ji et Ut nt à ë i 1} l : { S 1.21 al 24 l ; U d | Nr Le Fe AT : 1 VUE fo! DRE D ANNALES SCIENCES NATURELLES. SECONDE SÉRIE TOME XIX. IMPRIMÉ CHEZ PAUL RENOUARD, RUE GARANCIÈRE ,N. 5. ANNALES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE , LA BOTANIQUE, L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES, ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ; RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIE PAR M. MILNE EDWARDS, ET POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE. Geconde Gérie. TOME DIX-NEUVIÈME. — ZOOLOGIE. PARIS. FORTIN, MASSON & C*, LIBRAIRES-ÉDITEURS, PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE ; Ne 1e 1543. Ve PATU"E USER EN RP EURE d Z DUR AUOMNATONAE HONOR FER ue Ro AUS PCT LA TEL DES ainagatata 14 di amor AA Re Lenaaat san DT axe COR. , 7 L ’ où d , » 1e PR EN { saroreks DUT 3 re d L Î jh See \ bi , : é ACTE à Ps Les. = Re. MAN OS ns avon LT ELLE aie PET .# MDN TON A ASE NE | DE, * HAeTADAT Se ons 9 sa LE # FT TATAMURT, 19 » ee CUP ation ea nd ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. PPTPCRTET ET PRET ERREETENENNRENRERREREENENEENENTECrTEEETEN ET EEE TETE CEE DRE QUELQUES oEsERvVATIONS sur les Ongulines, Par M. DeEsHayrs. J'ai lu avec le plus grand intérêt le Mémoire que vient de publier M. Duvernoy sur le genre Onguline (1). Ce savant anato- miste a donné pour la première fois la figure de l’animal de ce genre, et a fait connaître des particularités fort curieuses sur son organisation intérieure. Des nouveaux faits qu'il a intro- duits dans la science, M. Duvernoy conclut à de nouveaux rap- ports de classification pour le genre en question : il propose de rejeter toutes les opinions reçues avant lui, et d’ôter les Ongu- lines du voisinage des Lucines pour les placer à côté de la fa- mille des Mytilacées. Il m'a paru utile de discuter cette nouvelle opinion, et, pour la combattre victorieusement, je l'espère je me servirai des renseignemens nouveaux que me fournit le Mémoire de M. Duvernoy lui-même; car ce naturaliste, sans s’en douter, a figuré et décrit un animal de Lucine. Si M. Duvernoy avait comparé attentivement tous les carac- téres des coquilles des Ongulines avec ceux des Lucines, il n'au- rait pas rejeté si loin l’analogie de ces deux genres. Sans attacher (x) Auv, des Sc, nat, 2° série , tome AVUT, page 110, 6 DESHAYES. — Sur les Ongulines. une plus grande importance qu'ilne faut aux caractères des co- quilles , ils ont cependant une valeur, et cette valeur est telle pour les naturalistes qui ont l'habitude de les apprécier, que souvent ils ont servi à établir des rapports naturels entre des genres et des familles, rapports pleinement justifiés plus tard par de nouvelles observations zoologiques et anatomiques. La classe des Acéphalés, dans la méthode de Lamarck, pourrait m'offrir de nombreux exemples de ce que j'avance. Lamarck, je le crois, s’en est laissé imposer par une appré- ciation incomplète des caraetères des Ongulines. Croyant qu'il existait deux ligamens dans ce genre, comme dans celui des Am- phidesmes, il les rapproche dans sa famille des Mactracées. Lorsque Lamarck fonda Îa classification de ses Mollusques acé- phalés, on ne connaissait encore qu'un très petit nombre de Lucines, soit vivantes , soit fossiles. Depuis que leur nombre s’est accru considérablement dans nos collections, il est devenu assez facile de s’apercevoir que les Ongulines en ont tous les principaux caractères. Celui de ces caractères sur lequel La- marck insiste le plus, le ligament double des Ongulines, n’existe réellement pas plus dans ce genre que dans les Lucines. Voici, en. effet, ce que l’on observe dans les Ongulines : Sur une nymphe peu allongée, s’insère un ligament tout-à-fait semblable à celui des Lucines, c’est-à-dire ayant tous les caractères des ligamens extérieurs; mais derrière cette nymphe, très aplatie, se glisse un petit feuillet mince et lisse du ligament , et qui reste tout-à- fait séparé et sans connexion avec celui de la valve opposée. Gette expansion du ligament ne sert pas à consolider la jonction des valves, et on peut la comparer à cette même partie dans un grand nombre d’autres genres. On la remarque particulièrement dans un certain nombre de Lucines, dans des Vénus, des Ano- dontes, des Mulettes, etc. Il est donc certain que les Ongulines n'ont pas le ligament double, que ce ligament est simple et ex- térieur, et qu’il ne diffère de celui de la plupart des Lucines que par l'étendue de son expansion latérale et postérieure. M. Sowerby, le premier, eut le mérite d'indiquer de la ma- niére la plns précise les rapports des Lucines et des Ongulines. En adoptant cette opinion, je m'y suis affermi par une compa- DESHAYES. — Sur les Ongulines. 7 raison minutieuse de tous les ligamens des Mollusques acéphalés, et particulièrement par la comparaison de lOnguline avec un grand nombre d'espèces de Lucines, ce qui n’a fait dire depuis long-temps que l’Onguline n’est autre chose qu'une Lucine perforante. M. Duvernoy a contesté, sans preuves suffisantes, que les Ongalines eussent la propriété dé se loger dans les pierres. Cependant les observations de M. Rang, à ce sujet, sont tellement précises, qu’on ne peut les révoquer en doute. Moi-même j'ai trouvé une petite Onguline fossile dans des ca- vités qu’elle avait creusées dans les calcaires d’eau douce du bassin de la Gironde. Enfin M. Janelle, dont la collection est réputée une des plus riches en belles et rares éspèces, possède une pierre calcaire du Sénégal , qui est toute criblée d’'Ongu- lines vivantes encore en place dans les trous qu’elles se sont creusés. Relativement aux modifications que M. Duvernoy apporte aux caractères du genre, elles sont pour la plupart de peu d’im- portance ; ce que lui-même aurait fort bien reconnu en étudiant un grand nombre d'individus, soit d’une espèce de Lucine, soit de lOnguline elle-même. M. Duvernoy continue, à la manière de Lamarck, à admettre deux ligamens dans les Ongulines, et ce que nous avons dit précédemment prouve que cependant il n'en existe qu'un. Mais cette erreur de M. Duvernoy est d’au- tant plus excusable, qu’elle a été partagée par presque tous les naturalistes , et qu'il faut étudier un grand nombre de ligamens dans les Acéphalés pour pouvoir K rectifier. Jen viens maintenant à la partie importante du Mémoire de M. Duvernoy, à ce qu'il dit de l'animal de l’'Onguline. Avant de rejeter les rapports indiqués par les auteurs pour le genre qui nous occupe , il me semble qu'ayant cet animal sous les yeux, je l'aurais successivement comparé à celui des divers genres avec lesquels il à été mis en contact dans les différentes mé- thodes. Ainsi Bosc place l’'Onguline entre les Vénus et les Do- naces : ceci n'a pas besoin d’un examien sérieux, puisque les Donaces et les Vénus ont des siphons dont l'existence se recon- naît sur la coquille par l'impression sinueuse du manteau , qui - W'existe jamais dans les Ongulines. M. de Roissy, dans le Bcffon 5 DESHAYES. — Sur les Ongulines. 5 de Sonnini, rapproche les Ongulines des Bucardes, mais il in- siste avec raison sur les différences qui se montrent entre ces genres ; il avoue d’ailleurs que les Ongulines lui sont trop peu connues pour qu'il puisse en déterminer les rapports naturels, La comparaison de l'animal de l’'Onguline avec celui des Bucardes fait immédiatement rejeter cette classification, aussi bien dans l'ouvrage de M. de Roissy que dans la seconde édition du Règne animal de Cuvier , où ces rapports sont adoptés. Lamarck in- troduisit pour la première fois le genre Onguline dans sa mé- thode, en 1809, dans sa Philosophie zoologique ; il le met dans sa famille des Mactracées , entre les Érycines et les Crassatelles. On ne connaissait pas alors les animaux de ces deux genres, et Lamarck, dans l'ouvrage qui suivit, l'extrait du Cours, persista dans cet arrangement, mais le modifia dans ses Animaux sans vertèbres, en divisant ses Mactracées en trois groupes : le troi- sième comprend les genres Onguline, Solemye et Amphidesme. La connaissance que l’on a actuellement de l'animal de la Sole: mye, ne permet pas de laisser ce genre dans la famille des Mac- tracées : il avoisine les Solens. Quant aux Amphidesmes, ils n'ont pas du tout de rapport avec les Ongulines. La profonde sinuosité de l’impression palléale que l’on remarque dans ces coquilles, annonce de la manière la plus certaine que l’animal , quoique non connu, est muni, du côté postérieur, de très longs siphons comme ceux des Vellines. Dans l'Onguline, où cette impression du manteau reste simple, on pourrait certifier d’a- vance que les siphons n'existent pas, ou qu’ils sont très courts. En continuant l’ordre chronologique, j'observe , en passant, que le genre Onguline n’est pas mentionné dans la première édition du Règne animal de Cuvier. M. de Férussac le laisse avec doute dans sa famille des Mactracées , tandis que Bowdich le maintient dans cette famille, dans les rapports proposés long- temps avant Jui dans la Zoologie philosophique de Lamarck. M. de Blainville reste incertain sur les Ongulines, et regarde ce genre comme trop peu connu pour le mettre dans ses véritables rapports ; aussi il le rejette à la fin de sa grande famille des Conchacées. Aussi M. Duvernoy a eu jusqu'ici raison de rejeter toutes les opinions émises avant lui; rien , en effet’, ne les justi- DESHAYES. — Sur les Ongulines. 9 tifie, en se bornant, comme on l'a fait, à établir des rapports d’après la coquille seule , incomplètement observée. M. Sowerby fut en effet le premier, comme le dit M. Duver- noy, qui reconnut l’analogie qui existe entre les coquilles des genres Lucine et Onguline. Dans le même temps, l'examen mi- uutienx de l’Onguline me fit reconnaître loute la justesse de l'opinion de M. Sowerby, et depuis je n’eus aucune raison d’en changer; je dois même ajouter que le travail de M. Duvernoy , loin d'ébranler ma manière de voir, est venu la justifier com- plètement. Nous ne connaissons qu’un seul animal de Lucine, celui du Lucina lactea, figuré par Poli sous le nom de Loripes. Il est fâcheux que M. Duvernoyÿ n'ait pas songé à comparer l'animal de l'Onguline avec le Loripes, car il eût été frappé à l'instant même de leur extrême ressemblance. Le pied, et la manière dont il s’'umplante sur la masse abdominale, le manteau, les muscles adducteurs des valves, offrent les mêmes caractères dans les deux animaux. Cependant, pour le manteau il y a une différence qui semblerait très considérable, et qui consiste en ce que, dans le Loripes, il existe un siphon anal qui paraît manquer dans l'Onguline ; mais ce siphon ne se montre que pendant la vie de l'animal ; lorsqu'il se contracte, ou que l’ani- mal a été plongé dans- l'alcool, ce siphon, du reste fort court, est réduit à un très petit bourrelet qui s'aperçoit à peine autour de l'ouverture anale du manteau. M. Duvernoy, ayant examiné l'animal de l'Onguline, conservé dans l’alcool , il n’est pas éton- nant qu'il n'ait point trouvé le siphon anal figuré par Poli dans le Loripes. 11 est fâcheux sans doute que, pour discuter une question comme celle-ci, nous n’ayons qu'une seule espèce de Lucine à comparer avec l'Onguline ; car il est à présumer que, dans un genre aussi considérable, et qui, dans les caractères des coquilles, présente de si nombreuses modifications, les ani- maux, tout en conservant les caractères d'ensemble, éprouvent aussi des modifications dans des parties de moindre importance. C'est ainsi, par exemple, que dans le Loripes , les branchies, séparées à leur bord antérieur, se soudent entre elles dans le reste de leur étendue, ce qui n’a pas lieu dans les Ongulines. 10 DÉSHAYES. — Sur les Ongulines. Cette différence dans la structure des branchies paraîtra sans doute suffisante aux yeux de quelques naturalistes pour main- tenir le genre Onguline en dehors de celui des Lucines. Pour moi, je crois ce caractère insuffisant, et il me semble que, pour en apprécier exactement la valeur, il faudrait en démon- trer la constance dans plusieurs autres espèces de Lucines ; car ce pourrait être un caractère spécifique et non un caractère gé- nérique. Ainsi, comme on le voit, l'examen des caractères z00- logiques des deux genres prouve que la somme des ressem- blances l'emporte sur celle des différences. Aussi, comme on l’a sans doute prévu, les conséquences de mes observations ne s'accordent pas avec celles de M. Duvernoy. En effet , tous les caractères de la coquille de lOnguline, se retrouvant dans les Lucines, les caractères principaux de l'animal étant semblables à ceux des Lucina lactea, je conclus que les deux genres doivent être mis dans les rapports les plus immédiats. Plus tard, jen ai la conviction, lorsque d’autres animaux de Lucine seront con- nus, les zoologistes se trouveront dans l'obligation de réunir deux genres dont la seule différence consiste dans la séparation ou la réunion des feuillets branchiaux. Quelle que soit, au reste, la valeur que l’on donne à cette différence, je ne crois pas, dans mon opinion, qu’elle soit suffisante pour détacher les Ongu- lines des Lucines, laisser lun dans le voisinage des Vénus, et transporter l’autre à côté des Moules. Ce qui a pu entraîner M. Duvernoy vers cette opinion, C’est l’appréciation trop ri- goureuse des seuls caractères du manteau; car, pour tous les autres, ils se repoussent, parce qu'ils n’offrent aucune simili- tude. Il faut le répéter, une classification , pour être naturelle, doit être fondée sur l'appréciation minutieuse de tous les carac- tères , et non sur un seul à l'exclusion de tous les autres. Il y aurait du danger à établir des rapports d’après un seul caractère ; car si l’on commet une erreur d'observation à son égard, elle se répète tout entière dans la classification que l’on en déduit. Si, au contraire , pour arriver à cette classification , on se sert de tous les caractères zoologiques, l'erreur commise sur lun d'eux se trouve en grande partie corrigée. C'est peut- ètre ce qui se présentera au sujet des Ongulines. Dans le Zorë- DESHAYES. — Our les Ongulines. II pes, ie manteau à trois ouvertures ; M. Duvernoy v’en a vu que deux dans l’Onguline. Mais si, par suite de la violente contrac- tion d’un animal plongé dans l'alcool, cette troisième ouverture a échappé aux investigations de M. Duvernoy, il en résultera pour lui une différence notable entre les deux genres que nous venons de mentionner. Mais si M. Duvernoy fait entrer dans la comparaison des deux genres tous les autres caractères, et qu'il les trouve presque identiques, il se verra contraint de rap- procher ces deux genres. Quand même il n’y aurait dans les On- gulines que deux ouvertures au manteau, serait-ce une raison suffisante pour détacher ce genre du groupe des Lucines pour le transporter dans le voisinage des Moules ? On répondrait affir- mativement avec M. Duvernoy, en s'appuyant de la classifica- tion de Latreille, qui donne aux formes extérieures du manteau une importance très considérable ; mais on répondrait négative- ment avec tous ceux des zoologistes qui, en adoptant les prin- cipes de Cuvier, fondent les rapports des genres et des familles sur l’ensemble des caractères, et non sur un seul. Je dois ajou- ter, en terminant, que dans le Zucina lactea , mème vivant, mais contracté, on ne voit que deux ouvertures au manteau , et que c’est également ce qui a lieu dans l'animal conservé dans l'alcool. Il faut avoir vu sur l'animal vivant la troisième ouver- ture palléale pour la retrouver dans l'animal contracté, et ceci explique très probablement pourquoi M. Duvernoy n’a trouvé que deux ouvertures au manteau des Ongulines. Enfin, nous ferons remarquer que les mœurs des Moules et des Ongulines wont pas la moindre analogie, puisque les unes, perforantes où non, jouissent de la propriété de filer un byssus , tandis que ce byssus n’existe pas, soit dans les Lucines qui habitent les sables , soit dans l'Ongualine qui perfore les pierres tendres ou les masses madréporiques. 12 E. ROBERT. — Sur le Scolyte pygmée. Mémoire sur le dommage que certains insectes, notamment le Scolytus pygmœus, font uux Ormes et aux Chénes, et sur des moyens proposés pour les en éloigner, Par M. E. Roger. Depuis que des naturalistes ont si bien fait connaître les mœurs de quelques insectes éminemment destructeurs, et les moyens de s’en préserver ou d’atténuer leurs, ravages, les per- sonnes qui s’occupaient le moins d’entoinologie, qui traitaient même cette science de futile, commencent à se convaincre de son importance ; que d'arbres précieux par le parti qu’on espé-" rait en tirer frappés tout-à-coup de mort! que de magnifiques plantations arrêtées au milieu de leur développement! en un mot, que de végétaux détruits journellement par des êtres pour ainsi dire microscopiques! Jusqu'alors on ne manquait pas d’en accuser l'atmosphère; c'était un principe morbifique, invisible qui les frappait, et aujourd'hui ne s'en prend-on pas au gaz de l'éclairage pour expliquer la perte de certains arbres dans l’intérieur de nos villes? Cependant les cultivateurs n'i- gnorent pas que des larves telles que les chenilles, les vers blancs font quelquefois un tort considérable; mais beaucoup d’entre eux ont encore de la répugnance à admettre que des cirons cachés sous l’écorce des arbres doivent attirer autant l'at- tention que le charançon du bié. Parmi ces derniers, le Scolyte est, comme on sait, un petit Coléoptere qui,après avoir subi ses métamorphoses sous l'écorce de l’orme, vient en foule s’abattre sur les jeunes pousses du chène et compromettre son existence. M. Audouin, à qui l’agri- culture est redevable de si grands services, a reconnu, par exemple, que notre Quercus robur ne peut prospérer dans le jardin botanique du Muséum, entouré de nombreux chantiers où tant d'insectes xylophages éclosent. C’est donc principale: o E. ROBERT. — Sur le Scolyle pygmée. 13 ment sur les ravages du Scolyte et sur des moyens de les arrêter que je désire appeler l'attention des agronomes. Au printemps de l’année 1841, pendant mon séjour à Belle- vue, où j'occupais une maison située au milieu de trois gros chênes séculaires, je fus très étonné de la grande quantité de jeunes pousses qui, tous les jours, jonchaient le sol à la moindre agitation de l'air. Ayant eu l’idée de rechercher la cause d’une chute aussi in- solite, je m'aperçus que sur le renflement formé par le point d'insertion de la nouvelle pousse avec celle de l’année précé- dente, il existait une petite ouverture circulaire, dirigée obli- quement de haut en bas, vers le centre de la tige; le jeune bois se trouvait ordinairement rongé dans la partie correspondant à V’orifice. Rien n’est plus facile à rompre, en effet, que les extrémités des branches ainsi attaquées et dont la chute est en- core favorisée par le poids des feuilles terminales disposées en touffe. Ayant communiqué cette observation à M. Audouin, ce célèbre entomologiste m’assura que c’était l'effet du Scolytus pYgmœæus qui, après avoir pris naissance dans quelque chantier, venait chercher sa nourriture sur les chênes du voisinage : il m’engagea à continuer mes recherches, et je devais lui remettre les observations suivantes, lorsque la mort est venue l'enlever à la science. En peu de temps, deux des trois gros chènes que je viens de citer, furent presque entièrement dégarnis de toutes leurs jeunes pousses supérieures, à tel point que, dans le violent ouragan qui eut lieu le 18 juillet de la même année, ils furent épargnés, tandis que le troisième, encore tout couvert de ses feuilles, perdit une grande partie de ses plus grosses branches. D’autres chènes, d'une propriété voisine, et qui avaient été également dépouillés par le Scolyte, lui durent aussi leur salut. Il est à remarquer que cet insecte recherche les arbres de haute futaie et n’attaque que leur partie supérieure. J'ai rare- ment reconnu ses traces à hauteur d'homme dans les taillis. C’est vers le milieu du mois de mai jusqu’à la fin de juillet qu'il a commencé ses ravages à Bellevue, dans la partie la plus élevée de ce hameau; il s’est porté successivement sur tous les 14 E. ROBERT. — Sur le Scolyte pygmée. gros chênes qui s’y trouvent en allant du nord-ouest au sud-est. Je ne sais si l’extrême humidité qui a régné cette année du- rant l'été, a empêché que les ravages occasionnés par le Scolyte ne fissent périr ces chênes privés de l’un de leurs principaux organes d'absorption et de respiration, toujours est-il, que la sève d'août, qui m’a semblé s'être manifestée en juillet, a permis à ces arbres de développer de nouveau leurs bourgeons, et qu'au- jourd’hui ils paraissent avoir à peine souffert. Ayant examiné avec le garde général de la forêt de Meudon, M. Chambellant, des chénes baliveaux qui avaient été fortement endommagés par le Scolyte, je les ai vus aussi se rétablir presque entièrement. Quant aux jeunes tiges attaquées et qui ont résisté à l'agitation de l'air, il s’est développé à l’orifice des trous par où l’insecte a pénétré dans leur renflement, une excroissance qui tend à loblitérer. Cette espèce de cal tient lieu provisoire- ment de la partie ligneuse qui a été détruite et maintient la solidité du rameau jusqu’à ce qu’il augmente en diamètre. Si les gros chênes ne me semblent pas gravement compro- mis (1) par le passage des Scolytes qui n’attaquent que l’extré- mité des branches les plus élevées, il ne paraît pas en être de même des ormes sous l'écorce desqnels ils sé développent de préférence et où ils retournent pulluler. Ainsi l'on voit aujour- d’hui sur le bord des routes (2) et même au milieu de nos pro- (x) M. Audouin, consulté à l'égard d’un grand nombre de chënes , ravagés par le Scolyte dans le parc de Vincennes, avait donné le conseil de les abattre tous; mais l'administration des forèts , ayant répugné à faire le sacrifice de vingt mille pieds d'arbres de ce genre y doit se féliciter aujourd’hui de ne lavoir pas suivi à Ja lettre, J'ai acquis, en mai 1842, la certitude que les chènes qui avaient le plus souffert, l’année précédente, du Scolyte , se rélablissaient parfaitement : il n’y avait plus que l'extrémité des rameaux les plus élevés qui restât frappée de mort. (a) Depuis une vingtaine d'années que l’on a abattu les gros ormes qui garnissaiént la grande route de Paris entre le Point-du-Jour et Sèvres, on y a replanté la même essence d’arbres , et, malgré tous les soins qu'on ne cesse d'y apporter, la plupart meurent et les autres végètent tristement. Rien n’est plus facile , je crois, que d’en trouver la raison, Versle milieu à-peu-près du parcours que je viens de signaler, il existe seulement depuis peu d'années, deux grands chantiers de troncs d’ormes en grume, qui arrivent de toutes parts au moyen de la Seine. Ils donnent refuge à tant de femelles de Scolytes , que l'on n’a pas besoin de les écorcer. Après un laps de temps plus ou moins long , l'écorce tombe d'elle-même ou se détache comme un étui avec la plus grande facilité. Les propriétaires de ces établissemens ont E. ROBERT. Sur le Scoylle pygmée. 15 menades publiques, telles que les Champs-Elysées, des lignes entières de ces arbres, de tous les âges et de toutes les dimen- sions, frappés de mortalité. Quand on les examine avec soin, on est fort étonné de voir leur écorce criblée de petits trous qui ont évidemment servi de passage à des insectes, et si l’on vient à enlever la couche épaisse et fendillée qu’elle présente, on trouve sa face interne profondément labourée en tous sens par des larves, notamment celle du Scolyte. Un dépôt très abondant d’une matière semblable à de la sciure et provenant de leur nourriture, existe aussi entre les couches corticales et l’aubier qui porte à peine leurs traces. Ils ne laissent guère sur ce der- nier, que des espèces de gouttières d’un à deux millimetre, de profondeur, destinées à recevoir les œufs de la femelle, et of- frant cela de remarquable, pour le dire en passant, qu'elles sont presque toujours situées parallèlement aux fibres longitudinales du bois. On conçoit donc que si le tronc d’un arbre quelconque, se trouve isolé de son écorce par une matière étrangère, susceptible d’absorber comme une éponge; la seve, qui ne pourra plus monter, stagnera dans la partie inférieure de l'arbre, ou bien le cambium, en descendant de ses sommités, ne rencontrera plus de surfaces saines pour s’y assimiler; et si l’on a égard aussi à d'ailleurs le plus grand intérêt à conserver les arbres dans cet état, et n’enlévent l'écorce, qui préserve le bois de charronnage de l'influence des agens atmosphériques, qu’au fur et à mesure de leurs besoins, 11 n’est pas moins vrai que , dans le voisinage de ces chantiers et à plus de deux cents pas de distance , de chaque côté , aucun orme ne peut prospérer, On a beau les remplacer, les nouveaux ne tardent pas à subir le mème sort ; enfin l'influence de ces amas de bois en grume, est tellement pernicieuse, je ne crains pas de l’avancer, que tous les gros ormes qui ornent les routes latérales près le bois de Boulogne et y aboutissent , ne tarderont pas à périr. Déjà la plus grande partie est fortement attaquée par le Scolyte : on a même été obligé d’abaitre pour la même raison , les ormes magnifiques qui ombrageaient à mi-côte la route entre Sèvres et Bellevue. Quand tous les gros arbres qui restent encore dans les environs de ces chantiers auront disparu, je ne doute pas que ce ne soit le tour des ormes séculaires du parc de Saint-Cloud , et notamment de ceux qui bordent la rivière, En un mot , je ne comprends pas comment {l'administration n’a pas encore été consulté sur ce sujet : il y aurait lieu, ce me semble , sinon à supprimer les chantiers que je viens de signaler comme étant la cause de tant de désastres, du moins à les obliger de n'avoir en magasins que des ormes écorcés, enfin , si ce remède était insuffisant pour la route de Paris entre le Point-du-jour et Sèvres, pourquoi ne remplacerait-on pas les ormes par des acacias ou toute autre essence de bois que respecte le Scolyte ? 16 E. ROBERT. — Sur le Scolyte pygmée. ce que l'arbre est exposé à une dessiccation d'autant plus rapide, que son tube cortical offre plus de petites ouvertures et que la saison est moins humide, les ormes qui sont dans cet état ne tarderont pas à périr : aussi voit-on dans le cours d’un été, des arbres de ce genre, pleins de vigueur, se faner tout-à-coup et annoncer leur fin prochaine. Tels sont ceux des Champs-Elysées, que l’on étête et arrache tous les ans en si grand nombre; en un mot, la mort des arbres, dans ce cas, me semble déterminée: d’une part, par un obstacle à la circulation de la sève, et de l'autre, par la brusque dessiccation à laquelle les expose la per- foration multipliée de l'écorce. C’est alors que je me suis demandé s’il n’y aurait pas quelques moyens d’enrayer cette cause de destruction, d'empêcher des arbres nouvellement attaqués par le Scolyte de l’être davantage et même de sauver ceux qui sont fortement compromis; deux procédés me paraissent susceptibles d’être proposés : Le premier consisterait à étendre sur l'écorce de l’orme un vernis quelconque, pourvu qu'il ne füt pas capable de lui nuire et püt être susceptible de boucher hermétiquement tous les trous qu'elle offrirait; de cette maniere, les larves et insectes parfaits étant emprisonnés succomberont asphyxiés ou de faim, et l'arbre finira par être purgé complètemerit de leur présence. N'y aurait-il pas encore un autre avantage à employer ce ver- nis? C’est que, dans les grandes années de sécheresse, la sève ne serait pas exposée à s’évaporer par le grand nombre d'ou- vertures artificielles qu'offre l'écorce d’un orme atteint du Sco- lyte. Enfin, en supposant que ce vernis ne remplisse pas le but que l’on se propose, pour empécher les œufs du Scolyte de subir leurs métamorphoses: soit parce que l’arbre,en grossissant, fen- dillerait son écorce et par conséquent la couche de vernis, ce qui donnerait passage à l'air; ou bien encore parce que ce fluide parviendrait en suffisante quantité aux trachées des insectes au moyen de la circulation de la sève dans ses canaux longitudi- naux, il pourrait, dis-je, être aussi de nature à éloigner les insectes, à empêcher que les Scolytes femelles ne recherchassent les mêmes ormes. Ainsi, par exemple, un vernis dans lequel entrerait beaucoup d'essence de térébenthine, venant à péné- K. ROBERT. — Sur Le Scolyte. I trer dans le tissu de l'écorce d’un orme où d'un chêne, pour- rait peut-être la mettre dans les conditions de celle des arbres résineux et en éloignerait, par conséquent, les insectes, à moins que le Scolyte de l’orme ou du chêne, semblable aux bostriches, n’éprouvât pas de répugnance pour un tissu devenu résineux. Ne pourrait-on pas aussi s'appliquer, en suivant le même pro- cédé ou par le moyen d'un mastic térébenthiné, tel que celui employé par les vitriers, à clore lorifice des galeries que les Jucanes, les Capricornes, les Briones et autres insectes, font dans le corps des chênes et qu'ils finissent par faire tomber en poussière ? Quant à l’autre procédé, il est fondé sur les observations sui- vantes : Tout le monde a pu remarquer que de vieux arbres dont l'écorce a été lacérée, enlevée en grande partie, ne con- tinuaient pas moins de bien végéter, quoique cet organe fût souvent réduit à de simples lanières, mais pourvu qu'il y eût toujours communication avec les racines. Il existe encore des ormes aux Champs-Elysées, et au bois de Boulogne des chênes séculaires mis en cet état, en 1814, par les Russes et les Co- saques, qui avaient attaché des chevaux aux troncs de ces arbres, ou établi le feu du bivouac à leurs pieds. Cependant aujourd'hui, ces végétaux semblent devoir résister plus long- temps aux attaques des insectes que beaucoup d’autres situés au milieu d’eux et dont l'écorce est intacte extérieurement; en voici, je crois, la raison, du moins quant au Scolyte, fondée sur la manière dont il s'établit sous l'écorce , afin de s’y pro- pager. Un espace de forme ovale, de cinq à huit centimetres de longueur dans son plus petit diamètre , lui étant nécessaire pour permettre à toutes les larves qui doivent sortir du sillon où ses œufs ont été déposés, de cheminer en rayonnant jasqu’à ce que l'insecte, devenu parfait pendant ce trajet, perfore l'écorce et prenne son vol; il en résulte, dis-je, que l’insecte femelle ne recherche que les parties de l'écorce qui lui sont le plus favorables; il épargnera, par conséquent , le bord des plaies ou des ouvertures accidentelles qu’elle présente. Je proposerai donc avec une espèce de certitude, relative- ment aux ormes fortement menacés du Scolyte dont il importe XIX. Zoor, — lanvier, 2 18 E. ROBERT. — Sur le Scolyte. tant de paralyser les funestes effets, de pratiquer de ces plaies ou incisions longitudinales et obliques , de distance en distance ou çà et là sur le tronc et même sur les grosses branches, de manière à mettre l’aubier à nu sur une largeur de quelques lignes. Si l'écorce est encore saine, il ne manquera pas de se former un nouveau tissu sur la tranche des incisions; tous les bourrelets qui en résulteront, correspondant entre eux depuis le pied de l'arbre jusqu’à ses principaux rameaux, serviront à entretenir son existence et le régénéreront, si je puis me servir de cette expression, quand bien même toutes les autres parties de l'écorce viendraient à être désorganisées, ainsi que j'en ai acquis la preuve (1). On conçoit qu'une pareille mesure ne serait pas propre à faire des bois de charpente où de charron- nage de première qualité; mais qu'importe, quand il s'agit de conserver des arbres d'agrément dans une grande ville telle que Paris. Suivant moi, il y aurait lieu à employer immédiatement ce procédé aux Champs-Élysées, où une foule d’ormes me pa- raissent encore devoir prochainement succomber, si l’on ne se hâte d’aviser à un autre moyen de les conserver que celui de les étêter inutilement. Rien n’empêche, du reste, d'employer conjointement les deux procédés que je viens d'indiquer : ainsi, pendant que l’on cher- cherait à paralyser les ravages des insectes, soit en les faisant périr par asphyxie au moyen d'un vernis qui boucherait toutes leursissues, soit en les éloignant par la nature même de ce vérnis qui mettrait les arbres dans les conditions des Conifères, on ferait simultanément, dans les parties attaquées de leur écorce, des incisions longitudinales ou obliques, suivant les cirçon- stances, et destinées à les renouveler. Quoi qu'il en soit, ces moyens ne seront jamais bien efficaces qu’autant qu'ils seront secondés par une mesure prise à l'égard (x) J'ai remarqué aux Champs-Elysées et derrière les Invalides , des ormes dont l'écorce est presque entièrement détruite par le Scolyte, et qui ne végètent plus que par les bourrelets on cicatrices qui se sont formés depuis long-temps sur le bord des larges ouvertures survenues à leur écorce , et dans lesquels les forces vitales de l'arbre semblent s'être concentrées. Ces bour- relets, à l'heure qu'il est, sont parfaitement verts et comme turgescens , tandis que l'écorce voisine est complétement frappée de mort et tombe même en poussière, E. ROBERT. — Sur le Scolyte. 19 des chantiers dans le voisinage des plantations publiques et même individuelles. Il serait à soubaiter que si l'administration ne peut s'arroger le droit de les éloigner, en les considérant comme des établissemens nuisibles, les fit au moins surveiller et les contraignit à ne pas conserver de bois de charronnage en grume ou des bois dont l'écorce pourrit sur place; il y aurait aussi lieu à obliger tous les marchands de bois de chauffage, voisins des plantations du gouvernement ou de la ville, à ob- server le même réglement, ou du moins à abriter leurs piles de bois des intempéries, car il est évident que l'humidité qu’ils contractent par leur exposition à l'air et à la pluie, favorise on ne peut plus le séjour ou l'établissement des insectes xylophages; on pourrait aussi leur faire immerger, ainsi que le conseille le docteur Ratzeburg (1), pendant quelque temps, tous les bois infestés d'insectes, afin de les en purger de cette manière. Ce r'’est qu'à ce prix-là, suivant moi, que l’on pourra con- server les grands ormes qui restent dans toutes nos promenades publiques, ainsi que ceux des environs de Paris, à moins que l'on ne se décide, en désespoir de cause à planter d’autres arbres qui, par cela même qu'ilssont étrangers à notre sol, tels que l’aca- cia, le sumac, semblent avoir le privilège de résister aux attaques de nos insectes, et encure, essaierai-je d’autres végétaux plus solides; car ceux que je viens de désigner, se brisent avec la plus grande facilité pendant les tourmentes de l'atmosphère, et il y aurait à craindre que, parvenus un peu gros sur le bord de nos routes , ils ne fussent autant d’épouvantail pour le voyageur. Non-seulement il est à désirer que nos quinconces, nos avenues, ne soient plus altérés dans leur symétrie par la perte de quel- ques arbres que l’on ne parvient jamais à remplacer comple- tement; mais les bois sont désormais trop rares, ils ont acquis aujourd’hui une trop grande valeur, pour qu'à limitation des Prussiens, nous ne fassions pas tous nos efforts dans l'intérêt (2 Les arimaux destructeurs des forêts et leurs ennemis , ou description et iconographie des insectes et des autres animauz les plus nuisibles aux foréts , avec l'indication des moyens de les détruire , tout en ménageant leurs ennemis, par le docteur Rateburg, page 114. Publié eu allemand , à Berlin, x84r. 20 POISEUILLE. — Sur l'écoulement des liquides, de leur conservation. Quant aux arbres forestiers, il y aurait lieu aussi, je crois, à charger une personne attentive, bien pé- nétrée de l’importance d’une question semblable, d'examiner tous les arbres de haute futaie, et d’y faire appliquer en temps opportun le masticage que j'ai proposé. Recarrenes sur l'écoulement des liquides, considéré dans Les capillaires vivans , Par M. PorsEuILzE. ( Présenté à l'Académie des Sciences, le g janvier 1843. ) Les modifications que présentent les fonctions, par le chan: gément de composition du sang qui traverse nos organes, nous ont conduit à rechercher s'il n'existait pas, en dehors de la force vitale, en dehors des propriétés si souvent attribuées aux tissus vivans, quelque cause physique, qui, Commune aux corps inertes et aux corps organisés , pût rendre raison , dans certains cas, des phénomènes observés. On concoit, en effet, que si l’état particulier qu'offre l’économie animale , soumise à l’influencé de tel agent, tient à une cause physique , on pourra suivre, dans le choix des moyens propres à combattre cet état, une marche essentiellement rationnelle. Le Mémoire que j'ai l'honneur de soumettre au jugement de l'Académie, montrera, je l'espère, quant à l'écoulement des li- Guides, lorsqu'on fait varier leur nature, le lien qui unit les phénomènes du mouvement, obsér vés, soit dans les tubes inertes, soit dans les tubes organisés morts, soit dans les vaisseaux ca- Pillaires vivans. Ce travail se divise donc naturellement en trois sections : la première contient l’étude du mouvement des liquides dans les tubes de verre de très petits diamètres; la seconde considère ce mouvement dans les capillaires privés de la vie; dans la troi- ième section , on s'occupe du passage des liquides à travers les rapillaires de l'animal vivant. considéré dans les capillaires vivans. 21 Première SECTION. — Écoulement des liquides de nature diffe- rente dans Les tubes de verre de très petits diumètres. Dubuat avait déjà remarqué que l’eau salée coule moins vite que l’eau douce; et M. Girard, dans ces derniers temps, a dé- montré, par un grand nombre d'expériences, que la nature du liquide a une grande influence sur le produit obtenu. Le tra- vail de M. Girard , entrepris dans une vue toute spéciale, ne se prétait nullement aux conséquences que nous aurions pu en tirer dans son application à l’économie animale; aussi nous avons dù faire des expériences en rapport tout-à-fait direct avec le but que nous nous proposions d'atteindre. Mais , avant de les exposer, nous allons nous occuper d’un point qui domine toute la question que nous traitons ; c’est-à-dire, que dans l’écoule- ment des liquides à travers les tubes de très petits diamètres, le fluide se meut dans un canal dont les parois sont formées par le liquide même qui s'écoule, par suite de l’affinité des parois du tube pour les molécules fluides qui le parcourent. Cette pro- position est admise par les hydrauliciens, dans les tuyaux de conduite, et aussi par M. Girard; mais comme aucune expé- rience directe n’a été faite pour l’établir, nous avons pensé qu’il ne serait pas superflu de faire quelques expériences qui tendent à la démontrer. En 1835, dans un Mémoire inséré dans le tome vis des Sa- vans étrangers , nous avons constaté que la surface interne des vaisseaux vivans est tapissée d’une couche de sérum en repos : que c'est sur cette couche de liquide infiniment mince que glisse le sang dans son mouvement à travers les vaisseaux ; de sorte qu’à la faveur de cette couche, le fluide nourricier se ment dans un tube à parois liquides. Les expériences suivantes vien- nent confirmer cette manière de voir : Tube A; /—3108%",9% ; diam, 0",255; capillarité- de ampoule, 6°€; pression , 746mm,45 d’eau. , : DRAP 4 , L'ampoule remplie d’eau distillée, se vide en un temps égal L ÿ ARULO2 £ 22 POISEUILLE. — Our l'écoulement des liquides, On fait passer dans ce tube du vernis de Spa , étendu de trois fois son poids d’alcool , et ensuite une grande quantité d'air; l'alcool s’évapore, et la surface intérieure du tube est comme dépolie ; l'expérience précédente, répétée avec ce tube, donne, pour le temps de l'écoulement de la même quantité d’eau distil- lée, 1136”. Ce retard de 4”, en supposant que la paroi n’ait aucune part au phénomène de l'écoulement, viendrait de la présence de la couche très mince de vernis opaque, qui rend sensiblement plus petit le diamètre du tube. On fait fondre, à une douce chaleur , cette couche de vernis opaque qui tapisse le tube ; la paroi devient alors polie, et l'am- poule met à se vider, dans les mêmes circonstances que précé- demment, un temps égal à 1135”,75. Ainsi, que la surface intérieure du tube soit polie ou dépolie, la durée de l'écoulement d'une même quantité de liquide est parfaitement la même. De là, nous sommes conduit à penser que l’eau coule dans les tubes de petits diamètres, sur une paroi liquide, formée par une couche fluide, maintenue contre les parois du tube par l’affinité de la substance du tube pour le liquide qui s’y meut. Cette couche, par sa présence, détruirait ainsi l'effet qui pour- rait naître du dépoli de la paroi. Nous sommes d’autant plus porté à penser qu’il en est ainsi, que les phénomènes d’écoule- ment sont tout autres que ceux qui viennent d’être constatés, lorsqu'il s'agit d’un liquide qui ne mouille pas les parois, qui frotte contre les parois du tube, comme, par exemple, le mer- cure ; ainsi, dans le cas où la paroi du tube est dépolie, le mer- cure coule moins vite que lorsqu'elle est unie. Si, comme nous croyons l'avoir établi, l'écoulement des li- quides qui mouillent la substance du tube a lieu dans un tube à parois fluides, on comprendra que, le tube ayant fixé, par suite de son affinité pour le liquide en mouvement, contre ses parois , une couche de liquide, le fluide se mouvra sur une pa- roi liquide , et les phénomènes de fnouvement observés seront, pour ainsi dire, affranchis de la nature des parois du tube , ils ne se rapporteront qu'aux actions réciproques des molécules considéré dans les capillaires vivans. 25 fluides en mouvement. Aussi les phénomènes d’écouiement offerts par les tubes inertes, en variant la nature des liquides, se retrouvent-ils, dans les tubes organisés, soit morts, soit vivans. Passons inaintenant à l’exposition des expériences sur l’écou- lement des liquides de nature différente. Tube B; /—105"%; D—o"®",17; cap. de l'amp., 29°<-,3; pres., 147 vw de mercure ; T — 16°. Eau distillée et azotate de potasse. Durée de l'écoulement. Eau distillée, sue ve» 1% «b avaient 467 Sel : eau :: 1 : 5o (en poids). . . . . 109 20 Sel: AUS LOS ets rats Liv Moro Ainsi, la présence de l’azotate de potasse dans l'eau rend l'écoulement plus facile. Ces expériences, répétées sur un tube de diamètre beaucoup plus petit (omx,05), donnent des résultats analogues. Eau distillée et avétate d’ammoniaque. T — 12°,77. Durée de l'écoulement. Eau distilléc ARRE M SDNTESCPS NS 931:387 Sebcan ones ir ein ls 6-25 Ainsi, om,02 d’acctate d’ammoniaque, uni à l’eau distillée, suffit pour rendre l’écoulement de 29°-€ , dans ies circonstances indiquées, plas vite de 93”. Eau distillée et alcool. Tube D; /= 245m0; D— 074,36 ; cap. de Pamp., 13°°:,5; pres., 140% de mercure ; T = 10°. Durée de l'écoulement. Batistilee 0% ntisstrs auf. 1e is 2581431 Alcool anhydre. . . . . Alcool : eau : HG vapetsens Li2c22 nee eue 1 RATE OR ES 000 M CS a 0 veu CH 0037 aus Lupt Ter CNET CREME Alcool : eau : Alcool : eau : Alcool : eau : Alcool : eau :: M OO» D 1 3 245 9 1 Ces expériences sur l'alcool sont extraites d’un travail que j'ai 24 POISEUILLE. — Sur l'écoulement des liquides, communiqué à la Société Philomatique le 19 février 1842; elles démontrent que l'alcool ajouté à l’eau retarde l'écoulement. Dans les expériences suivantes , l’eau distillée est remplacée par du sérum. Sérum. Tube E; /—25mm; D—o"",175; capillarité de ampoule, 30°°,75 ; pression, 2020"m d’eau. Durée de l'écoulement. Faute se UC PT CE TN Sr Serum de l’homme, d = 1,02875. AE" 68:45 Sérum autre que le précédent, d= 1,030237. . . 71 25 “ On voit que l'écoulement du sérum exige un temps qui est presque le double de celui de l’eau distillée, et que les sérum ne coulent pas également vite ; aussi la chimie nous apprend- elle que sa composition n’est pas identiquement la même, On ajoute au sérum précédent de l’eau distillée : Eau : sérum :: 1 : 103 d—1,02645. . . : . . 63 4 Des quantités d’eau de plus en plus grandes, ajoutées au sérum, rendent ainsi l'écoulement de plus en plus vite. Sérum et azotale de potasse. (Pression, 2032 mm d’eau distillce. ) Durée de l'écoulement. SÉTUM , .d—=/1,02008pue + +55 si ae (TOUDTL Sel tseram ton 68 re Sel}:-sertme: 14 T00 M. ME 65.35 Sel_:, sérum :: : 10/9-100:::0. ps: 146307 Aïnsi, comme pour l’eau distillée, la présence de l’azotate de potasse dans le sérum rend l'écoulement d'autant plus facile, dans les limites indiquées, que la quantité de sel ajoutée au sérum est plus grande. Nous allons voir qu'il en est de même de l’acétate d’ammoniaque uni au sérum. Sérum et acétate d’ammoniaque. Durée de l'écoulement. Serumid =—"1,03174 0000.50: 69! 44” Sel Sérum :: 4: Ton. . 0.2.0. UNG8N3E Sel: sérum un 2 1oD n-let 6bine considéré dans les capillaires vivans. 25 Si l'on ‘ajoute de l'azotate de potasse au sérum contenant déjà de l'acétate d’ammoniaque, l'écoulement est retardé au lieu d’être accéléré, comme on au- * L , rait pu le penser d’après les résultats donnés par ces deux sels dissous isolement dans le sérum. Sérum et alcool. Même tube ; la pression est de 2025® d’eau disullée. On ajoute au sérum de l'alcool à 95° de l’alcoomètre étendu de son poids d’eau, pour éviter la coagulation de Yalbuwine du sérum. Durée de l'écoulement. Serum; f2—1,020237. n2eils com 0h sotenec6946! AicooÏ: User um: 2:1100,. . 0, An 7 SE ’alcool retarde l'écoulement du sérum , comme on la vu pour l’eau distillée. Dans le sérum alcoolisé précédent, on fait dissoudre 0,04 d’azotate de potasse. Le temps de l'écoulement de ce nouveau liquide est de 69 55 Ainsi, l'azotate de potasse peut rendre au sérum alcoolisé la vitesse du sérum primitivement employé. Toutes ces expériences sont extraites d’un paquet cacheté , déposé à l’Acade- mic le 18 janvier 1841 , et qui contient les phénomènes d'écoulement observés sur beaucoup d’autres substances. Deuxième Secrion. — De l'écoulement des liquides à travers les capillaires privés de la vie. Une circonstance importante, dans ces recherches, c’est de faire passer les liquides dans tous les capillaires de l'organe sou- mis à l'expérience ; mais l’agglomération des globules du sang, dans le plus grand nombre des capillaires , s’y oppose. Un autre point, non moins digne d'attention, est l’imbibi- tion des tissus parcourus par les liquides; l'effet de cette imbibi- tion est de rendre bientôt l'organe, pour ainsi dire, imperméa- ble; l'imbibition tient surtout à la nature du liquide dont on fait usage, par suite de l’endosmose qui s'exerce à travers les parois des vaisseaux capillaires. L'eau distillée est celui de tous les liquides qui présente à un plus haut degré cet inconvénient. Aussi , ayant répété les expériences de Hales, nous avons obtenu les plus grandes anomalies dans les résultats de Pécoulement , 26 POISEUILLE. — Sur l'écoulement des liquides , bien que, dans ces expériences, par suite de l’ouverture de l'in- testin vers son bord libre, la section de vaisseaux plus ou moins considérables donnât lieu à l'écoulement, non par les capillaires, mais par des artérioles de calibre plus ou moins grand. Du reste, Hales, ne pouvant tenir compte des modifications qu'introduit dans les phénomènes de l’écoulement la nature du liquide, at- tribuait les différences qu'il remarquait à l’action intime du li- quide sur les tissus qu’il traversait. Les mêmes remarques s’ap- pliquent aux expériences de Hales, faites avec de nouvelles sub- stances, et rapportées dans une thèse soutenue , il a quelques années , devant la Faculté. Le liquide dont nous nous sommes servi, et qui nous a offert le moins d'inconvénient, comme se rapprochant le plus du sang, est le sérum extrait du sang d'animaux domestiques, tels que le Mouton, le Bœuf, etc. Nous avions d’abord pensé devoir employer le sang défibriné , mais nous avons bientôt reconnu que l'écoulement devenait de plus en plus lent et cessait entiè- rement ; cette observation nous a conduit à faire quelques expé- riences sur les tubes inertes; ces expériences, que nous ne rap- pellerons pas dans cet extrait, peuvent mettre en évidence le rôle que joue la fibrine dans la circulation, et faire interpréter les causes de la mort qui suit la diminution de la fibrine dans, le sang. Préparation de l'organe. — L'animal venant de mourir par hémorrhagie , on injecte par l’artère principale de l'organe sur lequel on veut expérimenter, du sérum à la température am- biante, et en assez grande quantité pour chasser des capillaires tous les globules qu’ils peuvent contenir : on en est averti lors- que le sérum, revenant par la veine de l'organe, a cessé d’être rouge , a la couleur du sérum employé. L'organe ainsi préparé n'est point séparé du corps de l'ani- mal, il est abandonné à lui-même jusqu’à ce qu'il soit à la température ambiante ; l'artère est préparée de manière à re- cevoir l'extrémité inférieure du tube qui contient le liquide : ici , la pression est déterminée par le poids du liquide en mou- vement ; c’est une colonnede sérum d'environ r835 millimètres de hauteur , équivalente à la pression du cœur gauche donnée considéré dans les capillaires vivans. 27 par l'hémodynamètre. La quantité de liquide écoulée est de 90 à 100 centimetres cubes. EXPÉRIENCES FAITES SUR UN REIN APPARTENANT A UN CIIEN DU POIDS DE 5 À 6 KiILOGRAMMES. On répète plusieurs fois la même expérience, pour s'assurer du temps de l'écoulement, TZ 13°,5. Sérum pur. Durée de l'écoulement. 1"° Expérience . à CN 0 APMFXDEREUTE er © + eee + +, + D 0 3° (Empérienéeltt L A MU." 4 TONGS Méême sérum contenant de l'acétate d'ammoniaque. Sel : sérum :. 1 : 75 (en poids). APExperience. + Me + se + + +4 20 DPAEXPETIENCE eee ne eee TU 6 Expéntnce PE em a137 La présence de l’acétate d’ammouiaque dans le sérum rend donc l’écoule- ment plus rapide à travers les tubes orgauisés, comme dans le cas de tubes de verre. Le temps de la quatrième expérience est de 2! 49"; cette durée est moindre que pour le sérum, mais elle est plus grande que celle des cinquième et sixième expériences, parce que les vaisseaux de l’organe contenaient encore du sérum pur : ce n’est qu'après que ce sérum a éte chassé, que l’acétate ma- nifeste entièrement sa présence. La quatrième expérience sert de passage entre la troisième et la cinquième. CUISSE APPARTENANT A UN CHIEN DU POIDS DE 6 KILOGRAMMES; T — 11°,75. ( L'appareil est mis en rapport avec l'artère crurale. ) Sérum pur. Durée de l'écoulement. 17 DEN ENCE Me, 2 CO SRE Ne 2° Expérience. . . nina gets à fa Expérienedae Ja that. à 28 POISEUILLE. — Sur l'écoulement des liquides, Sérum précédent et azotate de potasse. Sel : sérum :: 1 : 100. 4°YExpérienceff-M-#ate 0e de 1 C- . 0 EU SExpériences ANENMEMERN PRENONS 6MExpérience el Mr NE PE 0 750) 72 Expérience MNT NEO NS L’azotate de potasse rend donc aussi l'écoulement plus facile dans les capil- laires, comme dans les tubes inertes. On répète ces expériences sur l’autre cuisse, et l’on obtient les mêmes résultats. CUISSE APPARTENANT A UN CHIEN DE 5 KILOGRAMMES; T — 120,5. Sérum pur. Durée de l'écoulement, , LU 17° Exprrience. . . à : . Ce OR ns AT) e éri a Experience M 10 GPAExperEnce CRE TT) Méme sérum et alcool à 95° de l’alcoomètre, étendu de son poids d’eau distillée. Alcool : sérum :: 1 : 100. ASSExpETIenCe CS nil 5°"Éxperience, Ale Let GS ExperEnce. EE LC I 21 1 22 L'alcool ajouté au sérum retarde done aussi l'écoulement dans les capillaires. FOIE DU MÊME ANIMAL. (On se place dans l'artère hépatique.) Sérum pur. Durée de l’éconlement. 1 ÉXDÉTIENCE eee ee à eee DORE 2° Expérience. .°. . . 4 56 32 Expériences 4 EME TRAME E considéré dans les capillaires vivans. 29 Méme sérum et azotate de potasse. Sel : sérum :: 1 : 100. MVEXTDÉTENCE NPA PRINT RUE! SeyEtperiencen,:uslemt.anbste. «Ais5 6° Expériences ! x 41.1. 4.4 1430 HREXDENIENCE LE ce errtiietl: set 30 Même conclusion que pour la cuisse précédente. De toutes ces expériences, il résulte que les phénomènes di- vers d'écoulement, provoqués par les substances dont on a fait usage, se reproduisent aussi bien dans les tubes organisés privés de la vie que dans les tubes inertes, sans qu’il soit nécessaire de supposer qu'il s'exerce une action particulière du liquide sur les tissus qu’il parcourt. Nous allons voir dans les expériences suivantes, faites sur les animaux vivans, que les propriétés vi- tales si souvent invoquées ne jouent pas un rôle moins obscur, toutes choses égales d’ailleurs; de sorte qu’on ne pourra attri- buer qu’aux propriétés physiques des liquides en mouvement, les phénomènes observés. Troisième Secrion. — Du passage des liquides dans les capillaires vivans. J'ai suivi dans ces recherches le mode expérimental employé, il y a quelques années, par M. Héring, mais dans un but tout spécial : il consiste à injecter dans l’une des veines jugulaires un sel (le prussiate ferruré de potasse, par exemple) dont la présence dans le sang puisse être facilement reconnue à l’aide de réactifs, et à examiner le sang tiré de la veine jugulaire opposée; il est évi- dent, d’après nos connaissances anatomiques et physiologiques, que le sel recueilli dans cette dernière veine aura passé par les cavités droites du cœur, l’artère pulmonaire, les capillaires du poumon, les veines pulmonaires, le cœur aortique, l’aorte as- cendante et les capillaires des organes d’où naissent les branches qui se rendent à cette veine. Le temps qui se sera écoulé entre 30 POISEUILLE. — Sur l'écoulement des liquides q + le moment de l'introduction du sel dans l’une des jugulaires, et le moment de sa présence dans la jugulaire opposée, déter- iminera le temps que met une molécule de sang à parcourir le trajet qui vient d’être indiqué. Nous avons donc injecté dans l’une des jugulaires les substances dont les phénomènes d’écou- lement nous occupent, en les unissant à l'hydrocyanate ferruré de potasse, et nous avons déterminé le temps que mettait le sel à passer d’une jugulaire à l’autre sous l'influence de chacune de ces substances. Or nous savons que telle substance introduite, en certaine quantité, dans les veines d’un animal, agit sur le cœur de ma- nière à doubier, tripler même l'intensité de ses contractions, ainsi qu'on l’a démontré sur un chien, au Collège de France , pour le café, un hémodynamètre ayant été appliqué à la carotide de lani- mal; au contraire, telle autre substance comme l’opium, par exem- ple, fait tomber la colonne de mercure de l’hémodynamètre de 152 millimètres à 64 millimètres : dans le premier cas, la vitesse du sang dans les capillaires est augmentée, dans le second elle est diminuée. Il était donc indispensable, avant de passer aux ex- périences indiquées, de s'assurer si les substances introduites dans le système circulatoire, en égard à leur quantité, modi- fiaient d’une manière appréciable l'intensité de contractions du cœur aortique. On a d’abord déterminé, à l’aide de l’hémodynamètre, la pression du cœur gauche sur des chiens de 4 à 5 kilogrammes; et l'instrument étant tonjours en rapport avec la carotide, on a injecté dans l’une des veines jugulaires de chaque animal l'un des liquides suivans qui n’altèrent pas la fluidité, soit du sérum, soit du sang défibriné : 1° 0%,15 d'hydrocyanate ferruré de po- tasse dissous dans 10 grammes d’eau distillée; 2° o%,10 d’hy- drocyanate ferruré de potasse dissous dans 2 grammes d'eau et unis à 8 grammes d'alcool à 40 degrés de l’alcoomètre; 3° of,10 de prussiate ferruré de potasse, of ,r0 d’azotate de potasse dis- sous dans 10 grammes d’eau distillée; 4° 0" ,10 de prussiate fer- ruré de potasse, 0,60 d'acétate d’ammoniaque dissous dans 10 grammes d’eau distillée, et dans chaque expérience la co- lonne de mercure de l’hémodynamétre n'a pas été sensiblement considéré dans les capillaires vivans. 33 différente de ce qu'elle était avant l'injection du liquide dans la veine jugulaire. D'ailleurs les quantités de substances employées sont pour les chiens plus considérables, proportionnellement anx poids des animaux, que celles dont on a fait usage pour les chevaux. On a d’abord déterminé ce que nous appellerons, pour fixer les idées, la vitesse de la circulation à l'état normal, c’est-à-dire le temps que met le sang à passer d’une jugulaire à l’autre, sous l'influence de l'hydrocyanate ferruré de potasse; nous avons pro- cédé ainsi qu’il suit. Après avoir noté le nombre des pulsations du cœur et celui des inspirations , le cheval étant très calme, debout et maintenu par un simple licou, on fait avec la flamme une saignée à cha- cune des jugulaires; on agrandit, à l’aide d'un bistouri, l’ou- verture de l’une des saignées, de manière à atteindre la veine et y introduire le bout d’un entonnoir de 600 centimètres cubes de capacité, formé d’une allonge droite, terminée inférieurement par un tube en cuivre légèrement recourbé et portant un ro- binet; c’est le liquide contenu dans cet entonnoir qui est intro- duit par sa pression dans la veine jugulaire; ce liquide se com- pose ici de 5 grammes d’hydrocyanate ferruré de potasse dissous dans 450 grammes d’eau distillée et à la température de 38 à 4o degrés. Dés que l’entonnoir est placé dans l’une des jugu- laires et maintenu dans une position verticale, on s’assure si le sang peut jaillir facilement de l’autre veine; cela posé, on ouvre le robinet de l’entonnoir, le liquide passe dans la veine, et au méme moment on recueille du sang de la jugulaire opposée dans des vases ou récipiens préalablement numérotés, dont la capa- cité est de 26 à 25 centimètres cubes, en suivant leur ordre numérique, et cela avec toute la diligence possible : en même temps une personne, munie d’un chronomètre, note le temps qu'a mis à s’écouler le liquide de l’entonnoir, et le moment où chaque récipient se trouve rempli de sang. L'expérience ter- minée, on ferme l’ouverture faite aux jugulaires, et l'animal est aussi calme après qu'avant l'expérience, le pouls et les mouve- mens respiratoires n’offrent aucun changement; cet état de calme que le cheval présente ordinairement est une des conditions 32 POISEUILLE. — Sur l'écoulement des liquides , sans laquelle le succès de l'expérience serait compromis; aussi cet animal est-il précieux pour ces sortes de recherches. Le len- demain de l'expérience, on examine le sérum du sang contenu dans chaque récipient, à l’aide d’une solution acide de perchlo- rure de fer dans l’eau distillée, en suivant exactement l’ordre dans lequel le sang a été recueilli, et le temps correspondant au premier des récipiens qui contient le prussiate de potasse est aussi le temps qu’a mis le sang à passer d’une jugulaire à l'autre en parcourant le trajet décrit ci-dessus; c’est alors la vi- tesse normale de la circulation. Le lendemain on prendlemême cheval, oninjecte pareille quan- tité de prussiate ferruré de potasse, accompagné de l’une de nos substances, avec le soin de donner au liquide injecté le même volume que la veille, et on procède tout-à-fait de la même ma- nière qu'il vient d’être dit; toutes les circonstances dans les deux expériences étant les mêmes, si dans la seconde la vitesse de la circulation est différente, on ne peut attribuer ce résultat qu’à la présence de la substance qui accompagne le prussiate de potasse. Nous allons seulement rapporter les résultats obtenus sur douze chevaux. Première expérience. Cheval entier, sous poil rouan , limonier, âge de sept ans, affecté de morve chronique; 48 pulsations et 13 inspirations par mivute : animal très calme. Injection de 5 grammes d'hydrocyanate ferruré de potasse, dissous dans 45o grammes d’eau distillée. La vitesse de la circulation est de vingt-cinq à trente secondes, Deurième expérience , faite vingt-quatre heures après sur le même cheval. Injection de 5 grammes d’hydrocyanate ferruré de potasse et de 25 grammes d'acétate d’ammoniaque à 5° de Faumé, dans 425 grammes d’eau distillee. La vitesse de la circulation est alors de dix-huit à vingt-quatre secondes. Troisième expérience, faite sur le même cheval quatre jours après la préce- dente. Injection de 5 grammes d’hydrocyanate ferruré de potasse, dissous dans 100 grammes d’eau distillée, unis à 350 centimètres cubes d'alcool à 40° de l’alcoomètre. La vitesse de la circulatiou est ici de quarante à quarante-cinq secondes. Ainsi la présence de l'alcool dans le sang retarde la circulation au sein des . considéré dans les capillaires vivans. 33 capillaires vivaus , comme il arrive quand on uvit cette substance au sérum du sang, soit qu'il s'agisse des tubes de verre, ou des capillaires privés de la vie. Les mêmes remarques s'appliquent à l'acétate d’ammoniaque employé dans la deuxième expérience; la présence de ce corps accélere la circulation capillaire. Ces expériences, répétées sur un cheval bai de quatorze ans, et sur un autre de onze ans , nous donnent des résultats analogues. Neuvième expérience. Cheval anglais, onze ans, 40 pulsations et 11 inspira- tions par minute. Injection de 5 grammes d’hydrocyanate ferruré de potasse, dissous dans 450 grammes d’eau distillée. La vitesse de la circulation normale est de trente à trente-quatre.secondes. Dixième expérience , faite sur le même cheval vingt-quatre heures après la précédente. Injection de 5 grammes d’hydrocyanate ferruré de potasse, unis À 4 grammes d’azotate de potasse, dissous dans 450 grammes d’eau distillée. La vitesse de la circulation , sous l'influence de lazotate de potasse, est de vingt à vingt-cinq secondes. Ainsi ce sel accélère la circulation dans les capillaires vivans, comme dans le cas des tubes inertes et des capillaires privés de la vie. Ces dernières expériences, répétées sur un cheval flamand âge de six aus, donnent des résultats semblables. Les expériences que nous venons de rapporter démontrent l'action de l'alcool, de l’acétate d’ammoniaque et de l’azotate de potasse sur la circulation capillaire dans l'animal vivant. Il n’est point ici question des effets primitifs et consécutifs qui suivent leur introduction dans le corps par les voies digestives; dans un travail où nous traiterons de l’action de ces substances sur l'économie animale, ces derniers phénomènes trouveront naturellement} leur place à côté de ceux qu'on vient de faire connaître. Nous nous sommes proposé de constater, surtout ici, que les phénomènes d'écoulement offerts par certains corps dans les tubes inertes se reproduisent aussi dans les capillaires morts et dans les capillaires vivans. La similitude que nous venons d'établir, et qui tient à ce que l'écoulement des liquides dans les tubes’ de petits diamètres a lieu dans un canal à paris) fluides, n cl en aucune manière l’action spéciale qui doit s'exercer entre les molécules du liquide en mouvement et les tissus vivans ; nous dirons même qu'il est très probable que l'effet de cette He tout inconnue qu'elle XIX. Zoor, —: Janvier. 3 34 POISEUILLE. — Sur l'écoulement du liquide, etc. soit, varie avec la masse du liquide qui traverse les vaisseaux ; car on sait qu’un organe est modifié dans ses fonctions, toutes choses égales d’ailleurs, lorsque la quantité de sang qu'il reçoit devient plus ou moins grande que celle qui le parcourt dans l'état normal. Érupes sur les mœurs , le développement et les métamorphoses d'une petite Salicoque d’eau douce (Caridina Desmarestii) , suivies de quelques réflexions sur les métamorphoses des Crus- tacés Décapodes en général , Par M. Jorx, Professeur de Zoologie à la Faculté des Sciences de Toulouse. ( Présentées à l’Académie des Sciences , le 19 septembre 1842.) Une des questions les plus intéressantes, mais les plus con- testées en histoire naturelle, c’est sans contredit celle qui est relative à l'existence des métamorphoses chez les Crustacés dé- capodes. Jusqu'à ces dernières années, les auteurs les plus jus- tement célèbres ont soutenu que, semblables sous ce rapport aux insectes aptères, les Malacostracés supérieurs sont, en voyant le jour, pourvus de tous les organes qui leur sont pro- pres et qui les caractérisent (1). Cette opinion, étayée de l’im- posante autorité de Latreille, a été adoptée par tous les natu- ralistes qui l'ont suivi, et nous croyons qu’elle est encore ad- mise aujourd’hui par le plus grand nombre d’entre eux. Ge qu'il ya de certain, c’est que, au moment où M. John Thomp- son osa en contester la justesse, en annonçant que les singuliers animaux désignés par Bosc sous le nom générique de Zoé , ne sont autre chose que les larves du Crabe commun, dont les jeunes éprouveraient de vraies métamorphoses (2), cette asser- (x) Latreille, Hist. nat. des Grust, et Insect., tame 11, page 292. (2) Zoolegical illustrations. 3OLY. — Sur la Caridina Desmaresti. 35 tion fut repoussée par la plupart des zoologistes. M. Westwood composa même un long mémoire pour en prouver toute l’inexac- titude (1). Et, dans son Bridsewater treatise , intitulé History, habits and instincts of animals , à. 1, p. 80, M. Kirby s’efforça de confirmer, par une observation, selon nous bien incomplète, les argumens de son illustre ami. De sun côté, après une dissection attentive d’un grand nombre de Zoés conservés dans les collections du Muséum de Paris, M. Milne Edwards fut porté à penser que ce n’est pas aux Décapodes Macroures que ces êtres singuliers doivent être rap- portés. « Tous les caractères que nous avons énoncés ci-dessus, ajoute ce célèbre carcinologiste, nous semblent indiquer que c’est à la section des Anomoures qu'ils appartiennent, et, si l'on fait abstraction des épines monstrueuses de la carapace, parties sans aucune importance anatomique, on verra, en effet, que les Zoés ne différent que fort peu des jeunes Dromies, et que, pour devenir des animaux semblables à ceux-ci, ils n’ont en aucune façon à subir de véritables métamorphoses ; il suffira que la partie céphalothoracique de leur corps croisse plus rapi- dement que labdomen, et que les appendices du pénultième anneau abdominal se réduisent à un état rudimentaire. « Ainsi , il nous paraît bien probable que les Zoés, de même que les Mesalopes et les Monolepis , ne sont pas des animaux parfaits, mais le jeune âge de quelque Décapode Macroure. » (>) Dans un Mémoire ayant pour titre : On the double mela- morphosis in the Decapodous crustacea (3), M. Thompson re- garde, au contraire, les Mégalopes comme le second äge du Carcinus mæœnas , et il affirme qu'il a vu , il est vrai d’une ma- nière moins satisfaisante (]Vot in quite so satisfactory a manner), un Portunus et un Znachus passer aussi de l’état de Zoé à celui de Mégalope. Enfin, il promet d'établir ce fait de la manière la plus incontestable, même pour ceux qui doutent encore ( The (x) On the supposed existence of metamorphoses in the Crustacea, Philosop. Transact. , part.1r, p. 311, 1835. (2) Milne Edwards , Hist, nat. des Crust, , tome 11, page 437. Paris, 1837. (3) Philosophieal transactions , 1835, part, 11, p. 359. ‘ 36 JOLY. — (Sur da Caridina Desmarestii. yet sceptical), dans le prochain mémoire où il s’occupera des genres Æriphia, Thelphusa , Gecarcinus et Pinnotheres. (x) Quant à ce qui concerne les Crustacés décapodes macroures, Thompson assure, contrairement à l’opinion généralement ad- mise, qu'ils subissent aussi de vraies métamorphoses. I pré- tend les avoir constatées chez les genres Palinurus, Palæmon, Squilla, Pagurus, Lorcellana , Galathea, Crangon et Aste- cus. Il n'excepte pas même l’Astacus fluviatilis où Écrevisse commune ; bien que Ratke ait avancé comme un fait positif que cet animal naît, à très peu de chose près, avec les formes de l'adulte. {2) Dans un article de Ratke, inséré dans la Physiologie de Bur- dach, nous lisons ce qui suit: « Le développement du Palæmon , du Crangon, de l'£riphia spinifrons , et, par conséquent, des Crabes eux-mémnes, ne diffère pas essentiellement de celui des Ecrevisses de rivière. La plus grande différence consiste en ce que, chez tous ces ani- maux , les yeux ont nne grosseur énorme pendant la dernière moitié de la vie embryonnaire, quoique plus tard ils ne pré- sentent rien de particulier sous le rapport du volume ; au con- traire, la queue (abdomen) des embryons avancés en âge, même chez les Crabes , est aussi longue et aussi grêle que celle de l'Écrevisse au moment de l’éclosion ; elle est même pourvue d'un éventail. » Et quelques lignes plus loin : « Les antennes, les organes manducateurs, les pattes et probablement aussi les branches, (x) M. Westwood annonce (loc. cit., p. 326) que le Mémoire sur le genre Pinnotheris a paru. J'igaore si l’auteur a tenu sa promesse, en ce qui regarde les autres genres ci-dessus désignés. (2) Voir l'extrait du Mémoire de Ratke sur le Développement de l'œuf des Ecrewisses, Ann. des Sc. nat., tome xx, page 442, 1° série. — Roesel assure aussi que les petites Ecrevisses que l’on trouve, en juin et juillet, sous le ventre des femelles , sont déjà pourvues de tous leurs membres et de toutes leurs parties, et qu'elles ressemblent entièrement aux Ecrevisses adultes. « Die kleinen Krebse sind bereits mit allen ihren Gliedern und Theïlen auf das volkommenste « verschen , und kommen den grosseren Krebsen in allem gleich. » fZnseckten Belustigung , tome ru, page 336. — Latreille lui-même prétend que les jeunes Ecrevisses sont, au moment de leur naissance , tout-à-fait semblables à leurs mères, (Règne animal de Cuvier, tome 1v, mage 90 , 2° édil.) JOLY. — Sur la Caridina Desmarestir. 37 sont déjà en nombre complet chez les Décapodes quand ils éclosent. Les organes visibles à l'extérieur ne subissent non plus, après l’éclosion, aucun changement essentiel dans leur compo- sition, leur situation et leur fonction, si ce n’est toutefois que le rudiment de l'éventail disparait chez les Crabes. Les change- mens qui surviennent chez le jeune animal portent presque exclu- sivement sur les proportions seules. Z/ 7’est done pas vrai que, comme l’a prétendu Thompson ,les Décapodes sortent de l'œuf dans un état fort imparfait , et les changemens qui se passent encore pendant l'accroissement ne méritent point le nom de mé- tamorphose. » (1) Depuis la publication des travaux de Thompson, le capitaine Ducasse est, du moins à ma connaissance, le seul qui se soit occupé de constater l'existence des métamorphoses chez les Crustacés Décapodes, soit Brachyures, soit Macroures. Dans une lettre adressée au Rév. Léonard Gengus, et insérée dans les Annals of natural history , 1838, il donne la figure de deux larves appartenant, l’une au Palæmon variabilis (Ditch Prawn) et l’autre au Crangon vulgaris (Common Schrimp}), mais il se contente en quelque sorte de renvoyer à ses dessins, sans en- trer dans tous les détails qu'exigeait naturellement l’importance de son sujet. On peut en dire autant de la notice où ce même auteur parle des métamorphoses du Carcinus mænas, dont la larve ressemble tout-à-fait, selon lui, à celle du Cancer Pagurus, figurée par Thompson dans ses Zoolosicul researches , et doit passer par une série de changemens successifs avant de devenir Crabe parfait. (2) Tels sont les travaux publiés jusqu'à ce jour sur les méta- morphoses des Crustacés Décapodes, ou du moins ceux qui sont venus à notre connaissance (3). Quel que soit le mérite de (x} Burdach , Physiologie, tome 1x1, page 1 19 de la traduction française. Paris, 1838. - (2) Annals of natural history, 1839. Je dois ces détails à l’obligeance de M. le docteur A. de Quatrefages, qui a bien voulu ÿ joindre les calques des principales larves figurées par le tapitame Ducasse, (3) Nous n'avons pu nous procurer les Remarques du docteur Ratke sur le développem 38 JoLY. — Sur la Caridina Desmarestii. leurs auteurs, aueun d’eux n’a entraîné la conviction des zoolo gistes , et la question est encore indécise. Toutefois, elle a paru assez intéressante à la Société hollandaise des Sciences de Har- lem, pour qu'elle en ait fait pendant plusieurs années le sujet d’un prix que nul n’est venu disputer. En 1840, cette Société formulait ainsi le programme qui devait être rempli avant le 17 janvier 1841: « Les recherches du D' Ratke ont prouvé que les Écrevisses « d’eau douce, après avoir quitté l'œuf, ne subissent point de « métamorphoses considérables; tandis que, d'après les décou- « vertes importantes de M. Thompson, les Crabes ne parvien- « nent à leur état parfait qu'après être passés par plusieurs états « intermédiaires. Cette grande différence parmi deux genres d’a- « nimaux peu distans lun de l'autre a attiré l'attention de la « Société. Elle demande que l’on fasse des recherches ultérieures « à cet égard, et qu’en conséquence, on donne la description , « accompagnée de figures exactes, d’une ou de plusieurs es- « pèces de Crabes, depuis la sortie de l'œuf jusqu’à l’état parfait. » Nous trouvant aujourd’hui dans l’impossibilité de faire des observations suivies sur les Crustacés qui vivent dans la mer, désireux toutefois de nous convaincre par nous-mêmes s’il était réellement vrai que tous les Décapodes Macroures fussent pour- vus en naissant de tous les organes qu'ils possèdent à l’âge adulte, nous avons cherché à tirer parti du grand nombre de Caridines que nous avons trouvées dans le canal du Midi (1). Nous avons observé leur développement dans l'œuf avec le plus grand soin , et nous sommes arrivés à conclure que nos petites Salicoques, bien que très voisines du genre des Écrevisses, éprouvent, avant d'arriver à l’état parfait, des modifications telles, qu’il nous semble impossible de leur refuser le nom de vraies métamorphoses. C'est le résultat de ces observations, des Crustacés Décapodes , et notamment de l'Astacus marinus, du Pagurus Bernhardus, de je Galathea rugose et de l'Hyas avaricus ( Archiv, für Naturgeschichte de Wiegmann , 1840). Nous ignorons par conséquent si ces remarques ont amené l’auteur à contredire ses premières assertions. (x) Nous péchions des insectes aquatiques lorsque nous trouvâmes, M, Boisgiraud et moi , la petite Salicoque dont je vais tracer l’histoire. JOLY. — Sur la Caridina Desmaresti. 39 maintes et maintes fois réitérées, que nous avons l’henneur de soumettre au jugement de l’Académie. Notre travail sera divisé en deux parties. Dans la première, nous décrirons le petit Crustacé que : nous avons rencontré dans le canal du Midi, et que l’on a rapporté à tort, selon nous, au genre Hippolyte ; puis nous ferons con- naître ses mœurs, et quelques particularités intéressantes qui se rattachent à son histoire anatomique et physiologique. Dans la seconde partie, nous étudierons le développement de l'œuf avant et après la fécondation ; nous comparerons les di- vers organes du jeune animal avec ceux de l'adulte, et nous ter- minerons par quelques réflexions sur les métamorphoses des Crustacés Décapodes, considérées d'une manière générale. PREMIÈRE PARTIE. Avant d'étudier le développement et les métamorphoses du petit Crustacé qui fait l’objet de ce Mémoire, il nous semble indispensable de décrire d’abord cet animal lui-même, et de fixer la place qu’il doit occuper dans les ordres zoologiques. A la premiere inspection, il est facile de juger qu’il appartient à l'ordre des Décapodes Macroures, et à la famille des Salico- ques (1). En effet, son corps comprimé latéralement , son ab- domen très grand et arqué; sa queue large et étalée en forme d’éventail, ses pattes thoraciques grêles et longues, enfin , ses fausses pattes natatoires encaissées à leur base par des prolon- gemens lamelleux du segment dorsal des anneaux correspon- dans de l'abdomen : voilà autant de caractères qui frappent au premier coup-d’œil, et qui permettent de prononcer avec certi- (x) Jusqu'au moment où M. Millet découvrit ‘dans les eaux du Loir, de la Mayenne et ds- Sarthe, le petit Crustacé dont nous nous occupons, les auteurs de carcinologie les plus estimés avaient avancé , dans leurs ouvrages, que toutes les Salicoques habitaient dans la mer, M. Desmarets disait encore dans ses Gonsidérations générales sur la classe des Crustacés, publiées en 1824. « On ne connaît aucun Crustacé de la tribu des Salicoques , vivant dans les « eaux douces » (page 216, note). À l’Hippolyte Desmarestii (Millet), Caridina Desmarestit (Nobis), on peut ajouter maintenant la Garidina longirostris (Milne Edwards), trouvée pat M, Roux dans la rivière de la Macta, près d'Oran, et peut-être aussi la Caridina typua {Milue Edwards, Hist, nat. des Crust, ) ño JOLY. — Sur la Caridina Desmarestii. tude sur la famille dont il doit faire partie. Un examen plus at- tentif vient confirmer cette détermination (voyez PI. 3, fig. 1). En effet, la carapace, semblable, quant à la forme, à celle des Palémons, se termine antérieurement par un rostre denté en dessus et en dessous, dont la largeur et le nombre des'dents va- rient suivant l’âge plus ou moins avancé de l'individu (fig. r et 2). Yeux. Les veux, portés sur des pédoncules mobiles, paraissent tantôt verts, tantôt bruns, quelquefois d’un brun noir (fig. 3). Antennes. Les antennes, au nombre de deux paires, sont placées, les internes immédiatement au-dessous des pédoncules oculaires ; les externes au-dessous des parties antérieures et la- térales de la carapace. Le pédoncule des premières est triarticulé (fig. 14). L'article basilaire (a) est muni à son bord externe d’une longue et forte épine (d) ; le troisième article (c)se termine par deux filets multi- articulés, dont l'externe (e), d’un quart à-peu-près moins long que Finterne (f), et d’abord renflé sur un peu plus de la moitié de sa longueur , devient brusquement aussi grêle que la partie correspondante du filament interne. Les antennes extérieures (fig. 1 ) sont formées d’un pédon- cule de deux articles et d’un seul filet au moins aussi long que le corps de l'individu. A leur base est fixé un appendice lamelleux, de forme à-peu-près ovalaire, dont la longueur égale celle du rostre lui-même, et dépasse conséquemment un peu celle du pédoncule des petites antennes. Au bord extérieur de cet appendice, on aperçoit une grosse épine à partir de la- quelle commence une série de poils ciliés qui se continuent sur tout le bord interne. Quelques poils très courts se montrent éga- lement à la base des articles qui composent chaque filet anten- naire; mais il est à remarquer que ces poils sont d’autant moins nombreux que l’animal est plus âgé ; souvent même ils finissent par disparaître entièrement. Bouche. La bouche se compose, comme chez la plupart des Crustacés Décapodes, de deux replis tégumentaires désignés sous les noms de labre et de languette, et de six paires d’appen- dices locomoteurs, modifiés de manière à pouvoir remplir de nouvelles fonctions. oux. — Sur là Caridina Desmarestii. 41 A. Replis tégumentaires. — a. Labre (fig. 5). 11 est charnu, légèrement échancré sur son bord antérieur, où l’on aper- çuit quelques poils très courts. b. Languette. Ya lèvre ou languette (fig. 6) est profondé- ment bifide, et offre au point de sa bifurcation un petit appen- dice cordiforme et renflé. B. Pattès modifiées. Parmi les pattes modifiées pour servir à la mauducation, on distingue : 1° Une paire de mandibules (fig. 7 ) arquées, tout-à-fait dé- pourvues de palpes (1), et formées de deux branches dentées sur leur bord (a, à); 2° Deux paires de mâchoires, dont la première (fig. 8) offre à son côté interne deux lames, l’une ovalaire (b), l’autre demi- circulaire (a), toutes deux garnies d’épines ou ciliées sur leurs bords, et au côté externe une espèce de palpe incomplètement développé (g). La dernière paire de màchoires (fig. 9), plus grande que la première, mais d'une composition analogue quant à ce qui re- garde la tige (bc), est munie à son côté externe d'un appen- dice tres long ( fouet a), qui se loge dans le canal efférent des branchies et remplit un rôle très important dans l’acte de la respiration ; 3° Trois paires de pattes-mächoires (pieds-mâchoires , mà- choires auxiliaires). La première paire de pattes-mâchoires, ou pattes-mâchoires antérieures (fig. 10), se compose d’une tige de deux articles (a, b) fortement velus, d’un palpe très développé (&), à la base duquel on aperçoit un petit organe que je crois être une branchie rudimentaire (A). La deuxième paire de mâchoires auxiliaires (Gg. 11) est for- mée d’une tige distinctement multiarticulée (a, b,c,d,e,f) et d’un palpe filiforme (#) également multiarticulé à son extré- (x) Nouvelle exception à joindre à celles que M. Milne Edwards a déjà signalées chez les Craugons , les Lysmates , les Erichtes, etc, , et preuve nouvelle que la présence des palpes mandibulaires est loin d’être, comme on l'a dit, un caractère invariable chez tous les Crus- tacés Décapodes. 42 IoLx. — Sur la Caridina Desmaresti. mité supérieure. Une branchie parfaitement reconnaissable (A) est fixée à l’article basilaire de la tige. La troisième paire de mâchoires auxiliaires, ou pattes-mä- choires externes (fig. 12) offre une tige tres longue (a, b, c, d), quadriarticulée, pédiforme, et un palpe semblable à celui des pattes-mâchoires précédentes (g). Sur l’article basilaire, on trouve , outre une vraie branchie (k), un petit appendice corné, creux , allongé, pointu à l’une de ses extrémités , cordiforme à l’autre extrémité. Cette espèce de vésicule , que nous retrouvons un peu modifiée sur l’article basilaire des pattes thoraciques, rappelle l'organe analogue dont sont pourvus les Lysmates, et représente sans doute un fouet rudimentaire. Thorax. Confondu, ou du moins intimement soudé avec les anneaux céphaliques, le thorax est lui-même formé de cinq an- neaux pédigères dont les arceaux supérieurs sont couverts par la carapace. ; Pattes thoraciques. La première paire de pattes thoraciques, ou pattes didactyles antérieures (fig. 15), est courte et plus grosse que toutes celles qui la suivent. On y distingue une hanche de deux articles (a, b), un trochanter (c), un bras (4), un carpe (e) et une main didactyle ( f). Le premier article de la hanche porte : 1° un palpe (2), tout- à-fait semblable à celui des deux dernières pattes-mâchoires ; 2° Un appendice ou vésicule (2), dont l'extrémité supérieure est large, percée d’une ouverture circulaire, et fixée au-dessous d’un tubercule pilifère (£), tandis que son extrémité inférieure ou libre se rétrécit et se recourbe en faucille, pour se loger dans une cavité creusée au sommet d’un mamelon (d) placé à la face interne de l’appendice (voy. fig. 18 ); 3° Une toufle de poils épineux (7) et fixés sur un tubercule (5) ; 4° Une autre touffe de poils (£), qui rappellent ceux des mä- choires elles-mêmes ; Le deuxième article ne présente rien de remarquable. Il en est de même du trochanter et du bras, qui sont tous les deux à-peu-près cylindriques. Quant au carpe lui-même, il offre une forme irrégulièérement triangulaire, et une échancrure demi- circulaire, dans laquelle est recu le talon de la main. Celle-ci est sOLx. — Sur la Caridina Desmarestii. 43 assez allongée, et chacun des doigts qui la terminent porte à son extrémité uve épaisse, touffe de poils qui s'entrecroisent quand le doigt mobile (g) se rapproche de l’autre. La deuxième paire de pattes thoraciques (fig. 16) ressemble beaucoup à la première; seulement elle est plus grêle, plus al- longée, et l'échancrure du carpe est moins fortement prononcée. Les trois autres paires sont monodactyles et dépourvues de palpe (Gg. 17). On y compte, comme aux précédens, sept ar- ticles ainsi distribués, savoir : deux pour la hanche (a,b), un pour letrochanter (c),un pour le fémur (d),un pour la jambe (e), un pour le métatarse ( f) et un pour le tarse ou doigt (2). Pattes natatoires et abdomen. — Il est formé de six segmens, dont les cinq premiers seulement sont munis en dessous de fausses pattes natatoires. Toutes ces pattes sont recouvertes et comme encaissées à leur base par un prolongement latéral de l’arceau supérieur des anneaux de l’abdomen auxquels elles cor- respondent. Celles des femelles (fig. 19 ) offrent beaucoup de ressemblance avec celles des Lysmates, c’est-à-dire qu’elles sont formées d’un pédicule peu épais, excavé à sa face inférieure, et portant deux lames ou palettes lancéolées (2, c), de grandeur inégale, ciliées sur tout leur pourtour , dont la plus petite offre à son bord interne un appendice digitiforme (d). Il est à remar- quer que la lame externe des pattes sous-abdomiriales de la pre- mière paire est seule parfaitement développée chez la femelle. L'autre reste rudimentaire, mais sa forme ne change pas. Chez le mâle, au contraire (fig. 20), cette dernière lame s’est recourbée en faucille (c), et ne présente sur son bord interne que des épines assez fortes. Le bord externe est nu, On voit en outre , au bord interne de la plus petite palette des pattes sous-abdominales, un appendice conique et velu (fig. 21 d) qui manque à la femelle , et à la base de cet appendice un autre organe plus petit (e), cylindrique, et terminé par un renflement garni de tubercules rougeâtres , lequel n’est peut-être pas sans usage au moment de la copulation. Enfin, le pédicule de toutes les fausses pattes est plus épais, plus charnu, mais les lames ou palettes sont moins longues et moins larges que chez la femelle. Queue. Un seul article triangulaire (4), flanqué de chaque 44 30LY. — Sur la Caridina Desmarestir. côté d’une paire de lamelles ciliées (c, d) ( pattes caudales, Savigny), constitue la queue ou plutôt la nageoïire caudale. Les lames intermédiaires sont dépourvues d’épines. On y remarque une dent assez forte à-peu-près au tiers inférieur du bord ex- terne des lamelles extérieures, qui paraissent en outre articu- lées en cet endroit. Quant au segment caudal lui-même, il pré- sente à sa face supérieure une double rangée de courts prolon- gemens épineux. Cinq ou six épines plus longues terminent ce segment , à la base duquel se trouve percé l'anus. Taille. La taille de nos Crustacés adultes est de 25 à 30 ou 34 millimètres pour les plus grands individus , à partir de l’ex- trémité antérieure du rostre jusqu’à l'extrémité postérieure du segment caudal. Couleur. Quant à la couleur (1), elle varie suivant les âges et les individus. Presque aussi transparens que le cristal long-temps encore après leur naissance, ces petits animaux perdent, en grandissant, et leur couleur blanchâtre, et cette transparence qui permettait d’abord de distinguer à travers leurs muscles et leurs tégumens la plupart des organes internes (tube digestif et ses annexes, chaîne nerveuse ventrale, cœur, ovaires , etc. ). Lorsqu'ils sont parvenus à l’époque où ils sont aptes à se repro- duire, on voit lear corps et ses différens appendices se parsemer irrégulièérement d’une foule de taches stelliformes , qui lui don- nent des teintes tantôt verdâtres , tantôt d’un beau vert, quel- quefois grisâtres ou brunes, d’autres fois enfin entremêlées de vert et de bleu plus ou moins foncé. (Voir les figures 1, 13, 14.) Détermination du genre auquel appartient notre animal. Si l’on a suivi avec quelque attention la description qui précède , on n'aura pas eu de peine à se convaincre que notre animal est (x) Après la mort, nos Crustacés perdent d'abord leur transparence, et, si on les laisse dans l’eau, ils ne tardent pas à rougir et à se putrélier , en répandant une odeur réellement insupportable. Par le dessèchement , la cuisson ou l'immersion dans l'alcool, 1ls deviennent d’un rouge d'autant plus foncé, qu'ils sont plus avancés en âge. La matière qui les colore est soluble dans l’eau, l'alcool et l'éther. Chose assez remarquable, elle devient noire sur les individus morts dans l'eau salée. Du reste, nous avons déjà coustaté le même fait chez l'Artemia salina , auquel on avait faussement attribué la coloration en rouge de nos marais salans. 3oLx. — Sur la Caridina Desmareslii. 45 réellement une Salicoque.