| AI ABS Library of the Æuseum COMPARATIVE ZOOLOGY, AT IARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, NASS, fFounded bp private subscription, {n 1861. | Deposited by ALEX. AGASSIZ. | No. FOI ANNALES SCIENCES NATURELLES CINQUIÈME SÉRIE ———————. — —— LOOLOGIE PALÉONTOLOGIE AAA AC Vars -— Imprimerie de E, Mantiner, rue Mignon, ANNALES DES SCIENCES NATURELLES CINQUIÈME SÉRIE ZOOLOGIE PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE M. MILNE EDWARDS XI PARIS VICTOR MASSON ET FILS, PLACE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE ” 1869 RCLRER à 1 a L 1 « LE Age s L Ë at 4] À ol : 7 "RATE > “ 4 «. l F DEL, } FN AUARIER LA | f é LOVE CT PNR " HUE AE AUD | FES | TDR fe fe ee "+ 'ÉSREUUE ré 4 ni ART APN EL © xs 1 10 Tone L ES a | PAPE AU da * >? MONET ; Dry 7 1 Va { # 1 e ” J Le à “ | ? À ) : | : a 1e NAT TANT K'u) R ÈES E " (LS ES \ à: LE 1 “, 1% SE. 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Les célébres Mémoires pour servir à l’histoire des Insectes (1) ont certai- nement plus contribué à populariser le nom de Bonnet que (1) Réaumur, Mémoires pour servir à l’histoire des Insectes, t. VI, 1742, p. 523. 6 BALBIANI. l'ouvrage dans lequel celui-ci a consigné lui-même le récit de ses observations (1); et encore aujourd'hui, après bientôt un siècle et demi, c’est moins le souvenir de l’auteur vieallt des rèveries palingénésiques que ce nom réveille en nous, que celui du jeune et patient observateur des Pucerons. On sait comment Bonnet fut conduit à entreprendre ses célèbres expériences sur ces animaux. Les prenuers obser- vateurs, Leeuwenhæk, Cestoni, Geoffroy et autres, connais- saient déjà la propriété qu'ils possèdent d’engendrer des petits vivants, et peu s’en fallut même que Réaumur n'enlevàät à Bon- net l'honneur de la découverte de leur génération solitaire. L'illustre entomologiste avait déja commencé quelques expe- riences à ce sujet, mais il ne réussit pas à les mener à bonne fin, et il engagea Bonnet à les reprendre, ce que ce dernier fit de manière à attacher inséparablement son nom à l'histoire de ces curieux Insectes. Tout le monde connaît les moyens par lesquels cet observateur célèbre est parvenu à résoudre le problème dont Réaumur lui avait confié la solution, ainsi que la sagacité et la persévérance dont il a fait preuve dans le cours de ses recherches poursuivies pendant plusieurs années consécutives. Je n’ai donc pas à recom- mencer ici un récit si souvent reproduit, et me bornerai à rap- peler la conclusion générale que Bonnet à tirée de ses observa- tions, conclusion qui peut être considérée comme la formule du cycle génésique des Aphides sur laquelle se sont basées toutes les recherches faites depuis sur le même sujet. Pendant toute la partie chaude de l’année, c’est-à-dire depuis le printemps jusqu'à l’arrière-saison, les Pucerons se multi- plient exclusivement en mettant au monde des petits vivants, sans l'intervention d'aucun individu mâle ; mais, à l'approche de la saison froide, ils rentrent dans les conditions ordinaires et se propagent par l'intermédiaire d'individus sexués comme les autres Insectes. Les femelles, fécondées par les mâles, pondent des œufs qui passent l'hiver et n’éclosent qu'au printemps. Ces (4) Charles Bonnet, Traité d’Insectologie ou Observations sur les Pucerons, 1745. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 7 œufs donnent naissance à de nouvelles générations vivipares qui se succèdent sans interruption jusqu’en automne pour être remplacées à leur tour par d’autres Pucerons porteurs de sexes, lesquels terminent et recommencent tout à la fois le eycle repro- ducteur de l'espèce. Ces faits, découverts à une époque où florissaient des natura- listes tels que Réaumur, Trembley, Lyonet, ne pouvaient passer dans la science sans qu'on cherchât aussitôt à les interpréter (1). Ï serait aussi fastidieux qu’inutile à notre sujet de passer en revue toutes les hypothèses qui ont été successivement imagi- nées pour arriver à une explication plausible de ces singuliers phénomènes et dont on pourra d’ailleurs lire l'exposé complet dans Réaumur (2); même celles tentées par les meilleurs esprits, lorsqu'elles ne portent pas l'empreinte des idées métaphysiques sur la génération des êtres dans lesquelles se complaisaient un grand nombre de naturalistes de cette époque, se ressentent for- cément de l’état d’imperfection des connaissances que l’on pos- sédait alors touchant les moyens par lesquels les animaux per- pétuent leurs espèces. Ces notions se bornaient, en effet, presque exclusivement à leur multiplication par voie sexuelle. Quant aux phénomènes de propagation par boutures et par bourgeons, observés d’abord par Trembley chez l'Hydre, leur découverte (4) Pour être rigoureusement vrai, il faudrait faire remonter jusqu’à Aristote lui- même la première notion d’une génération sexuelle sans le concours àe l'élément mâle. Le grand naturaliste philosophe avait en effet déjà des idées assez justes sur l'existence d’une propagation sans accouplement préalable chez les Abeilles. (Voyez Aubert und Wimmer, Die Parthenogenesis der Geschlechts-und Zeugungsverhältnisse der Bienen, dans Zeëtschrift für wissensch. Zool., t. IX, 1858, p. 507.) Mais sans remonter au delà du siècle même où vivait Bonnet, un certain nombre de faits du même ordre avaient déjà élé constatés chez divers autres Insectes, notamment chez les Papillons, avant la découverte de la propagation solitaire et vivipare des Pucerons. Mais, publiés sans de suffisantes garanties d’exactitude, on ne leur accorda que peu d’attention, et ils étaient tombés dans un oubli complet au moment où Bonnet fit connaitre les résultats de ses observations sur les Pucerons. Il devait s'écouler encore plus d’un siècle avant que ces faits de reproduction sans le concours du mäle fussent repris et examinés à nouveau par les naturalistes de notre temps auxquels ils ont servi à édifier la théorie nouvelle qui, sous le nom de parthénogenèse, tend à s’introduire de plus en plus dans la science physiologique contemporaine, (2) Réaumur, Mémoires, t. IL, 1737, p. 281; t. VI, 1742, p. 523. 8 BALBIANLI, était encore trop récente pour que l’on songeât à en rapprocher, comme on l’a fait de nos jours, le mode de reproduction des Aphides,. L'idée qui devait se présenter la première comme la plus na- turelle est celle de l’hermaphrodisme des Pucerons. Cette opi- nion, émise d'abord par Cestoni et Leeuwenhæk à une époque où l’on ne faisait encore que soupconner le véritable mode de pro- pagation de ces Insectes, rallia la plupart des naturalistes, après que Bonnet eut publié ses célèbres observations. Réaumur la partagea lui-même pendant quelque temps (1). Cependant Bonnet, livré plus que jamais depuis ses relations avec Haller à ses spéculations sur la préexistence des germes et l’action de la fécondation, substitua bientôt à cette explication une autre manière de voir. Il supposa qu'entre les Pucerons vivi- pares et les Pucerons ovipares, il n’y avait d’autre différence que celle qui résulte de l’état plus ou moins parfait dans lequel leurs produits sont mis au monde. Chez les premiers, ces pro- duits recoivent dans le sein maternel une alimentation abon- dante, grâce à laquelle ils peuvent atteindre leur développe- ment complet avant de naître ; chez les seconds, au contraire, la (4) L’androgynisme des Pucerons ne fut, en effet, qu'une des explications successi- vement admises et abandonnées par Réaumur. Parmi les autres hypothèses auxquelles il eut recours, il en est une qui mérite d’être rappelée, « Nous devons avouer, dit Réaumur, qu'il n’y a qu’un concours des preuves les plus décisives qui puisse forcer à croire que des animaux qui pendant quatre à cinq générations, et peut-être pendant un nombre de générations beaucoup plus grand, se sont suffi à eux-mêmes pour con- server leur espèce, aient. besoin, après un nombre de générations déterminé, d’être fécondés pour plusieurs autres générations, L'âge où une femelle Puceron serait deve- nue en état de soutenir les approches du mâle et où elle aurait besoin de les souffrir, ne se complerait pas simplement, comme dans les antres animaux, par le temps écoulé depuis leur naissance ; cet âge se compterait principalement par le nombre des généra- tions dont sa naissance aurait été précédée, » (Mémoires, &. VI, p.554.) Si j'ai rapporté ici les propres paroles du grand entomologiste, c’est qu’elles me paraissent renfermer en germe la définition généalogique de l'individu animal ou végétal, presque telle qu'elle devait être formulée de nos jours par Gallesio et Huxley. Dans mon travail sur les phénomènes sexuels des Infusoires, j'ai exprimé au sujet de ces derniers animaux une opinion analogue à celle émise par Réaumur à l'égard des Pucerons (Voyez Bal- biani, Recherches sur les phénomènes seœuels des Infusoires, dans Journal de physiolo- gie de Brown-Séquard, t, IV, 4861, p. 480, note). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 9 nourriture fournie par la mère est msuffisante pour les conduire au terme de leur évolution, etils sont engendrés à l’état d'œufs, Or l’accouplement aurait précisément pour but de donner au germe le supplément de nourriture dont 1l a besoin pour ache- ver son développement hors du corps maternel, supplément qui n’est autre chose que la liqueur séminale du mâle (1), Trembley, le célèbre historien de l'Hydre d'eau douce, pro- posa une autre hypothèse, qui eut la bonne fortune de rallier quelques partisans jusque parmi les naturalistes de notre époque [Kirby et Spence (2), Dutrochet (3) |. Il supposa que l’mfluence prolifique résultant d’un seul accouplement en automne se transmettait à toutes les générations de femelles qui se succèdent pendant le printemps et l’été de l’année suivante (4). Si ingé- nieuse qu'elle parût d'abord, cette manière de voir n'en perdit pas moins peu à peu du terrain, à mesure que l’on apprit à mieux connaître l’action de la fécondation, et elle fit bientôt place à cette vue plus simple que les Pucerons vivipares étaient de véritables femelles qui ne différaient des autres femelles d’Insectes qu'en ce que leurs œufs pouvaient se développer en vertu d’un pouvoir prolifique propre, c’est-à-dire sans avoir besoin pour cela de la stimulation que la liqueur séminale du male exerce sur ceux des autres animaux. À vrai dire, cette der- nière explication tranchait moins la question en l’assimilant à des phénomènes déjà connus, qu'en faisant intervenir une notion jusque-là ignorée dans la science : celle de la fécondité de l'œuf sans le concours de l’élément mâle. Néanmoins, elle fut presque la seule qui prévalut jusqu’à une époque très-rapprochée de la nôtre, et il ne fallut pas moins que la mémorable découverte des phénomènes de génération alternante pour remettre de nouveau en question le mode de reproduction des Aphides. Pendant qu'on cherchait, à l’aide de ces vues théoriques, à (4) Bonnet, Considérations sur les corps organisés, 1776, t. IT, p. 112. (2) Kirby and Spence, An Introduction to Entomology, t. IV, 1828, p. 161. (3) Dutrochet, Observations sur les organes des Pucerons (Ann. des sciences natu- relles, 1. XXX, 1833, p. 204). (4) Lettre de Trembley à Ch. Bonnet, en date du 24 janvier 1741, déns Considé- rations sur les corps organisés de Bonnet, t. IE, p. 408, 10 BALBIANI. soulever le voile qui couvrait les phénomènes génésiques de ces Insectes, les observateurs avaient recours à la méthode expéri- mentale pour mettre en lumière plusieurs points restés encore obscurs de leur mode de propagation. Tel est celui que le célèbre naturaliste suédois de Geer, l’un de ceux qui, après Bonnet, ont le plus contribué à nous faire connaître l’histoire physiologique des Aphides, s’est proposé d’élucider dans les termes suivants : « Il reste, dit-il, à savoir si les mêmes individus de Pucerons, qui, dans l'été, ont fait des petits vivants, pondent des œufs en automne, ou si les Pucerons vivipares ne produisent jamais d'œufs, et si ceux qui font des œufs n'ont jamais été vivi- pares (1). » Les expériences qu'il entreprit d’abord sur le Puce- ron du Pin (Lachnus pini), puis sur celui du Rosier (Siphono- phora (Aphis) rosæ), le conduisirent à des résultats qu’il résume de la manière suivante : « J’ose conclure que les individus des Pucerons ovipares ne font ni n’ont jamais fait des petits vivants, et que les Pucerons vivipares ne pondent jamais des œufs, mais queles petits qu'ils mettent au monde à la fin de la belle saison sont ceux qui sont ovipares, et qui conservent l'espèce pendant l’hiver au moyen d'œufs qu'ils pondent, et qui sont capables de résister au plus grand froid (1).» Néanmoins, de Geer ne considérait pas la faculté d’engendrer, soit des œufs, soit des petits tout formés, comme départie à deux catégories distinctes d'indivi- dus, car il admettait que les ovipares produiraient, au lieu d'œufs, des petits vivants, si, pendant la saison froide, on pou- vait entretenir autour d'eux une température égale à celle de l'été, et il en déduisit que, dans les parties chaudes du globe, les Pucerons étaient exclusivement vivipares. Après de Geer, dont les observations sur les Pucerons furent publiées en 1773, il faut arriver jusqu'à l’année 1815 pour trou- ver de nouveaux progrès réalisés dans nos connaissances tou- chant les phénomènes génésiques de ces animaux. Je veux parler du mémoire où Kyber à consigné les résultats de ses longues et patientes investigations. Kyber, dont on ne cite guère, dans tous (4) De Geer, Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, LUN, 1773, p.27. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 11 les livres classiques, que les expériences concernant l'influence de la chaleur sur la propagation vivipare des Pucerons, à fait, en outre, une foule d’autres remarques intéressantes sur ces ani- maux, et lorsqu'on lit dans le texte original son travail intitulé : Expériences et observations sur les Pucerons (1), on ne peut s’em- pêcher de reconnaitre qu'à une sagacité rare el une patience à toute épreuve, il joignait le mérite de toujours se laisser guider par des principes réellement scientifiques dans les déductions qu’il a lirées de ses observations. Outre ses expériences bien connues touchant l’action de la chaleur, il a étudié aussi celle du froid, les effets de l'alimentation considérés isolément où combinés avec ceux de la température, etc. Kyber confirme, dans tous les points essentiels, les résultats de Bonnet et de de Geer, et donne la démonstration expérimentale du fait déjà soupçonné par ses deux prédécesseurs, que la durée de la reproduction vivipare est pour ainsi dire illimitée, et dépend en grande partie, sinon d’une manière absolue, des conditions de température et d’alimenta- _tion. Une observation qu'il eut l’occasion de faire le conduisit même à démontrer expérimentalement l'influence que l’alimen- tation, dégagée de celle des autres agents, exerce sur la repro- duction des Aphides. Ayant remarqué que, chez certaines espèces vivant sur des plantes herbacées qui fructifient et se dessèchent de bonne heure, ou sur celles qui deviennent promptement ligneuses, les femelles ovipares et les mâles appa- raissent dès le milieu de l’été, au lieu de ne se montrer qu’en automne seulement, comme dans la plupart des autres es- pèces (2), il supposa qu'il existait une relation entre les modi- fications qui surviennent dans la quantité ou la qualité des sucs dont ces animaux se nourrissent et la production des indi- vidus sexués. Pour s’en assurer, il prit quelques-unes des mères (2) J. F. Kyber, Etnige Erfahrungen v. Bemerkungen über Blattiäuse (Germar’s Magazin der Entomologie, t. 1, 2€ partie, 4815, p. 1-39). (2) De Geer avait déjà fait une remarque semblable chez le Puceron du Saule dont il vit les mâles dès le mois de juin (Mémoires, t. II, p. 77). De nos jours, Bouché a également observé ces mâles précoces dans plusieurs espèces, mais il pense que, dans certains cas, ce sont des mâles de l’automne précédent qu’un froid prématuré a empè- chés de s’accoupler et qui ont hiverné (Stettiner entomol. Zeit., t, V, 1844, p. 81). 12 BALBIANI. vivipares qui avaient déjà commencé à engendrer des mâles et des femelles et les placa sur des végétaux jeunes et frais, et con- stata bientôt après qu’au lieu de continuer à mettre au monde des individus sexués, elles n’engendraient plus que des Puce- rons vivipares semblables à elles (4). Dans ses expériences relatives à l’action de la chaleur et du froid sur la reproduction des Aphides, Kyber constata que ces deux agents exercent des effets analogues à ceux produits par l’ali- mentation, suivant qu'elle est abondante ou insuffisante. La plus conrue de ses expériences à ce sujet est celle où il réussit à en- tretenir pendant quatre années consécutives la faculté de repro- duction vivipare dans les colonies de l’Aphis rosæ, eu ayant simplement le soin de placer celles-ci dans un lieu chauffé pen- dant chaque hiver, tandis qu'au dehors des Pucerons sexués apparaissaient chaque année, s’accouplaient entre eux et pon- daient des œufs (2). Enfin, confirmant les observations de de Geer, Kyber assure n'avoir jamais vu un seul individu mâle accouplé avec une fe- melle ailée, dans plus de vingt espèces où 1l a observé l’accou- plement. Constamment, c’étaient des femelles aptères qui étaient recherchées par les mâles, et il ajoute, d’un autre côté, que les femelles ailées ne pondent jamais d'œufs, ce qui avait également déjà été constaté par de Geer. Quant aux relations qu'il supposait exister entre les individus vivipares et les ovipares, Kyber ne s'explique pas d'une manière catégorique à ce sujet. S'il ne résulte d’aueun passage de son (1) Kyber, loc. cit., p. 15. (2) 11 paraît cependant y avoir quelquefois des exceptions à la règle de l'apparition annuelle et régulière des individus sexués dans les colonies placées à l'air libre. C'est ainsi que j'ai plusieurs fois rencontré dans le climat de Paris, aux mois de décembre et de janvier et par un froid très-vif, des colonies formées par l'Aphis Rosæ exclusive- ment composées de Pucerons vivipares, En serait-il de cette espèce comme de queiques autres, l'Aphis populnea, par exemple, où, d’après les remarques de Bouché, les mâles et les femelles ne se montrent souvent qu'après plusieurs années pendant lesquelles des générations exclusivement vivipares se sont succédé? On sait d’ailleurs que les Puce- rons sont capables de résister aux froids les plus rigoureux et qu'un certain nombre d'entre eux passent l'hiver cachés sous des pierres, la mousse, l'écorce des arbres, ete., pour continuer à se reproduire au printemps. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 15 mémoire qu'il considérait les deux modes de reproduction par œufs et par des petits tout formés comme répartis sur des individus différents, tout prouve du moins qu'il les séparait chronologiquement. C'est ainsi que, réfutant un passage des Considérations sur les corps organisés de Bonnet, où il est dit quon rencontre en tout temps des femelles renfermant à la fois des œuïs et des embryons (1), Kyber affirme n'avoir, jamais rien observé de pareil, et que les Pucerons contiennent toujours, soit des œufs exclusivement, soit des embryons seule- ment. Îl pense d’ailleurs que ces derniers ne sont pas engendrés dans un organe comparable à un ovaire, mais sont produits par une simple séparation de l'organisme maternel (durch blose Abstossung oder Abreissung vom mütterlichen Kôrper). Kyber avait donc en quelque sorte deviné l'explication qu'un grand nombre de naturalistes de nos jours devaient donner du mode de reproduction des Pucerons vivipares en l'assimilant à un phénomène de gemmation interne. Après le mémoire de Kyÿber, nous trouvons un travail de Duvau sur le même sujet (2). Duvau, expérimentant sur le Puceron de la Fève, vit la fécondité de ces animaux se prolon- ger pendant une période de sept mois, au bout desquels il obtint là onzième génération. Il constata aussi d’une manière trés- évidente l'influence de la température sur cette fécondité, et donna quelques détails intéressants sur la durée de la vie chez les Pucerons, ainsi que sur le temps qu'ils mettent avant de de- venir capables d'engendrer. Avec les travaux que nous venons de passer jusqu'ici en revue se termine ce que l'on peut appeler la période physiologique ou expérimentale de l'histoire de la propagation des Aphides ; ceux qui vont suivre ouvrent une nouvelle ère dans la question qui nous occupe, en ce qu’ils s'appuient principalement sur l'étude anatomique des organes générateurs de ces animaux pour arri- ver à la solution du problème de leur mode de reproduction. (1) Bonnet, Loc. cit., t, II, p. 141. (2) Duvau, Nos recherches sur lhistotre naturelle des Pucer ons _(Mém. du Muséum d'histoire naturelle, t, XIII, 4825, p. 126). il BALBIANI. Tel est le caractère des recherches de Dutrochet, de Siebold et de Morren, dont la publication se place entre les années 1833 et:1839., Comme j'aurai plus d'une occasion de revenir sur les résultats de leurs investigations anatomiques dans la suite du ce mémoire, Je n’y insisterai pas ici et me bornerai à faire con- naître les déductions physiologiques que leurs auteurs en ont tirées relativement à la nature des Aphides. Dutrochet (1) rejette l'idée de l’hermaphrodisme que soute- naient quelques anciens observateurs et se rattache à l'opinion autrefois émise par Trembley sur la transmission de l'influence fécondatrice à plusieurs générations de femelles. Le mémoire de Morren est presque entièrement une monogra- phie de l'Aphis persicæ (2). Morren adopte la croyance ancienne de la transformation directe des Pucerons vivipares en ovipares, malgré les expériences contraires de de Geer, et 1l va même plus loin dans ce sens que les anciens partisans de cette manière de voir, en ce qu'il suppose l’accouplement avec le mâle pos sible même pendant la période vivipare. Il admet, en outre, l'existence d'ailes chez la femelle ovipare, et affirme que la génération sexuée reparaît toujours après un certain nombre de générations agames que Morren porte à sept, à neuf ou à onze suivant les espèces (3). Huxley (4) a déjà relevé l’inexacti- (4) Dutrochet, Observations sur les organes de la génération chez les Pucerons (Ann. des se. nat.,t. XXX, 1833, p. 204). (2) Morren, Mémoire sur l’émigration du Puceron du Pécher et sur les caractères et l'anatomie de cette espèce (Ann. des sc. nat., 2° série, t, VI, 14836, p. 65). (3) « L'influence de la température sur ces animaux est manifeste; chez les autres Puccrops et dans les circonstances ordinaires, la femelle pond des œufs lorsqu'elle est ailée, et après un accouplement avec le mäle ailé à la même époque. Gette ponte se fait ainsi à la septième génération pour les uns, à la neuvième ou mème à la onzième pour les autres; avant elle il y a seulement naissance de femelles naissant à l’état de Jarves. Or, chez le Puceron du Pêcher, j'ai vu un grand nombre de fois que la femelle ailée et propre à la fécondation ne renfermait point des œufs et n’en pondait point, mais qu'elle renfermait des petits Pucerons vivants qui naissaient tout développés avec leurs pattes, leur trompe et leurs antennes. Ce ne fut qu'en novembre que les femelles sans ailes présentaient des œufs dans les ovaires et les oviductes, et pour cela il fallait un froid déjà assez vif. » (Morren, loc. cit., p. 76.) (4) Huxley, On the Agamic Reproduction and Morphology of Aphis (Transacl. of the Linnean Soc.,t. XXII, 1858, p. 193). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 15 tude de ces deux dernières assertions en montrant que ni Réau- mur, ni Bonnet, ni de Geer, ni Kyber, ne parlent de femelles ovipares ailées, et que Morren lui-même est en complet accord avec eux à cet égard dans sa description de la femelle de l’Aphis persicæ. Quant à l'apparition périodique des individus sexués après un nombre toujours déterminé de générations vivipares, le fait même que ce nombre peut être pour ainsi dire augmenté ou diminué à volonté, en faisant varier les circonstances exté- rieures, comme Kyber l’a démontré dans quelques-unes de ses principales expériences, suffit à prouver l'erreur où est tombé Morren. Cherchant à expliquer le mode suivant lequel le jeune Puce - ron est engendré dans le corps de sa mère, le même auteur ha- sarde l'hypothèse qu’il naît par une individualisation d’un tissu précédemment organisé. Sans insister ici sur le vague d’une sem- blable définition qui n’est guère que la traduction en d’autres termes du fait même qu'il s’agit d'interpréter, nous voyons que Morren assigne pour origine aux embryons des Pucerons vivi- pares un Corps qu'il désigne sous le nom d’œuf formé de globules réunis et sans enveloppe apercevable (1). Il est difficile de donner à un germe constitué de la sorte le nom de tissu organisé, et il serait encore plus rationnel de le comparer à un œuf véritable ou à un bourgeon caduc à l'exemple de plusieurs autres natura- listes. Le travail de M. de Siebold (2) est une étude purement ana- tomique de l'appareil génital de l’Aphis loniceræ et de ses carac- tères distinctifs dans les individus vivipares et les femelles ovi- pares. Nous y reviendrons dans la partie descriptive de ce mémoire. Enfin, dans ses Recherches sur les Hémiptères (3), Léon Du- four donne aussi quelques détails sur les organes générateurs de (4) Morren, Loc. cit., p. 88. (2) Siebold, Ueber die innern Geschlechtswerkzeuge der viviparen und oviparen Blattläuse (Froriep’'s Neue Notizen, t. XII, 1839, p. 308). (3) Léon Dufour, Recherches anatomiques ct physiologiques sur les Hémiptères, 1833, p. 232. 16 BALBIANI. l'A phis rosæ, mais qui ne jettent aucun jour nouveau sur le mode de reproduction de ces Insectes. Nous touchons enfin à l’année 1842 qui inaugure une ère nouvelle dans l’histoire de la reproduction des êtres vivants par la publication du célèbre ouvrage de Steenstrup sur les généra- tions alternantes (1). La question qui nous occupe ne pouvait manquer de ressentir vivement le contre-coup des idées nouvelles qui surgissaient de toutes parts touchant les phénomènes de multiplication des animaux, et à une époque encore plus rappro- chée de nous, la doctrine de la parthénogenèse a aussi exercé une influence marquée sur les vues des physiologistes concernant la reproduction des Aphides. Mais avant de suivre la question dans ces voies nouvelles, voyons d’abord comment les idées que nos prédécesseurs s'étaient formées au sujet de ces animaux se sont transmises jusqu'à nous et ont trouvé des partisans même parmi les naturalistes de notre époque. En effet, siun grand nombre d’esprits, séduits par les vues ingé- nieuses de Steenstrup sur lexistence de cycles de reproduction al- ternativement composés d'individus sexués et d'individus agames intermédiaires, ont mis en doute la nature femelle des Pucerons vivipares pour ne voir en eux que des nourrices, d’autres se sont rattachés à l'opinion ancienne de la transformation des vivipares et ont cherché à la démontrer tant par des observations sur ces animaux à l’état de vie que par l’investigation anatomique de leur appareil reproducteur. Nous trouvons d’abord une observation que Ratzeburg fit sur l'Aphis oblonga du Bouleau et d’où il tira la conséquence qu'a- près s'être reproduits par viviparité pendant un certain temps, les Pucerons pondaient ensuite des œufs destinés à conserver l'espèce pendant la saison froide (2). La colome qu'il observa d’abord au mois d'août étaitexclusivement composée d'individus apteres, lesquels produisirent une progéniture vivante jusqu'en novembre où ils commencèrent à pondre des œufs. Partageant (1) Stcenstrup, Ueber den Generationswechsel, oder die Forlpflanzung und Entwicke- lung durch abwechselnde Generationen, 1842. (2) Ratzcburg, Agenda hemiptlerologica (Stettiner enlomol. Zeit., 1. V, 1844, p. 9), MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 17 l'erreur signalée plus haut de Morren que les individus qui com- posent la génération sexuée chez les Aphides sont toujours pour- vus d'ailes, il imféra d’une part de cette observation que les mâles et les femelles proprement dites manquent d’une manière absolue chez l’'Aphis oblonga et, d'autre part, que les mdividus agames se reproduisent, suivant la saison, tantôt par des petits tout formés, tantôt par des œufs. Kaltenbach (1) et Bouché (2) objectèrent à Ratzeburg que, chez les Pucerons, les mâles ne sont pas toujours ailés (3), et qu’en outre, ilse passe souvent des mois et même des années sans que l’on aperçoive dans certaines colonies un seul individu ailé, soit mâle, soit femelle. Tel est le cas de l’'Aphis populnea, où Bouché n’observa d’abord pendant plusieurs années consécu- tives que des individus aptères, lorsqu'un jour du mois d'octobre des Pucerons ailés se montrèrent parmi ces derniers. Ces présomptions ne tardèrent pas à être confirmées par Rat- zeburg lui-même. En effet, reprenant l’année suivante ses ob- servations sur la même colonie de l'Aphis oblonga qui avait été l'objet de ses études antérieures, cet entomologiste vit d'abord, au mois de mai, des femelles vivipares ailées, puis, en octobre, il observa des mâles ailés aussi et fut témoin de leur accouple- ment (4). Malheureusement il laisse dans le doute si les femelles qu'il a trouvées accouplées avec les mâles en automne étaient identiques avec les individus vivipares et ailés observés au prin- temps, ou si elles étaient aptères comme ceux qu'il avait vus pondre des œufs au mois de novembre de l’année précédente. (4) Kaltenbach, Einige Bemerkungen zu Herrn Prof. Ratzeburg's Agenda hemipte- rologica (Ibid., p. 133). (2) Bouché, Bemerkungen über die Naturgeschichte der Blattläuse (Ibid., p.81). (3) L'existence de mâles aptères chez les Aphides avait déjà été constatée par Bonnet dans l'espèce qu'il nomme le gros Puceron du Chène à trompe courte (/asectologie, p. 180); par Lycnct chez le Puceron du gramen (dans Réaumur, Mémoires, t. VI. p. 555); par de Gecr chez les Aphis pini, pont et juniperi (Mémorres, t. III, p. 34, 55, 57), Kaltenbach décrit aussi les mâles du £Lachnus quercus comme dépourvus d'ailes, et d’après Leuckart (Generationswechsel, p.53) ceux du Schizoneura cornr se trouvent dans le même cas. (4) Ratzeburg, Fortgesetzte Beobachtungen über die Copula der Blattläuse (Stettiner entomol. Zeit., t. V, 1844, p. 410). 5° série. ZooL., T. XI. (Cahier n° 4.) 2 2 16 BALBIANI, L'observation de Ratzeburg manque, par conséquent, de pré- cision et ne saurait être invoquée, comme l'ont fait quelques au- teurs, à l'appui de la thèse de la transformation des Pucerons vivipares en ovipares. Le célèbre naturaliste anglais Newport s'est également préoc- cupé de cette question dans son travail intitulé : Note on the Ge- neration of Aphides (1). Cherchant à la résoudre par la voie ex- périmentale, Newport choisit, au mois de novembre, deux mâles et deux femelles aptères parmi les individus d’une colonie de l'Aphis rosæ qui avaient déjà pondu un graud nombre d'œufs, et les plaça sur une branche de Rosier qu'il exposa à une tem- pérature de 13 à 15 degrés centigrades. Au commencement de décembre, il constata que les femelles avaient mis bas des petits vivants, et il en conclut que ce sont les mêmes Pucerons qui, à certaines époques de l’année, engendrent des petits tout formés et à d’autres pondent des œufs. Avant de discuter les conclusions de cette expérience, rap- prochons-en d’abord une observation analogue que l'entomolo- giste de Heyden publia en 1857 (2), ei qui est fréquemment invoquée par les partisans de la transformation génésique des Pucerons comme une des plus concluantes à l'appui de leur manière de voir. M. de Heyden annonça qu'après avoir assisté en automne à la naissance d’un individu mäle de l'espèce du Lachnus quercus, il constaia qu'une vingtaine de grosses femelles toutes semblables à la mère du petit mâle précédent, et composant avec elle la colonie qu'il observait, portaient cha- cune sur leur dos un mâle qui ne différait en rien, excepté par la taille, de celui qui était venu au monde sous ses yeux. M. de Heyden crut pouvoir inférer de cette observation que les Pucerons jouent d'abord le rôle d'individus agames en mettant au monde des petits bien développés dont les derniers nés sont les mâles, et qu'ils se transforment ensuite en femelles (4) Newport, Note on the Generation of Apiides (Transact, of the Linnean Society, t, XX, 4851, p. 281). (2) C. v. Heyden, Zur Fortpflanzungsgeschichte der Blatlläuse (Stetliner enlomol, Leit., t XVIIL 1857, p. 83). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 19 véritables, lesquelles s’'accouplent avec les mâles et pondent des œufs. Dans une note additionnelle à son Mémoire (1), de Heyden cite à l’appui de ce résultat l'observation de Ratzeburg sur l’A4- phis oblonga dont 1l a été question plus haut. Mais nous avons vu que le fait observé par Ratzeburg était loin d’avoir le carac- tère de précision nécessaire pour pouvoir être invoqué comme une preuve de cette transformation. Par la même raison nous ne saurions attribuer plus de valeur aux résultats de de Heyden et de Newport, attendu que l’on sait depuis de Geer et Kyber que des Pucerons vivipares, ayant tous les caractères extérieurs des véri- tables femelles, coexistent très-fréquemment en automne avec ces dernières dansles colonies formées par ces Insectes, au moment de l’apparition des mâles (2). Il en résulte que, pour conclure que les femelles ovipares ne sont autre chose que des Pucerons vivi- pares transformés, il ne suffirait pas de s’en rapporter à une simple ressemblance extérieure, mais qu’il faudrait s'assurer encore, à l’aide d'une observation directe, que les femelles trouvées dans l’arrière-saison dans la compagnie des mâles ou accouplées avec ceux-ci sont bien les mêmes individus qui na- guère mettaient au monde des petits vivants. Or, cette condition n'a été remplie ni par Newport ni par de Heyden dans les observations relatées plus haut. Mais il y a plus : nous trouvons dans le Mémoire de Kyber, si riche en remarques de toute espèce concernant l'histoire physiologique des Pucerons, une expérience qui réalise exactement celle de Newport et faite avec la même espèce, l’Aphis Rosæ. Kyber plaça au commence- ment de l’hiver un certain nombre de mâles et de femelles de ce Puceron dans une chambre chauffée, et vit que ces dernières continuaient à pondre des œufs comme elles le faisaient en plein (4) G. v. Heyden, Nachtrag zur Fortpflanzungsgeschichte der Blattläuse (Stettiner entomol. Zeit., t. XIX, 1858, p. 72). (2) On sait même, par les observations de Réaumur, de de Geer, de Kyber, et par celles plus récentes de Bouché, de Kaltenbach et d’autres naturalistes de notre époque, qu'un certain nombre de Pucerons agames survivent aux femelles ovipares après que celles-ci ont pondu leurs œufs, et que quelques-uns même hivernent sous différents abris pour se reproduire de nouveau au printemps par viviparité. | 920 BALBIANI. air, sans aucun mélange de petits vivants (1). Cette observation prouve donc que si la chaleur exerce une action non douteuse sur la propagation par viviparité en la prolongeant bien au delà de son terme naturel, tandis qu’un abaissement de température la fait cesser et la remplace par l'oviparité, le même agent est complétement incapable de produire le phénomène inverse, c’est-à-dire de faire succéder la reproduction solitaire et par des petits vivants à celle qui s'effectue par des œufs et avec le con- cours de l'élément mâle (2). Tandis que les auteurs précédents ont cherché par des obser- vations et des expériences sur les Pucerons vivants à résoudre la question si débattue de l'identité ou de la non-identité des deux sortes de femelles, d’autres naturalistes se flattèrent d'arriver plus facilement au même but par l'examen anatomique de leur appareil reproducteur. Observant en automne les colonies for- mées par le Schizoneura corni et l’Aphis padi, Leuckart (3) con- stata d’abord dans chacune des deux espèces trois sortes d’indi- vidus, savoir : des vivipares ailés, des ovipares et des mâles dont les uns étaient ailés et les autres aptères. Les individus vivipares se distinguaient déjà à première vue des ovipares par un tel ensemble de caractères qu'il était difficile de s'arrêter à la pensée que ceux-ci ne résultaient que d’une transformation des pre- (4) Kyber., loc. cit. , p. 7. (2) Mes recherches personnelles sur ce sujet m'ont conduit à des résultats qui confirment pleinement ceux de Kyber et qui sont même plus probants encore, car je ne me suis pas contenté de faire agir la chaleur sur des femelles adultes et qui avaient déjà commencé à pondre, mais je soumettais aussi à l’action de cet agent de jeunes larves femelles prises au moment de la naissance, ou mème renfermées encore à l'état d’embryons dans le seiu de leur mère ct recevant par l'intermédiaire de celle-ci l'influence de la chaleur. Dans aucun cas je n'ai réussi à provoquer leur transforma- tion en Pucerons vivipares; non-seulement leur appareil génital s’est développé d’après le type ordinaire qu'il présente chez la femelle fécondable, mais ses produits eux- mêmes étaient toujours évacués sous la forme d'œufs bien caractérisés et n'’offraient jamais aucune trace d’un développement embryonnaire. Les embryons et les larves de mäles se développeient aussi, dans les mêmes conditions, suivant leur {type normal, et ni leurs organes génitaux, ni leurs produits n'avaient subi aucune modification dans leur constitution. (3) Leuckart, Zur Konntbniss des Generationswechsels und der larthenogenesis bet den Insecten, 1858, p. 7. MÉMOIRE SUR LA: GÉNÉRATION DES APHIDES. 21 miers, comme de Heyden croyait l'avoir établi pour le Lachnus quercus. Poussant plus loin ses investigations, Leuckart s’assura, en outre, que la constitution de l’apparéil reproducteur offrait des caractères non moins tranchés chez les deux sortes de Pucerons. Il n’observa notamment jamais ces formes intermédiaires indi- quant le passage d’un type à l’autre, et qui ne devraient être rien moins que rares si la théorie de la transformation était fon- dée. Bien plus, l'examen des embryons femelles encore renfer- més dans le corps de leur mère et celui des plus jeunes Pucerons du mème sexe lui montrèrent que leur appareil génital présente déjà la même organisation que dans les autres femelles d’Insectes et ne renferme que des éléments cellulaires, dont quelques-uns peuvent déjà être caractérisés comme des rudiments d'œufs, au lieu des embryons contenus dans celui du jeune Puceron vivi- pare du même âge. Je dirai plus loin quelles sont les considéra- tions physiologiques que Leuckart a basées sur ses observations, lorsque j’examinerai l’opinion suivant laquelle le mode de repro- duction de ces Hémiptères ne serait qu'un cas particulier de gé- nération alternante. Un autre habile naturaliste de l'Allemagne, le professeur Leydig, a également donné pour fondement à ses vues sur les phénomènes génésiques des Pucerons les résultats de ses inves- tigations anatomiques de ces animaux (1). Disséquant des Pucerons au mois de novembre, c’est-à-dire à l’époque où la génération sexuelle remplace la génération soli- taire et vivipare, Leydig dit avoir rencontré ces formes mixtes des organes générateurs, vainement cherchées par Leuckart, qui indiquent la transition de l'appareil vivipare à l'appareil ovipare. Le même ovaire offrait à la fois des gaïnes dont les unes renfermaient des œufs inégalement développés, tandis que les autres contenaient des embryons à tous les stades de leur évolu- tion. Leydig assure, en outre, que le réceptacle séminal, apa- (1) Leydig, Naturgeschichte der Daphniden, 1860, p. 64 et suiv.; Der Eïterstock und die Samentasche der Insecten, 1866, p. 79 et suiv. 29 BALBIANI, nage ordinaire de toutes les femelles d'insectes, considéré depuis M. de Siebold comme appartenant exclusivement à la fe- melle fécondable, existe aussi, bien que peu développé, chez {le Puceron vivipare. S'appuyant d'une part sur ces résultats ana- tomiques, et d'autre part sur quelques-unes des observations biologiques de Kyber, éminent professeur de Tubingue conclut que les Pucerons vivipares ne peuvent être assimilés à des nour- rices dans le sens de Steenstrup, puisque le même individu se reproduit successivement avec et sans le concours des sexes, et qu'à ce titre les Aphides doivent prendre place, non parmi les es- pèces généagénétiques, mais à côté des animaux, tels que les Daphnides, les Rotateurs et les Polypes d’eau douce, où les deux modes de multiplication sont également réunis sur un même individu. Je me contente pour l'instant de mettre en regard, sans les discuter, ces deux conclusions si opposées émanées de savants également habiles et consciencieux. Aussi bien, nous n’en avons pas encore fini avec les dissidences des physiologistes touchant la reproduction des Aphides, et il nous reste mainte- nant à aborder le côté par lequel notre sujet touche aux deux grandes doctrines entre lesquelles se partagent aujourd'hui presque tous les naturalistes dans leur mode d'appréciation de la nature de ces animaux, savoir la génération alternante d’une part, et la parthénogenèse d'autre part. Ici encore, nous aurons à enregistrer des divergences de vues non moins profondes que celles que nous avons rencontrées entre les partisans et les ad- versaires de la théorie de la transformation des Pucerons. Pour reprendre à son origine l’historique de notre question envisagée à ce nouveau point de vue, il nous faut remonter d’une tren- taine d'années en arrière de l’époque actuelle. En effet, c'est vers ce temps, c’est-à-dire entre les années 1535 et 1840 que les naturalistes commençaient à être mus en possession d'instruments d'optique assez parfaits pour leur per- mettre de se livrer plus fructueusement qu'on ne l'avait fait jus- qu’alors à l'investigation anatomique de l'appareil génital des Aphides. Nous avons déjà mentionné les recherches entreprises dans cette direction par Léon Dufour, Dutrochet et M. Morren, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 23 en France, par M. de Siebold, en Allemagne, et nous avons vu aussi que ces savants s’accordèérent à présenter cet appareil comme offrant des différences notables chez l'individu agamo- génésique et la femelle fécondable. M. de Siebold, notamment, insista particulièrement sur lemanque, dans l'appareil reproduc- teur du premier, du réservoir séminal'qui joue un rôle si impor- tant dans la fécondation des œufs chez toutes les femelles d’In- sectes, et signala, en outre, des différences non moins grandes dans la structure de l'organe chargé d'élaborer le germe chez les deux sortes d'individus reproducteurs de l'espèce. Ces résultats semblaient préparer tout naturellement les vues que le célèbre promoteur de la théorie des générations alternantes devait dé- velopper peu d'années après touchant le mode de reproduction des Aphides. Préoccupé de rassembler le plas grand nombre de faits pos- sible propres à étayer la doctrine nouvelle qu'il cherchait à faire entrer dans la science, Steenstrup n'hésita pas à ranger les Pucerons parmi les espèces qui se propagent par génération alter- nante. Pour le savant danois, les Pucerons vivipares ne sont plus, comme on l’admettait généralement avant lui, des larves proli- fiques ou des femelles dont les organes générateurs s’éloignent plus ou moins du type normal, mais de véritables nourrices, chargées, dans la perpétuation de leur espèce, d’un rôle analogue à celui rempli par le scolex sorti de l'œuf d’une Méduse ou d’un Biphore. La seule restriction que Steenstrup apporte à cette ma- mère de voir, c'est que ces nourrices d’Aphides sont les plus parfaites qui existent parmi les animaux, attendu que leurs germes sont renfermés dans des organes que l’on doit regarder comme des oviducteset un utérus (#). En caractérisant de la sorte les phénomènes génésiques des Pucerons, il faut reconnaître que l’éminent naturaliste danois est lom d’avoir mis dans sa démonstration la même rigueur dont il a fait preuve en interprétant les faits physiologiques que lui avaient offerts les autres animaux dont il s’est occupé dans son (1) Steenstrup, Ueber den Generationswechsel, 1849, p. 124 et 495. 2, BALBIANI. ouvrage, faits qu'il a presque toujours complétés et éclairés par ses recherches personnelles, telles que celles concernant la mul- tiplication des Méduses, des Biphores et des Trématodes. Pour les Aphides, au contraire, il s’est contenté de fonder sa maniere de voir sur les connaissances fort imparfaites que l’on possédait alors touchant les organes générateurs de ces animaux, ainsi que sur certaines analogies plus apparentes que réelles que ceux-ci présentent dans leur reproduction avec les espèces si bien étu- diées par Steenstrup. | Quoi qu’il en soit, cette interprétation fut reçue avec une fa- veur marquée par un grand nombre de physiologistes de notre temps, et M. de Siebold, entre autres, s’y associa pleinement dans son Manuel d'anatomie comparée (1). I semblait, en effet, comme l’observe Leuckart, que cette question tant controversée eût reçu de la sorte sa solution la plus simple et en même temps la plus naturelle, et eût perdu tout son caractère exceptionnel par son rapprochement avec les faits constatés chez d’autres espèces aui- males. Parmi les nombreux écrits provoqués par la publication du Traité des générations alternantes figure un travail de V. Carus dans lequel ce savant s’est proposé de combler plusieurs des la- cunes qui existent dans les descriptions anatomiques de Steens- trup, notamment en ce qui concerne les Aphides (2). M. Carus espérait par là asseoir sur des bases plus solides l'interprétation que le naturaliste danois avait donnée du mode de reproduction de ces Insectes. Sa conclusion fut entièrement favorable aux vues de celui-ci. D’après M. Carus, il n'existerait, ni dans la structure des organes générateurs, n1 dans la constitution des sermes élaborés dans leur intérieur, de similitude entre les Pu- cerons vivipares et les Pucerons ovipares. Chez les derniers seu- lement, ces organes se rapprochent par leur forme et la nature de leurs produits de ce qui existe chez les autres femelles d’In- sectes, tandis que, chez les premiers, ils ne contiennent que de (4) Siebold, Lehrbuch der vergl. Anat. der wirbellosen Thiere, 1848, p. 643. (2) V. Carus, Zur nüheren Kenntaiss des Generationswechsels, 1849, p. 20. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 25 simples amas d’une matière granuleuse amorphe. En outre, sui- vant M. Carus, ces corps ont un autre mode de développement que les œufs proprement dits, et ne seraient notamment le siége d'aucun des phénomènes histogéniques qui se manifestent dans ceux-ci comme un résultat de la fécondation. M. Carus en déduit la conséquence que l'embryon des Pucerons vivipares n’est pas constitué, comme celui qui provient d’un œuf fécondé, par des cellules, mais par de simples granulations germinatives, semblables à celles qui forment la masse primitive dont il tire son origine. Pour quiconque à examiné avec des grossissements suffisam- ment forts la structure des Pucerons vivipares ou de leurs em- bryons, ces assertions du savant professeur de Leipsig devaient paraître, de prime abord, d’une inexactitude évidente ; aussi, Leydig n’eut-il pas de peme à démontrer que ces êtres sont for- més d'éléments cellulaires tout comme ceux qui proviennent d’un œuf fécondé, et que ces éléments dérivent eux-mêmes d’une cellule primordiale naissant de la même manière que-chez les autres femelles d'Insectes dans les chambres terminales de l’ap- pareil reproducteur (1). Il renversa ainsi tout le système sur le- quel M. Carus voulait faire reposer sa distinction entre les Pu- cerons agamiques et les Pucerons ovipares. Des objections analogues furent faites à cette théorie par d’autres savants (2), et celle-ci disparut de la science avant d’avoir rallié un seul partisan. Du reste, l’auteur ne tarda pas à reconnaître bientôt lui-même son erreur qu'il attribue à l'emploi de grossissements trop faibles, tout en maintenant ia manière de voir qui lui avait fait assimiler la reproduction des Pucerons vivipares à un phé- nomène de gemmation interne (3). (4) Leydig, Einige Bemerkungen über die Entwickelung der Blattläuse (Zeitschrift für wissensch. Zool., t. I, 1850, p. 62). (2) Waldo-Burnett, Researches on the Development of Viviparous Aphides (Americ. Journ. of Science and Arts, t. XVII, 1854, p. 62). (3) V. Carus, Einige Worte über Metamorphose und Generationswechsel (Zeitschr. für wissensch. Zool., t. IL, 1851, p. 359) ; Jahresbericht über die in den Jahren 1849 1852 auf dem Gebiete der Zootomie erschienenen Arbeiten. 1856, p. 92. 26 BALBIANI. Après cette tentative infructueuse de M. V. Carus pour venir en aide aux idées des Steenstrup, il devenait d'autant plus urgent d'être définitivement fixé sur la véritable nature des corps reproducteurs de ces Insectes, que les faits relatifs à l'exis- tence d’une propagation sans accouplement préalable chez les animaux de cette classe commencçaient à devenir de plus en plus nombreux, et qu'à l'exemple de MM. de Siebold et Leuckart on s’accordait généralement à les considérer comme des cas de véritable génération virginale ou parthénogenèse. On avait signalé des faits de cet ordre chez les Lépidoptères, les Hymé- noptères, les Hémiptères eux-mêmes, dont plusieurs genres voi- sins des Pucerons, tels que les Coccus et les Chermes, parais- saient également offrir des exemples de lucina sine concubitu. Il importait surtout d’avoir sur la constitution du produit aga- mogénésique et sur ses caractères différentiels avec l'œuf des notions plus positives que celles que l’on devait aux observations déjà anciennes de M. de Siebold ou aux recherches incomplètes de M. V. Carus. Les arguments que M. Leydig avait fait valoir contre ce dernier ne concernaient que les Pucerons vivipares et ne se basaient pas sur une étude comparative de leurs corps re- producteurs avec ceux des Pucerons ovipares. Néanmoins, tels qu'ils étaient, ils parurent suffisamment probants à plusieurs na- turalistes pour leur faire trancher dès ce moment la question dans le sens de la parthénogenèse (1), tandis que d’autres, frappés davantage de l'alternance périodique que présentent dans leur apparition les générations agames et les générations sexuées, continuaient à défendre la théorie de la reproduction par générations alternantes [de Siebold (2), Van Beneden (3), Waldo-Burnett (4)]. C’est à un tout autre point de vue que s'est placé M. R. Owen (4) De Filippi, Delle funzionti riproduttive degli animali, 1856, p. 77. (2) Siebold, Ware Parthenogenesis bei Schmetterlingen und Bienen, 1856, p. 18. (3) Van Bencden, La génération alternante et la digenèse, 1854. (4) Waldo-Burnett, Researches on the Development of Aphides (Proc. of the Amer. Assoc, for Adv, of Science, VIX Meet. (1853), 1856, p. 203-223; Sillimans Ame. Journ., 2€ série, t. XVII, 1854, p. 62-78; 261-262). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. y dans son interprétation de la question qui nous occupe. Partant de ce principe que toute reproduction, de quelque nature qu’elle soit, est toujours la conséquence immédiate ou médiate du con- cours d’un élément mâle avec un élément femelle, il explique la fécondité continue des Pucerons vivipares en supposant que l'œuf fécondé en automne par le mâle se résout en un amas d’é- léments germinalifs ou cellules-germes, ainsi que M. Owen les désigne. Toutes les cellules-germes ne sont pas nécessaires pour la formation du corps de l'embryon ; quelques-unes d’entre elles restent intactes et incluses dans celui-ci, gardant pour ainsi dire à l’état latent la force prolifique que leur a communiquée la se- mence du mâle. Mais bientôt elles entrent en action pour pro- duire un nouvel individu, lequel retient à son tour une portion de cet amas de matière plastique. Le mème principe d'organi- sation immédiate et de mise en réserve continue à présider à l'emploi de cette masse germinative pendant un plus ou moins grand nombre de générations, jusqu’à ce qu'enfin une généra- tion dernière plus parfaite, celle des individus sexués, épuise totalement la puissance prolifique déposée dans les cellules- germes. Une nouvelle fécondation devient alors nécessaire pour la renouveler et le cycle recommence et s'achève comme la pre- mière fois (1). Il serait inutile de passer ici en revue toutes les objections qui ont été élevées contre cette explication ingénieuse (2) dont le moindre défaut est de rappeler à la fois l’ancienne théorie de l’'emboîtement des germes et l'hypothèse de Trembley relative à l’action qu'une seule fécondation exerce sur plusieurs généra- tions femelles successives. Combattue d’abord dans le pays même de son illustre auteur par Carpenter (3), Huxley (4), Allen (4) Owen, Lectures on Comparative Anatomy, 1843; On Parthenogenesis, 1849, passim. (2) Elle est notamment contredite par tous les résultats des expériences de Kyber, lequel a montré que la durée de la période vivipare est éminemment variable et dépend des conditions d'alimentation, de température et d’autres circonstances extérieures. (3) Carpenter, Medico-chirurgical Review, 1848. (4) Huxley, On the Agamic Reproduction and Morphology of Aphis \(Transact. of the Linnean Society, t. XXII, 1858, p. 225). 28 BALBIANI. Thompson (1), la théorie de M. Owen a rencontré aussi en France des adversaires non moins décidés en MM. de Quatre- fages (2) et Milne Edwards (3). Ainsi qu’on a pu s’en convaincre par ce rapide exposé du dé- bat engagé entre les physiologistes au sujet du mode de repro- duction des Pucerons, la question tendait de plus en plus à se concentrer sur un point unique, savoir si les germes des indivi - dus vivipares présentent, oui ou non, toutes les parties constitu- tives essentielles de véritables œufs. C’est à résoudre cette ques- tion que vont s'appliquer désormais tousles efforts des naturalistes à partir de l’époque à laquelle nous a conduit l'exposé historique de notre sujet. Déjà nous avons vu que Leydig n’avait pu saisir aucune dif- férence fondamentale dans la structure et le mode de formation de ces corps comparés avec les œufs qui ne se développent qu’a- près avoir reçu l'influence de l'élément mâle. Leuckart (4) con- firme dans tous les points essentiels les résultats de Leydig et ses assertions acquièrent même plus de poids par la comparaison qu'il a pu établir entre le produit agamogénésique des Pucerons vivipares et l’œuf fécondable des femelles ovipares. Tous deux commencent par n'être dans le principe qu’une simple cellule dans laquelle des phénomènes organogéniques entièrement comparables préparent la formation du nouvel être. Toutefois, malgré cette concordance, Leuckart se refuse à désigner la cel- lule germinative des premiers sous le nom d'œuf, et se fonde pour cela, non pas seulement sur son aptitude à se développer en un embryon hors de toute Influence fécondante, mais princi- palement sur l’état peu avancé de maturité qu’elle présente au moment où celui-e1 s'organise dans son intérieur. En effet, à ce (1) Allen Thompson, art. Ovum dans Todd’s Cyclopædia of Anatomy and Physio- logy, t. V (Supplément), 1859, p. 38. (2) De Quatrefages, Métamorphoses de l'Homme et des Animaux, 1862, p. 295 el suiv. (3) Milne Edwards, Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'Homme el des Animaux, t. VIN, 1865, p. 377. (4) Leuckart, Zur Kenntniss des Generalionswechsels und der Parthenogenesis bei den Insekten, 1858, p. 1-21. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 29 moment, le germe est loin d’avoir atteint le développement dont il est susceptible et d’avoir rassemblé tous les matériaux néces- saires à l'accroissement de l'embryon, de sorte que l'histoire de son évolution coïncide pour ainsi dire avec celle de l'embryon lui-même. Au contraire, dans l'œuf destiné à être fécondé et pondu, ces deux processus sont séparés chronologiquement, car le rudiment du nouvel animal n'apparaît jamais avant que cet œuf ait complété la croissance de ses différentes parties constitutives. Or, toutes les propriétés qui viennent d'être signalées dans le germe de l’Aphis vivipare seraient précisément celles qui, d’a- prés Leuckart, caractérisent aussi les corps reproducteurs con- nus sous le nom de spores ou de bourgeons caducs. Se fondant d'autre part sur ce que ses observations personnelles, confirmant celles anciennement faites par de Geer, ne lui ont jamais montré la transformation des individus agames en femelles ovipares, transformation qui n’a non plus jamais lieu dans les espèces qui se reproduisent par génération alternante, Leuckart conclut que les Aphides remplissent dès lors toutes les conditions de ces dernières espèces et que leur propagation doit être conséquem— ment interprétée comme un cas de génération alternante. Dans la même année où le savant professeur de Giessen fai- sait paraître le travail où 1l développe ses vues sur ces animaux, un autre éminent zoologiste, M. Huxley, publia aussi un remar- quable mémoire sur le même sujet (1). J’ajourne à un autre moment l'examen des faits anatomiques consignés dans le mé- moire de Huxley, pour me borner, comme je l'ai fait pour les travaux précédents, à indiquer la conséquence générale que l’auteur en a tirée touchant la nature des générations intermé- diaires d’Aphides qui seule est en litige ici. Après avoir étudié comparativement avec le plus grand soin le mode d'organisation de l'appareil génital et le développement des corps reproducteurs chez le Puceron agame et la femelle ovipare, Huxley signale la grande ressemblance que cet appareil présente chez l’un et chez (4) Huxley, Onthe Agamic Reproduction and Morphology of Aphis ‘(Transact. of the Linnean Society, t. XXII, 1858, p. 193). 30 BALBIA NI. l’autre, et ajoute «qu'ilne voit aucune objection valide contre la conclusion que le produit agamogénésique des Aphides se déve- loppe aux dépens d’un corps ayant exactement le même carac- tère que celui qui donne naissance à l'œuf véritable (1). Pour être entièrement semblable à celle de Leuckart, cette conclusion n’en conduisit pas moins Huxley à envisager autrement que ne l'avait fait le naturaliste allemand le germe agamogénésique. Huxley estime que, malgré la concordance des caractères ana- tomiques, il existe, au point de vue physiologique, de trop grandes différences entre celui-ci et l'œuf fécondable pour les comprendre sous un même nom; d’un autre côté, on ne saurait assimiler non plus le premier aux bourgeons cadues dont il s'éloigne trop par son mode de consütution, et 1l propose, en conséquence, de donner le nom de fauæ-œuf, ou pseudovum, au germe des in- dividus vivipares, réservant celui d'œufs proprement dits aux corps reproducteurs des femelles fécondables. Telle est aussi la conclusion à laquelle était arrivé, presque en même temps que Huxley, un autre éminent naturaliste, compa- triote de ce dernier, M. Lubbock (2). De même que Huxley, M. Eubbock admet qu'il n'existe pas de différence essentielle dans la constitution des éléments génésiques des Pucerons, qu'ils se développent avec ou sans fécondation préalable. Le pseudo- vum, ainsi qu'il désigne d’après Huxley l'œuf parthénogéné- sique, est engendré dans le pseudovarium de la même mamière que l'œuf ordinaire ou fécondable l’est dans l'ovaire. Pour rendre sa pensée plus saisissable, Lubbock établit entre ces deux corps le même rapport physiologique qu'entre l'œuf agamique et l’œuf éphippial ou fécondable des Daphnies dont il a si bien étu- dié la structure et le mode de développement (3). Conduit, dans son attachant petit ouvrage sur les Métamor- (4) « Î see no valid objection to the conclusion that the agamic ofKpring of Aphis is » developed from a body of precisely the same character as Chat which gives rise to the » true egg.» (Huxley, loc. cit., p. 214.) (2) Lubbock, On the Ova and Pseudova of Insects (Philos. Trans., 4859, p. 341.) (3) Lubbock, Account of the two Methods of Reproduction in Daphnia (Philos. Trans., 1857, p. 79). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 91 phoses de l’homme et des animaux (1), à exposer et à discuter les travaux des deux naturalistes anglais précités, M. de Quatre- fages accepte pleinement les résultats de leurs observations, mais plus il paraît convaincu du soin avec lequel ils ont décrit et figuré les objets qu'ils avaient sous les yeux, moins il se montre disposé à adopter la manière dont ils les ont interprétés. Là où MM. Huxley et Lubbock n'ont vu que des analogies, le savant professeur du Muséum ne constate que des différences, et s'appuyant sur les descriptions et les figures mêmes que les premiers ont données des corps reproducteurs des Pucerons vivipares, 1l conclut que ces corps n’ont pas les caractères fon- damentaux de véritables œufs, mais rappellent davantage les bourgeons caducs par lesquels se multiplient un grand nombre d'espèces animales inférieures. La conclusion de M. de Quatre- fages est que la reproduction des Aphides n’est autre chose qu'un phénomène de généagenèse. M. Claus, professeur à l’université de Marbourg (2), est l’au- teur des plus récentes études sur les organes reproducteurs des Pucerons. Pour la partie anatomique de son travail, ses résultats concordent presque entièrement avec ceux de Leydig et de Leuckart, et surtout avec les observations de Huxley et de Lub- bock. Quant aux déductions physiologiques qu’il en a tirées, M. Claus professe une manière de voir en quelque sorte éclec- tique, en ce qu'elle tient le milieu entre la théorie de la géné- ration alternante et celle de la parthénogenèse. D’après lui, les Pucerons sont bien, quant à leurs générations agames, des femelles parthénogénésiques, mais dont l’organisation est plus spécialement adaptée à ce mode de multiplication que celle des autres femelles d’Insectes également aptes à se reproduire sans le concours du mâle. D'un autre côté, ils touchent aux espèces franchement généagénétiques par l'alternance régulière que présentent dans leur succession les individus sexués et les géné- (1) De Quatrefages, Méfamorphoses de l'Homme et des Animaux, 1869, p. 281 et suiv, (2) Claus, Beobachtungen über die Bildung des Insecteneies (Zeitschrift für wis- sensch. Zool., t, XIV, 1864, p. 42); Grundzüge der Zoologie, 1868, p. 293. 32 BALBIANI. rations agames intermédiaires, et réalisent ainsi une des lois fondamentales de ce dernier mode de propagation. En un mot, les Pucerons combinent les conditions des espèces parthénogé- nésiques et celles des animaux à généagenèse, ou, si l’on aime mieux, établissent le passage des premières aux seconds. Avant de clore cette longue revue historique des travaux et des discussions des naturalistes concernant la propagation des Aphides, revue que nous avons conduite depuis l’époque de Réaumur et de Bonnet jusqu'à la nôtre, 11 nous reste à signaler une dernière explication, laquelle, bien que remontant à une époque déjà assez éloignée, n’en mérite pas moins une mention particulière à raison de la célébrité du nom de son auteur. Je veux parler de l’hypothèse de l'hermaphrodisme de l'œuf, émise pour la première fois, en 182$, par l'illustre embryologiste de Baer (1). M. de Baer supposait que le germe des Pucerons vivipares était à la fois mâle et femelle, et que ce caractère androgyne s’y développait sous l'influence d’une température élevée, tandis qu'une température basse avait pour effet d'opérer la séparation des sexes et leur répartition sur des individus diffé rents. On sait que la même explication a été reproduite de nos jours par M. Barthélemy pour rendre compte de la fécondité de certains Papillons dont les œufs se développent sans avoir reçu l’action de l'élément mâle (2). Telles sont les phases qu'a traversées la question de la repro- duction des Aphides depuis les premiers observateurs jusqu'à nos jours. Malgré le nombre et l'importance des travaux qu'ils ont suscités depuis près d’un siècle et demi, les faits découverts par Bonnet, bien qu'éclairés dans beaucoup de points impor-. fants, attendent encore leur explication définitive. À chaque découverte nouvelle qui à réalisé un progrès notable dans l'état de nos connaissances générales relatives à la multiplication des êtres vivants, on a cru toucher à la solution du problème, mais (4) CE. v. Bacr, Ueber Entwickelungsgeschichte der Thiere, 1'€ partie, 1828, Scho- he 20, p. 192. (2) Barthélemy, Études et considérations sur la parthénogenèse (Ann. des se. nat., 4° série, t. XII, 1859, p. 307). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 99 aucune des interprétations qui en ont été successivement pro- posées n'a obtenu l’assentiment unanime des physiologistes, et nous voyons ceux-Ci divisés encore en deux camps, dont l’un comprend les partisans de la génération alternante des Pucerons et l’autre ceux de leur parthénogenèse. Ainsi, nous trouvons parmi les premiers, outre les savants dont nous avons fait con- naître plus haut la manière de voir, MM. Milne Edwards (4), Pagenstecher (?), Gegenbaur (3), etc., et parmi les seconds MM. Allen Thompson (4), Carl Vogt (5), Gerstaecker (6), Oscar Schmidt (7), Ernst Haeckel (8), etc. C'est au inihieu de cette divergence des opinions que, dans un travail présenté à l’Académie des sciences en 1866 (9), je crus devoir revenir à la plus ancienne des explications imaginées au sujet du mode de reproduction des Pucerons, savoir, celle de landrogynisme que soutenaient jadis Leeuwenhoek, Cestoni, Réaumur et quelques autres observateurs de la même époque. Cette interprétation était basée sur une étude attentive des pre- mières phases du développement embryogénique de ces animaux et m'apparaissait comme la seule déduction légitime à tirer des faits qui s'étaient offerts à mon observation. Il n'est pas inutile de rappeler sommairement ei les résultats auxquels j'étais déjà parvenu dès cette époque, c’est-à-dire plusieurs mois avant la publication d’un mémoire de M. Mecznikow, intitulé: Etudes (4) Milne Edwards, Leçons sur la physiologie et l’Anatomie comparée de l'Homme et des Animaux, t. VIII, 1865, p. 379. (2) Pagenstecher, Ueber das Gesetz der Érzeugung der Geschlechter bei den Pflanzen, den Thieren und dem Menschen (Zeitschr. für wissensch. Zool., t. XII, 1863, p. 54a). (3) Gegenbaur, Grundzüge der vergl. Anat., 1859, p. 283. (4) Allen Thompson, art. Ovum (Todd’s Cyclopædia of Anat. and Physiol., t, V, 1859, p. 33). (5) Carl Vogt, Zoologische Brief, t. 1, 1851, p. 569. (6) Gerstäcker, dans Peters, V. Carus und Gerstäcker, Handbuch der Zoologie, t. W, 1863, p. 38. | (7) O. Schmidt, Handbuch der vergl. Anat., 1865, p. 215. (8) E. Haeckel, Generelle Morphologie der Organismen, t. , 1866, p. 56. (9) Balbiani, Sur la reproduction et l’embryogénie des Pucerons (Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. LXIL, 1866, p. 1231-1235, 1285-1289, 1360-1394. 5° série, Zooz., T. XI, (Cahier n° 4.) 3 8 à à) BALBIANI. embryologiques sur les Ensectes (1), mémoire qui, entre autres recherches concernant le développement de divers animaux de cette classe, renferme aussi une description circonstanciée de l'évolution des Aphides vivipares. Je n'aurais pas songé à sou-- lever ici cette question de priorité, spécialement en ce qui con- cerne la première description détaillée des phases les plus précoces et en même temps les plus caractéristiques de l'embryologie de ces Hémiptères, si, dans un travail critique récemment publié par M. Claparède (2), ce savant n'avait pas présenté un historique de là question qui semble attribuer à M. Meeznikow la priorité de cette description, et contre lequel je crus devoir immédiatement protester en rappelant les dates de nos publications respectives (1). Dans mon travail précité, J'ai étudié d'une manière compa- rative le mode de développement et la constitution des corps reproducteurs chez les Pucerons vivipares et les femelles ovipares, et j'étais arrivé à ce résultat, annoncé déjà par plusieurs de mes prédécesseurs, qu'il n'existait aucune diffé- rence essentielle entre l'œuf agamogénique et l'œuf fécon- dable, Mais ce qui n'avait pas encore été décrit jusqu'alors, c'est le véritable mode de formation de ces corps. Je montrai qu'il existe dans la chambre supérieure des gaines de l'appareil génital, soit chez le Puceron vivipare, soit chez l'ovipare, une cellule centrale entourée d'autres cellules plus grandes et com- muniquant avec là première par des pédoncules ou prolonge ments canalieulés. La cellule centrale et les cellules périphé- riques ont des propriétés physiologiques différentes. La première seule est chargée d'émettre, par un phénomène de bourgeonne- ment, des cellules-filles, ou ovules, destinées à se développer dans les chambres ovariques inférieures soit en un œuf, soit en un embryon, tandis que les secondes demeurent stériles et n'ont (1) Mecanikow, Embryologische Studien an Insecten ; die Entwickelung der vivipa- ren Aphiden (Zeitschrift fur wissensch. Zoo, t, XVI, 1866, p. 457). (2) Claparède, Nofe sur {a reproduction des Pucerons (Ann. des sc. nat., 3° série, t. VII, 4867, p. 21). (2) Balbiani, Remiarques sur da note précédente (ibid., p« 30). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 39 d'autre fonction que de fournir à la cellule-mère les matériaux uécessaires à l'entretien de son activité génésique. L'ovule ainsi produit grossit et apparaît d’abord au bas de la chambre ger- minale, puis se forme une loge indépendante qu'un étrangle- ment de plusen plus prononcé sépare de la chambre supérieure, Par sa partie supérieure pédonculée, cet ovule reste en com- munication avec la cellule-méêre et recoit par son Intermédiaire les matériaux élaborés dans les cellules nourricières entourant celle-ci, mais, suivant qu’il doit en résulter un œuf ou un em- bryon, ces connexions persistent où disparaissent au contraire de bonne heure. Examinons d’abord ce qui se passe dans ce dernier cas. Aussitôt que l’ovule a perdu ses connexions avec les cellules de la chambre germinative, il devient le siége des modi- ficalions qui annoncent à l'ordinaire le début du travail embryo- génique, c’est-à-dire 11 s'y forme un blastoderme. Je n'insisterai pas ici sur le mode de constitution de cette membrane cellu- leuse, attendu que je me propose d'y revenir avec détail dans une autre partie de ce mémoire. Je dirai seulement qu'une fois constitué, le blastoderme forme une couche non interrompue s'étendant sur toute la surface de l'œuf et composée d’une ran- gée unique de cellules. Pendant sa formation, l'œuf a passé de la forme sphérique qu'il avait primitivement à celle d'un ovale et présente, par conséquent, à considérer deux pôles : l’un antérieur, dirigé vers la chambre germinale, l’autre postérieur, tourné vers l’orifice externe de l’appareil génital. Bientôt les cel- lules avoisinant le pôle postérieur s’écartant les unes des autres, il en résulte dans le sac blastodermique une ouverture à tra- vers laquelle la masse vitelline centrale fait hernie. Cette masse est entourée elle-même d’une membrane d’enveloppe très-fine et sans structure, et paraît avoir tous les caractères d'une vraie cel- lule; nous la désignerons néanmoins sous le nom plus général de vésicule, pour ne pas préjuger sa nature. La vésicule vitelline se confond avec l'épithiélium de la loge ovarique, puis se divise en deux vésicules secondaires dont chacune devient l’origine d’un groupe particulier de cellules. Ces deux groupes constituent le rudiment de l'appareil androgyne du Puceron vivipare; effec- 36 BALBIANI. tivement, l’un représente la masse commune des éléments femelles (cellules des chambres germinales de l'ovaire), et Pautre celle des éléments mâles ou cellules spermatiques primordiales. Par les progrès du développement, ils se divisent chacun en deux sroupes secondaires pour les deux moitiés du corps; mais tandis que la division s'arrête là pour le groupe mâle, dans le groupe femelle, chaque moitié se subdivise encore en autant de petits amas particuliers qu’il y aura de gaînes à l'ovaire du eûté correspondant. Les cellules mâles se distinguent aussi bien- tôt des cellules femelles par leur coloration verte ou jaune verdâtre, due à leur pénétration par de fines granulations pig- mentaires. Il se produit en outre, de très-boune heure, dans ieur intérieur, une multitude de petites cellules-filles, rempla- cées plus tard par des corpuscules irréguliers, d'apparence ami- boïde, plus rarement bacilliforme, qui sont les éléments fécon- dateurs du Puceron vivipare. Dans le travail que j'analy$e ici, j'indique ensuite la manière dont l'embryon prend naissance dans l'intérieur de cet oyule, qui 2e renferme encore que les deux masses sexuelles précé- dentes enveloppées par le sac blastodermique. Je montre qu'à la différence de ce qui a lieu chez les autres Insectes, où l’emn- bryon tout entier se produit par une simple différenciation du blastoderme, chez les Aphides, celui-ei ne contribue que pour une faible part à sa formation, part limitée aux lames procépha- liques, tandis que dans tout le reste de son étendue le blasto- derme se convertiten une membrane celluleuse mince qui forme une enveloppe spéciale autour de l'embryon. Quant à ce dernier, c’est par un procédé tout particulier qu'il prend naissance chez les Aphides, c’est-à-dire par l’organisation d'une lame celluleuse qui s'élève en bourgeonnant du bord de l’orifice situé au pôle postérieur du blastoderme, remonte contre la paroi interne de la cavité formée par celui-ci et se recourbe plusieurs fois sur lui- même pour constituer les différentes divisions de l'embryon. Je décris ensuite rapidement les principales phases du déve- loppement embryonnaire, les modifications de forme et de situa- tion que subissent les masses sexuelles et la manière dont MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 97 celles-ci contractent des connexions avec l'être nouveau qu s'est constitué d’une façon tout à fait indépendante autour d'elles. Passant ensuite à la description des phénomènes embryolo- giques des Pucerons ovipares ou dioïques, j'insiste sur ce fait que ceux-ci ne sont autre chose que des Pucerons vivipares dont les organes générateurs ont subi une transformation à une période encore très-peu avancée de leur évolution. Je fais voir par quelle série de modifications l'appareil génital passe de la forme hermaphrodite à la forme dioïque, et comment le testicule du Puceron mâle et l'ovaire du Puceron femelle ne sont l’un et l'autre que des modifications d’un seul et même type fondamen- tal, savoir, de la partie femelle de l'appareil androgyne des indi- vidus vivipares. Quant à la partie mâle du même appareil, je montre qu'il passe, sans subir aueun changement, dans les indi- vidus sexués, mais qu'il ne paraît conserver ses propriétés phy- siologiques que chez la femelle seulement, tandis que chez le mâle il persiste comme un simple témoin d’une condition organique primitive. Toutefois, chez la femelle, son rôle est considérable- ment restreint et se borne à provoquer dans l'œuf le développe- ment des organes générateurs de l'embryon, organes qui, de même que chez le Puceron vivipare, se forment d’une manière complétement indépendante de l'embryon et avant l’apparition de celui-e1 (1). Tels sont les principaux résultats consignés dans mon mé- moire communiqué à l'Académie des sciences en 1866. Trois mois avant son insertion dans les Comptes rendus, M. Mecznikow avait publié dans le Journal de zoologie scientifique de MM. de Siebold et Koellhiker une courte notice sur l’embryologie des (1) Je ne me dissimule pas que les faits que je rappelle ici d’une manière sommaire, et qui se trouvent déjà indiqués dans mon premier travail sur l'embryogénie des Pucerons, s'éloignent considérablement de toutes les idées reçues touchant la signifi- cation des organes génitaux et leurs relations avec l'organisme individuel. Je reviendrai plus tard avec détail sur ces questions, et j’essayerai alors de montrer comment ces faits en apparence si anormaux rentrent dans les lois génésiques ordinaires des êtres vivants, lorsqu'on envisage celles-ci d’un point de vue plus élevé et plus général qu’on n’a coutume de le faire. 38 BALBIANI, Hémiptères qui contient aussi quelques faits touchant le déve- loppement des Aphides vivipares (1). La description, très-coneise d’ailleurs, que M. Mecznikow donne de ces phénomènes, peut se résumer de la manière suivante : Les noyaux des cellules blastodermiques résultent de divisions suecessives de la vésicule germinative et le contenu de ces cellules se forme aux dépens du protoplasma vitellin. Le blastoderme une fois formé, ses cellules se multiplient activement au pôle postérieur et déterminent en ce point la formation d’une petite éminence qui s'accroît rapide- ment en hauteur. Pendant ce temps, le vitellus s’est contracté et réduit à une petite masse réfringente qui ne joue aucun rôle actif dans le cours de l’évolution. Il est bientôt suppléé par un corps de nouvelle formation résultant de la multiplication d’une cellule particulière qui se distingue par sa couleur jaune au milieu des autres cellules de l’éminence du pôle postérieur. Celle-ci est le rudiment de l'embryon, tandis que le corps jaune est désigné par M. Mecznikow sous le nom de vitellus secon- daire, parce qu'il le croit destiné à suppléer dans ses fonctions le vitellus primaire devenu inerte. L’embryon et sa masse vitel- ine s’accroissent en même temps et s'élèvent jusqu'au pôle an- térieur du pseudovum (c’est ainsi que M. Mecznikow désigne d’après Huxley l'œuf agamogénésique). Is sont d'abord entourés de toutes parts par le blastoderme, mais bientôt celui-ci est perforé à son sommet et le vitellus secondaire passe tout entier à l'extérieur. Le rudiment embryonnaire se recourbe dans le sens de sa longueur et continue à s’accroitre de manière à n'être plus entouré qu'à sa partie inférieure par le blastoderme. Lors- que les différentes parties de l'embryon commencent à se dessi- ner, on constate que le blastoderme n’y participe que pour la formation des lames céphaliques (Scheitelplatten). L'auteur décrit ensuite rapidement quelques-uns des stades du développement embryogénique, se réservant de revenir plus amplement sur tous ces faits dans un mémoire détaillé sur le même sujet. Il espère aussi alors pouvoir étudier plusieurs (4) Mecznikow, Untersuchungen über die Embryologie der Hemipteren (Zeitschrift für wissenseh, Zool., t. XVIT, 1866, p. 128). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 39 points de ces phénomènes qui ne lui ont pas paru suffisamment éclaireis par ses premières observations. Tout en reconnaissant le caractère provisoire du travail pré- cité de M. Mecznikow, je ne puis m'empêcher de remarquer qu'il n'y fait aucune allusion aux organes générateurs de l’em- bryon, et qu'il y a lieu de conclure de son silence à cet égard qu'il n'a pas constaté leur existence, car, dans le cas contraire, il n'eût certainement pas omis sciemment de parler du fait le plus caractéristique peut-être du développement des Aphides, c'est-à-dire l'apparition précoce de ces organes précédant celle de l'embryon lui-même. En effet, s'il est constant, d’une part, que le corps qu'il désigne sous le nom de « masse jaune» est le même que J'ai décrit comme l'organe mâle du Puceron vivipare, d’un autre côté, 1l en saisit la signification d’une facon toute dif- férente, comme l’imdique de reste la dénomination de vitellus secondaire qu'il lui applique. Quant à l'ovaire du mème Puce- ron, M. Mecznikow ne le mentionne pour la première fois que dans le mémoire plus cireonstancié qu'il a publié dix mois après son premier travail (4). Je n’analyserai pas ei cette seconde publication de M. Meczni- kow sur laquelle j'aurai fréquemment l’occasion de revenir par la suite ; 11 me suffira de dire que l'auteur y maintient la plupart de ses précédentes assertions, notamment en ce qui concerne l'organe coloré en vert ou en jaune de l'embryon, qu’il continue à désigner sous le nom de vitellus secondaire. Il y décrit, comme je viens de le dire, pour la première fois l'appareil géni- lal, dans lequel il ne voit, suivant la dénomination de Huxley, qu'un pseudovarium, indiquant ainsi clairement qu'il partage l'opinion généralement admise de l’agamogénésie des Pucerons vivipares et qu'il interprète celle-ci comme un phénomène di: parthénogenèse, à l'exemple de Huxley, de Lubbock et de quei- ques autres naturalistes. | Bien que mes recherches personnelles m’aient conduit à une conclusion toute différente et que nous différions en outre dans (4) Mecznikow, Embryologische Studien an Insecten; die Entwicklung der viviparen Aphiden (Zeitschr, für wissensch, Zool., t. XVII, 1866, p. 437), h0O BALRIANI., l'interprétation de plus d'un fait de détail, je ve puis m'empê- cher de rendre justice aux travaux de M. Mecznikow et de reconnaître l'importance des faits dont il a enrichi nos eonnais- sances relatives à l’'embryologie des Insectes. Néanmoins, il me sera permis de regretter que ce naturaliste n'ait pas cherché à corroborer ses vues sur la nature des Pucerons en démontrant l'inexactitude des miennes, et qu'il ait même omis de citer mes propres recherches à ce sujet, quoique antérieures de six mois à la publication de ses Études embryologiques. H est vrai de dire qu'un autre savant s'est chargé depuis de réparer cette omis- sion, mais, malgré son incontestable talent, il est évident qu'il ne pouvait pas le faire avec la même autorité que M. Meczmikow lui-même. Je fais allusion ici à un travail publié, en Janvier 1867, dans les Annales des sciences naturelles, et dont l’auteur est M. Ed. Claparède (1). M. Claparède se pose comme arbitre entre les deux théories mises en présence par les travaux de M. Mecznikow et les miens, entre la thèse de l’'agamogénésie et celle de l’hermaphrodisme des Pucerons vivipares. Mais dédai- gnant le rôle de simple critique, 11 à voulu intervenir d’une ma- nière plus active dans le débat et vérifier par lui-même les faits sur lesquels étaient basées nos conclusions respectives. Quelques recherches entreprises sur une seule espèce, le Puceron du Rosier, suffirent à cet observateur habile pour se former une conviction dans cette délicate question, et il déclara hautement qu'il se ralliait à l'opinion de M. Meeznikow et que la théorie de l'herma- phrodisme était de tous points insoutenable. Mais en émettant ce jugement, M. Claparède l’a-t-il au moins basé sur des résultats nouveaux, déduits de ses recherches personnelles, et tels qu'on était en droit de les attendre d’un naturaliste aussi distingué explorant un sujet encore peu étudié? I! n’en est rien. M. Cla- parède s’est presque toujours contenté de suivre pas à pas les descriptions de M. Mecznikow, donnant une approbation entière à tous ses résultats, confirmant loutes ses Interprétations, même celle du corps désigné par M. Mecznikow sous le nom de vitellus (1) Claparède, Note sur la reproduction des Pucerons (Ann. des se, nat., 5 série, t. VII, 1867, p. 21, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. NA secondaire. Or ce corps est précisément celui sur lequel il eût été le plus désirable d'obtenir desrenseignements nouveaux, car c’est sur sa signification réelle que repose toute la dissidence de nos vues respectives concernant le mode de reproduction des Aphides. ependant, tout en regrettant que les observations de M. Clapa- rède n'aient rien ajouté à cet égard aux affirmations de M. Mecz- nikow, je ne méconnais pas le surcroît de force que celles-ci reçoivent de la confirmation que leur apporte le savant natura- liste de Genève. Malgré cela, je n'hésite pas à avancer qu'ils se sont trompés l’un et l'autre en soutenant une manière de voir dont les côtés faibles sont si faciles à faire toucher du doigt, ainsi que j'espère le montrer dans un instant. Quoi qu'il en soit, si, pour combattre les conclusions de mon travail, M. Claparède s'était toujours contenté d’invoquer les observations de M. Mecznikow ou les siennes propres, j'aurais pleinement reconnu son droit de faire triompher ses idées en dé- montrant la fausseté de celles qu’on lui oppose. Malheureusement ilne s’en est pas toujours tenu là, etje me vois, à mon grand regret, obligé de repousser quelques-unes de ses critiques comme fon- 1. sur un mode d'argumentation dont la légitimité me semble tout aussi contestable qu’elle l’a paru à d’autres de nos con- frères (1). Dénaturant le sens de mes assertions, M. Claparède me fait souvent dire le contraire de ce que j'ai soutenu dans le fait, ou me prête des opinions que je n'ai jamais exprimées. Je suis certes bien éloigné de vouloir élever aucune accusation contre la bonne foi de ce savant que j'ai été plus d’une fois à même d'ap- précier dans des circonstances antérieures toutes personnelles, aussi je n'en ai que d'autant plus de peine à m'expliquer les méprises vraiment Inconcevables qu'il commet en rendant compte de mes observations et des déductions que je me suis cru en droit d'en tirer. Quelques exemples suffiront pour justifier ce que j'avance ici. Ainsi, M. Claparède soutient que je fais dériver du blastoderme (1) Voyez de Quatrefages, Observations sur une brochure de M, Ed. Claparède, intitulée : De la structure des Annélides (Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. LXVI,1868, p. 113). CS 12 BALBIANI. les éléments générateurs de l'embryon, tandis qu'il résulte très- - clairement, au contraire, de ma description du mode de produc- tion de ces éléments que le blastoderme y reste complétement étranger. À propos d’un autre résultat de mes recherches rela- üf à la naissance des ovules par gemmation d’une cellule-mère occupant le centre des chambres germinatives de l'ovaire, il me représente comme un partisan déclaré de la théorie de M. Robin touchant la production des cellules blastodermiques par bour- geonnement à la surface du vitellus. J'avoue ne pas bien saisir la connexité qui existe dans l'esprit de M. Claparède entre ces deux faits bien distincts d’organogenèse. D'ailleurs ce n’est pas la première fois qu'il est question dans la science d'un pareil mode de formation des ovules, car déjà Meissner (4), en 4854, avait décrit d'une manière très-analogue la manière dont ceux- eise produisent chez le Mermis albicans. D'après ce qui pré- cède, il est inutile de dire que M. Claparède ne voit dans toute mon exposition de la formation du blastoderme chezles Aphides qu'une pure application des idées de M. Robin sur le blasto- derme des Articulés. Si mon honorable critique voulait bien prendre la peine de relire avec plus d'attention ce qui, dans mon travail, est relatif à ce sujet, peut-être verrait-il, non sans étonnement, que ma deseriplion se rapproche beaucoup plus de celle qu'il trace lui-même de la production de cette couche organisable chez les Araignées (2), que de celle qu'en donne M. Robin chez les Diptères (3). Je passe plusieurs autres assertions du même genre que con- tient la note de M. Claparède pour arriver immédiatement à ce qui se rapporte à l'organe coloré ou la « masse verte », comme M. Claparède le désigne. Nous avons vu qu'il lui dénie d'une manière absolue tous les caractères anatomiques et physiolo- (1) Georg Meissner, Beuräge zur Anatomie und Physiologie von Mermis albicans (Zeitschr. für wissensch. Zool., &. V, 1854, p. 262). (2) Claparède, Recherches sur l'évolution des Araignées, 1862, p. 7. (3) Ch, Robin, Mémoire sur la production du blastoderme chez les Articulés (otwnal de la physiologie de l'Homme et des Animaux, publié par Brown-Séquard, t, V, 4862, p. 348, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. [5 giques d'un organe de reproduction pour se rattacher compléte- ment à l'interprétation de M. Mecznikow, suivant lequel ce corps n’est qu'une masse de substance nutritive destinée à être absor- bée dans le cours de l’évolution. Un premier point sur lequel nous sommes d'accord tous les trois, c’est celui qui concerne la structure entièrement celluleuse de ce corps, mais il y à dissen- timent dès qu’il s’agit d'interpréter les petits éléments renfermés dans l'intérieur des cellules de la masse verte. J'ai caractérisé ces éléments comme leurs cellules-filles et je les ai rattachés di- rectement à la formation des corpuscules séminaux des Aphides vivipares. M. Claparède ne veut y voir que des granulations vitel- lines homogènes et s'appuie sur ce que, aidé des meilleures et des plus puissantes lentilles, il n’a pas réussi à y constater la pré- sence d’un noyau. Je ne disconviens pas que la petitesse et la paleur de ces éléments ne rendent effectivement cette constata- tion assez difficile, mais elle n’est pas au delà de nos moyens d'investigation, car il suffit de joindre à des grossissements suffi- sants l’action d’une simple goutte d'acide acétique dilué pour faire apparaître aussitôt l'élément cellulaire dont le sayant pré- cité conteste l'existence. À plus forte raison, M. Claparède se refuse-t-il à considérer comme des éléments normaux les petits corps amihoïdes ou ba- ciliformes dont j'ai dit que se remplissaient à un moment donné les grands utricules de la masse verte, et que j'ai décrits comme étant les corpuscules fécondateurs de l'appareil androgyne du Pu- ceron vivipare. M. Claparède affirme sans autres preuves que j'ai eu affaire à un état morbide et que j'ai pris pour des corpuscules séminaux les productions parasitaires qui envahissent quelque- fois les organes de ces animaux. Il ajoute qu’à Naples le Puceron du Rosier, qui lui a servi pour ses études, est souvent infesté de Mucédinées parasites. J'ai examiné moi-même un trop grand nombre d'individus de cette espèce ainsi que de beaucoup d'au- tres pour ignorer que ces Hémiptères ne sont pas mois expo- sés dans le climat de Paris que sous celui de Naples à être enva- his par des Champignons parasites, des psorospermies ou d'autres productions végétales analogues, dont ils ne sont pas plus à l'a- huh RALBIANI. bri qu’un grand nombre d’autres espèces animales fort diffé- rentes. Je sais notamment aussi qu'il en est résulté plus d’une fois des méprises par suite desquelles ces productions acciden- telles ont été décrites comme étant les corpuscules séminaux de ces espèces lorsqu'elles s'étaient développées dans l’intérieur des organes de la génération. J'ai eu moi-même autrefois l’occasion de montrer à M. Clanparède ainsi qu'à plusieurs autres natura- listes l'illusion dont ils avaient été victimes dans un cas de ce genre (4). J'ai done dû me prémunir contre le danger de tomber à mon tour dans une erreur semblable. Indépendamment des preuves tirées de l'observation directe du développement des corpuscules que je regarde comme les éléments fécondateurs des Pucerons vivipares, J'ai eu recours, pour m'éclairer sur leur constitution chimique, à l'emploi des réactifs, notamment des solutions alcalines concentrées qui constituent, comme on sait, un excellent moyen pour reconnaître les organismes de provenance végétale. Or, j'ai signalé la rapide solubilité des corpuseules dont il s’agit dans ces solutions, à la différence des filaments de Mucgdinées et des autres organismes végétaux qui leur opposent une résistance absolue. Au lieu de rappeler ces faits qui répondaient à l'avance à son objection tirée d’une con- fusion possible des petits corps en question avec des parasites de cette nature, M. Claparède préfère me chercher une simple querelle de mots au sujet de l'expression d’amiboïdes que j'ai cru pouvoir appliquer aux corpuseules fécondateurs des Pucerons, prétextant qu'elle implique une contradiction avec la remarque que ces corpuscules ne m'ont pas paru modifier leur forme sous le microscope. Par cette qualification, j'ai voulu simplement don- ner une idée de la forme irrégulière de ces corps, laquelle rap- pelle, en effet, assez bien celle de certames petites Amibes pen- dant la marche, sans chercher à étendre cette comparaison jusqu’à leur attribuer la faculié même de se mouvoir à la ma- nière de ces organismes microscopiques. M. Claparède ne sait-il pas d'ailleurs mieux que personne que les corpuscules sémimaux {1) Balbiani, Recherches sur les phénomènes seæœuels des Infusoires (Journal «le physiologie de Brown-Séquard, t. IV, 1861, p. 509). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. h5 des Vers nématoïdes, qu'il appelle amoœæbiformes avec tous les autres naturalistes qui les ont étudiés, ne sont pas toujours doués de motilité, et que l’épithète précédente ne leur est sou- vent appliquée qu'à raison de leur aspect seulement (4)? Je ne puis quitter la note de M. Claparède sans relever encore une opinion toute gratuite qu'il me prête au sujet de la prétendue disparition de la masse verte après la naissance. Il va même jus- qu'à dire que Jj'insiste à dessein sur cette disparition afin de rendre plus probable son rôle d’organe générateur mâle! Mais loin de faire disparaitre ce corps à une époque quelconque de l'évolution, Je dis, au contraire, en propres termes, qu’on le retrouve à toutes les périodes du développement embryonnaire el même après la naissance. Bien plus, Je partage entièrement l'opinion de M. Claparède lorsqu'il affirme que la masse verte « persiste toute la vie durant à côté du corps graisseux ». Mais j'avoue ne pas bien saisir la valeur de l'argument qu'il tire du fait de cette persistance pour combattre mon interprétation de la masse verte. C'est, il me semble, l'opinion opposée, celle de sa disparition précoce, que n'attribue M. Claparède qui serait con- traire à ma propre mamière de voir à ce sujet, puisque, comme chacun sait, de nouveaux embryons se forment sans cesse dans l'appareil génital des Pucerons vivipares et que J'admets que les germes dont 1ls proviennent ont besoin d’être fécondés dans le corps de la mère pour être aptes à se développer. Mais, en outre, comment M. Claparède ne s’aperçoit-il pas que cette persistance de la masse verte, sur laquelle il insiste tant lui-même, est lobjec- tion la plus forte que l’on puisse élever contre sa propre interpré- tation de ce corps? En effet, qu'est-ce qu'un vitellus, primaire ou secondaire, peu importe,sinon une provision de substance assimi- lable destinée à être absorbée dans le cours de l’évolution? La conséquence de cette définition, 1l n’est pas besoin de le faire remarquer, est une diminution graduelle et finalement une disparition totale de ce dépôt de substance nutritive, sinon au moment de la naissance, du moins peu de temps après. Or, rien (1) Claparède, De la formation et de la fécondation des œufs chez les Vers néma todes, 1859, p. 95. 6 BALBIANE, _ de semblable a-t-il lieu pour le prétendu vitellus secondaire des Pucerons? Bien au contraire, car loin de disparaitre ou même seulement de diminuer de quantité, nous le voyons augmenter sans cesse de volume dans une proportion constante avec l'em- bryou lui-même et continuer à croître encore après la naissance du jeune Puceron jusqu’à ce que celui-ci ait atteint son dévelop- pement définiuf. D'autres preuves contre la justesse de cette interprétation se tirent des phénomènes de l’évolution organogénique : en effet, ce corpsne se comporte pas comme une masse inerte, passive, telle que l’est un simple dépôt de matière nutritive, mais bien comme unorgane doué de propriétés vitales particulières et destiné à jouer un rôle important dans les actes physiologiques de ces animaux. Ce n’est pas ici le lieu de m’appesantir sur ces considérations, sur lesquelles je reviendrai avec tous les détails nécessaires en fai— sant l'histoire du développement. MM. Mecznikow et Claparède se sont-ils bien rendu compte de tous ces faits avant de hasarder leur théorie du vitellus secondaire? Il est permis d’en douter, et avant de prendre la plume pour empêcher, commeil le dit, une erreur de s'introduire dans la science, le savant qui me critique aurait bien dû commencer par examiner de plus près les faits qu'il avail sous les yeux. Il ne 5e serait pas exposé ainsi à prendre sous son patronage une manière de voir que l'on peut qualifier de véritable hérésie physiologique, car elle conduit tout droit à admettre l'existence d’un annaal qui porte sa vie durant le vitellus dont il était muni dans l'œuf, et, chose plus étrange encore, ce vitellus, loin de disparaître par une résorption graduelle, s'accroit sans cesse depuis l'état d’embryon jusqu'à l'âge adulte. Un pareil être, sil existait, serait le triomphe de ce célèbre système de philosophie de la nature suivant lequel chacun des états qu'un animal à type élevé traverse dans son évolution embryonnaire aurait son représentant dans une forme permanente d'un type infé- rieur. Or, jusqu'ici la série zoologique ne nous montrait rien qui correspondit à l'embryon muni de son vitellus. Si la manière de voir de MM. Mecznikow et Claparède était fondée, les Puce- MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 17 rons réaliseraient ce mode d'organisation, et nous devrions à ces savants la connaissance d’un fait qui ne serait assurément pas le moins curieux parmi tous ceux que nous présentent ces Insectes déjà si remarquables au point de vue des autres phéno- mènes de leur développement. Cependant ajoutons, pour être juste, que M, Claparède a fini par comprendre lui-même les smgularités de sa théorie, et, à la dernière page de sa note, il cherche à lever la difficulté à laquelle nous faisons allusion dans les lignes qui précèdent. «Une objection contre cette manière de voir, dit-il, pourrait être tirée de ce que l'organe en question existe, non-seulement pendant la période embryonnaire, mais encore toute la vie du- rant. Toutefois, 1l faut bien remarquer que son importance rela- tive diminue graduellement avec l’âge, et que l'objection perd par suite beaucoup de son poids (1). » Je doute fort que cette explication satisfasse aucun physiologiste sérieux. Il importe peu, en effet, que le prétendu vitellus perde plus ou moins de son unportance relative par les progrès de l’âge; des que M. Clapa- rède reconnait qu’il existe encore chez l'individu adulte, l'objec= tion présentée plus haut subsiste tout entière. Mais, d’ailleurs, le fait même dont argue M. Claparède n’est pas exact, car, ainsi que je l'ai déjà dit précédemment, l'observation montre que le corps dont ils s’agit ne subit ni un arrêt ni même une diminution dans sa croissance à un moment donné de l’évolution, mais qu’il est dans un état de progres continu depuis l’époque de sa première apparition jusqu'à celui où l'animal à atteint son entier dévelop pement. À cette dernière époque, il est donc plus volumineux que jamais, et s'il est rationnel de juger de l'importance fonc- üonnelle croissante d’un organe par l'augmentation qu’il subit dans sa masse, il faut en inférer que c’est chez le Puceron adulte que ce corps acquiert toute l’activité physiologique dont il est susceptible, conclusion diamétralement opposée à celle de M. Claparède. | Mais ces faits ne sont pas les seuls qui sont inconciliables (1) Claparède, loc. cit:, p. 29: 18 BALBIANI. avec sa théorie. Comment, par exemple, peut-elle expliquer l'existence de la masse verte dans l'œuf du Puceron ovipare qui renferme en outre un vitellus volumineux, entièrement semblable à celui de tous les autres œufs d'Insectes, et qui seul est consommé durant le cours du développement, tandis que la masse verte persiste et se développe parallèlement avec les autres organes de l'embryon? Il me suffit d'indiquer ici ces difficultés, ne voulant pas anticiper sur les détails dans lesquels j'aurai à entrer plus tard en faisant l'histoire des phénomènes de l’évolution chez les Aphides. À ce moment aussi, j'établirai les preuves qui justifient ma manière de voir touchant le rôle phy- siologique de la masse verte. En terminant cette réponse à la note de M. Claparède, je ne puis que remercier mon savant confrère de la vive critique qu'il a faite de mon travail, ear elle me montre les points sur lesquels j'aurai à insister plus particulièrement dans la description nou velle plus circonstanciée que je vais donner des phénomènes de la reproduction des Aphides, points que je n'avais pas exposés avec la clarté et l'étendue nécessaires dans la note où se trou- vaient sommairement consignés les résultats de mes premières observations sur ces Insectes. Ce mémoire se divise naturellement en deux parties : dans la première, j'étudierai les organes et les phénomènes de repro- duction chez les Pucerons ovipares ou dioïques qui ouvrent le cycle génésique de l'espèce ; dans la seconde, je ferai l’histoire des mêmes organes et des mêmes phénomènes chez les Pucerons vivipares où hermaphrodites, lesquels forment les générations les plus nombreuses et continuent le cycle jusqu’à la réappari- tion des individus sexués. Afin de présenter dans ce travail le tableau complet des phé- nomènes de la génération chez les Aphides, je commencerai, dans la première partie, l'histoire des Pucerons ovipares par une étude anatomique et physiologique de l'appareil reprodue- teur du Puceron mâle. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DÉS APHIDES. h9 PREMIÈRE PARTIE. Di LA GÉNÉRATION DES PUCERONS OVIPARES OU DIOÏQUES, $ I. — Appareil génital mâle. À. Anatomie et physiologie. — Autant l'appareil générateur femelle des Aphides a été fréquemment l'objet des investiga- tions des naturalistes, comme on à pu s'en Convaincre par le résumé que j'ai présenté de leurs travaux dans l'introduction de ce mémoire, autant celui du Puceron mâle a été rarement étu- dié par eux. Cependant Bonnet et de Geer connaissaient déjà l'organe copulateur, et ce dernier l’a même figuré d’une ma- nière assez exacte, à l’état d’érection, chez plusieurs espèces (1). De nos jours, Dutrochet (2), M. Morren (3), de Siebold (4), et, plus récemment, Leuckart (5), ont donné quelques détails sur la glande sexuelle et ses annexes, mais leurs descriptions sont si superficielles, et offrent en outre tant de divergences, que je n’ai pas jugé inutile de reprendre à nouveau l'étude de ces organes. Je décrirai d’abord les diverses parties dont l'appareil mâle se compose à l’intérieur et à l'extérieur du corps, ainsi que leurs usages ; je dirai ensuite quelques mots de leur développement depuis la naissance jusqu'à l’âge adulte, et je terminerai par une étude du mode de formation des spermatozoïdes dans la glande sexuelle du Puceron mâle. Dans cette description, J'aurai particulièrement en vue les (1) De Geer, Mémoires pour servir à lhistotre des Insectes, t. HI, 1773, pl 2, fie. 18 et 19 ; pl. 4, fig. 6 et 9. (2) Dutrochet, Übservations sur les organes de la génération chez les Puceron (Ann. des se. nat., t. XXX, 1833, p. 204). (3) Morren, Mémoire sur l’émigration du Puceron du Pécher et sur les caractères et l'anatomie de cette espèce (Ann. des sc. nat., 2% série, t. VI, 1836, p. 87). (4) Siebold, Ueber die innern Geschlechtswerkzeuge der viviparen und oviparen Blattlüuse (Froriep’s Neue Notizen, t. XIL, 1839, p. 305) ; et Vergl. Anat. der wirbels losen Thiere, 1845, p. 654. (5) Leuckart, Zur Kenntniss des Gencrationswechsels und der Parthenogenesis ber den Insekten (Moleschott's Unters. zur Naturlehre, 1858, t. IV); à part, p. 8. ä° série. Zoo. T. XI. (Cahier n° 4.) 4 4 oÙ BALBIANI. espèces suivantes, sur lesquelles mes observations ont plus spé- cialement porté : Aphis persicæ, Siphonophora (Aphis) malle- fol, S. (Aphis) jaceæ, Drepanosiphum (Aphis) platanoides (1), dont les trois premières appartiennent aux deux genres qui comptent le plus grand nombre de représentants dans la famille des Aphides. Mais je dois ajouter que, dans toutes ces espèces, ainsi que dans plusieurs autres que J'ai également exammées, l'appareil reproducteur, sauf quelques variations sans impor- tance, m'a offert une conformité de structure remarquable, ce qui tient, sans aucun doute, à la simplicité du plan d'organisa- tion sur lequel il est construit chez toutes les Aphides, contrai- rement à la plupart des autres familles d'Hémiptères, où il pré- sente une complication plus ou moins grande et des variations parfois considérables chez les différentes espèces d’un même genre. Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter les travaux de Léon Dufour (2), et les recherches plus récentes d'Ant. Dohrn (3) sur les organes générateurs de ces Insectes. De même que chez tous les autres animaux de cette classe, nous aurons à étudier, dans l'appareil génital mâle des Aphides, les organes sécréteurs du sperme ou testicules, et leurs con- duits excréteurs (conduits déférents ou spermiductes), les glandes accessoires ou mucipares, le canal éjaculateur avec le pénis, et les pièces de l’armure génitale ou copulatrice. À raison de l’exiguité que présentent toules ces parties chez le Puceron, les procédés habituels de linvestigation anato- mique des Insectes ne peuvent être mis en usage dans leur étude, et il est presque toujours nécessaire de faire les observa- tions qui les concernent à l’aide du microscope. J'ai évité d’une manière à peu près absolue, dans mes préparations, l'emploi de l'eau pure, qui altère rapidement la forme des organes et leur structure histologique, et me suis toujours servi d’une dissolu- (4) Pour la caractérisation de ces espèces, voyez Kaltenbach, Moxographie der Familie der Pflanzenläuse, 4843 ; et Koch, Die Pflanzenlüuse (Aphiden), 1857. (2) Léon Dufour, Recherches anatomiques et physiologiques sur les Hémiptères, 1833. (3) Ant: Dobhrn, Zw: Anatomie der Hemintern (Stettiner entomot. Zeitung, t. XXNIJI, 1866, p. 321-392, pl. 4). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. o1 tion d’albumine ou de sel marin qui ménage bien mieux les parties. Cette remarque s'applique d’une manière générale à toutes les recherches ayant pour objet l'anatomie microscopique, non-seulement chez les Insectes, mais encore chez les autres espèces animales. Lorsque, après avoir séparé d'un coup de ciseaux l'abdomen d'un Puceron mâle adulte, on le place sur un porte-objet, dans une petite quantité d’un des liquides mentionnés plus haut, et qu'on le recouvre ensuite d’une mince lame de verre pour le porter sous le champ du microscope, il suffit d’une légère pres- sion, exercée sur la lamelle supérieure, pour faire saillir par l'extrémité coupée de l'abdomen un groupe, composé d’un nombre variable de tubes, qu'à leur forme et à la nature de leur contenu il est facile de reconnaitre pour les testicules de l’ani- mal (pl. I, fig. 4 et 2 cs). Ces tubes ou capsules spermifiques convergent par leur base de manière à former une sorte de bouquet ou de faisceau placé sur la ligne médiane du corps, au- dessus du canal intestinal. El semblerait, au premier abord, que ce faisceau est simple et que les tubes qui le composent con- vergent vers un mème point d'attache, mais un peu d'attention suffit à faire reconnaitre qu'il est en réalité constitué par deux groupes distincts, accolés l’un à l’autre, et dont chacun est formé par un nombre de tubes qui varie suivant les espèces (1). Cette disposition semble indiquer, et l'étude du développement con- (43 Chez la plupart des mâles d’Aphides, les capsules spermifiques sont au nombre de trois ou de cing pour chaque côté du corps, etconcentrées chez l'adulte sur la ligne médiane en un groupe de six ou de dix tubes. Comme exemples du premier nombre Je citerai les espèces suivantes : Aphis persicæ, Siphonophora millefolii, Drepanosiphum platanoides. D'après M. de Siebold (Manuel d’Anat, comp.,t. 1, 1850, p. 635), l'Aphis loniceræ n'aurait aussi que six capsules en tout, résultant du rapprochement de deux testicules, de trois capsules chacun, sur le milieu de l’abdomen. M. Morren, /oc. cit, (Ann. des sc. nat., 2° série, t. VI, 1836, p. 87) n’assigne en tout que quatre à cinq tubes spermifiques à l'Aphis persicæ, mais il y a évidemment là erreur ou anomalie. Parmi les espèces à dix follicules testiculaires, je mentionnerai le S#phonophora Jaceæ et le S. sonchi, mais il n’est pas rare de rencontrer des individus de l’une ou de l'autre espèce qui n’en ont que huit ou neuf, ou, au contraire, d’autres qui en possèdent onze ou douze. L'étude du développement rend facilement compte de ces varialions indivi- duelles, comme nous le verrons par la suite. X € \ 9 BAEBIANI. firme cette prévision, que les deux testicules sont originairement séparés et situés sur les côtés du corps, et qu'ils se rapprochent graduellement l'an de l’autre avec les progrès de l'âge pour se rencontrer finalement sur la ligne médiane. Dans aucune des espèces que j'ai examinées sous ce rapport, la tendance à la concentration des deux testicules ne va jusqu'à amener leur fusion en un seul et même corps, comme cela est notamment le cas chez les Lépidoptères, où la masse impaire qu'ils forment par leur réunion est en outre revêtue d’une enve- loppe commune ou tunique vaginale. Celle-e1 n'existe jamais chez les Aphides, dont les capsules testiculaires sont, au contraire, toujours à nu et flottent librement dans la cavité abdominale avec leurs organes annexes. En parlant plus loin du mécanisme de lérection du pénis pendant l’accouplement, nous verrons que cette indépendance anatomique de l'appareil mâle mterne est une condition Imdispensable à la sortie de la verge. Il paraît cependant y avoir, dans cette famille, quelques excep- tions à la règle de la liberté réciproque des capsules spermifiques. C'est ainsi que, d’après les observations de Leuckart, le testicule de l'Aphis du Merisier à grappes (A. padi) serait formé par une poche unique, située sur le milieu de l'abdomen, et portant sur sou bord la trace d’une division en six lobes correspondant au nombre des éléments qui se sont réunis pour la former (4). Chez le Schizoneura corni, observé par le même naturaliste, cette fu- sion serait portée plus loin encore, la poche testiculaire étant tout à fait simple et d'une forme presque complétement sphé- rique (2). Ces faits démontrent done que, sous le rapport de l'indépendance où de la soudure réciproque de ses parties con- tiluantes, le testicule des Aphides présente les mêmes transitions d'organisation que celles que l’on observe chez d’autres Hémi- ptères, les Géocorises par exemple (3). La forme et le volume des capsules spermifiques ne varient (4) Leuckart, Zur Kenntniss des Generationswechsels und der Parthenogenesis, 1898, p. 8. (2) Leuckart, loc. cil., p. 8. (3) Léon Dufour, loc, cil., p. 152 et pl, 40, fig. 448 et suiva MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 53 pas moins que leur situation respective aux différents âges de l'Insecte. Pendant l’état de larve et de nymphe, leur forme est celle d’une poche allongée, renflée vers le milieu ou à la base, c'est-à-dire plus ou moins conoïde ou fasiforme (pl. 2, fig. 3, 4, 11, cs), mais chez le mâle adulte, et dans l’état de turgescence séminale, elles prennent l'aspect d’un ovoïde plus ou moins al- longé (fig. 4 et2, es). Cette modification dans leur configuration extérieure s'accompagne en même temps, dans le passage de l’état de nymphe à celui d'Insecte parfait, d’une diminution no- table de leur volume et de leur capacité intérieure, par suite d'une rétraction graduelle que la parot capsulaire subit aux ap- proches de la maturité sexuelle. C’est ainsi que chez une grosse larve du Puceron de la Millefeuille, près de se transformer en nymphe, les capsules du testicule avaient en moyenne une lon- gueur de 0"",25, tandis que, chez le mâle adulte, elles ne mesu- rent généralement pas plus de 0"",15 à 0°°,16. Cette différence de volume des tubes spermifiques, examinés comparativement chez la nymphe et chez l'adulte, est plus sensible encore dans le Puceron de l'Erable-plane ( Drepanosiphum platanoïdes ), où ces tubes, après être parvenus à une longueur de près de 0"",60 qu'ils ont chez la première, décroissent ensuite de plus de la moitié, et n’ont plus que 0"",95 à 0"*,98 chez le mâle adulte. Ce sont là de ces effets de rétraction organique des üssus survenant au moment où l'animal touche à son état de perfection définitive et analogues à ceux quiont été signalés par tous les auteurs qui ont étudié au point de vue anatomique les nétamorphoses des Insectes; 1! me suffira de rappeler les observations de Herold et de Newport sur les changements successifs que subissent dans leurs dimensions relatives l’ap- pareil digestif et Les systèmes musculaire et nerveux des Lépido- ptères pendant le passage de l'état de larve à celui d’Insecte partait (1). Chaque capsule spermifique se compose d’une paroi propre (4) Voyez aussi Weismann, Die nachembryonale Entwickelung der Musciden (Zeitschr. f. wiss. Zool., t. XIV, 1864, p. 187). 5h BALBEANE. et d’un contenu. La paroi est constituée par une membrane sans structure apparente, que l’on croirait, par conséquent, appar- tenir aux formations cuticulaires (fig. 2 et 3), si le développe- ment n'apprenait qu'elle est en réalité composée de cellules fortement aplaties, soudées intimement les unes aux autres, et dont les noyaux ont ensuite disparu, ainsi que les lignes qui in- diquaient primitivement la délimitation réciproque des cellules. Cette structure cellulaire peut être facilement rendue sensible chez la larve, et même encore chez la nymphe, dans certaines espèces, par l'addition d’un peu d'acide acétique, qui rend appa- rentes un plus ou moins grand nombre des cellules constitutives ou leurs noyaux (fig. 4). Mais chez le mâle adulte, ce n’est que très-exceptionnellement que l’on parvient, par le même pro- cédé, à discerner cà et là quelques éléments cellulaires, derniers vestiges de la consiitution primitive de la paroi capsulaire. Ce n’est que dans la partie tout à fait postérieure de la capsule, vers la naissance du pédoneule qui fixe celle-ei sur le canal dé- férent, que les cellules restent toujours bien reconnaissables, même à l’âge adulte. Ces cellules basilaires prennent graduelle- ment plus d'épaisseur en pénétrant dans le pédoncule de la cap- sule pour se continuer avec les cellules épithéliales du conduit déférent (fig. 2, 3 et 4, pd). Le contenu des tubes séminifiques varie beaucoup dans son aspect aux différents âges de l’Insecte, ainsi que Je le décriraï en parlant du développement de l'appareil génital mâle. Au moment de la maturité sexuelle, 1l est constitué par les fais- ceaux de spermatozoïdes, dont j'exposerai plus loin avec détail le mode de formation (fig. 2, fsp). Chez les mâles qui se sont déjà accouplés plusieurs fois, les capsules sont pour là plupart vides, ou ne renferinent plus qu'un petit nombre de filaments isolés, mêlés aux débris qui proviennent de là destruction des kystes dans lesquels 1ls se sont formés. Chaque capsule spermifique se termine par un pédoncule court et étroit, à l’aide duquel elle s’insère à l'extrémité du con- duit déférent correspondant (fig. 4 et 2, pd). À ce niveau, les deux conduits sont réunis par une branche transversale, de MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 55 même longueur et grosseur environ que les pédoncules des cap- sules (fig. 1 et 2, æ), et qui est la seule trace de coalescence que présentent les organes générateurs des deux côtés du corps après leur rencontre sur la ligne médiane. A l’aide d’une pression circonspecte exercée sur la lame de verre qui recouvre la pré- paration, il est facile de s'assurer que la branche transversale qui réunit les deux conduits déférents est perméable, et qu'elle éta- blit la communication entre ces canaux, car 1l n’est pas rare que l’on parvienne, au moyen de la manœuvre indiquée, à faire passer quelques filaments spermatiques d’un des conduits dans celui du côté opposé. Immédiatement au-dessous de la branche anastomotique pré- cédente, chaque spermiducte présente un renflement ovoïde, dans l’intérieur duquel on trouve toujours, au moment de la maturité sexuelle, un grand nombre de spermatozoïdes à l’état de filaments isolés, ou formant des paquets plus où moins gros (fig. À et 2, vs). Cette portion dilatée des conduits déférents remplit donc, selon toute apparence, le rôle d’un réservoir pour le sperme, ou vésicule séminale, disposition dont on retrouve les analogues chez plusieurs autres Hémiptères (4). En arrière de la vésicule séminale, les conduits déférents se rétrécissent assez brusquement et descendent sous la forme de deux cordons cylindriques sur les côtés du tube alimentaire, pour venir s'insérer l’un près de l’autre à l'extrémité antérieure du canal éjaculateur (fig. 1, ed/; 5, cd). Dans toute l'étendue de a trajet, les spermiductes offrent un aspect comme noueux ou variqueux, produit par une multi- tude de petites dilatations ampullformes de la paroi, dont les plus grosses se remarquent sur la portion qui fait office de vési- cule séminale (fig. 4, vs). [ls présentent, en outre, une ré- iringence assez grande ayant pour siége la substance contenue dans les cellules épithéliales de la paroi. Comme nous retrouve- rons tous ces caractères dans les appendices, ou glandes muci- (1) Par exemple dans les genres suivants: Coreus, Alydus, Gerris, Velia, ete.; voyez Léon Dufour, Recherches anat. et physiol. sur les Hémiptères, 1833. 510) BAEBIANE, pares annexés à l'appareil mâle, etque la structure histologique de ces appendices est presque identiquement la mème que celle des spermiductes, il ne serait pas impossible que ces derniers, indépendamment de leur rôle de servir de canaux évacuateurs du sperme, eussent aussi pour usage de sécréter un liquide des- tiné,en s'écoulant, à entraîner les spermatozoïdes, et à faciliter ieur progression dans les conduits excréteurs du testicule. Cette supposition me paraît d'autant plus plausible, que les parois de ces canaux sont dépourvues de couche contractile chez la plu- part des Aphides, et qu’en outre les filaments fécondateurs sont presque entièrement privés de la faculté locomotrice qu'ils pos- sèdent chez un grand nombre d’autres Insectes, et qui leur permet de cheminer spontanément dans l'intérieur des conduits évacuateurs de l'appareil mâle. Relativement à leur constitution histologique, les conduits déférents présentent une assez grande simphieité. Leur paroi se compose essentiellement d'une couche épithéliale formée de cellules hexagonales se rapprochant plutôt du type pavimenteux que de l'épithélium cylindrique, et plus épaisse dans la portion qui fonctionne comme vésicule séminale que dans la partie cyhndrique du conduit (fig. 2, ep). A raison de la forte réfrin- gence de leur contenu, ces cellules ne sont que difficilement reconnaissabies à l'état frais, et 1l semblerait au premier abord que la paroi du spermiducte est homogène ; mais sous l’action de l'acide acétique, combinée avec une légère compression de l'organe, il se dessine à sa surface un fin réseau à mailles hexagonales formé par les lignes qui délimitent mutuellement les cellules épithéliales, au centre desquelles apparaissent, en outre, un noyau et un nucléole distinets (fig. 2 et 3, ep). A sa face interne, l’épithélium est revêtu d’une mince mem- brane sans structure, véritable cuticule qui s'étend daus toute la longueur des conduits déférents, î ne parait manquer que dans la vésicule séminale (fig. 2 et 5, 2). En dehors, lépi- thélium est täpissé pur la tunique nt membrane ana- logue aux séreuses des animaux supérieurs, formée de larges cellules fortement aplaties, et qui, d'ordinaire, ne deviennent MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES, 57 sensibles que lorsqu'elles sont gonflées par laction osmotique des liquides que l'on met en contact avec elles (fig. 2, 5, 5, p). Cette tunique constitue aussi le revêtement extérieur général de presque tous les autres viscères de la cavité abdominale, et nous aurons encore de fréquentes occasions de signaler son existence, lorsque nous nous occuperons des autres parties de lappareil génital du mâle, ou que nous décrirons le même appareil chez le Puceron femelle. Je n'ai pu découvrir aucune couche musculaire dans la paroi du spermiducte chez les espèces appartenant aux deux grands genres Aphis et Siphonophora. Mais il n’en est pas de même du genre Drepanosiphum, si jen juge par la seule espèce que j'ai eu l'occasion d'examiner : le D. platanoides. Chez ce Puceron, une couche contractile continue, formée de fibres- cellules fusiformes, lisses, disposées transversalement, se sur- ajoute aux couches précédemment décrites dans toute l'étendue du éanal déférent, entre l’épithélium et la tunique péritonéale (fig. 3, m, m'). Les glandes accessoires, dites aussi glandes mucipares, ne sont jamais qu'au nombre d’une seule paire chez les Aphides, contrairement à beaucoup d’autres Hémiptères qui en ont deux ou trois paires et même davantage (1). Ce sont des tubes en cæcum, cylindriques, simples, placés en dehors et de chaque côté des conduits déférents, et qui, à leur extrémité libre, présentent un renflement ovoïde assez volumineux (fig. À, gla). Un peu plus courts que les canaux spermatiques, ils se dirigent presque en ligne droite, et en convergeant l’un vers l’autre, vers la partie postérieure du corps, et viennent déboucher dans la partie anté- rieure du canal éjaculateur, un peu en arrière de l'insertion des conduits déférents. Jai déjà signalé la grande ressemblance qui exisle entre ceux-ci et les organes glandulaires précédents, tant sous le rapport morphologique que sous celui de la consti- tution histologique. Le canal central, assez étroit dans la portion (1) Léon Dufour, loc. cit.; A. Dohrn, Zur Anatomie der Hemipteren (Stettiner entomol, Leit., t. XXVII, 1866, p. 322). 58 BALBIANE . cylindrique du tube, s'élargit sensiblement dans sa partie antérieure, et finit en cul-de-sac dans la dilatation ampulli- forme qui le termine (fig. 6, A). Quant aux couches qui com- posent la paroi, nous retrouvons, avec des caractères presque identiques, les trois tuniques que nous avons distinguées dans les spermiductes, savoir : une cuticule interne sans structure (à), un épithélium (ep), et le revêtement péritonéal qui s'étend sur ces glandes comme sur les autres parties de l’appareil mâle (p). Je puis donc me dispenser d'entrer dans de plus longs détails à cet égard; j'ajouterai seulement que l’élément contractile, qui n'apparaît qu'exceptionnellement dans la paroi des conduits dé- férents chez quelques Aphides, ne semble aussi exister d’une manière régulière que chez certaines espèces, dans celle des glandes accessoires. Mais si j'en Juge par ce que j'ai observé sur le S. jaceæ, cet élément n’y forme pas une couche continue, mais est représenté par quelques fibres-cellules fusiformes, lisses, disséminées et disposées transversalement ou diagonalement à l'axe du tube, surtout dans la partie supérieure renflée. Elles suffisent néanmoins pour donner lieu à des mouvements péristal- tiques assez énergiques de la glande, lorsque celle-ci est extraite du corps et mise au contact de l’eau salée. Les organes que nous venons de décrire avaient déjà été vus par M. Morren chez le Puceron du Pêcher, et désignés par lui sous le nom de vésicules séminales, à limitation de Léon Dufour, qui donnait, comme on sait, cette dénomimation à toutes les parties aunexées à l’appareil génital interne mâle des Insectes. Chez les Aphides tout au moins, ils n'ont certainement pas pour usage d’emmagasiner le sperme, et paraissent bien plutôt être des organes de nature glandulaire, destinés à sécréter un liquide muqueux qui s'ajoute au produit du testicule pour le délayer et en augmenter la masse, et déterminer de la sorte la distension des organes copulateurs pendant l’accouplement. Le canal éjaculateur (fig. À et 5, cej) fait suite aux conduits déférents et aux glandes accessoires, dont 1l peut être considéré comme le prolongement commun vers la partie postérieure du corps. Dans sa partie antérieure, ce canal forme un cul-de-sac MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 99 arrondi, relativement large, dans lequel viennent déboucher les conduits déférenis, tout à fait au sommet (cd), et les glandes accessoires, un peu en arrière de ceux-ci et sur la face dorsale du canal éjaculateur (gla). Pour plus de facilité dans la des- cription, je désignerai cette région antérieure sous le nom de bulbe, en employant la dénomination que Léon Dufour donne à la même portion du spermiducte commun des Insectes, sans y attacher cependant le même sens homologique que l'éminent entomologiste, dont la préoccupation constante était, comme on sait, de trouver des analogies entre les appareils organiques des Insectes et ceux des animaux supérieurs. Après avoir reçu les insertions précédentes, le canal éjaculateur se rétrécit insen- siblement, et vient aboutir à l'extrémité postérieure de l'abdo- men, où il se continue, d’une part, avec le pourtour de l’orifice génital externe (fig. & et 5, og), et de l'autre pénètre dans une sorte de capsule formée par la juxtaposition de deux valves cor- nées mobiles, que nous déerirons bientôt en parlant de l’armure copulatrice (fig. 4 et 5, sc’). Le canal éjaculateur n'étant, comme 1l vient d'être dit, que le tronc commun formé par la réunion des conduits déférents et des glandes accessoires, 1l S'ensuit que nous devons retrouver dans sa constitution histologique les mêmes couches que nous avons décrites chez ces derniers, mais avec des modifications en rapport avec le rôle fonctionnel particulier dévolu à cetie por- tion du système des conduits efférents mâles. Nous verrons, en effet, en parlant du mécanisme de l'érection, que ce canal est susceptible de se renverser au dehors, et de fonctionner comme un véritable organe d'intromission ou pénis. Si nous l’envisageons d'abord à l’état de repos, c’est-à-dire retiré dans l’intérieur du corps, nous le voyons formé de deux tubes cylindriques, membraneux, renfermés l’un dans l’autre, et séparés par un intervalle relativement large (fig. L et 5, ce, se). Le tube intérieur, que je désignerai sous le nom de sac copu- lateur (se), est constitué par une membrane de chitine homo- gène, souple et résistante, qui présente un grand nombre de plis transversaux. il est complétement indépendant du tube exté- a TU Er me 60 BALBIANE. rieur, et n'offre de continuité directe qu'avec les conduits défé- rents et les glandes accessoires, dans l’intérieur desquels il envoie un prolongement tubuleux qui se continue avec la tu- nique interne de ces canaux (fig. 5, #4, d'a"). Il en résulte que le sperme et le produit de la sécrétion glandulaire sont versés directement dans l’intérieur du sac copulateur, où 1ls viennent se mêler. Par son extrémité postérieure, celui-ci pénètre daus l'espèce d’étui formé par le rapprochement des valves de lar- mure copulatrice sur le bord interne desquelles 1l s'insère (fig. 5, sc!) Le cylindre extérieur, ou canal éjaculateur proprement dit (fig. 4 ets, cej), présente des parois lisses et tendues, formées par la confluence des quatre tubes qui s'msérent à sa partie an- térieure, et dont toutes les couches, sauf la couche interne, par- ticipent à sa formation. Ce canal peut être effectivement consi- déré comme formé par une expansion commune des couches constitutives extérieures des tubes précédents, au même titre que le sac copulateur doit être regardé comme une émanation de leur tunique interne. À l'intérieur, nous trouvons une pre- mière couche qui présente une continuité visible avec l’épithé- Hum de ces tubes, mais dont les cellules se sont fortement aplaties et soudées en une membrane mince et homogène, dont la texture cellulaire n’est plus démontrable d’une manière certaine (fig. 5, ep'). À l'extérieur s'étend la tunique péritonéale (fig. 5, p'), la- quelle, après avoir formé comme à ordinaire la gaîne extérieure des conduits déférents et des glandes accessoires, se réfléchit sur le canal éjaculateur en s’y appliquant étroitement, et ne peut être rendue sensible que par l’action des réactuis. A ces deux couches s’en ajoute une troisième, de nature musculaire, qui, chez la plupart des Aphides, apparaît comme une formation nouvelle dans la constitution du canal éjaculateur, mais qui, chez quelques espèces, n’est aussi qu'une expansion de la tu- nique contractile que nous avons dit exister exceptionnellement dans les tubes qui s’insèrent à la partie antérieure de ce canal. Cette couche musculaire (fig. 5, m; 9 À,m,m) forme la ma- jeure partie de l’épaisseur de la paroi du canal et présente plusieurs MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. particularités dignes de remarque. Les éléments qui la composent sont des fibres-cellules fusiformes, très-pâles, longues de0"",033, en moyenne, chez le 5. mallefolii, et munies d'un nucléus ova- laire, large de 0"",006 (fig. 9 B). Elles renferment de très-fines granulations moléeulaires de deux sortes : les unes, incolores, sont disposées en fines stries transversales à l'axe de la fibre, les autres, de nature pigmentaire, disséminées dans le protoplasma, produisent la coloration verte que présente le canal éjaculateur surtout dans sa partie postérieure. Les fibres de la tunique con- tracüle ne sont pas réunies de manière à former des faisceaux distincts et anastomosés les uns avec les autres, comme cela se remarque, par exemple, dans la couche musculeuse de l’oviduete de la femelle, mais sont simplement juxtaposées et rappellent par leur disposition la structure bien connue des muscles thoraciques des Insectes. Leur direction varie dans les différentes régions du canal éjaculateur. Transversales dans la portion bulbeuse, elles deviennent obliques dans la portion moyenne et prennent enfin une direction longitudinale dans la partie postérieure du canal (fig. 5). L'appareil qui fait suite au canal éjaculateur mérite à peine, chez l’Aphis mâle, le nom d'armure copulatrice. Il est, en effet, loin d'offrir la même complication que chez la plupart des autres Hémiptères, où 1l se compose d’un système de valves et d’oper- cules destinés à protéger l’orifice sexuel, et de crochets réten- teurs pour saisir la femeile. Chez les Pucerons, cet appareil est fort simple et se compose d’une seule paire de valves entourant la base du canal éjaculateur fonctionnant comme pénis, et de deux pièces operculaires qui, en se rapprochant l’une de autre, servent à protéger l'entrée Ge l'ouverture génitale. À l’état de repos, l'appareil copulateur est complétement re- tré dans l’intérieur du corps. Il ne devient apparent que pendant J’accouplement ou lorsqu'on exerce une légère pression expul- sive sur l'abdomen. En examinant, au moyen de la loupe, ou mieux du microscope, la manière dont s'effectue la sortie gra- quelle des différentes pièces qui le composent, on peut se former une Idée assez exacte de leur mode d'action pendant l’accouple- 62 BALBISNI. ment. On voit d’abord deux appendices coniques, noirâtres. rapprochés sur la ligne médiane du corps, se dégager peu à peu de dessous le bord ventral du septième segment abdomimal, ets'é- carter de plus en plus l’un de l'autre en se rejetant vers les bords latéraux de ce segment (fig. 7, apo). Lorsqu'ils sont entièrement sortis, leur direction est devenue complétement transversale à l’axe du corps, et l’on reconnaît alors qu’ils constituent les pro- longements latéraux, en forme d’apophyses, de deux lames de chitine qui entourent en demi-cercle les bords de l’orifice sexuel. Chacune de ces apophyses a la forme d’un mamelon conique, cerelé de lignes régulières qui le font paraître comme segmenté, et sur lesquelles s'insèrent des poils longs et raides. Les deux lames semi-circulaires sont les opercules de l’orifice gémital (fig. 1 et 5 op). À mesure que ces dernières pièces s’écartent l’une de l’autre pendant le mouvement d'expulsion que nous venons de décrire, elles laissent passer entre elles un corps de forme ovalare qui fait graduellement saillie entre les opereules en se portant direc- tement en arrière et en bas (äig. 1,5, 7, 5, v). C'est une sorte d'étui bivalve, de consistance cornée, et de couleur notrâtre comme les pièces précédentes; chacune des valves qui le com- posent a la forme d'une spatule recourbée en arrière en manière de bec ou de crochet, et dont les faces supérieure et latérale sont couvertes de quelques poils roides et courts (fig. 8, vw). Dans l’état d’érection, elles représentent une sorte de forcepsrecourbé en arrière et en haut, dont les branches embrassent les parties latérales de la base de la verge et dépassent de presque toute leur longueur la pointe de l'abdomen. La partie que l'on peut considérer comme le manche de la spatule est courbe et se ter- mine par une tête arrondie, qui s articule en ginglyme avec une pièce cornée, en forme de baguette (fig. 1, 5, 8, 6), laquelle se dirige obliquement vers les côtés du huitième segment, puis se recourbe en are de cercle pour aller s’arc-bouter contre une bande de chitine qui entoure circulairement la face interne de ce segment. D'autres pièces chitimeuses (bf, bd), dont il est dffieile de bien faire comprendre la disposition sans mulüpher les figures, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 65 et que, pour cette raison, Je ne décrirai pas ici, viennent renfor- cer cette espèce de charpente solide, destinée à assurer la fixité de l'appareil valvaire, en même temps que, par la mobilité dont jouissent les différentes parties qui la composent, elle permet les mouvements de sortie et de rentrée de cet appareil pendant le rapprochement sexuel. Jajouterai enfin que chacune des bran- ches valvaires s’élargit à son bord interne, près de son articula- tion avec les pièces de soutien, en une lame aplatie, à bord denté, sur laquelle s'insèrent les parties latérales du canal éjaculateur (fig. 4, 5, 8, w). L'armure copulatrice est séparée de l’anus par une plaque chitineuse convexe et noirâtre, couverte de quelques longs poils roides dirigés en arrière (fig. 1, 8, s ‘°). À sa face supérieure, cetie plaque est creusée d’une petite fossette ovalaire (fig. 8, z), couverte, dans l'était naturel, par la base de l’appendice caudi- orme qui présente elle-même, à sa face inférieure, une excava- tion triangulaire au fond de laquelle s’ouvre l’anus sous la forme d'une fente transversale (g. 4, a) (4). On comprend que, dans un travail purement descriptif comme celui-ci, je ne puisse m'arrêter longuement à des considérations relatives à la théorie segmentale de la région génito- anale des Aphides. Chez le Puceron mâle, les différents zoonites qui compo- sent cette région ne présentent pas des lignes de démarcation bien distinctes et semblent confondus en un seul large segment termi- nal. Néanmoins, la comparaison homologique avec la région cor- respondante de la femelle, où les zoonites conservent plus d’in- dépendance, permet de la considérer comme étant formée, chez le mâle, de trois segments abdominaux, et de la ramener ainsi à l'unité de composition organique que les recherches de M. La- caze-Duthiers ont démontré exister chez tous les insectes dans la structure de cette partie du corps. Ainsi, l'appareil opercu- (4) Je dois faire remarquer ici que, si les rapports des parties ne paraissent pas complétement identiques dans les deux figures 1 et 8, cela tient à ce que la première les montre dans une vue de profil, et non comprimées, tandis que la seconde les représente dans leur projection ventrale, et, par conséquent, un peu aplaties et dérangées dans leur situation réciproque par suite de ja compression qu'elles ont subie pour rendre appa- rents les détails placés sur des plans plus profonds. F 6 BALBIANI. laire placé autour de l'orifice génital peut être considéré comme formé par le huitième segment de l'abdomen, dont les appendices latéraux seraient représentés par les apophyses des opereules. L'appareil valvaire serait constitué, comme à l'ordinaire, par une modification du neuvième segment. La situation de l’anus entre la plaque post-génitale et l’appendice caudiforme caractériserait la première comme le sternite du dixième anneau, et l’appendice précédent comme le demi-segment tergal, prolongé en pointe, de ce même anneau. Il manquerait done un zoonite pour com- pléter le nombre de onze que M. Lacaze-Duthiers considère comme typique pour les pièces de l'abdomen des Insectes. L’ah- sence de ce dernier segment chez les Aphides doit donc être at- tribuée à l'avortement d’un des segments post-génitaux, comme cela arrive du reste dans un grand nombre de cas (1). Je me hâte d'ajouter que, par ses études sur la morphologie du squelette tégumentaire des Pucerons vivipares, M. Huxley, en Angle- terre (2), est arrivé à des eonclusions analogues, également con- firmatives des vues émises par M. Lacaze-Duthiers touchant la composition segmentale de l'abdomen des Insectes. Après nous être formé une idée exacte de la structure des par- ties internes et externes de l'appareil génital mâle et de leur situation respective dans l'état de repos, 11 ne nous sera pas dif- ficile de comprendre la manière dont elles fonctionnent pendant l’accouplement. Nous avons vu que le canal éjaculateur renfer- mait, comme dans une espèce de fourreau, le sac copulateur, et que celui-ci était engagé par son extrémité postérieure dans l’étui formé par les valves rapprochées de l’armure génitale. Au moment de laccouplement, ces valves sont d’abord repous- sées au dehors, puis, s'écartant l’une de l’autre, elles laissent passer entre elles le sac copulateur qui se renverse à la manière d'un doit de gant, et se déroule dans une grande partie de sa longueur. Les plis de sa paroi s’eflacent, et 1l prend la forme (4) Voyez Lacaze-Duthiers, Recherches sur l'armare génilale femelle des Insectes, 1893, (2) Huxley, On the Agamic Reproduchon and Morphology of Aplus (Transact. of the Linnean Society, t. XXII, 1858, p. 230). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 69 d’un tube membraneux distendu, recourbé en arrière. Dans ce mouvement d'expulsion du sac, le canal éjaculateur avec les 6r- ganes qui s’y inserent est entraîné vers la partie postérieure, par suite de la traction que la poche copulatrice exerce en sortant sur ces parties. Il se produit alors une double invagination du canal en lui-même, savoir de la portion bulbeuse dans la partie moyenneet de celle-c1 dans la portion postérieure. Dans cet état, le canal éjaculateur franchit l’orifice génital avec les conduits déférents et les glandes accessoires qu'il entraine à sa suite, et le tout pénètre dans la poche copulatrice comme dans un fourreau appendu à l'extrémité de l'abdomen. Leur descente dans l’inté- rieur de ce fourreau ne s’arrête que lorsque les testicules eux- mêmes arrivent devant l'ouverture sexuelle, qu'ils sont incapables de franchir, soit à cause de leur volume, soit parce que l'oper- cule se referme au devant d'eux. Il en résulte une cause de ré- sistance qui se manifeste par la tension des tubes vecteurs, et qui, en se transmettant à la poche copulatrice, empèche son déroule- ment complet au dehors. La portion non développée reste incluse dans celle qui s’est déroulée, sous la forme d’un canal à parois plissées longitudinalement (fig. 8 et 9, A, sc/), qui s'ouvre à l'extrémité du fourreau pénial par un orifice analogue au méat de la verge des animaux supérieurs. C'est cet orifice (o) qui donne passage aux spermatozoïdes pendant le coït. Il est facile de s'assurer que c’est bien l'arrêt produit par l’ar- rivée des testicules devant l'orifice génital qui s'oppose au ren- versement complet du sac copulateur au dehors, car, en exer- cant une pression un peu forte sur ces parties, on surmonte cette résistance, et l’on voit alors les testicules eux-mêmes se précipiter à travers l'ouverture précédente dans l’intérieur du fourreau copulateur. Sous un eflort encore plus énergique, ce dernier se déroule dans toute son étendue et projette au dehors les organes renfermés dans son intérieur. Examinons maintenant l'aspect que présente le pénis complé- tement sorli, car nous pouvons donner désormais ce nom à la poche copulatrice, puisqu'elle remplit en réalité toutes les fonc- ions d'un organe d’intromission. Sa forme est celle d’un tube 9° serie, /00L., T. XI. (Cahier n° 2.) 1 5 66 BALBIANS. membraneux, gonflé et rigide, régulièrement cylindrique à sa partie inférieure, un peu aplati latéralement dans la partie su- périeure. Sa longueur est relativement considérable, car, chez V’Aphis de la Mille-feuille, par exemple, il ne mesure pas moms de 0"”,6, celle du corps entier du mâle étant de 1°",8. Il est embrassé sur les côtés de sa racine par les valves de l’armure copulatrice, qui en maintienneni le calibre béant et s’opposent à la compression des tubes placés dans leur intervalle (fig. 8, v). Ces valves, par le crochet qui les termine, servent probable- ment aussi à saisir le bord inférieur de la vulve de la femelle. Immédiatement au-devant de la racine de la verge, et faisant saillie de chaque eôté, se voient les deux apophyses garnies de poils de l'appareil operculaire, déjà connues de Bonnet et de de Geer (fig. 8, apo). Vers sa partie moyenne, qui est la plus large, la verge se re- courbe brusquement en arrière à angle obtus; il en résulte qu’elle présente à sa face antérieure une sorte de genou saillant, tandis que la face opposée est concave. La partie située au-dessus de la courbure est dirigée presque verticalement en bas, ou même plus ou moins en avant, suivant le degré d’inelinaison du membre; la partie placée au-dessous regarde, au contraire, constamment en bas et en arrière, quelle que soit la situation de l'organe copulateur. Il résulte de ce mode de conformation que, pendant l’accouplement, le mâle, afin d'amener son pénis dans la direction de l’axe du vagin de la femelle, est obligé de se pla- cer presque verticalement contre l'extrémité postérieure de celle-ci, et de se tenir pour ainsi dire debout sur la pointe de son abdomen. C’est effectivement dans cette attitude qu'il est dé- crit et représenté par tous les observateurs qui ont été témoins de l’accouplement des Pucerons (À). La verge s’effile un peu vers sa pointe, qui est arrondie et per- cée d’un orifice (fig. 8 et 9, À, o) donnant entrée dans la poche plissée, formée par la portion non déroulée du sac copula- (1) Voyez notamment : de Geer, loc. cit., t. HT, pl. 2, fig. 8 et 47; Kyber, Etnige Erfahrungen und Bemerkungen über die Blattlüuse (Germar's Magazin der Entomo- logie, t. 1, 28 partie, 14845, p. 34). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 67 leur (fig. 8 et 9, À, sc'). Cette poche communique elle-même, par sa partie supérieure, avec les conduits déférents et les glandes accessoires (fig. 8, cd, gla), dont elle constitue en quelque sorte le prolongement commun jusqu'à l'orifice pénial ; J'ai vu plusieurs fois, en comprimant légerement la verge, des spermatozoïdes s'échapper par cette ouverture. Devenu l'enveloppe extérieure de la verge ou fourreau pénial (fig.8et9. À, sc), le sac copulateur présente avec le canal éjacu- lateur des rapports qui sont précisément l'inverse de ce qu'ils étaient à l’état de repos, c’est-à-dire qu'au lieu d'être renfermé dans celui-ci, c’est, au contraire, le sac copulateur qui sert de gaine au canal et l'entoure étroitement jusqu’à une petite dis- tance de l'extrémité de la verge. Quant au canal éjaculateur, il représente une sorte de tube deux fois rentré en lui-même à des hauteurs différentes, par suite de la double invagination qu'il a subie. Jai essayé de représenter fidèlement cette disposition dans la figure 8, cej, qui la fera comprendre plus clairement que tous les détails descriptifs que je pourrais donner à cetégard. Les parois du canal éjaculateur renfermant, comme nous l'avons vu précédemment, une couche musculeuse assez puissante, les conduits déférents et les glandes accessoires se trouvent donc, par le fait, contenus dans l’intérieur d’un manchon contractile qui, par la compression qu’il exerce sur ces tubes, détermine la progression du sperme et du liquide glandulaire jusqu’à l’extré- muté de la verge, où ils s'accumulent probablement d’abord dans la poche plissée située en avant du méat (fig. 8 et 9, À, sc') avant d'être éjaculés dans les voies génitales de la femelle. Les contrac- tions musculaires du manchon peuvent d’ailleurs s'exercer aussi bien dans le sens transversal que dans le sens longitudinal, à raison de la direction variée que les fibres contraciiles affectent dans les diverses régions de cette enveloppe, comme on peut s’en con- vaincre en jetant les veux sur la figure 9, À, qui représente la parte postérieure du pénis, dans laquelle le manchon muscu- laire (mm) est vu par sa surface extérieure. On peut brièvement dépeindre le mécanisme de la sortie du pénis, tel que nous venons de le décrire chez F'Aphis mâle, en di- (ep se) B£LBIANI. sant que toute la partie antérieure du système des conduits effé- rents mâles (spermiductes et glandes accessoires) s'invagine dans la partie postérieure commune (canal éjaculateur), et que le tout pénètre dans la poche copulatrice renversée au dehors et faisant fonction de pénis. Quant aux forces qui déterminent la protrusion de la verge, je pense qu’elle est produite par une simple pression due à la contraction des museles des parois latérales de l'abdomen, et analogue à celle que l’on provoque artificiellement à l’aide des doigts, et qui a aussi pour effet la sortie du pénis. B. Développement de l'appareil génital mâle. — L'histoire du développement embryonnaire des Pucerons devant nous occuper dans une autre partie de ce travail, je renvoie à ce moment l’é- tude de l'évolution de l'appareil génital mâle avant la naissance, pour ne parler ici que des modifications qui surviennent dans et appareil depuis l'état de larve jusqu'à celui d'Insecte parfait. Lorsqu'on examine les jeunes larves de mâles au moment où elles viennent au monde, et où leur longueur dépasse à peine celle d’un millimètre (1), on trouve déjà les capsules spermi- fiques bien reconnaissables et remplies des amas cellulaires arrondis, aux dépens desquels se développeront plus tard les filaments spermatiques. A cet âge, les deux testicules sont déjà sensiblement rapprochés sur la ligne médiane et commu- miquent lun avec l’autre par le conduit anastomotique trans- versal dont nous avons déjà signalé l’existence chez le mâle adulte (fig. 11, x); mais chez la Jeune larve, ce conduit est rela- tivement plus long que chez ce dernier, les deux systèmes testi- culaires n'étant pas encore contigus sur la ligne médiane du corps comme ils le sont chez l'adulte. Les capsules spermato- sènes sont plus ou moins conoïdes et allongées, et convergent par leur base, prolongée en un pédicule par lequel toutes les capsules d’un même faisceau se réunissent à l'extrémité supé- (4) La longueur exacte d'une larve male naissante du S, mllefolii a éte trouvee de iww,41 ; celle d’une larve du S. jaceæ, du même àge, était de 122,05, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 69 rieure du conduit déférent du même côté. Elles sont entière - ment libres comme chez l'adulte, c’est-à-dire non entourées d'une tunique vaginale commune. Leurs dimensions relatives présentent souvent des variations assez grandes chez un même individu au moment de la naissance : tantôt toutes les capsules des deux côtés du corps sont sensiblement égales ; d’autres fois ieur volume varie du simple au double dans le même testi- cule ; ou bien enfin l'égalité n'existe que pour lune des moitiés du corps, tandis que du côté opposé elles sont fort inégale- ment développées (1). Le nombre des capsules chez la jeune larve est presque tou- jours identique avec celui que l'on observe chez l'individu adulte, c'est-à-dire de trois à cinq ou six pour chaque faisceau testiculaire, dans la plupart des cas. Cependant il n’est pas rare qu'au moment de la naissance elle présente, soit dans l’une ou dans l’autre moitié du corps, soit dans les deux moitiés à la fois, une ou deux capsules de plus qu'il n’en existe chez l'adulte. Cela s’observe surtout dans les espèces où les éléments du testicule sont en nombre plus limité, telles que, par exemple, le Puceron de la Mille-feuille et celui du Pêcher, où chaque fais- ceau testiculaire se compose normalement de trois capsules seu- lement chez l'adulte. Lorsque, au contraire, on examine ces mêmes parties chez l'embryon, on constate que le nombre des éléments du testicule est plus élevé, et qu'il existe, dans les pre- miers temps du développement, une concordance numérique parfaite entre les éléments mâles et les éléments femelles chez une même espèce. Mais tandis que ie nombre des gaines ova- riques demeure invariablement le même à toutes les époques de la vie, celui des capsules spermatogènes présente, au contraire, dans les espèces précitées une réduction de plus en plus pro- noncée depuis le commencement du développement jusqu'à la naissance du jeune Puceron. J'étais d'abord tenté d'expliquer par des avortements successifs celte diminution graduelle des (4) C’est ainsi que chez une petite larve du S. jaceæ les cinq capsules d’un des testi- cules avaient toutes une longueur de 02,18 à 0m, 49, tandis que celles de l’autr testicule offraient des dimensions qui variaient de 02,06 à 022,48, 70 BALBIANI. éléments mâles, à l'exemple de ce que l’on observe chez d’autres Hémiptères, tels que le Vaucoris aptera par exemple, où trois des sept tubes spermifiques qui composent originairement chaque testicule avortent régulièrement, et ne se retrouvent plus qu'à l’état de vestiges chez le mâle adulte (1). Cependant n'ayant jamais réussi à observer aucune trace de ces capsules abortives, je conçus des doutes sur la valeur de cette explication ; et, en effet, une étude plus attentive ne tarda pas à me con- vaincre que la diminution signalée ne résultait pas d'un arrêt de développement, mais de coalescences complètes que con- tractaient entre elles quelques-unes des capsules faisant primi- tivement partie d’un même système testiculaire, coalescences dont on retrouve encore parfois la trace après la naissance. n’est pas rare, en effet, qu'une ou plusieurs capsules présentent à ce moment une division en deux ou trois lobes plus ou moms marqués, manifestant ainsi qu'elles sont formées par la soudure d'autant de capsules primitivement distinctes et mdépendantes. Je reviendrai avec plus de détail sur ces faits en parlant du dé- veloppement embryogénique des Pucerons. | Je n'ai pas encore parlé jusqu'ici de la structure interne des capsules du testicule : jen renvoie la description au moment où je traiterai du développement des spermatozoïdes, dont l’évo- lution est intimement liée jaux modifications que subit l'aspect intérieur des cavités du testicule. Reprenons maintenant l'étude des autres parties de l'appareil mâle de la génération chez la jeune larve. Le conduit déférent, beaucoup plus court relativement qu'à l’âge adulte, est constitué par un cordon filiforme, cylindrique dans toute sa longueur, et non encore dilaté antérieurement en une vésicule séminale (fig. 41, cd). Ses parois, entièrement lisses etunies, n'offrent non plus, à cette époque, aucune trace des bos- selures qu’elles présenteront à une période plus avancée. Les deux conduits déférents sont, comme nous l'avons déjà dit, réunis transversalement à leur partie antérieure par un cordon cana- (4) Léon Dufour, oc, cit., p. 475, etpl. XIL, fig. 140. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 71 liculé, plus long à cet âge que dans les âges subséquents (Hig. 14, x). C'est ce cordon, dont la formation remonte à une période assez reculée du développement de l'appareil génital, qui détermine, en se raccourcissant progressivement, le rappro- chement graduel des deux testicules, et finalement leur ren- contre sur la ligne médiane du corps. Les conduits déférents se réunissent près de l'extrémité posté- rieure de l'abdomen en un canal commun, plus court que ceux- e, et d’un diamètre d'abord à peine supérieur à celui de cha- cune des deux branches qui contribuent à le former. C’est le rudiment du canal éjaculateur (fig. T4, cej). Mais celui-ci devient bientôt beaucoup plus gros que les tubes placés en amont de lui: chez une larve du S. jaceæ, longue de 1"°,25, je lui ai trouvé un diamètre de 0"",08. C'est également vers le moment où la jeune larve a atteint cette taille que commencent à appa- raître, dans la plupart des espèces, les appendices glandulaires qui s'insèrent à l'extrémité antérieure du can:l éjaculateur, non loin du point où débouchent les deux conduits déférents. Les observations de Herold ont montré que ces appendices se développent chez les Lépidoptères sous la fornie de deux mame- lons, qui naissent à la partie antérieure du canal éjaculateur de la larve, et s’allongent ensuite en deux longs tubes qui se pelo- tonnent sur eux-mêmes (1). Chez l’Aphis mâle, ces annexes de l'appareil génital, tout en acquérant une longueur beaucoup moindre, se développent d'après un mode identique, c’est-à-dire qu'il se produit d’abord de chaque côté de l'extrémité antérieure du canal éjaculateur une petite protubérance celluleuse creusée d’une cavité qui communique avec celle du canal. Ces protu- bérances latérales s'accroissent en longueur, et se transforment bientôt chacune en un tube d’abord uniformément cylindrique, mais qui se renfle ensuite en massue à son extrémité libre, où le canal central présente un élargissement correspondant. Leur accroissement se fait d’une manière assez rapide : chez une larve agée, longue de 1"°,50 environ, les glandes accessoires n’avaient (4) Herold, Entwickelungsgeschichte der Schmetterlinge, 4815, 8 68, pl. XII etsuiv. 72 BALBIL NI. encore qu'une longueur de 0°*,10, tandis que chez la nymphe elles mesurent déjà 0"",36 au moins. Le mode de formation que nous venons de décrire pour les landes accessoires de l'appareil mâle est identique, comme nous le verrons dans la suite, avec celui des organes annexes de l'appareil génital femelle, connus sous les noms de glandes sébi- fiques ou collélériques, organes qui doivent être considérés comme les homologues des premiers, et si nous en croyons les observa- tions de Weismann, les appendices glandulaires de l'intestin ne se forment pas d’après un autre type chez les Diptères (1). En comparant ces faits de l'organogenèse des Insectes avec le mode de développement des glandes annexées au canal Imtestinal des Vertébrés, on est frappé de la concordance complète qui existe dans la formation de ces parties chez des animaux appartenant à des types d'organisation si différents, et qui s'éloignent d’ail- leurs sur tant de points de leur développement organogénique. Le perfectionnement histologique des conduits déférents et des glandes mucipares parcourt des phases analogues dans les deux ordres de tubes. Les cellules qui composent leur paroi, d’abord toutes semblables entre elles, se différencient bientôt en se séparant en deux couches. Celles de la couche externe s’élar- gissent et s'aplatissent considérablement en se soudant intime- ment les unes aux autres, et se transforment en une mem- brane délicate, qui constitue lenveloppe externe ou périto- néale du tube (fig. 3, p, 6, B, p). Les cellules de la couche in- terne s’allongent, au contraire, vers la cavité du tube dont la paroi acquiert ainsi une épaisseur relativement plus considérable, deviennent polygonales par pression réciproque et constituent d'abord un épithélium cylindrique, surtout bien marqué dans la glande accessoire (fig. 6, B, ep). Mais, avec l’âge, ces cellules s'élargissent en s’aplatissant, el sécrètent à leur surface interne une mince Couche de substance hyaline, qui se concrète en une culicule homogène, où tunique intime de ces conduits (fig. 2 et 4) Weismann, Die Entwicklung der Dipleren tm Et (Zeitschrift für wissensch, Zoo!., t. XHI, 4863, p. 188). MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. fs) 6, À, i). Celle-ci ne paraît manquer que dans leur portion supé- rieure dilatée, car en suivant de l'œil la ligne à double contour qui est l'expression optique de cetie membrane, on la voit se perdre peu à peu en approchant de la dilatation terminale. En- fin, dans quelques espèces, ainsi que je l'ai déjà fait remar- quer, une tunique musculaire, plus ou moins riche en éléments contractiles, s’'interpose, soit dans les conduits déférents, soit dans les glandes accessoires, entre la membrane péritonéale et l'épi- thélium. C'est ce qui s'observe, pour les premiers organes, chez le Drepanosiphum platanoides (fis.3,m,m’),et, pour les derniers, chez le Siphonophora jaceæ. Si l'étude des changements successifs que présentent dans leur évolution ces annexes de l’appareil génital s'accompagne de dif: ficultés assez sérieuses à cause de la délicatesse de ces parties, qui ne permet que rarement de les isoler, sans les déchirer ou les écraser, de la masse adipeuse qui enveloppe de toutes parts l'appareil reproducteur, l'observation des modifications que su- bit le canal éjaculateur aux différents âges est moins facile encore à raison de sa situation profonde et de son adhérence aux par- ties dures de l'abdomen. Cependant j'en ai vu assez pour me con- vaincre que le développement histogénique de ce canal est en- tièrement semblable à celui des tubes placés en avant de lui, et dont il ne forme en quelque sorte que le prolongement commun vers la partie postérieure du corps. Comme ceux-ci, le canal éjaculateur est constitué dans le jeune âge par une paroi entiè- rement celluleuse qui se divise plus tard en deux couches, l’une externe, contractile, composée de fibres transversales, l’autre interne et formée de cellules épithéliales. Celle-ci se revêt à sa face interne d’une membrane sansstructure ou cuticule, produit de sécrétion de l’épithélium, et qui, d'abord étroitement adhé- rente aux cellules sous-jacentes, s’en isole ensuite complétement, en même temps que l’épithélium devient lui-même de plus en plus mince et membraniforme. C’est cet épithélium ainsi mo- difié qui, réuni aux couches musculaire et péritonéale, constitue la paroi du canal éjaculateur chez l'adulte, comme je l’ai décrit précédemment, tandis que la tunique intime ou cutieulaire, déta- 7h BALBIANI. chée de ses connexions primitives avec la couche sous-jacente, et devenne indépendante, forme le sac copulateur dont j'ai ex- pliqué le rôle pendant l'érection du pénis et dans l’accouplement. L'armure copulatrice est, de toutesles parties de l'appareil géni- tal mâle, celle qui se constitue le plus tardivement, du moins Je n'ai réussi à constater son existence que lorsque les organes in- ternes étaient déjà bien développés. Chez une larve âgée, longue de 1 millimètre et demi, 1l n’y avait encore aucune trace d'une armure génitale. C'est donc principalement pendant l'état de nymphe que se conslituent les diverses pièces que nous avons distinguées sous les noms de valves et d'opercules. Elles ont d’abord l'aspect de lames membraneuses et blanchâtres, qui augmentent graduellement d'épaisseur et de consisiance .en prenant une teinte brune de plus en plus foncée. Mais je ne saurais dire si ce sont de simples épaississements locaux de la membrane téguuientaire des derniers zoonites de l’'abdomeu, ou si elles sont produites, comme cela paraît être le cas d'après les observations de Weismann chez les Diptères, par une prolité- ration de l’hypoderme, ou couche celluleuse sous-tégumentaire, dans l'intérieur des derniers segments abdominaux. C. Développement des spermatozoïdes. — Le mode de for- mation des filaments fécondateurs dans la glande sexuelle du Puceron mâle ne diffère pas essentiellement de la manière dont ces éléments se développent chez les Insectes en général. J'aurais donc pu laisser de côté, dans ce travail, ce point de l'histoire génésique des Aphides, si je n'avais trouvé 1c1 une occasion toute naturelle de présenter de la formation de ces corpuscules une description qui s'éloigne sensiblement de celles qu’en ont don- nées mes prédécesseurs. existe d’ailleurs encore à ce sujet tnt de divergences parmi les physiologisies, qu'une étude nouvelle de la question ne pouvait qu'être désirable. Jai déjà dit plus haut les motifs qui me faisaient laisser mo- mentanément de côté l'étude du développement embryogénique des Aphides, qui doit nous occuper dans une autre partie de ce mémoire. Je passerai donc ie1 sous silence tout ce qui concerne MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APIIDES. 