A " l » “ mi nd A LE 1 À L11 ane y Séars SUME ein ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. = —_—— SECONDE SÉRIE, TOME XVII. IMPRIMÉ CHEZ PAUL RENOUARD, RUE GARANCIÈRE N, D. ANNALES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE, L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES, ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ; RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIE PAR M. MILNE EDWARDS, ET POUR LA BOTANIQUE PAR M. ADOLPHE BRONGNIART. Seconde Série, TOME DIX-HUITIÈME.— ZOOLOGIE. PARIS. FORTIN, MASSON & C*, LIBRAIRES-ÉDITEURS, PLACE DE L'ÉCOLE=DE-MÉDECINE , Ne 1. 1842. euh = on ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. 4001601210 102010/9101010220810:81000D)0121000 700000101070 101016c0:9c0:9ie:e:ece:2 Mémoire sur les Turdigrades, Par M. DoxÈre. CHAPITRE IL. (1) SUR LA FACULTÉ QUE POSSÈDENT LES TARDIGRADES, LES ROTIFÈRES , LES ANGUILLULES DES TOITS, ET QUELQUES AUTRES ANIMAL- CULES, DE REVENIR À LA VIE APRÈS AVOIR ÉTÉ COMPLÈTEMENT DESSÉCHÉS. Il est un fait maintenant en dehors de toute controverse; c'est que si l’on prend dans une gouttière du sable sec, ou si on laisse dessécher à l’air libre du sable que l’on y a pris hu- mide, et que, même après un temps très long, on humecte ce sable, on y retrouve de petits animaux vivans. Dans ces termes, et dans ces termes seulement, le fait est ac- cepté par tout le monde. Mais la dessiccation s’est-elle étendue jusqu'aux animaux eux-mêmes, et s’il y a eu dessiccation des ani- maux , a-t-elle été complète, ou seulement partielle? Y a-til eu un simple rallentissement des phénomènes vitaux, ou une sus- pension analogue à celle qui se produit dans la syncope, à celle qui existe dans les œufs ou dans les graines, ou enfin une des- (x) Voyez pour les chapitres précédens , le tome x1v de ce revueil (deuxième série ), page 264, el tome xvir, page 193, 6 DoyÈRE. — Sur les Tardigrades. truction absolue que l’on puisse comparer à la mort elle-même? Ce sont là autant de questions qui ont été vivement débattues depuis près d’un siècle et demi, que les observateurs les plus distingués ont reprises et soumises à des discussions nouvelles jusque dans ces dernières années, avec autant d'ardeur que s’il se fût agi de questions les plus neuves. Et pourtant, de toutes ces discussions, de ces débats poussés quelquefois jusqu'aux per- sonnalités les plus ardentes, il n’est rien sorti que l’on puisse re- garder comme ayant pris place dans la science. Un observateur, un seul, ne s’est pas contenté d'expériences superficielles ; il s’est posé la revivification comme un sujet de recherches, qu’il a sou- mis à tous les moyens d'investigation que lui fournissaient la physique et la chimie telles qu'elles existaient à son époque; il a résolu le problème, on peut le dire, il y a de cela soixante années; et néanmoins d’autres observateurs se sont crus obligés à le re- prendre encore, et n’ont pas hésité à en donner les solutions les plus contradictoires. Cependant l'observateur dont il leur fallait mettre en doute la sagacité, et jusqu’à la bonne foi, tant il s'était exprimé dans des terines formels, c'était Spallanzani ; on lui op- posait des faits aussi incomplets, aussi légèrement observés, que ses expérimentations avaient été rationnelles et décisives. Aussi aurais-je pu m'en tenir, pour traiter ce point de la physio- logie des animaux qui cnt été l’objet de ce mémoire, à une simple analyse du travail de l’illustre auteur; mais je dois avouer que les assertions si tranchantes par lesquelles on les a dé- menties n'avaient pas été sans me laisser à moi-même quelques doutes ; et mon travail m’eût semblé incomplet si je l’eusse quitté avant que d’être arrivé à une conviction bien arrêtée relative- ment à cette question qui m'a toujours semblé être d’un intérêt extrême. $ I. Historique. Jusqu'à l'année 1701, le sommeil léthargique, et Pétat de syncope étaient à-peu-pres les seuls faits connus qui pussent faire soupconner la possibilité d’une suspension même momentanée des phénomènes de la vie, soit chez l'homme, soit chez les ani- maux, de quelque degré qu'ils fussent. poyÈrEe. — Sur les Tardigrades. 7 Le 2 septembre de l’année que je viens de citer, Leeuwen- hoeck (1) eut la curiosité de mettre dans un petit tube en verre contenant de l’eau, un peu d’un résidu desséché qu’il avait re. cueilli dans une gouttière. Ce résidu délayé dans Peau, alors qu'il était encore humide , lui avait déjà montré des Rotiféres et d’autres Infusoires; il voulait voir si quelques-uns de ces ani- maux se seraient conservés vivans après la dessiccation du résidu; mais il ne l’espérait pas, car il se hâte d'ajouter: quamvis haud diffitear me numquäm cogitasse, materiæ huic tantopere are- faclæ arimalculum vivum inesse posse. Il dut bientôt changer d'opinion. Moins d’une heure après, un grand nombre des Rotifères qu’il avait précédemment ob- servés nageaient dans l’eau du tube ou rampaient contre ses parois, et quelques heures plus tard, le nombre en était trois ou quatre fois plus considérable encore. Il fit plusieurs obser- vations sur ces animaux, et répéta l'expérience plusieurs fois avec de l’eau préalablement portée à l’ébullition, puis refroidie. Quelques autres animalcules , qui paraissent avoir été des In- fusoires proprement dits, se montrèrent même une fois en compagnie des Rotiferes. Leuwenhoeck étudia avec attention les changemens qu'éprouvaient ces derniers lorsque l’eau venait à leur manquer, et lorsqu'on les humectait après les avoir des- séchés; ce qui parait l'avoir surtout frappé, c’est que l’animal conserve à-peu-près sa forme dans le premier cas, de sorte que la sécheresse ne lui parait pas avoir d’autre effet que de le faire se contracter. Il le regarde comme renfermé dans des enve- loppes qu'il compare à celles des œufs d'insectes, et aux en veloppes de certaines larves : guœæ tantæ sunt soliditatis et tena- cilatis ut humores üs contenti exhalare nequeant. De même ajoute-t-il, les cuticulæ de ces animalcules ex tam solidé con- flatæ sunt materià ut ne minimam quidem permittant exhala. tionemn. Quod si sese aliter haberet asserere non vereor hæc ani- malcula cælo admodum arido, omni aqu& destiluta necessario omnia esse emoritura. Ainsi dans les idées de Leeuwenhoeck, mort et dessiccation (1) £pistolæ ad societatem regiam anglicam , ete, ; t11, p. 383 el sui. 8 DOYÈRE. — Sur les Tardigrades. complète sont synonymes, et il nie tout à-la-fois l’un et l’autre dans le phénomène singulier qu’il a, le premier, signalé à l'at- tention des observateurs. Néedham vit beaucoup plus tard les Anguillules du blé niellé, revenir au mouvement après avoir été desséchées (1). Son opi- pion, tout-à-fait contraire à celle de Leeuwenhoeck, est que la dessiccation a été complète. (2) Il en est de même de Baker, qui, suivant la citation qu’en a faite M. Ehrenberg (3), a exprimé son opinion de la manière la plus explicite : « Baker, dit-il, confirma les observations de Néedham, sur l'invitation qui lui en fut faite par M. Folke. Il ajouta en 1753, dans son Employement of the microscope, cha- pitre Iv et vr, que dans tous ces cas, tous les organes, et tous les vaisseaux de l’animal étaient complètement desséchés et en- durcis; et qu’il pourrait être rappelé à la vie, même après vingt, quarante et cent ans, pourvu qu'aucun de ces organes ne füt déchiré ou autrement lésé. Il observa de ces Anguillules dans des grains de froment qui avaient été conservés pendant quatre ans à l’état de dessiccation complète. Depuis cette époque jusqu’à 1776, année où Spallanzani pu- blia les observations dont nous allons donner plus loin l'analyse, il est peu d’observateurs et de physiologistes, qui n'aient accor- dé quelque attention au phénomene qui nous occupe , et n’aient résolu par l’affirmative ou la négative, la question de savoir si certains animaux peuvent revenir à la vie après avoir été des- séchés, et si cette dessiccation est ou n’est pas une mort. Tous n’ont pas choisi les mêmes animalcules pour sujet de leurs expé- riences, mais le désaccord est le même entre ceux qui ont opéré sur les mêmes espèces et ceux qui ont opéré sur des espèces dif- férentes. M. Ehrenbersg cite Schæffer, Hill, Ginanni, Ledermuller, Haller, les premières expériences de Spallanzani , et de nouvelles recherches de Néedham, sur les Infusoires proprement dits, Fontana, sur le Gordius et les Rotifères, Gœtze et Muller , qui y sont revenus à plusieurs reprises, Corti, et enfin Roffrédi. Je (1) Transactions philosophiques, 1:43, page 640. {2) Nouvelles observations microscopiques (traduction), pag. 103 et suiv, (3) Die Infusionsthierchen , pag. 472, DOYÈRE. — Sur les Tardigrades. 9 n'ai pas cru,devoir mentionner ces diverses opinions contra- dictoires; parce qu’il m'a paru impossible d'en faire sortir au- cun éclaircissement véritable. L’obscurité est la même à l'égard des Infusoires proprement dits, qu’à l'égard de ceux sur lesquels notre attention doit être spécialement fixée; car Leeuwenhoeck assure avoir vu revivre deux genres d’animalcules excessivement petits { loco cit. p. 389), et une autre fois des animalcules sphé- riques verts en nombre incroyable (page 391), bien que l’eau dont il s'était servi füt de l’eau de pluie préalablement bouillie. On trouve une semblable assertion dans un ouvrage de Glei- chen (1). Cependant la plupart des essais dont ces animaux ont été l’objet, ont donné aux observateurs qui ont suivi Leeuwen- hoeck, des résultats négatifs. Corti avait même déjà fait ob- server que ceux sur lesquels il avait expérimenté, et qui, suivant M. Ehrenberg, sont des Stylonychia ; se déchirent en fragmens qui se dispersent, lorsqu'on vient à leur faire subir la dessic- cation, ce qui ne laisse assurément aucune chance pour la revivification. C’est le phénomène que, depuis, M. Dujardin à étudié avec tant de soin, et qu'il a désigné sous le nom de diffluence. Spallanzani a fait de la revivification des Rotiferes, des Tar- digrades et des Anguillules, l'objet d’un chapitre important de ses Opuscules de Physique animale et végétale (2). La question y est traitée à fond, et résolue par des expériences tellement concluantes, que l’on voudrait pouvoir expliquer tous les doutes et toutes les contradictions dont elle a été l'objet depuis cette époque, en supposant que le chapitre en question n'était pas connu de ceux qui l'ont le plus cité, pour en nier les résultats. Je vais essayer d’en donner une analyse. Spallanzani entre en matière, en disant qu'il ne faut pas coni- fondre les animalcules d'infusions qu'il a prouvé lui-même ne (1) Ablhandlungen ueber samen und Infusionsthierchen, 178, pag. 80. Depuis l'époque de Spallauzani, Guanzati a affirmé la revivilication du Proteus ; Girod Chautrans assure avoir été témoin de celle d’un Infusoire qu'il appelle Volvox lacustris, mème après quatre ans de dessiccation. M. Ehrenberg (Die Infusionsthierchen | ete.) croit que ee Volvox est l'£u- glena viridis , où l'Euglena sanguinea. (2) Tome 11, pag, 299 et suiv. 10 poyère. — Sur les Tardisrades. pouvoir pas ressusciter après avoir une fois été desséchés, et d’autres animalcules qui, « quoique habitant aussi les infusions, « ont été pourtant assez distingués et assez privilégiés par la « nature pour jouir de la résurrection après leur mort. Tels sont, « entre autres, le Rotifère, le Tardigrade, les petites Anguilles des « tuiles, et celles du blé niellé ». Puis il décrit avec beaucoup de soin le Rotifere, dans ses formes, ses mouvemens, ses habi- tudes. Il raconte ensuite comment, après les avoir placés sur une lame de verre, avec une goutte d’eau, qui contenait du sable, il les laissa s'y dessécher, et les vit ressusciter une heure après, lorsque Ja goutte d’eau évaporée fut remplacée par une autre goutte. Le phénomène du retour au mouvement est décrit avec un soin minutieux. Il répéta les mêmes expériences sur du sable desséché, et con- servé jusque pendant quatre années; il opéra sur le même sable alternativement mouillé et desséché; et toujours en humertant de nouveau, il vit ses Rotifères revenir à la vie. Cependant il assure que le nombre de ceux qui ressuscitent devient de moins en moins considérable, à mesure qu’on les a humectés et des- séchés un plus grand nombre de fois. Il n’a pu en voir ressus- citer après la seizième épreuve. Le nombre de ceux qui ressus- citent est aussi d'autant moindre qu'il s’est écoulé un temps plus long depuis que le sable est sec, de telle sorte «qu'on arriverait « finalement à un terme où il n’en ressusciterait plus. » Le fait de retour à la vie dans ces circonstances une fois bien constaté, Spallanzani s'assure que l’influence de la température n'est pas nulle, et que de l’eau assez chaude produit la résur- rection plus promptement que l’eau à la température crdinaire. Puis il élimine du problème une circonstance à laquelle les observateurs précédens n'avaient point fait attention, et qui était certainement entrée pour beaucoup dans leurs contra- dictions: c’est la présence du sable dans l’eau où les Rotifères se dessèchent. Là où le sable manque, la dessiccation tue les Rotifères, soit que l’on expérimente sur des lames de verre dif- férentes , avec de l'eau pure d’un côté, et de l’eau contenant du sable de l’autre, soit sur une même lame de verre, et dans la même eau étendue de manière à ce que le sable se trouve dans DoyÈRE. — Sur les Tardigrades. 11 certains points en quelque abondance, et dans d’autres exces- sivement rare ou manquant tout-à-fait. Ce résultat frappe sin- gulièrement Spallanzani, il répète l'expérience sous toutes les formes; puis il s'appuie sur l'autorité d’un de ses amis, le P. Campi, et sur celle de Roffrédi qui ont observé le même fait. 1l va plus loin encore ; et la non-résurrection de ceux qui ont été desséchés à nu, une fois admise, il prouve que ce n’est pas la présence du sable qui détermine la résurrection; mais bien son absence pendant la dessiccation qui rend les Rotifères des- séchés impropres à revenir à la vie. « Mais comment ce simple défaut de sable peut-il produire « un si grand effet ? Quelle connexion, quel rapport physique « peut-il y avoir entre la présence du sable et la résurrection des « Rotiféres? La cause qui influe sur ce phénomène ne devrait- « elle pas être toute autre , et ne devrait-on pas dire que le sable « tient seulement lieu d’une condition extérieure très simple? » Spallanzani part de cette question, pour conclure que c’est : « l’action immédiate de l'air, qui en heurtant et fouettant ces « petits corpuscules par son choc déchirant dans un moment où « ils sont encore humides, et où ils sont en même temps très ten- « dres et très délicats, les rend ainsi incapables de ressusciter, par « l’action qu’ils en recoivent. » Dans son opinion, ils ne péri- raient point alors même qu’ils seraient sans sable, si on effec- tuait leur dessiccation sous la machine pneumatique, de ma- nière que leur corps ne fût point exposé au contact immédiat de l'air, expérience qu’il n’a point eu le temps de faire. L’illustre observateur arrive à raisonner sur la nature de ce phénomène si remarquable, qu’il compare dans toutes ses par- ties avec les cas qu’il connaît de mort apparente, les animaux hibernans, les animaux noyés, les Crapauds et les Grenouilles congelés; et il conclut de cette comparaison qu'il y a là une con- dition essentielle, qui fait de la résurrection des animaux qu'il a cités un phénomène d'un ordre tout particulier. Cette condi- tion, c’est une dessiccation complète, c’est la destruction de l'harmonie qui doit exister entre les fluides et les solides. C’est plus encore, c’est l'absence de l’un des élémens fondamentaux de la vie, élément qui est la présence même des fluides. « Les 12 DoyèRE. — Sur les Tardigrades. « parties solides se contractent, dit-il, et se défigurent; les « fluides s’'évaporent, et tout le corps de l’animal se réduit à un « atome de matière desséchée et endurcie, lorsqu'on le perce « avec une aiguille, il se brise en plusieurs particules, comme «un grain de sel...... Concluons donc, et concluons-le avec « raison, que dans les Rotiferes devenus secs et maigres, et il « faudra également dire ceci des autres animaux ressuscitans « dont je parlerai après; concluons, dis-je, que leur vie est « entiérement perdue, non-seulement parce que l’action réci- « proque des fluides sur les solides est détruite, mais encore « parce que les fluides sont entierement évaporés, et parce que « ce desséchement et cette dureté ont fait perdre aux solides « leur état naturel. » Une réflexion fort simple conduisit Spallanzani à faire sur les Rotifères des expériences ayant pour but de déterminer quelle température ces animaux pouvaient supporter, soit à l’état de dessiccation, soit à l'état humide : « Les Rotifères qui habitent les « toits des maisons, des fours et des autres bâtimens exposés à « l'intempérie des saisons, doivent être d’un tempérament propre « à résister aux coups les plus piquans du froid et de la chaleur. & J'ai voulu cependant en faire l'expérience. » En prenant le sable dans une gouttière qui avait été exposée directement aux rayons solaires pendant un mois, en plaçant du sable dans des tubes de verre exposés à l’action directe de ces mêmes rayons, et à celle de la réverbération d’un mur voisin; enfin en soumet- tant le même sable à une chaleur artificielle, il constata en effet que les Rotifères conservaient dans du sable sec leur propriété de revenir à la vie jusqu’à une température de 70 degrés centi- grades, tandis qu'ils la perdaient passé 55 degrés, si le sable était humide, et qu'ils ne pouvaient aller au-delà de 45, si on les soumettait à l'action de la température apres leur résurrec- tion complète (1). Après avoir aussi expérimenté l'action de la chaleur, il expérimenta celle du froid; il vit que les Rotifères pouvaient être congelés, même dans l’eau où ils se mouvaient, (:) Spallanzani dit 56, 44 et 36 degrés, sans indiquer à quelle échelle ces degrés appar- tiennent, mais 1l prend soin de faire connaître, dans plusieurs endroits des chapitres précé- deus, que à graduation dont il se sert est celle de Réaumur, Voir Lome 1, page 26, DovÈèRE. — Sur les Tardigrades. 13 et refroidir jusqu’à — 2/° sans en revenir moins promptement à la vie aussitôt que la glace venait à se fondre. Les Rotifères peuvent ressusciter dans le vide, mais plus len- tement et en moindre nombre que dans le plein; ceux qui ne ressuscitent pas dans le vide peuvent ressusciter dans le plein, lorsqu'on les y transporte; mais si l'air n’est pas nécessaire à la résurrection, il est indispensable pour la durée de la vie; quel- ques jours passés dans le vide tuent infailliblement tous ceux qui y ont ressuscité. Toutefois, la quantité d'air nécessaire pour que ces animaux continuent à vivre est extrêmement petite. Chacune de ces propositions est prouvée par des expériences. Il expérimente ensuite l’action de trente substances diffé- rentes sur les Rotiféres vivans et sur les Rotiféres desséchés. Certaines favorisent la résurrection et la vie; d'autres empêchent la résurrection et tuent les animaux ressuscités; d’autres enfin permettent la résurrection, mais tuent par une action plus pro- longée. L'action des substances étrangères ne s'exerce pas seu- lement sur les Rotifères vivans ou pendant la résurrection, elle peut avoir lieu aussi sur ceux qui sont desséchés et pendant la dessiccation même. La vapeur du camphre, les produits gazeux du camphre, de la térébenthine et du soufre allumés ôtent aux Rotifères desséchés la propriété de ressusciter, comme le fait une température trop élevée, et lors même qu'on expose le sable à l'air et qu’on le lave plusieurs fois dans le but de lui faire perdre les mauvaises qualités qui nuisent aux Rotifères. La première section de ce chapitre, riche d’ebservations irré- prochables , et dont l'analyse précédente ne peut donner qu'une bien faible idée, se termine par un exposé complet du mode de génération des Rotifères des gouttières, en partie d'après Roffrédi, en partie d’après les observations de Spallanzani lui- méme, sur leur état en sortant de l'œuf et sur leur accrois- sement. Ici encore, comme lorsqu'il s’est agi de l'organisation elle-même, et comme dans la question de ia résurrection, l’ha- bile physiologiste, que quelques-uns ont traité depuis avec nn si haut dédain, a devancé de beaucoup presque tous ceux qui ont suivi. Une deuxième section est consacrée au Zurdizraae, aux An- 14 DOyÈRE. — Sur les Tardigrades. guilles des tuiles et à celles du Ülé niellé. Ce sont encore là des « animaux qui ressuscitent après leur mort, et, dans de certaines « limites , ressuscitent autant qu'on le veut, dont on pourrait « presque dire qu’ils sont destinés à l’immortalité ». Je n’analyse- rai point cette section aussi longuement que je l'ai fait pour la première : il me suffira de dire que ce second travail est, comme le premier, un chef-d'œuvre d'observation. Spallanzani a prévu toutes Les objections qu’on pourrait lui faire. Il prend les animaux à l'état sec et les décrit avec le plus grand soin. Nul doute que ce soient là des animaux parfaitement morts; puis, sans les perdre de vue, il les mouille et note instant par instant toute la série de phénomènes dont ces petites organisations sont le siège, « Elles commencent alors à mouvoir légèrement la queue; elles « la plient doucement; elles la contournent en plusieurs sens; «ensuite elles meuvent la tête, enfin le reste du corps, de « manière que tout l'animal parait bientôt animé, etc. ; etc. ». On trouve un peu plus loin une comparaison des animaux res- suscitans avec le Nostoc et la Trémelle, qui offrent des phéno- mènes analogues; puis la preuve que cette faculté n’est pont chez les uns ni chez les autres une conséquence de la simplicité de leur organisation. Enfin , Spallanzani compare le phénomène remarquable qu'il vient.de constater avec quelques autres phé- nomènes non moins singuliers. La reproduction des parties coupées, la multiplication par section transversale, la reproduc- tion naturelle par gemmes, l’hermaphrodisme , la suspen- sion des phénomènes vitaux dans l’asphyxie chez l'homme, dans l’état hibernal des plantes, dans les œufs fécondés et dans leschrysalides. Ne devrait-on pas croire qu'après la publication de ce travail parfait, la discussion, si elle n’était pas définitivement fermée , ne devait du moins plus porter que sur un point, et qu’elle devait se passer tout entière en raisonnemens? Quant à la question qui précède toutes les autres : y a-t-il des animaux susceptibles de se dessécher? Cette dessiccation est-elle complète ? elle était irrévocablement résolue. Mais , quant à l'appréciation philosophique du fait, il restait encore matière à controverse. On pouvait dire que cette dessic- poyÈère. — Sur les Tardigrades. 15 cation n'était pas une mort véritable , puisqu'elle permettait le retour des phénomènes vitaux. On pouvait même s’autoriser des résultats de Spallanzani, pour soutenir que tout phénomène en rapport avec la vie n’était point suspendu dans les animaux desséchés , puisque le temps avait de l'influence sur leur faculté de revenir à la vie. Telle devait être assurément la marche des idées , et cependant il ne s’est passé rien de semblable. La discussion a été , depuis Spallanzani , ce qu’elle avait été auparavant. Si le nom de l’ad- mirable observateur n'était aussi souvent cité,on pourrait croire qu'il n’a jamais écrit, et celui qui jugerait ses recherches par le poids dont elles ont été dans la question prononcerait assu- rément qu’il a dù s’en tenir à des raisonnemens purement méta- physiques, ou que, comme pour tous ceux qui l’ont précédé depuis Leeuwenhoeck, et comme pour tous ceux qui l'ont suivi, ce qu'il appelait des expériences directes s'élevait tout au plus à mettre une pincée de sable sur un morceau de verre, à le laisser sécher pendant un temps quelconque, à le mouiller ensuite, et à regarder après un certain nombre d'heures, pour savoir s’il s'y trouve encore des petits animaux qui vivent. Lamarck (1) accorde la faculté de revivre à tous les animaux des infusions. Un grand nombre de naturalistes se prononcent pour la revi- vification des Rotifères et de quelques autres seulement. Au contraire, Hermann, Schranck, Rudolphi, Oken, Schweig- ger, Duges (2), la nient chez tous indistinctement. (3) Mais deux naturalistes surtout se sont fait remarquer par l’é- pergie de leur opposition aux idées de Spallanzani : ce sont MM. Bory Saint-Vincent et Ehrenberg. D’une part, l'autorité que leur (x) Histoire naturelle des animaux sans vertébres, 1816, tome 11, page 21. (2) M. Dugès, dans son Traité de Physiologie comparée ( 1838 , t. 1, p. 36) distingue le cas où lésRotiféres sont exposés à l'évaporation dans du sable, de celui où ils y sont exposés à nü, ainsi que l'avait déjà fait Spallanzani, Dans le premier cas, ils revivent, mais il n'y avait point dessiccation complète; dans le second, ils ne revivent jamais ; d'où la conclusion que la dessiceation Jes tue, M. Dugés cite l'opinion de MM, Morren et de Plainville comme tout-à-fait conforme à la sienne; nous allons voir plus loin que c’est aussi celle de M. Ehrenberg. (3 Pour plus de détails, voyez le chapitre consacré à cette question par M. Ehrenberg, dans son srand ouvrage sur les Infusoires. 16 novÈèRe. — Sur les l'ardigrades. ont méritée leurs travaux dans toutes les questions où il s’agit d'animaux inférieurs, et, d’une autre part, la vivacité de leurs raisonnemens et souvent le tranchant de leurs assertions sont tels, que l’on me pardonnera peut-être , après avoir lu lana- lyse suivante, d’avoir douté un instant des résultats de Spallan- zani où d’avoir cru, du moins , que la question méritait d’être reprise, ne füt-ce que dans l'espoir d'expliquer tant de contra- dictions. M. Bory Saint-Vincent, en 1824, article Microscoriques de l'Encyclopédie méthodique, s'exprime ainsi à propos des Roti- féres , dont il fait son genre Esécnrérine : « Quant à la célébrité « « « = qu'on leur a faite sous ce nom de Æotifère , qui ne pouvait demeurer celui d’un seul genre, et, d’après la faculté qu’on leur a supposée de recouvrer l’existence long-temps après qu'on les avait laissés se dessécher, nous pouvons assurer que ce dernier point est absolument dénué de fondement et établi d’après des observations mal faites. De telles résurrections ne peuvent avoir lieu , surtout chez des animaux d’une organisa- tion si compliquée, où existe une circulation de fluides déter- minée par les mouvemens d’un cœur évident (1), et qui, ayant, une fois cessé, ne peut conséquemment se rétablir. De tels animaux sont, au contraire, aisément mis à mort par la moindre lésion; car les êtres deviennent plus facilement péris- sables, à mesure qu’ils se compliquent. Les plus parfaits sont les plus fragiles, et non-seulement une Eséchiéline ni aucun Rotifére ne pourraient être rappelés à l'existence par lhumi- dité, apres avoir une fois cessé de vivre réellement per dessic- cation; mais nous avons expérimenté qu'en divisant ces ani- maux, aucune de leurs parties ne reproduit d'animal nouveau, comme il arrive dans les Gymnodés, où l'expérience se fait naturellement sous les yeux de l'observateur. » Dans ce qui précède , M. Bo:y n’a paru raisonner que par induction; mais voici d’autres passages, où il parle d'expériences : Encyclopédie méthodique , article Vreriow , page 775): «L’0- (1) Spallanzani avait déjà fort bien vu que l'organe contractile appelé cœur par Leeuwen- hoeck et Baker, était situé sur le trajet de l'æsophage, et ne devait être considéré que comme un organe de préhension des alimens, — Loc, cit., tir, P- 329. poyère. — Sur les Tardigrades. 17 « pinion que les Vibrions desséchés recouvrent l'existence quand «on les remouille, vient d’être reproduite comme un fait « incontestable par M. Francis Bauer, qui prétend que son « Vibrio tritic peut demeurer trois années desséché. M. Dugès « paraît être d’un autre avis, et nous n’hésitons pas à nous ranger « au sien. Nous l’avons déjà dit, et nous le répétons, fortifié de « son témoignage, il nous a été de toute impossibilité quelque « précaution que nous eussions prise, de rappeler à la vie des êtres « qui l’avaient une fois perdue. Si quelques observateurs, et « Spallanzani ,entre autres, ont cru faire revenir des animalcules, « et surtout des Rotitères, en les remouillant , c’est qu'il était « resté assez d'humidité dans ces animaux ou autour d’eux , pour « qu'ils ne fussent pas morts tout de bon. » L'auteur que je cite s’exprime avec la même vivacité dans les articles Oscirrariées et Vigrion du Dictionnaire classique d’his- toire naturelle. Je crois devoir citer encore le passage qu'il a introduit sur ce sujet dans l’article RoTiFÈRES. « Tous les Rotifères sont aquatiques: la sécheresse les tue « promptement. Il n°y a pas plus en eux possibilité de résurrec- «tion après la mort, que chez tout autre animal où la respira- « tion est une condition indispensable d'existence; cependant, « sur des observations mal faites et mal refaites, on imprime « depuis un siècle que les Rotifères desséchés, privés long-temps « d’eau , demeurés comme morts au fond des lieux où l’on en « conservait, revivent aussitôt qu'on les remouille. Il n’est pas « de moyens que nous n’ayons employés pour arriver à un tel « résultat : nous n’y sommes jamais parvenus. Nous avons quel- « quefois, en trempant des tuyaux de Friganes long-temps des- séchés, ou en remettant de l’eau dans des vases remplis de sédimens d’animalcules long-temps entassés sur nos fenêtres, retrouvé des Rotifères avec beaucoup d’animalcules ; mais ils n'y ressuscitaient pas: ils s’y développaient comme les Daphnies et autres petits Entomostracés , dont les ovules sont demeurés dans le sol, et aptes à éclore dès que la saison pluvieuse ramène le fluide nécessaire à leur développement. » L'opinion de M. Bory Saint-Vincent à l'égard de la revivifica - tion vraie où prétendue des Rotiferes, des Tardigrades et des XVII, Zoor, — Juillet, 2 R & AR AR R = 18 DOYÈRE. — Our les Tardigrades. Anguillules, me parait comprendre les quatre propositions suivantes : 1° un animalcule, exposé à l’évaporation, se dessèche bientôt complètement ; 2° un animalcule desséché est un animal- cule mort; 3° un animalcule mort, et par conséquent un ani- malcule desséché, ne peut revenir à la vie; 4” là où on a cru voir des animalcules desséchés revivre, on n’a vu que des œufs promptement développés et des animalcules promptement arri- vés à leur taille ordinaire. Il serait certes facile de répondre, par les expériences de Spallanzani à celles des propositions précédentes qui contredisent les opinions admises par l’illustre physiologiste ; mais j'ai hâte d'arriver à des preuves dont je puisse répondre par moi-même, et ce serait donner trop d’étendue à cet exposé déjà si long que d'entrer dans des discussions de cette nature. Il me reste à analyser les opinions de M. Ehrenberg (1). Elles différent en quelque chose de celles de M. Bory de Saint-Vincent. Pour M. Ehrenberg comme pour M. Bory,—« la dessiccation, ce serait la mort; mais les animalcules soumis à l’évaporation dans le sable ne se dessèchent point, lors même que ce sable, comme celui dont s'était servi Fontana, a été exposé pendant deux ans et demi à l’action des rayons solaires. Dans ce cas, le sable et la mousse les garantissent aussi bien de la dessiccation qu'un épais manteau de laine garantit l’Arabe de la chaleur brülante du désert. « Ce sont de véritables amphibies qui vivent également dans l'eau quand ils y sont plongés, et dans l'air sec quand l’eau s’est évaporée. IL s’en est assuré par létude du sable que M. Schultze avait distribué à plusieurs savans comme offrant une confirmation des opinions de Spallanzani. La vie des animaleules n’est pas même interrompue : ils continuent de remplir toutes leurs fonctions et de se reproduire de telle sorte que, pour citer les expressions littérales de l’auteur, « les Rotifères et les Tardi- « grades que faisait admirer M. Schultze dans son sable n'étaient « que les arrière-petits-enfans de ceux qu’il avait recueillis quatre « ans auparavant », — Il repousse l'hypothèse d’une vie latente, (x) Die Infusionsthierchen, elc.; pag. 492 et suiv. Cette analyse a été faite sur une tra- duction du texte allemand , dont je suis redevable à la bienveillance de M: le docteur Hoæffer: poyÈèrE. — Sur les Tardigrades. 19 admise par Corti, Prochaska, Carus, Müller et Wiegmann, et cite l'exemple des Bacillariées , dont il a décrit, dit-il, dans les Comptes rendus de l’Académie de Berlin (1837, page r07), ’état amphibie, et qui peuvent vivre des semaines et des mois entiers privées d’eau, dans la terre végétale ,sans se dessécher et sans tomber dans un état de mort apparente. « Les opinions émises depuis plus de centans ont eu pour résul- tat d'embrouiller la question et non de l'éclaircir. M. Ehrenberg repousse une à une toutes celles qui ont eu pour but d'établir une opinion contraire à la sienne. Les mêmes espèces de Roti- fères et de Philodines, qui habitent le sable des gouttiéres, et que l’on assure avoir vues revivre, il les a constamment vues périr, lorsqu'il les prenait dans les eaux des marais ou des rivières , et il en conclut qu’elles doivent périr dans le premier cas comme dans le second. Puis il renvoie à l’histoire du serpent, dont parle Bouguer dans son livre de la Figure de la terre. Bouguer assure, en effet, tenir de plusieurs témoins oculaires qu’il existe vers le bas de la rivière de la Madelaine et surtout vers l'Orénoque un serpent très dangereux, du genre des Amphisbènes, qui peut revenir à la vie, après qu’on l’a laissé dessécher pendant dix ou douze ans, suspendu à une branche d'arbre ou même dans une cheminée , pourvu qu’après ce temps , on le jette dans une eau bourbeuse, exposée au soleil, et qu'on l’y laisse pendant quelques jours. Libre à ceux qui croiront à une pareille histoire de croire à la résurrection des Rotifères morts. » Nous ne suivrons pas plus loin l’illustre observateur. Le reste de son article est consacré à des raisonnemens sur la nature du principe vital , raisonnemens qui ont tous pour but de prouver que linterruption du mouvement vital et la mort sont une seule et même chose. Il termine, en disant que la vie, même dans ses moindres manifestations ,tend à main- tenir la réaction des solides et des liquides contre toutes les lois physiques et chimiques. Dès que cette réaction cesse, les corps organisés retombent sous l'empire des lois de la matière inerte. L'œuf et la graine elle-même se décomposent et se putréfient. Chacun de ces corps vivans possède un état hygrométrique propre à son organisation. Tant qu'il conserve dans ses organes 2, 20 DOyÈRE. — Sur les Turdigrades. cet état, contrairement à toutes les lois physiques, il est vivant; dès qu'il l'a perdu , par une cause quelconque, la mort s'ensuit. Il me reste un mot à dire sur l'intervention de M. Schultze dans la question de la revivification : elle est loin d’avoir l'im- portance que M. Dujardin se montre disposé à lui accorder (1). M. Schultze a recueilli du sable de gouttière:il l'a laissé dessécher librement, l'a remouillé après un temps plus ou moins long;'et y a vu des Rotifères et des Macrobiotes vivans. Nous venons de voir qu’on fait cela depuis cent quarante ans, sans avoir pu s'entendre: c’est l'expérience de Leeuweuhoeck, qui n'avait pas plus oublié de se servir d’eau bouillie, que M. Schultze n’a omis d'employer l'eau distillée. Quant à la durée possible de la pré- tendue dessiccation , M. Schultze n’a pas non plus dépassé ce qui avait été fait avant lui; car, si je ne me trompe, le sable le plus ancien dans lequelil ait annoncé avoir vurevivre des animal- cules , avait été recueilli à quatre ou cinq ans de date seulement, tandis que Baker avait vu revivre, en 1771, des Anguillules dans du blé niellé que Needham lui avait donné en 1744 : aussi M. Schultze est-il loin d’avoir été très affirmatif à l'endroit de la dessiccation des animaux eux-mêmes, et de l’état de mort qui en est la suite. Dans sa brochure sur le Hacrobiotus Hufelan- di , il l'appelle, à la vérité, un animal pouvant revivre post « diuturnam asphyæiam et aridilutem », et le mot ariditatem peut s’interpréter dans le sens d'une dessiccation complète. Mais on a vu par un des passages précédemment cités, com- bien les expériences de M. Schulize et les communications qu'il avait faites à Breslau ont eu peu de prise sur la manière de voir de M. Ehrenberg. Bien plus, M. Schultze lui-même paraît avoir modifié son opinion, et s'être laissé entrainer aux raison- nemeus si pressans de son illustre adversaire. Dans sa brochure sur l'Echiniscus Bellermanni (2), il est revenu sur ce qu'il avait dit, de manière à faire voir que c'était le mot asphyæxiam seul , qui rendait toute sa pensée. La dessiccation de son Æchiniscus Bellermanni , espèce du genre Emydium , n’est plus autre chose (1) Ann. des Sc, nat., tome x, pag. 182 et suiv., et Hist, nat. des Inf., pag. 593 et 594. (2) Echiniscus Bellermanni, animal crustaceum , Macrobioto' Hufelandii affine , ete, etc, cum tabul&, Berolinii , 18407 DOYÈRE. — Sur les Tardigrades. 21 que « vilæ somniculosæ atque asphycticæ longævitas ». Plus loin(page ), ilse plaint de ce qu’on luia prêté des opinions trop avancées , en supposant qu'il regardait cet état comme une véri- table mort. « Ex asphyxid reviviscunt animalia , non ex morte , sicut Ehrenbergius nuper, postquam factum in Furculariis et Macrobiotis prius negaverat, nunc concedens sententiam meam per errorem interpretari studuit. » Ainsi M.Schultze n’a rien ajouté ni en étendue ni en certitude aux faits annoncés par Leeuwenhoeck lui-même; mais il a, plus que personne , contribué à populariser la question par l'à-propos et la forme de ses communications à ce sujet , et surtout par le soin qu'il a pris de mettre entre jes mains d'une foule de savans de toutes les parties de l'Europe, du sable recueilli et desséché avec soin, et dont la dessiccation remontait à une date certaine. $ IT. Expériences. Je me suis proposé de faire voir, par l'exposition historique qui précède : 1° Que la question des animaux ressuscitans a été prise et reprise sous toutes les formes sans que, après un siècle et demi, la discussion ait cessé d’être ouverte comme le premier jour; sans que les mêmes faits aient cessé d’être niés et affirmés avec une égale assurance ; 2° Que par une sorte de phénomène que nous n’essaierons pas d'expliquer, cette discussion a pu passer pour ainsi dire au- dessus des belles et décisives expériences de Spallanzani, sans en avoir été seulement effleurée, sans en avoir admis ni aucune so- lution, ni aucune modification dans sa marche ou dans la pature des argumens sur lesquels elle roule, et qui sont restés invariablement les mêmes ; 3° Enfin, qu'il était utile de reprendre ces expériences, et qu'essayer de les faire entrer dans la discussion avant de leur avoir rendu l'attrait de la nouveauté, c'eût été une tentative sans résultat probable, c'eût été s’exposer à laisser la question aussi indécise qu'auparavant. Et cependant c'est un problème dont il importe que la so- 22 poyÈRE. — Sur les Tardigrades. lution soit définitivement acquise à la science: car il ne s’agit de rien moins que de l’un des élémens les plus universellement admis dans la définition de la vie, de la continuité absolue et né- cessaire de ses phénomènes essentiels. C’est à quoi je me suis efforcé d’arriver, dans l'espoir, non d'obtenir un grand nombre de faits nouveaux, mais de constater assez de faits positifs, nouveaux ou non, pour qu'ils pussent former une base de conviction inébranlable. Les animaux sur lesquels j'ai expérimenté sont ceux qu'avait observés Spallanzani lui-même, les Tardigrades des diverses espèces, les Rotifères, les Anguillules: et j'ai étudié ces diverses espèces simultané- ment et sans distinction, parce que j'ai eu bientôt acquis la cer- titude qu’elles m'offraient absolument les mêmes chances. 1° De la dessiccation chez les animaux ressuscitans , lorsqu'on les expose simplement à l’évaporation. Lorsque j'ai exposé les animaux ressuscitans à l’évaporation , soit dans l’eau pure, soit dans le sable , à l'air libre, dans un air desséché ou dans le vide sec, je les ai toujours vus se dessécher et se dessécher d’une dessiccation absolue, et, dans la plupart des cas, cette dessiccation , si loin qu’elle pûüt être poussée , ne les dépouillait pas de la faculté de reprendre vie, lorsque je venais à leur rendre l'humidité, sans laquelle nous ne concevons pas qu'aucun mécanisme animal soit possible. La forme la plus simple et la plus décisive que l’on puisse donner à l'expérience consiste à placer un Emydium,un Macro- biotus où un individu d’une autre espèce ressuscitante, sur une lame de verre, dans une gouttelette d’eau distillée; et à laisser exposée à l'air libre la gouttelette et l'animal qu’elle contient. On y trouve surtout l'avantage de pouvoir suivre au microscope les progrès de la dessiccation et du racornissement progressif de l’animalcule et de ses enveloppes. La gouttelette d’eau ne sera pas plus tôt évaporée, qu'il n’offrira plus lui-même que l'apparence d’une paillette transparente, mince , ridée, où l’on reconnaîtra tout au plus quelques traces des formes primitives, si ce n'est chez les ÆEmydium, dont l'enveloppe extérieure offre plus de solidité que celle des autres espèces etconserve mieux ses formes. poyÈREe. — Sur les Tardigrades. 23 Cette paillette se brise au moindre choc, et Spallanzani en à donné une idée assez juste, en la comparant à un grain de sel desséché. L'action du compresseur n’en fait écouler aucun li- quide :on n’y peut reconnaître aucune trace d'humidité ni d’un état vital quelconque. Or, dans cet état, il n’a point perdu, comme on l'a dit, la faculté de revenir à la vie. On peut même pousser la dessiccation encore plus loin et aussi loin que le permettent les procédés suivis en chimie pour la des- siccation des substances destinées à l'analyse. C’est ce que j'ai fait dans l'expérience suivante, que j’ai répétée à plusieurs reprises. Trente Tardigrades vivans ont été déposés un à un dans trois grands verres de montre; les gouttelettes isolées qui les conte- naient ont été épuisées autant que possible; puis ils ont été lais- sés se dessécher à l'air libre. Dans trois autres verres de montre, trente de ces animaux ont été de même déposés isolément , mais seulement au moment de les mettre sous la machine pneumatique. Les six verres , numérotés avec soin, ont été placés dans le vide desséché par l'acide sulfurique. Trois contenaient , d’après ce qui précède, des animalcules déjà desséchés à l'air libre, et les trois autres des animalcules vivans, et encore dansdes gouttelettes d’eau distillée. Le vide a été maintenu pendant quatre jours. Après ce temps j'ai retiré les verres et observé les animaux à l'aide du microscope: ils ne m'ont présenté aucune apparence qui les distinguâät de ceux qui se dessèchent librement, sur une lame de verre: ils ne paraissaient ni plus ni moins desséchés. Alors je remplis les verres de montre d’eau distillée, et je les recouvris d’une cloche enverre, pour intercepter tout accès de l'air extérieur. Trente heures après, tous contenaient quelques animal- cules vivans ; mais les trois premiers, qui avaient été desséchés à l'air libre , avant que d’être placés sous la machine pneumatique, en contenaient plus que les trois autres, dont la dessiccation avait eu lieu dans le vide sec et avecune rapidité extrême. J'ai ré- pété l'expérience, en me servant de lamelles de verre sur chacune desquelles je placais les animalcules. Le succès a été le même. La proportion de ceux qui reprennent vie varie singulière 24 poyÈRe. — Sur les Tardigrades. ment. Très souvent je n’en ai vu revivre aucun; jamais je m’ai vu revivre tous ceux que j'avais mis en expérience ; mais le nombre de ceux qui revivent peut aller jusqu'à six ou sept sur dix pour ceux qui ont été simplement desséchés par évaporation à l'air libre: il ne m'a pas paru diminuer par le séjour dans le vide, chez ceux que l'on n’y plaçait qu'après les avoir laissés dessécher librement; mais, dans les verres de montre qui ont été soumis au vide sec avec leurs animalcules encore dans des gouttelettes incomplètement évaporées, on en retrouve tout au plus un, deux ou trois qui conservent la faculté de re- prendre vie. Ces résultats contredisent la seule assertion sur laquelle tous les auteurs fussent à-peu-près d'accord; car à peine quelques- uns disent-ils avoir vu revivre un animalcule après lavoir laissé dessécher à nu. Tous les autres placent au contraire la dessiccation qui en résulte comme une limite à laquelle l’ani- mal ne peut être porté sans périr irrévocablement, et c’est même là un des argumens les plus puissans dont se servent ceux qui regardent la mort comme absolue et la dessiccation comme une mort nécessaire, la dessiccation, suivant eux, n’ayant pas lieu, ou n'ayant lieu qu'incomplètement dans tous les autres cas. Mais cet accord dans un insuccès me semble pouvoir être ex- pliqué tres simplement. Les observateurs qui ont parlé de la des- siccation & ru, ont eu soin de dire pour la plupart, si ce n’est tous, qu'ils avaient produit cette dessiccation sur une lame de verre. Lorsqu'ils ont voulu obtenir la revivification, ils se sont contentés, sans doute, comme je l’avais fait moi-même dans mes premiers essais, tous infructueux, de recouvrir de quelques gouttes d’eau le point où leurs animalcules avaient été déposés, et de les observer avant que ces gouttes d'eau se fussent évaporées à leur tour; une lame de verre n'est point un vase où l’on puisse garder de l’eau pendant long-temps : or, s'ils ont en effet agi de cette manière, ils n'ont point attendu pendant un temps assez long; car c’est seulement après un à deux jours , que j'ai vu les animalcules donner les signes d’une vie très manifeste dans mes verres de montre pleins d’eau. Le retard n'a paru être d'autant plus long que la DOyÈRE. — Sur les Tardigrades: 25 dessiccation a été plus prompte: et il est même probable, ainsi que je le dirai de nouveau plus loin ; que la promptitude de la dessiccation est la cause la plus active qui rende la mort irré- vocable chez les animaux ressuscitans. Ajoutons encore que non-seulement les animaux desséchés à nu, et presque instantané- ment, reprennent vie beaucoup plus tard que les animaux des- séchés dans le sable; mais que, en outre, les mouvemens qui dé- noncent à l'observateur le retour à la vie sont beaucoup plus lents et plus obscurs, et qu’il faut souvent les attendre, les pro- voquer même, pour arriver à les obtenir d’une manière incon- testable, et à pouvoir affirmer que l’animalcule ressuscité que l’on a sous les yeux possède la vie en exercice. Néanmoins on peut reconnaitre quelques heures seulement après les avoir mouillés, et avant que la résurrection se tra- duise par des mouvemens, ceux qui offrent des chances pour une résurrection ultérieure. Ceux qui sont définitivement morts se gonflent par endosmose, à la manière d’un sac membraneux dis- tendu mécaniquement par l’introduction forcée d’un fluide. Les autres ne se gonflent que beaucoup plus lentement, et ne pas- sent que progressivement des formes racornies et ratatinées, auxquelles Ja dessiccation les avait réduits, à celles qu’ils pos- sèdent dans l'exercice de la vie. Cependant je n’oserais pas af- firmer que, même alors qu'il est distendu par l'accès de l’eau dans sa cavité intérieure, au point d’en avoir perdu ses formes, un animalcule ne puisse pas conserver encore la faculté de réagir sur le fluide qui le remplit, de manière à revenir à ses formes normales, après qu’elles se sont effacées; mais je ne puis pas dire en avoir observé des exemples. La dessiccation à nu est assurément le fait le plus concluant parmi tous ceux dans lesquels on n’emploie d’autre moyen de dessiccation que la tendance des fluides à prendre la forme gazeuse à la température ordinaire, mais il est en même temps celui dont les résultats sont le moins assurés et le moins faciles à observer, et je ne doute pas même qu'il ne pût dans beau- coup de circonstances manquer complètement et conduire à conclure encore contre le fait général que je me propose d'établir, Aussi croirai-je beaucoup plus sûr d’expérimenter sur 26 poyerE. — Sur les Tardigrades. le sable ou sur les mousses qui contiennent les animalcules; car le succès est à-peu-près certain, et l’on peut toujours pousser les précautions assez loin pour se mettre à l'abri de toute chance d'erreur; on peut même les pousser jusqu’à l'excès , ainsi que je l'ai fait dans l'expérience suivante. Après avoir pris des mousses trés riches en animaux ressus- citans, et les avoir laissées pendant huit jours exposées à l'air dans une pièce très sèche, je les essayai en les remouillant, pour w’assurer que ces animaux n'avaient point perdu leur fa- culté de revivre, puis j'en mis une partie dans quelques cornets de papier numérotés A. Je mis le reste dans une capsule en verre que je placai au-dessus d’une autre capsule pleine d'acide sulfurique, et je recouvris le tout d’une cloche soigneusement lutée. Après dix-sept jours, je retirai la mousse, et après m'être assuré de nouveau que les animaux pouvaient revivre, j'en mis une partie dans quelques cornets de papier numérotés B. Du reste, je fis deux parts, dont une, que j'appellerai C, fut tenue pendant six jours dans le vide sec, renouvelé chaque jour; l'autre, D, fut portée au sommet d’un tube barométrique, et y demeura vingt-huit jours avec du chlorure de calcium. Or, le sable des mousses A, B, C et D, étudié simul- tanément, après ce temps se montra rempli d'animaux vivans quelques heures après avoir été mouillé. Seulement il me parut que les animaux qui avaient été soumis à la dessiceation la plus énergique et la plus prolongée, exigeaient un peu plus de temps pour leur retour à la vie. Cette différence, au reste, ne me parut pas excéder celles que j'avais maintes fois remarquées entre des touffes de mousse différentes, prises sur un même toit ou sur des toits différens, ou entre le sable de deux extrémités, d’une même gouttière. Ainsi des êtres animés qui se dessèchent à l'air libre en quel- ques secondes, peuvent revivre après dix-sept jours d'exposition dans un air sans humidité, à la pression ordinaire, et après vingt- huit autres jours passés dans une atmosphère également des- séchée, et dont la tension n’excédait pas cinq à six centimètres. Or, je ne mets pas en doute qu'ils aient dû arriver, par suite de poyèrE. + Sur les Tardigrades. 27 cette épreuve, à l'absence complète de toute humidité chimi- quement libre. Je crois néanmoins devoir ajouter encore, pour prévenir les objections que l’on pourrait fonder, sur la présence des matières organiques et énergiquement hygrométriques autour de nos ani- malcules, que l’on peut obtenir des résultats tout-à-fait sem- blables en plaçant sous le récipient de la machine pneumatique des animaux ressuscitans, préalablement lavés dans l’eau dis- tillée, puis recouverts seulement, dans les verres de montre, d’une couche légère de sable lavé, ou même de silice pure ob- tenue par précipitation. J'ai choisi ces deux substances comme les moins hygrométriques qu'il soit possible d'employer. Avant de placer les verres dans le vide sec, je les avais laissés s'éva- porer lentement à l'air libre, puis dans l'air desséché par l'acide sulfurique. Nous avons vu que les animaux ressuscitans ne perdent point cette faculté remarquable lorsqu'on les place dans le vide sec, en- tourés d’une quantité d’eau extrémement petite, et telle qu’en contient une gouttelette presque épuisée. Le contraire a lieu lors- qu'ils y sont placés dans une certaine quantité d’eau, ou dans le sable mouillé. Lorsqu'on les remouille après que l'eau s’est complètement évaporée, ou lorsqu'on remouille le sable après qu'ils’est complètement desséché, on les retrouve tous mortssans exception. Ce résultat montre que Spallanzani s’était trompé, en attribuant à l’action immédiate de l'air la mort définitive de ceux qu'il laissait se dessécher sur une lame de verre. Il est dû sans doute à ce qu’une masse d’eau plus considérable prolonge l’ac- tion physique ou physiologique du vide sur les animaux vivans. Mais il est certain aussi que tout ce qui tend à ralentir l’éva- poration en dehors de l’action du vide a pour résultat de con- server la faculté de revenir à la vie; c’est ainsi qu'on peut expli- quer l'influence des abris tels que le sable et les autres sub- stances dont les animaux peuvent être entourés, puisque nous avons vu que la nature de ces abris n’entre pour rien dans l'effet qu'ils produisent. Ajoutons une considération encore: toutes les fois que les animaux ont été desséchés sous l'influence d’une couche qui,les abrite, ils reviennent promptement à la vie, et 28 DOYÈRE, — Sur les Tardigrades. ce retour se manifeste par des mouvemens vifs et une activité tels qu'ils paraissent n’avoir aucunement souffert de la dessic- cation elle-même;au contraire, lorsqu'ils ressuscitent après avoir été desséchés sans abri, cette résurrection est très lente , leurs mouvemens sont à peine sensibles, ils sont engourdis et ma- lades. Deux heures après avoir été mouillé, le sable qu'on a des. séché n'offre ordinairement plus que des animaux en pleine ac- tivité vitale. Trente heures ne suffisent pas toujours à ceux qui ont été desséchés à nu pour reprendre quelques mouvemens à peine saisissables. Quel est l’état des animalcules dans le sable desséché des gout- tières? Je ne les y ai jamais vus que réduits en paillettes aussi fragiles et plus déformées encore que lorsqu'ils ont été des- séchés à nu. Jamais je n’ai pu en rencontrer un seul qui mani- festât quelques traces d’une vie quelconque, ou qui ne pré- sentât pas toutes les apparences d’une dessiccation complète. Toutefois je ne prétends point par là infirmer toute assertion contraire; le fait principal, celui du retour à la vie après une dessiccation absolue, n’en saurait plus être atteint, puisque nous l'avons vu se produire chez des animalcules qu'aucun abri matériel ne protégeait plus ni contre l’'évaporation, ni surtout contre l’observation directe par le microscope, qui nous a permis de suivre toutes les phases du retour à la vie, après nous avoir montré tous les progrès de la dessiccation elle-même. Voiri d’ailleurs un nouvel ordre d'expériences qui nous fera pénétrer plus profondément encore dans la nature intime du phénomene. 2° De la dessiccation à des températures élevées. On comprendra peut-être difficilement, après ce qui pré- cède, comment de nouvelles expériences pourraient sembler encore nécessaires ; mais qu’on lise dans leur entier les réponses qui ont été faites à Spallanzani, et l’on ne désespérera plus de voir quelques auteurs dire encore : — « Ce n’est là qu’une dessiccation apparente, et une mort qui n’est pas plus réelle que la dessiccation elle-même. Arrivée à un certain degré, l'éva- poration s'arrête par l'obstacle mécanique qu'y opposent des | DOYÈRE. — Sur les Tardigrades. 29 enveloppes plus ou moins imperméables, et l'humidité qui reste dans les organes suffit pour qu'ils demeurent le siège des phé- nomènes vitaux d’une vie latente. » Mais je ne crois pas que cette objection puisse tenir devant les résultats que fournit l'étude de l'action de la chaleur sur les ani- malcules vivans et sur les animalcules desséchés. 11 se passe là deux phénomènes tellement distincts, qu'ils nous permettent d'affirmer que les êtres animés qui nous occupent ne sont plus, après qu'ils ont été soumis à l’un quelconque des procédés de dessiccation dont il vient d’être question, que des réunions de principes organiques chimiquement secs, et que la dessiccation établit une solution de continuité absolue entre la vie première des animaux qui nous oceupent, et celle qu’une humidité nou- velle leur restitue. I. Action de la chaleur sur les animulcules vivans. Les animalcules ressuscitans ne peuvent supporter une tem- pérature supérieure de plus de quelques degrés à celle qu'avait assignée Spallanzani, comme la limite supérieure qu'ils pussent atteindre. Ils perdent leurs mouvemens et tombent dans l’en- gourdissement à une température inférieure à celle qui les tue définitivement, et on peut encore les ramener à la vie en les remettant dans l’eau à la température ordinaire; mais jamais je ne les ai vus revivre après avoir été chauffés à cinquante degrés centigrades. IL. Action de la température sur les animalcules desséchés. Si l’on prend des mousses desséchées jusqu’à ce que vingt- quatre heures d'exposition dans le vide sec ne leur fasse plus perdre de leur poids, et qu'on en entoure la boule d'un ther- momètre placé dans une étuve, on peut élever la température de l'étuve jusqu’à ce que le thermomètre marque cent vingt degrés, sans que tous les animalcules que les mousses con- tiennent aient perdu la faculté de revenir à la vie. Toutefois, le nombre des ressuscitans diminue à mesure que la tempé- 30 DOYÈRE. — Sur les Tardigrades. rature approche davantage du terme qui vient d'être indiqué, et en même temps le retour à la vie de ceux qui ressuscitent se manifeste par des mouvemens de plus en plus lents, et exigé un temps de plus en plus long. (r) Dans des expériences que j'avais faites au milieu de l'été, et sur les mousses qui avaient subi l’action directe du soleil pen- dant plusieurs semaines, j'ai vu des animalcules revivre jusqu’à cent quarante et cent quarante-cinq degrés, je trouvai même un grand Rotifère vivant dans un paquet de mousse qui avait été porté jusqu’à cent cinquante-trois degrés. Mais je dois ajouter que le procédé par lequel je mesurais la température était moins rigoureux que dans le cas précédent; car je me servais d’une étuve à double enveloppe métallique, contenant de l'huile entre ces deux enveloppes, et je prenais la température du bain d'huile lui-même, avec la précaution seulement de la maintenir constante pendant dix minutes. On ne peut donc voir dans ce second cas qu’un maximum auquel la température des mousses elles-mêmes ne devait pas être très inférieure. CONCLUSIONS. Nous trouvons dans la chimie organique un ordre de phé- nomènes qui offre avec les précédens des rapports que je crois très intimes. C’est celui que présente l'albumine lorsqu'on l’expose à l’action de la chaleur pendant qu’elle est encore humide, et après lavoir desséchée. D’après les recherches de M. Chevreul, l'influence chimique qu’exerce la chaleur sur l’albumine du blanc d’œuf, peut se ma- nifester par la coagulation, dès que la température atteint 61°, nous voyons nos Tardigrades pouvoir supporter dans l'eau une température de 45 à 48 degrés sans perdre la faculté de revenir à la vie. D'un autre côté, d’après le même savant, pour que la tem- (1) Dans deux expériences qui ont été faites sous les yeux de MM. de Jussieu, Dumas ; Milne Edwards et Quatrefages, au mois de novembre 1843. les animalcules ont sup- porté une température de 122 et de 125 degrés centigrades, La mousse entourait la boule du thermomètre. DOyèRE. — Sur les Tardigrades. 31 pérature de l’eau bouillante fasse passer l’albumine séchée à l'air à l’état d’albumine coagulée, il faut que son action s'exerce pendant une heure au moins, quelquefois pendant plus long- temps; et nous voyons nos animalcules supporter pendant un certain nombre de minutes une température de 120 degrés, sans perdre leur faculté de revenir à la vie. Sans nul doute, l'al- bumine séchée dans le vide, et exposée à l’action de la chaleur pendant un petit nombre de minutes seulement, ne perdrait sa solubilité qu'à une température supérieure à 120 degrés, de même que l’albumine liquide ne perd la solubilité qu’à environ 15 degrés au-dessus du point où les Tardigrades perdent irrévo- cablement la vie. Nous voici donc amenés à ne voir plus, dans la faculté de re- venir à la vie, qu'un phénomène subordonné, comme la solu- bilité de l’albumine, à l'intégrité de la composition moléculaire des tissus dans les animaux ressuscitans; et ne nous est-il pas permis de croire que si nous étions assez habiles pour pouvoir saisir d’une part les dernières traces du premier de ces phé- nomènes, et de l’autre les premières apparitions du second, ou, mieux encore, du changement moléculaire dont il n’est qu’un indice fort imparfait peut-être, nous les rencontrerions se faisant immédiatement suite, la revivification finissant là seulement où un nouvel état moléculaire commence. Mais, placés à ce point de vue, que pouvons-nous voir de plus dans la revivification, que la mise en action d’une propriété que possèdent les tissus desséchés, comme ils possèdent la propriété d'être solubles, d’une propriété qu’ils ne perdent que quand ils sont, et parce qu'ils sont coagulés, ou plutôt parce qu'ils ont subi les modifications dont la coagulation elle-même n’est qu'une conséquence; et quelle autre condition assigner à la manifestation de chaque phénomène vital en particulier, et à l'ensemble tout entier des phénomènes vitaux, que l'intégrité de la constitution moléculaire dans les tissus, et les connexions physiques des différens tissus les uns avec les autres. C’est un accord de plus entre la physiologie et les sciences physiques proprement dites. Celles-ci nous montrent l’eau comme entrant dans une substance organique, à deux états différens : 32 DoyÈèRE. — Sur les Tardigrades. 1° Comme eau de composition; 2° Comme eau chimiquement libre, et retenue mécanique: ment dans ce que l’on désigne par une sorte de comparaison, sous le nom de ynailles des tissus. Or cette eau chimiquement libre, et retenue dans les tissus animaux par la capillarité ou par toute autre cause physique, protégée contre l’évaporation par des enveloppes plus ou moins imperméables chez les animaux aériens, par le milieu ambiant lui-même dans les animaux aquatiques, ne nous paraît plus être qu'un milieu qui pénètre l'organisme dans toute sa profondeur, qui le baigne intérieurement comme l'atmosphère ou l’eau le baignent extérieurement, et dans lequel se passent tous les phé- nomènes vitaux. La présence de ce milieu est une condition essentielle de la vie, car la vie, ce sont les phénomènes vitaux en exercice. Le milieu dans lequel ces phénomènes vitaux se passent une fois enlevé, nous ne pouvons affirmer rien de plus que la compo- sition moléculaire des tissus, et leur arrangement organique : c'est l'organisme moins les phénomènes vitaux. C’est de la ma- tière organisée, dans laquelle existe la vie ëz potentiä, mais dans laquelle personne ne prétendra que cette vie &z polentié puisse se manifester actuellement par des phénomènes. s Or c’est là ce qu'ont voulu dire Spallanzani et tous ceux qui ont eu la même opinion, avant comme après lui, quand ils ont affirmé que les Rotifères, les Tardigrades, les Anguillules et les Gordius desséchés étaient des animaux morts, et quand ils ont appelé résurrection leur retour à la vie sous l'influence de l’hu- midité. Des animaux qu'il suffisait de mouiller pour les faire revivre possédaient incontestablement la vie ir potentit ; mais la possédaient-ils ë7 actu? et le passage de la puissance à l'acte n’avait-il pas lieu à un instant donné? Là seulement était la ques- tion, et nous la regardons comme résolue. boyÈère. — Sur les Tardigrades. 33 APPEenNDicE au Mémoire sur les Tardigrades. I. Ongles du Macrobiotus Hufelandii. — J'ai dit qu'ils sont au nombre de deux, bifides, la pointe interne de chacun étant elle-même très finement bifide. Cette seconde bifidité ne s'aperçoit très souvent que difficilement et seulement avec les meilleurs instrumens; quelquefois, au contraire , elle est très apparente, surtout aux ongles des pattes postérieures. IL. Sang. — Je regrette d’avoir employé cette expression pour désigner le li- quide à gros globules qui flotte suivant les mouvemens de l'aniwal dans la grande vavilé comprise entre ses enveloppes externes et son canal intestival. Le mot sang , en effet, entraine Fidée d’une importance physiologique qui n’est peut- être pas celle du fluide dont il s’agit. Dans la première rédaction de mon mavu- scrit, je m'étais servi du terme fluide inter-organique , qui w’exprimait qu’un rapport de position; c’est celui que je préférerais aujourd’hui. UT. Glandes salivaires. — Canal digestif. C’est chez Milnesium tardigradum que j'ai aperçu les quatre corpuscules foncés que j'ai signalés dans les glandes salivaires, et non chez les Zmydium ni chez les Macrobiotus ,| comme on pourrait le croire d’après ce passage. Une observation, dont je n’avais pas assez senti d’abord Ja valeur, est celle d'apparences absolument semblables à celles que M. Dujardin désigne sous le uom de sacuoles. Je les ai vues dans les glandes salivaires et dans l'épaisseur des parois du canal intestinal. Elles ne m'ont point paru contractiles. IV. Corpuseules discoidaux. — Ea étudiant un grand nombre d'individus dans le but de vérifier ce que j'ai dit en terminant ce passage, je me suis assuré qu'ils existeut dans les Milnesium et les Macrobiotus en geuéral; mais ils v sont moins nombreux, incolores et plus petits que dans les Emydium, ce qui permet de les confondre avec les autres corpuscules que contient la membrane constituante des paroïs intestinales. V. Support ou rayon directeur des stylets. — Les termes dont je me suis servi indiquent une simple articulation des rayons ou supports en S avec le tube pharyngien ; ceci w’est point complètement exact. Ces rayons mont paru, dans de nouvelles observations , fixés au tube, de telle sorte qu’ils sont forcés de se fléchir pour obéir au mouvement des stylets d’arrière en avant, et qu’ils doivent jouer le rôle de ressorts pour les ramener d'avant en arrière. VI. Sur les yeux. — Il est une apparence que je n'avais pas cru devoir mentionner d'abord, parce que j'avais craint que ce fût une simple illusion d’op- tique, et que j'ai mieux vue depuis et étudiée à l’aide de nouvelles lentilles, c'est XVI, Zoor, — Juillet, 3 34 bOYÈRE. — Sur les Tardigrades. celle d’un cristallin spherique enchässé dans le pigment lui-même, en forme de capule. D’après cela, le bulbe oculaire consisterait dans une ampoule constituée par un renflement de l’enveloppe même du nerf optique, tapissée en arrière d'une couche de pigment revêtant postérieurement le cristallin ; en avant du cristallin, un liquide remplirait le reste de l'ampoule. VII. Genre Macromiorus. Espêces nouvelles. — M. Dujardin (1) a trouvé dans les ruisseaux des environs de Rennes ua nouveau Wacrobiotus caracte- risé par des ongles trois fois plus grands que ceux de M. Hufelandii, et par les branches de ses mâchoires (stylets) plus etroites. Cette espece atteirdrait jusqu'à o"" 90, ce qui serait plus qu'aucune de celles que j'ai observées. Ce qu'elle offre de plus remarquable, c’est qu’elle vit constamment dans l’eau ; elle serait donc aux espèces que j'ai décrites ce que sont aux Rotifères des toits les nombreux Rotateurs des ruisseaux et des eaux stagnantes. M. de Quatrefages a rapporte de l'ile de Chausey des mousses dans lesquelles se trouvent deux espèces, dont l'une, certainement nouvelle , est fortement co- lorée en jaune verdätre disséinine par grosses gouttelettes. Son enveloppe est grossièrement granuleuse; son appareil pharyngien est exactement celui de Macrobiotus Oberhaeuser, auquel elle ressemble en outre par la taille; mais elle a les ongles de M. Hufelandii. Quant à l'autre, elle ressemble complètement à cette dernière espèce, à l'exception d’une seule particularité. Les deux lobes de la base des stylets pa- raissent mobiles, ou l’un au moins, ce qui donne au jeu de l'articulation de cette base avec le rayon en S. directeur du mouvement, une apparence diffé- rente de celle que l'on aperçoit chez M. Hufelandii. Cette apparence différente pourrait peut-être s'expliquer aussi, en supposant que l'articulation de cette base avec le rayon est fixe chez celui-ci, ce qui rendrait plus complètement le rôle de ressort dont il vient d'être question dans la note précédente , tandis qu’il se- rait mobile dans l'espèce de Chausey. VIIL Genre Écmiscus de M. Schultze. — M. Schultze, dans la petite note manuscrite qu'il avait jointe au sable remis à M. Elie de Beaumont avait signalé lEmydium testudo comme devant former un genre nouveau. De- puis celte époque, il a décrit une autre espèce du même genre sous le nom d’E- chiniscus Bellermanri, daus une courte brochure dont le titre est Echiniscus Bellermani , animal crustaceum , Macrobioto Hufelandii affine, ete., cte., cum tabul&, Berolini, 1840. La brochure de M. Schultze a paru depuis le mois d'août 1840; elle m'a été connue à Paris que vers le milieu de l'année 1841, tandis que l'impression de la première partie de mon mémoire remonte à decembre 1840. C'est là la seule raison qui m'a empêché d'accepter le nom proposé par M. Schultze, auquel je m’em- {1} Aistoire naturelle des Infusoires , 187 , p. 668. DOYÈRE. — Our les Tardigrades. 35 presse de reconnaître sur ce point tous les droits que peut donner l’antériorité de publication. L'Echiniscus Bellermani ne ressemble complètement à aucune des trois es- pèces que j'ai décrites. Il a les trois paires de filamens que porte l'Emydium tesludc un peu avant l’âge adulte (1); mais le premier et le second anneau por- teut des épines dorsales postérieures comme le troisième; et en outre, le premier en a deux longues au bord antérieur. IX. Genre ArcriscoN. — Copie de la note jointe par M. Sthulize au sible qu'il avait remis à M. Elie de Beaumont, en décembre 1838. Cette note indiquait comme existant dans ce sable les espèces suivauies : I. Furcularia rediviva ; IT. Macrobiotus Hufelandii ; III. 14., nova species (M. Oberhaeuser?) ; IV. Arctiscon Lardigradum, Schranck; v. Id., nova species vel novum genus ( Echiniscus ?) ; VE Vibrw Anguillula. Un fait intéressant résulte de cette note, c’est que M. Schultze croit avoir re- trouvé l’Arctision tardipradum. Îl en est question d’ailleurs dans la notice sur l'Echiniscus. D’après la comparaison qu’en fait l’auteur avec ce dernier genre, qui est notre genre Emydium, V Arctiscon n’a que deux antennes, point d’é- pines, point de plaques cornées sur le corps, ce qui le ferait ressembler assez au Milnesium tardigradum, si les deux palpes de celui-ci pouvaient être ap- pelées des antennes. L’Arctiscon de Schranck provenait de l’eau des fossés, et non d’un sable dé gouttière, ce qui me porterait à croire que l'animal vu par M. Schultze w’est pas la méme espèce, suppose même qu'il appartienne an même genre. (1) Annales des Sciences naturelles , a° série, 1. xtv, pl. 12, Gg 5: 2. 36 HARO. — Sur la respiration des Tortues , etc. Mémoine sur la respiration des Grenouilles , des Salamandres el des Tortues, Par M. Haro, Docteur en médecine. Pour répondre à l'invitation de l'immortel Cuvier, qui en- gage les naturalistes à vérifier ses doutes sur l’âge de l’Axolotl des Mexicains (Siren pisciformis), chez lesquels on trouve au même degré de développement les deux formes de l’appareil respiratoire, des poumons et des branéhies, j'avais disséqué un grand nombre de Salamandres terrestres, de Tritons, de Gre- nouilles à l’état de têtard et à l’état parfait ; car j'espérais parve- nir ainsi à des inductions capables de me faire une opinion ar- rétée sur cette question obscure, et pour jeter un plus grand joar sur la nature des organes, j'étais venu à en disséquer plu- sieurs individus vivans. C’est alors que je m’assurai, par de nombreuses expériences, que la respiration s'effectue chez ces reptiles d’une manière analogue à celle des oiseaux, c’est-à-dire, par la dilatation et la contraction alternative de la cavité pulmonaire, produite par un système particulier de muscles ou d'organes cartilagineux , et non par un mécanisme analogue à. celui de la déglutition. Je sacrifiai à la vérification de cette découverte une Tortue que j'avais conservée depuis plusieurs mois pour en étudier les mœurs, et une vivisection minutieuse , et qui dura cinq jours, non-seulement me confirma, par les faits les plus évidens, la vérité de cette opinion, mais me conduisit en outre à admettre dans cette derniére classe de reptiles une double respiration comme chez les oiseaux. J'ai cherché autant que possible, en publiant ces deux faits de physiologie animale, à rendre la description de mes pro- cédés et celle des organes que j'envisage sous de nouveaux points de vue aussi simples que clairs, et cela non-seulement Haro, — Sur la respiration des Tortues, elc. 39 pour faciliter Pintelligence de ce que j'ai à dire sur leurs fonc- tions, mais aussi pour rendre plus aisée la répétition des expé- riences qui m'ont donné les résultats que je signale. $ 1. De la respiration chez ies Grenauilles. C’est surtout chez les individus de ce genre que les apparences extérieures de contraction et de dilatation alternative des di- verses régions de la gorge, et l'immobilité apparente du thorax, provenant de l'absence des côtes, conduisent au premier coup- d'œil à faire admettre positivement que l'introduction de l'air dans les poumons ne dépend pas, comme chez les Mammifères et les Vertébrés, munis d’un thorax mobile, de l’action des muscles qui agissent sur les parois de cette cavité de manière à en diminuer ou à en augmenter les divers diamètres, mais qu'il s’y trouve comprimé par les organes buccaux qui agissent sur lui de la méme manière qu'une pompe foulante dont les poumons ne sont que le réservoir. Je commencerai donc l'étude de cette fonction païr ces Reptiles, parce que ce qui sera prouvé pour eux le sera à plus forte raison pour les autres. Je prends une Grenouille bien vigoureuse, et je détache de la mandibule inférieure la peau, les POSTS génio-glosse, mylo- hyoïdien et la muqueuse buccale; la langue sort pendante , et cependant les mouvemens respiratoires de l'os hyoïde conti- nuent ; à chaque inspiration, cet os et toutes les parties qui s’y rattachent se portent en bas; la cavité buccale s'agrandit; en même temps la glotte, qui est formée d’une simple fente, s'ouvre au large, et, par un mouvement contraire, la langue tend à se rapprocher du palais, sans pouvoir s'appliquer aux narines; cependant l'air pénètre dans les poumons, puisque Pexpiration s'effectue comme à l’ordinaire , ce que prouvent les contractions de l'abdomen et des flancs. J'attache une autre Grenouille sur une planchette; je passe un fil dans la lèvre inférieure , que je fixe de manière à tenir la bouche ouverte; la mandibule inférieure, ainsi attirée en avant, entraîne avec elle la langue et la glotte, et rapproche par con- 38 HArRO. — Sur la respiration des Tortues , etc. séquent les poumons du sternum. La Grenouille paraît respirer plus difficilement ; je diminue un peu l'écartement des mä- choires, après avoir coupé la langue, pour tenir parfaitement éclairée la cavité pharyngienne. Dans cet état, les fonctions respiratoires s’exécutaient avec la plus entière liberté ; le len- demain, la Grenouille était encore pleine de vie et aussi vigou- reuse qu'avant ces opérations. Pour bien saisir le rôle des muscles de l'abdomen, je is une incision de quelques lignes , qui n’amena aucun changement appréciable; un peu après, cette incision est prolongée du sternum au pubis, et les intes- tins, mis à nu, sont rejetés au dehors avec les ovaires, par une forte contraction du muscle sterno-hyoïdien qui rapproche l'ex- trémité inférieure du sternum de la colonne vertébrale. L'asphyxie que j'attendais comme conséquence de cette opé- ration n’a pas lieu , et les fonctions respiratoires n'en paraissent pas troublées le moins du monde. Le quatrième jour, le sternum est incisé longitudinalement avec assez de précaution pour ménager les organes sous-Jacens. Le côté gauche est soulevé, le foie et les intestins rejetés à droite, pour mettre à découvert la poche pulmonaire; dans l'intervalle de chaque inspiration, on aperçoit dans son tissu un mouvement vermiculaire très rapide; l’extrémité inférieure; ne se dilate pas, mais la portion supérieure s’élargit sensiblement chaque fois que la glotte s'ouvre. Cette poche est simple, sans appendice, contenue dans une autre poche cellulaire qui la sépare des viscères, et qui tient aux clavicules et à la peau des côtés par plusieurs brides cellulaires qui en augmentent le diametre. Quand le muscle sterno-hyoïdien se contracte, il porte la glotte en bas, et en même temps rapproche de la colonne ver- . tébrale l'extrémité inférieure du sternum, à la face interne de laquelle il vient se terminer. L'action de ce muscle , combinée avec celle des plaques cartilagineuses qui font l'office du ster- num et qui se rapprochent de bas, en haut du rachis, com- priment dans le même sens les poches pulmonaires et refoulent l'air qu’elles contiennent ; aussi voit-on, lorsque cette contrac- tion s'opère, la glotte s'ouvrir pour lui donner un libre pas- HARO. Sur la respiration des Tortues, ete. 30 sage : ce phénomène est plus sensible encore chez les individus dont on a ménagé les organes buccaux. On peut sentir alors le cüurant qu'il détermine à sa sortie, courant qui est presque toujours précédé du rejet des muco- sités qui obstruaient les voies nasales ; on peut mème lui donner un degré d’évidence de plas, en plongeant dans l’eau les Rep- tiles sur lesquels on opère, cor le doute n’est plus possible sur le temps de la respiration qui s'effectue durant l’action que nous venons de décrire, en voyant les bulles d'air s'élever pré- cipitamment à la surface du liquide. T’expiration est immédia- tement suivie de l'inspiration , au moment où la contraction du muscle sterno-hyoïdien venant à cesser, la pointe du sternum se redresse, permet à l’espace qu'occupent les poumons de s'agrandir, en même temps que les muscles mylo-hyoïdiens, soulevant los hyoïde, rapprochent de l'ouverture buccale la glotte qui tend le canal membraneux servant de trachée-artère, et contribue ainsi à tenir écartées les parois des poches pulmo- naires, où l'air peut pénétrer sans obstacle. Les mouvemens des muscles de l’abdomen s’exécutent tou- jours simultanément avec les mouvemens respiratoires de la glotte , c'est-à-dire que leur contraction accompagne régulière- ment la contraction du muscle sterno-hyoïdien , et qu’ils se re- lâchent lorsque ces derniers cessent d’agir activement. Il paraît cependant , d’après l'expérience que j'en ai faite, que leur concours n’est qu'auxiliaire, puisque l'ouverture et l’écar- tement des parois abdominales ne trouble en rien la fonction respiratoire qui continue à s'exercer sous l'influence des muscles mylo-hyoïdiens. Il résulte de ces expériences directes, que les mouvemens de déglutition dont ces reptiles accompagnent lacte respiratoire , quelque frappans qu'ils paraissent être à l'extérieur, ne sont qu'un jeu de la nature, qui cache un mode régulier de fonction sous des apparences anormales, mais d'autant plus propres à tromper sur leur véritable rôle, que tout, dans l’organisation de cette classe d’êtres, semble devoir rejeter une analogie posi- live avec ce qui se passe chez tous les vertébrés supérieurs. En effet , au moment de l'inspiration, quand la glotte se porte ” 4o HARO. — Our la respiration des Tortues, etc. en avant , la peau située entre l'écartement des branches de la mandibule inférieure se gonfle, et, au contraire, elle se tend et paraît s'appliquer au palais , lorsque la glotte, se portant en bas pour l'expiration, dilate la partie inférieure de la gorge. Ces phénomènes, réitérés successivement sans qu'il s’opérât de variations sensibles daus les diamètres du thorax, étaient bien propres à tromper sur leur valeur réelle; mais; je le ré- pète, ce ne sont que des apparences , puisque les narines peu- vent rester ouvertes pendant l'inspiration et l’expiration ; que leur ouverture buccale se trouvant circonscrite par un cartilage qui ne leur permet pas de se fermer, la compression de l’air dans l’arriere-bouche est impossible, car il n'existe là, ni aux environs, aucune soupape mobile, que la force expansive de l'air ou un muscle propre püt porter contre ces ouvertures, de maniere à lui interdire le passage ; et pour ce qui est du rôle que pourrait jouer dans ce phénomène leur langue charnue , qu'au premier apercu on pourrait juger capable d'en remplir les fonctions en s'appliquant au palais après l'inspiration, nous l'avons vue écartée, coupée même, sans qu'il en résultät d'in- terruption dans l'exercice de la fonction respiratoire. $ IT. Respiration des Salamandres. Ces expériences ont été répétées sur des Salamandres ter: restres , et elles ont donné les mêmes résultats. Seulement l’ac- tion des viscéres sur l'acte respiratoire est plus marquée chez ces animaux, parce que le muscle de l'expiration, qui ne s'é- tend, chez les Grenouilles, que de l'os hyoïde à la base du sternum, descend, chez les Salamandres , jusqu’à la crête du pubis, et comprime, par ses contractions , toute la masse in- testinale. Cette modification n’est qu’une conséquence néces- saire de la longueur de leurs poches pulmonaires, qui s'étendent jusque vers le milieu de l'abdomen, tandis que celles des Gre- nouilles , descendant moius bas que le muscle sterno-hyoïdien , se trouvent ainsi tout entières sous l'influence de sa force com- primante. La prolongation de l'organe pulmonaire exigeait donc que le point d'attache du muscle destiné à le vider fût reporté HARO. — Sur la respiration des Tortues, etc. 45 plus bas, et dans toutes les Salamandres, les Tritons , l'Axo- lotl des Mexicains , je l’ai trouvé attaché à la crête antérieure du pubis. Il est facile de concevoir son action dans le temps de l’expira- tion : en rapprochant du pubis la base du sternum , il presse sur les viscères abdominaux, qui, repoussés vers la colonue vertébrale, compriment les parois des poches pulmonaires dis- tendues par l'air atmosphérique, au même instant que la glotte se rapprochant de leur embouchure la trachée-artère s’affaisse sur elle-même; la cavité pulmonaire se trouve ainsi diminuée dans ses deux diamètres, et l'expiration s'effectue. Quant à l'inspiration, son mécanisme n’est pas plus compli- qué : le muscle pubio-hyoïdien, en se relâchant, laisse retomber la masse viscérale que d’abord il avait refoulée dans la cavité des flancs , où sont logés les poumons ; cette cavité est maintenue par les fausses côtes, qui empêchent la peau de suivre les in- testins. Rien donc ne s’oppose à l'introduction de l'air, qui s’y précipite d’ailleurs d'autant plus facilement et en plus grande abondance, que la glotte s'élève béante dans l’arrière-bouche , ouvrant au large le canal membraneux qui remplace la trachée- artère. Je ne crois pas, jusqu’à présent, avoir torturé quelques faits douteux pour les réduire aux étroites proportions d’un système. A prendre les faits que je viens de relater tels qu’ils se pré- sentent, et dans leur plus grande généralité, leurs résultats nous apparaîtront sous deux aspects différens : d’une part , ex- plication très simple d’un phénomène qui, à juste titre, avait toujours été regardé comme l’anomalie la plus curieuse aux règles de la physiologie comparée; de l’autre, réduction de cette anomalie aux lois les plus générales sur la nature de la fonction pulmonaire. Mais nous allons voir ces vérités se développer plus spéciale- ment sous l’une et l’autre de ces faces, par l'étude de l’'Axolotl des Mexicains, et prendre un caractère de certitude qui repous- sera pour toujours toute idée de doute. L’Axolotl que j'ai entre les mains est bien la même espèce qui a été étudiée par M. Cuvier. Comme les individus qu'il décrit , 2 HARO. — Sur la respiration des Tortues, etc. les miens ont la taille des grandes Salamandres terrestres. Leur couleur est un brun foncé, parsemé à-peu-près également de taches noirätres, nombreuses et arrondies. En y regardant de près, on voit sur le fond brun une infinité de petits points blanchätres. La queue est comprimée , relevée en dessus et en dessous d’une crète mince ; la supérieure se continue sur le dos jusqu’entre les épaules, mais elle y est fort basse. La tête est plus large, plus plate, et le museau plus arrondi que nos Sa- lamandres aquatiques. Mais ce qui ne permet pas de confondre cette espece avec nos Salamandres, c’est l'existence simultanée des branchies et des poumons. Le célèbre auteur qui à étudié ces reptiles, n'ayant possédé que de jeunes individus dont les organes géni- taux n'étaient pas développés suffisamment, fut conduit par cette circonstance à conclure que, vraisemblabiement, l’Axolotl des Mexicains n’était que la larve de quelque grande Salamandre. Toute la question gisait donc dans la recherche de l’âge des individus soumis à la dissection ; car s’il était constaté que, par- venus à l’âge adulte et capables de l'acte reproducteur, ces ani- maux avaient conservé leurs branchies, la coexistence des pou- mons avec ces derniers organes devenait évidente, et il était prouvé que ces animaux, réellement amphibies, jouissent de la faculté respiratoire aérienne et aquatique : or, c’est ce que j'ai pu déterminer par l’autopsie de deux individus mâles dont les organes génitaux présentaient l'identité la plus parfaite avec ceux des Salamandres du même sexe, pris dans la saison des amours. Les détails que mérite ce fait intéressant feront l’objet d’un autre Mémoire ; il nous suffit, pour le but de celui-ci, de le signaler et d’en constater l'authenticité. L’Axolotl des Mexi- cains conserve donc, à l’état adulte, ses branchies et s’en sert au milieu des eaux pour suppléer à l’action des autres organes pulmonaires. Je ne dois pas négliger deux circonstances qui donnent à ce fait, déjà établi suffisamment par le degré de perfection des or- ganes génitaux, toute l'évidence d'une vérité irrécusable : la crète dorsale, qui, chez les mâles de nos contrées, n’acquiert ses plus grandes dimensions qu’à la saison des amours, paraît HARO. — Sur la respiration des Tortues, etc. 43 avoir atteint son plus grand degré de développement, et les poumons, aussi étendus que chez les vieilles Salamandres , étaient encore gonflés d'air qui en rendait les vésicules trans- parentes, d’où il résulte qu'ils avaient déjà fonctionné. Or, il est évident que la structure des arcs branchiaux s’op- posait à ce que la respiration pulmonaire püt jamais s'effectuer, chez ces animaux , par la compression de l'air dans la bouche. Il y a, de chaque côté de l'os hyoïde, quatre ouvertures entre la mandibule inférieure et les arceaux qui supportent les bran- chies. Ces arceaux ont, du côté de la bouche, deux rangs de dents pointues qui s’engrènent en se rapprochant ; mais l’ouver- ture pratiquée entre le premier arceau et la mandibule en est dépourvue , et elle n’est. fermée que lâchement par un repli de la peau, de manière à donner toujours une issue à l'air, qui éprouverait le plus faible degré de compression dans cette cavité. Cette structure anatomique confirme l'exactitude des procé- dés qui ont été mis à exécution pour dépouiller le phénomène de la respiration des Salamandres et des Grenouilles de toutes les circonstances accessoires qui auraient été propres à induire en egreur, et prouve que les résultats que nous annonçons sont bien l’expression du but que s’est proposé la nature en modi- fiant ainsi la structure des organes, sans toutefois dévier du plan qu’elle a tracé par la mise en jeu de leurs fonctions. $ HI. Des organes et de la fonction respiratoires chez les Tortues. , On sait que les Tortues ont deux narines circulaires immobiles placées au-dessus de la mandibule supérieure ; que la mandibule inférieure s’y emboîite de manière à en être presque entièrement recouverte, et comprend dans l'écartement de ses branches la langue , l'os hyoïde, et au-dessous le larynx ; que le cou, la tête et les membres peuvent se retirer entiérement sous la carapace, par l’écartement ovalaire que laissent entre eux les bords des deux portions de leur enveloppe solide. Je devais commencer par étudier le rôle que ces organes extérieurs jouent dans le 44 HARo. — Sur la respiration des Tortues, etc. phénomène de la respiration, et voici le résultat de mes nom-. breuses observations. Quand la Tortue respire , les mandibules restent serrées; la gorge se dilate; en même temps, elle avance la tête en avant et soulève les épaules. Jamais je n’ai vu le pre- mier mouvement s'opérer seul , sans être accompagné des autres. Bientôt après, la gorge s’affaisse, et la tête et les membres se contractent. Ces mouvemens se réitérent plusieurs fois de suite, à des intervalles irréguliers ; et si alors on force la Tortue à re- tirer la tête et les membres, on voit la peau former des bourre- lets gonflés d'air tout autour des membres; quand la pression devient trop forte, elle expire avec bruit, et ces bourrelets s’affaissent subitement. Pour vérifier ce que disent les auteurs, que, pour respirer, les Tortues sont obligées de fermer la bouche, je pose sur les narines un morceau d’emplâtre agglu- tinatif ; la Tortue fait long-temps d'inutiles efforts pour aspirer l'air, et, ne pouvant réussir à se débarrasser de l'obstacle qui ferme les issues par où elle a l'habitude de l’attirer, elle finit par ouvrir la bouche, écartant au large ses mandibules, et res- pirant , comme je l’avais vue le faire, par les voies ordinaires. Pour expliquer ces faits d’une manière rationnelle , il fallait voir les poumons fonctionner à nu, il fallait chercher sous le squelette immobile de ces animaux des puissances capables de servir de base à une théorie satisfaisante ; je me décidai donc à disséquer ma Tortue vivante, en ménageant assez les organes nécessaires à la vie pour ne pas troubler l’ordre des fonctions. En conséquence, le plastron est détaché au moyen de traits de scie dirigés des angles externes de l’ouverture antérieure aux mêmes angles de l'ouverture postérieure. Cette opération est faite lentement, et avec assez de précautions pour laisser intacte une lame très mince de l'enveloppe osseuse, qu’un coup de mar- teau détache facilement. Ea lame d’un bistouri est promenée parallèlement au sternum, pour détacher les muscles du cou au bord antérieur, et au bord postérieur ceux du bassin. La partie du plastron ainsi détachée, est soulevée avec pré- caution et séparée doucement d’une membrane qui en tapisse la face interne, et avec laquelle il n’adhère que par quelques brides cellulaires tres lâches. Aucun organe essentiel n’est atta- HARO. — Sur la respiration des Tortues, etc. 45 qué; la Tortue ne paraît plus souffrir de l'opération : elle res- pire avec autant de liberté et marche avec autant de force : aussi n’avait-elle perdu qu’une petite quantité de sang, et, après un quart d'heure, il n’en sortait plus une goutte des vaisseaux coupés. Je note cette circonstance, pour montrer qu'aucun trouble notable n'avait dû s'opérer dans l'exercice de ses fonctions, et que, par conséquent, la respiration devait encore s'effectuer comme dans son état d’intégrité. Toute la partie mise à nu par la résection du sternum est recouverte d'une membrane aponévrotique trés dense, nacrée, transpa- rente seulement dans la partie postérieure ; elle s'étend du hord antérieur des omoplates à la crète sous-pubienne, se réfléchit dans la cavité du bassin-en tapissant les muscles de la cuisse, recouvre les côtés de la carapace, envoie un feuillet qui main- tient les viscères, pénètre entre ceux-ci et les poumons qu’elle renferme dans un double feuillet, comme dans un sac, et se termine antérieurement par un muscle qui s'étend de la crète transversale de la carapace à l'épine dorsale. Elle forme «insi quatre vastes poches qui communiquent toutes entre elles, comme le prouvent leurs mouvemens alternatifs de dilatation et de contraction. Deux de ces poches s'étendant de chaque côté de la colonne vertébrale dans toute son étendue, contiennent les poumons ; la troisième renferme les viscères abdominaux, et la dernière, qui remplit au moins le tiers de la cavité intérieure de la Tor- tue , ne paraît destinée qu’à contenir de l'air. Pendant plus de quatre heures que je l'ai examinée dans cet état, j'ai constaté qu'à chaque période d'inspiration la poche pulmonaire se gon- flait d’abord ; qu’ensuite la Tortue, élevant les épaules et ren- trant le cou dans la carapace, l'air, comprimé par ces contrac- tions dans les poumons, s’insinuait dans les autres poches, qui se gonflaient à leur tour; par un mouvement contraire, ces deux poches conservant leur turgescence, le tissu pulmonaire , d'abord affaissé, se relevait de nouveau, et, pendant quelques minutes, la Tortue ne respirait plus; si on la forçait à rentrer le cou et les pattes dans la carapace, la peau, distendue par la pression des poches aériennes, s'étendait autour des pattes en 46 HARo. — Sur la respiration des Tortues, etc. gros bourrelets; et si, en donnant à l'animal de légers coups sur le nez, on l’obligeait à les presser davantage, il rejetait l'air par un mouvement brusque d'expiration , et les parois de tous les sacs aériens s’affaissaient à-la-fois. Pendant une des stases qui suivaient l'inspiration, quand toutes les cellules avaient acquis leur plus haut degré de déve- loppement , je perçai avec la pointe du bistouri le grand réser- voir, et l'air s'échappa avec bruit. Cependant la Tortue conti- nua à respirer, mais seulement par les poumons, qui se dila- taient ou se contractaient alternativement ; l’acte respiratoire avait repris le mode simple, le rôle des cellules aériennes avait cessé. Alors je bouchai avec le doigt , et ensuite avec un emplâte agglutinatif , l'ouverture qui donnait passage à l'air , et la pre: mière inspiration vint soulever leurs PUS et les rendre à leurs fonctions primitives. Pendant tout cé temps, la Tortue n'avait pas ouvert la bouche ; l'air pénétrait par les narines et en sortait précipitam- ment en formant un bruit de soufflet. Je fermai ces issues avec un morceau de sparadrap de diachylum gommé, immédiate- ment après une longue inspiration , et je forçai la Tortue, en l'effrayant, à rentrer la tête et les membres; ne pouvant sup- porter cette forte pression, elle rejeta l'air avec assez de force pour enlever l'appareil. Je recommençai l'expérience en le collant plus solidement , et, pendant près d’une heure, je pus voir encore qu'elle ou- vrait la bouche pour recevoir et expulser l’air dans les différens actes de la respiration. Ces actes s’exécutaient d’uné manière très irrégulière : géné- ralement, l'expiration s’opérait en un seul temps, rarement dans deux ; l'inspiration, au contraire, se renouvelait souvent cinq ou six fois de suite, jusqu'à ce que toutes les poches fus- sent entierement gonflées. IL est important aussi de noter que , quand l'animal marche, chaque mouvement des membres est accompagné d'une légère expiration suivie d'une courte inspiration ; à l’état de repos, cette fonction s'exécute moins fréquemment, mais ses actes ne sont pas séparés par plus d’une ou de deux minutes d'intervalle. HARO. — Sur la respiration des Tortues, etc. 47 Ces observations me révélèrent un fait nouveau pour la phy- siologie comparée : c'est que les Tortues, comme les Oiseaux , jouissent d’une double respiration qui s’effectue des poumons dans les deux réservoirs que nous avons décrits, au moyen de la pression que le cou et les membres antérieurs exercent sur leurs parois pendant les mouvemens de contraction. Pour donner le plus de clarté possible à la description de ce phénomène physiologique, il est nécessaire d'exposer en peu de mots la forme et le jeu des leviers et des puissances qui en déterminent les actes. On sait qu’une grande partie du squelette des Tortues est située à l'extérieur, de manière à être recouverte immédiatement par la peau ou par des écailles d’une nature particulière ; il résulte de cette disposition que l’omoplate et tous les muscles du bras et du cou, au lieu d’être attachés sur les côtes et sur le rachis comme dans les autres animaux, le sont au-dessous. Il en est de même des os du bassin et de tous les muscles de la cuisse. Le cou , formé de vertébres à facettes articulaires alternative- ment glénoïdales , se replie sur lui-même en parabole dont la courbure rentre dans la carapace par l’action des muscles anté- rieurs qui raménent la tête sous cette enveloppe protectrice. Ses mouvemens latéraux sont très bornés et subordonnés à l’ex- tension des membres antérieurs. L'épaule est composée de trois branches osseuses ; la plus grande, légèrement arquée et à courbure externe, s'articule par son extrémité rachidienne avec la carapace ; à l'extrémité oppo- sée, elle concourt avec les deux autres à la formation d’une ca- vité glénoïdale dirigée en dehors, et destinée à recevoir la tête de l’humérus. Les deux autres pièces partent de cette extrémité à angle droit , et se portent, en divergeant, en dedans et en bas. Celle qui représente la clavicule s’insère au plastron par un ligament très lâche ; l'autre, élargie en triangle, se porte en arriére, et ne parait propre qu'à offrir une plus large surface d'insertion aux muscles adducteurs du bras. Il résulte de cette conformation que l'épaule est suscep- tible de deux ordres de mouvemens : l'un, par lequel il se porte en avant ou en arriére, et qui est produit par le mouve- 48 HAaRO. — Sur la respiration des Tortues, cie. ment de rotation de l'extrémité trachéenne de l’omoplate ; l’autre , qui s’opère latéralement , quand la clavicule, étant fixée au plastron, l’are formé par cet os et l’omoplate tourne comme une charnière sur les deux points d'appui qu'ils lui présentent. Pendant l'exercice de ce dernier ordre de mouvement ; qui n’a lieu que pour la progression, les organes pulmonaires, situés derrière l'épaule, ne sont soumis qu’à une légère pression ; aussi avons-nous remarqué que chaque effort de progression est accompagnée d’une courte expiration quand les membres postérieurs poussent la carapace en avant, suivie d’une inspira- tion légère lorsque les membres antérieurs s’allongent pour se poser à terre. Mais les mouvemens de totalité en avant ou en arriére de l'épaule et du cou doivent être considérés comme la cause prin- cipale de la respiration ; le vide qui s'opère dans la cavité in- terne, au moment où les organes s'allongent, permet à l’air de se précipiter dans le tissu des poumons; si alors ils reviennent sur eux-mêmes en comprimant ces derniers organes, ils le re- foulent au-dehors, lorsque les poches qui lui servent de réser- voir sont pleines, où le font passer dans ces dernières si elles sont vides, ou comprimées également par les membres posté- rieurs; car ceux-ci n’ont d'action directe dans l’acte respiratoire que par la compression qu'ils exercent sur les grandes cellules aériennes. En effet, le bassin étant articulé d’nne manière mo- bile sur les vertébres, peut s'élever ou s’abaisser, entraînant avec lui la membrane qui les compose, et contribue ainsi, avec la rétraction des membres postérieurs, à en diminuer la capa- cité, et par conséquent à refouler l'air dans les poumons. Ces effets sont aidés par le concours de deux paires de mus- cles que l'on remarque derrière le bassin. On les croit destinés à comprimer la partie postérieure des poumons, et, en exer- çant une action plus forte sur les viscères du bas-ventre qui pressent ces premiers organes , d’en expulser l'air. D'autres auteurs ont vu dans ces paires de muscles les organes actifs de la respiration : l’interne serait le contracteur des pou- mons ou le muscle expiratoire; l’autre, en faisant cesser cette compression, déterminerait un air nouveau à venir prendre la HARO. — Swr la respiration des Tortues, etc. 49 place de celui qui est sorti. Mais il est facile de s'assurer que ces muscles ont trop peu de puissance pour produire des effets aussi étendus , n’agissant immédiatement que sur le lobe pos- térieur des poumons, et n’exerçant qu’une bien faible compres- sion sur toute leur longueur ; en tendant le péritoine, ils ne produiraient d’antre effet que d'augmenter la capacité de fa grande poche abdominale, qui deviendrait alors le réservoir de l'air refoulé des poumons. C'est probablement à cause de l'ignorance où l’on était de l'existence de cette poche, laquelle aura toujours été percée quand on enlevait le plastron d'une Tortue pour la dissé- quer, que l’on a commis cette erreur et regardé comme cause générale de la respiration ce qui n’en est qu’un auxiliaire très faible. Ces muscles s'étendent de tout le bord postérieur de la cara- pace aux vertèbres lombaires ; ils sont tapissés intérieurement par la membrane des cellules aériennes, que l’on peut considé rer comme un prolongement ou appendice du péritoine, et, extérieurement, ils reposent sur le périoste ; par leurs contrac- tions, ils soulèvent le bord postérieur des poumons, qui est en même temps comprimé par les viscères que presse le feuillet péritonéal qui couvre leur face interne. Ce faible moyen de compression n'aurait donc pu suffire à une expiration aussi forte et aussi bruyante que celle de la Tor- tue ; et, d’un autre côté, il est évident que le relâchement de ces muscles, tout en détruisant la compression, ne pouvait produire un vide suffisant pour ÿ amener l'air extérieur. Il existe aussi , à la partie antérieure, deux muscles analogues que je n’ai vus décrits nulle part : ils s’attachent, d’un côté, à la crête antérieure de la carapace ; de l’autre , au bord externe de la clavicule , et sont recouverts intérieurement par la membrane commune. Mais leur usage est absolument opposé à celui des premiers. En effet, quand l'épaule est portée en avant, le muscle est abaissé et tire à lui la plèvre, laissant ainsi plus d'espace aux cellules pulmonaires, qui reçoivent une plus grande quantité d'air ; mais, par ses contractions, qui ont lieu quand l'épaule se soulève, il comprime les poumons d'avant en arrière, em- XVWIIL Zoo. — Juillet, 4 52 HARO. — Sur la respiration des Tortues, elc. pêche ainsi l'air de rétrograder, et contribue puissamment à le efouler plus loin. J'ai dit plus haut que la vaste membrane qui tapisse tout l’in- térieur de la Tortue se replie de manière à former quatre poches dont deux renferment les poumons, une maintient Jes viscères, et la quatrième ne contient que de l'air; celle-ci est beaucoup plus grande que les autres, et, dans ma Tortue, elle occupait au moins le tiers de la capacité du test écailleux. Il paraît que cette poche n’est pas seulement destinée à servir de’réservoir au fluide de la respiration, mais qu’elle a été mé- nagée surtout pour épargner aux organes digestifs et à la vessie, lorsque ces organes sont tuméfiés par les alimens ou les sub- stances excrémentitielles , la compression qu'exercerait sur eux le sternum immobile, compression qu’il était encore plus im- portant d'éviter chez les femelles , dont les ovaires sont toujours garnis d'une grande quantité d'œufs à divers degrés de déve- loppement. RrcmercHes sur la classification des animaux en séries parallèles , Par M. BRuLLÉ. Dans la première partie de ce travail ayant pour titre : Idées nouvelles sur la classification des Insectes (1), j'ai montré l’em- ploi que l’on peut faire de la méthode de classement en séries parallèles dans quelques classes d'animaux articulés. Je n'ai “onsidéré jusqu’à présent que les Arachnides et les Insectes ; mais les autres groupes se prêtent tres bien aussi à ce mode de classement. Ainsi, les myriapodes, quoique peu nombreux en senres , sinon en espèces, sont nécessairement divisés, comme on l’a fait depuis longtemps, en deux sections principales, sa- xoir, les Chilopodes et les Chilognathes. Or, chacun de ces grou- pes constitue une série correspondante à l’autre. Et, comme la répétition des mêmes caracteres , ou du moins de caractères analogues, doit avoir lieu aans cnaque série pour un plus ou (1) Voyez le tome précédent des Aunales, page 257. BROLLÉ. — Classification des animaux. 