{Mais à quel genre appartient-il? Telle est maintenant la question qu'il s’agit de résoudre. Quoique voisin des Pandales, il s’en distingue tout d’abord, en ce que, chez ceux-ci, les deux pattes antérieures sont mo- nodactyles. Il n’est pas non plus possible de le rapporter au genre des Hippolytes, car il n’a pas, comme ces derniers, la main de la deuxième paire de pattes extrémement petite, ni surtout le carpe multiarticulé. Ajoutons que tous ses pieds thoraciques offrent à leur base des appendices ( fouets rudimentaires) qui paraissent manquer chez les Hippolytes. Le genre dont il me semble se rapprocher le plus, et dont il devra trés probablement faire partie, est le genre Caridina (Milne Edw.), de la tribu des 4/- phéens (1). En effet, ses antennes internes, très longues et ter- minées par deux grands filets multiarticulés, dont l’un est renflé sur une partie de sa longueur; ses antennes externes, recou- vertes à leur base par un appendice lamelleux ovalaire, cilié et orné d'une épine vers l'extrémité de son bord externe; ses deux paires de pattes didactyles dont les antérieures, très courtes, ont un carpe à-peu-près triangulaire et terminé antérieurement par un bord concave qui recoit la base de la main ; tel est l’en- semble des caractères sur lesquels nous nous basons pour rap- porter notre animal au genre Caridina. Nous ne conserverions plus le moindre doute sur notre détermination si, à la caracté- ristique précédente, M. Milne Edwards n’ajoutait que & carpe des paites de la deuxième paire est de forme ordinaire, et si, dans le dessin qu’il a donné de la Caridina typus, nous pou- vions compter un nombre de pattes abdominales égal à celui que nous trouvons chez notre Crustacé. Or, celui-ci en a cinq paires bien distinctes, nous n’en voyons que quatre chez la Caridina typus (2). Enfin nous ignorons si les deux espèces, qui jusqu’à présent faisaient partie de ce nouveau genre, pos- {x) Voyez la figure 4 de la planche 25 bis de l'Hist, nat. des Crust,, par M. Milne Edwards. (2) Voyez la figure 4 de la planche 25 Lis de l'Histoire) naturelle des Crustacés , par M. Milne Edwards. (Ce nombre est aussi de cinq chez la Caridine type. } (Note des réd.) 46 3oLY. — Sur la Caridina Desmarestii. sèdent où ne possèdent pas, à la base des pattes, des appendices semblables à ceux que nous avons décrits. Quoi qu'il en soit, afin de ne pas étendre, sans raisons suffisantes, la liste déjà sinombreuse des genres établis sur des bases très contestables, nous aimons mieux adopter un nom connu, que nous donner le facile plaisir d’en créer un nous-mèmes, ct d'y accoler un or- gueilleux Mobis. Malgré les différences réelles ou présumées que nous signa- lions tout-à-l’heure , une considération puissante nous engage encore à ranger notre Salicoque parmi les Caridines ; c’est celle des stations de ces petits animaux. Jusqu’au moment où M. Mil- let découvrit, dans plusieurs rivières du département de Maine- et-Loiré, le Crustacé qu’il a décrit sous le nom d’Æippolyte de Desmarest , on ne connaissait, avons-nous dit, aucune Salicoque vivant dans les eaux douces. Or, tout nous porte à penser que J’animal de M. Millet est identique avec le nôtre. Nous én dirons autant de celui que M. Léon Dufour a trouvé dans l’Adour, ét qu'il a brièvement décrit (1) comme voisin des Pandales; mais les Pandales et les Hippolytes habitent les eaux salées; la Cari- dina longirostris (Milne Edw.) vit, au contraire, dans les eaux douces (2). Cette considération, jointe à celles que nous avons déjà fait connaître, nous engage donc à rapporter au genre Cüridina , 1° L’Hippulyte Desmarestii de M. Millet; 2° Le Crustacé de l’Adour (3); 3° Enfin, la Salicoque trouvée dans le canal du Midi, et à ne (x) Ann. de la Soc. Entom. , tome mr, page 477. (a) Quant à la Caridina typus,, sa patrie el ses mœurs sont inconnues ; mais il est probable qu'elle habite aussi les eaux douces, (3) Eette partie de mon Mémoire était déjà rédigée lorsque M. Léon Dufour me fit l'honneur de répondre , de la manière la plus aimable, à la question que j'avais pris la liberté de lui soumettre, au sujet de l'identité présumée du Crustacé de l'Adour et du mien, « Oui, positi- « tivement oui, me disait cet habile et consciencieux anatomiste, le petit Crustacé que vous « m'avez communiqué est le même que celui dont j'ai dit un mot dans le tome 111 des Annales « de la Société entomologique, et que M. Millet avait décrit à mon insu 'sous le nom « d'Aippolyte Desmarestü. » Un peu plus loin, il m'annonçait qu'il croyait avoir trouvé dans une anse de l’Adour, l’Zsaura cycladoides ;'que je n’ai pu , malgré des recherches très attentives , rencontrer cette année aux environs de Toulouse, sozy. — Sur la Caridina Desmarestu. 47 faire de ces trois animaux qu’une seule et même espèce à la- quelle nous conserverons la dénomination spécifique adoptée par M. Millet. Nous caractériserons cette espèce de la manière suivante : Caridina Desmarestii (nobis), Hippolytes Desmarestii (Millet), Aun. des Sc. nat. t. xxv, PL 10, fig. 1 et 2, 1° série; Léon Dufour, Ann. de la Soc. entom., t. 111, p. 477. Rostre comprimé, très long, dépassant le pédoncule des an- tennes externes, à-peu-près droit sur son bord supérieur, qui ést garni d’une trentaine de dents ou spinules acérées, rap- prochées, uniformes; deux fois courbé Sur son tranchant infé- rieur, à la moitié antérieure duquel on remarque de dix à douze dentelurés plus écartées que celles du bord supérieur (1). Carpe des pattes didactyles de la deuxième paire plus grêle et plus long que celui de la première, maïs creusé comme celui-ci d’une échancrure destinée à recevoir le talon de la main. Un palpe filiforme et obscurément multiarticulé à la base de toutes les pattes didactyles. Un appendice ( fouet rudimentaire) en forme de vésicule un peu aplatie, couché sur l’article basilaire des mâchoires auxiliaires externes et de toutes les pattes thoraciques. Longueur de l'animal. Elle varie de 25 à 34 millimètres pour les plus grands individus, à partir de l’extrémité antérieure du rostre jusqu’à l’extrémité postérieure du segment caudal. Ce Crustacé habite les différentes rivières du département de Maine- et-Loire, l’Adour et le canal du Midi. (2) Après avoir décrit l’organisation extérieure de notre Caridine, occüupons-nous de ses mœurs et de quelques phénomènes inté- réssans qui se rattachent à son histoire physiologique. Mœurs et physiologie de la Caridine Desmärestii. Nos Sali- (x) Le nombre des spinules variant avec l'âge, on ne doit pas attacher trop d'importance à ce caractère spécifique. (2) Afin de savoir si la Caridina Desmarestit ne pouvait vivre ailleurs que dans l’eau douce, nous avons mis quelques individus dans l’eau légèrement salée, Nous les ÿ avons vus constam- ment périr au bout de peu de temps’, etcela d'autant plus vite que le degré de salüre était plus élevé, 11 paraît donc certain que ces petits Crustacés ne remontent point les fleuves comme le font l'4/ose ie Saumon, la Lamproie, etc. , et qu'ils vivent exclusivement dans les eaux douces, où on les trouve d'ailleurs toute l’année, 48 3oLY. — Sur la Caridina Desmarestii. coques sont du petit nombre des Crustacés qui vivent en so- ciétés nombreuses an milieu des plantes aquatiques. Presque toujours on les trouve rapprochées de la surface de l'eau et cramponnées aux tiges et aux feuilles des Potamogetons, des Myriophyllum et de la fameuse Vallisnérie spirale, qui croît ici en abondance. Il nous est arrivé souvent de prendre plus de cent Caridina d’un seul coup de filet, mais alors il s’en fallait de beaucoup que tous les individus eussent atteint l’âge adulte. Nous avons même remarqué, avec une certaine surprise, Ja rareté comparative de ces derniers, surtout pendant les mois les plus chauds de l'été. A peine nous est-il possible aujourd’hui (5 août) d’en pêcher deux ou trois dans une heure, tandis que pendant les mois d'avril, de mai et de juin, un quart d'heure suffisait pour nous en procurer une douzaine et même davan- tage. Nous avons aussi observé que nos Salicoques semblent affectionner certaines localités à l'exclusion de toutes les autres, mais qu’elles les abandonnent assez fréquemment pour se por- ter sur d’autres points. En général, elles paraissent préférer les endroits peu touffus, et elles se tiennent habituellement sur les bords du canal, où elles trouvent sans doute un abri contre une lumière trop vive, et une retraite contre les attaques de leurs nombreux ennemis. Parmi ces derniers, il faut compter surtout les Ranätres, les Né- pes, les Nazcores, les Drtiques et les larves du grand Æydrophile brun (Hydrophilus piceus).Ns font eux-mêmes leur proie de cette multitude d'Entomostracés (Cyclops, Cyclopsine, Daphnia) qui fourmillent dans les eaux où ils vivent (1), souvent même ils dévorent les cadavres putréfiés de leurs compagnons morts en captivité. Nous les avons vus aussi se nourrir très facilement, et pendant très long-temps, de diverses espèces de Conferves et de Protococcus ; qui coloraient en vert leur canal digestif. (2) (x) Nous avons trouvé très fréquemment des touffes énormes de Verticella arbuseula (Dujardin), attachées sur les antennes et la carapace des individus de tous les âges. Lorsque l'animal nage chargé de ces infusoires , il parait couvert d'un panache oudoyant dont les mouvemens , pleins de grâce , ajoutent encore à l'élégance de ce petit Crustacé, (2) Degeer rapporte (Mémoire sur les Insectes, tome vrr, page 36), qu'il a vu des Ecrevisses de rivière manger du pain, des légumes, des fruits. 11 ajoute qu'elles se nourrissent aussi, soc. — Sur la Caredinx Desmarestii. 49 Moyens employés pour conserver nos Salicoques en vie. Tous les observateurs ont parlé de la difficulté qu'on éprouve à con- server long-temps en vie les Crustacés en général, et notamment les Ecrevisses. De Geer avoue lui-même qu'il n’a jamais pu y parvenir, quoiqu'il eût soin de renouveler tous les jours l’eau des vases où il les renfermait. Réaumur nous apprend qu'il était obligé de les tenir dans des viviers placés dans l'eau courante. Pendant long-temps nous avons désespéré nous-mêmes de pou- voir faire des observations suivies sur nos Caridina; en vain les mettions-nous dans une grande quantité de liquide, en vain prenions-nous la précaution de ne leur donner que de l’eau du canal du Midi, nous voyions presque constamment périr, au bout de quelques jours, les individus dont nous avions à cœur ’étudier les habitudes. De nombreuses expériences nous ont convaincu que, toutes choses égales d’ailleurs, les plus jeunes supportent beaucoup mieux la captivité que les individus adultes, les femelles sans œufs beaucoup mieux que les femelles ovigères. Enfin, une ob- servation attentive des habitudes de ces petits Crustacés nous a suggéré les moyens les plus avantageux pour arriver au but que nous nons proposions. Plus d’une fois nous avions vu des Salicoques se tenir à la surface de l'eau du vase qui leur servait de prison, et s'attacher aux plantes et aux morceaux de bois qui s’y trouvaient flottans. Ne doutant pas qu’ils ne vinssent occuper la couche la plus superficielle afin de respirer l'air qui y était dissous en plus grânde abondance que dans le reste de la masse, nous avons eu l’idée de les placer dans des vases à large ouverture, et de ne verser dans ces vases que la quantité d’eau nécessaire pour recouvrir le corps des individus soumis à notre observation. Un moyen aussi simple a réussi au-delà de nos espérances, et tandis que, dans les commencemens, nous perdions au bout même en liberté, des plantes qui croissent au bord de l’eau, preuve évidente que les Crus- facés sont moins exclusivement carmvores , qu'on ne le croit communément , et qu'Aris- tolea eu jusqu'à un certaia point raison de dire qu'ils sont omnivores : #2 xp Taÿrx (rx paariorpans) mauçyu. ‘Histoire des animaux , livre vx, page 460. Traducliou de Camus.) XIX. Zoo. — Janvier. 5o onyx. — Sur la Caredina Desmarestii. de trois, de deux et même d’un jour, quand la chaleur était très forte (31° à 35° c.), les femelles dont il nous importait de suivre le développement des œufs, aujourd’hui nous n’en per- dons plus une seule, pourvu que nous renouvelions de témps en temps la couche d’eau peu profonde où nous les élevons; et que nous ayons soin de les soustraire à l'influence directe des rayons du soleil. Si je suis entré dans tous ces détails, quelque minutieux qu’ils puissent paraître au premier d’abord, c’est que j'espère qu'ils serviront peut-être à épargner à d’autres observateurs beaucoup de peines inutiles et de cruels désappointemens. D'ailleurs ne ressort-il pas évidemment de ce qui précède que 1° Les Caridines, et probablement aussi tous les Crustacés décapodes, ont besoin de respirer une grande quantité d'air; 2° Que ce besoin se fait d'autant plus vivement sentir, que la température est plus élevée; 3° Qu'il est plus impérieux chez les femelles qui ont des œufs que chez celles qui n’en portent pas; 4° Enfin, que sous les deux derniers points de vue, ces inver- tébrés ressemblent aux animaux plus élevés qu'eux dans la série, notamment aux Batraciens (1) et aux Vertébrés qui se livrent aux soins de l’incubation. Expériences sur la respiration des Caridines. Quant au mé- canisme de la respiration lui-même, et au rôle que joue l'eau dans cet acte important , ce n’est point ici le lieu de nous en occuper. D'ailleurs, nous n’aurions rien à ajouter aux beaux travaux que MM. Flourens (2) et Milne Edwards (3) ont publiés à cé sujet, et nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer aux Mémoires de ces illustres académiciens. Disons toutefois que nous avons répété, pour notre instruction particulière, quel- quesunes de leurs expériences les plus concluantes, et que nous sommes demeuré convaincu de leur parfaite exactitude. Ainsi, en (x) Williams Edwards : De l'influence des agens physiques sur la vie. (2) Expériences sur le mécanisme de la respiration des Poissons, Aunales des Sciences nalurelles , tome xx , page 5 , 1°* série. (3) Recherches sur le mécanisme de la respiration chez ies Crustacés, Annales des Sciences paturelles , 2° sér. ,t. x1, p. 129. 3OLY. — Sur la Caridina Desmarestii. 51 enlevant la deuxième paire de mâchoires, et même en nous bor- nant à tenir immobile l'espèce de palette ou valvule attachée à son côté extérieur, nous avons fait cesser tout-à-coup le courant formé par l’eau qui s’'échappait du canal efférent des branchies. Ce courant recommençait quand nous permettions à la valvule de reprendre ses mouvemens accoutumés. Nous avons aussi voulu savoir jusqu'a quel point nos Cari- dines pouvaient respirer hors de l’eau, où mieux, combien de temps elles vivraient dans un vase dont les parois et le fond étaient maintenus dans un état d'humidité constante, et nous avons vu ces petits Crustacés se conserver pleins de vie pendant près de deux jours (1). Notons ici que les individus soumis à cette expérience n'avaient pas encore atteint l’âge adulte, et que la température du lieu où ils étaient placés s'élevait pendant la durée de l'expérience de 30° à 33° cent. Concluons donc, avec MM. Audouin et Milne Edwards, que les branchies des Crustacés peuvent servir à la respiration aérienne comme elles servent à la respiration aquatique, mais qu’en général le desséchement qu’elles éprouvent à l'air agit comme une cause puissante de mort. (2) Ponte. Quoique nos observations sur le Crustacé qui fait l'objet de ce Mémoire aient duré plus d’un an, quoique nous ayons acquis la certitude que la ponte a lieu chez les femelles à différentes époques (3), nous n’avons jamais pu être témoin de cette opération. Nous savons seulement que les œufs une fois pondus s’attachent aux fausses pattes de la femelle, et que leur développement s'opère dans l’espace de vingt à vingt-cinq (x) On sait, d'après les belles expériences de M. Floureus, que, si leurs branchies sont maiutenues humides , les Poissons continuent à respirer dans l’air et y absorbent exactement la même quantité de fluide atmosphérique qu’en respirant dans l’eau. La respiration aquatique diffère donc moins de la respiration aérienne qu'on ne le croirait au premier abord. Aussi , J: Muller fait-il observer avec juste raison qu'une surface humide est nécessaire même pour la respiration pulmonaire. Elements of Physiologie, translated by W. Baly, 2° édition, tome 1, page 331. (2) Mémoire sur la respiration aérienne des Crustacés , Annales des Sciences naturelles, tome xv, page 85, 1°° série. (8) Nous avons trouvé des femelles portant des œufs depuis le mois d'avril jusque vers la fn du mois d'août. 52 JOLY. — Sur lu Caridina Desmaresti. jours, suivant le degré plus ou moins élevé de la température. Le nombre des œufs lui-même varie de 3 à 400. Accouplement. Malgré tout notre désir de substituer des faits positifs aux simples conjectures que possède la science sur l'ac- couplement des Crustacés, il nous a été également impossible de rencontrer deux Caridines se livrant à l'acte de la repro- duction. Mue. Quant à la mue, qui s'effectue presque toujourspendant la nuit, nous l'avons suivie avec toute l'attention que nous a per- mise la rapidité avec laquelle elle s'opère, et en comparant nos observations avec celles que Réaumur a publiées il y a cent quarante ans sur le même sujet (1), nous avons eu une nouvelle occasion d'admirer les soins scrupuleux et la rigoureuse exac- titude qu'il apportait dans l'art si difficile d'interroger la nature et de surprendre ses secréts. Comme l’'Ecrevisse fluviatile, la Caridine de Desmarest, au moment de muer, se couche sur le côté, et perd en grande partie sa transparence habituelle. Assez long-temps elle reste presque immobile, puis elle est agitée de quelques mouvemens con- vulsifs pendant lesquels son abdomen se recourbe et s'étend à son tour; enfin, on la voit frotter ses pattes les unes contre les autres, soulever sa carapace, détendre sa queue comme un ressort, et quitter sa dépouille avec la promptitude de l'éclair. Quelque difficile que soit cette opération, elle ne dure pas or- dinairement plus d’un demi-quart d'heure, et il est assez rare qu’elle entraine immédiatement la mort de l'animal, lorsque celui-ci est pourvu de tous les organes extérieurs propres à l’âge adulte. Nous verrons plus tard qu’il n’en est pas de même de l'individu nouvellement éclos. Quant à la dépouille elle-même, on la prendrait volontiers pour une autre Caridine, si sa transparence parfaite, son peu de consistance, et surtout la déchirure des membranes qui Pu- nissaient à la carapace, à l'abdomen ne s’opposaient à cette erreur. Tous les organes extérieurs de l’animal y sont fidèlement re- présentés comme autant de moules où ces organes auraient pris (1) Mém. de l’Acad. des Se, , années 1532 et 1718. ox. — Sur la Caridina Desmarestii. 53 leurs formes distinctives; on y trouve méme plusieurs parties in- térieures, savoir, l’œsophage, estomac avec ses nombreux car- tilages et une partie de l'intestin; nouveau fait qui, ajouté à beaucoup d’autres, prouve, de la manière la plus incontestable, que le tube digestif n’est autre chose que la peau repliée à l'in- térieur, et qu'il est soumis, chez un assez grand nombre d’ani- maux, à des rénovations semblables à celles qu'éprouvent les tégumeus extérieurs. On nous demandera sans doute comment notre Salicoque peut retirer de leurs. fourreaux ses pattes didactyles dont le carpe et la main sont beaucoup plus gros que les articles pré- cédens. Nous avouons franchement que nous n'avons pas été témoin du procédé qu'emploie l'animal; mais, à en juger par sa dépouille, nous ne doutons pas qu'il ne parvienne à dégager les pattes en question par un moyen tout-à-fait analogue à celui auquel l’Ecrevisse a recours. En effet, en examinant avec soin sa dépouille, nous avous vu les tégumens de la main déchirés à l'endroit que nous avons appelé le talon : la membrane qui unit le carpe à la pince était en grande partie brisée; enfin le carpe lui-même et les autres articles plus rapprochés du corps étaient fendus longitudinalement et comme divisés en deux par- ties égales. Quant à la matiere gluante qui, selon Réaumur, réunit et colle les deux moitiés de ces étuis lorsque la mue est terminée, il paraît qu’elle n'existe pas chez nos Salicoques. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'à un grossissement même assez faibie, nous avons toujours pu apercevoir l« fente qui divise les fourreaux, et nous n'avons jamais éprouvé la moindre difficulté à isoler les deux portions qui les composent. D'après les faits que nous venons d'exposer, il est facile de juger l’accord qui règne entre nos observations et celles de Réaumur. Cependant, outre la particularité que nous avons si- gnalée en dernier lieu, elles en différent encore sur un autre point beaucoup plus essentiel. L’illustre auteur des Mémoires Pour servir à l’histoire des Insectes assure qu’au moment de la mue l’ancien estomac de l’Ecrevisse devient la proie de celui qui s’est nouvellement formé (1). Pour se convaincre qu'il ne (4) Men, de l'Acad. des Sc, , année 1712 , page 239. 54 soiyx. — Our la Caridina Desmarestir. se passe rien d'aussi merveilleux chez la Caridine Desmarestü , on n’a qu’à examiner avec soin sa dépouille, et l’on est sûr d’y rencontrer toujours l’ancien estomac de l'animal. Enfin une dernière différence sur laquelle nous devons attirer un instant l'attention du lecteur, c’est celle qui est relative au nombre des mues que subit notre Salicoque. D'après Réaumur, l’Ecrevisse ne change de peau qu’une fois par an, et cette opé- ration n’a jamais lieu avant le mois de mai ni après celui de septembre; or, nous avons vu de jeunes Caridines se dépouiller en avril et même au mois de novembre; nous pouvons même établir en principe que ces animaux muent très souvent, tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge adulte; on en jugera par les tableaux suivans : Un individu que je conservais depuis le 29 mai, et qui avait déjà changé de peau plusieurs fois au moment où je le mis en observation (9 juillet 1841), mua encore dans la nuit du 15 au 16 juillet. Autre mue dans la nuit du 25 au 26 éd. Autre mue dans la nuit du 4au 5 août. Autre mue dans la nuit du 14 au 15 id. Autre mue dans la nuit du 24 au 25 id. Je n'ai pas poussé plus loin cette observation. Sur un autre individu à-peu-près du même àge, voici ce que j'ai observé : Mue dans la nuit du 10 au 11 juin. Autre mue dans la nuit du 18 au 19 éd. Autre mue pendant le jour le 26; mort le même jour. Ces deux tableaux suffiront pour prouver combien les mues sont fréquentes chez les jeunes Caridines. Le lecteur attentif aura même sans doute remarqué que ces mues s'effectuent presque toujours vendant la nuit et à des intervalles tellement réglés (de dix en dix jours pour le premier individu, de huit en huit pour le second), qu’il est possible d'annoncer d’avance le moment où l'animal se débarrassera deson ancien squelette tégu- mentaire : c’est en effet ce qui nous est arrivé souvent. Hâtons- nous d'ajouter que les individus adultes ne se dépouillent pas 3oLx. — Sur la Caridina Désmarestii. 55 aussi fréquemment que les jeunes : peut-être mème ne chan- gent-ils de peau qu'une fois chaque année. La difficulté que nous avons éprouvée jusqu'en ces derniers temps, pour les con- server en vie, ne nous a pas permis d’éclaircir ce point de fait sur lequel nous reviendrons peut-être un peu plus tard (+). Tout ce que nous pouvons avancer avec certitude, c'est que les femelles muent presque toujours immédiatement apres l’éclo- sion des œufs, très rarement deux ou trois. jours plus tard, quelquefois enfin pendant ou avant l'éclosion elle-même. Dans ces deux derniers cas, les œufs qui restent adhérens à la dé- pouille, quelque avancés qu'ils soient, meurent infailliblement. Disons, en terminant, que la nouvelle peau dont l'animal s’est revêtu a généralement une couleur différente de l’ancienne, et ne tarde pas à acquérir la consistance qui lui est propre; mais il nous est impossible d'adopter ici l'explication de Réaumur, car nous n'avons trouvé dans l’estomac de nos Caridines rien qui ressemblät à ces concrétions pierreuses que l’on désigne si improprement sous le nom d’yeux d’écrevisses, et à la dissolu- tion desquelles lillustre auteur des Mémoires pour servir à L'histoire des Insectes attribue l'induration des nouveaux tégu- mens. Reproduction des pattes et des antennes. On sait que l’4s- tacus fluviatilis, et beaucoup d’autres Crustacés, possèdent l’'étonnante faculté de reproduire leurs pattes et leurs antennes mutilées à dessein ou bien par accident. Des expériences di- rectes m'ont convaincu que la Caridina Desmarestii jouit aussi de ce singulier privilège. Le 15 juillet, j'enlevai à un individu de moyenne grandeur les trois derniers articles de la dernière patte du côté droit; le 26, ces trois articles (fig. 34, a, b, ce) s'étaient reproduits, ils étaient beaucoup plus transparens que les autres; la substance (x) Nous possédons cependant une observation qui semblerait prouver que les individus en état de se reproduire subissent plusieurs mues chaque année. Une femelle, dont les œufs étaient éclos le23 juillet, et qui avait changé de peau le 26, répéta la même opération le 3 août. Mais cette femelle , dont la première mue avait été postérieure de trois jours à l’éclosion des œufs , et qui, sous ce rapport, se trouvait dans un cas exceptionnel , ne pouvait-elle pas encore offrir une exception, en muant une seconde fois le 3 août ? 56 IOLY. — Sur la Caridina Desmarestlii. en semblait comme grenue, et l’on apercevait quelques poils à la naissance de chaque nouvelle articulation. Le 7 juillet, je casse la pince droite d’un autre individu de méme âge à-peu-près que le précédent. Il mue dans la nuit du 8 au 9, et je vois, avec une extrême surprise, qu'il s’est lui- même cassé tous les articles qui précèdent la main jusqu'au trochanter (1). Le 14 juillet, le sommet de cet article est rou- geàtre, et il porte deux mamelons enveloppés d’une membrane hyaline et très mince; le 20, j'aperçois trois articles bien dis- tincts (voy. fig. 35) ; le supérieur (a) forme déjà la pince, et il est muni à son sommet de quelques poils qu’on aperçoit à travers la membrane. La longueur de la patte ainsi reproduite est de i millim. 3. L’individu meurt le lendemain , probablement parce qu'il était resté trop long-temps sous le microscope. Mon intention n'étant pas de donner ici une histoire com- plète de la Curidina Desmarestii, mais bien de constater la réalité de ses métamorphoses, je ne m'étendrai pas davantage sur la reproduction des pattes de ce petit Crustacé. D'ailleurs ce phénomène offre, jusque dans ses moindres détails, tant de ressemblance avec ceux que Réaumur a si bien étudiés chez l'Ecrevisse, que je ne saurais mieux faire que de renvoyer à l’intéressant Mémoire de cet habile et consciencieux observa- teur. Sens. Le toucher semble résider surtout dans les antennes, et ‘on voit l'animal les agiter au moindre contact. Le goût et l’o- dorat nous ont paru aussi développés que chez l'Écrevisse elle- même. L'ouie existe aussi, à n’en pas douter, chez notre Cari- dine, mais nous ignorons quel en est le siège spécial. Quant à la vue, elle est excellente : il suffit de s'approcher du vase où l’on tient nos Crustacés captifs, pour les voir fuir sous les herbes ou sauter au-dessus du vase lui-même, lorsqu'il est peu profond. Locomotion. Outre les sauts rétrogrades et souvent très éten- dus que la Caridina Desmarestii exécute en débandant son ab- domen préalablement courbé en arc, elle peut encore nager (1) On sait que Réaumur a fait la mème observation sur l'Écrevisse fluviatile. JOLY. — Sur la Caridina Desmaresti. 57 avec vitesse au moyen de ses fausses pattes, et marcher avec ai- sance en s'appuyant principalement sur ses trois dernières paires de pieds thoraciques, les pattes didactyles étant alors presque toujours recourbées vers la bouche. Les poils et les épines nom- breuses dont ces organes sont garnis, lui permettent aussi de se cramponner facilement aux corps étrangers, et surtout aux plantes, qui lui servent tout à-la-fois d’alimens et d’abri. Accroissement et durée de la vie. Malgré la fréquence des mues, l'accroissement de nos Salicoques s'effectue avec lenteur: la durée en est probablement illimitée. Celle de leur vie m'est incounue. DEUXIÈME PARTIE. DÉVELOPP£MENT DE L'ŒUF ET MÉTAMORPHOSES. Examiné dans l'ovaire d’une femelle dont les petits étaient éclos depuis douze jours, les œufs nous ont présenté divers de- grés de développement que nous ferons brièvement connaître, avant de parler des changemens qu'ils subissent hors du lieu où ils ont pris naissance. Parmi ces œufs, les uns ressemblaient à une simple vésicule presque lenticulaire (PI. 4, fig. 45) renfermant des globules d’un très petit diamètre (b) (vitellus), et offrant à-peu-pres dans leur milieu une autre vésicule(c)(vésicule de Purkinje ?) parfaitement transparente (fig. 46). Plus tard, les globules sont beaucoup plus gros, plus distincts, et se trouvent réunis en plus grande quantité vers le centre que du côté de la circonférence (fig. 47). Plus tard encore, ils se répandent uniformément dans tout l’intérieur de la vésicule qui leur sert d’enveloppe. En cet état (fig. 48 ), ils commencent à se montrer légèrement colorés en vert, mais ils n’ont encore perdu ni toute leur transparence, ni leur forme arrondie. À mesure que les globules vitellins de- viennent plus nombreux, on les voit diminuer de diamètre: l'œuf S’allonge, se fonce en couleur , et ne conserve à-peu-près trans- parent qu'un espace ordinairement rapproché du gros bout {fig. 49). Enfin, quand le développement est encore plus avancé, 56 onyx. — Sur la Caridina Desmarestii. c'est-à-dire quand l'ovaire forme deux longues grappes vert- foncé situées au-dessus du foie et du tube digestif, les œufs sont complètement compactes, et prennent en se pressant les uns les autres les formes les plus variées. La figure 50 représente un de ces œufs encore logé dans la masse ovarique où il a pris nais- sance, et par conséquent enveloppé par les parois de l'ovaire lui-même. } A ce degré de son développement, l'œuf nous a paru formé uniquement d’une membrane très mince, recouvrant un amas de globules vitellins logeant entre eux des gouttelettes huileuses, ou du moins regardées comme telles par la plüpart des em- bryologistes. Une fois pondus, les œufs s’attachent aux fausses pattes de la femelle (fig. 19,e), et se recouvrent en même temps d’une membrane commune que l’on peut appeler avec Burdach »#em- brane nidulante. Cette membrane (fig. 55 , a), sans organisa- tion apparente, se resserre aux deux extrémités de chaque œuf, et se prolonge sous la forme d’un ou deux filamens plus ou moins gros (b, c) pour aller recouvrir les œufs voisins de la même maniere; de sorte qu'en ne l'étudiant point avec assez d'attention, l’on serait facilement disposé à croire que tous les œufs adhérent ensemble par de simples cordons semblables à ceux que Roesel a figurés dans ses mémoires sur l'Écrevisse. Débarrassés de cette enveloppe commune, les œufs, dont la forme est alors elliptique, apparaissent à l'œil nu comme des grains verdâtres de la grosseur d’une graine de pavot. En étu- diant leur composition au microscope, nous y avons trouvé : 1° Un chorion assez épais et parfaiternent transparent ; 2° Une couche d’albumen si mince, que nous avons long- temps douté de son existence ; 3° Une membrane vitelline tres délicate; 4" Une masse de globules vitellins entremélés de gouttelettes d'huile très grosses et très nombreuses, et d’une foule de glo- bules plus petits, qui constituent probablement le b/astoderme » ou membrane proligère , qu'il nous a été toutefois impossible d'apercevoir d’une manière bien distincte. :d | Un de ces œufs observé le 22 juillet, deux ou trois jours après 3oLx. — Sur la Caridina Desmarestii. 59 la ponte, n'avait pas encore subi de modifications très impor- tantes. Le 25, on distinguait seulement à l’une de ses extrémités un croissant (a) transparent, dont les cornes étaient tournées vers le bout opposé (fig. 56). Pour les changemens ultérieurs de l'œuf, je vais transcrire ici les notes de mon journal. 27 juillet. Au lieu d’un simple croissant , on aperçoit aujour- d'hui une masse blanchätre, comme granuleuse et diaphane (fig. 57}, divisée par trois lignes transversales en quatre por- tions d’inégale étendue. La plus grosse (a), qui est en même temps a plus inférieure, représente l'abdomen et la queue de l'embryon naissant. Un petit mamelon, percé à son sommet, in- dique la place de l'anus (8). Les trois autres bandes transver- sales (ce, d, e) sont les indices des pattes thoraciques de la larve future. Une ligne obscure (/), placée en avant de ces mêmes bandes, marque l'endroit où la partie postérieure de la carapace apparaîtra bientôt. On voit même qu’au-dessus et de chaque côté de cette ligne, les globules vitellins ont considérablement di- minué de diamètre, et que la place aw’ils occupent est un peu plus transparente que le reste de l'œuf, où les globules sont, au contraire, assez gros et mélés d’une foule de gouttelettes huileuses de diamètres différens , mais considérables pour cer- taines d’entre elles. Écrasé sous le compresseur , l'œuf laisse échapper les globules qu'il contient, mais un grand nombre de ceux-ci ont déjà perdu en partie leur transparence, leur surface paraît comme granuleuse ; enfin ils sont beaucoup plus adhé- rens entre eux qu'ils ne l’étaient anparavant. | 29 juillet. Au lieu de trois lamelles ou bandes transversales , j'aperçois aujourd'hui six appendices latéraux (&,b,e,d,e,f, fig. 58 ), dont les supérieurs sont surmontés d’une masse blan- châtre et transparente (:) d’où semblent partir deux autres ap- pendices (g, h) dirigés vers la partie inférieure de l'œuf. Ces derniers ne sont autre chose que les antennes externes et in- ternes : la masse qui les surmonte constitue la portion cépha- lique de l'embryon (5). Les trois appendices latéraux récemment formés (f, e , d) représentent les mandibules et les deux paires de imächoires ; ceux qui les ont précédés dans l’ordre d'appari- 6o JOLY. — Sur la Caridina Desmarestii. tion sont, avons-nous dit, les rudimens des pattes thoraciques (a, b, c). Notons, comme un fait essentiel, que les deux plus inférieurs sont déjà bifurqués ou plutôt bilobés. Quant à la portion abdominale, elle s’est allongée et recourbée en avant et en dessous du côté de la tête. Le canal intestinal (7) existe sous la forme d’un tube transparent renflé à son point d’origine. Le cœur ne parait pas encore; enfin la carapace (/) commence évidemment à recouvrir la base de l'abdomen, des pattes tho- raciques, des mâchoires et des mandibules. Placé sur le porte-objet du microscope, l'embryon s'y décom- pose presque au même instant, et il est à peine possible de dessiner une seule de ses pattes sans la voir se déformer en moins d’une minute et diffluer sur-le champ, comme le font les Infusoires au moment de mourir. Les globules vitellins adhèrent pour la plupart les uns aux autres; plusieurs d’entre eux ont un volume considérable; il en est de même des gouttelettes hwi- leuses. 31 juillet. Deux organes nouveaux apparaissent aujourd'hui, ce sont l’œil, qui ressemble à une simple tache de couleur brune, et le cœur, qui se présente sous la forme d’un fuseau creux et transparent situé au-dessus du canal digestif : il ne bat pas encore. 1% août. Le cœur (fig. 59, g) bat 35 fois par minute : la tache oculaire (j) s’est allongée et a pris une teinte plus brune. La portion céphalique (i) s'est agrandie, les antennes (g, A) et les pattes thoraciques se sont allongées, celles-ci se sont distincte- ment divisées en deux branches. Les appendices buccaux (4, e,f) rappellent maintenant, par leur forme , celle qu’avaient les pattes au moment où elles commençaient à se développer. La rapace (/) est comme guillochée; ses parties latérales atteignent maintenant le niveau des taches oculaires. Il en est de même de la queue (p), qui se montre comme bilobée où du moins comme pourvue d’une forte échancrure. Une tache obscure (w) y in- dique la place de l'anus. La masse vitelline (4) a considérable- ment diminué depuis trois jours; les globules les plus rapprochés de la naissance du tube digestif sont très petits, transparens et colorés légèrement en rose; ce tube lui-même s’est élargi comme pour les englober. Des poils gros, courts et d’une transparence 1OLY. — Sur la Caridina Desmarestii. Gi telle qu'on peut à peine les apercevoir, existent à l'extrémité de la queue, des pattes et des antennes. Retiré de l’œuf, l'embryon difflue avec la plus grande facilité; au bout d’une minute, il n'offre plus qu’une masse informe et tout-à-fait méconnaissable : aussi m’a-t-il fallu sacrifier plus de vingt individus pour achever, ou plutôt pour composer pièce par pièce celui qui est représenté figure 63. Le décrire ici, ce serait le décrire deux fois; aussi nous con- tenterons-nous de renvoyer à l’explication des figures, en ayant soin de faire observer seulement qu’à cette époque de son exis- tence l'animal peut être divisé en deux moitiés à-peu-près égales, lune pour la tête et le thorax, l’autre pour l'abdomen et la queue. Nous verrons bientôt régner une étonnante dispropor- tion entre ces deux parties. Notons encore que, desséché sur le porte-objet, le corps de l’ernbryon y prend déjà en quelques points cette couleur rouge que nous avons déjà signalée chez l'adulte. Inutile de dire que chez celui-ci la teinte est plus foncée. 3 août, quatre heures du soir. La queue atteint l'extrémité supérieure de l’œuf. La tache anale est maintenant placée entre les deux yeux ; sa couleur est d’un rouge brun. Deux autres taches de la même nuance se trouvent surchacun des lobes de la queue. Les yeux sont plus noirs, plus gros et plus éloignés du vitellus, qui s’est sensiblement réduit, et a laissé à découvert une plus grande partie de la tête et de la carapace. Le cœur bat environ 120 fois par minute; il se prolonge en avant et en arrière pour former les artères ophthalmique et abdominale supérieure. Les mouvemens de systole et de diascole se font sentir dans cette dernière jusque vers le voisinage des yeux. La teinte rougeâtre des globules situés au commencement du canal intestinal est bien plus prononcée. L’intestin exécute déjà quelques faibles mouvemens ondulatoires; l'embryon lui-même est agité de temps en temps par de brusques secousses assez semblables à des tré- moussemens. Bien que son développement soit déjà très avancé, il ne peut encore se passer de l’incubation maternelle, car tous les œufs que J'ai isolés de la femelle qui les portait sont morts dans l’eau au bout de quelques heures. 62 Joux. — Sur la Caridina Desmarestii. 5 août. La queue (fig. Go, p) s’est recourbée au-dessus de la tête. On aperçoit très distinctement , à travers les membranes de l’œuf, les poils(x), dont elle est garnie à son extrémité. On voit aussi les poils placés au bout des pattes (y) et des an- tennes (z), qui se sont beaucoup allongées, et sur lesquelles il existe déjà quelques articulations , il est vrai, peu distinctes. Les corps vitrés (#) commencent à paraitre autour de la tache oculaire (7), qui est maintenant d’un beau noir. Les globules vitellins paraissent comme réunis en plusieurs petites masses ou lobules verdâtres; ceux qui semblaient englobés dans l'intestin se sont revêtus d’une mince membrane et sont presque toujours en mouvement; ce sont les lobes postérieurs du foie qui com- mencent à se former. Le labre existe, mais il est caché par l'abdomen; sauf l’espace occupé par l'œil et la masse vitelline, le reste de l'œuf est d’une transparence parfaite. Le cœur bat 500 à 210 fois par minute, et cependant la circulation des glo- bules sanguins n’est pas encore établie; l'intestin est vide, mais il exécute des mouvemens vermiculaires très marqués. Extrait de l'œut et mis dans une goutte d’eau, l'embryon (fig. 64) y meut déjà son abdomen coinme il le fera plus tard, mais il ne peut y vivre au-delà de quatre minutes; la diffluence n’a plus lieu, bien que tous les organes se soient un peu déformés au bout de deux ou trois minutes après la mort de l'animal. En l'examinant avec attention lorsqu'il est encore en vie, on voit qu'il est enveloppé d’une membrane excessivement mince qui suit toutes les sinuosités du corps, forme une espèce d’étui au- tour de tous ses appendices et enveloppe même les poils placés à leur extrémité (1). Elle se déchire assez souvent quand l’ani- mal est sur le porte-objet : alors les poils s’étalent tout-à-coup ; séparé de la mère, l'œuf ne peut éclore. 8 août. L’abdomen (fig. 61 et 62, eo) commence à présenter (x) Cette membrane, qui persiste quelquefois plusieurs minutes après l’éclosion , a été aperçue par le capitaine Ducasse sur la larve du Cancer mænas. On ne peut la considérer comme l'analogue de celle que Dugès a observée sur le fœtus de la Mante religieuse et du grand Hydrophile, et qu'il a désignée sous le nom d'amnios ; car entre elle et le chorion se trouve une autre membrane dont nous allons parler dans un iastant, et qui mériterait peut-être mieux la dénomination d’amnios ou de membrane amniotique. sozx. — Sur la Caridina Desmarestii. 63 quelques segmens bien distincts, et la queue (p) recouvre pres- que la moitié antérieure de la portion tergale de la{carapace. La tache anale (+) est d’un beau rouge; on aperçoit, à la naissance du segment caudal, une ligne transversale plus large (#”), mais colorée de la même manière. Deux lignes d’un rouge brun (5, 2) paraissent situées, l’une vers le milieu, l'autre à la partie pos- térieure de la masse vitelline (£); les yeux (7) sont manifeste- ment composés et d'un volume encore plus disproportionné à celui de la tête qu’ils ne l’étaient les jours précédens; la cara- pace est munie à son bord antérieur d’une épine très courte (m rostre); l'appendice buccal qui précède la première patte bifide (deuxième mâchoire d) s'est bifurquée; les pattes bifides elles-mêmes sont devenues très longues (a, b, c); il en est de même des antennes, dont les extérieures sont presque aussi longues que la carapace elle-même (/). Le cœur (g) bat environ 300 fois par minute; mais la circu- lation n'existe pas encore. La portion du vitellus la plus rappro- chée du cœur est comme ballottée sans cesse, tantôt dans un sens , tantôt dans un autre. Les plus petits globules vont et viennent le long du canal intestinal. Celui-ci s’est beaucoup avancé vers la tête, et la masse vitelline({), devenue un peu transparente à la place qu'il occupe, conserve encore ailleurs sa couleur verdâtre et à-peu-près la mème opacité. Evidem- ment elle est divisée en plusieurs portions ou lobules consti- tuant un foie(z), dans lequel on distingue de nombreuses gouttelettes d'huile. L'animal meut assez souvent sa queue [ses pattes et ses antennes. Parvenu à ce point de son développement, l’œuf pent éclore lors même qu’on le soustrait à l'influence maternelle, et l’éclo- sion a lieu un ou deux jours après. Aucun changement notable pe s’y fait remarquer dans ce court intervalle, si ce n’est qué la masse vitelline diminue de plus en plus. Au moment de la paissance , elle se réduit à quelques globules accompagnés de grosses gouttes huileuses. 10 août. Les œufs laissés à la mère éclosent les uns dans la nuit du 9 au 10, les autres dans la journée du ro août , c’est -à- dire après 20 ou 21 jours d’incubation. 64 sozy. — Sur la Caridina Desmarestii. La manière dont l’éclosion se fait mérite de fixer un instant notre attention. Si nous placons sur le porte-objet du microscope quelques œufs semblables à celui que nous avons représenté fig. 6r, en ayant soin de la mettre dans une quantité d’eau suf- fisante pour les maintenir en vie, nous verrons avec un peu de patience le chorion se déchirer sur quelques-uns d’entre eux , et l'embryon en sortir brusquement encore enveloppé d’une tunique membraneuse, d'une transparence extrême et d’une assez grande élasticité, pour se prêter à tous les mouvemens du jeune individu , et suivre toutes les sinuosités qui sont alors la conséquence de ce mouvement, alors très prononcé, surtout du côté de la queue , des pattes thoraciques et des mâchoires extérieures. Celles-ci s’agitent déjà comme chez la larve nouvel- lement éelose. Du reste , tous ces organes et le corps lui-même conservent à-peu-près la position qu'ils avaient dans l’œuf, quand le chorion en faisait partie. Seulement, comme la tunique qui les enveloppe s’est agrandie dans tous les sens , les divers appendices qui appartiennent à la face ventrale (et notons bien que tous sont dans ce cas) se sont un peu écartés les uns des autres, et sont conséquemment devenus plus distincts. Cette tunique contient-elle un liquide qui baigne le fœtus , et mérite- t-elle le nom d’amnios , que nous serions tenté de lui donner? Nous le croyons; mais le défaut d'observations précises nous empèche de rien affirmer à cet égard. Quoi qu’il en soit, ordi- nairement l'animal brise cette frêle enveloppe quelques minutes après que le chorion s’est lui-même entr'ouvert, et il paraît alors entouré de cet é/ui dont nous avons déjà parlé , et qui pourrait bien n'être autre chose que la membrane vitelline elle-même; mais il reste très peu de temps en cet état. Au bont d’une minute tout au plus, il brise la dernière enveloppe qui l'entoure , les poils s’étalent, ses mouvemens deviennent très agiles, et il se montre sous la forme où on le voit représenté fig. 65. (1) (x) Il n’est peut-être pas inutile de faire observer qu’au moment de l’éclosion, les œufs sont sensiblement plus gros que dans les premiers jours de l’incubation. La membrane qui en- loure l'animal en forme d'étui, ne pourrait-elle pas, dès-lors , être considérée comme le ré- sultat d'une première mue qui commence à S'opérer dans l'œuf ? Joux. — Sur la Caridina Desmarestii. 65 Avant de le décrire, jetons un coup-d’œil d'ensemble sur les phénomènes qui se sont offerts à notre examen pendant le déve- loppement de l’œuf, et cherchons à tirer les conséquences qui semblent découler des faits que nous avons observés. Nous avons vu tous les organes, même les yeux et les antennes, qui occu- peront plus tard la face dorsale du corps, se former à sa face ventrale. Nous avons vu une ressemblance frappante exister entre tous les appendices au moment où ils commencent à paraître , et se conserver encore long-temps après leur appari- tion. Ainsi donc, s'il est vrai, comme nous le présumons , que les pattes bifides du fœtus se transforment plus tard en pattes manducatrices , l'histoire des Caridina fournit une preuve de plus en faveur de la théorie ingénieuse de H. Savigny sur l’intime ana- logie des organes locomoteurs et des organes de la mastication. Maintenant, si l’on se présente à l'esprit les recherches de Rathke sur l'embryogénie de l’écrevisse, n’est-on pas frappé des singu- lières différences que l’on remarque dans le mode de formation de deux animaux si voisins sous tant d'autres rapports? Ainsi, en nous bornant aux particularités les plus essentielles, chez l’Écre- visse , les antennes , le labre et les mandibules apparaissent en même temps que le tubercule abdominal. Chez les Caridines, au contraire, la formation de l'abdomen est'de beaucoup antérieure à celle des mandibules, du labre et des antennes. Les organes manducateurs de l'Ecrevisse se montrent avant ses pattes am- bulatoires. Chez nos Salicoques, on observe précisément tout le contraire. Tous les appendices masticateurs sont au complet dans l'embryon de l #stacus : il n’en existe que trois paires dans celui de la Caridina. Les pattes (1) de celui-ci sont bifides et ressemblent à celles des WMysis ; les pattes de celui-là sont simples et presqu’en tout semblables à celles de lindividu complétement formé. Enfin ,elles sont au nombre de cinq paires chez le fœtus de l'Ecrevisse. On n’en compte que trois paires chez l'embryon de notre Salicoque. Quant à l’ordre d'apparition des yeux , du cœur, de l'intestin, du foie et de la carapace, il est (1) Ou du moins les organes qui en tiennent lieu ; car les vraies pattes ambulatoires n'existent pas encore. £ XIX, Zoor, — Fevrier 5 66 JOEY. — Sur la Caridina Desmarestü. à-peu-près le même chez ces deux animaux: Chez tous deux enfin , le vitellus ne pénètre point en entier dans le tube diges- tif, soit avant, soit après l’éclosion. Mais la différence, sans contredit, la plus étonnante et la plus essentielle à noter, c’est celle qui est relative à l’état sous lequel l'Ecrevisse et la Caridine apparaissent aprés avoir brisé les membranes de l'œuf; s’il faut en croire le docteur Rathke, à l'exception des parties génitales, la première vient au monde pourvue de tous ses organes et sous la forme qu’elle doit garder toute sa vie (1). La seconde, au contraire, acquiert un grand nombre de parties nouvelles et subit des modifications assez importantes pour que nous nous croyions autorisés à leur donner le nom de vraies métamorphoses. Description anatomique de la larve de Caridina Desmarestii. Décrivons d’abord la Caridina Desmarestit à sa sortie de l'œuf (voyez fig. 65 et 66). Ce qui frappe le plus à l’instant où on la voit se mouvoir avec agilité au sein de la goutte d’eau placée sur le porte-objet du microscope, c’est la grosseur de ses yeux, comparée au volume de la tête: c’est la longueur de l'abdomen et la forme du segment cauda! qui le termine. La structure des antennes et des pattes n’est pas moins remarquable. Yeux. Si l'on examine les yeux avec plus d'attention, l’on s'aperçoit que la composition en est essentiellement la méme que chez l'adulte : seulement les pédoncules n'existent pas encore, et la cornée transparente, au lieu d’être, comme chez ce dernier, formée par la réunion d’un très grand nombre de facettes carrées, ne présente alors qu’une foule de cornées presque hémisphé- riques assez semblables à la cornée générale, dont elles font partie. Trois jours après la naissance , la cornée transparente offre toujours le même aspect (fig. 75 et 76). Antennes. Les antennes ont une configuration assez différente de celle qu’elles offrent chez l'adulte. Ainsi, le pédoncule des extérieures (fig. 67, a, b) est représenté par une simple tige 1) C'est sans doute par inadvertance que, dans le résumé qui fait partie de la physiologie de Burdach, le docteur Rathke a dit, tome r11 , page 116 : « Pendant cette période ( la qua tome), qui s'étend jusqu’à l'éclosion de l’Ecrevisse, il ne se forme plus rien de nouvean, si ce n'est les organes génitaux » . et un peu plus loin, page 118: « Z n'y a alors (cinquième période, postérieure à l'éclosion ) aucune trace d'organes génitaux. » 3OLx. — Sur la Caridina Desmarestii. 67 conique , portant à son sommet un poil cilié (d), qui deviendra le filament multiarticulé de l'animal parfait. Quant à l'appen- dice (c), qui recouvre l'antenne, il diffère peu de ce qu'il sera plus tard; mais son pédoncule est proportionnellement plus volumineux. Un gros pédoncule de trois articles (fig. 68,a,6,c),sup- portant à son sommet un mamelon (d), terminé par trois poils recourbés ét ciliés, et, à la base de ce mamelon, un poil plus gros (e), mais également cilié; telle est, à cette époque, la composition des petites antennes ou antennes internes. Notons ici que les antennes de la larve sont proportionnel- lement beaucoup plus courtes que celles de l'animal parfait, caractère qui se retrouve aussi chez les insectes proprement dits. Carapace. Quant à la carapace, elle ressemble à-peu-près à celle de l'adulte : seulement elle est plus large relativement à sa longueur, et le rostre (fig. 65 et 66, 2) est rudimentaire et dépourvu d’épines. Abdomen. L’abdomen se compose de six segmers d'autant plus longs qu'ils sont situés plus postérieurement (fig. 65 et 66). Chacun de ces segmens est presque cylindrique : on n’y voit pas ces singuliers prolongemens latéraux qui encaisseront plus tard la base des pattes natatoires; enfin le segment caudal (p) est simplement bilohé ou plutôt spatuliforme, et muni à son extrémité libre de cinq ou six poils semblables à ceux des an- tennes. L’anus (+) ouvert à sa base est entouré de stries rameuses couleur de vermillon. Sauf le segment caudal que nous venons de décrire, nous n'avons encore trouvé entre l'animal parfait et l’animal sortant de l'œuf aucune différence essentiellement caractéristique, Si les traits qui les distinguent se bornaient à ceux que nous venons de faire connaître, nous n’hésiterions pas à dire que ces diffé- rences sont de peu de valeur, et s'expliquent facilement par les développemens successifs que subit le jeune individu. Mais en poursuivant notre examen, nous allons bientôt nous convaincre qu'il n’en est pas ainsi. Etudions d’abord la structure de la bouche. Structure de la bouche. Si Von songe à la petitesse presque ». 68 Jouy. — Sur la Caridina Desmarestir. microscopique de l’animal (1) et à la transparence presque par- faite de toutes les parties de son corps, on concevra sans peine combien de difficultés nous avons rencontrées dans cette étude, et l’on ne s’étonnera pas que nous y ayons, à diverses reprises, consacré plus d’une semaine avant d'arriver à l'entière connais- sance des organes que nous cherchions. Tant que nous avons conservé des doutes, nous les avons exprimés avec sincérité (2); aujourd’hui nous croyons pouvoir affirmer qu'il n’existe chez la Caridina Desmarestii, à V'état de larve, qu’un labre, une paire de mandibules et deux paires de mächoires. Labre. Le labre (fig. 69) est charnu, de forme presque cir- culaire, et recouvre en partie les mandibules. Mandibules. Comparées à celles de l’adulte, les mandibules n'offrent rien de très particulier; aussi ne m’arrêterai-je pas à les décrire, persuadé que des dessins exacts peuvent suppléer à mon silence (voy. fig. 70 et 70 bis). Mächoires. Quant aux mâchoires, la première paire est formée de trois lobes inégaux, munis à leur bord interne de poils diver- sement configurés et de différentes longueurs (fig. 71 et 71 bis, a). La seconde paire (fig. 71 bis, b), également velue à son côté interne, est divisée d’abord en quatre lobes assez courts qui en forment la base; deux autres lobes plus grands, ou plutôt deux branches inégales obscurément multiarticulées, en occupent le sommet. Telles sont les parties que nous avons pu trouver dans la bouche de la jeune Caridine, après des recherches long-temps soutenues et des observations répétées à divers intervalles sur plus de cinquante individus récemment éclos. Passons maintenant à l’étude desappendices qui, à cette époque, servent-essentiellement à la locomotion et peut-être aussi à la respiration. Pattes bifides. À sa sortie de l'œuf, notre Crustacé ne possède (rt) I n'a pas plus de r,5 mill. de longueur, et l'abdomen en occupe à-peu-près les deux tiers. Sa largeur, prise au thorax , égale à peine un demi-millimètre. (a) Voir l'extrait d’une lettre que nous avons eu l'honneur d'adresser à M. Flourens ( Comptes rendus de l'Institut, 4 juillet 1842). 3OLY. — Sur la Caridina Desmaresti. 69 que trois paires de pattes dont la forme, comparée à celle des pattes thoraciques où ambulatoires de l'adulte, nous présente une foule de différences qui ressortiront de la description sui- vante : Toutes ces pattes ont essentiellement la même composition, c’est-à-dire qu’on y distingue un article basilaire (a) assez large , cilié à son côté interne, et portant à son sommet deux branches (tige B et palpe C) dont l’externe, qui est la plus longue, est divisée en quatre articles (d, e, f, g) de longueur inégale. Le dernier de ces articles est muni de deux poils tres longs fixés à son extrémité. Deux autres poils semblables sont placés à sa base : deux poils plus courts se voient aussi à la base de l’article qui le précède. à La seconde branche est divisée à-peu-près de la mème ma- nière, mais les poils y sont différemment placés. Afin d'éviter des détails superflus, nous renvoyons à l'explication des figures qui accompagnent ce Mémoire. Ajoutons seulement que les pattes bifides sont d'autant plus courtes et d’autant plus larges à leur base, qu’elles sont plus rapprochées des secondes mächoires avec lesquelles la première paire (A) présente encore beaucoup de ressemblance (voy. f. 92, 73 et 74). Quant aux pattes abdominales, il n’en existe alors aucun vestige. En réfléchissant sur les faits ci-dessus exposés, nous avons été amené à adopter une opinion qui paraîtra peut-être hasardée, mais que nous croyons devoir soumettre aux anatomistes qui se sont occupés d'embryogéuie. La composition de la bouche de la très jeune Caridine ne rappelle-t-elle pas celle des Squilles et même celle des insectes hexapodes? n’a-t-elle pas surtout la plus grande analogie avec l’organisation buccale des Scolopen- dres (1)? Ne trouvons-nous pas ici, comme chez la Scolopendra coleoptrata de Fabricius (Scutigera araneoides Latr.), un labre, une paire de mandibules et deux paires de mâchoires, dont les dernières peuvent fort bien représenter la lèvre inférieure? Or, (1) Voyez les Mémoires sur Les animaux sans vertèbres , par M. Savigny, premier fascicule Théorie de la bouche des Insectes apiropodes. 70 JOEY. — Sur la Caridina Desmarestii. telle est précisément aussi l’organisation buccale d’un insecte hexapode; mais là né se bornent pas les ressemblances que nous avons cru reconnaître entre notre larve de Caridine et les in- sectes proprement dits. Chez ces derniers on trouve, après les organes manducateurs, trois paires d’appendices que M. Savigny regarde comme les analogues des pieds-mâchoires des Crustacés Décapodes, bien qu’ils soient employés à la locomotion. Nous pensons nous-même que les organes essentiellement locomoteurs que nous avons désignés chez notre larve sous le nom de paites bifides, représentent les vraies pattes de l’insecte hexapode ; nous pensons qu’elles se transforment dans la suite en mâchoires auxiliaires; nous pensons enfin que cette larve est privée non- seulement de pattes abdominaies, mais encore de pattes tho- raciques, N'ayant pu, malgré tous nos efforts, conserver en vie nos Caridines plus de trois ou quatre jours, nous nous trouvons ‘ans Pimpossibilité d’étayer nos assertions de toutes les preuves qu'on est en droit d'exiger de nous; mais nous avons souvent rencontré, dans le canal du Midi, de très jeunes individus sem- blables à celui qui est représenté figure 36; et, quoique à cet àge ils fussent déjà constitués essentiellement comme l’animal aaulte, nous avons pourtant observé des différences assez mar- quées pour nous fournir quelques argumens à l'appui de notre opinion. Que l'on jette, en effet, les yeux sur la figure 38, et l’on re- connaîtra encore très facilement le palpe (ë) ou branche ex- térieure d’une des pattes bifides, dont la branche interne (a) a seulement changé de forme et de dimension pour devenir un organe manducateur. Ajoutez à cela qu'il existe un palpe presque semblable attaché à l’article basilaire de la tige des premiers et troisièmes pieds- mâchoires, et vous vous rendrez aisément compte de la trans- formation que nous cherchons à établir (voy. fig. 39, b). Ce n’est pas tout encore : on trouve aussi un palpe à la base des deux premières paires de pattes ou pattes didactyles de l'animal adulte (fig. 4o et 41 a). Nous le voyons exister aux mêmes pattes chez le jeune individu ici représenté; nous l’observons même à la troisième et à la quatrième paire de pattes thoraciques (fig. 42 Joy. — Sur La Caridina Desmarestir. 71 et 43 a), mais il y est rudimentaire ou plutôt atrophié. Il existe sans doute aussi à la cinquième à une époque plus rapprochée de la naissance; il nous semble donc très probable que, 1° Les trois paires de pattes bifides de la larve sortant de l'œuf se changent plus tard en mächoires auxiliaires ; 2° Les pattes thoraciques dont l'apparition est plus tardive commencent elles-mêmes par être bifurquées; 3° Le palpe des trois paires postérieures s’atrophie par les progrés de l’âge, tandis que celui des pattes didactyles subsiste jusqu’à la fin de la vie de lindividu , comme un indice du mode identique de formation de ces organes locomoteurs. Métamorphoses des organes intérieurs. La description que nous venons de donner des formes extérieures de notre Crustacé au moment où il sort de l'œuf, et le parallèle que nous en avons fait avec l'individu complètement développé, suffiraient, ce nou: semble, pour justifier le nom de métamorphose inscrit au com- mencement de ce Mémoire. Cependant, comme on ne saurait trop multiplier les preuves lorsqu'il s’agit d’une question sou- vent controversée, nous croyons devoir faire connaître main- tenant les principales modifications que la série des dévelop- pemens introduit dans l’organisation intérieure denotre Crustacé. Nous ne parlerons pas des organes génitaux qui ne se montrent que long-temps après l’éclosion. Quant aux branchies, l'individu sortant de l'œuf en est tout-a-fait dépourvu, et tant qu’il n’a pas atteint 3,5 millim. de longueur, on peut dire qu'il en demeure privé, où du moins qu’elles n'existent chez lui qu’à l’état de rudimens ; il parait même que ces organes se montrent assez tard , puisque l'animal offre déjà intérieurement la plus grande ressemblance avec l'adulte, que l'on n’en voit encore que quatre paires au lien de sept paires qu’on trouve chez celui-ci. Ces branchies se montrent d’abord sous la forme de simples lamelles échancrées et comme festonnées sur les bords, puis elles se divisent en deux rangs de feuillets peu nombreux et juxtaposés (voy. figures 36 et 37); enfin, par des additions successives de nouvelles lames, elles arrivent à la forme compliquée repré- sentée figure 24. 1] est à observer que les branchies du jeune individu sont d'autant moins développées, qu'elles sont situées m2 JOLY. — Our da Caridina Desmarestii. plus en arrière, et que la dernière paire de pattes en manque totalement; circonstance qui suffirait à elle seule pour indiquer que non-seulement la formation des branchies, mais encore celle des pattes ambulatoires a lieu d’avant en arrière, et s'accom- pagne d'un développement proportionnel dans la partie thoraci- que du corps de l’animal, si les dessins du capitaine Ducasse ne mettaient d’ailleurs ce fait à l'abri de toute contestation. Chez le Palæmon vulsaris (lg. 78 bis), nous voyons, en effet, der- rière les pattes bifides trois paires d’appendices qui ne sont, selon nous, autre chose que les rudimens des trois premières paires de pattes ambulatoires de l'animal aûulte. Nous voyons, en outre, que la carapace du très jeune individu (fig. 36) est proportionnellement plus allongée que celle de la larve, plus allongée même que celle de l'animal parfait. Mais c'est surtout le tube digestif et ses annexes qui vont nous offrir les différences les plus tranchées. Organes digestifs de la larve comparés à ceux de l’adutte. Chez l'individu qui vient de naître, l'œsophage se recourbe en haut et en arrière pour pénétrer dans l'estomac, qui n’est alors qu'une dilatation à peine sensible du canal alimentaire (fig. 77, a) et dépourvu de cet appareil cartilagineux si compliqué que nous allons décrire chez l'adulte. Le reste du tube digestif (a) s'étend en ligne droite jusqu’à l'anus et n'offre rien de remar- quable, si ce n’est sa transparence et sa minceur extrême. Ce tube est presque constamment vide, même chez les individus. qui ont déjà deux ou trois jours, et il exécute alors des mou- vemens vermiculaires fortement prononcés. : L’intestin proprement dit de l'adulte (fig. 25) ressemble à celui de la larve sous le rapport de sa forme et de sa direction ; mais il n’en est pas de même de sa structure, surtout en ce qui concerne l’œsophage et le renflement stomacal. Si notre intention était de nous livrer à de simples études anatomiques, nous tâcherions de décrire aussi exactement et aussi minutieusement que possible l’organisation si compliquée et si difficile à comprendre de ces deux portions du tube ali- mentaire; mais nous ne devons pas oublier que notre but est le prouver qu’il existe de vraies métamorphoses chez la Cari- JoLy. — Sur la Caridina Desmarestii. 73 dina Desmarestit. Mettre en regard les parties internes et ex- terves de l'individu récemment éclos avec celles de l'animal parfait, nous a paru le plus sûr moyen de convaincre, et nous avons pensé que des dessins exacts pourraient nous épar- gner de longues descriptions. Aussi ferons-nous celle qui va suivre aussi succincte que possible, sans nuire toutefois à la clarté. Quand on a lu avec attention le chapitre de l’Anatomie com - parée de Cuvier, où ce grand zoologiste expose le fruit de ses observations sur l'estomac de l’Écrevisse ; quand on a suivi M. Milne Edwards dans la description si détaillée de ce même organe chez le Crabe commun, on s'étonne de l'immense com- plication de ce viscère et du grand nombre de pièces qu'il ren- ferme chez des animaux où la structure de la bouche est elle- même si compliquée. On est tenté de se demander à quoi bon cet appareil de dents aiguës ou tranchantes, de lames ou de leviers cornés , calcaires ou cartilagineux , dont il est presque impossible de fixer les usages précis. La surprise et l'incertitude ne sont pas moins grandes lors- que l’on étudie le tube digestif de notre Salicoque. Ici, l’œsophage (fig. 25 a et 27 A) est soutenu par diverses pièces cartilagineuses et garnies de poils, et surtout par deux espèces de crochets également cartilagineux (ec) , qui surmontent un appareil très curieux (B) appartenant à l'estomac. Ce viscère lui-même, situé en partie dans la tête, est d’une très grande capacité, et renferme une foule de parties que l’on distingue facilement après avoir enlevé les membranes qui les recouvrent, et qui ne sont autre chose que les tuniques de l'intestin pro- prement dit. La pièce la plus singulière de tout cet appareil consiste en une espèce de boîte en ovale aplati, dont chaque moitié est divisée dans le sens de son grand diamètre par dix ou douze lignes parallèles assez semblables aux côtes d’un melon (fig. 25 b et 27). Ces côtes sont formées par des lames cornées ou cartilagineuses, transparentes et d'une couleur brunätre. Si l’on enlève les cartilages qui entourent cette boîte et la main- tiennent fermée , alors on Ja voit se partager en deux comparti- mens égaux , et les lames cornées apparaissent garnies de poils 74 sozx. — Sur la Caridina Desmarestii. que l’on parvient à détacher aisément.(Voyez figure 33, une de ces lames. ) Au-dedans de cette première boîte, il en existe une seconde à-peu-près de même forme et de même dimension (fig. 30), mais dont les lames paraissent formées de lamelles empilées les unes sur les autres (fig. 32 ). Pour ouvrir cette seconde boîte, il suffit de détacher un des bords du cercle velu (fig. 30,2) qui en entoure le côté postérieur, ou bien d'enlever la plaque c qui la coiffe, ainsi que la boîte externe, à la manière d’un chaperon. Un grand nombre de baguettes ou leviers cartilagineux et hérissés de poils occupent l’espace situé au-dessus et derrière cet appareil (fig. 27 et 29,d,d,e,e,f,g)et contribuent soit aux mouvemens de bascule que l'estomac exécute presque continuellement, soit au maintien de ses parois. Qu'il nous suffise de les indiquer. Mais nous ne pouvons passer sous silence un autre appareil au moins aussi curieux que le précédent, et presque aussi difficile à décrire. Que l’on se figure deux longs tubes en cône renversé (fig. 27, m,n), parallèles et logés dans l'intestin, excepté à l'endroit qui correspond à leur sommet. Que l’on suppose qu’ils se prolongent à leur base de manière à former un disque membraneux tres mince (2), transparent, de figure elliptique, et percé dans son milieu d’une ouverture très allongée (*), tournée vers la face postérieure de la double boîte stomacale. Enfin, imaginons une autre ouverture oblongue et très étroite, séparant deux plaques cartilagineuses (i) munies sur leur face supérieure de petits mamelons velus, et placées au-dessus de deux plaques plus grandes, mais à-peu-près semblables et disposées de la même manière. Enfin, représentons- nous une troisième paire de plaques (Æ) situées au-dessous des deuxièmes, et admettons que toutes ces plaques sont comme retenues ensemble par une mem- brane tres élastique, pouvant, par des allongemens et des raccourcissemens successifs, rapprocher et éloigner les pièces mamelonnées que nous venons de faire connaître. Nous aurons ainsi une Capsule communiquant avec deux longs boyaux, et renfermant un appareil de mastication très énergique, proba- blement analogue aux dents que lon observe dans l'estomac de sozyx. — Sur la Caridina Desmarestii. 75 l'Écrevisse. Cet appareil étant en grande partie caché dans la portion pylorique de l'estomac, et rendu opaque par les alimens qui sy trouvent, nous ne pouvons déterminer avec précision sa manière de fonctionner; nous sommes dans la même ignorance en ce qui concerne la double boite dont il a été précédemment question : aussi nous contenterons-nous d'ajouter que nous avons trouvé ces appareils constamment vides, ce qui semble- rait indiquer que les matières alimentaires ne font qu'y passer pour subir l’action des pièces diverses dont ils sont composés; nous ignorons également l'usage de deux gros cæcums (fig. 25, c)placés vers le commencement de l'intestin proprement dit; sont-ce des espèces de diverticulum ou réservoirs pour les sub- stances élaborées dans l'estomac : nous le croyons sans l’affirmer. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en pressant sur l'estomac, nous avons pu introduire dans ces espèces d’appendices les alimens qu’il contenait. Nous ne dirons qu'un mot du foie. Chez l'adulte, il se com- pose de deux masses principales (fig. 25, e) formées elles-mêmes d'une multitude de petits cœcums {fig. 26) dont les uns sont tout-à-fait transparens, tandis que les autres sont un peu opa- ques et légèrement jaunâtres. Mis dans l’eau, cet organe glan- duleux laisse échapper un grand nombre de gouttelettes hui- leuses qui forment, à la surface du liquide, de petites taches visibles à l’œil nu. Le foie de la larve (fig. 77, e) se compose de plusieurs petites masses lobulées auxquelles adhèrent des globules d'autant plus nombreux, qu'on l’examine à une époque plus rapprochée de Ja naissance : parmi ces globules, on aperçoit de grosses gouttes huileuses. La transparence de tous les organes et l'extrême petitesse de l'abdomen ne nous ont pas permis d’étudier le système nerveux soit dans l'œuf, soit dans l'individu qui vient de naître. Nous ne dirons donc rien des changemens qu’il subit chez l'adulte. Mouvemens de la larve. Quant aux mouvemens de la larve, ils différent considérablement de ceux de l'animal parfait: tantôt on le voit nager la tête en bas au moyen de ses pattes bifides qu'elle agite sans cesse; mais comme le poids de la partie anté- 76 JOLY. — Sur la Curidina Desmarestii. rieure du corps l'emporte de beaucoup sur celui de la partie postérieure, il en résulte que l’animal tombe souvent au fond du vase. Pour revenir à la surface, il recourbe en avant son abdomen, le débande ensuite avec force, et se trouve ainsi lancé obliquement en arrière à une distance assez grande de son point de départ. Il répète très souvent ces sauts brusques et rétro- grades que l'adulte n’exécute qu’autant qu’il se voit poursuivi. Durée de la vie. Après sa sortie de l’œuf, la larve de la Cari- dina Desmareslii parait manger très peu; car j'ai presque tou- jours vu le tube digestif des individus que j’examinais ou com- plètement vide ou à peine rempli dans sa moitié supérieure d’une substance verdâtre (Algues, Protococcus?) Peut-être ces individus ne trouvaient-ils pas, dans les vases où je les tenais captifs, une nourriture appropriée à leurs premiers besoins; peut-être aussi doivent-ils, dans les premiers jours qui suivent leur naissance, vivre dans des conditions toutes différentes de celles où je les avais artificiellement placés. Quoi qu’il en soit, je n'ai jamais pu les garder en vie plus de trois ou quatre jours, lors même que j'avais soin de réunir, autant que possible, les circonstances que je croyais favorables à leur conservation. (1) Mue. La première mue à lieu trois jours après l’éclosion. de la larve, et elle diffère principalement de la mue de l'adulte, en ce que l'animal ne quitte sa carapace qu'après s'être préala- blement débarrassé du reste de ses anciens tégumens (2). J'ai (x) Parmi les divers moyens que j'ai employés, je citerai surtout les deux suivans: j'ai mis dans des filets de gaze et dans des boîtes de ferblanc, percées de très petits trous, des femelles dont les œufs étaient près d'éclore , et j’ai placé les filets et les boîtes sur les bords du canal du Midi, à l'abri des rayous du soleil, La moitié inférieure de mes appareils plongeait seule dans l’eau. Le lendemain, je n’y ai plus trouvé que des cadavres. J'ai répété plusieurs fois sans succès la même expérience. (2) Ceci, pour le dire en passant, s'accorde parfaitement avec ce que Thompson a observé chez les Zoés, bien que M. Westwood ait prétendu (1. cit, page 316 ) qu'un pareil mode de dépouillement est tout-à-fait en opposition avec les principes suivant lesquels les animaux annelés , procèdent à la mue. Le fait a paru impossible à M. Westwood ; mais je puis affirmer qu'il a réellement lieu. Voici, du reste , ce que dit à cet égard le savant auteur du Mémoire sur d'existence supposée des métamorphoses chez les Crustacés : « The appearance of these limbs « (les pattes bifides) represented as perfectly disengaged in M. Thompson’ , PI, 2, fig. 11, « previous to the shedding of the cephalothoracie shield and anterior parts of the body is = totally at variance with the principles of ecdysis observable throughout the Ærnulosa , JOLY. — Sur la Caridina Desmarestii. 77 toujours vu tous les individus élevés en captivité succomber à cette pénible et dangereuse opération. Mais leur mort doit-elle être attribuée seulement à la mue? Je l’ignore complètement. Quoi qu'il en soit, les détails dans lesquels nous venons d'entrer nous semblent plus que suffisans pour nous autoriser à conclure que la Caridina Desmarestii passe, avant d'arriver à l’äge adulte , par une série de modifications auxquelles nous pouvons donner le nom de vraies métamorphoses. Existe-t-il de vraies métamorphoses chez la Caridina Desma- restii? — Qu'est-ce, en effet, qu’une métamorphose ? Parmi les diverses définitions qui en ont été données en his- toire naturelle , on peut, ce nous semble , adopter les deux sui- vantes, qui les résument toutes. « Je nomme métamorphose, dit Lamarck, cette particularité « singulière de l’insecte de ne pas naître soit sous la forme, soit « avec loutes les sortes de parties qu'il doit avoir dans son der- « nier état». (1) Lamarck a particularisé sa définition en l’appliquant aux in- sectes proprement dits; en voici une plus générale : « On entend par métamorphose , tout changement par lequel « un animal paraît autre qu’il n'était auparavant par l'addition « de nouveaux organes, ou l’occultation de ceux qu'il pré- « sentait. » (2) Or, quelle que soit celle de ces deux définitions que l'on veuille adopter, on verra que l’une ou l’autre s'applique parfai- tement aux modifications que nous avons décrites chez notre Crustacé. En effet, si l’on s’en tient à celle de Lamarck, il est facile de l'appliquer à notre animal, puisqu'il ne naït pas sous la forme, ni avec toutes les parties qu’il doit avoir dans son dernier état. (Al lui manque , entre autres organes essentiels, des branchies, un certain nombre d'organes manducateurs, des « in which the locomotive organs , at last the legs , are the last which are disengaged , and « the thoracic shield of the enclosed animal , the first portion exposed to view. It would in = fact be impossible for the Zoe to disengage the thoracie limbs without the thorax itself « beiug previously withdrawn from its covering » (1. cit, page 316). (x) Hist. nat. des Anim. sans vertéb, tome mm, page 277, première édition. (2) Lacordaire, Introduct. à l’Entomol. tome 1 , page 15. 78 ox. — Sur la Caridina Desmaresti. pattes ambulatoires, des pattes abdominales, une queue écail- leuse, un estomac complexe, etc.) D'un autre côté, il est évident que lorsque l'animal acquiert les parties dont il était privé au moment de la naissance, par l'addition de ces nouveaux organes, il parait autre qu'il n'était auparavant. Xci encore, la définition du mot métamorphose trouve une juste application. Voyons maintenant si les phénomènes que nous avons étu- diés peuvent se rapporter aux divers modes que comprend, suivant Dugès, celte opération très complexe qu'on appelle mé- tamorphose (1). Ces modes sont au nombre de trois : ° Développement, transformation simple ou évolution. Au premier mode se rattachent les modifications que su- bissent les antennes, les yeux, qui de sessiles qu'ils étaient d'a- mage , deviennent pédonculés, etc. * Formation de nouvelles parties. sus ce mode est comprise l'apparition des branchies , des pattes abdominales, des pattes thoraciques vraies, des pièces stomacales, etc. 3° Disparition de parties qui existaient auparavant. Exemple. Atrophie des palpes situés à la base des pieds am- bulatoires. Il y a donc ici tout à-la-fois destruction, formation et modifi- cation, et, par conséquent, vraie mélamorphose. Si l'on nous demande maintenant à quelle espèce de méta- morphose nous rapportons les changemens que subit notre Ca- ridina , nous répondrons qu'il nous est impossible de les faire entrer d’une manière précise dans aucune des divisions établies par Latreille ou par Fabricius. Il est évident que ces change- mens ne sont pas assez compleis pour que nous les comprenions parmi les métamorphoses totales ; mais il ne l’est pas moins qu'ils sont beaucoup plus nombreux et beaucoup plus marqués que ceux qu'éprouvent la Sauterelle, par exemple, et les autres Orthoptères ou Hémiptères, gui sortent de l’œuf avec toutes leurs parties , sauf les ailes, et qui ne subissent conséquemment {x) Physiologie comparée ; lome un, page 454. 3OLY. — Sur la Caridina Desmarestii. 79 que des métamorphoses partielles, des demi-métamorphoses. A la rigueur, il faudrait done un nouveau terme pour désigner les modifications que nous a présentées le Crustacé trouvé dans le canal du Midi, mais on peut s’en passer facilement, pourvu que l’on convienne de ne plus se servir du mot demi-métamor- phose dans le sens trop restreint qu’on lui a donné jusqu’à pré- sent, en l'appliquant d'une manière exclusive aux changemens qu'éprouvent avec l’âge certains ordres d'insectes proprement dits (Orthoptères, Hémiptères, et quelques Névroptères). (1) Que deviennent maintenant les argumens de M. Westwood, lorsque, se fondant sur les observations de Rathke au sujet de lEcrevisse, il croit pouvoir conclure par analogie que les autres Décapodes ne subissent pas de métamorphoses, et ne font que sé dépouiller périodiquement de leur enveloppe extérieure (2) ? Ne serions-nous pas en droit de lui répondre, en invoquant à notre tour l’analogie, et en nous servant des propres paroles de celui dont il a pris à tâche de renverser la théorie : « Dès que « la métamorphose à été prouvée dans un seul cas chez des « animaux aussi uniformes quant à leur structure que le sont les « Homobranches , nous pouvons en inférer sûrement par ana- « logie, en ce qui regarde Ja tribu dont nous venons de parler, « que cette métamurphose est un fait général. » Mais si analogie est souvent un excellent moyen de preuve, n'oublions pas que souvent aussi elle est trompeuse. Ne nous bâtons donc point d'établir une théorie sans exceptions avant d’avoir recueilli un nombre de faits suffisans pour nous pronon- (x) Lacordaire définit ainsi, d’après Latreille, la demi-métamorphose: « C’est celle où l'animal sort de Pœuf avec toutes ses parties, sauf les ailes qui se développent au fur et à mesure de la croissance » (Zntrod. à l'Entomol. tome 1 , page 14 ). A la définition qui précède, pe pourrait-on pas substituer celle qui suit? Za demi-métamorphose est celle où l'animal sort de l'œuf, ayant plus on moins la forme de l'adulte | mais privé d'un certain nombre d'organes essentiels qui se développent graduellement après plusieurs mues successives. (2) « Hence, since the organization of the Crustacea is more clearly analogous to that of the Vertebrata than that of the Péiloua, we arrive at one of the chief grounds for the generally received opinion amongst naturalists, that the transformations of the Crustacea consist merely in the periodical shedding of the outer envelope, without any metamorphosis being undergone or additional organs acquired ». ( Philosophical Transactions, 1835, part. 11, pag. 313.) 80 sozx. — Sur la Caridina Desmaresti. cer avec certitude. Notons cependant comme très précieuses pour la science les observations de Thompson et celles du capi- taine Ducasse, et, loin de les rejeter sous prétexte qu’elles sont incomplètes ou fausses, cherchons à les confirmer par des ob- servations nouvelles, suivies avec persévérance et sans idées préconcues. Sans doute, des noms tels que ceux de Latreille, Rathke, West- wood, sont des noms bien imposans, et personne n’est plus pé- nétré que moi de cette espèce de respect religieux qu'inspirent les talens supérieurs : personne aussi n’est plus porté que moi à se «soumettre à l'autorité, à celle de tels maîtres surtout; mais j'avoue que ma déférence trouve ici en ce moment de forts obstacles » (1). Je confesse même que les études que je viens de faire sur la Caridina Desmarestii me portent à attribuer beau- coup plus de valeur aux assertions de Thompson qu'aux argu- mens de M. Westwood. Quand je compare la description mal- heureusement si courte que le premier a donnée de la jeune Écrevisse , je ne puis m'empêcher d’y reconnaître de nombreux points de ressemblance entre cet animal et la larve du mien, qui est aussi une Zoé modifiée, pourvue d'une épine frontale et d’une queue en spatule, mais privée de nageotres sous-abdomi- nales ; en ur mot un animal tel , que je n'aurais jamais pu le considérer pour ce qu’il est réellement , si je ne l’eusse obtenu plus de vingt fois en faisant éclore sous mes yeux les œufs(2). Les figures que le capitaine Ducasse nous a laissées du Pa- læmon variabilis (Ditch Prawn ) et du Crangon vulgaris (com- mon Shrimp), me confirment encore davantage dans l'opinion que M. Westwood a eu tort d'avancer que les transformations des Crustacés consistent simplement dans des dépouillemens (x) Latreille, Hist. des Crust. et Insect. tome 1 , page 44. (2) Voici comment Thompson s'exprime au sujet de la jeune Ecrevisse: « The common « lobster undergoes metamorphosis less in degree than any of the other genera , and consisting « in a change from a cheliferous Schizopode to a Decapode, in its first stage being what I call « a modified Zoe, with a frontal spine, a spatulate tail , and wanting subabdominal fins , in « short, such an animal as would never be considered what it really is, were it not obtained « by hatchiug the spawn of the lobster ». Zoolog. Journal, numéro x1x, page 383, d’après M. Westwood, JoLx.— Sur la Caridina Desmarcstii. 8t périodiques de leur enveloppe extérieure, sans que l’animal subisse aucune métamorphose ou acquière aucun nouvel organe. Enfin, l’assertion du docteur Rathke me semble encore moins fondée , lorsqu'il dit: «2 n'est donc pas vrai que , comme l’a « prétendu Thompson , les Décapodes sortent de l'œuf dans un «état fort imparfait, et les changemens qui se passent encore « pendant l'accroissement ne méritent point le nom de métamor- « phoses » (1). Nous croyons, au contraire, qu'il faut admettre aujourd’hui que ce nom convient parfaitement aux modifica- tions que subissent après leur naissance, si ce n’est tous les Dé- capodes Macroures, au moins un bon nombre d’entre eux. Quant aux Décapodes Brachyures, n'ayant pas encore eu l'oc- casion d'étudier de visu leur embryogénie, nous nous abstien- drons d’en parler longuement. Cependant il n’est peut-être pas inutile de rappeler ici que le docteur Rathke lui-même assure que «la queue (abdomen) des embryons avancés en âge, même chez «les Crabes, est aussi grêle et anssi longue que celle de l’Écre- « visse au moment de l’éclosion , et qu’elle est même pourvue « d’un éventail. » (2) Un des principaux argumens employés par M.Westwood pour prouver que les Zoés ne peuvent jamais devenir des Brachyures, perd donc par cela toute espèce de valeur. Nous ne saurions non plus admettre avec ce savant entomologiste que les Zoés pourraient bien être des parasites qui, par un procédé encore inexpliqué, s’introduiraient à l’état d'embryon sous l'abdomen des Crabes. Enfin, pour exprimer notre pensée tout entière , les autres assertions de M. Westwood ne nous paraissent infirmer en rien celles de Thompson. De ce que celui-ci ne dit pas com- ment les pattes bifides et natatoires des Zoés deviennent des pattes simples et ambulatoires , il ne s'ensuit nullement que le changement n'ait réellement pas lieu. Vouloir réfuter des faits donnés comme positifs, en se basant sur des principes qui peu- vent être erronés, c'est s’exposer soi-même à tomber dans l'er- reur. Aussi lès opinions de M. Westwood sont-elles assez souvent (1) Physiologie de Burdach, tome uni, page 120, de la traduction française. {2} Physiologie de Burdach , tome ra, page 119. XIX, Zoo, — Fevrier. 6 82 JOLY. — Sur la Caridina Desmarestii. s’ontredites par ce que nous avons vu nous-même. Quant à ses observations sur des Crabes de terre conserves dans l'alcool, elles ne prouvent pas, selon nous, que les Crabes marins ne subissent pas de métamorphoses ; elles ne font tout au plus que constater une exception à un fait que les recherches de Thomp- son, du capitaine Ducasse et les nôtres, tendent à faire regarder déjà comme général. : CONCLUSIONS. Si nous résumons maintenant les points principaux que nous nous sommes efforcé d'établir dans ce Méruoire, nous verrons que : 1° L'animal désigné par M. Millet sous le nom d’Æippolyte Desmareslit, n’est point un Æippolyte ; 2° Par tons ses caractères essentiels, il appartient au genre Caridina (Milne Edw.), le seul qui renferme jusqu’à présent des Salicoques d’eau douce ; 3° Les phénomènes que nous avons observés en étudiant l’em- bryogénie de ce Crustacé, different, à beaucoup d’égards, de ceux que le docteur Rathke a décrits dans ses Recherches sur le développement de l'Écrevisse ; 4° La Caridina Desmarestii sort de l'œuf sous une forme dif- férente de celle de l'adulte, et se trouve alors privée de plu- sieurs organes très développés chez ce dernier (branchies, pieds- mâchoires, fausses pattes abdominales, appareil stomacal, ete.); 5° Les changemens qu’elle subit avec l’âge constituent de vraies métamorphoses, des métamorphoses beaucoup plus com- plètes que celles qu’éprouvent les insectes Orthopteres, les Hé- miptères et certains Névroptères ; 6° En rapprochant nos observations de celles de Thompson et du capitaine Ducasse, nous nous croyons autorisé à penser, contrairement à l'opinion généralement admise, que presque tous, et peut-être même tous les Crustacés Décapodes, sont sujets à de semblables transformations. 3OLY. - Sur La Caridina Desmarestir. 3 EXPIICATION DES FIGURES. PLANCHE 3. Anatomie de l’individu adulte. Fig. x. Caridina Desmarestii (Joly }, Hippolyte Desmarestit ( Millet), adulte, Grossi. — A, Grandeur naturelle. Fig, 2. Rostre détaché de la carapace. Fig. 3. OEil, — a, Son pédicule. Fig. 4. Facettes de la cornée transparente, Grossi 200 fois. Fig. 5. Labre. Fig. 6. Languette ou levre inférieure ? plus grossie que le labre. Fig. 7. Maudibule, — a et 8. Ses deux branches. Fig. 8. Mächoire de la première paire. — a, d. Tige; g. Palpe. Fig. 9. Mâchoire de la seconde paire, dont l’appendice valvulaire ou fouet (a) a été à dessin écarté de la tige, afin de faire voir la largeur et la forme de cet appendice, — d, Touffe de poils, dontil est pourvu à l’une de ses extrémités; À, c. Tige. Fig. ro. Mächoire auxiliaire ou pied-mächoire de la première paire. — a. b. Tige; : g- Palpe ; L. Branchie rudimentaire. Fig. 11. Mâchoire auxiliaire ou pied-mächoire de la deuxième paire. — a, L,c,d,e,f. Les six articles dont se compose la tige; g. Palpe; 4. Branchie. Fig. 12. Pied-mächoire externe ou de la troisième paire. — a, & ,e , d. Tige; g. Paipe; k. Branchie; i. Appendice cornée de l’article basilaire. N.B. Les six organes indiqués par les numéros 5-12 appartiennent au côté droit de l’aniroal. Fig. 14, Antenne interne droite. — a , b, c. Les trois articles du pédicule; d. Epine du premier article ; e, f. Filets de cette antenne. Fig. 18. Première patte thoracique ou patte didactyle antérieure (côté droit}, —a, 4, Les deux articles formant la hanche; c. Trochanter; 4, Bras; e. Carpe; f. Main; z. Doigt mobile; L. Appendice corné de l’article basilaire ; , Tubercule pilifère; 7. Poils épineux ; k. Poils placés au côté interne de l’article basilaire ; Z, Palpe. Fig. 16. Patte didactyle de la deuxième paire, Les mémes lettres indiquent les mêmes parties que dans la figure précédente. Fig. 27. Patte thoracique de la quatrième paire. — a et #, Les deux articles formant la hanche c. Trochanter ; d. Fémur; e. Jambe; f. Métatarse; g. Tarse ou doist; 4. Appendice corné de l'article basilaire; À, / comme dans la figure précédente. Fig. 18. Appendice corné de l’article basilaire de cette patte ( fouet rudimentaire ? ). — a. Extrémité fixée au dessous du tubercule pilifère ; #. Ouverture qu'elle présente; c, Extré- mité libre et recourbée pénétrant dans le mamelon 4 grossi 140 fois, Fig. 19. Fausse patte nataloire de la troisième paire (côté gauche ), vue en dessus. — Individu femelle. — à. Pédicule portant les deux lames 2 et c; d. Appendice digitiforme de la lame iuterne; e. OEufs attachés aux poils du pédicule. 6 84 JOLY. — Sur da Caridina Desmarestii. fig. 20. Patte natatoire de la première paire( côté gauche ) —/ndividu mäle,—a,b comme dans la figure 19 ; c. Lame interne, recourbée en faucille. Fig. 21. Patte natatoire de la troisième paire { côté gauche). Zndividu mäle.