de ces deux noms, mais il a partagé les espèces décrites par Fle- ming et celles figurées par Goldfuss en deux sections, caracté- risées, l’une par la présence, l’autre par l'absence d’un axe solide (1) Petrificata Derbiensia, lab. 43, fig. 3 et 4, ct tab. 44, fig. 5. 1809. (2) Le genre de Fleming renferme # espèces : le n° 4 est le L. striatum ou basaltiforme; le n° 4, L. marginatum ; L. floriforme porte le n° 2. Quant au n°3, L. oblongum, c'est un fossile du terrain portlandien ; nous l'avons décrit sous le nom d'/sastræa oblonga (Brit, foss. corals, p. 73, pl. 12). (3) Petrefacta Germanie, t. 1, p. 72. 1826. (4) 11 ne faut pas confondre avec ce dernier polypier Columnuria sulcata Lonsdale (Geol. of Russ., p. 601, pl. A, fig. 4), qui en diffère extrêmement, et que nous avons nommée S/auria astræiformis. (5) Dictionnaire des sciences naturelles, t. LX, p. 316, 1830, et Manuel d'ac- linologie, p. 350. 26 MILNE EDWARDS ET JULES MAIME. au centre des rayons. Cette combinaison, qui, à quelques égards, peut être considérée comme un progrès, a cependant eu pour effet de grouper dans un même genre des Zoanthaires extrême- ment disparates, et qui appartiennent incontestablement à cinq types très différents. Un peu plus tard, M. Jobn Phillips (1), puis M. Portlock (2), puis M. M’Coy (3), ont eu encore occasion de parler du fossile de Lhwyd, dont ils ont donné de nouvelles descriptions ou de nou- velles figures, mais sans mettre en lumière aucun point de son organisation , et sans rien ajouter à ce qu'on savait déjà. Toute- fois nous devons mentionner deux autres espèces voisines de celle-ci (Lithostrotium aranea et L. Portlocki), qui sont décrites et figurées pour la première fois dans l'ouvrage de M. Portlock. Ces divers travaux nous conduisent à l’époque où M. Lonsdale fut chargé par MM. Murchison, de Verneuil et de Keyserling, de la détermination des polypiers recueillis par ces géologues dans les couches siluriennes et carbonifères du nord-est de l’Europe, et le tome I‘ de la Géologie de la Russie el de l'Oural (1845) ren- ferme un appendice assez étendu consacré à la description de ces fossiles. Après avoir écrit (page 602) en tête d’un paragraphe, ces mots : « Genre Lithostrotion, Lhwyd, » M. Lonsdale dit qu’on devra former deux genres avec les espèces ainsi nommées par Fleming, et l’£rismasolithus floriformis de Martin lui paraît, comme plus connu, devoir conserver ce nom, Quant au fossile de Lhwyd , il propose (page 621) de créer pour lui un autre genre qu'il appelle Stylastræa, et de le désigner spécifiquement par l'épithète de vorticalis. On voit que M. Lonsdale trouvait alors la figure de Lhwyd parfaitement déterminable , et même, à la page 620, il décrit les caractères intérieurs d’un exemplaire qu’il y rapporte sans hésitation. Seulement on peut s’élonner que (1) Geology of Yorkshire, &. IL, p. 202, pl. 2, fig. 22 et 23, 1836 ( Cyatho- phyllum basaltiforme). (2) Report on the geology of Londonderry, ete., p. 332 et 333, pl. 23, fig. 14, 1843 (Astrea hecagona et basaltiformis). (3) Synopsis of the carboniferous fossils of Ireland, p.188, 1844 (Lithostrotion strialum), REÉCHERCUES SUR LES POLYPIERS. [2] 7 M. Lonsdale ait méconnu , daos cette circonstance , les droits de la priorité, en privant, sans aucun molif, de son nom original, le fossile de Lhwyd, type du genre Lithostrotion de Fleming, pour appliquer ce nom à une espèce autrement nommée par W. Martin, et en créant pour le premier la dénomination nouvelle de Stylas- trœa. 1 en résulte que, après avoir restitué à chacun de ces deux genres ce qui lui revient naturellement, on trouve deux nomspour l’une des divisions limitées par M. Lonsdale, tandis que l’autre en est tout à fait dépourvue. Mais ce qui est plus surprenant, c’est que le groupe qui, dans l’opinion du même auteur, diffère génériquement du fossile de Lhwyd, est présenté cependant (op. cit, p. 602) comme un genre établi par Lhwyd , alors que les caractères qui le distinguent du polypier représenté dans l’Zchno- graphia brilannica sont exposés quelques lignes plus loin d’une mauière très précise. Et enfin comment s’expliquer que M. Lons- dale, ayant assigné pour caractère à son genre Stylastræa lab - sence de toute columelle, y place néanmoins en première ligne le Zoanthaire figuré par Lhwyd et Parkinson avec une columelle très visible et même un peu trop prosoncée? L'année qui suivit la publication de la Géologie de la Russie, un des auteurs de ce beau travail, le comte Alex. Keyserling, ayant à traiter lui-même du genre Zithostrotion (A), le ramena à peu près aux limites que lui avait données Fleming, et ne tenant au- cun compte des remarques de M. Lonsdale, il y réunit les Sty- lastrées de cet auteur. 11 décrivit deux espèces : l’une, Lithostro- tion floriforme {Cyathophyllum papillatum de Fischer), a les carac- tères des Lithostrotions de M. Lonsdale, c’est-à-dire une colu- melle grosse ct torduc, avec des cloisons parfaites à leur partie interne et perdues extérieurement dans un lissu vésiculeux , ct elle porte, dans notre Monographie des polypiers paléozsoïques (p. 460), le nom de Lonsdaleia papillata ; l'autre, au contraire, Lithostrotion microphyllum , qui est regardée comme une espèce nouvelle, à la columelle petite et compacte, avec des cloisons nom- breuses développées surtout dans le voisinage de l’épithèque, et (4) Reise in des Petschora land, p. 152. 1 846. 28 MILNE EDYYARDS ET JULES HAIME. elle paraît se rapporter au fossile de Lhwyd; mais M. Keyser- ling, qui, du reste, a bien saisi les particularités différentielles des deux Zoophytes décrits etfigurés par lui, donne, pour synonymes du premier, et les quatre Lithostrotions de Lonsdale, et aussi le Lithostrotion de Parkinson, dont la structure est toute différente. M. Dana n’a malheureusement étendu ses belles recherches sur les Polypes qu'aux espèces des mers actuelles ; cependant, en caractérisant génériquement (4) les fossiles de la famille des Cyathophyllides, il laisse le nom de Columnaria aux polypiers basalliformes munis d’un axe central, c’est-à-dire à la première section du genre Columnaria de Blainville ; mais il ne distingue pas les espèces à columelle feuilletée et torduc de celles où l'axe est styliforme et compacte, et la figure 9 de la planche 26 de son grand ouvrage représente un fossile se rapportant à la première forme , tandis que la figure 40 est celle d'un véritable Lithostro- tium à columelle simple et solide. Dans son {ndeæ palæontologicus, publié en 1848, le professeur IL. Bronn, de Heidelberg, rectifie l'orthographe du mot primitive- ment employé par Lhwyd, en l’écrivant Lithostrotium (2) ; mais il comprend dans ce genre des espèces très dissemblables : il y place Columnaria alveolata, Goldfuss, qui doit être conservée comme type du genre Columnaria; puis Cyathophyllum crenulare et regium de Phillips, qui sont de véritables Cyathophylles ; puis Lihostrotion floriforme, Fleming, et L. mammillare , Lonsdale, dont la columelle est grosse et feuilletée, et qui sont pour nous des Lonsdaleia : puis enfin Columnaria lœvis, Goldfuss, Lithostro- tion striatum et marginatum, Fleming, L. microphyllum, Keyser- ling, et L. stellare, Bronn, qui ont un axe solide et grêle, et sont de véritables Lithostrotions; il conserve en même temps le genre Stylastræa de Lonsdale avec ses deux espèces S. inconferla et vorticalis . Enfin, en 1849, le professeur MCoy, et d’un autre côté M. Alcide d’Orbigny , apporlèrent encore de nouvelles modifica- tions dans la classification ou dans la nomenclature des Zoophytes (1) Exploring expedition, Zoophyles, p. 349 et suiv. 1816. (2) Op. cit., p. 661. RECHERCIES SUR LES POLYPIERS. 29 qui nous occupent. Les recherches du paléontologiste anglais sont un peu antérieures à celles de M. d'Orbigny, et sont aussi plus considérables : M. M’Coy a, en effet, étudié avec beaucoup de soin les polypiers fossiles du terrain carbonifère de la Grande- Bretagne ; mais il nous paraît avoir attaché trop de valeur à certains caractères, et avoir méconnu l’imporlance de quelques autres. Nous reviendrons sur ces questions de détail, et nous devons nous borner en ce moment à l’exposé sommaire des ré- sultats auxquels s’est arrêté cet auteur. Pour M. M'Coy (1), iln'y a plus de genre Lihostrotium ; il adopte bien la division définie sous ce nom par M. Lonsdale, avec celle que ce dernier a appelée Stylastræa ; mais il pense qu’à celle-là doit revenir la dénomina- tion de Strombodes, employée en 1820 par Schweigger, et qui conséquemment aurait l’antériorité sur celle de Zithostrotion prise dans un sens générique seulement en 18928 par le docteur Fleming. C’est là une complication à laquelle on ne devait guère s'attendre; mais il semble que, sur les quatre genres de Zoan- thaires établis par Schweigger, deux auteurs jusqu’à présent n'aient pas pu tomber d'accord. Il est cependant bien facile de remonter à la véritable signification de chacun d’eux, les carac- ières génériques des espèces qu'ils renferment étant suffisamment marqués dans les figures qu'a citées le zoologiste prussien. En ce qui regarde les Strombodes, nous trouvons, à la page 418 du Handbuch der Naturgeschichte , l'indication de deux sections : la première définie par les mots : Conti e centro proliferi, et ayant pour type Strombodes slellaris (Amen. Acad., t. 4, pl. 4, fig, 11 et 4); la seconde, qui a pour caractère : Conti e disco proliferi, et renferme Strombodes truncatus (Madrepora truncata, Linné, Amæn., pl. 4, fig. 10). Cette dernière espèce , ainsi que le fait très bien observer de M. M’Coy (2), rentre dans le genre Cyatho- plyllum, créé en 1826 par Goldfuss, et par conséquent c’est à la première section que doit rester le nom de Shrombodes. La figure (1) Annals and mag. of nat. history, 2 sér., t. I (cahiers de janvier et fé- vrier). 4849. Voyez aussi Description of the Brilish palwozoic fossils, A°* fasci= cule. 4854. {2) Description of British palæozoic fossils, A® fascicule, p. 34. 1851, 30 MILNE EDWARDS ET JULES HAIME. des Amœænilales, citée pour la première section, quoique étant fort grossière, montre très bien cependant des polypiérites rappro- chés, formés d’entonnoirs évasés recus les uns dans les autres , et unis par des restes d’un tissu cellulaire que la fossilisation a fait disparaître en partie. On y voit des stries cloisonnaires très fines et nombreuses ; mais ici rien ne rappelle la structure remar- quable des Lithostrotions de M. Lonsdale : on ne distingue ni leur grosse columelle, ni leurs grandes vésicules extérieures, ni leur muraille interne. Les véritables caractères des Strombodes ont été justement appréciés par Goldfuss; et sous le nom de Strombodes pentagonus, ce zoologiste à figuré un Polypier très voisin du Strombodes stellaris , et qui se trouvait également dans un mauvais état de conservation. Au reste , l’altération portant principalement sur le tissu cellulaire connectif des cônes emboî- tés, la structure des polypiérites ressort parfaitement dans cet exemplaire, et même mieux que dans ceux qui n’ont subi aucune destruction partielle, Cependant, au moyen de coupes verticales et polies, nous avons reconnu une organisation complétement semblable dans les fossiles bien conservés pour lesquels M. Dana a formé le genre Arachnophyllum ; et nous avons pu établir, d’une manière incontestable, l'identité des Strombastræa, de Blainville (1830), Acervularia, Lonsdale {1839 , non Schweigger), La- mellopora, Dale Owen (1844), Arachnophyllum, Dana (1846), Cylicopora, Steininger (41849), et Actinocyathus, d'Orbigny (1850) (1), avec les Strombodes de Schweigger et de Goldfuss. Ainsi les Cyathophyllides auxquelles appartient de droit ce der- nier nom présentent des polypiérites essentiellement constitués par une série de planchers infandibuliformes, et qui sont unis entre eux par des trabicules vésiculaires ; mais ils n’ont que des murailles extérieures et internes rudimentaires, et manquent tout à fait de columelle. Les Strombodes diffèrent donc complétement des Lithostrotions de M. Lonsdale, et nous ne comprenons pas comment M. M'Coy a pu les confondre, pas plus que nous ne pouvons nous rendre compte des motifs qui ont porté M. Ehren- (1) Voy. notre Monographie des Polypiers fossiles des terrains paléozoïques , P. 426, RECHERCHES SUR LES POLYPIERS, 31 berg et M. Lonsdale à appeler Srombodes les Cyathophylles simples el trochoïdes. En même temps qu’il cédait à la malheureuse inspiration de transporter de nouveau le nom de Strombodes (1) à des corps déjà autrement nommés avant lui, M. M’Coy créait deux nouveaux genres, VNemaphyllum et Stylaæis , qui présentent tous les deux les mêmes caractères de structure , mais se distingueraient l’un de l’autre, suivant l’auteur, par un mode de multiplication tout à fait différent. M. M'Coy ne remonte pas jusqu’au Lithostrotion de Lhwyd, qu’il considère probablement, suivant l'autorité de M. Lonsdale, comme une espèce dépourvue de columelle, et conséquemment faisant partie du genre Stylastræa ; mais il sup- pose que le Lithostrotion strialum de Fleming pourrait être iden- tique avec sa Stylaxis Flemingi. Pourquoi celle-là plutôt qu'une autre? Nous n’en savons rien, et M. M’Coy ne le dit pas. Ge qu'il faut surtout remarquer ici, c’est l'indication de deux genres qui seraient fissipares : les Slylastrées manquant de colu- melle, et les Slylaxis pourvues d’un axe solide. Dans tout ce que nous venons de dire , il n’a été question, jusqu’à présent, que d'espèces massives et astréiformes rappro- chées, à tort ou à raison, des Lithostrotions de Lhwyd et de Fle- ming ; il est indispensable de jeter un coup d’œil parallèle sur des fossiles des mêmes terrains que leurs formes rameuses sem- bleraient éloigner beaucoup des précédentes , et que les auteurs ont décrits sous les noms de Caryophyllia, Lithodendron, Clado- cora, Diphyphyllum, Axinura, Siphonodendron, et A crocyathus. Ce sont des Zoanthaires qui, de même que ceux dont nous ve- nons de parler, ont leurs polypiérites revêtus d’une épithèque , avec des cloisons lamelleuses plus ou moins nombreuses et plus ou moins développées, et un axe central solide et styliforme qui, quelquefois, parait manquer complétement. Dans ces Polypiers dendroïdes, de même que dans ceux qui se présentent en masses, (1) M. Dana (Expl. eæp., Zooph., p. 359) regarde les Strombodes de Schweigger comme pouvant rentrer dans le genre Acervularia du même auteur ; au lieu que pour M. Bronn (/ndex palæontologicus, p. 370), ce sont des Cyatho- phylles. 92 MILNE EDWARDS ET JULES MAIME. on a signalé quelques espèces à reproduction fissipare ( Diphy- phyllum, Lonsdale). C'est à Robert Plot (1), Knorr et Walch (2) et David Ure (3), qu'on doit la première connaissance des Polypiers auxquels nous faisons allusion ; mais on n’a apporté, en général, qu'une faible attention aux figures très imparfaites que renferment leurs ou- vrages, et ce n’est que dans Parkinson (4), Will. Martin (5) et Fleming (6) qu'on commence à trouver quelques indications pré- cises de la structure de ces fossiles arborescents. Ce dernier au- teur les rapporte au genre Caryophyllia de Lamarck ; et en cela il a été imité par Blainville (7), Woodward (8) et M. de Ko- ninck (9). On sait que lorsque Lamarck a élabli ce groupe, pour la pre- mière fois, en 1801 (10), il n’y renfermait que deux espèces pour lesquelles il forma même deux sections : l’une, Madrepora cya- thus d'Ellis, a été prise, en 1898 , par M. Stokes pour type du genre Caryophyllia (11), et la seconde est devenue la Dendro- (1) Natural history of Staffordshire, tab. 12, fig. 5. 1686. (2) Recueil des monuments des catastrophes, pl. G 1 " fig. 2.1775. (3) History of Rutherglen and East Kilbride, tab, 19, fig. 12. 1793. (4) Organic remains of à former world, &. IL, pl. 6, fig. 5 et 8. 1808. (5) Petrificata Derbiensia, pl. 31. 1809. (6) British animals, p. 509, 1828. (7) Dictionnaire des sciences naturelles, t. LX, p. 312, 1830 , et Manuel d'ac- tinologie, p. 346, 1834. (8) Synoptical table of British organic remains, p. 6. 1830. (9) Animaux fossiles des terraius carbonifères de Belgique, pl. D, Gg. 4 et 5, et pl. G, fig. 9. 4842, (10) Système des animaux sans vertèbres, p. 370. 4801. (11) M. Stokes a eu parfaitement raison de conserver le nom de Caryophyllia à Madrepora cyathus et aux espèces du même groupe, Dans nos précédents lra- vaux sur les Polvpiers, tout en reconnaissant que M. Stokes élait le véritable créateur du genre, nous avions élé conduits à préférer à ce mot celui de Cya- thina, employé un peu plus tard par M. Ehrenberg, parce que, disions-nous, on est généralement habitué à entendre par Caryophyllie des êtres très différents de Madrepora cyathus. Mais, indépendamment des inconvénients qu'entraîne lou- jours à sa suite toute infraction aux règles adoptées, 1l était difficile de restreindre le nom de Caryophyllies à des espèces qui ne faisaient pas partie de ce genre RÉCHERCHES SUR LES POLYPIERS. 33 phyllia ramcea, de Blainville. Mais, en 1816 (1), Lamarck aug- menta son genre Caryophyllia de plusieurs espèces qui diffèrent beaucoup des premiers types, et qui trouvent ailleurs leur place naturelle. Ce sont : Madrepora calycularis, Esper ; M. fascicula- ris, Ellis; M. musicalis, Esper; M. fleæuosa, Esper; M. cespi- tosa, L.; M. anthophyllites, Ellis ; M. fastigiata, Pallas: M. an- gulosa, Ellis; M. carduus, Ellis, et quelques autres encore, Pourtant, l’année précédente , Oken (2) avait mis un peu plus d'ordre dans le classement de ces Zoophytes en les rangeant dans trois genres : Galaæea, Mussa et Matrepora. Mais ce qu’il est important de remarquer ici, c’est que le genre Caryophyllia de Lamarck, si reculées qu’aient été ses limites, ne contenait aucun polypier qui approchät par sa structure des fossiles dendroïdes du terrain carbonifère ; et que la seule analcgie de forme à pu déterminer Fleming à les placer dans ce groupe, et à leur don- ner les noms de Caryophyllia juncea, fasciculata et afjinis. Au reste, ces fossiles n’ont élé réellement bien connus qu’a- près la publication de l'ouvrage de M. John Phillips sur la géo- logie du Yorkshire (3). Les figures au trait dessinées par cet auteur, et la description très nette des espèces qu’il a examinées ne laissent aucun doute sur leur véritable organisation ; malheu- reusement , après avoir si bien défini leurs caractères essentiels, M. Phillips les a regardés comme devant rentrer dans le genre Lithodendron de Schweigger. Nous avons déjà dit ailleurs que ce genre de Schweigger de- vait être tout à fait abandonné, et la raison en est qu'il est formé de la réunion de trois genres établis auparavant par Oken et par Lamarck, et qui ont dû être conservés et même subdivisés, En effet, Schweigger (op. cit., p. 416) partage ses Lithodendrons en trois sous-genres : 1° Oculina, Lamarck ( Lithod. virgineum et proliferum) ; 2 Caryophyllia {section 6 de Lamarck, Lithoden- dans le premier ouvrage de Lamarck. Ce sera donc une rectification à faire dans notre tableau de la classification des Polypes. (1) Histoire des animaux sans vertèbres, t. 11, p. 226. 1816, (2) Lehrbuch der naturgeschichte, Zoologie, 1. T1, p, TA à 73. 4815, (3) {lustrations of the geology of the Yorkshire, L, I,p .2, fig. 41-18. 1836. 3° série, Zooz. T. XVIL. (Cahier n° 4.) 5 3 äl MILNE EDWARDS ET JULES MAIME. dron rameum où Dendrophyllia de Blainville ); 3° les Zithoden- dron capilatum, fastigiatum, angulosum et crislatum, qui corres- pondent aux Mussa d'Oken (1). De plus, aucun de lous ces polypiers n’a d’affinité avec les espèces figurées par M. Phillips, et conséquemment il n’y a aucun motif pour appeler ces dernières Lithodendron. A la vérité, Goldfuss, qui a adopté le genre de Schweigger, y a ajouté, sous le nom de Lithodendron cœæspito- sum (2), un fossile qui paraît avoir la même structure que ceux décrits dans la Géologie du Yorkshire ; mais il est de toute évi- dence que lorsqu'on cherche à appliquer un nom générique à une espèce donnée, on doit lui comparer l’ensemble des espèces ori- ginales décrites par le créateur du genre, et ne point avoir égard aux additions que d’autres auteurs y ont pu faire ultérieurement. M: Phillips n’a pas suivi cette méthode, et la caractéristique très exacte qu’il a donnée de ses Lithodendrons ne convient à aucun des Lithodendrons de Schweigger. M. M’Coy (3), remarquant avec justesse la différence que présentent ces deux groupes de même nom, a proposé d’appeler Siphonodendron le genre de M. Phillips, qu’il adopte avec la définition originale. Notons en passant qu’en 1843, M. Castel- nau (4) avait déjà figuré grossièrement sous le nom d’'Aæinura un polypier qui, dans ce qu'il a d’essentiel , ne se distingue pas de ces Siphonodendron de M'Coy, mais dont les polypiérites sont généralement un peu plus rapprochés , et peuvent même s'unir complétement par leurs murailles, au point de donner lieu quel- quefois à une masse astréiforme. En 1850 , M. d'Orbigny forma de nouveau, pour celte dernière espèce, le genre Æcrocya- thus (5), Tel était l’état de la question, lorsqu’ayant entrepris une mo- (1) Ilest facile de montrer de la même manière pourquoi l’on doit rejeler le genre Anthophyllum de Schweigger, lequel est formé des Galaxea d'Oken, plus la Caryophyllia cæspitosa de Lamarck, dont on a fait depuis le genre Cladocora. (2) Petrefacta Germaniæ, tab. 13, fig. 4. 4826. (3) Ann. and mag. of nat. hist., 2° sér., t. III, p. 45. 1849. (4) Mémoire sur le terrain silurien de l'Amérique du Nord, p. 49, 4843. (5) Prodrome de paléontologie, 1. L, p. 460. 4850. RECHERQIES SUR LES POLYPIERS. 35 nographie des Polypiers fossiles de la Grande-Bretagne, nous jugeâmes ulile de faire précéder notre travail d’un tableau gé- néral des genres qui nous semblaient devoir être adoptés. À cette époque, nous ne connaissions point l'ouvrage de Lhwyd ; et, bien que nous ne nous soyons pas expliqué les synonymies de M. Lonsdale et de M. Keyserling, nous avons cru alors devoir admestre le genre Lithostrotion (A) tel qu’on le trouve défini dans la Géologie de la Russie, en y réunissant toutefois les Lonsdalia de M. M'Coy; et nous avons placé sous la caractéristique du genre Lithodendron, Phillips (non Schweigger), les espèces den- droïdes ainsi nommées par M. Phillips, et celles de forme mas- sive dans lesquelles nous avons reconnu la même structure, . Trompés par les figures inexactes intercalées dans le texte du premier mémoire de M. M’Coy , nous avions caractérisé le genre Nematophyllum de cet auteur, augmenté de ses Stylaæis, en des termes qui conviennent à un groupe distinct, nommé plus récem- ment par nous Pelalaæis (2). Mais bientôt un nouveau voyage en Angleterre nous ayant permis de consulter la figure de Lhwyd, et d'observer les exem- plaires du Musée de Cambridge qui ont servi aux recherches de M. M'Coy, nous avons été à même de rectifier nos erreurs de synonymie ; el dans notre Monographie des Polypiers fossiles des terrains paléozoïques , qui a paru tout entière dans la première moitié de l'année 1851 , nous avons employé tous nos soins à restituer à chaque groupe le nom qui lui convient par droit d’an- ciennelé , et à rendre pleine justice à tous les auteurs qui se sont occupés de l’étude de ces Zoophytes. Aussi avons-nousété fort surpris de trouver une réclamation à ce sujet dans le mémoire que vient de publier M. Lonsdale sur le genre Lithostrotion ; mais nous espérons que l'exposé historique qui précède suffira à con- vaincre tous les zoophytologistes que s’il a été fait, pour les groupes dont nous avons parlé, un condamnable emploi de noms, ce n’est pas à nous qu'il faut le reprocher, et que c’est ailleurs qu’on doit chercher les coupables. (1) Milne Edwards et Jules Haime. British fossil corals, Introd., p. Ixxii. 4850. (2) Jbid., 3° partie, p. 204. 4852. 36 MILNE EDWARDS ET JULES HAIME. Il résulte, en effet, de tout ce que nous venons de dire, que le genre Lithostrotion a élé élabli par Fleming pour le fossile figuré par Lhwyd; que c’est à celui-ci qu'il a emprunté son nom, et que conséquemment on à eu tort de changer sa signification première. Ilest impossible de nier que c'était là le vrai type de Lithostrotion, et il n’y avait certainement aucun motif pour en choisir un autre ; la raison alléguée par M. Lonsdale, savoir que le Lithoskrotion floriforme était mieux connu , n’a par elle-même aucune valeur, surtout si l’on considère que M. Lonsdale a trouvé le fossile de Lhwyd assez bien connu pour en former avec une autre espèce son nouveau genre Sylastræa. M. Lonsdale invoque aujourd’hui contre nousun article du Code de nomenclature formulé, en 1849, par l'Association britannique, et ainsi concu : « Lorsque la déter- mination du type original d’un genre n’est pas parfaitement claire et irrévocable, la personne qui, la première, subdivise le genre peut appliquer le nom original à telle fraction de ce genre qu’il lui plaira; et les auteurs qui viendront après n'auront pas le droit de transporter ce nom à aucune autre portion du genre origi- pal (1). » Nous souscrivons de grand cœur à cette loi qui nous paraît très sage et très logique; mais nous demanderons à M. Lonsdale la permission d’en déduire la proposition suivante : « Lorsque la détermination du type original d’un genre est par- faitement claire, la personne qui, la première, subdivise le genre n’a pas le droit d'appliquer le nom original à telle fraction du genre qu'il lui plaît, mais est tenue de le laisser au type primitif, » N'est-il pas vrai que cette conclusion est implicitement contenue dans le précédent article, et qu'on peut l’en tirer sans une bien grande témérilé? Si nous sommes assez heureux pour que M. Lonsdale veuille admettre cela avec nous, nous n’aurons plus qu’à lui faire une seule observation à ce sujet : c’est qu’à l’époque où il a défini à sa manière le genre Lithostrotion , le type du genre original était à ses yeux parfaitement déter- minable, Aujourd’hui, il avoue « s'être trompé en identifiant, d’une ma- (1) Report of the British association for 1842, p. 105. RÉGIHERGIES SUR LES LOLYPIERS. 37 nière positive, sur des données insuffisantes, le fossile de Par- kinson avec le dessin de Lhwyd. » Nous croyons que M. Lonsdale se montre ici trop scrupuleux, et qu'il n’a point commis cette erreur, Mais si cela était, si les figures de ces auteurs, au lieu de répéter ce même fossile, représentaient réellement deux espèces différentes, Parkinson aurait, par cette addition au Lithostrotion de Lhwyd, apporté une raison de plus d’appliquer au type pri- mitif la signification générique du nom original. Que si même M. Lonsdale était arrivé à démontrer, dans le mémoire qu’il vient de publier, l'impossibilité de déterminer sûrement à quels Poly- piers carbonifères se rapportent les figures de Lhwyd et de Parkinson, il n’en resterait pas moins bien établi que les fossiles primitivement appelés Lithostrotions , et qui, conséquemment , doivent conserver ce nom, ont des caractères génériquement différents des Lithostrotions de M. Lonsdale. Ainsi qu'on rejette ou qu'on accepte les indications secondaires, qu’on arrive jus- qu'aux détails spécifiques ou qu’on s’en tienne aux traits prin- cipaux, notre conclusion sera toujours forcément la même ; et les récents eflorts de M. Lonsdale pour prouver combien sont va- gues et incertaines les descriptions et les figures des anciens oryctologistes anglais, n’empêcheront pas que les dessins de Lbhwyd et de Parkinson montrent très clairement une columelle compacte el styliforme, ni que ce soit là la principale particula- rilé que signale Fleming dans l'espèce qu’il rapporte aux figures précédentes, et qui sert de type à son genre Zathostrotion. Toute apprécialion arbitraire doit donc être écartée de cette question de synonymie : les faits sont clairs et incontestables , les dates sont précises ; conséquemment il ne saurait y avoir deux solutions. Nous nous sommes arrêtés à la seule acceptable , à la seule logique, à la seule qui soit en rapport avec les droits si respectables et si nécessaires de la priorité. Maintenant que le type zoologique auquel doit définitivement rester le nom de ZLithostrotium est bien et dûment déterminé, nous devons revenir ici sur la description de ce type, discuter la valeur respective de ses caractères, el montrer comment par cel examen on est conduit à y raltacher des formes en apparence 38 MILNE EDWARDS ET JULES HAINE. assez différentes, mais qui en sont réellement très voisines, M. Lonsdale ct le professeur M’Coy maintiennent aujourd’hui (1) cinq genres distincts : Stylastræa, Nematophyllum, Stylaæis, Si- phonodendron(Lithodendron, Phillips) et Diphyphyllum, la où nous ne pouvons en trouver qu'un seul. La dissidence entre ces au- teurs et nous-mêmes est sur ce point beaucoup trop prononcée pour que nous craignions d'entrer dans quelques détails relative- ment à la structure et au développement des Lithostrotions. Étudions donc le type du groupe, c’est-à-dire Lithostrotium basaltiforme. Voici la synonymie que nous avons établie précé- demment (2); nous n’avons rien à y changer, même après les observations auxquelles elle a donné lieu de la part de M. Lons- dale. Lithostrotion, Lhwyd, Lithophyllacii Britannici Ichnographia, epistola V, tab. 23. 1760. — Parkinson, Org. rem., vol. IE, pl. 5, fig. 3 el 6. 1808. Astrea basaltiformis, Gonybeare et William Phillips, Outlines of geol. of Engl. and Wales., p. 359. 1822. Astrea arachnoïdes (3),° Defrance, Dicl. se. nal., vol. XLIT, p. 383. 1826. (Synon. exclus.) (1) Lonsdale, Note sur le genre Lithostrotion, 1. c: (1851). — M'Coy, British palæozoic fossils. 1851. (2) Polypiers des terrains paléozoïques, p.4#41,4851 ; et Brilish fossil corals, 3e partie, p. 190, 1852. (3) M. Lonsdale critique cette détermination. Suivant lui, les renseignements offerts par Defrance sont insuffisants , et les figures citées dans le Dictionnuire des sciences naturelles se rapportent à des espèces très différentes. Il est très vrai que la description de l'Astrea arachnoïdes est très imparfaite, D'un autre côté, nous savons très bien que la figure 4 de la planche 5 de Parkinson est une Acervularia luœurians (Polyp. foss. des terr. palwoz., p. #15), et que la figure 2 de la planche 52 des Mémoires de Gueltard représente une Zsashræa (probable - ment /sastræa complanata). Mais nous ne nous sommes pas contentés de l'exa- men de celte synonymie, nous avons étudié avec soin les échantillons types réunis par feu M. Defrance, el qui font partie de sa collection , et par là nous avons pu élablir avec certitude à quelles espèces appartiennent tous les Poly- piers brièvement décrits par cet auteur, C’est cet examen qui nous a fait rappor- ter son Astræa arachnoides (non Madrepora arachnoïdes, Parkinson) au Litho- strotium basaltiforme. RECIHERGUES SUR LES. POLYPIERS. 29 Lithostrotion striatum, Fleming, Brit. anim., p. 508. 1898. Columnaria striata, de Blainville, Dict. sc. nat., vol. LX, p.316. 1830. — Man. d'actin., p. 360, pl. 59, fig. 3. Lithostrotion striatum, S. Woodward, Syn. table of Brit. org. rem., p. 5. 1830. Cyathophyllum basaltiforme, John Phillips, Geo!. of York, vol. IT, p. 202, pl. 2, fig. 21, 22. 1836. Columnaria striata, Milne Edwards, Ann. de la 2 édit. de Lamarck, vol. Il, p. 343. 1836. Astrea heæagona, Portlock, Rep. on the geol. of Londonderry, ete. , p. 832, pl. 23, fig. 1. 1843. Astrea basaltiformis, ibid., p. 333. Lithostrotion striatum, M'Coy, Syn. carb. foss. of Trel., p. 188. 1844. Lithostrotion microphyllum ? Keyserling, Reise in Pelschora , p- 456, tab. 1, fig. 2. 1816. Nemaphyllum minus, M'Coy, Ann. and mag. of nal. hist.,2sér., t. LIT, p. 17. 18/9. Lithostrotion basaltiforme et microphyllum, d'Orbigny, Prodr. de pal., t. 1, p. 159. 1850. Lithostrotion basaltiforme, Milne Edwards et Jules Haime, Pol. foss. des terr. pal., p. 4h. 1851. Nematophyllum minus, M Coy, Brit. palæoz. foss., p. 99, pl. 3B, fig. 3. 1851. Stylastræa basaltiformis, M'Coy, ibid., p. 107. Lithostrotion basaltiforme, Milne Edwards et Jules Haime, Brit. foss. corals, p. 190, tab. 38, fig. 3. 1852. Lithostrotium basaltiforme constitue un Polypier composé , massif et astréiforme , dont les polypiérites sont prismatiques , entourés d'une épithèque mince, appliqués les uns contre les autres et unis par leurs faces latérales. Leur contact est très in- time; la partie supérieure de deux polypiérites contigus ne montre jamais de bord double, et dans aucun des exemplaires soumis à notre examen, nous n'avons trouvé de méats intersti- tiels : pourtant la soudure n’est pas portée jusqu’à la confusion, et A0 MILNE EDWARDS ET JULES HAIME. à l’entremêlement des tissus, ct, le plus souvent, de légers coups de marteau frappés à la surface séparent , sans les briser , di- verses parties de la masse commune ; on peut même parvenir ainsi à isoler complétement les individus columnaires qui conservent alors dans toute son intégrité leur sclérenchyme épithélique. Mais il faut remarquer que cette aptitude à la désagrégation , consé- quence incontestable du mode d’union des polypiérites, ne saurait avoir une valeur caractéristique absolue; car on concoit très bien que certaines conditions de fossilisation puissent consolider la juxtaposition des murailles, et déterminer dans la masse du po- lypier des points de faiblesse autres que ceux placés sur la direc- tion des faces polyédriques ; et c’est, en effet, ce qui arrive dans quelques cas où l’on éprouve plus de facilité à briser ces poly- piérites dans différents sens qu’à les séparer suivant leurs mu- railles. Lorsque la désagrégation s'effectue aisément et sans fracture, on observe, sur les points verticaux ainsi mis à décou- vert, des côtes verticales peu saillantes et parallèles séparées par des sillons à peu près d’égale largeur, et qui sont recues dans les sillons semblables de la face correspondante du polypiérite juxtaposé. Ces côtes longitudinales, qui sont assez fines et assez nombreuses, sont coupées à angle droit par les plis transversaux de l’épithèque pelliculeuse , et ordinairement ces dernières stries sont moins prononcées que les lignes verticales ; mais quelquefois c’est le contraire qui a lieu. Les polypiérites se terminent supérieurement par des poly- gones inéquilatéraux, et dont la largeur varie habituellement de 10 à 15 millimètres. Nous n'avons pas été assez heureux pour rencontrer les sommets calicinaux entiers, mais des sections transversales polies montrent avec beaucoup de netteté presque tous les caractères que présenteraient les calices, et les échantil- lons ainsi préparés que nous avons figurés récemment ( British fossil corals, tab. 38, fig. 3" et 3”) donneront une idée suflisante de la structure des appareils septal et endothécal. Si l’on jette les yeux sur nos planches, on verra que des bords du polygone mural partent de nombreux rayons cloisonnaires , minces et très finement flexueux, alternativement un peu inégaux. RECHERCHES SUR LES POLYPIERS, hi Parmi ces cloisons, dont on compte quarante à cinquante, les grandes arrivent jusqu'auprès du centre, et les autres atteignent environ aux deux tiers de l’espace qui sépare la muraille de la columelle. Elles ont toutes sensiblement la même épaisseur, et ne présentent sur leurs côtés ni épines ni granulations. Elles sont constituées par des lames imperforées; nous ignorons si leur bord libre ou supérieur était entier ou divisé ; cependant nous sommes portés à croire par analogie qu'il offrait une série de dents petites et subégales. Le cercle cloisonnaire n’est pas interrompu par une fossette septale ; ou du moins, s’il existait des rudiments d’une semblable dépression , ils n’ont pas laissé de traces appréciables dans les divers individus que nous avons étudiés. L’axe des polypiérites est traversé dans toute sa longueur par une columelle grêle et compacte dont la section est subelliptique. La présence de cet organe est normalement constante dans tous les individus de celte espèce; mais par suite d'accidents évidem- ment dus aux conditions exceptionnelles qui ont accompagné, dans certains cas, l’acte chimique de la fossilisation, cette colu- melle disparaît quelquefois en tout ou en partie, ou ne laisse à la place qu’elle occupait que des vestiges souvent difficiles à recon- naître. Nous ne chercherons pas l'explication de ce phénomène, qui d’ailleurs ne paraît se présenter avec ce caractère tranché que dans les fossiles tabulés de la section des Zoanthaires ru- gueux ; mais il est important de constater ici que la rare absence de la columelle, dans quelques polypiérites de Lithostrotium ba- saltiforme , est un fait purement local et accidentel, et compléte- ment indépendant de toute circonstance organique. La moitié extérieure des chambres viscérales est remplie par des vésicules assez nombreuses et peu inégales ; une section horizontale coupe dans chaque loge intercloisonnaire de six à huit des traverses arquées qui constituent les cellules endothé- cales, et l’ensemble des points où s'arrêtent les traverses les plus intérieures trace dans la section transversale une muraille interne rudimentaire, dont nous ne tiendrions pas compte si ce caractère ne se prononcait davantage dans quelques espèces voisines. 12 MILNE EDWARDS ET JULES WAIME. La moitié centrale des chambres viscérales est occupée par des planchers peu relevés. Nous regrettons de ne pas avoir pu obser- ver des coupes verticales assez parfaites pour qu’il nous soit permis d'établir avec certitude la forme des vésicules endothé- cales, celle des planchers et des découpures des bords cloison- naires internes. Mais ce ne sont là que des détails spécifiques , et dont la connaissance ne saurait modifier en rien la caractéris- tique du type Lithostrotium. Les traits essentiels à noter sont les suivants : 1° les polypiérites prismatiques , unis entre eux par leurs faces de contact; 2 une épithèque individuelle recouvrant complétement ces polypiérites ; 3° des calyces polygonaux d'iné- gale grandeur et à bords simples ; 4° des cloisons bien dévelop- pées extérieurement, minces et nombreuses, alternativement inégales ; 5° un axe columellaire grêle et solide; 6° d’abondantes cellules endothécales dans les loges interseptales ; 7° enfin des planchers au centre des chambres viscérales. Nous voyons quelques uns de ces caractères se modifier légè- rement dans les espèces qui se rapprochent le plus de Lithostro- lium basaltiforme : ainsi L. aranea (1) a les calices peu inégaux et les cloisons médiocrement nombreuses avec des murailles in- ternes assez distinctes; et L. Portlocki et M'Coyanum (2) ont des polypiérites petits et une columelle assez grosse. Du reste, ces polypiers diffèrent extrêmement peu du fossile que nous venons de décrire, et il est impossible que l'œil le moins exercé mécon- naisse ces affinités. Nous avons pu nous assurer que les traverses de l’aire extérieure des polypiérites sont petites, nombreuses.et fortement arquées dans L. aranea , et qu’elles offrent à peu près la même apparence dans L. Portlocki où cependant elles sont plus irrégulières, et forment un moindre nombre de rangées ver- ticales. Remarquons aussi que ce dernier polypier a des plan- chers minces, serrés, un peu divisés en dehors et relevés au centre ; dans quelques exemplaires (3) la columelle absente laisse (1) Voy. Milne Edwards et Jules Haime, Pol. foss. des lerr. paléoz., p. 143 (Archives du Muséum, L. V). 1851.—British fossil corals, ab. 38, fig. 1. 1852. (2) British fossil corals, tab. 42, fig. 1 et 2. (3) Jbid., Gg. À f. RECHERCIHES SUR LES POLYPIERS. 13 voir à sa place un petit canal vide, tandis qu'ailleurs où elle manque également entre les planchers , on ne distingue pas de trous au centre de ceux-ci. Nous avons constaté ce manque de columelle sur des polypiérites de presque toutes les espèces qui offrent dans leur structure les mêmes caractères importants , et cela dans des échantillons même qui, sur d’autres points, offraient des individus complets, c’est-à-dire pourvus d’une columelle par- faite. Dans quelques cas, nous avons même trouvé chez un même polypiérite, observé à différentes hauteurs, ces deux états : de facon que l'extrémité supérieure d’un même individu serait, d’après le système de M. Lonsdale et de M. M'Coy, une Stylas- trœæa, par exemple, tandis que sa base ou sa partie moyenne appartiendrait à un autre genre, tel que Nemaphyllum de ce der- nier auteur. Nous avons constaté cette absence de columelle dans des circonstances nombreuses et à des degrés très différents, et nous n’avons pas hésité à la présenter comme un accident de fossilisation. Toutefois, jusque dans ces derniers temps, il existait encore un doute dans notre esprit au sujet de Stylastræa incon- ferta, dans laquelle on n’avail jamais trouvé de columelle. Dans notre conviction, les échantillons observés devaient avoir subi une altération de la nature de celle que nous avions déjà recon- nue dans les Lithostrotions; mais, d’un autre côté, il était facile de concevoir l'existence d’une espèce qui n’aurait différé des Li- thostrotions que par la privation d’un axe solide , et conséquem- ment M. Lonsdale aurait été fondé à réclamer le maintien de son genre Stylastræa en raison de ce caractère négatif jusqu’à preuve de son instabilité, Mais nous avons eu l'occasion d'observer der- nièrement, chez notre ami M. de Verneuil, un exemplaire de Stylastræa inconferta recueilli en Arménie par M. Abich, et qui , : présentant à la fois des polypiérites à columelle styliforme et d’autres à planchers lisses, vient détruire notre incertitude et justifier pleinement les prévisions auxquelles nous nous étions arrêlés dans le tome V des Archives du Muséum. Nous devons ajouter que M. M’Coy est venu fortifier le genre Stylastræa par la description d’une nouvelle espèce, S. irregularis , « remar- quable , dit-il, par le cloisonnement transverse presque parfait hi MILNE EDWARDS ET JULES MAIME. de l’aire centrale (1). » Eh bien, nous avons pu nous convaincre encore que le manque de columelle est un cas fortuit dans ce polypier comme dans le précédent. Au reste, M. M'Coy est re- venu lui-même sur sa première appréciation ; car, dans ses Bri- tish palæozoic fossils (2), il l’a figuré avec une columelle styliforme bien manifeste. A la vérité il conserve le genre Stylastræa dans ce même ouvrage, mais pour un polypier qu’il rapporte au Cya- thophyllum basaltiforme de Phillips, c’est-à-dire notre Lithostro- tium basaltiforme. 1 est facile de s'assurer, par la simple lecture de la description, que ce fossile était un échantillon altéré, puis- qu’il y est question de la disparition des parties cloisonnaires internes ; pourtant, en quelques points, M. M'Coy a distingué sur les planchers une saillie columellaire , qui seulement ne se pro- longeait pas au-dessus et au-dessous. Nous venons de voir que c’est là un cas très habituel dans des exemplaires qui présentent ailleurs un axe styliforme complet, et il y a d'autant moins de raison de douter de la présence d’une columelle dans le polypier en question que la détermination paraît en êlre parfaitement exacte. Ainsi donc, les Slylastrées de M. Lonsdale et de M. M'Coy ne diffèrent en rien sous le rapport de la columelle des véri- tables Lithostrotions. Le dernier de ces auteurs ne parle pas des figures de Lhwyd et de Parkinson ; mais il a renfermé dans deux genres, Nema- tophyllum et Stylaxæis, des espèces qui ont dans leur structure les rapports les plus intimes avec celles dont l'étude nous occupe en ce moment; il considère comme une Stylaæis le Lithostrotion striatum de Fleming, et il décrit sous le nom de Nematophyllum minus un Zoophyte dont l'identité avec le Lithostrotium basalti- forme est tout à fait évidente. Il faut remarquer que, dans l’ex- posé des caractères génériques, M. M’Coy appelle aire vésiculaire interne la partie occupée par les planchers, lesquels, en se divi- sant, offrent quelquefois dans les sections verticales l'apparence de dissépiments ou traverses ; mais cela n’a lieu que sur quelques (1) Annals and mugaszine of natural history, 2° sér., t. HIT, p. 9. 1849. (2) PI. 3 A, Gg. 5. 1851, RECHERCHES SUR LES POI.YPIERS. L5 points et Loujours d’une manière fort incomplète, ainsi qu’on peut s’en convaincre par l'examen même des planches de M. M'Coy. Les travaux du professeur de Belfast ont ajouté aux espèces de Lithostrotions précédemment mentionnées quatre autres espèces du même genre qu’il a appelées Nematophyllum septosum (1), Nematophyllum decipiens (2), N. arachnoideum (3) et Styluxis major (A). Cette réunion d'espèces constitue un groupe extrêmement homogène , tant en raison de l’organisation intérieure que de la forme générale. Elles ne diffèrent entre elles que par des par- ticularités d’une très faible importance , telles que la largeur et l'inégalité des calices, le nombre et l'épaisseur des cloisons , la quantité des vésicules extérieures et le degré de complexité des planchers centraux ; tandis qu’elles se ressemblent par la struc- ture de leur columelle , de leurs cloisons, de leurs tissus endo- thécaux et même par le mode d’union et le degré de rapproche- ment de leurs polypiérites. Mais ce dernier caractère, qui dépend surtout d'un développement plus ou moins actif, varie considé- rablement dans d’autres espèces Lrès voisines el jusque dans les diverses colonies d’une même espèce. Parmi les Lithostrotions massifs, il en est un, Lithostrotium ensifer (5), dont les murailles épithécales sont si intimement soudées, qu’elles tendent à dis- paraître en quelques points ; et un autre, au contraire, Liüthostro- tium Portlocki (6), dont les polypiérites sont prismatiques et complétement unis au centre du polypier, mais restent fréquem- ment cylindriques et libres par leurs côtés vers les parties exté- rieures de la masse. Nous connaissons un fossile très abondant dans les couches carbonifères de l’Amérique septentrionale, (1) M'Coy, Annals and magazine of natural history, 2° sér., t, IL, p. 19. 1849. (2) M'Coy, ibid, p. 48. (3) M'Cov, ibid., p. 15, fig. a, b, etp. 46. — British pal. foss., p. 97, pl.3 A, fig. 6. 4851. (4) M'Coy, Ann. of hist, 1. €., p. 120. — Brit. pal. foss., p. 104, pl. 3 À, fig. 4. 1851. (5) British fossil corals, p. 193, tab. 38, fig. 2 (6) Zbid., tab. 42, fig. 4. LG MILNE EDWARDS ET JULES HAIME. Lilhostrotium canadense (1), qui présente tantôt la forme massive, tantôt la forme cespiteuse ou dendroïde, et tantôt les deux formes réunies sur un même polypier ; enfin, nous arrivons graduelle- ment à des espèces dont les polypiérites sont toujours libres laté- ralement ou ne subissent que des coalescences partielles où même accidentelles. Mais comme ces fossiles, qui constituaient le genre Lithodendron de Phillips (Siphonodendron ; M’Coy), ressemblent en tout par leur organisation aux Lithostrotions massifs (2) et n’en diffèrent que par ce caractère variable du moindre rappro- chement des polypiérites, nous n'avons pas hésité à les réunir tous dans un seul et même groupe. Cette manière d’agir est blämée par M. Lonsdale qui, non seulement voudrait séparer les Lithostrotions dendroïdes ,des Lithostrotions massifs, nonobstant les formes mixtes que nous avons signalées, mais encore créer pour ces dernières un genre particulier. « Un accroissement variable, dit-il, aussi bien que s’il était constant, dénote d'importantes particularités dans le polype et peut être regardé avec raison comme ayant la valeur d’un caractère générique. » Sans chercher à discuter cette opi- nion et les conséquences qui en découleraient naturellement , nous devons faire remarquer qu’elle est en opposition directe avec l’expérience aussi bien qu'avec la logique. Tous les natu- ralistes observateurs admettent, en effet, qu’un caractère n’a de valeur qu’autant qu’il est constant, et l’on peut même jusqu’à un certain point mesurer son importance d’après son degré de stabilité. N’est-il pas tout à fait rationnel de reléguer au dernier rang telles particularités qui peuvent manquer sans nuire à l’ensemble de l’organisme et sans détruire le lype spécifique. Comment concevoir qu’un trait extérieur, insuffisant à caractériser l'espèce, puisse jamais servir à définir le genre ? Et pour ne pas (1) Monographie des Polypiers fossiles des terrains paléozoïques, pl. 43, fig. 4 (Archives du Muséum, t. V). (2) Suivant M. Lonsdale (Mémoire cité), la columelle du Lithodendron irre- gulare, Phillips, ne serait pas solide, mais bien formée de lamelles. Les coupes verticales dont nous venons de publier les figures (British fossil corals, tab. 41) ne peuvent plus laisser aucun doute sur la structure compacte de l'axe central de cette espèce. RECTIERCHES SUR LES POLYPIERS. h7 sortir du cas qui nous occupe , comment serait-il possible de li- miter le groupe des Lithostrotions proprement dits et celui des Lithodendrons ou Siphonodendrons, puisqu'ils ne différeraient tous les deux que par une forme générale susceptible de varia- tions? Dans aucun de ces deux genres il n’y aurait place pour ces polypiers qu'on rencontre tour à tour ou à la fois cespiteux et massifs ; mais dans l'hypothèse où l’on établirait pour ceux-ci une section à part, par quels termes essaierait-on de la définir ? Elle devrait renfermer les espèces à groupement variable et irrégulier, c’est-à-dire des exemplaires qui auraient l'aspect des vrais Lithostrotions, ou bien celui des Lithodendrons ou une ap- parence intermédiaire; mais à l’exception de la forme mixte, in- dicatrice de l'instabilité prise pour caractère du genre, à quel signe reconnaîtra-t-on que les individus tout à fait massifs ou ceux complétement dendroïdes appartiennent ou n’appartiennent pas les premiers aux Lithostrotions, les autres aux Lithodendrons ? Le seul moyen d’arriver à la connaissance de leur genre serait de remonter à celle de leur espèce. Comme rien ne nous dit que la variabilité du groupement, constatée par nous pour quel- ques uns de ces polypiers seulement, ne doive pas s’étendre par la suite à un beaucoup plus grand nombre, il en résulte qu’on pourrait toujours s'attendre à voir passer chacun des Lithostro- tions ou des Lithodendrons connus dans la catégorie des formes variables. 11 faut convenir que les trois genres, ainsi basés sur un caractère inconstant , seraient eux-mêmes bien instables et auraient des conditions d’existence bien précaires. Les Lithostrotions ne sont pas d’ailleurs les seuls polypes com- posés dont le groupement soit susceptible de variations, et l’on peut citer de nombreux exemples qui tous tendent à montrer plus ou moins le peu d'importance qu’il faut attacher en général au degré de rapprochement des polypiérites. Ainsi, dans la famille des Cyathophyllides, nous voyons {cervularia luxu- rians (1), Lonsdaleia Bronni (2), et plusieurs espèces de Cyatho- (1) Voyez Milne Edwards et Jules Haime, Polypiers fossiles des terrains pa- léozoïques, p. 415. (2) Jid., pl. 44, fig. 4. LS MILNE EDWARDS ET JULES HAIME, phyllum Thypocrateriforme (4), cespitosum (2), Marmini (3), rugosum (h) | se présenter tantôt sous forme de touffe irrégulière- ment cespiteuse , tantôt en masse serrée et compacte. Stauria astreiformis (5) offre des calices circulaires à bords libres, aussi bien que des calices prismaliques et soudés entre eux. De même dans la famille des Favositides, un genre ayant deux espèces massives nous offre une troisième espèce | Beaumontia laæa (6) ] à polypiérites ordinairement libres par leurs côtés. Le groupe des Eupsammiens fournit encore un exemple remarquable et vulgaire à la fois (4stroides calycularis, BI.) de l'inégalité d’es- pacement des divers individus dans une même espèce ou dans une même colonie. Enfin, parmi les Astréides le genre Placo- phyllia renferme deux espèces, P. dianthus (7) et Schimperi (8), qui sont sujelles toutes les deux, mais surtout la première, à des groupements très inégaux , et le genre Latiméandre montre des polypiers soit dendroïdes , soit astréiformes ou méandroïdes { Latimæandra plicata (9)]. Nous ne doutons pas que l’observa- tion ne découvre par la suite de nouveaux faits de ce genre dans les différentes divisions de l’ordre des Zoanthaires ; mais on doit remarquer que les cas que nous venons de mentionner se rap- portent tous à des espèces dont les individus sont circonscrits par une enveloppe épithécale , à l'exception de ceux des Latiméan- dres qui, toutefois, gräce à l'état rudimentaire de leur appareil costal, se trouvent dans des conditions extérieures à peu près analogues ; tandis que chez les espèces qui, comme la plupart des Astréides, ont des polypiérites dépourvus d’épithèque et unis (1) Goldfuss, Petref. Germ., lab. 17, fig. 1. (2) Jbid., tab. 19, fig. 2 (3) Polyp. paléoz., pl. 9, fig. 2 et 3. (6) Ibid. pl. 42, fig. 4. (5) Ibid, ë 1, fig. 1. (6) Ibid., p.277. (7) FT dianthus, Goldfuss, Petref, Germ., lab. 43, fig. 8. (8) Polyp. paléoz., p. 51. (9) Jbid., p. S5; Lithodendron plicatum, Meandrina astroides et Astrea con- fluens, Goldfuss, Petref. Germ., Lab. 43, fig. 5; lab, 21, fig, 3, el lab, 22, Ê fig. 5, RECIERCHES SUR LES POIYPIERS. L9 directement par le sclérenchyme mural ou par les côtes, le ca. ractère du groupement offre généralement une grande constance et coïncide avec d'autres particularités de l’organisation. Chez ces derniers polypiers , la soudure entre les individus s'opère avec beaucoup de force et ordinairement au moyen d’entrecroi- sement et de confusion de tissus, et ilest alors impossible de sé- parer les polypiérites suivant leurs faces polyédriques et sans briser plus où moins leurs murailles, comme on a pu le faire pour les Lithostrotions astréiformes. Cette distinction que nous ne faisons pas d’une manière absolue, et à laquelle il faudrait se garder d’attribuer plus d'importance qu’elle n’en aréellement, mérite cependant d’être prise en considé- ration, et fournirait assurément un argument sérieux en faveur de la séparation générique des Lithostrotions massifs et des Li- thodendrons de Phillips, s’il était vrai, comme le dit M. Lonsdale, que la réunion fortuite et limitée des polypiérites dans ces der- niers eüt toujours lieu de facon à les rendre inséparables sans brisure. À priori, il semble étrange que ce soit justement dans les espèces à individus habituellement libres que les coalescences partielles s’effectuent par confusion de tissu , tandis que chez celles où le contact s'opère complétement et sur de grandes éten- dues, la soudure ne serait jamais que superficielle ; mais en réalité cette bizarrerie ne se présente pas, au moins dans la plupart des cas. En mettant à profit des coupes transversales faites dans un autre but, telles que celles représentées dans l’ouvrage de M. John Phillips et dans nos British fossil corals, tab. 40, fig. 2 b, on peut se convaincre aisément que l’union accidentelle des polypiérites chez les Lithostrotions dendroïdes se produit par l’aplatissement et la simple adhérence des murailles épithécales, exactement de la même manière que chez les Lithostrotions mas- sifs. Dansplusieurs espèces (Lithoshrotium Martini, op. cit. , lab. 40, fig. 2; Lith. irregulare, tab. M, fig. 1°), certains points de contact s’établissent entre les individus au moyen de prolonge- ments coniques où cylindroïdes, horizontaux ou faiblement as- cendants, que nous avons regardés avec doute (Pol. foss. des terr. paléoz., p. 437) comme des bourgeons avortés, M. Lons- 3° série. Zooz. T, XVII. (Cahier n° 4.) 4 ñ 50 MILNE EDWARDS ET JULES MAIME. dale rejette cette manière de voir, parce qu’il a trouvé que ces prolongements sont entièrement formés de tissu cellulaire et qu'il ha pu distinguer dans leur intérieur ni commencement d’axe , ni ligne murale; il pense que leur développement dépend plutôt de quelque besoin particulier du polype. Quoiqu'il en soit de la valeur de cette opinion, il est facile de s’assurer que, lorsque les saillies d’un polypiérite arrivent en contact avec un polypiérite voisin, elles s’aplatissent et y adhèrent seulement par une union de deux épithèques , comme nous venons de le rappeler pour les espèces massives. On observe encore le même mode de rappro- chement dans Lithostrotium Phillipsi (Brit. foss. corals, tab. 39, fig. 3), mais avec cette légère différence, qu'ici les saillies sont en général très prolongées dans le sens vertical et déterminent des lignes longitudinales de coalescence sur lesquelles toutefois on distingue encore un léger sillon traçant la limite des individus accolés. Quelques autres polypiers, du reste extrêmement voisins des précédents, montrent avec moins de netteté le mécanisme de la coalescence partielle de leurs polypiérites : ainsi dans Lithostro- tion harmodites ( Polypiers paléozoïiques, Archives du Muséum , t. V, pl. 15, fig. 1), on trouve des tubes de connexion en appa- rence semblables à ceux des Syringopores, et dans Lith. Stokesi (ibid., pl. 20, fig. 2), ce sont des expansions en collerettes qui naissent des bourrelets d’accroissement. Il est très difficile de distinguer sur ces deux sortes de prolongements la limite réelle des individus ; mais nous sommes portés à l’admettre par analo- gie, et il ne faut pas perdre de vue que dans ces derniers exem- ples, comme dans ceux qui précèdent, la nature des saillies reste toujours essentiellement la même, et que si l’on suppose ici un degré de plus dans la confusion des tissus en contact, cette con- fusion ne s'étendra jamais au delà de l'élément épithécal, et con séquemment pourra toujours rentrer dans le caractère général des Lithostrotions, Ainsi, sous le rapport du mode d’union des polypiérites, il n'existe aucune différence essentielle entre les espèces cespiteuses et les espèces massives de ce groupe, et c’est en vain que M. Lons- RECHERCHES SUR LES POLYPIERS. 51 dale invoque à l'appui de l’opinion contraire l'impossibilité de séparer sans fracture les individus des colonies dendroïdes. I faut tenir compte ici de la différence des conditions physiques, D'ailleurs nous ne pensons pas que, d’une semblable épreuve né- gative, on soit en droit de tirer aucune conséquence acceptable. L’aptitude à la désagrégation qu’on observe chez les Lithostro- tions massifs démontre bien le mode d’union de leurs polypiérites: mais, nous le répélons, de ce que l’on ne pourrait isoler les indi- vidus de polypiers fossiles présentant une structure analogue, on ne devrait pas conclure que leurs murailles sont organiquement soudées d’une manière plus complète , parce que cette soudure peut avoir eu lieu ultérieurement avant l'acte de la fossilisation. Et pour en finir avec celte question , disons tout de suite que M. M’'Coy a eu tort de donner pour caractère à son genre Vema- tophyllum des « tubes prismatiques inséparables, » par opposition à ceux de ses S/ylaxis qui se séparent aisément , d'autant plus que dans le premier groupe il place Lithostrotium basaltiforme, dont la facilité à se désagréger est connue depuis bien longtemps, et, si elle ne l'était pas, serait suffisamment mise en lumière par la figure même que cet auteur vient de publier (1). Une partie de la Vote sur le genre Lithostrotion a été consacrée par M. Lonsdale à l’examen comparatif de l’organisation inté- rieure dans les polypiers astréiformes et dans les polypiers ces- piteux ; et contrairement aux résultats que nous avons consignés dans le tome V des Archives du Muséum , il conclut « qu'aucune des espèces massives ne peut être considérée comme présentant de simples modifications spécifiques de la structure observée dans les dendroïdes, tandis que celles-ci montrent toutes une grande unité de composition. » (Mém. cit., p. 473.) En présence de cette assertion , nous avons repris une à une toutes les obser- valions que nous avions déjà faites sur ce sujet, et non seulement cette nouvelle étude est venue confirmer leur exactitude , mais il ne nous semble pas que les différences de détail, notées avec soin par M. Lonsdale, soient de nature à justifier ses conclusions, … (1) Nematophyllum minus, M'Coy, British palæoz. fossils, pl. 3 B, fig. 3. 52 MILNE EDWARDS ET JULES HAIME. L'auteur que nous réfutons commence par indiquer de préten- dues variations dans la structure de l’axe vertical des polypié- rites. Nous avons déjà vu comment on peut se rendre compte de l'absence fortuite de la columelle dans le genre Stylastræa. Sui- vant lui, dans le Lithostrotion de Parkinson , et dans un échan- tillon de Kendal qu'il prétend y être identique, de même que dans les Columnaria de M. Dana , il existerait une large saillie centrale de structure lâche ; nous ne pouvons rien prononcer sur cet exemplaire de Kendal qui nous est inconnu, ni sur les espèces de Columnaria dont M. Dana n’a fait qu'esquisser rapidement quelques caractères; mais , ainsi que nous l'avons déjà dit, la figure de Parkinson montre très clairement une columelle styli- forme compacte. Quant au Cyathophyllum basaltiforme de M. Phil- lips, que M. Lonsdale regarde aussi comme privé d’axe solide, nous avouerons que le dessin original est très imparfait sous ce rapport; mais il nous est impossible d'avoir aucun doute sur la présence de la columelle , non plus que sur la détermination de de son espèce critiquée à plusieurs reprises par M. Lonsdale, par la raison que nous avons eu longtemps entre les mains l’exem- plaire type du professeur John Phillips, et que c’est ce même exemplaire que nous avons représenté British fossil corals, tab. 38, fig. 3 a etb. Lors donc qu'on a fait justice de ces exceptions appa- rentes, on voit que toutes les espèces nommées par nous Lithos- trolions, dans notre Monographie des polypiers paléosoïques (Archives du Muséum), quelle que soit leur forme générale, ont le centre de leur chambre viscérale occupé par une columelle styliforme, plus ou moins grêle et de substance compacte. Quant aux planchers qui sont traversés par cette columelle, et dont nous avons constaté l’existence chez les polypiers cespiteux et chez les polypiers massifs, ils varient dans leur degré d’incli- naison sur l’axe et de complication dans les lames; mais il est impossible de trouver-là autre chose que des différences spéci- fiques, el l’on ne remarque pas qu'aucune de ces légères modi- fications coïncide ni avec la forme de l’ensemble du polypier, ni avec quelque autre de ses particularités. M. Lonsdale établit que Lhwyd et Fleming n'ont rien dit au RECHERCUES SUR LES POLYPIERS. 53 sujet des planchers pour leur Lithostrotion striatum, non plus que M. Phillips pour son Cyathophylhum basaltiforme ; et il conclut victorieusement « qu'il n’y a pas de ressemblance dominante, sous ce rapport, entre les espèces rameuses et les espèces mas- sives. » (Mém. cit., p. 469.) 11 est inutile d’insister sur de tels arguments; nous demanderons seulement Ja permission de ren- voyer, pour l'étude et la comparaison des planchers chez les polypiers de l'une et l’autre forme, aux figures qui accompagnent le dernier ouvrage de M. M’Cov (British palæozoic fossils), et à celles que nous venons de publiernous-mêmes(Brilish fossilcorals, 9° partie). Dans la zone extérieure des polypiérites, que nous avons in- diquée d’une manière générale comme formée de traverses vési- culaires (Archives du Muséum, t. V,p. 132), l'abondance de ces vésicules varie nécessairement suivant les espèces, et l’on re- marque que, parmi celles-ci, ce sont généralement les plus grandes qui offrent le plas grand nombre de ces cellules intra-murales. D'après M. Lonsdale, l’aire cellulaire externe serait toujours étroite dans les polypiers cespiteux , et toujours large dans les polypiers massifs. Les quelques exemples qu'il rapporte pour- raient faire croire à l’exactitude de cette distinclion, et il est très vrai que Zathostrotium basaltiforme et L. (Stylashræa) inconfertum ont des séries de vésicules plus nombreuses que les Lithodendron fasciculatum (1), irregulare (2), et surtout sexdecimale (3) de Phillips; mais, d’un autre côté, Lithostrotium affine (4), qui est une espèce dendroïde , a des cellules externes plus nombreuses qu'aucune espèce astréiforme ; et Lithostrotium Portlocki (5) et 5 (4) Phillips, Geology of Yorkshire, t. If, pl. 2, fig. 16-17, 4836; Lithostrotium Martini, Milne Edwards et Jules Haime, British fossil corals, lab. 40, fig. 2. 1852. (2) Phillips, loc. cit., pl. 2, fig. 44,45; Lithostrotium irregulare, M. Edw. et J. Haime, op, cit., tab. #1, fig. M. (3) Phillips, loc. cit, pl. 2, fig. 41, 43; Lithostrotium junceum, M. Edw. et J. Haime, loc. cit,, tab. 40, fig. 4. (#) Ibidem, ab. 39, fig. 2. (5) Jbid., (ab. 42, fig. 1; Nematophyllum clisioïdes, M'Coy, Brit. pal. foss., pl. 3 B, fig. 2. 54 MILNE EDWARDS ET JULES MAIME, Derbyense (4), qui sont des polypiers massifs, offrent aussi peu de vésicules que plusieurs des Lithostrotions cespiteux. Enfin, sous le rapport de la structure des cloisons, il ne paraît pas y avoir non plus de différence entre les Lithostrotions de l’une et de l’autre forme ; malheureusement le remplissage habi- tuel des chambres viscérales rend très difficile l'examen des par- ties cloisonnaires internes. On sait que certains polypiers den- droïdes (Lithostrotium junceum et Martini (2), par exemple) ont leurs cloisons fortement échancrées en dedans dans les intervalles des planchers; cette non-continuité des lames septales est moins prononcée dans quelques espèces massives, mais elle est tout aussi faible chez!le Lithostrotium affine, et ce caractère, qu’ac- compagne le degré de multiplicité des vésicules, ne coïncide pas plus que ce dernier avec la forme générale du polypier. En résumé, on voit donc que les efforts de M. Lonsdale, pour trouver chez les Lithostrotions dendroïdes des particularités d’or- ganisation qui puissent les distinguer des Lithostrotions massifs, ont été tout à fait infructueux , et que, considérés dans le détail de leurs diverses parties, aussi bien que dans leur ensemble, les uns et les autres ne présentent jamais que des variations spéci- fiques d’un seul et même type générique. Il nous reste mainte- nant, pour lerminer l’examen de ce groupe polymorphe, à recher- cher si toutes les espèces que nous y avons comprises présentent, en même temps que cette complète uniformité de composition, un mode de reproduction et de développement également uni- forme. Disons tout de suite que les nouvelles recherches aux- quelles nous nous sommes livrés, dans le but d'éclaircir cette question , sont venues pleinement confirmer notre première ma- nière de voir, et que, sur ce point comme sur les précédents, il nous est impossible d'accepter l'opinion de M. Lonsdale. M. M'Coy a, comme M. Lonsdale, cru trouver parmi les Zoanthaires nommés par nous Lithostrotions des espèces fissi- pares à côté de celles qui se multiplient par bourgeonnement. (1) Milne Edwards et Jules Haime, Polypiers fossiles des lerrains paléosoïques, p. 445; Stylaæis irregularis, M'Coy, Brit. pal. foss., pl. 3 À, fig. 5. (2) Brilish fossil corals, Lab. 40, RECHERCHES SUR LES POLYPIERS. 59 On peut s'étonner de voir deuxobservateurs aussi attentifs arriver ensemble à la même conclusion erronée à propos de faits en général faciles à constater; cela tient sans doute à ce que ces paléontologistes se sont à peu près bornés à l’élude des espèces fossiles, et n’ont pas pu apprécier suffisamment les différences essenlielles des deux modes de reproduction par l'étude compa- rative des polypiers des mers actuelles, M. Ehrenberg et M. Dana ont les premiers distingué d'une manière nette la multiplication par gemmation, et celle par fissi- parité ou scissiparité. Le bourgeonnement s'opère par extension locale des tissus producteurs, et le jeune polype se forme aux dépens d’une faible partie de la substance du parent, et sans alté- rer l’individualité de celui-ci; sa croissance devient bientôt in- dépendante. La fissiparité, au contraire, commence par l’accrois- sement latéral de toutes les parties terminales de l'individu souche, principalement suivant un grand axe transversal ; c’est seulement lorsque cet accroissement est très avancé que le polype se partage en deux êtres distincts; chacun de ceux-ci est formé de la moitié à peu près des parties constituantes de l'individu souche, et souvent il est très difficile de dire lequel est le jeune, lequel est le parent. Il existe donc une différence marquée entre ces deux modes de multiplication, puisque, dans un cas, le nou- vel être produit offre un développemeut individuel presque dès le principe, et que dans l’autre l’individualité ne se manifesle chez les deux êtres qu'après leur développement presque complet. On pourrait concevoir cependant un état intermédiaire qui enlevât à cette distinction une grande partie de son importance, et quelques Zoanthaires semblent, en effet, montrer des conditions mixtes, et par conséquent arbitrairement déterminables, Mais ces difficultés ne se présentent que très rarement, et presque toujours un examen un peu attentif suffit à les résoudre. La famille des Astréides nous fournit à la fois des exemples de fissiparité et de bourgeonnement très nombreux et très variés. La première espèce de multiplication, généralement très rare dans les autres groupes de l’ordre des Zoanthaires, se présente là très fréquemment et avec des caractères extrêmement tranchés, soit 56 MILNE EDWARDS ET JULES MAIME. que le polypier revête une forme cespiteuse (Mussa, Calamo- phyllia, Eusmilia, etc.), soit que les individus restent confondus en longues séries flexueuses (Hæandrina, Pectinia, etc.) , soit que, circonscrits et rapprochés, ils se soudent intimement entre eux par leurs murailles ou par leurs côtes (Goniastræa, Pa- rastræa, etc.). Quel que variable que soit le groupement des divers polypiérites , leur fissiparité montre toujours dans sa marche les mêmes caractères essentiels ; mais on peut recon- naître trois degrés principaux dans leur individualisation.- Pour certains genres (Calamophyllia, Parastræa, etc.), la séparation des calices se fait très rapidement et d’une manière complète, et, excepté ceux qui sont en voie de formation, ils sont limités en- tièrement par leurs murailles. Chez d’autres (Symphyllia), les calices se succèdent en lignes arquées; ils ont leurs centres distincts, et l'agencement radiaire de leur appareil septal n’est que faiblement modifié; mais les murailles manquent entre les individus d’une même série, et séparent seulement les séries voisines. Enfin les Méandrines, les Pectinies, etc., avec la dispo- sition générale des précédents, ont de plus leurs centres complé- tement confondus en un sillon commun, et leurs cloisons sont placées parallèlement sur deux rangées opposées. La fissiparité est, on le comprend, d’autant plus facile à observer et à recon- naître que l'isolement des individus nouveaux est plus prompt et plus parfait, et que les deux nouvelles moitiés sont moins inégales ; mais, dans tous ces différents cas, les traits distinctifs de ce mode de génération sont généralement si clairs et si frappants, qu’il est presque impossible de s’y tromper , et ils n’ont été méconnus ni par M. Ehrenberg, ni par M. Dana, ni par aucun des auteurs récents qui ont écrit sur les polypes. La confusion primitive des fossettes calicinales , situées au-dessous de la bouche du polype fissipare, doit être regardée comme le caractère essentiel de cette multiplication ; heureusement elle laisse presque toujours sur quelques points du polypier des traces aisément saisissables , et qui n’ont pas échappé aux observateurs. La gemmation nous offre de même plusieurs formes distinctes, déterminées par les divers points de la surface du parent où les RECHERCHES SUR LES POLYPIERS, 51 bourgeons prennent naissance. Ceux-ci sont naturellement d’au- tant plus indépendants qu'ils se montrent à une plus grande distance du calice de l'individu producteur, et la génération au moyen de stolons est par conséquent le cas où lindividualité a lieu avec le plus de rapidité et de la manière la plus complète. En effet, les prolongements de la base du polype, bien que doués, à un moment donné, d’une vitalité remarquable, ne renferment aucun organe important, et nul doute qu’on ne puisse les enlever tout à fait sans porter aucun préjudice à l'animal. Lorsque le jeune a pris un certain développement, il continue à rester attaché au parent par le stolon ; mais quelques observations, malheureuse- ment demeurées imparfaites, nous portent à croire que souvent cette partie connective est frappée d’atrophie, et peut même entièrement cesser de vivre. Les Zoanthaires coralligènes qui se multiplient de la sorte ne présentent ordinairement pas de stolons sclérenchymateux , et, après la dessiccation des tissus mous, leur polypier se montre composé de polypiérites plus ou moins rapprochés, mais complé- tement indépendants les uns des autres (Cylicia, Cryptangia). Une semblable colonie pourrait alors être prise pour un agré- gat fortuit de Polypes simples, et c’est ainsi que M. Dana a con- sidéré les Cylicies, qu'il a décrites le premier. Nous n'avons re- connu l’origine commune d'individus de ce genre groupés sur un corps sous-marin que par l’examen d'échantillons soigneuse- ment conservés dans l'alcool. L’analogie aurait pu cependant mettre sur la voie de la vérilé ; car on connaît des espèces fossiles voisines des précédentes, dans lesquelles les stolons sont soli- difiés , et ont ainsi laissé des traces durables de leur existence (Rhizangia). Les exemples de polypes stolonifères sont fort rares dans l’ordre des Zoanthaires, et le bourgeonnement le plus habituel est celui qu'on observe sur les parties latérales de polypiérites cylin- driques. La vitalité devenant généralement très obscure dans les régions basilaires des polypes adhérents au sol, la gemmation a presque toujours lieu dans le voisinage du calice ; mais la distance des bourgeons au sommet du parent offre encore des limites de 98 MILNE EDWARDS ET JULES HAIME. variation assez étendues , et l’on ne remarque pas que cette rela- tion ait beaucoup de fixité même dans les divers individus d’une même espèce. On aurait donc tort d’attacher trop de valeur à la position plus ou moins élevée des jeunes sur les tiges qui les ont produits; il est cependant quelquefois utile d'indiquer la tendance qui se manifeste sous ce rapport dans certains poly- piers, lorsqu'elle est très générale et suflisamment prononcée. 11 peut arriver que le polype cesse de croître en hauteur après avoir bourgeonné , et nous trouvons surtout des exemples de ce fait dans la famille des Oculinides (4æohelia, Amphihelia , Enallohelia, Euhelia, ete.) ; mais, dans la plupart des cas, son développement continue parallèlement à celui des jeunes qu’il porte, et l’on voit les calices de tout âge atteindre à peu près au même niveau. Nous manquons de données positives pour établir la part des tissus dermiques mous provenant de l'individu souche, qui entre dans la constitution des bourgeons latéraux : l’exa- men des parties dures conduirait à penser que cette part est très faible, et le travail générateur paraît être tout à fait superficiel. Dans les espèces où la multiplication ne s’opère pas avec trop d'activité, le polypier est dendroïde ou cespiteux (Cladocora , Stylosmilia, etc.); mais quelquefois les jeunes se pressent les uns contre les autres, et se touchent plus ou moins intimement par leurs côtés, de facon à rendre impossible toute gemmation laté- rale (Astroides, etc.\, En général , la multiplication ne s’arrête pas pour cela, et l’on voit alors des bourgeons naître au sommet des murailles et sur les bords du calice, bien qu’extérieurement à celui-ci, Cette position des bourgeons, qui est en quelque sorte accidentelle dans ces espèces à gemmation primitivement laté- rale, devient une règle dans d’autres genres qui ont une repro- duction extrêmement rapide dès le principe (Stylocænia, Astro- cœænia, etc.), ou dont les polypiérites, sans être très serrés, sont cependant bien vite réunis par suite du grand développement des appareils costal (Astræa, Plasmopora) ou exothécal (Galawea, Propora). Cette gemmation est toujours extra-caliculaire, et, souvent dans ces derniers genres, le nom de latérale lui convient encore très bien, car on peut y reconnaître extérieurement la RECHERCHES SUR LES POLYPIERS, 59 connexion primitive des jeunes polypiérites avec la muraille du parent. Nous avons appelé marginal le bourgeonnement qui a lieu au sommet des murailles. Nous passons ainsi, pour ainsi dire, d’une manière insensible à la gemmation calicinale. Il est cependant toujours facile de tracer une limite entre cette dernière et celle qui la précède immédiatement. Les jeunes polypiérites, qui prennent naissance sur le calice même de leur parent, chez plusieurs Cyathophylles, les Acervulaires, la Slaurie, etc, semblent, de même que les bourgeons latéraux , n’enlever qu’une très faible part aux tissus producteurs sous-jacents, et reproduire encore, malgré leur point d’origine différent, les mêmes caractères de développe- ment; seulement leur position arrête ordinairement la croissance de l'individu qui les a produits, et le nom de parricide, donné par M. M'Coy à un Cyathophyllum, conviendrait assurément à beaucoup d'autres de ces espèces. Il est tout à fait impossible de confondre cette gemmation cali- cinale avec la génération fissipare, surtout lorsqu'on l’observe dans un élat peu avancé. La prompte délimitation de la muraille des jeunes, et leur situation par rapport au parent , sont des faits tolalement différents de la bifurcation d’un individu souche ; mais il nous reste à parler d’une forme de multiplication qui, dans certains cas, est fort embarrassante. Elle consiste en un bourgeonnement calicinal qui quelquefois commence à une très faible distance de la fossette terminale du parent, de manière à présenter l'apparence d’un calice fissipare. Le prolongement extérieur des cloisons de l'individu souche devient partie consti- tuante du calice nouvellement produit, et ainsi un des caractères généraux de la fissiparilé se montre dans cette sorte de gemma- tion (Prionastræa, Isastræa, Latimæandra, elc.). Pourtant nous n'avons pas hésité à regarder cette reproduction comme une espèce de bourgeonnement ; car le parent, même dans les exemples ex- trêmes, n’est jamais profondément altéré dans son individualité par celte production calicinale, et, dans la très grande majorité des cas, le bourgeon est trop éloigné du centre producteur, et se circonscril trop rapidement pour laisser aucun doute sur sa véri- 60 MILNE EDWARDS ET JULES HAIME. table nature. La difficulté vient donc plutôt de l’imperfection des vestiges tracés sur les échantillons desséchés que du caractère vraiment mixte de cette multiplication ; nous sommes convaincus que, si l’on pouvait observer ces animaux vivants, ou seulement certaines conditions favorables de leur polypier, on n’hésite- rait jamais à déterminer ce mode de reproduction dans le sens que nous venons d'indiquer. On ne peut cependant s'empêcher de voir là un passage imparfait de la génération gemmipare à la génération fissipare. Il serait naturel de supposer à priori que les Stylastræa , les Diphyphyllum et les Stylaæis, sur la multiplication desquels nous ne soinmes pas d'accord avec M. Lonsdale et M. M’Coy, devraient être rangés dans la catégorie dont il vient d’être question ; pour - tant il n’en est rien, et ces prétendus genres nous semblent tous se reproduire au moyen d’une gemmation non équivoque. En décrivant la Stylastræa (Géol. de la Russie, p.620), M. Lons- dale indique, au nombre de ses caractères, des « colonnes addi- tionnelles produites par des subdivisions du parent. » Il compare cette multiplication à celle des Astrœa, Favia et Caryophyllia d’Ehrenberg, et regarde la facilité avec laquelle les colonnes se détachent comme le résultat de ce mode de production'; mais la figure 2 b de la planche 4 montre distinttement un jeune issu d’un bourgeon marginal. La preuve qu’il ne résulte pas de la bifurcation de l'individu souche, c’est que son diamètre est moitié moindre que la largeur de la facelte adjacente du parent ; d’un autre côté, M. Lonsdale nous apprend que la muraille se consti- tue avec beaucoup de netteté presque dès le principe , caractère qui, comme on sait, est propre au bourgeonnement, Nous avions examiné nous-même les jeunes de la Stylastræa inconferta, et nous ne les avons trouvés aucunement différents de ceux des Lithostrotium basaltiforme et L. aranea (1); aussi avions-nous dit, dans notre Monographie des polypiers des terrains paléo- zoïques (p. 445), que M. Lonsdale avait sans doute mal ob- servé cette multiplication; il nous est vraiment difficile de ne pas le répéter encore aujourd’hui. (1) British fossil corals. pl. 39, fig. 4. RECHERCIES SUR LES POLYPIERS. 61 M. M’'Coy à également admis que d’aulres Lithostrotium, qu'il appelle Stylaæis, se reproduisent par fissiparité; nous ne con- naissons ces polypiers que par les beaux dessins que vient de publier cet auteur. La figure théorique qui accompagne sa pre- mière description (1) montre, en effet, une apparente division calicinale; mais celles qui ont été faites un peu plus tard, d’après nature (2), nous semblent, au contraire, rentrer parfaitement dans la forme habituelle des gemmations marginales. Nous ne prétendons cependant pas dire que les bourgeons produits dans ces espèces aient exactement la même position que dans le We- matophyllum arachnoideum M'Coy (3), où ils sont intra-muraux, D'une espèce à l’autre, il existe bien, sous ce rapport, quelques légères variations ; mais ce qu’il est important de remarquer, c'est qu'aucun des Zoanthaires renfermés dans notre genre Lithostrotiun ne se reproduit par fissiparité. La figure 5 de la planche 3 4 du grand ouvrage de MM. Sedgwick et M’'Coy, destinée à mettre en lumière la fissiparité de la Stylaæis irregu- laris (k), est, à nos yeux, une parfaite démonstration d’un bour- geonnement qui s'opère toujours en dehors de la muraille du polype producteur. La figure 3 de la même planche, qui repré- sente la Stylaxæis Flemingi (5), ne contient pas de jeunes ; mais la figure 4, qui est celle de la Stylaæis major (6), montre une base de polypiérite tellement atténuée, qu'il est impossible de suppo- ser qu’elle résulte de la bifurcation de la colonne adjacente. Ces trois dessins offrent après tout les mêmes caractères de repro- duction que ceux de Lithostrotium aranea (7), L. Portlocki et L. M'Coyanum (8), qui seraient des Mematophyllum pour (4) Annals and magazine of natural history, 2° sér,, t, IT, p, 119, fig a, 1849. . (2) British palæosoic fossils, pl. 3 A. 1851, (3) Jbid., pl. 3 A, Mg. 6. (#) M'Coy, op. cit., p. 401. (5) Jbid., p. 100. (6) Zbid., p. 101. (7) Milne Edwards et Jules Haime, British fossil corals, lab. 39, fig, 4, (8) Zuid., tab, 42, fig, 4 et 2. 62 | MILNE EDWARDS ET JULES HAIME. M. M'Coy. La multiplication de ces espèces ne nous paraît donc pas plus justifier leur séparation générique que les prétendues particularités de structure signalées par M. Lonsdale. Toutefois , comme nous n'avons pas observé en nature les Stylaxis de M. M'Coy, nous devons faire nos réserves sur ce point ; jusqu'ici nous n’avons trouvé aucun exemple de fissiparité dans les polypiers qui présentent la même organisation générale que Lithostrotium basaltiforme ; mais il est fort possible qu’on en découvre à l’avenir, et qu’on juge utile de conserver pour ces Zoanthaires une division particulière. Encore faudrait-il bien s'assurer à l'avance qu'on n’a pas affaire à quelqu'une de ces fissiparités accidentelles, comme il n’est pas rare d’en rencontrer chez la plupart des espèces les plus clairement gemmipares. Quant aux polypiers dendroïdes, qui ont recu de M. Lonsdale lenom de Diphyphyllum (1), ils ne nous paraissent pas se distin- guer de ceux qu'il laisse dans le genre Lithodendron de Phillips. Leurs rameaux dichotomes offrent souvent le même diamètre à leur point d'union, et il arrive quelquefois que le parent, ayant bourgeonné très près de son calice, se trouve bientôt gêné dans sa croissance par le jeune qu’il a produit, et est rejeté du côté opposé. Ainsi Zathostrotium Martini (2) présente tantôt des bourgeons distinctement latéraux et assez grêles à leur base, tantôt des bourgeons sensiblement égaux à l'individu souche, et M. Lonsdale serait sans doute fort embarrassé de le classer parmi les Lithodendrons ou parmi les Diphyphylles. En réalité, on ne saurait trouver là aucun caractère différent de ceux qu’on ob- serve chez Lithostrotium junceum (3) et L. irregulare (h), dont le développement vient d’être si bien décrit par M. Lonsdale lui- même (5). On connaît d’ailleurs dans les Astréides plusieurs exemples de l'égalité du rameau produit avec le rameau produc- teur dans des espèces incontestablement gemmipares , et il suffit (1) Russia and Ural, t, 1, p. 623. 1845. (2) Milne Edwards et Jules Haime, British fossil corals, lab. 40, fig. 2, 2 b. (3) Ibid., tab. 40, fig. 4. (4) Jbid., tab. 41. (5) Lonsdale, Mém. cité, p. 445. RECHERCUES SUR LES POLYPIERS. 63 de rappeler ce qui se passe chez un polypier d’une observation facile, Cladocora cœæspitosa. Les espèces fissipares dendroïdes (Eusmilia, Dasyphyllia, Calamophyllia, etc.) offrent constamment un autre aspect, et, en les comparant avec ces dernières, il est impossible de ne pas être frappé de la différence des deux modes de reproduction. Nous bornerons ici les remarques qu’il nous a paru utile de présenter sur le genre Lithostrotium. En définitive, le nouvel exa- men auquel nous avons soumis les espèces renfermées par nous dans ce groupe naturel confirme pleinement nos premières observations; et l’on voit, par tout ce qui précède, combien sont peu fondées les réclamations et les rectifications de M. Lonsdale. M. Lonsdale est cependant un habile observateur, el qui a rendu de grands services à la zoophytologie ; mais dans la question qui vient de nous occuper, les éléments de vérité nous paraissent lui avoir fait défaut. OBSERVATIONS PHYSIOLOGIQUES SUR L'AÆLIX LACTEA, Par M. J.-S. GASKOIN. M. Gaskoin, ayant acheté quatre ou cinq Helix lactea (d’Afri- que) , les mit dans l’eau pour les nettoyer avant de les faire en- trer dans sa collection. Ces Hélix avaient appartenu successive- ment à deux marchands chez lesquels ils étaient restés plus de quatre ans exposés au sec et à la poussière ; aussi fut-il tout surpris de voir que l’un d’eux reprenait vie et sortait de l’eau dans laquelle il était plongé. Il le placa (avril 4849) sous une cloche de verre, et lui donna à manger des feuilles de concombre et de chou. Au mois d’octobre suivant , il trouva une trentaine de petits Hélix noirs, n’ayant guère que + de pouce de diamètre et rampant sur les parois de la cloche, sur la terre du vase et sur les feuilles. Dans le commencement il doutait de leur origine ; mais à mesure que ces Hélix grossissaient, leur forme se rappro- GA 3.-S. GASKOIN. — OBSERVATIONS SUR L'IRELIX LACTEA. chait de plus en plus de celle de l’Æelix lactea, et au mois d'octobre 1850 ils avaient tous les caractères de cette espèce, sauf que leur péristome ne s'était pas encore réfléchi. Le fait d’une longue suspension de la vie chez des Hélix a été observé assez souvent ; mais, dans le cas qui nous occupe, il vient s'ajouter une circonstance très remarquable et sur laquelle M. Gaskoin insiste avec raison : c’est cette reproduction après quatre ans d’une vie solitaire. En présence d’un pareil fait, nous voyons rois hypothèses entre lesquelles il est difficile de choisir : la première, c’est que des œufs fécondés pourraient rester plus de quatre ans à l'état de développement virtuel ; la seconde, qu'une fécondation servirait pour plusieurs pontes d’un même individu ; la troisième, que, dans certains cas, les Hélix pourraient se fécon- der eux-mêmes, supposition qui n’est pas contraire à la disposi- tion anatomique de leurs organes génitaux, puisque chez eux il y à un orifice extérieur unique pour le passage des œufs et du sperme. — Mais ce n’est que par de nouvelles observations que l'on pourra trancher la question en faveur de l’une de ces hypo- thèses. A propos de ce fait, l’auteur cite quelques autres cas de sus- pension de la vie chez des mollusques. Le plus remarquable est celui d’une Unio d'Australie, prise le 29 janvier 1849, et enfer- mée dans un tiroir sec pendant 231 jours ; au boul de ce temps, on la plongea dans l’eau, et l’on reconnut qu’elle était bien vivante. À son arrivée à Southampton, 498 jours après qu’on l’avait sortie du marais , elle fut de nouveau mise dans l’eau, où elle ouvrit ses valves et reprit parfaitement vie. M. Gaskoin ajoute qu'il possède actuellement en Angleterre, à l’état vivant, l’Helix Fraseri provenant de l'Australie, l’ZZ. lac- tea de l’Afrique, et les ZZelix turricula, laciniosa, undata et tecti- formis de Madère, ainsi que le Carocolla Wallastoni de Madère (Ann, of nat. hist., june 1859, p. 498). RÉSUMÉ D'UN MÉMOIRE SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES MOLLUSQUES ACÉPHALES LAMELLIBRANCHES OU BIVALVES, Par M. DUVERNOY. Afin de donner plus de clarté et plus de précision à ce court exposé, je le diviserai en paragraphes. $ I“. Je dois rappeler tout d’abord que l’on connaissait, depuis Mangili, les trois paires de ganglions centraux, formant, avec leurs cordons de commissure, un grand et un petit collier, et le plus haut degré de composition du système nerveux central de ces animaux. Je n’ai observé jusqu'ici qu’un seul exemple d’une composition un peu plus compliquée : c’est celui que j’ai découvert, en 1841, dans l’'Onguline ; on y voit un petit ganglion surajouté à chaque ganglion postérieur, à l'endroit où le nerf branchial sort de ce dernier ganglion. Une dissection récente me l’a montré exactement comme je l'avais vu en premier lieu. $ IT. Je pense avoir déterminé le premier ce que l’on doit appeler le cordon du pelit collier dans les Huitres , malgré l’ab- sence bien réelle des ganglions pédieux chez ces Mollusques, que l'on sait manquer de pied. Ce cordon est un petit filet de commissure allant d’un ganglion labial à l’autre, que l’on trouve en arrière de l’orifice buccal. 11 coexiste avec le cordon de commissure ordinaire, qui se voit en avant de la bouche. $ III. Le développement des ganglions pédieux, et celui du 3 série, Zooz. T. XVIIT (Cahier n° 2.) 5 66 DUVERNOY. —- MÉMOIRE petit collier dont ils font partie, sont en raison du volume du pied. On peut en conclure que les nerfs qui en partent se distribuent essentiellement au pied et aux parois abdominales, dont le pied n’est qu’une extension ; que ce sont, en un mot, des nerfs moteurs ou sensitifs. A cet égard, la science était incertaine ; je l’étais moi-même à l'époque de mes premières recherches, en déterminant avec doute, et je pense en ce moment, sans motifs suffisants, quel- ques filets viscéraux parmi ceux que fournissent les ganglions pédieux. J : $ 1V. Les principaux nerfs allant des ganglions labiaux aux palpes, au muscle adducteur antérieur, au manteau ; ou se diri- geant des ganglions postérieurs aux branchies, au manteau, au muscle adducteur postérieur, avaient été indiqués d’une manière très générale, et sans la détermination de différences très impor- tantes dans leur distribution. _ $ V. On n'avait d’ailleurs pas assez précisé leur nomenclature ; ce qui était cependant nécessaire pour donner à leur description la clarté indispensable , et pour indiquer facilement les diffé- rences qu'ils présentent, selon les ordres et les familles, les genres et même les espèces. C'est ce que j'ai cherché à faire en désignant les nerfs palléal antérieur, palléal postérieur, palléal latéral, branchial antérieur et postérieur, labial, gastrique, circumpalléal, etc., etc. $ VI. J'avais observé, dans mon premier travail, que le cor- don nerveux, découvert, en 1840, dans les Peignes et les Spon- dyles, par MM. Grube et Krobne, n’avait pas d'origine centrale ni aux ganglions antérieurs, ni aux ganglions postérieurs; mais qu’il faisait, sans interruption et d’une manière parfaitement con- tinue, le tour du manteau, très près de son bord, et à lravers ses commissures antérieure et postérieure. $ VIL. J'avais fait représenter en même temps, dans le Peigne (Pecten maximus, L.), la manière dont les principaux nerfs palléaux postérieurs et le petit palléal antérieur viennent, en rayonnant et en se divisant dichotomiquement, se rendre dans ce SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES MOLLUSQUES. 67 cordon, que leurs derniers ramuscules pénètrent par son côlé interne. $ VIII. J'avais décrit les filets, beaucoup plus nombreux que ces ramuscules, qui sortent du côté opposé de ce cordon nerveux (tenant lieu de ganglion, d’une forme insolite), et qui vont animer les pédicules tactiles ou les pédicules oculaires qui garnissent , dans les Peignes et les Spondyles, dans presque toute son étendue le bord du manteau. $ 1X. Dans ma communication du 24 février 1845, j'ai annoncé à l’Académie que ce même cordon ganglionnaire cireumpalléal existe, comme je l'avais présumé au mois de novembre précédent, chez les Auilres, les Anomies et les Limes. Dans mes dernières recherches , je l'ai encore vu dans les Jambonneaux ; mais il manque dans les 4rches et les T'rigonies, qui sont aussi classés parmi les bivalves de l’ordre des Ouverts, c’est-à-dire qui ont les deux lobes du manteau complétement libres. $ X. Cette considération importante m'a conduit à distinguer, dans la classe des Mollusques bivalves ou lamellibranches , deux arrangements principaux ou deux types du syslème nerveux, très distincts l’un de l’autre, et dont j'ai déjà esquissé un premier aperçu dans ma communication du 24 février 1845. $ XI. Dans l’un, qui est celui des Bivalves monomyaires ou lrimyaires, comme les Æuitres, les Anomies, les Limes, les Peignes; et des Jambonneauæ, parmi les Dimyaires, dont le man- teau est complétement ouvert, le système nerveux palléal est monocirculaire, Tous les nerfs qui vont des ganglions postérieurs en bien plus grand nombre, et des ganglions antérieurs en petit nombre, rayonnent dichotomiquement vers le nerf ganglionnaire cireum- palléal, et s'y terminent. $ XII. Dans l’autre arrangement, il y a un palléal antérieur et un palléal postérieur qui diffèrent moins par leur proportion rela- tive ; ils contournent le manteau presque immédiatement dans sa parlie musculeuse, et parallèlement à son bord , en allant à la rencontre l’un de l’autre par leurs branches principales, dont 68 DUVERNOY. — MÉMOIRE l'une, au moins, peut être continue d’un ganglion postérieur à l’antérieur. Dans cette disposition, les derniers ramuscules de ces branches peuvent s’anastomoser et former des plexus très com- pliqués, entrecoupés par de nombreux petits ganglions. C’est de ces plexus que sortent les filets déliés, qui vont aux tentacules des bords du manteau dans les diverses parties où ils existent, $ XIIT. Cette distinction de deux types dans le système ner- veux des Bivalves me paraît importante sous le double rapport de l’anatomie zoologique et physiologique. Il montre que la division des Mollusques vraiment Mono- myaires n’est pas essentiellement séparée des Trimyaires ou des Anomies, ni de quelques Dimyaires qui ont le manteau complé- tement ouvert, tels que les Jambonneaux. D’autres Bivalves, de l’ordre des Ouverts (les Arches, les Tri- gonies), ont le second type du système nerveux, celui qui est le plus commun, le plus général. Je l’appellerai palléal bicireulaire, en opposition au premier type qui est monocirculaire. Outre la famille des Æ4rches, y compris les T'rigonies, dans l’ordre des Ouverts, on trouve le second type dans tous les autres ordres de cette classe, c’est-à-dire dans les Biforés ou les Mytilacés ; dans les Triforés ou les Chamacés (du moins dans les Tridacnes où nous l’avons observé) , dans les Cardiacés et dans l'ordre des Ænfermés. Mais il y a dans ces divers ordres, et plus particulièrement dans les familles qui les composent, des caractères subordonnés à ce caractère général qui sont liés aux diverses formes du man- teau. $S XIV. Pour en apprécier toute la valeur, il faut avoir pré- sentes la structure et la puissance fonctionnelle de cet organe. Je démontre, dans mes Monographies, les nerfs nombreux qui viennent l’animer , et qui sont d’autant plus multipliés et forts, qu'il est plus libre, et que ses lobes sont plus détachés. Dans ce cas, ses bords peuvent être garnis de nombreux appendices tactiles, parmi lesquels on a distingué depuis long- temps, dans quelques ‘espèces privilégiées, des organes qui SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES MOLLUSQUES. 69 paraissent propres à la vision. Des muscles, qui se divisent et s’étalent dans l’épaisseur de ces replis tégumentaires , et s’éten- dent jusqu’à son bord libre, peuvent, par leur grande étendue de contraction, le resserrer dans un très petit espace, ei le réduire à un volume très minime. Enfin cette partie du manteau est un organe de sécrétion de la coquille ; des divers pigments qui la colorent, selon les espèces ; de la matière nacrée qui le double, et de l’épiderme velu, appelé vulgairement drap marin, qui en recouvre quelques unes d’une manière permanente et très remarquable. Les formes du manteau et les arrangements des organes de circulation , de sécrétion, de mouvement et de sensibilité qui le composent; leur développement plus ou moins grand, jouent un rôle important dans la vie des Acéphales lamelli- branches. Ceux qui ont les lobes du manteau complétement libres, et dont les bords sont garnis de nombreux tentacules sensitifs, et même, dans quelques cas rares, de tentacules visuels, comme cela a lieu chez les Peignes et les Spondyles, sont bien autrement doués que ceux dont le manteau est fermé et recouvert , comme chez la Panopée, d'un épais épiderme qui doit le rendre à peu près insensible. $ XV. Le manteau, dans le second type du système nerveux que nous avons signalé ($ X11), peut montrer des plexus nerveux plus ou moins compliqués le long de son bord, et conséquemment dans sa partie périphérique, lorsque ce bord est garni de tenta- cules ; ou bien dans le voisinage de ses tubes, quand ceux-ci existent. Parfois aussi on découvre , dans les entrecroisements des filets qui composent ces plexus, de très petits ganglions dont le nombre est très considérable dans quelques uns, entre autres chez l'Unio, où nous les avons découverts dès 1846, et chez les Ano- dontes, où nous les avons reconnus et fait figurer plus récemment. Déjà, en 1844, j'eu avais signalé plusieurs dans le nerf palléal antérieur du Lithodome caudigère, et dans le plexus branchial du Jambonneau, qui sont décrits dans mes Monographies, et figurés 70 DUVERNOY. —— MÉMOIRE dans les planches que j'ai eu l’honneur de présenter, à cette époque, à l’Académie, $ XVI. Dans les branches principales du palléal postérieur, qui fournissent les nerfs qui vont aux tubes, on rencontre aussi, dans quelques espèces , un ou plusieurs ganglions secondaires ou ter- aires, desquels partent les filets qui vont animer ces tubes, Ces ganglions appartiennent encore au système nerveux péri- phérique; leur existence et leur nombre peuvent beaucoup varier dans des espèces très rapprochées, dont les unes les possèdent, tandis que les autres en manquent, Ges circonstances diminuent de beaucoup leur importance , comparée à celle des ganglions centraux, avec lesquels on ne pourrait les confondre dans le même degré physiologique ou zoologique, sans commettre une grande erreur, S XVII. Ces petits ganglions secondaires ou tertiaires, quel’on rencontre chez quelques espèces qui ont des tubes au manteau, à l'origine de ces tubes, n’y forment jamais de doubles séries régulières, dont chaque paire aurait un filet de commissure qui les réunirait. Du moins, nos observations et nos recherches assi+ dues ne nous ont rien montré de semblable. Cette remarque est importante pour l’idée générale que l’on doit se faire de la disposition circulaire du système nerveux des animaux de cette classe; disposition qui ne devient jamais longi- tudinale dans aucune de ses parties, et se rapprocherail par là des deux types supérieurs des Animauæ verlébrés et des Ani- mauæ articulés, $ XVIII. Si le manteau joue un rôle très important dans la vie de relation des Acéphales bivalres, et même dans leur vie de propagation, lorsqu'il devient un organe d’incubation ; les bran- chies en ont un à remplir non moins essentiel dans la vie de nutrition de ces animaux, et même, pour un grand nombre d'espèces, dans leur vie de propagation, lorsque les œufs fécondés pénètrent entre leurs lamelles, et y séjournent pour une incubation à la fois nutritive et protectrice. Nous reviendrons dans une autre communication sur les différences importantes qu'elles présentent dans leur structure, eb qui explique pour- SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES MOLLUSQUES. 