5t moins grand nombre de termes, il faut la retrouver ici. Ne la voyons-nous pas en effet dans la forme annélidaire du corps des deux genres principaux, types de chacun des ordres déjà nom- més, savoir les Jules et les Scolopendres? Que si, au contraire, on place tous les Myriapodes dans une seule série, on voit se reproduire ce caractère de la forme générale en deux parties de la série , et les deux termes qui lui correspondent se trouvent éloignés par d’autres termes répondant à des formes différentes. Cet inconvénient se présente presque toujours dans le cas d’une série unique. Dans le cas particulier qui nous occupe, au con- traire, chacune des deux séries se compose de termes dont un plus ou moins grand nombre se correspondent par la repro- duction ou l’analogie de quelques caractères. Il est tout-à-fait superflu de faire remarquer que l’ordre assigné dans chaque sérié aux Jules et aux Scolopendres est indifférent, et qu'il ne saurait détruire en aucune manière la concordance entreles deux séries. Nul doute que les Crustacés ne se prêtent à leur tour au mode de classement par séries parallèles. Et d’abord, si l’on a égard, avec M. de Blainville, au nombre des appendices loco- moteurs, on trouve que les Décapodes se partagent très bien en deux séries correspondantes, non point par le nombre des espèces, mais bien par l'importance de plusieurs de leurs carac- téres. Ce sont les Décapodes brachyures et les Décapodes ma- croures. Cependant, si nous prenons d’autres bases par nos divisions, nous trouverons peut-être encore un moyen plus avantageux de partager les Crustacés en deux séries, et de telle sorte, que tous les Décapodes restent dans une même série, où ils pourront fort bien à leur tour être groupés en deux sous- séries, et que l’autre série soit formée d'une partie au moins des Hétéropodes de M. de Blainville, c’est-à-dire des Stoma- podes, des Amphipodes, etc. On voit par ces exemples, qui complètent ce que j'ai avancé dans la première partie de ce travail, que toutes les classes d'a- nimaux se prétent à la disposition en deux séries parallèles, alors qu’elles sont peu nombreuses en espècés, ce qui est le cas des Myriapodes en particulier. Je passe maintenant au sujet particulier de ce mémoire, savoir la disposition relativé des 4. 59 BRULLÉ. — Classification des animaux. classes dans l'embranchement des articulés, et la recherche des limites de cet embranchement. La première classe qui se pré- sente à nous est celle des Crustacés que M. de Blainville a par- tagée depuis long-temps en plusieurs autres, sur la considération du nombre de pattes. La plupart des zoologistes ne paraissent point avoir adopté la manière de voir de ce savant, et peut-être en trouverait-on la raison dans cette circonstance , que les Décapodes, les Hétéropodes , etc., ont assurément plus de rap- ports entre eux que n’en présente chacune de ces divisions avec celle des Myriapodes., par exemple, ou celle des Arachnides, ou, en un mot, avec quelqu'une des autres classes de l’embran- chement des articulés. Mais, en outre, une des classes établies par M. de Blainville, celle des Hétéropodes, semble infirmer la valeur du nombre des pattes. Il faut convenir cependant que, sauf le cas des Hétéropodes, le caractère tiré des pattes était bien choisi, et que leur nombre marchait en quelque sorte en progression régulière, depuis les Insectes jusqu'aux Myriapodes. Je crois donc que la classe des Crustacés doit rester telle, ou à- peu-près, que Latreille l'avait présentée ; on ne pourrait peut- ètre en distraire que le groupe des Entomostracés, parmi les- quels nous trouvons , comme dans les Insectes, des arimaux broyeurs et d’autres succurs. La classe des Crustacés me paraît d'ailleurs devoir se placer en tête d’une de mes deux séries, dont la parallele renfermerait les Arachnides et les Insectes. Cette disposition est motivée par la maniere d’être de la région cé- phalique, tantôt réunie à la région moyenne du corps, et tantôt nettement séparée. Or, ces deux cas se manifestent dans chacune de mes deux séries. Il y a donc ici, comme dans les classes en- visagées isolément, répétition de caractères, c'est-à-dire que nous retrouvons les conditions voulues pour la formation des séries paralleles. En effet, dans la plupart des Crustacés, de méme que dans les Arachnides, la tête est confondue avec le thorax, et elle ne devient nettement séparée que dans les Crus- tacés d’un ordre inférieur. C’est aussi le cas de tous les Insectes qui correspondent par ce caractère aux Crustacés dont Ja tête est distincte. Quant aux Myriapodes, ils ont aussi la tête séparée du corps, mais celui-ci se compose tout entier de segmens pé- [a BRULLÉ. — Classification es animaux. » digéres, et sous ce rapport, les Myriapodes me semblent appar- tenir à la même série que les Crustacés, chez lesquels on remar- que déjà une disposition prononcée de tous les segmens du corps à supporter des appendices. Ainsi donc, les Insectes cor- respondent aux Crustacés d’un ordre inférieur, les Arachnides aux autres Crustacés, à cause de Ja fusion. de la tête avec le corps , et les Myriapodes restent isolés, soit qu'on les considere comme un terme de transition entre les Articulés et le groupe des Annélides dont je parlerai tout-à-l'heure, soit qu'on envi- sage ces animaux comme représentant plus ou moins bien les conditions de certaines larves d'Insectes, comme les Chenilles, par exemple. À Telles sont les seules classes d'animaux que je regarde comme articulés ; ce sont, en d’autres termes, tous ceux dont les pattes sont elles-mêmes divisées en plusieurs articles. Les Annélides pédigères ne sont pas dans ce cas, et, par coneé- quent, n’appartiennent point à l’'embranchement des articulés. Il me paraît nécessaire d'établir, avec cette classe d'animaux annelés et quelques autres, un embranchement distinct dont je vais parler, et que je désignerai d’une manière provisoire par le nom de Pseudo-articulés, on simplement 4nnelés. Cet embranchement, dont les Annélides ne sont qu’une por. tion et non pas un type, ne diffère pas seulement de celui des ar- ticulés par les pattes ; ce n’est là qu’un des aspects sous lesquels on peut envisager leurs différences, et d’ailleurs, un grand nombre n'ont pas de pattes. De plus, le corps n’est pas toujours annelé dans toutes ses parties , et lorsqu'il paraît l'être, il n’y a pas toujours lieu de conclure à des articulations véritables Mais il est des traits plus frappans qui distinguent les animaux anne- lés des articulés, tels que l’état des organes nutritifs, celui des organes de la circulation en particulier, mais surtout, dans quel- ques classes , la propriété remarquable de sécréter un têt pro- tecteur, quelquefois même une véritable coquille. C’est le cas des Cirrhipèdes de Lamarck; c’est celui de plusieurs Annélides. Il est surtout une distinction essentielle à faire ressortir entre les Articulés et les Annelés, c’est la nature de leurs tégumens. Dans les articulés, ces tégnmens sont toujours consistans , ils 54 BRULLE. — Classification des animaux. ont uve disposition marquée à s'encroüter de parties solides , tandis que les Annelés ont généralement la peau molle et comme destinée à s’abriter sous un têt de forme variable, ou sous des productions de nature diverse sécrétées par elle, ou bien encore à se placer dans un milieu plus ou moins humide, tel que l’eau, la terre ou le corps des animaux. La considération qui paraît avoir engagé Cuvier à ranger les Annélides avec les Crustacés et les Insectes, c’est-à-dire la forme annelée du corps, n’est donc qu’une disposition plus prononcée de la peau à se rider en tra- rers, à se couvrir de plis plus ou moins nombreux. C’est en quel- que sorte, si l’on permet cette expression, une exagération du caractère que présentent un grand nombre d'animaux exclus par le grand naturaliste de l'embranchement des Articulés. Le fait observé dans certaines Annélides, chez lesquelles un même organe se répète dans la longueur de leur corps, sans que cette répélition de parties semblables corresponde à des segmens distincts, semble confirmer l’opinion que j’émets au sujet des plis transversaux. Dans beaucoup d'animaux annelés, ces plis simulent plutôt des articulations qu’ils ne sont des articulations véritables. Cela se montre dans les sangsues qui n’ont pas, on le sait, autant de segmens que de plis, et chez lesquelles il n’y a là segmens véritables, suivant M. Moquiu-Tandon, qu'autant qu’il y a répétition des mêmes organes. Ainsi chaque segment d'une sangsue est formé d’un certain nombre d'anneaux apparens. C'est ce qui a fait regarder ces animaux comme le résultat de l'accollement bout à bout de plusieurs animaux simples; tel fut, comme on le sait, le germe de la théorie de Dugès, connue sous le nom de conformité organique. Les mêmes faits reproduits par quelques vers, d’une manière plus où moins complète, sem- blent appeler les intestinaux dans l’embranchement des animaux annelés. Il y a done, à n’en pas douter, plus d’un motif pour séparer les Annélides des Articulés, et pour former un embranchement distinct dans lequel trouvent naturellement leur place les Sub- articulés de M. de Blainville. Pour ma part, j'y joindrais encore quelques animaux réputés inférieurs. Dans ce cas, quelle sera la place de l'embranchement nouveau? La question n’est pas sans BRULLÉ. — Classification des animaux. 55 difficulté. En eflet, si l'on a égard à la classe des vers, plus con- nue sous le nom d’intestinaux qui ne peut rester, puisque plu- sieurs ne vivent ni dans les intestins ni même dans le corps des autresanimaux,on le placerait après l’embranchement des Mollus- ques. Mais si l’on considère la disposition du système nerveux, né- cessairement linéaire dans un très grand nombre à cause de la forme du corps, on doit le rapprocher des Articulés. Cependant le système nerveux n’est pas apparent dans tous; quelques-nns ent des filets nerveux, mais point de ganglions distincts (Owen). Il faudrait donc placer une partie de ces animaux dans le voisi- nage des Articulés et rejeter les autres après les Mollusques. Mais alors quel caractère assigner à ceux-ci, dont le système nerveux est invisible ou formé de simples filets ? Je n’en trouve point que l’on puisse formuler dans un système de nomenclature, C’est, il faut le dire, une nouvelle preuve de l’imperfection mal. heureusement inhérente à nos méthodes de classement en zoolo- gie, que les efforts des plus savans naturalistes n’ont pu encore amener à leur achèvement. Je me trouve done amené, par l'examen approfondi des ca- ractères de l’'embranchement des Articulés, à proposer un em- branchement nouveau. Nul'doute qu’une partie des Infusoires , tels que les Tardigrades, par exemple, ne vienne s’y placer, tandis que d’autres se rangeront parmi les rayonnés. De cette manière, il ne restera dans les Infusoires que les espèces véri- tablement amorphes, ou autrement asymétriques, et ce groupe appartiendra de droit à la division des animaux amorphesde M. de Blainville, L’embranchement nouveau des Annelés, c’est-à-dire et des animaux à articulation plus ou moins apparentes, sera ca- ractérisé par cette disposition de tout ou partie du corps à si- muler des articulations, sinon à se diviser réellement quelque- fois en articulations véritables. Mais comme, parmi les animaux de cet embranchement, il s'en trouve dont le système nerveux reproduit d’une manière plus où moins éloignée celui des Mol- luques, je me trouve conduit à regarder comme admissible la place que je lui assigne entre les Articulés et les Mollusques. Je trouve de plus, dans quelques Annelés, un autre caractère com- mun avec les Mollusques: c'est la propriété de sécréter un corps 56 BRULLÉ. — Classification des animaux. protecteur, variable danssa disposition comme dansles Mollusques eux-mêmes, chez lesquelles la coquille diffèérebeaucoup d’un ordre à l’autre. Cette double considération, d’un système nerveux et de l'enveloppe sécrétée me conduit enfin à regarder l'embranche- ment des Annelés comme parallèle à celui des Mollusques, c'est- à-dire que chacun de ces deux embranchemens formera une série distincte. Je me trouve donc, à l'égard des groupes les plus élevés du règne animal, dans la même position qu'a l’é- gard des ordres et des classes, c’est-à-dire, en face de deux séries parallèles. Considérant ensuite la disposition si remar- quable des Articulés, dont le corps et les pattes sont divisés en articles distincts, et la rapprochant de cette autre disposition fort connue des animaux vertébrés, d’être articulés en dedans de leur corps, c’est-a-dire, dans leur squelette, ne puis-je pas dire sans exagération : les deux embranchemens de vertébrés et d’articulés appartiennent à deux séries également parallèles, dans lesquelles un même caractère se répète, savoir, celui d’être articulés. Cha- cune de ces deux séries sera caractérisée, d’après M. de Blain- ville, par son mode d’articulation qui est intérieur dans les Ver- tébrés, extérieur au contraire dans les Articulés. Mais si l’on s'élève davantage encore, on trouvera qu’à chacune des séries peut s'ajouter un autre embranchement, en sorte que les Verté- brés et les Mollusques appartiendront à une série dans laquelle il n’y aura pas d’articulations visibles, tandis que les Articulés et les Annelés présentent à l’extérieur des articulations plus ou moins apparentes. Toutefois, je ferai remarquer, avant d'aller plus loin, que je suis loin de regarder les Articulés comme égaux enimportance à l’embranchement des Vertébrés. Ils sont pour moi un terme du rang inférieur, placé dans une série pa- rallèle à celle qui renferme les Vertébrés. Il n'en sera pas ainsi des Annelés et des Mollusques, qui, dans une disposition gra- phique, seraient placés sur une même ligne horizontale, ou au- trement, qui constitueraient deux termes de même rang dans deux séries différentes. Je termine en disant quelques mots sur l'embranchement des Annelés. Ce groupe, tel que je le considere, se distingue de celui des Æ{crita de Mac-Leay, parce qu'il renferme des animaux que BRULLÉ. — C/assification des animaux. 57 ce savant plaçait avec les Articulés, tels que les Annélides et d'autres qui faisaient partie jusque dans ces derniers temps du groupe et de l'embranchement des Mollusques. Les Annelés sont donc évidemment un groupe tout-à-fait nouveau. Les différentes classes qu'il renferme ont entre elles des rapports variés et ne peuvent se placer les unes à la suite des autres en une série unique. Je trouve ici, comme dans l’embranchement des Arti- culés, deux lignes parallèles ou séries, dont l’une se composera des Annélides et des Cirrhipèdes, et l'autre sera formée des vers intestinaux ou Elminthes, des Planaires que j'y fais entrer, et de quelques genres d'Infusoires à corps plus ou moins annelé. La disposition annelée du corps est surtout apparente dans le premier terme de chaque série, les Annélides et les Elminthes, tandis que, dans les autres termes, cette disposition devient plus confuse et n'appartient même souvent qu'à une seule ré- gion. On trouverait peut-être aussi dans la distribution du sys- tème nerveux quelques rapports entre les deux séries ; mais ces rapports sont moins évidens. Quant à la répartition des ordres dans les classes de cet embranchement, elle peut également se faire en deux séries; je n’en citerai pour preuve que les Anné- lides. Dans cette classe d'animaux, les appendices de la locomo- tion nous offrent une considération de premier ordre, et, sui- vant qu’ils existent ou non, nous avons l’une ou l’autre de nos deux séries. Les espèces que renferme l’une d'elles ne peuvent être regardées comme inférieures aux espèces de l’autre, ou, du moins, y a-t-il entre elles plusieurs termes correspondans. Telles sont, par exemple, les sangsnes et les Annélides errantes. Ces animaux sont les types de deux ordres que je crois pouvoir re- garder comme la tête de chacune des deux séries , et il y a con- cordance entre eux sous plus d’un rapport. On peut en dire autant des deux autres ordres de la même classe, dont l’un renferme les espèces tubicoles, ou celles qui se construisent des fourreaux protecteurs, et l’autre se compose des espèces qui se cachent en terre, c’est-à-dire, d’une part, les serpules, et de l’autre , les lombrics. Il serait facile de développer les caracteres de chacune de ces deux séries et de signaler les rapports qui lent entre eux certains termes de l’une et de l'autre. Mais ce 58 BRULLÉ. — Classification des animaux. serait grossir inutilement ce travail où je ne jette que des aper- çus généraux. Les Elminthes eux-mêmes pourraient aussi se par- tager en séries, dont chacune renfermerait l’un des ordres éta- blis par Cuvier sous le nom de Cavitaires et de Parenchymateux; mais il y a lieu de discuter auparavant les caractères de la classe et ceux de chacun de ces ordres. Il faut décider s’il convient, par exemple, de séparer, avec M. Owen, les Elminthes en deux classes qui, suivant les zoologistes, n’appartiendraient pas au même embranchement. Mon but n’étant pas de présenterencore un tableau complet du règne animal d’après ces rapports nou- veaux, entreprise à laquelle je pense ne pouvoir contribuer que pour une faible part, je me contente de signaler le nouvel em- branchement des Annelés comme une division nécessaire dans la classification zoologique. Je ne me proposais, dans cette deuxième partie, que de bien établir les limites de l’embran- chement des Articulés; mais, comme dans le mémoire qui ter- minera ce premier travail, j'aurai à envisager l’ensemble du règne animal, je n'ai pu me dispenser de savoir comment je disposerais de certaines classes d'animaux qui ne me semblent pas appartenir au groupe lui-même des articulés. Je pense que ces recherches pourront appeler l'attention des naturalistes sur les perfectionnemens que nos méthodes en z00- logie sont destinés à subir. J'ai commencé par appliquer la di- vision en deux séries aux divers ordres des Insectes et des Arachnides , et cette méthode m'a conduit à quelques amélio- rations de détail. Passant ensuite à la répartition en deux séries. des classes mêmes des articulés, j’ai mieux apprécié, je crois, les rapports de quelques-unes d’entre elles, et les caractères qui peuvent faire distinguer l'embranchement des Articulés. Cette marche seule m’a conduit à proposer un embranchement nou- veau, et quand même la disposition que je cherche à étendre à tous les animaux ne serait point agréée des naturalistes, elle aura eu l'avantage de faire ressortir des analogies nouvelles et des différences encore peu appréciées. MARION DE PROCE. — Sur la Moule commune. 9 OBserRvATIONS sur la Moule commune, Par M. Marion de Procé, médecin à Nantes. Ne sachant pas si tout a été dit sur la maniere dont la moule commune s'attache et peut changer de place , à l’aide de son pied et de son byssus, je vais exposer ici ce que j'ai observé à cet égard sur un individu de cette espèce que j'ai eu, vivant, dans un bocal, pendant près d’un mois. J'avais eu soin de renouveler tous les jours ou tous les deux jours, l’eau de mer dans laquelle cette moule était plongée. Elle fut placée, le 30 octobre 1841, dans le vase en question, au fond duquel elle se fixa bientôt, à l’aide des filamens repré- sentés en a, fig. 1 (PI. 3 A). Des le lendemain elle avait rompu ses attaches et elle était fixée au dessus du fond du vase, à-peu- près perpendiculairement, comme on en peut juger par les filamens de byssus que l’on voit rompus et épars en b, fig. 1. Le 1° novembre suivant, je changeai l’eau de mer avec pré- caution et de manière à ne pas rompre les filamens de byssus , et à conserver à la moule la nouvelle position qu’elle avait prise. Le lendemain, 3 novembre, j'éprouvai un nouvel étonne- ment en la trouvant dans une position transversale, beau- coup plus élevée qu’elle ne l'était précédemment, et attachée à l’aide de nouveaux filamens. Les premiers étaient rompus et flot- taient librement par l'extrémité qui adhérait naguère à l'animal. Tout cela s'était passé hors de ma présence, et j'ignorais quel moyen la moule avait employé pour se déplacer, lorsque, le 3 novembre, au moment où je venais de renouveler l’eau dans la- quelle elle était plongée, ce qui lui donnait toujours une acti- vité nouvelle et semblait l'engager à ouvrir les valves de sa co- quille et à épanouir les appendices de son manteau, je vis un organe e, fig. 1, que je reconnus bientôt pour le pied de l'ani- nimal , sortir du point c, entre les deux feuillets du manteau, s'alionger vers le point d et y fixer l'attache du ligament cd. Dans ce moment le pied offrait l'apparence qu’on lui voit, fig. 3, et avait une longueur de 30 centimêtres et 2 millimètres. IL faut noter qu'aussitôt apres l'application des deux filamens 60 MARION DE PROCÉ. — Sur la Moule commune. ed, tracés eù lignes ponctuées, je m’aperçus que la moule ne paraissait plus soutenue que par ces deux filamens, et que les autres, au nombre de quinze, formaient de légères courbes au milieu du liquide. De cette manière la moule s'était encore un peu élevée dans le vase, et elle y atteignait une hauteur de 65 millimètres. Elle fut bientôt consolidée dans cette position à l’aide de onze nouveaux filamens, représentés fig. 1, par des lignes droites. On comprend facilement, d’après le fait que je viens de signa- ler, comment une moule peut s'attacher à une certaine hauteur, dans un bocal, à celle de 3 centimètres, par exemple, qui équi- vaut à la longueur de son pied, porté à la plus grande extension possible; mais on ne peut comprendre son élévation graduelle et successive au-delà de cette limite, à moins qu’on ne suppose qu’une fois l'extrémité libre du pied fixée, ce pied ne se con- tracte et n'établisse, dans cette position, un filament tendu et court qui puisse retenir la moule à la hauteur qu’elle a acquise et permettre au pied d'aller fixer plus haut un nouveau fila- nent, à l’aide duquel elle pourra se soutenir dans une position encore plus élevée. Le 4 novembre, je trouvai la moule au fond du vase et entie- rement détachée de son byssus, lequel demeurait fixé aux parois de ce vase, par l'extrémité de chacun de ses filamens , et offrait l'aspect que représente la figure 2 ( PI. 3 A). Depuis ce jour jusqu’au 22 suivant, j'eus l’occasion de voir la moule s'élever de nouveau dans le bocal et se détacher encore une fois entièrement de son byssus. Pendantcet espace de temps, je vis aussi trois fois le pied dans l'état d’allongement où je l'ai représenté fig. 3 ( PI. 3 A ), sans pouvoir m'expliquer comment il opérait pour filer et pour attacher les filamens du byssus. APexçu des espèces nouvelles d’ Insectes qui se trouvent dans nos possessions françaises du nord de l'Afrique , par M. H. Lucas. Le travail que nous nous décidons à publier maintenant, à pour but de faire connaitre les espèces nouvelles que nous avons EP ho H. LUCAS. — Æspèces nouvelles d’Insectes. Gr ‘recueillies pendant notre séjour en Afrique comme membre de la commission scientifique de l'Algérie, et nous avons pensé qu’en commençant par les Coléoptères qui est l’ordre auquel la plus grande partie des entomologistes se livrent, ce premier essai ne serait pas sans intérêt. Ce travail, comme on le pense bien, sera reproduit dans la publication qui, prochainement va étre ordonnée par le ministère de la guerre, et comme nous ne nous attachons qu'à signaler seulement les espèces qui sont nouvelles, notre but dans ce premier essai est dunc de décrire ces dernières d’une maniere très succincte, nous proposant dans Ja seconde publication d’entrer dans de plus grands détails, sur- tout pour ce qui aura rapportà l’organographie et aux conditions dans lesquelles nous auronsrencontré les espècesque nous allons faire connaître. Nous avons cru, que dans cet aperçu, il était inutile de suivre rigoureusement la méthode, d'autant plus que dans le rangement que nous avons fait de nosinsectes, nous ne nous sommes attaché qu'à quelques grandes familles nous réser- vant pour plus tard celles qui, par le petit nombre de travaux qui ont été publiés sur elles, demandent une étude plus approfon- die. La famille que nous avons cru devoir étudier la première, est celle des carabiques, c’est donc par cette dernière que nous commencerons. Prenière Décanr. COLÉOPTÈRES. Famille des Carabiques. 1. Cymindis setifeensis, Luc. — Long. 10 1/2 millim. Lars. 4 1/2 millim. Tête très légèrement ponctuée, striée près des yeux, d’un rouge brun avec les mandibules de cette dernière couleur, et les palpes d’un rouge ferruginenx. Antennes d’un jaune ferrugineux. Yeux noirs. Corselet très finement ponctué, de méme couleur que la tête avec les côtés d’un ferrugineux clair et finement chagrinés. Elytres larges, à stries lisses avec les intervalles saillaus, finement pooctués longitudinalement, d’un brua noirâtre dans leur partie médiane avec la suiure d’uu brun ferrugineux, d’un jaune légèrement ferrugineux sur les côtés avec une ligne d’un brun noïrâtre partant presque de la base et s’arrêtant un peu au-det de leur milieu, Corps d’un rouge brun en dessous. Pattes d'un jaune légèrement ferrugineux. Trouve sous les pierres, dans les premiers jours de juillet aux environs de Sétil 62 ir, LUCAS. — Espèces nouvelles d'Insectes. 2. Cymindis leucophthalma, Lue.— Loug. 9 1/2 millim. Larg. 3 1/2 milliw. Tête d'un brun ferrugineux , peu ponctuce et légèrement striée derrière les yeux. Mandibules d’un brun noïvâtre avec les palpes d’un jaune ferrugineux. Antennes de même couleur que les palpes. Yeux blancs. Corselet d'un brun ferrugineux dans sa partie médiane, avec les parties antérieure et postérieure, ainsi que les côtés d’un brun ferruginenx clair; ces derniers très finement ponc- tués. Élytres moins larges que dans l'espèce précédente, à stries profondément ponctuées, avec les intervalles saïllans et offrant une ligne longitudinale de points pen marqués; d’un brun noirâtre dans leur partie médiane avec la suture d’un brun ferrugineux clair: d'un jaune légèrement ferrugineux sur les côtés avec une ligne longitudinale d’un brun noirâtre, partaut presque de la base et s'arrétant un peu au-delà de leur milieu. Corps d’un brun ferrugineux eu dessous. Pattes d’un jaune légèrement ferrugineux. Assez commun aux environs d'Oran, sous les pierres et particulièrement près du bord du petit lac. Fin de mars et commencement d’avril. 3. Scarites Levaillantii, Luc. — Long. 27 millim. Larg. 8 1/2 millim, D'un noir brillant. Tête ayant deux impressions À sa partie antérieure, mu- nies de chaque côté et à leur naissance d’un point profondément marqué, striée longitudinalement et légèrement chagrinée. Mandibules strices, avec deux lignes longitudinales très saillantes et se réunissant à leur extrémité. Palpes d’un brun ferrugineux foncé. Antennes d’un brun roussâtre, ayant les sept derniers articles hérissés de poils courts, assez serrés et d’une couleur fauve claire. Yeux d’un jaune sale. Corselet plus large que la tête, légèrement chagrinée, strié transversalement avec la ligne longitudinale profondémeut marquée. Elytres de même couleur que le corselet, mais plus ternes, ornées de stries longitudinales assez bien marquées, avec les intervalles chagrinés, et les bords de ces derniers très finement tuberculés dans le sens longitudinal. Dessous du corps noir. Pattes de cette dernière couleur, les antérieures armées au côté externe de trois den- telures distinctes après la troisième dert. Gette espèce habite les environs d’Orar ; j'en ai pris un seul individu vers la fin de novembre sous les pierres près du fort Mers-el-Kebir; les autres indi- vidus m'ont été donnés par M. Levaillant, colonel au 36° de ligne auquel j'ai cru devoir délier cette espèce. 4. Ditomus ruficornis, Luc. — Long. 7 1/2 millim. Larg. 3 millim. D'un brun foncé un peu ferrugineux et bérissé de longs poils d’un grs cendre. Tête profondément ponctuée. Yeux saillans, d’un gris foncé. Palpes d’un brun ferrugineux clair. Antennes d’un roux foncé. Corselet cordiforme, profon- dément ponctué, avec une petite ligne longitudinale dans sa partie médiane assez bien marquée. Élytres profondément striées, ornées de points très enfoncés avec les intervalles légèrement ponctués longitudinalement. Dessous du corps noir, ponctne avec les segmens abdominaux d'un brun ferrugineux clair postérieure- ment. Pattes de cette dernière couleur. H. LUCAS. — Æspèces nouvelles d’Insectes. 65 Envirous d'Oran , sous les pierres, dans les ravins Est du Djebel Santon. Fin de janvier et commencement de fevrier. 5. Nebria variabilis, Luc. — Long. 12, 13 millim. Larg. 5, 6 millim. Tête noire, petite, lisse, ayant deux enfoncemens de chaque côté des yeux. Palpes d’un brun roussâtre fonce, avec l'extrémité des derniers articles d’un ferrugineux clair. Antennes ayant les quatre premiers articles d’un brun foncé, les suivans ferrugineux. Yeux uoirs, très peu saillans. Curselet noir, un peu plus Jarge que la tête, cordiforme, beaucoup plus large que long, lisse dans la partie médiane, avec une ligne longitudinale fortement prononcée, ayant les bords très relevés ; ces derniers ainsi que les parties postérieure et supérieure fortement cha - grines. Élytres de même couleur que le corselet, courtes, presque parallèles, ayant des stries très finement ponctuées et des points enfoncés variantdu nombre trois au nombre six, placés sur le troisième intervalle. Dessous du corps noir, les cuisses et les pattes de cette dernière couleur avec les tarses d’un brun rougeâtre foncé. Assez commune dans les lieux humides, sous les pierres, aux environs d'Alger, de Constantine, de Bone et de La Calle. Pendant les mois de janvier, février: mars et avril. 6. Olisthopus punoticoilis, Luc. — Long. 6 1/2 millim. Larg. 3 1/2. Tête lisse, bronzée ,ornée de deux impressions fortement prononcées, dont l’une sur le bord des yeux, et l’autre entre les antennes. Palpes bruns, les derniers articles d’un jaune testacé pâle. Autennes ayant les trois premiers articles d’un jaune testaie pâle, ceux qui suivent bruns. Yeux peu saillans, d'un brun fronce. Corselet de la même couleur que la tête, couvexe, ayant la ligne longitudi- nale assez bien marquée. Elytres plus larges que le corselet, d’une couleur plus chaire que ce dernjer, à stries bien marquées avec les intervalles planes, lisses, es dernières présentant trois points fortement prononcés et ainsi disposés : le premier et le second situés sur le troisième intervalle, le troisième entre ce der- nier et le second. Dessous du corps noir, Pattes d’un testacé pâle. Se trouxe aux environs d'Alger duns le commencement de mai et se plaît davs les endroits humides. 7. Pœcilus barbarus, Luc. — Long. 14 millim. Larg. 5 1/2, 6 millim. Un peu plus petit que le punctulatus auquel il ressemble un peu. Tête d'un noir brillant, petite, étroite, légèrement ponctuée. Mandibules d’un noir met. Palpes de cetie dernière couleur. Les deux premiers articles des antennes d’un brun ferrugineux , les suivans d’un noir mat et légèrement tomen- teux. Yeux saillans, d’un jaune sale. Corselet très étroit, lisse, ayant la ligne lougitudinale bien marquée, et les impressions transversales et celles longitudi- nales de chaque côte de la base fortement prononcées. Elytres d’un noir mat, à stries bien marquées, ornées d’une ligne de points assez profondément pro- noncés; trois points fortement marqués se font remarquer sur la troisième strie. Dessous du corps d'un noir brillant avec les pattes de cette dernière couleur. A5sez commun aux environs d'Oran, sous les pierres, dans les ravins Est du 64 H. LUCAS. — Espèces nouvelles d’ Insectes. Djebel Santon , et dans ceux situés entre Oran et Mers-el-Kébir ; nous l’avous reucontré aussi sur les bords du petit lac et dans les fossés de la ligne des blockaus. Février et commencement de mars. 8. Pæcilus numidicus, Luc. — Long. 11 millim. Larg. 4 1/2 à 5 milliw. D'un beau vert brillant. Tête petite, lisse, ornée de trois dépressions bien marquées, dont deux longitudinales entre les antennes et une transversale qui joint cette dernière à leur base. Lèvre, mandibules et palpes noirs: ces derniers d’un brun ferrugineux clair à leur base. Antennes à trois premiers articles d’un brun noirâtre, les suivans d’un brun obscur. Yeux assez saillans, d’un jaune sale foncé. Corselet entièrement lisse, arrondi sur les côtés et rétréci postérieurement avec les angles postérieurs très aigus; la partie médiane ayant une ligne longi- tudinale bien marquée avec les impressions longitudinales de la base fortement prononcées. Elytres de même couleur que le corselet, mais un peu plus foncées, à stries profondément marquées, avec les intervalles entièrement lisses. Dessous du corps noir, chagriné; pattes de cette dernière couleur avec les crochets des tarses d’un brun clair. — Assez cominun dans les endroits humides ; sous les pierres aux environs d'Oran. Pendant les mois de janvier et février. 9. Pæcilus coarctatus, Luc.— Long. 11 millim. Larg. 4 1/2 mil'im. Tête d'un brun légèrement roussâtre, étroite, lisse, à impressions longitudi- uales bien marquées. Lèvre et mandibules de cette dernière couleur. Palpes d’un brun clair; les tois premiers articles des antennes de même couleur que les palpes, les suivans de cette dernière couleur, mais plus obscurs. Yeux jieu sail- lans, d’un jaune brun. Corselet d’un violacé clair, allongé, étroit, à ligne longi- tudinale bien marquée, à côtes légèrement arrondis avec les impressions longitu- dinales de la base fortement prononcées. Elytres d'un lyun violacé fonce, longues, étroites, légèrement planes, à stries fortement proroncees : ces dernières légèrement ponctuées, ayant les intervalles très saillans , lisses, près de la base des élytres , le troisième intervalle présentant un poiat assez prononcé. Dessous da corps finement ponctué, d’un brun clair ; pattes de cette dernière couleur, mais beaucoup plus claires. — Trouvé une seule fois, aux environs de Constan- tine, sous les pierres humides; dans les ravins du Djebel Mansourah. 10, Zabrus distinctus, Luc. — Long. 14 millim. Larg. 8 millim, D'un brun ferrugineux en dessus. Tête chagrinée, ayant les deux enfonce- meus lougitudinaux entre les antennes assez bien marqués. Antennes et palpes d'un ferrugineux clair. Yeux peu saillans, d’un jaune sale. Corselet convexe, arrondi sur les côtés, ayant la ligne lougitudinale assez bien marquée avec les angles et sa partie postérieure finement ponctués. Elytres presque aussi larges que le corselet, assez convexes , ornées de neuf stries profondément marquées, non ponctuées avec les intervalles larges, convexes et lisses. Dessous d’un brun ferrugineux clair. Pattes de cette dernière couleur. Cette espèce, qui se trouve anx environs d'Alger, nous a été donnée par M. Leviillant, lieutenant-colouel au 17° leger. oi — PE” QUATREFAGES. — Sur les Edu:'ardsies. 65 Mémoire sur les Ebwarpsies ( Edwardsia, Nob.) nouveau genre de la famille des Actinies, Par A. DE QUATREFAGES. ( Lu à l’Académie des Sciences, le 3 mai 1842. Le genre Actinie, créé par Linné, était certainement à l’époque où écrivait ce grand naturaliste une coupe des plus naturelles. Les formes générales, le genre de vie, tout paraissait commun chez ceux de ces animaux connus de son temps, et à une épo- que où l'on se précccupait fort peu de détails d'organisation, cette identité apparente suffisait et au-delà pour motiver cette nomenclature. Mais les voyages de plusieurs naturalistes ne tar- dérent pas à faire connaître un grand nombre d’êtres qui, tout en conservant avec les Actinies de Linné des rapports qu'il est impossible de nier, s’en éloignent cependant jusqu’à un certain point; dés-lors ce genre dut acquérir plus d'importance dans la classification et devenir le type d’une famille. M. de Blainville, le premier embrassa cette manière de voir et réunit sous le nom de Zoanthaires Mous les Actinies et autres genres voisins pour en former la première famille de ses Zoanthaires. M. Ehren- berg suivit cet exemple, et en faisant connaître les nouvelles mo- difications au type primitif, il proposa de nombreuses divisions. Enfin, M. Brandt, dans son prodrome des animaux observés par Mertens, partagea les Actinies en deux familles et accrut encore le nombre des genres établis par M. Ehrenberg. Ces auteurs , assez d'accord sur la circonscription du groupe qui nous occupe, et dont les espèces sont aujourd’hui au nombre de cent dix environ, sont loin de présenter la même unité de vues dans la répartition en genres et sous-genres. Peut-être ces divergences tiennent-elles en partie à ce que dans l'établissement de ces divisions ils se sont laissé guider uniquement par les modifications de la forme extérieure en négligeant les caractères XVIIL, Zoor — Août 5 66 QUATRFFAGES. — Sur les Edwardsies. anatomiques. Il est cependant à présumer que, dans une famille aussi nombreuse, ces derniers doivent offrir des différences es- sentielles à connaître et dont l’étude nous fournirait les élémens d’une méthode de plus en plus naturelle. Aussi en proposant la création d’un nouveau genre dans la famille des Actinies, nous avons cru devoir nous appuyer, non-seulement sur des carac- tères morphologiques extérieurs remarquables et sur un genre de vie qui n’a pas encore été signalé chez les animaux de ce groupe, mais encore sur des recherches anatomiques détaillées. En outre ici, comme dans notre mémoire sur la Synapte de Du- vernoy, nous avons cherché à reconnaître, autant que nous le permettaient nos moyens d'investigation, quelle était la structure intime des organes et des tissus, afin de jeter, s’il est possible, quelque jour sur cette partie encore si peu connue de l’histoire des animaux inférieurs. Les Actinies qui font l'objet de ce mémoire ont été trouvées par moi sur les côtes d’un petit archipel, situé dans la Manche en face de Grandville, et dont le nom est bien connu des natu- ralistes, depuis la publication des belles recherches qu'y firent, il y a une quinzaine d'années, MM. Audouin et Milne Edwards. En dédiant à ce dernier un type nouveau de Zoophytes décou- vert à Chausey, je suis heureux de témoigner ma reconnaissance au savant qui, connaissant toute la richesse de cette localité, m'engagea par ses conseils bienveillans à la visiter à mon tour. PREMIÈRE PARTIE. DESCRIPTION ET HISTOIRE NATURELLE. Presque toutes les Actinies , signalées par les auteurs qui se sont occupés de leur histoire, vivent fixées sur divers corps so- lides où elles adhèrent à l’aide du large disque terminal posté- rieur auquel on a donné le nom de pieüs. Lorsqu'elles se dé- placent ce n’est qu'avec une extrême lenteur en rampant sur ce plateau charnu probablement à la manière des Mollusques Gas- téropodes. M, Lesueur, en nous faisant mieux connaitre l’orga- nisation des Minyas de Cuvier, en prouvant que ces Rayonnés QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. 6- devaient passer de la famille des Holothuries dans celle des Ac- tinies. introduisit dans ce dernier groupe des animaux vraiment libres et vivant en pleine mer à la manière des Acalephes Hy- drostatiques. Un genre de vie analogue a été signalé par M Re- nieri chez les Actinies du geure Moschate. Mais là se bornaient jusqu’à ce jour les exceptions à la règle générale dont nous parlions il y a un instant. Les Radiaires dont nous allons faire l’histoire sont aussi entie- rement libres; mais au lieu de passer leur vie au milieu des flots et de se rapprocher ainsi des Acalèphes, ils s’enterrent dans le sable et y mènent un genre d'existence qui rappelle celui de certaines Annélides et mieux encore des Siponcles. Pour faciliter leurs mouvemens dans ce milieu résistant leur corps cylindrique ou subpolygonal est allongé, vermiforme (1). A ce caractère, qu'on rencontre dans quelques autres genres de la même famille, s’en joignent d’autres tout-à-fait spéciaux, et qui les distinguent au premier coup-d'œil. Les tégumens des Acti- nies proprement dites et ceux des genres voisins offrent dans toute leur étendue le même aspect et la même consistance. Ici ils différent essentiellement selon la partie du corps que l’on examine. Le quart antérieur qui porte les tentacules est trans- lucide dans presque toute son étendue, et les tissus qui le com- posent rappellent par leur apparence ceux des espèces les plus connues. Le quart postérieur est formé par une membrane des plus fines , entièrement transparente, parcourue dans le sens de l’axe longitudinal par huit bandelettes blanches, opaques, qui se réunissent à l'extrémité da corps (2). Celle-ci est légèrement renflée, arrondie en ballon, et présente à peine une trace du pied large et charnu des Actinies ordinaires. Cet organe sem- ble n'être représenté ici que par la réunion des bandelettes, dont nous venons de parler, et qui sont de nature musculaire, comme nous le verrons plus loin. Ces deux parties sont rétractiles dans l'intérieur de la portion moyenne, dont la longueur comprend environ la moitié de l'animal, et qui est recouverte par un épi- (x) Planche 1, fig. x, (2) Planche 1, fig, r et 2, 68 QUATREFAGES. — Our les Edivardsies. derme plus ou moins épais et opaque, selon les especes. Ces ca- ractères extérieurs et d’une observation facile sont accompagnés de dispositions anatomiques que nous décrirons plus loin avec détail, mais dont nous croyons devoir donner dès ce moment un résumé dans la caractéristique suivante. Genre EnwaRDsir (Ædwardsia, Nob.) Corps libre, vermiforme; partie moyenne couverte d’un épi- derme plus ou moins épais et opaque; partie antérieure portant les tentacules, translucide; partie postérieure antièrement trans- parente, arrondie, terminée par un pied à peine marqué : toutes deux exsertiles et rétractiles. Tube digestif droit, maintenu par des brides mésentériques interrompues, s’ouvrant largement en arrière dans la cavité ab- dominale; formé de deux parties distinctes, dont la postérieure renferme huit replis ou demi-cloisons auxquelles sont suspen- dus les ovaires, cloisons se prolongeant jusqu’à la partie pos- térieure du corps. Corpus liberum, vermiforme ; pars media plus minusve epidermate opaco incrassala; pars anterior pellucida, tentaculis ornata; posterior autem vitrea, rotundata, basi vix instructa; utraque exsertilis ex retractilis. Intestinum rectum, mesenterio interrupto suspensum, posterius large aper- tum, duabus partibus compositum : sinus octo posteriori intus eminentes quibus pendent totidem ovaria, usque ad extremum abdomen producti. Tous les auteurs qui se sont occupés des Actinies ont signalé tes difficultés presque insurmontables que présente la distinction des espèces. Ces observations, vraïes surtout pour le genre des Actinies proprement dites, ne sont heureusement pas appli- cables aux Edwardsies, et il suffira, je l'espère, de jeter an coup- d'œil sur les dessins qui accompagnent ce mémoire (1) pour se convaincre qu'en proposant d'en admettre trois espèces, je n’ai pas agi trop précipitamment. La présence ou l'absence d’un (9 PI. x, fig. w ; Pl, 2, fig x el 2. “x L QUABREFAGES. — Sur les Edivardsies Gg mamelon terminal antérieur offrait déjà un caractère-tranché. Sa forme, plus ou moïns conique, jointe à la forme , au nombre et à la disposition des tentacules, en une ou deux séries, chez des animaux d’ailleurs à très peu près de même taille et dont les ovaires contenaient également des œufs, étaient autant de caractères assurés pour distinguer l’une de l’autre les deux es- pèces qui présentent ce mamelon, et qui d’ailleurs diffèrent considérablement par le facies général. 1° E. ne Beavremrs ( E. Beautempsii Nob.) (1) Bouche percée à l'extrémité d’un mamelon subconique , dont les tentacules entourent la base; 14-16 tentacules placés sur un seul rang, partie moyenne du corps subpolygonale , épiderme épais, très opaque, d'un jaune rougearre. Long. 6-7 centimètres. Ore terminali in extremitate papillæ subconicæ, cireum basim tentaculatæ ; tentaculis 14-16 uniseriatis; parte medià subpolygonali; epidermate crasso, apacissimo, fulvo-rubente. Long. 6-7 ceut. L’Edwardsie de Beautemps se reconnait facilement à son mamelon termiual d’un jaune doré, opaque , entouré à sa base d’un seul rang de tentacules allongés, transparens dans leur plus grande étendue, et portant seulement à leur extrémité un petit point opaque d’un beau jaune rougeâtre. Ces tentacules sont au nombre de 14-16. Au-dessous se trouve la partie rétrac- tile antérieure, dont la couleur d'un violet pâle à l’origine, se fond en arrière dans une teinte légèrement jaunâtre. Sur ce fond se détachent quelques lignes longitudinales d’un violet assez foncé. La partie médiane est très opaque, comme soulevée autour de la ligne de jonction avec les parties transparentes. Chez presque tous les individus elle présente sept ou huit côtes longitudinales, plus prononcées en avant qu’en arrière, et qui donnent au corps une apparence subpolygonale ; sa couleur est généralement d'un (1) Pl, 1, fig. 1. — J'ai dédié cette espèce à M. Beautemps , armaleur à Grandville, envers qui j ai contracté une véritable dette de reconnaissance pendant mon séjour à Chausey et sur les côtes de la Manche pour les soins empressés dont j'ai été l'objet de sa part. 70 QUATREFAGES. — Sur les Edvardsics. Jaune rougetre, passant en arrière au jaune verdâtre ou bleuà- tre. La partie rétractile postérieure estun peu allongée, arrondie en ballon à son extrémité, tres transparente et légèrement rosée vers le point de jonction des bandes soyeuses dont nous avous parlé. La longueur de cette espèce est de 6-7 centim. L’Edwardsie de Beautemps est très commune à Chausey, où je l'ai rencontrée d’abord derrière le Grand-Epail, dans un sable vaseux habité également par des Cribrines, des Siponcles, des Arénicoles, etc. C’est sur elle que portent principalement les ob- servations consignées dans ce mémoire. 9° E. moe (E. tmida Nob.) (1) Bouche s’ouvrant au milieu d’un plateau terminal autour du- quel se trouvent les tentacules au nombre de 20-24, placés sur un seul rang, partie moyenne à faces à peine sensibles, épi- derme mince, légèrement translucide, jaunâtre. Longueur 6-7 centimètres. Apice plano, tentaculis 20-24 uniseriatis circumdato; parte medià vix subpo- lygonali; epidermate tenui, paululum translucido, fulvo. Long. 6-7 cent. Cette espèce est bien distincte de la précédente par l’absence du mamelon terminal. Son extrémité est brusquement tron- quée en un plateau qu’entourent 20-24 tentacules extrêmement ransparens et dont l'extrémité est à peine rosée. Ces tentacules sont d’ailleurs plus minces et plus longs que dans l'espèce pré- cédente, et l'animal les fait mouvoir presque continuellement d'une manière qui rappelle ce qu’on observe chez les Holothu- ries. Le plateau qu’ils entourent est marqué de cinq petits traits d’un noir violacé qui se portent de la circonférence vers la bou- che placée au centre. Cinq autres traits de mème couleur, mais bien moins marqués, se trouvent dans les intervalles. Les cou- leurs de la partie rétractile antérieure sont à-peu-près sembla- bles à ce que nous venons de décrire dans l'Edwardsie de Beau- temps; mais elles sont plus pâles, et les tissus qu'elles colorent sont beaucoup plus transparens, en sorte qu’on aperçoit au (x) Planche 2, fig. x, I EN ES QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. 7i travers le pharynx et le tube digestif. La partie moyenne est recouverte d’un épiderme jaunätre, à demi translucide, et dont les côtes sont à peine marquées, de manière que l'animal est presque entièrement cylindrique. La partie postérieure n'offre rien de particulier. La longueur de cette espèce est à-peu-près la même que celle de l'Edwardsie de Beantemps. J'ai trouvé l'Edwardsie timide dans les mêmes localités que l'espèce précédente, mais elle y est rare. Dans les sables qui -entourent la base d’un des ilots auxquels on donne le nom de Corbieres , il m'a semblé au contraire que les Edwardsies ti- mides se trouvaient en majorité. 3° E. pe Harasse (E. Ffarassi Nob.). (1) Mamelon terminal arrondi, entouré à sa base de 24 tenta- cules placés sur deux rangs; partie moyenne du corps cylindri- que, couverte d’un épiderme épais, opaque, d'un jaune sombre. Longueur 5 172 centimétres. Papillà terminali rotundatä, tentaculis 24 biscriatis ad basim .circumdatà ; parte mediä cylindricä ; epidermate crasso, opacissimo , obscure falvo. Long. 51/2 cent. Je n'ai trouvé cette espèce qui parait fort rare, du moins à Chausey, qu'une seule fois, et cela dans un sable vaseux, près des ilots les plus à l’ouest de tout lArchipel. Elle est néanmoins bien distincte par ses formes générales plus ramassées que dans les précédentes et par la double rangée que forment autour d’un mamelon terminal presque liémisphérique, vingt-quatre tentacules courts, assez gros, très transparens, dont l'extrémité est légérement brunâtre. Cette même teinte s’observe dans toute l'étendue de la partie rétractile antérieure : mais elle n’est pas assez foncée pour nuire à la transparence qui est encore plus grande ici que dans l'espèce précédente. L'épiderme qui recou- vre la partie moyenne est épais, entiérement opaque et d'un (1) PI, 2, fig. 2, J'ai donné à cette espèce le nom du propriétaire des îles Chausey, M. Harasse , dont la bienveillance et les soins journaliers ont pu seuls me rendre possible wo séjour de trois mois sur ces roches incultes. 72 QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. jaune sombre. Cette partie est d’ailleurs entièrement cylindrique. La portion rétractile postérieure est moins allongée que dans les espèces précédentes. Le seul individu de l’'Edwardsie de Ha- rasse que j'ai trouvé avait 5 centimètres et demi de long, et son diamètre transversal était au moins égal à celui des deux autres espèces. Au reste, son organisation était exactement la même et ses ovaires que j'examinai avec soin contenaient des œufs bien développés. Le genre de vie et les habitudes de ces diverses espèces d'Ed- wardsies sont entièrement les mêmes, du moins dans les deux espèces que j'ai pu observer avec le plus de suite, et rien ne peut nous faire présumer que la derniére présente à cet égard la moindre différence. Elles se tiennent d'ordinaire dans des sables vaseux , placés entre deux affluens de la marée, de manière à ce qu'un double courant y amène en plus grande abondance les détri- tus organiques ou les petits animaux qui paraissent leur servir de nourriture. Leur zone d'habitation est d’ailleurs assez limitée. Je ne les ai jamais rencontrées ni dans les sables qui ne restent à découvert que quelques instans, ni dans ceux qui sont à sec pendant la plus grande partie du jour, On dirait que, comme beaucoup d’autres animaux marins littoraux, elles ont besoin de passer alternativement du sein des eaux, pour lesquelles elles sont plus particulièrement faites, dans un milieu simplement humide. C’est dans les localités qui réunissent ces diverses conditions qu'on les trouve enterrées dans le sable à la manière des Cri- brines. Comme ces Actinies , elles épanouissent leurs tentacules à la surface du sol lorsque ce dernier est couvert par la marée et se contractent en revenant sur elles-mêmes pendant les heures de la basse-mer. On peut alors reconnaître leur gite aux petits orifices béans qu’elles laissent au-dessus du lieu qu'elles occu- pent, et il suffit d’enfoncer la pioche d2 quelques pouces pour se les procurer, car on comprend ; d’après ce que nous venons de dire, qu'elles ne sont jamais enfoncées bien profondément. Quand on arrache les Edwardsies à leurs retraites habituelles QUATHEFAGES. — Sur les Edwardsies. 73 elles se contractent fortement en tous sens, et quelquefois avec tant de violence qu’elles vomissent leur tube digestif. Elles ne tardent pas alors à périr; mais le canal alimentaire isolé con- tinue à se mouvoir pendant un temps assez long, et cela d’une manière telle qu'on pourrait être tenté de le prendre lui-même pour un animal si l'on n’était prévenu. Le plus souvent la pertion à laquelle nous donnerons plus loin le nom de pharynx ou d’œsophage est également entrainée, et dans ce cas il n’est pas rare de trouver un ou plusieurs tentacules qui ont été arrachés avec une portion du plateau terminal. Quelquefois l'œsophage reste en place, et la seconde portion du tube digestif est seule expulsée avec les ovaires qu’elle renferme. Je n’ai pu recon- naître si dans ce dernier cas l'Edwardsie jouit de la propriété de reproduire les parties perdues comme on a annoncé dans ces derniers temps que cela avait lieu dans les Holothuries, chez les- quelles on sait que ce phénomène d'expulsion s’'observe si fré- quemment. Placées dans un vase avec de l’eau de mer, les Edwardsies ne tardent pas à se développer. On voit d’abord la partie opaque se dilater peu-à-peu, et en examinant à la loupe on reconnaît que cet effet est di à un courant de liquide qui pénètre dans le corps de l’animal, et dont les corps légers qu’il entraine nous révèlent l'existence et la direction. Bientôt les parties transparentes anté- rieure et extérieure sortent du fourreau qui les renferme, et ce n'est guère que lorsqu'elles sont presque entierement dégagées que les tentacules s’épanouissent à leur tour. Ces derniers sont portés, si l’on peut s'exprimer ainsi, d’un« manière toute diffé- rente par chacune des trois espèces que nous avons décrites. Dans l’'Edwardsie de Beautemps (1). Chacun d’eux forme un arc de cercle assez régulier à concavité interne, et l’animal les main- tient dans une immobilité constante, ce qui donne à leur en- semble quelque chose de raide et de tendu. L'Edwardsie timide au contraire les agite continuellement, et il en résulte une irré- gularité apparente dans leur distribution autour de la bouche (2). (r) Pl, €, fig, 2. (2) PI, 2 , fig. ». 74 QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. Enfin, dans l’Edwardsie (1) de Harasse, le rang antérieur est di- rigé en avant et en dehors, le postérienr en dehors et en arriére, et ces tentacules sont aussi immobiles que dans l'Edwardsie de Beautemps. Abandonnées ainsi à elles-mêmes, les Edwardsies se fixent quelquefois au fond du vase à l’aide de leur partie rétractile postérieure. Toute l’étendue de celle-ci semble jouir d’une pro- priété adhésive, et se trouve quelquefois entièrement couverte de petits grains de sable, bien que je n’y aie distingué aucun organe particulier propre à les retenir. Seulement nous avons dit qu'il existait tout-à-fait en arrière, au point d’entrecroi- sement des bandelettes musculaires, un petit espace, seul ves- tige du grand pied des Actinies, et qui paraît en remplir les fonctions jusqu’à un certain point. Il m'a paru présenter quel- quefois les formes d’une capsule peu profonde, et je ne doute pas qu'il ne puisse agir dans certaine circonstance, soit comme une ventouse, soit comme le disque musculeux des autres animaux de cette famille. Le plus souvent les Edwardsies se meuvent sur le fond du vase qui les renferme. Elles exécutent alors de véritables mouvement de reptation, contractant et allongeant successive- ment les diverses parties de leur corps, et tenant presque tou- jours la partie antérieure détachée et élevée au-dessus du sol, de manière à ce que les tentacules ne puissent être froissés. Ces derniers n’aident en rien à ces mouvemens ; mais il m’a paru que mes Zoophytes prenaient souvent un point d'appui sur la par- tie postérieure préalablement fixée au plan de reptation. Ceite manière de se mouvoir se rapprocherait donc tantôt de ce qu’on observe chez quelques Systolides et tantôt de celle des animaux rampans en général, mais surtout de celle des Annélides apodes et des Siponcles. C’est, je crois, la premiere fois que ce mode de locomotion est signalé dans des Zoophytes, se rattachant de près ou de loin aux Actinies, et ce n’est guère que dans les Holo- thuries en général et plus particulièrement peut-être dans les Synaptes qu’on pourrait en retrouver des exemples pris dans (G) Planche 2 , fg. r. QUATREFAGES. — Sur des Edivardstes. 79 l’'embranchement tout entier des Rayonnés. Au reste, les mou- vemens généraux dont nous parlons sont d'ordinaire assez lents; mais quelquefois aussi, surtout quand l'animal n'est captif que depuis peu de temps, il chemine avec assez de rapidité pour faire en une ou deux minutes un trajet d'un pied et demi en- viron. Les Edwardsies, de même que les autres Actinies, sont émi- nemment carnassiéres et se nourrissent de petits animaux que les vagues amenent à portée de leurs tentacules. J'ai trouvé dans leur tube digestif des débris de petits Crustacés, et presque tou- jours des Spirorbes nautiloïdes qui vivent en quantités innom- brables sur les feuilies de Fncus et autres plantes marines. J'ai rencontré aussi quelquefois des individus dont le canal alimen- taire était comme farci d’une multitude de Navicules roussâtres très petites. Ce fait n'a paru curieux en ce qu’il semblerait ve- nir à l'appui de l'opinion des naturalistes qui regardent ces êtres ambigus comme appartenant au règne animal. 1] serait en effet bien singulier que des animaux aussi carnassiers que nos Ed- wardsies fissent en leur faveur une exception unique à leur régime habituel. Une particularité que nous n'avons encore vue signalée dans aucun Rayonné, c’est que dans la première portion du tube di- gestif, dans celle qu'on peut regarder comme une cavité pha- ryngienne ou œsophagienne, nous avons souvent rencontré de petits graviers arrondis, accumulés au nombre de six ou huit auprés de l'orifice postérieur et jamais au-dela. Serait-ce trop hasarder que de supposer qu'ils avaient été avalés par Vanimal , pour aider à briser l’en veloppe solide des petits Arti- culés qui lui servent de nourriture; et que ces petits cailloux remplacent en quelque sorte l'appareil dentaire, à-peu-prés comme ceux que l’on rencontre dans le gésier de certains oiseaux ? Tout le corps des Edwardsies, y compris la portion revêtue d'un épiderme d'apparence grossière , est le siége d’une sensi- bilité tactile tout aussi développée que chez les Actinies, dont les tégumens paraissent le plus délicats. Mais les tentacules semblent néanmoins étre les organes spéciaux du toucher. 76 QUATREFAGES. — Sur les Edivardsies. Lorsque l'animal chemine , il les porte toujours en avant. Au moindre contact, on les voit disparaître dans la partie transpa- rente à laquelle ils sont attachés, et celle-ci s'enfonce sous les tégumens épais de la portion moyenne du corps. Ces mouve- mens se font avec la plus grande rapidité, surtout chez l'E. ti- mide, où les deux temps que nous venons d'indiquer sont tou- jours marqués avec une grande précision. En même temps, Fextrémité postérieure se contracte également, mais avec plus de lenteur, et le corps tout entier diminue ensuite de volume. En observant à la loupe, on peut facilement s'assurer que pen- dant ces mouvemens de concentration, il s'échappe par l’orifice antérieur un courant d'eau dirigé en sens contraire de celui qui avait introduit ce liquide dans l’intérieur du corps. La lumière exerce une action évidente sur ces Zoophytes, comme sur la plupart des animaux de même nature. Lorsque mes Edwardsies étaient bien épanouies , et que je dirigeais brus- quement sur elles la lumière de ma lampe concentrée à l'aide d'une lentille, elles rentraient sur-le-champ leurs tentacules ; wais bientôt elles les développaient de nouveau, comme si, après avoir cédé à un premier mouvement de surprise, elles s'étaient habituées à une impression qui n'avait d’ailleurs pour elles rien de désagréable, Au reste, je n’ai pu reconnaître chez elles aucun indice de vision proprement dite. Je ne pense pas non plus qu’elles possèdent le sens de l’ouïe, Les bruits les plus forts, les plus aigus ne paraissaient faire sur elles aucune impression, tant qu'ils n’excitaient pas de vi- brations dans le liquide qui les entourait. Mais aussitôt que ce dernier effet venait à se produire, elles donnaient des signes de sensations non équivoques. Ainsi, lorsque je passais mon doigt mouillé sur les bords du vase où elles étaient renfermées, je les voyais se contracter brusquement au premier son d'harmonica produit par ce léger frottement. Sous ce rapport qui tient sans doute à la sensibilité générale du corps. elles présentent donc une impressionabilité plus développée que les Synaptes dont les tissus extérieurs sont pourtant bien plus délicats en apparence. Les Edwardsies vivent long-temps en captivité. J'en ai conservé pendant pres d’un mois dans mes vases, et pendant cet espace QUATREFAGES. — Sur les Edivardsies. 97 de temps l’eau dans laquelle je les avais placées n’a pas été re- nouvelée une seule fois. J'avais soin seulement d’ajouter de temps à autre un peu d’eau douce pour compenser les pertes dues à l’'évaporation et empêcher une concentration trop forte des matières salines dissoutes dans l’eau de mer. Sur une dou- zaine environ que j'avais mises ainsi en expérience, près de la moitié ont résisté jusqu'au moment où j'ai dù quitter Chausey. il est à remarquer que pendant ce long espace de temps, l’eau dans laquelle vivaient ces Zoophytes s'est conservé exempte de toute mauvaise odeur, ce qui doit paraître bien curieux aux personnes qui savent par expérience avec quelle rapidité l’eau de mer se corrempt lorsqu'elle renferme certaines espèces d’a- nimaux. Les Holothuries, les Oursins, mais surtout les Aca- léphes et certaines Actinies vicient en quelques heures une très grande quantité de liquide. Il est d'autant plus singulier de voir des espèces voisines produire, en quelque sorte, un effet tout contraire, agir à la manière des végétaux, et la maintenir dans un état de limpidité et de pureté parfaites. Au reste, d’autres Actinies jouissent à un très haut degré de la même propriété, et la Cribrina senilis entre autres m’a présenté sous ce rapport des faits extrêmement curieux qui trouveront leur place dans un autre mémoire. Environ quinze jours après que j'eus déposé mes Edwardsies dans un bocal, je pus observer chez plusieurs d’entre elles le phénomène d’une véritable mue (1). L'épiderme de la partie moyenne se souleva en avant, et se renversant en arrière, COm- me un fourreau, en même temps qu'il se fendait en plusieurs endroits, il finit au bout de deux ou trois jours par se déta- cher entièrement. Il entraîna avec lui des lambeaux d’un épi- thélium extrémement fin qui s’enlevait de dessus les parties transparentes , tant en avant qu’en arrière. L'épiderme et l'épi- thélium étaient du reste en continuité évidente, ainsi qu’on pouvait s'en convaincre en exarinant un lambeau sous un fort grossissement. Aprés la nue, je vis paraître un nouvel épider- 9 M Ehrenberg a observé un fait semblable chez la Cribrine polype ( Æctinia macu- duta Lam, . 78 QUATREFAGES. — Sur les Ediwvardsies. me qui, d’abord translucide, acquit de l’opacité au bout de quelques jours, mais sans devenir pourtant ni aussi épais ni aussi coloré que celui auquel il succédait, ce qui s'explique facilement par les circonstances dans lesquelles mes animaux se trouvaient placés, et surtout par le jeüne absolu auquel ils étaient soumis. Ce renouvellement de la couche la plus exté- rieure des tégumens ne se bornait pas au tronc, et j'ai pu, m’ai- dant de la loupe, le constater jusque vers l'extrémité des tenta- cules. Nous reviendrons plus loin sur les conséquences qu’on peut tirer de ces faits, en rapportant des résultats analogues obtenus par la seule macération. La contractilité des tissus est extrême dans toutes les parties du corps des Edwardsies qui, sous ce rapport, ne le cèdent à aucun des animaux inférieurs. Pour éteindre cette surexcita- bilité et faciliter mes recherches anatomiques, j'essayai de les empoisonner, en mêlant à l'eau qu’elles respiraient nne assez forte quantité de laudanum de Rousseau. Ce moyen me réussit assez bien, et cette excessive contractilité, si pénible pour FPob- servateur, se trouva grandement diminuée. Mais je dus, toutes les fois que je le mettais en usage, me hâter d'observer Pani- mal aussitôt qu'il était mort; car les Edwardsies tuées par ce procédé toxicologique se décomposaient tres rapidement, et quelques heures entre autres suffisaient pour rendre entière- ment méconnaissable le tissu des ovaires. DEUXIÈME PARTIE. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIF. Nous allons maintenant décrire l’organisation anatomique des Edwardsies et essayer de nous rendre compte du jeu de leurs divers organes, ainsi que du rôle que chacun d'eux est appelé à remplir pendant la vie de ces Rayonnés. Pour mettre de l'ordre dans cette étude, nous examinerons successivement : 1° les tégumens ; 2° le tronc; 3° les organes de la digestion ; 4° ceux de la génération ; 5° enfin l'appareil respiratoire. QUATRFFAGES. — Sur les Edwardsies. 79 $ [. Tégumens. Les tégumens, chez les Edwardsies, se composent de deux couches qui, faciles à distinguer et à isoler l’une de l’autre dans la partie moyenne du :ronc, semblent se confondre en une seule sur le reste du corps, bien qu'elles soient au fond parfaitement distinctes physiologiquement et probablement aussi anatomiquement. Ces deux couches sont : 1° l’épiderme ou épithéliur externe ; 2° le derme. 1° Epiderme.—Sur toutes les parties transparentes du corps des Edwardsies, l’épiderme, ainsi que nous le disions tout-à- l'heure, semble se confondre avec le derme. Ainsi réunis, ils forment une seule lame transparente, généralement homogène, présentant seulement dans la partie profonde äe son épaisseur des traces de granulations excessivement fines. Cette couche unique tégumentaire présente sur quelques points (tentacules, extrémité postérieure) à peine :,, de millimètre d'épaisseur. Elle devient plus épaisse sur la partie transparente antérieure, et dans le voisinage de la partie opaque on distingue souvent assez facilement l'épiderme du derme placé plus profondément. Le premier se montre alors composé d’une matière parfaite- ment transparente et homogène, sans la moindre trace de granulations. Mais dans la partie moyenne du corps des Edwardsies, l’as- pect que présente la couche externe des tégumens est bien dif- férent de ce que nous venons de décrire. Ici, toute transparence a disparu chez l'E. de Beautemps et chez l'E. de Harasse, et à peine reste-t-il un peu de traslucidité chez l'E. timide. A la vue simple l’épiderme présente une teinte mate dont nous avons indiqué plus haut la couleur, et une surface assez égale, d'ail- leursstriées de plis transversaux très rapprochés. En l’examinant par réflexion avec un grossissement de 30-35 diamètres, on re- connait que la mernbrane qui nous occupe est extrémement ra- boteuse et sillonnée de crevasses irrégulières dont l'aspect rap- pelle parfaitement celui de l'écorce d’un vieux tronc de chéne ou 80 QUATREFAGES. — Sur les Ediwardsies. de châtaignier (1). En prenant un grossissement plus considé- rable et en observant par transparence, ons’assure que la matière épaisse et colorée à laquelle l’'épiderme doit son opacité , est en continuité avec une membrane fine et transparente qu’on distin- gue très bien au fond des crevasses, et que cette dernière n'est elle-même que la continuation de 1 si délicat que nous avons pu à peine distinguer sur le restedu corps.On voit que cette disposition rappelle tout-à-fait ce qui s'observe chez la plupart des Mammifères, et en particulier chez quelques grands Pachy- dermes , lorsque l’épiderme acquiert une épaisseur et une rigi- dité telle; qu'une continuité complète de la couche hyper- trophiée opposerait un obstacle aux mouvemens soit de cer- taines parties du corps, soit de l'animal lui-même. La structure intime de cette partie de l’épiderme n'offre d’ail- leurs rien de bien remarquable. A un grossissement de 300 dia- mètres , elle présente une masse uniformément colorée , presque entièrement composée de petits granules réunis par une gangue homogène. Pour faire ces observations, il faut, à cause du peu de transparence de ce tissu, le prendre sur des individus qui viennent de muer, ou bien l’écraser en quelque sorte entre les lames du compresseur. 2° Derme. — Nous avons dit plus haut que sur la plus grande partie des portions transparentes du corps des Edwardsies les deux couches tégumentaires semblaient n’en former qu’une seule; mais que dans le voisinage de l’épiderme opaque, on pouvait d'ordinaire les distinguer assez facilement. On reconnaît alors que les granulations de la couche composée devaient ap- partenir au derme, car au moment de la séparation son tissu semble en être composé en grande partie, tandis que l’épiderme n'en présente aucune trace. Ces granulations très petites sont comme toujours disséminées dans une gangue transparente semblable à celle dont nous avons parlé déjà si souvent, et rap- pellent en tout ce que nous avons décrit chez la Synapte. Le derme se continue du reste sur toute la surface du corps, sans fa) Planche 2, Gg. 3. QUATREFAGES. — Sur les Edivardsies. 81 autres modifications qu'une augmentation d'épaisseur assez no- table sous la couche d’épiderme opaque. C’est dans l'épaisseur du derme que sont contenus les organes singuliers découverts d’abord par Wagner chez les Actinies retrouvés depuis par divers observateurs sur les Acalèphes et par nous-mêmes sur la Synapte de Duvernoy. Nous voulons parler de ces petits corps de forme allongée , contractiles, et d’où sort un filament aciculaire d’ane extrême ténuité. On sait que les dimensions de ces organes , la longueur et la forme du filament varient selon les animaux où on les observe. Dans les Edwardsies , ils m'ont toujours présenté les mêmes caractères. Dans l’état de repos , c’est-à-dire , lorsqu'ils n’émettent pas leur acicule , ils offrent une forme ovoide allongée (1). Leur grand diamètre est d'environ —- de millimètre, le petit de —-. On distingue très bien une partie enveloppante dans laquelle se trouve une matière transparente d'apparence homogène. Lors de l'émission du filament (2), ces petits corps s’allongent ; leur grand diamètre acquiert une longueur de -# de millimètre; le 100 1 petit est réduit à — de millimètre. En même temps on aperçoit des stries ou plis transversaux ou légèrement obliques qui se manifestent dans la substance intérieure. Le filament aciculaire a environ --- de millimètre de longueur : son épaisseur à la base est à peine de + de millimètre; et il va diminuant pro- gressivement de manière à former une pointe qui se dérobe presque à la vue par son excessive ténuité. Au reste, dans les Ed- wardsies comme dans les Synaptes, ces acicules et l'organe d’où ils sortent ne renferment aucune matière calcaire, et ils se dissol- vent assez rapidement dans une solution alcoolique de potasse. Le corps tout entier des Edwardsies est armé de ces acicules. La partie opaque elle-même n’en est nullement dépourvue, et on les retrouve au fond des crevasses de l’épiderme. Mais on peut surtout les observer facilement sur les tentacules où ils sont tellement rapprochés qu'ils semblent former en grande (1) Planche 2, fig. %. (2) Planche 2, fig. 4. XVI, zeor, Aoû, Fa 82 QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. partie le tissu de ces appendices (1) et qu’on a quelque peine à distinguer au dessous d'eux les couches musculaires que nous décrirons plus loin. Observations. Les deux couches que nous venons de décrire, bien que paraissant intimement unies dans toute leur étendue, et comme fondues ensemble dans quelques points, n’en sont pas pour cela moins distinctes en réalité. Cette proposition ne saurait être mise en doute après le fait décisif d’une véritable mue que nous avons rapporté plus haut. Mais avant même de l'avoir observé, nous étions parvenus, à l’aide de simples macé- rations à séparer l’une de l’autre les deux membranes dont il s'agit. Cette expérience est même assez facile à faire en opérant sur la partie moyenne du corps, sur celle où le derme et l'épi- dermeacquièrent tous deux le plus d'épaisseur et de consistance. Au bout de 24 à 36 heures d'immersion dans l’eau douce, j'ai vu quelquefois le décollement avoir lieu de lui-même ou par suite d'une légère agitation du liquide. Une traction ménagée per- mettait alors d’enlever des lambeaux d’épiderme opaque sans entraîner le derme placé au-dessous, et en procédant avec mé- nagement , je suis parvenu plusieurs fois à détacher par le même moyen des lambeaux d’épiderme transparent, dont la continuité avec la couche opaque se révélait ainsi d’une manière évidente. Nous avons d’ailleurs dit plus haut que l'examen microscopique ne pouvait laisser aucun doute à cet égard. Les couches que nous venons de décrire se retrouvent sur toute la surface du corps des Edwardsies. À ce titre elles nous paraissent seules mériter le nom de tégumens. Leur ensemble représente pour nous la peau des animaux supérieurs. La chair de ces derniers a son analogue dans les couches musculaires sous-jacentes. Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit ailleurs (2) pour justifier ces rapprochemens. Nous rappelle- rons seulement qu’il ne s’agit nullement à nos yeux d’une assi- milation complète d'organisation, et de fonctions entre les tissus d'êtres si éloignés; mais que nous voulons seulement indiquer (x) Planche 2, fig. II. (2) Mémoire sur la Synapte de Duvernoy, QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. 83 par là des similitudes anatomiques évidentes, et des rapports physiologiques dont quelques-uns ne sauraient se nier, et dont d’autres sont au moins fort probables. (1) Ici, comme chez les Actinies proprement dites, comme chez la Synapte de Duvernoy et les Acalèphes, les acicules que nous avons décrits sont à-la-fois des organes d’attaque et de défense. On comprend qu'une proie saisie par les tentacules et exposée à l’action de ces myriades d'armes aiguës doive bientôt suc- comber, surtout si ces aiguillons introduisent en outre dans la plaie une liqueur vénéneuse. Ce dernier fait si évident pour certaines Actinies ne peut qu'être soupconné chez les Edward- sies. Je les ai bien souvent maniées sans en éprouver le moindre inconvénient. Mais il se pourrait fort bien qu’un liquide sans action sur l’homme n'en fût pas moins redoutable pour les pe- tits Articulés ou Rayonnés qui paraissent servir à la nourriture de nos Zoophytes. $ II. Tronc. Nous appelons ainsi, on le sait déjà par ce qui précède, l’ensemble des couches placées sous les tégumers dans l’espace compris entre la couronne des tentacules et l'extrémité posté- rieure. Cette partie du corps des Edwardsies présente en procé- dant de dehors en dedans : 1° une couche musculaire à fibres transversales; 2° des muscles longitudinaux; 3° un épithélinm interne formé par un repli du péritoine. Nous renverrons ce que nous avons à dire sur cette dernière couche à la section traitant de l'appareil digestif et par suite du péritoine lui-même. (x) Au nombre des fonctions qui sont évidemment les mêmes dans les téoumens des animaux supérieurs et dans ceux des Edwardsies , des Synaptes , elc., nous plaçons celles qui se rapportent à a prolection de l'animal, à la production des instrumens d'attaque ou de défense. À l'approche du danger, l'Edwardsie ramène les parties les plus délicates de son corps sous l'épiderme coriace de la partie moyenne , de même que la Tortue met à couvert sa tête et ses palles sous son impénétrable carapace. Chez nos Rayonnés, le derme produit des acicules , des hamecons, etc. , de la mème maniere que chez les Vertébrés , nous le voyons s'ormer de poils , de piquans, d'écailles aiguës ou tranchantes, Parmi les fonctions qui très probablement ont leur siège dans le même système organique, aussi bien chez nos Rayonnés que chez les Vertébrés, nous compterons l'exhalation , l'absorption et la respiration cutanées, la sécrétion de certains liquides, etc. 6, 84 QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. I. Couche musculaire à fibres transverses. Elle règne d’une extrémité à l’autre des Edwardsies et forme aussi une gaîne com- plète. Ses fibres ressemblent parfaitement à celles que nous avons décrites dans la Synapte comme existantau même endroit. Seulement les Edwardsies présentent cette particularité que les fibres sont plus ou moins caractérisées, selon le point où on les examine. Dans la partie transparente postérieure on a beaucoup de peine à les distinguer; elles sont presque entièrement fon- dues dans la gangue transparente et semblent presque n’en être quedes parties un peu plus denses. Dans la partietransparente an- térieure, elles sont un peu plus nettement dessinées. Enfin, elles sont très marquées sous l’épiderme opaque. Du reste, nulle part on ne parvient à les isoler les unes des autres, même en em- ployant la macération ou l’immersion dans l'alcool; et jamais je w'ai pu saisir chez elles la moindre trace de stries pendant la contraction. IL. Muscles longitudinaux. I\ n'en est pas de même dans les muscles longitudinaux. Ici, les fibres élémentaires , bien que réunies l’une à l’autre par la gangue dont nous avons déjà par- lé, en sont bien distinctes et se laissent assez facilement isoler les unes des autres, surtout si l’on emploie une légère macération. Observées à un grossissement de 300 diamètres, elles se présentent sous la forme de cordons cylindriques parfaitement transparens et homogènes, et ne montrent aucune trace de granulations (1). Pendant la contraction on voit se former sur leur surface des stries transverses d’uneténuité excessive (2) qui disparaissent avec le phénomène qui leur a donné naissance. Le diamètre de ces fibres est de += de millimètre pendant le relâchement : il aug- mente d’une manière assez sensible pendant la contraction. Elles forment sous la couche que nous venons de décrire des faisceaux aplatis quisemblent prendre naissance dans le sphincter de la bouche, dont ils croisent les fibres, et qui se portent de là en arrière en passant entre les tentacules. Le nombre de ces muscles m'a constamment paru être moitié de celui des tenta- (x) ‘Planche 2, fig. 7, 4. 2) Planche 2, fig, 7,4. PS QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. 85 eules. Leur transparence étant moindre que celle des intervalles qui les séparent, on les distingue facilement à l'œil nu à travers les couches superposées dans l'Edwardsie de Beautemps et dans l'Edwardsie de Harasse (1). Après avoir dépassé la partie trans- parente antérieure où on les voit marcher parallèlement, ils se dirigent enarrière, s’élargissent un peu dans la partie opaque, et semblent se perdre avant de pénétrer dans la partie transparente postérieure , ou du moins leurs fibres se confondent alors avec celles que nous verrons plus loin provenir des cloisons ova- riennes. Observations. On voit que les fibres musculaires du tronc nous offrent chez les Edwardsies des particularités entierement semblables à celles que nous avons signalées chez les Synaptes. Dans ces deux genres de Zoophytes appartenant à des familles différentes, nous trouvons à la couche transverse des fibres à peine formées, ou du moins comme noyées au milieu de la gan- gue qui semble leur donner naissance. Dans les muscles longi- tudinaux, au contraire, ces fibres se prononcent, se séparent du milieu qui les entoure , et chacune d'elles peut assez facilement être isolée de ses voisines. Même ressemblance dans la manière de se comporter pendant la contraction. Les premières revien- nent en quelque sorte sur elles-mêmes sans d'autre changement qu’une augmentation de diametre transversal proportionnée au raccourcissement qu’elles éprouvent par suite de cet acte phy- siologique. Les secondes seules nous montrent alors momenta- nément ces stries transverses qui sont permanentes chez les ani- mauxsupérieurs. La seule différence que présententles deux types dont nous parlons consiste en ce que dans les Edwardsies les fibres élémentaires séparables ont un diamètre moindre que dans la Synapte. $ IL. Organes de lu digestion. L'appareil digestif des Edwardsies comprend : 1° la bouche; 2° la cavité buccale on pharyngienne; 3° l'intestin proprement (1) Planche à, fig.1 et 2. 86 QUATREFAGES. — Our Les Edwardsies. dit; 4'enfin, un péritoine à replis assez compliqués qui main- tient en place ces diverses parties. I. Bouche. Nous avons vu que dans l’'Edwardsie de Beau- temps et dans l’'Edwardsie de Harasse la bouche est percée au sommet d’un mamelon terminal; que dans l'Edwardsie timide elle est placée au centre d’une espèce de plateau. La composi- tion de ces mamelons ou du plateau est entièrement la même; les uns et les autres semblent presque entièrement formés par un large muscle à fibres circulaires non isolables, recouvert par les tégumens qui présentent ici une opacité presque complète. C’est à ce sphincter que les muscles longitudinaux du tronc et des tentacules semblent venir s’insérer. Ce muscle entoure une bouche dont l’ouverture arrondie peut se développer assez pour occuper une grande partie de l'espace circonscrit par les tenta- cules. Au pourtour de cet orifice, les tégumens, après s’être ren- flés en un bourrelet bien marqué dans l’'Edwardsie timide, sem- blent se fondre entiérement en une seule lame qui pénètre dans l'intérieur pour y former d’abord la membrane interne du tube digestif et donner ensuite naissance au péritoine comme nous le verrons plus loin. Lorsque l'Edwardsie se contracte et rentre ses tentacules, soit entièrement, soit en partie, comme nous l'avons représenté (1), le plateau ou le mamelonu buccal fait à l'intérieur une saillie indiquée dans notre dessin. Quelquefois même la partie trans- parente antérieure se replie intérieurement par une sorte d’in- vagination , et les tentacules arrivent ainsi jusqu’au fond de la cavité buccale. On observe assez souvent ce fait chez ceux de ces animaux qu’on a plongés vivans dans l'alcool, et chez lesquels il a dû se produire au moment de la mort des contractions en quelque sorte convulsives très énergiques. IL. Cavité buccale ou pharyngienne. La bouche s'ouvre im- médiatement dans une cavité oblongue, entourée d’une forte masse musculaire. Cette masse buccale, dont la composition res- semble à ce que nous avons vu dans la Synapte, est formée de deux plans de fibres analogues à ceiles de la couche muscu- (1) Planche 1 , fig, 2. QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. 8 läire transverse du tronc, c’est-à-dire distinctes, mais non: iso- lables. Les fibres externes ont une direction transversale : les” fibres internes réunies en faisceaux, distincts, mais contigus, sont longitudinales. Elles vont se perdre en arrière dans un fort sphincter qui sépare la cavité qui nous occupe de l'intestin pro- prement dit. Extérieurement la masse buccale est tapissée par un repli du péritoine coloré extérieurement par un pigment à grains blancs, rouges ou violets, qui y dessinent des espèces de bandes longitudinales (1). A l'intérieur on trouve une mem- brane plissée longitudinalement à-peu-près comme chez la Sy- napte et dont nous avons indiqué l’origine en parlant de la bouche. | III. Zntestin. Sur la surface extérieure de la masse buccale on voit des traînées de pigment blanc faisant une saillie assez consi- dérable, et dont le nombre est tantôt de quatre, tantôt de huit. Dans le premier cas, elles se bifurquent comme le représente notre dessin (2), et chacune des branches se continue avec une forte bande de pigment r.areil, ce qui porte toujours le nombre de ces dernières à huit (3). Ces bandes partagent en autant de segmens égaux un intestin large , cylindrique , dont la compo- sition singulière mérite de fixer notre attention. Ses parois sont formées par une membrane d’une ténuité et d’une transparence excessives (4) qui réunit l’une à l’autre les bandes dont nous venons de parler, dans les deux tiers antérieurs de leur étendue. Joserais à peine affirmer qu'il existe des fibres musculaires dans cette membrane qui semble formée uniquement par le péritoine. Cependant je crois en avoir vu en arrière. Quoi qu'il en soit, cette partie de l’intestin est fortement contractile, et cette cir- constance nous explique comment les parties solides des ali- mens sont retenues dans le tube digestif et ne pénètrent jamais dans la grande cavité péritonéale. Les trainées de pigment que nous venons de décrire recou- vrent les attaches de huit fortes demi-cloisons qui, de la circon- (x) Planche 1, fig, 11. (2) Planche +, fig. 1r, (3) Planche :, fig. ur. »: , M ÿ) Planche 1, fig, 11, 58 QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. férence de l'intestin, se portent vers le centre qu’elles attei- gnent presque en conservant libre et flottant ce bord interne. Ces cloisons sont essentiellement formées par des plans muscu- laires qui s’attachent d’un côté à la masse buccale, et de l’autre au pourtour des parois abdominales à l'endroit où cesse l’épiderme opaque (1). Les fibres qui entrent dans leur composition sont semblables à celles des muscles longitudinaux du trone, ont le méme diamètre, et se laissent également isoler de [a masse dont elles font partie, Les deux faces de ces cloisons sont tapissées par le péritoine qui dépasse la largeur du muscle et va embras- ser les organes de la génération (2). Deux larges bandes de pig- ment blanc, à grains grossiers, réunis en buissons dendriti- formes, règnent d’une extrémité à l’autre de chaque cloison et laissent entre elles un espace libre, hérissé de cils vibratiles comme tout ce qui, dans ces divers organes, n’est pas revêtu de pigment (3). Aprés avoir dépassé l'intestin, ces cloisons s’amin- cissent , diminuent de largeur et viennent s’accoler aux parois abdomivales, comme nous l’avons dit en confondant leurs fibres avec celles des muscles longitudinaux du tronc (4). Elles se portent ensuite en arrière, pénètrent dans la partie postérieure transparente et viennent converger et se réunir à son extrémité arrondie(h). C’est là que leurs fibres en s’entrecroisant forment le tres petit disque musculeux que nous avons vu représenter le large pied des Actinies ordinaires. IV. Péritoine. Nous avons dit que les tégumens, en pénétrant par la bouche dans la cavité pharyngienne, éprouvaient une mo- dification d’où semblait résulter la fusion en une seule lame des deux couches tégumentaires. Nous avons vu cette membrane tapisser le tube digestif et représenter par suite anatomique- ment et sans doute aussi physiologiquement la muqueuse in- testinale des animaux supérieurs. Dans la Synapte où nous avons signalé des faits analogues, elle n'éprouve pas d'autres change- (x) Planche r, fig. I. (2) Planche 2, fig. 9. {3) Planche 1, fig. II; et planche 2, fig. 9 et 10. (4) Planche r, fig. II. (5) Planche x, fig. Ii. où A MIEHNsÉÉÉÉÉR Sn ns “0 QUATREFAGES. — Sur les Edivardsies. 89 mens, et en débouchant au dehors à l'extrémité postérieure, elle se trouve dans la condition de toutes les muqueuses propre- went dites. Mais dans les Edwardsies, il n’en est pas’ainsi. Après avoir fourni presque à elle seule les parois de l'intestin, elle se continue avec une membrane interne qui tapisse toute la cavité viscérale, et y forme divers replis qui maintiennent en place les parties que nous venons de décrire. Notre muqueuse semble donc ici se métamorphoser en séreuse en ce sens du moins qu'elle joue tout-à-fait le rôle du péritoine des Holo- thuries, et qu’elle se rapproche même sous bien des rapports de celui des animaux supérieurs. L'existence anatomique distincte de cette membrane périto- néale se reconnaît facilement sur des animaux frais. Il suffit de placer sous le compresseur et d'examiner à un fort grossisse- ment les parties transparentes du corps des Edwardsies. Lors- qu'on étudie des individus conservés dans l’alcool, on acquiert une certitude complète de sa non-continuité avec les autres tissus, car il suffit d’une traction ménagée pour en détacher des lambeaux très considérables sans altérer les parties qu’elle re- couvre, ce qui n'aurait point lieu si elle ne formait une mem- brane séparée. A l'intérieur de l'intestin et lorsqu'elle semble remplir en- core les fonctions de muqueuse, cette membrane se replie sur les cloisons, les dépasse comme nous l'avons dit plus haut, et fournit une enveloppe aux ovaires (1). La portion des cloisons qui n’est constituée que par elle s'élargit en arrière à mesure que la portion musculaire se rétrécit et se rapproche du tronc. Le péritoine semble ensuite se réfléchir sur lui-même et sur les cloisons pour tapisser l'intestin extérieurement, et alors il four- nit tout le long des lignes de pigment dont nous avons parlé des brides mésentériques qui correspondent par conséquent aux cloisons elles-mêmes, et qui fixent l'intestin aux parois du tronc (2). Ces brides sont assez largement espacées dans la par- tie postérieure du tube alimentaire, mais autour de la masse (x) Planche 2, fig. 9. (2) Planche x, fig. 1 90 QUATUEFAGES. — Sur les Edwardsies. buccale elles forment presque des cloisons complètes. Au mo- went où elles partent de leur point d’attache sur l'intestin, elles ont l’aspect d’un cordon irrégulier qui s’épanouit en une mem- brane extrémement fine avant d'atteindre les parois du tronc. Arrivées là, elles se continuent directement avec la portion du péritoine qui tapisse intérieurement celles-ci, et qui se prolonge jusque dans l’intérieur des tentacules en avant, jusqu’à l’ex- trémité postérieure en arrière. La structure intime de cette membrane nous a toujours paru la même, quel que soit le point où nous l’ayons observée. Elle est formée d’une substance homogène, transparente, à granula- tions extrêmement fines (1). Nous n'avons pu y reconnaître ces globules faciles à isoler et distincts des autres tissus que nous avions rencontrés dans le péritoine de la Synapte. Mais, en revanche, elle nous a présenté partout une contractilité aussi grande que dans ce dernier Zoophyte, bien que, pas plus dans un cas que dans l’autre, nous n’ayons pu y découvrir la moindre trace de fibres. Observations. Dans le mémoire sur la Synapte de Duvernoy, nous sommes entrés dans des détails assez circonstanciés sur l’action des muscles qui entourent la bouche et sur l’antago- nisme de leurs actions afin d’expliquer les mouvemens de ces diverses parties, Nous retro-vons ici des dispositions tellement analogues, que nous croyons inutile de répéter ce que nous avons dit à ce sujet. Observons seulement que l'absence de squelette circumbuccal a forcé les organes éleveurs de la masse pharyngienne à se porter jusqu’à l'enveloppe extérieure du corps, et qu’ils paraissent prendre leur point d'appui à l’espece de raphé circulaire formé par le sphincter de la bouche, l’origine des muscles longitudinaux du tronc et la racine des fibres longitu- dinales des tentacules. Remarquons en outre que la nature de ces organes éleveurs nous a paru assez ambiguë, et que nous ne saurions trop dire s’il y a là de véritables muscles, ou bien seulement des brides mésentériques plus épaisses remplissant (1) Planche 2, fig. 10. QUATREFAGES. — Sur les Edivardsies. 9t les fonctions d'organes musculaires en vertu de cette singulière contractilité que nous avons reconnue chez elles. La rétraction de la bouche jusqu’au fond de la cavité pharyn- gienne, et celle de cette dernière jusque vers le tiers postérieur de l'intestin s’observent assez souvent et nous montrent jus- qu'où peut être portée la contraction musculaire chez ces ani- maux inférieurs. Nous trouvons d'ailleurs lexplication de ces faits dans le point d'appui solide qu'offrent dans le premier cas le sphincter postérieur de la masse buccale et dans le second la partie postérieure du corps, aux muscles longitudinaux, soit du pharynx, soit de l'intestin proprement dit. Une disposition anatomique remarquable est la non-occlu- sion du canal digestif en arrière et sa hbre communication avec la cavité abdominale. Ce fait, bien facile à vérifier chez les Ed- wardsies, à cause de l’adhérence des cloisons au pourtour de cette cavité, vient singulièrement à l’appui de l’opinion des z00- logistes qui pensent que dans les Actinies vraies le tube digestif est un simple canal et non un sac alimentaire, et qui attribuent son occlusion apparente à la contraction des parties. Il est vrai- ment difficile de comprendre comment les parties solides ava- lées par l'animal ne franchissent pas certaines limites et ne pé- nétrent jamais dans la cavité abdominale. Il en est pourtant ainsi. J'ai souvent trouvé des Spirorbes nautiloïdes jusque vers l'extrémité postérieure de l'intestin, et j'ai cassé plus d’un verre de compresseur, en voulant examiner ces parties au micro- scope. Jamais je n’en ai rencontré au-delà. Au reste, ce fait, quelque singulier qu'il paraisse, est loin d’être le seul de ce genre que nous offrent les animaux inférieurs. Plusieurs Echino- dermes et Acalèphes, mais surtout les Alcyoniens, nous pré- sent des dispositions splanchnologiques analogues ou tout-à-fait semblables. La structure des couches musculaires de la masse buccale nous a présenté dans les Edwardsies une circonstance déjà si- gnalée par nous chez les Synaptes. Leurs fibres transverses et longitudinales sont parfaitement semblables et il n'existe entre elles aucune de ces différences si frappantes qu'on rencontre dans les muscles du tronc. 11 est vrai que dans les cloisons ova- 92 QUATREFAGES. — Sur les Ediwvardstes. riennes des Edwardsies, nous retrouvons des fibres élémentaires susceptibles de s’isoler ; mais ces organes, dont on ne trouve aucune trace dans les Synaptes, ne peuvent entrer en ligne comme termes de comparaison à cet égard. Nous avions déjà vu dans la Synapte les tégumens tapisser un orifice extérieur en se modifiant, pénétrer ainsi dans l’inté- rieur du corps et donner naissance au péritoine. Guidés par l’a- nalogie, nous en avions conclu qu’on pourrait peut-être supposer qu'avant de se transformer en membrane séreuse, ils passaient comme intermédiaire à l’état de membrane muqueuse. Cette manière de voir nous semble pleinement confirmée par ce que nous venons d'exposer de l’organisation des Edwardsies. Ici les tégumens modifiés tapissent l’intérieur du tube digestif où leurs fonctions ne peuvent être analogues qu'à celles des muqueuses des animaux supérieurs. Ils se continuent au-delà sans interrup- tion avec une membrane dont les replis enlacent et fixent tous les organes contenus dans la cavité abdominale. En d’autres termes, ils remplissent ici au moins une partie des fonctions qui, au sommet de l'échelle animale, sont l’apanage des séreuses. Ces rapprochemens ne sauraient, ce nous semble, être con- testés dans l'étendue des limites que nous leur assignons nous- mêmes, et sans revenir sur ce sujet, il nous suffira de rap- peler ce que nous avons dit plus haut à propos des tégumens. Mais ils peuvent donner lieu à une remarque que nous croyons essentielle, Dans la Synapte, dans les Edwardsies, le péritoine jouit d’une contractihité telle qu'on peut supposer, ce nous semble, à bon droit, qu'il doit, dans quelques circonstances, agir à la manière d’un organe musculaire. Alors même que cette faculté n'irait pas aussi loin, il n’en est pas moins vrai que cette contractilité établit entre lui et les séreuses proprement dites dont il est l’analogue une différence très marquée. L'existence de cette propriété chez les animaux inférieurs dans des tissus qui en sont entièrement privés chez les animaux supérieurs, est un foit tres important et dont il faut tenir grand compte dans l'appréciation des analogies organiques qu’on peut être conduit à discuter entre des êtres placés aux deux extrémités de l'échelle zoologique. Un des exemples les plus curieux en a été signalé ee de RE ne A Emme = 2 ag QUATREFAGES. —- Sur les Edivardsies. 93 par M. Doyère, dans son anatomie des Tardigrades. On sait que chez les Vertébrés les nerfs ne sont nullement élastiques, et que lors de la contraction des parties environnantes , ils se plissent plus ou moins régulièrement en zig-zag. Or, dans le Milnesium, ils restent constamment tendus par suite d’un retrait sur elle-même de la matière qui les compose. Est-ce une raison pour refuser le nom de système nerveux à l'appareil ainsi dési- gné par M. Doyère? Nous ne le pensons pas, et nous ne croyons pas non plus être trop hardis en appelant péritoine la membrane des Edwardsies dont nous parlions tout-à-l’heure , bien que sa contractilité la distingue sans contredit des séreuses qui portent ce nom dans les animaux supérieurs. $ IV. Organes de la génération. Les rapports anatomiques qui rattachent l'un à l’autre l'ap- pareil digestif et celui de la génération nous ont engagé à par- ler de ce dernier avant de nous occuper des fonctions de res- piration. Déjà, dans la description de l'intestin, nous avons fait connaître les singulières cloisons auxquelles sont suspendus les organes reproducteurs, et qui pourraient être regardés com- me une dépendance de ces derniers, aussi bien que comme ap- partenant à l'appareil de la digestion. 1l ne nons reste plus à étudier que les organes spécialement chargés d'assurer la pro- pagation de l’espèce, et qu'on désigne généralement dans les Actinies sous le nom peut-être un peu trop précis d’ovaire. Ovaires. — Yes ovaires des Edwardsies se présentent à l’œil nu sous la forme de cordons jaunätres attachés le long du bord libre des cloisons intestinales, s’en détachant à une certaine distance de leur extrémité, et flottant alors librement dans la cavité abdominale (1). Ici, comme chez la plupart des animaux voisins, comme chez la Synapte et les Actinies proprement dites, ces cordons sont agités de mouvemens propres, ce qui fait qu'ils se tordent et s’entrelacent souvent de diverses manières. La cause de ces monvemens paraît étre surtout la présence de {15 Planche x, fig. IE, 94 QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. cils vibratiles assez longs et très serrés (1) qui hérissent en tous sens la portion du péritoine qui enveloppe les ovaires et les rat- tache aux cloisons abdominales, comme nous l'avons déjà dit. Sous cette couche externe on distingue à l’aide d’un fort gros- sissement la paroi propre des ovaires qui est extrémement mince et dans laquelle je n’ai pu distinguer de fibres muscu- laires. Le tissu propre de l'organe reproducteur présente trois couches concentriques distinctes. L’extérieure (2) est formée de cellules allongées qui rayonnent du centre vers la circonfé- rence et dont l'aspect rappelle assez celui des organes sécréteurs des Acicules. Ces cellules semblent être indépendantes les unes des autres : on peut les séparer et les faire flotter isolément dans le liquide. Elles sont composées d’une enveloppe extérieure renfermant une substance parfaitement diaphane et homogène. Au-dessous de cette première couche s’en trouve une seconde assez mince, d'un aspect granuleux et comme glandulaire (3). Enfin, la partie centrale du cordon est occupée par l'ovaire proprement dit qui semble être composé d’une substance dia- phane à granulations trés fines, au milieu de laquelle se déve- loppent les œufs. (4) Les premières Edwardsies que j'examinai vers le milieu du mois d’août ne présentaient au centre des cordons ovariens que des petits groupes de globules assez irréguliers , mais dans les- quels je crus pourtant reconnaître les rudimens d’un vitellus en voie de formation. La suite me prouva que je ne m'étais pas trompé, et vers la fin du même mois, je rencontrai des œufs entièrement formés. J'ai pu y reconnaitre distinctement une enveloppe extérieure séparée du vitellus par une couche mince- transparente (albumen?); le vitellus composé de granules jau- nâtres à demi opaques; la vésicule de Purkinje avec son enve- loppe propre; enfin, sur quelques-uns je crus distinguer, quoi- que avec beaucoup de peine, une tache germinative de Wagner. {1) Planche à, fig. 9 et 10, f. (2) Planche à, fig. 9, e, et fig. ro, à, ü, (3) Planche à, fig. 9 et ro, 4. (4) Planche 2, fig. 9, d, etfig co, £- QUATREFAGES. — Sur les Edvardsies. 95 A cette époque, le diamètre des œufs était d'environ : de mil- limetre. A mesure que les œufs prennent de l'accroissement, on voit, comme dans les Synaptes, les cordons qui les renferment aug- menter aussi en tous sens. Les premiers que je mesurai avaient à peine un demi-millimètre en diamètre, et plus tard, j’en trou- vai qui avaient plus de trois quarts de millimètre, En même temps leur transparence diminue et leur couleur se fonce da- vantage par suite du développement d’un pigment roussâtre à grains trés fins et très serrés qui se montre à leur surface. Je n'ai pu du reste retrouver ici le phénomène si remarquable que m'avaient offert les ovaires de la Synapte, c'est-à-dire l’ap- parition de fibres musculaires longitudinales et transversales dans l'épaisseur des parois enveloppant les appareils généra- teurs. Observations. Dans ce que nous venons de dire de l’appareil de la génération chez les Edwardsies, on voit qu'il n’est nulle- ment question de l'organe mâle. Malgré tous nos efforts, nous n'avons pu parvenir à le découvrir; et ce n'est que par analogie que nous pouvons présumer qu'il existe. L'organisation que nous venons de décrire ressemble d’une manière frappante à celle que nous a présentée la Synapte de Duvernoy. Or, dans ce dernier Zoophyte, le testicule enveloppe l'ovaire sous la forme de mamelons stalactiformes qui semblent faire partie des parois de cet organe. Peut-être nous sera-t-il permis de sup- poser que les nombreuses cellules que nous venons de voir chez les Edwardsies occuper la place de ces mamelons en sont ici les représentans, et que l'absence des zoospermes tient unique- ment à la saison pendant laquelle nous faisions nos recherches. A l’époque où nous avons dù les interrompre, les œufs étaient loin d'être encore bien avancés, et l’on se rappelle peut-être que dans les Synaptes les zoospermes n’apparaissent que lorsque les œufs qu’ils doivent féconder ont déjà acquis un développement assez considérable. 96 QUATREFAGES. — Swr les Edivardsies. $ V. Appareil respiratoire. Nous considérons avec tous les naturalistes les tentacuies comme l'organe essentiel de la respiration ; mais nous ne sau- rions les regarder comme étant seuls chargés de s'acquitter de cette fonction. Dans les Edwarsies , comme dans les Synaptes , la cavité abdominale nous paraît appelée à remplir un rôle ana- logue. Ce fait, contestable peut-être dans l'Holothuride qne nous venons de citer, nous semble évident chez nos Actiniaires, où l’intérieur des tentacules n’est qu'un prolongement de la cavité dont il s’agit. I. Tentacules. Dans la première partie de ce travail , nous avons décrit la forme extérieure des tentacules , telle qu’on l’observe à l’œil nu. Il nous reste à faire connaître leur struc- ture anatomique. Il faut dans cette recherche employer le microscope et le compresseur. À l’aide de ces instrumens, on reconnaît facilement que les tentacules sont des cônes creux, dont les parois sont composées de plusieurs couches et dont l'intérieur communique librement avec la cavité abdominale. On acquiert en même temps la certitude que lextrémité de ces organes n’est nullement perforée, mais que la cavité centrale s’y termine en cul-de-sac arrondi. Les tentacules ne sont pas des tubes, mais de simples cœcums s’ouvrant à l’intérieur même du corps et dont l'extrémité , bien loin de présenter la moindre trace d’un orifice quelconque offre , au contraire , un épaissis- sement très sensible dans ses parois. (1) QG) PL 1, fig. nretiv, Pl, 2, fig. rx et 12. Les auteurs qui se sont occupés de l’anatomie des Actinies ont en général adopté l'opinion de Rapp, qui pense que l'extrémité des tenta- cules est toujours perforée chez ces Zoophytes, et que c’est par là qu'elles introduisent dans leur intérieur l’eau qui les distend d’une manière quelquefois si extraordinaire. Rapp a ajouté que, lorsque l’animal se contracte , il fait jaïllir assez loin l’eau qui ressort par ces ouvertures. J'ai quelquefois observé quelque chose de semblable; mais, en examinant la chose de plus près, je n’ai pas tardé à reconnaitre que ce jet de liquide s'échappait de quelque déchirure.produite soit par moi-même, soit par une contraction trop violente de l’animal. M. Ehrenberg , le premier, a mis en doute la perforation des tentacules pour le genre Cribine, et M, Dujardin ne l'a admise qu'avec doute pour les Actinies ordinaires. Voulant comparer ces dernières avec les Edwardsies, j'ai examiné les tentacules de toutes les espèces que j'ai pu observer sur les côtes de la Manche, et , chez toutes , j'ai trouvé la même orga— D QUATREFAGES. — Sur les Edivardsies. 97 En arrivant sur les tentacules, les técumens semblent se con- fondre ainsi que nous l'avons dit plus haut ; mais cette fusion n'est qu'apparente comme le démontre le phénomène de la mue, qui se manifeste là comme dans le reste du corps. Cette couche dermo-épidermique est hérissée de myriades de spicules (1). Au- dessous se trouvent deux couches musculaires excessivement minces, dont l’analogie seule nous indique la superposition et dont les fibres , très difficiles à distinguer à l’aide des plus forts grossissemens, se croisent à angle droit (2). L'intérieur est tapissé par une membrane à peine perceptible, et qui n’est autre chose qu'une prolongation du péritoine pénétrant , comme nous l’avons déjà indiqué, jusque dans l'organe respiratoire. Cette membrane , incolore dans la plus grande partie de son étendue, présente dans le point où elle tapisse le cul-du-sac terminal du tentacule des couleurs qui varient selon les espèces. Dans V£. de Beautemps, le fond du cul-de-sac est tout-à-fait opaque et d’un jaune roussäâtre, passant bientôt à un beau jaune d’or(3). Dans l’Zftimide , le même point est légèrement rosé (4). 