—a, b, c comme dans la figure 19; d. Ajpendice conique et velu , placé à côté du bord interne de la lame c, mais n'adhérant point à cette lame ; e. Appendice digitiforme , placé à la base du précédent. Fig. 22. Appeudice digitiforme isolé. Fig. 23. Queue. — a. Dernier segment abdominal; 2. Segment caudal; c, c, d, d. Lames latérales. Fig. 4. Une des branchies placées à la base des pattes thoraciques. Fig. 25. Tube digestif, — a. OEsophage; 2. Estomac et appareil stomacal ; c, Cœcums pyloriques ; d. Intestin proprement dit; e. Foie ; /. Segment caudal. Fig. 26. Lobules du foie. Très grossis. Fig. 27. Appareil stomaca!. — A. Portion de l'æsophage ; B. Double boîte stomacale, formée de lames cornées ou carlilagineuses, disposées comme les côtes d'un melon; c,d,e,e, Pièces cartilagineuses contribuant, comme des espèces de ressorts élastiques, aux mouvemens de bascule qu'exécute l'appareil ; f. Cercle cartilagineux entourant la partie postérieure de la double boîte slomacale, On voit derrière cette boîte un grand nombre de pièces cartilagineuses et velues, servant sans doute à opérer une division plus intime des substances alimentaires. — C. Capsule stomacale ; k. Disque membraneux elliptique , formé par le prolongement des tubes », #7; * Ouverture du disque ; é, k. Les plaques mamelon- nées ; / Membrane élastique qui les entoure, Très grossi. Fig. 28. Quelques-uns des mamelons des plaques £, À (fig. 27 ). Grossis 300 fois. Fig. 29. Boîte stomacale externe, ouverte par le milieu. — a , a. Ses denx moitiés, vues par leur face interne ; à , 4. Ressorts cartilagineux servant surtout à opérer les mouvemens de bascule; c, e. Cercle cartilagmeux; d,d,e,e,f, g. Diverses pièces cartilagineuses et velues. Très grossie. Fig. 30. Poîte interne, vue par sa face extérieure. — a , a. Ses deux moitiés ; 4. Cercle cartilagineux et velu qui l'entoure à sa face postérieure; c. Pièce placée comme un chaperon au-dessus de la boite, Tres grossie, Fig. 3r. Une des moitiés de la boite interne, vue par sa face extérieure. — a. Cercle cartilagineux et velu, indiqué par la lettre à dans la figure précédente. Très grossie. Fig. 32. Une des lames qui entrent dans la composition de la boite interne. Grossis 300 fois. Fig. 33. Lames faisant partie de la boîte externe. Moins grossies que les précédentes. Fig. 34. Patte monodactyle, dont les trois derniers articles, a,0, c, se sont reproduits au bout de dix jours, après avoir été enlevés à dessein à un individu adulte. Fig. 35. Patte didactyle de la première paire (côté droit }, dont j'avais enlevé la main, et que l'animal a cassé jusqu'au trochanter (4). La main (a) et les deux articles qui la précèdent (4, e) sont déjà bien visibles. On aperçoit aussi la membrane qui entoure la patte reproduite , ainsi que les poils qui terminent la pince, xoLx. — Sur la Caridina Desmarestit. 85 PLANCHE 4. Anatomie de l'individu trés jeune. Fig. 36. Individu de 3,5 millunètres , qui a déjà subi presque toutes ses melamorphoses. Grossi. — A. Grandeur naturelle. Fig. 37. Branchie placée à la base de la première patte didactyle. Grossie 140 fois. Fig. 38. Patte-mächoire de la deuxième paire (côté gauche). —a. Tige; 2. Palpe. Grossie 140 fois. Fig. 39. Pied-mâchoire externe ( côté droit). — a. Tige ; 2. Palpe. Grossi ru fois, Fig. 40. Patte didactyle de la première paire (côté droit }, vue par sa face interne. Grossie 140 fois, Fig. 4r. Patte didactyle de la deuxième paire ( côté droit }, vue par sa face interne. Grossie 140 fois. N. B. Dans ces deux dernières figures, le palpe(a, a) conserve encore la plus grande ressemblance avec celui des pattes bifides de la larve (voyez fig. 72 , 53 et 34 G) Fig. 42. Première patte monodactyle ou troisième patte thoracique. — a. Son palpe en grande partie atrophié. Grossie 140 fois. Fig. 43. Base de la deuxième patte monodactyle avec son palpe (a) atrophié. Grossie 140 fois. Fig. 44. Fausse patte ou patte nataloire de la deuxième paire (côté gauche). — 8 ,c, Lames; d. Appendice digitiforme de la lame interne ; e. Prolongement latéral de Pabdomen. Grossie 140 fois. \ Développement de l'œuf et métamorphoses. — Anatomie de la larve. Fig. 45, 46, 47, 48, 49. OEufs à divers degrés de développement extraits de l'ovaire d’une femelle , dont les petits étaient éclos depuis douze jours. Grossis 140 fois. Fig. 50, Un œuf plus avancé, examiné dans l'ovaire d'une autre femelle. — a. Epaisseur des parois de l'ovaire. Grossi 140 fois. Fig. 5r. Portion postérieure ou inférieure de l'ovaire de la même femelle, Grossi. Fig. 52. Uo œuf pondu depuis deux ou trois Jours. — «&. Portion de la membrane nidu- lante qui l'entoure; . Chorion sous lequel on trouve une couche d'albumen très mince c. Vitellus et sa membrane. Grossi 140 fois, — A. OEufs fécondés de grandeur naturelle. Fig. 53. Globules vitellins de l'œuf fig. 52. Grossis 140 fois. Fig. 54. Gouttelettes huileuses du même. Grossies 140 fois. Fig. 55, Chorion d’un autre œuf, enveloppé en partie par la membrane nidulante (a), qu! re prolonge en forme de filamens (4, c), pour aller envelopper d’autres œufs (d,e) Grossi 140 fois. Fig. 56. OEuf dans lequel à commenvé le développement de l’embryou. — a. Croissant transparent , qui indique la place de l'abdonieñ, Grossi 140 fois. Fig. 57. Le mème œuf après huit jours d’incubation. — a. Masse abdominale; #, Ouverture anale; c, d,e. Bandes trausversales représentant les trois paires de pattes thoraciques ( pattes bifides) de la larve future. Grossi 140 fois. Fig, 58, OEuf apres dix jours d’ineubation, Grossi 140 fois. 86 JoLx. — Sur la Caridina Desmarestit. Fig. 59. OEuf après douze jours d'incubation. Grossi 140 fois. Fig. Go. OEuf après dix-sept jours d’incubation. Grossi 140 fois, Fig. 61. OEuf près d’éclore, vu par sa face inférieure ou ventrale. Grossi 140 fois. Fig. 62. Le même , vu par sa face dorsale. Grossi r40 fois. Fig. 63. Embryon âgé de douze jours. Grossi 220 fois. : Fig. 64. Embryon âgé de dix-sept jours. Grossi 140 fois. Fig. 65. Larve qui vient d’éclore. Grossie 140 fois. Fig. 66. Larve âgée d’un jour. Moins grossie que la précédente. N. B. Dans les neuf dernières figures (58-66), a, b, c, indiquent les pattes bifides. — d. La deuxième paire de mâchoires; e. La première paire; . Les mandibules ; z. Les antentes externes ; . Les antennes internes ; £. La tête; j. Les yeux; 4. Corps vitrés; Z Garapace; m. Rostre: 2. Intestin; 0. Abdomen ; p, Queue ; q. Cœur; », s. Les artères qui en naissent ; t. Vitellus; w. Foie; v. Tache anale, x. Poils de la queue; y. Poils de l’extrémilé des paîtes ; z. Poils de l'extrémité des antennes; *. Première patte thoracique de l'adulte encore rudimentaire. Fig. 67. Antenne externe gauche. — a , À. Les deux articles du pédicule de l'appendice lamelleux; c. Cet appendice lui-même; d. Poil coudé(filament antennaire de l'adulte). Grossie 220 fois. Fig. 68. Antenne interne gauche. — a, h, c. Les trois articles du pédicule. — d, Mame- lon, d’où naîtra le filament externe ; e. Gros poil qui deviendra le filament interne. Grossie 220 fois. Fig. Gg. Labre, Grossi 220 fois. Fig, 70 et 70 Lis. Mandibules , vues sous différens aspects, Grossies 220 fois. Fig. 71. Mächoire de la première paire isolée ( côté gauche). Grossie 220 fois. Fig. 91 bis. a. Mâchoire de la premiére paire en rapport avec celle de la seconde ( côté gauche ). Grossie 220 fois. Fig. 72. Première patte bifide ou patte bifide antérieure; vue par sa face interne (côté gauche ). Grossie 140 fois. Fig. 793. Deuxième patte bifide ou patte bifide moyenne, vue par sa face interne ( côté gauche). Grossie r 40 fois. Fig. 74. Troisième paire bifide ou patte bifide postérieure, vue par sa face interne (côté gauche ). Grossie r40 fois. N.B. Dans ces trois dernières figures, a indique l’article basilaire de la patte; B sa branche interne ou tige; G branche externe ou palpe; d, ef, g les quatre articles de là branche externe; 4,4, k, les quatre articles de la branche interne. Fig. 75. OEil d’une larve âgée de trois jours. Grossi r40 fois. Fig. 76. Portion de la cornée transparente du même. Grossie 220 fois. Fig. 37. Canal digestif d’une larve qui vient de naître. — a. OEsophage; b. Benflement tomacal ; c. Intestin; d, Aous; e. Foie et vitellus. Grossi 220 fois. Fig. 58. Larve de Palæmon wariabilis ( Ditch Prawn. ) , se mouvant dans l’eau. Fig. 98 bis. La même, couchée sur le dos , et montrant déjà les rudimens de ses vraies pattes. + ù N. B. Ces deux dernières figures ont été faites d'après les calques que M. le docteur A. de Quatrefages a bien voulu prendre, à ma prière, sur les dessins du capitaine Ducasse, ( Annals of natural history, 1838. \ mi c. MARINS. — Nouvelle espèce de Campagnol. 87 Note sur l’ARVIcOLA Nivalis, nouvelle espèce de Campuznol habitant la région des neiges éternelles dans les Alpes de la Suisse , Par CH. Martins , D. M. Pendant le séjour que nous fimes, M. A. Bravais et moi, en juillet et août 184r , au sommet du Faulhorn , montagne de la Suisse, qni s'élève à 2683 mètres au-dessus de la mer, nous vimes souvent un petit Rongeur passer rapidement près de nous et se glisser dans son terrier ; mais nous ne pümes jamais Vattraper. Nous constatämes seulement qu’il mangeait les pousses et les pétales des Geum replans et G. montanum ; et qu'il se trouvait aussi dans l’intérieur de l'auberge. Etant retourné seul au Faulhorn l'été dernier, M. Bravais prit un grand nombre de ces petits Rongeurs, en leur offrant pour appät de la farine et du fromage , et rapporta trois mâles conservés dans l’alcool. Au premier abord , cet animal ressemble à la Souris commune, dont il se rapproche par la couleur du poil , la longueur et la nu- dité apparente des oreilles et de la queue; mais l'examen de ja dentition (1) et l’ensemble des autres caractères font voir qu’il appartient au genre Campagnol ( Zrvicola ){2). Comme il habit. (x) Voyez Milne Edwards , Elémens de Zoologie , page 353, fig. rro. (2) Le genre Arvicola', fondé par Lacépède, en 1598, dans son Tableau des divisions , ordres et genres des Mammifères , a élé adopté depuis par Cuvier, Desmarest, Lesson et de Selys. Il est antérieur au genre Hypudæus d'Illiger ( Prodromus systematis Mamma- lium, 1811), dont tous les caractères né s'appliquent pas à notre espèce, et dans lequel l'auteur a réuni. le Lemmivg ( Mas Lemmus L.) au Rat d'eau ( Arvicole amphibius Lacep: ) et au Campagnol commun (4. arvalis Lacep.). Le genre Myodes de Pallas ( Zoographia 205s0-astalica, 1831) se compose aussi d'espèces fort dissemblables ; il comprend , par exemple , le Lemming et autres espèces à queue courte et poilue, réunies au Campagnol commun etau M. saratilis, tandis que le Rat d’ean ( 4. amplibius ) est rejeté dans Îe genre Mus, D'ailleurs ; la majeure partie des caractères génériques tels que: Palias les a étdblis ne s'appliquent pas à notre espèce. Je ne saurais m'empècher ivi de faire remarquer l'incon- énient des noms de genre significatifs, puisqu'il y a une contradiction flagrante et inévitable evlre le sens du mot 4rvicola et les régions couvertes de néigés habitées par l'espèce que nous faisons connaitre, 58 C. MAùTINS. — AVouvelle espèce de Campagnol. presque toujours, ainsi que je le ferai voir tout-à-l’heure, au niveau ou au-dessus de la ligne des neiges éternelles . je propo- serai de le désigner sous le nom d’_/rvicola nivalis : Nisro-cine- rescens, lateribus subfulvis, capite magno, mystacibus bre- viore ; auribus ciliatis vellere longioribus ; caudä squammosà nudiusculä, dimidium corporis superante. I. Description. (Voy. PL 5.) La taille est à-peu-pres celle du Campagnol des champs (4. arvalis Lacep.). Le pelage, d'un gris noirâtre, passant en quelques semaines au gris cendré sur lanimal empaillé, est mélé de jaune sur les deux flancs, où cette couleur domine. Les poils fins et soyeux sont d’un gris ardoisé et terminés par une pointe d’un jaune fauve. Ce pelage cesse à l’origine de la queue, qu'il entoure d’une petite gaine. Les poils sont plus longs sur les côtés, où ils ont 10 à 11 millimètres de long, que sur le dos, où ils n’en ont que 7 à 9 : cette différence tient peut-être à ce que l’animal use son pelage, en glissant dans son terrier et sous les pierres. Le ventre est d’un gris cendré clair maculé de blanc sale et de noir. Les oreilles sont saillantes, arrondies, plus longues que les poils du pelage environnant , et hérissées elles-mêmes de poils courts peu serrés , dépassant le bord libre, qui paraît cilié. Les yeux sont médiocres. Les moustaches , plus longues que la tête, sont implantées dans tout l'intervalle compris entre l’œil et les narines. Elles sont formées de poils soyeux , dirigés en arrière, dont les uns sont blancs , les autres noirs , quelques-uns bicolores. La queue , plus longue que la moitié du corps, est composée d’anneaux très serrés et hérissés de soies blanchâtres très courtes en dessus, un peu plus longues en dessous et dépassant l'extrémité de la queue de 2 millimètres environ. Les pattes sont blanchâtres, armées d'ongles crochus, con- caves en dessous, au nombre de quatre aux pattes de devant, de c. MarTINs. — Nouvelle espèce de Campagnol. 89 cinq plus recourbés et plus forts à celles de derrière. Les membres postérieurs dépassent d’un tiers environ la longueur des extrémités antérieures. Les dents sont au nombre de dix. Les insicives < sont jaunes, proéminentes ( PI. 5, fig. 5). Leur face antérieure est convexe, la péténieute concave , le bord tranchant. Canines, 5. Les mo- laires + (lg. 3 et 4) diminuent de grandeur d'avant en arrière : elles sont à peine distinctes l’une de l’autre et se composent cha- cune d’une lame . formant deux rangées de zig-zags aigus, irré- guliers , inégaux et alternant entre eux. Chacune des molaires inférieures se termine postérieurement et chacune des supé- rieures antérieurement par des portions de cercle. Les extrémi- tés opposées sont plus ou moins rétrécies. Les côtes sont au nombre de treize paires. Le tableau suivant présente l'indication en millimètres des dimensions absolues de l’Arvicola nivalis, et celle de ses dimen- sions relatives, la longueur du corps étant prise pour unité. TABLEAU DES DIMENSIONS ABSOLUES ET RELATIVES DE L'ARVICOLA NIVALIS. ( NOMS DES PARTIES. LONGUEUR poneUara| absolue. | relative, | | mm. | | Tronc avec la tête, ........ SEE Cnnesrce sa pes sas 93,9 1,00 | CE RE A fé ions AMI SALUE TRES R 55,0 0,59 LÉLEEE - CES AN PC PER PRE BA ne ER eee 28,3 0,30 Bonne .. anssso-sene + 9,0 0,10 }. Moustaches, ......... tin o EL 2261448 34,0 0,37 | De l'angle antérieur de œil à la r racine des à incisives, . ........ 10,5 0,17 | Squelette. Hrouc'aver Ja téfe ne. ee De ed meule x Rhoiets | 1,00 Colonne vertébrale du crâne à l'origine de la queue. ......... 68.0 0,72 IT OP SREEFE D: OO M0 20e De homes “4 o,6t ' star ATP PAPE LONGUEUR | LONGUEUR NOMS DES PARTIES. absolue. } relative, Largeur de l’espace qui sépare les orbites. . ..:. . « 0,05 Du sommet de l'occipital à la racine des os nasaux.. . . 0,15 Molaires supérieures réunies, .., .... 6,06 Incisives supérieures. 5 0,04 Intervalle entre les molaires et les incisives supérieures. ...... 0,08 Du condyle de la mâchoire inférieure à l'extrémité des incisives inférieures. . ..... 0,18 AC LENC 0,06 Incisives inférieures so cts 0,07 Intervalles entre les molaires et les incisives inférieures. ...... 0,05 Omoplate..... + 0,11 Clavicule de FOR RE F 2,09 0,12 0,15 0,16 Fémur, ee ‘ € 0,14 Tibia. Pa Fe : 0,18 Tarse et métatarse. . 0,12 Estomac et canal intestinal (le cæcum non compris } Estomac IL. Remarques anatomiques. Le crâne de l’A4rvicola nivalis (PI. 5, fig. 1 et 2), mesuré à la racine des arcades zyzomatiques , est plus large que ceux des petites espèces de Campagnols européens du même groupe, tels qu'Arvicolæ Savü, 4. sublerranous , 4. arvalis, A. duodecim- costalus, A. rubidus, dont les têtes osseuses ont été figurées par M. de Selys(r). Il est aussi plus long, mesuré du milieu de la crête occipitale jusqu’à l'extrémité antérieure des os nasaux, que tous ces crânes, sauf celui de |. rubidus Selys, dont notre espèce se rapproche par une foule de caractères. La longueur des pariétaux dépasse d’un tiers ou d’un quart celle des os de même nom dans les espèces précédentes. Les os nasaux (fig. 2) sont plus saillans, mais de même longueur que dans ces espèces. Or, nos individus étant les trois plus petits de tous ceux qui {1) Etudes de Micromammalogie, PI. 5. c. MARTINS. — ÂVouvelle espèce de Campagnol. 91 ont été recueillis par M. Bravais, on peut affirmer que ces par- ties sont plus grandes d’une manière absolue que dans les autres petites espèces de Campagnols d'Europe. La structure des mo- laires est exactement la même que dans lArvicola ripariu Yarell (1) (4. rubidus Selys, 4. glareolus Sundevall ). (2) Le canal intestinal (PI. 5, fig. 6) a six fois la longueur du corps. ) Le diametre du colon (PI. 5, fig. €, k,r) n’est guère supérieur à celui de l'intestin gréle z ,g. Leur longueur est la même. Comme dans tous les Rongeurs, le commencement du colon est contourné en hélice À: mais, sans présenter d’abord l’aug- mentation de calibrequ’on observe dans la plupart d’entre eux (3). Le cœcum c, d'un diamètre double de celui de l'intestin, à exactement la longueur du corps. Il est bosselé et contourné sur lui-même. (4) L’estomac e présente à l'extérieur trois bosselures p, f , v, indices des trois parties dont il est composé. En effet, si on le fend , en suivant la grand courbure (PI. 5, fig. 7), on reconnait la disposition signalée par Pallas (5) , Everard Home (6), Mec- kel (7),et décrite dans ces derniers temps avec détail par le pro- fesseur Retzius (8), qui l’a observée dans les estomacs de l'4rvr . cola arvalis et de T4. amplhibius. Dans notre espèce, l'estomac (x) Proceedings of the Zoological Society, 1832 , p. 109. (2) Vovez « Tvenne for Sverige nya Guagarearter samt tandbyggnaden hos Arvicola och Myodes beskrifne af Carl Sundevall ». (Ur Ve. Acad. Handlingar for 1840, p. 28, fig. 3.) (5; Duvernoy, 1. c. tome 1v, deuxième partie, page 2{r. (4) M. Duxernoy (ZLecons d'anatomie comparée de G. Cuvier, tome 1v, deuxième partie, page 191) a trouvé les mêmes rapports entre la longueur du canal intestinal et celle du corps de plusieurs Campagnols. Ces rapports sont : pour l'Arvicola arvalis 5,9, pour l'A. am- plübius 6,6, pour l'A. terrestris 6,2, Dans ces trois espèces, la longueur des cœcums est aussi à-peu- près égale à celle du corps. (5) Vovæ species e Glirium ordine ; passim. (6) Pailosoph. Transact. 1807, pari. 1 »P- 139, ettab. va, fig. 6. (3) System der vergleichenden Anatomie, lom. 1v, pag. 629, et traduction française, tome vuir ; page 597. (S) Om magens: byggnad hos de i Sverige forekommande arter af slägtet Lemmus. (Ur Kongl. Vetenskap Acad. Handl, for ar 1839.) G2 GC. MARTINSs. — AVouvelle espèce de Campagnol. est divisé en trois parties fort distinctes , quoique nullement séparées. L'une, gauche (PL. 5, fig. 7, p'), correspondant au grand cul-de-sac de l'estomac ; elle est très grande, car son éten- due est supérieure à celle des deux autres parties réunies. La muqueuse présente des plis longitudinaux et sinueux, dirigés suivant la longueur de l'organe. "M. Retzius a retrouvé des plis analogues dan l'estomac des deux espèces précitées. Les parois stomacales de cette région sont plus minces que celles des deux autres. Immédiatement au-dessous du cardia se trouve une seconde partie f, séparée de la première par un pli de la muqueuse, et dont les parois sont tres épaisses : sa forme est celle d’un triangle, dont la base correspond à la grande cour- bure de lestomac et le sommet à l’orifice cardiaque. Un repli très marqué sépare cette portion de la troisième ou pylorique v', qui s'ouvre dans le duodénum 4. Ce repli ou valvule s forme un cul-de-sac de 2 millimètres de profondeur, dont le fond est tourné vers l’æœsophage. La muqueuse de cette portion présente des plis longitudinaux. On ne saurait méconnaître ici les premières traces de la composition de l’estomac des Ruminans. La portion gauche p' correspond à la panse, la médiane f” au feuillet, la pylo- rique v’ à la caillette. L'œscophage s'ouvre sur la limite de la partie gauche et de la partie médiane; la valvule, destinée, chez les Ruminans, à diriger les alimens dans le feuillet, existe à l’état rudimentaire. Aussi quelques physiologistes, et Roget (1) en particulier, pensent:ils que la digestion ne se fait que dans les parties médianes et pyloriques, tandis que la panse n’est qu'un magasin où l'animal accumule ses provisions. Je n'ai pu, à mon grand regret, vérifier les observations de M. Retzius sur l’épithélium de la portion médiane : la macération dans l'al- cool l'avait complétement détaché. Le foie est à cinq lobes, dont quatre, plus grands, forment sa surface convexe. (x) Die Erscheinungen und Gesetze des Lebens , aus aem englischen von Duttenhofer, 1837, p. 146. c. MaARTINs. — ÂVouvelle espèce de Campagnot. 93 III. 4ffinités zoologiques. Le Campagnol des neiges appartient à la section des Campa- gnols murins, établie dans le genre Ærvicola par M. Selys Long- champs (1). Ce zoologiste la caractérise ainsi : « Molaires ayant des racines chez les vieux individus, mais sans racines chez les jeunes. Oreilles externes un peu plus longues que le poil et bien développées. Queue aussi longue (ou plus longue? que la moitié du corps. Treize paires de côtes ». N'ayant eu à ma disposition que de jeunes individus, je n'ai pas pu vérifier si le premier de ces caracteres s’appliquait à 4. nivalis ; tous les autres lui con- viennent parfaitement. Ce groupe très naturel, caractérisé par la longueur des oreilles, de la moustache et de la queue relativement à celies du corps, forme, par ses caractères extérieurs, la transition entre le genre Arvicola et le genre Mus. Il se compose de plusieurs espèces appartenant au genre Myodes de Pallas et 4rvicola de la plu- part des zoologistes, savoir : Myodes alliarius Pallas (3), Myo- des saxatilis Pallas (3), Arvicola rubidus Selys (4), et Arvicola nivalis. . On ne saurait confondre celui-ci avec aucune des espèces précédentes. Dans le #. alliarius , la queue n’a que les quatre dixièmes de la longueur du corps, et elle est couverte des mémes poils. Ceux-ci sont touffus et cachent entièrement les anneaux. Une bande rousse règne sur le dos de l'animal, et se prolonge sur sa queue. Cette espèce forme le passage de notre groupe aux vrais Lemmus, qui sont caractérisés à l'extérieur par leur queue et leurs oreilles courtes et poilues. &°4. rutilus ( 1. rutilus Pallas ) que M. Laestadius vient de découvrir dans le Torneo-Lappmarck (5),:me parait devoir être rejeté du groupe (x) Etudes de Micromammalogie , 1839, page 87. {2) Novæ species è Glirium ordine , p. 253, tab, x1v, C. (3) Zbid., p. 255, tab. xx, B. (4) L. €. p. x12, et Essai sur les Campagnols des environs de Liège, page 13, planche 4. (5) C. Sundevall , L c. p. 20. 94 c. ManRTINS. — ÂVouvelle espèce de Campagnol. des Campagnols murins. En effet, sa queue très poilue et nul- lement écailleuse, n’a que le quart ou le tiers de la longueur du corps , et ses oreilles sont très courtes. Le Mus saxatilis a un pelage roux. Sa queue, qui dépasse à peine les quatre dixièmes de la longueur du corps, présente des anneaux noirs assez écartés. Les moustaches sont noirâtres et plus courtes que la tête. Le pelage de l’Arvicola riparia Yarell (4. rubidus Selys, A. glareolus Sundev.) a la couleur du tabac d’Espagne. La queue est grêle et hérissée desoies assez longues, brunes en dessus, jau- nâtres en dessous, quidérobent à l'œil sa structure écailleuse.L'a- nimal est plus petit que V4. nivalis dans toutes ses parties. Son crâne est moins long et moins large(1).Or, les trois individus d’4. nivalis que j'ai étudiés étant les plus petits parmi ceux qu'on a pris au Faulhorn, le Campagnol ronssâtre est évidemment une espèce plus petite dans toutes ses parties (2). Il serait inutile de discuter les caractères différentiels qui distinguent V4. mivalis des autres Campagnols d'Europe. En effet, l’Ærvicola amphibius Lacep., 4. monticola Selÿs, A. destructor Savi, A. terrestris Savi, ont les oreilles plus courtes que le poil, souvent presque nulles. L’Arcicola fulvus Desm. et l4. Savii Selys, ont qua- torze paires de côtes. L’Arvicola duodecim-costatus Selys en à douze; V4. subterraneus Selys, V4. socialis Desm., V4. neglecta Jenyns (3) et l'A. arvalis Lacep., ont la queue plus courte que le tiers ou le quart du corps. Cette dernière espèce et une autre qui en est très voisine (4. incertus Selys) (4), a été observée par M. Schinz (5) sur le passage du Saint-Gothard, à 1950 mètres d’élévation. Ajoutons encore que la disposition des sutures os- . (1) Voyez Selys, Wicromammalogie, planche 3 , fig, 5 bë. (2) Je suis d'autant plus certain de l'exactitude de ce earactère différentiel que j'ai pu examiner un individu, recueilli par M. Portmann , avec le docteur Bifferi , de Lyon. Celui-ci avait communiqué cette espèce à M. de Selys, qui eu a fait une élude particulière, (3) Notes on some of the smaler British Mammalia (Annals and Magazine of natural distory, june 1841 ). (4) Bulletins de l’Académie de Bruxelles , tome 1x, n.9, 1842. (5) Fauna helvetica ( Nouveaux Mémoires de la Société helvétique des Sciences naturelles, tome x , page 23, 1837). " c. marTINs. — ÂVouvelle espèce de Campagnol. 9ÿ seuses de la voûte du crâne de F2. nivalis ( PI. 5 ,fio. r ) diffère complètement de celle qu’on observe sur le cräne des espèces d'Europe figurées par M. de Selys. (1) IV. Localités et circonstances climatériques. On aurait tort de eroire que le Campagnol des neiges a suivi l’homme à l’époque où une maison à été construite au sommet du Faulhorn. En effet, l'auberge date de 1832. Or, le colonel Weiss, qui avait établi en 1811 un signal géodésique sur ce sommet, raconte qu’il y trouva une espèce de Souris qu'il n’a- vait jamais vue (2). Dans leur Itinéraire autour des vallées du Mont-Blanc, MM. Pictet disent (p. 233 \ que leurs guides ont vu des Souris au Grand-Mulet, rocher isolé au milieu des neiges du Mont-Blanc, à la hauteur de 3455 mètres. Tout nous porte à croire que l'animal aperçu par ces guides n’est autre que l'Arvicola nivalis, dont la ressemblance avec la Souris com- mune est réellement extraordinaire , ainsi que nous l’avons déjà dit. Le témoignage de M. Hugi vient confirmer celui des guides de M. Pictet. En effet , il a observé (3) sur le col de la Strahleck, à 3150 mètres, et sur le Finster-Aarhorn, à 3900, un Cam- pagnol qui lui parut nouveau. Il en prit même plusieurs indivi- dus dans une circonstance toute particulière. Le 8 janvier 1832, il avait entrepris une course sur le glacier inférieur de Grindelwald pour l’étudier en hiver. Parvenu à la hauteur de 1720 mètres au-dessus de la mer, près de la cabane de la Stierreg, qui sert d'habitation pendant l'été à quelques chevriers , il fut obligé de faire creuser la neige pour découvrir d’abord le toit, puis la porte de la hutte. En y entrant, ses guides mirent en fuite une vingtaine de Campagnols qui s’y étaient réfugiés. Neuf furent tués et rapportés gelés à Grindelwald , puis mangés par un chat ou perdus par une domestique. « Leur pelage, dit M. Hugi, est d'un gris-jaunâtre. Les pieds de derrière sont très longs relative- (9) L. c., planches r et 3. (2) Das Faulhorn ein Gemaclde, vou J. 3. Schweizer, page 42. (} Ucber das, Wesender Gletscher, 1842, p: 85, 96 C. MARTINS. — Nouvelle espèce de Campagnol. ment à ceux de devant. La queue et les oreilles sont nues, celles- ci transparentes. Je n’ai jamais, ajoute-t-il, vu cet animal dans au- cune collection ». Tous ces caracteres s’appliquent tres bien à notre Campagnol; seulement M. Hugi estime approximativement sa lon- gueur à 135 millimètres sans compter la queue, longueur qui doit être exagérée, car il n'a pas mesuré directement l’animal. Si, comme je le crois, notre Campagnol est le même que celui vu par M. Hugi, ce voyageur a constaté le fait curieux que ces ani- maux ne changent pas de pelage et ne s’engourdissent pas, comme les Marmottes, pendant l'hiver si long et si rigoureux des hautes Alpes. En outre , les bergers du Zaesenberg , qui est au niveau de la Stierreg, lui ont affirmé que ces Campagnols étaient très communs sur le Gruenwengenhorn, montagne qui domine le Zaesenberg, et dont le sommet ne doit être guëre au- dessous de celui du Faulhorn. M. Hugi pense qu'ils descendent pendant l'hiver vers le glacier. Quoi qu'il en soit, on peut affir- mer qu'en été, du moins, lArvicola nivalis séjourne ou au- dessus, ou près de la limite des neiges éternelles, que M. de Humboldt fixe à 2708 mètres dans les Alpes. Il habite volon- tairement dans ces régions glacées, puisque toutes les espèces de son genre vivent dans la plaine au milieu des cultures, autour et même dans les maisons. C’est le seul Mammifère qui soit dans ce cas; car si le Chamois s’exile sur les sommets neigeux des Alpes, c'est que l’homme l’a chassé des prairies et des forêts subalpines qu'il fréquentait autrefois, et où il descend encore aujourd'hui pour paître l'herbe des pâturages. L’Arvicola nivalis est un animal essentiellement herbivore, et il trouve sur le cône terminal du Faulhorn une abondante nourriture, puisque nous y avons recueilli cent trente espèces de végétaux phanérogames répandus sur une étendue dé quatre hectares et demi. Dans les autres points habités par lui, et-qui semblent au premier abord presque dépourvus de végétation , une recherche persévérante ferait certainement découvrir un nombre de plantes suffisant pour expliquer son existence. Le Campagnol de neiges est, de tous les Mammifères d'Eu- rope, celui dont l'habitation est la pius élevée. Aussi quelques détails sur les conditions climatériques au milieu desquelles il c. maRTINS. — Nouvelle espècr de Campagnol. 97 se trouve ne seront-ils peut-être pas dépourvus d'intérêt. Les séries d'observations météorologiques faites au sommet du Faulhorn en 1832 el 1533 par M. Kaemtz; en 1841 et 1842 par MM. Bravais, Peltier et moi, permettent de donner à cet égard des renseignemens exacts. An sommet du Faulhorn, la pression atmosphérique moyenne est de 555 millimetres. La moyenne thermométrique de l’année — °,33 C. Celle des mois de juin, juillet, août et septembre réunis, de + 2°,5 à + 3°,0. Les extrêmes de température observés par nous du 15 juillet au 4 septembre 1841 , ont été — 5°,3 et + 13,5. Rarement l'air est calme au sommet de la montagne, qui souvent reste enveloppée pendant plusieurs jours par d’épais nuages. La neige ne disparait que vers le milieu de juin, et plus souvent vers le commencement de juillet seulement. Il en tombe quatre ou cinq fois par mois pendant tout l'été. Son épais- seur varie d’un centimètre à un demi-nétre et davantage. En hiver, cette épaisseur n’est pas moins variable qu’en été. Elle n’est pas la même suivant l’époque de l'année, l'exposition des lieux, leur inclinaison, la force et la direction du vent; mais habituellement elle est de plusieurs mètres. La neige qui tombe vers le commencement ou le milieu d’octobre persiste pendant tout l'hiver. Que devient notre Campagnol pendant cette saison? reste-t-il blotti dans son terrier, où l’'épaisse couche de neige qui recouvre la terre conserve la chaleur acquise pendant l’été et le préserve des rigueurs d’un hiver dont la moyenne est de — 9° environ, ce qui suppose des froids accidentels de — av° à — 25°? Se creuse-t-il, pour chercher sa nourriture, des gale- ries entre la neige et le sol, comme le font les Lemmings au dire des Norvégiens (1), ou amasset-il des provisions dans son ter- rier? Enfin descend-il plus bas vers la plaine, comme M. Hugi est tenté de le croire? Toutes ces questions sont encore indé- cises , et réclament l'attention des zoologistes de la Suisse. Je n'ai point fouillé les terriers du Campagnol de neiges. C’est une lacune dans mon travail, et j'ose prier les naturalistes (1) Observations sur les migrations et les mœurs des Lemmings ( Revue zoologique juillet 1840 ). XIX. Zoor, — Février, ee] 98 G. MARTINS. — Nouvelle espèce de Campagnol. qui visiteront le Faulhorn de vouloir bien la combler. Mais je puis donner quelques renseignemens précis sur la température de ces terriers en été, température qui doit être peu différente en hiver, à cause des masses de neige qui recouvrent la terre et la défendent contre le froid extérieur, en même temps qu'elles lui conservent la chaleur qu’elle a acquise pendant l'été. Un thermomètre enfoncé dans le sol à 5 mètres au-dessous du sommet et à la profondeur de 2 décimètres , s’est tenu en moyenne, du 26 juillet au 6 août 1841, à + 3°,21, sans s'écarter beaucoup de ce chiffre. Un autre était à 13 mètres au-dessous du sommet, et à 1”,30 de profondeur. Il s’est tenu avec des variations encore plus faibles à + 2°,60. C’est dans cette zone, de 1",1 de puissance, que sont probablement creusés les ter- riers des Campagnols, et il est douteux que la température y descende jamais notablement au-dessous de zéro. V. Liste des animaux observés au sommet du Faulhorn. ' Nous avons observé, M. A. Bravais et moi, encore quelques autres animaux au sommet du Faulhorn. Je vais en donner ici la liste, en omettant tous ceux que nous n'avons pas vus sur le cône terminal, dont la hauteur est de 80 mètres environ, et comprise par conséquent entre 2600 et 2633 mètres au-dessus de la mer. Les Articulés ont été déterminés par MM. Lucas, Percheron et Coquerel. MAMMIFÈRES. Arvicola nivalis Nobis. OISEAUX. Tetrao Lagopus L. Emberiza citronella L. Perdix saxatilis Meyer. Tichodroma muraria ||. Emberiza nivalis L. Corvus pyrrhocoraz L. REPHILES. Salamandre atra Laur. c. MARTINS. — MNouvelle espèce de Campagnol. 99 MoLLUSQUES. Helix arbustorum L. Pitrina pellucida Drap. ARACHNIDES. Polydesmus pallipes Olivier. MyRIAPODES. Lycosa saccata Walck. Drassus lucifugus Walck. Insectes. Coléoptères. Carabus alpinus Bonelli. Aphodius rubens Dej. Nebria castanea Gylenhal. — terrestris Fabr. Notiophilus biguttatus Fabr. Anisoplia horticola Fabr. Omaseus melanarius Fabr. Toxotus cursor Fabr. Amara morticola Zimm. Gonioctena affinis Schoenherr. Bembidium bipunctatum Fabr. Coccinella quatuordecimpustulata Fab. Telephorus tristis Fabr. — quinquepunctata Fab. Hyménoptères. Pimpla spuria Gravenh. Formica herculanea ? 1. Lépidoptères. Argynnis Pales Fabr. Zyrgena exulans Esp. Erebia Manto Fabr. Elophos operaria H. Diptères. Scatophaga stercoraria Fabr. Mesembrina meridiana. Je ne saurais terminer cette Note sans exprimer ma gratitude à M. le professeur Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui a bien voulu mettre à ma disposition sa bibliothèque et les collections du Muséum. Je dois aussi des remercimens publics à M. Florent 7e ‘ 100 c. Martins. — Nouvelle espèce de Campagnol. Prevost et à M. J. C. Coquerel, jeune zoologiste plein de zèle, qui m'a aidé dans ce travail et s’est chargé d’exécuter les des- sins anatomiques dont l'exactitude ne laisse rien à desirer. FXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 5. Figure de l'Arvicola nivalis, nouvelle espèce de Campagnol des hautes Alpes de la Suisse. Grandeur naturelle. Fig, x. Crâne de l’Arvicola nivalis,, vu par sa face supérieure. Fig. a. Tête osseuse, vue de profil. Fig. 3. Molaires de la mächoire inférieure , grossies et vues par leur face supérieure. Fig. 4. Molaires de la mâchoire supérieure , grossies et vues par leur face inférieure. Fig. 5. Mâchoire inférieure. Fig. 6. Canal intestinal. — e. OEsophage; p. Panse: f. Feuillet ; v. Caïllette; , 6, g. In- festin grêle; c, c. Cœcum ; k. Hélice du colon; k, r. Colon et rectum. Fig. 7. Estomac ouvert par une coupe longitudinale, — e, OEsophage ; d. Duodénum; p' Panse; f. Feuillet; v’ Caillette ; on observe entre la panse p' et le feuillet /' le repli in- dice de la gouttière qui, chez les Ruminans', conduit les alimens dans le feuillet; s. Valvule dans l'extrémité pylorique de l’estomac. RECHERCHES sur la quantité d'acide carbonique exhalé par le poumon dans l'espèce humaine , Par MM. Anpraz et GAVARRET. ( Présentées à Académie des Sciences, le 16 janvier 1843.) Nous avons eu pour but, dans ce travail, de déterminer la quantité d’acide carbonique, qui dans un temps donné , s’é- chappe par le poumon de l’homme, tant dans l'état de santé que dans l’état de maladie. Pour accomplir ce but, nous nous sommes servis de l’appa- reil dont l’idée première appartient à MM. Dumas et Boussin- gault , et dont la description détaillée se trouve dans le Mémoire. À travers un masque imperméable d’une assez grande capa- ANDRAL et GAVARRET. — Sur la Respiration. 101 cité pour loger une expiration tout entière, et solidement ap- pliqué sur la face, nous avons établi un courant d’air atmosphé- rique au moyen de ballons de verre, dans lesquels le vide avait été fait préalablement. C’est au milieu de ce courant continu que le sujet vivait pendant toute la durée de l'expérience. Nous avions soin de modifier la force du courant au moven d’un ro- binet gradué, de telle façon que la respiration s’exécutät libre- ment , et sans effort ni pour aspirer, ni pour expulser le gaz incessamment apporté et emporté par le tirage des ballons. Toutes les précautions étaient prises d’ailleurs pour qu'il n’y eût aucune perte du gaz expiré, et Je tirage était ménagé de façon que la même partie d’air ne püt jamais être sonmise qu’une fois à l’action du poumon. Pour analyser ensuite les gaz ainsi recueillis, nous avons em- ployé les procédés mis en usage dans ces derniers temps par MM. Dumas et Boussingault, avec les modifications apportées par M. Leblanc pour l'analyse de l'air confiné. Avant de rechercher jusqu’à quel point , dans les maladies, la quantité de l'acide carbonique exhalé par le poumon peut varier, nous avons dù nous efforcer de déterminer, par des expériences plus nombreuses et plus suivies qu’on ne l'avait fait avant nous, quelle était cette quantité dans l’état physiologique ; et d’abord nous nous sommes. proposé de trouver quelle était l'influence que pourraient exercer sur l’exhalation de l'acide carbonique par le poumon les trois grandes circonstances phy- siologiques de l’âge, du sexe et des constitutions. Tel est l’objet spécial du Mémoire que nous présentons aujourd'hui à l’'Acadé- mie, et qui n'est ainsi, comme on le voit, que le commence- ment d’un travail beaucoup plus étendu. Car, avant d'aborder les questions pathologiques, uous aurons à examiner encore d’autres influences physiologiques, telles que celles du repos et du mouvement, de la veille et du sommeil, de l'alimentation , de la lumière et de l’obscurité, etc. Toutes nos expériences ont d’ailleurs été faites dans les cir- constances les plus semblables possibles , chez des sujets tous bien portans, au même moment de la journée, entre une et deux heures, à un même intervalle des repas, et dans des con- 102 ANDRAL €t GAVARRET. — Our la Respiration. ditions aussi identiques que possible d’alinientation , de dépense musculaire et d'état moral. Enfin, pour bien nous assurer de la valeur de nos procédés, nous avons eu soin de répéter l'expérience plusieurs fois, jus- qu’à six fois sur les mèmes sujets, et la concordance entre les résultats à été, dans tous les cas, aussi grande qu’on peut dé- sirer dans des recherches physiologiques. Nous avons recueilli à chaque expérience à-peu-près con- stamment 130 litres de gaz ; l'opération durait de huit à treize minutes chaque fois. Ainsi, d’une part , les quantités de pro- duits recueillis étaient assez considérables pour que des diffé- rences, mêmes minimes, devinssent très sensibles; et, d’aütre part, l'observation était assez prolongée pour qu’on püt con- clure du fait constaté à ce qui se passait réellement dans l'espace d’ane heure. Nous n'avons pas voulu nous servir de nos résul- tats pour calculer ée que chaque individu exhalait d'acide car- bonique dans l’espace de vingt-quatre heures, parce qu'il ne nous est pas encore démontré que l’activité de la fonction pul- moñaire reste la même à toutes les heures de la journée et sur- tout de la nuit. Avertissons enfin que, dans l’exposé'de nos résultats, nous avons généralement représenté en grammes la quantité d’acide carbonique exhalé par le carbone qu’il contient; car, d’une part, on obtient ainsi des chiffres plus faciles à retenir, et, d'autre part surtout, c’est en définitive la quantité de carbone ainsi brûlé qu'il s’agit de connaître. 75 expériences ont ainsi été faites sur 62 sujets différens, dont 36 du sexe masculin et 26 du sexe féminin. Elles nous ont montré que, depuis l’âge de 8 ans jusqu'à la vieillesse la plus avancée, la quantité d’acide carbonique exhalé par le poumon, dans un temps donné, varie notablement sui- vant les âges, les sexes et les constitutions. A tous les âges, à partir de 8 ans, l’exhalation de l'acide car- bonique par le poumon est plus considérable chez l’homme que chez la femme. Voici ce que cette exlialation nous à présenté de différent dans l’un et dans l’autre sexe. Chez l'homme, la quantité de l'acide carbonique exhalé par ANDRAL @l GAVARRET. — Ôur du lespiration. 103 le poumon va toujours croissant depuis l’âge de 8 ans jusqu’à l'âge de 30 ans ; de 30 à 4o ans, elle reste stationnaire, ou tend déjà à diminuer un peu ; de 40 à 50 ans, cette tendance à la di- minution se prononce encore davantage; enfin, de 5o ans à l'extrême vieillesse, l’exhalation de l’acide carbonique diminue de plus en plus, de telle sorte que chez des vieillards parvenus à la dernière limite de la vie, elle revient à-peu-près à ce qu’elle était chez des enfans de 10 ans. Les chiffres suivans représentent la quantité de carbone con- tenu dans l’acide carbonique exhalé en une heure par le pou- mon de l’homme aux différens äges. Un enfant mâle de 8 ans a brülé, en une heure, 5 grammes de carbone. Puis ce chiffre s’est élevé par degrés intermédiaires à 8#,; chez un jeune garcon de 15 ans. Après l’âge de 15 ans, la quantité de carbone brülé croît de la manière suivante : À 16 ans, il y en a 104,8 de consommés en une heure, puis cette quantité s'élève à 11#.,4 de 18 à 20 ans, et à 12,2 dans la période de la vie comprise éntre 20 ét 30 ans, et elle reste à-peu-près la même de 30 à 40 ans. De 4o à 60 ans, la quantité d'acide carbonique exhalé eu une heure n'est plus représentée que par 10,1 de carbone ; de 60 à 80 ans, elle l’est par 95,2 seulement, et enfin, chez un vieillard âgé de 102 ans, elle ne l’a été que par 55,9. En Suivant maintenant chez la femme les variétés de quantité de l’acide carbonique exhalé, nous trouvons d’abord que, chez l'enfant du sexe féminin, depuis l’âge de 8 ans jusqu’à l’établis- sement de la puberté, cetté quantité va toujours en croissant comme chez enfant mâle, mais en restant toujours un peu moindre que chez celui-ci. Vient ensuite la puberté, et alors uñ phénomène des plus remarquables se présente : c’est l’arrét subit de l'accroissement de l’exhalation de l’acide carbonique, dès que la fenime est menstruée ; tandis que , peu de temps après l’établissement de la puberté, cette exhalation augmente considérablement chez l'homme, on la voit au contraire, chez là femme, rester ce qu’elle était dans l'enfance, et pérsister 10} ANDRAL CL GAVARRET. — Sur la Respiration. ainsi tant que la menstruation dure elle-même. Pendant, toute cette période de leur vie, alors qu’elles sont d’ailleurs dans toute la plénitude de leurs forces, les femmes ne consomment en car- bone, par l'acide carbonique qui sort de leurs poumons en une heure , que 6®.,4, absolument comme les enfans du même sexe, tandis que, chez l'homme, la moyenne de carbone ainsi brûlé, qui était de 75,4 avant 15 ans, s'élève à 11#,3 entre 15 et 4o ans. Le moment arrive cependant où la femme cesse d’être réglée, et, chose bien remarquable, dès que ses menstrues disparaissent, la quantité d’acide carbonique exhalé par le poumon va tout-à- coup augmenter, et chez des femmes de 38 à 4g ans, qui ont cessé d’être menstruées , on voit la quantité de carbone qui re- présente celle de l'acide carbonique s'élever de 65,4 à 85,4, puis , à mesure que l’âge avance, cette quantité diminue de nou- veau, suivant ainsi dorénavant les mêmes lois que chez l'homme, lois dont, à l’époque de la cessation de la menstruatien, la femme semblait s'être momentanément écartée. Ainsi, tandis que chez les femmes non menstruées de 40 à 50 ans, la quantité d'acide carbonique exhalé dans l’espace d'une heure s’est élevée à 85,4 de carbone, cette moyenne, entre 5o et 60 ans, s’est abaissée à 75,3, et elle n’était plus que de 6,8 chez les femmes de 60 à 80 ans, chiffre toutefois encore supérieur à celui que nous avons trouvé chez les femmes bien inenstruées de 25 ans. Enfin, chez une femme de 82 ans, nous n'avons plus trouvé que 6“,o de carbone, chiffre à-peu-près égal à celui que nous a offert notre vieillard de 102 ans du sexe masculin. Que si maintenant, chez les jeunes femmes, la menstruation cesse accidentellement d’avoir lieu, on voit l’exhalation d’acide carbonique par le pouinon augmenter tout-à-coup, comme à l'époque de retour. Ainsi, à quelque moment de la vie qu’on examine la femme sous ce rapport, on trouve que toujours. la circonstance de l'existence de la menstruation coincide avec une diminution de l’exhalation d'acide carbonique par le poumon. Si telle est l’influence exercée par la menstruation sur l’exha- lation de l'acide carbonique à travers les voies respiratoires, il ANDRAL et GAVaRRer. — Sur la liespiration, 105 était tout naturel que nous recherchassions ce que devient cette exhalation, dans les cas où la grossesse fait disparaitre les règles. Nous avons étudié, sous ce rapport, quatre femmes parvenues à différentes époques de la grossesse, et chez elles la quantité d'acide exhalé s’est élevée moyennement à 8,0 de carbone par heure, et s’est maintenue entre 7,5 et 85,4, c’est-à-dire que chez elles, l’exhalation de l'acide carbonique s’est comportée comme chez les femmes qui sont arrivées à l’époque de retour. Chez les individus de divers âges et de divers sexes, la force de la constitution, en tant qu’elle est surtout représentée par le développement du système musculaire, exerce une influence notable sur la quantité d’acide carbonique qui, dans un temps donné, s'échappe par les voies respiratoires, mais sans qu’il en résulte toutefois une violation des lois précédemment posées, et toujours l’âge et le sexe marquent leur empire. Ainsi l'enfant le plus robuste n’exhale jamais autant d’acide carbonique que l'adulte, mais un vieillard très vigoureux peut exceptionnelle- ment brüler une quantité de carbone égale à celle qui est ordi- nairement brûlée à un äge moins avancé. La femme la plus robuste, si surtout elle est menstruée , n'arrive jamais à exhaler autant d'acide carbonique que l’homme le plus faible du même âge. Le maximum d’exhalation d’acide carbonique que nous ayons rencontré nous a été fourni par un jeune homme de 26 ans, d'une constitution athlétique , qui, dans deux expériences suc- cessives , a brülé chaque fois 145,1 en carbone. Chez un homme de 60 ans, qui à son âge conservait une constitution au moins aussi forte que le précédent, la quantité d'acide carbonique exhalé en une heure était encore représentée par celle de 13,6 de carbone. Chez un autre, de 63 ans, constitué comme les deux précédens, elle l'était encore par 12*,4 de carbone. Enfin, chez un vieillard qui à 92 ans conservait une remarquable éner- gie, et qui dans sa jeunesse avait été d’une force peu commune, il y avait encore près de 9 grammes (8,8) de carbone brûlé par heure ; et, d’une autre part, ce même chiffre se retrouva , dans quatre expériences successives, chez un homme qui n'a- vait cependant que 45 ans, mais qui, à l'inverse des précédens, 106 ANDRAL €t GAVARRET. — Sur la Respiration. avait un système musculaire très grêle, quoique bien portant d’ailleurs. Ces faits mettent suffisamment en évidence l'influence des constitutions individuelles sur l’exhalation de l’acide carbonique par le poumon, et ils montrent jusqu’à quel point cette in- fluence peut contrebalancer, sans l’anéantir, celle des äges et des sexes. Qu'est-il besoin d’ailleurs, en face des faits divers que nous venons d'exposer, de remarquer que le poids des individus, bien que ne devant pas être considéré comme sans influence, ne joue cependant, dans les variations du chiffre de l'acide car- bonique exhalé, qu’un rôle bien secondaire. Pour le prouver, il suffira de rappeler qu'une femme de 20 à 30 ans n’exhale pas moyennement plus d'acide carbonique qu’une jeune fille de 12 ans; que cette même femme exhale, à-peu-près, moitié moins d'acide carbonique qu'un homme de même âge, ce que la différence de poids ne saurait certainement expliquer, et qu'enfin un centenaire, encore bien constitué et d’une haute- taille, n’a pas fourni plus d'acide carbonique qu’un enfant de 10 ans. Ici se présenterait une dernière question d'une tres grande importance. Les variations que nous venons de signaler dans les quantités d’acide carbonique exhalé par le poumon dans un temps donné, ne seraient-elles pas tout simplement la suite d’une différence dans la capacité de la poitrine, dans l'étendue des mouvemens respiratoires, et par conséquent dans le volume du gaz expiré? L'examen de cette difficulté nous entraïinerait à parler de faits de l’ordre pathologique, qui nous donneront plus de facilité pour arriver à sa solution complète. Tout en nous réservant de poser, daris un Mémoire ultérieur, les limites très restreintes dans lesquelles oscillent de pareilles influences, nous nous conteuterons d'établir pour le moment que : Ces variations considérables, qui marchent constamment avec l’âge, le sexe, la menstruation et la constitution, traduisent réellement une modification dans lactivité des forces qui pré- sident dans l’économie à la combustion du carbone. ANDRAL @t GAvARRET. — Sur la Respiration. 107 Conclusions. 1° La quantité d'acide carbonique exhalé par le poumon dans un temps donné, varié en raison de l’âge, du sexe et de la con- stitution des sujets. 2° Chez l’homme comme chez la femme, cette quantité se mo- difie suivant les âges, indépendamment du poids des individus mis en expérience. 3° Dans toutes les périodes de leur vie comprise entre huit ans et la vieillesse la plus avancée, l’homme et la femme se dis- tinguent par la différence de quantité d'acide carbonique qui est exhalé par leurs poumons dans un temps donné. Toutes choses étant égales d’ailleurs, l'homme en exhale toujours une quantité plus considérable que la femme. Cette différence est surtout très marquée entre 16 et 4o ans, époque pendant la- quelle l'homme fournit par le poumon presque deux fois au- tant d'acide carbonique que la femme. 4° Chez l’homme, la quantité d'acide carbonique exhalé va sans cesse croissant de 8 à 30 ans, et cet accroissement continu devient subitement très grand à l’époque de la puberté. A partir de 30 ans, l'exhalation d’acide carbonique commence à dé- croître, et ce décroissement a lieu par degrés d'autant plus marqués que l’homme s'approche davantage de l'extrême vieil- lesse, à tel point qu’à la dernière limite de la vie, l'exhalation d'acide carbonique par le poumon peut redevenir ce qu'elle était vers l’âge de 10 ans. 5° Chez la femme, l’exhalation de l'acide carbonique aug- mente suivant les mêmes lois que chez l’homme pendant toute la durée de la seconde enfance ; mais au moment de la puberté, en même temps que la menstruation apparaît, cette exhalation, contrairement à ce qui arrive chez l'homme, s'arrête tout-à- coup dans son accroissement et reste stationnaire (à-peu-près ce qu'elle était dans l'enfance), tant que les époques mens- truelles se conservent dans leur état d’intégrité. Au moment de la suppression des règles, l’exhalation de l'acide carbonique par le poumon augmente d’une manière très notable ; puis elle dé- 108 ANDRAL €@t GAVARRET. — Sur la Respiralion. croit comme chez l'homme, à mesure que la femme avance vers l'extrême vieillesse. 6° Pendant toute la durée de la grossesse, l’exhalation de l'acide carbonique par le poumon s'élève momentanément au chiffre fourni par les femmes parvenues à l’époque de retour. 7° Dans les deux sexes et à tous les âges, la quantité d’acide carbonique exhalé par le poumon est d'autant plus grande que la constitution est plus forte et le système musculaire plus développé. (1) Sur la structure et fonctions de glandules des reins ou corpus- cules de Malpighi, avec des remarques sur la circulation du sang dans ces organes, Par W. Bowman. (2) Depuis l’époque de leur découverte par le grand anatomiste dont ils portent le nom, ces corpuscules remarquables n’ont pas cessé d’être un sujet d’études pour les observateurs. Malpighi a vu qu'ils pouvaient étre injectés par les artères avec une grande facilité, et il les a considérés comme des glandes dans lesquelles l’urine est élaborée et sécrétée. Il paraît croire aussi (3) que les vaisseaux urinifères y prennent leur origine. Ruisch a “examiné ces corps avec beaucoup de soin, et en a conservé dans. son musée des préparations qui lui semblaient démontrer, à l’aide des injections , que les artères qui s’y rendent se prolon- gent sans interruption pour constituer les canaux uriniferes (4). (x) Ce dernier résultat se trouve confirmé par d’autres faits dans lesquels, à la suite d'un affaiblissement tout pathologique de la constitution , l’exhalation de l'acide carbonique par le poumon a élé diminuée. (2) Traduit de l'anglais. — On the structure and use ofthe Malpighian bodies of the Kid- ney , ele. (Philosophical transactions, elce., 1842, Part, 1, p. 57). (3) Voyez le chapitre de son ouvrage intitulé De internis glandulis renalibus , earumque con- tinuatione cum vasis, non moins remarquable par l'exactitude rigoureuse des observations que par la finesse et la sagesse du raisonnement par lequel il en déduit les conséquences. (4) Quarum (gland. Malpigh.) nonnullæ hie dissolutæ , in ductus Bellinos degenerant » BOWMAN. — Sur la structure des reins. 109 Ce fut principalement sur ce résultat que lon s’appuya pour établir l'hypothese long-temps célèbre, mais aujourd’hui aban- donnée, de l'existence d’artères exhalantes dont les bouches béantes communiqueraient directement avec les canaux excré- teurs des glandes. Il est probable que cet habile observa- teur a pris le vaisseau efférent d’un corpuscule de Malpighi pour un conduit urinifère, car les vaisseaux efférens des cor- puscules qui se trouvent voisins de la portion médullaire du rein, suivent le même trajet que ces conduits, et sont souvent assez gros pour être facilement confondus avec eux. Cependant le fait que Ruysch et d’autres anatomistes affirment (1), que les con- duits uriniferes peuvent être remplis en poussant l’injection par les artères, est exact; mais ils ont tiré de ce fait des conclusions qui ne sont nullement fondées. Schumlansky, quelques années plus tard , a eu des idées plus exactes, touchant les rapports de ces corpuscules avec les conduits urinifères, et il a publié une figure théorique qui représente ces rapports, et qui prouve que sa manière de voir avait de la précision et de la clarté. Ce- pendant, comme dans ses planches il y a un très grand défaut de proportion, les rapports de grandeur de ces corps et des tubes n’étant nullement conservés, on a objecté que sa descrip- tion n’a pu être faite d’après nature ; mais ce reproche paraît être peu mérité. Huschke (2) et Müller (3) sont les seuls, parmi les anatomistes modernes , qui aient fait sur ce point des recherches approfon- dies, et tous les deux nient l'existence de connexions immé- diates entre les corpuscules de Malpighi et les conduits urini- fères. Les assertions de Müller en particulier sont tellement po- sitives et réitérées, que je n'aurais pas osé avancer une opinion Ruyschius Thesaurus Anat. X, n° 86. « Corpuscula rotunda et glandiformia in tolum sunt dissolutaet extricata, Ductus qui dicuntur Bellini , in 1olum quoque repleti sunt et propter repletionem arteriolerum. » Zbid, n. 149. (x) Bernardus Albinus après avoir injecté les corpuscules de Malpighi par les artères « vasa urivæ exinde prodeuntia eodem colore farta beatus conspexit. » Albinus, p. 63, 64. Voy.Schum- lansky, Dissert. Inaug. Anatomicam de renum structuré . Argeatorali, 1782, p. 69. {2) Husckhe, Ueber der Textur der Nieren (Isis, 1828, p. 561). (3) Joh. Müller, De glandularum secernentium structura penitiori. Lipsiæ, 1820, lib. ro. 110 BOWMAN. — Sur la structure des reins. contraire sans avoir été convaincu, par la démonstration la plus certaine, de l'erreur de cette manière de voir. (1) Mon attention a été dirigée sur ces corpuscules, par suite de recherches dont je me suis occupé, pendant ces deux dernières années, sur la structure intime des glandes proprement dites, J'avais injecté souvent ces corpuscules par la voie des artères, mais je ne les avais jamais examinés sous un trés fort grossisse- ment qu'au moment où ils ont fixé mon attention dans mes re- cherches sur la structure des canaux urinifères. Ces canaux sont composés d’une tunique externe formée d'un tissu transparent et homogène, que j'ai appelée la membrane fondamentale ( ba- sement membrane), et qui est tapissée d’épithélium. Je vis que les corpuscules de Malpighi étaient des masses arrondies de pe- tits vaisseaux entourés par un kyste on capsule (2) ayant un aspect en tout semblable à la membrane fondamentale des ca- naux. Eu voyant ces tissus semblables si près l’un de l’autre; il était difficile de ne pas croire que la capsule était la membrane fondamentale étendue sur les vaisseaux; mais à cette époque, je ne pus réussir à saisir leur continuité d’une manière non équivoque; tout ce que je pus alors, c'était d'apercevoir parfois des indications de cette continuité, mais qui ne sutfisaient qu'à la rendre probable. J'aurais peut-être renoncé à l’idée que j'avais ainsi conçue, si le hasard n'avait pas appelé de nouveau mon attention sur ce point. Ayant appris, l'été dernier, par l’obligeance du docteur Milne Edwards, un nouveau procédé d'injection employé avec (x) Huschke (cité par Müller) dit ; « Ces corpuscules sont sans connexion aucune avec les conduits urinifères. Car ces derniers se terminent manifestement par des extrémités en cul-de- sac, tandis que les corpuscules de Malpighi sont répandus partout dans les intervalles que les conduits urinifères laissent entre eux et n’ont de connexions qu'avec les vaisseaux sanguins. » (Muller, loc. cit., p. 87). Müller dit :« Attamen certissimum est, ex vasis sanguiferis, ductus uriniferos planè nunquam usquam repleri, niassamque injectam ne quidem laceratione ia tubulos uriniferos prorumpere » (Op. cit., p.98). « Fines ductuum uriniferorum in corpora Malpighiana desinere, certissimè falsa assertio est. » (p. 95). » Falsissima est opinio de connexu ullo quopiàm inter corpora Malpi- ghiana sanguifera et ductuum uriniferorum fines (p. 95). » D'autres passages encore tout aussi affrmatifs peuvent être cités également. (2) Indiquée pour la première fois par Müller qui la regarde comme étant parfaitement close, excepté dans un sex] point par où les vaisseaux penétrent. EOWMAN. — Sur là struclure des reins. CB 0: un grand succès par M. Doyère de Paris (1), j'injectai, par ce pro- cédé, plusieurs reins par la voie des artères, dans l'intention d'observer les ramifications vasculaires dans les corpuscules de Malpighi. J'ai réussi à trouver, non-seulement ce que je cher- chais, mais encore je suis arrivé à la conviction la plus certaine que la membrane fondamentale des canaux urinifères se répand sur les vaisseaux artériels de ces corpuscules, disposés en touffe ou pinceau. La matiere de l'injection avait, dans beaucoup d’en- droits déchiré les vaisseaux en touffe , et, étant extravasée dans la capsule, avait passé dans le canal uriaifère. J'ai fait depuis un grand nombre d'injections des reins de l'homme aussi bien que de beaucoup des animaux inférieurs , et, dans tous sans exception, j'ai rencontré la même disposition. Je répétai égale- ment avec un meilleur succès que précédemment l'examen de tranches minces de l'organe récent au moyen du microscope et sous un très fort grossissement , et, par ce moyen, j'ai vérifié l'exactitude des faits fournis par les injections. Ces observations microscopiques ont aussi donné lieu à la découverte intéres- sante de l’existence des mouvemens ciliaires dans l’intérieur de l'orifice des canaux uriniferes. D'après mes propres observations, la circulation rénale s’effec- tue de la manière suivante. Tout le sang de l'artère rénale, à l'exception d'une petite quantité, distribuée à la capsule du rein, à la graisse qui entoure cet organe et aux tuniques des vaisseaux volumineux qui y résident, pénètre dans les touffes capillaires des corpuscules de Malpighi : de là il passe dans le plexus capil- laire qui entoure les canaux uriniféres , et il s'éloigne enfin du rein par les branches de la veine rénale. fe décrirai donc , en suivant le cours du sang, l'appareil vasculaire du rein, et j’expo- serai les rapports qu'il offre avec les canaux uriniferes. {x) Ce procédé consiste dans l'injection de deux liquides qui se mélangent dans les petits vaisseaux où ils occasionnent un précipité : les meilleurs liquides sont une solution saturée de bichromate de potasse et uue solution saturée d'acétate de plomb. On les injecte l'une après Vautre dans le même vaisseau, et c’est pour cette raison qu'on donne au procédé un nom de celui de la double injection. Krausse a publié, il y a deux ans , ce procédé. Mais il paraïtrait que M. Doyére y est arrivé après des essais nombreux de diverses solutions salines, C’est donc à ces deux messieurs que nous devons ce procédé d'injection qui est un moyen de recherches d'une grande valeur pour les anatomistes. 112 BOWMAN. — Sur La structure des reëns. A peu d’exception près, le nombre des ramuscules terminaux de l'artère correspond à celui des corpuscules de Malpighi. Arrivés prés de ces derniers (1), ces ramuscules perforent la capsule , puis se dilatent et se divisent de suite en deux, trois, quatre, et même parfois en huit branches qui divergent en tous sens comme des pétales sur le pédoncule d'une fleur; puis dans leur trajet plus ou moins tortueux, elles se subdi- visent une ou deux fois sur la surface de la boule qu’elles vont former. Les ramuscules qui résultent de ces sous-divisions sont capillaires et sont formés d’une membrane simple, homo- gène et transparente. Ils pénètrent dans l’intérieur de la pelotte par plusieurs points , et, après avoir décrit de nouvelles sinuosi- tés, ils se réunissent pour former un petit tronc unique dont la grosseur varie, étant ordinairement plus petit que le ramuscule terminal de l'artère, mais parfois plus volumineux que lui. Ce vaissean quitte la capsule entre deux des divisions primaires du ramuscule terminal de l’artére , et offre des adhérences à la membrane capsulaire dans le point de sortie. Il se rend alors dans le plexus capillaire qui entoure les canaux urinifères. (2) La touffe de vaisseaux ainsi formée, est une masse sphérique compacte, dont les diverses parties ne se tiennent que par leur en- trelacement réciproque, car aucun autre tissu que le tissu vas- culaire y pénètre. Elle est sous-divisée en autant de lobes qu'il y a de branches primaires du ramuscule terminal, c’est-a-dire du vaisseau afférent, et ces lobes ne se communiquent ensemble qu’à la racine de la touffe. Il y a donc entre ces lobes des dépres- sions profondes qui deviennent manifestes quand les lobes ne sont pas très distendus par du sang ou par la matière d'injection. (x) Comme le mode de division de cette artère dans l’intérieur de l'organe est bien connu, je n'en donne pas la description, Ses branches ne s'anastomosent jamais. Il arrive presque tou- jours que les ramusculesqui se terminent dans les corpuscules de Malpigki sont assez allonges, mais parfois {comme à la fig. 8) aux corpuscules, sont sessiles sur deux ramuscules très courts d'une seule branche, (2) Cæterüm glomeruli ulterior conformatio in præstantissimis quamvis injectionibus non facile extricari potest, Videur tamen observasse arteriolam quæ glumerulo accedit, cirrhi adin- star dividi, unde tortuosa vascula oriuntur, quæ ansis secum arctè connectuntur et recurrunt. Sed hoc certum est glomerulos liberè in vesiculis contineri, nee ullibi, nisi uno in punceto, cum vesiculis cobærere, « Müller, loc, cit,, p. «or. BOWMAN. — Sur La structure des reins. 113 La surface de la touffe est libre en tous points et sans adhérence: mais il y a continuité entre ies surfaces opposées des lobes. Toute la périphérie de chacun des vaisseaux qui composent la touffe est également libre, et ces vaisseaux sont flottans dans l'intérieur de la capsule. Cette disposition ne peut être aper- cue dans des pièces gorgées de la matière d'injection. On ne peut la constater que par l'examen attentif de pièces fraiches vues au microscope, Sous un grossissement de 200 à 300 dia- mètres. Ces vaisseaux sont si complètement à nu, qu'on ne peut, dans aucune autre partie, étudier les capillaires du corps d’une manière aussi avantageuse. Ce n’est que dans le cas où la touffe est volumineuse , comme chez l’homme et chez le cheval, qu'on peut distinguer nettement sa forme lobulée. Quand le nombre des sous-divisions primaires du vaisseau afférent est petit, il est moins facile d’apercevoir les lobes; cependant ces derniers peuvent souvent être vus chez la Grenouille, Chez les Oiseaux et chez les Reptiles, le vaisseau afférent se divise ra- rement ; mais il se renfle pour constituer une cavité en forme de poche, qui, après être contournée plusieurs fois, se resserre de nouveau pour constituer le vaisseau efférent, Ici, par consé- quent. il n’y a pas de lobes ; mais toute la partie renflée est libre. La membrane fondamentale des canaux urinifères, étendue sur la touffe de Malpighi, pour constituer la capsule, est une membrane simple homogène et parfaitement transparente, dans laquelle on ne peut découvrir aucune structure, Elle est perfo- rée, comme je viens de le dire, par les vaisseaux afférens et par les vaisseaux efférens ; bien certainement elle n’est pas réfléchie sur eux. Ils y sont attachés aux points d’entrée et de sortie; mais je n’ai pu découvrir comment cette connexion a livu. Vis-à-vis de ce point se trouve l’orifice du canal urinifère , dont la cavité se continue avec celle de la capsule, par l'intermédiaire d’une sorte de col. J'ai en ma possession des préparations des reins dé Mammifères, d'Oiseaux, de Reptiles et de Poissons, faites au moyen de la double injection , et qui démontrent cette con- tinuité de la capsule du corpuscule de Malpighi avec les canaux urinifères. On obtient encore la même démonstration, et d’une manière plus satisfaisante, sur une pièce fraiche , bien prépa- XIX Zoo. — Février : 14 BOWMAN — Sur la structure des reins. rée, vue à l’aide d’un bon micrescepe, sous un grossissement de 300 diamètres. Comme les corpuscules de Malpighi se trouvent disposés dans tous les sens possibles, il arrive souvent qu’une tranche mince de la substance rénale, faite parallèlement au col du canal urinifère, ne peut être pratiquée de suite; mais, avec de la persévérance , on y arrive toujours. On pent voir alors sur cette tranche que la capsule se continue avec la membrane fondamen- tale de la même manière que le corps d’un flacon de Florence se réunit à son col. La membrane fondamentale du canal est tapissée d’un épithélium à noyaux finement granulés et opaques, tandis que le col du canal et son orifice sont couverts par une couche de cellules beaucoup plus transparentes et bien déli- mitées; ces dernieres parties sont en outre revêtues de cils vibratiles. L’épithélium se prolonge, dans beaucoup de cas, sur la totalité de la surface interne de la capsule, dans d'autres, il m'a été impossible d'en reconnaître la moindre trace sur plus d’un tiers de cette surface interne. Dans l’intérieur de la capsule, à une petite distance de son embouchure, les cils disparaissent, et l'épithélium est transparent et d’une grande finesse. Il offre rarement des noyaux, et paraît se gonfler par l'addition de l'eau. Souvent cet épithélium remplit l’espace compris entre la capsule et la touffe, et touchant à cette dernière, paraît y être uni. Les lignes de contact de ces deux parties peuvent alors se dessiner comme un tissu aréolaire d’une délicatesse extrême, qui réuni- rait la capsule à la touffe. La cavité qui existe dans l’état naturel, entre l'épithélium et la touffe, est remplie d’un liquide dans lequel les vaisseaux sont baignés. Ce liquide est soumis à un mouvement progressif continuel, produit par le mouvement vibratil des cils, Dans la Grenouille, chez laquelle seule j'ai pu apercevoir ces organes admirabies en fonction, ces cils étaient plus longs que ceux des autres parties du même animal, et leurs mouvemens étaient extrémeruent vifs. Les canaux uriniferes, à leur sortie des corpuscules de Malpi: ghi, offraient toujours des circonvolutions très marquées. Dans un cas, j'en ai vu deux se réunir ensemble, et, d'apres le BOWMAN. — Sur la structure des reins. 115 mode de division dichotomique qu'ils offrent à partir da bas: sinet, on ne peut guère douter que cela n'ait lieu constamment: Je n'ai jamais vu, dans toutes mes recherches, aucune appa- rence d’anastomose entre deux conduits distincts. Les conduits tortueux se réunissent successivement par paires, et deviennent enfin droits, pour former les pyramides de Ferrein, qui, en convergeant vers le bassinet, constituent les cônes médullaires ou pyramides de Malpighi. Les corpuscules de Malpighi sont couchés dans une espèce de nidus , formé au milieu des cir- con yolutions de ces conduits, de sorte qu’ils sont de toutes parts en contact avec eux, Comme la sortie du conduit du corpuseule de Malpighi ne peut être, aperçué que dans un seul point, il n’est pas étonnant que cette disposition ait passé inaperçue , et qu'on ait pu penser que les corpuscules de Malpighi sont seu- lement logés au milieu des conduits, sans avoir aucune con- nexion avec ces Canaux. Le sang, à sa sortie des touffes des corpuscules de Malpighi, est porté par les vaisseaux efférens au grand réservoir rénal : le plexus capillaire qui entoure les tubes urinifères. Ce plexus. en.ce qui regarde son arrangement général, ressemble à celui qui embrasse les conduits du testicule. Les vaisseaux se trouvent dans les interstices des conduits et s’anastomosent librement partout, de façon à constituer, dans toute l'étendue de l'organe, un lacis continu placé à l'extérieur des conduits et en contact avec leur membrane fondamentale. Ce plexus est interposé entre les vaisseaux efférens des corpuscules de Malpighi et les veines. Les vaisseaux efférens des corpuscules de Malpighi sont tou- jours solitaires et ne s'anastomosent jamais entre eux, chaque vaisseau efférent étant un canal isolé placé entre les touffes des corpuscules et le plexus qui entoure les conduits. Ils sont formés par la réunion des vaisseaux capillaires de kx touffe et sortent de son intérieur de la maniere déjà exposée; apres un trajet d’une longueur variable, ils s'ouvrent dans le plexuis: Leur dia- mètre est très variable; en général ils sont plus petits que: le ramuscule terminal de l'artère, et ils ne sont que raremerit, peut-être jamais, plus gros que les vaisseaux du plexus dans lequel ils se rendent. Mais lorsque la touffe du corpuseule e;t 8. 116 POWMAN. — Sur lu structure des reins. volumineuse , le vaisseau efférent offre ordinairement aussi'un diamètre considérable , et se divise en rameaux avant de péné- trer dans le plexus. Cela est surtout le cas, pour les vaisseaux efférens situés près de la base des cônes médullaires, là où la substance corticale et la substance tubuleuse semblent se réunir. Les vaisseaux efférens qui sortent de ces corpuscules volumi- neux ont souvent un diamètre trois ou quatre fois plus consi- dérable que celui des vaisseaux du plexus, et se dirigent vers le bassinet du rein entre les conduits urinifères; on les a pris pour des conduits de ce genre : ils se divisent à plusieurs re- prises à la maniere des artères, et forment le plexus à longues mailles qui recouvre les conduits urinifères dans cette portion du rein. Quelques-unes des veines qui prennent naissance de ce plexus forment le lacis vasculaire bien connu des extrémités mamillaires des cônes; lacis qui entoure les orifices des con- duits ; enfin ces veines, en revenant sur leurs pas, se dirigent de nouveau parallèlement aux conduits pour s’aboucher dans les branches veineuses situées vers la base des cônes , et elles ont été également pris pour des conduits urinifères. Les autres racines des veines sont disséminées à distances à-peu-près égales dans la substance corticale des reins, et cha- cune de ces radicules reçoit le sang de toutes parts du plexus qui entoure les conduits uriniféres convolutes. Quand ces ra- dicules veineuses sont gorgées de sang ou injectées, elles des- sinent , à la surface externe du rein, des lobules qui ressem- blent assez aux lobules du foie; cela se voit souvent à la surface externe du rein du cheval. Chaque lobule renferme un grand nombre de conduits urinifères tortueux avec les vaisseaux capil- laires qui leur appartiennent; mais les convolutions d’un con- duit déterminé peuvent ne pas rester circonscrites à un seul et même lobule. Les radicules veineuses se réunissent ensemble pour donner naissance à des veines d’une forme irrégulièrement arborescente et qui, à leur tour, anastomosent ensemble pour: constituer les diverses branches de la veine rénale. Les vei- nules de la surface des reins, surtout du rein de l’homme, ont une tendance à converger vers un vaisseau central qui pénètre dans l'intérieur de cet organe en se dirigeant, comme les autres | | | BOWMAN. — 97 la structure des reins. 117 veines, vers l’échancrure. C’est ainsi que sont formés les vais- seaux sanguins en étoile, mentionnés par les anatomistes, et qui deviennent souvent très manifestes dans des cas patholo- giques. Les conduits urinifères contournés et leur plexus s'é- tendent jusqu’à la superficie du rein entre les prolongemens tortueux de ces veines en étoile (PI. 1, fig. 11); mais les corpus- cules de Malpighi se voient rarement (si même on en voit}, à la surface du rein , étant toujours plus où moins couverts par les convolutions des conduits. Les veines de la capsule du rein et de la couche graisseuse qu'entoure cet organe , se rendent toujours à la veine rénale dans un point quelconque de son trajet. Il est probable que les capillaires des vasa vasorum sitnés dans la profondeur du rein versent leur sang dans le plexus capillaire qui entoure les con- duits urinifères, de la même manière que les vasa vasurum de l'artère hépatique versent leur contenu dans le plexus portal hépatique des lobules du foie. Il y a donc dans le rein deux systèmes de vaisseaux capil- laires parfaitement distincts , à travers lesquels le sang passe pour se rendre des artères dans les veines , savoir: 1° le système capillaire renfermé dans les extrémités dilatées des conduits uriniféres, et qui est en communication directe avec les artères; 2° celui qui entoure les convolutions des conduits urinifères et qui communique directement avec les veines. Les vaisseaux ef. férens des corpuscules de Malpighi, ayant pour fonction de porter le sang de l’un à l’autre de ces systèmes, peuvent donc être désignés coHectivement sous le nom du système de la veine- porte rénale, Je suis disposé à attribuer à chacun de ces sys- tèmes capillaires une part distincte dans les fonctions du rein, et l'importance de ce point me paraît si grande, que je crois devoir consigner ici quelques nouveaux détails relatifs aux dif- férences anatomiques que deux systèmes présentent. Le pre- mier peut être appelé le système capillaire Malpighien , et se compose d'autant de parties qu'il a de corpnscules de Mal- pighi. Ces parties sont parfaitement isolées les unes des autres, eb comme il n’y a pas d’anastomoses entre les branches arté- rielles qui les alimentent, le sang pénètre dans chacun direc+ > tLÙ DOWMAN, — Sr la struclure des reins. tement du tronc principal. Ge système capillaire est, en oûtre, extrêmement remarquable, unique même, parmi les struc- tures analogues, car il est à nu. Les conduits sécréteurs du réin , comme ceux de toutes les autres glandes, ne sont autre chose, à proprement dire, que le renversement en dedans de l'enveloppe externe : leur intérieur est, dans un sens, l'exté- rieur du corps; leurs parois sont interposées entre les vaisseaux et l'extérieur, et les recouvrent pour ainsi dire; mais voici une touffe de capillaires qui percent les paroïs de ces conduits et qui se logent dans une dilatation de leur cavité, sans être couverte d'aucun tissu; ils sont donc bien réellement à nu, et cepen- daat üls sont à l'abri de tout danger , étant renfermés dans uñé cellule profonde. Il est aussi à noter que chaque portion séparée de ce système n’a qu’un seul vaisseau afférent et un seul vais- seau efférent, et tous les deux sont excessivement petits, rela- tivement à la capacité de la totalité de la touffe capillaire, L'ar: tere, en se divisant , se dilate. puis donne des branches dont le volume est souvent plus considérable que celui du tronc, et ces branches se ramifient à leur tour pour former les ramus- cules les plus ténus. En général , le vaisseau efférent n’est pas aussi développé que le vaisseau afférent, et souvent il est même capillaire, A raison de cette disposition, le cours du sang à tra- vers la touffe doit être plus lent que dans aucune autre partie du système vasculaire, et cette lenteur doit être augmentée par la flexuosité des vaisseaux que le liquide traverse: L'autre système des capillaires rénaux, c’est-à-dire celui qui revêt les conduits urinifères , répond en tout ce qu’il y a d’im- portant, au lacis vasculaire qui entoure les canaux sécréteurs des autres glandes: Il est bien connu des anatomistes, et, pour cette raison, je n’ai pas besoin de le décrire en détail: Les vais- seaux qui le composent s'anastomosent librement entre eux dans tous les sens, et sont appliqués sur la surface profonde de Ja membrane qui fournit la sécrétion. J'ai donné le nom de système de la veine-porte rénale à la série de vaisseaux intermédiaire à ces deux systèmes capillaires, à cause de la très grande analogie qu'il offre avec le système de la veine-porte hépatique. Il se peut qu'il y ait des différences BOWMAN. — Sur la structure des reins. I 16) entre cés deux systèmes relativement à la qualité du sang qu'ils chärrient, mais ils se ressemblent quant à leur distribution. Le système qui nous occupe est intermédiaire entre deux réseanx capillaires, dont le premiér correspond à celui dont là veine-porte hépatique tire son origine, et le second à celui dan: lequel cette veine-porte se termine. La principale différenc: entre ces deux systèmes consiste en ce que, dans le rein, le: vaisseaux isolés ne se réunissent pas, comme dans le foie, pou former un tronc unique, lequel se sous-divise ensuite; mais : me semble qu'on peut donner une explication tres facile dl cette circonstance, Dans le grand système de Îa veiné-porte hé- patique, un tronc est formé pour faciliter le cours du sang parce qu'un grand nombre des capillaires qui concourent à . former sont situés à une distance considérable du foie. Quelques- uns cependant, ceux, par exemple, qui tirent leur origine € l'artère hépatique entrent ( d’après opinion de Müller, et mes: propres préparations la confirment au moins pour quelques-un d'entre eux) directement dans le plexus portal bépatique, où bien, comme Kiernan le veut, se réunissent aux petits ramus- cules de la veine-porte. Ponr ce qui regarde le rein, les vais- seaux sortant des corpuscules de Malpighi sont disséminés d’une manière assez égale dans tout le plexus environnant les conduit uriniferes ( plexus dans léquel ils doivent se rendre), et par cett raison ils s’y abouchent de suite partout et dans tous les ser, sans se réunir préalablement. Dans les cônes de la substan: médulläire cependant, le plexus capillaire auquel du sang doi être fourii, étant éloigné de tout corpuscule de Malpighi, les conditions qui rendent nécessaire l'existence d’un tronc ana- logue à celtri de la veine-porté commencent à se faire sentir ; en effet, les deux systèmes capillaires que le tronc réunirait ensemble sont éloignés l’un de Pautre, et, pour cette raison, les corpuscules de Malpighi sont généralément plus gros ici qu'ail- leurs, leurs vaisseaux efférens plus volumineux se ramifient à la manière d’une artère, et chacun de ces vaisseaux est veriti- blement une veine-porte en miniature. Le plexus capillaire qui entoure les conduits uriniferes «it- fere, par conséquent, de celui de toutes les autres glandts et 120 BOWMAN. — Our la structure des reins. ressemble à celui du foie en ce qu'il reçoit du sang qui a déjà traversé un autre système de vaisseaux capillaires. CeL_ autre système, comme j'ai dit plus haut, esttout particulier et ne peut être comparé rigoureusement au système capillaire qui alimente la veine-porte du foie. J'avais déjà écrit ce qui précède touchant l'existence d’un sys- téme d’une veine-porte rénale dans les classes supérieures des Vertébrés, quand une occasion s’est présentée à moi pour exa- miner la distribution de ces vaisseaux dans un des animaux ver: tébrés inférieurs chez lequel le rein reçoit non-seulement une artère rénale, mais de plus une veine-porte tirant son origine de la partie postérieure du corps. L'existence de cette veine, quoiqu'elle ait été niée par Meckel, a été bien établie par Ni colai, dont les assertions ont été confirmées par d’autres ana- lomistes; mais Je ne sache pas qu'aucun auteur ait décrit sa distribution remarquable et ses rapports avec les autres vais= seaux (1). Je donnerai donc ici une description sommaire du rein du Boa constrictor (l'animal dont il s’agit), et qui peut ètre considéré comme offrant le type de cette disposition ; je pense que cette description fera voir l’exactitude des analogies que j'ai signalées entre les vaisseaux efférens des corpuscules de Malpighi et la veine-porte hépatique , et qu’elle jettera aussi une vive clarté sur d’autres ressemblances des plus tran- chées entre la circulation sanguine du foie et celle des reins. Le rein du Boa étant composé de lobules isolés, réniformes et comprimés, offre dans tous les points de sa structure une sim- plicité et une beauté particulières. Dans le point qu’on pourrait appeler la scissure de chaque lobe rénal, les branches de la veine-porte et du conduit urinifère se séparent de celles de l'artère rénale et la veine émulgente, les deux premieres s'é- tendant en éventail sur les deux faces opposées du lobe, tandis que les dernières pénètrent dans la substance rénale, s'irradiant de concert entre ces deux surfaces. Le lobe est composé des (:) Huschke, qui paraît avoir donné plus de détails sur ce sujet qu'aucun autre anatomiste, dit qu'il n'a pu décider si les ramuscules de l'artère se rendent aux corpuscules de Malpighi daus le rein du serpent ou non. Chez la grenouille cependant, selon lui, les corpuscules de Malpighi sont attachés aux ramuseules terminaux de Varière (Zsés, 1828, p. 566-7). BOWMAN, — Sur la structure des reins. 121 ramifications de ces quatre espèces de vaisseaux disposés de la mauière suivante : chaque conduit , en parcourant la surface du lobule, envoie une série.de branches qui pénètrent assez direc- tement en se dirigeant vers le plan médian. Arrivées là, elles se replient plus ou moins er arrière, en s’'approchant de la surface, et enfin, après avoir décrit des circonvolutions, se terminent dans les corpuscules de Malpighi, qui sont tous disposés en une couche à quelque distance de la surface du lobe, et parallèle- ment au plan central dont elles sont plus rapprochées que de la face externe du lobe. Les conduits ne s'anastomosent jamais ; l'artère se sous-divise, et ses branchies, en devenant capillaires, se dirigent en divers sens, et pénètrent dans les corpuscules de Malpighi. Les vaisseaux efférens ont le même volume que les vaisseaux afférens , et, en sortant des corpuscules, se divergent directe- ment vers la surface du lobe, pour se réunir aux branches de la veine-porte , qui s’y trouvent répandues. Les branches de la veine-porte situées à la surface des lobules envoient dans ceux- ci un grand nombre de ramuscules d’une grosseur à-peu-près égale et seulement un peu plus volumineux que les vaisseaux du plexus capillaire , dans lequel ils se terminent presque im- médiatement. Ce dernier plexus est celui qui environne les conduits urinilères. Il-s’étend de la surface du lobe jusqu’au centre , et se termine là dans les branches de la veine émul- gente. Ainsi les vaisseaux efférens des corpuscules de Malpighi sont les radicules de la veine-porte, et, par l'entremise de cette veine , elles envoient le sang, comme dans les vertébrés supé- rieurs, dans le plexus qui entoure les conduits urinifères. La seule différence véritable entre ce type des reins et celui des Mammifères , consiste en ce que, chez le Serpent, il y a un vais- seau chargé d'apporter du sang , qui a déjà traversé les capillaires des parties éloignées du corps, et que ce sang, mélangé avec celui provenant des corpuscules de Malpighi, traverse le plexus qui environue les conduits uriniferes. Les vaisseaux efférens des corpuscules de Malpighi montent à la surface du lobule, pour que le sang provenant de ces corpuseules se répande dans toute 122 LOWMAN. — ur La structure des reins. l'étendue du plexus capillaire; ce qui n’aurait pas eu lieu, si ces vaisseaux eussent abouché ailleurs. J'ai décrit l’artère comme si elle se bornait à alimenter les corpuscules de Malpighi; mais, vers l’'échancrure des lobes, elle envoie comme chez les animaux supérieurs, un petit nombre de ramuscules aux tuniques des canaux excréteurs et des gros vaisseaux. On peut facilement apercevoir les capillaires provenant de ces ramuscules , et ils se rendent probablement dans les branches de la veine-porte, La circulation du sang dans ce type du rein peut être com- parée avec justesse à celle qui se fait dans le foie, telle que M. Kiernan l’a décrite dans son beau mémoire sur cette glande. Le plexus qui entoure les conduits urinifères correspond au plexus de la veine-porte hépatique, qui, dans les lobules du foie, revêt la portion terminale des conduits biliaires. Ces deux plexus reçoivent leur sang d’une veine-porte, qui le puise en grande partie dans des capillaires d'organes éloignés, mais en partie des capillaires artérielles de la glande elle-même. La seule différence parait être que, dans le foie, les branches de l'artère se distribuent en entier aux gros vaisseaux hépatiques , aux ca- paux biliaires, etc., tandis que dans le rein un petit nombre de branches sont ainsi distribuées, tandis que le plus grand nombre pénetrent dans les corpuscules de Malpighi pour accomplir une fonction particulière et importante. Dans ces deux glandes , ce- pendant, tout le sang de l'artère se rend en définitive dans la veine-porte. La veine émulgente du rein répond à la veine hé- patique du foie. On peut formuler ainsi, d'une manière générale, /4 compa- raison entre la circulation de la veine-porte hépatique et celle de la veine-porte rénale: le système de la veine-porte hépatique puise le sang à deux sources, dont l’une est étrangère à l'organe, l'autre située dans l'organe même. Dans les reins de vertébrés inférieurs, il y a aussi une source étrangère et une autre in- trinsèque. Dans l’un comme dans l’autre cas la source étrangère est la principale et l’intrinsèque très minime; maïs dans le rein des mammifères supérieurs le système de la veine-porte ré- BOWMAN, — Sur la structure des reins. 123 nale wa qu'une source intrinsèque , et l'artère qui en fournit le sang est, proportion gardée, très volumineuse. Voilà ce qui me paraît être le plus important relativement à l'anatomie des vaisseaux sanguins et des conduits du rein. Mon intention n’a été que de donner une idée de l'anatomie physiolo- gique de cetie glande, et c’est pour cette raison que j'ai omis de mentionner, excepté dans le cas où ces observations ont pu contribuer à éclairer mon sujet, les caractères plus grossiers du rein dans les diverses classes d’animaux, caractères qui sont le ré- suliat de modifications de l’état d’aggrégation des parties consti- tuantes de cet organe. Les principales de ces variétés sont bien connues, et ce serait fatiguer inutilement le lecteur que de lui en représenter d’autres; car ces particularités n’offrent qu’un intérêL très secondaire. J'ai fait mon possible pour dessiner avec une scrupuleuse exactitude, d’après nature, les figures qui ac- compagnent ce mémoire. Les préparations anatomiques qui m'ont servi de modele sont encore; avec beaucoup d’autres, en ma possession , et celles qui ne doivent être examinées qu’à l'état frais peuvent le plus souvent être faites avec facilité. Maintenant je vais exposer les résultats de mes injections du rein de l'hümme et de celui des animaux supérieurs par la voie desartères, des veines et des conduits, pour montrer leur concor- dance avec ce que j'ai dit relativement à à nature des corpus - cules de Malpighi et de l'appareil vasculaire de l'organe. Cela estutile pour pouvoir comparer mes résultats avec ceux d’au- tres ahatomistes (que je w’ai pas cités avec détail, dans le but d'éviter des longueurs ); il donnerä, en outre, une facilité plus grande à ceux qui voudront vérifier l'exactitude de ce que j'avance. (1) Les touffes de Malpighi jieuvent étre injectées avec une grande Jäcilité par la voie des artères ; les capillaires qui entourent les conduits urinifères peuvent étre également injectés par la même (x) M: Berres, professeur distingué de Vienne, dans son ouvrage récemment publié sur lanatomiemieroscopique affirme l'existence de communications directes entre les conduits uri- nifenes et le plexus capillaire qui les entoure; célte circonstance digne de remarque montre la difficulté du sujet. 