75 l'évolution des éléments qui forment le contenu des cavités tes- ticulaires chez l'embryon, pour ne m'arrêter que sur les chan- gements qu'ils éprouvent depuis le moment de la naissance. Si les observations des Malpighi, des Swammerdam, des Lyo- net, des Herold, ont démontré l'existence précoce des glandes sexuelles chez les larves des Insectes dits à métamorphoses com- plètes, tels que les Lépidoptères, les Diptères, etc., qui viennent au moude dans un état presque embryonnaire ; bien plus, si, ainsi que l'a montré Herold, on peut même déjà distinguer les sexes à cette époque peu avancée de la vie (4), à plus forte raison, cette constatation est-elle possible chez ceux des animaux de la même classe qui naissent sous une forme beaucoup plus parfaite et avec la plupart des caractères de l'adulte : tel est le cas pour les Hémiptères, et par conséquent les Aphides qui appartien nent à cet ordre d'insectes. En examinant les organes reproducteurs des petites larves mâles au moment de la naissance, on trouveles capsules spermato- gènes entièrement remplies d’amas celluleux arrondis, et comme empilés les uns sur les autres depuis le sommet jusqu’à la base de la capsule (fig. 11,cs). Ces amas, que je désignerai sous le nom de sphères spermatiques, ne sont pas libres dans l’intérieur de la capsule, mais renfermés en plus ou moins grand nombre dans des loges polyédriques, dont les parois sont formées par des pro - longements membraneux qui se détachent de la face interne de l'enveloppe capsulaire, et s’entrecroisent dans la cavité circon- serite par celle-ci. Cette continuité des cloisons intérieures avec la paroi testiculaire peut être facilement rendue sensible par l'emploi de grossissements assez forts, qui montrent les points de jonction des cloisons aivéolaires avec la face interne de la paroi testiculaire sous la forme d’un petit espace triangulaire, qui logé souvent un noyau que l'eau pure ou l'eau acidulée rend 4) Les observations des naturalistes de nos jours, tels que H. Meyer, H. Landois, Weismann, Bessels, Mecznikow, ont non-seulement confirmé ces résultats des anciens auteurs, mais elles font remonter encore beaucoup plus haut le moment où la dis- tinction sexuelle devient possible chez les Insectes, c’est-à-dire jusque chez l'embryon encore renfermé dans l'œuf. 76 BALBIANI, fort évident en le gonflant. D’autres noyaux semblables sont situés dans les points d’entrecroisement des lamelles intérieures où dans l’épaisseur de celles-ci, et démontrent qu'elles sont for- mées, comme la paroi de la capsule elle-même, de cellules apla- ties et réunies les unes aux autres en une membrane continue. Le diamètre des loges intérieures va en augmentant depuis le som- met jusqu'à la base de la capsule, et varie de 0°",02 à 0°°,01, suivant le nombre des sphères spermatiques contenues dans leur intérieur. Au sommet, elles ne contiennent ordinairement qu’une ou deux de ces agglomérations celluleuses, tandis que, à la base, celles-ci sont réunies par groupes de cinq à six, et davantage, dans chaque loge. Mais à mesure que l'Insecte se rapproche de l’âge adulte, le nombre des sphères spermatiques tend à s’égaliser dans les différents compartiments du testicule, et, à une époque voisine de la maturité sexuelle, ceux-e1 finissent par renfermer presque tous une quantité à peu près équivalente de ces amas celluleux. Il n’est pas difficile, à l’aide des aiguilles ou de pressions mé- nagées sur la glande, de faire sortir les sphères spermatiques de leurs alvéoles, et de les obtenir flottantes dans le liquide de La préparation. Elles se présentent alors sous la forme de masses müriformes (fig. 19), larges de 0"",018 à 0"",020, composées de petites cellules d’un diamètre moyen de 0"",0028, et dont l'aspect varie beaucoup suivant la nature du liquide avec lequel elles se trouvent en contact. Pâles, transparentes et légèrement granuleuses dans l’eau pure, elles prennent, au contraire, un aspect presque homogène et assez réfringent dans une solution de sel marin moyennement concentrée. Une compression légère exercée sur les petitesagglomérations celluleuses montre qu'elles ont une disposition visiblement radiée, et que les cellules compo- santes semblent converger vers le centre de l’amas par une de leurs extrémités effilée en pointe. Je reviendrai bientôt sur cette structure rayonnée des sphères séminales. Auparavant, voyons quelles sont les modifications qui surviennent dans l'aspect inté- rieur du testicule avec les progrès du développement. Chez la larve plus âgée, les cloisons celluleuses intérieures MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 77 qui forment les parois des compartiments ou loges renfermant les sphères spermatiques, se séparent de la face interne de l’en- veloppe périphérique de la capsule spermifique, et, en se dédou- blant, constituent autour du contenu de chaque loge une mem- brane d’enveloppe spéciale. Il en résulte que la masse testiculaire tout entière se trouve transformée en un certain nombre de kystes entièrement libres dans la cavité de la capsule, et dont le volume s'accroît progressivement du sommet vers la base de celle-ci (fig. à, Fsp). En déchirant la paroi capsulaire à l’aide des aiguilles, ces kystes deviennent libres et se répandent dans le liquide ambiant. Lorsque celui-e1 est de l’eau pure ou faible- ment salée, l’action osmotique qu'il exerce sur ces éléments décèle immédiatement la structure celluleuse de leur paroi en gonflant les noyaux qui entrent dans sa constitution (fig. 4h à 17). Quant au contenu, 1l est formé par ces mêmes agglomé- rations celluleuses que j'ai décrites tout à l'heure sous le nom de sphères spermatiques, mais dont le nombre s’est aceru dans l’intérieur des kystes, où on les rencontre généralement alors en plus grande quantité que dans les loges du testicule de la jeune larve. Beaucoup de ces kystes renferment jusqu'à six ou huit sphères spermatiques (fig. 14). En même temps que celles-ci se sont multiphées, les cellules qui les composent ont grossi jusqu'à atteindre un diamètre de 0°”,005 à 0"",006. C'est géné- ralement alors qu'elles commencent à devenir le siége d’une multiplication endogène active de petites cellules-filles qui sont les cellules de développement proprement dites des filaments spermatiques. Mais avant d'étudier la manière dont ce déve- loppement s'effectue, examinons d’abord les changements géné- raux qui s'opèrent dans la forme des kystes spermatiques sous l'influence des modifications qui se passent dans leur intérieur. Les kystes spermatiques persistent avec les caractères qui viennent d'être décrits jusqu'à l’époque où la larve, en prenant des rudiments d'ailes, s’est transformée en nymphe à la suite d’une avant-dernière mue. A ce moment seulement, où les kystes les plus volumineux, c'est-à-dire ceux situés vers la base des capsules speroufiques, ont atteint un diamètre de 0°".05 à 78 BA&LBIANI. 0*",07, des changements importants commencent à se mani- fester dans leur forme, et indiquent le débui du travail géné- sique qui s’accomplit dans leur intérieur et se continue sans interruption jusqu’à la complète transformation de leur contenu en filaments fécondateurs. Les kystes perdent peu à peu leur forme sphérique, et prennent, eu s’allongeant, celle d'un tube plus ou moins régulièrement cylindrique, qui caractérise chez tous les Insectes le réceptacle contenant les spermatozoïdes arri- vés au terme de leur développement. Cette élongation se mani- feste d’abord dans ceux qui sont placés dans la parte inférieare des capsules spermatiques, puis s'étend graduellement aux élé- menis situés dans la partie moyenne et au sommet (fig. 4), jus- qu’à ce que la capsule tout entière se trouve remplie de tubes cylindriques plus où moins gros.et longs, disposés parallèlement les uns aux autres suivant l’axe de la cavité qui les renferme (fig. 2, fsp). Ces changements extérieurs sont dus à la pression que le faisceau spermatique exerce en s’accroissant contre la paroi interne de la poche qui le contient. Il n’est done pas sans intérêt d'examiner d’un peu plus près quelques-unes des phases de ce phénomène. Lorsque les queues des spermatozoïdes commencent à appa- raître, elles forment d’abord un faisceau gros et court, composé de filaments parallèles (fig. 16). Par l'effort combiné résultant de leur accroissement en longueur, ces queues repoussent devant elles la paroi du kyste qui prend la forme d’un ovale de plus en plus allongé. Quelquefois le faisceau se recourbe à son extrémité par suite d’une résistance de la paroi, laquelle ne cède pas immé- diatement à la pression intérieure (fig. 17), résistance toujours passagère, car le faisceau ne tarde pas à se redresser en continuant à sallonger. À un moment donné, sa forme est celle d’une massue dont la grosse extrémité correspond aux têtes des spermatozoïdes encore adhérentes à leurs cellules de développement, et la petite extrémité à la partie caudale de ces filaments (fig. 19); un peu plus tard, le faisceau présente encore l’aspect.claviforme, mais avec une disposition inverse, c’est-à-dire que c'est la parte r'en- flée qui correspond maintenant aux queues, et la parie étroite, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 79 effilée en pointe, aux têtes des spermatozoïdes. Ce renversement dans la forme du faisceau spermatique est dû à ce que les cel- lules de développement ont disparu à l'extrémité céphalique, tandis que, dans la portion caudale, les filaments, par suite de leur inégal accroissement, s’échelonnent à des hauteurs diffé- rentes comme les cils d’un pinceau. Pendant tous ces change- ments de forme, le faisceau reste étroitement entouré par la paroi du kyste, laquelle est généralement décrite comme une mem brane sans structure, et assimilée à une enveloppe de cellulé même par les auteurs qui se sont occupés le plus récemment du développement des spermatozoïdes chez les Insectes (1). Cepen- dant ilsuffit, pour reconnaitre sa structure celluleuse, du simple contact de l’eau pure ou d’une goutte d'acide acétique dilué, qui détermine le gonflement des noyaux qui entrent dans sa consti- tution. Cette structure s'explique du reste par ce que j'ai dit précédemment touchant la formation de l'enveloppe des kystes spermaliques par des cloisons celluleuses émanées de la face interne de la paroi de la capsule spermifique. Lorsque les filaments fécondateurs ont acquis tout le déve- loppement dont ils sont susceptibles, la membrane du réceptacle se détruit, et le faisceau, devenu libre, se partage en plusieurs paquets secondaires plus ou moins gros, qui n'achèvent ordinai- rement de se désagréger qu'après avoir pénétré par le pédoneule de la capsule dans le conduit déférent, où ils se rassemblent d’a- bord dans la partie supérieure dilatée en une vésicule séminale. Là, les filaments se séparent complétement les uns des autres, et se pelotonnent et senroulent souvent comme des cheveux (fig. ?, sp), avant de s'engager dans la portion cylindrique du conduit, puis dans l’intérieur du sac copulateur renfermé dans l'axe du canal éjaculateur (fig. 5, sp). Chez les mâles qui se sont accouplés plusieurs fois, les cavités du testicule sont presque en- tièrement vides, et l’on n’y trouve plus que quelques filaments (4) H. Landois, Die Entwickelung der büschelfürmigen Spermatozoen bei den Lepidopteren (Reichert's und du Bois Archiv, 1866, p.50); E. Bessels; Séudien über die Entwickelung der Sexualdrüsen bei den Lepidopteren (Zeitschr. f. wissensch. Zool., t. XVII, 1867, p. 545). 80 BALBIANE. séminaux mêlés à des granules et des globules provenant de la destruction des parois des kystes spermatiques. Tels sont les changements qui surviennent dans la forme ex- térieure de ces derniers corps, étudions maintenant les modi- fications que subit leur contenu, et dont le terme ultime est l’apparition des filaments fécondateurs dans leur intérieur. Nous avons vu que, chez la larve, les kystes renfermaient un nombre variable d'agglomérations sphériques de petites cellules rondes et pàles, d’abord simples, mais qui, ensuite, produisent par voie endogène d’autres cellules, qui sont les éléments immé- diats du développement des corpuscules séminaux. Ce sont les agglomérations que J'ai désignées plus haut sous le nom de sphères spermatiques, en mentionnant la disposition rayonnée des cellules qui les composent. Cette structure radiaire devient plus évidente encore sur les fragments en lesquels on parvient à diviser ces sphères en exerçant sur elles une pression un peu énergique. Les cellules qui constituent celles-ci ou leurs frag- ments secondaires sont piriformes, et convergent toutes par leur extrémité effilée vers le centre du groupe (fig. 22, a, b, c), dis- position bien connue qu'affectent ces éléments lorsqu'ils naissent par bourgeonnement à la surface d’une cellule-mère préexis- tante. Néanmoins, je n’ai pas réussi à constater la présence, dans les sphères spermatiques, d’une cellule centrale pouvant être considérée comme ayant donné naissance par bourgeonne- ment aux pelites cellules de la périphérie. Mais je n'hésite pas à admettre la réalité de ce mode de développement, en me fon- dant, d’une part, sur l’analogie ürée de la manière dont se pro- duisent les ovules chez les Aphides, comme nous le ver- rons en décrivant l'appareil génital femelle, et d'autre part sur des observations faites chez d’autres espèces animales. C'est ainsi que Keferstein a montré récemment que les corps que l'on déceri- vait naguère, dans le produit de la sécrétion spermatique de l'Helix pomalia, comme constitués par de grandes utricules- mères renfermant des noyaux ou des cellules-filles plusou moins nombreux, n'étaient en réalité que des groupes de cellules sper- juatiques formées par le bourgeonnement périphérique d'une MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 31 cellule primaire détachée de la paroi de l'organe sexuel (1), et d'après Meissner et Claparède, les cellules de développement des corpuscules séminaux se produiraient d'après un mode fort analogue chez certains Vers nématoïdes (2). Mais c'est surtout en me basant sur mes recherches personnelles touchant le déve- loppement des spermatozoïdes chez un grand nombre d'insectes de tous les ordres, que Je suis conduit à admettre la manière de voir, exposée plus haut, concernant la formation des sphères spermatiques chez les Aphides. En faisant connaitre, dans un autre travail, les résultats de mes investigations sur ce sujet, je montrerai que les éléments qui forment le contenu du tes- ticule des Insectes sont soumis, dans leur succession généalo- gique, aux mêmes lois génésiques chez tous les animaux de cette classe. Quoi qu'il en soit de ce point d’histogenese, dont l’élucidation chez les animaux qui nous oceupent présente des difficultés par- liculières, à raison de la petitesse des éléments qui forment le con- tenu de leur testicule, les cellules renfermées dans l’intérieur des kystes spermatiques produisent, comme je l'ai dit plus haut, une nouvelle génération de cellules-filles qui, cette fois, sont bien le résultat d'une multiplication endogène. Ces cellules-filles de seconde génération, ou cellules spermatiques proprement dites, se développent au nombre de deux à quatre et davantage dans chaque cellule-mère (fig. 18, a,b,c,d), et sont ensuite mises en liberté par la destruction de la paroi de lutrieule génératrice; cependant un certaiu nombre continuent à rester emprisonnées dans celle-ci et y subissent toutes les phases de leur transfor- mation en filaments spermatiques. La structure de ces cellules de développement mérite de nous arrêter plus longtemps que celle des éléments qui les ont précédées dans l'intérieur des kystes spermatiques, car elle jette un jour tout nouveau sur les (4) Die Klassen und Ordnungen d2s Thierreichs, von H. C. Bronn, fortgesetzt von W. Keferstein, t. III, 2€ partie, 1862-1866, p. 1215, pl. 105, fig. 5 et 6. (2) Meissner, Beobachtungen über das Eïindringen der Samenelemente in den Dotter (Zeitschr. für wissensch. Zool., t. VI, 1855, p.209); Claparède, De /a formation et de la fécondation des œufs chez les Vers nématodes, 4859, p. 64. 5€ série, Zoo, T. XI. (Cahier n° 2.) 2 6 82 BALBIANI. phénomènes qui accompagnent la formation des spermatozoïdes et la constitution de ces corpuscules fécondateurs chez les In- sectes. C’est, ainsi que nous l'avons dit, chez la larve près de se trans- former en nymphe, ou chez celle-ci seulement, que le contenu des kystes spermatiques commence à se développer en filaments séminaux. Les cellules de développement ont atteint alors une largeur de 0°",005 à 0°",006. Examinées dans un liquide d’un faible pouvoir osmotique, tel que l’eau salée ou l’eau albumi- neuse, elles paraissententièrement homogènes et semblables à de petits globules de sarcode assez réfringents. Mais en ajoutant un peu d’eau pure ou légérement acidulée, elles se gonflent immé- diatement en perdant leur réfringence et leur homogénéité, deviennent vésiculaires, et laissent distinctement reconnaître sous leur enveloppe distendue un nucléus clair et transparent, muni à son centre d’un petit nucléole rond (fig. 18,e). Mais ces éléments pe sont pas les seuls qui deviennent visibles dans ces circonstances. En soumettant les cellules spermatiques à une légère compression, et en employant simultanément des grossis- sements assez forts, de 500 à 609 diamètres par exemple, on aperçoit entre le noyau et la membrane d'enveloppe, et souvent appliquée contre le premier, une seconde vésicule, transparente et claire, dont le diamètre ne dépasse guère la moitié de celui du nucléus (fig. 18, a, b, c, d, e). I est facile de s'assurer qu'il n'existe aucune communication entre ces deux corps, car on voit distinctement, dans toutes les cellules, la ligne de contour du nucléus passer entre celui-ci et la petite vésicule appliquée contre lui; celle-ci ne peut donc en aucune manière être con- sidérée comme un fragment du noyau détaché par scission. La présence de ce corps dans les cellules de développement des spermatozoïdes peut être constatée dès avant le début de leur transformation en filaments spermatiques; mais alors il est extrèmement pâle et peu visible, et n'apparaît que comme une petite tache claire et transparente dans le protoplasma qui envi- ronne le noyau. Je dois, en outre, faire remarquer qu'il est loin d'être également perceptible chez tous les mâles d’Aphides, et MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 83 que, dans la description que je trace ici des cellules sperma- tiques, comme d’ailleurs pour tout ce qui concerne l'histoire gé- nésique des éléments fécondateurs de ces Insectes, j'ai principa- lement en vue le Puceron de l'Érable-plane, ou Drepanosiphum platanoides, qui présente des conditions relativement plus favo- rables à l'observation des faits que j'expose ici. Le moment où l'on réussit le mieux à apercevoir la vésicule en question est le début de l'évolution des éléments spermatiques, lorsque les cel- lules de développement commencent à s'allonger par un des points de leur périphérie, en prenait l'aspect piriforme qui mar- que l'apparition du filament caudal. En les examinant alors avec de forts grossissements et sous un éclairage convenable, on peut suivre le filament jusque dans l’mtérieur de la cellule, et le voir aboutir au corps transparent situé à côté du noyau (fig. 2}, a, b). Ce corps présente aussi à ce moment un contour plus nettement accusé, assez réfringent, probablement par suite d’une con- densation à sa surface d’une mince couche du protoplasma en- vironnant. Quant au noyau, il reste toujours en dehors du trajet suivi par le filament dans l’intérieur de la cellule, et ne prend aucune part à la constitution du spermatozoïde. En examinant des cellules spermatiques de plus en plus avan- cées dans leur évolution, on remarque que la vésicule claire de- vient, en s allongeant graduellement, l'extrémité céphalique du spermatozoïde. Celui-ci présente donc pendant un stade de son développement, et d'une manière transitoire, la même opposi- tion entre une tète et une queue qui existe chez ces corpuscules à l’état de maturité dans un grand nombre d'espèces animales. Mais avec les progrès du développement, l'extrémité céphalique s'effile comme le bout caudal, et le spermatozoïde ne tarde pas à prendre l'aspect d’un filament homogène, qu'il offre chez la plupart des Insectes au terme de sa maturation. Pendant ce temps, le noyau s’est de plus en plus isolé de la vésiceule cépha- lique; puis, après avoir graduellement diminué de volume, il disparait d'une manière complète avec le reste de la cellule gé- nératrice. I n’est pas rare de rencontrer des spermatozoïdes qui, aux dif- 8k BALBIANI, férentes périodes de leur développement, présentent sur le trajet dufilament caudal des renflements fusiformes, isolés ou confon- dus les uns avec les autres, et formés par une substance pâle et d'apparence sarcodique : ce ne sont autre chose que des portions du protoplasma de la cellule spermatique, entraînées par le mou- vement d’allongement de la queue et restées adhérentes à celle- ci (fig. 23, f,g,h). Ces accidents du développement ont déjà été notés un grand nombre de fois par les histologistes chez les espèces animales les plus diverses. De la description qui précède il résulte que, contrairement à l'opinion généralement admise depuis Külliker, le spermatozoïde n’est pas le produit de la transformation du noyau de la cellule de développement, mais que le rôle attribué à cet élément cel- lulaire par la plupart des physiologistes revient avec plus de droit à un autre corps coexistant avec le nucléus, et dont la présence dans la cellule de développement n'avait encore été signalée jusqu'ici par aueun observateur. Je dois toutelois excepter Lavalette Saint-George, qui, dans un mémoire récent sur le développement des corpuscules séminaux (1), à aussi constaté chez les Insectes, à côté du noyau de la cellule sperma- tique, un corps plus petit, globuleux, dont l’aspeet contraste avec celui du nucléus, et auquel il fait jouer dans la formation du filament spermatique un rôle très-analogue à celui que j'ai assigné à la petite vésicule claire des cellules spermatiques des Aphides. Mais, tandis que Lavalette considère ce corps comme un nucléus de nouvelle formation résultant d’une scission du noyau primaire (2), je suis conduit, par mes observations anté- rieures sur l’origine du germe dans l’œuf ovarien (3), à lui attribuer une signification toute différente. Il résulte, en effet, de ces dernières recherches, ainsi que je crois lavoir établi par des faits observés d’abord chez les Ara- (4) Lavalette Saint-George, Ueber die Genese der Samenkôrpercken (Schultze's Archiv für mikrosk, Anat., &. NL, 1867, p. 263). (2) Lavalette Saint-George, loc. cit,, p. 274. (3) Balbiani, Sur la constitution du germe dans l'œuf animal avant la fécondation (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 4864, t. LVIIT, p. 584-588, 621-625), MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 89 chnides et les Myriapodes, puis dans presque toutes les autres classes animales, il résulte, dis-je, que Pœuf n’est pas l’équi- valent d’une simple cellule, suivant l'opinion généralement admise depuis Schwann, mais qu'il représente en réalité, dès le moment de son origine, un organisme complexe formé d’une partie nutritive et d'une partie plastique. Chacune de ces deux parties a un centre particulier occupé par une vési- cule ou noyau : le centre nutritif est représenté par la vési- cule de Purkinje, appelée encore improprement vésicule germi- native ; le centre plastique, ou foyer autour duquel se groupent les matériaux du germe d’où dérive l'embryon, est la vésicule que J'ai fait connaître dans le travail mentionné plus haut, et qu'en raison de ses fonctions M. Milne Edwards à désignée sous le nom de vésicule embryogène (1). L’homologie physiologique si évidente qui existe entre le produit de l'organe générateur fe- melle, ou l'ovule, et le produit de l'organe générateur mâle, ou la cellule spermatique, devait faire prévoir qu'ils présenteraient aussi une similitude complète dans leur organisation élémentaire. Cette présomption est pleinement justifiée par les recherches que J'ai entreprises sur la constitution et évolution de l'élément mâle chez un grand nombre d'animaux, ainsi que j'espère le dé- montrer dans un travail spécial, dont les faits exposés plus haut chez les Aphides ne forment pour ainsi dire qu’un chapitre déta- ché. La conclusion générale de ces observations, qu'il me suffira d'indiquer ici, est que la cellule spermatique, de même que l’o- vule, présente aussi un centre nutritif et un centre germinatif : le premier est représenté par le noyau connu de tous les histo- logistes, tandis que le second n’est autre chose que la vésicule ou le globule dont les observations de Lavalette Saint-George et les miennes ont démontré l'existence dans la cellule spermatique et le rôle dans l’évolution du spermatozoïde. On peut désigner sous le nom de vésicule spermatogène ce dernier corps, pour rappeler son analogie avec l’élément correspondant placé au foyer germinatif de l'œuf, ou la vésicule embryogène. (4) Milne Edwards, Rapport sur les progrès récents des sciences zoologiques en France, 1867, p. 79. 86 BALBIANI. Jusqu'au terme de leur maturation, les spermatozoïdes affectent le mode de groupement bien connu qu'ils présentent chez tous les Insectes, c'est-à-dire celui de faisceaux de fila- ments parallèles plus ou moins gros. Ces faisceaux ne sont pas simples, comme on pourrait le croire au premier abord, mais constitués par un nombre variable de faisceaux secondaires ou fascicules moins volumineux, dont les lignes de séparation sont bien visibles surtout dans la partie caudale du faisceau commun, et peuvent être suivies plus ou moins haut en remontant vers l’extré- mité céphalique (fig. 19 et 21). Cette structure fasciculée est due àce que chacune des agglomérations celluleuses ou sphères sper- matiques primitivement contenues dans les kystes du testicule se transforme isolément en un paquet de spermatozoïdes, qui reste d’abord distinct et indivis, et ne se äissocie qu’au moment de la maturité complète de ces éléments. Dans la plupart des kystes, on aperçoit, entre la membrane d'enveloppe et l'extrémité cau- dale du faisceau contenu dans son intérieur, un certain nombre de petites granulations brillantes, de nature probablement grais- seuse (fig. 19), qui se résolvent plus tard en granulations de plus en plus fines formant de petits amas à l'extrémité de chaque fais- ceau secondaire (fig. 21). J'ai décrit plus haut la manière dont s'opère la séparation des filaments spermatiques au terme de leur maturité et laspect qu'ils présentent dans l’intérieur des canaux efférents de Pappa- reil mâle. J'ajouterai que ces filaments, soit sous la forme de faisceaux, soit après qu'ils ont acquis une existence indépendante, ne m'ont Jamais présenté aucune trace de mouvements sponta- nés, et qu'en faisant agir sur eux les liquides les plus propres à éveiller ces mouvements chez les spermatozoïdes des animaux, tels que notamment les solutions alealines très-étendues, on ne parvient, le plus souvent, qu'à provoquer de faibles contractions qui disparaissent au bout d'un temps très-court. Il n’est pas rare, au contraire, de les voir exécuter des mouvements spontanés assez vifs dans l’intérieur des organes génitaux de la femelle. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 87 EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 2. Toules les figures ont été esquissées à la chambre claire. Les mêmes lettres ont partout une signification identique. Fig, 4. Appareil génital mâle, vu dans son ensemble chez un sujet adulte du Sipho- nophora millefolii, el grossi environ 400 fois, cs, capsules spermifiques; cd, conduit déférent; »s, vésicule séminale formée par une dilatation de la portion antérieure de ce conduit; æ, canal réunissant transversalement les testicules des deux côtés du corps et établissant la communication entre leurs conduits déférents ; gla, glandes accessoires où mucipares ; ed/, cd!, points où les conduits déférents débouchent dans le canal éjaculateur; gla', gla!, embouchure des glandes accessoires dans le même canal; c’), canal éiaculateur; se, sac copulateur renfermé dans l’axe de ce canal: c’est dans son intérieur que s'ouvrent, à proprement parler, les conduits déférents et les glandes accessoires ; 0g, ouverture génitale externe entourée par les opercules 0p; apo, apophyses des opercules ; », valves de l’armure copulatrice ; elles sont sorties de l'ouverture génitale et relevées contre la face inférieure de l’abdo- men par la pression de La lame de verre qui recouvre la préparation ; w, parlie élargie et dentée du pédicule des valves, recevant les insertions latérales du canal éjacuiateur; 0, baguettes chitineuses entrant dans la constitution de la charpente solide qui sert de soutien à l'appareil valvaire, et s’arliculant par leur extrémité interne avec le pédicule des valves ; a, anus; s7, si0, septième et dixième segment abdominal. Fig. 2, Testicules avec une portion des conduits déférents du S. millefolii, plus grossis que dans la figure précédente. Ces parties sont légèrement comprimées et traitées par l’acide acétique affaibli, pour montrer leur structure histologique. cs, capsules spermifiques renfermant des faisceaux de spermatozoïdes /sp ; pd, pédoncule des capsules ; vs, vésicule séminale remplie de filaments spermatiques mûrs sp; cd, con- duit déférent ; p,sa tunique séreuse ou péritonéale ; ep, son épithélium ; 7, sa tunique intime, formée par une cuticule anhiste, Fig. 3. Une des capsules séminales avec le conduit déférent correspondant d'une jeune nymphe du Drepanosiplhum platanoïdes. ksp, kystes spermatiques dans la cavité de la capsule ; pd, pédoncule de celle-ci; p, tunique péritonéale du conduit défé- rent; ep, son épithélium, vu par la surface dans la portion supérieure, et suivant une coupe passant par La cavité du conduit, dans la portion inférieure ; mm, couche musculaire située entre la tunique péritonéale et l’épithélium, et formée de fibres- cellules transversales lisses. Cette couche est vue sous les deux mêmes aspects que la couche épithéliale, dans le haut, m”, et dans le bas de la figure, m/. Fig. 4. Capsule spermifique d’une nymphe plus âgée de l'espèce précédente, immé- diatement avant la dernière mue. Vers le sommet de la capsule, les kystes sperma- tiques n’ont encore subi aucune modification, tandis qu’à la base ils commencent à se transformer en faisceaux de spermatozoïdes fsps; pd, pédoncule de la capsule, revêtu intérieurement d’une couche épithéliale. 88 BALBIANS. Fig. 5. Portion postérieure des conduits efférents avec l’armure copulatrice dans le moment qui précède la protraction du pénis, chez un mâle adulte du Siphono- phora millefotii. cd, conduits déférents ; gla, glandes accessoires. On voit comment la couche épithéliale ep de ces tubes passe directement dans la paroi ep/ du canal éjaculateur, tandis que leur tunique intime ou cuticulaire, z, se continue en # à’, é/il avec la cuticule de ce canal, qui s’est isolée des autres couches pour devenir le sac copulateur ou fourreau pénial sc; m”, couche musculaire du conduit éjaculateur. Les opercules op qui entourent l’orifice génital og se sont écartés pour laisser passer l'appareil valvaire vo, qui fait saillie hors de cette ouverture. Les valves encore rap- prochées embrassent la partie postérieure sc/ du sac copulateur, laquelle s’insère sur leur bord interne. sp, spermatozoïdes passant de la cavité des conduits déferents dans celle du sac copulateur. Pour la signification des autres lettres, voyez les figures 4, 2 et 3. (Grossissement 125 fois.) Fig. 6, A. Extrémité aveugle, renflée en massue, d’une glande mucipare d’un mäle du S. millefohi. L'organe est comprimé entre les lames de verre, et traité par l'acide acétique affaibli pour rendre évidente sa structure histologique. p, tunique péritonéale ; ep, épithélium ; ?, cuticule interne. (Grossissement 200 fois.) Fig. 6, B. Même partie chez une jeune larve du D. platanoides. L’épithélium ep est encore entièrement formé de cellules cylindriques, et n’a pas encore sécrété à sa face interne la substance hyaline destinée à se concréter en une cuticule. (Grossisse- ment 200 fois.) Fig. 7. Extrémité postérieure du corps d’un mâle adulte du S. #illefol, au moment où le sac copulateur se déroule au dehors pour l'accouplement. (Grossissement 80 fois.) Fig. 8. Extrémité postérieure de l’abdomen pendant la protraction complète du pénis, vue de profil sous un grossissement de 425 diamètres, chez un individu de l'espèce précédente. se, sac copulateur déroulé au dehors et devenu fourreau pénial. Il ren- ferme le canal éjaculateur cey, deux fois invaginé en lui-même, et enveloppant à son tour les conduits déférents cd, et les glandes accessoires gla; sc, portion non déroulée du sac copulateur, s’ouvrant au dehors par un orifice 0, ou méat du péuis; v, valves de l’armure copulatrice embrassant la racine de la verge ; z, petite’ fossette à la face supérieure du dernier segment abdominal, couverte, dans l’état naturel, par l'appendice caudiforme; 6, ?/, b!, baguettes chitineuses formant la charpente qui soutient l’appareil valvaire. Les autres lettres désignent les mêmes objets que dans la figure 1. Fig. 9, A, — Extrémité terminale du pénis, montrant, par sa surface, la couche musculaire ###”/, qui entre dans la constitution du canal éjaculateur, ainsi que la direction variée des fibres de cette couche dans les différentes régions du canal; se, portion déroulée du sac copulateur; sc/, portion non déroulée, incluse dans la première. Fig. 9, B. Cellules fusiformes, à stries transversales granuleuses, de la couche contrac- tile du canal éjaculateur. Fig. 40. Organes génitaux internes d'un embryon male de l'Aphis persicæ. La descrip- tion de cette figure sera donnée dans une autre partie de ce mémoire, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 89 Fig. 44. Appareil génital interne d’une larve de màle du $. jaceæ venant de naitre. es, capsules spermifiques, par exception au nombre de six pour chaque testicule, chez ce sujet (le nombre ordinaire est de cinq). Elles renferment des masses arron- dies, décrites dans le texte sous le nom de sphères spermatiques, formées par les cellules-mères des cellules de développement des spermatozoïdes ; ed, conduit défé- rent; cej, canal éjaculateur. Leurs parois sont encore entièrement celluleuses ; æ, canal transversal faisant communiquer les deux conduits déférents par leur extrémité antérieure, Ce canal est relativement beaucoup plus long que chez l'adulte, (Grossissement 120 fois.) Fig. 12-24. Évolution des spermatozoïdes du Drepanosiphum platanoïdes. Fig. 12. Sphère spermatique isolée dont les cellules se sont gonflées au contact d'une faible solution saline, Fig. 143. Même élément comprimé et traité par l'acide acétique affaibli. Réunis en nombre variable dans, les cavités du testicule, et entourés d’une paroi celluleuse, ils constituent les kystes spermatiques. Fig. 44. Un de ces kystes isolé et grossi 250 fois. Fig. 15-17, 49-21. Transformation des kystes spermatiques en tubes renfermant un faisceau de spermatozoïdes. Fig. 18. Cellules de développement des spermatozoïdes, après un séjour prolongé dans une faible solution salée. Les unes, 4, b, c, d, sont encore renfermées dans l'intérieur de la cellule-mère ; les autres, e, sont devenues libres par la rupture de celle-ci. On voit dans toutes ces cellules le noyau et la vésicule spermatogène, cette dernière plus petite et appliquée contre le nucléus. (Grossissement 600 fois.) Fig. 22. Fragments de sphères spermatiques obtenus par dilacération, montrant la disposition radiée des cellules composantes. Dans l’un d'eux €, les filaments sémi- naux commencent à se développer. Fig. 23. Cellules de développement à différents degrés de leur transformation en fila- ments spermatiques, après quelques instants de contact avec une forte solution saline, où elles prennent un aspect complétement homogène. Quelques-unes f, 9, À, présentent sur le trajet du filament caudal de petites masses de protoplasma entrai- nées hors de la cellule. (Grossissement 600 fois.) Fig. 24. Mèmes cellules après l'addition d’eau pure, qui les gonfle eu rendant évidents le nucléus et la vésicule spermatogène. Dans a et b, on peut suivre le filament cau- dal jusqu’à cette dernière vésicule, qui forme, en s’allongeant, l'extrémité cépha- lique du spermatozoïde ; dans À, les deux cellules de développement sont restées incluses dans l’utricule-mère et y ont produit chacune un filament, comme l’in- dique l'extrémité bifurquée de leur prolongement commun. Les deux noyaux sont bien visibles, et il existe probablement aussi deux vésicules spermatogènes, bien que l’on n’en aperçoive qu’une seule. Enfin, dans la cellule #, le nucléus est devenu fort petit et est sur le point de disparaitre, tandis que, la vésicule spermatogène est encore bien distincte et placée à l'extrémité céphalique du filament. OBSERVATIONS SUR L'ABLATION DES HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX DES PIGEONS, Par M. VOIT (1). Tous les ans, je montre dans mes cours les effets produits par l’ablation des hétisphéres sur les Pigeons. J'ai réussi à garder ces animaux longtemps vivants, et J'ai observé des phénomènes différents dé ceux indiqués par les observateurs qui m'ont pré - cédé. M. Bischoff a déjà eu la bonté de présenter à la classe un de ces animaux, et d'expliquer les faits qui surviennent, Immé- diatement après lopération, les Pigeons tombent dans un état qui ressemble au sommeil ; ils enfoncent profondément la tête entre leurs ailes, et restent immobiles, les veux fermés. Cela n’est que la suite d’une profonde lésion. Au bout de quelques semaines, ils se réveillent, relèvent la tête, ouvrent les veux, et même volent çà et là avec liberté. Il est certain qu'alors ils voient, entendentet sentent. Il n’est pas facile de les distinguer d’autres Pigeons apprivoisés à l’état normal. Ce qui les fait sur- tout reconnaître, c’est qu'ils ne mangent pas d'eux-mêmes ; ils mourraient de faim sur un monceau de grains. Ils ne sont plus craintifs. Ainsi j'ai vu plusieurs de ceux qui avaient été opérés marcher sur des lapins qu'on avait introduits dans leur cage, tandis que ceux qui ne l'avaient pas été se cachaient effravés dans un coin. Il peuvent exprimer un vif amour sexuel par le roucoulement, mais ne se livrent à aucune autre démonstration quand on les met en présence de sujets de sexe différent. On peut donc le dire, les Pigeons sans cerveau ont les sensations (1) Présentées à l’Académie des sciences de Munich, le 143 juin 1868 et extraites de l'Institut, n° 1828 (13 janvier 4869), HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX Dis PIGEONS. 91 des sens; ils voient des images, entendent des sons, mais n°y attachent plus de relations. Quand on voit un Pigeon auquel on a fait l'ablation, éviter soigneusement les obstacles, voler au milieu d'un chaos d'objets sans Jamais se heurter, chercher à se dérober à la main qui veut le saisir, il faut cependant croire que tout cela à rapport à la perception primitive des sensations. Ces animaux présentent souvent des phénomènes très-frap- pants; un mouvement suscité se continue longtemps mécani- quement. Un jour, un Pigeon heurta fortuitement du bec contre uue bobine suspendue à la porte par un fil. La bobine fit un mouvement de pendule et heurta le bec en retour, ce qui la remit en mouvement; ce jeu dura plus d'une heure, et je dus y mettre fin. En décembre précédent, j'ai enlevé les deux hémisphères à un jeune Pigeon. Je suis parfaitement certain de les avoir enlevés entièrement. L'animal s'endormit d’abord comme les autres; réveillé, 1l fit mécaniquement toute espèce de mouvements con- ünus. Par exemple, il sortit tout à coup de la cage, son séjour habituel, et se mit à parcourir la chambre, en courant avec une rapidité loujours plus grande. H faisait toujours le même che- min autour de la même table, dans le même coin, On ouvrit les portes de la cage dans une autre chambre. Il se mit tout à coup à courir à une distance de 3 à 4 mètres avec une rapidité plus forte, pour répéter eucore le même manége. Enfin, on dut le reporter fatigué dans sa cage. En frottant la racine du bee, le Pigeon roucoula, se mit plusieurs fois en rond, et montrait un vifamour sexuel. Ïl reprit à vue d'œil, s'envola plus souvent que les autres, et plus longtemps autour de la chambre. Les mou- vements mécaniques cessèrent; 11 fuyait quand on voulait le prendre, il était devenu crantif; enfin, aucun des Pigeons pré- cédents ne s'était encore autant rapproché de l'état normal. Un seul symplôme de sa blessure persévéra jusqu'a la fin: il ne mangeait pas de lui-même ; on compta les grains qu'on lui don- nait pour sa nourriture; jamais il n’en manqua un seul. Au bout de cinq mois, je mis fin à ces observations et je tuai le Pigeon. Quand j'eus scié le crâne en flèche, il tomba une 92 VOIT. masse blanche de l'endroit où j'avais enlevé les deux hémi- sphères. Dans les autres Pigeons, cet espace était rempli par une exsudation devenue fibreuse ou par un liquide séreux, ou bien le cervelet avait pénétré par-devant, et le crâne s'était affaissé. ici la masse blanche avait tout à fait l'apparence et la consistance de la masse blanche du cerveau. Elle était continue et elle avait bien la forme de deux hémisphères ; dans chacun d'eux se trouvait une petite cavité remplie de liquide, et entre eux un septum. Fait très-remarquable, là masse entière se com- posait de fibres nerveuses primitives, deux fois contournées, et des cellules ganglionnaires non douteuses y étaient logées. C’est ce dont le docteur Kollmann put également s'assurer. Ce cas est le premier que je connaisse de la rénovation du cerveau et du rétablissement de son activité. A cela seul je puis attribuer l’amélioration frappante de l'animal soumis à l'expé- rience; on pouvait à peine le distinguer d'un Pigeon à l’état normal. OBSERVATIONS SUR LES APHIDIENS QUI FONT LES GALLES DES PISTACHIERS Par M. DERRBÉS, Professeur à la Faculté des sciences de Marseille. Je m'occupe depuis plus de trois ans des Pucerons qui habitent les galles des Pistachiers. Je suis loin encore d'être parvenu au but principal de mon ambition, à connaître toutes les phases de leur singulière existence, et J'aurais gardé le silence plus long- temps, si une communication faite à l'Institut par mon savant confrère M. Planchon, sur les Pucerons qui dévastent les Vignes dans certaines contrées du midi de la France, ne m'avait inspiré le désir d'exposer ce que j'ai appris sur ceux que j'ai spéciale- ment étudiés. Jusqu'à présent je n'ai pas eu l’occasion d'observer ceux qui font l’objet de la note de M. Planchon; mais j'ai cru reconnaître dans ses descriptions certaines analogies avec les Pucerons des Pistachiers, ce qui m'a encore plus engagé à publier ces obser- vations, tout incomplètes qu'elles sont, espérant que d’autres observateurs s'engageront dans la même voie. Plus il y a d’yeux qui regardent, plus 1l y à de chances pour découvrir la vérité, Peut-être de ce concours d'observations surgira une connais- sance plus profonde des mœurs de ces animaux, et, par suite, la découverte d’un moyen pratique de délivrer nos campagnes d’un Insecte devenu menaçant pour une de nos principales ré- colies. La similitude des habitudes et des modes de reproduction entre les Aphidiens vivant dans l’intérieur de certaines galles et ceux qui vivent dans l’air sur les diverses parties des végétaux, similitude qui a été déjà si bien constatée par notre Réaumur, permet de croire que l'étude d’une sorte de ceux-là ne sera pas sans influence sur la connaissance que l’on peut acquérir de ceux-Ci, 11 DERBÉS. Peu de personnes se sont occupées des Aphidiens qui pullulent dans les galles des Pistachiers. Les principaux écrits sur ces ani- maux sont dus à Réaumur et à un savant italien, M. Passerimi. Celui-ci à fait un mémoire où il décrit trois espèces qui vivent sur le 2. terebinthus et une qui vitsur le P. lentiscus ; tandis que pour Linné et Réaumur, il n’en existait qu'une : l'Aphis Pista- ciæ. M. Passerini a fait ses observations sur des galles qui lui étaient envoyées de Pise à Florence par M. Savi. Un entomologiste provençal, M. de Fonscolombe, avait aussi décrit sous le nom d’Aphis Pistaciæ l'espèce qu'il regardait comme unique, vivant sur le Pistacia terebinthus. Ce n’est pas que l’on ne connût les galles produites sur le P. terebinthus, avant les auteurs que nous venons de citer; Théophraste, 3. Bauhin et quelques autres auteurs moims cé- lébres s’en sont occupés, au point de vue de la science pure, mais surtout au point de vue des diverses applications des galles à la médecine et à la teinture. Quoi qu'il en soit, voici le point où M. Passerini, qui s’est occupé le dernier avec le plus de détails des Aphidiens dont 1 s'agit, a conduit et laissé la question. Son mémoire m'a été très- obligeamment communiqué par M. Guérin-Méneville. D'abord M. Passerimi à reconnu que les auteurs des galles du P. terebinthus appartiennent au genre Pemphiqus Hartig, el ceux de la galle du 2. lentiscus au genre T'etraneura du même auteur. Puis 1l s’est assuré que chacune des trois sortes de galles qu'il a observées sur le P. terebinthus contient des Pemphigus appartenant à des espèces différentes, malgré leur extrême res- semblance. Quant au T'etraneura, M. Passerini n’en a reconnu qu'une espèce qui vit sur le Lentisque. Il a encore constaté, ce qui ne l’a été par personne avant lui, et ce que, à ma connaissance, personne n a observé après lui, que les Pemphigus ailés, qui s'échappent des galles du Téré- binthe, déposent non pas des œufs, mais des petits vivants, dont il ignore la destinée. En cela, il n'a fait que confirmer ce que Réaumur et même Geoffroy avaient vu avant lui sur d’autres APHIDIENS DU PISTACHIER. 95 espèces d’Aphidiens, même de ceux qui leur sont très-voisins, et qui occupent les galles de l'Orme et du Peuplier. J'ai peu à ajouter à ces observations, mais du moins je les confirmerai sur presque tous les points et Je les compléterai sur plusieurs. D'abord j'ai observé sur le Térébinthe cinq sortes de galles : 1° Une galle en forme de corne irrégulière, terminée en pointe, parfois très-volumineuse, pouvant mesurer jusqu’à 15 centimètres et plus de longueur, et 4 ou 5 centimètres de dia- mètre à la base, et souvent contournce de plusieurs façons. Par une observation attentive, j'ai pu constater qu'elle est formée aux dépens de tout le rachis de la feuille composée du Téré- binthe, dont les folioles ont avorté, la piqûre de l’Insecte ayant eu lieu de très-bonne heure. Il n’y a d'mcomplétement déve- loppées quelquefois que les folioles de la base. 2° Une galle à peu près sphérique, dont la grosseur peut varier de celle d’un œuf de Poule à celle d’un petit œuf de Pigeon. Elle se forme aux dépens de la nervure médiane d’une foliole, dont elle détermine le rachitisme et le desséchement. 3 Une galle, que M. Passerini a appelée semilunaire, qui a été décrite et figurée par Réaumur, et qui occupe l’un des côtés d’une foliole, dont elle détermine la défiguration, en prenant l'aspect gaufré et contourné, de manière à rapprocher ses deux extrémités, et même à les faire se toucher quelquefois. Ces trois sortes de galles, surtout la deuxième et la troisième, présentent une couleur jaune pâle, qui rappelle celle d’un végétal étiolé ; mais quelquefois elles offrent, surtout la première, un côté plus ou moins rouge, qui les fait ressembler à un fruit approchant de la maturité ; elles ont été parfaitement reconnues par M. Pas- serin]. h° Une galle aplatie dans le même sens que la feuille, diffé- rant peu de coloration avec elle, et déformant à peine ou même ne déformant pas du tout la foliole sur les bords de laquelle elle s’est développée. Il faut beaucoup d'attention pour la trouver, au moins pour la première fois. 5° Une galle peute, rouge, renflée, mais ne déformant pas la 06 DERBÈS. foliole sur les bords de laquelle elle se développe, ou bien la dé- formant un peu d'une manière symétrique, lorsqu'elle prend naissance à l'extrémité de la nervure principale. Chacune de ces galles est habitée par un Pemphigus d'une espèce distincte, ainsi que je m'en suis assuré en examinant simultanément : 1° ce que j'appelle la première génération, qui se compose d'individus sans ailes ; 2° la seconde génération, qui prend des ailes lorsqu'elle devient adulte ; et 3° la troisième gé- nération qui est produite par celle-ci. J'ai trouvé, surtout dans les antennes et ia trompe, chez ces espèces considérées dans leur ensemble, des différences qui me paraissent motiver suffisamment leur distinction. Du reste, M. Passerini avait déja constaté qu'il y avait trois espèces, cor- respondant aux trois formes de galles reconnues par lui. Je dirai fort peu de chose sur les T'etraneura du Lentisque, leurs habitudes étant tout à fait analogues à celles des Pem- phigus du Térébinthe. Je m'étendrai également très-peu sur l'organisation de ces animaux ; je me bornerai à citer deux particularités : 1° Les sortes de tubercules ou de verrues, qui présentent sur les antennes les individus ailés, que j'appelle de la seconde gé- nération. Je mentionne ces tubercules déjà signalés par M. Plan- chon, mais je n'en précise pas les fonctions. 2° Les ocelles, qui sont les seuls organes de la vision des indi- vidus de la première génération, se retrouvent encore sur les ailés, simultanément avec les yeux composés ; mais alors ils sont pour ainsi dire greffés sur ceux-ci, dont ils occupent la partie inférieure, sur laquelle ils se montrent comme des tubercules saillants de couleur rouge. Il est bien encore une particularité qui pourrait ètre men- tionnée, si elle n’était pas tout à fait en dehors de la loi com- mune : je veux parler de la disposition de la trompe. Dans celle-ci, en effet, la portion qui sert de gaïne aux trois organes filiformes, dont un au moins est perforant, paraît, par sa posi- tion, tenir au prothorax, dont on la prendrait pour une dépen- dance, plutôt qu'à la tête, et dans les cas où les parties m'ont APHIDIENS DU PISTACHIER. 97 apparu avec le plus de netteté, une séparation bien tranchée m'a semblé exister entre ces deux organes; mais ceci n’est assu- rément qu'une apparence. Je prends à présent les choses d'aussi loin que j'ai pu les observer. Au mois d'avril, un peu plus tôt ou un peu plus tard, lorsque les bourgeons du Térébinthe commencent à s'ouvrir, on observe sur ces bourgeons de très-petits Aphidiens, paraissant noirs, qui n'attendent que le moment où ils pourront s'introduire parmi les feuilles. Quelque temps après, on observe les galles toutes formées, suivant leur espèce, très-petites, et contenant chacune un Puceron. Le Puceron s’est enfermé là, et désormais ne doit plus avoir de communication avee l'extérieur. Il vit solitaire et grossit lentement, changeant de peau à mesure que son vête- ment devient trop étroit. Concurremment la galle s'agrandit, à mesure que les feuilles croissent, et que l'animal réitère ses piqûres. Puis, à une époque que l’on ne peut préciser exactement, dans le courant du mois de mai ou de juin, le Puceron qui, de- puis son jeune âge, est demeuré forcément solitaire, et qui s’est beaucoup gonflé, commence à mettre bas des petits vivants. Je suppose que la première génération qu’il produit se compose d’Insectes aptères, que Réaumur appelle des mères ; au moins, je n'ai pas pu bien constater s'il ne produit que des mères, où si, en même temps, 1l n’en sort pas de ceux qui, plus tard, de- viendront ailés. Quoi qu'il en soit, ces premiers Pemphigqus sont faciles à reconnaître : leur forme est trapue ; ils ont l’abdomen renflé et comme tronqué postérieurement; leur coloration est toujours plus prononcée que celle de leur progéniture, elle est d’un beau rouge orangé. Ils sont toujours très-peu nombreux, et se remarquent au milieu d’une populeuse colonie ; ce sont ceux que je nomme de première génération. Ils produisent ceux de deuxième génération, vivants et sans copulation préalable, comme ils ont été produits eux-mêmes par le Puceron, auteur et source de toute la troupe. On les à pris quelquefois pour des mâles : c’est qu'ils ne contenaient plus les fœtus dont ils s'étaient 5e série, Zoon. T. XI. (Cahier n° 2.) 5 7 98 DERRES. débarrassés, et il est impossible d'y constater en aucune façon la présence de spermatozoïdes. La deuxième génération se compose d'individus qui doivent plus tard prendre des ailes, phénomène qui a lieu progressive- ment, et à la description duquel je n’ai rien à ajouter à ce qu'en dit Réaumur. Ceux-ci ne produisent rien jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes, et qu'ils soient sortis des galles. Il est facile néanmoins de s'assurer que des fœtus s’élaborent dans leur sein, devant aussi être produits vivants, et sans le concours des sexes. En effet, si on leur presse légèrement l'abdomen, on peut en faire sortir des fœtus plus ou moins avancés ; mais aucun n’a acquis encore assez de développement pour pouvoir vivre. Ceci n’a lieu que lorsque l'animal a pris la forme d’adulte, en devenant ailé et en prenant une coloration brune. Je ne suis pas plus avancé que mes prédécesseurs sur le compte de la progéniture des Pucerons ailés ; je ne sais encore ni où ils vont la déposer, ni comment elle vit. Les individus qui la composent diffèrent considérablement de ceux qui leur ont donné le jour, et si l’on n’était pas convaincu, pour l'avoir vu et constaté un millier de fois, qu’ils sont bien les fils de leur mère, les descendants de la deuxième génération seraient regardés par un œil non prévenu, comme appartenant à une tout autre espèce que ceux produits par la première génération. Leur corps, en effet, est plus ou moins couvert de poils ; leur couleur est beau- coup plus sombre; leur forme est en général plus trapue ; leur allure est plus décidée et leur marche plus rapide ; leurs antennes ont un article de moins etleur trompe a en général d'autres pro- portions ; ce sont ceux que je nomme de la troisième génération. Les mères ailées s'envolent ; on les perd bientôt de vue, et, jusqu'à ce jour, il m'a été impossible de les rencontrer ailleurs. Tout ce que j'ai fait a été inutile : J'ai battu les arbres et les plantes de toute espèce ; j'ai examiné les rochers et le sol autant que c'était praticable, je n'ai rien pu découvrir. Peut-être le secretse révèlera-t-il au moment où je m'y attendrai le moins ; mon attention est toujours tendue de ce cûté-là. APHIDIENS DU PISTACHIER. 99 J'ai aussi faitinutilement des expériences plus directes. J'avais observé que les Pucerons, qui s'échappaient des galles ouvertes dans mon cabinet, allaient se heurter contre les vitres des fe- nètres, et là que la plupart mettaient bas leur progéniture, dans l'impossibilité d'aller plus loin. J'ai porté des branches de Téré- binthe et de plusieurs autres arbres que J'ai mises auprès des fenêtres, mais les Pucerons ont toujours refusé obstinémeut de s'y poser ou au moins de s’y arrêter. J'ai à plusieurs reprises secoué une galle en corne, espèce qui renferme le plus de Pucerons, au moment où ceux-ci étaient sur le point d'en sorür, sur le tronc d’un vieux Térébinthe, dont l'écorce était rugueuse et fendillée ; mais je les ai toujours vu s'éloigner, fuir, pour ainsi dire, l'arbre, qui jusque-là leur avait fourni le toit et la table. Une seule fois, J'ai cru un instant que cette expérience m'avait réussi ; les Pucerons se cachèrent dans les anfractuosités de l'écorce, et, deux jours après, j’en trouvai des quantités qui restaient immobiles dans les petites cavités qui leur avaient servi de refuge ; mais les recherches les plus atten- tives ne purent me faire apercevoir un seul de leurs fils, et deux jours plus tard ils s'étaient envolés, pas un n’était resté. Je n’ai pu m'expliquer cela que de deux façons : 1° Peut-être la galle que j'avais ouverte n'était pas assez müre, c’est-à-dire que la plupart des Pucerons qu'elle contenait n'avaient pas atteint le terme de leur développement; ils attendirent dans les petits creux du Pistachier, que l'heure de leur maturité eût sonné, et alors 1ls s'envolèrent ; 2° ou bien, comme il ne faisait pas bien beau ce jour-là, et que le temps fut à la pluie les jours suivants, ils attendirent un moment favorable, un beau soleil, pour exé- cuter leur migration. Quoi qu’il en soit, ils disparurent. À ce propos, Je citerai un exemple remarquable de l'influence de la lumière du soleil sur les Pucerons. J'avais chez moi plu- sieurs galles ouvertes laissant échapper peu à peu leurs habi- tants, de manière qu'il eût fallu au moins tout le jour pour qu'elles se fussent complétement vidées. J’eus l'idée de les trans- porter dans mon jardin situé au midi; il faisait ce jour-là un temps d'une sérénité parfaite. Dés l'instant que j'eus mis les 100 DERBÉS. galles au soleil, un grand tumulte se manifesta et les Pucerons s’envolèrent, si bien que, quelques minutes après, il ne restait plus que ceux de la première génération qui sont dépourvus d'ailes. La dispersion des Pemphigus du Térébinthe dure depuis la fin du mois d'août jusqu'à la fin d'octobre. J'ai trouvé le 20 oc- tobre encore quelques galles contenant des Pucerons devant acquérir des ailes, mais ne les ayant pas encore bien déve- loppées. Je vais maintenant exposer des faits qui se rapportent proba- blement aux Pemphigus qui vivent dans les galles des Pista- chiers, mais dont la liaison avec ceux-ei n’est pas intime, ou du moins il ne m'a pas encore été donné de saisir le lien positif qui existe entre eux : 1° J'ai trouvé, d’abord sous l'écorce des branches mortes du P. terebinthus, une sorte de kyste ou d’enveloppe crustacée, ayant conservé à peu près la forme d'un Puceron non ailé, avec des restes d'antennes et de pattes tombées en partie. Ces corps sont tous de même forme ; mais les uns presque noirset opaques, les autres bruns et un peu translucides. Ensuite, lorsque mon attention a été attirée sur ces kystes, je les ai trouvés très- abondamment surtout dans les fentes de l'écorce rugueuse des vieux Térébinthes. Je les ai aussi rencontrés très-fréquemment dans les fentes du P. vera; j'en ai encore trouvé de plus petits et de forme un peu différente sur le P. lentiscus; j'en aï observé dans les fentes de l’écorce du Peuplier d'Italie qui, comme on le sait, est attaqué par plusieurs Pucerons à galles; je n’en ai point trouvé sur les autres arbres que j'ai examinés; mais, il faut le dire, je n'ai pas mis à cet examen toute l'attention et tout le temps convenable pour pouvoir affirmer positivement leur ab- sence. L’Orme surtout mérite d'être observé avec soin sous ce rapport. Maintenant qu'étaient ces corps? Sans exposer toutes les hypothèses que J'ai faites sur leur compte, je dirai de suite que, le 30 mars 1867, j'en ai vu sortir un Puceron, et que j'ai répété plusieurs fois cette observation ; c’est donc une phase de repos APHIDIENS DU PISTACHIER. 101 dans l’existence d’une espèce de Puceron. Mais quelle relation existe-t-il entre les Jeunes qui sont déposés je ne sais où par les Pemphiqus ailés sortis des galles des Pistachiers, et ceux que je trouve abondamment à l’état de kystes dans les fentes de l’écorce du même arbre? ou, au moins, avec quelle espèce ces kystes ont-ils du rapport? C'est là un problème que je cherche tous les moyens de résoudre ; mais l'expérience est longue à faire, et lorsqu'on à manqué une année l'occasion d'éclairer ce point de leur histoire, force est bien d'attendre avec patience l’année sui- vante. Au premier printemps, j'ai bien trouvé sous l’écorce des Pistachiers des familles de Pucerons; mais je n’ai pas eu le loisir de les suivre, je n'ai pu même les observer convenablement. 2° Au mois d'avril, Jai observé des Pucerons ailés parcourant le tronc et les branches du Térébinthe et produisant des petits vivants ; j'ai pu m'en assurer en pressant un peu l’abdomen de ceux qui en contenaient encore, car la plupart s'étaient tout à fait vidés, ce que témoignait leur abdomen ratatiné. Ces Pem- phiqus sont-ils ceux qui déposent leurs petits sur les bourgeons près de souvrir ? Cela peut être ; mais je n'ai pu m'en assurer directement, et, de plus, quoiqu'ils appartiennent bien évidem- ment au genre Pemphigus, ils paraissent être d’une espèce différente de tous ceux que J'ai observés sortant des galles du Térébimthe. Voilà tout autant de desiderata qu’il sera intéressant d’éluci- der. Les observations exposées ci-dessus serviront de point de départ à moi, ou à d’autres plus heureux que moi, pour résoudre ces difficultés. Tous les faits que j'ai énoncés sont le résultat d'observations certainement incomplètes, mais néanmoins qui sont positives. Maintenant qu'il me soit FE de hasarder un petit nombre d'hypothèses : 1° Puisque je n'ai jamais trouvé que des Pucerons vivipares saus accouplement, il faut admettre ou qu'ils sont hermaphro- dites, comme lassure M. Balbiant, ou qu'il n’y a réellement qu’un seul sexe ; ou mieux, qu'il n'y à pas de sexes, les petits pouvant être considérés comme des bourgeons caducs; mais, 102 DERBÉS . dans les deux cas, 1l peut, j'ai presque dit : il doit y avoir une re- production par voie d'accouplement, puisque cela paraît 'être une loi générale, et que d’autres esnèces, voisines de celles-ci, se reproduisent d’abord sans accouplement, puis à une autre époque, par l'union des deux sexes. Or ce phénomène pourrait bien avoir lieu pendant la phase de leur existence, qui jusqu’à présent à échappé à mes recherches. J'ai, en effet, cru remar- quer sur les produits de la deuxième génération quelques diffé- rences qui pourraient être le signe de sexes différents; mais, outre que cette troisième génération n’a été observée qu'à l'état tout à fait jeune, le fait lui-même mérite confirmation. 2° Les kystes, que je n'ai trouvés que sur des arbres qui ont des galles, doivent avoir une liaison avec les Pucerons qui vivent dans celles-ci. Mais si cela est, comment se fait-il que les Puce- rons ailés fuient, avec une sorte de répugnance, l'arbre, aux dépens duquel ils vivent jusqu'alors? Et pourquoi ne les trouve- t-on pas ailleurs? Serait-ce qu'ils ne fuient que l'individu ? ils ne le quitteraient alors que pour en chercher un autre de même espèce, la nature agissant ainsi pour distribuer en quel- que sorte les risques, et répandre plus uniformément les Puce- rons dans l'intérêt des animaux et des végétaux, ceux-là trou- vant plus aisément leur pâture, et ceux-ci étant moins sujets à ètre épuisés en nourrissant de trop nombreuses colonies. On peut dire que, dans cette circonstance, le soin dont la nature entourerait les arbres, serait plus grand que celui qu’elle pren- urait des animaux, ceux-ci étant exposés à de nombreuses causes de destruction pendant leur migration. 3° J'ai trouvé, à côté des kystes, de véritables œufs, entourés seulement d’une couche de filaments blancs. Ces œufs avaient exactement la même forme et les mêmes dimensions que les kystes supposés dépouillés de la peau des Pucerons qui en forme l'enveloppe extérieure. Ces œufs pourraient être l'œuvre des Pucerons qui n’en contiendraient chacun qu'un seul, qu'ils dé- poseraient par exception ; mais, dans la plupart des cas, cet œuf unique resterait dans l'animal dont la peau se dessécherait, dur- cirait et lui formerait un abri. Ce qui me fait penser qu'il en est APHIDIENS DU PISTACHIER. 105 ainsi, c'est que ces kystes ne présentent ordinairement aucune trace d'organisation. Mais 1l faudra les suivre de près, et étudier si l’animal, qui d'abord ne s'y montre d'aucune façon, s y déve- loppe peu à peu. h° Enfin je tenterai, à l’aide des faits que j'ai exposés, de construire l'histoire complète du développement des Pucerons des galles des Pistachiers. Des animaleules noirs sont déposés sur les bourgeons des Pistachiers. Lorsque ceux-et sont épanouis, les animalcules vont se loger chacun dans la partie de la feuille qui convient à son organisation, Cette feuille piquée se replie et forme une petite galle, dans laquelle l’animaleule est enfermé solitaire. L'animalcule grossit, et met bas une première génération d'individus qui resteront aptères pendant toute leur vie. Ceux-ci, sans accouplement préalable, donnent naissance à une deuxième génération qui aura des ailes; ceux-ci s’envolent, et vont dé- poser une troisième génération composée d'individus couverts de poils. Cette génération s'accouple, et les femelles fécondées, mais restées très-petites, contiennent chacune un œuf, qui reste ordinairement dans leur corps ; elles meurent, et leur corps sert d'enveloppe à leur œuf. L'œuf éclot, 1l en sort un Puceron, que nous pouvons appeler de quatrième génération, qui grandit et prend des ailes ; celle-ci met bas des petits vivants et tous noirs ; ce sont ceux qui commencent la série des faits et des transfor- mations que nous venons de décrire ; ils formreaient la cinquième génération. . Si cette histoire était l'expression de la vérité, voilà une espèce qui se composerait de cinq générations, dont quatre sans accouplement ; chaque génération présenterait des caractères qui pourraient la faire prendre pour une espèce distincte, si elle était considérée isolément. Ce genre présenterait un exemple ae génération alternante poussée à ün degré jusqu'à présent inconnu chez ies animaux, et en même temps une génération alternante, qui ne donnerait pas des individus différant par des caractères génériques, comme les Méduses, les Trématodes, ete, mais seulement des caractères spécifiques. 10! DER BÈS. C'est certainement un sujet d’intéressantes et sérieuses médi- tations dans la partie qui est connue et avérée, et encore plus dans la partie hypothétique, quelle que soit la vérité. Je vais donner à présent les caractères des espèces que j'ai mentionnées, ne me permettant pas de toucher aux caractères génériques, par l'excellente raison que je ne connais pas les écrits de Hartig où ils sont donnés. Je suppose que ces écrits étaient assez bien connus de M. Passerini, et c'est d’après lui que j'accepte les genres Pemphigus (Hartig) et Tetraneura (Hartig). GENRE PEMPHIGUS. L. — PEMPHIGUS CORNICULARIUS (Passerini). 1° Generatio : anlennæ breves, arliculis quinque munitæ, ul- timo longissimo, tertio paulo minore in medio compresso et ali- quoties duos articulos simulans, duobus basalibus cæteris bre- vioribus sed plerumque crassioribus. Proboscis brevis inter secundum et tertium membrum vix perveniens. Corpus ova- tum pills raris anum circumdantibus. Color saturaté auran- tiacus (fig. 4). Animalia aptera. 2° Generatio : antennarum articuli sex quorum primus vix conspicuus, tertius longissimus, sextus paulo brevior, paucis tubereulis oruati. Proboscis mesothoracen aitingens. Corpus oblongum. Color junioris flavus adultioris fuscus in prothorace et abdomine, niger in thorace (fig. 2-2*). Animalia alata. 3" Generatio : antennarum articul quatuor quorum tertius et quartus fere æquales, als longiores. Proboseis tertii membri locum valde superans prope medium abdomen assequens. Corpus elliptieum cum membris et antennis pilis hirtis orna- tum (fig. 3). Animalia aptera. Habitat. — In Pistaciæ terebinthi folliculo oblongo et ventri- coso e fol rachide enascente. IH, — PEMPHIGUS UTRICULARIUS (Passerini). 4° Generatio : antennæ breves, artieulis quinque, quorum ter- tius longissimus. Proboscis crassiuscula secundum membrum APHIDIENS DU PISTACHIER. 105 assequens vel vix superans. Corpus ovatum. Color ut præceden- üs (fig. 4). Animalia aptera. 2: Generatio : antennarum articulus primus brevissimus, ter- lus maximus, cæteri pene æquales, valde tuberculati præter primum secundum et ultimum. Proboscis vix mesothoracem attingens. Corpus oblongum. Color ut præcedentis (fig. 5-5"). Animalia alata. 3" Generatio : antennarum articuli quatuor penultinus lon- gissimus. Proboscis tertium membrum superans. Corpus ovatum postice quasi truncatum, antennæ et membra pilis hirtis ornata. Color præcedentis (fig. 6). Animalia aptera. Habitat. — In Pistaciæ terebinthi folliculo globoso e petiolulo fol enascente. I. — PEMPHIGUS SEMILUNARIUS (Passerini) . 1° Generatio : antennarum articuli quinque tertio et ultimo longioribus. Proboscis inter secundum et tertium membrum perveniens. Corpus ut præcedentis. Color ut præcedentis (fig. 7). Animalia aptera. 2* Generatio : antennarum articuli sex sextus, longissimus ter- tius et quartus parce tubereulati. Proboscis trans prothoracem parum protracta. Corpus ut præcedentis. Color ut præcedentis (fig. 8-8*). Animalia alata. 3" Generatio: antenne longæ, articulis quinque, articnlo tertio alios longè superante. Proboscis corporis longitudinem æquans et superans. Corpus ellipticum. Color ut præcedentis' (fig. 9-9°). Animalia aptera. Habitat. — \n folliculis semilunariis folioli bipartito inflati et deformati e margine supra inflexo enascentibus. { IV. — PEMPIGUS PALLIDUS, N. 1° Generatio : antennarum brevium articuli sex pene æquales. Proboscis crassa vix tertium membrum attingens. Corpus ut præcedentis. Color minus intense aurantiacus (fig. 10). Anima- lia aptera. 106 DERBES. 2 Generatio : antennarum articuli sex, tertio alios superante, valde tuberculis minutis ornati. Proboscis trans prothoracem valde protracta. Corpus ut præcedentis. Color junioris virides- cens, adultioris ut præcedentis (fig. 11-11). Animalia alata, 3" Generatio : antennæ longo, articulo tertio omnium longis- simo, articulis quinque. Proboscis ad extremitatem corporis atlingens. Corpus ovatum postice quasi truncatum. Color ut præcedentis (fig. 12). Animalia aptera. Habitat. — In folliculis viridibus, planis et foliolum non de- formantibus ad cujus marginum enascunt. V. — PEMPHIGUS MINOR, N. 1° Generatio : antennarum articuli quinque, terlio cæteros paulo superante. Proboseis ultra tertium membrum vix perve- niens. Corpus ut P. cornicularti. Color ut P. corniculartü (fig.15). Animalia aptera. 2° Generatio : antennarum articuli sex, tertio alios superante valde tuberculati. Proboscis trans prothoracem valde protracta, Corpus ut præcedents. Color ut P. cornicularu (fig. 13-14,). Animalia alata. 5: Generatio : antennarum articuli quinque, tertio alios supe- rante. Proboscis longitudinem corporis valde superans. Corpus ellipticum. Color ut præcedentis (fig. 15). Animalia aptera. Habitat. — An folliculis parvis, torulosis, rubris, e margine folioli raro solitariis, sæpius 2-3 catinatim dispositis, aliquoties ad extremitatem nervi media folioli enascentibus. GENRE TETRENEMA. Ce geure ne diffère du précédent que par la disposition des ailes qui sont horizontales. À part cela, Je n y trouve que des caractères spécifiques. TETRENEMA LENTISCI (Passerini). L'Generatio, (Je n'ai pas pu retrouver le tube dans lequel APHIDIENS DU PISTACHIER. 107 0,2 J'avais mis cette première génération, et je n’en puis préciser les caractères.) * 2" Generalio : antennarum articuh sex, ultimo aliorum longis- simo, tuberculis latis et paucibus ornati. Proboscis aliquantum trans prothoracem protracta. Corpus oblongum. Color junioris dilute viridis, adultioris ut P. cornicularti (fig. 20). Animalia alata. 3" Generatio : antennarum articulis quatuor pilosis. Corpus ellipticum postice inflatum. Color fuscescens. Proboscis inter se- cundum et tertium membrum perveniens (fig. 21). Animalia aptera. Habitat, — In folliculis rubris vel flavo-viridescentibus dimi- diam partem folioli Pistaciæ Lentisei oceupantibus. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCIIES 3 ET 4. Fig. 4, 2, 2 a, 3. Pemphigqus cornicularius, Passerini. Fig. 4, 5, 5 a, 6. Pemphiqus utricularius, Passerini. Fig. 7,8, 8 a, 9. Pemphiqus semilunarius, Passerini. Fig. 40, 41, 11 a, 12. Pempliqus pallidus, N. Fig. 13, 14, {4 a, 15. Pemphigus minor, N. Fig. 16. Tète et antennes du Pemphiqus que j'ai trouvé en grand nombre errant sur les branches du P. terebinthus. Fig. 17. Aphidien que j'ai trouvé en grand nombre sur les bourgeons du P. terebin- thus. Fig. 18. Kyste que j’ai trouvé en grand nombre dans les fentes de l'écorce du P. tere- binthus et du P. verd. Fig. 19. Œuf dont j'ai trouvé quelques-uns dans la même situation que les kystes précédents. Fig. 20. Deuxième génération du Tetraneura lentiscr. Fig. 21. Troisième génération du Tetraneura lentisci. Lig. 22. Kyste trouvé sous l'écorce du P. lentiseus. Fig. 23. Œuf trouvé sous l’écorce du P. lentiscus. PUBLICATIONS NOUVELLES. Réapparition du genre Aréthusina, par M. BARRANDE (in-8, Prague, 1868;. « La réapparition d’un type générique après une plus ou moins longue imtermittence, dit l’auteur, est un phénomène qui se présente assez fréquemment dans la série géologique et dont l'explication offre de sérieuses difficultés, parce qu’elle est en connexion immédiate avec les questions relatives à l’origine et à la succession des formes animales sur le globe. Jusqu'à ce jour, aucun savant, à notre connaissance, ne s’est spécialement occupé de ces disparitions et réapparitions des genres. Cependant, il serait important de les étudier, sinon avec l'espoir de les expliquer immédiatement d’une manière satisfaisante, du moins dans le but d'ouvrir la voie vers une solution en constatant convenablement les faits. Il s'agirait avant tout d'établir quels sont les types, réellement identiques, qui, après avoir disparu sur un horizon géologique, repa- raissent sur un horizon plus élevé. L’étendue verticale de ces intermit- tences devrait être en même temps appréciée de manière à pouvoir être représentée par des termes comparables pour les diverses occurrences. En attendant que quelque intelligence veuille bien se vouer à ces recher- ches, nous allons exposer un exemple d’intermittence qui nous-est offert par le genre Arethusina appartenant à la tribu des Trilobites et qui nous parait mériter l'attention des géologues à cause des circonstances qui la caractérisent. D'abord l'identité générique des deux formes successives qui représentent le type est tellement évidente, qu’à défaut d’une minu- tieuse attention, elle pourrait bien être regardée comme une identité spécifique. En second lieu, les horizons sur lesquels ces deux formes ont existé sont séparés par une distance verticale qui embrasse la durée de plusieurs faunes distinctes, sans qu'aucune de ces lacunes ait, jusqu'ici, montré un Trilobite quelconque que nous puissions considérer comme un représentant intermédiaire du même genre. » L'auteur rappelle qu'il a déjà signalé un semblable phénomène pour deux autres types génériques : les Phullipsia et les Bactrites. Mémoires pour servir à la connaissance des Crinoïdes vivants, par M. Michel Sars (in-4, Christiania, 1868, 65 p. et 6 pl.). Les Crinoïdes pédicellés qui, aux époques géologiques anciennes, étaient très-nombreux, n'ont que fort peu de représentants à l’époque actuelle; M. Sars a découvert, dans les mers du Nord, une espèce nou- velle de ces Échinodermes remarquables et en a fait une étude très- attentive. Il la considère comme devant constituer un genre nouveau, et il la désigne sous le nom de /Æhizocrines lofotensis. Le mémoire, dans lequel ce zoologiste éminent nous l’a fait connaitre, est rédigé en fran- çais, quoique publié en Norwége. OBSERVATIONS SUR LA FÉCONDATION DES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES DU GOLFE DE GASCOGNE, Par M. A. LAFONT (d'Arcachon). Les formes étranges de ces animaux et leurs habitudes sin- gulières ont attiré de tout temps l'attention des naturalistes; cependant malgré les nombreuses études dont ils ont été l’objet, les mœurs et surtout le mode de fécondation de ces Mollusques sont encore très-imparfaitement connus. Au xv' siècle, Swammerdam et Needham, en découvrant et en décrivant les spermatophores de la Sèche et du Calmar, levèrent un com du voile; mais leurs idées sur ces singuliers engins furent loin d'être acceptées unanimement par les savants, dont une partie persista à regarder ces tubes, tantôt comme des Helminthes, tantôt comme des Zoospermes gigan- tesques. | En 1842, M. Mine Edwards (Annales des sciences naturelles, 2° série, t. XVIIT, p. 851) trancha définitivement la question en faveur de Needham, en décrivant minutieusement les sperma- tophores du Calmar, de la Sèche, du Poulpe commun et de FÉlédone musqué; ce savant naturaliste constata que les sper- matophores contenus dans la poche de Needham étaient com- posés : 4° d’une enveloppe générale ou étui; 2° d’un réservoir à sperme occupant la partie postérieure de l'étui; 3° d’un appa- reil éjaculatoire situé en avant et composé de trois parties : la trompe, le sac et le connectif; enfin la partie postérieure de la trompe renferme un ruban columellaire roulé en spirale de ma- mère à simuler un ressort à boudin. En 1845, MM. Lebert et Robin trouvèrent dans la cavité 110 À. LAFON“. branchiale d'une Ommastrephes sagittatus femelle (1), un gros paquet de spermatophores fixés un peu au-dessous de la bran- chie droite, et précisément à la hauteur de l'oviducte droit. (Annales des sciences naturelles, 3° série, t. IV, p. 95.) Ils consta- tèrent que la partie contenant l'appareil éjaculateur, dans les spermatophores contenus dans la poche de Needham, était adhé- rente à la paroi interne du sac de la femelle, tandis que la parue contenant le réservoir à sperme était complétement libre; quant au fil disposé én ressort à boudin, il leur fut impossible d’en trouver la moindre trace. En 1852, MM. Vérany et Vogt décrivirent minutieusement l’'Hectocotyle du Tremoctopus carena des environs de Nice( Annales des sciences naturelles, 3° série, t. XVIE, p. 157), et arrivèrent aux conclusions suivantes : 1° l’Argonote, le Træmoctope violacé et le T. carena ont les mâles conformés d’après le type commun à tous les Céphalopodes ; 2° un des bras de ces mâles est con- formé spécialement pour devenir un organe copulateur ; 3° les êtres connus sous le nom d’ÆHectocotyle ne sont point des ani- maux à part, mais seulement des bras copulateurs détachés de ces mâles et chargés d'une machine séminale; 4° les bras copu- lateurs détachés sont renouvelés périodiquement. Enfin en 1866, M. Fischer relata, dans les Annales des sciences naturelles, 5° série, t. VE, p. 308, le fait de l’accouplement de deux Sepia dans un des bacs de l'aquarium de la Société scien- tifique d'Arcachon. De l’aveu de tous les naturalistes dont Je viens de citer les travaux, il restait encore bien des points à éclaircir ; aussi depuis l'année dernière, mon altention s'est-elle portée d’une façon toute spéciale sur les diverses espèces de Mollusques céphalopodes, qui visitent annuellement nos côtes occidentales. (4) En comparant la figure relative à l'animal, trouvé par MM. Lebert et Robin, el rapporté par eux au Loligo vulgaris, avec les organes de la génération du Lo/igo vul- garis et ceux de l'Ommastrephes sagiltatus, j'ai acquis la certitude que l'animal qu'ils out observé n'appartient pas au genre Loligo, mais bien au genre Ormastrephes, et que très-probablement il doit être rapporté à l'O. sagillalus ; pour éviter 1oute confu- sion, je désignerai désormais sous ce nom l'animal qui a été l'objet de la note insérée dans les Annales, (Loc. cil,) FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES. at Grâce à mon long séjour à Arcachon et surtout à l'aquarium de cette ville, j'ai pu faire de nombreuses observations, qui bien qu'incomplètes, jetteront quelque lumière sur les faits qui se rattachent à la génération de ces animaux. OCTOPUS VULGARIS. Par suite d’un hasard au moins singulier, tous les Poulpes (30 environ) que j'ai pu observer à l'aquarium en 1867, étaient des mâles; tous sont morts dans la seconde quinzaine de novembre, avant que les appareils de chauffage aient pu être installés ; à cette époque, le testicule et le canal déférent conte- naient des spermatozoïdes bien vifs, et presque tous les utricules renfermaient des ovules dans lesquels on voyait quelquefois un spermatozoïde enroulé. La partie supérieure du canal déférent et peut-être le bas des vésicules séminales contenaient des petits cylindres soudés ensemble et plems de spermatozoïdes, sans aucun mélange d'ovules. Ces petits cylindres étaient disposés en ligne brisée avec un petit renflement au point de contact. En 1868, je n'ai ouvert encore que des Poulpes mâles; un d'eux, mort à l'aquarium le 20 avril, portait un assez grand nombre de spermatophores réunis en un seul paquet légèrement spiral, occupant la partie moyenne de la poche de Needham ; ces organes étaient semblables à ceux décrits par M. Milne Edwards (loc. cit.). Dans un autre Poulpe, mort également à l'aquarium le h août, toutes les vésicules du testicule contenaient des ovules remplis de globules transparents réfractant très-fortement la lumière; ces ovules étaient à divers degrés de développement ; les plus gros présentaient de chaque côté de leur grand diamètre un amas de globules plus foncés, formant deux traînées; dans les ovules moyens, on voyait une large vésicule germina- tive occupant la moitié du diamètre de leur sommet, je n'ai pu y découvrir de taches germinatives; enfin, les plus petits ne renfermaient que des globules très-clairs et très-espacés ; les vésicules séminales et la poche de Needham conte- aient une faible quantité d’un liquide épais, blanc, amorphe. 