71 quoi le manteau les remplace, dans quelques cas, comme organe d’incubation. Il nous suffira de dire en ce moment que, parmi les différences de structure que présentent les branchies, nous en avons reconnu jusqu'ici trois principales et plusieurs subor- données : 1° Les branchies à surface unie (des Anodonies) ; 2° les bran- chies plissées en travers, dont les unes sont à larges plis uni- formes (les Tridaenes), dont les autres ont ces plis réunis par paires, élroits, et formant comme de fortes cannelures (les Vénus) ; 3° enfin la troisième structure est celle des branchies filamenteuses ou en franges (celles des Peignes, de la Moule comestible, elc.). L’étendue des branchies doit faire juger de leur importance, et leur contractilité dans les deux formes les plus générales, celles qui leur permettent de devenir des organes d’incubalion, estune propriété vitale que je devais signaler. 11 faut ajouter que leur surface, au moins dans les deux pre- miers cas, est couverte de cils vibratiles, dont la vitalité a résisté, d’après nos propres expériences, à l’aclion des poisons qui tuaient immédiatement les spermatozoïdes, Les branchies sont annexées à un organe vasculaire considé- rable que Méry, en premier lieu, et Bojanus, bien plus tard, ont regardé comme le seul organe de respiration de ces animaux. J'aurai l’occasion de revenir incessamment sur les usages de cet organe problématique, dont j'ai étudié et fait figurer la structure, déjà en 1845, après des injections heureuses qui nous en ont démontré l'extrême vascularité, Si j'en parle ici, c’est pour faire connaitre qu’il recoit de nom- breux filets nerveux d’un plexus très compliqué, qui en donne aussi aux branchies, $ XIX. Les branchies et le poumon de Bojanus, c’est ainsi que nous le désignerons provisoirement, reçoivent la plus grande partie de leurs filets nerveux du nerf branchial postérieur, dont l'existence et la disposition sont constantes, ainsi que le diamètre proportionnel généralement assez considérable. Ce nerf sort en avant de chaque ganglion postérieur , s’ayance 72 DUVERNOY, — MÉMOIRE obliquement, en dehors, à la rencentre de la partie dorsale des lames branchiales de son côté, se coude en se fléchissant en arrière, pour longer cette partie des branchies jusqu’à leur extré- mité. Ce nerf, nous l’avons dit dans notre partie historique, était connu de Poli, mais comme vaisseau lymphatique. Il avait été ensuite bien déterminé par M. Garner, qui avait proposé de désigner comme ganglions de la respiration, les gan- glions postérieurs , à cause du nerf branchial qui y prend nais- sance. Mais on ne connaissait que ses rapports de contiguité avec les branchies, et l’on n'avait pas décrit les filets extrêmement déliés, et pour ainsi dire microscopiques, qui s’en séparent successivement pour pénétrer dans les branchies. Je les ai décou- verts en 1845, et fait figurer dans l’Huitre de cheval, du moins ceux qui se détachent de la partie de ce nerf, qui est en arrière de son coude; et j'ai montré en même temps que les cloisons, qui divisent les intervalles des deux lames de chaque branchie , se contractent par l’action galvanique (1). J'avais vu, et fait figurer, dès 1844, dans la Pinna nobilis , une partie des filets qui sortent de ce même coude et du ganglion postérieur, et qui se portent vers la portion des branchies qui est en avant de ce coude, Ces filets, qui n’avaient pas encore été décrits, je viens de les étudier , plus en détail , dans cette même espèce, dans les Huitres, dans les Anodontes, etc., etc. Ils existent générale- ment, en très grand nombre dans tous les Bivalves lamelli- branches, à en juger du moins par les espèces de diverses familles où nous les avons vus. Ils y forment soit une sorte de frange qui garnit tout le coude du nerf branchial (les Jambon- neaux , les Huiîtres), soit un plexus très compliqué (les 4no- dontes). Nous les avons fait figurer dans les Bivalves que nous venons de citer. Le nerf branchial postérieur est complété par un petit nerf (1) Voyez l'extrait de mon cours au Collége de France, Revue zoologique pour 1846, p.120. SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES MOLLUSQUES. 73 branchial antérieur qui vient du ganglion labial , et même quel- quefois (dans l’ÆHuître) du cordon de commissure qui est en arrière de la bouche ; il se rend au sommet des branchies. Ce nerf a très peu d'importance relativement au nerf branchial postérieur ; mais son origine montre surabondamment combien on aurait tort de nommer les ganglions postérieurs, ganglions de la respiration. Comparativement aux nerfs qui vont aux ovaires, au foie, au canal alimentaire, l'abondance des nerfs branchiaux démontre, il me semble, d’une manière indubitable, l'importance du rôle que jouent, dans la vie de ces animaux, et les branchies et leur organe accessoire. Les nerfs branchiaux sont d’ailleurs des nerfs ganglionnaires, c’est-à-dire composés, comme le nerf circumpalléal, de nom- breux globules médullaires, entremêlés avec les filets nerveux élémentaires. Dans les Peignes, ils ont des dilatations ganglion- naires très particulières. $ XX. Les nerfs viscéraux, c’est-à-dire les filets très fins qui vont au foie, à l’estomac, à l'intestin, aux glandes spermagène ou ovigène, sont très difficiles à découvrir à cause de leur ténuité, Dans l’ancienne figure du système nerveux d’une espèce, dont j'avais recu l’animal sans la coquille, sous un faux nom, mais que mes études subséquentes sur le système nerveux m'ont démontré être une espèce d'Huîlre (de la mer Rouge), on trouvera deux filets qui se détachent du cordon du grand collier, et qui vont à l'estomac. Je l'indique positivement dans le texte de la Monographie du système nerveux de cette espèce. Cette observation particulière aurait dû être généralisée, au lieu de dire, à la vérité avec réserve, que ces cordons ne four- nissent aucun filet apparent (S XII de mon premier résumé). C’est, en effet, de ce cordon que nous avons vu se détacher successivement, dans l’Huître comestible, des filets qui vont au foie, à l'estomac et à l'ovaire, $ XXI. Relativement à sa structure intime, le système nerveux des Mollusques bivalves nous a présenté plusieurs particularités 7h . DUVERNOY, — MÉMOIRE importantes , soit dans ses parties centrales ou ses ganglions principaux, soit dans ses parties périphériques ou dans les nerfs qui partent de ces ganglions ou qui s’y rendent, . $SXXIL. Les ganglions centraux sont souvent colorés en jaune clair ou en jaune orange, tendant plus ou moins au rouge. Dans l’Anodonte des Cygnes, nous avons vu cette coloration en jaune orange s'étendre à l’origine ou au commencement du nerf branchial, Cette partie colorée se compose de cellules rondes ou de vési- cules qui renferment des amas de corpuscules de diverses dimen- sions et formes. Ces corpuscules de substance semi-fluide , dont quelques uns sont libres, se dissolvent dans l’éther. On peut en conclure qu’ils sont de nature graisseuse. De petites cellules incolores, ou globules médullaires , sont mêlés à la substance colorée, Ils sont accolés aux filèts nerveux qui entrent dans la composition du ganglion. Une partie de ces filets s’entrecroisent évidemment d’un cûlé à l’autre. Lorsque les deux ganglions sont rapprochés, de manière à paraître deux moitiés d'un seul tout, comme dans l’Anodonte pour les ganglions postérieurs, on ne voit pas de cloisons qui les séparent. $ XXIIT, Relativement à leur structure intime, les nerfs des bivalves peuvent se distinguer en nerfs proprement dits, et en nerfs ganglionnaires. Les premiers ne sont jamais colorés, et se composent presque exclusivement de filets nerveux, indiqués par des stries longitu- dinales parallèles (1). De rares vésicules médullaires peuvent s'y montrer entre les faisceaux de filets qui constituent ces nerfs. $S XXIV. Les nerfs ganglionnaires sont ceux qui se composent de filets nerveux et d’un grand nombre des vésicules ou des glo- bules médullaires qui entrent essentiellement dans la composi- tion des ganglions, Le nerf circulaire circumpalléal des Pecten, des Huttres, des Anomies, des Limes, etc., est un nerf ganglionnaire qui transmet (1) Comptes rendus de 1844, 4, XIX, p. 1136, 8 XXV. SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES MOLLUSQUES. 75 au bord du manteau plus de filets nerveux déliés qu’il n’en recoit, en apparence, des nerfs palléal postérieur et palléal antérieur. Le nerf branchial est aussi un nerf ganglionnaire ; et cette structure ganglionnaire est surtout prononcée dans le nerf bran- chial des Pecten. Il peut même être mélangé, dans son origine, de la substance colorante qui caractérise les ganglions de cer- taines espèces. $ XXV. Le nerf palléal postérieur , dans quelques Cardiacés ou dans l’ordre des Enfermés , nous a montré, dans la partie qui fournit les nerfs des tubes du manteau, des renflements colorés, qui ne sembleraient qu’une augmentation de diamètre de ces nerfs , s'ils n'étaient pas colorés en jaune, comme les ganglions secondaires. Il est évident que ces nerfs deviennent des nerfs ganglionnaires pour la forme dans ce trajet, et de véritables gan- glions pour la composition intime. Un coup d'œil jeté sur les figures de notre planche en convaincra, $ XXVI. Les cordons du grand et du petit collier n’ont que la structure des nerfs proprement dits. Nous avons aussi ren- contré quelques rares globules médullaires dans la composition de celui du grand collier. $ XXVII. Relativement à l’application qu'il est possible de faire de mes recherches à la classification des Mollusques bivalves lamellibranches, je crois pouvoir conclure des deux types prin- cipaux que m'a montrés leur système nerveux, Lypes dont j'ai donné la description dans le $ XIII de ce résumé : 1° Que les Mollusques bivalves qui présentent le premier Lype, qu’ils soient monomyaires, dimyaires ou trimyaires , appartien- nent à une division principale de la classe dont les deux lobes du manteau sont largement séparés, et qui est principalement carac- térisée par celte disposition du système nerveux périphérique que j'appelle palléal monocirculaire ; 2° Que tous les autres bivalves appartiennent à un second groupe caractérisé par l’arrangement du système nerveux péri- phérique que j'ai appelé palléal bicirceulaire, $ XXVIII. Les Mollusques à système nerveux palléal bicireu- laire peuvent avoir les lobes du manteau complétement séparés 76 DUVERNOY, — MÉMOIRE (les Arches, les Trigonies) ; ils peuvent avoir ces lobes réunis dans un courtespace pour former l’ouverture anale (les Mytilacés) ; ou réunis encore une seconde fois pour séparer l'ouverture respi- ratrice de celle du pied (les Triforés ou les Chamacés). Enfin, le manteau, au lieu de simples ouvertures pour l’excré- tion fécale et la respiration, peut avoir deux tubes plus ou moins prolongés, soudés entre eux, ou séparés dans une partie de leur longueur , ou dans toute leur étendue. Dans ce cas encore , les lobes du manteau peuvent être libres en avant, et laisser passer largement le pied, comme dans cer- tains Solens ; ou se souder, et ne laisser qu’une étroite ouverture pour aspirer avec l’eau les molécules nutritives, comme dans les Panopées. Une partie de ces différences ne me paraissent plus que secon- daires. Je regarde comme importante celle de la présence ou de l'absence des tubes au manteau ; puisque , dans ce dernier cas, l'animal peut s’enfoncer plus ou moins dans le sable, et continuer de communiquer avec l’eau qui baigne la surface du sable, au moyen des orifices qui terminent ses tubes. Mais la séparation plus ou moins grande de ces tubes, ou leur soudure complète, celle du manteau en avant qui ferme au pied une issue, ou qui la lui ouvre plus ou moins large , ne me parais- sent pas suffire pour caractériser et séparer les deux ordres des Cardiacés et des Enfermés ; la disposition générale et détaillée du système nerveux étant la même dans l’un et l’autre de ces ordres. Ils me paraissent devoir être réunis en un seul, caractérisé par l’existence des tubes au manteau (1). $ XXIX. Il me reste à appliquer les connaissances acquises sur le système nerveux des Bivalves, à celui des autres classes de ce même embranchement des Mollusques , afin d’en déduire le caractère général que présente ce système dominateur de l’orga- nisation , dans ce même embranchement , et la véritable signifi- cation de ses parties dans la classe qui nous a occupé si longue- ment, Je rappellerai, dans ce but, la disposition générale du (1) Je viens de voir que Latreille avait proposé cette réunion dans les Familles naturelles, mais sans avoir le motif fondamental que je viens d'énoncer, SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES MOLLUSQUES. Ti système nerveux dans les six classes que je réunis dans le type des Mollusques. $ XXX. Les Céphalopodes ont leur système nerveux central composé de deux ganglions principaux , l’un dorsal et l’autre ventral, formant, au moyen de deux commissures , un collier serré autour de l’œsophage. C’est de ces deux renflements mé- dullaires cérébraux que rayonnent tous les nerfs du corps, soit directement, soit par l'intermédiaire de ganglions subordonnés périphériques. Les nerfs optiques viennent du ganglion supérieur , tandis que des ganglions inférieurs naissent les nerfs acoustiques et ceux qui vont aux huit bras. Je ne cite ces détails que pour faire com- prendre que l’un ou l’autre ganglion sont des parties d’un même tout, analogues à l’encéphale des animaux supérieurs. Il y a de plus un stomato-gastrique , que l’on a comparé au sympathique des Vertébrés , et une paire de nerfs branchiaux , correspondants aux pneumo-gastriques de ces derniers (1). Mais on n’y trouve rien qui réponde à la moelle épinière ou vertébrale, c’est-à-dire aucune trace de la centralisation médiane longitudinale du système nerveux ; il n’est centralisé dans cette classe que circulairement. Il en est de même de toutes les autres classes du type des Mollusques. $ XXXI. Ainsi dans les Gastéropodes, que nous placons immé- diatement après les Céphalopodes, tous les nerfs irradient des ganglions formant autour de l’æsophage un collier en chapelet , plus ou moins serré, qui peut d’ailleurs être simple ou double, Il est simple dans le Colimacon etse compose de deux ganglions principaux ou de deux renflements médullaires cérébraux, l’un sus-æsophagien, l’autre sous-æsophagien. C’est du cerveau su- périeur que naissent les nerfs optiques, les nerfs buccauæ ; du côté droit, ceux qui vont à la verge ; enfin un nerf somalo-gastrique , pourvu d’un petit ganglion secondaire. Le ganglion ou le cerveau inférieur produit les nerfs qui vont (1) Voyez le Mémoire sur l'anatomie des Céphalopodes, par G, Cuvier, et celui de M, Van Beneden, sur le Système nerveux de l'Argonaute, 78 DUVERNOY, — MÉMOIRE au pied, aux glandes de la génération et à l’orifice du sac pul- monaire. Dans l’Aplysie, on peut compter jusqu’à cinq ganglions prin- cipaux, dont l’un est viscéral, et formant proprement trois col- liers avec les cordons qui en dépendent (1). Enfin, dans les Limnées, le collier æsophagien est composé de neuf ganglions formant un double chapelet (2). Comme toujours, les ganglions sus-æsophagiens fournissent les nerfs qui se rendent à la bouche et aux yeux. De plus, celui du côté droit, qui est plus grand que le gauche, envoie des nerfs à la verge, placée de ce côté. $ XXXII. Les Ptéropodes ont, comme certains Gastéropodes, un double collier en chapelet (le Clio borealis, d'après M. Cuvier ; les Pneumodermes, d'après M. Cuvier et M, Van Beneden). $ XXXIII. Les renflements médullaires cérébroïdes disparais- sent dans les J'érébratules, à en juger par ce que nous avons vu dans la T'érébratule australe ; mais le collier entourant de près l'orifice buccal subsiste. 11 est même de forme carrée, et tous les nerfs du corps naissent du côté plus épais qui répond à la valve percée de quatre troncs principaux qui se ramifient dans les deux lobes du manteau revêtant chaque valve. Les nerfs viscéraux ont leur origine dans le côté opposé de ce collier quadrilatère. Ce côlé est beaucoup moins épais. Cette disposition et celte composition du système nerveux des Brachiopodes où Palhobranches , si différente de celle des Lamei- libr'anches, démontrent combien on aurait tort de réunir ces deux classes ; sans parler des autres différences importantes qu’elles présentent dans le reste de leur organisation, dans les branchies entre autres, dans le cœur, etc, Elles confirment la justesse de leur séparation établie par M. Cuvier. $ XXXIV. C’est encore une centralisation en collier œæsopha- gien, avec un seul ganglion, que l’illustre auteur des Mémoires (1) Voyez le beau Mémoire de M. Cuvier sur plusieurs espèces de ce genre. (2) Voyez le Mémoire de M. Cuvier sur le Limnée des élangs, et celui de M. Van Beneden sur le Limneus glutinosus, SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES MOLLUSQUES. 79 sur les Mollasques à reconnue dans les Ascidies, qui font partie de la classe des Tuniciers de Lamarck, et de ma sous-classe des Tuniciers thoraciques. Tandis que dans les Salpa, dont j'ai fait ma sous-classe dés Tuniciers trachéens, on ne trouve plus qu'un seul ganglion cérébroïde , duquel rayonnent les nerfs du corps. C'est du moins ce que j'ai vu et démontré sur la nature, il ÿ a déjà plus de six années, dans mes lecons du Collége de France, en suivant les exactes indications publiées par notre confrère M. Milne Edwards. $ XXXV. Si nous comparons à présent le système nerveux des Bivalves avec celui des autres classes de l’embranchement des Mollusques, nous trouverons que le double collier, que nous avons signalé et qui existe généralement dans cette classe, avec trois paires de ganglions , ou deux paires au moins, est comparable à celui que l’on rencontre chez plusieurs Gastéropodes, Il y a ici la plus grande analogie sans complète ressemblance, L’analogie se tire des nerfs que fournissent ces ganglions ou les cordons qui les réunissent. On à vu les nerfs du manteau, qui se composent de filets sen- sibles et moteurs, naître principalement des ganglions postérieurs dans le plan que j'ai désigné sous le nom de circumpalléal mono- circulaire. Ces ganglions, désignés improprement comme gar- glions branchiaux, deviennent les ganglions cérébraux les plus importants dans le système nerveux que nous venons de nommer; tandis que les ganglions buccaux , désignés encore sous le nom de cérébroïdes, ont singulièrement perdu de leur volume relatif et de leur importance , et que les ganglions pédieux peuvent manquer au petit collier, comme cela a lieu dans le système nerveux de l’Huître. Chez les Bivalves lamellibranches , la disposition essentielle du système nerveux est la même que dans les autres classes; c’est toujours une centralisation circulaire du système nerveux, avec cette différence que le cercle, au lieu d’être étroit et serré autour de l’œsophage ou de l’orifice buccal , a pris une extension qui lui permet de circonscrire les viscères. Mais tout démontre que les ganglions postérieurs qui suivent 80 DpUVERNOY. — MÉMOIRE SUR LE SYSTÈME NERVEUX. le muscle adducteur postérieur des valves sont comparables au cerveau, autant que les ganglions buccaux. C’est une manière de voir que nous avions déjà en 1844 et 1845, lors de nos premières communications de ce travail à l'Académie; cette doctrine, nous l’exposons ici plus explicite- ment, parce que nos études subséquentes n’ont fait que la con- firmer à nos yeux. $ XXXVI. Nous serons très concis au sujet des rapports du système nerveux de l'Embranchement des Mollusques avec celui des trois autres Embranchements du règne animal. Ces quatre grandes divisions, reconnues par M. Cuvier dès 1812, ont été généralement adoptées, avec des modifications dans leur circonscription ou dans leurs limites ; suite nécessaire des progrès que la science de l’organisation a faits, principale- ment dans la connaissance de celle des animaux inférieurs. Je regarde en particulier les types des F’ertébrés et des Ani- maux articulés comme formant un groupe dont le plan d’orga- nisation a plus d’analogie qu'avec celui des Mollusques et des Zoophytes , qui composent un autre groupe. Ces rapports et ces différences peuvent s'exprimer brièvement par la disposition générale de leur système nerveux. Dans les deux premiers types, le système nerveux est centralisé à la fois circulairement et longitudinalement ; cette dernière centralisa- tion se fait dans la ligne du corps médiane dorsale, pour les Ver- tébrés, et médiane abdominale pour les animaux articulés. $ XXXVII. La centralisation longitudinale manque dans les deux autres types des Mollusques et des Zoophytes; et la centra- lisation circulaire est la seule qui subsiste : elle peut y former plusieurs cercles concentriques ou non, ou bien être réduite à un simple segment de cercle, comme cela se voit chez certains Helminthes (1). (1) Cette doctrine, que nous avons professée depuis longtemps au Collége de France, se trouve dans l'extrait de nos Leçons, imprimé en 4846. Nous l'avons développée en 1851, dans notre Cours au Muséum d'histoire naturelle. MÉMOIRE SUR UN CHAT ILÉADELPHE A TÊTE MONSTRUEUSE, Par M, Camille DARESTE, Geoffroy Saint-Hilaire ayant eu occasion, il y a quelques années , d'observer à Paris un enfant dont le tronc était ter- miné par quatre membres , établit à son sujet, sous le nom d’Jléadelphe, un genre nouveau de monstruosités doubles, carac- térisé par l’existence d’une seule tête, d’un seul cou, d’une seule paire de membres thoraciques, d’un tronc unique, mais bifur- qué dans la région pelvienne, et terminé par quatre mem- bres (1). Or l'enfant qui avait servi de type pour l’établissement du genre Zléadelphe ne possédait point en réalité les caractères attribués à ce genre par Geoflroy Saint-Hilaire. Des quatre membres pelviens du sujet monstrueux, il n’y en avait que deux qui appartinssent au sujet normal ; les deux autres élaient des parties accessoires , imparfaitement développées, et présentant plusieurs anomalies, telles que l’état rudimentaire du bassin, la soudure des fémurs , l’ankylose de plusieurs articulations, et la diminution du nombre des orteils : aussi, d’après les principes suivis dans l'étude des monstres doubles, doit-on les considérer comme les débris d’un sujet parasite greffé sur le sujet principal. 1! suffit, pour s’en convaincre, d'examiner avec soin la figure qui (1) Geoffroy Saint-Hilaire, Mémoire sur un enfant quadrupède né et vivant à Paris, monstruosité déterminée sous le nom générique d'Iléadelphe. — Mém. de l'Acad. des sc., t. XI, p. 135. Voyez aussi Comples rendus d2: l'Académie des. sciences, t. XI, année 4840. 3° série, Zoo, T. XVII. (Cahier n° 2.) 2 6 82 C. DARESTE, — MÉMOIRE accompagne le mémoire de Geoffroy Saint-Hilaire. C’est d’ailleurs l'opinion de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui avait eu l’occa- sion d'observer le sujet vivant : « L'enfant double, encore aujour- d’hui vivant, à l’occasion duquel mon père a établi le genre Iléadelphe, me paraît, autant que j’en ai pu juger par son exa- men, un exemple non de la bifurcation pelvienne d’un double tronc, mais de l'insertion , sur un sujet d’ailleurs normal, d’un arrière-train imparfaitement conformé; en d'autres termes , cet enfant serait non un monstre autositaire de la famille des Mono- céphaliens, mais un monstre parasitaire de la famille des Poly- méliens (1). » De pareilles remarques paraissent également appli- cables à plusieurs cas tératologiques recueillis par Geoffroy Saint-Hilaire dans divers ouvrages, particulièrement dans le Traité De monstris d’Aldovrande, et qu’il avait considérés comme des exemples d’iléadelphie. Aussi le savant auteur du Traité de . téralologie, en résumant et coordonnant dans son ouvrage tous les faits anatomiques et physiologiques que la science possède -sur l’histoire des monstruosités , s’exprimail ainsi au sujet du genre Jléadelphe : « L'existence de l’iléadelphie, rendue très vraisemblable par l’analogie et par les inductions de la théorie, a encore besoin d’être établie par les faits. » J’ai été assez heureux pour combler cette lacune de la série tératologique, et j'ai rencontré, dans l’espèce du Chat, une mons- truosité qui réalise très exactement les conditions de l’iléadel- phie. Malheureusement le mauvais état de conservation de l’ani- mal, qui, après avoir séjourné dans l'alcool , en avait été retiré depuis longtemps, et conservé, sans précaution, à l'air libre, ne m'a point permis d'étudier la disposition des organes internes ; aussi reste-t-il à ce sujet, dans mon mémoire, une lacune d’au- tant plus regrettable que l’histoire anatomique des monstruosités les plus voisines (les genres Thoradelphe et Synadelphe de M. Isidore Geoffroy) nous est encore presque entièrement incon- nue. Mais, à défaut de l’étude des parties molles, j’ai pu faire très (1) Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Traité de tératologie, t. III, p. 447. Dans un autre passage de ce livre, M. Is. Geoffroy rattache l'enfant iléadelphe décrit par son père, au genre Mélomèle, SUR UN CHAT ILÉADELPHE A TÈTE MONSTRUEUSE. 83 complétement celle du squelette, étude qui m'a présenté des faits fort intéressants, à divers titres, pour les physiologistes. * L'animal que j'ai observé était un Chat nouveau-né , comme on pouvait en juger par sa taille et par le défaut d’ossification des épiphyses. Toutefois on ne peut conclure de ce fait que les conditions organiques de l’iléadelphie soient un obstacle à la vie; car ce monstre présentait d'autres anomalies, dont l’une, la dérencéphalie, est complétement incompatible avec la vie (4). La viabilité des monstres iléadelphes est donc encore une question, et l'ignorance où nous sommes de la disposition des parties molles dans cette monstruosité ne nous permet pas de faire de conjectures à ce sujet. L'examen extérieur de l’animal suflisait pour faire reconnaitre en lui les caractères de l’iléadelphie. Le tronc était simple dans presque toute son étendue ; il se bifurquait, mais seulement à son extrémité postérieure , pour servir de support à deux lrains de derrière surmontés par deux queues. Ges deux trains de derrière étaient parfaitement semblables pour la grandeur et la disposition des parties. Un fait que j'ai constaté, et sur lequel je dois insister d’une manière toute spéciale, est l’existence d’un anus unique. Ce fait, qui aurait pu d’ailleurs être prévu par la théorie, puisque, dans l'iléadelphie, le tronc est unique, et qu’il n’y a de duplicilé que pour les membres postérieurs, nous présente une particularité anatomique fort remarquable, c’est que la partie terminale de l'intestin ne se retrouve plus dans ses rapports naturels. L'anus, et par conséquent la terminaison de l'intestin , se trouvaient tout à fait en dehors des cavités pelviennes ; leur place étant sur l’axe d’union des deux sujets composants, immédiatement au-dessous de la bifurcation du rachis, et au-dessus de la cuisse unique formée par la fusion de la cuisse droite du bassin gauche et de: (4) La durée la plus longue de la vie chez les monstres anencéphaliens a é(é de trois jours, dans un cas observé à l’Hôtel-Dieu de Paris, en 1812, par. M. Serres. Voyez, à ce sujet : Geoffroy Saint-Hilaire, Mém. du Mus., t. XII, , p- 253 ; Lallemand , Observations pathologiques, thèse, 1818, p. 18 ; Is. Geof- froy Saint-Hilaire, Traité de lératologie, t. IT, p. 574, 8h €. DARESTE, — MÉMOIRE la cuisse gauche du bassin droit. Il eùt été très intéressant de savoir si, dans le cas qui nous occupe, la portion terminale de l'intestin était constituée par le rectum ou par une autre région du gros intestin; car on sait que, lorsque l’anus ne se trouve point à sa place ordinaire, la terminaison de l'intestin ne se fait point par le rectum, mais par le côlon. Ce fait, qui me paraît être jusqu’à présent sans analogue dans la tératologie, doit être probablement considéré comme un des caractères du genre Zléadelphe. On trouve, en effet, dans le recueil tératologique de Regnault (pl. IX) la figure d’un Chien dit à trois croupes (1), qui aurait eu deux bassins et deux paires de membres postérieurs, et entre eux un anus et une queue. Ainsi que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en a déjà fait la re- marque (2), la figure de Regnault et la description très courte qu'il en donne indiquent un Chien iléadelphe, et non un monstre triple ; or il n’y avait chez cet animal qu’un seul anus situé sur l’axe d'union, entre les deux trains postérieurs. Quant à l'existence de la troisième queue, elle est très probablement, comme l'indique M. Isidore Geoffroy, le résultat d’une super- cherie ou d’une erreur grossière (3). Dans notre Chat iléadelphe, les deux trains de derrière, étant un peu inclinés sur le tronc, formaient un angle très aigu ; aussi bien qu'ils fussent parfaitement égaux et semblables l’un à l’autre, le membre pelvien droit appartenant au bassin gauche, et le membre pelvien gauche appartenant au bassin droit, étaient situés un peu en arrière des deux autres membres. Ces deux membres pelviens étaient unis ensemble dansleur région crurale; mais l’union se bornait à la peau , et, sur le squelette, les deux fémurs sont distincts; au delà de la région crurale, les deux membres étaient séparés. On sait que les monstruosités doubles présentent fréquemment de ces sortes d’unions entre les membres (1) Cette figure a été reproduite par Gurlt, Lehrbuch der patholog. Anat, der Haussaügethiere, AS52, part. IF, p. 204, pl. IX, fig. 8, sous le nom de £or- motridymus tricaudatus. (2) Traité de tératologie, t. HIT, p. 335. (3) D'après Renault, le Chien à (rois croupes aurait vécu quelques jours. SUR UN CHAT ILÉADELPUE A TÈTE MONSTRUEUSE. 85 des sujets composants , unions tout à fait comparables à celles des monstruosités simples, syméliques, avec cette différence toutefois qu'il n’y a point, comme dans ces dernières, de ren- versement du pied. Le cas qui nous occupe ici à son analogue dans un monstre symélien décrit par Mayer , chez lequel l’union des deux membres inférieurs ne dépassait point la région cru- rale (1). Sur le squelette, la bifurcation de la colonne vertébrale ne commence qu’à la région sacrée ; toutefois elle s’annonce dans les dernières vertèbres lombaires par des caractères particuliers. Chacune de ces vertèbres, simple supérieurement, présente infé- rieurement les éléments de deux vertèbres soudées ensemble. Le demi-anneau supérieur n’est formé que par deux points d’ossifi- cation qui constituent les lames , tandis que le corps de la ver- tèbre est formé par quatre points d’ossification au lieu de deux, comme dans les vertèbres normales. À partir de la bifurcation, toutes les parties de chacun des trains de derrière sont parfaite- ment normales. J’ai constaté que, dans la région sacrée, de même que dans la région lombaire, et aussi dans les autres régions de la colonne vertébrale, chaque corps de vertèbre présente deux points d’ossification. Tous ces faits établissent d’une manière bien certaine l’exis- tence de l’iléadelphie, comme genre de monstruosités doubles ; et ce genre devra désormais prendre rang dans la famille des monstres monocéphaliens, à la place qui lui a été assignée théori- quement par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Ainsi que je l’ai déjà dit plus haut, l’iléadelphie se compli- quait, dans le monstre qui fait le sujet de ce travail, d’autres anomalies très remarquables, bien qu'il n’y ait pas de liaison, en apparence du moins, entre ces anomalies et l’iléadelphie elle- même, Il existe à la région maxillaire une mâchoire inférieure surnu- méraire ; cette mâchoire est de moitié plus petite que la mâchoire (1) E. Mayer, De fœtu monopodio , 4827. Je cite ce travail d'après M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire, car je n'ai pu avoir sous les yeux la dissertation ori- ginale, 86 €. DARESTE. — MÉMOIRE inférieure normale; elle en diffère également par la jonction de ses deux branches dans toute leur étendue, de telle sorte que leur séparation primitive n'est indiquée que par un sillon. Elle pré- sente sur ses deux bords une fente gingivale garnie de germes dentaires, et sur la face inférieure, les trous mentonniers destinés au passage des nerfs. Elle est située à gauche de la mâchoire inférieure normale , et dans une direction qui lui est exactement parallèle. Sa branche montante est très peu marquée, et ne pré- sente rien que l’on puisse comparer à un condyle ou à une apo- physe coronoïde. Cette partie surnuméraire est unie au maxillaire supérieur gauche, et à l’intermaxillaire du sujet normal par deux lames osseuses que je n’ai pu déterminer. Il est impossible de ne pas reconnaître ici un nouveau genre de monstruosités doubles, dont l’existence, comme celle de l’iléadelphie, était restée problématique, et qui appartient à la curieuse famille des monstruosités polygnathiques , dont la con- naissance est due presque entièrement aux récents travaux de MM. Geoffroy Saint-Hilaire père et fils (1). C’est la Paragnathie, genre caractérisé par l'existence d’une mâchoire inférieure sur- numéraire, située parallèlement à la mâchoire inférieure nor- male. Ce genre, bien que plusieurs cas aient été déjà indiqués par M. Gurlt, et qu’un Mouton tri-paragnathe ait été décrit par M. Isidore Geoffroy , n’est toutefois placé, dans la classification de ce dernier savant, qu'avec un point de doute. Son existence est désormais parfaitement établie. La coexistence , chez le même sujet, de l’iléadelphie et de la paragnalhie soulève une question d’un grand intérêt. Quelle est l'origine de cette mâchoire inférieure surnuméraire? Devons- nous la considérer comme un sujet parasite greffé sur le monstre double, ou bien comme un organe, incomplétement développé, (1) Geoffroy Saint-Hilaire, Considérations zoologiques et physiologiques rela- tives à un nouveau genre de monstruosités, nommé Hypognathe, dans les Mé- moires du Muséum d'histoire naturelle, t. XAI, p. 93. — Is. Geoffroy Saint- Hilaire, Traité de tératologie, L. HE, p. 250 et suiv.; et Sur un nouveau genre de monstres doubles parasitaires de la famille des Polygnathiens , dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. XXXIT, séance du 10 février 1851, SUR UN CHAT ILÉADELPHE A TÈTE MONSTRUEUSE. 87 appartenant à l’un des sujets composants? En d’autres termes, devons-nous voir dans ce monstre un monstre triple formé par la réunion de deux sujets autosites et d’un sujet parasite, réunion qui constituerait une combinaison non encore observée ; ou bien un monstre double, dont l’un des sujets, parfaitement conformé dans certaines de ses parties, ne serait constitué dans les autres que par des organes rudimentaires? Je ne puis qu'indiquer cette question, car je manque pour la résoudre d'une donnée fort importante, la connaissance éxacte de la disposition des parties molles. Quelque rencontre heureuse pourra peut-être nous mettre un jour en mesure de fixer nos idées à cet égard. L'existence de cette mâchoire inférieure surnuméraire est accompagnée de très grandes modifications dans le squelette de la face. La mâchoire inférieure normale est déviée à droite ; ses branches horizontales sont contournées et appliquées l’une contre l'autre, et la branche montante du côté gauche est plus longue que celle du côté droit de toute la largeur de la mâchoire infé- rieure surnuméraire qui repose sur elle, L’inégalité de volume de ces deux mâchoires inférieures correspond à des anoma- lies très graves de la région supérieure de la face. Elle a cessé d’être symétrique, et a éprouvé une sorte de torsion, qui entraîne à gauche, du côté de la mâchoire surnuméraire, la masse la plus volumineuse ; ainsi l’orbite du côté droit est beaucoup plus petite que l’orbite du côté gauche. Je n'ai pu reconnaître si cette dispo- silion des orbites avait modifié la disposition des yeux. Les deux intermaxillaires sont soudés ensemble, complétement séparés des maxillaires supérieurs , et déviés de leur situation normale ; ils ont été comme renversés par un mouvement de bascule, et se trouvent sur la même ligne que la mâchoire infé- rieure surnuméraire, à côté de Ja mâchoire inférieure normale, Il est très probable que ce changement de situation est le résultat du tirage exercé sur ces os par la mâchoire inférieure surnumé- raire, à laquelle ils sont d’ailleurs unis intimement. Cette dispo- sition anomale des intermaxillaires a produit entre les maxillaires supérieurs et les palalins une large fente rapprochée du côté gauche, et ayant pour paroi supérieure les os du nez et le vomer. 88 C. DARESTE. — MÉMOIRE Cette fente est un véritable bec de lièvre, anomalie assez rare chez les animaux, mais qui cependant a déjà été signalée chez le Chat. Enfin, comme je l’ai déjà dit au commencement de ce mémoire, le crâne et la région cervicale présentent une large ouverture, de la nature de celle que l’on observe dans la dérencéphalie. C’est là un exemple nouveau de cette monstruosité si rare , puisqu'elle n’est encore connue que par trois cas signalés par M. Vincent Portal (1); un cas présenté, il y a trente ans, à l’Académie de médecine, par M. Moreau, et le cas si curieux observé et décrit par M. Dubrueil, où la dérencéphalie existait chez les deux sujets composants d’un Ischiopage (2). Ici, comme dans tous les déren- céphales, la voûte du crâne est remplacée par une large ouver- ture, qui laisse voir la face supérieure des os de la base du crâne, le sphénoïde postérieur, les rochers, le basilaire et les occipitaux latéraux. Les pariétaux sont réduits à deux languëéttes qui s’unis- sent en avant, immédiatement derrière les frontaux, et qui laissent entre eux, à la partie postérieure, un large espace vide. Je n’ai pu trouver sur ce cräne les pièces osseuses qui correspondent aux interpariétaux et aux occipitaux supérieurs; peut-être ces pièces, quisont d’ailleurs très peu développées chezles Chats, sont- elles soudées avec les pariétaux. L'ouverture de la région cervi- cale du rachis se continue immédiatement avec celle du crâne ; elle ne présente d’ailleurs rien qu’on ne retrouve dans toutes les fissures spinales , c’est-à-dire que les divers éléments de la ver- tèbre, au lieu de constituer un anneau, sont étalés les uns à côté des autres, en forme de table. Telle est ici la disposition des quatre premières vertèbres cervicales ; pour les trois dernières , (1) Vincent Portal, Description de plusieurs monstres humains anencéphales, classés et déterminés sous le nom de Dérencéphales (Ann. des sc. nat., A'° série, t. XIII, p. 233). (2) Dubrueil, Description de deux doubles monstres humains , dont les corps sont opposés l'un à l'autre, accouplés et soudés par les bassins , el établissement d'un nouveau genre sous le nom d'Ischiadelphe (Mém. du Mus., t. XV, p. 245, année 1828). M. Is. Geoffroy a changé le nom d'/schiadelphe en celui d'fs- chiopage. SUR UN CHAT ILÉADELPHE A TÈTE MONSTRUEUSE, 99 les lames tendent à se rapprocher, de manière à former en arrière un commencement de canal vertébral. Il y a de plus, dans le cas qui nous occupe ici, une particularité que je dois signaler : entre les points d’ossification moyens (ceux par consé- quent qui correspondent aux corps) des deux premières vertèbres cervicales, on observe une proéminence assez marquée, formée par la réunion de quatre pièces osseuses (1). Ces pièces sont très probablement celles qui constituent dans l’état normal le petit appareil de l’apophyse odontoïde ; je ne puis cependant émettre cette opinion qu'avec doute. Il résulte de l’existence de cette proéminence que la tête forme avec le col un angle droit, et que les mouvements de la tête sur le col devaient être impossibles. Le mauvais état du sujet que j’ai étudié ne m’a pas permis de savoir s’il y avait dans ce monstre quelque chose d’analogue à la poche séreuse décrite dans les monstres dérencéphales ; mais je n'ai rien trouvé dans le crâne qui ressemblät à des débris d’encé- phale. Je crois donc pouvoir admettre qu’il y avait réellement ici une monstruosité dérencéphalique. Or ce fait a une certaine importance ; car jusqu’à présent, non seulement la dérencépha- lie, mais à un point de vue plus général, toutes les monstruosités caractérisées par le déplacement, la transformation ou l’absence de l’encéphale, monstruosilés qui constituent, dans Ja classifica- tion de M. Isidore Geoffroy, les familles des monstres exencépha- liens, pseudencéphaliens et anencéphaliens, n’ont été jusqu’à pré- sent observées que dans l'espèce humaine , au moins d’une manière authentique. En résumé , de l’étude de ce monstre, si incomplète qu’elle soit, je crois pouvoir tirer les conclusions suivantes : 4° L'existence de l’iléadelphie et de la paragnathie, comme genres tératologiques, est établie par les faits ; 20 L'existence d’un anus unique est probablement l’un des caractères du genre Zléadelphe ; 3° L'existence de la dérencéphalie , en dehors de l’espèce humaine, est établie par les faits. (4) Je n'ai rien vu d'analogue dans les descriptions que l'on a faites de mons- truosités anencéphaliques. 90 €. DARESTE. — MÉMOIRE EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 9, Fig. 1. Le monstre vu du côté du rachis, montrant le spina-bifida à la région antérieure, et l'iléadelphie à la région postérieure, — a, occipitaux latéraux ; b, occipital basilaire ; c, pièces qui représentent probablement l'appareil, de l'apophyse odontoïde ; dd, lames vertébrales de la région cervicale ; ee, points d'ossification des corps des vertèbres de la région cervicale. — Je n'ai point mis de renvois pour le reste de la figure, dont les détails ne peuvent présen- ter aucune difficulté pour les anatomistes. Fig. 2. La tête vue par-dessus — a, frontaux; b, pariélaux; c, occipitaux la- téraux; d, basilaire; e, rochers; f, sphénoïde postérieur; g, sphénoïde anté- rieur; h, grandes ailes; à, nasaux; j, maxillaires supérieurs ; k, arcades zyg0- maliques. Fig. 3. La tête vue du côté droit. — a, maxillaire inférieur ; b, maxillaire supé- rieur; c, jugal; d, temporal; f, frontal: g, pariétal; h, rocher: à, basilaire; j, appareil odontoïdien ? Fig. 4. La tête vue par-dessous. — «a, maxillaire inférieur du sujet normal; b, maxillaire inférieur surnuméraire ; c, intermaxillaire. ADDITION AU MÉMOIRE PRÉCÉDENT, Depuis que ce Mémoire a été rédigé et présenté à l’Académie, j'ai eu occasion d'observer, dans l’espèce du Mouton, un nouveau cas d’iléadelphie, dont je dois la connaissance à une bienveillante communication de M. Rayer. Cet iléadelphe diffère du précédent par plusieurs caractères importants : peut-être deviendra-t-il quel- que jour le type d’un nouveau genre de la famille des monstres doubles monocéphaliens. Dans la classification tératologique de M. Geoffroy Saint-Hi- laire, les monstres doubles monocéphaliens forment une série continue (1), dans laquelle l’organisation, d’abord complétement double à l'exception de la tête, se simplifie progressivement d'avant en arrière, depuis les Déradelphes, où la duplicité existe dès la (1) A l'exception toutefois du genre Syradelphe , dont l'organisation présente des conditions toutes spéciales, SUR UN CHAT ILÉADELPHE A TÈTE MONSTRUEUSE. 91 région cervicale, jusqu'aux Zléadelphes, chez lesquels, ainsi que nous l’avons vu, la duplicité ne commence qu’à l'extrémité pos- térieure de la région lombaire. L'Agneau iléadelphe dont j'ai étudié le squelette nous présente un degré de simplification en- core plus grand. La colonne vertébrale de ce monstre est simple dans toute son étendue; et la duplicité ne se manifeste que par l'existence d’une double paire de membres postérieurs également développés. Ces quatre membres postérieurs sont d’ailleurs parfaitement réguliers, à l’exception de la région pelvienne. Dans le Chat iléadelphe, l’existence de deux bassins distincts était une conséquence de la bifurcation de la colonne vertébrale. L’Agneau iléadelphe, dont la colonne vertébrale est simple dans toute son étendue, nous présente au contraire un bassin unique, mais formé par la réunion des bassins appartenant aux deux sujets composants. L'existence d’un bassin unique, résultant de la fusion des os pelviens appartenant aux deux sujets composants d’un monstre double, est un événement fréquent en tératologie, Mais jusqu’à présent, toutes les fois que ce fait s’est rencontré dans les mons- truosités autositaires (1) , il s’y est présenté dans des conditions toutes spéciales , et complétement différentes de celles de notre Agneau iléadelphe, Dans tous ces cas, les bassins, à peu près nor- maux en arrière, sont largement ouverts en avant, et les deux pubis de chaque sujet , rejetés tout à fait latéralement , au lieu de s’unir entre eux sur la ligne médiane, vont se conjoindre à droite et à gauche avec ceux de l’autre sujet. Le bassin unique, ainsi formé, présente deux symphyses pubiennes disposées à peu près comme dans l’état normal, mais placées l’une à droite ct l’autre à gauche , et résultant de l'association d'éléments fournis pour moitié par chacun des individus composants, « 11 semble, dit (1) Les bassins qui nous présentent ces caractères appartiennent aux genres Tschiopage | Ischiadelphe de M. Dubrueil) et Synadelphe. C'est encore sur le même type qu'est construit le bassin des Xiphodymes ; seulement, dans ce der- hier cas, les éléments d'une moitié de chacun des bassins appartenant aux deux sujels composants sont à l'élat rudimentaire. 92 C. DARESTE, --— MÉMOIRE M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire (4), à qui j'emprunte les détails qui précèdent, que le bassin ait été divisé d’avant en arrière par une section médiane; que l’on ait ensuite fait tourner peu à peu ses deux moitiés d'avant en arrière sur un point fixe correspondant au sacruim, et qu’on les ait appliquées face à face avec les deux moi- tiés semblablement disposées d’un autre bassin. » Dans notre Agneau iléadelphe, le bassin unique est également formé par la réunion des éléments de deux bassins; mais les conditions de la fusion sont toutes différentes. Les deux bassins sont simplement placés à côté l’un de l’autre. Ils s'unissent seu- lement sur la ligne médiane par la fusion en un seul os de l’ilium droit du bassin gauche avec l’ilium gauche du bassin droit. Get os, qui est un peu plus petit que les deux autres iliums dont la grandeur est restée normale , est simple à son extrémité supé- rieure, et bifurqué jusqu’à son extrémité inférieure. Son extrémité supérieure est libre, et elle est séparée de la partie antérieure de la colonne vertébrale par un intervalle assez large. Son extré- mité inférieure s’unit aux pubis et aux ischions du bassin droit et du bassin gauche par le moyen de la bifurcation qui la termine. L'union des bassins avec la colonne vertébrale se fait seulement par l’ilium gauche du bassin gauche et l’itium droit du bassin droit. Il résulte de cette disposition que les deux symphyses pu- biennes appartiennent exclusivement, celle de gauche au sujet gauche, et celle de droite au sujet droit, et que la forme générale qui résulte de la fusion de deux bassins présente, par suite de la saillie que fait dans son intérieur l’os ilium double que je viens de décrire, une certaine analogie avec la forme des bassins en huit de chiffre décrite dans les traités d'accouchement (2). Les quatre membres pelviens provenant de ce bassin double sont égaux entre eux. En outre de ces dispositions anatomiques , qui établissent dans (1) Traité de tératologie, t. IN, p. 74. (2) Dans certaines monstruosités pygoméliques , on a trouvé des bassins con- strüits sur ce type; mais l'un des bassins était à l'état rudimentaire, M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire indique cette conformation comme pouvant caractériser un genre à établir plus tard sous le nom d'/schiomèle (Traité de lératologie, L, HX, p. 266). SUR UN CHAT ILÉADELPHE À TÊTE MONSTRUEUSE. 93 notre monstre les caractères de l’iléadelphie, j'ai observé sur la colonne vertébrale plusieurs anomalies très dignes d’intérêt. La région cervicale est normale, ainsi que la première ver- tèbre dorsale ; mais viennent ensuite trois vertèbres présentant une disposition bien singulière. Les corps de ces vertèbres sont séparés les uns des autres comme dans l’état normal; mais celui de la vertèbre intermédiaire (3° vertèbre dorsale) est réduit à sa moitié gauche, comme si, des deux points d’ossification du corps de la vertèbre, celui de gauche s’était seul développé. Mais toutes les parties de ces trois vertèbres, qui forment la moitié supé- rieure de l’anneau vertébral , sont soudées entre elles de manière à former une pièce unique. Sur la ligne médiane de cette pièce, on voit deux apophyses épineuses , dont la première, plus volu- mineuse que la suivante, paraît être formée par les éléments de deux apophyses. Sur les côlés, on voit, à gauche, trois apophyses transverses et trois côtes , tandis qu’il n’y a, à droite , que deux apophyses et deux côtes. Les 13° et 14° vertèbres dorsales ont leurs lames soudées entre elles, tandis que les corps vertébraux sont séparés. Les côtes sont au nombre de quatorze à gauche, de douze seu- lement à droite. Chez le Mouton, le nombre normal des côtes est de treize ; mais nous avons vu que dans le monstre qui nous occupe il existe du côté gauche une demi-vertèbre surnuméraire, Il est probable qu’à droite, où il n’existe, dans notre monstre, que douze côtes , la treizième côte a été perdue pendant la préparation du squelette. Enfin, à la région lombaire, la première vertèbre est normale, tandis que les cinq vertèbres suivantes sont soudées ensemble d’une manière inégale , mais toujours par les éléments qui constituent le demi-anneau supérieur ou les lames. À gauche, les lames des deuxième et troisième vertèbres lombaires, quoique soudées entre elles, peuvent encore être distinguées par les sutures qui les unis- sent, tandis que celles des quatrième , cinquième et sixième ver- tèbres sont tellement confondues entre elles, que leurs sutures ne sont plus visibles , et qu'on ne peut plus reconnaître l'existence des trois vertèbres primitives que par l'existence de trois apo- OÙ ©. PARESTE. — MÉMOIRE SUR UN CHAT ILÉADETLPIE. physes transverses. Le volume de toutes ces parties a d’ailleurs éprouvé une réduction considérable. A droite, au contraire, les lames vertébrales, ainsi que leurs apophyses transverses, ont leur volume normal, et il n’y a, de ce côté, de soudure qu'entre la troisième et la quatrième vertèbre. L'existence d’une demi-vertèbre surnuméraire au côté gauche de la région dorsale a déterminé dans cette région une courbure latérale à convexité gauche ; d’un autre côté, l’extrême réduction des moitiés gauches de trois des vertèbres lombaires à déter- miné dans cette région une courbure à convexité droite, et qui est, par conséquent, dans un sens contraire à la courbure de la région dorsale. J'ai décrit ces anomalies de la colonne vertébrale avec quel- ques détails parce que, bien que très fréquentes, les anomalies de cette région sont encore fort peu connues. Je dois surtout insister ici sur la relation qui existe, dans le cas qui vient de nous occuper , entre ces anomalies et les courbures anomales de la colonne vertébrale. 11 serait très intéressant de savoir si de semblables relations se retrouvent dans les cas si fréquents, dans certaines monstruosités (1), de déviations congénitales de la colonne vertébrale, déviations qui ont été indiquées par un grand nombre d'auteurs, et sur lesquelles les récents travaux de M. J. Guérin ont récemment appelé, d’une manière toute spéciale, l'attention des chirurgiens et des anatomistes. (1) Telles sont, par exemple, les monstruosités anencéphaliques et acépha- liques. IRECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES VORTICELLES, CGMPARÉ A CELUI DES GRÉGARINIDES, Par le professeur STEIN, de Tharand (1). (Extrait et analyse.) Dans un Mémoire précédent (2), j'ai montré que tous les Vor- ticelliens s’enkystent à une certaine époque de leur développe- ment, en retirant en dedans leur disque cilié, et en contractant leur corps en boule; en même temps ils sécrètent à leur surface une masse gélatineuse, qui se solidifie en une enveloppe élastique plus solide. Très fréquemment on voit une Vorticelle s’enkyster pendant qu’elle est encore adhérente à sa tige ; mais alors cette tige est bientôt frappée de mort et disparaît, Ce phénomène com- mence par la brisure en parties isolées de la bande musculaire qu’elle contient; mais le plus souvent, par l’action d’un cercle de cils qui se développent près de l'extrémité postérieure de la Vor- ticelle , elle se détache de sa tige, et s’enkyste pendant qu’elle nage librement. La Vorticelle ainsi enfermée tourne avec rapidité, et, dans quelques cas exceptionnels, se montre encore munie de son cercle postérieur de cils, quoique, dans la majorité des cas, la sécrétion de la substance enkystante détermine la chute de ce cercle, Le corps de la Vorticelle enfermé dans le kyste se change toujours subséquemment en une vésicule globulaire close, qui est (4) Voyez Zeitschrift, de MM. Siebold et Kolliker, B. üï, H. 4, 4852, et An= nals and Magazine of natural history, 2° série, t. 1X, p. 474, (2) Wiegmann, Archiv, 1849, 96 SREIX. — RECHERCHES parfaitement homogène dans son intérieur , renferme le nucleus en forme de bandelette non modifié, et possède, en outre, une cavilé ronde remplie de fluide ; cette dernière toutefois ne conti- nue pas à changer sa capacité, comme l’espace contractile de l'animal libre auquel elle correspond, mais a toujours l’apparence d’une gouttelette d’invariable grandeur. Dans un appendice à ma première communication, j'ai établi, en outre, que les Vor- -ticelles, ainsi modifiées, deviennent en dernier lieu des corps acinétiformes, par l'extension du corps vésiculaire de la Vorti- celle incluse, quelquefois sur un côté, d’autres fois de toutes parts, et par la production de saillies extérieures de la muraille ainsi amincie. Lorsque l’extension n’a lieu que d’un côté, on observe la forme décrite par Ehrenberg comme une espèce particulière sous le nom de Podophrya fixa, et, quand l'extension est géné- rale, une forme semblable à l'Actinophrys sol d'Ehrenberg. J’ai depuis répété cette observation trop souvent pour craindre qu'elle puisse être erronée. Bientôt après cette découverte, j'ai reconnu le but de ce changement des kystes vorticellaires en Acinètes. Le nucléus des Acinètes, ou, ce qui est la même chose, la Vorticelle primitive, se métamorphose entièrement en un bourgeon qui tourne activement ; il se contracte en un corps ovale, qui, à son extrémité la plus pointue, porte un cercle de longs cils vibratiles, et, à son bout obtus, est perforé d’une bouche communiquant avec une cavité orale distincte. Dans l’intérieur de ce bourgeon, nous observons déjà un nucléus long, ovale, légèrement courbé, et un espace rond, doué de contractions rhythmiques (1). Il ressemble parfaitement, en réalité, à une jeune Vorticelle pro- (1) La présence d’un espace contractile dans les Infusoires , lequel est com- plétement soustrait au monde extérieur, suffirait à contredire celte opinion d'O. Schmidt (Handbuch de Vergleichende Anatomie, p. 220 ), que les espaces contractiles sont des vésicules s'ouvrant extérieurement à la surface du corps et destinés à pomper dans l’eau. Je dis, à dessein, espaces ou cavités contractiles, parce qu’autour du clair espace il m'est impossible de voir aucune membrane revêlante, et que je connais des Infusoires dans lesquels plusieurs espaces con- tractiles n'occupent pas de positions déterminées, mais se meuvent en avant aussi bien qu'en arrière, SUR LE DÉVELOPPEMENT DES VORTICELLES, 97 duite par bourgeonnement , et qui est sur le point de quitter son parent. Que si le changement des kystes de Vorticelles en Acinètes pouvait faire question, toute incertitude disparaîtrait, quand nous comparons le bourgeon de l’Acinète avec le produit de la gemma- tion d’une Vorticelle, ou même avec une Vorticelle adulte con- tractée en train de se libérer de sa tige. De même que la pre- mière el la seconde se fixent bientôt, et produisent une tige par leurs extrémités postérieures , ainsi, sans doute , le bourgeon de l’Acinète se fixe, quand il a quitté l’Acinète. Depuis l’époque à laquelle j'ai fait ces observations, j'ai examiné plusieurs centaines d’Acinètes, avec leurs jeunes qui tournaient ; quelquefois j'ai vu le bourgeon chassé volontairement ; d’autres fois, je l’ai fait sortir de l’Acinète. L'ouverture que produit le jeune en passant à tra- vers les parois externes de l’Acinète se referme immédiatement ; cette dernière continue à étendre et à rétracter ses filaments rayonnés à la manière d'antennes, et, au bout de quelque temps, produit dans son intérieur un nouveau nucléus pour un second bourgeon. Outre cette propagation des Vorticelles au moyen d’Aeinètes, il en existe une seconde que j'avais soupconnée, il y a déjà quel- ques années, en voyant pour la première fois les kystes vorti- cellaires, mais que j'ai eu le bonheur de découvrir, seulement dans les beaux jours de l’été dernier. Un nombre immense de mes Vorticelles s'étaient enkystées, et j'avais pris le parti de les examiner journellement, afin d'observer une fois de plus tous les états de leur métamorphose en Acinètes, que j'avais vue préala- blement d’une manière si nette, et ensuite de suivre la marche ultérieure du bourgeonnement de ces Acinètes. Dans le but de me débarrasser de toutes les formes étrangères d’Infusoires , qui pouvaient être regardées comme des causes d'erreur , je choisis, dans cette circonstance , la boue du fond de l’infusion , dans laquelle d'innombrables kystes de Vorticelles étaient épars, et je répandis toute l’eau ; puis j’évaporai rapidement l’humidité con- tenue dans cette boue, jusqu'à ce qu’elle fût parfaitement sèche. Le résidu fut recueilli après le laps d’un jour, et je versai dessus de l’eau de source pure, dans laquelle, comme on sait, les 3° série, ZooL, T. XVILT, (Cahier n° 2.) 7 98 STEIN. — RECHERCHES Infusoires ne se rencontrent que très rarement. En examinant de nouveau la boue ramollie, je trouvai mes kystes de Vorticelles dans des conditions excellentes ; tous les organismes infusoriaux libres avaient cependant disparu , comme on devait naturelle- ment s’y attendre. À mon grand étonnement, douze heures après, j'ai trouvé à la surface de l’infusion un nombre considérable de Vorticelles libres, toutes de taille ordinaire ou considérablement plus grandes , et parmi celles-ci un petit nombre s’enkystèrent de nouvéau sous mes yeux. Dans l’espace d’une journée, toutes ces Vorticelles libres disparurent encore pour ne plus reparaître par la suité, La gran- deur considérable et le nombre des Vorticelles , et le fait que l'infusion était couverte, prouvent que ces Vorticelles ne sont pas venues du dehors pendant les douze heures qui s’écoulèrent depuis mon dernier examen: il faut alors qu’elles aient été pro+ duites par la rupture volontaire des kystes. Probablement c’étaient là des Vorticelles qui ne se seraient pas enkystées d’elles-mêmes, mais qui y furent contraintes, lorsque l’évaporation de l’eau les menaça de la mort. Les jours suivants, les altérations dans l’intérieur des kystes Vorticellaires se bornèrent au changement du corps contracté sphériquement en une vésicule ronde, simple et fermée , dans laquelle on ne pouvait plus découvrir de traces de l’organisation primitive des Vorticelles, Le contenu du kyste était maintenant parfaitement semblable à celui d’une simple cellule, avec des granulalions tantôt fines, tantôt grossières, au milieu desquelles se trouvaient l'invariable nucléus en forme de bandelette, et l'invariable espace clair. Après avoir vainement attendu de nou- veaux changements pendant environ une semaine, je remarquai que, dans plusieurs kystes, la vésicule originelle, où vésicule gé- nératrice, devenait sucessivement inégale, et que, dans son inté- rieur , se formaient plusieurs espaces hyalins considérables, qui quelquefois disparaissaient soudainement pour reparaître ailleurs ; je pensai alors que c'était le commencement de la métamorphose des kystes vorticellaires en Acinètes, SUR LE DÉVELOPPEMENT DES VORTICELLES. 99 Mais en cherchant davantage, j'arrivai à des kystes dans les- quels un ou plusieurs des prolongements en forme decæcum de la vésicule génératrice s’allongeaient tellement, qu’ils traversèrent l’enveloppe du kyste. En regardant avec persistance un de ces prolongements, je le vis tout d’un coup éclater à son sommet , et tout le contenu de ladite vésicule s'échapper au dehors , tandis que ses murailles s'affaissèrent, et restèrent en arrière dans l’in- térieur du kyste, comme une vessie vide plissée avec un petit nombre de granules adhérents. Le contenu devenu libre restait comme une goutte de gelée, ronde, transparente et limpide, environ du même diamètre que le kyste, dans laquelle une trentaine d’embryons, de la forme de la Monas colpoda ou Monas scintillans, couraient, avec des mouvements vifs et variés, comme dans un pelit océan, Au bout de quelque temps, la goutte de gelée devint diffuse , et ses habitants monadiformes se dispersèrent à tous les vents, 11 est impossible de faire une observation plus claire et plus nette que celle que je viens de décrire ; pourtant j'aurais été tout prêt à me croire décu par quelque accident singulier, si je n'avais vu, pendant les heures suivantes passées à mon microscope, le même phénomène s’'accomplir dans plusieurs kystes, aussi distincte- ment et aussi sûrement que peut le désirer la critique la plus scrupuleuse. Bientôt aussi je réussis à faire éclater des kystes mûrs, mais parfaitement clos, en exercant sur eux une pression délicate, et à voir les embryons s'échapper l’un après l’autre de la vésicule génératrice. Je me mis alors à examiner plus complétement le mode d’ori- gine des embryons, et je réussis d’autant mieux que je possédais des kystes d'âges très différents; car , dans quelques uns, j'ai trouvé le corps de la Vorticelle non encore modifié. J’ai observé que, dans des kystes dont le corps vorticellaire inclus s'était métamorphosé en une vésicule simple , le nucléus, en forme de bandelette , s'était sectionné en autant de corps disciformes distincts, que, plus tard, il devait y avoir d’embryons libres. Ce seclionnement n’a pas eu lieu par division successive; mais dans le nucléus, des disques arrondis s'étaient prononcés en même 100 STEIN. — RECHERCHES temps et sur des points très différents, tandis que la substance intermédiaire du nucléus avait été résorbée, Les disques s’accru- rent aux dépens d’une partie de la substance granuleuse de la vésicule génératrice qui se liquéfia, tandis que l’autre partie se changeait en une masse gélatineuse , dans laquelle plus tard les embryons devaient nager. Les embryons parfaits sont ovales , quelquefois entaillés sur un côté, et entièrement semblables à la Monas colpoda d'Ehrenberg ou à la Monas scintillans, mais nulle- ment à une Vorticelle. L’enveloppe de leur corps est aussi flexible que celle de tous les Infusoires ciliés; mais, outre cette contractilité générale, ils possèdent incontestablement des organes moteurs spéciaux ; cependant, en raison de la très petite taille de l'embryon, je me suis vainement eflorcé de les constater avec certitude. Souvent l’extrémité antérieure m’a paru comme couverte de cils très courts ; peut-être, néanmoins, que la répulsion de quel- ques granules délicats s’approchant de cette partie était produite par un organe flagellaire, semblable à celui que possèdent les Monades. Après ces observations, le changement des kystes vorticellaires en Acinètes pourrait encore paraître douteux ; mais ces considé- rations ne pouvaient pas me conduire hors du droit chemin, puisque je savais qu’un mode de propagation n'exclut pas néces- sairement l’autre. D’un autre côté, je suivais jour par jour les innombrables kystes vorticellaires contenus dans mon infusion , et, au bout de dix jours, j’eus la satisfaction de trouver les pre- mières formes d’Acinètes, dont le nombre dès lors s’accrut beau- coup quotidiennement. La formation de jeunes dans les Acinètes, telle que je l'ai décrite plus haut, se présenta très fréquemment à mon obser- vation, dans le cours des jours suivants. Il ne peut y avoir maintenant de difficultés, après cette longue série d'observations si souvent répétées et confirmées, à résumer et à exposer exactement le cercle entier du développement des Vorticelles. D’après mes recherches, il est incontestable que le nucléus (le testicule, selon Ehrenberg) est le véritable et seul 1 SUR LE DÉVELOPPEMENT DES VORTICELLES. 104 organe de propagation des Infusoires , et peut par conséquent être appelé le nucléus germinateur (keim-kern , nucleus germi- nativus). Ce n’est pas une glande, mais une masse homogène , nettement limitée, de granules très petits, semblable au nucléus de l’intérieur d’une cellule et, de même que celui-ci, probable- ment entourée d’une membrane très parfaite, Que, de plus, les fins granules de l’intérieur du corps d’un Infusoire ne jouent jamais le rôle d'œufs, cela est aussi certain, puisque, dans le mode de développement des kystes vorticellaires décrit en dernier lieu, nous les avons tous vus entièrement dissous. Avec «les testicules » d’Ehrenberg, il faut également aban- donner les « vésicules séminales, » ces espaces clairs dans linté- rieur des Infusoires, que j'ai montré n’être pas autre chose que des espaces remplis d’un fluide transparent. Du nucléus germinateur proviennent des animaux de deux modes et de deux formes. Dans les deux cas, la Vorticelle produc- trice doit s’entourer d’une capsule, et son corps se changer en une simple vésicule globulaire. Dans les deux cas, la vésicule globulaire s’élargit par la suite, dans le but soit en modifiant la muraille de la capsule de devenir une Acinète à tige ou sans tige, soit de faire éclater la muraille de la capsule, et de rendre libres les embryons résultant du sectionnement du nucléus germina- teur. Ces embryons ont au plus la taille des très jeunes Vorticelles observées par Ehrenberg (1) et par moi-même (2), qui ne pré- sentent pas non plus de cils distincts, mais sont fixées sur une tige excessivement fine et non contractile, et qui, lorsqu'elles deviennent libres, ont exactement la même forme et les mêmes mouvements que les embryons issus de la vésicule maternelle. Je peux donc supposer avec certitude que les embryons se fixent bientôt après leur naissance, comme j'ai vu fréquemment que le faisaient les jeunes Vorticelles de mon infusion, bientôt après avoir observé la rupture des premiers kystes. La production de nombreux embryons monadiformes constitue alors incontestable- (1) Die Infusions-Thiere, (ab. 25, 3, 1 a. (2) Loc. cit., p, 98. 102 STEIN, — RÉCHERCHES ment la dernière phase dans la marche du développement des Vorticelles, et cette marche serait très simple, si les Acinètes ne venaient pas s’interposer dans ce cercle. Maintenant comment faut-il interpréter cette dernière phase ? Deux circonstances viennent l’éclairer. D'abord les Acinètes laissent s’échapper librement leur nucléus germinateur tout entier, comme un individu cilié qui, si ce n’est par l’absence de tige, présente toute l’organisation d’une Vorticelle, et ne diffère sous aucun rapport d’un individu né par bourgeonnement ; donc VAcinète n’est à proprement parler qu’une Vorticelle qui, à la suite du repos ou de la condition de pupe, est revenue à une existence active, mais sous une forme altérée. Elle envoie de la surface de son corps des appendices rayonnés très déliés, qui ont des mouvements indépendants, et ne lui servent pas seulement , comme je l'avais pensé d’abord, à tenir éloignés ses ennemis , mais absorbent aussi certainement de la nourriture par leurs surfaces sous la forme fluide seulement bien entendue, On doit nécessairement conclure, ce me semble, que les Acinètes peuvent se nourrir par l'extérieur, de ce fait que j'ai vu le nucléus ger- minateur se changer en embryon, seulement dans des Acinètes d’une certaine grandeur, et non dans les très petites Acinètes, qui par conséquent doivent auparavant s'accroître et se nourrir par l’extérieur. La production des Vorticelles par l'intermédiaire des Acinètes équivaut complétement à une gemmation; c’est une sorte de gemmation interne, tandis que la propagation par le changement de tout le corps enkysté interne d’une Vorticelle en nombreux embryons doit être regardée comme l'équivalent de la propagation sexuelle des animaux plus élevés. Sous ce rapport, il y a une sorte d’alternance de génération dans les Vorticelles, quoiqu’elle ne soit peut-être pas aussi prononcée que dans d’autres Invertébrés, puisque chaque première phase de déve- loppement peut se changer en la phase finale de toute la série sous l'influence de conditions particulières; quant à ce que sont ces conditions, c’est ce que je n’ai pas encore été à même de déterminer clairement. L’embryon peut, dans certaines circon- stances, s’enkyster après une courte période d'existence, comme SUR LE DÉVELOPPEMENT DES VORTICELLES, 103 le démontre l'observation de très petits kystes ; de plus, un bour-. geon qui vient de se libérer de son parent peut s’enkyster à l’in- stant, et les Vorticelles adhérentes le peuvent à tous les âges de leur développement, Les kystes, depuis les plus petits jusqu’à ceux de moyenne taille, paraissent susceptibles de passer seule- ment à Ja forme d’Acinètes; depuis la moyenne taille jusqu’à une plus grande, ils peuvent ou devenir des Acinètes, ou produire, immédiatement des embryons monadiformes,. On peut ainsi disposer d’une manière idéale les différents états du développement par lesquels passent les Vorticelles ; les plus grandes terminent leur vie en s’enkystant; tout le contenu de. leur corps forme alors des embryons auxquels les divisions du nucléus germinateur donnent d’abord naissance. Les embryons se fixent, développent à Jeur extrémité pos- térieure une tige qui d’abord n’est pas contraclile, mais gra- duellement changent leur corps monadiforme en celui d’une Vor ticelle ordinaire. : Aussitôt que cela a eu lieu, ils ne se distinguent des Vorti- celles parfaites que par leur taille beaucoup plus petite, Même dans cet état imparfait, ils se multiplient fréquemment par des divisions continuelles, et à un degré moindre par gemmation extérieure ( cette faculté de se multiplier dans un état imparfait est cependant un des plus sûrs crilériums que nous possédions pour reconnaitre une allernance de génération ). Peu à peu les générations deviennent de plus en plus considérables ; certains individus s’enkystent et passent à la forme d’Acinètes ; sous cette forme ils mènent une existence indépendante, mais ils appliquent toule la nourriture qu’ils s'assimilent à la reconstitution du nu- cléus germinateur, qu'ils chassent de temps à autre sous forme d’une Vorticelle ordinaire, Finalement la dernière génération s’enkyste pour ne plus renaître. à une vie indépendante, mais pour se répandre en un essaim d’embryons. En fin de compte, après plusieurs dévialions du droit che- min, Sans cependant avoir mal observé d’abord, j'ai trouvé l’histoire complète du développement des Vorticelles, et, par suite, j'ai dû rejeter les observations de M. Pincau (1), qui vraiment (1) Annales des sciences naturelles, 1845. 104 S'TEIN. — RÉCHERCHES sont marquées au coin de l’improbabilité. Il devient ainsi tout à fait possible d'expliquer la soudaine apparence des Vorticelles dans les infusions sans avoir recours aux générations équivoques, si témérairement invoquées, dans ces derniers temps, par le doc- teur Gros (1) et le docteur Reisek (2). En effet, il suffit qu'un seul kyste vorticellaire parvienne dans une eau primitivement libre de Vorticelles pour la peupler, dans un temps très court, de pléiades de ces animaux. On com- prend sans difficulté comment un pareil kyste peut être trans- porté, si l’on considère que, grâce à leur petite taille , ils sont aussi aisément charriés par l’air que les spores des plantes. Un vent rapide , en plissant la surface de quelque eau stagnante , se chargera aussi facilement de quelques unes des Vorticelles qui sont à cette surface que des particules de l’eau elle-même. Les kystes peuvent, comme le montre l’expérience citée plus haut, rester secs pendant longtemps, et reprendre leur développement aussitôt qu'ils sont de nouveau placés dans l’eau. De la même manière le vent peut aisément enlever les orga- nismes vorticellaires avec la poussière des mares desséchées. Si quelqu'un trouve ces suppositions trop hardies, qu’il examine le sable sec des gouttières des toits, comme je le fais souvent depuis deux aus dans le butde faire connaître les Tardigrades à mes élèves. Très habituellement, outre les Tardigrades et leurs œufs et dif- férents Rotifères, nous trouvons des kystes vorticellaires qui sont aisément reconnaissables si leur corps n'a pas encore subi de changements. Ces kystes ont été déposés dans les gouttières par les vents, où ils sont les descendants de Vorticelles qui étaient venues de la sorte, et s’étaient multipliées dans l’eau de pluie retenue par ces gouttières. Qu'il me soit permis, en concluant, de revenir au point de départ de mes investigations sur les Infusoires , c’est-à-dire à (1) Siebold und Kælliker Zeitschrift, Bd. INT, p. 68. Le docteur Gros m'a fait l'honneur de me venir voir à Berlin, mais il n’a rien pu me montrer au microscope qui justifiàt ses opinions. (2) Entwickelungs geschichte des Thieres und der Pflunzen durch Urzengung, Berichle der Keiserl. Akad, der Wissenschaften zu Wien, 1854, SUR LE DÉVELOPPEMENT DES VORTICELLES. 105 mes recherches sur les Grégarines. L’espérance de trouver dans les Infusoires une organisation à peu près aussi imparfaite que dans les Grégarines, et de découvrir chez eux une semblable loi de développement, m'a encouragé à entrer dans l'étude de cette classe difficile. Cette espérance à été réalisée. Sans entrer, quant à présent, dans aucune discussion sur l’organisation des Infu- soires, touchant laquelle, d’après le cours du développement que nous avons suivi, il ne restera peut-être plus aucun doute, j'ex- pliquerai seulement comment la loi, énoncée par moi pour les Grégarines, s’hermonise dans ce qu’elle a d’essentiel avec celle qui gouverne les Vorticelles. Les Grégarines s’enkystent pour se reproduire de même que les Vorticelles ; seulement il y a toujours deux Grégarines, qui s’enferment dans une capsule. Les deux Grégarines enkystées se fondent en une seule boule, et alors une grande partie du contenu de leur corps se change en spores fusiformes (les Navicelles ) , tandis que le reste se liquéfie pour contribuer à la rupture du kyste et à l'expulsion des spores parvenus à maturité. La Vorti- celle enkystée se change aussi en un corps globulaire simple , et alors son nucléus germinateur se rompt en nombreux disques arrondis. 11 n'y à aucune raison pour ne pas les appeler des spores. Ces spores toutefois se développent en embryons dans le kyste parent. Finalement les kystes éclatent, et, comme les spores des Grégarinides, ils sont chassés, et nagent dans une partie du contenu liquéfié du corps du parent. Les présentes investigations sur les Vorticelles viennent forti- fier celles qui ont eu pour objet les Grégarinides. J’insiste ici sur les Grégarines à dessein, parce que je vois que deux observateurs très estimables , Bruch (1) et Leydig (2), se sont efforcés derniè- rement de montrer que les Grégarines sont des larves d’animaux plus élevés, et spécialement de les rattacher à des Vers néma- toïdes enkystés. Leur tentative me paraît vaine pour plusieurs raisons. Je me bornerai ici à un petit nombre d'arguments. Je connais aux (4) Siebold und K@lliker Zeitschrift, B. II, (2) Müller’ s Archiv, A851. 106 STEIN, — RÉCHERCHES Grégarines des formes si particulières, qu’il faut vraiment beau- coup d'imagination pour les faire dériver des Nématoïdes, ou pour supposer qu’elles peuvent y passer. Les Nématoïdes en- kystés se trouvent toujours dans la cavité du corps des Insectes, et jamais dans leur canal intestinal, où se trouvent seulement les Grégarines enkystées. Dans le petit nombre d’Insectes qui contiennent, en même temps avec les Grégarines, des Nématoïdes enkyslés, le kyste qui renferme ces derniers est toujours un tissu bien organisé formé de cellules à nucléus bien prononcés, et dans lequel se distribuent de nombreuses trachées. Ge tissu ressemble parfaite- ment, par les détails de sa structure , à la masse adipeuse des Insectes, Le kyste des Nématoïdes est donc complétement un produit de l’action vitale de l’insecte , et non l’exsudation du ver qui y est inclus. Le kyste des Grégarines, au contraire, est tou- jours une masse amorphe, et, comme celui des Vorticelles, n’est pas autre chose qu’une excrétion de la Grégarine qui s'y ren- ferme. Si donc les Nématoïdes enkystés se changeaient en Gré- garines, ou vice versä, leur kyste devrait subir une métamor- phose que rien ne fait supposer et qu'aucun observateur n’a jamais vue. Je trouverai peut-être le loisir de publier mes recherches complètes sur les Grégarinides , et alors j'espère pouvoir lever les objections qui contredisent ma manière de voir. Le reste du mémoire de M. Stein contient la descriplion de plusieurs formes nouvelles de Vorticelliens, principalement trou- vés sur Gammarus puleæ, Cyclops minutus et Asellus. La première, Spirochona gemmipara, a des parois inflexibles, et est intimement unie aux Æpistylis. Dendrocometes paradoæus est un corps très remarquable ayant plusieurs bras ramifiés rayonnants, à peu près comme certaines Xanthidia. M, Stein suppose, avec beaucoup de probabilité, que c’est la forme d’Acinète de Spirochona. Les Lagenophrys ont beaucoup d’afinité avec les Cothurmes. Les trois espèces décrites ont élé trouvées sur les paltes des Cy- clops , les branchies des Asellus et les pattes des Garmarus. SUR LE DÉVELOPPEMENT DES VORTICELLES. 107 L'une d'elles, L. nassa, est remarquable par sa bouche armée comme celle d’une Vassula. Les points physiologiques les plus importants sont les suivants. Le nucléus germinateur des Spirochones contient une vésicule nucléolée transparente , mais répond d’ailleurs à celle des autres Vorticelliens. Dans la division oblique des Lagenophrys, la moitié antérieure de l’animal se meut et se nourrit, et l'on voit qu’elle contient des globules de matière nutritive, tandis que la moitié postérieure n'en contient jamais aucun, mais consiste intérieure- ment en un parenchyme homogène finement granuleux , dans lequel on ne voit qu'un espace médian contractile et la moitié du nucléus germinateur original , qui souvent reste en connection évidente avec l’autre moitié. « Cette apparence ne peut se conci- lier avec l’idée d’un canal intestinal défini s'étendant circulaire- ment à travers le corps de la Vorticelle, et muni de vésicules stomacales avec conduits; car, puisque la moitié postérieure du corps, avant le commencement de la division diagonale, montrait juste autant de masses nutritives ( vésicules stomacales) que la moitié antérieure, il est clair que cette moitié doit avoir contenu un segment du canal intestinal. Par la fente qui suit la ligne de séparation, le canal intestinal, comme le nucléus germinateur, doit avoir été coupé en deux endroits, et alors il aurait été im- possible, pour la moitié antérieure de l'animal, d’aller prendre de la nourriture ; mais il doit y avoir eu un temps de repos durant lequel un nouveau segment d'union doit s’être développé entre les deux portions largement séparées de l'intestin. » Le professeur Stein propose la révision suivante des F’orticel- lina (Ehr.); les Stentors en sont exclus comme étant ciliés sur toute leur surface. 4. Vorticelliens sans tige, nageant librement : Trichodina , Urocentrum. 2, A tige contractile : V’orticella, Carchesium, Zoothamnium. 3. Incorporés dans une enveloppe gélatineuse commune : Ophrydium. h. Enfermés dans une cellule cupuliforme : F’aginicola , Co- thurnia, Milimerus, Lagenophrys. 108 STEIN. — RECHERCHES , ETC. 5. Munis d’une tige non contractile : Epistylis, Opercularia. 6. À corps non contractile : Spirochona. Parmi tous ces Vorticelliens, M. Stein assure avoir la preuve que les Porticella, Vaginicola, Cothurnia, Epistylis et Opercu- laria, possèdent distinctement la forme d’Acinètes. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 2. Fig. 8. Vorticella microstoma adulte, enkysté; «, couronne ciliaire ovale rétrac- tée ; b, le nucléus; e, l'espace contractile. Fig. 9. Le kyste séparé de sa tige. Fig. 10. Le même plus avancé en développement; le nucléus s'est divisé en globules sporiformes. Fig. 41, Le même a une période encore plus avancée ; le kyste parent, ou corps originaire de la Vorticelle (4), est devenu vésiculaire, et laisse apercevoir dans son intérieur des espaces clairs. Fig. 12. Une des vésicules du kyste mère est sortie à travers l'enveloppe, et a laissé échapper la masse gélatineuse qui contient les spores. Fig. 43. État acinétiforme de la Vorticella microstoma, provenant d'un kyste semblable à celui de la figure 9 ; b, le nucléus. Fig. 14. La même avec sa tige; dans cet état, elle a été jusqu'à présent décrite sous le nom de Podophrys fixa; f, la jeune Vorticelle résultante de la trans- formation du nucléus du parent. li. 15. Jeune Vorticelle libre; a, b, c, comme dans la figure 8 ; g, couronne ciliaire postérieure. OBSERVATIONS SUR LES AFFINITÉS ZOOLOGIQUES ET LA CLASSIFICATION NATURELLE DES CRUSTACÉS, Par M. MILNE EDWARDS,. PREMIER MÉMOIRE. REMARQUES SUR LA MANIÈRE DE CARACTÉRISER LES GROUPES ZOOLOGIQUES, ET SUR LES PRINCIPAUX TYPES SECONDAIRES QUI DÉRIVENT DU TYPE CLASSIQUE DE L'ANIMAL CRUSTACÉ. SL Les personnes qui, pour juger les choses , se contentent d’un examen superficiel , et qui attachent à la simplicité des formules employées pour exprimer les résultats admis dans la science plus d'importance qu’à la justesse des idées que ces formules sont destinées à représenter, reprochent souvent aux zoologistes l’in- stabilité de leurs essais de classification naturelle ; ils s’étonnent de voir les auteurs qui se succèdent, et quelquefois aussi le même auteur, varier dans la manière de considérer les rapports que ces classifications doivent mettre en lumière , et ils s’ima- ginent que les changements introduits chaque jour dans le mode de distribution des animaux sont des jeux de l'esprit plutôt que les conséquences rigoureuses des faits nouveaux dont la science s'enrichit. Mais ces reproches sont mal fondés. Si les méthodes zoologiques n'avaient pour but que de faciliter les re- cherches de ceux qui veulent arriver à la détermination des ani- 110 MILNE EDWARDS, — OBSERVATIONS maux, c’est-à-dire appliquer aux objets de nos études les noms sous lesquels ces objets doivent être désignés, il serait, en effet, oiseux d'en changer du moment où ces méthodes seraient d’un emploi sûr et rapide. Mais les classifications naturelles ont une signification différente, et doivent, avant toul, représenter l’image que le zoologiste se forme de la création animale ; indiquer par leurs divisions et leurs subdivisions successives les séries de mo- difications que la puissance créatrice a introduites dans les dérivés de chaque type organique ; être en harmonie enfin avec l'espèce de parenté qui existe à divers degrés entre tous les animaux, et qui dépend de l’essence même de ces corps. Elles sont, par con- séquent, l’expression de nos connaissances touchant la nature des animaux , et elles doivent nécessairement changer à mesure que des faits nouveaux ou mieux appréciés viennent jeter plus de lu- mière sur l’organisalion de ces êtres. Chaque découverte anato- mique ou physiologique devient , en effet, un élément de perfec- tionnement pour la mélhode zoologique , et celle-ci ne pourrait demeurer immobile que si l’étude des animaux était elle-même stationnaire, La classification des animaux , telle qu’on la com- prend aujourd’hui, résume, pour ainsi dire, tout ce que nous sa- vons sur la nature , la constitution de ces êtres ; et à mesure que la science fait, sous ce rapport, de nouveaux progrès, il devient, par conséquent, nécessaire de remanier cette classification afin qu’elle reste loujours une représentation fidèle des fails connus, et qu’elle devienne une approximation de plus en plus grande de la vérité, Cette nécessité d’une révision, en quelque sorte périodique, de la distribution méthodique des animaux, devient surtout évidente lorsqu'on a sous les yeux de grandes collections zoologiques dont la classification doit être l'expression de l’élat de la science; et j'en ai été vivement frappé lorsque après avoir fait, il y a environ vingt ans, un travail considérable sur l’histoire naturelle des Crus- tacés (1), j'ai voulu récemment dresser l'inventaire des richesses carcinologiques de notre Muséum national. Les observations nom- (1) Histoire naturelle des Crustacés, 3 vol. in-8, faisant partie de la collection publiée par Roret, sous le titre de Suites à Buffon. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS, aa breuses dont les Crustacés ont été l’objet depuis la publication de l'ouvrage auquel je viens de faire allusion ont dû modifier con- sidérablement nos idées touchant les affinités réelles de beaucoup de ces animaux, et jeter de nouvelles lumières sur le mode de groupement à l’aide duquel ces affinités peuvent être représen- tées. À raison des fonctions que je remplis au Muséum, j’ai donc été conduit à m'occuper encore une fois de la classification carci- nologique, et ce sont les résultats obtenus par cette révision gé- nérale que je me propose d’exposer ici dans une série d’articles, $ IL. : Lorsqu'on veut se former une idée nelte des modifications principales introduites par la nature dans la constitution des ani- maux , et cela soit que l’on s'occupe du règne anünal tout entier où d’une famille seulement, il faut s’appliquer à faire connaître les divers types organiques dont ces êtres sont pour ainsi dire des dérivés, plutôt que de chercher à dresser des formules qui seraient applicables à toutes les espèces dont se compose chacun des groupes formés par ces mêmes dérivés, et qui serviraient à les faire reconnaître. En effet, les caractères les plus importants de chacune de ces conceptions zoogéniques s’effacent peu à peu vers lés limites de la sphère d'activité créatrice dont elle est en quelque sorte le centre ; et dans le règne animal, comme dans la distribu- tion des peuples à la surface de la terre, il est aussi des points où les choses semblent avoir subi à un égal degré l'influence de deux puissances voisines, et pouvoir $e ranger presque indifféremment sous le drapeau de l’une ou de l’autre sans que l'existence des chaînons intermédiaires ainsi constitués affaiblisse en rien le ca- chèt essentiel, l’individualité de ces puissances limitrophes, Ainsi il est bien manifeste que deux idées mères ont présidé, s’il est permis de s’exprimer de la sorte, à la création de tout ce qui est vivant à la surface de notre globe, l’idée dé l'animal et l’idée de la plante. Dans l'immense majorité des cas, cesidées se sont réalisées d’une manière complète, et elles sont faciles à distinguer lors- qu’elles ont pour représentants le Mammifère, l’Oiseau ou l’Insecte 112 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS d’une part, le Chêne, le Palmier ou le Froment de l’autre ; mais quelquefois l'être vivant a été si obscurément caractérisé, soit comme animal, soit comme végétal, que l’étude de son organisme et de ses facultés ne conduirait qu’à des notions très incomplètes de l’entité zoologique ou phytologique, et que sa place, dans l’en- semble de la Création, semble même être intermédiaire entre ces deux types plutôt que dans le domaine naturel de l’un ou de l’autre. Les Éponges et les Oscillaires, par exemple , sont des êtres ambigus qui lient entre eux les deux règnes organiques, et qui ne présentent dans leur constitution aucun trait particulier d’après lequel on puisse les considérer comme dérivés d’un troi- sième type organique ; ils n’appartiennent donc pas à un troisième règne, comme l’ont supposé quelques naturalistes, et doivent, dans nos systèmes de classification, être rapportés à l’un ou à l’autre des deux groupes principaux généralement admis dans la Création organique ; mais si l’on voulait définir rigoureuse- ment ces groupes de facon à y comprendre les corps imparfaite- ment caractérisés dont il vient d’être question et beaucoup d’au- tres, on ne donnerait par cette définition que des notions obscures de l’animal ou du végétal considérées dans leurs attributs prin- cipaux et dominants. C’est donc le type organique dont les ani- maux dérivent qu'il faut caractériser, plutôt que l’ensemble des êtres groupés à des distances plus ou moins grandes autour de ce type ; et ce que je viens de dire au sujet du règne animal tout entier me semble également vrai pour la plupart des groupes d'une valeur inférieure dont ce vaste ensemble se compose, Cette manière d'envisager la constitution du règne animal ne s'accorde pas, il est vrai, avec la théorie des caractères domina- teurs (1), théorie d’après laquelle la disposition d’une partie de l’organisation déterminerait celle de l’ensemble, et coïnciderait, par conséquent, toujours et nécessairement, avec une certaine (1) Pour évier toute équivoque, je crois devoir rappeler qu'il n’est ici nulle- ment question du principe de la subordinalion des caractères, principe dont la vérilé n'a plus besoin de démonstration, mais qui est Lout à fait indépendant de l'idée de l'influence déterminante, qui serait nécessairement exercée par la struc- ture d'une partie de l'organisme sur la constitution de l'ensemble de l'être. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS, 115 réunion de caractères anatomiques et physiologiques; mais je crois avoir déjà démontré dans un autre écrit (1) que la nature de l’animal est la cause et non pas l’effet de ces particularités de structure, puisque cette nature est déjà irrévocablement fixée avant que le fait matériel auquel on la rattache se soit réalisé. L'hypothèse de l'influence régularisatrice d’une partie détermi- née de l’organisme sur la constitution de l’ensemble de l'être et sur son caractère zoologique suppose aussi la division du règne animal en groupes qui ne viendraient jamais à se confondre sur leurs confins et seraient circonscrits chacun par une ligne infran- chissable, une sorte de circonvallation , pour me servir d’une expression heureuse employée par M. Flourens en rendant compte de l’idée de Cuvier sur les plans fondamentaux de l'organisme (2). Or, ces hialus ne se rencontrent que rarement dans le règne animal, et les groupes qui, observés à distance, semblent isolés de toutes parts, se lient presque toujours, en réalité, aux groupes d’alentour , par des intermédiaires plus ou moins nombreux et rapprochés. Pour bien faire connaître les caractères les plus saillants des diverses portions de la création zoologique, il faut donc s’attacher à l’étude des types principaux ou plans d’organisation qui s’of- frent à notre observation comme autant d'idées mères, les repré- senter dans nos méthodes de classification, et rallier ensuite au- tour de ces drapeaux les êtres qui paraissent en dépendre , sans vouloir donner aux divisions établies pour faciliter nos recherches une valeur absolue qui serait en opposition avec ce que la nature nous montre. Lorsqu'on jette un premier coup d’œil sur le règne animal tout entier, ou sur chacune de ses grandes divisions , on n’est frappé que des masses formées par les dérivés directs de ces types, et il convient d'y concentrer l’attention ; mais lors- qu’on examine ensuite les choses de plus près, on voit qu’il existe aussi une multitude d’autres agrégations plus petites, qui sem- blent être en quelque sorte des satellites de ces systèmes prin- (1) Zntroduction à la zoologie générale , ou Considérations sur la tendance de la nature dans la constitution du règne animal, p. 165. (2) Analyse raisonnée des travaux de Georges Cuvier, par M, Flourens, p. 83, 3° série, Zoou. T, XVIIT. (Cahier n° 2,) 4 8 A1f MILNE EDWARDS, — OBSERVATIONS cipaux ou des liens d'union échelonnés dans les espaces que ces systèmes laissent entre eux. Pour que la distribution méthodique des animaux soit réellement l’image de ce qui existe dans la na- ture , il faut donc ne réunir dans une même division que les élémenis dont ces agrégats se composent, et laisser à l’entour les espèces plus ou moins aberrantes dont celles-ci semblent être environnées. Il y aura de la sorte, dans une classification natu- relle du règne animal, un certain nombre de groupes principaux ou typiques de divers degrés, accompagnés de groupes satellites et de groupes de transition d’une importance moins considérable, qu'on pourra négliger souvent dans les considérations générales, mais qu'il faudra ne pas perdre de vue, lorsqu'on voudra se représenter d’une manière plus complète l’ensemble ou une partie quelconque de la zoologie. Ainsi , le type organique, dont dérivent également les Crusta: cés , les Insectes, les Myriapodes et les Annélides, ne saurait être confondu ni avec le type vertébré, ni avec le type mollusque, ni avec le type radiaire ; et comme l’a établi Cuvier , il consti- tue une des grandes formes de l’animalilé, mais il s’efface peu à peu chez les êtres plus ou moins dégradés qui en dépendent et qui composent le groupe des Helminthes proprement dits, de facon qu’on ne donnerait qu'une idée très affaiblie de l’Entomo- zoaire , ou animal articulé, si, dans nos classifications , on ne tenait compte que des caractères qui se retrouvent chez tous les êtres dont l’embranchement des Entomozoaires se compose. Nos définitions zoologiques deviennent nécessairement encore plus vagues ou moins vraies, lorsqu'on les applique tout à la fois aux Entomozoaires dont il vient d’être question et à une multitude d’autres vers intestinaux, tels que les Douves ou les Tænias, aux Trématodes et aux Rotateurs, qui cependant se rattachent tous au type dont les premiers dérivent, plus qu’à tout autre type, et pe présentent dans leur structure aucun caractère qui puisse les faire considérer comme étant construits d’après un plan fonda- mental particulier. C’est qu’en effet ces animaux forment des petits groupes satellites du grand agrégat d'espèces dont l’En- tomozoaire abstrait est le représentant commun, et c’est comme SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS, 115 venant se ranger à côté, sous le drapeau de ce groupe principal, plutôt que comme une de ses parties constilutives ou un de ses éléments naturels, qu’il convient de considérer chacun d’entre eux. Des faits du même ordre se présenteraient, si nous avions à nous occuper des autres embranchements du règne animal , et à chercher , par exemple, les relations qui existent entre l’Am- phioxus et le Vertébré proprement dit, Il en serait encore de même , si nous limitions nos investigations à la classe des Ara- chnides, à celle des Annélides, ou à chacun des principaux ordres ou familles dont ces classes se composent ; mais nous n’en trou- verions nulle part des exemples plus frappants que parmi les Crustacés, et les développements que nous allons donner au sujet de ces animaux peuvent nous dispenser de fournir ici d’autres preuves à l’appui des vues dont il vient d’être question, Ainsi, en traitant ici de la classification naturelle des Crus- tacés, je chercherai à distinguer et à définir les types de divers degrés d’après lesquels ces animaux semblent avoir été créés, plutôt qu’à caractériser d’une manière absolue les groupes dont ces types sont les représentants essentiels, $ HIL. Le grand type zaologique , dont dérivent les Crustacés, les Annélides et les autres animaux à corps segmenté, c’est-à-dire le type entomozoaire (4), se modifie secondairement de deux manières principales, et produit ainsi deux types d’un rang infé- rieur , autour desquels se rangent les Insectes, les Arachnides, les Crustacés et les Myriapodes d’une part; les Annélides, les Helminthes , les Trématodes et les Rotateurs d'autre part. Le groupe naturel formé par les premiers mériterait mieux que tout autre le nom commun d’Articulés, que Cuvier employait pour l’'embranchement dont ce groupe fait partie; mais, afin d'éviter (1) Ce nom, introduit dans la science par Blainville, est moins sujet à équi- voque que celui d'animaux annelés, dont je me suis servi le plus ordinairement pour désigner non seulement la division des animaux articulés de Cuvier, mais aussi (ous les animaux d'une structure plus simple qui dérivent du même type primaire, 146 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS la confusion qui naît toujours de l’emploi d’un même mot dans des acceptions différentes , je crois préférable d'y appliquer une désignation spéciale, etje l’appellerai le sous-embranchement des Arthropodaires. La division qui a pour représentant essentiel le second de ces types, est celle que j'ai appelée le sous-embran- chement des Vers (1); je n’ai pas à m’en occuper ici, et je me bornerai à ajouter que les irradiations qui partent de ses rangs inférieurs relient à la fois les groupes des Entomozoaires aux Mollusques dégradés, et au groupe des Zoophytes. Le type Arthropodaire, c’est-à-dire le plan organique employé par la nature pour la création des Entomozoaires à membres articulés, présente à son tour deux modifications principales, dont il me semble nécessaire de tenir compte dans nos méthodes zoologiques. L’Insecte est conformé, d’après l’un de ces types dérivés ; le Crustacé et l’Arachnide, d’après l’autre, que j’appel- lerai le type Gnathopodaire. Dans ce dernier plan d'organisation, le sang est porté dans les diverses parties du corps par un système de vaisseaux arté- riels qui naissent du cœur, tandis que chez l’Insecte la circula- tion est essentiellement lacunaire ; les organes de la génération sont complétement indépendants de la portion terminale du tube digestif, et ne débouchent pas dans le voisinage immédiat de l'anus, comme chez l’Insecte , mais à la base de l’abdomen ou dans la région thoracique ; l’appareil locomoteur se compose de plus de trois paires de pattes, et quelques uns de ces appendices, ou de leurs homologues, constituent de véritables pattes-mâchoires, indépendamment des membres buccaux, qui peuvent représenter les mandibules, les mâchoires et la lèvre inférieure de l’Insecte; l’arceau dorsal des Zoonites thoraciques ne donne jamais naissance à des appendices locomoteurs ou à leurs analogues, et il n’y a par conséquent rien qui rappelle les organes du vol, si caractéristiques du type Insecte; enfin la tête tend à s'unir à une portion ou même à la totalité des zoonites thoraciques, et à ne former avec eux qu’un seul tronçon indivis. 