124 BOWMAN. — Sur La structure des reins. voie, muis inoëns facilement. Les conduits urinifères peuvent étre aussi remplis de la matière d'injection poussée par la méme voie , mais seulement par suile d’une extravasation ayant lieu dans les touffes de Malpighi. La voie d'injection jusqu'aux touffes par l'artère est directe et libre. L'arbre artériel n’est que de peu de capacité, et il ya rarement assez de sang après la mort, pour empécher l’arrivée de la matière d'injection. Mes préparations montrent que cet arbre artériel peut être injecté à divers degrés par la double injection (PI. 1 et 2, fig. 1 à 14). Parfois les touffes sont rem- plies, et les vaisseaux afférens et les vaisseaux efférens-sont vi- sibles aussi bien que les communications de ces derniers avec- le plexus qui entoure les conduits (fig. 2, 4, 5,6). Dans d’autres, les vaisseaux de la touffe ont cédé à la pression du liquide, qui s’est frayé une route jusque dans la capsule, et souvent aussi jusque dans les conduits uriniferes (fig. 4, 9, 10, etc.) (x). Parfois la matière de l'injection n’a passé librement et sans extravasation que dans une portion de la touffe de Malpighi, tandis que l’autre portion reste remplie de sang ; mais cela ne peut jamais arriver pour des vaisseaux roulés et sans ramifications (2) tels que quel- ques auteurs en ont déjà décrits. Dans ce cas, quand l’injection n’est que partielle, les vaisseaux afférens et les vaisseaux efférens sont injectés tous deux ; mais une portion seule de la touffe l’est (fig. 2). Quelquefois la matière d'injection s’est épanchée de suite, en pénétrant les premières branches de la touffe : elle s’insinue alors entre la pelotte de vaisseaux et la capsule, et s'écoule en- suite le long du conduit, Dans ce cas, la touffe reste non injectée et remplie de sang, et elle est enveloppée d’une pellicule de la (x) C'est un grand plaisir pour moi de dire que mon ami M. Tomes a remarqué, il y a trois ans, en examinant un graud nombre de reins injectés ,‘que sur deux ou trois de ses préparations la matière d'injection s'était échappée le long des conduits urinifères , et il a conservé une es- quisse rapide faite d’après une de ces pièces. Ne voyant plus cette apparence dans ses autres préparations, il a discontinué ses recherches. Je ne doute nullement qu’il m’ait communiqué ce fait dans une conversation qu’il a eue avec moi à celte époque, quoique je ne m'en sou- vienne pas actuellement. Le premier dessin que j'ai fait du conduit enxeloppantla touffe, est daté du 17 février 184r, époque à laquelle ce sujet commençait à exciter mon attention. (2) Par conséquent . cela n'arrive jamais chez les oiseaux dass lesquels le vaisseau sançuiu du corpuseule de Malpighi se recourbe sous la forme d’un renflement contourné en pelotte. BOWMAN. — Sur da structure des reins. 125 matière d'injection (fig. 9). Parfois aussi un seul côté de la touffe est injecté au moment où l’extravasation a lieu , et tantôt toute la touffe est alors injectée, tantôt le vaisseau afférent peut l'être également (fig. 3, 4). En général, la capsule, ainsi remplie de la matière d'injection extravasée, offre une surface externe parfai- tément lisse; mais, quand la touffe dans son intérieur est très distendue, cette distension peut donner à la surface externe de cette poche desséchée une apparence analogue à celle de la touffe injectée elle-même. La capsule à l’état de distension paraît, dans beaucoup de cas, être renflée et arrondie autour du point de l’'en- trée et de la sortie des vaisseaux, et alors ces vaisseaux semblent être enfoncés dans une petite fossette ou sillon avant d’arriver à la touffe (fig. 9). Enfin il arrive quelquefois que la matière d'injection , malgré l’extravasation dans la capsule, ne s’est pas étendue sur toute la surface de la touffe, quoiqu’elle ait passé le long du conduit (fig. 3, 10,m, n). Comme les conduits uri- nifères du rein de l'homme deviennent ordinairement très tor- tueux à leur sortie des corpuscules de Malpighi, l'injection qui les remplit peut prendre la forme d’une masse irrégulière et comme extravasée , et imposer ainsi à l'observateur qui néglige de l'examiner avec l'attention convenable (1) (fig. 9 ). Cela a lieu {x) Pendant que je m’occupais des recherches dont il est rendu compte dans ce Mémoire, j'ai saisi toutes les occasions qui se sont présentées à moi pour étudier les états pathologiques des reins de l'homme et en particulier les altérations qu’on rencontre dans la maladie de Bright. Il est évidemment étranger au sujet qui nous occupe de donner ici une description générale des résultats de mes recherches sur ce sujet intéressant, mais je ne puis m'empêcher de noter un fait d'une grande importance qui non-seulement est éclairé par nos connaissances relatives à la structure normale de cet organe, mais qui à son tour jette de la lumière sur cette structure. On sait que, dans cette maladie, le sang passe souvent avec l’urine, surtout dans le premier temps, époque à laquelle plusieurs circonstances semblent contribuer à démontrer que le rein est dans “in état de turgescence sanguine. Comment le sang s'échappe-t-il des conduits de la glande? L'organe examiné à cet état offre à sa surface et répandues dans toute sa substance corticale de petites taches rouges disséminées, d’une forme un peu irrégulière, non exactement arron- dies et généralement du volume d'une tète d'épingle, c'est-à-dire beaucoup plus grosses que les corpuscules de Malpighi, Ces taches sont très visibles à la surface, où comme j'ai dit plus baut, il n'existe aucun corpuscule ; cependant elles ont été prises par plusieurs auteurs modernes (et en réclamant l'honneur du premier énoncé de cette opinion) pour des corpuscules de Malpighi gonflés par du sang, Il serait difficile de concevoir comment une touffe de Malpighi, telle que je ai décrite, puisse atteindre un volume aussi prodigieux comparé à sa grandeur naturelle, Il est vrai que si l’on examine la pièce à l’aide d’une loupe, 126 BOWMAN, — Sr la structure des reins. très souvent quand on fait usage de la colle et du vermillon (1), surtout quand la pièce qu'on injecte n’est pas parfaitement fraiche ; car l'épithélium perd bientôt ses adhérences à la mem- brane fondamentale des conduits , et, tombant dans la cavité de ces derniers, se mêle avec la matière d'injection et masque les résultats. Cette couche , qui revêt comme avec un pavé d'épi- thélium l’intérieur des conduits, donne un aspect remarquable à ces parties, quand on les examine au microscope après avoir pratiqué la double injection. Gette matière pénétrante s’insinue dans les interstices des particules épithelmiques ; et fait ressortir ces derniers comme un mosaique sur les parois des conduits. Quand il n’y a pas eu d’extravasation dans les corpus- cules de Malpighi, souvent une plus ou moins grande étendue on voit que le sang formant ces taches est disposé en lignes convolutées, mais ces convo— lutions ne-sont pas les vaisseaux sanguins dilatés de la touffe, Elles ne sont autre chose que les convolutiors d’un couduit urinifère rempli du sang. qui s'est exlravasé, et qui provient de la touffe de Malpighi engorgée, située à son extrémité; cela se voit de suite pour peu qu'en soit familier avec l'apparence de ces conduits remplis d’injection, et la figure que j'ai donnée de ces conduits injéctés dans un rein sain (fig. 11) peut servir commé une représen- talion exacte, d'une de ces taches telles qu'on en voit à la surface de l'organe malade. Les ob- stacles plus où moins complets qu'on rencontre souvent de la sorte dans ces conduits est la cause de dilatations des conduits et de la capsule de Malpighi qu’on rencontre dans l'état avancé de cette maladie. On peut ainsi se rendre raison de l'opinion vague exprimée par les au- teurs qui regardent celte maladie comme consistant essentiellement en un gonflement des glan- dules de Malpighi, Quoique j'aie examiné avec beaucoup de soin un grand nombre de reins dans tous les élats de cette affection , je n'ai vu dans aucun cas un gonflement bien marqué, de vaisseaux de la touffe des corpuscules, Au contraire, mon ami, M. Busch, habile observa— teur, a en sa possession des pièces qui démontrent que ces vaisseaux ne sont pas dilatés dans la première période; je possède aussi des reins injectés provenant de malades dans toutes les périodes de cette affection, et dans aucun les vaisseaux de la touffe des corpuscules ne sont plus volumineux qu'à l’état sain. Je ne veux pas dire par là cependant que les corpuscules soient étrangers à la série des phénomènes morbides qu'on observe dans cetie affection. Au contraire, ils ne peuvent l'être, à en juger par leur structure anatomique. Mais,ce n'esL pas ici le lieu de discuter les rapports que ces corpuseules de Malpighi ont avec la maladie de Bright. (x) Mon ami M: Quekett, du collège des Chirurgiens de Londres, a en sa possession un grand nombre de reins injectés, dans lesquels , depuis que son attention a été attirée sur ce fait , il apu saisir la sortie du conduit urinifère des glandules de Malpighi. Il n'a montré une belle préparation des corpuseules de Malpighi chez le cheval qui a été présenté par M. Hyrtl de Prague à la Société microscopique de Londres. Daas un coin de cette pièce, on voit uneextravasatiou semblable , quoique ce point ail paru avoir échappé à l'attention de cet ana- tomiste habile. Je dois encore à M. Quekett un rein de Boa très heureusement injecté d’après lequel la figure 14 a été dessinée. BOWMAN. — Sur la structure des reins. 127 de lacis vasculaire, qui entonre les conduits , se trouve injectée. C’est dans ce cas qu’on obtient les préparations les plus parfaites des corpuscules de Malpighi , remplis d'injection; mais les veines elles-mêmes sont rarement bien remplies, quand on pousse l'injection par les artères; car non-seulement le trajet est long et interrompu par des milliers de petites avenues distinctes (les touffes de Malpighi), mais encore la voie est ordinairement gor- gée de sang. Quand l'injection est poussée par une branche de l'artère rénale, les apparences que je viens de décrire ne se montrent que dans les portions du rein auxquelles cette branche se distribue. Il n’y a pas d’anastomoses entre les branches arté- rielles dans l’intérieur de la glande. Il arrive quelquefois quand on injecte par l'artère, que l’extra- vasation a lieu dans les interstices des conduits urinifères, soit que les capsules des corpuscules et les conduits uriniferes aient été remplis ou non. Cela peut être occasionné par la rupture de l’arbre’artériel, avaut que la matière d'injection ait pu péné- trer jusque dans les corpuscules de Malpighi (ce qui est rare quand on n’a pas poussé avec beaucoup de force), ou bien par la rupture de vaisseaux efférens de ces mêmes corpuscules ou du plexus des conduits urinifères, après que la matière avait passé par la touffe de Malpighi. Cela peut arriver encore par la rupture d’un conduit urinifere rempli lui-même par la déchi- rure d'une touffe de Malpighi. Les capillaires qui entourent les conduits peuvent étre injec- tés par la voie des veines ; mais ni les corpuscules de Malpighi, ni les artères, ne peuvent. étre injectés par cette voie ; les con- duits ne peuvent l’étje non plus hors le cas d'extravasation de la matière d'injection. L'ensemble de la capacité des capillaires des conduits urini- fères est tres considérable, et ce système renferme ordinairement beaucoup de sang. Quand on pousse de la matière d'injection par la veine, tout l'organe se gonfle de suite, tant ces canaux vas- culaires sont dilatables, et se communiquent librement les uns avec les amutres. Cette matière se répand en tout sens, par suite des communications sans nombre des veines avec les capillaires ; 128 BOWMAN. — Sur la structure des reins. mais il n’y a pas de chemin ouvert entre le lacis capillaire et les corpuscules de Malpighi, au moins les communications ne sont nullement comparables à celles qui ont lieu entre les veines et les capillaires. En effet, les seules voies par où la matière peut passer sont les vaisseaux efférens des corpuscules de Malpighi, qui sont comparativement peu nombreux et de dimension capil- laire, et qui n’ont aucune connexion entre eux, si ce n’est par le moyen du plexus lui-même. Il faut ajouter à cela que la touffe de Malpighi, à laquelle ils aboutissent , est un grand ob- stacle au passage de la matière d'injection, tant par suite de la disposition tortueuse de petits vaisseaux dont ce corps est com- posé, que par le fait de la présence du sang , lequel ne peut s'é- chapper que par une seule voie, celle du vaisseau afférent. Ainsi il y a non-seulement obstacle contre le passage rétrograde de veines vers l'artère à raison de la différence de capacité générale de ces deux systèmes vasculaires, la capacité des artères étant bien inférieure à celle des veines, mais encore il y a une dis- position des vaisseaux qui produit le même effet que s’il existait une double valvule. Les capillaires des conduits forment un premier grand cul-de-sac et ceux des touffes de Malpighi un second; car ces deux systèmes de capillaires peuvent être con- sidérée comme de vastes réservoirs dont l’accès est facile des artères vers les veines, mais très difficile en sens: contraire, c’est-à-dire des veines vers les artères. Si l’on réfléchit encore que le lacis des conduits ( celui de ces deux réservoirs qui est de beaucoup le plus vaste) retient presque toujours beaucoup de saug après la mort, et que le réservoir représenté par les ca- pillaires de Malpighi en renferme constamment aussi une cer- taine quantité, il ne sera pas difficile de comprendre pourquoi la matière d'injection poussée par les veines n’atteint pas les cor- puscules de Malpighi, quelque distendues que soient les capil- laires des conduits, car tout le sang doit passer d’abord à travers les canaux étroits dont il a été question, et cela ne peut se faire d'une manière complète. Je crois que eette explication, qui n’est autre chose que l'exposé des faits, sera considérée comme suf- fisante, et qu’il n’est pas nécessaire de supposer l'existence de valvules dans le trajet de ces petits vaisseaux sanguins. Je n’ai POWMAN. Sur la structure des reins. 129 jamais vu rien qui paraissait de nature à appuyer cette hypo- thèse, et si ces valvules existaient, ce serait une disposition unique dans tout le système vasculaire. Quand l'extravasation de l'injection a lieu par les veines , cette matière fraie quelque- fois son chemin jusque dans les conduits, par suite d’une dispo- sition organique dont il sera bientôt question. Les corpuscules de Malpighi ne peuvent pas étre injectés par la voie des conduits urinifères, et ni les veines ni le plexus qui entourent les conduits ne peuvent l'étre par cetle voie, à moins d’extravasation de la matière d'injection. Un grandnombre d’anatomistes ont,avec un soin infini, injecté le rein par le bassinet au moyen de la machine pneumatique, mais ils n’ont jamais réussi à remplir de la sorte un seul cor- puscule de Malpighi, et on a regardé ce résultat cemme une preuve positive que ces corpuscules ne sont pas placés à l’ex- trémité des conduits urinifères; mais je pense que si on réflé- chit sur la structure véritable des parties et sur leurs rapports, on verra que ce résultat constant s’accorde parfaitement avec ce que j'ai annoncé, et qu'il est la conséquence nécessaire de la disposition anatomique de cet organe. Ce que je vais dire sera suf- fisant, je crois, pour ceux qui connaissent la difficulté pratique de l'injection des conduits des glandes en général , et surtout de ceux dont le trajet est très tortueux. Le testicule même (dans lequel les tuniques des conduits sont beaucoup plus épaisses et plus fortes que dans les conduits rénaux dont la cavité est bien moins considérable que celle des premiers) ne pent être injecté par ces conduits qu'avec la plus grande difficulté : on ne peut trouver dans tous les cabinets de l'Europe dix préparations de cet organe dans lesquelles les conduits ont été véritablement remplis de, la sorte, et dans celles où on a réussi le mieux, rien ne prouve que la matière d'injection ait pénétré jusqu’à l’extré- mnité des conduits. Dans le rein, les conduits sont extrémement tortueux en s’é- loignant des corpuscules de Malpighi, et dans le plus grand nombre d'animaux, c'est seulement quand ils sont sur le point de se diriger vers le canal excréteur. que leur trajet est sans sinuo- XIX. Zoor. —. Mars } 130 BOWMAN. — Sur da struclure des reins. 4 sités. La voie vers leurs orifices est tellement libre dans Pétat naturel, que le liquide qu’ils renferment n’exerce pas de pres- sion notable contre leurs parois. Par conséquent, ces dernières sont extrémement faibles ; la membrane fondamentale, à la- quelle est due la plus grande partie de leur solidité, est très mince et facile à déchirer. Par conséquent, ils ne peuvent offrir beaucoup de résistance à un liquide poussé dans leur in- térieur par le bassinet etse crevant facilernient si l'impulsion est un peu forte. Mais si les tuniques de ces conduits étaient dix fois plus persistantes qu’elles ne sont réellement, la matière dirigée ainsine pourrait y pénétrer, à moins d’être poussée avec beau- coupde force, et cela pour deux raisons: 1° le liquide qui remplit déjà les conduits ne peut échapper pour donner place à la ma- tière de l'injection, ces conduits se terminant en culs-de-sac dans les corpuscules de Malpighi; et quoique dans ces corpuscules les conduits offrent un renflement, ce dernier est rempli presque complétement par la touffe de capillaires, et, par conséquent, ne conslitue pas un réservoir pour recevoir le liquide refoulé ; >° la couche de l’épithélium (qui ordinairement forme les deux tiers environ de l'épaisseur de chaque conduit , le ralibre en représentant environ un tiers) est très sujette à se séparer de la membrane fondamentale immédiatement après la mort, et à tomber dans l’intérieur du conduit, où elle intercepte le passage des liquides. Même lorsque cet épithélium reste accollé à la membrane fondamentale , le calibre du conduit est très peu considérable, et si cette tunique s'en détache , il oppose un ob- stacle invincible au passage de l'injection. Quand on soustrait la surface externe du rein à la pression atmosphérique, ces ob- stacles sont parfois vaincus en partie, de sorte que, même les portions tortueuses des conduits se trouvent injectées dans une certaine étendue. Mais cette réussite partielle est rare, par suite des obstacles mécaniques qui s’opposent au passage de l'in- jection, et l'impulsion donnée à cette matière ne manque jamais, plus tôt ou plus tard, de déchirer les tuniques des conduits avant que l'extrémité de ceux-ci aït pu être atteinte. Quand la matière injectée sort des conduits par déchirure, elle rem- plit, comme on devait s’y attendre, les interstices que ces BOWMAN. — Sur La structure des reins. 131 conduits laissent entre eux, et elle peut alors se faire jour par déchirure près de léchancrure du rein. Mais il est re- marquable de voir avec quelle facilité l'injection, poussée par les conduits urinifères , passe dans les veines et dans les vais- seaux lymphatiques. Cela se fait, sans doute, par extrava- sation'et ne démontre pas l'existence d’une continuité avec ces vaisseaux. Les veines peuvent être remplies quand l'in- jection n’a pas encore pénétré dans la portion des conduits située au-delà des cônes de la,substance tubuleuse, ce qui fait voir que la déchirure a dû se faire dans ces cônes soit vers leur extrémité mamillaire , soit dans leur substance. Si l’on pratique une coupe transversale mince d’un cône, on verra que les con- duits urinifères et les vaisseaux sanguins, qui en composent ensemble la plus grande partie, sont ensevelis dans une sorte de matrice d’une texture qui paraît être homogène, mais qui est probablement celluleuse, cette gangue étant fixée à la tunique externe des conduits et des vaisseaux qu'elle retient béans : de là la couleur foncée que les cônes offrent ordi- nairement et qu’on a pris le plus souvent pour un état de congestion quand on les a comparés avec la substance corti- cale où la gangue est moins abondante. C’est cette disposition anatomique qui m'explique la grande facilité avec laquelle la matière d'injection, poussée par les conduits, pénètre dans les veines. La moindre déchirure de la gangue doit amener la rupture des petits vaisseaux qui accompagnent les conduits, et par les ouvertures qui en résultent la matière injectée peut pénétrer dans leur intérieur ; si la force avec laquelle on pousse l'injection par les conduits est très mesurée et égale, il n’y a pas d’extravasation , et les conduits seuls sont injectés, et cela sou- vent même jusqu’à la surface du rein; mais une force trop con- sidérable ou mal réglée détermine presque toujours cette extra- vasation. Une fois que l’injection a pu pénétrer dans une vei- nule, quelque petite qu’en soit l'ouverture, cette matière se ré- pand plus facilement dans les veines et dans les capillaires voi- sins que dans les conduits eux-mêmes, et cela pour les raisons données plus haut; et alors si l’on coupe l'organe par tranches, ces vaisseaux sanguins semblent être remplis sans extravasa- 9 122 BOWMAN. — Sur la structure des reins. tion; les conduits sont aussi plus ou moins remplis avec la même matière, et les deux structures sont tellement entrelacées et confondues ensemble, qu'on dirait, surtout après que la pièce a été desséchée, qu’elles ne forment qu’un seul lacis continu. Le point par où l’extravasation s’est opérée échappant à l’ob- servation , on se trompe facilement sur l'existence d'une conti- nuité entre les veines ou les capillaires et les conduits urinifères. Quelques anatomistes distingués affirment que les conduites se terminent-en unesorte de plexus et assurent avoir aperçu cette disposition d’une manière non équivoque sur des pièces injec- tées. Je suis disposé à croire que cette opinion est fondée sur des apparences illusoires , celles, par exemple, dont il vient d’être question , ou par celle qui serait déterminée par la superposi- tion de conduits injectés. D’autres anatomistes ont pensé que les conduits se terminent en culs-de-sac libres sans connexion avec les corpuscules de Malpighi : ils ont fondé également cette opinion sur les apparences offertes par des pièces injectées, ainsi que sur l'examen de reins frais. Comme la matière in- jectée s'arrête toujours avant d'arriver aux véritables extrémités des conduits, c’est-à-dire jusqu'aux corpuscules de Malpighi, les préparations de ce genre doivent nécessairement offrir des extrémités de conduits injectés libres en apparence. Cette dispo- sition peut être produite encore sur d'autres pièces par les coupes pratiquées pour les préparer. En ce qui regarde les fausses ap- parences présentées par des reins frais , elles doivent être attri- buées évidemment à la courbure brusque-d'un conduit derrière la surface de la pièce tournée vers l'observateur. Dans une masse composée de circonvolutions, cette dernière apparence doit exis- ter continuellement , et s1 nature véritable peut être facilement déterminée par l'emploi d’un fort grossissement et un foyer va- riable. D’autres anatomistes qui connaissent cette dernière illu- sion d'optique, et qui n'ont pu trouver ni des anastomoses hibres entre ces conduits, ni leur terminaison dans les corpuscules de Malpighi, sont arrivés à l'opinion que les courbures des por- tions convolutées sont des anses par lesquelles les divers con- duits se réunissent les uns aux autres. Il est évident que cette manière de vair est le résultat de l'absence apparente de tont Re ne — BOWMAN. — Sur la structure des reins. 133 autre mode de terminaison, et doit être abandonnée actuelle- ment , s’il est démontré que les conduits se terminent dans les corpuscules de Malpighi. La description qui précède à été principalement faite d'apres mes recherches sur les, reins des Mammifères ; mais c'était mon intention d’embrasser les principaux points de l'anatomie des corpuscules de Malpighi dans tous les groupes de Vertébrés. J'ai constaté que, dans toutes ces divisions, les corpuscules de Mal- pighi sont formés par l'extrémité ditatée d’un conduit urinifere, à l’intérieur de laquelle se trouve une petite masse de vaisseaux sanguins. Mais dans les divers groupes formés par ces animaux. il y a différentes modifications qui méritent d’être signalées: les plus marquées portent sur le volume des corpuscules , et il en est d’autres qui dépendent du mode de division du rameau ar- tériel, et qui offrent certains rapports avec les premières. Le tableau suivant indique le volume variable des corpuscules de Malpighi chez un petit nombre d'espèces d'animaux, et dans la dernière colonne se trouve le diamètre du conduit urinifère à uue petite distance de son origine. On verra que le diamètre des conduits varie beaucoup moins que celni des corpuscules de Malpighi. Tagze du diamètre des corpuscules de Malpighi et des tubes qui en partent. (1) DIAMÈTRE DES CORPUSCULES. | DRE A — DES TUBES. Maximum. |Terme moyen. | Minimum. Homme. . . Blaireau . Chien . . . . Oh... : Chat adulte . . (1) Les mesures sont indiquées en fractions du pouce anglais. 134 BOWMAN. — Sur la structure des reins. Jeune Chat . Rata irc tue Souris:é, 2! 24 Écureuil . . . Lapin +.,.1,. Cochon d'Inde, Cheval. . . . Perroquet. . . Tortue. . . . Boar 0e Grenouille. . Anguille . DIAMÈTRE DES CORPUSCULES. "LL Maximum. Terme moyen. DIAMÈTRE DES TUBES. Minimum. Le rein du Boa montre d'une manière très belle la cause de la diversité de volume des corpuscules de Malpighi dans différentes parties de la même glande , différence qui se trouve chez tous les animaux. Il montre encore une cause des variations remar- quables de grosseur qu’on y aperçoit chez différens animaux et surtout chez les animaux de taille différente qui composent un même groupe zoologique naturel. J.es lobes du rein du Boa sont beaucoup plus minces au bord convexe, vis-à-vis le hile que partout ailleurs; par conséquent, les conduits urinifères sont beaucoup plus courts dans ce point, et j'ai remarqué aussi que là, les corpuscules sont beaucoup plus petits. Cette corres- pondance entre le volume des corpuseules de Malpighi et la lon- gueur des conduits jette beaucoup de jour sur les fonctions de ces corpuscules. Du reste, une étude plus approfondie des va- riations de volume de ces corpuscules et de leurs touffes vascu- laires me parait très désirable. En réfléchissant sur cette structure remarquable des corpus- cules de Malpighi et sur les rapports qu'ils ontavecles conduits, ., J'ai été amené à m'occuper de leurs fonctions. Il m'a semblé que LOWMAN. — Our la struclure des reins. 135 les conduits et leurs plexus de capillaires étant probablement (pour les raisons que nous exposerons bientôt) les parties inté- ressées dans la sécrétion de la portion de l'urine qui donne à ce liquide ses propriétés caractéristiques (urée, acide urique, etc.), le corpuscule pouvait être un appareil destiné à séparer du sang la partie aqueuse du mème fluide excrémentitiel. Cette manière de voir me paraît, après un examen approfondi, la plus con- forme aux faits et à l’analogie, et je dirai en peu de mots les raisons qui m'ont décidé à l'adopter. Je n'ignore pas qne les hypothèses de la physiologie sont euveloppées dans une ob- scurité profonde , et je m'empresserai de renoncer à mes opi- nions, des qu’il sera démontré qu’elles ne s'accordent pas avec la vérité. Par l'étendue de sa surface , par sa structure interne et par la nature de son lacis vasculaire , la membrane des conduits urini- fères correspond à celle qui forme la surface sécrétante d’autres glandes. Pour cette raison , il paraît être certain que c’est cette partie qui est destinée spécialement à éliminer du sang les prin- cipes particuliers de l'urine. Peu de motsisuffiront pour arriver à cette conclusion : l'étendue de surface obtenue par les convolu- tions de la membrane sera regardée par la majorité d’observa- teurs comme étant à elle seule une preuve suffisante; mais, en second lieu, sa structure interne est décisive dans cette ques- tion ; car l’épithélium a été trouvé par Purkinje et Henle en quan- tité tellement énorme sur la surface sécrétrice des glandes véri- tables, que son utilité dans les fonctions de ces organes ne peut être contestée. Il ne forme jamais moins des + "de l'épaisseur de la membrane sécrétante, et, dans le foie, il paraît même la composer en entier; car j y ai cherché inutilement un tissu fon- damental semblable à celui qui, dans les autres glandes, sou- tient l’épithélium. L’épithélium, formant ainsi la partie princi- pale des membranes sécrétantes, diffère, par ses caractères gé- néraux , de l’épithélium destiné à d’autres usages ; thèse que j’ai essayé de démontrer dans le cahier de la Cyclopedia of anatomy actuellement sous presse. Les particules nucléaires ne sout ja- mais garnies de cils et ne sont pas entourées d’une membrane utriculaire définie. Ces particules sont plus volumineuses, et, 130 POWMAN. — Sur la structure des reins. à en juger par leur pouvoir réfringent , elles paraissent renfer- mer plus de matière; car leur texture interne se montre très finement marbrée, lorsqu'on l'examine par la lumière transmise. A cet égard , l’épithélium des reins ressemble d’une manière re- marquable à l'épithélium glandulaire le mieux caractérisé. Enfin, le lacis capillaire qui entoure les conduits urinifères est l’ana- logue de celui qui revêt les conduits testiculaires, abstraction faite de la différence de capacité des conduits dans les deux glandes. 11 correspond à celui de toutes les véritables glandes, en ce qu'il se repose sur la surface profonde de la membrane sécrétante, et en ce que ses nombreux vaisseaux s’anastomosent librement entre eux dans tous les sens. Cette identité dans ces divers points peut paraître trop mani- feste pour nécessiter les développemens dans lesquels je viens d’entrer ; mais je l'ai donnée pour montrer qu’à tous ces égards les corpuscules de Malpighi diffèrent des parties sécrétantes des glandules véritables. En effet : 1° les corpuscules de Malpi- ghi ne constituent qu’une petite portion de la surface interne du rein, un seul de ces corpuscules correspondant à chaque conduit tortueux ; 2° l’épithélium est modifié de suite dans ses caracteres à mesure que le conduit se dilate, pour embrasser la touffe de vaisseaux. Au lieu d’être opaque et finement tacheté, il devient transparent , et ses contours sont nettement dessinés. Au lieu d’être nu, il est garni de cils (au moins chez des Rep- tiles, et probablement dans toutes les classes), et, dans beau- coup de cas, il paraît cesser entièrement à une petite distance du col de la capsule du corpuscule; 3° les vaisseaux sanguins, au lieu de se trouver à la surface profonde de la membrane, la percent complétement , et forment une tonffe sur sa surface libre. Au lieu d’anostomoses, qu’on rencontre dans les autres glandes, les touffes voisines ne communiquent jamais entre elles, et même les branches d’une seule touffe restent complétement isolées les unes des autres. Ainsi les corpuscules de Malpighi different autant de la mem- brane , qui, dans d’autres glandes , sécrète du sang les matière: particulières propres à chaque humeur, que les conduits y ressemblent. Par conséquent , on doit, selon toute probabilité , BOWMAN. — Sur la structure des reins. 157 attribuer à ces corpuscules une fonction distincte de cette sécrétion. Quand on regardait les corpuscules de Malpighi comme de simples vaisseaux convolutés sans connexions avec les conduits urinifères , on ne pouvait leur assigner d'autre usage que celui de ralentir le cours du sang dans son passage vers Îles capillaires des conduits, et il était impossible de savoir utilité de ce ra- lentissement. Actuellement qu'il est démontré que chaque cor- puscuie est situé à l'extrémité la plus éloignée d’un conduit et que les touffes de vaisseaux sont un système capillaire distinct fixé dans l’intérieur du conduit et entouré par une capsule for- mée par la membrane du condnit, il est évident qu’on peut rai- sonner avec plus de probabilité sur lutilité de cette disposition. L’arrangement particulier aux touffes vasculaires des corpus- cules de Malpighi est destiné évidemment à produire un ralen- tissement dans le cours du sang à travers ces parties , et l’inser- tion de cette touffe dans l'extrémité du conduit est une indica- tion manifeste que ce ralentissement doit servir d’une manière directe à une partie quelconque de la fonction de sécrétion. Il sera bon de se demander actuellement en quoi la sécrétion rénale differe de celle de toutes les autres glandes pour rendre nécessaire l’existence d’un appareil aussi anomal dans les con- duits sécréteurs? La différence est évidemment la grande pro- portion d’eau qui se trouve davs l'humeur ainsi formée ; car, quoique les matières caractéristiques de l'urine soient particu- lières aux reins, elles ne le sont pas plus que les matières ca- ractéristiques d’autres sécrétions le sont aux glandes qui les fournissent. Cette abondance d’eau sert évidemment comme menstrue pour charrier les principes immédiats et les sels que cette sé- crétion renferme , et qui, généralement parlant, sont bien moins solubles que tout autre produit animal. Cela est si vrai que Vurine saine dépose souvent en se refroidissant une portion des matières tenues en dissolution. On pourrait croire que l'urine solide de quelques reptiles est contraire à cette manière de voir, mais cet état de solidité n'existe que dans le cloaque et dans les canaux excréteurs volumineux. La sécrétion arrive des 138 BOWMAN. — ur la struclure des reins. conduits dans un état liquide, et ce n’est que par la résorption de sa portion aqueuse qu’elle devient solide après avoir tra- versé les conduits tortueux dans lesquels elle est formée pour être amenée à un état susceptible d’être rejeté de l’économie avec facilité. Dans ce cas même, l'utilité de la portion aqueuse de l'urine, pour éliminer les élémens les plus essentiels de la . sécrétion des conduits sécréteurs de la glande, est mise au grand jour. Si cette manière de voir, relative aux usages de l’eau, est exacte, de deux choses l’une : ou ce liquide peut être sécrété de tous les points de la surface sécrétante, en même temps que les principes immédiats, comme on l'a supposé jusqu’à ce jour ; ou bien il peut provenir d’un lieu déterminé, de façon à arroser facilement toute l'étendue de la membrane sécrétante. L'analo- gie ne prête pas son autorité à la première supposition, tandis que la position singulière des corpuscules de Malpighi et tous les détails de leur structure donnent une grande probabilité à la dernière. Il serait difficile de concevoir une disposition des parties plus adaptée à favoriser la séparation de la partie aqueuse du sang que ce qu’on voit dans les corpuscules de Malpighi. Une artère volumineuse se divise directement en un grand nombre de pe- tites branches qui toutes s'ouvrent subitement en un assemblage de vaisseaux dont la capacité totale est bien supérieure à celle des branches, et d’où il n’y a qu'une sortie très rétrécie. Par cette disposition, il doit y avoir un ralentissement très subit du cours du sing. Les vaisseaux dans lesquels ce retard a lieu sont tout-à-fait à nu, et ils se trouvent dans une cellule qui n’a qu'une seule sortie, l'orifice du conduit. Cet orifice est entouré de cils doués de mouvemens vifs et qui dirigent un courant vers le conduit. Ces organes admirables doivent servir non- seulement à pousser en avant le liquide qui se trouve déjà dans la capsule ou qui baigne la touffe vasculaire , mais aussi à diminuer Ja pression sur la surface libre des vaisseaux, et, par ce moyen, ils doivent faciliter l’exsudation de la portion la plus ténue du liquide contenu dans l’intérieur de ces vais- seaux, Dans quel but un appareil si admirable se trouve-t-il placé LOWMAN. — Sur la structure des reins 139 à l'extrémité de chaque conduit urinifère, si ce n’est pour fournir de l’eau destinée à séparer et à dissoudre les produits urinaires formés par l’épithélium de ces conduits? Un grand nombre de faits nouvellement découverts (1) contri- buent à prouver que la fonction de sécrétion est tres analogue à celle de la croissance et de la nutrition. En effet, tandis que la croissance et la nutrition comprennent véritablement deux fonctions, l'assimilation de particules nouvelles et l'élimination de particules vieilles , les dernières étant reprises de nouveau par le sang , la fonction de sécrétion consiste également en une assimilation et en uue élimination analogue, et ne diffère des premières qu’en ce que les vieilles particules sont éliminées sans rentrer dans le sang. Selon cette manière de voir toutes les matières excrémentitielles, reçues dans le sang et provenant de l’ancienne substance des divers organes, doivent être assimilées par un tissu organisé, adapté spécialement à cet effet avant qu’elles puissent être éliminées, et toutes les sécrétions adap- tées à quelque usage ultérieur dans l’économie ont besoin d’être assimilées par un tissu semblable, pour que leur séparation du sang s'effectue. Ce tissu est l’épithélium des surfaces qui , par suite de leur position anatomique, peuvent éliminer la sécrétion, des que son élaboration est accomplie. L’épiderme cutané , lépithélium des membranes muqueuses et celui de véritables glandes remplissent tous ce but d’une manière plus ou moins (x) Purkinje (Rapport des séances de la Réunion des naturalistes à Prague en 1837, sis, n. 7, 1838). — Schwann (Froriep's, notiz: Feb, 1838). — Henle ( Müller's, Archive. , 1838-39).— Voyez aussi, dans la Cyclop. of Anatomy, Var. Mucous membrane, qui vient de paraître en entier, quoique la partie relative à la théorie qui nous occupe ait été écrite au mois de décembre de l’année dernière. Depuis lors, M. Goodsir a habilement appuyé cette manière de voir dans un Mémoire , lu à la Société royale d'Edimbourg le 50 mai 1842, et dont un extrait vient de paraître dans le Zondonand Edinburgh Monthly journal of medical science, mai 1842. On trouve encore dans ce dernier journal l'analyse d'un Mémoire sur la Structure du rein , lu par ce même anatomiste habile à la Société médico-chirurgicale d'Edim- bourg , le 6 avril dernier, Mémoire dans lequel il décrit une charpente fibro-celluleuse qui règnerait dans toutes les parties de la glande , charpente qui serait analogue à la capsule de Glisson et qui formerait dans la portion corticale du rein des petites chambres , dans chacune desquelles serait logée une convolution ou anse terminale unique. Cette charpente correspond à la structure que j'ai décrite plus haut, comme formant la gargue du tissu rénal. Les conduits urinifères convolutés et les vaisseaux y sont logés (12° juin 1842 ;. 140 BOWMAN. — Su la structure des reins. complète. Mais l'épiderme est destiné principalement à protéger les parties qu'il recouvre; l’épithélium des membranes mu- queuses est en partie destiné aux mêmes usages : ce n’est que l'épithélium des glandes auquel sont dévolues d’une manière spéciale les sécrétions à proprement parler. Je ne puis aborder actuellement ces questions d’une manière générale; seulement j'exposerai quelques considérations qui s’y rattachent , et qui ont des rapports avec le sujet qui m'occupe. Cette théorie , prise dans le sens le plus large , suppose que: lépithélium des surfaces sécrétantes passe par des états succes- sifs ét continuels de renouvellement et d'élimination , ou bien qu'il reste pendant un temps plus long sous une forme orga- nique permanente, durant lequel il assimile et élimine les ma- tières comme dans le cas précédent. Dans beaucoup de cas , les particules épithelmiques paraissent être rejetées en entier, quand leur croissance est complète, et constituent de la sorte la sé- crétion ; dans d’autres cas, ils paraissent perdre leur substance par un procédé plus graduel, en diminuant et en se dissolvant à la surface de la membrane à mesure que des particules plus fraiches sont déposées profondément ; dans d’autres cas encore, il y a raison de croire que leur tissu persiste pendant un temps plus considérable encore. Cette théorie suppose donc que les élémens de toutes les sécrétions naturelles ont, à une époque déterminée, fait partie d’un tissu organique, savoir, les parti- cules épithelmiques ; mais cette théorie laisse indécise si la sé- crétion existait déjà à son état completdans ces particules, pen- dant qu'elles étaient douées de la vie. Elle ne décide pas si les changemens chimiques qui se manifestent dans ces particules déterminent la maturation du produit sécrété avant que celui-ci soit prêt à être éliminé du corps. Pour ces raisons , elle est hors de l'atteinte des objections fondées sur l'examen chimique des organes glanduleux pris en masse. Si nous appliquons cette théorie au rein, il paraît très pro- bable que l’épithélium des conduits urinifères abandonne conti- nuellement leurs particules hors de service, et que ces particules subissent ainsi une déperdition progressive. Cela s'accorde d’un manière frappante avec ce que nous avons avancé relativemeu: BOWMAN. — Sur la structure des reins. 141 aux usages des corpuscules de Malpighi. Si les principes propres de l’urine étaient versés de suite à travers les parois des con- duits par les capillaires circonvoisins, ils devraient être, des leur origine , dans un état de dissolution, et ils n'auraient pas besoin d’un liquide aqueux pour les balayer ; mais , s'ils étaient déposés sous une forme plus ou moins solide et s'ils faisaient partie d’un tissu organisé, ils auraient besoin , par suite de leur faible solubilité, d’une source de liquide qui leur serait étran- gère , et qui servirait, lorsque leur formation serait déjà ache- vée, à les enlever et à les expulser de la glande. Les rapports de volume entre les corpuscules de Malpighi et la longueur des conduits uriniferes qui en naissent, sont un argument puissant en faveur de cette manière de voir. Je disais que la grande proportion d’eau dans l'urine servait principalement comme menstrue. Mais, quoique cette proportion d'eau soit toujours considérable, comparée à celle qui existe dans d’autres sécrétions, elle est sujette à beaucoup de varia- tions, selon l'état de plénitude du systeme vasculaire , et par suite d’autres circonstances. C’est pour cette raison que les reins paraissent servir à régler la proportion d'eau qui existe dans le corps. Je n’ai pas besoin de faire sentir combien l’ad- mirable structure des corpuscules de Malpighi les adapte à faire les fonctions d’une valvule régulatrice par où s'échappe, selon l'état de l'économie, le trop-plein du liquide aqueux. On croira peut-être que, dans les observations précédentes relatives à l'usage de l'élément aqueux de l'urine, à la nature des sécrétions en général, je me suis efforcé d'éclairer une hy- pothèse douteuse par des'opinions plus douteuses encore, ob- seurum per obscurius ; mais je fonde spécialement mes considé- rations relatives aux fonctions des corpuscules &e Malpighi, sur des données anatomiques, et les autres raisons que J'ai alléguées ont été rapportées à cause de l'intérêt qu'elles me paraissent répandre sur ce sujet, plutôt que par suite de mon entiére conviction de leur exactitude. Sans doute, ces deux questions méritent d'être examinées à part et demandent des recherches plus larges et plus approfondies que celles dont elles ont été l’objet jusqu’à présent; mais, en attendant , elles peu- 142 BOWMAN. — Sur la structure des reins. vent recevoir quelques éclaircissemens des recherches exposées dans ce Mémoire. Des investigations comparatives sur les va- riétés anatomiques des corpuscules de Malpighi et les conduits urinifères, et sur la nature chimique de la sécrétion urinaire dans les diverses tribus d'animaux, considérés pendant leurs di- vers états de développement , ne manqueraient pas de confir- mer où d'infirmer ce que je viens d'avancer. Pour conclure , je ferai trois remarques fondées sur les faits que je viens d'exposer et sur les raisonnemens dont il à été question. 1° La bile et l’urine ont été classées ensemble comme les sécrétions les plus importantes. La première est sécrétée du sang veineux; mais on a cru que la dernière provenait du sang artériel, excepté chez quelques animaux inférieurs daus lesquels le sang arrivant des parties postérieures du corps circule dans les reins. Mais c’est un fait frappant que, chez tous les animaux, les principes immédiats de l'urine, comme ceux de la bile, sont sécrétés du sang qui a déjà traversé un système de capillaires ; en un mot, du sang d'une veine-porte, quaiqu'on ne sache pas encore jusqu'à quel point les qualités de ce sang peuvent avoir été modifiées, en parcourant le système capillaire des corpus- cules de Malpighi. L’analogie est au moins remarquable, et peut-être jettera-t-elle quelque jour sur le but mystérieux de la circulation de la veine-porte hépatique. »° Les médicamens diuréliques paraissent agir surtout sur les corpuscules de Malpighi, et plusieurs substances étrangères , surtout des sels, étant introduites dans le sang, s’écoulent avec une grande facilité par les urines , et exsudant probablement à travers ce système capillaire, dont les vaisseaux sont à nu. La structure des corpuscules de Malpighi est favorable à cette ma- nière de voir, aussi bien que les lois qui régissent le passage de liquides à travers des tissus organisés , modifiés dans leurs'affi- nités par l’état de vie. 3° Certains produits pathologiques, qui s’observent parfois dans l'urine, paraissent provenir également des touffes’de Mal- pighi. Je veux parler principalement du sucre, de lalbumine et dés particules rouges du sang ; les deux premiers desquels parais- BOWMAN. — Sur la structure des reins. 143 sent exsuder, tandis que le dernier ne peut échapner que par la déchirure des vaisseaux. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 1 et 1 À.(1) Fig. r. Touffe d'un corpuscule de Malpighi du rein d’un Fheval. — L'injection n'a pénétré qu'aux capillaires, — « L’artère ; af Un de ses rameaux terminaux (vaisseau affèrent du corpuseule de Malpighi); d Dilatation et mode de ramification du rameau terminal, après qu'il a pénétré dans l'intérieur de la capsule: la division de ses touffes en lobes Z/77 est très apparente. — ; i Intervalles entre les lobes. Grossissement de 80 diamètres environ. Fig. 2. Touffe d’un corpuscule de Malpighi. — Cheval. — La matière injeclée a pénétré à travers la touffe, et a rempli le vaisseau efférent. — af Vaisseau afférent; 4 Son renfle- ment et mode de division ; mm Capillaires des corpuseules; ef Vaisseaux afférens qui en prennent naissance et sortent de la capsule entre deux branches primaires du vaisseau affé— rent. Grossissement de 80 diamètres environ. Fig. 3. Corpuscule de Malpighi. — Cheval. — La matière injectée, après avoir rempli les branches primaires du vaisseau afférent s'est extravasée dans la capsule et a passé le long du conduit urinifère : elle n’a pas rempli la touffe de capillaires, qui, par conséquent , ne sont pas visibles ; elle ne s'est pas non plus étendue dans l’intérieur de la capsulé sur toute la surface de la touffe. — af Vaisseau afférent; 4 Son renflement el son mode de sous division; ec Le contour de la capsule distendue; Le conduit urinifére naissant! de la capsule; ” Place qu'orcupe la touffe du corpuscule non injéctée. Grossissement d'environ 70 diamètres. Fig. 4. Cheval. — La matière injectée a pénétré de {l'artère à travers la touffe de Mal- pighi jusque dans le plexus qui entoure les conduits uriniferes ; puis elle a déchiré les vaisseaux de la touffe , rempli la capsule, et passé le long des conduits urinifères. — à Branche arté- rielle; a f Vaisseau afférent; e Capsule distendue ; £ Gouduit urinifère ; ef Vaisseau efférent ; p Plexus de capillaires qui entourent d’autres conduits non injectés. Grossissement de 30 dia= mètres environ. Fig. 5. Cheval. — L'injection a poussé comme dans la figure précédente, mais sans que la touffe du corpuscule eût été déchirée. — & Branche de l'artère; af a f Vaisseaux afférens ; mm Touffes des corpuscules ; ef ef Vaisseaux efférens; p Plexus qui entoure les conduits uriuifères ; st Conduit urinifére, dirigé en ligne droite dans la substance corticale; c2 Conduit convoluté dans la même substance, Grossissement de 30 diamètres environ. Fig. 6. Cheval. — Touffe d'un corpuscule situé près de la base d’un des cônes de la substance tuLuleuse : elle est injectée sans extravasation , et montre la veine efférente ramifiée à Ja manière d'une artère, pendant son trajet dans ce cône. — a Branche artérielle; af Vais… seau afférent; mm Touffe de Malpighi; ef Vaisseau efférent , dont les branches pénètrent dans le cône de la substance tubuleuse. Grossissement de 70 diamètres environ. Fig. 7. Lapin.— Pièces qui offrent les mêmes apparences que dans la dernière figure ; mais montrent une extravasation de linjection dans la capsule, et (2) dans une portion du conduit; af Vaisseau afférent; ce Capsule; t Conduit; efef Vaisseau efférent; 44 Ses (15 Dans le Mémoire original , les figures portent les mêmes numéros qu'ici et occupent la planche 4. 144 BOWMAN. — Sur la structure des reins. branches, qui pénètrent les cônes de la substance tubuleuse, Grossissement de 30 diamètres environ. Fig. 8. Cheval. —- Deux touffes de corpuscules de Malpighi, qui se sont développées à côté l’une de l’autre d’un seul rameau terminal de l'artère ( disposition extraordinaire ) ; af Vaisseau afférent; mm Touffes de Malpighi. Grossissement de 30 diamètres environ. Fig. 9. L'Homme. — Deux corpuscules de Malpighi injectés. Les touffes se sont déchirées et le liquide s'est répandu dans la capsule ; le liquide a passé encore le long du tube, dont on voit bien la grande flexuosité à son origine; e Branche artérielle; af Ramuscules ter- minaux ; ce Capsules de Malpighi distendues; de La dépression qu'on aperçoit souvent dans des cas semblables au point par où les vaisseaux afférens et les vaisseaux efférens traversent les parois de la capsule. Ces derniers vaisseaux et le conduit ne sont pas injectés. Gros- sissement de 30 diamètres environ. Fig. 10. L'Homme.— Cette pièce a été choisie, parce qu'elle montre la terminaison d'une branche volumineuse de l'artère dans plusieurs corpuscules exclusivement , et parce que les différens corpuscules de Malpighi injectés offrent des apparences très instructives. — a Branche artérielle avec ses ramuscules terminaux la matière d ; eu à l'injection n’a rempli qu'imparfaitement la touffe ; en 6 elle l'a rempli entièrement, et elle a passé le long du vaisseau efférent ; ef sans aucune extravasation ; en elle s’est épanchée dans la capsule et s’est échap- pée le long du conduit £, en remplissant le vaisseau efférent e f, — En à et en & , elle s'est extravasée et a passé le long du conduit, — En » et ”m (comme dans la figure 3), la matière d'injection, en s’extravasant dans la capsule, ne s'est pas étendue sur toute la touffe, Grossissement de 45 diamètres environ. Fig. 11. Une petite portion du rein de l’homme injectée par l'artère, L'injection a rompu un grand nombre de touffes de Malpighi, et s'est épanchée dans les conduits dont on voit les convolutions à la surface externe de l’organe. La matière d'injection a traversé égale- ment d’autres touffes des corpuscules de Malpighi sans extravasation , et a rempli de la sorte le plexus capillaire qui entoure les conduits, et de plus quelques radicules de la veine. — 4e Des conduits urinifères tortueux, représentés comme on les voit à la surface du rein: ces conduits, avec l’un des capillaires, couvrent la surface de cet orgave, de telle sorte qu'on ne peut apercevoir aucun corpuscule de Malpighi. — p Piexus capillaire qui entoure les condu ts , tel qu’on le voit à la surface du rein. — es Branche d’une des veines en étoile. Grossissement de 45 diamètres environ. Fig. 12. Cochon d'Inde ( Cobaya ). — Branche terminale de l'artère rénale injectée, La matière d'injection a déchiré le plus grand nombre de touffes de Malpighi et a passé le long des conduits urinifères, — a Branche artérielle : on voit en »# un petit nombre de touffes de Mal- pighi injectées d'une manière partielle sans extravasalion. Grossissement de 40 diamètres environ, Fig. 13. Perroquet ( Psittacus".— l'injection a été pratiquée par l’artère,—aa a Branches terminales de l'artère ; af af af Ramuscules terminales de cette même artère ; d Renflement du ramuscule terminal à son entrée dans la capsule de Malpighi ; » Ce renflement rempli plus complétement et laissant voir sa forme convolatée ; ef Vaisseau efférent, e Capsule de Mal- pighi,remplie par de la matière d'injection , répandue par la rupture du vaisseau contenu dans son.intérieur ; le conduit + est également rempli; e’ La mème capsule remplie ainsi que le vaisseau efférent. Grossissement de 80 diamètres environ. Fig. 14. Boa constrictor. — Corpuscules injectés par l'artère; af af Ramuscules termi- maux de l'artère; mm Leur portion renflée et convolutée, renfermée dans la capsule de BOWMAN. — Sur la structure des reins. 145 Malpighi; ef Vaisseau efférent ; e Capsule visible, mais non injectée ; « Commencement du conduit urinifere. Grossissement de 80 diamètres environ, ( Toutes les figures précédentes ont été vues par lumière réfléchie). Fig. 15. De la Grenouille. — Cette figure montre la continuité de la capsule de Malpighi avec le conduit urinifère , la modification des caractères de l’épithélium et la touffe vasculaire. — bm Membrane fondamentale ; ep, ep Epithélium ; d Ce conduit; cave Cavité du conduit ; bm', bm' Membrane fondamentale de la capsule; ep’ ep’ Epithélium du col du conduit, et de la partie voisine de la capsule : cet épithélinm est couvert de cils qui étaient en vibration active huit heures après la mort.—ep" Particule épithelmique détachée, plus fortement grossie et montrant la longueur relative des cils de cette pièce ; cav' Cavité de la capsule, dans laquelle les capillaires 7 sont à nu, après avoir pénétré dans la capsule par un point près det, où la vue est empèchée par un autre conduit. Grossissement de 320 diamètres environ et vu par lumière transmise, Fig. 16. Figure théorique de la circulation rénale dans les Mammifères. — La proportion relative et le caractère de diverses parties sont copiés exactement de préparations faites avec le rein de l’homme, — L'artère a conne un ramuscule terminal af à une touffe de Malpi- ghi m, d'où part le vaisseau efférent (ou portal } e f. D'autres vaisseaux efférens eee sont visibles. Tous les vaisseaux pénètrent dans le plexus p qui entoure les conduits uriniféres f. La veine émulgente es prend naissance de ce plexus. Grossissement supposé de 40 diamètres environ. Fig. 17. Figure théorique de la circulation rénale chez des animaux pourvus d’une veine- porte, provenant d'une origine étrangère au rein. — Les proportions relatives et la posi- tion sont copiées du rein du Boa , dont on a figuré d'une manière imaginaire la moitié d’un lobe coupé verticalement. — a L’artère ; af Ramuscule terminal se dirigeant vers le corpuscule de Malpighi; ef Vaisseau efférent du corpuscule de Malpighi, se rendant dans la branche de la veine-porte rénale pe à la surface du lobe; bb Branches terminales de la veine-porle ré— nale sur le point d’entrer dans le plexus capillaire p qui entoure le conduit urinifère; 1u Franche de l'artère à la surface du lobe; ev Veine émulgente dans l’intérieur du lobe : elle reçoit le sang du plexus qui entoure les conduits urinifères. Grossissement supposé de 4u dia- mètres environ. Mémoire sur les vaisseaux biliaires ou le foie des insectes, Par M. Léon Durour, Correspondant de l'Institut ( Académie royale des Sciences ). Les physiologistes dont les recherches et les rapprochemens d'anatomie comparée se sont étendus aux animaux articulés, qui ont le privilège d’une circulation aérienne ( c'est-à-dire aux insectes proprement dits), sont partagés d'opinion sur les fonc- tions d'un organe que j'ai appelé avec presque tous les entomo- XIX, Zoo. — Mars. 10 L 146 L. purour. — Sur le Foie des énsectes. tomistes vaisseaux hépatiques où biliaires. Il faut convenir qu'ils les avaient peu ou mal étudiés : aussi règne-t-il sur ce point un vague désespérant dans les compilations ou traités gé- néraux, Quelques auteurs ont cru que ces organes étaient uri- naires ; d’autres ont prétendu qu’ils pouvaient sécréter en même temps de la bile et de l'urine; enfin il en est qui leur ont dénié toute fonction sécrétoire. Je vais signaler les causes de ces incertitudes, de ces erreurs, et, ramenant par des faits nouveaux, ou incompris jusqu’à ce jour, à une physiologie aussi simple que rationnelle, fixer défi- nitivement, je l'espère, la science sur ce point important. Dans ce Mémoire, je donnerai d’abord la description rapide, la monographie succincte de ces vaisseaux dans les divers ordres d'insectes, en m’étayant de la vivisection faite par moi-même d'environ sept cents espèces prises dans presque tous les groupes naturels, et de plusieurs milliers d’autopsies scrupuleuses. Le nombre, la disposition et le mode d’insertion de ces filamens vasculaires, varient non-seulement suivant ces ordres, mais aussi suivant Jes familles et les genres établis par les méthodistes. Après avoir fixé les idées sur les véritables caractères anato- miques, à l'appui desquels je fournirai des preuves iconogra- phiques choisies de préférence sur des types qui n’ont pas déjà été figurés dans mes diverses publications, je pourrai à bon droit aborder la question des fonctions et des opinions. Mes recherches se trouvent ainsi tout naturellement divisées en deux chapitres , l'anatomie et la physiologie. CHAPITRE 1I*. ANATOMIE. Dans tous les insectes (x) soit ailés, soit à l’état de larve, on trouve, à la terminaison de cette portion du canal alimentaire que ses fonctions m'ont déterminé à appeler dès long-temps ventricule chylifique, et que d’autres ont désignée sous les (r) Il faut en excepter les Pucerons et les Chermès, qui jusquà ce jour n'ont o“fert aucune trace de existence d’un organe hépatique. I« DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. 147 noms d'estomac, de duodénum ; etc., un plus ou moins grand nombre de vaisseaux presque toujours simples, fort déliés, ca- Pillaires, lisses ou boursouflés, variqueux, tantôt très longs et reployés au milieu des viscères, tantôt courts, mais alors plus multipliés et moins fléchis. Ces vaisseaux renferment un liquide ou jaune, ou vert, ou brun, ou violet, ou blanc, ou incolore, d’une saveur amère. Ce sont là les vaisseaux biliaires, l'organe hépatique, le foie des insectes, et le liquide contenu est la bite. Passons en revue cet organe dans les huit ordres d’insectes ailés. Ordre 1. ORTHOPTÈRES. J'ai fait connaître ailleurs (1) les traits de prééminence orga- nique qui assignent aux Orthoptères le premier rang dans la série des ordres entomologiques. La considération de l'organe hépatique vient à l'appui du maintien de ce poste. Leurs vaisseaux biliaires n’ont jamais que des insertions ven- triculaires. Ils sont très nombreux (plus de vingt, souvent des centaines ), d’une longueur médiocre, peu ou point variqueux, flottans, et fermés par un bout qui est plus ou moins atténuné en pointe. Ils se présentent sous deux formes très remarquables : 1° Dans les familles des Æcrydiens, Locustaires, Mantides , Blattaires, qui forment l'immense majorité des Orthoptères , l'insertion des vaisseaux hépatiques est verticillée, c’est-à-dire qu’elle a lieu dans tout le pourtour de la terminaison du ven- tricule chylifique. Mais dans quelques espèces, et notamment dans les Locustaires , il y a une disposition intéressante qui avait échappé aux entomotomistes, et que j'ai signalée dans mon ou- vrage précité. La figure qui la représente n’a point été publiée, et je la produis aujourd’hui. Cette disposition est un achemine- ment, une transition à la seconde forme hépatique dont je par- lerai bientôt. J'ai constaté, dans l’£phippigera, que le verticille des vaisseaux biliaires, quand on parvient à le bien déméler, est (x) Recherches anatomiques et physiologiques sur les Orthoptères, hyménoptères et névrop- tères (Mémoires de l’Académie des Sciences , Savans élrangers , t. vie, 184t). 10 , 148 E. buFouR. — Sur le Foie des insectes. partagé en cinq faisceaux presque inextricables, et que chacun de ceux-ci aboutit à une souche basilaire unique très courte, à un sinus sessile, à une sorte sinon de vésicule biliaire, du moins de canal cholédoque. 2° Dans la seule famille des Grylloniens, les vaisseaux hépa- tiques ont évidemment une organisation plus avancée ; ils con- stituent un organe plus circonscrit, plus isolé, plus indépen- dant, comparable déjà à un viscère qui offrirait un premier degré de parenchyme, à un véritable foie. Leur ensemble forme une houppe flottante dont tous les brins aboutissent en arrière à un pédicule unique, tubuleux, auquel on ne saurait refuser le nom et les attributions d’un conduit excréteur, d’un canal cholédoque qui épanche la bile dans le ventricule chylifique. Cette disposition si curieuse, si typique, a été méconnue par Ramdobr (1) dans le Gryllus campestris, qui m'a précisément fourni la figure que je donne, mais elle a été bien saisie par Cuvier dans le Gryllo talpa. {2) Ordre ÆT. LABIDOURES. Les forficules sont , comme on sait, le genre fondamental de cet ordre. Leurs vaisseaux hépatiques, au nombre de plus de vingt, sont, comme dans la plupart des Orthoptères et de tous les Hyménoptères simples, verticillés à l'extrémité du ventricule chylifique, peu variqueux, flottans par un bout qui est pointu. Ordre IIL. CoLÉOPTÈRES. Cet ordre, le plus avancé de tous pour la connaissance des espèces, offre plus que tout autre des modifications variées dans ses vaisseaux hépatiques, soit pour leur nombre, soit surtout pour leur mode d'insertion. Toujours d'un nombre détermi- nable, qui se borne à deux, à trois, à quatre où à six, ils semblent suppléer, par leur longueur , à la multiplicité qu'ils ont dans les Orthoptères, Hyménoptères , etc. Quand il n’y en a (1) Abhandlung über die Verdauingswerkzenge der Insecten. Tab: +, fig. r. {2) Mémoire sur la nutrition des Insectes , fig. 8. L: DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. 149 que deux ou quatre , leur insertion est exclusivement ventricu- laire. Il ne faut pas perdre de vue cette règle qui n'a pas d'ex- eeption , et qui embrasse le plus grand nombre des Coléopteres. Lorsqu'il y a six de ces vaisseaux, ils se fixent en général, ou à très peu d’exceptions près (Dermestins), d’une part au bout du ventricule chylifique, de Pautre à l’origine du rectum. C’est cette dernière insertion qui, mal étudiée, à jeté dans l'erreur les physiologistes. { Section 1°. Coléoptères pentaméres. Il n’y a, en général, que deux ou quatre de ces vaisseaux, et, je le répète, ils n’ont que des insertions ventriculaires. Mais, dans la revue des diverses familles de cette grande section, nous trouverons plusieurs. exceptions où le nombre de ces filets tu- buleux est porté à six qui peuvent s'implanter et au ventricule et au rectum. Ces exceptions accusent parfois la classification. Les familles des Carnassiers ( Carabus , Cicindela, etc.), des HyprocanrHaRts ( Dytiscus), des BRACHÉLYTRES ( S/aphy linus), n’ont que deux vaisseaux biliaires , quoiqu'il y ait quatre inser- tions, c’est-à-dire que l’origine et la terminaison de chacun d’eux ont lieu au pourtour de l'extrémité du ventricule , en sorte que le vaisseau, au lieu d’avoir un bout libre et borgne, a la forme d’une anse continue diversement reployée, qui s’abouche par ses deux extrémités. Désormais, je me bornerai à désigner sous le nom de vaisseaux à anses ceux qui auront cette forme. La famille des Srervoxes où SERRICORNES présente, suivant les genres, de singulières anomalies dans son organe hépatique. Ces anomalies sont loin d’être justifiées par les caractères exté- rieurs. Il nous reste, dans l’intérêt des explications, beaucoup à apprendre sur le régime de ces Coléoptères, et les ouvrages d'Entomologie sont à-peu-près muets sur ce point. Parmi les Buprestides dont j'ai fait la dissection; l’Agrilus viridis, le Dicerca œnea, le Ptosima 9 maculata, ont deux vaisseaux biliaires à anses, tandis que l’Ancylocheira flavo-maculata et l'Agrilus bifasciatus ont six de ces vaisseaux insérés, d’une part au ventricule, de l'autre au rectum, par six implantations iso- 150 L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. lées. Dans les E/aterides , le nombre et la disposition des vais- seaux hépatiques sont les mêmes que dans les Carnassiers. Dans la famille un peu hétérogène des MaLacoDrrmes } les genres Lycus et Telephorus ont quatre de ces vaisseaux à bouts libres et à insertions ventriculaires; les Lampyris, Malachius, Drilus, n’en ont que deux à anses comme les Elatérides. Dans mon anatomie des Coléoptères (1), j'avais déjà fait remarquer que le groupe des Clerus , compris dans cette même famille , s'y trouvait mésallié, et que la composition des tarses , ainsi qne le nombre et le mode d'insertion des vaisseaux biliaires, mili- taient pour sa collocation dans les Coléoptères hétéromérés. Il y a six de ces vaisseaux, et leur insertion rectale a lieu par deux troncs à trois branches. Cette même disposition se ren- contre aussi dans le Vecrobia. Dans la famille des NécroPuaces, les Si/pha ont, comme le Telephorus, quatre vaisseaux biliaires à bouts libres, tandis que les Thymalus et Pellis en ont six semblables à ceux du Cerus. L’Anobium, de la famille des Priniorss, m'a offert un exemple, unique jusqu’à ce jour, de quatre vaisseaux hépatiques à anses , avec huit insertions ventriculaires. (2) Dans la famille des Drermesriws, les Dermestes lardarius et tessellatus ont six insertions ventriculaires, et n’en ont pas au rectum (3); le Megaloma a six vaisseaux biliaires dont les in- sertions rectales se font par deux souches très courtes à trois branches. J'ai même disséqué un individu où cette dernière in- sertion avait lieu (accidentellement) par un seul tronc commun formé de la confluence de deux branches à trois chefs. (4) Nous retrouvons dans la famille des Byrrniens des singula- rités dont la connaissance du régime de ces insectes nous don- nerait sans doute la solution. L’Ænthrenus a trois vaisseaux biliaires à anses avec six insertions ventriculaires et le Zyrrhus six de ces vaisseaux à bouts flottans. (5) (x) Annales des Sciences naturelles , tome v, page 271 (1825). (2) Annales des Sciences naturelles, tome x1v, page 219. PI, 12. (3) Annales des Sciences naturelles , deuxième série, tome r, page 56. PI, 2. (4) Annales des Sciences naturelles , deuxième série, tome 1, page 71. PI. à, (5) Annales des Sciences naturelles, deuxième série, tome 1, page 71. PI. 2 el 3, L. DUFOUR. — Sur & Foie des insectes. 151 Le Hister de la famille des Hisreroïnxs et l’Heterocerus de celle des AcawTHopones ont, comme l’Anthrenus, trois vais- seaux hépatiques à anses et à six insertions ventriculaires. (1) Les genres Macronichus, Elmis et Stenelmis de la famille des LeprovacryLes n'ont que deux de ces vaisseaux à anses, mais le Dryops de ce même groupe en a trois à anses comme l'Æete- rocerus. (2) Les Parpiconnes ( F#/ydrophilus ), les LameLricoRNnes (Scura- bœus , Melolontha) et les Lucanipes ( Lucanus) n’ont que deux vaisseaux hépatiques à anses, mais fort longs et remarquables dans le Hannetou par des barbes latérales dans une grande partie de leur étendue. Ceux de la larve de la Cétoine ne sont pas à anses comme dans l’insecte parfait, mais à bouts flottans, et chacun d’eux se termine par une sorte de nappe carrée formée par de nombreuses flexuosités fort rapprochées et parallèles sur un même plan. Dans un Mémoire récemment publié (3), j'ai décrit et figuré cette disposition, qui n'offre pas seulement l'intérêt de la curiosité, mais qui est un indice précieux, une de ces organisations de transition qui nous prépare, nous ache- mine à une autre forme, à un nouvean mode de terminaison des vaisseaux hépatiques dans la section des Hétéromérés. Cet éche- lonnement anatomique ressort de toutes parts quand on s'attache à le constater. Remarquez, à ce sujet, que précisément les La- mellicornes précèdent les Hétéromérés dans le cadre entomolo- gique; remarquez encore que, précédés à leur tour par la famille des Palpicornes, on retrouve dans l'organe biliaire de ceux-ci ces flexuosités dont je viens de parler, mais moins multipliées; cette circonstance m’a déterminé à figurer, pour exemple d’un organe hépatique à deux vaisseaux à anses, si fréquent dans les Coléoptères pentamérés, celui du grand Hydrophite. (1) Annales des Sciences naturelles , deuxième série, tome r. PI, 3. (2) Annales des Sciences naturelles, deuxième série, tome 111. PI, 6 et 7. (3) Histoire comparée des metamorphoses et de l'anatomie des @etonia et Dorcus, { Annales des Sciences naturelles, deuxième série , tome 18, page 162, 1842.) 152 L. DUFOUR. — Sur le Foie «des insectes. Section 11. Coléoptères hétéromérés. Ils ont, en général, six vaisseaux hépatiques à insertions ventriculaires plus ou moins isolées et à insertions rectales s'o- pérant au moyen d’un seul tronc à six chefs; mais il y a aussi des exceptions. Dans la noire et immense famille des Mérasomes (Ærodius , Pimelia, Scaurus, 4kis, Blaps, Tenebrio, etc.), l'organe sécré- teur de la bile a la composition et le mode d'insertion que je viens de signaler comme type. Mais avant d'aller plus loin, je vais faire connaître en peu de mots, parce que j'y reviendrai au chapitre de la physiologie, une disposition anatomique toute particulière et extrêmement curieuse relative à l'insertion rectale de ces vaisseaux : c'est l'ignorance de cette disposition qui a entrainé l'erreur de ceux qui ont attribué des fonctions urinaires à l'organe qui nous occupe. J'ai dit que les six vaisseaux hépatiques des Coléoptères hétéromérés confluent en arrière en un tronc unique inséré à l'origine du rectum; ce tronc ne s’abouche pas , comme on pour- rait le croire et comme on l’a cru, dans l’intérieur de cette poche excrémentitielle, il n’en traverse pas les parois. Cette insertion n’est qu'extérieure, superficielle et illusoire, car le tronc, aus- sitôt après s'être /ixé, se divise de nouveau en six vaisseaux dont les flexuosités extrêmement fines, délicates et incolores, rampent au-dessous de la tunique extérieure qui en dérobe au dehors la présence. Ces six vaisseaux sous-jacens se terminent chacun par un bout borgne ou fermé, tandis qu’à leur origine ils confluent au tronc commun extérieur; celui-ci, loin d’être la terminaison des six vaisseaux biliaires qui s’abouchent au ventricule chylifique, établit donc la continuité anatomique entre ceux-ci et les six filets vasculaires cachés sous la tunique externe du rectum. C’est là un fait immense révélé par le scal- pel, un fait d’une bien haute portée. En rompant cette tunique légère, J'ai déchiré le voile épais qui nous dérobait une vérité féconde... Mais n'anticipons pas sur les conséquences, et re- venons à notre statistique des vaisseaux hépatiques. L. DUFOUR. -— Sur le Foie des insectes. 153 Parmi les Taxiconnes, l'Hypophlæus et l'Eledona n'ont que quatre de ces vaisseaux, tandis qu’il y en a six dans les Dia- peris ; les insertions rectales se font dans les uns et les autres par un seul tronc commun. Les Helops et Cistela, de la famille des SrénezyTres, ont pour ces organes la composition typique des Mélasomes. Il y a pareillement six de ces vaisseaux dans les Melandria et Æde- mera, mais l'insertion rectale a lieu dans le premier par deux troncs à trois chefs chacun comme dans beaucoup de Coléop- tères tétramérés, et dans le second par trois troncs, savoir : un à trois branches , un autre à deux et le troisième simple. Ce dernier mode d'insertion rectale se rencontre dans la Lagria du groupe des TracHéLiIDES, tandis que dans la Pyro- chroa et la Mordella, dont j'ai publié depuis peu les métamor- phoses et l’anatomie (1), cette insertion a lieu par trois vaisseaux groupés, ‘mais dépourvus de tronc appréciable. Les Meloe, My labris, Cerocoma, Cantharis, Zonitis ont six vaisseaux bi- liaires, mais leur fixation au rectum s'opère par deux troncs excessivement courts à trois chefs. Le Srtaris de la même famille n’a, comme l’ypophlœus et l Eledona, que quatre de ces vais- seaux s’insérant au rectum par paires munies d’une souche fort courte. Le Mycterus, qui semble faire le chainon des Hétéro- mérés aux Tétramérés, a six vaisseaux hépatiques dont les in- sertions rectales ont des troncs courts ou des souches à trois, à deux ou à une seule branche. Section 1. Coléoplères tétraméres. Ceux que j'ai soumis au scalpel m'ont tous présenté six vais- “eaux biliaires, et Ramdohr s’est laissé entrainer à une erreur flagrante en n’en donnant que quatre à plusieurs d’entre eux. Tous, si j'en excepte les Donacia, groupe qui doit être isolé comme je le redirai tout-à-l’heure, ont ces organes insérés en (x) Métamorphoses et anatomie de la Pyrochroa coccinea ( Annales des Sciences nalu- relles, deuxième série, tome xt, page 321. PL. 5 et 6, 1840 ). — Détamorphoses et anatomie des Mordelles (Annales des Sciences naturelles, deuxième série, tome xl, page 225, PI, ur). 154 L. DUFoUR. — Sur le Foie des insectes. même temps au ventricule et au rectum, avec quelques modi- fications que je ferai connaitre en abordant les familles. Par le nombre des vaisseaux hépatiques et par leur insertion ventriculo-rectale, les Tétramérés ressemblent aux Hétéromérés, mais la fixation au rectum n’est jamais, comme dans la grande majorité de ces derniers, vnicaule, c'est-à-dire à une seule tige, elle est ou bicaule ou fasciculée. Les Tétramérés offrent encore un trait assez caractéristique qui élude les yeux peu exercés; je l'ai déjà mentionné dans mon anatomie des Coléoptères, et il n'avait pas entièrement échappé à Ramdohr. Dans le plus grand nombre de ces Coléoptères, sur six vaisseaux hépatiques, il en est deux beaucoup plus fins et plus courts que les autres, et dont les insertions sont le plus souvent isolées. Une figure qui exprime cette distinction me dispense d’autres détails. Cette diminution de diamètre et de longueur, cet isolement sont à mes yeux l'indice d’une déchéance organique, et, quoique je pense que ces vaisseaux fonctionnent encore, je n’en suis pas moins persuadé qu'on les trouvera ou disparus ou simple- ment vestigiaires dans des Coléoptères voisins de ceux-ci {sans doute exotiques) dans les entrailles desquels le scalpel et la loupe n'ont pas encore pénétré. Ars longa, vita brevis! Les Rayncopxores ou Curculionites ont les deux vaisseaux hépatiques grêles et isolés dont je viens de parler; je ne les ai pas, à la vérité, constatés dans lAnthribus et le Platyrrhinus, insectes qui du reste sont loin de revêtir le facies qui caractérise la famille, mais je ne me dissimule pas qu’à l’époque déjà éloi- gnée (vingt ans) où j'ai disséqué ces genres, pyrénéens pour nous, j'ai bien pu ne pas saisir ce trait délicat et difficile. Dans ce groupe les insertions hépatiques, tantiventriculaires que rectales, du moins celles des plus grands vaisseaux, sont rapprochées, fasciculées, mais non confluentes entre elles et sans tronc apparent. Les Xy1oPHAGes (Bostrichus, Temicus, Trogossita)let les PLa- TYSOMES ( Uleiota ) ont ces insertions groupées comme les Cur- culionites, mais sans distinction des deux vaisseaux biliaires courts et grèles. L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. 155 Dans la belle famille des Loncicornes ( Spondylis, Ergates , Prionus, Hammatichærus, Aromia, Callidiun, Clytus, Exo- centrus, Pachystola, Astinomus, Saperda, Rhagium, Leptura, genres disséqués par moi), qui renferme les plus grands co- léoptères d'Europe, ‘ceux par conséquent qui se prétent le mieux aux investigations anatomiques, les vaisseaux hépatiques ont leurs insertions ventriculaires à-peu-près verticillées et les rectales Dicaules, c'est-à-dire à deux tiges fixées à l’origine et à la partie inférieure du rectum. Chacune de ces deux tiges est l’aboutissant de trois branches dont le mode de confluence présente quelques différences de peu de valeur sans doute, mais qui ne doivent pas être négligées. Ces branches partent toutes trois du même point dans les Spondylis buprestoides, Ergates faber, Callidium bajulus et clavipes, Exocentrus balteatus, Pachystola textor; Vune d'elles s'insère plus ou moins en arrière des deux autres dans les Prionus coriarius, Hammatichærus heros et cerdo, Aromia moschata, Clytus detritus et arcuatus , Astinomus ædilis, Rhagium bifasciatum et inquisitor, Leptura hastata. Des dissections toutes récentes (octobre et novembre 1842), entreprises dans le but spécial de l'étude des vaisseaux hépa- tiques, m'ont fait reconnaître à diverses reprises, dans l’Ham- matichærus heros, le plus grand de nos Tongicornes, un mode d'insertion ventriculaire qui pourrait bien se retrouver dans d’autres espèces de cette famille et qui constitue un fait nou- veau. Les vaisseanx, au lieu d’être verticillés, sont groupés trois par trois de chaque côté de l'extrémité du ventricule et con- fluent immédiatement avant leur fixation, de manière à ne for- mer qu’une seule embouchure; cette ouverture est non sur les côtés du ventricule, mais à sa face inférieure. J'ai rendu ce trait par une figure. Les deux tiges à trois chefs de l'insertion rectale se divisent de nouveau, au-dessous de la tunique externe et hyaïine du rectum, en trois filets dont les nombreux festons rapprochés sont collés contre cette tunique, et lorsqu'on dé- tache celle-ci, ce qui n'est pas tres difficile, elle les entraine constamment. On voit que c’est ici la même organisation, la même structure que dans les Hétéromérés. Dans quelques cir- 156 L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. constances favorables, comme, par exemple, lorsque le réctum est rempli d’un liquide excrémentitiel brun, une loupe attentive peut constater, à travers la pellucidité de la tunique extérieure, et sans qu’il soit nécessaire de la disséquer, la trace des sinuosités de ces filets : des figures mettent en évidence ces dispositions. J'ai encore à faire, à l'occasion de ces mêmes Longicornes, une remarque de subtile, mais positive anatomie, qui offre de l'intérêt, parce qu’elle vient à l'appui de ce que j'ai dit dans les généralités de l’organe hépatique des Tétramérés. En y regar- dant de près, on se convaincra que, dans plusieurs d’entre eux, il y a de chaque côté un des vaisseaux biliaires plus fin et plus court que les autres, quoique son insertion ne soit pas isolée (Rhagium bifasciatum, Hammatichærus cerdo); et par une exploration plus scrupuleuse, ob trouvera que lorsque ces vais- seaux ne sont pas plus courts, ils ont au moins une incoloration, une diaphanéité qui tranche avec la couleur flavescente plus ou moins vive des autres; dans ce dernier cas, c’est toujours le vaisseau dont l'insertion aux tiges rectales est séparée et plus postérieure qui offre ce caractère. Cette incoloration prouve évidemment que la fonction sécrétoire de ce vaisseau est modi- fiée et corrobore l’idée de déchéance organique émise plus haut. Les Donacies ; par leur forme, leurs habitudes et leur anato- mie, ont droit à être séparées des Zzpodes où on les a com- prises et à constituer une famille spéciale, ainsi que je l'ai dit il y a plus de vingt ans dans mon anatomie des Coléoptères; la disposition de leurs vaisseaux hépatiques fait une exception dans la section des Tétramérés. Ces vaisseaux, dépourvus d'insertion rectale, différent entre eux par leur grosseur et leur mode de fixation; ils n’ont donc, exceptionnellement dans la section, que des insertions ventriculaires, et quoique celles-ci soient au nom- bre de six, il n’existe réellement que quatre vaisseaux. Deux bien plus déliés et à anses s’insèrent par leurs quatre bouts à un corps ovoïde sessile qui est une sorte de vésicule biliaire ; les deux autres plus courts, plus gros, renflés, ventrus dans leur milieu et flottans par un bout, s’implantent isolément à l’extré- mité et à la face supérieure du ventricule, ils renferment une pulpe blanche. L. DUFOUR. — Sur le Foie des insecées. 157 Dans le Crioceris merdigera de la famille des Euros, l’inser- tion rectale a lieu par deux troncs à deux branches et par deux vaisseaux isolés, et la ventriculaire d’abord par une vésicule biliaire latérale conime dans la Donacie qui reçoit quatre vais- seaux, puis par deux autres vaisseaux plus grèles, incolores et isolés (1). ReMmarquez encore que cette gracilité, cette incolora- tion sont deux traits qui confirment admirablement mon ob- servation anatomique et physiologique qui termine l’article des Longicornes. Ramdobr, qui a donné la figure de l’appareil di- gestif du Crioceris asparagi (2), a mal saisi l'insertion rectale, et la ténuité des vaisseaux grèles dont je viens de parler les lui a dérobés. La nombreuse famille des Cycliques diffère de celle qui ren- ferme les Crioceris par l'absence de vésicule biliaire. Le mode d'insertion de leurs vaisseaux hépatiques varie suivant les genres, mais dans le plus grand nombre on rencontre les deux vaisseaux courts et grêles dont j'ai parlé. Dans les Cassida , les quatre vaisseaux principaux sont grou- pés, mais non confluens pour leur insertion ventriculaire; celle- ci a lieu à la paroi ventrale de l'organe; les vaisseaux gréles .s’insèrent séparément. Les fixations au rectum se font par deux tiges à trois vaisseaux comme dans les Longicornes. (3) Dans la Timarcha tenebricosa que je viens de disséquer de nouveau (novembre 1842), les grands vaisseaux biliaires, qui sont d’un violet brun, s’'insèrent au bout du ventricule par paires rapprochées , mais non confluentes, chaque paire ayant un vais- seau à la paroi dorsale et un autre à la ventrale. Ces vaisseaux (contre l'ordinaire ) ne sont pas atténués à cette insertion. La paire grêle et courte est incolore et s'implante en avant des précédentes de chaque côté de la ligne médiane fictive ventrale. Les insertions rectales ont lieu à l’origine subinférieure du rec- tum, rapprochées et comme fasciculées dans une espèce de sinus, ce qui rend cette exploration fort difficultueuse. Je me suis convaincu , par plusieurs autopsies, que les quatre grands (1) Annales des Sciences naturelles, tome 1v. PI. 7, fig. 3-6. (2} Randobr, I. c. PI. 6 , fig. 5. ‘3) Voyez mes Recherches anatomiques , déjà citées , tome 1v. PI, vrrt, fig. r. 158 L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes: vaisseaux ont deux troncs contigus à deux branches chacun, et l'insertion de la paire grêle se fait isolément malgré leur rap- prochement. Une figure rend évidente cette disposition. (1) Une forte lentille du microscope m'a permis de constater dans cette Timarcha la continuation sous-cuticulaire des vais- seaux hépatiques , sur des lambeaux de la tunique hyaline ex- terne du rectum. Leurs reptations flexueuses sont les mêmes que celles que j'ai représentées par une figure dans les Longi- cornes, mais moins distinctes, un peu confuses. (2) La Galeruca tanaceti, dont les vaisseaux hépatiques renfer- ment une bile blanche, ont les quatre principaux de ces vais- seaux abouchés au ventricule par une seule souche fort courte, qui ne saurait mériter le nom de vésicule biliaire, et fixés au rectum par deux troncs bien distincts. Les vaisseaux grêles ont leur implantation isolée (3). La G. /usitanica ; dont on a fait le genre Malacosoma , a ses insertions tant ventriculaires que rec- tales en tout semblables à celles de la Timarcha (4). Enfin, le Triplex nigripennis , dont je viens de faire connaître les méta- morphoses (5), insecte qui dans les méthodes est placé presque à la fin des Tétramérés, et qui vit, ainsi que sa larve, dans des bolets parasites, le Triplax a six vaisseaux hépatiques comme les autres Coléoptères de la section. Ils sont d’un brun pâle et longuement atténués aux insertions ventriculaires. Celles-ci sont verticillées. Les rectales ont lien par une seule souche fort courte pour les quatre gros vaisseaux , et, si je ne me suis pas trompé, par un tronc à deux branches pour les grêles. Section 1v. Coléoptères trimérés. Les Coccinella, les seuls insectes de cette section que j'aie (1) Ramdobr (1. c. p. 103) a parfaitement signalé dans la Chrysomela Goettingensis (hæmoptera Fabr. ) l'existence de deux vaisseaux hépatiques grêles et courts, et il a aussi fait la remarque que les autres quatre étaient gros, même dés leur embouchure au ventricule, (2) Je suis assez porté à croire, et j'ai déjà fait cette remarque, dans mon Mémoire sur la Mordelle, que, chez plusieurs Insectes ailés, ces filets sous-cuticulaires s'oblitérant deviennent vestigiaires et sans fonctions. (3) Voyez mes Recherches citées, PL. 8 , fig. 6. (4) Voyez mes Recherches citées. PI. 8, fig. 4. (5) Annales de la Société Entomologique , mai 1842. L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. 159 disséqués, ont six vaisseaux hépatiques comme les Tétramérés ; mais leurs insertions, tant au ventricu'e qu'au rectum, sont sé- parées, isolées. Ordre 1V. HyMÉNOPTÈRES. Ces insectes, éminemment industrieux, et pour la plupart floricoles, ont entre eux une si grande conformité d’organisa- tion hépatique, qu'il deviendrait superflu et oiseux de passer en revue, sous ce rapport, les nombreuses familles de cet ordre. J'ai constaté le nombre, la forme et la structure de leurs vais- seaux biliaires sur cent cinquante espèces appartenant à tous les groupes. Partout , ainsi que dans le plus grand nombre des Or- thopteres , j'ai trouvé plus de vingt de ces vaisseaux très fins, courts, flottans par un bout, disposés en verticille, et insérés exclusivement à l'extrémité du ventricule chylifique. On peut consulter cette disposition dans les figures multipliées qui ac- compagnent mes recherches anatomiques sur cet ordre (Ouvr. cité, 1841 ). Les larves des Hyménoptères n’ont pas, il s’en faut, le même nombre de vaisseaux hépatiques que les insectes parfaits , et cet ordre forme, sous ce point de vue, une exception, une ano- malie. Dans tous les ordres, il y a dans les divers états du même insecte une identité si remarquable de cet appareil biliaire , que, dans un Mémoire communiqué à l’Académie, et encore in- édit (1), où j'ai abordé quelques questions d’organogénie ento- mologique, j'ai avancé que les vaisseaux hépatiques, quant à leur nombre et à leur disposition , constituaient un organe de Première formation. Les Hyménoptères vont modifier cette facon de penser. Déjà, dès long-temps, Swammerdam, dans son anatomie du ver de l’Abeille, avait saisi cette différence (2). Ramdobr Pa si- gnalée aussi dans les larves de la Guëpe ordinaire et d’un Cim- (1) Etudes anatomiques et physiologiques sur une mouche , ete. (Mémoire présenté et agréé au concours des prix Montyon pour 1841.) (2) Biblia nat. Collect. Acad. tom. v, p. 267. PI. 16, fig, 15. 160 L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. dex(r) ,et j'exposerai mes recherches sur celles du grand Frelon et d’un Cerceris. Les vaisseaux hépatiques des larves du J’espa crabro et du Cerceris bupresticida (2) ne sont qu’au nombre de quatre , tan- dis qu'il y en a plus de cinquante dans l'insecte ailé. [ls sont gros comparativement à ceux de ce dernier, médiocrement longs, blanchâtres, très fragiles, flottans par un bout. Ils s’insèrent de chaque côté de l’extrémité du ventricule chylifique, par paires contiguës au point de leur embouchure, mais non confluens. Swammerdam a représenté ceux de la larve de l’Abeille à miel pareïllement au nombre de quatre; mais ces vaisseaux, qu'il appelle comme à son ordinaire des zntestins aveugles, s'unissent deux à deux en deux troncs fort courts pour leur insertion. C’est sans doute par erreur ou par inadvertance que Ramdohr a figuré cinq de ces vaisseaux dans la larve de la Jespa vulgaris. Suivant cet entomotomiste, cet organe, dans la larve du Cénbex umerinæ ; se présenterait sous la forme insolite de deux petites houppes composées chacune de dix vaisseaux grêles, confluens, à un court pédicule. Je serais tenté de croire que la larve dissé- quée par Ramdohr était à même de subir sa métamorphose en chrysalide. Osservarion. L’autopsie d’une larve du fespa crabro qui ap- prochait de sa transformation en nymphe, m'a mis à même de constater un fait du plus piquant intérêt pour l’organogénie. J'ai pu saisir cet instant précieux où les vaisseaux hépatiques de la larve, appelés à disparaître devant les progrès des métamor- phoses viscérales d’un organisme plus avancé, semblaient s'en aller. en débris, se fondre en deliquium organique , en même temps qu’une nébulosité gélatineuse flottant autour de l’extré- mité du ventricule chylifique, offrait distinctement au micros- cope d'innombrables linéamens destinés à devenir les filets hé- patiques verticillés, d'abord de la nymphe, puis de l’insecte ailé (x) Ramdobr ( ouvrage cité }, pages 133 et 143. PI. 12, fig. 1-6 et PI. 13, fig. 4-6. (2) Espèce nouvelle décrite et figurée dans un mémoire où j'ai fait connaître et les métamorphoses et l'intelligence véritablement entomologique de cet Hyménoptère fouisseur pour l’approvisionnement de sa famille, — Voyez Annales des Sciences naturelles , deuxième série, tome 15, Pl. 15. L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. 