419 A. LAFONT, Dans un autre sujet mort le 31 août, tous les ovules mâles portaient sans exception la vésicule et la tache germinatives. Le testicule de deux autres Poulpes morts le lendemain avait pris une teinte grisätre, et sa substance formait une sorte de bouillie épaisse, formée par les ovules plongés dans un liquide épais; très-peu avaient encore la vésicule et la tache germi- native. Le 12 septembre, le testicule d’un Poulpe contenait un assez grand nombre de spermatozoïdes développés, les ovules n’avaient plus ni vésicule, ni taches germinatives; dans la partie supé- rieure du canal déférent se trouvait un long tube à parois très- minces, étranglé à distances à peu près égales et contenant des spermatozoïdes. Dans les vésicules séminales, et dans le canal de Needham, on voyait des corps, espacés, allongés, dentelés sur leurs bords et striés en travers; ces corps étaient remplis de spermatozoïdes; les spermatophores de la poche de Needham étaient à peu près semblables à ceux figurés par M. Milne Edwards (loc. cit.), mais un long tube sortait de leur partie infé- rieure et leur transparence permettait de voir ce tube traverser le sac pour venir former le réservoir à sperme en s’enroulant en spirale dans la partie supérieure de l’étui; quelques-uns de ces spermatophores contenaient des spermatozoïdes, d'autres étaient complétement vides, bien que présentant un aspect identique. Dans un autre Poulpe ouvert le même jour et dont les organes génitaux étaient dans le même état que ceux du sujet ci-dessus, tous les spermatophores étaient vides et ne renfermaient pas des spermatozoïdes; la partie supérieure de l’étui était remplie par un tube plus lâächement enroulé que dans les spermato- phores contenant des spermatozoïdes. Trois des Poulpes dont je viens de parler avaient des bras coupés et commencant à repousser. Poulpe n° 1, bras coupés, bras droits de la première et de la seconde paire, bras repoussé, bras de la première paire. Poulpe n° 2, bras coupés, bras droits de la deuxième et troi- sième paire, tous les deux repoussés. FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES. 113 Oo 6) Poulpe n° 3, bras coupés, bras de la deuxième et troisième ) ) paire gauche, bras repoussé, bras de la deuxième paire. LOLIGO VULGARIS. Malgré les recherches les plus minutieuses, et autopsie de plusieurs centaines de Calmars à tous les états, mes recherches sur la fécondation de ces animaux n'ént donné que des résultats à peu près négatifs. Jamais je n'ai trouvé de spermatophores dans le sac des femelles. Une seule fois, j'ai trouvé dans l'ovaire et dans l’ovi- ducte d’une femelle, dont tous les œufs étaient devenus transpa- rents, des corps entièrement semblables à des spermatozoïdes morts. Tous les organes génitaux de ce sujet étaient excessive- ment gonflés, les glandes de loviducte surtout avaient pris des dimensions énormes, et se terminaient par un large pavillon, qui pouvait facilement atteindre le milieu de l’entonnoir et le bord des ouvertures branchiales. L'oviducte unique des Calmars est terminé par deux glandes pyriformes, dont les extrémités s’élargissent pour former le pavillon que je viens d'indiquer; une de ces glandes est mar- quée sur le côté de stries bois foncé; ces stries sont produites par des canaux remplis d’une matière branâtre. J'ai trouvé sur certains mâles des spermatophores identiques avec ceux décrits et figurés par M. Milne Edwards (loc. cil.), et présentant après l'éjaculation par le bas le même aspect; seule- ment, je crois que la rupture du sac éjaculé ainsi est toujours due à l’endosmose. Sur d'autres spermatophores pris au sommet de la poche de Needham et se vidant par la base, la partie éjaculée se compo- sait en avant, du sac rempli de sperme et un peu en arriére de la trompe entourée d’une lame en spirale, qui lui donnait l’as- pect dentelé. En faisant éjaculer de la même manière des spermatophores pris dans la partie moyenne de la poche de Needham, la partie éjaculée présentait le même aspect dans la portion antérieure, 5e série. Zooc. T. XI. (Cahier n° 2.) # 8 1h A. LAFONT. mais la trompe était transparente et la lame qui l'entourait était interrompue à distances à peu près égales. Enfin dans un spermatophore trouvé vers la partie inférieure de la poche de Needham, le réservoir à sperme ne contenait qu’une matière granuleuse sans spermatozoïdes ; la partie devant contenir l’appareil éjaculateur, était transparente et marquée de petites lignes sombres, interrompues et rappelant l'aspect de la trompe, dont je viens de parler. Chez un autre mâle, les spermatophores du sommet de la poche de Needhan n'éjaculaient pas naturellement; il fallait exercer sur eux une assez forte pression pour que le phénomène se produisit, et alors il avait lieu aussi souvent par le haut que par le bas; quand l’éjaculation se produisait par le haut, les sperma- tozoïdes sortaient libres par une déchirure du sommet de l'étui, tandis que dans le cas contraire ils restaient enfermés dans le sac, jusqu'à ce que lendosmose produisit la rupture de celui-er. Ces spermatophores étaient grisâtres et peu transparents; cepen- dant j'ai pu constater que la partie contenant la lame en spirale était, ou complétement vide, ou seulement occupée par des granules opaques; le sommet des vésicules séminales et le canal de Needham contiennent toujours un certain nombre de sacs allongés remplis de spermatozoïdes. Sur quelques Calmars morts depuis peu de temps, on pou- vait constater que la poche dé Needham était encore agitée par des mouvements vermiculaires très- prononcés et se propageant de bas en haut. LoL1GO. Species nova ? Corps cylindrique, obtus, à la base cellules chromatophores très-grande (2 millimètres) ; nageoire grande à angles assez marqués, arrondis; cou non distinct; bras médiocres, assez robustes, massue des bras tentaculaires deux fois aussi longue que Ja largeur de la tête ; trigone, portant en dessus une crête large de 10 à 13 millimètres, dressée pendant là natation, mu- nie en dessous de cinq paires de très-petites ventouses, entre lesquelles se trouvent cinq paires de très-petites ventouses à dents FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES. 145 erochues rappelant celles des Ommastrephes, coquille du Lohigo vulgaris, taille 30 à A0 centimètres. Hab. Quinze mâles de cette espèce ont élé pris au cap Fer- ret, pendant les premiers jours du mois d'octobre et apportés vivants à l’aquarium où ils ont vécu une vingtaine de Jours. Les organes accessoires de l'appareil de la génération étaient à divers ‘degrés d'avancement, le testicule était excessivement réduit et ne contenait pas un seul: spermatozoïde ; dans les sujets les moins avancés, les vésicules séminales, le canal et la poche de Needham étaient légèrement gonflés par un liquide blanc, épais,amorphe, partout homogène et ne contenant aucun COrps Organisé. Dans d’autres individus, les vésicules et le canal de Needham étaient dans le même état; mais la poche de Needham avait pris des proportions plus considérables et, en l’ouvrant avec précau- tion, on trouvait au milieu du liquide épais dont nous avons parlé un nombre plus où moins considérable de spermatophores en voie de formation et à divers degrés de développement sui- vant les sujets. Les moins avancés sont formés par un tube étroit très-trans- parent, parcouru à l’intérieur par un filament tubuleux irrégu- lièrement enroulé, et ressortant par l'ouverture de son extrémité itférieure ; au-dessus, ce tube se continue en une sorte de sac opaque terminé en pointe, étranglé au milieu, et portant quel- ques plis transversaux à son point de jonction avec le tube transparent qui me paraît être le rudiment de la trompe, portant à sa partie supérieure le sac et à l'intérieur le commencement de la lame en spirale. Ces spermatophores m'ont paru renfermés dans une vésicule, au sein de laquelle ils sont enroulés. Dans un autre sujet, les spermatophores possèdent à peu près toutes les parties qui doivent les constituer plus tard ; la trompe et le sac, qui se trouvaient nus dans les spermatophores décrits ci-dessus, se sont enveloppés de l’étui, au sein duquel ils conti nuent leur développement progressif, et l’on peut parfaitement reconnaître la dote le sac et le connectif. Plusieurs fois il m’a semblé que les spermatophores, dont je 116 A. LAFONT, viens de parler dans les deux paragraphes ci-dessus, étaient en veloppés d’une sorte de sac d’une ténuité extrème, à l'intérieur duquel ils étaient plus ou moins pelotonnés ; mais toutes ces parties sont alors d'une fragilité telle, qu’il m'a été impossible de voir si cette membrane enveloppante était continue, et formait véritablement un sac fermé de toutes parts, au sein duquel s’opérait la naissance du spermatophore. Dans deux autres spermatophores dans un état de déve- loppement un peu plus avancé, on pouvait voir la formation du réservoir à sperme et avoir une idée des transformations que doit subir le reste de l'organe avant d'arriver àafpouvoir recevoir les spermatozoïdes. OMMASTREPHES SAGITTARUS. Les organes de la génération se composent chez le mâle d’un testicule très-allongé, suspendu au second estomac par un liga- ment, tandis que l'extrémité inférieure est insérée sur le fond du capuchon de l'osselet. Cet organe a la forme d’une pyramide renversée, dont la base serait divisée en plusieurs lobes d’'inégale grandeur ; il est strié de raies alternativement d’un jaune très- pâle et d’un blanc de lait ; le plus souvent, il m'a présenté quatre lobes, quelquefois dix, une fois sept. Le testicule communique par le canal déférent avec un gros tube contourné sur lui-même, et désigné par Cuvier sous le nom de vésicules séminales. Cel organe est gorgé d'un liquide amorphe très-épais, et commu nique avec le bas de la poche de Needham. Dans la partie su- périeure des vésicules séminales et dans le canal de Needham se trouvent toujours des cylindres allongés à parois très-minces, et remplis de spermatozoïdes. La poche de Needham se présente sous la forme d’un sac allongé ; dans les mâles en bon état que j'ai pu examiner (trois ou quatre), elle était remplie de sperma- tophores réunis en quatre ou cinq paquels étagés les uns au- dessus des autres, et maintenus ensemble par une matière géla- tineuse et visqueuse très-peu soluble dans l’eau se coagulant dans l'alcool et par la chaleur ; examinée au microscope avec FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES. 117 les plus forts grossissements (objectif 6, à immersion), elle paraît complétement amorphe. Ces spermatophores ont de à à ! centimètres de long; leur taille diminue sensiblement à mesure qu'ils se rappréchent du sommet de la poche, et cette diminution provient du raccour- cissement de la partie contenant l'appareil éjaculateur; ils se composent d’un étui formé d’une seule membrane, et renfer- mant d'avant en arrière : 1° un filament excessivement fin, rond, entouré de granules opaques qui le masquent, et enroulé de manière à présenter un ressort en spirale, reposant sur le fond de l'étui, et atteignant le disque dont je vais parler ; 2° à la suite, un renflement en cône renversé, rempli de granules opaques, et terminé par un disque plus large que lui, assez épais, et creusé latéralement d’un sillon ; à°le réservoir à sperme qui remplit le reste de l’étui ou à peu près. Je n'ai jamais vu distinctement le connectif, mais je crois qu'il pénètre dans le réservoir à sperme, où il serait alors indiqué par une ligne obscure s'étendant à quelque distance du disque, au milieu du réservoir à sperme. Le fil en ressort, examiné au microscope (objectif 6, à immer- sion), se montre formé de dix cylindres ronds, transparents, pleins, et s’entrecroisant de manière à former une tresse ronde. Lorsque l’on écrase ce filament, il en sort des granules transpa- rents, et l'aspect de la partie écrasée m'a semblé montrer que chaque cylindre devait être cloisonné ou tout au moins adhérer aux cylindres voisins aux points d’entrecroisement. Si l’on brise la base de l’étui et qu'on en retire le filament, il entraîne avec lui la matière granuleuse qui le masquait, et l'on peut constater que l’étui n’est composé que d’une seule enveloppe formant à l’in- térieur un tube cylindrique parcouru par des stries circulaires, qui pénètrent jusqu'à une certaine distance dans l'épaisseur de la paroi du tube. En comprimant la partie supérieure du sper: matophore, on voit les spermatozoïdes s'échapper par l’extré- mité déchirée; le réservoir devient alors plus transparent, et lon peut s'assurer que l’intérieur est occupé par un ruban mince, roulé en spirale contre la paroi interne; en continuant 118 A, LAFONT. de comprimer le réservoir à sperme, on finit Par faire dispa- raître presque totalement la lame en spirale, et l’on voit à l’ex- trémité de l’étui une sorte de poche courte, plissée d’une déli- catesse extrême, retenue au spermatophore par un canal étroit qui me semble être le connectif; le ressort en spirale, le cône et le disque sont restés en place, et n’ont subi qu'une très-légère déformation. Tous les mâles avaient leurs bras en parfait état, à l'exception d’un seul qui avait un bras coupé au ras de la tête; ils ne pré- sentaient aucune trace d'hectocotylisation ; les spermatozoïdes étaient bien développés, et s’agitaient avec vivacité au contact de Peau ; l’éjaculation se faisait presque toujours par la partie supérieure de l’étui. L'appareil de la génération se compose chez la femelle d’un ovaire occupant la même place que le testicule chez le màle, et communiquant avec l’intérieur de la cavité branchiale par deux oviductes qui partent du tiers inférieur de l'ovaire, débouchent un peu plus haut que la base des branchies, et sont terminés par deux glandes d’un blanc pur, qui donnent à l'extrémité de ce canal la forme en cœur renversé ; ces glandes sont adhérentes aux glandes nidamentaires vers leur milieu ; celles-ei sont très- longues, et atteignent presque le bord de l'ouverture branehiale; elles sont presque cylindriques à la base, tandis qu'elles s’apla- tissent un peu vers le sommet, qui présente un sillon profond où est situé leur débouché. Sur les quinze ou vingt femelles que j'ai ouvertes, cinq por- taient un paquet de spermatophores fixé sur la membrane qui tapisse l’intérieur du sac vers la base, soit de la branchie gauche, soit de la branchie droite, et à peu près au niveau du débouché de l’oviducte ; une sixième en portait deux, un à la base de chaque branchie ; enfin, dans une septième, le paquet de sper- matophores était attaché sur les deux glandes nidamentaires un peu au-dessus de leur point de contact avec les glandes qui termi- nent l’oviduete. Les paquets de spermatophores chez six d’entre elles étaient réunis en pineeau par un liquide visqueux et trans- parent, tandis que celui de Pautre femelle étaient divisé en deux FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES., 119 faisceaux renversés, et appliqués contre les glandes nidamen- taires. Dans tous les paquets, la base des spermatophores était entourée d’une sorte de gangue gélatineuse de % à 4 millimètres d'épaisseur qui formait une sorte de gâteau opaque ; chaque paquet contenait de 220 à 300 spermatophores, et avait envi- ron 15 millimètres de diamètre. De toutes les femelles que j'ai examinées, celle qui portait le paquet de spermatophores divisé en deux faisceaux, était évi- demment dans un état très-rapproché de celui où la fécondation devait s’opérer ; l'ovaire et les deux oviductes étaient gonflés outre mesure d'œufs qui sortaient très-facilement ; les sperma- tophores étaient tellement distendus par le sperme, qu'ils écla- taient au moindre contact ; enfin la membrane qui tapisse l'in- térieur de la cavité branchiale s'était relevée en bourrelet autour de leur base, de manière à former une sorte de sac. Les sper- matophores, qui étaient blancs et effilés dans les autres femelles, avaient pris dans celle-ci une teinte grisâtre, et leur extrémité se terminait en un mamelon conique par où se faisait presque toujours l'éjaculation, lorsque j'exerçais sur eux une légère pression. En détachant avee précaution les paquets de la mem- brane sur laquelle ils étaient fixés, on voyait que celle-ci était criblée de petites fossettes, dans lesquelles était implantée la base légèrement épatée des spermatophores ; si lon dégageait ceux-ci de la gangue opaque el demi-solide qui réunissait leur base, on pouvait constater qu'ils se composaient : 1° du réservoir à sperme, dont l’étui était devenu très-mince et opaque; 2° d’un renflement verdâtre ; 3° d'un petit cylindre blanc de lait obliquement épaté vers sa base, et s’insérant sur Ja membrane qui tapisse la cavité branehiale. Ces spermatophores avaient 22 à 2% millimètres de long sur un peu moins d’un demi-millimêtre de diamètre (ils étaient par conséquent plus courts d’un tiers que ceux portés par les mâles) ; le réservoir à sperine occupait la plus grande longueur, 18 millimètres ; le renflement ovoïde avait un peu plus d’un millimètre de long et de diamètre ; enfin la base avait 3 à millimètres de long, et son diamètre était sensiblement égal à celui du réservoir à sperme. 120 A. LAFONF, Les spermatozoïdes du réservoir à sperme étaient fortement agglutinés ensemble, et ne se désagrégeaient que très-lentement au contact de l’eau de mer; l’eau douce les arrêtait immédiate- ment. Le renflement écrasé laissait échapper une foule de glo- bules transparents et amorphes. En saisissant un spermatophore avec des pinces, pour le détacher de la membrane sur laquelle il était solidement fixé, l’étui se rompait souvent tantôt près de la base, tantôt près du renflement, et laissait alors à nu un petit cylindre opaque très-extensible, et reprenant avec rapidité sa forme primitive quand on le lächait, après l'avoir allongé avec une pince. Si l'on examine au microscope une rondelle trans- versale de ce cylindre, on constate que celle-ci est composée de tubes pleins juxtaposés. En écrasant le cylindre, il s'en échappe une grande quantité de globules transparents, et il reste dans le champ du microscope un tissu exactement semblable à la figure 1v, 2, de la planche I des Éléments d’histologie de Morel et Villemin. Lorsque la rupture du spermatophore a eu lieu près de la base, si l’on opère une nouvelle traction sur le eylindre élastique dont je viens de parler, celui-ci se détache du sperma- tophore vers la base du renflement, et entraîne avec lui, le plus souvent, un long filament blane composé de tubes entrecroisés, qui, sans aucun doute, est le filament roulé en spirale, que nous avons trouvé dans la base du spermatophore, portés par les males ; l’opacité de l’étui m'a empêché de voir quelle était la position normale de ce filament dansle spermatophore. Un soir J'avais mis dans de l’eau additionnée d’un peu d'acide chromique le sac de la femelle qui portait deux paquets de spermatophores, afin d'étudier ces engins le lendemain malin ; au bout de dix minutes environ de séjour dans ce liquide, Je m'aperçus que tous les spermatophores avaient éjaculé, à deux ou trois fois leur longueur, tout le sperme qu'ils contenaient sous forme de cylindres compactes ; éjaculation avait eu lieu par le sommet de la partie libre qui s'était irrégulièrement déchiré ; l’étui, quoique peu transparent, m'a semblé présenter par place des restes d’une lame interne en spirale. Les œufs de la femelle, dont j'ai parlé plus haut avec détail, FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES,. 121 avaient de 0"",13 à 0"",15 ; en plaçant dans une goutie d’eau, mise sur une lame de verre, quelques-uns de ces œufs et quel- ques spermatozoïdes, j'ai vu distinctement un de ces éléments anatomiques pénétrer dans un œuf à travers la membrane vitel- lime, et se fondre peu à peu au milieu des globules transparents du vitellus. Comme la pénétration à eu lieu un peu sur le côté de l'œuf et non directement au milieu, je n'ai pu m'assurer qu'il y eût un micropyle ; mais la difficulté avec laquelle la pénétra- tion a eu lieu me porterait à croire le contraire. Après avoir tourné assez longtemps autour de l'œuf, le spermatozoïde se mit en contact avec lui par le sommet de sa partie renflée, et agita vivement sa queue à droite et à gauche, s'arrêta, puis recom- mença à s'agiter; à chaque mouvement, la partie en contact avec la membrane vitelline pâlissait, et devenait moins appa- rente, comme si une ombre eût passé sur elle ; après avoir tra- versé la membrane vitelline, le spermatozoïde rampa en quelque sorte entre elle et les globules du vitellus, pénétra entre les glo- bules du vitellus, et finit par disparaître peu à peu complétement à la manière d’un morceau de sucre se fondant dans l’eau; la nuit m'empècha de renouveler l'expérience d’une facon aussi positive, mais je vis encore les mêmes faits se reproduire une seconde fois, quoique moins distinctement et d’une facon plus obscure. (Objectif, n° 3.) SEPIA FILLIOUXIT Je ne parlerai pas de la forme de l'appareil génital mâle des Sèches qui a été décrit par M. Milne Edwards dans les Annales (loc. cit.), et qui, du reste, est disposé sur le même plan que celui des Ommastrephes dont j'ai déjà parlé. Dans la partie supérieure des vésicules séminales et dans le canal de Needham, j'ai presque constamment rencontré des sacs plus ou moins allongés uniquement remplis de spermatozoïdes ; souvent jai trouvé des sacs plus longs que les spermatophores entiers contenus dans la poche de Needham. Les spermato- phores, disposés dans la poche de Needham à la façon ordinaire, m'ont présenté le même aspect que ceux décrits et figurés par 199 A. LAFONT. M. Mine Edwards dans les Annales (loc. cit.), et dans ce cas l’éjaculation se fait toujours avec rapidité par la partie infé- rieure, au contact soit de l'air, soit de l’eau de mer; mais il n’en est pas {toujours ainsi. Parmi les mâles que j'ai pu disséquer, deux portaient un paquet de spermatophores presque entièrement ressort de la poche de Needham, où il restait cependant assez fortement re- tenu entze les lèvres de l’orifice par la partie contenant la trompe ; ces paquets étaient enveloppés d'une gangue gélati- neuse, presque liquide et transparente. Un troisième mâle m'a présenté, outre le paquet ressorti de la poche de Needham, trois autres paquets de spermatophores diversement espacés dans la moitié supérieure de cet organe : ces paquets étaient formés de spermatophores enroulés les uns autour des autres, de façon qu’en les déroulant l'on obtenait un ruban assez épais, plat, gélatineux, long de 2? centimetres environ, et strié en travers par les spermatophores disposés quatre par quatre, les uns au- dessus des autres, dans l'épaisseur de la substance gélatineuse qui les réunissait, et formait le ruban dont je viens de parler. En examinant les spermatophores ainsi disposés, on est frappé de leur aspeet tout spécial, du changement de couleur qu'ils présentent, et de leur ressemblance extérieure avec les sperma - tophores portés par les femelles d'Ommastrephes ; on constate, en effet, que, comme dans ces organes, l'étui desspermatophores de la Sèche, ainsi roulés en paquets, est devenu excessivement mince et légèrement opaque dans sa partie supérieure; le ruban spinal, qui occupait le milieu de la trompe, a com plétement disparu, et à sa place on ne trouve plus que des granulations très-fines semblables à celles qui remplissent le sac : de chaque côté de la trompe, on voit deux bandes jaune elair, dont chaque bord a l'aspect d'une petite corde ; enfin l’on peut s'assurer que la trompe n'est pas entourée par une membrane striée, mais par une sorte de ruban plat, roulé en spirale autour de la trompe, de facon à simuler une membrane striée. Dans un de ces paquets, J'ai trouvé un spermatophore vidé ; l'éjaculation avait eu lieu par une déchirure située près du sommet du réservoir à sperme ; FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES. 123 la trompe et le sac, légèrement déformés, étaient restés en place ; le ruban spiral qui entourait là trompe avait compléte- ment disparu. Les spermalophores des paquets, dont je viens de parler, n'éclatent jamais à l'air hbre, et quand ils éclatent dans l'eau, ce n'est qu'après un séjour prolongé dans ce Hquide; je pense donc que, dans ce cas, la rupture de l'étui doit être attribuée à un phénomène d’endosmose; dans un paquet entier laissé plu- sieurs heures dans l’eau avec sa gangue gélatineuse, aucun sper- matophore n'avait éjaculé. En comprimant légèrement les spermatophores de ces paquets, on ne tarde pas à les faire éjaculer; éjaculation ne se fait jamais par la trompe, mais elle a lieu par une déchirure ouverte presque toujours à la partie supérieure du réservoir à sperme ; elle se produit sous la forme d’un cylindre vermiforme contourné sur lui-même, très-compacte et entraîne toujours la disparition des stries qui entourent la trompe ; ce dernier organe ainsi que le sac restent en place après avoir subi un léger üiraillement, le connectif est rompu. Le cylindre éjaculé est entièrement formé de spermatozoïdes fortement agglutinés ensemble et il conserve sa forme, tant qu'il reste exposé à l'air libre sur une plaque de verre : si, au contraire, on laisse tomber quelques gouttes d’eau de mer sur un de ces cylindres, on voit les spermatozoïdes dont il est formé se dissocier lentement et s'agiter avec rapidité; 1l faut plusieurs heures pour que le cylindre soit complétement désagrégé, et l'on n’aperçoit alors sur la plaque de verre que des spermatozoïdes isolés, sans trace de fil ou d’axe central. Plusieurs fois, j'avais tué des mâles et des femelles, soit pen- dant l'accouplement, soit immédiatement après, sans que Îles recherches les plus minutieuses m'aient révélé le momdre indice sur la manière dont la fécondation pouvait s’opérer, lorsque le 13 juin, vers cinq heures du soir, je fus témoin du fait suivant : Une femelle de forte tulle s'était accouplée trois fois avec un mâle et s'était retirée dans un trou des rocailles de l'aquarium; un autre mâle se précipita brusquement sur elle, la retira de 19h A. LAFONT. son trou, et, après s'être accouplé avec elle, vint se placer à tou- cher la glace du bac, de façon à se présenter en profil. Pendant quelques minutes, il rejeta des débris très-minces, que je sup- pose être, d'après ce qui suivit, des débris d’étui de spermato- phores; eufin, après des efforts mulüpliés et violents, 1l lança par l’entonnoir un paquet blanchâtre, qui fut aussitôt péché avec une pipette ; la femelle s'était retirée sur une roche; tout son corps reposait sur la pierre et présentait les signes évidents d'un collapsus profond. Le paquet blanchâtre rejeté par le mâle était formé d’une matière gélatineuse, semblable à celle qui entoure les spermatophores, et dans l’intérieur de laquelle se trouvaient quelques spermatozoïdes vivants, des débris d’étui, ainsi qu'un spermatophore entier, n'ayant pas éjaculé, et dont tous les spermatozoïdes ne s’agitaient pas au contact de l’eau de mer. Le lendemain matin à sept heures, je tuais brusquement la fe- melle, quis'était accouplée la veille, en introduisant la lame d’un large scalpel dans le milieu du cou, un peu en avant de la pointe supérieure de la coquille. (Ce procédé me semble nécessaire, afin d'éviter que la Sèche, en lançant l'eau contenue dans Ja cavité branchiale, ne rejette les matières qui pourraient s'y trouver.) En ouvrant le sac, je constatai que tous les œufs étaient deve- nus transparents, et qu'ils sortaient avec facilité de l'oviducte; mais il me fut impossible de trouver d’une manière bien cer- taine des spermatozoïdes libres soit dans l’oviducte, soit dans l'ovaire. Cependant, en voulant écarter la branchie droite pour faire contracter le ganglion palléal, je fis tomber une boule arrondie de la grosseur d’un pois, d’entre le pilier et la bran- chie. Cette boule était formée d’un assez grand nombre de cylindres blancs, vermiformes, pelotonnés les uns autour des autres, et composés de spermatozoïdes vivants; ceux de la péri- phérie de la boule étaient presque désagrégés, tandis que ceux du centre étaient encore réunis en cylindres compactes, sem- blables à ceux que l’on obtient par la pression sur les sperma- tophores réunis en paquets. Le 28 juin, deux femelles avaient été péchées et introduites FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES. 125 dans un bae de l'aquarium où se trouvaient déjà deux mâles de la même espèce; le gardien fut témoin de l’accouplement plu- sieurs fois répété des quatre sujets ; à mon arrivée, on voyait sur le fond du bac : 4° un certain nombre de spermatophores n'ayant pas éclaté, et n’offrant aucune particularité ; 2° plusieurs paquets gélatineux contenant des spermatozoïdes vivants; 3° des débris d'étui de spermatophores et les ventouses arrachées pen- dant l'accouplement; je tuai brusquement une des femelles, qui venait de s'accoupler, après Pavoir placée dans une assiette pour l'ouvrir. L'intérieur du sac ne renfermait qu’un très-petit paquet glaireux contenant des spermatozoïdes vivants ; mais l’eau rejetée par la Sèche dans l'assiette contenait des spermato- zoïdes vivants et plusieurs morceaux de cylindres, composés de spermatozoïdes encore fortement agglutinés ensemble: la partie supérieure de la poche de Needham était vide chez un des mâles qui fut tué de la même manière. Dans l’accouplement, le mâle et la femelle se précipitent l’un vers l’autre, se saisissent par les bras, les enlacent, et restent ainsi bouche contre bouche pendant un temps variable, qui dure quelquefois deux à trois minutes. Cet acte est suivi chez la fe- melle d'un état de prostration générale très-marquée, tandis que chez le mâle l'excitation génésique se prolonge, et lui conserve pendant quelque temps l'aspect splendide tout particulier que prennent ces Mollusques sous l'influence de l’accomplissement de la fonction de reproduction. On voit quelquefois des mâles cherchant à s’accoupler, intro- duire les bras de la troisième et quatrième paire gauche dans l'intérieur du sac par l'ouverture branchiale gauche ; il ne m'a pas été possible de voir s'ils déroulent aussi le bras tentaculaire qui se trouve entre ces deux bras; ceux-ci sont retirés après quelques minutes de séjour dans l’intérieur du sac, et jamais je n'ai pu y trouver de spermatophores ou de spermatozoïdes, ni découvrir aucun indice qui vint m'indiquer le but de ce mouve- ment. ei vientse placer l'observation d’un fait que je considère comme anormal, au moins jusqu'à plus ample informé. Depuis les derniers jours de jullet, on avait placé dans un 196 À. LAFONT, même bac trois mâles de S. Filliousii avec une grosse femelle de $. officinalis et trois autres femelles de cette espèce, mais de petite taille. Les deux espèces avaient formé deux groupes ne se mêlant jamais, occupant les extrémités les plus éloignées du bac, s’observant continuellement, et donnant les signes habituels de colère ou de frayeur, lorsque un individu d’un groupe se rap- prochait de l’autre espèce. Il n'arriva rien d’extraordinaire jusqu'au 9 août, où, pendant toute l’après-midi, un mâle de S. Filliouxii ne cessa de pour- suivre la grosse femelle de $. officinalis, et de la saisir de temps en temps comme dans l’accouplement ; celle-ci, au lieu de se prêter à l’accomplissement de cette fonction, ainsi que cela a lieu entre individus de la mème espèce, fuyait, résistait, et finis- sait toujours par se faire lâcher par le mâle après un enlacement de très-courte durée. A la suite d'une de ces tentatives d'accouplement, je pêchai dans le bac un paquet glaireux contenant une dizaine de sper- matophores, les uns complétement vides, les autres ayant éjaculé par le bas, et portant encore la trompe ressortie et retenue par un long tube ; d'autres ayant le même aspect, mais dans lesquels la lrompe, au lieu d’être vide, laissait échapper un sac en forme de poire renversée. Ce sac était formé d'une membrane striée obliquement en travers, et retenue au spermatophore par un long filament plat, qui traversait la trompe et le tube contourné qui l’unissait à la base du spermatophore; ce sac, ou plutôt cette sorte de poire, était rempli de spermatozoïdes vivants. Le lendemain dans l'après-midi, le mâle mourut ; 1l avait les bras hachés de coups de bec, qui m’expliquèrent pourquoi il abandonnait si vite la femelle de Sepia officinalis. Celle-ci avait été trouvée morte le matin dans le bac ; elle portait : 1° tout au- tour du bec, 2 sur un des côtés du bras gauche de la quatrième paire, 2° à la base du bras gauche de la troisième paire, 4° entre les bras de la troisième et de la deuxième paire gauches, 5° sur l'extrémité du bras gauche tentaculaire et jusque dans les cu- pules de ce bras, une grande quantité de ces sacs en forme de poire, que J'avais trouvés la veille ressorlis de la trompe. Ces FÉCONDATION DES CÉPIALOPODES. 127 sacs, qui avaient 3 à 4 millimètres de long sur 0"",3 de dia- mètre, étaient solidement fixés par leur partie élargie sur tous les points où ils se trouvaient, et il fallait exercer une assez forte traction sur eux pour les détacher ; je n'ai pu me rendre compte comment avait eu lieu cette adhérence, qui n’est peut-être due qu à la pression atmosphérique. La membrane qui les formait était excessivement mince, et présentait les stries transversales que j'avais constatées la veille sur la membrane des sacs encore adhérents aux spermatophores (objectif n° 3). Le plus grand nombre laissait échapper par l'extrémité rétrécie des spermato- zoïdes encore vivants. Entre les bras de cette femelle, je trouvai un certain nombre d'étuis vides, dont la plupart portaient encore la trompe attachée à leur extrémité inférieure. L'examen des organes génitaux de cette femelle m'a prouvé que les œufs n'étaient pas encore aptes à être fécondés ; ils avaient à peine 0"°,3 à 0"",4 ; les plus plus gros présentaient encore la vésicule et la tache germinative; les glandes nidamen- taires étaient réduites à un très-petit volume, et n'étaient pas encore gorgées du liquide blanc qu'elles contiennent habituelle- ment; deux des petites femelles mortes depuis ne m'ont rien présenté d'extraordinaire. Deux mâles, qui ont vécu assez longtemps dans l'aquarium, ont rejeté une assez grande quantité de paquets de spermato- phores que je trouvai vidés sur le fond du bac ; sur quelques- uns d'entre eux, l’éjaculation ayant eu lieu d’une manicre imparfaite, j'ai pu constater que le filament qui porte le réser- voir à sperme est le ressort en spirale, et que le tube creux qui porte la trompe est enroulé autour d'elle, et que c’est lui qui forme les grandes stries circulaires que l’on aperçoit entre la trompe et le sac d’une part, et la paroi propre de l’étui d’autre part. SEPIA OFFICINALIS, Cette espèce ne pénètre dans le bassin d'Arcachon que vers le milieu de juin ; quand elle y arrive, la fécondation et la ponte ont eu lieu ; l'ovaire et le testicule sont réduits à leur plus petit 128 : A. LAFONT, volume, et ne contiennent que des ovules très-peu avancés, et n'ayant encore n1 vésicule, n1 tache germinative ; ces éléments ne commencent à se produire que dans le mois de juillet; les premiers spermatozoïdes ne se montrent que dans la seconde quinzaine du mois d'août. Le testicule d’un mâle, tué le 4 septembre, commençait à se gonfler ; il avait pris une teinte grisâtre, et était composé uni- quement de petites sphères brillantes réfractant très-fortement la lumière, et formant une sorte de bouillie épaisse avec le li- quide grisâtre qui les enveloppait ; les utricules avaient disparu. Du 45 au 20 août, sur une douzaine de mâles, la poche de Needham était remplie de spermatophores organisés comme ceux décrits par M. Milne Edwards (loc. cit.) ayant la même apparence extérieure, et présentant les mêmes phénomènes d'éjaculation de la trompe par la partie opposée au réservoir à sperme ; mais en déchirant le réservoir à sperme, je m'aperçus qu’ils ne con- tenaient pas un seul spermatozoïde, et qu’ils ne laissaient échap- per qu'une matière transparente se réunissant presque aussitôt en petites sphères. Le 21 août, je trouvait un mâle dont les spermatophores étaient les uns vides, tandis que les autres contenaient une cer- taine quantité de spermatozoïdes ; 11 me sembla voir des sperma- tozoïdes dans la trompe d’un de ces organes, mais je ne puis Vassurer, attendu que je n’ai pu parvenir à les isoler. Le 5 septembre, je trouvait des spermatophores incompléte- ment organisés ou en voie de formation au milieu du hquide épais qui gonflait la poche de Needham. Ces spermatophores étaient composés de l'étui formé par une seule membrane, et portant à sa base un long filament glutineux et une appendice en forme de selle; à l'intérieur de l’étui, on apercevait la trompe repliée sur elle-même, et contenant un fil spiral très- délé; elle se continue et s'élargit pour former le sae, qui se rétrécit pour donner naissance au conneclif; la partie supé- rieure de l’étui est vide, et le réservoir à sperme n'existe pas encore. Enfin, le 8 septembre, un autre mâle me présenta des sper- FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES. 129 matophores en voie de formation, mais intermédiures entre ceux-ci et les spermatophores cités plus haut ; le sac commence à s’organiser, et le réservoir à sperme occupe la plus grande portion de la partie supérieure de l’étui. Tous les mâles que J'ai eu occasion d'examiner depuis cette époque ne m'ont rien présenté de saillant. CONCLUSIONS. De tous les faits exposés ci-dessus, 1! me semble qu'on peut ürer les conclusions suivantes : Le nom de vésicules séminales imposé par Cuvier au tube con- tourné, qui se trouve entre le testicule et la poche de Needham, reposant sur une idée inexacte, et pouvant faire naître une con- fusion dans l'esprit des naturalistes, ne peut être conservé, et je propose d'y substituer le nom de vésicules d’Edwards du nom du savant qui à le premier entrevu leur véritable fonction, et re- connu d’une facon certaine la nature des tubes contenus dans la poche de Needham. La présence simultanée d’un liquide blanc, épais, homogène, dans les vésicules d'Edwards, le canal et la poche de Needham, le gonflement progressif de cette poche, par suite de l’accumu- lation de ce liquide et la présence de spermatophores plus ou moins incomplets au sein de ce même liquide, prouvent, je rois, que les vésicules d'Edwards sécrètent les matières plastiques destinées à former les spermatophores, et que ces organes nais- sent de toute pièce au sein de ces matières accumulées dans la poche de Needham. Quant au mode de naissance et de développement de ces or- ganes, il me semble moins évident; cependant, en réfléchissant que les spermatophores les plus jeunes sont toujours plus ou moins pelotonnés sur eux-mêmes, et que, si Je n’ai pu constater d’une façon certaine la présence d’une membrane les envelop- pant en entier, j'ai cependant vu des débris de membrane en- tourant une ou plusieurs parties des spermatophores ainsi en- roulés, on est conduit à considérer comme probable l'hypothèse qui consistcrait à faire naître les spermatophores au sein d’une 5° série, Zoo2., T. XI, (Cahier n° 3.) -9 130 : A. LAFONf. membrane analogue à la membrane vitelline; de nouvelles observations sont donc nécessaires pour confirmer ou infirmer cette supposition. Quoi qu'il en soit, il reste bien certain que les spermatophores naissent dans la poche de Needham, et qu'ils s'y développent lentement jusqu'au moment où ils sont aptes à recevorr le sperme ; que la trompe et le sac paraissent naître les premiers, l'étui ensuite, puis le connectif et le réservoir à sperme en der- nier lieu, et que jamais il n’ya continuité entre leurs tissus et les parois de la poche de Needham. La présence dans la partie supérieure du canal déférent, et même quelquefois dans la partie Imférieure des vésicules d'Edwards de cordons en chapelet renfermant des spermato- zoïdes, me semble indiquer qu'il sy forme autour de petits amas de spermatozoïdes une série de petites utricules, qui se soudent ensuite bout à bout pour former les corps cylindriques plus où moins allongés, que l’on trouve toujours en certain nombre soit dans les vésicules d'Edwards, soit dans le canal de Needham, et que ces corps ne font que traverser les vésicules d Edwards, où il est cependant possible qu'ils consolident leur tunique externe à l’aide des matières plastiques qu'ils trouvent sur leur passage ; il me paraît également évident que ces corps arrivés dans la poche de Needham servent à charger les sperma- tophores du sperme nécessaire à la fécondation. Mais comment les spermatozoïdes arrivent-ils dans les sper- matophores? Est-ce isolément, après avoir rompu le sac qui les contenait? ou bien le sac pénètre-t-1l en entier dans le sperma- tophore ? La première hypothèse serait affirmée, st l'on avait trouvé des spermatozoïdes isolés soit dans la trompe, soit dans le sac ; la seule observation que j'aie pu faire est douteuse, et je n'ai pu m'assurer en les isolant que les corps aperçus par moi, une seule fois, dans la trompe d’un spermatophore de Calmar étaient bien réellement des spermatozoïdes. D'un autre côté, lorsque j'ai trouvé sur un même animal des spermatophores chargés de sperme, mêlés à des spermatophores vides, tous ceux qui conteuaient des spermatozoïdes avaient le réservoir à sperme FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES. 131 complétement plein, et jamais 1l ne m'est arrivé de ne trouver qu'une faible quantité de spermatozoïdes ; il me semble donc plus probable de penser que ces cylindres pénètrent, sans se rompre, dans les spermatophores, et que l'appareil compliqué, conteuu dans la partie du spermatophore opposée à celle qui content le réservoir à sperme, pourrait bien servir à cet usage. Il me paraït, en effet, difficile d'admettre que cet appareil sert à faire éjaculer le sperme contenu dans les spermatophores; nous avons vu, en effet, que dans les spermatophores portés par les femelles de lOmmastrephes sagiltatus, cet appareil avait com- plétement disparu, ou tout au moins avait subi une telle trans- formation, que l'éjaculation ne pouvait résulter de son action ; nous avons, en outre, constaté que l'éjaculation avait lieu par la partie supérieure du réservoir à sperme; nous avons égale- ment vu que, dans les spermatophores réunis en paquets et portés par la Sepia Filliouxvi mâles, l'éjaculauon n'avait plus lieu par la partie inférieure, mais au contraire par un point du réservoir à sperme, et que la trompe et le sac restaient en place; nous avons même trouvé dans un de ces paquets un spermato- phore vidé naturellement par une ouverture du sommet du ré- servoir à sperme. Nous n'insisterons pas davaniage sur cet aperçu qui n'est qu'une hypothèse, et qui par conséquent doit être soumis à des expériences directes. Le développement des spermatophores est long et dure une partie de l’année, puisque nous trouvons ces engins en voie de formation à la fin de l'été, et que la fécondation ne doit avoir lieu qu'au printemps de l’année suivante ; ils ne naissent pas tous ensemble, mais suc- cessivement; leur arrangement symétrique dans la poche de Needhaim et leur expulsion paraissent devoir être attribués à une série de mouvements vermiculaires exécutés par cet organe. La naissance des spermatozoïdes n’a lieu que lorsque les sper- matophores ont déjà atteint un certain développement, elle se continue jusqu'au moment de la fécondation; ces éléments anatomiques sont produits par de véritables ovules, dans les- quels on peut voir apparaître d'abord une vésicule, puis une tache germinative, qui disparaissent avant la naissance du sper- 132 A. LAFONT. matozoïde ; alors 1l serait à peu près impossible de les distinguer des ovules femelles au même degré, s'ils n'étaient sensiblement plus petits, et si la présence des organes accessoires de Pappareil génital mâle ne levait toute incertitude à l'égard de leur véritable nature. La maturité des spermatophores est invoquée par les carac- tères suivants : amineissement de l’étui qui devient opaque, de couleur grisâtre et très-fragile, disparition du ressort en spi- rale qu’on ne trouve plus dans la trompe, éjaculation du sperme par le sommet du réservoir sous forme de cylindres vermieu- laires compactes. L'espèce de gangue ou de liquide gélatineux qui enveloppe les spermatophores me semble avoir pour but de les préserver du contact de l’eau, qui provoquerait leur déhiscence par suite d’un phénomène d’endosmose. Le mode de fécondation connu sous le nom d'hectocotylisa- tion, constaté par MM. Verany et Vogt pour quelques Céphalo- podes de la Méditerranée, appartenant aux genres 4rgonauta et Tremoctopus, ne s'applique très-certanement pas aux genres Sepia et Ommastrephes, ni très-probablement aux genres Loligo et Octopus. La présence des spermatophores réunis en paquets, fixés dans la cavité branchiale des femelles d'Ommastrephes (fait constaté une seule fois par MM. Lebert et Robin) (loc. cit.), est normale, et dans ce genre la fécondation a lieu par léjaculation du sperme contenu dans ces organes, au milieu de l’eau, qui rem- plit la cavité branchiale de la femelle ; cette éjaculation à lieu sous forme de cylindres compactes formés de spermatozoïdes agglutinés ensemble, et se désagrégeant peu à peu au contact de l’eau de mer qui semble nécessaire à leur mouvement. La forme des spermatophores portés par les femelles est com- plétement différente de celle des spermatophores contenus dans la poche de Needham; la trompe et son filament spiral, le sac, se sont modifiés et ont presque disparu. Les paquets de spermatophores sont fixés tantôt sur un point de la cavité branchiale, tantôt sur un autre, le plus souvent vers FÉCONDATION DES CÉPHALOPODES. 135 la base des branchies, mais toujours à peu près au miveau du débouché des oviductes. L'adhérence de ces paquets avec la membrane qui tapisse l'intérieur de la cavité branchiale doit primitivement avoir lieu au moyen de la gangue gélatineuse qui les entoure, puis postérieurement par suite de l’implantation de la base des spermatophores dans la même membrane. Il est certain que, dans le genre Sepia, les spermatophores, réunis naturellement en paquets, éjaculent leur contenu dans la cavité branchiale du mâle, pendant l'espèce d’accouplement qui unit les individus des deux sexes ; et que les cylindres com- pactes de spermatozoïdes ainsi éjaculés passent dans la cavité branchiale de la femelle où 1ls se désagrègent lentement. Voici, à mon avis, comment les choses peuvent se passer : Le mâle après avoir enlacé ses bras avec ceux de la femelle, et étant bouche à bouche avec elle, doit faire éjaculer un paquet de spermatophores, en pressant leur base entre les lèvres charnues de l’orifice de la poche de Needham ; les cylindres de sperma- tozoïdes ainsi éjaculés doivent se rouler en une boule, qui serait expulsée par le siphon avec l’eau sortant de la cavité branchiale du mâle, et pénétrerait dans la cavité branchiale de la femelle en suivant le courant entrant par les ouvertures branchiales. Les bras restant enlacés pendant tout le temps de l’accouple- ment, ne paraissent pouvoir jouer aucun rôle dans cet acte. Quant aux genres Octopus et Loligo, mes recherches sur leur mode de fécondation n’ont eu que des résultats négatifs, et de nouvelles observations sont nécessaires pour arriver à savoir comment s'opère chez ces animaux cette importante fonc- tion. NOTE SUR UNE NOUVELLE ANNÉLIDE CHÉTOPODE HERMAPHRODITE, PAR M. G. MOQUIN-TANDON. Le groupe des Annélides chétopodes a été pendant longtemps consi- déré comme entièrement composé d'animaux unisexués. En 1857, M. Huxley fit connaître la première exception à cette loi générale, dans une nouvelle Annélide des côtes d'Angleterre, la Protula Dysteri. Quel- ques années plus tard, M. Pagenstecher, dans un séjour qu'il fit sur les bords de la Méditerranée, à Cette, découvrit le même fait sur une autre espèce de la même famille, le Spirorbis spicillum. Enfin, un troisième fait du même genre fut observé par M. Claparède dans une espèce d’Am- phiglène, Amphiglena mediterranea. Ce savant put en outre confirmer l'exactitude des observations de M. Huxley et montrer par ses recherches sur un grand nombre de Serpuliens, que ces cas de monoïcité étaient exceptionnels dans la famille. J'ai découvert un autre exemple d’hermaphrodisme, mais cette fois dans une Annélide errante, appartenant au genre Néréide. Je crois cette espèce nouvelle et je propose de la nommer MVevis massiliensis. Voici ses principaux caractères : antennes moyennes courtes, subulées; antennes latérales grosses, plus courtes, composées de deux articles : le basilaire gros, le terminal très-petit; les deux tentacules supérieurs longs, atteignant jusqu’au huitième anneau, les deux inférieurs plus courts, mais dépassant les antennes; mâchoires fortes, courhées, offrant douze dents; pas de denticules; pieds semblables à ceux de la ÆVereis bilineata. Le corps d’une longueur de 4 à 5 centimètres, a de 60 à 70 anneaux d'un brun verdâtre, marqués de nombreuses taches vineuses ; irrégulièrement dis- posées. Cette espèce se trouve assez fréquemment sur les côtes de Marseille, au milieu des ulves. Elle habite un tube membraneux, étabii dans un pli de leurs frondes ; elle est herbivore. Sur onze individus que j'ai disséqués, . neuf contenaient pêle-mêle, dans la cavité du corps, des spermatozoïdes et des œufs à différents degrés de développement. Les œufs murs obser- vés dans la cavité générale sont jaunâtres, ils ont 0"",57 de diamètre. Les spermatozoïdes libres, nageant dans le liquide viscéral, sont compo- sés d’une partie antérieure (tête), en forme de bâtonnet, longue de 0,01, large de 0"",0017 et d’une queue excessivement ténue, longue de 0"",45. Leur queue est bien distincte, par sa longueur et par la nature de ses mouvements, des cils vibratiles de la cavité du corps. Les deux individus sur lesquels je n'ai pas constaté d'hermaphrodisme étaient deux femelles, dont le corps était rempli d’une grande quantité d'œufs, tous arrivés à maturité. Ces observations ont été faites dans le laboratoire de M. Ch. Lespès, à la Faculté des sciences de Marseille. med ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DÉGAGÉE PAR LES ANIMAUX INVERTÉBRÉS ET SPÉCIALEMENT LES INSECTES, Par M. Maurice GERARD, Professeur de physique et d'histoire uaturelle au collége Rollin, 8 1. Historique de la chaleur animale des Invertébrés et spécialement des Insectes. On donne le nom de chaleur animale à la chaleur développée à l’état libre, à un degré variable, dans les tissus et dans les organes des animaux. Elle peut être parfois mesurée en calories ou appréciée, dans plus de cas encore, par les thermomètres. Cette chaleur propre fait que les animaux ne sont pas à l'égard des corps bruts extérieurs, ni des milieux fluides qui les entou- rent, dans les conditions de matières inertes : ce sont des sources plus où moins puissantes de chaleur qui interviennent pour mettre obstacle à l'équilibre physique que tendent sans cesse à amener les lois du refroidissement. C’est par comparaison avec l'état calorifique de nos organes du toucher, prineipalement du dessous de nos doigts, que le contact des animaux nous fait éprouver les sensations de chaud et de froid physiologique; elles sont, au reste, liées d’une manière moins directe qu’on ne croi- rait d'abord à la chaleur thermométrique. L'existence de ces sensations a appelé de tout temps l’atten- tion sur la production de chaleur dans certains animaux et sur- tout.chez l'homme, et, dès la plus haute antiquité, les médecins cherchaient à expliquer le dégagement de la chaleur humaine, le refroidissement des cadavres avec la mort, les variations dans là sensation calorifique qu’ils éprouvaient au contact de l’homme sain ou de l’homme en état de fièvre, les diverses impressions de chaud ou de froid que nous présentent nos organes suivant certains états de leur physiologie normale ou pathologique; en 136 M. GIRARD. un mot, ces nombreux faits qui se rattachent plus ou moins directement à une production de chaleur libre. Pendant de longs siècles on se complut dans une de ces explications commodes qui abondent chez les anciens, complétement étrangers à toute science des causes, bien que, parfois, si délicats observateurs des effets et si exacts dansleurs descriptions. La chaleur naissait chez l’homme et chez les animaux supérieurs avec la vie et s’éteignait avec elle. Elle en était la conséquence intime et forcée, et son siége résidait dans le cœur, sans qu'on songeàt à se demander pourquoi et comment elle y prenait naissance. Cer- tains même soutenaient que, chez un animal vivant, le dégage- ment de cette chaleur par le cœur était assez intense pour impressionner douloureusement la main qui eût pu le toucher à l’intérieur du corps; c’est cette vieille doctrine d'Hippocrate, d'Aristote, de Galien, qui a laissé ses traces dans le langage religieux ou mystique, où se rencontrent si souvent les expres- sions de cœur ardent, cœur brûlant, cœur embrasé ou enflammé. De là, les images allégoriques de cœurs d’où partent des flam- mes. On attribua ensuite l’origine de la chaleur animale aux actes digestifs accomplis dans l'estomac, ou au frottement des organites hématiques du sang dans les vaisseaux, surtout les capillaires. Si Priestley reconnut le premier dans l'oxygène le véritable agent de la combustion et de la chaleur animale, c’est Lavoisier, débarrassé du phlogistique, qui démontra la vérité de cette origine, vérité que les expériences subséquentes ne firent que confirmer. Il faut remarquer combien les hommes de génie restent grands, mème dans leurs erreurs, puisque c'est du rôle physiologique, si justement spécial, de l'oxygène que résultent les anomalies de la nomenclature chimique. Une hypo- thèse de certains physiologistes donnait pour cause à la chaleur animale une action directe du système nerveux. C'est ce qu’a- vança Brodie avec réserve, puis M. Chossat. Il est certain que toute lésion dans l’encéphale ou dans la moelle à une influence grave et immédiate sur la chaleur propre de l'animal; mais il est fort difficile de décider si l’on à atteint réellement la cause de la calorification ou si l’on ne fait que produire mdirectement ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 137 un désordre capital dans la grande fonction de nutrition géné- rale d’où dépend la chaleur des animaux. Il faut, évidemment, bien remarquer que la doctrine de la chaleur animale par la combustion respiratoire ne doit pas être prise dans un sens trop absolu, comme toutes les applications de la physique et de la chimie à la physiologie. L'être vivant n’est jamais complétement assimilable soit au bain électrique dans lequel le courant fait déposer les métaux, soit à la cornue ou au creuset où s’opèrent les combinaisons et les décompositions. Cela n’empèche pas que la chaleur animale n'ait incontesta- blement pour cause la combustion et qu'elle ne soit liée d’une manière proportionnelle à l'énergie de la respiration. Les Insec- tes et les Articulés, en général, sont des animaux non moins propres à démontrer ce grand principe que les expériences, bien plus nombreuses, faites sur les Vertébrés. C’est le résultat important et fondamental du travail si remarquable, bien qu'un peu confus et prolixe, de Newport. Je dirai d'avance que les vérifications des mêmes faits par d’autres méthodes, et l’addi- tion de faits nouveaux mais conformes, constituent le travail personnel que je me propose d'exposer. Je dois me déclarer heureux de pouvoir apporter quelques confirmations nouvelles à la vérité des grands principes qui ont illustré les Lavoisier, les Spallanzani, les W. Edwards, sans qu’il soit besoin d'invoquer, malgré certaines différences essentielles que nous offriront les animaux articulés, aucune autre loi que les effets physico-chi- miques de la combustion. Nous pouvons, sans avoir besoin de plus longs préliminaires, aborder le sujet de nos études, en laissant d’abord de côté les deux grands groupes de Vertébrés à température constante (Mammifères et Oiseaux) et à température variable (Reptiles, Amphibiens, Poissons). Nous écarterons aussi les Annélides et les embranchements des Mollusques, des Rayonnés, des Spon- glaires. Ce sont incontestablement et toujours des animaux à température variable. On a le plus souvent constaté chez eux de légers excès de température au-dessus du milieu ambiant, en général, l’eau de mer; c’est ce qui résulte des expériences de 4138 M. GIRARD. Valentin (1) sur les Mollusques et les Rayonnés, de M. Martins sur les Oursins (2). Parfois, au contraire, la température a été trouvée exactement celle du milieu ambiant, ainsi par Berthold pour des Escargots, des Limaces, des Vers de terre ; par Dutro- chet, pour des Limaces et des Escargots ; par Valentin, pour des Spongiaires; enfin, Berthold a signalé aussi des Hélix et des Limaces à une température un peu inférieure à celle de l'air ambiant, sans doute par suite d’une évaporation active. Valentin résume, comme il suit, les moyennes de ses observations : Excès POLYDES EEE E Re ne mel eee 00,21 Méduses A Et MES PORTE 4 AE 00,27 EChinmoder mes EeePC CE CE Pons DO Mollusques gastéropodes........... 00,46 Mollusques céphalopodes....... + HO 0 Il y aurait done accroissement manifeste dans la chaleur ani- male à mesure que ces êtres s'élèvent en organisation. C'est surtout quand les petits animaux à faible chaleur propre sont réunis en grande masse, de manière à opposer une résistance plus efficace à l’action réfrigérante du milieu ambiant, qu'on peut constater, d’une manière irréfutable, l'existence de la cha- leur propre. Il ne faut pas oublier une ancienne observation de Péron, lors du voyage aux terres australes, où il rapporte avoir vu le thermomètre monier de 3 degrés dans un amas de Z0o- phytes, la plupart phosphorescents, rassemblés dans un filet après que la drague les avait arrachés du fond de la mer. Je laisse de côté, comme citées partout, les observations de Swam- merdam, Réaumur, Spallanzani et Huber sur la température, élevée des ruches d’Abeilles. En.1800, Juch observait des déga- gements analogues dans des fourmilières et dans un amas de Cantharides (3). Rengger (1817) note un excès de température dans un amas de Hannetons; Berthold chez des Geotrupes sterco- rarius. M. Regnault rapporte, dans ses expériences sur la res- piration, que le thermomètre plongé au milieu des Hannetons (1) Répertoire d'anatomie et de physiologie, 1839, t. IV, p. 399. (2) Annales des sciences naturelles, Zoo, 3€ série, 4846, t. V, p 187. (3) Ideen zu einer Zoochemie, X, 92. ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 199 placés dans un sac à claire-voie, de sorte que l'air cireulait et qu'iln'y avait pas, comme dans les ruches et les fourmilières, de parois aceumulant la chaleur, s’éleva cependant de 2 degrés centigrades au-dessus de Pair ambiant (1). Les larves même, en grand nombre, peuvent dégager une chaleur très-sensible. Les pêcheurs à la ligne qui se servent comme amorce de plusieurs larves de Muscides, principalement des Musca vomitoria, Sar- cophaga earnaria, Lucilia cæsar, etc., connues sous le nom d’Asticots, savent très-bien que ces insectes leur font éprouvér une sensation de chaleur quand ils les versent de la boîte qui les renferme dans la main engourdie par le froid. Jai constaté, dans une boîte largement ouverte remplie de ces larves, que le thermomètre s'est élevé, au mois d'août, de 28 à 32 degrés centigrades et a stationné pendant dix minutes à 31°,8. Les ré- sultats les plus marquants par l'intensité de la chaleur dégagée, surtout si l’on remarque qu'il s’agit de larves, m'ont été offerts par des larves de Galleria cerella (Lépid., Chalinopt., Crambi- des), développées dans des gâteaux de cire remplis des œufs du papillon et qui furent nourries pendant plusieurs jours avec de la cire hachée. Dans plusieurs jours d'expériences, le thermo- mètre, enfoncé au milieu des larves mêlées à la cire et très- actives contenues dans un pot découvert, offrit des excès vérita- blement énormes au-dessus de la température ambiante, à savoir : 12 degrés centigrades, 24°,2, 27°,h4, 23°,9. La surface extérieure du vase était très-chaude à la main (2). Aucune fer- mentation n'avait lieu ni putréfaction, comme l'odorat le con- statait; cette élévation de température était donc en rapport direct avec la nature chimique de l'aliment très-combustible spé- clal à ces larves. Les faits précédents établissent donc de la manière la plus péremptoire la production de chaleur et même de chaleur intense par les imsectes. Leur résistance aux abaissements de tempéra- ture en présente une nouvelle démonstration. Ainsi Spallanzani, (1) Ann. phys. et chim., 3° série, XXVI, 517. (2) Ann. de la Soc, entom. de France, 1864, p, 676. 140 M. GIRARD. dans ses expériences sur les Abeilles, s’est assuré que ces Hymé- noptères peuvent déjà s'engourdir à +9°,5 Réaumur, et que, plus le froid qu'ils ont éprouvé est grand, plus il leur faut de temps et une température élevée pour se ranimer. Il a fait voir encore que les Abeilles peuvent rester à une température de —? à —3 degrés Réaumur pendant plusieurs heuressans geler, et qu'elles sont alors encore susceptibles de reprendre le mouvement à +30 degrés, mais périssent bientôt après, tandis que-celles qui u ont éprouvé qu’un froid de 0°,5 reprennent promptement leur première activité. En rapportant ces expériences, Straus-Durck- heim fait remarquer que ces insectes pouvant résister pendant plusieurs heures à un froid de —3 degrés sans geler, prouvent par là qu'ils ont, comme les animaux dits à sang chaud, une chaleur naturelle qui les maintient au-dessus de la température de l'élément ambiant. Les auteurs rapportent de nombreux exemples d'insectes qui ont supporté des froids bien plus intenses sans périr et bien que leur corps éprouve la congélation ; mais ce sont surtout des œufs, des larves, des nymphes qui éprouvent sans danger ces abaissements, confirmant aisi cette loi de W. Edwards que les animaux résistent d'autant plus facilement aux effets du froid que leur faculté de produire la chaleur est plus faible. I faut toutefois remarquer, ce qui se présente tou- jours dans ces questions physiologiques si complexes, qu'il y à de manifestes exceptions pour certaines larves, comme le mon- trent nos expériences sur celles de (Galleria cerella. Certains insectes adultes, de même par exception inverse, se comportent comme les états inférieurs; ainsi ces Diptères Némocères, très- actifs cependant, qui existent dans les régions les plus voisines du pôle où l'homme soit parvenu, et qu’on voit voler au-dessus de la neige qui couvre nos campagnes et nos bois en hiver. Il y a des Lépidoptères dont les adultes n’éelosent qu'en hiver, ce sont les espèces des genres Æibernia, Nyssia, Larentia, ete., et les papillons mâles de ces espèces volent à la recherche de leurs femelles par les soirées brumeuses et froides de novembre, de décembre même. Les Podurelles, insectes dégradés toujours aptères, semblent exiger pour vivre l'humidité et le froid. On ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. AA trouve en tas sur les neiges la Podura mivalis, V Achorutes tuber- culatus; la Desoria glacialis ne vit qu'à la surface et dans les fissures des glaciers. D'après les expériences de Nicolet sur la Podura similata, ces insectes périssent dans l’eau plus ou moins promptement de +925 à +38 degrés, et, dans l'air sec, à +35 degrés en quelques secondes. Ils furent congelés au moyen d’un mélange réfrigérant à — 11 degrés et y resterent douze heures empâtés dans le bloc de glace formé et fragiles comme lui; cependant, dégelés lentement, ils revinrent à la vie en une heure et s'échappèrent en sautant. D'autres revinrent de même à la vie après dix jours consécutifs de congélation. On cite aussi certains autres insectes comme exclusifs aux neiges et vivant en troupes sur leur surface glacée; ainsi les Borœus (Névroptères), à femelles aptères, des forêts de sapins de la Suède et des Alpes, le Cynips aptera, Hyménoptere sans ailes, etc. Par ces contrastes continuels qui attestent la merveilleuse adap- tation des êtres d’un même type aux conditions d'existence les plus diverses, certains Insectes peuvent résister à des élévations considérables de température. On a trouvé des Hydrocanthares (Coléoptères) vivant dans des sources thermales; les Mélasomes (Coléoptères) des sables arides et brülants, les Termites, les Polistes et les Guêpes des pays tropicaux, établissant leurs nids sous les toitures, supportent tous des excès de chaleur intolé- rable. Que de mystères encore sur ces questions! que de lois inconnues ! L'hibernation des Insectes, comme celle des Ver- tébrés, n’est pas uniquement due à l’abaissement de Ja tem- pérature. Certains individus des Lépidoptères diurnes du genre Vanessa, gagnent leurs retraites d'hiver et Sy engourdis- sent au milieu des chaleurs du mois d'août pour se réveiller et voler le long des routes aux premiers soleils de février, alors que la température moyenne est encore fort basse. Les plus grandes différences s’observent dans la résistance des chenilles à la cha- leur; ainsi les chenilles rases de Deilephila euphorbiæ se plaisent aux rayons brülants du soleil sur les Euphorbes à demi-calemées, tandis que ces rayons tuent en quelques minutes les chenilles velues du genre Chelonia, suriout celles de la Chelonia pudica 142 M. GIRARD. qui vivent toujours cachées avec le pius grand som dans les plantes basses. Les Arachnides s'engourdissent en hiver comme beaucoup d'insectes, et les Annélides paraissent dans le même cas que les Crustacés dont la température semble être en équilibre avec celle du milieu ambiant. Spallanzani, dans ses expériences sur les Ecrevisses communes, a trouvé la température de leur corps constamment la même que celles de l’eau ou de l'air où elles vivent. C'est d’après l’ensemble des faits que nous venons de résumer que Straus-Durckheim a le premier établi la distinction que nous retrouverons si souvent dans toutes les recherches ultérieures : « Il y aurait ainsi parmi les Articulés, comme dans l'embran- » Chement des Vertébrés, des animaux à sang chaud et d’autres » à sang froid; que dans ces deux einbranchemenis les volatls » etles marcheurs se trouveraient dans le premier cas, et les » rampants et les nageurs dans le second (4). » Le développement de chaleur des Insectes pris en grande masse rend hors de doute le dégagement de chaleur chez les individus isolés ; mais ici, comme nous l'avons établi dans le chapitre qui traite des méthodes de mesure à employer pour les petits animaux, et, en général, pour les sources calorifiques peu intenses et de petite masse, la question se complique de l'influence de la masse du fluide ambiant et de la masse du corps thermo- métrique, négligeables dans le cas précédent. Les premières expériences qui démontrent la production de chaleur dans les Insectes isolés sont celles de Hausmann (1803) (2). I plaça un individu parfait du Sphinx convolvuli (Lépid. Chalin.) dans une fiole de verre avec un petit thermomètre à côté. La température de l'air extérieur étant de 17 degrés Réaumur, au bout d’une demi-heure la température dans le bocal était montée à 19 de- grés ; puis elle s’abaissa et revint à la première température, I répéta l'expérience avec six individus du Carabus hortensis (Go- (4) Straus-Durckheim, Considérations générales sur l'anatomie des Articulés, ete. Paris, 1828, p. 394, (2) De animalium respiratione, 1803, ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 143 léoptères) et trouva un résultat analogue. Newport fait remar- quer au sujet de cette seconde expérience, en s'appuyant sur le fait qu'il a constaté que les Carabés donnent très-peu de chaleur, qu'on esten droit de supposer, comme Berthold l'a pensé, que le résultat était accidentel et produit par la main de l’opérateur. Nous trouvons, en 1525, quelques observations nouvelles, sur des animaux articulés pris isolément, faites par J, Davy (1), soit à Ceylan, soit au Cap. Il introduisait la boule très-fine d’un petit thermomètre à mercure dans le corps de l'animal par une incision faite au moment de l'expérience. Voici le tableau des résultats : TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE de l'air. de l’insecte. © Scarabee NET S AUS SPA MORE RENAN ANR PART o » 5 V » & & 90 SF OT © © © © » Blatte orientale (deux individus) Blatte orientale (deux individus). ....... Grillon S - ss Se S ss s S COLOR ee TNA let. ss » N NN & N° ND NN DHONSADNES O À © NJ 9 U 00 Vo Lo 9 R2 N2 RO N2 K2 KR NO O1 O1 ND © W W Os S ÿ LI+HE I ++ SDSLASEFSS © 00 O1 2 OR ON y s Il me semble évident que ces nombres sont tantôt exagérés, tantôt affaiblis, vu l’état violent et anormal où l'animal se trouve par suite de la lésion. Les abaissements de température provien- nent certainement de quelque évaporation accidentelle due au liquide écoulé par lincision, car on ne comprend pas autrement comment des Blattes seraient tantôt plus chaudes, tantôt plus froides que l'air ambiant. La grave objection que nous venons de faire à ces expériences fut parfaitement comprise par Nobili et Melloni. : Dans leurs expériences (1834), les Insectes n’agissaient sur les soudures de leur pile thermo-électrique, de trente-huit couples bismuth et antimoine, que par rayonnement à distance. L’ani- mal était placé au foyer principal d’un miroir sphérique en lai- (4) Ann. phys. et chim., &. XXXIIL, 2° série, 1826, p. 180. 14h M. GIRARD. ton,-maintenu sans lésion par un fin réseau de fils métalliques ; ce miroir terminait un des appendices protecteurs de la pile, et l’autre base de la pile était à la même distance d’un autre miroir pareil, de sorte que les conditions sont identiques pour les sou- dures d'ordre pair et impair, et les rayonnements des pièces métalliques compensés, en même temps que, par cette disposi- tion, les bases étaient soustraites à tout rayonnement extérieur. Les auteurs de ces recherches, physiciens et non naturalistes, se contentent de dire : «Environ quarante insectes, de tous les ordres et aux divers états de métamorphose, furent soumis aux expériences, et tous donnèrent des écarts de l'aiguille positifs, c’est-à-dire dans le sens calorifique, ce qui indique que les Insectes possèdent une température {ant soit peu supérieure à celle du milieu ambiant. Les déviations arrivèrent quelquefois à 30 degrés. » Ils formulent cette conclusion que la théorie qui attribue la chaleur animale à une combustion lente du sang trouve sa confirmation jusque dans les Insectes. Les auteurs de ces expériences cherchaïent à étudier, en gé- néral, les chaleurs dégagées par les plus faibles sources; ainsi la combustion lente du phosphore, les rayons de la lune, etc., et c'est pour avoir opéré à distance qu'ils rangent indistinctement tous les Insectes dans ce cas, ce qui est loin d’être exact, comme nous le verrons, pour les Insectes de grand vol, à trachées VéSI- culeuses. On trouve encore dans le travail de ces physiciens l’as- sertion suivante : Les chenilles possèdent toujours une tempéra- ture plus élevée que les papillons et les chrysalides. Le résultat est fort inexact d’une manière générale ; 1l me paraît très-proba- ble que les observateurs opérèrent seulement sur des Vers à soie, en temps de frèze, c'est-à-dire d'activité et de voracité de la chenille, tandis quedans cette espèce, comme dans certains autres Bombycides, les papillons sont peu actifs, et, en outre, ne pren- nent pas de nourriture, ce qui est général pour les Bombycides. Melloni et Nobili attribuent le fait à ce que les chenilles auraient un système respiratoire plus développé que celui des chrysalides et des adultes, ce qui amènerait, disent-ils, une respiration plus active en rapport avec un accroissement rapide exigeant bien ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 1/5 plus de nourriture. On reconnaît là l'influence des erreurs ana- tomiques et physiologiques de l’époque. On regardait alors un système de trachées tubuleuses ramifiées comme supérieur à celui qui ne présente que quelques larges ampoules aériennes; les travaux de M. E. Blanchard ont bien établi, au contraire, que le second système est un perfectionnement du premier et qu'il est en rapport avec une respiration bien plus active due à une accumulation d'oxygène en réserve beaucoup plus grande. Les objections très-graves que nous présenterons à l’occasion des expériences de Dutrochet (4), dans la discussion des mé- thodes expérimentales, rendent inutile lindication de ses résul- tats manifestement erronés. Il trouve tantôt du chaud, tantôt du froid pour les Insectes adultes ou de même espèce ou d'espèces très-voisines et de même conformation, ainsi sur des Mélolonthes et des Carabes, quand il opère à l'air libre. Il ne s’est pas mis en garde contre l’évaporation des liquides épanchés et à compléte- ment négligé toute pesée, sans paraître comprendre combien la masse devient un élément important dans l'observation de la chaleur de ces petits animaux isolés. Nous verrons, qu'au moins à l'intérieur du corps, ce qui a toujours été le cas des expériences de Dutrochet, les Insectes isolés ont tous un excès de tempéra- ture sur l’air ambiant. Dutrochet se üre d'affaire par les expli- cations les plus commodes. Il suppose que le Rhizotroqus solsti- hialis transpire moins que le Melo/ontha vulgaris (p. 48), et attribue la chaleur du Lucanus cervus à l'épaisseur de ses tégu- ments, tandis que des Carabus et des Slaps, à téguments tout aussi propres à empêcher l'évaporation, lui donnent du froid. Après les expériences si contradictoires et si incertaines de Dutrochet en 1840, M. Becquerel, en 1844, fit quelques obser- vations très-peu nombreuses sur les Insectes au moyen des aiguilles thermo-électriques, au milieu d’une assez grande quan- tité d’autres épreuves sur les Veriébrés à sang froid. Il eut tou- jours soin de contrôler ses résultats au moyen d'expériences au thermomètre à mercure, contrôle dont 1l proclama la nécessité (A) Ann. des sc. nat., 1840, 2€ série, XIII, p. 9. 5° série, ZooL., T. XI. (Cahier n° 3.) 2 10 416 M. GIRARD. par la difficulté d’avoir une complète identité dans les pouvoirs thermo-électriques des deux soudures. Il n'observa jamais de froid à l’intérieur de ses Insectes, ce qui tient à ce que sa grande habileté dans la manœuvre des aiguilles le rendait moms exposé aux erreurs accidentelles, et, en outre, parce que sur cinq ou six expériences seulement qu'il a faites, l'accident provenant d’un froid dû à l’évaporation du liquide épanché a tr ses pu ne pas se produire. Nous citons les quelques faits de température propre d'Insectes obtenus par M. Becquerel (1), dans le travail duquel, en colla- boration avec Flourens, les Insectes n'ont tenu qu'une place très-secondaire. La température de la pièce où l’on opérait était de 22°,5. Une des soudures a été placée dans le sens de la lon- gueur d’une Blatte, insecte orthoptère (probablement notre Blatte des cuisines, Periplaneta orientalis), et l’autre restant dans l'air, on obtint une différence de température de 0°,75 en faveur de la Blatte. Une larve d'Oryctes nasicornis (Coléop., Scarab.) a donné un excès de température d'environ 1°,5. La chenille du Ver à soie a offert des excès de 0°,87 à 1 degré ; celle de l'Ache- rontia atropos, 1°,66, quand l’animal était actif, la température descendant à celle de l'atmosphère s'il rentrait au repos. Enfin deux chenilles de Sphingides, d'espèces non indiquées, offrent à M. Becquerel des excès de 0°,27 à 0°55. Une observation curieuse de chaleur d’insecte isolé fut publiée en Belgique en 1860, au début de la fondation de la Société entomologique de ce pays, par M. le docteur Breyer (2). Elle porte sur l’insecte qui inaugurait avec Hausmann, en 1803, les premières observations de a individuelle, le Sphinx con- volouli. M. Breyer remarque d'abord que cette espèce fuit la lumière artificielle qu’on projette sur elle en décrivant dans son vol de grands orbes irréguliers, ne se fixant en vol stationnaire pour butiner sur les fleurs que dans l'ombre assez épaisse d’une soirée déjà avancée. L'expérience est considérable par la gran- (1) Becquerel, Traité'de physique considérée dans ses rapports avec la chimuie et les sciences naturelles. Firmin Didot. 4844, t. IT, p. 59, 60, 64. (2) Ann. Soc. entom, belge, 1860, t, IV, p. 92. / ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS, 147 deur des résultats. Déjà, l’année précédente, 1l avait reconnu que ces Sphinx sont chauds entre les doigts quand on les saisit. Le 7 septembre 1859, un de ces Sphinx fut capturé au vol, pris entre le pouce et l'index et fendu. Le réservoir d’un thermo- mètre qui marquait 17 degrés centigrades fut enfoncé en entier dans l’insecte, etle mercure monta en une minute à 27 degrés. Je suppose, d’après les faits de mes propres expériences, que le réservoir pénétrait en partie dans le thorax. M. Breyer ajoute : « Cette expérience a été faite avec toutes, les précautions néces- saires, ni mon pouce, ni mon index, mi la lanterne ne pouvaient en rien augmenter le calorique ; celui-ci provenait uniquement de la chaleur propre de l'animal. » Il croit, en tenant compte de la chaleur perdue absorbée par le thermomètre, pouvoir évaluer au minimum à 52 degrés la tempéraiure propre du Sphinx. Il admet, sans aucune démonstration toutefois, que l’in- secte au repos n'a pas de chaleur et engage à rechercher : 1° la température de l'animal au repos et après un séjour assez pro- longé dans un endroit chaud; 2° après son séjour dans un en- droit froid; 3° après son vol dans une atmosphère refroidie. Il est à remarquer que le Sphinx convolvuli est un insecte du vol le plus puissant qui existe. L'espèce, originaire de l’intérieur de l'Afrique, s'est acclimatée en Europe à la suite d'émigrations, et assez avant vers le Nord. De temps à autre, la race se renou- velle par des sujets africains qui arrivent sur nos côtes du Midi, et dont on reconnait l'état de pérégrination lointaine à leurs ailes déchirées sur les bords et ayant perdu une parte de leurs écailles. En 1862, M. Lecoq, correspondant de l’Académie des scien- ces, fit connaître à cette savante assemblée l'élévation considé- rable de température qui se produit chez les Sphinx lorsqu'ils se soutiennent en position de vol stationnaire (de rapides vibra- tions d’ailes contre-balancant continuellement sur place l’action de la pesanteur) devant les coroiles tubuleuses où ils enfoncent leur spiritrompe si développée. La chaleur qu'ils acquièrent alors surpasse, dit-il, celle des Maximilères et de l’homme, et arrive au moins à la température du sang des Oiseaux. Les 148 M. GIRARD. observations de M. Lecoq ont porté sur le Sphinx convolvuli, l'espèce des observations de Haussmann et de M. Brever, et sur une espèce voisine, le Sphinx pinastri, qui paraît désignée pour la première fois sous le rapport de la calorification, les expé- riences de Newport ayant eu pour objet le Sphinx ligustri. « Les Sphinx du pm, dit M. Lecoq, moins gros, moins vifs et moins rapides, s’échauffent moins, malgré la grande consommation de miel de chévrefeuille qu'ils faisaient sous mes yeux (4). Il serait à désirer que des essais analogues fussent répétés sur les très- grands Sphinx des pays chauds. » | Il est probable qu’ils donneraient des résultats tout à fait ana- logues à ceux du Sphinx convolvuli, dont la taille et la rapidité sont dans les plus grandes du genre. M. Lecoq n’a pas pu croire que le dégagement considérable de chaleur dont il était témoin fût le résultat direct et unique de la combustion du sucre qu'ils élaborent par l'oxygène de l’air de leurs trachées. Il a préféré une explication tout à fait madmissible par une prétendue trans- formation du mouvement en chaleur, phénomène qui n'accom- pagne pas la production du mouvement mais son extinction. Nous avons réservé pour la fin de cet historique, en modifiant un peu l’ordre des dates, l'exposé des importants travaux de Newport, dont nos recherches sont le complément direct. 8 2. Indication sommaire des travaux de Newport sur la chaleur propre des Insectes. Les observations de Newport (Trans. philos., 1837, p. 259 et suiv.) méritent de former un chapitre spécial ; leur valeur est telle que nous ne devons pas hésiter à supprimer la publication des résultats analogues que nous avons obtenus depuis par des méthodes différentes et variées. Les travaux de Newport se composent de deux parties dis- tinctes : les observations caloriques sur les Insectes réunis en (1) M. Lecoq, Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. LV, p. 191, 1862; M. Girard, Comptes rendus, &. LV, p. 290, 1862. ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 149 agoelomérations nombreuses et celles de la chaleur propre des Insectes isolés. L'intérêt considérable de la première série d'études nous oblige à en dire quelques mots, bien que nos recherches se soient exclusivement occupées du second sujet. Le mémoire de Newport, trop peu connu en France, y est surtout célèbre par la démonstration du pouvoir de calorifica- tion volontaire des Hyménoptères sociaux, nidifiants, soupçonné par Huber et par Dubost pour les Abeilles, mais non prouvé. Il y a des individus, appartenant à la section des nourrices, qui, à certaines époques, se livrent à une véritable imcubation en se posant sur les cellules renfermant les nymphes prêtes à éclore, ayant besoin d’une chaleur excédante pour se débarrasser de leur dernière enveloppe. Les couveuses sont surtout de jeunes femelles imparfaites qui ne quittent pas leur poste pendant dix à douze heures, ou sont aussitôt remplacées par d’autres en cas d'absence, et le surcroît de chaleur libre qu'elles rayonnent est accompagné d’une respiration plus active, indiquée par des mouvements précipités des arceaux de l'abdomen. Les expé- riences de Newport ont été faites sur des nids de Bourdons (Humbles Bees), notamment de l'espèce la plus grosse de nos contrées, le Bombus terrestris (p. 296 et suiv.). Le nombre de sujets des nids est peu considérable, et leur large corps peut aisément recouvrir le réservoir du thermomètre ; les résultats observés ont été étendus par Newport, par induction légitime, aux ruches d'Abeilles. I constata ainsi, en glissant sous le ventre le réservoir du thermomètre, des excès de température de 6 de- grés pour le corps des Bourdons couveurs, au-dessus de la tem- pérature des cellules non recouvertes, et bientôt sortaient de jeunes Bourdons mous, imprégnés de sueur, très-sensibles au moindre courant d'air, et se glissant parmi les autres Bourdons pour se réchauffer. Newport compare, avec une grande justesse, les Hyménoptères sociaux, au moment de la transformation de la nymphe, aux petits des Mammifères à l’instant de la nais- sance, incapables, pendant quelque temps, de produire et de maintenir une chaleur suffisante, et ayant besoin de la protec- 150 M. GIRARD. tion d’une chaleur extérieure. Ce principe, démontré par W. Edwards pour les animaux supérieurs, est, dit Newport, une des grandes lois universelles et simples de la vie animale. Toute cette partie du mémoire du naturaliste anglais est d'une haute valeur, et l’on y trouve un nouvel argument à ajouter à d’autres, par suite de la trop faible chaleur propre des sujets au moment où ils naissent, de l'assimilation à de véritables œufs des nym- phes, chrysalides et pupes des Insectes à métamorphoses com plètes. Newport a étudié les variations de température des ruches pendant toute l’année (p. 299, 307, 309, etc.), au moyen de thermomètres fixés à demeure et d'avance, afin qu'on ne pût attribuer les nombres observés à un trouble accidentel causé dans la ruche par l'introduction de l’instrument, amenant des mouvements insolites chez les Abeilles, et par suite un dégage- ment de chaleur. Newport a soin de faire remarquer qu'il res- sort de ses expériences que la chaleur des ruches est toujours liée à l’énergie de la respiration, et que, quand les Insectes se . sont élevés à un certain degré au-dessus de la température ambiante, une abondante transpiration cutanée se produit, qui amène une diminution immédiate de température. « La tempé- rature interne des ruches, dit Newport, augmente graduelle- ment de mars en avril, et prend son maxiinum dans les mois de mai et de juin, époque de l’essaimage, où éclosent un nombre considérable de jeunes Abeilles, ce qui s'explique par la faculté de calorification, nécessaire pour l’éclosion des nymphes. » D'après Newport, l'excès de température de l'Apes melhfica sur l'air ambiant est de 5 à 7 degrés, en état d’excitation modé= . rée, et peut parfois atteindre 10 degrés. Lors de l’essaimage, la température de la ruche peut s'élever à 35 degrés, montant alors à un excès d'environ 15 degrés sur la température exté- rieure ; l'excès moyen de la première partie de l’année, de fé- vrier à juin, dépasse beaucoup eelui de la seconde partie, de juin à la fin de novembre. En août, la température de la ruche varie de 27 à 30 degrés au milieu du jour, pour une tempéra= ture extérieure souvent de 25°,5, de sorte que les Abeilles pro- # ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 151 duisent moins de chaleur à cette haute température qu'à 20 degrés, lors de l’essatmage, parce qu’elles sont moins exci- tées. La température de la ruche, d’après Newport, s’abaisse graduellement à mesure qu'on approche des mois de décembre et de janvier, au point qu'alors, selon lui, la moyenne ne dépas- serait pas + 7 degrés. Les Abeilles tombent alors en engour- dissement, et leur respiration devient presque nulle, Il à même constaté parfois, dans les hivers 1835-1836 et 1836-1837, une température de la ruche inférieure à la congélation de l’eau ; si alors on réveille les Abeilles en frappant de petits coups réitérés sur les parois, la chaleur se développe aussitôt, et peut s'élever à + 22°,2, selon Newport, les Abeilles agitées s’accumulant autour du réservoir du thermomètre, remarque à laquelle l’au- teur anglais n'a pas prêté une attention suffisante. Newport re- connaît que son opinion est en contradiction avec les anciennes observations de Swammerdam, de Réaumur et d’Huber, d'après lesquelles il se maintiendrait en hiver dans les ruches la tem- pérature élevée d’un perpétuel printemps. Il croit qu'il y a là erreur due à ce que l'introduction des thermomètres causait aux Abeilles engourdies une agitation factice suivie d’une chaleur exagérée. Or les apiculteurs n’ont jamais admis l’engourdisse- ment hibernal des Abeilles et la basse température qui l’accom- pagne. D'autre part, les expériences de Newport sont incontes- tables. Je crois qu’une circonstance à laquelle Newport n’a pas pris garde peut tout expliquer. Certainement Newport n'a pas eu connaissance d'anciennes et trés-remarquables expériences faites par Dubost (Méthode avantageuse de gouverner les Abeilles. Bourg (Ain), 1800). Du- bostavait fait construire des ruches de bois pourvues de vitrages, contenant chacune au centre un thermomètre à mercure, en- touré d'un étui de bois percé de trous et fixé à demeure, afin d'éviter Fobjection qui lui fut faite par Huber sur l'introduction brusque du thermomètre, cause d'erreur que Newport suppose, probablement à tort, avoir existé dans toutes les anciennes expériences. Dubost a reconnu qu’en été, au moment de l’essai- mage, la chaleur de la ruche varie de 28 à près de 34 degrés, et 152 M. GIRARD. se tient habituellement à 32 degrés, que la chaleur est à peu près égale à celle qu'une Poule communique à ses œufs lors- qu’elle couve. L'éclosion du couvain parait souffrir de tempéra- tures plus basses ou plus élevées. C’est pour augmenter la cha- leur nécessaire à cette éclosion que les Abeilles, quittant leurs tra- vaux, se groupent au centre de la ruche, sur les gâteaux, seser- rant les unes contre les autres (p. 13), procédant de la sorte à une véritable incubation, etn'ayant qu'une inaction apparente; les Abeilles savent ainsi entretenir une chaleur déterminée, absolu- ment nécessaire pour opérer la naissance «les jeunes Mouches (p. 17). Si, au contraire, la chaleur devient trop forte dans la ruche, les Abeilles établissent des ventilateurs qui ne sont autres qu'elles-mêmes, se portant vers l'entrée, se cramponnant aux parois, et agitant leurs ailes avec une rapidité telle, que l'œil peut à peine en suivre les mouvements. Dubost examina, jour par jour, la température de ses ruches pendant le rigoureux hiver 4788-1789. Après l’éclosion du couvain, la température des ruches tombe à une valeur de 20 à 25 degrés, mais reste à celte limite, même par les froids les plus rigoureux, pourvu que les Abeilles serrées en peloton continuent à entourer le thermomètre ; mais on peut, peu de temps après, trouver ce même thermomètre à quelques degrés au-dessous de zéro. Dans cette saison, en effet, les Abeilles n’occupent jamais qu’une partie de la ruche, et si elles s’éloignent du thermomètre celui-ci subit l'influence de la température extérieure (p. 10). Ce fait donne, sans doute, la raison des résultats assez variés selon que les pelotes d’Abeilles étaient plus ou moins voisines du thermomètre, constatés par Newport pour ses ruches en hiver, et des basses températures qu’il y observait quelquefois, habi- tuellement supérieures toutefois à la glace fondante. Dubost vit le thermomètre descendre dans une de ses ruches à —5 degrés, la serre où elle était placée étant à —8 degrés et l'air libre du dehors à —20 degrés. Les Abeilles, vives et bien portantes, avaient quitté le centre de la ruche où était fixé le thermomètre, pour se placer dans la partie supérieure. Une autre ruche, plus peuplée et plus riche en miel, laissée au froid rigoureux du ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 193 dehors, conservait, comme à l'ordinaire les hautes températures indiquées. Dans l’intérieur des deux ruches pendaient des gla- çons s’arrêtant brusquement autour des parties où les Abeilles rassemblées en peloton conservaient une haute température. Dubost, à la fin de janvier 1789, observa des ruches sans abri dans la campagne, et, en frappant légèrement sur les parois, entendait aussitôt assez de bruit pour être rassuré sur le sort de leurs habitants; on ne peut présumer que, dans un pareil hiver, la gelée n’eût pas pénétré jusqu'aux Abeilles, si elles n'avaient eu le pouvoir de l'arrêter. Les Abeilles ne sauraient résister sans périr, même pendant peu de jours, à un véritable engourdisse- ment; en hiver, elles se réunissent en masse et sont toujours environnées d'air chaud. Non-seulement elles ne succombent pas sous les atteintes du froid, mais peuvent encore se déplacer dans la ruche et notamment se serrer davantage, si le froid augmente, de sorte que le thermomètre au milieu des Abeilles monte alors de quelques degrés (p. 29), pour descendre, au contraire, si le temps devenant plus doux, le peloton s’éclaireit. Les expériences de Dubost,si curieuses et conduites avec une véritable précision scientifique, sont restées ignorées, non-seule- ment de Newport, mais des auteurs français, ainsi qu'on peut s’en assurer en lisant le court extrait du journal l’Znstitut au sujet du mémoire de Newport inséré dans les Annales des sciences naturelles (Zoologie, 2° série, t. VII, 1837, p. 124), et l’excel- lent ouvrage de M. Gavarret, De la chaleur produite par les étres vivants (Paris, 1855, p. 889 et ailleurs). Il n’en reste pas moins acquis à Newport la preuve expérimentale de la chaleur d’in- cubation, et cette découverte importante que les dégagements de chaleur des Hyménoptères sociaux sont proportionnels à l’acti- vité des mouvements respiratoires et à la quantité d'air respiré. Dubost, au contraire, tombe, à ce sujet, dans une erreur mani- feste, quand il remarque que l’activité et la chaleur des Abeilles sont en raison de la quantité de miel qui se trouve dans la ruche et qu'il attribue la chaleur dégagée à la fermentation du miel servant à échaufter les Abeilles (p. 3 et 13). Il est juste de dire, qu'à l'époque où Newport expérimentait, la théorie chimique de 154 M. GIRARD. la respiration était autrement établie et justifiée qu'à la fin du xvur° siècle. | Newport à ajouté à ses observations sur les Abeilles et les Bourdons la recherche de la température des nids de quelques autres Hyménoptères sociaux. Il à trouvé des excès de 44 à 15 degrés au milieu du guépier de la Vespa vulgaris. Dans le nid de là Formica herculeana, l'excès était d'ordinaire de 6 de- grés environ, mais pouvait monter à 13 degrés si les Fourmis étaient fortement excitées. Les nids des Bombus lapidarius et sylvarum n’ont ordinairement, comme celui du Bombus terres- tris, que 5°,5 à 6°,5 d'excès; mais il peut s'élever à 40 degrés si les Bourdons sont excités ou dans une période d’incubation. Les recherches de Newport sur les Insectes isolés, au point de vue de la chaleur, comprennent plusieurs aspects de la question. Il s’occupe de la chaleur propre de diverses espèces choisies dans plusieurs ordres différents et à l’état adulte (p. 283 et suiv..). Il y a ici deux résultats dignes d’être cités spécialement. Parmi les Coléoptères, les Carabus monilis, violaceus et nemoralis n'ont jamais présenté que des excès à peine sensibles au-dessus de l'air ambiant, comme 0°,1 à 0,2, tandis que le Helolontha vul- garis donnait des excès de 4 à 5 degrés pour sa température externe et le Rhizotrogus solsthitialis de 0°,8 à 1°,7 (p. 293). Or, les Carabes sont des Coléoptères terrestres, à trachées tubuleuses, et les Hannetons des Coléoptères volants à trachées vésiculeuses; la liaison avec la respiration est immédiate. Chez les Lépidop- tères, il faut noter les expériences sur le Sphinæ ligusiri, pour lequel Newport trouve des excès extérieurs très-variables, de 0°,2 à 5 degrés, les plus grands ayant lieu quand l'insecte est en mouvement, les plus faibles lors du repos. Une série intéressante de recherches se rapporte à l'influence de diverses conditions physiologiques sur la chaleur libre des Insectes. Elle décroît avec la privation d'aliments (p. 272);et les résultats sont conformes à ceux que j'ai obtenus pour des Bourdons dont la chaleur propre, soit au thermomètre différen- tiel à l'air, soit à la pile thermo-éleclrique, décroit à mesure ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 199 qu'ils s’affaiblissent par la privation de miel. Le repos et le som- meil amènent aussi une forte et immédiate diminution dans la chaleur propre dégagée (p. 273). Newport dit avoir quelquefois vu chez des Bourdons endormis la température s'abaisser un peu au-dessous de celle du dehors, de 0°,1 environ, mais c'était seulement dans le cas spécial où celle-ci était en voie de rapide accroissement et par la lenteur avec laquelle tend à se faire l’é- quilibre. Quand cela arrive, dit Newport, l'msecte se réveille légèrement et fait une ou deux fortes inspirations ; sa tempéra- ture se relève rapidement au niveau de celle de l'atmosphère et l'animal retombe dans son sommeil primitif ; l'inverse se pré- sente si la température de l’air diminue, l’insecte endormi peut ou rester bien plus chaud que l’air ou s’abaisser peu à peu, mais moins rapidement que l’ar, et cela avec plus de lenteur que lors de l’échauffement. Je suis obligé d'appeler l'attention sur ces faits, dus surtout à la conducübilité calorifique et qui se pas- sent dans un milieu à température variable, afin qu’on ne puisse pas les opposer à des expériences dans des conditions différentes que j'ai à faire connaître, et où des abaissements de température superficielle se produisent dans un air à température constante. Newport a surtout examiné sous le point de vue du sommeil le Melolontha vulgaris, l'Apis mellifica, le Bombus terrestris et la chenille du Sphinx lhigustri; une table donne pour cette der- nière là concordance des décroissements de l'excès de tempé- rature avec la durée du sommeil et la diminution coïncidante des pulsations du vaisseau dorsal. L'étude de l’hibernation appar- tient au même ordre d'idées et comprend principalement les températures comparées des nids de l’Anthophora retusa en ac livité et dans le sommeil d'hiver (p. 275-279). Cette espèce présente la particularité remarquable que, dés le mois de sep- tembre, on trouve dans le nid des larves, des nymphes et des adultes éclos qui attendent sans sorür jusqu'au milieu du printemps de l’année suivante, vivant aux dépens de la graisse accumulée dans leurs tissus. Alors, dit Newport, la nymphe ei l'adulte hibernants restent sensiblement à la température ambiante, tandis que la larve, 156 M. GIRARD. seule active et mangeant la pâtée mielleuse, est plus chaude qu'eux. Il en est tout autrement quand la saison d’hibernation est passée et que la femelle rousse s'envole à tire d'ailes au soleil de mai et de juin. La température est alors fort au-dessus de celles de la larve, de la nymphe et de l’insecte hibernant. Le nid, construit dans un sol mauvais conducteur, n’a encore en avril, l'hibernation n'ayant pas cessé (du moins en Angleterre), qu'une température de 43 degrés, tandis qu'après la sortie des adultes actifs et alors qu’ils construisent des cellules et les ap- provisionnent de pâtée mielleuse, la température des cellules s'élève à 27 degrés et plus. Newport, dans ses recherches sur la chaleur superficielle des larves (p.264), n’a jamais constaté de froid, c’est-à-dire d'abais- sement au-dessous de la température ambiante. Il a prineipale- ment opéré sur de grosses chenilles rases, les poils de beaucoup d'espèces ne permettant pas une application facile du thermo- mètre ; il a examiné, en outre, des larves d'Hyménoptères, soli- taires ou sociaux, et de Diptères. Il n’a pas fait d'expériences sur les larves de Coléoptères, regardant les résultats comme ana- logues à ceux des larves précédentes, d’après la ressemblance des sujets. Quant aux larves des Orthoptères et des Hémiptères, que les conditions d'existence et la conformation rapprochent beaucoup des adultes, 1l est mule de les étudier à part, car elles ne doivent pas différer notablement sous le rapport de la pro- duction de chaleur et de sa dépendance avec la respiration. Newport est arrivé à formuler cette loi générale que la tem- pérature de la larve est toujours plus basse que celle de l'adulte de la même espèce, en prenant deux individus dans un état d'activité analogue relativement à leurs conditions habituelles. Pour les larves des Hyménoptères les plus élevés, comme les Bombus, Anthophora, ete., l'excès s'élève de 1°,4 à 2°,2, tandis que pour les adultes il monte de 1°,7 à 4°,4 et 5°,5 et bien plus si l’insecte est fortement excité. Pour la larve et l'adulte de Musca vomitoria (Diptères), la différence est un peu moindre, atteignant rarement 0°,8 pour la larve et 1°,4 pour l'adulte. Les insectes Diptères ont une température un peu moindre que les ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 157 Hyménoptères, mais il faut dire que la faible masse des Diptères européens rend l'observation difficile etpeu précise. Sur les grands Lépidoptères, à corps volumineux, la même difficulté n'existe pas. La larve de l’Acherontia atropos n'a pas dépassé un excès de 0°,25 environ, et, au repos, était tout à fait à la température ambiante; celle de Pygæra bucephala de 0°,25 à 0°55, de l’Atia- cus carpini de 0°,2 à 0°5, selon le degré d'activité. Les nombres sont analogues pour les chenilles des Smerinthus populi et ocella- tus, Dicranura vinula et Sphinx ligustri. La chenille de D. vi- nula a parfois offert un excès de 1 degré; celle de Sphinx ligustri avait son maximum du cinquième au sixième jour après sa dernière mue, alors qu'elle mangeait avec beaucoup de vora- cité, comme les Vers à soie en grande frèze; elle atteignait alors un excès de 0°,7, puis les jours suivants n'avait plus que 0°,5, et enfin 0°,3, au moment de se chrysalider, sa respiration étant alors moindre et sa température affaiblie par une abondante transpiration. Les adultes vigoureux de ces deux dermières espè- ces accusalent, au-dessus de leurs larves, toujours pour la tem- pérature superticielle, des excès qui s’élevèrent parfois à près de h°,1L et ordinairement à 2°,8. Dans toutes ces expériences de Newport, les températures absolues de l'air varièrent de 43 à 20 degrés. Le naturaliste anglais fit aussi quelques expériences pour constater la température interne des mêmes chenilles, au moyen d'incisions, procédé qu'il regarde comme très-défectueux. Ses nombres sont analogues aux précédents. La température intérieure des larves de l’Anthophora retusa (Hymén.) fut prise sur des sujets dont les nids étaient depuis plusieurs jours dans une chambre de chaleur à peu près constante, et, sur chaque larve, aussitôt après qu’elle était retirée de sa cellule; l'excès pour un grand nombre de ces larves fut en moyenne de 0°,55. Une d'elles présentait ce même excès à l’intérieur comparative- ment à la température de sa face ventrale; pour la larve de Musca vomiloria mème excès interne, mais pendant quelques secondes seulement, à cause du peu de masse. Les expériences de Newport sur les chrysalides ou nymphes (p. 267), sans nourriture et sans mouvements de progression, des 158 M. GIRARD. ° Insectes à métamorphoses complètes, sont peu nombreuses. indique, comme fait général, que cet état de repos correspond à une température plus basse que dans les périodes d'activité antérieure et subséquente, c’est-à-dire pour la larve et l'adulte de même espèce. Il a trouvé d'habitude que les Insectes sont alors très-sensiblement à la température ambiante. C’est ce qu'il constate sur des chrysalides de Sphinæ l'igustri, placées chacune dans une fiole de verre à côté du thermomètre, et observées pen- dant trois jours. Il à trouvé une fois un abaissement de tempé- rature de 0°,05 et remarque que, la température de l'air extérieur étant alors en train de s'élever, cela provient simplement d’un effet de conductibilité ; une chrysalide de la même espèce était en hiver trés-sensiblement à l'intérieur, comme l’incision le fit voir, à la température de glace fondante ainsi que l'air ambiant. Newport n’a pas eu l’idée de suivre à la balance la perte de poids des chrysalides par évaporation et a ignoré les faits nouveaux que nous ferons connaître sur leur abaissement superficiel de température et sur le rôle du cocon. Des pupes de Musca vom- toria, recouvrant le réservoir du thermomètre, n'amenérent aucun changement; avec des nymphes d’Abeilles il y eut un léger excès, bientôt éteint par la rapidité avec laquelle les nym-- phes perdent leur chaleur comparativement aux larves; cela explique, dit Newport, pourquoi tant d'Hyménoptères enfouis- sent leurs nids en terre dans les couches sèches et peu conduc- trices et prises dans les talus exposés au soleil levant, pourquoi les Abeilles et les Bourdons se pressent en foule sur les cellules contenant les nymphes prêtes à éclore, afin de leur procurer Paugmentation de chaleur nécessaire pour la transformation. Dans quelques circonstances seulement la température des chry- salides s'élève au-dessus de celle de l'air ambiant ; ainsi au mo- ment où elles viennent de se former, que leur tégument est encore mou et leur respiration active, leur excès de température ne le cède pas à celui des larves. Ainsi la chrysalide toute ré- cente de Sphinæ liqustri dépassait de 0°,7 la température de sa coque de terre, mais au bout d'une heure, fa différence était à peine de 0°,2. Une chrysalide fortement excitée s'élève au-des- ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 159 sus de la chaleur ambiante et de même si l'on augmente ou si l'on diminue subitement la température de l'air qui l'entoure, et enfin au moment où elle va devenir insecte parfait, en un mot, alors que sa respiration doit augmenter. Les résultats obtenus par Newport pour les Insectes adultes comparés aux élais antérieurs (p. 270) sont fort importants, tout à fait conformes aux données de la physiologie sur les Vertébrés supérieurs, et entièrement confirmés par mes expériences au même point de vue et par d’autres méthodes. L'insecte, dit.il, ayant achevé sa dernière métamorphose, offre une température du corps plus élevée qu'à toute autre époque de sa vie, et, quand il est dans une période d'activité, 1l est moins influencé par les changements subits de température de l'atmosphère que dans ses premiers états d'existence de larve et de chrysalide. Il pos- sède donc une plus grande puissance de produire de la chaleur et de maintenir sa température; mais cette faculté n’est acquise que quelque temps après que linsecte à pris l’état parfait, et d'une manière variable, selon les espèces. Lorsqu'un Lépidop- tère quitte la peau de la chrysalide, son corps est entièrement mou et débile, ses ailes non encore développées et il paraît posséder moins de chaleur propre que quand il allait se trans- former de larve en chrysalide. Sur ce point, Newport aurait pu remarquer qu'il y à un effet accidentel d’évaporation. Le papil- lon, reprend-il, cherche un lieu retiré où il puisse se suspendre verticalement en repos pour compléter le développement de ses organes locomoteurs. Pour cela, il respire avec force et long- temps; le gaz imspiré pénètre dans les grands sacs aériens de l'abdomen et jusque dans la base des ailes avec lesquelles les troncs irachéens sont en communication directe, el ces organes se développent à mesure que l’air entre dans les trachées qui en suivent les nervures. En même temps la température de l’insecte se relève peu à peu, atteignant son maximum quand les ailes sont tout à fait devenues fermes et aptes au vol. Ainsi la Dicra- nura vinula (Lép., Chalinoptère, Nototondides), une demi-heure après sa sorûe de la chrysalide, n'avait qu’un excès de 0°,14 : au bout d’une heure, 0°,17; d’une heure et demie, 0°,33, et l’In- 160 M. GIRARD. secte était pendant ce temps peu actif. Au bout de deux heures et demie, l'animal devenu plus vif, l’excès fut de 0°,66 et, les jours suivants, très-excité, de près de 4 degrés. De même, le Sphinæ ligustri (Lép., Chalir., Sphingiens), au bout d’une heure et un quart d'éclosion, avait un excès de 0°22; de deux heures et un quart, 2°,9 alors qu'il commençait à voler; un autre, ayant volé plus longtemps, offrait un excès extérieur de 5 degrés. Dans ces mêmes espèces, les excès des larves ne sont que de 0°,7 à 4 degré. La production de la chaleur présente à peu près la même loi pour les Hyménoptères, dont nous devons faire remärquer l’ana- logie d'organisation trachéenne avec les Lépidoptères, celle de la forme des ailes pour les papillons à vol très-puissant, etc. Newport déclare n'avoir jamais trouvé un seul cas dans lequel il n’y eût un certain excès sensible de température extérieure chez les Insectes parfaits en activité de mouvement; on peut, dit-il, regarder comme admis que toute la classe développe une certaine chaleur extérieure. Mes résultats sont en complet accord avec ceux du naturaliste anglais, sauf quelques exceptions qu'une forte évaporation explique ; dans les jours chauds, j'ai quelque- fois trouvé l'abdomen, mou et gonflé d'œufs, de grosses femelles d'Attacus (Lépid., Chal., Bombyciens), ou de Gryllotalpa (Or- thopt. coureurs) très-légèrement au-dessous de l'air ambiant. Le-docteur Berthold, fait remarquer Newport, n’était pas arrivé à cette conséquence uniforme, et n'avait pas reconnu de chaleur appréciable dans deux expériences répétées par Newport avec des résultats différents. Ainsi Newport rapporte que vingt individus de Musca vomiloria adultes (Calliphora R. D.) lui donnèrent, en état d'activité, un excès de 0°,55 à 1°,55, l'air étant à 11°,1, et les mêmes, au repos, seulement 0°,35 ; Berthold n'avait pas trouvé d’excès à 21°,2, sans doute ses mouches étant trop peu actives. En cherchant à constater si un Insecte isolé dégageait de la chaleur, et pour cela introduisant de demi-heure en demi- heure un thermomètre dans une meision faite sous les élytres d'un Hanneton, il n’obüint aucun résultat, ce qui doit tenir à une évaporation de liquide extravasé, tandis que Newport trouve sur ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 161 divers Hannetons, selon leur activité, des excès variant de 4°,1 à o degrés. Ces faits suffisent, affirme Newport, pour prouver l'existence chez les Insectes d'une forte température du corps, plus grande chez l'adulte que chez la larve, et en accord avec les faits obser- vés par W. Edvards relativement à la différence qui existe entre la température des jeunes Mammifères et des adultes. Les conclusions (p. 324) du mémoire de Newport sont toutes dirigées vers la démonstration de la dépendance continuelle et intime de la respiration et de la chaleur animale et justifient l'opinion émise dans notre travail, que les Insectes sont au nom- bre des animaux qui établissent le mieux cette corrélation. « Relativement aux mœurs et à la structure anatomique des Insectes, dit-il, la quantité de chaleur est la plus grande chez les Insectes qui volent; ils ont aussi les organes respiratoires les plus amples et ce sont ceux qui consomment le plus d'air. Chez les Insectes terrestres, la chaleur est plus grande chez ceux qui ontles organes respiratoires les plus volumineux et qui respirent la plus forte quantité d'air, quelle que soit la disposition de leur système nerveux. (Newport fait ici, entre autres Insectes, allu- sion aux Hannetons à trachées vésiculeuses plus chauds que les Carabes à trachées tubuleuses.) » Dans l’état de larve, les organes respiratoires sont moins amples que chez l'insecte parfait, comparativement au vo- lume du corps, et la larve à toujours la température moins éle- vée. Il faut toujours observer si l'activité respiratoire est la même dans les sujets que l’on compare. Ainsi, bien que les organes respiratoires aient plus de capacité dans la chrysalide que dans la larve, la température de la première est plus basse en raison de la condition physiologique d’une respiration inactive. » « En considérant ces faits et en comparant, par analogie de condition, les Insectes aux Oiseaux, selon l'opinion du professeur Grant et de Richard Owen, vu la grande extension que prend dans ces deux classes l’appareil respiratoire disséminé dans tout le corps et l'activité de la fonction, et d'autre part la plus grande élévation de température des animaux des deux groupes, par de série, ZooL., T. XI. (Cahier n° 3.) 11 162 M. GIRARD, rapport aux autres classes de leurs embranchements respectifs, nous ne pouvons nous empêcher d'admettre l'opinion des plus éminents physiologistes, que la chaleur animale est le résultat direct des changements chimiques qui ont lieu dans l’air respiré. » On pourrait arguer que la rapidité de la respiration coïn- cide avec celle de la circulation, et que cette dernière puisse peut-être précéder la première et être, en réalité, la cause du dégagement de la chaleur. On peut répondre à cela que la larve a une Circulation plus rapide et cependant développe moins de chaleur que l'Insecte parfait. On peut voir, par un grand nom- bre d'observations inscrites dans mes tableaux, que la rapidité des pulsations du vaisseau dorsal peut coïncider avec un faible excès de température, On a reconnu que la larve en train de s’é- veiller n'offre pas un plus grand nombre de pulsations, jusqu'à ce qu'ait commencé la première respiration, et dès lors la chaleur devient apparente. » « Nous avons vu que dans les Insectes volants les plus par- faits, comme les Abeilles et les Sphinx, il y a la plus forte cha- leur que dégage cette classe d'animaux et aussi la plus grande quantité d'air consommé (cette corrélation n’est toutefois pas appuyée d'analyses chimiques). Ils offrent aussi un système ner- veux très-développé, et par suite on pourrait conclure, avec rai- son, que ce système doit avoir une grande influence sur la pro- duction de la chaleur. Mais, d'un autre côté, nous trouvons un grand nombre d’Insectes, comme les Méloés (Coléoptères, de la tribu des Cantharidiens, à gros corps mou), qui produisent beaucoup de chaleur et dans lesquels le système nerveux est comparativement peu développé; mais ces Insectes ont des or- ganes respiratoires volumineux et une respiration étendue, Dans les Staphylins (Coléoptères) le système nerveux est extrêmement développé comparativement au volume du corps, les organes respiratoires sont assez grands, l’excès de chaleur très modéré. Dans les Carabes (Coléoptères), le système nerveux est développé, de même que les organes de la respiration; mais l'activité de la respiration et l’excédant de la chaleur sont peu considérables (les trachées sont tubuleuses). Les Blaps (Coléoptères) sont dans ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS, 163 le même cas, sauf que leur système nerveux est d'un petit déve- loppement. Si la production de la chaleur dépendait du système nerveux où du nombre de ses ganglions, la Sangsue qui a vingt- deux ganglions devrait produire plus de chaleur que les che- nilles des Lépidoptères, qui n’en ont que dix ou douze, et les larves, en général, devraient donner autant de chaleur que les Insectes parfaits. Chez les larves de l’Abeille, du Frelon, de l’Ichneumon, de la Tenthrède, qui produisent tant de chaleur, le système nerveux est extrêmement réduit; et si, comme quelques- uns le supposent, la chaleur est le résultat des contractions mus- culares, elle doit être la plus développée là où il y a la plus grande contractiité musculaire. Elle devrait donc se produire plus dans la Sangsue que chez les autres Annelés et elle devrait exister chez ces Vertébrés qui sont, au contraire, notés comme des animaux à sang froid. » Ces faits, d’après une müre réflexion, rapprochés de cette remarquable circonstance que l’Abeiïlle possède la puissance de produire la chaleur à volonté, nous conduisent à la conclusion que, bien que toutes les fonctions se rattachent plus ou moins à la production de la chaleur, la cause immédiate réside dans les changements chimiques effectués pendant la respiration, et que l'influence du système nerveux ne vient qu’en seconde ligne. » & 3. Méthodes expérimentales employées pour rechercher la chaleur propre des animaux articulés et spécialement des Insectes. (Discussion au point de vue de la physique.) Les élévations de température les plus sensibles, les plus an- ciennement signalées chez les animaux Articulés et principale- ment chez les Insectes, ont été observées, avons-nous vu, quand ces petits êtres sont accumulés en grande quantité, et surtout dans des espaces elos, à parois peu conductrices de la chaleur, comme la paille des ruches, le carton naturel ou les creux d’ar- bres des guêpiers, les matériaux meubles et pénétrés d’air inter- calé des fourmilières. La chaleur diffusée à l'intérieur par les parois se concentre, la température monte et, par une réaction 164 M. GIRARD. naturelle sur l'organisme, l’état physiologique des sujets ainsi renfermés ne peut être le même que s'ils sont isolés à l'air libre. En outre, dans ces expériences, ces petits animaux, entassés les uns sur les autres, sont dans un état d’excitation qui augmente leur chaleur propre habituelle, et, de plus, ils offrent alors une masse considérable qui rend bien mois sensible l'effet du fluide ambiant dont la capacité calorifique tend sans cesse à amener un partage de la chaleur et à établir l'identité de température. Quand il s’agit de Mammifères et d’Oiseaux, à dégagement con- sidérable et continuel de chaleur en vertu d’une respiration incessante et d’une circulation précipitée, et présentant, en outre, le plus souvent, une grande masse, on conçoit que l'influence du milieu ambiant soit négligeable. Il n’en est plus de même assu- rément pour de petits animaux de très-faible poids et dont la respiration est, en général, intermittente, et c'est cette double influence qui ne nous permet de constater, dans beaucoup de cas, sur les Insectes pris isolément, que des excès de température assez peu considérables, alors que, pris au contraire en amas, ils offrent des excès comparables à ceux des animaux supérieurs. Onne doit donc pas perdre de vue que le problème se complique ici de l’action incessante du milieu ambiant et du thermomètre dont la masse est le plus souvent bien supérieure à celle de l’a- njmal isolé, ce quitend à amener un prompt équilibre. Quand les Insectes sont de grande taille et en activité de res- piration et de mouvement, comme les Sphinæ convolvuli et ligustri, qui butinent le soir sur les fleurs des jardins, la chaleur dégagée est assez grande pour impressionner là main quand on les saisit dans le filet qui a servi à les capturer. Les recherches sur la chaleur animale se divisent en deux sroupes bien distincts, les méthodes calorimétriques et les éva- luations au thermomètre. D’après la nature de nos expériences, nous n'avons à examiner que l’application aux animaux Articulés des procédés thermo- métriques, qui indiquent seulement des différences d'avec la tem- pérature ambiante, incontestablement liées aux phénomènes de la respiration et de la circulation, mais sans aucune corrélation ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 169 numérique pondérable pour les effets chimiques produits. Deux classes de thermomètres ont été mis en usage pour les animaux Articulés, les appareils thermo-électriques où l'effet calorifique est en relation avec le courant électrique obtenu et avec la dévia- tion de l'aiguille aimantée du galvanomètre qui en est la consé- quence, et les thermomètres ordinaires, principalement à mer- cure ou à air, où l'effet calorifique se traduit par une dilatation d'un corps constant et identique avec lui-même et avec les autres instruments de même type. Dans les premières recherches de ce genre sur des animaux Articulés pris isolément, dues à Haussmann (1803), l’Insecte était placé dans une fiole de verre fermée et, à côté, dans la même fiole, un thermomètre, de sorte que l’échauffement de l'air clos de celle-ci se communiquait au thermomètre. Il n’est pas besoin de faire remarquer que la respiration de l’Insecte dans un air confiné cesse bientôt d'être normale et que le verre n’étant pas athermane, il est impossible d'évaluer la part des radiations ex- térieures. John Davy (1) introduisait dans le corps de l'animal articulé, fendu par une large Imeision, le réservoir d’un thermo- mètre à mercure. En opérant de cette facon, il est clair d’abord qu'il produisait chez l'animal une violente perturbation devant d'abord exagérer le résultat normal, puis, au contraire, le di- minuer à mesure que l'Insecte perd, avec ses forces, la faculté de produire et de conserver la chaleur ; en outre, le liquide s’é- coulant de la blessure et subissant une évaporation pouvait ame- ner un refroidissement très-variable. Ces inconvénients avaient frappé Newport, qui, dans ses nombreuses recherches, au moyer du thermomètre à mercure, se contente, en général, de main- tenir l’Insecte au moyen de pinces en contact par un grand nom- bre de points de sa face inférieure avec le réservoir, de manière à l'en recouvrir le plus possible (2). Il se servait de très-petits thermomètres à mercure dont le réservoir avait à peine le dia- mètre d’une plume de corbeau. La pince de métal avec laquelle (4) Ann. de chim. et de phys., 1826, 28 série, t. XXXIII, p. 195. (2) Philos. transact. 1837, 22 partie, p. 259. 166 M. GIRARD. l'Insecte était assujetti, était entourée de laine, et la main qui là tenait munie d’un gant pour éviter le rayonnement. Newport avait pris soin de s’assurer, par des épreuves spéciales, en opérant des frottements étrangers analogues, que le frottement des an- neaux du corps de l'animal, lorsqu'il respire ayec rapidité, contre le réservoir du thermomètre était incapable de produire un échauffement sensible. Newportremarque que, dansles observations délicates, comme par exemple, pour constater les variations de température d’un Insecte en repos où en mouvement, il est nécessaire de faire usage du mème instrument pour déterminer la température de l'atmosphère aussi bien que pour mesurer celle de lInsecte, car on tombe sans cela dans la difficulté de la comparabilité par- faite de deux thermomètres différents. Il avait soin de mesurer d'abord la température de l'air, puis celle de l’Insecte, faisant remarquer que s’il eût, au contraire, observé d’abord celle de l’Insecte, l'humidité déposée sur le réservoir de l'instrument par la transpiration cutanée du corps de animal aurait produit du froid par évaporation et de là une température atmosphérique trop basse; et, par suite, la différence avec celle de l’Insecte trop grande. Il est facile de voir qu’il subsiste encore dans cette manière de procéder de graves causes d'erreur. La nécessité de tenir l’ani- mal immobile et de vaincre constamment ses efforts pour s’é- chapper en l’appuyant sur le réservoir du thermomètre doit amever chez lui un état de trouble qui n’est pas sans influence sur sa chaleur propre. La laine qui entourait la pince et celle du gant n’était pas un obstacle suffisant à la communication de la chaleur de la main par conductibilité du métal, et surtout, en outre, la présence du corps de l'observateur modifiait là tempé- rature de l'air ambiant et celle du thermomètre même impar- faitement recouvert par l'animal. J'ai reconnu par de nombreux essais, en me plaçant dans les mêmes cn'constances que Newport, que cet effet de rayonnement du corps sur des thermomètres très-sensibles peut aller de 0°,5 à ! degré même du thermomètre centigrade, et comme cet effet n’est évité qu'en partie dans les ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 467 expériences de Newport, il ôte toute confiance dans les nombres absolus, surtout pour les petits Insectes. Toutefois, comme cette cause d'erreur est assez constante dans les expériences de cet habile naturaliste, les résultats comparatifs demeurent d'une grande valeur ét font sans contredit du travail de Newport le meilleur que la science possède encore sur cette question. Pour les Insectes très-actifs, Newport s’est, en général, contenté du procédé, si grossièrement approximatif, de Haussmann. Quand il voulait étudier le dégagement de chaleur d’Insectes volants, pour lesquels il eût été fort difficile de maintenir con stamment le thermomètre appliqué contre la région ventrale, il les enfermait isolément dans une petite fiole de verre en les pre- nant au moyen des pinces mentionnées et ayant le soin particu- lier de ne pas toucher la fiole avec les doigts. On peut objecter, dit Newport, que, quand le réservoir du thermometre est appliqué à l'extérieur du corps, il peut rarement être assez complétement couvert pour que l’instrument indique toute la chaleur développée. L'objection, ajoute-t-il, n’a de va- leur que dans les observations de très-courte durée ; en outre, füt-elle très-sérieuse, elle perd sa valeur par la considération suivante : il est presque impossible d'apprécier la température absolument exacte d’un insecte isolé, et quand on cherche la quantité de chaleur dégagée par un Insécte comparée à celle développée par un autre, l'erreur disparaît dans le rapport, les observations faites sur les deux étant pareillement conduites. Cette remarque, trés-importante, domine aussi toutes mes expé- riences. C'est avec beaucoup de raison que Newport recommande de toujours noter à chaque expérience le degré d'activité ou de repos de l’Insecte, ainsi que le nombre des inspirations, car son remarquable travail a surtout pour but de montrer la concor- dance parfaite de la chaleur dégagée avec l'énergie de la con- traction musculaire et de l’activité respiratoire (quantity of res- piration). il à fait un petit nombre d'expériences par le procédé de J. Davy, Pintroduction interne du thermomètre ; il rejette cette 108 M. GIRARD. méthode par suite des causes d'erreur que nous avons énoncées. En outre, dit-il, la grande masse de l'instrument employé compa- rée à celle du corps de l'Insecte dans lequel il est introduit, déter- mine une perte de chaleur absorbée par le thermomètre avant toute dilatation du mercure. Newport ne fait pas attention que la même cause d’erreur subsiste dans ses expériences, où 1l mé— sure la température externe, qu'elle est générale &ans toute expérience où il s’agit de déterminer la température de très- petites sources. Une des raisons pour lesquelles il préfère sa méthode c’est que, si la température de l'extérieur du corps de l’Insecte est toujours un peu plus basse que celle de l'intérieur, la différence n’est pas si grande qu'on pourrait l'imaginer au premier abord. La température intérieure est rarement, dit-il, si même jamais plus, de 0°,8 à 1°,1 (centigrade) au-dessus de celle à l'extérieur, et souvent, quand l'Insecte est dans un état de repos parfait, il n’y a pas même 0°,2 à 0°,3 de différence. Cela est exact pour beaucoup de cas, surtout au repos, mais, chez les bons voiliers en activité, comme nous l’avons constaté, les différences peuvent être plus fortes. Une cause d’erreur commune à toutes les expériences précé- dentes, c’est la nécessité de faire concorder les indications du thermomètre influencé par l'insecte avec celui qui donne la tem- pérature de l'air ambiant, et la difficulté devient notable, si l'on réfléchit que l’état calorifique de l'air ambiant est Incessamment modifié par les radiations du corps de l'opérateur. Il est donc utile d'opérer avee un instrument différentiel, protégé par des écrans et à une distance telle de l’observateur que cette cause perturbatrice devienne négligeable. Je me suis arrêté au choix du thermomètre différentiel de Leslie, à longue colonne liquide, bien préférable à celui de Rumford dans lequel là capillarité des ménisques terminaux à une Influence énorme ettrès-irréguhère, eu égard à la très-faible masse de l’index à faire mouvoir. Cet instrument, gradué comme l’indiquent les physiciens (je n'ai pas besoin de dire qu'il faut faire cette graduation soi-même avec ie plus grand soin, celle de ces instruments que fournit le com- merce étant tout à fait illusoire), donne très-facilement le ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 169 quarantième de degré centigrade. L'une des boules a subi une modification importante. Elle offre une profonde cavité intérieure, de sorte que le volume de l'air compris dans la zone concentrique est sensiblement égal à celui du volume de l'air de l’autre boule. L’orifice rétréci de la boule est fermé par un bou- chon muni d’un tube par où l’air entre et sort librement. L’in- secte, saisi au moyen d'une longue pince de bois, est placé dans la cavité sans aucune pression, se meut volontairement ou reste au repos, respire librement dans un air normal, et la chaleur superficielle de tout son corps agit sur la masse d'air close qui doit pousser la colonne indicatrice de la différence thermomé- trique à travers une pellicule de verre nécessairement très-amin- cie par le soufilage. J'ai fait exécuter ces instruments par un habile artiste, M. Vernoy, bien connu des physiciens et des chi- mistes. L'appareil ainsi modifié pourra servir, non-seulement 170 M. GIRARD. pour de petits animaux, mais pour des fleurs en fécondation, des graines qui germent, des substances en combustion lente, des corps phosphorescents, etc., en un mot, de très-faibles sources. Pour éviter la grave objection que Melloni et Nobili (4) font aux thermoscopes à boules vitreuses, et qui est due à ce que le verre est diathermane et d’une manière très-inégale selon les sour- ces, il suffit d’enduire les boules d’une épaisse couche de noir de fumée ou d’une feuille d'argent qui leur donne, outre l'avan- tage de devenir athermanes, celui de perdre le moims possible par rayonnement. C’est le moyen dont se servent MM. de Lapro- vostaye et Desains dans ce but. Un écran protége les boules contre leurs rayonnements mutuels. Un écran de bois parallèle à l'appareil et revêtu d’une feuille de métal du côté de l’observa- teur, qui se tient au reste à une assez grande distance, empêche tout effet de rayonnement du corps de celui-ci. Une fenêtre munie d’une glace et percée dans l'écran permet de lire la gra- duation. Avec de telles précautions, on est certain que l’excès indiqué provient uniquement et entièrement de l’inseete. De plus, comme l’air n’a qu’une faible masse, il absorbe bien moins de la chaleur superficielle de l’insecte que ne le fait le mercure du réservoir dans les expériences de Newport. On comprend, en effet, que pour de si petites sources, l'influence de la masse du corps thermométrique est toujours très-forte, et lon ne peut avoir que des résultats en moins, relatifs à la chaleur superfi- cielle de animal mis en expérience. D'autre part, outre la même cause d'erreur, la gravité de la lésion éprouvée quand on enfonce des instruments à l'intérieur de leurs organes ne permet pas d'admettre le résultat comme donnant la température intérieure normale. Peut-être une moyenne entre les deux observations approche-t-elle de la vérité ? On voit tout de suite que le genre de recherches dont il s’agit offre bien moins de certitude que pour les Mammifères et les Oiseaux chez lesquels, sans trouble pour l'animal, on introduit le thermomètre, soit dans des cavités naturelles, soit dans des blessures insignitiantes, et chez lesquels (4) Ann. de chim. el phys., 22 série, t. XLVIII, 1841, p. 198. . ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 171 aussi, sauf les plus petites espèces, l'absorption de chaleur par l'instrument est négligeable. Le thermomètre à méreure qui a servi aux expériences de John Davy et de Newport présente l'inconvénient d’une sensibi- lité médiocre pour des sources aussi faibles et surtout d'aussi petite masse que les animaux articulés aériens. Il est singuber que Newport n'ait pas eu l’idée de se servir de son thermomètre très-délicat pour mesurer la chaleur propre des Insectes à l'in- térieur, sans leur causer de lésions, en l’introduisant dans la partie terminale de l'appareil digestif, selon le procédé presque toujours suivi pour les Mammifères et les Oiseaux, et ainsi que nous l’a- vous fait dans une partie de nos recherches. La structure anatomique du gros intestin droit et musculeux des chenilles, sa grande largeur attestée par la dimension des excréments qui en donnent un moule interne exact, et bien su- périeure pour les grosses espèces au diamètre des réservoirs des thermomètres délicats, garantissent contre toute objection rela- tive à une perturbation par lésion. Jai vu les chenilles, après ces épreuves, manger ou filer leur cocon d’une manière com- plète, ce qui prouvait l'absence de blessure. De cette façon, le réservoir entièrement abrité se trouve soustrait aux causes d’er- reur que nous avons signalées, quand onse contente de le mettre en rapport avec la surface du corps de ces petits animaux, et l'on obtient d’intéressants résultats, à cause de la grande diffé- rence des températures interne et externe, vu la puissante réfri- geration de la surface par le milieu ambiant : et cette différence est bien plus forte que pour les diverses régions des animaux supérieurs ; mais ce genre d'expérimentation exige des Insectes d’une grosseur exceptionnelle. Il faut toujours placer l'insecte sur un lit épais de duvet ou de ouate et le tenir avec une longue pince de bois; le bois n'ayant pas de conductibilité appréciable, on évité ainsi l’objection qu'on peut faire à la pince métallique de Newport, même entourée de lame ainsi que là main. Le thermomètre différentiel à air, modifié comme nous l'avons décrit précédemment, est encore plus lent à indiquer les tempé- ratures que ne le sont de très-petits thermomètres à mercure; il 172 M. GIRARD. faut surtout un temps assez long pour qu'il reprenne sa position initiale d'équilibre avec l'air ambiant, à cause des frottements de la colonne de liquide mouillant et de sa capillarité variable avec la température ; et l’inégale épaisseur que peuvent présenter les boules vitreuses ne le met peut-être pas à l’abri de légères in- fluences de la pression atmosphérique. L'extrême sensibilité des appareils thermo-électriques, rend au contraire cette troisième classe d'appareils la plus apte à donner des indications calorifiques dans la généralité des cas. Ces appa- reils se divisent en deux groupes: les aiguilles thermo-électriques, à deux soudures, formées de fer et de cuivre, ou mieux, de fer et de platine, enveloppées de gomme laque, excepté à la pointe: et les piles thermo-électriques, à barreaux multiples de bismuth et d'antimoine. Les aiguilles thermo-électriques, entre les mains habiles de M. Becquerel, ont déjà rendu de grands services pour l'étude de la chaleur animale, et les expériences de MM. Bec- querel et Breschet, trop peu nombreuses toutefois, ont fixé, concurremment avec les thermomètres, la température de l’homme, des animaux supérieurs et de leurs différentes régions. Toutefois, même dans ce genre de recherches où nous ne trou vons pas les causes capitales d’erreur que nous signalerons bien- tôt, M. Becquerel a eu soin de mettre en garde les observateurs contre le difficile usage des aiguilles et les inexactitudes dans lesquelles tombe un expérimentateur peu habile. 1 faut une par- faite identité dans les pouvoirs thermo-électriques des deux soudures, éviter tout échauffement accidentel par le corps ou les mains, se mettre en garde contre les réactions chimiques des milieux sur les métaux des aiguilles ou les froids dus à l'évapo- ration des liquides, et enfin contrôler les expériences par d'au- tres expériences faites au moyen du thermomètre à mercure ; ce qui est souvent impossible pour les Insectes (1). M. Becque- rel n’a fait qu'un très-petit nombre d'expériences, cinq ou six, sur les Insectes. Dutrochet, qui s'était d'abord servi des aiguilles (1) Becquerel, Traité de physique considérée dans ses rapports avec la chimie et les sciences naturelles, t. F1, 1844, p, 59, 60, 64. ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 173 thermo-électriques pour étudier la chaleur des végétaux, c’est- à-dire, dans le plus grand nombre des cas, des effets de simple conductibilité, a eu l'idée de les employer de la même manière pour mesurer la chaleur propre des Insectes. Les travaux de Dutrochet sont les derniers qui aient paru sur cette question (1). Je regretie de me trouver ici en désaccord avec les éloges sans restriction que M. Gavarret donne au travail de Dutrochet dans son excellent livre sur la chaleur animale (2); je crois pour mon compte que la publication antérieure de Newport lui est complé- tement préférable, malgré les causes d'erreur des procédés de mesure. Nous devons d'abord remarquer que les aiguilles, fer et cuivre, de Dutrochet sont d'une sensibilité beaucoup plus fable que les soudures, bismuth et antimoine, de la pile de Melloni et Nobili ; ce qui est fort important quand il s’agit d'aussi faibles sources calorifiques que celles dont il est ici question. Si les aiguilles thermo-électriques donnent de bons résultats pour les animaux de grande masse, c’est qu'elles ne produisent chez eux qu'une lésion insignifiante, et que la quantité totale de cha- leur qu’ils possèdent annulle les causes d'erreur dont je vais par- ler. Chez les Insectes, au contraire, la lésion produite par l’ai- guille est très-grave et doit les jeter dans cet état de trouble que Mellont et Nobili, comme Newport, reprochent aux observateurs qui enfoncent de petits thermomètres dans l'intérieur du corps de ces animaux. De plus, Dutrochet, qui, lorsqu'il s'agissait des végétaux, enfonçait toujours la soudure à 5 millimètres, afin de rendre les résultats comparables, croit que la même méthode peut s'appliquer aux Insectes. Il n'a pas remarqué qu’il est parfaite- ment déraisonnable d’assimiler des animaux d’une organisation aussi complexe à des tiges d'asperge, et que cette égale profon- deur où il enfonce l’aiguille lui fait rencontrer les organes les plus différents, suivant la région, l'espèce, la taille du sujet mis en expérience. J'ai reconnu directement que la température varie avec les régions, bien plus même que chez les animaux (1) Dutrochet, Ann. des sc. nat., Zoor., 28 série, t. XII, p. 5. (2) Gavarret, De la chaleur produite par les élres vivants, Paris, 4855, p. 122. 174 M, GIRARD, supérieurs. En outre, Dutrochet se condamne par sa méthode Gil le dit textuellement) à n’opérer que sur de gros Insectes : il ne peut expérimenter sur l'abeille, par exemple. Or, avec la pile thermo-électrique, on obtient un résultat sensible, même sur des Coccinelles, dont le poids varie de 0,008 à 0,014. Dutrochet se voit immédiatement arrêté par la difficulté sui- vante : dans l'air libre, ses Insectes, enfilés à l'aiguille thermo- électrique, lui donnent tantôt du chaud, tantôt du froid, 1 se hâte d'attribuer cela à une évaporation superficielle, sans re- marquer que son aiguille de section très-étroite,enfoncée à 5 mil- limètres, c'est-à-dire, en général, à plus des deux tiers de l’é- paisseur de ses Insectes, lui donne la température de ce qui est en contact avec elle dans les parties engainantes, et non de la surface de l'animal, siége de l'évaporation cutanée. H faut, pour obtenir réellement la température de cette surface, la faire por- ter sur le thermomètre, même par le plus grand nombre de points possible. Quoi qu'il en soit, Dutrochet, pour éviter cette évaporation, suivant lui, due au corps de l'animal, imagine de le placer sous une cloche fermée et saturée de vapeur d’eau, c’est- à-dire dans une atmosphère peu habituelle que la nature ne réalise à l’air libre que dans les circonstances de sa plus grande humidité. Alors il obtient toujours de la chaleur, résultat assez naturel pour les parties profondes. Il admet, sans hésiter, que les espèces les plus voisines, physiologiquement semblables, donnent tantôt du chaud, tantôt du froid dans l'air ordinaire. Or, avant d'aller plus loin, qu'on se représente un malheureux hanneton attaché à un bâtonnet, rendu imcapable par des liens de mou- voir ses membres, avec une aiguille, énorme eu égard à sa masse, enfoncée au milieu du corps et dans une atmosphère toute spéciale ; 11 me semble impossible de regarder l'animal comme placé dans des conditions normales. Je n'hésite pas à attribuer la faiblesse des indications de Dutrochet à ces mau- vaises conditions d'expérience. Il faut opérer sur des Insectes isolés, libres de leurs mouvements, sans vase clos, dans l’air or- dinaire et ne subissant aucune lésion. Veut-on savoir d’où venait ce froid, à l'air bre, qui conduit Dutrochet à ces étranges con- ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 179 clusions? Tout simplement, et c’est un des motifs qui m'ont fait rejeter souvent les aiguilles pour les expériences dans Pair, à des liquides extravasés plus ou moins, coulant sur la soudure et ame- nant l'évaporation la plus diverse et la plus irrégulière, avec une variation de température qui est fréquemment du même ordre de grandeur que la quantité à mesurer. Dutrochet, en outre, n’a opéré que sur une vingtaine d'Insectes, somme d'expériences in- suffisante pour permettre des conclusions générales sur une classe d'animaux aussi nombreuse, Enfin, il a toujours omis d’accompa- gner le résultat thermique du poids du sujet mis en expérience, et il est facile de comprendre que ce poids est ici un élément de grande importance, vu Pinfluence du milieu ambiant. Ainsi, par exemple, qu'on trouve pour la surface du corps d’un Bourdon en activité un excès de 2 à 3 degrés centigrades au-dessus de l'air ambiant, on sera tenté au premier abord d’assimiler le phé- nomène avec ce qui se passe pour les Reptiles et les Batraciens, pour lesquels le thermomètre donne des résultats analogues ; mais si lon vient à réfléchir que ce Bourdon ne pèse que 3 à h décigrammes, on est porté, au contraire, à le rapprocher des animaux supérieurs, à respiration puissante. Les Insectes, en effet, selon les conditions très-variables de leur activité respira- toire, ressemblent tantôt aux Vertébrés dits à sang chaud, tantôt aux Vertébrés à sang froid. Je crois devoir, au reste, citer tex- tuellement l'opinion de M. Becquerel, si bon juge en pareil su- jet, à propos des expériencesde Dutrochet : « Les résultatsobtenus » dans les expériences précédentes sont tellement faibles, et » l'appareil donnant quelquefois des indications provenant de » Causes étrangères qu'on ne peut pas toujours saisir quand on » ne connait pas parfaitement l'appareil, qu'il serait à dési- » rer que les expériences fussent répétées encore un grand nom- » bre de fois pour être certain que les résultats généraux dussent » être admis en physiologie (1 ). » Comme on le voit, M. Bec- querel ne paraît accorder qu'une médiocre confiance aux exPÉ; riences de Dutrochet. Il est vrai que le passage précédent s’ap- (4) Becquerel, op, cit., p. 87: 176 M. GIRARD. plique aux travaux de Dutrochet sur la chaleur des végétaux, car M. Becquerel ne mentionne aucunement le mémoire relatif à la température des Insectes; mais 1l faut remarquer que ces expé- riences ont été faites par le même observateur, avec les mêmes aiguilles, également dans l'air saturé, l'une des aiguilles étant enfoncée dans un insecte pareil, tué par immersion dans l’eau bouillante, absolument comme lorsque Dutrochet opérait avec les végétaux. Les aiguilles thermo-électriques peuvent rendre des services exclusifs pour les petits animaux au sein de l’eau, milieu dont la capacité calorifique est si différente de celle de l'air. Les piles thermo-électriques formées de bismuth et d’antimoine l'emportent sans contestation possible sur tous les autres moyens calorimétriques ou thermométriques par leur sensibilité exquise; seules elles donnent des indications avec une foule de faibles sources calorifiques, inappréciables à d’autres appareils. Melloni et Nobili imaginèrent, leur pile restant horizontale, de terminer les appendices qui l’enveloppent de chaque côté par des miroirs concaves de laiton poli. Au foyer principal de l’un d'eux étaient placés successivement les Insectes isolés, retenus dans un réseau en fils de métal, mais sans lésion n1 pression. La pile était in- fluencée par la chaleur rayonnant du corps de l’Insecte; plus de quarante Insectes de tous les ordres et aux divers états de méta- morphose furent essayés et tous donnérent des indications de chaleur. (4). Il est facile de voir, en lisant le reste du mémoire, où les auteurs cherchent à mesurer la chaleur de combustion lente du phosphore, la chaleur lunaire, la variation des pouvoirs réflecteur et absorbant des corps avec l’état de la surface ou la couleur, que Melloni et Nobili ne s'occupaient des Insectes qu’en passant et comme preuve de la grande sensibilité de leur appa- reil; ils se contentent d’énoncer que les Insectes, même isolés et sans lésions, dégagent de la chaleur par la surface du corps; fait important, déjà découvert depuis longtemps par Haussmann, mais que Melloni et Nobili étendaient à beaucoup plus d'exemples. 1 faut remarquer que les auteurs opéraient dans une masse d'air (4) Melloni et Nobili, Ann. de chim, et phys., 2° série, L. XLVIII, 4834, p. 198. ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 177 confinée beaucoup trop limitée, dont la température en s'élevant sensiblement, pouvait réagir sur l'animal; de plus, on ne sait trop comment lier les indications très-faibles que donnait ce rayonne- ment à distance avec la chaleur de la surface du corps de leurs Insectes; enfin, les auteurs ne parlant aucunement de précautions à prendre pour placer ces petits animaux, ont peut-être pu les” échauffer avec les doigts, car je me suis assuré que bien souvent les Insectes ne sont pas assez chauds pour influencer à distance la pile thermo-électrique. Il m'a été, au contraire, tres-facile de disposer l'appareil de Melloni et Nobil de façon que l’insecte agisse au contact même des barreaux; 1l suffit de le placer verti- cal et de laisser tomber l'animal, appuyé par son poids, sur la face supérieure, Un large cône de métal, athermane, met la pile, outre les écrans, à l'abri de tout rayonnement étranger et empê- che en même temps la déperdition d’une partie de la chaleur de l'animal; il est ouvert, de sorte que l'animal reste toujours à l'air Hbre, sans lésion ni gène; il faut seulement pour les Insectes très-vifs un léger diaphragme de fils de laiton qui les empèche de remonter. On ne doit toucher les Insectes qu'avec de longues pinces de bois. On obtient ainsi au contact des effets puissants. La grande masse des barreaux tend sans cesse à ramener l’ani- mal à l'équilibre de température; il produit sur l'aiguille du galvanomètre une déviation qui est en raison et de la masse et de l’excès de température : dans son retour à l'équilibre, elle prend des positions stationnaires en rapport avec les dégage- ments variables de la source vivante (selon les contacts et selon des causes propres à l'animal) qui rendent le phénomène com- plétement différent du cas où un corps inerte, de masse analogue et un peu échauffé, est soumis au contact de la pile et revient à l'équilibre par les seules lois physiques de la conduetibilité et da rayonnement. Le galvanomètre étant installé avec les précau- tions convenables, chaque pile thermo-électrique (on doit faire varier l'étendue de la surface suivant les sujets, afin d’avoir toujours le plus de contact possible) donne de bons résultats comparatifs, vu son identité continuelle à elle-même. En re- vanche, les appareils thermo-électriques ne sont plus aussi + 40 _— =. e 0 F A. 0 5®série, Zoo T. XI, (Cahier n° 3.) * 42 478 M. GIRARD, rigoureusement exacts quand on cherche à en déduire des indications, soit en intensités de courant, soit en unités ther- mométriques ordinaires, ainsi en degrés centigrades. C'est ce qu'on à toujours fait pour les aiguilles thermo-électriques, ou les disques thermo-électriques, proposés par M. Gavarret (1); c’est ce qu’on ‘peut aussi faire pour la pile de Melloni et Nobih. J'ai cherché à me rapprocher complétement de l’expérience sur les petits animaux, en prenant de petits prismes de cristal, échauffés à l’avance au milieu du duvet de cygne de 1 à 2 de- urés, et les transportant très-rapidement au contact des bar- reaux ; On peut ainsi, par une moyenne de nombreux essais, établir une table de concordance entre les déviations galvano- métriques et de petits excès de température. On n'a Jamais qu'une approximation assez grossière; mais 1] faut remarquer que les imperfections dans les contacts des Insectes et la grande variabilité de la chaleur propre dans les Articulés rendent iei les valeurs absolues de fort médiocre importance, et affec- tées d’une double erreur expérimentale; ce sont les compa- raisons qui offrent l'intérêt capital. Quand on se contente des indications du gaivanomeètre, on a des résultats comparables à eux-mêmes, tant qu'on se sert de la même pile, mais elles varient selon l’un et l’autre instrument. Les tables de comparaison avec le thermomètre à mercure, dressées à part pour chaque instru mept, ont l'avantage de faire concorder les résultats obtenus séparément, si l'on juge avantageux de les grouper. Elles ne sont pas nécessaires si l'on n’a besoin que de comparer entre elles les expériences faites avec une seule pile. Ayant obtenu sur un grand nombre d’Insectes des indications précises en degrés centigrades par des méthodes directes, J'ai jugé mutile de chercher à tra duire de la sorte les déviations du galvanomètre dues aux piles, Les tables de concordance sont fort incertaines avec les dévia- tions initiales, influencées considérablement par la vitesse ac- quise; or, je suis obligé de me servir de ces déviations afin d'avoir à me préoccuper le moins possible de l'effet du refroidis- (4) Gavarret, op, cit, p. 30, ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 1719 sement subséquent par la masse des barreaux, amenant des dé- viations stationnaires momentanées, selon la réaction très-varia- ble et impossible à apprécier rigoureusement de la chaleur propre de l'animal. Je me suis toujours servi d’un galvanomètre astatique de M. Ruhmkorff (celui des appareils de Melloni des cabinets de physique), placé à poste fixe dans la salle d'observation sur une plate-forme de bois, assemblée sans pièces de fer, disposée contre un mur sans toucher le parquet, ce qui met l'instrument à l’abri de trépidations accidentelles. I est bon, quand on ob- serve les déviations, de ne pas avoir sur soi d'objets en fer, trou- blant les aiguilles, et même il faut se défier du fer qui se trouve souvent à l'intérieur des boutons des vêtements. Les galvano- mètres construits par l'habile artiste et le savant que nous venons de citer (1), sont surtout tres-comparables dans la pre- miére moitié de la course de l'aiguille, le demi-quadrant. Selon les dimensions des Insectes, j'ai employé plusieurs piles. L’une (que je désigne par À) est la pile à base carrée (de 43 mm. de côté et 30 doubles barreaux) de l’appareil Melloni déjà cité; l’autre (pile B), destinée à de plus grands insectes et moins sensible, était une pile cylindrique, de 22 millimètres de dia- mètre, présentant 84 soudures d'ordre pair etimpair ; enfin, j’ai quelquefois employé, mais beaucoup plus rarement, une pile que m'avait prêtée M. Rubmkorff (pile C); c’est une pile carrée, un peu plus grande que la pile À, offrant les soudures en relief, suivant des pointes mousses. Cela permet un meilleur contact avec certaines formes d’'Insectes. Je dois indiquer, pour terminer ce qui concerne les appareils ihermo-électriques, quelques manœuvres supplémentaires. Elles n’ont été suggérées par l'expérience dans le cours de mes lon- gues recherches, et peuvent éviter bien des tâtonnements et des erreurs de détail à ceux qui voudraient répéter des expériences pareilles. (4) Je dois me joindre ici aux savants de toute l’Europe pour exprimer à M. Rumhkorff ma profonde reconnaissance pour le concours précieux et dévoué dont il est toujours si noblement prodigue, 180 M. GIRARD. Il faut d’abord éviter cette objection que le frottement du corps de l’insecte et de ses pattes, lorsqu'il s'agite sur les soudures d’une des faces de la pile thermo-électrique, peut produire l'effet observé. J'ai pris des pinceaux-brosse durs et placés au bout d'un long levier de bois, et j’ai laissé tomber sur la pile à plu- sieurs reprises les poils raides de la brosse, de manière à pro- duire une friction plus forte que celle que les mouvements intermittents de petits insectes peuvent occasionner, et je n'ai pas obtenu au delà de quelques degrés de déviation de la boussole ; cet effet est donc, en grande partie, négligeable devant les fortes déviations qu'on observe. Quand on veut comparer, tout à fait au même moment, les températures de deux régions d’un même insecte, placé sur du duvet ou du coton, comme on a besoin des deux mains pour opérer, 1l peut être commode, afin de se passer d’un aide qui tienne l'insecte avec une pince de bois, d’attacher l'animal sur un petit carton avec des fils de soie. On pose le carton sur le duvet, et rien n’est plus facile alors que de piquer au même instant les deux régions avec les aiguilles. On peut employer des procédés particuliers pour comparer les inégales températures de deux régions, toutes deux à l'extérieur d'un insecte. On prend insecte dans une longue pince de bois. en entourant la main de linge pour diminuer son rayonnement et l'on porte sur les soudures noircies d’une des bases de la pile, décoiffée de son fourreau métallique et placée verticalement, tour à tour chaque partie à comparer. On a som de s'assurer que les mains seules ne donnent pas de déviation. Ou bien on peut se servir du petit appareil que nous nommerons pince de contact ou pile à soudures mobiles, et que M. Ruhmkorf a bien voulu con- struire pour nos expériences. Ce sont deux ou plusieurs couples bismuth-antimoine de Ja pile de Nobili, inversement tournés, avec le même nombre de soudures, de manière à donner un effet dif- férentiel, unis entre eux, et au galvanomètre à la façon des aiguilles thermo-électriques, par de fins fils de cuivre rouge. Deux manches jsolants sont adaptés, un à chaque série d'élé- ments, Les soudures libres sout portées ensemble de manière à ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 181 toucher les deux régions à comparer, et l’on examine, d’après le sens de la déviation, de quel côté est l'excès de chaleur libre. A ce propos, je dois faire remarquer que les piles À et B dont je me suis servi étaient en bismuth et antimoine purs, selon les modèles de Nobili; mais depuis on est parvenu à obtenir des appareils thermo-électriques d’une bien plus grande sensibilité. Ainsi M. Lombard, aux États-Unis, s’est servi de couples (4) constitués par le bismuth d’une part, et, d'autre part, un alliage de 96 antimoime et 53 zinc, constituant un appareil quatre fois plus sensible que celui de Nobili. M. Ruhmkorif possède aujour- d'hui des alliages donnant environ trente fois plus de sensibilité que les anciennes piles Nobili, ainsi que l’a constaté M. E. Bec- querel (2). Une pince de contact avec de pareils alliages permet- trait de constater de la chaleur chez une puce. Les deux soudures sont l’une en bismuth un peu antimomié, l’autre d’un alliage iple d’antimoine, de cadmium et de bismuth. Les soudures mobiles dont je me suis servi étaient formées chacune de deux couples d'alliages donnant une sensibilité environ triple de celle de bismuth et de l’antimoine purs. Cette sensibilité exquise nécessite de grandes précautions expérimentales. 1! faut éviter tout courant d'air, se tenir le corps le plus écarté possible, ne toucher absolument avec les doigts que les fourreaux isolants et non les fils rhéophoriques, et placer les deux mains symé- triquement, avee le même nombre de doigts étendus, afin de compenser les effets ; les soudures échauffées ne reprennent que lentement la température ambiante, en raison de leur parfaite isolation par la résine. Un moyen très-facile de s'assurer, dans le courant des expé- riences au galvanomètre de M. Ruhmkorff, si cet instrument n'a pas perdu de sa sensibilité est le suivant que m'a indiqué son célébre constructeur. On prend les aiguilles fer-platine, ou, plus simplement, on intercale, à contacts métalliques, un fil de fer dans le cireuit de cuivre du galvanomètre. I faut qu’en serrant (4) Brown-Séquart, Archives de physiologie, n° 4, juillet-août 1868. (2) E. Becquerel, Mém, sur les pouvoirs therm. élect. des corps. (Ann. du Conserr. des arts et mét., 14866.) 182 M. GIRARD. une des soudures entre le pouce et l'index, l’autre restant dans l'air, la déviation de la boussole atteigne l'arrêt, à 90 degrés. Il importait enfin de détruire une objection possible à mes expériences au thermomètre à mereure lorsque l'instrument est employé pour obtenir une différence de température entre l'ab- domen et le thorax. C’est l'objection prévue autrefois par New port pour le frottement externe des anneaux. Quand le réservoir est introduit à l’intérieur des segments d'insectes volumineux et doués, en conséquence, d’une force musculaire notable, ne peut- on pas dire que le mouvement du mercure est produit par une compression mécanique exercée sur le verre du réservoir? On a déjà donné cet argument contre les expériences faites pour prendre la chaleur du corps humain en serrant sous l’aisselle le réservoir du thermomètre. Comme les muscles du thorax des Insectes adultes sont plus puissants que ceux de labdomen, l’excès de la première région sur la seconde ne provient-il pas d’une pression plus forte, et dès lors n’y a-t1l pas une illusion complète ou partielle à attribuer les résultats notés à une diffé- rence thermique? Une expérience directe bien simple permet de répondre dans ce cas et dans tous les cas analogues, comme introduction dans le rectum chez les petits Vertébrés, etc. J'ai pratiqué à la vrille, dans des morceaux de liége parfaitement à la température ambiante, des trous dans lesquels j'ai introduit le réservoir du thermomètre et où il se trouvait beaucoup plus fortement serré que dans l’intérieur des Insectes, comme le prouvait la grande difficulté à le faire tourner sur lui-même et à l’enfoncer, et l'effet dû à cette compression bien plus forte que dans les expériences a varié de un à deux divièmes de degré ; on peut done négliger la compression beaucoup moindre produite par les Insectes. En outre, souvent on voit le thermomètre mon- ter un peu quand, au lieu de le laisser immobile dans la région où il est introduit, on le retourne sur lui-même afin que tous les points du réservoir soient rais en contact avec toutes les parties chaudes ambiantes. Le frottement ainsi exercé n'est-il pas la cause d’une plus forte élévation de température? En introduisant le réservoir dans de rous étroits dans le liége et en le tournant ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉPRÉS. 183 sur lui-même de manière à produire un frottement énergique, bien plus fort que celui des expériences, je n'ai jamais obtenu même À degré complet d’élévation; d'où je puis admettre que cette cause, avec le frottement bien plus léger qui se produit dans les expériences sur les Insectes, n’amène qu’une erreur de quelques dixièmes de degré. Outre cette démonstration directe, il faut remarquer que les observations sur la face externe des régions, soit avec le réser- voir du thermomètre (procédé Newport), soit avec les soudures mobiles de contact, et que les expériences internes avec les ai- œuilles thermo-électriques, tout à fait d'accord avec les épreuves par introduction du réservoir du thermomètre à mercure, ren- daient évidentes des différences réelles de température; mais 1l importait de préciser à quel degré d'erreur les compressions et frottements sur le réser voir pouvaient conduire. Pour relever des températures d'insectes isolés au thermo- mètre à mercure, on peut employer les instruments construits par M. Alvergniat pour les observations médicales, consistant en un très-petit thermomètre à maximum à index de mercure, fonctionnant dans toute direction de l'instrument. On peut alors opérer en se tenant le corps très-éloigné de l’insecte, et obser- vant, après l'expérience, la position prise par l’index ; avec un thermomètre qui oblige à suivre de l'œil la marche du mercure, on peut craindre une erreur par l'influence du corps. L'mstru- ment à index peut rendre de bons services pour les faibles excès. S 4. Expériences sur des Insectes isolés de différents ordres, Je ne rapporterai aucune des expériences faites sur les Insectes isolés des divers ordres étudiés par Newport, puisque j'ai obtenu des résultats analogues. 11 me paraît seulement utile d'indiquer sommairement un choix d'épreuves sur les Insectes: dont les auteurs ne se sont pas occupés. 1° Orthoptères et Dermaptères. — Dutrochet seul avait soumis à ses expériences quelques gros Orthoptères, et n'avait constaté 18/4 M. GIRARD. que du froid à Pair Hbre, par suite des causes d'erreur mdiquées. Ce sont en réalité des Mnsectes de faible chaleur propre, mais qui donnent cependant un léger excès de température sur l'air ambiant, soit à l'état adulte, soit aux états de nymphe ou de larve, qui sont dans des conditions vitales parfaitement ana- logues, ces Insectes n'ayant que des métamorphoses incom- plètes. Gryllus campestris, très-vif, conservé pendant plusieurs jours dans un pot rempli de terre sèche et nourri avec des Chenilles. — 27 mai 1863, temp. extér., 16°,3 ; pile B, dév. imit., 21 de- grés chaud; poids = 1,038.'— 2 juin 1863, temp. exter., 20°,0; pile À, dév. init., 33 degrés chaud; poids = 1,020. —- à juin 1863, temp. extér., 22°,6 ; pile À, dév. init., 44 de- grés chaud ; poids = 1,033. — 9 juin 1863, temp. extér., 16°,7; pile À, dév. init., 13 degrés chaud; poids —=0%,939,. — Le même Insecte donnait 0 degrés au thermomètre diffé- rentiel à boules argentées. On voit donc que cet Insecte, qui vole à peine, ne dégage que très-peu de chaleur, bien que très- agile dans ses mouvements. 27 avril 4862, temp. extér., 19°,0. Gryllotalpa vulgaris adulte femelle, à sec depuis plusieurs heures hors du terreau ; pile B, dév.init., 35 degrés chaud; poids=—2",191. —921 octo- bre 1862, temp. extér., 11°,9. Gryllotalpa vulgaris, nymphe, hors du terreau depuis la veille, très-active ; pile B, dév. 46 de- gres chaud ; poids = 1°,375. Gryllotalpa vulgaris, larve, avec apparition des premiers rudiments d’ailes, à sec depuis la veille. Pile B, dév. 43 degrés chaud; poids = 0,820. Ces Insectes, à égalité de masse, sont bien moins chauds que les Hyménoptères et les Lépidoptères. 10 octobre 1862, temp. extér., 47°,5. Meconoma varia, fe- melle ; pile À, dév. 27 degrés chaud ; poids = 0,112. — Autre sujet : pile A, dév. 3 à 4 degrés chaud; poids = 0,126. — Cette espèce est un petit Orthoptère sauteur, assez lent, qu'on rencontre adulte à larrière-saison sur les feuilles sèches et les troncs d'arbre. ÉTUDE SUR LA CHALEUR HIBRE DES INVERTÉBRÉS, 185 On trouvera plus loin, à un autre sujet, de nombreuses expé- riences qui donneront la valeur de la chaleur propre de la grande Sauterelle verte (Locusta viridissima). 8 novembre 1862, temp. extér., 10°,8; pile À. Forficula auricularia, femelle, dév. 33 degrés chaud; poids = 0,078. — Idem, femelle, dév. 53 degrés chaud; poids = 0“,117. — Idem, nymphe, dév. 64 degrés chaud; poids = 0“,093. — Idem, nymphe, dév. 48 degrés chaud ; poids = 0,062. Les valeurs absolues des déviations ont fort peu d'importance, et tiennent à la variabilité des contacts ; il n’y a à considérer que la démonstration acquise d'une légère chaleur propre. Névroptères. — Nous ne connaissons pas d'observations sur la température des Insectes de cet ordre hétérogène, dans lequel se présentent toutesles modifications connues de l'appareil alaire (1). Les plus intéressants à examiner sous ce rapport sont les Libel- lulides, à cause de l'énergie de leur vol ; la forme de leur corps ne permettait pas l'emploi du thermomètre à mercure à l’exté- rieur (procédé de Newport) ni à l’intérieur ; l'appareil thermo- électrique ne donne que des indications très-grossières par l’in- suffisance du contact. Heureusement le thermomètre différentiel modifié pouvant contenir l'insecte en entier dans la boule sans lésion, m'a permis d'établir que ces Insectes occupent un rang élevé sous le rapport de la production de la chaleur, et ne le cèdent qu'aux Hyménoptères, à masse égale, fait en rapport avec la puissance musculaire considérable nécessaire pour don- ner à leurs ailes leurs rapides et continuelles vibrations. Les Libellulides ont l'inconvénient de s’affaiblir très-vite en captivité et de périr promptement, ce qui restreint les expériences. Des observations ont été faites aussi sur les Perlides et sur les Phry- ganides, au moyen de la pile thermo-électrique, et, comme on pouvait s’y attendre, la fonction du vol étant peu développée, la chaleur produite est médiocre; elle est toutefois assez notable dans les Phryganides. Je suis porté à supposer que les larves (4) M. Girard, Sur diverses expériences relatives à la fonction des ailes chez les Insectes (Ann. So entomol, de France, 1862, p. 153). 186 M. GIRARD, aquatiques de ces trois familles ont la température de l’eau ambiante; les aiguilles thermo-électriques ne sont pas assez sensibles pour indiquer une différence très-faible, si elle existe. Les Panorpides ont une chaleur propre sensible. Les Hémérobes sont d'une trop faible masse pour qu'on puisse obtenir des ré- sultais bien nets, et la délicatesse extrême de leur corps empèche d'opérer un rapprochement suffisant sur les soudures de la pile; au reste, leur vol des plus faibles dénote une très-minime combustion respiratoire. Nous n'avons pu faire d'expériences sur les Myrméléons, ni sur les Ascalaphes, insectes assez rares aux environs de Paris ; il serait intéressant de les comparer aux Libellulides, dont les rapproche la forme du corps et la taille. Les Myrméléons n’ont qu'un vol très-médiocre, ainsi que les Palpares; les Ascalaphes volent mieux, surtout au soleil. Quant aux Raphidies et aux Mantispes, on ne les rencontre presque jamais aux environs de Paris. Expériences sur les Libellulides. — 20 septembre 1862. — Libelluia vulgata (Lin.), femelle, capturée depuis plusieurs heures. Temp. extér., 20°,4; thermomètre différentiel, 0°,05 à 0°,005, chaud au bout de plusieurs minutes ; poids, 0*,144. A8 septembre 1862. — Jaibellula vulgata, mâle, capturé depuis plusieurs heures. Temp. extér., 20°,0; thermomètre différentiel, 0°,05 chaud ; poids, 0*,145. 19 septembre 1862. — Æschna miæta (Latr.) récemment capturée. Temp. extér., 24°,0; thermomètre différentiel en quelques secondes, 0°,40 chaud; au bout d’un tiers de minute, 0°,50 ; au bout de deux minutes, 0°,60; puis arrive un moment à 0°,65, l’Insecte frémissant alors des ailes dans Ja boule, puis retombe à 0°,55, et stationne quelque temps ; poids, 0,633. ; 20 septembre 1862, — Æschna mixta capturé depuis plu- sieurs heures. Temp. extér., 21°,0; thermomètre différen- üel, 0°,55 chaud en quinze secondes environ ; puis 0°,65 au bout d’une minute, puis 0°,70, l'Insecte s'agitant dans ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS, 4187 la boule; puis successivement 0°,65, 0°,60, 0°,45 ; poids, 0,513. Le même le lendemain, captif et à jeûn depuis plus de vingt-quatre heures. Temp. extér., 21°,3 ; thermomètre diffé rentiel en trente secondes environ, 0°,95 chaud ; au bout d’une seconde, 0°,30, puis 0°,95 ; poids, 0,440. 21 septembre 1862. — Æschna maculatissima (Latr.) récemment pris. Temp. extér., 21°,0; thermomètre diffé- rentiel en vingt secondes environ, 0°,70 chaud ; au bout d’une minute, 0°,75 ; au bout de deux minutes, 0°,80, et stationnaire environ une minute; puis léger abaissement; poids, 05,827, Les mouvements inspirateurs de l’abdomen sont très-visibles, d'environ soixante par minute. Le même, le lendemain 22 sep- tembre, affaibli, à jen. Temp. extér., 20°,8; thermomètre différentiel en trente secondes, 0°,40 chaud; au bout de deux minutes, 0°,50; au bout de trois minutes, 0°,55, et stationnaire plusieurs minutes. Les inspirations sont plus lentes ; poids, 0%,675 ; perte, 0*,152 par excrétions diverses. 