11 est aussi à noter que, dans le type Gnatho- (1) Encyclopédie du AIX: siècle, 4838, vol, XLIX, p, 159. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 117 podaire, les tendances du travail embryogénique paraissent différer, à certains égards, de ce qui a lieu dans le développement de l’Insecte. Chez ce dernier, tous les zoonites se forment simul- tanément , et les membres se constituent aussi tous à la fois, tandis que chez le Gnathopodaire le développement des zoonites tend à s’ellectuer successivement d'avant en arrière, et que le nombre des paltes peut augmenter, après que les premiers membres de cette série d’appendices se sont déjà montrés. Les Crabes et les Écrevisses sont au nombre des représentants les plus parfaits de ce type Gnathopodaire, dont dérivent égale- ment, comme je l’ai déjà dit, lArachnide, qui tient au Crustacé par des liens de parenté zoologique bien plus étroits que ceux qui le rattachent à l’Insecte. Le rapprochement entre les parties périphériques des deux groupes formés par les Crustacés et les Arachnides est même si intime, qu’il est quelquetois difficile d’en fixer la ligne de démarcation naturelle, et que les zoologistes sont partagés d'opinion au sujet de la nature de plusieurs de ces ani- maux, tels que les Limules et les Pycnogonons, qui, pour les uns, sont des Arachnides, et pour les autres des Crustacés. Le Myriapode dépend aussi de ce même type dominant , et présente dans ses représentants les plus directs tout l’ensemble de carac- tères indiqués ci-dessus ; mais, chez quelques uns de ses dérivés, l'organisme semble s’être modifié, à certains égards, par imita- tion du type Insecte : ainsi, chez les Scolopendres, les organes de la génération se déplacent pour aller s’ouvrir, comme chez ce dernier, tout auprès de l’anus. Du reste, on voit aussi les carac- tères du Gnathopodaire s’effacer peu à peu chez d’autres animaux, qui se rattachent cependant d’une manière incontestable soit au type Crustacé , soit au type Arachnide, et des dégradations ana- logues se rencontrent aussi parmi les dérivés du type Insecte, chez les Anoploures et les Nyctéribies, par exemple; mais ces gradations ne s’opposent en aucune facon à l’admission des deux types principaux dont il vient d’être question, et, malgré les passages ainsi établis, je pense qu’il convient de représenter ces types dans la classification entomologique , tout comme on doit - distinguer dans la distribution générale des corps organisés le 118 MILNE EDWARDS, — OBSERVATIONS règne végétal du règne animal, malgré les êtres ambigus qui semblent lier ces deux règnes entre eux. Je proposerai donc de diviser le sous-embranchement des Arthropodaires en deux groupes : les Insectes d’une part, et les Gnathopodaires de l’autre ; puis de subdiviser ces derniers eh trois classes : les Myriapodes, les Arachnides et les Crustacés, confor- mément aux vues généralement adoptées pour la distribution méthodique de ces animaux. $ IV. Le type organique dont dérivent les Crustacés est parfaitement distinct des autres types classiques du groupe des Gnathopo- daires , et se reconnaît à l'existence d'organes disposés pour la respiration aquatique ; au grand noinbre des appendices cépha- liques, à la division de la portion post-céphalique du corps en deux régions bien distinctes, un thorax et un abdomen, et à l’exis- tence d’un système appendiculaire dans cette dernière partie du corps. Ges traits zoologiques ne se trouvent réunis ni chez l’Ara- chnide , ni chez le Myriapode. Mais chez les représentants plus ou moins dégradés du type Crustacé , le cachet qui y est propre s’efface presque entièrement; tous ou presque tous les caractères : dont il vient d’être question disparaissent successivement, et la distinction entre ces animaux inférieurs et les Arachnides plus ou moins dégradés ne se fonde que sur des considérations d’une valeur tout à fait secondaire. Ainsi, chez beaucoup de Crustacés, l'appareil branchial manque complétement , et la respiration ne s'effectue que par la surface générale de la peau ; les dérivés du type Arachnide sont susceptibles d’une dégradation analogue, tandis que chez d’autres Crustacés, dont la nature n’est pas pro- blématique, la respiration devient aérienne , comme ehez les Arachnides ordinaires. Les antennes, les pieds-mâchoires et les pattes thoraciques disparaissent aussi chez un certain nombre de Crustacés, et la région abdominale tout entière peut aussi man- quer ; de sorle que pour donner une idée du plan organique d’a- près lequel tous ces animaux ont été formés, il ne faut pas s’ap- SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 119 pliquer à définir rigoureusement le groupe naturel qu’ils com posent, mais à bien caractériser le type carcinologique , le Crustacé normal, résultat auquel il est facile d’arriver par la considération des particularités de structure dont il vient d’être question. ) Les z0ologistes s’accordent généralement aujourd’hui à ranger dans la classe des Crustacés , c’est-à-dire à grouper autour du type carcinologique, non seulement tous les Décapodes, les Edriophthalmes ; les Entomostracés el les Caligiens , mais aussi les Lernéens et les Cirrhipèdes, Enfin, d’après des observations récentes de M. Van Beneden , il paraîtrait que les Linguatules seraient aussi des dérivés de ce même type. Dans le système de classification proposé par Blainville, au contraire ; cette classe n’est pas admise, et les Entomozoaires dont elle se compose sont distribués immédiatement en trois classes différentes, qui sont réputées de même valeur que celles des Insectes ou des Ara- chnides , et qui sont fondées sur le nombre des pattes dont ces animaux sont pourvus. [’une de ces divisions comprend les Dé- capodes ; une seconde, les Tétradécapodes ou Edriophthalmes ; et une troisième, les Squellaires , les Branchipes ; les Entomos- tracés , les Cirrhipèdes et mème les Brachionides , réunis sous le nom commun de Hétéropodes (1). L'autorité de M. de Blainville est si grande, et les services qu’il à rendus à la faxonomie z00lo- gique sont si réels, que nous ne pouvons négliger ses opinions au sujet de la classification des Crustacés ; mais quel que soit le point de vue où l’on se place , il me semble impossible de trouver dans ce mode de distribution l’expression des affinités naturelles qui, à divers degrés, lient entre eux les Entomozoaires, Non seu- lement il me paraît impossible de ne pas admettre dans nos mé- thodes entomologiques une division particulière pour représenter l’ensemble du groupe composé de tous les dérivés du type carci- nologique, mais ce modé de groupement est; à nes yeux, en com- plét désaccord avéc lés modifications secondaires qüi s’obsérvent (1) Voyez l'article Axima dans le Supplément au Dictionnaire des scicrtces halurelles, 1840,t, 1, p. 235 120 MILNE EDWARDS, —: OBSERVATIONS dans la structure de ces dérivés, et qui doivent servir de bases à Jeur classification. Dans mon premier travail sur la distribution méthodique de ces animaux, je les ai divisés en trois groupes principaux ou sous- classes d'après la structure de leur appareil buccal (1). L'une de ces sections doit , en effet, être distinguée de l’agrégat prin- cipal formé des représentants directs ou simplement dégradés du type carcinologique : c’est la division des Xiphosures, qui consti- tue un petit groupe satellite du premier et intermédiaire entre celui-ci et la classe des Arachnides. Mais les deux autres grandes divisions ne sont pas aussi bien fondées; et aujourd’hui que l’on connaît mieux l’organisation et les affinités des Crustacés infé- rieurs , il est évident qu'on ne saurait considérer comme des groupes naturels ni la sous-classe des Crustacés maxillés, ni celle des Crustacés suceurs. Dans mes lecons au Muséum, j'ai, en effet, abandonné depuis longtemps cette classification comme n'étant pas naturelle, et j’ai réuni tous ces animaux dans une seule et même sous-classe sous le nom de Crustacés proprement dits ou de Crustacés ordinaires (2), Ces Crustacés, qui sont tous pourvus d’une armature buc- cale spéciale, et qui n’ont pas autour de la bouche des pattes- mâchoires seulement, comme les Xiphosures, me paraissent constitués d’après quatre plans principaux ou éypes légion- naires ; savoir : 4° le type Podophthalmaire ; 2° le type Édrio- phthalmaire ; 3° le type Branchiopodaire , et 4° le type Copépo- daire. Les Décapodes et les Stomapodes dérivent de la première de ces formes d'organisation, et constituent, comme Leach l’a déjà annoncé il y a fort longtemps (3), une légion naturelle ou divi- sion supérieure aux groupes ordiniques : c’est la section des (1) Histoire naturelle des Crustacés, t. I, p. 236. (2) Voyez l'article Crusracé du Dictionnaire universel d'histoire naturelle, 1840, t. IV, p. 380. (3) À tabular view of the external characters of four classes of animals which Linnœus arranged under Insecta (Transactions of the Linnean Society, 1815, vol, II, p. 307). SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 121 Podophthalmaires (1) , laquelle constitue le membre principal, dominant de l’agrégat carcinologique. Le type Édriophthalmaire a pour représentants principaux les Amphipodes, les Isopodes et les Læmodépodes ; mais je crois devoir y rapporter également les Pycnogonides, qui établissent le passage entre les premiers et les Arachnides inférieures. Le groupe ainsi formé semble s’irradier aussi vers la classe des My- riapodes , par les Clopories et les Armadilles, qui ont quelque ressemblance avec les Glomeris. Le type Branchiopodaire paraît avoir été suivi dans la création des Trilobites, et se retrouve dans les Apus, les Branchipes, les Daphnies, elc. Enfin , le type Copépodaire a pour représentants normaux les Entomostracés ordinaires, et a produit aussi les Siphonostomes, les Lernéens et les Cirrhipèdes. Dans le type Podophthalmaire, le corps se compose de vingt et un zoonites groupés en trois séries distinctes, de façon à con- stituer une tête, un thorax et un abdomen ; mais les anneaux céphaliques et thoraciques s’unissent intimement et sont presque entièrement recouverts par une carapace céphalique ; les mem- bres thoraciques constituent des pattes ambulatoires et ont la forme de leviers grêles et allongés , qui, au moyen d’une arti- culation en ginglyme angulaire , peuvent s’allonger ou se rac- courcir aussi bien que changer de direction; les yeux sont portés sur des pédoncules mobiles formés par les appendices du pre- mier anneau céphalique ; la respiration s’effectue à l’aide de bran- chies proprement dites, et l'appareil hépatique a la forme d’une glande massive. Le type Édriophthalmaire ressemble au précédent par le nombre des zoonites et par le mode de conformation des pattes, mais en diffère par la séparation qui existe entre la tête et le thorax, l’ab- sence d’une carapace et de pédoncules oculaires, l’adaptation (4) J'ai substitué le nom de Podophthalmaria à celui de Podophthalma , em- ployé par Leach, parce que cette dernière désignation se confond trop avec celui de Podophthalme (Podophthalmus), donné par le même naturaliste à une division générique de Crustacés de la famille des Portuniens, 122 MILNE EDWARDS, -— OBSERVATIONS d’une portion du système appendiculaire au service de là respira- tion, l’absence de branchiés proprèment dites , la disposition de l'appareil hépatique en forme de vaisseaux biliaires, etc. Dans le type Branchiopodaire, les membres thoraciques n’ont plus la forme de pattes ambulatoires, mais s’élargissent en ma- nière de feuille membraneuse ; le nombre des zoonites s'accroît, et la distinction entre le thorax et l'abdomen diminue. Enfin, dans le type Copépodaire, les pattes thoraciques, sans être adaptées au service de la respiration, constituent des rames à deux branches qui peuvent frapper Feau à la manière de palettes nata- toires, mais ne sont guère susceptibles de s’allonger et de $e rac= courcir comme les pattes ambulatoires et bacilliformes: La série des zoonites abdotninaux ne se développe que peu , et le nombre total des anneaux est peu éonsidérable , ainsi que celui des ap- pendices. Dans le jeune âge, les dérivés de ce type se ressemblent tous, mais ils subissent des métamorphoses considérables en se développant, et acquièrent ainsi des formes très variées. On a pu remarquer que ; dans l’énumération des Grastacés qi viennent se grouper autour de ces quatre types légionnaires, j'ai omis de mentionner les Ostracodes où Gypris : c’est que les affi- nités naturelles de ces petits Crustacés me paraissent encore très incertaines, et de nouvelles investigations me sembleraient néces- saires pour nous déterminer soit à les considérer comme. des dérivés d’un type particulier, soit à les rattacher à l’un des groupes mentionnés ci-dés: us, Or, danscet état d'incertitude, il vautmieux, je pense, les laisser parmi les incerlæ sedis, que de leur assigner arbitrairement une place dans nos cadres entomologiques. Le groupe naturel formé par les dérivés du type Podophthal- mäire étant le seul dont je me propose de traiter en ce moment, je ne m'arrêterai pas davantage sur ces considérations relatives à la classification des Crustacés en général , et je passerai toût de suite à l’éxamen des modifications secondaires que la nature n introduites dans ce plan d'organisation. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS, 123 8 Ÿ. Le type Podophthalmaire, ou le plan organique dont dérivent les Crabes, les Homards et les Squilles, revêt deux formes secon- daires bien distinctes, et donne ainsi naissance à déux types iden- tiques autour desquels viennent se ranger les divers Crustacés que l’on distingue depuis longtemps sous les noms de Décapodes et de Stomapodes. L’un de ces types est représenté d’une manière complète par les Homards, l’autre par les Squilles, et ils sont faciles à distinguer, par la disposition de l’appareil branchial, dés organes masticateurs et des appendices préhenseurs, la forme et la position du cœur, et plusieurs autres caraclères bien connus des carcinologistes. Mais la limite à établir entre les deux groupes for- més par le dernier de ces mêmes types, ou, en d’autres mots, la séparation entre l’ordre des Décapodes et l'ordre des Stomapodes est moins clairement indiquée par la nature, et les zoologistes ont beaucoup varié au sujet de la place à assigner aux espèces inter- médiaires. En effet , chez les uns et chez les autres, les bran- chies peuvent devenir rudimentaires et même disparaître com- plélement. L'appareil buccal est suscepüble de se dégrader beaucoup et de perdre par conséquent de sa valeur comme partie caractéristique , el le nombre de pattes qui, dans le principe, était réputé invariable chez les Décapodes , est loin d'offrir ce degré de fixité. Dans un précédent travail , j'avais cru pouvoir donner pour base de cette délimitation entre les Décapodes et les Stomapôdes la présence ou l'absence de branchiés non lophoïdes logées dans des chambres fhoraciqués, ét reléguer, par conséquent les Mysis et les Thysanopodes, avec les Phyllosomés ét les Squilles, dans l'ordre dont ces derniers sont les représentantsprincipaux (1). Cette marche avait été Suivie par Lafreille (2), mais atjourd’hui elle me paraît devoir être complétement abandonnée ; car, Indé- (4) Mémoire sur une disposition particulière de l'appüreil brahchial chez quel- ques Crustacés (Annales des sciences naturelles, 1830, 1" série, t, XIX, p. 451), et Hisloiro des Crustacés, t. H. (2) Cour d'entémiélogie, 834 , p. 386. 12! MELNE EDWARDS. — OBSERVATIONS pendamment des affinités étroites et évidentes qui existent entre les Mysis et les Salicoques ordinaires, dont il faut tenir grand compte, on sait, par les observations de M. Joly sur le dévelop- pement des Garidines (1), que, dans le jeune âge, les Salicoques peuvent manquer de branchies comme les Mysis, et, par con- séquent , la respiration cutanée diffuse de ces petits Crustacés ne peut être considérée que comme un indice de dégradation orga- nique. Il me paraîtrait donc plus naturel de restituer ces ani- maux au groupe des Décapodes, et cela conduirait même à rap- procher de ceux-ci, plutôt que des Squilles , les Amphions et les Phyllosomes. L'ordre des Stomapodes se trouverait ainsi réduit aux Squilliens et aux Erichthiens, c’est-à-dire, au groupe des Stomapodes unicuirassés ; mais, quoique peu nombreux en espèces, il n’en aurait pas moins de valeur zoologique, et serait même circonscrit de la manière la plus nette. Dans la suite de ce travail, j'exposerai avec plus de détail les raisons qui m'ont dé- terminé à modifier de la sorte la classification des Podophthal- maires, et je me bornerai, pour le moment, à ajouter que les espèces ainsi détachées de l’ordre des Stomapodes me parais- sent constituer un petit groupe satellite du grand agrégat des Décapodes, et intermédiaire entre celui-ci et les Stomapodes proprement dits. S VI. Le type ordinique du Décapode ou du Podophthalmaire ayant des branchies thoraciques , le cœur thoracique, cinq paires de pattes ambulatoires et six paires d’appendices masticateurs , une carapace qui recouvre tout le thorax aussi bien que la portion céphalique du corps, et tous les anneaux de la tête et du thorax réunis par soudure ou fusion en une seule masse ou troncon, est susceptible de se modifier par dégradation et même par imi- tation. Nous avons déjà vu que chez quelques uns de ses dérivés, les branchies manquent complétement ; chez d'autres, le nombre (1) Études sur les mœurs , le développement et les métamorphoses de la Caridina Desmaresti (Annales des sciences naturelles , 2e série, L. XIX, p. 34), SUR LA CLASSIFICATION DES C2USTACÉS. 195 des pattes peut diminuer ou s’accroitre aux dépens de la série des appendices buccaux ; ceux-ci peuvent aussi manquer en par- tie : la carapace , au lieu de s'étendre jusqu’à l’origine de l’ab- domen, peut s'arrêter plus tôt, et laisser à découvert un ou même deux des derniers anneaux thoraciques ; enfin plusieurs de ces anneaux peuvent être simplement articulés sur Je troncon céphalo-thoracique du corps, et conserver de la mobilité; et, d’un autre côté, l'organisme peut s’enrichir par l'adjonction d’or- ganes respiratoires abdominaux qui semblent être empruntés au type ordinique des Stomapodes, ainsi que cela se voit chez les Gastérobranchides (1). Mais toutes ces modifications ne détrui- sent pas le cachet général auquel on reconnait les membres de ce groupe, et prouvent seulement qu'un caractère dominateur de l'organisme du Décapode ne saurait résider dans aucune de ces parties dont l’existence n’est pas constante. Trois types sous-ordiniques dérivent du plan d’organisation qui est caractéristique du Décapode, et ont pour représentants les Crabes ordinaires , les Pagures, et les Écrevisses ou les Lan- goustes. Il en résulte qu’il faut admettre dans l’ordre des Déca- podes trois groupes principaux, dont deux sont depuis longtemps reconnus par tous les zoologistes, et dont le troisième, établi il y a une vingtaine d'années (2), a été également adopté par les auteurs les plus récents : ce sont, comme on le sait, les Bra- chyures , les Anomoures et les Macroures. Mais tous les Déca- podes ne peuvent que difficilement se ranger sous ces trois dra- peaux, et il en est un certain nombre que semblent former, autour des groupes principaux dont il vient d’être question, plusieurs petits groupes satellites ou groupes de transition. Les Dromies et les Homoles , par exemple, appartiennent à un groupe qui pa- raît dépendre de la division des Brachyures sans pouvoir y trou- ver sa place naturelle, et ils occupent une portion de l’espace compris entre ceux-ci et les Anomoures. Les Hippiens et les Por- (1) Voyez mon Histoire des Crustacés, pl. 25 bis, fig. 8,13, 14. (2) Recherches sur l'organisation et la classification naturelle des Crustacés décapodes , par M. Milne Edwards (Ann, des sç.nalur., 4831, 17° série, t, XXV, p. 298). 196 MILNE EDWARDS, — ODSERVATIONS cellaniens établissent également le passage entre les Brachyures et les Macroures ; enfin, les Mysis, ainsi que je l'ai déjà dit, se placent entre les Macroures et les Stomapodes. 1 en résulte que, dans une classification naturelle des Crustacés, il me parai- trait nécessaire d'établir, indépendamment des trois sous-ordres ou sections principales déjà admise, un certain nombre de groupes accessoires dont je traiterai successivement, Le sous-ordre des Brachyures établi par Linné comprend, comme on le sait, tous les Crabes ordinaires; j’ai exposé ailleurs les raisons qui m'ont déterminé à n’y comprendre que ceux des Décapodes dont les organes génitaux femelles débouchent au de- hors par des orifices pratiqués dansle plastron sternal, et non dans l’article basilaire des pattes thoraciques de la troisième paire, ainsi que cela a lieu chez les Macroures. M. De Haan, dans un ouvrage riche de faits bien observés et d’une grande importance pour la carcinologie (1), a adopté mon sous-ordre des Anomoures ; mais il étend davantage fes limites de la division des Brachyures, de facon à y ranger, comme l'avaient fait précédemment Latreille, Leach et Desmarest , les Dromies, les Ranines et les Homoles, L'opinion de M. De Ifaan a une grande valeur à mes yeux, et les remarques intéressantes qu’il a faites sur la structure du genre Latreilhia sont certainement de nature à montrer que le type Bra- chyure se lie d’une manière intime au mode d’organisation propre au petit groupe dont j'ai formé la famille des Aptérures ; mais, tout en séparant celle-ci des Anomoures proprement dits, plus que je ne l'avais fait d’abord , je crois devoir persister dans la manière de circonscrire le groupe des Brachyures. Je discuterai cette question dans l’article qui sera consacré aux Dromiens, et je me bornerai pour le moment à rappeler ici les principaux traits du type sous-ordinique Brachyure. Dans le plan d'organisation propre à ces Décapodes, la région abdominale du corps ne sert, ni comme organe de locomotion, ni comme chambre viscérale. Elle est traversée par l'intestin seu- lement, et ne loge ni les lobes postérieurs du foie , ni la portion (1) Fauna japonica, auctore P.-J. de Siebold , Crustacea elaborante W, de Haan (1833-1850), ÉLSE SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS, 197 correspondante des organes génitaux ; mais elle est déprimée de facon à affecter une forme lamelleuse, et reployée sous le thorax en manière de tablier : elle n’a d’autres usages que de protéger les organes copulateurs chez le mâle, et de constituér le plancher de la chambre incubatrice chez la femelle. Les vulves, situées, comme je l’ai déjà dit, sur l’arceau sternal du tétartosomite , sont surmontées d’une poche copulatrice, organe qui n’existe ni chez le Macroure, ni chez l’Anomoure , et qui doit jouer un rôle considérable dans le mécanisme de la fécondation chez ces ani- maux. Les appendices des deux premiers anneaux de l’abdomen sont affectés au service de la génération chez le mâle, et consti- tuent des organes excitateurs ou pénis accessoires. Chez la fe- melle, les membres des quatre premiers anneaux de cette portion du corps sont développés symétriquement, et constituent des ap- pendices ovigères ou supports incubateurs ; mais ni le cinquième ni le sixième anneau abdominal ne présentent aucune trace du système appendiculaire. L'appareil respiratoire est concentré dans les portions moyenne et antérieure du thorax, et il n’y a de branchies ni sur l’hectosomite, ni sur l’hebdosomite ; et tous ces organes, à l’exception de ceux qui naissent à la base des pattes- mâchoires, sont placés sur un seul rang ; enfin il est aussi à no- ter qu’il n'existe qu’une seule branchie de chaque côté du corps sur le tétartosomite et sur le pemptosomite , tandis que sur le deutosomite et sur le tritosomite deux de ces organes naissent d’un pédoncule commun de chaque côté. On peut ajouter encore que les hectognathes, ou pattes-mächoires externes, sont oper- culaires, les pattes antérieures brachiformes, la soudure des anneaux thoraciques complète , le plastron sternal élargi dans toute la portion moyenne et postérieure du thorax , et les gan- glions nerveux post-æsophagiens complétement centralisés. Ces caractères ne s’affaiblissent même que très peu chez les dé- rivés directs du type Brachyure , et il en résulte que le groupe naturel formé par ceux-ci est délimité de la manière la plus nette, Ces préliminaires étant posés, je passerai à l'examen des divers types familliques que ce sous-ordre présente , et je m'occuperai 198 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS d’abord du groupe au milieu duquel viennent se ranger les Crabes de terre. SECOND MÉMOIRE. DE LA FAMILLE DES OCYPODIDES (Ocypodidæ). SL Le sous-ordre des Décapodes brachyures est un groupe dont tous les membres offrent entre eux une grande ressemblance ; mais lorsqu'on compare les Ocypodes ou les Gécariens aux Ina- chus, aux Portunes, aux Crabes et aux Matutes, on voit qu'ils en diffèrent pour le moins autant qu'aucun de ces derniers ne diffère des autres, et l’on est conduit de la sorte à les considérer comme appartenant à une famille distincte de celles dont ces derniers Crustacés sont les représentants. Les caractères du type ocypo- dien se retrouvent aussi chez les Grapses, ainsi que chez plusieurs autres Brachyures, et constituent même une des formes secon- daires les plus remarquables de ce sous-ordre. Le cachet de ce type s’ellace, il est vrai, peu à peu sur les limites du groupe ainsi constitué, et l’on passe par des gradations presque insensibles de l'Ocypodien par excellence au Cancérien, d’une part, et même à l'Inachoïdien ou au Dorippien de l’autre. La ligne de démarca- tion entre la famille des Ocypodides et celle des Cancérides ou des Inachides,, pourra donc être difficile à bien établir, et varier souvent la manière dont on appréciera la valeur de telle ou telle affinité ; mais, ainsi que je l’ai déjà dit, ces motifs ne me parais- sent jamais suffisant pour nous faire négliger la représentation des types bien caractérisés dans nos tableaux de classification. M. De Haan, dans son beau travail sur les Crustacés du Japon, a suivi une autre marche : on ne trouve , dans son système carcinolo- gique, aucune division particulière qui corresponde au groupe des Brachyures quadrilatères de Latreille ou à mes Catométopes, c’est-à-dire à l’agrégat dont les Ocypodes, les Gécariens et les Grapses sont les principaux membres ; et ces Crustacés y sont réunis aux Cancériens et aux Corystes, dans une seule et même SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 129 famille , sous le nom commun de Cancroïdes , puis répartis dans trois des divisions secondaires de cette famille : les uns dans le groupe Cancer, d’autres dans le groupe Ocypode, et d’autres en- core dans le groupe Grapsus (1). Pour juger ces deux méthodes au point de vue de la classification naturelle, il suffit, ce me semble , de comparer les Grapses et les Ocypodes, d’une part, les Crabes, les Portunes, les Inachus, les Dorypiens, et même tous les Brachyures ordinaires, d’autre part. Chez tous ces derniers, le mode de terminaison des organes mâles rappelle ce qui existe chez les Macroures et les Anomoures; le canal spermatique débouche au dehors, de chaque côté, par un orifice situé dans l’article basilaire des pattes thoraciques de la dernière paire. Chez les Ocypodes , il en est autrement, et c’est dans le plastron sternal, à une distance plus ou moins grande de l'insertion de ces pattes, que les ouvertures génitales du mâle sont pratiquées (2). Ce caractère anatomique distingue lOcypode du Cancer, de la Portune, de l’Inachus, de la Dorippe, etc., et coïncide avec l’exagération de l’une des dispo- sitions propres à tout le groupe des Brachyures, savoir, le faible développement relatif de la région abdominale du corps. En effet , chez les divers Brachyures dont il vient d’être question, l'abdomen, quoique fort réduit, occupe toute la largeur du bord postérieur du thorax, et s’étend de chaque côté jusqu’à la base des paltes ambulatoires de la dernière paire ; chez l’'Ocypode, au contraire, l'abdomen du mâle est beaucoup plus étroit que le dernier anneau thoracique, et le bord postérieur du plastron sternal se montre à nu de chaque côté entre la base de cette portion du corps et l’insertion des pattes postérieures (3). . Chez la plupart des Brachyures, les Cancers, les Portunes, les Inachus et les Maïas, par exemple, le foie et les autres viscères se développent beaucoup de chaque côlé de l’estomac, de facon à s'étendre latéralement au-dessus des thambres branchiales, ou (1) Faund japonica, (2) Voyez la figure que j'en ai donnée dans la prande édition du Règne ani- mal de Cuvier, Crustacés, pl. 47, g. 4 j. (3) PL 3,g. 4. 3° série. Zooc. T, XVIIE, (Cahier n°3. 9 130 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS même à occuper un espace considérable au devant de celle-ci, et à déterminer une grande ampleur dans les régions hépatiques de la carapace ; mais les cavités respiratoires sont de grandeur médiocre, et leur voûte se trouve appliquée presque directe- ment sur la face supérieure du faisceau des branchies. Chez l'Ocypode, au contraire, la masse viscérale ne présente en avant que peu de largeur ; les lobes antérieurs du foie sont petits, et, de même que les organes de la reproduction, s’élalent fort peu sur les côtés de l’estomac, et ne recouvrent que peu ou point les chambres branchiales. 11 en résulte que les régions hépatiques de la carapace ne débordent qu’à peine la région faciale, et restent rudimentaires; mais cette disposition est accompagnée d’un développement insolite des cavités respiratoires qui s'étendent de chaque côté du corps dans toute la longueur de la carapace, et détermine un développement correspondant dans les régions branchiales de ce bouclier céphalothoracique. Il est aussi à noter que, chez les Brachyures dont il est ici question, la région faciale est très large, et le front ne présente pas d’armature rostrale, mais s’infléchit brusquement pour s'unir au lobe nasal, ou prolongement médian de l’anneau antennaire, qui sépare entre elles les deux fosses antennulaires. C’est à rai- son de cette dernière disposition que le nom commun de Cato- melopes a été donné au groupe dont les Ocypodes, ainsi que les Grapses, font partie; et effectivement elle ne se rencontre que dans cette famille. Une autre particularité de structure, qui, au premier abord, semble n'avoir que peu d'importance, mais qui en acquiert aux yeux du zoologiste par le seul fait de sa fixité chez presque tous les dérivés du type Ocypodien , nous est fourni par les fosses orbitaires, Dans le type Cancérien, le plancher de ces cavités est bien constitué, et le lobe sous-orbitaire externe s’avance de façon à se placer à côté du lobe sous-orbitaire interne, et à se confondre plus ou moins avec lui. Dans le type Ocypodien, au contraire, le plancher de l'orbite n’est que peu développé; le lobe sous-orbitaire externe ne s’avance que peu ou point au delà du niveau des coxocérites , et va rejoindre l’épistome en passant L 2 SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 131 derrière le lobe sous-orbitaire interne , de sorte que ce dernier, souvent plus ou moins rudimentaire, se trouve comme inclus dans l'orbite (1). Il est aussi à remarquer que les antennes sont peu développées, et que le basicérite est très court; que l'épistome, quoique égale- ment fort court, est large et bien distinct ; que la fosse buccale n’est que peu ou point rétrécie en avant, et ne se prolonge jamais jusqu’auprès du front, comme chez les Leucosiens; que les hectognathes ont le palpe prosarthre ou exarthre , et le scapho- gnathite inerme, c'est-à-dire dépourvu de la dent subterminale, qui, chez les Cancériens, se voit au bord interne de cette pièce; et que les paltes ambulatoires de la pénultième paire sont les plus longues, ou ne sont dépassées que de peu par celles de l’anté- pénultième paire. Enfin le nombre des branchies est souvent moins considérable que chez les autres Brachyures, mais peut varier de genre à genre , et la carapace se prolonge très loin en arrière, et présente, à raison du développement relatif de ses diverses régions indiquées ci-dessus, une forme plus ou moins quadrilatère. Cet ensemble de caractères se rencontre également d’une manière plus ou moins complète chez les Gécarcins ou Crabes de terre , les Macrophthalmes, les Cyclograpses, les Sésarmes , les Plagusies , les Hyménosomes, les Pinnothères, etc., et me semble motiver suffisamment la réunion de tous ces Crustacés en un seul groupe, ainsi que la séparation de la famille ainsi consti- tuée des autres divisions familliques établies dans la section des Brachyures. Cetle famille naturelle, dont les Ocypodes sont les représen- tants les mieux caractérisés, correspond à peu près à la division des Brachyures quadrilatères de Latreille, et au groupe que j'ai désigné ailleurs sous le nom deCatometope ; mais pour me confor- mer auxrègles de nomenclature généralement suivies aujourd’hui par les zoologistes, j'ai cru devoir abandonner ces dénominations, et y substituer un nom dérivé de celui de l’un des principaux genres compris dans cet agrégat, Or, le premier démembrement (1) Voyez l'Allas du Règne animal, Cuvsr., pl. 47, fig. 1%. À 132 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS du grand genre Cancer de Linné, établi pour ces Crustacés, fut le genre Ocypode, fondé en 1798 par Fabricius (1). J’appellerai par conséquent FAMILLE DES OCYPODIDES (Ocypodidæ), le groupe naturel formé de tous les Brachyures qui viennent se ranger autour de ce genre Fabricien. Ainsi que je l’ai déjà dit, ce groupe se confond presque, par quelques points de sa circonférence, avec les groupes voisins, et notamment avec la famille des Gancérides. Chacun des caractères les plus remarquables du type Ocypodide se dégradent, et vient à manquer chez certaines espèces, qui lient entre elles les diffé- rentes familles de Brachyures , et la ligne de démarcation entre les Ocypodides et les Cancérides, par exemple, ne semble pas avoir été nettement tracée par la nature; quelquefois même, it faut prendre en considération des caractères d’une valeur très faible, pour se décider à ranger telle espèce sous le drapeau de l’un de ces groupes plutôt que de l’autre; mais ces drapeaux n’en sont pas moins importants à signaler à l’attention du zoologiste, et doivent nécessairement être représentés par des divisions cor- respondantes dans la classification carcinologique. La dégradation du type Ocypodide ne porte que rarement sur les caractères fournis par les organes copulateurs, et lorsque les verges ne naissent pas du sternum, mais traversent les coxopo- dites, comme chez les autres Brachyures, elles sont presque tou- jours logées dans un canal ou une gouttière transversale prati- quée de chaque côté du plastron, pour les conduire de la base des pattes postérieures sous l’abdomen. Quelquefois, cependant, cette particularité de structure se perd complétement, sans qu’il puisse y avoir de l'incertitude relativement aux affinités naturelles de l’espèce ainsi dégradée. Dans le genre Bosica, par exemple, les verges sont coxales; mais la conformation de l’appareil respi- raloire, des appendices buccaux, de la région faciale et des pattes ambulatoires, est essentiellement la même que dans le type Ocypodide. D’un autre côté, la disposition de l'appareil respira- toire, qui est si remarquable chez ces Bosica , ainsi que chez les (4) Supplementum entomologiæ syslematicæ , p, 347, SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 133 Gécarcins, les Sésarmes et les Ocypodes, s’affaiblit peu à peu chez d’autres Ocypodides à verges sternales, tels que les Grapses et les Plagusies. Les caractères tirés de la conformation de l'appareil buccal ou de la structure de la région faciale ne présentent pas plus de fixité ; mais la forme du corps et l'aspect général suffit d’ordi- naire pour faire reconnaître au premier abord tous les membres de cette grande division naturelle. En résumé , la famille des Ocypodides se compose des Déca- podes brachyures qui dépendent du type Ocypodien, dont les principaux caractères sont : 1° Verges sternales. 2% Régions hépatiques rudimentaires, et ne se prolongeant pas latéralement au delà des orbites. 3° Régions branchiales très développées, Le Région faciale trèslarge et courte ; front incliné. 5° Orbites déclives, c’est-à-dire à plancher peu développé, dont le bord du lobe sous-orbitaire externe est refoulé en arrière au niveau des coxocérites , et passe sous la base du lobe sous- orbitaire interne. 6° Hectognathes à scaphile inerme, et à palpe prosarthre ou exarthre. 7° Carapace quadrilatère ou ovalaire transversalement. 8° Paltes ambulatoires de la pénultième paire les plus longues, ou n'étant dépassées que par celles de la paire précédente. Le type Ocypodide, représenté dans toute sa pureté, offre deux modifications principales , dont l’une se rencontre dans le genre Ocypode, et l’autre dans le genre Gecarcinus et dans le genre Grapsus. La plupart des Ocypodides peuvent être rangés autour de deux types secondaires, et par conséquent la grande famille formée par tous ces Crustacés doit êlre considérée comme se composant essentiellement de deux sections, auxquelles on peut appliquer les noms de Ocypodine et de Grapsine. Mais il est aussi quelques Ocypodides qui présentent dans leur structure des particularités si grandes , qu’on ne saurait les regarder comme de simples dérivés de l’une ou de l’autre de ces formes secon- 13h . MILNE EDWARDS, — OBSERVATIONS daires, et, bien que leur nombre soit fort minime, on est conduit à en former des groupes distincts : tels sont les Pinnothères, les Hyménosomes et les Élamènes. $ IL. Le premier type dérivé ou secondaire de l'Ocypodide est carac- térisé par les dispositions organiques suivantes, qui se trouvent toutes bien évidentes dans les genres Ocypode et Gélasime : 1° Hebdosomite très débordant chez le mâle, c’est-à-dire que le dernier anneau du thorax est très développé en largeur, de facon que, chez le mâle, sinon dans les deux sexes, l’espace com- pris entre la base des pattes postérieures, et limité en dessus par le bord postérieur de la carapace, n’est pas occupé en entier par le protourite ou premier anneau de l'abdomen, et que les hebdo- sternites s'y montrent à nu de chaque côté dans une étendue considérable entre la base de l'abdomen et la base des pattes postérieures. Il résulte aussi de cette disposition que les verges se trouvent très éloignées des coxopodites, et que la forme géné- rale du corps est à peu près carrée. 2° Antennulites à tigelle rudimentaire et verticale. Le basi- cérite est gros et renflé ; le front ne le recouvre qu'imparfaite- ment, et la tigelle se reploie contre sa face interne dans une petite fossette verticale. 3° Région faciale très développée transversalement, mais front étroit, lamelleux , et très déclive; orbites très grands transver- salement; podophthalmites très longs ; épistome très petit. L° Fosse buccale beaucoup plus longue que large, quadrila- ière et à bords entiers. Hectognathes coalescents, à palpe exarthre, 5° Pattes ambulatoires longues, à méroïte, sans dilatation marginale inférieure, et à dactyle inerme et légèrement spatulé, c’est-à-dire déprimé , et un peu dilaté à quelque distance de la pointe, 6° Carapace quadrilatère, ne se prolongeant pas latéralement au delà du niveau des angles orbitaires externes, à régions SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 135 branchiales élevées, mais peu ou point dilatées, et à régions infé- rieures presque verticales et non réticulées. Dans les espèces qui dérivent de ce type, mais qui sont plus ou moins dégradées, on voit chacun de ces caractères manquer tour à tour. Ainsi, chez les Mictyres , qui ressemblent beaucoup aux Ocypodes, l’hebdosomile n’est pas débordant ; les orbites sont très petits, et les podophthalmites fort courts; mais les antennules , le front, l'appareil buccal, et les‘pattes ambula- toires, présentent les particularités de structure indiquées ci- dessus. Chez les Macrophthalmes, au contraire, les antennules son pourvues d’une tigelle bien développée, qui se reploie hori- zontalement dans une fosselte disposée transversalement sous le front, landis que l’hebdosomite est débordant; les podophthal- mites sont très longs , et les autres parlies de la région faciale sont conformées à peu près de la même manière que chez les Ocypodes; les pattes présentent aussi les mêmes caractères. Les Gonoplaces se rattachent évidemment au même sous-type, comme ayant les verges sternales, l'hebdosternite débordant, le front moins large que les orbites, les podophthalmites très grands , la carapace quadrilatère, et les pattes ambulatoires grêles, longues, et à dactyle déprimé et légèrement spatulé. Par la disposition des antennules , ils ressemblent aux Ma- crophthalmes ; mais par la structure des hectognathes, ils diffèrent des Ocypodinés ordinaires, et se rapprochent des Can- cériens : car la tigelle de ces mâchoires est goniarthre, et le scaphognathite est armé d’une dent subterminale interne. Enfin, chez les Pseudorhombilles et les Carcinoplax, les caractères du type Ocypodien s’effacent davantage , et la ressemblance avec les Cancériens se prononce de plus en plus; mais, à raison de la forme générale du corps , de la longueur relative des pattes, de la conformation de ces organes et de quelques autres caractères, ces Crustacés, tout en étant, en réalité, intermédiaires aux deux types familliques dont il vient d’être question, me paraissent se rapprocher davantage du premier , et devoir constituer un petit groupe de transition dépendant de la tribu des Ocypodiens. Ainsi nous réunirons dans une première division de la famille 136 MILNE EDWARDS, — OBSERVATIONS des Ocypodides les espèces à tigelle antennulaire verticale et rudimentaire, ou à hebdosternites débordants; elles formeront la TriBu pes Ocyroniexs (Ocypodinæ) , et celle-ci aura, comme groupe satellite, la petite tribu composée des espèces qui ressem- blent aux précédentes par la forme générale du corps et la con- formation des pattes, mais qui marquent des caractères les plus importants du type Ocypode : je les désignerai sous le nom de Carcinoplaciens. $ III. Le deuxième type secondaire ou tributien de la famille des Ocypodides se présente dans sa plus grande pureté chez les Grapses, et peut être caractérisé par les particularités organiques suivantes : 1° Hebdosternite peu ou point débordant; le protourite s'étendant sur toute la largeur du bord postérieur du thorax jusque sur les coxopodites correspondants. 2% Antennules à tige bien développée, se reployant transver- salement dans des fossettes antennulaires horizontales. 3° Région faciale large, mais à orbites petits ou médiocres ; front très large ; podophthalmites courts et gros. k° Fosse buccale quadrilatère; hectognathes très bâillants , à palpe prosarthre,. 5° Pattes ambulatoires de longueur médiocre, à méroîte dilaté, et à dactylite styliforme et fortement armé. 6° Carapace plus large vers le milieu des régions branchiales qu’à la région faciale, et à bords latéraux plus ou moins arqués. Autour de ce type viennent se ranger d’abord les Grapses et les Gécarcins ; puis les Cyclograpses, qui perdent le caractère tiré de l’armature terminale des pattes ambulatoires , et qui ont souvent les hectognathes coalescents; les Ucas, qui établissent, à plusieurs égards, le passage entre les Gécarcins et les Ocypodes; les Plagusiens qui, avec tous les autres caractères propres au type Grapsien, ont les antennules verticales ; les Varuniens, dont les pattes postérieures sont conformées pour la nage, et quelques autres petits groupes moins importants, mais qui por- SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 137 tent d’une manière bien marquée le cachet du type famillique des Ocypodides, et qui ne ressemblent aux Ocypodiens ni par la structure de leur antennules ni par le grand développement des hebdosternites, et se rattachent aux Grapses ou aux Gécarcins par la forme générale de leur corps, ou par la structure de leurs pattes. Dans le groupe ainsi formé, et que j’appellerai la TriBu DES GRapsiexs (Grapsinæ) , la carapace devient souvent très large et tout à fail ovalaire par suite du grand développement des régions branchiales ; mais d’autres fois elle est tout à fait carrée ou même rhomboïdale, comme chez les Ocypodiens; mais alors la grande largeur de la région faciale est due au développement du front, et non à la grandeur des orbites (1). Dans beaucoup de dérivés de ce même type tributien, l'abdomen ne couvre pas compléte- ment le dernier segment du plastron sternal ; mais les sternites ne se montrent jamais à nu dans une étendue considérable , et c’est d'ordinaire de chaque côté du deutourite, et non immédia- tement en arrière du bord postérieur de la carapace, qu’on les voit ainsi à découvert chez le mâle. Quant à la conformation des hectognathes, la forme typique de la tribu domine ; mais elle se modifie beaucoup, et ne paraît pas avoir une grande importance zoologique, Ici, de même qu’autour de la tribu des Ocypodiens, on ren- contre des espèces qui, tout en ayant beaucoup de ressemblance avec certains Grapsiens, manquent de la plupart des caractères propres au type famillique des Ocypodide , et établissent le pas- sage entre celle-ci et la famille des Canceridæ. Ainsi, chez les Boscies , les Trichodactyles et les Thelphuses , les verges sont coxales comme chez les Brachyures ordinaires (2), et chez les Thelphuses les hectognathes ont aussi le palpe goniarthre comme dans le type Canceridæ ; mais par la conformation des pattes, par la disposition des chambres branchiales et même par la forme s générale du corps , ces Crustacés ressemblent encore à certains (1) Voyez le Règne animal, Crusracés, pl. 22, fig. 1,, 1”, etc. (2) Voyez le Règne animal, Crustacés, pl. 15, fig. 2%. 138 MILNE EDWARDS, — OBSERVATIONS Grapsiens bien caractérisés, tels que les Gécarcinacés ; et, par conséquent, je crois devoir les ranger à la suite de ceux-ci, eten constituer une tribu satellite qui, par rapport à la tribu des Grap- sinæ, sera l’analogue de ce que la tribu des Carcinoplaciens est par rapport aux Ocypodineæ. Enfin , il est aussi à noter que les types tributiens Ocypo- dinæ et des Grapsinæ se trouvent liés entre eux par un certain nombre d’espèces intermédiaires. Ainsi les Sésarmes tiennent des Ocypodes pour la forme générale du corps et pour la structure des dactylopodites, et les Ucas forment le passage entre les Gécar- cins et les Ocypodes; tandis que, d’un autre côté, le genre Platy- grapse se place entre les Macrophthalmes parmi les Ocypodinæ bien caractérisés et les Hélices, dont la place est au milieu des Grapsinæ ordinaires. En résumé, pour définir la Trigu pes GrarsiN# , il faut dire que ce groupe a pour type la forme organique indiquée ci-dessus, et comprend tous les membres de la famille des Ocypodides, qui offrent en même temps : des tigelles antennulaires bien dévelop- pées et rétractiles, le protourite recouvrant les hebdosternites , et les dactylopodites cylindriques ou natatoires. $ IV. Un troisième type tributien nous est offert par les Pinnothères, mais ne paraît avoir été que peu employé par la nature dans la constitution des Ocypodides. Ici les verges sont sternales comme dans les représentants les mieux caractérisés du type de celte famille, et l'abdomen du mâle laisse à découvert les hebdosternites comme chez les Ocypo- diens; mais l'appareil buccal présente des particularités de struc- ture fort remarquables (1). La fosse buccale, au lieu d’être allongée ou quadrilatère comme d’ordinaire, est beaucoup plus large que longue, et limitée par un cadre semi-cireulaire. Les hectognathes, au lieu d’être dressés comme de coutume, c’est-à-dire dirigés parallèlement en avant, sont couchés presque transversalement, (1) Voyez le Règne animal, Cnusracis, pl. 49, fig. 4°. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 139 et le gnathostégite, ou portion operculaire de ces organes, n'est formé que d’une seule pièce due au grand développement du méroïte, à la base duquel se trouve soudé un ischioïte rudi- mentaire. Enfin le palpe , au lieu d’être simple , est terminé en manière de pince; le prognathite donnant naissance à un doigt complémentaire qui se prolonge parallèlement au dactylo- gnathite, à peu près comme dans les chélopodes. Une disposition analogue se remarque à l’extrémité de la tige interne ou branche principale des pemptognathes. La région faciale est étroite, le front petit, les orbites très courts, et les antennules bien dévelop- pées et rétractiles dans des fossettes sous-frontales; enfin le corps est de forme circulaire. 8 V. Les Hyménosomes et les Élamènes ne se rattachent directe- ment à aucun des types secondaires dont il vient d’être question, et constituent un quatrième groupe , qui est peu nombreux en espèces, et qui élablit, à certains égards, le passage entre les Ocy- podiens ordinaires et les Homoliens. Les verges sont sternales comme dans les autres Ocypodiens bien caractérisés; mais les antennules ne sont pas rétractiles, et les coxocérites, au lieu d’être élargis et logés dans des fossettes antennulaires, sont cylin- driques, allongées et saillantes. La région faciale est petite, et le front, au lieu d’être infléchi, se prolonge un peu horizontalement en manière de rostre; ce qui, joint au rétrécissement de la cara- pace en avant, donne à ces Crustacés une forme légèrement triangulaire, et rappelle un peu ce qui existe chez les Inachides. $ VI. En résumé , les divisions du type famillique Ocypodidæ consti- tuent donc deux groupes secondaires ou tribus principaux , les Ocypodinæ et les Grapsinæ ; deux pelits groupes aberrants, les Pinnotherine et les Hymenosomine ; et deux pelits groupes satel- lites des tribus principaux , les Carcinoplacinæ el les T'hel- phusinæ. 140 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS Quant aux divisions ultérieures et à la discussion des questions qui se rattachent à la classification intérieure de chacun de ces groupes , il me semble inutile de m'y arrêter dans cette intro- duction ; et je me hornerai à exposer, dans le tableau suivant, le mode d’arrangement que j'ai cru devoir adopter pour la distri- bution naturelle de ces Crustacés, et je réserverai pour un autre article tout ce qui est relatif aux espèces fossiles qui se rattachent au même type famillique. FAMILLE DES OCYPODIENS. OCIPODIDEÆ. PREMIÈRE TRIBU PRINCIPALE. OCYPODINZÆ. Caractères typiques. — Noyez $ Il (page 134). Caractères empiriques. — Antennules à tigelle rudimentaire et verti- cale, ou hebdosternites du màle débordants. PREMIER AGÈLE PRINCIPAL. OCYPODIACEZÆ. Caractères typiques. — Carapace quadrilatère très élevée ; front étroit; orbites très grands ; antennules à tigelle rudimentaire et à basite très renflé, et débordant le front latéralement ; hectognathes coales- cents, à palpe exarthre. Ghélopodes robustes, mains très larges. Pattes ambulatoires robustes; hebdosternites très débordants. Abdomen du mäàle étroit. Caractères empiriques. — Tigelle antennulaire rudimentaire, se re- ployant verticalement et hebdosternites débordants. PREMIÈRE SECTION. OCYPODIACÉS ORDINAIRES. Hectognathes normaux, à méroïte peu développé et moins grand que l'ischioite. Pemptognathes normaux, à méroite grêle et à palpe court et étroit. Palpes moyens (c’est-à-dire de la pénultième et de l’antépénul- tième paire) pourvus d’un coussinet coxal, les coxopodites de ces appendices étant appliqués l'un contre l’autre par upe large surface plane à bords ciliés. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. Ali . AT GENRE, — OCYPODE,. Fabricius, Supplementum entomologiæ systematicæ , p. 347 (1798). Podophthalmites très gros, et se prolongeant, en général, au delà des yeux ; cornée très grande, ovalaire, et s'étendant en dessous jusque dans le voisinage de l'articulation podophthalmique. Lobe sous-orbi- taire interne constituant une grosse dent irrégulière. SL. — Æspèces à yeux armés (le podophthalmnite se prolongeant en forme de stylet ou de tubercule, au delà de la cornée). 2 A. — Slylet podophthalmaire non sélifère. 1. OCYPODE CERATOPHTHALMA. Cancer ceratophthalmus , Pallas, Spicil. zool., fasc., p. 83, pl. 5, fig. 17 (1772). Ocypode ceratophthalma , Fabricius, Suppl. ent. syst., p. 347 (1798). — Latreille, Hist. nat. des Crust., t. VI, p. 47; et Encycl. méth., pl. 274, fig: 41. — Desmarest, Consid. sur les Crust., p. 124, pl. 49, fig. 4. — Dehaan, Fauna japonica, p. 29. — Mile Edwards, Hist. des Crust., t. IT, p. 48 ; et Atlas du Règne animal de Cuvier, Crusracés, pl. 17, fig. 4. — Krauss. Sudafrik. Crust., p. #1. Stylet podophthalmaire très long et grêle. Carapace presque carrée ; bord sourcilier très oblique. Pinces grêles vers le bout; dactylopodites grêles. — Egypte , île de France, Bombay, Chine. 9, OCYPODE PLATYTARSIS. Lamarck, Mss., Collection du Muséum. Espèce très voisine de la précédente, mais ayant la carapace beau- coup plus élargie et les dactylopodites plus dilatés. — Pondichéry. 3. OcYPODE URVILLEI. Guérin, Crustacés du Voyage de la Coquille, p. 9, pl. 4, fig. 1 (1836). Milne Edwards, Hist. des Crust., t. II, p. 49. R. Owen, Crust. of capt. Beechey's Voyage, p. S0. Ressemble à l'O. ceratophthalma par la forme de la carapace et des pinces, mais ayant les stylets podophthalmiques très courts. — Île Bourou. £ 112 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS LH. OCYPoDE MAGROCERA. Milne Edwards, Hist. des Crust., t. II, p. 49 (1837). Espèce très voisine de l'O. ceratophthalma, mais ayant les stylets podophthalmaires plus grêles, et caractérisés surtout par la forme des pinces de la petite main, qui sont très dilatées vers le bout. — Pondi- chéry. 5. OcyPODE GAuDiCHAUDI. Milne Edwards et Lucas, Crustacés du Voyage de d'Orbigny, p. 26, pl. 11 (1843). Espèce ayant la carapace élargie, comme chez l'O. platytarsis, et caractérisée surtout par la dilatation des pinces vers le bout, aux deux mains, — Calao. 6. OCcYrODE BREVICORNIS. Milne Edwards, Hist. des Crust., 1. Il, p. #8 (1837). Carapace très élargie. Stylets podophthalmaires courts; pinces grèles vers le bout. Pattes longues, à dactylopodites très étroits. — Pondi- chéry. 7. Ocyrone Farricu. Milne Edwards, Hist, des Crust., t. IT, p. 47 (1837). Carapace plus étroite que chez l'O. ceratophthalma. Bord soureilier presque transversal; stylets ophthalmiques très courts et gros. Mains très épineuses; pinces se rehaussant graduellement vers la pointe; dac- tylopodites très larges. — Océanie. B. — Stylels podophthalmaires terminés par un grand pinceau de poils roides 8. OCYPODE CuRSOR. Cancer cursor, Belon, Observations de plusieurs singularités trouvées en Grèce, etc., 2° livre, p. 138 (1553). — Linné, Syst. nat., vol. XII, p. 1039. Ocypode ippeus, Olivier, Voyage dans l'empire otloman, 1. 11, p. 234, pl. 30, fig. 4 (1807). — Savigny, Egypte, Causr., pl. 4, fig. 4. — Desmarest, Consid. sur les Crust., p. 121. — Milne Edwards, Hist, des Crust., t. II, p. 47. Ocypode cursor, Dehaan, Fauna japonica, p. 29. Carapace très large. Bords sourciliers presque transversaux; pinces amincies vers le bout. — Égypte, cap Vert. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 143 $ Il. — Zspeces à yeux terminaux (le podophthalmite non stylifere). 9. OCYPODE ARENARIA, Cancer arenarius , Catesby, Hist. of South-Carolina, vol. II, pl. 35. Ocypode albicans, Bosc, Hist. des Crust., t. 1, p. 196, pl. 4, fig. 1. — Latreille, Encyclop. méthod., Ixsecr., pl. 285. — Desmarest, op. cit., p. 121. Ocypode arenaria, Say, Journ. of the Acad, Philadelphia, vol. 1, p. 67. — Milne Edwards, Hist. nat. des Crust., t. IT, p. 44. Ocypode albicans, Dehaan, Fauna japonica, p. 29. Carapace assez large. Yeux gros et courts. Mains peu dilatées en des- sous ; pattes très poilues, à carpoites sans épines ni dentelures , et à dactylites élargis. — Antilles, 10. OcYPODE RHOMBEA. Uca guacu, Marcgrave de Liebstad, Hist. nat. Bras., p. 485, fig. (1648). Ocypode rhombea , Fabricius, Suppl. entom. syst., p. 348. — Desmarest, op. cit., p. 122. — Milne Edwards, Hist. des Crust., t. IL, p. 46. Carapace beaucoup plus étroite que dans l'espèce précédente. Mains plus élargies. Pattes faiblement dentées et à dactylopodites très étroits. — Brésil. 11. OcYPODE CORDIMANA. Desmarest, Consid. sur les Crustacés, p. 121. — Milne Edwards, Hist. des Crust., t. IE, p. 45. — Dehaan, op. cit., p. 29. — Krauss, Sudafrik. Crust., p. 41. Grosse main très dilatée en dessous ; mains et pattes devenant denti- culées ou subépineuses chez les vieux individus. — Ile de France, mers d'Asie , Japon. L'Ocxropa pazctpuca de MM. Hombron et Jacquinot (Voyage de l'Astro- labe au pôle sud, CrusrAcés, pl. 6, fig. 1) ne paraît être que le jeune âge de l'O. cordimana. All MILNE EDWARDS, — OBSERVATIONS 2° GENRE. — GELASIMUS. Uca, Leach, Arrangement of the Crustacea etc., Trans. linn. Soc., vol. XI, p. 323 (1815). Gelasimus , Latreille, Nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle (édit. de Déterville), t. XIE, p. 517 (4817). Podophthalmites grêles et ne se prolongeant que peu ou point au delà des yeux; cornée petite et très éloignée de l’articulation podophthal- maire. En général, point de lobe sous-orbitaire interne; régions bran- chiales inermes. Le nom d’Uca, donné par le Marcgrave de Liebstad à un crustacé d’une autre famille, a été appliqué par erreur à cette division générique par Leach, et, par conséquent, le nom de Gelasimus, employé par Latreille, quoique d’une date plus récente, doit être conservé. A. — Espèces à front spatulé , presque linéaire entre les yeux et dilaté en dessous (surtout chez le mâle). A, GeLasimus MarACOANI. (PL 3, fig. 4.) Maracoani, Marcg. von Liebstadt, Hist. rer. nat, Brasil., p. A74. Gelasimus Maracoani, Latreille, Encycl., Ixsecr., pl. 5, fig. 4. — Milne Edwards, Hist. des Crust., t. 11, p. 51. Carapace presque oblongue, très peu rétrécie en arrière. Grosse main énorme ; pinces lamelleuses plus élevées vers le milieu qu’à leur base et à bord préhensile finement denticulé ; le pouce ‘très dilaté vers le bout et le doigt complémentaire ou index courbé en dehors près de la pointe; grand bras à bord antérieur denticulé. — Cayenne. 2. GELASIMUS PLATYDACTYLUS. (PL. 3, fig. 2.) Ucu una ? Seba, Thes., t. TT, pl. 48, fig. 8. Cancer vocans major , Herbst, t. I, pl. 4, fig. 14 (d'après Seba). Cancer uka, Shaw, Naturalist's miscellany, vol. XIV, pl. 586 (d'après Seba). Gelasimus platydactylus, Milne Edwards, Hist, des Crust., t. II, p. 51, Se distingue de l'espèce précédente par la forme du grand chélopode dont le bras est très dilaté et inerme en avant, et la pince beaucoup moins grande et se rétrécissant graduellement vers le bout, — Cayenne, SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 445 3. GELASIMUS STYLIFERUS, (PI. 3, fig. 3.) Gelasimus platydactylus, Milne Edwards, Règne animal de Cuvier, Crusr., pl. 18, fig. 4°. Espèce très voisine du G. platydactylus, maïs ayant la crête marginale du bras moins développée et les podophthalmites terminés par un petit stylet comme chez les Ocypodes. — Guayaquil. L. GELASIMUS VOCANS. (PL 3, fig. 4.) Cancer vocans , Rumph. Amboin. Rarit. Kam., pl. 40, fig. E (1705). — Linné, Syst. nat., edit. 40, p. 626. Cancer vocans minor ? Herbst, pl. 4, fig. 4. Front très étroit, mais à peine élargi en dessous, à sillon médian très étroit et triangulaire. Carapace assez large en arrière et à régions bran- chiales renflées. Pattes grèêles ; gros chélopode grand ; bras armé en avant d’une grosse dent subterminale conique et aiguë. Main tubercu- leuse en dehors et armée en dedans de deux crêtes obliques très fortes et crénelées; pinces très écartées vers le milieu et comprimées ; index très fortement denté vers le bout. — Java, côte de Malabar. Cette espèce, qui est assez commune dans les mers d'Asie, paraît être celle désignée par Rumph sous le nom de C. vocans ; mais cette désigna- tion a été ensuite appliquée presque indistinctement à toutes les Géla- simes. Dans la 10° édition du Systema nature , Linné cite comme syno- nyme de son €. vocans, l'espèce figurée par ce naturaliste, et le C. arena- rius de Catesby, qui est un Ocypode; puis, dans ses Ameænitates , il y rapporte également le Maracoani de Maregrave et le Uca una de Seba. Enfin plus récemment , lorsque les carcinologistes sont arrivés à distinguer entreelles les espèces du genre Gelasimus, on a généralement appliqué le nom de G. vocans à une espèce américaine (le G. palustris) qui n’est ni le C. vocans de Rumpb, nile G. Maracoani que Linné confondait avec celui-ci. Je suis porté à croire que le Gelasimus cultrimanus de MM. Adams et White (Voyage of the Samarang, CRUSTACEA, p. 49) pourrait bien se rap- porter à cette espèce. 5. GeLasimus MartoNis. (PI. 3, fig. 5.) Gelasimus Marionis, Desmarest, Consid. sur les Crustacés, p. 424, pl, 43, fig. 1. Espèce très voisine du G. vacuns , mais ayant le bord supérieur de 3° série, Zooz T. XVII. (Cahier n° 3.) ? 10 4146 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS l'index graduellement arqué vers le haut et faiblement denticulé. — Mers d'Asie, Malabar. Le Gélasime décrit et figuré par Desmarest sous le nom de G. Marionis n’est pas, comme cet auteur le dit dans son texte, l'espèce qui avait été rapportée de Manille par M. Marion de Procé, médecin à Nantes; c’est cette dernière que j'ai décrite sous le même nom dans mon ist. des Crustacés , et que je reproduirai plus loin sous la dénomination de G. perplezus, 6. GELASIMUS COARCTATUS. (PL. 3, fig. 6.) Carapace en forme de trapèze très rétréci en arrière. Grand chélopode médiocrement développé ; pinces se rétrécissant graduellement vers le bout; le pouce crochu au bout, assez fortement denticulé près de son extrémité et arrondi en dessus ; l'index à bord préhensile droit et fine- ment denticulé ; le bord antérieur du bras multidenticulé.— Odessa. 7. GELASIMUS BREVIPES. (PL. 3, fig. 7.) Carapace de même forme que chez le précédent. Grosse main moins développée , à pince plus courte que le poignet, et à index fortement denté. Pattes courtes et à méropodites très larges (presque ovalaires).— Chine. Il se pourrait que cette espèce ne dût pas être distinguée du Gela- simus crassipes de MM. Adams et White (Voyage ofthe Samarang, Crusr., p. 49), qui se trouve aux îles Philippines, et qui est remarquable par la largeur des méropodites postérieures ; mais comme ces zoologistes n'ont pas décrit les pinces, il m'est impossible de décider cette question. 8. GELASIMUS ARCUATUS. (PI. 3, fig. 8.) Ocypode (Gelusimus) arcuata, Dehaan, Fauna japonica, Crusr., p. 53, pl. 7, fig. 2 (1835). Carapace très rétrécie en arrière et bombée en dessus. Grosse main très développée, la pince devenant très longue, mais se rétrécissant gra- duellement vers le bout; face interne de la main faiblement armée. — Japon. Le GeLasimus BELLATOR de MM. Adamset White (Voyage ofthe Samarang, Causr., p. 49) paraît appartenir à cette division, Ces naturalistes y assi- SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 4147 gnent les caractères suivants : « Thorace antice (prope insertionem can- » thorum pedunculorum) sinuato. Fronte in Jlobum rotundatum subdi- » latata. Chelis manu digitis perlongis ; digito superiore lateribus subpa- » rallelis , margine prope ad basin tuberculis duobus vel tribus ; digito » inferiore infra marginato, acie ad basin sinus superficiali tuberculari, » dente robusto lato ad extremitatem. Hab. insulas Philippinas. » Il en est probablement de même d'une autre espèce décrite par ces deux naturalistes sous le nom de Gelasimus forcipatus (op. cit., p.50), et caractérisée dans les termes suivants : « Thorace valde postice coarctato. » Fronte inter oculos lobo dilatato, linea acuto-marginata, ab angulo » canthi externo porrecta. Chela majore digitis æqualibus, dente prope » medium et prope extremitatem, lobo truncato. — Hab. Borneonem. » M. Dana vient de publier une courte description d’une autre espèce de ce genre, le Gelasimus nitidus (Conspectus crustaceorum , etc., Acad. se. nat. Philad., A851, p.248), qui paraît appartenir également à cette divi- sion. Voici ce qu'il en dit : « G. Duperreyi similis. Carapax nitidus antice » paulo arcuatus, fronte angustissimo , paulo constricto. Pedes maris » antici valde inæqui, manu majore multo compressa et lata, extus valde » granulata, intus cristis duobus obliquis ornata, digito superiore lami- » nato, fere duplo latiore quam inferiore, inferiore juxta basin unidenti- » gero. Pedes 8, postici fere nudi, articulo tertio pedis quinti perangusto. » — Hab. archipelagine Viti. » B. — Espèces dont le front est très élroit entre les yeux, maïs ne s'élargit pas en dessous. 9. GELASIMUS TETRAGONON. (PI. 3, fig. 9.) ? Cancer marinus minor vociférans (fem.), Seba, t. III, pl. 49, fig, 45 (1758). ? Cancer serralan, Forskal, Descript. anim. que in ilin orient. observ., p.87. Cancer tetragonon , Herbst, op. cit., t. I, p. 257, pl. 20, fig. 440. Gelasimus tetragonon, Ruppell, Crust. de la mer Rouge, p. 25, pl. 5, fig. 5. — Milne Edwards, Hist. des Crust., t. II, p. 52. Gelasimus Duperreyi, Guérin, Crust. du Voyage de la Coquille, pl. A (G. tetragonon , dans le texte, p. 40). Lobe orbitaire inférieur crénelé sur le bord seulement, sillon médian du front assez large, Gros chélopode très développé; bras armé d’une 118 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS grosse dent pointue près de l'extrémité de son bord antérieur. Main fai- blement tuberculée sur la face interne. — Mer Rouge , Tongatabou. A0. GELASIMUS FORCEPS. (PI. 3, fig. 11.) Milne Edwards, Hist. des Crust., t. IX, p. 52 (1837). Se distingue de l'espèce précédente par l'existence de deux lignes den- ticulées subparallèles sur le lobe orbitaire inférieur , et d'une crête mar- ginale très saillante sur les lobes mésobranchiaux. — Australie. A1. GeLasimus URVILLEI. (PI. 3, fig. 10.) Ressemble beaucoup au G. forceps, mais ayant le sillon médio-frontal presque linéaire et les pinces plus courtes ; bord antérieur du gros bras obtus et finement granulé. — Ile Vanicoro. 419. Gerasimus Dussumient. (PI. 4, fig. 12.) Ressemble beaucoup à l’espèce précédente, mais ayant la ligne denti- culée accessoire du lobe sous-orbitaire moins marquée, le sillon médian du front tout à fait linéaire et le bord antérieur du gros bras denticulé ; pince très grande. — Côte de Malabar , Samarang. Le Gelasimus rubripes de MM. Hombron et Jacquinot (Voyage ‘de l'Astrolabe, Crusr., pl. 6, fig. 2) est très voisin de l'espèce précédente, mais paraît s'en distinguer par la forme des pinces de la grosse maiu, le grand développement des tubercules du carpopodite, etc. G.— Espèces dont le front est assez larges entre les yeux et se rélrécil en dessous. 13. GELASIMUS PALUSTRIS, (PI. 4, fig. 13.) Cancer palustris, Sloane, Hist. of Jamaica , vol. II, p. 269 (1725). Crabe appelant, Degeer, Mém. pour servir à l'hist. des Ins., t. VII, p. 27, fig. 12. C. vocator, Herbst, B. II, H. 4, p. 4, pl. 59, fig. 1. Gelasimus vocans, Desmarest, Consid: sur les Crust., p. 123. — Milne Edwards, Hist. des Crust., t. 11, p. 54; et Atlas du Règne animal de Cuvier, Cnusr., pl. 18, fig. 1. — Var. A, Dekay, Zoo!. of New-York, Cnusr., pl. 6, fig. 40. Crête sourcilière postérieure presque droite, l'antérieure très courbe ; SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS, 149 crêtes marginales très marquées sur les lobes mésobranchiaux. — An- tilles. ‘ ; Ah. GELASIMUS PUGILATOR. Ocypode pugilator, Bosc, Hist. des Crust., t. I, p. 198. — Say, Journ. of the Acad. of Philad., vol. I, p. 71. Gelasimus pugilator, Desmarest, Consid., p. 123. Gelasimus vocans, Dekav, op. cit., pl. 6, fig. 9. Carapace beaucoup plus bombée et plus renflée latéralement que chez le G. palustris ; lignes marginales à peine distinctes sur les lobes méso- branchiaux. Pinces longues et grêles ; face interne des mains presque lisse. — Caroline du Sud , Cayenne. j 15. GELASIMUS MACRODACTYLUS. Milne Edwards et Lucas, Voyage de d'Orbigny en Amérique, Causr:, p. 27, pl. M1, fig. 3 (1843). Espèce très voisine de la précédente, mais ayant la face interne de la grosse main armée d'une crête denticulée très saillante. — Valparaiso. 16. GELASIMUS STENODACTYLUS. Milne Edwards et Lucas, Voyage de d'Orbigny, Causr., p. 26, pl. 411, fig. 2 (1843). Crête sourcilière postérieure très développée en arrière vers sa partie externe. Grand chélopode très allongé; bras grêle arrondi et très long ; pouce peu courbé. — Chili, Brésil. 17. GELASIMUS ANNULIPES, (PL 4, fig. 45.) Milne Edwards, Hist, nat, des Crust., t. Il, p. 55, pl. 18, fig. 40 (4837). Carapace élargie en avant, à lignes marginales très distinctes sur les lobes mésobranchiaux ; ligne sourcilière postérieure très courbe, l’anté- rieure petite et très rapprochée de la précédente, mais bien distincte ; lobes sous-orbitaires très saillants vers leur extrémité externe et fortement crénelés en dehors aussi bien qu'en avant. Gros chélopode bien déve- loppé ; bras arrondi et inerme ; mains renflées en dehors et assez forte- ment armées en dedans; pinces longues, assez régulièrement arquées et finement granulées ; deux dents plus fortes que les autres sur l'index ainsi que sur le pouce, Pattes ambulatoires très grêles. — Mers d’Asie, 150 MILNE EDWARDS, — OBSERVATIONS 18. GELASIMUS LACTEUS. (CPL. 4, fg. 16.) Ocypode (Gelasimus) lactea, Dehaan, Fauna jap., Cnusr., p. 54, pl. 45, fig. 5 (1835). Espèce très voisine du G, amnulipes, mais ayant la carapace moins rétrécie en arrière, les pinces plus comprimées, et l'index unidenté et arqué vers le bout, — Japon et Chine. 19. GELASIMUS GAIMARDI. (PL. 4, fig. 17.) Espèce très voisine du G. annulipes, mais ayant le front plus prolongé et plus arrondi eu dessous, et la crête de la face externe des mains ob- tuse et non denticulée, comme chez le G. Latreillei.—Ye de Tongatabou. 20. GELASIMUS PERPLEXUS. (PL. 4, fig. 18.) Gelasimus Marionis, Milne Edwards, Hist, des Crust., t. II, p. 53 (1837). Espèce très voisine du G. annulipes, mais ayant le pouce de la grande pince beaucoup plus élevé et plus comprimé. — Java. 21, GELASIMUS CULOROPHTHALMUS. (PL. 4, fig. 19.) Milne Edwards, Hist. nat. des Crust., t. IL, p. 54 (1837). Guérin, Zconogr., Crusr., pl. 4, fig. 3. Ressemble beaucoup au: G. annulipes par la forme de la carapace, mais ayant la grosse pince courte, à bords grossièrement granulés, et la main sans crénulations à sa face interne. — Ile de France. 22, GELAsSIMUS LATREILLEI. (PL 4, fig. 20.) Espèce très voisine du G. annulipes, mais ayant le lobe sous-orbitaire beaucoup moins dilaté, la grosse pince plus allongée et plus grêle, le pouce à peine granulé et sans dents, l'index finement granulé, avec une seule dent submarginale, et la crête de la face interne de la main obtuse el inerme. — Île de Borabora. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTAGÉS. 151 Le Gelasimus minor, Owen (Crustacés du Voyage du capitaine Beechey, p- 79, pl. 14, fig. 2), appartient aussi à cette section et est très voisin des espèces précédentes, mais paraît se distinguer par la forme renflée de la grosse main. — Îles Sandwich. 23. GELASIMUS TANGERI, (PL. 4, fig. 21.) Eydoux, Mag. de zool., de Guérin, 1839, cl. VII, pl. 47. Se distingue de toutes les espèces précédentes par la disposition de la face supérieure de la carapace, qui, au lieu d’être lisse comme d’ordi- naire, est entièrement couverte de fortes granulations. — Cadix et côte du Maroc. Le Gelasimus perlatus de M, Herklots (Additamenta ad Faunam carci- nologicam Africæ occidentalis, p. 6, 1851) ressemble à l'espèce précé- dente par les granulations de la carapace, mais paraît en différer par la forme de la grosse main, qui est beaucoup moins développée. — Boutry, Afrique mérid. Le Gelasimus porcellanus de MM. Adams et White ( Voyage of the Sama- rang, CRUST., p. 50) paraît appartenir à cette troisième section et a été caractérisé de la manière suivante : « Oculorum peduneulis perlongis. » Thorace parte frontali non coarctata ad basin ; parte posteriore lon- » giore quam latera. Chelis digito inferiore ad finem incrassato , margi- » nibus internis digitorum amborum tuberculis magnis quatuor inter » parvos crenulos. — Hab. Borneonem. » 3° GENRE. — ACANTHOPLAX. Podophthalmites et région frontale comme chez les Gélasimes ; ré- gions branchiales armées d’une série marginale de gros tubercules spi- niformes. (Voy. pl. 4, fig. 23.) ACANTHOPLAX INSIGNIS. (PI. 4, fig. 23.) Carapace presque carrée. Front étroit et fortement spatulé ; méropo- dites armés d’épines sur le bord inférieur. — Chili. 152 MILNE EDWARDS, — OBSERVATIONS DEUXIÈME SECTION, OCYPODIACÉS GLOBULAIRES. Région buccale très saillante et bombée. Hectognathes à méroïte très grand, à ischioïte court et à scaphognathite sans flagelle. Pemptognathes sécuriformes , leur branche interne portant, au lieu du palpe ordinaire, une grande lame ovalaire formée par le protoite et le dactyloïte, et sus- pendu au carpoïte par son angle antéro-interne. Pattes moyennes sem- blables aux autres et dépourvues de coussinets. Méropodites garnis d’une sorte de miroir ou tambour membraneux. Le GENRE. — DOTO. Dehaan, Fauna japonica , p. 24 (1833). Hectognathes très grands, rapprochés , à méroïte beaucoup plus grand que l’ischioïte et moins large que long, à palpe exarthre [fig. 24°), 4, Doro suLCATus. Cancer sulcatus, Forskal, Descripl. anim. que in ilinere orientali observavit, p. 92 (1775). .…. Savigny, Crustacés de l'Egypte, pl. 1, fig. 3. Myctiris sulcatus, Audouin, Explication des planches de Savigny. — Guérin, Jconographie, Causr., pl. 4, fig. 4. Ocypoda (Doto) sulcata, Dehaan, loc, cit. Doto sulcatus, Milne Edwards, Hist. des Crust., t. 11, p.38; et Atlas du Règne animal, Cuvier, Crust., pl. 18, fig. 3. — Krauss, Sudafrik. Crust., p. 39. Carapace très large et profondément sculptée par des sillons en avant et sur les côtés ; bord facial arqué ; miroirs des méropodites très petits. Chélopodites courts dans les deux sexes. — Mer Rouge. 2, Dorto MYGrIROIDES. Carapace beaucoup plus allongée que dans l’espèce précédente et seulptée sur les côtés seulement. Chélopodites très longs et grêles dans les deux sexes. — Mahé. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS, 153 5° GENRE. — SCOPIMERA. Dehaan , Fauna japonica, p. 24 (1833). Hectognathes courts et larges, à méroïte transversal et à peu près de même grandeur que l’ischioite ; à palpe prosarthre. Pemptognathes à dactylognathite aussi grand que le prognathite. 1. SCOPIMERA GLOBOSA. Dehaan, op. cit., p. 53, pl. 44, fig. 3. Carapace lisse en dessus, élargie en arrière et longue en avant. Chéli- podes très petits. — Japon. PREMIER AGÈLE SATELLITE DES OCYPODIACÉS. HELŒCIACÆA. Antennules verticales à tigelle rudimentaire , comme chez les Ocypo- diacés (fig. 22). Podophthalmites très allongés ; hebdosternites non dé- bordants (fig. 22). Ce petit groupe est satellite de la section des Ocypodiacés ordinaires, et se rapproche surtout du genre Gelasimus. 6° Genre. — HELOECIUS. Dana, On the classification of the Crustacea Grapsoidea, Amer, journ. of sc., vol. XII, p. 286 (4851). Caractères généraux des Gélasimes, mais ayant les chélopodes presque également développés des deux côtés du corps; les pinces courtes et l'ab- domen du mâle occupant à sa base toute la largeur du thorax. 1, Hecocius conpIFoRMIs. (PI. 4, fig. 22.) Gelasimus cordiformis, Milne Edwards, Hist. des Crust., t. 11, p.53(1837). Helæcius cordiformis, Dana, Conspectus Crustaceorum, Proceedings Acad. sc. nat. of Philad., vol. V, p. 247 (1851). Carapace de même forme que chez les Gélasimes, mais notablement rétrécie en avant des lobes épibranchiaux qui sont très dilatés et renflés ; front étroit. Mains aussi longues que la carapace est large , lisses; ayant le poignet ou portion palmaire beaucoup plus longue que haute , et les pinces creusées en cuiller à leur extrémité, — Port Jackson, Australie, 154 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS 2, HELOECIUS INORNATUS. Dana, Conspectus, loc. cit. Se distingue de l'espèce précédente par l'allongement beaucoup plus grand des mains, — Côté sud de l’Australie. DEUXIÈME AGÈLE SATELLITE DES OCYPODIACÉS. MYCTIROIDÆA. Antennules verticales , à tigelle rudimentaire. Podophthalmites très courts ; hebdosternites non débordants. Ce petit groupe se rapproche des Ocypodiacés globulaires, et particu- lièrement du genre Doto. 7e GENRE — MYCTIRIS. Latreille, Règne animal de Cuvier, 4° édition, t. III, p. 21 (4817). Carapace globuleuse. Région frontale très petite ; hectognathes très grands et très saillants. 1. MyCTIRIS LONGICARPUS. Latreille, Encycl. méth., Ixsecr., pl. 297, fig. 3 (1818). Desmarest, Consid, sur les Crust., pl. 11, fig. 2. Guérin, Zconogr., Crusr., pl. 4, fig. 4. Dehaan, Fauna japon., p. 25. Milne Edwards, Hist, des Crust., t. 11, p. 37; et Atlas du Règne animal de Cuvier, Cnusr., pl, 18, fig. 2. Carapace presque lisse, à peine granulée ; pattes très longues. — Australie. 9, MyxcCrTiRIS PLATYCHELES, Carapace couverte de petits points granuleux , très espacés et très saillants. Pattes courtes et larges. — Port Western. DEUXIÈME AGÈLE PRINCIPAL. GONOPLACZÆ A. Caractères typiques. — Carapace quadrilatérale très déprimée. Orbites grands; podophthalmites très longs ; antennules à tigelle bien dévelop- pée, sereployant transversalement dans des fossettes antennulaires sous- frontales horizontales. Hectognathes coalescents, à méroïte aussi large SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS, 155 que long et à palpe prosarthre plutôt qu’exarthre. Chélopodes grêles et mains allongées. Pattes faibles ; hebdosternites très débordants. Caractères empiriques. — Tigelle antennulaire grande et horizontale ; hebdosternites débordants. PREMIÈRE SECTION, GONOPLACÉS VIGILS. Hectognathes à palpe prosarthre. 8° GENRE. — MACROPHTHALME. Latreille, Règne animal de Cuvier, 2° édit., t. IV, p. 44 (1829). Carapace transversale. Front très étroit et laissant à découvert l’arti- culation des podophthalmites. Fosses orbitaires très longues transversa- lement, ouvertes en dehors et à bord sourcilier très reculé. Podophthal- mites très longs et très grèles ; cornée petite et terminale. Hectognathes larges et courts, à méroïte beaucoup plus petit que l'ischioite, plus large que long, et rétréci en avant. Palpe exarthre. Chélopodes longs et à pince très déclive chez le mâle. Pattes longues et grêles. SI. — Espèces dont les podophthalmites sont notablement plus longs que les fosses orbitaires. 1. MACROPHTHALMUS VERREAUXI. (PI. 4, fig. 25.) Podophthalmites dépassant l’augle orbitaire externe d'environ la moitié de leur longueur. Carapace très large et distinctement granulée sur les régions branchiales. Dents latérales de la carapace aplaties. Chélopodes de longueur médiocre. — Nouvelle-Hollande, 2, MACROPHTHALMUS PODOPHTHALMUS. Eydoux et Souleyet, Voyage de la Bonile, Cnusr., pl. 3, fig. 6 (sans texte). Espèce très voisine de la précédente, mais ayant la carapace moins développée transversalement et moins granulée; les dents marginales spiniformes et pas déprimées. — Iles Sandwich. Le Gelasimus telescopius de M. Owen (Zool. of capt. Beechey's Voyage, p. 78, pl. 24, fig. 1, 1839), qui provient également des îles Sandwich, est une espèce de Macrophthalme qui est évidemment très voisine de la pré- cédente. 156 MILNÉ EDWARDS. — OBSERVATIONS Il est probable que le Macrophthalmus compressipes de M. Randall (Catal. of the Crustacea brought from the Sandwich islands, etc., Journ. of the Acad. of sc. of Philad.,1839, vol. VIIT, p.123) ne diffère pasde l’une ou de l’autre de ces espèces dont la distinction ne me semble pas possible à établir dans l’état actuel de nos connaissances. 3. MACROPHTHALMUS TRANSVERSUS. Gonoplax transversus, Latreille, Nouv. Dict. d'hist. nat, 2° éd., t. XIII, p. 297 (1847) ; et Encyclop. méth., p. 297, fig. 2. — Desmarest, Consid. sur les Crust., p. 125. Macrophthalmus transversus, Milne Edwards, Hist. des Crust., t. II, p. 64; et Règne anim, de Cuvier, Crusr., pl. 16, fig. 2. Podophthalmites ne dépassant guère l’angle orbitaire externe que de la longueur de la cornée. Carapace beaucoup plus large que dans les es- pèces précédentes et plus granuleuse ; une série longitudinale de quatre tubercules spiniformes sur les régions branchiales. Mains très longues et grêles. — Mers d’Asie. Bb. MACROPHTHALMUS SULCATUS. Podophthalmites ne dépassant que de très peu l'angle orbitaire externe. Carapace lisse et présentant de chaque côté deux sillons transversaux; le premier allant aboutir au bord sourcilier, dont l’angle externe est formé par la dent épibranchiale ; l’autre courbe et limitant en avant le lobe mésobranchial, qui présente plus en arrière une petite crête longitudi- nale obtuse et trilobulée, Mains de la femelle petites et lisses. Pattes am- bulatoires très longues. Mâle inconnu. — Ile de France. $ IL. — Zspèces dont les podophthalmites sont moins longs que les fosses orbitaires. A. Carapace au moins deux fois plus large que longue. Main armée d'une épine à sa face interne, près de l'articulation carpienne. 5. MACROPHTHALMUS CARINIMANUS. Cancer breves ? Herbst, Crab., pl. 60, fig. 4. Macrophthalmus carinimanus , Latreille, Mss. Collect. du Muséum. -— Milne Edwards, Hist. des Crustacés, t. IT, p. 65. Carapace fortement sillonnée en dessus, très granuleuse, et portant sur chaque région branchiale deux tubercules verruqueux. Mains très allongées, arrondies et granuleuses en dessus , et garnies d'une petite crête linéaire sur la partie inférieure de leur face externe. — Pondichéry et ile de France. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 157 6. MACROPHTHALMUS LÆVIMANUS. Espèce très voisine de la précédente, mais dont les mains sont arron- dies et dépourvues de crête. — Pondichéry. 7. MACROPHTHALMUS DILATATUS. Ocypode (Macrophthalmus) dilatatus, Dehaan, Fauna japonica, p. 55, tab. xv, fig. 2. Mains très granuleuses et armées, en dessus et en dehors, de tuber- cules spiniformes. — Mers du Japon et de l'Inde. 8. MACROPHTHALMUS PARVIMANUS. 2 Ocypode microcheles, Bosc., Crust.,t. [, p. 199. Macrophthalmus parvimanus, Latreille, Mss. Coll. du Muséum. — Milne Edwards , Hist. des Crustacés, t. II, p. 65. Espèce très voisine du M. carinimanus, mais ayant la carapace moins large et moins déprimée ; les chélopodes petits et comprimés; même chez le mâle, ils sont moins longs que les pattes ambulatoires antérieures, et les pinces sont à peine recourbées en bas. Podophthalmites un peu plus longs que dans l’espèce sus-nommée, mais ne dépassant pas l'angle orbitaire externe, Pattes assez grosses. — Ile de France ? L'espèce figurée sous le nom de Wacrophthalmus parvimanus par M. Guérin (Zconogr. du Règne anim., CrusT., pl. 4, fig.1) paraît se rappro- cher dayantage du W. japonicus, mais en diffère, ainsi que de toutes les autres espèces de ce genre, par l'absence d’échancrures sur les bords laté- raux de la carapace ; elle ressemble beaucoup à une femelle de quelque Gélasime de notre première section. . 9. MACROPHTHALMUS CRASSIPES. Espèce voisine du 4. carinimanus, mais ayant les orbites dirigés plus obliquement et les chélopodes beaucoup moins longs et plus gros ; une rangée de petits tubercules granulaires le long du bord supérieur de la main. — Nouvelle-Hollande. Le MacroPaTHALMuS PACIFICUS deM. Dana (Consp. Chr: loc. cit.) paraît se rapporter également à cette section, et a été caractérisé de la manière suivante : « Carapax valde transversus nudus et levis, margiue laterali » arcuaio, anterius 2-emarginato , emarginatione anteriore profunda, » posteriore obsolescente, fronte latiusculo et lateribus non excavato. » Oculi graciles, sat breves, tertiam latitudinis carapacis partem lon- 158 MILNE E DWARDS. — OBSERVATIONS » gitudine æquantes. Pedes maris antici parvuli, leves; manu extus » nuda, subtiliter punctata et non costata ; digito inferiore non deflexo. » Pedes postici marginibus pubescentes , articulo pedes 4t 3 tio duplo » latiore quam 5tus, apice cum dente acuto armato, — Hab. insula » Upolu. » B. — Carapace beaucoup moins élargie que dans la section précédente (pas, à beau- coup près, deux fois aussi large que longue) ; [ace interne de la main inerme. 10. MACROPHTHALMUS PECTINIPES. Guérin, Voyage de la Favorite, p. 167, pl. 49 (1839) ; et Mag. de zool., cl. VII, pl. 23. Carapace hérissée de tubercules subspiniformes. Pattes ambulatoires épineuses , celles de l’avant-dernière paire surtout, garnies de fortes épines en dessus et en dessous. — Bombay. 11. MACROPHTUALMUS GUERINI. Espèce très voisine de la précédente, à pattes pectinées, mais dont la carapace à peine granulée ne porte guère de tubercules que sur les ré- gions branchiales, où les plus gros sont disposés en une série longitudi- nale, — Indes orientales. 19. MACROPNTHALMUS SEMPLICIPES. Guérin, Voyage de la Favorite, p. ATA, pl 50, fig. 4 ; et Mag. de zool., cl. VI, pl. 24, fig. 1 (1839). Espèce très voisine du M. pectinipes, mais ayant moins de tubercules spiniformes sur la carapace, et ayant les pattes inermes. — Bombay. 13. MACROPHTHALMUS AFFINIS, Guérin, loc, cit., pl. 50, fig. 2 ; et Mag. de 5oo!., cl. VII, pl. 24, fig. 2 (1837). Carapace de même forme que chez les précédents, mais ne présentant en dessus que des granulations très fines. Pattes inermes.— Bombay. A4. MACROPTHALMUS JAPONICUS, Ocypode ( Macrophthalmus) japonicus, Dehaan, Fauna japonica, Crusr : p. 54, pl. 45, fig. 2, et pl. 7, fig. 1 (1835). Macrophthalmus japonicus, Adams et While, Voyage of the Samarang, Causr., p. 51. Carapace plus bombée et moins élargie que dans les espèces précé- SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS, 4159 dentes , très finement granulée en deb orbites plus obliques. Pattes inermes. — Japon. 15. MACROPATHALMUS DEPRESSUS. Rüppell Krabben, p. 17, pl. 4, fig. 6 (1830). Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés , t. I, p. 66. Espèce assez voisine de la précédente, mais ayant les podophthalmites plus grèles et plus courts, les chélopodes très courts, la main élargie, subovalaire et velue en dessus, enfin les bords de la région branchiale unidentés. — Mer Rouge. 16. MACROPHTHALMUS SETOSUS. Carapace plus élargie que dans l'espèce précédente et à orbites obli- ques. Pattes ambulatoires, bras et face interne des mains garnis de longs poils soyeux. — Nouvelle-Hollande, 17. MACROPHTHALMUS TOMENTOSUS. Eydoux et Souleyet, Voyage de la Bonite, Cnusracés, pl. 3, fig. 8. Cette espèce se distingue de toutes les précédentes par la forme de la carapace, qui est rétrécie vers sa partie antérieure, Pattes tomenteuses.— Manille. M. White a décrit deux espèces nouvelles de Macrophthalmes qui pa- raissent se distinguer de toutes les précédentes par le peu de largeur de la carapace. Ce sont : Le MacrOP&THALMUS DEFINITUS (Voyage of the Samarang, CrusT., p. 51), caractérisé de la manière suivante: « Thorace anguste-quadrato, lateribus » dentibus tribus, angulo canthi incluso, dente secundo latiore , dente » tertio parvo. Chelis articulis perlongis vix supra marginatis ; digito » superioredente par vo prope basin; digito inferiore sinu valde profundo ; » manu infra tuberculata, interne pilosa. — Hab. insulas Philippinas. » Le MacnoPaTHaLMus sERRATUS, White (Loc. cit.): « Thorace anguste- » quadrato, lateribus antice dentibus tribus robustis, postice carina sub- » crenulata. Chelis, manu ad basin interne dilatata, longitudinaliter » excavala ; digitis pilis longis densis obsitis ; digito superiore in medio, » dente truncato. Pedibus posterioribus , parte superiore , spina prope » extremitatem. — Hab, insulas Philippiuas. » 460 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS 9e GENRE. — EUPLAX. Carapace presque aussi longue que large. Podophthalmites médiocres, ne dépassant guère en longueur la largeur du front. Hectognaihes comme chez les Macrophthalmes. Chélopodes courts dans les deux sexes. 1. EUPLAX LEPTOPHTHALMUS. Podophthalmites très grêles et beaucoup moins longs que les orbites. Front médiocre. Carapace armée de trois dents latérales , larges et rele- vées. — Chili. 2, Eurrax Boscr. Cancer, Savigny, Egypte, Crusr., pl. 2, fig. 4 Macrophthalmus Boscii, Audouin, Eæplicat. des planches de Savigny, loc. cit. — Krause, Sudafrikanischen Crustaceen, p.40. Podophthalmites très gros. Front large. Carapace armée de deux dents latérales. — Egypte et côte sud-est de l'Afrique. 10° GENRE. — CLEISTOSTOMA. Debaan, Fauna japonica, p. 26 (1833). Hectognathes larges et courts, à méroïte transversal presque carré et aussi long que l'ischiognathite et à palpe prosarthre. Chélopodes petits dans les deux sexes. Front assez large et recouvrant plus ou moins la base des podophthalmites, qui sont gros et de longueur médiocre , ainsi que les fosses orbitaires. A. CLEISTOSTOMA PUSILLA, Dehaan, Fauna japonica, p. 36, pl. 16, fig. 4. Front large, recouvrant complétement la base des podophthalmites. Carapace à bords latéraux subentiers. — Japon. 2, CLEISTOSTOMA DILATATA. Dehaan, op. cit., p. 35, pl. 7, fig. 3. Front moins large que dans l’espèce précédente et ne recouvrant qu'in- complétement la base des podophthalmites. Chélopodes assez grands chez le mâle. — Japon. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 1GL M. Dehaan rapporte aussi à ce genre les Crustacés de l'Égypte figurés par Savigny et désignés par Audouin sous les noms de Macrophthalmus Leachi (Crust., pl. 2, fig. 1). Le Cleistostoma hirtipes de MM. Hombron et Jacquinot (Voy. de l’As- trolabe au pôle sud, Cnusr., pl. 6, fig. 3) est dans un si mauvais état deconservation, que je ne saurais le déterminer génériquement; du reste, il se distingue facilement du €. dilatata par la largeur de son front , et du €. pusilla par la grandeur de ses chélopodes et les deux fortes dents du bord latéral de la carapace. — Ile de Samoa. 11e GENRE. — BRACHYNOTUS. Dehaan, Fauna japonica, p. 34 (1835). Hectognathes à peu près comme chez les Cléistostomes, mais à méroïte légèrement auriculé (pl. 4, fig. 264), Tétragnathes à branche moyenne unilobée (tandis que, chez tous les autres genres du même agèle, ce mésognathite est bilobé). BRACHYNOTUS SEXDENTATUS. (PL. 4, fig. 26.) Gonoplaz sexdentatus, Risso, Hist. nat, de l'Europe mérid., t, V, p. 13. Brachynotus sexdentatus, Dehaan, loc. cit. Front très large. Trois dents fortes et plates de chaque côté de la cara- pace; deux épines sur la région sous-orbitaire.— Habite la côte de Nice. 12° GENRE, — METAPLAX. Hectognathes très bâillants, à mésoïte étroit, beaucoup plus long que large, rétréci en arrière et tronqué en avant (fig. 27,). Front large et incliné. Chélopodes longs et robustes, Pattes grêles et longues, à dactylopodite styliforme, mais déprimé. Ce genre établit à la fois le passage entre les Macrophthalmes, les Gonoplaces et les Hélices. 1. METAPLAX INDICUS, Lobe sous-orbitaire divisé en un petit nombre de lobules subdenti- formes et obtus. Antépénultième article de l'abdomen du mâle formé de trois anneaux soudés entre eux. —- Indes orientales. 3° série. Zoo. T. XVIIT. (Cahier n° 2.) 5 L 162 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS 9, METAPLAX DISTINCTUS. (PI 4, fig. 27.) Espèce très voisine «le la précédente, mais ayant le lobe sous-orbitaire finement crénelé et tous les anneaux de l'abdomen distincts chez le mâle, — Bombay. DEUXIÈME SECTION. GONOPLACES CANCÉROIDES. Hectognathes à palpe goniarthre. 13° GENRE. — GONOPLAX. Leach, Arrangement of the Crustacea, etc., Trans. linn. Soc., vol. II, p. 323 (1815). Rhombille, Lamarck, Hist. des anim. sans vert, t. V, p. 253 (1818). Carapace ayant la forme d’un trapèze assez régulier. Région faciale occupant toute la largeur de la carapace. Front lamelleux incliné à bord droit; lobe sous-orbitaire peu développé. Chélopodes très longs. Pattes grêles, de longueur médiocre; hebdosomite moins large que dans les genres précédents. 1, GONOPLAX ANGULATA, Cancer angulatus, Pennant, Brit. z00l., vol. IV, pl. 5, fig. 40 (1777). — Fabricius, Suppl. ent. syst., p. 341. — Herbst, Kraben, pl. 1, fig. 13. Gonoplaæ bispinosa, Leach, Malacostr. Pod. Brelon., pl. 13 (1815). Latreille, Encycl. méth., Insecr., t. X, p. 293, pl. 273, Gg. 5. Gonoplaz angulata, Milue Edwards, Hist. des Crust., L. IL, p. 61. — Bell, Hist. of British Crustacea, p. 80, fig. Carapace armée de chaque côté de deux petites épines marginales. — Côtes de la Manche. 9, GonoPLAx RHOMBOIDES, Cancer rhomboides, Fabricius, Suppl. ent. syst., p. 404 (1798). Herbst, op. cit., pl. 1, fig. 42, et pl. 45, fig. 5. Ocypode rhomboiïdes , Bosc., Crust., t. 1, p.199. Ocypode longimana , Latreille, Hist. des Crust. et Ins., t. VI, p. 44. Gonoplax loggimana, Larok., Hist. des anim. sans vert., 1. V, p. 254. Gonoplax bispinosa , Latreille, Encycl. méth., t. X, p. 293. SUR LA CLASSIFICATION DES CRUSTACÉS. 163 Gonoplux rhomboides, Desmarest, op. cit., p.125, pl. 4, Gg. 2. — Roux, Crust. de la Méditerr., pl,9. — Milne Edwards, Hist. des Crust., t. II, p. 62; et Atlas du Règne ani- mal de Cuvier, Crusracés, pl. 16, fig. 1. Carapace n'ayant de chaque côté qu’une seule épine formée par l'angle orbitaire externe. Ce n'est peut-être qu’une variété de l'espèce précé- dente. — Méditerranée, Océan, Manche. 14e GENRE. — OMMATOCARCINUS. White, Append. to the narrative of the voyage of the Rattlesnalke commanded by capt. O. Standley, vol. IL (1852). Front étroit; podophthalmites très allongés. Carapace beaucoup plus large en avant qu’en arrière, à bords latéraux concaves. Ce genre établit le passage entre les Gonoplaces et les Macrophthalmes ; il ressemble à ces derniers par la disposition des orbites , le grand développement des podophthalmites et la forme du front , tandis qu'il tient des Gonoplaces par la structure des bectognathes, la position des antennules et la forme des chélopodes. 1. OmmarocarcINUs MACGILLIVERI. White, loc. cit., p. 293, tab. 5, fig, 4 (1852). Angles orbitaires externes prolongés en dehors en manière de grosses dents spiniformes. Chélopodes du mâle très allongés et subcylindriques. — Port Curtis, Australie. 15° GENRE. — PRIONOPLAX. Front lamelleux incliné et très avancé. Lobes sous-orbitaires très dé- veloppés. Région faciale beaucoup moins large quela carapace au niveau du lobe mésogastrique ; régions hépatiques très développées ; bords laté- raux de la carapace armés d’unesérie de fortes dents. Hebdosomite très développé. Chélopodes robustes et beaucoup moins allongés que chez les Gonoplaces. Ce genre établit le passage entre les Macrophthalmes et les Pseudo- rhombiles. PRIONOPLAX SPINICARPUS, Carapace bombée' d'avant en arrière, beaucoup plus large que longue, légèrement rétrécie antérieurement et à sillons interlobaires très mar- qués. Lobes hépatiques très développés. Front très déclive et bilobé. Quatre dents marginales de chaque côté. — Patrie inconnue. 164 _MILNE. EDWARDS. : — OBSERVATIONS TRIBU SATELLITE DES OCYPODINÆ. CARCINOPLACINZÆ. Carapace transversale élevée. Région faciale de largeur médiocre : orbites petits. Protourite occupant toute la largeur du bord postérieur du thorax , et s'étendant jusque sur les coxopodites correspondants. Hectognathes coalescents, à palpe goniarthre. Chélopodes très allongés. Pattes ambulatoires grêles, allongées, surtout celles des paires moyennes, et à dactylopodites grèles et aplatis. Ce petit groupe établit le passage entre les Gonoplaces et les Cancé- riens. - 16° GENRE. — PSEUDORHOMBILA. Milne Edwards, Hist. des Crust., t. II, p. 58 (1837). Région faciale de largeur médiocre; orbites petits et presque ronds ; région hépatique très développée. Dactylopodites styliformes, ciliés laté- ralement. PSEUDORHOMBILA QUADRIDENTATA. Melia quadridentata, Latreille, Encycl. méth., Ixsecr., t. XVI, p. 706. Pseudorhombila quadridentata, Milne Edwards, Hist. des Crust., t. I, p. 59 47° GENRE. — CARCINOPLAX. Curtonotus, Debaan , Fauna japonica, p. 21 (1833). Très voisin des Pseudorhombiles , mais ayant les régions hépatiques moins développées, la carapace plus ovoïde et les pattes postérieures à dactylopodite comprimé. Le nom de Curtonotus, donné à cette division par M. Dehaan , n’a pu être conservé, M. Stephens l'ayant employé plus anciennement pour désigner un genre de coléoptères. A. CARCINOPLAX LONGIMANUS, Cancer curtonotus longimanus, Dehaan, loc. cit., p. 50, pl, 6, fig. 3. Carapace arrondie et inerme latéralement. Chélopodes cylindroides et très longs chez le mâle. — Japon. 9, CARCINOPLAX VESTITUS. Cancer curtonotus vestitus, Dehaan, op. cit., p. 51, pl. 5, fig. 3. Carapace armée de trois paires de petites dents marginales. Chélopodes courts , comprimés et très poilus. — Japon. (La suite à un prochain numéro.) SUR. LA CLASSIFICATION. DES CRUSTACÉS. 