11 est brun-roussâtre dans l'E. de Harasse. Dans ces deux dernières espèces, la teinte, toujours plus foncée antérieurement, s’affai- blit rapidement en arrière, pour faire place à une entière trans- parence au-delà de ces points colorés. Tout l'intérieur de la cavité tentaculaire est tapissé de cils vibratiles d'une petitesse extrême et qui paraissent être la cause immédiate des mouve- mens qu'on observe dans le liquide. A la base de chaque tentacule se trouvent à droite et à gauche deux renflemens arrondis antérieurement , se terminant en pointe en arrière, transparens, mais circonscrits par une ligne opaque de la méme couleur que le mamelon ou plateati termi- nisation que daus les nouveaux Zoophytes, qui font l'objet de ce travail. Daus un autre Mémoire , je reviendrai avec plus de détails sur ce fait, que je n'indique ici qu’afin d'éviter qu'on regarde cette nou-perforation comme un caractere exceptionnel et propre aux Ed- wardsies. (1) Planche 2, fig. 11, d, d. (a) Planche 2, fig. 11,4, (3) Planche 1 , fig. rar. (4) Planche 7, fig. 1v. XVI, Zoo — Août, : 98 QUATREFAGES. — Sur les Edivardsies. nal (1). Ces renflemens renferment de nombreux grains de pigment, de forme irrégulière, qui ont jusqu’à -; de milli- mètre d'épaisseur. Chacun d’enx est composé (2) d’une enveloppe extérieure, en général mamelonnée , transparente , incolore, renfermant des granules sphériques de := de millimètre. Ces granules sont toujours plus ou moins opaques et colorés, c’est à eux que le pigment doit la teinte qui le caractérise. Il est d'un beau carmin dans les renflemens , dont nous parlons chez l'£. de Beautemps, rosé chez l'E. timide et d’un brun clair chez VE. de Harasse. À la base du tentacule, et , à la face externe de sa cavité, on en trouve un amas considérable, formé de grains plus petits et plus serrés , qui se prolonge en trainée jusque dans la partie antérieure du corps(3). La couleur en est violette dans l'Z. de Beautemps, rosée dans l'£. timide et brunâtre dans VE. de Harasse. En soumettant à l’action de quelques réactifs le pigment dont nous parlons , nous avons obtenu des résultats qui nous paraissent assez remarquables. Traité par l’acide sulfurique concentré, ses couleurs s’avivent d’abord , puis pälissent , et les granules, aussi bien que les autres tissus, se trouvent réduits, au bout de huit à dix heures , en un magma globulineux blan- châtre, qui ne présente aucune trace de carbonisation. Les tissus de la Synapte nous avaient déjà présenté un fait analogue. Vacide acétique n’a qu’une action assez peu marquée sur le pigment dont il altère et affaiblit les couleurs, sans dissoudre les granules eux-mêmes. Enfin , et ceci est plus curieux, en pla- çant des tentacules dans une dissolution alcoolique de po- tasse (4), exposant à une chaleur assez considérable, et laissant macérer pendant dix heures, nous avons dissous tous les tissus des organes mis en expérience; mais les grains de pigment n’ont (1) Planche 7, fig. rn, (2) Planche £ , fig. vi et vire (3) Planche tr, fig. rer. (4) Pendant mon séjour à Chausey, j'avais demandé par écrit à un pharmacien de Grand- ville uue dissolution concentrée de potasse à l'alcool : il m'envoya une dissolution alcoolique de potasse, Je ne pense pas que la nature des véhicules ait pu influer sur le résultat dont il s'agit ici d'üne manière uotable. ot - Q “NS SE QUATREFAGES. — Sur les Edivardsies. 99 nullement été attaqués : seulement les grains rouges et violets avaient légèrement pâli; mais ceux dont la couleur était brune ne paraissaient pas avoir changé de teinte. Cette innocuité de la potasse sur des corps dont le tissu très flexible est d’ailleurs essentiellement organique puisqu'il résiste à Faction des acides, est une nouvelle preuve de ce que nous avons déjà eu occasion de dire sur l'intérêt que présenterait sans doute l'étude chi- mique des animaux inférieurs. Il. Cavité abdominale ou viscérale. Nous donnons ce noin à l'espace circonscrit par les parois du tronc et au milieu duquel flotte le tube digestif. Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons déjà dit à son sujet en parlant des divers organes qu’elle renferme. Rappelons seulement que les cavités tentaculaires n’en sont que des prolongemens, et qu'elle est tapissée dans toute son étendue par le péritoine, qui, là comme ailleurs, est sans doute recouvert de cils vibratiles. Observations. En décrivant les tentacules, nous avons parlé de courans que présente le liquide renfermé dans leur cavité. Ces courans ne sont pas toujours visibles; pour qu’il en soit ainsi , il est nécessaire que de petits corps légers soient tenus en suspension et puissentservir d'indice par leurs mouvemens. Cette circonstance est assez rare; mais toutes les fois qu’elle s’est pré- sentée et que j'ai pu par suite faire des observations à cet égard, j'ai été témoin d’un fait assez singulier: ’estque ces courans n’ont rien de régulier, et que souvent il s’en forme, dans un même ten- tacule, plusieurs tout-à-fait indépendans les uns des autres. Ainsi j'ai observé dans une Edwardsie timide jusqu’à quatre sortes de mouvemens entièrement distincts ou même opposés (1). A l'extré- mité antérieure se trouvait un courant circulaire, dont la di- rection était de droite à gauche. En arrière de celui-ci j'en ‘percevais un second également circulaire, mais à direction opposée. À la base se trouvait en dehors un courant ascen- dant, auquel en correspondait un autre, longeant la paroi interne et se dirigeant de haut en bas. Entre ces deux derniers, le liquide était animé d’un simple mouvement de va-et-vient. ty Pla Be LE 1) Plauche 2, fig. 19. 100 QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. Cette espece de tourbillonnement ne peut s'expliquer qu’en supposant les cils vibratiles parfaitement indépendans les uns des autres dans leurs mouvemens : et, comme ceux-ci changent assez souvent de direction , ce que nous indiquent les courans qui en résultent, il est peut-être permis de regarder ces cils comme des organes soumis à l’action de la volonté. Cette con- clusion est peut-être hasardée dans l'application actuelle; mais nous rappellerons qu’on ne saurait la contester lorsqu'il s’agit de quelques grands Infusoires et surtout de certaines Planariées, où les cils servent à la locomotion. On voit chez ces derniers l'animal modifier la direction du mouvement de ces organes chaque fois qu’il veut changer de route. J'ai pu faire des obser- vations toutes semblables chez quelques petites Annelides errantes et sur d’autres animaux microscopiques. TROISIÈME PARTIE. AFFINITÉS ZOOLOGIQUES. — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. SI. 4 ffinites. Bien que les Actinies proprement dites n'aient pas encore été décrites avec tous les détails dans lesquels nous sommes entrés au sujet des Edwardsies, il n’en est pas moins évident qu’il y a entre ces deux genres des rapports tels qu’on ne saurait les pla- cer à une grande distance. Les Edwardsies sont des Actinies, mais dans lesquelles la forme extérieure , plus peut-être que l'anatomie intérieure, a subi des changemens sensibles, il est vrai, mais pas assez considérables pourtant pour que le type primitif ait complètement disparu. Il n'est pas sans intérêt de rechercher si, au milieu de ces changemens , il ne s’en trouve pas un qui ait nécessité tous les autres ; de voir si! existe un fait dominateur qui, venant à in- tervenir chez une Actinie ordinaire, entraïînerait comme consé- quence l’ensemble de modifications d’où est résulté le type nouveau des Edwardsies. Ce fait, nous croyons l'avoir trouvé dans cette seule circonstance, si peu importante en apparence, que la partie moyenne du corps s’est revètue d'un épiderme plus épais et plus solide que celui qui couvre le reste de l’ani- a QUATREFAGES. — Sur les Edaardsies. 10F mal. En effet, chez les Actinies ordinaires , les couches muscu- laires sont semblables et de même force dans toute l’étendne du corps. Nos Edwardsies présentent la même disposition, et de là résulte pour les unes et les autres, au moment d’une contraction générale, un effort à-peu-près égal partout. Chez les premières, cet effort exercera une action égale sur toutes les parties; car il n'existe aucune cause, qui puisse le contrebalancer nulle part, si ce n'est au pied, qui demeure fixé et sert de point d'appui à tout le système. De là, cette forme hémisphérique dont elles se rapprochent plus ou moins lorsqu'elles se contractent sur place, et mieux encore lorsqu'on les détache de vive force. De là, du moins , la contraction égale qu'éprouvent toutes les parties, et qui semble réduire une cribrine de deux ou trois pouces à un petit cylindre de quelques lignes de longueur. Chez nos Edwardsies, il n'en est plus de même. La solidification de la partie moyenne a pour effet immédiat de rendre cette partie plus rigide, par conséquent moins propre à se prêter à la contraction des couches sous-jacentes , et en même temps de fournir un point d'appui central aux muscles qui vont aux extrémités. Il en résulte que, lorsque l’animal se contracte , la partie moyenne se raccourcit beauconp moins , et que l'effort général de concentration se change en un effort de traction exercé sur les extrémités, qui ne font qu'obéir à une loi toute mécanique , en se retirant jusque sous la partie moyenne du corps. Le pied large et charnu des Actinies se serait évidemment opposé à la rentrée facile de l'extrémité postérieure. Il a dû être modifié, et, eu effet, nous le voyons disparaître presque complètement. L’atrophie des pieds rendait impossible pour les Edwardsies le mode de locomotion qu’on observe chez les Actinies, qui changent de place, quoique très lentement, à l’aide des con- tractions des muscles qui le composent. Dès-lors , la rep- tation devenait nécessaire chez des animaux apodes destinés à se mouvoir sur des corps solides; nous avons vu que telle était l'espèce de locomotion dont jouissaient nos Zoophytes. Pour que la reptation fût de quelque utilité, où même seule- ment qu'elle fût possible, il fallait que le corps présentât cette 102 QUATREFAGES. — Sur les Edivardsies. forme allongée qu'on retrouve chez tous les animaux véritable- ment rampaus : les Edwardsies sont vermiformes. Enfin, le pied des Actinies semble avoir pour fonction moins peut-être de servir aux mouvemens de transport de l'animal, que de le fixer solidement pour qu'il puisse résister à l'impulsion des flots. De là pour elles la possibilité de vivre en pleine eau sur les roches où les vagues battent avec le plus de,violence. Les Euwardsies, privées de cet organe essentiel d'adhésion, eussent été bien vite entrainées. Aussi s’enfoncent-elles dans le sable à une profondeur suffisante pour se mettre à l'abri de l'agitation du liquide dans lequel elles sont d’ailleurs destinées à vivre. Ainsi la rétractilité des deux extrémités du corps a pour cause la solidification de l’épiderme sur la partie moyenne. À son tour elle entraine la disparition du pied, et l'absence de cet organe nécessite les changemens que nous avons signalés dans la forme générale du corps, l'habitat et le mode de locomotion. Tant il est vrai que tout se tient, que tout s'enchainé dans un orga- nisme , et qu'une modification, quelque légère qu’elle paraisse au premier coup-d’œil, peut souvent changer entièrement toutes les conditions d'existence. Quels que soient au reste la cause et l’enchainement des faits morphologiques que nous venons de rappeler, il est évident qu'ils doivent éloigner les Edwardsies du type primitif dont elles émanent ; mais de cette conséquence même résulte l’éta- blissement d’affinités nouvelles que nous allons indiquer rapi- dement. Nous avons déjà signalé en passant quelques-uns des rapports qui existent entre les Edwardsies et les Siponcles. Même forme générale, même manière de vivre dans un même milieu , même mode de locomotion tenant à des dispositions presque sem- blables des organes du mouvement. Ces ressemblances sont d'autant ‘plus curieuses que l’anatomie des Siponcles, mieux connue que du temps de Cavier, les a fait rapporter à bon droit, ce nous semble, de l’'embranchement des Rayonnés à celui des Articulés, et qu'on devait par conséquent les supposer encore OS QUATREFAGES. — Sur Les Édivardsies. 103 plus éloignés qu'on v’aurait pu le croire auparavant, d'animaux aussi franchement radiaires que les Actinies. Les rapports des Edwardsies avec les Holothuries par Finter- médiaire des Synaptes, ne sont pas moins remarquables. Dans le cours de ce mémoire, nous avons signalé à diverses reprises les analogies apparentes qui existent entre ces deux genres de z00- phytes. L'étude approfondie que nous avons cherché à en faire nous æ permis de pousser cette comparaison jusque dans des dé. tails d'organisation intime. Nous ne reviendrons pas ici sur ces faits dont nous venons de parler. Nous ferons seulement obser- ver combien ils viennent à l'appui de ce que nous disions dans notre Mémoire sur la Synapte de Duvernoy, sur la convenance qu'il y aurait peut-être à rapprocher plus qu’on ne le fait les deux grandes familles des Holothuries et des Actinies, et à en revenir aux idées de Lamarck. Tels sont les rapports qui rattachent les Edwardsies à des fa- milles généralement regardées comme leur étant supérieures dans l'échelle zoologique. Voyons maintenant ceux qui les unissent aux principales divisions de la grande famille des Acti- nies , dont elles sont une dépendance. L'organisation des Actinies est encore assez peu connue dans ses détails , et les recherches que nous avons faites à cet égard laissent encore quelques lacunes que nous espérons remplir plus tard. Nous nous bornerons ici à des considérations très gé- nérales. Cette organisation est, si l'on peut s'exprimer ainsi, à-la- fois plus simple et plus complexe qu’on ne l’a cru généralement. Plus simple en ce que le nombre des organes est moindre que ne Font admis quelques naturalistes; plus complexe en ce que la composition de ces organes est loin de présenter.cette extréme simplicité qu'on serait tenté d'admettre d’après un premier coup-d'œil. Pour n’en citer qu'un exemple, nous rappellerons ce que nous avons dit des tentacules, qui, du moins dans les espéces que nous avons pu examiner, n’ont bien certainement pas d’orifice aquifére à leur extréraité, et qui présentent dans leurs minces parois les mêmes couches au nombre de cinq, que nous avons trouvées chez les Edwardsies. Nous ajouterons que, dans les Actinies et nos Zoophytes, le nombre et la disposition 104 QUATREFAGES. — ur les Édwardsies. des couches tégumentaires et musculaires présente à tres peu près la mème disposition. Il y a donc de grandes ressemblances entre ces deux genres; mais on rencontre aussi des différences marquées, parmi lesquelles nous citerons le nombre et la dispo- sition des cloisons , des ovaires, etc. Nous n'avons voulu parler dans ce qui précède que du genre Actinie , tel qu'il a été limité par M. de Blainville. Les ressem- blances ou les différences pourraient devenir plus nombreuses et plus importantes dans quelques autres genres appartenant à cette même division des Zoanthaires mous , et qui nous viennent eu général des mers éloignées, Il se pourrait fort bien, par exemple , que les singuliers tentacules des Actinodendres pré- sentassent des particularités anatomiques aussi dignes de fixer l'attention que leur forme extérieure. Mais nous manquons malheureusement de renseignemens à cet égard. Nous regrettons également d'en être réduits à de simples conjectures dans la comparaison que nous aurions aimé à établir entre les Edwardsies et les Zoanthes, les Corticifères, et nous ne pouvons que présumer d'aprés les figures données par M. de Blainville que la disposition du tube digestif des ovaires et de leurs cloisons présente les plus grands rapports. Nous trouvons un terme de comparaison plus complet dans les Alcyoniens dont l'anatomie est aujourd’hui bien connue par suite des beaux travaux de M. Edwards, et un examen un peu attentif fait bien vite reconnaître les rapports étroits qui unissent ces Rayonnés à nos Edwardsies. Chez les unes et les autres, nous trouvons {une partie antérieure transparente à tissus tres déli- cats , exsertile et rétractile dans une portion du corps placée en arrière, dont les enveloppes plus solides sont évidemment destinées à jouer un rôle de protection. Dans les deux genres, le tube digestif, largement ouvert en dedans, communique sans obstacle avec une cavité viscérale, où flottent des ovaires au nombre de huit. Ceux-ci sont également une dépendance d’au- tant de cloisons, qui, chez les Edwardsies , atteignent l’extré- imité postérieure, comme chez les Alcyonides, elles se prolon- gent jusque dans la partie commune du Polypier. Les relations des tentacules avec le reste de l'organisme paraissent être les QUATREFAGES. — Sur les Edivardsies. 10) mêmes chez les uns et les autres, et, quant à leur forme simple chez les Edwardsies, pinnée chez les Alcyonides , ce caractere tout extérieur n'est certes pas d’une grande importance dans des considérations du genre de celles qui nous occupent en ce moment. La seule différence anatomique réelle nous est présen- tée par le tube digestif, qui est simple chez les Alcyonides et. qui présente deux cavités distinctes chez les Edwardsies. Enfin, l'état d’agrégation et de fixation permanente des premiers, l’iso- lement et la liberté dont jouissent les secondes, ne permettraient en aucun cas de les confondre. Il résulte de ce qui précède que le genre nouveau dont nous faisons l'histoire présente plus de rapports qu'aucune autre Actinie connue jusqu'a ce jour avec les dernières familles de lembranchement des articulés, qu'il a de grandes affinités avec les Holothuries apneumones, et que, d’un autre côté, il sert de passage des Actinies proprement dites aux Alcyoniens. Il nous est peut-être permis d'espérer qu'à ces divers titres l'examen que nous venons de faire pourra intéresser les naturalistes. S II. Considérations générales. Malgré des recherches aussi minutieusement faites qu’il nous a été possible, tant sur des animaux frais que sur des individus conservés dans l’alcool, nous n’avons trouvé chez les Edward- sies aucune trace de système nerveux. Nous n'insisterons pas davantage ici sur cette non-réussite, que nous ne l'avons fait dans notre mémoire sur la Synapte. A en juger par ce que nous voyons au sommet de l'échelle zoologique , l’exis- tence de muscles bien délimités, à fibres élémentaires distinctes, paraitrait nécessiter celle d’un système nerveux destiné à leur Communiquer ce stimulus, qui semble étre la cause immédiate des phénomènes de contraction. Mais nous craindrions de nous laisser entrainer trop loin parces analogies tirées d'êtres par trop élevés, et nous préférons en rester au doute philosophique. Indépendamment d'un système nerveux, Spix avait décrit chez les Actinies un appareil circulatoire et de nombreux vaisseaux. Il m'a été également impossible de retrouver ces organes chez les 106 QUATREFAGES. — Sur les Edwardsies. Edwardsies. Je crois d'ailleurs ètre d'autant plus fondé à nier leur existence que la structure anatomique de nos Zoophytes semble indiquer un plan propre à y suppléer. En effet , l’eau qui s’in- troduit par la bouche pareourt le tube digestif dans toute son étendue et lave, en passant, tontes les matières soumises à l’acte de la digestion. Elle se charge nécessairement de la portion des alimens déjà réduits à l’état de chyme. Par le fait de ce mélange celte eau, naguere corps entierement inorganique, se trans- forme en quelque sorte en fluide nourricier, et, en pénétrant dans les parties profondes de l'organisme, elle y apporte les matériaux nécessaires à la nutrition. Un système circulatoire spécial devient des lors bien inutile, puisque les parois si minces du corps, les cloisons délicates des ovaires ; en un mot, tous les organes sont plongés dans un véritable bain alimentaire. Une circonstance, qui vient à l'appui de cette manière de voir, c'est que ceite eau, ainsi animalisée , semble soumise aux mêmes conditions que le fluide nourricier de presque tous les animaux, et que, comme un véritable sang, elle doit subir dans les teutacules, organes essentiels de respiration, l'influence vivi- fiante et réparatrice du liquide ambiant. Nous pourrions reproduire ici les réflexions que nous avons faites ailleurs sur l’espece de contractilité ou d’élasticité répan- due dans tous les tissus de notre Radiaire ; mais nous préfé- rons renvoyer à notre mémoire sur la Synapte. Observons seulement que ces phénomènes ne se présentent avec toute feur intensité chez les Edwardsies que dans les parties du corps que ne recouvre pas un épiderme par trop épais , et que celui-ci parait entièrement privé de ces propriétés si désagréables pour l'obseryateur anatomiste, Le tissu musculaire des Edwardsies nous a présenté toutes les modifications que nous avions trouvées dans les Synaptes. Dans ces deux genres de Radiaires, nous avons vu la fibre élémentaire éprouver une dégradation progressive jusqu’à sa fusion presque complète dans la gangue transparente qui enveloppe tous les tissus. Dans lun et dans l'autre , nous avons vu le péritoine , où rien ne décele la moindre trace de fibres, se contracter indit- féremment en tous sens. Nous n’ajouterons rien aux réflexions QUATREFAGES. — Sur les Ediwardsies. 107 que ces faits nous ont suggérées , et que nous ne pourrions que répéter ici. Le faible diametre des fibres élémentaires des muscles, le peu d'épaisseur de ces derniers nous ont permis d'observer à diverses reprises le phénomène de la contraction Toujours il s'est présenté à nous avec les mêmes circonstances que nous l'avons vu se produire dans les muscles longitudinaux du tronc ou dans ceux des cloisons ovariennes. Ces observations sont, an reste, faciles à répéter, en employant le compresseur. A l’aide de cet instrument , on reconnait sans peine que, dans un muscle qui semble se contracter en entier, toutes les fibres sont loin de prendre part à l'effort, et que même plusieurs des faisceaux élémentaires restent souvent inactifs. On distingue facilement ces derniers au plissement en zig-zag qu'ils éprouvent par suite du raccourcissement des faisceaux voisins et à l'absence de stries transversales sur les fibres qui les composent (1). À mesure que la contractilité s'éteint dans un muscle, le nombre des fibres qui concourent à produire ses mouvemens diminue proportion- nellement ; mais celles qui continuent à se contracter paraissent le faire avec autant d'énergie qu'auparavant. On pourrait con- clure de ce qui précède que, dans la contraction musculaire, l'effort produit dépend surtout du nombre de fibrés qui entrent en action, et que la force des muscles s’amoindrit et finit par disparaître, non pas tant parce que la contractilité de toutes leurs fibres diminue , que parce que le nombre de celles qui fonctionnent réellement devient de plus en plus petit. On dirait que chacune de ces fibres élémentaires jouit de sa vie propre et indépendante, et que, bien loin d’être solidaires à cet égard, elles meurent l’une après l'autre. Un äutre fait que j'ai pu également constater bien des fois, c'est que la contraction ne s'exerce pas à-la-fois dans toute l'étendue d’une fibre élémentaire, que souvent elles présentent sur une longueur peu considérable des espaces alternativement contractés et relâchés. Ainsi , dans des fragmens d'un demi-milli- mètre de longueur environ, j'ai vu souvent les extrémités entrer 8 (1) Planche à, fig. 108 QUATREFAGES. — Sur les Ediwardsies. en contraction, sans que la partie moyenne y prit part. Dans. d'autres circonstances, c'était, au contraire, cette dernière qui entrait en action, et les extrémités qui demeuraient inactives (1). L'apparition des stries transversales, le renflement assez sensible: de la portion contractée permettaient de distinguer facilement ces diverses circonstances. Pendant que je faisais ces observations dans l'ile de Chausey sur des animaux placés aux derniers degrés de l’échelle zoolo- gique, M. Bowman communiquait à l’Académie des faits ana- logues constatés par lui chez des animaux supérieurs, faits dont Je n’ai pu avoir connaissance qu’à mon retour à Paris. Cette concordance dans les résultats obtenus par deux observateurs qui ne se connaissent pas et qui se trouvaient placés dans des conditions si différentes, nous semble offrir de grandes garan- ties d’exactitude. Une autre conséquence à tirer de cet accord remarquable, est qu’on y trouve une nouvelle preuve de la simplicité , de l'unité des lois physiologiques qui régissent les êtres organisés, quelque éloignés qu’ils puissent être d’ailleurs les uns des autres par les modifications morphologiques de l'organisme. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 1. Fig. 1. Edwardsie de Beautemps, de grandeur naturelle. © Fig. ir. Appareil digestif, grossi. A la partie supérieure, on voit les tentacules et la portion ‘transparente antérieure du corps presque complètement contractés. Puis vient le bulbe æsophagien, sur lequel des traînées de pigment dessinent des espèces de côles. Au- dessous, on voit lintestin très large formé d'une membrane extrèmement mince que par- courent des bandes d'un pigment blanc. Ces bandes indiquent les points d'attache des muscles qui entrent dans la composition des cloisons ovariennes. Au point où l'intestin s'ouvre dans la cavité péritonéale, on voit les ovaires qui flottent sous la forme de cordons. Tout-à-fait en arrière et dans la portion transparente postérieure du corps , on distingue les prolongemens des cloisons ovariennes, Fig. ar. Tentacnle de l'E, de Beautemps, grossi. On reconnait que le tentacule est imperforé à son extrémité, Vers sa base, on aperçoit une masse de pigment, dont la couleur est violette. Dans le reuflement placé à gauche, on distingue des grains de pigment violets (x) Planche 2, fig. 9, a. QUATREFAGES. — Sur les Ediwvardsies. 109 ‘et d'un rouge carmin, dont le diamètre est plus considérable. Au-dessus se trouve une portion du mamelon buccal. Fig.1v. Extrémité d'un tentacule de l'E. timide, montrant la terminaison de la cavité tentaculaire imperforée. Fig. vet vr. Grains de pigment. Fig. vx. Ovaire et cloison ovarienne, Vus par transparence et grossis. L’ovaire tient à la cloison par une membrane extrêmement fine. On voit dans la cloison les fibres musculaires longitudinales | cachées sur les deux bords par deux trainées épaisses de pigment blanc “disposé en buissons, PLANCHE 2. Fig. t. Edwardsie timide. — a,a, Tentacules; b, Portion transparente antérieure ; <, Portion muqueuse ou opaque. Fig. 2. Edwardsie de Harasse. — Les mèmes lettres ont la même signification que dans la figure précédente. Fig. 3. Portion d'épiderme de l'E, de Beautemps , vu par réflexion. 30 diamètres. Fig. 4. Acicule , 300 diamètres. —@ , Bulbe ou organe qui renferme le filament acicu- laire ; 4, ce filament. Fig. 5. Les mêmes organes contractes. Fig. 6. Les mêmes, vus à un grossissement de 600 diamètres. Fig, 7. Fibres musculaires des muscles longitudinaux , 300 diamètres. — a, a, Fibres ou portions de fibres pendant la contraction. — &, à, Les mêmes non contractées. Fig. 8. Portion de muscle longitudinal, 300 diamètres. — a, a , Faisceaux qui se con- tractent, — 2, D, Faisceaux non contractés, obligés de se plier en zig-zag, par suite du rac- courcissement des faisceaux voisins, Fig. 9. Coupe transversale d'un ovaire et de sa cloison. —a, a, Membrane de l'intestin ; — b, Muscles longitudinaux, coupés transversalement ; — €, Organe glandulaire? — d, Sub- siance propre de l'ovaire, — e, Mamelons testiculaires ?— f, Prolongement du péritoine, qui entoure l'ovaire et la cloison et qui est hérissé de cils vibratiles partout où il n’est pas couvert du pigment g. : Fig. 10. Ovaire granide. — a, Portion musculaire de la cloison; — à, Organe glandu- laire?— c, Pigment. — d, Péritoine.— e, Portion de la même membrane tapissant l'ovaire et hérissé de cils vibratiles. — g, OEufs. — À, k, Corps glanduliforme, formant une gaine à l'ovaire proprement dit. — i, r, Mamelons tentaculaires? Fig. 11. Extrémité d'un tentacule vue à un grossissement de 150 diamètres. — a, Epiderme ou épithélium externe. — b, Fibres musculaires longitudinales et transversales, se croisant à angle droit, — c, Cavité tentaculaire, — d, d, Organes aciculaires, Fig. :2. Tentacule, présentant, dans le liquide qu'il renferme, trois courans différens et simultanés. 110 DUVERNOY. — Sur l'animal de l’Onguline. Mémoire sur l'animal de lOnguline couleur de laque (Ungu- lina rubra Daup.) et sur les rapports de ce Mollusque acé- phale, Par M. G. L. Duverwor. ( Lu à l’Académie des Sciences, le 8 novembre 1841.) J'espère démontrer, par un nouvel exemple, combien il im- porte de connaître les animaux que protègent les coquilles, et dont elles ne sont qu’une partie tégumentaire, pour classer les mollusques testacés dans leurs véritables rapports. Les détails descriptifs que renferme ce mémoire devront faire ressortir tout naturellement ces idées de rapport , au sujet de l'Onguline, petit bivalve dont l’animal est resté inconnu jus- qu'à ce jour. Je m'appuierai sur ces déductions possibles, sur leur intérêt scientifique, pour m’excuser de m’étendre beaucoup, dans ce travail, sur de simples faits d'organisation, et de dérober à l’Académie quelques-unes de ces minutes précieuses qu'elle consacre régulièrement à entendre les récits de découvertes, pour ainsi dire hebdomadaires, concernant la physique géné- rale, ou la physique particulière des corps organisés, et dont la nature est faite pour fixer l’attention de tous les savans. L PARTIE HISTORIQUE. L'Onguline couleur de laque est une petite coquille bivalve, au plus d'environ 25 millimètres de hauteur et de 23 millimetres de largeur, dont le premier exemplaire connu fut découvert par Daudin, dans le cabinet de Favanes. Frappé de la forme étroite et allongée qu'avait cet exemplaire et des stries d’accroissement qu'il offrait à l'extérieur, ayant d’ailleurs observé dans la char- nière des caractères particuliers, Daupi crut devoir faire de cette coquille un genre nouveau, sous le nom d'Onguline, Un- gulina. Ce fut Bose qui le fit connaître d'aprés Daudin, dans DUVERNOY. — Sur l'animal de l'Onguline. III l’histoire naturelle des coquilles (1) qui parut en 1802, et qui faisait partie de la petite édition du Buffon de Déterville. L'espèce unique y porte l’épithète de rubra, d'Onguline cou- leur de laque. L'exemplaire ayant servi à l'établissement de ce genre nouveau, était, suivant Daudin , une coquille peu épaisse, ridée extérieurement , brune, mêlée de rouge en dehors et en ‘dedans. Quant au caractère générique, Daudin l'avait ainsi exprimé : coquille bivalve, régulière, longitudinale ; charnière formée par «une très petite dent entre deux fossettes obliques. Suivant Bosc, la composition de cette charnière rapprocherait l'Onguline des Bucardes ; maïs il ajoute que la forme de la co- quille s'oppose à ce rapprochement. Le genre Onguline, depuis Daudin et Bosc, a été adopté dans tous les ouvrages de conchyliologie systématique ou de malaco- logie. M. de Roissy l’introduisit dans la grande édition de Buffon, dite de Sonnini,avec tous les-caractères indiqués par Daudin. Lamarck, dans son Histoire des animaux sans vertèbres, crut devoir placer le genre Onguline dans la famille des HMactraces , après avoir modifié et étendu les caractères génériques de Dau- din; ayant sous les yeux des exemplaires plus complets. L'un de ces exemplaires dont les plus grandes dimensions étaient en travers, devint le type d’une nouvelle espèce, sous le nom d'Ungulina transversa. C’est sous ce dernier nom que J. Sowerbÿ (2) a fait figurer l'espèce, sujet de mes observations. On reconnaît trés bien, dans les figures qu'il en donne, la direction presque en ligne droite de la partie antérieure des valves ; tandis que le bord pos- térieur est plus évidemment circulaire. Cet auteur remarque que la coquille de l'Onguline ressemble, en général, à celle des Lucines ; mais il se hâte d'ajouter que les empreintes des muscles adducteurs sont plus allongées dans ces (1) Tome 11, page 6 et 3, et planche 20 , fig. 1 et 2, 2) Number, etc, of the genera of recent and fossil Shells with original Plats, by James Sowerby, London. 112 DUVENNOY. — Sur l'animal de l'Onguline. dernières, et qu’elles ont deux dents latérales qui manquent à l'Onguline. Il observe très bien que l’âge ou des circonstances accidentelles peuvent changer la forme avec les dimensions de ces coquilles ; qu’elles s’allongent avec l’âge, et que leurs valves sont plus généralement orbiculaires que longitudinales. Il en conclut que les deux espèces de Lamarck pourraient bien n'être que des variétés de forme d’une seule et même es- pèce , ainsi que le présumait Lamarck lui-même. Ses exemplaires étaient revêtus d’un épiderme brunûtre , corné , excepté aux sommets qui en étaient dénudés. Quant au caractère générique tiré de la charnière, Sowerby indique nne dent cardinale principale, presque bifide sur chaque valve, et une seconde dent très petite sur l’une des valves seule- ment. Il a vu la fossette du ligament partagée en deux dans la partie moyenne par un étranglement , et ce ligament en grande partie interne; la plus faible portion étant externe. Les Ongulines sont rapprochées des Lucines, dans la dernière édition du ÆRêgne animal, qui est de 1530 {1). Cuvier, en les rangeant dans la famille des Cardiacés, renvoie ainsi au premier aperçu de Bosc. On lit dans l’article Onguline, publié en 1832 par M. Des- hayes, dans l'Encyclopédie méthodique , que ce savant conchy- liologiste a reconnu dans la disposition des ligamens de cette coquille, dont il indique un externe et l’autre interne, la plus grande analogie avec les Lucines. M. Cuvier avait conclu cette même analogie de la forme allongée des impressions musculaires des deux muscles adduc- teurs , de l’existence de deux dents cardinales à chaque valve et de la forme orbiculaire de la coquille. M. Deshayes admet d’ailleurs la manière de voir de Sowerby, relativement aux deux espèces de Lamarck, qui ne sont que des variétés d’une seule et même espèce. Quelques années plus tard, en 1835, dans une note ajoutée (1) Tom. ti, page 149. Je cite cette page à dessein, parceque Cuvier ayant distingué le genre Onguline, par de plus petits caractères typographiques , afin d'indiquer sa dépendance des Lucines, ce genre n’a pas été aperçu par M. Deshayes, qui affirme que Cuvier ne le mentionne pas ( Encyclopédie méthodique | Paris , 1832). DUVERNOY. — Sur l'animal de l'Onguline. 113 au texte de Lamarck (nouvelle édition de son Histoire natu- relle des animaux sans vertèbres), M. Deshayes persista dans l'opinion qu'il avait émise sur les rapports des Ongulines et des Lucines ; mais il ne leur trouve plus de ligament intérieur, le seul reconnu par Lamarck. La valve droite n'aurait qu’une dent pyramidale, épaisse, fendue à son sommet; tandis que la valve gauche en aurait deux divergentes. Les impressions muscu- laires sont très allongées, étroites, tout-à-fait semblables à celles des Lucines. Elles sont réunies par une impression pal- léale simple. M. Deshayes explique les variétés de forme que présentent les différens exemplaires connus de ces coquilles par la circon-. stance qu’elles seraiént perforantes, suivant M. Rang, et vi- vraient dans l’intérienr des masses madréporiques. Cependant M. Deshayes ignorait encore leur patrie, à l’'épo- que où il publiait son article dans l’Encyclopédie. Seulement, dans la note ajoutée à la nouvelle édition de Lamarck (1), il en indiquait de fossiles découvertes dans les environs de Bordeaux. Les Ongulines de la collection du Muséum d'histoire natu- relle exposées au public, sont distinguées sous trois dénomina- tions spécifiques : 1° L'Onguline transverse (Ung. transversa, Lam.). L’exem- plaire qui porte ce nom ressemble pour les couleurs, sinon pour la forme, qui est plus large, à ceux que j'ai eu l'occasion d'observer. 2° L/Onguline oblongue (Uugulina oblonga, Lam.). L'exem- plaire est noir et beaucoup plus long que large. Cette espèce est indiquée comme proverant de la côte d'A- frique et vivant parmi les pierres et les coraux. Elle se rapproche pour la forme, mais non pour la couleur, du premier exemplaire observé par Daudin. 3° Une troisieme espèce, l'Ungulina Rangii, se compose de petits exemplaires décolorés et sans épiderme, dent la forme cependant se rapproche de ceux que j'ai été à mème d'étudier. (1) Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, lome \1, page 230, Paris, 1835. XVII. — Zoor., Août, 8 114 DUVERNOY. — Sur l'animal de l’Onguline. Aucun auteur, que je sache, n’a parlé de l'animal de l’On- guline. On voit, par cette esquisse historique, que le mollusque acé- phale de l'Onguline, n’est encore connu que par sa coquille, et que ses rapports de famille n’ont pu être établis, que par des analogies tirées de cette partie, qui ne devaient pas être confir- mées par l’observation de l’animal. C’est à M. le baron Kérodren, inspecteur général du service de santé de la marine, qui m’honore depuis longues années de son amitié bienveillante, que j'ai l'obligation de faire connaître, pour la première fois, ce mollusque et de montrer, avec son organisa- tion, ses véritables rapports. M. Kérodren a mis à ma disposition, il y a quelques mois, plu- sieurs exemplaires de l'Onguline couleur de laque, avec l'ani- mal assez bien conservé dans l’alcool ; j'ai profité des premiers instans de libres pour les étudier. II° PARTIE DESCRIPTIVE. $ 1. De la Coquille. Dans les quatre exemplaires de différentes grandeurs, que j'ai pu observer et qui étaient originaires de Gorée, la coquille est un peu plus longue que large. Le bord antérieur est en cône tronqué et en ligne droite, tandis que le bord postérieur est arrondi. Les sommets sont inclinés en dedans et en avant. L'intérieur de la coquille est coloré en rouge de diverses nuances, séparées par zones. Les plus rapprochées des sommets sont mélangées de brun. Cette couleur domine dans la partie profonde qui répond au sommet de chaque valve. L'intérieur est brun, excepté une première zone qui comprend ce sommet, qui est blanche et dénuée d’épiderme, circonstance que Lamarck exprime en disant que les sommets sont écorchés. Le reste de la surface intérieure se compose de gros plis ar- qués, concentriques, interrompus par-ci par-làa, irréguliers DUVERNOY. — Sur l’animal de l Onguline. 115 8 où formant des ondulations, ayant l'apparence de substance analogue au parchemin, plutôt que de matière calcaire. L’épi- derme qui recouvre ces plis, indiquant les accroïssemens suc- cessifs de la coquille, leur donne évidemment cette dernière apparence. La charnière se compose , dans chaque valve, de deux dents cardinales (1), entre lesquelles il y a une fossette. De ces deux dents , l’une est plus grande et assez profondément partagée à son sommet ou bifide, l’autre est plus petite et rudimentaire. Dans la valve droite, la dent bifide est en avant et la fossette en arrière, et, après elle, la dent rudimentaire. Dans la valve gauche, c’est la dent bifide qui est en arrière et la fossette en avant , ainsi que la dent rudimentaire qui précède cette fossette. La fossette du ligament qui commence en avant et en dehors des dents cardinales, se prolonge en arrière en dehors d’une lame longitudinale, qui part des dents cardinales et dont le bord est courbé en w . Cette lame étrangle un peu la fossette du li- gament, qui est plus large en avant qu’en arrière. Une petite partie du ligament cardinal est extérieure et en dehors des nymphes; la plus grande partie est intérieure. $ 2. De l’ Animal. Manteau. — Le manteau est assez largement ouvert par de- vant. Il a en arrière de la commissure postérieure de cette ou- verture principale, une sorte de boutonnière ovale dans laquelle le rectum vient aboutir. | Le bord libre du manteau est tout uni et absolument dénué de franges ou de tentacules. Il se dessine par une bande plus épaisse , assez large, dans laquelle on distingue deux couches de faisceaux de fibres musculo-tendineuses , dont les extérieures (x) Daudin n'avait reconnu qu'uné très petite dent entre deux fosseites obliques. Lamarck ne décrit qu'une dent cardinale courte, subbifide, sur chaque valve, et, à côté, une fossette oblongue , marginale , etc. M. Deshayes ( Nouvelle édit. de Lamarck ) a vu deux dents diver- genes à la valve droite et une dent pyrämidale épaisse, féndue à son sommet à la valve gauche, 8. 116 DUVERNOY. — Sur l'animal de l'Onjuline. sont transversales, et les intérieures longitudinales. L’extrême bord du manteau a des festons qui correspondent exactement avec ceux du bord de la coquille. Plus en dedans le manteau est une membrane mince, transparente et de peu de consistance. Muscles adducteurs. — Les deux muscles adducteurs se ter- minent,à chaque valve, par une surface étroite et longue qui y laisse une empreinte de cette forme, déjà remarquée par les zoologistes. Pied. — Le pied dont cet animal est pourvu a une forme particulière. Ce n’est pas une langue pointue comme celui de la plupart des acéphales qui filent un byssus. Il à au con- traire une forme cylindrique dans une partie de son étendue, et il grossit sensiblement à son extrémité, de sorte qu'il res- semble à une massue. Dans l’état de contraction où j'ai pu l'ob- server , il dépasse trés peu le bord du manteau. Il doit pouvoir s’allonger beaucoup pendant la vie. Deux tendons gréles qui remontent de sa base, en contournant la masse viscérale, jus- qu’à ‘a partie cardinale du manteau et de la coquille , assujet- tissent le pied à ces parties. Organes d'alimentation. — L'orifice buccal ou l'entrée de l'appareil d'alimentation est un petit trou circulaire, percé au milieu d’une bande transversale dermo-musculeuse , qui se pro- longe de chaque côté dans les deux appendices labiaux existant chez tous les acéphales bivalves. J'ai trouvé cet orifice béant et distendu par: des matières jaunes qui remplissaient l'entrée du canal alimentaire. Les appendices labiaux de l’onguline m'ont paru plus étroits que de coutume , peut-être par l'effet d'une contraction muscu- laire plus énergique au moment de la mort. On y découvre difficilement les plis transverses, qui caractérisent cependant ces appendices, dans ce genre, comme dans toute la classe; mais que l’on ne voit bien ici qu’à la base plus élargie de ces tentacules. L'orifice buccal donne dans un tube cylindrique qui est à- la-fois le pharynx et l’œsophage. Celui-ci pénètre immédiatement entre les lobes du foie, et, après un trajet de trois millimètres environ, il se dilate en une DUVERNOY. — Sur l'animal de l'Onguline. 117 poche pyriforme qui est l'estomac. L'intestin en sort sur le côté, de manière queïle pylore étant assez rapproché du cardia, on peut y distinguer une petite et une grande courbure et un grand cul-de-sac. Cette poche est entièrement enfouie dans le foie, lequel y verse la bile par de larges orifices, comme cela a lieu générale- ment chez les acéphales testacés. Le premier intestin est très grêle ; aprés un trajet direct de quatre à cinq millimètres, il se dilate un peu, et forme un court repli, puis un second. Il se coude ensuite en arriere, se porte vers l'estomac, d'après la loi générale que je crois avoir signalée le premier, et dont j'espère au moins avoir expliqué le but (1), pour s’y changer en gros intestin. Après le coude qu'il y fait, ilse porte directement vers le cœur qu'il traverse, contourne le muscle adducteur postérieur, et vase terminer dans l’orifice du manteau, qui se voit, ainsi que nous l'avons dit, entre ce muscle et la commissure postérieure de la principale ouverture de ce même manteau. Le foie est une réunion de grappes formant des lobes sous- divisés en lobules, lesquels sont composés de très petites vési- cules ou de petits grains verts ayant pour pédicule leur canal excréteur, Ceux-ci, en se réunissant successivement, forment des troncs qui ont de larges orifices dans l’estomac. II n’y a rien ici qui ne confirme ce que nous avons dit ailleurs(2) de la struc- ture du foie des Mollusques, et particulièrement de celui des Mollusques acéphales testacés. Organes de circulation et de respiration. Le cœur est situé en arriére du muscle adducteur antérieur. Son ventricule est con- sidérable. Les faisceaux musculeux qui le composent s’amincis- sent vers son bord supérieur pour se prolonger autour du rec- tum, qui traverse ainsi ce bord, dont la transparence le laisse apercevoir dans ce trajet. C'est donc ici dans l'épaisseur d’une partie seulement des (1) Leçons d'anatomie comparée de G. Cuvier, deuxième édition, tome 1v, deuxième partie, pages 655 à 654, (2) Voir Leçons d'anatomie comparée, deuxième éditiou, tome v, page 81. 118 DUVERNOY. — Sur l'animal de l'Onguline. parois amincies du cœur, et non à travers sa cavité, que passe le dernier intestin. Cette disposition semble contraire à l'hypo- thèse que la pénétration du cœur par le gros intestin, qui s’ob- serve chez beaucoup d’Acéphales testacés , a lieu pour favoriser le passage immédiat du chyle dans le système sanguin. Il m'a semblé plus exact d'attribuer ce singulier rapprochement à la nécessité d'exciter et d’aider les contractions de l'intestin pour la défécation. (1) Branchies. Les deux lames branchiales de chaque côté sont disposées obliquement d'avant en arrière et de haut en bas. L’externe est sensiblement plus petite que l’interne. Elles n’of- frent d’ailleurs rien de particulier dans leur organisation. Organes de la génération. — Ovaire. Je crois pouvoir dési- gner ainsi une masse considérable de substance jaune qui rem- plit, en grande partie, la cavité viscérale , enveloppe une partie des replis de l'intestin, recouvre le foie sur les côtés et en bas, et se sépare en ramifications distinctes sur la portion dorsale Je ce viscère. Mais j'ai quelque incertitude à ce sujet, que je ne pourrai lever qu'après des observations plus déterminantes, que pour- ront offrir des sujets ayant une gestation plus avancée. Système nerveux. J'ai trouvé le système nerveux de l'Ongu- line très développé pour un aussi petit animal. Les ganglions et es nerfs avaient une consistance très ferme, qui en a facilité la vecherche. Cependant je ne prétends pas avoir vu complétement ce système , avec le seul exemplaire que j'ai pu consacrer à cette recherche ; ce que j'en dirai est ce que j'ai vu bien positivement. Je ne parlerai pas de plusieurs circonstances sur lesquelles il me reste de l'incertitude. Il y a deux ganglions cérébraux assez considérables, de forme triangulaire, situés de chaque côté de l’origine du pharynx ou de l’œsophage. De leur angle antérieur part un épais cordon de communica- tion, qui les réunit en avant et qui forme une arcade au-dessus de la cavité buccale et du pharynx. (r) Leçons d'anatomie comparée, deuxieme édition, Paris , 1837, pages 72 et 53. DUVERNOY. — Sur l'animal de l'Onguline. 119 L’angle postérieur produit le cordon qui entoure et traverse la masse viscérale et va joindre le ganglion postérieur corres- pondant. Un autre cordon prend aussi naissance à l’angle postérieur de chacun de ces mêmes ganglions antérieurs, mais plus en de- dans, et descend en arrière en longeant le tendon du muscle rétracteur postérieur jusqu’à la base du pied, où il aboutit, avec le cordon du côté opposé, à un ganglion sphérique, impair, con- sidérable. Ce cordon est singulièrement plissé dans une partie de son trajet, sans doute par l'effet de la contraction du muscle auquel il adhère. Un troisième nerf, formant un filet très fin, tient à ce même ganglion cérébral, mais en dehors et un peu en dedans, et se rend aux palpes labiaux. Un quatrième nerf considérable sort de la partie antérieure et externe de ce même ganglion , se porte en avant et en dehors, et se divise en deux branches qui vont au muscle adducteur an- térieur et au manteau. Les ganglions postérieurs se voient immédiatement au-devant du muscle adducteur de ce côté. Ces ganglions sont oblonss, un peu colorés en jaune, rapprochés l’un de l’autre, collés même l’un contre l’autre dans une partie de leur étendue. Les cordons nerveux viscéraux qui partent des ganglions an- térieurs , se rendent à ceux-ci pour compléter le grand collier nerveux qui caractérise le système nerveux des Bivalves. Dans leur trajet d'avant en arrière, ils se rapprochent peu-à-peu , et forment ensemble un angle aigu dans lequel passe le tendon du muscle rétracteur postérieur du pied , qui va s’attacher au som- met de la coquille. Chacun de ces cordons vient aboutir à l’extrémité antérieuru du ganglion postérieur correspondant. L'extrémité opposée de ce même ganglion produit un nerf considérable qui va au manteau et au muscle adducteur postérieur. Deux filets plus petits se rendent à la partie postérieure des branchies. Chacun de ceux-ci commence par un petit renfle- ment ganglionnaire, de forme sphérique, qui est comme soudé 120 DUVERNOY. — Sur l'unimal de l’'Onguline. au ganglion postérieur correspondant et qui s’en distingue en- core par sa couleur blanche. Le ganglion sphérique qui est à la base du pied forme, avec les cordons qui vont joindre les ganglions cérébraux, on petit collier nerveux concentrique au grand. Ce petit collier est celui qui répond plus particulièrement au collier des gastéropodes. Ce ganglion fournit un filet nerveux assez important qui se perd dans la masse du pied. Nous en avons cherché vainement un second qui nous semblait devoir exister. $ 3. Conclusions a tirer de la partie descriptive qui précède. Relativement aux caraclères génériques tirés de la coquille : Nous avons rectifié et complété la description de la coquille de l'Onguline laque (Ungulina rubra , Daun.), d'après laquelle le genre a été établi en premier lieu. Il y a évidemment à la charnière deux petites dents dans chaque valve, dont une plus grande bifide à son sommiet, se trouve antérieure dans la valve droite et postérieure dans la valve gauche. La fossette est limitée entre ces deux dents. La partie principale du ligament est intérieure comme l'avait vu Lumarck ; la moins importante, la plus mince est exté- rieure. Ilest curieux de comparer les variantes qui existent à ce sujet, et sur les dents de la charniere, dans les auteurs systéma- tiques. Nous les avons signalées dans notre texte et dans une note. Ajoutons ici qu'il sera nécessaire de revoir les exemplaires qui ont servi à ces descriptions , pour bien décider si ces diffé- rences, dans des caracteres que l'en regarde généralement comme constans , existent réellement, et si elles correspondraient à des espèces distinctes ; ou si elles proviennent de la manière de voir des observateurs ? L'animal de l'Onguline, sur lequel nous sommes assez heu- reux de pouvoir donner les premiers renseignemens, se distin- gue extérieurement par un pied en massue et par l'absence de tube au manteau. DUVERNOY. — Sur l'animal de l’'Onguline. 121 Nous avons fait connaître, plus ou moins complétement : 1° Ses organes de nutrition, c’est-à-dire outre l’appareil d'ali- mentation, y compris le foie, le cœur et les branchies. 2° Nous n'avons pu reconnaitre qu'avec réserve les organes de génération, ou du moins l’ovaire. 3° Nous avons décrit son système nerveux, formant un petit et un grand collier; ce dernier embrasse la masse viscérale; il est compris, comme à l'ordinaire, entre le muscle adducteur anté- rieur et le postérieur. La forme du manteau de l'animal de lOnguline, qui manque du double tube si caractéristique de la famille des Cardiacés, ne permet pas de laisser ce genre près des Lucines, comme l’a: vaient présumé , d'après l’inspection de la coquille seulement, G. Cuvier et MM. Sowerby et Deshares. On ne pourrait pas non plus réunir ce genre à la famille des Camacés qui ont trois ouvertures au manteau. C’est évidemment dans la seconde famille des Acéphales tes- tacés, c’est-à-dire celle des Mytilacés qu'il faudra dorénavant placer les Ongulines ; du moins en suivant la méthode du Règne animal, qui me paraît à-la-fois facile et rationnelle. On sait que, dans cette famille, le manteau est ouvert pardevant , et qu'il a en arrière une seule ouverture pour la terminaison du rectum. Ilya, parmi les Mytilacés, des Mollusques dont le pied, comme celui de lOnguline, ne peut servir qu’à ramper et non à filer, à diriger ou à placer les fils d’un byssus. Ilyen a même qui vivent dans l'intérieur des pierres (/es Litho- domes), où qui percent les masses de coraux (les Corallio- phages). Il resterait à décider s’il existe réellement plusieurs espèces d'Ongulines vivantes? et jusqu’à quel point les différences de forme et de couleur seraient caractéristiques de ces espèces? S'en trouve-til, en effet, comme on l’a annoncé, qui vivent non-seulement parmi les coraux, mais qui pénètrent même dans les masses madréporiques et s'y creusent des canaux? Tels se- raient peut-être ces exemplaires décolorés qui existent dans les collections. 122 DUVERNOY. — Sur l'animal de l’Onguline. J'ai de la peine à me persuader que notre espèce ait ces der- uières habitudes. L'épiderme coloré dont les exemplaires que j'ai eus sous les yeux sont revêcus; les impressions qu’on y observe, les restes de zoophytes que montre la surface extérieure de ces coquilles, me fout douter qu’elles aient vécu complétement enfermées dans des canaux qu’elles se seraient creusés, soit dans les rochers, soit dans les bancs de coraux. EXPLICATION DES FIGUR{S. Prancue 5 B. Fig. 1. Onguline laque , ungulina rubra Daud. — Valve gauche, vue en dedans. Fig. 2. La méme , vue extérieurement, Fig. 3. Les deux valves réunies , vues par les sommets. — a , Partie antérieure; à, Partie postérieure, Fig. 4. La valve droite avec l'animal. — a est le bord libre du côté droit de la grande ouverture du manteau ; e, le bord libre du côté gauche: il a été relevé pour laisser voir le pied(p); 4 est le muscle adducteur antérieur; c, le postérieur ; g, la masse viscérale , recouverte par le côte gauche du manteau. Fig. 5. L'appareil d'alimentation avec le cœur, —a,,c, 4, sont les quatre tentacules labiaux; e, l'orifice buccal ; /, la masse du foie, dans laquelle l'estomac est caché; g , une anse de l'intestin grêle ; À, la seconde anse de ce même intestin; :, l’anse colique; # , la suite du colon ; +, la portion du gros intestin annexée au cœur ; 4, la dernière partie de l'intestin ; r, le cœur, Fig. 6. a, OEsophage; c, Cardia ; p, Pylore; e, La poche de l'estomac, à l'endroit où le foie a été enlevé et un canal biliaire coupé ; f, Reste de la masse du foie ; 5, Intestinl grèle, Fig. 7. Système nerveux en position, —a , Gauylion cérébral droit; à, Ganglions posté- rieurs; d, Cordon viscéral droit; p, Le pied; €. Ganglion pédieux; ?. Partie plissée du cordon qu’il reçoit du ganglion cérébral droit. Fig. 8. Vue générale du système nerveux,—a; Ganglion cérébral gauche ; 8, Ganglion posté- rieur du même côté; 2’ Arcade sus-pharyngienne, qui réunit les deux ganglions cérébraux ; e,Gan- glion pédieux, avec le nerf qui en sort, pour pénétrer dans le pied ; d, Cordon nerveux du petit collier : ce nerf, qui réunit le ganglion cérébral de chaque côté au ganglion pédieux, est plissé dans une partie de sa longueur; e, Petit filet nerveux , qui se rend aux palpes labiaux; f, Grand cordon viscéral gauche, qui réunit le ganglion cérébral du même côté au ganglion postérieur currespondant; g, filet nerveux qui sort d'un petit gauglion sphérique, blanc , et se rend à la partie postérieure des branchies; À, Nerf qui va au man- teau ; à, nerf du muscle adducteur postérieur ; £, Nerf qui va au muscle adducteur antérieur et au manteau, DUVERNOY. — Sur un nouveau genre de ver. 123 Norte sur un nouveau genre de Ver intestinal, de la famille des Ténioides, le Bothrimone de l’Esturgeon ( Bothrimonus Sturionis, Nob.), Par M. Duvernor. Le nouveau genre de Ver intestinal appartenant à la famille des Ténioides, que je me propose de faire connaître, a été découvert , en 183b , par M. Lesueur, dans le canal intestinal d’un Esturgeon ( l’Acipenser oxyrhynchus Mitschil }, pris non loin de l'embouchure, dans l'Ohio, de la rivière de Wabasch, qui arrose l'Indiana, l’un des Etats-Unis de l'Amérique du Nord. M. Lesueur avait conservé, parmi les objets naturels qu'il a rapportés de cette contrée , quelques exemplaires de ce Ver, qu'il a bien voulu me communiquer, avec plusieurs autres Vers intestinaux, pour servir aux démonstrations de mon cours au Collège de France, et suppléer autant qu’il le pouvait, avec plusieurs autres de mes amis , à l’état de dénuement où se trouvent encore , malgré mes efforts, les collections naissantes des êtres organisés de cet établissement supérieur. La forme singulière de ce Ver, qui me semble combler une lacune et établir un passage entre les genres Ligule et Bothri- die, w’a frappé au premier coup-d'œil. J'en ai fait la remarque à M. Lesueur, qui s’est empressé aussi- tôt d'ajouter à sa communication si bienveillante des exem- plaires de cet animal , celle de plusieurs croquis de sa forme et de sa structure, restés inédits avec tant d’autres observations précieuses , faites pendant ses voyages, par cet infatigable inves- tigateur de la nature. C’est donc à mon ancien ami qu'est dù le principal mérite de celte observation, dont je profiterai pour la rattacher à l'his- toire naturelle systématique ou classique de la famille des ‘Fénioïdes. Le Ver auquel je donnerai le nom générique de Bothrimone, Bothrimonus (x), a en effet la forme plate, étroite, allongée en (1) De Bgiev, parva scrobs, et wüuss, solus, 124 DUVERNOY. — Sur un nouveau genre de ver. ruban , qui caractérise cette famille. 11 se rapproche de la Ligule des Poissons ( Ligula simplicissima T..) en ce qu’on n’y observe aucune trace de sillons transverses, qui décelerait l’existence d’articulations. Celles-ci sont cependant indiquées par une série médiane de fossettes rapprochées par paires, dont la cavité est remplie d’un mamelon , au centre duquel est un pore. Ce mamelon n'est pas toujours apparent. Dans plusieurs fos- settes on n'aperçoit que le pore ; dans d’autres , à la place du mamelon , il y a une papille saillante, analogue au cirrhe décrit dans plusieurs Ténias et dans les Ligula uniserialis. Quand il y a une paire de tubercules et de pores évidens, ils sont très rapprochés l’un devant l'autre , au point qu’on peut évaluer au plus au diamètre de l’un d’eux, la distance qui les sépare. La suite de ces tubercules et de ces pores, dont chaque paire semble répondre, comme dans les Bothridies , à une articula- tion , se voit dans une bande médiane tres légèrement déprimée et d’une nuance différente , du reste, de la surface de ce Ver. Une circonstance très particulière , c’est que cette bande et cette série de fossettes , de mamelons et de pores, s’aperçoivent sur les deux faces du Ver; mais ils sont beaucoup plus sensibles sur l’une des faces que j'appelle ventrale, à cause de cette circonstance , et sur laquelle d’ailleurs ils ne sont bien évidens que dans les quatre derniers cinquièmes de la longueur du Ver. L'extrémité céphalique du Bothrimone de l’Esturgeon rappelle celle du genre Bothridie, établi par M. de Blainville; elle se compose d’une ventouse, formée de deux hémisphères , dont un répond à chaque face du Ver. L’orifice de cette ventouse est transversale aux deux faces du Bothrimone, et tellement in- clinée vers celle que je nomme dorsale, qu'on ne l'aperçoit que de ce côté (fig. 1, 2 et 5). Elle est oblongue, plus large vers les commissures (fig. 3), où elle forme de petites losanges, et se trouve rétrécie dans sa partie moyenne par deux saillies demi cylindriques, qui se prolongent dans la profondeur de la cavité de cette ventouse , et semblent la partager incompléte- ment en{deux sinus ( fig. 6 ). La jonction du corps avec les deux hémispheres de cette DUVERNOY. — Sur un nouveau genre de ver. 125 ventouse se comprendra très bien par l'inspection de la figure 5, vue des trois quarts, tandis que dans la figure 3, qui représenté l'animal par l’une de ses faces, on n’aperçoit que l'hémisphère ventral. Au reste , l'aspect de cette ventouse et de son orifice varie un peu , suivant son degré de contraction. L'extrémité caudale du Bothrimone est obtuse et arrondie dans certains individus, et comme bifurquée dans d’autres. Il y a, dans ces derniers, entre les deux pointes mousses qui terminent cette partie, une fossette rectangulaire dans laquelle on aperçoit comme deux pores ou deux points en- foncés. La section du corps de ce Ver ne montre dans son épais- seur qu'un tissu parenchymateux homogène, semblable à celui des Ligules. Cette section fait voir d’ailleurs que ce Ver est épais , arrondi sur les bords , et moins aplati que la plupart des Ténioides. Le Bothrimone se rapproche des Ligules par sa forme aplatie et par l'homogénéité apparente de son organisation, qu’il a, comme certaines espèces de Ligules (1) et comme les Bothrio- céphales et les Bothridies , une série médiane de pores , qui sont en partie les orifices probables des œufs; mais il s’en distingue , et de tous les autres Ténioïdes, par l’existence d’une semblable série, quoique moins prononcée, à la face opposée. On pourrait lui comparer une espèce de Tænia ( T. pectinata Rudolphi ) (2), pourvue d’une papille saillante aux deux côtés du bord posté- rieur de chaque anneau. La ventouse simple de l'extrémité céphalique, dont l'ouverture est à-peu-prés dirigée en avant, a la plus grande analogie avec la double ventouse du genre Bothridie. Ainsi que je l’ai dit en commençant, la forme du genre Bothri- mone est évidemment intermédiaire entre celle des Bothridies et celle des Ligules. C'est une nouvelle combinaison organique qui vient remplir une lacune dans la série des genres de la famille des Ténioïdes. (1) Ligula uniserialis Broms. (2) Dremser Icones ; tabl. xiv, Bg, 5 et 6, 126 DUVERNOY. — Sur un nouveau genre de ver. J'espère que cette publication, encore incomplète sous plu- sieurs rapports , excitera l'attention et les recherches des natu- ralistes américains, qui ne pourront manquer de découvrir, dans la même espèce d’Esturgeon, d’autres exemplaires de ce Ver. L'avantage qu’ils auront de l’étudier dans l'état frais, leur donnera la facilité de faire connaître, avec plus de détails, sa structure intime. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 3 B. Eig. 1. Le Bothrimone de l'Esturgeon double de grandeur, vu par sa face dorsale. Fig. 2. Portion antérieure du corps et la ventouse vues par la même face sous un grossisse- ment de £. Fig. 3, Le mème ver vu par la face ventrale. Une portion de l'extrémité postérieure man- que. Grossissement <. Fig. 4. Aspect de la ventouse vue de profil du côté de la face dorsale. Grossissement £. Fig. 5. Autre que de la ventouse, pour montrer qu'elle se compose de deux hémisphères distincts, dont chacun répond à une face du ver et dont on voit un seul dans la figure 3, Ces deux hémisphères sont comme à cheval sur le tranchant de l'extrémité du corps. Grossisse- ment ÿ. La figure 6 montre l'ouverture ou la fente de la ventouse. On voit que cette feute ré- trécie dans sa partie moyenne s’élargit en losanges vers les commissures. Les figures 7 et # montrent que l'extrémité postérieure ne paraît pas toujours bifurquée comme dans la figure 1. On voit dans la fig. 8 trois papilles isolées, percées d’un pore à leur sommet. Norte sur le Péripate juliforme, Par M. H. Mrzwe Ebpwarps. Les zoologistes sont loin de s’accorder sur la nature de l’ani- mal décrit par M. Lansdown Guilding, sous le nom de Peripa- lus juliformis ;suivant l’auteur que nous venons de citer, ceserait un mollusque (1), M. Audouin et moi l'avons considéré cotnme appartenant à la classe des Annélides (2); pius récemment, M. Gervais a cru devoir le rapprocher des Myriapodes (3), et dans ces derniers temps M. de Blainville en a formé une classe (1, Zoological Journal, vol. 1x, p, 443. (2) Annales des Sciences naturelles, première série , tome xxx. (3) Annales des Sciences naturelles , deuxième série, tome vrr. MILNE EDWARDs. — Sur le Péripale juligorme. 127 nouvelle sous le nom de Malacopodes (1). Une pareille discor- dance d'opinion ne pouvait dépendre que de l’imperfection de nos connaissances relatives à l’organisation des Péripates, et, en effet, on ne les avait étudiées qu’extérieurement ; aussi m’a-t-il semblé utile de profiter de la première occasion qui s’est offerte pour en faire l’anatomie. Un individu en assez mauvais état de conservation se trouvait dans les collections entomologiques du Muséum, et en le disséquant avec précaution, j'ai pu constater les faits suivans, qui, tout incomplets qu’ils sont, pourront servir pour fixer la place de ce singulier animal dans les séries zoologiques. Le tube intestinal est volumineux, droit, et présente dans toute sa longueurdes boursouflures latérales qui rappellent la disposi- tion de cet appareil chezla plupart des Annélides ; il ne donne pas insertion à des vaisseaux biliaires comme chez les Myriapodes, maisest garni d’un grand nombre de petits appendices filiformes et cœcales qui ne peuvent guère être comparés qu’atix cœcums gréles et nombreux dont une portion de l'intestin est couverte chez l’arénicole. On voit aussi des appendices tubulaires de même nature naître des parois de la cavité viscérale, et il est à présumer qu’ils sont en connexion avec la peau. Il n'existe point de système trachéen, comme chez les Myria- podes, et il m'a semblé que le vaisseau dorsal donnait naissance à des branches latérales. Le système nerveux est parfaitement symétrique et ne res- semble nullement à celui des Myriapodes. On remarque d’abord deux ganglions très gros qui occupent la tête, et qui sont ados- sés l’un à l’autre de facon à reposer sur l’œsophage. Cette espèce de cerveau donne naissance, 1° à une paire de nerfs optiques qui sont tres courts et qui vont se terminer par un renflement sous les points oculiformes ; 2° à une paire de nerfs très gros qui pénétrent dans les antennes ; 3° à une paire de nerfs labiaux ; 4" à une paire de nerfs gastriques très grêles qui se dirigent en arrière; 5e à deux cordons fort gros qui représentent le collier œsophagien des animaux annelés ordinaires, et qui, en effet, des- cendent sur les côtés du tube digestif, mais qui ne se réunissent pas sur la ligne médiane ventrale, restent très éloignés l’un de (1) Supplément au dictionnaire des Sciences naturelles, tome x , page 237 (1840) 128 MILNE EpwaARDs. — Sur le Péripate juliforme. l’autre et ne présentent pas que renflemens ganglionnaires peu distincts. Ces cordons nerveux se logent sous les muscles près de la base des pattes, sur les côtés de la face ventrale du corps etse dirigent en arrière; au niveau de chaque patte ils donnent naissance, du côté externe, à des branches destinées aux muscles de ces organes , et, du côté interne , on en voit naître un grand nombre de filamens dont un, plus long que les autres, m'a paru être un cordon anastomatique servant de commissure entre les deux moitiés du système ainsi éloignées l’une de l’autre. Ce mode de conformation m’a semblé très remarquable, et établit pourainsi direle-passage entre ceux propres aux ermertes et aux Chloés. L'appareil femelle occupe les deux tiers postérieurs du corps et se compose de deux tubes membraneux qui sont d'abord filiformes et adhérentes aux parois de la cavité viscérale près de l'anus, mais qui ne tardent pas à devenir libres et à grossir con- sidérablement, se dirigent en avant, décrivent quelques sinuosi- tés sur les côtés de l’intestin, puis se recourbent en arrière et vont déboucher près de l'anus; d'espace en espace ils offrent des renflemens sphériques, et dansleur portion terminale, j'ai trouvé des embryons vermiformes tout à-fait libres, ce qui semble in- diquer que le Péripate est vivipare. Enfin, il existe à l’extré- mité opposée du corps un autre appareil sécréteur qui ressemble beaucoup à celui placé de la même manière chez divers Anné- lides, les Sabelles, par exemple, et qui m'a paru être un cergane mâle; il consiste en deux canaux membraneux qui sont garnis de quelques utricules à leur extrémitélibre, qui décrivent plu- sieurs circonvolutions sur les côtés du tube digestif, qui acquiè- rent près de la tête des dimensions assez considérables et une textured'apparence glandulaire; enfin, qui paraissent déboucher directement au dehors par deux pores situés du côté ventral de l'animal près de la base des pattes de la première paire. Je regrette beaucoup que l’état de conservation de l'individu unique dont je pouvais disposer ne m'ait pas permis de mieux étudier l’organisation de cet animal curieux; mais les faits que j'ai pu constater me paraissent pouvoir suffire pour montrer que les Péripates sont bien des Annélides. a FE: DUJARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. 129 Mémoire sur la structure anatomique des Gornius et d'un autre * Helminthe , le Mermis. qu’on a confondu avec eux, Par F. Durarpin. CHAPITRE PREMIER. INTRODUCTION. Le nom de Gordius donné par Lirné à des vers tres longs, filiformes, dont les replis multipliés imitent en quelque sorte un rœud gordien, a été employé par la plupart des naturalistes qui vinrent ensuite, comme O. Fabricius, Bloch, Pallas, Gœze, etc., pour désigner des vers de genres fort différens, les uns vivant dans les eaux ou sur la terre humide, et les autres para- sites dans le corps de divers animaux. A ce nom de Gordius répondait en français le nom de Dragonneau donné à ces mêmes vers filiformes, à cause de l’idée exagérée qu’on s'était faite de leurs propriétés malfaisantes. Plus tard on créa le genre F£/aria, déja inscrit par Gmelin dans le Systema naturæ pour des vers filiformes parasites; Ze- der, adoptant ce genre Filaria pour des Helminthes parasites, en sépara les Hamularia et les Capsularia que Rudolphi voulut ensuite y réunir; mais l’un et l’autre ne parlèrent que des vers intestinaux ou véritablement parasites, et non des Gordius aqua- tiques. Cependant Goeze, tout en employant exclusivement le nom de Gordius (1), avait senti la nécessité de séparer les espé- ces qui vivent dans l’eau et dans la terre humide, quoiqu'ayant, dit-il, la plus grande analogie de structure. Cuvier, dans les deux éditions de son 2ègne an'mal, sépara les Filaires et les Gordius ou Dragonneaux, plaçant ceux-ci à la fin {1) Naturgeschichte der Eingeweidewürmer , 1982, p. 323. XVII, Zooz, — Septembre, 9 130 EF. DUJARDIN. — Sur Les Mermis et les Gordius. des Annélides et leur attribuant «un système nerveux en cor- don noueux (1),» ce qui est complétement inexact, mais en même temps ajoutant qu'il faudrait peut être les placer avec les Némertes, lesquelles en different sous tous les rapports. Lamarck sépara également les Filaires et les Gordius, mais il leur donna la même caractéristique (2), en ajoutant que ceux-ci « probablement ne sont que des Filaires, car les différences d’ha- bitation n'équivalent pas à celles de l'organisation. » Oken en 1815 plaça le Gordius avec les Planaires et les Naïs. Audouin en 1824, dans le Dict. classique d'histoire naturelle, répète ce que Cuvier lui-même avait dit d’après les précédens auteurs et sans le vérifier, que les Dragonneaux abondent dans les eaux douces, dans la vase et dans les terres inondées qu’ils percent eh tous sens. Puis il ajoute qu'il croit devoir les réunir aux Filaires. M. de Blainville avait lui-même aussi réuni les Filaires et les Dragonneaux dans le Dictionnaire des sciences naturelles. Mais c'est seulement depuis 1834 que l’on a eu sur cet objet des recherches neuves et propres à faire connaître réellement les Gordius. A cette époque M.Charvet, professeur à Grenoble, publia dans les nouvelles Annales du Museum (t.3, p.38) des observations fort intéressantes sur deux espèces de vrais Dra- gonneaux, pour chacune desquelles il put distinguer des mâles et des femelles: malheureusement il ne joignit pas de dessins à son mémoire, et paraît avoir fait peu d'usage du microscope pour vérifier les détails d'organisation intérieure dont la détermina- tion est basée trop souvent sur des analogies. Les faits publiés dans le même temps par M. Jacobson sur la Filaria medinensis, et deux ans plus tard, en 1836, par Leblond, sur la Æilaria papillata, devaient amplement suffire pour mon- trer combien les Gordius diffèrent des Filaires; cependant, en 1838, M. Ehrenberg à la suite de son Mémoire sur les Acalèphes de la mer Rouge (3) (page 41) déclare que, en raison de la sépa- (x) Cuvier. Règne animal, 1"° édition, tome x, et 2° édition, tome 111, page 217. (2) Lamarck. Histoire des animaux sans vertèbres, 1° édition, tome ur, et 2° édilion, tome 11, page 670. (3) Extrait des Mémoires de l’Académie de Berlin pour 1835. F. DUJARDIN. — Sur les Mermis et Les Gorcius 131 ration des sexes, de la forme et de l'ouverture de l'organe fe- melle au milieu du corps, et aussi de l’organe mâle avec un spi- cule sous l'extrémité caudale, le Gordius a une structure très analogue à celle des Ascarides; aussi le place-t-il dans sa ving- tième classe celle des Nématoides, en ajoutant toutefois que son intestin sans orifice postérieur lui donne beaucoup d’analogie avec les Echinorhynques. C’est donc avec raison que M. de Siebold a dit (1) que M. Ehrenberg n'avait pu avoir en vue le Gordius aquatique; nous le répétons aussi avec assurance , en ajoutant que ce n’est pas même notre Mermis qui lui a offert les caracteres indiqués. Leblond et M. Gervais ont d’un autre côté voulu assimiler aux vrais Gordius les vers filiformes, Filaria ou Mermis qu’on trouve, quelquefois dans le corps des insectes et de leurs larves, et qu'ils eurent l’occasion d'observer eux-mêmes; mais leur opi- nion a été combattue par M. Léon Dufour (2) qui lui-même a observé plusieurs de ces Helminthes, sans chercher à pénétrer leur structure anatomique. M. de Siebold dans sa revue des travaux helminthologiques pour 1836 (3) déclare bien avoir reconnu que ces parasites fili- formes des insectes diffèrent totalement des Nématoïdes par leur structure, mais il ne fait pas connaître Je détail de ses observa- tions sur cet objet, et c’est d'autant plus regrettable qu'on con- pait l'exactitude et la profonde habileté de ce savant ; seulement l'année suivante, en 1838, dans le même recueil, à l’occasion de ses recherches sur les Nématoïdes sans organes sexuels, il parle ainsi du vrai Gordius que des naturalistes distingués, el notam- ment M. Burmeister, persistent à placer parmi les Nématoïdes (4): « Je peux assurer qu’il n'appartient ni à cette classe d'animaux « ni à celle des Annélides. » — « J'ai disséqué souvent, aussi « exactement que possible, ce ver énigmatique, et j'ai trouvé (x) Wiegmann's Archis. 1834, L 11, p. 292: # Den Gordius aquaticus kann Ehrenbers hiemit unmôglich meineu ». (2) Annales des Sciences naturelles, deuxième série, lome vrr, Zoologie. (3) Wiegmann's Archiv, 183%, t. 11,p. 254. (41 Wiegmann's Archir, 1838 ,t. x, p. 310. 132 F. DUIARDIN. — Sur les Meérmis el Les Gordius. « sa structure tellement sivgulière qu'il est devenu pour moi « après sa dissection peut-être encore plus énigmatique qu'aupa- « ravant. Seulement je reconnus encore mieux, que sa structure « s'éloigne extraordinairement de celle des Nématoïdes. Je ne « pus notamment reconnaitre clairement sur le Gordius aquati- « eus ni bouche, ni anus; je fus ainsi toujours dans l’impossibi- « lité de décider lequel de ses organes internes je devais prendre « pour organe digestif. Les organes respiratoires, les vaisseaux « sanguins et le système nerveux ne se montrerent nulle part « à moi; je trouvai toujours, au contraire, un système tégumen- « taire trés complexe, un appareil musculaire bien distinct dont « les fibres n’ont pas de stries transverses, et des organes sexuels « très développés avec des œufs et des spermatozoaires. L’orifice « génital a jusqu'ici toujours été pris pour l'anus. En outre, J'ai « toujours trouvé certains individus pourvus seulement d'or- « ganes sexuels mâles, et d’autres, au contraire, pourvus seule- « ment de l'appareil génital femelle. On peut très aisément re- « connaître le sexe de ces Gordius d’après la forme de l'extrémité « caudale: les mâles ont la queue fendue ou bifide, tandis que « l'extrémité postérieure des lemelles est un peurenflée, arrondie « et trés obtuse. Les mâles paraissent être plus abondans que « les femelles. » D'après ce qui précède, on voit combien est encore obscure et indécise la question des Gordius considérés sous le point de vue zoologique et sous le point de vue anatomique. Cela tient d'une part à ce qu'on ne s’est arrêlé d’abord qu’à la forme exté- rieure, ce qui a conduit à confondre les êtres les plus dissem- blables par ce seul motif qu'ils sont filiformes; en second lieu, à la difficulté extrême de disséquer méthodiquement des animaux si petits et dont les dimensions filiformes sont tellement dispro- portionnées, que la largeur d’un organe va être contenue plus de deux cents fois ‘ans sa longueur; cela tient aussi beaucoup à l'infidélité de la méthode analogique, prise trop souvent pour guide, dans l'étude de l’organisation des animaux inférieurs, qui n'a rien de véritablement analogue avec celle des animaux supé- rieurs; cela tient enfin à ce qu'on n’a connu ou même aperçu ces Helminthes que pendant la dernière période de leur vie, F. DUJARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. 133 lorsque les organes digestifs et peut-être aussi d’autres organes avaient disparu plus où moins complétement par suite du dé- veloppement excessif des organes génitaux devant seuls servir désormais. Je n'ai pas assurément la prétention d’avoir de mon côté éclairci complétement ce sujet, dans les observations que je publie aujourd'hui, quoique ces observations m'aient coûté beaucoup de travail; mais dans l'impossibilité de les pousser plus loin, puisque tous mes efforts depuis trois ans n’ont pu aboutir à me procurer un plus grand nombre de matériaux, je me décide à les publier, espérant qu’elles pourront engager d’autres observateurs mieux placés à suivre cette étude. Mes recherches ont porté sur une douzaine de vers filiformes que j'ai pu étudier vivans d’abord, puis ensuite conservés dans l’alcool.Ces douze Helminthes appartiennent à deux espèces de Gordius et à un nouveau type de ver filiforme confondu géné- ralement avec les Gordius, et dont je propose de former le genre Mermis ; c'est de lui que je m’occuperai d'abord, parce que j'ai pu l'étudier plus complétement et parce que son organisation se rapproche davantage des types déjà connus; je dirai ensuite ce que m'a fourni l'étude des Gordius, tout en regrettant moi- méme que ce ne soit pas plus satisfaisant. Cela montrera au moins combien est grande la difficulté de ce genre d’études et fcurnira, j'espère, quelques données certaines pour la distinc- tion des Helminthes qu’on a confondus avec les Gordius, et des Gordius entre eux. CHAPITRE Il. Du Merms NiGrEscENs, N. Le ver pour lequel je propose le nom générique de Mermis (du mot grec pis, funiculus) se trouve quelquefois très abon- damment sur la terre humide après la pluie, ou le matin après une forte rosée, quelquefois aussi sur les plates-bandes nouvel- lement béchées, ou bien sur les plantes des bordures, sur les buis notamment, autour desquels il s'enroule comme un fil 134 Fr. DuraRDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. blanchätre plus ou moins taché de noir intérieurement. C’est ainsi qu'ont été trouvés par le docteur Fréne, dans son jardin à Rennes , les cinq individus vivans que j'ai étudiés en mai et juin 1841. Un autre individu conservé dans l’alcool, et que m'a donné M. Duval, directeur de l’école de médecine de Rennes, avait été trouvé par lui de la même manière ; plusieurs autres médecins m'ont dit l’avoir trouvé très abondamment aussi dans leurs jardins pendant les années précédentes ; on m’a rapporté le fait de leur apparition en nombre considérable sur un carré d’asperges après une nuit pluvieuse. Mais au printemps de cette année 18/42, il m'a été impossible de m'en procurer un seul, soit à cause de la sécheresse extraordinaire de la saison, soit parce que les larves, dont je les crois être parasites, n'étaient pas encore arrivées à leur entier développement. C'est bien certainement le même ver que Goeze, qu: le con- fond avec le Gordius aquaticus, dit avoir trouvé dans son jardin. (1) Je présume que c'est le mème aussi qui a été trouvé en quan- tité considérable par Audouin dans des larves de Hanneton, et dont parle Leblond (dans l’explication des planches du nouvel atlas des Vers intestinaux de Bremser ), d'après la communica- tion que lui en a faite M. Audouin. On pourrait, d’après cela , expliquer comment les larves de Hanneton, étant plusieurs années à parcourir toutes les phases de leur développement, leurs vers intestinaux ne doivent, comme elles, se montrer plus abondantes que dans certaines années. On expliquerait aussi comment c’est le plus souvent à la surface de la terre des jardins, où ces larves vivent à une certaine profondeur , que les Mermis se montrent au printemps, quand la terre a été remuée, où ramollie par la pluie; c’est d’ail- leurs quand l'humidité, qui détermine les larves déjà malades à expulser leurs parasites en se contractant, permet aux Mermis de (x) Goeze. N'aturgeschichte der Eingeweidewürmér, p. 123. « Récemment encore; en « juin 1781, après une forte pluie d'orage, ils sont répandus dans le jardin sur des plates- « bandes nouvellement bêchées et s'enroulent par centaines comme de minces filameus >» autour des bordures de buis», F. DUIARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. 135 » s'éloigner pour disséminer leurs œufs sur le sol, et de résister à la dessiccation. Autrement on ne pourrait concevoir comment, dans la terre d’un jardin éloigné des rivières, ces vers, qui au sortir de l'œuf ressemblent à des Anguillules longues à peine d’un quart de millimètre , ont pu acquérir une longueur de 12 à 16 cen- timètres sans qu’on trouve dans le même lieu aucun intermé- diaire entre les vers de ces dimensions extrêmes , sans qu’on en rencontre non plus à d’autres époques de l’année, et sans que d’ailleurs ces vers aient pu se nourrir d’humus comme les lombrics. Je crois que beaucoup d'Helminthes filiformes longs de 10 à 20 centimètres, indiqués comme ayant vécu dans le corps de diverses Chenilles, dans des Sauterelles, des Forficules, des Blaps, des Carabes, etc., etc., pourraient bien être aussi le Mermis, que sa couleur de plus en plus noirâtre suivant le de- gré de développement des œufs, a fait confondre avec le vrai Gordius , et qu’on a pu faire vivre pendant long-temps dans l’eau pure. Moi-méme je me souviens d’avoir trouvé, il y a une douzaine d'années, un de ces Helminthes filiformes sortant du corps d’un Criquet , et d'en avoir rencontré aussi plusieurs enroulés autour des herbes près d’un ruisseau, mais alors je ne cherchai point à les étudier spécialement. J'ai bien aussi essayé de tenir dans l’eau pure les Mermis vivans que m'avait donnés le docteur Frêne : ils y ont vécu pen- dant plus de huit jours ; mais j’ai remarqué que les plus colorés s’efforçaient toujours de sortir de l'eau, et qu'ils s’échappaient pour aller en rampant répandre leurs œufs sur les endroits secs, où ils ne tardent pas à périr. Quand ils ont été plus de six à huit heures exposés à l’air sec, ils deviennent demi transparens, jaunâtres, durs et cassans comme un tendon desséché ; si alors on les replace dans l’eau, ils se gonflent et reprennent leur as- pect primitif, mais ils ne revivent pas. Il est vraisemblable que ces vers, lorsqu'ils ne sont point en- core pressés par le besoin de déposer leurs œufs, peuvent vivre beaucoup plus long-temps dans l'eau pure, et c'est précisément 136 F. DUIARDIN. — Sur les Mermis et Les Gordius. ce qui a lieu pour ceux qu’on a tirés du corps des larves ou des insectes vivans. Les six Mermis que j'ai eus à ma disposition contenaient des œufs plus où moins nombreux; je ne puis donc parler des mâles, si toutefois il en existe. Le Mermis est long de 100 à 125 millimètres, épais de 0,5 à 0,6, blanchätre, avec un cordon noirâtre à l’intérieur, prove- nant du développement des œufs. L'individu qui m’a été donné dans l'alcool est totalement brun-noirâtre ; cependant ceux que moi-même j'ai conservés dans cette liqueur sont restés blanchâtres. Le corps s’amincit peu-à-peu en avant, et présente un léger étranglement en arriere de la tête, qui est oblongue, large seu- lement d'un dixième de millimètre (0,10 millim.), un peu tron- quée en avant où se trouve la bouche, et rendue un peu angu- leuse par la saillie de plusieurs papilles ou ventouses. On re- marque une teinte rougeätre à l’étranglement qui est derrière la tête. La queue, un peu plus étroite que le milieu du corps, est ovoïde, obtuse, large de 0,37, à la distance de 2 millimètres de l'extrémité. À 15 millimètres en arrière de la tête se trouve une fente transversale longue de 0,08, avec des bords épaissis : c’est l'ori- fice génital servant à la sortie des œufs, mais sans continuité avéc un utérus ou tube ovarien qui n’existe pas. La surface extérieure est cylindrique, entièrement lisse; et si, par suite de la dessiccation ou de la macération, elle pré- sente des rides ou des plis transverses, ces plis sont sans aucun rapport avec la structure même du tégument. Il m'a été impos- sible d’apercevoir une ouverture anale. Le système tégumentaire se compose de trois parties ou et- veloppes concentriques bien distinctes, savoir : 1° A l'extérieur, une couche épidermique homogène, épaisse de 0,0018 mill., et que l’on peut isoler en râclant avec un scalpel la surface du Mermis. Cet épiderme s'enlève d’ailleurs très faci- lement avec la couche fibreuse sous-jacente. 2° Une double couche de fibres obliques, croisées , parfaite- F. DUIARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. 137 ment égales et continues, formant ainsi comme un double sys- tème de fibres qui s’enroulent en hélice autour du corps, depuis une extrémité jusqu’à l’autre. Les fibres de la couche supérieure sont tournées de gauche à droite; vues en place, elles sont épaisses de 0,0017; vues à plat, quand elles sont isolées , elles sont larges de deux millièmes de millimètre ; celles de la couche inférieure sont tournées en sens inverse , et d’un tiers moins épaisses. 3° Sous les couches précédentes , se trouve un tube cartilagi- neux formé de quinze, vingt et jusqu’à trente couches homo- gènes, concentriques, épaisses de 0,0015 à 0,003 en ailant de dehors en dedans. Ainsi ce tube, plus ou moins épais suivant les endroits où on l’observe , et surtout plus épais vers la queue, aura par exemple sa paroi épaisse de 0,045 , et sa cavité centrale large de 0,3 millim. Ce tube est assez résistant, très hygromé- trique , et quand par la dessiccation il est devenu jaunâtre, dur et cassant comme un tendon desséché , il reprend aussitôt son aspect primitif si on le plonge dans l’eau. Les fibres obliques se montrent très régulières et tres uni- formes sur presque toute la surface ; mais, aux extrémités seu- lement , elles s’infléchissent et se contournent, soit régulière- ment autour de chacune des papilles de la tête, soit irrégulie- rement à la queue. Les papilles, au nombre die cinq ou six, qui entourent la tête, sont fort petites et un peu saillantes à l’exté- rieur; mais au-dessous de chacune d'elles, le tégument pré- sente une lacune ou cavité conique en communication avec la vaste cavité qui entoure l'œsophage : on peut donc admettre qu'a ces papilles mêmes correspondent autant de petites ouver- tures donnant entrée au liquide qui baigne la surface intérieure de cette cavité. Il reste donc comme nous venons de le dire, et comme on le voit dans la figure 3, un large espace libre entre le tégu- ment et l’œsophage, très étroit à son origine, où il n’est point encore entouré par le tube charnu dont nous parle- rons plus loin, Dans toute sa longueur, le tégument, vu par dedans , présente deux crêtes ou côtes longitudinales, onudu- lées, saillantes, destinées à établir la communication avec le 138 Fr. purARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. tube charnu. Dans l'intervalle de ces deux crêtes, se voient des cordons sarcodiques très minces , l'un plus épais, longitudinal; les autres, plus nombreux, transvérses. Ces cordons , vers la partie antérieure , deviennent plus nombreux, plus distincts, souvent bifurqués ou anastomosés, surtout à la paroi interne de la cavité qui entoure l'œsophage, et qui parait elle-même tapissée par un enduit de même nature, Ces cordons, en raison de leur inégalité, ne me semblent nullement pouvoir être assi- milés à des vaisseaux ou à des nerfs ; s'il fallait faire quelque conjecture sur leur nature et sur leur rôle physiologique, j'ai- merais mieux supposer qu'ils servent à l’accomplissement d’une sorte de respiration branchiale, exécutée dans l'intérieur de la cavité et à la face interne du tégument , comme cela a lieu chez les Systolides et chez les Naïs. Sous le tégument se trouve un tube charnu, épais, lié seulement au tube corné par des brides sarcodiques assez liches, et contenant à l’intérieur l'intestin, libre dans sa ca- vité centrale, et les placentas ou cordons ovariens fixés à sa paroi interne. Vu par dehors, ce tube charnu paraît formé de fibres longi- tudinales, épaisses de 0,0015 mill. seulement; mais sur une coupe transverse, on voit que la paroi du tube est épaisse de 0,014 mill., et qu'à chacune des fibres longitudinales exté- rieures correspond une lame on une série de fibres dirigée vers l'axe, d’où résulte pour ce tube une structure rayonnée. Ces lames , évidemment contractiles, sont susceptibles de se plisser quand on les soumet à l’action d’une dissolution de potasse, et paraissent alors granuleuses on ondulées avec régularité, et presque striées transversalement à la manière des fibres mus- culaires d'animaux vertébrés ou articulés. Cette structure se montre aussi, quoique plus difficilement, avant l’action de la potasse,. Le tube charnu, musculaire, est tapissé à l'intérieur par un appareil parenchymateux dans lequel est creusé, à la partie inférieure , un canal longitudinal dont je ne vois pas la destina- tion, mais qui n’est certainement pas un oviducte ni un vais- seau ; sa connexion avec les placentas pourrait faire penser que F. DUJARDIN. — Our les Mermis el les Gordius. 139 c'est un organe sécréteur en rapport avec la production des capsules ovifères. De chaque côté du canal dont nous venons de parler, se voit à la face interne du tube une large bande ovarienne ou un pla- centa longitudinal, comparable en quelque sorte avec le pla- centa de certains végétaux ; en effet, chaque bande ovarienne, limitée latéralement par deux crêtes peu saillantes, présente primitivement sur son axe un cordon parenchymateux formé par une double rangée d’ovules; puis quand, dans l'animal complétement adulte, les œufs se sont développés, ils se trou- vent renfermés chacun dans une pyxide où capsule uniovulaire portée par deux funicules fibreux naissant de ses pôles. Chaque œuf parfaitement globuleux , large de 0,043 mill. et revêtu d’une coque noirâtre, contient à sa maturité un embryon enroulé sur lui-même. Cetembryon , long de 0,23 mill., et épais de o,o1 à 0,012, est blanc, presque entierement sembiable à une Anguillule. Mis en liberté par la rupture de sa coque, il se meut et s’agite dans l’eau, où il continue à vivre pendant plu- sieurs jours. Il est pourvu d’un intestin bien distinct avec un œsophage allongé, étroit, sans renflement ni bulbe œsophagien. Sa queue est notablement obtuse. L'œuf, qui s’est développé isolément dans sa capsule , est expulsé à l’époque de la ponte avec sa capsule, même avec ses deux funicules fibreux : il reste flottant dans la cavité intérieure du tube charnu jusqu'à ce que les contractions de ce tube l’aient fait arriver en avant, vis-à-vis l’orifice transverse par lequel il s'échappe au dehors. La capsule , large de 0,05 mill. ( un vingtième de millimètre) forme autour de l'œuf une seconde enveloppe, qui le préserve de la sécheresse : ; mais bientôt , si elle reste plongée dans l'eau et si elle éprouve quelques efforts , elle se divise en deux valves hémisphériques, comme une pyxide d’Anagallis; chaque valve, plus inince et diaphane au bord, est plus épaisse et colorée au sommet, où elle porte un tubercule régulier, d’où part son funicule, d’abord simple en apparence, épais de 0,003 mill., plus où moins flexueux où méme un peu contourné comme un cordon ombilical, mais qui bientôt s'épanouit en un faisceau de 140 F. DUJARDIN. — Suriles Mermis et les Gordius. fibres très minces (épaisses de 0 0008 à 0,001 mill. ), étalées et implantées sur la crête qui borde la bande placentaire. La déchirure de la capsule n'a pas lieu suivant une ligne transverse régulière: c'est une rupture, une déchirure inégale dans la partie la plus mince de la parai. + Les filamens dont se compose le funicule paraissent bien être de simples fibres; cependant c’est par leur intermédiaire seule- ment ou par absorption sur toute la surface que l'œuf, isolé dans la capsule, peut se nourrir. Je ne pense pas assurément que ce puissent être des vaisseaux; mais lesinterstices ou espaces interfibrillaires du funicule pourraient jouer le rôle des méats intercellulaires des végétaux. L'appareil digestif est fort simple: il se compose d’un intestin large de 0,04 à 0,06, à parois épaisses, contenant beaucoup de gouttelettes huileuses. En arrière, dans l'animal complétement développé, il paraît se confondre avec le tube charnu et dispa- rait entièrement; en avant, il est plus nettement circonscrit et se continue avec un œsophage mince, filiforme, large seulement de 0,007 en dehors , et dont la cavité intérieure, ainsi que la bouche , ne peut avoir plus de 0,003 mill. Eu comparant l'embryon du Mermis, si semblable aux Anguil- lules, qui abondent dans la terre humide, et parmi les Mousses et aussi dans les cavités viscérales des Lombrics, des Limaces, des Insectes et de leurs larves; en comparant, dis-je, l'embryon du Mermis, pourvu d’un intestin distinct, avec le même Hel- minthe adulte chez lequel, par suite de l'accroissement excessif du système tégumentaire et des organes reproducteurs, l’appa- reil digestif est devenn incomplet et en partie rudimentaire, on est conduit à penser que le Mermis, comme nous venons de le décrire, est le dernier terme du développement d’un Helminthe, différent de tous les Nématoïdes connus , subissant de grands changemens avec l'âge, et devant n’arriver à ce dernier terme que dans des larves ou des insectes dont la vie est suffisamment prolongée. Le Mermis ne viendrait ensuite à l'air que pour répandre ses œufs, ainsi que le font les Ténia du chien, qui, expulsés par fragmens avec les excrémens, conservent dans chacun de F. DUJARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. 141 leurs segmens assez de vitalité pour que ces segmens puissent ramper et répandre leurs œufs à une certaine distance. Ainsi les Mermis ne seraient point des vers terrestres ou aquatiques: ce seraient des vers intestinaux très différens des Gordius , comme nous l’allons voir, et plus différens encore des Filaires et des autres Nématoïdes , à cause de la structure remarquable de leur tésument, et surtout à cause du singulier mode de développe- ment de leurs œufs dans autant de capsules isolées et suspendues par un double funicule. On n’a aucun autre exemple d'un tel mode de développement dans le règne animal, à moins qu’on ne veuille assimiler à la capsule du Wermis l'enveloppe externe des œufs d'Echinorhynque; qu’on n’a pu voir encore que flottans et libres dans la cavité viscérale ou ovarienne, et non suspen- dus par des funicules à un placenta. Il semblerait même au pre- mier coup d'œil qu’on devrait trouver plus d’analogie dans le règne végétal pour ce mode de développement des ovules ; mais cepentlant encore on ne peut pas établir une comparaison entre le funicule de l'ovule végétal et le double cordon fibreux dela capsule uniovulaire du Mermis. Résumé. Un ver filiforme très élastique, blanchâtre, plus ou moins noirâtre à l’intérieur, trouvé souvent enroulé autour des plantes ou sur la terre humide, et confondu avec les Gordius, se distingue de cet animal et de tous les Helminthes et Anné- lides, 1° par son tégament, comprenant un épiderme homogene, qui recouvre une double couche de fibres obliques croisées, et un tube cartilagineux épais, formé de quinze à trente couches minces concentriques , et 2° surtout par le mode de développe- ment de ses œufs solitaires dans autant de capsules ou pyxides que soutiennent à leurs pôles deux funicules fibreux. Pour ce genre on devra créer un nouvel ordre d'Hel- minthes intermédiaire entre les Nématoïdes et les Acantocé- phales, car ceux-ci ont de même un appareil digestif incomplet et des œufs isolés dans une dosble ou triple enveloppe. Il sera nommé Mermis, et caractérisé ainsi: Vermis, corpore longissimo filiformi, elastieo, anticè parumper alteuuato; capite subiuflato, ore terminali minimo rotundo; intestino simplice, postice obsoleto, ano nullo; vulvä anticä, transversä. 142 FE. DUJARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. Ova juxtà placen!as lineares, intrà tubum muscularem concepta, denique in capsulis monospermis , bipclaribus, bipedicellatis , deciduis inclusa. L'espèce que j'ai nommée Mermis nigrescens prut être carac- térisée ainsi : Mermis caudà obtusà, capite subangulato ex papilhs 5-6-obsoletis ;ovis nigris. CHAPITRE III. Du GORDIUS AQUATICUS. Le Gordius aquaticus, bien vu par M. de Siebold, est, je crois , le même que M. Charvet a désigné sous le nom de Dra- gonneau de Claix. C'est bier le même aussi dont parle Goeze dans son histoire des Vers intestinaux ( page 123), quand il dit: « On doit les chercher seulement au printemps, quand le soleil «brille, vers midi, dans les mares, où on les voit fourmiller. Je « les ai trouvés aussi abondamment sous les Lemna, ainsi que « dans l'estomac des Grenouilles qui les ont avalés. » Le Gordius que j'ai étudié vivant, cette année, à Rennes, était un mâle, c’est-à-dire qu'il avait la queue bifide, et que son corps, plus effilé, se flétrissait par la dessiccation , et parais- sait presque vide. Il avait été trouvé au mois de mars sur du cresson de fontaine apporté au marché. J'ai fait chercher et j'ai cherché moi-même plusieurs fois dans les ruisseaux où avait été pris ce cresson; mais ces recherches ont été sans succès, et J'ai dû me borner à étudier ce seul individu. Je l’ai conservé vivant jusqu’au 20 mai, dans un bocal d'un demi-litre avec de l’eau qui contenait en même temps des Hydres, des Lemna et une tige enracinée de Poa fluitans , autour de laquelle ce Gordius aimait à s’enrouler. Pendant tout le jour et surtout quand le soleil brillait, le Gordius s’agitait plus où moins en raison de l'élévation de la température, et s’efforçait sans cesse de se frayer un passage, en appuyant se tête contre la paroi du bocal. Il s'élevait à l’aide de la tige de Poa, mais sans dépasser jamais la surface de l’eau. Pendant la nuit et le matin, quand la tempéra- ture était plus froide, je l'ai toujours trouvé immobile et plus ou moins pelotonné. F. DUJARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. 143 Sa longueur était de 174 mill.; son diamètre de 0,8 mill. I était donc notablement plus volumineux que les Mermis. M. Charvet en a observé de beaucoup plus grands encore ; car il parle de Gordius de Claix, mâles, ayant 10 pouces (250 mill.). Je l'ai souvent étudié avec la loupe ou avec le microscope, soit dans l'eau , soit entre des lames de verre, et j'ai remarqué avec quelle facilité il se dessèche et se flétrit à l'air pour se gonfler de nouveau aussitôt qu’il est replacé dans l’eau, pourvu que la dessiccation n’ait pas été trop prolongée. J'ai bien vu que sa tête est terminée par une calotte cornée, diaphañe , imperforée, composée de plusieurs couches de fibres obliques croisées et présentant en outre des indices de fibres circulaires et des stries rayounantes. Toute la surface du Gordius est couverte de fibres obliques très fines, croisées suivant deux directions , et formant ainsi autant d’hélices qui s'étendent depuis une extrémité jusqu’à l'autre. Ces fibres, qui, en raison de leur ténuité et de leur régu- larité, produisent des effets d’interférence et des reflets irisés bien prononcés, forment d'espace en espace des bandes plus ou moins foncées, d'où résultent, avec les fibres dirigées en sens inverse, des losanges réguliers en apparence, mais que sous le microscope on voit bien être sans rapport essentiel avec la strue- ture du tégument ; çà et là, dans le tégument, sont disséminés sans ordre des points plus clairs ou pores larges de 0,006, re- couverts plus ou moins par les fibres , mais paraissant réelle- ment correspondre à des lacunes de ce tégument. Plusieurs de ces points, que M. Charvet a décrits comme des pores, occupent le centre des losanges, mais beaucoup d’autres sont irréguliére- ment placés. La couleur générale du Gordius aquaticus est bruve avec plus d'intensité suivant deux bandes latérales. Malgré toute mon attention, je n'ai pu découvrir à travers ces bandes, ni dans l'intervalle plus clair qui les sépare, aucune trace du vaisseau dorsal ou du tube ventral indiqués ou soupçonnés par M. Charvet. Je conservais ce Gordius vivant depuis cinquante jours, quand aperçus plusieurs taches plus foncées, ternes et cemme héris- sées, vers l'extrémité antérieure. En soumettant au microscope 144 F. DUJARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. cette partie de l'animal, je reconnus qu'il s'était développé à la surface et dans le tégument même une foule de petites Algues microscopiques, des Gomphonema , etc. Le Gordius vécut en- core quinze jours, et ne mourut que le 20 mai; la dissection n’en put être faite que trois jours apres : il est donc probable que son organisation intérieure avaitdéja subi quelquealtération. La tête, étudiée avec soin par des coupes transverses, me parut bien réellement imperforée; son enveloppe diaphane était évidemment formée de plusieurs couches de fibres croisées, mais moins distinctes que dans le reste du tégument. Le tégument, fendu d’un côté, put se détacher complétement du tube charnu intérieur, qui se contracta aussitôt d’un quin- zième environ de sa longueur. Il est donc évident que le tégu- ment, tres élastique lui-même, n’agit que pour maintenir l’al- longement ou contrebalancer la contractilité du tube charnu intérieur. Le tégument, ainsi isolé, forme un tube assez résistant ; il ne ma présenté aucune trace d'épiderme, et m'a paru formé de vingt à vingt-quatre plans de fibres obliques, égales , régulière- ment croisées, suivant deux directions, et paraissant ainsi entou- rer tout le corps comme le filet d’une vis. Chacun de ces plans de fibres est épais de 0,00116 mill.; chaque fibre isolée m'a paru large seulement d’un millième de millimètre : ainsi l’épais- seur totale des vingt-quatre plans de fibres est de 0,026 mill. Au-dessous se trouve une couche homogène, colorée, qui elle-même est percée de trous ronds , larges de 0,06, lesquels s’aperçoivent bien à travers le tégument dont les fibres parais- sent plus lâches au-dessus de ces trous. C’est là ce qui forme les points ou pores dont nous avons déjà parlé. Le tégument étant étalé sur la plaque de verre et observé par transparence , présente deux bandes latérales plus colorées, dans lesquelles se montrent quelques fibres longitudinales et un cordon transparent, très mince, rappelant assez bien les cor- dons latéraux des Némertes. Le tube charnu intérieur, vu de dehors , paraît simplement formé de fibres longitudinales; mais, de même que le tube in- térieur des Mermis, si on l’étudie sur une coupe transverse, il … F. DUIARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. 