30 septembre 1863. — Æschna mixia très-récemment cap- taré. Temp. extér., 17°,9; thermomètre différentiel au bout de dix minutes, 0°,85 chaud, puis 0°,755, puis 0°,70; poids, 0 52h. 1% octobre 1863. — Æschna mixta très-récemment capturé. Temp. extér., 16°,5; thermomètre différentiel au bout de six minutes, 0°,95 chaud ; une minute après, 4°,0, puis 0°,95 ; au bout de dix minutes, 0°,90 ; poids, 0,626. 5 octobre 1863, — Æschna maculaiissima récemment cap- turé. Temp., 46°,5; thermomètre différentiel au bout de six minutes, 4°,10 chaud, puis 4°,05, puis 0°,85; cinq minutes après, 0°,80 ; poids, 0,888. 30 septembre 1865. — Æschna maculatissima (thermomètre différentiel à boules argentées) ; temp. extér., 23°,4. Au bout de dix minutes, excès, 4°,65 chaud, puis, dix minutes après, 1°,10, et enfin, au bout de cinq minutes, 0°,95, l’Insecte s’endormant peu à peu; poids = 0*,96/. 6 octobre 1865. — Æschna micta ; temp. extér., 18°,6. Au bout de vingt minutes, 0°,45 excès chaud; puis, après que 188 M. GIRARD. l'Insecte a volé dans la salle, au bout de quinze minuies, 0°,55 chaud : poids = 0*,610. La place des Libellules est donc assez élevée dans l’échelle calorifique des Insectes ; elles prennent rang après les Hymé- noptères et Lépidoptères. Je dois indiquer quelques expériences sur. des Phryganes, Névroptères aquatiques de faible vol ; ils ne vivent que quelques jours à l’état parfait et seulement pour s’accoupler. Leurs or- ganes buccaux imparfaits ne leur permettent pas de prendre de nourriture. L'espèce mise en expérience, la Phryganea nigri- cornis, appartient aux espèces de moyenne taille du genre. On s'est servi de la pile À ; comme ces Phryganes avec leurs longues patles ne se mettraient pas en contact avec les barreaux, elles étaient ou entourées d’un léger fil, ou enveloppées dans une mince feuille d’étain. I ne faut opérer, bien entendu, que long- temps après que l’échauffement accidentel causé par cette petite manipulation à disparu. 26 septembre 1861; temp. extér., 17°,2. femelle, pleine d'œufs ; dév., 51 degrés chaud ; poids = 0“,093, mâle, dév., 65 degrés chaud ; poids = 0,045. 27 septembre 1861; temp. extér., 17°,h. Trois femelles, de poids 0,085, 0“,090 et 0,091, ont donné les déviations 53, 62, 61 degrés chaud; deux mâles, de poids 0,015 et 0,021, les déviations 44 et 60 degrés chaud. 30 septembre 1861 ; temp. extér., 19°,4. Quatre mâles, de poids 0,025, 0,020, 0,027 et 0,030, ont donné les dévia- tions 55, 49, 63, 49 degrés chaud. Dans ces expériences, les Insectes étaient entourés d’étamn. On trouve un peu plus de chaleur quand ils sont libres ; les pattes seulement repliées par un fil, car la feuille d’étain absorbe un peu. Voici un exemple dans ce dernier cas : h octobre 1861 ; temp. extér., 20°,0. Deux mâles, de poids 0,039 et 0,038, donnent des déviations 81 et 78 degrés chaud. ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS: 189 6 octobre 1861 ; temp. extér., 20°,2. Une femelle, de poids 05,060, donne 73 degrés'chaud. On peut conclure de ces nombres qu'à poids égal, ces Phry- ganes ont plus de chaleur que des Orthoptères ou certains Coléoptères terrestres. On serait peut-être tenté, eu égard aux poids comparés, de supposer plus de chaleur chez les mâles que chez les femelles; mais il faut remarquer que lincerütude des contacts ne permet pas de hasarder cette conclusion. 3l faudrait ou des différences plus notables, ou l'emploi du thermomètre différentiel à air, sur lequel l’Insecte agit toujours d’une manière identique par son rayonnement total. Les ERTYE anes sont de trop faible masse et pas assez chaudes pour qu'on puisse s'en Servir. Hémiptères. — Aucune expérience de chaleur animale n'avait encore été faite sur des Hémiptères. J'ai soumis à la pile thermo- électrique quelques espèces du groupe des Hémiptères hété- roptères. Voici certaines des expériences : Parfois Pinsecte était entouré d’une feuille d’étain, quand il était trop actif pour de- meurer de lui-même en contact avec les barreaux. On conserve longtemps les Pentatomes qu’on rencontre en automne, et qui sont destinées à hiverner. Pentatoma sphacelatum (Kabr.). — Pile À. 8 novembre 1861 temp. extér., 11°,4 ; dév., 68 degrés chaud, et 24 décembre 1861, temp. extér., 4°,2; dév., 12 degrés chaud; poids — 0 03 Pentatoma baccarum (Latr.). — Mèmes dates et températures. Pile A; dév., 88 degrés chaud et 4 degrés chaud; poids = 0,130. 1" avril 4862; temp. extér., 12°,8. Pyrrhocoris aptera. Pile A ; dév., 32 degrés chaud; poids = 0,054. 2 avril 1862; temp. extér., 13°,2. Pyrrhocoris aptera. Pile À ; dév,, À degrés chaud; poids = 0,047. h avril 1862 ; temp.extér., 15°,0. Naucoris cimicoides (Lair.) touchant les barreaux par le dos. Pile A ; dév., 67 degrés chaud; 190 M. GIRARD. poids = 0,101. Cette espèce, qui appartient aux Hydroco- rises, était à sec depuis plusieurs heures avant l’expérience. Les Hémiptères hétéroptères adultes ou larves doivent offrir une chaleur analogue par l'identité de conformation et de mœurs, l'absence des ailes faisant la différence principale. On voit que ces Insectes qui volent peu ont une chaleur propre médiocrement élevée, et qu'on peut leur assigner un rang ana- logue à celui de beaucoup de Coléoptères et d'Orthoptères ayant comme eux des téguments épas et une faible locomotion aérienne. Îls se rangent, sous le rapport de la chaleur, notable- ment après les Hyménoptères, Lépidoptères, Diptères et Né- vroptères à vol puissant, comme les Libellaliens. $ 5. Expériences sur des Myriapodes. On ne possédait, au sujet de la chaleur des Myriapodes, qu’une indication fort douteuse d’une expérience de J. Davy sur un grand lule de Ceylan. Les Myriapodes ont été des derniers Arti- culés non hexapodes réunis aux Insectes. On ne peut méconnaître leurs analogies avec les larves des Insectes, par une sorte d’arrèt de développement. Îls sont munis de trachées tubuleuses comme organes respiratoires. On doit donc s'attendre, ce que l’expé- rience confirme, à trouver chez eux une température propre de l'ordre de grandeur de celle des larves d’Insectes. Je n'ai pas constaté chez eux de froid superficiel. Il faut remarquer que, bien qu’exclusivement terrestres, certains, du groupe des Sco- lopendrides ont une locomotion rapide, et que tous présentent des téguments cuirassés peu favorables à l’évaporation. Il me paraît très-probable que leur chaleur est de même degré que celle des larves des Carabiens, Téléphorides, ete. et autres Co- léoptères nourris de matières animales, dont les téguments sont de même nature que ceux des Myriapodes. Je citerai quelques expériences sur les deux grands groupes de la classe, les fulides et les Scolopendrides. ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 191 Iulides. Expériences sur divers sujets de l’Zulus terrestris, avec la pile À. — 9 juin 1863 : temp. extér., 17°,2; dév., 36 degrés chaud; poids — 0,320. | 10 juin 1863 : temp. extér., 18°,6; dév., 24 degrés chaud ; poids, -= 0%, 419. 8 août 1863 : temp. extér., 27°,7; dév., 11 degrés chaud ; poids, 0 on 31 mai 1863 : temp. extér., 20°,9; dév., 41 degrés chaud; poids 0 ILTIIr Expériences sur divers sujets de l'Zulus sabulosus, avec la pile A.—10 avril 1862 : temp. extér., 13°,8; dév.,74 degrés chaud ; poids, = 0" ,133. 15 avril 1862 : temp. extér., 9°,5; dév., 30 degrés chaud ; poids, = 0*,1/8. 22 avril 1862 : temp. exiér., 19*3; déviation, 47 degrés chaud ; poids, = 0,384. Scolopendrides (pile À). C'est surtout avec les Myriapodes de ce groupe qu'il faut pla- cer un diaphragme dans le cône de la pile qui les contient, car ils sont très-agiles et sans cette précaution remontent et cessent promptement de poser sur les barreaux. 27 mars 1862: temp. extér., 47,4, Lithobius forcipatus ; dév., 36 degrés chaud; poids, 0*,0,55. 29 mars 4862 : temp. extér., 15°,1 ; dév., 27 degrés chaud; poids, —05,0/0. | 1h avril 1862: temp. extér., 9°,2. Un Polydesma: dév.. h6 degrés chaud ; poids, = 0,043. Autre Polydesma : dév., 37 degrés chaud; poids, =0“,041. Expériences sur des Geophilus, Myriapodes extrêmement vifs, à pattes très-nombreuses. — 3 avril 1862 : temp. extér., 45°,3. 192 NE. GIRARD. Geophilus femelle; dév., 76 degrés chaud; poids, = 0162. Geophilus mâle; dév., 90 degrés chand (hmite);, poids, = 0°,076. 13 avril 1862 : temp. extér. non notée. Geophilus femelle ; dév., 53 degrés chaud ; poids non noté. 1 mai 1862 : temp. extér., 21°,2; Geophilus mäle; dév., 2h degrés chaud: poids, = 0,055 Que peut-on conclure de ces expériences? Si l'on considère la faible masse des Scolopendrides essayés, on peut les regarder comme dégageant un peu plus de chaleur superficielle que les Fulides, ce qui s'accorde tout à fait avec des mouvements loco- moteurs plus puissants et des muscles nécessaires pour agir sur les robustes pattes latérales, plus développés que ceux qui met- tent en jeu les petites pattes sous-abdominales des Iulides. Il faudrait bien se garder de vouloir tirer des résultats plus parti - culiers de nos nombres, vu les contacts très-variables de ces Articulés longs et grêles. H ne m'a pas été possible de tenter des expériences de quelque valeur avec le Scutiger araneoïdes, ce bizarre Myriapode des vieilles poutres et boiseries; car ses lon gues pattes déliées s'opposent au contact avec les barreaux, et, d'autre part, sa masse est trop faible pour que la chaleur que doit dégager son corps puisse agir d’une manière sensible sur le thermomètre différentiel à air, dans le réservoir duquel il serait renfermé. 6. UA Expériences sur des Arachnides. J. Davy, peut-être par erreur, avait trouvé chez un Scorpion un abaissement interne de température ; aucune autre observa- tion n'existait. Les Arachnides respirent à la façon des Insectes, soit par de véritables trachées tubuleuses, soit par de prétendus poumons qui ne sont que des trachées accolées, aplaties et locali- sées dans des cavités de l'abdomen; certaines ont à la fois les deux systèmes (Segestria). Mes expériences ont porté sur deux espèces de chacun des deux groupes supérieurs de la classe. ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 193 10 Scorpionides, Les expériences ont eu pour sujets plusieurs Buthus occitanus qui me furent envoyés les uns d'Alger, les autres de Perpignan, car cette grande espèce africaine à été Lane longtemps intro- duite et acclimatée sur notre littoral méditerranéen. Je n’ai eu que des femelles. Pile B. — 15 mai 4862: temp. extér., 16°,5; dév., 66 degrés chaud ; poids, —2*,207. 30 mai 1852 : temp. extér., 21°,5; dév., 27 degrés chaud ; Poids == 25199) 11 juin 1862 : temp. extér., 19°,3; dév., 18 degrés chaud ; poids, —2",478. 26 août 1862 : temp. extér., 22 degrés; dév., 14 degrés chaud ; poids, = 2°,738; et, dév., 56 degrés chaud; poids, —=1© 7751: 18 octobre 1862 temp. extér., 14°,2; dév., 3 degrés chaud; poids, = 2%, 350 ; et dév., 13 degrés chaud ; poids, —1",198. Les expériences ont porté sur cinq individus différents; cer- tains ont servi à plusieurs époques, avee des poids variables. Les Arachnides, en effet, vivent longtemps, et l'on conserve aisément des Scorpions pendant toute la belle saison en leur donnant quelques mouches. Thermomètre différentiel à boules noircies. —— 29 août 1862 : temp. extér., 17 degrés ; excès, 0°,05 chaud, poids, = 1,682. 11 juin 1862 : temp. extér., 19°3; excès, 0 degrés; poids, = 9° ,478; le mème donnait une dév. de 18 degrés chaud à la pile B. 1h juillet 1862 : temp. extér., 29°,0 ; excès, 0 degrés ; poids, — 9,758. — Autre : excès, 0 danse por. —14 990: 48 octobre 1862 : temp. nu 1h°,2; excès, 0 degrés; poids = 25350. — Autre : excès, 0 degrés ; poids, 1%,493 (ces deux derniers sujets offraient une très-légère chaleur à la pile B). On voit donc que ces Scorpions n'ont jamais présenté de 5° série, Zoo. T. XI. (Cahier n° 4.) 1 43 194 M. GIRARD. refroidissement superficiel, ce qui doit tenir à la solidité du tégument; leur chaleur à toujours été très-faible, insensible ou à tres-peu près au thermomètre de Leslie, malgré une masse assez forte. 29 Aranéides. Les sujets des expériences ont été surtout des femelles de la grosse Araignée des Jardins, qui se retire en hiver dans diverses cavités; c'est l'Epera diadema, offrant plusieurs variations de couleur et de dessin. On s’est servi de la pile B, les contacts ayant lieu par la face dorsale de l'abdomen, les pattes repliées ventralement. Premier sujet (type). — 12 octobre 1861 : temp. extér., 17°,6; dév., 45 degrés chaud; poids, = 0,596. 45 octobre 1861 : temp. extér., 17°,2; dév., 3 degrés chaud ; poids, 05,566. 23 octobre 1861 : temp. extér., 14°,6 ; dév., 44 degrés chaud; —=poids, 0,522. 26 octobre 1861 : temp. extér.,. 12,4; dév., 43 degrés froid; poids, = 0,517. 30 octobre 1861 : temp. extér., 8°,6 ; dév., 28 degrés froid. L’Araignée est alors enveloppée de coton. 31 octobre 1861 : temp. extér., 8°,4. La même (sortant du coton mauvais conducteur), dév., 72 degrés chaud; poids, = 05,514. On voit que l’évaporation avait amené chez cet animal sans nourriture une perte de poids graduelle. Les expériences continuent le mois suivant. 8 novembre 1861 : temp. extér., 12 degrés; dév., 34 degrés froid. 12 novembre 4861 : temp. extér., 10°4; dév., 2 degrés chaud ; poids, =0*,194. A4 novembre 1861 : temp. extér., 12°,6; dév., 0 degrés. 20 novembre 1861 : temp. extér., 4°,2; dév., 0 degrés. °," ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERT ÉBRÉS. 195 24. novembre 1861 : temp. extér., 8 degrés; dév., à degrés chaud. 25 novembre 1861 : temp. extér., 5°,8; dév.,8 degrés chaud ; poids, —0,466. 28 novembre 1861 : temp. extér., 12 degrés ; dév., 3 degrés chaud. 7 décembre 1861 : temp. extér,, 8°,4; dév.,17 degrés froid ; poids, =0,447. Deuxième sujet (variété jaune), très-volumineux, engourdi, immobile. — 26 octobre 1864 : temp. extér., 12°,4; dév., 64 degrés froid ; poids, —1*,334. 50 octobre 1861 : temp. extér., 8°,6 ; dév., 45 degrés froid. 51 octobre 1861 (aussitôt après la mort): temp. extér.: 9,h ; dév., 36 degrés froid; poids, = 1,070. L'évaporation avait élé considérable. Les expériences sont reprises l’année suivante sur la même espèce. 13 octobre 4862 : temp. extér., 17°,2; sujet de variété fauve, 0 degrés au thermomètre différentiel et à la pile B; poids, = A DIE 17 octobre 1862 : le même, mêmes résultats: poids, 1°,146. Puis viennent trois autres Épéires que nous désignerons par a, B, y. Pile B. 22 octobre 1862 : temp. extér., 18 degrés. « (tres-engourdie), dév., 0 degrés; poids, = 1%,063. — G (très-engourdie), dév., h degrés chaud; poids, —=0%,502. — } (non engourdie), dév., A6 degrés chaud ; poids, ={0",578. 25 octobre 1862 : temp. extér., LA degrés. 8 (active, sucant une mouche); dév., 4 degrés chaud; poids, = 0.486. — (peu active), dév., 45 degrés chaud; poids, = 0°,562. 28 octobre 4862 : temp. extér., 44°,1. B (active), dév., 2 degrés chaud ; poids, =0%,474. 31 octobre 1862 : temp. extér., 42°,6 B (moins active); dév., h degrés chaud ; poids, = 0456. 196 M. GIRARD. 1® novembre 1862 : 6 (engourdie); dév., à degrés chaud; poids, = 0*,450. Deux de ces sujets ont toujours présenté, à très-peu près, la température ambiante; l'autre (y) était plus chaud. Ces faibles températures se lient à l'approche de l’hivernation. Je trouve encore à citer pour une autre espèce, à une époque d'activité, la Tegenaria domestica. 29 août 1862 : Pile B, dév., 34 degrés chaud; poids, — 0108: 23 septembre 1862 : temp. extér., 19 degrés. — Autre sujet : thermomètre différentiel, 0°,05 chaud ; poids, —0°,547. On peut conclure que les Araignées molles à téguments peu consistants, à périodes d'activité très-variables, peuvent se com- parer sous le rapport de la chaleur superficielle à des larves rases et offrir, comme celles-ci, de faibles différences, en plus ou en moins, avec l'air ambiant, ou se trouver exactement à sa température. S 7. Chaleur propre de quelques Hyménoptères ; influences du bourdonnement et de la contraction musculaire, On sait que la chaleur animale est dans la dépendance la plus intime de la contraction musculaire ; ce sont deux effets con- nexes de la combustion. Dans un chapitre assez court de son mémoire, Newport a porté son attention (p. 280) sur la grande rapidité avec laquelle la température du corps des Insectes s'élève lorsqu'ils sont animés de mouvements violents, au point que, d'une température sensiblement identique avec celle de l'atmosphère où ils se trouvaient dans les états de sommeil et d'hibernation, ils prennent un excès de plusieurs degrés. Newport n'a fait à ce sujet qu'un petit nombre d'expériences sur de grosses femelles de Bourdons, des espèces Bombus terrestris, lapidarius, muscorum et hortorum. Chacune était mise dans une petite fiole de verre close. Un thermomètre était placé en contact du corps où parfois à côté, alin de mesurer l’exeës de ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 197 température de Fair voisin, dû au rayonnement de l'Insecte. Quand les Bourdons étaient fortement excités, Newport obtint au contact des excès de température de 3 à 5 degrés au-dessus de l'air ambiant environ à 20 degrés, et de 4 à 2 degrés pour l'air dans le voisinage. Jai trouvé des résultats tout à fait ana- ogues eten quelque sorte Intermédiaires entre ces deux nombres (ce qui s'explique complétement), au moyen de grosses femelles de Bourdons, chacune introduite dans la boule creusée du thermomètre à air. Je ne citerai qu'une seule expérience curieuse, en ce qu’elle a eu lieu au printemps de 1863 toujours sur le même Insecte, une femelle de Bombus terrestris, toujours très-active et volant vive- ment. On conserve les Bourdons facilement une quinzaine de jours, dans une petite cage en treillis de toile où ils ont de l'air et de la lumière de toute part, et on les nourrit avec du miel que leur large languette lèche avec avidité. Ils augmentent notable- ment de poids par cet aliment, et restent très-vifs. L'expérience fut faite avec le thermomètre différentiel à boules noircies : Dates. Tempér. extérieure, Excès maximum. Poids. oO 0 STe 20 avril 1863. 16,1 3,15 0,622 21 = 16,6 3,80 0,729 29 fi 16,4 3,05 0,723 23 us 16,4 4,35 0,700 20 — 14,8 3,60 0,793 25 Di 15,3 3,95 0,716 27 = 15,4 3,20 0,750 28 — 15,6 2,69 0,699 29 — 13,7 4,99 0,686 30 — 12,4 4,20 0,643 À la dernière épreuve, l'insecte était très-affaibli et est mort le lendemain, ne pesant plus que 0,589, Il est intéressant de remarquer, ce qui n'avait pas échappé à Newport, qu’en automne les Bourdons sont notablement moins chauds qu'au printemps. Hs donnent, dans les mêmes condi- tions, des excès à peu près moitié moindres. Au printemps, les grosses femelles errent dans les prairies et les bois, cherchant des cavités où elles pourront nidifier, et l'instinct maternel les tient dans une activité mcessante ; en automne, elles se prépa- 198 M. GIRARD, rent peu à peu, par une décroissance de la combustion respira- toire, à l’engourdissement hibernal. J'ai trouvé aussi, et cela non-seulement sur les Bourdons, mais sur d’autres Insectes, que la chaleur dégagée est bien plus grande quand ils sont en activité musculaire propre à leur vo- lonté et selon leur instinct, que quand on les irrite par des exci- tants extérieurs. Ils ne tardent pas, le plus souvent, à retomber dans l’état initial de repos, d’où on à cherché à les tirer. Parmi les Mellifiques solitaires, j'ai observé des femelles de la Xylocopa violacea , qui nidifie dans les vieilles poutres (l Abeülle charpentier de Réaumur) ; on les nourrit au miel comme les Bourdons. En automne, elles offrent des excès de température pareils à ceux des femelles de Bourdons sous le même poids. Selon l'état d'activité, c’est-à-dire de contraction musculaire, les excès de température (automnes 1865 et 1866) ont varié environ, dans le thermomètre différentiel à boules d'argent, de 0°,5 à 2°,5, avec des poids de 0%, 5 0,6, sous des températures extérieures de 20 à 24 degrés. Les Frelons (’espides) ont une température superficielle moindre que celle des Bourdons sous le même poids, ce qui doit tenir à l’absence des poils, mauvais conducteurs de la chaleur. il est difficile de conserver ces Hyménoptères, qui meurent très- vite en captivité. Je rapporte deux expériences relatives à cette espèce : 7 septembre 1862; temp. extér., 19°,0. Wespa crabro neutre, bourdonnant ; thermomètre différentiel à boules noires, 0°,5 chaud, au bout de deux minutes ; poids = 0,390. 8 septembre 1862 ; temp. extér., 19°,9. Autre Fespa crabro neutre, ne bourdonnant pas; thermomètre différentiel, 0°,2 chaud ; poids = 0",195. H m'est arrivé un certain nombre de fois de pouvoir recon- naître par expérience que le bourdonnement, avec agitation des ailes et contraction musculaire, s'accompagne nécessairement de chaleur libre dégagée, qui disparaît quand l’Insecte rentre au repos pour recommencer avec l'agitation, Quand on opere ÉTUDE GUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 199 avec le thermomètre différentiel à colonne liquide, on peut suivre toutes les intermittences par le mouvement de l'index thermique dans un sens ou dans l’autre ; exemple : 19 septembre 1866; temp. exlér., 16°,1. Xylocopa viola- cea femelle, dans la boule argentée. Excès de chaleur de 1°,5, très-rapidement obtenu, le bourdonnement ayant lieu ; puis l’excès augmente très-lentement. L'insecte continue à bour- donner pendant plusieurs minutes; l'excès atteint 2°,45. Le bourdonnement cesse ; aussitôt le liquide descend de plusieurs dixièmes de degrés, et, au bout de trois minutes, le bourdonne- ment n'ayant pas repris, l'excès n’est que de 1°,7. 29 septembre 1865; temp. extér., 22,7. Xylocopa viola- cea femelle, dans la boule. Elle bourdonne par intervalles , au bout de huit minutes excès, 1°,40 chaud ; l’Insecte rentre au repos, l'excès tombe à 1°,05 ; il y a de nouveau bourdonnement, il remonte à 4°,40, puis stationne à 4°,35 et à 1°,30, dès que cesse le bourdonnement. 23 septembre 1865 ; temp. extér., 21°,2. Xylocopa viola- cea femelle, bourdonnant dans la boule. Excès de chaleur de plus de 1 degré ; elle cesse de bourdonner ; au bout de quinze minutes, il n’est plus que de 0°,5. 20 septembre 1865 ; temp. extér., 24°,8. Xylocopa viola- cea femelle, volant vivement. Elle bourdonne avec force dans la boule pendant trois à quatre minutes ; l'excès monte à 4°,4 chaud. Le bourdonnement cesse ; il tombe à 0°,40 au bout de quinze minutes. 26 septembre 1866; temp. extér., 17°,8. Xylocopa viola- cea femelle, très-vive, volant par la chambre. Elle bour- donne sans interruption dans la boule ; l'excès atteint 4°,5, puis redescend à ? degré, le bourdonnement cessant. 2 octobre 1865 ; temp. extér., 22°,3. Xylocopa violacea femelle, active. Elle bourdonne dans la boule, et l’excès, en deux minutes, est de ? degré chaud. H s'arrête, l'Insecte cessant de bourdonner. L'Hyménoptère rebourdonne ; l'excès devient 4°,50, puis s'arrête et redescend à 0°,30 au bout de quinze mi- nutes, le bourdonnement ayant cessé, + 200 M, GIRARD, Les Xylocopes de ces expériences des deux années pesaient, d'un jour à l’autre, de 0*,5 à 0,6, selon le miel qu’elles con- sommaient. La même démonstration peut s'obtenir avec la pile thermo- électrique, en renfermant l’Insecte dans le fourreau cylindrique au-dessus des soudures. Le plus souvent, actif quand on l'ap- porte, il s'engourdit peu à peu, sollicité sans doute à ce repos par le refroidissement que lui cause le contact des barreaux conducteurs. Parfois cependant, par sa propre volonté, il passe par des alternatives de bourdonnement et de calme. Elles se tra- duisent immédiatement, de la manière la plus fidèle, par les mouvements de l'aiguille du galvanomètre, soit dans un sens, soit dans l’autre. Je citerai seulement deux exemples; ils ne sont au reste pas très-nombreux. On peut dire que c’est par d’heu- reux hasards que les Insectes donnent ces démonstrations. 2 avril 1862; temp. extér., 13°,3. Bombus hortorum, grosse femelle, prise au repos dans sa cage de toile. Pile P. Déviation initiale, 60 degrés chaud. Puis l'animal prend peu à peu une chaleur croissante, attestée par les déviations station- naires suivantes, chacune d'environ une demi-minute : 58, 60, 8h, 67, 69 degrés. L'Insecie bourdonne avec force, l'aiguille marque 73, 75, 75 à 79 degrés. Il cesse de bourdonner, 73 de- grés; puis bourdonnement, 80 degrés; cessation, 74 degrés; bourdonnement, 81 degrés. Il cesse de bourdonner, mais s’agite avec force sur les barreaux; l'aiguille marque successivement, et pendant plus d’une minute chaque fois, 79, 80, 81, 80 de- grés. Quand le Bourdon, qui était nourri au miel depuis huit jours, sort de la pile, 1l est très-excité, et vole avec force par la chambre. Poids — 0,444. On voit dans cette expérience l'insecte combattre, et dominer sans cesse, par une production croissante de chaleur liée à la contraction musculaire, l'effet réfrigérant de la masse métallique des$barreaux. 7 mai 1862; temp. extér., 21°,2. Bombus terrestris, grosse femelle, nourrie au miel, très-active. Pile B. Déviation imi- tale, 90 degrés chaud (limite); puis l'aiguille oscille de 76 ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS, 201 à 82 degrés et s'arrête à 78 degrés, pendant que l’insecte bourdonne. Elle revient à 73 degrés, et y reste deux à trois minutes, l’insecte ayant cessé de bourdonner. Poids = 0,853. On voit done, dans ces deux dernières séries d'épreuves, la contraction musculaire conduire absolument au même résultat avec des instruments thermométriques, l'un fondé sur la dilata- tion, l’autre sur les relations de la chaleur et de l'électricité ; la conclusion acquiert une complète rigueur. S 8. Influence du sexe sur la production de chaleur libre. Ou peut dire d'une manière générale que les mâles chez les Insectes ont une taille moindre que les femelles, une forme plus grêle, un abdomen moins volumineux. Leurs organes des sens de distance (vue, ouïe) sont plus développés. Occupés surtout de rechercher les femelles, ils ont un système musculaire obligé à de plus fréquentes contractions : Mas errans semper venera vagd prurit, dit Fabricius. Il était intéressant de rechercher si lacti- vité musculaire et la forte combustion respiratoire qu’elle exige ne sont pas de nature à compenser chez les mâles, au point de vue du développement de la chaleur, leur masse plus petite que celle des femelles. I y a certains groupes d'Insectes où l'expé- rience fait voir, de la maniere la plus nette, que non-seulement cette compensation existe, mais que même, avec un poids bien plus petit, 1l reste chez le mâle un excès de chaleur très-notable, comparativement à la femelle. Cette influence du sexe n'est qu'un cas particulier des effets de la contraction musculaire. Les expériences ne peuvent être bien concluantes qu'à la condi- tion d'opérer sur des espèces, dont les adultes, dans les deux sexes, ne prennent aucune nourriture. Un groupe, très-bien choisi sous ce rapport, est celui des Bombyciens, dent les lourdes femelles sont très-peu agiles, et volent tout au plus à l'entrée de la nuit, tandis que les mâles volent avec impétuosité plusieurs heures de suite, en quête des femelles, dont ils saisissent à d’in- croyables distances les émanations odorantes, sans doute au moyen de leurs antennes pectinées ou flabellées. 202 M. GIRARD. Deux méthodes très-distinetes, la pile thermo-électrique et le thermomètre différentiel, ont servi à ces recherches faites en diverses années sur des espèces variées. On comprend que les sujets des deux sexes doivent être choisis dans des états ana- logues d’excitation ou de repos, car on sait combien est grande l'influence de l’activité ou du sommeil sur un Insecte isolé sous le rapport de la chaleur qu'il dégage. Expériences sur le Liparis dispar. — 11 juillet 1862. Pile B ; temp. extér., 20°,1. Mâle, à ailes coupées, éclos de- puis deux jours, non accouplé, très-actif, agitant avec force ses moignons d'ailes, courant rapidement. Déviation initiale, 90 degrés ; poids = 0,100.— Femelle, à ailes coupées, ayant pondu, s’agitant fortement. Déviation initiale, 58 degrés; poids 1021 12 juillet 1862; temp. extér., 18°,6. — Mâle, à ailes coupées, sans lésion, maintenu par un léger diaphragme. Dév. imit., 58 degrés chaud; poids = 0“,096. — Femelle ayant pondu,. à ailes coupées, sans lésion, bien active. Dév. init., 21 degrés chaud ; poids = 0*,134. A juillet 4862; temp. extér., 20°,0. — Mâle, à ailes cou- pées, sans lésions, posé sur la tête. Dév. init., 67 degrés chaud ; poids == 10079; 9 juillet 1862. — Liparis dispar, femelle, éclose de la veille. Temp. extér., 21°,h. Elle reste complétement engour- die et immobile sur les barreaux, maintenue par un léger diaphragme ; À à 2 degrés déviation initiale vers le chaud, puis 0 degré stationnaire. Dans une seconde épreuve, placée la tête sur les barreaux, elle donne 5 degrés déviation initiale chaud, puis à degrés stationnaire. Ensuite cette femelle remue les ailes et les pattes ; aussitôt déviation initiale 15 degrés, puis 8 degrés stationnaire pendant deux à trois minutes, l’Insecte continuant à s'agiter pendant tout ce temps. Ainsi, même en agitation, l’Insecte n’a pas donné autant de chaleur que les petits males, toujours acts. Poids = 0,350. 18 juillet 1862; température extérieure, 20°,8, Femelle ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 203 n'ayant pas pondu, à ailes conservées, très-engourdie. Déviation initiale, 4 degrés chaud; poids = 0,267. — Autre femelle n'ayant pas pondu, à ailes conservées, très-engourdie. Déviation initiale, à degrés chaud ; poids = 0,266. — Trois autres fe- melles très-engourdies ont donné des déviations initiales de 6, 7, à degrés chaud, et pesaient 0,193, 0,209, 0,153. — Deux femelles fortement excitées et réveillées ont donné des déviations initiales de 27 et 24 degrés chaud, et pesaient 0,249 et .0®,2092: Expériences sur l’Aglia tau. — Ce Bombycien est une des espèces de Papillons qui présentent l’olfaction la plus déve- loppée, puisqu'on à vu des mâles libres venir chercher des fe- melles écloses dans l’intérieur de Paris, et que l’Insecte n'existe au plus près, à l’état de liberté, que dans les forêts de Bondy et de Saint-Germain. La femelle est assez rare, et se prend bien moins aisément que le mâle. Pile OC, 7 avril 1862; température extérieure, 16°,8. — Mûle, déviation mitiale, 73 degrés chaud ; poids = 0,184. Deuxième expérience, déviation initiale, 80 degrés chaud. — Femelle pondant; déviation initiale, 38 degrés chaud. Deuxième expé- rience (8 avril, température extérieure, 46°,0), bien active na- turellement, battant des ailes et courant, 84 degrés chaud. Troisième et quatrième expériences, 47 et 52 degrés chaud ; poids = 0,559. Pile B, 22 avril 4862; température extérieure, 48°,7. — Premier mâle, déviations initiales, 76 et 78 degrés chaud ; poids = 0,281. — Deuxième mâle, à ailes avortées, en forte excitation naturelle, déviation initiale, 90 degrés chaud, puis oscillation de 81 à 86 degrés, puis, pendant plus de dix minutes, oscillation de 65 à 70 degrés ; poids, 0*,219. 23 avril 4862; température extérieure, 17°,3. — Le mème mâle en excitation naturelle extrême, 90 degrés init. chaud, puis oscillation de 64 à 75 degrés. — Troisième mâle, très-excité naturellement et volant par la salle, 90 degrés imit. chaud, puis oscillation de 65 à 78 degrés; poids = 0,196. La veille, 201 M. GIRARD, cet Insecte engourdi n'avait donné que 36 degrés init. chaud. — Le premier mâle, pesant 0,281, en excitation na- turelle, 90 degrés init. chaud, puis oscillation de 80 à 84 degrés. En 1863, des expériences sont reprises sur la même espèce : Pile B, 22 avril 4863; temp. extér., 16°,9. — Aglia tau male, volant, très-vif, 98 degrés dév. init., chaud, oscille de 64 à 66 degrés, puis 57 degrés stationnaires chaud une à deux minutes; poids = 0,210. 20 avril 1863. — Aglia tau mâle, très-vif et volant. Temp. extér., 15°,6; dév. init., 80 degrés chaud ; oscillation de 70 à 73 degrés, puis abaissement très-lent; poids = 0,185. Même date. Temp. extér., 16°,0, — Aglia tau mâle, tres-vif. Déviation initiale, 90 degrés init. chaud, puis refroi- dissement lent, et 65 degrés stationnaires plusieurs secondes ; poids = 0%, 218. Une femelle d’Aglia tau, de poids environ triple, offrait bien moins de chaleur (note égarée pour les chiffres). Quelques expériences avec la pile thermo-électrique ont eu pour objet le petit Paon de nuit, autre Bombycien : 9 avril 1863. Pile B. — Afiacus carpini mâle, venant d’éclore, bien vivace, peu actif. Temp. extér., 14°,3; dév. init., 66 degrés chaud, puis oscillation de 54 à 59 degrés, l'Insecte agitant légèrement les ailes. Poids = 0,310. Atlacus carpini femelle, venant d’éclore en même temps que le mâle précédent, vivace, peu active. Dév. imit., 53 degrés chaud, puis oscillation de 38 à 46 degrés ; poids = 0“,999. L'effet est donc des mieux constatés; la femelle de masse trois fois plus forte que le mâle, et dans les mêmes conditions que lui en toute manière, atteint à peine la même température. 11 avril 4863; température extérieure, 16°,0. — Atlacus carpini mâle, à demi-actif, voletant. Dév. mit., 53 degrés chaud ; oscillation de 48 à 50 degrés; puis stationnaire, 57 degrés chaud environ une minute. — Autre épreuve : ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 205 l’Insecte plus actif, volant. Dév. mit., 64 degrés chaud, puis stationnaire à 60 degrés environ une minute ; poids = 0,252. Les mêmes conséquences se retrouvent avec un appareil tout différent, le thermomètre de Leslie modifié. Thermomètre à boules noires. — 12 juillet 1862. Temp. extér., 18°,9. — Ziparis dispar mâle, en excitation natu- relle énergique, volant rapidement par la chambre, s’agitant violemment dans la boule. Au bout de deux minutes, 0°,30 excès chaud ; poids = 0*,076. — Mème résultat, une demi- heure après ; refroidissement dès que l’Insecte cesse de s’agiter. 13 juillet 186%; temp. extér., 19°,8. — Liparis dispar male, excitation naturelle. En quatre minutes, 0°,30 chaud, puis 0°,35 deux minutes après ; poids = 0*,089. à août 1663; temp. extér, 28,5. — Ziparis dispar male, très-vif ; 0°,05 chaud; poids = 0,082. L’excës, bien plus faible que pour les autres, s'explique pour un animal d'aussi petite masse par une température ambiante plus élevée. 17 juillet 1862; temp. extér., 20°,6. — Zaparis dispar femelle, à peine 0°,025 chaud au bout de quatre minutes, et stationnaire ; poids — 0,267. 23 Juillet 1862; temp. extér., 21°,4. — Liparis dispar femelle, immobile, n'ayant pas pondu; 0 degrés excès ; poids = 0*,202, C'est à peine si le même sujet donnait quelques degrés de déviation à la pile B. L'expérience comparative suivante porte sur la plus grosse espèce d'Europe du groupe des Sésiides. Les adultes ne vivent que quelques jours sans prendre de nourriture ; la femelle reste immobile sur le tronc des Peupliers, et le mâle vole à sa re- cherche. h juin 4863; temp. extér., 22°,0. — Sesia apiformis mâle, très-vif, volant et bourdonnant dans la boule. En dix minutes, 0°,45 excès chaud, puis 0°,50, 0°,60, 0°,55 ; poids —10 228} .: 5 juin 18065; temp. extér., 19°,7. — Sesia apiformis 206 M. GikAaRD. femelle, beaucoup plus calme que le mâle, de 0°,26 à 0°,40 excès chaud ; poids = 0*,532. Thermomètre à boules argentées. — C'est un Bombycien qui est le sujet de ces expériences, le Minime à bandes, papillon fort commun, même dans les jardins de Paris, et dont le mâle par- court nos bois, pendant toute l'après-midi, d'un vol rapide et saccadé, en quête de la femelle cachée sous les buissons, et qui ne vole un peu que le matin. 16 juillet 1868, quatre heures du soir; temp. extér., 25°,h, — Bombyx quercüs mâle, volant vivement, exeité par le voisinage de la femelle; au bout de quinze minutes, excès 0°,50 chaud; poids = 0,165. Bombyx quercäs mâle, excité par le voisinage de la femelle ; au bout de dix minutes, excès 0°,55 chaud ; poids = 0*,544. Ces mâles ont été pris dans une maison de la rue du Cherche- Midi au moyen d’une femelle captive dont l’odeur les attrait ; ils provenaient des arbres du boulevard situé à 200 ou 300 mètres. Bombyx quercüs femelle, sujet actif, non fécondé, commencant à pondre, agitant ses ailes sur place, et remuant dans la boule. Au bout de douze minutes, excès 0°,35 chaud; poids = 0,900. On voit, par ces derniers exemples, quelle est l'influence de la contraction musculaire, et combien les excès de température sont peu en rapport avec les masses. & 9. Température superficielle des Larves rases. Nous avons à exposer un certain nombre d'expériences faites sur des chenilles rases, d'espèces variées et à des températures diverses. Les chenilles poilues ne se prêtent guère aux épreuves où il s’agit de constater la température de la surface cutanée et l'influence de l’évaporation par ses pores, car les poils s'opposent au contact des barreaux. Je choisis surtout dans mes notes nom- breuses les exemples où se sont présentés des froids superficiels. ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 207 Dans toutes les expériences, je ne rapporterai que la déviation initiale due au premier contact. En effet, les nombres suivants ont moins d'importance; la chenille peut se déplacer sur les bar- reaux et ne plus offrir les mêmes contacts qu'au début; en outre, en raison de la masse de la pile et du partage calorifique, on comprend que toujours la chenille doit revenir, peu à peu et plus ou moins lentement, à la température ambiante qui est celle des barreaux, soit en se réchauffant, soit en se refroidissant. 2 septembre 1861 : temp. extér., 25°,5. Chenille de Pieris brassicæ, restant immobile, le milieu du corps roulé sur les bar- reaux. Pile À : dév., 53 degrés froid; poids non noté. — Autre de mème espèce, mobile et active, attaquée par les larves du Microgaster glomerator; dév. de 40 à 70 degrés froid, selon le contact plus ou mois complet de la région ventrale et sans poils des anneaux ; poids non noté. — Chenille arpenteuse d’Amphi- dasis betularia, à moitié taille, immobile comme un bâton sur ses pattes anales ; dév. 57 degrés froid ; poids non noté. 30 juin 4863 : temp. extér., 49°,8. Chenille de Papilio ma- chaon, prête à se chrysalider, immobile. Pile B : dév., 26 degrés chaud; poids, = 1,950. 7 juillet 1863 : temp. extér., 24°,5. Chenille d’Hadena ole- racea, prête à se chrysalider, à demi enfoncée dans la terre sèche, molle, immobile, vidée d’excréments. Pile B : dév., 18 degrés froid; poids, — 0,600. 2/; avril 1862 : temp. extér., 16 degrés. Chemille de Triphœna fimbria, à demi endormie, peu active. Pile C : dév.,7 degrés froid ; puis, réveillée et marchant vivement après la pesée, 50 degrés chaud. 27 avril 1862 : temp. extér., 19 degrés. La même chenille très-endormie. Pile C : dév., 51 degrés froid; poids, = 1,047. 2} mars 1862 : temp. extér., 41°,9. Chenille de Phlogophora meticulosa, endormie. Pile B : dév., 4h degrés froid; poids, — 15 090, 27 avril 1863 : temp. extér., 15°,4. Chenille de Triphæna fimbria, tout à fait immobile, à denn terrée pour se chrysalider. 205 M. GIRARD. Pile B : le dos portant sur les soudures; dév., 20 degrés froid ; poids = 1*,152. 12 octobre 1862 : temp. extér., 17°,5. Chenille de Satyrus ægeria, prète à se transformer, ne mangeant pas, peu active. Pile À : dév., 18 degrés chaud; poids, — 0,95; la chenille s’est chrysalidée le lendemain. 21 mars 1863 : temp. extér., 9°,2. Chenille de Triphæna pronuba, très-endormie. Pile B : dév., 43 degrés chaud; poids, — 1H 207. 23 mars 1863 : La même chenille endormie, dév., 37 degrés chaud; poids, = 4,172. Elle a perdu en deux jours, par éva- poration, 0*,034. 23 mars 1863 : temp. extér., 9 degrés. Chenille de Noctua triangulum, endormie. Pile B : dév., 33 degrés chaud; poids, — 02700; 24 mars 1863 : temp. extér., 40°,3. Autre chenille de Woc- tua triangulum, très-engourdie, à demi terrée, prête à se chry- salider. Pile B : dév., 8 degrés froid; poids, = 0“,661. 7 juillet 1863 : temp. extér., 24°,7. Chenille de Papilio ma- chaon, prête à se chrysalider, déjà attachée par la queue et s’étant entourée de sa ceinture de soie, immobile, à demi repliée. Pile B : dév., 68 degrés chaud; poids, =1*,13/. 99 novembre 4861 : temp. extér., 7°,2. Chenille de PAlogo- phora meliculosa, engourdie. Pile B : dév., 28 degrés froid; poids non noté. 29 octobre 1861 : temp. extér., 7°,2. Chenille d’Æadena che- nopodii, enroulée sur les barreaux. Pile À : dév., 14 degrés chaud; poids non noté. — Autre chenille de mème espèce. Pile À : dév., 44 degrés froid ; poids non noté. 8 janvier 1862 : temp. extér., 4°,8. Chenille d' Æadena ole- racea, assez vive et ayant mangé. Pile B : dév.. 26 degrés chaud; poids non noté. 3 janvier 4862 : temp. extér., 1°,9. Jeune chenille de même espèce engourdie et enroulée. Pile B : dév., 85 degrés chaud ; poids, —0%,561: 4° janvier 1862 : temp. extér., 2 degrés. Jeune chenille de ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 209 Noctua oleracea, engourdie. Pile B : dév., 28 degrés chaud; poids non noté. — Autre chenille, bien plus grosse, même es- pèce, couchée en rond sur les barreaux, dév., 0 degrés. — Enfin, jeune chenille de même espèce, très-immobile, dév., 16 degrés froid ; poids non notés. Diverses expériences sur des chenilles de poids non notés de Phlogophora meticulosa.—16 novembre 1861 : temp. ext., 8°,8. Pile B ; dév. A degrés chaud. 19 novembre 1861 : autre, temp. extér., 6°, ; dév., 24 de- grés froid. 20 novembre 1861 : temp. extér., L°,4 — Autre, immobile, engourdie, dév., 85 degrés chaud ; autre, immobile, engourdie, dév., 19 degrés chaud. Ces deux dernières chenilles, fort méga- lement chaudes, étaient prises au même nioment, à côté l’une de l’autre sur la terre sèche. J'ai quelques exemples, rares il est vrai, où le refroidissement superficiel à été assez intense pour être mesuré au thermomètre différentiel à air. Ainsi : 11 septembre 1562 : temp. extér., 19°,8. Chenille de Smerin- thus populi, au dernier âge, très-endormie. Au bout de 4 mi- nutes, 0°,20 froid, et stationne plusieurs minutes; poids, — (94099! 15 septembre 1862 : temp. extér., 22°,0. Chenille de Smerin- thus populi, immobile mais se retournant brusquement si on la touche; au bout de 3 minutes, 0°,15 froid et stationne ; poids, — 94 002 Nous arrêterons là des citations qui seraient toujours analo- gues dans un grand nombre d’autres exemples. On peut remar- quer que Jai pris des chenilles de Lépidoptères, diurnes ou nocturnes, à divers degrés de développement; que diverses sai- sons et des températures hautes, moyennes, basses, sont repré- sentées. Les trois piles thermo-électriques ont servi à constater des résultats pareils. On peut conclure des observalions que les chenilles bien actives sont superficiellement un peu au-dessus de l'air ambiant. Dans les cas d'inactivité, rien de plus varié; tantôt 5e série. Zooc. T. XI, (Cahier n° 4.) ? 44 219 M. GIRARD, elles sont plus chaudes, tantôt plus froides et paur des tempéra- tures extérieures très-diverses. Ces différences tiennent à des intermittences dans le travail d'organisation interne des tissus, alors que se préparent, soit les mues, soit la nymphose. Les chrysalides présentent absolument les mêmes faits, en les pre- nant dans les mêmes conditions d'exposition à l'air hbre, qu'elles soient nues naturellement ou retirées de cocons. Le thermomètre ordinaire dont se servait Newport, dans ses expériences sur les larves, est trop peu sensible pour accuser les légers refroidissements superficiels que nous venons de men- tionner. Il conserverait dans ces cas l’indication de la tempéra- ture ambiante. En outre Newport, pour forcer les chenilles à s'étendre sur le thermomètre et les y maintenir, les réveille, les excite, ce qui doit provoquer une légere élévation de chaleur. Au contraire, placées sur les barreaux dans le cylindre qui pro- tége la pile thermométrique, elles y sont libres de toute agitation et demeurent dans leur état naturel de sommeil ou d'activité. Il existe un groupe d'Hyménopières, les Tenthrédiniens, qui présentent des larves fort analogues d'aspect aux chenilles des Papillons, vivant comme elles de feuilles de végétaux, nommées fausses-chenilles par les naturalistes, parce qu’elles ont le plus souvent un plus grand nombre de pattes que les chenilles, par- fois un nombre moindre ; beaucoup s'entourent d'un cocon pour la nymphose. Il était naturel de supposer que ces larves rases, d’une organisation pareille à celle des chenilles rases, se com- porteraient de même pour la température superficielle. C’est ce que l'expérience à confirmé. de me bornerai à deux exemples : A6 novembre 1861 : temp. extér., 9°,4. Petite larve d’une T'enthredo, très-vive. Pile À : dév., 51 degrés chaud; poids, — 0,060. 4h octobre 1861 : temp. extér.. 18°,4. Larve d’un Cimbeæ vivant sur le bouleau, engourdie et roulée en boule. Pile B: dév., 8 degrés froid. 15 octobre 1861 : temp. extér., 16°,6. La même larve ré- veillée. Rile À : déviation 38 degrés chaud ; poids, = 0*,986. Je ne rapporterai pas en détail les expériences sur les vers à ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 214 soie du mürier au point de vue de la chaleur superficielle, faites surtout dans les étés de 1862 et 1863. J'ai trouvé plusieurs fois, lorsque les vers ne mangent plus et sont prêts à changer de peau, celle-e1 étant alors très-froncée sur la tête, ou très-sensiblement la température ambiante ou du froid superficiel. Quelques fortes larves de Coléoptères, à peau mince, m'ont donné des résultats analogues à ceux des chenilles rases, c’est à-dire tantôt du chaud, tantôt du froid à la surface. 620 2 août 1862 : temp. extér., 23°,2. Larve d'Oryctes nasicornis, hors du terreau depuis quatre heures, très-sèche. Therm. différ. à boules noircies, 0°,08 chaud en 4 minutes, et, à la pile B, dév., 60 degrés chaud; poids, 4°,768. — Deuxième larve de même espèce, également très-sèche; therm. différ., 0°,05 chaud eu 5 minutes; poids, —=2*,377. A août 1862 : temp. extér., 22°,2. Larve d'Oryctes nasi- cornis, retirée depuis deux heures d'un terreau très-humide. Pile B : dév., 20 degrés froid ; poids, — # 768.— Autre larve dans les mêmes conditions. Pile B : dév., 80 degrés froid; poids, = 2*,377. Le contact était très-complet, la larve couchée en demi-cercle sur les barreaux. 5 août 1862 : temp. extér., 23°,1. Larve d’'Oryctes nasicor- nis, au moment même où on la sort d’un terreau humide, mais non mouillé ; therm. différ., 0°,h0, froid au bout de 5 minutes. Pile B : dév., 55 degrés froid; poids, —1%,999. Autre larve, mêmes conditions; therm. différ., 0°,55 froid au bout de 5 mi- nutes. Pile B : dév., 78 degrés froid; poids, —1*,591. 5 septembre 4862 : temp. extér.. 17°,8. Larve d'Oryctes na- sicornis, immédiatement retirée d'un terreau sec; therm. différ., 0°,05, froid au bout de 2 minutes; poids, = 25,792. 42 août 1862 : temp. extér., 18°,2. Larve de Dytiscus margi- nalis, retirée de l’eau depuis À heures; therm. différ., 0°,1 froid au bout de 3 minutes; poids, 0, 761. 43 août 1862 : temp. extér.,17°,9. La même larve très-sèche, hors de l’eau depuis 26 heures, était au thermomètre différen- tiel, très-sensiblement à la température ambiante. 2192 M. GIRARD. Pour ces larves, l’eau qui peut rester à la surface de leur peau, en raison de leurs conditions d'existence, doit influer sur la tem- pérature superficielle. $ 10. Températures externe et interne comparées des Chenilles. On a depuis longtemps reconnu chez les animaux supérieurs que les diverses parties du corps n’ont pas exactement la même température. Les extrémités les plus éloignées des régions cen- trales sont à la température la moins élevée et même peuvent présenter accidentellement des abaissements considérables, pro- duire par leur contact des sensations de froid plus ou moins intense, être frappées même de congélation. En général, sauf des cas pathologiques, la température va croissant à mesure que de la peau on pénètre dans l’intérieur de l'animal. Les expé- riences de J. Davy sur les agneaux établissent des différences de température allant, suivant les régions, de 36 à 42 degrés envi- ron ; elles constatent aussi un maximum au diaphragme, la température du tronc allant eu croissant des deux extrémités vers cette partie (1). C'est au point où confluent les veines sous-hépatiques et la veine cave que se trouve le lieu le plus chaud de l’économie ; c’est là que M. Claude Bernard a reconnu que le sang atteint son maximum de température (2). Tous les résultats obtenus établissent une concordance par- faite entre les dégagements thermiques et les combustions respi- ratoires, et les différences s'expliquent par le refroidissement dû au rayonnement, au contact de l'air ambiant, à l’évaporation cutanée, par les différences de conductibilité des divers tissus, enfin par des afflux variables de sang hématosé. Nous devons rappeler surtout, par leur rapport avec des faits nouveaux que nous ferons connaître, les intéressantes mais trop peu nom- breuses expériences de MM. Becquerel et Breschet sur la tem- (1) Bibliothèque britan,, 1845, €, LX, p. 115. (2) Gavarret, op, cit,, p: 110. ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 213 pérature des muscles, plus élevée d'environ un degré et demi que celle du tissu cellulaire adjacent, et ce fait capital que la température d’un muscle en contraction est plus forte d'environ un degré que celle du muscle homologue en repos (1). En rap- prochant ce résultat de celui qu'établit M. de Quatrefages(2) que chez les animaux phosphorescents la lueur est activée par tous les agents qui déterminent les contractions musculaires, et que les scinlllations les accompagnent directement, il est impossible de ne pas supposer que la combustion qui accompagne la contrac- tion musculaire ne soit la cause commune de la force mécanique, de la chaleur libre et de la phosphorence, quand cette dernière existe. On n'a pas jusqu'à présent cherché si des faits analogues, comme il est naturel de le supposer, existent chez les animaux invertébrés. Un certain nombre de nos expériences peuvent combler cette lacune de la science au sujet des Insectes. Nos recherches ont porté sur deux points : constater dans quel rap- port la chaleur diminue des parties superficielles aux régions profondes; examiner si certains segments ou réunions de seg- ments offrent des inégalités thermiques, et si elles se rattachent à des différences correspondantes dans l’activité de la combustion respiratoire des divers organes. L'étude comparative de la température de la surface et de l'intérieur sur le même Insecte a été faite comme il suit. Pour obtenir la première indication, l’insecte était placé dans la boule creuse du thermomètre différentiel et la seconde était donnée par le thermomètre à mercure introduit dans le gros intestin. On comprend, dés lors, que les observations ont dû être limitées à un très-petit nombre d'espèces de la plus grande taille et ont porté presque exclusivement sur des larves à intestin développé. Nous allons exposer les principales expériences. Parfois le poids considérable des chenilles a empêché de les placer dans la mince (1) Ann. des sc. nat., 2° série, Zooz., 1835, t, IIL et IV, et Becquerel, Traité d’électr. et de magn. (2) Ann. de sc. nat., Zooz,, 3 série, 1850, t. XIV, p. 226. 244 M. GIRARD. boule de verre du thermomètre différentiel, de crainte de rup- ture. 19 août 1862 : temp. extér., 19°,2. Chenille d’Aftacus piri, prête à filer, dans la somnolence précédant la sixième mue. Le thermomètre à mercure dans le rectum pendant 20 minutes a marqué un excès de température de 0°,1 à 0°,2 à peme, et a stationné à 0°,2 pendant 15 minutes. Poids de la chenille —11",428. La chenille était saisie dans des pinces de bois, et une fois l’introduction du réservoir opérée, est restée parfaite— ment immobile, posée sur un amas non conducteur de duvet de cygne. Le mince réservoir avait 3 centimètres de long et était entièrement caché dans l'intestin de la chenille ainsi que 4 cen- timètres de tige, en tout 7 centimètres. La chenille n'a éprouvé aucune lésion, et aucun écoulement de liquide n’a eu lieu sur la tige de l'instrument. Il est une preuve excellente pour ces fortes chenilles que l'introduction du réservoir du thermomètre dans le gros intestin ne produit pas de lésion, c’est de remarquer que leurs excréments, en cylindres cannelés sur les arêtes, moulés sur les bandes saillantes internes du rectum, sont de diamètre notablement supérieur à celui du réservoir cylindrique du ther- mometre. 30 août 1862 : temp. extér., 19 degrés. Chenille d’Atiaeus piri, prête à filer ; poids = 10,993. Réservoir du thermomètre maintenu dans le rectura pendant 20 minutes; la température s’élève d'abord de 0°,6, puis de 0°,4 et garde cet excès pendant À minute environ, puis n'a plus que 0°,2 d'excès pendant 2 à 3 minutes. La chenille demeure immobile sur le duvet de cygne, le réservoir entièrement caché dans l'intestin; l'insecte à été tenu dans des pinces de bois pour l'introduction, puis laissé libre, portant le thermomètre à l’intérieur. Elle à fait quelques mou- vements qui n'ont pas fait varier le‘thermometre, car la tempé- rature à décru graduellement pendant l'expérience. Aucun écoulement de liquide n’a eu lieu sur l'instrument. Le lende- main, la chenille filait son cocon, ce qui prouve bien l'absence de lésion. Poids — 10,993. 1° septembre 1862 : temp. extér., 19°,4. Chenille d'Atta- ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 215 eus piri, prête à filer. Le thermomètre a été introduit dans le rectum avec les précautions d'usage. Presque aussitôtil a marqué un excès de 0°,8 el à stationné à cette température pendant plus de 10 minutes. Puis elle se met en marche et entraîne l'instrument qui, aussitôt, remonte encore de 0°,2, ou en tout donne 1 degré d'excès. Aucun écoulement de liquide n’a lieu mi pendant l'introduction n1 après. Le thermomètre retiré et essuyé ne tarde pas à redescendre à 19°,/4. Quelques heures après, une seconde expérience est faite sur la même chenille avec les mêmes précautions. La température extérieure étant 19°,2, le thermo- mètre s’éleva presque immédiatement de 1 degré et se maintint à cet excès 4 à 5 minutes, la chenille s'agitant pendant tout ce temps et marchant avec vivacité. Poids — 11,114. 47 septembre 1862 : Chenille de Smerinthus populi, prête àse chrysalider, terrée profondément, retirée et s'étant mise à mar- cher vivement depuis plus d’une heure. Temp. extér. : 20°,2. — Dans la boule du thermomètre différentiel argenté, excès de 0°,1 chaud en 1/2 minute, puis refroidissement et stationne- ment à 0°,05 chaud. Puis elle est tenue à la pince de bois sur le duvet et le thermomètre de mercure est introduit à plusieurs reprises dans le rectum. Il s'élève aussitôt de 20°,2 à 21 degrés et ystationne, ce qui donne un excès au-dessus de la tempéra- ture du dehors de 0°,08 et de 0°,07 environ au moins sur celle de la surface du corps. Cette chemille n’a éprouvé aucune lésion, car, après l'expérience, elle s’est terrée de nouveau et chrysali- dée. Poids, —3",275. 15 octobre 1862 : temp. exiér., 49°,2. Ver à soie du mürier, ne mangeant plus, prêt à filer (éducation d'automne). Le ther- momeêtre dans le rectum est resté très-sensiblement à la tempé- rature ambiante. Poids — 2,930. 15 octobre 1862: temp. extér., 19°,7. Chenille d’Attacus cyn- thia vera, de poids 3*,248. Le thermomètre dans le gros intes- tin monte à 20°,6 et stationne environ 10 minutes, le réservoir étant plongé en entier et le commencement de la tige. — Che- nille d'Attacus arrindia, de poids 3°,246. Le thermomètre monte à l'intérieur de 20 à 21 degrés. 216 M. GIRARD, 16 octobre 1862 : temp. extér., 18°,3. Autre chenille d’'Aé- tacus arrindia, mangeant, de poids, 2,748. A l'intérieur, 18°,8. — Autre, de même espèce, prête à filer, mangeant, de poids, 3*,325. Le thermomètre à l’intérieur s'élève de 18°,2 à 18°,8 et stationne 10 miuutes. 11 juillet 1863 : Chenille de Sericaria mori, commencant à filer, très-sensiblement à la température ambiante à l'extérieur (thermomètre différentiel). Le thermomètre dans l'intestin monte de 23 degrés à 23°,9, puis 23°,7; poids, = 2,488. — Autre ver à soie du mürier, commençant son cocon, donnant 43 de- grés froid à la pile B. Le thermomètre intérieur reste sensible- ment à 2/4°,3 température de l'air. Poids, = 2% ,696. 80 août 1863 : temp. extér., 20°,6. Chenille de Papilio ma- chaon prète à se chrysalider. Placée dans la boule du thermo- mètre différentiel argenté, 0 degré, stationne pendant 5 minutes, puis 0°,20 chaud, puis 0°,15, puis 0°,25 et chaque fois environ pendant 5 minutes. Mise ensuite sur le duvet, le thermomètre à mercure s’est élevé dans le rectum de 20°,6 à 21°3, puis 21°,1, le réservoir étant presque entièrement enfoncé. Il y a donc un excès interne d'environ 0°,6 sur la température extérieure et 0°,h sur celle de la surface du corps. Poids, —1,568. 11 septembre 1864 : temp. extér., 22 degrés. Chenille de Papilio machaon prète à se chrysalider. Le thermomètre à mer- eure introduit dans le gros intestin sans aucune lésion, pendant 5 à 6 minutes, reste à la température ambiante. La chenille s’est chrysalidée le lendemain. Poids, — 1,126. 27 septembre 1862 : temp. extér., 19 degrés. Chenille de Papilio machaon prête à se chrysalider. Le thermomètre à mer- cure introduit dans le rectum s’est élevé à peine de 19 degrés à 19°,1 etastationné 5 à 6 minutes. Enfoncé un peu plus et tourné sur lui-même, 1l est monté à 19°,8, puis à 20 degrés, puis est retombé à 19°,8. Pendant ces manœuvres la chenille fait sortir vivement ses tentacules céphaliques en Y et répand l'odeur forte et désagréable de fenouil qui la caractérise. Elle se détache en- suite d'elle-même du thermomètre, sans lésion, sans répandre aucune goutte de liquide. Poids —1,502, ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 217 25 août 1866 : temp. extér., 25°,5. Chenille de Derlephila elpenor, prête à se chrysalider, ne mangeant pas au repos, se vidant de ses excréments. Le thermomètre introduit dans le rectum baisse de 25°,5 à 24°,5 et stationne environ À à 2 minu- tes; enfoncé un peu plus, 1l remonte à 24°,8; poids — 6,040. 29 juillet 1864 : temp. extér., 24°,4. Chenille d’Attacus cyn- thia vera (ver à soie de l’ailante), prête à filer, ramassée, immo- bile. Le thermomètre à mercure s’est élevé dans le rectum de 24° ,h à 24°,8, puis, en tournant l'instrument et l'enfoncant da- vantage, à 25 degrés, puis 24°,9 et stationne plusieurs minutes. Poids — h°,186. 15 juillet 1864 : temp. extér., 22°,8. Chenille de Sericaria mori (ver à soie du mürier), au cinquième àge. Le thermomètre à mercure dans le rectum a d’abord indiqué un léger abaisse - ment 22°,6, puis s’est élevé à 22°,8, puis à 23 degrés, puis à 23,3, et a stationné à chaque fois de L à 2 minutes. Poids — 2 AO 17 juillet 1864 : temp. extér., 25°,4. Chenille de Sericaria mori, au cinquième âge, prête à filer. Le thermomètre à mer- cure dans le rectum marque un léger abaissement de 25°,4 à 25°,1, puis 25°,2 et stationne plusieurs minutes. Poids — 19102. Ces expériences montrent que des chenilles rases, lorsque la température extérieure est élevée et les larves prêtes à se trans- former, peuvent parvenir un peu au-dessous de la température ambiante, non-seulement à la surface, mais à l’intérieur. 23 octobre 1862 : temp. extér., 12°,5. Chenille de Bombyx rubi. Placée dans la boule du thermomètre différentiel argentée, elle donne 0°.025 chaud stat., c’est-à-dire très-sensiblement la température ambiante. 25 octobre 1862 : temp. extér., 11°,3. La même chenille est mise sur le duvet et le thermomètre à mercure enfoncé profon- dément dans le gros intestin. Il monte de 11°,3 à 14°,4 et sta- tionne environ 1/2 minute, puis stationne à 14 degrés, puis à 13°,8, 13°,5, à 13 degrés, à 12°,8. Cette chenille a été prise au 218 M. GIRARD. milieu de son sommeil diurne, n'ayant pas mangé depuis environ 8 heures, roulée en anneau. Elle a rendu du liquide par la bou- che, a été mouillée et a dû se refroidir par évaporation, ce qui peut expliquer labaissement graduel. Poids — 3% ,502. 26 octobre 1862 : temp. extér., 41°4. Chenille de Bombyæ rubi bien active, donnant 0°,05 chaud au thermomètre différen- tel. Le thermomètre, dans l'intestin, s'élève à 13°,6, le réservoir étant entièrement caché, puis 13°,9 et 13°,1. Poids, =4%,746. 2 novembre 1862 : Autre chenille de Bombyx rubi, Le ther- momètre interne monte de 43°,3 à 14°,1 et stationne. Poids — 17: 28 octobre 1862 : temp. extér. : 44°,4. Chenille de Bombyx rubi. Placée dans ia boule du thermomètre différentiel argentée, elle marque 0°,1 chaud stat. Sur le duvet le thermomètre à mercure, entièrement enfoncé dans l'intestin, monte de 44°,4 à 42°,8, puis 42°,5 et stationne plusieurs minutes, puis 42°,4. Poids — 3,013. 20 septembre 1863 : temp. extér., 19°,8, Chenille de Bombyx rubi. Dans la boule du thermomètre différentiel argentée au bout de 10 minutes, 0°,25 chaud stat. Sur le duvet le thermomètre, dans l'intestin, monte de 19°,8 à 20°,6 et stationne. Poids —11# 229; 2 novembre 1863 : temp. extér., 10°,4. Chemille de Bombyæ rubi, sensiblement à la température ambiante au thermomètre différentiel. Le thermomètre à mercure, dans le rectum, s'élève d'abord à 10°,8 pendant environ À minute, puis reste à 10°,5; la chenille est immobile et enroulée autant que possible. Poids 2077: 2 octobre 1864 : temp. extér., 17°,0. Chenille de Bombyx rubi. L'enroulement en anneau rend l'expérience assez difficile. Le thermomètre introduit dans le rectum, le réservoir tourné plusieurs fois, s'élève de 17 degrés à 17°,4 et stationne pendant » minutes. Poids —/4",653. Les expériences sur les chenilles de cette espèce ont montré toujours, bien qu'à degrés variables, de notables excès de linté- rieur du corps sur le dehors; cela doit tenir à ce que ces che- ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 219 nillés sont couvertes de longs poils serrés et doivent, par suite, perdre moins de chaleur par évaporation que des chenilles rases ou simplement épineuses. En outre, elles étaient éloignées de la morphose qui n'a lieu dans cette espèce qu'au début du prin- temps, de sorte qu’elles passent l'hiver à l'état de chenille. 8 11. Températures superficielles des chrysalides. Je rapporte dans ce chapitre des exemples choisis d’expé- riences faites sur des chrysalides ou nues naturellement (Papil- lons diurnes, quelques Noctuelles et Arpenteuses), ou retirées depuis longtemps de cocons soyeux ou de coques terreuses (Cha- linoptères (Blanch.) ou Hétérocères (Boisd.), anciens Crépuscu- laires et Nocturnes). Je laisse de côté le cas où les chrysalides sont immédiatement sorties des cocons ou coques, cas qui doit être examiné à part. Je citerai certaines épreuves successives avec la même chrysalide, en les accompagnant de la démon- stration par la balance de la perte de poids par évaporation qui se produit d’une manière continue chez les chrysalides, depuis la nymphe jusqu’à l’éciosion de ladulte. Cette démonstration est tout à fait rigoureuse, puisque les chrysalides ne mangent pas et ne rendent pas d’excréments. La peau épaisse et dure des chrysalides conduit mal la chaleur; en outre, leur rigidité em- pêche de les faire porter sur les barreaux par un aussi grand nombre de points que les Chenilles. Le thermomètre à mercure ou le thermomètre différentiel de Leslie ne sont, pour ces rai- sons, pas assez sensibles. On ne peut recourir qu'aux soudures bismuth-antimoine pour apprécier nettement des chaleurs su- perficielles, et leur sens par rapport à la température ambiante. 3 août 1864 : temp. extér., 24°,2. Chrysalide de Vanessa Jo, de huit jours environ. Pile A : dév., 31 degrés chaud ; poids — 0,425. — Chrysalide de Pieris rapæ, récente. Pile A: dév., 29 degrés chaud ; poids = 0%,318 (1). Les contacts sont (1) Comme précédemment pour les Chenilles rases, je ne relève que la première déviation observée au galvanomètre, car la chrysalide revient ensuite, peu à peu, à la température ambiante de l'instrument par effet de masse. 290 M. GIRARD, très-imparfaits avec ces deux chrysalides nues, vu les pointes dont leurs anneaux sont munis. -- Chrysalide d’Attacus cyn- thia, retirée du cocon depuis longtemps, n'ayant avec les bar- reaux (pile A) qu’un seul contact par la tête. Dév., 29 degrés chaud; poids — 1,855. 2h août 1861 : temp. extér., 20°,0. Chrysalide de Bombyx quercüs, placée depuis quinze jours sur la terre sèche. Pile A : dév., 35 degrés froid ; poids = 1*,172. — Seconde chrysalide de même espèce dans les mêmes conditions. Même pile : dév., A6 degrés froid ; poids — 0,992. 6 mai 1862 : temp. extér., 22°,6 Chrysalide de Sphinæ li- gustri, touchant les barreaux par la tête. Pile B : dév., 24 de- grés froid; poids — 2°,/61. 14 mai 1862 : temp. extér., 16°,3. La même chrysalide en contact par la tête avec la pile B : dév., 17 degrés froid ; poids = 2,144 ; perte en huit jours, 0,317. 9 avril 1862 : temp. extér., 15°,4. Chrysalide d’Arctia men- dica, venant de se former, encore blanche et molle, sans cocon sensible. Pile À : dév., 16 degrés chaud ; poids = 0“ ,178. 16 avril 1862 : temp. extér., 9°,8. La même chrysalide, noir- cie et dure. Pile À : dév., 47 degrés chaud ; poids = 0,155 ; perte, 0*,025. 15 avril 1862 : temp. extér., 9°6. Chrysalide toute récente, ayant encore la peau de la Chenille, de Moctua rhomboïdea, formée sans coque d'aucune sorte sur la terre nue, très-mobile, portant par la tête sur les barreaux. Pile À : dév., à degrés chaud. 16 avril 1862, la même, sur la tête : dév., 14 degrés chaud ; poids = 0,441. Elle était donc très-sensiblement à la tempéra- ture ambiante. 29 mai 1862 : temp. extér., 21°,8. Chrysalide de Sphinx li- gustri, posée sur la tête en contact des barreaux. Pile B : dév., 14 degrés froid ; poids = 1,574. 14 mars 1863 : temp. extér., 8°,3. Chrysalide d’'Hadena brassicæ, retirée de la terre sèche, très-vivace, remuant l'abdo- men. Pile A : dév., 31 degrés froid ; poids = 0,506. ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 221 16 mai 1863 : temp. extér., 19°,0. Chrysalide de Chelonia villica, sur la terre sèche, bien vivace. Pile B : dév., 27 degrés froid ; poids = 0“,488. 6 mai 1863 : temp. extér., 17°,2. Chrysalide de Triphæna fimbria, formée de la veille, exposée à l'air sous des feuilles fraiches non mouillées. Pile B ; dév., 35 degrés froid ; poids — 0,697. Elle est placée ensuite à l'air libre, sans feuilles au- dessus, sur la terre sèche. — 8 mai 1863: temp. extér., 17 degrés. Pile B : dév., 0 degré ; poids = 0,685; perte, 0,012. — 16 mai 1863 : temp. extér., 19 degrés, Pile B : dév., 0 degré ; poids = 0“ ,660 ; perte, 0,037. 7 mai 1863 : temp. extér., 17°,6. Chrysalide de Chelonia villica, formée depuis quelques heures, sous des feuilles fraîches, non mouillées. Pile B : dév., 16 degrés froid ; poids == 0,563. Elle est ensuite placée à l'air hibre sur la terre sèche. — 9 mai 1863 : temp. extér., 16°,8. La mème chrysalide bien vivace. Pile B : dév., 11 degrés froid; poids = 0*,552; perte, 05,044. 23 mai 1862 : temp. extér., 15°,7. Chrysalide de Triphæna fimbria, sur la terre sèche. Pile B : dév., 22 degrés froid ; poids = 0,610.— 13 juin 1863 : temp. extér., 15°,2, La même chrysalide, à l'air libre, sur la terre sèche depuis longtemps. Pile B : dév., 6 degrés chaud ; poids = 0,400; perte, 0“, 210. h juillet 1863 : temp. extér., 21°,8. Chrysalide de Papitio machaon, très-réc nte, formée depuis quelques heures, molle et trés-mobile. Pile B : dév., A1 degrés chaud; poids = 15,137. — Même jour : temp. extér., 22°,5. Autre chrysalide de même espèce, formée depuis trois jours et durcie. Pile B : dév. , h degrés chaud; poids — 1*,068. Cette chrysalide, plus an- cienne, est donc très-sensiblement à 'a température ambiante. 30 Juin 1862 : temp. extér., 17°,8. Chrysalide de Noctua æanthographa, bien vivace, d'environ huit jours. Pile A : dév., hi degrés chaud ; poids = 0,192. —- 99 juillet 1862 : temp. extér., 2% degrés. La même chrysalide. Pile A: dév., 4 degrés chaud; poids — 0,179; perte, 0,013. Le 5 août 1862 est éclose une femelle ne pesant plus que 0,102. 29 mai 1862 : temp. extér., 21°,8. Chrysalide d'Amphidasis 222 M. GIRARD, betularia (Phalénide), bien vivante et remuant. Pile A : dév., 38 degrés froid ; poids — 0*,284. Le 7 juin 1862 est sorti un mâle ne pesant plus que 0,084. 29 mai 1862 : temp. extér., 21°,6. Chrysalide de Papilio machaon. Pile À : dév., 47 degrés froid; poids — 0,829. 17 mai 1863 : temp. extér., 18°,5. Chrysalide nue de Leu- conea cratægi (diurne), remuant beaucoup. Pile B : dév., 2 de- grés chaud ; poids — 0,467. Elle est donc très-sensiblement à la température ambiante. 3 septembre 1861 : temp. extér., 25°,2. Tres-grosse chrysa- lide, mise à nu depuis longtemps, d’Attacus cynthia, la tête. sur les barreaux. Pile B : dév., 38 degrés froid ; poids non noté. 16 septembre 1861 : temp. extér., 16°,6. Chrysalide récente de Smerinthus ocellatus sur la terre sèche, la tête sur les bar- reaux. Pile B : dév., 52 degrés froid ; poids — 1,184. 2 septembre 1861. Série de sept chrysalides de Pieris rapæ, placées sur la même planche à côté les unes des autres, formées depuis dix à douze jours. Temp. extér., 26°,4. Pile A: dév., 0 degré (0,339), 0 A (0,358), L degrés froid (0°, 340). 6 degré (0,295), 9 degrés or) (0,296), h degrés. froid (0#,284), À degré froid (0%,216). Toutes ces chrysalides étaient très-sensiblement à la température extérieure. De ces expériences sur toutes les famiiles de Lépidoptères semble résulter que le froid superficiel est surtout en raison de l'élévation de la température du dehors. En outre, comme pour les Chenilles, les intermittences du développement interne amènent des effets opposés pour la chaleur superficielle. La chrysalide des Papillons est une espèce de second œuf. D'abord, quand elle est récente, elle paraît remplie d'une pulpe laiteuse indistincte; c'est peu à peu, et avec des intervalles de repos, comme dans les développements embryonnaires, que s'orga- nisent ensuite les parties de l'adulte. Une évaporation graduelle s'opère à travers les téguments. On se tromperait, pour les chrysalides comme pour les Che- nilles rases, si l’on croyait que les basses températures de Fair ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 223 doivent toujours les obliger à maintenir un certain excès calo- rique ; c’est bien ce qui a lieu le plus souvent, mais cependant il se présente encore des cas de refroidissement. On ne saurait trop, en fait d'expériences, se prémumr contre les idées précon- çues, même les plus probables. Les prévisions sont souvent dé- menties : ainsi je trouve, par exemple, en hiver un excès de chaleur pour les chrysalides suivantes : Papilio machaon, sur la tête. Pile À : dév., 58 degrés chaud à 5°,2. — Acronycta aceris, hors du cocon depuis longtemps, remuant fortement (0,198). Pile À : dév., 43 degrés chaud à 7 degrés. — Au contraire : Sphinæ ligustri, la tête seule tou- chant les barreaux (4*,778). Pile À : dév., 46 degrés froid à 6°,9 Il y a quelquefois des chrysalides qui sont exactement à la température ambiante. fl faut avoir som, pour que ce résultat soit bien certain, de s'assurer si elles vivent et remuent. Des chrysalides sèches depuis longtemps seraient à la température externe, à la facon d'un corps inerte; st elles sont mortes ré- cemment, elles peuvent donner un peu de chaleur par les réac- tions chimiques de la putréfaction. Je puis citer les exemples suivants, où l'aiguille du galvanomètre est restée exactement à 0 degré : 45 mars 4862 : temp. extér., 12°,6. Phlogophora meticulosa. Pile À : poids — 0®,552.— Bision hirtartus (Phalénide). Pile A : poids 05,297. il peut arriver que la même chrysalide se en la température ambiante à diverses époques de son développe- ment, et avec des poids décroissants. Ainsi : Hadena brassicæ : 3 janvier 1863 ; temp. extér., 7°,1 ; poids — 0,520. — Jdem : 922 janvier 1863 ; temp. exiér., 9°,6; poids —0%,547. — Idem : 7 février 18638 ; temp. extér., 19°,1 : poids = 0,513. Pile A. Hadena brassicæ : k novembre 1862; temp. extér., 19°,9 929, M. GIRARD, poids — 0,541. — Jdem : 15 novembre 1862 ; temp. extér., 10°,1 ; poids = 0,530. Pile B. Toutes ces expériences sont choisies de manière à montrer la diversité des cas qui se présentent, et qu'expliquent les inter- mittences de l'évolution. S 42. Etude thermique des chrysalides enveloppées, au moment où on les retire des cocons soyeux, ou des coques terreuses. Les refroidissements superficiels, inconnus aux auteurs des recherches précédentes, m'ont amené à penser que, si beaucoup de chrysalides se recouvrent d’enveloppes protectrices formées de matières conduisant peu la chaleur, c’est afin de se soustraire le plus possible aux effets fâcheux de l’abaissement de tempéra- ture par évaporation. Les chrysalides naturellement nues ont des téguments plus épais; la majeure partie des chrysalides des Lépidoptères hétérocères sont au contraire entourées ou de cocons complétement soyeux, plus ou moins incrustés d’une matière gommeuse, ou de fils de soie rassemblant dans leurs mailles des débris de feuilles et de terre sèche, ou enfin de coques formées de grains de terre agglutinés par une bave visqueuse. I faut bien remarquer que le danger dont le cocon tend à pré- server les chrysalides, c’est le refroidissement au-dessous de la température ambiante etnon le refroidissement absolu. En effet, les chrysalides supportent très-bien le froid qui survient gra- duellement. On en trouve en hiver qui sont congelées et cas- santes, et reviennent toutefois à la vie active et à l’éclosion de l’adulte, si elles sont soumises ensuite à un refroidissement lent et graduel ; c’est le fait général de beaucoup d'animaux hiber- nants. Une évaporation trop rapide amène la mort des chrysalides qui se dessèchent; le cocon diminue cet effet, sans s'opposer toutefois à l’évaporation dans la limite nécessaire à la formation des organes de l'adulte. En effet, on sait que les sériciculteurs se hâtent de vendre les cocons aussitôt le déramage, car chaque ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 229 jour de retard amène une perte de poids qui diminue leur bé- néfice. Les nombreuses expériences, dont je rapporterai seulement les principales, me paraissent démontrer complétement le rôle des enveloppes nymphales. Toujours j'ai observé qu'au moment même où les chrysalides sont retirées des cocons ou coques, elles sont au-dessus de la température ambiante ; puis, si on les laisse exposées à l'air, elles peuvent descendre au-dessous, d'autant plus, en général, que l'air est plus chaud et la perte de poids plus ad Le Ver à soie (Sericaria mort), dont le cocon, fermé de toute part, est le plus épais qui existe, devait tout d’abord appeler mon attention. Rien de plus net que les résultats fournis par cette utile espèce. Je n'indique toujours, pour la raison connue, que les déviations initiales. 12 juillet 1862 : temp. extér., 19 degrés. Chrysalide mâle retirée d’un cocon blanc (race Bourg-Argental, Ardèche), posée sur la tête. Pile B : dév., 38 degrés chaud; poids = 1,798. — 18 juillet 1862 : temp. ext., 21°,95. La même chrysalide, sur la tête. Pile B : dév., 0 lnée poids = 1*,627; perte — OO 12 juillet 1862 : temp. ext., 19 degrés. Chrysalide femelle (même race), retirée du cocon, sur là tête. Pile B : 38 degrés chaud ; poids = !*,586.— 18 juillet 1862 : temp. ext., 21°,5 La même drones sur la tête. Pile B : dév., 0 He post 18 7perte 027099; 48 juillet 1862 : temp. ext., 21°,6. Chrysalide femelle retirée du cocon (race milanaise blanche), en travers sur les barreaux. Pile B : dév., 38 degrés chaud; poids, 0*,904. — 92 juillet 1862; temp. ext., 20°,8. La même, en travers sur les barreaux. Pile B : dév., 4 degrés chaud; poids = 0,878; perte, 05,096. — 2} juillet 1862 : temp. ext., 22°,3. La même, en travers sur les barreaux. Pile B : dév., 2 degrés chaud; poids = 0,358 : perte nouvelle, 0,020. 96 juillet 1862 : temp. ext., 25° 9, La même, en travers sur les barreaux. Pile B : dév. 37 degrés froid ; poids = 0%,835; perte nouvelle, 0,023. — Le 5° série, ZooL. T. XI. (Cahier n° 4.) à 45 226 M, GIRARD. . 28 juillet 1861, cette chrysalide à produit une femelle du poids de 0,507, ne pesant plus le 29, après la ponte, que 0,398. 13 juillet 1862: temp. ext., 18°,8. Chrysalide femelle, de race jaune (Ardèche), retirée du cocon, posée sur la tête. Pile B : dév., 42 degrés chaud; poids = 2,248. — 17 juillet 1862 : iemp. ext., 20°,5. La même, sur la tête. Pile B: dév.; 0 degré ; poids = 2,173; perte, 0*,075. — 22 juillet 1862 : temp. ext, 20°,8: La même, sur la tête. Pile B : dév., 2 degrés chaud ; poids —1*,998; perte nouvelle, 0,175. -— 2/ juillet 1862 ; temp. ext, 22°,6. Pile B : dév., O degré; poids — 1#,887; perte nouvelle, 0%,11i, — Le 926 juillet est éclose une femelle pesant 1*,522. 13 juillet 1862 : temp. ext., 15°,8. Chrysalide mâle, de race jaune (Ardèche), au moment où on la retire du cocon, la tête sur les barreaux. Pile B : dév., A7 degrés chaud; poids — 15,556. — 17 juillet 1862 : temp. ext. 19°,2. Même chry- salide, sur la tête. Pile B : dév., 14 degrés froid; poids —i«,491; perte, 0,065. D'autres espèces, indigènes pour la plupart, nous offrent des résultats aussi concluants. 29 juin 1862 : temp. ext., 18°,1. Chrysalide d'Odoneéstis po- tatoria, déjà assez ancienne au moment où on la retire du cocon. Pile B : dév., 81 degrés chaud; poids —0“,805. — La même, au thermomètre différentiel à boules noires, 0°,15 chaud. Ce résultat est important par sa grandeur. 19 juin 1862 : temp. ext., 16°,2. Chrysalide femelle de Bombyx neustria (la Livrée), retirée immédiatement d’un mince cocon, placée sur la tête. Pile A : dév., 17 degrés chaud; poids — 05,347. — 96 juin 1862 : temp. ext., 19°,7. La même, sur la tête. Pile À : dev., 0 degré; poids, 0*,337; perte, 0%,010. 19 juin 1862 : temp. ext., 16°,2 Chrysalide mâle de Bom- byx neustria, irès-vive. Pile A : dév., 37 degrés chaud; poids 04198. — 26 juin 1862 : temp. ext., 19°,7. La même, sur Ja tête. Pile A : dév.,3 degrés chaud; poids = 0%,117; perte, 05.081. — Ces deux chrysalides étaient formées depuis deux ou Lois semaines. ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 227 2 septembre 1862 : temp. ext., 19°,2. Chrysalide de Cucullia scrophulariæ, en terre depuis près de deux mois, retirée d’une coque terreuse et soyeuse, sur la tête. Pile À : dév., 60 degrés chaud ; poids = 0,302. 2 septembre 1862 : temp. ext., 19°,2. Chrysalide de Xylina vetusta, retirée d’une coque terreuse où elle était depuis trois mois environ, la tête sur les barreaux. Pile A : dév., 45 degrés chaud ; poids = 0,663. 30 octobre 4864 : temp. ext., 8 degrés. Chrysalide de Bom- byæ quercüs, sortant d'une boîte close où elle était entourée de coton, de sorte qu'elle était encore plus soustraite à l’évapora- tion que dans le cocon papyracé naturel à cette espèce, placée sur la tête. Pile A : dév., 90 degrés chaud; poids = 0,904. — 51 octobre 1861 : temp. exi., 9°,6. La même chrysalide, conservée à nu sur la terre sèche, placée sur la tête. Pile À : dév., 2h degrés froid (poids non noté). 14 avril 1866 : temp. ext., 13°,5. Chrysalide d’Attacus pyri, femelle, au moment même où on la retire du cocon, la tête sur les barreaux. Pile B : dév., 24 degrés chaud ; poids — 6,238. — 18 avril 1866 : temp. ext., 15°,2. La même, la tête sur les barreaux. Pile B : dév., 22 degrés chaud; poids = 6*,215; perte, 0%,093. — 25 avril 1866 : temp. ext., 15°,3. La même, la tête sur les barreaux. Pile B: dév., 12 degrés froid; poids — 6,109 ; perte, 05,136. 1h avril 4866 : temp. ext., 43°,5. Chrysalide d’Attacus pyre, male, la tête sur les barreaux, au moment même où on la retire du cocon, prête à éclore (le mâle est sorti le 16). Pile B : dév., hA degrés chaud; poids = 4”019. 21 avril 1866 : temp. ext., 15 degrés. Autre chrysalide mâle d'Altacus pyri, au moment où on la retire du cocon, la tête sur les barreaux. Pile B : dév., 24 degrés chaud; poids = 4°,3923. 30 octobre 1861 : temp. ext,, 8 degrés. Chrysalide de Bom- byæ quercüs, sortant d'un épais lit de coton où elle était placée depuis vingt-quatre heures. Pile A: dév., 85 degrés chaud ; poids = 1,005. 298 M. GIRARD, 31 octobre 1861 : temp. ext., 9°,6. La même, à nu, placée sur la tête. Pile A : dév., 50 degrés froid (poids non noté). Ces deux expériences, où les chrysalides ont été entourées d’enveloppes arüficielles non conduetrices, montrent bien que le rôle des cocons est de retenir et d'accumuler dans l'air qui en- toure la chrysalide les petites quantités de chaleur incessam- ment dégagées. L'expérience suivante porte sur trois chrysalides de la même espèce, prises le même jour, à la même température, dans des conditions différentes. Elles appartiennent à l’Acronycta aceris. 2 décembre 1862 : temp. ext., 10 degrés. Pile A : la première (6,214) et la seconde (0,208) retirées du cocon depuis long- temps, posées en travers sur les barreaux, donnent toutes deux une déviation de 0 degré; la troisième (0,234), retirée au moment même de son cocon soyeux et ne pareillemient, donne une déviation de 32 degrés chaud. Les enveloppes non conductrices peuvent encore servir à pro- téger des larves subissant leur dernière mue ou métamorphose nymphale. Dans ce cas, en effet, elles ne mangent plus et ont besoin d’être soustraites le plus possible à l’évaporation et au froid qui en résulie. 26 octobre 1864 : temp. ext., 13°,2. Chenille d'Attacus arrin- dia, retirée immédiatement 1 son CoCon soyeux, posée la tête sur les barreaux. Pile A : dév., 99 degrés chaud (limite) ; poids avec le cocon, 1°,372. 