165 EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE à, Tous les Gélasimes représentés dans cette planche et la suivante sont des indivi- dus mâles. Fig. 4. Gecasruus Manracoanr. Région faciale grossie et représentée d'un côté seulement. Fig. 4a, Portion postérieure du thorax du mâle, montrant les hebdosternites (a) débordant de chaque côté de la base de l'abdomen (a), près du bord posté- rieur de la carapace (c); d, base des pattes postérieures. Fig. 13. Grosse main vue par sa face externe , grandeur naturelle. Fig. 2. GeLasinus pLATypacryLus. Face externe de la grosse main. Fig. 2“. Face interne, ou palmaire de la même main, Fig. 25. Bras (face antérieure). L Fig. 3. Gecasiuus srycirenus. Face externe de la grosse main. Fig. 34. Podophthalmite stylifère. Fig. 4. Gecasiuus vocaxs. Portion de la région faciale, grossie pour montrer la forme du front. Fig. #,. Face interne de la grosse main, un peu grossie. Fig. 4. Bras. Fig. 5. Gecasiuus Mamowis. Face externe de la grosse main {grossie). Fig. 5,. Patte ambulatoire postérieure. Fig. 6. GeLasimus coancrarus. Face externe de la grosse main. Fig. 7. Gerasimus srevires. Face interne de la grosse main (grossie). Fig. 7,. Patte ambulatoire de la dernière paire. Fig. 8. Gecasiuus arcuarus. Région faciale (grossie). Fig. 84. Face interne de la grosse main. Fig. 9. Gecasmmus rerraconox. Région faciale (grossie). Fig. 94. Face interne de la grosse main. Fig. 92. Bras. Fig. 10. Gecasiwus Unvizer. Région faciale (grossie); le podophthalmite a été enlevé pour mieux montrer la forme du bord sourcilier. Fig. 404. Face externe de la grosse main, Fig. 11. Gevasuus roncers. Région faciale (grossie), Fig. 114, Face externe de la grosse main (grossie). PLANCHE {. Fig. 12. Gecasimus Dussumienur. Face externe de la grosse main (grossie). Fig. 42,4. Front. Fig. 124. Bras. Fig. 43. Gecasimus Pazusrnis, Région faciale grossie, et vue en dessus pour mon- trer la forme du lobe sourcilier, 166 MILNE EDWARDS. — OBSERVATIONS, ETC. Fig. 13,. Face interne de la grosse main. Fig. 132. Extrémité de l'abdomen. Fig. 14. Gecasuus pucicaron. Région faciale, vue en dessus et grossie. Fig. 144, Face interne de la grosse main. Fig. 145, Extrémité de l'abdomen. Fig. 15. Gevasinus axnuuees. Région faciale, vue en dessus et grossie. Fig. 15%, Portion de la même, vue en dessous, pour montrer le bord orbitaire inférieur. Fig. 152, Grosse main (face interne), grossie. Fig. 152, Extrémité de l'abdomen. Fig. 16. Gecasimus Lacreus. Face interne de la grosse pince (grossie); Fig. 417. Gevasimus Gaimanou. Région orbitaire, vue en dessous et un peu grossie. Fig. 174, Grosse main. Face interne, Fig. 18. GeLasius PerpLexus. Région faciale, vue en dessus et grossie. Fig. 184. Grosse main; face interne grossie. Fig. 49. Gecasinus cucororarmarmus. Face interne de la grosse main (grossie). Fig. 20. Gecasiwus Larneizer. Région faciale grossie et vue en dessus. Fig. 204, Face interne de la grosse main. Fig. 21. Gecasiuus Tançenr, Région faciale vue en dessus. Fig. 22. HaLocimus connironms. Région faciale grossie, le podophthalmite a été enlevé, Fig. 224, Portion postérieure du thorax , pour montrer que les hebdosterniles ne sont pas débordants comme chez les Ocypodiacés, el que le protourite (a) s'étend jusqu'aux coxopodites (c); — b , bord postérieur de la carapace. Fig. 23. Acanruorcax insiGnis. Carapace vue en dessus, de grandeur naturelle. Fig. 24. Doro uycrinomwes. Carapace vue en dessus et grossie. Fig. 242, Corps vu de côté; les pattes ambulatoires ayant été coupées et le chélopode (a) laissé en place; — b, hectognathes. Fig. 240, Hectognathe grossi. — 4, ischiognathite ; — b, mérognathite. Fig. 25. Macropnraazuus VenreAuxI, Vu en dessus et un peu grossi. Fig. 25e, Région frontale grossie, — a, front; — b, épistome; — c, po- dophthalmile, Fig. 256. Hectognathe. Fig. 26. BnacuyNorus SEXDENTATUS, Carapace grossie, Fig. 264, Région orbitaire, etc., grossie. Fig. 27. Merapcax pisrincrus. Carapace grossie. Fig. 27%. Hectognathe, ÉTUDES SUR LES TYPES INFÉRIEURS DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS, Par M. A. DE QUATREFAGES. Mémoire sur le système nerveux, les affinités et les analogies * des Lombrics et des Sangsues. (Exrrarr.) En m’occupant pendant plusieurs années du système nerveux des Annélides proprement dites, je ne pouvais négliger l'étude de ce même système chez d’autres Annelés que, jusqu’à ces der- niers temps, presque tous les naturalistes s’accordaient à placer dans la même classe. Aussi, dès 1846, avais-je examiné avec soin l'appareil dont il s’agit chez les Lombrics et les Sangsues, Quel- ques uns des faits nouveaux résultant de cette étude furent indi- qués , l’année suivante, dans une note et dans une des planches du Règne animal. Dès celte époque, j'avais reconnu des rapports et des différences aséez inattendus ; mais pour établir entre ces trois groupes, au point de vue dont il s'agit, une comparaison rigoureuse, il fallait une connaissance approfondie qui nécessitait de nouvelles recherches. Aujourd’hui je crois pouvoir présenter avec confiance les résullats de cette étude et les conséquences qui en découlent. Comme dans mes travaux précédents, j’examinerai successive- ment le système nerveux général et le système nerveux viscéral , en me bornant d’ailleurs, pour aujourd’hui, à indiquer les points les plus essentiels. Le système nerveux général des Lombrics, et surtout celui des Sangsues, à été décrit par plusieurs naturalistes ; mais, faute de notions suffisamment précises et de termes de comparaison assez rapprochés, ils n’ont pu apporter dans leurs recherches une très 168 A. DE QUATREFAGES. — SUR LES LOMBRICS grande rigueur , à plus forte raison ont-ils dû négliger entière- ment cette analyse détaillée des organes, qui seule permet de reconnaître les analogies anatomiques. C’est là une des principales lacunes que j'ai cherché à remplir. Je citerai un seul exemple de ce double travail de révision et de détermination. Chez les Sangsues, on a décrit, comme partant du cerveau lui-même , les quatre troncs nerveux qui vont se distribuer à la ventouse antérieure, tandis qu’en réalité la paire médiane seule a celte origine (1). Les deux nerfs latéraux partent du milieu du connectif, qui est ici d’une extrême brièveté. Chez les Lombrics, on trouve aussi deux nerfs naissant au même point; mais ils sont accompagnés de deux autres paires nerveuses placées en arrière , et qui ont été confondues avec eux. D'autre part, chez certaines Annélides, chez plusieurs Crusta- cés , le même point du connectif fournit aussi des troncs nerveux assez considérables. Tous ces nerfs, qui ont la même origine, sont-ils réellement les représentants, les analogues anatomiques les uns des autres? Le principe des connexions, dont Geoffroy- Saint-Hilaire a tiré un si grand parti dans l’étude ostéologique des Vertébrés, nous montre que non. Chez les Crustacés, le nerf dont nous parlons se porte aux man- dibules, c’est-à-dire sur les côtés de la tête; c’est également aux parties latérales de cette portion du corps qu'aboutissent le nerf en question chez les Sangsues, et la première paire des nerfs du connectif chez le Lombric. Sans doute le point de terminaison n’est pas exactement le même, ce qui s'explique par les diffé- rences d'organisation ; mais tous ces nerfs sont des nerfs cépha- liques, et, à ce titre, ils sont au moins, jusqu’à un certain point, les analogues les uns des autres. Chez les Annélides, au contraire, le nerf partant du connectif se distribue tout entier aux anneaux et aux cloisons du voisinage. C'est également à ces anneaux et à ces cloisons qu’aboutissent les deux paires postérieures des Lombrics. Celles-ci sont donc les analogues de la paire unique des Annélides ; mais ni les unes ni (1) Les dessins relatifs à ce mémoire ont paru dans le Règne animal illustré. Voy. le volume des AnNéLIDES , pl. 1. ET LES SANGSUES, 169 les autres ne doivent être assimilées à celles qu’on trouve chez les Crustacés et les Sangsues, bien que le point d’origine soit partout à peu près le même. Ainsi la seconde moitié du connectif fournit chez les Lombrics des nerfs céphaliques et des nerfs annulaires ; chez les Sangsues et les Crustacés, des nerfs céphaliques seulement ; chez certaines Annélides, des nerfs annulaires seulement. Enfin, chez d’autres Annelés, chez la plupart des Insectes, par exemple, la même por- tion du système nerveux ne donne naissance à aucun nerf (1). Le principe des connexions m'a été également utile pour dé- terminer la véritable nature de certaines masses nerveuses. En voici un exemple. Le système nerveux général des Sangsues se compose d’un petit nombre de ganglions largement espacés , réunis par des connectifs très grèles. Tous ces ganglions , à l’exception du pre- mier et du dernier , fournissent deux paires de nerfs latéraux qui se distribuent aux muscles du corps. Le premier ganglion, beau- coup plus volumineux que les suivants, fournit quatre paires de nerfs au lieu de deux. Ces nerfs se comportent d’ailleurs exacte- ment comme ceux des autres ganglions. Le centre d’où elles partent doit donc être considéré, non pas comme un ganglion unique, mais bien comme formé par la fusion de deux ganglions. Le ganglion postérieur, qui se distingue aussi par son volume, fournit sept paires de nerfsy mais ceux-ci ont une destina- tion particulière. Ils vont tous à la ventouse anale , et le centre qui les fournit me semble , par conséquent , devoir être considéré comme un ganglion unique ayant une destination spéciale. Ses dimensions exceptionnelles ne sont autre chose qu’un fait de plus venant à l’appui des considérations que j’ai présentées ailleurs sur le rapport remarquable existant chez tous les Invertébrés, entre le développement du système nerveux et le développement du système musculaire (2). (4) Bien entendu qu'il ne s'agit pas ici des diverses racines du système ner- veux viscéral qui se détachent du connectif chez les Crustacés, les Annélides et les Lombrics. (2) Si la ventouse elle-même est le résullat de la fusion et de la métamor- 170 A. DE_ QUATREFAGES, — SUR LES LOMBRICS Le petit nombre de ganglions chez les Sangsues me conduit à combattre une idée bien peu en harmonie avec les progrès de la science, mais qui se trouve néanmoins reproduite dans les traités les plus récents et les plus spéciaux. On a regardé comme autant de vrais anneaux les plis transverses que présente la peau des Sangsues. Cette détermination est inexacte, et tient à un défaut de comparaison avec les groupes voisins. Chez les Sangsues comme chez les Lombrics, comme chez les Annélides, etc., le nombre des véritables anneaux, des segments du corps, est déterminé par celui des ganglions nerveux. Pour s’en convaincre, il suffit d'étudier comparativement les autres appareils organiques, et surtout le système musculaire. Je crois avoir été le premier à signaler les rapports étroits qui, chez les Annelés , unissent les systèmes nerveux et vasculaire, Ces rapports sont ici très marqués, surtout chez les Lombrics. Les planches que j'ai mises sous les yeux de l’Académie me dis- penseront d’entrer dans des détails descriptifs (1). Je me bornerai à dire que la chaîne ganglionnaire abdominale est accompagnée d’un bout à l’autre par trois troncs vasculaires dont les branches lui sont exclusivement destinées ; que le cerveau est, pour ainsi dire, bordé par de gros vaisseaux d’origine diverse ; enfin que les nerfs cérébraux eux-mêmes sont accompagnés de vaisseaux qui leur sont accolés. Ces rapports intimes nous expliquent, sans doute, pourquoi, chez les Lombrics, l'appareil vasculaire ne re- çoit pas de nerfs propres partant d’une portion spéciale du système nerveux. Dans l'état actuel de la science, le système nerveux viscéral des Lombrics et des Sangsues était beaucoup plus intéressant à étu- dier que le système nerveux général ; mais cette recherche pré- sentait des difficultés bien plus grandes. Ceci nous explique pour- quoi ce système avait élé très incomplétement décrit chez les phose d'un certain nombre d'anneaux, il est possible que son centre nerveux soit formé par la soudure de plusieurs ganglions. Des recherches embryogéniques seraient nécessaires pour résoudre ces questions. (1) Règne animal illustré, anatomie de la Sangsue, pl. 24, et anatomie du Lombric, pl. 24 bis. ET LES SANGSUES. 171 Sangsues, pourquoi il était resté inconnu chez les Lombrics, Disons tout de suite que dans ces deux groupes, regardés jusqu’à ce jour comme si voisins, ce système diffère complétement, et par ses origines , et par ses dispositions anatomiques. En effet, chez les Sangsues, le système nerveux viscéral ne présente que deux racines de chaque côlé, et ces racines partent exclusivement du cerveau (1). Chez les Lombrics, le nombre des racines est de six de chaque côté, et les quatre plus fortes sont fournies par le connectif. Chez les Sangsues, l'appareil qui nous occupe consiste en deux chapelets latéraux de ganglions , d’où partent en avant des filets disposés en arcades, et en arrière des filets qui aboutissent à un ganglion sous-æsophagien analogue, sans doute, aux ganglions vasculaires des Insectes (2). Chez les Lombrics, le même appareil consiste en un nombre considérable de ganglions irréguliers qui forment un véritable pleæus, en donnant à ce mot la valeur qu’on lui attribue chez les Vertébrés les plus élevés. Bien que j’omette à dessein les détails descriptifs qui trouve- ront place ailleurs, ce qui précède suffira pour faire comprendre à quel point les Sangsues et les Lombrics diffèrent sous le rapport qui nous occupe. Dans les premières, le système nerveux général présente la plus grande ressemblance avec celui des Insectes par le petit nombre de ses ganglions, par la longueur et la gracilité des connectifs du corps, par la brièveté des connectifs du cer- veau , etc. Au contraire, c’est au système nerveux général des Annélides marines que celui des Lombrics ressemble par le grand nombre des ganglions, par la forme et l'étendue des connectifs du cerveau, par la brièveté et le volume des connectifs du corps, etc. C’est encore du système nerveux viscéral des Insectes que celui des Sangsues se rapproche le plus. L’arc nerveux antérieur, avec son ganglion frontal , répèle même presque exactement ce (1) Règne animal illustré, pl, 10, (2) Je n'ai pas trouvé le nerf médian impair décrit par M. Brandt. Peut-être son extrême ténuilé dans l'espèce que je disséquais m'a-t-elle empêché de le voir. Je n'ai pu suivre les filets qui se courbent autour de l'œsophage, et voir leurs ganglions que chez l'Æmopis. 172 A. DE QUATREFAGES. — SUR LES LOMBRICS qui existe chez les Coléoptères. Le système nerveux viscéral des Lombrics présente une disposition tout à fait spéciale à ce groupe, et qui n’a encore été signalée chez aucun autre Invertébré. !: On le voit, les différences qui distinguent le système nerveux viscéral des Sangsues de celui des Lombrics re consistent pas seulement en un développement plus ou moins considérable de certaines parties. Ce sont deux appareils construits sur deux plans distincts et caractéristiques. Ce fait, constaté dans un sys- tème aussi important que le système nerveux, donnait une valeur nouvelle aux divergences déjà signalées dans les autres appa- reils organiques, et dès lors il devenait difficile de considérer comme exactes les idées généralement admises sur les affinités de ces deux groupes. En effet, chez les Lombrics, les pieds, quoique rudimentaires, n’en existent pas moins , tandis que les Sangsues sont complétement apodes. Dans les premiers, les grands troncs vasculaires sont placés dans le sens vertical ; ils sont situés dans le sens horizontal chez les secondes. L'appareil sécréteur présente des dispositions inverses : ouvert sur le dos chez les Lombrics, il l’est sur les côtés chez les Sangsues. L’ap- pareil digestif, si caractéristique et si constant chez les Lombrics, est, au contraire, très variable chez les Sangsues, sans présenter jamais de repli intérieur (#yplosolis). Enfin les organes génitaux eux-mêmes différent à beaucoup d’égards. En joignant à ces faits ceux que je viens de faire connaître, on restera convaincu, j'espère, que les Sangsues et les Lombrics sont autre chose que deux simples familles appartenant à une même classe, Quel que soit le système d'organes que l’on exa- mine , on trouve entre ces deux groupes des différences de beau- coup plus grandes que celles qui séparent, par exemple, les Mam- mifères des Oiseaux. On est ainsi conduit à les considérer comme devant former deux classes distinctes pour lesquelles je propo- serai les noms de classe des Zrythrèmes, renfermant les Lombrics et leurs dérivés, et de classe des Bdelles, renfermant les Sangsues et leurs dérivés. Mais quels seront les rapports de ces deux classes entre elles et avec les autres Annelés ? Pour répondre à cette question, pour ET LES SANGSUES. 173 si motiver la réponse, je dois recourir à quelques considérations générales. Les zoologisles qui se sont occupés des classifications ont dû être frappés d’abord presque uniquement des ressemblances que présentaient les animaux d’un même groupe. Pendant longues années, on s’est borné, en effet, à rechercher et à faire connaître les rapports de voisinage qui constituent les afjinités zoologiques. Mais à mesure que l’on acquit une connaissance plus complète de l’organisation, on reconnut que certains êtres, placés à juste ütre dans des groupes très différents, n’en présentaient pas moins entre eux des ressemblances frappantes. Ainsi naquit et se for- mula peu à peu l’idée des analogies zoologiques , des termes cor- respondants. Cette idée a été et sera longtemps encore une des plus fécondes qui aient pris rang dans la science moderne. Les recherches auxquelles elle a donné lieu ont amené d’importantes modifications dans l’appréciation des rapports qui unissent entre elles plusieurs parties du règne animal. Elles ont, entre autres, fait disparaître des intercalations qui, tout en rompant la chaîne des affinités réelles, empêchaient les analogies de se manifester. Pour ne citer qu’un exemple bien connuet universellement adopté, je rappellerai que les Marsupiaux, longtemps confondus avec les Mammifères ordinaires, en ont été détachés avec raison, et qu'ils forment aujourd’hui une série particulière dans laquelle presque chaque groupe secondaire des Mammifères proprement dits compte son analogue zoologique, son {erme correspondant. ' Toutes les fois qu’un groupe zoologique se prêtera à l’application de ces idées, idées dont M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, entre autres, a souvent entretenu l’Académie à propos de l'étude des Vertébrés, il devra être divisé en un certain nombre de groupes secondaires ou séries composées de termes dont chacun aura nécessairement des rapports d’affinité avec les êtres faisant partie de la même série, et pourra avoir des rapports d’analogie avec quelqu'un des êtres appartenant à d’autres séries. Mais une ré- partilion comme celle dont il s’agit ici ne peut se faire que lors- qu'une étude très détaillée a permis de reconnaitre les caractères fondamentaux propres à chacune de ces séries, Ces caractères 474 A. DE QUATREFAGES. — SUR LES LOMBRICS doivent, d’une part, appartenir exclusivement à une seule série d’un même groupe; d’aulre part, ils doivent avoir une impor- tance réelle, et être en même temps très précis. Ces conditions se trouvent remplies chez les Mammifères par les différences que présentent, dans les Monodelphes et les Didel- phes , les organes et les fonctions de reproduction. Ces mêmes organes , ces mêmes fonctions examinés chez les Vers, caracté- risent non moins nettement deux grandes séries, embrassant le sous-embranchement tout entier, En effet , chez certains Vers, les sexes sont séparés comme ils le sont chez tous les Vertébrés, comme ils le sont chez tous les Annelés supérieurs. Chez d’autres , au contraire, les sexes sont réunis sur le même individu. Ce qui, chez les premiers , consti- tuerait une monstruosité, est, chez les seconds, l’état normal. L'importance physiologique de cette réunion ou de celte sépara- tion ne saurait être niée ; en outre, comme caractère distinctif, rien ne peut être plus tranché. Un animal est hermaphrodite, ou bien il ne l’est pas. Entre ces deux alternatives il n’y a point de transition , point d’intermédiaire analomique possibles. Or si l’on partage, d’après ces idées, le sous-embranchement des Vers en deux groupes, l’un renfermant les #’ers dioïques , l’autre renfermant les Vers monoïques, on voit que ces groupes forment deux séries très homogènes, et présentant de l’une à l’autre des rapports remarquables. En d’autres termes , par le fait seul de cette division, les aflinités sont devenues plus frap- pantes. En même temps les analogies, jusque-là où méconnues, ou prises pour des affinités, se sont manifestées. Dès lors on à fait disparaître la cause principale de l’extrème difficulté qu’ont présentée jusqu'ici la délimitation et la répartition méthodique des groupes secondaires. Les Lombrics et les Sangsues vont nous fournir un exemple à l'appui de ce qui précède. Cuvier, prenant pour point de départ les appareils de la cir- culation et de la respiration, a réuni ces deux groupes aux Anné- lides marines. Il a été suivi en cela par presque tous les natura- listes. M. de Blainville, guidé par les caractères que fournit la ET LES SANGSUES. 175 forme extérieure, à laissé les Lombrics parmi les Annélides, et rejeté les Sangsues parmi les Vers intestinaux au-dessous des Ascarides. En outre, tous deux placaient parmi les Sangsues les Malacobdelles, qui sont devenues le type des Bdellomorphes. Ces deux maîtres de la science réunissaient dans une même classe des animaux à sexes séparés et des animaux normalement her- maphrodites. De plus, M. de Blainville plaçait, entre les Sangsues et les Lombrics , des êtres qui n’ont , avec les uns et les autres, que des ressemblances très éloignées. — J’ai hâte de le dire , à l’époque où écrivaient Cuvier et Blainville, il n’était guère pos- sible de ne pas regarder l’une de ces deux opinions comme parfaitement fondée, malgré les objections sérieuses que leur coexistence même fait aisément deviner. La distinction entre les ressemblances par affinité et les ressem- blances par analogie lève toutes ces difficultés. Et d’abord, les Lombrics comme les Sangsues portent les deux sexes réunis sur un même individu (1); les Annélides et les Ma- lacobdelles ont, au contraire, les sexes séparés (2). Les deux pre- (4) M. Steenstrup, qui a nié d’une manière absolue l'existence de l'herma- phrodisme normal , ne regarde pas les Lombrics comme réunissant les deux sexes; mais aucune observation n'a encore confirmé , que je sache, la manière de voir du physiologiste danois. (2) Les poches latérales des Sangsues, évidemment analogues aux canaux tor- tueux des Lombrics , ont été considérées , soit comme des organes de respiration (Dugès et quelques autres anatomistes), soit comme des organes de sécrétion de- vant fournir, plus particulièrement que d'autres glandes, la mucosité qui enduit le corps de l'animal. J'ai embrassé cette dernière opinion qui prévaut aujourd'hui généralement, après des expériences qui ont été brièvement consignées dans ces Annales (3° série, t. VIII). M. Williams, médecin anglais, qui a publié un rapport fort étendu sur l'ana- tomie des Annélides, vient d'émettre une opinion toute nouvelle. Il regarde ces poches et ces canaux comme faisant partie des organes reproducteurs femelles des Sangsues et des Lombrics. Les faits qu'il invoque à l'appui de son opinion me semblent avoir grandement besoin d'être vérifiés ; mais, fussent-ils vrais, il n'en résulterait, pour ainsi dire, qu'un rapport de plus entre les groupes dont les Sangsues et les Lombrics peuvent être regardés comme les chefs de file. M. Williams ajoute que chez les Annélides marines on trouve également les deux sexes , et les Néréides, en particulier, présenteraient, selon ce naturaliste, 176 A. DE QUATREFAGES. — SUR LES LOMBRICS miers groupes appartiennent donc à la série des Vers monoïques, les deux seconds à la série des Vers dioïques. D'autre part, malgré les caractères différentiels qui les sépa- rent, les Lombrics et les Sangsues ont plusieurs traits communs. Tous deux possèdent, entre autres, à chaque anneau du corps, une paire de ces singuliers organes sécréteurs dont la nature a été si longtemps controversée, el qu'on ne retrouve chez aucun sous le rapport des organes sexuels, la plus grande ressemblance avec les Lom- brics. (Report on the British Annelida.— Report of the twenty first meeting of the British association for the advancement of science, 1852. Ce volume renferme les comptes rendus et les mémoires du meeting de 1851.) Il suffira, je crois, de quelques jours passés au bord de la mer, sur une côte riche en Annélides, pour reconnaître que M. Williams s’est trompé. Mes obser- vations ont été vérifiées par un trop grand nombre d'observateurs pour qu'il puisse, ce me semble, rester le moindre doute pour ce qui touche à la séparation des sexes. Quant à l'existence et à la forme des organes génitaux, je ne puis que m'en référer à ce que j'ai dit ailleurs. Le plus souvent on n'en trouve aucune trace bien distincte. Quelquefois ils consistent seulement en un tissu extrêmement dé- licat, qui s'élève des deux côtés de la chaîne ganglionnaire abdominale en ma- melons irréguliers, qui produisent, soit des œufs, soit des spermatozoïdes, selon le sexe de l'individu qu'on examine. J'ai pu montrer ce fait à mes confrères de Paris, entre autres sur une très grande Aphrodite hérissée. Dans l'Eunice sanguine, espèce dont M. Williams ne parle pas , j'ai trouvé l'organe reproducteur très apparent et constitué d'une tout autre manière. Ilest placé sous la chaîne ganglionnaire abdominale, et forme, d’une extrémité à l'autre du corps, un double cordon d'un brun plus ou moins marqué. De ce cordon à texture glandulaire part, dans chaque anneau, une paire de canaux d’un vert assez foncé, Ces canaux s'élèvent de l'espèce de rainure dans laquelle est placé l'organe reproducteur, se coudent à peu près au niveau du vaisseau ventral, et se portent en augmentant de diamètre vers les pieds correspondants. Là ils s'évasent da- vantage, et s'attachent par quatre ou cinq cordons à la base des pieds. Le pro- duit de l'organe reproducteur, œufs ou zoospermes , est ainsi versé dans la ca- vité générale du corps; et, vers la fin de l'été, on ne trouve, pour ainsi dire, pas un seul individu qui n’en soit gorgé. C'est aussi sous le cordon nerveux, et dans un organe assez semblable à celui des Eunices, que j'ai trouvé des œufs en voie de formation chez quelques Né- réides ; mais je n'ai rien vu qui ressemblât aux canaux latéraux de l'Eunice. Peut-être m'ont-ils échappé. mon attention étant à ce moment fixée uniquement sur le contenu de l'organe, et non eur la disposition de l'organe lui-même. ET LES SANGSUES. 177 autre Annelé. Ces dispositions anatomiques, quelques autres moins importantes sur lesquelles je reviendrai ailleurs, constituent au- tant d’affinités réelles qui se trouveraient rompues par l’interca- lation d’un des groupes zoologiques aujourd’hui connus. Si, grâce à son organisation plus complète , la classe des Érythrèmes doit prendre le premier rang dans la série des Vers monoïques , dans l'état actuel de la science, le second appartient de droit à la classe des Bdelles ; et celle-ci, par d’assez notables simplifications, par des modifications organiques très remarquables, conduit presque directement aux Turbellaires et aux Intestinaux monoïques. En écartant ainsi des groupes précédents les Annélides et les Bdellomorphes , je suis loin de nier la réalité des ressemblances signalées par Cuvier et Blainville. Au contraire , d’après des re- cherches personnelles, en partie publiées, en partie inédites, ces ressemblances iraient plus loin que ne le croyaient peut-être ces illustres naturalistes. Mais dans ces deux groupes les sexes sont séparés contrairement à ce qu'on croyait de leur temps. M. Blan- chard l’a démontré récemment pour les Bdellomorphes. Quant aux Annélides, les résultats que je communiquai sur ce point à l’Académie, il y a près de neuf ans, ont été confirmés par tant de naturalistes français et étrangers, qu’il ne saurait y avoir de doute sur leur exactitude (1). Ces deux groupes appartiennent donc, comme je le disais tout à l’heure, à la série des Vers dioï- ques, et conduisent aux Myocollés et aux Intestinaux à sexes séparés. Les ressemblances que je viens de rappeler, si embarrassantes quand on les prenait pour des signes d’afjinité, deviennent au contraire de précieux points de repère dès qu’on y voit des carac- (1) La note publiée récemment par M. Dujardin, sur l'Exogone pusilla, ne saurait inGrmer le résultat général que je viens de rappeler. M. OErsted avait constaté la séparation des sexes dans le genre £xogone, dont il a pu observer plusieurs individus. M. Dujardin n'a eu à sa disposition qu'un seul individu. En admettant donc, ce qui d’ailleurs me paraît peu probable, que les filaments in- diqués, mais non décrits par ce savant, fussent des Spermatozoïdes , on ne pourrait voir dans l'observation recueillie par M. Dujardin qu'un cas d'herma- phrodisme tératologique, analogue à ceux qui ont été signalés chez d'autres Annelés. 3° série. Zooz T. XVII. (Cahier n° 3.) 4 412 178 A. DE QUATREFAGES: — SUR LES LOMBRICS tères d’analogie. Chez les Lombrics et les Naïs, la forme générale du corps ; sä division en auneäux distincts ; l'existence de pieds à une ou à deux rames, l’orgatisation de ces pieds, la forme des soies , la disposition générale de l’âppäreil circülatoire , là vatia= bilité même de cet appareil, la structure intime des branchies quand elles existent, etc.; sont autant de caractères précis qui ne permettent pas de méconnaître dans ces Vers les analogues z60lo- giques, les termes correspondants des Annélides proprement dites. La forme générale, la nature des téguments, l'absence d’anneaux extérieuts et d'organes locomoteurs, l’existence de ventouses; ete., établissent évidement les mêmes relations entre les Hirudinées et les Bdellomorphes. Oh voit combien les idées générales que j'exposais plus haut rendent facile la solution d’un problème qui semblait s’obscurcir davantage, précisément à mesure qu’on connaissait mieux les faits. Je crois pouvoir dire que ces mêmes idées jettent tout au- tant de jour Sur le sous-embranchement des Vers enlier, c’est-à- dire Sur un ensemble d'animaux qui comptett au moins dix classes distinctes: C’est là un des résultats les plus immédiatement appli- cables des nombreuses études que j'ai soumises à l’Académie sur les types inféricürs de l’enibranchement des Anñelés, Je termilierai cet extrait pal uhe courte remarque. La classe des Bdelles coïhpte des représentants das la mer aussi bieri que dans n0$ étangs et nos rivières. Il n’én est pas de même pour la classe des Annélides ni pour celle des Érythrèmes. La première liäbite exclusivement les eaux salées ; et la seconde les eaux douces où les terres qu’elles humectent, J'ai fait con- naître, il y à près de trois an$, ce résultat d’un nombre extrême= ment considérable de recherches (1). 11 n’est donc pas nouveau ; (1) Mémoire sur la famille des Polyophthalmiens ( Annales des sciences nalu- relles, 3° Série, L: XII, 1850). Je précise la date, parce que M: Williams, dans son Rappürt, Bürmiüle ui résullat à peu près pareil, säns paraître savoir que je l'avais publié ün an avant lui: Au reste, ce ne serait pas la seule réclamation que j'aurais à adresser à cet honorable naturaliste. Non seulement il paraît ne pas connaître la plupart des travaux que j'ai publiés sur les Annelés inférieurs { mais encore il a parfois interprété à rebours ceux qu'il a eus entre les mains: ET LES SANGSUES. 179 mais il y a peut-être quelque intérêt à constater que depuis cette époque, on n’a pas signalé une seule exception. Peut-être s’en trouvera-t-il quelqu’une plus tard ; mais cette différence d’habita- tion n’en restera pas moins le fait général, Ainsi les Annélides et les Érythrèmes sont non seulement les analogues zoologiques, mais encore les représentants géographiques les uns des autres. DES CAUSES DE LA PLUS GRANDE TAILLE DES ESPÈCES FOSSILES AUX RACES ACTUELLES, Par M. MARCEL DE SERRES, Professeur à la Faculté des sciences de Montpellier. SECONDE PARTIE. Les faits que nous avons rappelés dans [1 première partie de ces recherches (1) ont prouvé que, si les proportions de cer- taines familles et de certains genres sont restées constamment supérieures à leurs représentants actuels, il en est plusieurs autres dont les dimensions sont maintenant plus considérables que lors des temps géologiques. Les Céphalopodes parmi les Mollusques, el les Sauriens parmi les Reptiles, sont les exemples des pre- miers faits, comme les Poissons , les Oiseaux et les Mammifères le sont des seconds. Il reste donc à savoir s’il serait possible de remonter jusqu'aux causes de ces singulières anomalies, et de s'assurer si elles dépen- dent de la diversité d'organisation, ou de l'influence que les con- Mieux éclairé, M. Williams regrettera, je pense, de $'être montré plus que sévère à mon égard et de s'être cru obligé de me combattre with unmeasured strength of[ language. Je ne fais que citer ici ses propres expressions. (Report, p. 251.) (1) Voyez tome XVII, page 411. 180 MARCEL DE SERRES. ditions des milieux extérieurs auraient exercée sur le développe- ment des espèces organisées aux deux phases de l’histoire de la terre. Nous consacrerons à la solution de ces questions la seconde partie de nos recherches, et nous nous estimerons heureux si nous parvenons à répandre quelques lumières sur un sujet d’une aussi haute importance. Nous ne nous occuperons pas cependant, ainsi qu’on l'aurait désiré, de la question de savoir pourquoi tel genre de végétaux, ou tel genre d’animaux offre de grandes dimensions, tandis que tel autre n’en présente que de faibles. On ne voit pas, en eflet, des Rats et des Desmans de la taille des Éléphants et des Rhinocéros, pas plus que des Mousses et des Lichens de la stature des Chênes et des Sapins. Il ne nous appartient pas de sonder de pareils faits ; ils sont dans la pensée du Créateur. Tout ce que nous pouvons comprendre dans la création con- sidérée sous ce point de vue, c’est que les plus grandes dimensions devaient être le partage des êtres les plus compliqués ; du reste, l'observation nous en démontre la réalité. Les végétaux et les animaux remarquables par leur taille colossale appartiennent les uns aux Monocotylés et aux Dicotylés, et les autres aux Verté- brés ou aux classes des deux règnes les plus avancées en organi- sation. Nous n’examinerons pas ces différents points de la question des proportions que les êtres organisés ont présentées aux deux grandes phases de l’histoire de la terre, quelque intérêt qu’elle puisse avoir. Nous nous bornerons à étudier les causes qui ont favorisé le développement des êtres organisés, et leur ont fait acquérir les dimensions les plus considérables. I. — De la taille des animaux vertébrés et invertébrés des temps géologiques, comparée à celle des espèces actuelles. Nous ajouterons à cet égard quelques faits à ceux que nous avons énumérés dans la première partie de notre travail. L'Or- thocératite gigantesque, découvert par M. de Verneuil en Amé- rique, n'avait pas moins de 1",85 de longueur sur 60 à 64 cen- TAILLE DES ESPÈCES FOSSILES. 181 timèlres de circonférence, ainsi qu’il nous l’a lui-même confirmé. Comme cet Orthocératite était brisé en partie, M. de Verneuil suppose qu'il devait avoir environ 3 mètres dans son état d’inté- grité. Ses proportions étaient donc colossales, en comparaison de celles des Céphalopodes actuels (1). La craie à Ammoniles rothomagensia présente, dans les envi- rons du Bourguet (Var), une Ammonite à spire unie, qui offre, sur sa partie en saillie et hors de la roche, un diamètre de 1”,62. Cette Ammonite, mesurée avec soin par M. Duval-Jouve, se trouve engagée dans la roche, ainsi que l’indique la figure (2); mais le diamètre apparent A-B doit être nécessairement moindre que celui qu’on aurait près de la bouche C-D, si ce diamètre avait élé visible. Le même M. Duval-Jouve a observé des dimensions non moins remarquables chez plusieurs espèces d’Ancyloceras, genre qui appartient également à l’ordre des Céphalopodes (3). Ainsi l’Ancyloceras Renauæianus, d’Orbigny, du néocomien supérieur de Lioula, près de Castellane, recueilli par M. Duval- Jouve, offre de À à B 1°,05, et, de C à D, 0",27. Une autre espèce inédite d’Ancyloceras qui se trouve au Bourguet, dans le néocomien supérieur , présente de À à B 0",98, et, de CàF, 0",09. (Voyez la figure 5, pl. 2.) Enfin, le Toxoceras Requienianus, du néocomien supérieur d’Escragnoles (Var), a de plus grandes dimensions ; elles ne sont pas moindres de À à B de 4",82, et de G à D de 0",20. Cette dernière mesure fait supposer que ce Toxoceras avait environ un tiers en longueur pour atteindre le petit bout, Comme il y a des cloisons jusqu'à G D, la dernière loge devait être fort grande pour contenir le Mollusque qui habitait une coquille cloisonnée aussi gigantesque. Le musée d’Avignon possède, du reste, un individu de cette espèce de T'oxoceras encore plus grand. Comme la faune de l’ancien monde , la faune actuelle est éga- (1) Bulletin de la Société géologique de France , t. IV, p. 556. (2) Voyez pl. 2. (3) Bélemnites des terrains crélacés inférieurs des environs de Castellane (Busses-Alpes). Paris, 1841. 182 MARCEL DE SERRES. lement riche en grandes espèces. Les races vivantes n’ont donc point dégénéré, ainsi qu’on l’a supposé. Une pareille conclusion ne saurait être admise , puisque plusieurs animaux d’une taille presque colossale ont disparu depuis les temps historiques : tel est le Cerf à bois gigantesques, et, parmi les Reptiles, plusieurs espèces de Crocodiles , découvertes dans les catacombes de l'Égypte par Geoffroy-Saint-Hilaire. On ne retrouve pas davan- tage le Dodo, les Dinornis, ni les Epiornis, oiseaux gigantesques qui paraissent avoir cessé d’exister depuis une époque récente. S'il y a eu dans les temps actuels des animaux appartenant à de grandes espèces qui ont cessé de vivre, on peut présumer qu’il en a été de même dans l’ancien monde. A toutes les époques, les espèces d’une haute stature ont porté en elles-mêmes des causes de destruction : tels sont le besoin d’une nourriture abondante et les obstacles qu’elles ont à vaincre pour perpétuer leurs races. Les grands animaux se reproduisent difficilement, et le nombre de leurs petits est en général moindre que chez les espèces médiocres. Les derniers ont, en outre, une extrême fécondité, et les Rongeurs nous en fournissent de nombreux exemples. Enfin les difficultés, les luttes que la nature vivante doit en quelque sorte soutenir contre les forces de la nature inorganique, semblent croître en raison de la taille et de la masse de l’être vivant; par cela même, elles tendent à leur extinction. Les causes physiques accidentelles, ou plus ou moins liées à ces diverses conditions, ont autant contribué à la perte des grandes espèces que les causes physiologiques. Il n’y a donc pas eu dégénérescence des races de l’ancien monde aux générations actuelles, puisque plusieurs de ces der- nières ont acquis des dimensions supérieures à leurs ana- logues des âges passés. L'activité des forces vitales ne s’est pas afaiblie dans le cours des siècles ; elle a grandi, au contraire, avec eux. Les productions dont elle a doté le monde, dont nous sommes les témoins, sont plus variées , et leur organisation plus compliquée; elles sont surtout plus complètes que celles d’un monde pour lequel nous n’étions pas faits. TAILLE DES ESPÈCES FOSSILES. 183 Il n’y a pas eu non plus dégénérescence dans l’ensemble des êtres organisés, considérés sous le rapport de la complication de leur organisation , puisqu'ils se sont succédé en raison directe de cette complication : les plus simples opt paru avant les plus compliqués, ou, si l’on veut, avant les plus perfectionnés; l'Homme, le plus récent des êtres, a, en effet, couronné l’œuvre de la création. On ne yoit pas qu’il y ait eu affaiblissement dans l’activité des forces vitales, à mesure que des temps géologiques anciens on passe à des époques récentes. Ainsi la grande espèce de Ptéro- dactyle de la craie (Pterodactylus Cuvieri) ayait une envergure de 5",36 (16 pieds 6 pouces), et une autre espèce des mêmes terrains (Pterodactylus compressirostris) en possédait une de 4,70 (15 pieds) (1). : Si l’on compare ces dimensions avec celles du Pierodactylus macronyæ de Buckland, on trouve qu'elles lui sont bien supé- rieures. Cette espèce n’avait, en effet, que NT (7 pieds 6 pouces d'envergure); elle appartient néanmoins au lias, formation plus ancienne que les terrains crétacés. Ces faits ne font pourtant pas qu'il n’y ait eu dans les temps géologiques des espèces plus grandes que celles qui vivent main- tenant, même dans les classes où la taille moyenne est au-dessous de celle des races actuelles : ainsi les plus grandes espèces vivantes du genre Requin dépassent peu 18 à 19 mètres, tandis que les Carcharias fossiles paraissent avoir atteint en longueur Jia ’à 23 mètres. Les Lions et les Ours des cavernes de l’Europe étaient égale- ment supérieurs par leur taille et leur force aux espèces qui habitent aujourd’hui les contrées les plus chaudes, ou les hautes chaînes; des différences plus grandes encore existent entre la taille des Megatherium du sud de l’Amérique et les Paresseux actuels, qu’ils représentaient dans l’ancien monde. De même, les Glyptodons et les Chlamydotherium ont eu des dimensions colos- (1) C'est encore dans la craie blanche ou supérieure que M. Bowerbank a découvert le Pterodactylus giganteus dont le nom nous annonce quelles étaient ses dimensions, 184 MARCEL DE SERRES. sales en comparaison de celles des Tatous ou des genres ana- logues. Enfin, les proportions des anciens Diprotodon et du Hoplothe- - rium étaient presque gigantesques en comparaison de celles des animaux qui vivent dans les contrées qu’ils habitaient jadis ; d’un autre côté, les Kanguroos de la Nouvelle-Hollande sont loin d’avoir les dimensions du Kanguroo titan de l’ancien monde. De même, nos Chiens, comparés avec l’Amphycion major , qui en avait la stature , qui en avait en quelque sorte la dentition, leur sont très inférieurs. Des faits entièrement différents nous été dévoilés, depuis que l’on a découvert, dans les régions habitées par l’humble Apteryæ, des Oiseaux plus grands que les Autruches. Les os des pattes de ces espèces avaient des dimensions égales à celles des os des jambes de nos Bœufs, ce qui peut donner une idée de leur sta- ture ; d’autres, les Epiornys, dont les débris ont été rencontrés dans l'île de Madagascar , ainsi que les Dinornis etles Apteryæ de la Nouvelle-Zélande, appartiennent à l’époque actuelle : il est bien évident qu’il n'y a pas eu dégénérescence pour les espèces de cette classe, la plus perfectionnée sous le rapport des organes de la respiration. On re doit donc pas s’étonner de la différence de stature que présentent plusieurs espèces de l’ancien monde avec leurs ana- logues vivants, puisque les races d’une même famille nous offrent des exemples semblables dans les temps historiques. Ces exemples prouvent que les grandes espèces perpétuent plus difficilement leurs races que celles dont les dimensions sont peu considérables. Les premières se plient moins aux circonstances extérieures que les secondes; celles-ci peuvent se cacher avec plus de facilité, et se dérober ainsi à leurs ennemis. Enfin la sécheresse, cause de la mort d’un si grand nombre de gros Herbivores, affecte beau- coup moins les petites espèces, par la raison toute simple qu’elles n’ont pas besoin d’une aussi grande quantité d'aliments. TAILLE DES ESPÈCES FOSSILES. 185 IT. — De la taille des végétaux fossiles et vivants. Le nombre des genres perdus de l’ancienne flore étant plus grand que celui de la faune qui lui a été contemporaine, toute comparaison est par cela même interdite avec les genres vivants. Seulement , lors de la période tertiaire , des genres semblables aux nôtres ont apparu; aussi peut-on établir entre eux quelques parallèles. Cette époque a été une ère nouvelle pour le monde végétal, ainsi que pour le règne animal ; celui-ci a suivi l’impul- sion qui lui a été donnée par les plantes dont il tire tous ses aliments, et qui ont une assez grande influence sur son orga- nisation. Les deux règnes ont été perfectionnés ensemble et presque simultanément, quoiqu'ils ne soient pas parvenus, même à l’époque tertiaire, au degré de complication, de perfectionne- ment, de nombre et de variété, que leurs espèces n’ont acquis que de nos jours. Les tableaux que j’ai dressés, mais qui sont trop étendus pour trouver place ici, montrent que la plupart des Cryptogames acrogènes auraient présenté, dans les temps géologiques , des dimensions plus considérables qu’à l’époque actuelle. Il n’en est pas de même des Cryptogames cellulogènes et amphigènes, qui ont été moins grandes dans l’ancien monde que maintenant. Le petit nombre de végétaux gymnospermes qui sont arrivés jusqu’à nous ont également offert des proportions supérieures à celles de leurs analogues vivants. Le contraire a eu lieu pour les Monoco- tylédons ; du moins, les deux genres de cette classe qui ontencore des représentants sont aujourd’hui plus grands qu’ils ne l'avaient été jadis. Il en a été également de la plupart des Dicotylédons angiospermes : ceux-ci sont restés constamment au-dessous de la taille des Angiospermes existants. Ainsi les proportions des deux classes dont l’organisation est la plus avancée sont maintenant supérieures, tandis qu’il en à été différemment des Gymnospermes et des Cryptogames acro- gènes, à l'exception de trois familles qui, comme on le sait, appar- 156 MARCEL DE SERRES. tiennent à la série supérieure de cet embranchement du règne végétal. Les dimensions des autres classes de Cryptogames ne peuvent être comparées à celles qui vivent maintenant, puisque leurs types génériques et même spécifiques diffèrent compléte- ment des espèces actuelles. Il résulte encore de la comparaison des deux flores, que le nombre des genres identiques avec les genres vivants a singulièrement augmenté, à mesure que l’organisation végétale se perfectionnait et arrivait au summum de complica- tion. Ainsi on ne trouve guère parmi les Cryptogames que six genres qui paraissent identiques avec les genres actuels : ce sont les Adianthum et les Pteris, parmi les Fougères ; les Equisetum, parmi les Équisétacées ; les Marchantia et lesJ'ungermannia, de la famille des Hépatiques ; et les Chara, de celle des Characées. On ne découvre guère plus d'analogues chez les Phanérogames gymnospermes et monocotylédones. L'un des genres de la première classe, et de l’ordre des Coni- fères, les Abies, a été institué par Richard; il ÿ a compris plu- sieurs espèces de Pins, et entre autres le Cèdre. Le second des genres du même ordre, mais de la tribu des Cupressinées, le Cryplomeria, a eu, sauf quelques exceptions, la même stature aux deux grandes époques de l’histoire de la terre. Quant aux genres des Monocotylédons, qui sont représentés dans la flore de notre époque, on ne peut citer que les Potamogétons de la famille des Naïades, et les Cyperus de celles des Gypéracées. Quoique les Dicotylédons angiospermes , qui ont uniquement apparu en certain nombre à l’époque tertiaire, offrent plusieurs de leurs genres tout à fait perdus, les végétaux de cette classe ont néanmoins la plupart de leurs types génériques identiques avec ceux qui vivent aujourd’hui. En résumé , le nombre de ces genres analogues ou semblables s’augmente , à mesure que des classes inférieures on passe aux supérieures ; il n’a acquis son maximum qu’à l’époque de l’appa- rition des Dicotylédons angiospermes, la classe la plus perfec- tionnée du règne végétal : aussi est-elle arrivée la dernière sur la scène de l’ancien monde. Du reste, contrairement aux classes inférieures, les genres des végétaux angiospermes fossiles ont, TAILLE DES ESPÈCES FOSSILES. 187 pour la plupart, des représentants dans la flore qui embellit maintenant la surface du globe. Si les Dicotylédons angiospermes sont arrivés si tard sur la scène de la vie, cette circonstance a probablement dépendu de ce que l'atmosphère des premiers âges ne contenait pas une quan- tité d'oxygène suffisante à leurs besoins. Lorsque l'acide carbonique y a diminué, et que la proportion d'oxygène a , au contraire, augmenté, ce qui paraît avoir eu lieu vers la fin de l’époque cré- tacée, et au commencement de la période tertiaire, ces végétaux ont pu se développer, et acquérir une croissance plus ou moins considérable. S'ils sont restés généralement au-dessous des dimensions des Angiospermes actuelles, c’est qu’ils n’ont pas ren- contré dans les derniers temps géologiques des conditions pareilles à celles que présentent maintenant les milieux extérieurs. Ils n'ont pu dès lors acquérir leur entier développement, ni déployer cette vigueur et ce luxe de végétation dont la flore des premiers âges nous a laissé tant d'exemples, L'excès de l'acide carbonique dans l’air atmosphérique, nécessaire aux végétaux acrogènes, et qui leur fait acquérir un luxe de végétation dont ils nous ont laissé des témoins irrécusables, aurait singulièrement nui aux Dicotylédons angiospermes. Get excès, cause de leur tardive apparition, a donné des dimensions aux Cryptogames acrogènes et aux Phanérogames gymnospermes des premiers âges, cette vigueur et leurs grandes dimensions qui les ont distingués d’une manière si éminente. Les animaux offrent également de pareils exemples : les mêmes causes ont retardé l'apparition des espèces qui, comme les Insectes, les Oiseaux et les Mammifères monodelphes, respirent dans un temps donné une plus grande quantité d'oxygène que les autres races à respiration aérienne ; car tout se tient, se lie et s’enchaîne dans la nature. HI. — Des causes des grandes dimensions qu'ont acquises plusieurs espèces des temps géologiques. Les causes dont l'influence s’est fait ressentir sur le déve- loppement des êtres organisés n’ont pas eu une action moins 188 MARCEL DE SERRES. manifeste sur les dimensions qu’ils sont susceptibles d’acquérir. Ainsi , à toutes les époques de l'histoire de la terre, la chaleur et, jusqu’à un certain point, l'humidité, ont été favorables à l’acti- vité des forces vitales. La chaleur humide a surtout fait sentir ses effets sur les végétaux, particulièrement sur les Cryptogames acrogènes, qui, dans l’ancien monde, sont arrivés à de plus grandes proportions que leurs analogues actuels. Quelques animaux n°y ont pas été non plus insensibles ; parmi eux, on peut signaler les Sauriens , dont les dimensions ont été en quelque sorte gigantesques , en comparaison des Reptiles actuels. La chaleur est si nécessaire à la vie des végétaux et des ani- maux, que, lorsqu'elle s’est affaiblie d’une manière notable, les espèces qui avaient apparu sur la scène de l’ancien monde ont cessé de vivre avec une promptitude d’autant plus grande, que la température dont elles avaient ressenti l'impression leur était devenue plus indispensable, D’autres races ont succédé à ces premières générations, et celles-ci ont à leur tour éprouvé le même sort, par suite de l’affaiblissement de la chaleur du globe. Sans doute, la diminution de la chaleur, quoique la principale cause de la destruction des anciennes générations, n’a pas été la seule dont les effets ont été désastreux. Les diverses commotions du sol, en modifiant les premiers climats, en ont établi de nou- veaux ; ceux-ci ne s'accordent pas avec les conditions d’existence - imposées aux espèces de temps déjà si loin de nous, ont exercé sur elles une funeste influence. Cette influence a été d’autant plus manifeste, qu’elle s’est longtemps prolongée; aussi les êtres qui y étaient soumis ont fini par disparaître d’un monde qui n’était plus fait pour eux. Ils ont fait place à de nouvelles races qui s’y sont maintenues tant que de nouvelles modifications n’ont pas eu lieu dans les milieux extérieurs dont elles subissaient l’im- pression. D’autres causes ont également exercé leur action sur la taille et le développement des végétaux des premiers âges. L'absence presque complète de tout animal respirant l’air en nature n°y a pas été sans eflet : ainsi les Insectes , les Oiseaux et les Mammi- TAILLE DES ESPÈCES TFOSSILES. 189 fères, animaux à respiration aérienne, n’ont pas pu arrêter l’essor de la primitive végétation , puisqu'ils sont arrivés très tard sur la scène de l’ancien monde. Quoique la chaleur et l’humidité soient favorables au développement des végétaux et des ani- maux, et par suite de leurs dimensions, ces causes ne paraissent pas avoir agi sur la généralité des êtres des temps géologiques. Si plusieurs familles végétales ou animales ont acquis pour lors des proportions remarquables, d’autres, qui sont maintenant influencées par la chaleur et l'humidité, sont restées au-dessous de leurs analogues. Ainsi plusieurs classes d’Inverlébrés, particulièrement les Crustacés, les Arachnides el les Articulés, ont en quelque sorte résisté à l’action de la chaleur, ou du moins elles y ont été insen- sibles, puisque leur taille, et peut-être même la vivacité de leurs nuances sont restées au-dessous de ce qu’elles sont aujourd’hui, Il en a été de même de certaines classes de Vertébrés, surtout des Oiseaux. Ce qui est non moins digne d’attention, il en a été de même des Poissons, dont la respiration ne s’opère qu’au moyen de l’air en dissolution dans l’eau. Cette nullité d'influence, si l’on peut s’exprimer ainsi, a été également le partage des végétaux postérieurs aux dépôts de transition. Les derniers qui ont succédé à la flore primitive sont devenus de plus en plus compliqués; ils ont pris un caractère de plus en plus analogue aux espèces végétales qui embellissent maintenant la surface du globe. En effet, les Dicotylédons angio- spermes n’ont apparu qu’à l’époque crétacée ; mais ils n’ont pris leur essor que lors de la période tertiaire, où ils ont acquis des proportions analogues à celles qui caractérisent la flore dont nous sommes les témoins. Mais ces Dicotylédons n’ont jamais dépassé, ni même égalé, sous le rapport de leurs dimensions , les Angio- spermes actuels. Parmi les flores qui se sont succédé pendant les temps géologiques , une seule, celle des terrains primaires , a offert un caractère de grandeur que n’a jamais atleint la végétation actuelle, Cette flore primitive était déjà assez variée; car elle comprenait cinq classes sur les six qui composent la végétation 190 MARCEL DE SERRES. actuelle, en supposant , ce qui est fort douteux, que Îles Mono- colylédons en fissent partie. Ces classes se rapportaient aux Cryptogames cellulogènes , amphigènes et acrogènes, ainsi qu'aux Phanérogames gymno- spermes et monocotylédons. Parmi ces végétaux, les Crypto- games acrogènes ont acquis les plus grandes dimensions en même temps qu'ils ont pris un développement qui n’a jamais été dépassé à aucune phase de la terre. Les anciennes générations ont donc été plus ou moins impres- sionnées par la chaleur : ainsi, tandis que les uns en ont subi l'influence, d’autres, au contraire, y ont en quelque sorte résisté, où du moins ils ne paraissent pas en avoir éprouvé les effets. Les végétaux de la flore primitive ont cédé à la fois à l’action dela chaleur et de l'humidité, tout comme les Sauriens de l’époque jurassique. Cependant d’autres familles, à en juger par leur taille et leur stature, ont senti les elfets de ces causes, dont l'influence est si grande sur les espèces animales. Ainsi, parmi les{invertébrés, les Céphalopodes, dont plusieurs genres sont inconnus dans la nature actuelle, ont acquis des pro- portions bien supérieures à celles qui sont le partage des Mol- lusques de nos jours. Mais les effets de la chaleur centrale, plus puissants encore, ont agi sur les animaux les plus compliqués de la création, les Mammifères. 1! est surtout un ordre de cetle classe qui a ressenti les effets les plus manifestes de l’action calorique. On ne supposerait pas qu’elle eût fait éprouver ces effets à des animaux qui, d’après leur organisation, leurs mœurs, leurs habitudes, semblaient n’en avoir nul besoin. On est étonné, en effet, de trouver, dans l’ordre des Édentés, des espèces de la taille des Rhinocéros, et même de là Stature des plus grandes races de ce genre. On ne l’est pas moins d'observer, parmi les races de l’ancien monde , des Pan- golins sept où huit fois plus grands que les espèces qui vivent aujourd'hui dans les Indes, ou au Sénégal et en Guinée. De pareilles proportions ne paraissent pas cependant avoir été nécessaires à des animaux qui se creusent des terriers , vivent de végélaux ou de Fourmis, et encore moins à ceux qui grimpent TAILLE DES ESPÈCES FOSSILES. A91 sur les arbres et se nourrissent de leurs feuilles. Les Édentés de l'ancien monde n’avaient probablement pas les mêmes habitudes que ceux du monde actuel ; car comment supposer que des ani- maux de la taille des Rhinocéros aient jamais pu monter et se tenir sur les arbres. Quoi qu’il en soit, les Édentés ont été le plus fortement impressionnés par la chaleur, et en ont subi com- plétement les effets. On peut en dire autant des Marsupiaux , des Pachydermes et des Carnassiers, dont les espèces ont été en général plus grandes que celles dont nous sommes les contemporains. Il est facile de juger qu'il y a bien des degrés dans les proportions plus considé- rables, non seulement d’un groupe à un autre, mais encore d’une espèce à une autre espèce différente. On se demande pourquoi certaines classes ou certaines familles ont ressenti les effets de la chaleur, et sont parvenues à de grandes dimensions, tandis que d’autres ont résisté à cette influence, et sont restées au-dessous des proportions des races actuelles. Cette différence annonce que l’action de la chaleur ne doit pas être l'unique cause dont l'influence se soit fait ressentir sur les pro- portions des êtres organisés , et que bien d’autres doivent avoir eu quelque action sur ce phénomène. La quantité d'oxygène disséminé dans l’air atmosphérique des temps géologiques, et les proportions plus considérables d’acide carbonique qui exislaient pour lors, n’y ont pas élé probablement sans effet. On le suppose en voyant les animaux qui respirent dans un temps donné une plus grande quantité d'oxygène être précisément ceux qui sont restés au-dessous des dimensions des espèces vivantes. Tels sont les Insectes parmi les Invertébrés, el les Oiseaux parmi les Vertébrés, Les premiers sont remarquables par la peti- tesse de leur taille ; car leurs plus grandes espèces atteignent à peine les dimensions du Hanneton. Les Poissons des temps géologiques, soumis à des conditions à peu près analogues, sont restés au-dessous de la taille moyenne des espèces vivantes. Il y à cependant quelques Poissons , prin- cipalement les Cartilagineux , qui ont alteint des dimensions 192 MARCEL DE SERRES. supérieures à celles de leurs analogues actuels ; mais, outre que cesexceptions sont rares, elles n’ont lieu que chez un petit nombre d'espèces. Leurs plus faibles proportions peuvent bien avoir dépendu de la moindre quantité d'oxygène qu'ils trouvaient dans l’eau, en raison de l’excès d’acide carbonique qui existait dans l’atmos- phère des anciens âges. Or , comme les Poissons ne respirent qu’à l’aide de l'air en dissolution dans le milieu dans lequel ils sont plongés, cette moindre proportion d'oxygène a dû exercer une influence du même genre que celle qu’elle paraît avoir pro- duite chez les Insectes et les Oiseaux, qui, comme les Poissons, sont restés au-dessous de la taille moyenne des espèces vivantes, On comprend également pourquoi les Édentés ont subi plus que les autres Mammifères l'influence de la chaleur. L'énergie et l’activité de ces animaux sont des plus faibles, et par cela même ils exigent une moindre quantité d'oxygène dans un temps donné : dès lors, n'étant pas gênés dans leur développement par la composition de l'air atmosphérique , ils ont pu ressentir plus complétement l’action de la chaleur; ils ont probablement dû à cette cause leur haute stature, tout à fait hors de proportion avec celle des Édentés actuels ; du reste, ces animaux , comme le plus grand nombre des Mammifères monodelphes, arrivés fort tard sur la scène de l’ancien monde , ont trouvé l’atmosphère moins chargée d’acide carbonique que dans les âges antérieurs. Les Reptiles, qui n’exigeaient pas d’aussi fortes proportions d'oxygène que les autres Vertébrés, et auxquels un excès d’acide carbonique pouvait ne pas nuire, ont pu prendre un développe- ment qu'ils n’ont jamais atteint depuis lors. Ainsi, tandis que les Insectes , les Poissons et les Oiseaux , sont restés au-dessous de la taille moyenne des espèces actuelles, les Reptiles, surtout les Sauriens, ont atteint des dimensions supérieures aux races vivantes ; d’ailleurs, la température chaude et humide qui régnait aux premiers âges n’y a pas peu contribué. On doit d'autant plus le supposer que les Reptiles acquièrent maintenant les plus fortes proportions dans les contrées où ces conditions se trouvent réunies, TAILLE DES ESPÈCES FOSSILES. 193 Si les Mammifères des temps géologiques ont élé générale- ment plus grands que ceux qui vivent aujourd’hui, cette circon- stance tient à la fois à la température élevée dont ils ont ressenti l'impression, et à leur tardive apparition. L’excès de l’acide car- bonique de l’atmosphère avait été absorbé et réduit à des pro- portions analogues à celles qu'elle offre maintenant ; ainsi cet acide ne pouvait pas nuire à l’existence des animaux à respira- tion aérienne. Cette supposition est d'autant plus fondée, qu'avec ces animaux ont paru une foule de végétaux angiospermes, dont les familles et les genres se sont perpélués jusqu’à nos jours. Les milieux extérieurs n’ont donc pas été sans influence sur la stature des êtres de l’ancien monde, aussi bien que dans celui dont nous sommes les témoins. A toutes les époques de l’histoire de la terre , les espèces aquatiques ont été plus grandes que les races terrestres. Les premières ont atteint des proportions d’au- tant plus considérables , qu’elles ont habité des masses liquides plus étendues. Les espèces marines ont été constamment plus grandes que celles qui vivent dans les étangs, les lacs, les fleuves et les rivières, tout comme celles-ci, par rapport aux races qui fréquentent uni- quement les torrents et les ruisseaux (1). Ainsi, parmi les Pois- sons et les Mammifères, les espèces marines ont été constamment les plus grandes ; de même , les Tortues de mer ont dépassé par leur taille les espèces fluviatiles et même les terrestres , quoique celles-ci approchent parfois des dimensions des premières. Les Sauriens marins et les Batraciens fluviatiles ont eu jadis, sauf un petit nombre d’exceptions, une stature supérieure à celle des espèces terrestres. Les Oiseaux qui habitent les eaux, tels que les Pélicans et les (1) La présence de l'iode dans les eaux de la mer pourrait bien ne pas avoir été sans influence sur le développement des animaux qui y vivent; du moins, leurs espèces acquièrent une grande taille dans les archipels : aussi la petilesse de certaines races aquatiques paraît dépendre en partie des faibles proportions d'iode qui existe dans les eaux qu'elles fréquentent. Le crétinisme et le goître semblent du moins le résultat de l'absence complète d'iode dans les substances alimentaires dont usent les tribus humaines sujettes à ces affections. 3° série, Zooz T. XVII. (Cahier n 4.) 13 194 MARCEL DE SERRES. Cygnes, ont une assez grande taille ; mais elle est bien surpassée par celle du Condor, des Casoars, des Autruches, et surtout par les Dinormis et les Épiormis. Ces exceptions, remarquables aux plus grandes proportions des races aquatiques, sont en quelque sorte compensées par la taille des Baleines , qui ne peuvent être comparées à aucun Mammifère terrestre. Une dernière condition paraît n’avoir pas été sans influence sur la grandeur des espèces : c’est la quantité ou plutôt le volume des aliments qu’elles ont exigé; plus cette quantité a dù être considérable, plus aussi les animaux ont acquis de plus grandes proportions. Comme les aliments dont font usage les races her- bivores contiennent une moindre quantité de substance nutritive que ceux dont usent les Carnassiers, les premières ont été forcées d'en prendre de très grands volumes pour suffire à leur alimen- tation ; dès lors, les uns ont dû être plus grands que les autres : ce que le plus simple raisonnement nous indique, l’observation le confirme. Si le contraire avait eu lieu, et siles Lions et les Tigres avaient présenté des dimensions analogues à celles des Éléphants et des Rhinocéros , ces Carnassiers, malgré toutes les ruses qu’ils emploient pour se procurer une proie suffisante à leurs besoins, auraient souvent risqué de périr de faim. Sans doute, ces ani- maux ont été deslinés à empêcher la trop grande multiplicité des races herbivores; mais la nature ne les a pas créés pour les condamner à une mort prochaine, faule d'aliments sufi- sants, En leur donnant une moindre taille qu’aux espèces herbivores en même temps qu'une moindre fécondité, la nature a assuré l'existence des uns et des autres ; elle a mis ainsi obstacle à leur trop grande multiplication, dont les inconvénients n’auraient pas été moins graves, surtout en vue de l’Homme, pour lequel toutes ces combinaisons paraissent avoir été faites. On pourrait peut-être trouver une exception à ces faits, en ce que les espèces aquatiques carnassières ont dominé à l’une des principales époques de la période secondaire en raison de leur extrême fécondité. Leur taille a pu, dans ces circonstances, être TAILLE DES ESPÈCES FOSSILES. 195 à peu près égale à celle des races herbivores, sans que pour cela il en résullât de grands inconvénients. Ainsi les Sauriens de l’époque jurassique ont pu impunément avoir une haute stature et des appélits gloutons, puisqu'ils se dévoraient les uns les autres; d’ailleurs les nombreuses espèces dont ils étaient entourés ne pouvaient pas leur échapper, puisque à l’aide du mécanisme de leurs yeux, ces Reptiles pouvaient les apercevoir aussi bien de loin que de près. Des faits pareils se passent encore dans les temps actuels; il n’est pas rare de trouver dans l’estomac des Poissons des traces d’autres individus de leurs espèces; quelquefois même, dans le corps de ceux qui ont été dévorés, on rencontre de jeunes indi- vidus de leur propre race plus ou moins digérés, mais très recon- naissables. Les Merlans, les Loups, les Brochets, et une foule d’autres espèces qui ont les mêmes habitudes, offrent assez fré- quemment des exemples de ces faits. Résumé général. Les fails précédents prouvent que les espèces fossiles n'ont pas élé constamment plus grandes que les races vivantes, comme on l’a supposé. 1I en est souvent le contraire ; peut-être même le nombre des races des temps géologiques, dont les dimensions sont au-dessous de celles de notre monde , est-il tout aussi consi- dérable que celui des espèces anciennes, dont les proportions leur sont supérieures. Ces diflérences paraissent dépendre de plusieurs circonstances ; les plus importantes tiennent à ce que certaines d’entre elles ne trouvant pas, dans l’atmosphère des anciens âges, une quantité suffisante d'oxygène, n’ont pas pu acquérir leur entier développe- ment, ni une taille aussi élevée que celle qui caractérise les races actuelles. Ainsi les animaux, qui ont rencontré dans l’ancien monde, comme dans les temps historiques, des milieux en harmonie avec leurs conditions d’existence , ont offert des proportions à peu près égales. Il arrive pourtant que la même classe, qui a offert aux deux grandes époques de l’histoire de la terre cette égalité, 196 ” MARCEL DE SERRES. présente quelques exceptions à la loi générale : tels sont les Ron- geurs et les Ruminants, dont la taille moyenne a été à peu près semblable, quoique , dans l’ancien monde, ils aient eu quelques espèces plus grandes ou plus petites que celles qui vivent main- tenant. D'un autre côlé, plusieurs familles d’Invertébrés où de Verté- brés ont été dans l’ancien monde au-dessous de la taie des familles vivantes , tandis que d’autres leur ont été supérieures: tels sont, parmi les premières, les Crustacés, les Arachnides, les Insectes et les Mollusques, à l’exception des Céphalopodes ; ilen a été de même, parmi les Vertébrés, des Poissons, des Ophidiens, des Oiseaux, des Mammifères marins et des Qua- drumanes . t On peut citer, parmi les Invertébrés des temps géologiques qui ontatteint des dimensions plus considérables que leurs repré- sentants actuels, les Vers et l’ordre des Mollusques céphalo- podes. Le nombre des Vertébrés qui offrent de pareilles propor- tions est bien plus grand. Des quatre ordres de Reptiles, deux, les Batraciens et les Sauriens, ont présenté cette particularité. Il en a été de même des Mammifères terrestres, des Marsupiaux, des Édentés, des Pachydermes et des Carnassiers. Plusieurs ordres de Mammifères offrent cependant quelques exceptions à ces faits généraux , maiselles ne sont qu'apparentes. Les Primates humatiles des cavernes à ossements de l’Amé- rique ont une taille supérieure aux Singes, qui vivent aujourd’hui dans le nouveau monde : ainsi les Callitriæ vivants ne sont guère plus grands que les Écureuils, tandis que le Calätriæ primævus avait jusqu'à 1",30. Cette différence, non moins sensible chez le Prolopithecus brasiliensis, pourrait bien provenir de la chaleur plus considé- rable qui régnait, pendant les temps géologiques, dans les parties du nouyeau monde où des débris de Singes ont été découverts. Cette supposition est d’autant plus probable, que ces espèces rencontrées dans ce continent ont été observées dans des contrées dont la température est peu élevée. Les débris des Quadrumanos ont été trouvés uniquement TAILLE DES ESPÈCES FOSSILES. 197 jusqu’aujourd'hui en France , en Angleterre, en Grèce et hors de l’Europe, dans les monts sous-himalayens , toutes régions dont la chaleur est peu élevée. Aussi ces débris signalent des espèces dont la taille était au-dessous de la stature moyenne des races vivantes dans les diverses parties de l’ancien continent. S'il en est différemment des Primates de l'Amérique, c’est qu’ils ont vécu au Brésil sous l'influence d’une température bien supé- rieure à celle de nos contrées tempérées. Les Ruminants nous offrent également des faits pareils : ainsi, tandis que la généralité de leurs espèces a une stature à peu près égale, plusieurs ont présenté dans l’ancien monde une taille supé- rieure aux races vivantes, Il en est même plusieurs dont les dimensions sont maintenant plus grandes que celles de leurs analogues des temps géologiques. Le Sivatherium giganteum est un exemple remarquable des premiers faits, comme la Girafe et le Gerf à bois gigantesques des seconds. Enfin les Rongeurs, dont le nombre des espèces a été assez considérable dans l’ancien monde ; et qui s’augmente sans cesse par suite des recherches géologiques, a offert jadis quelques exemples du même genre, quoiqu’ils soient moins frappants que ceux que nous venons de signaler. La chaleur et l'humidité ont contribué à donner à la flore de l’ancien monde. la force et la vigueur qui l’ont caractérisée dès son apparition. Les plantes de la flore primitive ont acquis une beauté et une grandeur qui n’ont jamais été surpassées, probablement parce qu’elles ont trouvé pour lors les circonstances favorables à leur développement. D’autres espèces ont résisté à la double influence de la chaleur et de l'humidité ; aussi sont-elles restées au-dessous de la taille moyenne de leurs analogues actuels : de ce nombre sont les Crustacés, les Arachnides, les Insectes, les Poissons et les Oiseaux. Deux de ces classes exigent une notable proportion d'oxygène dans l’air; aussi en absorbent-elles dans un temps donné une plus grande quantité qu'aucune autre classe du règne animal. Si ces dernières n’ont pas atleint des dimensions considérables, l'excès de l'acide carbonique qui existait dans l'atmosphère des 198 MARCEL DE SERRES, anciens âges pourrait bien en avoir été en partie la cause, Leur tardive apparition sur la scène de l’ancien monde donne à cette supposition une grande probabilité, ainsi que l’excessif développe- ment que les Reptiles ont acquis pour lors. Quant aux espèces qui ont été deux fois et au delà plus grandes que les races actuelles , leurs dimensions n’ont pas été unique- ment dues à l’action de la chaleur et des autres causes exté- rieures ; elles ont aussi dépendu de leur taille originelle. 11 n’est pas du moins probable que les Pangolins de l’ancien monde aient pu acquérir par l'influence de la chaleur des dimensions sept ou huit fois au-dessus de celles des Pangolins actuels, d'autant que plusieurs espèces de la même époque n’ont élé ni plus grandes, ni plus petites que les races vivantes, Une dernière cause semble avoir eu quelque action sur les proportions des êlres organisés, et cela à (ous les âges de la terre. Le volume des aliments nécessaires à leur existence paraît avoir eu ceteffet sur leurs dimensions, surtout sur celles des races animales. Ainsi les espèces qui en prenaient de peu riches en substance nulritive ont exigé une taille supérieure à celles qui usaient d’aliments très nourrissants. Les Herbivores ont donc été nécessairement plus grands que les Carnassiers ; si le contraire avait eu lieu, les derniers auraient risqué de mourir de faim, malgré les ruses qu’ils emploient pour se procurer une proie, Les Sauriens marins de l’époque jurassique semblent une exception à cette loi, la plus générale de toutes celles qui régis- sent les dimensions des êtres organisés. Ces Reptiles, aussi remarquables par leurs proportions gigantesques que par leurs habitudes carnassières, avaient, à peu de choses près, les mêmes proportions que celles des grands Sauriens terrestres , dont les mœurs étaient complétement opposées ; ainsi, pour satisfaire leur voracilé, ces animaux se faisaient une guerre cruelle, les plus gros dévoraient les plus petits. D'un autre côté, une foule de Mollusques, de Zoopaytes, de Poissons, habitaient les mêmes eaux que les Reptiles aquatiques, et leur nombre, extrêmement consid érable, permettait aux derniers de remplir les condilions de leur existence. TAILLE DES ESPÈCES FOSSILES, 199 Aucun fait ne prouve que les êtres organisés aient dégénéré des temps géologiques aux temps actuels, puisque, s'il y a eu des espèces plus grandes dans l’ancien monde que celles qui vivent maintenant, d’autres ont été plus petites. Il y a eu si peu dégé- nérescence des espèces anciennes aux races actuelles, que les êtres organisés se sont succédé, en raison directe de la compli- cation de leur organisation, les plus simples ayant paru les pre- miers. La taille des espèces fossiles a donc été influencée comme celle des races vivantes par la chaleur et l'humidité, La différence de composition de l’atmosphère pendant les temps géologiques n'y a pas été non plus sans effet; du moins, les animaux qui respirent une grande quantité d'oxygène dans un temps donné sont restés dans l’ancien monde au-dessous de la taille moyenne des espèces vivantes : tels sont les Oiseaux et les Insectes, Les Poissons présentent des phénomènes analogues, peut-être parce qu'ils trouvaient pour lors une moindre quantité d’air vilal en dissolution dans l’eau des mers que celle qu'ils y rencontrent aujourd’hui. Enfin des raisons du même genre ont peut-être déterminé la tardive apparilion des Mammifères marins et ter- restres, quoique les premiers , les colosses de la nature vivante, soient loin d'être remarquables sous le rapport de l’activité de leur respiration. Pour rendre ces faits plus sensibles, nous en avons tracé le tableau. En y jetant les yeux, on saisira facilement les diverses modifications que la taille a subies chez lesdifférents ordres d’ani- maux (voy. t. XVIT, p. 144). La comparaison des dimensions des espèces fossiles et vivantes prouve que ce phénomène n’est pas aussi simple qu’on pourrait le supposer. II serait encore plus compliqué , si nous élions remonté jusqu’aux causes des propor- tions que plusieurs d’entre eux ont dépassé pendant les temps géologiques. Ces questions tout entières, dans la pensée du Créateur, n'étant pas susceptibles d’une solution, il nous a paru inutile de nous en occuper, malgré tout l'intérêt qu’elles peuvent présenter. 200 A. DUGËS, — SUR LES URODÈLES DE FRANCE, EXPLICATION DES FIGURES, PLANCHE 9, Fig. 5. Ammonite de la craie à Ammonites Rolhomagensis du Var, dont on ne voit qu'une partie, Son diamètre de A en B est de 1",62. Fig. 6. Ancyloceras Renuuxianus, du néocomien supérieur, dont la longueur de A en B est de 1",62, et la plus grande largeur de C en D de 0",05. Fig. 7. Ancylocerus, espèce inédite du même terrain, dont la plus grande lon- gueur de A en B est de 0",98 ; la plus grande largeur de C en D de 0",38, et de E en K de 0m,09. ADDITIONS AU MÉMOIRE SUR LES URODÈLES DE FRANCE, Par M. Alfred DUGÈS (1). 1° Le genre Sulamandra reste composé et caractérisé comme par le passé. M. le prince Bonaparte pense que son espèce S. Corsica ne peut plus être conservée. Malgré son autorité, je trouve les caractères qui la différencient de la S. maculosa trop tranchés pour les confondre en une seule. Cependant, comme cet habile zoologiste a trouvéles intermédiaires aux deux espèces, je livre la question à des recherches plus nombreuses. 2" Mon genre /emisalamandra est une portion des Zritons des auteurs : peut-être pourrait-on lui conserver le nom de Triton, en donnant à ceux que je nomme ainsi celui de Zissotriton (Bell) ou de Lophinus (Gray). Je -sais bien qu'il est nuisible de changer des noms déjà établis ; mais ceux que je donne me paraissent résumer une partie des caractères de l'animal qui les porte. Je pense que cette raison devra suffire pour les substituer ‘aux premiers. 3° J'ai placé l'Æemitriton alpestris avant mes Tritons ; mais je doutais que ce fût sa vraie place, ainsi que je le dis dans l’article qui lui est con- sacré. Uneétude plus approfondie me conduit à penser qu'il serait mieux avec les Zemisalamandres dont le séparent des caractères peu impor- tants. . &° Quant au genre nouveau et si bien caractérisé de mes Æemitritons , j'en réduis les espèces définitivement à une, l’Æemitriton asper, pour la France. Les n° 6, 7, 8, 9 et 10 ne sont que des variétés de celui-ci. — Des affinités impossibles à méconnaître rapprochent de ce genre les Ta- richa (Baird), les Cynops (Boïe) et les Notophthalmus (Rafinesque). Ces genres ressemblent tellement à celui des Zemitritons par leurs caractères ostéologiques , dentaires et buccaux, que je les y réunirais immédiate- ment, si j'avais pu les étudier tous par moi-même sur les animaux : malheureusement , obligé de n'en tenir à des descriptions, je ne: puis affirmer positivement leur fusion. Quant au Glossoliga du prince Ch. Bo- naparte, 1l s'en éloigne par la petitesse de sa langue ainsi que par d’au- 1res Caraclères moins importants. (1) Voyez le volume précédent, p. 253. MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE DES PHYSALIES ET DES SIPHONOPHORES EN GÉNÉRAL, Par Bud, LEUCKART (1) Depuis plusieurs années, les recherches zootomiques et embryo- logiques ont été dirigées d’ane manière toute particulière sur les animaux inférieurs, et il ne reste qu’un petit nombre de groupes d’Invertébrés dont l’histoire soit encore enveloppée de ténèbres. Mais parmi ce petit nombre, le groupe de Siphonophores trouve incontestablement sa place. Aujourd’hui encore, c’est à peine si nous savons, touchant ces êtres si bizarres, quelque chose de plus que ce que le naturaliste distingué Eschschol{z nous a fait connaître il y a vingt ans dans sa monographie des animaux radiés médusaires. Depuis lors la science a élé, sans doute , enrichie de plusieurs observations nouvelles et importantes ( particulièrement celles de Olfers, Milne Edwards et Sars); mais ces travaux ne nous mettent nullement à même d'arriver à une conclusion satisfaisante quant à la nature de ces animaux. Nous sentons actuellement plus que jamais les lacunes qui existent dans la science relativement àcette famille, et l'incertitude dans laquelle nous sommes relativement à la struc- ture de ces animaux et aux fonctions de leurs organes en parti- culier. Dans un tel état de choses, on comprend que les Manuels z00- tomiques nouveaux ne donnent que peu de détails sur les Sipho- (1) Traduit de l'allemand par M. Young (Zeitschrift für Wissenschaflliche Zoologie, 1851, von Ch. Th. V. Siebold und A. Kælliker, B. III, p. 189. 202 LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE nophores, et que leur organisation n’y est pas exposée ou bien l’est d'une manière incomplète et hypothétique. En appelant l’at- tention sur ces organismes remarquables, j’agis plus dans le but de réunir nos connaissances à l'égard de ces animaux que d’enri- chir la science de mes propres observalions. Les recherches que j'ai pu faire sur ces animaux se bornent aux genres lhysalia et F'elella sur des individus conservés dans de Pesprit-de-vin pendant plusieurs années, mais encore en bon état. Des premiers j'ai examiné la Physalia utriculus Eschsch., ou Ph. Eschscholtzi, qui a été regardée par Olfers (1) comme une espèce distincte de la Ph. Lamartinieri Til. (la Medusa ulriculus de Gmel.), tandis qu'Eschscholtz (2) les considère comme identiques; elles sont cependant distinctes : la première diffère même de toutes les espèces connues par un appendice allongé, charnu , en forme de trompe, disposé sur l'extrémité postérieure vésiculaire du siphon. Voici ce que j’ai observé sur ces animaux. Le corps des Physalies est composé , comme on sait, d’une vessie aérienne très considérable, qui a, sur un de ses côtés, une crête longitudinale ; et à sa face inférieure, des appendices nom- breux qui diffèrent les uns des autres par leur forme et leurs fonctions. La vessie est formée de deux membranes fortes et juxtaposées, entre lesquelles se trouve à la face inférieure, là où les appendices sont fixés, un intervalle considérable; par ce point, on peut, sans beaucoup de peine, extraire la membrane interne sous la forme d'un sac fermé rempli d'air. Ce n’est qu'à l'extrémité anté- rieure, dans un espace très circonscrit, que les deux membranes sont soudées entre elles. On se convainc de la sorte que le corps vésiculaire des Physalies est formé de deux sacs emboîtés l’un dans l’autre (fait déjà annoncé par Eschschol!z et Olfers), le sac intérieur remplissant complétement l'extérieur, excepté dans l’in- tervalle mentionné. L'intérieur de ces deux sacs (pl. 5, fig. 4 c en représente la coupe ) est le réceptacle aérien, la vessie nata- (1) Abhandlungen der Berl. Acad, aus dem Jahre 1831, p. 189. (2) System der Akalephen, p. 163. DES PIYSALIES ET DES SIPIONOPIIORES. 203 toire, comme on l’a appelé ; tandis que l'extérieur (tig. 1 a) forme les parois du corps. L’intervalle entre ces deux sacs (fig. 4 d) sera décrit plus loin sous le nom de cavilé du corps. Les parois externes du corps sont très fermes et élastiques, et rappellent par leurs caractères physiques celles de la vésicule cau- dale des Cysticerques. Elles se gonflent et deviennent transpa- rentes dans l'acide acélique, sans cependant être modifiées nota- blement dans leurs caractères histologiques. En examinant attentivement ce lissu,on peut y distinguer et isoler trois couches appliquées les unes sur les autres ; la supérieure de ces couches, la plus notable des trois, est manifestement musculaire : elle est formée de larges faisceaux longitudinaux disposés très régulière- ment les uns à côté des autres, mais offrant par places des ondula- tions, ou bien pliés en zigzag. La couche la plus inférieure est aussi fibreuse, mais les éléments qui la composent sont moins manifestes et disposés en travers. Entre les deux se trouve une couche mince, sans structure autre qu’un dépôt considérable de cellules allongées disposées presque toutes obliquement, et par leur adjonction paraissant constituer des canaux. Elles renferment une matière granuleuse, et de plus un grand nombre de petits granules qui réfractent fortement la lumière. Je n’ai pu me rendre comple de la nature de ces corps. Tilesius(1) affirme avoir observé sur la vessie un réseau vasculaire délicat; mais je ne doute pas qu'il n'ait pris pour un réseau les canaux dont je viens de parler. La créle est une partie intégrante de la peau du corps, et peut être regardée comme une duplicature de cette membrane (fig. 1 e). Il reste entre les deux lamelles qui la composent un espace qui ne se continue pas cependant dans toute sa longueur, mais est interrompu, au contraire, par un certain nombre de cloisons transversales qui sont visibles même à l'extérieur (fig. 2), et qui divisent de la sorte sa cavité en autant de petites chambres ou culs-de-sac. Ces cloisons sont formées principalement par la couche muscu- laire inférieure des parois du corps, dont les éléments prennent (4) Krusenstern's Reise um die Welt, t. IL, p. 368. 204 LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE ici la forme bacillaire ; ces fibres transversales , d’une grosseur considérable, sont composées à leur tour d’une foule de fibrilles fines. La longueur des cloisons est très différente ; elles sont alter- nativement grandes et petites. On peut distinguer, d’après cette diversité de longueur, les cloisons en quatre groupes : le premier renferme les plus longues qui s'étendent depuis le sommet jusqu’à la base de la crête, se pro- longeant dans toute la cavité de cet organe (fig. 2 a); j'en compte six dans notre espèce , nombre qui, malgré toutes les diversités individuelles que j'ai observées (les individus que j'ai examinés avaient depuis 2 pouces jusqu’à 3 pouces 1/2), me parait con- stant (1). Ces six cloisons divisent la cavité de la crête en sept chambres , disposées les unes à la suite des autres. Chacune de ces chambres est divisée dans son milieu par une cloison de la seconde espèce, qui s'étend depuis le sommet jusqu’à la moitié de la hauteur (pl. 2 b). Il en résulte quatorze cellules dans la cavité de la crête, et ce nombre est encore augmenté par la répétition du cloisonnement encore dichotomique par lequel on arrive à vingt- huitet à cinquante-six compartiments. Les dernières de ces cloisons sont les plus courtes, et ne sont guère autre chose que des espèces d’étranglements sur le côté externe du sommet de la crête, On dit généralement que la crête existe sur la surface supé- rieure de la vessie, mais cela est loin d’être suffisamment précis. En effet , si l’on prend, pour point de départ, le point d’attache des appendices, et si l’on considère la surface opposée comme étant la surface supérieure, on voit que la crête (fig. 4).se trouve horizontale et sur un des côtés, à distance presque égale de la face inférieure et de la face supérieure: Sur les indi- vidus observés par Eschscholtz, le côté qui portait la crête était, à peu d’exceptions près , le côté droit (en regardant l'extrémité vésiculeuse portant les appendices comme l'extrémité posté- rieure), tandis que sur les individus que j'examinais c'était l'in- verse : un seul échantillon avait la crête sur le côté droit. Les (1) D'après ce fait, ce caractère me semble ne pas être sans importance pour la détermination des espèces. Chez la Ph. Arethusa , je compte douze de ces cloi- sons ; ce qui s'accorde avec la descripüon et les figures qu'Olfers en a données. DES PIYSALIES ET DES SIPHONOPHORES. : 205 autres (trois) avaient la crête sur la face gauche (ce qui a lieu constamment chez la Ph. pelagica). D'après ces faits, on voit que les variations de cette naturene sont nullement rares. Cha- misso (1) et Eschscholtz (2) ont fait la même observation rela- tivement aux Velelles; des Limacons contournés à gauche, sont loin d’être rares. Les parois de la vessie aérienne sont beaucoup plus délicates que celles de la peau externe du corps, mais encore fermes et ré- sistantes. Elles paraissent sous le microscope être à peu près sans structure, n'offrant que cà et là l'aspect d’une membrane chiti- nique finement striée, sans cependant qu’on puisse dire que cette membrane soit véritablement fibreuse. Elles ne sont que peu mo- difiées par l’acide acétique. La forme de la vessie aérienne répète assez la forme du corps. Cette vessie, comme nous l’avons déjà dit, est fixée à la peau par- tout, excepté à la face inférieure du corps. Elle forme sur la face qui répond à la cavité de la crête des cœcums ou prolongements intestiniformes en nombre correspondant aux compartiments qui existent dans cette crête, et les remplissent exactement jusqu'aux cloisons, Quand on presse sur la vessie aérienne, on développe ces cæcuins et l’on distend la crête ; de l’autre côté, quand les faisceaux musculaires de la crête se contractent , l’air est repoussé dans la vessie. Naturellement la disposition des cloisons est favorable à ce flux et reflux de l’air, et cette structure de la crête est loin d’être sans importance sous le point de vue physiologique. Je n’ajouterai rien de plus sur la nature de la vessie aérienne. Il est évident que c’est un appareil. hydrostatique propre à allé- ger l'animal et à modifier sa pesanteur spécifique. Lorsqu'il est rempli d’air, le corps des Physalies fait saillie hors de l’eau. Pour descendre, il faut, ou bien que l’air soit com: primé pour que le poids spécifique du corps devienne plus consi- dérable que celui de l’eau , ou que l’air soit en partie expulsé. On ne sait pas encore si cela peut avoir lieu: Dans tous les cas, il est clair que certains effets doivent être produits : en effet, le centre (4) Nova acta Leopold., t. X, p. 363. (2) Loc. cit., p. 170. 206 LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE de gravité de l’animal doit se déplacer selon que l’air se trouve dans la vessie ou dans la crête; quand cette dernière est disten- due, elle doit sortir presque verticalement hors de l’eau, et elle agira alors comme une espèce de voile, et deviendra un organe locomoteur (1). Quand l’air est expulsé de la crête dans la vessie , cette dernière sortirait plus de l’eau, et le poids desappendices ne serait plus un empêchement à la marche. Ils deviendraient verti- caux, tandis que la crête serait couchée horizontalement sur l’eau. On sait qu’un appareil hydrostatique analogue est universel parmi les autres Siphonophores; mais il varie d’une manière extraordinaire dans son développement et dans sa grosseur rela- tive. Ce n’est que chez les Velelles et les Porpites que cet appareil devient assez considérable pour les faire sortir, comme les Phy- salies, au-dessus du niveau de l’eau. Mais l'appareil aérien des Velelles n'est plus une vessie : c’est un disque ovale aplati, et l’espace occupé par l'air n’est plus une cavité simple ; ilest divisé par une foule de cloisons concentriques en chambres ou plutôt en galeries circulaires, qui ne communiquent ensemble qu’au moyen d'ouvertures particulières (2), et l’on peut s’assurer de l’existence de ces communications, car en injeclant une seule chambre on peut les remplir toutes. Les parois de cet appareil sont bien plus fermes que chez les Physalies ; elles sont cornées (3), souvent d'une couleur brunâtre et tout à fait homogènes. Le disque est à peu près de la grosseur du corps, et sa face supérieure porte une crête verticale et oblique, dépourvue de cellules aériennes et tout à fait solide. Cet appareil, comme la crête des Physalies, doit fonctionner comme voile. Chez les autres Siphonophores, l’espace rempli d’air n’est plus simple ; il y a plusieurs cavités d’un moindre volume, la plupart en forme de voûtes disposées dans la partie supérieure du corps (qu’on a désignée sous le nom de canal de la reproduction ), Et quoique ces organes ne puissent plus tenir le corps à la surface de l’eau, ils font que son extrémité supérieure conserve constam- (4) Eschscholtz, Loc, cit., p. 6. (2) Delle Chiage, Anim. senza vert. della Sicilia citer, L. IV, p, 406. (3) On a décrit, très à tort, cet organe comme étant cartilagineux. DES PHYSALIES ET DES SIPHONOPHORES. 207 ment la même position, malgré toutes les modifications d’exten- sion et de contraction que ce corps éprouve; ces organes subis- sant des changements continuels, influent aussi sur la pesanteur spécifique du corps. Ce n’est que chez les Diphyes qu'un appareil analogue paraît manquer ; mais, pour combler cette lacune , on trouve très ordi- nairement chez ces animaux un petit espace aérien à l'extrémité supérieure de la cavité du corps (1). Il est encore douteux si les Physalies peuvent ou non faire sortir de l’air contenu dans leur vessie. Eschscholtz a décrit, il est vrai, comme existant à la partie antérieure , libre de leur corps, une ouverture particulière destinée à cet usage (2); mais Olfers (3) nie qu’il yaitcommunication de cette ouverture avec le sacaérien. La position de cette ouverture est très évidente sur les individus que j'ai examinés. Elle se trouve dans la direction de la crête et à environ une ligne de l'extrémité du corps saillante en forme de papille charnue. Extérieurement elle paraît comme un petit épaississement en forme de disque, constitué par le développement des fibres mus- culaires en sphincter, et offre dans son centre une petite dépres- sion, Quand on se rappelle que c’est dans cet endroit que se trouve la réunion des parois du corps et de la vessie mentionnée plus haut , l'opinion d’Eschscholtz ne paraît pas dépourvue de tout fondement anatomique. Du reste, celte ouverture était fermée sur les individus soumis à mon examen. Je ne pouvais pas faire sortir par la pression de l’air contenu dans la vessie; l'air ne passait ni par cette ouverture, ni par celle qui, selon Olfers, donnerait dans la cavité du corps, et serait destinée à cet effet. Dans les Stephanomies (4) et les Agalmopsis (5), on a rendu dernièrement très probable l’existence de canaux destinés à con- duire l’air au dehors. On peut dire la même chose aussi de la (1) Will, Horæ Tergestine, p. 78. (2) Loc. cit., p. 459. (3) Loc. cit., p. 467. (#) Milne Edwards, Annales des sciences nat., 4844, t. XVI, p. 448. (5) Sars, Fauna litioralis Norweyiæ, t. I, p. 33. 208 LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE Plhysophora (1). La Felella offre , entre ses trompes ou sucoirs, des conduits nombreux très fins et semblables à des trachées (2), qui naissent de la surface inférieure de l’appareil pneumatique, et aboutissent au dehors. J’ai cherché en vain une autre ouverture qu’on dit avoir trouvée sur les Physalies (3) à l'extrémité opposée du corps. L'appen- dice probosciforme renferme une cavité étroite et aveugle qui est un prolongement de la cavité du corps. Elle se distingue par l'épaisseur extraordinaire de ses parois , et par le grand dévelop- pement de sa tunique musculaire; elle s'étend aussi loin que les appendices (dans l'espèce qui nous occupe, le tiers postérieur du corps). Les appendices extérieurs du corps sont en nombre considérable, surtout chez les grands individus : on en voit qui en offrent plu- sieurs centaines. On doit les distinguer en deux groupes, d’après leur forme et les fonctions qu’ils remplissent. Les uns sont des trompes ou conduits en sucoir (L'œænger Til.), les autres des tenta: cules. Les trompes ou tubes en sucoir (fig. 1 f, fig. 3) qui constituent le plus grand nombre de ces appendices, out la forme de petits tubes courts et musculaires avec une ouverture en trompette à leur extrémité libre. On distingue facilement dans leurs parois des fibres longitudinales et annulaires ; et ces dernières forment autour de leur ouverture une espèce de sphincter. Le milieu de ces tubes est ordinairement un peu élargi en manière de ventre et d’une couleur brune-grisätre. À un examen plus attentif, on y voit un nombre considérable de taches foncées, disposées à la sur- face interne, et formées par des cellules pigmentaires constituant quelquefois des amas (Zotlen d’Olfers); d’autres fois elles sont confondues. Ces amas de cellules paraissent exister sur un grand nombre des tubes en sucoir des Siphonophores , et ils ont été décrits en particulier par Milne Edwards (4) chez les Stephano- (1) Krohn, Archiv. f. naturgesch., 1848, t. I, p. 30. (2) Eschschollz, loc. cit., p. 7 et 157. (3) Blainville, Manuel d'actinologie, p. 216. (#) Dans son travail surles Stéphanomies. publié en 4841, M. Milno Edwards DES PIYSALIES ET DES SIPHONOPIIORES. 209 mia, comme des œufs et des organes génitaux femelles (1). Sars, qui en a trouvé chez les Agalmopsis, ne partage pas cette manière de voir. En effet, ces cellules ne possèdent pas les caractères qui distinguent les œufs de toutes les autres parties élémentaires, D’après sa disposition et son siége, cet appareil paraît plutôt destiné à la sécrétion de la bile. La cavité interne des trompes ou tubes en sucoir est parfaite- ment simple, comme chez tous les Siphonophores, sans cloisons saillantes à l’intérieur , et elle répète la forme extérieure de ces appendices, étant plus renflée au milieu et un peu rétrécie en haut et en bas. L’extrémité supérieure conduit, comme chez les Siphonophores allongés, dans ce qu’on a appelé le canal de la reproduction, c’est-à-dire dans l'intervalle qui existe entre la vessie aérienne et les parois du corps (fig. 1), et qui est commun à toutes les trompes ou tubes en sucoir. D’après Eschscholtz et Olfers, les trompes de l'espèce qui nous occupe naissent isolé- ment les unes à côté des autres (2), et non pas plusieurs sur un même tronc, comme chez la Ph. arethusa; mais cela n’est pas exact : on en trouve chez la Ph. utriculus, également parfois quatre, six ou huit, et même plus, naissant en faisceau et réunis. * Chaque tube d’un pareil faisceau n'offre pas nécessairement Ja même grosseur et le même développement. On en trouve plu- avait effectivement dit que, probablement, ces granulations de structure glandu- laire étaient des ovaires; mais il s'était bien gardé de rien affirmer à ce sujet (voy. Annal. des sc. nat., 2° sér., t. XVI, p. 228). Et depuis lors, pendant son voyage en Sicile, en 4844, il a eu l'occasion de se convaincre que cette opinion est erronée; car il a trouvé les œufs parfaitement caractérisés dans les grappes ovariennes à côté des grappes testiculaires qu'il avait déjà vues et figurées à la base des vésicules piriformes (voy. loc. cit., pl. 10, fig. 4). Ce fait a été souvent signalé par M. Milne Edwards dans ses leçons publiques à la Faculté des sciences. (Note du traducteur.) (4) Von Hasselt paraît avoir tombé dans la même erreur relativement à la Pay - salia. (Voy. Allgem. Konst. en Letter Lok, 1822, L. IT, lettre à M. von Swvinderen.) (2) I n'y a que Eisenbardt ( Nov. acta Leop., t. X, p. 421 ) qui ait misen doute la simplicité des trompes chez la Ph. Zamarlinieri; car on voit parmi les caractères de cette espèce les mots brachia basi simplicia? suivis d'un point de doute. 3° série. Zooz. T. XVIII. (Cahier n° 4.) 2 14 210 LEUCKART. — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE sieurs auxquels les ouvertures terminales (bouches) manquent, d’autres encore sont ovales où en bouteille; enfin on en voit sous la forme de très pelits reuflements vésiculaires (fig. 3, a, b). On arrive à la conviction que tous ces appendices sont des tubes en sucoir, quelque peu développés qu'ils soient, en partie par leur connexions, et en partie par les degrés intermédiaires nombreux qu'on voit entre les deux formes. En outre, les amas de cellules qui sécrètent la bile s’y montrent de bonne heure, de sorte qu’on peut les distinguer sur de très jeunes appendices vési- culaires. Dans cet élat de choses, on ne peut plus douter que le nombre des tubes en suçoir n’augmente chez les Physalies avec l’âge, par la formation de boutons qui ÿ grossissent peu à peu (fait du reste déjà constaté chez l’Agalmopsis, les Diphyes, etc., et que j'ai observé également chez la Welella ). Cette nouvelle formation a lieu à la périphérie des appendices et à l'extrémité postérieure de la vessie. L’appendice probosci- forme est presque exclusivement garni de tubes en sucoir petits, qui sont dépourvus de bouche, et paraissent d’aulant moins déve- loppés, qu'ils s'approchent davantage de son extrémité. Les tentacules sont de longs fils qui dépassent de beaucoup les tubes en sucoir. Ils se montrent sous deux formes : les uns sont plus gros, el sont appelés des lignes à sonde (senkfæden); les autres (fühlfæden) sont les tentacules proprement dits. La même division a lieu également chez d’autres Siphonophores : chez la Stephanomia, par exemple. Les appendices de la seconde forme prédominent chez le Ph. utriculus (fig. 1 g). Ces organes sont disséminés parmi les tubes en suçoir, et constituent de fins et simples fils, sans ramifi- cations, garnis dans toute leur longueur de nombreux globules et petits boutons disposés en séries. Une recherche plus attentive fait découvrir sur ces tentaculesdes tubes manifestes dont les parois sont constituées par des fibres lon- gitudinales. Les petits boutons qu'on y remarquesont formés par un épaississement excentrique de ces mêmes fibres, et sont couverts à leur surface externe par des cellules à filaments, c’est-à-dire DES PIYSALIES ET DES SIPHONOPHORES. 