161 (voyez les figures 12 let 13, pl. 7). Ce mode de développement intime est très analogue à celui qui s’observe dans la matière verte des eaux stagnantes, qui se transforme en productions confer- voides. Dans le Mémoire inédit dont j'ai parlé plus haut, j'ai cité plusieurs faits analogues d’organogénie où les élémenrs adipeux, mis en jeu par une loi d’affinité orzanique peu facile à formu- ler, s’attirent, s'unissent pour donner naissance ou à des fila- mens, ou à des membranes. Mais Ramdohr a aussi observé et exprimé par des figures, dans les larves de la J’espa vulgaris , cette curieuse concomitance de vaisseaux hépatiques qui se dé- truisent et de ceux qui s'organisent sur un nouveau plan pour leur succéder. Ordre V. NÉVROPTÈRES. Ici, comme dans l'ordre précédent, les vaisseaux hépatiques n'ont pas d'insertion rectale; mais les Névroptères présentent, sous ce rapport, de notables différences, suivant les divers groupes naturels. Ces vaisseaux, dans les Libellula, E ‘phemera, Perla, sont, ainsi que dans les Hyménoptères, au nombre de plus de vingt, flottans par un bout et verticillés. Ils sont pro- portionnellement plus courts que dans ces derniers, et ceux de l'Æphemera flavipennis, dont je produis ici la figure (pl. 7, fig. 14), se terminent en massue. Ils sont en nombre limité et constant , et bien plus longs dans les autres familles. Il n’y en a que six dans les Panorpa, Sialis, Termes, Phryganea. Le second de ces genres les a remar- quables par plus de grosseur et moins de longueur que les autres. Les Myrmeleon et Hemerobius en ont huit, nombre fort rare. Dans tous ces genres, ces vaisseaux sont libres et fermés par un bout, isolés à leurs insertions, et sans la moindre trace ni de tronc commun, ni de vésicule biliaire. Ramdobr a représenté à tort une insertion cœcale au Myrmeleon (1). Elle n'existe pas. Ce même auteur s’en est aussi laissé imposer, en ne donnant à la Phryganea flavicornis que deux vaisseaux biliaires à anses. (2) (x) Ramdobr, 1, c. PI. 16, fig. 2, (2) Ramdohr, L. e. PL 17, fig. 2, XIX. Zooz. — Mars 162 L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. Par une exception, qui est cependant un fait que j'ai constaté ainsi que Ramdobhr (x), la larve du WMyrmeleon ( formicarium ) a huit vaisseaux biliaires fixés, d’une part au ventricule chyli- fique, et de l’autre au rectum. Ordre VI HÉMIPTÈRES. Le foie de ces insectes suceurs est moins développé que celui des autres ordres. Il est rudimentaire dans quelques-uns des dér- niers genres de la série, et finit par disparaître entièrement dans les Pucerons. Sur les soixante espèces dont j'ai fait l’autopsie , je n'ai pas vu un seul exemple où les vaisseaux hépatiques aient deux insertions éloignées. Celles-ci, dans plusieurs genres, ont lieu dans un point bien plus rapproché de la terminaison du tube alimentaire que dans les autres insectes, et cette circon- stance, qui sera l’objet d’un examen tout particulier , ne laisse pas que d’être fort embarrassante pour la physiologie. Le nombre de ces vaisseaux est toujours limité et fort restreint ; il ne dépasse jamais quatre et n’est parfois que de deux, lesquels sont alors à anses et à quatre insertions. Section 1°. Hétéroptères. Je suivrai, pour l'exposition de l’appareil biliaire de cette sec- tion , la méthode récente de M. de Spinola. (2) Tribu 1°. Hydrocorises. On trouve dans l’organe hépatique des Nepa, Runatra, Nau- coris, Notonecta et Corixa, une conformité des plus satisfai- santes. Il consiste en deux longs vaisseaux à anses, dont les quatre insertions ont lieu directement, et sans aucune trace de bourse vésiculaire, à la terminaison du ventricule chylifique loin du rectum. Ces insectes ont tous une portion grêle d’intestin. Tribu 2. Amphibicvrises. Les vaisseaux biliaires des Gerris et J’elia sont à anses comme (x) Voyez mes Recherches anatomiques sur les Névroptères, Pl. 12, fig. 175 , et Ramdobr, I. c. PI, 17, fig. #. {2) Spincla, Essai sur les Insectes hémiptères hétéroptères, Paris, 1840. L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. 163 ceux de la tribu précédente, mais ils s’insèrent à une bourse sphéroïdale subvésiculaire située à la terminaison du ventricule, et contiguë au rectum. Je reviendrai, sur cette poche, au chapitre de la physiologie. Tribu 3. Géocorises. 1° Réduvites. — Dans les genres Pe/ogonus et Acanthia (1) (qui doivent nécessairement divorcer avec les véritables Rédu- vites) , les vaisseaux hépatiques différent de ceux des Amphibi- corises par l'absence de bourse ventriculaire, et ressemblent à ceux des Hydrocorises, dont les rapproche aussi l’existence d’une portion grêle d’intestins. Les Réduvites /égifimes que j'ai disséqués, tels que les Ploia- ria , Pierates, Nabis, Reduvius, ont aussi ces vaisseaux dé- pourvus de bourse vésiculaire , mais ils s'implantent immédia- tement avant le rectum. Ils sont à anses, excepté dans la Ploia- ria , où leurs quatre bouts sont libres, flottans et même renflés en massue. Ces vaisseaux sont aussi, dans ce même insecte, très variqueux, ce qui est assez rare dans les Hémiptères hété- roptères. Il faut convenir que les Ploïaria offrent, dans leur forme et leur structure, des traits qui les éloignent un peu des autres Réduvites. 2° Coréites. — Le Syromastes et le J’erlusia ont entre eux une conformité de vaisseaux hépatiques qui justifie de leur rap- prochement dans le même groupe. Ces vaisseaux sont à quatre bouts libres, et s’inserent de chaque côté d’une bourse sub- quadrilatère , sessile sur le milieu du corps même du rectum. 3° Phymatites. — Le Phymata a ces vaisseaux à anses, in- sérés tout pres du rectum, mais sans bourse, absolument comme dans les véritables Réduvites. 4° Aradiles.— Je n'ai soumis à mes recherches qu’une seule (x) Dans mes Recherches anatomiques et physiologiques sur les Hémiptères , j'avais indiqué , comme devant constituer une famille distincte, les genres Leptopus , Acanthia, Pelogonus et Galgulus , tous hémiptères riverains, M. de Castelnau a établi celle des Galgulites avec ce dernier genre et son Mononyæ; mais il a relégué ailleurs les Acanthia | Leptopus et Pelogo- nus. M. de Spinola , peu riche sans doute de ses propres observations sur le Galgulus de Latreille , a égaré les Galgulites au milieu des Hémipteres nageurs ; tout en jugeant d’après la structure extérieure qu'ils pouvaient être simplement riverains. 164 L. purour. — Sur le Foie des insectes. espèce de cette famille, lÆneurus lœævis. Les vaisseaux biliaires, insérés bien loin du rectum, sont réunis deux à deux en un canal cholédoque comme dans les Diptères, ou mieux comme dans l’Asiraca , de la section des Homoptères. Ce mode d’inser- tion est exceptionnel dans les Géocorises, et je sens le besoin de disséquer d’autres Aradites pour le confirmer. Ces vaisseaux sont variqueux comme ceux de la Ploiaria. 5° Cimicites. — T’organe hépatique du Cèmex lectularius ne diffère en rien de celui des Réduves. 6° _4stemmites. — Il y a dans ce groupe, tel que l’a constitué M. de Spinola, quelques anomalies génériques sous le rapport de l'organe hépatique, qui sont loin d’être démenties par les traits extérieurs. Ainsi l’Astenma apterum, ou le Pyrrhocoris de Rodhe, qu'il convient de maintenir dans les Lygéites, a ses vaisseaux biliaires à anses et insérés de chaque côté par paires à une grosse vésicule ovoïide placée à l'extrémité du ventricule et contigué à l’origine du rectum. Je ne connais que ce Géoco- rise qui ait des bourses aussi comparables à des vésicules du fiel. Dans les Capsus et les Miris, ces vaisseaux, à anses dans le premier, à bouts libres dans le second, s’implantent à nu avant le rectum, comme dans les Réduvites. 7° Anisoscélites. — Ces Hémiptères, du moins les genres Stenocephalus, Alydus, Micrelytra ; Gonocerus, Merocoris , soumis à mon scalpel, doivent, suivant moi, rentrer dans la . famille des Coréites, où les ont compris plusieurs entomolo- gistes. Ils ont, comme dans cette dernière famille, leurs vais- seaux biliaires abouchés à une grande poche subvésiculaire ; sessile sur l’origine même du rectum. 8° Lygéites. — Le Rhopalus et le Lygœus ont la même forme et le mème mode d'insertion des vaisseaux hépatiques que les Anisoscélites. 9° Pentatomites. — Dans cette populeuse famille, où j'ai dis- séqué un grand nombre d'espèces des genres 4/ix, Pentatoma, Cydnus, Edessa, Raphygaster, Eurygaster, Graphosoma , les vaisseaux hépatiques sont à anses, fort fragiles, longuement reployés, et renfermant une bile plus ou moins verte ou glauque. Ils s’abouchent brusquement, de chaque côté, à une L. DUFOUR. -— Sur le Foie des insectes. 165 grande poche vésiculaire, subarrondie, sessile ou presque ses - sile, non pas sur le rectum même, comme dans les Corëites, mais simplement contigué à cette dernière poche excrémenti tielle, et dépendante du ventricule chylifique. Section 1. Homoplères. Je n'ai pas trouvé dans un seul d’entre eux la trace de l'exis tence d’une poche vésiculaire pour l'insertion des vaisseaux hé patiques, et ceux-ci sont bien plus fréquemment variqueux ou boursouflés que dans les Hétéroptères. Ceux des Cicadaires sont au nombre de quatre, à bouts libres. Dans les genres Cicada , Fulgora, Issus, Centrotus, Ledra , Cercopis, Aphrophora , les quatre insertions (au ventricule) sont distinctes et séparées. Ceux du Cixius et de l’Asiraca, bien moins longs, se réunissent par paires de chaque côté à un canal cholédoque plus ou moins court, mais facile à constater. Ces vaisseaux, dans le Dorthesia characias , de la famille des Psyllides , se présentent sous l'aspect de deux anneaux de peu d’étendue, s’abouchant par un col à peine sensible à un tronc commun pareillement fort court , inséré sur le ventricule, fort loin de l’origine de l'intestin. Ils sont presque aussi gros que le tube digestif, blonds ou roussätres , et comme entrecoupés d’es- pace en espace. C’est là une modification organique intéressante, parce qu’elle nous prépare à la briéveté rudimentaire de ces vaisseaux dans la Psylla. Dans cette dernière, il n’existe en effet qu’un vestige d’organe hépatique sous la forme de quatre courts boyaux insérés, non symétriquement, mais d’une manière fort irrégulière à la partie postérieure du ventricule chylifique, mais non à son extrémité. Ces dégradations organiques, témoignages parlans du plan échelonné des créations, nous amènent à l’absence absolue de tout appareil biliaire dans les Pucerons et les Chermes qui ter- minent l'ordre des Hémiptères. (1) (x) La dégradation et eufin l'absence absolue d'appareil hépatique dans les dérniers genres de l'ordre des Hémiptères , ainsi que la privation de la portion grêle d'intestin daus plusieurs d’entre eux , semblent annoncer dans ces insectes uue organisation moins parfaite que daus 166 L. DUFOUR. — Our le Foie des insectes. Ordre VII. DrPpTÈres. Les vaisseaux hépatiques de ces insectes, dont j'ai disséqué près de deux cents espèces prises dans tous les groupes géné- riques de l’ordre, et sur l’anatomie desquelles j'ai fait un travail fort étendu (1), n’ont que des insertions ventriculaires et tou- jours éloignées du rectum. Ils sont en nombre fort restreint, de deux à anses fixées par quatre bouts, ou de quatre à bouts libres et fermés. Le genre Culex , placé en tête de tout l’ordre, et la Psychoda , qui est presqu’à la fin des Tipulaires, font seuls une exception et présentent cinq vaisseaux hépatiques. Ce chiffre impair forme une anomalie dans la classe entière des insectes , et la nature semble témoigner de son hésitation en le rendant variable dans la Psychode qui n’en a souvent que quatre. Les vaisseaux biliaires de la généralité des Diptères sont libres et flottans par un bout; la famille seule des Tipulaires m'a of- fert un petit nombre de genres où ces vaisseaux ont la forme de deux grandes anses comme dans les Coléoptères carnassiers. Ces genres sont les 7ipula, Clenophora, Pachyrhina et Ani- somera ; ceux des Culicides sont bien plus courts que dans les autres Diptères, parfois un peu épaissis en massue, et au nombre de cinq, comme je me plais à le redire. La Psychoda les a ren- flés, chacun près de son insertion, en une vésicule ovale ou oblongue qu’on peut appeler biliaire; ceux du Rhyphus et du Bibio sont fusiformes ; ils ont dans la Cephalomryia une grosseur qui égale celle du tube digestif lui-même ; les Phora pallipes et bicolor les ont terminés à leur bout libre par un renflement vésiculaire ovoide. Voilà pour les légères différences de confi- guration de ces vaisseaux. Voyons celles de leur mode d'in- sertion. Dans les familles des Culicides, Tipulaires, Tabaniens , Asi- liques, Empides, Platypezines et Pupipares, les insertions les autres ordres, Cette considération, à laquelle on pourrait ajouter d’autres signes , pris sit à l’intérieur, soit à l'extérieur, me porte à croire que l'ordre des Hémiptères doit être colloqué, dans la méthode vaturelle, à la fin de tous les ordres d’insectes, (1) Recherches anatomiques et physiologiques sur les Diptères, etc., présentées , en mai 1842 , à l'Académie des Sciences. L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. 16% hépatiques sont isolées autour de la terminaison du ventricule chylifique; dans celles des Bombryliers, Anthraciens, Thérevides, Leptides, Dolichopodes, plusieurs Syrphides et Scénopiniens, ces insertions sont rapprochées par paires latérales sans qu’il y ait un canal cholédoque proprement dit. La famille des Stratio- mydes, placée entre les Tabaniens et les Asiliques dans la mé- thode de M. Macquart, a un seul canal cholédoque pour les quatre vaisseaux. Ce canal, long dans le Sératiomys chamæleon, est fort court dans les Subula et Beris, de médiocre longueur dans les autres genres de ce groupe. Les Cyrtides, quelques Syrphides , les Lonchoptérides, Co- nopsaires, OEstrides et immense nation des Muscides, tant ca- lyptérées qu'acalyptérées, ont deux canaux cholédoques latéraux dont chacun est l’aboutissant de deux vaisseaux hépatiques. Tels sont, d’une manière générale, les divers modes d'inser- tion hépatique des Diptères; mais la nature ne se prête pas toujours à nos méthodes, et il existe dans les familles mêmes des exceptions qu’il faut signaler. Ainsi, parmi les Bombyliers, l'Usia a un canal cholédoque unique ; parmi les Syrphides, les genres Syritta et Xylota n’ont que des insertions isolées au milieu des autres genres nombreux qui ont deux canaux cho- lédoques; parmi les OEstrides, l'OEstrus equi a des insertions rap- prochées par paires, mais sans canal cholédoque; enfin, parmi les Muscides acalyptérées, les genres Lonchæa, Ochtera, Ephy- dra et la Phora sordidipennis ont des canaux cholédoques si courts qu’on peut les contester. Ordre VIIL. LÉPIDOPTÈRES. On ne trouve dans les Lépidopteres, tant diurnes que uoc- turnes, ni dans leurs larves ou chenilles, aucun exemple de vaisseaux hépatiques ayant en même temps une insertion au ventricule et une autre au rectum : cette dernière n'existe pas. Ces vaisseaux, constamment au nombre de six à bouts libres, confluent trois à trois à deux canaux cholédoques plus ou moins courts, qui s’insérent latéralement à la terminaison du ventri- cule chylifique. Dans plusieurs Chenilles, les trois canaux biliaires ne con: 168 L. purour. — Sur Le Foie des insectes. fluent pas ensemble au tronc qui s’abouche au ventricule; Pun d'eux, plus ou moins éloigné du point d'insertion, ne semble qu'une bifurcation de l’un des deux autres. Malpighi le premier avait établi ce fait'pour Le Ver à soie , et Audouin, dans son utile et magnifique} ouvrage sur la Pyrale de la vigne, l'a pareille- ment exprimé pour la Chenille dévastatrice de ce Lépidoptère.(r) CHAPITRE Il. PHYSIOLOGIE. Maintenant que j'ai exposé toutes les formes, toutes les sombinaisons connues de l'appareil hépatique des insectes, et que j'en ai représenté les types principaux par des figures qui deviennent des pièces à l'appui, je peux aborder de front, et avec quelque confiance , la seconde partie de la question. J’es- père faire passer mes convictions dans l'esprit des lecteurs intel- ligens et attentifs, de ceux-là surtout qui savent et s’affranchir d'idées préconçues, et se tenir en garde contre les théories spéciales que n'étaient pas des faits rigoureusement établis et suffisamment nombreux. Mais faisons précéder l'exposition de notre manière de voir d’un coup-d'œil rapide sur les principales opinions proclamées avant nous à ce sujet. MazriGni, qui le premier fit connaître ces V’asa varicosa, pour me servir de son expression, dans le Ver à soie, n’a pas, comme on le lui fait dire, émis l'opinion qu'ils étaient des vaisseaux lactés. Son texte prouve assez combien il était peu fixé sur leurs attributions fonctionnelles, et l’article qui les concerne se ter- mine par ces mots : An verû vasa lacteis analoga? que l'on a fort mal interprétés. SwammErDAx ne s'explique nulle part sur les fonctions de ces vaisseaux , qu'il a décrits et représentés dans des insectes de di- vers ordres, et qu'il appelle indistinctement intestins cœcum , vaisseaux variqueux, vaisseaux aveugles. 1 dit même avec in- (1) Audouin, Histoire des insectes nuisibles à la vigne et particulièrement de la Pyrale, (Paris, 1842.) L. DUFOUR. — Sur de Foie des insectes. 169 génuité, en parlant de ceux du papillon, qu'il ne sait pas encore quel peut étre leur usage (\. c. p. 4o4 ). Notre Cuvier, qui avait fait de sérieuses recherches sur ces vaisseaux, les considérait comme exclusivement sécréteurs de la bile, et Rampogr, dont le scalpel avait sondé leurs divers modes d'insertion, ne balance pas à embrasser l’opinion de Cuvier. Rencerr, en 1817, fut, je crois, le premier qui leur attribua des fonctions urinaires, et le professeur GAEDE, en 1819, s’étayant de considérations anatomiques mal fondées et d’expériences fort peu concluantes, déshérita ces organes de leurs fonctions sécré- toires pour en faire des vaisseaux simplement absorbans. En 1826, Mecker, sans tenir compte ni du fait important de Possezrs que j'exposerai bientôt, ni de l'observation signifi- cative de Rampoux qu'il révoque en doute, et ignorant que plus des sept huitièmes des insectes avaient leurs vaisseaux biliaires uniquement insérés à cette partie du canal digestif où le chyme se convertit en chyle, se préoccupa trop de l'exception et s'empara de l'insertion de ces vaisseaux au rectum, pour considérer ceux- ci comme éliminatoires. Ce fut lui qui fonda l’opinion hybride et antiphysiologique d’une fonction urino-biliaire exercée par un seul et même organe. Cette façon de penser, cette sen- tence émanée d’une tête si grave, acquit bientôt force de loi dans les esprits prompts à s’enthousiasmer pour la nouveauté, et l’on répéta (Tiedeman, Müller, etc.) in verbo magistri, cette hérésie que les vaisseaux en question (quoique partout d’une texture identique ) étaient en même temps sécréteurs de la 2e, liquide important pour l'acte digestif, et sécréteurs de l'urine, liquide d'élimination et excrémentitiel. Carus (1), peu confiant sans doute dans le petit nombre d’ob- servations spéciales qui lui soient propres, est loin de formuler une opinion positive sur ce point, quoiqu'il semble incliner vers celle de Cuvier. Aupouin, si prématurément enlevé à la science et à ma vieille amitié, publia, en 1836 (2), une double notice sur les usages des vaisseaux hépatiques des insectes, à l’occasion de l'analyse chi- (3; Traité d'anatomie comparée, traduit par Jourdan, tome 11, page 254 , elc. (2) Annales des Sciences naturelles, deuxième série, tome v, page 129. 170 L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. mique de calculs d'acide urique trouvés dans.les canaux biliaires d’un Lucane. Il adoptait aussi l'opinion mixte d’une fonction urino-biliaire; mais l'exemple était peu favorable à cette opi- nion , car précisément le Lucane appartient à Ja nombreuse ca- tégorie des insectes où ces canaux nou-seulement sont privés de toute insertion rectale qui pourrait prêter à l’équivoque, mais encore ont la forme d’anses continues, de manière que leurs quatre embouchures ont lieu uniquement au ventricule chyli- fique, disposition anatomique qui éloigne toute idée d’une sé- crétion urinaire, Quant à la présence de l'acide urique dans ces concrétions calculeuses (constatée aussi dans leliquide biliaire(x) des insectes par M. Chevreul et M. Wurzer), c’est, dans la ques- tion qui nous occupe, un fait de composition chimique et voilà tout. (2) M. le professeur Duvernoy (3), fort embarrassé de fonder une opinion rationnelle au milieu de faits si vaguement exposés et si diversement interprétés, séduit encore par la composition chimique de l'humeur biliaire, a fini, malgré une certaine répu- gnance , à se laisser entraîner aussi à l’idée d’une double fonc- tion. Enfin M. LacorpaRe (4) a pareillement suivi le torrent de l'opinion germanique sur ce point. J'arrive à cette heure à ma manière d’envisager la physiologie des vaisseaux qui font l’objet de ce Mémoire. Le foie qui, dans les animaux à circulation liquide, forme (x) Qu'on ne s’y trompe pas, l'espèce de méconium , rejeté par l'anus des insectes parfaits bientôt après leur transformation définitive et où l’analyse chimique a démontré à Brugnatelli et à Audouin de l'acide arique. Ce méconium est sécrété par les vaisseaux biliaires , organe qui fonctionne , même dans les Chrysalides , ainsi que je l’ai cent fois constaté, Ne confondons pas la composition chimique de la matière morte avec les fonctions organiques et vitales , qui se déduisent surtout de l’anatomie. (2) De toutes les glandes des insectes, celles qui , par leur position et l'isolement de leurs fonctions auraient le plus de rapports avec un organe urinaire , quoique cette dénomination ne leur convienne pas rigoureusement, seraient celles que j'ai appelées organes des sécretions excrémentilielles dans les Coléoptères ( Carabiques , Dytiques , Staphylins , Mélasomes, etc. ). Elles sécrètent une liqueur défensive et doivent rentrer dans la catégorie des glandes vénénifiques , comme celles des Hyménoptères , etc. (3) Leçons d'anatomie comparée de G. Cuvier, deuxième édition, tome v, page 357 (1837), et tome vi, page 617 (1840). (4) Introduction à l’Entomologie , tome 1 (1834). L. DUFOUR. — Swr Foie des insectes. 171 un organe circonscrit plus ou moins volumineux, une glande parenchymateuse à texture compliquée , ne constitue, dans les animaux à circulation aérienne que des vaisseaux isolés, simples, filiformes ou capillaires, tantôt très longs et alors peu nom- breux , tantôt de moyenne longueur et alors plus multipliés. Mais, dans les uns comme dans les autres de ces animaux, cet organe a une importante mission physiologique : il est destiné à sécréter un liquide, /a bile, pour le complément de la digestion; dans les uns comme dans les autres, ce liquide est versé, par des conduits , dans cette portion du canal alimentaire qui ren- ferme le ckyme, se méle et se combine , en vertu de lois tout organiques, à ce dernier pour lui imprimer des conditions propres à la réparation , à l'assimilation , à la nutrition défini- tive. Le foie est donc une annexe du tube digestif, et il a toujours des communications directes avec lui. Je n’ai à m'occuper ici que du foie des insectes, qui est, à vrai dire, une glande déroulée , et je m'y renferme, sans toutefois perdre de vue les considérations et les rapprochemens comparatifs. Si nous réduisons au point de vue physiologique la revue statistique des vaisseaux biliaires, à laquelle je me suis livré dans le chapitre précédent , nous voyons d’abord que, dans les Or- thoptères , Labidoures , Hyménoptéres , Névroptères , Hémi- ptères ; Diptères et Lépidoptères, ces vaisseaux n’ont qu'une seule insertion , et celle-ci a lieu , en général, à l'extrémité du ventricule chylifique. L'ordre des Coléoptères serait donc le seul où on en trouverait qui seraient fixés, d’une part, à ce ventri- cule , et, de l’autre , au rectum; mais remarquez bien que ce n’est que dans la moitié environ des genres qui composent cet ordre, que l’on rencontre ce double mode d'insertion ; car la section populeuse des Coléoptères pentamérés rentre dans Ja catégorie des vaisseaux hépatiques à insertion exclusivement yentriculaire. Ainsi , sur les huit ordres d'insectes ailés (1), il y (x) J'observe que les insectes aptères munis de trachées, tant les Herapodes que les Polypodes , ont aussi des vaisseaux hépatiques à insertions uniquement ventriculaires , et organisés comme dans les insectes ailés. Quoique, dans ma statistique hépatique, je n'aie point porté en ligne de compte les vaisseaux biliaires des Aptères, on voit par ces quelques mots, qu'ils forment aussi un contingent à l'appui. 172 L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. en a sept et demi dans lesquels, ces vaisseaux n'ayant qu’un seul mode d'insertion , celui qui les fait s’'aboucher directement au ventricule chylifique, ne saurait élever une contestation sérieuse sur leur destination fonctionnelle. Resteraient donc les sections des Coléoptères Aéféromérés , tétramérés et trimérés, où la double insertion pourrait se prêter exceptionnellement à d’autres explications physiologiques. Examinons d'abord l’organe hépatique qui s’abouche exclu- sivement au ventricule chylifique, et qui, je le répète encore, s’observe dans l’immense généralité des insectes ; voyons si on peut lui contester les fonctions du foie des animaux du degré supérieur. Nous disons avec tous les physiologistes, que la bile est l'humeur sécrétée par le foie , et qu’elle est versée dans une portion déterminée du canal alimentaire, pour prendre une part trés active à l’acte de la digestion. Or, la bile existe dans les vaisseaux qui font le sujet actuel de mes recherches. Elle y a le plus souvent la couleur jaune et l’amertume qui caractérisent celle des grands animaux avec des nuances diverses depuis le vert, le brun violacé, le blanc amylacé , jusqu’à la diaphanéité parfaite suivant les genres ou les espèces d'insectes ou suivant son degré d'élaboration. L'absence d’une véritable circulation, par conséquent de vais- seaux sanguins, destinés non-seulement à porter sur tous les points le liquide où se puisent les matériaux des sécrétions, mais à se combiner, par leurs ramifications infinies, avec les tissus pour constituer les glandes; l'absence de cette circulation, dis-je, place les organes sécréteurs des insectes dans des conditions spéciales de forme et de texture. Que l’on veuille bien réfléchir à cette puissante considération! Le grand Cuvier avait avancé, il y a déjà un demi-siècle, que /es insectes n’avaient pas des glandes conglomérees, et l'expérience a surabondamment prouvé qu'il a dit vrai. Leurs organes sécréteurs se bornent à des filets tubuleux, simples ou rameux, distincts ou séparables, tantôt ployés d’une manière lâche (glandes sa/ivaires, vénénifiques , sérifiques ; biliaires ), tantôt agglomérés ou pelotonnés, mais que l’on parvient à dévider (testicules , etc.) ; enfin ils se pré- L. purour. — Sur le Foie des insectes. 173 sentent sous la forme vésiculaire ou capsulaire ( testicules, glandes salivaires, excrémentitielles , etc.). Mais rentrons dans l’étude des vaisseaux hépatiques (1). Sou- mis à une forte lentille microscopique, ils paraissent comme des boyaux tantôt lisses, tantôt plus ou moins plissés ou variqueux, dont les parois minces, pellucides, et cependant contractiles (Swammerdam y a constaté des fibres annulaires), ont d’un bout à l’autre une texture comme celluleuse ou spongieuse. Ces parois, animées par d’imperceptibles ramuscules nerveux et tra- chéens qui en constituent presque toute la trame, et d'une sur- face très multipliée à cause de leur longueur ou de leur nombre, saisissent par absorption, par imbibition, suivant l’expression de Cuvier , les élémens alibiles épanchés dans les cavités splanch- niques sous la forme de sang blanc, et, par des lois organiques, des propriétés vitales à jamais mystérieuses pour nous, elles convertissent ces élémens en la matière spéciale de la sécrétion qui alors revêt sa couleur propre. Celle-ci, à cause de la pel- lucidité des parois de l'organe , imprime à ce dernier sa teinte. Ces vaisseaux, même dans leur plus grande simplicité, et lors- qu'ils ont des insertions isolées, deviennent , avant leur embou- chure au ventricule, ou lisses lorsque dans le reste de leur éten- due ils sont variqueux, ou bien ils s’atténuent en un col. Dans ces deux cas, ils forment avant leur insertion une sorte de con- duit excréteur. Celui-ci acquiert, dans plusieurs espèces , tous les traits caractéristiques d’un canal cholédoque. La houppe hé- patique du Grillon et de la Courtilière, qui est, de tous les or- ganes biliaires des insectes, celui qui se rapproche davantage du foie des grands animaux, est remarquable par un canal cholé- (x) Dans le précédent chapitre de l'anatomie descriptive, j'ai oublié de dire , et il est essentiel de réparer cet oubli, que l'insertion vertriculaire des Vaisseaux hépatiques a presque toujours lieu immédiatement avant un bourrelet circulaire plus ou moins prononcé, suivant certaines contexlures du canal digestif. Ge bourrelet est l'indice d'une vabule , ou soupape intérieure, qui sépare la portion de l'organe destinée à recevoir le chyme de celle qui n'admet que la malière excrémentitielle. Elle correspond évidemment à la valvule i/é0-cæcale des grands animaux , et non au pylore , comme on l’a imprudemment avancé, L'insertion rectale ne s'accompagne d'aucun bourrelet analogue , et il n’existe pas plus dans l’insecte une valvule entre la dernière poche stercorale et l'intestin qui la précède, qu'entre le rectum et le colon des animaux vertébrés. On prévoit déjà les conséquences physiologiques de ces dispo- sitions anatomiques. 174 L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. doque unique parfaitement conditionné. On peut voir, au cha- pitre de l’anatomie, les diverses modifications de ce canal dans les différens ordres. Il me suffit, en ce moment, d'établir ce fait, que les vaisseaux hépatiques des insectes ont en général, comme les glandes des animaux les plus élevés dans l'échelle, un or- gane , ou une portion d'organe, qui sécrète et élabore et un or- gane qui éconduit, qui verse dans le ventricule l'humeur sé- crétée pour y être mise en œuvre. Ajoutons que, dans plusieurs genres, il existe un, quelquefois deux réservoirs bien caracté- risés, destinés au séjour, à la conservation de la bile, et en tout comparable à la vésicule biliaire où du fiel des Vertébrés. D'après les faits et les explications que je viens d'exposer avec toute la réserve que commandent les bornes de ce Mémoire, il me semble impossible de refuser aux vaisseaux qui s’insèrent uniquement à l'extrémité du ventricule chylifique des insectes, des fonctions analogues à celles du foie des animaux d’une orga- nisation supérieure. Qu'on me permette de dire encore, en terminant cet article, que dans l’insecte, comme dans l’homme, l'organe hépatique verse la bile dans la portion du canal alimentaire où se forme le chyle, mais & la fin de cette portion dans le premier de ces êtres , l’insecte, et ax commencement dans le second, voilà toute la différence. Dans l’un comme dans l’autre , la bile se combine, s'incorpore avec le chyme, et, dans une seconde digestion, celui- ci se transforme en chyle. La bile de l’insecte n’est pas, plus que celle de l’homme, une humeur excrémentitielle : elle est, au contraire, un liquide nutritif, dans ce sens qu’elle imprime au chyle la condition assimilatrice par excellence. Mais ce li- quide , ainsi que toutes les substances qui cooperent à la diges- tion, a, dans sa composition intime, des élémens qui sont re- fusés par les organes qui forment et élaborent le chyle, et alors ces élémens sont éliminés comme excrémens. Ge n’est que dans des circonstances anormales ou morbides que la bile zrdécom- posée est entraînée avec les matières fécales. Abordons à présent la question litigieuse de la physiologie des vaisseaux hépatiques lorsqu'ils s’insérent en même temps au ventricule et au rectum. La solution du cas, en quelque sorte L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. 175 exceptionnel , où ces organes semblent s’aboucher uniquement au rectum, terminera ce Mémoire. Jusqu'à la publication de mes recherches sur les métamor- phoses et l'anatomie des Mordella , en 1840 (1), j'avais, dans plusieurs de mes écrits , témoigné de l'extrême embarras où me jetait, sous le point de vue de la physiologie la concomitance de l'insertion de l'organe hépatique , d’une part, au ventricule, où s'opère la chylification; de l’autre au rectum, poche simple- ment excrémentitielle. Comment concilier, en effet, dans un seul et même organe, partant de texture identique, deux attributions si différentes? Aussi , malgré cet embarras , je m'étais toujours élevé contrela dénomination d’organe vrino-biliaire, imposée à ces vaisseaux par quelques anatomistes, ainsi que je le dirai bientôt. En disséquant la larve de la Mordella fasciata , je découvris que les six insertions hépatiques du rectum , loin d’être per- forantes ou pénétrantes, se continuaient au-dessous de la tunique externe en autant de filets tubuleux d’une finesse extrême, dont les flexuosités rampaient entre cette tunique et la membrane sous-jacente, en se terminant par un bout libre et fermé. Je constatai cette même disposition dans la nymphe de ce petit Coléoptère ; mais ces filets tubuleux tendaient à s’oblitérer; enfin ceux-ci n’existaient que vestigiairement dans la Mor- delle ailée. Ces faits, vérifiés un grand nombre de fois, je- tèrent dans mon esprit une vive lumière sur la physiologie de cet organe. J'entrevis la solution du problème , que dis-je? J'avais déjà délié ce nœud gordien , qui me tourmentait depuis si long-temps. Je présumai dès-lors que les insertions rectales des autres insectes pourraient bien avoir le même mode de terminaison. Je me livrai avec ardeur à des autopsies multipliées et scrupuleuses dans divers Coléoptères hétéromérés et tétra- mérés. Les résultats confirmèrent mes prévisions. La taille gigantesque des larves et des insectes parfaits des Ergates faber, Hammaticherus heros, Prionus coriarius, Lamia lugubris , etc. , m'offrait une occasion favorable et facile d’étu- dier cette disposition anatomique, et j'ai soumis ces longicornes (1) L, ce. tome xrv, page 225. 176 E, DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. aux vivisections les plus attentives. On sait que leurs vaisseaux biliaires, au nombre de six, confluent en arrière, trois par trois , en deux troncs fixés à l’origine du rectum. Le scalpel , en poursuivant ces troncs au-delà de leur insertion extérieure , m'a permis de reconnaîtreque chacun d’eux se divise de nouveau en trois racines ou branches simples , d’une finesse capillaire, serpentant au-dessous de la tunique externe du rectum, sans pé- nétrer dans la cavité de celui-ci. J'étendis ces mêmes investigations à plusieurs Coléoptères , hétéromères, notammentaux Blaps , Helops, Tenebrio , Meloe, Cantharis, etc., insectes où les six vaisseaux hépatiques , avant de s'implanter au rectum, se réunissent tous en un seul tronc. Eb bien! celui-ci , après cette implantation , se partage encore en six canaux capillaires, dont les flexuosités rapprochées et presque contiguës semblent constituer à elles seules la tunique rectale extérieure. Depuis l'établissement de ces faits anatomiques qui me trans- portèrent d’un véritable bonheur, je cherchai dans les auteurs si je n’en découvrirais pas la trace, et ce fut pour moi une satis- faction des plus vivement senties que de trouver que Ramdobr, dans ses généralités sur le canal digestif’ des insectes (1) avait déjà, dès 1811, avancé que les vaisseaux biliaires qui s’insé- raient au rectum ne s’ouvraient pas dans l’intérieur de cet intes- tin, qu'ils n'étaient qu’adhérens à sa tunique externe par des fibres musculaires; mais, même avant cette époque , Posselt, dans ses Mémoires , que ie ne connais pas, et qui sont cités par Ramdobr, avait été bien plus près de la vérité et l'avait même formellement établie par la dissection de la larve du Prionus coriarius, en disant, et en l’exprimant par des figures, que les vaisseaux biliaires , après avoir traversé la tunique externe du rectum, rampaient en replis serpentiformes si fins, qu'on ne pouvait en saisir les extrémités. (2) (x) Abhandlung über die Verdauungswerkzeuge der Insecten , page 46. (a) Mais les vaisseaux hépatiques ne sont pas les seuls organes des insectes où l’on observe cette reptation sous-cuticulaire, qui, en les soustrayant aux yeux, en impose pour une insertion terminale et pénétrante, Le scalpel habile de M. Doyère (*) lui a fhit découvrir (*) Annales des Sciences naturelles, deuxième série , tome 11 , page 81 (1839), 1. DUFOUR. — Sur de Foie des insectes. 177 D'après la disposition anatomique des vaisseaux hépatiques à double insertion, on voit que les explications physiologiques réhtrent absolument dans celles que j'ai exposées plus hant. L'imperforation des tuniques du rectum , et, par conséquent, absence de communication de ces vaisseaux avec la cavité de cette poche excrémentitielle réduisent à une simple attache extérieure l'insertion rectale et ruinent de fond en comble lopi- nion qui supposait à la portion de ces vaisseaux voisine de leur fixation au rectum une attribution éliminatoire , une fonction urinaire. Les faits anatomiques sont sans réplique. Quant aux prolongemens sous-cuticulaires , j'observe que jamais je n’y ai vu de la bile , au moins de la bile colorée : ils sont constamment diaphanes. Leur continuité avec le tronc d’où ils émanent, leur forme tubulaire , leur texture , leurs flexuo- sités ne permettent pas de les considérer exclusivement comme des radicules qui ne serviraient qu’à fixer l'organe. Ils contri- buent, n’en doutons point , à la sécrétion biliaire , en trans- mettant au corps du vaisseau les élémens de sang blanc absorbés dans la cavité abdominale où ils baignent. Mais ces prolonge- mens vasculaires sont toujours bien plus prononcés dans les larves , morphose de linsecte , où les fonctions digestives et assimilatrices ont une énergie proportionnée aux besoins de la croissance et des réparations. Une question des plus ardues , à peine entrevue par les ento- motomnistes me reste à examiner, je veux parler de cette dispo- sition des vaisseaux biliaires, où ils semblent s’aboucher directe- ment et uniquement au rectum, c’est-à-dire à une poche incon- testablement excrémentitielle. Pour mettre ici la vérité dans tout son jour, je dois entrer dans quelques développemens , et je ré- clame une attention toute particulière de la part de mes lecteurs. À la terminaison du ventricule chylifique d’un assez grand nombre d’Hémiptères hétéroptères seulement , il existe une configuration vésiculaire et surtout un mode de connexion avec le rectum, qui jettent dans une véritable anxiété non-seulement une disposition tout-à-fait semblable dans le canal digestif des Cigales , et il a mis ainsi un terme aux difficultés physiologiques où m'avait jeté une inserlion anormale et insidieuse de ce canal. XIX. Zoor.. — Mars 178 1. puroun. — Sur le Foie des insectes. le physiologiste, mais même lanatomiste , qui n’est point habi- tué à sonder les plus subtiles difficultés. Séduit moi-même par d'insidieuses apparences et par des rapprochemens trompeurs à l'époque où je rédigeai mes Recherches analomiques sur les Hémiptéres (1830), j'avais appelé vésicule biliaire cette poche qui recoit directement les vaisseaux hépatiques, et où s’épanche la bile. La méprise était des plus faciles, et Ramdobr l'avait aussi considérée comme telle. Plus ravisé aujourd'hui, mieux fixé par de rigoureuses et multipliées autopsies, soit sur la stracture intime ; soit sur les véritables connexions, je me suis contenté de le désigner sous le nom de poche ou de bourse vé- siculaire. Quand bien même le scalpel ne m'aurait pas donné Ja certi- tude que cette bourse n’est qu'une dilatation, une boursouflure constante et plus on moins terminale du ventricule chylifique, l'étude des modifications anatowiques que présente sur ce point la série des genres disséqués, l'étude de cette échelle organique, sur laquelle j'ai si souvent provoqué l'admiration, viendraient lui imprimer le sceau d’un fait incontestable. Observons d’abord que cette poche vésiculaire , loin de for- mer un trait commun à tous les Hémiptères hétéroptères, existe à peine dans le tiers des espèces de cette section. Les genres où une portion gréle d'intestin précède le rectum , en sont dépour- vus,comme les Vepa, Ranatra, Naucoris, Corixa , Notonecta, de la famille des Hydrocorises, et les Pe/ogonus acanthia de celle des Galgulites. La le mode d'insertion de ces vaisseaux est tout-à-fait normal, c’est-à-dire qu'il se fait à nu et isolément, ainsi que dans la généralité des insectes. Gette poche ne se rencontre pas non plus dans les Réduvites, les Phymatites , les Cimicites , et une partie des Æs/emmites , quoique, dans ces familles, il y ait absence absolue de portion grêle d’intestin, et quoique l'insertion hépatique s'effectue im- médiatement avant l’origine du rectum. Dans tous ces insectes suceurs, le ventricule chylifique a un très grand développement, surtout en longueur, ce qui semble suppléer à l’absence de la portion grèle de l'intestin , et sa limite postérieure est, comme dans tous les insectes, marquée exté- 1. DUEOUR. — Sur Le Foie des insectes. 179 rieurement par l'implantation des vaisseaux hépatiques, 11 faut bien se rappeler ces traits caractéristiques. Les Amphibicorises , les Pentatomites, les Lygéiles, les Co- rites et la plupart des Ænisoscéliles (lesquels , suivant moi, doivent rentrer dans les Coréites) ont la poche vésiculaire du ventricule. Celle-ci, dans quelques-uns d’entre eux, comme les Amphibicorises et les Lygéites, est sessile ou presque sessile, avant l’origine du rectum, quoique presque contiguë à cette dernière. Mais il n’est pas rare que, par une dissection circon- specte , on puisse mettre en évidence une portion atténuée de cette poche, un co/ fort court, quila sépare du sac stercoral. Il est clair, dans ce dernier cas, que ce col n’est que la continuation ef- filée, contractée de la poche, comme celle-ci n’est que ladilatation de la portion du ventricule qui le précède. Qu'on veuille bien se pénétrer de cette disposition intéressante que j'ai représentée daus un Zygæus! Elle doit essentiellement concourir à l'intel- ligence de la fonction. Dans les Coréites et plusieurs Anisoscélites, la poche vési- culaire en question est latérale et sessile sur le corps même du rectum, soit à l’origine, soit au milieu de celui-ci; et même, dans le cas d'absence de cette poche, il n’est pas rare que le ventricule chylifique de plusieurs de ces Hémiptères s’abouche brusquement, soit au centre, soit aux côtés du rectum. Les Capsus, Miris, Ployaria, Acanthia, Cimex, etc., en fournissent äes exemples. Mais il est un genre parmi ies Géocorises qui semblait destiné à nous révéler à lui seul la nature, lessence de cette poche vé- siculaire, et par conséquent la solution du problème anatomique qui nous occupe : c'est lÆstermma apterum. Les deux poches vésiculaires ovoïdes qui terminent à droite et à gauche le ven- tricule, et où s’abouchent les vaisseaux hépatiques ( voyez la figure 19), sont évidemment deux boursouflures latérales de ce ventricule, et non des réservoirs propres uniquement affectés à ces vaisseaux, car elles sont immédiatement précédées par plu- sieurs autres poches qui leur ressemblent parfaitement pour la forme et la texture, mais qui sont beaucoup plus petites qu’elles, et qui ne reçoivent aucun vaisseau. 160 L. DUFOUR. — Sur le Foie des insectes. Dans tous ces Hémiptères dépourvus de portion gréle de l’in- testin et dont je viens de citer les noms, il existe, qu’ils aient ou qu'ils n'aient pas de poche vésiculaire, une valvule qui sépare le ventricule chylifique du rectum, laquelle valvule s'oppose pendant la vie et dans l'etat normal des fonctions à lépanche- ment immédiat dans le rectum de la bile récemment sortie de ses canaux. L’embouchure directe de la prétenclue vésicule bi- liaire dans le rectum, malgré sa contiguité et son opposition sessile sur le corps de ce sac stercoral, est donc aussi illusoire que l'insertion rectale des vaisseaux hépatiques des Coléoptères hétéromérés. L'existence de la valvule ventriculo-rectale établit une séparation organique bien tranchée entre ces deux cavités du même canal digestif, comme la valvule iléo-cæcale des Ver- tébrés. Ainsi ces Hémiptéres qui, sous le rapport de leur organe hé- patique, semblaient former une exception dans l'entomotomie, rentrent encore dans la loi commune. Ici comme dans tous les insectes des autres ordres, les vaisseaux sécréteurs de la bile s'abouchent à l'extrémité postérieure du ventricule chylifique, et ce liquide, essentiel pour la digestion, obéissant à une im- pulsion rétrograde ou à un mouvement vermiculaire qui dé- termine sa progression, va parcourir la longue étendue du ven- tricule pour s'y mêler au chyme et le convertir en chyle; et quand par une loi d'ainités vitales, on mieux, par sa mission physiologique, le liquide biliaire a été dépouillé de tous les élé- mens destinés à l’assimilation, ses molécules extractives ou ex- crémentitielles regagnent la valvule ventriculo-rectale qui, solli- citée par leur abord, leur ouvre un passage facile dans le rectum. La physiologie de la fonction hépatique de ces mêmes Hémi- ptères, malgré de grandes difficultés apparentes, ne diffère pas, cômme on le voit, de celle que j'ai exposée précédemment, et cette conformité, fondée entièrement sur des considérations anatomiques inaperçues jusqu'à ce jour, me semble avoir une haute valeur scientifique. L. DUFOUR,. — Sur le Foie des insectes. 181 EXPLICATION DES FIGURES. ( Planches 6, 7, 8et 9.) (Toutes fort grossies. ) z+ Appareil hépatique de l'Eplippigera turra. Portion terminale du ventricule chylifique incisée et étalée pour mettre en évidence : , B, fig. 1, a), à droite et à gauche (ou quand lanimal se trouve sur le côté, en haut et en bas) ,un réceptacle petit et arrondi (fig. 1, 4), formé d’une masse trans- parente (4). ténace et élastique, et renfermant dans sa cavité { fig. 1,e) un corps particulier ou noyau (fig. 1, f). Ce noyau est transparent comme du verre et ressemble à une petite sphère qu'on aurait aplatie de haut en bas:il ne remplit pas la cavité du (x) Exercices zootomiques , par Van Beneden, voyez Nouveaux Mémoires de l'Académie royale des Sciences de Bruxelles, tome xxt , 1839. — Mémoire sur la Cymbulie du Péron , « sa situation, comparée à celle des Céphalopodes , le ferait regarder pour l'organe de l'audition. » (2) ZLidem , deuxième Mémoire sur un nouveau genre de Mollusques, voisin des Cym- bulies du golfe de Naples, (3) Müller s Archiv. 1839 ,p. 335, en note. (4) Dans les Archives de Müller, 1838 , page 49, le mot opaque se trouve par erreur au lieu de transparente. 196 s:enoch. — Sur l'organe auditif des Mollusques. réceptacle, mais'yest libre et mobile dans tous les sens,et même, ce qui était extrémement remarquable, il ÿ exécute presque con- tinuellement des mouvemens oscillatoires sans toucher auxparois internes de la poche. Il me semble très probable que ces deux noyaux sont entourés par un liquide. Ils se dissolvent complé- tement dans de l’acide nitrique étendu sans dégagement du gaz. Quand je comprimais un de ces corps entre deux plaques de verre, il s’est fendu avec bruit dans le sens de rayons qui par- tiraient du centre, et, sous une forte pression, il s’est divisé en pyramides à angle aigu ou obtus\fig. 2), mais dont la pointe aboutissait au centre du noyau ». J'ajoute actuellement à cette descripti »n que les points daus lesquels le noyau, encore entier, se divisera de la sorte en fragmens rayonnés , est indiqué déjà par une ombre légère, qu’on peutapercevoir aux figures 1 fet.2, où on voit ces corps dans l’état entier, et après avoir été écrasés. Cet organe, que je viens de décrire comme lorgane d’audi- tion ,a certainement une ressemblance complète avec les organes auditifs des Céphalopodes. Le réceptacle (fig. 1, ) qui, chez la Cyclas cornea, est posé tout contre le ganglion céphalique, représente le simple ves/ibulum membranaceurm , tandis que le noyau (fig. 1,f) doit être regardé comme la concrétion auricu- laire (Otélithe), qui, ainsi que sa mobilité l'indique, est entouré par un liquide aqueux , et, dans les Acéphales dont la vésicule auditive est à une certaine distance du ganglion central, le nerf spécifique ne manque pas d'y être envoyé. (1) Pour ce qui regarde l’organe de l'audition des Gastéropodes, je l’ai trouvé danstous ceux que j'ai examinés jusqu’à présent, c’est- à-dire chez les Helix pomalia, arbustorum, nemoralis, hortensis, rotundata.et hispida , Succinea amphibia, Lymnœus stagnalis et minutus, Physa fontinulis, Planorbis marginatus, vortex , ni- tidus, et contorlus, Clausilia plicata, nervosa et minima, Ancy- lus fluviatilis, Bulimus lubricus, Limax agrestis et maximus et Arion empiricorum. Chez tous ces Gastéropodes , l'organe auditif était assez ana- (1) Voyez mon Mémoire dans Hüller's Archiv, , 1838 , p. 52. SIEBOLD. — Sur l'organe auditif des Mollusques. 197 logue; mais il différait considérablement de ce mème organe chez les Acéphales , en ce qui regarde les concrétions auri- culaires. Avant que je décrive avec plus de détail l'organe auditif des Gastéropodes , je dois dire quelque chose de leur système nerveux central. ù On peut diviser le système nerveux central annulaire par où passe l'œsophage en trois portions; la première repose sur l’œsophage; une autre, qui est toujours plus grande, est placée au-dessous de cet organe, et la troisième (latérale) réunit des deux côtés la portion supérieure à la portion inférieure. T’or- gane de l'audition n’a de rapports qu'avec la portion inférieure du système nerveux central annulaire , et c’est pour cette raison que je suis obligé de décrire cette portion inférieure avec plus de détail. ï La portion inférieure du système nerveux central annulaire est formée de plusieurs renflemens ganglionnaires, qui sont réu- nisenundeuxième anneau au moyen de commissures. l'intervalle entre ces anneaux ganglionnaires est rempli de tissu cellulaire , et les renflemens médullaires forment ordinairement trois paires de ganglions. La paire antérieure est la plus volumineuse, et les deux renflemens qui la composent se tronvent très rapprochés et presque fondus ensemble; mais, malgré cela, on peut dé- couvrir tres facilement une commissure transversale entre ces deux noyaux. Après cette paire de ganglions antérieurs vient la paire moyenne , la plus petite, et dont les deux noyaux sont placés tres loin l’un de l’autre ; ils ont des communications avec la paire ganglionnaire antérieure et avec la paire ganglionnaire postérieure, mais non entre eux. Les ganglions de la paire posté- rieure sont presque aussi gros que ceux de la paire antérieure, et ils sont fortement pressés l’un contre l’autre et ferment ainsi l'anneau ganglionnaire. La surface supérieure de cet anneau cor- respondante à la face inférieure de l'œsophage est aplatie, tandis que les ganglions isolés de la portion inférieure sont arrondis et sensiblement bombés. En ce qui regarde le nombre des gan- glions qui composent cette portion inférieure du système ner- veux central, et relativement à la forme de l'anneau qu’ils consti- 198 sieBoup. — Sur l'organe auditif des Mollusques. tuent , il y a beaucoup de variétés dans les différens genres et dans les diverses espèces de Gastéropodes. Parfois l’un des ren- flemens ganglionnaires de la paire moyenne est doublé et par là fait perdre à l'anneau son aspect symétrique. Chez plusieurs espèces de Limax et d’Helix, les paires de ganglions de cette portion inférieure de l'anneau du système nerveux central sont tellement rapprochés entre eux, qu’ils paraissent comme perdus les uns dans les autres et ne former qu’un ganglion uuique volumineux; mais cette masse offre à sa surface infé- reure plusieurs éminences hémisphériques qui indiquent élai- rement qu’elle résulte de la réunion de plusieurs paires de gan- glions; dans ce cas, ce sont les éminences qui correspondent à la paire ganglionnaire antérieure qui sont les plus manifestes. Chez d’autres Gastéropodes, les paires des ganglions de la por- tion inférieure du système nerveux central, quand elles ne sont pas confondues, sont si fortement pressées les unes contre les autres, que l’espace qui se trouve au milieu de l'anneau gan- glionnaire est devenu très étroit et à peine reconnaissable. Après qu'on s’est rendu familier avec cette portion du sys- ième nerveux central et avec les variétés qu’il offre dans les diverses espèces, il devient très facile de trouver l'organe de lau- dition. En effet, cet organe se trouve chez tous les Gastéropodes à la partie postérieure des deux renflemens ganglionnaires les plus volumineux; on doit les chercher toujours auprès de la paire de ganglions antérieurs de cette portion de système ner- veux, et il est plus facile de les trouver à la surface inférieure qu’à la surface supérieure, surtout chez les Gastéropodes ( Zi- max, Helix), dont les divers ganglions RS sont confondus de la manière la plus intime. L'organe auditif existe toujours en nombre pair, et il est formé de deux capsules dont les parois sont transparentes. Ces deux capsules sont disposées sur les saillies globuleuses posté- rieures de la paire de ganglions antérieurs, et sont tellement serrées contre cette portion de la masse nerveuse centrale infé- rieure, que quand on remue celle-ci, ce n’est qu'avec peine qu’on peut apercevoir les limites entre le ganglion et les parois des capsules, et on dirait que les deux ganglions sont échancrés StEBOLD. — Sur l'organe auditif des Mollusques. 149 postérieurement et excavés, la couleur des parois de la capsule ressemblant assez bien à celle du ganglion. Dans la cavité des deux capsules se trouve renfermée une foule presque innom- brable de corpuscules clairs comme du verre et semblables à des cristallins. La forme de ces concrétions auriculaires, car on ne peut les prendre pour autre chose, est ovale et aplatie, et leurs angles paraissent être légèrement arrondis. On recon- naît sur ces concrétions une dépression concentrique mani- feste, et on voit an centre de la plupart d’entre elles une tache foncée ou bien une ouverture toute petite qui traverse la concrétion à partir d’une surface aplatie à l'autre. Ces Oto- lithes, soumises à uve forte pression entre des plaques de verre, se brisent d’une manière radiaire, se séparant souvent en quatre pyramides; cette séparation se fait également, mais d’une ma- nière lente, quand on les soumet à l’action de l'acide nitrique affaibli; mais ces mêmes concrétions disparaissent subitement avec dégagement de gaz, quand on les touche avec de l'acide nitrique concentré, ce qui me fait croire qu’elles sont composées de carbonate de chaux. La grosseur des Otolithes n’est pas iden- tique chez le même individu; toujours on en trouve qui sont beaucoup plus petites que les autres. Ces concrétions auriculaires offrent un phénomène extrème- ment remarquable, quand on regarde pendant quelque temps la capsule qui les renferme restée intacte. Ce phénomène rap- pelle le tremblotement des Otolithes chez les Acéphales ; mais chez les Gastéropodes il est beaucoup plus particulier et plus frappant. En effet, ces concrétions, renfermées dans la capsule, oscillent avec tant de vivacité, qu’on les croirait ballottées et poussées les unes contre les autres par des cils vibratils dépen- dans d’un épithélium dont serait revêtue la paroi interne de la capsule ; cependant je n’ai jamais réussi, malgré tous mes efforts, à apercevoir la moindre trace de cils dans l’intérieur de cette poche. Ces mouvemens des Otolithes dans la capsule auriculaire des Gastéropodes ( ces recherches ont toujours été faites à l’état frais) sont en effet tout particuliers; les corpuscules se dirigent tous vers le centre de la cavité de la capsule, où les concrétions qui occupent déjà cette partie, forment une masse épaisse et se 200 SIEBOLD. — Sur l'organe auditif des Mollusques. tiennent les unes fortement aux autres, à-peu-près comme la limaille de fer tient à l’aimant; les autres concrétions placées à la circonférence de cette masse sont soumises à un mouve- ment continuel; elles paraissent vouloir pénétrer dans l'intérieur de la masse centrale, mais elles en sont souvent repoussées avec violence, puis elles s’élancent immédiatement de nouveau sur la masse pour être ensuite repoussées de nouveau; la pa- roi interne de la capsule n’est presque pas touchée par ces concrétions lancées dans tous les sens; et, quand cela a lieu, elles en sont éloignées de suite et paraissent alors être encore moins tranquilles qu'auparavant. Pour comparer ces mouve- mens remarquables des concrétions à un autre phénomène ana- logue, je choisirais celui d’une poussière grossière d’une sub- stance insoluble dans l’eau, qui serait placée dans ce liquide à l'état d’ébullition; mais je préférerais encore comparer cette oscillation particulière des concrétions auriculaires au phéno- mèêne suivant. Si on met un petit amas de sable grossier avec une goutte d’eau sur une branche d'une fourchette tonique (ou diapason), et qu’on donne une secousse modérée à cette dernière, on verra que les grains de sable disséminés dans la goutte d’eau se réuniront au centre de cette goutte, tandis que d’autres grains isolés opère- ront des mouvemens oscillatoires et sembleront vouloir pénétrer au milieu de l’amas central; et par £e mouvement, les grains, à la circonférence de cet amas, en seront séparés pour y être poussés de nouveau, et ainsi de suite. En effet, les mouvemens des grains de sable dans l’eau, sur une fourchette tonique en vibration, m'ont paru donner une idée frappante de loscillation des Otoli- thes renfermées dans les capsules fermées des Gastéropodes. Quand je comprimais les ganglions nerveux avec la capsule auditive entre des plaques de verre, très souvent les oscilla- tions des Otolithes sont devenues plus fortes et plus vives; mais elles ont fini par cesser complètement, probablement parce qu'étant fortement serrées les unes contre les autres dans la capsule, l’espace leur manquait pour opérer leurs mouve- mens. Parfois, en augmentant la pression sur les plaques de verre, l’une ou l’autre capsule auditive éclatait, et alors les siegoz. — Sur l'organe auditif des Mollusques. 201 Otolithes en sont sorties avec le liquide environnant. On peut affirmer qu'outre des Otolithes , il existe un liquide ténu et clair comme de l’eau, car autrement comment les Otolithes auraient-elles pu être aussi mobiles ? Bien certainement, ce n'est pas de l'air qui remplit l’espace laissé dans la capsule, car la lumière alors aurait pénétré tout autrement dans cet organe. Après qu’on a fait sortir les Otolithes de l’extérieur de la capsule auriculaire , elles restent tout-à-fait tranquilles, sans offrir le moindre tremblotement. D’après cette circonstance, je conclus que cette oscillation des Otolithes dans la capsule auriculaire, ne peut être identique avec le mouvement moléculaire connu; car autrement, ce mouvement aurait dû se prolonger à l'exté- rieur, dans de l’eau, à l’état de liberté. Du reste, les mouve- mens des molécules Browniens sont de beaucoup bien faibles et bien obscurs en comparaison de l’oscillation vive des Oto- lithes renfermées dans la capsule auriculaire des Gastéropodes. Les organes de l'audition sont plus faciles à trouver chez les petites espèces de Gastéropodes et chez les animaux jeunes appartenant aux grosses espèces ; on n’a besoin que de compri- mer doucement la moitié antérieure du corps de ces petits Mol- lusques entre des plaques de verre et de chercher derrière les yeux; on reconnaîtra alors bientôt les ganglions céphaliques et on trouvera les deux vestibules membraneux et leurs Otolithes tremblotantes. De même aussi, sur des embryons de Gastéro- podes, prêts à éclore, qu’on peut introduire en entier sous le compressorium, on peut découvrir de suite les deux capsules auriculaires avec leur contenu mobile. Chez les gros Gastéropodes , l'Helix pomatia, Limax maxi- mus , Arion empiricorum, erc., on peut apercevoir très bien à la loupe et même à l'œil nu les deux capsules auriculaires, quand les ganglions cérébraux sont comprimés entre les plaques de verre ; car les deux amas des Otolithes paraissent à la lumière réfléchie, comme deux points d’un blanc de craie, à travers leur capsule ; tandis que, par lumière transmise, ils se montrent comme deux points d’une couleur foncée. 1l m’est difficile de com- prendre comment ces organes auriculaires aient pu m'échapper 202 SIkBOLD. — Sur l'organe auditif des Mollusques. jadis; car actuellement c’est pour moi chose des plus faciles que de mettre ces organes en évidence au microscope. En outre, ces organes ont dû passer sous les yeux de bien d’autres zootomistes ; car on a fait un grand nombre de figures des ganglions céphaliques des Gastéropodes,sans qu’on puisse y distinguer la moindre trace de ces organes. Du reste, je conseille à ceux qui voudraient ob- server ces parties de les chercher sur des animaux à l’état frais; car, sur les Mollusques qui ont été conservés dans l’esprit-de- vin ou qui ont été tués, en le plongeant dans ce liquide, les parties voisines de la capsule auriculaire sont tellement troubles, que l'organisation de celle-ci ne peut être convenablement connue; et, sur des préparations semblables , on ne peut observer l’oscil- lation intéressante des Otolithes, qui disparaît sous l'influence de l'alcool. En effet, j'ai observé que, quand je laissais agir de l'alcool sur des capsules renfermant des Otolithes en mouvement, ces corps devenaient immobiles aussitôt que l'alcool avait commencé à pénétrer dans l’intérieur de l'organe ; du reste, les Otolithes n’ont pas été modifiées dans leur aspect pendant la durée de cette expérience. Cela me menerait trop loin, si j'essayais de décrire avec détail les organes auditifs de toutes les espèces de Gastéropodes que j'ai examinées, et je me bornerai d'autant plus volontiers à un petit nombre d’entre elles, que d’après ce que j'en dirai, on pourra se former une idée assez exacte de la pature de tous ces organes. Chez le Lymnœus stagnalis , la portion inférieure de la masse nerveuse centrale est formée de sept renflemens ganglionnaires d’une couleur orangée. Ces renflemens sont disposés en cercle et sont réunis ensemble par le moyen de commissures; lesintervalles qu'ils laissent entre eux (fig. 3a' ) sont remplis par du tissu cellu- laire. Ces sept ganglions paraissent être sans symétrie; les deux ganglions les plusvolumineux appartiennent à la paire-antérieure et se trouvent très rapprochés l’un de lautre (fig. 3,a4). On voit suivre à gauche deux petits ganglions, et à droite un seul (fig. 3, bb); enfin le cercle est fermé postérieurement par une paire de ganglions très voisins l’un de l’autre { fig. 3, ce). De la paire de ganglions antérieurs, sortent latéralement deux commissures , qui se dirigent en haut, pour faire communiquer sesozn. — Sur l'organe auditif des Mollusques. 203 les deux ganglions qui reposent sur l’œsophage (la portion su- périeure de l'anneau ganglionnaire céphalique) avec la portion inférieure, et fermer de cette manière l'anneau ‘du système nerveux central traversé par l'œsophage. Les deux vestibules membraneux (fig. 3, ff) sont appliqués étroitement contre la partie postérieure bombée des deux corps ganglionnaires anté- rieurs : ils sont tournés un peu en bas, au côté interne de l'origine de la commissure (fig. 3, d'd'), qui se dirige vers le petit ganglion le plus voisin. Les deux capsules auriculaires ont des parois assez minces et offrent une ample cavité dans laquelle les Otolithes ovales et aplaties oscillent avec beaucoup de viva- cité. Le nombre de ces concrétions dans chaque capsule dépasse de beaucoup une centaine. Chez un embryon de ces Lymnées assez développés, mais qui n'avaient pas encore quitté ses enve- loppes fœtales, j'ai vu les Otolithes osciller d’une manière évi- dente dans l'intérieur de la capsule auriculaire ; mais il n’y avait que dix à vingt de ces concrétions dans chaque capsule, d'où on peut conclure que le nombre des Otolithes augmente avec l’âge chez les Gastéropodes. Dans la capsule auriculaire du Lymnœus ménutus, j'ai trouvé à-peu-pres cent Otolithes qui tremblotaient d’une manière vive. Les ganglions du système nerveux central du Planorbis marginalus sont colorés en rouge, et sa portion inférieure forme un anneau composé de sept ganglions, disposés comme ceux du Lymnœus d’une manière non symétrique. La paire antérieure la plus grosse offre à l'endroit indiqué les deux capsules auricu- laires aplaties, le diamètre vertical de la cavité circonscrite par les parois de la capsule étant beaucoup plus considérable que son diamètre horizontal. La grosseur des soixante-dix à quatre-vingts Otolithes ovales et aplaties, douées d’un mouvement oscillatoire dans l’intérieur de la capsule auriculaire, est variée. Les Otolithes les plus volumineuses laissent apercevoir au centre une tache claire (une ouverture? ). Chez les Planorbis nitidus , vortex et contortus , l'organe auditif se comporte comme chez le Planorbis marginatus , les vestibules membraneux renferment de cinquante à soixante Otolithes en oscillation. 204 SIEBoLD. -- Sur l'organe auditif des Mollusques. La Physa fontinalis possède deux capsules auditives , qu’on trouve avec beaucoup de facilité à l'endroit indiqué (fig. 4,ec). La surface interne des parois de la capsule offre plusieurs irré- gularités (fig. 5), particularité qui s’observe également chez quelques autres Gastéropodes. Le nombre des Otolithes oscil- lantes est de quarante à cinquante , et elles sont d’inégale grosseur (fig. 6). On trouve un certain nombre de ces Otolithes qui paraissent être composées de quatre pyramides. J'ai trouvé aussi des Otolithes semblables , mais rarement, parmi les amas de ces corps chez d’autres Gastéropodes. Les Clausilia plicata et nervosa offrent des vestibules mem- braneux assez spacieux, dont les parois sont minces. Leurs Otolithes ovales et aplaties, au nombre de cent environ, sont inégales en grosseur : les plus volumineuses offrent à leur centre une tache claire (une ouverture? ). On en voit un petit nombre dont la forme est plus irrégulière. On observe à-peu-près les mêmes choses chez la C/ausilia minima, et chez elle, comme chez les autres Clausilies, les Otolithes oscillent avec vivacité. Les capsules auriculaires de la Succinea amphibea renferment beaucoup plus de cent Otolithes en oscillation ; ces corps offrent un aspect plus cristallin que celui des Otolithes'des autres Mollus- ques que j’ai examinés: on y voit des cristaux allongéset pointus, dont les faces cristallines sont cependant un peu arrondies; on peut avec plus de justesse les compareraux Otolithes que Huschke a découvertes dans le labyrinthe des oiseaux (1), et que Krieger a figurées comme étant retirées des organes de l’audition du Py- thon tigris (2). Les capsules auriculaires de la Succinea amphibia offrent, en outre , des parois assez épaisses, et les six ganglions dont se compose la portion inférieure du système nerveux cen- tral, sont colorés en blanc, et si rapprochés des capsules, que l'intervalle entre elles et l'anneau ganglionnaire est extrème- ment petit. Chez l'Ancylus fluviatilis, dont les deux vestibules membra- (x) Froriep's, Motizen, t. xxitr, n. 907, p. 33 ,fig. «. (2) Kriger, De Otolithis , dissert., 1840, PL x, fig. 8. — siEeBOLD. — Sur lorganc auditif des Mollusques. 205 neux renferment près de trente Otolithes ovoides, j'ai vu ces concrétions se mouvoir avec une vivacité étonnante dans l’inté- rieur de leur capsule. Je n’ai trouvé ni dans les observations anciennes que Treviranus avait communiquéesau sujet de lAncy- lus fluviatilis (1), ni dans les remarques que Vogt vient de faire sur ce Mollusque (2), rien qui ait rapport à cet organe de sens ; en outre, Vost a figuré inexactement le système nerveux central de cet Æ{ncylus (3); ainsi, sur la portion inférieure de l’an- neau nerveux, les deux gros ganglions antérieurs, placés l’un auprès de l'autre, manquent , et c'est sur leur saillie postérieure que proéminent lés vestibules membraneux. Dans l’Helix pomatia, la portion inférieure de l’anneau nerveux céphalique blanchâtre est tres volumineuse, quoique les paires des ganglions qui la constituent ne forment pas d’anneau manifeste , car ils sont confondus entre eux; cependant, quand on regarde par sa surface inférieure toute la masse ganglion- maire, sur laquelle l'œsophage passe, on voit partir de cette masse , en avant , deux renflemens volumineux qui doivent être considérés comme la paire des ganglions antérieurs , et, en effet, on trouve en arrière d’eux les deux capsules auriculaires qui renferment plus de cent Otolithes très volumineuses, ovales et aplaties, qui oscillent de la manière connue, et offrent à leur centre une tache claire (une ouverture). Les Helix arbus- torum , nemoralis, hortensis et hispida présentent la méme disposition. Le Helix rotundata laisse voir également deux capsules au- riculaires dont le contenu consiste en un fort amas d’Otolithes ovales et aplaties qui oscillent avec vivacité et dont le nombre ve dépasse pas beaucoup une centaine. Le Bulimus lubricus offre un système nerveux central annu- laire, dont la portion inférieure est composée de ganglions dis- posés en forme d’anneau. Cependant, dans la disposition de ces ganglions, il ne règne aucune symétrie, les deux gros ganglions (x) Tiedemann's Zeilschrist f, Physiologie, tome 1v, partie 2, page 192: Ueber die anatomische Ferwandischaften der Flussnapfschnecke. (2) Müllers Archiv., 1841 , p. 25: Bemerkungen über Ancylus fluviatilis. (3) 1bid. PI, 9 , fig. 4. 206 siEso2D. — Sur l'organe auditif des Mollusques. antérieurs se trouvent serrés l’un contre l’autre, et portent sur leur renflement postérieur les vestibules membraneux; derrière cette paire de ganglions viennent, d’un côté, deux ganglions plus petits, et, de l’autre, un seul petit ganglion; l'anneau est fermé par la paire de ganglions postérieurs qui sont con- fondus ensemble, de sorte qu’ils ne forment, pour ainsi dire, qu'un seul. Les Otolithes oscillantes, dont chaque capsule ren- ferme près de cent, sont d’une forme ovalaire aplatie et d’une grosseur inégale. Dans lArion empiricorum, les ganglions de la portion infé- rieure du système nerveux central sont presque fondus en- semble; cependant on peut très facilement reconnaître, à la face inférieure de cette portion, les renflemens des deux ganglions antérieurs en arrière desquels les capsules auriculaires sont fa- ciles à distinguer. Leur contenu est formé par plusieurs cen- taines d'Otolithes ovales , aplaties et en état d’oscillation. Le Limax maximus est organisé à-peu-près comme le Mol- lusque dont il vient d’être question; dans le Zimax agrestis, au contraire, on peut reconnaître un anneau évident, formé par les ganglions de la portion inférieure de l'anneau ganglionnaire céphalique, et cette portion est composée d’une paire de gan- glions antérieurs plus volumineuse, une paire moyenne plus petite, et d’un ganglion postérieur simple, qui probablement est formé par la réunion en un seul de la dernière paire de gan- glions. En rapport avec la paire antérieure se trouve, à l'endroit indiqué, la capsule auriculaire qui renferme près de quatre- vingts Otolithes ovalaires et aplaties , et dont l’oscillation tombe assez nettement sous les yeux. Si nous comparions ces organes auditifs des Mollusques avec l'organe auditif de poissons en état de développement, nous y verrions une similitude frappante, et nous serions encore plus convaincu que les organes décrits sont bien les organes de l’ouie. Si nous jetons un regard sur la figure 8 qui représente l'organe auditif d'un très jeune Cyprinus alburnus (1), nous serons {x) L'embryon , d’après lequel cette figure a été dessinée, correspondait à l’état embryon- naire du Cyprinus erythrophthalmus, que Schultz a figuré dans son Système de la eircula- tion, Pl.rv, fig. 2. siepozv. — Sur l'organe auditif des Mollusques. 207 frappés de la simplicité de cet organe, car nous n’y verrons qu’une simple capsule avec des parois inégales ( fig. 8, a ) sur lesquelles, au milieu d’un liquide clair qui en remplit la cavité, se trouvent attachées des Otolithes (fig. 8,8). La forme irrégulière de la capsule indique que les canaux semi-circulaires sont en voiede dévelop- pement. Maintenant, si nous suivons cet organe plus en arrière encore, nous verrons (fig. 10) (1)que le vestibule membraneux a la forme d’une vésicule assez régulièrement arrondie, et que la ressemblance entre cet organe auditif et la capsule auriculaire des Mollusques est des plus frappantes. La structure même des concrétions auditives de cet embryon de poisson est analogue à ce qu'on voit chez les Mollusques, car les premières mon- trent, comme les dernières, une structure concentrique et par la pression se éassent en quatre fissures radiaires (fig. 9). Je n’ai jamais aperçu sur les deux Otolithes des embryons de poissons aucun mouvement, quoique ces embryons, encore en vie et in- tactes , aient été vus au microscope. Baer, dans son histoire du développement des poissons, a fait voir comment l'oreille sort peu-à-peu du cerveau des em- bryons des poissons (2), n'étant d’abord qu’un développement isolé de la partie postérieure du lobe principal du cerveau (3). Chez les animaux supérieurs, l'organe auditif s’isole donc peu- ä-peu du cerveau, tandis que chez un grand nombre de Mol- lusques, l'organe auditif reste dans l’état de développement le plus inférieur; il ne s’isole pas du cerveau, mais il forme un dé- veloppement isolé de la partie postérieure d’une paire de gan- glions céphaliques de la masse cérébrale centraie. C'est ainsi que les choses se passent chez les Gastéropodes examinés par moi, et d'après les recherches de Van Beneden, chez la Cym- bulia Peroni et la Tiedemannia napolitana , d’un antre côté, d’après l’esquisse rapide que Krohn a donnée de la structure de l'organe de l’ouïe de la Peterotrachea et de la Carinaria , et (x) L'état du développement de l'embr;on, dont cette figure a été prise, correspond en tout à celui que Baer a figuré dans son Histoire du développement des Poissons, fig. 8, sur le Cyprinus Blicca. (2) Loc. cit. p. 15, 17, etc, (3) Ibid, p. 15. 208 sIEBoLD. — Sur l'organe auditif des Mollusques. d’après les indications fournies par Eyäoux et Souleyet sur l’or- gane auditif des Firola, Carinaria, Atlanta, Phylliroe et Pneu- modermon, les vestibules membraneux de ces animaux seraient isolés du système nerveux central, et auraient des rapports avec le nerf spécifique (auditif); et d’après mes propres recherches la même chose a lieu chez plusieurs Acéphales ( Myu arenaria, Cardium edule, Cyclus rivicola et lacustris), aussi bien que chez les Unio et les Anodontes. J'ajouterai encore au sujet de l’oscillation des Otolithes dans la capsule auriculaire. J'ai bien vu que les Otolithes , tant des Acéphales que des Gastéropodes, ne touchent pas aux parois internes de la capsule auriculaire, tandis que les deux Oto- lithes de l'embryon des poissons le font d’une manière positive; mais malgré cela ces premières Otolithes peayent contribuer à renforcer les sons. Je m’appuie, à cet égard, sur une expression de Müller : « Les concrétions auriculaires des poissons et des amphibies qui se rapprochent des poissons et la pulpe cristalline des autres animaux doivent renforcer les sons, même quand ces corps ne touchent pas aux membranes sur fesquelles les nerfs se répan- dent (1). » Plus loin Müller s'exprime de la manière suivante (2) : « La maniere de voir de ceux qui croient que la poussière cris- talline serait rejetée des parois au moment de l’audition, comme sur des plaques et des membranes en vibration dans l’eau, n’est pas appuyée par des preuves physiques; on ne voit, au moment des vibrations sonores, aucune oscillation de la poussière suspendue dans ce liquide ». Ainsi l’oscillation des Otolithes dans la capsule auriculaire des Mollusques doit attirer toute notre attention. Est-ce que ces mouvemens remarquables des Otolithes des Mollusques ne dépendraient pas de ce que les parois tendues des capsules auricülaires seraient dans un état de vibration et repousseraient les Otolithes des parois in- ternes de la capsule? Si on se rappelle la ressemblance de mou- vemens de la poussière de sable dans l’eau, déterminés par la (1) Muller, Physiologie des Menschen, x84o0, t. 11, p. 463. (2) 1bid., p. 463. siEBozp. — Sur l'organe auditif des Mollusques. 209 vibration de la fourchette tonique, cette question peut bien être posée. Mais quelle est la cause de cette oscillation conti- nuelle des Otolithes chez les Mollusques et de la vibration inces- sante de la capsule auriculaire? APPENDICE. Après avoir réussi à découvrir les organes de l'audition chez les Mollusques, on doit s’efforcer de chercher ces ! organes chez les autres animaux inférieurs, et les Annelides en parti- culier, semblent surtout provoquer nos recherches à cet égard; car, chez un grand nombre de ces animaux, on a des preuves de l'existence d’une ouie trés fine. On sait, en effet, qu’en faisant du bruit, en agitant l’eau habitée par des sangsues, on'fait sortir ces animaux des recoins où ils se trouvent; les vers de terre sont plus sensibles encore au moindre bruit, circonstance donton peut le mieux se convaincre au moment où, pour s’accoupler, ils sortent en partie de leurs galeries et cherchent, en s'étendant beaucoup tous deux, de se mettre en contact, sans que leurs extrémités cau- dales quittent leurs trous; alors ils se retirentavec la plus grande vivacité, à l'instant où le pas le plus léger se fait entendre. Il est donc intéressant de rechercher si ces animaux possèdent un appareil auditif particulier, et un nerf épicarpique de l’au- dition qui saisit les vibrations sonores et les communique, au moyen des organes destinés à cet usage, au système nerveux central. On est tenté de croire à l'existence d’organes particu- liers de l'audition chez les Annelides, en lisant la description du système nerveux de lArenicola piscatorum par Grube et Stan- nius. En effet, Grube , à plusieurs reprises, a reconnu chez cet Annelide, près de la ligne mitoyenne supérieure du corps, de chaque côté , un nœud blanc , qui a des connexions immédiates avec son congénère et avec les prolongemens de l'anneau œso- phagien (1). Stannius ajoute à cette description : « Chaque petite éminence paraissait sous le microscope comme une masse limi- tée par deux anneaux concentriques et garnie de filamens fins. A (1) Grube, Zur Anatomie und Physiologie der Kumenwürner, p. 18, PI. r,fig. 5. XIX. Zoor, — Avril, 14 210 StEnozD — Sur l’organe auditif des Mollusques. l'intérieur de anneau interne, on voyait un grand nombre de cor- puscules irréguliers anguleux , disposés ensemble comme dans une mosaique. Chaque corpuscale avait de 0,00003 à 0,0004 d’un pouce parisien en diamètre, et renfermait constamment un noyau évident, répondant par sa forme au contour du corpus- cule. Ces corpuscules anguleux, semblables à une mosaique, ne remplissent pas tout le centre, mais se trouvent disposés irrégu- lièrement tantôt dans l’un, tantôt dans l’autre des espaces semi- circulaires de l'anneau interne. Ils paraissent être de nature cris- talline (x). Les commissures transversales qui réunissent, d’après Grube, les deux nœuds, n’ont pas été vues par Stannius (2). Peut-on s'empêcher maintenant, surtout d’après la description que Stannius adonnée de cet organe chez l’Arenicola piscatorum, de penser à la capsule auriculaire des Mollusques? Les petites émi- nences paraissent, en effet, être creuses, ce qui est confirmé par l'apparence de deux anneaux concentriques que Stannius à vus, et qui indiquent probablement les parois de la capsule anricu- laire. Les corps irréguliers anguleux qui, d'après Stannius , se trouvent à l'intérieur de l’anneau interne de ces petits renflemens, sont peut-être des Otolithes. Stannins dit expressément que ces corps étaient de nature cristalline ; les noyaux correspondant au contour externe sont probablement les lignes de réunion de diverses pièces, dont les Otolithes sont composées, et qui leur donnent si souvent un aspect qui ferait croire à l'existence d’un noyau; enfin on ne peut voir les figures que Stannius a données de ces organes (3), sans qu’elles ne nous rappellent les organes de l'audition chez les Mollusques. EXPLICATION DES FIGURES. (Planche 2B ). Fig, 1. Le ganglion gauche de la paire ganglionnaire céphalique, situé à la racine du pied du Cyclas cornea vu de côté, — a a Les troncs nerveux, se dirigeant en avant; Un tronc (x) Stannius, Bemerkungen zur Anatomie und Physiologie des Arenicola piscatorum Müller's Archiv. 1840, p. 379, Pl. 11, fig. 15, aa). (a) dbid. p. 379. (3) 1bid, PI. 11,8. 12, 13. sirpozr. — Sur l'organe auditif des Mollusques. 211 nerveux, se rendant dans le pied ; e Un tronc nerveux se dirigeant en arrière; d. Le vestibule membraneux gauche ou plutôt les paroïs de la capsule auditive ; e La cavité interne de ce vestibule , remplie d’un liquide clair; f L'Otolithe : sur cette surface , on voit déjà indiquée la fissure suivant laquelle l'Otolithe se déjoindrait, si on la comprimait entre deux plaques de verre. Fig. 2. L'Otolithe représentée dans la figure précédente ; ici elle a été écrasée entre deux plaques de verre. Fig. 3. La portion inférieure de systéme nerveux central du Lymnæus stagnalis. La cavité interne ( a’) de l'anneau formé par les sept ganglions est remplie de tissu cellulaire lâche. — aa La paire de ganglions antérieurs ; / Les petits ganglions : les deux petits ganglions du côté gauche produisent le manque de symétrie de l’anneau ganglionnaire, — cc La paire de ganglions postérieurs; dd dd d Les commissures qui réunissent les ganglions ensemble ; eeee Les commissures qui se dirigent en haut, pour établir des rapports avec la portion supérieure du système nerveux central , qui repose sur l’æsophage , et pour fermer de la sorte l'anneau ganglionnaire céphalique., —/f Les vestibules membraneux avec les Otolithes dans la cavité des capsules. Fig. 4. La paire de ganglions antérieurs de la portion inférieure du système nerveux central de la Physa fontinalis. — bb Les deux commissures qui se rendent de la paire précé- dente aux petits ganglions qui la suivent; ee Les vestibules membraneux qui renferment des Otolithes, Fig. 5. Une des capsules auditives de la Physa fontinalis , après qu’on y a pratiqué une coupe horizontale , el vue sous un fort grossissement. — a Les parois de la capsuie dont la surface interne est inégale. — 6. La capsule interne, circonscrite par les parois de Ja capsule. Fig. 6. Les Otolithes qu'on a retirées du vestibule membraneux de la Physa fontinalis. — a Un Otolithe, formé de quatre pyramides adossées. Fig. 7. Quelques Otolithes retirées de la Æeliz pomatia. Fig..8. Le vestibule membraneux droit d’un embryon du Cyprinus abburnus : on le voit de côté et couché dans le parenchyme délicat de cet embryon. — a Les parois du vestipule ; b Les deux Otolithes fixées sur la face interne des parois de la capsule: l'Otolithe supérieure, qui est un peu plus aplatie que l’autre , laisse apercevoir à sa face libre une fissure dans le sens de laquelle elle se disjoindra, quand on la soumettra à une pression entre deux plaques de verre. Fig, 9. La même Otolithe, divisée en quatre morceaux par la pression. Fig. 10. Le vestibule membraneux droit d’un embryon du Cyprinus alburnus, encore plus jeune. — a Les parois de la capsule auriculaire; 4 Les deux Otolithes. Remarque. Toutes ces figures sont très fortement grossies. 212 A. D'ORBIGNY. — Mollusques bivalves. QUELQUES CONSIDÉRATIONS sur la station normale comparative des Animaux Mollusques Bivalves, Par M. Arcine D'ORBIGNY. (Présentées à l'Académie des Sciences, le 6 mars 1843.) Après tout ce qu’on a écrit sur la position d’une Bivalve, on pourrait croire que les savans sont d'accord sur ce point im- portant de la science ; il n’en est pourtant pas ainsi, et l'examen auquel je vais me livrer des diverses méthodes employées ne le prouvera que trop. Linné, Bruguière, Lamarck et Bosc, ont appelé base (basi) le côté du ligament. Pour eux, la partie bâillante de la valve est en haut; c’est le côté supérieur. M. de Blainville considère une Bivalve dans une position dia- métralement opposée à la position adoptée par les auteurs cités; ainsi le côté supérieur pour Lamarck, devient le côté inférieur pour M. de Blainville. M. Deshayes ne suit ni l’une ni l’autre de ces méthodes ; il renverse tout-à-fait une coquille, de manière à placer le côté des tubes en bas et le côté de la bouche en haut. Pour lui, le côté de la bouche est antérieur, le côté des tubes est postérieur ; la longueur est, du reste, la même que pour M. de Blainville. Si maintenant je cherche le rapport de ces diverses positions systématiques avec la station normale des Bivalves, je les trou- verai plus ou moins fautives. Tous ceux qui ont étudié les co= quilles dans leur position naturelle, ont pu reconnaître qu’un solen , une mye, une pholade, et même une vénus, ont tou- jours les tubes en haut, saillans à la surface du sable, de la vase ou de la roche qui les renferme. If en résulte que la posi- tion artificielle donnée par Lamarck diffère complètement de l’état naturel des Bivalves, puisqu'elle offre un angle de 90° A. D'ORBIGNY. — ÂMollusques bivalves. 213 avec l’état naturel ; et que la position adoptée par M. Deshayes offre un angle de 180°, ou renverse précisément la coquille, de manière à placer en bas ce qui, dans la station normale, est en haut, absolument comme un homme qu’on mettrait les pieds en l'air. Quant à la position admise par M. de Blainville , elle se rapproche davantage de l’état ordinaire, car il suffit de l’incli- ner d’un quart de cercle pour rétablir les choses telles qu’elles sont. De toutes ces positions artificielles, j'ai fait remarquer que la plus éloignée de la vérité était celle qu’adopte M. Deshayes. Son auteur s’est appuyé sur ce que la bouche est située à l’extré- mité, qu'il place en haut, tandis que l'anus se trouve alors en arrière. Si l’on suivait, dans la position des êtres, une marche purement systématique, sans tenir compte de l'état normal, on arriverait aux conséquences les plus disparates ; faudrait-il donc , en effet, parce que, dans la station habituelle , l'homme a la colonne vertébrale suivant une ligne verticale, et parce qu'il porte la tête à l’extrémité supérieure de cette ligne, faudrait-il, dis-je, placer les autres Mammifères quadrupèdes dans une position analogue? Non, et personne, je crois, n’a songé encore à changer pour eux la station normale , pas plus qu'on n’a cherché à retourner un Echinide , en lui mettant la bouche en haut, et l’anus en bas, position contraire à la nature. Il faut, à mon avis, en toutes circonstances , donner aux êtres, dans les figures qui les représentent , une position analogue à celle qu’ils ont l'habitude de prendre dans les diverses phases de leur existence. Les considérations qui précèdent me portent à chercher quels motifs ont pu déterminer, à l'égard des Mollusques, ces positions si singulières, et quelles conséquences fàcheuses peuvent en résulter pour les sciences qui s’y rattachent. Ainsi que je l’ai fait remarquer pour les Moliusques Gasté- ropodes , l’étude spéciale des coquilles, la Conchyliologie, ayant été regardée pendant long-temps comme une branche séparée de la science qui traite des animaux mollusques , formant les parties les plus essentielles de ces mêmes coquilles, il en est résulté une maniére de voir erronée à laquelle on s'est néan- 214 A. D'ORBIGNY. — AMollusques bivalves. moins habitué jusqu’à ce jour. On pourrait même dire que le fait est si général qu'en y comprenant les musées, il y a plus des neuf dixièmes des collections qui ne contiennent pas d'animaux, ce que tend, du reste, à perpétuer la fausse direction donnée aux publications les plus récentes sur la matière, où lon ne représente aucun animal et seulement les dépouilles calcaires. Personne n’a pensé à changer la station normale des Oiseaux ni des Mammifères , parce qu’on les voit partout , et que l’œil le moins exercé s’est accoutumé à cet état de choses. La position naturelle d’un Mollusque bivalve est loin d’être aussi connue, puisque les savans mêmes diffèrent autant sur ce point. Possé- dant de nombreuses coquilles, quelques animaux , on à fixé dans les cabinets une position , soit d’après la forme de cette mème coquille , comme Linné , Lamarck , soit d’après des carac- tères zoologiques , comme M. Deshayes, sans consulter la nature, pour s'assurer si ces positions , données arbitrairement, concordaient avec elle. J'ai dit quil pourrait résulter pour les sciences d'application des conséquences fàcheuses d’une représentation des coquilles dans une position contraire à la nature, et voici comment je le prouve. Pour s'assurer si les couches ont subi quelques remaniemens, si elles ont dépendu du fonil d’un bassin ou d’un ancien rivage, la géologie et la paléontologie, qui en est une dépendance intime, ont constamment besoin de savoir si les corps organisés qu'on y.rencontre , et notamment les Acéphales ou Mollusques bivalves , moins voyageurs, sont dans leur position normale, s'ils ont été roulés ou s’ils ont été seulement déplacés. Or, qu’ar- rivera-t-il lorsque le géologue consultera le traité de conchylio- logie de M. Deshayes, par exemple? Les planches de cet ouvrage représentant les coquilles bivalves dans une position tout-à-fait inverse de la station normale, il conclura naturellement que toutes les coquilles qu’il rencontre au sein des couches ont été remaniées , puisqu’aucune ne sera en rapport avec la position donnée dans ces figures , tandis qu’au contraire ces coquilles seront peut-être dans leur état normal , ce qui est très commun dans la nature. On voit dés-lors qu'il n’est point indifférent de A. D'ORBIGNY. — ÂMollusques bivalves. 