145 paraît formé de lames ou d’assemblages lamelliformes de fibres, disposées en rayonnant dans le sens de l'axe. La paroi de ce tube charnu, musculenx, est épaisse de 0,04 à 0,05 mill., et chaque fibre ou lamelle, vue de champ, est épaisse de 0,00 mil. Les fibres ou lames se contractent par l’action d’une solu- tion de potasse, et deviennent alors réguliérement ondulées ou noduleuses. L'intérieur de ce tube charnu est rempli par nn tissu aréo- laire dont les cellules polyédriques régulières sont remplies par un liquide blanc, pulpeux. Les cloisons membraneuses qui séparent les cellules forment, par leur rapprochement et leur épaississementau milieu de la cavité du tube charnu, une cloison longitudinale, dans l'épaisseur de laquelle se trouve , le long de la paroi du tube, un canal lacuneux irrégulier, rempli par une substance blanchätre homogène. A cinq millimètres de l'extrémité antérieure, et sur une lon- gueur à-peu-prés égale , le tube charnu, renflé dans cet endroit, présentait à sa surface externe un grand nombre de coques globuleuses, noirâtres, à paroïs granuleuses, et percées d’un trou au sommet. Ces coques, dures et fragiles, larges d’un vingtième à un huitième de millimètre (de 0,05 à o,12 mill.), ont pris naissance entre les fibres ou lames du tube musculeux où l’on voit en même temps des amas de petits globules qui paraissent destinés à se développer de même. Sur cette même partie du tube charnu , se voient quelques plaques allongées , brunes, d'apparence cornée et traversées par un canal longitu- dinal. Sans la présence simultanée de ces derniers organes, j'aurais été tenté de regarder les coques globuleuses con:me une production végétale parasite, d'autant plus qu’elles étaient situées à-peu-près au-dessous des taches ternes et hérissées, pro- duites par le développement des Algues microscopiques. Plusieurs détails d'organisation que j'ai observés sur l'espèce suivante, n'ont pu être constatés par moi sur ce Gordius aqua- tique , à cause de la difficulté que présente la dissection de cet animal dont les parties, examinées d’abord d’une certaine ma- nière, se trouvent ensuite trop altérées pour pouvoir subir un autre mode d'examen. XVIII. Zoo — Septembre. 146 x. purannis. — Sur les Mermis et les Gordius. CHAPITRE IV. Gorpius TOLOsaNus, N. J'avais reçu en 1840 de M. Bonne, secrétaire de l’école vété- rinaire de Toulouse, plusieurs Gordius vivans, trouvés dans les réservoirs d’eau servant à l’arrosement des jardins. Plusieurs de ces Gordius étaient mâles, c'est-à-dire avaient la queue bifide et le corps plus mince et plus flasque après la dessiccation; les autres avaient la queue simple, obtuse , et le corps plus gonflé, restant ferme et cylindrique après la dessiccation ou immersion dans l'alcool : c’étaient des femelles. Une différence bien inat- tendue m’a été offerte par ces deux sortes d'individus dans ia structure de leur tégument externe ou de r'épiderme dont la présence doit servir à les caractériser et à les distinguer du Gor- dius aquaticus. En effet, l'épiderme des femelles ou des indivi- dus à queue simple, obtuse, est composé d'aréoles ou plaques polygonales uniformes, assez régulières, un peu convexes; ces aréoles sont séparées par un réseau très élégant formé par une ou plusieurs rangées de points enfoncés, correspondant à autant de petites papilles très minces qui pénètrent dans le tégument sous-jacent et ressemblant souvent à des séries moniliformes de granules. Ces aréoles , larges de 0,016 à 0,018 mill., sont presque effacées vers les deux extrémités. Or, l'épiderme des mâles ou des individus à queue bifide, ressemblant d’ailleurs à celui des femelles, en diffère parce que d'espace en espace , de sept en sept aréoles, par exemple, plus ou moins, il s’y trouve de larges disques plus saillans, à surface finement granulée, ombiliqués au centre, et dont le diamètre est de 0,036 mill. L'épiderme du mâle, autour de l'orifice génital et dans une large bande en fer à cheval entourant ce même ori- fice, présente, en outre, sur chaque aréole un tubercule ou une papille conique, saillante, dont la longueur est de 0,006 à 0,008 mill. Il faut noter aussi que l'épiderme du mäle ou de la femelle, surtout après le traitement par la potasse, montre une structure finement striée. Au-dessous de cet épiderme, F. DUJARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. 147 le tégument du Gordius tolosanus mäle ou femelle, présente absolument la même structure que celui du Gordius aquaticus, c’est-à-dire qu'il se compose de seize à vingt plans de fibres obliques, croisées en deux directions ; ces fibres, enlevées avec l'épiderme , lui donnent aussi des reflets irisés bien prononcés. Il m'a paru que la couche réticulée qui tapisse le tégument à l'intérieur est plus distincte ici, particulièrement chez les fe- melles. On voit d’ailleurs aussi chez l’un et l’autre les deux bandes longitudinales mentionnées en parlant du tégument du Gordius aguaticus. Le tube charnu ou musculaire a aussi la même structure que chez le Gordius aquaticus, et présente mème avec plus de netteté les indices de contractilité, les fibres ou lames devenant, après l’action de la potasse, très régulièrement noduleuses et ondulées. Le tissu aréolaire de l'intérieur a également la même structure, ses mailles ou cellules polyédriques assez régulières contiennent chacune une masse arrondie demi transparente avec un globule au centre que l’on pourrait prendre pour un ovule si on ne le trouvait également chez les deux sortes d'individus, d’autant plus que c’est à l’intérieur d’un tube musculeux sembiable que se développent les œufs du Mermis. Cependant, chez le Gor- dius tolosanus femelle ai vu dans la couche réticulée intermé diaire, entre le tégument et le tube charnu, des corps globuleux larges de 0,015 à 0,026 mill. revêtus d’une coque épaisse ou d'une double enveloppe, et que je n’aurais pas hésité à regar- der comme des œufs si leurs dimensions et leur aspect n’étaient exactement ceux des Diselmis verts ou rouges qui auraient pu se fixer là pendant la macération dans l’eau. Les lames ou cloisons membraneuses qui séparent les cellu- les forment aussi par leur rapprochement et leur épaississement chez le Gordius tolosanus une cloison divisant irrégulièrement en deux parties toute la cavité du tube charnu et contenant dans son épaisseur même, le long de ce tube charnu, de chaque côté, un ou deux canaux lacuneux remplis d’une substance ho- mogéne. La tête m'a paru également imperforée et garnie en avant 10, 148 F. DUJARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. d’une calotte ou lame convexe, transparente, large de 0,25 mill. formée de nombreuses couches de fibres obliques plus intime- ment soudées. Mais, derrière cette lame convexe, j'ai vu chez la femelle une cloison transverse percée d’une très petite ouverture centrale avec un rebord épais tourné en dedans. La couleur de ces Gordius est bistrée avec deux bandes Jatéra- les plus foncées ; les mâles sont plus noirs; les femelles, au con- traire, en raison de la blancheur du tissu qui remplit leur tube musculeux interne, sont d’une couleur plus claire. Leur lon- gueur est de 110 à 115 mill., leur épaisseur de 0,7 pour les mâles est de 0,8 mill. pour les femelles. L'extrémité postérieure du mâle est un peu recourbée en dessous, et bifide comme celle du Gordius aquaticus sur une longueur de six à huit dixièmes de millimètre , et les iobes sont également arrondis et obtus. À 0,04 mill. de la bifurcation sur la face ventrale se trouve une ouverture lancéolée, étroite, longue de 0,035 mill., pénétrant obliquement d’arrière en avant dans l'intérieur du corps. Ses bordes présentent quatre à cinq rangées irrégulières de granules arrondis correspondant à autant d'aréoles du tégument. Au-delà de cette bordure granuleuse jusqu'à 0,04 mill. se voit un espace lisse avec des aréoles pres- que effacées, et circonscrit par une large bande en fer à cheval dont toutes les aréoles sont surmontées par des tubercules ou des papilles coniques longues de 0,006 à 0,008 qui rendent cette partie comme hérissée. On conçoit que sur un animal filiforme et opaque la structure de cette partie n’a pu être bien étudiée qu'en dédolant ou enlevant des lames minces parallèles du tégu- ment: cest faute d’avoir suivi cette marche d’abord, que je n'ai pu constater la même structure chez le Gordius aquaticus. L'extrémité postérieure de la femelle est obtuse un peu dépri- mée et recourbée en dessous, et percée d’une ouverture ronde, obliquement située vers la face ventrale, large de 0,022, entourée de fibres rayonnantes et par conséquent contractile. À cette ouverture aboutit une saillie longue d’un millimètre et demi, située au milieu de la face ventrale et circonscrite par deux dépressions longitudinales. F. DUJARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. 149 Quand cette partie, exposée à l'air, commence à se dessécher, elle montre à la place de la saillie longitudinale une côte arron- die saillante, séparée des bords également saillans par deux lar- ges dépressions lancéolées. En s’approchant de l'ouverture ter- minale, cette côte saillante se bifurque et ses deux branches completent, avec le bord également saillant du tégument dorsal et postérieur, une aréole/polygonale, ou facette oblique au cen- tre de laquelle se trouve l’orifice mentionné. D'après ce qui précède, on voit que le Gordius tolosanus peut seulement être caractérisé par la présence et la structure de son épiderme : epidermide exquisitè areolato. Le Gordius aguaticus au contraire étant sans épiderme. Résumé sur les Gorprus. Ainsi les deux Gordius que nous venons de décrire ont cela de commun qu'ils sont sans bouche, sans anus, sans intestin, sans véritables nerfs ou vaisseaux. Ils sont comme le Mermis, revêtus d’un tégument épais, élastique, résistant et très hygro- métrique; mais ce tégument, à part l’épiderme qui distingue lun d’eux, est formé de 16 à 24 plans de fibres obliques croi- sées ou alternativement dirigées de droite à gauche et de gau- che à droite, entourant tout le corps comme une hélice de- puis une extrémité jusqu’à l’autre, comme aussi le double plan de fibres du Mermis. Ils ont à l'intérieur un tube charnu musculeux à paroi épaisse, d’une structure rayonnée, c’est-à-dire que la paroi du tube se compose de lames longitudinales situées dans la direc- tion de l’axe, et évidemment très contractiles. Dans ce tube, ils ont tous un tissu aréolaire à mailles polyé- driques renfermant chacune une substance blanche demi fluide ou une masse arrondie avec un globule qu'on pourrait prendre pour un ovule, Ce tissu aréolaire est traversé dans toute la longueur du tube par une cloison provenant du rapproche- ment des lames qui séparent les cellules et dans l'épaisseur de laquelle sont creusés de chaque côté un ou deux canaux. En- 150 F. DUJARDIN. — Sur les Mermus et les Gordius. fin tous ces animaux n’ont qu’une seule ouverture située à l’ex- trémité postérieure, et servant sans doute à la génération. Ainsi, les Gordius manquant précisément des organes destinés à la conservation de l'individu, on est conduit à penser qu'ils pourraient être aussi comme les Mermis le dernier terme du développement d'un Helminthe chez lequel ces organes auraient été atrophiés par suite de l'accroissement excessif de l'appareil tégumentaire et des organes destinés à la conservation de l’es- pèce. Si cette manière de voir n’était pas jugée improbable par les observateurs qui ont la facilité de se procurer abondamment les Gordius, ce serait dans les larves essentiellement aquatiques et plus encore dans les nymphes des Hydrophiles et des Dytisques qu'ils devraiext chercher les Gordius plus jeunes. On le voit, les détails précis que je viens de donner sur la structure des Gordius sont loin d'avoir éclairci ce que cette structure présentait d'obscur, et je suis amené à dire, en termi- nant comme M. de Siebold, que ces singuliers Helminthes m'ont paru encore plus énigmatiques à mesure que je les ai étudiés davantage. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 6. Fig. x. Mermis nigrescens , de grosseur naturelle, Fig. 2. Tête du Wermis, grossie 105 fois. Fig. 3. Coupe longitudinale de la partie antérieure du Mermis, grossie 300 fois. — a. Bouche ; 6, b. Ventouses ou papilles; c. OEsophage isolé au milieu d’une cavité tapissée par un enduit sarcodique, Cette cavité se prolonge encore plus loin en arrière et montre distinctement deux cordons longitudinaux d’où partent des cordons transverses quelquefois bifurqués ou ramifés. Fig. 4. Portion des tégumens de la tête, grossie 300 fois et montrant la disposition des fibres autour d’une papille. Fig. 5. Portion des tégumens , vus ensemble près du contour, grossie 300 fois. — a. Epiderme homogène ; £. Double couche de fibres obliques croisées ; c. Tube cartilagineux intérieur, formé de 15 à 30 couches concentriques. Fig. 6. Vulveou orifice pour la sortie des œufs, vue par transparence et grossie 240 fois. Fig. 7. Queue, grossie 140 fois et montrant les fibres contournées. Fig. 8. Portion du corps d’un Mermis plus jeune, vue par transparence vers le milieu de la longueur, — a. Tégument; 4, 8. Placentas longitudinaux , portant deux rangs d’ovules; c, Intestin,— Grossie 300 fois, F. DUJARDIN. — Sur les Mermis et les Gordius. 151 Fig.9. Portion du tégument, vue par dedans et montrant par transparence les fibres croisées , et, ena, a, deux crêtes ou cordons saillans longitudioaux ondulés; et , en , des cordons sarcodiques plus minces, disposés à angle droit. Fig. ro. Portion de l'épiderme isole , avec les fibres croisées sous-jacentes. Fig. 11. Portion d'une coupe transverse du tégument; montrant en a l'épiderme , qui a été enlevé ou déchiré dans l'endroit a’; en , la double couche de fibres croisées ; en ce , le tube cartilagineux intérieur, formé de 15 à 20 couches concentriques. Fig. 12. Porlion d'une coupe transverse du tube charnu intérieur, montrant en a le canal longitudinal, creusé dans le parenchyme qui tapisse ce tube. Fig. 13, Portion du tube charnu, vu par dedans et montrant la bande longitudinale à laquelle sont attachés les funicules fibreux des capsules ovifères. — Grossie 300 fois. Fig. 14. OEuf dans sa capsule, avec ses funicules. — Grossi 300 fois. Fig, 15. OEuf isolé entre les deux moiliés a, a’, de sa capsule , à chacune desquelles tie encore son fuuicule fibreux , & ; — dans l'œuf c , on voit l'embryon roulé. Fig. 16. Embryon sorti de l'œuf et continuant à vivre dans l’eau. — Grossi 350 fois. OzsERvATIONS sur les mœurs des Fourmis , Par M. E. ROBERT. (Presentées à l'Academie des Sciences, le 16 août 1841.) Après les travaux des Geoffroy, des Leuwerhoeck, des Swammerdam , des Linné , des De Geer et notamment des Bonnet, des Latreille et des Hubert, sur les fourmis, ii reste peu d'espérance de faire des observations intéressantes sur les mœurs de ces curieux insectes. On a lieu de penser que leur histoire est parfaitement connue; cependant l’éten- due seule d’un sujet, qui a occupé tant de naturalistes si célèbres, ne semble-t-elle pas indiquer qu'il est inépuisable ? « Cherchez, vous trouverez », a mis Hubert pour épigraphe sur son admirable traité des Fourmis. Celui qui veut observer se trouve, pour ainsi dire, autorisé à continuer les mêmes re- cherches. Je prie donc l'Académie de vouloir bien me permettre de lui communiquer les observations que je viens de faire sur la fourmi-fauve des bois. 1° Linné, en parlant de l’espece à laquelle il a donné le nom de Aufa ou de Fusca , espèce dont il a étudié les mœurs en Suéde ; et qui, dans nos bois, a été l’objet de mon examen, dit: 152 E. ROBERT. — Sur les mœurs des Fourmis. « que des chemins battus et prolongés à une grande distance, « partent de la fourmilière comme d’un centre: ce sont les « grandes routes qui facilitent les excursions de ces fourmis et le transport de leurs convois ». Il ajoute : « qu’elles pratiquent « des chemins parfaitement battus, qui se rendent de la four- « milière à quelque arbre du voisinage, souvent à une très « grande distauce, et qu’elles les aplanissent à force d'y marcher « sans cesse ». Hubert a remarqué aussi : « que les grandes four- « milières communiquent entre elles par des routes battues, « quelquefois longues d’une centaine de pieds, et larges de « plusieurs pouces , creusées et travaillées par les fourmis elles- « mêmes. » & Des faits aussi évidens ne devaient certainement pas échapper à des observateurs tels que Linné et Hubert; cependant, comme ils me paraissent avoir porté leur attention plutôt sur les che- mins en forme de galeries , creusés dans l'intérieur des fourmi- lières, que sur la disposition, l'étendue, la direction, en un mot , sur l'espèce de symétrie qui me semble exister dans leurs chemins extérieurs, je vais tâcher de remplir cette lacune. Quand on examine avec soin une de ces grandes fourmilières qui s'élèvent dans nos bois sous forme conique, ou en pain de sucre, on en voit partir, comme autant de rayons, des routes couvertes de fourmis, qui vont et qui viennent. Le nombre de ces voies est quelquefois de dix , et se trouvent également espa- cées les unes des autres, pourvu toutefois que le terrain le permette. Ainsi, autour d’une fourmilière située dans le bois de Meudon, où la surface du sol, à la distance de quarante mètres environ , était assez uniforme et également couverte de feuilles de châtaigniers, de mousses et de plantes herbacées , il y avait dix chemins presque également distans les uns des autres. Plus loin , une autre fourmilière ayant tout un côté garni de hautes bruyères et de fougères, tandis que l’autre était libre, n'offrait que cinq chemins situés tous de ce côté, comme si la place eût manqué pour les cinq autres. Il y a peu de fourmis dans les espaces compris entre les rayons ,à tel point, qu’en ayant la précaution de ne pas marcher sur les routes, ce qui trouble momentanément la circulation E. ROBERT. — Sur les mœurs des Fourniis. 153 des insectes, on peut s'approcher du pied de la fourmilière, sans être incommodé par ses nombreux habitans, que l’on voit alors déboucher et y pénétrer en foule, donnant assez bien l’image des faubourgs d’une grande cité. La confusion n’est donc qu'apparente dans le voisinage des fourmilières. Le plus grand ordre, comme on voit, règne aussi bien au dehors qu'au dedans. Toutes les routes d’une même fourmilière , à-peu-près égale- ment fréquentées, ont la même étendue. Ainsi, dans la pre- miere, je les ai suivies jusqu’à quarante-sept mètres de distance, et, dans la seconde, qui n'avait, comme je l'ai déjà dit, que cinq chemins, quoiqu’elle füt du double plus forte que la pre- mière , jusqu'à soixante-dix-sept mètres environ , après quoi les fourmis les plus avancées s’écartent pour butiner et reviennent par les mêmes voies. Toutes les routes vont à-peu-près en droite ligne depuis la fourmilière jusqu’à leur extrémité , quelle que soit d’ailleurs la configuration du sol. Elles ne se détournent que dans le voisi- nage des gros arbres, mais ne tardent pas à reprendre leur direction primitive. Dans la premiere fourmilière , deux de ces routes, après avoir parcouru, depuis leur origine , une surface parfaitement plane, traversaient en ligne droite une profonde excavation. Elles reparaissaient de l’autre côté sans avoir changé de direction. Cette tendance de la fourmi à se créer des chemins en ligne droite était encore manifeste dans la seconde fourmi- liére. Là, une deleurs routes, après avoir traversé successivement quatre ravins profonds et autant de collines, allait aboutir à une sépée de chène, située au bord d’un chemin. Les fourmis mon- taient sur les arbres qui la composaient, à la recherche sans doute des pucerons , et en descendaient pour retourner immé- diatement à leur demeure, éloignée alors de deux cent trente pieds environ. (1) (x) A l'appui de ces observations concernant principalement Ja direction suivant laquelle les Fourmis se tracent des chemins, je puis rapporter le fait suivant. Bonnet remarqua un jour « de petites Fourmis, qui moutaient à la file, et une à une le loug d'un mur », et il vit = qu'elles suivaient constamment la même ligne, qui était à-peu-près droite », Ces faits ne 154 L. ROBERT. — Sur les mœurs des Fourmis. Cependant quelques chemins se bifurquent à une distance plus ou moins grande de la fourmilière. L'une des deux branches continue à suivre une ligne droite, tandis que l’autre s’en écarte plus ou moins, suivant la cause qui provoque la bifurcation. C’est ainsi que j'ai vu des fourmis traverser des promenades très fréquentées , et l’une des deux branches formant alors un angle droit avec la principale, qui traverse la promenade, snivre un des côtés, celui où elles sont le moins exposées à être écrasées. Ces chemins ne se divisent ordinairement qu’une seule fois. Le bouleversement complet d’une fourmilière ne dérange pas la direction des routes et ne nuit pas à leur fréquentation. Celle-ci semble, au contraire, avoir augmenté par suite sans doute de l’empressement que les laborieuses ouvrières mettent à réparer la ruine de leur demeure. L'’ombrage des arbres paraît cependant devoir être une con- dition pour que les Fourmis conservent l’espèce de symétrie qu'elles affectent dans la disposition des chemins ; en effet, une coupe de bois étant venue exposer au soleil, un chemin très fréquenté par elles, dans l’une des deux principales fourmil- lières que j'étudiais, je l'ai vu alors changer de direction et suivre à l'ombre la lisière du bois, en faisant un angle droit avec la direction primitive, et sans pour cela être moins fré- quenté ni diminuer de longueur. Toutes les observations qui précèdent s’appiiquent générale- ment aux fourmilières de grande dimension, qui ont, comme celles dont je viens de parler, trois à quatre mètres de diamètre sur un mêtre environ de hauteur; mais, dans les jeunes four- milières ou commençantes, il n’y a souvent qu’un chemin ; s'il en existe deux, ils sont dimétralement opposés et situés sur la même ligne. Dans une circonstance, je vis l’un des chemins pénétrer bien avant dans la forêt , et l’autre, qui lui était oppo- tendraient-ils à prouver que ce mode de progression, si je puis m’exprimer ainsi, est propre à toute la famille? Enfin, comme présomption en faveur de cette opinion, Hubert dit que « les Fourmis ailées s'écartent de leur nid , en leur tournant le dos, et vont en ligne droite à une distance d'où il ne serait pas même facile de les apercevoir », N'est-ce pas le même instinct ,qui dirige les Fourmis aussi bien sur le sol que dans l’air ? E. ROBERT. — Sur les mœurs des Fourmis. 155 sé , s'arrêter brusquement et à peu de distance de la fourmilière, au pied d’un gros chène parfaitement rectiligne. Toutes les four- mis, sans exception, montaient alors sur le tronc de cet arbre,en suivant une direction exactement dans le plan du chemin à son point de départ et par conséquent vis-à-vis de la fourmilière. LesFourmis descendaient sañs rien rapporter, d’où j'ai supposé que celles du premier chemin allaient chercher des inatériaux de construction dans la forêt, tandis que les autres, en nombre égal, fréquentaient seulement le chêne, pour se nourrir de pucerons ou de gallinsectes très communs sur les vieux arbres de ce genre. 2° Lorsqu'on marche sur des Fourmis dans le voisinage de leur habitation, ou sur celles qui garnissent les chemins, aus- sitôt on en voit accourir et se réunir en foule sur le lieu de l'évènement; elles semblent s’avertir du danger gwelles vien- nent de courir, ou se féliciter d'y avoir échappé en se touchant réciproquement avec leurs antennes. Revenues de leur terreur, elles se mettent alors, les unes à porter secours à celles qui donnent encore quelques signes de vie en cherchant, à l’aide de leurs mâchoires, à les dégager de la terre ou des Fourmis complétement écrasées qui leur adhèrent, ou bien à redresser les antennes et les membres seulement mutilés ; les autres em- portent les mortes et les déposent au centre de la fourmilière sur des espèces de support, où un grand nombre d'ouvrières ne tardent pas à les visiter. 3° Ayant rapporté environ une cinquantaine de ces insectes avec les élémens qui composent la fourmilière, je mis le tout dans un pot à fleurs, et laissai ce vase ouvert et exposé à l'air dans un jardin , mais abrité par un banc de pierre. Les Fourmis se réunirent à la surface des débris qu'il renfermait, et aucune d'elles ne manifesta le désir de s'échapper. Je fus très étonné, au bout d’une huitaine de jours, de les trouver toutes mortes, à l'exception de troi; qui se trainaient encore. J'ai pensé que ces Fourmis, ainsi dépaysées, avaient préféré mourir de faim, plutôt que de s'échapper du vase, dans lequel se trouvait en- core une partie de leur habitation. 4° On a cru reconnaitre que les Fourmis exercent quelque- 156 E. ROBERT. — Sur les mœurs des l'ourmis. fois l'hospitalité. Latreille a trouvé « dans les nids de Ja Fourmi fauve de jeunes Cloportes qui s’y promenaient sans recevoir le moindre outrage», et « près de la Fourmi noir-cendrée, la larve d'un Hanneton ou d’une Cétoine ». On a cité aussi des Mille-pieds , des Perce-oreilles, que les Fourmis toléraient dans leurs nids sans leur faire aucun mal. En ouvrant une grande Fourmilière, j'ai reconnu un nombre considérable de larves de différentes grosseurs, qui, néanmoins, m'ont paru appartenir au même insecte, la Cétoine. M. Duméril dit bien « que cette larve choisit de préférence le terreau que l’on trouve au-des- sous du domicile des Fourmis, qui ne paraissent pas beaucoup s'inquiéter de ce voisinage, et qui les laissent vivre en paix »; mais je ferai remarquer (et c’est pour ce motif que j'en parle) que celles que j'ai trouvées étaient, au contraire, disséminées dans la fourmilière même. Leur abondance, leur intégrité au milieu d'insectes éminemment destructeurs et si faciles à irriter, doivent , en effet, faire supposer que leurs mœurs sont hos- pitalières ; mais ne pourrait-on pas chercher à expliquer de la manière suivante le séjour de ces larves au sein des four- milières. De deux choses l’une, linsecte a été entraîné par les Four- mis (1), ou bien il a recherché lui-même les Fourmilières pour s'y métamorphoser. S'il a été entraîné, et qu'il ait pu, dans sa captivité, déposer des œufs, la larve de ce Coléoptère, une fois formée , trouve dans les nombreux débris de bois mort qui l'entourent une nourriture à sa convenance, ainsi que je m'en suis assuré (2) ; elle y rencontre aussi une température chaude et humice ; enfin, pour résister aux Fourmis empressées de détruire un être si parasite, cette larve, hérissée de poils raides, doit leur opposer un invincible obstacle en imprimant à la moindre at- taque un mouvement péristaltique à tout son corps. On peut encore supposer que les Fourimis sont capables de l’anéantir, (1) Suivant Latreille, les Fourmis trainent quelquefois une Chenille , un Hanweton, (2) Ayant réuni plusieurs de ces larves dans un pot rempli des débris d'une fourmilière , elles avaient , au bout d’un mois , fait tout disparaitre, Quelques-unes d’entre elles s'étaient E. ROBERT. — Sur les mœurs des Fourmis. 197 mais qu'elles la respectent afin d’en tirer un tribut, comme elles paraissent l'obtenir de la part des Pucerons (1); car, pour peu que l’on touche à ces larves de Cétoine, il en sort une liqueur brunâtre dont les Fourmis sont peut-être friandes. Ou bien, et j'aime mieux admettre cette explication , les in- sectes sont venus de leur propre arbitre s’enfoncer dans les fourmilières où ils se trouvent dans les conditions les plus fa- vorables pour pondre et subir leurs métamorphoses; mais la nature prévoyante a heureusement fourni leurs larves d’armes défensives, ce qui me laisse suspecter l'hospitalité de leurs hôtes. Il est bon de remarquer aussi que ces larves paraissent se plaire {au milieu des fourmilières et s’y enfoncent avec em- pressement chaque fois qu’on cherche à les en éloigner. 5° Tous les entomologistes savent que, dans les jours plu- vieux, les Fourmis ferment avec des brins de bois les orifices par où elles sortent. Ayant visité à plusieurs reprises une four- milière exposée à recevoir les pluies interminables des mois de juin et juillet derniers, je vis ses habitans, fatigués de ces contre-temps répétés, se contenter de mettre de petites feuilles vertes à l'entrée des galeries, les disposer comme de véritables auvents, et ménager de cette manière de petites ouvertures abritées de la pluie et du vent; et comme elles ne pouvaient sortir en masse pour butiner, je les trouvais occupées princi- palement à extraire de la terre, qu’elles portaient toutes entre alors réfugiées dans des fragmens de branches mortes de chène, que je lui avais mis, après les avoir creusés par le bout. Ces larves, en dévorant les débris de végétaux qui forment la base des grandes fourmi- liéres ou en les convertissant en excrémens , que les pluies et l'humidité ne tardent pas à rendre friables et à convertir en torrens , contribuent plus qu'on ne pense à leur agrandisse— ment, Les fourmis, ne pouvant plus circuler dans un semblable détritus, sont alors obligées de recourir à de nouveaux matériaux , qu’elles apportent au centre de leur demeure , menacée d’une destruction complète, et de cette manière tendent toujours à l’élever. Par la même raison et comme pour donner le change à leurs ennemis, souvent aussi elles se déplacent et vont s'établir sur le bord mème de la fourmilière , qu'elles ne peuvent se décider à abandonner tout-à-fait; alors elles empiètent sur le sol voisin et augmentent ainsi la circonférence de leur domaine. (x) La fourmilière qui renfermait tant de larves était située au milieu d’une touffe de châtaigniers, dont les jeunes pousses étaient couvertes de pucerons, que de nombreuses Fourmis fréquentaient. 198 E. ROBERT. — Sur les mœurs des Fourmis. leurs mâchoires et qu’elles allaient déposer à quelque distance. 6° Enfin, si l'on plonge la main au fond d’une grande four- milière, on est étonné d’y trouver une température au moins aussi élevée que celle du corps humain. On serait tenté de croire qu’elle est déterminée par la présence des Fourmis ; mais ayant fouillé une fourmilière abandonnée depuis long-temps, et qui ne dégageait plus d'acide formique, je retrouvai la même température. Il me fut alors démontré qu’elle provenait de la décomposition des débris de végétaux mêlés à des matières ani- males entrant dans la construction des fourmilieres, ce qui doit les assimiler, jusqu’à un certain point , aux accumulations de fumier ou de terreau. Note sur le genre Propucrus, Par M. BoucHarD-CHANTEREAUX. Tous les auteurs qui ont écrit sur les Brachiopodes, s’accor- dent pour refuser au genre Productus où Leptæna un mode d'attache aux corps sous-marins, semblable à celui dont seservent les autres Mollusques appartenant à cette classe. Tous disent que la valve dorsale des coquilles de ce genre est imperforée. Quelques-uns ne parlent pas de sa manière de vivre dans l'élément ambiant, et parmi ceux qui en parlent, les uns veu- lent que ces coquilles soient fixées par un muscle divisé en de nombreuses fibres distribuées le long du bord cardinal ; d’autres font passer ces fibres musculaires dans des tubes situés aussi au bord cardinal; enfin, d’autres encore veulent que ces coquilles soient libres. Cette divergence d'opinions sur l’organisation d’un genre assez répandu dans les terrains anciens du Boulonnais, m’a engagé à re- chercher avec une grande attentiôn le plus grand nombre d’indi- vidus les mieux conservés afin de les étudier et parvenir, si je le pouvais, à déterminer leur véritable organisation. Quoique je fusse bien convaincu, d’après l'étude que j'avais déjà faite des BOUCHARD-CHANTEREAUX. -— Sur le genre Productus. 159 nombreux Spiriféres et Orthis des mêmes terrains, que les stries de l’Area n'étaient pas dues au passage des fibres musculaires , mais bien aux dents sériales, comme celles que l’on observe chez les Arches et les Spondyles, j'examinai néanmoins premié- rement, avec toute l'attention dont je suis capable, le bord car- dinal de leurs valves, sans y découvrir la moindre trace de stries ou de tubes : et comme les individus que je possédais étaient d’une conservation parfaite, j'acquis la certitude qu’à aucune époque de leur vie leur bord cardinal n'avait livré passage à des fibres musculaires, et que conséquemment je devais porter ail- leurs mes investigations, si je voulais donner à mes recherches un bon résultat. L'étude des Delthyris m’ayant prouvé que ces Mollusques, pour se fixer aux corps sous-marins, se servaient d’un pédoncule bien plus délié qu’on ue le croit généralement, je ne me laissai pas arrêter par l’exiguité -de l’espace existant entre la pointe du crochet dorsal et le bord cardinal; je ne tentai donc pas de le dégager de la pâte calcaire qui l’obstruait, lorsque mon burin poussé trop fortement fit sauter l'extrémité du crochet et mit à découvert une dent bifurquée parfaitement intacte et analogue à celle que porte la valve ventrale d’un groupe d'Orthis. Cet accident, qui me servit plus promptement que ne l'aurait fait plus d'adresse, me fit conclure que là, sous le crochet, devait se trouver l'ouverture cherchée. Effectivement, les moyens mécaniques n'ayant pu me procurer une solution conforme à mes désirs, je me mis à la recherche de nouvelles pièces, et je fus assez heureux pour recueillir, non-seulement des échantil- lons présentant cette ouverture toute dégagée, mais encore des valves libres et anssi dégagées de toute gangue. Possédant alors sn grand nombre d'individus de tous les âges, d'une même espèce, je pus parfaitement suivre leur développe- ment, et je vis que dans leur jeunesse les Produrtus ont leur crochet dorsal droit, disposition qu’ils perdent juurnellement pour en adopter une fortement courbée; mais jusqu’à ce qu'ils soient parvenus au-delà de la moitié de la taille qu'ils doivent atteindre plus tard, on leur voit une Zrea bien dessinée, lisse, horizontale et triangulaire, dont la base du triangle est aussi large que la coquille, Au centre de l’Zrea, le crochet qui n’est 160 BOUCHARD-CHANTEREAUX. — Sur le genre Productus. point encore courbé, ou du moins dont lextrémité ne la ren- contre pas encore, laisse à découvert une petite ouverture aussi triangulaireet horizontale, simple, c’est-à-dire non bordée comme celle des Spiriferes Alati, mais libre depuis sa base jusqu’à son sommet, situé sous la pointe du crochet, en sorte qu’elle est tou- jours aussi longue que l’Area est élevée. Avec l'âge, lune et l’autre finissent par être recouvertes et cachées par lui, de ma- nière que pour les apercevoir il faut poser la coquille sur le dos de son talon, le bord frontal élevé afin de lui donner une po- sition verticale sous les ÿeux de l’observateur, afin que, par l'espèce de fente ou rainure qui reste ouverte entre l'extrémité du crechet et le bord cardinal, il puisse les distinguer toutes deux (PI. 3A, fig. 5), tandis qu’en laissant la coquille dans la position qu'on lui donne ordinairement dans les collections, position inverse de celle qu’elle est forcée d'avoir pendant la vie de l'animal, la courte et forte courbure du crochet dorsal ne permet de rien voir (fig. 4). En même temps que le crochet se courbe, les arêtes cardi- nales de la valve dorsale le suivent, et ainsi font perdre insensi- blement la position horizontale de l’4rea qui devient de plus en plus verticale par leur rapprochement incessant du bord car- dinal de la valve ventrale, qu’ils parviennent même à recouvrir dans un âge avancé, en ne laissant plus, sous le crochet dorsal, qu’une étroite et courte fente pour le passage du pédoncule d'attache. Les valves libres m'ont permis d'observer leur appareil gin- glimoïde airsi que leur organisation intérieure. La valve dorsale, entiérement lisse intérieurement, n'offre au- cune trace de lamelles de soutien, ni de cavité protectrice pour recevoir les organes viscéraux :je n'ai pas non plus, dans les nom- breux individus que j'ai sciés ou brisés, pu apercevoir le moivdre indice d'apophyse calcaire, si ce n’est une très fine crête médiane sur la valve ventrale. L’Æ#rea laisse voir deux petites dents plates et convergentes qui limitent la base de l'ouverture dont elles ne paraissent être qu’une continuation, fig. 6. La valve ventrale, dont le bord cardinal est dépourvu de toutes dents sériales, en porte une cardinale au centre; cette dent est BOUCHARD-CHANTEREAUX. — Sur le genre Productus. 161 relevée, droite, assez épaisse, bifurquée ct sillonnée diversement sur les deux faces : Sa face intérieure n’a qu’un seul sillon cen- tral assez large, aboutissant inférieurement à une petite cavité circulaire qui paraît avoir été le siège de l'insertion d’une partie des fibres musculaires composant le pédoncule d'attache; au- dessous de cette petite cavité, une fine crête médiane commence à se prononcer; elle s'étend à peine jusqu’au centre de la valve. Sa face extérieure porte trois sillons inégaux , dont le principal, situé au centre, n’est qu'une continuation de la bifurcation de la dent à la base de laquelle il se termine en pointe : les deux sillons latéraux sont beaucoup moins prononcés et ne descendent que jusque vers la moitié de sa longueur. La base de cette dent offre aussi sur ses deux faces unedifférence tres caractérisée : elle semble être divisée dans le milieu de son épaisseur par le bord cardinal sur lequel e//e paraît étre à cheval. Sa face intérieure s'élargit fortement en s’éloignant de la valve de manière à laisser derrière elle, de chaque côté, nn vide, servant de loge, destiné à recevoir les deux dents dorsales; sa face extérieure, au contraire, se terminant en pointe mousse, laisse voir le vide existant entre la base interne et le bord cardinal, en sorte que ces loges pa- raissent être moitié internes et moitié externes (fig. 7 et 8). Lorsque les deux valves sont réunies, la dent ventrale bouche en grande partie l'ouverture triangulaire, ses extrémités touchent la paroi du talon, située en face du bord cardinal ventral, et ses côtés, s'appuyant sur les bords de l'ouverture, ne laissent inté- rieurement pour tout passage, au pédoncule d'attache, que le vide de la petite fourche de son extrémité. Par son ouverture simple, triangulaire, et s'étendant depuis le bord cardinal jusque sous la pointe du crochet dorsal, ce genre se rapproche des Spiriferes rostrati. Par la forme générale de sa coquille, et par son appareil gin- glimoïde, il s'approche d’un groupe d’Orthis qui aurait pour type l'Orthis panderi de Buch. Mais il s'éloigne de tous les deux par la simplicité de son orga. nisalion intérieure. Nora. Possédant un trés grand nombre de Brachiopodes des divers terrains du Boulonnais, et ayant eu le bonheur de me XVUL zoo1 — Septembre, 11 162 BOUCHARD-CHANTEREAUX. — Sur le genre Productus. procurer les intérieurs de presque toutes les espèces, je n’attends que des pièces de comparaison d’autres localités pour me livrer à un travail spécial sur cette admirable classe de Mollusques. Joffre donc en échange aux personnes qui voudraient m'en en- voyer, ceux des fossiles de nos terrains secondaires et de transi- tion qui pourraient leur être agréables. EXPLICATION DES FIGURES. (Planche 3 A.) Fig. 4. Productus parvenu aux deux üers de son entier développement, posé sur la valve dorsale comme dans les collections. Fig. 5. Le même dans une position verticale, posé sur son talon afin de faire voir plus facilement l’area et l'ouverture triangulaire, Fig. 6. Une valve dorsale, Fig, 7. Face extérieure d’une valve ventrale. Fig. 8. Face intérieure de la mème valve, HisToirr COMPARATIVE des métamorphoses et de l'anatomie des CETONIA AURATA et DoRCus PARALLELIPIPEDUS, Par M. Léon Durour, Correspondant de l’Institut. Dans son incomparable Genera , Latreille colloqua la Cétoine et le Lucane dans deux familles bien distinctes par un caractère de facile exploration, la structure de la massue des antennes , feuilleiée dans l'une, pectinée dans l’autre. Plus tard , ce même législateur de la science, entrainé, fourvoyé par je ne sais quel esprit de réduction, confondit impitoyablement dans la famille démesurée des Lamellicornes le Scarabé, le Bousier, la Cétoine et le Lucane. Toutefois, il se ravisa un peu en plaçant ce der- nier dans une section particulière. Cette impulsion malheureuse fut suivie aveuglément par beaucoup d’entomologistes ; mais d’autres, ayant à leur tête Mac Leay, renchérissant sur le Ge- nera fondamental, multiplièrent les familles dans ces mêmes Lamellicornes, et créérent les Lucanides , les Scarabéïdes , les L. DUFOUR. — Mélamorphoses, etc., des Cetonia et Dorcus. 165 Géotrupides , les Aphodides , les Trogides , les Dynastides , les Melolonthides et les Cétoniades (1). Je n’examinerai pas ici la va- leur, la légitimité de ces familles d'outre-mer ;je veux seulement exposer, à l'appui de la réintégration de celle des Lucanides, des faits de métamorphoses et d'anatomie qui prouvent que cette fa- mille naturelle doit à jamais être séparée de celle qui renferme la Cétoine. Mon sujet se trouve, d’après son titre, divisé naturellement en deux chapitres, celui des métamorphoses, qui comprendra la description des larves , et celui de l’anatomie. -CHAPITRE PREMIER. MÉTAMORPHOSES. 1° Cétoine. Je sais bien que De Géer (2)a fait connaître dans ses illustres mémoires les métamorphoses de la Cetonia aurata ; mais de- puis soixante-dix ans que cette histoire a vu le jour, les auteurs qui traitent des généralités se sont tous bornés à transcrire sans aucun contrôle les observations du savant suédois. Après un pareil laps de temps , après de si immenses progrès de la science, n'est-ce pas un service à rendre à celle-ci, en même temps qu'un hommage à la mémoire d’un si habile observateur, que de confirmer ex visu ses assertions , que d’en rajeunir l’histoire par des observations ou des faits nouveaux qui tendent à la compléter, et par des figures mieux soignées? C’est ce que je vais essayer. Lanya hexapoda, cephala, antennata, mcnrvo-bamata, albida, rufo pilosa ; seg- mento ultimo waximo subtus bipectinato; capite corneo, rotundo, rufo-fla- vescente ; maudibulis duris, rigrescentibus, dentatis; antennis brevibus, cras- siusculis , quinque articulatis; maxillis biarticulatis apice setosis biuncioatis, dorso palpigeris; labio subquadrato, angulis palpigeris. Long. 30-35 millim. Lat, 10-12 millim. Hab. in ligno putrescente, nec non in bumo. (1) Stephens, Sysr. cat. of Brit, ins. (2) Mémoires , lome rv, page 299 , PL nr. 164 1. puroûur. — Métamorpñoses, etc., des Cetonia et Dorcus. Je suis surpris que De Géer ait fait représenter cette larve dans une attitude étendue et droite, qui certainement est forcée et contre nature, car la forme arquée de son corps est un trait habituel qui lui est commun avec toutes les larves des Lamel- licornes. La région occipitale de la tête, qui est enchässée dans le pre- mier segment du corps, présente dans son pourtour trois échan- crures légères quin’ont pas été signalées par le Réaumur suédois, l’une au milieu, les deux autres sur les côtés. Ces échancrures, que, dans mes recherches anatomiques sur les Coléopteres, j'ai eu soin de décrire däns un très grand nombre de ces insectes , et qui s’observent surtout dans.ceux dont les larves sont ligni- vores, sont destinées à fournir des attaches à de puissans muscles qui jouent un rôle important dans les mouvemens de la tête. Le plan supérieur de celle-ci offre dans notre larve, de chaque côté, un trait sinueux blanchäâtre, partant du point d'insertion des antennes pour converger à la ligne médiane vers l’occiput. De Géer a très bien décrit cette disposition. Un chaperon trans- versal et un Zabre trilobé bordé de poils, mentionnés l’un et l'autre par cet auteur qui ne leur donne pas de nom propre, terminent en avant le crâne. Les antennes, insérées latéralement, ont leurs cinq articles presque égaux entre eux, et le dernier obtus. Les mandibules, robustes et noirâtres, sont garnies au bord interne de dents plus où moins aiguës , dont celles de la pointe sont séparées des basilaires par un sinus arqué. Les mâchoires, que De Géer appelle les bras de la lèvre, sont formées de deux pièces dont ja terminale atténuée a, indépendamment des soies latérales et internes , deux crochets cornés, noirâtres, peu arqués. L'un de ces crochets est apical , et peut former la pince avec l'autre, placé un peu en arrière. Le pa/pe maxillaire s'insère au dos ou au côté externe de la seconde pièce de la mächoire; il se compose de trois articles (de quatre suivant De Géer) dont le dernier est plus long et en pointe. Ja lèvre est presque carrée et ciliée en avant; elle est de deux pieces. Les palpes labiaux, de deux articles, s’insérent à ses angles antérieurs. Le corps de cette larve, recouvert d'une peau blanchâtre et L. DUFUUR. — Meétamorphoses, etc., des Cetonia et Dorcus. 165 souple, est hérissé de poils roussâtres distincts, disposés en séries transversales. Le premier segment, qui correspond au prothorax de l’insecte ailé, a en dessus un grand espace rous- sâtre de texture coriace. Le dernier, beaucoup plus grand que ceux qui le précèdent, a une peau le plus souvent tendue, lui- sante, d’une teinte noirâtre due aux contenta excrémentitiels. Ce sement présente en dessous une structure singulière dont De Géer n’a point parlé. En avant de l'anus, il existe deux traits noirs longitudinaux, qui convergent du côté du pénultième seg- ment, tandis qu'ils sont séparés et ouverts du côté de l'anus. Ces traits noirs n’ont pourtant pas échappé au dessinateur de l'illustre savant que je viens de citer ; ils sont formés au micro- scope par une série de spinules cornées , aiguës, raides, noires , très pressées entre elles, et dont les pointes libres se regardent réciproquement à la ligne médiane fictive du segment. Cest comme deux tiges à dents de peigne. Il y a une vingtaine de celles-ci à chaque série. Je ne suis pas bien fixé sur les attribu- tions fonctionnelles de ces lignes pectinées, mais je ne les crois pas étrangères à la locomotion des larves dans les galeries creusées soit dans le bois pourri, soit dans le terreau. L’anus, qui est tout-4-fait inférieur, n’est pas transversal, comme le dit De Géer. C’est une fente triangulaire fermée par un panneau de cette figure, obtus. L'auteur précité a dit, et tous les entomologistes ont répété, que les larves de la Cétoine se trouvaient dans les fourmilières et vivaient du terreau gras qui est au fond de celles-ci. Cette dernière circonstance est incontestable, mais je puis assurer que l’autre est tout-à-fait accidentelle. Cette larve est commune , et c’est toujours dans le bois spongieux, décomposé, pourri, ou dans le terreau des vieilles souches , qu’elle se nourrit; c’est là son habitat ordinaire; elle n’est même pas difficile sur la qualité du bois , car je l’ai trouvée et dans le chêne et dans le peuplier, deux arbres de texture si différente. Avant d'avoir eu connaissance de l'observation de De Géer relative à la locomotion dorsale de ces larves,je l'avais déjà con- signée dans le répertoire de mes notes, et celles-ci confirment en tous points les faits avancés par ce profond observateur. Cette 166 L. purour. — Métamorphoses, etc., des Cetonia et Dorcus. progression, le ventre en haut et les pattes immobiles, est facul- tative pour l'animal. Dans cette attitude, son corps perd sa cour- bure, s'étend, et, à la faveur de la contractilité des muscles peauciers, il glisse sur les poils en brosse dont il est hérissé. Ces poils sont de véritables supports, mobiles sur leurs inser- tions tégumentaires et obéissant à l'impulsion des muscles. Nympxa coarctata, folliculata sordide albida, ovata, postice attenuata emargioata. Long. 25-18 millim. Fozrzicuzus terreus, ovato-rotundatus, extus subscabrosus, intus lævissimus. . Ces coques, formées avec le terreau , ont la grosseur d’une prune de mirabelle. Elles sont raboteuses à l'extérieur et se brisent au muindre effort, parce que les matériaux friables qui les composent ne sont maintenus que par un léger enduit mu- queux intérieur principalement destiné à protéger la délicatesse de la nymphe. L’insecte parfait avait apparu à De Géer en 1749, dans le mois de juillet, et il naquit dans mon laboratoire en 1841, en sep- tembre. Ces différences pour l’époque de la naissance s’obser- vent dans beaucoup d’autres insectes. 2° Dorcus. Je ne connais aucun auteur qui ait traité des métamorphoses de ce petit Lucanide. Le rapprochement, la confrontation de ces dernières, soit avec celles de la Cétoine, soit avec celles du Luca- nus cervus, dont Roësel a donné une description succincte, ont un intérêt non équivoque pour l'histoire de cette famille de Coléoptères. Larva hexapoda, cephala, antennata, incurvo-hamata, parce breviterque pi- losa ; segmento ultimo minimo supra bivesiculoso , subtus inerrai ; capite rotundato corneo rufo - flavescente ; mandibulis duris nigresceutibus den- tatis; antennis brevibus, quadri-articulatis, articulo altimo minuto Eaud cen- { trali; maxillis biuncinatis, setosis, derso palpigeris; labio subquadrato, angulis palpigeris. Long. 20-25 millim. Lat. 8-20 millim. Hab. in ligno putresceute. La larve du Doreus est encore plus courhée que celie de la L. DUFOUR. Métamorphoses, etc., des Cetonia et Dorcus. 163 Cétoine, comme le témoignent les figures. Sa tête, d’un roux blond, à son bord occipital rond et sans échancrures. Les mus- cles nombreux de cette région sont uniformément fixés à ce bord. Son labre est demi circulaire et non trilobé. Ses anten- nes ont quatre, et non cinq articles, de grandeur très inégale, le premier fort court, le second allongé, le troisième un peu moins long que celui-ci, le quatrième ou terminal petit, rudimentaire, inséré hors de l’axe des autres. Les mandibules, les mâchoires, la lèvre et les palpes sont semblables à ceux de la Cétoine, seulement dans le Dorcus le palpe maxillaire est de quatre articles, ce «ui me porte à croire que De Géer a eu raison d'en attribuer quatre à la larve de la Cétoine où je n’ai su en voir que trois. Les tégumens de cette larve sont plus minces, plus transl:i- cides que ceux de la Cétoine. Les trois premiers segmens qui correspondent au thorax de l’insecte ailé sont infiniment plus étroits et sans plaque rousse. La loupe y découvre à peine quel- ques poils rares. Les six suivans ont au bord postérieur une série de poils fort courts, et sont outre celacouverts d'un sablé pili- fère qui y forme un velouté ou une pubescence roussâtre. Les quatre qui viennent après manquent de ce sablé : il n’y a que quelques poils fort petits disséminés à leur surface. Le dernier seginent, loin d’être fort grand comme celui de la Cétoine, e:t plus petit que ceux qui le précèdent, obtus, échancré ou bi- fide. 11 n'offre en dessous aucune trace des traits pectinés, et il a constamment en dessus deux éminences oväles, modérément convexes, d’un aspect vésiculaire. L’anus n'est pas inférieur, mais terminal et logé dans l’échancrure. La larve du Dorcus est inhabile à marcher sur le dos, comme celle äe la Cétoine , et quand on la place sur un plan horizontal, elle se glisse sur le flanc sans perdre sa courbure et sans faire usage de ses pattes. On voit combien, malgré l'identité d'habitat, de genre de vie et de configuration générale l'examen comparatif de la structure extérieure de ces deux larves établit d'essentielles différences entre elles, Nymvna coarctata, folliculata, oblonga, vix ac ne vix incuiva, albido-lutes- 168 L. purour. — Mélamorphoses, etc., des Cetonia et Dorcus. cens; capite pectori incumbente; abdomine apice biappendiculato. Long. 18 millim. FozLicuzus ovatus, terreus, intus lævissimus, Dans le mois de février 184r, je plaçai plusieurs larves du Dorcus , sans savoir si elles appartenaient à cet insecte, dans un grand bocal à demi rempli de terreau et du détritus du même bois pourri (chêne, peuplier) où je les avais découvertes. D'a- près leur taille je pensais qu’elles avaient déjà‘un an d'existence. Je colloquai le bocal dans un lieu obscur de mon laboratoire, et j'eus le soin de temps en temps d’ajouter du terreau nouveau et de l’humecter. Dans les premiers jours de juillet de la même année, je m'aperçus que les larves gagnaient le fond du vase ; qui était garni d’un mélange de terre et de sable. Les unes s’in- carcérèrent complétement dans des coques de terre pétrie, tan- dis que d’autres plus rapprochées, heureusement pour moi, des parois transparentes du bocal, se contentérent de se creuser une retraite ovalaire sans garnir l’espace vitré, de manière qu'elles étaient soumises à mon observation directe. Elles y de- meurèrent sans prendre de nourriture et sans bouger pendant environ quinze jours. Après ce temps, leur corps se redressa par degrés insensibles, et, dépouillant la peau de larve, elles vrirent le travestissement de nymphe. Celle-ci, quand on l'inquiète, exécute avec l'abdomen quel- jues mouvemens brusques et instantanés. Vue par sa région dorsale, on n’apercoit pas du tout la tête. Le prothorax forme un grand bouclier coriacé, arrondi et déclive en avant , tronqué en arrière. Le mésothorax , caché latéralement par les moignons des élytres réfléchies en dessous , se prolonge au milieu en une petite pointe. Le métathorax, un peu plus grand, est médio- crement convexe et lisse. L’abdomen cambré, d’un roux sale, atténué en arriére, a ses six premiers segmens dilatés de chaque côté en un lobe triangulaire terminé par une très petite spinule. Le dernier est obtus et arrondi. Il est flanqué à droite et à gauche par un appendice conoïde , de trois articles, terminé par des spinules. La tête, visible seulement à la région ven- trale, est inclinée sur la poitrine, large et plate. Les yeux prennent dans les derniers temps une teinte ardoisée. Les an- . L. DUFOUR. — Métamorphoses, etc., des Cetonia et Dorcus. 169 tennes, à peine coudées, ont leur masse cylindroïde faiblement articulée. Les parties de la bouche, les pattes et les élytres, sont ébauchées et emmaillottées comme à l'ordinaire. Le segment ter- minal du ventre est bifide. Vers le 15 août, c’est-à-dire un mois après la formation de la nymphe , celle-ci quitta son domino pour se métamorphoser en insecte parfait. Ce dernier conserva pendant trois jours une cou- leur d’un marron vif uniforme, qui passa insensiblement ou noir. 1l garda durant ce temps le repos le plus absolu. CHAPITRE Il. ANATOMIE. J'examinerai séparément , dans ce chapitre , les appareils sen- sitif, respiratoire et digestif, et le tissu adipeux splanchnique. ARTICLE 1°. Appareil sensitif. En général, dans jes insectes, le système des ganglions ra- chidiens se compose, indépendamment du cerveau, d’une série de ganglions distincts les uns des autres , et unis entre eux par un cordon nerveux double ou simple. Mais il est des familles, ou même des ordres entiers, où, à la place d’un chapelet gan- glionnaire, il n'existe qu’un ou deux ganglions d'où partent toutes les paires de nerfs qui distribuent la sensibilité et la vie dans les divers tissus organiques. Plusieurs Hémiptéres et Dip- tères sont dans ce cas. Il en est aussi où plusieurs ganglions sont étroitement soudés en une seule masse. La larve de la Cétoine va nous fournir un exemple de cette dernière disposition, et celle du Dorcus nous en offrira un d'un chapelet à ganglions nombreux et trés distincts. J'examine séparément, dans ces deux larves, le cerveau et la chaîne ganglionnaire médiane. Malgré des recherches spéciales , je n'ai point été assez heureux pour découvrir le système des nerfs et ganglions somato-gastriques dont je ne nie pas l’exis- tence, Je ne décrirai que ce que j'ai vu, sans avoir la prétention d’avoir tout vu. 170 L. DUFOUR. — Métamorphoses, etc., des Cetonia et Dorcus. 1° Cétoine. A. Cerveau. — Deux lobes ovales ou ovoïdes, lisses, unis, parfaitement semblables, mais soudés ensemble par leur base, ou confondus à la ligne médiane inférieure, forment l’encéphale de cette larve. C’est un cerveau à deux hémisphères comme celui des Vertébrés, mais sans sinuosités, sans anfractuosités. La pulpe nerveuse qui le constitue est sensiblement plus molle que celle des ganglions rachidiens, et la différence de la substance blanche et de la substance grise y est bien plus évidente. L’en- veloppe ou le névrilème, ou si l'on veut la méninge , m'a paru avoir plus de consistance que dans ces derniers. D’après cette forme de l’encéphale, on voit qu'il n'existe pas plus deux ganglions dans la tête de notre larve, que deux cerveaux dans celle de l'homme. De la partie postérieure de chacun des lobes cérébraux , part un cordon nerveux, dirigé en arrière suivant j'axe du corps. Ces deux cordons forment le co/lier nerveux æsophagien, dans lequel passe constamment l’œsophage pour s'engager sous le cerveau et se rendre à la bouche. Ce collier est ici fort grand comparativement à celui de beaucoup d’autres insectes. B. Ganglions rachidiens ou sous-intestinaux. — Ainsi que je l'ai déjà dit , ils rentrent dans la catégorie de ceux qui , dépour- vus de cordon intergasglionnaire sont soudés ensemble en une seule masse. Toutefois, comme la nature ne fait pas de saut, nous allons retrouver dans cette masse la trace numérique des ganglions qui constituent le type le plus répandu des chaines rachidiennes. Au premier coup-d’œil, on croirait que le système des gan- glions de la première métamorphose de la Cétoine n'est formé que par un seul ganglion allongé, qui débute à une petite dis- tance de la tête ; mais, quand on le dégage avec soin des divers tissus qui le recouvrent etdes connexions nombreuses qui le re- tiennent dans son enchâtonnement, il se présente moins simple. On lui reconnaît onze (et vraisemblablement douze) ganglions , L. DUFOUR. — Metamorphoses, elc., des Cetonia et Dorcus. 171 dont trois thoraciques et les autres abdominaux. On trouverait donc ici un nombre de ganglions conforme à celui des segmens de la larve , qui sont de douze, la tête non comprise, et celle-ci ayant son ganglion céphalique ou le cerveau. Les ganglions thoraciques méritent cette dénomination, parce qu'ils correspondent aux trois premiers segmens de la larve qui représentent les trois compartimens du thorax de liusecte parfait. ils sont plus prononcés et tant soit peu plus larges que les abdominaux; et forment sur les côtés trois festons qui se continuent en arrière avec autant de lignes transverses,enfoncées qui établissent leur délimitation. Le plus antérieur ou le pro- thoracique, qui reçoit en avant les cordons du collier œsopha- gien, est plus grand, plus arrondi que les autres , et émet quatre paires de nerfs dont trois en avant, ei une en arrière. Le méso- thoracique et le métathoracique à-peu-près égaux entre eux et transversaux ne fournissent chacun qu’une paire de nerfs à leurs angles postérieurs. Les ganglions abdominaux sont bien moins distincts les uns des autres que les thoraciques. Ils ont à-peu-près la forme d’un quadrilatère allongé transversalement, et chacun d'eux ne donne naissance qu'à une seule paire de nerfs aux angles postérieurs. Le dernier, bien plus grand que ceux qui le précèdent et que je crois formé par la fusion , sans vestige, de deux ganglions, émet cinq paires de nerfs, et rappelle par cette opulence nerveuse le ganglion terminal des insectes ailés , qui envoie des nerfs consi- génital. Toute grossière et défectueuse qu'est la figure qui, dans le Biblia naturæ de Swawmmerdam , représente le système nerveux de la larve de lOryctes nasicornis , on y remarque néanmoins sa ressemblance principale , son trait de famille avec celui de la larve de la Cétoine. Il est bon de se rappeler, dans l'intérêt des rapprochemens et des analogies organiques, que l’Oryctes et la Cétoine appartiennent à la méme famille des Scarabéides du Generade Latreilie. La description de Swammerdam supplée dans quelques points à l’imperfection des figures. Ce savant et con- dérables à l'appareil sciencieux anatomiste, sansavoir fait la distinction des ganglions thoraciques et abdominaux, ditque «le corps de la moelle épinière 172 L. DUFOUR. — Métamorphoses, etc., des Cetonia et Dorcus. paraît divisé en quatorze ganglions, dont les trois derniers ne semblent faire qu’un seul globule plus arrondi » (1). Ce nombre de ganglions n’est pas conforme à celui que j'ai observé dans la larve de la Cétoine, où je n’en ai compté qué onze, en prévenant toutefois que le dernier, beaucoup plus grand, était probablement formé de deux, dont je n'avais pas saisi la distinction , ce qui ferait douze , nombre égal à celui des seg- mens du corps de la larve. Or, la larve de l’Oryctes, que j'ai étudiée et dessinée avec le plus grand soin, n’a, malgré le nombre des plissures insidieuses de sa région dorsale , que douze segmens au corps, comme celle de la Cétoine. Ma profonde vénération pour Swammerdam ne mw'interdit pas de croire qu'il a dû se tromper dans la supputation des divisions de ce qu’il appelle la moelle épinière. 2° Dorcus. A. Cerveau.—Xlne présente pas de différence essentielle avec celui de la Cétoine. J'observe seulement qu’il est proportionnel- lement plus petit. Cette dissemblance de volume entraïne-t-elle quelque conséquence sur le degré de l'intelligence ou de l'in- stinct? C’est peut-être là une question prématurée. B. Ganglions rachidiens où sous-inlestinaux.— C'est ici où le trait différentiel saute aux yeux et constitue le fait anatomique le plus puissant pour le classement de ces deux larves dans deux familles distinctes. Ainsi, dans le Dorcus , les ganglions sont séparés par de doubles cordons plus ou moins longs. Ces gan- glions sont au nombre de douze ,comme les segmens du cerps de la larve; mais ils sont autrement répartis pour le thorax et l’ab- domen que dans la Cétoine. Si je ne m’en suis pas laissé imposer, il y a quatre ganglions thoraciques et huit abdominaux. Les premiers sont plus arrondis, moins distans entre eux et four- nissent du milieu de chaque bord latéral un nerf horizontal indé- pendant de celui que le premier et le quatrième émettent aux angles antérieurs. Les ganglions abdominaux sont plutôt ovales ou (1) Collect, Acad. vol. v, p. 200. L. DUFOUR. — Métamorphoses, etc., des Cetonia et Dorcus. 173 elliptiques; et c'est des angles postérieurs que part la paire de nerfs, toujours inclinée en arrière. Le dernier thoracique et le premier abdomiral sont contigus et n’ont pas entre eux de cor- don intergauglionnaire. Il en est de même de l'avant-dernier et du dernier abdominal. Celui-ci, plus grand que les précédens et plus rapproché du milieu que du bout de l'abdomen de la larve, fournit quatre fortes paires de nerfs. (1) ARTICLE II. Appareil respiraloire. Je me bornerai à décrire fort succinctement celui de la Cétoine , qui ne diffère presqu’en rien de celui du Dorcus. Les sligmates , au nombre de neuf paires symétriques et laté- rales, sont placés dans une dépression du tégument qui les abrite au besoin par les divers plis et froncemens dont il est susceptible. Ils sont formés extérieurement par un bourrelet roussâtre simplement arqué dans le Dorcus; en fer à cheval tres courbé ou presque rond dans la Cétoine. Ce bourrelet est marqué au microscope de raies transversales plus foncées, et, dans son aire, on voit un trait noirâtre placé en travers sur une (x) Le nombre et la disposition des ganglions rachidiens présentent de notables différences dans les Lucanides à l’état parfait, si j'en juge par ceux du Luc. cervus femelle. Il n'y aurait en tout que neuf de ces ganglions : il s'eu serait perdu trois dans la métamorphose de la larve ; mais remarquons que ce nombre est encore celui des seymens du corps de ce Coléoptére. Leur répartition est aussi un fait trés curieux. Les lrois premiers sont arrondis, fort grands comparativement aux suivans , et le premier est bien plus distant du second que celui-"i du lroïsieme, dont il n’est séparé que par un étranglement. Ces trois forts ganglions, qui semble- raieal devoir correspoudre aux lrois comparlimens du thorax, ne sont logés que dans le prothorax et le mésothorax. Les cinq suivans , petits et olivaires, sont reufermés dans le mélathorax. Le neuvième, dont la forme et la grosseur sont comparables à celles des trois premiers, se trouve placé sur le détroit thoraco-abdominal. Il résulte de cette répartition que la cavité de l'abdomen , qui est le réceptacle des grands viscères, n'a en propre aucun ganglion. Mais il est du plus haut intérêt de constater que les cinq ganglions métathoraciques émettent leurs paires de nerfs sous un angle aigu ouvert en arrière, de manière que ces nerfs sont presque exclusivement destinés aux viscères de l'abdomen, et que ceux-ci reçoivent aussi loules les paires puissantes fournies par le ganglion limitrophe. Cette vbservation prouve contre l’assertion de M, Lacordaire dans sa savante Zntroduction a l'Entomologie ( lomeé 11, page 202), que le Lucane, loin d’être compris , sous le rapport de son systéme nerveux, dans la division des Coléoptères dont l'abdomen est pourvu de ganglions , comme les Carabiques, les Buprestides, etc. , doit, au contraire, sous le même rapport , appartenir 8 la division des Lamellicornes , dont l'abdomen est privé de ganglions. 174 L.'DUFOUR. — Métamorphoses, etc., des Celonia et Dorcus. éminence arrondie fort légère. De ces stigmates une seule paire appartient aux trois segmens du corps représentans du futur thorax de l’insecte parfait, et elle est placée au premier de ces segmens. Dans la Cétoine, l’ouverture du stigmate thoracique est postérieure, tandis qu’elle est antérieure dans les paires abdo- minales. Dans le Dorcus, tous les stigmates sans exception ont Ja concavité de l’arc tournée en avant ; seulement le thoracique est plus courbe et en fer à cheval. Quelle qu’ait été ma persévé- rance, je n'ai jamais pu saisir sur l'animal vivant, même à l’aide des verres les plus grossissans, le moindre signe de l'acte respi- ratoire ni dans le bourrelet ni dans le petit trait transversal du centre , que je suppose le véritable orifice inhalant ou exhalant. Les trachées, toutes de l’ordre des tubuleuses ou élastiques, ne présentent dans leur distribution et leurs connexions ou abasiomoses rien qui nese rencontre dans toutes les autres larves des Coléoptères. Mais il y a à la face interne de chaque stigmate une organisation trachéenne particulière, j'allais presque dire un organe, qui mérite d'arrêter un instant notre attention. Cette face est garnie d’une houppe serrée, d’un plexus orbiculaire de trachéoles d’une ténuité extrême, fort rameuses et constituant là une sorte de parenchyme.Quandon procède avec ménagement à cette dissection, on voit naître de chaque souche stigmatique deux trachées tégumentaires , deux trachées viscérales , puis des canaux de communication d’un stigmate à l’autre. ARTICLE III. Zppareil digestif. Habitué aux dissections les plus subtiles, j'ai dirigé avec la plus scrupuleuse attention mes investigations anatomiques vers la découverte des glandes salivaires, et je n’en ai pas trouvé le moindre vestige dans nos deux larves non plus que dans les Co- léoptéres, dont elles sont le premier äge. Tout l'appareil digestif se borne donc à un tube alimentaire assez compliqué et aux vais- seaux hépatiques. Exposons-les séparément. 5° Cétoine. Ramdobr, dans son traité de l'anatomie du canal digestif des L. DUFOUR. — Métamorphoses, etc., des Celonia et Dorcus. 175 insectes, a donné et la description et une figure assez défec- tueuse de celui de la larve de la Cétoine. (1) Le tube alimentaire, enveloppé par des langes adipex, est remarquable par sa grosseur, ses dilatations, ses appendices insolites. Sa longneur égale au plus deux fois celle de la larve. L’OEsophage se dilate, bientôt apres son issue de la tête, en un jabot turbiné et expansible que Ramdobr désigne sous le nom impropre de pharynz. J'avais d’abord cru que c'était un gésier, mais l'absence aux parois internes de tout organe de tritura- tion comme dents, callosités, etc., a décidé ma dénomination. Si par un arrachement, une évulsion opérés avec précaution, on sépare le jabot de l’origine du ventricule chylifique, on voit qu'il entraine comme partie constituante de sa structure une curieuse valvule de texture calieuse qui, étalée, ainsi que le montre la figure, offre huit lobes oblongs alternativement plus courts. Ces lobes connivens par leurs pointes représentent un cône dont le sommet correspond au jabot. Le ventricule chyli- Jfique débute par une collerette, une couronne de douze à quinze bourses ventriculaires oblongues appelées bien mai à propos appendices cœcales par Ramdonr. Cette collerette est suivie bientôt après d’une seconde semblable dans une légere contracture de l'organe, et à une distance bien plus grande s’observe une troisième couronne qui précède l'insertion hépa- tique. Toutes ces bourses s'abouchent directement dans l'inté- rieur du ventricule et peuvent renfermer le même liquide ali- mentaire brun épanché dans ce dernier. Le ventricule après la troisième collerette forme une portion courte conoïde où s’im- plantent les vaisseaux biliaires dont je parlerai bientôt. J'ai soigneusement exploré à l’intérieur les points où s’insèrent les trois collerettes, et je n'ai reconnu de valvules que celle indi- quée plus haut analogue au pylore et une autre au passage du ventricule à l’intestin, représentant l'i/é0-cæœcale des grands ani- rnaux. L'éntestin d'abord filiforme recoit bientôt un très vaste cæ- cum latéral, court, gros et de figure variable, rempli d’une (4) Ramdobr-Abbaudi, V6, die Perd. der Insect. p. 125 , lab. 5, fig. 2. 176 1. purour. — Métamorphoses, etc., des Celonia et Dorceus. pulpe stercorale noirâtre, qui donne cette teinte au dernier seg- ment de la larve auquel il répond. La tunique externe de ce cœcum offre à la loupe une surface chagrinée par de très peti- tes papilles , et une paire plus grosse de celles-ci de chaque côté de son insertion à l'intestin. Celui-ci de nouveau filiforme apres le cœcum, sous lequel il est habituellement reployé, se dilate, avant de s'ouvrir à l'anus, en un rec{um plus ou moins déve- loppé, parcouru, suivant sa longueur, par six bandelettes mus- culaires, et fixé aux tégumens par deux muscles vigoureux qui s'insérent près de son origine. Les vaisseaux heépathiques forment un des traits d'anatomie viscérale les plus caractéristiques de la larve de la Cétoine, er ils ont presqu'entiérement échappé à Ramdobr. Lis s’implantent à nu à la terminaison du ventricule chylifique par quatre insertions isolées et distinctes, deux supérieures et deux inférieures. Celles- ci, plus voisines de la troisième collerette des bourses ventricu- laires, sont aussi plus rapprochées l’une de l’autre, que les su- périeures et ont leur insertion prés d’une sorte de ruban fibreux et échancré qui semble appartenir à la base de ces bourses ou à la valvule iléo-cœcale. Ces vaisseaux sont excessivement longs, d'une finesse presque capillaire, dépourvus de varicosités ou de boursouflures et le plus souvent diaphanes. Mais ce qu’ils pré- sentent de particulier et d'insolite, c'est que vers la partie pos- térieure de la cavité abdominale ils diminuent de diamètre, de- viennent plus fins qu'un cheveu, et chacun d’eux présente un très grand nombre de flexuosités rapprochées et parallèles, éta- lées sur un même plan pour se terminer en définitive par un bout flottant ou libre. Ces quatre séries de serpentemens si ré- guliers sont souvent réunies en une seule nappe que l’on pren- drait pour une membrane hyaline, continue et sur laquelle l'œil armé du microscope voit ramper des trachéoles et des filets ner- veux. Aussi dans mes premières dissections je croyais qu'elles constituaient un organe sécréteur spécial du genre de ceux que j'ai appelés de sécrétion excrémentitielle, notamment dans les Carabiques. Je parvins enfin à force de patience à constater leur dépendance des vaisseaux hépatiques, et ce fut pour moi une de ces vives jouissances que peuvent seuls comprendre et L. DUFOUR. — Métamcrphoses, elc., des Celonia et Dorcus. 177 apprécier les microtomistes passionnés. Ces vaisseaux rappellent par leur finesse et leur disposition ceux que j'ai déjà signalés dans la larve de la Mordelle (1) et qui serpentent entre les tu- niques du canal intestinal. 2° Dorcus. Malgré leur communauté de nourriture et de genre de vie, le canal digestif de la larve du Dorcus diffère essentiellement de celui de la précédente comme on peut s’en convaincre par un coup-d’œil comparatif jeté sur les deux figures que j'en donne. Il est encore plus court, plus ample dans le Dorcus, puisqu'il ne surpasse pas la longueur de la larve, et qu'il est par consé- quent à-peu-près droit. L'OEsophage se dilate aussi en un jabot turbiné. Le V’entricule chylifique qui a des parois minces et pel- lucides a une première portion urcéolée ou en forme d’une large coupe dont le limbe est divisé en six lobes obtus de confi- guration variable suivant certaines conditions digestives. Ces lobes, au centre desquels est enchatonné l’œsophage, sont évi- demment une modification, une ébauche des bourses gastriques ou ventriculaires de la larve précédente. Dans la contracture qui limite en arrière cette portion urcéolée se voit une collerette de très petites bourses gastriques beaucoup plus nombreuses que dans la Cétoine, mais presque rudimentaires. Ensuite le ventricule conservant toujours son ampleur, se rétrécit en cône pour recevoir les insertions hépatiques et pour se terminer par une valvule. Celle-ci consiste en une rangée circulaire de six ‘ pièces oblongues subtriangulaires de texture calleuse, mais in- colores, dont les bouts libres, formant par leur connivence la pointe d’un cône, regardent la cavité ventriculaire, tandis que leur base se fixe à l'origine de l'intestin sur un cerceau pareille- ment calleux. L'intestin est ici très différent de celui de la Cétoine, car, indépendamment de ce qu'il n’a pas de cœcum excentrique, il commence, non par une portion gréle et simple, mais par de (x) Histoire des métamorphoses et de l'anatomie des Mordelles, Annales des Sciences naturelles , deuxième série , tome x1v, page 325, PI, u, XVIIL Zoor, — Septembre. 12 158 1. purour. — Metemorphoses, elc., des Cetonia et Doreus. nombreuses et variables boursouflures plus ou moins ridées, disposées à droite et à gauche. Ces boursouflures sont très fa- vorables au séjour, à l'élaboration de la substance alimentaire. Vient ensuite une dilatation sphérique qui remplace le cœcume de la Cétoine, et qui est précédée et suivie d’une col tubuleux. J'ai constaté à l'origine du col postérieur une valvule formée par de légères nervures longitudinales. Le rectum globuleux su turbiné recoit brusquement le col précédent. Il est aussi maintenu en place par deux puissans faisceaux musculeux, et il renferme ainsi que le reste de l'intestin une pulpe excrémen- titielle blonde. Les vaisseaux hépatiques ne ressemblent que par leur finesse, leur diaphanéité et leur fragilité à ceux de la larve de la Cé- toine. Ils forment autour dx canal digestif un lacis inextricable parce qu'ils y sont collés par des lambeaux adipeux et d'imper- ceptibles trachéoles. Au nombre de quatre, à bouts flottans ils s'implantent deux en dessus et deux en dessous à l'extrémité atténuée du ventricule. On n’y aperçoit aucune trace de ces curieux serpentemens nombreux @t parallèles qui terminent ceux de la larve de la Cétoine. ARTICLE IV. Tissu adipeux splarchnique. Les larves exclusivement occupées du développement de lin- dividu, n’ont en général pour viscères qu’un appareil digestif. Aussi manger pour croître et accumuler des matériaux organi- ques pour le grand œuvre des métamorphoses, voilà leur mis- sion. C’est surtout le tissu adipeux splanchnique qui est le dépôt, le magasin de ces matériaux, et il ne fait pas défaut dans les larves sédentaires qui font le sujet actuel de mes recherches. Non-seulement le canal digestif est enveloppé ‘par des langes adipeux dont les replis en accompagnent toutes les sinuosités en pénétrant tous les intervalles, mais une dissection soigneuse permet de constater une fine toile épiploïque qui, à l'instar du péritoine des grands animaux, revêt en même temps et les parois tégumentaires internes et les visceres eux-mêmes. Sur les nappes adipeuses qui se déploient autour de ceux-ci sont pressés sur L. DUFOUR. — Métamorphoses, etc., des Cetonia et Dorcus. 179 un même plan et non entassés, des granules arrondis ou ova- laires d’un blanc pur. Ces granules sont autant de sachets rem- plis d’une graisse fine, homogene, en quelque sorte tamisée pour être mise plus tard en œuvre. Ce sont là des moellons plas- tiques préparés et tenus en réserve pour des constructions pro- chaines, des tissus nouveaux destinés au complément de Vorga- nisme de l’insecte. J'ai déjà indiqué ailleurs le rôle important de ces matériaux organogéniques. (1! Mais ces nappes, ces manteaux adipeux, malgré leur rrégnla- rité apparente, ont cependant une disposition symétrique qu'on n'avait pas encore signalée. Leur ensemble se compose de deux moitiés semblables nettement séparées à la ligne médiane, soit dorsale , soit ventrale. De là cette raie plus obscure qui règne tout le long du milieu du dos de la larve vivante et dont le diamètre varie sur divers points sous l'œil de l’observateur par le fait du rapprochement ou de léloignement général ou par- tiel de ces demi-nappes qui obéissent aux tractions des trachées mises en jeu par l'acte respiratoire ou aux mouvemens, soit vermiculaires, soit de la totalité du canal alimentaire. Il n'entre pas dans mon sujet d'aborder de nouveau la ques- tion litigieuse de la circulation des insectes. Je l'ai essayé dans mon mémoire précité. Mais les mouvemens dont je viens d’ex- poser les causes, et l'existence dans la cavité splanchnique d’un liquide nutritif épanché qui reçoit une impulsion, une fluctua- tion par les mêmes agens, n’ont pas été suffisamment appréciés par les partisans de cette circulation. Dans l'intérêt de la classification je terminerai ces recherches en résumant dans deux colonnes parallèles et comparatives les traits capitaux, soit d'anatomie intérieure soit de structure exté- rieure de la larve de la Cétoine et de celle du Dorcus, qui jus- tifient de la séparation de ces insectes dans deux familles dis- tinctes. J'exposerai ces traits dans l’ordre graduel de leur valeur organique. (1) Rtudes anatomiques et physiologiques sur une Mouche dans le but d'éclairer l'histoire des Métamorphoses et de la prétendue circulation des insectes, Ce Mémoire a été présenté à l'Acas démie des Sciences en avril 1847. 180 L. DuFOoUR. — Métamorphoses, elc., des Cetonia et Dorcus. 1° CÉTOINE. Famille des Scarabéides. Système nerveux à ganglions ra- chidiens réunis soudés en une seule masse allongée. Canal digestif avec trois colerettes de bourses ventriculaires, un vaste cœcumn latéral, des vaisseaux hépati- ques terminés par de nombreux ser- peutemens parallèles et très rappro- ches. Larve avec la tête à bord occipital trilobé, les antennes de cinq articles subégaux, le labre tilobé; avec les segmens thoraciques larges et une plaque rousse sur le premier, le der- nier segment abdominal très grand, entier, ayant en dessous deux ligues pectinées; anus inférieur, triangu- laire. 20 Dorcus. Famille des Lucanides. Système nerveux à ganglions rachi- diens séparés par des cordons inter- ganglionnaires. Caual digestif avec une seule col- lerette de bourses ventriculaires rudi- mentaires, un cœcum non lateral, des vaisseaux hépatiques ordinaires. Larve avec la tête à bord occipital entier, les antennes de quatre articles inégaux, le labre entier demi cir- culaire , avec les segmens thoraci- ques ctroits sans plaque rousse, le dernier segment abdominal plus petit que les autres, échancré, avec deux éminences vésiculaires en dessus, sans lignes pectinées en dessous, anüs ter- minal. EXPLICATION DES FIGURES. 1. Larve de la Cetonia aurata ayant deux fois la grandeur naturelle. 2. Mandibule isolée et plus grossie. Les dents y sont obtuses , usées. 3. Mächoire, isolée et plus grossie,avec ses palpes maxillaires. 4. Lèvre isolée et plus grossie , avec ses palpes labiaux. 5. Labre isolé et plus grossi, à contour trilobé. 6. Dernier segment de l'abdomen , isolé et plus grossi, vu en dessous pour mettre en évidence les lignes pectinées et l'anus. 7. Un stigmate abdcminal de cette larve, isolé et considérablement grossi, vu par sa face tégumentaire, débordé par la houppe trachéenne de sa face interne et par quelques trones lrachéens qui partent de la souche stigmatique. 8. Tête et appareil digestif, fort grossis. aa, Muscles fixés aux échancrures du bord occipilal. b.Jabot. cd, Bourses ventriculaires et ventricule chy- lifique. j e. Cœcum latéral, précédé et suivi des portions filiformes de l'intestin. f. Rectum avec les deux muscles qui le maintiennent. gg: Vaisseaux hépatiques déployés. hhlh. Les quatre séries de serpentemens parallèles qui terminent ces vaisseaux, 9. Valvule pylorique , isolée , étalée et fort grossie , située entre le jabot et le ven- tricule chylifique. 10, Extrémité du ventricule chylifique, vue par sa face inférieure, pour mettre en évidence l'insertion des vaisseaux hépa- «tiques inférieurs. L. DUFOUR. — Métamorphoses, etc., des Celonia et Dorcus. 181 31. Appareil sensitif, isolé et médiocrement les ganglions rachidiens et les paires de grossi de cette même larve. nerfs qu’ils émettent, aa, Cerveau avec les lobes ou hémisphères 18. Téte et appareil digesuif grossis de ce très écartés. Doreus. b. Collier æsophagien. aa. Antennes à dernier article rudimentaire, c. Ganglions rachidiens ou sous-intestinaux, Bb. Muscles fixés autour du bord occipital soudés en une seule masse, avec les entier et arrondi, paires de nerfs qui en partent. c. OEsophage et jabot. d.OEsophage engagé dans le collier nerveux. d.Première portion urcéolée du ventricule x2. Larve du Dorcus parallelepipedus, ayant chylifique. deux fois la grandeur naturelle. ee.Collerette de bourses ventriculaires ru— 13. Mandibule, isolée et plus grossie, dimentaires. 14. Mächoire , isolée et plus grossie, avec JF. Vaisseaux hépatiques. ses palpes maxillaires. g. Portion boursouflée de l'intestin. 15. Lèvre, isolée et plus grossie , avec ses hk. Cœcum globuleux, précédé et suivi d'un palpes labiaux. col. 16. Nymphe de ce Dorcus, vue de trois i. Rectum et les deux muscles qui le main- quarts par sa région inférieure, el ayant tiennent. deux fois la grandeur naturelle. 19. Valvule isolée, étalée et fort grossie, 17. Appareil sensitif , médiocrement gross, située à la terminaison du ventricule avec le cerveau, le collier œsophagien, chylifique. Nore sur le développement des œufs du Caligus et sur les méla- morphoses que ce Crustacé éprouve, Par M. H. Goopsir. (1) La larve du Caligus ressemble beaucoup à celle des Cyclops , d'une part, et à celle de Lernées, de l’autre. Comme je suis dans l'intention de décrire la manière dont l'œuf sort de l’oviducte , il est nécessaire , pour en bien com- prendre le mécanisme, de débuter par une description sommaire des organes de la reproduction chez la Celige femelle. Ces organes sont les ovaires, les oviductes internes et externes et la vulve par laquelle les oviductes sortent.Les ovaires sont deux corps ovoides ouen forme de massue ,assez volumineux, situés un de chaque côté, et placés plus en avant que l'estomac. Ces organes sont volumineux et arrondis antérieurement , petits et pointus (1) The Edinburg new Plilosophicat Journal, juillet 1842, p. 174. 182 coobstr. — Développement des œufs du Caligus. postérieurement. Chaque oviducte prend son origine du bord externe de l'ovaire, et peut être divisé en trois portions : la portion thoracique, la portion abdominale et la portion externe (ou tube ovifère +). La première portion ou thoracique est très mince ; mais, à la partie postérieure du thorax , elle devient plus large. Dans l'abdomen, où cette portion décrit quatre ou cinq circonvolutions , il acquiert ses dimensions les plus consi- ‘érables., et son diametre diminue considérablement, en,sortant de la vulve. La portion externe a le même diamètre partout, et, quand l'animal a achevé son développement , elle est quelque- fois plus longue que le corps; mais. cette longueur varie considé- rablement dans les différentes espèces. La portion thoracique est incolore, et l’on y voit un grand nombre d'objets définis à des intervalles réguliers. Au niveau de l'abdomen , on peut reconnaître que ces corps sont des œufs non encore développés. A cette hauteur, cette portion de l’ovi- ducte a une couleur rose tendre, et offre des stries, apparence produite par la disposition des œufs serrés les uns à côté des autres. Les oviductes externes ou tubes ovifères , peu de temps après que les œufs ont été pondus , se détachent, et des oviductes nouveaux ne tardent pas à paraître. D'abord on ne peut en dis- tinguer que la pointe; puis ils grossissent de plus en plus, et acquièrent enfin leur développement complet. Je ne me suis pas assuré du temps nécessaire pour ce dévelop- pement ; cependant, comme on voit que l'extrémité éloignée Je loviducte externe est la première qui sort, on, peut supposer que les œufs contenus dans cette portion de l’oviducte sont plus avancés , et cette circonstance est confirmée par l'observation. La structure interne de l’oviducte externe consiste en, cellules nombreuses, ayantle même diamètre que le conduit, et:dispo- sées sur une seule rangée. Ces cellules sont formées par un certain nombre de cloisons membraneuses, fortes, placées à des inter- valles réguliers. Les cloisons membraneuses qui divisent les oviductes en compartimens sont destinées, autant, que leur force le permet , à empêcher les œufs à échapper dans la partie vide de loviducte. Elles agissent de la manière suivante, Les cocpsir. — Dévelcppement des œufs du Caligus. 183 œufs, à mesure qu'ils augmentent de volume, pressent forte- ment sur les cloisons membraneuses , et surtout sur celle qui sépare l'œufle plus avancé de cellules vides. Cette pression réagit surtout à la circonférence de la cellule, et cette partie, étant la plus faible , cède sous une puissance dirigée, selon la longueur de œuf, dont l'extrémité la plus mince perfore les parois de l’oviducte et devient libre. | Dans chaque cellule , il n’y a qu’un œuf, de sorte que, dans l’oviducte , il ne se trouve qu’une seule rangée d'œufs. Ainsi, à mesure que les œufs grossissent, les membranes des oviductes deviennent tendues et se rompent , et l’œuf sort; mais ce dernier reste toujours attaché à l’oviducte au moyen de l’ovisac, qui agit comme cordon, et l'œuf reste ainsi attaché à l'oviducte jusqu’au moment où le jeune animal va éclore. Après son éclosion , le petit reste assez long-temps attaché à sa mère ou dans son voisinage. Les œufs de la moitié la plus éloignée de loviducte sont ordinairement débarrassés, entièrement libres de toute adhérence avec leur mère, avant que ceux qui se trouvent dans la: moitié la plus proche soient prêts à sortir de l'oviducte. Ils sortent, à peu d’exceptions près, par le bord externe de loviducte, et je ne les ai jamais vus en perforer les cloisons membraneuses. Ces œufs ont une forme aplatie aussi long-temps qu'ils restent dans l’oviducte , et ressemblent beau- coupalors à une lentille bi-convexe. Après leur sortie de l’ovi- ducte, ils deviennent plus sphériques, et, quand on les soumet à une forte loupe, on voit distinctement le jeune animal à travers les membranes transparentes. À cette époque, le jeune animal est d’une couleur brune marbrée de pourpre. Son corps est d’une forme conique, et un rétrécissement au col le sépare de la tête. Il n'y a pas d'apparence d'antennes; mais, de chaque côté du corps, on voit une paire de pattes qui se terminent par plusieurs épines longues et minces. Quand on soumet des œufs dans cet état à un grossissement considérable, en les regardant par la lumière transmise , onne peut distinguer autre chose qu'une texture celluleuse à différens degrés de densité: seulement on aperçoit le canal intestinal. Quand l'œuf est un peu plus avancé , on voit quelquefois, mais 164 Goopsir. — 2cveloppement des œufs du Caligus. pas d’une manière constante, deux petits segmens se développer à la partie postérieure du corps. La larve , peu de temps après l'éclosion , s’allonge considérablement, et offre alors trois paires de pattes, chaque patte étant garnie de longues épines à son extrémité. Il y a, en outre, à l'extrémité postérieure du corps quatre épines, deux de chaque côté. La difficulté de con- server les animaux en vie à l'état de captivité, pendant un certain temps, m'a empêché d'observer leur développement ultérieur. Aperçu des espèces nouvelles d’insectes qui se trouvent dans nos possessions françaises du nord de l'Afrique, Par M. H. Lucas. DEUXIÈME DÉCADE. (1) Famille des LONGICORNES. Hamaticherus Mirbeckii, Lucas. Long. 22-23 lignes. Lars. 7-8 lignes. Tête finement chagrinée, d’un brun marron, revêtue de poils clairement parsemés, très courts, d’un gris cendré clair, avec les mandibules de cette dernière couleur. Antennes de même couleur que la tête, avec les derniers ar- ticles d’un gris cendré clair. Corselet couvert d’un très grand nombre de ru- gosités , assez marquées, très serrées entre elles, avec les côtés munis chacun dans leur milieu d’un tubereule spiniforme assez fortement prononcé. Élytres très finement chagrinées, d’un brun marron clair, recouvertes de poils très courts, très serrés et formant, vus à l'œil nu, un duvet d’un gris cendré clair. Ces organes, à leur extrémité, sont fortement tronqués et leur angle sutural est armé d’une épine très prononcée. Abdomen, sternum et pattes de même couleur que la tête, lisses, revêtus de poils très courts et très serrés. Cette espèce, à la première vue, a beaucoup d’analogie avec l Æamaticherus heros, mais elle s’en distingue facilement par les rugosités de son corselet , par ses élytres qui sont toujours très finement chagrinées , et surtout par le duvet cendrée dont elle est eatierement couverte. Assez commune dans le cercle de la Calle ; le jour on la rencontre sur le tronc des chênes lièges dans les bois des lacs Houheira et Touga;le soir on la prend au vol. Fin de juin, juillet et commencement d'août. (:) Voyez page 60: 1. LUCAS. — Æspèces nouvelles d'Insectes. 189 Hamaticherus paludivagus , Luc.— Long. 10 1/2 lign. Larg. 3 1/2 lign. Tête très petite, très finement chagrinée, d’un brun marron assez foncé , avec les mandibules de cette dernière couleur. Antennes de même couleur que la tête, mais plus brillantes, avec lesplis transversaux du thorax peu serrés et les tuber- cules spiniformes peu saillans. Élytres de même couleur que la tête, finement cha- grinées, revêtues surtout à leur partie postérieure de poils très courts, serrés entre eux , ce qui leur donne une teinte d’un gris cendré foncé. Dessous du corps et pattes d’un noir brillant, revêtus de poils d’un gris cendré clair, allongés et peu serrés. Cette espèce ressemble beaucoup à l'Humaticherus cerdo, avec laquelle on pourrait la confondre: mais elle s'en distingue facilement par les plis de son corselet, qui sont peu serrés et en moins grand nombre que dans l'espèce pre- cédente, et par ses élytres qui sont plus finement chagrinées. Cette espèce cst assez rare; nous ne l'avons prise qu'une seule fois dans les bois marécageux du lac Tonga, sur des fleurs d’aubépine. Environs de Ja Calle. Commencement de juin. Purpuricenus barbarus, Luc. — Long. 16, 12,9 millim. larg. 6, 4 millim. Tête noire, fortement chagrince. Antennes et organes de la bouche de cette deraière couleur. Yeux noirs, quelquefois rouges chez certains individus. Cor- selet noir, fortement chagriné, orné d’une tache rouge de chaque côte et d’un tubercule latéral peu prononcé. Élytres fortement chagrinées, noires , ayant la suture plus ou moins tachetée de rouge, les côtes latéraux de cette dernière couleur, et se présentant sous la forme d’une tache plus ou moins large et plus ou moïns allongée. Dessous du corps et les pattes noirs. Cette espèce, assez rare et que je n’ai rencontrée que dans le cercle de la Calle, se plaît sur les Carduacées. Juin et juillet. Hesperophanes rotundicollis, inédit. Long. 28, 22, 18 millim. Larg. 9, 7, 5 1/2 millim. Tûte brune, revêtue de poils d'un gris cendré clair. Antennes et organes de la bouche de même couleur que la tête. Thorax beaucoup plus large que long, revêtu de poils d’un gris cendré clair, orné en dessus et de chaque côté de deux impressions longitudinales assez fortement prononctes, avec les côtés latéraux légèrement piquetés de brun rougeätre. Élgtres d’un brun rougeâtre, revêtues de poils de même couleur que ceux du thorax, mais moins serrés entre eux et parmi lesquels sont des points de même couleur que les élytres , assez profondé- ment marqués. Dessous du corps et pattes d’un brun rougeätre, eutièrement couverts de poils d’un gris cendré clair. Cette espèce, à laquelle nous avons conser ve le nom imposé par M. Dejean dans 186 H. LUGAS. — Espèces nouvelles d’Insectes. son Catalogue, n'est pas rare aux environs d’Alger ; nous l'avons prise aussi pendantles mois de mai etde juin dans les bois des lacs Houbeira et Tonga. Envi- rons de la Calle, M. le colonel Levaillant l’a aussi rencontrée aux environs d'Oran. Hesperophanes tomentosus, inédit. Long. 18 1/2 millim. Larg, 7 millim. Tête chagrinée, revêtue de poils d’un blanc jaunätre, courts, peu serrés. Yeux d’un brun rougeâtre foncé, saillans. Antennes de même couleur que la tête, ornées de poils assez longs d’un blanc jaunätre. Mandibules noires; palpes d’an brun rougeâtre, avec l'extrémité des derniers articles d’un ferru- gincux clair. Corselet chagriné, de même couleur que la tête , presque aussi long que large, légèrement arrondi sur les côtés, orné de poils d’un jaune sale, assez serrés. Élytres assez profondément ponctuées, tachetées de brun rougeâtre et de noir, revêtues de poils d’un jaune sale, courts, serrés, placés cà et là, de manière que ces organes paraissent comme piquetés. Sternum, abdomen et pattes d’un brun rougeâtre clair, hérissés de poils d'un jaune sale, courts et serrés. Cette espèce a été seulement indiquée par M. Dejean, dans son Catalogue, sous ce nom que nous avons adopté. Se trouve dans les bûches de bois 1aort que les Arabes perdant l'hiver, apportent à la ville (Oran). Hesperophanes afjinis, Luc. — Long. 12 à 14 millim. Larg. 3 1/2 à 5 millm, Tête petite, chagrinée, hérissée de poils d’un jaune sale, Yeux d’un brun rougeûtre foncé brillant. Antennes d’un brun rougeâtre clair, revêtues de poils d’un jaune sale. Mandibules noires; palpes de même couleur que la tête, avec l'extrémité des derniers articles d’un ferrugineux clair. Corselet plus large que long, finement chagriné, fortement arrondi sur les côtés, d’un brun rougeätre foncé et orné de poils courts, peu serrés, d’un jaune sale. Elytres d’un brun rougcâtre foncé , devenaut plus claires vers l'extrémité, offrant une ponctuation profondément marquée, et des poils peu serrés, et formant çà et là des taches assez prononcées, d’un jaune sale. Sternum, abdomen et pattes d'un brun rougeûtre clair, revêtus de poils peu serrés d’un blanc jaunûtre. Cette espèce ressemble beaucoup à la précédente ; mais sa taille toujours beaucoup plus petite, son corselet ordinairement plus large que long, et les taches de ses élytres, beaucoup plus distinctes, sont les: caractères qui empè- cheront de la confondre avec cette dernière. Nous avons rencuntré cette espèce dans les mêmes conditions que l'Hespero- plones tomentosus. (Alger Oran.) Callidium thoracicum, inédit. Long. 9 millim. Larg: 3 1/2 millim: Tête nement pouctuée, d’un brun clair antérieurement, de même couleur ‘ 1. LUCAS. — Æspèces nouvelles d’Insectes. 187 postérieurement, mais beaucoup plus foncée. Lèvre supérieure jaunâtre. Mandi- bules d'an brun ferrugmeux à leur naissance, noires à leur extrémité. Palpes d'un brun ferrugineux clair. Yeux d’un brun assez foncé. Antennes à premier article d’un brun ferrugineux clair, ceux qui suivent d’un brun foncé, et ornés de longs poils fauves peu serrés. Thorax finement ponctué, d’un brun ferrugi- eux clair en dessus, orné sur les côtés de brun foncé , couleur qui s'étend en dessous et qui forme, dans cette partie, une bande transversale bien marquée. Écusson ct élytres d’un brun légèrement ferrugineux , finement chagrinés, re- vêtus de poils fauves très courts, peu serrés. Sternum et abdomen d’un brun foncé avec l'extrémité postérieure des trois derniers segmens d’un brun ferru- gineux clair. Pattes d’un brun ferrugiveux clair, avec la cuisse et la jambe ta- chetces de brun foncé et hérissées de poils longs, peu serrés, d’un fauve clair. Cette espèce, qui nous a été communiquée par M. Buquet , et à laquelle nous avons conservé le nom que M. Dejean lui a donné dans son Catalogue, a été trouvée aux environs d'Alger par M. Gérard. Plhrytæcia cirteensis, Luc. — Long. 14 millim. Larg. 5 millim. Tête noire, revêtue de poils d’un gris cendré clair, courts et peu serrés. Yeux et organes de la bouche de cette dernière couleur. Antennes de même couleur que la tête, revêtues d’un duvet très court, très serré, d’un gris cendré. Thorax noir, orné d’un duvet d’un gris cendré clairement parsemé et d’une bande longi- tudinale dans sa partie médiane en dessus, formée par des poils très serres entre eux, d’un gris cendré très clair. Ecusson noir, offrant des poils de même couleur que ceux que nouswenons de décrire. Élytres noires, finement! et profondément ponctuées, à côtes légèrement saillantes, avec les intervalles ornés d’un duvet d’un gris cendré clair. Abdomen et pattes noirs, revêtus de poils très serrés, courts, d’un gris cendre clair. Cette espèce, qui nous a été communiquée par M: L. Buquet, a été rencon- trée aux environs de Constantine par M. Gérard. Oberca, maoulicollis, Luc. — Long. 20 mille. Larg, 5 1/2 millim. Tête noire, profondément ponctuée, revêtue d'un duvet blanchâtre assez serre. Autennes noires. Yeux de cette dernière couleur. Lèvre supérieure jaune à sa haissauce, noire à sa base. Palpes à premiers articles d’un jaune ferrugineux , ceux qui suivent noirs. Corselet légèrement chagriné, d’un jaune ferruyineux , orné de sept taches noires arrondies, ainsi disposées : une médiane, deux sur la partie supérieure, deux sur les côtés près de la naissance des élytres, et enfin deux autres fort petites situées à la base du corselet près du trochanter. Élytres brunes, présentant des points profondément enfoncés, assez régulièrement dispo sés et revélues d'un duvet d'un gris cendré clair. Stérnum d’un jaune ferrugineux, avec la partie médiane tachetée de noir ;abdomen d'un jaune ferrugineux ayant la 188 1. LUCAS. — Æspèces nouvelles d’Insectes. base des segmens tachetés de noir, avec l'extrémité du dernier ou la partie anale de cette dernière couleur. Pattes d’un jaune ferrugineux, avec la base de la jambe et les articles des tarses d’un brun foncé. Dans les bois marécageux du lac du Tonga, environs de la Calle. Milieu de juin. Oberea mauritanica, Luc. — Long. 14 1/2 millim. Larg. 4 millim. Tête noire, fortement chagrinée, ornée de poils peu serrés, d’un gris cendré clair. Antennes et yeux de même couleur que la tête. Lèvre supérieure jaune à son extrémité , noire à sa base. Palpes jaunes, avec les derniers articles noirs. Gorselet assez fortement chagriné, jaunâtre à sa partie antérieure, d’un brun clair postérieurement, jaune en dessous et sur les côtés, et orné sur ces der- nières parties et en dessus de points noirs, arrondis. Ecusson jaune. Elytres allongées, terminées en pointe aiguë, d'un gris cendré assez foncé, ornées de points noirs profondément marqués, disposés régulièrement, et formant sur cha- que élytre sept lignes longitudinales. Sternum et abdomen bruns, avec les côtés et le bord postcrieur des segmens abdominaux jaunes. Pattes jaunes, avec les cuisses des deux dernières paires de pattes tachetées de brun foncé extérieure- ment, la base de la jambe et les articles des tarses de cette dernière couleur. Nous devons cette belle espèce à Fobligeance de M. L. Buquet, laquelle lui a été donnée par M. Gérard, comme ayant été prise aux environs d'Alger. Descriprion de quatre Coquilles nouvelles, Par M. H. Mirrre, Médecin de la marine à Toulouse. 1. Hérice DE Maxon. — Zélix Minoricensis ( Nob.). H. Test orbiculato-convex&@, imperforat@ , glabriusculé , albidä aut lu- tescente , supernè maculis fuscis interruptis, infernè aliis fasciam fin- gentibus ; anfractibus quinque convexiusculis, spir& prominul& , apice fusco; labro margine reflexo; fauce pallidè-rose& , columell& subdentaté. Animal blanchâtre et transparent , la tête et le dessus du corps ornés de deux lignes bleuâtres qui se prolongent sur les tentacules supérieurs ; collier grisâtre, pointillé de blanc et comme chagriné. Coquille orbiculaire, arrondie, glabre ou très finement striée en long, d’un blanc jaunätre , ornée de taches brunes souvent interrompues et comme ondu- lées en dessus. Ces taches sont continues en dessous et forment par leur réu- e»] H. MUTTRE. — Coquilles nouvelles. 189 nion deux et quelquefois trois fascies; dans leur intervalle la coquille présente de petits points de la même couleur que les fascics. Cinq tours convexes et ar- rondis, quelquefois légèrement déprimés; spire saillante à sommet glabre et rembruni; bouche grande, élargie , péristome réfléchi, offrant une teinte rosée ou violette , un peu plus foncée vers l’ombilic et sur le bord columellaire; en- fin la columelle est munie d’une dent assez saillante, ordinairement blanche, mais quelquefois aussi rosée, comme le reste du péristome. Diamètre, 6 à 7 lignes. L’Hélice de Mahon est voisme de lÆelix serpentina, de Férussac , avec laquelle elle a quelques rapports de forme et de couleur; mais sa taille, con- stamment plus petite, la forme de sa bouche et la couleur rosée de son péristome, la disposition régulière et fasciculée des taches qui la décorent, enfin la pré- sence d’une dent assez saillante à la columelle la distinguent suffisamment de l'espèce précitée. , Habite Mahon (île Minorque); on la rencontre en abondance sur l’ilot De/ Bey, cachée dans les anfractuosités des rockes qui bordent le rivage où elle vit en commun avec l'Helix muralis, Müll, Comme cette dernière espèce, elle n'habite que les lieux secs et arides, le plus ordinairement exposés au :ridi, et supporte aussi bien les ardeurs du soleil. Ce fait est remarquable en ce que notre kélice n’est point pourvue d’un test aussi solide que la coquille de l’Æe- lix muralis , dont l'épaisseur garantit suffisamment l'animal] de l’action brülante des rayons solaires. Nota. L'animal de V'Æelix de Mahon m'a présenté l'exemple d'une mons- truosité assez rare, je crois, parmi les mollusques Gastéropodes, je veux parler d’une division congéniale du pied en deux lobes inégaux; l'un de ces lobes est antérieur, plus grand’, plus allongé, et constitue la presque totalité de cet cr- gane qui a acquis ici un volume plus considérable que dans l’état normal ; l’au- tre lobe est postérieur, plus court , mais plus élargi , et paraît former un second pied supplémentaire. Ces deux organes sont réunis par une échancrure étroite et profonde. 2. Heuice TouLonnaise. — Helix Telonensis ( Nob.). MH. Testä subdepressé aut convexiusculé , corne , tenui, pellucid@ , sub- tilissimèé striaté ; anfractibus quinque convexis , ullimo majore, aper- tur& rotundaté, peristomate acuto, simplici, umbilico magno. Animal de couleur fauve ou roussâtre, parsemé de petits points noirs visibles au dehors, à cause de la transparence du test. Coquille un peu déprimée, quelquefois légèrement convexe , d’une couleur de corne claire, légère et transparente, ornée de stries fines , serrées ct irrégu- lièrement disposées, ce qui la fait paraître un peu chagrinée; elle est composée de cinq tours arrondis, le dernier convexe en dessous, constituant les deux 190 H. MITTRE, — Coquilles nouvelles. tiers environ de la spire; l'ouverture est arrondie, le plus-souvent fermée par un épiphragme blanc , dont l'épaisseur et la solidité ne sont point en rapport avec la ténuité du test; le péristome est simple, tranchant, non réfléchi et de- pourvu de bourrelct intérieur ; lombilic est largement ouvert, laissant voir deux ou trois tours de la spire. Diamètre, 3 lignes 1/2 à 4 lignes. Cette hélice est confoudue dans la plupart des collections du Midi avec l’7Ze- lix glabella de Draparnaud , avec laquelle elle n’a pourtant que de légers wap- ports de forme et de couleur. Notre Hélice diffère essentiellement de l'espèce précitée par l'absence de la carène et de la zone blanche du dernier tour, dont la glabelle est ornée, par la présence d’untombilic large ‘et assez profond , par la forme de l'ouverture qui est arrondie chez notre espèce et semi-lunaire et déprimée chez la glabelle; enfin (par l'absence du bourrelet intérieur dont cette dernière est pourvue. Notre Hélice habite les environs de Toulon, au Saint: Trou, sur la montagne de Faron, etc. Elle vit cachée sous les pierres, aux pieds du pm maritime et sons les feuilles desséchées de ce comifère. — Assez rare. 1 Nous devons la connaissance de cette jolie coquille à M. de Fontenay, con- chyologiste de notre ville. 