911 des organes en hamecon (1). Quelques unes de ces cellules à filaments sont développées au point d’être visibles à l'œil nu, et ressemblaïl alors aux organes en hamecon figurés par Wagner chez la Pelagia noctiluca (2), offrant leurs filaments renversés à l’extérieur. Comme, dans ce cas, la pointe des filaments se trouve ordinairement pendante entre les autres cellules, etque la capsule appendue fait saillie comme un petit bouton plus ou moins pé- donculé, il se pourrait que V. Olfers, à une époque où l’on ne con- naissait rien de positif sur les organes en hamecon (3), ait pu les regarder comme des Vorticelles parasites; le fait est qu'il les a décrits comme tels, et la figure qu’il en a donnée est parfailement exacte (4). Les boutons les plus haut placés sont les plus petits. On peut en conclure que le développement des filaments et la multiplica- tion de leurs boutons se font principalement à la base de ces organes. Comme dans les tubes du suçoir, le canal longitudinal des ten- facules (qui servent non seulement à làter les objets extérieurs , mais encore à saisir et relenir leur proie) aboulit dans la cavité du corps sous la vessie aérienne. A cette embouchure se trouve appendue une pelite vésicule allongée, qui a l’analogie la plus grande avec un petit tube en suçoir non encore développé et dé- pourvu d’une bouche (fig. 1 k); mais l'absence de cellules hé- patiques dans son intérieur montre qu'elle n’est pas un organe de ce genre. Y. Olfers a déjà parfailement fait voir que les lignes à sonde (senkfæden, fig. 4 et 4 b) diffèrent des tentacules plus fins seule- ment par leur grosseur bien plus considérable, 11s sont constitués (1) IL est certain que ces cellules à filaments ne manquent entièrement chez aucun Siphonostome; on les rencontre toujours sur les bras préhensiles. Je les ai trouvées répandues en grand nombre sur toute la surface de la Velellu. (2) Zcon. sootom , &. XXXIIE, fig. 41. (3) Cependant déjà Tilesius (loc. cit., p. 72 et 78) avait avancé que l'urtica- tion produite par les Physalies étail occasionnée par de très petits poils placés en faisceaux sur les éminences arrondies des bras préhensiles. (4) Loc. cit, pl. 41, fig. 8. 212 LEUCKART. — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE aussi essentiellement d’un filament simple, creux, garni de nom- breux boutons disposés sur un de leurs côtés ; mais les filaments et les boutons sont bien plus gros que chez les autres tentacules , et les boutons sont en bien plus grand nombre. Ces derniers sont serrés les uns contre les autres, de sorte qu’ils se confondent en s'aplatissant, et forment , quand ils sont rétractés, une espèce de chapelet frisé d’un aspect parliculier. Les boutons portent des organes en hamecon comme les filaments plus fins, ce qui rend tout l'appareil une arme très efficace et dangereuse (1). A la racine de ces lignes à sonde existe également un appen- dice cylindrique particulier ( pl. 4, 4 à} ; mais ici cet appendice dépasse en longueur et en largeur le plus volumineux des tubes àsuçoir ; mais il leur ressemble tant, que les anciens observateurs jusqu'à Eschscholtz les ont confondus. 11 s’abouche avec le fila- ment dans la cavité du corps, ou, pour mieux dire, le filament naît de sa racine (fig. 4) comme un simple canal qui s’épaissit graduellement, et se garnit peu à peu de ses boutons. Les petits individus de la Ph. utriculus possèdent une seule de ces lignes à sonde (senkfæden) placée vers le milieu de tous les appendices ; dans d’autres il existe de quatre à cinq appendices intermédiaires, en grosseur et structure, entre les deux formes décrites plus haut, et placés à l’entour du grand : ce qui démontre qu'il n'existe entre eux qu’une différence de gradation. La vési- cule tentaculaire , au sommet de laquelle je n’ai pu, pas plus qu'Olfers, reconnaître une ouverture, me semble, comme à Eschscholtz(2), être un réceptacle du liquide qui détermine, comme la vésicule des ambulacres des Échinodermes , la distension et l'extension du tentacule. D’après Eschscholtz, ce même appareil existe chez les Apolemia, l'Hippopodius et la Physophora (3). La Stephanomia et l'A galmopsis, d’après Milne Edwards et Sars, (1) Voyez Bennet, Proc. zoo. Soc., 1837, p. #2. (2) Loc. cit., p. 8. (3) Mais Eschscholz a pris à tort, chez celle dernière, les appendices externes pour des vésicules tentaculaires (ibid., p. 444). Il paraîtrait, d'après la descrip- tion qu'en donne Philippi (Muller's Archiv, 1843, p. 61), que ce sont plutôt les appendices internes qui ont des rapports avec les bras préhensiles. DES PHYSALIES ET DES SIPHONOPIHORES., 213 offrent aussi des réceptacles de liquide particulier contractiles, mais ils ne sont pas placés à la racine des tentacules ; ils existent isolés parmi les divers tubes en sucoir (1). Les tubes en sucoir et les tentacules ou bras préhensiles (/ang fœden) que nous venons de décrire forment la plus grande partie, souvent même la totalité des appendices des Physalies. Il en est de même pour les autres Siphonophores (2). Souvent cependant ily a des modifications dans leur disposition. En effet, ces appen- dices peuvent ne pas naître isolés comme chez les Physalies et les autres espèces pourvues des vésicules tentaculaires, mais être liés ensemble et naître sur la racine des tubes en sucoir ; ils sont encore souvent entourés de boucliers cartilagineux (?). La posi- tion aussi de ces appendices offre plusieurs variétés. Chez les Physalies nous les rencontrons ensemble, et les uns à côté des autres; ce qui est évidemment une conséquence de la forme par- ticulière du corps vésiculaire de ces animaux. Toutes les fois que cette forme reparaît (comme chez les Velelles et les Physophora), la position des appendices est la même. Quand, au contraire, comme dans la plupart des Siphonophores, le corps est allongé et transformé en un tube canaliculé (l’ana- logue de la vessie desPhysalies(3), et qu’on a désigné sous le nom de canal de la reproduction), les appendices sont éloignés les uns des autres , et disposés à des distances assez régulières sur le corps. Ces espèces allongées de Siphonophores, y compris la Physophora, dont la partie supérieure du corps est tirée en canal, (1) 1 se pourrait que ces corps aient une autre nature. Ce sont peut-être, chez la Stephonomia, des individus prolifères (voyez la suite de ce Mémoire); et chez l'Agalmopsis, c'étaient peut-être des tubes en suçoir non encore dévelop- pés prenant naissance parmi les autres. (2) On décrit un certain nombre de Siphonophores ayant un seul tube en su- çoir (Ersæa, etc.); mais l'existence de ces êtres est si peu établie, que nous n'y ferons pas d'attention dans le reste de ce Mémoire. Sars (loc. cit., p. 45) a déjà fait la remarque que plusieurs de ces animaux ressemblent, à s'y méprendre, à des morceaux d'autres Siphonophores ; d'autres sont peut-être des animaux non encore développés, et qui auraient offert plus tard un plus grand nombre de tubes en suçoir. (3) Voyez ma Morpholog. der wirbellosen Thiere, p. 72. 214 LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE possèdent à leur partie supérieure , là où se trouve la vessie aérienne, un appareil locomoteur particulier, appareil dont on ne distingue aucun vestige chez les Physalies ni chez les Velelles , et qui serait sans utilité à ceux-ci à cause du développement de la vessie aérienne et du voile. Cet appareil consiste, comme on sait, en un nombre variable d’appendices en clochettes qu’on appelle cloches natatoires. Par la réunion et souvent par le nombre très considérable de ces appendices, le corps des Sipho- nophores nous offre un organisme très complexe, dont les diffé- rentes parties ont été envisagées d’une manière très diverse. Les anciens zoologistes regardaient les Siphonophores comme des animaux simples offrant divers organes multiples et répétés. En particulier, ils prenaient nos Physalies comme telles ; on y a cru voir même une ouverture buccale simple cachée (os inferum, subcentrale) parmi les appendices qui aurail recu de l’appareil tentaculaire où préhensile (tentacules et tubes en sucoir) les ma- tières dont l’animalse nourrissait (1). Plustard encore on considé- rait la Physalie comme un animal simple, quoiqu'on ait dû être convaincu que celte bouche simple manquait, et que la nourriture était reçue par les tubes en sucoir. Alors on élevait chaque tube en sucoir au rang d’un organe de déglutition. On s’appuyait sur l’analogie qu’on croyait y avoir avec les Rhizostomes, dont l'appareil digestif aboutit au dehors au moyen d’un nombre considérable de tubes ramifiés. Eisen- hardt, en particulier, qui a décrit très bien la structure des Rhi- zostomes dans une monographieeæprofesso, a poursuivi cette ana- logie en donnant une comparaison détaillée des deux formes (2). La vessie aurait été produite par le renversement du chapeau du Rhizostome et la soudure de ses bords ensemble ; il prononçait que les racines communes des divers faisceaux de tubes en sucoir étaient autant d’estomacs, et, d’après lui, leur grand nombre démontrait une certaine tendance à la multiplication dans la structure des Physalies. La cavité centrale du corps qui existe sous la vessie aérienne, et dans laquelle ces racines s’abouchent, (1) Cette erreur reparaît relativement à la Physophora (Philippi, loc. cit.). (2) Loc cit., p. 443, DES PHYSALIES ET DES SIPHONOPLORES. 215 était inconnue à Eisenhardt; autrement il n'aurait pas manqué d'attribuer à notre Physalie, com ne à la Rhizophysa (Epibulia Chamissonis, ete.), un estomac simple avec un grand nombre de tubes en sucoir qui y naïîtraient en faisceaux. Nos connaissances sur la structure des Physalies ont été con- sidérablement étendues par les recherches d'Eschscholtz et V. Ol- fers (4). Ls ont établi, en particulier, par l'observation, que les tubes en sucoir non seulement avalent, mais encore digèrent la nourrilure reçue dans leur intérieur. Depuis lors, les Physalies et les Siphonophores, en général, ont élé regardés comme des êtres pourvus d’un grand nombre d’es- tomacs en forme de cloches, qui leur sont appendus et offrent au- lant de cavités buccales qu’il y a d’estomacs. Si cette manière de voir est exacte, etil n°y a qu'un petit nombre de personnes, dans ces derniers temps, qui l’aient combattue rela- tivement à certains Siphonophores en particulier ( Delle Chiaje pour la Physophora, Lamarck et Milne Edwards pour la Stepha- nomia, Sars pour l’Ægalmopsis, el C. Vogt pour la Diphye ), alors les Siphonophorces , avec une semblable structure, s'isolent complétement des autres animaux. Partout où une multiplicité d’estomacs a lieu, il n’y a pas moins une unique ouverture buccale et un seul intestin, auquel aboutissent ces estomacs qui n’en sont que des élargissements. Nous ne connaissons pas d'animal ayant des ouvertures buccales multiples. Les Rhizostomes eux-mêmes, comme Eisenhardt l'a fait voir (2), n'offrent qu'une seule bouche , et ne diffèrent des autres Médusaires , et, en général, des autres animaux , que par le fait que leur bouche ne s'ouvre pas directement au dehors, mais est pourvue d'un certain nombre d'appendices (1) Les vues singulières de Blainville ( Dict. des sc. nat., art. Zoopnytes ) n'ont plus besoin d'être combattues ; V. Olfers s'est déjà chargé de cette tâche. Blainville prend les Physalies pour des Gastéropodes qui seraient voisins du genre Glaucus, Leur crêle serait le pied, les appendices seraient des bran- chies , la vessie aérienne un estomac !! L'auteur les a dolés également d'un foie, d'un cœur, et d'organes génitaux internes. (2) Loc. cit., p. 492. 216 LEUCHART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCIURE tubuliformes qui se répandent dans les expansions foliacées des bras pour s’aboucher au dehors par des ouvertures multiples, et augmenter ainsi, autant que possible, les points de contact par lesquels sont absorbées les matières alimentaires. Ces suçoirs ne sont autre chose qu’un appareil de conduits, et pas des estomacs comme on a considéré les tubes en sucoir des Siphonophores ; donc, même morphologiquement, ils en sont entièrement dif- férents. Si nous regardons les Siphonophores comme des animaux sim- ples, nous pouvons considérer avec la même raison un bouquet d’Hydres comme étant un seul animal : nous devrions même le faire pour être conséquents avec nous-mêmes. Dans les deux cas, nous avons un nombre considérable d'ouvertures buccales corres- pondant à un même nombre d’estomacs en forme de tubes ou en forme de cloches, aboutissant, par leur extrémité postérieure , dans la cavité commune du corps. Les seules différences qui règnententre ces deux groupesne sontrelatives qu'aux différentes manières de vivre de ces animaux. Les Hydraires fixes ont des tentacules courts à la circonférence de chaque ouverture buccale, tandis que chez les Siphonophores nageurs, il existe de longs filaments naissant de la racine de chaque tube en sucoir, ou bien posés sur une vésicule tentaculaire (on voit une différence ana- logue entre les tentacules des Anthozoaires attachés et ceux des Méduses qui nagent en liberté). Le corps des Hydraires est arbo- rescent, et porte les tubes stomacaux à l’extrémité des rameaux, tandis que chez les Siphonophores il se développe une masse simple cylindrique, ou bien contractée et vésiculeuse, sur la- quelle sont appendus les tubesstomacaux (on sait que la difliculté des mouvements dans un liquide augmente avec l'extension de la surface de la résistance, et qu’un corps en forme d’arbre sera mû bien plus lentement par une même force qu’un corps en cylindre simple). Enfin on ne peut s'étonner de ce que les organes hydrostatiques et locomoteurs aient pu disparaître chez les Hy- draires , leur présence, chez les Siphonophores , se rapportant à la locomotion particulière à ces animaux. Actuellement, il est reconnu par tout le monde que la souche DES PHYSALIES ET DES SIPHONOPHORES. 217 ou bouquet des Hydraires est une colonie d'animaux (1) qui grandit graduellement par la formation des bourgeons. Nous avons déjà montré qu'à cet égard les Siphonophores n’en diffèrent pas. Le nombre de tubes en suçoir croît continuellement. Dans cet état de choses, nous sommes parfaitement fondé en avançant que « les tubes en sucoir des Siphonophores sont des ani- maux distincts, et que les Siphonophores eux-mêmes sont des souches communes de ces animaux (2). » Ce n’est pas sans intention que j'ai comparé les Hydraires à ces colonies d'animaux réunis sur une même souche, afin de mieux faire ressortir la nature composée des Siphonophores, Plus tard, peut-être, nous ferons voir qu'il existe une parenté plus étroite encore entre ces animaux et les Hydraires. Il me sufit, pour le moment, de montrer qu’il y a la plus grande ana- logie entre eux quant à leur structure interne. En effet, on sait que la cavité digestive des individus des Hy- draires consiste en une simple excavation pratiquée dans le pa- renchyme du corps; il n'ya pas un canal intestinal distinct et cir- conscrit par des tuniques propres ; ce n’est qu'une simple cavité du corps dont la surface interne offre au plus un épithélium hépatique (3). 11 en est de même pour les Siphonophores. En outre la cavité digestive est, dans les deux cas , parfaite- ment simple, dépourvue de ces cloisons radiaires qui existent chez les Acalèphes et les Anthozoaires, et qui font saillie dans la cavité du corps après avoir pris naissance sur la paroi périphérique (4). (1) On peut voir, par les remarques de Schweigger (Nat. der sceletlosen ungegl. Thiere, p. 342) faites il y a à peine quelques dizaines d'années, et les répliques de Meyen (Nov. acta, t. XVI, p. 472), que ce fait a été vivement contesté. (2) J'ai déjà essayé ailleurs d'établir ( Morphologia der wirbellosa Thiero, p. 27) que les Siphonophores sont des animaux composés. (3) Ibid, p. 25. (4) Ces deux groupes se rapprochent tant par les traits fondamentaux de leur structure, que c’est impossible, dans un système zoologique naturel, de les sé- parer avec les Échinodermes pour en faire plusieurs groupes réunis dans une même division , ce que j'ai exposé à plusieurs reprises ( dans ma Morphologie , p. 13, etc., et Beitræge zür Kenntniss wirbellosen Thiere, par Frey et Leuckart, p. 1et 32). 218 LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE Dans les deux cas ces cavilés digestives des individus distincts aboutissent dans une cavité commune contenant du chyle mêlé à de l’eau, connue depuis les recherches de Will et Siebold, dans ces derniers temps, comme le système de vaisseaux aquifères. C’est par cette cavité que sont abreuvés tous les organes du corps qui en recoivent leur liquide nutritif. Il n’est pas douleux que le mouvement du chyle dans cette cavité ne se fasse chez les Sipho- nophores comme chez les Hydraires, au moyen d’un épithélium garni de cils vibratiles, quoique l'observation directe de ce fait n'ait eu lieu jusqu'ici que chez les Diphyes (1) ; mais les observa- tions d’Olfers (2) et de Sars (3) tendent aussi à l’établir chez les Physalies et chez l’4galmopsis. Le mouvement des liquides, dans les appendices 1es plus finset les plus transparents du corps rap- portés par ces observateurs, ne peut guère être expliqué d'une autre manière. On a agité la question de savoir si la cavité commune du corps aboutit au dehors par une ouverture destinée à cet usage. Nous avons déjà examiné l’opinion d’Olfers relativement à ce sujet chez la Physalie ( ce serait d’après lui une espèce d’anus). Der- nièrement Philippi a décrit comme une ouverture buccale une large ouverture cachée entre les appendices de la Physophora, et qui conduirait dans la cavilé du corps. Je suis loin d'adopter cette manière de voir, et je présume qu’elle n’a été que le résultat d'une déchirure accidentelle, Chez la F’elella aussi, on a soupconné l’existence d’une semblable ouverture, et l’on à cru l’avoir trouvée au sommet des grands appendices centraux du corps (4). Mais cette ouverture est en réalité l’ouverture buccale d’un appendice, d’un tube en sucoir, comme nous aurons occa- sion de le dire plus loin. Comme l’existence d’une ouverture par- ticulière conduisant dans la cavité du corps n’est fondée que sur les observations que je viens de citer, et comme elles ne sont pas fondées, on peut, en conscience, conclure que la cavité du (1) Par Will, loc. cit., p. 77. (2) Loc. cil., p. 160. (3) Loc. cit., p. 55. (#) Voyez V. Sicbold, Vergl. anat., p. 63, en note. DÉS PILYSALIES ET DÉS SIPIONOPHOIES, 919 corps des Siphonophores, comme celle des Hydraires, est fermée. Ce ne sont que les ouvertures buccales des individus distincts qui sont en communication avec le monde extérieur, L’extrémité supérieure de la cavité générale du corps (que nous devons comparer à l’extrémité postérieure ou inférieure, l'extrémité radicale des Hydraires) renferme, comme nous avons déjà dit, la vessie aérienne, et une cavité isolée de la cavité géné- rale du corps. Chez les Diphyes. chez lesquelles la vessie aérienne manque, l'extrémilé de la cavité du corps est élargie. On a indiqué cet élargissement comme un appareil particulier. Eschschollz le désigne, avec le plus de justesse peut être. comme la cavité de la séve, tandis que Meyen 1) le prend pour un or- gane d'excrélion, et Will pour une cavité respiraloire. Ayant établis que les tubes en sucoir sont des individus distincts , jetons un regard sur les autres appendices de ces ani- maux, et nous verrons que plusieurs de ces appendices ont une analogie incontestable avec ces parties, Examinons d’abord les vésicules tentaculaires, que nous avons vues, au moins chez les Physalies, se rapprocher des tubes en suçoir par leur forme, leur structure et leurs rapports. La diffé- rence la plus grande entre eux consiste en ce que la vésicule ten- taculaire manque d'ouverture buccale ; mais cette différence n’est pas d'une grande valeur, car cette ouverture buccale manque éga- lement à ces mêmes tubes en sucoir dans leur jeune âge. Déjà Olfers (2), se fondant sur des raisons analogues, avait conclu que les vésicules tentaculaires sont des tubes en sucoir modifiés. Et l’identité morphologique de ces vésicules tentacu- laires avec les tubes en sucoir me paraît d'autant moins douteuse, que, dans un grand nombre de Siphonophores, la place de ces vésicules est occupée par des tubes en suçoir développés. Par conséquent , nous devons considérer les vésicules tentacu- laires comme des individus distincts, mais qui ne sont pas, physio- logiquement parlant, parvenus à une individualité aussi parfaite que les tubes en suçoir développés. Quelque remarquable que soit (4) Nov. act. Leop.,t. XVI, p. 208. (2) Loc. cit., p. 163. { 220 LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE ce fait, il n’est nullement en contradiction avec notre manière de voir. Nous savons déjà que des parties, morphologiquement identiques, sont très souvent appropriées à des fonctions diffé- rentes, et, par suite, prennent les formes variées qui sont en rapport avec ces fonctions. Un coup d’æil jeté sur les formes que prennent les extrémités des Vertébrés et les appendices des seg- ments des Articulés nous en donnera des exemples convain- cants. Les individus distincts d’une souche animale commune ont les mêmes rapports avec leur organisme composé que les organes homologues distincts avec leur organisme simple. La conservation du tout d’un individu ou d’une famille fait naître, selon les circon- slances, des exigences qui entraînent le plus ou moins de déve- loppement des membres de celte famille ou de cet individu, et leur aberration plus ou moins marquée du type commun. Il est extrêmement commun de voir, dans le règne végétal, des individus, les bourgeons, réunis pour former une même plante, prendre des rapports variés avec la souche commune, et s'y développer constamment de diverses manières, suivant la nature de ces rapports (1). Ce phénomène est, à la vérité, bien plus rare dans la souche animale, mais nullement sans exemple, Ainsi nous savons depuis longtemps que les Hydrioïdes por- tent sur une même souche des individus distincts, qui ne sont nullement identiques par leur forme et par leurs fonctions; au contraire, la nutrition et la prolification leur sont réparties d’une manière différente (2) : effectivement on y distingue des indi- vidus qui nourrissent et d’autres qui reproduisent (3). De même aussi, chez les Physalies et autres Siphonophores, nous devons admettre l'existence de différentes sortes d'individus qui se nour- rissent et des individus chylomoteurs. On verra que je suis fondé (1) Voyez Braun, Betrachtungen über die Erschnungen der Verjüngung in der Natur, p. 72. (2) Voilà ce que j'ai dit relativement à l'histoire naturelle des Hydroïdes dans les Beitræge sur Kenntniss wirbellosen Thiere, par Frey et Leuckart, p. 49. (3) Ces individus prolifiques , différents des autres par la forme, ont été re- gardés pendant longtemps , même après que la nature composée des Hydroïdes était bien établie, comme de simples organes, les réceplacles des œufs. DES PIYSALIES ET DES SIPHONOPIIORES. 921 en désignant la vésicule tentaculaire comme chylomoteur, si l’on réfléchit que le liquide qui remplit le tentacule est le même que celui contenu dans la cavité du corps, c’est-à-dire du chyle mé- langé à l'eau. Cette désignation est d'autant plus appropriée qu’elle comprend non seulement la vésicule tentaculaire , mais encore les réceptacles du liquide isolés des tentacules, qui ont été décrits chez l’Agalmopsis et la Stephanomia, et que nous devons de même regarder comme des individus distincts. Quand nous sommes ainsi familiarisés avec l’idée que les divers individus de la souche d’un Siphonophore sont développés d’un manière variée en rapport avec les fonctions de toute la co- lonie, il ne me paraîtrait peut-être pas trop hasardé de considérer aussi comme des individus distincts les cloches natatoires. On sait que ces corps se détachent très facilement de la souche mère, et se meuvent pendant longtemps dans cetélat comme des êtres indépendants, au point d’avoir été considérés et décrits dans cet état comme des animaux distincts (par exemple les genres : Pyramis, Otto; Gleba, Otto; Plethosoma, Less. ; Cuneolaria , Eysenh. etc.). Nous ne citons pas ces erreurs comme une preuve de l’exactitude de notre manière de voir; mais les observations qui les ont occasionnées ne paraissent pas être sans importance pour nos recherches relatives à la nature de ces corps. La forme de ces cloches natatoires est aussi une circonstance digue de fixer notre attention, En effet, nous pouvons rappeler la ressemblance qu’elle a avec celle du disque d’un grand nombre de Discophores, qu’elle paraît répéter de la même manière que les individus en sucoir répètent celle de la tête hydroïque. Nous ne méconnaissons pas les grandes différences qui existent entre les tubes en sucoir et les cloches natatoires; mais ce sont des différences fonctionnelles de parties analogues morphologique- ment, et n’offrant pas de difficultés plus sérieuses à éclaircir que celles qui résultent de la différence de forme qui existe entre les Médusaires libres et les têtes hydroïdes sur lesquelles ces Médu- saires naissent par bourgeonnement. Si nous comparons les cloches nataloires avec les Discophores et les tubes en sucoir avec les têtes hydroïdes , le mode d'attache 999 LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE de ces deux appendices au corps commun nous fera voir une analogie complète. On sait, en effet, que le dos voûté des Discophores correspond à l'extrémité postérieure de la tête hydroïque , circonstance qu'on reconnaît, de la manière la plus certaine, par les phénomènes du développement des premiers. Quand nous voyons que les cloches nalatoires sont attachées par leur pointe et les tubes à sucçoir sont fixés par leur base, nous aper- cevons donc là une analogie complète dans le mode de fixation. Nous ne serons pas étonnés de voir ces cloches nataloires manquer de l’appareil de nutrition des Médusaires, ni de les voir réunies avec un grand nombre d’autres individus distincts. Elles ont le don exclusif de la locomotion comme les tubes en sucoir celui de la nutrition, et sont nourries par l’amas de matières nutritives rassemblées par ces derniers, et déposées dans la cavité commune du corps. De cette cavité naissent divers canaux laté- raux en forme de vaisseaux qui parcourent les parois de la cavité nataloire, c'est-à-dire le parenchyme du corps des cloches nata- toires, en se ramifiant, Enfin, pour appuyer l’analogie des cloches natatoires avec les tubes en sucoir sur leur mode de développement, nous dirons que les premières, au moins dans les endroits où elles sont nom- breuses, se mulliplient par bourgeonuement comme les tubes en sucoir (1), et que ces deux sortes d’appendices se ressemblent parfaitement dans les premières phases de leur formation. Ainsi les cloches nalaloires, comme les tubes en sucoir, sont à leur origine de simples petits renflements remplis d’un liquide, qui ont été pris, même par Eschscholtz, chez l'A galma et la Rhizophysa, pour des vésicules chylomoteurs (2). Si l’on refuse aux cloches nataloires le caractère d'individus locomoteurs (3) d’une colonie des Siphonophores, il faut les envisager comme des organes appendiculaires d’un rang mor- (1) Sars, loc. cil., p. 37. (2) Eschschollz, loc. cit., p. 11. (3) A ma connaissance, C. Vogt ( Zoolog. Briefe, p. 141 ) est le seul auteur qui ait émis l'idée que les cloches natatoires sontdes individus locomoteurs d'une colonie de Siphonophores. DES PHYSALIES ET DES SIPHONOPHORES. 293 phologique subordonné. Mais là encore se rencontre une autre difficulté , car elles existent comme appendices indépendants disposés sur le tronc commun, et n'ayant aucuns rapports avec les individus isolés qui ont les tentacules et les boucliers, quoique, dans cette manière de voir, elles devraient se ranger dans la même catégorie que ces derniers. Dans cet élat de choses, nous pouvons conclure avec certitude que les Siphonophores sont non seulement des souches animales composées, mais encore des colonies d'individus polymorphes. Dans ce que nous venons de dire, nous avons laissé à dessein de côté ce qui est relatif à la reproduction des Siphonophores et à leur sexualité. Ce sujet est extraordinairement obscur, et le voile qui le couvre n’a été en partie soulevé que par les observa- tions de Sars. On a reconnu, chez un petit nombre de Siphonophores seule- ment , des parties qu’on a considérées comme des organes de la génération. Ce sont, en particulier, chez notre Physalie, des grappes rougeâtres (1) cachées parmi des tubes en sucoir volumi- neux et isolés (fig. 3, , On voit par un examen attentif que ces grappes sont attachées au col des tubes en sucoir au moyen d’un pédoncule (fig. 5), ordi- nairement plusieurs ensemble. Le pédoncule est creux et offre diverses ramificalions irrégulières, dont les branches se terminent en autant de poches allongées en cul-de-sac ou de vessies (fig. 6 a). Il est certain que ces poches ne sont autre chose que des tubes en sucoir non développés, car on voit, dans leur intérieur, des amas de cellules hépatiques (Zolten OIf.), fait que Olfers a déjà remarqué (2). Nous avons donc dans chaque grappe un faisceau de tubes en sucoir ; mais ceux-ci se distinguent des tubes en suçoir des autres faisceaux non seulement par leur moindre grosseur et l’imparfait développement des individus distincts, mais surtout par la pré- (1) D'après la manière de voir des anciens, du reste tout à fait inexacte , les tentacules, et même les appeudices en cœæcums de la vessie aérienne dans l'inté- rieur de la crête, seraient des organes de la génération. (2) Loc. cit., p. 160. 29h LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE sence de nombreuses petites vésicules (fig. 6) disposées sur les pédoncules ramifiés , et dont la forme et le nombre contribuent principalement à donner à la grappe entière son aspect particu- lier. Tantôt ces vésicules sont ovoïdes ou globuleuses'; tantôt (et c’est le cas surtout des grosses) elles sont aplaties à leur extrémité la plus externe, où elles offrent même une impression ou excava- tion en clochette. Eschscholtz (1) regardait ces grappes comme la jeune couvée des Physalies, en se fondant sur la circonstance qu’elles se déchi- raient par l’attouchement et par d’autres causes ; il a cru même reconnaître dans leurs diverses parties les organes principaux de la jeune Physalie (corps vésiculaire avec tentacules et tubes en suçoir) ; mais V. Olfers (2) a objecté avec raison que ces parties, au moins aussi longtemps qu’elles restent attachées au corps de la mère, n’ont pas la moindre ressemblance avec des jeunes. Olfers, du reste, a considéré ces grappes comme des faisceaux de germes, et a cru devoir prendre la vésicule pour un rudiment de la vésicule natatoire future. Ces appendices, d’après lui, prennent peu à peu une forme de massuc (ou plus exactement, selon moi, de clochelte), et contractent des adhérences soit seules, soit plusieurs ensemble , avec les petits tubes en sucoir, de facon à donner naissance plus tard à de nouvelles Physalies. Malheureusement V. Olfers n’a décrit ni le caractère de leur structure microscopique, ni la nature de leur contenu ; et comme mes recherches relalives à ce point ne m'ont conduit à aucun résultat, nous n’avons d'autre guide que l’analogie qu’elles offrent avec d’autres formes existant chez des animaux voisins, On a trouvé, dans ces derniers temps, des appendices vésicu- leux en tout analogues chez un assez grand nombre de Sipho- nophores, pour que nous puissions présumer que leur existence est universelle dans ce groupe. En effet, on les à vus chez la Diphye (Meyen), chez la Stephanomia ( Milne Edwards), chez la F’elella (Hollard ), chez la Physophora ( Philippi ), et chez l’Agalmopsis (Sars). Dans lous ces animaux, ces vésicules ne renfermaient (1) Loc. cit., p. 459. (2) Loc. cit., p. 165. DES PHYSALIES ET DES SIPIHONOPHORES, 225 autre chose que des œufs ou des spermatozoïdes; de sorte qu'on semblait parfaitement fondé à conclure, ou qu’elles fussent les organes génitaux des Siphonophores , ou bien, comme Milne Edwards a avancé pour la Stéphanomie , des individus sexuels développés sur la souche commune, Mais on retombait de nouveau dans le doute quand on apprit, par les observations de Sars (1), que ces vésicules chez les Di- phyes (2) se développent graduellement en prenant la forme d’une Discophore parfaite, et que chez l’Agalmopsis aussi la production d’une couvée de Discophores se fait tout auprès de la vésicule remplie de produits sexuels (œufs). Les Méduses produites de la sorte n’offraient ni des filaments marginaux, ni des organes de l'audition. Elles se développaient en connexion avec la matière génitale interne de la souche du Siphonophore, mais elles na- geaient librement et d’une manière vive quand on les en déta- chait. On peut conclure d’après ces observations , d’une manière assez probable , que la vie en liberté dure peu de temps, ce qui est aussi très. probablement le cas pour un grand nombre de Médusaires qu’on a reconnues être des nourrissons d’'Hydraires. Dans tous les cas, ces observations importantes font voir que les Siphonophores ont été considérés à tort jusqu'ici comme des ani- mauæ adultes indépendants, et qu'ils ne sont autre chose (pareils aux Hydroïdes, auxquels ils ressemblent parfaitement par les traits fondamentaux de leur structure, comme nous venons de le voir) que des larves nourrices des Médusaires. Si ces observations sont exactes (or, l'exactitude de Sars est bien constatée par ses recherches déjà publiées, et nous sommes d'autant moins disposés à les mettre en doute que les faits sont exposés avec détails, et les observations accompagnées de bonnes (1) Lieu cité, p. 43. (2) Déjà Meyen (lieu cité, p. 214, pl. XXVI, fig. 6, 7) a vu sur ces préten- dus réceptacles des œufs le vaisseau annulaire et les vaisseaux radiaires des Méduses, mais les a considérés comme des muscles destinés à expulser la jeune couvée, C. Vogt aussi paraît avoir observé la production de ces acalèphes ( lieu cité), mais il les a pris (fig. 431, g ) pour les cloches natatoires des individus distincts. 3" série. Zooc. T. XVIIL ( Cahier n° 4. } 5 15 996 LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE figures) les vésicules en question doivent être considérées autre- ment qu'on ne l’a fait jusqu'ici. D'abord, on doit présumer qu’elles sontles bourgeons non encore développés des Médusaires futures. Cela a été constaté chez la Diphye par l'observation directe. Il est probable aussi que cela a lieu dans d’autres cas ; la forme en clochette que j'ai observée sur les plus grosses de ces vésicules, chez la Physalie et également chez la Velelle, paraît indiquer qu'il en est ainsi. La même chose semble résulter de la description qu'Edwards donne de cette vésicule remplie de spermatozoïdes, et dans laquelle il à reconnu les vaisseaux radiaires des Discophores (4); mais ces considé- rations ne su‘fisent pas pour l’établir, el il en est encore de même des mouvements de la vésicule qu'on a observés à plusieurs reprises, et de la facilité avec laquelle on détache celle-ci du lieu où elle se trouve. Toutes ces observations et remarques font présumer que ce qu'on a désigné sous le nom de vésicule n’était souvent autre chose que la jeune Médusaire accompagnée d’autres bourgeons moins développés. Mais on ne pourrait jamais affirmer que, dans tous les cas où l’on a vu l’intérieur de cette poche rempli de matière génitale, il a dù y avoir des Médusaires développées, et que c’est par manque d’exaclitude des observations qu’on n’a pas reconnu la vérité. Sars lui-même décrit, chez l’Agalmopsis, comme existant autour de la Médusaire, des spermatozoïdes et une « vésicule ren- fermant des cellules oviformes. » Il est vrai qu'il n’affirme pas po- sitivement que ces corps étaient des œufs. Ce serait peut-être des cellules de développement, et les vésicules seraient alors des Discophores rudimentaires. Les résultats remarquables qu’on a acquis relativement aux Hydroïdes doivent mettre les observateurs futurs sur leurs gardes quand il s’agira d'examiner les organes des Siphonophores. En elfet, chez les Hydraires, les bourgeons ne produisent pas, dans tous les cas, des Médusaires parfaites ; au contraire, ils s’atrophient souvent, et indépendamment il se développe dans leur intérieur (1) Lieu cité, pl. X, fig. £. DES PIIYSALIÈS ET DES SIPHONOPHORES. 297 des spermatozoïdes ou bien des œufs , et c’est là un phénomène qui paraît être constant chez notre Hydre, Il n’est nullement improbable que cette atrophie ait lieu à un degré plus ou moins marqué(1); et il se pourrait que ces Médu- saires atrophiées , mêlées à d’autres matières renfermées dans le sac reproducteur, soient les objets qui ont été décrits par plu- sieurs observateurs. Quoi qu'il en soit, il est certain que ces vésicules ne sont nulle- ment des organes génilauæ , mais des individus plus ou moins dé veloppés d'une seconde génération, produits dans ce lieu d’une manière non sexuelle, mais qui sont susceptibles de donner naïssancè à de nouveaux élres par voie de génération , landis que le Sipho-: nophore lui-même reste constamment sans organes seœuels. Nous avons dit que les vésicules des Physalies prennent la forme de grappe par le fait qu’elles viennent sur des . tubes en sucçoir particulier, petits et ramifiés. Quand ces vésicules se rap- prochent, comme par exemple chez la Stephanomia, nous devons présumer qu’elles ont les mêmes rapports avec les individus distincts (2) que chez la Physalie. Chez la Velella et la Diphye, le développement des bourgeons des Discophores à pour siége les tubes en sucoir bien reconnaissables. A cet égard aussi on ne peut pas méconnaître l'analogie des Siphonophores avec les Hydraires. Chez les derniers, les indivi- dus distincts sont le siége de la reproduction et du développement des Médusaires qui en proviennent par bourgeonnement, Mais il existe des exceptions à cette règle : ainsi chez le Perigonimus, la seconde généralion a lieu sur le tronc commun du corps (3), et il parait en être de même de quelques Siphonophores ; ainsi chez les Agalmopsis, les Médusaires qui en naissent sont isolées des tubes en suçoir et appliquées contre les parois externes du ca- nal dit de la reproduction. (1) J'ai exprimé déjà les mêmes idées relativement à ces prélendus organes génilaux dans le Gætting. Gel. Antz., 1847, p. 1917. (2) Quand on examine les figures qu'en à données Milne Edwards (lieu cité, et en particulier pl. X, fig. 1), cette supposition devient presque une certitude. (3) Sars, lieu cité, p. 8. 298 LEUCKART, — MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE Mais les tubes en sucoir prolifiques de la Physalie ne sont que peu développés ; ils sont petits et sans ouverture buccale. On peut sans doute supposer qu'après que leur couvée acaléphiforme est mûrie et détachée, ils puissent grossir et se développer peu à peu ; mais les données fournies par Eschscholtz et V. Olfers sem- blent en opposition avec cette hypothèse, car ils les ont vus sou- vent tomber en même temps que les gemmes distinctes ; nous présumons donc que les fonctions de ces individus se terminent complétement quand lanouvelle couvée vit d’une vie indépendante, Il nous vient à l’idée, en enregistrant les faits qui précèdent, que chez un grand nombre d’Hydraires il existe des indivi- dusimparfaitement développés (sans ouverture buccale et sans ten- tacules), individus exclusivement dévolus aux fonctions de la pro- lification, tandis que les autres remplissent la fonction de nourrir la souche, Guidés par cette analogie et par les faits déjà cités de polymorphisme chez les Siphonophores, nous pouvons affirmer sans crainte que chez la Physalie, il y a des individus particuliers prolifères de la même valeur que les autres, morphologiquement parlant, mais ayant avec la souche des rapports physiologiques particuliers. Des observations ultérieures nous apprendront jusqu'à quel point l'existence des individus prolifères s'étend parmi les Sipho- nophores. 11 n’y en a point chez les Diphyes. Là tout individu doué de la faculté de se nourrir, possède la faculté de produire des acalèphes. La distinction entre des individus qui se nourrissent et ceux qui sont prolifères se montre de nouveau chez la Velelle; seulement il n’y a pas ici une distinction de formes aussi mar- quée que chez la Physalie (et chez la Stephanomia ? ). La Velelle n'offre, dans toute sa colonie, qu’un seul individu pourvu des fonctions de la nutrition. C’est le tube en sucoir dit central, dépassant tous les autres en grosseur ; c’est cela qui a donné une apparence de raison à l’opinion que la Ve- lelle est un être simple, tandis qu’elle est composée comme les autres Siphonophores. Eschscholtz (4) avait déjà observé que ce (4) Lieu cilé, p. 14. DES PHYSALIES ET DES SIPHONOPHORES. 229 tube en sucoir recevait des matières nutritives et les digérait (1), fait que j'ai reconnu aussi par mes propres observations. On le voit rempli de restes de poissons à moitié digérés. Le foie a été décrit par Hollard (2) et Krohn (3), et j'ai constalé aussi son existence. De l’autre côté, je suis dans le doute si les individus distincts périphériques nombreux (que j’ai toujours vus pourvus de cou- vée, tandis que cette couvée manque toujours au tube central) recoivent dans leur intérieur des matières nutritives. Lesson (4) les a désignés, il est vrai, sous le nom de poches stomacales, mais je les ai toujours trouvés vides. Je n’ai pu une seule fois recon- naître avec certitude l’ouverture buccale. L'Histoire du développement des Siphonophores est entière- ment inconnue. La connaissance de ce développement apportera plus de lumière sur la nature de ces formes si remarquables que toutes les recherchesanatomiques auxquelles on pourrait les sou- mettre et quetoutes les comparaisons quenous puissions instituer. Tout ce que nous savons ou supposerons actuellement relative- ment à la structure et à la composition de ces êtres a besoin d’être constaté de nouveau ou rejeté. Meyen(5) paraît avoir vu les embryons de la Diphye; il indique que les œufs qui sortent des prétendus ovaires n'offrent pas la moindre trace de forme du futur animal. Quand nous réfléchissons que les œufs des Méduses restent ordinairement dans les organes de la mère jusqu’à ce que l’animal les quitte pour nager à l’état de liberté, on peut présumer que ces prétendus œufs ne sont autre chose que des embryons. Hollard parle aussi d’embryons de la Velelle qui seraient con- tenus dans la vésicule. Mais son énoncé est trop aphoristique (4) Von Siebold ( lieu cité, p. 64) a supposé à tort qu'il y à dans ce tube en suçoir central une embouchure de l'appareil des vaisseaux aquifères. (2) Annales des sciences naturelles, 842, t. III, p. 248. (3) Lieu cité. (4) Duperrey, Voyage autour du monde, Zoopuyrtes, p. 49 et 56 (5) Lieucté, p. 215. 230 LEUCKART. — MÉMOIRE SUR LA SIRUCTURE, ETC. pour qu’on puisse lui accorder une grande confiance. Les jeunes auraient eu déjà des traces de la crête. Maintenant si nous voulions nous faire une idée du dévelop- pement des Siphonophores, d’après leur analogie avec les Hy- draires et d’après les faits résultant de nos observations et de nos réflexions exposées dans ce mémoire, ce serait la suivante : Les embryons (qui naturellement proviennent des œufs de Méduses fécondés, comme chez les Hydraires ) seraient d'abord infusoriformes, nageant librement à l’aide de leurs cils vibratiles. Puis ils prendraient peu à peu la forme d'un tube en sucçoir sur lequel se montreraient bientôt (peut être avant le développe- ment du tube) par bourgeonnement les individus moteurs qui seraient peut-être aussi d’abord en petit nombre. Plus tard, les tubes en sucoir et les cloches natatoires aagmenteraient en nombre jusqu'à ce qu’enfin les individus distincts prolifiques venant à se former, la colonie serait complète. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCIIE 9. Fig. 4. Coupe transversale de la Physalie avec ses divers appendices. Fig. 2. Crête des Physalies, Fig. 3. Faisceau de tubes en suçoir. Fig. 4. Filaments plongeurs avec les vésicules tentaculaires. Fig. 5 Tubes en suçoir avec des appendices en forme de grappe. Fig. 6. Portion d'un pareil appendice en grappe sous un grossissement moyen. QUELQUES OBSERVATIONS SUR LES ABEILLES ET PARTICULIÈREMENT SUR LES ACTES QUI, CHEZ CES INSECTES, PEUVENT ÊTRE RAPPORTÉS A L'INTELLIGENCE, Par M, Félix DUJARDIN. Pour plusieurs raisons, les premières observations que j’ai pu- bliées, en 1850, sur le cerveau des [Insectes (1) ont fort peu excité l’attention en France. Cependant ce fait de la présence d'un corps symétrique, de forme déterminée et de consistance plus ferme, dans la pulpe nerveuse du ganglion sous-æsophagien des Hyménoptères, m'a paru mériter de nouvelles et persévérantes recherches sous le point de vue organogénique, et surtout dans ses connexions avec le développement de l'intelligence des In- sectes. Pour mieux atteindre ce but, j'ai installé dans mon jardin des ruches à cadres du système de M. Debauvoys, avec quel- ques modifications destinées à faciliter l'observation journalière. Les deux essaims A et B, qui avaient quitté leurs anciennes ruches le 28 juillet et le 5 août, furent introduits, non sans peine, dans les ruches à cadres garnies de quelques fragments de rayons , et placés l'un à côté de l’autre. Chacun d’eux me pré- senta dès le début les particularités déjà observées ailleurs; quelques Abeilles en petit nombre sortaient de la ruche et y ren- traient bientôt; puis, comme si elles avaient pris suffisamment connaissance de l’intérieur, elles ressortaient pour voltiger de- vant la ruche, tenant toujours leur têle tournée du côté de cette ruche pour la reconnaître au retour ; elles exploraient encore les objets environnants, puis elles prenaient leur vol pour s'éloigner (4) Ann. des sc. nat., 3° sér., t. XIV, p. 495, 232 F. DUJARDIN. — OBSERVATIONS rapidement vers la campagne et revenir plus tard. Cette manière d’explorer leur ruche et les environs avant de s'éloigner pour la première fois, avait déjà été signalée par d’autres observateurs ; mais c'était par induction seulement que l’on pouvait voir dans cet acte un phénomène de l'intelligence. Les faits suivants, au contraire, me semblent ne devoir laisser aucun doute sur le dé- veloppement de cette faculté chez les Abeilles, et confirmer, en outre, quelques autres faits qu'on aurait d’abord pu regarder comme peu croyables. 17° OBsERVATION. — Sur l'intelligence des Abeilles. Des deux ruches A et B, la première, moins peuplée (25,000 en- viron), n'avait pas donné de rayons dans les cadres inférieurs ni de cellules royales ; elle se montrait déjà dégarnie de miel, dans ses rayons extérieurs, dès le 12 octobre, et je devais craindre de les voir périr faute de provisions pendant l'hiver. Je placai donc dans une assiette au-devant de la ruche quelques morceaux de sucre miellé et légèrement humecté. Les Abeilles de la ruche A ne tardèrent pas à y venir en foule, et firent disparaître en moins de deux heures le sirop et le sucre. Cette provision , renouvelée les jours suivants, était consommée avec la même avidité, et je pouvais reconnaître aisément que chaque fois , les Abeilles, pour venir aussi nombreuses, avaient dû recevoir dans la ruche un avertissement porté par quelques unes de celles qui étaient venues isolément, soit à dessein, soit par hasard, reconnaître la présence du sucre humecté, Elles s’accoutumèrent bientôt si bien à asso- cier l’idée de ma personne et de mes vêtements avec l’idée de cette provende quotidienne trop promptement épuisée, que si je me promenais dans le jardin à plus de 30 mètres de la ruche, il en venait huit ou dix voltiger autour de moi, se poser sur mes vêtements et sur mes mains, qu’elles parcouraient avec une agi- tation remarquable. Cela me donna la pensée d’avoir désormais dans ma poche un morceau de sucre, que je leur présentais après lavoir légèrement humecté, et sur lequel j'en gardais longtemps trois ou quatre, Cela me rappela aussi un fait que mon ami, SUR LES ABEILLES. 233 M. Doyère, n'avait signalé en 1850 , et qui m'avail paru alors difficile à expliquer : il s'agissait d’une personne qui, à un cer- tain signal, et en écartant ou agitant d’une certaine manière ses vêtements, atlirait ainsi sur elle ses Abeilles. Mais je remarquai aussi que, les Abeilles de la ruche B vou- lant prendre leur part du supplément de vivres destiné seule- ment à leurs voisines, il en résultait de nombreux combats, et je vis avec regret que le nombre des mortes augmentait de jour en jour. Vainement j'avais donné une provision séparée à chaque ruche; je ne réussis à empêcher ce massacre qu’en placant le sucre destiné à chaque ruche hors de la vue des Abeilles voisines, et en supprimant l'addition de miel dont l’odeur pouvait les attirer. Ayant constaté ensuite qu’une Abeille, attirée, sans doute, par des habitudes de pillage , était venue manger le sucre humecté que j'avais posé sur une fourmilière très éloignée, et que cette Abeille, après quelque temps d'absence, était revenue suivie par beaucoup d’autres Abeilles pour manger le sucre destiné aux Fourmis, j’eus l’idée de faire l’expérience suivante, qui est l’objet principal de cet article, et qui me paraît tout à fait con- cluante, Dans l'épaisseur d’un mur latéral, à 48 mètres de distance des ruches À et B, se trouve une niche pratiquée, suivant l’usage du pays, pour constater la mitoyenneté, et recouverte par un treillage et par une treille, et cachée par diverses plantes grim- pantes. J'y introduisis, le 46 novembre, une soucoupe avec du sucre légèrement humecté, puis j'allai présenter une petite ba- guette enduite de sirop à une Abeille sortant de la ruche A. Cette Abeille s'étant cramponnée à la baguette pour sucer le sirop, je la transportai dans la niche sur le sucre, où elle resta cinq ou six minutes jusqu’à ce qu’elle se füt bien gorgée ; elle commenca alors à voler dans la niche, puis decà et delà devant le treillage, la tête toujours tournée vers la niche , et enfin elle prit son vol vers sa ruche, où elle rentra. Un quart d'heure se passa sans qu'il revint une seule Abeille à la niche ; mais, à partir de cet instant, elles vinrent successi- 23h F. DUJARDIN. — OBSERVATIONS vement au nombre de trente, explorant la localité, cherchant l'entrée de la niche qui avait dû leur être indiquée, et où l'odorat ne pouvait nullement les guider, et, à leur tour, vérifiant, avant de retourner à la ruche, les signes qui leur feraient retrouver cette précieuse localité ou qui leur permettraient de l'indiquer à d’autres, Tous les jours suivants les Abeilles de la ruche A vin- rent plus nombreuses à la niche où j'avais soin de renouveler le sucre bumecté, et pas une seule de la ruche B n’eut le moindre soupçon de l'existence de ce trésor et ne vint voler de ce côté. Il était facile, en effet, de constater que les premières se dirigeaient exclusivement de la ruche à la niche, et réciproquement. Celles de la ruche B, au contraire, se dirigeaient toutes d’un autre côté par-dessus les murs des jardins voisins. Quand le sucre de la niche restait tout à fait sec et sans sirop interposé, les Abeilles l'abandonnaient comme une substance inerte. De temps en temps une Abeille venait en volant s'assurer de l’état de ce sucre : s’il était encore sec elle ne s’y arrêlait pas; mais, dans le cas contraire, elle le suçait pendant quelques mi- putes, puis elle allait à la ruche donner un avertissement promp- tement suivi de l’arrivée de plusieurs autres Abeilles. La ruche B, beaucoup plus petite et plus riche en miel, ne se prêtait pas aussi bien à ce genre d’expériences. Une Abeille de cette ruche , transportée de même sur du sucre dans un autre endroit, y est revenue accompagnée de plusieurs autres , mais l'abondance des vivres dans la ruche a empêché les Abeilles de venir aussi nombreuses et aussi constamment. Toutefois, l'expérience si complète de la ruche A , expérience qui peut être répétée facilement , ne peut laisser aucun doute sur la faculté qu’auraient les Abeilles de se transmettre des indica- tions très complexes par des signes correspondants. Déjà précédemment, en décrivant le cerveau de l’Abeille et des Fourmis, j'avais fait allusion à celte faculté, et j'avais signalé les lobes saillants des corps pédonculés qui correspondent à la convexité du front (4nn. des se. nat., 3° série, t. XIV, p. 200), et je citais quelques observations en rapport avec cette manière de voir ; mais ici l'expérience est tellement précise que les consé- SUR LES ABEILLES. 235 quences peuvent en être rigoureusement déduites. Et d'abord ce n'est point simplement une impression individuelle , une image de la localité conservée dans le cerveau de l'Abeille: cette impres- sion existe à la vérité; mais en même temps qu’elle doit guider l'insecte à son retour , elle devient pour lui le motif d'indications à transmettre par signes ou autrement, ce qui ne peut se faire si l’on n’accorde à cet insecte une faculté d’abstraction ; car les in- dications ont suffi pour éveiller chez l’insecte auquel elles sont transmises les mêmes impressions que la vue même du sucre qu'il s'agit d'aller chercher et de la localité où il faut se rendre. Au reste, l'observation suivante, quoique beaucoup plus simple, met encore davantage en relief cette faculté d’abstraction. 2° OBsERvVATION. — Sur l'intelligence des Abeilles. Les Abeilles, comme on sait, emploient pour mastiquer les joints et les fentes de leur habitation la résine visqueuse et odo- rante des bourgeons de certains arbres : c’est ce qu'on nomme la propolis ; mais parmi les diverses qualités de la propolis, une seule , la propriété agglutinative , est nécessaire pour le travail des Abeilles. Ces insectes auront donc fait abstraction de l'odeur, de la couleur , de la saveur même de cette substance , si on les voit rechercher ou employer toute autre substance qui devait leur être absolument inconnue, qu'aucune sensation innée ne pouvait leur déceler, et qui se recommande à eux par cette seule pro- priété agglutinative. C’est ce dont, avec la plus grande surprise, j'ai élé témoin en voyant des Abeilles détacher des petits lam- beaux d’une couche de céruse broyée à l'huile, et employée comme peinture d'impression sur une troisième ruche à cadres qu’on avait laissée fort loin des deux autres en attendant que cette pein- ture füt sèche. Depuis plusieurs jours j’avais cherché vainement à comprendre ce que pouvait être cette charge de fragments irré- guliers d’une blancheur parfaite, rapportée en guise de pollen ou de propolis par quelques Abeilles ; mais enfin je surpris ces Abeilles occupées à détacher péniblement des parcelles de la peinture blanche avec leurs mandibules, et les placer alternative- 236 F. DUJARDIN., — OBSERVATIONS ment dans chacune de leurs corbeilles, assez lentement pour que l'opération füt parfaitement comprise. [3° OBsErvaTION. — Sur l'intelligence des Abeilles. Les ruches à cadres de M. Debeauvoys présentent, au milieu de chaque face, une série de six ou sept petites ouvertures; mais c’est par la face antérieure, par celle qui est exposée au midi, que les Abeilles sortent et rentrent plus volontiers , quoiqu’elles doivent toujours conserver le souvenir des ouvertures latérales qui leur servent par occasion. Or, le 28 novembre, quelques Abeilles, chargées de pollen jaune , rentraient à la ruche avec celte précipitation qui leur est habituelle dans ce cas, et qui nous les fait voir comme poussées par un instinct impérieux. Je voulais savoir de quelle plante provenait ce pollen à une époque si tar- dive , et pour cela, avec une petite baguette miellée, je m’effor- cais d’arrêter au passage une de ces Abeilles et de lui enlever un peu de son pollen, Trois fois elle évita cet obstacle en reprenant son vol, pour revenir presque aussitôt cédant à son instinct, et pour tenter de nouveau le passage ; mais une dernière fois la ré- flexion prit le dessus; et l’Abeille , passant de l’idée particulière de l’ouverture qu’elle avait devant les yeux à l’idée plus générale de la ruche avec toutes ses ouvertures, prit son vol pour entrer sans hésitation par une des ouvertures latérales, Réflexions sur des observations antérieures. 4° Il y a vingt-cinq ans que pendant l'hiver, une ruche qui avait élé volée fut déposée , comme pièce de conviction, dans les combles du Palais de Justice de Rennes. Quelques mois plus tard, quand l’ordre fut donné de la descendre au greffe, on fut fort surpris de trouver les Abeilles en pleine activité sortant pour aller dans la campagne, et rentrant par une petite ouverture du toit que les Abeilles savaient reconnaître entre mille autres. Ce fait, tout surprenant qu’il paraisse au premier coup d’æil, n’est qu’un cas particulier de celte impression individuelle que savent con- server les Abeilles, et qui leur fait reconnaître, soit leur habitation SUR LES ABEILLES. 937 au retour des champs, soit la localité où elles ont butiné la veille et qu’elles ont voulu visiter de nouveau. Cette prodigieuse mé- moire des localités, qui s'observe également chez les oiseaux voyageurs et chez l’homme à l’état sauvage, s’affaiblit, comme on le sait, chez l'homme civilisé et encore plus chez l’homme livré à l'étude. 2° Gélien, dans son livre sur l’éducation des Abeilles (le Culh- valeur des Abeilles, 1815), rapporte un fait qui peut d’abord pa- raître invraisemblable. Un nouvel essaim , très nombreux et très actif, était pillé par les Abeilles d’une des ruches d’un propriétaire voisin, comme si le mot d'ordre, lesigne de reconnaissance quiper- met aux Abeilles de distinguer toute Abeille étrangère, s’était par- faitement trouvé le même pour les deux colonies. Telle est du moins la supposition admise par Gélien. Ce pillage dura jusqu’à ce que, au bout de quelques jours, les Abeilles de la ruche pillée, sortant toutes de leur ruche vers le soir , voltigèrent en tourbillonnant , comme pour convenir en commun de l’adoption d’un nouveau signe de reconnaissance , avant de rentrer dans leur habitation. Le lendemain, en effet, les pillardes furent mises à mort ou chas- sées comme des étrangères, et bientôt elles cessèrent de venir dans cette ruche désormais bien gardée. Si l’on admettait cette supposition d’un signe de reconnaissance d’abord commun aux deux ruches, puis changé dans l’une d’elles par suite d’un conseil unanime de toutes les abeilles de cette ruche, il y aurait là un phénomène intellectuel beaucoup plus surprenant que ceux dont nous avons parlé ci-dessus; mais il nous paraît bien plus vrai- semblable d'admettre que d’abord la ruche pillée était dans le cas d’une ruche sans reine , qui est, comme on le sait , ouverte à tout venant, et promptement dépouillée de tout son miel sans que nulle Abeille songe à la défendre. La sortie et le tourbillon- nement des Abeilles de celte ruche qui ont lieu ensuite, dénotent non point un changement concerté du signe de reconnaissance , mais un simple changement dans l’état de la reine par rapport à la colonie, qui sera désormais dans les conditions ordinaires, et qui saura se garder contre toute invasion des Abeilles étrangères. Quant aux Abeilles d’une ruche voisine qui avaient trouvé tant 238 F. DUJARDIN. — OBSERVATIONS de facilité à s’introduire pour piller impunément, elles étaient dans le cas des Abeilles de notre ruche A , amenées, par les indi- cations d’une seule de leurs compagnes, au sucre dont autrement elles n'auraient point soupçonné l’existence. On sait, en effet, que des Abeilles étrangères viennent incessamment pour essayer de s’introduire dans les ruches où l’odeur du miel les attire ; si elles ne sont point chassées ou massacrées , si la ruche n’est pas gardée, elles vont avertir leurs compagnes qui viennent en foule, et, dans quelques heures, une ruche qui vient de perdre sa reine peut se trouver ainsi dépouillée de tout son miel. 3° L'avidité des Abeilles pour recueillir le miel et le sirop. et, d’autre part, l'instinct qui pousse les habitants d’une ruche bien constituée à massacrer quiconque veut porter atteinte à leurs pro- visions, ont été, comme nous l’avons dit plus haut, une cause de destruction pour nos Abeilles, quand le sucre ou le sirop étaient mis également à portée de plusieurs ruches, de telle sorte que les habitants de chacune pussent s’en croire exclusivement proprié- taires. C'est là ce qui explique pourquoi les Abeilles prennent leur vol pour aller butiner au loin au lieu de butiner sur les fleurs dont leurs ruches sont entourées et sur lesquelles pourraient avoir lieu des combats comme sur le sucre dont chaque ruche veut reven- diquer la propriété ; mais l'instinct seul suffit, je crois, pour expliquer ce fait. h° C’est encore à l'instinct seul qu’il faut attribuer le soin avec lequel des Abeilles lèchent leurs compagnes qui ont été baignées ou noyées depuis peu dans le sirop, et qui sont ainsi rappelées à la vie. Observations sur l’activité des essaims en Bretagne, et sur la fécondité de leurs reines. On sait que, dans les pays où le blé noir, ou sarrasin, est cul- tivé abondamment, les habitudes sont notablement modifiées, el le temps de l’essaimage est retardé jusqu’à la fin de juillet , et même jusqu’au 15 août. Il en est résulté depuis longtemps, pour les Abeilles, en Bretagne , des changements considérables pour SUR LES ABEILLES. 239 l'époque de la plus grande activité des ouvrières et de la plus grande fécondité des reines. Voici quelques résultats que les ruches à cadres m'ont fournis à ce sujet, et qui diffèrent beaucoup de ceux qu’on a observés ailleurs, Un premier essaim (ruche A), du 98 juillet, pesant 2,500 gr. environ, et contenant environ 778 mâleset 23,330 ouvrières, dont moitié, occupées à la construction des alvéoles, présentait, au bout de vingt jours, 29,218 alvéoles ; ce qui fait 1,460 alvéoles construits chaque jour. Dans’ le même temps, la reine avait pondu 41,882 œufs, ou 59/4 par jour. Un deuxièmeessaim (ruche B) du 5 août, pesant 4 kilogrammes environ, et contenant environ 1,200 mâles et 38,000 ouvrières, dont moitié occupées à la construction des alvéoles, présentait , au bout de douze jours, 31,392 alvéoles ; ce qui fait 2,616 alvéoles construits chaque jour. Dans ces douze jours, la reine avait pondu 7,289 œufs, ou 607 par jour. Le poids moyen d’un alvéole variait entre 8 et 14 milligrammes suivant la profondeur ; on peut donc l’évaluer à 1 centigramme pour ces rayons nouvellement construits , et dont la plupart des alvéoles n’étaient pas encore bordés. Ainsi, il avait été fait chaque jour 145,6 de cire dans la ruche A, et 255,16 dass la ruche B. Mais cette activité produite par la floraison du blé sarrasin, si riche en miel, ne tarda pas à se ralentir, et dans les cinq jours suivants , du 18 au 22 août, il n’a été fait que 3,652 alvéoles dans la ruche A, ou 730 par jour, et il n’a été pondu que 2,302 œufs, ou, en moyenne, 460 par jour. Dans la ruche B, pendant ces cinq jours, il n’a été fait que 9,853 alvéoles ; mais la ponte paraît avoir été seulement de 600, peut-être à cause du trouble causé par les visites trop multipliées dont cette ruche a été l'objet, et très probablement aussi parce que 22 alvéoles de reines ayant été construits, et plusieurs même étant déjà clos, il a dû en résulter quelque changement dans le régime intérieur de la ruche. La ponte cessa d’ailleurs complétement dans les deux ruches vers le 20 septembre, et même les nymphes provenant des der- niers œufs furent tirées de leurs alvéoles et rejetées au dehors 240 F, DUJARDIN. — NOTE SUR LES INFUSOIRES depuis le 16 septembre jusqu’au 42 octobre. Cependant quelques Abeilles ont continué, jusqu'au 7 décembre, à rapporter du pol- len que certains auteurs ont cru devoir servir uniquement à la nourriture des larves, et qui, dans celte circonstance, doit, avec le miel, compléter l'alimentation des Abeilles, dans l'intestin des- quelles on en trouve toujours à divers degrés de décomposition , comme Réaumur l'avait déjà vu. Nota. Des fourmilières artificielles de sept espèces de Fourmis et de deux espèces de Myrmica ayant été installées soit dans mon jardin, soit dans mon cabinet, j’ai pu constater de plusieurs ma- nières que des indications sont transmises par un de ces insectes, comme par les Abeilles , pour guider les autres habitants de la colonie vers un vase de miel que l’odorat seul ne peut leur faire trouver pendant un mois entier, jusqu'à ce que le hasard y ait conduit cette seule fourmi, dont les indications vont y amener en moins d’une heure toute la fourmilière. Pareille chose arrive quand les Myrmica , plus carnassières, sont averties par une de leurs compagnes, de la présence de quelque cadavre d’insecte. NOTE sur LES INFUSOIRES VIVANT DANS LES MOUSSES ET DANS LES JUNGERMANNES HUMIDES, ET PARTICULIÈREMENT SUR UNE AMIBE REVÊTUE D'UN TÉGUMENT MEMBRANE UX, Par M, Félix DUJARDIN, On sait depuis longtemps que les touffes de Mousses exposées à des alternatives de végétation et de sécheresse sont habitées par des Rotifères, par des Tardigrades, et par des Nématoïdes nombreux et variés qui, comme les Mousses elles-mêmes, ont des alternatives de vie active quand la masse est humectée par VIVANT DANS LES MOUSSES. 241 la pluie, et de vie latente ou de mort apparente quand la séche- resse a succédé. J'ai signalé aussi dans mon Æistoire des Infusoires, p. 169, la grande quantité d’Infusoires que j'avais observés dans des touffes de Mousse prises au pied des arbres et dans des lieux frais ; mais on ne connaît pas encore tous les Infusoires, si variés, qui habitent les Mousses, et surtout les Jungermannes exposées à des alternatives de sécheresse et d'humidité. J'y ai trouvé divers Trichodiens et Monadaires, des Oxytriques, des Vorti- celles, une Épistylis, et un grand nombre d’Amibes et de Rhizo- podes, tels que des Arcelles, des Difflugies, des Euglyphes, etc., que leur test met à même de résister temporairement à la dessic- cation. M. Boulengey, de Rennes, très habile à rechercher lesanimaux microscopiques, m'en a signalé plusieurs autres, notamment une Plæsconia, longue de 0"*,12, dépourvue de cirrhes, de stylets et de crochets, et qui doit faire l’objet d’une publication spéciale. Un autre Infusoire que m’a signalé le même observateur , c’est une sorte d’Amibe très remarquable, en raison de son tégument membraneux qui se plisse dans diverses directions, suivant les mouvements et les contractions de l’animal, et qui souvent même présente l'apparence d’un linge tordu quand l’animal à tourné sur lui-même. Cet Infusoire devra donc former un genre distinct dans la famille des Amibiens, et l’on pourra le nommer Corycie (de zwgéruy , un petit sac), pour exprimer le caracière distinctif de celte enveloppe membraneuse qui se plisse et se vide à mesure que l'animal est plus exposé à l’air, et qui le préserve d’une dessiccation complète. Il peut donc, comme les Rhizopodes des Mousses (Arcelles, Difflugies et Englyphes), éprouver sans périr des alternatives de sécheresse et d'humidité, comme je l’ai con- staté sous le microscope, tandis que les Amibes proprement dits et les autres Infusoires nus ne vivent que pendant la durée de la période d'humidité. L’enveloppe membraneuse, quoique parfaitement extensible et 3° série, Zoo. T. XVII. (Cahier n° 4.) 4 16 242 Fr. DUSARDIN. — NOTE SUR LES INFUSOIRES, ETC. élastique , reste flottante sur les côtés, et persiste longtemps quand , avec des aiguilles, on déchire, sous le microscope, la Corycie, dont les portions sarcodiques se conlractent en lobes arrondis et se creusent bientôt de vacuoles confluentes. Les dimensions de cet Infusoire dans tous les sens varient de 8 à 20 centièmes de millimètre, et, comme ses mouvements sont très lents, ou le prendrait aisément pour un petit fragment irré- gulier de quartz , si la réfringence n’était beaucoup plus faible que pour ce minéral. En le considérant avec attention, on voit d’ailleurs la masse sarcodique interne avec les vacuoles, les corps étrangers et les granules entremêlés se mouvoir comme un courant d’un côté à l’autre. Les expansions ne rampent point, et ne glissent point sur le porte-objet comme celles des Amibes nues et des Arcelles, ou des Difflugies ; elles se produisent à diverses hauteurs sur tel ou tel côlé de la masse, et semblent agir plutôt en changeant le centre de gravité qu’en prenant un point d'appui quelconque. Pour trouver ces Corycies, il nous a suffi de pressurer légère- ment sur le porte-objet du microscope les Jungermannes simple- ment humectées par les pluies de novembre et de décembre , ou conservées depuis quelque temps avec un peu d’eau. Nous avons donc ici un nouveau genre, formant un terme intermédiaire entre les Amibes nues, qui semblent être une seule masse de Sarcode, et les Rhizopodes à {est membraneux, lesquels, d’une part, se lient aux Rhizopodes à test calcaire ou Foramini- fères, et d'autre part aux Noctiluques, et vraisemblablement aussi à une foule d’autres organismes inférieurs, dont la Sarcode forme le principal tissu. RECHERCHES SUR LES BATRACIENS, Par le Dr PONTALLIÉ, Piofüsseur à l'Ecole de médecine de Rennes. Les nombreuses investigalions dont les Batraciens ont été l’objet ont laissé bien peu à glaner dans cette partie de l’erpélo- logie ; néanmoins il est encore possible, avec un peu de persé- vérance, de recueillir sur l’organisation et les mœurs de ces ani- maux quelques faits nouveaux qui, s’ils n’ont pas la même impor- tance que ceux déjà connus , ne sont peut-être pas dénués de toute espèce d'intérêt. Le squelette des Batraciens anoures, envisagé dans un certain nombre d'espèces, présente dans quelques unes de ses parties, par exemple dans l'épaule et le sternum , mais surtout dans le sacrum ou la vertèbre sacrée , des différences de forme assez grandes pour que l’on puisse reconnaître, à la seule inspection de cette vertèbre, si le squelette qu’on a entre les mains appartient à l’un des trois genres qui contribuent à former nos espèces indi- gènes, les genres Rana, Hyla et Bufo. Cette différence que la vertèbre sacrée présente dans sa forme peut encore servir à distinguer l’une de ces espèces, que d’ailleurs la disposition seule des deux principaux os du tarse sert suffisamment à faire reconnaître, disposition que j'ai vérifiée sur plusieurs sujets et dont on doit la connaissance au savant médecin et naturaliste Antoine Dugès : je veux parler de la Grenouille ponctuée, dont l’astragale et le calcanéum sont soudés dans toute leur longueur , au lieu d’être séparés comme ceux de tous les autres Batraciens. Sa vertèbre sacrée se distingue de celles des Crapauds com- mun, accoucheur et calamite, les seuls du genre Bufo, qu'il m'ait AIT PONTALLIÉ. — RECHERCHES été possible d'examiner , de la Rainette commune et des Gre- nouilles vertes et rousses, par la conformation de ses apophyses transverses qui sont trapéziformes, au lieu d’être sécuriformes, comme celles des Grenouilles verte et rousse. Quant au squelette de la Rainette commune , dont la vertèbre sacrée ne diffère pas sensiblement par la forme de celle des Crapauds, on la recon- naîtra aisément à la nature cartilagineuse des apophyses trans- verses de celte vertèbre, à la longueur plus grande du train postérieur de l’animal comparée à celle de la même partie des Crapauds, et à ses formes plus sveltes. La Grenouille ponctuée se fait encore remarquer : 1° par ses clavicules, dont la courbure en avant est si considérable, que l'intervalle qui sépare ces os des coracoïdiens est presque nul, disposition inverse de celle que l’on observe chez les autres Gre- nouilles, et surtout chez le Crapaud commun; 2° par son épister- num étroit et fibro-cartilagineux, son sternum de même nature, et le large disque cartilagineux de son xiphoïdien. Le Crapaud accoucheur présente plusieurs particularités qui méritent d'être notées, et dont une seule suffirait pour empêcher de confondre son squelelte avec celui des autres Batraciens sus- dénommés. L'une de ces particularités consiste dans l’existence de carlilages sus-orbitaires, qui représentent les os du même nom, que l’on n’a observés jusqu’à ce jour que chez quelques Sauriens et Ophidiens; l’autre , dans la disposition des lames cartilagineuses qui remplacent le sternum; la troisième, enfin, dans la présence d’un cartilage triangulaire, que, malgré sa forme, on peut considérer comme l’analogue du post-sternum du Crapaud commun et des Grenouilles. Les lames fibro-cartilagineuses occupent tout l’espace compris entre les clavicules et les coracoïdiens, qui sont très écartés l’un de l’autre, comme chez le Crapaud commun ; mais, de même que celles dont est pourvue la Salamandre maculée , elles sont arron- dies en arrière et libres de toute adhérence sur la ligne médiane, où le bord de l’une peut recouvrir celui de l’autre ou s’en écarter, suivant que les membres antérieurs se rapprochent ou s’éloignent SUR LES BATRACIENS, 245 de la cavité thoracique, dont par suite le diamètre doit diminue- ou augmenter, Le cartilage triangulaire, dont les deux angles qui se corres- pondent sont très allongés et très divergents en arrière, est mainr tenu à la place qu’il occupe par un ligament fixé, d’une part dans le lieu où les clavicules s’articulent entre elles, d’autre part à la portion du pectoral qui prend son point d’attache le long du bord antérieur des branches de ce cartilage, lequel a sans doute pour usage de renforcer la partie du corps qu'il embrasse, comme le fait, à l'égard de l'abdomen, le cartilage sus-pubien ou upsiloïde des Salamandres et des Tritons. En parlant du Crapaud cornu , M. H. Cloquet dit que le ster- num de ce Batracien est échancré en arrière, et pourvu dans ce sens de deux pièces cartilagineuses ; il ne me semble pas que ces caractères puissent se rapporter au cartilage dont je viens de donner la description. Je ne vois pas non plus que des dents aient été TE chez le Crapaud accoucheur. Bory de Saint-Vincent et H. Cloquet se bornent à dire, le premier, qu’un ou deux Crapauds seulement ont des dents ; le second, qu'il en existe, d’après Klætzke, d'assez grandes et de recourbées dans le Crapaud cornu et quelques autres espèces étrangères, et, d’après M. Schlechtendal, dans le Crapaud dormant. Cependant le Crapaud accoucheur est muni de denis à la mâchoire supérieure et au palais, caractère qui le rapproche des espèces du genre Rana; d’un autre côté, il s’en éloigne par la conformation de ses poumons, qui sont presque globuleux, au lieu de ressembler à des vessies allongées. Au reste, un nouvel examen , à la loupe, du bord de la mâchoire supérieure de ce Crapaud m’a démontré que ce que j'ai pris pour de véritables dents ne sont que de simples dentelures qui le* distinguent également du Crapaud commun, et que l’on pourrait comparer avec celles qui garnissent le bec corné des Tétards. Chez lui et chez la Grenouille ponctuée, dont les dents maxil- laires sont très apparentes , les dents vomériennes ne font pas corps avec les os qui les suppurtent; car, lorsqu'on détache, 245 PONTALLIÉ, — RECHÉRCHES d’arrière en avant et sans effort, la membrane qui recouvre les vomers , où n’apercoit sur ces os aucune trace de l’insertion des dents que la membrane a entraînées avec elle. Mœurs. — J'ai peu de chose à dire sur les mœurs du Crapaud accoucheur , animal très commun dans ce pays-ci, surlout dans certaines localités. Les talus, qui bordent de chaque côté l’une des routes siluées au nord de la ville, sont occupés, dans une étendue de plus de cent pas, par une mullitude de ces Batra- ciens, dont les chants se font entendre pendant toute la belle sai- son, dans le milieu du jour, mais plus particulièrement le soir, après le coucher du soleil. C’est même à l’aide de ce chant, dont l'unique inlonalion ressemble tout à fait à la première note du chant de la femelle du Pinson, que l’on peut distinguer, parmi les trous nombreux dont le talus est creusé, celui qui sert d'asile au chanteur, Dans ce moment, celui-ci est loin d'occuper la par- lie la plus profonde de son habitalion ; car il m’a toujours suffi d’enfoncer la lame d’un couteau à trois ou quatre pouces au plus de profondeur pour attirer l'animal, et parfois le mäle et la femelle en même temps. Les mâles, sans exception, portaient les œufs attachés en paquets sur les deux cuisses, au moyen de quelques fils d’une matière gélatineuse, comme le dit H. Cloquet, et non sur le dos, ainsi que l’a écrit Bory de Saint-Vincent. J'ai constaté aussi que, à l'instar du Crapaud brun !Bufo fuscus), le Crapaud accoucheur et sa femelle ont la faculté, dont ils usent principalement lorsqu'on veut s’en saisir et, sans doute, qu'ils sont en colère, de répandre une odeur alliacée bien carac- térisée. On a prétendu jusqu'à ce jour que la Grenouille rousse paraît . Plus tôt que la Grenouille verte au printemps, et qu’elle ne fait sa ponte que lorsque celle-ci a terminé la sienne : il n'y a de vrai que la première asserlion. La Grenouille rousse reparaît, s’accouple, et fait sa ponte la première, non pas au printemps, comme on le dit, mais dans l'hiver. Le 1 mars 1850 et le 19 janvier 1851, j'en ai trouvé SUR LES BATRACIENS. 2h47 d’accouplées, et dont plus tard le frai s’est développé sous mes yeux. Dans la première quinzaine de février 1851 et 1852, j'ai recueilli du frai de la même espèce ; la dernière fois, il se trou- vait au milieu de la glace, qui avait environ trois lignes d’épais. seur. À cette époque de l’année , on ne rencontre pas encore la Grenouille verte ; cependant il m'est arrivé une fois, c'était dans le mois de janvier, d'en trouver une accouplée avec le mâle de la Grenouille rousse, qui l’embrassait avec tant de force au moyen de ses pattes de devant, que de fortes tractions, opérées pour extraire ces animaux du bocal où je les avais placés, ne firent pas cesser l’accouplement. Cette pression des pattes donnait lieu à un développement considérable du ventre de la femelle, qui, ainsi que nous le verrons bientôt, n’était pas dû à la présence des œufs, Six jours après, le mâle s’était séparé de la femelle , et sans que la ponte eût précédé cette séparation ; mais le lendemain, ils étaient accouplés de nouveau, et, quoique l’eau dans laquelle ils se tenaient ne fournit au microscope aucun spermatozoïde, je n’en acquis pas moins la conviction que l'aspect laiteux qu'elle offrait était dù à la présence du sperme décomposé. En effet, désespérant de voir la ponte Survenir, ces animaux s’élant désac- couplés et accouplés à diverses reprises, et le mâle offrant une maigreur effrayante, je trouvai , après les avoir tués, les testi- cules flasques au lieu d’être gonflés, comme ils le sont avant la fécondation; mais ce qui excita ma surprise au dernier point , et me permit en même temps de me rendre compte de la stérilité de ce couple, c’est l’état de vacuité des oviductes et le peu de matu- rité des œufs, que je crois devoir attribuer à ce que l’accouple- ment avait eu lieu entre deux espèces chez lesquelles la fécon- dation ne s’effectue pas à la même époque, qui ne se recherchent pas ordinairement, mais que le hasard avait réunies sousles eaux. Le développement des pouces du mäle et celui de leur osselet surnuméraire à l'époque des amours n’ont pas échappé à l’atten- tion des naturalistes ; mais on ne s’est pas rendu comple de la 218 PONJALLIÉ, — RLCHERCHES nature des excroissances qu’on ÿ remarque , excroissances appe- lées verrues papilleuses, tuberculeuses, etc., lesquelles , par la pression continuelle qu’elles exercent sur la peau, occasionnent ces excoriations dont parlent les auteurs, excoriations qui se fai- saient remarquer sur la femelle dont je viens de parler. Si, après avoir détaché ces verrues, on les examine au mi- croscope, on reconnait qu'elles sont formées de lames cornées , très rapprochées les unes des autres, et semblables aux épines du Rosier, dont elles diffèrent cependant par le défaut de cour- bure de leur pointe. Ces lames sont fixées par leur base dans une sorte de corps glanduleux qui sans doute les sécrète, et dont l'existence est aussi éphémère que celle de ces lames et de l'osse- let ci-dessus mentionné. Lorsque l’accouplement a lieu, les pointes de ces lames s’in- crustent, pour ainsi dire, dans la peau de la femelle, à laquelle le mâle se trouve de la sorte solidement attaché. Branchies exlernes. — Avant leur sortie de l’œuf ou de l’ovi- ducte, les Batraciens anoures et urodèles que j'ai étudiés (Gre- nouille rousse , Crapaud accoucheur, Salamandre commune et Tritons) sont déjà pourvus de leurs branchies externes ; mais ces organes ne présentent pas dans toutes ces espèces le même degré de développement. Des deux Batraciens anoures cités ci-dessus , la Grenouille rousse est la seule qui ait des branchies rudimentaires. Ces appendices , longs de 0"",95, se composent de deux lobes inégaux, dont le plus grand présente déjà un commencement de division. Chez l'embryon du Crapaud accoucheur, les branchies externes sont très grandes et très ramifiées , caractère qu’on ne retrouve, parmi les Urodèles, que dans l’embryon de la Salamandre commune et bien longtemps avant la naissance ; car je les ai observées sur un grand nombre d’embryons que j'avais retirés de l’oviducte et dont l'abdomen contenait encore le vitellus. Chez l'embryon des Tritons, les branchies tiennent le milieu pour la longueur entre celles de la Grenouille et celles du Cra paud accoucheur et de la Salamandre commune. SUR LES BATRACIENS. 219 Pourquoi le Tétard du Crapaud accoucheur, de la Salamandre terrestre et des Tritons, qui vient de naître, a-t-il des branchies plus grandes et plus ramifiées que celles du Têtard des Gre- nouilles? Probablement parce que, moins favorisé que ce dernier, à qui la matière albumineuse qui l'entoure sert d’aliment durant les premiers jours de sa ‘naissance, il fallait au jeune Batracien, forcé d'aller au loin chercher sa nourriture, un appareil respira- toire assez développé pour revivifier promptement le sang em- ployé à l'entretien de ses organes locomoteurs. Peut-être aussi, comme le pense M. Dujardin, ce développe- ment des branchies provient-il de ce que ces organes ont encore pour usage de servir à la natation, à laquelle se livre le Têtard des Grenouilles quelques jours après sa sortie de l’œuf. Chez le Tétard de la Grenouille rousse, et sans doute chez celui des autres Batraciens anoures, ces appendices ne se chan- gent pas en branchies internes , ainsi que l'ont encore prétendu dernièrement quelques auteurs. Cela est si vrai, que celles-ci existent déjà quand les premiers présentent encore un grand développement. Antoine Dugès, qui avait signalé leur présence à cette époque, dit avec raison, et cette opinion est partagée par MM. Milne Edwards, Müller et beaucoup d’autres zoologistes , que les branchies externes s’atrophient à mesure que les internes se développent, C’est aussi ce que j’ai observé chez le Têtard de la Grenouille rousse. Ouvertures branchiales. — Rien de précis n’a été publié sur le nombre et la position des ouvertures branchiales chez les Batraciens anoures et urodèles. Voici ce que j'ai rencontré dans un examen fait à la loupe sur des Têtards de la Grenouille rousse, du Crapaud brun, de la Rainette verte et du Crapaud accou- cheur. Sur les premiers (Tétards de la Grenouille rousse), dont le corps était long de 4 millimètres et large de 2 millimètres, existaient sous le cou deux ouvertures qui livraient passage aux branchies , et ne semblaient en former qu’une seule, par suite d’un repli de la peau étendu de l’une à l’autre; mais en intro- 250 PONTALLIÉ. — RECHERCHES duisant, d’arrière en avant, dans l’une des ouvertures, la pointe d’une bruxelle, que l’on rapprochail ensuite de la ligne médiane du corps, on rencontrail un obstacle qui rendait évident le défaut de continuité des deux fentes dans cet endroit : cet obstacle n’était autre que le péricarde , au-devant duquel il était facile de coustater la communication des deux cavités branchiales, en portant dans la direction de l'une de ces cavités la pointe du même instrument introduite par l'ouverture de celle du côté opposé. On peut encore reconnaitre le manque de continuité des deux fentes en portant directement d’arrière en avant la pointe de la pince sur le pli de la peau placé entre elles. Ce pli s’efface, mais la pointe ne pénètre pas. Sur un autre Télard, long de 5 à 6 millimètres et large de 2 millimètres environ, les ouvertures étaient bien moins larges et les branchies beaucoup plus courtes; enfin sur un troisième, long de 6 millimètres el large de 3 à 4 millimètres, on ne voyait plus qu’une très petite ouverture, située à gauche et contenant à peine un reste de branchies. C’est aussi au côlé gauche, ainsi qu'on l’avait observé, que j'ai trouvé l'ouverture branchiale du Crapaud brun, qui, à une époque moins avancée de son développement, présente, sans doute, les deux fentes branchiales dont je viens de parler. Chez le Têtard du Crapaud accoucheur, que, de même que le précédent, je n'ai pu étudier qu'après la disparition des bran- chies externes, le trou branchial, au lieu d'occuper le côté gauche, est situé en avant du sternum et sur la ligne médiane du corps; mais ce Têtard se distingue en outre de celui du Crapaud brun, et peut-être de toutes les autres larves de Batraciens, par le nombre des ouvertures qui, après l'apparition au dehors des deux membres antérieurs, mettent en communication avec l'exté- rieur, et pendant un certain temps, les cavités branchiales et conséquemment les branchies internes. Ces ouvertures sont au nombre de trois : l’une est le trou branchial médian, et les deux autres sont celles qui se sont for- SUR LES BATRACIENS, 251 mées spontanément pour livrer passage aux pattes antérieures logées dans les cavités branchiales, et qui apparaissent à l’en- droit même où existaient les ouvertures qu’occupaient les bran- chies externes, Quiuze jours après la sortie des membres antérieurs, ces trois ouvertures n'étaient pas encore oblitérées sur plusieurs Têtards vivants dans des mares, et sur d’aulres que je conservais dans des flacons et dont la queue était en partie atrophiée. Pendant la première semaine surtout, on voyait les branchies internes, bien reconnaissables à leur couleur d’un rouge vif et à leur mouvement continuel irrégulier d’élévation et d’abaisse- ment, dépasser sensiblement le bord libre de l’opercule. Trois fentes branchiales servent donc alors au passage de l’eau qui, introduite par la bouche, à servi à la respiration. Bien mieux, l’oxygénation du sang, qui, avant la sortie des pattes antérieures, n'avait lieu que dans les cavités branchiales , s'effectue directe- ment au moyen de l’eau qui baigne constamment les branchies, devenues en partie externes en quelque sorte, d'internes qu’elles étaient auparavant, Cet acte physiologique a lieu aussi chez les Têtards du Cra- paud brun, de la Rainette verte, et probablement chez ceux des autres Batraciens anoures , lorsque les membres antérieurs ont paru au dehors ; mais la communication des cavités branchiales avec l'extérieur ne se fait que par deux ouvertures : l’une qui est le trou branchial situé à gauche et dont le diamètre s’est accru ; l’autre qui s’est formée tout à coup du côté opposé. Quant aux larves des Batraciens urodèles qui n’ont jamais que des branchies externes, et chez lesquelles des auteurs ont admis deux fentes branchiales, Dugès a démontré qu’elles n’en pos- sèdent qu'une, qui s'étend transversalement d’un angle de la mâchoire inférieure à l’autre. Il se pourrait, comme il a semblé à cet auteur, qu'il n'existât aussi qu’une seule fente branchiale, disposée transversalement chez les très jeunes Tétards des Ba- traciens anoures ; mais il est certain que chez ceux dont j'ai donné les dimensions, cette disposition n’existait point. 252 PONTALLIÉ. — RECHERCHES Le mode de développement des membres n’est pas le même chez les Tritons et chez les Salamandres : les premiers en pré- sentent des rudiments avant leur sortie de l’œuf, et n’acquièrent les postérieurs que quelque temps après leur naissance ; les secondes sont pourvues de leurs quatre membres au moment où elles viennent au monde. Ce fait, que j'ai reconnu il y a long- temps, a été observé aussi par M. P. Gervais; mais il est à remarquer que, de même que les branchies, ces organes existent bien longtemps avant que la mère mette bas ses petits. Les embryons de la Salamandre commune, dont j'ai parlé en traitant des branchies, et qui, avant de venir au monde, devaient se nourrir aux dépens du vitellus que renfermait encore leur abdomen , étaient déjà pourvus de leurs quatre membres. Seule- ment les deux paires n’offraient pas le même degré de développe- ment : l’antérieure était tridactyle; la postérieure , plus courte, se terminait par un moignon arrondi. D’où l’on peut conclure que, chez les Salamandres comme chez les Tritons, ce sont les extrémités antérieures qui se forment d’abord, mais que, tandis que leur développement se fait dans l’oviducte chez les premières, il s'opère dans l’œuf chez les seconds. La mue est très fréquente chez les Tritons maintenus en captivité. J’ai vu souvent, dans la belle saison, les diverses espèces du pays, conservées dans des bocaux remplis d’eau, changer de peau tous les six à dix jours; mais ces reptiles muent aussi en hiver. Un Triton marbré très engourdi, et dont les couleurs étaient assez ternes, pris le 44 janvier 1849, perdait son épiderme le 16, et reprenait avec sa vivacité les belles cou- leurs vertes qui le caractérisent; le 25, il en avait pour la seconde fois. Une femelle de la même espèce, dont les couleurs étaient des plus vives lorsque je m’en emparai le 8 mars 1852, se dépouillait de sa peau le 13 du même mois. Parfois l’épiderme abandonné est complet, de sorte qu'il représente parfaitement l'animal auquel il appartenait. Je pos- SUR LES BATRACIENS. 253 sède, étendu sur une plaque de verre, celui d’une petite espèce qui s’est séparé ainsi, mais après s’être divisé dans toute sa lon- gueur sur la ligne médiane inférieure. Plus souvent la mue n’est que partielle, comme celle que m'a présentée l’un des Tritons marbrés, dont l’épiderme s’est déta- ché d’abord dans ses deux tiers postérieurs. On lit dans les Suites à Buffon que l’olfaction est peu déve- loppée chez les Batraciens, et que ces animaux découvrent leur proie plutôt par la vue que par les émanations qui s’en dégagent. Cette assertion , que viennent confirmer , chez les Anoures , le volume considérable et la grande mobilité du globule oculaire, se trouve contredite chez les Tritons par la petitesse de ce der- nier, et par ce qui se passe lorsqu'on projette , dans le vase qui contient ces Urodèles, quelques fragments de Lombric terrestre, avec lesquels on les nourrit aisément et dont ils sont très friands. Quelques secondes à peine se sont écoulées, qu’on voit ces ani- maux lever la tête, tendre le cou, puis mordre soit dans le vide, soit un des leurs , s’il se trouve à portée. Que ce soit la queue, la patte , et même l’une des mâchoires ou le museau auquel ils s'attachent, rien ne les avertit de leur erreur : il est évident que, dans ce cas, leur voracité, qui les porte souvent à dévorer leurs larves, excitée outre mesure par les émanations qu'ont répandues dans l’eau les Lombrics coupés par morceaux, paralyse en quel- que sorte le sens de la vision. Les Tritons des environs de Rennes sont au nombre de cinq: ce sont le Triton marbré, le Triton crêté, le Triton alpestre, le Triton palmipède et le Triton ponctué. Les femelles des trois premiers sont connues; il n’en est pas de même de celles des deux derniers. Daudin , qui les avait confondues et considérées comme une espèce dislincte, avait donné à celle-ci le nom de Triton abdo- minal. Voici leurs caractères spécifiques : Femelle du Triton palmipède. — Une seule crête dorsale, petite et médiane. Gorge blanche comme celle du mâle. Large 954 PONTALLIÉ, — RECHENCIES bande abdominale d’un jaune doré plus ou moins brillant, qui se termine ordinairement au niveau du bassin, reparaît autour de l'orifice génito-excrémentitiel et se continue en s’affaiblissant le long du bord inférieur de la queue. Souvent un léger vestige du filet cartilagineux qui termine la queue du mâle, et est un des principaux caractères de celle espèce. Pieds de derrière sans palmures. Femelle du Trilon ponctué. — Point de crête. Gorge blanche marquée de petites taches noires. Flancs blancs avec une large bande brune , parfois peu apparente, el souvent irrégulière sur les bords. Parties génitales externes et tranchant inférieur de la queue d'un jaune orangé. La bande marginale du ventre remplace ici les larges taches noires que le mâle présente dans cet endroit, et les petites taches noires de la gorge n’existent pas chez les jeunes femelles, carac- tère que je crois avoir observé pareillement chez les jeunes inâles. Il est à noter aussi que les jeunes Trilons palmipèdes mâles se rapprochent des femelles par l'absence de palmures aux pieds de derrière. Quant aux mâles adultes que j’ai examinés à différentes époques de l’année, je leur ai toujours trouvé les pieds de der- rière palmés, Un caractère qu’on n’a pas cru devoir comprendre dans la diagnose du Triton ponctué mâle, et qui cependant ne manque jamais au temps des amours, c’est la belle couleur bleu d’azur entrecoupée de petites taches orangées qui décore les deux côtés de la queue vers son bord inférieur et près de sa base. Ce carac- tère suffit à lui seul pour faire reconnaître celte espèce, qui se distingue encore de toutes les autres par la rangée de taches noires qui tranchent si bien avec la couleur blanche de ses flancs et le jaune orangé de son ventre, sur lequel sont éparses d’autres taches de la même couleur que les précédentes. Monstruosités. — Le Xiphopage monompholien et l’'Opodyme monosomien, monstres doubles que l’on n’avait observés jusqu’à ce jour, le premier que dans l’éspèce humaine, le deuxième que SUR LES BATRACIENS. 255 dans cette espèce et dans les autres classes des animaux verté- brés , celle des Reptiles exceptée, se sont offerts à moi dans ces recherches. L’Atlodyme est le seul monstre double que la classe des Reptiles ait fourni à la tératologie, et encore n’a-t-il été étu- dié que sur des espèces de l'ordre des Ophidiens. C’est parmi une quarantaine d’embryons que portait une Salamandre commune que j'ai trouvé ces deux monstres, qui présentent exactement les caractères que leur assigne M. Geoffroy- Saint-Hilaire dans son Traité sur les monstruosités. Par consé- quent, le premier se compose de deux individus réunis de l’extré- mité inférieure du sternum, ou plutôt des plaques cartilagineuses qui, chez la Salamandre commune, représentent cet os à l’om- bilic commun ; le second ne représente qu’un seul corps, une tête unique en arrière, mais se séparant en deux faces distinctes à partir de la région oculaire. La classe des Reptiles possède donc actuellement trois sortes de monstres doubles : l’Atlodyme, qui a été vu sur plusieurs Ophidiens par Lacépède, Dutrochet et Rayer ; le Xiphopage et l'Opodyme de la Salamandre commune, que je viens de faire con- naître et qui sont déposés au cabinet d'anatomie comparée de l'École de médecine de Rennes. Infusoires parasites des Batraciens. — Il n’est pas rare de rencontrer des Infusoires vivant en parasites à la surface du corps ou dans le canal digestif de certains animaux. Les natu- ralistes ont signalé les Vorticelles inclinés et calicés qui se fixent sur le corps des Naïs, et lEpistylis opercularia qui s'attache aux élytres ou aux segments de l’abdomen des Dytisques et des Hydrophiles. On connaît aussi l’'Opalina qui se trouve parfois en quantité innombrable dans le rectum de la Grenouille rousse, et qui, suivant M. Gros, de Moscou, subit les métamorphoses les plus extraordinaires, mais que je n’ai pu encore vérifier. On n’aura pas été non plus sans constater la présence d’une autre espèce d’Infusoire , que je crois avoir observée bien plus souvent sur le Triton alpestre que sur les autres Urodèles du même genre, et qui occupe plus particulièrement la portion du 256 PONTALLIÉ, — RECHERCHES SÜR LES BATRACIENS. canal digestif correspondante au duodénum des Mammifères ; mais il n’a pas été fait mention des Vorticelles qui s’établissent sur les Tritons et sur les Têtards : chez les premiers , c’est à l'extérieur que j'ai observé ces Infusoires ; chez les seconds, c’est sur les branchies internes. Les Têtards de la Grenouille et du Crapaud accoucheur sont les seuls chez lesquels ils se sont offerts à mon observation. J'ai eu en ma possession un Triton de la petite espèce qui por- tait sur sa queue toute une troupe de Vorticelles. La mue ayant eu lieu quelques jours après, je trouvais, flottant dans l’eau du bocal qui servait de demeure au Triton, non seulement son épi- derme, mais encore les Vorticelles qui ne s’en étaient pas sépa- rées et jouissaient d'autant de vitalité que lorsqu'elles étaient fixées sur le reptile lui-même. Quant aux Vorticelles des Têtards, il faut, pour les apercevoir, enlever la peau qui recouvre les branchies internes ; elles occu- pent la surface de celles-ci et ont une couleur grisätre, qui les ferait prendre volontiers pour des particules de vase que l’eau, qui baigne constamment les houppes branchiales , aurait laissées après elle, RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES PECTINIBRANCHES (1), Par MM, J. KHOREN et D. C. DANIELSSEN. SI. — Du Zuccinum undatum, Linn. Quoique plusieurs mémoires remarquables sur le développe- ment des Mollusques [ceux de Nordmann (2), de Vogt (3), de Quatrefages (4), de Lôven (5), de Reid (6) et de Leydig (7)! aient paru depuis que nous avons fait connaître, pour la pre- mière fois, nos recherches dans le recueil intitulé : Magazin for Naturvidenskaberne , nous croyons devoir exposer jci nos obser- vations avec quelques détails, et nous espérons qu'on ne les lira pas sans intérêt, d'autant plus que nous avons pu suivre pas à pas, dans deux genres de Gastéropodes, le développement de l'embryon depuis son apparition jusqu’à sa formation complète , et qu’on y trouvera des faits n ouveaux pour la science. (4) Bitrag til Pectinibranchiernes Udviklingshistorie, in-8. Bergen, 1854. {Traduit du norwégien par M. Young, employé au Muséum d'histoire naturelle. (2) Versuch einer Monographie von Tergipes Edwardsü. Petersburg, 4844. (3) Recherches sur l'embryologie de l'Actéon (Annales des sciences naturelles , 3° sér., L. VI, 4846, p. 1). (4) Annales des sciences naturelles, 3° sér., t. IX, p. 33. (5) Bitrag til Kænnedomen om Utwecklingen af Mollusca acephala lamellibran- chiata (Kongl. Vet. Acad. Handl., 4848.) (6) Ueber die Entwickelung der Eïer der Mollasca nudibranchiata ( Frorieps Tagsberichte, Janar, 4850). (7) Ueber Paludina vivipara (Zeitschrift fur wissenschaftliche Zoologie, Leipzig, 1850). 3° série. Zouz, T. XVIIL. ( Cahier n° 5, ) ! 17 258 KOREN El DANIELSSEN. Nous nous sommes procuré, le 6 mars 1851, plusieurs capsules ovifères du Buccinum undalum. On sait que ces capsules, de forme sphérique ou ovoide , se trouvent le plus communément rassemblées en grappes, ayant à peu près la grosseur du poing. Elles sont fixées sur des corps divers, tels que des pierres, de vieux morceaux de bois, des plantes marines, etc. Dans plu- sieurs de nos grappes, chaque capsule renfermait des jeunes non encore développés ; dans d’autres, au contraire, les capsules con- tenaient des œufs. Nous avions donc là tous les matériaux néces- saires pour nos recherches. À en juger d’après l’état de l'inté- rieur des œufs, et d’après les renseignements qui nous sont par- venus relativement à ce sujet, il paraîtrait que le PBuccinum undatum pond ses œufs depuis le commencement de janvier jusqu’à la fin d’avril. | Nous avons ouvert plusieurs capsules ovifères pour examiner leur contenu sous le microscope. Chaque capsule renfermait un liquide limpide , comme l’eau , visqueux , ressemblant au blanc d'œuf, dans cette humeur visqueuse et au fond de la capsule se trouvaient un nombre considérable d'œufs (de six à huit cents) difficilement isolables les uns des autres ; chaque œuf était com- posé d'une membrane mince, transparente (chorion), dans l'inté- rieur de laquelle était une autre plus fine encore enveloppant le vitellus. Ce vitellus, de forme sphérique , était formé d’une humeur visqueuse, dans laquelle existaient une foule de granules arrondis, d’un volume variable et d’une couleur jaune claire (pl. 5, fig. 16). On n’y voyait aucune trace ni de la vésicule ger- minative, ni de la tache germinative ; le diamètre de l'œuf variait entre le 0,257° et le 0,264° d’un millimètre, Le 8, le 13, le 45 et le 20 mars, nous examinâmes de nouveau des capsules de toutes les grappes ; les œufs étaient restés, à notre grand étonnement, sphériques, sans division (1). Le 24 mars, les œufs étaient restés sans division, mais au lieu d’être épars comme auparavant, ils s'étaient rapprochés les uns des autres. Le chorion commençait à disparaître ; la plus grañde (1) Nous avons vu parfois, sur un pelit nombre d'œufs, le vitellus offrir une éminence conique. DÉVELOPPEMENT DES PECTINIBRANCHES. 