215 représenter une coquille d’une manière ou de l’autre, et qu’il devient indispensable au zoologiste ou au paléontologue de donner aux géologues des points de comparaison sur lesquels ceux-ci puissent s'appuyer avec certitude pour reconnaitre l’état des couches à l'instant où les êtres qui y sont renfermés ont été recouverts de nouveaux dépôts. J'ai fait remarquer qu'il existait une grande disparité entre la station de l'homme et celle des quadrupèdes ordinaires. On en trouve encore un exemple dans la station des Poissons formés de parties paires, comparés aux Pleuronectes , puisque les premiers sont dans une position verticale, tandis que les autres sont, relativement aux premiers, couchés sur le côté. J'insiste sur cette dernière comparaison de la station des Poissons , at- tendu que, chez les Acéphales bivalves, on trouve absolument la même chose, comme le prouvent les observations suivantes. Coquilles symétriques. Chaque fois qu’une coquille bivalve est tout-à-fait symétrique dans ses parties, qu’elle est équivalve, on peut dire à priori que sa position est verticale ou presque verticale dans le sens de la longueur. Les genres Solen, Mya, Lutrariai, Mycetopus , Panopæa, etc. dont la forme est la plus plus allongée , en sont des exemples. Ordinairement très enfoncés , soit dans le sable, soit dans la yase, où leurs tubes exécutent sans cesse un mouvement de va et vient , pour arriver de la surface , leur position est tout- à-fait perpendiculaire. Lorsque la coquille , également allongée , se creuse un trou dans la pierre, ainsi qu’on le voit pour les genres Photas, Lithodomus, Saxicava , Clavagella, Teredo , etc., la coquille est encore perpendiculaire, les tubes en haut, la bouche en bas. : Lorsqu'une coquille libre symétrique est plus ou moins ovale ou arrondie, comme des genres Venus, Cardium , Tel- dina, Nuculu, Pectuncoulus, Arca , Unio, Anodonta, Mactra, Donax , Cyclas , elle est encore verticale, les tubes en haut 216 A. D'ORBIGNY. — Mollusques bivalves. et la bouche en bas; mais quelquefois elle s'incline un peu de côté. Les coquilles symétriques , pourvues d’un byssus, qui les fixe au rocher, ont des positions un peu différentes les unes des autres. Chez les Bissoarca, les J’enericardia , elles se fixent de manière à conserver la même attitude que les Vénus à l'état libre. Chez les Mytilius, les Modiola , les Pinna, la position varie, le crochet de la coquille étant alors placé en bas, au lieu de se trouver sur le côté, et la partie bâillante des valves en haut. Dans ce cas, néanmoins , l'animal est dans la même posi- tion relative , en ce que la bouche est toujours en bas , et l'anus en haut. Coquilles non symétriques. Si, à priori, une coquille bivalve symétrique dans ses parties, annonce une station normale verticale dans le sens du grand diamètre, on est également certain que toutes les coquilles bivalves non symétriques ont une position naturelle tout-à-fait distincte et analogue, parmi les Mollusques, à celle des Pleuro- nectes , par rapport aux autres Poissons, c’est-à-dire que l’ani- mal , au lieu de présenter ses parties paires , ou mieux la ligne de séparation des deux lobes du manteau, suivant une verticale, les présente dans une direction horizontale; ainsi les coquilles non symétriques sont dans la station normale, relativement aux autres, comme si elles étaient couchées sur le côté. Il n’y a plus chez elle de valve droite et de valve gauche, comme on peut le dire de tous les genres des coquilles symétriques ; mais il y aura toujours alors une valve supérieure et une valve inférieure. A l'exception de la Corbula et de ia Pandora anomales parmi les coquilles libres, vu leur irrégularité ( quoique leur station normale soit verticale), toutes les autres bivalves non symé- triques sont fixes, soit au moyen d’un byssus, soit par la coquille elle-même. Lorsqu’elles sont fixes par un byssus , elles sont beaucoup moins irrégulières , comme chez le Perna, les Ævicula, les a. D'ORBIGNY. —* Mollusques bivalves. 217 Crenatula, les Malleus , les V’ulcella, les Pecten , etc., où il faut quelquefois un examen scrupuleux pour découvrir les différences d’une valve à l’autre. Lorsqu’au contraire la coquille est fixée au sol ou aux corps sous-marins par la matière calcaire de la coquille elle-même, non-seulement les deux valves supérieure et inférieure sont très inégales , mais encore ces coquilles contraintes à se confor- mer, pour leur accroissement, à l’espace qui leur est échu, on les voit , soit en se moulant sur les corps où elles sont parasites , soit en se modifiant, suivant les conditions d’existence où elles se trouvent , changer tellement de forme et d'aspect chez les divers individus d’une même espece, qu’il faut oublier tout-à-fait les limites ordinaires de variations et leur faire une part beaucoup plus large , quant aux caractères spécifiques , comme il arrive pour les genres Chama, Spondylus, Plicatula et surtout Ostræa et Gryphæu. En résumé, la station normale des coquilles de Mollusques acéphales est verticale , les tubes en haut, la bouche en bas, chez toutes les bivalves symétriques , tandis qu’elle est horizon- tale, la bouche , d’un côté , et l'anus, de l’autre, chez toutes les coquilles non symétriques. Dans le premier cas, il y aura une valve droite et une valve gauche ; dans l'autre, une valve supérieure et une valve inférieure. Cette station normale étant naturelle à conserver et pouvant être d’une très grande utilité dans les observations géologiques relativement à l’état des mers aux différentes époques et sur divers points d’un bassin, je la conserverai scrupuleusement dans la représentation de toutes les coquilles , et cette station ayant été soumise à des observa- tions nombreuses faites par toutes les latitudes , les géologues pourront s’y fier entièrement et y comparer l’état des Faunes au sein des couches terrestres. 215 BOURGERY. — fonctions de la rate. RECHERCHES MICROSCOPIQUES sur la structure intime et les fonc- tions de la rate dans l'homme et les animaux, Par M. Bouresry. ( Extrait. ) Ce Mémoire , lu à l’Académie des Sciences, le 6 juin 1842’, et publié récem- ment (1), se compose de deux parties. Dans la première, l’auteur traite de la structure intime de Ja rate et résume ses recherches dans les propositions suivantes: « 1° La rate se compose de deux appareils différens l'un vasculaire , et l’autre g/anduleux, scindés par petits organules et partout juxtaposés , élé- ment à élément , dans toute l’étendue de ce viscère. Le volume de la rate était supposé divisé en six portions : l'appareil vésiculaire semble y figurer comme trois , et l'appareil glanduleux comme deux, les vaisseaux composant à-peu-près le dernier sixième. « 2° Néanmoins, si l'appareil vésiculaire a plus d’étendue, l’autre est plus compacte et plus ramassé, en sorte qu’on, peut considérer leurs masses orga- niques fonctionnelles comme étant à-peu-près égales. « 3° Les deux appareils vésiculaires et glanduleux se ressemblent en ce point, que chacun d’eux est formé par une chaîne sans fin des élémens qui le com- posent , continus entre eux dans toute l’étendue de la rate. « 4° L'appareil vésiculaire ou la succession des vésicules continues entre elles par leurs orifices de communication, comprend, outre les veines spléniques, qui peuvent être assimilées au chapelet vésiculaire , les corpuscules vasculaires flottans on glandules de Malpighi, et le champ granulo-vasculaire : C’est, si on veut, comme une vaste poche millilocalaire, ou mieux un long caual incessam- ment replié sur lui-même, qui aurait été divisé par des étranglemens vasculaires en myriades de petites cavités, pour augmenter les surfaces. La texture des vésicules et la nature du liquide qu’elles renferment permettent de lesconsidérer comme un appareil d'élaboration sanguine. - « 5° L'appareil glanduleux se compose de glandes et de vaisseaux Ilympha- tiques. Il ne se présente comme une chaîne tortueuse de trajets cloisonnés, qu’en raison de son interposition entre les ampoules vésiculaires, qui elles- mêmes devaient être fermées pour retenir le liquide qui s’y dépose. On peut (x) Collection de Mémoires sur la structure intime et les fonctions des organes et des tissus, par M. Bourgery, premier fascicule, in-4 , Paris, 1845. BOURGERY. -— Æonctions de la rate. 219 considérer cet appareil comme une vaste glande lymphatique , du volume envi- ron du tiers de la rate, qui s’est fractionnée en petites glandes , unies par des cordons de même substance, pour se répandre dans toute l'étendue de la rate, et en renouer partout les vésicules, comme sil était nécessaire que les deux appareils fonctionnassent en commun. Du reste , il est évident , sous le micro - scope , que les glandes reçoivent les vaisseaux lymphatiques provenant des corpuscules et du champ granulo-vasculaire. « 6° Les vaisseaux capillaires revêtent dans la rate des formes spéciales, qui se distinguent des formes générales qu’on leur connaît dans l’ensemble de l'appareil circulatoire. « 7° Les veines par les modifications de texture qu’elles éprouvent font partie du tissu de la rate et participent à ses fonctions. « Les vaisseaux lymphatiques aussi ne semblent pas seulement des vaisseaux de transport d’un liquide, mais en même temps des organes chargés d'une élaboration. « Nous verrons dans la suite de ces études les modifications de texture des vaisseaux, pour s'approprier aux orgaues et participer à leurs fonctions spéciales, s'étendre et presque se généraliser dans l'organisme. « 8° Les élémens anatomiques de la rate sont les mêmes dans tous les Mammifères. Toutefois, il existe , sous ce rapport , ectre l’homme et l'animal , des différences considérables qui ne me paraissent pas offrir au même degré d’autres viscères, le poumon ou le rein, par exemple. Il est remarquable à quel point, dans la rate humaine , tous les détails sunt précis, multiphiés, finis, si bien que les rates d'animaux , relativement plus simples , ne semblent , en com- paraison, que des rudimens ou des ébauches d’organisation. « g° Quant à l’analogie à laquelle nous sommes amenés entre la rate et les glandes lymphatiques , si, en raison de sa strncture anatomique, on peut definir la rate une vaste glande lymphatico-sanguine ; d’un autre côté, les glandes lymphatiques de la circulation générale , si fournis de vaisseaux sanguins, peuvent étre considérées, jusqu’à un certain degré, comme des chapelets de petites rates , répandues en divers poiats de l'appareil circulatoire lymphatico- sanguin, Nous verrons, en traitant de la structure inüme de ces glandes, com- ment l’opinion de la conformité entre ces deux espèces d'organes, évidente quant à l'appareil glanduleux splénique, peut se trouver fortifiée par les analogies d'organisation des canaux intérieurs des glandes lymphatiques avec l'appareil wésiculaire de la rate. » Dans la seconde partie de son travail , M. Bourgery considère la rate sous le ; sery rapport physiologique, et arrive aux conclusions suivantes : « 1° La rate me paraît être un organe d’élaboration sanguine , fractionné en deux parties : « À. Un appareil sécrétoire vésiculaire , opérant directement sur le sang 220 BOURGERY. — Æonctions de la rate. artériel, mais dont le produit est repris en partie par les lymphatiques et en partie par les veines; « B. Un appareil lymphatique , travaillant , d’une part , sur le sang qui lui est fourni par les nombreuses artérioles glandulaires ; d'autre part, sur les résidus liquides de l'élaboration de l'appareil vésiculaire qui lui sont apportés par les lymphatiques. « 2° Les deux appareils ne semblent liés anatomiquement et juxtaposés, organule à organule , que dans le but d’exercer des fonctions communes, les résidus veineux des deux appareils se rendant également dans le foie, tandis que le seul résidu des glandes lymphatiques est transporté dans l'appareil du même nom. « 3° Comme résumé synthétique des propositions précédentes , les deux portions dans lesquelles se partage le liquide vésiculaire splénique sembleraient Vune et l'autre avoir pour destination finale de servir à l’hématose. L'une, absor- bée par les lymphaticules et travaillée de nouveau par les glandules spléniques,, irait se confondre avec les produits hétérogènes de l'appareil lymphatico-chyli- fère, pour être versés en commun daus le sang veineux de circulation générale, à cette extrémité de l’arbre veineux, où les différens liquides sanguins et lym- phatiques, si différens entre eux ; circulent sous le nom générique de sang noir; et n’ont plus qu'à se mélanger dans le cœur droit, pour se transformer, dans les poumons, en sang rouge homogène , sous l'influence de l respiration. « L'autre portion du liquide splénique, absorbée par les veines, ne serait que préparatoire à une ou plusieurs autres élaborations, qui auraient leur siège dans le foie, où le sang veineux splénique est porté avec celui des organes digestifs. « 4 Quant à la détermination spéciale du genre d'élaboration opéré par les organules spléniques : (a) modification des ‘élémens organiques du sang ou for- mation directe de ces globules; (b) fixation dans ce liquide d’un principe excitateur des centres nerveux ; (c) comme dernier résultat , élaboration d’un sang veineux préparatoire aux fonctions du foie, mais seulement au même titre de celui des autres organes de l'abdomen ; telles sont, d’après les faits de diverses natures, consignés dans ce Mémoire, les trois fonctions qui me semblent devoir être attribuées à la rate. « 5° L’analogie de texture et des fonctions entre la rate et les glandes 1ym- phatiques ne donne pas la preuve évidente, mais fait naître le soupçon légitime que ces deux genres d'organes puissent, jusqu’à un certain point, se suppléer, ce qui expliquerait l’apparente innocuité de l’extirpation de la rate. owen. — Nouveau Fossile gigantesque. 221 Drscmiprion du squelette d’un Paresseux gigantesque fossile (le MyLonox rogustus), suivie d'observations sur les Quadru- pèdes mégathérioïdes en général , Par M. Owen ( Extrait). (1) Le magnifique ouvrage que M. Owen vient de publier sur un nouveau Mammifére fossile de l'Amérique du Sud est trop étendu pour que nous puissions en donner ici une traduction com- plète; mais l'importance de ce travail est si considérable sous le double rapport de la zoologie et de la paléontologie, qu'il nous parait nécessaire d’en offrir à nos lecteurs une idée aussi complète que possible. Le squelette qui fait le sujet de ce Mémoire et qui se voit dans le musée du collège des Chirurgiens à Londres, a été découvert , en 1841, par M. Pedro de Angelis, à sept lieues nord de Buénos-Ayres, dans le grand dépôt fluviatile traversé par le Rio Plata et ses tributaires. Le collège des Chirurgiens de Londres en fit l’acquisition, ainsi que d’une carapace osseuse analogue à celle des Tatous trouvés dans la même localité. A l’époque actuelle , ordre des Edentés est représenté dans l'Amérique du Sud par trois genres vivans, savoir, les Paresseux ( Bradypus), les Tatous ( Dasypus) et les Fourmiliers ( Myrme- cophaza). L'espèce la plus grande parmi ces animaux est le Tamanoir ( Myrmecophaga jubata), dont le corps est de la longueur de celui d’un Chien de Terre-Neuve, mais moins haut sur pattes. Le Tatou géant { Dasypus gigas) est d’untiers moindre, et toutes les autres espèces sont de petite taille; mais, à une époque reculée , cette partie du globe était habitée par des (x) Description of the Skeleton of ar extinet gigantic Sloth (Mylodon robustus Owen with observations on the Osteology, natural affinities and probable habits of the Megatherioïd animals in general, by R. Owex. Published by direction of the Council of the Royal College of Surgeons. London, 1842, 1 vol. ir-4 , avec 24 planches, 2922 OWEN. — /Vouvea Fossile gigantesque. Edentés d’une taille réellement gigantesque. Le premier Mam- mifère fossile que l’on ait indiqué comme appartenant à ce groupe est le Mégathérium, dont un squelette presque complet fut trouvé aux environs de Buénos-Ayres, en 1780. Cuvier a étudié avec soin les caractères LR de cet animal mon- strueux et a cru devoir le rangentà à côté de l’Aï dans la famille des Paresseux ; mais son opinion à cet égard n’a pas été adoptée par tous les naturalistes. M. de Blainville, par exemple , consi- dère le Mégathérium comme ayant bien plus d’affinités avec les Tatous , et comme ayant dü avoir le corps cuirassé de la même manière. Les débris d’un autre Mammifère Mégathérioïde (le Mé- galonyx), découverts d'abord dans l'Amérique septentrional, puis dans une caverne au Brésil, et sur la côte de la Patagonie, étaient trop incomplets pour jeter de nouvelles lueurs sur les mœurs et les affinités naturelles de ce groupe d’animaux fossiles ; il en était de même des ossemens, d’après lesquels M. Owen a proposé l'établissement d’un nouveau genre sous le nom de Sceliothé- riurm (1), mais ces fossiles, ainsi que ceux trouvés par M. Lund, et rapportés par ce savant et zélé voyageur, à deux autres divi- sions génériques (les genres Cælodon et Spheondon) , montrent l'importance de cette famille dans la faune paléontologique du Nouveau-Monde. On comprendra d’après cela tout l'intérêt que présente à nos yeux la découverte d’un squelette presque entier d'un animal raégathérioids distinct Bénériquement de tous ceux observés jusqu'ici, et éminemment propres à fixer les idées sur les rapports zoologiques de cette famille éteinte avec les Édentés de nos jours : or, tel est le fossile que M. Owen vient de faire connaître sous le nom de Mylodon robustus. Get animal (PI. ro} est également remarquable par ses-pro- portions massives et par sa grande taille, «Son tronc, moins long que celui de l’Hippopotame, dit M. Owen, se termine par un bassin aussi large et plus profond que celui de l'Éléphant. Les membres postérieurs robustes, mais conrts, sont pourvus de pieds aussi longs que la cuisse, articulés à angle droit avec la jambe, comme chez les quadrupèdes plantigrades , mais ayant la plante légérement tournée en dedans. Une queue, de même longueur que les membres postérieurs et aussi grosse à proportion, sert owen. — Nouveau Fossile gigantesque. 223 également de soutien au bassin plutôt que d’y être suspendue. Le sacrum se continue en avant aux dépens des vertébres lom- baires, soudées entre elles. Le thorax est très vaste et protégé par seize paires de côtes dont la plupart sont aussi larges que celles de l'Éléphant. L’omoplate est remarquablement large et se trouve uni au sternum par une clavicule complete. L’humérus, court et épais comme lefémur, présente, pour l'insertion des mus- cles, des crêtes encore plus développées; mais rien ne s'oppose à ses mouvemens de rotation. L’avant-bras, plus long que la jambe, mais également remarquable par sa grande largeur, est disposé de façon à pouvoir exécuter des mouvemens de pronation et de su- pivation. La patte antérieure est pentadactyle , large et épaisse, mais elle paraît petite, tant le radius ét le cubitus sont massifs. Les pattes postérieures sont tétradactyles, et leurs deux doigts in- ternes sont armés de grosses griffes inégales ; ces pieds, de même que ceux de devant, sont remarquables par la brièveté et la lar- geur des deux doigts externes qui sont ongulés, et qui ont dü supporter le poids du corps lorsque le Mylodon marchait à terre. Le crâne, plus petit que celui du bœuf, mais long, étroit et ter- miné par un museau tronqué , est soutenu par un cou assez court, formé de sept vertèbres qui sont articulées librement entre elles, et suivies de seize vertébres dorsales ou costales, remar- quables par la hauteur et la largeur de leur 4pophyse épineuse. « La forme générale du tronc de cet animal, bas sur pattes (ajoute l’auteur), est celle d’un cône qui se rétrécit graduelle- ment depuis l'énorme bassin jusqu’au cou, lequel est court et se termine par une tête gréle. De telles proportions et des combi- naisons organiques semblables n’existent dans le squelette d’au- eun mammifere de nos jours, mais le paléontologiste les re- trouve chez le Mégathérium. » Après avoir indiqué ainsi en quelques mots les caractères les plus saillans du Mylodon, M. Owen donne une description mi- nutieuse de chacun des os dont son squelette se compose; nous ne pouvons le suivre dans tous ces détails, mais nous reprodui- rons ici les considérations générales par lesquelles il résume ses recherches et termine son livre. 224 OWEN. — Nouveau Fossile giginlesque. Résumé physiolozique. « J'ai eu pour but dans ce qui précède d’exposer avec clarté les nouveaux faits qui résultent de l'étude du squelette du Mylo- don, et de montrer les rapports de ce squelette avec la charpente osseuse des autres Edentés soit vivans, soit fossiles. Je dois actuel- lement essayer de faire ressortir les conséquences qui en décou- lent, tâche très difficile, mais sans laquelle, comme dans toutes les études analogues, il est presque impossible de saisir toute la valeur et la véritable nature des faits observés. Il est bien démon- tré, et ce fait est une base sûre pour nos conclusions physiologi- ques, que les animaux qui ont la même structure dentaire se nourrissent des mêmes alimens, au moins en ce qui regarde les mammiferes, et surtout relativement aux animaux dont les dents offrent les modifications les plus marquées, les carnivores et les herbivores, par exemple. Mais cette considération d’où l’on tire toutes les autres conséquences physiologiques quand on veut in- terpréter les restes d'animaux fossiles, demande beaucoup de précaution dans son application. Dans les ruminans, par exemple, qui sont remarquables par l’uniformité de leur système den- taire, il y a une certaine latitude en ce qui regarde les alimens végétaux qu'ils mangent. Le plus grand nombre des espèces se nourrissent de l'herbe, d’autres mangent des feuilles et les bou- tons d'arbres et d’arbrisseaux aussi bien que l'herbe; un genre, la Girafe, vit exciusivement de feuillage, et un autre, le Renne, de Lichens. Les Paresseux cependant sont caractérisés par un système dentaire encore plus particulier et dont les modifications sont plus tranchées encore que celles du système dentaire des rumi- nans, car elles intéressent non-seulement la forme, le nombre et la composition générale de ce système, mais elles portent leurs empreintes sur la structure intime et sur le mode de dé- veloppement des dents qui sont adaptées principalement pour diviser les boutons et les feuilles des arbres, alimens qui offrent peu de résistance. Mais comme nous venons de voir que tous les caractères du système dentaire des Paresseux existent égale- owEx. — ]Vouveau Paresseux gigantesque. 225 ment chez les Mégathérioïdes fossiles qui offrent les modifica- tions bradypoïdes des mâchoires et des os malaires, modifica- tions qui indiquent le même développement et la même dispo- sition des muscles de la mastication, nous ne pouvons faire au- trement , si ce n’est de conclure que ces conditions coexistantes dans les organes dentaires et maxillaires ont eu pour objet la division des mêmes substances végétales. Mais le petit nombre de grands quadrupèdes qui de nos jours tirent la totalité ou la plus grande partie de leur nourriture des arbres, offrent des modifications organiques très remar- quables, relatives à la manière de recueillir leurs alimens. Par conséquent , si les conclusions auxquelles nous sommes arrivés touchant les dents et les mâchoires des Mégathérioïdes sont exactes, elles doivent étre encore confirmées par des particu- larités correspondantes dans les autres parties du squelette. Tout le corps de la Girafe est modifié d’une manière telle- ment frappante et si bien en harmonie avec le mode suivant lequel ce ruminant se procure les substances végétales néces- saires à sa nourriture, que si cet être anomal n'existait plus qu’à l’état fossile , le paléonologiste aurait pu conclure , d’après l'examen de son squelette, que les longues jambes en échasse, le torse court, le garrot élevé et le col long et pyramidal, avaient tous contribué à donner à cet animal, pendant la vie, le pouvoir de recueillir sa nourriture sur des branches d'arbres hors de la portée des Cerfs ses congénères les plus proches, et il se serait convaincu que la Girafe, tout en étant un ruminant, avait dû être, de toute sa tribu, la plus indépendante de substances herbacées. L'examen de l’animal vivant montre d’une manière admirable comment les parties molles, les lèvres musculaires et protractiles , la langue longue , flexible et préhensile , coo- pérent avec les proportions générales du squelette, dans l’acte derecueillir la provision de feuilles nécessaires à son alimentation. Les proportions massives et le col court de l’'Eléphant colos- bal, offrent le contraste le plus frappant avec l’organisation de la Girafe, en ce qui regarde les caractères extérieurs; mais au “moyen de sa trorapes organe préhensile admirable, ce pachy- derme est mis à méme de se procurer des AM analogues. XIX. Zoo, —. Avril, 15 226 Owex. -— ]Vouveau Parcsseux gigantesque. Les proportions générales du Mégathérium et du Mylodon ressemblent à celles de l’'Eléphant; leur corps était, propor- tion gardée, aussi volumineux, leurs jambes plus courtes et plus épaisses et leur col seulement un peu plus allongé. Cuvier a cru pouvoir distinguer des traces des attaches d’une trompe sur le crâne du Mégathérium de Madrid, mais le volume des trous qui livrent passage aux nerfs, prouve que le prolongement du nez et de la lèvre supérieure qui a pu exister chez cet animal ne pouvait être plus volumineux que celui du Tapir: et Je groin d’un cochon semble avoir dû être plus utile que la trompe d’un Tapir à an quadrupède qu’on a supposé se nourrir de racines. Cepen- dant, la tête de tous les quadrupèdes Mégathérioïdes connus est plus petite, proportionnellement, que celle de l'Eléphant, et le crâne du Mylodon n'offre pas plus de trace d’une trompe que celui du Paresseux. Il est donc évident, en supposant que le Mylodon se nourrissait de feuilles et de petites branches d’ar- bres qu’il n’a pu les recueillir ni comme la Girafe, ni comme l'Eléphant. C’est donc un problème à-la-fois difficile et intéressant pour les personnes qui font de l'anatomie comparée un sujet d'étude, que de savoir par quelles modifications nouvelles et remarqua- bles du corps, ces quadrupèdes, dont le volume approche de celui de l’Eléphant et de la Girafe, mais qui n’ont eu ni la trompe du premier, ni le col allongé de l’autre, ont pu se nourrir des produits des arbres dont ils glanaient même les branches termi- nales les plus tendres: en effet, c'était un problème qui n’aurait peut-être jamais été posé et certainement n'aurait jamais pu être résolu, si les ossemens fossiles des Mégathérioïdes n’avaient pas été découverts. Les Paresseux légers et de petite taille, qui sont lescongénères vivans les plus voisins de ces grands quadrupèdes fossiles , grimpent pour atteindre leur nourriture, et il est très vrai que toutes les modifications de la charpente osseuse du Mylodon, par laquelle cet animal diffère le plus des gros herbivores , tendent à rendre ses membres plus parfaits comme organés de préhension, et plus puissans comme appareil de locomotion. Ce perfectionnement est manifesté de la manière la plus frap- OWEN. — /Vouveart Paresseux gigantesque. 227 pante par la présence de clavicules, par une rotation libre de Pavant-bras, par un léger renversement des pattes postérieures, et par la grosseur considérable et la courbure des griffes qui terminent certains doigts de chaque patte. Les Mégathérioides s'éloignent donc de l'Eléphant et de la Girafe, par les caractères mentionnés plus haut et se rappro- chent dans la même proportion des Paresseux; mais peut-on, avec la même certitude, conclure que le mode suivant lequel s'opère la préhension des alimens est le même chez les Méga- thérioïdes et les Paresseux , et que le régime est identique chez ces animaux, par cela seul qu’ils offrent une seule et même structure dentaire et maxillaire. C’est une question qui demande encore une considération approfondie. La seule existence de clavicules ne donne pas un grand poids à l'opinion que le Mylodon ou que le Mégathérium grimpait sur les arbres; car, dans une des espèces de Paresseux , ces os sont incomplets, sans entrainer par là, à notre connaissance, la perte de la faculté de grimper. Les Ours , qui sont les quadrupèdes vivans les plus lourds parmi les animaux grimpeurs, et surtout quelques espèces de ce genre, l’Ours malais des pays orientaux tropicaux, par exemple,se nourrissent habituellement par ce moven : or, chez eux on ne trouve pas même des rudimens d’une clavicule, fait que j'ai constaté en faisant la dissection de plusieurs de ces animaux. Donc, comme des clavicules, à tel état de déve- loppement qu’on voudrait, ne sont pasessentielles à un Quadru- pède grimpeur, il faut chercher d’autres rapports et d’autres usages pour les clavicules parfaites et d’une force remarquable qu’on rencontre chez le Mylodon , et ses congénères, le Scelido- thère , le Mégalonyx et le Mégathérium. Il existe habituellement des clavicules chez des animaux qui portent leurs alimens à leur bouche, soit à l’aide d’une main, comme les Quadrumanes, soitavec la patte de devant comme beau- coup de Rongeurs et de Marsupiaux. On a observé que l’espèce de Paresseux pourvue de clavicules saisit ses alimens, en fléchis- sant ses longues griffes sur son poignet (1). Mais l'absence des (1) Daubenton, qui a eu l'occasion d'observer les mouvemens d’un Unau vivant dans la 15, 228 OWEx. — Nouveau Paresseux gigantesque. dents incisives, et de la flexibilité des doigts nécessaire pour laccomplissement de cette action, contredit la supposition que les clavicules se rapportent exclusivement à cette fonction. Quoique des clavicules existent plus souvent chez des Mam- miferes fouisseurs que chez des Mammifères grimpeurs, elles ne sont en aucune façon un complément indispensable aux membres antérieurs pour rendre ces organes propres à excaver le sol. Le Blaireau, par exemple, n'offre pas de clavicules, et ces os sont incomplets chez le Lapin et chez le Renard. Aucun des animaux du genre Chat, tout en possédant une grande latitude dans les mouvemens latéraux et rotatoires des membres antérieurs qui leur permet de frapper et de saisir leur proie, n'offre que de simples rudimens de clavicules. Il paraît donc que ces os présentent un développement com- plet chez le Mylodon, pour donner à l'épaule une force et une stabilité suffisantes pour déterminer des actions indépendantes de celles de grimper, de fouir et de saisir une proie vivante, et ques quand ces clavicules existent chez de très bons Grimpeurs, tels que l'Unau et l'Orang ,ou chez les Fouisseurs par excellence, tels que la Taupe et le Tatou, ils se trouvent réunis à [d’autres parties qui déterminent plus immédiatement les qualités parti- culières à ces espèces. On ne peut donc espérer de pénétrer la vature des actes auxquels ces clavicules fortes et parfaites de notre Mylodon ont coopéré, si ce n’est par un examen compa- ratif des autres parties du squelette de cet animal. Chez les quadrupèdes fouisseurs et grimpeurs, il y a, en même temps, un développement complet des deux os de l’avant- bras et une rotation libre de la main; mais les grimpeurs aux- quels le Mylodon ressemble le plus par la structure des pattes antérieures, sont les Paresseux, chez lesquels le bras et l’avant- bras sont aussi remarquables par une longueur et une ténuité extrême que ceux du Mylodon le sont par leur force et leur rac- courcissement. Je ne veux pas dire que les os du bras et de ménagerie du marquis de Montmirail, décrit cet acte de la manière suivante : « L'Unau saisit avec le pied de devant comme avec une main, et s’en sert pour porter les alimens à sa bouche », L'animal , en approchant de son poignet l'extrémité de ses ongles , serre les choses qu'il veut saisir et les enlève ». Buffon , Histoire naturelle , in-4 , tome xux, p. 5r. owex. — Nouveau Paresseux gizantesque. 229 V'avant-bras du Mylodon égalent pour ces caracteres ceux des quadrupèdes essentiellement fouisseurs, tels que la Taupe, mais ils s’en rapprochent trop pour qu’on puisse les considérer comme appartenant à un animal simplement grimpeur. De l’autre côté, pour s’assurer si le bras robuste et claviculé du Mylodon, pourvu d’un avant-bras jouissant d’une rotation libre, n’avait d'autre fonction que de soulever le sol, quand cet animal ne l’employait pas à des mouvemens de simple locomo- tion, il faudrait étudier la structure des pattes antérieures, et surtout le nombre et la forme des griffes. Chez les fouisseurs ordinaires dont les pattes sont les mieux adaptées pour déplacer de la terre dense, tels que la Taupe, le Bat-Taupe, la Condylure et l’'Echidné, les griffes sont longues et larges ; elles ont à-peu-près la même grosseur à chaque doigt, et peuvent être étendues dans le même plan que la main qui est assez large. Chez les Tatous, qui sont les plus habiles à perfo- rer le sol, tels que les Dasypi Gigas et Uracinctus, les trois griffes externes, qui sont surtout développées pour remplir cette fonction, ne sont guère moins remarquables par leur grande largeur que par leur longueur, mais elles sont de grosseur iné- gale. La largeur des longues griffes fouissenses de l'Orycterope dépasse aussi leur profondeur. Chez les Paresseux , au contraire, la profondeur des griftes, c'est-à-dire leur diamètre vertical excède de beaucoup le diamètre transversal ou la largeur; elles sont très longues, plus crochues que chez les fouisseurs, et beaucoup plus bornées dans leurs mouvemens, surtout dans celui de l’extension. La patte anté- rieure des Paresseux est aussi très longue et grêle; trois doigts sont armés de griffes dans une espèce et seulement deux daris une autre; ces griffes ont à-peu-près la même longueur chez le Fourmilier grimpeur ( Myrmecophasa didacty la), qui détruit les Termites des arbres : les deux doigts ont là même forme que chez les Paresseux. Chez le grand Fourmilier, qui bat en bréche les forteresses résistantes des Termites terrestres, les ongles très allongés des pattes antérieures ont à-peu-près la même largeur et profondeur, et la presque totalité de l’action de fouir est concentrée sur un doigt qui, par sa grosseur, dé- 230 OWwEN. — Nouveau Paresseux gigantesque. passe de beaucoup les autres. Le travail pour lequel cet instru- ment fouisseur est adapté, ne consiste pas dans un déplacement considérable de la terre, comme pour creuser un terrier destiné à recevoir l'animal qui le pratique , au contraire, la terre est sim- plement retournée pour exposer des objets cachés dans son sein. Les quadrupèdes Mégathérioïdes ne sont pas caractérisés par une main véritabiement fouisseuse, dans laquelle tous les cinq doigts sont pourvus de griffes de grosseur à-peu-près égale, lon- gues et élargies ; au contraire, deux seuls, où au plus trois de ces doigts en sont garnis. La profondeur de ces griffes dépasse leur largeur chez le Mégathérium, surtout dans la griffe la plus longue et la plus forte. Les griffes du Mégalonyx, plus croches et plus comprimées, ont une grande ressemblance avec celles des Paresseux. Chez le Mylodon , les griffes, bien qu’elles soient aussi remarquables par leur longueur et qu’elles soient à-peu- prés aussi crochues que chez le Mégalonyx, ne sont ni dépri- mées comme chez les fouisseurs, ni comprimées comme chez les grimpeurs ; au contraire, leurs diamètres vertical et trans- verse sont les mêmes. Une portion de la main dans tous les Méga- thérioïdes {les deux doigts externes chez le Mylodon par exem- ple) est modifiée d’après le type onguiculé, dans le but exclusif de supporter le corps dans la locomotion terrestre ordinaire. Dans nos recherches sur la nature des fonctions secondaires de l'extrémité antérieure des Mégathérioïdes , il faut examiner à quels usages doit se rapporter tout ce qui est surajouté à la structure ordinaire d’un inembre onguiculé ; nous devons con- sidérer ces additions d’une manière indépendante et abstraction faite des parties qui n’ont de rapports qu’avec la progression. La portion onguiculée de Pavant-bras, vue ainsi à part de la partie vagulée, s'accorde avec ce qu’on voit dans le type fouisseur; car elle est allongée, effilée et garnie de griffes longues et crochues qui paraissent avoir été tenues habituellement dans un état de flexion et qui ne pouvaient guère avoir été étendues assez pour faire partie du même plan que la main. Ces caractères, bien qu'ils ne soient pas développés à un degré aussi prononcé que chez les Paresseux, indiquent évidemment une patte antérieure mieux adaptée pour saisir des objets que pour fouir. Mais une patte Owen. — ÂVouveau Paresseux gigantesque. 251 semblable n’est pas impropre à percer ou à déplacer la terres au contraire, en proportion qu’elle s'éloigne de celle des Pares- seux , et qu’elle est moins bien adaptée pour grimper, elle gagne comme instrument propre à fouir. D’après la diminution de sa courbure et de la longueur des griffes, d’après leur plus grande force et l'inégalité qu’on y re- marque, et surtout d’après la grandeur disproportionnée de celle du doigt du milieu, on peut conclure avec justesse que la main du Mylodon, soutenue sur un membre antérieur , court et fort, agissait comme un instrument fouisseur; mais la grande analo- gie qu'elle a avec celle des Fourmiliers, montre que l’action fouisseuse se bornait à enlever la surface du sol pour y décou- vrir des objets cachés et non pour y creuser des cavités. Un instrument semblable serait aussi tres efficace pour extraire des racines ou pour mettre à nu des Fourmis; cependant il était encore mieux adaptée pour saisir des objets que pour remuer la terre. Mais quelle que soit la tâche dévolue à la portion on- guiculée de la main du Mylodon, les os du corps, de l’avant- bras, du bras et de l’épaule apportent la preuve de la force prodigieuse qui a dû être mise en action pour l’effectuer. L'organisation générale de l’extrémité antérieure du Mylodon, me parait être incompatible avec l’idée que cet animal a été un grimpeur ou un fouisseur proprement dit, et en même temps la structure des dents et des mâchoires est manifestement in- compatible avec la supposition que cet animal se nourrissait de Fourmis, car les deux extrêmes dans la longueur des mächoires sont présentées par les espèces phyllophages et myrmecophages de l’ordre des édentés, et la brièveté du visage qui caractérise les Paresseux phyllophages, est répétée même avec exagération dans le Mylodon. Nous devons donc interroger de nouveau les restes de ce Paresseux gigantesque extraordinaire, pour chercher des renseignemens plus positifs sur le mode d’après lequel il se procurait sa nourriture. Nous avons déjà vu que ceux fournis par les caractères ostéologiques de l’avant-bras étaient utiles plutôt pour infirmer des conjectures erronées que pour fournir à cette question une solution directe. On doit donc recourir à 232 OWEN. — Nouveau Puresseux gigantesque. l'examen de l’organisation du membre postérieur, pour voir s'il ne peut jeter quelque jour sur la fonction des pattes antérieures et sur les habitudes générales du Mylodon. Chez les mammifères vivans, les modifications du bassin et des membres postérieurs sont fortement marquées et extrêmement caractéristiques des espèces grimpeuses et fouisseuses propre- ment dites. La totalité ou la plus grande partie de l’action de fouir est accomplie par les pattes antérieures des fouisseurs, chez la Taupe par exemple; et le bassin et les membres posté- rieurs restent toujours peu développés et faible chez cet animal et ne présentent pas un développement considérable chez les fouisseurs moins puissans ou qui ne creusent la terre qu’ac- cidentellement. Chez les animaux Îles mieux organisés pour grimper , tels que les Paresseux et les Orangs, les pattes posté- rieures sont beaucoup plus courtes que les pattes antérieures; et dans tous les animaux dont les pattes postérieures sont plus ou moins préhensiles, ces membres, ainsi que les parties pos- térieures du corps ne sont jamais très volumineux ni très lonrds, même chez les espèces auxquels est surajoutée une queue pré- hensile comme les Singes-araignées de l'Amérique. Quelques petits Kanguroos (Dendrolagus Müller), qui peuvent s’élancer sur le tronc des arbres et arriver de la sorte jusque sur les branches au moyen de la courbure de la longue griffe des pattes postérieures, sont une exception à cette règle, mais leur orga- nisalion est essentiellement constitutée pour le saut, et c’est au moyen d’une légère modification , que cette faculté est exer- cée ailleurs qu’à la surface de la terre. Les Fourmiliers ter- restres n'offrent rien d’extraordinaire en ce qui concerne le volume et la structure des membres postérieurs. Enfin, les es- pèces qui fréquentent les arbres sont distinguées par le petit volume de ces membres. Si donc, après avoir jeté les yeux sur le bassin et les pattes postérieures des quadrupèdes grimpeurs, fouisseurs et semi- fouisseurs encore vivans, on examine ces mêmes parties du squelette chez le Mylodon ou le Mégathérium , on est de suite frappé par l'accroissement prodigieux de volume et par les proportions massives qu’elles présentent, caractères qui ne OWEN. — AVouveau Paresseux gigantesque. 233 manquent pas de fixer l'attention des observateurs les moins attentifs, et qui révèlent au physiologiste, de la manière la plus positive, que ces parties ont été le siège de puissances et de fonctions toutes aussi particulières à l'animal pendant sa vie, que ne le sont ces formes remarquables de la charpente osseuse restées intactes après la disparition des parties molles dont celle- ci était recouverte. Le bassin énorme du Mylodon a été évidemment le point d’où partaient comme d’un centre des masses musculaires d’une force immense qui se rendent au tronc, à la queue et aux pattes postérieures (1). Ces muscles, qui, prenant leur origine au sa- crum et sur la crête large et étendue de l'ilinm, se dirigeaient en avant pour étendre le tronc et pour rétracter les membres antérieurs, le sacro-lombaire, long dorsal, le grand dorsal , par exemple, ont laissé les preuves les plus positives de leur vo- lume et de leur énergie, par l'existence d’une arête longue et forte an sacrum, et par la largeur, l'inégalité de la surface et le prolongement du bord de l'os iliaque. Les membres anté- rieurs étant bien adaptés pour saisir le tronc ou les principales branches d’un arbre, les forces qui les mettent en mouvement et qui prennent leur point d'appui sur la base large fournie par la partie postérieure du corps, sont évidemment suffisantes et manifestement propres à déraciner le tronc, ou à détacher la branche ainsi saisie. Mais, pour que le bassin possédât une résistance et une stabilité correspondante aux effets des forces qui prennent leur point d'appui sur lui, il était indispensable qu’il fût assujetti, pour ainsi dire, et supporté par des membres d’une force correspondante. Pourcette raison nous trouvons un fémur qui, tout en dépas- sant l'humérus en longueur, n’est que deux fois plus long qu'il (x) Les muscles des animaux Mégathérioïdes , en outre de leur masse et des avantages mécaniques , fournis par le développement particulier des attaches osseuses auxquelles ils puisérent, ont été probablement caractérisés par l'énergie très grande de leur contractilité Vitale ; car cette énergie des muscles du Paresseux a attiré fortement l'attention du marquis de Montmirail, qui, en décrivant les mœurs de l'Unau vivant dans sa ménagerie, dit : «La force de ses muscles est incroyable », Buffon, Aistoire naturelle, in-4 , tome xur, page 48. 234 OWEN. — Nouveau Paresseux gigantesque. est large, et qui est pourvu de trochanters et de crêtes propres à donner des insertions tendineuses aux masses musculaires qui s’étendaient sur la partie postérieure et sur la partie antérieure de cet énorme bassin, muscles qui ont laissé, sous la forme de crêtes interfasciculaires osseuses très fortes, des marques non équivoques de la puissance avec laquelle ils ont résisté aux efforts des muscles antagonistes attachés au tronc et aux mem- bres antérieurs, et destinés à tirer en avant le bassin et les ex- trémités postérieures. Le poids énorme de ces deux parties et la puissance extraordinaire qui {es réunissait ensemble, sont tout- à-fait inexplicables, dans l'hypothèse que les anciens Mégathé- rioïides étaient des animaux grimpeurs ; car s’ils trouvaient {eurs alimens en grimpant,les membres antérieurs servaient de point fixe quand les muscles qui les attachaient au bassin étaient mis en activité; et les extrémités postérieures n'ayant besoin que de la force suffisante pour saisir les objets, n'auraient pas eu une puissance si énorme et un poids qui aurait été un grand obstacle à l'ascension. Un paléontologiste qui jouit d’une célébrité méritée pour ses recherches heureuses et importantes, relatives aux mam- milères fossiles du Brésil, M. le docteur Lund, a adopté si implicitement l'hypothèse que les Mégathérioïdes avaient été des animaux grimpeurs , qu’il a émis l'opinion que le Mégalonyx et suivant toute probabilité le Mégathérium, étaient pourvus d’une queue préhensile. Cependant les quadrupèdes qui mon- tent sur les arbres et qui ont l'avantage d'avoir pour ainsi dire une cinquième main, tels que le Porc-Épic préhensile, le Fourmilier didactyle et les Singes-Araignées , ont un corps lé- ger, un petit bassin et des extrémités postérieures gréles : il serait donc encore plus difficile de se rendre compte des pro- portions colossales de ces parties chez les Mégathérioïdes dans l'hypothèse ordinaire qui suppose qu'ils ont été des animaux grimpeurs, si leur queue avait été un instrument aussi impor- tant pour eux que le docteur Lund se l'imagine. Mais il paraîtrait d’après la mention que fait cet habile naturaliste, relative aux griffes du Megalonyx Cuvieri, espèce établi par lui, qu’elles ne sont pas comprimées comme chez les Paresseux, et par consé- owen. — Nouveau Paresseux gigantesque. 235 quent l'animal observé par le docteur Lund a dû être une espèce de Scelidotherium ou de Mylodon et doit être étranger au genre Megalonyx du Cuvier, dont un des caractères distinctifs est l'existence de griffes comprimées. Nous savons que le Mylodon avait une queue forte et puissante , mais trop courte pour servir comme instrument préhensile , ses proportions étant justement convenables pour compléter avec les deux pattes postérieures, un trépied assez fort pour donner une base ferme au bassin massif et une résis- tance suffisante aux forces qui agissaient sur ce grand centre osseux ou qui en partaient. Les apophyses transverses , larges et épaisses ; les apophyses épineuses supérieures et inférieures, et surtout le canal vertébral, large et prolongé, indiquent le volume et la force des masses musculaires qui entouraient la queue , et qui la rattachaient au bassin. L’emboitement naturel de surfaces articulaires indique que l’inflexion ordinaire de la queue était en arrière comme dans une Cauda fulciens , et non en avant comme dans une Cauda prehensilis. En considérant donc le bassin du Mylodon comme le point fixe vers lequel les pattes antérieures et les parties extérieures du corps ontdü être attirées pendant les efforts de ce Phyllophage gigantesque, pour déraciner l'arbre qui portait ses alimens , les proportions colossales des extrémités postérieures et de la queue perdent tout-à-fait leur caractère anormal et s’harmonisent avec les membres antérieurs robustes et garnis d’une clavicule et des ongles puissans, parties qui coopéraient dans la tâche hercu- léenne que l'animal avait à accomplir. La longueur extraordinaire de la plante du pied, qui égalait chez le Mylodon celle du fémur, et la dépassaitmême peut-être chez le Mégathérium; le prolon- gement du calcanéum , qui forme le point d'appui postérieur si fort et la griffe très puissante du doigt du milieu, qui, par l’aide de l’autre extrémité du pied, a pu rester fixée sur la terre (1), (x) Cet usage de la griffe de la patte postérieure a été noté pour la première fois par le docteur Buckland (Minéralogie et Géologie, page 158); mais toute la valeur de la structure du Mégathériuu n'a pu être appréciée aussi long-temps qu'on supposait que les pattes postérieures ne servaient qu’à supporter le tronc, tandis qu'uue des pattes antérieures creusait la terre pour en extraire des racines, 236 OWEN. — Nouveau Paresseux gigantesque. deviennent parfaitement compréhensibles, et le but final de ce mode de conformation se conçoit d’après les idées déjà émises, c’est-à-dire que les membres postérieurs, bien soutenus, con- tribuent à fixer et à réagir sur le tronc du Mégathérioide, en prise corps à corps avec un adversaire passif, qui portait sa nourriture ; et c'est ainsi que l'étendue du bassin, le volume et la force des membres postérieurs, comparés aux membres an- térieurs ; la longueur particulière et l’organisation des pieds pos- térieurs ; les proportions et la structure de la queue, consti- tuent un ensemble de caractères communs aux Mégathérioides et étranger à tous les autres animaux, réunion qui explique les usages des extrémités antérieures , lesquelles, du reste, ressem- blent trop à celles des autres Edentés à clavicule, pour qu'on puisse méconnaître leurs fonctions chez les Mégathérioides. Si cette explication physiologique des particularités offertes par la charpente osseuse des Paresseux gigantesques fossiles est la véritable, on peut supposer que ces animaux commençaient la besogne d’abattre un arbre par détacher la terre autour de ses racines au moyen de leurs griffes , et c’est pour cette raison que nous voyons, chez le Mylodon, la patte antérieure d’un Pares- seux moderne, modifiée d’après le type d’un Fourmilier partiel- lement fouisseur. La forme comprimée ou subcomprimée des griffes, qui leur est défavorable, si l’on considere ces organes comme des instrumens destinés à creuser profondément la terre, leur est utile pour pénétrer dans les interstices des racines, pour exposer ces dernières et les débarrasser de la terre qui les entoure. Cette opération ayant été convenablement effectuée par l’action alternative des pattes antérieures, aidées probable- ment par les doigts onguiculés des pattes postérieures, les griffes longues et crochues des pattes antérieures , qui restent habi- tuellement dans un état de flexion et sont gênées dans le sens de l'extension, ont dû s'appliquer ensuite aux deux côtés opposés de l'arbre ainsi miné; et c’est alors que le Mylodon jouirait de tous les avantages résultans des modifications de ses pattes an- térieures, par lesquelles il ressemble au Zradypus. La correspon- dance dans la structure des instrumens préhensiles dans les Pares- seux vivans et fossiles s'étendait aussi loin qu’elle était compatible owex. — Nouveau Paresseux gigantesque. 237 avec les divers degrés de résistance à vaincre. Dans le petit Pares- seux grimpeur, les griffes sont longues et grêles, ne devant porter que le poids léger du corps de l'animal , qui est rapproché par l’action des muscles vers la branche saisie, comme vers un point fixe. Les proportions plus athlétiques des crochets préhensiles du Mylodon s'accordent avec la tâche plus rude de vaincre la résistance de la partie saisie et de l’abaisser vers son corps. A la place des os longs et grêles du bras et de l’avant-bras du Pares- seux grimpeur, nous trouvons substitués chez son prédécesseur gigantesque, un humérus, un radius et un cubitus de propor- tions plus robustes, proportions qui, chez le HMylodon robustus, sont sans égales dans des animaux fossiles. L'arbre étant ainsi en partie miné et fortement saisi, les muscles du tronc, du bassin et des membres postérieurs, animés par l'influence ner- veuse d’une moelle épinière très volumineuse, combineraient leur force à ceux des muscles des membres antérieurs, pour faire coucher l'arbre. Et maintenant représentons-nous le corps massif du Mégathérium, convulsé dans ses efforts puissans, chaque fibre musculaire réagissant sur ses attaches osseuses avec une force qu'indiquent les crêtes fortes et aiguës ainsi que les apophyses dont les os sont garnis, et l’on comprendra facile- ment qu'un arbre secoué et ballotté de la sorte en tous sens, ne pouvait guère résister aux efforts d’un si lourd et si rude adversaire. Après ce que nous avons dit touchant l’admirable adaptation de la structure du carpe et du métacarpe, précédemment dé- crite du Mylodon , structure destinée à soutenir le corps et à servir à la locomotion d'un quadrupède si pesant sans porter détriment aux fonctions de griffes longues , aiguës et préhen- siles, on aurait pu croire que nos argumens physiologiques sont actuellement épuisés ; mais il est loin d’en être ainsi. Un principe caractéristique du mécanisme animal, exprimé avec une rare élégance par Pope (1), n’est pas peut-être utilisé d’une (x) « In human works , though laboured on with pain « A thousand movements scarce one purpose gain « In God’s, one single can its end produce; “Yet serve to second lo0 some other use. » \ Essay on man.) 238 OWEN. — Vouveau Paresseux gizantesque. manière aussi frappante ailleurs que dans le pied des membres antérieurs des quadrupèdes Mégathérioïdes fossiles. Le même arrangement des os, en permettant la coexistence de sabots et de griffes dans le même pied , détermine l'efficacité des doigts garnis de griffes dans les effets violens du Mylodon , efforts que tout son squelette démontre avoir été habituels à lanimal vivant. La modification du troisième os du métacarpe, par laquelle cet os transmet au quatrième et au cinquième le poids qu'il reçoit pendant la progression, adapte ce troisième métacar- pien à ses propres fonctions, celles de vaincre la résistance énorme que l’animal rencontre en déracinant et en abattant les arbres. La luxation du doigt du milieu dans des fonctions pa- reilles est empêchée par lemboîtement des deux extrémités de sa base épaisse et étendue entre les os du carpe et du méta- carpe voisin. Le quatrième métacarpien s'oppose directement à la sortie en dehors de l'extrémité externe de sa base, et ce quatrième métacarpien étant emboîté de la même manière par le cinquième, il faut que ces deux os cèdent avant que le troi- sième, sur lequel se porte la presque totalité de l'effort néces- saire pour arracher une branche ou abattre un arbre, puisse être déplacé. Du côté du radius, nous voyons la base du troisième os du mé- tacarpe se prolonger sous la forme d’un tubercule saillant, qui est emboité dans une cavité située sur le côté du second méta- carpien, ce dernier os lui-même étant renforcé par le premier os du métacarpe qui s’archoute contre lui au côté opposé de sa base. Ainsi , avant que le troisième os du métacarpe puisse être ar- raché; tous les autres métacarpiens doivent céder, ou, en d’autres mots, les os de cette série sont arrangés de telle sorte, que tous concourent à renforcer et à enclaver le troisième méta- carpien. Cette maçonnerie organique si solide caractérise égale- ment la main du Mégathérium , et on ne peut l’examiner sans être convaincu qu’elle à été destinée pour l’accomplissement de fonctions dans lesquelles l'extrémité antérieure éprouve une résistance très extraordinaire, résistance supérieure.à tout ce que les doigts de la Taupe éprouvent dans la confection de ses oweën. — Vouvears Paresseux gigantesque. 239 excavations souterraines, et d’une nature différente de celle qui résulterait de l’arrachement du sol par les ongles. Dans l'acte de fouir, il faut que les doigts surmontent la tendance à être pliés en arrière, aussi bien que de celle d’une extension directe, et les articulations du doigt du milieu du Dasypus gigas lui donnent la force convenable dans ces deux sens ; mais los métacarpien de ce doigt peut être luxé sans que le qua- trième et le cinquième métacarpiens soient déplacés, tandis que chez tous les quadrupèdes mégathérioïdes , l’arcade, entière- ment emboîtée, s'oppose au déplacement de la clef de voûte, à laquelle est articulé le doigt que soutient la grande griffe préhensile. Les arrangemens mécaniques des os qui s’opposent à la luxa- tion, doivent avoir été secondés puissamment par de forts ten- dons des muscles extenseurs et fléchisseurs insérés sur les faces antérieure et postérieure des phalanges, ou liées fortement à ces même os. Ces phalanges, courtes , épaisses, et à articula- tions très fortes avec le métacarpe construit comme une ma- çonnerie solide, étaient un centre principal vers lequel con- vergeaient les forces musculaires. Le carpe a dû sa stabilité né- cessaire à la manière dont les trois os de la seconde rangée sont emboïtés ensemble et reçus dans la première rangée des os du carpe et dans les os du métacarpe, et aux tendons qui passent dessus ; du reste, on a des preuves sans réplique de la force de ces tendons et des muscles qui leur correspon- dent, par l'existence de sillons profonds et de longues émi- nences aiguës sur les os de l’avant-bras. La patte postérieure du Mylodon, en partie par la position et par la forme de la surface articulaire supérieure de l’astra- gale, et en partie par les articulations des os du métatarse avec les os cunéiformes et’ cuboïdes , est légèrement renversée, de telle sorte qu’elle repose sur son bord externe et reçoit le poids du corps sur ce bord et principalement sur les deux orteils ex- ternes. Ces orteils, par leurs proportions singulièrement mas- sives, par leur forme et par leur mode d’articulation, sont particulièrement aptes à remplir cette fonction. Le métatar- sien du cinquième orteil, par la surface rugueuse et alvéolaire 240 OWEN. — AVouveau Paresseux gigantesque. de sa facette externe et inférieure, fait voir qu’il a dû avoir été revêtu d’une peau épaisse et calleuse. Le poids soutenu par l’astragale et par le calcanéum est trans- mis au cinquième mélacarpien dans un sens directement par l'os cuboïde , et dans un autre sens par l’astragale au moyen d’une arcade formée par le scaphoide, le cunéiforme externe et l'extrémité antérieure du troisième et du quatrième métatar- sien. Cet os, d’une grande solidité, contribue également à supporter le poids du corps qui lui est transmis par l’arcade précédente , et plus directement par le cuboïde , et transmet ce poids au sol par la partie de son extrémité garnie d’un sa- bot qui s'étend au-delà de l’orteil externe. Au moyen de cet ar- rangement admirable, les deux orteils onguiculésneparticipaient nullement dans la fonction de soutenir l'animal pendant qu'il marchait ou pendant-qu'il se tenait sur ses pattes, et ils ont été aussi en état de disponibilité pour les fonctions spéciales qu'ils étaient appelés de temps en temps à accomplir. Chez les ani- maux du genre Chat, les griffes sont maintenues aiguisées et en état de service par leur rétraction en arrière sur les pre- mières phalanges, garnies de coussinets graisseux : chez le My- lodon, le même effet a été obtenu par leur direction oblique et par la concentration du poids du eorps sur les deux orteils externes. C’est dans la considération de cette inclinaison de la plante du pied , que le docteur Lund (1) a puisé l'argument le plus fort en faveur de l'opinion que les griffes des pattes postérieures étaient destinées exclusivement à saisir des objets, et que les Mégathérioïdes étaient par conséquent des grimpeurs ; mais les avantages que le Mylodon tirait de ce mode de conformation paraissent se borner , d’après des raisonnemens physiologiques légitimes, à ceux qui résultent de la préservation de l'usure de ses griffes non rétractiles pendant la locomotion ordinaire, et l'étude des autres particularités du squelette nous a donné la clef nécessaire pour apprécier les véritables usages de ses griffes. (1) Op. cit., p. 20. + owen. — lVouveau Paresseux gigantesque. 241 Chez les Paresseux vivans la plante du pied est à la vérité dirigée en dedans, comme chez les Orangs et d'autres grimpeurs habiles; mais la structure du pied lui-même, et non la simple inversion qu'il offre, détermine chez ces animaux ses fonctions dans l’action de grimper. C’est ainsi, par exempie, que lesquadru- manes jouissent de cette faculté en vertu des pouces opposables aux pattes postérieures ; les Paresseux la doivent à un renverse- ment du pied beaucoup plus fort que chez les Mégathérioïdes et à une structure de l'articulation du tarse avec la jambe, bien dif- férente de ce qui se voit dans ces derniers, disposition par suite de laquelle la faculté de soutenir et de transporter le corps sur une surface plane est sacrifice à l'acquisition de la faculté préhensile. L'absence de l'articulation à pivot de l’astragale avec le péro- néet l'introduction d’une nouvelle modification de la partie tibiale de l’artieulation du coude-pied par laquelle une apophyse de l'astragale remplit une cavité dans la portion de tibia qui fournit, comme chez les Paresseux, la malléole interne; ces faits seuls suffisent à établir qu'il doit y avoir une différence corres. pondante dans les fonctions des pattes postérieures des Édentés phyllophages gigantesques actuellement éteints. L'hypothèse des habitudes grimpantes des Mégathérioïdes est contraire à presque tous les caractères empreints à leur or- ganisation, à l'exception d’un petit nombre qui ont pu, au premier coup-d'œil, sugoérer cette opinion. C’est ainsi que, siles Mégathérioïdes étaient astreints à grimper sur des arbres, pour y chercher leurs alimens, ils n’auraient pu le faire que sur les branches les plus grosses et les plus fortes des arbres gigan- tesques que le docteur Lunda imaginé avoir coexisté avec eux. La plus grande partie des arbres, et, en particulier, ceux qui por- taient les pousses et les feuilles les plus abondantes et les plus suc- culentesque les Paresseux légers actuellement existans atteignent avec facilité, auraient été hors de la portée d'êtres aussi gros et aussi pesans que les premiers ; les branches gréles et pliantes, propres à exciter leurs désirs, auraient été inabordables pour ces | lourds animaux; mais au moyen des modifications de la structure | bradypoiïde, qui ont rendu les Mégathérioïdes propres à abattre | l'arbre en entier, toute la matière alimentaire qu'ils convoitaient { XIX. Zooc, — Avril, 16 242 Owen. — Nouveau Paresseux gisantesque. a pu être amenée à leur portée; une fois que l'arbre a été abattu , ils ont pu à loisir le dépouiller de ses branches et de ses feuilles. Le renversement de la plante du pied, tel petit qu'il puisse paraître chez le Mylodon et chez les petits Mégathérioïdes , non- seulement conserve à ces animaux leurs ongles et leurs sabots en bon état, ce qui paraît en être le principal usage , mais offre en- core d’autres avantages secondaires : c’est ainsi que les hommes qui remuent la terre avec la bèche font pénétrer cet instrument plus facilement quand ils le présentent dans une direction oblique. Encore, dans le cas tres possible où l'arbre n’a pu être abattu par les petits Mégathérioïdes, ces animaux, tentés par le feuillage, auraient pu attaquer les branches principales, et, pour y arriver, ils auraient pu être favorisés non:seulement par la puissance préhensile des membres postérieurs, mais encore par ce reversement naturel du pied ; et jusqu’à ce point l’hypo- thèse que ces animaux ont été grimpeurs peut être fondée, Mais le développement prépondérant des parties postérieures et les modifications qui rendraient ses pattes postérieures essen- tiellement propres à ia locomotion, s'opposent à ce que ces animaux puissent être regardés comme étant habituellement grimpeurs. Il est probable cependant que l'action de grimper s’exécutait parfois chez les espèces moins gigantesques , et cette probabilité est augmentée par le fait que le renversement du pied devient moins marqué chez le Mégathérium ;[animal dont le vo- lume et la force auraient suffi à abattre des arbres que ni le My- lodon, ni le Megalonyx, ni le Scelidothérium n'aurait pu accom- plir. Je puis remarquer encore ici que les modifications des griffes et des os des extrémités, et surtout du calcanéum du Mégalonyx, par lesquels cet animal s'éloigne des autres Mégathérioïdes , contribueraient à son aptitude à grimper, dans la même pro- portion qu’elles diminueraient de sa force. A l'égard du Mylodon, il est évident, par la grande différence de la grosseur des deux griffes de la patte postérieure, que la plus forte a dû servir principalement, sinon exclusivement, pour creuser la terre, pour saisir des objets ou pour fixer la patte à la terre, L'absence complète, chez le Mégathérium; de owen. -— /Vouveau Paresseux gigantesque. 243 lorteil qui correspond au petit orteil onguiculé interne chez le Mylodon , fait supposer que cet appendice a été destiné, chez le Mylodon, à quelque fonction qui n’était pas nécessaire chez le Mégathérium. La position de cet orteil interne, rejeté loin de l'orteil volumineux voisin, et ses petites dimensions, le ren- daient très analogue aux deux orteils internes de la patte pos- térieure du Kanguroos et d’autres animaux Marsupiaux, chez lesquels ces organes sont destinés à nettoyer le pelage de l’ani- mal; ce qui fait penser que la griffe interne du Mylodon a été destinée à frotter et à arranger une peau couverte de poils. Chez le Mégathérium, au contraire , qu'on peut supposer dif- férer de ses congénères, moins forts, par une peau épaisse, calleuse, et peu garnie de poils , analogue, en un mot, à celle de l'Eléphant, cette fonction n’était pas nécessaire. Les observations précédentes, relatives au squelette du My- lodon, nous ont donc amenés à la conclusion que, comme les dents et les mâchoires étaient adaptées pour broyer du feuil- lage, le tronc et les extrémités de cet animal, qui au premier abord semblent mal proportionnés, étaient destinés à lui don- ner le pouvoir de procurer cet aliment , en déracinant des arbres. Le Mégathérium et le Mylodon, après avoir achevé cette tâche, auraient eu des alimens en abondance pour plu- sieurs jours au moins. Je vais m’occuper actuellement de plusieurs particularités, fournies par l'examen du crâne , relatives au principal instru- ment à l’aide duquel l'arbre abattu a été dépouillé de son feuil- lage et les alimens introduits dans la bouche de lanimal. Une cavité profonde et bien définie est creusée dans l’os mas- toïdien , et destinée à présenter, avec l'os hyoïde, une articula- tion d’une force extracrdinaire; et la capacité des trous condy- liens antérieurs destinés à donner passage aux nerfs moteurs de | Ja langue , est très considérable. Ces deux faits, réunis à ce qu’on connaît de positif sur le volume et la structure des os de la langue, fournissent des preuves non équivoques d’un déve- loppement très remarquable de la portion musculaire de cet organe. Chez le Mylodon, les trous qui donnent passage aux nerfs 16, 244 owex. — Nouveau Paresseux gigantesque. mentionnés plus haut, sont deux fois plus volumineux que ceux de la Girafe, qui, non-seulement est l'espèce la plus grande de l’ordre à laquelle elle appartient, inais encore est le rumi- nant qui se sert le plus de sa langue pour recueillir sa nourri- ture; cela est si vrai, que quand ces trous m'ont frappé pour la première fois sur un fragment de crâne d’une espèce voisine, et sans que je visse aucune autre portion du squelette pour me mettre sur la voie, je rapportai ce crâne à un animal qui se rapprochait.des Fourmilliers (1). Nous pouvons donc nous figu- rer que les grands quadrupèdes semblables à un Paresseux, s’exerçant journellement à dépouiller les arbres de leurs ramus- cules et de leurs petites branches, ont dû avoir une langue aussi grande et aussi forte que les trous condyloïdiens antérieurs l’in- diquent. Et même si ces données nous manquaient, nous aurions pu conclure, d’après la grande largeur de la surface lisse et con- cave des symphyses de la mâchoire inférieure du Mylodon, que la langue préhensile et mobile était très volumineuse, que nulle dent incisive ne la génait dans ses mouvemens rapides et fré- quens de va-et-vient, et que les mêmes dimensions de la mà- choire qui fournissent de l’espace aux matrices toujours actives des dents implantées profondément, donnaient également à la cavité buccale la capacité nécessaire pour contenir la langue à l'état de rétraction et de repos. Le Mégathérium, dont les dents et les mâchoires ont été adap- tées à la division des parties grossières du feuillage des arbres, parait avoir eu l'avantage de posséder en outre une trompe courte, pour dépouiller l'arbre abattu de ses petites branches ; et par conséquent, en proportion que le nez et les lèvres ont été modifiés pour acquérir la puissance préhensile, le dévelop- pement extrême de la langue est devenu inutile; pour prouver ce fait, on n’a besoin que de regarder la petitesse comparative des trous des nerfs hypogloses et la diminution de la cavité de la bouche occasionnée par le rétrécissement du palais et le rap- prochement mutuel des dents molaires latérales. L’Éléphant, le (x) Voyez la description du Glossotherium dans le Fossi! Mammalia of the voyage of the Beagle, p. 37, Pl. 164 owEn. — Nouveau Paresseux gigantesque. 245 plus énorme des quadrupèdes phyllophages actuellement exis- tans, est caractérisé parune trompe au maximum du développe- ment; la Girafe se distingue par sa langue longue et muscu- laire ; ces deux caractères ont coexisté chez le Mégathérium dont la longueur de la trompe a été diminuée. Chez le Mylo- don, qui n'avait pas de trompe , la compensation a été faite à laide d’une langue bien plus développée encore; et cet animal offre dans le mécanisme par lequel il dépouillait les arbres de leur feuillage , un contraste frappant avec l'Éléphant, dont la langue est restée presque rudimentaire. Nous voyons donc qu’en comparant les parties molles dont on trouve encore des traces sur les restes de ces Mégathé- rioïdes fossiles, avec les organes des animaux existans, l'analogie est favorable à l'hypothèse que ces premiers se sont nourris de feuillage et qu’ils ont abattu des arbres pour l’obtenir , et nous voyons aussi que, de l’autre côté, cette comparaison ne rend pas compte de l'utilité d’une langue préhensile, ni d’une trompe, si l’on suppose que les animaux auraient vécu de racines. Il y a encore une autre particularité relative à l’organisation du crâne des Mégathérioïdes, qui est en harmonie avec les mœurs que nous venons d'indiquer, et qui a dû les rendre très sujets aux coups infligés par la chute des corps; cette particularité peut même être considérée comme une modification essentiel- lement en rapport avec ces mœurs: je veux parler des cellules aériennes qui occupent l'intervalle des deux tables du crâne ; et je me propose ici d'examiner la cause probable des fractures que le sujet de ce mémoire a subies et auxquelles, en vertu de cette structure remarquable, il a résisté pendant un certain espace de temps. Les Paresseux, quoique organisés d’une manière admirable pour leur permettre de se cramponner aux branches, sont sujets, pendant la durée de leur existence, passée exclusive- ment sur les arbres, aux chutes produites par des causes for- tuites; cela arrive s'ils se posent, par exemple, sur des branches pourries et sur des branches que le vent arrache; sans donner croyance cependant aux contes qu'on a faits à ce sujet en attri- buant à ces animaux une préférence à ce mode subit et hasar- 246 OWEN, — Nouveau Paresseux gigantesque. deux de descente {1). Les poils épais et enchevétrés, avec les- quels leur corps léger est abondamment revêtu, sont bien adaptés à amortir la force des coups semblables , en même temps que toute injure du cerveau est prévenue par le moyen d’un double étui osseux de la cavité cränienne résultant de l’exten- sion des cellules aériennes, qui de l'os frontal s’étendent le long de la partie supérieure de la tête jusqu’à la région occipitale. Mais la même structure existe, et même à un degré plus remarquable eucore chez le Mylodon qui, d’après la manière que j'envisage son organisation, n’était pas grimpeur et par conséquent n’était pas sujet aux chutes. Cependant le Mylodon a dû avoir été plus exposé encore que le Paresseux aux violences étrangères, par suite de son habitude ordinaire de déraciner de grands arbres et de les abattre, car, en le faisant, il a dû être souvent frappé soit par le tronc de l'arbre, soit par quelque branche volumi- neuse; et par conséquent, il lui était très avantageux d’avoir au crâne un étui osseux double. Il est certain que les mœurs du Mylodon ou les conditions dans lesquelles il existait, l’ont rendu sujet aux coups violens sur la tête, et que, chez l'individu en question, c'était le diploé, très développé et fortement celluleux du crâne, qui a empéché ces coups d’être promptement mortels. Au moins, il n’est pas pro- bable qu'aucun autre Marmmifere volumineux aurait pu survivre à une fracture aussi étendue etaussi compliquée de la table vitrée de la partie postérieure du crâne que celle qu’on voit chez ce Mylodon, et qui ici est restreinte à la table externe; mais le coup, à la force duquel cette table osseuse a cédé, a dù étourdir l'animal ou au moins le mettre hors d'état de se défendre , etsil avait été infligé par la patte de quelque carnassier puissant, le Mylodon aurait été une proie facile et incapable de résister. Or, sile cräne d'un animal, ainsi tué, avait été conservé et découvert plus tard à l'état fossile, les os fracturés n'auraient présenté aucun des efforts réparateurs de la nature, qui sont si remar- quables et si étendus chez l'individu intéressant que nous exa- minons actuellement. (x) Buffon, Histoire naturelle, \ome xs, page 3, owen. —— Nouveau Paresseux gigantesque. 247 Il n’est pas très probable que le Mylodon, mis hors de com- bat, ayant son crâne fracturé par un coup reçu dans une lutte avec un de ses semblables , aurait pu s'échapper. Le vainqueur aurait, suivant toute probabilité, poursuivi son avantage et achevé son adversaire par une blessure telle qu’un Mégathérium en colère aurait pu facilement infliger avec sa griffe pesante et aiguë, s’il était excité par un instinct de combat ou de destruc- tion. Rien cependant dans les mœurs des Edentés actuelle- ment existans, ne nous porte à croire que la race éteinte des Edentés avait des instincts semblables, et qu'elle n'était pas douée de dispositions paisibles comme celles qui caractérisent la race «les Edentés actuellement existante , les Paresseux, les Four- milliers et les Tatous de nos jours. Ce n'est, assure-t-on, que pour se défendre contre de grands Carnivores, tels que le Jaguar ou Puma, que le Fourmillier à fortes griffes fait usage de ses armes puissantes , et c'est la seule analogie qui soit favorable à l'hypothèse, qui suppose que le Mylodon ou le Mégathérium aurait pu produire les blessures que porte l'individu dont la description fait le sujet de notre Mémoire. Mais, dans la lutie du grand Fourmillier avec le Jaguar, l’assaillant est vaincu par la persistance avec laquelle il est tenu, et nou par la force du coup. Ainsi, les seules analogies d’après lesquelles nous pouvons apprécier l'origine des lésions en question , rendent peu pro- bable l'hypothèse que c'était un autre animal Mégathérioïde qui avait infligé ces blessures. Il n’y a pas de preuves certaines ni conclusives que l’homme ait vécu en même temps que les animaux Mégathérioïdes ; mais si, en supposant qu’une race primitive d’Indiens ait disputé aux géans édentés la souveraineté des forêts américaines, et qu’elle leur ait fait Ja guerre, une guerre d’extermination telle qu’elle l'a faite à tous les animaux inférieurs, la même difficulté se présente pour l’hypothèse que le Mylodon, étourdi et mis hors de combat, aurait pu échapper aux massues et aux autres armes de ces sau- vages plus facilement qu'aux griffes et aux dents des animaux de proie; car la chair de l'animal Mégathérioïde phyllophage devait être autant estimée par les hommes de cette époque que l'est celle des Paresseux par les Indiens d'aujourd'hui. 248 owEen. — Nouveau Paresseux gigantesque. Nous sommes donc obligés de rapporter ces blessures exis- tantes sur le crâne du Mylodon fossile aux effets d’une force inerte et non, comme on serait disposé à le faire au premier abord , aux attaques hostiles de quelque autre animal ; car cette force seule a pu mettre l’animal hors d’état de se défendre , sans l'achever ensuite, et, pour le Mylodon, énorme habitant des forêts, animal qui se procurait sa nourriture en abattant des arbres, quel accident a pu être tant à craindre, que la chute d’un de ces arbres? La forme de la fracture dont la guérison est achevée, aussi bien que de celle d’une autre fracture qui n’est guérie qu’en partie, partant d’une dépression longitudinale, et non d’un point central, s'accordent mieux avec l'hypothèse qu'elles étaient produites par la chute d’un tronc d'arbre ou d’une de ses branches, qu'avec celle qui attribuerait ces lé- sions au coup d’une forte griffe. Il faut donc reconnaître que ces blessures et la structure du crâne , qui a rendu possible le rétablissement de l'animal, après un coup aussi violent, sont en harmonie avec les mœurs des animaux Mégathérioïdes , tels que nous les exposons dans le présent Mémoire , tandis qu’on ne peut les expliquer en admettant que ces Edentés creusaient la terre à la recherche de racines, ni en leur supposant des mœurs analogues à celles des Fourmilliers, ou à celles d'autres animaux qui se cachent dans la terre, selon les opinions qui ont été soutenues relativement aux habitudes des Mégathérioïdes par Cuvier, par D’Alton et par M. de Blainville. Le docteur Lund (1) a demandé avec raison, en parlant de l'hypothèse d’après laquelle les quadrupèdes Mégathérioïdes seraient des Fouisseurs, pourquoi ces animaux énormes au- raient creusé des galeries dans la terre, pour se protéger contre leurs ennemis. Sans parler du temps qu'un animal aussi volu- mineux et aussi peu alerte aurait dû prendre pour pratiquer-un trou assez grand pour loger son énorme corps, on peut de- mander de quel avantage serait cette galerie pour un animal qui aurait été obligé souvent de la quitter pour aller chercher ailleurs sa nourriture, (2) Loc cit, p, 19. owen. — Nouveau Paresseux gigantesque: 249 Cette hypothèse, dans sa forme extrême, telle qu’elle a été proposée par MM. Pander et d’Alton, et contre laquelle les argumens du docteur Lund ont été dirigés, étant en oppo- sition avec l’organisation des Mégathérioïdes , telle que je l'ai exposée, ne peut être adoptée que par les naturalistes qui supposent que ces animaux ont été organisés comme les Ta- tous, et qu'ils ont eu les mêmes mœurs et la même manière de vivre. La modification de cette hypothèse, qui consiste dans la supposition que les Mégathérioïdes étaient organisés pour creuser le sol et pour en retirer des racines, alimens dont on a cru qu'ils se nourrissaient, a été adoptée par le plus grand nombre de paléontologistes depuis l'époque à laquelle Cuvier, le premier, l'a proposée; et à raison de la juste autorité de ce naturaliste , ainsi que de la réserve scientifique avec laquelle il la annoncée aussi bien qu’à raison des argumens par lesquels elle a été étayée, on ne peut légèrement et sans beaucoup de considérations la mettre de côté. D'abord on doit observer que les seules parties souterraines de végétaux dont la mastication aurait pu se faire par des dents entièrement dépourvues d'émail et composées principalement du ciment et d’une croûte osseuse plus tendre qu’un os, c’est- à-dire de la dentine grossière perforée dans tous les sens par des canaux vasculaires nombreux et serrés , ces matières alimen- taires, dis-je, ont donc dü être de l'espèce la plus molle, telles que des bulbes et des tubercules celluleux et amylacés. Des racines semblables ne fournissent actuellement de la nourriture qu'aux quadrupèdes d’une petite taille, et les espèces purement Rhizophages sont tres peu nombreuses. L'histoire des végétaux ne nous révele pas des conditions naturelles à l’aide desquelles des bulbes nutritives ou des tubercules ont pu se développer en telle abondance , se propager d’une manière aussi étendue et se reproduire avec assez de rapidité, pour qu'ils aient pu former les alimens journaliers des Mégathérium, des Mylodons, des Mégalonyx, des Scélidothériums, etc., qui paraissait avoir existé en même temps et en nombre très considérable dans les forêts primitives du continent de l'Amérique. Pour nour- rir au moyen d’alimens semblables nos petits quadrupèdes do- 260 OWEN. — Nouveau Paresseux gigantesque, mestiques pendant une partie de l’année, il faut, dans nos champs labourés, un travail agricultural très parfait. IL n’est pas moins arbitraire d'attribuer une semblable fertilité spon- tanée à la nature pendant cette époque, cet âge d'or de l’his- toire de la terre , que.de supposer que les arbres d’alors eussent été développés dans des proportions suffisamment gigan- tesques pour soutenir des Mégathériums suspendus à leurs bran- ches par une queue préhensile, aussi facilement et aussi sûrement que leurs successeurs nains!, les petits Paresseux , sont portés par les arbres actuellement existans. À juger de la croissance naturelle bien connue de ces bulbes et de ces tubercules, tels que ceux que les dents des Mégathérioïdes pouvaient en écraser, il aurait fallu que beaucoup de terrain füt foulé et dévasté avant que l'animal eût pu s’en procurer assez pour se nourrir pendant une journée; de l’autre côté, d’après la manière de voir exposée dans ce Mémoire, le Mégathérium ou le Mylodon auraient eu des alimens en abondance pendant plusieurs jours, sur les branches d’un seul arbre assez grand pour être difficile à abattre par un tel animal, Je dois remarquer actuellement que les variétés observées dans les dents des Mégathérioïdes, sont le mieux expliquées téléologiquement par l'hypothèse d’après laquelle ces animaux se seraient nourris de feuillages. La grande analogie qui existe entre le squelette du Mégathérium et celui du Mylodon, sous le rapport des modifications en harmonie avec l'irradiation des forces des parties postérieures vers les parties antérieures de l'économie, nous oblige à conclure que tous deux se ressem- blaient par la manière dont ils cherchaient leur nourriture, et néanmoins la différence dans la forme de la surface des dents qui servaient à broyer les alimens, aussi bien que dans le volume et l'insertion de ces organes, indique de la manière la plus évi- dente quelques modifications dans les substances broyées, Si ces substances avaient été des racines, une espèce plus molle et plus succulente a dû être fournie en abondance pour le Mylodon et nne autre plus grossière, mais en plus grande abondance encore, pour le Mégathérium, et ce sont là deux hypothèses en désaccord avec la croissance de telles racines hors l’état de culture, et con- OwEex. — Nouveau Paresseux gigantesque. 251 traires à ce qu’on observe pour les animaux qui s’en nourrissent actuellement à l’état sauvage. D’après la théorie qui snppose que les Mégathérioïdes se nourrissaient de feuilles, il est naturel de croire que le Mylodon et le Mégalonyx, dont les dents se rapprochent le plus des Paresseux, vivaient comme eux de feuilles et de boutons tendres, tandis que le Mégathérium (dont les dents, essentiellement bradypoïdales, étaient plus profondé- ment modifiées par leur arrangement en une série plus serrée, et par le rapprochement plus considérable de ces séries vers la ligne mitoyenne, par la direction transversale des stries de leurs couronnes, et par la plus grande profondeur de la mâchoire inférieure, particularités qui, réunies, donnent à cette denti- tion une analogie évidente avec celle de l'Éléphant, et qui adaptent ces organes au broiement de petites branches d'arbres), auraient mangé en même temps les petites branches, les feuilles et les boutons portés par ces arbres. Il est très vrai que le squelette parfait du Mylodon , conservé dans le musée du College of Surgeons, confirme l’opinion avan- cée par M. Laurillard, d’après le squelette moins complet du Mégathérium de Madrid , que le pied des pattes antérieures du Mégathérium ressemblait à celui du Grand Fourmillier pour ce qui regarde son aptitude à creuser le sol. Mais si on adopte l'hy- pothèse du baron Cuvier, que telle a été la fonction unique des pattes antérieures de cet animal, dans la recherche de sa nour- riture, il devient impossible d'expliquer les proportions anomales et la force prodigieuse des pattes postérieures et de la queue. Le fondateur de la science paléontologique ne déduit aucune considération physiologique du développement immense des os iliaques, de la grande largeur des fémurs, de la solidité extrême de Ja jambe, ni de la longueur de la base horizontale sur la- quelle reposaient toutes ces parties colossales. Il est vrai qu’en supposant que cet animal se nourrissait de racines, on ne peut assigner à ces parties du squelette du Mégathérium des fonc- tions autres que celles de soutenir le corps pendant que l’une ou peut-être les deux pattes antérieures étaient occupées à fouir. Actuellement , si le Mégathérium ou le Mylodon avait été obligé, par la nature de leurs alimens, de se tenir habituellement 252 OWEN. — Nouveau Paresseux gigantesque. sur trois de ses pattes, les parties qui ont dû être soutenues de la sorte devraient avoir été aussi légères que pouvaient le comporter leurs fonctions essentielles. On ne voit pas la raison pour laquelle les parois osseuses des cavités de l'abdomen et du bassin auraient pris un développement plus fort en volume et en poids que celui nécessaire pour protéger les viscères contenues dans ces cavités ; cependant, chez le Mégathérium comme chez le Mylodon, les os qui, tels que le sacrum , les os des îles et les os ischiatiques , concourent le moins à ces fonc- tions, acquièrent des proportions gigantesques , monstrueuses même, comparées à celles de ces os chez les grands quadru- pèdes qui mangent de l’herbe. Et si, pendant que l’animal se procurait sa nourriture, ces os n'avaient servi qu’à soutenir le poids de son corps, ce développement des pattes postérieures et de la queue perdrait son importance zoologique et devien- drait difficile à comprendre. Dés proportions tellement colossales des parties soutenues et de celles qui les soutiennent, ne peuvent être expliquées d’une manière téléologique, si ce n’est par l'hypothèse d'après laquelle cette conformation aurait été une des conditions de la force né- cessaire à ces animaux pour déraciner habituellement des ar- bres dans la recherche des alimens. De semblables efforts, une telle somme de forces musculaires et une telle combinaison de ces forces, ont cessé de se montrer chez les quadrupèdes du monde actuel, et ils paraissent impossibles pour tout animal mammifere organisé sur un autre type que sur celui des Méga- thérioïdes actuellement éteints. La tâche d’éclaircir les forêts américaines, remplies jadis par le Mylodon, est dévolue actuel- lement à la hache du défricheur. Ainsi, en comparant les hypothèses émises sur les mœurs des Mégathérioïdes, considérés comme des animaux fouisseurs, grim- peurs, ou destinés à renverser des arbres pour la recherche de la nourriture, et en les comparant aux Mégathériens vivans, nous avons montré que les modifications les plus caractéristiques de la charpente osseuse de ces animaux fossiles sont laissées inexpli- quées par la première hypothèse, qu'elles sont en opposition directe avec la seconde , et qu’elles ne sont intelligibles que dans owEex. — Nouveau Paresseux gigantesque. 