3. Hexice DE Nyec. — Jelix Nyeli (Nob.). H. Testé orbiculari, carinatä, supernè depressä , subtüs convexä , latè umbilicatä, subtilissimè strial&, grise& vel liutescenite, suprà maculis fuscis, infra duobus fasciis ornat@ ; aperturä angulal&, labro albo, tenui, intüs marginato , subreflexo. : Animal d’un fauve pâle, transparent, orné sur le dos de deux lignes bleuä- tres qui aboutissent aux tentacules supérieurs; collier jaunâtre et pointillé de blanc. Cette Coquille, qui appartient à la section des Carocolles ;'est, comme toutes ses congénères, de forme orbiculaire et carénée; aplatie en dessus , convexe en dessous et finement striée en long; elle est munie d’un ombilic large et profond , laissant voir trois où quatre tours de la spire; celle-ci est composée de six tours qui augmentent graduellement et qui sont unis par des sutures étroites et peu marquées; toute la coquille est d’une couleur grisâtre ou jau- nâtre, couverte en dessus de taches brunes régulièrement disposées, et ornée en dessous de deux ‘fascies de la même couleur. La carène du dernier tour pre- sente sur tout son contour de nombreuses dentelures résultant de la réunion des stries qui sillonnent les faces supérieure ét inférieure de la coquille ; l'ou- verture est grande, anguleuse inférieurement; le péristome blanc, un pen re- fléchi et garni d’un bourrelet intérieur. Diamètre, 4 lignes 1/2 à 5 lignes. Cette Hélice habite les environs de la ville de Mahon (ile Minorqne); elle H. MITIRE. - Coguilles nouvelles. 161 vit sur les plateaux qui bordent le rivage du port Mabon , cachée sous les pierres fortement implantées. Nous la dédious à M. Nyel, conchyologiste à Toulon, comme uir témoignage d'amitié et de gratitude. ‘ 4. Bucarpe AQuuaN. — Cardium aquilinum (Nob.). C. Test minimé , tumid&, subcordat&, gibb&, cbliqu&, inæquilaterali ; flavo-virescente , maculis rufo-fuscis et albidis ; costis planulatis, le- vibus, natibus prominulis, rufescentibus ; intüs violacea. Espèce bien distincte par sa taille, sa forme et sa coloration; petite coquille enflée , en forme de cœur arrondi, oblique et inéquilatérale , le côté postérieur plus court que l'antérieur. Sur le milieu des valves s'élève une éminence allon- gée et recourhée qui occupe toute la longueur de la coquille el qui fait pa raître celle-ci bossue et les crochets anguleux et comme carénés. Toute la co- quille est d’une couleur jaune verdâtre , ornée de taches bruves, jaunes et blan- châtres, et irrégulièrement disposées. Cette coloration diffère, du reste, beau- coup suivant l’âge des individus que l’on examine. — Le nombre des côtes varie de vivgt-deux à vingt-quatre; elles sont planes ou légèrement convexes, lisses , excepté les quatre ou cinq postérieures qui sont rugueuses et crénelées ; les sil- Jons qui les séparent sont en arrière , à peine marqués, indiqués seulement par une série de petits points fins et serrés; en avant ils sont larges, peu profonds, striés en travers et paraissent, vus à la loupe, couverts d’écailles fines et mem- braneuses; les crochets sont légèrement recourbés, proémivens et rougcâtres; à l'intérieur la coquille est blanche, avec des taches violettes, et sillonnée sur toute la longueur des valves, excepté vers leur sommet qui est lisse et poli. Les plus grands individus ont de 5 à 6 lignes de diamètre, Cette jolie coquille habite la rade de Toulon, où elle a été découverte par M. de Fontenay. PUBLICATIONS NOUVELLES. NOMENCLATOR ZOOLOGICUS, continens nomina syslematica genc- run animalium tam viventium quam fossilium ; auctore L. Acassiz; in-4, Soloduri, 1842. « Voici, dit l'auteur, le plan que j'ai suivi en élaborant cet ouvrage. J'ai inscrit tous les genres qui ont été établis, qu'ils soient adoptés ou non; j’ai in- diqué leur auteur et l'ouvrage dans lequel ils sont mentionnés pour la première fois , avec la date de sa publication , qui est d’une importance réelle dans les questions de priorité; vient ensuite l’étymologie du nom et enfin l'indication de 192 Publications nouvelles. la famille à laquelle le genre appartient. Chaque classe forme un tout indépen- dant, tandis qu’un registre général , simplement nominal, réunit de nouveau tou- tes les classes et met à côté Les uns des autres les noms qui font double emploi. Le nom de chaque genre étant suivi de l'indication de la famille à laquelle il appartient, on pourra, à l’aide de ces registres, trouver sans perte de temps les aflinités naturelles de tous les genres du règne animal, ce qui sera d’une grande utilité pour l’arrangement des collections. D’un autre côté, en par- courant les noms qui terminent les lignes du registre d’une classe, il sera facile de connaître tous les genres qui ont été établis dans une famille quelconque et de trouver en même temps l'indication des ouvrages où ils sont caractérisés. Le fascicule qui vient de paraître, contient la nomenclature générique des Mammifères, des Echinodermes et des Acalèphes. ANATOMIE MICROSCOPIQUE, par le docteur L. Manpr. 5: et G° livrai- sons ( Æppendices tézumentaires ; 1" et 2° parties ). Paris, 1839-41. L'auteur poursuit dans cette publication ses recherches sur l’organisation des appendices tégumentaires , recherches en partie connues de nos lecteurs par son mémoire sur la structure des écailles des Poissons (voyez Annales des Sciences naturelles ,tome 11, 1839 , page 361 ). Après avoir donné l'historique des observations de ses prédécesseurs, M. Mandl examine les poils, les cheveux, les plumes , etc. Il a observé que le bout libre , pointu des poils , après avoir pris une forme lronquée par l’effet de la coupure, s’arrondit au bout , ou bien, après quelque temps, reprend sa forme primitive. Ces changemens s’observent surtout sur les cils, les favoris, mais très rarement sur les cheveux longs. Il est aussi à noter que l’auteur attribue principalement la couleur noirâtre du canal des poils à la présence de l'air. QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes 103 Mémoire sur les embryons des Syngnathes ( Syngnathus Ophi- dion, Linn.), Par A. DE QUATREFAGES. ( Présentées à l’Académie des Sciences, le 30 mai 1842.) On sait depuis bien long-temps que les poissons du grand genre Syngnathe n’abandonnent pas leurs œufs au hasard comme la plupart des animaux de cette classe. On a décrit l'espèce de poche qui se forme à la partie inférieure du corps, tantôt sous l'abdomen , tantôt sous la queue , poche où les œufs subissent une véritable incubation ,et qui se fend lorsque les jeunes Syn- gnathes , ayant acquis tout leur développement, se dégagent de leurs enveloppes fétales et peuvent vivre en liberté. Il y a là quelque chose de très semblable à ce qui se voit dans la classe des Mammifères chez les Marsupiaux , et je ne pense pas avoir été le premier à faire ce rapprochement. Mais les choses ne se passent pas tout-à-fait de même dans la Vipère de mer ( Syngnathus Ophidion Lin.). Ici les œufs ne sont plus protégés par un repli cutané: ils sont seulement adhérens et fixés solidement à la face inférieure de l'abdomen et complétement à découvert ; ils sont baignés librement par le liquide ambiant (1). La portion des tégumens sur lesquels ces œufs ont été déposés acquiert plus d'épaisseur, et il s’y développe des vaisseaux assez nombreux. Autre point de rapprochement avec les Mammifères Marsupiaux. Les œufs de la Vipère de mer paraissent avoir été de forme arrondie au moment de la ponte. Du moins l'extrémité libre (x) Je n'ai vu cette observation consignée dans aucun auteur, Mais ayant eu occasion de la communiquer à M. Bibron, ce naturaliste me dit avoir déjà observé des faits semblables chez plusieurs espèces de Syngnathes et avoir employé ce caractère dans une monographie en- core inédite, comme propre à distinguer une des sous-divisions qu'il a établies dans cette famille. XVILT. Zooc. — Octobre, 13 194 QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. présente encore des traces de cette disposition primitive(1);mas, en se développant, ils se sont trouvés pressés de manière à prendre une forme assez régulièrement hexagonale (2). Ils se composent de deux enveloppes distinctes , que lon peut séparer l'une de l’autre à l’aide d’une pointe d’aiguille. Ces deux couches sont d’ailleurs également transparentes et permettent de voir très librement le petit Syngnathe qu’elles renferment. [Lorsqu'on observe à l'œil nu, on ne distingue que la masse des œufs formant une couche qui occupe toute la face inférieure de l’ab- domen , et au milieu de laquelle on aperçoit un grand nombre de petits points noirs, réunis par paires (3). En employant un grossissement assez faible (4), on reconnait que ces points noirs ne sont autre chose que les yeux d'autant d’embryons. Chaque œuf n’en renferme qu’un seul , et ils sont placés d’une manière à-peu-près uniforme dans leur petite loge. La tête occupe toujours l’extrémité libre de l'œuf, celle qui est baignée par l’eau de mer, et se trouve par conséquent dirigée en bas. Au-dessus le corps se replie de diverses façons (5). En plaçant un de ces œufs sous le rnicroscope , à un grossissement de trente à trente-cinq diamètres (6), on distingue la forme générale du corps et la sphère vitelline dont les paroissemblent se continuer avec celles de l'abdomen. Un albumen liquide et diaphane occupe tout l’espace laissé libre par le corps du petit poisson. Pour examiner celui-ci avec détail , il convient d'ouvrir l'œuf et d’en faire sortir le jeune Syngnathe, qu’on peut alors étendre sur une plaque de verre et étudier avec la plus grande facilité, à cause de son extrême transparence. Ces embryons continuent à vivre pendant un temps quelquefois assez long, bien qu’arrachés ainsi brusquement au milieu dans lequel ils devaient subir les diverses phases de leur accroissement. J'en ai vu dont le cœur se contractait encore plusieurs heures après (x) Planche 6 is, fig. 3. (2) Planche 6 bis, fig. 2. (3) Planche 6 bis, fig, r. (4) Planche 6 bis, fig. 2. (5) Planche 6 bis, fig. 3. (6) Planche 6 bis, fig. 3. QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnaihes. 105 leur sortie de l'œuf, et cela pres de trente-six heures après la mort de la mère qui les portait. Le nombre des œufs que portait l'individu que j'ai observé était très considérable. Toute la surface inférieure de l’ibdomen en était couverte. Aussi, bien que je n’aie eu à ma disposition qu’un seul de ces animaux , j'ai pu faire une étude assez com- plète des embryons, qui tous présentaient d’ailleurs le même degré de développement. Bien que ne pouvant offrir ici des détails que sur une époque isolée de la vie embryonnaire de ces poissons , j'espère qu’on y trouvera quelque intérêt, vu la rareté et la difficulté des observations de ce genre. Pour procé- der avec ordre, j'examinerai successivement, 1° les caractères ex- térieurs et les tégumens , 2° le squelette, 3° les muscles, 4° les organes de la nutrition , 5° ceux de la circulation , 6° éufil le système nerveux et ae organes des sens. $ I. CARACTÈRES EXTÉRIEURS. La forme extérieure des embryons de Syngnathe est assez différente de ce qu’elle doit devenir un jour pour que nous nous y arrétions un instant. Le corps qui, chez l'adulte, est arrondi avec des côtes longitudinales trés peu saillantes , est ici à-peu-près cylindrique dans la première partie de la portion caudale. L’extrémité postérieure est presque en lame. La partie antérieure, surtout dans lé voisinage de la tête, est également comprimée. Il en résulte que la tête semble plus grosse, propor- tionnellement au corps, lorsqu'on voit l'animal par devant ou par derrière (1) que lorsqu'on le regarde par le côté (2). Le diamètre transversal de la tête est d’ailleurs augmenté par la saillie considérable que font les yeux (3). La forme de la tête à cette époque de la vie embryonnaire est surtout remarquable par la prédominance du crâne sur la face, rapport qui plus tard deviendra inverse de ce que nous voyons ici. (1) Planche 6 bis, fig. 3, et planche 5, fig. 2. (2) Planche 6 bis , fig. 4, et plarche 7, fig. (3) Planche 8 Lis, fig. 3, et planche 9, fig. » 199 QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. En outre, la face, au lieu d’être allongée dans le sens de l'axe du corps, est placée à la partie inférieure, et une ligne passant par la bouche et le centre des yeux fait un angle à-peu-prés droit avec cet axe , bien loin de lui être à-peu-près parallèle comme chez l'adulte (x). Le crâne très développé, comme nous venons de le dire, forme une courbe assez régulière à partir de l’occiput jusqu’au front au-delà des yeux (2). Là se trouvent de chaque côté de la ligne médiane deux tubercules (3) , qui, vus de profil, forment une saillie bien prononcée (4). Un peu au-dessous, on voit la bouche figurée par une échancrure assez profonde, mais où il m'a été impossible d’y reconnaître une ouverture (5). Enfin la mâchoire inférieure ; formée à cette époque d'une seule pièce, fait une saillie assez marquée en avant, se coude vers son milieu et se porte en arrière jusqu’au dessous des yeux (6). De cet ensemble des caractères de la face, il résulte, surtout de profil, une ressem- blance éloignée avec un masque de vieillard. L’angle facial, qui plus tard sera presque complétement nul, est ici environ de 80° centésimaux , c’est-à-dire supérieur à celui de tous les Mam- mifères et même à celui de certaines races humaines. De chaque côté de la tête se trouvent les yeux qui occupent à cette époque près du quart de sa surface. En arrière et en bas on aperçoit l'oreille (7). Nous reviendrons plus loin sur ces deux organes. A quelque distance de la tête se montre de chaque côté du corps une espèce de-palette ou d’aileron (8), dont la détermina- tion peut donner lieu à quelque doute. L'espèce de Syngnathe, dont j'ai observé les œufs appartient à une sous-division de ce genre , caractérisée par l'absence de nageoires pectorales. Ces (x) Planche 6 bis, fig. 4 , et planche 9, fig. (2) Planche 6 Lis, fig. 4, et planche 7, fig. (3) Planche y, fig. 2. (4) Planche 6 Lis, fig. 4 , et planche 7, fig. 1. (5) Planche 6 bis, fig. 4, et planche 7, fig. x et 2. (6) Planche 6 is, fig. 4, et planche 7, Ég. r et 2. (7) Planche 6 bis, fig. 4, et planche 7, fig. (8) Planche 6 bis, fig. 3, 4, et planche 7, fig. 1. QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. 197 organes existeraient-ils temporairement chez le fœtus, pour disparaitre plus tard? Cette opinion nous semble assez probable, et nous trouverons ici une preuve de plus de l’importance dont peuvent être les études embryogéniques, pour arriver à la con- naissance des rapports naturels qui unissent entre eux les ani- maux, On pourrait peut-être aussi considérer ces palettes comme des organes de respiration transitoires analogues à ceux que Carus a fait connaître dans les embryons de quelques Poissons cartilagineux ; mais, s’il en était ainsi, il est probable que j'y aurais aperçu quelque trace de circulation, et je n’ai pu y en découvrir. On pourrait aussi être tenté de les regarder comme des opercules déjà développés et n'ayant plus qu’à se souder par les bords , si leur position en arrière des centres vasculaires, et leur éloignement de la tête ne s’opposait à ce qu’on adopiät cette manière de voir. Pas plus chez nos Syngnathes que chez les autres Vertébrés, le tube digestif n’est renfermé dans l'abdomen à cette époque de la vie embryonnaire. 11 forme en arrière de la masse vitelline une espèce de crête (1) qui se termine brusquement, et à l’extr mité de laquelle je n’ai pu reconnaître que l'anus fût em. ouvert, bien que l'intestin parût se prolonger évidemment jusque-là. La nageoire dorsale existe dès cette époque dans nos jeunes embryons ; elle forme en arrière (2) une petite frange extrême- ment mince, s'étendant depuis la partie du dos qui correspond à l'extrémité du vitellus jusques assez avant sur la partie caudale du corps. Elle est donc bien plus étendue que chez l’aduite. On n'y distingue encore aucune trace de rayons. La substance est partout homogène , légérement granuleuse, transparente et semblable à cette gangue animale qui semble être l’origine de tous les tissus. Enfin, parmi les caractères extérieurs les plus saillans, nous devons indiquer la présence sur tout le corps de grains de pigment de forme assez variée. Ce pigment est répandu par (1) Planche 6 bis, fig. 4, et planche 7, g. 1. (2) Planche 6 bis, fig, 4 , et planche 7, fig. 1. 196 QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. points sur les deux mächoires et sur la face antérieure du cou (1). De chaque côté, deux traïnées principales prennent naissance , l'une un peu au-dessous de l'extrémité des mâchoires inférieures , l'autre derrière l’occiput. L'une et l’autre se conti- nuent jusque vers la moitié postérieure de la queue. Là elles se confondent et finissent par couvrir toute cette partie des tégu- mens. En même temps les grains grossissent , se réunissent et forment des amas parfaitement semblables à de petits buis- sons (2), qui deviennent de plus en plus considérables à mesure qu’on les observe plus en arrière. La couleur du pigment ne change pas d’ailleurs et reste toujours brunâtre, Cette même substance se retrouve sur toute la surface de la sphère vitelline. Ici elle est en buissons sur toute la face externe et en grains de plus en plus petits à mesure qu'ils se rapprochent du corps. Il nous semble assez difficile de reconnaitre expérimentale- nent les usages de ce pigment. Peut-être son abondance autour du vitellus et à l'extrémité de la queue, c’est-à-dire sur deux points, dont le premier joue évidemment le rôle d’un organe de respiration, dont l’autre ne reçoit que peu ou point de sang ayant respiré , nous permettra-t-elle de conjecturer que cette singulière production joue un rôle dans l'acte de la respiration. Des exemples puisés, soit chez les animaux inférieurs, soit chez d'autres Vertébrés (Grenouilles, etc.), viendraient assez à l'appui de cette manière de voir. Il nous reste peu de chose à ajouter à ce qui précède pour faire connaître l'état des tégumens chez nos embryons de Syngnathes. A cette époque, rien n’est encore distinct dans cette partie des tissus. On n’aperçoit aucun vestige d'écailles. La peau (3) présente l’aspect d’une gelée homogène transparente, semée de granulations de diverses grandeurs et ne paraissant pas présenter à la surface une densité différente de celle de l'intérieur. L'épaisseur de la couche tégumentaire est très consi- dérable relativement à ce qu'elle deviendra plus tard, et à l’extré- (x) Plinehe 6 Bis, fig. 4. (2) Planche 6 Lis, fig, 4, et planche 7, fig. 5, (3) Planche 9, fig. 3. QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. 199 mité caudale surtout, elle forme à elle seule la masse dans laquelle vient se terminer la colonne vertébrale. Vers le milieu du corps même, son épaisseur égale celle de la couche muscu- laire; mais elle s’amincit beaucoup sur les os du crâue et de la face. $ IL. SQUELETTE. A l’époque de la vie ovarienne ; où j'ai pu observer mes jeunes Syngnathes, le squelette n’est point encore partagé en os dis- tincts. Au contraire, il paraît former un tout continu , dont les diverses parties se sépareront et s’isoleront plus tard. Ce fait est déjà très visible dans la tête, où les os de la mâchoire inférieure eux-mêmes semblent n'être qu'un arceau appendiculaire de la masse du crâne (1); mais il est encore plus évident dans la colonne vertébrale, qui présente d’une extrémité à l'autre l'aspect que nous avons reproduit. (2) Ce squelette est entièrement cartilagineux. En plongeant un de mes embryons dans la potasse caustique, je voyais se dis- soudre assez rapidement tout ce qui représentait les parties molles de l’adulte. La charpente osseuse résistait plus long- temps, mais disparaissait également en entier. Traités par l'acide nitrique, ces os n'ont d’ailleurs donné aucune trace d’efferves- cence, et ne renfermaient donc pas des carbonates. Faute des réactifs nécessaires , je n’ai pu de même constater directement l'absence des phosphates ; mais l'expérience citée. plus haut me semble suffisante pour qu’on puisse assurer qu’il ne s’en était pas encore déposé dans la trame animale. La fusion complète des os du crâne rend assez difficile la détermination de ses diverses parties, et par suite on ne peut guère indiquer avec quelque certitude les différences de forme que les divers os qui entrent dans la composition , soit de la boîte crâänienne, soit de la face, présentent à cette époque , et qui les distinguent de ce qu’ils seront chez l'animal adulte. Nous (1) Planche 6 Lis, fi, 4, et planche 7, bg. 1 et 2, (2) Planche 7, fig. 3. 200 QUATR:FAGES — Sur les embryons des Syngnathes. pouvons pourtant reconnaître quelques faits qui nous paraissent assez intéressans pour être signalés. Un coup-d’œil , jeté sur nos figures (1) suffit pour reconnaître que les os des deux mächoires ont déjà à-peu-pres la forme et la position relative qu'ils garderont pendant toute la vie de l'animal. Il s'ensuit que la brièveté du museau et la position anormale de la face tiennent au défaut de développement des os qui doivent se prolonger plus tard , et porter la bouche en avant et en haut, dans la direction de l’axe du corps. Ces os sont à la face supérieure, l’ethmoïde, le vomer et les os du nez, en bas, les tympaniques , les préopercules et les sous-opercules. On comprend que, pour que la bouche puisse décrire l'arc de cercle d'environ 100°, qui la placera dans sa position normale, il faut que ces derniers prennent un développement proportionnelle- went plus considérable et plus rapide que ceux de la partie supérieure. Il est d'autant plus remarquable que nous n’en trouvions encore que de faibles traces dans les deux espèces de branches qui supportent la bouche (2), tandis que nous voyons déjà en baut les os du nez présenter un développement assez marqué. Du moins nous regardons les deux petits appendices que nous avons signalés plus haut comme les représentans de ces os. On pourrait encore voir en eux les deux moitiés du vomer se for- mant , comme les autres os impairs , de deux moitiés primitive- ment séparées. Le non-développement du préopercule nous explique encore la position de l'œil, que nous voyons ici placé tout-à-fait au- dessous de l'axe du corps (3), tandis qu'il est sur son prolonge- ment chez l'animal adulte. En effet l'orbite , fermé en avant , en haut et en arrière par le frontal; en bas par le préopercule et le temporal, se trouvera tout naturellement amené à la place voulue par le développement de ces derniers os qui lui feront également décrire un arc de cercle de près de 100°. (x) Planche 6 bis, fig. 4 , et planche 7, fig. 1. (2) Planche 6 6és, fig. 4, et planche 9, fig, r et 2, (5) Plauche 6 bis, fig, 4, et planche 5, fig, 1. 7» QUATREFAGES. — Our les embryons des Syngnathes. 201 L'état de développement des os de la tête à cette époque de la vie embryonnaire est remarquable en ce que l’on y voit une tendance évidente du squelette à se former de la circonfé- rence au.centre (1); ainsi la bouche présente déjà à peu de chose pres la forme qu'elle conservera pendant toute la vie de lani- mal , tandis que les os qui doivent entrer plus tard dans la com- position de la face, sont encore dans un état entièrement rudi- mentaire. Parmi eux, les plus avancés en développement sont encore ceux qui seront placés le plus en dehors. Aucun d'eux n'occupe la place qu'il est destiné à conserver chez l'adulte, et déjà les os de la bouche sont placés relativement à ceux qui doivent les supporter dans une position qui ne changera plus. Une autre observation que suggère la forme de la tête de nos jeunes Syngnathes, c’est qu’elle semble se rapprocher de celle des Mammifères qu’on peut regarder comme l'expression la plus élevée du type des Vertébrés. En effet, nous voyons ici l'axe de la face presque perpendiculaire à l'axe du corps, au lieu de coincider presque complétement avec lui. La face est placée à la partie inférieure du corps, au lieu de se trouver en avant comme chez le Syngnathe adulte. L'examen des planches de Carus , relatives au développement du Cyprinus dobula , nous montre un fait tout semblable. On sait qu'il en est de même chez les Batraciens , dont on a suivi l'évolution. Il serait assez curieux de voir le fait se généraliser dans la classe des Poissons et dans celle des Reptiles. Ce serait encore là une nouvelle preuve de l'utilité des recherches embryogéniques pour l'appréciation des grands rapports généraux entre des êtres qui semblent souvent n’en présenter aucun. Nous ajouterons peu de chose à ce que nous avons déjà dit du reste du squelette chez nos embryons. Je n'ai pu découvrir d'arétes isolées. Quant aux côtes, elles sont déjà formées, et se montrent sous la forme de fortes épines coniques légérement courbées, à sommet arrondi, implantées sur les côtés de la co- lonne vertébrale. Leur longueur est loin d’être aussi considé- (4) Développement centripète de M. Serres. 202 QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. rable qu’elle doit l'être par la suite, tandis que leur épaisseur est proportionnellement beaucoup plus forte. S III. Musezes. On sait que les poissons dont il s’agit ici n’offrent jamais que de très faibles masses musculaires, et que c’est là peut-être la principale raison qui empèche de les employer comme ali- ment. Mais les parties charnues sont encore en bien moindre proportion dans les embryons que dans les adultes. La couche des muscles qui enveloppent la colonne vertébrale dans la queue immédiatement en arrière de l’anus n’a en épaisseur que le quart tout au plus du diamètre des vertèbres, tandis que chez l'adulte cette épaisseur est presque double de celle des os qui servent de point d'appui à la couche musculaire. Ce fait s'accorde parfaitement avec ce qu'on observe chez les Verté- brés supérieurs et chez l’homme lui-même. J'ai représenté (1) l'aspect que présentent ces muscles. Les fibres en sont, on le voit, bien distinctes et striées transversa- lement. Ces stries sont plus prononcées vers le milieu du corps qu’à son extrémité. Elles forment d’ailleurs une couche uniforme et dans laquelle on ne saurait reconnaître aucun muscle dis- tinct. Peut-être avec beaucoup de peine aurais-je été plus heu- reux en étudiant la myologie de la tête: mais ces recherches auraient manqué d'intérêt réel, puisque cette partie de l’anato- mie des Syngnathes adultes est entièrement inconnue, et que dès-lors je n'aurais pu établir de comparaison. $ IV. ORGANES DE NUTRITION. L’organe immédiat de la nutrition chez le fœtus dans les ani- maux ovipares est, on le sait, la sphère vitelline qui, dès le mo- ment où l'embryon est formé, est bien moins une de ses annexes qu'une partie intégrante de lui-même. Cette sphère est très mar- quée chez nos jeunes Syngnathes à l’époque qui nous occupe, et ses relations avec le reste de l'organisme sont faciles à re- (x) Planche 7, fig. 3. QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. 203 connaître. Elle est formée de deux enveloppes distinctes. L’ex- terne à laquelle avec Carus et les autres embryologistes alle- mands nous donnerons le nom de chorion se continue de la ma- nière la plus évidente avec les tégumens de l'embryon (1) et se trouve séparée de la membrane interne par une couche mince de substance entièrement homogène et diaphane. Cette couche devient beaucoup plus épaisse en arrière du vitellus et le sépare du corps et de l'intestin. La seconde enveloppe forme une poche qui s'ouvre dans l'intestin par une ouverture médiocrement grande, et ses parois se continuent directement avec ceux du ca- nal digestif lui-même. C’est à la surface de cette seconde mem- brane que se ramifient les vaisseaux dont nous parlerons plus tard. La substance renfermée dans la poche vitelline est jaunâtre, opaque (1) et granuleuse. On en retrouve quelques traces, mais à peine sensibles dans l'intestin. Extérieurement elle est parsemée d’un grand nombre de gouttelettes d’une substance dont l'aspect rappelle entièrement celui d’un corps oléagineux. Leur grandeur s'accroît progressivement à mesure qu’elles s’éloignent du corps, et les plus considérables sont placées à la face inférieure du vitellus. Ce sont les gouttes d'huile que Carus et d’autres em- bryologistes ont regardées comme destinées à faire flotter en quel- que sorte l'embryon au milieu de Palbumen et à maintenir la sphère vitelline dans la partie supérieure de l’œuf. L'examen des œufs de Syngnathe est peu favorable à cette manière de voir. Nous avons dit plus haut que dans tous les cas que nous avons observés la tête de l'embryon est placée vers l'extrémité libre de l'œuf, et que le corps est replié sur lui-même de telle façon que le vitellus occupe à-peu-près le milieu de la cavité de l'œuf, et dans cette position les gouttes d'huile les plus considérables se trouvent placées sur le côté et non à la partie supérieure. Ne serait-il pas plus naturel de regarder cette substance comme l’analogue des matières grasses que l’on trouve dans le lait des Mammifères ? (1) Plauche 7, Gg. . 2) Plauche 6 Lis, Gg. 4. 204 QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. Le tube digestif dans lequel s'ouvre la poche vitelline est droit. Antérieurement je n’ai pu reconnaître s’il se prolonge jus- qu'à la bouche, je le perdais de vue en arrivant à l’arcade maxil- laire. En arrière il s’'étendait jusqu’à l’anus que j'ai tout lieu de regarder comme étant encore imperforé. Je n'ai pu distinguer aucune trace du foie ou de tout autre organe abdominal. T'intestin était entouré de toute part d’une matière transparente, g/obulineuse, c'est-à-dire de cette gan- gue animale qui représente à cette époque le tissu cellulaire, et au milieu de laquelle les divers organes semblent se for- mer, si même ils n'en tirent pas leur origine d’une manière plus directe. $ V. CircuLATION. La transparence des tissus chez les embryons dont je fais l'histoire m'a permis d'étudier avec soin l'appareil circulatoire. Aussi ai-je cherché à reproduire (1) ses moindres détails avec toute la fidélité possible. Dans les figures qui le représentent, les dernières ramifications des vaisseaux sont d’un calibre tel que les globules du sang n’y passent qu'un à un, quelquefois à des intervalles assez éloignés, et cette circonstance nous sug- gère une première observation générale. C’est que ce réseau ca- pillaire est remarquablement lâche eu égard à l'étendue de tis- sus qu'il doit nourrir. A la face inférieure de la queue nous ne trouvons que quatre ou cinq artérioles très petites de chaque côté, et elles manquent complétement dans le quart postérieur. Enfin à la face dorsale elle-même , les vaisseaux deviennent tres rares vers l’extrémité caudale, et disparaissent complétement avant la terminaison de la colonne vertébrale. Comment se nourrissent et s'accroissent des parties si éloignées en apparence de tout rapport avec le sang? Est-ce par l'intermédiaire de vais- seaux plus petits que les globules sanguins, etdans lesquels ne circule que la partie fluide et incolore da liquide nourricier (2)? (x) Planche 7, fig. 1 et 2. (2) Dans une note présentée à la Société philomaïhique, M. Doyère et moi avons fait connai- tre lexistence de ces vaisseaux chez les mammifères et les repules, Les nombreuses prépara- QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. 205 Mais ces capillaires eux-mêmes forment un réseau plus ou moins serré dont les mailles circonscrivent des espaces entière- ment vides de vaisseaux. C’est là, sans doute, que se passe le phénomène de la nutrition dont le mécanisme réel a jusqu’à présent entierement échappé à nos regards. En parlant de la petite circulation chez les poissons , Cuvier avait fait remarquer qu’elle n’est qu'une portion de la grande. En effet, l'aorte, en sortant du ventricule, ne renferme que du sang veineux, et elle est comme interrompue par l'appareil bran- chial. Mais du moins tout le sang chassé par le cœur traverse les branchies pour y subir l'influence de l’eau aérée. Dans nos em- bryons de Syngnathes:il n’en est pas ainsi. Le bulbe aortique qui est très considérable donne naissance à trois troncs (1). Celui du milieu se divise presque aussitôt en deux branches qui passent sous l’angle de la mâchoire et s'élèvent vers le sommet de la tête en contournant l’œil en dedans. Dans ce trajet ils donnent en avant un rameau à la mâchoire inférieure, un autre à la mâchoire su- périeure, un troisième se porte vers le tubercule que nous avons regardé comme représentant les os du nez. Puis le tronc princi- pal se ramifie à la partie supérieure du cräne et envoie des ramus- cules jusque vers la partie postérieure de l'œil. En arrière la même grande artère fournit une branche qui se porte vers lo- reille, et une seconde qui contourne l'œil d'avant en arrière. I est difficile d’après ces détails de ne pas voir dans le grand tronc dont nous parlons et qui émane directement du bulbe aorti- que, le représentant des artères carotides. Mais ce qu'il y a de remarquable c’est que le sang qu’il porte à la tête ne passant pas par les branchies arriverait à sa destination sans avoir res- piré, si aucune modification ne venait changer cette distribution. Aussi nous paraît-il probable que cette disposition anatomique doit être transitoire et appartenir exclusivement au fœtus. Peut- être existe-t-il entre les deux branches primitives de ce tronc et lions mises par nous sous les yeux de la Société ne pouvaient laisser aucun doute sur nos ré— sultats, M. Lambot de son côté publiait à la mème époque des faits entiérement semblables, Ainsi l'existence de vaisseaux dont le diamètre est plus petit que celui des globules du sang nous semble mise aujourd'hui entièrement hors de doute. (1) Planche 7, fig. r et 2, 206 QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. l'aorte, proprement dite, ou les branches qui la forment, une communication que je n’ai pu apercevoir. En ce cas il se passe- rait ici, par suite des progrès ultérieurs de l’organisation, quel- que chose de semblable aux phénomènes de modification que présente l'appareil circulatoire des Batraciens. Les deux troncs latéraux qui sortent du bulbe (r) se re- courbent dèsleur origine et donnent naissance à quatrerameaux branchiaux ; mais il n’existe à cette époque aucune trace des ramuscules qui s’épanouiront plus tard sur les lames respira- trices. Chacun de ces rameaux se continue directement avec la branche aortique à la formation de laquelle il concourt, et celle-ci décrit une courbe semi-elliptique pour aller au-dessous du cœur se réunir à celle de l’autre côté et former l'aorte ventrale. A l’époque dont nous parlons , il n'existe, on le voit, aucune trace de la cavité ou des lames branchiales. Les vaisseaux que nous venons de décrire sont plongés dans la gangue transpa- rente ; qui semble former en grande partie le corpsde l'animal. Néanmoins leurs parois se distinguent déjà, quoique avec peine, et le fluide nourricier ne se meut pas dans de simples lacunes. C’est seulement dans les dernières ramifications vasculaires que l'attention la plus soutenue n’a pu me faire reconnaître des pa- rois distinctes. L’aorte ventrale, une fois formée par la réunion des deux branches que nous avons décrites,marche en suivant la colonne vertébrale contre laquelle elle semble appliquée. Elle donne d’espace en espace des branches qui se ramifient promptement et qui sont toujours plus nombreuses vers la face dorsale. L’ab- domen reçoit aussi un assez grand nombre d’artères; mais la portion inférieure de la queue en est presque entièrement privée, ainsi que nousl’avons déjà dit. A la hauteur de l’avant-dernière vertèbre , l'aorte, réduite à un filet extrêmement mince, se recourbe , et là commence la veine-cave (2). Je n’ai observé sur aucun de mes jeunes Syn- (x) Planche 7, fig. 1 et 2. (2) Planche 7, fig. x et 5. QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. 207 gnathes cette double anse en forme de 8, que M. Carus regarde comme les rudimens d’un second cœur et un signe de l’infério- rité des Poissons relativement aux autres Vertébrés. Les dernières artérioles se continuent directement avec les: veinules , et celles-ci donnent naïssance à des veines, dont la réunion tout le long du corps forme la grande veine-cave posté- rieure. Les veines de la tête se réunissent aussi de chaque côté en deux grosses veines jugulaires qui s'ouvrent directement dans l'oreillette placée en arrière du ventricule. Le nombre et le calibre des veines est plus considérable que celui des artères. Tout le long du corps (1), où on voit distinc- tement ces troncs se détacher de la veine-cave et de l’aorte, le rapport numérique est environ de trois à deux; mais le rapport de capacité est bien plus considérable dès que l’on tient compte du diamètre des vaisseaux. Les veines abdominales ne débouchent pas dans la veine- cave : elles se réunissent en un tronc placé en avant du canal digestif, et dont le calibre est énorme relativement à celui des artères, qui lui donnent naissance. Ce grand vaisseau mésenté- rique vient se ramifier sur la surface du vitellus, et ses dernières divisions se continuent avec un nouveau système de capillaires, qui se réunit pour former un tronc «encore plus considé- rable, qui s’ouvre dans la veine-cave, un peu au-dessous de l'oreillette. Ainsi, en résumé, l'oreillette reçoit le sang qui a servi à la nutri- tion des parties par la veine-cave abdominale et les deux veines caves supérieures, où mieux les deux jugulaires, qui viennent y déboucher directement. A ce sang épuisé se mêle, dans la même cavité, le sang qui s’est renouvelé à la surface du sac vitellin ou ombilical, et ce mélange pénétrant dans le ventricule est ensuite porté dans tout le corps. Les branchies, entièrement rudimentai- res et sans aucun rapport avec les liquides ambians, ne peuvent exercer aucune influence sur la portion de sang qui les tra- verse. Tout le corps reçoit donc à cette époque un sang de méme qualité, et ce fait nous rend compte du parallélisme de (1) Planche 7, fig. : 208 QUATREFAGES. — Sur les embryGns des Syngnathes. développement que nous présentent les parties antérieures et les parties postérieures. Le sang se compose d’un liquide incolore et de globules dont le plus grand nombre est fortement elliptique et à peine co- loré (1). Mais il charrie en outre un certain nombre de granu- les blancs irréguliers qui m'ont paru exister en quantité mani- festement plus considérable dans l'artère ombilicale. Seraient-ce les matériaux de nutrition dont le torrent circulatoire se char- gerait en passant par le sac vitellin en mème temps qu'il y su- birait une action respiratoire? Cette hypothèse me semble avoir pour elle quelque probabilité. Un autre fait également remarquable, et que j'ai retrouvé sur presque tous les embryons que j'ai examinés, c'est que, au- delà de l’anse postérieure que forme l'aorte en se changeant en veine-cave se trouvait au milieu des tissus un amas de globu- les parfaitement semblable aux globules du sang (1). Ces glo- bules éloignés de toute espèce de vaisseaux étaient amoncelés ‘sans ordre et entièrement immobiles. Il s'y trouvait un assez grand nombre de ces granules irréguliers dont j'ai parlé plus haut. J'ai bien long-temps et à diverses reprises observé l'ex- trémité de l’anse pour savoir s'il s’en échapperait quelque glo- bule qui irait se joindre aux autres comme quelques auteurs allemands ont dit l'avoir vu, mais je n’ai rien aperçu de sem- blable. Cependant il n’est difficile de voir dans ces petits corps autre chose que des globules sanguins. Se formaient-ils là de toutes pièces, et cet amas de globules serait-il le rudiment de branches vasculaires se formant dans l'épaisseur des tissus de l'embryon comme à la surface du blastoderme ? C’est ce qu'une suite d'observations régulières permettrait seule de reconnaître d’une manière positive. $ VI. SYSTÈME NERVEUX. — ORGANES DES SENS. Malgré l’extrème transparence des tissus je n'ai pu reconnaitre l'existence d'aucun nerf proprement dit. Peut-être la diaphanéité (x) Planche 7, fig. 5. (2) Planche 5, fig. 3. ‘ QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. 209 excessive de filets aussi déliés a-t-elle causé l’insuccès de mes recherches à cet égard. D’un autre côté, les masses céphaliques placées dans la partie la moins transparente du corps n'étaient pas très distinctes. Cependant, j'ai pu voir d'une manière bien marquée trois lobes principaux placés dans le crâne à la suite les uns des autres (1). Le premier situé immédiatement au-des- sus de l'œil représente évidemment les lobes antérieurs du cer- veau. En avant il semble se confondre avec les parties solides de la face, mais en arrière il est séparé par une échancrure pro- fonde d’un grand lobe arrondi présentant sur la ligne médiane postérieure des indices d’une division (2), et qui, sans doute, doit donner naissance aux deux lobes optiques. Une seconde échancrure le distingue de la troisième masse cérébrale, du cer- velet probablement, qui forme tout-à-fait en arrière une lan- guette allongée triangulaire dont l'extrémité se perd dans la colonne vertébrale. On voit que le développement des centres nerveux est très considérable à cette époque de la vie embryonnaire et dès-lors on devait s'attendre à voir les organes des sens qui semblent être plus particulièrement sous leur dépendance également avancés dans leur évolution. En effet, les yeux et les oreilles, au- tant que j'ai pu en juger, sont déjà presque entièrement formés. Les premiers se montrent des deux côtés de la tête dont ils occu- pent une très grande partie sous la forme de deux grands lobes faisant en dehors une saillie assez prononcée. On y reconnait trés facilement (3) la cornée transparente, l'iris et le cristallin. La cornée transparente présente déjà la forme qu'elle con- servera pendant toute sa vie, car les Syngnathes sont du petit nombre de poissons chez qui cette partie externe de l'œil ne présente pas un aplatissement presque complet. Seulement chez l'adulte elle est enfoncée dans la cavité de l'orbite qui forme tout autour un rebord osseux. L'iris est fortement co- loré et d’un noir grisâtre. Il est comme adhérent où du moins (x), Planche 6 Lis, fig. 4. (2) Planche 6 bis, fig. 3. (3) Planche 7, fig. 2, XVWIIL Zooc, —- Octobre. 4 210 QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. en contact avec la cornée transparente, au lieu d’en être séparé par une chambre antérieure assez étendue comme il le sera plus tard. Le cristallin est également placé très en avant, et on en distingue la plus grande partie lorsqu'on regarde l'œil un peu de côté (1). Dans le cas contraire, comme toutes ces parties sont très transparentes, et que déjà sans doute le pigment de la cho- roïde est très développé, l'ouverture de la pupille semble ètre d'un noir parfait (2). En arrière et un peu au-dessus de la ligne indiquant Ja sépa- ration des mâchoires, on aperçoit l’oreille à travers les tégu- mens (3). Cet organe se présente sous la forme d’un large sac(4), dans lequel sont placés deux canaux venant s’aboucher en quelque sorte contre les tégumens CELA représentant sans doute les rudimens des canaux semi-circulaires. En arrière et en avant, on voit deux corps isolés sans doute des otolithes en voie de formation, mais qui, à cette époque, sont entière- ment cartilagineuses comme tout le reste du squelette , et ne paraissent pas contenir de sels calcaires. OBSERVATIONS. Les recherches que j'ai pu faire sur les embryons que je viens de décrire n’ayant porté que sur une époque de leur déve- loppement, toute déduction pourrait par eela même paraitre prématurée ; mais il est quelques réflexions que je crois pour- tant utiles d'ajouter à ce qui précède. On se demandera sans doute d’abord à quelle époque de la vie embryonnaire doivent être rapportés les détails qu’on vient de lire. Il n'est pas facile de répondre à cette question, vu surtout l'ignorance complète où nous sommes sur la durée de l'incubation chez les Syngnathes; cependant, en comparant l'état de l'organisme tel que nous venons de le décrire à ce que M. Carus nous a appris sur le développement du Cyprinus (x) Planche 7, fig. 2. (2) Planche 6 bis, fig. 4, et planche 7, fig. :. (3) Planche 6 is, fig. 4, et planche 7, fig. r. (4) Planche 6 Bis, fig. 5. QUATREFAGES. — Sur les embryons des Syngnathes. 211 dobula , on peut en conclure que nos jeunes Syngnathes étaient arrivés à une période de leur évolution correspondant à celle que présente chez ce dernier le septième ou le huitième jour. Sans entrer dans l'examen des questions relatives à la succes- sion que suivent les différens systèmes d'organes dans leur apparilion , nous nous bornerons à signaler quelques faits prin- cipaux, et d’abord remarquons la prédominance remarquable des systèmes nerveux et vasculaire. Tous deux semblent avoir marché à-peu-près de front dans leur développement, et leur volume , comparé à celui du reste du corps , est énorme relative- ment à ce qu'il doit être un jour. Il nous suffira de rappeler ce que neus avons dit sur les dimensions des masses cérébrales, et de faire observer que le diamètre de l'aorte et de la veine-cave à l’origine de la queue est au moins égal à l'épaisseur des couches musculaires qui se trouvent dans cette partie du corps. Les organes des sens ont suivi le développement du système nerveux, dont ils sont une dépendance immédiate , et ceci nous explique sans doute comment ils sont si avancés relative ment aux organes de la digestion, que nous voyons à cette époque représentés uniquement par un canal incomplet et encore imperforé. Le retard que semblent avoir éprouvé les muscles dans leur développement est aussi digne d'attention. Les seules parties de ce système que j'aie pu bien nettement reconnaitre sont celles qui se rattachent immédiatement à la colonne vertébrale. Les muscles moteurs des nageoires ne sont pas encore distincts. Nous trouvons ici un fait analogue à ce que nous offrent les très jeunes Mammifères chez qui l'on sait que lPappareil musculaire ne présente qu’assez tard ses proportions définitives. Enfin nous appellerons l'attention sur le retard que semble avoir éprouvé la caractérisation de tout le système cutané. Ici uon-seulement les écailles ne se dessinent pas encore, mais de plus la peau elle-même ne paraît pas distincte de la gangne animale , qui lie tous les organes entre eux. Je ne sais si un fait semblable a été observé pour la peau des animaux plus élevés dans l'échelle ; mais il me parait assez probable qu'il doit en étre ainsi, surtout chez les Oiseaux. Le retard que la peau 1% 212 QUATRFFAGES. — Sur les embryons des Syngnatkhes. éprouverait avant d'atteindre son complément d'organisation nous expliquerait l'apparition tardive des plumes. Dans tous les cas, ce dernier fait s'accorde parfaitement avec la lenteur que les écailles mettent à se montrer, alors que d’autres systèmes jouissent d'une activité qui tient à un état déjà avancé d’orga- nisation. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 6 bis. Fig. 1. Troncon de Syngnathe portant ses œufs. — a. Corps de Syngnathe. — 2, OEufs en place. — c. Portion de la surface abdominale dépouillée de ses œufs. Fig. 2. Extérieur du gâteau formé par les œufs grossi. Eig. 3. OEuf et embryon de Syngnathe ; grossissement de 10 diamètres. — a, a. Enveloppe de l'œuf, — à, b. Ailerons ou nageoires temporaires. — c. Vitellus. Fig. 4. Embryon sorti de l'œuf; grossissement de 20 diamètres.— a, Os du nez, — à, Mi- choire supérieure. — c. Mächoire inférieure, — d. OEïl. — e. Oreille, — f. Lobes optiques. — g. Nageoires temporaires, — 4. Sphère vitelline, — £. Intestin. Fig. 5, — a,a. Canaux semi-circulaires. — #, b. Otolithes. PLANCHE 7. Fig. s. Circulation, — a. Os du nez. — à. Mächoire supérieure. — c, Mâchoire inférieure. — d, OEil. — e. Oreille. — f, f. Sphère vitelline. — g. Carotides partant du tronc commun médian. — k. Bulbe aortique d’où partent les vaisseaux branchiaux qui, en se réunissant, for- ment l'aorte i, i,i. — #, Anse vasculaire où l'aorte se continue avec la veine-cave L, /, L — m, Vaisseaux ombilicaux afférens. — », Vaisseaux ombilicaux e‘férens débouchant dans la veine-cave un peu en arrière de l'oreillette p.— g. Ventricule, Fig. 2. Téte et thorax vus en dessous. — a. Os du nez, — b, b, Yeux. — c. Mâchoire supérieure, — d. Mächoire inférieure, — e, e. Nageoïres temporaires. — f. Vitellus, — g, g. Vaisseaux ombilicaux. — k. Veine-cave postérieure, — à, à, Veines-caves antérieures. — k. Oreillette. — /. Ventricule. — m». Bulbe aortique. — n. Tronc médian d'où partent les deux carotides. — 0, o, Branchies donnant naissance aux deux artères dont la réunion forme l'aorte ventrale. Fig. 3. Extrémité caudale de l'embryon. — a, a. Colonne vertébrale, — b, 8. Masses mus- culaires du tronc. — €, Aorte, — d. Veine-cave, — e. Amas de globules sanguins isoles. — 4, £, f. Pigment en buissons. ANDRAL , GAVARRET €@l DELAFOND. — Sur le sang. 213 Recherches sur la composition du sang de quelques animaux domestiques, Pan MM. AnDRAL, GAVARRET ET DELAFOND. Extrait (1). Ce mémoire a pour but d’exposer quelles sont les propor- tions diverses de la fibrine, des globules, des matériaux solides du sérum et de l’eau, dans le sang de plusieurs espèces d’ani- maux à l’état de santé ou de maladie. Il continue le travail sur le sang de l’homme, publié par deux de nous en 1840; il vient en étendre et en confirmer les résultats. Les chiffres qui représentent dans le sang des animaux l’état normal de la fibrine, des globules, des matériaux solides du sérum et de l’eau, différent sensiblement d’une espèce à une autre; et il importe beaucoup d’avoir bien déterminé ces dif- férences et de les connaître, lorsqu'il s’agit d'appliquer les ré- sultats obtenus chez une espèce d'animaux à une autre espèce, ou lorsqu'on veut faire profiter la physiologie et la pathologie hu- maines des recherches entreprises sur des animaux placés plus ou moins près de lui dans l'échelle zoologique. Nous allons tour-à-tour examiner, sous le rapport de différences de propor- tion qu'ils nous ont présentées suivant les espèces, la fibrine, les globules, les matériaux solides du sérum et de l’eau. La fibrine, chez les animaux dont nous avons étudié le sang, nous a donné six moyennes différentes, toutes comprises entre les chiffres 2,1 et 4,6. Ainsi l’homme, dont la moyenne de fibrine est 3, se trouve, relativement à la quantité de ce principe, supérieur à certains animaux et inférieur à d’autres, et, sans sortir de l’état physiolo- (x) Ces Recherches, qui font suite au travail sur le sang de l'homme, suséré dans un vo- lume précédent des Annales (tome xv, page 129 ), vient de paraître dans les Annales de Physique; nous en avons extrait textuellement toute la partie physiologique, ainsi que les conclusions, mais il ne nous a pas semblé nécessaire de reproduire ici tous les détails patho- logiques, ni les nombreux tableæx numér iques dont ce Mémoire est accompagne, 214 ANDRAL, GAVARRET €@t DELAFOND. — Sur le sang. gique, il y 4 des espèces dont le sang contient plus du double eu fibrine que le sang d’autres espèces. Des divers animaux soumis à nos recherches, le porc est celui dans le sang duquel nous avons trouvé la plus grande quantité de fibrine. Chez cet animal, en effet, la moyenne de fibrine était de 4,6; le maximum 5 et le minimum 4,1. Ces chiffres ont été obtenus en analysant le sang de six porcs âgés de deux à six mois, de race anglaise, placés dans les mé- mes conditions hygiéniques, mangeant depuis dix-huit jours seulement de la viande de cheval, et consommant auparavant pour nourriture des racines et des eaux grasses. Une Truie âgé de deux ans, fort grasse, pesant 320 livres, également de race anglaise, nourrie depuis deux mois avec de la farine d'orge, des pommes de terre et des eaux grasses, n’eut que 4 de fibrine, chiffre qui n’atteignait même pas tout-à-fait le minimum du chiffre de la fibrine présenté par les six jeunes porcs, mais qui reste toujours un chiffre élevé relativement à celui que vont nous offrir les autres espèces. Après les porcs, les animaux dans le sang desquels nous avons trouvé la quantité la plus considérable de fibrine sont les che- vaux; chez eux ia moyenne de ce principe a été 4. Cetie moyenne est le résultat de l'analyse du sang de dix-sept chevaux entiers, dont quatre gros de trait, dit percherons, âgés de huit à douze ans, mangeant chaque jour six kilogrammes de luzerne, un demi-boisseau de son, cinq quarts d'avoine et de la paille, Chez les quatre chevaux de trait, la moyenne de la fibrine fut notablement plus élevée que chez ceux de poste : elle était en effet de 4,5 chez ceux-là et de 3,9 chez ceux-ci. Chez les dix-sept chevaux, le maximum de la fibrine fut 5 et le minimum 35. Immédiatement au-dessous des chevaux sont placées pour la quantité de fibrine les bêtes bovines. Chez douze de ces bêtes, âgées de cinq à dix ans, dont six bœufs et six vaches, toutes bien nourries, habitant l’école d’Al- fort ou les fermes environnantes, et dans de bonnes conditions hygiéniques sous tous les rapports, la fibrine eut pour moyenne ANDRAL, GAVARRET @t DELAFOND. — Sur le sang. 215 3,7. Chez les vaches, cette moyenne fut de 3,8, et chez les bœufs de 3,6; le maximum fut de 4,4, et le minimüm de 3, le même que chez les chevanx. Nous avons en outre, recherché la quantité de fibrine dans le sang de deux taureaux. Chez l’un d'eux, âgé de trois ans, d’une très grande vigueur, la quantité cle fibrine atteignit le minimum de ce principe trouvé chez les autres bètes bovines (4,2). Chez l’autre, âgé de 18 mois, ce maximun fut de beaucoup surpassé, le chiffre de la fibrine étant de 5, 5. Mais ce taureau se trouvait dans une condition toute particulière : il venait de souffrir long- temps d’une maladie de pied lorsqu'il fut saigné, et l'atteinte qu'avait subie sa constitution se marquait dans son sang par un abaissement anormal du chiffre des globules. De ces deux Tau- reaux , c'était donc le plus faible qui avait dans son sang le plus de fibrine ; mais on peut raisonnablement présumer que ce chiffre 5,5 en fibrine était ici l’expression d’un reste d'état phlegmasique. Voilà donc trois espèces d'animaux, les porcs, les chevaux, les bétes bovines, dont le sang contient une quantité de fibrine supérieure à celle de la fibrine de l'homme. Vient maintenant une autre espèce (les hétes ovines de race mérine) dont le sang nous a paru contenir juste autant de fibrine que le sang humain. Dans cette espèce, en effet, nous retrou- vons pour la premiere fois le chiffre 3 comme moyenne de fibrine. Nous avons obtenu cette moyenne par l’analyse du sang de trente-et-un mérinos, dont six béliers et vingt-cinq brebis. La moyenne fut un peu plus élevée pour les béliers : 3,1 pour eux, et 3,0 pour les brebis. Le maximum fut de 3,8, et le mini- mum 3,2. Nous avons rencontré cette même moyenne 3, avec une légère fraction en plus dans le sang de deux chèvres. Mais lorsque nous avons quitté l'analyse des bêtes ovines de race mérine pour analyser le sang de treize bêtes de race an- glaise , dont trois béliers et dix brebis, notre moyenne de fibrine ne s’est plus conservée la méme : elle est descendue au chiffre 2,6, nous offrons ainsi le premier exemple d'une moyenne de 216 ANDRAL, GAVARRET €t DELAFOND. — Sur le sang. fibrine abaïssée au-dessous’ de la moyenne de celle de l'homme. Du reste, les béliers de cette race gardèrent, comme ceux de l’autre, une moyenne plus élevée que celle de brebis : ils eurent 3 pour moyenne, et les brebis 2,6. Ces quarante-quatre animaux étaient d’ailleurs tous placés dans les mêmes conditions hygiéniques; ils appartenaient à des troupeaux bien nourris et bien soignés, ils étaient âgés d’un à onze ans. Nous arrivons enfin aux animaux qui nous ont présenté dans leur sang le minimum de fibrine : c'étaient seize chiens, appar- tenant à des races différentes, et d’âges également divers . tous bien portans, et mangeant, pour principale nourriture, des sou- pes de mouton et de la viande de cheval. Chez ces animaux la moyenne de fibrine ne fut plus que de 2,1; son maximum ne s’éleva pas au-dessus de 3,5, et son minimum, le plus bas que nous ayons vu être encore compatible avec l’état physiologique, fut 1,6. Ainsi, chose remarquable, les seuls animaux, parmi ceux que nous avons examinés, qui mangeassent habituelle- ment et depuis long-temps de la viande, furent ceux qui nous offrirent dans leur sang le moins de fibrine. Les pores, il est vrai, dont le sang était si riche en fibrine, s'étaient aussi nourris de viande, mais seulement depuis très peu de temps, ce qui ne les plaçait pas dans la même condition que les chiens. Nous trou- vons donc, comme résultat général de nos recherches, que la moyenne la plus basse de fibrine a coïncidé avec la circonstance singulière de la nourriture la plus exclusivement animale, nous avons besoin d’ajouter sur-le-champ que ce résultat ne s'obtient plus pour les globules. Que deviendrait cette moyenne si basse de fibrine du sang des chiens, si l’on venait à les nourrir avec des substances de moins en moins animalisées ? S'il nous était permis de répondre à cette question autrement que par l’expérimenta- tion directe, nous dirions que nous ne sommes pas portés à pen- ser qu'il en résultât pour la fibrine d’aussi grandes variations de quantité qu'on pourrait le supposer ; nous savons en effet que, dans le sang de l’homme, la quantité de fibrine reste à-peu-près la même, si ce n’est dans les cas extrêmes, chez les individus qui ont continué à manger, comme chez ceux qui, depuis un cer- ANDRAL, GAVARRET €t DELAFOND. — Sur le sang. 217 tain temps, ont cessé de se nourrir. {| nous semble que, rela- tivement à la fibrine, il y a pour le sang de chaque espèce d’ani- maux une constitution donnée, inhérente à cette espèce, qui est pour elle l’état de santé, et qui, pour une autre espèce, serait la maladie. Transportez, par exemple, dans le sang de l'homme plusieurs des moyennes de fibrine ci-dessus mentionnées; trans- portez-y certains maxima où certains 7urima de ce principe qui, dans les espèces où nous les avons constatés, ne constituent que de simple nuances de l’état physiologique, et vous créerez dans le sang de l'homme des altérations de composition dont nous avons ailleurs retracé l’histoire et fait ressortir l’impor- tance. Donnez à l’homme la moyenne de fibrine du sang du cheval, et, à plus forte raison, son maximum PR ddsitle et chez l’homme vous produirez le sang des phlegmasies; donnez- lui au contraire la moyenne de la fibrine du sang de chien, et surtout son minimum physiologique, et le sang de l’homme en recevra cette modification qui caractérise, dans ce liquide, la fievre typhoïde ou le scorbut. Passons maintenant à l’étude des variations de quantité que peuvent présenter les globules. Nous venons de voir que, pour la fibrine, l'homme tient à-peu-prés le milieu entre les animaux qui possèdent beaucoup de fibrine dars leur sang, et ceux qui en ont peu. Pour les globules , il en est encore de même. Ce n’est pas l’homme qui nous offre dans son sang la moyenne la plus élevée ou la plus basse de l'élément globulaire; mais, chose singulière , les espèces qui lui sont supérieures en fibrine lui sont inférieures en globules, et celle qui lui est surtout inférieure en fibrine est précisément la seule dont le sang contienne plus de globules que le sien. Ainsi l'élévation ou l’abaissement du chiffre de la fibrine dans le sang n'entraîne pas une élévation ou un abaissement correspondant dans le chiffre des globules, et, chez les différens animaux aussi bien que chez Hoi ces deux élémens se maintiennent dans un état d'indépendance l’un de l’autre. Cela est vrai pour l'état physiologique comme pour l’état patholo- gique. Le chien, dont le sang contient moins de fibrine que celui d'aucun des autres animaux que nous avons examinés, 218 ANDRAL, GAVARRET €t DELAFOND. — Sur le sang. s’est trouvé être celui qui avait en globules la moyenne la plus élevée, savoir, 148,3 , chiffre qui l'emporte de beaucoup sur la moyenne du sang de l’homme , et qui dépasse même la limite physiologique supérieure des globules chez ce dernier être. En outre, le chien nous a offert, comme maximum de globules , le chiffre très considérable 176,6 , et comme minimum le chiffre 127,3. Quant aux autres animaux , ils ont donné en globules les moyennes suivantes, toutes inférieures à celle de l'homme. Maximum 120,6 Minimum 92,1 Maximum 112,1 Chez 6 jeunes pores. . . . . . . . . . Moyenne 105,7} C ) "ous LPO Etes hez 4 chevaux percherors de trait Moyenne 104,5 RER af Max: Chez 13 chevaux de poste. . . . . + . Moyenne 101,1 Dem re Ghez 2 ichevres en RC 0. Aloyenne ie Sr |Minimum 92,0 Maximum 123,4 [Minimum 82,7 | Maximum 110,4 | Minimum 83,3 Maximum 117,1 Minimum go,5 Maximum 112,1 Minimum 85, a de race mérine. . . Moyenne 101,1 Bêtes ovines. . . 3 de race anglaise. . Moyenne 95,0 6 vaches. . . . . Moyenne 101,9 Bêtes bovines. 6 bœufs. . . . . . Moyenne or A la suite de ces moyennes nous placerons les trois résultats suivans , qui ne sont pas entrés dans les calculs précédens. Chez une truie ME de deux ans, extrêmement grasse : globules. . . . : : 2 AOC 2:8 Chez un taureau suisse, très FR et très vigoureux, de trois ans:globules. . . . : St 3 AÉLETSO Chez un taureau cottentin de die huit mois , qui avait été affaibli par une maladie longue , nous avons trouvé seulement en globules. . . . . ment: : 1. nsc tfiiBEs 7 Ainsi, chez les différentes espèces Eee ce n’est ni la Aifiérene de taille , ni celle de la force musculaire , qui com- mande l'élévation ou l’abaissement du chiffre de globules :le chien en a plus que l’homme, et l’homme , à son tour, en a plus que le bœuf et le taureau, Par conséquent ; dans chaque espèce, et ANDRAL, GAVARRET €@t DELAFOND. — Sur le sang. 219 quelles qu’en soient les causes, le sang a une constitution propre pour la quantité moyenne de ses globules comme pour celle de sa fibrine; mais cela n'empêche pas que, dans chaque espece, les maxima et les minima de globules ne restent réglés par le degré plus ou moins grand d'énergie de différens individus de cette espèce. Cela est vrai pour l'homme, et cela se maintient vrai pour les autres animaux. Ainsi les gros chevaux de trait nous ont présenté plus de globules que les chevaux de poste. Dans l’espèce bovine , le sang d’un taureau , plein de vigueur en contenait plus que le sang d’un autre taureau , affaibli par une ancienne souffrance ; et des vaches , excellentes laitières, et que lon ménageait beaucoup , en avaient un plus grand nombre que des bœufs fatigués par le travail. Chez les bêtes ovines, nous avons également trouvé, pour les globules, deux moyennes différentes en rapport avec les différences de forces des races mérine et anglaise; enfin, parmi les individus mêmes de ces deux races, les plus remarquables par leur vigueur furent aussi ceux qui nous offrirent les chiffres les plus élevés en globules : c’est ainsi que notre maximum de globules, 123,4, fut trouvé chez une brebis mérine qui était reconnue pour la bète la plus forte du troupeau. Mais une autre influence, qui nous a paru entrainer une augmentation dans le chiffre dé globules, c’est le croisement de certaines races ovines. Tandis que, en effet, chez dix-neuf bètes ovines pur sang d’un troupeau de Rambouillet, la moyenne des globules n’était que de 98,r , cette moyenne s'éleva à 106,1 chez onze autres bêtes provenant de l’accouplement de brebis du troupeau de Rambouillet avec des béliers de la ferme de Naz. Ainsi l'améliora- tion de la race , fruit de ce croisement, se marquait dans le sang par une augmentation de globules; mais, chose remarquable, la fibrine ne croissait pas en même temps, et, loin de là, elle avait, plutôt après le croisement, une légère tendance à la diminution. Sa moyenne, en effet, dans le troupeau Rambouillet pur sang, était représentée par le chiffre 3,1 ,et, dans le trou- peau Naz-Rambouillet , elle ne l'était plus que par le chiffre 2,8. Ainsi, dans ces recherches comme dans celles entreprises sur 220 ANDRAL, GAVARRET €l DELAFOND. — Sur le sang. l'homme , et à quelque point de vue que nous nous placions, toujours nous constatons que, dans leurs changemens de proportion , l'élément fbrine et l'élément globule restent dans une parfaite indépendance l’un de l’autre, et que ce ne sont pas les mêmes causes qui augmentent ou qui diminuent la quantité de chacun d'eux. Ce même isolement de la fibrine et des globules s’est encore montré dans quelques analyses du sang d’agneaux, qui venaient de naître et que nous examinions dans le but de rechercher si, chez les très jeunes animaux, ces deux principes sont en même proportion dans le sang qu’à un âge plus avancé. Nous avons donc, sous ce point de vue, étudié le sang de cinq agneaux de race mérine, âgés de trois heures à quatre-vingt-seize heures, et nous avons obtenu les résultats suivans : Chez les trois premiers de ces animaux , âgés de trois heures, de dix-huit heures, de vingt-quatre heures, les globules ont présenté pour moyenne 108, et la fibrine a gardé invariablement le chiffre 1,9. Chez un quatrième agneau, âgé de quarante-huit heures, il y avait 103,3 en globules et 3,0 en fibrine. Enfin chez le dernier anneau, âgé de quatre-vingt-seize heures, nous trouvàmes 100,1 en globules et 3,0 en fibrine. Ainsi, pendant les premières vingt-quatre heures de la nais- sance, la fibrine est restée beaucoup au-dessous de sa moyenne et au-dessous même de la limite inférieure de l'état physio- logique; vers la quarante-huitième heure elle avait atteint cette limite inférieure, et enfin, quatre-vingt-seize heures après la naissance, elle s'était élevée au chiffre qui représente la moyenne de fibrine dans le sang de moutons mérinos. Quant à sa moyenne générale depuis sa naissance jusqu’à laquatre-vingt- seizième heure, elle fut chez nos cinq agneaux de 2,2, c’est-à-dire inférieure à la moyenne de la fibrine à un âge plus avancé. Les globules, au contraire, dans cette même période, offrirent pour moyenne générale 107,3, c’est-à-dire une moyenne supérieure à la moyenne des globules chez les moutons plus âgés. Par consé- quent la fibrine et les globules se sont ici comportés en sens précisément inverse. Il semblerait donc que le trait saillant de ANDRAL, GAVARRET et DELAFOND. — Sur le Sang. 221 la constitution de sang des animaux pour qui vient de finir la vie intra-utérine, c’est la petite quantité de sa fibrine; c’est, au contrairé, la surabondance de ses globules; c'est par consé- quent la prédominance des globules par rapport à la fibrine. Mais, pour établir une telle loi, nous attendrons que des faits plus nombreux viennent s'ajouter à ceux que nous avons cités qui toutefois sont remarquables par leur uniformité. Cependant lorsque, pour le jeune animal, la vie indépen- dante de celle de sa mère vient de commencer, nous est-il donné de saisir quelque modification dans le sang de celle-ci? Pour essayer de résoudre cette question, nous avons saigné quatre brebis de race: mérine: une première fois pendant les derniers jours de la gestation, et une seconde fois de deux à trois jours aprés la mise bas, pendant la durée de la fièvre de lait. Chez ces quatre animaux, nous avons vu invariablement la fibrine et les globules augmenter de quantité après la mise bas. Chez tous, au contraire, pendant les derniers temps de gestation, la fibrine et les globules s'étaient abaissés au-dessous de leur moyenne physiologique. Nous avons aussi étudié chez les vaches l'influence de la mise bas sur la composition du sang et nons sommes arrivés chez elles aux mêmes résultats que chez les brebis. Chez les vaches l'augmentation du chiffre de la fibrine, après la mise bas, fut même plus considérable que chez les brebis; ainsi l’un de ces animaux qui n’avait fourni que 3,7, en fibrine dans les derniers jours de la gestation, en fournit 5,1 après la mise bas pendant la durée de la fièvre de lait. Comment ne ferions-nous pas remarquer ici le rapport de cette modification subite du sang, à la suite de la parturition, avec la nature des accidens qui surviennent si souvent alors, et que les médecins désignent sous le nom d’accidens puerpéraux ? Nous avons encore besoin de faire observer que si, en pareil cas, l'élévation de la fibrine est plus grande chez les vaches que chez les brebis, ce résultat est parfaitement d'accord avec l'intensité des phénomènes puerpéraux , très marqués chez les premiers de ces animaux, et à peine appréciables chez les derniers. . Jl ne sera peut-être pas sans intérêt d'ajouter que, dans ces différens cas de mise bas, la masse des matériaux solides du sé- 222 ANDRAL, GAVARRET €t DELAFOND. — Sur le sang. rum, marchant en sens inverse de la fibrine et de globules, subit généralement une diminution de quantité. Les différens faits que nous venons d'exposer prouvent suffi- samment que, sans que l’état physiologique cesse d'exister, le chiffre de la fibrine du sang et celui des globules sont suscepti- bles d'offrir des variations notables sous l'influence de plusieurs circonstances qui peuvent être appréciées. Nous avons dû aussi examiner, relativement aux modifica- tions de proportion qu’elles peuvent subir dans l’état physio- logique, les parties constituantes du sérum, ses matériaux soli- des, tant organiques qu’inorganiques d’une part, et son eau de l’autre part, ét voici ce que nous avons trouvé. La moyenne des matériaux solides du sérum a varié de 95,5 à 92,4 chez les différentes espèces. Elle a été de 75,5 chez les chiens, de 80,1 à 86,3 chez les pores, les chevaux, les bœufs et les bêtes ovines de race mérine, de 92,4 chez les bêtes de race anglaise. Ici donc se maintient encore cette complète indépendance de divers élémens du sang que nous avons signalés; en physio- logie comme en pathologie, ils ne croissent pas et ne diminuent pas en masse. Ainsi le sang de chien, riche en globules et pau- vre en fibrine, est également le plus pauvre de tous en albu- mine; et, par contre, le sang du mouton de race anglaise, plus pauvre en globules que celui du monton de race mérine, est au contraire plus riche en albumine. Quant à l’eau, le sang qui en contenait le moins a été celui des chiens chez lesquels la moyenne de ce principe était 974,1; chez les autres animaux, la moyenne de l’eau a varié de 804 à 813,b. Par conséquent, nous n'avons trouvé que le chien dont le sang fût moins aqueux que celui de l’homme ; le sang de tous les autres animaux l'était davantage. Chez la plupart des animaux dont nous avons examiné Île sang à l'état physiologique, nous l'avons également analysé dans l'état de maladie, et toujours les études que nous avons faites sur le sang d'animaux malades nous ont conduits à des résultats absolument semblables à ceux que nous avions déjà obtenus chez l’homme, ANDRAL, GAVARRET €t DELAFOND. — Sur le sang. 223 Des faits que nous avons rassemblés dans ce mémoire nous croyons pouvoir tirer les conclusions suivantes : 1° Dans les différentes espèces d'animaux, le sang, identi- que quant à la nature des principes qui le composent, peut varier quant à la proportion relative ou absolue de ces prin- cipes. 2° Les moyennes de la fibrine, des globules, de l’albumine et de l’eau, ne sont pas les mêmes dans le sang de différentes espèces. 3° La fibrine du sang, ses oelobules et son albumine n’augmen- tent pas ou ne diminuent pas nécessairement dans les différentes espèces d’une manière. simultanée : il y a des animaux dont le sang est riche en fibrine et pauvre en globules ; il y en a d’autres dont le sang est riche en globules et pauvre en fibrine. 4° Cette loi d'indépendance de la fibrine, des globules et de l’albumine se maintient chez toutes les espèces dans l'état de maladie. | 5° La fibrine a présenté ses moyennes les plus élevées chez les animaux herbivores ; elle a offert la moyenne la plus basse chez les carnivores. 6° La moyenne de la fibrine qui représente, dans une espèce, l’état physiologique, peut devenir, transportée dans une autre espèce, la représentation d’un état pathologique ; de telle secte qu’une certaine composition du sang, normale pour une espèce, sera anormale pour une autre. 7° L'énergie de la constitution n’a pas eu une influence con- stante sur l’élévation du chiffre de la fibrine. 8° Chez les animaux dont nous avons examiné le sang pendant les premières vingt-quatre heures qui ont suivi leur naissance, la fibrine a été remarquable par sa petite quantité. 9° Pendant les derniers temps de la gestation, la fibrine s’abaisse au-dessous de sa moyenne; peu après la parturition, et pendant la durée des accidens qui caractérisent la fièvre de lait, le chiffre de la fibrine s'élève et atteint ou dépasse même un peu la limite supérieure de l’état physiologique. Le degré de cette élévation est en rapport avec l’intensité des accidens puerpéraux. 10° Dans toutes les espèces, l'élévation du chiffre de la fibrine 224 ANDRAL, GAVARRET @t DELAFOND. — Sur le sang: au-dessus de la limite supérieure de l’état physiologique a con- stamment coincidé avec l'existence de l’état phlegmasique. 11° Dans la cachexie aqueuse de moutons, la fibrine a con- servé son chiffre normal, quel que fût d’ailleurs l’appauvrisse- ment du sang. Ce chiffre s’est élevé lorsque l’anémie s’est com: pliquée d’un état de phlegmasie aiguë. 12° Les globules ont présenté leur moyenne la plus élevée chez les animaux carnivores et la plus basse chez les herbivores. 13° Chez les différens individus d’une même espèce, l’éléva- tion du chiffre des globules a été en rapport constant avec l'é- nergie de la constitution. 14° L'amélioration des races ovines, fruit de leur croisement, s'est marquée dans le sang par une augmentation du chiffre des globules. 15° Pendant les premières vingt-quatre heures de la naissance, les globules ont été très abondans relativement à la fibrine. 16° Pendant les derniers temps de la gestation, les globules ont diminué; ils ont auginenté après la parturition, pendant la durée de la fièvre de lait. 17° Chez aucun animal les globules n’ont été directement in- fluencés par l’état phlegmasique. Jamais, en pareil cas, ils ne se sont élevés au-dessus de la limite supérieure de l’état physiolo- gique, mais on les trouvait diminués si, lors de ia première sai- gnée, les animaux étaient déjà dans un état d’anémie ou si plu- sieurs saignées leur étaient pratiquées. 18° Dans la cachexie aqueuse des moutons, les globules ont constamment subi une diminution très considérable. 19° L’albumnine du sérum a présenté, comme les principes pré- cédens, des moyennes différentes, suivant les différentes es- pèces- 20° Cette albumine a diminué de quantité chez les moutons qui, atteints de cachexie aqueuse, avaient en même temps des douves dans le foie. 21° L'eau du sang a présenté sa moyenne la plus basse chez les carnivores, et la plus élevée chez les herbivores. 22° Elle s’est accrue considérablement dans la cachexie aqueuse des moutons. ANDRAL, GAVARRETeet DELAFOND. — Sur le sang. 225 23° La maladie connue sous le nom de cachexie agueuse est une anémie qui se lie à deux sortes d’altérations différentes dans la composition du sang; d’où deux sortes d'hydroémies chez les moutons : l’une qui est le résultat du seul fait de la diminu- tion des globules, l'autre qui est le produit d’une diminution simultanée de globules et de l'albumine. La première sorte d'hydroémie se montre comme un effet commun de toutes les causes qui ont pu affaiblir les animaux £t appauvrir leur saxg. La seconde sorte d’hydroémie coïncide avec une altération spéciale, savoir, la présence de douves dans le foie. 24° L'hydropisie ne survient, comme suite d’une altération de composition du sang, que lorsque le sang s’est dépouillé d’une certaine quantité de son albumine. La diminution seule des globules, quel que soit l’abaissement qu'’ait subi leur chiffre, ne la détermine pas. Voilà pourquoi l'hy- dropisie manque dans la chlorose de l’homme, et existe au con- traire, soit chez l’homme, lorsque l’albumine de son sang s’é- chappe à travers les reins, soit chez les moutons, lorsque leur foie se remplit de douves. Recnercxes sur la Digestion, Par MM. BoucuaARDAT et SANDRAS. { Lues à l'Académie des Sciences , le g mai 1842.) L'Académie des Sciences proposa, en 1825, pour sujet de prix de sciences physiques, de déterminer, par une série d’ex- périences chimiques et physiologiques, quels sont les phéno- ménes qui se succédent dans les organes digestifs durant l’acte de la digestion. L'appel de l’illustre compagnie fut entendu, et d'excellentes recherches résultérent de ce concours; mais lim- mensité de la tâche que les auteurs de meilleurs travaux avaient entreprise ne leur permit pas d'en développer convenablement XVII, — Zoor, Octobre, 15 226 BOUCHARDAT et SANDRAS. — Sur la Digestion. tous les détails, de voir et de suivre rigoureusement toutes les conséquences de leurs expériences. Depuis les travaux de MM. Leuret et Lassaigne , de MM. Tied- mann et Gmelin, l’histoire de la digestion et des alimens s'est enrichie de belles expériences exposées dans le premier rap- port de la commission dite de la Gélatine ou dans les cours de M. Dumas et de M. Liebig (4). C’est peut-être trop présumer de nos forces que de chercher à éclairer aussiune ronte parcourue par des hommes aussi illustres; mais l’importance du sujet et l'intérêt que l’Académie a toujours attaché aux expériences qui ont pour- but d'éclairer la plus im- portante des fonctions animales nous ont encouragés dans cette recherche. Le but principal de notre travail est celui que l'Académie avait exprimé dans son programme de 1825. Nous avons étudié les modifications chimiques ou autres que les principes immédiats organiques éprouvent dans les organes digestifs; nous nous sommes attachés de préférence à ceux de ces principes qui for- ment la base de nos alimens. Fibrine. Parmi les alimens d’assimilation, la fibrine méritait de fixer d'abord notre attention. Nos expériences ont été faites avec de la fibrine extraite du sang de bœuf et lavée avec soin. Un chien fut maintenu pendant trente-six heures à une abs- tinence complète, puis nourri pendant deux jours exclusive- ment avec de la fibrine. Le troisième jour, à six heures du matin, on lui donna 300 grammes de fibrine qu'il avala immédiatement; quatre heures après il périt par strangulation. L’estomac contenait encore 200 grammes de fibrine gonflée, semi-transparente, ramollie, dépourvue en partie de son appa- rence fibrineuse; en outre, il renfermait 5o grammes d’un li- quide trouble, rougissant fortement le tournesol, d'une densité (x) Nous croyons devoir signaler aussi à l'attention de nos lecteurs les travaux intéressans de MM. Eberl , Schwann et Muller sur le même sujet. ( Note du rédacteur. ) BOUCHARDAT et sANDRAs. — Sur la Digestion. 227 de 1017 à +6° cent. Ce liquide fut mélé avec r00 grammes d’eau et avec la liqueur de la fibrine fortement exprimée dans un linge. Nous reviendrons bientôt sur l’examen de ce liquide, qui nous a présenté un sujet digne de notre attention. Dans le duodénum était une petite quantité d’une matière composée d'un mucus demi transparent, d’une couleur jaune verdâtre. Cette matière n'avait aucune action sur le papier de tournesol; elle ramenait plutôt au bleu le même papier roungi par un acide. Etendue d’eau et jetée sur un filtre, eile fournit une liqueur d’une couleur jaune, légérement verdâtre. Il resta sur le filtre une masse muqueuse d’une couleur jaune brunâtre, Le reste de l'intestin grèle présentait une matière composée d'un mucus faiblement coloré en brun verdâtre. Ce mucus fut délayé dans de l’eau et filtré; le liquide qui s’en écoula se trou- blait à peine par l'ébullition; par l'addition d'acide nitrique, il se formait des flocons verdätres. Le cœcum et le rectum renfermaient des matières excrémen- tielles brunes, d’une consistance épaisse, et qui évidemment séjournaient depuis long-temps dans ces organes, et ne pou- vaient être attribuées à la nourriture spéciale. Le chyle fut extrait du canal thoracique; il était légèrement jaunâtre, rosé, spontanément coagulabie; il forma un caillot blanc très légèrement coloré, composé presque entièrement de fibrine. Le sérum en était assez transparent, rougeñtre, rame- nant fortement au bleu le papier de tournesol rougi par un acide; il contenait de l’'albumine, du carbonate et du phosphate de chaux, du chlorure de sodium et de potassium. Pour déterminer la valeur de ces expériences et les expliquer, nous avons pensé qu'il fallait comparer ce que nous avions ob- tenu au moyen d’une nourriture exclusive, avec les diverses matières contenues dans les organes d'animaux à jeun pendant deux jours. Cette comparaison nous a paru le meilleur moyen expérimental d'arriver à des déductions rigoureuses, le meilleur procédé pour parvenir à la solution de la question importante qui nous occupe : Quels sont les changemens que subit la fibrine pour étre assimilée ? 228 BOUCHARDAT et SaNDRAs. — Sur la Digestion. Or, vaici ce que nous avons vu en comparant le liquide con- tenu dans l'estomac de notre chien nourri de fibrine, et celui que nous avons obtenu en lavant avec de l'eau distillée l'estomac d'un chien tué à jeun. Le premier liquide rougit fortement le tournesol, le second faiblement; le pren:ier se coagule par la chaleur, le second se trouble à peine. Le liquide de la digestion de la fibrine précipite abondam- ment par l’addition des acides chlorhydrique, nitrique , du cya- nure ferroso-potassique ; le second ne précipite pas par l'emploi de ces réactifs. Il est évident que le premier contient de la fibrine à l’état de dissolution, et que le second n’en contient pas. Comment s'est opérée cette dissolution de la fibrine dans un liquide acide? On sait que l'acide chlorhydrique concentré dissout lalbu- mine , de même que la fibrine, on sait également que les disso- lutions alcalines de fibrine ou d’albumine sont précipitées par le même acide. L'expérience nous a fourni une explication aussi simple qu'inattendue de la dissolution de la fibrine par le liquide de l'estomac. En effet, si l'on prend, soit de la fibrine obtenue par le bat- age du sang, soit un morceau d’un muscle, et qu'on les place dans dix fois leur poids d’eau distillée contenant une propor- tion assez faible d'acide chlorhydrique pour rougir à peine le tournesol, ou mieux contenant pour 1000 grammes d’eau 634 milligrammes d'acide chlorhydrique, après douze heures de contact à la température ordinaire, le liquide se prend en ge- lée ; la fibrine est dissoute. Si la gelée est étendue d’eau distillée, puis jetée sur un filtre , il passe un liquide présentant l’analogie la plus complète avec le liquide de la digestion de la fibrine ; le premier, comme le second, se coagule par la chaleur; il se précipite aussi par le cyanure ferroso-potassique, et, chose ex- trémement remarquable, et qui parait paradoxale, il précipite également par l'acide chlorhydrique, et le précipité ne se re- dissout que dans un excès de cet acide. Il est démontré par là que l’agent de dissolution de la fibrine BOUCHARDAT 6t SANDRAS. — Sur la Digestion. 229 dans la digestion, est l'acide chlorhydrique. Si cette vérité n’a pas été plus tôt rencontrée, c'est qu'il était difficile de soupcon- ner, avant que l'expérience l’eüt prouvé, qu'un même acide peut, à l'état de dilution extrême, dissoudre une substance, la précipiter lorsqu'il est en plus fortes proportions, et la dissoudre de nouveau à l’état de concentration. Les autres liquides intestinaux et le chyle, comparés avec leurs analogues recueillis sur un animal à jeun, ne nous ont point offert d’autres différences qu’une quantité un peu plus grande de fibrine en solution. Nous pouvons nous demander maintenant comment cette f- brine dissoute est transportée dans la circulation ? Autrefois, on n'aurait pas hésité à dire qu’elle est absorbée par les vaisseaux chyliféres , transportée ainsi dans le canal tho- racique, puis de là versée dans la veine sous-clayière; mais il nous parait évident maintenant que les choses ne se passent pas de la sorte. En effet, si l’on teint de la fibrine avec du safran ou de la cochenille, les matières colorantes pourraient passer avec le chyle et le colorer : il est facile de s'assurer qu'il n’en est rien. Hallé, M. Magendie et beaucoup d’autres physiolo- gistes ont noté ces faits. M. Magendie a de plus observé, que si l’on fait avaler à un chien, pendant qu’il digère des alimens, une certaine quantité d'alcool étendu d'eau , et qu'une demi-heure après on prenne son chyle, on trouve que ce liquide ne contient point d'alcool, tandis que le sang de l’animal en exhale fortement l'odeur, et qu'on peut de ce sang retirer de l'alcool en nature par la distil- lation. Il a vu encore qu’on obtient des résultats semblables en faisant l'expérience avec une dissolution de camphre ou d’autres corps odorans. Ces faits démontrent suffisamment que les boissons sont di- rectement absorbées par les orifices des veines. Or, dans nos ex- périences , la fibrine a été trouvée dans un état de dissolution complète; nous ne voyons pas de raison pour supposer que la solution fibrineuse fasse exception , et nous pensons qu’elle ne doit Pas s€ comporter autrement que les boissons. 230 BOUCHARDAT @l SANDRAS. — Sur la Dixestion. Gluten. Après la fibrine, le gluten devait appeler naturellement notre attention. C’est l'aliment d’assimilation dont l'usage est le plus général’, ses propriétés essentiellement nutritives, si bien con- statées dans les expériences de la commission dite de la Géla- tine, donnent encore à ce produit un nouveau degré d’imérêt. Un chien fut tenu à jeun pendant vingt-quatre heures, puis nourri pendant deux jours exclusivement avec du gluten de froiwent pur. Cet aliment était reçu par lui avec beaucoup d’ap- pétence. Le troisième jour , à six heures du matin, on lui en donna 200 grammes qu'il avala immédiatement ; à dix heures, il fut pendu. L’estomac contenait : 1° du gluten réduit en bouillie blanchâtre, cohérente, pouvant ètre délayée dans de l’eau ; s° un liquide trouble, rougissant fortement le tournesol. Cette liqueur fut étendue d’eau et filtrée : elle présentait tous les caractères que nous avons assignés à Ja dissolution de fibrine; elle précipitait exactement de la même manière par les réactifs. Le duodénum renfermait des grumeaux muqueux, colorés en jaune, à réaction alcaline. Ces matières, de même que celles que renfermait le reste de l'intestin grèle, étaient en très petite portion (à peine 10 gr.), et ne provenaient pas de la digestion du gluten, car des matières semblables se rencontrent dans les intestins des animaux tués après le jeune. La même remarque s'applique aux matières contenues dans le gros intestin. Le chyle était parfaitement analogue à celui qu'on recoit chez un animal à jeun ; sa réaction alcaline était seulement beau- coup plus prononcée. Si le gluten est coloré avec du safran , le chyle reste toujours incolore. IL résulte évidemment de ces faits, que la digestion du gluten s'opère de la même maniere que celle de la fibrine. Comme pour cette substance, c'est l'acide chlorhydrique extrêmement dilué qui est l'agent de la dissolution , et la matière dissoute est immé- diatement absorbée par les orifices des veines. La digestion du gluten, comme celle de la fibrine, commence et s'achève dans l'estomac. BOUCHARDAT et SANDRAS. — Sur la Disestion. 231 Pour démontrer la réalité de l'explication que nous donnons sur le mode de digestion du gluten, nous avons répété l’expé- rience de la dissolution de ce principe au moyen d’une eau très légèrement acidulée avec l'acide chlorhydrique, et les résultats ont été absolument les mêmes que pour la fibrine. Après douze heures, le gluten a perdu sa cohérence, s’est divisé dans l’eau. La solution filtrée est limpide ; elle se trouble par la chaleur, par l'addition des acides chlorhydrique, nitrique, sulfurique , par le cyanure ferroso-potassique. En un mot, la solution du gluten dans l'acide chlorhydrique affaibli se comporte absolument comme la dissolution de la fibrine dans le même liquide. L’albumen liquide, le caséum coagulé spontanément et complétement privé de matière grasse, se comportent, avec la solution très étendue d'acide chlorhy- drique, absolument comme la fibrine, et la digestion de ces principes doit s'effectuer de la même manière. Mais le blanc d'œuf cuit et la viande cuite ne se dissolven- pas dans le même acide extrèmement dilué. La présence de l’a- cide chlorhydrique est pourtant nécessaire pour dissoudre ces substances, mais il faut encore la présence simultanée d’une matière particulière , produite dans l'estomac des animaux vivans,. Nous insistons sur ce caractere différentiel que présentent la fibrine et les rnatieres albumineuses de se dissoudre tres facile- ment dans l'acide chlorhydrique très dilué avant leur coction et de ne plus se dissoudre après qu’elles ont été soumises à Vaction de l'eau bouillante. Cela prouve que le changement mo- léculaire qui survient dans l’albumine par la coction, a lieu également dans la fibrine, et peut être considéré comme un caractere général de matières albumineuses. Cette distinction est également importante pour établir ce qui nous est propre dans la découverte de la dissolution des matières albbumineuses par l'acide chlorhydrique dilué. On connait, en effet, depuis les expériences de Réaumur, de l'abbé Spallanzani, l'énergie des propriétés dissolvantes du suc gastrique. Prout, Gmelin et Tiedmann, ont démontré l'existence de l'acide chlorhydrique dans ce liquide. Ces derniers observa- 232 LOUCHARDAT GL SANDRAS. — Sur la Digestion. teurs ont encore remarqué que l'acide acétique (lactique), l'a- cétate de soude (lactate de soude), l'acide chlorhydrique éten- du, jouissaient de propriétés dissolvantes. Mais ce qui prouve combien leurs connaissances étaient peu précises par rapport à l'action dissolvante de ce dernier acide, c'est qu'ils avancent que le blanc d'œuf dur s’y dissout comme la fibrine, ce qui n’ar- rive que lorsqu'on emploie un acide déjà concentré : c’est une propriété bien connue de l'acide chlorhydrique ; elle diffère com- plétement de celle que nous signalons dans ce travail. Amidon. Dans cette classe que M. Dumas propose d'appeler alimens de la respiration, l’'amidon a sans contredit la plus grande im- portance.Si l'on considère l'immense consommation que l’homme et les animaux qui lui ressemblent le plus par l'organisation, font de ce principe, qu’ils recherchent daus tous les organes végétaux où il se trouve, on concevra sans peine tout l'intérêt avec le- quel nous nous sommes appliqués à rechercher les modifications que l’amidon reçoit dans l'appareil digestif. Mais de grandes dif- ficultés se présentent pour exécuter d’une manière irréprochable les expériences sur la digestion de ce principe immédiat. Sous quelque forme qu'on lapprète, bouilli ou gelé, les chiens le refusent avec une obstination qui résiste même à l’abstinence; aussi est-on forcé, ou de mélanger cet aliment avec d’autres, et alors les résultats perdent de leur netteté ; ou d'employer la vio- lence, et alors la marche de la digestion se trouve singulière- ment modifiée. Dans cet embarras, nous avons dù tenter l’un et l’autre procédé. 1° 150 grammes d'amidon suspendu dans 200 grammes d’eau, ont été introduits dans l'estomac d'un chien par l’œsophage, dont on a pratiqué immédiatement la ligature; vingt-deux heures après, le chien fut pendu. L’estomacrenfermait 10 grammesenviron d'un liquidetrouble, d’une couleur jaunâtre ne rougissant pas le papier de tournesol, et ramenant plutôt au bleu ce papier rougi par un acide. On aperçoit dans les replis de l'estomac 1 gramme environ d'une BOUCHARDAT et SANDRAS. — Our la Digestion. 239 poudre blanche qui bleuissait par la teinture diode, et que nous avons reconnue être de l’amidon par ses caractères chi- miques et microscopiques. Le duodénum et le reste de l’intes- tin contenaient une petite proportion d’un mucus jaunâtre, sans traces d’amidon. Le gros intestin renfermait des matières excrémentitielles d’une digestion antérieure. Le canal thoracique fournit 10 grammes d’un chyle rosé, spontanément coagulable, ramenant à peine au bleu le tourne- sol rougi. 2° 200 grammes de gelée d’amidon demi liquide, furent in- troduits dans l'estomac d’un chien, comme dans l'expérience précédente. j L’œsophage fut lié, et quatre heures après l’animal fut pendu. Son estomac contenait 60 grammes d’un liquide de couleur jauvätre, qui ne rougissait pas le tournesol. Le duodénum et le reste de l'intestin grêle renfermaient une gelée muqueuse, jaunâtre, et des excrémens d’une digestion précédente; 8-grammes de chyle furent extraits du canal thora- cique : il avait une couleur légèrement rougeatre ; sa réaction alcaline était excessivement faible. Avant de nous occuper davantage des résultats de ces expé- riences, nous devons nous borner à constater ici que l'ingestion d’une nourriture repoussante a changé complétement la marche de la digestion. Non-seulement ces chiens, et particulièrement le dernier, ont fait, pendant deux heures et plus, d'énormes efforts pour vomir, mais encore l'estomac, loin de contenir un liquide acide, comme cela à lieu dans l’état normal, renfermait un liquide neutre : donc la digestion n’avait pas été régulière. MM. Tiedmann et Gmelin ont déjà noté cette perversion des fonctions de l'estomac sous l'influence d’une opération sanglante. Dans cet état, nous avons dù employer l'amidon associé à un autre principe capable d'exciter le désir propre à faciliter une digestion régulière, Comme nous connaissions les particularités de la digestion du gluten, nous avions pu associer sans trop d’inconvéniens ce principe à l'amidon. En conséquence, un chien fut nourri avec du pain pendant 234 BOUCHARDAT €t SANDRAS. — Sur la Digestion. trois jours, il fut pendu quatre heures après un repas abondant. Son estomac contenait 220 grammes d'une bouillie épaisse, grisätre, rougissant fortement le tournesol. Le duodénum renfermait une bouillie plus liquide, d'une cou- leur jaune verdâtre, rougissant encore faiblement le tournesol. Le reste de l’intestin grêle offrait également cette bouillie, plus épaisse, mêlée de bile et de mucosités, rougissant encore le papier de tournesol. Le cœcum et le gros intestin renfer- maient des excrémens provenant de digestions précédentes. G grammes de chyle furent recueillis du canal thoracique : il était légèrement rougeâtre, spontanément coagulable , et ra- menant fortement au bleu le papier de tournesol. Nous pouvons ajouter ici que nous avons examiné avec grand soin les matières contenues dans l’estomac et dans l'intestin d'un homme qui avait succombé rapidement à la suite d’une in- digestion causée par l'ingestion de près de 1 kilogramme de pain et d’une forte quantité de pommes «le terre et de soupe. Avec toutes les matières ainsi obtenues, nous avons pu nous livrer à de nombreuses expériences. Sans entrer dans le détail de toutes celles que nous avons exécutées, nous allons décrire avec soin celles qui nous permettent de résoudre la question que nous nous étions proposée : Quelles sont les transforma- tions que l’amidon subit dans l'appareil digestif ? Æecherche du sucre. Les matières contenues, 1° dans l'estomac, 2° dans le duo- dénum, 3° dans l'intestin gréle, 4° dans le sang, furent traitées séparément par huit fois leur poids d'alcool rectifié. Les cola- tures alcooliques furent distillées, après avoir été mélées avec un huitième d’eau. Les liquides qui restèrent après la distilla- tion furent décolorés avec le noir et filtrés, puis examinés à l'appareil de M. Biot, dans un tube de 0,303. Le pouvoir rota- toire fut constamment nul ; les liqueurs additionnées de levure ne donnèrent que des signes équivoques de fermentation. Ces expériences décisives furent répétées sur tous les liquides pro- venant de la digestion de l'amidon, tant chez les chiens que BOUCHARDAT et SANDRAS. — Sur la Digestion. 235 chez l'homme dont nous avons parlé : elles nous démontrent toutes que l’amidon ne se transforme pas habituellement en sucre sous l'influence de la digestion. MM. Gmelin et Tiedmann sont arrivés à des résultats diffé- reus ; mais si l'on relit avec attention le détail de leurs expé- riences , on pourra se demander si le sucre n’a pas été produit par l’action de la levure sur les matiéres extractives qu'ils ont examinées. Avec l'appareil de M. Biot , le problème ne com- porte aucune chance d’inexactitude. Recherche de l’amidon soluble. Après que les substances contenues, soit dans l’estomac, soit dans l'intestin grêle, eurent été précipitées par l'alcool, les ré- sidus , insolubles dans ce dissolvant, furent traités par l’eau froide. On obtint ainsi des liquides faiblement colorés, qui, examinés avec l'appareil de M. Biot dans un tube de 0,310, ne donnèrent aucun indice de pouvoir rotatoire. On évapora ces liquides : ils formérent, par l’évaporation , une très faible proportion d’un extrait légèrement coloré en brun , susceptible de se laisser tirer en fil comme un liquide mu- cilagineux, visqueux. Sa dissolution dans l’eau ne le colorait point en bleu par la teinture d’icde ; elle donnait, par la disso- lution de noix de galle, des précipités abondans qui disparais- saient lorsqu'on chauffait les liqueurs, pour reparaître par le refroidissement. D'apres l'ensemble de ces faits il paraît démontré que, pen- dant la digestion de l'amidon, il ne se produit pas de dextrine. Recherche de l'acide lactique. Nous avons recherché la présence de l'acide lactique dans les liquides de l'estomac des animaux soumis au régime féculent, par les moyens suivans. Les liqueurs où nous avions poursuivi en vain le sucre furent évaporées en ‘consistance sirupeuse. On traita de nouveau le résidu par l'alcool ; les liqueurs alcooliques furent saturées de craie ; l'alcool fut distillé au bain-marie. Le résidu fut repris par Peau bouillante. Le lactate de chaux 236 BOUCHARDAT @t SANDRAS. — Sur la Digestion. cristallisa. On en sépara l'acide lactique par l'acide oxalique, et on prépara ensuite le lactate de zinc, si caractéristique. Nous avons toujours pu constater une proportion beaucoup plus considérable d'acide lactique après un repas féculent que lorsque l'animal a été tué à jeun ou après un repas de fibrine ou de gluten. Il nous semble démontré d’après cela que, lors de la digestion, l’amidon est converti en acide lactique ou lactate, tous composés solubles dans l’eau, qui peuvent être ainsi absorbés immédiatement, comme les boissons, par les orifices des veines, et ne doivent pas parvenir dans l’économie par le moyen de vaisseaux chyliferes et par le ranal thoracique, comme on l’a- vait supposé jusqu'ici. Eu effet, l'analyse comparée du chyle d’un animal à jeun et d’un animal tué après un repas féculent, ne nous a pas offert la moindre différence. Nous avons recherché avec soin, dans ce chyle , la présence de l’amidon soluble, sans pouvoir en trouver l'indice. Nous avons remarqué que le chyle était presque neutre chez les chiens auxquels la fécule avait été injectée dans l’esto- mac, qu’il était au contraire sensiblement alcalin chez l'animal nourri avec du pain. Il nous semble prouvé que les produits de l'amidon ne contribuent en rien à la formation du chyle, à moins qu'on ne veuille admettre l'existence de ces mystérieuses trans- formations de l’amidon en matières albumineuses, que rien au- jourd’hui n’autorise à compter comme vraies. Graisse. Les graisses jouent un rôle important dans la nutrition de l’homme et des animaux carnivores; il est donc très intéressant de connaitre le mode suivant lequel ces principes sont assimilés. Un chien fut nourri pendant trois jours avec de la graisse de porc. Le troisième jour il fut pendu, quelques heures après un repas assez abondant. Son estomac contenait 160 grammes de graisse solide à froid, et 25 grammes d’un liquide trouble rougissant fortement le tournesol. Ce liquide, filtré , se troublait à peine par la chaleur; il donnait à la distillation de l'acide chlorhydrique. Dans le duo- BOUCHARDAT @t SANDRAS. — Sur la Digestion. 237 dénum, on trouve 12 grammes environ d’une bouillie émulsive jaunâtre , à réaction neutre, qui, traitée par l’éther, donne une portion notable de graisse blanche. L’intestin grêle contenait 40 grammes environ de cette bouillie émulsive, mélée de mucosités. Ce mélange n’exerçait point d’ac- tion sensible sur le papier de tournesol. I’éther lui enlevait également une proportion notable de graisse. Les gros intestins contenaient des matières excrémentitielles d’une couleur jaune-brunâtre, qui , traitées par l’éther , four- nissaient également de la graisse. Le canal thoracique avait fourni un chyle blanc, laiteux. Ce chyle avait cette couleur et cette apparence beaucoup plus prononcées que dans nos autres expériences. En le traitant par l’éther à chaud, nous avons ex- trait une proportion très notable d’un corps gras. Les expériences précédentes démontrent que la digestion et l'assinilation de la graisse ne s’effectuent en aucune facon dans l'estomac; elle ne subit, dans ce viscère, aucune transformation, aucune élaboration : c'est dans le duodénum que ce principe subit les modifications qui doivent faciliter son absorption. Ces modifications sont bien simples : les matières grasses se mé- langent avec la bile et le suc pancréatique, se divisent et s’émul- sionnent sans changer de nature chimique. Si elles contiennent des acides margarique et oléique à l’état de liberté, ces acides sont saturés par l’alcali contenu dans le suc pancréatique et sur- tout dans la bile. Une fois émulsionnées par la bile et le liquide du pancréas, les graisses sont immédiatement absorbées par les orifices des vaisseaux chylifères, et de là transportées dans le canal thora- cique et mélées au chyle. L'analyse du chyle des animaux nourris de corps gras ne nous laisse aucua doute à cet égard. Cette ab- sorption se continue dans tout le canal digestif, et quand la >roportion du corps gras est trop considérable, il est éliminé par les excrémens. CONCLUSIONS. Nous croyons pouvoir tirer de ces faits les conclusions suivantes : 238 BOUCHARDAT €t sANDRAS. — Our la Digestion. 1° Dans la digestion, la fonction de l'estomac consiste, pour les matières albumineuses { fibrine, albumine, caséum, gluten), à les dissoudre au moyen de l'acide chlorhydrique. 2° Cet acide suffit, quand il est dilué au demi-millième, pour la dissolution des matières précitées , tant qu’elles sont crues ; si elles ont subi la coction , l'acide chlorhydrique di- lué ne les dissout plus dans nos appareils de verre, et, pour qu'on les trouve dissoutes dans l’estomac vivant, nous consta- tons qu'il se passe alors dans l'estomac vivant autre chose qu'une simple dissolution par l'acide chlorhydrique dilué ; seulement la présence de l’acide chlorhydrique nous paraît toujours indis- pensable. 3° Pour les matières albumineuses, la digestion et l’absorp- tion se font presque exclusivement dans l'estomac, le reste de l'intestin n’offrant presque plus de cette dissolution, dont l’a- bondance dans l'estomac a été constatée. 4° C’est aussi dans l’estomac que se fait la dissolution de la fécule. Ce principe ne nous semble point, dans l’état ordinaire, se transformer en sucre ; il ne nous est pas suffisamment prouvé qu'il passe à l’état d’amidon soluble : nous regardons comme constatée sa transformation en acide lactique. 5° L'absorption de cette partie des alimens nous a semblé moins exclusivement bornée à l'estomac que celle de la disso- lution de matières albumineuses , ce qui serait d'accord avec les dispositions particulières des intestins chez les animaux non carnivores. 