259 partie du vitellus s'était épanchée et entourée par l'humeur visqueuse, albumineuse, qui recouvrait la membrane vitelline. Quelques jours plus tard, les œufs avaient fini par s’agglomérer pour former une seule masse, qui , à sa surface, était divisée en plusieurs portions, dans lesquelles on pouvait distinguer à l’œil nu chaque œuf. En général, le nombre des œufs dans ces por- tions variait de six à seize. Nous examinâmes encore, le 29 mars, plusieurs capsules ; les groupes isolés étaient plus nettement dessinés, et chacune de ces masses était devenue ovoïde ou réniforme ; on remarquait aussi que ces groupes élaient réunis ensemble. Le 4er avril, nous examinâmes plusieurs capsules : une d’elles rehfermait douze embryons déjà formés; ils étaient ovoides ou réniformes, et pourvus de deux lobes arrondis (velum) et d’un pied fig. 17,18 cet19e). L’humeur contenue dans la capsule était claire comme de l’eau et tout à fait fluide, de facon qu'on pou- vait facilement en retirer les embryons. Dans une autre capsule, il n’y avait que six embryons, dont quatre étaient bien formés, Nous commencämes alors à embrasser l’ensemble de ces faits ; mais ils nous parurent tellement extraordinaires, que pendant longtemps nous n’osions avoir confiance dans nos observations, tant les résultats obtenus étaient différents de tout ce qu’on avait vu jusqu'alors relativement au développement des Mollusques, et même de tous les faits connus en physiologie. Mais l’étude atten- tive des phénomènes qui se passaient sous nos yeux nous ôta enfin toute espèce de doute, et nous conduisit à combattre une loi généralement admise, et qui repose sur un grand nombre de faits. Effectivement, nous étions en présence d'un mode de déve- loppement qui, pour être bien compris, avait besoin de beaucoup de recherches nouvelles, et il nous à paru indispensable de pour- suivre ces phénomènes singuliers dans les genres voisins, afin de chercher si, vers les limites de ce groupe zoologique, nous les verrions disparaître; prévision qui d’ailleurs s’est confirmée, ainsi que nous le montrerons plus loin. Mais suivons d’abord ces phénomènes chez les Buccins, on verra alors qu'ils sont de nature à nous surprendre; eur lors- 260 KOREN ET DANIELSSEN. qu'on examine un œuf fécondé, on attend en vain les change- ments qui, dans les cas ordinaires, s’y opèrent pendant son développement, en vertu de la loi bien connue du fractionne- ment. On n’y voit point de sillonnement ; aucune cellule ne s'y montre; en un mot, l'intérieur de l’œuf reste sans change- ment, et c’est au contraire en dehors de ce corps que l’activité se manifeste. L'humeur albumineuse, extraordinairement tenace, rassemble et colle pour ainsi dire entre eux les œufs primitive- ment épars, et les réunit en grappes; plus tard, la masse visqueuse dans laquelle ils étaient plongés, de gluante qu’elle était, devient fluide comme de l’eau; et c’est alors seulement qu'on distingue les premières traces d'activité dans l’œuf lui- même. Sa membrane externe se rompt par places, le vitellus s’'épanche au dehors, et l’on voit se constituer autour de chaque grappe d'œufs une membrane qui circonscrira l'individu en voie de formation. Entre ces grappes on aperçoit plusieurs œufs iso- lés, qui semblent exclus de ce travail organique, qui donnera naissance aux embryons. Du reste, nous ignorons si ces œufs isolés meurent tout de suite, ou subissent un développement ultérieur imparfait ; mais, dans tous les cas, ce sont des êtres dont l’exis- tence n’est qu'éphémère. Aussitôt que les œufs réunis en groupe sont revêtus de leur membrane, la formation de l’embryon com- mence; une liqueur assez claire, finement granuleuse et vis- queuse , se dépose d’abord sur la surface externe de l'œuf, Dans cette masse plastique , on voit se développer par places des cellules, et ailleurs des tubules musculaires, selon la nature de l'organe en voie de développement. Ainsi les premiers signes d'activité visibles sur les œufs après la ponte s’observent dans le mucus albumineux extrêmement visqueux qui entourait les œufs, et cette activité s’est manifestée par la réunion d'un certain nom- bre d'œufs dans des rapports plus étroits. Nous avons supposé d’abord que ces phénomènes de conglomération pouvaient tenir lieu du sillonnement ; mais nous avons bientôt abandonné cette idée qui noussemble tout à fait fausse (1). Du reste, le développe- (4) Eu publiant ici les observations de MM. Koren et Danielssen, qui offrent DÉVELOPPEMENT DES PECTINIBRANCHES. 261 ment de la Purpura lapillus que nous avons pu suivre plus tard, et dans laquelle le sillonnement et le phénomène de congloméra- tion ont lieu en même temps, a contribué encore à nous faire rejeter cette idée. Nous arrivons donc à la conclusion que le sillonnement du vitellus n’est pas toujours indispensable pour apparition de l’embryon; mais le fait qu'une cinquantaine d'œufs, et même plus, parfaitement développés, s’agglomèrent pour constituer un seul individu, est certainement bien étrange. Où existe le principe formalif? est-il renfermé dans un œuf isolé? ou bien est-il étendu à toute la masse? et est-ce la puis- sance commune qui devient alors la force organisatrice de la matière? Nous avons vu que des œufs isolés subissent un cer- tain développement, mais que l’être qui en résulte est très incom- plet, et se détruit très promptement; il paraît manquer des maté- riaux nécessaires à son existence permanente, Nous reviendrons sur ce sujet en traitant du développement du Purpura lapillus , et nous nous bornerons à ajouter ici que ce mode de développe- ment nous paraît être un fait physiologique important, que des observations ultérieures ne manqueront pas de confirmer. Rela- tivement au nombre des œufs qui se réunissent en grappes pour concourir à la formation d’un embryon, il varie, et nous a paru être d'autant plus grand que les œufs eux-mêmes sont nombreux dans une même capsule. En moyenne, il existe de six à seize embryons par capsule ; cependant nous en avons trouvé jusqu’à trente-six. Plus une capsule renferme d’œufs, plus chaque masse embryonnaire en contient, et il suit de là qu’on voit des em- beaucoup d'intérêt, indépendamment de l'interprétation que l'on voudra donner aux phénomènes dont il vient d'être question, nous croyons devoir dire que les masses arrondies de matière vilelline désignées par ces auteurs sous le nom d'œufs simples, nous paraissent être seulement des sphères vitellines, dont l'en- veloppe utriculiforme présente un peu plus de consistance que d'ordinaire, et que, par conséquent, l'agrégat dont naît le corps de l'embryon est le résultat du groupement des sphères vitellines d'un seul œ1f , et non le produit de la réunion de plusieurs œufs primitivement distincts. Ce que les auteurs disent des phénomène: de fractionnement, qui quelquefois s'observent encore dans ce sphères, ne serait nullement en contradiction avec celte interprétation. {Note du réducteur.) 262 KOREN ET DANIELSSEN. bryons qui sont assez gros dès leur apparition ; leur volume peut aller même jusqu'à 4 millimètre 4/2. Le nombre d'œufs qui se réunissent pour donner naissance à un embryon est de quarante à soixante; cependant nous l’avons vu assez souvent monter jusqu’à cent trente environ, Déjà Gray avait observé (1) qu'une capsule renfermant plus de cent œufs ne donne que quatre ou cinq embryons, Ce physio- logiste anglais rend raison de ce fait par l’application de la loi d’atrophie , c’est-à-dire en admettant que l’accroissement consi- dérable de quelques œufs empêche le développement et entraîne la destruction de tousles autres, Reste à savoir si Gray se trompe, ou si c'est nous qui sommes tombés dans l'erreur. Nous croyons qu'il était sur les traces de la vérité, mais qu'il ne l’a pas saisie. Après avoir vu que les œufs se groupent pour former l'embryon, et se revêlent d’une pellicule mince et transparente, nous expo- serons la manière dont s’y montrent les divers organes. Le pre- mier phénomène est l’exsudation d’une matière claire, finement granuleuse, sur la surface des œufs, qui commencent alors à devenir ‘plus transparents. On apercoit dans cette masse une foule de cellules qui continuent à augmenter ; elle prend alors une forme arrêtée, et devient bilobée (fig. 18 c). Ces lobes se garnissent peu à peu de cils, et alors pour la première fois on aperçoit quelques mouvements. Le pied, qui se forme d’une manière analogue, se montre comme une éminence dégagée du reste du corps, et offrant des cils ; l'embryon tourne alors sur Jui- même d'une manière extrêmement lente (fig. 19 e). On voit sur le bord supérieur des lobes arrondis des cirrhes disséminés cà et là (2), qui, en peu de temps, s'étendent sur toute leur surface (fig. 19 et 20) ; les lobes sont alors arrondis et garnis de cils, aussi bien que de cirrhes (fig. 29 d, e). Après que les lobes et le pied sont formés, on voit entre la masse des œufs en grappe (1) Annales des sciences naturelles, 2° sér., t. VIL, p. 375. (2) Sars établit une distinction entre les longs cirrhes qui existent sur les lobes et les cils, et propose de les appeler des poils natatoires (Svæmmehoar ). Plus tard, plusieurs auteurs les ont appelés cirrhes, en conservant le nom de cils aux poils c.urts et ex. :mement £ns. DÉVELOPPEMENT DES PECTINIBRANCHES, 263 et la membrane qui les couvre une matière granuleuse demi- transparente, s’exsuder et devenir l'origine du manteau , en ge révélant d’une membrane qui s'étend plus où moins, et prend une structure déterminée (fig. 8). Ensuite on voit sur la partie la plus inférieure du manteau un corps hémisphérique trans- parent, qui est le rudiment de la coquille (fig. 19, 20 et 21 a). Le pied augmente de volume, et prend une forme plus arrondie, et à sa base on distingue de bonne heure les deux organes d’audition (fig. 21, 22 et 93 g). Ils sont formés de deux vési- cules sphériques, claires comme de l’eau, remplies d’un liquide parfaitement transparent et incolore, et montrant de bonne heure leur double contour. Chaque vésicule ne renferme qu’un seul otolithe. Quand on met l’animal sous le compresseur, ces organes deviennent très distincts , et, en augmentant la pression, les oto- lithes se séparent facilement chacune en quatre morceaux régu- liers. Le mouvement vibratile, que la plupart des auteurs ont observé sur les otolithes, n’a pas été vu par nous sur ceux du Buccinum undatum ; nous n'avons pas pu non plus distinguer des £ils sur la face interne de la vésicule, quoique nous ayons em- ployé les grossissements les plus forts. Les yeux paraissent probablement en même temps que les organes auditifs; car nous n'avons jamais vu ces derniers sans pouvoir apercevoir les premiers. Leydig a remarqué que l’œil rudimentaire est une vésicule existant à la racine des tentacules, Nous avons constaté l’exactitude de ce fait; toutefois la face in- terne de celte vésicule est munie de cils (fig. 24 a). Elles sont remplies d’une humeur renfermant une foule de granules pig- mentaires fortement colorés en jaune clair, et qui sont enve- loppés d’une pellicule d’une finesse extrême (fig. 24 b). A cette période, les cils en vibration communiquent à ces granules pig- mentaires un mouvement rotatoire, Nous n'avons pu y distinguer une lentille; ce n’est que plus tard qu’elle se développe, A la même époque où nous avons pu constater la présence des yeux, nous trouvämes également les deux tentacules coniques et les rudiments des glandes salivaires. Ces derniers se montrent tou- jours comme deux oiganes pirilormes composés de cellules 264 KOREN LT DANIELSSEN. arrondies (fig. 22 et 23 À); leur extrérnité inférieure est la plus épaisse, et leur milieu est rempli d’une foule de granules pigmen- taires fortement colorés. Le cœur paraît en même temps courbé en carène, ainsi que la bouche et les rudiments de la trompe. Sars, Loven, Nordmann et Vogt, n’ont pu découvrir le cœur dans les premières périodes du développ ement , et nous -même nous l’avons cherché inutilement dans beaucoup de genres appar- tenant à l’ordre des Nudibranches ; on est donc fondé à conclure que la première période du développement se passe sans que cet organe existe. Il n’en est pas de même pour les Pectinibranches, au moins pour le Buccinum undatum ei la Purpura lapillus. Chez ceux-ci, le cœur se montre déjà dans l'intervalle entre le vingt- troisième et le vingt-huitième jour. Grant (1) a été le premier qui ait observé le cœur du Buccinum undatum, et attiré l’atten- tion sur les fortes pulsations qu’on y remarque. C’était encore ce même observateur qui découvrit sur les côtés de la tête des jeunes de Purpura, Trochus, Nerita, Doris et Æolis, deux organes arrondis garnis de cirrhes susceptibles de mouvements oscilla- loires, et à l’aide desquels la locomotion de l'embryon s’accom- plit. Plus tard, Lund, Sars, Loven, Nordmann et d’autres naturalistes, ont constaté l'exactitude de cette observation. Le cœur qui se trouve sur le côté dorsal, un peu à gauche, est un peu tordu, et entièrement à nu à son apparition; car divers or- ganes qui l'entourent plus tard, tels que la voûte branchiale, sont encore rudimentaires. Dans le lieu où le cœur va paraître, se montre d’abord une masse transparente, grisâtre, finement gra- nuleuse , ayant une forme arrondie ; elle se fixe aux lobes et au pied, sans offrir aucun mouvement sensible, Bientôt on y aperçoit quelques légères contractions; sa forme se dessine de plus en plus, et devient enfin semblable à une grande vessie claire. Alors on commence à distinguer sur ses parois des tubes musculaires d’une extrême finesse au nombre de deux ou trois, qui déter- minent ses contractions. Dans cet état primitif, le cœur paraît sous la forme qu’il conserve plus tard (fig. 20 e). À mesure que (1) Edinburgh philosophical Journal, 1827, &. VIL. p. 124. DÉVELOPPEMENT DES PECTINIBRANCHES. 265 ses parois augmentent en grosseur et en épaisseur, les tubes musculaires se multiplient, et des tubes transversaux se montrent et se remplissent d’un liquide transparent et incolore (fig. 24, 22 et 23 e); nous avons souvent compté les pulsations, et trouvé qu’elles variaient en fréquence : en terme moyen, on en comptait de quarante à cinquante par minute; elles ne sont pas toujours régulières, et changent souvent de caractère; des pulsations fortes viennent se mêler à des pulsations plus faibles. Il arrive souvent aussi que le cœur cesse subitement de se contracter, et reste en repos pendant quelque temps ; il n’est nullement rare de voir de fortes pulsations succéder à ces intervalles de repos. La cavité du cœur primitif est cylindrique , et divisée par une seule cloison. Les parois en sont extraordinairement minces, très transparentes , et réfractent la lumière tout autrement que les autres organes (fig. 22 a, b). Nous n’avons jamais reconnu dans elles aucun liquide, ni aucune structure cellulaire. Nous avons observé aussi des tubes musculaires semblables dans les deux lobes arrondis (1); mais ici on en voit beaucoup qui sont appli- qués les uns sur les autres, et se ramifient dans plusieurs endroits. Cette arborisation devient de plus en plus abondante , à mesure qu'on s’approche de la périphérie des lobes ; là les ramifications les plus fines se croisent souvent, etilen résulte un réseau muscu- laire (fig. 29 a, b), qui sert à mouvoir dans tous les sens les deux lobes arrondis. Il se pourrait bien que, dans ce réseau muscu- laire, il existät par places aussi un réseau vasculaire ; car on distingue répandus dans la masse quelques petits granules qui réfractent fortement la lumière. Comme les deux naturalistes francais distingués Milne Edwards et Valenciennes ont vu que le système circulatoire des Mollusques est plus ou moins incom- plet, ilnous a paru important de reconnaitre l’état dans lequel était : (1) Leydig, dans le Mémoire cité, expose la structure des muscles d'un grand nonibre de Gastéropodes, et fait remarquer que le résultat de ses recherches sur ve sujet ne correspond pas en tout point avec celui auquel sont arrives MM. Lebert et Robin. Ce sont ceux de Leydig que nous croyons les plusexacis pour tout ce qui est essentiel, étant pus conformes à ceux fournis par n0: propres observations. 266 KHOREN ET DANIELSSEN. la circulation chez nos jeunes Buccins; mais nonobstant toutes les peines que nous nous sommes données , nous n’avons pas élé assez heureux pour y distinguer la moindre trace du courant circulatoire, Nous avons déjà dit que la trompe est un des organes qui se montrent de bonne heure; elle se reconnaît à sa forme cylindrique, et aux contractions musculaires assez fortes qu’elle offre, Un peu plus tard, l’estomac et l’œsophage paraissent; ce dernier se pré- sente sous la forme d’un cylindre creux fixé à la trompe, et offrant sur ses parois, d’une minceur extrême, un certain nombre de stries claires qui sont les rudiments des tubes musculaires futurs, Aussilôt que l’œsophage se détache de la trompe, il se fléchit un peu en arrière et en haut en longeant la face inférieure de ce dernier organe pendant un certain espace ; puis, après avoir subi une flexion en sens contraire, se dirige un peu à gauche, pour se terminer dans la portion légèrement allongée de l’esto- mac (fig. 16 m). C'est avec la plus grande difficulté qu’on par- vient à suivre l’œsophage dans les premières phases de son déve- loppement ; car il est entouré par la trompe, dont les parois sont en même temps plus épaisses et plus opaques que les siennes ; dans certaines parties, il en est entièrement couvert. C’est pour cette raison que nous n'avons pu constater si l'œsophage se forme à la fois dans toute sa longueur, ou bien si une portion se montre d’abord, etens’allongeantse réunità l'estomac, Ge dernier organe se trouve un peu à gauche, et, à son apparition, il est à peu près sphérique, Voici ce qui paraît être son origine : il exsude d’un vitellus unique une masse grisâtre, demi-transparente, qui se revêt bientôt d’une pellicule mince, laquelle enveloppe compléte- ment ce même vitellus (fig. 23 m), Celte membrane s’allonge d’abord vers le haut pour se réunir avec l’œsophage , et en- suite vers le bas pour donner naissance à l'intestin qui se con- tourne vers le côté droit du corps (fig. 25 0). C’est à cause de celle origine qu’on voit l’estomac toujours rempli pour ainsi dire de granules vitellins, lesquels sont soumis à un mouvement conti- nuel qui leur est communiqué par les cils vibratiles, dont les parois internes de l’estomac sont garnies. Ces cils existent non seule- DÉVELOPPEMENT DES PECTINIBRANCHES. 267 ment à la face interne de ce dernier organe; nous en avons observés dans l’æsophage et dans certaines parties de l'intestin, Comme nous n'avons pu suivre l'intestin que dans une petite portion de son lrajet(fig. 25 e), nous n’avons pas distingué l'anus. C'est à cette époque qu’on découvre les premières traces du système nerveux: ce sont deux corps compactes ovoïdes et jaunes (ganglions cérébroïdes) qui entourent l’œsophage; et vers la même époque, on distingue également les rudiments des deux ganglions pédieux placés à côté l’un de l’autre, d’une couleur jaune très prononcée et plus ou moins ovoïde, Après que les bords du manteau en se développant ont couvert le dos de l’animal, il se forme une cavité revêtue de cils fins, et dans laquelle sont couchés le cœur et les branchies Les pre- mières traces des branchies observées par nous étaient deux cordons, vaguement dessinés, tirant leur origine du bord du manteau , s’écartant de place en place pour se réunir ensuite en formant des anses. Nous avons constaté, à une époque plus avancée de leur développement , que ces cordons étaient des tubes décrivant un grand nombre de sinuosilés, ce qui leur don- nait une certaine ressemblance avec un tire-bouchon. Ces circon- volutions étaient moins marquées en haut et en bas qu’au milieu, où elles étaient plus larges et plus serrées les unes contre les autres ; on distinguait sur leur bord interne un mouvement ciliaire vif (fig. 25 p) Loven a montré dans son excellent mémoire (1) que, relativement au développement, il existe une ressemblance extrême entre les Gastéropodes et les Acéphales; il a décrit le mode de formation des branchies chez ces derniers, et nous avons été à même d'observer que l'apparition de ces organes se fait d’une manière semblable chez le Buccinum unda- tum et la Purpura lapillus. Vers l’époque à laquelle les branchies se forment, on voit paraître en bas, à leur angle, une vessie qui se forme et se déve- loppe comme le cœur. Elle est ovoïde, un peu piriforme, et se termine en bas en un canal assez long, qui suit le trajet du canal (1) Bitrag til Kænnedomen om Utwecklingen af Mollusca acephala lamellibran - chiata, p. 96. 268 HKOREN El DANIELSSEN. intestinal, puis se perd, comme ce dernier, dans la masse vitel- line obscure (fig. 45, 16 q). Ses parois sont minces, demi:trans- parentes, et pourvues d’une foule de tubes musculaires vari- queux, qui se dirigent dans le sens de la longueur et dans celui de la largeur de la vessie. Ces tubes ont une moindre dimen- sion que ceux qui existent au cœur, et pour cette raison il faut employer, pour les bien distinguer au microscope, un grossisse- ment beaucoup plus fort qu'il n’est nécessaire pour observer les muscles du cœur. Les contractions de la vessie sont fortes et se font de haut en bas, tandis que le cœur se contracte d’un côté à l’autre. Quand cette vessie se dilate, elle se remplit d’un liquide clair , dans lequel on peut distinguer un grand nombre de molé- cules obscures, Nous ne pouvons envisager cet organe autrement que comme les reins. La période pendant laquelle les nouveaux organes se mon- trent est actuellement passée ; mais tous ceux déjà formés subissent des perfectionnements successifs. La tête et le dos de l'animal sont devenus distincts, et sont garnis de cils fins et de tentacules qui sont actuellement plus allongés, et ressemblant plus à des cils. Les yeux sont plus coniques , et l’on y apercoit distinctement des lentilles. L'ouverture buccale se montre sous la forme d’une fente transversale. Sa trompe est parfaitement déve- loppée ; on y voit la langue avec son armature, telle que Lebert et Loven l'ont décrite. Les glandes salivaires sont assez volumi- neuses, et l’on peut suivre distinctement leurs canaux excréteurs qui montent le long des côtés de l’œsophage. Le siphon est actuellement assez développé, et garni de cils (fig. 26 g). Le pied est modifié dans sa forme, étant considérablement allongé ; en outre, deux lobes arrondis ont pris naissance à sa partie supé- rieure ; sa surface est garnie de cils dans toute son étendue (fig. 25 et 26 f). Quant à sa structure, le pied est formé d'une foule de tubes musculaires primitifs, quelques uns cylindriques, d’autres variqueux, se croisant dans tous les sens, sans cependant se réunir pour former des faisceaux. Nous n'avons jamais été à même de découvrir dans ces tubes ni des granules ni des cellules. DÉVELOPPEMENT DES PECTINIBRANCHES. 269 A cette période de développement, le système nerveux est devenu assez distinct. On voit que les deux ganglions placés aux côtés de l’œsophage (ganglions cérébroïdes, fig. 25 {, 26 p, 28 f) sont réunis par une commissure. Il sort de chacun de ces gan- glions une commissure assez épaisse (fig. 26 q, 28 4) pour les réunir aux ganglions pédieux (fig. 26 r, 28 k) qui sont ovoïdes, ayant leur pelite extrémité tournée vers les ganglions céré- broïdes, et fournissant un grand nombre de branches (fig, 28 !) destinées au pied. On voit, en outre, dans les lobes du pied deux ganglions d’une moindre dimension également ovoïdes (fig. 26 s, 28 m), qui envoient des rameaux aux lobes. Deux commissures réunissent ces ganglions aux ganglions pédieux (fig. 28 m) ; les ganglions cérébroïdes distribuent un rameau nerveux à chaque œil et à chaque organe auditif (fig. 28 g, k). Nous avons vu qu'un des ganglions pédieux envoie un nerf à la masse intestinale(fig. 28 p). La description que Cuvier a donnée du système nerveux de ce Mollusque (1) diffère en beaucoup de points de ce que l’observa- tion nous à appris dans nos recherches sur ces animaux. Bien certainement, la masse nerveuse que Cuvier a désignée comme le cerveau est un ganglion pédieux; car nous avons vu sur l’ani- mal adulte que c’est sur ce dernier ganglion que se trouve le ganglion cérébroïde véritable qui entoure l’œæsophage, ganglion qui, sans aucun doute, a échappé à ses recherches. La coquille, qui, dans les premières périodes du développe- ment de l'embryon, est membraneuse, extraordinairement mince, et ovale ou réniforme, prend ensuite la forme de celle de la Nau- tile (fig. 25 a), mais devient plus tard, peu à peu, plus ovoïde. Les particules calcaires commencent alors àse déposer en nombre considérable, formant des stries longitudinales et transversales très apparentes, et la coquille est beaucoup moins transparente qu'auparavant. Cependant on peut encore distinguer les organes internes; le cœur et la vessie se sont divisés en deux chambres, dont la supérieure est la plus petite. Quand l'oreillette se con- (4) Cuvier, Mémoires pour servir à l'histoire de l'anatomie des Mollusques, Paris, 1317. 270 KOREN ET DANIELSSEN. — DÉVELOPPEMENT, ETC. tracte, le ventricule se dilate, et vice versa. On observe aussi un muscle assez fort, prenant son origine à la surface interne de la coquille pour se rendre au pied (fig. 25 s); la fonction de ce muscle consiste à retirer l’animal dans la coquille. Enfin on voit paraître le foie à la face inférieure de l'estomac. Il est ovoïde, et formé d'une foule de granules contenant un pigment jaune (fig. 25 r). On voit à la face interne du manteau une rangée de plis dans lesquels on trouve une foule de cryptes muqueux (feuillets muqueux, Cuvier). Plus tard le petit animal continue à croître, les particules cal- caires se déposent de plus en plus dans la coquille ; le manteau s'épaissit, et il devient presque impossible de distinguer les or- ganes internes. Les deux lobes arrondis ont disparu ; mais der - rière les tentacules existe une éminence linéaire qui indique lé lieu qu’ils avaient occupé. La coquille a pris une couleur jaune de corne ; elle devient dure, cassante, et seulement à demi transpa- rente. C’est ordinairement dans cet état que le jeune quittait la capsule après y être resté au moins huit semaines, rampant au- tour du vase dans lequel il était souris à notre observation, et ayant ses tentacules , son pied et son siphon étendus. Des petits Buccins se distinguaient alors de l’animal adulte en ce que leur coquille n’offrait qu’un à deux tours de spire, Nous dirons encore que nous n'avons t'ouvé sur ces jeunes aucunc trace d'organes de la génération. Les œufs, groupés en nombre considérable , remplissaient la partie postérieure de la coquille, (La seconde partie de ce mémoire paraîtra prochainement). EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 5. Fig. 15. Un œuf retiré de l'oviducte du Buccin, et grossi environ 200 fois. — a, vitellus, — b, vésicule germinative. —c, tache germinative. Fig. 16. Œuf pris dans une capsule, même grossissément. — a, membrane de la coquille, = b, membrane du vitellus. —e, vitellus. Fig, 47 et 18. Embryons. — a, membrane. —b, vitellus avec sa membrane.— c, rudiments des deux lobes. Fig. 49. Embryon vu de côté. — a, coquille membraneuse. —b, manteau. — 6, vitellus. — d, lobes, — e, pied. H. AUCAPITAINE, — NOTE SUR LA CORBULA NUCLEUS, 74 Fig. 20. Embryon vu de dos. — e, cœur. Fig. 21. Embryon vu en dessous, — f, pied. Fig. 22. Embryon vu de dos. — À, glandes salivaires. Fig. 23. Embryon vu en dessous. — 1, téntacules.— k, trompe.—/, œsophage. — m, estomac. Fig, 24. Embryon vu de côté. — a-g, comme dans les figures précédentes, — h, yeux. —i, tentacules, — k, trompe. Fig. 25. Jeune individu vu de côté, — a, coquille, — b, manteau, — d, lobes, — 6, cœûr.—f, pied.—g, organe auditif.— h, opercule.— 1, tête. —k, yeux. — 1, tentacules. — m, bouche, — n, estomac. — 0, intéstin. — p, bran- chies. — q, vessie. — r, foie, — s, muscle, — t, ganglions cérébroïdes. — u, commissures. —v, ganglions pédieux. — x, commissure, — y, ganglions des lobes pédieux. Fig. 26. Jeune individu vu de côté. — Mêmes lettres que dans la figure précé- dente , excepté o, glandes salivaires. = p, ganglions cérébroïdes, — q, com- missure.—r, ganglions pédieux avec les nerfs qui en partent, —s, ganglions des lobes pédieux. — 1, commissure. — u, siphon, — v, branchies. Fig. 27. Jeune individu vu de dos. — a, coquille. — b, manteau, — 6, pied.— d, tête. — €, yeux. — f, tentacules, — y, siphon. Fig. 28. Système nerveux d’un jeune individu vu de côté et comprimé.— a, tête. 5, yeux. — c, tentacules. — d, pied. —e œsophage. —f, ganglions cé- rébroïdes. — g, nerf optique. — h, nerf auditif. — à, commissure, — k, gan- glion pédieux. — 1, nerfs du pied —m, commissure,—n, ganglion des lobes pédieux. — 0, ses branches nerveuses. — p, nerf intestinal. Fig. 29. Un des lobes grossi environ 400 fois. — a, tubes primitifs longitudi- näux. — b, tubes transversaux simples, — c, granules calcaires. —— d, cils. — 6, cirrhes. Fig. 30. Oil d'un embryon grossi environ 400 fois. — a, capsules dont les pa- fois interne et externe sunt garnies de cils.— b, membrane renfermant les gra- nules pigmentaires. NOTE SUR LA CORBULA NUCLEUS, Lamk, Par M. Henri AUCAPITAINE. Gétte petite espèce (1) du genre Corbula Bruguières, à laquelle il faut, à l'exemple de Wood (Catal, of schlls crag, Ann. hist. nat., p. 246, 1840), restituer son premier nom de Corbula striata, imposé par Walker (4784, Cardium striatum, test. minuta rar, p. 38, pl. 26, fig. 7), est l’es- pèce la plus répandue. Commune surtout dans les mers du Nord , elle est citée par tous les auteurs anglais ; nous la possédons de l’île de Gorée (1) Corbula nucleus, Lamk, Anim. sans vert., t. V, p. 896, n° 6. — C. rotun- data, Sowerby, Mineral conchol., pl. 572, fig. 4, p. 440. 272 uw. AUCAPITAINE. — NOTE SUR LA CORBULA NUCLEUS. (Sénégal) où elle est abondante (rapportée par M. Webb), de la Méditer- ranée (Cantraine, Peyraudeau). Nous croyons être le premier qui ayons signalé sa présence sur le littoral ouest de France (1). Sander Rang, qui en avait étudié les espèces avec le plus grand soin, ne l’avait point ren- contré ; mais, par suite de l’analogie de cette faune malacologique avec celle de la Manche et de l'Angleterre , il dit dans son Manuel, page 385, qu’elle doit probablement s'y rencontrer. En effet, sa prévision est confir- mée: c'est dans les eaux saumâtres d’un nouveau bassin en construction à La Rochelle, mélange d’eau douce et d’eau salée, dans des flaques ma- récageuses éloignées de la mer, ne subissant nullement l'influence des marées et sans mélange, enfin quelquefois, mais plus rarement, dans les fossés qui servent de conduits aux marais salants ; c'est là'que nous avons trouvé cette espèce en assez grande quantité, vivant dans la vase, enfoncée de la profondeur de ses siphons ; mais nous l'avons récoltée le plus souvent flottant sur les graminées à demi couvertes d’eau. Après l'avoir collection- née, à différentes époques, dans des circonstances nouvelles, et nous être assuré que c’était bien l'espèce des zoologistes anglais et de Lamarck, nous l'avons publiée dans notre catalogue. Collard des Chères(Woll. du Finis- tère) , Bouchard Chantereaux (du Boulonnais), Gerville (de la Manche), sous le nom de Mya inwquivalvis ), l'avaient également mentionnée ; mais jamais aucun auteur ne l'avait signalée comme habitant un autre milieu que les eaux exclusivement salées : chose remarquable en ce qu'elle prouve le peu d'importance que l’on doit attacher à l’habitat des espèces, comme caractère générique. Le fait est ici d'autant plus remarquable que Sowerby ( voy. Conchol. manual , p. 88) a, pour certaines espèces d'eau douce du même genre, créé la coupe générique Potamomya ( Corbula labiata, C. Schræteri , collection de Férussac), comme le dit M. Des- hayes dans son Traité; on comprend sans peine le peu d'importance de cette division, qui, avec le Sphænia deTurton, doit rentrer dans le genre de Bruguières. Les échantillons que nous avons trouvés sont constamment plus petits et plus pâles de coloration que ceux de la Manche et de la Méditerranée. Pour le recouvrement de la valve, ils offrent une certaine analogie avec la Corbula albuginosa, Hinds(Proceeding z00l. Society, 1843 ; Lovell, Rep. conchol. icon., pl. 1, fig. 16), rapportée de Macassar par M. Cuming. Serait-ce une copie nouvelle? . . . Nous ne le croyons pas, quoique ses caractères soient distinets comme variété de la Corbula nucleus , modifi- cations évidemment causées par le milieu où elle vit. (1) Voyez notre Catalogue des Mollusques de la Charente-Inférieure, Revuc 30ologique, 1852, p. 12. NOTE SUR LES SIPHONOPHORES, Par M. €. VOGT (1) Je viens de recevoir le mémoire de M. le professeur Leuckart sur la structure des Physalies et des Siphonophores en général, ce qui me détermine à publier quelques résultats de mes recher- ches sur des Siphonophores vivants. Je serai très succinct. A Nice, où je réside en ce moment, je n’ai pu consulter des ouvrages scientifiques ; par conséquent les noms des espèces ne doivent être considérés que comme provi- soires , car je n'avais que le travail d’Eschscholtz à ma disposi- tion , et ce travail laisse beaucoup à désirer relativement à ces animaux. J’ai trouvé à Nice et à Villafranca les espèces suivantes de Siphonophores : Deux espèces de Diphyes bien distinctes par la forme et par la disposition des vésicules natatoires et du bouclier commun. Une espèce de Rhizophysa (probablement la fiiformis de Delle Chiaje), figurée dans mes Lettres zoologiques sous le nom donné par Quoy et Gaimard : « D. Brajæ. » (P. 4140.) Une espèce voisine que je désignerai comme l’£pibulia au- rantiaca. L’'Hippopodius luteus de Forskal. Une espèce de Stephanomia (celle décrite par Edwards, la contorla, si je ne me trompe). Deux espèces d’4galma (je les appelle rubra et punctata). Une espèce de Physophora , que je distingue par le nom de . Ph. corona. Les Velelles, ordinairement abondantes ici, ont été empêchées = (1) Zeitschreift fur wissenschaftliche Zoologie, von Siebold und Kolleker, 1852, B. III, H. #4. 3° série. Zooc. T. XVIIL. (Cahier n° 5.) ? 18 27h C. VOGT. — NOTE 2 d'aborder par un orage continu. On n’a pas encore trouvé des Physalies dans cette localité. Il est de la dernière importance qu’en traitant de ces animaux la description de chaque organe soit nette et claire ; on ne peut pas se retrouver quand on lit les descriptions des vaisseaux des Médusaires laissées par les anciens, Mes dénominations tirent leur origine de la persuasion où je suis que les Siphonophoriens sont des Polypes à colonies organisées pour la nage : ce sont des Polypes de la division des Hydres. Cette idée, que j'ai eu en com- mun avec M. Leuckart, ne lui a pas été empruntée, car elle se trouve exposée dans le livre que j’ai publié, à la fin de l’année 1847, sous le titre de Ocean and Mitlelmeer, où elle est développée plus au long que dans les Lettres zoologiques. : Dans toutes les espèces que j'ai examinées, il existait un tronc, c’est-à-dire une partie fondamentale, sous la forme d’une bande musculaire creuse. Le liquide nutritif général circule dans son intérieur d’une manière irrégulière par l’effet de la contraction musculaire, et non par l’action de cils vibratiles. Tous les indi- vidus et tous les organes communs y sont attachés, et tous les bourgeons (knospen) sont en communication avec la cavité de ce tronc et avec les cavités du corps de chaque individu. Le tronc porte souvent à son extrémité supérieure une vessie aérienne, qui, chez de jeunes individus, offre des mouvements ocil- latoires en cercle semblables à ceux qu’on remarque sur un oto- lithe. Cette vessie existe toujours en avant et à nu dans les Ste- phanomia et les Agalma; cachée parmi les vésicules nataloires chez l'Hippopodius, elle est variable chez les Rhizophysa, les Epibulia et les Diphyes. I n'existe pas dans son voisinage une ouverture de communicalion avec l'extérieur, et, en général, toute la cavité du tronc, avec toutes ses ramifications , n’offre d’autre ouverture que l’orifice buccal de chaque individu. Immédiatement au-dessous de la vessie aérienne se trouvent les vésicules natatoires communes, qui sont les organes locomo- teurs de la colonie. Elles se développent de manière que les plus jeunes et les plus petites sont les plus voisines à la vessie aérienne, et les plus grosses en sont les plus éloignées. Le col -du tronc, 4 SUR LES SIPHONOPHORES. 275 près de la vessie aérienne, ezt le siège des vésicules nalaloires. Chez les Diphyes on en trouve une, et chez les Epibulia et les Rhizsophysa il y en a deux. Les aulres genres en ont beaucoup rangées en deux séries chez les 4 galma et chez les Physophora ; chez les Æippopodius elles sont aussi en deux séries, mais enche- vêtrées les unes dans les autres; chez les Stephanomia elles sont disposées en spirale. linmédiatément sous les vésicules natatoires se trouve le lieu où bourgeonnent les divers individus de la colonie. J’observe une fois pour toutes que les parties qui poussent el bourgeonnent sur ces animaux , soil vésicules nalatoires , individus, bras préhensiles ou grappes sexuelles, se développent toutes exactement d’après le même type, ainsi que cela a lieu pour les Discophores sur les Polypes hydraires ; de sorte que souvent la forme ne suffit pas pour faire reconnaître la nature de diverses parties qui se déve- lopperont des boutons primilifs, et qu'on n’y arrive qu’en tenant compte de la position de ces parties embryonnaires, Les individus sont d'autant plus développés qu’ils se trouvent plus éloignés des vésicules natatoires. Ils sont tous organisés d’après un même type. . La parlie principale des individus est un corps en sucoir ; c’est un Polype hydraire extraordinairement contraclile, garni le plus souvent de pointes urlicantes, et offfant intérieurement une cavité digestive pourvue de cils vibraliles. Celte cavité est creu- sée dans l’intérieur de la substance de l'animal. La partie an- térieure du corps ne remplit que les fonctions de la déglutition ; la partie postérieure , plus ample, digère, et offre des cellules hépatiques colorées en rouge ou en jaune. Un pédoncule creux, dont la cavité commuuique avec celle du tronc, attache le corps au tronc. Ce pédoncule est le lieu où se développent en bour- geonnant les filaments préhensiles, qui offrent une structure com-. pliquée au plus haut degré, présentant des filaments secon-, daires garnis également de capsules urlicantes, Ces filaments pré- hensiles, et leurs filaments secondaires en voie de développement, sont disposés en houppe autour du pédoncule du corps, et ont été prispour des tentacules, des réceptacles pour des liquides, etc. Au-dessus de chaque individu proboscidiforme existe un bou- 276 C. VOGT. — NOTE clier carlilagineux de forme très diverse, telle que celle d'une écaille, d’un casque et même d’un ver; de sorte que chez la Physophora corona, on peat confondre cette partie avec le corps. Il manque entièrement chez l’Hippopodius, et chez les Diphyes il n’y a qu'une enveloppe générale commune à toute la colonie, Chez la Rhizophysa fiiformis, chaque individu, outre son bou- clier, offre une vésicule natatoire spéciale qui ne se rapporte qu'à la locomotion de l'individu, et non pas à la reproduction. M. Leuc- kart se convaincra de ce fait aussitôt qu’il verra un animal vivant de cette espèce, qui, indépendamment de cette vésicule natatoire, offre des bourgeons sexuels. Les types de ces bourgeons sexuels observés jusqu'ici sont les suivants : Chez les Diphyes, les Æippopodius, les Rhizophysa et les Ste- phanomia , il existe un simple bourgeon semblable à ceux qu’on a désignés sous le nom de testicules et ovaires externes des Hydres, disposé vis-à-vis le pédoncule des individus, et com- muniquant avec la cavité du tronc. Dans ces bourgeons se déve- loppent tantôt des spermatozoïdes, tantôt un œuf. Le produit de ces organes est évacué au dehors par la rupture de ces derniers. Le bourgeon lui-même ne se détache pas. Chez les 4galma et les Physophora les bourgeons sexuels don- nent naissance à des arborisations , ou plutôt à des ramifications semblables à un chou-fleur et contractiles aa plus haut point. Ces arborisations existent sur les 4galma entre les individus ; sur les Physophora elles sont vis-à-vis ceux-ci. Ces deux genres don- nent naissance ainsi à des colonies hermaphrodites portant en même temps des bourgeons arborisés mâles et femelles ; dans le premier genre ces arborisations de sexes divers se développent sur différents endroits, tandis que chez les Physophora elles sont toujours soudées à la base du bourgeon. L’Epibulia aurantiaca est hermaphrodite, et les œufs, aussi bien que les testicules, sont pourvus de capsules natatoires, et.se détachent et continuent de nager pendant un certain temps. Une colonie de ces corps ne porte que des capsules ovariennes nata- toires incolores , et une autre colonie seulement des capsules tes- En | SUR LÉS SIPHONOPHORES. 27 ticulaires d’une couleur orange. Chez l’Agalmna les testicules ont des capsules natatoires, mais les œufs n’en ont pas. Les sperma- tozoïdes de cet animal sont arrondis, et s’élancent comme des Infusoires urostyles. Ces capsules natatoires des œufs et des testicules ne ressem- blent nullement aux Méduses ni par leur forme ni par leur struc- ture ; elles n’ont ni filaments marginaux, ni tentacules, ni cor- puscules marginaux, ni appareil digestif. Quand on va aussi loin quede dire que chaque bourgeon, mêmecelles qui ne se détachent pas, mais laissent échapper seulement au dehorsleur contenu, est une Méduse, on s’exprime d’une manière fort vague (même quand on y ajoute l’épithète rudimentaire). Nous devons établir une distinction entre ces bourgeons sexuels, qui ne sont pas suscep- tibles d’exister comme individu, et les Discophores, qui, au moyen de leurs organes digestifs, etc., entretiennent une vie in- dépendante. Nous voyons aussi chez un grand nombre de Polypes hydraires les mêmes différences avoir lieu dans la reproduction, et nous comprenons actuellement, de la manière la plus claire , que dans les colonies des Synhydres et des Campanulaires , il existe des individus sexuels, individus qui sont analogues aux bourgeons sexuels des Siphonophores. Ainsi les Siphonophores sont des colonies hydro-médusaires organisées pour la nage ; et les genres de ces animaux, examinés avec attention, peuvent être classés de la manière suivante : COLONIES AYANT UNE VESSIE AÉRIENNE CONSTANTE, UN TRONC ALLONGE , ET DES VÉSICULES NATATOIRES MULTIPLES. Individus pourvus d'un bouclier. Stephanomia. Vésicules natatoires disposées en spirale. Bourgeons sexuels simples et vésiculaires. Agalma. Vésicules natatoires en deux rangées. Boutures sexuelles mul- tiples en grappe. Physophora. Nésicules natatoires sur deux rangées. Bourgeons sexuels hermaphrodites en grappe. Tronc contourné en cercle. Bouclier ver- miforme. Individus sans bouclier. Hippopodius. Vésicules natatoires en deux rangées. Bourgeons sexuels simples en grappe. 278 C. VOGT, — NOTE SUR LES SIPHONOPHORES. COLONIES AYANT UN TRONC ALLONGE , DEUX VÉSICULES NATATOIRES , LA VESSIE AÉRIENNE PAS CONSTANTE. Individus offrant un bouclier. Rhizophysa. Yndividus ayant des vésicules natatoires. Bourgeons pealels simples pourvus d’une vésicule. Epibulia. Individus sans vésicules natatoires. Sexes des colonies séparés, Bourgeons sexuels garnis de vésicules natatoires. COLONIES AYANT UN TRONC ALLONGÉ , UNE VÉSICULE NATATOIRE UNIQUE; PAS DE VESSIE AÉRIENNE CONSTANTE, ET DES BOUCLIERS RECOUVRANT TOUTE LA COLONIE, | Diphyes. Bourgeons sexuels simples vésiculaires. COLONIES AYANT UN TRONC RUDIMENTAIRE, UNE VESSIE AÉRIENNE ÉNORME, SANS VÉSICULES NATATOIRES. Physalia. Bourgeons sexuels en grappe. Individus offrant un appareil hydrostatique celluleux sans vésicules natatoires. Velella. Un seul individu. Une foule de bourgeons sexuels en grappe. EXPLICATION DES FIGURES, PLANCHE 9, Fig. 7. Individu femelle et de l'Epibulia aurantiaca. Fig. 8. Individu mâle, a, tronc; b, bouclier ; c, corps en suçoirs; d, bourgeon sexuel avec sa vésicule natatoire ; e, filaments préhensiles, Fig. 9. Vésicule natatoire locomotrice d'un individu de la Rhizophysa filiformis. Fig. 10. Grappe d'œufs de l'Agalma rubra. Fig, 44. Un seul œuf dans sa capsule. a, enveloppe de la capsule; b, cavité naissant du réseau vasculaire ; e, œuf ; d, vésicule germinative. Fig. 42. Grappe hermaphrodite de la PAysophora corona. a, grappe femelle; grappe mâle. Fig. 13. Une capsule lesticulaire unique. Fig. 14, Une capsule testiculaire de l'Agalma rubra. a, cavité de la capsule na- taloire ; b, testicule. ÉTUDES SUR LES TYPES INFÉRIEURS DE L'EUBRANCHEMENT DES ANNELÉS, PAR M A. DE QUATREFAGES. MÉMOIRE SUR LE BRANCHELLION DE D ORBIGNY (8 Orbiniensis, A, de Q.). Les premiers naturalistes qui ont fait dela zoologie une science devaient forcément accorder toute leur attention aux groupes nettement tranchés et à type fixe, ainsi qu'aux animaux qui se rattachent le plus directement à quelques plans fondamentaux. Ils ne pouvaient guère s'arrêter à l'examen détaillé des groupes à type variable ; ils n'auraient souvent pas pu comprendre les particularités que présente l’organisation de certains êtres (1), Mais aujourd’hui que l’ensemble du règne animal a été assez bien exploré, c’est à la connaissance approfondie de ces groupes et de ces êtres exceptionnels que s’attache le plus grand intérêt; car celle élude, plus qu'aucune autre, nous éclaire sur la valeur réelle de généralisations acceptées parfois sur parole, soit en classifications, soit en anatomie, soit en physiologie. Les lecteurs (4) Je ne crois pas être trop hardi, en supposant que c'est précisément là ce qui a dû arriver à Cuvier, lorsque cherchant à débrouiller l'ancien genre Doris il arriva aux Éolides, Les Tritonies et les Scyllées elles-mêmes lui avaient montré une organisation en rapport avec le plan général des autres Mollusques ; et il n'a pas hésité à faire connaître le résultat de ses recherches sur ces deux genres ; mais, arrivé aux Éolides, il ne dit rien de leur anatomie. Est-il croyable qu'il n'ait pas cherché à la reconnaître? Non, bien certainement. Mais en ne trouvant aucune trace de foie à l'intérieur du corps, en y rencontrant l'appareil gastro-vasculaire, il devait nécessairement être derouté, s'il est permis d'em- ployer ici cette expression familière ; et il aura mieux aimé se taire que de pu- blier des faits qui, a raison de leur caractère exceptionnel, devaient lui laisser des doutes sur leur exactitude. 280 A. DE QUATREFAGES, — LYPES INFÉRIEURS des Annales savent depuis longtemps que des considérations de cette nature ont maintes fois déterminé le choix de mes travaux, et ils ne seront pas surpris par conséquent de l'importance que j'attache à l'étude des Branchellions. Je sais mieux que personne ce qui manque à ce travail; mais il m'a paru que les faits bien constatés que j'avais à faire connaître auraient assez d'intérêt pour appeler sur ces curieux Annelés l’attention des zoologistes placés dans des conditions favorables. Cette considération sur- tout m'a déterminé à publier la notice actuelle. PREMIÈRE PARTIE. HISTORIQUE , CLASSIFICATION ET HISTOIRE NATURELLE. SE Rudolphi le premier trouva sur les Torpilles de la Médi- terranée une Hirudinée fort singulière , dont il fit un genre par- ticulier sous le nom de Branchiobdellion , maïs qui resta inédite dans sa collection, jusqu’au moment où elle fat communiquée à Savigny. Gelui-ci la décrivit sous le nom de Branchellion de la Torpille (B. Torpedinis Sav.) (A). D’après Savigny, comme d’après Rudolphi, ce genre était caractérisé surtout par lexistence de nombreuses branchies placées sur les côtés d’une portion déterminée du corps. M. d’Orbigny père, qui pendant toute sa vie s’est montré naturaliste plein de zèle et un des plus actifs correspondants du Muséum, découvrit un Branchellion sur les Torpilles de La Ro- chelle, et en envoya plusieurs exemplaires au Muséum. M. d'Or- bigny crut avoir retrouvé l’espèce décrite par Savigny, et cette opinion a jusqu'à présent été partagée par tous les naturalistes. Dans un premier article inséré dans le Dictionnaire des sciences naturelles (2), M. de Blainville reproduisit à peu près ce qu'avait dit Savigny, et réunit le Branchellion, qu’il appela Sangsue de Rudolphi (4. Kudolphii BI.) à la Sangsue de Menzies (H. bran- (1) Système des Annélides, 4820, p. 409. (2) Article Saxesue, 4827. | | DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 281 chiata Menz.), dans sa première section des Sangsues (Sangsues pourvues de branchies). Plus tard, dans un second article du même dictionnaire (1), il adopta le nom générique de Bran- chiobdelle (Branchiobdella BI.) pour ces deux mêmes espèces, et les placa en tête de la première famille des Vers myzocéphalés. M. de Blainville déclare dans cet article qu'après avoir étudié l'espèce qui vit sur la Torpille, il s’est bien assuré qu'iln'y a rien de branchial dans les lobes foliacés dont les anneaux du corps sont pourvus. Cuvier adopta le genre Branchellion , mais il crut devoir en écarter l’Hirudo branchiata de Menzies. Lui aussi déclare que les lobes latéraux ne sont pas des branchies, et qu’il n’y a pas vu de vaisseaux (2). Blainville et Cuvier n’ont pas donné d’autres détails sur l’or- ganisation des Branchellions. M. Moquin-Tandon le premier essaya d'aller plus loin (3); mais n’ayant à sa disposition qu’un seul individu conservé dans l’alcool, il devait nécessairement être à la fois fort incomplet et peu exact. Cet auteur est entre autres très explicite au sujet des appendices latéraux, qui, selon lui, servent probablement à favoriser la reptation sur le corps des Pois- sons ou les mouvements dans l’eau (k). A peu près à l’époque où parut l’ouvrage de M. Moquin-Tan- don, je publiai dans l’édition illustrée du Règne animal quelques figures relatives aux Branchellions (5). Partageant alors l’opinion commune, je regardai comme identiques l'espèce de la Méditer- ranée et celle de l'Océan. Les essais de dissection que je tentai, et surtout ceux qui eurent pour but de déterminer la nature des appendices latéraux, me convainquirent qu'il était nécessaire d'étudier l’animal à l’état vivant , mais me laissèrent néanmoins (1) Article Vers, 1828. (2) Règne animal, 1830, t. HE, p. 116. (3) Monographie des Hirudinées , 2° édition, p. 281, et ailleurs, pl. 1, fig. 1 a 10: 1846. (4) Loc. cit., p. 143. (5) PL 23, fig. 3. Ces figures ont été faites d'apres un individa envoyé de La Rochelle par M. d'Orbigny. 282 A. DE QUATREFAGES, — TYPES INFÉRIEURS des doutes sur l'opinion qu’avaient adoptée Blainville, Cuvier et leurs successeurs. | A1. Leydig, pendant un voyage fait à Gênes, put examiner sur le frais l'espèce découverte par Rudolphi. Son travail (1) est le premier qui mérite une attention réelle de la part des anato- mistes , et j'aurai occasion d'en reparler souvent. Ici je me bor- nerai à observer que M. Leydig a fort bien reconnu dans les appendices latéraux l'existence de vaisseaux, qu'il croit être en relation directe avec l'appareil vasculaire. Toutefois il.ne pro- nonce pas à ce sujet le mot de respiration, ce qui s'explique par les idées qu'il s’est faites de l’accomplissement de cette fonction chez les Hirudinées, idées sur lesquelles nous reviendrons plus loin. 3 Je ne connaissais pas encore le travail de M. Leydig, lorsque j'ai pu étudier à La Rochelle le Brauchellion de l'Océan. On verra par les détails qui vont suivre que mes observations s'accordent avec celles du naturaliste allemand sur certains points , qu’elles en diffèrent sur certains autres. Sans entrer ici dans des détails prématurés , je me bornerai à dire que les préparations que j'ai rapportées à Paris, et dont les dessins ci-joints sont la reproduc- tion rigoureuse, peuvent mettre hors de doute l'exactitude de mes résultats sur tous les points principaux. $ 11. Tous les naturalistes depuis Savigny ont admis le genre Branchellion, bien que quelques uns d’entre eux l’aient désigné par un nom différent. Tous ont également regardé les indi- vidus trouvés dans la Méditerranée et dans l'Océan comme appartenant à la même espèce On peut, ce me semble, hésiter sur ce dernier point. Savigny , dont l'exactitude est si générale- ment reconnue, donne à son Branchellion trente-cinq paires de branchies légèrement ondulées, et M. Moquin-Tandon ne fait guère que le répéter à cet égard. Les figures de ce dernier s'accordent avec sa description; mais comme elles ont été faites d’après un individu conservé dans l’alcool, on ne peut en tenir (1) Anatomisches über Branchellion und Pontobdella, von D' Franz Leydig (Zeitschrift für wissenschaftliche Anatomie, novembre À 854). DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 283 grand compte. Leydig a donné sur le nombre des appendices et sur leur distribution des détails contradictoires; mais il les décrit comme étant pointus et en forme de gousse en arrière (gleiclisam hülsenhartig von hinten). J’ajouterai que la figure donnée par M. Leydig est d’accord avec les expressions que je viens de citer, et que par cela même elle diffère complétement de ce que j'ai vu et de ce qu'on peut voir sur mes préparations soit pour la forme des branchies, soit pour la disposition des réseaux vasculaires qu’on y trouve. Tous les individus que j’ai examinés avaient, quelle que fût leur taille, trente-trois paires de bran- chies, et celles-ci m'ont toujours montré.les mêmes caractères ; elles sont très minces et très fortement plissées, surlout au bord inférieur. Comme nous avons tous deux dessiné d’après le vivant, je regarde ces différences comme très réellés. Je suis donc porté à penser qu'il existe deux espèces distinctes de Branchellion. GENRE, BRANCHELLION, Branchellion. Branchiobdellion, Rudolphi. Branchellion, Savigny, Risso, Cuvier, Moquin-Tandon, Gervais (1), Quatrefages, Grube (2). Polydora, Oken. Hirudo , Blainville. Branchiobdella, Blainville, Branchellia, Gervais (3). Animal pourvu de deux ventouses , présentant deux régions distinctes. Le cou nu, le corps proprement dit portant des bran- chies foliacées, latérales. Ventouse antérieure simple ; ventouse postérieure composée. Animal capula et cotyla instructum, in duas regiones distinctas partitum ; collo nudo ; corpore branchiis foliaceis, lateralibus mar- ginato ; capula simplici ; cotyla composita. (4) Dict. universel d'histoire naturelle (2) Die familien der Anneliden. (3) Patria. 28 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS ESPÈCES. 4° B. de la Torpille, B. torpedinis. Sav., Risso, Cuv., Gr., elc. B. branchiarum undulatarum 35 paribus instruclus. C’est l'espèce dont ont parlé tous les auteurs précédents (1). Ne pouvant la décrire d’après nature , je crois devoir me borner ici à donner la phrase caractéristique propre à la distinguer de la suivante. 2° B. de d'Orbigny, B. Orbiniensis, Nob. (2). B. branchiarum in rugas profundas replicatarum 43 paribus instruclus. Dans cette espèce, qui d’ailleurs ressemble beaucoup à la pré- cédente, la distinction des deux régions du corps est extrême- ment tranchée. Le cou, dont la longueur égale environ 1/8 de la longueur totale, est arrondi, fortement renflé en fuseau , très grêle à ses deux extrémités. Ses derniers anneaux, qui se cachent habituellement sous les premiers anneaux du corps, sont couverts de téguments très minces et peu colorés, qui contrastent avec ceux du reste de l’animal. Le corps proprement dit ressemble à celui d’une Sangsue ordinaire. Dans l'extension, il est aplali en dessous, bombé en dessus, légèrement atténué à ses deux extré- mités. Pendant la contraction, il devient presque cylindrique. Le nombre total des véritables anneaux du corps, déterminé par celui des ganglions, est de vingt-deux ou vingt-trois. À chacun de ces anneaux correspondent extérieurement, dans la portion du corps proprement dit quiporte les branches, trois plis bien distincts (anneaux des auteurs). Aux derniers anneaux du corps et au cou surtout, ces plis cutanés sont moins accusés. Dans cette dernière région, ils sont pressés de manière à se confondre près de la ven- touse antérieure, et ils s’effacent presque complétement en arrière, là où les téguments sont très amincis, On peut admeltre qu’il en (4) M. Moquin-Tandon a reçu de Bordeaux l’exemplaire qui a servi à sa des- criplion. I lui attribue néanmoins trente-cinq paires de branchies. (2) PI. 6, fig. 1. DE L'EMBRANCIIEMENT DES ANNELÉS. 285 existe trente-six ou trente-sept au corps et quatorze ou quinze au cou; en tout quarante ou quarante-deux (1). Les branchies sont disposées par paire de chaque côté des t'ente-trois premiers plis cutanés du corps. Celles qui appartien- nent au premier pli de chaque anneau sont supportées par un mamelon à peu près hémisphérique ; les autres sont sessiles (2); toutes ont d’ailleurs la même forme. Leur largeur égale à peu près les 2/3 de celle du corps, et leurs bords sont placés au même niveau, de manière à former des deux côtés une sorte de frange, Ces branchies sont minces, foliacées, très fortement plissées , surtout vers leur côté inférieur. Elles sont légèrement contractiles et élastiques. Quand on tourmente l'animal , on les voit se resserrer par places, et reprendre rapidement leur forme primitive. Le mamelon des branchies antérieures de: chaque anneau est contractile, et pendant la contraction il s’efface presque complé- tement , de sorte que la branchie qu’il porte semble alors partir des parois mêmes du corps, aussi bien que les suivantes (3). Sur l’animal vivant, on apercoit à l’intérieur, et vers la base de chaque mamelon, une ampoule d’un rouge vineux, qui s’enfle et se con- tracte d’une manière régulière. Ces contractions et ces dilatations sont alternes dans les deux ampoules correspondantes. Quand l'animal est tranquille, les contractions sont sensiblement iso- chrones, et se répètent vingt fois par minute, On voit l’ampoule se gonfler lentement, puis s’effacer par un mouvement brusque. (4) On voit que je suis loin d’attacher à ces plis cutanés extérieurs l'impor- tance que leur ont attribuée les naturalistes qui leur ont donné le nom d'anneaux. Je reviendrai plus loin sur cette question. Ici je me bornerai à faire observer que je réserve celte dernière expression pour l'ensemble des parties qui se ré- pèlent d'une manière plus ou moins régulière dans le sens longitudinal, et que par conséquent le nombre des anneaux est déterminé surtout par celui des ganglions nerveux de la chaîne abdominale. En agissant ainsi, je ne fais que restiluer au mot anneau, lorsqu'il s'agit de la classe des Bdelles, la signification que lui ont attri- buée depuis plus d’un demi-siècle tous les zoologistes qui se sont occupés sérieusement d'un gronpe quelconque de l'embranchement des Annelés. (2) PL 7, fig. 1 À, 8. Règne animal illustré, pl. 23, fig. 34. BNP. 7 fig. 2a,a. 286 A. DE QUATREFAGES. — TYLES INFÉRIEURS Tout dans le jeu de ces organes fait naître l’idée de cœurs qui se remplissent et se vident alternativement, et nous verrons plus loin que telle est en effet la nature de ces ampoules. La bouche, extrêmement étroite, est percée au centre de la ventouse antérieure. L’anus, placé sur la ligne médiane, à l’extré- mité du corps, au-dessus de la ventouse postérieure, n’est visible que pendant la défécation. L'orifice génital mdle a la forme d’une petite fente transver- sale; il est placé à la base du cou, versle treizième pli. L’ortfice femelle est placé un peu en arrière du précédent, également sur le cou (1). La ventouse antérieure est très petite, circulaire, parfaitement lisse, sans rebords, ni tubercules en dessus. Sa cavité, en forme de cupule, assez profonde pendant la contraction (2), s'efface complétement lorsque l’animal adhère à un plan solide. Con- trairement au caractère indiqué par Savigny , il m'a été impos-) sible de trouver sur cette ventouse la moindre trace d’yeux. Sur ce point, més observations concordent avec celles de M. Leydig. La ventouse postérieure est très grande, circulaire, presque aussi large que le corps et les branchies réunies (3). Les fibres denses et serrées qui la composent lui donnent une consistance comme cartilagineuse, Sa face interne est entièrement tapissée par d’autres ventouses, très petites, au nombre.de près de deux cents, : placées en lignes qui convergent du centre vers la circonférence, et qui peuvent toutes agir isolément (4). La couleur du Branchellion de d’Orbigny est assez variable, mais toujours généralement très foncée, Sur cinq individus vivants que j'ai pu observer , l’un avait le dos d’un noir de charbon très intense; un autre, d’un brun noir avec de larges taches violet foncé; chez les trois autres le dos était d’un vio- : let noirâtre très foncé. Ces teintes sombres étaient pointillées de très petits points blanchâtres, dont les plus apparents for - (1) Règne animal, fig. 34 c. (2) PL. 6, fig. 4. Règne animal , fig 34. (3) PL. 6, fg.1. (4) Règne animal, fig. 3b , 5e. DE L'EMBRANCHÉMENT DES ANNELÉS. 287 maient une ligne transverse sur le premier pli de chaque anneau. Chez tous, le ventre élait d’un blanc jaunâtre , piqueté de noir brunâtre-ou violacé ; chez tous aussi, les branchies étaient d'un violet sensiblement moins foncé que sur le corps. Les derniers plis du cou étaient presque incolores, Le cou lui-même présentait la couleur du corps, mais la teinte en était moins foncée, et allait en s’affaiblissant sur la ventouse antérieure. Néanmoins le pig- ment pénétrait dans la cavité de celle-ci jusque tout près de la bouche. La ventouse postérieure s’est montrée tantôt tout en- tière d’un blanc jaunâtre, tantôt, comme dans l'individu qui m’a servi de modèle, semée sur sa face supérieure seulement de petits points de la même couleur que celle du corps (1). Par le séjour dans l'alcool, ou simplement par suite de la mort de l’ani- mal, ces couleurs changent complétement. Dans l’alcool, tout le corps pâlit, et devient d’un gris brunâtre plus ou moins foncé; les autres parties se décolorent proportionnellement. Je revien- drai plus loin sur ce sujet en parlant du pigment. La taille des cinq individus, quej'ai mesurés vivants dans l’état d'extension moyenne où ils se fixent pendant le repos, à varié de 3,5 centimètres à 5 centimètres sur 10-12 millimètres de large, en y comprenant les branchies. Le Branchellion de d’Orbigny habite les mers qui baignent les côtes de la Saintonge. On le trouvera sans doute aussi dans les mers de Bretagne fréquentées par les Torpilles. $ III. C’est en effet sur les Torpilles seulement que l’on a rencontré jusqu'à ce jour les Branchellions soit de la Méditer: ranée, soit de l'Océan ; il paraît d’ailleurs être assez rare dans ces deux mers. Pendant un long séjour à Gênes, M. Blanchard ne put se procurer qu'un seul individu. A La Rochelle, malgré les relations étendues que j'avais avec les pêcheurs soit par moi- même , soit par diverses personnes qui s’intéressaient à mes tra vaux (2), je.n’ai pu en obtenir que cinq exemplaires, et pourtant (4) PL 6, fig. 4. (2) Je suis heureux de mentionner ici en particulier M. d'Orbigny et M. le docteur Sauvé, qui, le premier, m'apporta un Branchellion , et me mit en rap- port avec ua patron à qui j'en ai dû plus tard d'autres exemplaires. 288 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS il se prend chaque jour dans la mer qui baigne cette côte ur nombre très considérable de Torpilles. D’après ce que m'ont dit les pêcheurs, c’est principalement sur les individus de grande taille, et qui habitent les fonds de roche, qu’on trouve les Bran- chellions. Ils se tiennent toujours sur la face ventrale du Poisson, mais ils ne paraissent pas avoir de station préférée, et ne pé- nètrent jamais dans les branchies. Quelquefois on en rencontre plusieurs sur une même Torpille ; les trois derniers exemplaires qui m'ont été apportés avaient été pris sur un seul Poisson. Bien que les nécessités du travail m’aient empêché de conser- ver longtemps mes Branchellions vivants, j'ai pu recueillir les quelques observations suivantes. L'animal adhère au plan de reptation avec une extrême force à l’aide de sa ventouse postérieure. Dans cet acte, l’ensemble de l'organe et les petites ventouses qui tapissent sa face inférieure peuvent agir soit ensemble, soit isolément. J'ai vu plusieurs fois les ventouses secondaires lâcher la lame de verre sur laquelle était fixé l'animal, sans que l’adhérence parût sensiblement dimi- nuée, Il me semble que cette disposition doit à la fois donner plus d'énergie à la force d'adhésion , et permettre au Branchellion de laisser reposer alternativement les diverses parties de ce petit appareil. Lorsque l’animal est ainsi fixé par sa ventouse postérieure, il reste rarement en repos, mais s’allonge, et se raccourcit sans cesse en dirigeant son extrémité antérieure tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, mais toujours horizontalement , et sans jamais chercher à grimper sur les parois du vase. On dirait que le corps pivote sur la ventouse qui lui sert de point d'appui. J'ai vu des individus exécuter ce manége, presque sans cesser , pen- dant des journées entières. Dans l’état de repos, les deux ven- touses sont appliquées sur le plan de reptation, et l’animal pré- sente alors l'aspect que j'ai cherché à reproduire (1). Pour se déplacer, le Branchellion s’allonge àlamanière des Sang- sues, et se fixe par sa ventouse antérieure ; puisil détache sa ven- (1) PL 6, fig. 1. DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 289 touse postérieure, se tord pour l’amener sur le dos, et se contracte de manière qu’elle glisse en dessus du corps même de l’ani- mal, et vienne s'appliquer en avant de la tête. Quand j'essayais de troubler cette manœuvre, l’animal la recommencait d’ordi- naire, et rarement j'ai pu lui faire fixer la ventouse en arrière, ou sur les côtés de l'extrémité antérieure. Lorsque l’une des deux ventouses était restée quelque temps appliquée sur le même point, elle abandonnaït en se détachant une couche très mince de mu- cosité demi-opaque qui en marquait nettement le contour , ainsi que les orifices des glandes mucipares. Deux Branchellions , placés dans un même vase, vinrent à se rencontrer pendant que je les observais. Aussitôt ils s’enroulèrent rapidement l’un à l’autre, et je vis distinctement le plus grand appliquer sa ventouse antérieure au point de jonction du corps et du cou du plus petit. Bien que le contact eût été extrêmement court, celui-ci cessa sur-le-champ de se défendre, et resta long- temps immobile, etle cou flottant comme s’il était mort. Je ne pus pourtant distinguer aucune lésion apparente. Le lendemain, il avait repris sa vivacité première. La digestion est évidemment très prompte chez ces animaux, Ceux qu'on m’apportait émettaient souvent des fèces pendant le premier et le second jour de leur captivité. Au bout de trois ou quatre jours, j'ai constamment trouvé leur tube digestif presque complétement vide. Les fèces, au moment de l'émission, consistaient tantôt en fusées brunâtres qui se dissolvaient immé- diatement, tantôt en cordons d’un vert foncé, à demi fluides, qui conservaient leur forme pendant quelque temps. Examinées au microscope, ces fèces se montraient composées de granulations de deux sortes : les unes, très petites, parfaitement incolores, et semblables à celles que j'ai bien des fois observées dans l’intestin de divers animaux transparents; les autres plus grosses, et d’un vert jaunâtre. Je n’ai apercu aucune trace de couleur rouge, non plus que de globules du sang de poisson. Ces derniers étaient, au con- traire, parfaitement reconnaissables et par leur forme et par leur couleur, surtout dans les portions antérieures du tube digestif (1). (1) M. Leydig a observé le même fait. 3" série. Zooz T. XVIII. (Cahier n° 5.) 5 19 290 A. DE QUATREFAGES, — TYPES INFÉRIEURS La mort par gangrène d’un de mes Branchellions m'a présenté quelques particularités assez curieuses. Vers les cinq heures du soir, je m'étais aperçu que la ventouse postérieure avait pâli, et en même temps l’animal , quoique bien portant en apparence sous tous les autres rapports, ne se fixait plus. Le lendemain matin à six heures, je trouvai la plus grande partie du corps singulièrement décolorée. La ventouse et les derniers anneaux étaient d'un blanc à peine jaunâtre ; les anneaux suivants se teintaient progressivement d’un rouge violet de plus en plusfoncé, jusqu'à la dixième paire de branchies qui reprenait brusquement la couleur normale. Les branchies étaient fortement contractées dans toute la portion décolorée, et les téguments, devenus trans- parents, laissaient voir les bandes musculaires longitudinales. Toute cette portion de l'animal était entièrement immobile. Les premiers anneaux du corps se montraient animés de quelques mouvements. Le cou avait conservé la vivacité normale et se mouvait spontanément. En enlevant l'épiderme de la ventouse postérieure, qui semblait soulevé, comme il l’est chez l’homme par l’action d’un vésicatoire, je vis tous les tissus sou--jacents s’en aller en putrilage. Il est évident que je retrouvais ici des faits que j'ai déjà signalés chez les Annélides. Mon Branchellion avait été frappé de gangrène, peut-être faute de nourriture, et, comme chez les Annélides, la maladie avait commencé par la partie postérieure du corps. Elle avait marché d’arrière en avant, et tué les trois quarts de l’animal; mais ce qui restait avait con- servé toute sa spontanéité. Les Branchellions, comme les Sangsues, doivent muer assez fréquemment. Deux de ceux que j'ai conservés vivants pendant quelques jours ont mué dans mes vases, Ce phénomène fut annoncé chez l’un d’eux par une agitation vive qui se manifesta dans la soirée. 11 se tordait en tout sens , s’allongeait et se con- tractait violemment , au lieu de se fixer et de se mouvoir régu- lièrement. Le lendemain matin, l’épiderme était détaché de tout le corps. Au-dessous, sur quelques points, on trouvait un liquide roux, comme s’il y avait eu une exsudation comparable à celle qui résulte de l'emploi des vésicants, Les branchies étaient très DE L'ÉMBRANCHEMENT DES ANNEÈLÉS. 291 retirées et libres dans les espèces de fourreau d’où elles étaient sorties. Cel épiderme était très résistant, Après avoir vainement essayé de le déchirer, afin de dégager l’animal sans le blesser , je dus employer des ciseaux pour cette petite opération. DEUXIEME PARTIE. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE,. $ IL. Couches cutanées. — La peau du Branchellion ressemble beaucoup par sa composition à celle des autres Bdelles. L'épr- derme (1) est assez épais, très résistant, comme je l’ai dit plus haut, J'ai examiné un lambeau pris sur la membrane dont l’ani- mal venait de se dépouiller spontanément. Il s’est montré com- posé au moins de deux couches de fibres superposées, intime- ment unies, et se croisant à angle droit, au milieu d’une gangue parfaitement transparente (2). Ces fibres ont à peine 1/1000e de millimètre d'épaisseur. A la face interne de l’épiderme, on distingue des empreintes irrégulières laissées par les inégalités du derme (3). Le derme est très épais, et formé essentiellement de fibres et de lamelles qui circonscrivent des aréoles presque toujours irrégulièrement ovalaires, et dirigées en divers sens (4) Ces aréoles sont remplies par une gangue transparente, au milieu de laquelle on distingue cà et là des musses arrondies irrégulières, d'un pouvoir réfringent très faible, et des granulations bien nettes de 1/409 de millimètre environ, tantôt isolées, tantôt groupées, et formant de petits amas. On y trouve encore des corpuscules sphériques d'un jaune orangé, dont les dimensions varient de 4/300° à 1/100° de millimètre environ, C'est dahs l’épaisseur du derme que sont logés les deux pig- ments, qui donnent à l’animal sa couleur et son opacité. L'un d’eux, de beaucoup le plus abondant, est violacé, très opaque, et se (4) PI. 8, fig. 4. (2) PL. 8, lg. 4. (3) PI 8, fig. 1. (4) PL 8, fig. 2a a. 299 A. DE QUATREFAGES, — TYPES INFÉRIEURS présente sous la forme de tractus irréguliers, formant des mailles plus ou moins serrées ou des espèces d'étoiles irrégulièrement ramifiées (1). L'autre, qu’on voit surtout aisément vers la base des branchies , est brunâtre, et forme des lacis beaucoup moins serrés que le précédent. 11 m'a semblé que c’est à la proportion de ces deux sortes de pigment qu'est due la différence de couleur que présente le Branchellion , après son immersion prolongée dans l'alcool. Le pigment violet seul se décolore, et permet au pigment brun de se montrer. Tous deux perdent également leur couleur , quand l’animal succombe sous l'influence d’une gan- grène spontanée. Sur les points mêmes où le derme est considérablement aminci, on trouve dans son épaisseur des glandes mucipares dont les dimensions varient. Toujours elles se composent d’une masse granuleuse, transparente, enveloppée dans une membrane assez résistante, qui se prolonge pour former un canal excréteur. À la base des branchies, ces glandes sont assez rares, très petites, et plus où moins lagéniformes (2). Dans le cou, elles sont encore isolées, mais plus grosses, arrondies, et elles ont beaucoup de ressemblance avec les glandes salivaires (3). Dans presque toute l'étendue du corps, ces glandes mucipares sont à la fois plus nombreuses et beaucoup plus développées. Elles remplissent à elles seules presque toute la cavité générale du corps, et se con- fondent presque complétement avec le tissu hépatique des au- teurs (4). Vers les derniers anneaux, elles deviennent plus distinctes, et il est alors possible de séparer et d'isoler leurs lobes arrondis, dont la structure ressemble d’ailleurs à celle de la petite glande que j'ai figurée (5). Observations. — On sait que, chez la plupart des Bdelles , la (1) PL. 8, fig. 2 b 0. (2) PI. 8, fig. 20. (3) PL 6, fig. 3ce. (8) PI 7, fig. 4, et fig. 2. M. Gratiolet a démontré récemment que le tissu hépatique était formé par un lacis de vaisseaux qu'il était possible d'injecter en entier. (6) PL 8, fig.2c. DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS, 293 mucosité dont le corps est enduit est fournie en partie par des glandes cutanées (cryptes mucipares des auteurs), en partie par de grandes poches lalérales, auxquelles se rattachent les anses mucipares.Chezle Branchellion, cedernier appareil manque com- plétement. Ni M. Moquin-Tandon, ni M. Leydig, ne l'ont trouvé, et, quelque soin que j’aie mis à le chercher, je n’ai pu en décou- vrir le moindre vestige. Il est vrai que ces poches, si elles existent, doivent être très difficiles à distinguer au milieu des paquets de lobules glandulaires appartenant aux glandes cutanées. Mais le développement extrême de ces dernières me semble propre à faire accepter comme très probable l’absence des poches elles- mêmes, Il est évident que l’appareil mucipare cutané doit sufire à lubrifier le corps entier. M. Leydig a dû rechercher avec d'autant plus de soin les poches mucipares, que ces organes sont à ses yeux, dans les Bdelles, des organes respiratoires. J’ai dit ailleurs que je ne pou- vais partager cette opinion, et je crois en avoir démontré le peu de fondement par des expériences directes (1). Au reste, cette manière d'envisager les fonctions de ces poches paraît aujour- d’hui généralement abandonnée (2). J'ai rappelé dans un autre mémoire (3) que M. Williams re- garde ces pocheslatérales des Sangsues, ainsi que les canaux tor- tueux qui les représentent chez les Lombrics, comme des dépen- dances de l'appareil génital femelle (4). Je ne connais aucun fait qui puisse venir à l’appui de cette opinion, et plusieurs de ceux sur lesquels s’appuie l’auteur sont bien certainement erronés, $ 11. Appareil locomoteur. — Les couches musculaires sous- (1) Ann. des sc. nat., 3° sér., t. VIIL, p. 36. (2) M. Moquin-Tandon, entre autres, avait soutenu, dans la première édition de sa notice, l'opinion embrassée par M. Leydig. Dans la seconde édition, il a adopté celle que je défends. Mais cet auteur n'a motivé en aucune façon son changement de manière de voir. (3) Mémoire sur le système nerveux des Sangsues et des Lombrics (Ann. des sc. nat., 3° série, Lt. XVIII). (#) Report of the hwenty first meeling of the Brilish association for the advance- ment of science, 1852, 29 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS cutanées ne m'ont rien présenté de particulier, à l'exception dela couche interne composée de fibres longitudinales. Celle-ci pré- sente une disposition très remarquable. Elle se compose de huit bandes placées symétriquement de chaque côté du ccrps, assez épaisses , faisant à l’intérieur une saillie très prononcée (1). Ces bandes sont reliées entre elles par une couche musculaire mince, dont les fibres ont la même direction (2). On voit des faisceaux de fibres se détacher de celle-ci d’une manière à peu près régu- lière, et se rendre dans la bande comme pour la renforcer. La disposition dont nous parlons n’existe que dans le corps; dans le cou, le plan musculaire à fibres longitudinales est très mince, et ne forme à l’intérieur aucune saillie (3). Entre ces deux régions, il existe une sorte de raphé, et une forte bande tendineuse à fibres transverses qui sert de point d’attache aux muscles longitudi- naux. - La ventouse antérieure rappelle par sa structure ce que l’on voit chez les Albiones ; mais la petitesse des parties rend la distinc- tion et la nature-des couches plus difliciles à distinguer. Je me bornerai à dire ici qu’on y trouve, indépendamment des plans musculaires d'enveloppe qui ressemblent à ceux du corps, une couche de même nature placée entre les précédentes, et dont les fibres sont perpendiculaires aux plans des couches enveloppantes. La ventouse postérieure possède une structure tout exception- nelle, Elle se compose d’une grande cupule, dans laquelle on reconnaît à peu près les mêmes parties que dans la ventouse buc- cale, Mais dans la cavité de cette espèce de grand godet sont disposées de très petites ventouses- élémentaires, dans chacune desquelles on distingue des fibres circulaires et des fibres rayon- nantes (4). Ces dernières m'ont semblé venir de faisceaux très prononcés, que l’on voit très bien sur le vivant partir du centre de la grande cupule , et se diriger en rayonnant vers les bords, Il n’est nullement facile de reconnaître au milieu des paquets (4) PL 7, fig. 4 ce, et pl. 6, fig. 2ce,ff. (2) PL 6, fg. 2 d. (3) PI. 6, 6g. 2h. (4) Aègne animal, loc. cit. DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 295 de glandes qui remplissent l'abdomen des Branchellions l’exis- tence et la direction des muscles qui cloisonnent incomplétement la cavilé générale du corps, et la parlagent en chambres corres- pondant aux anneaux. J'ai pu néanmoins m'assurer que, dans le corps, ces muscles sont au moins au nombre de deux paires, qui s'élèvent obliquement de bas en haut (1). Ces muscles sont en forme de bandelettes, plus minces et plus étroites que dans les Sangsues. Ils sont toujours placés entre le repli cutané qui porte les branchies à mamelon basilaire, et le repli précédent qui porte des branchies sessiles. L'intervalle qui sépare ces muscles dans le seus longitudinal comprend toujours un ganglion ner- veux et ses dépendances, et correspond à trois plis cutanés. Get intervalle représente donc le véritable anneau. Les fibres élémentaires qui entrent dans la composition de l'appareil locomoteur ressemblent à celles des Sangsues propre- ment dites : elles m'ont seulement paru d'un diamètre un peu moindre, mais je n’ai pas pris de mesures exactes. Observations. — Les naturalistes qui se sont occupés des Bdelles me semblent ne pas avoir attaché aux muscles qui vont de la face ventrale à la face dorsale de l’animal l'importance qu’ils méritent, surtout au point de vue de l’anatomie philosophique. Ces muscles se répètent d’une manière généralement très régu- lière, et ils représentent évidemment les cloisons musculaires beaucoup plus complètes qu’on trouve chez d’autres Annelés, par exemple , chez les Annélides et les Lombrics (2). Dans ces deux derniers groupes, les cloisons dont il s’agit séparent les anneaux les uns des autres , et il en est évidemment de même pour les Bdelles. L'examen du système musculaire confirme donc, de la manière la plus nette, les conclusions qu’on aurait dù tirer de l'étude du système nerveux seul ; c’est un de ces faits qui mon- trent combien les auteurs qui ont donné le nom d’anneau aux replis cutanés se sont trompés. Au reste, celte erreur s'explique (1) PL 7, fig.2ee. (2) Voyez la planche du Règne animal, où j'ai représenté l'anatomie générale de la Sangsue, pl. 24, fig. 1. 296 A. DE QUATREFAGES, — TYPES INFÉRIEURS par cela seul que la plupart des naturalistes qui ont écrit sur ce sujet manquaient de termes de comparaison à raison de la nature de leurs études habituelles. Mais il n’en est pas moins singulier que cette confusion de mots et de choses ait été acceptée jusqu'ici par plusieurs anatomistes d’un mérite réel. $ III. Appareil digestif. — Les deux ouvertures du canal in- testinal sont extrêmement petites chez le Branchellion. La bouche, qui m’a paru circulaire, est placée au centre de la ventouse orale. Je n’ai pu y découvrir la moindre trace de mächoires, bien que Savigny ait admis qu’elles sont représentées par trois petits points. L’anus est, comme je l’ai déjà dit, placé sur le dos près de la ventouse postérieure, et visible seulement au moment de la défécation. L’æsophage à la forme d’un long manchon presque cylindrique, qui s'étend de la bouche jusqu’à la hauteur du troisième gan- glion abdominal (1). Il consiste en une sorte de fourreau à parois très minces, dans lequel est logée une trompe charnue parfaite- ment libre dans toute son étendue, excepté à sa base Où elle se continue avec la première poche digestive (2). Je me suis bien assuré que cette trompe est parfaitement inerme. On y distingue aisément deux couches musculaires : l’une composée de fibres longitudinales entièrement semblables à celles du corps, et réu- nies en faisceaux robustes ; l’autre plus mince, et dont les fibres transversales sont un peu moins distinctes. M. Leydig , qui avait, le premier, vu cette trompe , à également reconnu qu’elle pou- vait faire saillie au dehors. Extérieurement elle est tapissée par la membrane æsophagienne , qui se replie tout autour. A l'inté- rieur, on distingue aisément une membrane muqueuse hérissée de papilles, et qui se continue avec celle de l'intestin. C’est au point de jonction de la trompe avec la première poche stomacale que viennent aboutir les conduits excréteurs des glandes salivaires (3). Ces glandes consistent en deux ou trois masses glan- œ (A)0PI2%6, fig. 2 a. (2) PL 6, fig. 3 0. (3) PL 6, fig. 3 ce. R os DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 297 dulaires blanches presque régulièrement sphériques, dont les ca- naux se réunissent pour former un canal unique (1). Elles sont au nombre de trois paires de chaque côté, et se distinguent avec quelque peine des glandes cutanées voisines. Cependant celles-ci sont adhérentes, de grandeur inégale et de forme généralement allongée (2). Je suis porté à croire, d’après les expressions de Leydig , qu’il a attribué à l’appareil salivaire une portion de ces glandes mucipares. La première poche stomacale est placée dans la région du cou, et correspond au troisième ganglion; en d’autres termes, elle esl placée dans le troisième anneau (3). Cette poche diffère un peu des suivantes. Elle est moins profondément échancrée , et ses parois sont plus épaisses. Au delà commence une série de poches ou d’estomacs s'étendant jusqu'à l’anus, et en nombre égal à celui des masses ganglionnaires correspondantes. Ces poches communiquent entre elles par des tubes étranglés très courts et très étroits (4). Chacune d’elles présente sur les côtés des espèces de boursouflures plus prononcées en avant qu’en arrière (5). Dans l’avant-dernier et surtout dans le dernier anneau, les poches sont presque rudimentaires (6). Observations. — M. Moquin-Tandon ne figure que six poches stomacales, dont la dernière porte deux grands cæcums latéraux et un intestin médian comparables à ceux des Sangsues (7). Je n'ai rien trouvé de pareil. Leydig, de son côté, a distingué les estomacs de l'intestin proprement dit, et comparé ce dernier à celui de la Piscicole qu’il a décrit dans un autre mémoire, comme formé par un tube étroit, sur le trajet duquel seraient placées quatre paires de très petits cœcums latéraux assez régulièrement (1) PL. 6, fig. 3 ce. (2) PL 6,fig.3ee. (3) PL. 6, fig. 25. (4) PL 7 figure. (5) PI 7, fig. 1, et fig. (6) PL 6, fig. 4. (7) Loc. cit., pl. 4, fig. , fig. 1 et fig. 2. Ces étranglements sont un peu trop longs dans la 12 Li] 298 A. DE QUATIEFAGES. — TYPES INFÉRIEURS espacés (1). Je n’ai rien vu d’analogue dans le Brachellion. Ici l'intestin me semble rentrer plus complétement que chez la plupart des autres Bdelles dans les conditions générales du type des Annelés. Chaque anneau a sa poche stomacale, excepté ceux qui correspondent à la trompe; et pas plus que chez les Annélides, qui réalisent le plus complétemeut le type virtuel, il n’y a de distinction à établir entre les estomacs et l’intestin. S IV. Appareil de la génération. — J'ai dit plus haut que les deux orifices génitaux étaient placés à la base du cou. Ce fait, que j'avais déjà reconnu en 1847 (2), est confirmé par Levdig. 1° Organes mâles. — La verge et la poche qui la renferme sont très peu développées, au moins à l'époque où ont eu lieu mes observations : elles correspondent au sixième ganglion :3). Les vésicules séminales sont très grandes et compliquées. Elles sont formées de deux poches à peu près triangulaires (4), profon- dément lobées, réunies sur la ligne médiane, et se continuant an- térieurement par un canal court et d’un assez fort calibre, qui se recourbe de manière à embrasser sur les côtés la première poche stomacale (5). Postérieurement les vésicules séminales sont ter- minées par deux muscles puissants (6) qui se portent en bas et en arrière, et contournent un fort ligament adhérent aux deux côtés du corps (7). à On peut donner le num d’épididyme au renflement que présente le conduit spermatique en passant sur la première poche stoma- cale (8). Il est court, gros, et atténué à ses deux extrémités. En arrière il s’effile , et se continue avec le canal excréleur commun (1) Zur Analomie von Pisciola geometrica mil theilweiser vergleichung ande- rer einheimischer Hirudineen ; von D Leydig, pl. 8, fig. 24 (Zeitschrift fur wissenschaftliche Zoologie, 1. I). (2) Règne animal, pl..3°. (3) PL. 6, fig. 5. (4) PL.6, fig. 5 f, et fig. 2m. (5) PI. 6, Gg. 5 d, et fig. 2. (6) PI. 6, fig. 5, et fig. 2. (7) PL. 6, fig. 5, et fig. 4 gg. (8) PI.6, fig. 5 e, et fig. 2k. DR L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 299 des testicules (1). Celui-ci est extrêmement grêle. Il pénètre immé- diatement sous les masses glandulaires, se dirige de dehors en dedans, et se loge entre les deux bandes musculaires du côté cor- respondant de la face ventrale de l’animal. Les {esticules sont au nombre de cinq paires, dont la première correspond à l'intervalle qui sépare le huitième ganglion du neu- vième, et les autres aux intervalles suivants. Ces testicules adhè- rent aux couches sous-cutanées. Ils sont de forme ovoïde ou sphé- rique (2). Ils consistent en une membrane fibreuse, transparente, assez épaisse, qui se continue en un tube court qui rejoint le canal excréteur commun (3). Toute la partie libre est recouverte d’un pigment violet clair-semé, mais semblable à celui qu’on trouve dans la peau. J'ai trouvé à l’intérieur des masses spermatiques à tous les degrés de développement , mais non pas des spermato- zoïdes libres. Comme dans presque tous les autres Annelés sur lesquels ont porté mes observations, les massesspermatiques du Branchellion se montrent d'abord sous la forme d’une petite sphère homogène d'environ 1/150° de millimètre, montrant à l’intérieur quelques granulations à peine marquées (4). Cette sphère grandit, les gra- nulations se multiplient et grossissent ; puis elle se sillonne, et finit par présenter d'ordinaire les divers aspects que j'ai reproduits ici (5). Dans certains cas ces masses semblent se résoudre en spermatozoïdes couche par couche. Du moins en ai-je trouvé un certain nombre dont la surface était entièrement formée de spermatozoïdes bien caractérisés, et qui, à en juger par le mou- vement spontané de leur queue, étaient près de se détacher, tandis que le centre même de la masse était encore parfaitement homogène (6). 11 est probable que les spermatozoïdes parfaite- ment mürs s’écoulent au fur et à mesure par le canal excréteur. (1) PL 6, fig. 5 bb, et fig. 2. (2) PL. 6, fig. 5 aa; fig. 2 11, et fig. 8. (3) PL 8, fig. 8. (4) PL 6, fig. 9. (5) PL 6, fig. 9 à 12. (6) PL. 6, fig. 13. 300 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS 2 Organes femelles. — Les organes génitaux femelles sont d’une extrême simplicité. Ils consistent en deux longues poches renflées en massue (1), dont les canaux excréteurs se renflent légèrement vers le tiers postérieur de leur trajet (2), et se réu- nissent en un seul sur la ligne médiane vers le milieu de l’inter- valle quiséparele septième et le huitième ganglion (3). Lesparois de ces poches sont d'apparence musculaire et assez épaisses (4). Dans leur épaisseur sont logés des cryptes qu’on peut considérer comme des glandes simples (5). Ge sont des cellules allongées dont la cavité communique avec celle de l’ovaire par un étroit goulet. Ces cellules sont remplies par un liquide diaphane où naissent des globules de 1/600€ à 1/100° de millimètre. Je n’ai trouvé d'œufs que dans la portion la plus dilatée de l’ovaire. Ces œufs, de 3/50: de millimètre, m'ont montré une pre- mière enveloppe renfermant un albumen entièrement incolore et diaphane. Au milieu se montrait le vitellus légèrement jaunûtre, finement granulé, et de 1/25° de millimètre. Ce vitellus contenait une vésicule de Purkinje de 1/50: de millimètre ; mais je n’ai pu y reconnaître la tache de Wagner, que m'ont probablement caché les granulations et la demi-opacité du vitellus. Observations. — Malgré les différences de forme qui existent entre les organes générateurs du Branchellion tels que je viens de les décrire, et ceux de la Sangsue, il n’en est pas moins facile de les ramener à un même type. L'appareil mâle, quoique plus compliqué ici, ne présente au- cune difficulté. Les testicules, leur canal commun, les épididymes sont disposés à peu près exactement de même. Ces derniers seuls sont un peu plus simples dans le Branchellion que dans la Sang- sue. La verge et la poche qui la renferme ( bourse de quelques auteurs) présentent également ici moins de développement, mais occupent la même place. Seulement les vésicules séminales (cornes 1) PL 6, Gg, 5hh. 2) PI. 6, fig. 5 kk. AIG: 66.5 0 4) PL. 6,fig. 6 aa. 5) PI. 6, fig. 6 bb. — DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS, 301 de M. Moquin-Tandon), qui se confondent dans la Sangsue avec la cavilé placée à la racine de la verge, prennent ici plus d'ex- tension et sont bien distinctes. Dans l’organe femelle nous retrouvons bien les deux ovaires de la Sangsue, mais l’utérus ou matrice semble avoir disparu. Il est représenté ici par les deux faibles renflements placés sur le trajet des oviductes. Peut-être ces renflements sont-ils plus appa- rents à l’époque de la ponte qu'au moment où je les ai observés. $ V. Appareil vasculaire sanguin. — Considéré dans son en- semble, cet appareil reproduit évidemment la disposition géné- rale décrite depuis longtemps chez les Sangsues et chez d’autres Annelés de la classe des Bdelles; mais il présente toutefois des particularités remarquables. 1° Le vaisseau dorsal (1), d’un volume proportionnellement petit, est placé sur la ligne médiane , et s'étend de l'extrémité postérieure du corps jusque vers le milieu du cou. D’après Leydig, ce vaisseau se diviserait là en plusieurs branches, mais je n’ai pu vérifier ce fait. D'après le même auteur, on trouve dans l’inté- rieur de ce vaisseau des valvules formées par de petits amas de cellules pédiculées semblables à ceux qu'il a découverts dans le vaisseau dorsal des Clepsines et des Piscicoles. Du reste, pas plus que M. Leydig , je n’ai rencontré le double vaisseau dorsal dont M. Moquin-Tandon est porté à admettre l’existence. 2° Au contraire, le vaisseau ventral est bien positivement double, bien que M. Moquin-Tandon ne dise rien à ce sujet, Je ne sais trop si Leydig a bien reconnu le fait. Cette partie de sa notice laisse à désirer, et il me semble résulter des quelques détails qu'il donne, qu'il a pris pour un vaisseau ou sinus, car il emploie les deux expressions, la cavilé générale, ou mieux les traces de cette cavité. Je reviendrai plus loin sur ce point, et vais d’abord faire connaître ce que j'ai bien positivement constaté à l’aide d’injections, On trouve d’abord le vaisseau , ou mieux le sinus ordinaire , enveloppant la chaîne ganglionnaire abdominale, et envoyant ’ ()MPL. 7, fig. 4 l,etfig.2// 802 A. DE QUATREFAGES. —— TYPES INFÉRIEURS des divisions dans lesquelles sont logés les troncs nerveux. Ce premier vaisseau ne na rien montré de particulier. C’est à sa surface supérieure que serpente un vaisseau surnuméraire bien caractérisé, à parois propres, d’un calibre égal à celui du vais- seau dorsal, que j'ai pu injecter aussi bien que le précédent, et qui s’étend d’une extrémité à l’autre du corps (1). En arrière ce vaisseau surnuméraire communique directement avec les deux vaisseaux sanguins latéraux vers le centre de la ventouse postérieure. D'après Leydig, des communications directes existeraient éga-, lement à chaque anneau entre ces deux portions de l'appareil sanguin, à l’aide de branches qui partiraient du vaisseau ventral pour se porter aux vaisseaux latéraux. Je n'ai pu reconnaître ces troncs de communication. Dans le corps, le vaisseau ven- tral dont il s’agit ne m'a montré aucune branche. Je l'avais pourtant très bien injecté, et je l'ai isolé complétement sur un espace de trois anneaux, Par la pression, je faisais courir en tout sens la matière À injection sans qu’elle se répandit au dehors. II faut donc admettre, ce qui me semble peu probable, que les bran- ches dont parle Leydig, si elles existent, sont trop fines pour laisser passer les molécules du chromate de plomb récemment PRÉSRUE, qui avait servi à mon injection. Je regrette toutefois de n'avoir pu vérifier ce fait en employant le bleu de Prusse , qui est beau- coup plus pénétrant. Dans le cou, au contraire, j'ai parfaitement injecté des branches latérales que je n’ai pu suivre bien loin, et qui, peut-être, abou- tiraient aux vaisseaux latéraux. Elles se détachent du tronc commun à la hauteur des ganglions, et cheminent à côté du nerf corres- pondant (2). Arrivé au collier æsophagien, le tronc vasculaire dont nous par- Jons se trifurque (3). La branche centrale (4) reste au-dessous de l’æsophage. Les deux latérales accompagnent les connectifs de (4) PL 7, fig. 4 n. (2) PI 7, fig. 6. (3) PL. 7, fig. 6. (6) PI. 7,6g.6 ec. de A in Sn me DE L'EMBRANCIIEMENT DÉS ANNELÉS. 313 l'anneau (1), ct toutes trois pénètrent dans la ventouse anté- rieure. 3e Les vaisseaux latéraux sanguins sont placés comme d’ordi- paire sur les côtés, et un peu en dessous (2). Leur calibre est su- périeur à celui des troncs ventral et dorsal. Je viens de dire com- ment ils se terminent en arrière. Je n’ai pu reconnaître leur terminaison en avant. Leydig n’en parle pas non plus. Ces vaisseaux latéraux communiquent directement avec le tronc dorsal par une branche sans ramification placée à la partie antérieure de chaque anneau, en face des branchies dont la base est renflée (3). Ils recoivent de l'intestin au moins un fort ra- meau (4); mais ce qu’ils offrent de plus remarquable, ce sont de véritables cœurs, dont on trouve une paire à chaque anneau. Leydig a vu ces organes le premier, mais sa description et ses figures me semblent laisser quelque chose à désirer, En face de la branche de communication dont je viens de par- ler, il se détache du vaisseau latéral une autre branche de même calibre, qui pénètre dans une cavité existant à la base de la bran- chie correspondante (5). Le petit tronc vasculaire se renfle en forme d’ampoule un peu allongée, et d’un diamètre égal à peu près à la moitié de celui de la cavité qui la loge (6). Cette ampoule est maintenue en place par des brides musculaires irrégulières , qui se fixent aux parois de la cavité (7). Elle est parfaitement close de toute part, et ne communique avec l’appareil vasculaire que par la branche dont j'ai parlé. Examinées au microscope, les ampoules dont il s’agit se montrent composées des mêmes éléments que les vaisseaux con- gl (1) PI. 7, fig. (2) PL 7, fg.1 00, etfig. 2h. (3) PI. 7, fig. À m, et fig. 2 gg. (4) PL 7, fig. 2. (5) PL 7, fig. 4 et 2. (6) PL 7, fig. 1 z et fig. 2 ii. (7) PI. 7, Gg. 4, et fig. 3 cc. Indépendamment du lacis que j'ai indiqué ici, il y à ici un fort muscle d'attache tendu d'arrière en avant et que je n'ai pas représenté. 6. 1 0] 304 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS tractiles dont elles sont une dépendance. Leurs parois, plus épaisses, il est vrai, que celles des vaisseaux , sont également composées de fibres très fines, mais bien distinctes, et qui se lais- sent isoler. On voit très nettement, même à un grossissement assez faible, les faisceaux qu’elles forment passer du vaisseau à l'ampoule sans interruption , et réciproquement. On voit égale- ment que, dans les parois de l’ampoule , ces fibres forment deux plans distincts en se coupant à angle droit (1). Observations. — 1° Les résultats que je viens d’exposer ont tous été obtenus ou confirmés à l’aide d’injections. Malgré l’extrème ténuité des vaisseaux, j'ai rempli, tantôt de chromate de plomb, tantôt de bleu de Prusse, toutes les parties du système vasculaire que je viens de décrire ; et j'ai pu ainsi constater, de la manière la plus positive, que ces ampoules rouges et contractiles que j'avais entrevues à travers les téguments ne donnent naissance à aucun tronc, mais qu’elles recoivent le sang des vaisseaux laté- raux par leur branche d’origine et le renvoient par la même voie, Au reste, Leydig avait très bien reconnu ce fait important, On ne peut, d’après ce qui précède, comparer les ampoules dont nous parlons aux dilatations vasculaires des vaisseaux trans- verses des Eunices; mais comme l'a, du reste, très bien dit Leydig, c'est aux réceptacles sanguins des Néphélis, aux dilatations latéro-abdominales que Brandt a trouvées chez les Sangsues, qu’il faut les comparer. Seulement nous ferons observer que chez le Branchellion , ces organes sont caractérisés d'une manière bien plus complète. Ils s’isolent du reste de l'appareil vasculaire , et jouent entièrement le rôle de cœurs ; aussi me semblent-ils mé- riter parfaitement ce nom. 9 Je n'ai pu, à cause de l’opacité des parois du corps, recon- naître d’une manière directe quelle est la direction des courants sanguins dans l’appareil que je viens de décrire ; mais la dispo- sition de quelques unes des parties fournit des indications qui me semblent assez précises. Il est évident, par exemple, que l’extrémité du canal qui joint (1) PI 7, fig. 3. DÉ L'EMBRANCUEMENT DES ANNELÉS. 