253 la derniére manière de voir, celle qui est proposée dans ce Mémoire, et je puis ajouter encore que c’est la seule théorie relative aux mœurs des Mégathérioïdes, qui ne suppose pas d'avance une condition du règne végétal , différente de celle qui existe de nos jours. L'hypothèse de Cuvier, qui indique d’avance, pour ces ani- maux, une nourriture que l'examen de leurs dents ne confirme pas, et qui condamne cette créature colossale à creuser la terre pour y chercher chaque bouchée qu’elle doit manger, tâche sans fin, et qui n'est dévolue de nos jours qu'aux quadrupèdes d'une très petite taille; cette hypothèse, dis-je, suppose en même temps, pour nourrir les générations de la race des Mé- gathérioïdes, une abondance de racines nutritives à l’état sau- vage, égale à celles qu'on élève actuellement sur les sols les plus fertiles et les mieux cultivés. Le D° Lund, qui avait une idée plus juste de la nature de la nourriture des animaux Mégathérioïdes, confesse que l’hypo- thèse qu'ils sont grimpeurs ne peut être soutenue sans supposer qu'il existät alors des arbres dont la taille dépasserait celle des arbres de nos jours, autant que la taille du Mégathérium dé- passe celle du Paresseux. Maïs l'hypothèse qui assigne aux animaux Mégathérioïdes la tâche herculéenne de déraciner et d’abattre les arbres pour s’en nourrir, est appuyée d’une manière non équivoque par leurs organes dentaires et maxillaires ; elle explique et exige tous les autres Caractères de leur organisation, et ne nécessite pour le règne végétal aucune autre condition différente de celle qui existe aujourd'hui. Celui qui connaît l'énergie et la rapidité de la croissance des arbres dans les régions intertropicales de l’Amé- rique, ou qui réfléchit au nombre immense de troncs d'arbres enlevés tous les ans par les grandes rivières qui baignent ces régions, peut concevoir facilement que les forêts sans limites du monde primitif, dans lesquelles l’homme n'avait pas encore péné- tré, auraient pu nourrir des générations nombreuses de qua- drupèdes énormes, quand même ceux-ci renverseraient les arbres dont les feuilles leur servaient de nourriture. Enfin , quelle que soit la valeur qu’on peut assigner aux con- 254 OWEN. — Vouveau Paresseux gigantesque. ditions connues du règne végétal, et pour moi ces considéra- tions ne sont que secondaires, un examen consciencieux et im- partial des faits anatomiques et des analogies exposés dans la partie précédente de ce Mémoire, m'a amené à conclure : Que tous les caractères qui coexistent dans les squelettes du Mylo- don et du Mégathérium, ont concouru et contribué à la pro- duction des forces nécessaires pour déraciner et pour abattre des arbres, et que, si un seul de ces caractères manquait, l'effet n'aurait pu être produit; enfin que ce mode jusqu’à présent in- connu et très extraordinaire, de se procurer la nourriture, est la condition pour laquelle concourent tous ces caractères, et d'où résulte le déploiement de tant de forces chez un seul animal. Résumé zoologique. La lumière que jette sur la nature des animaux fossiles l’exa- men comparatif du squelette des animaux existans* se réfléchit souvent sur ces derniers, de telle sorte qu’elle éclaire les rap- ports qu’ils ont entre eux, rapports qui, sans cette lumière, seraient restés obscurs ettrès douteux. L'étude actuelle quenous faisons de l’ostéologie des Mégathérioïdes est un bon exemple de l'influence heureuse de la paléontologie sur la solution de semblables problèmes d'histoire naturelle. Les genres Bradypus et Cholæpus ont été regardés par tous les zoologistes comme les groupes les plus anomaux et les plus isolés de la classe des Mammiféres, et, pour prouver cette assertion , il suffit de rappeler que Cuvier, dans son Æègre animal, a rangé les Paresseux dans l’ordre le plus inférieur des animaux AA tandis que son successeur dans l'école de zoologie justement célebre de France (1) a cru devoir les (1) M. de Blainville, Prodrome, d’une nouvelle Zoologie, 1816, cité par l’auteur dans l'Ostéographie magnifique qu’il publie actuellement , ouvrage dans lequel il pose les caractères ostéologiques suivans comme étant communs aux Paresseux et aux Quadrumanes, il dit: « Ce sont des Primates... »:« Par l’état complet de l'avant-bras, la rotondité de la tête du radius, la mobilité du carpe sur l’avant-bras ; par l’état également complet de la jämbe dans ses deux os, la grande mobilité du tarse sur les os de la jambe; par la forme générale du tronc, presque sans queue, large et déprimé plutôt que comprimé à la poitrine; par la largeur du bassin », Ostéographie des Paresseux , in-4, 1840, page 58. owex. — Nouveau Paresseux gigantesque. 255 classer dans l’ordre des Quadrumanes, c’est-à-dire dans l’ordre le plus élevé, opinion qui, du reste, s'accorde avec une pensée déjà ancienne de Linné. Les connaissances que nous possédons actuellement relative- ment aux Quadrupèdes Mégathérioïdes fossiles nous mettent à même de saisir les affinités naturelles des Paresseux d’une ma- nière plus exacte et plus générale qu’on n’avait pu le faire pré- cédemment. Aux classificateurs qui ne connaissent bien que les espèces existantes , les Edentés tardigrades et grimpeurs paraissent comme un groupe trés limité et anormal; mais le paléontologiste les reconnait comme les faibles restes d’une grande tribu de Phyllophages qui ont vécu aux dépens des arbres ;, et on peut se convaincre que les espèces éteintes , dont le volume était le plus considérable, étaient rendues propres à accomplir la tâche herculéenne qui leur était dévolue au moyen d’un développement gigantesque du type de la structure ongui- culée , modifié de façon à fournir la preuve non équivoque que ces animaux sont des Mammifères onguiculés les plus inférieurs et forment le passage des Onguiculés aux Mammifères à sabot. Cette manière de voir générale s'accorde bien avec les af- finités naturelles ‘des Quadrupèdes Mégathérioïdes ; ‘car, en même temps que les modifications de leur structure et le volume de leur corps les rapprochent le plus des grands Herbivores à sabots, ils étaient les Quadrupèdes pourvus de griffes puissantes les plus essentiellement herbivores. Et si nous ayons raison de considérer les différences que les Mégathérioïdes offrent relativement aux Paresseux, ou plutôt les modifications qui leur sont surajoutées , comme étant les conséquences nécessaires d’un même régime chez des Qua- drupèdes trop volumineux pour grimper, et qui ont eu besoin d’autres moyens pour se procurer du feuillage , cette interpré- tation des particularités de leur organisation , en même temps qu’elle confirme les affinités mutuelles entre les grands Ongui- culés fossileset les petits Onguiculés phyllophages actuellement existans, démontre en même temps et d’une maniere sans réplique les affinités naturelles de toute cette grande tribu avec les autres groupes de Mammifères. 256 Owen. — Nouveau Paresseux gigantesque. Il toucherait au ridicule de soutenir qué le Mylodon appar- tient aux Quadrumanes, parce que son thorax est large plutôt que profond , que son museau est large et tronqué, que son bassin est étendu , que la tête du radius est arrondie et propre à la pronation , que les articulations du carpe et du tarse sont libres, que ses longues griffes sont préhensiles , et que son régime a dû étre exclusivement végétal; cependant les Mégathérioïdes ont tout autant le droit d’être associés aux Singes et aux Lémuriens que n’ont les Paresseux. Les seules modifications dans les petits Tardigrades qui peuvent induire en erreur le naturaliste , en le portant à exagérer l'importance des traits que je viens de citer, consistant dans la disparition de caractères des Mégathérioides phyllophages, cironstance qui rend ces animaux inférieurs à ces Mégathérioïdes, sans cependant les rapprocher particulièrement des Quadrumanes:tels sont, par exemple, la disparition des doigts garnis de sabots , le défaut de la mobilité de certaines jointures des mains et des pieds , la diminution du volume du corps, et, chez une des espèces, l’imperfection des clavicules. Il est le plus probable que les Mégathérioïdes , comme les Paresseux, ont donné naissance à un seul fœtus d’un volume tres extraordinaire; mais, dans ce cas, ils ressembleraient à l'Eléphant et à la Baleine autant qu'aux Singes. Si ,comme chez les Paresseux , leur utérus n’offrait pas de cloison, ils ressemble- raient aux Tatous aussi bien qu'aux Quadrumanes. L'existence de mamelles pectorales chez le Dagong aussi bien que chez l’Elé- phant montre trop l'insuffisance de ce caractère, dans la déter- mination des affinités naturelles d’un Mammifere, pour qu’on puisse attacher aucune importance à la présomption qu'on peut avoir que les Mégathérioïdes, comme les Paresseux, res- semblaient aux Primates par la position des organes lactifères. Chez les espèces les plus inférieures des Quadrumanes, chez le Singe midas, par exemple (1), le cervean , quoique lisse et presque aussi dépourvu de convolutions que celui des Oiseaux, est cependant caractérisé par le volume proportionnel considé- (1) Voyez moti Mémoire: Oz the brains, ofthe Marsupial Animals, Phil, Trans. , 1837, PI, 5, fig. 2, p. 93 ( et Annales des Sciences naturelles, 2° série , tomefvutr ), owsn. — Vouveau Paresseux gigantesque. 257 rable des hémisphères cérébraux qui s'étendent considérable- ment sur le cervelet. Chez les Paresseux, le cervelet est à nu dans presque toute sor étendue , et chez les Mégathérioïdes ,il a dû être laissé entièrement à découvert par le cerveau, qui était, pro- portion gardée, aussi petit que celui des Fourmilliers ou des autres Edentés. L'inchnaison en avant de la surface de l’os occipital chez les Mégathérioïdes et chez les Paresseux, disposition qui est com- mune à presque tous les autres Edentés, est un caractère qu’on ne voit chez aucun Quadrumane proprement dit. Chez les Eden- tés, le système dentaire est évidemment réduit à sa condition la plus inférieure qu'on rencontre dans la classe des Mammiféres. Pour la portion de cet ordre qui renferme les Fourmilliers véri- tables et les Pangolins, et à laquelle Brisson a donné le premier, et d'une manière exclusive, le nom d’ÆEdentulata, ce nom est parfaitement approprié, et il aurait été à désirer qu'il n’eût pas été appliqué à tant d’autres espèces tout-à-fait mal-à-propos. L'Orycterope ou Fourmillier du Cap, par exemple, a des dents molaires : quelques Tatous offrent des dents molaires, et de plus deux ou trois autres dents qui, par leur position, penvent être considérées comme des incisives. Le Paresseux a deux doigts, possède des dents qui, par leur forme et par leur volume, méritent le nom de canines; mais quels que soient la position, la forme et le volume de ces dents, chez aucune espèce des Édentés de Cuvier, il n’entre d'émail dans la composition de ces organes. Les modifications de la structure intime des dents, chez les quadrupèdes de cet ordre, modifications qui sont extrêmes et particulières à ces animaux, indiquent encore la diminution de la valeur des caractères fournis par le système dentaire , lesquels, devenus alors variables, semblent jeter des lueurs avant de disparaître complétement. Chez l'Orycterope, on voit reparaître d’une manière étrange une structure microscopique qui caractérise les dents de la Raie et du Squale porte-scie, et qui est très différente de celles qu’on trouve chez les autres Mammiferes. La structure intime des dents des Mégathérioïdes et des Paresseux leur est particulière; aucun Mammifére n’en offre d’analogue, mais cette modifica- XIX. Zooc, —. Mai, 17 7 258 OWEN. — Nouveau Paresseux gigantesque. tion ne s'est représentée dans aucune autre classe de Ver- tébrés. Cette particularité de structure des dents chez les Paresseux et l’accroissement continuel de ces organes sont des caractères qui, sans parler de l'absence complète des incisives et de la diminution du nombre des molaires, nous empêchent de rap- procher ces animaux des Quadrumanes (x); et la valeur de ces “aractères différentiels est encore beaucoup augmentée par le fait qu'ils se répètent dans les dents de tous les grosMégathé- rioides fossiles, lesquels ressemblent évidemment aux Paresseux par les autres parties de leur organisme, et, à raison des mo- difications par lesquelles ils diffèrent de ces Paresseux, se rap- prochent, non des Quadrumanes, mais des Fourmilliers, et, à un moindre degré, de l'Orycterope et des Tatous. C’est ainsi que ces différences, aussi bien que ces analogies, démontrent les affinités essentielles qui existent entre les Paresseux et les Mammifères Édentés. La dégradation du système dentaire dans cet ordre établit une analogie entre ces animaux, et surtout entre les Fourmil- liers véritablement dépourvus de dents et les oiseaux, analogie qui repose sur un caractère des plus tranchés de cette dernière classe ; et parmi les Édentés dépourvus de placenta nous voyons que les mâchoires elles-mêmes prennent, comme dans lOrni- thorhynque, la forme du bec du Canard. On peut dire, relativement aux Paresseux, qu'ils montrent cette affinité on cette tendance vers le type ovipare par l’exis- tence de vertèbres cervicales surnuméraires qui portent de fausses côtes, et par la convolution de la trachée dans l’inté- rieur du thorax chez le Paresseux à trois doigts, par l'existence de vinot-trois paires de côtes chez l'Unau comme chez les Lé- zards, et dans les deux espèces par l'existence d’un cloaque, seule sortie pour les matières excrémentitielles ; par le peu de développement du cerveau, par la grande ténacité de la vie, et par une irritabilité de Ja fibre musculaire qui persiste pendant (4) M. de Blainville admet que le caractere tiré de l'existence d’un système dentaire plus où moins incomplet , les rapproche des Edentés, / c. p.58. oWwEN. — Nouveau Paresseux gigantesque. 259 long-temps (1). Il est donc intéressant de constater, chez mn des Paresseux fossiles, un autre caractère qu'on avait cru jusqu'ici particulier à la classe des Oiseaux, c’est-à-dire la réunion de la dernière vertébre dorsale et de toutes les vertèbres lombaires avec le sacrum pour former un os unique. Toutes ces indications d’un passage vers les classes inférieures sont en barmonie avec la manière de voir de Cuvier relative à la place zoologique que doivent occuper les Paresseux disposés dans un des ordres les plus inférieurs et les plus anomaux des Mammiferes, et toutes s'opposent à l'avancement de ces Paresseux dans le groupe des Primates, en leséloignant des Édentés terrestres, des Fourmilliers, des Pangolins, de l'Échidné et de l'Ornithorhynque, qui offrent des passages plus prononcés encore vers les classes inférieures ovipares. Il serait fastidieux de récapituler de nouveau les affinités dans toutes leurs nuances qui existent entre le Mylodon et ses congénères des diverses familles de l’ordre des Édentés, car ces affinités ont été déjà exposées avec détail en comparant les di- verses parties de leurs squelettes. Ces détails suffisent pour éta- blir, d'une manière générale, que les Paresseux grimpeurs d’au- jourd’hui et les Paresseux terrestres d'autrefois constituent une division primaire ou tribu de l'ordre des Édentés ( Bruta ou Edentata), qui aurait la même importance que la tribu des Cui- rassés , les Loricata (Tatous) ou de celie des Édentés proprement dits, comprenant les Fourmilliers et les Pangolins. Les dents et les mâchoires fournissent le caractère essentiel et déterminent l'aliment de ce groupe primaire nouvellement établi, auquel le nom Phyllophaga, que je propose, indique le régime particulier et caractéristique. Les caractères de la tribu, des familles, des genres qu’elle (x) Cor motum suum validissimé retinebat , postquäm exemplum erat & corpore, per se— mihorium. — Exemplo corde cæterisque visceribus, mullo post se movebat et pedes lentè contrahebat sicut dormituriens solet » (Pison, Hist. Bras. , page 322, cité par Buffon, qui remarque avec raison : « Par ces rapports , ce quadrupède se rapproche non-seulement de la Tortue, dont il a déjà la lenteur, mais encore des autres Reptiles et de tous ceux qui n'ont pas un centre de sentiment unique et bien distinct» {. c. p. 45. L'existence d'un organe . persistant, pour produire des dents , indique chez les Mégathénoïdes une autre propriété commune aux Repüles à sang froid, celle de la longévité. 269 OWEN. — MVouveau Paresseux gigantesque. renferme et des espèces fossiles mentionnées particulièrement dans ce Mémoire sont exposés dans le tableau synoptique ci- joint. CONSPECTUS FAMILIARUM GENERUM ET SPECIERUM Brutorum frondes carpentium. Ordo. BRUTA, Linnæus, Fischer ( Edentata, Cuvier ). Dentes nulli; aut radices, cervicem et adamantum carentes. Ungues , falculæ magnæ, plerümque vaginatæ , deflectentes. Tribus PHYLLOPHAGA. Dentes pauci, è dentino vasculoso, dentino duro et cæmento compositi , dentino vasculoso axem magnum formante. Apophysis descendens in osse jugali. Acromion cum processu caracoïideo concretum. Familia I. TARDIGRADA (syn. Scansoria , Bradypodidæ ). Pedes longi, graciles; antici plüs minüsve longiores: manibus di-vel tri-dactylis, podariis tridactylis ; digitis obvolutis, falcu- latis. R Areus Zygomaticus apertus. Cauda brevissima. Genus]. Brapypus Linn. Ilig. (syn. 4cheus , F. Cuv.). Genus Il. Caocospus Ilig. (syn. Bradypus, F. Cuv.) Familia IL. GRAVIGRADA (syn. Æradicatoria, Megatheriidæ ). Pedes breves, fortissimi, æquales aut subæquales: manibus penta- vel tetradactylis; podariis tetra-vel tridactylis ; digitis externis 1 aut 2, muticis, ad suffultionem gressumque idoneis , reliquis falculatis. OWEN. — AVouveau Paresseux gigantesque. 261 Arcus zygomaticus clausus. Claviculæ perfectæ. Cauda medio- cris, crassa, fulciens. Genus I. Mecazowyx, Jefferson, Cuv. (syn. Megatheriurn, Desm. Fischer ). Dentes — = subelliptici, coronide medià excavati, margini- bus prominulis. Pedes antici longiores. Tibia et fibula discretæ. Calcaneum longum, compressum, altum. Falculæ magnæ, com- pressæ. Species. Megalonyx Jeffersoni, Cuv. (syn. Megatherium Jeffer- soni, Desm., Fischer; Megalonyx laqueatus , Harlan ). (1) GenusIl. MEecareerium,Cuv.(syn. Bradypus,Pander et d’Alton). 5 —5 . : : : x Dentes -—, contigui , tetragoni, coronide transversim sul- catà. Manus tetradactyli; podarii tridactyli, digitis duobus exter- nis muticis. Falculæ magnæ, diversiformes; medii digiti maximæ, compressæ. Femur capite integro; tibia cum fibulà uträque extremitate concreta. Astragalus paginà anticà supra excavatà. Calcaneum longum, crassum. Species. Mes. Cuvieri, Desm. (syu. Bradypus giganteus, Pander . et D’Alton). Genus IT. Myropox, Owen( Megalonyx, Harlan (2), Oryctero- therium , Harlan ). (3) 55 3j: : : : PT ; Dentes =—— discreti, superiorum anticus subellipticus, reliquis modicè remotus; secundus ellipticus; reliqui trigoni (x) Cette espèce est établie d’après des ossemens fossiles, trouvés à Big-Bone-Cave, Tenessee et décrits dans The medical and physical Researches, p. 319-331. L'auteur ne donne pas de caractères spécifiques qui puissent établir que ces ossemens ont appartenu à un animal autre que le Megalonyz Jeffersoni de Cuvier. (2) La mâchoire inférieure a été décrite par le docteur Harlan , Z, c. p. 334-335, et attri- buée à tortau Megalonyx laqueatus. (3) Proceedings of the American Philosophical Society, vol, 1, n. 20, p. 109. 262 OWEN. — Nouveau Paresseux gigantesque. paginà internä sulcatà: inferiorum anticus ellipticus ; penultimus tetragonus; ultimus maximus, bilobatus. Pedes æquales , manus pentadactyli ; podarii tetradactyli; utrisque digitis duobus exter- nis muticis, reliquis falculatis; falculæ magnæ , semiconicæ, inæquales Species 1. Myl. Darwin, Owen. Maxilla inferior symphyse longiore angustiore ; molaris se- cundus subellipticus; ultimus bisulcatus, sulco interno an- gulari. Species 2. Myl. Harlani, Owen (Megalonyx laqueatus, Harlan ; Orycterotherium Missouriense, Marlan ). Maxilla inferior symphyse breviore, latiore ; molaris secundus subquadratus ; ultimus trisulcatus, sulco interno bi-angulari. Species 3. Myl. robustus, Owen. Maxilla inferior symphyse breviore, latiore; molaris secundus subtrigonus ; ultimus trisulcatus , sulco interno rotundato. Genus 4. ScerinorHEerium , Owen (syn. Megalonyx , Lund. ). (4) Dentes —: aut contigui aut intervallis æqualibus discreti ; superiores trigoni; anticus inferiorum trigonus, secundus et tertius subcompressus, paginà externà sulcatà; ultimus maximus, bilobatus. Caput femoris ligamento tereti impressum; tibia et fibula discretæ. Astragalus anticè duabus excavationibus. Calcaneum longum, crassum. Falculæ magnæ, semiconicæ. (x) Je suis indécis de savoir si le mot Platyonyx , proposé plus tard par le docteur Lund , eté réellement employé pour désigner des animaux du genre Scelidotherium , pour la raison que la largeur des os qui portent les griffes n’excède pas la hauteur de ces mêmes os , et elle est bien inférieure à leur longueur, Ce caractère s'accorderait très bien avec les os aplatis qui portent les ongles du Glyptodon et de ses congénères. OWEN. — UVouveau Paresseux gigantesque. 263 Species. Scel. leptocephalum , Owen. Scel. Cuvieri , Owen (syn. Meg. Cuvieri, Lund). Scel. Bucklandi, Owen (syn. Meg. Bucklandi, Lund ). Scel. minutum, Owen (syn. Meg. minutus, Lund). Genus 5. CœLovon, Lund. . > — 4 Dentes =—-. Genus 6. SPHENODON , Lund. Ce genre, aussi bien que le Cælodor , Lund , sont indiqués plutôt qu'établis d'une manière satisfaisante, Les dents du Parésseux , au premier temps de leur développement, sont des cônes creux et obtus, et elles ne prennent la forme cylindrique que quand elles sont usées jusqu’à la partie qui, dans les dents les plus développées, a une certaine épaisseur normale. Cette épaisseur, une fois établie , est maintenue par la suite du développement non interrompu que ces dents nous présentent. Chez le Scelidotherium , les dents molaires comprimées , qui, sans aucun doute, sont soumises à la même loi du développement , ont dû offrir chez le jeune animal la forme de coins creux, et je suppose que les dents figurées par le docteur Lund dans le Mémoire danois , cité plus haut (PL 17,, fig. 3-10), sont de cette nature, et que c'est sur ces caractères qu'il a fondé le genre Spkerodon. EXPLICATION DE LA PLANCHE 10. Fig. 1. Squelette 1u Myconox rosusrus, réduit au sixième de la grandeur naturelle. Fig. 2. Squelette du Branyrus rRipacrxLus , réduit dans la mème proportion , et des— tiné à servir d'objet de eomparaison, CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES sur la paléontologie de l Amérique méridionale , comparée à la paléontologie euronéenne (1), Par M. ALGIDE D'ORBIGNY. A l’instant où les roches de l'époque gneissique se dépo- saient au sein des océans brûlans qui devaient couvrir le globe, lanimalisation ne pouvait pas exister; aussi n’a-t-on jamais (x) Ces considérations sont extraites de la partie paléontologique, encore inédite de mon Voyage dans l'Amérique méridionale. « 264 A. D'OKBiGNy. — Paléontologie de l’{mérique. rencontré, dans ces couches, aucune trace d'animaux. On peut même dire que les premiers dépôts de l’époque silurienne n’en contenaient pas encore, au moins dans les mers américaines. Et en effet, les trois quarts de cette immense puissance des roches phylladiennes représentant au Nouveau Monde le ter- rain silurien, ne renferment pas de restes de corps organisés , les premiers n'ayant paru que vers la fin de cette période. Alors la mer silurienne offrait dans l'hémisphère sud une immense surface où vivaient, comme en Europe , des espèces de Lingu- les, d'Orithis, de Calimènes et d’Asaphes, voisines pour la forme de celles de l'Ancien Monde, et qui leur sont même iden- tiques. La répartition uniforme des espèces de ce terrain, par toutes les latitudes, de la zone torride jusqu'aux régions glacées de la Russie, dénotent sur le globe une chaleur assez forte pour faire disparaître la différence de température qu’apporte au- jourd’hui la latitude. Des causes provenues sans doute de nouvelles dislocations de la croûte terrestre, anéantissent tous les êtres de la faune silurienne, et les couches qui les renferment se couvrent désor- mais de nouveaux dépôts. Aux sables vaseux des terrains silu- riens de l'Amérique, succèdent des sables quartzeux. Une faune distincte naît au sein des mers Dévoniennes, et cette faune, composée de Térebratules, de Spirifères, d'Orthis, présente un facies analogue à celui des animaux des mers européennes de la même époque géologique; mais cette animalisation s’é- teint à son tour, et la faune Dévonienne s’efface de la surface du globe, après avoir duré un temps considérable, à en juger au moins par les proportions des couches. Au terrain Dévonien succède en Amérique, comme en Eu- rope, la grande série des couches carboniferes. Alors paraît une faune marine très variée, où parmi les genres Solarium, Na- tica, Peclen, Trigoniu, Terebratula , Orthis et Spirifer, se montrent les Productus, plus nombreux, plus spéciaux à ce terrain que les autres. Comparées à celles d'Europe, ces espèces américaines offrent non-seulement la plus grande analogie, mais encore des espèces identiques qui indiquent la contempo- ranéité complete d'existence. Dés-lors, à Fépoque du terrain A. D'ORBIGNY. — Paléontologie de l'Amérique. 265 carbonifere, pas plus qu’au terrain silurien, il n’y avait de dif- férence de température due à la latitude, puisque les mêmes êtres vivaient simultanément sous la zone torride et dans les régions froides. La chaleur centrale était immense, et conti- nuait à neutraliser toute influence extérieure. Après une longue durée de cette riche faune et de cette flore plus riche encore des terrains carboniferes , où les palmiers, les fougères, ornent les continens , tandis que les innombrables produits de la faune maritime peuplent le sein des mers, la nature une autre fois détruit son œuvre. Les animaux et les vé- gétaux sont ensevelis sous les couches terrestres par la sur- élévation du système chiquitéen, et la période triasique existe. Si en Amérique, ainsi qu'en Europe, les couches qui se dé- posent doivent former, sur l’un et l’autre continent, des argiles et des grès bigarrés identiques, il est au moins curieux de ne rencontrer au Nouveau Monde que des couches dénuées des êtres si nombreux sur l'Ancien. Il faudrait supposer que , pen- dant cette période, les mers triasiques de l'Amérique se se- raient trouvées en des conditions moins favorables, peut-être, au fond d’un bassin maritime où ies animaux ne pouvaient pas exister. En Europe, à la suite des terrains triasiques, commence une très longue période, celle des terrains jurassiques, où six étages au moins, souvent d’une grande puissance, se sont suc- cédés en offrant des faunes distinctes (le Lias, l'Oolite infé- rieure, la grande Oolite, les couches Oxfordiennes, Kimmé- ridiennes et Portlandiennes). En Amérique, on cherche en vain ces terrains étendus; à peine en trouve-t-on des traces incertaines sur un petit point isolé. Ne pourrait-on pas se de- mander naturellement quelle cause a pu empêcher le terrain jurassique de s’y développer? Cette question effraie au pre- mier abord; mais si lon suppose, par exemple, que durant cette longue période, les terrains triasiques formant peut-être le prolongement du système Bolivien, et devant plus tard sup- porter les terrains crétacés, étaient émergés et constituaient les continens, on s’expliquera la cause à laquelle on peut attribuer le manque de terrains jurassiques au Nouveau Monde. il parai- 266 a. D'orgiGNy. — Paléontologie de l'Amérique. trait probable que, durant la formation jurassique , l'Amérique méridionale représentait un continent bien plus vaste qu’au- jourd’hui ; néanmoins , pour l'explication des faits existans, il est de plus indispensable de supposer qu’à la fin des terrains ju- rassiques , il s’est manifesté en Amérique des dislocations nom- breuses dues à l’affaissement et à l’immersion de ces mêmes terrains triasiques, puisqu'ils reçoivent ensuite les couches les plus inférieures de l’époque suivante. Les terrains crétacés se montrent sur le globe. La nature, ‘après l’anéantissement de la faune antérieure , le repeuple d’ani- maux, et l’animalisation reparait sur la terre. Tandis qu’en Europe, les nombreuses Ammonites et les autres Mollusques peuplaient les mers anciennes des bassins Parisien et Méditer- ranéen de l'étage Néocomien , ces mêmes mers s’étendaient jus- qu’au littoral septentrional et occidental de l'Amérique, de la Colombie au détroit de Magellan’, en y offrant des espèces voi- sines de forme, et même des espèces identiques. En effet, non- seulement les terrains Néocomiens de Colombie montrent cin- quante pour cent d'espèces voisines de forme avec celles du bassin Parisien de cet étage, mais encore vingt pour cent d’es- pèces identiques se trouvent simultanément en Europe et en Amérique. Le terrain Néocomien du détroit de Magellan paraît au contraire offrir des analogies avec le bassin Méditerranéen. Quoi qu'il en soit, les mers Néocomiennes avec des animaux Mollusques voisins ou identiques, s'étendent en même temps, dans l'hémisphère Sud, jusqu'au 54° degré, et dans l’hémi- sphère Nord du 4° au 48° degré de latitude (plus de 2,500 lieues ) sur une largeur de 75 degrés ( plus de 1800 lieues). Les lois qui président à la distribution géographique actuelle des êtres à la surface de notre planète, dépendent toujours d’une uniformité complète de conditions d'existence et de tempéra- ture. On doit en conclure, par comparaison, que ia présence simultanée des mêmes espèces au sein des mers néocomiennes de Colombie, du détroit de Magellan et de la France, dénotent pour cette époque, une unité de température sur ces différens points, qui n'existe plus aujourd’hui, puisque la Colombie est sous la zone torride, que la France est relativement un pays À. D'ORBIGNY. — Paléontologie de l'Amérique. 267 tempéré, et que le détroit de Magellan est très froid. J'ai déjà sigualé, pour les terrains Siluriens et Dévoniens, l'action de la chaleur terrestre centrale, concevable dans ces premiers temps de l’animalisation du monde. Je l’ai signalée plus tard dans les terrains carboniféres. L'étude que j'ai faite des terrains juras- siques d'Europe m'a également prouvé, par la présence des couches Oxfordiennes identiques en France et au nord des monts Ourals (1), que le froid polaire n'existait pas encore vers la moitié de la période jurassique. Maintenant je crois pouvoir arriver aux mêmes conclusions pour les terrans crétacés infé- rieurs. Il paraît donc certain qu’à l'étage Néocomien , non-seu- lement la chaleur terrestre était assez forte pour annuler lin- fluence de la latitude au sein des parties tempérées, mais en- core pour anéantir complétement l’action glacée des pôles. Les terrains Néocomiens sont remplacés en Europe par le Gault. Cet étage si morcelé de la formation crétacée (2) paraît manquer en Amérique. Il n’en est pas ainsi des craies chloritées, qui offrent un lambeau sur la cordillière Chilienne. Mais alors, comme j'ai pu m'en assurer par des comparaisons, les faunes, loin de couvrir d'immenses surfaces du globe, paraissent se restreindre. Elles se divisent en se morcelant de plus en plus jusqu’à la fin des terrains crétacés, marquée en Amérique par le premier relief du système Chilien des cordillières (3), et par le dépôt Guaranien (4) qui en est le résultat immédiat. La nature, en effet, cessant quelque temps d’être en repos, le retrait des matières amène encore de vastes affaissemens dans l’ouest, et une ligne de dislocation longue de cinquante de- grés fait surgir la cordillière orientale, en amenant, par suite du balancement des eaux sur les continens alors émergés, et dans le fond des bassins maritimes de l'Amérique, des couches ferrugineuses qui ne contiennent aucune trace de corps organi- (1) Chargé par MM, Murchison et de Verneuil, de l'examen et de la publication des richesses’ paléontologiques qu'ils ont rapportées de leurs explorations des terrains jurassiques de Russie , la comparaison m'a conduit à ce résultat curieux. (2) Voyez Paléontologie française ; terrains crétacés, tom. 1, p. 450 et 630. (3) Géologie du Foyage dans l'Amérique méridionale, page 272. à (4) Ibid.) page 245. 268 a. D'oRBIGNY. — Paléontologie de l Amérique. sés. C’est le commencement de la période tertiaire, époque à laquelle les Mammifères étaient inconnus. Le calme renaît en- suite : le Nouveau Monde présente des bassins maritimes et des continens circonscrits. Alors apparaissent pour la première fois, au milieu d’une végétation active , de nombreux Mammifères , et la mer se peuple d'animaux marins, bien plus diversifiés dans leurs formes, mais plus restreints dans leurs faunes. Les mêmes espèces ne se retrouvent plus d’un côté à l’autre du monde ; la température uniforme due à la chaleur centrale ayant beaucoup perdu de son intensité, les êtres sont plus cir- conscrits, et composent, sous la même latitude , et à très peu de distance les unes des autres, des faunes locales souvent dis- tinctes. C'est au moins ce que montrent les mers tertiaires de l'Amérique méridionale, limitées par une simple chaîne, celle des Cordillières, qui limite la faune du grand Océan de la faune de l'Océan Atlantique. Tandis que, de chaque côté de la Cordil- lière, se succèdent un grand nombre d'êtres marins comprenant des Bulles, des Natices, des Fuseaux, des Rostellaires, des Olives, des Vénus, des Cardium , des Arches, des Trigonies et des Pernes; des bois de Conifères , des ossemens de Mégamys et de Toxodon , sont transportés du continent voisin dans les deux mers. À en juger par la puissance des dépôts, les choses, en Amé- rique , durent ainsi très long-temps , tandis qu'en Europe, des couches tertiaires également très épaisses se déposaient dans le bassin Parisien, en y enveloppant un grand nombre d’êtres for- mant une faune distincte , quoiqu’elle soit, comme celle d’Amé- rique, composée d'espèces propres aux régions chaudes. Si les mers restent des siècles sans changer beaucoup de formes, les continens voisins ne sont pas moins favorisés. Avec des végé- taux proportionnés sans doute aux Mammifères qui doivent s’en nourrir, existent au Nouveau Monde, pendant cette période, des Mastodontes , des Mégathérium , des Mégalonyx, des Toxo- dons, et une multitude d'êtres terrestres différens des faunes antérieures et de la faune actuelle. On observe le même fait en Europe: les Mastodontes, les Tapirs, les Éléphans, les Rhinocé- ros , et tous ces grands animaux, inconnus aujourd'hui, habi- A. D'ORBIGNY. — Paléontologie de l'Amérique. 269 taient alors nos régions tempérées et froides. Le monde entier, quoiqu'il ne nourrisse plus des formes animales identiques, n’en offrait pas moins, et partout, des conditions égales pour l’ani- malisation et une répartition uniforme d'êtres voisins par leurs grandes dimensions et par leurs nécessités d'existence. Au milieu du calme apparent de cette animalisation active des continens et des mers, une nouvelle catastrophe a lieu. Un nouveau mouvement considérable se manifeste dans le système chilien. Les Cordillières prennent un grand relief en exhaussant et émergeant, à l'instant où les roches trachytiques se font jour, le fond des mers tertiaires des Pampas et le littoral occi- dental. Non-seulement alors la faune marine paraît avoir été anéantie , mais encore l'impulsion donnée aux eaux de la mer envahit les continens, y entraîne tous les animaux, en déposant les particules terrestres à toutes les hauteurs, dans les bassins terrestres, et surtout dans cette immense dépression des Pam- pas qui va devenir le grand ossuaire de cette faune terrestre. Alors aussi, les os ou les Mammiferes entiers, lorsqu'ils n'é- taient pas entrainés , étaient jetés dans les fentes des rochers ou dans les cavernes du Brésil. Si l’on cherche ce qui s’est passé en Europe à la même époque, on ÿ pourra peut-être rattacher l’a- néantissement des Éléphans, des Tapirs, des Rhinocéros , des Mastodontes et des autres animaux terrestres de races éteintes , qui se trouvent dans le limon de la Bresse, analogue à celui des Pampas, sous les conglomérats trachytiques de l'Auvergne, et ceux que des causes postérieures ont remaniés à la surface du sol européen. S'il en est ainsi, des faunes composées de grands animaux de races éteintes auraient habité simultanément l'Ancien et le Nouveau Monde; et leur destruction sur les deux continens tiendrait à la même cause , à l’action de l’un des re- liefs des Cordillières. Après cette catastrophe, le globe est peut-être resté inanimé long-temps avant que la puissance créatrice le couvrit de nou- veau des végétaux et des animaux qui le peuplent aujour- d'hui, en complétant son œuvre par l'être le plus parfait, l'Homme , qu’elle appelle à dominer la nature entière. Au moins paraît-il certain que s’il s’est manifesté depuis des mouvemens 250 A. D'ORBIGNY. — Paléontologie de l'Amérique. partiels à la surface de la terre, aucun n’a été assez puissant pour anéantir la faune actuelle. Les traditions d’un déluge qui se conservent chez tous les peuples du monde, depuis l'Euro- péen le plus civilisé jusqu’à l'Américain encore demi-sauvage dans les forêts ou sur les plateaux des Cordillières, ne seraient- elles pas ce dernier souvenir de causes générales, la naissance des volcans qui auraient amené les derniers changemens appor- tés à la surface du monde terrestre? En Amérique au moins, ces changemens sont très marqués, et l’on doit leur attribuer la surélévation, au-dessus des niveaux actuels des mers, des co- quilles fossiles des côtes orientales et occidentales de l'Amérique méridionale, et surtout des coquilles des Pampas, qui ne con- tiennent que des espèces actuellement vivantes dans les mers voi- sines. C’est à ce mouvement qu’on peut encoreattribuer cesémer- gemens modernes d’inégale valeur, dont les traces évidentes se montrent partout sur les terrains diluviens du Nouveau Monde. Dans l'Ancien, elles se manifestent encore sur une infinité de points ; les buttes d'Huîtres de Saint-Michel-en l'Herm en sont une preuve, de mème que ces changemens de niveaux des couches modernes des terrains quaternaires du nord de l’Eu- rope : ainsi, en Amérique et en Europe, on rencontre pour les derniers effets comme pour les premiers, une grande coïnci- dence de causes et de résultats. CONCLUSIONS. De la comparaison des faits paléontologiques observés au Nouveau Monde et sur le sol Européen, on peut déduire des conclusions d’une immense importance pour la solution des hautes questions générales de la géologie et de l’histoire chro- nologique de l’animalisation à la surface du globe. Ces conclu- sions, les voici : Les êtres pris dans leur ensemble ont, suivant l’ordre chronologique des faunes propres aux formations, marché, en Amérique comme en Europe, du simple au composé. Beaucoup des genres ( les Trilobites , les Orthoceres, les Productus ) ont, il'est vrai, disparu complétement avec les terrains les plus an- A. D'ORBIGNY. — Paléontologie de l'Amérique. 271 ciens ; d’autres, venus plus tard (les Ammonites, Bélemnites, Turrilites, etc., etc. }, se sont également éteints avec la fin des couches crétacées ; mais les genres, de plus en plus multipliés, à mesure qu'on s'éloigne des premiers âges du monde, ont été remplacés, durant la période tertiaire, par des Mammifères plus parfaits dans leur organisation , et par des formes animales ma- rines et terrestres jusqu'alors inconnues, dont beaucoup sont représentées au sein de la faune actuelle. 2° Aucune transition ne se montrant dans les formes spéci- fiques, les êtres paraissent se succéder à la surface du globe, non par passage, mais par extinction des races existantes, et par le renouvellement des espèces à chaque époque géologique. 3° Les animaux sont répartis par zones, suivant les époques géologiques. Chacune de ces époques représente, en effet, à la surface du globe, une faune distincte, mais identique dans sa composition ; ainsi les formations siluriennes, dévoniennes, car- bonifères, triasiques , crétacées, tertiaires et diluviennes, sont, en Amérique, les mêmes qu’en Europe, et y conservent, avec le même facies paléontologique, les mêmes formes génériques. 4° Non-seulement il y a même facies dans les faunes perdues de l'Ancien et du Nouveau Monde, mais encore quelques espèces identiques communes prouvent leur complète contemporanéité. 5° Cette contemporanéité d'existence qu'on remarque à d’im- menses distances au premier temps de l’animalisation et jusqu’à l'époque où se déposaient les terrains crétacés inférieurs, semble dépendre d’une température uniforme, et du peu de profondeur des mers qui permettaient aux êtres non-seulement d'y éprou- ver partout l'influence de la lumière extérieure, condition in- dispensable à leur existence, mais encore de se propager et se répandre sans obstacle d’un lieu à l’antre, ce qui ne pour- rait plus avoir lieu dès que, par l'influence de l'inégalité de la température, le refroidissement de la terre d’un côté, les systèmes terrestres de soulèvement de l’autre, ainsi que les grandes profondeurs des océans, apportaient autant de bar- rières infranchissables à la zoologie côtière et sédentaire. On doit donc croire que l'uniformité de répartition des premiers êtres sur le globe tient autant à l'égalité de température détermi- 272 A. D'ORBIGNY. — Paléontologie de l'Amérique. née par la chaleur centrale qu'au peu de profondeur des mers ; tandis que le morcellement des faunes, par bassins de plus en plus restreints, en approchant de l’époque actuelle, provient du refroidissement de la terre, des barrières terrestres et ma- rines qui ont mis obstacle à l’extension des faunes riveraines. 6° Si les faunes ont les mêmes points de séparation sur les deux continens, si elles s'arrêtent aux mêmes limites tranchées dans leur composition paléontologique, on devra naturellement en conclure que les divisions des formations ne dépendent pas de causes partielles, mais qu’elles proviennent de causes géné- rales dont l'influence se serait fait sentir sur le globe entier. 7° Après l'examen des grands faits géologiques du Nouveau Monde, ces causes générales m'ont paru faciles à saisir. Encore visibles dans les derniers reliefs des Cordillières et dans la dis- tribution des faunes qui en a été le résultat, on doit en déduire par analogie que l'anéantissement partiel ou total des faunes propres à chaque étage ou à chaque formation provient. tou- jours de la valeur des dislocations apportées à la surface du globe, par le retrait des matières dû au refroidissement des parties centrales et aux perturbations que ces mêmes disloca- tions ont produites. Un système de 5o degrés de longueur, comme celui des Andes, par exemple, dont nous ne pouvons juger que le relief, sans être à portée d'en calculer l'étendue correspondante de son affaissement au sein du grand Océan, aura déterminé un tel mouvement dans les eaux par suite du dépla- cement des matières, que l'effet en aura dû être universel, tant sur les continens qu’au sein des mers. Les premiers ont été ra- vagés par l’enlèvement des êtres terrestres, les seconds par le transport des molécules terreuses qui ont étouffé non-seulement les animaux libres des océans en remplissant leurs branchies, mais encore les animaux côtiers et sédentaires par le dépôt dont elles les ont recouverts; ainsi s'explique à-la-fois la séparation des êtres par étages et leur extinction à chaque grande forma- tion géologique. 8 M. Elie de Beaumont à conçu la haute pensée que la fin de chaque période géologique était toujours produite par les reliefs des différens systèmes qui sillonnent le globe. On voit dès- A. D'ORBIGNY. — Paléontologie de l'Amérique. 273 lors que les résultats paléontologiques généraux observés av Nouveau et sur l’Ancien Monde viennent complétement corro- borer cette opinion; mais il y a plus, les résultats de ces dislo- cations étant aussi généraux sur le globe et s'étant manifestés à des distances immenses, on y doit rechercher les systèmes anciens ou modernes, causes de l’anéantissement des nom- breuses faunes qui se sont succédées à la surface de notre pla- nète. Lorsque sur des points voisins du lieu où se manifestent aujourd’hui ces faunes distinctes, on n’en trouvera pas l’expli- cation par les systèmes, il faudra la chercher au loin, sur des points encore inconnus à la science, ou supposer que si les systèmes terrestres en sont réellement la cause, il en est beau- coup qui ont pu être détruits par de nouveaux affaissemens. D'ailleurs les systèmes ne sont que la partie visible des dislo- cations du globe, tandis que la partie affaissée, peut-être plus considérable étant le plus souvent recouverte , nous est et nous sera toujours inconnue. En résumé, la séparation par faunes distinctes des étages et des formations n’est que la con- séquence visible des reliefs et des affaissemens de diverses va- leurs de la croûte terrestre dans toutes ses parties. 9° J'ai fait remarquer, par la répartition uniforme des mêmes êtres, que jusqu'au commencement des terrains crétacés, la chaleur propre à la terre a détruit toute influence de latitude et de froid polaire. S'il n'existait pas alors d'influence atmo- sphérique sur la distribution des êtres à la surface du globe, toutes les faunes doivent nécessairement leur circonscription par formation aux grandes dislocations du globe. Ce ne serait que postérieurement aux terrains crétacés que les influences de latitudé auraient compliqué le morcellement par bassins, multiplié les faunes locales, et détruit cette uniformité de ré- partition qu’on remarque dans les formations anciennes. XIX. Zoor, — Mai 18 274 QUATREFAGES. — Sur l’Eolidine. Mémoire sur l’ÉOLIDINE PARADOXALE Eolidina paradoxum Nob.), P Par A. DE QUATREFAGES. PREMIÈRE PARTIE. DESCRIPTION ET HISTOIRE NATURELLE. Le Mollusque qui fait le sujet de ce Mémoire est un Gastéro- pode de l’ordre des Nudibranches de Cuvier, et de l'ordre des Polybranches de M. de Blainville. Ainsi que l'indique le nom que je propose de lui donner, il est voisin des Eolides, mais il s'en distingue néanmoins par des caractères extérieurs faciles à apprécier. Cet animal ne présente que quatre tentacules (1) à la partie supérieure du corps, et manque de ces appendices infé- rieurs qui, dans les Eolides, naissent des deux côtés de la bouche. Les tentacules antérieurs sont plus longs et plus gros que les postérieurs : ils semblent continuer les parois latérales de la tête, surtout quand l’animal est en marche. Les postérieurs, plus pe- tits, naissent un peu plus sur la ligne médiane. Les uns et les autres sont exsertiles et rétractiles. À la base, et en arrière des tentacules postérieurs, ). Quand une membrane se trouvait tournée de côté, comme dans la position que j'ai figurée, on voyait alors cette masse finement granuleuse s'étendre jusqu’à l'endroit où le véritable sac commence, et dans ce cas, le pé- doncule était très court. Les objets que je viens de décrire étaient si gros, qu'on pou- vait les distinguer à l'œil nu : la longueur du cœcum séminal en entier, dans ceux représentés en a et en b pris chez un même individu , était de 0,169 à 0,182 de ligne ; sur ceux représentés en d, cette longueur était de 0,22 à 0,23 de ligne ; la plus grande largeur du cœcum proprement dit était de 0,023 à 0,0277 de ligne sur ceux représentés en « et D, et de 0,0311 a 0,038 de 22. 34o Kozurer. — Sur le liquide séminal des Crustacés. ligne sur ceux représentés en c; le diamètre de la base par la- quelle ils étaient posés était de 0,0322 à 0,03/1 de ligne. Voilà pour la forme de ces objets remarquables qui, par leur élégance et leur variété , m'ont présenté sous le microscope les images les plus agréables et que je ne puis rendre qu'impar- faitement. La matière contenue dans ces cœcums était de nature différente. Chez tous les individus observés , à l'exception d’un seul, jy trouvai des cellules rayonnées (fig. 1 e), formées d’une cellule simple, arrondie (fig. 1 e, 1), de o,0015 à 0,0026 d’une ligne de diamètre, et d'où partent deux à cinq rayons fins, souvent ramifiés , dont la longueur variait entre 0,0023 et 0,00b1 de ligne. Il me paraît digne de remarque que les rayons possèdent, à n’en pas douter, quelque mobilité ; car, quand ies cellules rayonnées sont dans un état de repos parfait, ils sont disposés en tous sens; mais, quand on les retire du liquide, tous les rayons sont couchés sur un côté et assez prés les uns des autres ; cependant les petites cellules nagent toujours les rayons dirigés en avant. J'ai figuré quelques-unes de ces cellules rayonnées, telles qu'on les voit dans un liquide en mouvement. À côté d'elles, on voit aussi des cellules pâles, à noyau foncé, de 0,0045 à 0,0047 de ligne en diametre. Chez un individu , je n’ai point trouvé dans les cœcums des cellules rayonnées, mais seulement des globules granuleux (fig. 1) de 0,0052 à 0,0056 de ligne ou diamètre, et plusieurs corpus- cules allongés et isolés, dont la longueur était 6,0024 à 0,0026 de ligne, et enfin des cellules très pâles de 0,004 de ligne en diamètre , et renfermant des noyaux excentriques foncés (Gg:rf). Les sacs séminaux avec leurs membranes agglomérés en masses épaisses remplissaient le conduit déférent et la partie inférieure du testicule. Dans la partie supérieurede cet organe se trouvaient de grosses cellules arrondies à noyau celluleux de 0,008 à 0,009 de ligne en diamètre, et qui eux-mêmes étaient remplis de petites granules ; on y voyait enfin de petites cellules, dont le noyau avait de 0,0045 à 0,0047 de ligne en diamètre. Je n’ai pu rien observer touchant le développement de ces singuliers sacs séminaux ou de leur membrane, et je dois laisser KÔLLIKER. — Sur le liquide séminal des Crustacés. 341 aux observateurs futurs la tâche de démontrer comment de simples cellules déterminent la formation de ces sacs allongés à double paroi et à membrane délicate. Quant au développement des cellules rayonnées , il est à présumer qu’elles ont des rap- ports avec les cellules päles à noyau foncé; mais je n'ai aucun fait positif pour appuyer cette maniere de voir. Chez la Galathea strigosa Fab. ( Cancer strigosus Lin. ), la matière contenue dans les glandes sexuelles mâles est aussi très remarquable On y trouve encore des sacs séminaux ; mais ils différent de ceux du Pagure, non-seulement par leur forme, mais encore par leurs rapports mutuels. En effet, ces sacs sont rassemblés les uns aupres des autres sur des filamens dé- liés de 0,0005 à 0,001 de ligne en diamètre, qui s'étendent d’une maniere simple et droite, ou se ramifient en arbuscules (fig. 2,a,b,c 1). Les branches en sont ordinairement courtes et garnies seulement de deux à quatre sacs. La ramification la plus multipliée que j'aie vue chez le seul individu mäle que j'aie pu trouver à Helgoland est représentée dans la figure 2 a; mais ordinairement les sacs sont attachés aux filamens d’une manière analogue à ce qu'on voit à la figure 2 D. Je n'ai pu décider si ces filamens sont implantés par une de leurs extrémités sur les parois du canal testiculaire, ou s'ils sont, comme la mem- brane basilaire chez le Pagure, entièrement libres. Les sacs sémi- naux (fig. 2, «, b, c 2 ) sont fixés sur les filamens par un pédon- cule trés court et assez large; ils s’élargissent bientôt,et, à partir de leur base, acquièrent rapidement leur plus grand diamètre , puis diminuent peu-à-peu de largeur et se terminent souvent en une pointe obtuse un peu tronquée , ressemblant assez à un sac séminal épais de Pagure, tel qu'on en voit à la figure 1, c. Ils m'ont paru formés , comme chez ce dernier animal, de deux membranes: une externe, qui revêt tout le sac et son pédon- cule, et une interne juxtaposée à la première ,et renfermant dans son intérieur les matières séminales ; cependant ce point n'a pas été résolu avec toute la certitude désirable. La longueur des sacs est de 0,0284 à 0,0291 deligne,et leur plus grande lar- geur de 0,0018 à 0,0126 de ligne. Ces sacs sont donc considé- rablement plus petits que ceux du Pagure. J'ai fait quelques 342 KOLLIKER. — Sur le liquide séminal des Crustacés. observations relatives aux divers états de développement de ces corps. Le testicule de la Gaïathée forme un canal simple considérablement convoluté, qui se trouve sur le côté de l'ani- mal et près du cœur. On voit à la partie inférieure de ce testi- cule les filamens avec leurs sacs en grand désordre. Dans la partie supérieure , au contraire, où le canal devient plus ténu, on n’apercoit que des filamens isolés, disposés parallèlement aux parois des canaux testiculaires, et de ces filamens s'élèvent, de distance en distance, les sacs qui sont dirigés vers l'axe du conduit. Les parois du canal, très minces à la partie infé- rieure du testicule, sont ici assez épaisses, et paraissent être formées intérieurement d’une matière muqueuse. Là les sacs séminaux sont beaucoup plus courts et plus petits qu'à la partie supérieure du canal,et, si on examine l'extrémité ter- minale du testicule, on trouve ces mêmes sacs encore plus courts , plus pâles et en même teinps plus épais : ils ressemblent alors à des cellules arrondies, mais allongées un peu vers une de leurs extrémités, et enfin ils disparaissent complétement dans la masse à moitié liquide qui, dans cet endroit, parait remplir tout le canal. A mesure que les sacs deviennent mécon- naissables, les filamens sur lesquels ils sont implantés deviennent plus pâles , plus grêles, et enfin on ne peut plus les distinguer. La matière contenue dans les sacs dont le développement est peu avancé paraît être obscurément granuleuse. Dans ceux qui sont développés , elle est formée de corpuscules allongés, obs- curs ; cependant, si on rompt un sac sous le compressorium , on voit qu'ici également cette matière est composée de cel- lules rayonnées d’une forme particulière (fig. 2, d). Ces cel- lules ressemblent le plus à celles du Homard. Leur corps (fig. 2, d,1)est cylindrique, se rétrécissant cependant vers le haut, où il se termine par une extrémité obtuse: Sa lon- gueur varie entre 06,003 et 0,0041 de ligne , et sa largeur entre 0,0005 et 0,001. 11 porte à ses extrémités de deux à trois rayons qui se prolongént en pointe (fig. 2 d, 3 )et qui mesurent ap- proximativement 0,006 à 0,008 de ligne. Entre les rayons, fait saillie un appendice ou un prolongement du corps sous la forme d'un corpuscule à-peu-près triangulaire (fig. 2 d, 2); dontles KÔLLIRER. — Sur le lignide seminal des Crustacés. 343 côtés ont de 0,0016 à 0,601 de ligne en longueur, Ces cellules rayonnées composent à elles seules toute la masse renfermée dans les sacs séminaux , et elles se ressemblent les unes aux autres d'une manière parfaite, de sorte que leur développement m'est entièrement inconnu. Passant actuellement à la section des Crabes, que j'aborde- rai par le Stenorhyncus phalangium Lam. Le seul individu mâle que je me suis procuré à Helgoland n’a été observé que quatorze jours après qu'il avait été plongé dans l’esprit-de-vin ; cependant le contenu du testicule et de son conduit excréteur était parfaitement conservé. Tous les deux étaient compléte- ment remplis de cellules volumineuses ( fig. 6, a) qui avaient de 0,048 à 0,06 de ligne en diametre, et dans lesquelles étaient contenues une foule de granules obscurs. Ces granules étaient tellement serrés les uns contre les autres, que leur forme ne pouvait être déterminée avec certitude tant qu'ils étaient ren- fermés dans l’intérieur des cellules ; mais, apres l'addition d’un peu de vinaigre, on pouvait déchirer les grosses cellules et ob- server un à un ces corpuscules à mesure qu'ils en sortaient, et alors on les reconnaissait pour être de véritables cellules rayon- nées. Vues en dessus, elles se montraïent sous la forme de cellules hexagonales (fig. 6, c) à contours forcés, et de 0,0026 à °,0031 de ligne en diamètre, et contenant dans leur intérieur un anneau pâle de 0,001 de ligne de diamètre , qui aussi, parfois, mais à un moindre degré, paraissait être hexagonal. Des six angles de la cellule sortaient un nombre égal de rayons fins, dont les extrémités étaient tellement ténues, que je ne pouvais en distinguer la terminaison. Il n’y avait qu’un petit nombre de cellules garnies de ces rayons, probablement parce que cet individu n'était pas à l’état frais. Les cellules rayornnées avaient un tout autre aspect quand on les regardait de côté (6g. 6,6). On remarquait alors que la cellule hexagonale était comprimée de haut en bas et avait une forme elliptique ; son épaisseur variait entre 0,0007 et 0.,0008 de ligne. On voyait sur son contour obsenr et arrêté un appendice elliptique tout-à-fait pâle et indéterminé, analogue aux appendices décrits plus hant, mais plus court et plus étroit, Quand on regardait une cellule 344 Kôcuker — Sur le liquide séminal des Crustacés. rayonnée un peu obliquement, on voyait que le corpuscule pâle était fixé sur la cellule hexagonale obscure par un pédoncnle court, et que c'était bien ce pédoncule qui, vu en dessus, pa- raissait être un anneau pâle. Je n’ai pu distinguer de rayons sur aucune cellule couchée sur le côté. On ne pouvait apercevoir aucun autre objet que ceux décrits plus haut, soit dans les cel- lules, soit dans les testicules. L'Hyas aranea (Leach) contient également de grosses cellules dans ses glandes sexuelles mâles. Elles ont de 0,0286 à 0,0546 de ligne en diamètre, et sont distendues par des cellules rayon- nées. Ces dernières, vues en-dessus ( fig. 5, b) paraissent sous la forme de cellules arrondies, à contours foncés et contenant dans leur intérieur des corpuscuies annulaires pâles; elles sont garnies de trois à cinq rayons qui semblent partir de leur bord, et leur diamètre varie entre 0,002 et 0,0034 de ligne. Vues de côté, elles paraissent quadrangulaires à angles arrondis ( fig. 5, c), et on remarque alors que les rayons partent des angles inférieurs. Dans quelques-unes d’entre elles, on voit sur la cel- lule voluminense un corpuscule arrondi et pâle qui, vu en des- sus, a l’aspect d’un anneau. Je ne puis dire si sur les cel- lules rayonnées où l’appendice n’était pas visible, lanneau manque également, car je n’ai jamais vu les mêmes cellules en dessus et de côté. J'ai aperçu à plusieurs reprises , dans l’'inté- rieur de grosses cellules, d’autres cellules arrondies de 0,002 à 0,003 de ligne en diamètre, qui portent, fixé sur un de leurs côtés, un granule arrondi: peut-être sont-ce les rudimens des cellules rayonnées. Dans la matière épaisse, semblable à de la crème, qui est cou- tenue dans le testicule du Carcinus mœnas, on trouve également des cellules renfermant des noyaux et des corpuscules nucléolai- res et une matière finement granuleuse (fig. 4, e), ainsi que des cellules volumineuses et granulées, de 0,0143 à 0,0631 deligne en diamètre, généralement plus longues que larges (lig. 4, a). Les cellules rayonnées qu'elles renferment sont les plus simples que J'ai vues jusqu'à présent. Vues en dessus (fig. 4, d), elles sont allongées et arrondies, mesurent 0,001 de ligne en diamètre, et sont garnies latéralement de deux rayons courts. KOLLIKER. — Sur le liquide séminal des Crustacés. 345 Vues de côté (fig. 4 , c ), elles paraissent quadrangulaires à angles arrondis, avec leur côté inférieur un peu plus long que les autres : ici encore les rayons sortent des deux angles inférieurs. Dans le voisinage de ces cellules rayonnées , se trouvent encore d’autres cellules arrondies de la même grosseur, qui offrent dans leur centre un granule extrêmement petit (fig. 4, b). Dans les cellules séminales du Portunus lividus (Teach), on ne trouve autre chose que de petits corps allongés, quadrangu- laires, de 0,0003 à 0,000 de ligne en longueur, et sur lesquels, même avec uu très fort grossissement, je n’ai pu distinguer au- cun rayon. Les cellules elles-mêmes sont arrondies, de 0,0358 à 0,0655 de ligne en diametre ; il y en avait cependant qui ne mesuraient que 6,0077 de ligne. Enfin j'ai examiné le sperme du Crabe ordinaire ( Cancer Pagurus). Le testicule, très volumineux, et son conduit excré- teur, étaient distendus par une matière blanche et épaisse qui renfermait des cellules visibles, même à l'œil nu. Ces cellules avaient de 0,030 à 0,060 de ligne en diamètre, et elles étaient tantôt vides, tantôt remplies de corps ayant des formes très va- riées, mais arrondies et elliptiques. Les cellules vides étaient aussi noribreuses que les pleines, et cependant il n’y avait dans le liquide qu’un petit nombre de corpuscules, libres lesquels étaient manifestement des cellules rayonnées d’une forme très élégante. Vues en dessus (fig. 7, b), elles étaient arrondies et mesuraient 0,0012 à 0,0019 de ligne en diamètre; elles por- taient deux ou trois rayons déliés de 0,002 à 0,0024 de ligne en longueur. Vues de côté (fig. 7, a), elles paraissaient elliptiques, mais leurs deux diamètres différaient peu; elles semblaient être divisées , par une ligne fine,en deux par- ties, la supérieure presque toujours un peu plus volumineuse que l’inférieure; on voyait aussi que les rayons sortaient des extrémités de cette ligne de séparation. Je ne puis dire si les cel- lules rayonnées sont divisées véritablement en deux parties ap- pliquées l’une sur l’autre. J'ai examiné, dans la section des 4mphipodes, VIphimedia obesa , le Gammarus angulosus et YHyperia medusarum. Ws offraient des filamens séminaux capilliformes qui, dans deux 316 xKôLrixer. — Sur le ligæide séminal des Crustacés. espèces, avaient un renflement à une de leurs extrémités et ne formaient jamais les faisceaux que V. Siebold a observés chez les Amphipodes d’eau douce, Comme cet observateur, je ne les ai jamais vus se mouvoir, mais je dois dire que je les examinai seulement dans l’eau de mer ou dans l’eau de source froide. Les filamens séminaux de l’/Zphimedia obesa (Rathke) sont considérablement allongés (fig. 8), mais je ne puis donner leur longueur qu'approximativement (0,14 de ligne), car, lorsqu’en les expulsant du testicule on les fait tomber dars l’eau, ils pren- nent de gracieuses courbures semblables à celles de cheveux, et s’entortillent considérablement les uns avec les autres. Sur une de leurs extrémités (fig. 8,a), que je nommerai avec V. Siebold l'extrémité radicale, ils offrent un renflement (fig. 8, à ) assez distincte de la partie capillaire ; mais ce renflement est également linéaire et ne décrit qu’un petit nombre d’ondulations. Cette portion plus épaisse peut-être dans la même ligne que la partie capillaire, ou bien elle forme avec elle un angle tantôt droit , tantôt aigu. La portion capillaire est fine, mais pas au point qu'on ne puisse en apercevoir l'extrémité. Les filamens séminaux de l’Hyperia medusarum (fig. 9, a) sont constitués de la même manière. Ils se tiennent étendus plus en ligne droite, et mesurent 0,16 à 0,3 de ligne. L'extrémité ra- dicale épaissie décrit un nombre plus considérable de cour- bures; elle est aussi un peu plus longue (c’est-à-dire 0,021 de ligne). Comme chez l'{phimedia , cette portion prend toutes les positions possibles relatives à la portion capillaire, ce qui in- dique l’existence d’une espèce d’articulation fine et mobile entre ces deux portions, circonstance qui est encore confirmée par le fait qu’en faisant exécuter de légers mouvemens à la plaque de verre {ou porte-objet),on voit les deux portions se mouvoir l’une sur l’autre comme des parties articulées ; de plus, on trouve souvent, surtout dans les premieres époques du développement, ces deux portions séparées l’une de l'autre dans le liquide. Chez un individu, j'ai été assez heureux pour observer quelques particularités qui jettent. du jour sur le développement de ces filamens séminaux : j'y trouvai mélangés avec les filamens sémi- uaux que je viens de décrire, d’autres filamens qui avaient pour KOLIUKER. — dur le liquide séminal des Crustacés. 347 extrémité radicale une vésicule ovalaire ou en forme de poire, laquelle était réunie à la portion capilliforme par sa partie la plus mince, et offrait la même mobilité et la même diver- sité de position relative à la portion capillaire que dans les autres filamens (fig. 9, b). Ces filamens avaient, à la vérité, un aspect bien différent des filamens à extrémité radicale linéaire ; mais il y en avait d’autres, et on n’avait pas besoin de chercher pendant long-temps pour les trouver, dont l'extrémité radicale était elliptique et allongée (fig. 9,e), et d’autres encore à extrémité radicale plus allongée et cylindrique (fig. 9, d); enfin on en voyait dont l'extrémité radicale était déjà linéaire et ondulée, et ne différant des filamens décrits plus haut que par une plus grande épaisseur de cette portion radicaie ( fig. 9, e). Il est impossible de dire actuellement si ces filamens séminaux éprouvent d’autres changemens et de- viennent entièrement capilliformes ; cependant je dois dire que dans à-peu-près dix /phimedia et Hy peria que j'ai examinés, il n'y avait que des filamens séminaux tels que je viens de les décrire. La plus grande largeur de l'extrémité radicale dans les fila- mens séminaux qui ont parcouru cette série de développement, est de 0,005 à 0,007 de ligne; on voyait presque constamment dans leur intérieur un noyau vague et des corpuscules nucléaires plus distincts. Cependant plusieurs m'ont paru vides; seulement, vers le bord, il y avait une couche d’une masse grise disposée en forme de croissant. Je n’ai pas pu m’assurer si ces cellules avaient des rapports avec la formation de filamens séminaux. Les filamens séminaux du Gammerus angulosus sont simple- ment capilliformes sans être ramassés en faisceaux comme ceux décrits par V. Siebold chez le Gammerus pulex , et sans offrir de renflement comme chez les autres Amphipodes. Ils ne m'ont jamais offert de mouvemens. J'ai examiné le Pycnosonum Balænarum de Vordre des Lœæ- modipodes (Cyamus celi),ayant obtenu à Fübr un seul échantillon de ces animaux singuliers. Les filamens séminaux sont capillifor- mes,un peu épaissis au milieu et terminés en pointe aux deux extrémités. Ils n’offrent aucun mouvement, et presque tous sont étendus en ligne droite. Ce n’était que sur un petit nombre que 348 KrôrmKkEr — Sur le liquide séminal des Crustacés. j'observai de légères courbures dont la plus forte était celle d’un croissant. Ces filamens avaient de 0,0437 à 0,0636 de ligne en longueur. On trouvait encore, dans le liquide séminal, des cel- lules arrondies de 0,0142 à 0,0166 de ligne en diamètre : toutes étaient remplies de petits granules. J'ai examiné l'/dothea tricuspidata et la Janira maculula (Leach) de l’ordre des Isopodes. La première m'a offert dans le liquide séminal des filamens capillaires très longs, que V. Sie- bold avait déjà vus. lis étaient le plus souvent légèrement ondu- lés et n'offraient que dans quelques cas rares de grandes anses. Je n'y ai jamais vu la moindre trace de mouvement, Leur longueur était en o,r de ligne. Les filamens séminaux de la Janira ma- culosa sont parmi les plus petits que j'ai vus. Leur corps est ovalaire , arrondi, et le filament fin qui s’y trouve, à n’en pas douter, quand on observe les mouvemens brusques et saccadés que le corps peut offrir, est tellement délié, qu'on ne peut apercevoir avec un grossissement de 800 diamètres. Dans la casse Des CIRRHIPÈDES , jai examiné une espèce de Chthamalus, le Balanus Stroehmii et le Balanus sulcatus ; mais les résultats ont été tellement analogues que je ne parlerai en dé- tail que du premier. Le testicule, que R. Wagner et V.Siebold ont les premiers fait bien connaître, est composé de canaux rami- fiés de différentes manières, se terminant en cal-de-sac d'un côté, et aboutissant, de l’autre, à un conduit excréteur large, facile- ment reconnaissable à sa couleur blanche éclatante. Les filamens séminaux de cette espèce de Chthamalus (que je n’ai trouvé décrite nulle part,quoiqu’elle soit extrêmement abondante sur les rochers de la pointe située au sud-ouestde l'Helgoland)sont tout-à- fait semblables à ceux que V.Siebold a trouvés chez le Balanus pusillus ; 1s sont capillaires au milieu, mais presque toujours un peu plus près d’une extrémité que de Pautre, ils offrent un petit renflement ; puis ils se terminent en pointe des deux côtés (fig. 10, a). Teur longueur varie entre 0,035 et 0,04 de ligne. Souvent ils se tiennent tout-à-fait tranquilles; mais d’autres fois ils sont très vifs et décrivent des mouvemens serpentins ; mais je n’ai pu apprendre la cause de cette différence. Dans les cas où ils sont immobiles , ils restent ou étendus et droits, ou ils sont KOLLIRER. — Sur le liquide séminal des Crustacés. 349 contournés de différentes manières, de façon à représenter de petits anneaux, des 8 de chiffres. Des filamens séminaux, ainsi conformés, réunis en faisceaux les uns à côté des autres et parallèles , remplissent le large conduit excréteur. Dans le testicule , au contraire, ce sont des formes toutes différentes qu'on aperçoit. Les filamens séminaux étaient à la vérité capilli- formes ; mais tous avaient à-peu-près au milieu un petit renfle- ment elliptique ou arrondi (fig. 10, b). 11 y en avait sur lesquels on voyait deux et même trois de ces renflemens , mais plus petits. Si on pousse encore plus loin ses recherches sur la . nature et l'origine de ces corps, on constate que chaque fila- ment séminal nait d'une cellule particulière. On trouve, en effet , à la dernière extrémité du testicule une couche de cellules arrondies de 0,002 à 0,004 de ligne en diamètre, et renfermant un noyau manifeste; puis, sans y être mêlées et sans être dis- posées par couches, d’autres cellules de la même grosseur , à noyaux plus pâles, et dont les deux extrémités sont terminées un peu en pointe; d’autres ont un renflement offrant un rétré- cissement au milieu et ressemblant aux cellules végétales sur le point de se détacher. Les extrémités de ces cellules pointues se développent toujours de plus en plus en forme de filament , à mesure qu'on s'éloigne du milieu des canaux testiculaires, ter- minés en cul-de-sac; les filamens développés sont d’abord al- longés , puis très gréles: les cellules originaires ont de petites dimensions ; enfin on trouve, au milieu des filamens séminaux, un ou plusieurs petits renflemens. La forme des cellules simples qui subissent ces développemens est très variée. Les filamens séminaux qui ont un renflement au milieu se développent des deux côtés; les filamens séminaux à renflement terminal en forme de bouton se développent de cellules qui ne croissent que dans un seul sens, et d’autres filamens séminaux à deux ou trois renflemens sont les produits de cellules multiples qui s’é- tranglent et se développent en plusieurs sens. On pourrait peut- être objecter à cette manière de voir que toutes les formes dont il a été question n’ont été produites que par des filamens simples, contournés de différentes manières, etil est vrai que quelquefois ces illusions oni lieu. Mais à cela je répondrai que, sans parler 350 ROLUKER. — Sur le liquide séminal des Crustacés. de la conviction que j'ai personnellement, il est facile de consta- ter (et la chose est sans réplique) qu’à l'extrémité du testicule les filamens séminaux parallèles et fortement serrés les uns contre les autres, offrent déjà leurs renflemens (fig. 10, b). Je crois que les figures de R. Wagner, représentant les filamens séminaux du Balanus pusillus (Wiegmann’s Archiv., 1835, part. », PI. 3, fig. 9) ont été faites sur les filamens séminaux en voie de développement , et c'est pour cette raison qu’il les a considérés comme étant pourvus d’une tête et d’une queue, ce que V. Sie- bold , qui n’avait observé ces filamens qu'à leur état de déve- loppement parfait, a cru devoir rectifier. Les filamens séminaux du Balanus Stroehmii , qui se trouve en très grand nombre aux racines de la Larinaria digitata à Helgoland, m'offraient absolument les mêmes développemens ; maïs ici le conduit déférent aussi était rempli defilamens séminaux non encore développés et qui ne présentent aucune espèce de mouvement; cependant on voyait déjà que ces filamens seraient plus déliés et plus longs que ceux de l'espèce précédente. Chez la plupart desindividus du Ba/anus sulcatus , on tronve des filamens séminaux développés de la forme décrite plus haut et de la longueur de 0,2080 de ligne, qui se meuvent avec vivacité et se tournent aussi sur leur axe longitudinal. J'ai pu suivre d’une manière très satisfaisante, sur un petit nombre d’entre eux, leur développement à dater de leurs cellules. La seule chose que j'aie à mentionner à leur égard est que les filamens séminaux du testicule assez développés , mais non en- core arrivés à leur état parfait , sont doués du mouvement. EXPLICATION DES FIGURES | Planche 9 B). Fig. r. Capsules séminales et cellules rayonnées du Pagurus Bernhardus. Fig. 2. Capsules séminales et cellules rayonnées du Galathea strigosa. Fig. 3. Les mêmes parties chez l’4stacus marinus. Kig. 4. Capsules et cellules rayonnées chez le Carcinus mœnas. Fig. 5. Les mêmes parties chez l’Ayas aranæa. Fig. 6. Les mêmes parties chez le Stenorhynchus phalangium. Fig. 9. Cellules rayonnées du Cancer pagurus. Fig. 8. Filamens spermatiques de l’/pimedia obesa. Fig. 9. Filamens spermatiques de l'Ayperia Medusarum. Fig. ro. Filamens spermatiques d’un Chthamalus. a —— DUMAS, BOUSSINGAULT €t PAYEN, — Sur la graisse. 351 Recuercues sur l'engraissement des besliaux et la formation du lait, Par MM. Dumas, BoussiNGAULrT et PAYEN. Extrait. (1) Tous les animaux, toutes les plantes, contiennent de la ma- uére grasse; en la voyant s’accumuler dans certains de leurs tissus, en la voyant se modifier et disparaitre parfois, la pre- mière pensée de tous les observateurs a dù pencher vers cette opinion , généralement admise, que les matieres grasses se pro- duisent au moyen des alimens de la plante ou de l'animal, et par des procédés analogues , sans doute, dans les deux règnes. Les recherches dont nous allons exposer le précis tendent au contraire à établir que les matières grasses se forment dans les plantes; qu’elles passent toutes formées dans les ani- maux, et que là elles penvent se brûler immédiatement pour développer la chaleur dont l’animal a besoin, ou se fixer, plus ou moins modifiées, dans les tissus pour servir de réserve à la respiration. Cette dernière opinion est certainement la plus simple que l’on puisse prendre de ces phénomènes ; mais, avant de discu- ter les expériences qui la justifient, il faut montrer comment toutes les idées que l’on s’est faites jusqu'ici de l’origine des ma- tières grasses ont été successivement renversées. Il serait inutile de rechercher quelles vues pouvaient avoir les anciens chimistes à ce sujet; c’est à partir de l’origine de la chimie moderne seulement qu'ils ont été conduits, par la con- naissance plus intime de la composition élémentaire des matières ôrganiques, où par l'observation de quelques phénomènes acci- (x) Ce travail , dont nous donnons ici toute la partie physiologique, paraîtra prochaine- ment dans les Annales de Chimie, avec quelques détails qui nous ont semblé se rattacher d'une manière trop spéciale à cette dernière science, pour être convenablement placés ici. K. 3592 DUMAS, BOUSSINGAULT €t PAYEN. dentels, à se faire de véritables théories sur la formation des substances grasses. C’est ainsi qu’à l’époque de l'évacuation du cimetière des In- nocens, on n’hésita pas à admettre au nombre des effets de la décomposition putride des débris animaux , la transformation de la chair des muscles ou des viscères en matière grasse propre- ment dite. Les gras des cadavres, comme on appelait le produit dans lequel semblaient s'être transformés les muscles , le foie, le cerveau, etc., des cadavres exhumés, fut considéré comme le produit direct des altérations auxquelles la chair, et en géné- ral la partie fibrineuse des tissus, se trouvaient soumises de- puis longues années dans la fosse. Cette opinion trouva plus tasd un véritable appui dans les expériences de M. Berzélius , qui, ayant soumis la fibrine à l’ac- tion des acides énergiques, comme l’acide nitrique, crut recon- naître que la fibrine se dissolvait en perdant de l'azote et en dé- veloppant.de la matière grasse. En effet, si lon soustrait l'azote de la fibrine, les élémens restans tendent à se rapprocher de la composition des graisses. Mais, d’une part, les recherches de M. Chevreul sur le gras des cadavres ont parfaitement établi sa nature : elles ont prouvé que cette substance renferme les mêmes acides que la graisse humaine ; ils y sont en partie saponifiés par l'ammoniaque. M. Gay-Lussac, d'une autre part, a prouvé par des expé- riences directes que la fibrine, soumise à une décomposition putride , laisse pour résidu une quantité de graisse qui n’est pas sensiblement supérieure à celle que les dissolvans peuvent en extraire à l’état naturel. D'où il suit, que la putréfaction a pour résultat de détruire la fibrine, et par suite de mettre à nu la substance grasse qu’elle renfermait. Dans une autre circonstance, quelques chimistes avaient cru reconnaître la formation d’une matière grasse : c’est dans l’ac- tion de l’acide nitrique sur l’amidon pendant la préparation de l'acide oxalique : il se sépare, en effet , une substance graisseuse, mais M. Chevreul à parfaitement établi, depuis long-temps , que cette matière préexiste, et que la réaction qui détruit l'amidon se borne à la rendre libre. Sur origine de la graisse. 353 On peut donc assurer que toutes les opinions émises fortui- tement sur ces prétendues formations par des procédés chi- miques, se sont évanouies successivement à mesure qu'on Îles à soumises à un examen scrupuleux. Recherchons maintenant les résultats obtenus par la phy siologie. Les animaux carnivores contiennent des matières grasses, et ils n’en rejettent par aucune de leurs excrétions. C’est dans cet animaux, par conséquent, qu'il est facile de reconnaître d’où viennent ces matières et comment elles disparaissent. Quard on examine la marche de la digestion des chiens, on ne tarde pas à se convaincre que leur chyle est loin d’être une substance toujours identique. Celui qui se forme sous l'influence d’une alimentation végétale riche en fécule eu en sucre; celui qui provient de la digestion de la viande maigre, sont également pauvres en globules. Ces chyles sont translucides, très séreux, et abandonnent peu de chose à l’éther. Vient-on à nourrir, au contraire, ces animaux avec des ali- mens gras, leur chyle se montre très opaque, d’un aspect cré- meux , très riche en globules; il abandonne beaucoup de ma- tière grasse à l’éther. Ces faits, observés par M. Magendie, et revus avec plus de détails encore par MM. Sandras et Bouchardat(1), montrent avec la dernière évidence que les substances grasses de nos alimens, divisées ou émulsionnées par la digestion, passent sans altéra- tion profonde dans le chyle, et de là dans le sang. M. Donné a vu du lait, injecté dans les veines, persister pen- dant plusieurs jours dans le sang. Les globules butyreux de- meurent , en effet, parfaitement visibles dans le sang pendant un certain temps, et il n’est pas possible de s'y tromper. Les matières grasses de nos alimens peuvent donc être suivies dans le chyle, et de là dans le sang, où elles persistent long- temps inaltérées et où elles demeurent à ia disposition de l’or- ganisme. Tout chimiste sera porté à conclure de ces observations et de (x) Annales des Sciences naturelles, deuxième série , tome xvrir, page 225, XIX. Zoor, — Juin, 354 DUMAS, BOUSSINGAULT @t PAYEN. plusieurs faits qui s'y rapportent, que la matière grasse toute faite est le principal produit, sinon le seul, à l’aide duquel les animaux puissent régénérer la substance adipeuse de leurs or- ganes ou fournir le beurre de leur lait. De son côté, le physiologiste se trouve amené à la même con- clusion en voyant l'appareil chylifère se répéter chez les Herbi- vores tel qu’on le trouve dans les Carnivores; car si cetappareil est essentiellement organisé pour l'absorption des matières grasses , il faut bien que, chez les Herbivores eux-mêmes, la graisse préexiste à la séparation du chyle, et provienne soit de l'aliment, soit dans les produits de la digestion stomacale. Telle est aussi l'opinion que MM. Dumas et Boussingault ont émise en 1841 à ce sujet. (1) Cette opinion ne fera naître aucune espèce de doute, tant qu'on la bornera aux Carnivores ; mais si on veut l’étendre aux Herbivores, deux difficultés se présentent : i° Trouve-t-on, dans les plantes, assez de matière grasse pour expliquer, à son aide, l’engraissement du bétail ou la formation du lait? 2° N’est-il pas plus simple de supposer que le beurre ou la graisse sont des produits de quelques transformations du sucre, faciles à comprendre d’après sa constitution et celle des matières grasses ? Nous répondrons tout-à-lheure à ces deux questions. Immédiatement apres la publication de MM. Dumas et Bous- singault, M. Liebig fit connaître sa propre pensée relativement à l’origine des matières grasses des animaux, dans les termes suivans : « Quelque opinion qu’on puisse avoir sur la production des « principes gras du corps animal, il n’en est pas moins incontes- « table que les racines et les herbes qui servent à l'alimentation « de la vache ne contiennent pas de beurre; le foin et la nour- « riture du Bœuf, pas de suif; les rebuts de pommes de terre « qu'on donne aux Porcs, pas d’axonge ; la nourriture des Oies « et de la volaille, pas de graisse d'oie ou de chapon. Les grandes A (x) Lecons sur da statique chimique des ètres vivans, Ann, des Sc. nat. 2° sér., 1. xv1, p. 33, Sur l’origine de la graisse. 3565 « masses de graisse dans le corps de ces animaux sont produites « par leur organisme, et ce fait, reconnu dans sa véritable va- « leur, montre qu'il doit s’éliminer, sous une forme quelconque, « des principes de la nourriture ingérée, une certaine quantité a d'oxygène; car, sans cette séparation d'oxygène, il n'est pas « un seul principe de la nourriture qui puisse donner naissance « à une matière grasse. « Les substances grasses ne contiennent, en moyenne, que 10 équivalens d'oxygène pour 120 équivalens de carbone. « En supposant la graisse produite par l’albumine , la fibrine « ou la caséine, pour 120 équivalens de carbone transformés en « graisse, il doit s’éliminer 26 équivalens d'oxygène. Cetteäéli- « mination d'oxygène sera de 90 équivalens si la graisse provient « de l’amidon; de 100 équivalens si elle provient du sucre, et « de 1 10 équivalens si elle dérive du sucre de lait. » (1) Il est, en effet, si peu naturel d'admettre que le‘Bœuf à l’en- grais trouve dans ses alimens la graisse qu'il s’assimile, qu'à moins d’avoir fait une multitude d'analyses de plantes, et d’a- voir vu les matières grasses reparaiître partout en! quantités notables on même en proportions tres fortes dans les orga- nismes végétaux, on n'accepte pas aisément cette pensée. Mais elle ne répugne aucunement quand on s’est convaincu, comme je l'ai fait dans les recherches auxquelles j'ai consacré ces dix dernières années , que, dans toutes les plantes, on peut découvrir à-la-fois des matières azotées neutres et des substances grasses. J'ai vu cette association, non-seulement dans les graines, mais aussi dans les feuilles et les tiges. C’est ainsi que nous nous sommes trouvés conduits , M. Dumas par des vues de phy- siologie animale, M. Boussingault par des considérations agri- coles, et moi (M. Payen) par mes opinions sur la physiologie des plantes et par mes expériences sur la composition de leurs tissus , à admettre une opinion semblable et à la soumettre aux vérifications de l'expérience. ) = Dans cette opinion , les matières grasses se formeraient prin- cipalement dans les feuilles des plantes, et elles y affecteraient (x) Chimie organique appliquée à la physiologie animale et à la pathologie. 1842 20, 356 DUMAS, BOUSSINGAULT €t PAYEN. souvent la forme et les propriétés des matières cireuses. En pas- sant dans le corps des Herbivores, ces matières , forcées de subir dans leur sang l'influence de loxygène, y éprouveraient un commencement d'oxydation, d'où résulterait l’acide stéarique ou oléique qu'on rencontre dans le suif. En subissant une se- conde élaboration dans les Carnivores, ces mêmes matières, oxydées de nouveau, produiraient l'acide margarique qui carac- térise leur graisse. Enfin, ces divers principes, par une oxyda- tion encore plus avancée, pourraient donner naissance aux acides gras volatils qui apparaissent dans le sang et dans la sueur. Bien entendu qu'une combustion complète pourrait les chan- ger en acide carbonique et en eau, et les éliminer de l’économie. Ainsi, prenant notre point de départ dans la cire des feuilles, nous la verrions passer, par la digestion, dans le chyle des Herbivores, subir dans leur sang une oxydation qui en forme- rait la stéarine et l’oléine ; de là, passant dans les Carnivores, la stéarine, en s’oxydant de nouveau, y deviendrait de la mar- garine. Enfin , par une oxydation nouvelle, des acides volatils, tels que les acides caproïque, caprique , hircique et butyrique, se formeraient à leur tour. Bien entendu que si les feuilles ou les fourrages renferment de la stéarine, de la margarine ou de l’oléine toutes formées, ce qui arrive le plus souvent, ces matières peuvent, à plus forte raison, s’assimiler directement en passant dans le chyle, dans le sang et de là dans le tissu adipeux. Parmi les propriétés des matières grasses, il fant en noter une, en effet, qui joue un grand rôle dans tous ces phénomènes : c’est le pouvoir dissolvant dont elles sont douées les unes à l'égard des autres; c’est cette faculté de se mèler dans toutes les pro- portions imaginables, tout en conservant les propriétés géné- rales qui les caractérisent chacune isolément. Ainsi dans l'estomac, dans je canal intestinal, dans le chyle ou dans le sang, des matières grasses très diverses peuvent for- mer des masses homogènes par leur mélange intime, et se divi- ser en globules graisseux d’une composition compliquée, mais la mème pour tous. Sur l'origine de la graisse. 357 Dans les vésicules adipeuses, en raison de la même propriété, une matière grasse nouvelle et différente de celle qui s’y trouve déjà, pourra néanmoins y pénétrer sans difficulté, miscible qu'elle esten toutes proportions avec la matière grasse qui l’a précédée. Une autre propriété des matières grasses doit encore fixer toute notre attention; c'est leur insolubilité dans l’eau. En effet, qu'un animal vienne à manger une substance soluble dans l’eau, l’expérience prouve qu'en général celle-ci se con- somme par une véritable combustion qui convertit son carbone en acide carbonique et son hydrogène en eau, ou bien qu'elle est éliminée en nature par les urines. Les graisses peuvent bien disparaître sous la première forme; mais tant qu'elles ne sont pas profondément modifiées, il est évident qu’elles ne passent pas par les urines, et que la quantité qui est éliminée par la transpiration est insignifiante. Leur in- solubilité les maintient donc dans l’économie, une fois qu’elles ont pénétré dans le sang on dans les tissus, et c'est à ce titre qu’elles peuvent constituer un véritable magasin de combustible des animaux. C’est le principal motif qui fait que les animaux nourris avec excès engraissent, et que les animaux affamés mai- grissent; la graisse se déposant dans les tissus dans le premier cas, pour être reprise et brülée dans le second. Quoique ce système soit fort simple, il est difficile de ne pas mettre en parallèle avec lui une opinion qui s'appuie tout natu- rellement sur des recherches entreprises par M. Dumas. et dont il a déjà donné un apercu à l’Académie. En effet, on peut con- sidérer le sucre comme formé de gaz carbonique, d’eau et de gaz oléfiant. Or, rien n'empêche que le gaz oléfiant, en se sé- parant , prenne divers états de condensation, et fixe de l’eau de manière à donner naissance à de l'alcool ordinaire, à de l'huile de pommes de terre, à de l'alcool éthalique, à de l'alcool mar- garique, etc. Ces divers corps, en s’oxydant, produiraient des acides gras, et par suite des graisses. Depuis que l’on sait que l'huile de l’euu- de-vie de pommes de terre se retrouve dans l’eau-de-vie de marc deraisin, dans l’eau-de-vie de grains et dans l'eau-de-vie de mé- D» J9 DUMAS, BOUSSINGAULT Gt PAYEN. tasse de betteraves, la certitude que cette huile soit un produit de la fermentation du sucre semble complète. En fait, le sucre peut se représenter par de l’acide carbo- nique , de l'eau, et un hydrogène carboné. Tous les acides gras peuvent se représenter par un hydrogène carboné uni à de l’o- xygène. Le sucre, en fermentant, peut produire au moins deux de ces acides, l'acide acétique et l'acide phocénique, ou leurs alcools du moins, l’alcool ordinaire et l'huile de pommes de terre. De telle sorte que, si partant de l'acide margarique CH O4, on laisse l'oxygène constant, il suffit de brûler ou d'éliminer successivement C* H* pour obtenir la série presque entière des acides gras. Ou bien, en partant du carbone d'hydrogène C* H' qui peut provenir du sucre, il suffit d'en condenser un plus ou moins grand nombre de molécules pour qu'il en résulte divers car- bures d'hydrogène capables , en s’unissant à 4 atomes d'oxygène, de constituer les principaux acides gras connus, et en s’unissant > atomes d’eau, de constituer les alcools correspondans à ces acides, ce qui arrive dans la formation de l'huile de pommes de terre. Il est donc possible que , dans l'acte de la digestion, le sucre, donnant naissance à une huile pareille ou à une huile plus con- densée, intervienne dans la’ formation de la graisse des Herbi- vores; chimiquement parlant, du moins, rien ne s’y oppose. Remarquons que c’est dans l'acte de la digestion que se place- rait tont naturellement cette fermentation spéciale du sucre. En effet, les appareils par lesquels nos alimens parviennent dans le sang, sont admirablement disposés pour absorber des graisses toutes formées. L'un des traits les plus saillans de la digestion, consiste précisément dans cette absorption, qui s'opère par les chiliféres, et qui a tellement concentré l'attention, qu'il a fallu découvrir récemment que l’estomac jouait aussi un grand rôle dans la digestion, en offrant une voie par laquelle tous les ali- mens solubles passent dans le sang au moyen de l'absorption veineuse. D'un autre côté, le sang, toujours très chargé d’oxy- gène, parait un véhicule moins propre à la production de ces Sur l’origine de la graisse. 