6° La graisse n’est point attaquée dans l'estomac; elie passe dans le duodénum à l’état d’émulsion, au moyen des alcalis fournis par le foie et le pancréas. Cette émulsion se trouve en abondance dans tout le reste de l'intestin. Tous ces faits simples et précis, que nous avons soigneuse- ment isolés dans nos expériences , se sont présentés à nous avec tous les caractères de la certitude absolue. Il est encore un fait également concluant que nous avons vu, et le voici: 7° Le chyle nous a paru un peu moins abondant, mais sem- blable chez les animaux tués à jeun et chez ceux que nous avions nourri de matières albumineuses et de fécule; il n'a présenté BOUCHARDAT et sANDRAS. — Sur la Digestion. 239 de différence marquée que chez ceux que nous avions nourris de graisse: ce principe immédiat s'y est trouvé en proportion considérable. Tels sont les faits que nous pouvons résumer; qu'il nous soit permis maintenant d'en déduire les conséquences les plus probables. Une théorie de la digestion, aussi simple que rationnelle, résulterait de ce que nous avons vu : en la présentant, nous ferons voir en quoi elle différe des théories jusqu'à présent proposées. On admet généralement que les alimens introduits dans l’es- tomac sont convertis en une substance homogène, pultacée, grisätre, d’une saveur douceûtre, fade, légèrement acide, qui conserve quelques propriétés des alimens, et qu’on nomme chyme. On admet que ce chyme, ainsi élaboré, parvient dans l'intestin grêle , où il est absorbé par l’orifice des vaisseaux chy- lifères et transformé en chyle. Nous croyons que nos expériences ont mis quelque chose de réel à la place de ce chyme, imaginé par les physiologistes. Nous croyons que ce qu'on a désigné sous le nom de chyme est un mélange composé de résidus d’alhimens nou dissous, dont la dissolution peut se continuer lentement dans les circonvolu- tions intestinales , d’excrétions des glandes et des muqueuses intestinales, destiné à former plus tard les matières excrémen- titielles, et non une bouillie spécialement préparée pour l’assi- milation. Quant au chyle, on a supposé jusqu'ici que les alimens, dis- sous d’abord dans l'estomac , puis ensuite précipités et convertis en chyme, passaient dans le chyle très divisés ou dissous de nouveau. Mais la fibrine teinte ne fournit point de chyle coloré. Le chyle recueilli pendant la digestion de l’amidon a la même composition, à trés peu de chose près, que celui qu’on recueille pendant une digestion de fibrine. N'est-il pas très probable, d’après cela , que les alimens albu- mineux ( fibrine , caséum , gluten, albumine ), que les alimens féculens ne sont point transformés en chyle, comme on l’a pro- fessé jusqu'ici. 240 BOUCHARDAT €t sANDRAS. — Sur la Digestion. Quel est donc le rôle de l'appareil chylifère et du chyle, dont la plus grande production est incontestable pendant la digestion ? | L'expérience nous semble répondre encore ici, que les ori- fices des vaisseaux chylifères sont destinés à absorber les ali- mens gras émulsionnés par la bile. Mais là , très probablement , ne doit pas se borner le rôle d’une production aussi importante que celle du chyle, et voici l'interprétation que nous croyons pouvoir conjecturer sur les faits observés. Lorsque des alimens appétissans sont présentés à un animal à jeun et reçus, un travail préparatoire commence immédiate- ment : la salive coule abondamment dans la cavité buccale, le suc gastrique dans l’estomac. Mais lorsque le suc gastrique est produit sous l'influence du désir excité par un mets appétissant et par sa présence dans l'estomac, il contient des proportions très notables d'acide chlorhydrique et lactique. Ces acides ont été fournis évidemment par la décomposition des sels dont l’é- conomie animale est imprégnée, du chlorure de sodium et du lactate de soude. Or, si, d’un côté, nous constatons la production d'acides, de l’autre, nous devons trouver un produit alcalin, et c’est pré- cisément ce que l’observation nous montre : pendant que s'opère le travail de la séparation des acides chlorhydrique et lactique dans l’estomac, les glandes abdominales préparent pour les vaisseaux chylifères et le canal thoracique un chyle dont l’alca- linité est d'autant plus prononcée, que la production acide est plus développée dans l'estomac, et ce chyle, qui n’est plus produit seulement par la transformation et par l'absorption des alimens, mais par une sécrétion véritable , ira se mêler au sang pour neutraliser exactement l'acide indispensable à la dissolu- tion des alimens. Cet artifice simple permettrait que le sang füt continuellement réparé sans changer de nature d'une façon ap- préciable. Quoi qu'il en soit de cette hypothèse , qui ne répugne ni aux faits connus, ni à ceux que nous avons observés, qui tire même de ces derniers une sorte d'autorité, nous n’avons pas pu rester indifférens en présence des résultats de notre expérimentation , BOUCHARDAT €@t SANDRAS. — Swr la Digestion. 241 et nous n'avons pas hésité à les présenter avec confiance aux 2 , "2 . 21 # juges les plus capables d’en déterminer la valeur et d’en régler les applications. Mémoire sur les Bélemnites, Par M. Arcine D'ORBIGNY. Les Bélemnites sont encore peu connues, quoiqu’elles aïent été le sujet de beaucoup décrits; je crois devoir, en consé- quence, entrer à leur égard dans une série de considérations générales qui détruiront toute incertitude sur leur véritable composition, et sur la place qu’elles doivent occuper dans l’é- chelle des êtres. Je ne chercherai point à reproduire les opi- nions plus ou moins bizarres que les auteurs ont professées relativement à leur forme primitive, et à l'animal auquel elle appartenait, ce que je ne pourrais faire sans sortir du cadre que je me suis tracé. Il me suffira d'expliquer les faits tels que j'ai pu les observer, en les rattachant aux connaissances que l'étude comparative des Céphalopodes vivans m’a données sur leur ensemble. CHAPITRE 1%. CARACTÈRES ZOOLOGIQUES. $ I. Composition de l’osselet. Des recherches minutieuses sur les restes des Bélemnites con: servées au sein des couches terrestres m'ont démontré, par l'inspection d’un grand nombre d'empreintes restées soit sur les alvéoles, soit sur la paroi interne de la cavité alvéolaire du rostre, que la Bélemnite complète se compose de quatre parties intimement liées entre elles et constituant un osselet interne compliqué. Ces parties sont : 1° antérieurement une lame cor- XVIII, Zoor, — Octobre, 16 2/2 A D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. née spatuliforme, élargie en avant, rétrécie en arrière ; 2° en arrière, un godet profond ou alvéole conique, contenant une série transverse de loges aériennes ; 3° un siphon inférieur tra- versant toute la série de loges ; 4° un encroùtement calcaire plus ou moins allongé, recouvrant et protégeant l’alvéole, et constituant un véritable rostre terminal. Je vais passer succes- sivement en revue ces différentes parties en les décrivant dans tous leurs détails. Osselet corné. L'osselet corné , chez les Bélemnites , est peu variable dans sa forme ; j'en ai pu juger sur plus de quinze es- pèces distinctes dont les rostres sont très disparates, et je lui ai toujours trouvé la même configuration. Il se compose, en avant, d’une lame élargie, spatuliforme, formée au milieu d’une région dorsale large (1), dont l'angle dépasse toujours dix de- grés d'ouverture, couverte de stries d’accroissement en ogive, allant se réunir de chaque côté à la ligne médiane, quelque- fois saillante ou légèrement sillonnée. De chaque côté de la région dorsale, règnent des expansions latérales (2), qui partent de cette région et forment de chaque côté des lames cornées, winces, marquées de ligaes d’accroissement obliques de haut en bas et de dessus en dessous. Ces expansions accompagnent l’osselet sur toute sa longueur, et vont en diminuant de largeur de haut en bas jusqu’à la partie inférieure, où elles forment un godet conique plus ou moins long, mais paraissant occuper le tiers environ de la longueur de l’ensemble. Sur les côtés, au point de jonction des expansions latérales de l'osselet au godet terminal ou alvéolaire, les lignes d’accroissement s’arquent tout- à-coup, forment des courbes dont la convexité est en bas, et deviennent ensuite transversales sur toute la région ventrale, pour constituer le godet terminal, espece de cône renversé, corné, où les loges se forment successivement, au fur et à me- sure de l'accroissement de l’animal. En résumé, la partie cornée se compose : 1° d’une région (x) Ce sont les Asymptotes de Vollz, Mémoire, page 3. (2) Ge sont ces lignes convexes , lorsque le cône est renversé, qui forment ce que M. Voltz appelle régions hyperbolaires. A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 243 dorsale large, analogue à la tige de l’osselet des Ommastréphes, des Onychoteuthes, etc. ; 2° d'expansions latérales, semblables à celles qu'on remarque aux osselets de Calmars, d'Onychoteu- thes, etc.; 3° d'un godet terminal identique, mais plus grand que celui qui existe à l'extrémité de l’osselet des Ommastrèphes. Ainsi , sans aucune hypothese , en suivant sur l'empreinte même d’une alvéole toutes les lignes d’accroissement de l’osselet, on arrive à restituer, comme je l'ai fait, l’osselet tel qu’il devait être à l’état complet, de manière à ne plus laisser de doutes à son égard, quant à sa forme ou à ses rapports avec les autres Céphalopodes connus. Dès-lors, il sera facile d'y rapporter ces empreintes d’osselets trouvés en Angleterre et en France (1), sur lesquels il pouvait rester encore quelque incertitude. J'ai dit que j'avais pu reconnaitre l’osselet corné sur les em- preintes internes de plus de quinze espèces de Bélemnites, dont le rostre avait les formes les plus disparates, et que cet osselet m'avait paru partout absolument identique dans ses détails ; c'est en effet ce que j'ai trouvé, puisqu'à l'exception d’une plus ou moins grande Jargeur de la région dorsale, largeur tou- jours relative à l’ouverture de l’angle de lalvéole, je n'ai re- marqué aucune différence appréciable dans tous ces osselets. Il en faut donc conclure que, chez les Bélemnites comme chez les autres Céphalopodes actuellement vivans, cette partie in- terne est en rapport avec les autres caractères zoologiques, et qu’elle peut avec certitude être adoptée comme caractère dis- tioctif des genres. Godet ou cône alvéolaire. Ce godet se compose de deux par- ties distinctes du -cône abvéolaire, que l’on a vu n’être que le prolongement corné de l’extrémité de l'osselet, et de l'«véole , ou l’empilement de loges aériennes qui vient se déposer dedans au fur et à mesure des besoins de l'animal. Il en résulte que la partie extérieure du cône, toujours corné , préexistait au dépôt des cloisons, et que celles-ci n’en ont en rien modifié la forme. Si j'en juge par un grand nombre d'empreintes que j'ai pu voir, le godet ou cône alvéolaire aurait occupé au moins le tiers (x) Le Teudopsis Agassizis (Deslongchamps) est dans ce cas: c’est un osselet de Bélemnites, 15, 244 A, D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. de la longueur de l’osselet ; il paraît certain aussi que ses bords s'élevaient en avant comme les parois d'un cornet et dépassaient de beaucoup l’alvéole. Cette partie, souvent un peu comprimée, ne varie dans sa forme que par plus ou moins de largeur ; ainsi son angle se trouve réduit à onze ou quinze degrés d'ouverture chez le B. hastatus , tandis que sa plus grande ouverture est de vingt-huit à trente degrés chez les B. brevirostris et tri- canaliculatus , sans que cette ouverture soit toujours en rap- port avec la longueur respective du rostre extérieur, puisque parmi les plus larges se trouvent des espèces courtes et d’autres très longues. Ce godet est loin de former invariablement un cône régulier : quand on le voit en dessus ou en dessous, il est effec- tivement conique, et s'accroît régulièrement sur toute sun éten- due ; mais lorsqu'on le regarde de côté, il offre presque toujours une courbe marquée , la pointe s’inclinant évidemment vers la région ventrale ; quelquefois il est presque droit. L’alvéole n’est donc, pour moi, que la série de loges aé- riennes déposées dans le godet corné. et se modelant sur la paroi interne de ce godet. Si j'étudie ces loges, je verrai que la pre- mière est de forme ovale, ronde ou cupuliforme, et qu'elle paraît appartenir à l’âge embryonnaire de la Bélemnite ( j'en traiterai plus tard). Sur cette ioge, viennent successivement s'en déposer d’autres de forme déprimée , minces , convexes en dessous , concaves en dessus, et augmentant d'épaisseur pro- portionnellement à la largeur du cône dans lequel elles se dé- posent, de manière à ce que les premières soient les plus minces et les dernières les plus épaisses. L'étude de la compo- sition des cloisons qui séparent ces loges, me donne, comme je lai dit, l2 certitude qu’elles sont indépendantes non-seulement du godet corné qui les reçoit, mais encore les unes des autres (1). En effet, lorsqu'on examine au microscope les parois des cloi- sons, on s'aperçoit de suite que chacune en particulier est for- mée d’une chambre spéciale, que chaque chambre, avec ses cloisons supérieure, inférieure et latérale, s'applique l’une sur l’autre, et que chacune des cloisons est elle-même composée de (x) M. Voliz a parfaitement reconnu celte circonstance ( voyez son Mémoire, page 4). A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 245 deux couches. Ces couches paraissent avoir été nacrées ainsi que les loges internes de toutes les coquilles multiloculaires des Céphalopodes. En résumé, l’alvéole n'est qu’une suite de loges aériennes, déposées dans une cavité du godet terminal de l'osselet corné, analogue à celle de lOmmastrèphe; dès-lors, elle n'est pas un animal parasite comme l’a pensé M. Raspail (1), ni un corps in- dépendant ainsi que le croyait Denis de Montfort. Cet alvéole paraît avoir un angle d'ouverture assez constant dans chaque espèce; on pourrait s’en servir comme caractère spécifique , mais il faudrait tenir compte de la compression qui existe presque toujours et modifie beaucoup l'ouverture de l'angle. Siphon. Le siphon est un canal longitudinal qui traverse toutes les loges aériennes de l’alvéole , sans communiquer avec elles. Il se compose d’un tube formé de segmens obliques ren- flés dans chaque loge, rétréci et comme étranglé à chaque cloi- son. En l’observant avec soin sur des échantillons remarquables de ma collection , j'ai reconnu qu'à chaque nouvelle loge ce si- phon vient saillir en dehors. Dans la figure que j'en ai donnée (2), on voit parfaitement qu'il y a un point de suture, non sur la ligne des cloisons et au point de rétrécissement, comme l'ont cru MM. Voltz (3) et Duval (4), mais bien dans l'intervalle de chaque cloison , sur le tiers inférieur du renflement ; et cette suture trés marquée ne suit en rien l'obliquité des cloisons, étant , au contraire , transversale à l'axe du cône alvéolaire. Ce siphon, toujours contigu aux parois externes de l'alvéole, est invariablement placé sur la partie médiane et marginale de la ré- gion ventrale de l’alvéole (5), c'est-à-dire au-dessous de l’osselet. Le siphon est une partie dont la position relative a beaucoup (1) Annales des Sciences d'observation. (2) Paléontologie, PI, x1x, fig. 7. (3) Voyez son Mémoire, page 6. (4) Pélemnites des Basses-Alpes, page 22. (5) M. Duval, loc, cit, page 23, me suppose l'opinion que le siphon des Bélemnites est central , tout en ajoulant à son texte une note qui prouve le contraire , celle citation était au moins inutile, puisque je n'ai jamais publié cette opinion, qui appartenail à Férussac, et qu'au contraire, en 1840 ( Paléontologie française) , j'ai fixé en termes non équivoques la place ventrale du siphon. 246 A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. de valeur zoologique. Lorsqu'on voit, en effet, le siphon être toujours marginal et dorsal chez tous les genres de forme si bi- zarre qui composent la famille des Ammonidées, tandis que chez les Nautilidées , également très variées , il est médian ou assez près du bord ventral sans être contigu ; on doit croire qu'il tient, parmi les caractères organiques de ces êtres, une place très importante en rapport avec la forme des cloisons, et que , dès- lors, sa position, relativement aux autres organes, est une con- séquence de modifications organiques de grande valeur. S'il n’en était pas ainsi, le siphon ne conserverait pas dans la grande famille des Ammonidées une portion identique , et varierait sui- vant les genres, ou même suivant les espèces. Il n’est donc pas douteux que le siphon ne soit invariable dans sa position, selon les grandes coupes, et que, zoologiquement, il ne doive en être ainsi. Dans ces derniers temps, M. Duval (x), attachant à un simple sillon de la matière encroûtante du rostre de la Bélem- nite plus d'importance qu’au siphon lui-même, parce qu'il ren- contrait un sillon du côté opposé où il se trouve le plus souvent, ya vu un déplacement du siphon, et n’a pas craint de renverser toutes les lois organiques, en employant ce caractère à former des groupes qu'il appelle familles (2) ; comme ses Motosiphites, pour les Bélemnites, qui ont selon lui le siphon dorsal , et ses Gastrosiphites, pour celles qui l'ont ventral. Or, il y a lieu de se demander lequel des deux organes, du sillon du rostre ou du siphon, a zoologiquement plus de valeur. Les sillons sur les corps internes, tels que les osselets de Sèches et de Calmars, ne sont point dus à une grande modification organique ; ils sont formés , comme je m'en suis souvent assuré, par un simple pli où un épaississement de la paroi interne des tégumens qui en- veloppaient l’osselet; ils ne sont pas non plus le siège d’attaches musculaires, mais sont simplement des crans longitudinaux destinés à empêcher l’osselet de changer de place, de remuer (1) Bélemnites des Basses-Alpes, pages 23, 36, 40. (2) En zoologie, le mot famille, consacré depuis long-temps, est un terme collectif qui embrasse plusieurs genres , dont les affinités sont sensibles, La famille ne doit done renfermer que des genres , et les genres ne peuvent renfermer des familles, à moins de changer toute la nomenclature scientifique. a. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 247 dans sa gaine charnue (1). Leur valeur zoologique est donc en- tiérement nulle. J'ai fait voir quelle était l'importance réelle du siphon , d’après sa place invariable ; je crois inutile de pousser plus loin la comparaison. Tous les zoclogistes auront déjà com- pris que, pour les Notosiphites de M. Duval, c’est le sillon qui devient dorsal, tandis que le siphon est dans sa place normale. Dès-lors, les noms de Notosiphutes et Gastrosirhites . donnés par ce naturaliste, ne peuvent plus être conservés dans la science, à moins que cette position inverse du siphon ne soit justifiée par l’ensemble de l’osselet lui-même ; alors il ne fau- drait plus former des groupes d'espèces, mais bien de véritables genres distincts, puisqu'il y aurait une modification importante dans l’économie animale. Æostre. Le rostre, que j'ai nommé ainsi (2) parce qu’il ter- mine l’osselet en arrière, et qu'il est, dès-lors, en avant dans la nage rétrograde; le rostre n’est, à proprement parler, qu'un encroûtement calcaire, de forme très variable, le plus souvent allongé , recouvrant et protégeant l'extrémité cornée de l’osselet et l’alvéole qu’il renferme : ainsi, dans la Bélemnite, le godet terminal de l'osselet corné aurait reçu en dedans les loges alvéo- laires , tandis qu’en dehors il serait recouvert par le dépôt cal- caire constituant le rostre, Cette partie est des plus variées dans sa forme, comprimée , déprimée, sillonnée ou non, pourvue d'un ou de plusieurs sillons vers la pointe ou vers sa région su- périeure ou inférieure, courte ou allongée, conique, ventrue ou lancéolée ; elle change d’aspect suivant chacune des espèces, ou méme dans les périodes diverses de l'existence de l’animal , sans avoir de caractères extérieurs toujours bien saisissables, toujours bien constans. En un mot, comme on devait s’y at- tendre pour un corps interne qui n’a aucune importance z00- logique, le rostre de la Bélemnite est une partie sujette à une immense extension de variations; il ne peut se restreindre en des limites spécifiques qu'après une discussion sévére de (1) Voyez plus loin l'explication de leurs fonctions dans l’économie animale, (2) J'ai le premier adopté cette expression par suite de l'explication donnée , en 1440, dans ma Paléontologie française, terrains crétacés, tom. 1, page 35 : c'est la gaine de M. Voltz. 248 A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemrules toutes les causes susceptibles d'amener des différences tenant à l'âge , au sexe, ou aux accidens nombreux qu'il peut éprouver. Ne ponvant définir la forme fixe des rostres qu’en traitant des modifications qu’ils peuvent éprouver (1), je me borne aux lois invariables auxquelles ils sont soumis. Le rostre, comme je l'ai dit, n’est qu’un encroûtement cal- caire qui revêt extérieurement le godet terminal de l’osselet cor- né. Cet encroûtement recevant toujours de nouvelles couches sur toute sa longueur, au fur et à mesure de l'accroissement du godet, et l’accroissement du godet ayant lieu en avant, il en résulte que la région postérieure du rostre devient bien plus épaisse que l’antérieure , et qu’elle forme souvent un cône ou une partie très allongée. En avant, au contraire, les couches calcaires du rostre deviennent d’autant plus minces, qu’on ap- proche de lextrémité antérieure, et finissent par former une pellicule si peu épaisse, qu’elle est à peine sensible. M. Duval (2) a dit que le bord antérieur du rostre devait se terminer différemment , suivant les espèces ; il le décrit, le figure avec un long prolongement en dessus et en dessous, et avec une échancrure sur les flancs. Je crois que ces saillies ne tiennent qu’à l’altération des rostres observés, et voici sur quoi je me fonde. Je possède des échantillons des 3. elongatus et acutus, où les lames crétacées du rostre se prolongent en avant sur l’alvéole en une pellicule très mince, jusqu’à une très grande distance, et ne cessent évidemment d'être perceptibles que par suite d'une altération. Ces deux faits, dans leur isole- ment même, eussent déjà été concluans; mais en observant toutes les couches longitudinales faites sur plus de quinze es- pèces de rostres très bien conservés, je me suis encore assuré, à l’aide d’un fort grossissement , que les couches crétacées du rostre, loin de venir s'achever carrément sur l’alvéole dans la direction du rostre, s'étendent en une couche très mince qui revêt , en s'évasant très loin en avant , le cône alvéolaire. Je crois donc, en dernière analyse, d’après les observations citées, que (x) Voyez plus loin. (2) Le, cit. pages 23, 29, 38. | A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 249 le dépôt crétacé dujrostre se continuait sur presque toute la longueur] du godet terminal de l’osselet, et que, dès-lors, ses bords suivaient la forme arrondie de ce godet. Lorsqu'il y a des parties élevées des côtes sur le rostre, ces côtes s’atténuent, s’a- baissent peu-à-peu , et s’effacent même à la partie antérieure, comme j'ai pu le voir sur plusieurs espèces des terrains juras- siques, telles que le Z. hastatus , Blainvillii , etc., ce qui me fait croire qu’il en est ainsi chez les Bélemnites des terrains crétacés, que M. Duval lui-même dit n'avoir jamais trouvés à l'état assez frais pour apercevoir les traces de l’osselet corné. Toutes les saillies et les échancrures antérieures du rostre me pa- raissent devoir n’être que le produit d’altérations plus ou moins fortes dans la décomposition ou l'usure des rostres, et ne tenir nullement à la forme du bord de ce rostre. Le rostre, composé de couches crétacées successives, ne les reçoit pas uniformément sur toute sa longueur. Les couches se portent le plus souvent en arrière, où elles forment tout d'un coup des prolongemens énormes, comme on peut le voir pour les Z2. acuarius, minimus, etc. Dans tous les cas , le rostre étant toujours terminé par une extrémité, au centre postérieur , ce centre, cette extrémité de tous les âges, se montrent dans les coupes, depuis le sommet de lalvéole jusqu'aux dernières couches terminales du rostre ; il forme une ligne droite, arquée ou flexueuse, suivant les espèces. Cette ligne, ancienne trace de l'extrémité successive du rostre, a été nommée apiciale par M. Voltz; elle est le plus souvent identique suivant les espèces. Les rostres des Bélemnites sont très allongés chez les Z. Aas- tatus , subfusiformis, clavatus, giganteus , acuarius , etc.; ils sont au contraire très courts chez les Z. acutus, abbreviatus, brevirostris4 Entre ces deux extrêmes, il y a tous les inter- médiaires. Les seuls ornemens dont ils sont chargés consistent : 1° En un sillon ventral prolongé sur presque toute la longueur (B. hastatus, Duvalianus, sulcatus, bessinus, Fleuriausus, etc.) n’occupant que la partie antérieure (2. Sauvanausus ; subfusi- formis, minimus , semicanaliculatus), où marqué seulement en arriére ( 2. Puzosianus ); 230 A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemrites. 2° En un sillon dorsal marqué sur toute sa longueur ( B. {a- tus , extinctorius), où seulement à l’extrémité supérieure ( Z. dilatatus, Emerici, Grasianus ); 3° En deux sillons latéraux supérieurs, marqués sur toute la longueur (2. tricanaliculatus) ; 4 En sillons latéraux pairs, plus ou moins profonds , vi- sibles sur une étendue plus ou moins grande ( B. Coquandia- nus , oipartitus , dilatatus , subfusiformis, etc.). Toutes ces lignes longitudinales du rostre, qui s’effacent plus ou moins chez les individus d’une même espèce, et auxquelles on a donné une trop grande importance zoologique en les regar- dant comme des restes d’attaches musculaires (x), ne sont, comme je l’expliquerai aux fonctions, que le résultat d’un simple pli, dans l'enveloppe charnue de losselet. 1] suffit, du reste, d'ouvrir un Calmar ou une Sèche, pour s'assurer que l’osselet n’adhère aux parois par aucun muscle longitudinal, et que toutes les saillies et les creux de l’osselet ne sont que la reproduction des saillies et des creux formés par l’épaississement des diverses parties des tégumens, de l'espèce de sac charnu où il se trouve renfermé , le rostre n’en étant que la partie la plus éloignée des organes les plus essentiels à la vie. Le rostre est formé de matière crétacée, compacte, en couches superposées, ou d’étuis s’emboîtant les uns dans les autres. Sa cassure est fibreuse ou rayonnante du centre à la circonférence. Cet état n’est point, comme on l’a cru long- temps, un état de pétrification, puisqu’un rostre de Sèche montre les mêmes couches superposées, les stries rayonnantes. J'ai même, par la comparaison, acquis la certitude que le rostre de la Bélemnite était, avant sa fossilisation, crétacé, ferme, et analogue à celui des Sèches. Il était, dès-lors, probablement légèrement nacré, et cet aspect se retrouve encore chez quel- ques Bélemnites de tous les terrains. $ IL. Comparaisons de l'osselet. L'ensemble de l’'osselet des Bélemnites se compose donc, (1) M. Duval ; ouvrage cité, page 23. A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 251 comme je lai dit précédemment , d’une lame cornée, pourvue d’expansions latérales ; il est élargi en avant , rétréci en arrière, et terminé par un godet, muni en dedans d'une série de loges aériennes , et protégé en dehors par un rostre crétacé ferme. Comparé aux osselets internes des Céphalopodes actuellement vivans, celui de la Bélemnite offre les plus grandes ressem- blances. Si j'analyse ces rapports , ils seront des plus évidens. La région dorsale de l’osselet se trouve sans exception chez tous les Céphalopodes. C’est elle qui constitue toute la partie antérieure de l’osselet des Ommastrèphes et la partie médiane des osselets de Loligo , d’'Onychoteuthis, de Sepioteuthis , etc. seulement, chez les Bélemnites, cette partie est plus large, ce qui tient seulement aux caractères génériques qui les dis- tinguent. Les expansions latérales sont , en tout, analogues à la même partie chez les Loligo, Sepioteuthis , Onychoteuthis. Xci l’osselet de Bélemnite n'offre aucune différence avec ceux des Céphalo- podes actuellement vivans. Le godet terminal est identiquement celui des Ommsastrèphes; seulement il est plus grand et contient de plus , en dedans, des loges aériennes , et, en dehors,un encroûtement rostral. Lors- qu'on voit le genre Conoteuthis (1) offrir un cône alvéolaire sans rostre , dans un osselet tout-à-fait analogue à celui des Ommastrèphes, on aura les passages d’un genre à l’autre, sans aucune lacune zoologique. L'alvéole aérien, tout en différant de forme, est, chez les Bélemnites , le représentant de la coquille de la spirule ou des loges de l’osselet de Sepia : il ne diffère que dans sa forme. Le rostre de la Bélemnite est absolument identique au rostre crétacé de l’osselet de Sèche. En résumé , l’osselet de Bélemnite est évidemment conformé comme celui des Céphalopodes qui habitent actuellement nos mers ; il est infiniment plus compliqué, puisqu'il réunit plu- sieurs caractères isolés chez les autres Céphalopodes. Néan- moins sa forme allongée et ses autres rapports m'ont, dès 1840, (1) Voy. Aan. des Sc, nat. , 1842, t. xvui,p. 362, le Mémoire que j'ai donné sur ce genre. 22 A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. porté à rapprocher davantage les Ommastrèphes. La découverte du genre Conoteuthis , établissant les passages, vient confirmer ces rapprochemens et prouver jusqu’à l'évidence que la Bélem- nite était un Céphalopode acétabulifère, dont les caractères zoologiques conduisent à former une famille distincte. $ IT. Fonctions de l’osselet. Pour mieux faire connaître dans ses détails l’osselet de Bélem- nite, il devient indispensable d'en passer en revue les différentes fonctions, ce qui fera sentir l'importance des diverses parties qui le composent. Les fonctions de l'osselet sont de trois espèces entierement distinctes , en raison de telles ou telles modifi- cations. 1° Lorsque l’osselet est corné , il sert tout simplement à soutenir les chairs: il remplit alors les fonctions des os des Mammiferes. 2° Lorsqu'il est corné ou crétacé , et qu’il contient des par- ties remplies d’air, comme l’alvéole de la Bélemnite, non-seule- ment il soutient les chairs, mais encore il tient lieu d’allège, en représentant, chez les Mollusques , la vessie natatoire des Poissons. 3° Jorsque , corné ou crétacé, pourvu ou non de parties remplies d'air, l’osselet s’'arme postérieurement d’un rostre crétacé , aux deux fonctions précédentes se réunit celle de résister aux chocs, dans l’action de la nage rétrograde : il est alors un corps protecteur. Je ne pousserai pas plus loin ces considérations , les ayant déja développées dans un autre mémoire , auquel je renvoie. (1) Avant de conclure sur les osselets de Bélemnites, il me reste à envisager un point de vue relatif à leur rostre; c’est celui dessillons divers qu’on remarque à leursurface supérieure, inférieure ou latérale. Comme je l’ai déjà dit, on a cru que ce devaient être des attaches musculaires ou des parties essentielles (1) Voyez mon Mémoire sur les genres Spirulirostra el Conoteuthis ( Annales des Sciences naturelles , 1842 , lome xvir, page 362). A. DORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 255 de l'organe sécréteur. T'organe sécréteur, parfaitement connu chez les Céphalopodes , est la paroi interne de l'espèce de gaine charnue où se trouve l’osselet que celui-ci soit à l’état corné ou crétacé : ainsi ce sont les simples parois charnues de l'enveloppe de l'osselet qui le sécrètent. Je me suis assuré que les saillies, les creux de l’osselet chez les espèces vivantes, n'étaient que le résultat des creux des reliefs des parties épaissies et durcies de cette enveloppe. Il n'y a donc là aucune attache musculaire. Quant aux fonctions de ces plis, de ces sillons, il est assez facile de se les expliquer. Chez des animaux, dont la nage rapide oblige le corps charnu à résister à des mouvemens brusques, dus soit à la nage elle-même, soit à la résistance que rencontre le corps à fendre l'élément aqueux, il est évident que les parties charnues sur les parties fermes avaient besoin de repères, de crans, pour empêcher les mouvemens constans de l’ensemble. C’est la seule fonction que je croie pouvoir raisonnablement attribuer aux rainures de l’osselet et des rostres. Si j’en cherche une preuve dans la place même de ces rainures, de ces sillons, sur les rostres de Bélemnites, j'y trouverai peut-être une solution satisfaisante de la difficulté. Le rostre , étant constamment exposé à résister au refoulement de l'eau , pourrait, à sa jonction à l’alvéole, ou aux régions cornées de l’osselet, éprouver, pendant la nage , un mou- vement de torsion, s'il n’était retenu dans la gaine par des points d'arrêt quelconques. Ces points d’arrêt sont, pour moi, le sillon inférieur des Z. canaliculatus , subfusiformis, extinctorius , has- tatus , etc., placés précisément près de la jonction du rostre aux parties alvéolaires ou cornées, les sillons de l'extrémité des rostres de certaines espèces, et les sillons latéraux de quelques autres. Pour le sillon supérieur, il donnerait encore plus de poids à ces applications. On sait qu’il n'existe que chez des Bélemnites très comprimées , cette même compression éloignant davantage le point d'attache du siphon de la partie dorsale, le sillon supé- rieur devenait indispensable pour consolider l’ensemble, d'autant plus qu'il est, comme je l'ai dit, prés du point de jonction du rostre à l’osselet corné. En résumé, les sillons longitudinaux du rostre et de l’osselet sont, comme je l'ai trouvé pour les saillies si singulières et les creux de la jonction de la tête au 254 A. D'ORBIGNY. —- Our Les Bélemnites. corps chez les Céphalopodes (1}, de véritables points de rési- stance , et pas autre chose. Conclusions. J'ai voulu passer en revue les diverses modifica- tions des osselets internes des Céphalopodes vivans , comparer leur composition , leurs formes aux différentes fonctions qu'ils sont destinés à remplir, aux habitudes des genres qui en sont pourvus, afin d’arriver à dire, par comparaison , ce que devaient être les Céphalopodes dont il n’est plus resté, au sein des couches terrestres, que des parties plus ou moins incomplètes. Cest, en effet, en procédant ainsi, du connu à l'inconnu ; qu’on arrivera sûrement et sans hypothèse à expliquer par des faits bien con- statés ce que furent les animaux des faunes plus ou moins an- ciennes qui ont couvert le globe aux diverses époques géolo- giques. Si, sans sortir du cadre que je me suis aujourd’hui tracé ; je cherche à expliquer, relativement aux Bélemnites, ce qu'elles doivent avoir été, et quelles étaient leurs habitudes , je trouverai que la forme allongée de l’ensemble de l’osselet annonce un Céphalopode voisin des Ommastrèphes et des Onychoteuthis , très élancé, bon nageur, sans néanmoins qu'il ait atteint , sous ce rapport , le degré de perfection auquel sont parvenues les Ommastrèphes. La présence du rostre indique en même temps un être dont les habitudes étaient côtières ; ainsi la Bélemnite aurait joint une nage très prompte à des mœurs purement ri- veraines. CHAPITRE IL. MODIFICATIONS DES CARACTÈRES ZOOLOGIQUES DES BÉLEMNITES. Les modifications des caractères extérieurs des Bélemnites paraissent tenir à plusieurs causes: aux variétés naturelles, aux variétés accidentelles, aux variétés de sexes et aux variétés d'âge. (x) Voyez Zntroduction à la Monographie des Céphalopodes acutabulifères. Au chapitre des modifications organiques comparées aux fonctions qu’elles sont appelées à remplir, j'ai discuté ce mode singulier d'appareil de résistance, A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 295 Variétés naturelles. Ces limites sont d'autant plus larges chez les Bélemnites qu’elles ont lieu sur une partie moins importante de l’économie animale. J'ai dit que, sur plus de quinze espèces, dont j'avais pu voir par les empreintes l’osselet corné, cette partie ne m'avait offert aucune différence bien appréciable dans sa forme. J'ai dit aussi que l'ouverture de l’angle dans le cône alvéolaire , montrait peu ou point de variations, suivant les indi- vidus d’une espèce, on voit dés-lors que les parties essentielles des Bélemnites sont, en quelque sorte, invariables, et offrent ainsi un caractère spécifique important. Si Je passe au rostre, je trou- verai , au contraire , des limites de variations si étendues , que je puis croire qu’il n'existe pas d'autres corps organiques plus difficiles à circonscrire dans leurs caracteres spécifiques. En effet, prend-on pour base la longueur relative de l'alvéole et du rostre ? on la voit varier à l'infini. Prend-on la compression ou la dépres- sion ? celle-ci est plus ou moins marquée. Enfin se sert-on de la présence des sillons? ils sont si prononcés sur certains individus et si faibles chez d’autres, qu’on est réellement très embarrassé. Il devient donc impossible de fixer les limites des variétés natu- relles, sans tenir compte des variétés accidentelles , des variétés de sexes et d’âge. Variétés accidentelles. Lies variétés accidentelles peuvent étre considérées de trois manières. Elles sont produites à l’état de vie de l’animal: par les lésions de l'extrémité du corps dues au choc du rostre, dont elles modifient la pointe ; par une rup- ture au milieu de la longueur du rostre ; par l'enlèvement d'une partie du rostre. Je vais traiter ces trois points de vue séparé- ment , puisqu'ils peuvent tenir à des causes différentes. 1° Les monstruosités provenant de la lésion'de l'extrémité du corps par un choc doivent étre les plus fréquentes, et ce que j'ai dit de la nage rétrograde les explique d’une. manière satis- faisante, Il est certain qu’un choc violent doit percer les chairs par la pointe du rostre, rompre celle-ci ou endommager nota- blement la peau; dés-lors, pendant cette période, et ensuite si la blessure est forte , les matières crétacées ne se déposent plus ré- guliérement , et il en résulte des formes anormales, souvent des plus bizarres ; ainsi de pointu qu'il était, le rostre devient rond, 256 A. D'ORPBIGNY. — Sur les Bélemnnites. B. hastatus , et cette monstruosité, la plus commune, se re- marque surtout chez les très vieux individus de chaque espèce (B.Bruguierianus, compressus ); d’autres fois, la lésion amène un tortillement de l'extrémité du rostre ( 8. kastatus) ou encore une pointe crochue ( B. compressus ). Lorsque la lésion est devenue trop forte, il a dû en résulter une place non fermée. Les parties crétacées ne se déposant que dans les points non malades, il s’est formé une extrémité bour- souflée avec une crevasse irrégulière. Ces monstruosités pou- vaient être si fréquentes et si variées, que les caractères spéci- fiques , tirés de l’extrémité du rostre sont, comme on le voit, les plus mauvais qu’on puisse prendre, lorsqu'ils ne se retrouvent pas identiques sur un grand nombre d'échantillons, et lorsqu’ilsne sont pas accompagnés d’autres différences constantes. Pour faire usage des caractères de l'extrémité du rostre sur un échantillon anormal , il convient préalablement de le couper en deux, pour voir s’il n’y a pas de traces de lésions internes. 2° Les monstruosités provenant d’une rupture au milieu de la longueur du rostre ne peuvent avoir lieu que chez les espèces dont cette partie est allongée et grêle: aussi ne la voit-on jusqu’à présent que chez les B. hastatus , subfusiformis et verus. C'est elle qui amène évidemment les Bélemnites sans cône alvéolaire, dont on a formé le genre Actinocamax. Y'ai, dès 1840(1), donné une courte explication de cette singulière déformation, que je regardais comme le produit d’une rotation des deux parties, pen- dant la durée de la vie de l'animal. Aujourd’hui je n’ai pas changé d'opinion, et la dissertation de M. Duval (2), en voulant démon- trer que je me suis trompé, me prouve seulement que je n’ai pas su me faire comprendre de ce naturaliste. S'il avait étudié lemode de natation des Céphalopodes, la place de losselet dans le corps et la résistance que doit trouver l'extrémité du corps à fendre l'élément aqueux dans la nage rétrograde, M. Duval se serait ex- pliqué ce que j'entendais par la rotation des deux parties rom- pues. I n’aurait pas, dans le but de prouver le contraire de ce que (1) Paléontologie francaise , terrains crétacés, page 38. (2) Loc. cit, page 69. A. D'ORLIGNY — Sur les Bélemnites. 257 DE] j'avançais, figuré un rostre chevauchant ou ployé en deux, deux positions matériellement impossibles dans l’organisation des animaux: la première demanderait que la gaine charnue fût rompue, pour recevoir un corps de deux fois son diamètre ordinaire, ce qui ne peut arriver que dans un déchirement complet de toutes les parties, cas qui appartient à des blessures plus graves , à des modifications tout-à-fait différentes’de celles qui n'occupent. Quant à l'autre, elle ne pourrait avoir lieu sans que l’animal fût ployé en deux, et j'ai trop étudié les Cé- phalopodes pour tomber en de si graves erreurs. Non com- pris une première fois, voyons si je serai plus heureux la seconde. J'ai dit que le genre Actinocamax était le produit d'une rup- ture pendant la vie, et d’une rotation l’une sur l’autre des parties rompues du rostre. Voici comment je me l'explique. Ce genre de mutilation ne se remarque, jusqu’à présent, que sur trois espèces, toutes trois de forme lancéolée, c’est-à-dire, plus large en haut et en bas qu’au milieu de leur longueur, et, dès- lors, offrant plus de facilités à se rompre dans cette partie faible qu'ailleurs, soit au-dessous, soit au commencement de l’alvéole ; c'est en effet ce qu’on trouve, tous les prétendus Actinocamax n'étant que des Bélemnites rompues dans la partie la plus mince. Je crois qu'il n'y a pas de doute à cet égard, et les figures que j'ai données en 1840 le démontrent jusqu’à l'évidence. On a encore la certitude que les ruptures ont presque toujours eu lieu dans l'instant où le rostre était tres délié, très faible, comme on en peut juger par le diamètre de la partie saillante du rostre des B. subfusiformis et par la taille des Actinocamax fusiformis , qui ne sont que des mutilations du Z. Lastatus. Le rostre s'était donc rompu à une grande distance de son extrémité postérieure. J'ai dit encore que l'osselet est, chez les Céphalopodes, logé dans une gaine charnue, tres étroite, de la région la plus supérieure du corps; que le rostre en occupe la partie la plus déliée, la plus pointue de lextrémité postérieure ; que l’ani- mal, dans la nage rétrograde, présente constamment cette partie déliée à la résistance de l'eau. Il est alors évident que l'extrémité du corps n'étant plus affermie par le rostre entier , XVIII, Zoor. — Novembre. 4 258 A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. recevra dans la natation sur le point de la rupture, un mouve- ment incessant en tous sens, ou une espèce d’articulation mo- bile qui amènera constamment la rotation, l’une contre l’autre des deux parties rompues. Aucune soudure ne pourra devenir possible, puisqu'il faudrait que l'animal restât sans mouvement, ce qui serait, difficile à des êtres entourés d’ennemis qui s’en nourrissent’et ne cessent de les poursuivre. Si donc l’animal, ainsi blessé , exécute le moindre mouvement, il est évident que, déterminé par la résistance de l'eau , ce mouvement du corps sur la partie’rompue du rostre viendra pincer tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, la paroi interne de la gaîne. 1l en résultera une lésion constante de cette partie, une plaie permanente qui empéchera la soudure. De plus, l’état pathologique augmen- tant toujours, Ja paroi perdra peu-à-peu, sur ce point, ses fa- cultés sécrétantes, et il s'ensuivra cette série de couches en re- traite qui commencent au point de rupture première et s'achè- vent plus ou moins loin, suivant la gravité et l'étendue de la partie malade (1). Si, après une période plus ou moins longue, la plaie se cicatrise en partant des parties postérieures non lé- sées, et s'avançant vers le point primitif de la blessure, il en résultera une sécrétion nouvelle extérieure, qui au lieu d’être en retraite, débordera la partie déjà consolidée, et il se formera ces bouts sailians du sein d’une cavité, comme M. Duval en figure (2). En résumé, on voit clairement qué mon opinion sur les 4c- linocamazx , considérés comme individus mutilés de Bélemnites, opinion publiée dès 1840, n'est pas, ainsi que le dit M. Duval (3), « une suite de cette heureuse prévision dont sont doués les en- « fans gâtés de la science, plutôt que le produit de l'observa- «lion des faits eux-mêmes ». On y reconnait , au contraire, la conséquence d’une série d’observations non moins minutieuses qu'ont pu l'être celles de M. Duval sur les rostres des Bélemnites des Basses-Alpes ; observations qui remontent à plus de vingt (1) Paléontologie francaise. Terräins crétacés, planche 4, fig. 15, 16,21. (2) Planche 9, fig. 9 ; planche 10 , lig. 22. (3) Bélemhites des Basses—Alpes , page 68. A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 259 ans, et qui s'étendent à tous les Céphalopodes vivans et fossiles. Les monstruosités par lenlévement d'une partie de la lon- gueur du rostre doivent provenir de deux causes : elles viennent d'un choc qui a déterminé une blessure grave, et par suite la chute de l'extrémité du rostre après sa rupture , ou d’une mor- sure quelconque qui a enlevé l'extrémité postérieure du corps. C'est sans doute à l’une et à l’autre de ces causes que sont dues ces mutilations si singulières figurées par M. Duval, et qu'il a. reconnues sur le 2. subfusiformis. Pour me résumer quant aux variétés accidentelles, je crois qu’elles sont tellement marquées et tellement exagérées sur les rostres de Bélemnites, qu'on ne saurait trop long-temps réfléchir avant d'établir une espèce sur une forme anomale dont on n’a qu'un représentant. V'ariélés de sexes. Lorsque j'ai étudié les modifications que subissent les sexes chez les Céphalopodes, j'ai reconnu que, dans presque toutes les espèces, il y avait des individus plus courts et d'autres plus allongés; que cette différence devenait énorme chez le Loligo subulata (1), par exemple, où le corps se pro- longe en arrière, par une queue charnue de moitié plus longue chez les mâles que chez les femelles. Quand je voulus n'’assurer si ces différences extérieures de formes du corps en amenaient dans l’osselet interne, je m’aperçus qu’effectivement ces parties étaient tellement distinctes, suivant les sexes (2), que si j'avais eu ceux-ci séparément, j'aurais cru qu'ils appartenaient à deux espèces. Ces observations , appliquées aux rostres de Bélem- nites, me firent reconnaitre immédiatement que dans chaque gisement où se rencontrent beaucoup de Bélermnnites, il existe toujours des individus plus allongés et d’autres plus courts, sans le moindre changement dans les autres caractères ; je fus _dès-lors logiquement conduit à penser que ces proportions si distinctes ne devaient tenir qu'aux sexes des individus auxquels (x) Voyez ma Monographie des Céphalopodes acétabulifères. {2) Voyez Monographie des Céphalopodes acétabulifères, genre Calmar, planche 0, où j'ai représenté comparativement un osselet de mâle et un osselet de femelle 17: 260 A. D'ORDIGNY. — Sur Les Bélemniles. ils appartenaient. J'ai fait en ce sens des observations multipliées sur des milliers d’échantilions, et je suis arrivé à ne conserver aucun doute sur les variations dues aux différences de sexe, dans les rostres des Bélemnites. Ces variétés de sexes dans les rostres sont simples ou com- pliquées. Je les appelle simples, lorsqu'elles consistent seulement en un plus ou moins grand allongement constant du rostre, et cette différence je l’ai trouvée chez les £.compressus, Bruguierianus, umbilicatus , unisulcatus , elongatus , abbreviatus , acutus , Fourneliunus , Nodotianus , clavatus, hastatus , Puzosianus, sulcatus, etc., etc. On conçoit qu'admettant ces différences ap- portées par les sexes , toute mesure de rapport eutre là longueur relative de l'alvéole et du rostre, devient illusoire puisqu'elle varie suivant les individus. Je l'appelle variélé de sexe compliquée, lorsque, avec des proportions très différentes suivant les sexes, ce caractère vient se compliquer avec des changemens de forme dus à l’âge. Ces variétés sont surtout très marquées chez les 2. acuarius et gi- ganteus. Chez la première, je regarde comme individus mâles ceux qui sont allongés dès leur jeunesse, et comme femelles ceux qui, jusqu'a un àge très avancé, sont fortement obtus et ne ressemblent en rien aux premiers. Îls croissent aussi un temps plus ou moins long, le rostre du mâle différant complétement de celui de la femelle. Il arrive enfin an instant où, sur la forme obtuse, le rostre de la femelle reçoit tout d’un coup sur les couches calcaires de son extrémité, un prolongement énorme qui, plus tard, le fait ressembler en tout à l’état constant du rostre du mâle ; seulement l'extrémité croissant trop vite pour recevoir assez de parties calcaires, reste creuse ou tubuleuse. Ce changement si singulier m'a été dévoilé par des coupes, et wa donné la certitude absolue qu’un rostre obtus et tronqué comme celui de la femelle jeune , pourrait appartenir à la même espèce que celui qui est si allongé et si grêle, puisqu'on trouve, par la coupe, que ce rostre, d’abord court et obtus, recoit, à un certain âge, un prolongement terminal qui le rend tout aussi Ling que celui des mâles. A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 261 Dans le Z. giganteus , les changemens , sans ètre aussi consi- dérabies , ne laissent pas d’avoir une grande portée; les rostre: de jeunes mâles sont longs , élancés : c'est le Z. gladius des au- teurs. Le rostre de jeune femelle est conique et court : c’est le B. quinquesulcatus. Le rostre de mäle continue toujours à croître aussi élancé ; le rostre de femelle, à un certain âge, cesse d’être conique et court ; il reçoit à l'extrémité, comme celui du B. acuarius, un prolongement qui, plus tard , le fait ressem- bler en tout à celui des mâles. Eu résumé, les limites des variétés de sexe, non-seulement amènent toujours une bien plus grande longueur du rostre chez les mâles que chez les femelles, mais cette longueur peut en- core se compliquer, à un certain âge, par un changement com- plet dans la forme, comme on le voit chez les Z. acuarius et giganteus. Il est donc on ne peut plus important de faire entrer toutes ces considérations dans l'établissement d’une espèce, en ayant soin d'user les rostres pour s'assurer si, dans l'intérieur, il n’y a pas de trace de ce changement. Variétés d'âge. Les modifications dues à l’âge dans les rostres des Bélemnites sont on ne peut plus étendues, et offrent les faits les plus curieux. Pour les reconnaître , il suffit de couper longitudinalement et transversalement un grand nombre de rostres ; alors il paraîtra constant que ces modifications ne sont point l’effet du hasard, mais qu'elles ont lieu d’une manière ré- gulière dans presque toutes les espèces. J'ai déjà trouvé, pour les Ammonites (1), que l'âge apportait quatre périodes distinctes de formes. Sur les rostres de Bélemnites, ces périodes ne sont pas aussi régulières , pourtant on en retrouve quelques-unes. La période embryonnaire est très marquée chez les Bélem- nites , et se distingue parfaitement sur l’alvéole et sur le rostre. Elle est représentée, dans l’alvéole, par cette première loge aé- rienne ronde, ovale ou cupuliforme, toujours de forme diffé- rente des autres qui commence l'empilement alvéolaire des chambres aériennes. Cette première loge se retrouve, sans ex- ception , chez toutes les espèces de Bélemnites ; elle était tou- 1) Paléontologie française , terrains crétacés , \ome 1 » page 377- 262 A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. jours accompagnée d’un rostre plus ou moins long , mais inva- riablement rond, sur la tranche. Ainsi la Bélemnite a com- mencé par avoir un rostre et un alvéole, et n’était point, dans le jeune âge, un corps sans cavité antérieure, comme l’a pensé M. de Blainville (1). On peut dire que les rostres des Bélemnites commencent tous, sans exception, par être ronds, lors même que plus tard ils doivent être comprimés ou anguleux, et pré- senter les formes les plus disparates (B. polygonalis, dila- tatus (2), Emerici, hastatus , bipartitus , ete., etc.). En résu- mé, l'âge embryonnaire, chez les Bélemnites, affecte la plus grande uniformité dans les caractères de toutes les espèces, et prouve encore que cette simplicité et cette uniformité dans cet âge , loin d'être une exception , dépendent de lois générales en zoologie. Après l’âge embryonnaire commence la première période d’accroissement chez les Bélemnites. Alors le rostre est géné- ralement plus grêle, plus allongé, plus aigu à son extrémité. Il conserve cette forme plus ou moins long-temps, suivant les espèces ; il reste aussi arrondi pendant une durée d’accroisse- ment très variable; puis, se revêtant des caractères essentiels de l'espèce, il devient comprimé, déprimé, se couvre ou non de sillons ; et ceux-ci, ainsi que tous les autres caractères exté- rieurs, se marquent davantage: le rostre est en pleine croissance. Lorsque l’accroissement n'amène pas de changemens excep- tionnels dans les formes, comme il arrive pour le plus grand nombre de Bélemnites, les rostres, dans beaucoup de cas, perdent un peu de leur longueur ; ils s'épaississent , deviennent plus courts à proportion, et demeurent ainsi jusqu'à ce qu'ils aient atteint le maximum de leur taille : seulement il arrive que les plis de leur extrémité postérieure deviennent moins visibles dans la vieillesse la plus avancée, et que l'extrémité du rostre prend la forme obtuse (3. Bruguierianus , compressus, etc.) Lorsque l’accroissement détermine des changemens excep- tionnels, comme ceux qu’on remarque chez les Z. acuarius, (x) Monographie des Bélemnites , planche 1, fig. 4. (2) A cet égard, presque toutes les coupes données par M. Duval (lue. cit. ) sont inexactes. A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 263 giganteus, minimus et Blainvillii, on voit dans une dernicre période de l'existence, chez les deux sexes, ou dans les osselets de femelles seulement, naître sur l'extrémité du rostre ces pro- longemens si singuliers qui manquaient durant une période assez longue de la vie de ces individus, et dont j'ai déjà parlé en traitant des variétés de sexes. (1) En résumé, chez les Bélemnites, l’âge apporte les plus grands changemens aux formes, et si l’on ne tenait compte de ces changemens , on courrait le risque de commettre les plus graves erreurs dans la détermination des espèces et de leurs véritables limites naturelies. D après les grandes modifications que peuvent subir les rostres de Bélemnites par suite d’accidens de déformation , des change- mens qu’apportent les sexes et les âges, on voit qu'on ne peui être sûr de rien sans une étude approfondie des espèces, faite sur un nombre immense d'échantillons. L'expérience m'a con vaincu que le genre Bélemnite, l’un des plus intéressans par ses caractères et par son application à la géologie, est aussi, sans contredit, le plus difficile à déterminer positivement quant à ses espèces, qu'on ne peut plus distinguer qu'au moyen d'une tres petite partie de l’ensemble, et encore la moins importante dans l'économie animale. En général, on peut expliquer le chaos qui règne à l’égard des espèces, dans les auteurs qui s’en sont occu- pés, parce qu’on s’est borné aux formes purement extérieures des rostres, sans y appliquer les modifications si étranges que j'ai eu le bonheur de découvrir relativement à l’âge et aux sexes. Ces mêmes modifications viendront justifier, je l'espère , les nombreuses réformes que j'ai cru devoir faire subir à celles qu: ont été décrites ou figurées jusqu’à ce jour. Examen critique du nombre des espèces. La réunion des noms des Bélemnites des terrains jurassiques donnés par les auteurs, en comptant toutes celles qui sont décrites dans tous les pays, m’en ont fait trouver au moins quatre-vingt (1) Voyez page 259 264 A. D'ORBIGNY.. — Sur les Bélemniles. dix-huit. Sur ce nombre, vingt-deux me sont inconnues. Parmi celies-ci, Auit pourraient être des individus complets (les 3. 44 torfensii, trisulcatus , bisulcatus , de Blainville ; tripartitus, Mil- ler ; acutus, oxyconus, pygmeus, rostratus, Zieten); tandis que les quatorze autres (les B. penicillatus , obtusus , fistulosus , en crochet, aiguille, de Blainville ; crassus, perforatus, Voltz, tumi- dus, subpapillalus, Zieten ; carinatus, Hehl ; {eres, Stahl ; tur- gidus, Schübler ; papillatus, Plieninger; quadrisulcatus, Hart- mann) me paraissent être soit des difformités, soit des échan- tillons altérés par la fossilisation. J'ai donc pu examiner comparativement soirante-seize espèces des différens auteurs , auxquelles, en y appliquant une révision sévére des synonymies, des difformités, des altérations dues à la fossilisation, des différences apportées par l’âge et les sexes, je suis arrivé à les réduire à dix-huit, ou moins du quart. J'es- pére que les considérations qui précèdent, et les descriptions de chaque espèce en particulier, viendront justifier cette réforme, qui m'a paru indispensable. Si je joins à ces dix-huit espèces quinze autres nouvelles qui appartiennent au sol de la France, j'aurai encore un total de trente-trois espèces de Bélemnites dans les terrains jurassiques de notre territoire. Division des Bélemnites par groupes. Il paraît, au premier abord, plus que hasardeux d'oser for- mer des groupes parmi des corps qui ne sont que la tres petite partie d’un tout ; pourtant, comme ce mode de procéder peut avoir l'avantage de simplifier les recherches, je crois devoir l’adopter pour les Bélemnites. Premier groupe : les Acuarr. Rostre plus ou moins conique , souvent sillonné ou ridé à l’extrémité inférieure, sans sillons ventral ni latéraux aux parties antérieures. Ce groupe comprend les B. irregularis , acuarius , compressus, Bruguierianus , umbi- licatus , unisulcatus , elongatus , abbreviatus , acutus , breviros- tris, Fournelianus, Nodotianus, du Lias. B. gisanteus de l'Oolite inférieure. 2. excentricus, Puzosianus, des couches oxfordiennes, B. souchü, des couches portlandiennes. A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemniles. 265 Deuxième Groupe :les Caxazicuzari. Rostre allongé, lancéolé ou conique, pourvu inférieurement d’un sillon ventral occupant presque toute la longueur. Point de sillons latéraux. Ce gronpe comprend les Z. canaliculatus, sulcatus, Blainvillii, bessinus et Æ/eurtausus , toutes appartenant à l’Oolite inférieure et à la grande Oolite. Troisième Groupe : les Hasrarr. Rostre allongé, le plus sou- veut lancéolé, pourvu de sillons latéraux sur une partie de leur longueur, et antérieurement d'un sillon ventral très prononcé. B. tricanalicatus du Lias. B. hastatus, Duvalianus , Coquandus, S'auvanosus, Didayanus, enigmaticus des couches oxfordiennes, B. Roycrianus des couches coralliennes. B. bipartilus, subfusi- Jormis , semicanaliculatus du terrain néocomien, les B. minimus du gault. Quatrième Groupe : les Cravarr. Rostre allongé, souvent en massue, pourvu de sillons latéraux; point de sillon ventral en avant. 2. clavatus, exilis et Tessonianus du Lias. Cinquième Groupe : les Dirararr. Rostre comprimé, souvent très élargi, pourvu de sillons latéraux, et en avant d’un profond sillon dorsal. 2. dilatatus, Emerici, polygonalis, latus , du ter- rain néocomien. Jusqu'à présent, toutes les espèces connues rentrent parfai- tement dans ces cinq groupes qui, comme on peut l’entrevoir, sont , pour ainsi dire, divisés naturellement par terrains. Considérations géologiques sur les Bélemnites. L'étude des faunes, renfermées dans les couches du terrain Jurassique, me porte à le diviser provisoirement ainsi qu'il suit : le Lius (1), l'Oolite (2) ( contenant l'Oolite inférieure, la grande Oolite et le Forest marble), les couches oxfordiennes (3), les {1) Je regarde comme Lias toutes les couches inférieures à l'horizon de l'Ammonites bifrons { Walcotii) et la couche même qui renferme cette espèce, qu'elles soient à l'état ferrugineux , Warneux où calcaire. (2) Mon type de l'Oolite inférieure est à Dundri , en Angleterre : à Bayeux et aux Mouliers (Calvados), ete, (5) Mon type français se trouve aux Fachcs-Noires (Calvados)et sur beaucoup d'autres points. 266 A. D'ORBIGNY. — Our les Bélemnites. couches coralliennes (1), les couches £imméridiennes (2), les couches portlandiennes (3). Les Bélemnites, divisées suivant ces séries de couches, me donnent les résultats suivans : Couches du Lias. . . . . . . . . . . . . . 16 espèces. Conches de lOolite MMS. 0.1. 00e. 0006 Couches Oxfordiennes. . . . . . . . . . . . 9 Couches Coralliennes. . . . . . . . . . . 1 Couches Kimméridiennes . . . . . . . . . . oo ConchesPortlandiennes =: - ue de + 4-00 I Sans avoir égard aux formes, je trouve que les Bélemnites du terrain jurassique ont commencé de suite avec les couches du Lias, époque de leur première apparition sur le globe, par être au maximum de leur développement numérique; elles ont réduites à moins de la moitié dans l’Oolite, leur nombre est un peu plus élevé avec les couches oxfordiennes; mais elles ne montrent plus ensuite, dans les autres couches jurassiques supérieures, que des individus isolés. Ces résultats sont d’autant plus curieux, qu'après cette si grande diminution des espèces de Bélemnites, aux parties supérieures des terrains jurassiques, il est remar- quable de les voir renaître sous d’autres formes en assez grand nombre, avec les couches néocomiennes inférieures. Elles di- minuent de nouveau, comme elles l'ont fait au sein des couches jurassiques, dans la formation crétacée, pour disparaître tout- à-fait avec les dernières couches de ce terrain. Espèces du Lias. B. irregularis, Schloth. B. abbreviatus, Miller. acuarius , Schloth. acutus, Miller, compressus , Blainv. brevirostris ,, d'Orb. Bruguerianus , d'Orb. Fournelianus, d'Orb. umbilicatus, Blainv. Nodotianus , d'Orb. unisulcatus , Blainv. T'essontanus , d'Orb. elongatus , Miller. exilis , d'Orb. clavatus , Blainv. tricanaliculatus , Hartmann. (:) Les lieux où cette couche est très développée sont Tonnerre (Yonne), Saint-Mihiel ( Meuse) , Nantua (Ain), etc. (2) Chatelaillon (Gharente-Inférieure) , Boulogne ( Pas-de-Calais), Tonnerre (Yonne), etc. (5) On les trouve à Boulogne (P.-de-Cal.), à Auxerre (Yonne), à Baudrecourt (H.-Marne), ele, A. DORBIGNY — Sur les Bélemnites. 26 Toutes ces espèces du Lias étaient inconnues dans les couches du Muschelkalck; elles sont donc, avec le nouveau dépôt, une partie de la faune qui a commencé à paraître à cette époque remarquable des terrains jurassiques, si riche en Céphalopodes et surtout en Ammonites. Espéces de l'Oolite. B. sulcatus , Miller. B. Fleuriasus , d'Orb. . canaliculatus , Schloth. Blainvillii, Voltz. bessinus, d'Orb. giganteus , Schloth. Les six espèces de l’Oolite sont toutes distinctes de celles du Lias, et peuvent être considérées comme caractéristiques. Espèces des couches Oxfordiennes. B. has!atus , Blainv. B. Didayanus, d'Orb. Coquandianus , d'Orb. enimaticus, d'Orb. Sanvanausus, d'Orb. excentricus, Blainv. Puzosianus , d'Orb. Duvalianus , d'Orb. Baumontianus, d'Orb. Les Bélemnites des couches oxfordiennes sont différentes des espèces propres aux couches de l'Oolite, et aucune jusqu'à pré- sent ne s’est montrée simultanément dans les deux. Elles peuvent encore étre considérées comme caractéristiques. Espèces des couches Coralliennes. B. Hoyerianus , d'Or. Espèces des couches Portlandiennes. B. Suuichei, d'Orb. En résumé les Bélemnites, inconnues dans le Muschelkalck, naissent avec les couches du Lias, et y sont représentées en France par seize espèces. Ces espèces disparaissent peu-à-peu , en remontant du Lias inférieur au Lias supérieur, et cessent entierement d'exister avant les premiers dépôts de l'Oolite, où elles sont remplacées par six Bélemnites distinctes des premières, 268 A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemrniles. qui elles-mêmes ne survivent pas aux dernières couches de cet étage géologique, puisqu'au sein des couches oxfordiennes il nait ref espèces qui ne ressemblent en rien à celles de l'Oolite. De même que pour les faunes précédentes, les Bélemnites des couches oxfordiennes s’éteignent, et le genre Bélemnite n’est plus représenté, dans les couches jurassiques plus supérieures, que par des espèces isolées. Ces résultats, quoique sur une très petite échelle, font déjà entrevoir qu’il n’existe pas plus de pas- sage des espèces d’une couche à l’autre, au sein des terrains jurassiques, que dans le terrain crétacé, et que dés-lors chaque espèce peut être considérée comme caractéristique de son étage, de sa couche. Si maintenant je cherche lés rapports des caractères zoologi- ques des Bélemnites avec leur distribution géologique au sein des couches, je trouverai que: 1° Le groupe des Acuarir ne s’est trouvé jusqu’à présent que dans les couches jurassiques, et principalement dans le Lias, puisque sur seize espèces, douze sont spéciales à cet étage.(1) 2° Le groupe des CanazicuLATI ne sont (au moins dans l'état actuel de la science) que des couches de l’Oolite qu'il peut faire parfaitement reconnaître (2). 3° Le groupe des Hasrare se montre à son maximum de dé- veloppement avec les couches oxfordiennes , tout en continuant de paraître sous d’autres formes spécifiques, jusque dans les terrains crétacées inférieurs (3). 4" L: groupe des CLavari n'appartient qu’au Lias. 5° Le groupe des DiraraTI est spécial aux terrains néoco- miens (4). (x) C'est ce que j'avais dit dès 1840 ( Paléont. terrains crétacés , page 39). (2) Je l'avais encore dit ( loc. cit.) , même page. (3) Mes nouvelles observations me portent à donner ce groupe ainsi circonscrit. (4) J'avais en d'autres termes exprimé la mème pensée en 1840 ( terrains crélacés , page 66). M. Duval, en retournant ma phrase pour exprimer le même fait sous d’autres formes , a dit que je m'étais trompé , et, pour le prouver ( loc. cit. page 80), il cite, d’après les anteurs, le Z. dilatatus à Bayeux, dans l'Oolite inférieure , où tout le monde sait qu'il n'existe pas, à Gandersoffen , dans le Lias, et mème à Esnandes, dans Oxfordelay, où mon père et moi avons seuls cherché , et où cette espèce ne se trouve pas plus qu'aux autres lieux cités. Des argumens semblables conduiraient à mettre des Trilobites jusque dans les terrains A. D'ORBIGNY. — Sur les Bélemnites. 269 En se servant des caractères que j'ai indiqués, en voit que dans presque tous les cas, les groupes des Bélemnites sont spé- ciaux à chaque couche, et que, du reste, les espèces sont tou- tes propres chacune à son étage.r Considérées sous le rapport de leur distribution géographi- que, au sein des divers bassins des anciennes mers jurassiques, les Bélemnites ne m'ont donné jusqu’à présent, vu leur petit nombre, qu’un seul fait intéressant à faire connaître, c'est qu'à l’époque des couches oxfordiennes les mers jurassiques parais- sent avoir eu déjà leurs faunes respectives; an moins les faits suivans porteraient-ils à le croire. À cette époque on trouve dans le bassin parisien les espèces suivantes : B. hastatus. B. ceaumontianus Puzosianus. excentricus. Tandis que sur une bande de couches oxfordiennes qui com- mence en Espagne (sierra de Mala Cara) se continue dans tout le bassin méditerranéen, par Rians (Var), par Claps près Vaave- nargue (Bouches-du-Rhône); à la Clape pres de Chaudon (Bas- ses-Alpes) jusqu'à Saint-Rambert (Ain), on rencontre les Bélemni- tes qui suivent : B. hastatus. B. Didayanus. Coquandianus. enygmaticus. Sauvanausus. Duvalianus. Il en résulterait qu'avec l’espece type le Z. hastatus, commun aux deux bassins, il y aurait encore trois espèces spéciales an bassin parisien, et cizg au bassin méditerranéen, ce qui annon- cerait des mers distinctes à l’époque des couches oxfordiennes. tertiaires , puisque cela a été publié. Du reste, le désir de M, Duval de voir des mélanges qui existent pas, vient s'échouer, pour M. Duval lui-même, devant son tableau de la page 78, qui prouve qu'au sein du terrain aéocomien les espèces ont encore des couches spéciales, ce qui est trés juste, mais est loin d'appuyer la théorie des passages. 270 QUATREFAGES. — Sur l’Eleuthérie. Mémoire sur l'Eleuthérie dichotome ( Eleutheria dichotoma , Nob.), nouveau genre de Rayonnés, voisin des Hydres , Par À. DE QUATREFAGES. PREMIÈRE PARTIE. DESCRIPTION IT HISTOIRE NATURELLE. Parmi les animaux inférieurs compris sous la dénomination générale de Rayonnés, le genre Hydre présente sans contredit un des types les plus remarquables. Dans les êtres qui le com- posent , la simplicité de l’organisation semble approcher de ses limites extrèmes. Il est vrai que les moyens d'observation per- fectionnés que les naturalistes possèdent aujourd’hui ,ont permis à M. Corda de prouver que la substance de leur corps est loin d’être homogène, comme on peut le croire d’abord ; et si, parmi les détails anatomiques que nous devons à cet observateur, il s’en trouve qui nous paraissent nécessiter de nouvelles observa- tions avant de prendre place dans la science , il en est d’autres, par exemple , l'existence des muscles et des poches à stylets exsertiles, dont on ne saurait contester la réalité ; mais M. Corda, pas plus que ses prédécesseurs n’a pu découvrir dans les Hydres la moindre trace de viscères. L’ovaire lui-même a disparu , et ici, comme dans l'Eponge , le corps tout entier semble jouir de la faculté reproductrice. Ce fait établit à lui seul une différence très grande entre les Hydres et ceux des autres Zoophytes dont l'anatomie a été étudiée avec quelque soin. Aussi nous pensons qu'il y a erreur dans les classifications qui réunissent ce genre avec d’autres, pour en former un groupe distinct, et nous croyons bien préférable la manière de voir des auteurs qui, avec MM. de Blainville et Milne Edwards, regardent les Hydres QUATREFAGIS. — Sur l’Eleuthérie. 271 comme composant à eux seuls une famille et même un groupe encore plus élevé. (1) Il y a des-lors un intérêt réel à rencontrer un animal qui, tout en formant un genre distinct, vienne naturellement se placer à côté de ce type et le tirer de cette espèce d'isolement. Ja découvert aux iles Chausey, pendant l'été de 1841, un Rayonné, qui me paraît offrir ces conditions. Il ressemble essen- tiellement aux Hydres par l'aspect général des tissus , par l’ab- sence de tout viscère, par la manière dont les œufs se déve- loppent , par certains points de l’organisation de ses tentacules. Il s'en éloigne par le manque de pieds et par la présence de points oculaires, situés à la base des bras. A ces divers titres, il me semble devoir être placé dans la famille des Hydres, et former un genre nouveau, pour lequel je proposerai le nom d’Eleuthé- rie (Æleutheria) (2). Je désignerai la seule espèce connue jusqu'ici par l’épithète de dichotome ( dichotoma), empruntée à la forme de ses tentacules. (3) L’Eleuthérie dichotome { £Zeutheria dichotoma Nob.) est un un animal microscopique. Son corps n’a guère qu’un demi-milli- mètre en diamètre. Les tentacules qui l'entourent et augmentent sa surface apparente , permettent de l’apercevoir très facilement à l'œil nu, et il se montre alors comme un corpuscule d'un blanc jaunâtre , se mouvant lentement sur le fond du vase qui le renferme. Examinée à un grossissement de quatre-vingts diamètres en- viron (4), l’'Eleuthérie présente deux parties bien distinctes, le corps et les bras. Le premier forme une espèce de gäteau presque (x) Dans les classifications les plus justement estimées d'ailleurs , on trouve les Hydres réunies aux Zoanthes , qui sont de véritables Actinies; aux Oristatelles , qui doivent sans doute passer dans l'embranchemeut des Mollusques ; aux Pédicellaires , qui sont des organes d'Oursins et non des Zoophytes ; enfin aux Corynes. Ce dernier rapprochement est peut-être mieux fondé que les autres ; cependant, malgré les dernières recherches de Lowen, il nous semble diflicile de se prononcer encore à ce sujet avec une certitude suffisante; mais, en tous cas , les rapports ne sauraient être assez grands pour que ces deux genres pussent appartenir à une méme famille, (2) Ereubzpce , libre. (3) Planche 8, fig. 1. (4) Planche 8, fig. x. 272 QUATRIFAGES. — Sur l’Elcuthérre. hémisphérique, dont les bras occupent la grande circonférence. En dedans de ce cercle, à la face supérieure ou antérieure, se trouve un mamelon très prononcé, brusquement tronqué en un platean, que la bouche occupe presque tout entier (1). Celle-ci consiste en une ouverture circulaire largement ouverte, et dont le diamètre est égal au tiers environ de celui du corps lui-même. La face inférieure ou postérieure est convexe, arrondie et légè- rement déprimée dans le point opposé à la bouche. Cette partie est parsemée de petits points rouges, qui tranchent fortement sur la teinte générale d’un jaune blanchätre (2). Extérieurement, à la base des tentacules, se trouve aussi un espace rosé, plus ou moins étendu , selon les individus que l’on examine et au milieu duquel est placé un point oculaire , qu’entoure un pigment d’un carmin foncé (3). Tout autour des yeux et dans l’espace compris entre ceux-ci et la bouche , on distingue à la surface du corps de petits corpuscules arrondis , à peine marqués, et qui se retrouvent jusque sur le pourtour de la bouche. Autour du corps que nous venons de décrire, sont placés d'une man ère parfaitement symétrique six bras ou tentacules transparens (4), dans lesquels on aperçoit de petits points jaunâtres. Leur longueur est environ de + de millimètre ou d’un diamètre et demi du corps; leur largeur à la base de © de mil- limëtre. Ces tentacules ne ressemblent nullement à ceux des Hydres d’eau douce. Un peu au-delà de la moitié de leur lon- gueur, ils se bifurquent et forment deux branches d’un dia- mètre un peu moindre que celui du tronc. Chacune d'elles se termine par une espèce de pelote (5) arrondie, jaunâtre et translucide au centre, incolore et parfaitement transparente sur les bords; son diamètre est d'environ + de millimètre. D'apres cette description sommaire , et ce que nous avons indiqué de l’organisation de ce petit Rayonné, nous pouvons déjà donner les caractères suivans : (x) Planche 8, fig. 1, ce. (2) Planche 8, fig. 2, c. (3) Planche 8, fig. 1, d, et fig 2, 4. (4) Planche 8, fig. 1,4. {5) Planche 8, fig. 1,4, QUATREFAGES. — Sur l'Eleuthérie. 273 Genre ELeurTHÉRIE. — Des points oculaires à la base des bras. — Point de pieds. E. dichotome.— Corps hémisphérique , d’une couleur jaunâätre , parsemé de points d'un rouge carmin à la partie inférieure ou postérieure: six tentacules bifurques , terminés par des pelotes arrondies. — Diamètre un demi-millimètre. J'ai trouvé l'Eleuthérie aux îles Chausey, dans les petites mares que la mer laisse parmi les rochers, en se retirant , et où croissent en abondance un grand nombre de plantes marines. C’est au milieu de leurs touffes, qui, pour elle, représentent autant de forêts de haute futaie, qu’elle fait la chasse aux petits Entomostracés, dont se compose sa nourriture, et dont j'ai trouvé les squelettes dans sa cavité digestive. Placé sur un plan de verre avec de l’eau de mer, notre Radiaire chemine lente- ment, tenant toujours sa bouche en haut, et se servant de ses bras pour se trainer péniblement sur cette surface glissante , mais , s'il rencontre quelques brins de coralline , il les saisit avec ses tentacules bifurqués, s’y suspend et passe ainsi de l’un à l’autre avec une certaine agilité bien différente de l'extrême lenteur que les Hydres mettent toujours dans leurs mou- vemens. Lorsqu'on vient à toucher une Eleuthérie avec la pointe d'une aiguille, elle se contracte avec assez de rapidité, et ses formes, ainsi que ses proportions, changent alors d’une manière remarquable. Le diamètre du corps diminue de près d'un tiers; les deux branches des tentacules rentrent, comme dans un fourreau, dans le tronc d’où elles émanent; mais les deux pelotes restent en-dehors, et, en se pressant l’une contre l'autre , semblent n’en plus former qu’une seule. Le diamètre des bras deviert presque triple de ce qu’il était auparavant , et l'Eleuthérie ressemble alors à une étoile, dont les six rayons seraient plus larges au sommet qu’à la base (1). On voit coin bien il serait facile , lorsqu'elle est dans cet état , de la prendre (1) Planche 8, fig. 2. X VILL Zoo — Novembre 1# 274 QUATREFAGrSs. — Sur l’Eleuthérie. pour un animal tout autre que: celui dont nous avons donné plus haut la description. DEUXIÈME PARTIE. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. Cherchons maintenant à pénétrer plus avant dans la connais- sance de l’organisation de notre petit Rayonné, et, pour mettre quelque suite dans ces recherches, examinons successivement, 1° les tégumens , 2° le corps, 3° les tentacules. $ L Tégumens. Toutes les parties du corps de l'Éleuthérie sont recouvertes d’une couche très mince d’une substance parfaitement homo- gène et transparente, qui se continue jusque sur les tentacules et les pelotes terminales (1). On pourrait éprouver quelque embarras à déterminer sa nature en la considérant isolément dans l'animal qui nous occupe. Mais nous avons fait voir dans d'autres Mémoires une couche toute semblable existant dans la Synapte de Duvernoy et les Edwvardsies. Ici sa nature était évi- dente : c'était une couche tégumentaire bien distincte des autres tissus dont elle se séparait par une véritable mue, ou que la grandeur des animaux permettait d'isoler mécaniquement. Nous croyons, en conséquence, pouvoir considérer cette couche ex- térieure de l’Éleuthérie comme un véritable tégument distinct des parties sons-jacentes, au moins physiologiquement, et non pas seulement comme une portion intégrante de ces mêmes parties , différenciée uniquement par une plus grande homo- généité. Peut-être même , et l’analogie nous permettrait ce rap- prochement, pourrions-nous la désigner sous le nom d'épi- derme , car ou voit immédiatement au-dessous (2) une substance également transparente, mais qui présente cet aspect globuli- neux que dans nos précédens Mémoires nous avons montré (x) Planche 8, fig. 3, b,6. (2) Planche 8, fig. 3, c,c. QUATREFAGES. — Sur l’Eleuthérie. 275 comme caractérisant le derme. La distinction de ces deux couches est surtout bien marquée dans les bras. La plus pro- fonde, celle qui représenterait le derme d'après cette manière de voir, prend dans la pelote une épaisseur très considérable , ou mieux se confond entièrement avec une gangue tout-à-fait semblable, et qui chez ces animaux inférieurs représente le tissu cellulaire. Quoi qu'il en soit, cette seconde couche transparente et granuleuse se rencontre également partout, et c’est à elle surtout que nous semble dû l'aspect général que prennent les tissus lorsqu'on les observe par transparence. (1) C'est dans l'épaisseur de cette couche que se trouvent fixés les grains de pigment et d’autres organes que nous décrirons tout-à-l'heure. Cette circonstance semblerait confirmer nos con- jectures sur sa nature tégumentaire. On se rappelle peut-être que c'est dans l'épaisseur du derme que nous avons trouvé, chez la Synapte et chez les Edwardsies , le pigment et les armes qui hérissent leur corps, et nous rencontrons ici un fait anatomique entièrement semblable. Disons d’abord un mot du pigment. Il se présente à nous, dans l'Éleuthérie, avec tous les caractères que nous lui avons reconnus dans les autres Rayonnés dont nous avons fait l’his- toire. Chaque grain se compose d’une enveloppe incolore, trans- parente, dans l'intérieur de laquelle on trouve une substance de couleur variable, tenant en suspension des corpuscules noirs et opaques dont le diamètre est à peine de = à -5; de millim. (2). Ce pigment est pour beaucoup dans la coloration générale de l'Éleuthérie. A la face postérieure du corps, on en voit un cer- tain nombre d’un beau rouge carmin, ayant jusqu’à + de mil- limètre (3) : ils sont irréguliers et comme framboisés. Ceux qui se trouvent sur le reste du corps sont jaunâtres et plus petits ; autour des yeux, ils reprennent une couleur rouge ou orangée, mais sans augmenter de volume : ils n'ont guère plus de = de + millimètre. (1) Planche 8, fig, 2. (2) Planche 8, fig. 3, /,f; fig, 4 e 5, d, d. | (2) Planche 8, fig. 2, €. | | 276 QUATREFAGES. — Sur l Eleuthéric. Ces grains de pigment, placés dans une dissolution alcoolique de potasse, résistaient bien plus long-temps que la plupart des autres tissus, mais finissaient pourtant par se dissoudre. I’ac- tion de ce réactif semblait indiquer entre eux quelque diffé- rence; du moins les rouges étaient attaqués plus lentement que les autres. Au reste, ils présentent tous, dans ce cas, la même série de phénomènes. Peu après les avoir plongés dans la solu- tion alcaline, on voit leur couleur s’aviver; en même temps les grains se gonflaient, le liquide extérieur pénétrant dans l'inté- rieur par endosmose. Les irrégularités de leur surface s’effa- çaient, et ils devenaient entiérement sphériques. Les corpuscules noirs dont nous avons parlé se mettent alors en mouvement, soit que les courans affluens les agitent mécaniquement en di- vers sens, soit que la dilution de la substance qui les entoure leur permette d'obéir au mouvement brownien. Bientôt les vé- : sicules pigmentaires, trop fortement distendues, se rompent , et l'enveloppe ne tarde pas à être dissoute, tandis que la matière colorée se mêle au liquide ambiant, et que les corpuscules opaques, parfaitement intacts, flottent isolés, toujours agités de ce mouvement singulier que manifestent toutes les matières so- lides lorsqu'on les place dans des circonstances favorables après les avoir amenées à un état de division extrême. Nous avons dit qu’à un grossissement médiocre, on distin- guait sur une partie du corps de petits corps transparens arron- dis, d'un diamètre supérieur à celui des grains de pigment en- vironnans. À un grossissement plus considérable , on reconnaît que ce sont autant de petits organes renfermant une arme éga- lement propre à l’attaque et à la défense. Chacun d'eux (1) est composé d’une membrane formant une poche ovoïde d’envi- ron ;; de millimètre de profondeur sur -- de millimètre de large, qui vient s'ouvrir au dehors par une sorte de goulot très court et très étroit. Cette poche est plongée dans la matière transparente, globulineuse, dont nous avons parlé. A sa base, et extérieurement , sont accolés des grains de pigment jaunes (2). (x) Planche 8, fig. 4 et 5. (a) Planche 8, fig, 4 et 5, d,4 QUATREFAGES. — Sur l’Eleuthérie. 257 4 A l'intérieur, on distingue dans le fond une substance transpa- rente, comme glanduleuse (1), qui occape environ le tiers de sa cavité en formant un mamelon arrondi. C’est sur elle qu'est implanté un petit stylet (2) conique, de -; de millimètre de long sur à peine + de millimètre de diamètre à sa base, et dont ia pointe excessivement aigué dépasse le goulot et vient faire saillie au dehors. Deux masses de substance transparente, homogène et contractile (3), s'attachent d’une part aux parois supérieures de la poche, et de l’autre au stylet et au corps qui le supporte. Elles ont la forme de deux portions de sphère dont la convexité serait tournée vers l’intérieur , et de là résultent les deux appa- rences que mous avons représentées, selon l'aspect sous lequel on les considère. Dans l'intérieur de chacune d’elles, on distingue comme une lacune ou cavité ovoide ; entre deux se trouve un espace qui semble être entièrement vide ou rempli par un li- quide d’une densité moindre que les parties environnantes : ce sont évidemment deux muscles dont l’action doit porter au de- hors le petit poignard qui leur sert d’atiache. Quant au corps sur lequel repose ce dernier , il est probable que c’est un or- gane chargé de sécréter quelque liqueur vénéneuse. Lorsqu'on soumet les parties que nous venons de décrire à l’action de la potasse, on voit se dissoudre rapidement la gangue qui entoure les petites poches, et celles-ci demeurent alors com- plétement isolées. Les muscles et le corps glanduleux qu’elles renferment disparaissent également vite, et alors seulement on distingue avec facilité le goulot par lequel elles communiquent avec l'extérieur. En même temps, il arrive souvent qu’elles se plissent par suite de leur vacuité. Bientôt elles sont attaquées et dissoutes à leur tour. Le stylet persiste un peu plus long-temps, mais il disparait également en entier sans laisser de résidu. Ainsi la substance qui le compose est entièrement de nature animale, peut-être cornée, et ne renferme aucune trace de sels calcaires. (x) Planche 8, fig. 4et5, c,c. (2) Plaoche 8, Gg.4et5,a,a. (3) Planche 8, fig. 4e 5,4,6. 279 QUATREFAGES. — Sur l'EÉleutlhérie. $ IL Corps. Nous examinerons successivement, en parlant du corps de l'Eleuthérie, 1° ses paroïs, 2° la cavité digestive, 3° la formation des œufs, 4° les yeux. 1° Parois du corps.—Le grand nombre de grains de pigment, les granulations de la substance dans laquelie ils sont plongés, rendent les parties que nous venons de décrire assez opaques, pour qu'il ne soit pas trés facile de reconnaître la composition des couches sous-jacentes. Mais le compresseur nous offre un moyen pour surmonter cet obstacle. En employant une pression graduelle et ménagée, on diminue l'épaisseur du corps de 'É- leuthérie, et alors, dans les parois de ce corps qu’un premier examen aurait pu faire regarder comme entièrement homogene, on découvre tout un appareil musculaire. Non que nous ayons ici des muscles comparables le moins du monde à ceux des Ver- tébrés, mais nous trouvons des couches contractiles offrant des fibres disposées dans le sens selon lequel s'exerce la contraction, et qui semblent comme fondues avec la gangue transparente «qui les unitles unes aux autres. En un mot, ces muscles ressem - blent à ceux du même genre que j'ai décrits et figurés dans les mémoires sur la Synapte et sur les Edwardsies. Seulement ici les fibres sont à peine marquées, et pour s’assurer de leur exis- tence, il est nécessaire d’avoir recours à l’action des agens chi- miques. La dissolution alcoolique de potasse étendue m'a donné d'assez bons résultats. Elle dissout on désagrège les parties su- perposées, et les fibres qui persistent un peu plus long-temps deviennent alors visibles. L'acide acétique et l'acide nitrique étendus. m'ont également bien réussi. Par l'emploi combiné de ces procédés. on reconnait l'existence de deux principales bandes musculaires à fibres circulaires : l’nne , placée autour de la bouche, lui sert de sphincter; l’autre entoure le corps à la hauteur des bras. Des fibres divergentes croisent perpendi- culairement la direction des premières, en sorte que la bouche de l'Éleuthérie et une partie de son corps présentent un aspect assez semblable à celui de la bouche de la Synapte telle que je QUATREFAGES. — Sur L’Eleuthérie. 279 l'ai représentée ailleurs (1); seulement les fibres sont bien moins marquées dans l’Éleuthérie que dans le dessin que nous citons. Il est impossible de distinguer si les muscles dont nous par: lons forment des plans séparés, ou bien si les fibres sont entre- croisées en quelque sorte dans une gangue commune. Le pen d'épaisseur et de transparence de ces couches explique les dif- ficultés que nous avons rencontrées à cet égard. Toutefois, la premiére de ces hypothèses nous paraît la plus probable. Ici encore nous invoquerons, à l'appui de notre opinion, ce que nous avons vu exister chez d’autres Rayonnés. Enfin, nous n’a- vons pu que soupçonner l'existence d’un épithélium interne, bien que très probablement ici, comme chez la Synapte et les Edwardsies, la cavité digestive doive être tapissée par une mince membrane , continuation des tégumens repliés à l’intérieur. 2° Cavité digestive. — L'appareil digestif de l’'Éleuthérie est extrémement simple. | se compose d’une seule cavité et d’un orifice servant à-la-fois à l'introduction des alimens et à l’expul- sion de leurs résidus. On ne peut ici soupçonner lexistence de l'anus que M. Corda croit avoir découvert dans l’Hydre rousse, car la poche ovigère, que nous décrirons plus loin, occupe à certaines époques toute l'étendue extérieure du corps. (2) Nous avons parlé plus haut des muscles qui entourent la bouche et lui permettent de se dilater ou de se contracter an gré de l'animal. Nous ajouterons que le pourtour de cet orifice est hérissé de poches à stylets, qui peuvent agir en quelque sorte à la manière des dents, non pour broyer, mais pour re- tenir une proie encore vivante qui chercherait à fuir, où pour achever de la tuer avant de l’introduire dans la cavité digestive. Celle-ci est très étendue, et occupe tont le corps. Dans les points correspondans à l'intervalle des tentacules , les parois qui la circonscrivent font intérieurement une saillie anguleuse , mais je n'ai pu distinguer de cloisons. Au contraire, j'ai trouvé souvent cette espèce d'estomac rempli de petits Entomostracés (1) Annales des Sciences naturelles , tom. xv11 , PI. 5, Gg. 4. (2)_Planche 8, fig, 1,e. 280 QUAFREFAGES. — Sur l'Eleuthcrie. dont quelques-uns s'étendaient d’une extrémité à l’ autre, ce qui exclut toute idée 1le cloisons intérieures. La cavité cod se continue immédiatement avec le canal creusé dans l'intérieur des tentacules. Nous reviendrons plus loin sur ce fait. 3° Moyens de propagation. — ŒEufs. — C'est en parlant du corps proprement dit que nous devons nous occuper des moyens que Ja nature à accordés à l’'Eleuthérie pour se reproduire. Ce Rayonné est ovipare, où du moins je ne l'ai jamais vu présenter de bourgeons. C'est entre les tégumens et la partie inférieure du corps que les œufs se développent, au milieu de la gangue transparente , dont nous avons parié si souvent (1). Je les ai rencontrés une fois à l'état presque rudimentaire et composés alors d'une petite agglomération irrégulière de granules. Plus tard ils prennent une forme sphérique, et s’entourent d'une membrane transparente très distincte. Entre celle-ci et le vitellus, on aperçoit une couche transparente fort mince, mais néanmoins bien appréciable. Le vitellus est blanc jaunätre , trés opaque. Je n’ai pu y reconnaître ni vésicule de Purkinje ni tache de Wagner. À mesure que les œufs de l’Eleuthérie aug- mentent de volume , ils repoussent en dehors les tégumens, qui prennent une épaisseur beaucoup plus considérable , et finissent par former une poche dont le volume égale celui de l'animal lui-même (2). Cette espèce de besace, dans laquelle l'animal porte ses œufs (3), est remplie d’une matière globulineuse trans- parente , semblable à ce que nous avons regardé comme repré- sentant le tissu cellulaire chez ces êtres inférieurs. Parvenus à ce degré de développement, le plus avancé que j'aie pu observer, les œufs ont pres de de millimètre en diamètre. 4" Yeux. — Autour du corps, à la base de chaque tentacule, se trouvent les points oculaires. Autour d’eux, les grains de pigment et les tissus eux-mêmes semblent prendre une teinte de plus en plus rosée (4). On y distingue très clairement une espèce de lentille hémisphérique, parfaitement transpa- (x) Planche 8 , fig. 1. (2) Planche $, fig. 1. (3) Planche 8, fig. x, J. (4) Planche 8, Gg. 6. QUATREFAGIS. — Our l’Elculhérie. 281 rente (1), dont la base est enveloppée d’une couche de pig- ment à granulations trés fines et d’un beau rouge carmin. En passant par dessus cette espèce de cristallin, les tégumens ac- quièrent une épaisseur considérable et forment une saillie bien marquée à la surface du corps (2); mais la courbure de ces deux parties de l'appareil réfringent n’est pas la même : l'extérieure doit nécessairement agir comme lentille divergente ; l'intérieure comme lentille convergente; et, comme elles sont enchâssées imméiliatement l’une dans l’autre, il s'ensuit qu'elles sont dispo- sées absolument comme les deux élémens d'une lentille achro- matique. La petitesse des objets et le peu de transparence des parties m'a empêché de reconnaitre d’autres détails ; mais ce que nous en avons distingué suffit, ce nous semble, pour qu'il soit impossible de se refuser à voir dans l'organe que nous décrivons uu appareil de vision , un véritable œil. S LIT. Bras ou tentacules. Nous avons vu que les tentacules étaient au nombre de six, et que chacun d’eux se bifurquait vers la moitié de sa longueur pour se terminer par une espèce de pelote. Sauf ce point, tout le reste de ces organes est de la plus grande transparence. En employant un grossissement de trois cents diamètres, on y dis- tingue extérieurement la couche tégumentaire générale (3), qui a à peine - de millimètre d'épaisseur. Au-dessous se trouve 300 une gaine complète (4) de cette matière globulineuse que nous rencontrons à chaque pas dans l'examen des animaux inférieurs. Sous celle-ci, sont disposés quatre plans musculaires (5) ; deux sur les côtés; un à la face interne; un quatrième à la face externe. Les premiers sont plus larges et plus forts: on n'y distingue aucune trace de fibres longitudinales, et ils paraissent se Continuer avec le grand muscle qui entoure le corps à la (1) Planche 8 , fig. 6, 4. (2) Planche 8, fig. 6, a. {3) Planche 8, fig, 3, 4. (4) Planche 8, fig. 3, c. (5) Planche 8, fig, 3,4 ,4d, 282 QUATRELAGES. — Sur l’Eleuthérie. base des bras. Les deux autres sont bien plus étroits. Leur substance, d’uue diaphanéité complète, est entièrement homo- gene dans les branches des tentacules et obscurément granu- leuse sur le tronc. Ces quatre bandes longitudinales commu- niquent entre elles par de petites bandelettes transverses, en sorte que cet appareil musculaire forme tout autour de la cavité tentaculaire un treillis assez régulier, qui va se terminer à la base de la pelote. Dans l’intérieur du tentacule , on trouve un appareil fort sin- gulier, dont il n’est pas facile de donner une idée exacte (1): c’est une espèce de charpente, composée d’un axe irrégulièrement coudé en zigzag, dont chaque angie porte une branche, qui va se fixer à l’une des bandes musculaires longitudinales des parois. Ces branches et l’axe lui-même sont éminemment con - tractiles. La substance qui les compose est transparente, homo- gène dans le plus gran: nombre des cas et légèrement granu- leuse dans la partie qui occupe la ligne médiane du tronc des tentacules. Leur aspect général rappelle entièrement celui des muscles des Systolides, des Naïs et des Annelides errantes microscopiques. Aussi n’hésitons-nous pas à les regarder comme étant de nature musculaire et comme destinées à mouvoir les bras dans toutes les directions. Cette charpente sert en outre de support à des grains de pigment jaunes (2), qui, très petits dans le voisinage de la : pelote et n’ayant alors guère plus de + de millimètre, aug- mentent de volume vers la base du bras, et atteignent un dia- mètre de près de = de millimètre. Ces granules adhèrent aux branches que nous avons décrites par un point de leur surface: ils sont sessiles, pour me servir d'une expression employée en botanique. Ce pigment ne diffère d’ailleurs en rien, pour sa structure , de celui que nous avons décrit plus haut. Il me parait très difficile de déterminer le rôle physiologique qui lui est assigné. Ces petites vésicules seraient-elles des organes de sécrétion ou d'absorption ? (x) Planche 8, fig. 3, e ,e. {a) Planche 8, fig. 3, f,/. QUATREFAGES. — Sur L Eleuthérie. 263 L'appareil que nous venons de décrire est contenu dans un canal qui occupe lintérieur du tentacule, et que remplit un liquide incolore. Ce canal communique librement avec la cavité digestive. Le liquide dont nous parlons ne peut arriver dans le teutacule qu’en passant par cette dernière. Néanmoins les par- ties grossières des alimens ne péneétrent jamais dans cette cavité réservée ; et à peine y rencontre-t-on quelques corpuscules assez petits pour obéir au mouvement Brownier. Nous avons signalé un fait du même geure chez les Edwardsies, et l’on sait qu'il en est de même chez certaines Méduses et d’autres Rayonnés. A l'extrémité de chaque branche des tentacules, la couche globulineuse dont nous avons parlé s'épaissit et forme une espèce de tête arrondie, au milieu de laquelle sont placées un grand nombre de poches à stylets un peu plus grandes que celles du corps, mais dont la structure est toute pareille. Ces organes sont disposés de manière à diverger du centre vers la circonfé- rence; et il en résulte une véritable pelote toute hérissée de pelits poignards exsertiles et rétractiles. Un pigment à grains très fins est disséminé avec abondance sur leur surface et dans les intervalles qui les séparent. Cette circonstance nous explique pourquoi cette partie du tentacule est bien moins transparente que le reste, TROISIÈME PARTIE. AFFINITÉS ZOOLOGIQUES. — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. SI Affinités zoologiques. La première fois que je rencontrai le petit Zoophyte, dont je viens de faire l'histoire, je le regardai comme une larve ou comme une jeune Méduse; mais peu après, en ayant trouvé qui portaient des œufs bien développés , je dus renoncer à cette idée et le regarder comme un animal à l’état parfait. Je crus d’abord devoir rapprocher l’Eleuthérie des Jucernaires. La maniere dont les bras étaient disposés tout autour du corps; leur bifurcation, semblable à celle que Fabricius à décrite dans la 254 QUATREFAGES. — Sur l’Eleuthérie. Lucernaire quadricorne; enfin l'espèce de pelote qui les termine et qui rappelle entièrement la figure de Fabricius , et surtout celleque M. de Blainville a donnée de la Lucernaire octocorne , semblaient confirmer ce premier aperçu; mais l’absence de tout viscère, et surtout la disparition des ovaires et la maniere dont les œufs se développent à l'extérieur sur la partie postérieure dn corps, me forcèrent bien vite à modifier cette opinion et à placer ce genre nouveau dans la famille des Hydres. Les détails dans lesquels je suis entré engageront, je l'espère, les natura- listes qui liront ce travail à adopter cette manière de voir. Mais, en même temps que l'Eleuthérie vient ainsi augmenter le nombre des Polypes nus , elle n’en conserve pas moins des rapports évidens avec d’autres divisions des Zoophytes. Ainsi l'existence des yeux et la place qu’ils occupent près du limbe du corps la rapprochent de certains Médusaires. D’un autre côté, la structure des bras la lie aux Sertulaires; car Lowen a figuré dans les tentacules des Syncorines une espèce de charpente intérieure fort analogne à ce que nous avons décrit plus haut. Ces dernières ont aussi une espèce de pelote terminale à l’extrémité de leurs bras. Le genre que nous faisons connaître ici serait donc inté- ressant en ce qu'il pourrait servir de liaison entre ces deux familles, que quelques naturalistes, comme M. Edwards, réu- nissent dans un même ordre, tandis que d’autres, M. de Blain- ville, par exemple, en forment deux sous-classes distinctes. $ II. Considérations générales. Nous signalerons comme un fait bien remarquable l'existence des yeux chez notre Eleuthérie. D'ordinaire, à mesure que l'organisation se dégrade, les organes des sens sont les premiers à disparaître ; ceux de la digestion viennent ensuite, et ce n’est en général qu'au plus bas de l'échelle que nous voyons la pro- pagation de l'espèce ne plus être confiée à un appareil spécial. Eh bien ici les organes de la génération ont disparu , ceux de la digestion sont réduits à leur expression la plus simple , et nous voyons à côté de ces caractères d’infériorité se montrer un organe de vision mieux caractérisé peut-étre que chez certains QUATREFAGES. — Sur l’Eleuthérie. 285 Articulés, où l’on n’a jamais contesté sa nature. C’est là un de ces mille faits, qui nous prouvent combien il faut en zoologie se tenir en garde contre des conclusions générales prématurées, une nouvelle preuve de cette infinie variété que l’observateur rencontre à chaque pas dans les œuvres de la nature. A mesure que l'on étudie davantage les animaux dits nfe- rieurs ; on arrive à se faire une idée de plus en plus nette du sens qu'il faut attacher à cette expression. Déjà les beaux tra- vaux de MM. Milne Edwards et Ehrenberg sur les Acalèphes ont démontré que l'organisation de cette grande classe était loin d’être aussi simple qu'on le croyait à l'époque où Réaumur les désignait sous le nom de gelée animale.Il est probable que ce fait se généralisera ‘à mesure qu’on connaîtra mieux ces organismes de Rayonnés, si difficiles à observer, et qu'on ne peut étudier avec quelque fruit que sur les lieux mêmes qu'ils habitent. Les Hydres auraient pu étre considérées comme offrant une taille encore assez considérable, jointe à une simplicité presque complète d'organisation ; mais déjà M. Corda a démontré que leur corps est bien loir: de se composer d’un simple parenchyme homogène au milieu duquel serait creusée la cavité digestive. Le mémoire actuel peut en quelque sorte être considéré comme la confirmation de la plupart deses résultats. Ici j'avais affaire à un animal réellement microscopique, et pourtant l’on a pu voir qu'il présente encore un assez haut degré de complication. Ce corps, dont les parois ont à peine - ou de millimètre en épaisseur, nous a montré trois couches de tissus parfaitement caractérisés, el l’analogie nous permettrait peut-être d’en admettre cinq. Dans ces bras, dont le diametre est de -“ de millimetre, nous avons signalé des couches tégumentaires, parenchymateuses, muscu- laires, réunies pour former un tube, dont les parois ont à peine -— de millimètre d'épaisseur. Sur tous les points de ce petit être , nous avons vu se montrer des organes nombreux, quelquefois composés eux-mêmes de parties bien distinctes, et, parmi eux , nous en avons rencontré qu'il nous semble impossible de ne pas regarder comme des organes sensitifs. Mais hätons-nous de le dire : cette complication organique, quoique bien supérieure à ce qu'on la croyait du temps de Réau- 2:86 QUATREFAGES. — Sur l’Eleuthérie. mur, n'empêche nullement les animaux dont il s’agit de mériter l'épithète d’inférieurs. Ils sont , en réalité, très simples lorsqu'on les compare à ceux qui occupent le sommet de l'échelle. Les Zoophytes eux-mêmes présentent entre eux à cet égard des différences extrêmes , et qu’on a peut-être trop négligées jusqu'à nos jours. Des Holothuries aux Synaptes, des Synaptes aux Edwardsies , de ces dernières à l’Eleuthérie , la machine animale va se simplifiant toujours davantage , se démontant , pour ainsi dire , pièces par pièces, et tres probablement nous trouverons encore bien des intermédiaires, avant d'arriver à des êtres qui nous offrent la fusion complète de tous les organes, de toutes les fonctions. , Les élémens organiques eux-mêmes manifestent la même tendance. Dans la Synapte, la substance musculaire, par exemple, se montre, pour ainsi dire , dans tous ses degrés de manifesta- tion. D'abord fibre volumineuse et bien distincte, elle passe par des nuances presque insensibles à l’état de substance parfaite- ment homogène. Dans les Edwardsies, nous avons signalé des faits analogues; mais déjà les fibres les mieux caractérisées gnt diminué de volume et sont plus difficiles à isoler. Dans notre Eleuthérie, nous ne rencontrons plus de ces fibres isolables. À peine l’action des agens chimiques nous fait-elle découvrir, dans les plans musculaires les plus considérables, des traces de fibres en stries , et, dans la singulière charpente que renferment les tentacules, nous trouvons chaque muscle réduit à une fibre unique, ou mieux à un petit cordon de la substance contractile d'un aspect quelquefois assez irrégulier. Un fait assez remarquable et qui rentre entièrement dans ce que nous venons de dire, c'est que les œufs eux-mêmes semblent suivre cette dégradation de l'animal parfait. Dans ceux de la Synapte, nous avons trouvé les trois parties qui caractérisent l'œuf complet, le vitellus, la vésicule de Purkinje et la tache de Wagner. Dans ceux des Edwardsies, cette derniere est plus que douteuse ; enfin , dans l’'Eleuthérie , nous ne rencontrons plus qu'une seule masse granuleuse et opaque, présentant sous tous les rapports l'aspect d’un vitellus. Déjà M. Laurent avait fait des observations analogues sur l'œuf de FHydre d'eau douce, QUATREFAGES. — Sur l’Eleuthérie. 