308 les cœurs aux vaisseaux latéraux étant placée précisément à l'op- posé des branches qui réunissent ces derniers au vaisseau dorsal , chaque contraction envoie dans celui-ci une ondée de liquide , et la disposition des valvules découvertes par Leydig nous apprend que dans le vaisseau dorsal il ne peut y avoir de courant que d’arrière en avant. Il tend, par conséquent, à se vider dans ce sens ; et comme les vaisseaux latéraux communiquent directe- ment avec lui à la partie postérieure, il en résulle que, dans ces derniers, le courant doit se faire en sens inverse, c'est-à-dire d'avant en arrière, Dans le vaisseau abdominal le courant suit toujours une direction inverse de celle qu’il présente dans le vais- seau dorsal, C’est là, du moins, ce que m'ont montré tous les Annelés que j'ai pu observer par transparence, et rien n’autorise à penser que le Branchellion fasse exception à cet égard (1), $ VI, Sang. — Le liquide qui circule dans l'appareil que je viens de décrire n’est pas aussi foncé en couleur que le sang des Sangsues, des Lombrics ou de la plupart des Annélides errantes. Cependant ii est loin d’être incolore, comme l’admet Leydig. Sa couleur est rosée et tire sur le vineux. Vers la base du cou, là où les téguments sont à la fois et plus minces et dépourvus de pig- ment , on voit sur l’animal vivant les vaisseaux se dessiner con- fusément, mais d’une manière reconnaissable. Dans les cœurs la teinte est très foncée quand l’animal se porte bien. Mais dès qu’il s’affaiblit le sang pälit, et, chez un de mes animaux que j'avais conservé une huitaine de jours , il était devenu si päle qu’on ne distingüait plus que difficilement une légère teinte rosée, C'est probablement dans cet état que Leydig a observé les Branchel- lions, ce qui expliquerait la différence que présentent sur ce point ses observations et les miennes. Je m'explique plus difficilement comment ce naturaliste a cru voir des globules dans le sang. Je pense qu’il a regardé comme appartenant à ce liquide les globules dont je parlerai plus loin, et qui appartiennent à la lymphe, ou mieux au liquide de Ja ca- (4) Leydig , qui admet la même direction que moi dans les vaisseaux abdo- winal et dorsal, pense que cette direction ne doit pas étre constanta dans les vaisseaux latéraux. 3° série. Zoo. T. XVIII. {Cahier n° 5.)* 20 306 A. DE QUATREFAGES, — LYPES INFÉRIEURS vité générale. Pour moi, j’ai trouvé le sang du Branchellion sem- blable à celui de la presque totalité des Annelés, c’est-à-dire entièrement dépourvu de corpuscules, et coloré seulement par une matière uniformément répandue et comme dissoute dans la masse (4). $ VII. Cavilé générale, vaisseaux lymphatiques, branchies lymphatiques. — 1° J'ai trop souvent entretenu les lecteurs des Annales de ce que j’entends par les mots de cavité générale du corps, pour qu'il soit nécessaire de revenir ici sur ce sujet. Je dois seulement rappeler que chez certains Invertébrés , cette cavité est moins apparente que chez d’autres. Chez les Sangsues, par exemple, elle est complétement dissimulée par une sorte de tissu cellulaire très dense et très serré. Il én est à peu près de même chez le Branchellion. Les lobes des glandes cutanées , et ceux de l'appareil regardé jusqu’à ce jour comme représentant le foie, encadrés dans de fortes cellules plus ou moins lâches, arrivent jusqu’à l'intestin et y adhèrent ; si bien qu’au premier abord, on ne découvre aucun vestige de cette ca- vité si apparente dans les Annélides. Mais dans le cou et dans les derniers anneaux, on trouve des espèces de chambres que la dis- section suffit pour constater. En outre, on reconnaît aisément à la loupe seule que le renflement hémisphérique placé à la base des branchies antérieures de chaque anneau ne renferme qu’un lacis lacunaire formé par les brides qui retiennent le cœur en place. et dont j'ai parlé plus haut, Pour reconnaître les dispositions de la cavilé générale, j'ai d’abord essayé d’injecter un liquide coloré dans les lacunes pos- térieures ; mais après quelques tentatives inuliles résultant, sans (1) Je crois devoir rappeler ici qu'un grand nombre de naturalistes ont attri- bué au sang de divers Annelés les globules ou les corpuscules qui appartiennent en réalité au liquide de la cavité générale. Il n'est pas loujours aisé de se procu- rer le premier de ces liquides sans mélange du second; et d'ailleurs, la plupart de ces observateurs, manquant de notions suffisantes sur la cavité générale des corps , ne se sont pas mis en garde contre celte cause d'erreur. J'ai insisté ail- leurs sur ce fait, à propos du travail très intéressant d'ailleurs de [M. Warton Johnes (l’Institut, n° 682). DE L'EMBRANCHEMENT DES ANANELÉS. 307 doute, de ce que j'avais donné dans des chaïnbres fermées, crai- gnant de blesser l'intestin, j'ai porté l'extrémité de la seringue dans le dernier renflement branchial. Aussitôt et sans le moindre effort, le liquide a non seulement pénétré dans le corps entier, mais encore il est sorti du côté opposé par une ouverture que j'avais faite dans mes tentatives précédentes. L'injection dont je viens de parler était revenue autour des poches stomacales par un trajet lacunaire, au milieu duquel était placé le vaisseau sanguin qui se renfle pour former le cœur (1). Sur les poches elles-mêmes elle avait rempli les intervalles lais- sés par les points d’adhérence des glandes cutanées et hépati- ques, et dessiné ainsi un véritable réseau lacunaire dont j’ai cher- ché à reproduire ici la disposition d’après une de mes préparations les mieux réussies (2). On voit qu’il existe aulour de l’étrangle- ment qui réunit les deux poches une large lacune annulaire ; c’est elle qui m'a paru communiquer directement avec la cavité de la base des branchies. De cette espèce d’anneau partent les trajets lacunaires principaux qui se ramifient ensuite, et enveloppent toute la surface de la poche. Ainsi la cavité générale du corps dans le Branchellion se com- pose des lacunes antérieures et postérieures, des réseaux péri- intestinaux ou péristomacaux , des cavités situées à la base des branchies antérieures et des canaux lacunaires qui mettent ces diverses parties de l'appareil en communication. Mais nulle part on ne trouve de cavité libre comparable à celle des Annélides , des Siponcles, etc, 2° En injectant les vaisseaux sanguins, je n’étais jamais entré dans les branchies. Au contraire, en injeélant par la cavité géné- rale, je les injectai toutes et des deux côtés de l’animal. En même temps je pénétrai dans un appareil de vaisseaux à parois propres auxquels on ne peut, ce me semble, refuser le nom de /ympha- tiques. Ces vaisseaux sont placés presque immédiatement au-dessous (4) PI. (2) PI. fig. 4 et 2. fig. 1 f. Les grands trajets sont un peu trop étroits sur cettefigure. +1 208 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS des téguments , et s'étendent au moins d’une extrémité à l’autre du corps proprement dit. Ils passent à la hauteur du tiers supé- rieur des branchies (1), et communiquent par un canal avec la cavité placée à la base des branchies antérieures de chaque an- neau (2). En outre, ils donnent à chaque branchie un rameau sur lequel nous reviendrons plus loin (3). Je n’ai pas vu les vaisseaux dont il s’agit donner de branches au corps ; mais, dans les premières tentatives que je faisais pour injecter l’appareil sanguin, il m'est arrivé deux fois, en poussant immédiatement sous les téguments, de voir se remplir des vais- seaux de 4/100° de millimètre à peine, dont la disposition diffé- rait complétement de celle qu’affectent les capillaires sanguins. Ces vaisseaux partaient, du côté de l’animal , d’un point corres- pondant au trajet du tronc latéral superficiel dont je viens de parler , et se dirigeaient obliquement , l’un vers la face ventrale, l’autre vers la face abdominale, Ils cheminaient en ligne droite immédiatement au-dessous de l’épiderme , et s’étendaient, en coupant le corps en écharpe, presque d’un côté à l’autre, sur un espace de neuf replis, c’est-à-dire de trois anneaux. Pour recon- naître la nature véritable de ces traiînées de matière injectée, je les disséquai, les isolai , et portai le tout sous le microscope, Je reconnus ainsi, à n’en pas douter, que la matière employée était renfermée dans un véritable vaisseau à parois propres, dont la structure fibreuse rappelait celle des plus gros troncs vasculaires sanguins. 3° On comprend avec quelle attention j'ai examiné les appendices cutanés qui font du Branchellion une si remarquable exception dans la classe des Bdelles. Voici le résultat de cette étude. En examinant sous le microscope un Branchellion vivant, on reconnaît dans ces appendices l’existence des couches cutanées du corps, mais amincies et modifiées (4). L’épiderme est presque indiscernable sur les bords, Le derme ne montre plus d’aréoles, (4) PI, 7, fig. 1 ii. (2) PI 7, fig. 1. 3) PI. 7, fig. 1 A, (4) PL. 7, fig. à _+ DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 209 et présente l'aspect d’une substance homogène transparente sans organisation marquée. Le pigment, devenu de plus en plus rare, ne forme que des îlots séparés (1). Des fibres tendineuses , de 1/1000€ de millimètre, pénètrent dans l’appendice sous la forme de faisceaux qui s’épanouissent progressivement, et dont les ex- trémités arrivent jusque tout près des bords (2). Les fibres muscu- laires se conduisent de même (3). L'aspect de ces fibres musculaires branchiales est le même que celui des mêmes fibres examinées dans le corps, mais leur diamètre est sensiblement moindre. Des nerfs d’un faible calibre pénètrent entre les deux parois de l’ap- pendice , se divisent et forment des anses, dont les dernières ré- sultent de la courbure d’une seule fibre primitive (4). Entre les deux parois de chaque appendice , on trouve une matière homo- gène très finement gélatineuse, transparente et parfaitement in- colore. C’est au milieu de cette matière , immédiatement au-dessous des téguments de la face antérieure et par le haut de l’appendice, que pénètre le tronc fourni par le vaisseau superfciel latéral. Dans les premiers appendices de chaque anneau, ce tronc se courbe en demi-cercle, de manière à embrasser le renflement dont nous avons parlé si souvent, et qui contient le cœur (5). Il se porte ainsi jusque vers l'extrémité inférieure, en fournissant cinq ou six branches principales qui se ramifient, et donnent naissance à un réseau dont les mailles, surtout sur les bords, sont d’une ténuité extrême. Dans les deux paires d’appendices postérieurs de chaque anneau, le vaisseau branchial se comporte exactement de même, si ce n’est qu'il se bifurque en entrant dans l’appendice, et que sa courbure est moins prononcée (6). (1) PL 8, fig. üee. (2) PL 8, fig. Sccc (3) PL 8, fig. 5 b. (4) PI. 8, fig. 5 d. C'est la première fois que j'ai rencontré dans un Inver- tébré celte terminaison des nerfs en anse. Je ne crois pas qu'elle ait été encore signalée chez eux par d'autres naturalistes. (5) PL 7, fig, A, k. (6) PI. 7, Gg. 1, k. 310 A. DE QUATREFAGES. -— TYLES INFÉRIEURS Ce n'est qu’à l’aide d’une injection qu’on peut reconnaître, au moins sur les individus que j'ai étudiés, les détails qui précèdent, Sur le vivant, en observant par transparence , on peut aperce- voir seulement les principales branches et leurs divisions. Le tronc branchial reste caché par du pigment déjà fort abondant à la base des branchies. Mais ce mode d’observalion permet de constater un fait très important, c’est que lous ces canaux sont parcourus par un liquide entièrement incolore , parfaitement transparent, qui charrie des granulations irrégulières , également incolores et diaphanes (1). On peut juger des mouvements du liquide par ceux de ces cor- puscules, el l’on reconnaît ainsi que ces mouvements n'ont rien de régulier , rien qui rappelle une circalation proprement dite. On voit dans les gros troncs les corpuscules se mouvoir parfois avee rapidité tantôl dans un sens, tantôt dans un autre, et souvent aussi rester longtemps stalionnaires, ou agités seulement de faibles mouvements qui les font allernativement avancer et re- culer. Mise L'observation directe et les procédés d'injection s'accordent donc pour nous apprendre qu’un seul tronc vasculaire pénètre dans les appendices; que ce tronc joue à la fois deux rôles, celui de vaisseau afférent et celui de vaisseau déférent; que le liquide doit sortir de l’appendice en repassant par le même canal qui l’y avait conduit. Observations. — 4° La seule inspection microscopique nous montre dans les appendices cutanés une structure tellement caractéristique, qu’on ne saurait guère hésiter à les regarder comme des organes de respiration. L'examen de pièces injectées confirme tellement cette manière de voir, qu'il ne saurait plus guère rester d'incertitude; mais l'expérience suivante doit, ce me semble , lever les derniers doutes. J'ai injecté un animal vivant, et employé, comme masse, le précipité d’un bleu très pâle que fournit le protosulfate de fer du commerce traité par le prussiate de potasse. L'injection fut (4) PL 3, 6g. ba a. DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 311 poussée avec une très faible pression, jusqu’au moment où, comme je l’ai dit , elle ressortit en arrière par une ouverture des tégu- ments. À ce moment, les branchies ne présentaient pas de chan- gement appréciable dans leur coloration ; mais au bout de quel- ques secondes, elles bleuirent légèrement. Après trois ou quatre minules, je pus distinguer à la loupe la trace des vaisseaux qu'avait remplis mon injection, et les réseaux devinrent bientôt entièrement distincts. Il est évident que mon précipité s'était, à l’intérieur des appendices , transformé en bleu de Prusse, avec autant où même plus de rapidité qu’il l'eût fait à l’air libre. En d’autres lermes, comme je l’ai dit ailleurs, j'avais pour ainsi dire vu respirer le sel de fer (1). Cette expérience est d’autant plus démonstrative que les por- tions de la masse injectée que je mis à découvert le lendemain dans l’intérieur du corps avaient encore conservé leur teinte pâle primitive. Ce n’est donc pas aux liquides ou aux tissus de l'animal que le sel, arrivé dans les appendices, avait emprunté oxygène nécessaire pour le transformer en bleu de Prusse. Ainsi l'observation pure et l'expérience s'accordent pour démon- trer de la façon la plus nette que les appendices latéraux des Branchellions sont de véritables organes de respiration. 2 Nous trouvons toutelois ici une différence remarquable avec ce qu’on rencontre dans toutes les branchies proprement dites. Au lieu de deux systèmes de canaux , l’un afférent , l’autre effé- rent, il n’en existe qu'un seul. C’est, je crois , la première fois que celte disposition s’est offerte aux naturalistes. Toutefois, je crois qu'on peut la considérer comme parfaitement démontrée , puisque l’observation directe et le résultat de l’injection sont ici tout à fait d'accord; d’ailleurs nous allons voir que cette dispo- sition, si exceptionnelle au premier abord, se rattache à des faits déjà connus. 3° En effet, ce n’est pas le sang qui vient respirer dans ces (1) J'attache une certaine valeur à celte expérience, parce qu'elle me paraît pouvoir être répélée avec un égal avantage dans un très gran] nombre de cas, pour constater la part qui revient aux divers organes dans l'accomplissement des phénomènes respiratoires. 312 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS branchies ; à cet égard, il ne peut guère me rester de doutes. Les différences que j'ai observées entre le liquide accumulé dans les cœurs et le liquide qui circule dans les branchies; le fait que l’in- jection poussée dans les vaisseaux sanguins n’a pas pénétré dans les branchies, quoiqu’elle ait rempli les vaisseaux abdominaux d’un moindre calibre placés vis-à-vis, paraissent bien démontrer que les troncs superficiels latéraux et leurs dépendances appar- tiennent à un autre système. D'autre part, l'extrême facilité avec laquelle j'ai rempli ces vaisseaux en poussant l'injection à la base d'une branchie, les communications qui se sont alors montrées avec la cavité générale nous enseignent que ces vaisseaux super- ficiels se rattachent à cette dernière, et que le liquide qui arrive ainsi aux branchies n’est autre chose que le liquide de la cavité générale. Or nous savons que, chez les Annelés à appareil cireu- latoire clos, ce liquide représente à la fois le chyle et la lymphe. Les branchies du Branchellion sont donc de véritables branchies lymphatiques. Dès lors, la structure toute spéciale de ces organes de respi- ralion cesse pour ainsi dire d’être une anomalie. Dans ces appen- dices , le liquide dont nous parlons se meut par un simple mou- vement de va-et-vient, comme il le fait, dans le pied d’une Annélide. Que l’on suppose une portion de celui-ci aplatie en forme de lame; qu’on soude par places les deux faces de cette lame en laissant une seule ouverture pour l'entrée du liquide, et lon aura une branchie de Branchellion. l° Depuis bien des années, j'ai fait connaître le rôle important que joue, dans la physiologie des animaux invertébrés, le liquide de la cavité générale (1). J'ai, entre autres, insisté à diverses re- (1) Dans un travail qui a déja motivé de ma part quelques réclamations, M. Williams, tout en reconnaissant que j'avais su voir la cavité générale du corps des Annélides et le liquide qu’elle renferme, me reproche de ne pas m'être occupé des fonctions de l’un et de l’autre, et s’attribue lout le mérite de cette recherche. (Report of the twenty first meeting of the British association for the advancement of science, 1852.) M. Williams oublie que dès 1843 j'avais signalé la cavité générale du corps comme le lieu où se développent les œufs et les spermatozoïdes (Comptes ren- ee (jte ue A en + 2 2, So DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS, 313 prises sur {a r'espiralion de celiquide. Les faits que j'avais observés chez les Mollusques et chez les Annelés inférieurs, aussi bien que chez les Annélides les plus élevées en organisation , ne m’avaient laissé aucun doute sur la réalité de cette respiration (1). L’exis- dus, t. XVII); qu'en 4846 j'avais publié une Note sur le sang et le liquide de la cavité générale du corps des Annélides, note dans laquelle j'insistais sur les analogies de fonctions que présentent ces deux liquides (Ann. des sc. nal., 3° sér., t. V); qu'en 1849, j'étais revenu sur ce sujet à propos des Aphlébines et des Siponcles (/nstitut, n° 816); qu'en 4850 j'avais publié un Mémoire développé et tout spécial sur la cavité générale du corps des Invertébrés , et sur les fonc- tions du liquide qui la remplit (Ann. des sc. nat., 3° sér., t. XIV); enfin, que dans toutes les monographies que j'ai publiées pendant l'espace de dix ans, la cavilé générale du corps et le liquide qu'eile renferme ont été l'objet d'un examen attentif autant sous le rapport physiologique qu'au point de vue anatomique (Ann. des sc. nat., depuis 4841 jusqu'à 4854). Il est vrai que M. Williams paraît ne pas avoir eu connaissance de ces mono- graphies. Par exemple. il ne cite, à propos de mes recherches sur les Némer- tiens, qu'une plarche faisant partie de l’atlas du ARègne animal illustré, Il passe complétement sous silence le mémoire de plus de cent pages, accompagné de sept planches, qui a paru dans ces Annales (Ann. des sc. nat., 3° sér., t. VI, p. 173 à 304, pl. 7 à 14), quoique ce travail soit antérieur de cinq ans à son Rapport. Cet oubli explique comment il m'a prêté des opinions diamétralement opposées à celles que j'avais professées, et comment 1! m'adresse des criliques au moment même où il ne fait que me répéter. Je ne suis pas, au reste, le seul naturaliste qui ait quelque peu à se plaindre de l'érudition du savant anglais ; en voici la preuve. M. Williams affirme que M. Milne Edwards est le seul naturaliste qui se soil occupé du développement des Annelida, Will. (Annélides, Hirudinées , Némer- tiens, Planaires…) : « Milne Edwards is the only observer who has contributed » Lo this branch of comparative physiology. » (Report, p. 266.) M. Williams oublie les recherches de Weber, qui datent de 1828, et qui sont consignées jusque dans les ouvrages élémentaires; il a oublié toutes celles qu'ont publiées depuis Filippi, Lœæven, Saars, Kælliker, Koch, Grube, Ærsted, Menge, Frey, Focke, Leuckart, Desor, Siebold , Quatrefages, etc... — Je ne cite ici volontairement que des travaux imprimés jusqu'en 4848, et par conséquent antérieurs de trois ans environ à la lecture du travail de M. Williams. Tout ce Report est fait, du reste, à peu près avec la même exactitude et la même connais- sance de l'état actuel de la science. Les naturalistes que M. Williams se croit obligé de traiter with unmeasured strength of language , quand ils ne partagent pas ses opinions, pourraient, on le voit, prendre assez justement leur revanche. {4} Vovez, entre autres, mes recherches sur les Mollusques phlébentérés, et äl4 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS tence chez le Branchellion d'organes spéciaux pour l’accomplis- sement de cette fonction fera, j'espère, partager à la plupart des naturalistes mes convictions sur ce point. 5° Dans le Branchellion, la cavité générale du corps est, comme nons l'avons vu, représentée par un ensemble de canaux. J’ai vainement cherché autour de ceux de ces canaux qui sont placés dans l’intérieur du corps des parois qui leur appartinssent. Là le liquide se mouvait dans les intervalles laissés par les organes, et par conséquent dans des lacunes; mais il n’en est pas de même pour les canaux superliciels, qui font communiquer entre elles toutes les branchies. Ici l’existence des parois propres ne saurait être méconnue. On retrouve ces parois jusque dans leurs ra- Meaux, au moins àl’entrée de ceux-ci dans les branchies. 11 en est de même des deux petits canaux obliques et en ligne droite que j'ai injectés, et qui bien probablement appartiennent au même système. Ainsi à la cavité générale, représentée par des lacunes, se raltache un appareil vasculaire recevant le liquide de cette cavilé, en d’autres termes rempli, comme l’est chez nous le canal thoracique, par un mélange de chyle et de lymphe. C’est done un syslème vasculaire lymphatique. C’est la première fois qu’on rencontre chez un Invertébré un appareil de cetle nalure ; aussi se montre-t:il ici à l'état rudimen- taire, et il n’est pas sans intérêt de remarquer que cet appareil procède dans sa constitution exactement comme l’appareil vascu- laire sanguin. Chez les Mollusques , chez les Crustacés, etc., où la cavité générale recoit non seulement le chyle et la lymphe, mais encore le sang lui-même, il existe aussi un système de vais- seaux à parois propres en communication avec celte cavité. La circulation sanguine, chez ces Invertébrés à cercle circulatoire incomplet, est comme la circulation lymphatique chez le Bran- chellion semi-lacuneuse et semi-vasculaire. 6° J'aurais bien vivement désiré reconnaitre d’une manière certaine les rapports de cet appareil lymphatique rudimentaire les monographies que j'ai consacrées à l'étude des Né nertiens et des Hermel- liens, DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 315 avec le système vasculaire sanguin. Il est certain qu'il doit exister entre eux des communications faciles ; il est très probable que ces communications ont lieu à la partie antérieure du corps, et par l'intermédiaire des vaisseaux latéraux. En effet, l'injection poussée dans la cavité générale s'était faite, comme je l’ai dit, sous une pression très faible; elle avait été obtenue en agissant d'arrière en avant. Or j'ai trouvé en disséquant l'animal que, jusque vers le tiers antérieur du corps, les vaisseaux sanguins latéraux étaient pleins, ainsi que les cœurs correspondants. Plus en arrière, les vaisseaux étaient injectés, mais les cœurs ne l’étaient pas toujours. On remarquera que cette disposition anatomique s'accorderait parfaitement avec la détermination que j'ai donnée plus haut du cours du sang. En effet, il en résulterait qu'avant de se mêler au sang, le liquide de la cavité générale viendrait respirer dans les branchies, qu'il serait porté ensuite dans les vaisseaux latéraux, lesquels le chasseraient dans les vaisseaux intermédiaires à laide des cœurs. Le mélange des deux liquides , la répartition égale des nouveaux matériaux de nutrition serait ainsi aussi bien assurée que possible. 7° L'appareil qui nous occupe a complétement échappé à M. Moquin-Tandon. Ce naturaliste dit bien avoir cru recon- naître l'existence de deux vaisseaux latéraux, dont à ce compte Fun aurait pu être notre tronc lymphatique ; mais il est évident que ses paroles ne sauraient s'appliquer à des troncs vascu- laires superficiels placés immédiatement au-dessous des Légu- ments, et il est même difficile de comprendre ce que seraient ces deux vaisseaux qui partiraient de la ventouse anale, et arri- vés aux premières lames branchiales , feraient un crochet, et re- viendraient sur eux-mêmes. M. Leydig a vu le réseau vasculaire des appendices cutanés ; il a vu un liquide circuler dans ce réseau; mais pour lui, ce li- quide est le sang, et il croit qu’il y est apporté par une espèce de trame de vaisseaux anastomosés partant du vaisseau ou sinus abdominal (4). Du reste, M. Leydig, sans doute moins bien (4) Loc. cit., pl. 9, fig. 4. 516 A. DE QUATREFAGES. — !YPÉS INFÉRIEURS servi que moi par les circonstances, n’a vu ni les lacunes de la cavité générale, ni celle de la base des branchies, ni surtout les troncs lymphatiques superficiels. 11 est donc évident qu'il devait se tromper sur la manière dont le liquide arrivait au réseau des appendices cutanés , et un coup d’æil jeté sur la figure qu'il a donnée de ces parties suffit pour reconnaître que cet observateur a pris pour des vaisseaux les brides musculaires ou fibreuses qui retiennent en place le cœur et le tronc qui rattache celui-ci au vaisseau sanguin latéral. Au reste, tous les détails que je viens de donner ont été vérifiés sur place soit par M. Valenciennes, qu’une mission le long de nos côtes amena à La Rochelle, pendant que je m'occupais de ce travail; soit par M. Garreau, chirurgien en chef de l'hôpital militaire, et par M. le docteur Sauvé, pour qui ils avaient un intérêt particulier, comme se rattachant à l’histoire des Sangsues, dont il s'occupe depuis plusieurs années. Les préparations que j'avais faites sur le frais ont été apportées à Paris , et soigneu- sement revues, lorsque j'ai eu connaissance du travail de M. Ley- dig. Enfin, quoique altérées par leur séjour dans la liqueur, elles me permettraient encore aujourd’hui de démontrer les trois faits essentiels, et qui entraînent pour ainsi dire tous les autres, savoir : 1° la non-communication des vaisseaux abdominaux avec les branchies ; 2° l'existence du vaisseau lymphatique sous-cutané ; 3° la naissance sur ce vaisseau des troncs qui se portent aux branchies, $ VII. Système nerveux. — Considéré dans son ensemble, le système nerveux du Branchellion présente des dispositions ana- logues à ce qui existe chez les autres Bdelles, mais il se distingue toutefois par des particularités remarquables. 1° Toutes les masses nerveuses centrales, au lieu de former chacune un tout unique, distinct, comme on le voit dans la Sang- sue, par exemple, sont décomposées en un certain nombre de gan- glions élémentaires ayant chacun leur enveloppe fibreuse propre, el seulement réunis dans une enveloppe commune, Leydig avait, du reste, déjà reconnu ce fait curieux. J'ai vu très distincle- ment des tubes nerveux primilifs sortir par faisceaux de ces gan- DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 317 glions élémentaires, et se réunir pour former les conneclifs, les commissures et les nerfs. 2% Le cerveau (1) se compose de deux lobes latéraux sé- parés par une bandelefte, ou mieux une commissure étroite et très mince. Chacun des lobes est formé par quatre gan- glions élémentaires (2). C’est du bord interne de ces lobes que part le nerf unique, fourni par le cerveau à la ventouse anté- rieure. L’extrême petitesse des parties m'a empêché de voir bien nettement la disposition du système nerveux viscéral. Tout ce que je puis affirmer, c’esl qu’il existe ici comme chez les autres Bdelles que j'ai étudiées, et qu’il paraît ressembler par sa dispo- sition à celui des Albiones que je décrirai ailleurs. 3° Les connectifs du cerveau, déjà si courts dans les Bdelles d’eau douce , disparaissent complétement dans le Branchellion, ou, pour parler plusexactement, ne sont plus reconnaissables que par la place qu’occupe le nerf qui en part pour se porter à la ventouse (3). k° Le premier ganglion abdominal résulte évidemment de la fusion de deux au moins de ces centres nerveux. Sa forme est triangulaire. Sa inasse est considérable , et son bord antérieur remonte jusqu'au- dessous du cerveau (4). Il est formé par la réunion de seize paires de ganglions élémen- taires. On trouve à la face inférieure une paire de ganglions allongés et fusiformes (5). Sur chacun des côtés, six paires de ganglions sphériques faisant une saillie très prononcée donnent à cette portion de la masse l’aspect d’un double chapelet (6). Enfin, en arrière et en dessus, on voit deux paires de ganglions également sphériques et saillants placés en (4) PI 7, fig. 6; elfig. au. (2) PI. 7, fig. 5et 6. (3) PL 7, fig. 5 b. (4) PI.7, fig. 5debenc. (5) PI. 7, fig. 5 (6) PI. 7, fig. 6aa. La position oblique des parties permet de voir ici la doable 1h chaine des ganglions. 318 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS carré (1), et une autre paire de ganglions plus petits, allongés, et qui s’effilent en arrière (2). Je n’ai vu sorlir de cette première masse ganglionnaire abdo- minale que deux troncs nerveux qui se portent dans le voisinage de la ventouse. 5° Les ganglions qui suivent celui que je viens de décrire sont généralement quadrilatères, ou plus ou moins arrondis et très volumineux , relativement aux connectifs qui les unissent (3). Leydig pense que chacun d’eux est composé de six ganglions élémentaires. J’ai cru trouver sur quelques uns seulement quatre de ces éléments ; mais peut-être le séjour dans la liqueur avait-il déjà altéré et masqué des détails aussi délicats. Le premier et le second ganglion de la chaîne sont très rapprochés (4). Il en est de même des quatrième, cinquième et sixième, qui correspondent aux organes génitaux mâles (5). Les autres sont assez régulière- ment espacés jusqu'au dix-neuvième , qui est très rapproché du vinglième (6. Celui-ci et les deux suivants sont soudés , et for- ment une masse naviculaire mamelonnée(7). Cette masse se relie par une bandelette très mince, et non pas par des connectifs distincts au ganglion anal (8). Ce dernier est lui-même composé d’une série de pelites masses distinctes, qui ne sont autre chse que les ganglions élémentaires , plus isolés encore qu’à l’anneau æsophagien (9). G° Nous avons vu que le premier ganglion faisant partie du collier œsophagien fournit deux paires de nerfs, qui se rendent (1) PL 7 6. 5. (2) PL 7, fig. 5. (3) PL. 7, fig. Bet 6. (4) PL 7, fig. 5 et 6 (5) PL 6, fig. 5. (6) PL 8, fig. 3 (7) PL. 8, fig. 3 b, c, d. Je donne ici de cette masse nerveuse la détermination qui m'a paru la plus probable ; cependant , comme je n'ai pu distinguer bien nettement que deux paires de nerfs, il serait possible qu'elle fût formée par la fusion de deux ganglions seulement. (S) PL. 8, 6g. 3e. (9) PL. 8, fig. 3. DE L'EMBR\NCHEMENT DES ANNELÉS. 319 à la ventouse antérieure. Le dernier ganglion en fournit sept et peut-être huit paires , qui se portent en rayonnant à la ventouse postérieure. La masse résultant de la fusion des trois avant-der- niers ganglions fournit trois paires de nerfs, qui se distribuent aux anneaux postérieurs du corps. Les ganglions intermédiaires ne donnent qu’une seule paire de nerfs (1). Du moins, je n’ai pu ici, comme chez l’Albione, con- stater la division réelle du tronc unique qui sort de chaque côté ; mais à peu de distance de son origine, ce tronc se bifurque. La branche antérieure fournit bientôt un rameau qui se recourbe en arrière, et se porte aux plans musculaires abdominaux (2). Un second rameau placé en avant a la même destination (3). Puis la branche dont il s’agit atteint la première bandelette musculaire abdominale , se renfle en un ganglion allongé proportionnelle- ment assez fort, et se distribue en entier dans cette bandelette, La branche postérieure du nerf est sensiblement plus forte que la précédente. Elle porte un ganglion arrondi, d’où partent deux grosses branches (4). L'une se porte en avant, et, arrivée entre les deux bandeleltes musculaires abdominales, elle se renfle en ganglion allongé, et se distribue à ces deux bandelettes (5) ; l’autre passe entre les boursouflures de l'intestin, et atteint la face dorsale où elle pénètre dans les bandelettes musculaires (6). Observalions. — 1° Avec quelque attention que j'aie examiné mes Branchellions, il m'a été impossible, aussi bien qu’à Leydig, de découvrir sur la ventouse antérieure les yeux dont parle Savi- gny. Je pense que cet habile observateur aura pris pour des organes de vision rudimentaires quelques uns desilots de pigment isolés qui bordent la ventouse. 2 M. Leydig et M Moquin-Tandon ne se sont préoccupés l’un et l’autre que des centres nerveux. Le premier ne dit rien du nombre (1) PL 8, fig. # (2) PL 8,fg. be (3) PL 8, fig 4 d. (4) PL 8, fig 49 (5) Pi. 8, fig. 4 À (6) PL 8, fig. 45 220 A. DE QUATREFAGES. — T\PES INFÉRIEURS des ganglions abdominaux ; le second n'en compte que vingt et un, encore regarde-t-il comme autant de ganglions distincts trois des masses élémentaires qui appartiennent au ganglion anal. En revanche, il ne compte pas le premier. Chez le Branchellion comme chez les autres Bdelles, il désigne sous le nom commun de collier æsophagien, et sans y distinguer aucune partie, le cér- veau, les connectifs du cerveau, et le premier ganglion sous- œæsophagien. Peu d’anatomistes adopteront, je pense, cette ma- nière de voir. TROISIÈME PARTIE, CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, — CLASSIFICATION. 4° L'étude du Branchellion me semble une des plus propres à démontrer une fois de plus ce qu'il y a d’erroné dans l'opinion des naturalistes qui veulent que la forme extérieure traduise constamment d’une manière exacte l’organisation intérieure. Sans doute, entre ces deux lermes il y a des relations néces- saires, Mais dans quelles limites sont renfermées les variations organiques compatibles avec le maintien de ces relations? C'est ce que la science n’a pu encore fixer. Seulement nous pouvons déjà affirmer que ces limites sont beaucoup plus étendues que ne le croyaient nos devanciers, ceux-là même qui admettaient le plus franchement la nécessité des investigations anatomiques. Toutes les fois que nous voudrons juger avec quelque certitude des rapports zoologiques d'un animal, il faudra donc en faire une étude complète : car l’examen extérieur seul pourrait nous conduire à d’étranges erreurs, surtout lorsqu'il s’agit d’un ani- mal inférieur, Dans le Branchellion, par exemple, la division du corps en deux régions, si nettement tranchée à l'extérieur, ne devait-elle pas faire supposer qu’on trouverait intérieurement quelque chose d’analogue ? ne devait-elle pas, entre autres, faire présumer que le système nerveux et l'appareil digestif présenteraient dans ces deux régions des différences sensibles? et pourtant nous avons vu qu'il n’en est rien, Bien plus, ces deux appareils, quant à leur DE L'EMBRANCIEMENT DES ANNELÉS, 321 disposition générale , restent exactement semblables à ce qu’on trouve chez les Bdelles les plus ordinaires, et c’est dans la struc- ture intime qu'il faut aller chercher des particularités vraiment exceptionnelles. Le jugement par l'extérieur devait aussi conduire, comme il l’a fait, à deux appréciations également inexactes de la nature des appendices foliacés. Les naturalistes, qui attachent aux caractères une valeur exagérée, quelque naturels qu’ils soient, devaient reculer à l’idée de trouver une Sangsue à branchies. Cuvier lui-même devait ici être égaré par son principe des carac- tères dominateurs, et par ses idées relatives aux relations néces- saires entre la fonction et l'appareil. A plus forte raison, devait- il en être ainsi de disciples qui exagèrent toujours les défauts du maître. Sur ce point, Blainville devait plus encore que Cuvier se tromper par suite des idées générales qu'il professait ; aussi se trouve-t-il ici d'accord avec le grand homme qu'il combattit si habituellement. Savigny, esprit moins dogmatique, s’est laissé aller davantage aux apparences, et il a regardé ces appendices comme des branchies sanguines. J'ai montré plus haut que ces organes étaient réellement des branchies lymphatiques, et, malgré le désaccord qui existe sur ce point essentiel entre M. Leydig et moi, j'espère que le lecteur me donnera gain de cause, s’il veut bien suivre attentivement l’ensemble d'observations et d’expé- riences qui m'ont conduit à cette conclusion. Or il est aisé de remarquer que rien dans l'extérieur du Branchellion ne pouvait faire supposer l'existence de cette particularité si curieuse. Au- jourd’hui encore que nous la connaissons , il serait évidemment impossible de déterminer le caractère qui pourrait être regardé comme en étant la traduction extérieure, 2% Je rappellerai l’attention des naturalistes sur cet ensemble de cavilés, de canaux lacunaires et de vaisseaux proprement dits, qui représentent ici la cavité générale et ses dépendances. 11 me semble difficile de ne pas y voir un système lymphatique rudi- mentaire , et il n’en est que plus remarquable de voir cet appa- reil commencer comme l'appareil vasculaire sanguin. Tous deux sont d'abord remplacés par la cavité générale ; tous deux, quand 3° série, Zoo. T, XVIIT, (Cahier n° 6.) 1 21 329 A. DE QUATREFAGES, — TYPES INFÉRIEURS ils commencent à paraître, sont des dépendances de cette cavité ; tous deux sont alors composés en partie de lacunes , et en partie de vaisseaux proprement dits. Il est bien probable que dans cet état d’imperfection, la distinc- tion entre l’appareil lymphatique et l’appareil vasculaire sanguin est loin d'être aussi complète qu’elle l’est chez l'Homme, et que les communications doivent étre plus larges et plus faciles. Aussi, malgré les résultats de mes injections, ne serais-je nulle- ment surpris si l’on réussissait à faire passer le liquide des uns dans les autres en injectant en sens inverse. Je ne verrais pas là un argument à opposer à la détermination que j'ai donnée. Dans les Poissons cartilagineux, l'appareil lymphatique renferme aussi accidentellement des globules sanguins ; c’est là un fait que j'ai constaté, et je crois me rappeler qu’il a été observé par d’autres naturalistes. L'absence ou la faiblesse des valvules explique facilement cette particularité, qui doit se reproduire à plus forte raison chez des animaux dont l’appareil lymphatique est encore plus imparfait. Or, parmi ces derniers, on devra, je crois, compter non pas seulement le Branchellion, mais encore les Bdelles ordinaires et les Sangsues elles-mêmes. Les admirables injections de M. Gratiolet, injections que cet habile anatomiste à bien voulu me communiquer, démontrent chez ces dernières une richesse vasculaire, qui rappelle parfois les résultats de Ruysch. On voitentre autrestrès nettement que la masse injectée a pénétré dans ces corps glandulaires, désignés sous le nom de tissu hépa- tique, et qui se montrent ici comme des vaisseaux. Mais leur structure exceptionnelle permet-elle de les regarder comme de simples vaisseaux sanguins ordinaires? je ne le pense pas. Peut- être est-il permis de supposer qu'ils se rattachent à un système lymphatique, dont je crois d’ailleurs avoir reconnu les origines , et sur lequel je reviendrai dans un travail spécial. 3° J'ai indiqué plus haut pourquoi je crois devoir substituer le mot pli au mot anneau, employé par presque tous les naturalistes dans la description des Bdelles. Je crois devoir revenir en quel- ques mots sur ce sujet. Les Bdelles appartiennent à un sous-type fort mal choisi pour se DE L'ÉMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 323 faire des animaux annelés uneidée un peu philosophique. Sous bien des rapports, elles s'écartent du type virtuel, entre autres sous celui de la répétition de certaines parties. En outre, par suite de l’absence générale des appendices , elles manquent du caractère le plus saillant propre à déterminer l'anneau ou, si l’on veut, la zoonile (4). Il faut donc emprunter à d’autres groupes les élé- ments de cette détermination. Les Annélides, et surtout les Anné- lides errantes, réalisent presque complétement le type virtuel des Anvelés ; c’est donc à elles qu’il faudra s'adresser pour cette dé- termination. Or, chez ces Annélides, il ne peut y avoir de doute sur ce qu'il faut entendre par anneau. À l'extérieur , il est limité par deux étranglements parfois très profonds , et dans lesquels les tégu- ments sont modifiés. Toujours, en outre, il se montre pourvu d’une paire d’appendices. A l’intérieur, chaque anneau renferme un ganglion nerveux, une poche digestive, une paire de cœurs et une paire d'organes reproducteurs , quand ces deux derniers ordres d'organes sont distincis. À chaque segment du corps, on retrouve toutes ces parties dans le même ordre , et se succédant dans le sens longitudinal ; c’est bien là le type, auquel on a cher- ché à ramener l’anneau chez les Insectes, les Crustacés, etc. Mais ces anneaux des Annélides, pour peu qu'ils soient larges, sont sous-divisés superficiellement par des plis transversaux , et, comme l'étendue des anneaux estsensiblement égale, ces plis pré- sentent aussi une certaine régularité. Seulement ils s’effacent aisément en avant et en arrière , alors même que l’anneau reste encore distinct à l'extérieur. N’est-il pas évident que ces plis sont les vérilables analogues des prétendus anneaux des Sangsues ? seulement ils sont plus prononcés chez ces dernières. En outre, la structure uniforme des téguments, surtout l’absence presque constante des appendices , et leur multiplicité chez le Branchel- lion, expliquent pourquoi les plis qui bornent les anneaux ne sont pas plus marqués que ceux qui ne correspondent à aucune division organique réelle. 4° Par leurs caractères extérieurs seuls, les Branchellions s'écar- (4) Ces deux mots sont employés partout ailleurs cornme synonymes. 32 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS tent de toutes les autres Bdelles. Le rôle d'organes respiratoires dévolu aux appendices foliacés les éloigne également de presque tous les Annelés appartenant à la grande division des Vers mo- noïques ; enfin l’existence d'organes spéciaux, destinés à la respi- ration de la lymphe et du chyle, en font des animaux jusqu'ici exceptionnels. Cependant on les a généralement confondus avec les autres Bdelles. Cuvier et Blainville n’en font qu’un genre, bien que ce dernier surtout , en adoptant cette classification , ait eu à laisser de côté les principes le plus fréquemment invoqués par lui. M. Moquin-Tandon les réunit aux Albiones, sur celte seule considération que la ventouse orale est unilobée dans les deux genres. M. Grübe seul, dans un tableau lithographié joint à son ouvrage, paraît vouloir en former un groupe particulier ‘sous le nom de Branchiobdellia (1). 11 me semble que les différences qui existent entre les Bran- chellions et les autres Bdelles sont loin d’être ainsi suffisamment exprimées dans la nomenclature. A prendre au pied de la lettre quelques uns des principes professés par les maîtres de la science, on devrait faire de ces animaux une classe à part; mais ce serait là une exagération en sens opposé. Si les Branchellions se distin- guent si nettement de leurs voisins par les caractères que nous avons indiqués, sous tous les autres rapportsils sont de véritables Bdelles. Nous avons donc à traduire dans la nomenclature ces deux faits, et l’on satisfera, ce me semble, à toutes les exigences en partageant la classe des Bdelles en deux sous-classes , les B. branchifères et les B. abranches. La première division devra comprendre non seulement les Branchellions, mais encore l'Hi- rudo branchiata de Menzies (2) ; car la seule raison invoquée par (1) Di Familien der Anneliden , 851. Dans le texte les Bdelles ne forment qu'une famille ( Hirudinea), et les Branchellions sont réunis aux Pontobdelles ou Albiones, dans un premier groupe. (2) Trans. of Lin. Soc., t. 1, p. 488, pl. 47, fig, 3. Voici la phrase descrip- tive donnée par l'auteur, qui ajoute fort peu de chose dans sa description : H. depressa, attenuata, albida ; setis lateralibus ramosis utrinque 7 ; interaneis fuscis bifidis, perlucentibus. (Description of three new animals found in the Pacific Ocean, by Archibald Menzies.) Blainville a traduit littéralement le mot setis, et altribue des soies à celte DE L'EMBRANCUEMENT DES ANNÉLÉS. 925 les divers auteurs pour éloigner cet animal des Sangsues , c’est l'existence de branchies, et nous savons aujourd’hui que ce n’est pas là un motif pour agir comme ils l’ont fait; seulement on devra faire de ce Ver un genre particulier, pour lequel je pro- poserai le nom d’Ozobranche (Ozobranchus, Nob.) (1). EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 6. Fig. 1. Branchellion de d'Orbigny ( B. Orbiniensis, Nob.), de grandeur natu- relle. Fig. 2. Portion antérieure du corps. — a, ventouse antérieure. — b, couches té- gumentaires du cou : on y distingue les fibres du plan musculaire sous-cutané interne. — b, espèce de raphé où viennent aboutir les bandelettes musculai- res ef, et qui correspond à la portion du cou rétraclile sous les premiers an- neaux du corps.— dd, plan musculaire sous-cutané interne donnant naissance aux bandelettes. — ee, bandelettes musculaires de la face dorsale faisant saillie à l'intérieur. — ff, bandelettes musculaires de la face abdominale. — 4 g, glandes mucipares qui remplissent toute la cavité du corps, et qui ont été enlevées partout ailleurs pour laisser voir les autres organes. — k, œsophage renfermant la trompe. — i, première poche stomacale. — kk, épididymes.— L1, testicules : on n'en a mis à découvert que trois du côté gauche. — m, vé- sicules séminales.— n, organe reproducteur femelle.—0, cerveau.—p, chaîne ganglionnaire abdominale. Fig. 3. Trompe et parties voisines. — a, œsophage à lravers les parois duquel on aperçoit la trompe b. —cc, glandes salivaires dont les canaux excréteurs s'ouvrent à la base de la trompe, — d, première poche stomacale, — ee, pa- quets de glandes mucipares. — f, une de ces glandes dont le canal excréteur traverse les couches tégumentaires et sous-cultanées. — 4g, l'ensemble de ces couches. Fig. 4. Terminaison du lube digestif. Fig. 5. Organes génitaux du Branchellion vus en dessus. — a a, deux des cinq paires de testicules, —- bb, canal excréteur commun. — ce, épididymes. — d d, canal déférent. — ff, vésicules séminales et prostate cachant la poche de Bdelle. Mais en lisant la description et en consultant les figures, on voit qu'il s'agit bien réellement de branchies, dont le tronc se partage en (rois rameaux bifides. La forme de l'intestin indiquée par l’auteur pourrait faire regarder cette espèce comme étant, parmi les Bdelles branchifères, le terme correspondant des Clepsines. (1) De 2; rameau, et Goyyer, branchie. 326 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS la verge, et terminées par deux forts muscles recourbés.— gg, ligaments.— hh, ovaires. — ii, canaux étroits représentant les oviductes. — k#, renfle- ments représentant l'utérus. — /, point où se réunissent les deux organes fe- melles avant de déboucher au dehors par une ouverture unique.—mn, chaîne ganglionnaire abdominale : les trois ganglions très rapprochés qui correspon- dent aux vésicules séminales sont les quatrième, cinquième et sixième. Fig. 6. Structure de l'ovaire, 155 diamètres.— aa, parois fibreuses de l'ovaire. —b, crypte rempli d'un liquide incolore où nagent des globules et qui s'ouvre dans l'intérieur de l'ovaire. Fig. 7. OEuf pris dans l'ovaire, 250 diamètres.-—a, albumen et son enveloppe. — b, vitellus.— ce, vésicule de Purkinje. Fig. 8. Testicule, 25 diamètres, — aa, ses parois fibreuses. — b, canal excré- teur très étroit. — ce, pigment lâche qui recouvre les parois. — dd, masses spermatiques. Fig. 9,40, 141, 12, 13. Masses spermatiques à divers degrés de développement , 255 diamètres. Fig. 14. Organes génitaux de l'Albione. — aa, testicules semblables aux épidi- dymes de la plupart des Bdelles. — bb, canaux déférents. — ce, vésicules séminales et prostales. — dd, ovaires. —ee, oviductes. — ff, utérus. — gh, chaîne ganglionnaire. PLANCHE 7. Fig. A. Coupe transversale d'un anneau faitede manière à montrer les parties corres- pondantes aux trois plis.— a a, téguments colorés par le pigment.—b b, couche musculaire à fibres transversales ou mieux circulaires.— cc, couche musculaire à fibres longitudinales, et bandelettes musculaires à fibres également longi- tudinales, qui font une forte saillie à l'intérieur du corps.— dd, glandes mu- cipares remplissant presque tout le corps. — ee, lacunes autour de l'intestin donnant naissance au réseau ff, et communiquant avec la cavité placée à la base des branchies du premier pli.— g, cette cavité. — h, communication de cette cavité avec le tronc vasculaire lymphatique latéral et superficiel.— 41, ce tronc vasculaire lymphatique qui ne communique avec les lacunes que dans le premier pli. — kk, rameau lymphatique branchial jouant le rôle de vaisseau afférent et de vaisseau efférent. — !, vaisseau sanguin dorsal — m, branche de communication avec le vaisseau latéral : cette communication n'existe que dans le premier pli. — n, vaisseau sanguin abdominal, — 0 0, les deux vais- seaux sanguins latéraux donnant, dans le premier pli seulement, une branche externe qui pénètre dans la cavité placée à la base de la branchie, et se renfle pour former le cœur.— 3, le cœur.—p, la poche intestinale de l'anneau con- servée entière, montrant à la surface le réseau formé par les lacunes : au mi- lieu, la coupe de l'étranglement qui la réunit à la poche stomacale suivante : à droite et en avant, les deux grands renflements correspondants au premier DE L'EMBRANCHEMENT DÉS ANNELÉS. 327 pli. — q, coupe de la chaine ganglionnaire abdominale. Je n'ai pu figurer le vaisseau qui l'enveloppe, et qui est bien distinct du tronc n.— 4, branchie du premier pli. — B, branchie du second pli. Fig. 2. Coupe horizontale d'un anneau vue en dessus (1). — au, premier pli sail- lant de l'anneau. — bb, second pli. — ce, troisième pli. — dd, glandes mu- cipares remplissant presque toute la cavité du corps. —ee, bandes museu- laires allant de la face ventrale à la face dorsale, et représentant les cloisons interannulaires des autres Annelés. — ff, vaisseau sanguin dorsal. — gg, ses branches de communication avec les vaisseaux latéraux.—hh, vaisseaux laté- raux donnant au premier pli de chaque anneau une branche qui pénètre dans la cavité placée à la base de la branchie et forme le cœur. — ii, cœurs. Fig. 3. Cœur très grossi (2). — a, portion de la branche vasculaire qui vient du vaisseau latéral. — b, le cœur, dont les fibres s'entrecroisent et se continuent en partie avec celles de la branche vasculaire, — ccc, lacis fbro-musculaire très lâche, qui fixe le cœur dans la cavité où il est placé. Je n'ai pu figurer les gros faisceaux longitudinaux qui s'attachent solidement en avant et en arrière. Fig. 4. Branchie du premier pli d'un anneau vue extérieurement. — a a, la bran- chie proprement dite. — b, renflement hémisphérique qui porte la branchie, — c. le cœur qu'on aperçoit en partie par transparence. Fig. 5. Extrémilé antérieure du système nerveux. — au, ganglions qui corres- pondent au cerveau : les deux lobes de cet organe sont réunis par une com- missure. — bb, connectifs du cerveau à peine marqués. — ce, extrémité pos- térieure de la masse qui représente le premier ganglion dans les autres Bdelles ( ces déterminations sont justifiées par les origines des nerfs). — dd, second ganglion de la chaîne ventrale, Fig. 6. Rapports du collier æsophagien avec le vaisseau abdominal et l'œsophage. — «a, collier œsophagien formé par le cerveau, ses conneclifs et le premier ganglion. — b, vaisseau abdominal placé immédiatement au-dessus de la chaîne nerveuse, — c, branche médiane vue par transparence à travers l'æsophage d. PLANCHE 8. Fig. 1. Epiderme, 385 diametres. ; Fig. 2. Derme pris à la base d'une branchie, 255 diamètres.— a a, lames et fibres qui circonscrivent des aréoles remplies d'une substance transparente granu- leuse, — bb, pigment. — c, glande mucipare avec son canal excréteur. Fig. 3. Derniers ganglions de la chaine ventrale. — a, dix-neuvième ganglion. — b, vingtième ganglion. —c, vingt et unième ganglion. — d, vingt-deuxième ganglion. — €, vingt troisième ganglion. Tous les nerfs qui partent de cette (1) Le graveur a renversé cette figure. La direction de la flèche indique cette erreur. (2) La srosseur des fibres a été exagérée à dessein pour qu'on pôt mieux juger de leur disposition. 228 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS espéce de masse lobée vont à la ventouse, et, par conséquent, la masse entière représente le dernier ganglion des Bdelles ordinaires, Fig. 4, Un des ganglions du corps (A).—a, le ganglion.—b b, ses connectifs anté- rieur et postérieur.— c, tronc nerveux unique qui en sort. —de, rameau de la branche antérieure qui vient aux plans musculaires sous-culanés.— f, gan- glion de renforcement et branches qui en partent pour se distribuer à la pre- mière bande musculaire abdominale. — g, ganglion de renforcement apparte- nantau tronc lui-même.—h, ganglion et nerfs de la première et seconde bande musculaire abdominale. —, grosse branche postérieure qui se porte à la face dorsale. Fig. 5. Portion de branchie d'après l'animal vivant, 300 diamètres. — aa, prin- cipales branches vasculaires lymphatiques donnant naissance à un réseau beau- coup plus fin : on voit dans l'intérieur les granulations irrégulières dont les mouvements indiquent ceux du liquide lui-même. — bb, fibres musculaires. — cc, fibres tendineuses.— d, nerf venant former des anses. —ee, pigment. ÉTUDES SUR LES TYPES INFÉRIEURS DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS, PAR M. À. DE QUATREFAGES. NOTE SUR LE SYSTÈME NERVEUX ET SUR QUELQUES AUTRES POINTS DE L'ANATOMIE DES ALBIONES (2)- Dans les deux espèces d’Albiones qui ont fait le sujet de ces observations (3), le corps, quelque tuberculeux qu'il soit, devient (1) L'extrême petitesse des parties et la nature des tissus rendent cette dis- section détaillée très difficile ; il m'a fallu réunir sur une même figure les résul- tats oblenus en disséquant les nerfs des douzième, quatorzième et quinzième ganglions. Au reste, la distribution m'en a paru être exactement la même. (2) Plusieurs auteurs, parmi lesquels je citerai seulement MM. Wagner (Isis, 1834), Moquin-Tandon (Monogr., 1846) et Leydig (Zeitschrift, 1851), se sont occupés de l'anatomie des Albiones. Mais leurs observations sont assez peu com- plètes pour que je puisse espérer que ces notes ajoutent des détails intéressants à nos connaissances sur ce sujet, Le peu d'exemplaires que j'ai eus à ma dispo- siüon et aussi le manque de temps ne m'ont permis d'étudier sérieusement que le système zerveux. (3! Ces observations ont été recueillies sur les deux espèces, À. verrucata el A, muricala, DE L'ÉMBRANCHEMENT DES ANNELÉS, 329 par moments complétement lisse. Parfois alors les lignes plus foncées qui entourent la base des tubercules dessinent de véri- tables aréoles; ces faits me paraissent devoir faire regarder comme douteuses les espèces décrites sous les noms d’4. levis et d'A. areolata. Comme dans les autres Bdelles, on a généralement donné le nom d’anneaux aux plis de la peau. J'ai combattu ailleurs cette dénomination ; je me bornerai à faire remarquer ici que, sur deux individus d'A. verrucata de taille presque égale, j'ai trouvé une différence de trois plis extérieurs, ce qui lenait probablement à des degrés différents de contraction. Dans les deux espèces, les ventouses, tant antérieure que postérieure, sont très netlement séparées du corps, et également circulaires. Je n’ai trouvé aucune trace de dents. Sur ce point, je suis en- tièrement d'accord avec M. Levdig, qui ajoute que l’æœsophage renferme une sorte de trompe, comme chez les Branchellions et les Clepsines. Le tube digestif est beaucoup moins lobé dans les Albiones que dans la plupart des autres Bdelles. Bibiena l’a décrit avec assez de détails ; MM. Moquin-Tandon et Leydig ont confirmé les dé- tails donnés par ce naturaliste. Mais, quoique presque uni à l'extérieur, cet estomac, pour employer l'expression adoptée par ces auteurs, est à l’intérieur bien plus nettement cloisonné qu'ils ne paraissent le croire, La muqueuse qui tapisse toute cette portion du tube digestif est très distincte. Elle est lisse dans la grande poche postérieure et médiane, qui représente les deux grands cœcums des Sang- sues. Elle est plissée d’une manière très élégante, et comme aréolée dans les compartiments antérieurs. Les glandes salivaires sont réellement diffuses. Leur ensemble forme autour de l’œsophage une masse blanche par réflexion. Examinée au microscope, on trouve que cette masse se compose de granulations isolées, ayant au plus 1/3 de millimètre, et com- posées d’une enveloppe sphérique épaisse, dans laquelle nage un liquide chargé de granulations transparentes. Des conduits 330 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS excréteurs, ramifiés et d’une extrême finesse , relient toutes ces granulations, et aboutissent à la base de l’æsophage. Le tissu hépatique présente une structure analogue ; seulement sa couleur est différente. Par réflexion, les granulations sont d’un joli vert ou d’un jaune verdâtre. Au microscope , on trouve que ces granulations sont isolées dans les mailles d’un tissu cellulaire lâche, et en rapport avec des canaux qui, d’après les recherches de M. Gratiolet sur les Sangsues , seraient non pas des canaux excréteurs ordinaires, mais des vaisseaux sanguins. Parmi ces granulations, les unes sont mûres, et ont alors jusqu'à 1/5° de millimètre ; d’autres, plus petites, sont en voie de formation. Les premières sontirrégulièrement opaques, et comme granuleuses à l'intérieur. Il est facile de les rompre par la compression, et l’on voit alors qu’elles se composent d’une enveloppe transparente d'environ 1/200° de millimètre d'épaisseur, renfermant un liquide où flottent des granulations. Parmi celles-ci, il en est d’également transparentes ; ce sont les plus petites, celles qu’on peut regarder comme en voie de formation ou de caractérisation. Les plus grosses ont jusqu’à 1/200° de millimètre, et présentent une teinte d’un jaune verdâtre. La recherche des organes génitaux mdles et des poches de la mucosité m'a laissé des incertitudes sur un point impor- tant. En effet, chez la plupart des Bdelles, on trouve de chaque côté deux séries de poches, dont l’une est formée par les lesticules, l’autre par les poches de la mucosité, considérées encore aujour- d’hui par quelques auteurs comme des organes de respiration. Or, chez les Albiones, on ne lrouve qu’une seule série de poches ou capsules arrondies formées par une membrane assez résistante, et qui doivent nécessairement appartenir à l’appareil sécréteur ou à l'appareil reproducteur. L'examen microscopique du contenu aurait promptement levé toute incertitude , si les individus que j'ai examinés eussent été au temps de la reproduction. Mais dans les dépendances les plus immédiates de l'appareil générateur, je n’ai rien trouvé de carac- téristique, et dès lors l'examen du contenu des poches latérales DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 331 he pouvait me fournir aucune indication ; ce contenu consistait en un liquide incolore et granuleux. Delle Chiaje et M. Moquin-Tandon ont admis que les poches de la mucosité manquent chez les Albiones. Pour eux, les poches latérales des Albiones sont des testicules ; cette opinion me semble peu d’accord avec ce que j'ai vu. Les poches dont il s’agit sont retenues en place par une sorte de repli aponévrotique, qui envoie des prolongements vers la ligne médiane dorsale, et il m’a été impossible, quelque soin que j'aie mis à les isoler, d'en voir partir le canal excréteur commun, figuré par M. Moquin-Tandon comme les reliant entre elles et au reste de l'appareil génital. D'autre part, en disséquant ce dernier, j’ai trouvé un corps comparable à l’épididyme des Bdelles ordinaires (4), mais bien plus développé. En soulevant avec la plus grande précaution son extrémité postérieure, je ne l’ai jamais vu se continuer en un canal quelconque. Je suis done porté à penser que ce corps, bien plus volumineux ici que chez les autres Bdelles, représente à lui seul les testicules et l’épididyme , et que les poches latérales ne sont autre chose que les poches de la mucosité. Quoi qu’il en soit, le corps dont nous parlons est formé de chaque côté par un gros cœcum à parois épaisses et opaques , replié sur lui-même, de manière à former plusieurs circonvolu- tions (2). Il se continue en avant par un canal déférent, court et assez gros (3), qui aboutit de chaque côté à une masse arrondie, représentant une double prostate et les vésicules séminales (h). Ges deux masses se soudent l’une à l’autre sur la ligne médiane, au- dessous de la chaîne ganglionnaire. L'appareil génital femelle se compose de deux ovaires, dans lesquels j'ai trouvé des œufs très peu développés ou plutôt de simples granulations (5) , et de deux oviductes (6) aboutissant à (4) PL. 6, fig 14aa. (2) PL 6, fig. 44. Cel organe est représenté déployé. (3) PL. 6, fig. 14 bb. (4) PL. 6, fig. A4 cc. } (5) PI. 6, fig. 14 d d. Je ne puis , comme semble l'avoir fait Leydig, regar- der ces granulations comme des œufs d'une nature spéciale. (6) PL.6,fig. 14ee. 352 A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS deux utérus distincts, qui se réunissent également sur la ligne médiane (1). Tout cet appareil reproducteur est enveloppé de tous côtés par une membrane propre d’une structure fibreuse, d’un tissu très solide. Le sang des Albiones n’est pas rouge, comme l’admet M. Mo- quin-Tandon ; du moins, dans celles que j'ai disséquées, les plus gros vaisseaux ne m'ont jamais montré qu’un liquide incolore ou à peine verdâtre. Le développement des ventouses dans les Albiones permet d’y distinguer, entre les deux plans de fibres circulaires, auxquelles viennent se mêler des fibres rayonnantes , une couche particu- lière plus épaisse que les précédentes, et composée de fibres per- pendiculaires aux plans précédents (2). Je passe maintenant au système nerveux. Le cerveau des Albiones est composé de deux petits lobes laté- raux, fort peu bombés en dessus, plats en dessous, et réunis sur la ligne médiane par une courte commissure très mince (3). Ce cerveau donne naissance à une seule paire de nerfs (4), qui lon- gent d’abord la face interne de Ja couche musculaire supérieure jusque vers le milieu de la ventouse (5), puis traversent celle couche, se bifurquent, et atteignent de leurs derniers filets les bords de la ventouse (6). Les connectifs du cerveau (7) sont à peine indiqués par une légère dépression. Ils donnent néanmoins naissance à une paire de nerfs. Ceux-ci suivent d’abord la même route que les précé- dents, puis se bifurquent. Leur branche antérieure (8) se com- porte comme les nerfs cérébraux. La branche postérieure (9) (#) PL 9, fig. 2, 1, et fig. 3 (5) PL 9, fig. 3 (6) PI 9, fig. 3 (7) PL 9, fig. 2 b (8) PI.9, fig. 2, 2’, et fig. 3 (9) PI. 9, fig. 2, 2", et fig. 3 DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS, 333 pénètre dans la couche musculaire à fibres perpendiculaires , et, arrivée vers le tiers de la ventouse, elle forme un ganglion allongé, d’où sortent plusieurs branches, qui toutes se distribuent à la même couche. Le premier ganglion de la chaïne abdominale (1) est remar- quable par son volume, et me paraît résulter de la fusion de deux ou de trois ganglions. Il est presque cordiforme, très épais, et légèrement bilobé. De chaque côté, trois nerfs partent de ce gan- glion. Les premiers (2) naissent sur les côtés du bord antérieur, se bifurquent presque immédiatement, et vont se distribuer à la couche musculaire inférieure de la ventouse; les seconds (3) sor- tent en dessous vers le milieu du ganglion; les troisièmes (4) presque à la même hauteur, mais tout à fait au bord externe. Ces deux dernières paires aboutissent au point de jonction de la ventouse avec le corps. Tous les nerfs dont nous venons de parler présentent à peu de distance de leur origine des ganglions de renforcement, qui rappellent ce qu’on trouve aux nerfs du corps (5). La chaîne ventrale compte en tout vingt-deux ganglions, qui varient quelque peu de forme, comme on peut en juger par les figures ci-jointes (6). La structure de ces ganglions rappelle d’ailleurs à peu près exactement ce qu’on observe dans les Sang- sues. Les faisceaux de fibres élémentaires et les masses de cor- puscules sont disposés presque exactement de même. M. Leydig assure que ces derniers sont de deux sortes. Je ne trouve rien à ce sujet dans mes notes. Les connectifs qui unissent entre eux ces ganglions présentent quelque chose de remarquable. Ils ne forment pas un seul tronc, comme l’a cru Wagner ; mais, dans la plus grande partie de la chaîne, les deux cordons sont à la fois très voisins, et soudés PI. 9, fig. 2 PI, 9, fig. 2, PI. 9, fig. 2 PI. 9, fig. 2, 5 9, fig. 2 6, fi 14, et pl. 9, fig. $,5,6et 7. _ œ F4 33h A. DE QUATREFAGES. — TYPES INFÉRIEURS l’un à l’autre par leur enveloppe fibreuse (1). En avant seule- ment on peut aisément les isoler (2). Partout ils présentent sur leur trajet des renflements d’abord peu sensibles, mais qui deviennent très marqués à partir du sixième ou septième gan- glion (3). Ces renflements m'ont paru ne manquer complétement que dans les deux derniers intervalles inter-ganglionnaires (4). Wagner a vu le premier que chacun de ces ganglions ne don- nait naissance qu’à un nerf de chaque côté ; mais il a cru, et ses successeurs également, que ce tronc restait unique jusqu’au gan- glion de renforcement qu’il avait découvert (5). En ceci l’habile naturaliste allemand s’est trompé; on peut avec quelque atten- tion séparer ce tronc en deux branches, ayant chacune leur gan- glion (6). La branche antérieure porte à peu de distance de son origine un ganglion triangulaire, donnant naissance à trois rameaux, qui se distribuent aux couches musculaires ventrales et latérales (7). Sur le trajet de ces rameaux, on voit encore quel- ques très petits ganglions (8. La branche postérieure reste d’abord unie à la précédente , et, à la hauteur du ganglion de celle-ci se renfle également en un ganglion fusiforme (9). Puis elle continue son trajet presque en ligne droite, contourne le tube digestif, présente un second ganglion , dont les branches ner- veuses se distribuent sur les côtés du corps, et, arrivée à quelque distance de la ligne médiane dorsale, porte encore trois ou quatre 1.9, fig. ket 5. 1. 9, fig. 2 d. PI. 9, fig. # et 5. 5) PI. 9, fig. 7. (5) Ce ganglion de renforcement ne se trouve pas seulement chez les Albiones, comme on l'a cru jusqu'ici; nous avons vu quil existe également chez les Bran- chellions. On en trouve des traces d'ailleurs jusque chez les Sangsues; du moins les nerfs de ces dernières sortent très grêles des ganglions de la chaîne ventrale, et se renflent à peu de distance de leur origine, comme je l'ai représenté (Règne animal illustré, pl. 4€, fig. 4°). (6) PL. 9, fig. 6. (7) PI. 9, fig. 6 f. (8) PL. 9, fig. 6gh. (9) PI. 9, fig. 6 i. DE L'EMBRANCHEMENT DES ANNELÉS. 339 très petits ganglions, dont les nerfs se distribuent aux couches musculaires de la face dorsale (1); enfin elle atteint la ligne médiane , où j'ai cru la voir se continuer avec la branche ner- veuse qui vient à sa rencontre du côté opposé. Le dernier ganglion, ou ganglion anal (2), est beaucoup plus volumineux que les précédents , mais moins que le premier. Il a une forme ovoïde, tronquée en avant. Il en sort sept paires de nerfs, plus un nerf impair médian en arrière. Tous ces nerfs vont en rayonnant aux diverses couches de la ventouse, Le système nerveux viscéral des Albiones (3) ressemble à celui des Sangsues, au moins dans ce que j'ai pu en découvrir ; il prend naissance à l’intérieur du collier œsophagien par deux très pe- tits ganglions, qui m'ont semblé correspondre l’un au cerveau, l’autre au connectif. De la paire antérieure s’élèvent deux filets, qui s’épaississent bientôt pour former deux ganglions fusiformes que réunit un arc nerveux d’une extrême ténuité, portant, comme dans les Sangsues, un petit ganglion médian (4). Pas plus ici que dans les Sangsues, je n'ai pu découvrir le nerf médian décrit par Brandt. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 9. Fig. 1. Ensemble du système nerveux de l'Albione muricatu , grandeur naturelle, Fig. 2. Collier æsophagien vu en dessous. — a a, lobes du cerveau réunis par une commissure. — b, conuectif du côté droit.—c, premier ganglion de la chaîne extrêmement volumineux, et paraissant résulter de la fusion de trois gan- glions. — d, connectifs qui se rattachent au second ganglion.—e, portion de l'appareil nerveux viscéral. — 1, première paire de nerfs cérébraux, et se rendant à la partie antérieure et externe de la ventouse. — 2, paires de nerfs qui partent des connectifs. — 2’, branche qui se termine comme la paire précédente, mais plus en dehors. —2"", deuxième branche qui se rend dans la couche musculaire à fibres perpendiculaires, s'y renfle en un ganglion allongé et s'y distribue entièrement, — 3, première paire partant du ganglion, et (1) PL 9, fig. 6 k. (2) PI. 9,fig. 7. (3) PL 9, fig. 2e. (4) Voyez la figure du Règne animal, pl. 4e. 336 A. DE QUATREFAGES, — TYPES INFÉRIEURS , ETC. se distribuant, en dessus et sur les côtés, à la couche musculaire à fibres cir- culaires externe.— # et 5, paires nerveuses partant du ganglion, et se portant aux muscles du corps au point de jonction avec la ventouse. Fig. 3. Les mêmes purties avec la ventouse ouverte et disséquée, — a a, bords de la ventouse formés par les téguments plissés.— b, face interne des téguments supérieurs de la ventouse. —c, couche musculaire à fibres circulaires externe ou supérieure, — d, couche musculaire à fibres circulaires interne ou infé- rieure, — e, couche musculaire à fibres perpendiculaires, Fig. 4. Connectifs des onzième et douzième ganglions. Fig. 5. Connectifs des seizième et dix-septième ganglions. Fig. 6. Un des ganglions médians et ses nerfs. — a, le ganglion. — bb, ses con- nectifs. — c, nerfs coupés. — e, tronc antérieur se distribuant surtout à la face inférieure du corps. — f, son ganglion de renforcement donnant trois nerfs. — gg, branches qui vont aux muscles abdominaux. — Ah, branches qui atteignent les côtés du corps. — ii, tronc postérieur destiné presque exclu- sivement aux couches dorsales.— X, suite de très petits ganglions placés tout près de la ligne médiane dorsale. Fig. 7. Derniers ganglions de la chaîne abdominale. Le vingtième et le vingt et unième ne donnent naissance qu'à un seul tronc nerveux de chaque côté. Le vingt deuxième où dernier donne sept paires de nerfs, et un nerf médian im- pair. Tous ces nerfs se distribuent à la ventouse postérieure (1). (1) Pour l'explication de la figure représentant les organes génitaux de l'Albione, voyez la planche 6, fig. 14. RECHERCHES SUR L'ARMURE GÉNITALE FEMELLE DES INSECTES HÉMIPTÈRES (1), Per M. le Dr LACAZE-DUTHIERS. L'organe caractéristique de l’ordre des Hémiptères, la bouche, offre une uniformité de composition remarquable au milieu des variétés si nombreuses et si diverses que l’on rencontre dans ces Insectes de forme souvent bizarre. Une étude attentive- ment faite dans une espèce quelconque suffit pour en donner une idée très nette et complète dans tout le groupe. Il n’en est pas de même de l’armure génitale; les différences qu’elle présente sont extrêmes, mais toutes concourent à la démonstration de cette idée : Lorsqu'une larière, un oviscapte ou un aïguillon se déve- loppe, c'est toujours sur une même place, et par la transformation des éléments primitifs d'un zoonite du scléroderme. Guidé par ce principe d'anatomie générale et philosophique, il nous sera, je ne dirai pas facile, mais du moins possible de faire des comparaisons entre les choses les plus éloignées. Ainsi on verra quelles différences séparent la Cigale de la Punaise des lits, de la Ranâtre et des Gerris. Il serait impossible de trouver entre les organes génitaux externes de ces Insectes la moiudre analogie, si l’on considérait les pièces qui les composent comme des productions nouvelles dépendant de l’organe génital. Au contraire, on pourra établir entre elles une comparaison assez naturelle, en les rapportant à l’un des zooniles du scléroderme , dont les éléments modifiés prennent des formes variables en rap- port avec de nouvelles fonctions. Que, pour arriver à son but, la nature développe telle ou telle (4) Voyez les premiers Mémoires publiés en 1849, 4850 et 1852, 3° série, Zooz, T. XVIII. (Cahier n° 6.) 2 LA 19 338 LACAZE-DUTHIERS, —— ARMURE GÉNITALE FEMELLE pièce, qu’elle fasse avorter telle ou telle autre, peu importe ; en opposant toutes ces armures au zoonite idéal, théorique d’un arti- culé , il n’y a qu’à faire sentir les différences de forme, qu’à noter l'accroissement, la disparition d’une pièce, suivant les espèces. A ce point de vue la comparaison peut toujours être faite. On doit pressentir que nous aurons un grand nombre d'espèces à étudier; nous chercherons à les grouper autour de certains types afin d'éviter des descriptions trop nombreuses qui auraient leur intérêt sans doute, mais qui nous éloigneraient trop de notre but. Dans l’étude qui suit, nous n’examinons pas les ordres sui- vant la série naturelle établie par les entomologistes. Nous rapprochons les Insectes qui se ressemblent le plus par leurs armures génitales, afin de faciliter la démonstration des vues anatomiques. Il suffirait de dire que nous placons la Cigale après les Orthoptères. pour montrer que nous voulons étudier maintenant les tarières encore très bien caractérisées , et les comparer à celles non moins parfaites que nous avons déjà appris à connaître. Du reste, les différences légères observées dans les Hyménoptères ont considérablement augmenté dans les Or- thoptères, où elles ont pu servir de caractère aux groupes; il y avait là un ordre et une régularité qui disparaissent dans les Hémiptères. Nous voyons en effet les formes se multi- plier, au hasard pour ainsi dire , au milieu des divisions secon- daires des familles; aussi ce que nous faisons pour les ordres, nous le répétons pour les genres. L’organe térébrant nous @œeupant seul, nous placons après la Cigale, ou les Cicadaires, la Phytocore. Les Ranâtres et Nèpes, les Naucores, le Ploa, le Notonecte et le Gerris des marais, forment une série où l'ar- mure, de moins en moins complexe, se dégrade de plus en plus pour arriver, dans les Punaises des lits et les Pentatomides, aux éléments primitifs du zoonite. La Cigale nous servira de type principal ; nous lui compare- rons lous les typessecondaires que nous venons d’énumérer. Elle nous servira, en outre, à montrer l’analogie des tarières, en oppo- sant la sienne à celle des Hyménoptères et des Orthoptères; DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 339 ainsi se trouvera établi, par un terme intermédiaire, le rappro- chement des ordres. $ I. — Type principal. — Armure de la Cigale. L'armure génitale femelle de cet Insecte a soulevé beaucoup de discussions ; dès longtemps elle avait aîtiré l'attention des uaturalistes. Nous ferons plus loin connaître ces controverses , n’éludions pour le moment que l’anatomie, et laissons de côté les détails qui prendront place ailleurs. Il est inutile, du reste, de décrire les pièces qui composent l'’armure des Cicadaires, avec le même soin que nous l’avons fait pour les types des ordres précédents. Réaumur, Malpighi et autres, ont donné des descriptions que l’on peut considérer comme exactes, et auxquelles nous renvoyons. Nous établirons donc immédiatement la comparaison entre la Cigale et un Hymé- noptère (Sirex gigas). Nous devons dire ici que les Cicadaires présentent tous une tarière très semblable, avec des modifications légères de genre à genre. Quant à la Cigale proprement dite, les modificalions peu importantes ne portent que sur les dents de la pointe : aussi on peut considérer la description de l’une des espèces comme applicable aux autres; dans les Cicada nigra, fraxini, plebeia (que j'ai eu l’occasion de disséquer), les différences doivent être regardées comme nulles au point de vue général. En se débarrassant de tous lessclérodermites abdominaux et ne conservant que l’armure, dont on désunit les pièces, après avoir divisé le tergite sur la ligne médiane, on obtient une prépara- tion semblable à celles que nous avons indiquées; elle montre que le tergite ressemble d’une manière étonnante à la même pièce du Sireæ (1). Dans l’un et l’autre cas , il se termine en pointe ; grande et solide, il loge les muscles puissants, moteurs de l'appareil. Une pièce à peu près triangulaire, résistante, épaisse, lui est solidement unie, plus ou moins distincte suivant les indi- vidus ; elle représente, à ne s’y point tromper, l’épimérite. De (4) Voyez Annales des sciences naturelles , année 4849 et suivantes. "30 LACAZE-DUTRIERS, — ARMURE GÉNITALE FEMELLE son angle inférieur part un long appendice : c’est le tergorhabdite. Ces trois pièces, symétriquement disposées de chaque côté, for- ment la partie tergale ; en les rapprochant de celles du Sirex, on remarque une ressemblance telle, que, bien certainement, il serait difficile de croire, si l’on n’en connaissait l’origine, qu’elles appar- tiennent à des Insectes aussi éloignés. Quant à la partie sternale, composée du sternite dans le milieu, uni par ses bifurcations aux épisternites , qui portent les sterno- rhabdites, elle a une ressemblance encore plus frappante. La description de la tarière du Sirex pourrait presque servir pour la Cigale, et réciproquement. Ainsi les sternorhabdites, creusés en gouttière, se rapprochent, et forment les valves du fourreau, où vient s’abriter et se loger la pointe de la tarière. Ce n’est pas à dire cependant qu'il n’y ait aucune différence, nousle montrerons plus loin. Mais sans entrer dans de minutieux détails, nous pou- vons regarder la comparaison comme établie en général, et la nomenclature qui nous a si bien servi dans les Orthoptères peut, sans explication nouvelle, être appliquée ici. Ainsi, au fond, les mêmes pièces composent la tarière de la Cigale et celle des Hyménoptères. Cherchons comment ces pièces sont unies entre elles; comment leur ensemble est en rapport avec l’abdomen; quelle est la composition de celui-ci; enfin quelle différence on remarque dans toutes ces choses entre la Cigale d’une part, les Hyménoptères et les Orthoptères de l’autre. En étudiant ces Orthoptères, nous avions été conduits à distin- guer , dans les connections des parties, des articulations propre- ment dites et des assemblages : cette distinction avait, sans qu'il s’en rendit bien compte, été sentie par Réaumur, qui avait appelé lesternite de la Cigale pièce d'assemblage. 11 ne l'avait pas carac- térisée par un nom pour les autres Insectes, parce que la petitesse des objets lui avait fait méconnaître le mode d'union. Quand on examine la pointe en forme de fer de lance de la tarière, on voit que la pièce centrale, le sternite, est enfermée dans une sorte de canal formé par les deux tergorhabdites ; c’est là une différence avec ce que nous connaissons. Les lancelles , stylets où aiguillons des Hyménoptères , sont enfermés dans le DES INSECTES HÉMIPIÈRES, ot ‘sternite ou gorgeret. La différence tient à une modification de forme dans la pièce médiane ; en effet, les assemblages sont, dans les deux cas, formés dela même manière : la coulisse est fournie par les tergorhabdites, et la languette se trouve sur le sternite. Dans les Hyménoptères, on trouve déjà un passage à la disposi- tion de la Cigale. Les Mouches à scie n’ont plus leurs tergorhab- dites enfermés dans le sternite; ils sont au-dessous. Supposez celui-ci enfermé en bas dans les tergorhabdites, et vous arrive- rez à l'exemple que nous étudions. Dans un cas donc, le sternite s’est développé en gouttière, et a recu dans son intérieur, sous ses bords reployés, les deux aiguillons; dans l’autre, il est resté plus ou moins cylindroïde, et à son tour il a été enfermé par les appendices du tergite, modelé en gouttière. Ainsi il n’y a qu'un rapport de changé; l’assemblage se fait toujours de la même manière. Si nous rapprochons les oviscaptes des Orthoptères de celui de la Cigale, nous voyons les mêmes différences que celles que nous avions reconnues, quand nous étudions comparativement les Abeilles et les Sauterelles ; nous voyons que la valve du fourreau, unie ou confondue avec l’épisternite, s’articule avec le sternile et le tergorhabdite dans celles-ci, qu’elle ne présente rien de sem- blable dans celles-là ainsi que dans la Cigale. Les rapports de la tarière, considérés dans son ensemble, sont assez semblables à ceux qu’elle présente dans les Orthoptères : en avant s'ouvre l’oviducte, entre les branches de bifurcation du sternite, C’est là un rapport que nous avons toujours vu exister, et qui a beaucoup d'importance, car il montre que les tarières sont développées en arrière et non en avant de l’orifice externe de la génération. Nous avions signalé dans quelques Orthoptères, dans les Xylocopes, les Ichneumonides , les Sirex, etc., des im- pressions cornées, un peu vagues, autour de la valve. Nous les retrouvons dans la Cigale. Faut-il les considérer comme pièces supplémentaires ou comme prolongements des pièces de l’ar- wnure? On sait que, dans ces exemples , le sternite de l’urite prégénital n'existe pas. Peut-être serait-il mieux de les regarder comme les rudiments de cette partie sternale : des espèces que 302 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE nous étudierons plus loin pourraient confirmer cette manière de voir. Du reste, l’ensemble de l'abdomen se présente avec une dispo- sition analogue à celle que nous avons déjà étudiée, surtout dans les Orthopières. Ainsi, après l’urite postgénilal de l’armure, on trouve une série de pièces qui entourent le rectum. Ce sont, d'avant en arrière, d’abord un annéau complet, faisant le tour de toute la partie membraneuse qui dépasse la tarière, et qu'il est facile de faire saillir en pressant l’abdomen entre les doigts ; on doit le considérer comme l’urite préanal , ou deuxième post- génital. Puis une série de quatre pièces entourant l'anus, deux médianes et deux latérales, unies à leur base par une bande- lette cornée annulaire. Il faut voir dans leur ensemble l’urite anal , et dans leurs parties les analogues pour les supérieures et inférieures du tergite et du sternite, étudiées dans les Orthoptères, et pour les latérales soit des épimérites ou des tergorhabdites correspondant aux longs filaments des Grillons. Les différences à signaler entre les deux ordres seraient cet épaississement, ser- vant de base aux éléments qui entourent l’anus, et la soudure des deux valves inférieuresà cet orifice, qui, dans les Orthoptères, nous ont paru être le sternite bifide. Dans ce dernier ordre, nous ne savions à quels zoonites appartenaient les appendices aux formes diverses qui terminent l’abdomen, à cause de leur articu- lation ou rapprochement avec le tergile préanal. N'est-il pas évident qu'ici tous les doutes disparaissent, et que nous pouvons les considérer comme dépendant du dernier urite abdominal? Quel est le nombre des urites dans les Cicadaires? On compte avant l’armure , absolument comme dans les Hyménoptères. six sclérodermites à la face inférieure, sept à la face supérieure ; la tarière forme le huitième. Les deux qui la séparent de l'anus sont donc les neuvième et dixième: en tout, dix urites. Mais quand on étudie attentivement le proturite , on remarque des stries sur le tergite et le sternite , et en employant le moyen que j'ai souvent indiqué, en faisant bouillir ces parties dans l’eau aiguisée d'acide chlorhydrique, on sépare un cercle corné du côté du thorax, qu’on peut, je crois, regarder comme le proturite soudé DES INSECTES HÉMIPTÈRES. GIE) au deuxième; alors reparail le nombre onze que nous avons constaté dans les Orthoptères : et nous pouvons dire que la Ci- gale ressemble par son abdomen en général aux Orthoptères, et que, par ses urites pré- et postgénitaux, elle se rapproche au contraire des Hyménoptères. Tel est le type auquel nous allons comparer les autres In- sectes hémiptères. Dans la division des Homoptères, portant des tarières bien conformées, la ressemblance est extrême. Les T'elti- gonies, Cercopis et Ptyeles. présentent la même organisation. C’est en vain que, dans la riche collection du Muséum d'histoire natu- relle, j'ai examiné, avec la libérale et obligeante aulorisation du professeur d’entomologie, les espèces variées de ce groupe, sauf, bien entendu, des modifications de détails sans importance géné- rale , je n'ai pu trouver de différences dans les tarières et l’ab- domen. $ IL. — Types secondaires. — Phytocores. Ces Punaises des plantes ont une larière fort résistante, et très propre à couper, diviser les tissus des végétaux, sur lesquels elles vivent en grand nombre. La résistance et la force de cette arme ne sont pas en rapport avec la fragilité de l'abdomen. Dans quel- ques genres voisins, on trouve des espèces très grêles, allongées, presque filiformes, armées d’un instrument corné, résistant, qu’on est très étonné de voir aussi bien développé. Du reste, l’armure est placée comme daus les Cigales ; la par- tiesaillante est logée dans une fente longitudinale, qu’on aperçoit sur la face inférieure de l'abdomen. En général, quand, sous celui- ei, on voit une ligne indiquant en apparence une division médiane des sternites, on peut, presque à coup sûr , admettre à l’avance l'existence d’unetarière. Nous pouvons noter encore ici un fait que nous avions déjà remarqué à propos du Sirex gigas : c’est que la base, ou extrémité antérieure de l'instrument, remonte plus où moins vers le thorax, refoule les sternites qui s’imbriquent et s’amassent dans une très petile étendue. Cela arrive dans les Phytocures; c'est beaucoup plus marqué dans les Phyeles , qui semblent porter leur oviscapte au milieu du corps. 344 LACAZE-DUTMIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE L'abdomen des Phytocores se compose de dix urites, sept avant l’armure, deux après, Le proturite s’unit avec le métatho- rax, comme cela arrive dans les Hyménoptères, ou bien avorte. Comme on a peine à reconnaitre sur les prototergites et ster- nites une trace de soudure, il faut admettre l’une des alter- natives précédentes, Le sternite prégénital manque, et n’est représenté que par des impressions cornées vagues ; l’urite post- génital, ou armure, nous occupera plus loin ; quant au préanal , ou deuxième postgénital , celui qui serait le décaturite, il n’est formé que par une bandelette tergale , analogue à celle des Or- thoptères. Reste l’undécaturite, ou zoonite anal ; il est représenté par deux bandelettes, l’une supérieure, l’autre inférieure, en forme de croissant : on voit qu’il est plus simple que dans l’exemple précédent, qu’il se réduit, comme c'est le cas le plus fréquent dans le scléroderme, aux deux pièces médianes principales. La tarière des Phytocores se compose des mêmes pièces que celles des Cigales ; nous n’aurons qu’à enregistrer des différences légères. Le tergite occupe la face supérieure de l’abdomen ; il ne descend pas latéralement sur les côtes, comme dans la Cigale. Les deux pièces triangulaires, qui semblent le continuer , sont les épimérites ; elles portent à leur bord antérieur les {ergorhab- dites, assez grêles d’abord, plus larges et aplatis à leur extrémité, où ils ont l’apparence d’un cimeterre ou d’un sabre oriental, Le sternite est large; sa base, creusée en gouttière par le re- croquevillement en dessous de ses bords, porte à ses angles anté- rieur el inférieur deux tiges grêles, qui l’unissent à deux écailles longues aux épisternites. À l'extrémité postérieure de ceux-ci, on trouve deux pièces petites, moins constantes : ce sont les sternorhabdites. Signalons les différences. Les épimérites, loin d’être petits, triangulaires, plus ou moins illimités entre le {ergite et le tergo- rhabdite, sont deux plaques très grandes , faisant partie du tégu- ment externe ; nous n’avons guère rencontré cela que dans les Orthoptères. Les tergorhabdites, au lieu de former un tube pour cacher le sternite, sont lamellaires. et disposés tout différem- DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 545 ment que dans la Cigale ; ils rappellent à la fois les mèmes pièces des Locustaires, des Tenthrèdes et des Porte-Aiguillons, Le sternite est remarquablement autre que dans la Cigale; il se rapporte tout à fait à la forme du gorgeret de certains Hymé- noptères ; il est large à sa base comme dans l’'OEcodoma cæpha- lotes, et bifide à son extrémité comme dans les Locustaires , les Tenthrèdes. Assemblé avec les tergorhabdites, sur les côtes, près de son extrémité, il leur est uni par ses bords inférieurs, près de sa base ; c’est là une différence avec ce que nous avons vu dans la Cigale. Du reste, le mode d'assemblage est le même ; la mor- taise est fournie par le tergorhabdite, La forme de ses extrémités est à peu près la même que celle des tergorhabdites ; l’un et l’autre sont couverts de dents à leurs bords inférieur et supérieur. Cette arme tient le milieu entre une scie et une tarière (1). Nous avons vu que le fourreau de la tarière était formé par les deux sternorhabdites; ici les pièces écailleuses, très courtes, qui représentent les rhabdites, ont perdu leur rôle, et les épister- nites seuls sont chargés du soin d’abriter l'instrument. Une autre différence est celle-ci : l'articulation de l’épisternite et de l’épimérite est fort étendue, elle est de toute la longueur de l’épimérite; aussi pouvons-nous dire qu'entre l’épisternite, l’épimérite et le tergite, le mode d’union est semblable à celui des autres sclérodermites de l'abdomen. Remarque importante, dont nous lirerons parti plus loin. Dans toutes les espèces du genre voisin des Phytocores ayant une tarière, la rainure que l’on aperçoit sous l'abdomen est due au rapprochement des bords des épisternites. Leur longueur considérable a refoulé vers le thorax les sternites prégénitaux ; ce qui fait occuper sous l’abdo- Wen une grande étendue à la fente. En résumé , on voit que cette armure se rapproche lantôt de celle des Hyménoptères, tantôt de celle des Orthoptères ; qu'elle diffère autant de celle de la Cigale que des tarières des autres (4) 1 y a entre la tarière proprement dite des Phytocores et celle des Piyeles une analogie extrême : l'une et l'autre sont lamellaires. Le gorgeret est à sa base toutefois moins évidé et moins creux dans les Ptyeles. 616 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE ordres. Ajoutons enfin qu'elle présente des caractères que nous n'avions pas encore remarqués. Un mot encore sur les incruslations cornées que l’on trouve près de l’orifice de la génération ; déjà nous les avons signalées dans les Cigales. Dans les Phytocores , elles partent de la cour- bure des tergorhabdites, quand leur direction devient antérieure- postérieure; d’une élégante forme, elles se rejoignent au-dessous et en avant du conduit génital qu'elles entourent, et se pro- longent même sur lui. Quelle est la valeur de ces cornéifications ? Faut-il les regarder comme pièces supplémentaires, comme dépendances des tergo rhabdites, ou comme rudiments du sternite prégénital qui manque? Il est, je crois, assez naturel de les considérer comme appartenant au sternite prégénilal, et de croire que leur union avec les tergorhabdites n’est que la conséquence d’un chevau- chement. Fulgore. Cet Insecte, dont toutes les formes sont bizarres, présente une armure qui participe à ces caractères; nous nous arrêtons peu sur son comple, quelque compliquée qu’elle puisse paraître au premier abord. Elle renferme les mêmes pièces que les armes complètes : le sternile, l’épisternite et le sternorhabdite, ainsi que le tergile , l’'épimérite et le tergorhabdite, se reconnaissent facilement ; toutefois les changements de direction, les torsions éprouvées par les différentes pièces, et le peu de longueur , leur donnent un aspect général extrêmement différent des autres armes. Le Fulgore présente un exemple remarquable de fractionne - ment des parties ; ainsi l’épimérite est représenté par un groupe de quatre pièces. Aux lergorhabdites sont également annexées quelques pièces secondaires ; le sternite lui-même est uni aux épisternites et sternorbabdites par un nombre considérable de parties. La disposition générale de ces groupes force à admettre la loi du fractionnement des organes, car chacun d’eux repré- sente exactement l’un des éléments du zoonite. Les urites de l'anus sont fort développés ; quelques unes de DES INSECTES HÉMIPTÈRES, 547 leurs parties prennent des formes bizarres, se couvrent de poils ; elles sont les mêmes que dans les Cicadaires. Il faut, pour admettre dans l’abdomén le nombre 41, supposer que le proturite est soudé avec le métassomile ou bien avorté. HRanûtres et Nepes. Nous arrivons à des Insectes dont l’armure est bien différente de ce que nous venons d'apprendre à connaître. Quand on étudie la partie terminale de l'abdomen d'une Ranâtre linéaire où d’une Mèpe, quelle qu’en soit l’espèce (je lai examinée dans la cendrée, le noir el le rouge), on remarque bien vite une sorte d’anomalie dans les dispositions habituelles. Ainsi les deux longs filaments qui d'habitude sont placés après l'armure génitale, ici se trou- vent avant; ils font partie du zoonite prégénital. L’urite précé- dent affecte une forme particulière; son tergite, extrêmement petit et presque rudimentaire, est placé entre deux pièces laté- rales allongées, creusées en goullière, qui logent les bases des longs filaments. Le sternite est triangulaire ; son bord postérieur pe s'articule point avec le suivant ; il est libre, et se termine en pointe aiguë. En le voyant, on sent par quelle modification les sternites peuvent devenir de plus en plus longs, acérés à leur extrémité, et former un gorgeret où autre instrument piquant. L’urite prégénital, qui porte ces deux filaments, manque de ter- gite et de sternite ; on ne trouve que deux pièces latérales, com- posées chacune d’une partie écailleuse appliquée sur l’armure, et d’une partie basilaire qui supporte le filament. Nous revien- drons sur cette structure en traitant de l'abdomen en général ; contentons-nous pour le moment des détails descriptifs. L'armure génitale elle-même est assez complexe ; toutefois elle l’est moins que dans les groupes précédents. Après avoir enlevé les deux filaments avec les parties basilaires qui les supportent, on remarque l’orifice de l’oviducte Lerminé par une Sorte d’ampoule ou développement assez considérable, en arrière duquel est une réunion de pièces cornées, lamelleuses, dentelées, qui forment un véritable instrument tranchant. Ces pièces ser- 5hS LACAZE-DUTIHIERS. — ARMLRE GÉNITALE FEMELLE vent d’appendices à une plaque tergale bien évidente. On re- marque au delà un prolongement membraneux , incrusté de quelques plaques cornées , dont la longueur égale celle de l'ar- mure ; il renferme la terminaison du tube intestinal. Nous devons, sans nul doute, considérer ces incrustations, bien que fort diffé- rentes de celles que nous avons vues à la même place dans les autres Insectes, comme étant les représentants de l’urite post- génital et de l’urite anal. Quant à l’armure , le tergite qui entre dans sa formation est évident ; il est reconnaissable à tous ses caractères. Au-dessous de lui, on trouve quatre pièces lamellaires, dentelées , deux de chaque côté, dont l'assemblage, assez intime, la fait paraître bi- valve. Quand on les sépare, on voit que l’inférieure tient au ter- gite par une petite pièce. Ce rapport et celte union nous font reconnaitre les fergorhabdiles et les épimérites. Ainsi nous retrouvons la partie tergale. Remarquons que c’est toujours celle qui se développe le plus régulièrement ; aussi est-ce elle que l'on reconnaît avec le plus de facilité. Dans la portion sternale, l’épisternite paraît seul développé ; il est représenté par les pièces assemblées avec les tergorhabdites ; les sternorhab- dites avortent. Quant au sternite, il est presque rudimentaire, bifide, et se compose de deux petites pièces contournées en S, dont les extrémités antérieures s’articulent avec le bord supé- rieur des épisternites, et dont les extrémités postérieures se rejoi- gnent sur la ligne médiane. Il s’articule encore vers le milieu de sa longueur avec le tergite; mais cela ne peut rien changer à notre interprétation , car nous avons eu l’occasion de signaler ainsi des articulations supplémentaires entre les pièces de l’ar- mure. Ce qui nous a conduit à regarder la pièce plus développée que le sternite, faisant partie de la tarière proprement dite comme l’épisternite, c’est que les pièces rudimentaires sont placées plus sur la ligne médiane; c’est que, de plus, nous avons vu, dans les Orthoptères, des épisternites infiniment plus déve- loppés que les sternites : et c’est là un rapprochement à établir entre l’oviscapte d'une L.ocuste et celui d’une Ranâtre , que dans Em DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 319 la première se développe à peine le sternite, et la disposition des seconds apparaît. Nous mettrons à profit cette ressemblance entre des Insectes aussi éloignés, quand nous nous occuperons de la larière en général, indépendamment des ordres et des espèces. Noucoris Cimicoides. L'armure de ces Insectes présente une complication extrême ; il est difficile de la rapporter au type primitif , si l’on ne prend en aide la loi formulée par M. Milne Edwards, dans son Mémoire sur la carapace des Crustacés (1), à savoir que les pièces fonda- mentales des sclérodermes peuvent se diviser et se subdiviser, el être représentées par des groupes de pièces secondaires. L’abdomen présente à l'extérieur sept segments, les organes génitaux externes forment le huitième et dernier en apparence. Si l’on pousse plus loin ses investigations, on trouve encore des pièces qui représentent les deux urites voisins de l’anus; en tout, dix. Nous répéterons ici cette question : Le proturite est-il avorté? est-il soudé au deuturite, qui prend sa place? est-il confondu avec le métathorax ? Quant à l'armure, elle nous offre une partie tergale très recon- naissable, composée d’un tergite, des épimériles et des tergorhab- dites; ceux-ci, développés, sont cornés et armés de dents. Le tergite, large, descend bas sur les côtés de l’abdomen, et semble formé d’une partie médiane el de deux parties latérales plus longues , qu’on apercoit comme deux lobes à l'extrémité du corps ; ce sont ces parties latérales qui donnent insertion aux épi- mérites, dont la forme ne présente rien de particulier. Les tergo- rhabdites ont la forme d’une pyramide triangulaire, à sommet postérieur et à base antérieure; l'une des arêtes porte les dents, c’est l’inférieure; l’autre, interne, s’assemble avec le sternite. Des trois angles de la base, l’un est articulé à l’épimérite ; l’autre, inférieur , est libre ; le troisième, interne, donne attache à des pièces supplémentaires, et forme des articulations nouvelles, Quand on écarte les tergorhabdites, on trouve sur la ligne (4) Ann. des sc. nat., 4851. 