359 phénomènes qui n'ont rien de commun avec les combustions qui s’opèrent dans sa masse. On serait certainement disposé à croire qu'un pareil phéno- mène s’accomplit dans les plantes, quand on voit le sucre des tiges disparaître à mesure que le fruit se charge de la matière grasse abondante qu'on y trouve si souvent accumulée. C'est ainsi que se dessinent deux opinions fondamentales tou- chant l’origine des matières grasses dans les animaux. L’une d'elles regarde ces matières grasses comme préexistant dans les alimens, ou tout au plus comme capables de se former dans l'estomac, cavité où les alimens sont encore en dehors de l'organisme animal. Dans l’autre opinion, on verrait les matiéres grasses se pro- duisant dans le sang lui-même, c’est-à-dire sous l'influence des forces les plus intimes de la vie animale, et comme une dépen- dance des phénomènes les plus essentiels de Panimalité. Dans le premier cas, la production des matières grasses uti- liserait un excédant de l'alimentation par un phénomene exté- rieur à l’animal et étranger aux lois les plus générales de son économie. Dans le second cas, au contraire, il faudrait voir un des traits les plus essentiels de la vie animale dans cette faculté de convertir dans le sang lui-même les alimens en graisse pour les emmagasiner sous forme de tissu adipeux. Quoi qu'il en soit, nous admettons pour le moment que l’a- nimal se nourrit de graisse toute formée, et nous examinerons plus loin sil pourrait tout au plus en produire, dans certains cas particuliers, aux dépens des matières sucrées. Ainsi nous n’admettons pas cette ancienne opinion, qui ver- rait dans la formation des matières grasses le résultat d’une ac- tion compliquée où tous les matériaux des alimens et du sang pourraient être mis à profit, pourvu que l'animal yÿ trouvût le carbone, l'hydrogene et l'oxygène nécessaires à cette formation. Nous n’admettons pas davantage cette opinion professée par M. Liebiy et qui se rapproche beaucoup de la précédente, puis- qu’il admet que la f£brine , l'albumine , la caséine, les gommes, etc., peuvent servir de matériaux à la production des graisses par une élimination d'oxygène. 360 DUMAS, BOUSSINGAULT @t PAYEN. Nos opinions diffèrent donc complétement de celles de M. Lie- big, 1° en ce que nous regardons les animaux comme générale- ment incapables de former des matières grasses dans leur orga- nisme, tandis qu’il croit que les herbivores sont précisément organisés dans ce but ; 2° en ce qu’il admet que les graisses ani- males se forment dans le sang et avec les matériaux du sang, tandis que nous admettons qu’elles sont toutes faites dans les alimens et qu'elles pourraient tout au plus prendre naissance ans l'estomac, dans quelques cas particuliers, par une fermen- tation spéciale du sucre. Nous ne discuterons pas longuement la question de savoir si la fibrine, l’albumine, la caséire, peuvent ou non servir à l’en- graissement. M. Liebig lui-même semble avoir abandonné cette opinion, qui ne paraît appuyée sur’aucun fair. Il n’est donc pas possible, en résumé, d'expliquer l’accumu- lation de la graisse dans les Carnivores, autrement qu’en sup- posant qu’elle leur vient des Herbivores. Mais, quand il s’agit de ces derniers, en admettant qu'ils profitent de celle que les plantes renferment, on peut supposer qu'ils en produisent une certaine quantité, au moyen d’une fermentation spéciale du sucre, qui fait partie de leurs alimens. Cette dernière supposition devient même plus naturelle en- core, quand on voit que les sèves sucrées perdent leur sucre au moment où la fleur et le fruit se forment, comme si le sucre des sèves venait former les huiles ou les graisses que l’on re- trouve dans les fruits ou dans les graines. Si, malgré ces présomptions favorables à l'intervention du sucre dans la formation des corps gras dans les animaux, nous avons adopté une opinion contraire, c’est que les faits nous ont paru complétement d'accord avec celle-ci, et tout-à-fait opposés à l'hypothèse qui ferait jouer au sucre un rôle essentiel dans la production des graisses. Cependant cette hypothèse, contre laquelle nous nous éle- vons, s'appuie sur deux expériences dignes de toute notre atten- tion, par le nom des observateurs qui les ont inscrites dans la * science, et par les conséquences qui en découlent. Le premier fait a été obtenu par Huber, et, comme on le pense Sur l'origine de la graisse. 361 bien , il est relatif aux Abeilles. Le second appartient à M. Lie- big, et, comme on le sait, il est relatif à l’'engraissement des Oies. Huber a reconnu, en effet, que des Abeilles nourries avec du miel, ou même avec du sucre, possèdent la propriété de four- nir de la cire pendant long-temps. Il évalue même la quantité de cire que le sucre peut fournir. Tous les physiologistes , tous les chimistes, ont copié les résultats de Huber sans les discuter , et ont admis avec lui que la cire se forme , dans les Abeilles, par un acte de leur digestion , avec un aliment quelconque, avec du sucre par exemple. Pour nous, nous serions portés à croire qu'il en est d’une Abeille comme d’une nourrice. Si cette dernière trouve dans ses alimens la matière grasse et la protéine dont son lait a besoin, elle produit du lait pour son nourrisson, et sa santé n’en souffre pas. Si on la prive, au contraire, en tout ou en partie, de ces alimens gras ou albuminoïdes, elle produit sans doute encore du lait, mais elle maigrit, et c’est aux dépens de sa propre sub- stance que le lait se produit en pareil cas. Lorsqu'on ne se bornera pas à examiner si les abeilles nourries de sucre font des gâteaux de cire, et qu’on cherchera , au con- traire, combien , sous l'influence d’un tel régime, elles perdent de leur poids, combien elles perdent de leur graisse , on arrivera probablement à une conclusion tout opposée à celle de Huber. Les Abeilles continuent à fournir de la cire plus ou moins mêlée de leur propre graisse pendant quelque temps, lorsqu'elles sont soumises au régime purement sucré. Leur cire devient donc ce plus en plus fusible, à cause du mélange de la stéarine ou de l’oléine , ce que Huber a constaté. Mais sans doute, dans ces circonstances, leur masse diminue d’une manière appréciable. C’est là un sujet qui occupe en ce moment un de nos confrères, M.Milne Edwards ; et, bien que des difficultés sérieuses se soient présentées, nous devons croire que, pour lui, elles ne seront pas insurmontables. M. Liebig , de son côté , s'exprime, à cet égard, de la maniere suivante dans un ouvrage récent : 362 DUMAS, BOUSSINGAULT et PAYEN. « Aujourd’hui les relations entre les alimens et le but qu'ils « ont à remplir dans l’économie, nous paraissent bien autrement « claires depuis que la chimie organique les a examinées par la « méthode quantitative. « Une Oie maigre, pesant 2 kilogrammes, augmente de 2“",50 « dans l’espace de trente-six jours, pendant lesquels on lui « donne, pour l’engraisser, 12 kilogrammes de maïs ; au bout « de ce temps, on peut en extraire 1“*,75 de graisse. Il est évi- « dent que la graisse ne s’est pas trouvée toute formée dans la « nourriture; car celle-ci ne renferme pas -%- de graisse ou « de matières semblables (1). » Nous sommes convaincus que cette expérience sur l'engrais- sement de l’oie est parfaitement exacte; car ses données s’ac- cordent avec tout ce que nous savons nous-mêmes à cet égard , d’après ce qui se passe à Strasbourg , à Dijon, etc. Mais nous ne comprenons pas que M. Liebig ait pu ignorer que le maïs renferme autre chose que de la fécule, quand il suf- fit de piler le maïs avec de l’eau, pour faire une véritable émul- sion; quand enfin l'analyse du maïs, déjà publiée par l’un de nous (2), avait donné les résultats suivans : Amidonsypteste en tele nec ce |: MT) Matières azotées insolubles dans l’eau à 100 degrés. 11,66 UNIES TASSES SE AUCUNE EPS" STE DIPTEUR RE elle ele De ee NE eue : MIO LT Dextrine et sucre. TU NE NES US À se NOTEE Matière azotée soluble. . . . . . . . . . . . 0,60 Sels; telen Lacets dus RIRE, PAC G: 100,0 De nouvelles expériences , en confirmant tous ces faits, nous ont montré que la matière grasse du maïs s’y présente toujours très sensiblement à la dose de 7,5 à 9 pour 100. Ainsi, quoiqu’on trouve dans les archives de la science d’an- ciennes analyses de Maïs, telles que celles de Lespes et de Goh- ram, où il n’est pas fait mention de la présence d’une matiere (1) Voyez Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences , tome XV, page 792. (2) Voyez Hist, nat. , agric, el économ. du Maïs, par Ponafous, 1836, Sur l’origine de la graisse. 363 huileuse dans ce fruit, nous croyons pouvoir affirmer qu'il n’y a pas de Maïs sans huile, et que les observateurs qui en ont méconnu la présence avaient confondu, dans des traitemens par l'eau, l'huile et la fécule en un seul produit. Du reste, l'absence totale d’huile dans le Maïs est tout-à-fait inadmissible. Il suffit d'envisager la question au point de vue physiologique pour en être convaincu. En effet, toutes les graines analogues au Maïs contiennent des matières grasses en quantité plus ou moins grande. Les exemples suivans le prouvent : Avoine non desséchée , réduite en poudre. — 3,300 pour 100 de matière grasse. Seigle pilé. — x gramme a donné 17,5 milligrammes , ou 1,75 pour 100 de matière grasse jaune orange. Mais il fallait aller plus loin et faire précéder cette analyse en masse d’uve analyse anatomique convenablement dirigée. En voici les résultats : Blés durs d'Afrique. — Le fruit broyé, puis traité par l'ether, a donne pour 1 gramme : Matière grasse 08,021, où 2,1 pour 100. 14 grains de ce blé pesant 96 centigrammes ont donne : Périspermes . . . . . . . . . gi7on 98,602 Cotylédon et corps embryonnaire. 13 1,398 g30 100,000 On voit que, dans ce blé, le poids des embryons est, relativement à la masse totale du fruit, sept fois moindre que dans les fruits du maïs. De telle sorte qu'en admettant, comme nous l'avons vu plus haut pour le maïs, que l'embryou renfermät dans le ble 60 pour 100 d'huile, on aurait 6 pour 109 du poids du maïs venant de cette origine, et 0,7 pour 100 seulement dans le cas de ble. Ces matières grasses existent partout dans le blé; l'exemple suivant le prouve: Blé dur de Venezuela, récolté à la limite de la culture du blé. — 1 gramme de matière grasse a donné 26 milligrammes ou 2,6 pour 100. Nous allons compléter ces indications en montrant comment la matière se trouve distribuée dans le froment ordinaire de nos climats. On a analysé sépa- rément la farine, le petit son et le gros son, tels qu'ils sortent des ateliers de meunerie, Farine. : — 1,400 p. 100 Matière grasse obtenue par l'éther . . . . Petit son. . — 4,800 p. 100 Gros-son., . — 5,200 p. 100 364 Matitre grasse obtenue par l'acide sulfurique et l’eau à 100, et par un traitement sub- séquent par l'éther. . . . . . . . . Moyenne de ces deux essais. . . , . . . DUMAS, BOUSSINGAULT et PAYEN. Farine . . — 1,560 p.100 Petitson.. — 3,800 p.100 Gros son. . — 4,100 p. 100 Farine 00-020 Petit son. . « . . . = 4,30 Gros son. . . . . — 4,65 Après ce traitement par l’éther, les résidus ont été séchés, et l’on a trouvé Farine . Petit son. Gros'son. 0,846 ( prise 1 gr.) 0,818 0,815 En y ajoutant maintenant la quantité d’eau et de matière grasse. contenues dans ces substances avant le traitement par l’éther, on a (1 gr.) Farine Petit son Gros son 0,143 eau, 0,014 matière grasse, 0,846 résidu, 1,003 0,186 eau, 0,048 matiere grasse, 0,818 résidu, 1,002 0,136 eau, 0,052 matière grasse, 0,815 résidu , 1,003 Analyse du gros son à l’état normal {séché dans le vide). — 0,573 de matière ont donné 16,25 d'azote à 15 degrés et 0,7673. D'où l’on tire, en tenant compte de l’eau et des cendres. 13,60 d’eau pour 100, 7,295 de cendre pour 100, 3,355 d'azote pour 100 dans le son séché, 3,614 d'azote pour 100 dans le son séché et pur, 2,898 d’azote pour 100 dans le son normal. Ainsi, dans le grain des Graminées on trouve de l'huile par- tout, mais inégalement distribuée, l'embryon en rentermant beaucoup, la partie corticale bien moins, la partie farineuse bien moins encore. On ne sera donc pas étonné que nous, qui savions que le maïs est très riche en huile fixe, nous ayons tiré, de son emploi si Sur l'origine de la graisse. 365 fréquent et si profitable dans l’engraissement des animaux, cette conviction que c’est par sa substance grasse que cette céréale engraisse , tandis que M. Liebig , persuadé que le maïs ne con- tient pas de matières huileuses, devait tirer de son emploi la conclusion contraire, et voir dans la fécule du maïs l’origine de la graisse des animaux qui s’en nourrissent. Nous sommes parfaitement assurés que quiconque se donnera, comme nous, la peine de répéter l'analyse du maïs, trouvera, comme nous, qu'il renferme près de 9 pour 100 d'huile. Cette quantité paraîtra moins extraordinaire quand nous ajouterons que l'embryon des céréales est toujours très riche en huile; que celui du maïs , en particulier, en renferme les deux tiers de son poids, et que cet embryon est bien plus volumineux, relati- vement au fruit, dans le maïs que dans les autres céréales. Dès- lors rien de plus facile à expliquer que l’engraissement par l'usage de cette nourriture. Il est bien évident que le pouvoir engraissant du maïs, si universellement appliqué, u’a plus rien qui doive surprendre, et que la manière la plus simple de l'expliquer consiste à admettre que la matière grasse en nature dans les animaux qui s’en nourrissent et qu'elle s’y fixe plus ou moins modifiée. Mais , au point de vue qui nous dirigeait , il fallait se rendre compte aussi du pouvoir engraissant de certains produits évi- demment moins riches en principes gras. Ainsi , il est trés facile à constater, par exemple, qu’une vache en bon état d'entretien, mangeant 100 kilogrammes de foin sec, fournit 42 litres de lait, renfermant environ 1“"', de beurre. Si nus opinions étaient fondées, nous devions donc trouver dans le foin sec 1,5 pour 100 de matière grasse capable de produire ce beurre. Or, l'analyse de divers échantillons nous en a donné d'abord 1,875 à 2,00 pour 100 , et nous en avons obteuu, par un épuisement plus complet à l’aide d’un broyage énergique et d'un deuxième traitement par l’éther,de3 à 4 pour 100. M. Boussingault, de son côté, sans avoir connaissance de nos expériences, était conduit par les mêmes vues à tenter les mêmes essais. Le foin de prairie et le regain de bonne qualité lui ont donné environ 2 pour 100 de matières grasses. Sur des échan- 366 DUMAS, BOUSSINGAULT €t PAYEN. tillons de trèfle coupés en fleurs , la proportion s'est élevée de 3 à 4 pour 100. On peut donc affirmer, en se fondant sur l’expérience univer- selle des agriculteurs, que le foin consommé par une Vache laitière contient un peu plus de matière grasse que le lait qu’elle fournit. Rien n'autorise à regarder cet animal comme capable ‘de produire la matière grasse de son lait ,et tout porte à penser qu'il la prend toute faite dans ses alimens. Pour se rendre un compte exact des résultats produits sous ce rapport par diverses alimentations, il a fallu se livrer à lana- lyse d’un grand nombre de produits. Voici quelques-uns de nos résultats : Blés durs d'Afrique (échantillons rapportés par le général Galbois). — Tiges à moelle, épis à longues barbes; fruits pleins, lisses, translucides. Les diverses parties de la paille ont été analysées séparément. Onles a divisces en trois parties: 1° Partie inférieure, 0,25 de la longueur; 1 ‘gramme a donne: matière grasse dissoute par l’éther et par un mélange d'éther et d'alcool. 0%,031 2° Partie superieure, 0,25 de la longueur à partir de l'épi, traitée de la même manière , a donné en matière grasse. . . . . . . . . of'.,035 3° Portion intermédiaire de la même paille, traitée de même, a fourni en substance grasse. . . . ... : + . . . . . . . . . ofr,032 Pour 100 en poids, la moyenne de ces trois analyses donnerait en matiere grasse.) Le lucs ele ele cahier es re 350 Paille de froment des environs de Paris. — x gramme a donné 24 milli- grammes de matière grasse résinoïde légèrement jaunâtre, ou 2,40 pour 100. Luzerne fraîche. — 3 tiges, feuilles et fleurs ont donné 3o d’eau, 30 matière sèche ( séchée dans le vide ). — 100 1,313 de luzerne humide donnent 12 centimètres cubes d'azote à 21 degrés et 0,765; soit 1,053 pour 100 d'azote. 0,414 de luzerne sèche ont donné 15,50 centimètres cubes d'azote à ar degrés et 0,7696; soit, en définitive, 3,685 pour 100 d’azute dans la luzerne sèche, 1,053 pour 100 d’azole dans la luzerne fraîche. Ce qui revient à dire que la luzerne fraîche renferme 6 pour 100 de matière azotée nutritive , et la luzerne sèche 23 pour 100 du même produit. Sur l’origine de la graisse. 367 1 gramme de luzerne a donné 35 milligrammes de matière grasse verte résinoïde , ou 3,50 pour 100. Paille d'avoine. — 1 gramme a donné 51 milligrammes de matière grasse résinoïde jaune foncé ; ou 5,10 pour 100. Farine de féveroles. — 1 gramme a donné 20 milligrammes de matière grasse jaune foncé, ou 2,00 pour 100. à Beiteraves. — Substance sèche, 14,83 pour 100. La substance desséchce contient 0,34 pour 100 d'huile et de graisse ; d’où 100 betteraves normales —0,05 de matière grasse. Carottes. — Substance sèche, 14 pour 100. 160 de carottes desséchées — 1,09 de matière grasse, y compris la carottine et la matière colorante. 100 de carottes normales — 0,15 de substance sèche , ou 100 : 1,09 : : 15 :0,1636 de matière grasse , carottine et matière colorante, Pommes de terre. — Pommes de terre grosse , jaune, patraque , substance sèche — 25 à 26,3 pour 100. 100 de pommes de terre sèches — 0,32 de graisse. 100 id. id. normales — 0,08 Ces analyses , qu’on multipliera sans doute , établissent l'exis- tence incontestable de certaines matières grasses dans tous les fourrages. On pourra donc faire entrer assez utilement les don- nées qu’elles fournissent dans le calcul des régimes des bestiaux. Mais sous le point de vue physiologique, il faut aller plus loin. On pourrait craindre quelque erreur toutefois, en comparant ainsi du foin pris au hasard et des rendemens en lait observés au hasard aussi, encore bien que ce soient des moyennes. Mieux vaut sans doute une expérience directe, donnant la proportion de beurre constatée par l'analyse relativement à la matière grasse du foin mangé paï la Vache, et analysé lui-même avec soin. Cette expérience a été faite, et elle l’a été par M. Boussingault, avec de tels soins et sur une telle échelle, qu’elle convaincra les agriculteurs, nous en sommes persuadés. L'expérience a duré un an. Elle a porté sur sept Vaches lai- tières de la race de Schwitz. Le lait a été mesuré avec soin aux deux traites de chaque jour. Les sept Vaches ont fourni 17576 litres de lait d’une densité moyenne de 1035. D'après cela, on peut estimer le poids du lait à 18191 kilogrammes. 368 DUMAS, BOUSSINGAULT €t PAYEN. Des analyses plusieurs fois répétées , et dont les résultats ont peu varié, ont indiqué dans le lait 3,7 pour 100 de beurre complétement privé d'eau. D'où il suit que les sept Vaches ont fourni, dans l’année, 673 kilogrammes de beurre. Pendant ce temps , elles ont mangé chacune 15 kilogramimes de foin , regain et trèfle par vingt-quatre heures, c’est-à-dire, en tout, 38325 kilogrammes pendant l'année, pour les sept vaches. Or, si l’on admet que le foin contienne seulement 1,8 de matière grasse pour 100, on trouve que les 38325 kilogrammes en représentent 680. . Si l’on suppose que la proportion moyenne s'élève à 2 pour 100, on trouve en tout 766 ou 1149 kilogrammes. En tenant compte de l'emploi du trèfle, plus riche encore, on voit que cette dernière quantité serait même de beaucoup dépassée. Or, le beurre obtenu ne s'élève qu’à 673 kilogrammes. Ainsi, pour produire une quantité de beurre qui s'élève à 67 kilogrammes , par exemple, une Vache mange une quantité de foin qui renferme au moins 69 kilogrammes, et probable- ment 76 kilogrammes de matière grasse ou même davantage. Nous avons reconnu, par un examen plus approfondi, que les matières grasses que nous avions observées dans les fourrages s’y trouvent en plus grande quantité que nous ne l’avions cru d’abord. Heureusement qu’il nous a été possible d'appliquer ces nouveaux coefficiens à une expérience faite à Bechelbronn sur une Vache bien choisie, surveillée depuis long-temps, et qui était arrivée à cet état où la production du lait reste à-peu-près constante. C’est là un point important dans les recherches de cette nature, et sur lequel on aura probablement l’occasion de revenir. La Vache soumise à l’expérience est Esméralda , n. 6, de l'étable de Bechelbronn : elle a vêlé le 26 septembre; on l’a fait saillir le 4 novembre. Jusqu'au 22 janvier (inclusivement}), cette Vache recevait la ration ordinaire, composée alors , pour vingt-quatre heures, de : Sur l’origine de Regain de f in. . Tourteaux de colza. . Navets . . . . . Balle de froment. . . la graisse. . 5 kilogr. Li Le produit en lait d’Esméralda, sous l'influence de cette nourriture , à été dans le mois de janvier : Lait en 24 heures. Janvier, Litres. JEU -17,50 D PD . + 7,00 + 7,00 .Me._:7:00 . 6,50 , 6,00 + 7,00 7,50 ER 47500: 5. 26,00 #46126,00 eu O0 mu no ke Janvier. 12. 13». 14. 19. VO 128 18 . 19 20 . Ar. 22 . . Lait en 24 heures Litres. - 7,00 . 6,50 . 6,50 + 7,00 . 6,00 F . 6,50 . 6,00 - 6,50 . 6,50 . 6,00 - 6,00 Le produit moyen en lait, durant les huit jours qui ont précédé ee à a été de 6x1,,30 par vingt-quatre heures. À partir du 23 janvier, la ration consommée par la Vache a été : 7,5okil. Foimir-91:0: ,: Paille de froment hachée! 5 Betteraves . . Chaque jour on a pris pour l'analyse un échantillon de chacun des alimens. Avec ce régime, le lait rendu a été: Janvier. 23 . . . Moyenne de huit jours. Litres. . 6,50 . 6,ov . 6,00 . 6,00 . 6,00 . 6,50 . 6,50 . 6,50 . 6,03 4,50 27,00 Lait en 24 heures, Le lait rendu est resté sensiblement ce qu’il était avaut la nouvelle ration. Vache a duré quatre jours, du 2% Le dosage des excrémens rendus par la XIX, Zooz. —Juin 3; 24 370 DUMAS, BOUSSINGAULT @t PAYEN. au 27 janvier. Pour faciliter ce dosage, la Vache avait été mise dans une stalle dont le sol est recouvert en dalles. La bouse humide était pesée chaque soir ; après l'avoir bien mélangée, on en prevait un échantillon ou poids de 500 grammes, que l’on desséchait ensuite à l’étuve. On connaissait ainsi la quantité de matière sèche contenue dans les excrémens humides. Produits rendus par la Vache en 24 heures. p Poids 100 d’ex- | Excrémens de l'échan-| poids crémens secs ee Excrémens| (lon |de l'échan-| buinides rendus Lait rendu DATES. soumis tillon contien- pur pendant humides. à à la desséché. la Vache le dusage. dessicea- en tion. 24 heures. Janvier 5 Janvier. ÿ Janvier Janvier (1) Le litre de lait pesait 100 grammes. Pour évaluer les substances grasses ou cireuses, renfermées dans les alimens consommés et dans les produits rendus, on a d’abord traité ces différentes matières par l’eau chaude; puis on les a desséchées , afin de les soumettre à l'action de l'éther d’abord, ct ensuite à l’action d’un mélange d’éther et d’alcool bouillant, Pour la betterave et les bouses , on a agi sur ces matières séchées; le foin et la paille n'ont pas subi de dessiccation, on les a divisés autant que possible ; puis, après un premier traitement, on les a réduits en poudre avant.de leur faire subir de nouveau l'action des dissolvans. La proportion de matières grasses contenue dans le lait a été déterminée par la méthode indiquée par M. Péligot. Alimens. Matières grasses pour 100. Première expérience. . . 3,6 Deuxième expérience. . 3,9 { Première expérience. . . 2,4 | Deuxième expérience . . 2,0 Betteraves (1) non desséchees, champêtres. . : . . . . o,1 Foie Cle Me © Paille En eTe- (x) M. Braconnot a déjà extrait, de l'albumine de la betterave à sucre, une matière cireuse et un acide gras liquide ( Annales de chimie et de physique ; tome vxx1v, page 442 ). Sur l’origine de la graisse. Produits. Excrémens seches à l’étuve . LETTRE SP SEE 371 Matières grasses pour 100. | Première expérience. . 3,5 | Deuxième expérience. . 3,9 SAS NE AUTRE 3,7 On peut donc adopter pour la proportion de matières grasses. Fois tue LAN EME RTS Betterave. .... . .,+ Excrémens secs. . . . Let Sd ME És + 3,7 pour 100. or :2 400,100. - 0,1 pour 100. - 3,6 pour 100. 3 «+ 3,7 pour 100. Résumé de l'expérience faite à Béchelbronn. ALIMENS CONSOMMÉS PAR LA VACHE EN QUATRE JOURS. PRODUITS RENDUS PAR LA VACHE EN QUATRE JOURS. © — © © — | nn — 1 = 2 Matières grasses contenues dans les alimens, Matières grasses contenues dans les produits. Nature des alimens. Nature des alimens. alimens. produits, gr. 108 1110 396 Betteraves ........ Foin .... Paille ... Excrémens secs ... 1614 Matières grasses des produits. . Matières grasses des alimens. . . 1413 Matière grasse séchée ou brûlée. | L La conclusion qui nous semble la plus naturelle à tirer de cette expérience, c’est que la Vache extrait de ses alimens presque toute la matière grasse qu’ils renferment, et qu’elle convertit cette matiere grasse en beurre. Peut-être pourrait-on à volonté, mais toujours dans cer- taines limites, faire varier la proportion de beurre dans le lait, et sa nature aussi. Pour le prouver, par exemple, ge suffi- rait-il pas de rappeler que le beurre des Vaches d'une même localité peut varier à tel point, selon qu’elles mangent des 24, 37a DUMAS, BOUSSINGAULT €t PAYEN. fourrages verts, ou bien qu'elles sont nourries avec des ali: mens secs, que le beurre des Vosges renferme, par exemple, 66 de margarine pour 100 d'oléine , en été , et jusqu’à 186 de margarine pour 100 d'oléine en hiver. Dans le premier cas , les Vaches paissent à la montagne ; dans le second , elles mangent des fourrages secs à l'étable. Mais on aimera mieux, sans doute , trouver ici une expérience directe à cet égard et qui nous paraît concluante; si l'on remplace la moitié de la ration de foin d’une Vache par une quantité équivalente de Tourteau de navette encore riche en huile, les Vaches se maintiennent dans une bonne condition; mais le lait fournit un beurre plus fluide, et ce beurre possède, à un point intolérable, la saveur propre à l’huile de navette. Qu'’opposer à cette expérience de l’un de nous, et comment n’en pas conclure que la matière grasse des alimens passe dans le lait, peu ou point altérée , pour en former le beurre? Qu'un agriculteur intelligent, guidé par des études chimiques convenables, s'empare de ces idées, et il parviendra bientôt, nous n’en doutons pas, à modifier la quantité et la saveur de ses produits à volonté, par des modifications sagement con- duites dans la nature des alimens fournis à ses troupeaux. En effet, l’Académie se rappelle que, il y a quelques années, l’un de nous eut l'honneur de lui communiquer des recherches sur l'alimentation des herbivores. Il a établi, dans ces recher- ches, que les alimens paraissent être d'autant plus nourrissans , qu'ils renferment une plus forte proportion d’azote ; il en a dé- duit une table d’équivalens nutritifs qui a été accueillie avec bienveillance et avec quelque profit par les cultivateurs. En étu- diant ces recherches, il fut amené à composer la’ration d'une Vache laitière avec des racines seulement. Il savait, d’ailleurs, qu'avec une ration de cette nature on pouvait nourrir un Bœuf de travail ou un Cheval ; mais le vacher augura fort mal de cette ration, parce qu'on avait supprimé les quelques kilogrammes de paille hachée ou de balles de froment qu’on ajoute ordinaire- ment aux racines. La prévision se vérifia, la Vache souffrit du régime nouveau. Ici, comme en plusieurs autres occasions, la pratique a donc Sur l’origine ae la graisse. 373 devancé la théorie, car l’usage si universel de faire intervenir des tourteaux huileux, des graines oléagineuses dans la nourri- ture des Vaches laitières et des animaux à l’engrais, est une pré- somption très forte en faveur de l'opinion que nous soutenons. Cet usage est un argument d’une bien plus grande valeur que tous ceux que nous pouvons tirer des recherches faites dans nos laboratoires. Ce que nous avons dit plus haut de l'expérience faite, par l’un de nous , sur sept Vaches, est-il applicable à la généralité des cas ? Nous n'’hésitons pas à l’affirmer. Il résulte , en effet, de tous les renseignemens , qu’en faisant manger 100 kilogrammes de foin, trèfle et regain secs, et à plus forte raison leur équivalent en vert, par des Vaches, on obtient, en moyenne , 42 litres de jait. Ou trouve, également en moyenne, que 28 litres de lait renferment et fournissent 1 kilogramme de beurre. D'où il suit que 100 kilogrammes de foin sec fourniraient 1“!,50 de beurre. Or, l'analyse indique dans le foin sec une quantité de matière grasse, qui s’éleve au moins à 3 et souvent à 4 pour 100; par conséquent , une quantité supérieure à celle que le lait qui en provient renferme, et capable de représenter en même temps celle qni se trouve dans les excrémens de l'animal. Un agronome, qui a fait de cet objet une étude attentive, présente les résultats d’une autre façon : c'est M. Riedesel qui, séparant l'aliment de la Vache en deux parties, distingue la ration d'entretien de celle qui servirait à la formation du lait. D’après lui , une Vache , pesant 600 kilogrammes , exigerait. 10 kilogrammes de foin sec pour sa ration d’entretien. À ce régime , elle ne pourrait donc produire de lait, sans maigrir. Mais à chaque kilogramme de foin qu’elle mange par-delà les 10 kilogrammes d'entretien , elle fournit 1 litre de lait, de.telle façon qu’en mangeant 20 kilogrammes de foin, une telle Vache. pourrait fournir 10 litres de lait. Ces résultats s'accordent avec nos propres renseignemens ; mais ils exigent une autre interprétation. Ainsi l’on aurait grand tort d'admettre, selon nous, qu'une 374 DUMAS, BOISSINGAULT e€t PAYEN. Vache puisse extraire 10 litres de lait de ro kilogrammes de foin sec. Cela nous paraît impossible, par la raison que 10 litres de lait contiennent 0“*,370 de beurre, et que 10 kilogrammes de foin sec ne renferment que 0*",300 de matières grasses. Aussi , n'est-ce pas ainsi que les choses se passent. Quand une Vache mange seulement 10 kilogrammes de foin sec , elle con somme tous les produits qu’elle peut en extraire, qu’ils soient azotés, gras ou sucrés. Mais vient-on à Jui fournir 20 kilo- grammes de foin sec, elle y trouvera des produits sucrés ou des produits analogues en quantité plus que suffisante à sa ration journalière, et rien ne l’empêchera de mettre en réserve, sous forme de lait, une portion de ces produits sucrés, une por- tion des matières azotées et la presque totalité de la matière grasse. On sait , au surplus, que, dès que la Vache engraisse, la ration restant la même, le lait diminue en proportion de l'ac- croissement de poids de l'animal , et dans un rapport que nous allons bientôt préciser. Comme tous les animaux, la Vache a besoin de produire par jour une quantité donnée de chaleur, et elle la développe cer- tainement au moyen des produits solubles que son sang ren- ferme, avant d'attaquer les produits insolubles, tels que les corps gras neutres que le chyle y verse sans cesse. Ainsi, à la faible ration de 10 kilogrammes, une vache con- somme tout ce qu’elle absorbe; vient-elle à manger 20 kilo- grammes , elle fait un triage, consommant certains produits, réservant les autres, et dès-lors elle trouve les 0*!',370 de beurre que son lait renferme , dans le foin qu’elle a reçu, et où l'analyse indique, au-delà même de 0“",700 de matière grasse. Mais, s’il est vrai que le foin renferme assez de matière grasse pour représenter le beurre qui existe dans le lait fourni par l'animal qui s’en nourrit, trouvera-t-on le même résultat quand on nourrira la Vache avec des alimens d’une autre nature ? La réponse sera facile, grâce aux renseignemens que nous devons à l’obligeance d’un des observateurs les plus attentifs qui se soient livrés à la production du lait, M. Damoiseau, qui a porté la rigueur des méthodes scientifiques dans l'étude Sur l'origine de la graisse. 375 de tous les phénomènes qu’il avait à étudier dans son bel éta- blissement. KATIONS ÉQUIVALENTES FOUR UNE VACHE,. ————— — I Il | III EE JR Es eee A RelterAVES- 2-25: 40 kil. carottes... 34 kil. [pommes de terre, 25 kil. Remoulage blauc. ...... . Eponge D HS. À ct ES A FPE CEE 3 Recoupette. ............. aan té As tlos scmois. 2,5 Euzerne>......--.. ae. ee SA l'erieres 3 | DORE ANS 3 Paille d'avoine. .......... CASSEL LORS LAS à à GAL NP IE. 6 Sel marin ..... sonssiee OQUAN LE nr DONS EE 0,03 54,55 48,55 39,55 Produit en lait et en crème. . | Maximum. Moyenne. Minimum. | Pour bien faire saisir le véritable sens de ces expressions, il faut que nous ajoutions que, le minimum du laitétant de 3 litres q ques 7) par jour, la moyenne s'élève à 9 ou 10 litres, et que le maximum peut s'élever à 15 litres par jour (1) | RATION | RATIONS ÉQUIVALENTES POUR UNE ANESSE. POUR UNE CHÈVRE. | kil. kil. kil. kil. Betteraves ..... 14,000 |carotles. 11,900 |pommes de terre. 8,744 |betteraves.5,900 Remoulage blanc. 1,050 |..... sUx,d5o! RENE 205 cr os al, 2. 1 0,500! Recoupette .... 0,955 |s...., 0,9551....,........ 0,955|....... 0,460 Luzerne. ...... 15010 fee. --e 1,050)... 20 da) AA 0,500 Paille d'avoine. . 2,000: |... .. 2,200! 1e cime, pores (2,100! ant. + 1,000 Sel marin... ... 0,020 |...... DM ---r-r2e-- 0010... 0,010 19.175 16,075 13,919 8,370] Produit en lait et DE : HAE Maximum. Moyenne, Minimum. Maximum. (x) Chez les nourrisseurs qui approvisionnent Paris, et dans les grandes villes en général, on se débarrasse des vaches qui, commençant à engraisser, ou par d’autres causes, donnent peu de lait: il en résulte que la moyenne de la production du lait s'élève daus ces localités, 376 DUMAS, BOUSSINGAULT @t PAYEN. En prenant les équivalens solides de la pomme de terre, de la carotte et de la betterave , on voit donc encore, d’après les expériences faites sur des Anesses, que la pomme de terre donne le minimum du lait, tout comme on l'avait observé sur des Vaches. Calculons maintenant la valeur réelle de ces divers alimens, et prenons d’abord comme exemple le régime de la betterave. Il se-compose de 4o kilogrammes de betteraves et de 14*',55 de son , luzerne et paille , qui semblent uniquement destinés à lester l'estomac de l'animal, comme on le croit en effet générale- ment. L'analyse chimique va bientôt nous apprendre ce qu'il faut penser de cette opinion. La paille d'avoine ne renferme pas moins de 5 pour 100 de matière grasse résinaïide; la luzerne en contient 3,5 pour 100; le son à pour 100. D'où il suit que, dans le régime d’une Vache laitière dans l'établissement de M. Damoiseau , il entre: 5k,5 Remoulage et recoupette à 5 pour 100 = 0k,275 de matière grasse. 3 ,o Luzerne . . . ST Re) 0 ,090 6 ,0 Paille d'avoine. . . - . 4 0 ,240 0 ,605 Voilà donc 600 grammes de matière grasse , quantité plus que suffisante pour produire non-seulement 10 litres de lait, mais même 15 litres de lait très riche en crême, quantités qui ren- ferment de 40o à 55o grammes de beurre. Sila Vache reçoit en outre 4o kilogrammes de betterave, elle trouve , dans ce nouvel aliment, 6 kilogrammes de matière solide formée de sucre qu’elle brûle, de 20 grammes de matière grasse qui peut passer dans le beurre, de matières azotées qui peuvent se convertir en caséine. L'eau de la betterave est d’ailleurs loin d’être inutile , elle est nécessaire tant à la‘ production du lait qu’aux diverses fonctions de la vie de l'animal. Quand on donne à la Vache 25 kilogrammes de pommes de terre, c'est encore 6 kilogsammes de matière sèche qu'elle reçoit, Cette matière renferme encore 20 grammes de substance Sur l'origine de la graisse. 377 grasse associée à beaucoup d’amidon qui peut se convertir eu sucre, et à des matières albuminoïdes qui interviennent dans la digestion. Si la pomme de terre fournit moins de lait que la betterave , cela tient sans doute à ce qu’elle renferme moins d’eau. D'après l'analyse , il faudrait près de 33 kilogrammes de carottes pour représenter 40 kilogrammes de betteraves; mais le régime des carottes est déterminé par d’autres considérations que celles qui se rapportent à la production économique du lait (1). Il résulte de cette discussion qu’à la place des 20 kilogrammes de foin sec qu’une Vache recevrait,on lui donne 14 kilogrammes de paille d'avoine , son ou luzerne , et 6 kilogrammes de bette- raves ou de pommes de terre supposées sèches : en tout 20 kilogrammes. Dans ce dernier régime , la betterave ou la pomme de terre constituent la ration d'entretien et soutiennent la vie de l'animal par leur sucre ou leur amidon. C’est la paille d'avoine, le son et la luzerne, qui fournissent, au contraire, la plus grande partie des matières grasses nécessaires à la production du lait. Si nous essayons de passer maintenant aux phénomènes de l'engraissement des animaux, nous allons trouver une appli- cation tellement exacte des principes que nous avons posés, que , s’il reste quelques circonstances à éclaircir, nous espérons qu’elles ne tarderont point à l'être par les agriculteurs, qui s’empresseront de se livrer aux expériences nécessaires pour contrôler des vues qui ont tant d'intérêt pour eux. En partant des nombres résultant des expériences de M. Rie- desel , qui s'accordent , du reste, en quelques points, avec les renseignemens que nous avons pu nous procurer par nous- mêmes , on arrive aux résultats suivans : D’après M. Riedesel, on trouverait qu'un Bœuf, pesant 600 kilogrammes , conserve son poids, quand il mange ro kilo- (x) Cette alimentation est réservée pour les vaches moins bonnes laitières chez lesquelles on veut encore affaiblir la richesse du lait, afin de remplacer, par ce produit, le lait des femmes. On comprend que l'on se propose ainsi d'éviter une trop brusque transition lorsque le lait d’une nourrice vient à manquer. 378 DUMAS, BOUSSINGAULT €@t PAYEN. grammes de foin sec par jour. A l'engrais , le même Bœuf exigerait, pour sa nourriture complète, 20 kilogrammes de foin sec par jour, et il pourrait gagner 1 kilogramme en poids sous l'influence d’un tel régime. Tout en considérant les expériences de M. Riedesel comme présentant des résulats trop favorables, comme donnant le maximum du pouvoir nutritif du foin ou de ses équivalens, nous admettons , avec cet agriculteur, que 10 kilogrammes de foin peuvent produire environ 10 litres de lait, ou bien à-peu- près 1 kilogramme de Bœuf ; reste à savoir ce que c'est que 1 kilogramme d'augmentation dans le poids d’un Bœuf. Or, voici comment on peut concevoir que ce kilogramme se dédouble. En admettant que la matière grasse du foin soit fixée par l'animal , de même qu’elle passe dans le lait de la Vache, on trouve que le Bœuf a reçu 0“",370 de graisse environ. Reste donc o“!:,630 de viande humide, qui doit renfermer o“:,160 de viande sèche, D'où il suit que le Bœuf qui s’engraisse , en supposant même qu'il puisse fixer dans ses tissus toute la substance grasse du foin qu'il mange, ne retire pourtant de sa nourriture que la moitié, au plus , de la matière azotée qui en serait extraite par la Vache sous forme de lait, et qu’il perd de la totalité du produit ali- mentaire que la Vache convertit en sucre de lait. Il n’est pas même nécessaire de recourir à cette discussion, pour montrer à quel point la différence est grande entre la Vache et le Bœuf, sous le point de vue du parti qu'ils tirent, au profit de l’homme, de l'aliment qu'ils ont reçu. En effet, dans cet exemple, que nous empruntons à M. Riedesel , pour fixer les idées, la Vache qui a consommé au-delà de sa ration d'entretien, 10 kilogrammes de foin, fournit ro litres de lait, qui représentent 1Kl.,4 de matière sèche, tandis que le Bœuf n’a augmenté,.que de 1 kilogramme avec la même alimentation, et dans ce kilo- gramme la part de l’eau, fixée dans les tissus de l’animal, doit certainement figurer pour la moitié ; d’où il suit qu'il |y aurait exagération à supposer que le Bœuf eût fixé 0" ,500 de matière sèche, en se nourrissant avec l'aliment qui en a fourni 1%l:,400 au lait de la Vache. Sur l’origine de la graisse. 379 La Vache laitière retire donc, au profit de l'homme , du même pâturage, une quantité de matière alimentaire qui peut dépas- ser le double de celle qu'en extrairait un Bœuf à l’engrais. On voit donc que tout ce qui tend à établir le commerce du lait sur des bases propres à inspirer la confiance et la mériter se- rait digne au plus haut degré de l'attention d’ane administration intelligente. D'où il suivrait encore que l'introduction plus géné- rale des fruitières suisses et des fromageries serait un des ser- vices les plus essentiels à rendre à notre agriculture, du moins dans les localités où la consommation directe de la totalité du lait par les hommes ne serait pas possible. Voyons toutefois si ces vues s'accordent avec l'expérience générale, et examinons si les relations que nous avons admises entre la sécrétion du lait et l’engraissement sont confirmées par la pratique. Voici une note que nous devons à l’obligeance de M. Yvart; elle donne le résumé d'une longue suite de faits : « La sécrétion du lait, dit cet habile vétérinaire , semble alter- ner avec celle de la graisse. « Quand une Vache laitière engraisse, la lactation diminue. Les races les meilleures restent long-temps maigres après le vé- lage. Dans certaines races anglaises dont le tissu cellulaire grais- seux est très développé (par exemple, la race de Durham), la quantité de lait peut être considérable après le vé/age ; mais les bêtes ne tardent pas à engraisser : la sécrétion du lait ne dure pas aussi long-temps que dans les Vaches de Hollande ou de Flandre. « Les truies anglaises, qui forment beaucoup plus de graisse que les truies françaises, sont rarement aussi bonnes nourrices, c'est-à-dire donnent moins de lait. » Si l’on admet qu’il existe une telle balance entre la forma- tion du lait et celle de la graisse, on est bien près d'admettre aussi que les alimens gras, indispensables à la production du lait, ne le sont pas moins à la production de la graisse des ani- maux. Y at-il des circonstances dans lesquelles on aurait engraissé des animaux avec des alimens dépourvus de graisse? 380 DUMAS, BOUSSINGAULT €6t PAYEN. Nous avouons n’avoir pas rencontré un seul fait qui nous ait paru propre à faire soupçonuer qu'il en fût ainsi, Un agriculteur fort habile a essayé, par exemple, l'effet des pommes de terre pour l’engraissement des Porcs, et il-n’a pu parvenir à les engraisser au moyen de ceîte alimentation qu’en ajoutant des tourteaux de cretons qui renferment, comme on sait, une quantité considérable encore de matière grasse. D'un autre côté, nous avons fait sur des Porcs des expé- riences qui semblent tout-à-fait concluantes, et desquelles il résulte que , tandis que deux Pores du Hampshire , qui avaient mangé 30 kilogrammes de gluten et 14 kilogrammes de fécule, n'avaient gagné que 8 kilogrammes ; deux autres animaux de même race, de même âge et de même poids , qui, dans le même temps , avaient mangé 45 kilogrammes de chair cuite de têtes de mouton, contenant 12 à 15 pour 100 de graisse, avaient gagné 16 kilogrammes. Cependant , à en juger par l'analyse élémentaire , ces nourritures étaient équivalentes. La première, en effet, représentait : gluten sec, 12 kilogrammes; plus, fécule : 14 kilogranimes. La deuxième contenait : viande sèche, 9',5, et graisse , 7 kilogrammes. Ainsi donc les quantités de carbone et d'azote étaient même un peu plus fortes dans l'aliment végé- tal ; mais ces deux rations différaient notablement en ce sens, que la nourriture animale renfermait une quantité de graisse équivalente à ce que l’autre contenait en fécule. Dans un second essai, quatre Porcs, nourris avec des pom- mes de terre cuites, des carottes et un peu de seigle, avaient gagné 53%:,5 seulement, tandis que, mis au régime de la viande de têtes de mouton cuites, quatre autres Porcs, de mème âge et dans les mêmes conditions , avaient gagné 103 ki- logrammes. Nous avons dû même être très frappés de cette circonstance , que l'augmentation du poids d’un animal qui engraisse, étant considérée comme se représentant par 5o pour 100 d’eau, 33,3 de graisse et 16,6 de matière azotée, on arrive à cette consé- quence que la majeure partie de la graisse se fixe dans le tissu de l'animal. Ainsi les premiers Porcs avaient mangé 6“, de graisse et en rs Sur l’origine de la graisse. 38r avaient gagné D*},9 ; les quatre derniers avaient mangé 8“!.,4 de graisse et en avaient acquis 6*",7. Depuis quelques années, on applique en grand, dans des éta- blissemens spéciaux, la méthode d'alimentation avec la chair musculaire cuite, et l’on a reconnu que lorsqu'elle vient d’ani- maux amaigris, elle ne peut suffire qu’à l'entretien et à la crois- sance des Cochons : là se borne l'effet de cette nourriture, à la- quelle il faut faire succéder une des alimentations propres à dé- velopper les sécrétions adipeuses. L'objet qui nous occupe ayant été soumis à une discussion publique, nous allons reprendre, en terminant, quelques-uns des argumens qui ont été produits. M. Liebig a fait remarquer que les carnivores sont, en géné- ral, dépourvus de graisse, et que les herbivores en renferment beaucoup. Il a cité, par exemple, les Bœufs, les Moutons, les Dauphins, les Baleines, comme dés types d’herbivores riches en graisse. il faut, de ces exemples, éliminer les Cétacés, qui, en effet, très riches en matières grasses, sont néanmoins de véri- tables Carnassiers, comme tous les naturalistes le savent. C'est même, à coup sûr, l’un des problèmes les plus curieux de la physique du globe, que celui que présente la vie animale au milieu des mers où elle est entretenue par une masse de vé- gétaux qui, sur les continens , paraïîtrait à tous égards bien in- suffisante. Les belles recherches de M. Morren, en montrant que cer- tains animalcules décomposent l’acide carbonique comme les plantes , nous expliquent cette grande énigme, et font voir que la nourriture des grands animaux marins peut fort bien être pré- parée par les animalcules fonctionnant comme végétaux en cer- tains momens et par certains organes. Mais est-il bien vrai que les Herbivores soient les seuls ani- maux riches en graisse ? Il est permis d’en douter. L'analyse sui- vante confirme ce doute pour les Carnivores terrestres. 382 DUMAS, BOUSSINGAULT €t PAYEN. Composition du cadavre d'un Chat gras dépouillé et vidé. Poids à l’état normal, ‘1835 grammes. SUBSTANCES desséchées à l’étuve, SUBSTANCES cuites. Widndeftés Rene. 862 397,8 ” graisse séparée à la main. 96,9 85,0 Poids après cuisson durant quatre) cervelle............. 20,4 5,1 heures dans l’eau bouillante. ..,\ 0os................. 209 132,6 extrait de & ‘/, litre de bouillon,........,. 32,0 1248,3 652,5 ——__—————…—…—…——.—.—…————…—.—…— —…—…——_——_—._—————.— HUMIDE. | DESSÉCHÉE. TIBTE, Lee pire sie mal ein restée dans la viande... restée dans les os, le bouillon et la cervelle. Poids total de la graisse......... id. TRE Te la chair et tissu adipeux interposé secs. Proportions de graisse sèche dans | le cadavre à l'état normal. ........ LME { privée de graisse libre la chair cuite! à fondue à l'ébullition. . L'exemple suivant donne , à notre avis, une image assez nette des-rapports que nous avons essayé d'établir. Dans les cordilléres peu élevées, où les Palmiers sont abon- dans, on rencontre beaucoup d’Ours ( Ursus ornatus) dont la principale nourriture consiste en fruits huileux, et surtout en jeunes pousses de Palmiers. Ces Ours acquièrent un embonpoint remarquable. Leur présence attire particulièrement les Jaguars, qui se multiplient singulièrement dans ces parages. Ainsi , c'est la graisse faite par le Palmier qui passe dans l’'Ours, et de là dans le Jaguar ou Tigre d'Amérique. Nous ne terminerons pas cet exposé sans rappeler les expé- Sur l’origine de la graisse. 383 riences remarquables par lesquelles notre confrère M. Magen- die a si bien établi quele chyle des animaux nourris d’alimens gras est lui-même très riche en matière grasse, et que , sous l'influence d’une alimentation riche en graisse, les animaux présentent cette affection du foie qu'en désigne sous le nom de foie gras. Ces faits ont été d’un grand poids dans la discussion ‘ qui nous a conduits aux opinions que nous venons d'exprimer. En résumé, nous trouvons, par l'expérience que le foin renferme plus de matière grasse que le lait qu’il sert à former, qu'il en est de même des autres régimes auxquels on soumet les Vaches ou les Anesses; Que les tourteaux de graines oléagineuses augmentent la pro- duction du beurre, mais parfois le rendent plus liquide et peuvent lui donner le goût d'huile de graines, lorsque cet aliment entre en trop forte quantité dans la ration ; Que le maïs jouit d’un pouvoir engraissant {déterminé par l'huile abondante qu’il renferme; Qu'il existe la plus parfaite analogie entre la production du lait et l’engraissement des animaux, ainsi que l’avaient pressenti les éleveurs; Que le Bœuf à l’engrais utilise pourtant moins de matière grasse ou azotée que la Vache laitière; que celle-ci, sous le rapport économique, mérite de beaucoup la préférence, s’il s'agit de transformer un pâturage en produits utiles à l’homme, Que la pomme de ierre, la betterave, la carotte, n’engraissent qu’autant qu’on les associe à des produits renfermant des corps gras, comme les pailles, les graines des céréales, le son et les tourteaux de grain-s oléagineuses ; Qu’à poids égal , le gluten, mêlé de fécule, et la viande, riche en graisse, produisent un engraissement qui, pour le Porc, diffère dans le rapport de 1 à 2. Tous ces résultats s'accordent si complétement avec l'opinion qui voit dans les matières grasses des corps qui passent du canal digestif dans le chyle, de là dans le sang , dans le lait ou les tissus, qu'il nous serait difficile d'exprimer sur quel fait agricole se fon- derait la pensée qui voudrait considérer les matières grasses comme capables de se former de toutes piéces dans les animaux. 384 DUMAS, BOUSSINGAULT €t PAYEN. Nous savons parfaitement qu’on est parvenu à transformer des corps, tels que l’amygdaline,. en huiles d'amandes amères, acide cyanhydrique , etc.; nous savons qu’elle a pu conver- tir la salicine en huile de reine des prés, acide carbonique, etc., et nous croyons {donc que, par de tels dédoublemens, dans des circonstances particulières, certaines matières végétales pourraient fournir des corps à la chimie; mais jusqu'ici aucun des phénomènes de l’économie des animaux supérieurs ne nous a donné lieu de penser que de tels faits fussent de nature à jouer un rôle dans leur digestion , dans la formation de leur chyle, dans la production de teur lait ou dans les phénomènes qui se passent pendant leur engraissement. (1) La question qui fait l’objet de ce Mémoire a été vivement agitée dans ces derniers temps, en raison même de la dissidence d'opinion qui s’est élevée entre M. Liebig et nous. Jusqu'ici, nous avons toute raison de considérer notre opinion comme la plus conforme aux faits; on va le comprendre, en parcourant le résumé suivant des argumens mis en avant par M. Liebig : 1° Nous avons avancé que les herbes, les fourrages, et en général les alimens des Herbivores, renferment des matières grasses en quantité de quelque importance. M. Liebig, qui avait admis le contraire, parait d'accord avec nous sur ce point main- tenant. 2° Nous avons dit que le Maïs, si favorable à l'engraissement des volailles, contient de 7 à 9 pour 100 de son poids d’une huile fixe. M. Liebig, qui avait admis d’abord que le Maïs ne (x) Des faits nombreux et dignes d'une sérieuse attention ont appris que les fourrages verts profitent en général bien plus que les fourrages secs dans la production du lait et dans l’engrais- sement des animaux : il serait curieux et utile, sans doute, de déterminer les circonstances favorables à cette assimilation plus complète et ses elfets précis. C'est là un sujet de recherches fort intéressantes; si nous eussions pu l’aborder, nous aurions voulu encore rapprocher les résultats de ces régimes alimentaires comparés, des faits remar- quables observés par M. Magendie, et qui ont déveilé de si notables différences entre les pouvoirs nutritifs des viandes cuites et des chairs crues. Mais de pareilles études nous eussent entraïnés trop loin; nous avons préféré rester dans le cadre que nous nous étions tracé, laissant à d’autres expérimentateurs le soin d'approfondir ces questions et sans renoncer toutefois à nous en occuper nous-mêmes, Sur l'origine de la graisse. 38) renferme pas un millième d'huile, en a trouvé plus tard presque autant que nous, 3° En principe, M. Liebig regarde les herbivores comme char- gés de produire la graisse, et comme étant conséquemment le type des animaux gras. Il cite comme exemple de ce genre les Baleines et les Daaphins, et il se demande si les herbes marines ont pu leur fournir l'énorme quantité de graisse que le corps de ces Cétacés renferme. Tous les naturalistes savent que ces ani- maux sont carnivores, Ce qui prouve que l'accumulation de la graisse chez les animaux n'est pas liée exclusivement avec un régime végétal. 4° M. Liebig regardait la cire comme incapable de fournir des acides gras, et il en tirait la conséquence que nous avions tort de considérer la cire comme le point de départ possible des graisses animales. M. Léwy a fait voir que la cire se convertit facilement en acide stéarique et margarique. M. Gerhardt a prouvé, de plus, que cette substance donne par l'acide nitrique exactement les mêmes produits que les autres corps gras. 5° M. Liebig admettait que la graisse des Herbivores pouvait se former aux dépens de la fibrine, de l’albumine, de la ca- séine , de la gomme, c’est-à-dire de tous les principes de leur sang ou de leurs alimens. Nous croyons qu'il a renoncé à cette opinion. 6° M. Liebig considérait lamidon et le sucre comme capables de se transformer en une graisse neutre par une simple élimi- nation d'oxygène. Nous ne pouvons partager cette opinion, et si le sucre intervient dans la formation des graisses, ce ne peut être, selon nous, que comme origine des acides gras propre - ment dits, de la même manière qu'il produit l’acide phocénique dans l’huile de l'eau-de-vie de pommes de terre. 7° Enfin M. Liebig avait cherché, en combinant quelques ex- périences de l’un de nous, faites dans un autre but, à prouver que la formation du lait, ou plutôt celle du beurre, était indé- pendante des matières grasses des alimens de la Vache. L'expé- rience directe et spéciale citée plus haut prouve le contraire. En résumé, nous avons donc prouvé, comme l'ont admis XIX. Zoo. —- Juin, 25 380 DUMAS, BOUSSINGAULT et PAYEN. — Sr la graisse. MM. Tiedmann et Gmelin, que les matières grasses des ali- mens des Herbivores jouent un rôle incontestable dans les phé- nomènes de leur engraissement et de la formation du beurre de leur lait. Nous croyons avoir démontré que la fibrine, l’al- bumine, la caséine, ne produisent aucun effet quelconque sur ces phénomènes. Reste à savoir si, dans quelques circon- stances, le sucre peut intervenir, auquel cas ce serait , non en perdant de l'oxygène pour former nne graisse neutre, mais par l'elfet d’une fermentation spéciale et par la production de cer- tains acides gras ; néanmoins, jusqu'ici, nous ne voyons rien dans les pratiques agricoles qui justifie cette intervention. Au point de vue de la physiologie générale, nous n’avons rien trouvé dans la discussion qui s’est élevée sur ces ques- tions. qui pût nous faire admettre que ces graisses se forment dans le sang des Herbivores par suite d’une combustion impar- faite de leurs alimens, comme le pense M. Liebig, qui voit le phénomène de l’engraissement comme étant le résultat d’une respiration insuffisante combinée avec un excès de nourriture quelconque. Pour nous, des alimens gras, on tout au moins des alimens capables de se convertir en graisse dans le tube digestif, nous semblent toujours la condition indispensable de l’engraissement. Si, pour l’accomplissement du phénomène, il faut que la res- piration soit ralentie et bornée, c’est pour que les matiéres grasses ne soient pas brülées , et non pour déterminer leur for- mation que cette condition intervient. C’est à l'expérience à nous apprendre si la formation des graisses précède toujours la séparation du chyle comme nous le pensons, ou bien si elle s'effectue, comme l’a admis M. Liebig, après que le chyle est passé dans le sang, et par suite d’une res- piration incomplète et gènée, d’une oxygénation insuffisante du sang. Telle est, en définitive, la véritable expression des deux systemes : l'avenir les jugera. HUBEr. — Sur une larve de Pamphilie. 387 Mémoire ou Notice pour servir à l’histoire d'une Mouche à scie, Par M. Prerre Huger. (1) L’insecte dont il s’agit ici est assez rare dans notre pays, à ce que je suppose, ne l’ayant encore connu que sous forme de larve, et ces larves sont si peu communes, que j'en ai à peine trouvé, en les cherchant bien, plus d’une ou deux chaque année. Je me propose de faire connaître la premiére période de son histoire, en attendant que des circonstances plus heureuses me permettentde la compléter. Je regrette surtout de ne pouvoir don- ner la description de l’insecte parfait (2); mais, comme on le sait, chez un grand nombre d'insectes, tout l'intérêt philosophique ré side dans l'histoire des larves. Ce sont elles , en effet, qui le plus souvent déploient à nos yeux cette industrie , qui excite à si juste titre notre admiration. Cet insecte appartient (PI. 12 B, fig. 1) à cette classe de Mouche à scie dont les larves, dépourvues de pieds membraneux, ne jouissent que de six pattes écailleuses appartenant au corselet, et dont la partie postérieure ou l'abdomen est armée latéralement de deux pointes dures et cornées, qui s’écartent l’une de l’autre p“esque en ligne directe. Ces pointes très saillantes sont, je crois, adhérentes au pénultième anneau. Le dernier ne m'a point paru avoir d'organes comparables aux jambes caudales des chenilles : il est, au contraire , d’une substance écailleuse et solide, ayant quelques marqueteries de couleur brune en dessus ; il se termine par un bord ovalaire; mais il s’ouvre de bas en haut, pour offrir un passage aux déjections de l’insecte ; néanmoins il fait aussi, dans quelques cas , l'office de pied. La tête est entie- (1) Mémoires de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève , tome xt, partie 11, page 399. (2) M. Westwood , à qui l’on doit un grand nombre de recherches entomologigues , avait de son côté, observé la larve dont M. Huber donne ici la description, et il avait constaté qu'elle appartient à une espèce de Pamphilie , le Lyda inanita. ( Voy. Introduct. to the mo. dern classif. of insectes, vol. 2, p. 107, et Aun of nat. history, mai 1843, p. 3:6.) 25 358 nuser. — Sur une larve de Pamplulie. rement écailleuse ; les yeux y sont très visibles et saillans: elle est pourvue de fortes mächoires assez courtes, de deux antennes placées près des yeux , et de deux ou trois paires de palpes, dont la longueur dépasse celle des mâchoires, et qui font l'office de mains, pour retenir la feuille que l’insecte mange on travaille. La longueur de cette larve varie de six à huit lignes; sa grosseur est d’une demi-ligne, sa couleur générale est d’un vert bleuâtre; la tête est de couleur jaunûtre, et les pieds sont noirs. Il y a une petite tache noire sur le premier anneau : c’est sur le noisetier que cet insecte habite dans son premier état. La plupart des teignes et autres insectes , habiles à se former des fourreaux , les transportent en tous lieux avec eux; mais , au moins, pendant la jeunesse de la larve en question, elle est obligée de le lier fixé à la feuille dont il fut extrait; il conserve donc toute la verdure de la feuille même; mais il vient enfin une époque où cette larve se détache de la feuille et le trans- porte de place en place avec.elle. Le fourreau dont elle s’enve- loppe est d’une forme trés singulière : c'estun cornet très allongé, fort étroit à la pointe et assez large à son orifice (fig. x, etc.). Il est formé d’une lanière ou d’une bande d’une feuille de noisetier contournée en spirale, et composé d’un nombre de spires va- riables; mais ce ruban, très étroit à l’extrémité inférieure, ne produit d'abord que des spires fort étroits et d’un petit diamètre, car, dans l'origine, la larve n’abesoin qued'un fourreau trèsétroit. Quand il est au complet, il a de douze à quatorze lignes de long, et deux lignes de diamètre à son orifice:il est composé de plus de dix spires. La partie extérieure du fourreau présente la surface supérieure de la feuille, dont les dentelures sont entièrement conservées : ellessont contournées vers la pointe du cornet. Cette demeure est très spacieuse pour notre larve : aussi peut-elle s'y retourner avec la plus grande facilité. Elle forme ce cornet d’une bande étroite de la feuille le long du bord, bande qu’elle tourne ensuite en spirale autour d'elle par un procédé que je décrirai tout-à-l’heure (PI. 12B, fig. 3). Quand cette portion a pris la forme ou la position voulue, elle continue à couper la bande un peu plus loio , et toujours à-peu-près paralièlement au bord de la feuille. De proche en proche, elle enroule autour muger. — Sur une larve de Pamplhilie. 3609 d'elle de nouvelles portions, et cela pendant tout le temps de sa croissance , en sorte que le cornet , d'abord fort court, s'allonge chaque fois qu’elle y travaille. Mais elle ne se contente pas de se vétir : chemin faisant, elle se nourrit, elle mange même prodi- gieusement , seulement, en mangeant, elle à bien soin de ménager la bande nécessaire à son vêtement ; elle mange avec méthode, et dans le double but de pourvoir à sa subsistance et à son logement. Je dis son logement, parce que ce fourreau, trop large pour pouvoir étre vraiment considéré comme un simple vêtement, fui sert plutôt d'asile que d’abri contre les injures de l'air. Une autre partie de l’art de cet insecte consiste à savoir rouler autour de lui cette bande qui d’elle-même retomberait par son propre poids comme un lambeau de la feuille. L'on pense bien que c’est au moyen de sa soie, habilement mise en œuvre, qu'il réussit à lui donner la position requise et à l'y maintenir. Voicien gros le procédé qu'ilobserve, procédé analogue jusqu’à un certain point à celui des chenilles rouleuses, qui consiste à mener des fils de la surface du rouleau à la portion de la feuille qu’elles veulent ajouter à leur ouvrage. Le poids de leur corps, appuyé sur les premiers fils, rapproche la feuille du centre du rouleau , et de nouveaux fils tendent à la maintenir dans cette position ; mais la maniere dont notre larve opère chaque fois qu'une nouvelle portion de la feuille doit étre ajoutée à son fourreau, mérite plus de détails (fig. 4, 5, 6). Il y a déjà ordinairement trois trames tendues depuis l’orifice de son fourreau jusqu’à la feuille. La première trame est située surle rouleau même :c’est la plus courte; elle va à la feuille par le chemin ie plus direct; la seconde prend au milieu de la dernière spire , et va également à la feuille ; et la troisième prend encore plus haut, c’est-à-dire à l'endroit où commence l’enroulement de la bande. Ces trames sont composées de fils parallèles les uns aux autres et à-peu-près perpendiculaires à l’orifice. Après que la larve a rongé la feuille assez pour fournir matière à l’enrou- lement , sortant à moitié de son fourreau , elle monte sur la première trame et en produit une nouvelle; que j'appelle n° 1 bis, semblable, mais dont les fils sont établis plus baut sur 390 nuprr. — Sur une larve de Pamphilie. le rouleau et sur la feuille. Après cette opération, elle rentre dans son entonnoir et en ressort par l'intervalle qui règne entre la seconde et la troisième trame ancienne : elle monte sur la seconde, la fait céder par son poids ou peut-être par la contrac- tion de son cerps, et établit une trame n° 2 bis, composée d’une vingtaine de soies ; enfin elle se place sur la troisième , et fait de là une nouvelle trame, n° 3 bis. Par ce moyen, l'enroule- ment s'opère à vue d'œil, et la partie découpée se roulant presque en entier, le cornet spiral acquiert un quart de tour à chaque fois, il gagne chaque jour une spire entière. Au fait, c'est le cor- net qui se roule successivement sur la bandelette. Maintenant les trois trames bis deviennent fondamentales et servent de type à trois nouvelles trames, qui, à leur tour, seront suppléées par d’autres. Tel est, autant que j'ai pa m'en assurer, l'esprit de ce procédé. Le rouleau tourne pendant l'opération du filage et point du tout pendant que la larve ‘découpe la bandelette. Il faut observer que les chenilles rouleuses font des cylindres avec les feuilles, tandis qu'ici l’enroulement doit être oblique, pour produire une spirale, et c’est probablement ce qui nécessite la complication du procédé qu’emploie la larve de la Mouche à scie du noisetier. L’axe du cornet ou du fourreau de notre larve est fréquem: ment placé à angle droit de la tangente qu'on pourrait tirér au bord de la feuille; cependant l’orifice n’est point parallèle à ce bord ; cet orifice est, au contraire, très oblique et tel qu'il devrait être, pour qu’en s’enroulant, la bande dont il est formé ne recouvrit la dernière spire que par le bord , et de manière à former un prolongement au fourreau et non une simple dou- blure. Il arrive quelquefois à cette larve, soit par hasard, soit par intention, de détacher son fourreau de la feuille; c’est surtout dans le cas où la feuille se dessèche; car il faut alors qu’elle en cherche une autre plus fraîche: c’est ce qui arrivait surtout à celles que j'observais chez moi. Je me suis souvent amusé à couper des bandelettes et à suspendre le fourreau au dessous de la feuille par le moyen de quelques-unes des soies éparses qui restaient à l’orifice, comme elle le fait elle-même lorsque son uuBer. — Sur une larve de Pamphilié. 3g1 fourreau est entièrement terminé. Mais j'opérais avant le temps, et elle avait encore plusieurs spires à ajouter à son cornet ; n'eussé-je laissé qu'un seul fil, cela lui aurait suffi pour rame- ner son fourreau vers la feuille; car cette larve, d’une taille déliée, est douée d’une agilité et d’une souplesse sans pareille. Sortant de son cornet plus qu'aux trois quarts, elle se pliait de mille manières, et par son adresse parven@it à atteindre la feuille sur laquelle elle fixait quelques soies impercep- tibles : elle se cramponnait à ces fils; puis, ramenant son corps en avant, elle faisait rapprocher le fourreau de la feuille à l’aide des crampons latéraux et des deux pointes dont ses derniers anneaux sont armés. Alors elle le liait avec de nouvelles soies plus courtes , au point qu'il touchait presque la paroi inférieure de la feuille. Maintenant 11 s'agissait de faire voyager le cornet dans cette situation. Le procédé qu’elle emploie est des plus ingénieux : elle s’avance au-dehors de son fourreau, du côté où elle se pro- pose de le diriger, et elle tend, aussi loin qu’elle peut atteindre, des soies depuis la feuille jusqu'au fourreau. Celui-ci, retenu par d’anciens fils, ne fait encore aucun mouvement; mais la chenille, avec sa vivacité accoutumée , coupe les anciens fils à l'aide de ses dents : s'ils résistent trop, elle tend son corps de manière à éloigner de force le cornet, et alors les derniers adhé- rens se rompent; de cette façon , le cornet n’est plus suspendu qu'aux nouveaux fils; son centre de gravité est maintenant dé- placé, et se trouve porté en avant. Une nouvelle manœuvre sem- blable produit un nouveau pas. Ainsi chemine ce lourd fardeau, soutenu par des soies qui se remplacent successivement. Notre voyageur arrive enfin au terme de ses voyages, c’est-à-dire au bord de la feuille. Alors il rapproche son fourreau de sa surface inférieure, et le redresse ou le place de manière qu'il soit situé dans le plan de cette feuille, mais en dehors, comme dans la fi- gure 2 de la planche 11 ; il le redresse comme les matelots re- lèvent un mât sur sa base, si ce n’est qu’il doit être situé hori- zontalement en l'air, et qu’au lieu de tirer les cordes du côté où il veut l'amarrer , il trouve le moyen d'établir des soies de plus en plus courtes, et rompt les anciens liens qui le retenaient 392 HUBER. — Sur une tarve de Pamphilie. dans une situation verticale. Enfin, il a l’art d'amener le tube spiral à la place convenable et dans la situation requise pour pouvoir recommencer son enroulement. {1 en coupe les inéga- lités, et l’ajuste si proprement au bord de la feuille, préparée elle-même d'avance aussi à cet effet, que la jonction des deux pièces sera imperceptible. La feuille se rencontre exactement au bord du fourreau; des soies soigneusement tendues intérieure- ment, cousent pour ainsi dire les deux parties, et la chenille se mettant alors à ronger la feuille, la coupe parallèlement à son bord , de manière à lui donner les dimensions de ia bandelette du fourreau. ‘ Je terminerai cette Notice par une derniere expérience que J'ai faite sur une de ces larves , et dont le résultat offre des par- ticularités fort curieuses. Elle était encore dans sa jeunesse; elle avait composé son fourreau de douze spires , et l'on voyait qu'elle y avait rajouté un morceau de ruban d'un ou deux tours. Elle y travaillait lorsque je l’enlevai pour la mettre à nu ; je m'aperçus alors que la portion du fourreau nouvellement rajoutée étant plus lâche qu'il ne fallait, et par conséquent la spirale trop large en cet endroit, l'insecte avait paré à cet inconvénient en filant autour de lui un tei nombre de soies, qu'elles formaient une gaine étroite à l’orifice du fourreau. La larve, mise à nu, a été posée doucement sur une feuille de noiïsetier fraiche et tendre, le côté de la feuille tourné en dessus. Elle à paru d'abord assez erbarrassée : elle cherchait à se tourner sur le dos, et ce n’a été qu'après bien des tentatives et des efforts qu’elle y est parvenue. Dès ce moment, elle a repris courage ; elle essayait de porter sa tête à droite et à gauche de son corps pour atteindre la feuille dans cette position, mais le manque de point d'appui en a long-temps empêché la réussite. Cependant, à force de se tortiller, elle est parvenue à poser sa filière sur la feuille à sa droite, et par un mouvement circulaire de son corps , elle a amené un fil de là à sa gauche , en le passant par-dessus son corps: dés-lors, elle n’a plus paruembarrassée, les mouvemens sont devenus de plus en plus prompts, elle à bien- tôt fait au-dessus d'elle un lacet de soie assez juste pour la serrer étroitement contre la feuille, sans cependant la géner. A l'aide HUBER. — ur une larve de Pamplhulie. 303 de ces lisières , il lui devenait de plus en plus facile de relever la partie antérieure de son corps, et de tendre des soies plus longues ou plus obliques à son gré; pour cela, elle replie son corps en are au-dessus de la feuille, de maniere à se faire des points d’ap- pui de tous les fils qu’elle a tendus au-dessus d’elle. Le jeu et la force musculaire deses anneaux font de tous ces fils autant d’éche- lons qui aident son corps à avancer sur les cordages qu’elle a tendus , et la nature plissée des anneaux de son ventre, la gros- seur particulière de l’antépénultième anneau surtout, contri- buent infiniment au succès de ses efforts. Le mouvement part de la queue ; elle avance, les anneaux se gonflent et se rapetissent successivement; ils quittent les fils auxquels ils correspondent pour s'appuyer sur d’autres fils plus avancés , et tout le corps chemine de deux lignes en avant. La chenille alors tend de nou- veaux fils au-dessus d’elle, et, par le même procédé, gagne à chaque fois un peu de terrain. Enfin elle arrive au but de ses efforts , toujours tournée sur le dos ; quand elle a atteint le bord de la feuille , elle s'arrête. Telle est sa manière de marcher quand elle est nue. J'étais fort curieux de savoir comment elle réparerait la perte de son vêtement, à un âge où la mesure de son corps est diffé- rente de ce qu’elle était dans l’origine , et où il ne peut se con- tenter d’un tour de ruban de deux lignes de large. J'ai eu la sa- tisfaction de vair faire cet ouvrage, digne de quelque habile tailleur d’une ile déserte, qui serait obligé de se faire son vête- ment à lui-même. Je le dirai en deux mots : la chenille eut l’art de se faire, d’un seul pli, une couverture complète, qu’elle coupa à sa mesure après l'avoir roulée autour d’elie. Pour cela, aprés avoir fait faire un pli profond à la feuille autour d'elle, elle fit un trou dans le milieu de la feuille, l’agrandit successive- ment, et enroula ce large lambeau autour d'elle, comme une couverture que l’on tirerait sur soi. La couverture, pliée sur elle-même, forme une double enveloppe que l’insecte assujettit dans cette position en la cousant avec des fils nombreux aux deux bouts. La nature est riche, comme on voit, en inventions ingé- mieuses. Tant d'originalité dans les moyens, tant de variété dans 394 HUBER. — Sur une larve de Pamphilie. les procédés, tant de finesse et de profondeur dans les vues, qu'annoncent-elles ? qu'est-ce qu’elles proclament, sinon l’incon- testable, l'infini de la sagesse du créateur de toutes choses? EXPLICATION DES FIGURES. (Planche 12 B.) Fig. r. La chenille, de grosseur naturelle, Fig. 2 et 3. Diverses phases de l'enroulement de l’étui avant que la chenille projette ses fils. Fig. 4à 6. Diverses positions que prend la chenille, en assujettissant l'élui au moyen de fils. Méuoire sur les tégumens des Holothuries du genre Synapta, Par M. Acnicze Cosrta. Lu à l’Académie des Aspirans naturalistes, le 9 mars 1843. (Extrait.) Dans ce Mémoire, dont M. A. Costa nous adresse un extrait, ce jeune naturaliste compare les plaques à hameçons , décrites par M. Quatrefages dans la Synapta Duvernæa, à celles qu'il a lui-même découvertes dans les espèces de ce genre qui se trou- vent dans le golfe de Naples. Dans un autre Mémoire , qui a pour titre: Sur Les tégumens de certains Invertébrés et en particulier des Holothuries, lu à la même Académie dans la séance publique du 31 mai 1842 (1), l’auteur avait déjà fait connaître les plaques simples ou à double hamecon, dont sont couvertes toutes les espèces du grand genre Aolothuria de Linné, et, en faisant l’histoire de ce qu’on connaissait Jusqu’alors à ce sujet, il mentionnait les croûtes cal- caires déjà observées par d’autres anatomistes dans lÆo/othuria squamata ; les corpuscules cristallins, vus par Carus dans l Holo- thuria tubulosa ; étoile épineuse ( Stelluccia spinosetta ), men- tionnée par M. Delle Chiaje dans lÆo1. Columne ; les croûtes de corpuscules pierreux dont parle M. Grube, en décrivant son Psolus granulatus : les petits crochets peu apparens, décou- verts par M. Lesson dans l’Æo1. radiosa, et enfin ceux à double hameçon , observés par M. le professeur Costa dans l’Hol. inhœærens. (x) On remarquera que le travail de M. Quatrefages a été lu à l'Académie des Sciences le 22 novembre 1841 , et publié dans ces Annales , cahier de janvier 1842. A. COSTA: Sur les tégumens des Holothuries. 395 Après cela, l’anteur signale l'existence de plaques calcaires simples ou à l'hameçon dans toutes les espèces d'Holothuries , et indique les différences qu’on observe d’une espèce à une autre. « Or, on relève du mémoire de M. Quatrefages , dit-il, qu’on ne connaissait rien que ce que l’on vient de citer, et M. A. Costa s'en étaie pour mieux renforcer sa premiére opinion, savoir, i que l'existence de plaques calcaires dans toutes les Holothuries n'avait pas été démontrée avant la publication de ses DrOPRE observations, et que ces plaques différent selon les espèces et selon la partie du corps qu’elles occupent. « Dans ce second Mémoire, M. A. Costa a démontré en parti- culier, 1° que l’existence des Synaptes dans les mers européennes n’est pas une nouvelle découverte dans la géographie zoolo- gique, comme le pensait M. Quatrefages; « 20 Qu’entre les plaques à hameçon de la Synapta Duvernæa et celles des espèces napolitaines du même genre, on remarque une grande différence ; « 3° Que les kameçons sont attachés aux plaques par le moyen d'un cartilage, et qu'ils sont pourvus à leur base de deux fais- ceaux musculaires qui convergent sous un angle peu aigu, et qui servent à relever les hamecons; « 4° Enfin il fait remarquer les analogies qu'on trouve entre les tubercules sans hameçons et sans plaques de la Synapte et les plaques trouées placées au centre des pédicules des Holothuries pédicellées. « Après la lecture de ce mémoire, M. le professeur Costa annonce à l’Académie qu’il vient de découvrir, dans l’intérieur d'une Synapte du golfe de Naples, certains corps vivans infini- ment petits qui se trouvaient dans l'ovaire. Leur forme et d’autres particularités anatomiques lui ont fait douter que ces petits êtres vivans soient des parasites , et le portent à les considérer comme un produit de la génération de l'animal. De l’autre côté, le fait d'y avoir trouvé des Spermatozoa donne la valeur de la pre- miére idée, et, si cela était, on trancherait la question soulevée par M. Quatrefages , savoir, si, dans ce genre d'animaux , il y a une métamorphose. » ——— Ro A — a PUBLICATIONS NOUVELLES. Mémoires de la Société Linneenne de Normandie pour les années 1839, 4o, 4x, 42, in-4. Caen, 1842. La Sociéte Linnéenne de Normandie , si honorablement connue par ses savantes publications , vient de faire paraître le septième volume de ses Mémoires , dans lequel on trouve les articles suivans: Remarques zoologiques et anatomiques sur l’Hyperoodon , par M. Eudes DeconcHamrs (avec planches); Remarques anatomiques sur le T'apir d’ Amérique , par le même (avec 2 planches) ; Remarques sur le sternum du Didelphis virginiana, par le même ( figures). Note sur le Cochon à pendeloques , par 1e même. Observations pour servir à l'anatomie et à la physiologie des Trygles, par le même ( avec planches). : Mémoire pour servir à l’histoire naturelle des Crustacés fossiles, par le même (figures ) ; Une série de Mémoires sur les Coquilles fossiles des terrains tertiaires secon- daires du Calvados , par le même (avec 5 planches ). Annazes de la Société Entomologique de France, 2° série, tome 1, 1843. Parmi les,nombreuses publications consacrées à l'Éntomologie descriptive, il n’en est aucune qui occupe un rang plus honorable que les Annales de la Société entomologique, dont la premiere série se compose de onze volumes in-8°; mais malheureusement, par suite de l'incendie d’un magasin de librairie survenu il y a quelques années, les premiers volumes de ce recueil sont devenus assez rares et d’un prix très élevé. Il nous semble donc que c’est avec raison que cette So- ciété (qui maintenant publie elle-même ses travaux au lieu d'employer, à cet effet, la voie ordinaire de la librairie) s’est décidée à clore la première serie de ses Annales, et à donner à ses publications actuelles une nouvelle tomaison. Le premier cahier de cette seconde série vient de paraître et contient les articles suivans : Note sur quelques A4/tica, par M. Aubé; description de trois nouvelles espéces de Coléoptères de Océanie, par M. Fairmaire; description de deux espèces nouvelles du genre Ayperantha, par M. Desmarest; note sur l Agrilus biguttatus, par M. Goureau; description des vingt-quatre espèces nouvelles de T'erediles, par M. Chevrolat; observations sur un genre nouveau de Myria- podes , par M. Lucas; notes sur une monstruosité, par le même; description Publications nouvelles. 397 d’un nouveau genre d’insectes Diptéres , par M. Macquart; notice sur les mé- tamorphoses de l'Æpion africans, par M. Guérin; description d’une nouvelle espèce de Mirmechixenus , par le même ; description de deux Coléoptères nou- veaux, par M. Aubé; note sur un Diptère dout la larve vit dans un Hélix, par M. Goureau. Hisroine NATURELLE des Zoophytes Acalèphes, par M. Lesson. r vol. in-8. Paris, 1843 ; avec 12 planches. Dans cet ouvrage, qui fait partie des nouvelles suites à Buffon, publices par Roret, M. Lesson s’est principalement attaché à rassembler tous les faits épars dans la science concernant les Acalèphes, et à les coordonner suivant un système de classification qui lui est propre. Hisrorre des Mollusques terrestres et fluviatiles , vivant dans les Pyrénées Orientales , par M. C. Mermer, in-8, Pau, 1843. L'auteur, occupé depuis long-temps de l'étude géologique des formations terrestres de l’est du département des Pyrénées orientales, a compris l'intérêt qui pourrait résulter d’une comparaison rigoureuse entre les coquilles fossiles de ces terrains et les espèces qui aujourd’hui vivent dans les mêmes lieux : c’est dans ce but qu'il a préparé le travail dont nous annonçons ici la publication. Lisr of the specimens of Mammalia , etc. — Catalogue des Mammifères de la collection du Musée britannique, par M. J. E. Gray. 1 vol. in-18. Londres, 1843. Le noïbre d'espèces mentionnées dans ce catalogue s'élève à 1031, dont 83 appartiennent à l’Europe, 28 à l'Asie septentrionale. 290 à l'Asie méridionale, 247 à l'Afrique, 89 à l'Amérique du Nord, 160 à l'Amérique tropicale, 14 à YAmérique du Sud , 110 à l'Australasie. ee Sacio storico dei Rizopodi caratteristici dei terreni sopra cretacei (Essai historique sur les Rhizopodes caractéristiques des terrains supercrétacés ), par G. MicnecoTTt, in-4, Mo- déne , 1841. Ce Mémoire est tiré du vingt-deuxième volume des Mémoires de la Société des Sciences de Modène. © TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. Recherches sur l'écoulement des liquides, considéré dans les capillaires vivans, par M. POREGIG NN A ETS M SON EN, DENAT-AAN RE Recherches sur la quantité d'acide carbonique exhalé par le poumon dans l'espèce humaine, par MM. AxpraAL et GAVARRET . . . . . Sur la structure et sur les fonctions des g/andules des reins ou corpuscules de Malpighi, avec des remarques sur la circulation du sang dans ces organes , par M. W. Bowaan. . + . - un. 402 ne eus Recherches microscopiques sur la structure intime et les fonctions de la rate dans l’homme et les animaux, par M. Bourcery. (Extrait). . . Mémoire sur l'existence du courant électrique musculaire dans les ani- maux vivans ou récemment tués, par M. Marreuccr. . . . . . . . Recherches sur l’engraissement des bestiaux et la formation du lait, par MM. Dumas, BOUSSINGAULT et PAYEN. . . . . . . . .. . . . . Note sur un mode nouveau de phosphorescence, observé chez quelques Annelides et Ophyures, par M. A. DE QuATREFAGES, . . ,. . . ANIMAUX VERTÉBRÉS. Description du squelette d’un Paresseux gigantesque fossile (le Wylodon robustus), suivie d'observations sur les quadrupèdes Mégathérioïdes en général, par M. R..OWEN. . . +... + + + + + + + + à Note sur lAÆrvicola nivalis, nouvelle espèce de Campagnol habitant la région des neiges éternelles dans les Alpes de la Suisse, par M. Cu. MARINES. A ee Mn tou. EC ANIMAUX ANNELÉS. Mémoire sur le dommage que certains insectes, notamment le Sco/ytus pigmæus, font gaux Ormes et aux Chênes, et sur les moyens proposés pour les eläigubr, par NE: Roses 4010") .4 24 veto NN 10 RE Mémoire sur les vaisseaux biliaires ou le foie des insectes , par M. Léon Dorounes ct US eme Le Een ET eue d'A Mémoire pour servir à l'histoire d’une Mouche à scie ( Lyda inanita), par Me PUHUBER LME NON, C'EPAENCIE Etudes sur les mœurs, le développement et les métamorphoses d’une pe- tite Salicoque d’eau douce (Caridina Desmarestii), suivies de quelques réflexions sur les métamorphoses des Crustacés Décapodes en général, par Mois ee Us COCO... CPS Observatious sur les Zoospermes des Crustacés et des Cirrhipédes, par M. KOLLIRRRE PS 22, 2 AN UC © D. CRAN MOLLUSQUES. Observations sur l'organe auditif des Mollusques , par M. G. Tr. von SIRBOED:L 1e nee eo ce UP RTE AE... : 20 100 108 221 12 145 387 34 -335 Table des matières. 399 Mémoire sur l'Eolidine paradoxale (Eolidina paradoxum ), par M. À. nr QUXTHERAGES MERE. + OONEMRNMONS Le TOUR 20274 Quelques observations sur les Ongulines, par M. Desnaves. . . . . . 5 Quelques considérations générales sur la station normale comparative des animaux mollusques bivalves, par M. Ac'ine D'ORBIGNY.,. . . . . 9212 Mémoire sur les tégumens des Holo huries du genre Synap'e, par M. A. Cos- RATER rt) ORNE ele ledit à . 29% PALÉONTOLOGIE. Considérations générales sur la Paléontologie de l'Amérique méri- dionale , comparée à la Paléontologie européenne, par M. ALcine n'Or- BIENS AUS à OEM sulellet et line Mens lo à ae 2 CNE Publications nouvelles. . . . . . . . . Mad € + 10390 TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. Axpraz et Gavanret. — Recherches habitant la région des neiges éter-— sur là quantité d'acide carbonique nelles dans les Alpes de la Suisse... 87 exhalé par le poumon dans l'espèce Marreucc. — Mémoire sur l'exis- RAMANE eee mem csesscse 100 tence du courant électrique muscu BourGEerx. — Recherches microsco- laire dans les animaux vivans ou piques sur la structure intime de La récemment tués... se... 313 rate daus l’homme et les animaux.. 218 Onmteny (n°). — Quelques considé- PovussixGauzr, voyez Dumas. rations sur le station normale com pa- Bowman, — Sur la structure et sur rative des animaux Mollusques bi- les fonctions des glardules des reins CAT: LRO ECC RME ou corpuscules de Malpighi, avec — Considérations générales sur la Pa- des remarques sur la circulation du léontologie de l'Amérique méridio— sang dans ces organes. .......... 108 nale | comparée à la Paléontologie Cosra (Achille), — Sur les tégumens ERTOPÉCINE---- ose 208 des Holothuries du genre Synapte... 394 Owex, — Description du squelette Desnayes. — Quelques observations d'un Paresseux gigantesque , fossile sur les Ongulines............... 5 (le Mylodon robustus ) , suivie d'ob- Dumas, BoussiNGauct et PAYEN. — servations sur les Quadrupèdes Mé- Recherches sur l'engraissement des gathérioïdes en général. ........, 221 bestiaux et la formation du lait, .. 351 Paxen, voyez Dumas. GaAVARRET, voyez ANDRAL, Porseurz. — Recherches sur l’écou- Huser. — Mémoire pour servir à l’Ais— lement des liquides, considérés dans toire d'une Mouche à scie ( Zyda les capillaires vivans. ........... 20 HIANEG NE eee de cbr ces e0 387 QuarreraGss (E).—Note surun mode Jorx. — Etudes sur les mœurs, le nouveau de phosphorescence | ob- développement et les métamorphoses servé chez quelques Annelides et d’une petite Salicoque d’eau douce OPRYUrES ue sem > see 189 (Caridina Desmarestit} , suivies de — Mémoire sur l’Evlidine paradoxale quelques réflexions sur les meta- {Æolidina paradozrum).......... 274 morphoses des Crustacés Décapodes Roserr. — Mémoire sur le dommage En pénal. mere eme eme 34 que certains insectes, notamment le Kôcrixer. — Observations sur les Scolytus pygmœæus, font aux ormes Zoospermes des Crustacés et des Cir- et aux chènes, et sur des moyens LL 1 /TARAERORON CS - TOC DPOP OO ET proposés pour les éloigner........ 12 Mantixs. — Note sur l’Arvicola niva- Sresozn (von). — Observations sur lis , nouvelle espece de Campagnol , l'organe auditif des Mollusques, ... 193 PLANCHES TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. 1. Structure des reins. 2. A. Structure des reins: B. organes auditifs des Mollusques. 3. Organisation de la Caridina Desmarestii. 4. Développement de la Caridina Desmarestii. 5. Arvicola nivalis. ve] 7. } Appareil hépatique des insectes. s.| 9. A. Appareil hépatique des insectes. — B. Corps spermatozoïdes des Crustacés. j 10. Squelette du Mylodon robustus. 11. Æolidina paradoxum. 12. A. courant électrique musculaire; B. étui foliacé d’une Tenthré- dine. FIN DU DIX-:NEUVIÈME VOLUME, Pr de ln Me 2 Jo DT ” Ann.des Ses Nat. 2 Jerte. Zool. Tom 19. /L 1. Jtructure des Reins . À, Sucre des retur. D. Opganer audit des Mollusques mn f Zoologie Tom .19. LE. 3. Ann. der Saone nab 2° \énie- a 6 7 DE ART Ne Vas nr te, re LES ” —= è e 5 Organisation de la Carina Desmarerti . Zoologie Tom .19 . Pl 4. Ann. der feéenc. nat, 21 Verce doolagie Tom.19 74 & Le er) > ai || l (| Développement de la Crédit Desmurortié : ; « jeu Li. 4, 2 sde 0). ail Arvicola nioalés N fémond anp : \ A \f (} a) a |) RNA \VE J DD Zoot . Tor .19 PL. 6. ue Ÿ des Jrurectes Ÿ È Ÿ Ÿ NN LS] ER À Zool .Tom.19 PL. 7 RÉ. Zoo. Tom. P0.8. LA Ê : Ÿ ; Î De à à 54 (os MR F- ——. rs ED = a D ? 4 s——" ee ) La = SE: - » ; . ! { - r | ” - + | , L x f ' La “ + dé re . : 4 ' a ] | = L . É il ' : Le > ‘1 2 ; L | 4 » : Pr L nr Ent Û * - ; à : En su ur ( - " À E » 1 : e = cè =: « + EL ! f | , 1 2% ? j dv Re. 1 à e N * Æ : à . n = - î { £ 2 er) L À Es 74 ’ | ‘ == = ï Fi _ $ È È Ÿ s Ÿ Ÿ Ÿ À Ÿ ÿ Ÿ Ÿ < B. Corps spermatoxoites des Crustacés = 7"  “ k # " Li Li PA à #ù \ Lost . * : Ü ° É 4 Er r . / r ï u j € , à ‘ Le + È . F - f ‘ ï . L + Annales des Sciences naturelles 2° Serie Lith d'Artus r de la Harpe 50 ROBUSTU {Réduit au sixième de Ia grandeur naturelle ) nn der Kienc nat: 2° rie + | ur | | l Zoo Tom 19 CLR | | | SEE s RSR TE pen En es Organtration de VEoline. À. courant electrique mreulatre B. Zac foliaceé d'une Tenthredine A