287 et avait considéré la partie restante comme représentant la vésicule de Purkinje; mais, avant d'adopter ici une détermina- tion quelconque, il nous semble nécessaire d’avoir bien plus de termes de comparaison que nous n’en possédons encore. L'importance du rôle dévolu aux tentacules dans l'Eleuthérie nous semble mériter qu'on s'y arrête un instant. Nous avons vu qu'ils servaient à l’animal à se fixer, à se mouvoir, à saisir la proie qui doit le nourrir, à la porter jusqu’à sa bouche. Leurs douze pelotes terminales, hérissées de stylets mobiles, sont autant d'instrumens d'attaque et de défense. Mais là ne se bornent pas les fonctions que ces organes sout appelés à remplir. Pendant la contraction, la cavité digestive diminue considérable- ment détendue, et une partie du liquide qu’elle renferme reflue dans les tentacules. Lorsqu’ensuite l’animal se dilate, il doit emprunter au-dehors une assez grande quantité d’eau, qui, pénétrant dans l'estomac, s’y mélange aux produits de la diges- tion, dissout les sucs alibiles et pénètre ensuite dans le canal tentaculaire , lorsque l’Eleuthérie achève de déployer ses bras. Les choses se passent donc ici à-peu-près comme dans les Edwardsies. Les tissus sont baignés intérieurement en tout sens par un liquide chargé de principes alimentaires, et si ce mélange d’eau et de chyme 4 besoin, pour que son élaboration soit com- plete, de subir l’action du milieu ambiant, cette influence doit s'exercer sans peine à travers les parois si minces et si délicates des tentacules. Enfin les mouvemnens de l’animal, la contraction et l’extension alternatives des brasyagitent sans cesse cette espèce de fluide nourricier, le renouvellent à chaque instant et exposent successivement chacune de ses parties à l’action revi- vifiante de l’air dissous dans l'eau de mer. Ainsi les tentacules servent d'organes de fixation, de locomotion , de préhension, et sont, en outre, le siège de la respiration et d’une espèce de circulation. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 8. Fig. x. ÆEleuthérie dichôtome portant ses œufs et épanouic, vue à un grossissement de 80 diamètres, — a, a, Pelotes qui terminent les tentacules. — , . Ces tentacules, au 283 QUATRIFAGES. — Sur l'Eleulhérie. nombre de six ct bifurqués. — c. La bouche, — 4, d. Les yeux. — €, e. Poche oviyère , fornée par la distension des tégumens. — /, f. Les œufs. Fig. 2. La même, sans œufs et contractée, vue en dessous au même grossissement. — a,a, Tentacules contractés. — 6, 8. Les yeux. — c. Grains de pigment d'un rouge caruin , placés à la partie inférieure du corps, Fig. 3. Tentacule à demi contracté , vu à un grossissement de 250 diamètres, — a, a. Pelotes terminales, — 2, b. Couche tégumentaire (épiderme?).— ce, c. Couche globulineuse (derme?), — d,d. Plans musculaires longitudinaux.—e, e. Charpente musculaire intérienre, — J,f. Grains de pigment. Fig. 4 et 5. Poches à stylets de la pelote terminale, vues à un grossissement de 900 dia- mètres. — a, a. Siylet mobile, — 6,6. Muscles exserteurs. — c,c. Corps d'apparence glandn- leuse , sur lequel repose le stylet, —W, d. Grains de pigment. Fig. 6. OEil vu à un grossissement de 400 diamètres. — a. Portion de tégumens épaissie. — b, Cristallin, — c. Pigment très fin et très serré d’un rouge carmin entourant la base du cristallin, — d, d. Tégumens environnans , parsemés de grains de pigment de diverses teintes plus ou moins rouges. Nore sur les mélamorphoses d’une Annelide marine , Par M.S. Lôven. (1) Parmi les animaux articulés , la classe des Annelides, malgré les belles recherches de MM. Audouin et Milne Edwards, est sans doute la moins connue. C'est particulièrement le dévelop- pement de ces êtres , sur lequel jusqu'ici on ne sait presque rien, et l'observation que je vais communiquer servira peut-être à porter quelques lumières sur ce point. Dans une excursion sur la côte occidentale de la Suède au mois d'août 1840 , je remarquais, parmi les Entomostracés, les Cyclops , les Evadnés, qui nagent à la surface de la mer, un nombre prodigieux d'animaux tres petits d’un aspect si étran- ger, que d’abord je ne savais qu’en penser. La figure 1 (PI. 9) en représente un, comme ils se montraient au moment de leur capture. La grandeur naturelle était d’un demi-millimètre , et l’organisation en parut très simple. Un disque ou anneau ova- laire (a) se présentait an premier coup-d’œil ; son bord était (1) Zoologiska Bidrag of S. Loven , ete., traduit du suédois par l’auteur, LOWEN. — Métamorphoses d’un Annelide. 289 pourvu de cils vibrans , et à sa face inférieure on remarquait encore une rangée de cils plus petits. A l’aide des mouvemens vi- bratiles de ces cils, le petit animal nageait rapidement , en se ba- lançant d’un côté à l’autre. Sur le côté du disque, qui le plus sou- vent était tourné en haut, le corps était élevé, globuleux et oblique (&); du côté inférieur, il était aussi renflé ( fig. 1, 2, 3, c), mais beaucoup moins et dirigé obliquement en avant , de manière que l'axe de l'animal était incliné en arrière. Sur le côté supérieur, setrouvait la bouche (e), située près du disque et pourvue d’une lèvre ciliée. Au sommet se montrait l’anus (4),sous la forme d’un petit trou , entouré d’un muscle annulaire. Le tout était très transparent, et, dans l’intérieur, on voyait fort bien le canal alimentaire, qui devint encore plus distinct ; après que l'animal eut avalé de l'indigo. Alors il se montrait divisé en deux par- ties, l'estomac (f) , en forme d’un sac, se portant en arriere et en bas, et l'intestin (g), qui se dirigeait en haut, pour se ter- miner à l'anus. Presque au milieu du côté inférieur, était une tache ovale , opaque, transversale, et à peine élevée (d\, sur laquelle on remarquait deux points noirs. D'une telle organisa- tion il était facile de conclure que Fanimal n’était pas encore complétement développé ; mais il était très difficile de dire ce qu'il en deviendrait. Les changemens qui se montraient bientôt ne laissaient pas de doute sur ce point. La partie supérieure renflée (2) se portait de plus en plus en haut, et se divisait en anneaux (fig. 2, 2). Le premier de ceux-ci se formait près de l'anus (A), et leur nombre s'augmentait rapidement, le dernier formé étant toujours près du disque. Chaque anneau se composait de quatre parties, l’antérieure et la postérieure , revêtues en dedans de couches musculaires, et deux latérales qui les réunissaient. Pendant que ces changemens se faisaient au-dessus du disque, un autre aussi étonnant avait lieu du côté inférieur. La tache (4) devint plus opaqueet plus distincte, et entre les points noirs et en avant d'eux ,se montraient deux appendices pointus, lesquels n'étaient autre chose que les antennes situées près des veux. C'était donc un Annelide qui se développait. La forme, ainsi décrite et dessinée (fig. 2 ), ne tarda pas à devenir celle que XVI, Zooz, — Novembre, 19 2090 LOWEN. — Mélumorphoses d’un Annelide. représente la figure 5; car le nombre des anneaux augmentait très rapidement, et la partie bombée(b)se changea bientôt en un corps annelé vermiforme. Le disque restait encore avec ses cils vibrans, et les petits animaux , captifs depuis plusieurs jours, mouraient l’un après l’autre. Déjà je n’espérais plus suivre leur développement, lorsque j'en trouvai un seul qui avait mieux ré- sisté, et que j'ai dessiné (fig. 6). Celui-ci ne portait plusle disque ; mais sa tête était libre, étendue en avant, et les seuls restes du disque étaient deux appendices latéraux, dont la forme ne se déterminait pas, parce que l'individu mourut peu après. Je ne peux donc décider si ces appendices doivent tomber ou rester; mais je crois que l’on doit présumer qu’ils ne persistent pas. Le petit Annelide décrit par M. Johnston dans les 4nnals of Natural History, ML, p. 203, tab. vr, fig. 2, et que j'ai observée moi- même il y a quelques années, est bien probablement, comme il le croit, une jeune Néréide. Elle porte de chaque côté de la tête un appendice en forme d’aïe, pourvue de cils vibrans. Serait-il possible qu’une paire d'antennes s’en formât? Je regrette beaucoup de n'avoir rien à dire sur ce point intéressant, ni sur la formation des pieds. Quant au genre auquel appartientcette Annelide, il ressemble le plus aux Phyllodocées par le nombre des yeux et la forme de la tête; cependant, comme les premiers pourraient bien s’aug- menter avec l’âge, on ne peut rien décider à cet égard; mais ce qui paraît sûr, c'est qu’elle appartient à la famille des Néréidiens. L'observation décrite ci-dessus, tout incomplète qu’elle est, ne nous apprend pas moins qu'il existe dans la classe des Anne- lides une métamorphose bien singulière. Nous y avons encore une preuve directe de la loi, que l'augmentation du nombre des anneaux du corps se fait vers la tête , de manière que le dernier anneau du corps est le premier formé, et que chacun d’eux est composé d’un tergum, d’un sternum et de pièces latérales. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE G. Fig. 1, La jeune Annelide comme elle se montrait d'abord. — Fig. 2. La même plus LOWEN. — Métamorphoses d'un Annelide. 291 développée , ayant sept anneaux. — Fig. 3. La mème du côté inférieur, montrant la tête avec les yeux et les antennes. — Fig. 4. La même en profil , vue du côté postérieur, — Fig. 5. La même avec un plus grand nombre d’anneaux et à corps vermiforme.— Fig. 6. L'individu chez lequel le disque cilié était tombé. — Dans toutes les figures : a. Le disque ; 2. La partie supérieure ou abdominale ; c. La partie inférieure ou céphalique; d. La tête ; e. La bouche ; f. L'estomac ; g. L'intestin ; £. L'auus ; £. Les anneaux du corps. Mémoire sur le Myzostoma cirrhiferum , Par M. S. Lôvex. Dans le journal l'/sis, pour l’année 1830,page612,M.Leuckart a le premier indiqué la découverte d'animaux parasites vivans sur des espèces de Comatules de la Méditerranée et de la mer Rouge. Il a formé pour ces animaux le genre Myzostoma , et il en a signalé trois espèces : W. glabrum , M. costatum , et, d’après une esquisse de M. Thompson, le A7. cirrhiferum (r). C’est cette dernière espèce que j'ai eu l'occasion d'examiner, et dont je vais donner la description. Au premier coup-d’œil , le Myz0s1oma rappelle la forme géné- rale d'un Crustacé parasite plutôt que celle d’un Ver. Le corps ne présente pas d’anneaux : il est plat, discoïde, à bords ornés de cirrhes pointus. Le nombre de ceux-ci m'a paru être toujours de vingt, tandis que M. Thompson en a trouvé dix-huit à vingt. Les cirrhes de chaque côté sont disposés à des distances égaux. En avant et en arriére, ils sont séparés de ceux de l’autre côté par des intervalles plus larges, surtout en arrière. La sur- face supérieure ou dorsale est entièrement unie, seulement, chez les échantillons conservés dans l'esprit de vin , on observe sur la ligne médiane deux élévations légères. Sur la surface inférieure (fig. 7), on voit tous les organes extérieurs de l’ani- mal; une trompe très grande (a), qui peut étre retirée; cinq paires de pattes (e, e), disposées sur une ligne parallele au bord du disque ; quatre ventouses (/, f ) de chaque côté , entre les pieds et le bord; deux ouvertures pour les organes génitaux masculins (g,g), et une pour les femelles (4), et l'anus (4). Les (x) Voyez Frorieps Notisen, 1836, n, 1059 el 1087 1 292 LOWEN. — Sur le Myzostoma cirrhiferum. organes intérieurs , que la transparence de l'animal m'a permis d'observer, sont le canal alimentaire (c) avec les vaisseaux biliaires , l'ovaire (2) , les organes masculins intérieurs (#2) et la partie centrale du système nerveux (#). Voici la description détaillée de ces parties. Le canal alimentaire commence par la trompe (fig. 7, a, et fig. 8), qui sort par l'ouverture (fig. 7, b) d’une longue gaine, dans le fond de laquelle elle peut être entièrement reti- rée. La trompe égale en longueur la moitié du corps : elle est très robuste et d’une forme cylindrique, mais variable. Tout en avant est située la bouche (fig. 8, 9, 10), entourée d'un anneau musculaire très fort, comme d’un sphincter, dont les contractions et les dilatations donnent à la trompe des formes différentes , l’une tronquée, l’autre presque pointue. Le tube, qui de la bouche descend par l'axe de la trompe, est très étroit : il est entouré de trois couches musculaires, l’intérieure (fig. 8,b) à fibres longitudinales, la médiane {c) à fibres annulaires, et l'extérieure (d) composée de fibres longitudinales. Les deux pre- mières m'ont paru effectuer l’acte de la digestion; l’extérieure envoie à l’intérieur du corps et à la gaîne, des faisceaux par lesquels la trompe est avancée ou retirée. Le tégument exté- rieur du corps descend dans la gaine, la double et va revêtir la trompe. Quand la bouche est fermée, sa partie musculaire est aussi retirée , et son bord offre six plis (fig. 9 et 10) dont le supérieur et l’inférieur sont les plus profonds. Le tube inté- rieur de la trompe se termine par uu appareil de déglutition (fig. 8,e),qui peut se fermer complétement. Sa membrane intérieure se continue avec celle du tube alimentaire (fig. 7, c). Celui-ci varie de forme, selon que la trompe est retirée ou avancée. Dans le premier de ces cas, il est allongé, droit, tron- qué à l'ouverture antérieure , dilaté dans le milieu , et rétréci en arrière. Quand la trompe est rentrée (fig. 11, a), la partie antérieure du tube alimentaire est relevée, très large, et son ouverture est très prominente. Ses parois sont à peine trans- parentes : aussi, à l'œil nu, ilse montre comme une ligne blanche; sous le microscope, il est presque noir. Si alors un fragment est fortement pressé, on voit que cette membrane presque opaque est LOWEN. — Sur le Myzostoma cirrhiferum. 293 parsemée de petits points clairs et vésiculaires, qui sont vrai- semblablement des organes excréteurs. Presque au milieu du tube , on voit aboutir de chaque côté trois grands vaisseaux, dont les branches nombreuses se répandent dans tout le corps, et sont renflées, variqueuses, ramuleuses et bifurquées pres des ventouses. Près du canal alimentaire, ces vaisseaux sont presque transparens; plus loin ils deviennent de plus en plus opaques et les parois pleines de points vésiculaires clairs(fig. 12). Dans l’intérieur, est un fluide incolore, dans lequel sont sus- pendus une foule de corpuscules d’une forme indéterminée, dont les mouvemens dépendent des contractions irrégulières des vaisseaux. À la suite de cette partie du canal alimentaire, qui pourrait être considérée comme l'estomac, vient un tube plus étroit, à parois plus transparentes , qui donne dans un rectum ou nn cloaque (fig. 11, b), où l’on voit les féces, qui ensuite. sont chassées par l'anus (fig. 11,4, 7), lequel est situé un peu en avant de l’ouverture de l’oviducte. Dans le milieu du corps et sous le canal alimentaire, j'ai observé ce que j'ai cru devoir considérer comme la partie cen- trale et inférieure du système nerveux. C’est un grand ganglion oblong (fig. 7, #), qui se divise en treize branches, les nerfs, dont trois en avant, qui paraissent se rendre à la trompe, et cinq de chaque côté, qui se dirigent vers les pieds. Il ne m’a pas été possible de suivre aucun d’eux plus loin que je l'ai dessiné. Les organes générateurs sont mâles et femelles. En face du troisième pied de chaque côté et au milieu, entre la seconde et la troisième ventouse, aussi près du bord que-celles-ci, on observe de chaque côté une ouverture (fig. 7,.g, et fig. 13), entourée d’une lèvre en mamelon. C’est un tube très court, dont le fond peut se fermer par deux valvules (fig. 13). En arrière de celles-ci, on voit dans le parenchyme une cavité très large, où se trouve un organe presque opaque ( fig. 7, m; fig. 13,6), composé de deux lobes arrondis, tantôt simples, mais le plus souvent divisés en deux longues branches qui s'étendent presque au canal alimentaire, puis se plient en courbe, et quelquefois se ramifient un peu. Il est à remarquer que l’on trouve à peine 294 LOWEN. — Sur le Myzostoma cirrhiferunr. deux individus où cet organe ait la même forme. Toutes les fois que Je conservais quelques exemplaires vivans de notre animal , il arrivait toujours que ces organes intérieurs, qui, à l'œil nu , sont tout blancs, se détachaient spontanément, et pas- saient par le petit tube et son ouverture pour sortir du corps et devenir libres ; cependant ce n’était jamais la masse entière de l'organe, mais seulement la partie antérieure, médiane. Quand cette partie se trouvait hors de l'animal, elle n'était jamais déchi- rée ; au contraire, elle avait le plus souvent une forme déterminée (fig. 14), cylindrique, arrondie etun peu renflée au bout, comme une saucisse. Elle se composait à l’extérieur d’un grand nombre de petits globules ronds, serrés, enveloppés, comme il rn’a paru, d'une membrane commune, extrêmement mince; mais, dans l’intérieur, elle était concave et vide. Aussitôt que ce corps était libre , et même encore pendant qu'il se détachait, chacun des globules commençait à se dissoudre en animaux spermatiques (fig. 15). En effet, ce n'étaient que des cystes de Sperma- tozoaires, qui ne tardaient pas à leur tour de jouir de leur liberté et de fourmiller dans l’eau. Ils étaient d’une forme tres simple, celle d’un vibrion (fig. 16), et leur longneur était de 0,024 millim. L'ovaire (fig. 7, /, 1) est presque aussi étendu que le disque , son bord excepté, et en occupe la face dorsale. Entre tous les organes, on voit les œufs serrés; mais Je n'ai pu trouver les parois de leur enveloppe. L'oviducte (fig. 7, », et fig. 11,c), qui est trés distinct dès le milieu de l'animal, est situé au-dessus du canal alimentaire. Vers son ouverture, on observe que ses parois sont composées de deux membranes, dont l'extérieure donne plusieurs tendons au parenchyme qui l'entoure. T’ouver- ture est située un peu en avant de l'anus. Les œufs (fig. 17), dont le diamètre était d'environ 0,042 mill., étaient poussés par saccades , de temps en temps, et chaque fois en grand nombre. Comme l'animal est souvent solitaire, et comme je n’ai pas observé les Spermatozoaires en contact avec les œufs dans l'intérieur du corps, et plus encore, puisque la partie de l'organe sperma- tique , qui est la plus voisine des œufs, l'intérieure ne paraît contenir que des Spermatozoaires en état rudimentaire, il me paraît très probable que la fécondation se fait par les Sperma- LOWEN. — Sur le Myzostoma cirrhiferum. 20 tozoaires en état de liberté hors de l'animal, dans l’eau ambiante, c'est-à-dire comme je l'ai observé chez le Pecten maximus. Un individu de ces Mollusques poussait en même temps hors de la coquille, d’un côté , un courant d'œufs ; de l’autre, un courant blanchätre, qui ne contenait que des Spermatozoaires très vivaces. À l'instant même où j'avais mis une goutte du dernier fluide en contact avec quelques œufs , et même avant que Jj'eusse eu le temps de porter l'œil à l’oculaire de l'instrument, des Spermatozoaires innombrables , s'étaient accrochés aux œufs avec leur tête renflée, et en vibrant leurs longues queues avec une agilité extrême. Quant au Myzostome , je n'ai jamais vu les Spermatozoaires attaquer les œufs, quoique les vibrations des cils sur toute la surface de l'animal doivent beaucoup aider leur rapprochement mutuel ; cependant les deux observations, prises ensemble, me semblent indiquer que les animaux sper- mätiques prennent bien une partie active à la fécondation , et qu'ils doivent être considérés comme des animaux d'eux mêmes, produits par l’incarnation de la vie génitale, plutôt que comme . des parties constituantes du fluide spermatique, comparables aux globules du sang. Les ventouses (fig. 7, f, f) sont au nombre de quatre, dis- posées de manière à répondre aux interstices entre les pieds, et situées plus près du bord que ceux-ci. Elles sont petites à proportion de l'animal , et légèrement élevées. Les bords de leur cavité sont sinueux, et peuvent se fermer complétement. Quand elles sont ouvertes fig. 18, 19), on remarque à l’intérieur un en- foncement, et cinq ou six pièces, ou même plus, qui m'ont paru cartilagineuses, et qui de là se rendent au bord, où EST elles vont se réunir en anneau. Les pattes sont au nombre de dix (fig. 7, e, e,et fig. 20, 21}, cinq de chaque côté. L'antérieure de chaque côté est près de la trompe ; la seconde, et a troisième qui estau milieu, à distances égales entre ellés, la cinquième un peu rapprochée de la précé- dente.Chacune d’elles est composée de trois parties. La partie ba- silaire (fig. 20, 21, a ) est très prononcée et très large au côté in- térieur, et divisée en trois pièces. La seconde partie, qui est peut- être le premier article du membre (b), est cylindrique et assez 296 LOWEN. — Our le Myzostoma cirrhiferum. mobile. La dernière partie (c) est courbée en dedans, peu mobile, mais très flexible, de sorte qu'elle peut s'étendre tout droit ou se plier à volonté. À son extrémité, on voit une gaîne (d) qui s’en- fonce dans l’intérieur. Chaque patte contient des pièces cornées de deux sortes, dont trois sont semblables, mais de grandeur inégale, des crochets en forme d’un S$, légèrement courbés. Le plus petit d’entre eux (fig. 20, g) est très court et ne dépasse jamais le bord de la partie basilaire ; le second (f), presque deux iois plus long, ne s’avance ordinairement qu’au milieu de Par- ticle premier ; le troisième (e) , qui égale en longueur la patte même, s'étend jusqu’à son extrémité et peut être poussé au de- hors par la gaîne. Alors le dernier article s'étend tout droit, et le crochet (e) sort et rentre très rapidement : c’est par ce moyen que le Myzostome s'accroche et marche sur la peau de la Co- matule. La quatrième de ces pièces intérieures (2) est plus forte et plus longue, mais son bout postérieur, comme celui des autres, devient peu-à-peu si mince, que l'on ne peut pas bien dire où il se termine. Cette pièce est légèrement arquée, et à son extrémité extérieure, elle est brusquement recourbée et di- latée en crochet aplati, représentant une main à quatre doigts dont les médians sont les plus longs. Toutes ces pièces inté- rieures sont, à l'extrémité opposée , fournies de muscles ascen- dans par lesquels elles sont levées ou abaissées. Mais cette der- nière offre en outre à sa partie antérieure ( fig. 21 ) de grands muscles qui, de son processus apicale, se divisent en rayonnant aux parties intérieures du corps. Il paraîtrait, d’après cela, que cette partie sert comme d'appui aux autres. Tels sont les organes dont j'ai pu examiner l'anatomie. Il y manque encore beaucoup, surtout le système circulatoire, que je n'ai pu trouver. Notre animal n’est pas rare, de sorte que de dix individus de la Comatule, deux en sont infestés. Très souvent on n’en trouve que des solitaires, parfois deux , et on les rencontre plus rare- ment sur les membres que sur le disque. Ils courent très rapi- dement, mais ne sont pas très fortement fixés. Ils ne peuvent marcher sur la surface dure et unie d’un verre, et ne s’y fixent jamais. Is peuvent plier leur corps, de manière que les bords LOWEN. — Sur le Myzostoma cirrhiferum. 297 latéraux se touchent ; d'avant en arrière, ils peuvent seulement se contracter. Mon plus grand individu avait trois millimètres de longueur. L'organisation que je viens de décrire est celle de la classe des Vers; mais les parties sont, pour ainsi dire, empruntées à tant de genres différens, qu'il paraît trés difficile de déter- miner la place que le Myzostome doit prendre dans le sys- tème actuel, La trompe et les ventouses semblent rappeler ces Ecto-parasites des genres Tristoma, Cyctocotyle, etc., qui forment la famille des Pectobothriens de Nitsch et Bumeis- ter, et l’organisation du canal alimentaire, qui ressemble un peu à celle des Planaires, nous y porterait aussi, si ce n’était pas que chez les Trématodes il n’y a jamais un anus distinct, tandis que chez notre animal, il en a un opposé à la bouche; aussi les organes générateurs mâles sont-ils doubles et man- quent de membre extérieur ou de cirrhe; et les organes fe- melles en sont séparés,quoiqu'’ils ressemblent beaucoup à ceux du Tristoma, d’après la description de M. Diesing. Mais ce qui tend plus encore à éloigner notre animal de cette place, c’est l’organisation des pattes, qui par leurs crochets, et particu- liérement par le crochet en forme d’une main, rappelle, d'un côté, celle des pattes des Annelides supérieures tubicoles , et de l’autre, celle des Tardigrades. D’après cela, il paraît que le Myzostome doit être considéré comme liant les Pectobothriens, le Cyclacotyle de M. Otto aux Annelides propres. Nous allons ici proposer les caractères du genre et de notre espèce. Genre Myzosroma Leuck. Corpus molle, inarticulatum, depressum , discoideum; probos- cis retractilis mutica; anus discretus ori oppositus ; bothria lateralia opposita; pedes inferi , articulati, hamiferi ; genitalia mascula duplicia mutica. M. cirrhiferum Xeuck.—M. pedibus decem, bothriis octo, disei margine cirrhis octodecim 1. viginti. Long. 3 mill. 298 LOWEN. — Our le Myzostoma cirrhiferum. Hab. parasiticum in Comatula Mediterranea littoris Sueciæ occi- dentalis. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE O. Fig. 6. M. cirrhiferum du côté inférieur. — Fig. 7. L'animal très grossi et l'anatomie des sinée par transparence, — Fig. 8, 9, 10. La trompe de côtés différens. — Fig. 11. Le canal alimentaire et l'oviducte.. — Fig. 12. Portion d'un vaisseau biliaire. — Fig. 13, L'un des organes mâles, — Fig. 14 Une partie du même devenue libre. — Fig. 15. Les cystes de Spermatozoaires. — Fig. 16. Un auimal spermatozoaire, — Fig. 17. Un œuf. — Fig? 18 et 19. Ventouses. — Fig. 20 et 21. Pieds. 2 RECHERCHES sur la classification des animaux en. séries parallèles, Par M. BRuLLÉ, Professeur à la Faculté des Sciences de Dijon. Troisième et dernière partie. (1) Il me reste à chercher si les considérations que j'ai dévelop- pées dans les deux autres parties de ce travail sont applicables aux groupes supérieurs où embranchemens dont je n’ai pas en- core parlé, savoir, les Mollusques, les Rayonnés, les Vertébrés. Ces groupes étant, par la nature des êtres qu’ils renferment, mieux définis, mieux déterminés que ne l'était l’embranchement des Articulés, leur étude n’exigera pas d'aussi longs développe- mens. Je considère en premier lieu les Mollusques, et je trouve que cet embranchement est moins bien déterminé que les autres. Il ne peut en quelque sorte étre caractérisé que par voie d'exclu- sion. Ses traits généraux sont réellement des plus vagues, comme d'avoir le corps mou, disposé à s’envelopper plus ou moins com- plétement d’un tét calcaire, et cependant ce sont peut-être les seuls, avec la disposition du système nerveux, qui lui appar- tiennent. Encore avons-nous vu que dans l’embranchement des Annelés on les retrouve en partie. Les caractères les plus sail- (x) Voyez pour les parties précédentes, page 50, et le tome xvir, page 253. BRULLÉ. — Classification des animaux. 269 laus des Mollusques sont donc plutôt négatifs que positifs. Ces animaux ne sont ni articulés, ni annelés, ni rayonnés; encore moins sont-ils vertébrés. Ils ne sont cependant point amorphes, bien qu'ils aient, dans leur forme massive, des rapports avec les animaux amorphes proprement dits, qui comprennent ou doivent comprendre, ce me semble, une grande partie des In- fusoires. Mais les Mollusques , malgré que leurs caractères soient négatifs, se laissent très bien distinguer des autres embranche- iens, Quant à leur distribution ultérieure , ils offrent une par- ticularité qui leur semble propre, en ce qu’ils ne se prêtent pas à la subdivision en classes, comme cela a lien dans les Verté- brés par exemple, ou dans les Articulés. Les différences que les Mollusques peuvent laisser reconnaitre sont de nature à former des ordres qui tous appartiennent à une classe unique. Tels sont les Céphalopodes, les Gastéropodes et autres, sur le nombre desquels je n’ai pas à insister ici. Il y a toutefois une série d’es- pèces qui semble devoir former une classe à part : ce sont les Tuniciers de Lamarck ou Acéphales sans coquille de Cuvier. De cette maniere, le groupe où embranchement des Mollisques devrait porter un autre nom, tel que celui de Malacozoaire par exemple, proposé depuis long-temps par M. de Blainville, ce groupe de Malacozoaires se composant de deux classes , les Mol- lusques et les Tuniciers. A l'égard des ordres que certains natu- ralistes regardent comme des classes , ils paraissent pouvoir être présentés en deux séries, dans chacune desquelles se remarquent des caractères analogues. Ainsi les Céphalopodes ont une tête distincte ; on trouve parmi eux des espèces à coquille intérieure non enroulée, et d’autres à coquille extérieure enroulée. Voilà le premier terme d’une des deux séries. Le premier terme de l'autre série sera fourni par les Gastéropodes, qui n’ont point, il est vrai, de rapports directs avec l’ordre précédent, mais qui en répétent cependant les caractères, si l’on a égard à la co- quille, Elle est, en effet, intérieure dans quelqnes espèces, tan- dis que dans le plus grand nombre elle se montre enroulée et tout à-la-fois extérieure. Les Mollusques dits Acéphales se lient assez bien aux Gastéropodes par certains de ceux-ci, qui n’ont pas leur coquille enroulée en spirale, bien que le point de con- 300 BRULLÉ. — Classification des animaux. tact ne soit pas démontré. Les Brachiopodes, si l’on admet cette division comme un ordre distinct, ne peuvent être éloignés des Acéphales, tandis que les Ptéropodes peuvent se placer dans la mème série que les Céphalopodes, où ils sont le terme corres- pondant aux Acéphales. 11 faut avouer cependant que les Pté- ropodes n'ont guère plus de rapports avec l’un de ces ordres qu'avec l’autre. Enfin, si l'on remonte plus haut, la classe des Tuniciers pourra former le terme correspondant des Mollusques dans l’embranchement des Malacozoaires. Je crois, dans tous les cas, qu'il y a plus de différences, ou autrement, que les rapports sont moins prononcés entre les Tuniciers et l’un quelconque des ordres de Mollusques, qu’entre les divers ordres de cette classe d'animaux. Tel est le motif prédominant qui me porte à ne pas donner le nom de classe indistinctement aux Tuniciers et à chacun des ordres de Mollusques. C’est un motif semblable à celui qui m'a empêché plus haut d'adopter le morcellement des Crustacés en classes, d’après le nombre des appendices de locomotion. J'en ai dit assez, je crois, sur les Mollusques, pour ce qui est l’objet du présent travail; je passe à l'examen d’un autre groupe ou embranchement , celui des animaux Rayonnés. Notre savant zoologiste, M. de Blainville, ayant remarqué le genre de symétrie que présentent les animaux de ce groupe, genre de symétrie tout-à-fait à part, dans lequel toutes les parties du corps peuvent être considérées comme disposées autour d’un axe central, au lieu de l'être de chaque côté d’un plan, en a fait le type d’une division tout-à-fait distincte aussi dans le règne animal. Cependant ce n’est pas là un cas général; ce genre de symétrie n’est pas absolu, et même, dans les ani- maux agrégés , sorte d'animaux dont l’embranchement des Ma- lacozoaires nous offre déjà des exemples, la symétrie n’a sou- vent plus lieu que pour chaque individu. De plus, il est beau- coup d'animaux placés parmi les Rayonnés, et chez lesquels la disposition rayonnée n'appartient qu'a une région du corps, celle de la bouche par exemple. Il y a donc là une double sy- métrie, savoir, celle par rapport à un axe central et celle par rapport à un plan. On voit que la symétrie autour d’un axe BRULLÉ. — Classification des animaux. 301 n'exclut pas celle qui a lieu de chaque côté d’un plan, dans les animaux qui offrent les deux genres; mais il y a plus, c’est que le mode de symétrie autour d’un axe, lorsqu'il existe compléte- ment, n'exclut pas l'autre mode. En effet, duns le cas même le moins avantageux, dans celui où le nombre des rayons d’un animal, tel qu’une Astérie, est impair, il est toujours facile de supposer un plan passant par le corps de cet animal, de telle manière qu'il le divise en deux parties semblables et égales entre elles dans l’état normal. Cette considération m'était né- cessaire, tant pour justifier le mode de classement que je pro- pose à l'égard des animaux Rayonnés, que pour faire voir comment un seul genre de symétrie permettait de comprendre tous les animaux dans une seule division, pour les opposer à ceux chez lesquels on n’observe plus, en effet, de véritable symétrie. Recherchant maintenant si les classes dont se compose le groupe des animaux Rayonnés, peuvent se répartir en deux sé- ries parallèles, je rencontre ici une disposition analogue à celle des Malacozoaires, c’est-à-dire, d’un côté des animaux libres, ou, pour me servir de l'expression de M. Isid. Geoffroy-Saint- Hilaire, des animaux unitaires, et de l’autre des animaux agré- gés. De même aussi que dans les Malacozaires, je trouve que les animaux unitaires peuvent être placés dans une série, et les animaux composés dans l’autre, bien qu’il puisse y avoir des animaux unitaires dans la série des animaux composés. Ainsi les Astéries, les Oursins, les Holothuries, ainsi que les Méduses et animaux voisins, formeront une série dont la parallèle sera constituée par les Actinies, par les Hydres, et par tous les ani- maux dont le support commun a reçu des naturalistes la déno- mination de polypier. 1l faudrait , pour développer ces deux sé- ries, entrer dans des détails qui ne peuvent trouver place dans ce travail sans lui donner une extension au-delà des limites que je me suis prescrites ; je me borne donc à énoncer la possibilité de les établir. Leur démonstration exigeant un travail spécial , et devant être répétée au sujet de chaque embranchement , de chaque classe, de chaque ordre et ainsi de suite, elle ne pent étre donnée que dans une suite de mémoires particuliers, ou 302 BRULLÉ. — Classification des animaux. bien dans un ouvrage de longue haleine, où l’on examinerait successivement toutes les parties du règne animal. Il me reste à dire quelques mots d’un dernier embranche- ment, le plus important de tous, il est vrai, celui des animaux Vertébrés. La distribution des espèces en deux séries parallèles s’y produit surtout d’une manière remarquable. Il me suffirait, pour le prouver, de rappeler ce que j'ai dit au sujet de la classe des Mammifères; mais cette classe n’est pas la seule où ce mode d’arrangement ait été entrevu, comme on le reconnaîtra bientôt. Pour en citer d’abord une où il wait pas été proposé avant moi, du moins à ma connaissance, je choisis celle des Reptiles (1). J'y trouve presque toute formée la division en deux séries dont chacune reproduira des traits communs, soit dans la forme gé- nérale, soit dans les caractères de certaines parties. Je vois dans les Chéloniens et dans les Batraciens Anoures des espèces à corps large, trapu, à mâchoires généralement dépourvues de dents ; des côtes tantôt larges et formant par leur expansion la cara- pace de la Tortue ; tantôt, au contraire, arrêtées dans leur dé- veloppement chez les Grenouilles et les Crapauds. Dans l’un et l'autre de ces deux ordres, la respiration s'opère d’une manière analogue à l’aide des narines et de la langue, au moins dans l’é- tat adulte. Quant aux Batraciens Urodèles, ils reproduisent jus- qu'à un certain point l’organisation des Sauriéns, au moins à l'extérieur, et peuvent en être regardés comme le terme cor- respondant. Les Sauriens peuvent ou non être réunis avec les Ophidiens sous le nom de Saurophidiens ; leurs rapports de forme avec les Urodèles n’en seront point altérés. La considération prédominante d’une double série me con- duit, comme je l'ai dit précédemment , à rechercher avec soin les rapports ou les différences des divers groupes de la zoologie. C'est par suite de cet examen que je me trouve conduit ici à (x) La division en deux séries a cependant été proposée dans cette classe elle-même, au sujet de quelques Sauriens, comme le prouve l'Histoire naturelle des Reptiles que publient MM. Duméril et Bibron. En parcourant cet ouvrage, on ne tarde pas d’ailleurs à s’apercevoir que l'usage de la double série est commandé en quelque sorte dans la classe des Reptiles tout entière, tant par la uature même des caractères que ces deux savans ont eu à faire res- sortir, que par les parallèles fréquens auxquels ils ont été conduits. BRULLÉ. — Classification des animaux. 303 proposer une division nouvelle, savoir, celle des Batraciens Uro- dèles, que je regarderais comme un ordre distinct. La persi- stance de la queue dans ces animaux, le mode de respiration dans plusieurs, me semblent être des caractères propres à jus- tifier la séparation que j'indique. En comparant les Urodeles aux Anoures , on trouve que les premiers ne sont en quelque sorte que les larves des seconds, mais des larves à l’état permanent. Revenant aux deux séries de la classe des Reptiles, on pour- rait les caractériser par la présence ou par l'absence des dents, et l’on aurait alors les Sauriens et les Ophidiens d’un côté, tan- dis que les Chéloniens et les deux ordres de Batraciens forme- raient l’autre série. Mais cette disposition me semble vicieuse, en ce qu’elle viole les affinités sous d’autres rapports, tel que celui de la circulation, pour n’en pas citer d’autres. Je trouve préférable de ranger dans une même série les Chéloniens , les Sauriens et les Ophidiens , et de composer la série correspon- dante des seuls Batraciens Anoures et Urodèles, séparés d’ail- leurs en deux ordres distincts, ou même réunis en un seul. Quel que soit celui des deux modes que l’on adopte, ou de réunir tous les Batraciens, ou au contraire de les séparer, il n’en existera pas moins des rapports marqués entre les termes . qu'ils représentent et les termes correspondans de l’autre série. La classe des Poissons se laisse à son tour diviser en deux séries parallèles, et quel que soit le mode de ciassification qu’on adopte dans chacune d'elles, on aura toujours d’un côté les Poissons à squelette entièrement osseux, et de l’autre ceux dont le squelette reste cartilagineux. Cette division a été très bien indiquée par Cuvier , et les expressions dont il s’est servi sont fort remarquables; elles prouvent que la disposition des ani- maux d’une même classe en deux séries paralleles était déjà pres- sentie par ce grand naturaliste. Cuvier, en effet, l'avait indiquée une première fois à l'égard des Mammifères , lorsqu'il disait, en parlant des Marsupiaux : « On dirait que ces animaux forment « une classe distincte, parallèle à celle des Quadrupèdes ordi- « naires, et divisible en ordres semblables, en sorte que, si on « plaçait ces deux classes sur deux colonnes, les Sarigues, les « Dasyures et les Pérameles, seraient vis-à-vis des Carnassiers 304 BRULLÉ. — Classification des animaux. « insectivores à longues canines, tels que les Tenrecs et les « Taupes...…..; les Phascolomes devraient aller vis-à-vis des « Rongeurs. Enfin, si l’on n'avait égard qu'aux os propres de la « bourse, et si l’on regardait comme Marsupiaux tous les ani- « inaux qui les possèdent, les Ornithorhynques et les Echidnés «y formeraient un groupe parallèle à celui des Édentés » (Règne animal , 2° édit. 1. 175). Voilà comment s’exprimait Cu- vier en 1829(1). Or, qu’a-t-on fait depuis pour les Mammiféeres, sinon de mettre à exécution ce qu'il avait indiqué? La méthode des deux séries parallèles est donc en germe dans les travaux de Cuvier ; il en est réellement l'inventeur, comme le prouve encore cet autre passage relatif aux Poissons : « La deuxième « série de la classe des Poissons (celle des cartilagineux) ne peut « être considérée ni comme supérieure, ni comme inférieure à « celle des Poissons ordinaires(2).....; c’est une suite ex quelque « sorte parallèle à la première , comme les Marsupiaux, par « exemple, sont analogues aux Mammifères onguiculés. » (Zbid. 11. 376.) Il est impossible d’être plus explicite , et l'opinion d’un natu- raliste tel que Cuvier, en fait de classification surtout, est d’un si grand poids, qu'il n’est pas besoin de chercher à justifier une méthode indiquée par lui. Je m’abstiens en ce moment de dési- gner les termes de la série des Poissons cartilagineux qui peuvent correspondre à d’autres termes des Poissons osseux, mon but n'étant pas, je le répète, de présenter ici un tableau complet de classification du règne animal sous ce nouveau point de vue. Il me suffisait de faire remarquer combien était fondée l'opinion de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire , lorsqu'il disait que l’appli- (1) Long-temps même avant celte époque, c'est-à-dire en 18:17, ce savant avait déjà énoncé la même idée dans la première édition du Règne animal (tome 1°", page 80), en ces termes : « La distribution des Mammifères onguiculés serait parfaite et formerait une chaine tres régulière, si la Nouvelle-Hollande ne nous avait pas fourni récemment une petite chaîne , collatérale, composée des animaux à bourse, dont tous les genres se tiennent entre eux par l'ensemble de l’organisation , et dont cependant les uns répondent aux Carnassiers , les autres aux Rongeurs , les troisièmes aux Edentés par les dents et par la nature du régime. » (2) Cuvier était bien pénétré de cette idée , puisque , dans la première édition du Æègne animal, il met précisément en tête des Poissons la série des cartilagineux , qui fut, au contraire , placée la dernière dans la deuxième édition du même ouvrage, BRULLÉ. — Classification des animaux. 305 cation paraissait pouvoir en être faite aux principaux groupes de ce règne. La classe des Insectes , sur laquelle je l’essayai avant tout, s'y prêta d'une manière tellement merveilleuse, que je me plus à étendre ce procédé à toutes les autres classes. Je n'ai cependant pas encore traité le sujet d’une manière com- plète ; mais j'en aurai fait peut-être assez pour attirer à mon tour l'attention des zoologistes sur un ordre d'idées qui pourra conduire à d’heureux résultats. J'aurais encore à parler de la classe des Oiseaux, pour en finir avec l’embranchement des Vertébrés. Cette classe paraît également se prêter à la répartition en deux séries parallèles. Mais le sujet ayant été traité avant moi par M. Isidore Geoffroy au moins pour quelques parties, je ne puis mieux faire en ce moment que de rappeler ses observations. Il y aurait, suivant ce savant, répétition de caractères entre divers termes de deux séries, dont l’une serait formée par les Oiseaux de proie et les Gallinacés, l’autre par les Grimpeurs et les Passereaux réunis en un seul et même ordre. Déjà les rapports indiqués par M. Isid. Geoffroy, entre les Grimpeurs et les Oiseaux de proie, avaient dù se manifester à quelques zoologistes , puisque M. de Blainville, en particulier, assignait le premier rang aux Oiseaux grimpeurs , et les séparait de tous les autres ordres par celui des Oiseaux de proie. Il y a donc lieu à établir ici deux séries comme daus les trois autres classes de Vertébrés : c’est d’ailleurs la troisième classe de cet embranchement , pour laquelle nous les trouvions indiquées. Il est à regretter que M. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire n'ait pas publié des recherches sur d’autres classes que celles des Mammifères et des Oiseaux, et qu'il nous laisse ignorer les résultats que lui a donnés l’étude des Reptiles et des Crustacés. A-t-il été plus sage que moi en réservant pour l’ave- nir des idées qui sembleraient aujourd'hui prématurées? Quoi qu'il en soit, je ne regretterai pas d’avoir pris la plume, si, parmi les résultats auxquels je suis parvenu, il en est quelques- uns dont la réalité demeure établie. Maintenant que les quatre classes d'animaux vertébrés se montrent divisibles chacune en deux séries, n'est-il pas possible de partager de la même manière lembranchement lui-méme, où XVII, — Zoo, Novembre. 20 306 BRUILÉ. — Classification des animaux. autrement de disposer aussi les classes en deux séries ? Non-seu- lement je crois que cela se peut, mais je pense encore que cette disposition offrirait de l'avantage, en permettant de rapprocher des classes qui ont bien quelques rapports entre elles, comme celles des Mammifères et des Poissons, par exemple. Dans ce cas, les Reptiles seraient rapprochés des Oiseaux, pour former l'autre série. Le passage des Mammifères aux Poissons est en quelque sorte établi par les Cétacés, qui sont sous certains rapports des sortes de Poissons. On sait d’ailleurs qu'il se trouve dans les Cétacés une disposition des doigts qui conduit, pour ainsi dire, à celle des nageoires des Poissons, les phalanges digi- tales étant, dans quelques espèces, du moins, plus nombreuses que dans les autres Mammifères. D'un autre côté, les Batraciens anoures, dans leur premier âge, et certains Urodeles, pendant toute leur vie, offrent des conditions assez analogues à celles des Poissons. Ce qu'il y a de remarquable, c’est qu'il existe entre les groupes de chacune des deux séries, que l’on aurait alors , savoir entre les Mammifères et les Poissons , d’une part, et entre les Oiseaux et les Reptiles, de l’autre , des rapports d'organisation qui semblent les lier d’une manière plus intime. Telle est, par exemple, la présence d’un diaphragme dans les deux premières classes , et l'absence de cette cloison musculeuse dans les deux dernières. Ces rapports ne sont pas les seuls ; mais je me contente de les avoir signalés, et, sans les approfondir davantage, je livre ce sujet à l'examen des zoologistes , me ré- servant de le reprendre moi-même , lorsque ces idées seront moins nouvelles qu’elles ne peuvent le paraitre aujourd’hui. On a pu reconnaître par tout ce qui précéde que la classification en séries parallèles, telle que je l'ai envisagée, est une véritable disposition ou mieux une méthode dichotomique, qui s'applique aux groupes les plus élevés comme à des groupes plus inférieurs. Nous avons vu son emploi à l’égard des embranchemens, à l'égard des classes qui comprennent ceux-ci, et je pourrais le montrer encore à l'égard des ordres eux-mêmes dont les classes sont for- mées. Ainsi, par exemple, parmi les ordres nombreux du regne animal, j'en citerai deux seulement , celui des Oiseaux de proie et celui des Insectes Coléoptères. Le premier renferme des ani- BRULLÉ. — C/assificalion des animaux. 307 maux dont les uns sont diurnes, les autres nocturnes, et qui semblent se correspondre ; le dernier nous présente, d’une part, une série nombreuse d’especes dont les tarses ont un même nombre d'articles à toutes les pattes, comme, par exemple, 5, 4et 3, d'où les noms de pentamérés, tétramérés, trimérés : tandis que, d’autre part, nous trouvons des Coléoptères à tarses inégalement fractionnés, qui ont, par exemple, 5,5 et 4 ar- ticles, ce qui leur a valu le nom d’hétéromérés. Or, cette divi- sion des Hétéromérés forme une série parallèle à la premiere. Elle présente plus d’un terme, qui se placerait dans celle-ci, sans la considération du nombre des articles aux tarses, ce que tous les entomologistes savent fort bien. Il en serait de même dans les groupes inférieurs aux ordres, c'est-à-dire dans les familles ou tribus; il en serait de même aussi dans les genres. Ainsi ces derniers pourraient, dans chaque famille, être dis- posés en deux séries, et les espèces, dans chaque genre, prendraient ia même disposition. C'est un résultat des observa- tions précédentes, une déduction des faits indiqués, dont la vérification pourrait être faite, et mériterait même de l'être; je me contente encore de l'indiquer pour le moment. De son côté, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire semble avoir entrevu une loi analogue , mais qui ne me paraît pas tout-à-fait la même. La principale différence qui se montre entre son opinion et la mienne , c'est qu'il admet un nombre indéterminé de séries pa- rallèles , tandis que j'ai’ cru n’en jamais voir que deux. De plus, les séries de M. Isid. Geoffroy, qui existeraient aussi partout, dans les groupes les plus élevés comme dans les plus infé- rieurs , seraient disposées de telle sorte que , la première étant formée d’un nombre de termes a ,b,c,d,e,etc., la deuxième renfermerait des termes comme b,c,d,e,f, etc.,et ne diffé- rerait de la précédente que par l'absence du premier terme et la présence de termes nouveaux. Il y aurait toujours ainsi des termes communs à plusieurs séries. Pour moi, au contraire, la division aurait lieu d’une manière purement dichotomique, le groupe le plus élevé ou le règne animal lui-même, que je dési- gnerai par À, se partageant en groupes a, b,c,etc. pour une série, puis a’, b', c', etc. pour l’autre série, et chaque terme en 20. 308 enuLLÉ. — Classification des animaux. particulier de ces deux séries étant susceptible de la même sub- division , en «, 8, y, d'une part; puis en «’, B', y’, de l’autre, et ainsi de suite. C’est alors que, dans chacun des groupes désignés ici par une simple lettre, les termes plus où moins nombreux qui le composent peuvent se présenter d’une manière analogue à celle indiquée par M. Geoffroy. Le groupe «, par exemple, sera formé des termes 4, v, æ, etc.; le groupe « des termes v',æ,y', etc., ou même des termes x’, y’, z', etautres, s'il y a lieu. Ainsi, non-seulement je ne trouve dans chaque groupe que deux séries parallèles ; mais je ne puis dire d’une manière générale que les termes de ces deux séries ne sont pas toujours équivalens. Le contraire s'est même présenté dans l'arrangement des Insectes, dont la notation serait , par suite des conventions précédentes, a, b ,c, d ,e ,etc., pour l’une des deux séries, et a, D',c!, d',e',ete., pour l’autre. Il peut arriver aussi, comme je le trouve à l'égard des groupes les plus élevés du Règné ani- mal , que l’une des séries manque de plusieurs des termes inter- médiaires de la série correspondante, et que l'on ait, par exemple; a, c, e ; etc., pour la première; b',c',d';etc., pour la seconde. Il peut donc y avoir un grand nombre de variations dans les rapports de deux séries parallèles; mais il faut, pour qu'elles aient lieu, cette condition indispensable, qu'une des deux reproduise quelques-uns des termes de l’autre. J'indique seulement ces considérations générales sur la marche dichotomique des groupes qui forment l'ensemble du Règne ani- mal , et je les accompagne d’un tableau présentant la disposition relative des groupes les plus élevés. IL faudra sans doute de longues études pour dresser le tableau de tous les groupes se- condaires , et l’on ne pourra peut-être juger qu’alors l'ensemble de l'édifice. Puissé-je ne m'être pas trop hâté de faire connaître le résultat de mes premières recherches sur ce sujet non moins intéressant que fécond. BRULLÉ, — Classification des animaux. 309 Projet d’une disposition du Règne animal, considéré dans ses groupes les plus élevés. ANIMAUX (Symétriques) Sans articulations visibles Diversement articulés, c'est-à. dire à l'extérieur. plus ou moins complétement. a. Vertébrés ou Ostéozoaires. | a. (Zéro). Mammifères. Oiseaux. Poissons. | Réptiles. b. (Zéro). b'. Articulés ou Entomozoaires, Crustacés. Arachnides, Entomostraces. Insectes. Myriapodes. c. Malacozoaïres. C. Annelés. Mollusques. | Tuniciers. Anuelides. Elminthes. (1) Cirripèdes. (Infusoires arti- culés.) ” Là 1’ ve (Zéro). d’. Rayonnes ou Actinozoaires. Echinodermes. Polypes. Etc. (Dissymétriques ) €. Amorphes. e’. (Zéro). Infusoires non ar- ticulés. | Eponge ? (x) Ce sont les Vers intestinaux. 3L0 FLOURENS. — Sur les Os. Sermièue Mémoire sur le développement des Os, Par M. FLourens. (Lu à l'Académie des Sciences, le 7 novembre 1842.) Ü AnrTicre I. Rôle de la membrane médullaire, ou du périoste interne , dans la formation de los. Je n’ai considéré jusqu'ici la membrane médullaire, ou le pé- rioste interne, que comme organe de la résorption des os. Mais ce périoste interne est aussi organe de la formation des os ; et c'est ce qu'on a déjà vu par une de mes précédentes expé- riences (1). Dans cette expérience, tout le périoste externe à été détruit sur le tibia d’un canard. Et tout ce périoste externe s’est reproduit. Mais, tandis qu'il n’était pas encore reproduit, tandis qu'il n'existait pas encore, l’action formatrice normale du péfioste interne s’est trouvée accrue, et il s’est formé un os nouveau dans l’intérieur de l'os ancien ; il s’est formé un os nouveau dans l'intérieur du canal médullaire. Indépendamment de sa force de résorption, le périoste interne a donc une force de formation, et cette force de formation de- vient surtout évidente { parce qu’elle se trouve alors accrue), quand le périoste externe est détruit. Je réunis ici, sous les yeux de l'Académie ,une série de pièces où d'os qui montrent tous les progrès successifs de la formation de l’os nouveau dans l’intérieur de l'os ancien. (1) Voyez Ann, des Sciences nat,, Lom. xV1, p. 245. FLOURENS. — Sur Les Os. 311 Sur tous ces os, le périoste externe a été détruit, tantôt dans toute l'étendue de los, et tantôt dans un seul point de l'os. Or, lorsque le périoste externe a été détruit dans toute l’éten- due de l'os, il s’est formé un nouvel os dans tout l’intérieur du canal médullaire; et lorsque le périoste externe n’a été détruit que sur un point de l'os, il ne s’est formé un nouvel os que sur le point correspondant de l’intérieur du canal médullaire. Ta pièce n° 1 est la moitié du tibia gauche d’un Canard. L'animal n’a été soumis à aucune expérience , l'os n’a subi au- cune opération, et le canal médullaire est, par conséquent, à l'état normal. On voit dans ce canal médullaire, trés large, une membrane médullaire (ou périoste interne) très déve- loppée. Cet os à l’élat normal est placé ici pour servir de terme de comparaison relativement aux os qui suivent, os dans lesquels le canal médullaire se montre de plus en plus obstrué par un os nouveau. Les pièces n®% 2 et 5 sont les deux moitiés du tibia droit d'un Canard. Le périoste externe n'avait été détruit que sur la por- tion moyenne de los. Aussi le canal médullaire ne commence- til à s’oblitérer, par suite d’une nouvelle production osseuse , que dans le point correspondant à la région moyenne. L'animal a été tué six jours après l’opération. Il faut étudier sur les deux pièces que je décris ici, le périoste externe à la région moyenne de l'os, c’est-a dire à la région même où il avait été détruit et où il s’est reproduit. On voit là ce périoste nouveau très gonflé, très développé, comme le périoste l’est toujours, lorsqu'il est nouvellement re- produit. On l'y voit, de plus, détaché de los ancien, auquel il ne tardera pas à se rattacher. A l'intérieur de l'os, on voit (toujours à la région moyenne) le canal médullaire qui commence à s’oblitérer par l'accroisse- ment en épaisseur des parois de los ancien. Je dis accroissement en épaisseur : Vos nouveau qui, dans Vexpérience qui m'occupe en ce moment, se forme dans le ca- nal médullaire de l'os ancien , se forme toujours, en effet, par couches réguliérement déposées sur la face interne de l'os an- 1 312 FLOURENS. — Sur Les Os. cien. Les parois de cet os ancien ne font ainsi que s’accroitre en épaisseur. Enfin, par-delà la région moyenne, c’est-à-dire en allant de cette région moyenne vers chaque extrémité de los, on voit le canal médullaire & l’état normal, avec toute sa largeur ordi- naire, avec sa membrane médullaire complétement développée. Les pieces 4 et 5 sont les deux moitiés du tibia droit d’un Canard. Le périoste a été détruit partout, hors à la région su- périeure de l'os ;' et le canal médullaire est à-peu-près oblitéré partout, hors à sa région supérieure. L'animal a survécu sept jours à l'expérience. Les pièces 6 et 7, les pièces 8 et 9, reproduisent , à quelques légères différences près, les faits que je viens de décrire sur les pièces 4 et 5 , 2 et 3. Ainsi donc, d’une part, la destruction du périoste externe est toujours suivie de l’oblitération du canal médullaire, par suite d'une production osseuse nouvelle ; et, d'autre part, les points cblitérés du canal répondent toujours par leur position à la po- sition des points du périoste externe détruits. La membrane médullaire de l'os, le périoste interne , a done une force propre de formation; et, comme je le disais en com- mençant ce Mémoire , cette force est surtout évidente ( parce qu'elle se trouve alors accrue) quand on a détruit le périoste externe. Deux forces concourent donc à la formation de l'os : la force du périoste externe , et la force du périoste interne. Dans l’état normal , dans l’état ordinaire , l’action de chacune de ces deux forces garde ses limites propres : le périoste externe produit ou répare sans cesse l'os extérieur ; le périoste interne produit on répare sans cesse los intérieur, le tissu spongieux de los. Dans l’état ordinaire, il se fait donc une sorte de contrebalan- cement entre ces deux forces. Mais si l’on détruit le périoste interne, la force, dès-lors accrue et seule en action, du périoste externe, produit tout un os nou- veau à l'extérieur de l'os ancien ; et si l’on détruit, au contraire, le périoste externe, la force, dès-lors accrue et seule en action, FLOURENS. — Sur les Os. 313 du périoste interne, produit tout un os nouveau à l’intérieur de los ancien. Le périoste interne, la membrane médullaire, a donc une force formatrice ou de production. Arricie Il. Æxpériences mécaniques concernant le développe- ment des os en grosseur. Les expériences faites avec la garance nous ont appris que les os se développent en grosseur par couches successives et super- posées. Les expériences que je vais décrire sont, relativement à ce point, plus décisives encore. J'ai rapporté, dans un de mes précédens Mémoires, une belle expérience de Duhamel. Duhamel entoura d'u fil d'argent le tibia d’un jeune Pigeon. Au bout de quelque temps, l’anneau de fil d'argent , qui d’a- bord entourait l'os, se trouva entouré par los et contenu dans le canal médullaire. Les expériences qui suivent ont été faites à limitation de celle de Duhamel. J'ai entouré d’un fil de platine divers os longs, sur plusieurs animaux , sur des Chiens, des Lapins, des Cochons d'Inde , etc.; et voici ce que j'ai observé : La pièce n° 19 de la seconde série des pièces que je présenté à l’Académie , est le tibia droit d’un jeune Lapin (1). Sur cet animal , on a d’abord entouré le tibia d’un fil de pla- tine , placé immédiatement sur le périoste. On a laissé ensuite l’animal survivre pendant vingt-huit jours à l'expérience. Après ces vingt-huit jours , il a été tué. On voit, à-peu-près vers le milieu de l'os, Panneau de fil de platine; et l’on voit de plus que cet anneau,dans certains points, recouvre ce qui reste encore du périoste ancien; et, dans d'autres ponts, est recouvert par un périoste nouveau. Ainsi, et c’est là le premier point à noter, le périoste qui se (1) Les Lapius sur lesquels ont été faites ces expériences étaient âgés d'un moïs et demi à deux mois. 314 FLOURENS. — Sur les Os. forme , se forme par-dessus celui qui est déjà formé , le périoste nouveau se forme par-dessus l’ancien. La pièce n° 20 est le tibia droit d’un second Lapin opéré le même jour que le précédent, mais qui n’a été tué que trente- huit jours après l'expérience. Ici, non-seulement l'anneau de platine est recouvert tout en- tier par le périoste, mais il est recouvert, de plus, dans une cer- taine étendue , par une couche osseuse. Ainsi, et c'est là le second point à noter, le nouvel os, l'os qui s’est formé depuis l'application de l'anneau , ce nouvel os s’est formé par-dessus l'anneau ; encore une fois, l’os se forme donc par couches externes et superposées. La pièce n° 21 est le tibia droit d’un troisième Lapin opéré le même jour que les deux précédens, mais qui a survécu qua- rante-trois jours à l'expérience. L'anneau de platine est déjà recouvert, et dans une étendue déjà plus grande que sur la pièce n° 20, par de nouvelles couches osseuses (1). Enfin, les deux pièces qui suivent (les pièces 22 et 23) appar- tiennent au tibia d’un quatrième Lapin. L'animal a survécu cinquante-trois jours à l'expérience. Aussi l'anneau de fil de platine est-il recouvert par une portion d'os nouveau , beaucoup plus étendue et beaucoup plus épaisse que sur les deux derniers Lapins. Les pièces n° 22 et 23 sont les deux moitiés du tibia. L’os a été scié en long. On voit , sur la coupe de chaque moitié , le bout de l'anneau qui a été scié avec l’os. Les pièces 16 et 17 appartiennent au tibia droit d’un Cochon d'Inde. L'os a été entouré d’un fil de platine. Cela fait , l'animal a été soumis immédiatement au régime de la garance; le vingt-quatrième jour de l'expérience, il a été tué. (r) Ces couches sont seulement un peu plus minces que sur la pièce précédente, Je l'ai déjà dit: la rapidité de l'ossification, même à égalité d'âge, varie toujours un peu d’un individu à un autre, FLOURENS. — Sur les Os. 319 Tout l'anneau est déja recouvert par de nouvelles couches osselises. Les pièces 16 et 17 sont les deux moitiés de l'os scié en long. On voit, sur la coupe de chaque moitié, et à-peu-pres dans le milieu même de l’épaisseur de los, les bouts de l'anneau qui a été scié avec l'os. Ainsi donc on ne peut plus conserver aucun doute : l’expé- rience faite avec un fil métallique ‘parle comme l'expérience faite avec la garance. Le nouvel os, l'os qui n'existait pas lorsque l'anneau à été placé, se forme par-dessus l'anneau; l'os se forme donc par couches externes et superposées. Une seule objection pourrait être faite, et cette objection nous rameénerait à l'idée de Duhamel. Duhamel ayant vu, dans cette belle expérience que je repro- duis ici par les miennes, l'anneau qui d’abord recouvrait l'os, recouvert ensuite par l'os, supposa que les fibres de l'os, er s'étendant , s'étaient rompues vis-à-vis de l'anneau, et qu'après s'être rompues, elles s'étaient rejointes. Il suffit d'examiner avec quelque soin les pièces que je viens de décrire, pour se convaincre qu’il n’y a eu niextension ; ni rupture ; ni rejonction des fibres osseuses. Sur ces pièces, on voit l'os, dans les endroits où il est en- core recouvert par Panneau , parfaitement lisse, poli, sans au- cun indice de rupture quelconque; et, dans les endroits où il est déjà recouvert par des lames osseuses, on voit que ces lames sont de formation nouvelle. Mais enfin, comme l’objection que j'examine en ce moment est la seule qui puisse être faite, j'ai eu recours à des expé- riences qui me paraissent Ja résoudre d’une manière encore plus complète. Voici quelles ont été ces expériences : En même temps que j'entourais, sur un animal, un os long d’un anneau de fil de platine, je faisais sur ce même animal l’amputation de l'os correspondant du côté opposé, et cet os du côté opposé, qui devait me servir de terme de comparaison, était conservé. 316 FLOURENS. — Sur les Os. Puis Panimal était abandonné à luimême, et tué au bout d’un temps plus ou moins long. Or, les résultats que m’ont donnés ces nouvelles expériences ne font que reproduire les résultats que m’avaient donnés toutes les autres. Il est donc prouvé que l'os ne se distend point, qu'il ne se rompt point , et que tout l'os nouveau se forme par- dessus l'os ancien. La pièce n° 14 est le tibia droit d’un Cochon d'Inde. Ce tibia a été entouré d’un fil de platine. En même temps, on a amputé le tibia du côté opposé, et ce tibia opposé a été con- servé. Il forme ici la ‘pièce n° 15. L'animal ainsi opéré a survécu douze jours à l'expérience, et pendant ces douze jours il a été soumis au régime de la garance. Au boat de ces douze jours il a été tué. Examinons le tibia qui a été soumis à l’expérience. Vers le milieu de l'os est un bourrelet ou renflement circulaire formé par l'os nouveau ; et, depuis la tête de los jusqu’à ce bourrelet, tout est rouge. Où finit ce bourrelet se trouve l'anneau de platine. Enfin , six ou huit millimètres au-dessous de l'anneau, l'os a été rom- pu, de manière à laisser voir l’os ancien, qui est parfaitement blanc. Sur cette pièce, on voit donc tout l'os nouveau, marqué par ce qui est rouge, et tout l’os ancien, marqué par ce qui est blanc. Or, que l’on compare le bout rompu de la portion blanche de cette pièce, c’est-à-dire le bout rompu de l'os ancien, avec le point correspondant de la pièce placée dans le même bocal , pièce qui est le tibia du côté opposé (1), et l’on trouvera que le diamètre des deux os, aux points correspondans, est exactement le même. Ainsi, dans cette expérience, tout los nouveau est parfaite- ment distinct de tout l'os ancien. à Tout l’os nouveau est rouge; tout l'os ancien est blanc. (x) Tibia qui, comme je l'ai déjà dit, a été amputé au moment même où celui-ci a eté en- touré d’un anneau , ct qui a été conservé, FLOURENS. — Sur Les Os. 317 Tout l'os nouveau est par-dessus l'anneau ; tout l'os ancien est par-dessous l'anneau. Enfin, cet os ancien a le même diamètre que l'os du côté op- posé, lequel a été amputé le même jour qu’on entourait celui- ci d'un anneau, et offre par conséquent un terme de compa- raison sûr. Or, si, d’un côté, le diamètre de los ancien, lequel se re- connaît et à sa couleur, et à ce qu'il est entouré par l’anneau , est le même que celui de los amputé, cet os ancien ne s’est donc point étendu ; il n’y a donc point eu extension de ses lames. Et si, d’un autre côté , il y a par-dessus cet os ancien, et dont l'anneau qui l'entoure marque la limite propre; s’il y a, dis-je, par-dessus cet os ancien des couches osseuses qui sont plus tendres , des couches qui sont rouges, comme le demande le dernier régime auquel l'animal a été soumis, n'est-il pas évident que ces couches plus tendres, que ces couches rouges, que ces couches placées par-dessus la portion d'os entourée de l’an- neau , que ces couches placées par-dessus l'anneau, sont les couches nouvelles ? L'os se forme donc par couches, par couches externes, par couches superposées. ARTICLE IL. Æxpériences mécaniques concernant le développe- ment des os en longueur. J'ai rapporté, dans un autre Mémoire (1), deux belles expé- riences , l’une de Duhamel, l’autre de J. Hunter. Duhamel perça le tibia d’an jeune Poulet de plusieurs trous. Au bout d'un certain temps, l'os s'était allongé, mais il ne s’é- tait allongé que par ses extrémités : la position relative des trous n'avait point changé. J. Hunter fit sur le tibia d’un jeune Cochon deux trous. Au bout d'un certain temps, l'animal s'était beaucoup accru; son (1) Annales des Sciences naturelles , tome xv, p- 244 el suiv. 318 FLOURENS. — Sur des Os. tibia s'était notablement allongé; mais la distance entre les deux trous était restée la même. J'ai pratiqué sur le tibia de plusieurs Lapins deux trous. L'intervalle entre ces deux trous a été mesuré très exactement. Et, en même temps que je percçais ainsi le tibia d'un côté de deux trous , j'amputais le tibia du côté opposé, et je le conser- vais pour que, lorsque le moment en serait venu, il püt me servir de terme de comparaison. La pièce n° 2 de la troisième série de pièces que je présente , est le tibia gauche d’un Lapin. Ce tibia a été détaché du corps par amputation le jour même où l’on pratiquait deux trous, à intervalle exactement mesuré, sur le tibia droit. La pièce n° r est le tibia droit. Vers le milieu de l'os, se voient les deux trous dont je parle et les petits clous d'argent que j'y avais enfoncés. L'animal a survécu vingt-huit jours à l'expérience. Or, quand l'expérience a été faite , il y avait entre les deux trous 0",022 de distance ; et au moment où l’animal a été tué, il n’y avait entre les deux trous que 0",022 de distance. L’intervalle entre les deux trous était donc resté le même. Et cependant l’animal s'était sensiblement accru; le tibia , en particulier , s’était allongé de 0°,012. Le tibia n° 2 offre la longueur au moment de l'expérience. Cette longueur est de 0",068. Le tibia n° 1 offre la longueur à la fin de l’expérience, Cette longueur est de 0",080. La pièce n° 4 est le tibia gauche d’un Lapin. Ce tibia a été amputé le jour même où l’on a pratiqué deux trous sur le tibia droit. La pièce n° 3 est le tibia droit. Vers le milieu de los sont les deux trous et les clous d'argent enfoncés dans ces trous. L'animal a survécu cinquante:trois jours à l'expérience. Au bout de ce temps, le tibia soumis à l’expérience, comparé au tibia amputé , se trouve à-peu-près d’un tiers plus long. Le tibia amputé au moment de l'expérience, a 0",063 de longueur. FLOURENS. — Sur les Os. 319 Le tibia conservé a , à la fin de l'expérience, 0",094. L’intervalle entre les deux trous était de 0”,020 au commen- cement de l’expérience; il est, à la fin de l'expérience, de 0",020. La pièce n° 6 est le tibia gauche d’un Lapin, le tibia amputé au moment de l'expérience. La pièce n° 5 est le tibia droit du même Lapin, le tibia sou- mis à l’expérience. L'animal a survécu quatre-vingt-sept jours à l'expérience. Le tibia amputé au commencement de l’expérience, a 0”,066 de longueur. Le tibia conservé a, à la fin de l'expérience, 0",r104 de longueur. La différence de longueur entre les deux tibias est donc de 0",038, c’est-à-dire de plus d’un tiers. Et cependant l'intervalle entre les deux trous , qui, au com- mencement de l'expérience, était de 0020, est de 0",020 à la fin de l'expérience. Les expériences mécaniques parlent donc encore ici comme les expériences par la garance. Quand on pratique deux trous sur un os, et qu'on laisse l'animal survivre pendant un certain temps à l’expérience, l'intervalle entre ces deux trous reste le même , et cependant l'os s’allonge. L’os ne s’allonge donc que par ses extrémités : il ne croît en longueur que par couches ter- minales et juxtaposées. ArrTicue IV. Mécanisme de la reproduction du périoste. Le périoste se reproduit par couches externes et superposées. Les expériences mécaniques, faites au moyen d’un fil de platine passé autour du périoste , le prouvent avec évidence. Dans ces expériences, l'anneau est placé par-dessus le pé- rioste, et l’on voit encore ce périoste ancien sous l'anneau , que déjà un périoste nouveau se forme par-dessus cet anneau et le recouvre. La piece n° 19 de la seconde série des pièces que je présente montre, sur un point de l'os, l'ancien périoste recouvert par 320 FLOURENS. — Sur les Os. l'anneau; et, sur un autre point, le périoste nouveau recouvrant déjà l'anneau. Le fait que le périoste recouvre l’anneau est de toute évidence sur les pièces 19, 20 , 21, 22 et 23. Mais le périoste ancien , pressé par l'anneau, aurait pu, dira- t-on , se rompre et se rejoindre ensuite par-dessus l’anneau. La pièce 19 lève toute espèce de doute à cet égard. Là le périoste ancien subsiste : il n’est point rompu, et un autre périoste, c’est-à-dire un périoste nouveau , recouvre l'anneau. Le périoste se forme et se produit donc par couches externes et superposées. En terminant ce Mémoire , je me fais un devoir, ou plutôt un plaisir, de dire que M. J. Guérin m'a montré , il y a quelques jours , de fort belles pièces d'anatomie pathologique, sur les - quelles on démêle très nettement l’action formatrice du périoste interne, rendue manifeste par l’action du rachitisme. Je dois dire aussi que M. le docteur Rognetta m’a communiqué, peu après la lecture de mon dernier Mémoire, un travail très étendu sur la membrane médullaire , travail qu’il a publié dans la Gazette des hôpitaux , et dans lequel, par le rapprochement savant d'un grand nombre de faits, il jette un véritable jour sur le rôle que joue cette membrane dans la nutrition des os, et plus particulièrement encore dans plusieurs de leurs maladies. Lisre des genres d’Oiseaux , par J. Gray. Seconde édition , in-8°, Londres, 1841 et 1842. Cet ouvrage, dont M. Gray vient de terminer la seconde édition, n’est pas un simple catalogue, comme son titre semble l’annoncer ; on y trouve l’enumé- ration des espèces typiques de chaque genre , et, ce qui intéresse davantage les ornithologistes, l'indication des principales synonymies. En le parcourant, on est frappé du nombre considérable de doubles emplois dont la science a été chargée depuis quelques années, et on comprend combien les travaux de cri- tique, de la nature de ceux entrepris par l’auteur, sont nécessaires afin de débarrasser nos classifications de toutes ces fausses richesses. a ——— MILNE EDWARDS, — Sur divers Mollusques. 327 OBSERVATIONS SUR LA STRUCTURE ET LES FONCTIONS DE QUELQUES ZOOPHYTES, MOLLUSQUES ET CRUSTACÉS DES CÔTES DE LA FRANCE, Par M. H. Mrxe Epwarps. CHAPITRE SECOND. (1) OBSERVATIONS SUR DIVERS MOLLUSQUES. Les observations suivantes, de même que celles consignées dans la première partie de ce Mémoire, ont été pour la plupart recueillies à Nice, à Toulon ou à Cette, pendant les années 1840 et 1841. Elles sont si imparfaites, que je désirais pouvoir les compléter avant de les offrir au public; mais diverses circon- stances m’ayant empêché de visiter de nouveau les bords de la Méditerranée, et ne me permettant pas de reprendre main- tenant des recherches de cette nature, je me suis décidé à les faire connaître, car elles se rattachent à des questions intéres- santes, et serviront peut-être à appeler l'attention des zoolo- gistes sur plusieurs points obscurs de l’histoire des animaux non vertébrés. $ I. Sur l’hermaphrodisme des Pectens. Pendant long-temps les zoologistes, n’ayant aperçu aucune différence sexuelle chez les Mollusques acéphales, et n’ayant constaté l'existence d’aucun organe reproducteur autre que l’o- vaire, pensaient que les œufs de ces animaux n’avaient pas be- soin d’être fécondés, et que la multiplication de l'espèce s’ef- fectuait à l'aide de l'appareil femelle seulement. Cette opinion a été infirmée par les observations intéressantes du docteur (1) Voyez tome xvr , page 193. XVIII, Zoor., — Décembre, 1 322 MILNE EDWARDS. — Sur divers Moilusques. Prévost, de Genève, car ce physiologiste distingué a fait voir que chez la Moulette des peintres, il existe des organes mâles aussi bien que des organes femelles, et que ces deux appareils sont portés par des individus différens(r). De nouvelles recher- ches, dues à MM. Wagner (2), Kirtland (3) ct Siebold (4), nous ont appris qu'il en était de même pour diverses espèces d’'Unio de l'Amérique , pour les Anodontes et le Mytilus polymorphus, mais que les Cyclas cornea , lacustris et rivicola , sont au con- traire hermaphrodites. Pendant mon séjour sur les côtes de la Méditerranée, j'ai également observé des différences analogues chez d’autres Mollusques acéphales : ainsi j’ai trouvé les organes mâle et femelle portés par des individus différens chez les Vé- nus et les Bucardes, tandis que chez les Pectens, j'ai constaté la présence de ces deux appareils sexuels réunis chez le même individu. Chez ces derniers Mollusques, l'ovaire (5) se distingue facile- ment à sa couleur rouge orangé ; il occupe toute la partie infé- rieure et postérieure de l’abdomen; son tissu est d’apparence gra- nuleuse, et il donne naissance à un conduit qui traverse une por- tion'de la masse du testicule situé au-dessus , remonte à quelque distance du bord antérieur du muscle, et va se terminer entre \a base des tentacules, le sommet de l’abdomen et l'extrémité antérieure des branchies. Le testicule (1) occupe plus de place, et s'étend sur toute la partie antérieure de l'abdomen, depuis son extrémité inférieure jusqu’à la base des tentacules; il est d'un blanc laiteux, et paraît être composé de petites vésicules réunies par grappes. Ântérieurement il se continue dans le pied et s'y termine par deux petites ouvertures situées dans le sillon du bord inférieur de cet organe, près du frein(7) qui sépare cette espèce de gouttière de la fente terminale (7’). Un autre organe ex- créteur, qui est de couleur jaunâtre, et qui se trouve de chaque côté du corps au-devant du muscle et sous l’extrémité antérieure (x) Annales des Sciences naturelles, 1°° série, tome vrx, page 447. (2) Archiv für Naturgeschichte, von Wiegmann , 1835, tom. 11, page 28. (3) Silliman's American Journal of Science’, 1834, ‘vol. xxW1, p. 117. (4) Archiv für Naturgeschichte, vor Wiegmann, 1837, tom, 1, p. 51. (5) Planche 10, fig. 1, 4. MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. 323 de la branchie, paraît être aussi en connexion avec le pied par son conduit excréteur, et pourrait bien remplir le rôle d’une glande accessoire. S IT. Sur l’organisation de la Carinaire de la Méditerranée. Dans une lettre adressée à mon excellent ami M. Audouin, et imprimée par extrait dans nos Annales (1), j'ai rendu un compte sommaire de quelques observations faites par M. Peters et moi sur l'anatomie des Carinaires. L'organisation de ces Mollusques avait déjà été étudiée par Poli (2), Delle Chiaje (3), Costa (4) et plusieurs autres zoologistes, mais n’était encore qu'impar- faitement connue, et il m'a semblé qu'il ne serait pas inutile de donner à ce sujet quelques dessins accompagnés de détails descriptifs plus circonstanciés. Le premier. fait nouveau que nous avons constaté en exami- nant un grand nombre de Carinaires pêchés dans la baie de Nice, est la distinction des sexes chez ces Mollnsques. Les z00- Jogistes s’accordaïent assez généralement à les considérer comme ayant les organes mâle et femelle réunis chez le même individu. M. de Blainville assigne ce caractère à la sous-classe dans la- quelle ces Gastéropodes prennent place, et semble y attacher une grande importance , puisqu'il désigne cette division sous le nom de Paracéphalophores monoiques (5). M. Delle Chiaje croit avoir distingué un testicule situé près de l'ovaire (6), et, à ma connaissance, M. Laurillard est le seul observateur qui ait ré- voqué en doute l’hermaphrodisme des Carinaires(7). Cependant rien n’est plus facile que de distinguer au premier coup-d’œil (1) Seconde série, tome xur, page 195. (2) Testacea utriusque Siciliæ, tom. ut. (3) Notes insérées dans le troisième volume de Poli, et Memorie sulla storia e notomia de- gli animali senza vertebre di Napoli, tom. n, p. 139. (4) Anuales des Sciences naturelles, première série (1829), tome xvr, page 107. (5) Dictionn. des Se. nat., tome xxx11, page 242. (6) Poli, op, cit. , tom, ur, p. 33. (7) Dans une note ajoutée à la deuxième édition du Aègre amimal de Cuvier , on lit que « toutefois, M, Laurillard croit leurs sexes séparés ». (Tom, 111, p. 67.) 52/ MILNE EbWanRvs. — Sur divers Mollusques. les mâles des femelles, car l'appareil copulateur des premiers est saillant au dehors, et ne ressemble en rien à celui des fe- melles. En effet, du côté droit du corps (l'animal étant supposé sur le ventre, ce qui est l'opposé de sa position ordinaire), on voit, chez le mâle(r), deux appendices non rétractiles d’un volume assez considérable, qui sont réunis à leur base, et qui naissent entre la nageoire et l’espèce de collet par lequel l'abdomen se trouve uni à la partie analogue au pied des Gastéropodes ordi- naires; l’un de ces appendices est cylindrique et renflé au bout, de façon à ressembler beaucoup à la verge de quelques Mammi- fères, mais n’est pas un véritable tube , et consiste en une ex- pansion lamelleuse roulée sur elle-même et reployée à son ex- trémité ; l’autre appendice est de forme conique, et on distingue dans son intérieur un canal blanchâtre qui aboutit à son som- met, et qui n’est autre chose que la portion terminale du conduit déférent, lequel, arrivé dans la masse du pied, se recourbe brusquement vers l'abdomen, passe obliquewnent sur la racine de cette portion du corps,, et va se perdre dans la substance du testicule. Ce dernier organe occupe toute la portion dorsale de l'abdomen et recouvre er partie le foie (2), dont il est facile de le distinguer, car sa couleur est d’un blanc laiteux , tandis que celle de la masse hépatique est d’un violet foncé. Les zoospermes qui s’y trouvent en grande abondance et se meuvent avec vivacité, sont fusiformes antérieurement, et se terminent par une queue très longue (3). L’ovaire, comme on le sait, occupe la même place chez la femelle. L'appareil digestif a été décrit avec détail par Poli et M. Delle Chiaje, et, par conséquent, il est inutile d’y revenir en ce mo- ment. Ce dernier anatomiste a fait connaître aussi la disposition générale du système circulatoire; mais nos observations à ce sujet ne s’accordant pas complètement avec les siennes , nous croyons devoir en dire quelques mots. Les branchies(4) occupent le côté gauche de l'abdomen , et ressemblent beaucoup par leur (:) Planche 10, fig. 3. (2) Planche 70, fig. 1,4. (3) Planche 15, fig. 7. 4) Planche 10, fig. 3, et planche zr, fig. 1,2 MILNE £oWaRDs. — Sur divers Mollusques. 325 structure à celle des Pleurobranches. Les veines branchiales dé- bouchent dans deux troncs qui longent le bord supérieur de l'appareil respiratoire et se réunissent vers le milieu de celui-ci pour former un tronc unique, lequel se termine presque aussitôt dans une oreillette globuleuse (1). Le ventricule du cœur est sé- paré de l'oreillette par un étranglement très marqué, etse continue du côté opposé avec une grosse artère à laquelle on peut donner le nom d’aorte. Ce vaisseau , comme l’a observé M. Delle Chiaje, se divise bientôt en deux branches dont l’une se recourbe en bas vers le pied, tandis que l’autre se dirige en sens opposé et gagne le bord dorsal de l'abdomen correspondant à la carène de la coquille. Suivant le savant anatomiste que nous venons de citer, cette branche, après avoir suivi ce bord dans toute sa longueur , se rendrait aussi au pédoncule de l'abdomen pour s’y anastomoser avec la première , et de l'anneau vasculaire ainsi formé partirait un tronc unique destiné à porter le sang vers la tête. Cette disposition serait très remarquable, mais ne nous pa- raît pas exister; car labranche dorsale (7) nous a paru n’envoyer ses rameaux qu’au foie, au testicule ou à l'ovaire, et aux autres parties de l'abdomen; et la branche inférieure, qui doit être considérée comme étant la continuation de l’aorte (0), ne reçoit aucun rameau anastomotique de quelque importance; elle ne donne aucune branche notable aux viscères abdominaux, mais descend du côté gauche entre la couche charnue du pédoncule et le foie, passe entre cette glande et l'intestin, puis pénètre dans la grande cavité céphalique , et se dirige en avant et en bas en suivant à-peu-près la face inférieure du tube alimentaire. Parvenue près de la base de la nageoire, l'artère aorte donne naissance à une grosse artère céphalique (p) quise dirige en avant et se rend à la masse pharyngienne sans avoir donné naissance à aucun rameau important ; là , elle se divise en quatre branches qui se portent en dehors et pénètrent dans les muscles de la trompe et dans les parties voisines (2). Le tronc aortique , après avoir donné naissance à cette artère, se recourbe en bas et en ar- (1) Planche 11, fig, x (2) Planche 11, fig, 2, PARLE 326 MILNE EDWARDS. — Our divers Mollusques. rière (1), envoie quelques ramuscules aux tégumens, et donne naissance, chez le mâle, à une artère assez grosse qui porte le sang à l'appareil copulateur; il fournit ensuite l'artère de la nageoire ventrale, dont les principaux rameaux se distribuent sur l'espèce de cupule dont le bord inférieur de cet organe est garni ; enfin, ce gros vaisseau se bifurque à sa rencontre avec le nerf principal de cette nageoire, et ses deux branches qui marchent l’une à côté de l’autre, se portent directement en arrière, puis se recourbent en haut, gagnent le bord dorsal de la portion candale du pied, et là se courbent de nouveau pour continuer leur route vers l'extrémité postérieure : je suis porté à croire que c'est cette vortion ascendante des branches terminales de l'aorte qui a été prise pour les organes mâles par M. Delle Chiaje. (2) Le système nerveux est plus compliqué dans sa structure qu’on ne l’a pensé jusqu'ici. Sa disposition générale a été indi- quée par M. Delle Chiaje, et ne diffère que peu de celle des piroles, telle que M. Lesueur l’a fait connaître (3). Le centre mé- dullaire, que l’on désigne d'ordinaire sous le nom de cerveau (4), est situé près de la base des tentacules et des yeux, dans une petite excavation de la paroi dorsale de la grande cavité cépha- lique, et à une distance assez considérable du tube digestif placé au-dessous. Il.se compose de deux masses ganglionnaires prin- cipales, de forme arrondie, qui sont intimement unies entre elles sur la ligne médiane, et qui portent chacune latéralement un ganglion pyriforme, peu volumineux. Ces derniers renfle- mens nerveux sont des ganglions optiques , car leur sommet se continue avec un nerf assez gros qui se dirige en haut et en avant, pénètre dans l'œil du côté correspondant; et s’y termine. Près de la base de ces ganglions ou bulbes des nerfs optiques, on voit naître de la face supérieure du cerveau une paire de nerfs très gréles, qui se dirigent en avant et se divisent bientôt en deux branches dont l’une se distribue au front, et l’autre pénètre dans la tentacule correspondante. Une troisième paire (:) Planche 11, fig, 1,gq. (2) Voy. Poli, tom. mm, pl. 44, fig. 5, G. (3) Journ. of the Acad. of the nat. Scienc. of Philadelphia, vol. 1, p. 3 (4) Planche 11, fig, x et 5. MILNÉ EDWARDS. — Sur divers Mollusques. 3: 1 de. nerfs, encore plus grêles que les précédens, part de la partie antérieure et inférieure du cerveau, se dirige en de- hors, et offre bientôt un petit renflement ganglionnaire qui parait être uni à l'organe découvert récemment par MM. Ey- doux et Souleyet, et considéré par ces naturalistes comme étant un appareil auditif (r)}; au-delà de ce point, le nerf se ramifie dans les parois de la cavité céphalique, et ne pré- sente rien de particulier. Une autre paire de nerfs naït du bord antérieur du cerveau, se dirige en bas, et, après avoir parcouru un trajet très long sans se diviser, va se ramifier dans les tégu- mens au-devant de la masse pharyngienne. Un peu plus en de- hors, il part également du cerveau une paire de nerfs un peu plus gros , qui suivent à-peu-près le même trajet, mais qui vont s'accoler aux parties latérales de la masse pharyngienne; là, elles envoient une branche antérieure aux tégumens, puis se recourbent en arrière et en haut, donnent des rameaux aux muscles du pharynx, et se terminent dans une paire de gan- glions très petits (2), qui reposent sur la face postérieure de la masse charnue dont nous venons de parler, et se trouvent par conséquent au-dessous de l’œsophage. Ces ganglions sont,comme on le voit, les analogues des ganglions labiaux déjà décrits chez un grand nombre de Mollusques, et un cordon commissural les unit entre eux, de facon qu’ils forment, avec leurs cordons pé- donculaires et le cerveau dont ceux-ci partent, un collier œso- phagien accessoire. 1l est aussi à noter que ces ganglions labiaux donnent chacun naissance, non-seulement à des branches des- tinées aux muscles du pharynx, mais aussi à un nerf récurrent qui monte en serpentant sur les parois du tube digestif et s’y ramifie. En arrière des cordons ganglionnaires dont nous venons de parler, ilnaït du cerveau deux paires de nerfs dont les branches principales ’se ramifient dans les parties latérales de la tête, et dont deux rameaux très grèles vont s’'anastomoser avec les nerfs voisins (3); l’un de ces filets anastomotiques se porte en avant, et (1) Aun, franc. et étrang. d'anat, , tom. 11, p. 305, et tom. ur, p. 318, (2) Planche 1x, fig. 2. (3) Planche 11, fig, x et 3, 328 MILNE EDWARDS. — Our divers Mollusques. va s'unir au cordon pédonculaire du ganglion labial du côté correspondant ; l’autre se dirige en arrière et va rejoindre le cordon commissural qui lie entre eux le cerveau et les gan- glions pédieux. Une septième paire de nerfs, situés un peu en arrière des précédens et se distribuant également aux parties latérales du corps, ne présente rien de remarquable. Une autre paire, destinée à la portion du corps située entre le front et l'abdomen, naît de la partie postérieure et supérieure du cer- veau; enfin du bord postérieur de cette masse médullaire, on voit partir quatre cordons nerveux, dont deux descendent sur les côtés de l’œsophage pour se rendre aux ganglions pédieux, et les autres longent la face supérieure du tube digestif, pénètrent dans l'abdomen, et vont se terminer dans une paire de gan- glions abdominaux sur la disposition desquels nous aurons bien- tôt à revenir. Les ganglions post-æsophagiens où pédieux se trouvent, comme on le sait, à une distance très considérable du cerveau, et forment par leur réunion une masse assez grosse, qui est ac- colée à la paroi inférieure de la grande cavité céphalique, près le la base de la nageoire ventrale. Le collier œsophagien flotte librement dans cette cavité et embrasse les artères aorte et cé- phalique, aussi bien que le tube digestif ; quant au centre ner- veux qui le ferme postérieurement , il paraît résulter de l'union intime de cinq noyaux médullaires. En effet, lorsqu'on l’exa- mine par sa face supérieure (1), on y voit quatre renflemens gangliformes réunis par paires et laissant entre eux un petit espace central vide; latéralement (2) on aperçoit deux de ces bulbes, et au-dessous de celui situé en arrière, on distingue un troisième renflement de même forme, donnant naissance, comme les autres, à un cordon nerveux assez gros. Les principaux nerfs qui naissent de ce centre médullaire sont: 1° une paire de filets grêles qui se dirigent en avant et se distri- buent à la partie latérale etinférieure de la portion céphalique du corps; 2° un nerf beaucoup plus gros, qui part du bulbe postéro- (1) Planche 11, fig. 4. (2) Planche 11, fig, 5. MiLNE Epwanrps. — Sur divers Mollusques. 520 inférieur , se porte obliquement en bas et en arrière, dans l'é- paisseur de la nageoire ventrale, et s'y divise en deux branches qui , après avoir donné quelques ramuscules , vont se terminer sur la cupule dont le bord inférieur de cette nageoire est garni; 3° une paire de nerfs qui partent du bord postérieur du bulbe postéro-supérieur, marchent à-peu-près horizontalement, et donnent naissance à un grand nombre de branches destinées aux diverses parties de la grande nageoire caudale ; 4° une paire de cordons qui partent de la face supérieure des renflemens postéro-supérieurs, remontent verticalement sur les côtés du canal digestif où ils donnent quelques ramuscules, et vont se terminer daus les ganglions abdominaux. Quelques autres nerfs naissent aussi de ce centre ganglionnaire et se rendent à la na- geoire ventrale et aux parties latérales du corps, mais n’offrent dans leur disposition rien d’important à noter. Les ganglions abdominaux, auxquels vont aboutir les cor- dons venant du cerveau ainsi que ceux fournis par les ganglions pédieux (ou post-æsophagiens), sont situés symétriquement de chaque côté du foie, près du point où le bord antérieur des faisceaux charnus du pédoncule abdominal se porte sous le manteau (1); ils sont peu volumineux, et donnent naissance à quatre paires de nerfs dont trois se distribuent aux viscéres, aux muscles et aux tégnmens de l'abdomen, et dont la quatrième se dirige en bas et en avant, et va se terminer dans un petit gan- glion anal situé un peu à gauche sur la face inférieure de l’ab- domen, et à quelque distance en avant de l’anus. Ce ganglion envoie quelques rameaux aux branchies, aux organes généra- teurs, etc., et ferme, comme‘on le voit, un troisième anneau médullaire jeté autour du canal digestif ; il se trouve ainsi que le cerveau, du côté dorsal de ce tube, et, par conséquent , il ne peut être considéré comme un analogue des ganglions abdomi- naux des animaux articulés. (1) Planche 1x, fig. 1 et 6. 330 MILNE EDWARDS, — Sur divers Mollusques. $ LL. Sur l’existence d’un appareil gastro-vasculaire chez La Cailiopée de Risso (E), Mollusque de la famille des Eolidiens. Enobservant à Nice une petite Calliopée dont les tissus étaient incolores et d’une grande transparence, j'ai aperçu chez ce Mollusque un système de canaux très développé qui commu- nique avec la portion antérieure du tube digestif, reçoit dans son intérieur les matières alimentaires presque aussitôt après que l’animal les a avalés, et se répand dans toutes les parties du corps. Ce singulier appareil (x)se compose principalementde deux vaisseaux longitudinaux,, qui occupent les côtés du corps et donnent naissance à un ;grand nombre de branches dont les unes pénètrent dans les tentacules ; d’autres se distribuent aux lèvres, au pied, etc., et d’autres encore se portent en haut et en dehors, puis se divisent chacun en deux ou trois rameaux, lesquels s'engagent dans les appendices foliacés implantés sur le dos et désignés communément sous le nom de branchies. Chaque appendice reçoit un de ces vaisseaux, qui bientôt se renfle beaucoup et constitue une sorte d’utricule allongée dont les dimensions sont souvent presque égales à celles de l’appen- dice lui-même. Ces coœcums sont tres contractiles, et les matières contenues dans leur intérieur ainsi que dans le reste du système de canaux situé au-dessous, y circulent avec rapidité. Cet appareil me semble devoir être comparé, d’une part, à celui qui, chez. les Méduses, se porte de l’estomac au pourtour de l’ombrelle et y.constitue un acis vasculaire très serré, et d'autre part aux appendices tubuleux qui, chez les Nymphons, naissent du canal digestif, pénètrent jusqu’à l'extrémité des pattes , et sont animés d’un mouvement péristaltique très ra- pide. Je ne me rappelle pas d’en avoir vu l’existence mentionnée par les malacologistes, et je regrette de n’avoir pas eu l’occa- sion d’en faire une étude plus approfondie ; mais les lacunes que je laisse dans sa description ne tarderont pas à être com- (1) Planche 10, fig, 2 MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. 331 blées, car un jeune zoologiste d'un grand mérite, M. Lôwen, de Stockholm, a fait sur ce point des observations plus com- plètes que les miennes, et se propose de les publier prochai- nement. (1) S IV. Sur les spermatophores des Cérhalopodes. Les corps singuliers découverts par Swammerdam dans l'ap- pareil mâle de la Seiche, et par Needham dans le Calmar , ont été examinés par un grand nombre de zoologistes; mais leur vature n’est encore qu'imparfaitement connue, et parmi les au- teurs qui en ont parlé, les uns n’ont émis à ce sujet que des doutes, tandis que les autres ont avancé les opinions les plus contradictoires. Swammerdam (2), qui a donné de ces filamens ou {ubes à ressort une description brève, accompagnée de fi- gures grossières, mais instructives, ne se prononce pas quant à leurs usages. Needham (3), après en avoir fait l'objet d’une étude attentive, les a considérés comme étant des tubes semi- uiféres ou réservoirs de la liqueur spermatique, analogues aux grains du pollen chez les végétaux. Buffon (4) et Bonnet (5) les observèrent à leur tour, mais n’ajoutèrent rien d’important à leur histoire ; cependant le premier de ces naturalistes en parle comme étant des animalcules spermatiques. Denys de Montfort(6) au contraire, assura avoir trouvé dans leur intérieur, non pas des granules comme le voulait Buffon, mais de véritables zoo- spermes. Cuvier (7) constata l’existence de ces mêmes tubes à (1) Depuis la rédaction de cet article, j'ai reçu de M. de Quatrefages une lettre contenant de nouveaux détails sur cet appareil (voyez les Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, séance du 24 octobre 1842), et le Mémoire qu'il prépare sur ce sujet et sur quelques autres points relatifs à l'anatomie des Éolides, paraîtra dans un des prochains cahiers des Annales. (2) Ziblia nature, p. 353, et Collection académique , 1. v, p. 621, pl. 36, fig. 7,8, 10. (3) An account of some new microscopical discoveries, London, 1745 (et trad. française , édit. de Leide, p. 44 et suiv.., pl. tr et 1v). (4) Hist. gén. des anim., p. 244 (édit. de Verdière). (5) Considérations sur les Corps organisés, tome 1 , page 74. (6) Histoire naturelle des Mollusques, tome 1, page 234. (7) Leçons d'anatomie comparée ; tome v, page 168. 332 MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. ressort chez les Poulpes aussi bien que chez les Seiches et les Calmars, mais n’osa émettre aucune opinion relative à leur ori- gine ou à leurs usages. M. Dutrochet (1), sans confirmer en rien les résultats annoncés par Denys de Montfort, revint à l'hypothèse de Needham, et compara aussi ces tubes ou étuis aux grains du pollen végétal ; il expliqua en même temps, par l'influence de l’endosmose , les mouvemens singuliers qu'ils exécutent au contact de l’eau, mais, du reste, n’ajouta rien à leur histoire. Vers la même époque, M. Wagner (à) tira de leur étude des conséquences très différentes, car il assura avoir trouvé dans l’intérieur de chacun d’eux, non pas des granules comme le voulait Buffon, ni des zoospermes comme le préten- dait Denys, mais un animal tout entier, un ver intestinal, très analogue à un Echinorhynque, portant en avant une trompe armée d’épines, et en arrière des éminences arrondies. M. Sie- bold (3) combattit cette assertion, et considéra les filamens dé- couverts par Swammerdam comme étant des zoospermes par- venus au plus haut degré d'organisation. M. Delle Chiaje, au contraire, ne se borna pas à signaler des analogies entre ces corps et les vers intestinaux : il dit formellement que ce sont de véritables Helminthes (4), et il décrit sommairement ceux de la Seiche sous le nom de Sco/ex dibothrius, tandis que ceux du Poulpe sont pour lui une espèce particulière de Monosto- mes (5). Vers la même époque , M. Dujardin, en traitant des. zoospermes en général, annonça avoir constaté que, chez le Poulpe, la matière blanche renfermée dans les tubes de Nee- dham est exclusivement formée d’une immense quantité d’ani- malcules spermatiques (6) ; mais il ne donna aucun détail sur la constitution de ces corps singuliers. (x) Mémoires pour servir à l’histoire anatomique et physiologique des végétaux et des ani— maux, tome 11, page 510, (2) Zehrbuck der vergleichenden anatomie, p. 312. (3) Uler die Spermatozoen der Crustaceen , etc. Archives de Muller, 1836 , p. 43. (4) Anim. senza verteb. di Napoli, tom. 1v, p. 99. (5) Op. cit., p. 53, pl. 55, fig. 8 et 9. (6) Ann. franc. et étrang, d'anat. , par MM. Laurent , Bazin , etc., tom. 1, p. 244. MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusque. 333 Plus récemment , M. Carus (1) publia un mémoire très étendu sur les corps needhamiens de la Seiche, dans l’intérieur desquels il décrivit un grand nombre de parties distinctes qu’il désigna sons les noms de pharynx, d'estomac, d’intestin grêle, de gros intestin, d’ovaire, etc. D'après les résultats de ses recherches, il n’hésita pas à reconnaître dans ces corps l’organisation carac- téristique des êtres animés, et, pour les classer , il proposa de créer dans le règne animal une nouvelle division générique sous le nom de Needharmia : « Ce sont, dit-il, des espèces de sperma- tozoaires, mais des spermatozoaires plus gros et organisés d’une manière plus parfaite que tous ceux connus jusqu'alors, et ils ap- partiennent, comme les zoospermes ordinaires, les helminthes, etc., à la grande division des animaux épizootiques »; ce qui expliquerait, suivant lui, les particularités de leur structure comparée à celle des animaux Telluriques. Enfin, M. Philip- pi(2), en étudiant les prétendus parasites ou zoospermes gi- gantesques du Poulpe, arriva à des conclusions bien différentes de celles du célèbre professeur allemand : il assure que ces corps singuliers ne sont ni des vers intestinaux, ni des animaux indépendans, mais des espèces de machines servant probable- ment comme autant de réservoirs spermatiques; il en a vu sortir une matière contenant des corpuscules filiformes, mais il n’ose affirmer que ceux-ci soient de véritables zoospermes, car il ne les a pas vus à l’état vivant. C'est là aussi l'opinion à laquelle s’est arrêté M. Siebold (1), qui a trouvé dans l'alcool , où étaient conservés des tubes needhamiens, une multitude de corpuscules ayant absolument la forme d’animalcuies spermatiques. Au milieu de ce dédale d'opinions discordantes, il était diffi- cile de se prononcer sur la nature des fameux tubes , machines ou animalcules de Needham, comme les appelle Cuvier ; les ob- servateurs les plus récens sont arrivés à des résultats aussi di- (1) Needhamia expulsatoria sepiæ officinalis, Beschreïben und abgebildet und mit einigen bemerkungen uber epiorganische geschopfe begleitet von D° Carus. (Actes de la Soc. Cæs. Léopol, des Cur, de la Nat. de Bone, tom. x1x, p, 1:) (2) Archives de Physiologie de Muller, 1839, page 305. (3) Beitrage zur Naturgeschichte der Wirbellosenthiere , p. 51. Dantzig, 1839. 33/ MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. vergens que ceux obtenus par les anciens micrographes, et la question ne pouvait guère être considérée comme résolue. Il m'a semblé, par conséquent, qu'il serait bon de l’étudier de nou- veau, et pendant mon séjour à Nice, je m'en occupais , lorsque appris du docteur Peters qu'il se livrait à un travail analogue, et qu'il venait d'adresser quelques lignes sur ce sujet au savant rédacteur des Archives de Physiologie (1).Mes observations por- taient principalement sur les Poulpes; celles de M. Peters, plus nombreuses et plus complètes, avaient pour objet les Seiches ; et, afin de mieux utiliser nos investigations, nous nous sommes déterminés à réunir nos travaux et à poursuivre en commun les recherches que nous avions commencées chacun de notre côté. Ce sont les résultats obtenus par cette collaboration que j'ai déjà communiqués sommairement à l'Académie en avril 1840 (2), et que je vais exposer ici avec plus de détails. (3) En étudiant les corps needhamiens chez la Seiche offcinale, le Calmar commun , l’'Eledon musqué, le Poulpe commun et le Poulpe à longs bras, nous n'avons pas tardé à nous convaincre que ce ne sont ni des vers parasites, ni des zoospèrmes gigan- tesques, mais bien des réservoirs spermatiques, renfermant dans léur-intérieur des myriades de zoospermes, et méritant, par leurs fonctions aussi bien que par leur structure, le nom de Spermatophores, nom sous lequel nous le désignerons désormais. Nous avons reconnu aussi, du premier coup-d’œil, que chez tous les Mollusques Céphalopodes dont il vient d’être ques- tion, la conformation de ces corps est essentiellement la même, (x) Archie für Anat., Physiol., etc., von Müller, 1840, p. 98. (2) Voyez Ann. des Sciences nat., deuxième série, tom. x11, p. 194. (3) Lorsque M. Peters et moi, nous poursuivions cette étude sur les côtes de la Méditerra- née, nous ne connaissions pas les résultats des recherches publiées récemment par MM. Ca- rus, Philippi et Siebold, mais nous savions que le premier de ces naturalistes s'était occupé du même sujet que nous : nous ne pouvions donc, dans ce moment, livrer nos observations au public ,/et bientôt après, j'ai été obligé de me séparer de mon jeune compagnon de voyage. Cette circonstance ma privé de son concours pour la rédaction de cet article; mais les faits que j'aurais à mentionner en décrivant la structure des Spermatophores lui appartiennent autant qu'à moi. M. Peters est maintenant en route pour le Mozambique , et, d'après la connaissance que j'ai de son zèle et de sa capacité, je suis persuadé qu’il y rendra de grands services à la science. MILNE EDWAnRDS. — Sur divers Mollusques. 