390 LACAZE-DUTHIERS. — ANMURE GÉNITALE FEMELLE médiane le sternite , très reconnaissable, chargé de dents à son bord supérieur, et uni, par les deux extrémités de sa bifurcation, à deux pièces symétriques assez grêles, un peu contournées en S, qui sont les épisternites ; ceux-ci portent des valves, qui forment, en se réunissant, un fourreau à la pointe de l’arme : ce sont les sternorhabdites. Voilà les éléments principaux qui forment toutes les tarières ; mais il en est d’autres dont la signification est plus difficile à connaître. Ainsi, à la base du sternorhabdite, on voit s’articuler dans une même cavilé les extrémités rapprochées de trois pièces, qui sont : la plus inférieure, l’épisternite ; la moyenne, une ban- delette venue de l’angle supérieur de la base du tergorhabdite ; enfin, la supérieure, un sclérodermite placé au-dessus du rectum. Celle-ci est une dépendance de l’urite préanal qui chevauche ; la moyenne est une pièce supplémentaire, que nous ne saurions rapporter à aucun élément des armures. L’urite préanal, ou deuxième postgénital, est composé d’une partie médiane, triangulaire, épaisse, qui représente le tergite, et de deux pièces latérales qui en sont les épimérites. Nous venons d’en voir l’articulation avec les sternorhabdites postgénitaux. Si nous n’admettions ici un chevauchement, il nous serait impossible de nous reconnaître. Enfin l’abdomen se termine par une sorte de cône bivalve, dont la valve supérieure , plus grande, enveloppe l’inférieure ; entre les deux s'ouvrel'anus. N’est-il pas évident que nous retrou- vons ici l’urile anal réduit, comme dans les Phytocores , aux deux sclérodermites habituels, mais plus cornés et plus déve- loppés. Il nous paraît enfin exister un dédoublement dans l’épimérite ; quand on suit sur les côtés de l’abdomen les différents éléments des zoonites, on voit que ces larges et longues plaques voisines du tergite correspondent, et font suite à la série des épimérites abdominaux. Ilest dès lors naturel de les considérer comme leurs analogues dans l’hogdurite ; mais alors que sont ces deux pièces qui précèdent les tergorhabdites, et que pour plus de facilité nous avons considérées en commencant comme les épimérites? On DES INSECTES HÉMIPTÈRES, 351 peut admettre qu’elles sont des dépendances de cette pièce dues à un dédoublement En résumé, fractionnement, souduresetarliculations anormales de quelques pièces, telles sont les principales différences que nous rencontrons dans les Naucores. Il serait inutile d’insister sur leur comparaison avec les Cigales, Phytocores, et bien plus avec les Hyménoptères et les Orthoptères ; ce que nous voulons faire sentir toutefois, c'est l'énorme différence qui sépare la Ranâtre et la Naucore au point de vue de leurs épimérites. Dans un cas, en effet, la pièce est rudimentaire; dans l’autre, elle est considé- rable et dédoublée. Quant aux urites prégénitaux, la Ranûtre offre une disposition particulière, telle que la différence se repro- duit pour tous les types. Notonectites. Deux genres dans cette famille méritent notre attention : ce sont le Ploa et le Notonecte proprement dit. L'espèce minutissima a élé étudiée dans le premier , la glauca sert de type au second. La complication qui avait commencé à paraître dans les Nau- cores augmente ; l’accroissement insolite de quelques scléroder- iniles cause une irrégularité extrême : aussi, plus que jamais, faut-il marcher du conou à l'inconnu par voie d'élimination, pour arriver à la détermination des parties. Ploa minutissima. Quand on se débarrasse de tout l’abdomen jusqu’à l’armure, on est frappé par la présence de deux pièces cornées , fortes, allongées, aplaties et tranchantes, hérissées de dents sur leur extrémité postérieure. Appliquées l’une contre l’autre, elles occu- pent la face inférieure de l’armure , et sont unies au tergite par l'intermédiaire de deux pièces qui sont l’épimérite dédoublé. Nous reconnaissons donc la partie tergale complète, composée : d’un tergite très fort, très résistant, bombé et contourné, qui rapporte en dessous la masse de l’armure ; d’un épimérite, dont l’une des divisions, libre en grande partie, saillante et crochue, 352 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE due à un dédoublement, se place entre lui et le tergite; et enfin d’un tergorhabdite très fort, aussi long à lui seul que toute la ter- minaison de l'abdomen conservé dans la préparation. Nous admettons que cette sorte d’appendice, placé entre le tergite et l’épimérite, est une dépendance de ce dernier, parce que déjà dans les Naucores nous avons cru pouvoir considérer l’épimérite comme dédoublé en deux parties, et qu'ici nous ne pourrions rapporter à rien cette pièce. Pour la partie sternale, nous avions plus de peine à recon- naître les éléments ; aussi nous faut-il, abandonnant un instant l’armure, prendre les urites voisins de l’anus, pour les éloigner, et arriver à des pièces dès lors plus isolées que nous étudions mieux. Au-dessus de l’anus, on trouve l’urite anal. Il est représenté seulement par un tergite facile à reconnaître, bilobé à son extrémité postérieure ; entre lui et le tergite de l’armure existe le zoonite préanal, composé seulement encore d’un tergite fort contourné , descendant de chaque côté pour s’articuler avec des pièces multiples qu’il nous reste à étudier. Cet urite est ici dans les mêmes conditions que dans les Naucores; les deux urites placés au-dessus des dernières parties du tube intestinal sont infiniment petits relativement à celui de l’armure ; ils sont abrités au-dessous du tergite, et sont dépassés par les extrémités des tergorhabdites, Restent maintenant sept pièces placées au-dessous du tergite préanal, en arrière et au-dessus de l’épimérite et des tergorhab- dites de l’armure. L'une, médiane, obtuse à son bord postérieur , ployée en gouttière, est échancrée à son extrémité antérieure pour recevoir les extrémités de deux autres; celles-ci, symétriques, d'abord droites, puis courbées d’avant en arrière, remontent vers le tergite préanal , avec lequel celles s’articulent par leur extrémité antérieure. Ces trois pièces nous paraissent être le sternite dédoublé ; la pièce impaire correspond au sternite pro- prement dit; les deux pièces latérales antérieures sont ses supports où ses branches de bifurcation, si évidentes dans les tarières complètes. À l’angle inférieur du tergite préanal vient DES INSECTES IÉMIPTÈRES. 393 encore S’articuler une autre pièce contournée en S, qui a des rapports avec l’extrémité antérieure du support du sternite ; elle nous paraît être l'épisternite, car elle porte une véri- table valve , qui , avec celle du côté opposé, forme un fourreau où s'abrite le bout de l’arme; ces valves sont les sternorhab- dites. Les points caractéristiques de l’armure des Ploa sont, en résumé, ceux-ci : état rudimentaire du sternite, développement de ses supports , articulation de la partie sternale avec le tergite préanal , absence d'union entre les parties tergales et sternales de l’armure , un fourreau , dédoublement du sternite, et che- vauchement des trois sclérodermites sternaux. Ainsi présentée, celte armure peut être comparée aux autres ; mais on sent tout de suite quelles différences saillantes elle montre. Nous n’avions pas encore remarqué l’absence des articulations entre les parties supérieures et inférieures du zoonile postgénital; il semble que le chevauchement vers l’anus de toute la partie inférieure a fait ici un pas de plus que dans les Naucores. Peut-être pourrions- nous comparer les deux bandelettes, que nous venons de regar- der comme les supports du slernite, aux deux pièces que, dans les Ranâtres, nous considérions comme le sternite divisé sur la ligne médiane. Alors les Ranäâtres n'auraient pas de sternite pro- prement dit ; elles n'auraient que des dépendances de ce scléro- dermite, Les rapports de l’armure sont les mêmes dans le Ploa que dans les autres espèces. L’orifice de l’oviducle est placé à la base des tergorhabdites, en avant des pièces mulliples sternales, {1 y à beaucoup d’analogie avec ce que l’on trouve dans les Ranàtres ; l'anus en est séparé, comme nous l'avons déjà vu dans les autres types, par {rois urites, L'abdomen, profondément modifié dans ses formes par les conditions biologiques, est plat sur la face inférieure et bombé sur la face supérieure. La portion dorsale molle, protégée par deux élytres très résistantes, est cornéifiée seulement sur ses bords , excepté pour les derniers tergites qui, au delà des ailes, prennent une consistance très grande, ainsi qu'un développe - 3* série, Zoo. T, XVIII. (Cahier n° 6.) 5 23 354 LACAZE-DUTUIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE ment anormal, ce qui rapporte sur la face ventrale l'orifice génital et l'anus. Les sternites sont largement imbriqués, très résistants, termi- nés à leur bord postérieur par une épine médiane très forte, et rappelant dans le dernier , par son acuité, le sternite pointu des Ranâtres. Toutes ces conditions sont en rapport avec la manière dont nage le Ploa. Du reste, le nombre des urites n’est que de neuf, six ayant la vulve, trois après. Cet exemple n’est-il pas utile à invoquer pour nous faire admettre le nombre onze? En effet, nous trouvons tou- jours les trois postgénitaux, et si le nombre diminue , c'est sur les segments antérieurs à l’orifice des organes génitaux que porte l'avortement ; là nous en trouvons sept, plus loin huit ; ici ce n’est que six. N’est-il pas évident que vers le thorax se passe l’avor- tement, dont nous reconnaissons la cause dans les cas actuels, car la nature a sacrifié le nombre à la solidité ? Aussi l'abdomen d’un Ploa est très difficile à désarticuler ; on le brise plus facile- ment qu’on ne sépare ses éléments. Notonecta glauca. L’armure des Notonectes proprement dits ressemble beaucoup à celle du Ploa, quant aux éléments, mais elle est plus dégradée ; on en aura une idée assez nette si l’on suppose les tergorhabdites de ce dernier mous et sans résistance : ce ne sont pas des armes, ce sont des sclérodermites protecteurs n'ayant plus la faculté de diviser les corps. L'oviducte s'ouvre par une sorte de vestibule assez grand dont l'orifice est allongé dans le sens antéro-postérieur ; sur ses pa- rois sont appliquées les pièces de l’armure. Le tergite, les épimérites et les tergorhabdites sont faciles à reconnaître ; ils sont unis entre eux par des prolongements cornés en forme de bandelettes. Ces derniers se placent sur les bords du vesti- bule vulvaire, dont ils égalent presque la largeur ; leur forme ne présente rien de spécial. Leur extrémité postérieure est obtuse, tandis que l’antérieure, plus large, présente deux angles qui DES INSECTES HÉMIPTÈRES, 399 s'unissent, l’inférieur à l’épimérite, le supérieur aux parties sternales. Suivons ici la même marche que pour le Ploa ; reprenons à l'anus, afin d’écarter les uriles préanal et anal, dont les éléments s'unissent à ceux de l’armure. L'orifice du rectum est pro- tégé par un tergile assez développé, un peu reployé en dessus, qui cache un sternite plus petit, formé de deux lamelles secon- daires : c’est l’urite anal. Entre lui et le seplième, on trouve un autre tergite appartenant à l’urite préanal qui descend vers le vestibule vulvaire, de chaque côté, et s'articule avec les pièces qu'on y rencontre. Ainsi nous avons retrouvé la partie tergale de l'armure, l’urite préanal et l’urite anal : reste la partie sternale. A l'extrémité postérieure du vestibule, comme à cheval sur lui, au-dessous de l’anus, on voit une pièce médiane impaire. Nous la considérons comme le sternite de l’urite postgénital. Au- dessus se trouvent deux stylets, libres, un peu velus ; au-dessous on en rencontre deux autres plus petits, et en avant deux ban- delettes l’unissent avec la portion latérale du tergite préanal. Des quatre stylets deux nous paraissent supplémentaires : ce sont les plus petits dont l’extrémité adhérente est logée sous le sternite ; les deux autres sont les s{ernorhabdites. Les deux bande- leites sont les supports de la pièce sternale, Comme dans le Ploa, ils s’articulent avec un tergite autre que celui de l’urite auquel ils appartiennent. L’épisternite avorte ; il n’en existe pas de traces. Ainsi, que l’on suppose ce même avortement dans le Ploa, et la valve du fourreau sera formée par le sternorhabdite éloigné du reste des pièces comme le sont ici les stylets les plus grands. Ainsi, en résumé , nous relrouvons ici des déplacements qui nous expliquent les rapports des pièces; nous avons, de plus que dans le Ploa , une articulation entre le tergite préanal et le tergo- rhabdite ; en sorte que le premier s’articule à la fois avec la partie tergale et la partie sternale de l'armure, Quant à la disposition de l’abdomen, elle est absolument la même que dans l'espèce précédente ; le nombre des anneaux est de neuf, Les tergites toutefois ne sont pas membraneux , et les sternites sont moins résistants. 356 LACAZE-DUTIHIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE Gerris paludum. A mesure que nous nous éloignons davantage des premiers types, nous rencontrons des armures de plus en plus dégradées ; il semble que , dans le Gerris, la nature ait pris soin de laisser entrevoir que le plan restait le même, mais que l'exécution en était moins complète. Nous trouvons, en effet, des pièces bien reconnaissables , presque rudimentaires, occupant la place de celles, plus développées, des types précédents. Avouons toutefois que quelques unes resteront un peu dans le vague et le doute. On compte dans l'abdomen des femelles six urites du thorax à l’armure. Celle-ci, placée entre les deux épines du sixième seg- ment, fait saillie très facilement au dehors quand on presse l’in- secte entre les doigts. Elle se compose d’un tergite, parfaitement reconnaissable, qui fait suite à ceux de l'abdomen, et qui porte à ses côtés deux larges plaques épimérales ; à celles-ci, vers l'angle antérieur et inférieur, sont jointes deux appendices, plus ou moins pointus, saillants et allongés, qui vont s’appliquer sur les côtés d’une partie charnue, véritable vestibule génital : ce sont les tergorhabdites. Nous retrouvons done avec facilité les pièces tergales. Au- dessus de l’orifice saillant de la vulve se relèvent deux pièces , que l’on reconnaît bien vite pour être les analogues des pièces anales décrites autour de l'anus des Ranâtres et des Naucores. L'une, inférieure, plus petite, est enfermée dans la cavité de l’autre, supérieure , plus grande. Ainsi se trouve reconnue une partie du zoonite postgénital et de l’urite anal. Entre l'anus et l’ouverture des organes génilaux, on remarque une plaque médiane impaire courbée , qui est comme à cheval sur les parties saillantes. Deux bandelettes cornées l’unissent aux tergorhabdites par un assemblage longitudinal et par une articu- lation terminale, {l faut reconnaître dans ces pièces le sternile et les deux épisternites, ou la partie sternale de l’urite post-génital. Le sternite, placé au milieu, rappelle du reste complétement ce que nous avons déjà vu dans les Notonectites. Il reste deux pièces, je dois le dire, fort embarrassanles, DES INSECTES HÉMIPIÈRES. 997 mais qui, néanmoins, ne peuvent en rien infirmer la valeur des appréciations que nous avons portées. Le tergorhabdite présente, comme dans la Volonecta glauca, à son extrémité antérieure, deux apophyses grêles, qui s’articulent, l’inférieure avec l’épimérite ; la supérieure, après s’être courbée en arc à concavité posté- rieure, avec une pièce allongée dirigée vers l’anus. Le point d'union se reconnaît à un épaississement, et correspond à la ca- vité articulaire des épisternites. Ge nouvel élément est courbé en S et présente, vers son extrémité supérieure , une dilatation qui s’arlicule avec le tergite anal. Qu'est cette pièce? Devons- nous la considérer comme le sternorhabdile ou l’épisternile de armure? Jamais ces deux pièces n’ont présenté de tels rap- ports et de telles articulations; et comme rien ne démontre jusqu'à l’évidence qu’il faille leur donner cette signification, nous préférons admettre l'opinion suivante. On ne trouve pas dans le Gerris d’urite préanal ou deuxième postgénital ; évidemment les pièces qui nous occupent le représentent. En effet, nous n'avons qu’à supposer une division de ces éléments et un déplacement vers l’anus, comme nous en avons constaté si souvent un vers la valve, pour expliquer la disposition actuelle des parties. Ainsi se trouverait reconstituée la partie postérieure de l’armure, et l’union du sternite postgénital, celle du tergorhabdite avec l’urite anal, ne paraîtraient pas aussi anormales que dans la supposition première. Cette armure, fort éloignée de celles des Cigales, Phylocores et Ranätres, elc., se rapproche un peu, par son sternite et sa partie tergale, de celle des Notonectes. Elle est plus simple néan- moins; car, au lieu d’une multiplication des pièces, nous ren- controns des avortements. Enfin, entre l’urite anal et le sternite de l’armure , on voit une impression cornée qui doit certainement être une dépendance du deuxième urite postgénital. Cimez lectularia. La Punaise des lits est l’avant-dernier type que nous élu- dierons ; infiniment plus simple que dans les espèces précé- dentes, je ne sais si l’on peut dire qu'il est plus complexe que 398 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE dans les Pentatomes. Ici le nom d’armure , qui semble impliquer l'idée de pièces dures et résistantes, ne serail guère applicable, car les zoonites postgénilaux se composent de plaques vulvaires avec quelques appendices peu solides. L'abdomen présente une particularité : les cinq premiers urites ont des tergites très étendus descendant sur la face inférieure ; leur sternite, au contraire, est à peine marqué par une légère impression cornée. Le sixième est complétement corné; il ne porte pas de ligne d'union entre le tergite et le sternite. Le cin- quième présente en avant deux échancrures qui sont le commen- cement de cette séparation si tranchée entre les deux arceaux. Nous pouvons trouver la raison de cette disposition dans le volume considérable que prend quelquefois le tube intestinal ; l'abdomen devient presque globuleux. Si les sclérodermites, tous cornés, eussent été soudés entre eux, les fonctions digestives eussent pu être empêchées, ce qui n’arrive pas avec les nom= breuses parties membraneuses qui permettent à la cavité abdo- minale de se dilater et de recevoir les intestins gorgés de sang. Après les six premiers urites on en comple deux autres, si l’on considère l’insecte par le dos ; mais à la face ventrale, on n’observe qu’une mosaique de plaques vulvaires, comme dit M. Léon Dufour, au milieu de laquelle s’ouvrent l’oviducte et l'anus. Pour bien apprendre à connaître ces parties, il faut les séparer du reste de l'abdomen. L'hebdurite se compose du tergite, des épimérites, des épisternites, et de deux appendices flabelliformes placés en dedans de ces derniers , aux angles antérieurs et infé- rieurs desquels ils sont soudés. L’orifice de la vulve est entre ces deux appendices, et cachée avec eux, en partie, par les bords in- férieurs des épisternites. On doit penser que ces appendices sont le sternite bifide. Ils sont joints, au delà de la valve, par une membrane assez résistante; ce qui indique que l’urite entier est postérieur à la valve. On pourrait encore dire que le sternile avorte , et que les épisternites sont munis de sternorhabdites. Mais la première opinion nous paraît préférable. Ainsi l’urite posigénital est com- posé , dans la Cimeæ lectularia, des six éléments primitifs. DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 399 Entre l’anus et les pièces précédentes on trouve un urite anal, représenté seulement par un tergite en forme de croissant peu dur, et rentré avec la terminaison de l'intestin dans l’échancrure de l’urite préanal. Celui-ci présente un tergite résistant, corné, à formes limitées et caractéristiques. 11 termine, pour ainsi dire, l’abdomen , aussi est-il conoïde; mais à son sommet il a une échancrure, où se cache l’anus qu'on fait saillir facilement en pressant l’animal. De chaque côté de ce tergite on voit deux pièces, que naturelle- ment on doit considérer comme des épimérites ; elles portent deux appendices flabelliformes semblables à ceux de l’urite post- génital. Bien que la forme soit la même, nous les regarderons ici comme des tergorhabdites, admettant que le reste de l'urite avorte. Celle manière de voir n’a rien qui répugne, car nous avons rencontré des sternites, épisternites, sternorhabdites et tergorhabdites présentant des formes analogues. Ici donc, nous pouvons considérer les tergorhabdites, quoique semblables aux sternites, comme différents. Du reste, l’angle inférieur et anté- rieur de l’épimérile préanal s'articule dans le point où il donne insertion au rhabdite avec l’épisternite postgénital ; c'est une analogie avec les déplacements indiqués dans les Naucores , les Notonectes, etc. Nous ne pouvons néanmoins nous empêcher de faire part de quelques doutes. Lequel de ces deux urites complexes est le post- génital ? Si nous les considérons tous les deux comme placés après la valve, nous retombons dans le type habituel des Hémiptères, c’est-à-dire que l’anus est séparé de la valve par trois urites ; mais nous rencontrons ce fait, exceptionnel dans l’ordre, que l’urite préanal est développé dans une grande partie de ses élé- ments. Si, au contraire, nous ne considérons que le second comme étant postgénital, nous avons seulement deux urites postgéni- taux, ce qui serait une exception, et le zoonite prégénital acquerrait un développement qu’on lui trouve rarement. Nota. —On croit en général qu’il est fort difficile, sinon impos- sible, d'assigner une différence entre les mâles et les femelles de ces Insectes, On n’a qu'à examiner l'extrémité de l'abdomen à la 960 LACAZE-DUTMIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE loupe, et même sans verre grossissant, pour voir que’, dans les premiers, il se termine en cône plus aigu, qu’il est dépourvu de cette multitude de pièces que l’on trouve dans les seconds, et surtout qu’il semble composé d’un segment de plus. Enfin, si on le presse fortement, on voit saillir un corps grêle allongé, une sorte de corne, c'est la verge : les pièces vulvaires de la femelle s'écartent au contraire, et la différence devient plus marquée encore. Pentatomites. Le Pentaloma baccarum a servi de type pour l’étude de ce groupe naturel et nombreux. Dans les Prasina et autres, les par- lies sont semblables, et dans l'Eurydema ornata, le Raphidi- gaster punclipennis , les légères variétés de formes qu’on observe ne méritent pas une mention spéciale. Bien que M. Léon Dufour ait étudié l’armure copulalrice dans cette famille avec plus de soin que dans loutes les autres, nous n’emploierons pas néanmoins les noms qu'il a imposés aux pièces. Nous continuerons à nous servir de la nomenclature logique que nous avons établie dans l’étude des Orthoptères et des types pré- cédents. Du thorax à la vulve, on compte six segments qui ne présen- tent rien de particulier; après eux l'abdomen se termine par un ensemble de pièces, au milieu desquelles surviennent les organes génitaux et l’anus. Autour de l’anus, les sclérodermites sont au nombre de deux, l’un supérieur, l'autre inférieur ; ils sont en croissant comme dans les Phytocores, et forment l’urite anal. Après cet urite, en allant de l’anus vers le thorax, on rencontre un sternite, seul, qui rappelle ce que nous avons fait connaître dans les Ranâtres : c’est le zoonite préanal. Voilà, du reste, le seul cas où nous voyons cet urite, habituellement composé d’un tergite, être représenté par un sternite. En continuant, on trouve un urite complet formé par un ster- nile, un tergite et des épimérites. Enfin, près de la vulve, ou de chaque côté d’elle, les pièces DES INSECTES HÉMIPIÈRES, 561 augmentent de volume et de nombre; elles appartiennent à l’urite prégénilal, qui est le septième apparent en partant du thorax. Elles semblent former la vulve elle-même, mais quand on les étudie avec soin, on voit que l’urite qu’elles composent renferme : un sternite très petit, caché sous le sixième segment, ayant deux longues apophyses pleurales, qui s’articulent avecles bords anté- rieurs des deux plaques latérales limitant la vulve, qu’il faut considérer comme des épisternites ; un tergite très grand et deux épimérites qui se placent entre celui-ci et les épisternites. Ainsi, voilà un urite prégénital composé de six éléments, en apparence privé de sternite, et qui s’avance sur les côlés de l’orifice des organes génitaux. C’est le contraire de ce que l’on remarque ha- bituellement. Le slernite prégénital protége la vulve et l'anus; ici il avorte presque, et la partie tergale semble concourir à la formation des organes génitaux externes. Nous avons omis de parler d’une petite pièce impaire mé- diane qui se trouve en arrière de la vulve, presque dans sa paroi supérieure, et qui ressemble beaucoup aux sternites dégradés des Ploa ; elle est accompagnée de deux languettes cornées ; la glande de l'humeur puante s'ouvre au-dessous d’elle. Faut-il la considérer comme l'élément sternal d’un urite postgénital ? ou bien devons-nous croire qu’elle est supplémentaire ? Dans la première supposition, que la ressemblance avec le sternite post- génital du Ploa pourrait faire regarder comme vraie, nous aurions entre l’anus et la vulve quatre zoonites, ce que jamais nous n'a- vons rencontré au moins dans l’ordre. Dans la seconde, nous re- trouverions la disposition habituelle , à savoir, deux urites post- génitaux, un urite anal ; bien qu'il faille admettre le moins possible l'existence de parties supplémentaires , nous préférons toutefois la seconde alternative. Est-il nécessaire de faire remarquer les différences qui sépa- rent cette armure des autres, et surtout des premiers types? On voit que l’urite anal est composé d’une pièce dans la Punaise des lits, qu'ici il est formé de deux; que le préanal, fort com- plexe dans l’une, n’est représenté que par un sternite dans l’autre; que le postgénital, composé de quatre éléments dans 362 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE les premiers, est formé par les six dans les seconds, où, de plus, le sternite est bifide. La différence la plus saillante est celle-ci. Dans la Punaise, c’est l’urite postgénilal qui entoure, protége la vulve; dans le Pentatome, c’est le prégénital : aussi ces deux segments, quoique différents, se ressemblent-ils beaucoup ; ils concourent au même but, à l’accomplissement des mêmes fonctions. On voit, en résumé, que, lorsque les armures, très dégradées, ne présentent plus les formes spéciales de tarières ou autres in- struments, il n’est guère possible que de reconnaître les éléments du zoonite primitif. A ce point de vue, on peut bien les compa- rer entre elles; mais à part cela, les comparaisons deviennent difficiles ou impossibles. $ IT. — Composition de l'abdomen des Hémiptères. En étudiant les Orthoptères, nous avons reconnu d’une ma- nière constante que les zooniles abdominaux, les urites dans la nomenclature, étaient au nombre de onze. En faisant quelques rapprochements avec les Hyménoptères, nous avons montré com- bien nous penchions à croire que, là aussi, le nombre normal était le même que dans les Orthoptères, bien qu'en réalité, on n’en trouvât que huit ou neuf. Voyons si les Hémiptères feraient exception, et s’il faudrait pour eux admettre avec les auteurs que l'abdomen se compose de neuf segments seulement. Dans la Cigale, suivant qu'un cercle corné, détaché entre l'abdomen et le thorax, est considéré comme le proturite, ou comme une division purement artificielle, nous admettons onze ou dix urites. Nous avons pensé que onze était le nombre normal. Une considération d’un autre ordre nous conduit à généraliser ce nombre et à le regarder comme type normal des Hémiptères, Dans les cas où les onze urites sont évidents, on trouve l’anus et la vulve séparés par trois uriles : or, dans presque tous les exem- ples, les trois urites postgénitaux se sont présentés, ce qui nous permet d'admettre que toujours ce sont les mêmes ; et comme les Ploa, qui les possèdent, eh ont moins en avant de la vulve, il nous a été possible d'admettre que c'était vers le thorax que les avor- DES INSECTES HÉMIPTÈRES, 363 tements se passaient, Le Ploa présente ce phénomène avec toute évidence ; on voit disparaître les proto- et deutotergites, et les sternites correspondants ne se font remarquer que par des stries de soudures, et encore ne les voit-on pas toujours. Un fait particulier se présente pour les Pentatomides à propos d’une pièce impaire placée entre la vulve et le segment post- génital ; nous avons posé cette question : Faut-illa considérer, oui ou non, comme un sternite? Sans revenir sur les motifs qui nous ont fait admettre la seconde manière de voir, nousdirons que, dans notre opinion, l'abdomen des Pentatomes est composé de onze segments ; le premier avorte : mais que si l’on veut considérer la petite pièce en question comme un sternite, alors le nombre de- vient onze, sans avoir besoin d'admettre l’avortement. Dans ce cas on à quatre urites séparant la vulve et l'anus, ce qui ne se rencontre dans aucune autre espèce de l’ordre. Quel que soit, du reste, le nombre des segments abdominaux, chacun d’eux présente une composition, toujours la même, qu’il est très important de faire remarquer. C’est dans les Nèpes et les Ranâtres que le zoonite type se présente avec le plus de net- teté. Là, en effet, le sternite, plus ou moins caréné en dessous, s’unit par une articulation facile à détruire avec les deux épi- sternites. On peut voir sur la face ventrale les deux lignes qui correspondent à ces articulations : le tergite, courbé en sens in- verse du sternite, présente, au lieu d’une carène, un sillon mé- dian. Les bords latéraux unis aux épimérites se font remarquer aussi par deux lignes longitudinales sur le dos de l'animal. Tan- dis que les épisternites continuent la direction du sternite , les épimérites s’éloignent de celle du tergite, et rencontrent à angle aigu les premiers. De la réunion des pièces pleurales résulte le bord tranchant de l’abdomen, des Nèpes, des Ranâtres. Si, partant de ces espèces, on cherche les six éléments du zoonile primitif, on les retrouve dans presque tous les Hémiptères, avec des soudures plus ou moins complètes, qui les masquent et les font échapper aux investigations les plus attentives dans quelques cas. Cette observation est fort utile, car on peut, en suivant la 364 LACAZE-DUTINERS. — ARMUREÉ GÉNITALE FEMELLE série d’un même élément sur tous les urites, voir par quelles transformations successives la nature arrive à faire des instru- ments variés avec de simples plaques, Ainsi, dans les Phytocores, Naucores, Gerris et Pentatomes, on peut reconnaître , à l’exté- rieur, que les épimérites et épisternites de l’armure sont les mêmes que dans le reste de l'abdomen. On peut, en effet, suivre, du thorax jusqu’à la vulve, la série des pièces épimérales et épister- nales ; aussi, nous le répétons, les Hémiptères présentent à ce point de vue un intérêt extrême, car on y trouve la démonstra- tion des idées théoriques, qui, pour être moins évidentes, sont positives dans les autres ordres. Enfin, nous devons nous arrêter encore sur la terminaison de l’abdomen. Dans les Orthoptères , à peu près constamment au côlé de l’anus, nous avons trouvé deux filaments plus ou moins longs, plus où moins variables dans leur forme. Deux genres des Hémiptères présentent seuls des appendices analogues aussi longs : ce sont les Nèpes et les Ranâtres; les Gerris ont aussi deux épines saillantes ; enfin, les Naucores, les Ploa, semblent en avoir de rudimentaires. Il est intéressant de savoir si les parties saillantes ont la même origine que celles des Orthoptères. Dans la majorité des cas, la comparaison n’est pas possible, en tant qu’éléments d’un même zoonite ; c'est tout au plus si l’on pourrait admettre que parfois c’est la même partie de divers z00- nites qui s’allonge pour les produire. Encore faudrait-il compter de nombreuses exceptions. Dans les Cigales, les rhabdites voi- sins de l’anus sont les analogues de ceux des Acridiens ; dans les Ploa, ce sont des épines dues au dédoublement de l’épimérite ; dans les Naucores, ce sont les épimérites eux-mêmes de lurite génital. Les épines des Gerris, les longs filaments des Ranâtres, appartiennent à l’urite prégénital, et sont dans un cas les épimé- rites, dans l’autre les tergorhabditles. Ainsi, en résumé, on voit que les appendices qui terminent le corps des Hémiptères sont loin, comme dans les Sauterelles, d’être produits toujours par le même zoonite eb par le même élément des divers zoonites. Les Fulgores ont une terminaison de l'abdomen bien différente, Dans le voisinage de l'anus existe + mm DES INSECTES HÉMIPTÈRES, 365 une pièce bombée, très grande, habituellement couverte de duvet cotonneux. En y regardant de près, on reconnait que c’est l’une des parties de l’urite anal ‘qui s’est ainsi développée outre me- sure et qui à pris une forme bizarre. D'après les études que nous avons faites , il est possible main- tenant de conclure que, lorsqu'une tarière se constitue dans les Hémiptères, c’est aux dépens toujours d’un même urite du troi- sième avant-dernier ou du postgénital ; que surtout un segment quelconque peut se modifier et prendre des formes en rapport avec les fonctions auxquelles il est employé. Dans la Ranâtre, en effet, nous avons va l’urite prégénital, qui concourt toujours plus ou moins à protéger les organes génitaux externes, avoir de nou- velles fonctions ; nous le voyons remplacé par celui qui le pré- cède, dont la forme change à ce point que le sternite ressemble presque à un gorgeret. Tous ces exemples donnent encore plus de force à la vérité de cette proposition : Les variétés de formes des pièces abdominales sont dues à la transformation des éléments primitifs des zoonites. Enfin, dans les Pentatomes, ces éléments, sans modifications, deviennent des plaques protectrices qui abritent la vulve. Rappelons le chevauchement de l’urite postgénital et du pré- abal qui s’articulent ensemble par quelques unes de leurs pièces, comme nous l'avons vu dans les Ploa, Notonectes et Naucores. Si nous comparions l’abdomen des Hémiptères à celui des Hyménoptères et des Orthoptères, nous verrions que dans les Hémiptères homoptères, il se rapproche des premiers par la partie antérieure à la vulve , tandis qu’il ressemble aux seconds par la parlie anale; enfin, qu’en général, c’est de onze urites, comme dans les seconds, qu’il se compose. S IV. — De l’armure en général. Quelle idée générale peut-on se faire de l’armure des Hémi- p'ères ? Est-il possible de réduire ses variétés à quelques types principaux ? Nous avons répété à plusieurs reprises qu'elle était formée par 366 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE les éléments modifiés du zoonite, c’est l’idée la plus générale qu'on peut s’en faire; mais nous voulons revenir sur un exemple inté- ressant, qui le démontre avec toute évidence, sur la Phytocore. Si dans cet insecte, en effet, on supprime les sternorhabdites, les tergorhabdites et le sternite, on a les trois pièces, dorsales et la- térales, appartenant à l’armure, qui ne différent pas sensiblement de celles du reste de l'abdomen, en sorte que l’origine des par- ties ne peut être révoquée en doute. Nous rappelons ce fait pour montrer que si c’est ici par les épimérites et les épislernites que nous arrivons à reconnaître l'origine des parties de la tarière; ça été par le sternite que nous avons été conduit à sette connais- sance dans les Hyménoptères. Avec l’étude de plusieurs ordres, les six pièces fondamentales des zoonites nous ont montré suc- cessivement leur origine ; aussi maintenant les doutes sont-ils impossibles. Toutes les armures ne présentent pas le même degré de per- fection, le but qu’elles doivent atteindre étant différent. Aussi pou- vons-nous les grouper autour de certains types; mais, il faut le dire, ce groupement est loin d’avoir l’importance que nous lui avons reconnue dans les Orthoptères. Dans un premier groupe, nous placerons tous les Hémiptères à tarière complète bien développée, comme la Cigale et les Phy- tocores. Les figures théoriques que nous avons données pour les Hyménoptères peuvent servir très bien ici. Les Fulgores, Naucores, Ploa et Notonectes, peuvent être réunis dans un deuxième groupe, L’urite de l’armure est complet avec les éléments modifiés en instrument plus ou moins parfait. 11 présente cette particularité, que souvent une réunion de pièces secondaires représente une pièce principale, et que les éléments des deux premiers urites postgénitaux s’arliculent entre eux par le chevauchement de leurs parties. Le troisième groupe est formé par les Ranâtres, Nèpes et Gerris ; les sternorhabdites, et peut-être le sternite, manquent. Le zoonite postgénital est incomplet. Enfin, dans le quatrième groupe, prennent place les Pont tomes et Punaises du lit; nous retrouvons les éléments primitifs DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 367 du zoonite plus ou moins développés ; jamais ils ne forment une tarière ou une arme même incomplète. En cherchant à rapprocher ainsi les différents types que nous avons étudiés, notre but n’a élé que de faire saisir d’une ma- nière générale l’ensemble de la composilion des organes gé- nitaux externes dans les Hémiptères; nous avons voulu montrer comment la nature, par des modifications de plus en plus simples, revient d’une tarière complète et bien organisée aux parties primitives qui forment les segments des animaux arti- culés. Jl est, je crois, inutile de critiquer de nouveau celte opinion dont nous avons déjà montré le peu de valeur, à savoir, que les organes térébrants ou autres sont des dépendances du vagin ou un prolongement corné de l’oviducte. 11 nous paraît aussi suffi- samment démontré que le nom d'organes génitaux externes, qu’on leur donne quelquefois, est impropre. Il suffit de dire que les sclérodermites voisins de l’orifice de la génération se modifient plus ou moins, suivant les besoins des espèces, pour aider les fonctions de reproduction. 8 V. L’armure peut-elle servir dans les Hémiptères de base une classification ? Nous nous serions dispensés de poser ici cette question, si, dans les ordres précédents, nous ne l’avions traitée avec quelque développement ; les groupes que nous venons de faire répondent d’une manière suffisante, car nous avons placé la Phytocore à côté de la Cigale. Le Fulgore s’est trouvé éloigné des Homoptères et rapproché du Ploa : ainsi, pas plus que dans les Hyménoptè- res , la tarière ne peut servir de base à la classification, Là c'était à cause d’une trop grande uniformité de composition dans toutes les espèces ; ici c’est par un caractère opposé, la trop grande variabilité des formes. Mais , dans les deux cas, les caractères secondaires tirés de ces organes peuvent certainement être em- ployés utilement, surtout pour des distinctions spécifiques. On voit qu’il n’en est pas comme des Orthoptères, où les formes de l’ar; 368 LACAZE-DUTRIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE mure génitale pouvaient servir à distinguer les groupes en fa- milles naturelles. $ VI — Fonctions de l’armure des Hémiptères. 11 est impossible d'étudier d’une manière générale les fonc- tions de toutes les armures. On comprend, d’après les détails anatomiques qui précèdent, qu’il en est dont le rôle esttrèsborné ; aussi prendrons-nous quelques types distincts, pour rechercher comment ils pénètrent les corps solides, ou servent au dépôt des œufs. La Cigale se présente naturellement la première à notre exa- men; car elle a été le sujet d’études et de discussions nombreuses de la part de quelques hommes importants : ici nous serons obli- gés d’empiéter un peu sur la partie historique. D'abord comment pénètre la tarière ? A ce sujet, l’opinion de Réaumur avait cours dans la science; elle était admise comme l'expression de la vérité, quand M. Doyère entreprit de démontrer qu’elle était une erreur, qu'il fallait admettre une manière de voir tout à fait opposée. M. Westwood, reprenant la question, et laissant les explications de M. Doyère, se rangea de nouveau du côté de Réaumur. N’avons-nous pas à redouter qu'après de tels auteurs , l’explication qui va suivre n'ait le sort de toutes les autres ? Pour GENE a pièce d'assemblage (ou sternite) ne sert qu’à porter les limes, à en favoriser l’action ; elle en régularise le jeu, son rôle est passif. Pour M. Doyère, au contraire, le sternite est la partie active ; c’est lui qui fait tout. Les limes (ou tergorhab- dites) ne font que maintenir l’instrament en place, l’empêchent de reculer (1), lui fournissent le point d'appui; aussi méritent- elles le nom de grappins. Ces deux opinions sont opposées , et (1) Je dois rappeler ici ce qui a été dit à propos des Hyménoptères, que les positions anatomiques désignées par les mots en avant, en arrière, signilient du côté de la tête, du côté de l'anus ; mais il arrivera, à propos des fonctions, de dire que la tarière avance ou recule, ne tenant compte que de sa progression vers l'obstacle. — Avec cet avertissement , la confusion qui aurait pu naltre quelquefois dans l'esprit disparaîtra. DES INSECTES HÉMIPIÈRES. 369 c’est pour avoir été l’une et l’autre trop absolues qu’elles sont en partie dans le vrai, en partie dans le faux. Cherchons quel est le jeu de chacune des pièces de la tarière, indépendamment de toute perforation ; considérons, si l’on veut, leurs mouvements, d'après les dispositions anatomiques. Il est naturel de supposer que la pièce dont les mouvements sont les plus étendus à aussi la part la plus grande dans l'action ; c’est par de (elles considérations que M. Doyère est arrivé aux résultats que nous indiquions plus haut. Si l’on étudie la partie sternale de l’armure, on voit que les épisternites, parallèles au sternite (pièce d'assemblage de Réaumur, poincon de M. Doyère), sont unis à celui-ci par des soudures très solides ; comme le ster- nite n’a d'union qu'avec les épisternites, on comprend que les mouvements dont il est doué lui sont communiqués par les pre- miers. À cause des soudures, il faut admettre que les deux pièces épisternales se meuvent dans le même moment. La partie tergale se compose d’un tergite très grand, résistant, épais, aux angles antérieurs et latéraux duquel sont soudées des pièces qui ne peuvent avoir encore que des mouvements résultant de ses déplacements. En sorte que nous voyons la partie slernale et la partie tergale se mouvoir chacune comme une seule pièce. Comme des articulations et des assem- blages unissent ensemble ces deux parties du zoonite, il faut admettre que si l’une d'elles est fixe et immobile , l’autre seule a des mouvements et un rôle actif. Après avoir, pour ainsi dire, réduit à deux pièces tout l'appareil, après les avoir opposées l’une à l’autre, nous comprendrons mieux la cause des opinions différentes de Réaumur et de M. Doyère. Le premier, ne considérant que les extrémités, dit : Ce sont les limes ( dépendant de la partie tergale) qui, plus aiguës , mieux faconnées pour pénétrer, perforent les tissus ; la pièce d’assem- blage (dépendant de la partie sternale) est immobile. Le second, au contraire, examinant principalement les pièces basilaires ct profondes, dit : Le segment dorsal, qui porte les limes , n’a que peu ou point dé mouvements ; celles-ci sont immobiles : les leviers de la puissance (les épisternites) donnent attache à des muscles 3* série, Zoos. T. X VITE. ( Cahier n° 6.) f 24 370 LACAZE-DUTHIERS, — ABMURE GÉNITALE FEMELLE puissants; ils jouissent, dans leur point d’articulation avec le segment dorsal d’une mobilité extrême : ce sont eux qui com- muniquent les mouvements à la partie active, le poincon (sternite). 1l est hors de doute que si l’on considère le tergite comme étant fixé, les limes seront à peu près immobiles ; il est encore incon- testable que les soudures de ces deux parties empêchent les mou- vements alternatifs des tergorhabdites. Mais qu'est-ce qui dé- montre que le sternite ( poincon ) et les épisternites se meuvent seuls, les autres pièces restant fixes? Il nous paraît qu’en cela M. Doyère a été trop exclusif, et qu'il faut considérer les choses comme se passant de la manière suivante. L’épisternite s'articule avec l'épimérite à peu près à la réunion des deux tiers an- térieurs de la longueur. C’est sur son bord supérieur que se trouve la cavité qui recoit l’angle inférieur articulaire de l’épi- mérite. À ses deux extrémités s’insèrent des muscles qui vont s'attacher à la pièce dorsale; supposons , pour prendre une idée plus nette et plus simple de la disposition, l’épisternite et le tergite parallèles à l’axe du corps , et les muscles qui les unis- sent perpendiculaires à cette direction; le bras du levier est deux fois moindre pour le muscle antérieur , ce qui donne une force très considérable au muscle postérieur. Si le tergite est fixe et que les muscles se contractent alternativement, les extrémités de l’épisternite se meuvent dans un même plan de haut en bas autour du centre articulaire. On peut comparer cette pièce à ces balanciers des machines à vapeur dont les extrémités, tantôt élevées, tantôt abaissées par les pistons, se meuvent tou- jours dans un même plan, en décrivant des portions de courbes autour du point qui lesfixe. La comparaison est des plus exactes et peut être poussée plus loin. On sait comment ces mouvements verticaux de va-et-vient sont utilisés et transformés en mouve- ments de va-et-vient horizontaux. Dans la Cigale, la portion arquée du sternite , qui remonte vers l’angle supérieur de l’extrémité antérieure de l’épisternite , jouit d’une certaine flexibilité. Maintenu par son assemblage avec le tergorhabdite, le sternite reste parallèle à l’axe du corps quand les muscles moteurs de l’épisternite se contractent ; alors DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 971 le mouvement de va-et-vient vertical imprimé aux extrémités de celui-ci se transforme en un mouvement de va-et-vient horizontal dans celui-là ; car lorsque le muscle antérieur se contracte, il rapproche du tergite l'extrémité adhérente du sternite, et ce déplacement se traduit par un mouvement de recul de sa pointe. Quand le muscle postérieur se contracte au contraire, cette extré- mité est portée en bas et pousse la pointe en dehors. Si l’on suppose que les pièces sternales sont fixes et que les pièces tergales sontmobiles, on ale même effet que précédemment, seulement en sens inverse. Ce sont les limes qui avancent et reculent, quand les extrémités du tergite s’abaissent ou s'élèvent. On peut voir maintenant dans quelle hypothèse absolue s’est placé M. Doyère; pour lui, en effet, les pièces tergales immobiles fournissent les points d’attache fixes aux muscles moteurs des parties sternales, qu'il compare à des ressorts de sonnettes. Nous ne croyons pas le tergite tellement fixe que, lorsque le muscle antérieur se contracte, par exemple , son bord ne s’abaisse un peu vers l'extrémité de l’épisternite qui se relève ; et de même quand le muscle postérieur entre en action. Les mouvements sont moins étendus pour la partie tergale que pour la partie slernale , mais ils existent et s'ajoutent en sens inverse aux premiers : quand donc le poincon est poussé vers l’obstacle à vaincre , les limes s’en éloignent ; inversement , quand la pièce d’assemblage est retirée, les grappins s’avancent. On le voit, nous admettons que les mouvements se passent dans le sternite comme M. Doyère, dans les limes comme Réaumur. Sur une Ci- gale dont on a solidement fixé l'abdomen, on produit très bien les mouvements du sternite et des limes, en faisant basculer les épisternites. Nous avons dit que les grappins et le poincon se maintenaient réciproquement dans une position fixe ; cherchons par quel mode d'assemblage ce résultat est obtenu. Pour cela il faut faire une coupe perpendiculaire à l’axe de l'instrument ; alors faisant avan- cer et reculer les tergorhabdites ou le sternite, on peut voir comment ils sont unis. Réaumur a fait une comparaison juste, en disant que ces pièces glissent les unes sur les autres comme les 372 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE couvercles des boîtes à coulisse. Toutefois la comparaison, qui donne bien une idée du mouvement du sternite entre les deux limes, présente cela de défectueux, que les limes n’ont pas d’ap- pui latéralement, en sorte que si les boîtes dont parle Réaumur étaient dans les mêmes conditions, en écartant les parois, leur cou- vercle tomberait. Les pièces sont et restent rapprochées par un système spécial de mortaises que Réaumur semble n'avoir pas bien observé; de plus, il fait erreur, quand il dit que la coulisse est sur le sternite ou pièce d'assemblage. La difficulté est extrême pour voir cet assemblage. Le moyen qui réussit le mieux est celui-ci : après avoir coupé une tarière perpendiculairement à son axe et en avoir séparé les éléments, on pique, par la partie opposée à la coupe, chacune des pièces dans leur position respective sur le bord d’une goutte de cire figée sur une plaque de verre. Placant la préparation sur la platine du microscope , éteignant la lumière transmise , et n’éclairant que par la lumière directe, on observe certains détails. Faisant arri- ver ensuite la lumière du miroir, on voit, si l’on a eu soin d’in- cliner un peu les pièces, au milieu d’une lumière vive, se dessiner nettement les contours. Des détails nouveaux s’ajoutent à ceux déjà reconnus, et donnent une idée complète de la disposition des parties. lille est du reste semblable à celle observée dans les ordres précédents, et si j’insiste, c’est que les auteurs qui se sont occupés plus spécialement de la Cigale ne me paraissent pas en avoir eu une parfaite connaissance. La coulisse est sur les tergorhabdites ou limes, et non sur la pièce d'assemblage. Elle à une forme et une position particu- lières. La lame cornée qui limite en dehors les limes forme, en se reployant en dedans et en haut, l’angle supérieur, près duquel se trouve la mortaise ou coulisse articulaire. Plus large dans le fond que sur les bords, les lèvres de celle-ci sont rapprochées, de sorte qu'une pièce qui remplirait sa cavité serait trop grande pour en sortir. Après cette mortaise, la lame cornée cesse; elle est renr- placée par une membrane, jusqu’au point où le bord inférieur, égalementrepliéen dedans,donne naissance à une autre disposition. Les deux limes s’assemblent aussi entre elles par leurs bords DES INSECTES HÉMIPIÈRES. 275 inférieurs. Celle de gauche porte la mortaise, celle de droite four- nit la languette. Les formes de ces parties sont inverses et telles, que l’une est recue par l’autre, et que tandis qu’elles peuvent se mouvoir avec facilité longitudinalement, elles sont retenues ct ne peuvent s’écarter qu'avec peine dans un sens perpendiculaire à leurs directions. Le sternite est formé par une lame cornée plusieurs fois angu- leuse dont la coupe peut s'inscrire dans un quadrilatère régu- lier. Vers le milieu des faces latérales, on trouve l’arête ou languette d'assemblage : sa forme est en rapport avec celle de la coulisse : large et épaisse dans sa portion libre, elle est unie au corps du sternite par un étranglement ; en sorte qu’une fois recue dans la mortaise, elle ne peut en sortir autrement que par un mouvement parallèle à elle-même. Ces dispositions expliquent pourquoi ces trois pièces se meuvent avec une grande facilité, tout en restant fixées dans une position toujours la même. Ainsi rapprochées et unies, ces pièces forment-elles un canal? Pour M. Doyère, il n’y a pas de doute, puisqu'il en admet quatre; un dans chaque pièce, un au milieu d’elles. Les trois premiers doivent être considérés comme étant la partie interne molle que limite le scléroderme ; il y a, dans les limes, les grappins, un conduit comme il y en a un dans les pattes, les antennes, et tous les appendices des Insectes. Quant à celui que forment en bas les deux tergorhabdites, en haut le sternite, il est admis par tous les auteurs, Dans une Cigale du frêne, conservée dans l’alcool, je l'ai trouvé fort évident, surtout à la base de l'organe ; dans la Cicada nigra, il est peut-être moins marqué : toutefois, si l’on considère que la face inférieure du sternite est un peu membra- neuse, que la face interne des limes n’est pas cornéifiée, on peut comprendre la possibilité d’un espace libre permettant le passage des œufs. Nous savons quels mouvements peuvent exéculer les différentes pièces, quelle disposition remarquable les maintient toujours dans la même position ; voyons comment elles exécutent la per- foration des corps solides. Laquelle des deux pièces pénètre la première, du sternite ou 374 LACAZE-DUTMIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE du tergorhabdite? Nous avons cité les opinions opposées de Réau- mur et de M. Doyère à cet égard. Ce dernier, après avoir cherché à démontrer que certaines pièces élaient inactives, a cru pouvoir leur attribuer un rôle important, en leur faisant fournir le point d'appui à tout l'appareil. Pour cet auteur, le point d'appui c’est tout; et c’est pour ne lavoir pas cherché que les auteurs sont tombés dans l’erreur. Mais où le trouver : serait-ce dans le poids du corps de l’insecte? Qu'est ce poids par rapport à l'effort nécessaire pour la perforation d’un bois dur ? C’est danslescrochets de l'instrument lui-même que M. Doyère le reconnaît. Dans son opinion, les grappins portés au fond de l’orifice du trou pratiqué par le pinçon ne permettent plus à la machine de reculer. N'y a-t-il pas encore dans cette manière de voir trop d'exclusivisme? En effet, de ce que le poids du corps ne peut expliquer la péné- tration de la tarière, il ne s'ensuit pas que l’insecte ne puisse appliquer sa force propre à pousser en avant tout l’appareil et à lui communiquer une puissance assez grande. En effet, voyez une Abeille qui cherche à se défendre, avec quelle habileté elle porte l'extrémité de son abdomen dans tous les sens; avec quelle rapidité elle fait saillir et rentrer son arme. Ainsi, en dehors des mouvements limités et bornés se passant dans l’in- térieur de la pièce basilaire tergale, on peut et l’on doit admet- tre une force motrice de la partie postérieure de l'abdomen vers la résistance. Il est, je crois, suffisamment établi que les Insectes peuvent, dans certains cas, déployer une énergie considérable : ainsi, outre la force due au cramponnement des crochets des tarses , on sait combien on a de peine à les détacher du lieu où ils se sont fixés ; avec quelle énergie il faut serrer entre ses doigts un Géotrupe pour qu'il ne nous échappe pas, et un Dytique, un Hydrophile ; avec quelle facilité un Bousier s'évade du bocal sous lequel on l’a renfermé, en le soulevant avec son cha- peron. Il est inutile de multiplier les exemples, et nous admet- tons, contre l'opinion de M. Doyère, que la tarière trouve un point d'appui dans le cramponnement de la Cigale. D'ailleurs, à quel moment le point d'appui est-il le plus utile ? DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 375 n'est-ce pas quand la pointe de l'instrument s’applique sur l’ob- stacle? À ce moment, dans l’opinion que nous analysons, les grappins sont passifs, puisqu'ils ne se sont pas logés dans un con- duit contre les parois duquel ils puissent se cramponner. Aussi l’au- teur, sentant cela sans doute, a supposé que la Cigale introduisait d’abordsa tarière dans un pertuis qu’elle cherchait à la surface des branches mortes. Il est certain qu’elle doit profiter des orifices qu’elle rencontre ; mais on sait que les branches où ont été déposés les œufs sont percées de huit ou dix trous, et même davantage, régulièrement espacés, en série linéaire assez droite, Comment dès lors supposer que par avance ces branches se trouvaient creusées de petits orifices aussi régulièrement disposés? D'autre part, Réaumur a donné les dessins et décrit les orifices de ces trous, et - toujours il a indiqué que les tissus de la surface semblaient avoir été soulevés avant que la tarière pénéträt profondément. Ainsi il faut bien admettre que l'instrument pénètre d’abord à l’aide d’une force favorisée par toute autre cause que le cramponnement des grappins. Telles sont les considérations de mécanique qui, après les considérations anatomiques, ont conduit M. Doyère à ne pas admettre que les limes pénétraient les premières. Pour nous, admettant que les limes ont un mouvement de va-et-vient comme la pièce d'assemblage, moins fort, il est vrai, et qu’elles agissent en tant que limes , nous sommes conduit à l'explication suivante, Supposons d’abord l'extrémité de la tarière introduite dans un orifice (plus loin, nous dirons comment nous pensons qu’il est produit) ; concevons, en outre, une position telle des trois pièces que leurs extrémités soient également avan- cées : si les muscles postérieurs se contractent, ils feront saillir la pointe du sternite, et reculer les tergorhabdites. Le sternite s’avance contre l’obstacle, les tergorhabdites s’en éloignent ; ceux-ci en reculant s’écartent (1), et leur face externe s'applique contre les parois de la cavité. Le premier a de la tendance à (1) En étudiant bientôt les détails de la terminaison de l'instrument, nous verrons que le sternite, un peu conique à son extrémité, écarté les tergorhab- dites quand il les dépasse; que lorsqu'il rentre, les pointes de ceux-ci se rap- prochent au contraire, et forment par leur réunion un dard très aigu. 376 LACAZE-DUTMIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE pénétrer plus avant, les seconds agrandissent l’orifice en limant ses parois, Si les muscles antérieurs agissent, le sternite est reporté vers le corps de l'animal , il est retiré de la blessure ; alors les tergorhabdites s’avancent, et, comme dans ce moment leurs pointes se rapprochent, ils peuvent pénétrer, non seulement jusqu’au fond du trajet creusé , mais encore s'insinuer entre les fibres ligneuses. Alors les contractions des muscles postérieurs recommencent, le premier effet se reproduit, et ainsi de suite. On le voit, c’est dans le premier temps que se passe toute l’action ; le second est employé à mettre les instruments en place. Aussi quelle différence dans les bras de levier des puissances muscu- laires ; elle est du simple au double. La masse des muscles n’est pas moins différente. Une comparaison fera peut-être mieux comprendre le jeu de ces pièces tel que nous cherchons à l’analyser. On connaît dans les arts ces limes nommées queues de rat; elles ne peuvent agir que lors- qu’elles sont introduites dans un orifice préparé à l'avance. Qu'on les suppose creusées d’une cavité logeant un poincon, que l’un et l'autre jouent en sens contraire, n’est-il pas évident que chaque coup de poincon formera un conduit où l’on pourra introduire la queue derat? l’action de l’un sera préparée par l'action de l’autre, et nous aurons un instrument à la fois perforant et limant. C’est, je crois, de la sorte qu’il faut considérer la tarière de la Cigale, tarière admirable, en effet, où les pièces se succèdent sans ja- mais perdre de temps : si le poincon recule pour revenir avec plus de force, les limes avancent pour ne pas perdre l’avantage ; l’un pénètre, l’autre agrandit. Nous avons supposé la tarière introduite dans un orifice ; mais quand il n’en existe pas? Le soulèvement des tissus du bois à i’un des côtés du trou, comme le représente Réaumur, doit nous faire supposer que la Cigale, fortement cramponnée, applique d’abord sa tarière à peu près parallèlement à la direction de la branche ; que par les mouvements alternatifs du sternite et des tergorhabdites, elle doit arriver à soulever les tissus : pour peu qu'une éraillure soit faite, les pointes aiguës des limes s’insinuent, puis agrandissent ce commencement de trou quand la pièce d’as- DES INSECLES HÉMIPIÈRES. 577 semblage vient les écarter. 11 semble, d’après les dispositions observées autour des trous, que le tissu a été déchiré et refoulé; cet effet doit naturellement être rapporté au mouvement du ster- nite, qui, à ce moment, n’a et ne peut avoir d’autre point d'appui que dans la force de l’animal. Dès que l’animal sent que le bois est suffisamment divisé, il relève peu à peu son abdomen, et donne à la tarière une direction plus ou moins perpendiculaire à celle de la tige. 11 n’est point douteux que lorsque la Cigale cherche un point où elle puisse introduire son instrument, le sternite ne soit reliré, que les tergorhabdites le dépassent et forment une pointe très aiguë. Ceux-ci, introduits dans le moindre pertuis , sont bientôt suivis du coup de poincon. Ainsi, en résumé, nous admettrons avec Réaumur que les tergorhabdites agissent comme des limes, mais ensemble dans le même temps, et non par des mouvements alternatifs ; avec M. Doyère, que le sternile a une part très grande dans l’action, qu'il prépare la voie aux limes dont il favorise le jeu ; que lappa- reil trouve dans l’action de celles-ci une résistance qui favorise la pénétration du sternite ; qu'à ce point de vue seulement on peut admettre le rôle des grappins. Nous rejetons donc l’absolu de ces deux opinions, qui attribuent toute l’action à une seule pièce. Il nous reste à parler de la terminaison de la tarière, pour montrer comment elle peut agir comme une lime. C’est encore par des considérations anatomiques que M. Doyère a trouvé que les tergorhabdites agissaient comme des grappins et non comme des limes ; ici il a élé moins heureux, car il s’est glissé des erreurs dans ses figures et dans ses descriptions. Il existe une assez grande difficulté à bien voir et bien reconnaître les dentelures dont sont couvertes les pièces. Aussi ce n’est qu'après des examens souvent répétés, à des grossissements variables, que j'ai pu arriver à re- connaitre les dispositions suivantes. Les trois pièces réunies ont la forme, très exactement, d’un fer de lance ; sur la face supérieure on apercoit le slernite, en des- sous les tergorhabdites sc rapprochent, et se terminent par deux lamelles membraneuses. Les bords tranchants du fer de Jance 9375 LACAZE-DUFHIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE sont constitués par les rhabdites, dont la forme est celle d’une py- ramide triangulaire des trois faces : l’une, interne, est appliquée contre le sternite; les deux autres, supérieures et inférieures, sont couvertes d’arêtes. Celles-ci, inclinées de la pointe de l’in- strument vers la base, ou, si l’on aime mieux, d’arrière en avant, présentent un bord tranchant irès caractérisé. Nées sur une face , elles se continuent sur l’autre ; on en compte dans la Cigale du frêne (Fraæini), dans la commune (plebeia) et la noire , de quatorze à quinze, d'autant plus marquées que l’on est plus près du milieu du fer de lance. La direction des lignes que dessinent les bords de ces arêtes varie beaucoup avec les faces et les points plus ou moins éloignés de l'extrémité. Sur la face supérieure, vers la partie la plus éloignée de la pointe, elles sont d’abord presque perpendicu- laires à l’axe de la tarière, ensuite elles deviennent de plus en plus obliques de dedans en dehors et d'avant en arrière. Leur obliquité continue un peu après le bord tranchant. Arri- vées sur la face inférieure , elles deviennent obliques de de- hors en dedans et d’arrière en avant, décrivent une courbe à concavité postérieure, enfin se redressent, et se dirigent toujours de dehors en dedans, mais d'avant en arrière. Elles sont prismatiques triangulaires. La face postérieure de l’une, très oblique, vient mourir au bas de la face antérieure plus droite de celle qui la précède. Une coupe perpendiculaire à leur direc- tion donnerait une série de dents dirigées en avant. Cette appa- rence se présente sur les bords du fer de lance, quand on con- sidère la tarière bien d’aplomb sur n'importe quelle face. Mais pour peu que l’on examine les tergorhabdites détachés oblique- ment (et c’est ce qui arrive presque toujours alors) , d’après les directions variables des arêtes, les dents paraissent mousses , et semblent regarder en arrière et non en avant. Aussi, à l'exception de Réaumur, où les choses sont un peu forcées , tous les auteurs donnent une idée très fausse de la dis- position. M. Doyère dit : «Les limes ne sont dentelées que près de leurs » bords, et les dentelures elles-mêmes ne sont que des tubercules DES INSECTES HÉMILTÈRES, : O1 » émoussés, en sorte que leur ensemble ne constitue pas en réa- » lité une lime, ni une râpe, ni même une scie. » Celle descrip- tion est bien en rapport avec les figures qui accompagnent, On reproche, en général, aux auteurs de donner des figures qui montrent mieux que la nature les choses qu’ils veulent prouver. Ce reproche n’est pas applicable à M. Doyère, puisque ses des- sins montrent tout le contraire de ses opinions. En effet, jamais, pour faire jouer le rôle de grappin à une pièce quelconque, on ne la couvrira de dents et crochels ayant une direction opposée à celle de la force qu'elles doivent neutraliser. Les grappins, quand le poincon agit, ont une tendance à être por- tés d’arrière en avant ; si les crochels dont ils sont munis sont dirigés d'avant en arrière, il est évident qu'ils ne s’opposeront pas à leur recul. On peut même dire plus, c’est que, si les tergorhabdites avaient à leurs bords des tubercules disposés comme l’indiquent les figures, ils auraient de la peine à péné- trer dans les orifices , car ils agiraient en sens inverse et joue- raient le rôle de grappins, par rapport à la force qui pousse les limes. Du reste, en opposant le passage cité plus haut avec la des- cription des arêtes, on voit qu'il y a inexactitude. Quand il s’agit de la Cicada nigra de Chine, les arêtes ne vont pas d'une face à l’autre, elles sont interrompues sur le bord tranchant du fer de lance, qui, vu dans certaines inclinaisons , paraît garni d’une double rangée de tubercules alternes ; et il est encore bien plus facile de remarquer ici l'apparence trompeuse que j'indi- quais. Il n’y a pas de doute, les tergorhabdites , couverts d’arêtes tranchantes, agissent en divisant les tissus tout en s’y crampon- nant; et la disposition de ces arêtes offre une admirable combi- naison de courbures, qui fait que toujours le bord tranchant se présente obliquement aux parties à diviser. Quant à l'extrémité du sternite, elle est en pyramide quadran- gulaire en forme de coin ; son extrémité n’est pas, à beaucoup près, aussi aiguë que celles des tergorhabdites. Cette forme cause l’écartement de ces derniers, et favorise, comme nous l'avons 980 LACAZE-DUTMBIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE dit, leur action ; on trouve sur leur dos deux ou trois tubercules mousses à peine apparents dont l’action est bien faible. La forme de la tarière des Phytocores indique assez que ses usages sont différents ; elle doit faire des entailles, des fentes. L’assemblage des parties est absolument le même que dans la - Cigale, sauf cette particularité exceptionnelle de l'union des deux rhabdites ; les mouvements sont semblables dans les deux cas. Le sternite n’est plus enfermé daus un tube, sa forme est identique avec celle des rhabdites ; aussi devons-nous supposer que son action est la même. Toutefois les dents dont il est garni à son extrémilé sont dirigées en sens inverse : elles coupent en avançant , tandis que, dans les tergorhabdites, elles divisent en reculant, et en servant alors aussi de grappins, Les œufs peuvent suivre le sternite pour sortir de l’armure, car la goutlière dontil est creusé est assez vaste pour cela. Maïs à l'extrémité, c’est en écartantles deux valves qu'ilspeuvent avan- cer ; là, en effet, la pièce d'assemblage est bifide et lamellaire. Nous voulons montrer ici comment les opinions trop exclu- sives deviennent inadmissibles pour les cas autres que ceux aux- quels elles s'appliquent. Ainsi, comment s'expliqueraient les mouvements des limes dans le cas actuel, si, avec M. Dovyère, on admettait que tous les mouvements se passent dans l’articula- tion de l’épimérite avec l’épisternite? Ici, en effet, ces deux pièces sont loin d’être mobiles l’une sur l’autre, comme dans la Cigale ; elles sont unies entre elles dans une grande étendue. On doit croire que la portion arquée de support du tergorhabdite possède une flexibilité qui permet aux muscles de les tirer en avant. Pour quiconque examine la tarière de la Phytocore, il est indubitable que les rhabdites doivent être des pièces prin- cipalement actives ; alors l'explication de M. Doyère ne s’appli- querait qu’à la Cigale, et point aux insectes munis d'instruments composés de la même manière. Dans les Randtres et les Nèpes , nous remarquons que les ter- gorhabdites ne sont point dentelés; le bord supérieur seul des épisternites porte des dents dirigées en avant. Cet instrument, assez semblable à deux lames de couteau obtuses , n’est donc DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 351 armé que sur le dos, et son action doit être assez obscure. Les deux lames peuvent s’écarter et permettre la sortie des œufs, dont l'introduction entre elles est favorisée par les épisternites du zoonite prégénital, qui s'étendent sur les côtés de l’armure. Je ne sais où et comment les Ranâtres pondent leurs œufs; mais n'est-il pas admissible que, après avoir introduit leur tarière dans un corps, les dents des épisternites ne soient une condition de fixité pour l’accomplissement de la ponte. Le tergite est petit, et ne doit pas fournir insertion à des musclesbien puissants; quant au sternite, ses fonctions sont nulles, puisqu'il est rudimentaire, Les Naucores présentent une particularité assez intéressante , inverse de ce que nous avons vu dans les autres Insectes, et qui permet de montrer combien les noms tirés de la fonction sont mauvais dans un travail comparalif ; en effet, au milieu des pièces multiples dont nous avons parlé, on reconnait le sternite et le ter- gorhabdite assemblés entre eux par des mortaises moins par- faites que celles que nous avons indiquées , puisque, en tirant perpendiculairement à leur direction, on peut les séparer. Les tergorhabdites , à peu près prismatiques, triangulaires, ont une arête inférieure couverte de dents dirigées en arrière ; le sternite, assez robuste, composé de deux lamelles cornées, est hérissé sur son dos de dents crochues dirigées en avant ; et vers l'extrémité on en rencontre même trois ou quatre plus grandes réunies en bouquet. N’est-il pas évident ici que le sternite doit fixer l’armure, tandis que les tergorhabdites font l'incision en sciant d'avant en arrière. Que deviennent alors les noms de grappins appliqués aux tergorhabdites quand leur fonction disparaît ? ici c’est la pièce qui représente le poincon de M. Doyère, qui devient par le fait un grappin. Nous arrivons à des armures de plus en plus dégradées, qui par cela même perdent de leur puissance. Les Ploa présentent encore l'apparence d’une arme ; les deux tergorhabdites sont for- tement cornés ; leurs extrémités, plates et arrondies, sont armées de dents irrégulièrement disposées, qui doivent déchirer les parties. Quant aux sternites , aux épisternites, leurs fonctions sont très obscures ou nulles, 382 LACAZE-DUTHIERS. —- ARMURE GÉNITALE FEMELLE Les Notonectes et les Gerris n’ont pas de pièces capables d'in: ciser, de couper ; aussi l’orifice de l’oviducte est-il simplement soutenu par ces pièces cornéifiées ; peut-être quelques unes ser- vent à diriger les œufs, pour qu'ils ne tombent pas au hasard , mais là se bornent leurs fonctions. L'armure des Penraromies et des Cimex lectularia doit ser- vir beaucoup moins encore que celles des Notonectes et des Gerris. Historique. Les travaux ayant trait à l’armure génitale des Hémiptères sont peut-être les plus importants qui ont été faits sur le sujet ; ils ne portent, du reste, que sur deux groupes : les Cigales et les Pentatomes. Pour la Gigale nous trouvons ceux de Réaumur, de M. Doyère et de M. Westwood; pour les Pentatomes, ceux de M. Léon Dufour. Réaumur a donné une description exacte de la tarière de la Cigale ; il en a étudié minutieusement tous les détails ; et les moyens qu'il indique pour l’examiner avec fruit sont encore à suivre aujourd'hui. La perfection de l'instrument des Cigales excitait souvent son admiration ; mais, disait-il, « nous ne » sommes pas étonné que des pièces qui échappent presque à » nos yeux par leur petitesse soient si parfaitement travaillées , » quand nous pensons quelle est la main qui les a faites (1). » Nous avons montré son opinion touchant les fonctions de la tarière ; nous n’y reviendrons pas. À part quelques détails sur le mode d'assemblage et sur les dents des limes, il avait tout vu, et donné des descriptions géné- rales de l’instrument, auxquelles on ne peut que renvoyer. Ce qui l'intéressait surtout, c'était la partie active et non les connections de l'instrument. Aussi néglige-t-il les anneaux de l'abdomen ; observateur de faits, cherchant à les décrire en détail et avec exactitude, Réaumur n’a pas étudié cependant quelle relation pouvait exister entre l’armure et le reste du scléroderme abdominal. Aussi, qu’on le remarque, notre description de læ (1) R.., vol. V, p. 470 et suiv., Mém. IV. DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 383 tarière a été plutôtune description comparative qu'une description topographique; nous n’aurions pu rien ajouter à ce qu'avait fait Réaumur. M. Doyère, dans un mémoire publié en 1837 (Annales des sciences naturelles), reprit l'anatomie de la tarière de la Cigale du frêne, afin de baser sur des données positives une explication nouvelle de ses fonctions ; la connaissance des muscles, des arti- culations et des leviers, devait seule le guider. Aussi est-il entré dans une assez longue description myologique; sans s'occuper de la question générale, objet principal de ce travail, les fonc- tions expliquées par l'anatomie, voilà son but. On ne trouve au- cune indication sur les relations de la tarière avec les zoonites, ou bien sur sa comparaison avec celles des autres insectes. M. Doyère nous apprend, sur les muscles, des choses que l’on ne trouve pas dans l’ouvrage de Réaumur ; mais il ne nous fait pas mieux con- naître que cet auteur la tarière en elle-même. Comme son travail se rapporte exclusivement aux fonctions, nous en avons fait précédemment l'analyse et la critique. Il est toutefois une phrase sur laquelle il faut revenir (1) : « Les limes, » lorsqu'elles sont en place, se trouvent dans l'impossibilité abso- » lue d'exécuter aucun des mouvements de va-et-vient si faciles » quand on les a détachées de leur pièce basilaire. » On peut se convaincre que cette impossibilité n’est pas tout à fait aussi absolue que le dit M. Dovère. On n’a qu’à fixer l’abdo- men de la C'gale et à faire basculer les deux épisternites, et l’on verra irès nettement le poincon s’avancer, tandis que les grappios se retirent; il ne faut pas croire que les mouvements des uns soient une apparence due aux mouvements des autres ; il y a bien réellement déplacement des pièces. L'étude compa- rative des différentes armures nous a montré que les tergorhab- dites présentent partout la même disposition, et que dans cer- tains cas, les Tenthrèdes par exemple, ils doivent seuls diviser, puisque seuls, à certains moments, ils se trouvent en contact avec le corps à diviser. Il faut donc admettre qu'ils ont des mouve- (1) 2° série, VII* vol., p, 495, etcg, etc. 38/1 LACAZE-DUTRIERS, — ARMURE GÉNITALE FEMELLE ments, et de ce que, dans les Cigales, leur action est plus limitée et plus obscure, il ne faut pas en conclure qu’elle n’existe pas. M. Westwood s’est également occupé de la question dans son Essui sur la classification des insectes (4). Reprenant très succinc- tement la description de la tarière seule, il se range à l’opinion de Réaumur, et rejette celles indiquées par Burmeister et par M. Doyère. Il admet donc que les parties actives sont les limes. 11 commet une erreur en décrivant les mortaises d'assemblage comme étant creusées dans le sternite, Nous avons montré que c'était l'inverse. Du reste, la description est courte; on y trouve peu de détails. Les rapports de l’armure avec le scléroderme n°y sont point indiqués, non plus que la comparaison de la tarière de la Cigale avec celle des autres insectes. M. Westwood n’a pas omis de parler des parties anales. Seu- lement il ne les a pas complétement décrites ; il dit qu’elles se composent de deux pièces, terminales, coniques, entre lesquelles doit s'ouvrir l'anus. 11 observe avec juste raison qu’elles ont été négligées ; car les auteurs n’en parlent pas. Tout en reconnais- sant que ces parties ont élé vues par cet entomologiste , nous ne pouvons nous empêcher de trouver assez peu complète la figure (2) inlercalée dans son texte; en effet, nous avons décrit un urite deuxième postgénital où préanal, et un urite anal, celui-ci composé de quatre pièces. La figure que nous citons, et qui se rapporte aux descriptions, n’en montre que deux (Two terminal conical parts, etc.). Quant aux descriptions de Burmeister (3), elles donnent une idée bien moins exacte de l'instrument que celles de Réaumur. On doit penser que cet auteur semblerait, au dire de Westwood, admettre que la pièce active est le sternite ; il classe du reste cette tarière parmi les vagins en larière. Nous avons déjà eu l’occasion de critiquer cette classification sans qu'il soit besoin d'y revenir. . (4) On modern classification, p. 423 et suiv. : (2) Figure 13 de la planche 114. (3; Nous renvoyons , du reste, à l'ouvrage de sir Westwood, pour les cri- tiques qu'il fait du travail de M. Dovère et des descriptions de Burmeister. = CR PRET DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 389 Valisnieri et Malpighi ont aussi décrit la tarière de la Cigale. Ce dernier a placé sa description dans son Traité des galles. Tous les deux écrivirent avant Réaumur, et nous avons suffisam- ment éludié les travaux de cet auteur pour être dispensé d’ana- lyser ceux de ses devanciers. Comme on peut le voir, les travaux faits sur le sujet sont nombreux ; mais aucune question générale sur l’ensemble des instruments dans la classe des insectes n’a été posée, Aussi ne trouve-t-on que des descriptions détachées , non reliées entre elles, ce qui nous explique les dénominations différentes appli- quées aux mêmes parties, suivant que les auteurs se formaient telle ou telle idée des fonctions. Dans son Anatomie des Hémiptères, M. Dufour (Léon) décrit l'armure copulatrice d’un assez grand nombre d’espèces; mais ses descriptions ne présentent pas tous les développements nécessaires pour qu’il soit toujours facile de bien les comprendre. 11 prend pour type la Scutellera nigro-lineata, et reconnaît dans la composition de l’armure «sept écailles étroitement appliquées » les unes contre les autres comme une mosaïque, etc. » Après les avoir décrites avec plus ou moins de détails , il arrive à deux d’entre elles, capables de s’écarter lors du coït, et qu’il nomme des panneau. « Voilà une véritable vulve dont les panneaux re- » présentent exactement les grandes lèvres; on observe même » dans cette espèce une villosité.…. une sorte de mont de Vénus. » Et plus loin : « Mais sans forcer les rapprochements, ne trouve- » t-on pas dans cette portion tégumentaire qui sépare l’anus de » la vulve, l’analogue du périnée des mammifères ? Qu'il me soit » permis à celte occasion de rappeler le principe de l’unité de » composition organique si savamment discuté par M. Geoffroy- » Saint-Hilaire, » Sans doute c’est à l’appui de la comparaison que ce principe est ici invoqué. Or nous voyons professer par les représentants de l’école de Geoffroy que les insectes, d’après l'unité de composition organique, sont des animaux renversés qui marchent sur le dos; que quelques uns ont repris leur position naturelle, ce qui a conduit des entomologistes peu, philosophes à les nommer improprement Motonectes. Dans l'opinion de Gcof- 3° série, Zooc. T. XVIII, (Cabier n° 6.) 5 25 380 LACAZE-DUTHIERS. — ARMURE GÉNITALE FEMELLE froy-Saint-Hilaire, tous les insectes sont Motonectes ; les Noto- nectes seuls ne le sont pas. Ce n’est pas ici le lieu de rappeler toutes les raisons pour ou contre cette opinion. Il suffit de montrer quelle application en a faite M. Léon Dufour. La vulve et le mont de Vénus reconnue par l’entomologiste ont une position pour le moins étonnante ; car si les insectes marchent sur le dos, les parties inférieures, avant lé renversement, deviennent supérieures après; et alors on trouve le mont de Vénus là où est le sacrum, la vulve là où est lPanus. M. Léon Dufour avait-il pensé à cette-opinion, encore,professée aujourd’hui en Sorbonne, que les Insectes sont des animaux ren- versés ? Nous n’attaquoris, du réste, ni.telle loi, ni telle-interpré- tation: de la position des Insectes; ce. que nous entendons dire, c'est que la comparaison de l’entomologiste de Saint-Sever est difficile à faire et à soutenir, si, comme lui, on veut en rappro- cher la loi d'unité de composition. Car de deux choses l’une : ou bien l'onadmet la loïi.et les vues théoriques qui permettent de ranger sous elle les Insectes, et alors la: comparaison est fausse, puisqu'elle déplace tous les or- ganes ; ou bien l’on admet le principe sans les vues théoriques qui l’accompagnent, etalors s’éloignant de l’école, comment peut-on comprendre l’organisation des Insectes? Pourquoi, s’exclamer sur la fécondité et la beauté d’un principe que l’on n'admet pas, ou que l’on applique de telle sorte que l’on donne des armes pour le combattre? Ce qui a paru naturel, c’est. que les Pentatomes ont une vulve, un périnée, un mont de Vénus, comparables aux mêmes parties des Mammifères, et ce n’est que pour donner plus de force à la comparaison, qu'on invoque une loi, applicable aux Insectes, seulement avec des restrictions et des interpréta- tions dont on ne tient pas compte. Ce sont là toutes les comparaisons faites par M. Léon Du- four, 11 a préféré rapprocher les Insectes des Mammifères au point de vue de leur armure copulatrice, comme il l’a fait pour les au- tres organes , que de chercher les liaisons unissant les mêmes appareils dans la classe seule. Les Pentatomes sont semblables, d’après l’auteur, aux Scutel- DES INSECTES IIÉMIPTÈRES. 387 laires. Enfin les tarières des Miris Carcelli, Naucoris cimicoies, Ranatra linearis, ont été vues par lui, sans qu'il en donne de description anatomique. En résumé, aucun auteur n’a cherché, dans l’ordre des Hémi- ptères, si les tarières sont semblables à celles des autres ordres, et si elles sont le produit de la modification des éléments d’un zoonile. Appendice. Il nous est impossible de quitter cet ordre sans faire connaître les annexes de l’organe respiratoire dans les Nèpes et les Ranä- tres. Leur connexion avec les urites génitaux expliquera l'étude que nous en faisons ici. Ces Insectes nagent avec peine; il leur eût été difficile de faire sortir hors de l’eau l'extrémité de leur abdomen , et la res- piration se fût mal accomplie. Pour obvier à ces inconvénients, la nature les à pourvus de deux longs filaments qui ressemblent beaucoup à ceux des Grillons et des Taupes-Grillons. Par une disposition que nous ferons connaître, l'animal, placé près de la surface de l’eau, peut les élever au-dessus et respirer libre- ment, car ils sont creusés d’un conduit au fond duquel est l’orifice d’une trachée. Ces filamenis appartiennent à l’urite prégénital, dont ils sont les tergorhabdites. Nous avons dit comment le segment antérieur à lui se modifiait, pour le remplacer dans son rôle protecteur de l'armure; ajoutons que les épimérites se modèlent en gouttières pour loger les bases de ces longs organes. Le sterhite: et le tergite manquent dans le prégénital, qui se compose seulement de l'épimérite, du rhabdite tergal et de l’épisternite. Ces trois pièces, appliquées sur les côtés de l’armure, la soutiennent, et peuvent même l'aider dans ses fonctions, car l’épisternite a la forme d’un couteau. L'épimérite et l’épisternite, unis par leurs bords, peuvent jouer l’un sur l’autre. A leur extrémité postérieure ils donnent attache au tergorhabdite, à l’aide d’un genou articulaire qu'on distingue facilement aux plis transversaux qui le couvrent, C'est 388 LACAZE-DUTHIERS, — ARMURE GÉNITALE FEMELLE dans ce genou que vient s’ouvrir une trachée volumineuse que l’on voit facilement en faisant la préparation ; c’est aussi dans ce point que se termine le canal qui suit toute la face interne du rhabdite. Les mouvements s’exécutent avec une grande facilité, à l'aide des muscles qui tirent l’épimérite ou l’épisternite. Quand le pre- mier se déplace , il entraîne la partie supérieure de l'extrémité adhérente du rhabdite ; tandis que la partie inférieure est retenue par le second. Aussi y a-t-il un mouvement de bascule produi- sant l'élévation de l'extrémité libre du filament qui sort alors de l’eau. On comprend que le mouvement du rhabdite est inverse, quand l’épisternite est tirée en avant et que l’épimérite revient en arrière. Il y a tout lieu de penser que l'articulation renferme beaucoup de tissus élastiques, et que le filet respiratoire revient à sa place sans beaucoup d'efforts musculaires. Il est très facile, en tirant sur les deux pièces pleurales, alter- nativement dans un sens ou dans l’autre, de faire relever ou abaisser l’extrémité des filaments, Les épimérites de l’urite précédent sont creusés d’une gout- tière, et embrassent la base des pièces que nous venons d’étudier ; mais ils ne peuvent en gêner les mouvements, car le genou arti- culaire est juste placé à leur extrémité postérieure : en sorte qu’ils fournissent des points d'appui aux pièces actives, tout en laissant les autres libres. On peut maintenant comprendre comment s’accomplit la res- piration; on voit aussi quels changements de forme a éprouvés l’urite prégénital pour servir à des fonctions nouvelles dont il n’est pas habituellement chargé. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 10. Fig. 1. Abdomen de la Cicada plebeia, vu par la face inférieure , montrant la position de l'armure, le nombre des urites et la forme du proturite. Fig. 2, Armure dont le tergite a été fendu sur la ligne médiane, pour permettre d'étaler les pièces dans leur position respective; b, tergite; c, épimérite ; i, tergorhabdite ou limes; &, épisternite; a/, sternorhabdite formant la valve du fourreau; f, pointe du sternite ou pièce d'assemblage; æ, incrustations cornées voisines de la vulve, DES INSECTES HÉMIPTÈRES. 389 Fig. 3. Terminaison de l'abdomen vue de profil. Les pièces sont indiquées par les mêmes lettres que dans la figure 2. On voit que l’armure occupe le neu- vième rang. La place et la composition des dixième et onzième urites y est également indiquée. Fig. 4. Segment dorsal de l'armure. Tergite (b), épimérite (c), tergorhabdite (). Fig. 5. Segmentsternal del'armure Sternite(f), épisternite(a), sternorbabdite (a). Fig. 6. L'épisternite se mouvant toujours dans un même plan autour du point A, fait avancer ou reculer, 4°, 2, 3°, la pointe du sternite, suivant que son extré- mité postérieure, L, 11, III, est élevée ou abaissée. Ces trois positions super- posées donnent une idée exacte de la transformation du mouvement de va-et- vient vertical de l'épisternite en un mouvement de va-et-vient horizontal du sternile. Fig. 7 et 8. Extrémité de la tarière vue er dessous et en dessus; pour montrer que les limes à sont couvertes d'arêtes dont la direction varie, dans la pre- mière, on voit les deux extrémités des limes très aiguës au delà de celle de la pièce d'assemblage ; dans la seconde, le sternite paraît entre les deux tergo- rhabdites. Fig. 9. Extrémité d'un tergorhabdile ou lime vu par sa face interne, afin de mon- trer les mortaises d'assemblage, y. 3. — On remarque aussi comment l'in- clinaison fait paraître sur les bords les arêtes d'un côté en forme de tubercules mousses, de l’autre en forme de dents crochues. Fig. 10 et 41. Bords des rhabdites fortement grossis pour montrer la disposition et le rapport des arêtes. — Dans la 41+, on voit qu'une interruption dans la substance cornée a produit une double rangée de tubercules mousses , termi- nant les arêtes. En faisant disparaître par la pensée cette interruption comme on a cherché à le faire par des lignes ponctuées , on retombe sur la disposition de la figure 40°, qui s'observe dans la C. plebeia, tandis que celle-ci se re- marque dans la C. nigra. Fig. 42. Extrémité du sternite, de la C. plebeia, vue de profil, montrant la languette d'assemblage », et les deux tubercules mousses de sa face dorsale. Fig. 43, 44 et 45. Sont des coupes de la tarière perpendiculaire à sa direction , afin de montrer les formes des différentes pièces et leur mode d'assemblage. Dans la figure 13° les trois pièces laissées en ‘place ‘appartiennent à la C. nigra. Dans les 44° et 15°, le sternite et les rhabdites ont été séparés, mais placés dans leur position respective. Ces deux coupes, faites dans la C- plebeia, correspondent, l’une à la base, l'autre au sommet dé la tarière. Fig. 46 à 21. Cette série de figures représente les détails de la tarière du Phyto- coris bipunctatu . Comme la notation est exactement la même que pour la Cigale, il est inutile d'entrer dans des détails; la disposition des parties, en tout sem- blable à celle des précédentes, conduit du reste facilement à la comparaison. — On doit observer dans les différentes figures combien la position des pièces b,c, a démontre d’une manière claire et nette leur origine. L'épimérite c est surtout remarquable par son volume. — La figure 21 est la terminaison de l'un des lobes du sternite, afin de montrer la forme des dents et la disposition de la languette d'assemblage; on voit la coulisse sur le rhabdite (figure 49). PLANCUE 41. Fig. 4. Abdomen de la Ranatra linearis. Fig. 2 et 3. Terminaison de l'abdomen, vue de face et de profil, montrant la dis- position du sixième urite, dont le sterniteS, l'épimérite EM, le tergite t offrent des formes particulières. 390 LACAZE-DUTHIERS;, — ARMURE GÉNITALE, ETC. Fig. 4, 5 et 6. Urite progénital réduit aux épimérites EM, épisternite ES et Ler- gorhabdite TR. On y voit ses rapports avec l'oviducte et le rectum dans la figure 6: X est une trachée venant s'ouvrir au stomate Y, logé au fond du canal qui suit toute la largeur du rhabdite. Fig: 7, 8, 9. Armare de la Randtre. Les pièces y sont désignées par les mêmes lettres que dans la Cigale et la Phytocore.—Dans la figure 8, on voit très net- tement que l'abdomen se continue après la tarière, et que celle-ci est comme appendue à un: tergite. — Toutefois l’urite anal et le préanal ne sont pas très distincts. Fig. 40. Coupe de l'abdomen de la Ranatre, perpendiculaire à son axe, et mon- trant avec.la dernière évidence les. six sclérodermites d'un zoonite. Fig. 414,12, 43,44, 45. Elles montrent la composition et les détails de la tarière de Ja Naucoris cimicoides. La notation toujours la même, Ja disposition des figures toujours semblable nous dispensent des détails. —Le faitimportant à re- marquer ‘ést l'articulation des quatre pièces a”, 404, à, a, ou de la valve du fourreau (sternorhabdite) du tergite appartenant au décaturite , d'un appendice du tergorhabdite et de l'épisternite. Fig.46, 47, 18,49, 20, Détails de la terminaison de l'abdomen du Gerris palu+ dum.— La figure4'7 montre les six pièces du zoonite, — L'urite analest repré- senté par deux valves, 4,5, qui s'articulent avec l'armure par l'intermédiaire d'une pièce À, en rapport avec le support (d) du sternite, et le tergorhabdite i, figure 20.— La grandeur de l'épimérite ç est remarquable. PLANCHE 12. Fig. 4, 2, 3. Abdomen et armure du Notonecta glauca, On voit l'armure sur les côtés du vestibule vulvairev. On remarque la connexion du dixième urite ayec le tergorhabdite i, et l'absence de l'épisternite a. On y aperçoit un appendice supplémentaire y. | Fig. 4,5, 6. Ploaminutissima. Forme de son abdomen. dont les tergites avortent, en partie. —Développement et force des tergorhabdites (i).—c’, dédoublement, des épimérites, union de l'urite deuxième post-génital ayec la partie sternale de l'armure qui présente un épisternite 4, — Absence d'union entre la partie. tergale et la partie sternale de l'armure. Eig: 7,8; 9. Pentatoma baccarum. L'hogdurite se compose des six éléments 8, 8em, 8e, 85; l'ennaturite est formé des 94, 9E*, 95, Le décaturite ne renferme qu'un sternite, l'endécaturite présente un. tergite et un,sternite. — La pièce Z placée au-dessus de l'orifice de la glande ou humeur puante est supplémentaire. Fig, 40. Abdomen de la femelle du Cimex-lectularia.pour opposer sa composition à celle du mâle, figure 44. ente six Fig. 42et 13. Terminaison de l'abdomen du même ; le huitième urite prés. qu'au éléments, dont un; leisternite, est bifide. Les urites post-génitaux.ne sont. nombre de deux. FIN DU DIX-HUITIÈME VOLUME. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME, ANIMAUX VERTÉBRÉS. Essai sur l'anatomie physiologique et l'interprétation de quelques anoma- lies musculaires du membre ss dans Mai humaine, par M. Ricmann. . . . sie Mémoire sur un Chat iléadelphe : à tôté r monstrueuse , rs M. Daurpe, Additions à un Mémoire sur les Urodèles de France, par M. Ducs. Recherches sur les Batraciens, par M. Ponrauué. ANIMAUX ANNELÉS. Observations sur les Abeilles, et particulièrement sur les actes qui, chez ces Insectes, peuvent être rapportés à l'intelligence, par M. Dusarmix. Recherches sur l'armure génitale femelle des Insectes hémiptères, par M. Lacaze-Dururens. Observations sur les affinités abdidgiques et la ciassifieliion cure dés Crustacés, par M. Maine Enwanns. : Mémoire sur le système nerveux , les affinités et ÿ=- soja ds Fe brics et des Sangsues, par M. ne QuaTRErAGEs. Li — Mémoire sur le Branchellion d'Orbigny, par le même. . . — Note sur le système nerveux et sur quelques autres points de l’anato- mie des Albiones , par le même. . . . . . . .… . MOLLUSQUES. Résumé d'un Mémoire sur le systèine nerveux des Mollusques acéphales lamellibranches, par M. Duvenxoy. . . . . . . . . yes Observations physiologiques sur l'Helix lactea, par M. Gasxorx, . Note sur le Corbula nucleus, par M. AUCAPITAINE. . . AE Recherches sur le développement des Pectinibranches, par MM. Koren EL DANTELPBENS NN COST RES EAN CHIQIOUE ZOOPHYTES. Observations sur le genre Lithostrotion, par MM. Muxe Enwarps et De Base. ARLON Mémoire sur la structure = Phys et el au Splash, par M. Sri KART. . . .. |. Note sur les re par M. Voer. Recherches sur le développement des Vorticelles , | par (M. Ps. 292 TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. MÉLANGES. Des causes de la plus grande taille des espèces fossiles et des races ac- tuelles, par M. Mancec DE SERRES. . 197 TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D’AUTEURS. Aucariraine.— Note sur le Cor- sur l'armature génitale fe- bula nucleus. s 27À melledes Insectes hémiptères. 337 DANIELSSEN. — Voy. Rouen, Leucxantr. — Mémoire sur Ja Daresre.— Mémoire sur un Chat structure des Physalies et des iléadelphe à tête monstrueuse. 81 Siphonophores. 201 Ducès.— Addition à un Mémoire Marcez DE SErREs.— Des causes sur les Urodèles de France. 200 de la plus grande taille des Dusannin. — Quelques observa- espèces fossiles des races ac- tions sur les Abeilles, et par- tuelles. 197 ticulièrement sur les actes qui, QUATREFAGES. Mémoire sur le chez ces Insectes, peuvent être système nerveux, les affinités rapportés à l'intelligence. 231 et les analogies des Lombrics Duvenxoy. — Résumé d'un Mé- et des Sangsues. 167 moire sur le système nerveux — Mémoire sur le Branchätil des Mollusques acéphales lumel- de d'Orbigny: . 279 libranches. . . 2% 20: 65, — Notesurile système nerveux Enwanos (Mu ). — Observa- et sur quelques autres points tions sur les affinités zoologi- de l'anatomie des Albiones. . 328 ques et la classification natu- Poxrazuté. — Recherches sur les relle des Crustacés. LE Batraciens. . . 243 Eowanos (Mine) et Jules Haine. Ricuann. — Essai sur l'anatomie — Observations sur le genre phÿsiologique et l'interpréta- Lithostrotion. 21 tion de quelques anomalies GaskoIN. — Observations phy- musculaires du membre thora- siologiques sur l'Helix lactea. 63 cique dans l'espece humaine. 5 Konen et Daniezssex.—- Recher- Sr. — Recherches sur le dé- ches sur le développement des veloppement des Vorticelles. 95 Pectinibranches. 257 , Vogr. — Note sur les Siphono- Lacaze-DurTRiErs. — Recherches phores. 273 TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. 4. Anomalies du système musculaire. 2. Chat iléadelphe ; Ammonites; métamorphoses des Vorticelles. 3 , #. Ocypodiens. » 5. Physalies; Siphonophores; développement du Buccin. 6, 7, 8. Organisation du Branchellion. 9. Système nerveux des Albiones. 12. Armature génilale des Hémiptères. 40, 44, FIN DE LA TABLE, té mb D 6 4 st SA M Ds 8 < s (2 Ann.des Wine nat. 3°Serie Zhol. Jom. 18. F1 3 Ceypodens. Annedouche 5e Annidar Srionc-nate I'See. Ceypodiers. M Aemer mp. r des Noyers 68. Purit | Zool, Tom.18. FL 6. Vis se Hy1 6 lhuysales. 7 4 Sphonophores. 15 80 Develppement du Bucech . Femme ing r des Novers, 68, Paris. Érasar +) * SUCTE ver | Ann. des Seienc. nat 3"Serre Zool Tom. 18. LE. 7 | De Q. del Organisation du Dranchellion — CT mp Ann.des Sexene De O.del nat. 3° Serre ’ Al Il | | | | | (2 \ 7 1. 2” an | A TR 3 UE j A > > N | I 1 # rer coins : Zoel. Joms8. PL 8 Pont raté. lg _ C4 He 0. del. _ d Annatouche sv Systeme nerveur des AUbiones. NW Remont type r des Nevers. 68. Fures. soit A ru" E HD nt nat del Armure yéritale des lemmspteres . NAéaned impr des Nevers, 6 Jar | —_—— Mist à À CAN DT en 2e re genilale des lempteres. Mon. des Jetere. nat. 3° Série ALP. ad nat. del Néant imp rites Novers