6 mars 1862 : temp. ext., 6°,5. Larve d’un Cimbex vivant sur le bouleau, retirée d’un cocon de soie d'un jaune clair et sonné où elle se trouve non transformée depuis l'automne pré- cédent (le fait se constate chez beaucoup de larves d'Hyméno- ptères de la tribu des Tenthrédiniens). Pile À : dév., 38 degrés chaud; poids = 0“,547. Mèmes jour et température. Larve tres-molle d'un Diptère parasite, contenue dans la peau desséchée d'une chenille d'Or- gya pudibunda, contenue elle-même dans du coton. Pile A : dév., 88 degrés chaud; poids = 0,087, On voit done combien ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 229 cette larve, malgré son faible poids, est restée chaude, en raison de là mauvaise conduetibilité des deux substances qui la pro- tésent. Je bornerai là des citations toujours analogues. 13. A Différences de température selon les régions du corps des Insectes, Une autre série de nos recherches, sur la distribution calori- que, a pour objet d'établir s’il y a des différences dans la cha- leur dégagée par les divers segmenis. il résulte d’abord d’un nombre considérable d'observations sur des Chenilles rases en contact avec les barreaux de la pile thermo-électrique, que les déviations de l'aiguille aimantée sont en raison du nombre d’anneaux qui portent sur les soudures; les déviations les plus fortes sont obtenues quand la Chemlle couchée en rond touche les soudures par tous ses segments, et on voit l'aiguille se rapprocher du zéro à mesure que la Chenille changeant de position et se redressant n’applique plus sur fa pile qu'un nombre restreint de segmemts. Une déviation nou- velle se produit quand, l’animai retombant sur les soudures, une plus grande quantité de segments agissent. Le fait se constate aussi bien quand la Chenille dégage de la chaleur que quand la surface de son corps est abaissée au-dessous de la température ambiante; rien de plus général. Nous avons déjà cité assez d'expériences à la pile, pour que de nouveaux nombres soient ici nécessaires ; le mieux, pour ces expériences, est de prendre des Chenilles rases se roulant en anneau quand on les à inquiétées. Elles portent alors sur les barreaux par tous les segments; puis, quand elles se redressent contre la paroi du cône protecteur, la déviation diminue à mesure que portent moins de segments. La conclusion est facile. Puisquela variation thermique est, en raison du nombre de segments en rapport avec les soudures, la chaleur se répartit également dans les diverses zoonites, ou du moins les différences sont inappréciables aux instruments de 230 M. GIRARD. mesure les plus délicats. Rien de plus naturel à concevoir. Chez les Chenilles, la tête exceptée, les masses musculaires et le sys- tème trachéen sont à peu près également répartis dans les seg- ments; les ganglions nerveux, plus ou moins soudés, s'y distri- buent deux par anneau ; l’homologie de la fonction calorigène suit l’homologie des organes. Dans les adultes, au contraire, les zoonites se sont groupées en trois centres : tête, thorax, abdomen. Laissons de côté la tête, dont je n'ai pas mesuré isolément la température (cela se pour- rait toutefois avec les aiguilles sur de très-gros insectes). À l'abdomen, des trachées nombreuses, de vastes ampoules aériennes, réservoirs de comburant en réserve chez les bons voillers, des muscles médiocres, puisque les anneaux n’ont pas d’appendices, sauf le dernier où l’armure génitale forme un système appendiculaire très-restreint. En outre des ganglions nerveux isolés. Au thorax, au contraire, sont des muscles d’une très-grande puissance pour les pattes et surtout pour les ailes et une coalescence nerveuse considérable. Il peut donc se présen- ter entre ces deux centres, chez les grands voiliers, une diffé- rence considérable dans la combustion musculaire et par suite il y a lieu de rechercher s’il n’y a pas de différence appréciable entre ces deux régions dans le dégagement de la chaleur libre. Une méthode d'expérience, s'appliquant aux températures internes, nous a permis d'arriver sur quelques espèces d’In- sectes à un résultat trés-probablement général et très-marqué chez les bons voiliers. L'Insecte étant placé au milieu d’une masse de duvet et tenu par une pince de bois, par suite à l'abri des échauffements par rayonnement et par conductibilité, on enfonce d'abord le réservoir d’un très-petit thermomètre à mercure dans l'abdomen, à partir de l'extrémité anale légère- ment incisée et on observe la température stationnaire à laquelle parvient l'instrument dont on tourne délicatement le réservoir sur lui-même. Puis, par uu léger effort, on fait pénétrer celui-ci dans le thorax, et rien de plus facile à constater que cette péné- tration, à cause de la résistance un peu plus forte opposée par les apodèmes d'attache des museles thoraciques comparée à la ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 231 mollesse de toutes les parties de l'abdomen, On est aussitôt frappé d’une augmentation considérable de température acquise en moins d'une seconde, le mercure de l'instrument est lancé subitement; la chaleur forme comme un foyer dans le thorax. Elle est due à la combustion musculaire, bien plus considérable dans le thorax que dans l’abdomen chez les Insectes qui volent. Je ne sais si aucune classe du règne animal présente une démonstration plus frappante de la relation intime qui existe entre la chaleur animale el la contraction musculaire ; l’abdo- men, inerte el pendant lors du vol, semble abandonné par la chaleur en même temps que par la force, et ces deux modes d'effet de la même cause, la combustion musculaire, se concen- trent à la fois dans ce thorax si puissamment occupé à la fonc- tion. En outre, la mauvaise conductibilité des téguments et la faiblesse de la circulation doivent contribuer à maintenir la différence thermique. La concentration des ganglions nerveux en un gros ganglion thoracique, est aussi en rapport naturel avec la grandeur des appendices insérés, la contraction muscu- laire nécessaire pour les mettre en mouvement et le dégagement de chaleur libre qui l'accompagne. Rien de plus net, de plus tranché. Je n’ai pas besoin de faire remarquer que le procédé, ocea- sionnant à l’Insecte de graves lésions, ne donne pas les tempéra- tures normales absolues, mais le point capital, c’est-à-dire la différence de température, n’en demeure pas moins établi. Les Insectes ne subissent pas d’incision longitudinale comme dans les expériences de John Davy, dans certaines expériences de Newport, dans l'observation de M. Breyer. Le thermomètre est toujours entièrement contenu dans le corps de l'Insecte, à l'abri de tout rayonnement externe, et enfin aucun écoulement de liquide, et par suite aucune évaporalion, ne se produisent, ce qu'on ne saurait éviter dans les mcisions longitudinales. Seulement, on comprend que, comme il est nécessaire que le réservoir de l'instrument soit contenu en entier tour à tour dans l'intérieur de l'abdomen et du thorax, les expériences sont for- cément restreintes aux espèces de la plus grande taille. 202 M. GIRARD. Par une induction légitime on doit penser que le même phé- nomène se produit chez les Insectes bons voiliers de toute taille. Les différences étant dans certains cas très-fortes, comme on le verra Ci-apres, les aiguilles thermo-électriques doivent per- mettre une vérification de nos résultats en plaçant l’une d’elles dans l'abdomen et l’autre en même temps dans le thorax. Nous avons d'autre part fait une remarque au sujet des températures obtenues. Elles sont exagérées par le fait de l'introduction de l'instrument dans l'intérieur du corps de l’'Insecte et du trouble violent qui en résulte dans les viscères; mais, par contre, le thermomètre d’une masse considérable, supérieure à celle de l'animal, doit absorber une notable portion de la chaleur de la source et donner une indication en moins. Ces deux causes d’er- reur, agissant inversement, se compensent, au moins en partie, de sorte que les températures obtenues doivent être assez approchées de l’état calorifique normal. Toutes les expériences qui suivent ont été faites avec aussi peu de lésion que possible, sans incision longitudinale; un coup de ciseaux à l'extrémité anale de l’Insecte sert seulement à faci- liter l'introduction du réservoir du thermomètre ; toujours les Insectes étaient dans la salle depuis plusieurs heures, de ma- nière à ce qu'aucune influence d’une autre température anté- rieure ne püt être invoquée et que les différences fussent propres au sujet seul. 15 août 1863.— Sphinx convolvuli, mâle.Thermomètre dans l'abdomen, monte de 25°,2 à 28°,5, puis dans le thorax s'élève subitement à 33°,0 puis redescend ; poids, 1°,155. 45 août 1863. — Sphinx convolouli, femelle. Thermomètre dans l'abdomen, de 26°,0 à 31,4, puis, poussé dans le thorax, monte en moins d'une seconde à 37°,0, stationne une à deux secondes puis redescend ; poids, 4,568. 22 août 1863. — Sphinx convolvuli, mâle. Thermomètre dans l'abdomen, monte de 19°,6 à 22°,2 et stationne, puis, enfoncé dans le thorax, s'élève aussitôt à 26°,5; reste stationnaire près d’une minute, puis redescend rapidement ; poids, 4,522, ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉPBRÉS, 233 29 août 1863. — Sphinx convolvuli, femelle. Thermomètre dans l'abdomen, de 20°,1 à 23°,4 et stationne, puis, dans le thorax monte aussitôt à 27°,3 et stationne environ 20 secondes, puis redescend assez lentement, demeure plusieurs secondes à 27°,0, puis à 26°.,6, etc.; poids, 1*,281. 1® septembre 1863 : Sphinx convolvuli, femelle. Thermo- mètre dans l'abdomen, de 21°,0 à 22°,4 et stationne, et fdans le thorax monte à 26°,3 ; poids, 1*,325. L'insecte, peu actif, ne volait pas. 1" septembre 1863 : Sphinx convoluuli, femelle, assez actif, volant. Thermomètre dans l'abdomen monte de 21°,2 à 28°,8, puis, dans le thorax, s'élève aussitôt à 83°,9; poids, 15,592. | 9 septembre 1863: Sphinx convolvulr, femelle, rempli d'œufs. Thermomètre dans l'abdomen monte de 47°,2 à 49°,9, et dans le thorax à 24°,0, et stationne environ une minute; poids, 15,985. 45 septembre 1863 : Sphinx convolvuli, mâle. Thermomètre dans l'abdomen de 19°,0 à 24°,4 ; puis dans le thorax, en moins d’une seconde, monte à 30°,3, puis 81°,L, puis à 30°,8 ; poids, 1 110 Nous voyons done dans ces expériences sur les Sphinæ le thermomètre indiquer plusieurs fois des excès considérables analogues à celui de l'expérience de M. Breyer, et sans qu'on puisse objecter les mêmes causes d'erreur. Les températures superlicielles de ces mêmes Sphinx, mesurées au thermometre différentiel, ont varié environ de 1°,5 à 2°,5 au-dessus de la température ambiante; mais je ne rapporte pas ici ces expé- riences, Car on ne peut comparer des températures extérieures normales à des températures internes anormales, évidemment accrues par le mode d'expérience. Les Papillons étaient dans la chambre au moins depuis une demi-journée avant l'expérience, afin d'éviter tout refroidissement ou échauffement autre que celui dû à leur chaleur propre. J'ai toujours observé que les mâles seuls possédaient l'odeur musquée signalée par les auteurs 234 M. GIRARD. pour l’espèce; les femelles, soit avant, soit après la ponte, sont complétement dépourvues de cette sécrétion (1). Sphinx liqustri mâle, donné par M. Delorme, éclos le 18 juin 1664. — Doué d'une faible odeur musquée sous le thorax et l'abdomen, nulle quand il est au repos et profondé- ment endormi ; elle devint forte lorsqu'il fut ineisé à l'extrémité de labcomen, et se débattit. — Le 20 juin 1864, au laboratoire d'entomologie du Muséum, devant M. Lucas, le thermomètre extérieur marquant 20 degrés, introduit dans l'abdomen, monta à 20°,6; puis, poussé dans le thorax, s'éleva subitement en quelques dixièmes de seconde à 27°,3, et, une miaute après, était encore à 26 degrés. Poids, 1*,088. 16 septembre 1864 : temp. extér., 20°,5. — Sphinæ convol- vuli femeile, capturé depuis vingt heures, très-vif. Thermo- mêtre dans l’abdomen monte de 20°,5 à 21°,4 et stationne ; puis, poussé brusquement dans le thorax, le fond contre la tête de l’insecte, monte à près de 31 degrés, et stationne environ une demi-minute, puis redescend lentement à mesure que l'animal s’affaiblit. Au bout d'une minute, il est à 29°,5, puis, dix se- condes après, à 98 degrés, et stationne environ une minute. Il est retiré. Poids = 15,756. | Cette femelle n'avait pas la moindre odeur musquée. 21 septembre 1864 : temp. extér., 47 degrés. — Sphinæ convolvuli mâle, capturé depuis vingt heures, avait une très- forte odeur musquée lorsqu'il fut pris au vol. Vivacité médiocre. — 1° Température externe par le procédé Newport : thermo- mètre externe sous l'abdomen monte de 17 degrés à 17°,8 en trois secondes et stationne ; puis le thermomètre étant glissé sous le thorax et la tête s'élève de 17°,8 à 18°,6 en quatre mi- nutes, puis à !8°,9, et stationne ensuite, environ pendant deux secondes.— ?° Température interne : thermomètre dans l'abdo- men monte de 48°,9 à 19°,3, puis à 19°,8. Ensuite le thermo- mètre poussé dans le thorax s'élève en une seconde à peine à 25 degrés, puis lentement à 25°,2, puis redescend à 25 degrés, (1) Me Girard, Cosmos, sur les sécrétions musquées, 1860, t. XVII, p. 280, ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 239 stationne une demi-mimute. descend à 24°,6, et stationne envi - ron pendant dix minutes, puis à 24°,3, ete. Poids = 1,697. 214 octobre 1865 : temp. extér. ,12°,6. — Acherontia atropos femelle, récemment éclose, criant beaucoup. L'insecte n'étant que trés-mal vidé de son méconium nymphal, la température du thermomètre introduit dans l'abdomen s'abaisse à 409,3, accident dû au filet du liquide déversé baignant le thermomètre ; poussé dans le thorax, il monte aussitôt à 14°,6, puis à 15°,2 et 15°,4, et stationne plus d’une minute. Poids = 2*,962, 16 septembre 1865 : temp. extér., 23 degrés. — Sphinx convolvuli, mâle, à odeur musquée, dans la chambre depuis la veille. Le thermomètre dans l'abdomen marque 2h degrés au bout d’une demi-minute, puis, poussé dansle thorax, monte en deux secondes à 31°,8, stationne quelques secondes, puis re- descend. Poids = 1*,452. 22 septembre 1865 : temp. extér., 22°,6. — Acherontia atropos mâle, à ailes atrophiées, très-affaibli, près de la mort. Le thermomètre enfoncé dans l’abdomen est d’abord descendu à 22°,3, puis est remonté à 22°,6 et a stationné ; enfoncé dans le thorax, 1l s’est élevé à 23°,5, et est resté stationnaire plusieurs minutes. Poids=— 1,845. 17 Juillet 4866 : temp. extér., 25°,9. — Sphinx ligustri mâle, d'une odeur musquée très-sensible, même à distance, et forte autour de Pextrémité anale ; capturé la nuit par le veilleur dans une des cours du Collége Sollin, dans la salle depuis dix heures, volant avec quelque peine, ayant été un peu meurtri. Thermomètre dans l'abdomen monte de 25°,2 à 26 degrés en quelques secondes, puis, enfoncé dans le thorax, il s'élève en moins d’une demi-seconde à 30 degrés, y stationne pendant plus d’une demi-minute, le fond du thermomètre butant contre la tête de l’insecte et instrument étant tourné au milieu des tissus, puis commence à descendre lentement. Poids — 0,884. — Le résultat de cette expérience est considérable, vu le faible poids de l’insecte, un sujet déjà affaibli et l’élévation extérieure de la température. Dans les dernières expériences dont l'exposé va suïvre, expé- 236 M. GIRARD, riences toujours sur des Lépidoptères bons voiliers, le même insecte à souyent été soumis au thermomètre à diverses reprises, afin de faire voir que l'effet de concentration de la chaleur dans le thorax n’était pas un accident se présentant une fois, mais était lié à la vie même du sujet, persistant tant qu’elle durait, avec une diminution d'intensité liée à l’affaiblissement général résultant de la lésion. 18 juillet 1867. — Sphinx convolvuli mâle, éclos depuis deux jours ; temp. extér., 49°,5. — Le thermomètre introduit dans l'abdomen marque 20°,2 au bout de plusieurs secondes. puis 20°,8 et stationne ; le Papillon agite les ailes. Le thermo- mètre est poussé dans le thorax, et subitement monte à 22°,7 et stationne une à deux minntes. — Le sujet était chétif, d’odeur musquée faible, ne pesant que 05,7 à 0*,8, provenant de l’édu- cation en chambre close d’une Chenille trouvée à l'automne de 1866. 20 juin 4867 (4) — Sphinx ligustri mâle, éclos depuis vingt-quatre heures environ; temp. extér., 48 degrés. — Le thermomètre introduit dans l'abdomen monte à 19°,1, et sta- tionne plusieurs minutes; enfoncé ensuite dans le thorax et la tête, et tourné sur lui-même, s'élève aussitôt à 22 degrés et sta- üonne environ deux minutes, puis redescend lentement, de sorte qu'il reste à 24°,5 une demi-minute, puis à 21°,2 pendant une minute, etc. Le sujet, un peu petit, ne permet pas une introduction bien complète du thermomètre dans le thorax. Poids (non noté). — L'insecte est mis au repos pendant trente-six heures, afin de réparer la lésion, puis l'expérience est reprise ; il est encore bien vivace et d’odeur fortement musquée.— 21 juin 1867 (deuxième épreuve) : temp. extér., 19°,2. — Le thermomètre placé dans l'abdomen monte assez lentement à 19°,6 seulement, et redes- cend à 19°,4, puis19”,2; enfoncé dans le thorax, il s'élève aussitôt x SES hi. (1) Les Sphinx ligustri, sujets des expériences de 1867, provenaient de l'obli geance de M. Delorme et des chrysalides recueillies par lui à la fin de 1866 sous les lilas de la pépinière du Luxembourg, au moment de la destruction de ce jardin rustique, qui n'était pas sans intérêt pour les entomologistes parisiens. ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS, 29 à 21 degrés, et stationne plusieurs minutes à cette température. L'insecte est remis au repos et agite fortement les ailes ; mort le lendemain. 20 juin 1867. — Expérience faite chez M. E. Blanchard et en sa présence. — Sphinx ligustri mâle, éclos depuis 36 heures. — Temp. extér., 21 degrés. — Le thermomètre introduit dans l'abdomen monte de 21 degrés à 22°,8 et stationne. Il est poussé dans le thorax jusqu'au vertex de la tête, avec pénétra- ton imcomplète, et, immédiatement, dans un temps inappré- ciable, le mercure monte à 26 degrés et stationne environ une minute, puis redescend lentement à 25°,5, etc.; poids (non noté). — L'animal est laissé ensuite au repos pour cicatriser la lésion. — 22 juin 1867; 36 heures après, l'expérience est reprise sur le même Insecte, redevenu vif et d’odeur fortement musquée ; temp. extér., 19 degrés. — Le thermomètre introduit dans l’abdomen monte à 19°,8 en plusieurs secondes, puis y descend à 19°,6 et stationne. Enfoncé dans le thorax jusqu'à la tête, il s'élève aussitôt à 21°,6, puis à 22 degrés quand il est tourné sur lui-même et reste plusieurs minutes à cette tempé- rature. L’Insecte est remis au repos; mort le lendemain. 24 jum 1867. -— Sphinæ ligustri mâle; expérience faite chez M. P. Gervais et en sa présence; temp. extér., 20 degrés. — Le thermomètre enfoncé dans l'abdomen marque près de 22 degrés. Enfoncé ensuite dans le thorax avec introduction incomplète, 1l s'élève immédiatement à 28 degrés, y stationne environ une minute, puis redescend lentement; poids, 0,780. L'insecte est mis au repos. — 25 juin 1867; environ 36 heures après la première épreuve, le même fnsecte est remis en expé- rience; temp. extér., 18°,1. Il est vif, peut encore voleter et a une odeur fortement musquée; dans l’abdomen, le thermo- mètre monte à 18°,6 et stationne, puis, poussé dans le thorax, monte aussitôt à 20°,4, et stationne plus d’une minute. Il est remis au repos et vit encore le 26 juin matin, assez vif mais ne pouvant plus voler; mort le 27 juin matin. 29 juin 4867. -— Sphinx ligustri femelle, éclos depuis trois 2358 M. GIRAR. jours, bien vif, sans odeur musquée (1); temp. extér., 18 de- orés, — Le thermomètre enfoncé dans l'abdomen monte, en une seconde environ, à 49 degrés, 19°,2, 19°,4, oscillant entre ces nombres pendant deux minutes environ, en même temps que l'Iusecte bat des ailes ; poussé dans le thorax, il monte aussitôt à 23 degrés, puis à 23°,5 quand on le retourne, retombe à 23 dégrés et y reste environ une minute, avec introduction incomplète, puis redescend lentement; poids (non noté). L’in- secie est mis au repos. — 2h heures après, la même femelle est remise en expérience; temp. extér., 18°,5. Le thermomètre, dans l'abdomen, reste à 46°,5; puis, dans le thorax, monte aussitôt à 20°,2; le 1° juillet, mori. 29 juin 1867. — Sphinæ ligustri mâle, éelos depuis 36 heures (par exception sans aucune odeur musquée); temp. extér., 8°,5. Le thermomètre dans l'abdomen s’est élevé à 19°,2, puis à 20 degrés et a stationné; enfoncé ensuite dans le thorax, 1l monte aussitôt à 24°,h4 et stationne plusieurs mmutes. L'Insecte est mis au repos; poids = 0*,630. — 1% juillet 1867. Le même insecte, au repos depuis deux jours, est remis en épreuve ; temp. extér., 20°,2. Le thermomètre dans l'abdomen monte à 20°,8 et stationne une demi-minute ; enfoncé dans le thorax, 1l monte à 21°,5, puis 21°, et, tourné sur lui-même, quelques instanis à 22 degrés, puis redescend à 24°,8. L'insecte est nus au repos; mort, le 8 juillet. 3 juillet 1867. — Sphinx ligustri femelle, éclos depuis trois jours; expérience faite au Muséum devant M. À. Milne Edwards; temp. extér., 22 degrés; le thermomètre dans l’ab- domen monte à 23 degrés, et, poussé dans le thorax, s'élève immédiatement à 27°,5, puis, l'instrument étant tourné sur lu- (4) La sécrétion musquée signalée par les auteurs éhez ies Sphinx convolouli etligus - tri,et notamment plus faible chez cette dernière espèce, est exclusive aux males, comme je m'en suis assuré dans mes nombreuses expériences sur ces deux espèces; je suppose qu'elle à son siége dans quelque glande annexe de l'appareil génital, et elle ne se développe que quand le mâle, bien vidé du méconium de la chrysalide, est propre à l’accouplement. ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 29) même, à 28 degrés; poids = 0,939. L'Insecte est inis au repos ; mort, 5 juillet, AO heures apres. 9 juillet 1867. — Sphinx ligustri femelle, éclos depuis neuf jours ; expérience faite chez M. le docteur À. Moreau et en sa présence; temp. extér., 18°,6. Le thermomètre dans l'abdo- men monte peu à peu, à très-près de 20 degrés ét stationne ; enfoncé dans le thorax, avec introduction incomplète, il monte aussitôt à 2h°,h et stationne quelques imstants; poids = 0,710. L'Insecte est mis au repos et vivait encore très-bien, un peu affubli, 24 heures après. 12 juin 1568 (expérience faite chez M. Claude Bernard, sous ses yeux). — Sphinx ligustri femelle, éclos la veille; temp. extér., 25°4. Le thermomètre introduit dans l'abdomen monte à 25°,5 et stationne; puis, introduit dans le thorax, s'élève aussi- tôt à 32 degrés, puis descend peu à peu, et, au bout de 2 à 3 minutes, est encore à 27°,4. — 43 juin 1868. Le même Insecte, encore bien vif, est remis en expérience ; temp. extér.. 19 degrés. Dans l'abdomen, 19°,8; dansle thorax, 21°,6, puis 21°,4 pendant plusieurs minutes; poids = 1°,930, ee poids doit avoir subi depuis la veille une perte par évaporation. Expériences sur des Sphingides de dimensions moyennes, L2s résultats sont très-imparfaits, car le réservoir ne peut êire intro- duit qu’en petite partie, du tiers à la moitié, dans le thorax. fs constatent la différence de température plutôt qu’ils ne la me- surent,. h mawi867. — Deilephila elpenor, mâle (Sphinx de ia vigne), éclos depuis la veille, pris à l'état de repos, s'agitant ua peu dans là manœuvre; temp. extér., 15 degrés. De 15 degrés le thermomètre, entierement plongé dans l'abdomen, monte à 45°,h ; puis. dans le thorax, s'élève aussitôt à 16 degrés et staz tioune à à # minutes; poids = 1,195. 7 mai 1867. — Deilephila elpenor, mâle, éclos de la veille: temp. exiér., 20°,k. Le thermomètre dans l'abdomen monte de 20°,4 à 21 degrés; puis, poussé dans le thorax et retourné sur 210 M. GIRARD. lui-même, s'élève aussitôt à 22°,1, puis 22 degrés et stationne plusieurs minutes; poids = 0*,850. 7 mai 1867. — Deilephila elpenor, éclos de la veille; temp. extér., 20 degrés. Le thermomètre dans l'abdomen reste à 20 degrés; puis, dans le thorax, il monte aussitôt à 20°,8 et sta- tionne une minute, puis descend à 20°,6 ; poids — 0,912. Les expériences suivantes sont faites sur des Insectes doués d'un vol médiocre. Le résultat est moyen, mtermédiaire entre celui des grands voiliers qui sont les Sphingides propres et celui des Insectes à vol très-faible, du moins habituellement, comme les grands Orthoptères. 18 avril 4866 : temp. extér., 15 degrés. — Atflacus pyri, mâle, à ailes avortées, sujet peu actif. Thermomètre à mercure dans l'abdomen, s'élève de 15 degrés à 15°,3 ; puis, enfoncé dans le thorax, monte brusquement à 16°,4 et stationne pendant plu- sieurs minutes, le réservoir élant tourné dans l’Insecte; poids — 4#,540 ; excès du thorax sur l'abdomen : 1°,3. 98 avril 1866 : temp. extér., 20 degrés. — Atlacus pyri (grand Paon de nuit), mâle, éclos depuis la veille. Thermo- mètre dans l'abdomen, s'élève de 20 degrés à 21°,2 et stationne; puis est introduit dans le thorax ; immédiatement le mercure est lancé de 21°,2 à 25°,5 et stationne plusieurs minutes. Lors des manœuvres, l'Insecte s'était réveillé et avait volé par la salle. Excès du thorax sur l'abdomen : 4°,3; poids = 1,791; l'In- secte est éclos d’une chrysalide qui la veille pesait 4*,323. 10 mai 1866 : temp. extér., 15°,8 (expérience faite devant M. Künckel). — Attacus pyri, femelle, éclos depuis deux jours. Le thermomètre, dans l'abdomen gonflé de liquides, monte de 15°,8 à 46 degrés et stationne; puis, enfoncé dans le thorax, monte immédiatement à 19°,4 et stationne. Exces du thorax : 3°,h; poids = 3,508. Les Attacus étaient mis en expérience pendant le Jour, par suite endormis et peu actifs; ces Insectes, dans la nature, ne volent que le soir, principalement les mâles à la recherche des femelles. ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 2/1 25 mai 1866. — Smerinthus populi, femelle; temp. extér., 16 degrés. Dans l'abdomen, le thermomètre reste à 16 degrés comme à l'extérieur ; puis, poussé dans le thorax, où le réser- voir ne peut pénétrer qu'incomplétement, monte et stationne à 16°,8. Le résultat est incomplet et en moins ; poids = 14,482. LE mai 1867.—Attacus pyri, femelle, éclose depuis 48 heures et provenant d’une chrysahide de deux ans; temp. extér., 2h degrés. Le thermomètre, introduit dans l'abdomen, descend de 24 degrés à 23°,6, fait accidentel dû à du liquide déversé et aussi à la masse énorme d'œufs très-mouillés, refroidis par l’éva- poration cutanée (cela indique que l'abdomen était iei tout au plus à la température extérieure) ; puis, enfoncé dans le thorax, il monte immédiatement à 25°,4, et, tourné sur lui-même, sta- tionne plusieurs minutes à cette même température ; poids — 3,193. 47 avril 4867. —- Attacus carpini (petit Paon de nuit), femelle, éclose depuis 42 heures, vive, battant des aïles. Le thermo- mètre à 43°,8, temp. extér., introduit dans l'abdomen plein d'œufs, a monté à 14°,4, puis dans le thorax à 15°,h et sta- tionne plusieurs minutes. Observation imparfaite, car le réser- voir n'était qu'en partie contenu dans le thorax, l’Insecte étant trop petit; poids = 1,118. 17 avril 1868. — Attacus pyri. mâle, éclos le matin, prove- nant d'une chrysalide de deux ans; temp. extér., 11°,2. L'expé- périence est faite à 5 heures du soir, au moment où va commen- cer la période d'activité de l’Insecte qui a déjà volé plusieurs fois dans la journée. Des que le réservoir est introduit dans l’ah- domen, la température s'élève à 15°,5, n’y reste qu’un instant et descend à 14°,5; puis, le thermomètre étant introduit dans le thorax, le mercure monte aussitôt à 24 degrés, puis à 24°,5 quand on le retourne sur lui-même, le fond du réservoir butant contre la tête, puis à 21°,2 et stationne de À à 2 minutes. Le résultat obtenu avec ee sujet est d’une grandeur qui étonne, et me paraît insolite dans l’ordre où se placent l'espèce et la famille sous le rapport de la locomotion aérienne. fl doit tenir au sexe, à l’heure de l'expérience, à la basse température exté- 5° série, Zooc. T. XI. (Cahier n° 4.) 5 16 22 M. GIRARD. rieure et surtout, Je crois, à une vitalité excessive du sujet dont l’éclosion avait devancé beaucoup l’époque habituelle. Les autres expérieuces sur les Paons de nuit, consignées dans mes notes, ont toutes été faites le Zaü: , moment de repos pour cette espèce crépusculai:e ; voids = 1 550. 7 mai 1868 (experien e fait devant plusieurs personnes dans le laboratoire de M. C aude Becnard, au Collége de France, où l’Insecte et le thermo iètre séjournaient depuis plusieurs heures). — Atiacus pyri. femelle, éclos depuis deux jours, ayant voleté toute la nuit précédente, fatigué, dénudé; temp. extér., 17°,8. Le thermomètre introduit dans l’abdomen, au milieu de la masse des œufs, demeure stationnaire à la tempé- rature extérieure. Introduit dans le thorax, il s'élève très- promptement à 19°,2 et y stationne plus d’une minute; excès : 1°,4; poids = 3,5. à Juin 1868, 8 heures du maën : Attacus pyri, femelle, sujet éclos depuis deux jours, éclosion d'époque très-tardive pour cette espèce. Temp. extér., 21 degrés. Le thermomètre introduit dans l'abdomen reste à 21 degrés ; puis, dans le thorax, monte aus- sitôt à 22°,4, et, retourné sur place, à 22°,8; au bout d'une minute, le thermomètre immobile marque 22°,2 ; poids — 22900 Nous terminerons ce qui concerne celte espèce, constituant le plus grand Lépidoptère d'Europe comme surface totale, par l'indication de deux expériences bien propres à montrer toute l'étendue des différences individuelles qui peuvent se présenter dans une expérience physiologique. | 2 mai 1869: Atéacus pyri, mâle (expérience faite au labora- toire des hautes études, au Muséum, en présence de MM. Milne Edwards et À. Mine Edwards). Temp. extér., 17°,6. Le ther- momètre, dans l'abdomen s'élève à 18°,5, puis, dans le thorax, à 20 degrés ; poids non noté. Cet msecte, mal enfermé après l'ex- périence, s’est envolé la nuit suivante ; c’est une preuve de peu d'importance des lésions, en apparence les plus graves dans cette classe d'animaux. 5 mai 1869 : Aflacus pyri, femelle {expérience faite, à la ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 2115 Sorbonne, en présence de M. Hébert, en son laboratoire d'en- seignement). Temp. extér., 17°,6. Le thermomètre dans l'abdo- men monte à 19°,5; puis, enfoncé dans le thorax, s'élève aussitôt à 25°,4; puis reste pendant environ une minute à 26 degrés, et monte un instant à 26°,3. Ramené ensuite en sens inverse et replacé dans l'abdomen, d'après la demande de M. Hébert, il revient aussitôt à 19°,7 et 20 degrés, quand il est un peu plus enfoncé, de sorte que le réservoir soit entièrement caché. Quelques expériences sur les moyens voiliers ont porté sur un Lépidoptére exotique, nommé vulgairement le Ver à soie de l’ailante, introduit en France, en 1858, par M. Guérin-Méne- ville, et complétement acclimaté aujourd’hui. La chenille vit en plein air sur plusieurs arbres et le papillon vole dans les jardins dans toutes les localités où ont été faites des éducations captives qui ont donné lieu à la fuite de quelques sujets, de sorte que l’es- pèce, merveilleusement appropriée à uotre climat, s’est propa- gée, et doit figurer aujourd’hui dans les catalogues des Insectes français. Les insectes en expérience étaient forts et vigoureux, grands et bien colorés, et m'avaient été donnés par M. Givelet, provenant de ses remarquables éducations en plein air, à Flam- boin (Seine-et-Marne). 28 juin 1868 : Aftacus cynthia vera mâle, très-vif, volant bien, éclos depuis 15 à 20 heures. Temp. extér., 24°,2. Le thermo- mètre, dans l'abdomen, reste à 24°,2; puis, poussé dans le tho- rax, monte aussitôt à 26°,2; puis stationne à 26 degrés. Vu le peu de longueur du thorax, l'introduction du réservoir est in- complète. Poids — 0*.773. Cette élévation de température est réellement remarquable si on considère le faible voids de ce papillon. 1° juillet 1868 : Atiacus cynthia vera femelle, sujet éelos depuis 26 heures environ. Temp. extér., 20°,8. Le thermomètre à mercure, dans l’abomen, demeure stationnaire à 20°,8; intro- duit dans le thorax, incomplétement, il s'élève aussitôt à 22 de- grés et stationne environ ? minutes. Poids = 2°,184. Nous remarquerons que cette femelle, dans des conditions 24h M. GIRARD, d’éclosion identiques avec celles du mâle précédent, de masse plus que double, est cependant moins chaude que lui. h juillet 1868 : Atlacus cynthia vera femelle, éclose depuis quatre jours, ayant commencé à pondre. Temp. extér., 20°,2. Dans l’abdomen, le thermomètre ne marque que 20 degrés seu- lement; introduit dans le thorax, il s'élève à 21 degrés; poids — 15,650. | Ce sujet a été affaibli et a perdu de son poids par évaporation, en raison d’une existence trop prolongée sans nourriture. Les Lépidoptères de cette tribu, à organes buccaux atrophiés, ne mangent pas à l’état adulte. D’autres expériences ont été faites sur le Sericaria mort (pa- pillon du Ver à soie du Mürier), espèce domestique, qui ne vole plus, mais dont les mâles se promènent en agitant vivement les ailes ; il est probable que dans l'état sauvage et inconnu de cette utile espèce les mâles ont un vol énergique, comme nos Bombyx sylvestres, car M. Martins a vu autrefois, dans de remarquables expériences faites à Montpellier sur des Vers à soie élevés en plein air sur le mürier, qu'à la troisième génération hbre, les mâles avaient recouvré le vol. 29 juin 1867: Sericaria mori mâle, éclos depuis 8 Jours, très-vif et battant des ailes. Temp. extér., #8 degrés. Le thermo- mètre pénètre des 2/3 du réservoir dans l'abdomen, 1/3 restant dans l’air; il s'élève à 19 degrés, 19°,5, 19°,8; puis, poussé dans le thorax, dont la dimension permet seulement introduction de 1/3 du réservoir, le reste demeurant dans l'abdomen, le mer- eure monte aussitôt à 21 degrés, puis à 24°,6 et y stationne une minute. Poids —0*,340. 30 juin 4867 : Sericaria mori mâle, en très-grande excitation. Temp. extér., 49 degrés. Dans l’abdomen (introduction incom- plète), le mercure monte à 19°,6; puis, enfoncé dans le thorax, monte immédiatement à 21°,5 et stationne 4 minute (avec intro- duction très-incomplète). Poids —0*,367. Les expériences qui suivent ont, au contraire, porté sur des Insectes doués du moindre vol, toujours choisis dans des espèces chez lesquelles la grande taille permet d'expérimenter par intro- ÉTUDES SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 2/9 duction successive du thermomètre à mercure dans les deux l'ÉSIONS. 2h mai 4864 : temp. extér., 17°,2. Gryllotulpa vulgaris fe- melle, à sec depuis 2 Jours sur du coton. Le thermomètre dans l'abdomen s'élève de 47°,2 à 17°,6; puis, subitement enfoncé dans le thorax, reste à 17°,6, puis retombe à 17°3. Dans cet insecte qui ne vole pas où ne vole que très-exceptionnellement, il n'y avait donc pas de différence sensible de température entre les deux régions. En même temps au thermomètre différentiel la température superficielle était la température ambiante. Poids — 3°,890. 20 juillet 1864 : temp. extér., 23°,h. Gryllotalpa vulgaris femelle. Le thermomètre dans l'abdomen, mouillé de déjec- tons, s’abaisse à 23 degrés; enfoncé dans le thorax, il se relève à 28°,h, ou à la température ambiante et y stationne plusieurs minutes. Poids — 2,882. l septembre 1868 : Gryllotalpa vulgaris, femelle, dans la salle depuis 45 heures, bien vive. Temp. extér., 23°,2. Dans l’abdo- men plem d'œufs, 22°,8; dans le thorax (introduction difficile et peu complète, vu la dureté des apodèmes), 23°,8 et stationne plusieurs mmutes. Poids — 2,285. Gryllotalpa vulgaris, femelle, temp. extér., 23°,2. Dans l’ah- domen plein d'œufs, 23 degrés; dans le thorax, 23°,8 et 24 de- grés en tournant le réservoir sur lui-même et stationne. Poids 2*,300. Gryllotalpa vulgaris, femelle, temp. . °,6. Le thermo- mètre dans l'abdomen plein d'œufs, 23, ve le thorax, 2h degrés; puis 24°,2, enfin stationne à Le L: ; poids = 3ë 074. Introduction difficile et incomplète pour les trois. 25 août 1863 : temp. extér., 23 degrés. Locusta viridissima, femelle, sujet affaibli. Le thermoinètre introduit sans vivisection par l’orifice anal s'élève dans l'abdomen de 23° à 23°,4; puis, poussé dans le thorax monte à 23°,8 et y stationne plusieurs se- coudes. Poids — 1,287. 29 août 1865 : temp. extér., 28°,8, Locusla viridissima. fe- 26 _ M. GIRARD. melle. Le thermomètre placé sous l'abdomen, celui-ci reposant sur du coton, marque 28°,8, comme à l'extérieur, pendant 4 à 5 minutes; puis, dans l’abdomen, il monte à 24°,2 et stationne environ 6 minutes; enfin, enfoncé dans le thorax, dans lequel il ne pénètre, du reste, qu'incomplétement, il n'a pas varié. Poids —1,800. 30 septembre 1865 : temp. extér., 28°,5. Locusta viridissima, femelle. Le thermomètre enfoncé dans l'abdomen marque 23 degrés ou un léger abaissement ; puis, enfoncé dans le tho- rax jusqu’à la tête, et retourné plusieurs fois, n’enfonçant, au reste, pas très-complétement, monte à 24 degrés en À minute environ. Poids —=1%,652. 10 août 1866 : temp. extér., 16°,5. Locusta viridissima, mâle, dans la salle depuis 24 heures, sujet actif. Thermomètre dans l'abdomen s'élève à 18°,7 et stationne: puis, dans le thorax, monte aussitôt à 19°,3; le réservoir est resté en partie dans l’ab- domen, car le thorax des Locustiens est peu allongé comparé à l’abdomen. Poids — 1,640. Même date : temp. extér., 18°,5. Locusta viridissima, femelle, dans la salle depuis 24 heures. Le thermomètre, dans Pabomen, monte à 19 degrés et stationne; puis, poussé dans le thorax, s'élève aussitôt à 19°,4 et stationne. Le réservoir est resté en partie dans l’abomen. Poids =1*,672. Ces deux sauterelles n’ont pas paru souffrir de l'expérience et ont continué à marcher et même à sauter. Elles ont survécu 5 à 6 Jours. 29 août 1866 : temp. ext., 22°,2. Locusta viridissima, femelle, depuis la veille dans la salle, affaiblie par la perte des pattes postérieures. Le thermomètre, dans l'abdomen, s'élève de 29°,2 à 22° ,4; puis, poussé dens le thorax (en partie), monte aussitôt à 22°,8. Enfin, tourné à plusieurs reprises, le fond butant contre le crane, 1l s’est élevé, au bout d’une demi-minute environ, à 23 degrés et à stationné plusieurs minutes à cette température. Poids — 1,692. L'insecte a survécu deux Jours. 23 août 1866 : temp. extér., 24°,8. Locusta viridissima, fe- ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 2/7 melle, dans la salle depuis dix heures (sujet petit). Le thermo- mètre introduit dans l'abdomen reste à 24°,8; poussé dans le thorax jusqu'à la tête il monte à 25°,2, et, tourné sur place, arrive bientôt à 25°,5 et stationne plusieurs minutes. Poids —1",042. L'insecte a survécu un seul Jour. 27 août 1866 : temp. extér., 25 degrés. Locusia viridissima, mâle. Le thermomètre, dans l'abdomen, marque 25 degrés ; puis, enfoncé dans le thorax jusqu'à la tête et tourné sur place, stationne plus de deux minutes à 25°,5. Poids = 1*,221. 27 août 1866 : temp. extér., 2 degrés. Locusta viridissima, femelle. Le thermomètre, dans l'abdomen, marque 25 degrés ; puis 25°,5 pendant environ 4 minutes enfoncé dans le thorax et la tête jusqu'au vertex. Poids —1*,690. 6 septembre {866 : temp. extér., 22 degrés. Locusta viridis- sima, femelle, très-robuste et très-vive, depuis plusieurs heures dans la salle. Le thermomètre, introduit par une très-légère incision rectale dans l'intérieur de l'abdomen, marque 22 degrés et stationne; poussé dans le thorax et le fond butant contre le vertex, il atteint immédiatement 22°,6; puis, tourné et retourné sur place, monte peu à peu à 22°,9 et stat. plusieurs minutes. Poids = 15,956. 7 septembre 1866 : temp. extér., 21 degrés. Locusta viridis- sima, femelle, depuis plusieurs heures dans la salle; insecte très- vif. Le thermomètre, dans l'abdomen, marque 21°,4 et stationne; puis, enfoncé dans le thorax jusqu’au fond de la tête, tourné et retourné, monte à 21°,8, puis à 22 degrés et stationne plusieurs minutes à cette dernière température. Poids 1,452. 16 août 1868 (ces trois sauterelles bien vives). Locusta viri- dissima, femelle, dans la salle depuis 15 heures. Temp. extér., 23,2. Le thermomètre dans l'abdomen, 23°6; puis, dans le thorax, monte aussitôt à 24 degrés et stationne plusieurs mi- nutes. Poids — 1,805. | 23 août 4868 : Locusta viridissima, femelle, dans la salle de- puis à heures. Temp. exiér., 18 degrés. Le thermomètre dans l'abdomen, 18°,2; dans le thorax, 19 degrés, À à 2 minutes. Poids —41°,830. 248 M. G'RARB. Locusta viridissima, femelle remplie d'œufs, dans la salle de- puis 4 heures. Temp. extér., 18°,2. Le thermomètre dans l’ab- domen, 18°,4; dans le thorax, 18°,8; poids —2",482. 25 août 1868 : Locusta viridissima, femelle, depuis 6 heures dans la salle bien vivace. Temp. extér., 19°,6. Thermomètre dans l'abdomen, 19°,6; dans le thorax, 20 degrés; poids ASS TE 27 août 1868 : Locusta viridissima, mâle, depuis 6 heures daps la salle, bien vivace. Temp. extér., 22 degrés; thermomé- ire dans l'abdonien, 22 degrés; dans le thorax, 22°,5 ; poids 1618; Il faut remarquer qu'avec ces Locusta, vu leur forme, l’in- troduction dans le thorax et la tête est incomplète, des 2/3 du réservoir seulement, ce qui diminue un peu les nombres. 9 septembre 4868 : Locusta viridissima, femelle ayant pondu, dans la salle depuis 15 heures. Temp. extér., 95 degrés; ther- momèêtre dans labdomen, 25 degrés; dans le thorax, 25°,3; poids — 1,085. L'insecte est petit, l'introduction très-incom- plète. 10 septembre 1868 : Locusta viridissima, femelle avant pondu dans la salle depuis 20 heures. Temp. extér., 24 degrés; ther- momètre dans l'abdomen, 21°,4; dans le thorax, aussitôt 25°,1 puis 25°,5 et stationne ; poids = 1,272. 15 septembre 1868 : Locusta viridissima, femelle ayant pondu, dans ia salle depuis 22 heures. Temp. extér., 21°,2; thermomè- tre dans l'abdomen, 24°,2 et 21 degrés; puis, dans le thorax, 21°6 et 21°,7, et stationne environ À minute; poids = 1,503. 1" octobre 1868 : Locusta viridissima, femelle, ayant pondu, depuis 36 heures dans la salle. Temp. extér., 18 degrés; ther- momèêtre dans l'abdomen, 18°,1; dans le thorax aussitôt, 18°,6; puis 18°, en tournant le réservoir et stationne plusieurs minutes; poids = 1,639. Locusla viridissima, femelle ayant pondu, depuis 24 heures dans la salle. Temp. extér., 18 degrés; thermomètre dans l'ab- ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 249 domen, 18 degrés; dans le thorax 18°,3 et stationne; poids =1",230. Si j'insiste un peu longuement sur les expériences relatives aux Insectes très-mauvais voiliers, et surtout aux Courtilières {(Gryllotalpa vulgaris), ce n’est pas sans motif. Elles me per- mettent, en effet, de répondre péremptoirement, je crois, à une grave objection. La différence de température entre les deux régions ne serait-elle pas un simple effet de conductibilité? La question serait alors purement physique; elle ne prend son grand intérêt physiologique que si cette différence se rattache à la contraction musculaire du vol. Or, la Courtilière surtout pré- sente un thorax très-épais en opposition avec un abdomen à 1é- gument mou et mince. Elle devrait, à ce point de vue, offrir une forte différence. Au contraire, la différence est très-faible, et due peut-être uniquement, ainsi que chez les Sauterelies, à un effet de conductibilité. Il est dès lors impossible de rattacher à la même cause les excès considérables des Sphinx et d’autres bons voi- liers, qui ne présentent pas d’ailleurs une aussi forte différence d'épaisseur et de dureté entre les téguments du thorax et de l'abdomen. Nous voyons que cette dernière série d'expériences à eu pour sujets des Insectes munis d'ailes propres au vol et s'en servant plus ou moins (il y a des Insectes adultes tout à fait aptères, et d'autres ayant des ailes dout ils ne paraissent pas se servir, sinon dans des circonstances exceptionnelles), mais tous très-médiocres voiliers. Les excès de température du thorax sur l'abdomen sont demeurés nuls, ou ne se sont élevés que d’une faible quantité, ayant très-rarement attemt À degré. Les trois séries d'épreuves attestent le rapport le plus net et le plus direct entre la puissance musculaire du vol et la chaleur localisée pour cette fonction dans le thorax. il serait fort à désirer que des expériences de cette nature soient faites sur des Acridiens, choisis parmi les espèces dévas- tatrices et pris au moment où s'opérent les grandes migrations, ainsi sur l’Acridium peregrinum en Algérie, sur lÆdipoda mi- gratoria dans la Provence. Il faudrait comparer les températures 250 M. GIRARD. des deux régions et dans l’état ordinaire de vol très-médiocre et dans l’état insolite de vol puissant. Je suis persuadé qu’on obser- vera, dans ce dernier cas, de grandes différences, analogues à celles qu'offrent les Sphinx, insectes migrateurs et de grand vol; ainsi le Sphinx convolvuli nous vient d'Afrique, et cette région nous donne aussi, plus rarement et moins acclimatés, les Deile- phila ner, celerio, lineata. M. Blanchard à vu qu'au moment où les Acridiens migrateurs se préparent à leurs funestes voyages, leurs trachées, ordinairement aplaties en minces rubans argentés, deviennent rentlées et cylindriques, ces Insectes se chargeant d'air plusieurs jours à l'avance par des mouvements inspiratoires réitérés, alors que la nourriture faisant défaut à leurs faméli- ques essaims, linstinct les avertit de demander aux régions aériennes une route inaccoutumée vers une contrée plus riche en végélaux que les régions arides qui semblent les localités ha- bituelles des Acridiens. Les Bourdons, si remarquables par le développement de la chaleur externe, ont été soumis à quelques expériences relatives à la chaleur intérieure. Même parmi les femelles d'août de la plus forte taille, ils sont trop petits et surtout de forme trop ramassée, pour permettre l'introduction successive du réservoir du thermomètre à mer- cure dans l'abdomen, puis dans le thorax. On réussit, au contraire, parfaitement à démontrer la différence de température de deux régions, et un fort excès toujours en faveur du thorax, si l’on se sert des aiguilles thermo-électriques associées, l’une des soudures étant plongée dans le thorax, l'autre dans l'abdomen, lmsecte placé sur un lit épais de duvet ou maintenu en l'air sur les pointes fer-platine des aiguilles. La grandeur du résultat thermique qui atteint souvent la limite de course de l'aiguille du galvanomètre est en rapport avee le vol assez puissant des Bour- dons, et leur corps couvert de poils, mauvais conducteurs de la chaleur. Les expériences suivantes sont coneluantes. Les Insectes sont tous des femelles choisies à l’époque d'activité printanière où elles parcourent les champs et les bois cherchant des trous pour ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS, 251 nidifier. À cette époque de l’année, la ponte n’a pas encore eu lieu. Les grosses femelles nées en août et fécondées à la fin de la belle saison, ont passé l'hiver engourdies ; elles se réveillent dès la fin de mars aux premières chaleurs printanières, et je me suis assuré qu'à cette époque où l'instinct maintient ces Insectes dans une acüviié extrème, 1ls offrent une température externe plus élevée qu’en automne. Les Bourdons, comme les Guêpes, n’ont que des sociétés annuelles et chaque nid est commencé au début de l’année par une seule grosse femelle. Une partie des expériences qui suivent a eu pour témoin notre savant ami, M. Lucas, st apprécié des entomologistes. h avril 1864 : lemp. extér., 12°,4. Bombus terrestris, grosse femelle, captif et nourri au miel depuis 40 à 42 jours, maintenu par une pince de bois sur le duvet. soudures l’une dans le thorax, l'autre dans l'abdomen. Différence en faveur du thorax, mar- quée par la déviation du galvanomètre : 48 degrés init. chaud; 30 degrés stat. environ 30 secondes; 20 degrés, stat., les soudures sont retirées; poids, 0,464. 10 avril 4864 : temp. extér., 11 degrés. Bombus terrestris, grosse femelle, três-vif et volant, sur duvet, soudures introduites à la fois dans le thorax et dans l'abdomen, aucun écoulement de liquide vu la dureté du tégament. Différence en faveur du tho- rax : 90 degrés chaud (arrêt forcé); 62 degrés stat.; 58 degrés, stat. plusieurs minutes; 48 degrés, stat. plusieurs minutes. Dans ces stationnements l’insecte restait posé sur le duvet fixé aux deux aiguilles. Poids = 0,345. {2 avril 1864 : temp. extér., 43°,4. Bombus hortorum, grosse femelle, très-actif, volant et bourdonnant, nourri au miel depuis quatre jours; soudures dans le thorax et l'abdomen. Différence en faveur du thorax : 80 degrés init. chaud; puis 40 à 65 degrés oscillations de l'aiguille; 54 degrés, stat. environ ! minute; L8 degrés, stat. environ À minute; 51 degrés, stat. environ { minute; 48 degrés, stat. environ À minute; poids = 0*,668. L’insecte est laissé sur le duvet fiché aux deux soudures. 22 avril 1864 : temp. extér., 17°,7. Bombus terrestris, grosse 292 M. GIRARD. femelle, très-vif, volant, capturé la veille; soudures dans le tho- rax et l'abdomen. Différence en faveur du thorax : 90 degrés init. chaud (arrêt forcé); 60 à 70 degrés, oscillations; 60 degrés, stat. environ À minute; 56 degrés, stat. environ 1 minute; 51 degrés, stat. environ 4 minute. L’insecte demeure fiché aux soudures, l'observateur éloigné. Poids = 0*,706. 27 avril 1864 : temp. extér., 17°,8. Bombus hortorum, grosse femelle, actif, soudures dans le thorax et l'abdomen. Différence en faveur du thorax : 90 degrés init. chaud (arrêt forcé); 79 à 81 degrés, oscillations; 73 degrés, stat. plusieurs minutes. Poids — D AOL 1% mai 1864: temp. extér., 1h degrés. Bombus terrestris, grosse femelle, nourri au miel depuis 8 jours, volant et bour- donnant, soudures dans le thorax et l'abdomen. Différence en faveur du thorax : 72 degrés, init. chaud; 58 degrés, stat. envi- ron À minute; 47 degrés, stationne environ 4 minute; {A degrés, stationne environ 4 minute; poids —0*,6/3. 11 mai 1864 : temp. extér.. 44 degrés. Bombus terrestris, grosse femelle, soudures dans le thorax et l'abdomen. Différence en faveur du thorax : 90 degrés, init. chaud (arrêt forcé); 52 à 58 degrés, oscillations, puis de 48 à 53; 52 degrés, stat. pen- dant ? minute environ; 48 degrés, stat. pendant 1 minute envi- lon; poids = 0*,590. 43 mai 1864 : temp. extér., non notée. Bombus terrestris, grosse femelle, tres-actif, nourri au miel depuis plus de 12 jours, volant dans la cage; soudures dans le thcrax et l'abdomen. Dif- férence en faveur du thorax : 90 degrés, init. chaud (arrèt for- cé): 80 degrés, stat. quelques secondes; 48 à 54 degrés, oseilla- lions; 54 degrés, stat. plus de ? minute; 52 degrés, stat. environ 4 minute; 51 degrés, stat. environ 4 minute; poids —0*,702. Quelques modifications dans la manière d'expérimenter, met- tant encore mieux en évidence l’exeès de température du thorax sur l'abdomen, caractérisent les expériences suivantes, dont les sujets sont pris dans les mêmes conditions que les précédents. 7 avril 4868. — Pombus lerrestris, grosse femelle, nourrie ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 255 au miel, depuis cinq jours dans la salle, vive et volant dans sa cage ; temp. extér., 15°,8. D'abord une des aiguilles est intro- duite dans l'abdomen, l'autre restant dans l’air, aussitôt la bous- sole du galvanomètre est lancée à 86 degrés dans le sens du chaud, ce qui montre que l'abdomen seul est au-dessus de l'air ambiant; puis l’autre aiguille est plantée dans le thorax, la bous- sole du galvanomètre revient en sens inverse, repasse par 0 de- gré et est lancée à 90 degrés (arrêt) de l’autre côté, indiquant ainsi au moins autant de chaleur pour le thorax au-dessus de l'abdomen que pour cette région au-dessus de l'air ambiant; poids = 0,685. | 7 avril 1868. — Bombus terrestris, grosse femelle, dans la salle depuis cinq jours, nourrie au miel, vive et volant: temp. extér., 15°,8. Une soudure est d’abord introduite dans l’abdo- men, l’autre restant dans l'air, la boussole marque une déviation de 82 degrés, en excès de température sur l'air; puis l'autre aiguille est enfoncée dans le thorax, la boussole révient à 0 degré et va buter à 90 degrés en sens inverse, donc le thorax est plus élevé au-dessus de l'abdomen que celui-ci au-dessus de l'air ambiant; poids = 0,812. 10 avril 1868. — Bombus hortorum, grosse femelle, nourrie au miel, depuis dix jours en cage dans la salle, vive et volant activement; temp. extér., 13°,4. 1° une aiguille dans l'abdomen seul, 45 degrés déviation vers le chaud ; 2° l'autre aiguille seule dans le thorax, près de 80 degrés déviation dans l’autre sens: 3" les deux aiguilles ensemble dans le thorax et l'abdomen, 25 à 30 degrés déviation vers le chaud en faveur du thorax: poids = 0°,43h. 10 avril 1868. — Bombus hortorum, grosse femelle, depuis dix Jours davs la salle, nourrie au miel, affaiblie, bourdonnant d'abord sans voler, puis finissant par s’enlever ; temp. extér.., 15°,h. Une aiguille dans l'abdomen seul, l'autre dans l'air, déviation de 50 degrés, sens du chaud ; puis la seconde aiguille est introduite dans le thorax, retour à 0 degré et déviation inverse à 4? degrés chaud en faveur du thorax; ici le thorax na plus conservé, au-dessus de l'abdomen, un excès supérieur 254 M. GIRARD. à celui de l'abdomen au-dessus de l'air ambiant; poids — 0,107. Il faut remarquer que la seconde espèce de Bourdens a moims de masse que la première, ce qui doit diminuer un peu ses excès calorifiques, à activité égale pour les deux. J'ai fait aussi quelques expériences sur la différence de tem- pérature entre le thorax et l'abdomen chez des Bourdons, à l'extérieur, en plaçant à la fois au contact du eou et de l’abdo- men les doubles barreaux mobiles, d’alliages très-sensibles. Fai obtenu notamment des déviations de 70 à 80 degrés, et chan- geant de sens à volonté en croisant les soudures, toujours en faveur du thorax, avec une femelle de Bombus hypnorum, du poids de 0%,372 (avril 1869). Quelques expériences sur les températures comparées du tho- rax et de l'abdomen ont eu pour sujet des Hannetons, au moyen des aiguilles thermo-électriques. Ces Coléoptères ‘ont toujours été piqués par les soudures à la face mférieure. Les différences, toujours en faveur du thorax, sont faibles, car l'ordre auquel appartient ces Insectes est dans les plus mé- diocres voiliers ; en outre, souvent, au moment de l’expérience, leur corps est peu gonflé d'air, condition mdispensable pour leur vol, qui ne peut s'effectuer ex abrupto, et auquel l'Insecte se prépare par une série d’inspirations rapides, lesquelles comeident avec des mouvements des élytres se soulevant ei s’abaissant, afin d’engouffrer sous leur convexité l'air qu'elles poussent dans les stigmates, en même temps que les anneaux de l'abdomen opèrent un vide partiel à l'intérieur. 30 avril 1868, cinq heures du soir. — Melolontha vulgaris, mâle; temp. extér., 15°,1. Une aiguille au milieu de l'abdo- men, l’autre près de la tête, à sa jonction au thorax; excès thoracique : 28 degrés de déviation initiale ; stationnement de plusieurs secondes, puis, peu à peu, 20 degrés; poids = 0,148; 30 avril 486$, cinq heures du soir. — Melolontha vulgaris, femelle ; temp. extér., 15°,4. Une aiguille est enfoncée au mi- ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 255 lieu de Pabdomen, l’autre à la jonction de la tête et du thorax, excès: 15 degrés de déviation, puis 12 degrés en faveur du thorax. L’aiguille du thorax est changée de place et enfoncée entre le prothorax et le mésothorax. Aussitôt déviation de h5 degrés dans le sens du thorax, puis la boussole redescend à 30 degrés, puis revient à 40 degrés et stationne une demi- minute. Il semble résulter de cette expérience la localisation du foyer calorifique vers le milieu du thorax; poids = 05,576. à mai 1868, neuf heures et demie du matin. — Melolontha vulgaris, mâle; temp. extér. (non notée). — Une aiguille au milieu de l'abdomen, lautre au mésothorax, entre les pattes ; déviation en excès pour le thorax de 42 à 30 degrés, stationne- ment à 30 degrés quelques secondes, puis la boussole revient peu à peu à %, 20 degrés, etc.; poids = 0,837. h mai 1868, cinq heures du soir. — Meloontha vulgaris, femelle ; temp. extér., 20°,2. Une aiguille entre les pattes mé- dianes, l’autre dans l'abdomen; excès thoracique, 10 degrés déviation; poids (l'Insecte a été perdu). h mai 1868, cinq heures du soir. — Melolontha vulgaris, femelle; temp. extér., 20°,2. Une aiguille entre les pattes mé- dianes, l'autre dans l'abdomen; excès thoracique, 16 degrés de déviation ; poids = 0,874. La faiblesse des excès dans ces deux expériences est en rela- tion avec une tempéraiure extérieure élevée. 5 mai 4868. — Melolontha vulgaris, mâle; temp, extér., 19°,8. Une des aiguilles étant. introduite dans le thorax seul, l’autre dans l'air, une déviation de la boussole de 20 à 25 de- grés a lieu en faveur du thorax; puis la seconde aiguille est enfoncée dans l'abdomen, le même excès persiste sensible- ment plusieurs secondes, puis la boussole revient peu à peu: poids = 0%,746. 5 mai 1868. — Melolontha vulgaris, femelle; temp. extér., 19°,8. Les deux soudures sont enfoncées à la fois : l’une au mi- lieu du thorax, l’autre au milieu de l'abdomen; on a 28 degrés de déviation en faveur du thorax pendant plus d’une minute; puis la déviaiion diminue lentement, à mesure que l’Insecte 256 M. GIRSRD. s'affaiblit, et par la tendance à l'équilibre en raison des masses des aiguilles ; poids = 0*,660.. Il est certain que la différence de température entre le tho- rax et l'abdomen ne provient pas de quelque erreur constante due au mode d'observation, puisque les instruments thermomé- triques de principes les plus divers s'accordent pour la consta- ter; mais comme les expériences avec le thermomètre à mercure ou avec les aiguilles amènent toujours certaines lésions, indis- pensabies pour prendre des températures internes, 1l fallait répondre à l’objection que c'était peut-être la lésion même qui produisait constamment le défaut d'équilibre thermique entre les deux régions. Jai reconnu que la différence existe égale- ment pour les températures prises à l'extérieur, sans aucune blessure à l’animal. Déjà une expérience de ce genre a été indiquée. J'ai opéré pour cela en me servant du procédé de Newport, maintenant l’insecte, au moyen de la pince de bois, sur du duvet ou de la ouate, le réservoir du thermomètre tour à tour en contact d’abord avec l'abdomen, puis avec le thorax; dans cette seconde partie de l'expérience, l’Insecte était tourné en sens inverse de la première, de sorte que l’ahdomen se trou- vait au delà du réservoir et que l'effet était dû à la tête et au thorax seuls, Îl est étonnant que Newport n’ait pas eu l'idée d’in- terroger ainsi des régions distinctes; il n’a jamais obtenu qu'une véritable moyenne comme température de la face ventrale. Mes premières expériences sur les Sphingides grands voiliers, ont été faites par le moyen emprunté à Newport. Ne soupcon- nant d’abord aucune distinction thermique des régions, j opérais en plaçant le thermomètre vers le nulieu de la face ventrale. C'est ainsi que, le 7 septembre 1861, par une température de 23°,h, un Sphinx convolvuli, mâle, du poids de 1,681, me donnait au bout de huit minutes environ, pour le dessous du thorax et la base de l'abdomen, une température de 28°,2 des- cendant ensuite à 27°,5, sans doute par la fatigue de l’Insecte. Ce résultat est tout à fait conforme à ceux de Newport. Le pre- mier exemple d’une différence de chaleur entre les deux régions, me fut donné par le Sphinx à tête de mort, espèce cosmopolite ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 257 venue en France avec la pomme de terre et qui causait une frayeur superstitieuse au milieu du siècle dernier. Voici l'ex- posé de l'expérience : | 12 octobre 1861. — Acherontia atropos, mâle. Thermomètre à mercure extérieur maintenu sous l'abdomen (procédé Newport) monte en huit minutes de 18°,8 à 19°,4. Autre expérience: de 18°,6 à 19°,3 en dix minutes. Autre expérience : de 18°,1 à 19°,h en cinq minutes. — 13 octobre 1861 : thermomètre sous l'abdomen, monte, en huit minutes, de 16°,8 à 19°, 1 et station- paire; puis, placé sous le sternum et la tête, monte à plus de 21 degrés en une minute, s'élève à 21°,5 au bout de trois mi- nutes, et ne monte plus au delà dans les deux minutes suivantes. Enfin, l’Insecte est éventré, et un second thermomètre qui mar- quait 16°,3 est introduit dans le thorax et s'élève à 29°,3, puis redescend rapidement ; poids = 2,696. D'autres expériences de même genre, faites beaucoup plus tard, m'ont conduit absolument au même résultat. 16 septembre 1868, huit heures et demie du matin; temp. extér., 19,4. — Sphinx convolvuli, mâle, capturé la veille à huit heures du soir, agitant les ailes quand le corps est maintenu dans la pince de bois. Température externe du corps : thermo- metre sous l'abdomen 19°,8 au bout de deux minutes de con- tact; sous le thorax 23 degrés, au bout de trois minutes. L’in- secte est laissé en repos quelques intants. Température interne : thermomètre dans l'abdomen 21 degrés au bout d’une minute environ, l'air extérieur marquant alors 19°,6, puis dans le tho- rax 24 degrés, puis 24°,2 et stationne ; poids = 1,85. 24 septembre 1865. — Acherontia atropos, femelle, depuis six heures dans la salle; sujet peu actif, froissé par ceux qui l'avaient capturé; temp. extér., 18°,8. Température externe du corps : thermomètre sous l'abdomen 19°,6, puis sous la tête et le thorax pendant quatre minutes, 20°,8 et stationne. L'insecte est mis au repos, il est très-fatigué et immobile. Température interne, celle de l'air extérieur étant alors 18°,4 : thermomètre dans l'abdomen 18°,8, puis 19 degrés au bout de deux minutes et stationne, puis dans le thorax et la tête, aussitôt 20 degrés, 5e série. ZooL. T. XI. (Cahier n° 5.) 1 17 258 M. GIRARD. puis 20°,4, le réservoir étant tourné sur lui-même à plusieurs reprises, et stationnement pendant plusieurs minutes à cette température ; poids = 1*,968. > octobre 1868. — Acherontia atropos mâle, depuis quinze heures dans la salle; récemment éclos. Temp. extér. de l'air, 16°,8; temp. externe du corps : thermomètre sous l’abdo- men, 18 degrés au bout de deux minutes d'application ; thermo- mètre ensuite sous le thorax, 19°,5 au bout de deux minutes et stationnaire pendant une minute. Le Papillon n'a cessé de faire entendre le cri caractéristique de l'espèce pendant ces épreuves; il est mis au repos durant deux heures et demie.— Puis, la tem- pérature de l'air étant de À8 degrés, le thermomètre dans l’ab- domen reste à cette même température, 18 degrés; ensuite, dans le thorax et la tête, s'élève aussitôt à 19°,2; puis, le réservoir tourné sur lui-même, à 19°,8 et stationne. Poids = 1,705: Il faut remarquer avec soin que, dans ces observations, les températures intérieures comparées des deux régions sont trop basses, car les sujets sont toujours affaiblis par suite des ma- nœuvres précédentes qui ont servi à prendre les températures extérieures. Le résultat fondamental de mes recherches a reçu une con- firmation dans les circonstances suivantes. En lisant. dans les Annales de la Société entomologique de France, l'énoncé som- maire de certams de mes résultats sur la chaleur animale des Insectes, le docteur Schaum (de Berlin) fit connaître, par une note, que, dix ans auparavant, il avait fait des expériences du æème genre avec un physicien, M. Wiedemann (de Bâle). Leurs travaux restérent inédits, parce qu ils ne leur parurent pas con- duire à des conclusions différentes de celles de Dutrochet. M. Schaum dit se rappeler avoir constaté, par les aiguilles: thermo-électriques, que le thorax des Lépidoptères volants était plus chaud que l'abdomen. Cette indication fut envoyée en note à la Société entomologique dans la séance du 10 décembre 1862, Or, j'avais communiqué à cette Société bien auparavant (séance du 23 octobre 1861) mon expérience du 42 octobre sur un ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 259 Acherontia atropos, la première qui me donnait une différence thermique entre les deux régions (voy. Compt. rend. Acad. des se., 1862, €. LV, p. 290). La priorité m'est donc acquise, et la déclaration tardive du docteur Schaum ne fait que justifier la vérité de mes travaux. Ce chapitre comprend l’étude détaillée de la partie de nos re- cherches qui est de beaucoup la plus importante. Il est impos- sible de ne pas remarquer dans le fait d’une différence de tem- pérature, quelquefois très-forte, entre deux régions du corps du même animal une certaine analogie avec une remarquable expérience de M. Claude Bernard, qui se rattache à l’influence nerveuse sur la chaleur animale. Sans entrer dans un sujet qui n'est pas le nôtre, 1l est juste et utile de rappeler 1ei celte découverte du plus éminent physiologiste de notre époque, car il s'agit de localisations de chaleur amenant des différences thermométriques de même ordre dans des embranchements animaux de plans organiques tout à fait différents. Déjà M. Auguste Duméril avait fait connaître, à la suite de nombreuses expériences d’empoisonnement faites avec MM. De- marquay et Lecointe, que, vingt-trois fois sur trente-trois, l’au- topsie cadavérique permit de constater un état d'hypérémie (congestion) des ganglions du grand sympathique sur des Chiens morts à la suite d'épreuves, où le refroidissement avait été un des symptômes les plus remarquables. Ce résultat tendait à indi- quer un rôle important du système nerveux ganglionnaire dans la production de la chaleur animale (4). En 1854, le prix de physiologie expérimentale proposé pour 1853 fut décerné à M. Claude Bernard, pour une découverte des plus curieuses sur les relations du grand sympathique et de la chaleur animale. Cet éminent physiologiste reconnut que, si l’on coupe à un animal l’un des filets nerveux du grand sym- pathique, une élévation notable et subite de température se ma- nifeste du côté où le filet a été coupé. La main suffit pour l’apprécier ; un thermomètre placé dans l'oreille de l'animal du (4) Proc. verb. de la Soc. philom., 1851, p. 64. 260 M. GIRARD. côté lésé marque 10 à 11 degrés centigrades de plus que celui de l’autre oreille. Cet excès persiste plusieurs semaines et même plusieurs mois si, au lieu de se contenter de couper le filet, on a extirpé le ganglion cervical. L'augmentation de chaleur s étend de la surface aux parties profondes. Au moment où la tempéra- ture s'élève dans les organes, leurs vaisseaux sanguins devien- nent beaucoup plus apparents, et sont évidemment dilatés par un afflux considérable de sang (1). Je n’ai nullement à m'occuper ici des importantes discussions auxquelles donna lieu cette découverte. Elle était nécessaire à rappeler, car les sciences d'observation ont besoin avant tout de faits exacts ; les explications différentes n’enlèvent jamais l’in- térêt de la première indication; c’est le mérite et l'honneur du savant de provoquer ces luttes pacifiques et toujours fécondes. DESIDERATA. Il reste évidemment encore beaucoup de points à étudier dans ce vaste sujet de la chaleur propre des Articulés. Une série générale de recherches consistera à examiner par des analyses chimiques le rapport entre les produits de la com- bustion respiratoire et les diverses conditions physiologiques et spécifiques de l'animal dont on constatera en même temps la chaleur propre; seulement de grandes difficultés se présentent pour les Insectes qui peuvent ne respirer que par intermittences en fermant leurs stigmates, de sorte qu’on ne sait pas exacte- ment quand les gaz dont on entoure les Insectes pénètrent dans leurs trachées, n1 à quel moment en sortent les gaz expirés ; les Mammiferes et les Oiseaux, à respiration continue, présentent sous ce point de vue une précision expérimentale, que n'offrent pas les autres classes du règne animal ; les expériences de divers auteurs, notamment de Straus-Durckheim, sur la résistance des Insectes à l’asphyxie ; la remarque de M. Mine Edwards que les Insectes succombent aux gaz délétères mêlés peu à peu à lair, (4) Claude Bernard, Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. XXXVUI, 1854, p. 494, ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 261 tandis qu'ils ferment immédiatement leurs stigmates st ces gaz sont purs, montrent bien toutes les difficultés de cette question. Comme sujet spécial fort intéressant se présente la question de savoir si les apparetls phosphorescents de certains Insectes ont une chaleur propre plus élevée que celle du reste du corps. Mes expériences à ce sujet sont négatives. Sur des Lampyris noctiluca femelles (poids = 0“,158 pour lun, non noté pour l’autre), j'ai constaté seulement un excès total de température sur Pair ambiant (à 16 degrés pile À, dé- viations 51 degrés pour l'un, 42 degrés pour l’autre) ; mais les aiguilles portées l’une sur l'appareil phosphorescent, l'autre sur un autre point du corps, ue m'ont pas donné de différences, peut-être par manque de sensibilité. J'ai trouvé à la pile À de la chaleur chez les Luctoles (Lucrola italica), mais je n'ai pas pu reconnaître de différence avec la pince de contact à deux soudures d’alliages entre l'appareil phosphorescent sous-ventral et la face dorsale de la même ré- gion. Le corps de ces petits an'maux est très-mince en cette région, et l'on comprend qu'il est presque impossible de rien conclure de certain sur des Insectes dont le poids est en moyenne de 0,02. Il faudrait opérer sur des Pyrophorus américains de beaucoup plus grande taille (Cucujos, Élatériens phospho- rescents). Enfin on pourra rechercher si quelque lésion du système ner- veux opérée d'un côté du corps n’amènera pas une différence thermique, d’une manière analogue à l'expérience de M. Claude Bernard sur les Mammifères. Chez les gros Sphinx, on pourra, sous ce rapport, interroger, aux aiguilles ou à la pince de con- tact, les yeux composés si volumineux, qui indiqueraient une différence thermique dans la tête si elle existe; seulement les vivisections sur le système nerveux des Insectes sont des plus difficiles à opérer avec précision. L'inspection attentive de ce qui se produit dans les expériences où se constatent les différences considérables de température entre le thorax et l'abdomen, m'a suggéré l’idée d’un essai im portant, qui sera du reste mis à exécution très-prochainement, 262 M. GIRARD. avec le concours de M. Rumhkortff, aussitôt que la saison me fournira de gros Sphinx. Quand on observe la chaleur libre qui accompagne la contraction musculaire du thorax, l'Insecte, maintenu sur le duvet par la pince de bois, cherchant à s'échap- per, on empêche l'animal de produire le travail mécanique du vol. Ne peut-on pas supposer que, lorsque celui-ci s'effectue, la chaleur libre diminue, et le thorax et l'abdomen tendent à l'équilibre thermique. C’est là une conséquence de la théorie de l’équivalence mécanique de la chaleur. Or qu'on prenne deux très-légères aiguilles fer-cuivre, chacune munie d’une entaille en fer de flêche empêchant sa sortie de la région où on l'aura enfoncée, que l’une d'elles soit introduite dans le thorax, l'autre dans l'abdomen d’un Sphinx, si l'on tient celui-ci par une longue pince de bois, la boussole du galvanomètre marchera vers le chaud en faveur du thorax.. Qu’alors, lâchant l’insecte, on le laisse voler de 1 à 2 mètres, ce que permettront les fils très-fins unissant les aiguilles thermo-électriques au galvanomètre, il produira le travail nécessaire à élever son poids, on verra ce qu’indiquera le galvanomètre. Si la boussole revient vers le zéro, on aura la démonstration certaine que la contraction muscu- laire, qui est corrélative, comme on sait, d’une combustion, produit, selon les circonstances, ou chaleur libre, ou travail. Si le résultat est autre, l'expérience n'en est pas moins Imtéressante. Elle prouvera alors que la différence thermique, proportionnelle, comme le prouvent les exemples, à l'énergie de la locomotion aérienne, à cependant une autre origine que la contraction né- cessitée par celle-c1. CONCLUSIONS. Les expériences de chaleur animale sur les animaux articulés, principalement les Insectes, confirment de la manière la plus complète la vérité des grands principes énoncés par Lavoisier, Crawford, Spallanzani, W, Edwards, ete., à savoir que la cha- leur animale, sous l'influence du système nerveux comme toute fonction vitale, est la conséquence directe de la combustion res- piratoire. Newport a principalement appelé l'attention sur cette ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS, 263 concordance intime et continuelle, et je ne crois pas que d’autres classes d'animaux soient plus favorables à cette démonstration, tant les variations dans l’activité de la fonction respiratoire se traduisent immédiatement par des variations correspondantes dans la température du corps. Il faut remarquer, d'autre part, que les Insectes par le fait de leur respiration volontairement intermittente au moyen de l’ocelusion des stigmates trachéens sont, au contraire, au nombre des animaux qui se prêtent le moins aux expériences chimico-physiologiques tendant à établir une relation pondérale entre les gaz inspirés et les gaz expirés ; ces expériences ne me paraissent avoir de certitude que chez les Mammifères et les Oiseaux à respiration continuelle et obliga- toire en vertu de leur organisation. C’est cette cause qui m'em- pèche d'insérer dans ces conclusions les résultats de certaines de mes expériences sur des Insectes ayant séjourné, soit dans de l'oxygène, soit dans des gaz irrespirables, parce que l’on n'est jamais certain que le gaz ambiant se soit réellement introduit dans leurs trachées. Les résultats de mes expériences ont été obtenus par les mé- thodes les plus diverses et toujours à l’abri des échauffements accidentels, à savoir, par la chaleur superficielle, par les piles thermo-électriques à barreaux de bismuih et d’antimoine; le thermomètre différentiel à air modifié spécialement pour recher- cher, avec les précautions qui rendent impossibles, les causes d'erreur dues à la diathermanéité du verre et à l'échauffement accidentel par le voisinage de l'observateur ; dans quelques cas très-spéclaux, par les aiguilles thermo-électriques fer et platine ou les soudures de contact en alliages ; enfin, pour la chaleur interne, le thermomètre à mereure introduit sans lésions dans la partie terminale de l’appareil digestif, selon la manière habi- tuelle d’expérimentation pour les vertébrés. Il résulte de là qu’on ne peut pas attribuer certains résultats à l’influence d’une cause d'erreur constante, objection qui peut toujours être faite aux expérimentateurs qui n’ontemployé qu'une seule méthode ther- mométrique. Je crois être le premier à faire remarquer la nécessité complète 264 M. GIRARD, de tenir compte de la masse dans des expériences faites sur de très-petits animaux où l’on doit interpréter la variation thermi- que, non d'une manière absolue, mais toujours en rapport avec le poids du sujet, car la question se complique ici d’une influence considérable du milieu ambiant, en vertu de sa capacité calori- fique et aussi d’une influence non moins grande de la masse du corps thermométrique. Ces influences, au contraire, sont négli- geables chez les Vertébrés, tant en raison de leur masse que de la chaleur propre considérable qu'ils offrent dans leurs types les plus élevés; c’est ainsi qu'en observant chez un Bourdon un excès de plus de 2 degrés centigrades pour la surface seule du Corps au-dessus de l'air ambiant et parfois de 3 à 4 degrés, ce résultat n'étant, au reste, qu'approché en moins, on serait tenté au premier abord de l’assimiler à un Reptile ou à un Batracien pour lesquels les expérimentateurs ont constaté des excès internes analogues; tandis que si l’on remarque que le premier sujet ne pèse que quelques décigrammes, les autres pouvant attendre de un quart à plusieurs kilogrammes, il est évident que l'interprétation doit être toute différente. Les expériences sont faites sur des Articulés pris isolément, libres de leurs mouvements dans presque tous les cas, dans l’air ordinaire, sans lésions dans une partie des cas, et sans vases clos, dernière condition importante, car un vase clos amène promptement un trouble physiologique, soit par allération de l'air ambiant, soit par accumulation artificielle de chaleur et réaction sur l'animal. | Un certain nombre de mes conclusions me sont communes avec Newport dont la méthode, assez grossière pour qu'on ne doive pas attacher d'importance aux résultats numériques pour les Insectes isolés, présente, au contraire, des faits très-précieux si l’on examine les résultats comparatifs, car les causes d'erreur étant constantes n'empêchent pas, dans une certaine mesure, l'exactitude de ces comparaisons. On comprend, au reste, que dans les observations délicates imposées par la faiblesse de la chaleur propre dans la grande majorité des cas, les résultats comparatifs sont les seuls qui aient de l'intérêt dans la question ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 265 qui m'occupe, et que les nombres pris isolément ne doivent pas avoir une valeur aussi rigoureuse que ceux que possède la science pour les Mammifères et les Oiseaux. Il y à notamment pour les expériences avec les piles thermo-électriques, qui sont les plus nombreuses, de continuelles influences sur les nombres absolus dues aux variations dans les contacts avec l'appareil thermo- électrique, en raison de la nécessité de conserver au sujet la liberté de ses mouvements. Cette cause d'incertitude n'existe plus dans mes expériences au thermomètre différentiel à air et au thermomètre à mercure. J'ai constaté, comme Newport et Dutrochet, que la chaleur propre des larves et des nymphes, dans les Insectes à métamor- phoses complètes, est inférieure à celle des adultes. Jai confirmé complétement les résultats de Newport pour l'influence des états d'activité ou de repos des Insectes, qui se traduit immédiatement, et de la manière la plus sensible, par l'accroissement ou la dimi- nution de la ‘chaleur propre. Il en est de même pour l'influence de l’abstinence et du sommeil. Mes expériences ont porté, outre des espèces analogues à celles observées par Newport, sur le Ver à soie et sur de nombreux sujets ; j'ai constaté, d'accord avec cet éminent naturaliste, l’abaissement dans la chaleur propre des larves au moment des mues, fait qui justifie si directement les conseils donnés aux magnaniers par M. de Quatrefages, dans son remarquable travail sur les maladies du Ver à soie, d'élever la température au moment des mues. J'ai reconnu, comme New- port, que les Coléopteres terrestres offrent une chaleur propre moindre que les Coléoptères volants, fait général chez les In- sectes, quoique souvent ces Coléoptères terrestres soient très- agiles dans leurs mouvements. Ce sont d’une part les Sphingides et les Noctuelles en état de mouvement et les Hyménoptères sur- tout, d'autre part, qui dégagent le plus de chaleur ; parmi ces derniers, les Bourdons, à corps poilu, un peu plus que les espèces à corps lisse. Les Diptères offrent aussi une chaleur propre élevée. Avant d'aller plus loin, je dois faire remarquer combien ces faits concordent avecles résultats anatomiques publiés par divers 266 M. GIRARD. observateurs, notamment par M. Blanchard, sur le développe- ment plus considérable de l'appareil respiratoire et son perfec- tionnement dans l'adulte comparé à la larve; s’il est souvent plus ramifié dans celle-ci, il n’y offre pas les ampoules aériennes qu'il présente dans certains ordres chez les adultes ; les trachées en tubes simples chez les Carabiques se compliquent d’ampoules chez les Scarabéides ; les Hyménoptères présentent une véritable hypertrophie de l'appareil respiratoire, ete. D'autre part, l'in- termittence dans le développement calorifique chez beaucoup d'Insectes, selon qu'ils volent ou sont en repos, est en rapport avec ce que l'on sait sur l'introduction très-variable de l'air dans les trachées: ainsi les Acridiens migrateurs ont les trachées habituellement comme des rubans aplaiis, tandis qu’elles se renflent en cylindres quand ces Insectes se préparent à leurs voyages dévastateurs (observations de M. Blanchard). Les résultats nouveaux de mes recherches sont les suivants, presque tous basés sur un nombre considérable d'expériences: Dans la classe des Insectes : 4° Jamais les Insectes adultes, même dans les états de sommeil ou d’affaiblissement, ne présen- tent d’abaissement au-dessous de la température ambiante pour la surface de leur corps, l'air ambiant, librement renouvelé, res- tant dans ses conditions ordinaires et en écartant quelques cas anormaux (femelles de Courtilières et de gros Bombyciens pour l'abdomen) ; ce fait, résultant de plusieurs centaines d’expé- riences sur les Insectes de tous les ordres, infirme les conclusions de Dutrochet, établies d’après un très-petit nombre d'expé- riences et affectées d'erreurs dues au procédé physique de mesure de la chaleur. Ces recherches ne méritent pas les éloges que leur donne M. Gavarret (Traité de la chaleur dans les êtres vivants). 2° Les larves et nymphes des Insectes à métamorphoses in- complètes se comportent comme les adultes, présentent toujours comme eux une élévation de température au-dessus de l'air am- biant, où au moins une température égale, en un mot, à masse égale, se trouvent absolument dans les mêmes conditions pour la production de la chaleur propre. Ce résultat avait été énoncé ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 267 par Newport comme très-probable, mais sans aucune vérification expérimentale ; je lai démontré sur des Forficules, des Courti- lières, des Acridiens et des Géocorises (Hémiptères, Hétéro- ptères),. 