335 mais que cependant ils offrent dans chaque espèce des particu- larités caractéristiques. Ayant eu à notre disposition un grand nombre de ces Spermatophores, pris sur des individus vivans ou parfaitement frais, il nous a été facile d'en étudier l’organi- sation intérieure, et d'arriver ainsi à la connaissance de quelques détails qui paraissent avoir échappé à nos prédécesseurs. Les SPERMATOPHORES DU CALMAR COMMUX ( Loligo vulgaris), ainsi que l’a très bien observé Needham, sont limités extérieu- rement par une enveloppe résistante à laquelle on peut conser- ver le nom d’étui déjà employé par ce naturaliste. Il me semble inutile d’en décrire ici la forme générale, car elle est déjà assez bien connue, et pour en avoir une idée plus exacte, il suffit de jeter les yeux sur les figures qui accompagnent ce Mémoire (1); j'ajouterai seulement que l'extrémité antérieure ou éjaculatoire de ces petits appareils est toujours garnie d’un filament gluti- neux , et offre une petite fossette ou un léger renflement ma- millaire correspondant au point d'insertion du tube intérieur , dont j'aurai bientôt à parler (2). Il est aussi à noter que cette gaine n’est pas simple, mais se compose de deux tuniques, l’une extérieure, élastique et subcartilagineuse; l’autre intérieure, plus mince que la précédente, et contractile (3). L'appareil logé dans l'intérieur de l’étui y est complètement libre , si ce n’est à l’ex- trémité antérieure, où il s’insère sur la face interne de la tunique superficielle, dont il semble même être une continuation. On doit y distinguer deux parties principales, l’une postérieure que nous appellerons réservoir spermatique (4); l'autre, située en ayant de la première, constitue une sorte de machine assez com- pliquée, que nous nommerons appareil éjaculatoire (5), et se subdivise en trois portions principales que l’on peut désigner sous lés noms de #rompe , de sac et de connectif ou livament de Needham. (1) Planche 12, fig. x, (2) Planche 12 , fig. 25 (3) Planche 12, fig. 1 et5, betc. (4) Planche 12, fig. 1,e. (5) Planche 12, fig. 1, 336 M{LNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. La trompe(x)est un tube étroit et membraneux dont la portion antérieure est lisse en dehors et ne présente rien de remarquable, mais dont la portion médiane et postérieure est garnie d’un ru- ban membraneux enroulé en spirale d’une manière très élégante et épaissie vers le milieu, de façon à simuler un fil disposé en ressort à boudin (Æ#); le bord externe de ce ruban columellaire est dirigé en arrière, et fixe cette portion de la trompe contre la paroi interne d’une tunique membraneuse très délicate (7), qui l'engaîne tout entière et se confond avec elle vers ses deux ex- trémités. C’est à raison de l'apparence que nous venons de si- gnaler , et des fonctions attribuées à cette spire, que Needham désigna toute cette partie de l'appareil éjaculatoire sous le nom de ressort. Le sac (2) fait suite à la trompe, et offre un diamètre beaucoup plus considérable, de façon à occuper toute la largeur de l’étui. Il est divisé en deux portions par un étranglement annulaire , et se termine antérieurement par une espèce de col à l'extrémité duquel s’insère la trompe ; enfin son extrémité postérieure est arrondie et donne naissance au connectif(e’), filament tubulaire qui lie le réservoir spermatique à l'appareil éjaculatoire. Les diverses parties que nous venons de décrire sont recou- vertes par une série de tuniques membraneuses d’une délicatesse extrême, qui forment des annexes de l'appareil éjaculatoire (3). La première de ces gaînes (g°) constitue la paroi externe de cet appareil, et se trouve en contact plus ou moins intime avec la lame interne de l’étui ; elle s'étend depuis l’origine du con- nectif jusqu’au point où l'extrémité antérieure de la trompe s’insère à la paroi interne de l’étui(4), et elle est libre dans toute sa longueur. A peu de distance de cette tunique externe, on aper- çoit dans la cavité qu’elle circonscrit une seconde enveloppe (£°) qui est également membraneuse, mais qui paraît douée d'une certaine contractilité ; et qui cesse d’être distincte vers le com- (x) Fig. 1, et fig. 4. (2) Fig, 1,3 fig. 4,h%, et Gg. 5,h. (3) Fig. 4 et 5. (4) Fig. a. MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. 337 mencement de la portion lisse de la trompe; postérieurement, elle s'arrête aussi plus tôt que la tunique interne, et s’insère sur les parois du sac, le long du bord postérieur du sillon an- nulaire dont il a déjà été question. Enfin il existe encore , entre cette tunique contractile et la gaine de la trompe, deux tuniques intermédiaires très délicates (g°, g*), qui semblent être un peu adhérentes l’une à l’autre, et qui, après avoir formé divers replis, vont aussi s’insérer sur les parois du sac près de la précédente. Le connectif (1) est composé de deux tuniques dont l’externe semble être une continuation de la tunique contractile confon- due avec les parois du sac dans toute l’étendue de la moitié pos- térieure de celui-ci, et dont l’interne fait suite à la membrane constituante du sac lui-même. Le connectif ainsi formé traverse un prolongement de la tunique externe de l'appareil éjacula- toire, et bientôt après s'élargit pour constituer la paroi externe du grand réservoir spermatique. Ce dernier réservoir occupe les trois quarts dé la longueur de l’étui et en remplit tout le calibre ; on distingue dans son in- térieur une disposition spirale qui semble être due à une espèce de tube enroulé , et dans l’intérieur de celui-ci se trouve une matière blanche et opaque, très abondante, qui n’est autre chose que du sperme, car, en l’examinant au microscope, on voit qu'elle est composée d’une multitude infinie de zoospermes à tête cylindrique, à queue grêle et de longueur médiane , et à mouvemens vifs. (2) Dans la Seicne orricinare ( Sepia officinalis), la structure des spermatophores est un peu différente, bien qu’on y re- connaisse toutes les parties essentielles dont il vient d’être question (3). L’étui se compose aussi de deux lames bien dis- tinctes; le réservoir spermatique ne présente rien de particu- lier; le connectif est très long et très gréle; enfin l'appareil éjaculatoire est plus court et un peu moins compliqué que (1) Fig. 4 @5,e. (2) Planche 12, fig. 6. (3) Planche :3, fig. r et a. XVII, Zoor — Decembre. 22 338 MILNE EUWARDS. — Sur divers Mollusques. chez le Calmar. Le sac est très grand et présente en avant deux étranglemens ; son extrémité antérieure n’est que peu rétrécie, et il n'existe pas de ligne de démarcation bien nette entre celui-ci et le commencement de la trompe. La portion co- lumellaire de cette dernière parait être représentée par un cy- lyndre lisse qui s’enroule en forme de crosse vers le haut , et qui offre à sa base une série de quatre ou cinq gros anneaux arrondis; la portion terminale de la trompe est contournée sur elle-même, comme on peut le voir dans la planche 13, fig. », et va aboutir au sommet de l’étui, dans une fossette dont le centre paraît être perforé. Enfin, il existe autour de cet appa- reil une série de tuniques disposées à-peu-pres comme dans les spermatophores du Calmar, et il est senlement à noter que celle qui représente la tunique contractile est finement striée en travers. Dans l’Ecépon musqué ( Æ/edona moschata), la structure des spermatophores est plus simple (1). L'étui n'offre rien de bien particulier, et on peut distinguer encore dans son intérieur toutes les parties essentielles de l'appareil éjaculateur que nous venons de décrire; mais leur disposition est un peu diffé- rente, et cette différence parait dépendre de l'absence des tu- niques accessoires, dont le développement est si considérable chez le Calmar et la Seiche. La portion columellaire de la trompe (À) est plus large, mais moins longue que chez le Calmar, et ne paraît être garnie que de la gaine membraneuse, sur la paroi interne de laquelle s’insère le ruban enroulé en spirale. L’extrémité antérieure de la trompe ne se fixe pas au sommet de létui, mais un peu plus en arrière, et en se renversant comme un doigt de gant, s’avance dans l’espèce de chambre (77) formée par la portion de l’étui située au-devant de l'insertion annulaire dont nous venons de parler. Le sac (4) est peu développé, et le connectif court. Enfin le réservoir spermatique (e) ne forme pas une masse cylindrique comme dans les espèces précédentes , mais se trouve réduit à une espèce de boyau irrégulièrement (x) Planche 14, fig. 6. MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. 339 enroulé en spirale, dépourvu de tunique membraneuse, et dis- tendu par le sperme lactescent. Dans le genre Pourpre, le mode de conformation de ces corps singuliers s'éloigne davantage de ce que nous avons vu chez le Calmar et la Seiche, et cette différence tient principalement à un développement plus considérable de l'appareil éjaculatoire, qui occupe la moitié ou même les trois quarts de la longueur de l’étui(r). Les spermatophores de ces Mollusques sont également remarquables par leur grandeur ; ainsi chez le Poulpe commun, ils ont jusqu’à 8 centimètres de long. Il est aussi à noter que leur extrémité antérieure est ie ii plus grêle, et que l’étui est plus mou et offre un aspect moins cartilagineux que dans les genres précédens. Dans les spermatophores du PouLPE À LONGS Bras ( Octopus macropus ), on distingue comme d'ordinaire les deux feuillets de l’étui (2); mais la tunique externe ne parait pas être com plètement fermée à son extrémité antérieure, et semble se ré- fléchir en dedans de façon à $e continuer avec la paroi du tube central de là trompe. Ce dernier tube est renfermé dans uve première tunique à laquelle il est uni pär un ruban columel- laire, et cette tunique, à son tour, est séparée de l'étui par une autre membrane très fine. Le ruban spiral de la trompe se montré bien distinctement tout pres de l’extrémité anté- rieure de l'appareil, et peut être suivi dans une étendue assez considérable, bien qu'il ne tarde pas à devenir irrégulier et un peu confus. L'appareil éjaculatoire s’élargit ensuite peu- à-peu, et constitue un organe qui offre l'aspect du sac, mais qui n’est pas nettement séparé de la trompe et qui est plus opaque que celle-ci. L’extrémité postérieure de ce sac est tronquée , et donne naissance à un filament tubulaire très court, qui parait représenter le connectif; mais ce pédi- celle ne va pas s'insérer sur le réservoir spermatique , comme chez les Seiches, les Calmars et les Elédons, et il existe (x) Planche 13, fig. 8, et planche 14, fig. 2 (2) Planche 13, fig, 8. 22, 340 MILNE EDWARDS. — Our divers Mollusques. entre ces parties une nouvelle portion de l'appareil éjaculatoire qui ne paraît pas avoir d’analogue chez les Céphalopodes dont nous venons de parler, et qui ressemble à un second appareil ordinaire qui serait placé à la suite du premier et qui serait tourné en sens opposé. En effet , on y distingue très bien un sac renfermant une matière opaque, et une trompe garnie d’une spirale très développée; mais celle-ci se trouve en arrière du sac, dont le fond est tourné en avant et uni au connectif de la pre- mière portion de l'appareil. L'extrémité de cette trompe addi- tionnelle se continue avec le réservoir spermatique, dont elle n’est séparée que par un étranglement , et ce réservoir est à son tour formé par un tube très long, roulé en spirale et gorgé de liquide spermatique dont les animalcules diffèrent de ceux des autres Céphalopodes par la brièveté de leur queue. (1) Dans le PouLpe commun (Octopus vulgaris), la structure de l’ap- pareil éjaculatoire présente d’autres particularités. Un connectif se voit, comme d'ordinaire, entre le réservoir spermatique et l'ap- pareil éjaculateur, dont toute la portion postérieure est occupée par un sactrès développé(2). Entre le sac et la trompe est un étran- glement très marqué, et à la partie postérieure de celle-ci, on aperçoit le ruban columellaire, dont les tours de spire sont assez rapprochés et s’emboitent comme des cornets (3). Antérieure- ment, ce ruban disparaît peu-à-peu ; mais bientôt une disposition analogue se présente de nouveau, et pourrait faire croire à l'existence d’une seconde columelle, sion ne l’examinait atten- tivement; mais alors on voit que la nouvelle spirale résulte de l'enroulement de la portion tubuleuse de la trompe elle-même. Enfin, à l'extrémité antérieure de l’appareil, ces tours de spire de- viennent moins serrés, et la trompe se termine par une portion droite dont l'extrémité paraît se continuer avec les parois de la gaine (4). Le réservoir spermatique est disposé de la même ma- nière que chezle Poulpe à longs bras, mais n’occupe pas le quart (1) Planche 13, 6g. a1. (2) Planche r , fig. 2. (3) Planche 14, fig. 4. (4) Planche 14, fig. 3. MILNE EbwWAnRDS. — Sur divers Mollusques. 341 postérieur de la gaine commune, et les zoospermes (1) se font remarquer par la longueur de leur quene. Les mouvemens que les spermatophores présentent lorsqu'ils sont extraits de l'appareil destiné à les loger, ont vivement ex- cité la curiosité des naturalistes, et ont été étudiés avec beau- coup de soin par Needham (2). On doit aussi à M. Dutrochet (3) des observations intéressantes sur ce point. Mais la manière dont le phénomène se passe ne me semble pas avoir été décrite avec exactitude, ce qui dépend probablement de ce qu'on ne l'a guère examiné que chez le Calmar, où il est moins facile à bien saisir que chez les Poulpes ou les Elédons. Chez ceux-ci, l’éjaculation se fait en général graduellement et avec assez de lenteur. Dans la première période du phéno- méne, la trompe sort peu-à-peu en se retournant comme un doigt de gant, de façon que la surface , qui dans le principe était interne, devient extérieure ; le sac s’avance dans l’intérieur de la portion de la trompe déjà déroulée, à mesure que celle-ci s’allonge, puis se retourne comme elle , et le tout constitue alors un long tube faisant suite à l’étui, et renfermant dans son in- térieur le réservoir spermatique, dont la progression d’arrière en avant a suivi celle de l'appareil éjaculatoire. Lorsque ce mou: vement s’est achevé, il y a ordinairement un temps de repos, puis la seconde période du phénomène commence, et s'achève beaucoup plus rapidement ; le connectif semble être distendu par le réservoir qui tend à le retourner et à le traverser comme cela a déjà eu lieu pour la trompe et le sac ; mais les parois de celte portion grêle et délicate de l'appareil ne résistent pas à la pression, se rompent et le réservoir s'échappe rapidement au dehors à travers la déchirure. L’éjaculation des spermatophores de la Seiche se fait de même quant aux points les plus essentiels, mais offre quelques parti- cularités, et s'opère d’une manière si brusque, qu’il est souvent difficile de la bien observer. Le phénomène se compose ici de quatre actes bien distincts. Dans la première période, la trompe (1) Planche x4, fig. 5. (2) Op. cit, pag. 53. (3) Avn. d'anat. et de physiol,, tom. 2 , p. 510. 342 MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. s’allonge sans sortir de l’étui, etse recourbe sur elle-même dans le renflement terminal de celui-ci; une tumeur ayant l'aspect d’un petit sac herniaire, se forme ainsi à l’extrémité de l’étui, dans le point correspondant à l'insertion de la trompe (1); puis cette tumeur crève tout-à-coup, et la seconde période de l’éja- culation commence. Celle-ci s'effectue avec une rapidité ex- trême, et consiste dans la sortie complète de la trompe et du sac (2), qui se retournent sur eux-mêmes en entrainant dans leur intérieur une partie du réservoir spermatique et constituent ainsi na cylindre rigide, contourné à sa base , droit dans le reste de sa longueur, un peu élargi vers le bout, et dirigé de façon à former un angle presque droit avec l’étui auquel il adhère; à son extrémité libre, on remarque un cercle de petits tubercules correspondant au point d'insertion du connectif, et dans linté- rieur de l’étui on n’aperçoit plus que la moitié du réservoir sper- matique, l’autre, moitié se trouvant engagée dans la trompe. Un repos plus ou moins long succède à ce mouvement brusque , et lorsque la troisième période commence, une nouvelle détente non moins rapide a lieu; c’est alors le connectif qui se dilate et se renverse comme l'avait fait la trompe, et ce mouvement est accompagné d’une progression correspondante du réservoir sper- matique (3). Un nouveau repos succède à cet allongement du cylindre éjaculateur; et enfin, lorsque le quatrième et dernier acte du phénomène commence, la portion terminale du connec- tif ainsi dilaté et renversé se déchire et livre passage au réser- voir spermatique, qui s'échappe au dehors tout entier (4). Enfin ce réservoir, à son tour, se gonfle, se déchire, et laisse échap- per les myriades de zoospermes renfermés dans son intérieur ; mais ce dernier phénomène ne s’observe pas toujours, et paraît n’arriver ordinairement qu’assez long-temps après que l’éjacu- lation s’est effectuée. Les choses se passent de la même manière chez les Calmars, lorsque l'éjaculation des spermatophores se fait régulièrement, (x) Planche 13, fig. 2. (a) Planche 13, fig. 3. (3) Planche 13, fig. 4. 4) Planche 13, Fig. 6. MILNE EDWARDS. — Our divers Mollusques. 343 et on voit dans la figure 3 ( planche 12) un de ces appareils re- présenté au moment où la trompe, le sac et le connectif se sont renversés au-dehors en se retournant comme un doigt de gant; mais il arrive souvent qu’au commencement de la seconde période, les parois de la trompe se déchirent au point d’inser- tion de celle-ci sur l'étui, et alors l’appareil éjaculateur se trouve rejeté au dehors par cette voie sans se renverser, et entraîne avec lui le réservoir spermatique. (x) Quant à la cause qui détermine ces mouvemens, je la crois complexe, C’est toujours, ce me semble, la pression exercée sur l'appareil éjaculateur par le liquide qui l'entoure et qui oc- cupe l’intérieur de l’étui ; mais cette pression me paraît résulter tantôt d’un phénomène d’endosmose, comme M. Dutrochet (2) Va très bien remarqué, tantôt d’une contraction de la tunique interne de l’étui. En effet, j'ai souvent observé l’éjaculation chez des spermatophores que je venais d'extraire de la poche destinée à les loger , et que j'avais posés sur une lame de verre parfaitement sec ; circonstances dans lesquelles l’endosmose n'avait pu déterminer une accumulation brusque de liquides dans leur intérieur. Souvent aussi j'ai vu la sortie de la trompe déterminée par la légère pression nécessaire pour saisir ces corps avec la pince, afin de les retirer de l'organe mâle. Du reste la facilité avec laquelle les spermatophores éclatentest très variable, et c’est seulement lorsqu'ils sont parvenus à un état de maturité complète, que j'ai vu ce phénomène apparaître sans le concours de l'humidité extérieure. Après avoir étudié la structure et le mécanisme de ces singu- liers corps , j'ai cherché à m'éclairer sur leur mode de prodnc- tion. On rencontre les spermatophores, comme chacun le sait, dans une espèce de poche annexée aux conduits excréteurs de l'organe mâle des Seiches, des Calmars, etc.; mais on ne sait pas s'ils y arrivent tout formés, ou si c’est là qu'ils se déve- loppent. Pour jeter quelque lumière sur cette question, j'ai exa- miné avec attention les matières contenues dans toutes les par- (1) Planche 12, fig. 4. (2) Op. cit, tom, 11, p. 510. 344 MILNE EDWARDS. — Our divers Mollusques. ties de l’appareil génital de la Seiche. La structure anatomique de cet appareil est assez bien connue pour qu'il me paraisse né- cessaire d'en donner ici une description; mais afin de mieux faire comprendre les détails dans lesquels je dois entrer, il me semble utile d'en donner une figure représentant la disposition générale de ces organes. Le testicule (1), qui occupe le fond de la cavité viscérale, et qui consiste, comme on le sait, en une multitude d’utricules allongées, réunies en grappes et entourées d’une tunique membra- neuse commune, ne renferme jamais de spermatophores, mais est gorgé d’un liquide laiteux semblable à celui dont le réservoir spermatique de ces corps est rempli. En examinant ce liquide au microscope , on voit qu'il charrie un nombre immense de zoospermes , et il m’a été impossible de constater la moindre différence entre ces animalcules et ceux des spermatophores. Le liquide fécondant, ainsi produit, s’épanche dans la cavité de la tunique testiculaire et pénètre dans le canal déférent (2), dont l’orifice se voit vers la partie supérieure de sa face interne (3). Vers la partie supérieure de ce conduit , le sperme acquiert un peu plus de consistance et constitue une masse cylindrique très grêle, qui paraît être consolidée par un enduit glutineux. Mais là encore, je n’ai jamais aperçu aucune trace de spermatophores. Ceux-ci commencent à se montrer vers le bas de l’organe com- pliqué qui fait suite au canal déférent, et qui a été désigné par Cuvier sous le nom de vesicules séminales (4). Gette troisième portion de l’appareil mâle (5) est formée, comme on le sait, par un tube très gros et contourné sur lui-même, et garni intérieu - rement d’une espèce de bourrelet saillant et froncé (6). Supé- rieurement , il est en connexion avec un sac (7) qui a été com- paré à la prostate (8), et le conduit faisant suite à ces deux (1) Planche 15 , fig. 1, a: (2) Planche 15 , fig. 1, c. (3) Planche 15 , fig. 2, 4. (4) Mémoire sur les Mollusques. 32. (5) Planche 15, fig. 1, d. (6) Planche 15, fig. (7) Planche 15, fig, 2, f. (8) Cuvier, op. cit., p. 33, œ MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. 345 organes, après avoir formé une anse, descend obliquement le long de la face dorsale de la grande bourse, que je proposerai d'appeler la poche needhamienne, et va aboutir à son extrémité inférieure (1). Enfin cette grande poche musculaire, que Swam- merdam a considérée mal-à-propos comme un testicule (2), est creusée intérieurement d’une sorte de rampe spirale dont les parois sont striées verticalement , et se continue supérieurement avec une sorte de pénis charnu (3) ouvert à son extrémité. Dans toutes ces parties de l'appareil générateur, je n’ai jamais trouvé de liqueur séminale libre, comme dans le canal déférent et dans le testicule ; mais vers la partie inférieure des vésicules sémi- nales, il existe souvent des espèces de cordons blanchâtres, qui semblent être les’ premiers vestiges du réservoir spermatique des spermatophores. En eflet, ce sont des cylindres à parois très délicates, dont l’intérieur est occupé par du sperme, facile à reconnaitre par sa teinte laiteuse et par les zoospermes qui y abondent. Plus haut, dans cette même portion de l'appareil mâle, j'ai trouvé maintes fois des corps qui semblent être inter- médiaires entre les cordons dont je viens de parler et les sper- matophores ordinaires ; ils avaient à-peu-près la forme de ces derniers, mais leur mollesse était extrême, et je ne pouvais distinguer dans leur structure ni les diverses tuniques de l’étui, ni les détails si compliqués de l'appareil éjaculateur. Dans le canal qui établit la communication entre les vésicules et la bourse, il existe presque toujours cinq ou six corps analogues, mais plus parfaits; leur extrémité antérieure est dirigée vers le sac, et ils descendent à la file pour aller se ranger parallèlement aux spermatophores déjà parvenus dans la bourse. Ils sont en- core trés mous, et ne m'ont jamais offert de phénomènes sem- blables à la déhiscence des spermatophores parfaits, mais il ne peut y avoir aucune incertitude sur leur nature. Ceux qui se trouvent dans la poche needhamienne sont logés dans les replis des parois de la cavité spirale dont j'ai déjà parlé ; leur nombre (x) Planche 15, fig. 2,e, g. (2) Biblia naturæ. (3) Planche 15, fig, 1 et 2 ; #1 346 MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. est très considérable, et ils ont tous la structure décrite ci-des- sus; mais ils ne jouissent pas tous des mêmes propriétés : les plus jeunes, c'est-à-dire ceux placés dans la partie inférieure de la poche, n’éclatent jamais spontanément, et ne présentent ce phénomène que lentement, lorsqu'on les plonge dans l’eau ; tandis que les spermatophores situés près de l’orifice de l’appa- reil générateur éjaculent souvent leur contenu indépendamment de tout effet d’endosmose, et éclatent si rapidement lorsqu'on les place sur le porte-objet du microscope, qu'il est très difficile de les bien étudier. Ces observations, que j'ai répétées avec M. le professeur Lallemand(1), tant sur le Poulpe que sur la Seiche, me semblent montrer que les spermatophores ne pompent pas la liqueur fécondante contenue dans leur intérieur, ainsi que Needham le supposait, mais se forment autour d’un amas de ce liquide, à-peu-près de la même manière que l’albumen et les membranes extérieures de l’œufse forment autour du vitellus chez la femelle. Ge travail s'opère évidemment dans la troisième portion de l’ap- pareil générateur désigné ordinairement sous le nom de vésicule séminale, et les matières plastiques destinées à former les pre- niéres tuniques desspermatophores sont probablement sécrétées par les deux bourrelets membraneux renfermés dans l’intérieur de ces tubes (2). La poche, que l’on a appelée prostate, fournit peut-être les élémens de l’étui, car c’est seulement lorsque le spermatophore en voie de formation est parvenu près de cet organe , que j'ai pu apercevoir des traces de l’existénce de cette tunique extérieure. Enfin, il me parait également évident que toutes les parties de ces singuliers appareils s'organisent peu-à- peu sans qu’il y ait jamais continuité entre leurs tissus et ceux de l'animal chez lequel'ils se forment. Je regrette que les circonstances ne m'aïent pas permis de rendre ces observations plus complètes, par l'étude du rôle que les spermatophores jouent dans la fécondation; je présume (x) Voyez Observations sur l'origine et le mode de développement des zoospermes , par M. Lallemand (Ann. des Sc. nat., deuxième série, tom, xv. (2) Planche 15, fig, 3. MILNE EDWauDs. — Sur divers Mollusques. 347 qu'ils sont destinés à pénétrer dans l’organe glanduleux qui ter- mine l’oviducte , et à y éclater pour permettre aux zoospermes de descendre dans l’oviducte ; mais les faits me manquent pour douner quelque valeur à ces suppositions, et il serait à dési- rer que quelque naturaliste, placé dans des circonstances fa- vorables à des recherches de ce genre, étudiàt mieux que je n’ai pu le faire ce point curieux de la physiologie des Mollusques. Peut-être que pendant son long et dangereux voyage sur les côtes d'Afrique, mon jeune et savant collaborateur M. Peters trouvera l'occasion de s’en occuper. ( La suite à un prochain cahier. ) : EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE JO. Fig. 1. Pacren GLaBne, dont on a enlevé l’une des valves et une portion du manteau, pour montrer les organes de la génération. — a. L'une des valves de la coquille en place. — b. Le lobe droit du manteau, relevé de façon à mettre à découvert l’abdomen, etc. — <. Portion de ce même lobe en place. — d. Lobe gauche du manteau, dont le bord est re- courbé en haut et en dedans, de façon à rendre marginale la ligne oculifére, disposition qui se voit pendant la vie de l'animal. —e. Branchies du côté droit, retournées vers le haut. — <”. Branchies du côté gauche en place. Ces organes sont; d'une structure frangée. — f. Tenta- cules labiaux , dont les extrémités antérieures sont rameuses. — g. Le foie, dont la: couleur est brun noirätre, — , Le muscle, — i. L'anus, — j, Ganglion nerveux. — k, L'ovaire. — . Le testicule, — m. Lepied. — ». Sillou où se trouvent les pores de l'appareil mäle, — ñ’. Fente terminale du pied, — o. Byssus. Fig. 2. Cazrorée pe Risso (Calliopæa Rissoana Edw.}, grossie dix fois et montrant le système vasculaire, qui du canal digestif se répand dans les diverses parties du corps. Cette petite espèce d’Eolidien ressemble beaucoup à la Calliopæa bellula de M. d'Orbigny (Magasin de Zoologie de Guérin , ch. v, pl. 108), mais s’en distingue par sa couleur blan— châtre, par la disposition! des appendices branchiaux , qui sont dé grandeurs très inégales et ne forment qu'une seule rangée de chaque côté du corps , ete. Fige3, Chumaine De La Mépireunanés , individu mâle réduit de moitié et représenté dans sa position naturelle, PLANCHE (1. Fig. 1. Anatomie De LA CaRINAIRE DE LA MÉDITERRANÉE, — a. Masse charnue pharÿn- gienne, — à. Tentacules. — c, Yeux. — d. Abdomen, — €, Nageoire ventrale. — f Gupule de cette nageoire.—g, Nageoire caudale. — 4. Tube digestif. — i. Anus.—j. Foie. — k. Testicule, — L. Branchies , dont une partie a été enlevée pour mettre à découvert le testicule. —7", Veines branchiales injectéess — m. Cœur.— n. Artère abdominale, —o. Artère aorle, — p. Artère céphalique, — q. Artères caudalés, — r. Cerveau. — s. Ganglions Jabiaux, — . Gauglions postésophagieus ou pédièux, — w. Ganglions abdominaux, — 348 MILNE Ebwanvs. — Sur divers Mollusques. v. Ganglion anal. — z. Comrissures labio-cérébrales, — y. Commissures pédiocérébrales. — 2. Commissures abdomino-cérébrales. — 2’. Ganglions auditifs. Fig. 2. Masse charnue du pharynx, vu par sa face supérieure, pour montrer la disposition des ganglions labiaux. — a. OEsoyphage. — Ë. Pharynx. —c, c. Organes salivaires, — d. Terminaison de l'artère céphalique, — e. Cordons nerveux venant du eerveau et se rendant aux ganglions labiaux.—f. Ces ganglions, unis entre eux par une commissure transversale, — g. Nerfs stomatogastriques. Fig. 3. Cerveau et nerfs qui en partent, Grossis. — a. Ganglions cérébraux, — 4, Gan- glions ophthalmiques, — c. Yeux. — d. Nerfs du front et des tentacules. — e, Nerfs labiaux. — f. Cordons qui se rendent aux ganglions labiaux. — g. Nerfs tégumentaires latéraux, — 4. Nerfs auditifs avec leur renflement gangliforme, — i. Cordons formant la commissure œsophagienne, — j. Anastomose entre ces nerfs et les nerfs tégumentaires latéraux, — 4, Cordons qui se rendent aux ganglions abdominaux. — /. Nerfs tégumeutaires dorsaux. Fig. 4. Ganglions postæsophagiens ou pédieux , vus en dessus. Fig. 5. Les mêmes, vus de profil. Fig. 6. Ganglions abdominaux et anals.—. 2, a. Cordons venant du cerveau. — b, 4. Cor- dons venant des ganglions postæsophagiens, — c, c. Ganglions abdominaux, — d. Ganglion. anal, Fig. 7. Zoospermes. PLANCHE 12. Fig. 1. Srermarornone pu Catmar commun, grossi environ r4 fois. — aa. Etui formé par une enveloppe extérieure subeartilagineuse (4), et une membrane interne contractile. — d. Extrémité antérieure ou orale de l’étui, — e. Réservoir spermatique. — /: Appareil éjaculateur, composé de plusieurs tuniques (g), d’un sac (4) et d'un tube (i). Fig. 2. Extrémité antérieure du même, grossie davantage, pour montrer la dispositiou de l'extrémité de l'appareil éjaculateur au moment où le Spermatophore se vide. — a. Portion de l'étui. — g. Tuniques de l’appareil éjaculateur. — e. Portion antérieure du tube, —- d Point d'insertion du tube à la face interne de l’étui. Fig. 3. Spermatophore dans l'acte de l'éjaculation normale. — a. Étui vide. —f. Appareil éjaculateur renversé sur lui-même comme un doigt de gant et renfermant maintenant le réservoir spermatique. Fig. 4. Appareil éjaculateur extrait de l’élui. — a, Portion de l'étui. — e. Réservoir spermatique.—e’. Conneclif réunissant le réservoir à l'appareil éjaculateur (/),— g !. Tunique externe de l'appareil éjaculateur,—g2. Tunique contractile du même. — g5 et g4. Tuniques intermédiaires. — À. Sac de l'appareil éjaculateur, — i. Tube de l'appareil éjaculateur, — J. Tunique interne ou gaîne du tube, — #, Membrane spirale. Fig. 55 Portion postérieure de l'appareil éjaculateur , grossi davantage et renfermé dans l'étui. Les diverses parties sont indiquées par les mêmes lettres que dans les figures précédentes. PLANCHE 13. Fig. 1. SPERMATOPHORE DE LA SEICHE OFFICINALE , grossi environ, 15 fois, — aa. Etui formé par une enveloppe externe subeartilagineuse (4) et une enveloppe interne membraneuse et contractile (c). — d. Extrémité antérieure du Spermatophore. — e. Réservoir sperma- MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. 349 tique. — f. Appareil éjaculateur, composé de plusieurs tuniques (g), d’un sac (k)et d'un tube (i). — e. Connectif réunissant le réservoir spermatique à l'appareil éjaculateur. Fig. 2. Portion antérieure du même, grossi davantage. — a a. L'étui. — 4, Tunique ex- terne de l’étui. — c. Tunique interne de l’étui. — d. Point d'attache de l'appareil éjacula= teur, — e. Réservoir spermatique. —fe’, Connectif, — f. Appareil éjaculateur. — 4. Sac. — i. Tube proboscidiforme, — j. Gaîne du tube ou tunique interne de l'appareil éjaculateur, #. Membrane spirale entourant le tube. — 3. Tunique externe, — g?, Seconde tunique ou tunique contractile. — #. Point d'insertion de cette tunique sur les parois du sac,—r et p*. Tuniques Intermédiaires. Fig. 3. Spermatophore pendant l'acte de l'éjaculation ( deuxième période). L'extrémité antérieure de la gaîne (a) s'est rompue sous l'effort exercé par l'espèce de ressort représenté par la partie antérieure du tube, et l'appareil éjaculateur (f) est sorti en se renversant comme le ferait une trompe d'Annélide, Fig. 4. Troisième période de l’éjaculation. Le connectif (e) s’est dilaté et s’est renversé comme l'avait déjà fait le sac , de façon que le réservoir spermatique (e) a pu avancer da- vantage. 4 Fig. 5. Extrémité du même, grossie davantage pour montrer la terminaison du sac (2). Fig. 6. Quatrième période de l'éjaculation. Le connectif s’est brisé à son extrémité (e’) et a livré passage au réservoir spermatique , qui est complètement expulsé, ne tenant plus au spermatophore que par un pédoncule grêle formé par la tunique externe de l'appareil éja culatoire, Fig. 7. Zoospermes après leur sortie du réservoir spermatique. Fig. 8. SPERMATOPHORE DU POULPE À LONGS BRAS, grossi. — 44, Elui. — e, Réservoir spermatique. — e’ Connectif, — k. Sac de l'appareil éjaculateur. — 4* Portion antérieure du sac. — h** Portion moyenne. — L*** Portion postérieure du sac. — i. Tube. — /. Mem- brane spirale accessoire. Fig. 9. Portion antérieure du même, grossi davantage. — d. Extrémité ovale du sperma- tophore. — L* Portion antérieure du sac. — i. Tube. — j. Sa gaîne. — 4. Membrane spirale. Fig. 10. Portion moyenne montrant la membrane spirale accessoire (2). — a. Étui. — L. Sac. — l”. Tube accessoire. — /”, Membrane spirale accessoire, — /”. Sa gaiue. Fig. 11, Zoospermes du même. PLANCHE 14. Fig. 1. SrenMATOPAORE DU Pourre commux, de grandeur naturelle, Fig. 2. Le même, gross — a. L'étui. — à. Membrane externe de l’étui. — c. Mem- brane interne de l’étui. — d. Extrémité ovale du spermatophore. — e. Réservoir sperma- tique. — e Connectif. — k. Sac de l'appareil éjaculateur. — #. Membrane spirale.—i, Tube, Fig. 3. Portion antérieure du même, grossie davantage pour montrer la disposition du tube de l'appareil éjaculateur. — a. Étui. — g, Tunique de l'appareil éjaculateur, — i: Tube. — j. Sa gaine. Fig. 4. Portion moyenne du mème, beaucoup grossi pour montrer la disposition de la membrane spirale. — i. Tube de l'appareil éjaculateur, — j. Sa gaine. — #, Membrane spi- rale., — 1, Sac, 350 MILNE EDWARDS. — Sur divers Mollusques. Fig, 5. Zoospermes du même. Fig. 6. SPERMATOPHORE DE L'ELÉDON MUSQUÉ, grossi. — à, Étui, — e, Béservoir sper- matique, — e’ Connectif. — 4. Sac de l'appareil éjaculateur. — £. Tube, — ;. Gaine du tube. — 4. Membrane spirale, PLANCHE 15. ORGANES GÉNITAUX MALES DE LA SEICHE OFFICINALE, Fig. 1. L'appareil mâle, vu du côté ventral, — a. Testicule, — 2. Tunique du tubercule. — c. Canal déférent. — 4. Vésicules séminales. — e. Origine du canal néedhamien. — f. Vésicule accessoire; — g. Poche néedhamienne, — k. Conduit excréteur ou pénis. — i. Orifice externe. Fig. 2. Le mème appareil vu du côté dorsal , le testicnle étant enlevé. Les diverses parties sont indiquées par les mêmes lettres que dans la figure précédente. Fig. 3. Vésicules séminales ouvertes. Mémorme sur les matières azotées neutres de l'organisation. Par MM. Dumas et Caxours. ( Lu à l’Académie des Sciences , le 28 novembre 1842.) Depuis long-temps les chimistes ont signalé, dans les animaux, trois matières azotées neutres, remarquables, soit par un grand nombre de propriétés communes, soit par leur abondance dans les solides ou les liquides de l’économie , soit enfin par leur présence dans tous nos alimens essentiels : ces matières sont l'albumine, la fibrine et la caséine. L'albumine, qui fait partie du blanc d'œuf; la fibrine, qui forme la portion coagulable du sang; la caséine, qui constitue la partie animale du lait. Dans ces derniers temps , tout le monde s’accordait à leur attribuer une combinaison identique. Dans un £ssai de physiologie chimique , soumis il y a dix-huit mois au jugement du public, M. Boussingault et moi nous avons posé en principe que ces matières albuminoïdes existent dans les plantes ; qu’elles passent toutes formées dans le corps des herbivores, d’où elles sont transportées dans celui des carnivores; que les plantes seules ont le privilège de fabriquer ces produits dont les animaux s'emparent, soit pour les assi- milér, soit pour les détruire, selon les besoins de leur existence. Nous avions étendu ces principes à la formation des matiéres DUMAS et CAHOURS. — Sur les matières organiques. 351 grasses, qui, selon nous, prennent complètement naissance dans les plantes, et qui viennent jouer dans les animaux le rôle de combustibles , ou même quelquefois un rôle transitoire. Nous avions enfin reconnu la nécessité de grouper ensemble tous les corps de la chimie organique doués de la propriété de passer à l’état d'acide lactique par la fermentation , entrant, comme le sucre et les fécules, pour une part importante, dans l'alimentation de l'homme et des animaux, et ne se produisant réellement que dans les plantes, par les forces de la végétation. C'est l’ensemble de ces vues et de leurs conséquences , que nous avons résumé dans le tableau suivant: LE VÉGÉTAL L'ANIMAL Produit des matières azolées ueutres..,.. Consomme des matières azotées neutres; des matières grasses, ...,....... des matières grasses ; des sucres, fecules, gommes.... des sucres, fécules, gommes ; Décompose l'acide carbonique. ......... Produit de l'acide carbonique; IHEUT ST ET CCE ne de l’eau; les sels ammoniacaux ....... des sels ammoniacaut; Dégage de l'oxygène ............ ..... Consomme de l'oxygène; Absorbe de la chaleur. ............ ... Produit de la chaleur ; Absorbe de l'électricité. ..,.,,......... de l'électricité ; Est un appareil de réduction. ........., Est un appareil d’oxydation ; Est immobile. .......... LAURE ... Est locomoteur. Quoique ces lois se rattachent à un certain nombre de faits ou de principes déjà connus, elles constituent, par leur réunion, un système que nous avons le droit de considérer comme nouveau. \ 3 Dès son apparition , ce système devint l’objet d'une attention qui devait nous encourager vivement à en poursuivre le déve- loppement expérimental. La démonstration exacte des lois que nous avions posées exi- geait un grand nombre d'analyses très délicates, L'absence pro- longée de M. Boussingault, qui terminait, de son côté, en Alsace, des expériences dès long-temps commencées, n'ayant privé de son concours et ne pouvant exécuter par moi-même toutes les analyses que nous avions en vue, jai été heureux de trouver dans la collaboration de M. Cahours , ancien élève de l'Ecole Polytechnique, un secours qui me devenait indispen- “ 352 puMas et cAHOURs — Sur les matières azolées nentres sable, et dont les travaux personnels de M. Cahours font aisé- ment apprécier toute l'importance. Malgré tout le zèle que nous y avons mis l’un et l'autre, nous aurions difficilement conduit à fin un travail qui a exigé plus de tent cinquante analyses organiques , faites par des procédés plus longs qu’on n’a coutume de les employer, mais aussi, nous osons le croire, plus précis, et ici la précision devait surtout nous préoccuper. Ce travail a été considérablement allégé par le dévoüment de M. Saint-Evre, jeune chimiste très éclairé, qui s’y est consacré avec ardeur et qui en a pris une part très large. Nous le prions d'en recevoir ici nos remercimens publics. Si, comme nous l’espérons, les physiologistes reconnaissent , avec nous, que les plantes sont chargées de fabriquer la protéine qui sert de base à l’albumine, à la fibrine et à la caséine ; que les animaux peuvent bien modifier cette matière, l’assimiler ou la détruire, mais qu’il ne leur est pas donné de la créer, nous nous estimerons heureux , après avoir été les premiers à publier ces opinions, d'être aussi les premiers à fournir à la science des analyses exactes de quelques-unes de ces substances. Rappelons cependant, pour éviter toute erreur, que déjà , en ce qui concerne l’albumine, cette opinion avait été énoncée par MM. Prévost et le Royer dans leur Mémoire sur la digestion; mais , il faut bien le dire, elle n’y était pas appuyée de preuves suffisantes pour entraîner la conviction des physiologistes. (1) Plus tard elle fut reproduite par M. Mulder, qui, s'appuyant simplement sur l'identité de composition qu’il venait de recon- naître entre l’albumine végétale et l’albumine animale, n’hésite pas à en conclure que l’albumine des animaux herbivores pro- vient des plantes qui leur servent de nourriture. (2) Un oiseau granivore trouve dans le blé tous les élémens de sa nourriture. Un chien trouve dans le pain les matières que son organisation exige pour vivre et se développer. Une jument qui allaite peut non-seulement trouver dans l'orge et l’avoine les {x) Ann, des Sc. nat., tom, v, (2) Répertoire de chimie. de l'organisation. 353 matériaux nécessaires à sa propre existence, mais aussi la sub- stance au moyen de laquelle se forme la caséine qui se trouve dans son lait. Les céréales doivent donc, indépendamment des matières amylacées ou sucrées qu’elles contiennent, offrir à l’organisation animale les moyens de se procurer la substance azotée neutre que tout animal renferme et que nous lui refusons le pouvoir de créer. Rien de plus concluant , à cet égard, que l’analyse du blé ou celle de la farine qui en provient. Si l’on prend de la farine, et qu'après en avoir formé une pâte ferme, on lave celle-ci lentement sous un filet d’eau, tout le monde sait qu’il reste dans la main de l'opérateur une pâte grisätre , élastique, tenace , d’une odeur fade , qui constitue le gluten des anciens chimistes. La liqueur trouble qui s'écoule entraine la fécule avec quelques débris de gluten , et elle se charge de tous les produits solubles. Or, si, après avoir laissé cette liqueur au repos, on la décante de manière à l'obtenir claire et libre de fécule, il suffit de la soumettre à l'ébullition, pour voir s’y former des écumes qui se contractent sous forme de fibres grisâtres et qui offrent tous les caractères de l’albumine coagulée. D'autre part, si l’on prend le gluten brut , tel qu’il reste dans la main de l’opérateur, après d’abondans lavages , on y reconnait facilement la présence de quatre substances distinctes au moins. En effet, si on le fait bouillir avec de l'alcool, concentré d’abord, puis avec de lalcool affaibli, on obtient un résidu fi- breux, grisâtre, que l’un de nous a désigné, dans son cours de 1839 , sous le nom de fibrine végétale. Les liqueurs alcooliques , abandonnées au refroidissement, donnent un produit auquel on est porté à attribuer les proprié- tés par lesquelles on caractérise ordinairement le caséum ou la caséine. Enfin; si l’on concentre ces liqueurs alcooliques, et si on les laisse refroidir, il s'en dépose une substance pultacée qui offre toutes les propriétés des matières albumineuses, mais qui, par XVI. Zoor, —. Décembre, 23 23 354 pumas et cauours. — Sur les matières azotées neutres la spécialité de quelques-uns de ces caractères, méritera plus particulièrement le nom de glutine. Avec la glutine se précipite d’ailleurs une matière grasse, facile à extraire par l’éther, et qui offre toutes les propriétés des huiles grasses ordinaires, ou plutôt des matières butyreuses, dont elle se rapproche par son point de fusion. Ainsi l'analyse de la farine des céréales nous apprend à y reconnaitre : 1° L’albamine; 2° La fibrine; 3° La caséine, 4° La glutine; 5° Des matières grasses ; 6° De l’amidon , de la dextrine et du glucose. Nous regardons comme démontré que tout aliment des ani- maux renferme sinon les quatre premières substances , c’est-à- dire les matières azotées neutres, du moins quelques-unes d’entre elles. Nous admettons que, dans les cas où l’amidon , la dextrine et le sucre disparaissent de l’aliment, ils sont remplacés par des matières grasses , comme cela se voit dans l'alimentation des carnivores. Nous voyons enfin que l'association des matières azotées neutres avec les matières grasses et les matières sucrées ou féculentes constitue la presque totalité des alimens des animaux herbivores. Ne ressort-il pas de là ces deux principes fondamentaux de l'alimentation, savoir : 1° Que les matières azotées neutres de l’organisation sont un élément indispensable de l'alimentation des animaux ; 2° Qu'au contraire les animaux peuvent ; jusqu'à un certain point, se passer de matières grasses ; qu'ils peuvent se passer absolument de matières féculentes ou sucrées , mais à la condi- tion que les graisses seront remplacées par des quantités pro- portionnelles de fécules ou de sucres, et réciproquement. Nous verrons plus tard que, si la privation de matières grasses ne de l’organisation. 355 compromet pas, pour un temps, la vie de l'animal, elle exerce néanmoins un effet qui mérite une attention particulière. L'obligation indispensable où sont tous les animaux de faire entrer dans leur régime les matières azotées neutres , qui exis- tent dans leur propre organisation , démontre presque déjà qu’ils sont incapables de créer ces sortes de matières. Mais, pour mettre ce résultat en pleine évidence, il suffit de suivre ces matières azotées neutres introduites dans l'estomac, et de voir quelle est leur destination finale. Or, il est assez facile de prouver qu’elles se trouvent représentées essentiellement par lurée, qui, chez lhomme et les herbivores, constitue le produit principal de l'urine, et par l'acide urique qui, chez les Oiseaux et les Reptiles, joue le même rôle que l'urée. Abstraction faite des excrémens , lhomme adulte absorbe chaque jour une quantité de matières azotées neutres capable de représenter quinze à seize grammes d'azote , quantité qui se retrouve en entier dans les trente à trente-deux grammes d’urée que renferme l'urine qu'il rend dans les vingt-quatre heures. Ainsi, abstraction faite de tous les phénomènes qui se passent dans l'intérieur des organes, eten ne considérant que la balance d’entrée et de sortie, on trouve que l'homme rend en urée à-peu- près tout l'azote qu'il avait reçu , sous forme de matiere azotée neutre. N’est-il pas tout simple d'en conclure que la matière azotée neutre de nos alimens sert à produire cette urée , et que toute l'industrie de l'organisme animal se borne, soit à s’assimiler cette matière azotée neutre , quand il en a besoin, soit à la convertir en urée? Cette opinion devient presque l'évidence, si l'on ajoute que l'étude des phénomènes de la respiration nous démontre que les matières grasses disparaissent de l'organisme animal par l'effet d’une véritable combustion ; que les matières amylacées ou sucrées sont également brülées dans l’accomplissement des phénomènes de la vie ; enfin , que la différence qui existe entre Purée et la matière animale neutre d'où elle provient, se repré- sente exactement par un phénomène de combustion. C’est dans le but de vérifier, de contrôler et de limiter à ce 233 356 pumas et caHOURs. — Sr les matières azotées neutres qu’elles ont de vrai ces conclusions relatives aux matières azotées neutres, que les expériences suivantes ont été entre- prises. Fibrine. On a admis généralement jusqu'ici que la fibrine est une substance identique avec l’albumine, quant à sa composi- tion. M. Mulder a présenté un si grand nombre d'analyses qui conduisent à ce résultat, qu'on n’a pas lieu de s'étonner que M. Liebig et ses élèves soient tombés dans la même erreur. En effet, il faut une grande attention pour s’apercevoir que la fibrine diffère de l’albumine sous le rapport de la composition , tant la différence est faible; maïs elle n’est pourtant pas douteuse, et la fibrine renferme incontestablement plus d’azote et moins de carbone que l’albumine. Cet excès d’azote ne s'élève pas au point que l'avaient supposé MM. Gay-Lussac et Thenard , dont l'analyse, sous le rapport du carbone et de l'hydrogène , est d’ailleurs irréprochable. Nous avons mis un grand intérêt à donner à nos analyses toute la certitude que comporte l’état actuel de la science. Les matières ont été purifiées et desséchées avec des précautions minutieuses, mais dont la nécessité est bientôt reconnue par quiconque se livre à l'étude des produits de cette espèce. L'analyse a toujours été dirigée de façon à doser chaque produit d’une manière absolue et avec une approximation suff- sante pour mettre en évidence les petites différences que nous avions à apprécier. Ainsi, quand il s'agissait de doser l'azote, nous opérions de manière à recueillir au moins 5o à 60 centimètres cubesde ce gaz, et souvent jusqu’à 80 ou 100 centimètres cubes. C’est par là que des différences, trop légères pour se manifester avec de moindres doses , ont pu devenir sensibles et mesurables. Pour l'hydrogène et le carbone, nous avons toujours employé le procédé connu de l’oxyde de cuivre; mais nous avons fait constamment intervenir le chlorate de potasse à la fin des analyses , soit comme moyen de terminer les combustions , soit comme moyen de balayer l’acide carbonique et l’eau des appa- reils sans faire intervenir l'humidité atmosphérique ;si difficile à éviter par tout autre moyen. de l’organisation. 357 La plus grande difficulté à vaincre dans l'analyse des matières qui nous occupent, consiste à les sécher convenablement et à les empêcher de reprendre de l’eau, pendant qu'on les broie avec l’oxyde de cuivre. En les réduisant en poudre fine et en prolongeant le séjour de la poudre , à 140° dans le vide , on assure leur dessiccation; et, en opérant trés vite leur mélange avec l’oxyde de cuivre chauffé à 100°, on évite autant que possible leur action hygrométrique. Moyenne des analyses de fibrine. De chien | De chien nourri nourri De sang|De sang| De song] De sang | De sang pendant | pendant | sang De de de de de de deux mois] deux mois FÉERIES d'homme. | la farine. | mouton.| veau. bœuf, | cheval. chien. pes nee la viande,| pain. Carbone . ...| 52,8 | 52,5 | 52,7 | 52,67 | 52,74 | 52,7 52,57 | 52,78 | 53,23 Hydrogène...| 7,0 | 7,0 7:0| 7o0! 6,92| 6,95 7:07 | 6,96 7,01 Azote ......| 16,5 | 16,5 | 16,6 | 16,63 | 16,72 | 16,51 | 16,55 | 16,78 | 16,47 Oxygène, etc.| 23,7 | 24.0 | 23,7 | 23,50 23,62 | 23,77 | 23,81 | 23,48 | 23,35 100,0 |100,0 |100,0 |100,00 100,00 |100,00 | 100,00 |100,00 | 100,00 | Albumine. L'albumine se partage en deux grandes variétés : laibumine animale, toujours alcaline , et l’albumine végétale, qui n’est pas ordinairement accompagnée d’alcali libre. L'albumine animale se montre dans un état presque pur dans le blanc d'œuf et le sérum du sang. C’est là que nous l'avons prise pour l'analyse. L’albumine végétale, ou du moins le corps habituellement désigné sous ce nom, peut s’extraire d’un grand nombre de plantes ; mais nous avons préféré celle de la farine à toute autre par des motifs faciles à comprendre. Enfin , l'albumine abandonne facilement à la potasse du soufre en quantité très appréciable. Quand elle en est débarrassée, sa composition élémentaire change un peu; nous avons dû, par 358 DUMAS et CAHOURS. — Sur les matières azotées neutres conséquent, mettre un grand soin à l’analyser sous cette nou- velle forme. Dans toutes les analyses , on a suivi, du reste, la marche géné- raie que nous avons indiquée en ce qui concerne la fibrine. Nous devons faire remarquer que, parmi les analyses de l'albumine, assez nombreuses maintenant, celle de MM. Gay- Lussac et Thenard nous a paru la plus exacte. Celle que M. Mul- der a publiée ne laisse rien à désirer non plus. Moyenne des analyses d’albumine. Sérum Sérum Sérum , Albamine Sérum de de B du d'h À mouton. bœuf, OMS blanc d'œuf. Carbone........ ë 53,54 53,40 Hydrogène. ...... 7,08 7:20 AZUR 06e ed 15,82 15,70 Oxygène, elc. ... 23,56 23,70 100,00 100,00 100,00 100,00 Caséine. — Nous désignerons sous ce nom le caséum du lait. En changeant la terminaison de ce mot, nous ne faisons d’ail- leurs que suivre l'exemple donné par quelques chimistes. L’ana- logie extrême qui existe entre l’albumine et la caséine explique et justifie ce changement. La difficulté qu'on éprouve à préparer la caséine pure sous sa forme soluble, nous a conduits à nous occuper plus particu- lièrement de l’analyse de la caséine sous sa forme insoluble. Nous admettons d’ailleurs, comme démontré par tout l’ensemble de leurs propriétés, que ces deux corps constituent deux variétés par dimorphisme de la même substance. Ées premières analyses de caséine exécutées par MM. Gay- Lussac et Thenard indiqueraient plus de carbone et moins d’a- zote que cette substance n’en renferme, ce qui provient évi- demment du mélange de la caséine qu'ils ont analysée avec un de :’organisation. 359 peu de beurre. En effet, il faut de longues digestions dans l'éther pour l'extraire en entier. Depuis lors on a reconnu, et sous ce rapport les analyses de M. Mulder sont irréprochables, que la caséine ne diffère pas de l’albumine sous le rapport de la composition élémentaire. Nos expériences confirment tout-à-fait ce résultat. Moyenne des analyses de caséine. De lait De lait De lait De lait De lait De Da sang. de vache, | de chèvre.| d'ânesse, | de brebis. de femme. la farine. | Carbone .......|] 53,50 53,60 | 53,66 53,52 53,47 53,75 53,46 Hydrogène. ..... {7:05 ti CAT 7:07 7,13 7:09 7,13 AIG een 15,77 15,78 16,00 15,80 15,83 15,87 16,04 Oxygène, etc....|] 23,68 23,51 23,20 23,61 238,55 23,29 | 23,37 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 LEE Glutine. — Parmi les principes immédiats qu’on peut extraire du gluten brut, il en est un qui se dissout dans l'alcool bouil- lant, qui ne s’en précipite pas par le refroidissement, qui s’en sépare au contraire par l’évaporation, et qui fait prendre en masse la liqueur concentrée quand on l’abandonne au refroi- dissement. C’est la glutine proprement dite. Comme cette matière est toujours accompagnée d’une grande quantité de matière grasse, il faut la dessécher, la pulvériser et l'épuiser ensuite par l’éther, qui lui enlève une grande quantité de cette graisse semi-figée dont elle est mélangée. On l’épuise ensuite par l'alcool et par l’eau. Enfin, on sèche la matière à 1 40° dans le vide. Voici son analyse : Carbone ser Me ne Ve 009,00 HVULOP ner AN TROT 17 OR MR AU OR RIM UE 94 Oxygène motors lin sata le 40128184 100,00 560 pumas et cAnGuRs. — Sur &s matières azolées neutres La glutine est donc isomérique avec l’albumine et la caséine. C’est une substance dont l’histoire reste à faire, et qui offre d'autant plus d'intérêt qu’elle possède, comme l’albumine et la caséine, la propriété de se colorer en bleu violacé sous lin- fience de l’acide chlorhydrique concentré qui la dissout. Ainsi, par ses caractères spéciaux, sa présence dans le fro- ment, le rôle qu’elle joue dans le gluten et la panification, par son identité avec l’albumine et la caséine, la glutine est une des matières organiques les plus dignes d'intérêt. Malheureusement le gluten du froment n’en fournit pas beaucoup. Peut-être trou- vera-t-on d’autres céréales dont les farines fourniront une glu- tine plus pure et plus abondante, la fibrine et la caséine se trouvant diminuées en proportion. Si cette présomption se réa- lisait, l'étude de la glutine en serait tellement facilitée, que nous avons remis à nous en occuper à l’époque où nous aurons terminé l'examen comparatif des diverses farines. Protéine. — Dans toutes les analyses qui précèdent, la ma- tière albuminoïde a été employée telle que la nature la donne : il existe pourtant un procédé déjà mis en usage par M. Mulder, au moyen duquel on peut se procurer une matière organique exempte de soufre et toujours douée néanmoins des propriétés générales des substances albuminoïdes : @est la protéine de M. Mulder. Ce procédé consiste à dissoudre la matière albumineuse na- turelle dans la potasse; il se forme du sulfure de potassium et une dissolution de l4 matière animale dans l’alcali : de telle sorte qu’en ajoutant ensuite un acide, on obtient un précipité formé par la matière animale et un dégagement très sensible d'hydro- gène sulfuré. Nous avons examiné d’abord la protéine extraite de la caséine. Le coagulum obtenu au moyen du vinaigre et du lait écrémé, étant lavé à l’eau distillée, donne, quand on le dissout par la potasse faible, un produit limpide qu’on sépare du beurre par le filtre. En ajoutant de l'acide acétique à ce liquide, il se dégage une quantité notable d'acide sulfhydrique, et il se forme un précipité abondant, floconneux, qui, lavé à l’eau, à alcool, et de l’organisation. 361: repris par l'éther, puis séché à 140° dans le vide, donne à l'a- nalyse les nombres suivans : Moyenne. Carbone . um. ave 54,27 . 54,32 » 54,29 Hydrogène. . . - . 7,11 7,69 » 7,10 Azote ie » » 15,94 15,94 Oxygène, elc. . - . » » » 22,67 100,00 Comme nous attachions une grande importance à ces ana- lyses, on a pris toutes les précautions imaginables pour en as- surer la parfaite exactitude. La protéine extraite de l’albumine nous a présenté la même composition que celle du caséum, comme on va le voir. On a pris du sérum de sang de bœuf, et on en a précipité l’albumine au moyen de l'alcool. Le produit étant abondamment lavé à l'alcool, puis à l’eau, a été redissous dans une solution aqueuse de potasse. Au bout de quelques heures, le liquide ayant été neutralisé par l'acide acétique, on a obtenu un pré- cipité très abondant et un dégagement très notable d'acide sulf- hydrique. Le précipité, lavé à l’eau, à l'alcool, à l’éther, et séché à 140° dans le vide, donne les nombres suivans : Carbone. . . Le fr do MsErs DE Û Hydrogène: 1... ss, ace» 714 ZOO NAS de ions ge lo m0 frere Nate oo TS 100,00 La formule qui représente le mieux la composition de cette matiére est la suivante : CAL... PRE leo RENE RSS EE Vas) pt à PTE one el + le letietue } OUR CO eme ee UT) L 100,00 Vitelline. — La vitelline constitue la matière albumineuse du jaune de l'œuf. Elle s’obtient aisément en traitant le jaune d'œuf cuit et réduit en poudre grossière, par l’éther qui lui enlève la matière grasse. Il reste une substance albumineuse , incolore, coagulée et par conséquent insoluble. 3€2 DUMAS @l CAHOURS. — Sur les matières azoltées neutres La vitelline donne, avec l'acide chlorhydrique, les mêmes réactions que l’albumine ou le caséum, mais elle en diffère toute- fois par la composition, comme l’a reconnu M. Jones, dont l'a- nalyse concorde assez bien avec la nôtre. Voici les nombres que nous avons obtenus : I. Il. IL. IV. Moyenne, Carbone . . . 51,8 » 51,31 » 51,60 Hydrogène. . 7,07 » 7,37 » 7,22 AZGte) UNE 2 » 15,02 » 15,03 15,02 Oxygène, etc... » » » » 26,16 100,00 D'où l'on tire la formule très simple qui suit : C8 HS Az 015 + 3H0, qui donnerait, en effet, OS cn SRE tar io bre us MOSS ED RE RE en ee ce € CA: AZI NE SAME NUE à TELE ER OST, 20), 1019: Goo tu. J446:6 100,0 Légumine. — M. Braconnot a désigné , sous le nom de /égu- mine , une matière azotée qu’il a découverte dans les pois et les haricots ; il a fait remarquer son analogie avec la caséine. Dernièrement, M. Liebig a fait exécuter dans son laboratoire un grand nombre d’analyses de légumine qui toutes, sans ex- ception, se sont accordées à lui assigner une composition iden- tique avec celle de la caséine. En voici les nombres : GRAN NET eee el + DER Hydrogéné.) MOMENT, = 7:16 AE De ts els 1.7 IPGP Oxygène, etc: .. . :.. . .… (23,03 100,00 Ainsi se trouvait justifiée la présomption de M. Braconnot , et tout semblait d'accord pour faire confondre la caséine et l'al- bumine en une seule espèce. Cependant il s'en faut qu'il en soit ainsi, comme le prouvent les résultats suivans. de l'organisation. 363 La légamine des pois, des haricots et des lentilles, s’extrait plus ou moins facilement par le procédé que M. Braconnot a indiqué, La matière concassée est mise en digestion dans leau tiède pendant deux ou trois heures. On écrase le produit dans un mortier, de manière à former une pulpe à laquelle on ajoute environ son poids d’eau froide Au bout d’une heure de macé- ration , on jette le tout sur une toile , et l’on exprime. La liqueur, abandonnée au repos, laisse déposer une certaine quantité de fécule. On la passe au filtre pour l'obtenir tout-à-fait claire , et l’on y verse peu-à-peu de l'acide acétique étendu d’environ huit à dix fois son poids d’eau. Au moment même où l'on ajoute l'acide, il se forme un précipité floconneux , très blanc , facile à recueillir sur un filtre, mais dont le lavage à l'eau s’opère avec beaucoup de lenteur et non sans quelque difficulté. Il ne faudrait pas trop ajouter d'acide acétique : car le préci- pité ne tarderait pas à disparaître plus ou moins complètement; la légumine étant tout-à-fait soluble dans cet acide. La légumine , épuisée par l’eau, est lavée ensuite à l’alcool. Aprés ce traitement, on la dessèche et on la pulvérise pour la mettre en digestion avec de l’éther qui la débarrasse de toute matière grasse. On la dessèche ensuite de nouveau jusqu'à 140° dans le vide. C'est la matière ainsi préparée que nous avons soumise à l'analyse. Moyenne des analyses de légumine. Légumine | Légumine | Légumine des des des pois. lentilles, haricots. ; Carbone. . . 5 50,6 50,69 Hydrogène 6,65 6,81 AZoté.....«. . 20 . 18,19 17,58 Oxygène, etc. ..... 24,70 24,92 100,00 364 vumas et canours. — Sur les matières azotées neutres Proust , et, après lui, MM. Boullay, Vogel et divers chimistes, ont arrêté leur attention sur une matière qui existe en abon- dance dans les amandes douces et dans les amandes amères. Proust et Vogel l'avaient considérée comme identique avec la caséine du lait des animaux. Dans ces derniers temps, M. Liebig a fait exécuter dans son laboratoire une série d'analyses de ce produit, d’où il tire la conclusion que la matière qui nous occupe est identique avec la caséine du lait des animaux. Cette conclusion ne s'accorde pas avec nos propres résultats. Si l’on étudie les amandes douces , l'amande des abricots et celle des prunes, on trouve dans toutes ces substances un pro- duit soluble dans l’eau froide et susceptible de précipitation par l'acide acétique faible. Rien de plus facile à obtenir ; car il suffit de mettre le tour- teau d'amandes en macération avec de l’eau froide pendant une ou deux heures, et de filtrer la liqueur. La dissolution qui coule rapidement renferme de grandes quantités de la matière préci- pitable par l'acide acétique. Le précipité que cet acide donne offre un aspect nacré, chatoyant. 11 est très blanc. Son appa- rence tient évidemment à la concentration des dissolutions; car, une fois étendue d’eau , la liqueur ne produit plus un précipité semblable : elle donne seulement un dépôt floconneux. Moyenne des analyses de légumine. D'amandes | D'amandes | D'amandes | D'amandes | D'amandes | De moutarde douces. douces. douces. | de prunes. | d'abricots. | blanche. 50,93 50,80 50,72 50,83 6,70 6,71 6,65 6,72 18,97 18,80 18,78 18,58 23,60 23,69 23,85 23,87 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 La matière des amandes, identique d’ailleurs par ses pro- de l'organisation. 365 priétés avec la légumine, en possède aussi exactement la com- position. En effet , si elle se montre un peu plus riche en azote que l’autre, nous sommes disposés à croire que cela tient unique- ment à la difficulté qu’on éprouve à séparer la légumine des pois, et, à plus forte raison, celle des haricots de toute trace de matière gommeuse avant que la légumine n’ait commencé elle-même à éprouver un commencement de décomposition spontanée. Nous n’hésitons donc pas un instant à confondre la matière des amandes douces avec la légumine, considérant d’ailleurs l'analyse du produit des amandes comme plus propre à repré- senter la composition exacte de la légumine que celle des pro- duits extraits des semences des légumineuses elles-mêmes. Il existe donc incontestablement une matière azotée spéciale fort répandue dans les végétaux , puisqu'elle fait partie de toutes les graines de légumineuses que nous avons étudiées , qu’elle se retrouve dans l’'amande de toutes les rosacées que nous avons pu nous procurer, et qu'enfin la graine d’une Crucifère nous en présente aussi de grandes quantités. Cette matière azotée joue à coup sûr un rôle considérable dans la nutrition de quelques animaux et dans celle de l’homme lui-même. Il était donc nécessaire de l’étudier avec soin, tant pour la caractériser que pour reconnaître par quels traits elle s'éloigne ou se rapproche des autres substances azotées neutres de l’éco- nomie végétale, La légumine, précipitée par l'acide acétique faible d’une de ses dissolutions concentrées, se présente toujours avec l’aspect nacré et chatoyant : d’une dissolution faible, elle se dépose en flocons. Elle est insoluble dans l'alcool froid et dans l’éther. L’ean bouillante ne la dissout pas non plus. L'alcool faible et bouillant ne Ja dissout pas. L'eau froide en dissout, au contraire, de grandes quantités. Quand on porte la liqueur à une température voisine de l’ébul- lition, elle se coagule et laisse précipiter des flocons cohérens, qui ressemblent beaucoup à l’albumine coagulée. 366 Dumas et canours. — Sur les matières azotées neutres Il résulte de là que, si l’on opèresur une dissolution aqueuse renfermant à-la-fois de la légumine et de l’albumine, et qu'on effectue la coagulation du mélange à chaud, le produit obtenu renfermera tout à-la-fois lalbumine et la iégumine, ce qui, à l'analyse, fournira des résultats intermédiaires entre ceux qui représentent la composition de ces deux substances. L’acide acétique concentré, mis en contact avec le dépôt nacré , en est absorbé et détermine celui-ci à se gonfler, en prenant une demi-transparence. Le produit qui en résulte se dissout complètement dans l’eau bouillante. Par l’évaporation, on obtient une substance d'aspect gommeux , susceptible de se redissoudre dans l’eau, et qui possède la composition de la légu- mine, comme on le voit par les nombres suivans : (Est Epéeeeo ont: M et ose 77510 Hydrogène, JAN Se 006,74 AOC SET AIDREUS LIN sal 67b) Oxygène, etc. ss. ss 123,85 100,00 Quand on ajoute de l’acide acétique faible à une dissolution de légumine, elle se précipite immédiatement. Un excès d’acide redissout le précipité formé, et la liqueur s’éclaircit tout-à-coup, sans que la légumine ait pris l’aspect gélatineux dont on vient de parler. En saturant l'acide en excès par l’ammoniaque , on fait reparaître la légumine, qui se précipite de nouveau. Un excès @ammoniaque la redissout à son tour. Parmi les acides , il en est un, l'acide chlorhydrique, dont nous devions plus particulièrement étudier l’action. Faible , il précipite la légumine comme l’acide acétique; concentré, il la dissout , et la dissolutiou ne tarde pas à prendre cette teinte bleu violet qui caractérise les substances analogues à lalbu- mine. Avec la légumine, la teinte est même très riche et très pure. " L’acide sulfurique faible précipite également la légumine. Concentré , il la précipite également. Si on broie la légumine sèche avec l'acide sulfurique concentré , elle se dissout lente- ment , se colore en brun, sans produire de sucre de gé'atine; du moins , n’en avons-nous pas reconnu la présence, de l'organisation. 367 L’acide azotique faible précipite la légumine comme les pré- cédens ; concentré, il dissout la légumine sèche avec dégagement de gaz nitreux. L’acide phosphorique à trois atomes d’eau précipite aussi la légumine, caractère important qui ne permet pas de la con- fondre avec l'albumine. La potasse , la soude et l’'ammoniaque dissolvent la légumine à froid. A chaud, les deux premiers de ces alcalis la décom- posent avec dégagement d’ammoniaque. La baryte et la chaux, en présence de l’eau, la décomposent également à l’aide de la chaleur de l’ébullition. Il se forme des sels solubles de ces bases; il se dégage de l’ammoniaque. Il y a donc production d’un acide qui sera étudié plus tard. Parmi les substances qu'il était curieux de faire agir sur la légumine, il en est une, la présure, qui, en raison de son action bien connue sur la caséine, méritait de devenir l’objet d’un examen spécial. 100 centimètres cubes d’une dissolution concentrée de légu- mine, mis en contact avec dix à douze gouttes de la présure liquide qu’on vend à Paris pour les fromageries, ont donné, au bout de vingt-quatre heures, une coagulation complète de la légumine qui s'était précipitée au fond du vase sous l’aspect d’une masse gommeuse. Pendant les premières heures du con- tact, les liqueurs demeurent limpides, ce qui met de côté toute idée d’une influence quelconque de la part de l'acide libre de la présure. La précipitation par la présure était d’ailleurs parfaite ; car l'acide acétique , ajouté avec précaution au résidu, n’y a pas produit la moindre apparence de trouble. Enfin la matière coagulée par la présure consistait bien en légumine, comme le démontre son analyse, qui a donné les nombres suivans: Bobine ot mat. Véstffo;é Hydrogëne/Weti.. lun os 200026,92 AIO eHDIL IT HO IAGD 39,00 Oxygène, tes + 1405 als se 123,67 100,00 368 pumas et canours. — Sur les matières azotées neutres Toutes les expériences qui précèdent ont été exécutées avec la légumine d'amandes douces , qui nous a paru de toutes la plus facile à obtenir à l’état de pureté. Elles conduisent à considérer la légumine comme un corps distinct, qui se caractérise à-la-fois par sa composition et ses propriétés. Ainsi, tout en admettant que la légumine contient de l'albu- mine ou de la caséine, nous la regardons comme un composé distinct dans lequel ces corps sont unis à d’autres combinaisons. Il serait facile de présenter ici diverses formules qui montre- raient les rapports présumables entre la caséine et la légumine; mais ce sont là des jeux d'esprit puérils, tant que l'expérience ne leur sert pas de guide et de correctif. La formule brute qui représente le mieux la composition de la légumine est la suivante : CREER RE ST 09 HER Eee OO AT Re eee t eme ete ee eo ART OMIS NUDR QE. 1, SENS 100,0 Il est certain pour nous que cette formule n’est pas défini- tive ; elle n’a d'autre intérêt que de montrer en quel sens la com- position de la légumine diffère de celle de la caséine et de l’al- bumine. Nous terminerons l’histoire de ce corps en faisant ressortir une particularité digne d’être notée, c’est que les semences qui doivent essentiellement leur pouvoir nutritif à la légumine de- viennent des alimens de meilleur emploi quand elles sont cuites que lorsqu'elles sont crues. C’est donc surtout la légumine coa- gulée qui intervient dans la digestion, et non la légumine soluble. Les expériences dont nous venons de rendre compte éta- blissent, d’une manière qui nous paraît certaine, que l’albu- mine possède la même composition dans tous les animaux, et, de l’organisation. 369 à plus forte raison, dans tous les liquides d’un même animal. L’albumine végétale ne diffère en rien de l’albumine animale sous le rapport de la composition élémentaire; seulement elle n’est pas accompagnée de soude libre, comme c’est ordinaire- ment le cas pour l’albumine animale. La caséine prise dans les Mammiferes herbivores s’est mon- trée toujours douée d’une composition semblable et de propriétés à-peu-près identiques. Dans la femme, qui par ses habitudes de vie se rapproche des Mammifères carnivores, le lait fournit une caséine qui, tout en offrant une composition semblable à celle de la caséine des herbivores, possède des propriétés telles, qu’on trouvera peut-être un jour nécessaire d'établir une dis- tinction entre ces corps. Dans le sang de bœuf, il existe une matière qui semble se confondre avec la caséine , tant par la composition que par les propriétés. La farine des céréales renferme également une substance qu'on est disposé à ranger avec la caséine, et qui en offre du moins la composition élémentaire et les propriétés les plus es- sentielles. Du reste, la caséine du lait des herbivores, celle du lait de femme, la caséine du sang et celle de la farine, possèdent exac- tement la même composition que l’albumine : ce sont certaine- ment deux substances isomériques. Il n’en est plus de même de la substance remarquable et vrai- ment distincte qui fait partie de l'émulsion d’amandes , et qui a été signalée par Proust, Boullay et d’autres chimistes, comme identique avec la caséine animale. Cette matière renferme, sans aucun doute, plus d'azote et moins de carbone que la caséine animale et que la véritable caséine végétale, celle des céréales. Elle se retrouve, avec une semblable composition et les mêmes propriétés, dans l'amande ordinaire, dans celles de la prune, de l’abricot, et probablement de la noisette ; dans la graine de moutarde blanche; dans les haricots, les pois, les féves et les lentilles. Cette substance remarquable se rapproche de la gélatine par sa composition, mais en diffère à tous égards par ses propriétés : X VIIL. Zoor — Décembre 24 370 pumas et cauoURs — Sur des malières azotées neutres elle mérite une attention particulière par son abondance dans les matières alimentaires que nous venons de citer, et par le rôle incontestable qu’elle y joue, et dont il est facile de se for- mer une idée en rappelant que cette substance , dissoute dans l'acide chlorhydrique, lui communique exactement les mêmes propriétés que l'albumine. De telle sorte qu'on peut croire que, sous l'influence du suc gastrique, cette matière fournit les mêmes produits solubles que l’albumine elle-même. Tout porte donc à croire que cette matière consiste en un mélange ou une combinaison d'albumine ou de caséine avec un autre produit ; mais, comme ce mélange se fait en proportions qui semblent constantes, il ne peut ÿ avoir aucun inconvénient à lui conserver le nom de légumine , qui avait été proposé par M. Braconnot, pour désigner la matière extraite des haricots ou des pois. La légumine constitue donc pour le physiologiste une sub- stance analogue , soit à l’albumine , soit à la caséine, mais mé- langée ou mieux combinée avec un autre corps plus riche en azote , qui en modifie les propriétés les plus importantes. Nul doute que le pouvoir nutritif des légumes ne soit en grande partie déterminé par la proportion de légumine qu'ils renferment; mais il serait pourtant prématuré de considérer cette substance comme jouant un rôle positivement pareil à celui de l’albumine ou de la caséine. Une portion des: élé- mens de la légumine se trouve à un état particulier et, distinct qui les rend probablement moins propres à servir d’aliment que ceux qui sont réunis de façon à reproduire l'exacte com- position de l'albumine et de la caséine. La fibrine extraite du sang des Herbivores nous a toujours offert la même composition élémentaire. Celle de l'homme et celle du chien se sont montrées quelquefois un peu plus riches en azote. Nous n'avons pas trouvé de différence «entre la fibrine du veau et celle du bœuf. La matière extraite du gluten de froment, et que l'un de nous a désignée sous le nom de fibrine , possède, en effet, une composition qui la rapproche de la fbrine des herbivores. de l’organisation. 391 Toutes ces fibrines, fort peu différentes entre elles toutefois , ne peuvent aucunement se confondre avec l'albumine ou la caséine sous le rapport de la composition élémentaire. Elles renferment toujours un peu moins de carbone et beaucoup plus d'azote. On se formerait même une idée assez juste de la composition élémentaire de la fibrine, en la considérant comme une combi- naison de caséine ou d’albumine et d'ammoniaque. L'expérience suivante semblerait même confirmer cette opinion. Quand on fait bouillir pendant long-temps avec de l’eau de la fibrine bien lavée préalablement , il distille un liquide indubi- tablement chargé d’ammoniaque. La fibrine insoluble qui reste offre alors la composition suivante, qui est celle de l’abumine : Carbone fs den dit se 4 Hydrogène: eu us ni 7,09 dE RARE RE RE ETES UXVERHENELC., Me. n- «0 0 20,04 100,00 Pour vérifier complètement cette conjecture, nous avons dissous de la fibrine de bœuf à froid dans une dissolution aqueuse de potasse, contenant cinq grammes de cette substance pour un litre d’eau. La liqueur ayant été précipitée par l'acide acé- tique , nous avons obtenu une substance qui nous a offert exac- tement la composition de la fibrine employée , savoir : HADDONERS ee te à SRE ET Hydrogène. . reg TER ADEME FM T6,78 Oxygène, etc. . UD, 082505 100,00 Il s'ensuit que la fibrine possède la propriété de se dissoudre dans la potasse , sans perdre son excès d’azote , ce qui n’arriverait probablement pas si cet azote sy trouvait réellement à l’état d’ammoniaque. M. Bouchardat a reconnu que la fibrine et la couenne, dans 24. 372 DUMAS et CAHOURS. — Sur les matières azolees neutres cette action prolongée de l'eau bouillante, cèdent à ce liquide une substance qu’il assimile à la gélatine, du moins quand elle a été extraite de la couenne ; et qui se retrouve par l’évaporation de la dissolution aqueuse, La séparation de la fibrine en deux produits, l’un identique avec l’albumine coagulée, et l’autre identique avec la gélatine, expliquerait tout naturellement comment la fibrine renferme plus d'azote et moins de carbone que l’albumine, puisque la gélatine elle-même est dans ce cas. Mais, en considérant l’ensemble de nos'analyses de fibrine, nous n'avons pas tardé à reconnaître que la proportion de géla- tine qu'il fallait y supposer pour en expliquer la teneur en azote dépassait toutes les probabilités. Nous avons cherché à extraire cette gélatine, et nous n’avons jamais réussi à nous garantir du dégagement d'ammoniaque qui accompagne tou- jours l’ébullition de la fibrine. D'un autre côté, la matière dis- soute par l'eau ne nous a pas offert cette propriété de se prendre en gelée , qui constitue jusqu'ici le caractère le plus essentiel de la gélatine. Cette substance précipite, il est vrai, par le tannin, comme la gélatine; mais elle précipite aussi par l'acide nitrique comme les substances albumineuses. Enfin sa composition élémentaire ne ressemble pas à celle de la gélatine , comme on peut le voir dans les nombres suivans: Il. III. B. c. D. Moyenne. Carbone . . . 47,68 » 48,15 » » &7,91 Hydrogène . . 6,77 » 6,97 » » 6,87 AzOIER A MS EAN » 15,04 » 14,87 15,05 14,96 Oxygène, etc. . » » » » » 30,26 100,00 Cette substance , que l’eau dissout , n'offre donc ni la compo- sition de la fibrine, ni celle de l’albumine ou de la caséine, ni celle de la gélatine. Elle ne peut se confondre ni avec la fibrine, ni avec l’albu- mine. Quant à la caséine , dont elle partage la solubilité, elle n'offre aucun de ses caractères en quelque sorte. de l’organisation. 373 La gélafine en diffère complétement par sa composition ; car elle renferme : CARPORE ME TES MATOS 00,90 Hydrogent NN ETATS 299,07 Are Mes Li ch AMIS RE TRUE 18579 Oxygène; .etc. 4.2 : . + + 2: 28,22 100,00 D'ailleurs la gélatine se prend en gelée par le refroidissement de ses dissolutions, concentrées ; la substance qui nous occupe ne le fait pas. La gélatine précipite, ikest vrai, par le tannin, et la substance que nous examinons précipite aussi ; mais, tandis que la gélatine ne précipite pas par l'acide nitrique, cette ma- tière donne un précipité cailleboté , abondant , quand la disso- lution est concentrée. Dans les dissolutions étendues, l'acide nitrique ne précipite rien. Le sublimé corrosif précipite également la matière qui nous occupe. L'alcool ne trouble pas ses dissolutions, si elles ne sont concentrées. Du reste , cette matière possède le caractère général des substances albuminoïdes; car elle se dissout dans l'acide chlo- rhydrique et lui communique bientôt une belle teinte bleu violacé. Il résulte clairement , toutefois, de l’ensemble des propriétés de la fibrine, que cette substance renferme une grande quan- tité d’un produit identique avec l’albumine ou la caséine; qu’elle cède ce produit à l’action de l'acide chlorhydrique faible , et que conséquemment elle se comporte, à l'égard du suce gastrique , tout comme la caséine ou l’albumine , et qu’elle renferme , en outre, un produit qui se représente par de la caséine ou de l'albumine oxydés. Ainsi, comme aliment, la fibrine représente presque son poids d’albumine ou de caséine ; comme produit de la vie ani- male, elle se place entre l’albumine , d’où elle provient, et la gélatine qui se forme dans les animaux aux dépens de leurs alimens azotés. Indépenilamment de ces quatre produits principaux, l’albu- 374 DUMAS €l CAHOURS. — Ôur les malières azotées neutres mine , la caséine, la légumine, la fibrine , il en est deux autres qui s’en rapprochent par leur manière d'agir avec l’acide chlo- rhydrique , au point de se confondre avec eux dans un méme groupe , quoique leurs propriétés soient au premier abord tout- a-fait distinctes : ce sont la glutine et la vitelline. Les matières albuminoïdes essentielles, c’est-à-dire l’albumine, la caséine , la fibrine et la légumine, constituent l'élément azoté prédominant de la nourriture de l’homme et des animaux. Peut- être sont-ce les seules qui jouissent à-la-fois de la propriété de se brûler dans le sang pour se convertir en urée et de se fixer dans nos tissus par les procédés de l'assimilation , après avoir subi les modifications convenables dans leurs propriétés. Du moins , est-il vrai que jusqu'ici il peut paraître douteux que la gélatine jouisse de cette double propriété. 1l résulte de là que, si, dans un aliment quelconque dépourvu de gélatine, on parvient à définir la dose exacte d’albuminé, de caséine , de fibrine et même de légumine , on aura reconnu, précisé le pouvoir de cet aliment comme capable de satisfaire aux besoins de l'assimilation. C’est en mangeant et digérant'de telles matières que nous formons nos muscles et nos tissus , et que nous les préservons des altérations qu'ils subiraient de la part d’un sang trop appauvri en albumine ou en fibrine: Il est même tellement évident qu'il en est ainsi, qu'on ne pourrait pas citer un seul aliment adopté par l'homme ou les animaux supérieurs et où ne figure, comme matière azotée abondante, l’une des quatre substances signalées plus haut, c'est-à-dire la caséine, l'albumine, la fibrine ou la légumine. D'ou il suit clairement que la quantité d’azote que renferment nos alimens donne leur équivalent sous le rapport de l’assimi- lation, la matière azotée étant la matière essentiellement assi- milable , celle qui constitue la trame de he tout entière. Voilà pourquoi nous avons voulu préciser nos idées sur la composition de ces matières avant de nous occuper plus parti- culiérement de la discussion sur leur rôle dans l'élimination. Sachant par expérience qu'un homme, par exemple, doit manger, à l’état adulte, environ cent à cent vingt grammes de de l’organisation. 375 matière albuminoïde sèche, représentant seize à vingt grammes d'azote , on peut dresser une table des équivalens nutritifs envi- sagés sous le rapport de l'assimilation , et c'est par cette table que nous terminerons prochainement cette partie de notre travail, d'aprés la méthode déjà suivie par M. Boussingault dans ses Mémoires sur les équivalens nutritifs des fourrages ou des alimens des animaux herbivores. Nous ferons voir alors, par de nombreux exemples dévelop- pés dans le Mémoire dont nous nous occupons, M. Boussin- gault et moi, que, dans la nourriture de l’homme considéré à la ration d'entretien, il entre, terme moyen, 4oo ou 500 grammes de matière azotée fraîche, représentant 100 où 125 grammes de la même matière seche, qui contient par consé- quent de 16 à 21 grammes d’azote. Comme cet azote se retrouve presque en entier dans les urines, sous forme d’urée, il reste à se demander ce que c’est que l’urée, et en quoi elle diffère de la matière azotée neutre d’où elle provient. Or, les belles observations de M: Vôhler nous ont appris que lurée peut se produiré par une modification du cyanate d’am- moniaque, formé lui-même d’un oxyde de cyanogène et d'un oxyde d’ammonium. Ainsi , il sort de l'animal quatre oxydes : l'acide carbonique, l'eau, l'acide cyanique, l’oxyde d’ammonium. Ces deux der- niers , combinés et modifiés, produisent l’urée. C’est donc, du moins nous l’admettons ainsi, par une véri- table combustion que la matière azotée s’est convertie en urée. Quand l’albumine ou la caséine se convertissent en urée, elles passent sans doute par divers intermédiaires qui, négligés ici, donnent en définitive C18 H57 Az12 0151 010 — C6 H12 Az O6 urée, ee OBf acide carbonique , H* O eau C48 H 37 Az2O 15 Cette formule n’a d'autre objet que de permettre de calculer la quantité de chaleur dégagée pendant cette conversion . Elle 376 DUMAS €t CAHOURS. — Sur les matières azotées neutres nous montre , en effet, que la matière azotée convertie chaque Jour en urée par l’homme, offre environ 5o grammes de car- bone et 6 grammes d'hydrogène comme combustible à sa res- piration. Mais ces matières ne peuvent développer que 575000 unités de chaleur; en effet, 50 gr. carbone X 7300 — 365,000 6 gr. hydrogène X 35000 — 210,000 575,000 Or, d’après la quantité d'acide carbonique qu'il fournit , et . d'aprés la quantité d'oxygène qu’il consomme, chaque homme doit produire par jour 2500000 ou 3000000 de calories. Il faut donc qu'il emprunte à d’autres alimens environ 200 grammes de carbone et 10 grammes d'hydrogène, qui com- plètent la proportion de chaleur dont il a besoin. Et ce besoin est si pressant, qu'au bout de trois heures de suspension de l’action de l'appareil calorificateur , la mort par le froid serait inévitable. Car, à chaque fois qu’un homme perd 50 000 calories, sa température baisse d’un degré, et s'il avait perdu 300 000 calories en trois heures, puisqu'il en fait 100 000 par heure, sa température propre se serait abaissée à 30 degrés, auquel cas la mort serait certaine. Il faut donc que le corps tout entier, tous les vaisseaux, tous les tissus, tout ce que le sang pénètre , que ce vaste appareil de combustion agisse sans cesse et brüle sans relâche les matières organiques à sa disposition. Or, si l'on réfléchit que le sang constitue une dissolution des matériaux solides de l’économie, saturée pour les circonstancés où elle se trouve placée, on comprendra comment il est si im- portant que la digestion restitue sans cesse au sang les maté- riaux qui le composent. En effet, puisque le sang d’un homme est chargé de produire 100 060 calories à l'heure ; que, pour y parvenir, il doit brûler 5 grammes de matières albumineuses et 10 grammes de ma- tières grasses, ou leur équivalent en produits dérivés du sucre, de l'organisation. 377 il est clair que le sang constitue une dissolution saturée qui, à chaque instant, tend à descendre au-dessous du point de saturation. Aussi, quand le sang a perdu 5 grammes de matières albu. mineuses et 10 grammes de matières grasses , si ces produits ne sont pas remplacés, est-il forcé de les reprendre au tissu même de nos organes, où il porte le désordre. C’est par là que l’on s'explique la théorie de l’alimentation, qui est l’art de rendre au sang les matériaux dont le sang est composé lui-mêmeg afin que ces matériaux, que la vie con- somme sans cesse en les brûlant, ne soient pas repris par le sang appauvri à nos organes qui en sont formés ou qui les renferment. Et pour appliquer ces principes aux matières azotées dont nous nous sommes occupés aujourd'hui, nous dirons que, s’il est in- dispensable que l'alimentation de l’homme lui fournisse chaque jour 100 ou 120 grammes de matières azotées sèches, c'est que rien ne peut empêcher le sang d’un homme adulte de perdre chaque jour 100 ou 120 grammes de ces matières par la respi- ration et par la combustion qui en est la conséquence. Par cela seul que le sang contient de l’albumine, il en brûle, et il faut la lui rendre, si l’on ne veut pas qu'il attaque les sources de la vie en reprenant cette albumine dans nos tissus les plus indispensables à son exercice. L'Académie verra bientôt à quelles recherches nous nous sommes livrés pour établir la balance exacte entre les matières albumineuses , grasses ou sucrées consommées, et les propor- tions de chaleur produites par leur combustion dans le corps de l’homme ou des animaux; elle verra aussi, et nous l’espé- rons , avec quelque intérêt, les expériences par lesquelles nous avons cherché à établir sur des bases certaines les règles à suivre dans le calcul du régime du soldat, de louvrier ou du prison- nier, comme aussi les règles qui doivent diriger les administra- teurs dans les établissemens consacrés à la bienfaisance publique. 378 E. ROBERT. — Observations sur divers insectes. OBSERVATIONS DIVERSES relatives à des insecles des environs de Paris, Par M. Eucène Roger. $ 1°. Larves de Cynips ou d'Ichreumon, dans le corps d’une Sauterelle. Un individu de la grande Sauterelle ( Locusta viridissima), recueilli, en juin , dans la plaine de Vaugirard, présentait un abdomén très saillint. Après quatre à cinq jours de captivité, il sortit de la partie postérieure de son corps, correspondant à l'anus , successivement trois larves semblables par leur volume à celles qu'on appelle vulgairement æs/icots. Ta Sauterelle mourut peu de temps après. $ 2: Nourriture de l’Hydrophite brun. Cet insecte qui passe pour se nourrir ordinairement de plantes aquatiques altérées, m’a cependant permis de voir, dans un bassin où j’élevais plusieurs de ses semblables en compagnie de Dytiques et de Lymnées, qu’il dévorait ces dernières avec au- tant de voracité que le fait sa larve. $3. Larves et coques de la Cétoine dorée. Au mois de juin de l’année 184 r, j'avais retiré du centre d’ane grande fourmillière habitée plusieurs grosses larves. Placées dans un pot avec des débris de la fourmillière même qu’elles trans- formérent en excrémens et en terreau, elles employèrent ce détritus, une année aprés, à s’en faire des coques : l’insecte par- fait en est sorti dans les premiers jours de septembre de la même apnée. E. ROBERT, — Observations sur divers insectes. 379 $ 4. Etuis des Friganes. Dans nos étangs, ces insectes construisent ordinairement leurs étuis avec dés graines de Sparganium racemosum et surtout d'OEnanthe fistulosa. On les trouve fixés ou accrochés au che- velu qui garnit le rhizôme de cette dernière plante. Il n’y a, pour ainsi dire, pas de Cigtë aquatique, qui n’en offre plu- sieurs. La forte odeur aromatique que dégagent ses graines, et même les’ étuis qui en sont formés, est peut-être la raison pour laquelle les Friganes se fixent au pied de cette plante plutôt qu'ailleurs. $ 5. Lumière phosphorescente des Lampyres. Vers les derniers jours de juin de cette année, je tenais dans la main une femelle de Lampyre qui dégageait une lumière assez forte pour me permettre de lire parfaitement des caractères fins approchés de l'abdomen de l’insecte, lorsque tout-à-coup ur mâle vint s’abattre à la même place. Après avoir tournoyé quelques instans, laccouplement eut lieu. Alors je vis la lumière diminuer graduellement et disparaitre complètement au bout d’une demi-heure. Le mâle essaya de reprendre son vol; mais l'ayant gardé ainsi que la femelle, il ne tarda pas à succomber, et sa compagne cessa, depuis , d'émettre de la lumière. Si l’on sépare un Lampyre femelle en deux parties transver- sales, la lumière que la région abdominale répand disparait également au bout d’une demi-heure comme à la suite de l’ac- couplement ; mais en approchant d’une bougie cette même ré- gion, la lumière reparaît avec presque toute son intensité pri- mitive, sans doute par l'effet de la chaleur , et, chose remar- quable, ne s'éteint plus qu’au bout de trente-six heures. C'est en vain ensuite que j'ai cherché à la faire reparaitre par le même procédé : ce singulier phénomène semble n'avoir lieu qu’une fois. S 6. Moyen efficace de détruire les Guépes. J'ai détruit cette année, le plus complétement possible, et 360 E. ROBERT. — Observations sur divers insectes. sans m'être exposé à être le moins du monde piqué, plusieurs forts nids de Guêpes enfouis dans les prés, en y versant, à la nuit close, un mélange (parties égales ) d’essence de téréhen- thine et d’alcool; on trouve alors, le lendemain matin, les Guépes mortes et réunies en masse sur l’enveloppe papyragée du nid ou entre ses feuillets. Au moyen d'une seringue, on pourra détruire, j'ose l’espé- rer, avec le même succès , les nids de frelons situés dans |le tronc des arbres, et sur lesquels il serait difficile de verser de l'essence de térébenthine comme dans le cas précédent. Nore sur l’existence de l’urée dans le sang normal, Par M. D. Franz Simon. ( Extrait.) (1) « J'avais constamment trouvé dans le sang des malades en proïe à la maladie de Bright, une petite quantité d’urée. L'existence de cette matière a été révélée par le microscope , au moyen duquel la moindre quantité devient évidente , à raison de la forme cristalline caractéristique du nitrate durée. Pour arriver à ce résultat , je précipitai avec l'alcool deux à trois onces de sang, et, après avoir filtré Je liquide, je le fis évaporer au bain-maric, jusqu’à la consistance siru- peuse , puis j'y mélai de l'alcool absolu, et je répétai la même opération une ou deux fois , jusqu’à ce que l'extrait épais se fût dissous dans l'alcool anbydre sans laisser de résidu ; alors je l'évaporai jusqu’à siccité presque complète, je le fis dis- soudre dans l'eau, et, aprèsiavoir séparé la graisse au moyen du filtre, j'évapo- rai la dissolution aqueuse et je plaçai une petite quantité du résidu sur'un porte- objet en verre, puis j'y ajoutai un peu d'acide nitrique froid, et je Je laissai en repos jusqu’à ce que j'y visse apparaître une croûte saline. Quand on observe cette croûte au microscope , on peut y distinguer des tables rhomboïdales toutes les fois qu’elle est composée de nitrate d’urée. A la vérité, il est possible qu’on n’y découvre pas un seul cristal rhomboïdal parfait, mais on verra toujours dans la masse saline des lignes nombreuses qui se coupent dans le sens des rhombes, vu bien se couperaient ainsi si elles étaient prolongées. Cependant le mode de groupement de ces cristaux varie beaucoup , selon le degré de concentration de la solution , et selon la proportion plus ou moins considérable de l'extrait alcoo- (1) Müller's Archi für Anatomie Physiologie und Wifsenschaftliche Medecin, Burlin , 1841, p. 454: FRANZ SIMON. — Sur l'existence de l'urée dans le sang. 381 lique qui s'y trouve : tantôt ils sont en masses épaisses ou sous forme de fais- ceaux dendritiques ; d’autres fois, ils ont un aspect feuilleté, mais le plus sou- vent (et c’est alors qu'il est le plus facile de les reconnaître), ils constituent une nappe sans forme arrêtée. Cette croûte cristalline du nitrate d’urée se dissout fa- cilement dans l’alcool anhydre, et, par ce moyen, on peut la distinguer des cris- taux très analogues de nitrate de soude qui existent quelquefois dans des cas analogues, mais qui ne sont pas solubles dans l'alcool. » Par ce moyen, M. Simon est parvenu à reconvaître la présence de l'urée en quantité notable dans le sang d’une femme atteinte du choléra, résultat qui avait été déjà obtenu par d’autres observateurs, et il a été conduit ainsi à rechercher si Vurée ne se trouverait pas dans le sang normal. Pour cela, il ne s’est pas borné à l'analyse de sérum , comme l'ont presque toujours fait les chimistes qui se sont livrés à des recherches semblables: il a opére sur le sang en masse, et il a employé dans une même expérience la totalité du liquide obtenu d’un veau bien portant, Ce sang fut examiné par le procédé indiqué ci-dessus (1). 11 y a constaté ainsi de l’urée, bien que cette matière n’y existe qu’en quantités très petites. Par ces mêmes recherches, M. Simon a reconnu que la matière biliaire ( Gallenstoff) ne se trouve pas dans le sang de veau à l'état de santé. Chez une femme atteinte de choléra, au contraire, le sang renfermait une quantité considérable de brliverdine et une proportion de bxline si considérable, qu’en faisant digérer dans de l'acide sulfurique une portion de l'extrait alcoolique, qui avait une amertume très grande, ce chimiste a pu en séparer de petites gouttelettes d’acide bilifellinique. C’est le seul cas dans lequel il a trouvé de la biline dans le sang. Dans un cas d'ictère, le sérum du sang, teint par la biliphæline, était d’un rouge de sang, lorsqu'on le voyait en masse, et d’un jaune de citron, lorsqu'elle était en couche mince; cependant, quoique la proportion de la matière colorante biliaire fût si notable dans ce sang, M. Si- mon n’a pu trouver des traces ni de biline, ni de l'acide bilifellinique ; mais l'urine de ce malade contenait une quantité appréciable de résine bilisire (acide fellinique , acide cholinique et dyslysine ). (x) A cela près qu'il ajoutait à la solution alcoolique quelques gouttes d'acide sulfurique étendu d’eau , qu'il séparait ensuite à l’aide du carbonate de baryte. — mt 0 © Ç — TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. Mémoire sur la respiration des Grenouilles , des Salamandres et des Tortues , par M. Haro, docteur en médecine, . . . . , . . : 36 Mémoire sur les embryons des Syngnathes ( Syngnathus Ophidion Bio: ), par M. À. DE QuATREFAGES. +, . « . . . . . . . à. 4... Recherches sur la composition du sang de quelques animaux domestiques, par MM. Axpraz, Gavarner et Decaronn. . , . .,. . . . . . 213 Recherches sur la digestion , par MM. Boucrarpar et SANDRAS. . . . . 295 Septième Mémoire sur le développement des Os , par M. Frourens. . . 310 Mémoire sur les matières azotées neutres de l’organisation, par MM. Dumas ctCAHOMRS NL lie ele heder ses 2astun CRRR50 Note sur l'existence de l’urée dans le sang normal, par M. Simon . . . 381 ZOOLOGIE GÉNÉRALE Recherches sur la classification des animaux en séries parallèles, par M. Brurzé. . , . . . . Oo la sie MAN ef ne AIO) ER OS MOLLUSQUES- Mémoire sur l'animal de l’Onguline couleur de laque, et sur les rapports de ce Mollusque acéphale , par M. G. J. Duvennoy. . . . . . . . 110 Note sur le genre Productus , par M. BoucrarD-CHanTEREAUX. . . 158 Description de quatre Coquilles nouvelles, par M. H. Mirrre. . . . . 188 Mémoire sur les Bélemnites, par M. Azerine D'ORBIGNY, . . . . . . 241 Observations sur la structure et les fonctions de divers Mollusques , par M. Muxxe Epwanns. 240, 0, I PATES de TT 2 ANNELÉS. Aperçu des espèces nouvelles d'insectes , qui se trouvent dans nos posses- sions françaises du nord de l'Afrique, par M. H. Lucas. . . . . 61 et 184 Observations sur les mœurs des Fourmis , par M. E. Rosrnr. . . . . 151 Histoire comparative des métamorphoses et de l'anatomie des Cetonia au- rata et Dorcus parallelipipedus , par M. Léon Durour.. . . . . . 162 Observations diverses relatives à des insectes des environs de Paris, par MONEMRORRETINR EME ET MUR, «et 20978 Note sur le développement des œufs du Caligus et sur les métamorphoses que ce Crustacé éprouve , par M. H. Goopsrm. . . . . . . . . . . 181 Mémoire sur les T'ardigrades , par M'Doyère. . . . . . . . . . . 5 Note sur le Péripate juliforme , par M. H. Mrrxe Enwanps. . . . . . 126 Table des matières. 383 Note sur les métamorphoses d’un Annelide marin , par M.S. Lüvex.. 9288 Note sur un nouveau genre de Ver intestinal de la famille des Ténioïdes, le Bothrimone de lEsturgeon, par M. Duvernoyx. . . . . . . . 123 Mémoire sur la structure anatomique des Gordius et d’un autre Æel- minthe, le Mermis, qu'on a confondu avec eux , par M. F. Duras. 129 Mémoire sur le Myzostoma cirrhiferum , par M. S. Lôvex. . . . . . 291 7ZO0O0PHYTES. Mémoire sur les Edwardsies, nouveau genre de la famille des Actinies, par M A nr Omar AnEs 00e qe eme er NA Ut 65 Mémoire sur l’Eleuthérie dichotome , nouveau genre de|Rayonnés, voisin des Hydres par M. A. pe QuATREFAGES. . . . . . . . . . . . 970 TABLE DFS MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. ARDRAL, GAVARRET et DELAFOND, — Frourexs, — Septième mémoire sur le Recherches sur la composition du développement des os. .,,.,....,. 310 sang de auelques animaux domes- GAVARRET, V0ÿEZ ANDRAL. tiques: se eresssossosesesete 213 Goopsir (H.). — Note sur le dévelop- Boucaann-Cuawrereaux. — Note sur pement des œufs du Caligus et sur le genre Productus ,........... 158 les métamorphoses que ce Crustacé BoucæarDaT et Sanpras. — Recherches EMONNE = eee escbe-pseeue EU sur la digestion, ......... nr." 225 Haro.— Mémoire snr la respiration des Bauzzé, — Recherches sur la c/assifi- Grenouilles}, des Salamandres et des cation des animaux en séries paral TOrt4es. jee re en eipe vase 30 NEtes, = dede ion eee O0. Et 208 Lôvex. — Note sur les métamorphoses Camovrs , voyes Dumas, d’un Annelide marin............ 288 DELAFOND , V0ÿez ANDRAL. — Mémoire sur le Myzostoma cirrhi- Doxère., — Mémoire sur les Tardi- Erreurs == ES AE ee ce 2e IQ Brades. .-snsmeeaie=azemues se 0 0 Lucas (H.).— Aperçu des espèces nou- Durour., — Histoire comparative des velles d'insectes qui se trouvent dans métamorphoses et de l'anatomie des nos possessions françaises du nord Cetonia aurata et Dorcus parallipi- de l’Afrique............... 6ret184 Pedüs.----ca= ere =-- 1102 Mirree (H.).— Description de quatre Dusannix. — Mémoire sur la structure coquilles nouvelles. ............. 188 anatomique des Gordius et d’un autre OnB1Gny ( ALCIDE D’). — Mémoire sur Helmintbe, le Mermis , qu'on a con- les Bélemnites...,.............. AGE fondu.avec eux ..--:..-.... 129 Quarreraces. { À. be ). — Mémoire sur Dumas et Casours. —Mémoire sur les les Edwarsies, nouveau genre de la matières azotées neutres de lorgani- famille des Actinies.......,..... 65 nt A LE HAE LL — Mémoire sur l’£leuthérie dichotome, Duvenxox, — Note sur un nouveau nouveau genre de Rayonnés , voisin genre de ver intestinal de la famille des des Hydres. =. -cus-se 270 Téuioïdes, le Bothrimone de L Estur- — Mémoire sur les embryons des Syn- EEOR sense ces vosoneeies 123 gnalhes. eue eee een s de 193 — Mémoire sur l'animal de l'Onguline Roserr ( E ). — Observations sur les couleur de laque et sur les rapports mœurs des Fourmis. .......4.... 257 de ce Mollusque acéphale.. ....... 110 — Observations diverses relatives à des Epwanps { Mirxe). — Note sur le … ansectes des environs de Paris. .... 378 Péripate juliforme. ............. 126 SANDRAS, VOYez ANDRAL. — Observations sur la structure et les Simox. — Sur l’existence de l’urée dans fonctions de divers Mollusques, ... 32r le sang normal ....,.,......,... 380 ———————<———_ TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. PLancue 1 et 2. Organisation des Edwardsies. 3: A. Mouvement de la Moule et caractères du genre Productus. — B. Bothrimone de l'Esturgeon. 4. Larve de la Cetonia aurata. dé 5. A. Métamorphoses des Dorcus. — B. Auatomie de l'Ongüline. 6. Mermis. 6 bis et 7. Développement des Syngnathes. 8. Eleuthérie. 9. Metamorphoses des Annelides ct organisation du Myzostoma cirrhiferum. 10. Organes génitaux des Pectens ; appareil gastro-vasculaire des Eolidiens; organes mâles de la Carinaire. 11. Anatomie de la Carinaire. 12. Spermatophores du Calmar commun. 13. Spermatophores de la Seiche officinale et du Poulpe à longs bras. 14. Spermatophores du Poulpe commun et de l'Eledon musqué: 15. Organes génitaux mâles de la Sciche officinale. FIN DU DIX -HUITIÈME VOLUME, Zool .Tom..18 . 1 Anar. des Setenc. nat .2° Serte a Es” Schmels re Me ( del Organisation des Édpardstes Ann.des Setwnce.nat. 2° Sert A : £-8. Productus A.1-3 Mouvements de la Moule Zoo. Tom. .18 - PL. 3 & B. Potrièmone de lEsturgeon Zool . Tom 18 . PL. 3. 11. z_B Jéhimelx re Larve de la Cétona aurutt . Ann des Sein. nat . 2° Sert Zool.Tom.18 . PL. 5 FE [Z EN 4 15. À. Métamorphoses des Dorcus paralelpipedus. B. Anatomie de l'Ongulne s à S Ê = à Ann.des Sexenc.nat.2°Serte Developpement des ‘ fyngnathes. Zoo Tom.18 . Pl 6 dir Syrgrathie TU Developpement des Zool Tom.18 .PL .8. JSchmaelx se. Éd qe —— Ann .des Saenc. nat. 2® Serw. Zool Tom 18 PL.9 D Jehmelx se 1 6. Metamorphoses d'un Annelde 7e Orgarusaton du Myxostoma crrhifèrum , + Le ST 6 Lis Ann der Jane: nav 2% Jeris, Pool Ton il, DT re! 1. Organes gendaux du Pecter. 2. Apparel gastrovasculare des Folder. 3. Organes males de la Carinaire. * Zoot.Tom.18 . ?L nu. Zool Tom 18 LE nr des Soione na 29 fée h 1 | — SU y 24 KA £ {2 usa S 'désetne RER dass re C2 ro . À + LL Ann der Jitenc-nat 2° er Zoot. Tonv.18.Pl.131 Jpermatophores du Cunar. commu: Ann. des Seine. nat. A Zoot. Tom .18 . PL .13. Zoot. Tom 18. PE 11 Ann. des Stiene. nat. 2° Serus E e Mmes E Q i .Fÿ.1-7 Jpermatophores de la Seite Fig 8-u Spermatophores du loupe « longr bras Zvot Tom 18 L'18 Ann. dar Seione nat. 21 Serie Fig 1-5. Spermatophores du Poulpe commun. Fig 6. JSpermatophore de l'Eléten putsque Zool . Tom .18.PL .15. Organes genitaur mäles de la Seiche . Fr. ane HR