3° Il n’en est plus toujours ainsi chez les Insectes à métamor- phoses complètes. Jai constaté souvent sur les chenilles à corps lisse que la surface du corps s'abaisse au-dessous de la tempéra- ture de l'air ambiant, ce qui montre que le dégagement de cha- leur par la combustion respiratoire peut être insuffisant pour compenser la perte due à l’évaporation superficielle ou transpi- ration cutanée. Le même fait se présente pour les chrysalides, bien entendu lorsque la température ambiante est assez élevée; l’évaporation cutanée se démontre, dans ce dernier cas, de la manière la plus évidente par les pertes de poids croissantes à la balance de précision, les chrysalides ne prenant pas de nourri- ture et ne rendant pas d’excréments. h° Le cocon soyeux ou terreux dont un grand nombre de chrysalides de Lépidoptères ou d’Hyménoptères s’enveloppent sert à empêcher une dessiccation trop rapide de la chrysalide, qui coïncide avec un refroidissement superficiel funeste. En effet, dans un nombre considérable d'expériences, j'ai toujours trouvé que les chrysalides en cocon présentent une notable élévation de température au moment où on les sort de cette enveloppe pro- tectrice ; puis, laissées à l'air, elles perdent peu à peu de leur poids par évaporation et descendent souvent, pour la surface de leur corps, au-dessous de la température ambiante. 5° En hiver, les chenilles rases engourdies et les chrysalides reviennent à la température ambiante ou à de très-faibles excès au-dessus. Les refroidissements superficiels dus à l’évaporation ne se produisent plus dès que la température devient très-voisine de 0 degré, résultat tout à fait conforme aux expériences de la physique. I arrive souvent que, parmi plusieurs chrysalides de même espèce, placées à côté les unes des autres, il en est qui sont notablement plus chaudes que les autres, absolument dans les mêmes conditions extérieures ; cela indique que le travail de transformation doit s’opérer par intermittences avec des périodes 268 M, GIRARD, de repos complet où la température redevient très-sensiblement celle de l'air ambiant. On sait en physiologie que ces intermit- tences sont fréquentes dans les évolutions organiques. 6° Les expérimentateurs qui m'ont précédé n'avaient pas ap- pliqué leurs méthodes de recherches aux Névroptères, dont les corps grèles et allongés se prêtent peu à ces expériences ; au moyen du thermomètre différentiel à air modifié, j'ai pu con- stater pour les Libellules, en activité de vol, une chaleur propre superficielle élevée, qui m'a paru un peu imférieure, à poids égal, à celle des Bourdons, et tout à fait analogue à celle des Hyménoptères à corps lisse. 7° Mes expériences comprennent des Insectes hémiptères, négligés jusqu'alors. Les expériences faites sur les Géocorises, il est vrai à des températures extérieures peu élevées, m'ont toujours donné de très-faibles excès de température au dessus de l'air ambiant, paraissant indiquer une chaleur propre bien moindre que pour les Hyménopteres, les Lépidoptères et les Diptères. 8° D'une manière générale, la chaleur superficielle des Co- léoptères m'a paru médiocre, résultat auquel, outre l’état de l'appareil respiratoire, doit contribuer l'épaisseur et la faible conductibiité des téguments ; sur des Méloés à corps mou, l'élé- vation superficielle était assez forte. 9° Les Insectes aquatiques placés dans l'air (Dytiscides, Gyrins, Hydrocorises) se comportent tout à fait, sous le rapport du déga- gement de chaleur, comme les Insectes terrestres de même masse, du même ordre et de mobilité analogue, ce qui s'accorde parfaitement avec l'identité du mode de respiration. On sait, de même, que les Mammifères pisciformes, hors de l'eau, ne pré- sentent pas une chaleur moindre que les Mammifères terrestres (résultats de John Davy, Broussonnet, Martine, sur le Lamantin et le Marsouin). Lorsque les Insectes aquatiques demeurent maintenus au sein de l’eau, leur température ne n'a pas paru s'élever au-dessus de celle de l’eau ambiante, phénomène con- forme à celui observé par Humboldt et Provençal, puis par Du- trochet, pour les Poissons dans l’eau; par Berthold et Dutrochet, ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 269 pour les Crustacés, Mollusques et Annélides également dans l’eau. Pour les Insectes, 1l faut reconnaître que ce résultat est entièrement négatif et de peu de valeur, car J'ai constaté sur les mêmes sujets que les aiguilles thermo-électriques, fer et platine, qui constituent l'appareil le plus commode à employer dans ce cas, sinon le seul, ne sont pas assez sensibles pour ces expé- riences, car elles ne m'ont pas donné de variation de tempéra- ture dans l'air pour les mêmes individus placés ensuite dans l’eau, tandis que l'appareil bismuth-antimoine, impossible à em- ployer dans l’eau, permettait de constater une chaleur propre. 10° Le sexe présente une influence marquée sur le dégage- ment de la chaleur superficielle dans certains groupes d’Insectes. J'ai reconnu d’une manitre incontestable que chez les Bomby- cides, les mâles sont plus chauds que les femelles, et si, au pre- nier abord, ce fait paraît naturel, en considérant que les mâles, bien plus actifs, offrent une combustion musculaire plus considé- rable, on aurait pu toutefois penser qu'une compensation pou- vait s'établir eu égard à la masse habituellement bien plus forte des femelles. L'expérience seule pouvait décider; les différences sont surtout très-fortes sur les Bombyæ quercûs, Aglia tau, Lipa- ris dispar, ete. Peut-être les Phryganes et les Piérides offrent- elles un fait analogue, mais notablement moins marqué. I faut bien se garder de généraliser ces résultats; ainsi je n'ai constaté aucune relation sexuelle dans mes nombreuses expériences sur la chaleur propre des Bourdons, non plus que sur diverses espèces de Phalémides, de Noctuelles, m sur les Libellules. 41° Je n’ai pu recueillir, vu la difficulté des expériences sur de si petits animaux, que certains exemples relatifs à la différence des températures selon les régions du corps. Dans les Chenilles, la chaleur n’est pas localisée dans quelques anneaux, mais appar- tient à tous, ce qui concorde bien avec la dissémination analogue des centres nerveux. Elles affectent d'autant plus l'appareil thermo-électrique qu’un plus grand nombre de leurs anneaux sont en contact avec leurs barreaux. {l en est tout autrement chez les Insectes adultes à locomotion aérienne puissante. La variation de température qu'ils offrent entre le thorax et l'abdomen atteint 270 M. GIRARD. des valeurs tout à fait de même ordre de grandeur que l'excès de la température d’une de ces régions sur l'air ambiant et le passage est subit, de sorte qu’on peut dire que le thorax est le siége d’un véritable foyer calorifique. Le phénomène est done d’un ordre tout autre, sous le rapport de ses proportions, que chez les Vertébrés supérieurs. Il est très-notable chez les Bourdons et surtout chez les Sphingides, Lépidoptères à vol si puissant, où ces excès atteignent des valeurs habituellement de 4 à 6 degrés, parfois même 8 à 10 degrés, et sont obtenus dans un temps tres- court, presque instantané. Chez les Insectes de vol moyennement énergique, comme les Bombycides dans les Lépidoptères, l'excès thoracique n’est plus que de 2 à 3 degrés; enfin, chez les In- sectes à vol très-faible ou nul, il n’y a pas ou très-peu d'excès de température du thorax sur l'abdomen (ex. : Courtilières, Sau- terelles). La différence se maintient dans le même sens, à plu- sieurs reprises, si l’on opère sur le même Insecte, avec l’affai- blissement naturel résultant de la lésion. Il faut bien faire attention que les lésions nécessaires aux expériences n'ont au- cunement chez les Insectes les effets graves qu'elles amènent chez les Mammifères. Des Insectes percés d’épingles vivent par- fois plusieurs mois, mangent et subissent leurs métamorphoses. On peut donc formuler cette loi générale : Chez les Insectes doués de la locomotion aériennne, la chaleur se concentre dans le thoraæ en un foyer d'intensité proportionnelle à lu puissance effec- hive du vol. Il faut remarquer combien les résultats, surprenants par leur puissance, sont conformes aux données anatomiques. Dans le thorax se trouvent à la fois chez l'adulte les forts muscles des pattes et des ailes, ces derniers en contraction énergique lors du vol et siége d'une active combustion; au contraire, les muscles de l'abdomen sont alors inertes. En outre, suivant l'opinion la plus généralement adoptée (4), l’activité de la respiration est plus grande pendant le vol dans le thorax que dans l'abdomen, l'In- secte respirant surtout par les stigmates du thorax quand il vole, (1) Il en découle une vérification indirecte précieuse. ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES INVERTÉBRÉS. 271 et par ceux de l'abdomen lorsqu'il est en repos. Enfin, l’exces calorifique du thorax sur l’abdomen est sans doute lié aussi à la prédominance et à la concentration des ganglions nerveux tho- raciques comparativement aux ganglions abdominaux. Au reste. il est aisé de reconnaître combien la conformation anatomique de certains Insectes est adaptée à cette grande diffé- rence de chaleur libre entre le thorax et l'abdomen. Si l’on prend les Mammiferes et les Oiseaux, qui sont les analogues des Insectes comme perfectionnement des appareils de la vie ani- male dans lembranchement des Vertébrés, on trouve partout, perpendieulairement à l'axe du corps, de larges sections où de nombreux troncs vasculaires permettent une rapide propaga- tion de la chaleur avec le sang, ce qui amène l'équilibre à peu près dans toutes les régions. Que l’on prenne au contraire une Guëèpe, une Poliste; l'abdomen est uni au thorax par un étroit pédicule. Ce pédicule n’est pas moins étroit et 1l est très-long chez les Sphex, les Pélopées, avec un gros renflement ovoïde à l'extrémité; ilest, on peut le dire, tout à fait filiforme chez les Fènes (Ichneumoniens). Avec quelle lenteur les courants san- guins ne doivent-ils pas se transmettre entre les deux régions par ce détroit si resserré ! Comme on comprend que la chaleur développée dans le thorax lors des mouvements du vol doit pas- ser avec difficulté jusqu’à l'abdomen, si même elle y arrive. Je dois faire observer que ce fait nouveau, qui forme incontes- tablement le résultat le plus important de mes expériences, a été obtenu par deux méthodes physiques très-distinctes, tantôt à l’intérieur des Insectes, tantôt à l'extérieur, sans lésions, au moyen du thermomètre à mercure pour les gros Lépidoptères et Orthoptères, avec les aiguilles thermo-éleetriques pour les Bour- dons (Hyméuoptères), et pour d’autres Insectes. H atteste de pro : fondes différences entre la circulation des Insectes et celle des animaux supérieurs, chez lesquels la rapidité de la circulation amène un équilibre à peu près complet de la température dans les diverses parties, car les différences observées sont très-faibles vis-à-vis les valeurs absoiues. 279 M. GIRARD, 12° J'ai reconnu de la manière la plus évidente sur les Bourdons et sur les Xylocopes que le dégagement externe de leur chaleur propre est en rapport immédiat avec la produc- tion du bourdonnement, la température s’abaisse dès que l'In- secte cesse de bourdonner, se relève aussitôt que reprerd le bourdonnement, et cela un grand nombre de fois consécutives; ce fait a été constaté à la pile thermo-électrique et au thermo- mètre différentiel; or, on sait que l'air sort alors des premuers stigmates trachéens et vient frapper les ailes, et, en outre, il y a une contraction musculaire incessante qui doit s'accompagner d’une combustion. Ce fait est tout à fait lié au précédent. 13° Si la chaleur des Insectes, comme cela est depuis lorg- temps démontré par Newport, est en raison directe de l’activité des mouvements, j'ai constaté qu'elle est incomparablement plus forte quand l'agitation des membres, des ailes et du corps est le fait propre et volontaire des Insectes, que quand cette agi- tation provient d’une excitation étrangère qui fatigue l'animal et ne le laisse pas véritablement dans son état normal. 14° J'ai pu pour quelques Insectes de très-forte taille, prinei- palement des larves, mesurer la température interne sans lésions, ce qui est fort différent des anciennes expériences de John Davy, et j'ai constaté des différences considérables entre cette tempé-- rature et celle de la surface, ainsi, envirou dix fois plus fortes, différences sans analogie par leur grandeur avec celles des ani- inaux supérieurs et qui dénotent sur les sujets mis en expérience une extrême influence réfrigérante de l'évaporation cutanée. 15° Chez les Arachnides, j'ai trouvé sur les Scorpions une faible chaleur propre, toujours bien éloignée des excès considé- rables que peuvent présenter dans certains cas des Insectes de même masse. La chaleur propre est également faible chez les Araignées, et j'ai parfois observé sur les Epeires un refroidisse- ment superficiel dû à l'évaporation cutanée. 16° En écartant certaines causes d'erreur, J'ai constaté un dégagement de chaleur propre chez les Myriapodes (genres Li- thobie, Polydesme, Géophile, Tule). Il n'existait encore dans la ÉTUDE SUR LA CHALEUR LIBRE DES ANVERTÉBRES. 275 science, pour les Articulés de cette classe, qu'une seule expé- rience de J. Davy sur un grand Tule de Ceylan, expérience d’a- près laquelle 11 avait annoncé du froid, très-probablement par suite de l’imperfection bien reconnue de sa méthode (Ann. phys. et chim., 2° série, &. XXXIH, p. 192, 1826). Nous ferons remar- quer que les animaux de la classe des Myriapodes, longtemps réunie à la classe des Insectes, respirent comme ceux-ci par des trachées, et que, bien que le type de ces Articulés les rappro- che des Chenilles, leur peau est coriace et doit s'opposer à une trop forte évaporation. On ne doit donc pas s'étonner de ne pas observer de refroidissement superficiel, comme chez des larves à peau très-molle ou chez des Epeires, et, si un refroidissement superficiel peut souvent être constaté chez des chrysalides, mal- gré un tégument assez épais, c'est que, dans les Insectes à cet état, la circulation et la respiration presque suspendues ne pro- duisent souvent pas assez de chaleur propre pour contre-balancer la tendance générale des arimaux à un refroidissement superfi- ciel par Pévaporatiun cutanée. 17° Les Cloportes et les Armadilles m'ont présenté un faible dégagement de chaleur propre. Ces Crustacés respirent par des branchies, mais dans Pair. Je n'ai pas constaté de chaleur propre dans des Crevettes de ruisseau (genre Gammarus) retirées de l’eau et bien sèches. On sait que d’après le peu d'expériences encore faites sur les Crustacés aquatiques, les auteurs leur assi- gnent la température du milieu ambiant. 18° {l me paraît résulter de tous ces faits ce qui suit : Si l’on considère que certains Insectes, dans les cas de très-grande acti- vité de la fonction respiratoire, peuvent présenter des excès de température tres-élevés au-dessus de Pair ambiant, excès consi- dérables surtout si l'on fait attention à ce que, pour des animaux de si petite masse, une notable portion de la chaleur est enlevée par le thermometre et le milieu ambiant; que, d'autre part, cer- tains groupes d'Insectes, ou les Insectes à l’état de larve ou de nymphe, n'offrent, au contraire, que de faibles excès de chaleur propre, on est conduit à établir pour cette classe d'animaux un groupe spécial, sous le nom d'animaux à température mixte, in- 5e série, Z00k, T. XI. (Cahier n° 5.) 2? 18 27h M. GIRARD. — ÉTUDE SUR LA CHALEUR DES INVERTÉBRÉS. termédiaire entre les animaux à température constante, qui sont les Mammifères et les Oiseaux, à part les cas d’hibernation et de très-jeune âge, et les animaux à température variable, ne pré- sentant dans toutes les conditions (sauf peut-être des exceptions très-rares et encore mal expliquées) qu'un très-fable excès au- dessus de la température ambiante; 1ls comprennent les Reptiles écailleux, les Batraciens, les Poissons et les Invertébrés autres que les Insectes. Il ne faut pas s'étonner du rang tres-élevé que nous assignons ici aux Insectes dans la série animale. On est habitué à regarder les Insectes comme des animaux inférieurs, tout simplement parce qu'ils sont de petite taille et que leurs appareils de la vie organique offrent de profondes différences avec les Mammi- fères et les Oiseaux. Au point de vue des véritables affinités zoo- logiques, ce sont les fonctions animales qui doivent assigner aux animaux leur ordre réel. Les Insectes rivalisent pour l'énergie de la locomotion aérienne avec les Oiseaux carnassiers marins, et même on peut dire que certains Diptères l’emportent sous ce rapport. Les sens des Insectes sont excellents; leur odorat est le plus subtil que l’on connaisse. Les Insectes sont attirés à des dis- tances considérables par l'olfaction. Leur vue n’est pas appro- priée aux grandes distances, mais est affectée par des filets de lumière inappréciables pour nous, comme le démontrent les travaux des Insectes dans des cavités obscures. Une étude atten- tive de ces petits animaux nous amène à la conviction qu'ils re- présentent dans leur embranchement, et de la manière la plus complète, les Vertébrés supérieurs à température constante. OBSERVATIONS SUR DES CRUSTACÉS RARES OÙ NOUVEAUX DES COTES DE FRANCE, Par M. HESSE. (Dix-septième article. ) Description d’un nouveau Crustacé type d’une nouvelle famille des Annélidicoles; du genre des Chclonidiformis; du nouveau genre Aplo- pode et de plusieurs autres Crustacés, encore inédits, appartenant aux genres Polychliniophile, Cryptopode, Botryllophile, Bothacus, Adra- nesius, Lygéplule et Doropyqus. FAMILLE DES ANNÉLIDICOLES. GENRE DES CHELONIDIFORMIS. CHÉLONIDIFORME TYPE. — CHELONIDIFORMIS TYPICUS (Nobis). Le Crustacé dont nous donnons, ci-après, la description et pour lequel nous créons une nouvelle famille, ainsi qu’un nouveau genre, appartient à la nombreuse catégorie des parasites dont nous avons déjà fait connaître plusieurs espèces inédites. Jusqu'à ce jour, nous ne les avions rencontrés que sur des Poissons ou des Crustacés, dont ils font habituellement leur proie. Cette fois, c’est sur une Annelide qu'était fixé celui dont nous allons nous occuper. Cette station, qui est encore nouvelle pour les Crustacés pa- rasites, ne l’est pas pour les Trémalodes dont nous avons décou- vert des individus du genre Cyclalella sur un Clymenium tubi- cole (4), et il est probable qu'en poursuivant, avec soin, nos (4) Voyez nos Recherches sur les Bdellodes ou Hirudinées et sur les Trématodes marins, p. 81-83, pl. VII, fig. 13-20. 276 HESSE. investigations, sur d’autres espèces, nous en trouverons encore d’autres; car il est à remarquer que depuis que l’on s'occupe plus activement qu'on ne l'avait fait jusqu'ici de l'étude de ces Crustacés, leur nombre à considérablement augmenté et cela ne doit pas surprendre, car il paraît certain que la plupart des êtres organisés sont souvent assujettis à payer ce tribut. Il ne faut cependant pas admettre que tous les mdividus que l'on trouve fixés sur une autre espèce que celle à laquelle ils ap- partiennent en soient pour cela les parasites; ni que ceux qui les supportent soient aussi par ce fai, comme les appelle M. Georges Pouchet, dans son cours sur les parasites des animaux domestiques, transformés en animaux terrains. Il existe, dans le règne végétal (1) comme dans le règne animal de faux para- sites, qui s’attachent à des êtres étrangers à leur espèce, sans les mettre à contribution; nous pouvons même citer le curieux exemple d'un Crustacé qui ne sert que de véhicule à un Bdellode du genre Saccobdelle, appartenant aux Histriobdellaires et qui se borne, dans ce cas, à profiter des moyens de locomotion qui lui sont offerls pour poursuivre une proie que, sans ce secours, elles ne pourraient certainement pas atteindre (2), notre Chélonidi- (4) Les Orchidées et les Mélastomacées, parmi les végétaux, sont dans cette catégo- rie. Elles sont'épiphytes, c’est-à-dire qu'elles se fixent simplement sur l'écorce, mais sans y pénétrer pour s'approprier le suc des plantes sur lesquelles elles se placent. (2) Voici à ce sujet des faits curieux sur lesquels nous nous appuyons pour justifier notre manière de voir, M. le docteur Daniel, qui s'occupe, avec succès, d'histoire naturelle et qui est chargé de constater les décès qui surviennent par suite de crimes ou d'accidents, ayant été appelé pour examiner le corps d’un noyé, remarqua que ce cadavre était couvert d'une quantité innombrable de Crustacés de deux espèces différentes, qui, dans l’espace d’une quinzaine de jours qu'il était resté submergé, l'avaient rongé d’une manière si extraordinaire que plusieurs parties de cette épave humaine étaient réduites à l’état de squelette, et que l’on voyait pratiquées, dans les portions les plus charnues de son corps, des cavités qui n'avaient pas moins de 4 à 5 centimètres de profondeur. M. le docteur Daniel voulut bien recueillir, à notre intention, plusieurs individus de ces deux espèces de Crustacés, dont l’une était petite et l'autre beaucoup plus grande, La petite était la Nébalie de Geoffroy, et la grande la Cérolane de la Raie (Nobis). La constatation des habitudes carnassières de ces deux Crustacés fut pour nous une révélation, Nous trouvämes immédiatement la solution de faits que nous avions obser- vés, mais que nous n'avions pas encore pu expliquer. Relativement à lu Saccobdelle de la Nébalie nous disions, p. 52 de nos Recherches CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE, 277 forme n’est pas dans cette dernière catégorie, c’est un parasite des plus complets; 11 prélève directement et à son profit, par la succion, ce qui lui est nécessaire pour sa nourriture, sur les Bdellodes, que nous ignorions précisément quelle était la nourriture de ces sin- guliers êtres, mais que leur présence sur le corps d’un Crustacé semblait indiquer, assez clairement, qu'il vivait à ses dépens et que peut-être, comme les Histriobdelles, ils devaient se nourrir des œufs des Crustacés sur lesquels ils étaient fixés, bien que cependant nous ne nous rappelions pas avoir constaté que les individus sur lesquels nous les avions trouvés en fussent pourvus, La découverte inattendue que nons signalons fait cesser toutes les hypothèses et toutes incertitudes sur cette question. fl est maintenant évident que les Nébalies étant carnivores, recherchent, pour s’en nourrir, les substances animales, et que conséquem- ment elles transportent avec elles les Saccobdelles qui deviennent ses commensales, et comme elles sont d’une petitesse extrême, 2 à 3 millimètres, et privées d'organes de vision et de locomotion, elles périraient évidemment si elles ne se trouvaient, par le concours de leurs animaux supports, mises à même de se procurer leur nourriture ; que dire de cette combinaison, dans laquelle un être aveugle et impotent se trouve assisté par un autre qui est doué des organes qui lui manquent? pourrions-nous mieux faire pour nos semblables et ne devons-nous pas êtres émerveillés en voyant cette sagesse et cette prévision qui, descendant à tous les détails les plus infimes, préside à l’ordre qui règne dans la grande et sublime œuvre de la création. Relativement à la présence dela Cirolanc de la Raïe sur ce cadavre, nous y trouvons également l'explication d’un fait que nous avons constaté sans pouvoir nous en rendre suffisamment compte, Nous avions remarqué qu'ils étaient gorgés de sang (voyez les Annales des sciences naturelles, t. V, p. 250, 251); mais ce liquide devait-il être attribué aux Poissons, sur lesquels nous les avions trouvés, ou avait-il une autre pro- venance? Maintenant que nous savons que ces Crustacés se nourrissent aussi de ca- davres, nous pouvons lui attribuer cette double origine et nous nous rappelons, à cette occasion, que des pêcheurs, en nous les voyant ramasser sur les Poissons, nous dirent que ces Crustacés étaient, pour les personnes tombées à la mer, de redoutables ennemis en ce qu'ils s’introduisaient dans la gorge des malheureux qui se débattaient au milieu des flots et hâtaient ainsi leur asphyxie, Cette observation n’est, selon nous, juste que sur un point seulement, celui de la constatation du fait. Nous voyons bien, et ce que nous avons dit est une ncuvelle preuve, que ces Crustacés se fixent effectivement sur le corps des noyés, mais nous ne pouvons admettre qu'ils se trouvent à point nommé, au moment de l'événement, pour en hâter la fatale conclu- sion, Il est plus probable qu'ils ne viennent que plus tard lorsqu'ils sont attirés par l'odeur pour se repaitre des cadavres. Du reste, ils sont extrêmement acharnés à leur proie qu'ils ne quittent même pas après sa sortie de l’eau ; leur voracité et leur activité est incroyable et ce sont eux qui, dans le court délai que nous avons indiqué, avaient creusé dans ce cadavre les cavités énormes dont nous avons parlé, 278 HESSE, S 4, — Description. Mäle mconnu. La femelle (4) à tout au plus 3 millimètres de longueur, sur 1 millimètre de large. Son corps, qui ne présente aucune division, 'est de forme ovale et plus étroit à sa partie antérieure qu'à l'extrémité postérieure, il est épais, bombé en dessus, plat et un peu creux en dessous. La peau qui recouvre la partie supérieure du corps est épaisse et couverte de pelites protubérances verruqueuses de grosseur iné- gale, très-rapprochées les unes des autres (2). Elle est privée d'organes de vision. En dessous le corps présente les dispositions suivantes : On aperçoit d’abord le système buccal (3) qui est placé à l’ex- trémité antérieure du corps non loin du bord frontal. Ilse compose premièrement d'une paire d'antennes (4) nodu- leuses, assez longues, composées de six articles plus ou moins distincts, dont le basilaire, qui est le plus gros et le plus long, est terminé par un bord élargi et évasé, destiné à recevoir le deuxième article et à lui faciliter les mouvements de rotation, en divers sens. Le troisième article, ainsi que ceux qui suivent, vont en diminuant de longueur et de calibre, de la base au som- met, et sont hérissés de poils rigides ou d’épines. Les antennes sont appuyées et séparées, à leur base, sur une petite protubé- rance arrondie qui présente, au centre, une cavite cupuliforme. La première paire de palle-mâchoire (5) est grèle et assez lon- gue. Elle est composée de trois arucles : le fémoral qui est large et un peu plus long que les deux suivants, qui sont à peu près d’égale longueur, et terminés par des épines divergentes. La bouche (6) forme un lobe cunéiforme arrondi à son extré- 4) Planche 1, fig, 1, 2 et 3. ) Fty..22. 3) Fig. 2"et 4. Fig. 5 et 6. Fig. 4 et 5. Fig. 4, 9et10, = ( (2 (3 ( ( ( CRUSTACÉS DES CÜTES DE FRANCE. 279 mité, qui est perforé d’un orifice rond et denticulé, de chaque côté duquel sont de petites pattes-màchoires qui sont encore accompagnées d’un autre organe de cette nature, mais plus long, terminé par une pointe. En dessous et de chaque côté de ces petites pattes-màächoires sont deux autres paires beaucoup plus fortes et digitées ; enfin, celles-ci sont complétées par des palpes et des mandibules qui, de chaque côté, environnent l’orifice buccal (1). Tout ce système, déjà assez compliqué, est, en outre, accom- pagné d'accessoires dont nous allons fairel'énumération et donner Ja description. Au-dessus de la bouche se voit une petite cavité formée par un bord saillant, découpé en pointe, au milieu, et qui constitue une sorte de capuchon destiné à servir d'abri au bulbe buccal qui s’y retire au besoin (2). Enfin, la bouche et ses accessoires sont environnés de lames plates pointues et falciformes (3), au-dessous desquelles on aper- coit une sorte d’appendice, en forme de patte, long, étroit et terminé par une griffe pointue dont les deux extrémités viennent s'opposer l'une à l’autre (4) et former le bord inférieur du sys- tème bueal, lequel est, du reste, isolé du thorax par un petit intervalle qui le circonserit (5). La région thoracique est très-distincte, à raison des limites net- tement indiquées par cette petite séparation qui, comme nous l'avons dit, circonscrit la tête et par l'abdomen qui est également parfaitement délimité. Elle présente, latéralement, trois pares de pattes doubles, dont les deux branches sont larges et plates (6), de longueur inégale, l’antérieure excédant un peu celle de l’ex- térieure, l’une et l'autre terminées par des pointes aigués et divergentes. Ces pattes, relativement petites, sont espacées de (1) Fig. 7 et 8. (2) Fig. 4 et 10. (S)RRiS rte: (4) Fig. 4 et 13. (5) Fig. 4. (6) Fig. 2, 12, 44, 15, 46 et 17. 280 HISSE. maniere que la première soit placée immédiatement en des- sous de la tête et les deux autres à une distance égale; de telle sorte que la dernière atteint les deux tiers de la longueur du thorax. L'abdomen (1) est très-nettement circonserit dans un bulbe saillant, cordiforme, placé au bas du corps, ayant la partie évasée en haut et la plus étroite en bas. De chaque côté de celle-ci, on aperçoit un appendice evlin- drique formant une sorte de goulot terminé par un orifice cir- culaire, entouré d’un bord corné largement ouvert et pourvu, en dedans, d’une sorte de diaphragme percé au centre d’un trou circulaire. Ce sont les ouvertures vaginales par lesquelles s'ac- complissent la fécondation et ensuite la sortie des œufs (2); un peu plus bas, en dessous de ces ouvertures et de chaque côté, on voit des lanières minces, étroites et'allongées, et divergentes qui vont en diminuant de largeur de la base au sommet (3). Enfin, le bord inférieur de ce lobe abdominal est découpé régulièrement et présente, au milieu, une échancrure bidentée. I est, en outre, bordé, ainsi que les lanières, d’un liséré en relief (4). L'organisation intérieure de ce Cruslacé ne nous est pas apparue avec assez de netteté, à raison de l’épaisseur de son COrpS, pour que nous puissions en parler avec certitude. L'intestin prend son origine à l'ouverture æsophagienne et se rend en droite ligne à l'orifice anal. Nous n'avons aperçu aucun organe n1 aucune manifestation ayant trait à la circulation. On voit, au milieu du corps, sous la forme d’un croissant, une masse viscérale, fortement colorée en rouge vif (5). Les œufs sont disposés de chaque côté de l’abdomen, dans des tubes elliptiques dont la longueur égale environ celle du (1) Fig. 2 et 18. (2) Fig. 18, 49 et 20. (3) Pig. 4, 2, 3, 48 et 21. (4) Fig. 48. (5) Fig. 4, 2 et 3. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 251 corps et le diamètre les deux üers de celle du corps. Ces œufs sont de grosseur moyenne et de forme octogonale. Coloration. Le corps est d’un blanc sale, transparent, dans toute son étendue. On aperçoit, à travers la peau, le trajet du canal intestinal indiqué par une teinte jaune et celle des viscères par une couleur d'un rouge vif. L'orifice des ouvertures vagi- nales est cerclé de jaune, couleur de la bordure cornée de ces organes. Habitat. Trouvé, au nombre de cinq exemplaires, sur un frag- ment d’une Annélide arénicole des pêcheurs (Lumbricus marinus Linné), le 20 février 1568. S 2. — Biologie. Les Annélidicoles sont des Crustacés extrêmement lents et apathiques ; leur conformation annonce, du reste, qu'ils ne sont pas destinés à de grandes évolutions pour lesquelles, dans tous les cas, les moyens d'action leur ont été refusés. Leurs pattes sont extrêmement petites et grêles, et insuffisan- tes pour les transporter, avec rapidité, d’un point à un autre. C'est à peine si elles peuvent les aider à soulever leur corps, qui, à raison de son épaisseur, est difficile à mouvoir; aussi ces animaux se bornent-ils à exécuter, très-lentement, un mouve- ment de reptation, qui est à peine apparent. Le corps est recouvert d’une peau épaisse, verruqueuse et très- peu flexible. Sa forme hémisphérique et bombée en dessus les assujettit aux mêmes inconvénients qu'éprouvent les Chéloniens auxquels nous les avons comparés, qui, une fois renversés sur le dos et lorsqu'ils sont sur un plan uni, ne peuventse retour- ner, leurs pattes étant trop faibles et trop courtes pour atteindre le terrain et leur donner le moyen de se replacer sur la face ventrale. Les pattes thoraciques étant, comme nous l'avons déjà dit, peu propres à la locomotion, le sont encore moins à la préhen- sion ; et dès lors, on le voit, il faut cependant, et cela est tout à fait indispensable, que ces Crustacés aient des moyens puissants de fixation pour s’attacher à leurs proies; attendu que celles-ci, 289 HESSE, par leur manière de vivre, sont plus que toutes autres sujettes à des contacts qui les aideraient à se débarrasser de leur parasite s'ils n'étaient pas solidement cramponnés à leurs victimes (1). Les Annélides sur lesquelles ils habitent, en pénétrant dans le sable ou dans les interstices de rochers, froissent nécessaire- ment toutes les parties de leur corps et conséquemment tendent à en enlever tous les objets qui font saillie et qui n’y seraient pas solidement attachés. Aussi est-il suppléé à l'insuffisance des pattes thoraciques par une conformation exceptionnelle et parfai- tement appropriée à ces fonctions, des organes qui environnent l’orifice buceal. On voit, en effet, à leur nombre et à la disposi- tion des pattes-mâchoires, jointes à la présence d’appendices plats falciformes, terminés par des pointes aiguës, que ces instru- ments, convenablement manœuvrés, doivent pénétrer profondé- ment dans les tissus et y créer un point d'attache très-solide ; de plus la pelite protubérance arrondie, ampuliforme, par laquelle vient s'appuyer la base des antennes, peut bien fonctionner comme une ventouse dont elle a la forme, et concourir à ce ré- sultat. Nous avons, du reste, constaté l'efficacité de ces moyens de fixation, lorsque nous avons voulu détacher ces parasites du corps de l’Annélide sur laquelle ils étaient fixés; nous avons alors éprouvé une certaine résistance qui se manifestait, en outre, par un petit bruit de crépitement semblable à celui que nous avons entendu aussi lorsque nous essayions d’arracher des branchies du homard les Wicothoes qui les habitent, bruit que nous comparons à celui que produit un fil lorsqu'on le casse, ou à celui d’une étincelle extraite d’une machine électrique. (4) Les Crustacés parasites sont généralement plus circonspects dans le choix de leur position sur leurs proies; on n’en voit pas, par exemple, se fixer sur le corps du Congre (Murena Conger), parce que ce Poisson, qui vit dans les cavités des rochers, et y pénètre souvent de vive force, en s’enlevant des portions assez grandes de la peau, les broicraient dans des contacts aussi violents; tandis qu'au contraire plusieurs Crus- {acés parasites habitent ses branchies, Ceux que l’on trouve à l'extérieur se placent généralement sur la (èle des Poissons où ils sont moins exposés aux chocs, comme les Cymothoadiens, ou bien ils se logent sous les écailles comme notre Léposphile, ou üls sont si plats, comme les Caligiens etles Trébiens, qu'ils se collent à la peau et font corps avec elle. CRUSTACÉS DES CÜTES DE FRANCE. 283 Enfin, on voit, par une disposition spéciale de la tête et de l’appareil buccal, qui sont séparés du {thorax par une sorte d'ar- ticulation, qu'elle peut, dans son ensemble, former commie une ventouse circulaire qui agit comme celle que les vers trématodes des genres Phylonella, Placunella et Trochopus, portent à leur extrémité inférieure. Il est peu de Crustacés, qui, d'abord, à raison de leur petite taille et ensuite par leur conformation, soient plus difficiles à examiner au microscope que celui-ci; outre lépaisseur du corps, qui est déjà un obstacle, sa forme contribue beaucoup aussi à contrarier ces explorations. En effet, ces parasites ayant une forme hémisphérique, il en résulte que lorsqu'ils sont sur le dos, qui est le point culminant du corps, au lieu de s’étaler sur le porte-objet, comme cela a lieu ordinairement, ils n’en présentent que les bords et les extré- mités qui sont relevés, conséquemment des surfaces obliques qui dénaturent complétement la perspective. Il faut aussi, pour aider à la transparence, une couche d’eau plus profonde que d'habitude, laquelle empêche de descendre la lentille assez près pour qu'elle soit rendue au point nécessaire pour apercevoir nettement les détails, sans la submerger; de sorte que, malgré tout le soin que nous avons pu apporter dans nos observations, nous ne sommes pas encore très-certain de leur résultat. Aussi, bien que nous ayons fait de la tête, vue en dessous, un grand nombre de dessins, afin de nous donner le moyen de nous contrôler, nous n'avons pu arriver à en trouver deux qui fussent exactement semblables. Nous ne donnons donc ceux auxquels nous nous sommes arrèté que sous une certaine réserve. Nous sommes positivement sûr de la partie antérieure de la tête et des organes qui en font partie, ainsi que la confor- mation de la bouche; mais il pourrait bien se faire que la partie inférieure ne fût pas complétement exacte. Comme ce Crustacé est encore rare et que nous tenions à le conserver, nous n'en avons sacrifié qu'un seul, pour lâcher de faire cesser nos incertitudes sur plusieurs de ses détails anatomi- ques. Nous l’avons soumis à l’action du compresseur, mais ce 281 HESSE. moyen ne nous à qu’imparfaitement réussi, la diffluence ne nous a pas permis de profiter de cette ressource à laquelle nous avons cependant eu recours bien souvent avec succès. $ 3. — Systématisation. Jl nous paraît bien difécile, lorsque l’on a affaire à des espèces tout à fait nouvelles et qui s'écartent des types déjà connus, lorsque surtout on n’en a pas trouvé les mâles, qui généralement conservent plus intégralement leurs formes primitives, de pouvoir leur assigner une place convenable dans la classification. Notre Annélidicoleest dans ce cas; elle diffère tellement des espèces déjà décrites que nous nous trouvons fort embarrassés pour la caser. Parmi les Crustacés auxquels nous la comparons, nous trou- vons que celui avec lequel elle a le plus de rapport est le Buporus Loveni, décrit par M. Thorell, dans son remarquable ouvrage sur les Crustacés qui habitent les Ascidiens (4). Si nous rapprochons, en effet, le dessin vu de profil, de notre Chelonidiformis, de celui que ce savant naturaliste a donné de son Buporus, et dans la même position, nous trouvons, surtout à la première inspection, des points de conformité qui sont assez manifestes, dans la forme du corps et dans l'absence d'organes de vision, dans celle des pattes et de leur disposition ; mais là cessent les points de ressemblance, les antennes (2), les pattes- mächoires, l'abdomen, sont différents et les pattes thoraciques pe sont qu'au nombre de trois paires dans noire espèce au lieu de quatre. L’abdomen surtout n’a aucun rapport avec celui de notre Crustacé, dont les œufs sont expulsés au dehors, après la fécondation, tandis que dans les Buporus 1ls ne sont incubés que dans l’intérieur du corps et n’en sortent qu'à l’état de larves; (1) Bidray till Kännedomen om Krustacem som lefra à arler ofslägtet ascidia, À. of T. Thorell. (2) La figure 44 B, que donne M. Thorell dans la planche X de son atlas, dont tous les dessins sont admirablement exécutés, nous porte à croire que son Buporus n'a qu'une seule paire d'antennes, comme le nôtre, et que celle qu'il regarde comme une seconde paire n’est qu’une patte. CRUSTACÉS DES GÔTES DE FRANCE, 285 enfin l'habitat est tout à fait différent, puisqu'il à été trouvé dans l'intérieur de la cavité respiratoire des Aseidies, tandis que les nôtres sont fixés à l'extérieur sur le corps des Annélides (4). Malgré ces différences, qui font de ces Crustacés deux espèces bien distinctes, nous croyons que ce sont encore celles qui se rapprochent le plus l’une de l'autre. Voici comment nous caractérisons notre nouvelle famille : FAMILLE DES ANNÉLIDICOLES. Mâle. Inconnu. Femelle. Corps épais, bombé en dessus, creux en dessous, saus articulation. Tête sans yeux. Antennes simples, noduleuses, composées de six articles. Pattes-mâchoires au nombre de trois ou de quatre, de différentes grandeurs. Bouche petite, conique, accompagnée de mandibules. Pattes thoraciques au nombre de trois paires, biramées. Abdomen saillant, cordiforme, ouver- tures matricales très-grandes. OEufs renfermés dans deux tubes gros et ovales. Gexre CHÉLONIDIFORME. Mâle. Inconnu. Femelle. Corps sans articulations, épais, hémisphérique, bombé en dessus, plat et un peu creux en dessous, plus étroit à sa partie antérieure. Antennes simples, noduleuses. Six articles inégaux et de grandeurs différentes. Tête petite, sans yeux, net- tement circonscrite en dessous par un intervalle qui la limite. Premieres paires de pattes-mächoires longues, terminées par des pointes aiguës. Bouche petite, triangulaire, accompagnée de mâchoires digitées et entourée de lames plates faiciformes et (4) I est très-possible, comme le dit M. Thorell, que les œufs du Buporus subissent dans le corps de la femelle toutes ies phases de l’incubation : «Ova intra corpus matris » usque ad maturitatem servantur » (page 61); mais comme ce savant professeur a été obligé de recourir à des moyens violents pour extraire de leur enveloppe ces larves, «pullus ex matrice excisus » (p. 64) et pour retirer du corps de la femelle les œufs qui y étaient renfermés, «nisi quod vexata ova parere » (p. 64), peut-être que si les choses s’élaient accomplies naturellement les œufs auraient pu être placés, comme dans notre espèce, dans des tubes ovifères. 266 HÉSSE. aiguës. Pattes thoraciques au nombre de trois paires, petites, plates, biramées, de grandeur inégale, terminées par de petites pointes aiguës. Habitat. Vit fixé sur le corps des Annélides. EXPLICATION DE LA PLANCHE 1. Fig. 4. La Chélonidiforme type. Femelle amplifiée 25 fois, vue en dessus. Fig. 2. La même, vue au même grossissement, montrant la position de ses antennes, de sa bouche, de ses pattes thoraciques, de son abdomen et de ses tubes ovifères. Fig. 3. La même, vue de profil, pour montrer l'épaisseur du corps. Fig. 4, Tête extrèmement grossie, vue en dessous, montrant le bord frontal retourné en dessous. La paire d'antennes noduleuses dont la base est appuyée sur une petite protubérance arrondie et cupuliforme; en dessous et latéralement une paire de pattes longues et grêles terminées par des pointes fines et aiguës, à la base desquelles on aperçoit une sorte de capuchon sous lequel s’abrite la bouche. De chaque côté de celle-ci, on voit de petites pattes-mächoires dont la plus grande est digitée. En dessous et autour on remarque des James plates falciformes et aiguës; plus une sorte de patte longue étroite et arrondie terminée par une forte griffe. Enfin, un peu en dessous, une légère séparation qui limite le bord inférieur de la tête; finalement viennent les premières pattes thoraciques, Fig. 5. Antenne, très-grossie, accompagnée de la première patte-mâchoire. Fig. 6. Antenne, très-grossie, vue isolément. Fig, 7. Palpe et mandibule. Fig. 8. Mâchoire isolée et très-grossie. Fig. 9. Extrémité de la bouche, vue de profil, Fig. 10. Bouche très-grossie, accompagnée des organes qui l’avoisinent, Fig. 41. Bouche, relevée du côté du bord frontal, également très-amplifite, vue en dessous. Fig. 12. Paite accessoire placée à la base du système buceal. Fig. 43, 14, 15 et 46. Paltes thoraciques, vues sous divers aspects. Fig. 47. Mème patte soumise à l’action du compresseur. Fig. 18. Abdomen très-grossi, montrant de chaque côté les deux tubes et l'ouverture ciculaire des oviductes, et plus bas le bord inférieur de cette partie du corps qui est terminée par deux lanières latérales et divergentes et par une échancrure bidentée. Fig. 19 et 20. Les tubes ovifères détachés de l'abdomen, très-grossis, vus de profil ct de face, montrant une sorte de diaphragme intérieur percé d’un trou circulaire, Fig. 21. Lanière ou appendice terminal de l'abdomen, lrès-grossi, montrant les par- ties dont il est composé etle liséré qui le borde. Fig. 22, Portion du tissu verruqueux, très-grossi, qui recouvre la partie supérieure du corps du Chélonidiforme type. DESCRIPTION D'UN NOUVEAU GENRE DE CRUSTACÉS HABITANT LES ASCIDIES ET DE QUELQUES ESPÈCES DU MÊME GROUPE. Nous donnons, ci-après, la description d’un nouveau genre de Crustacés appartenant à ceux qui habitent les Ascidies simples et composées, et nous profitons de cette occasion pour en faire connaître d'autres espèces qui doivent être ajoutées à celles que nous avons déjà publiées. GENRE APLOPODE (4) (Nobis). APLOPODE ROUX. — APLOPODE RUFUS (Nobis). Le petit Cruslacé qui sert de type au genre que nous établis- sons pour lui ressemble beaucoup par ses formes et aussi par sa manière de vivre à ceux que nous avons classés dans nos genres Plantipode, Adranesius, Mucophile et Biocrypte ; il s’en dis- tingue spécialement par la composition de ses pattes thoraciques qui au lieu d’être doubles ou biramées sont hstaplesy de là le nom que nous lui avons donné. Male. Inconnu. La femelle n'a pas plus d’un millimètre et demi de hauteur sur un demi-millimèêtre de largeur. Son corps est cylindrique et trapu, uu peu moins large à ses extrémités qu'au milieu. Sa téle, vue en dessus, est presque triangulaire, elle est large à sa base et arrondie à son sommei qui forme le bord frontal, de chaque côté duquel on aperçoit une petite paire d'antennes, grosses, courtes, cylindriques, divisées en trois anneaux, à peu près égaux. Le dernier, terminé en pointe, porte quelques poils rigides à son extrémité. (4) Ado, simple; #ede, pied. 288 HESSE. . La téle porte à son sommet, près du bord frontal, un œil mé- dian très-gros. Le thorax est divisé en quatre anneaux assez distincts et de la même grandeur. L'abdomen est, à lui seul, plus long que les quatre anneaux, même en y joignant la tête. Il est un peu comprimé latéralement, puis il s’élargit pour diminuer à son extrémité inférieure, qui se termine en pointe arrondie. On remarque aussi, à cette extrémité, deux pointes courtes, coniques, aiguës, d'une substance cornée et transparente, qui sont réunies entre elles par une sorte de membrane échancrée au milieu, laissant conséquemment en saillie, des deux côtés, les points en question. Vu en dessous, on aperçoit immédiatement, après les anten- nes, une paire de pattes-mâchoires, très-courtes, triangulaires, larges et fortement attachées à leur base, terminée par une oriffe crochue. Au milieu, et entre ces deux pattes, se trouve la bouche qui se compose d'un labre supérieur et inférieur, et, latéralement, deux petites pattes-mâchoires accompagnées de mandibules denticu- lées, qui, par leur agencement, forment un orifice circulaire. Les pattes thoraciques, au nombre de quatre, sont fixées à au- tant d’anneaux. Elles sont simples, très-robustes, larges, plates latéralement, triangulaires, très-fortement fixées à leur base et terminées par une griffe très-puissante, légèrement recourbée en crochet et à pointe mousse. Nous n'avons pas aperçu les œu/fs, mais les ovaires, placés chaque côté du corps, se distinguaient facilement par la teinte plus foncée qui en indique la forme et le trajet. Coloration. La tête est blanche, le reste du corps est de cou- leur cannelle et les oviduetes sont de couleur rouille très-foncée. Habitat. Nous avons recueilli plusieurs exemplaires de ce Crustacé, le 18 mars 1868. Ils étaient renfermés dans une Asci- die sociale recouverte d’une enveloppe de couleur violette bru- nâlre. Les Ascidies étaient d’un jaune d’or très-vif au centre, terminés, au sommet, par une Couleur vermillon foncé. Les CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 289 mouvements de ces Crustacés sont lents, ils rampeut sur le fond; il faut évidemment un corps mou, dans lequel 1ls puissent en- foncer leurs griffes, pour qu'ils puissent avoir un point d'appui et progresser. Sous ce rapport, ils sont parfaitement placés dans l'intérieur des Ascidies. GENRE APLODE (Nobhis). Systématisation. Corps court et cylindrique de la même grosseur dans toute son étendue, mais se terminant en pointe arrondie à ses deux ex- trémités. Tête triangulaire, œil médian. Thorax divisé en quatre anneaux de mème dimension. Abdomen plus long que la tête et ses anneaux ensemble. Antennes courtes cylindriques. Bouche tubiforme entourée de pattes-mâchoires. Pattes-mâchoires et thoraciques, simples, plates, triangulaires, terminées par une griffe, assez forte. Deux pointes aiguës à l'extrémité de l’abdo- men. Habitat. Vit dans l'intérieur des Ascidies sociales. POLYCHLINIOPHILE SEMBLABLE. — Polychliniophile sinulis (Nobis). Mâle. Inconnu. La taille de la femelle tient le milieu entre celle de notre Polychliniophile corisoforme (1) et celle de la Forficule (2). Elle à environ un millimètre et demi de longueur, sur un demi-millimetre de largeur, mais elle se rapproche davantage, pour la forme générale, du corps de la première. La téle n’est pas allongée, comme dans le Corisoforme, mais arrondie comme dans la Forficule; le corps est ovale, divisé en un grand nombre d'anneaux qui ne sont pas très- distincts, mais que l’on peut néanmoins apercevoir à raison des échancrures arrondies qu'ils produisent sur les bords du corps. (1) Annales des sciences naturelles, 5° série, t. I, 1864, p. 343-345, pl. 11, fig. 14-92. (2) Annales des sciences naturelles, 52 série, 1868, €, IX, p. 57-58. 5€ série. Zoon. T. XI. (Cahier n° 5.) ÿ 19 290 HESSE. Les antennes sont plus longues que dans le Corisoforme et un peu plus courtes que dans la Forficule, dont elles se rapprochent beaucoup pour les nombreuses divisions et les épines dont elles sont hérissées. Les prolongements abdominaux, qui sont si remarquables dans les deux espèces précitées, existent aussi chez celle-ci, mais au lieu d’être en lozanges et droits, comme dans la première, ou falciformes et recourbés en dedans comme dans la deuxième, ils ont une tendance à se retourner en dehors. Ils sont aussi plus larges que dans la Forficule et, de plus, ils présentent, aux deux tiers de la longueur, du côté de l’extrémité inférieure, une pointe divergente qui part du bord extérieur. La première patte-mächoire est très-longue et très-mobile; ce Crustacé s’en sert pour appréhender les objets et les attirer à lui; les pattes thoraciques sont courtes, très-fortes et armées de trois griffes puissantes et crochues. Le bulbe buccal est très-saillant et arrondi au bouf, il est com- posé d’une mâchoire supérieure, très-forte, d’un labre inférieur qui est également très-robuste, et de mandibules latérales den- ticulées. L'orifice buccal est arrondi et contractile. Ce Crustacé est, comme ses congénères, très-souple et très- lent dans ses mouvements. Il s’allonge et se raceourcit avec faci- lité, et se cambre et se recourbe en arrière, de manière à faire toucher ses deux extrémités. Coloration. La tête, les pattes et les bords du corps sont blancs. L'œil situé à la base de celle-ci est d’un rouge carmin très-vif. Le corps, moins les bords extérieurs, est d'un rouge de Saturne très-éclatant. Habitat. Trouvé, un seul exemplaire, le 4 mars 1868, dans un Polychlinium fixé sur une roche du Port-Napoléon. CRYPTOPODE ÉTROIT. — Cryplopode angustus (Nobis). I se rapproche beaucoup, pour la forme, de notre Cryplopode épais, si ce n est que, comme l'indique le nom que nous lui don- non5, il est infiniment plus étroit que celui-ci. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 291 Le mâle, qui est à peine visible à l’œil nu, ressemble, pour l’aspect du corps, aux Monocles avec lesquels il serait facile de le confondre, au premier aperçu, si on ne le trouvait mêlé aux fe- melles de son espèce, conséquemment renfermé dans le lieu limité qu'elles habitent, mais surtout à raison des caractères de conformation qui leur sont propres et qui les distinguent facile- ment des Crustacés auxquels nous les comparons. Le mâle n'offre aucune différence appréciable, relativement à la conformation de ses organes; et, sous ce rapport, la descrip- tion que nous avons donnée du Cryptopode épais lui convient par-- faitement. Nous nous bornerons done à y renvoyer (1). La femelle est un peu plus grande que celle du Cryptopode épais ; son bord frontal, au lieu d’être carré, comme dans l’autre espèce, est, au contraire, très-arrondi, et les anfennes le sont également et composées de trois articles, dont le basilaire est le plus long, et le dernier, le plus petit, est terminé, à son sommet, par des poils rigides. Les anneaux du corps sont aussi beaucoup plus étroits et plus arrondis et étranglés à leur point de jonction, qui est aussi bien plus distinet; enfin le dernier anneau thoracique présente, laté- ralement, de chaque côté de son bord inférieur, deux expansions plus longues, plus étroites et moins divergentes. L'abdomen, de forme pyramidale, est composé de cinq an- neaux très-distincts et allant en diminuant de dimension, de la base au sommet. L'extrémité est terminée par deux appendices plats et arrondis qui, néanmoins, sont quelquefois terminés en ponte. La première patte-mächoire est préhensile ; elle est composée de trois articles terminés par une griffe crochue, qui se rabat sur l'article basiliaire, lequel présente, à cet effet, une petite cavité pour la recevoir. La troisième patte est scutiforme au sommet, lequel est den- ticulé. (1) Voyez ce que nous avons dit de ce genre de Crustacé, dans les articles pré- cédents insérés dans les Annales des sciences naturelles, 1865, t. IV, p. 237-244, pl. 7, de3 Aù 3H, 299 MESSE. Les pattes thoraciques sont cylindriques, terminées par une forte griffe rétractile ; elles se logent, une fois contractées, dans une petite cavité formée par une expansion membraneuse. Les tubes ovifères sont particulièrement remarquables par leur étroitesse, et, sous ce rapport, ils se distinguent de ceux des autres espèces dans lesquelles ils sont, au contraire, très-larges, et présentent plusieurs rangées d'œufs de front; tandis que dans notre Cryptopode étroit les tubes cylindriques n’en contiennent que deux, et encore sont-ils intercalés les uns dans les autres de manière à se loger dans un tube cylindrique d'un fable dia- mètre. La longueur de ces tubes atteint les deux tiers de la longueur du corps. La femelle, lorsqu'elle n'est pas complétement adulte, et qu’elle n’a pas encore eu d'œufs, est beaucoup plus courte et plus trapue que lorsqu'elle est adulte. Sa téte est alors compléte- ment ronde et relativement petite; et les expansions latérales du dernier anneau thoracique sont bien plus écartées et plus diver- gentes. Enfin, chez les femelles encore plus jeunes que celle que nous venons de décrire, les expansions latérales de l'abdomen sont quelquefois terminées par une pomte aiguë. Coloration. Le mâle est d’une coloration verte très-claire avec une raie rouge au milieu. La femelle adulte est d’un jaune citron vif avec une raie rouge au milieu. | La femelle jeune, avant sa fécondation est d'un jaune plus foncé ; elle porte, sur le milieu du dos, deux larges bandes rouge vermillon qui descendent parallèlement de la base de la tête jusqu’à l’avant-dernier anneau abdominal, laissant, entre elles, un espace qui est jaune, comme le reste du corps. Les yeux du mâle et de la femelle adulte et du jeune sont d’un rouge pourpre très-foncé. Habitat. Trouvé, le 12 octobre 1868, dans une Ascidie com- posée. de forme sphérique, d’un jaune verdâtre sale, recouverte d’un peau molle et épaisse. Les mâles de notre Cryptopode sont, comme nous l'avons dit, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE, 293 presque imperceptibles à l'œil nu;ils sont tres-vifs et très-agiles, nageant avec une très-grande facilité; tandis que les femelles sont inertes, se meuvent lentement et sont réduites à se traîner péniblement, à moins qu’elles n'aient le moyen de pouvoir, en s’accrochant à l’aide des griffes dont sont pourvues leurs pattes, se pousser en avant. BOTRYLLOPHILE ARMÉ. — Potryllophilus armatus (Nobis) (1). Mâle. Imconnu. La femelle a deux millimètres de hauteur sur un demi-milli- mètre de largeur; son corps ramassé et trapu, vu de profil, pa raît ovoïde et ses anneaux sont peu distincts. Il est armé, à sa base, de deux appendices styliformes terminés par trois épmes longues et aiguës, celle du milieu surtout, qui dépasse les deux latérales de deux fois leur dimension. Les antennes sont, relativement, grêles et petites; 1l en est de même de la première palte-mâchoire, mais la première patte tho- racique qui est simple, est, au contraire, très-forte et armée d’une griffe puissante; et ce qui distingue cette espèce des au- tres, c’est que les deux extrémités des pattes biraméessontarmées de fortes griffes crochues et divergentes au nombre de quatre sur chaque tige, sans compter celles qui sont placées latérale ment. L'abdomen est robuste est assez long ; il est terminé par deux appendices plats et qui sont armés chacun de quatre fortes griffes très-crochnes. Coloration. Ce Crustacé était presque mort lorsque nous l’a- vons recueilli ; il avait pondu ses œufs, de sorte qu’il ne contenait plus de matières chromulaires dans le corps, que celles qui étaient restées dans le canal intestinal et qui étaient rouges. L'œil est de cette couleur et le corps était entièrement d’un blanc pâle mat, piqueté de points jaunes et rouges. (4) Voyez ce que nous avons déjà dit de ces Crustacés dans les Annales des sciences naturelles, 1864, t. I, p. 345-348, pl. 12, fig. 4 à 42, et l’appendice à cet article, 1866 t. VI, p. 79-80 et 85, pl. 2, fig. E, E 7. 29/4 HESSE. Habitat. Trouvé, le 17 mars 1868, au nombre de deux exem- plaires, dans l'intérieur d’un Botrylle fixé sur la fronde d’un Fucus vesiculosus. BOTRYLLOPHILE POURPRE. — Potryllophilus purpurescens (Nobis). Mâle. Inconnu. La femelle est de moitié plus petite que la précédente; elle n'a qu'un millimètre environ de longueur, sur un tiers de nullimètre de largeur; aussi est-il très-difficile de l’apercevoir sans le se- cours de la loupe. Elle ressemble, par l’ensemble des formes, aux autres Crustacés de la même espèce que nous avons déjà déerits. Vu de profil, son corps a une forme ovoïde, assez allon- gée, son abdomen est relativement long et grêle et ses antennes sont, au contraire, courtes et grosses; mais ce qui la distingue surtout de ses autres congénères et particulièrement du Botryl- lophile armé, c'est que ses pattes thoraciques, au lieu d’être garnies de griffes puissantes, le sont de tiges minces et pennées. Les deux appendices pointus qui sont à la base du thorax sont très-petits dans cette espèce. Nous avons trouvé, avec ce Crustacé, un autre de moitié plus petit, c’est-à-dire ayant tout au plus un demi-millimètre de long; que nous croyons être une jeune femelle n’ayant pas encore subi sa dernière transformation. Vue en dessus, sa forme était ovale. Le bord frontal arrondi, à son sommet, s'avançait, et, des deux côtés, laissait aperce- voir une paire d'antennes très-courtes, cylindriques, terminées en pointe. Les pattes thoraciques étaient larges et courtes, biramées et terminées en pointe. L'abdomen large et court faisait suite au thorax, sans transi- tion brusque ni diminution sensible de largeur. Son extrémité bifurquée présentait deux appendices pourvus de pointes. Coloration. La femelle adulte, ainsi que là Jeune, sont toutes deux d’un vermillon très-éclatant au milieu du corps, qui, d'un bout à l’autre, est de cette couleur, encadrée dans une large bordure blanche. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 295 Habitat. Trouvé, le 8 mars 1868, dans un Potrylle, d'un brun vineux, tacheté de blanc, qui était fixé sur le tube parcheminé d'une Annélide tubicole. BorRYLLOPHILE COURT. — Potryllophilus brevis (Nobis). Mäle. Nous n'avons aperçu qu'un instant le mâle de cette espèce, et conséquemment très-imparfaitement, atteudu qu'en voulant le placer sous le microscope, nous l'avons perdu par accident. Il était d'une petitesse extrème, 1l avait le corps très- grèle et tres-allongé. La femelle est presque imperceptible à la vue, elle n'a pas plus d’un tiers de millimètre de longueur. Son corps est court, ra- massé et presque en boule. Les pattes thoraciques sont très-grosses et très-fortes, bira- mées. La branche externe est armée d’une griffe puissante, et la rame interne est arrondie et bordée de griffes longues et minces. | L'abdomen est court et d’une assez forte largeur. Les appen- dices qui le terminent sont garnis de quatre griffes droites et di- vergentes. Les antennes et la première patte-mäâchoire sont faibles et relativement petites. Les antennes sont armées de pointes aiguës, recourbées en dedans en forme de croc. Coloration. Le corps est d’un jaune clair assez brillant, lintes- tin et l’œil sont d’un rouge pourpre très-vif. Les œufs, qui étaient encore à l’état d’incubation renfermés dans le corps, étaient d'un vert très-foncé. Habitat. Je n’ai trouvé, le 8 mars 1868, que deux individus de cette espèce, le mâle et la femelle, dans un Botrylle d’une couleur rouge éclatante, dans le tissu de laquelle on apercevait des points oblongs, jaune orangé. Elle était étalée sur la coquille d’un Pecten opercularis. Avant de faire la description des deux espèces dont nous allons nous occuper, nous pensons quil serait utile d'établir dans le genre des Botachiens, créé par M. Thorell, une séparation qui 296 HESSE, nous semble justifiée par un caractère assez important pour légi- timer cette division. L'abdomen du Botachus cylirdratus, décrit par ce savant na- turaliste, est terminé par des appendices qui sont, non-seule- ment pointus, « appendices abdominis im apice aculeis armatæ», mais nous pourrions même dire crochus et recourbés, en forme de griffes (1), «in apice aculeis 2 fortibus deflexis armatæ, » tandis que, dans nos espèces, l'extrémité de l’abdomen, divisé en quatre appendices cylindriques, présente, à l'extrémité des deux plus gros, une forte épine droite à pointe mousse, et des deux plus faibles, des poils longs et divergents. Enfin, au mi- lieu et entre ces quatre appendices, on aperçoit quatre griffes d'égale longueur, mais légèrement recourbées en dedans, comme dans notre Botachus Macroone, tandis que dans notre Botachus fulvus, cette division de l’extrémité de l'abdomen en quatre appendices existe bien; mais les deux appendices laté- raux, qui sont les plus forts, sont armés chacun d’une longue épine droite et les deux plus faibles, qui sont au milieu, n’ont qu'une seule épine plus longue, plus mince et recourbée au bout ; de sorte que dans le Botachus cylindratus de M. Thorell, l'extrémité du corps me paraïitrait, à raison des appendices, armés d’épines crochues, pouvant se rabattre sur le bord de la cavité cupuliforme qui le termine, plus propre à la préhension que dans nos espèces, où les appendices armés de griffes droites et à pointes mousses nous semblent destinés, de préférence, à favoriser la propulsion. On pourrait done établir la distinction suivante : #enre Botachus Ë terminée de manière à (Fhorell). à 2 B. Macroone. favoriser : B. Fulvus. B. Extrémité de l'abdomen terminée de manière à favoriser la propulsion, min de rai La préhension. B. Cylindratus. B. La propulsion... (4) Voyez le mémoire de M. Thorell, Bidrag till Kännedomen om Krustaceer som lefva à arter af Slägtel ascidia, p. 54-55, pl. IX, fig. 12 À, 42 F4, 12 F5. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 297 BOTACHUS MAGROONE. — Potachus macroone (Nobis). Mâle. mconnu. La femelle est presque invisible sans le secours d’une loupe ; elle n’a guère qu'un millimètre de longueur sur un quart de millimètre de largeur ; sou corps est cylindrique et d’une gros- seur uniforme dans toute la longueur du thorax, qui est divisé, y compris le bouclier céphalique, en cinq parties dont le dernier anneau est, à lui seul, plus long que la totalité de ceux qui le précèdent. L'abdomen est également cylindrique et quoique de moitié moins large que le il est, à peu près, du même calibre dans toute son étendue, sauf l'extrémité, qui est très-étroite. II est divisé en quatre anneaux, dont les deux du milieu sont les plus grands. On aperçoit, à la base de l'abdomen du côté du ventre, un petit appendice arrondi, armé de trois poils longs et rigides; les autres organes n'offrent rien de parlicuher, si ce n’est la dispo- sition terminale de l'extrémité abdominale, qui, comme nous l'avons dit, est divisée en quatre appendices cylindriques, dont les deux latéraux, qui sont les plus gros, sont armés de deux fortes pointes mousses. Les deux du milieu, les plus minces, sont garnis de poils longs et divergents, et au centre de ces quatre |appendices sont fixées quatre griffes minces et d'égale longueur légèrement recourbées au bout. Les œufs sont, relativement, extrèmement gros; nous n’en avons compté que huit ou dix dans un espace où, chez d’autres espèces, 1l y aurait pu y en avoir le double ou le triple. Coloration. Le corps est d’un jaüne pâle, brillant ; le tube in- testinal, qui se rend en droite ligne de la bouche à l’orifice anal, est coloré en jaune orangé avec des portions rougeûtres. Les œufs, qui sont placés au-dessus de l'intestin du côté du dos, sont d’une belle couleur verte foncée ; on les aperçoit à partir du premier anneau thoracique jusqu'au dermier de cette partie du corps. Ils augmentent de volume à mesure qu'ils s’avancent vers l'orifice des oviductes. 298 HESSE, Habitat. Trouvé un seul exemplaire seulement, le 9 fé- vrier 1866, dans une Ascidia canina avec des Notopterophorus pupiho ; comme tous les Crustacés du genre Botachus, il était extrèmement agile. BOTACHUS FAUVE. — Potachus fulvus (Nobis). Mâle. Inconnu. Femelle. Cette espèce est la plus petite de celles que nous avons rencontrées ; 1l serait impossible de l’apercevoir sans le secours de la loupe. Elle peut avoir un tiers de millimètre de longueur. Son corps est étroit et cylindrique, de la même grosseur dans toute l’étendue du thorax, et l'abdomen, qui n’a environ que la moitié de la grosseur de la partie antérieure du corps, se ter- mine aussi en pointe par une diminution insensible de son ca- libre. Les antennes, les pattes-mâchotres et thoraciques n'offrent rien de particulier. L’extrémité de l'abdomen est, comme nous l'avons dit, terminée par quatre appendices dont les deux extrêmes sont armés de pointes droites et pointues, et les deux du milieu par deux longues griffes légèrement recourbées à la pointe. Coloration. Le corps est d’un blanc verdâtre pâle; les viscères ont une couleur rouge cannelle, et les œufs, qui paraissent assez gros, sont brun noir foncé. Le trajet du tube intestinal est indiqué par une raie rouille qui va directement de l’orifice buccal à l'ou- verture anale. | Habitat. Trouvé, le 25 février et 3 décembre 1868, dans une Ascidia canina. Ce Crustacé était d’une extrême agilité, c'est à peine si nous avons pu le maintenir sur le porte-objet; nous avons même été obligé d'employer l'alcool pour le stupéfier et le rendre immobile de manière à pouvoir le dessiner. ADRANÉSIUS ÉLARGI. — Adranesius elalus (Nobis). Ce Crustacé ressemble, d’une manière frappante, à notre Aplode roux, au point qu'il serait très-facile de les confondre si CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 299 l'on ne portait attention à la conformation des pattes thoraciques qui, au lieu d'être simples comme elles le sont chez l'Aplode, sont doubles et biramées. Mâle. Inconnu. La femelle mesure deux millimètres de longueur sur un demi- millimètre de largeur. La téte, vue en dessus, est triangulaire ; le bord frontal est ar- rondi et présente, des deux côtés, une paire d'antennes, courtes et coniques, divisées en trois anneaux et terminées, à la pointe, par de petits poils divergents. Le corps, ramassé, trapu, est cylindrique. Le thorax est divisé, assez distinetement, en quatre anneaux, de la même largeur et du même diamètre, suivis de deux autres anneaux de la moitié moins hauts que les précédents, terminés par l'abdomen qui est cordiforme et fixé à ceux-ci par sa base et est armé à son extrémité d’une pointe arrondie. L'abdomen, qui est remarquablement court, va en s’élargissant et fait saillie sur les anneaux précédents qui, dans toute l’éten- due du thorax, sont d’une largeur uniforme. Le thorax est terminé, latéralement, par deux pointes diver- gentes, d’une substance cornée très-résistante. La conformation de la bouche ne nous est pas suffisamment connue, nous avons seulement aperçu que l’orifice buecal, qui est conique, était entouré à son orifice par plusieurs petites mâchoires difficiles à déterminer. î La première patte-mâchoire est simple, plate et triangulaire, terminée par une griffe légèrement crochue. Elle est courte et son extrémité dépasse à peine le bord extérieur de la tête. Les pattes thoraciques, au nombre de quatre, sont doubles; la partie extérieure est plate, triangulaire, armée d’une griffe assez forte; la tige inférieure est terminée, à son extrémité, par de petites griffes courtes et mousses formant une sorte de denti- culation. Cette tige intérieure paraît rétractile, et lorsqu'elle est contractée, on aperçoit seulement lextrémité de ces denticu- lations. Les œufs étaient à l'état d'incubatiou dans l'abdomen; 1l y en 300 HESSE. avait très-peu, et ils étaient eavironnés d'un limbe large et hyalin. Vu de profil, le bord inférieur du dernier anneau thoracique est très-évasé, ce qui donne à l'abdomen la facilité de se relever du côté du dos, et au Crustacé la possibilité de se cambrer et de se jeter en arrière, comme cela est habituel aux individus du même genre. Du reste, le corps est très-contractile, 11 se raccour- cit ou il s'étend continuellement, et c'est presque le seul mou- vement que l’on voit faire à cet Adranésien, qui est du reste extrêmement lent. Coloration. — Le corps est d’une couleur rouille très-claire, et uniforme sur tout le corps. L’œil est rouge, et le centre des œufs, qui est, comme nous l'avons dit, entouré d’un limbe blane, est d’une couleur violette foncée. Habitat. — Trouvé dans une Ascidie, le 4 mars 4868. LYGÉPHILE MICROCÉPHALE. — ZLygephile microcephalus (Nobis) (1). Le mâle, qui ne nousétait pas connu, est d’une extrème peti- tesse ; il mesure 1 millimètre de longueur sur un demi-nulli- mètre de largeur. Il a l'aspect d’un Monocle, ressemblance qu'il partage avec les mâles de plusieurs Crustacés ascidicoles. Son bouclier céphalique égale à lui seul la longueur des trois autres anneaux thoraciques qui le suivent, et qui sont de la même dimension. Son bord frontal s'avance, en plaque arron- die, entre ses deux antennes. L'œil, qui est placé au milieu et près du bord frontal, est re- marquablement gros. L’abdomen se compose d’un premier anneau qui est plus gros et surtout plus large et plus long que les autres ; il est suivi de quatre anneaux à peu près égaux, qui forment la partie mfé- rieure de l'abdomen qui est cylindrique. Enfin le dernier anneau est terminé par deux appendices longs et divergents armés de pointes et de poils aigus. (4) Voyez ce que nous avons déjà dit de ce Crustacé dans les Annales des Sciences naturelles, t, IV, 1865, p. 249-254, 256, pl. 7, 1 A-G. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 301 Les antennes sont assez fortes et assez longues ; elles sont com- posées de deux articles de grosseur et de longueur égales, ter- minées par une tige fusiforme divisée en six anneaux. La première patle-mâchoire est longue et grêle, terminée par plusieurs petites griffes. La bouche est coniforme, composée d’un labre supérieur et d'une lèvre inférieure; en dessous se trouve une assez longue patte-mâchoire, dont l'extrémité est relevée et vient se rabattre du côté de la bouche. Les quatre pattes thoraciques sont longues et biramées ; elles se composent d'un article fémoral long et solide donnant attache à deux tiges plates et larges formées chacune de trois articles, bordées latéralement de fortes épines, et couvertes de poils longs et divergents. La femelle est la plus grande de celles que nous avons décrite dans ce genre; elle à près de 3 millimètres sur 4 de lon- gueur. Sa téte, au lieu de présenter des épatements latéraux cordi- formes comme dans ses congénères, est relativement très-petite et arrondie ; elle présente au milieu, et près du bord frontal, un œil très-petit. | Le thorax est divisé en quatre anneaux, dont les trois premiers sont à peu près de la même hauteur, mais qui vont en s’élargis- sant jusqu'au milieu ; ce dernier, qui est plus long queles autres, est cordiforme, etse termine inférieurement par un bord arrondi. L'abdomen, qui est cylindrique, est divisé en cinq anneaux très-courts et d’égale largeur; le dernier porte à son bord in- férieur une échanerure qui annonce l'ouverture auale. De chaque côté du dernier anneau thoracique et à la base de l'abdomen, on aperçoit deux lames plates très-larges, concaves, qui sont destinées à recouvrir à leur base les sacs ovifères, et à les protéger contre les chocs qui pourraient les détacher de leur point de fixation. Lorsque ces tubes ne sont pas à leur place, on voit facilement l’orifice qui termine les oviductes. L'extrémité abdominale est terminée de chaque côté par deux petits appendices plats, arrondis et creux en dedans, 302 GESSE. Eu dessous,’on aperçoit de chaque côté du bord frontal les antennes qui sont biarticulées, larges, plates, creuses en de- dans en forme de cuiller, et semblant destinées à se rabattre sur l’orifice buccal, ou au moins sur les premières pattes-mà- choires. Celles-ci, au nombre de trois, sont très-fortes, et dis- posées latéralement, de chaque côté de la bouche, dans l’ordre suivant : La première, qui est la plus petite, est bi-articulée ; son deuxième article se termine en pointe armée d’une forte griffe. La deuxième patte, également bi-articulée, est terminée par une pointe arrondie en forme de tampon. Enfin la troisième, qui est la plus forte, se compose de trois appendices digités, terminés en pointes, et armés d’une griffe forte et aiguë. Sa base est très-large, et recouvre la partie infé- rieure du système buccal. La bouche est cylindrique ; son extrémité est arrondie ; l'orifice est environné de pattes-mâchoires latérales et d’un labre imfé- rieur et supérieur. Les pattes thoraciques sont au nombre de quatre ; elles se com- posent de deux tiges : l’une extérieure, qui est plate et triangu- laire, munie à sa base d’un petit appendice court, armé d’une griffe, et à son extrémité d’une autre griffe, plus forte que la première. Cette première tige est squameuse et denticulée sur le bord antérieur. La tige intérieure de cette patte est formée d’une lame plate, longue, dépassant beaucoup l’autre, et est terminée par un bout arrondi, armé de deux pointes assez fortes et écartées l’une de l’autre en forme de fourche. Ces deux tiges qui sont fixées sur l’article fémoral, e’est-à- dire la patte entière, peuvent, par contraction, se retirer presque entièrement dans une petite cavité formée par un pli circulaire de la peau. La peau du corps est tres-mince et transparente ; elle forme un grand nombre de plis, qui rendent la séparation entre les anneaux difficile à constater. Les sacs ovifères sont très-gros et presque arrondis ; les œufs CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 303 sont également très-gros, et répartis dans les deux tubes qui contiennent chacun environ dix à douze œufs. Coloration. — Le corps du mâle et de la femelle sont d'un rouge vineux très-foncé. L'œil est rouge pourpre. Les œufs sont d'abord rouges, et lorsqu'ils sont près d’éclore, 1ls s’entourent d'une bordure jaune. On aperçoit aussi le point oculaire qui est rouge. Le tube intestinal se rend directement de l'ouverture bucale à l'orifice anal ; son trajet est indiqué par une raie jaune. Les tubes ovifères sont placés de chaque côté ; ils partent de la base de la tête pour atteindre les orifices des oviductes. Habitat. — Trouvé, le 1” décembre 1868, dans l’intérieur d'une Ascidie composée ; l'enveloppe mince, de couleur jaune vif, parsemée de taches noires et rouges. Le mâle est très-vif, et nage avec une grande activité à l’aide de ses pattes larges, plates et bi-ramées, garnies de poils longs. Ses antennes sont remarquables, en ce que les filets fusiformes qui les terminent, servent, comme cela a lieu chez les mâles de plusieurs espèces de Crustacés voisins des Monocles et chez les Monocles eux-mêmes, à saisir la femelle pendant sa fécondation. La femelle est lente et inerte ; elle rampe sur le sol. Vue de profil, sa tête, lorsque ses pattes-mâchoires sont contractées et appuyées sur le bulbe bucal, et que ses antennes sont également rabattues sur ses pattes, offre l'aspect d’une tête de Bull-dog. LYGÉPHILE ROSE. — Lygephile roseus (Nobis). Mâle mconnu. La femelle n'a que 1 nullimètre et demi de longueur sur un demi-millimètre de largeur. Sa tête cordiforme se fait remarquer par deux épatements latéraux arrondis, et par un étranglement trèes-marqué qui la sépare du premier anneau thoracique, et forme une sorte de cou. Ces anneaux sont au nombre de quatre, très-fortement indi- qués par des échancrures profondes; ils servent de points d’at- lache à un même nombre de paires de pattes doubles, dont l'in- 30/4 HESSE. térieure, plus courte et cylindrique, est terminée par une griffe, et la tige intérieure, plus longue et plate, est terminée par deux griffes longues et écartées l’une de l’autre en forme de fourche. A la base du dernier anneau thoracique sont deux expansions membraneuses arrondies à leur bord inférieur, convexes en des- sus, concaves en dedans, servant à protéger les fubes ovifères à leur origine. L'abdomen, qui est cylindrique, est de la même grosseur dans toute son étendue. Il est divisé en cinq ou six anneaux, dont le dernier, arrondi à son extrémité, donne attache à deux petites expansions plates et arrondies. En dessous, on aperçoit de chaque côté du bord frontal une paire d'antennes larges, plates, bi-articulées, dont -l’extrémité arrondie en forme de cuiller, et bordée de petites épines, semble destinée à se rabattre sur les pattes-mâchoires. Celles-ci sont rangées latéralement des deux côtés de la bouche dans l’ordre suivant : la première est cylindrique, formée de deux articles, dont le dernier, terminé en pointe, est pourvu d'une griffe à son extrémité. La deuxième patte est terminée par une pointe mousse, arrondie en forme de tampon. La troisième, qui est la plus forte et la plus large, recouvre presque entièrement à sa base le cadre buccal ; elle est bifurquée à son extrémité; elle se termine par deux pointes arrondies. Ces deux pointes remplissent, en se serrant l’une contre l’autre, l’office d’une pince. La bouche est cylindrique, arrondie à son extrémité, qui est garnie de petites mâchoires; elle est, en outre, pourvue d'un labre inférieur et supérieur d’une substance cornée. La téte, placée sous le compresseur, nous a laissé apercevoir une sorte de charpente cornée, formant un encadrement ovale entouré de lames plates, falciformes, pointues à leur sommet, nous rappelant la disposition et la forme de ces mêmes lames, dans la description que nous en avons donnée à l’occasion de notre Chelonidiforme type. Les tubes ovifères sont très-gros, courts, et relevés à leur CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 905 extrémité. Les œufs sont gros, au nombre de dix à douze dans chaque tube. L'embryon a le corps ovale, le front carré. Les trois paires de palles natatotres sont longues, et terminées par de longues soies rigides ; les deux dernières pattes sont seules biramées. Coloration. — Tout le corps est d’un beau rose vif; le tube intestinal est coloré en jaune. L’œil est rouge. L'embryon a le corps rose et la bouche environnée d'un espace blanc. La partie viscérale est jaune. Habitat. — Nit renfermé dans une Ascidie composée, géné- ralement globuliforme, recouverte d’une peau mince d’une cou- leur rose, tachetée de points d’un rouge vif, que nous avons re- cueillie, le 45 octobre 1868, fixée sur la coquille d’un Pecten maæimus. Nous n'avons trouvé que trois exemplaires de ces Crustacés qui sont aquatiques, et n'ont que des mouvements très-lents. Ils ressemblent beaucoup à notre Lugéphile violet, mais en diffèrent par la taille, la coloration, qui est ici d’un rose franc ; celle des œufs qui sont d’un rose vif, au lieu d’être rouillés ; enfin, par l'habitat. Nota. — Les deux Doropyqus que nous allons décrire appar- tiennent l’un et l'autre aux deux catégories que nous avons indi- .quées (1), et qui sont basées sur la forme des poils ou crochets qui terminent l'extrémité des appendices que l’on remarque au dermer anneau abdominal. Notre Doropygus sphérasiphère appartient à la première catégorie, et le Doropygus globosiphère à la deuxième (1). DOROPYGUS SPHÉRASIPHÈRE. — Doropyaus spherasipherus (Nobis) (2). A. Extrémité abdominale terminée en pointe arrondie, appendices droits internes, avec ou sans poils, prolongement thoracique postérieur grand, Mâle inconnu. La femelle à près de 3 millimètres de longueur ; son aspect est (4) Voyez les Annales des sciences naturelles, 1866, t. VI, p. 54. (2) Voyez les Annales des sciences naturelles, 1866,t. VI, p. 51-69. 5° série, Zoo. T. XI. (Cahier n° 5.) 4 20 306 HESSE. des plus singuliers. Le cinquième anneau thoracique a pris un développement si extraordinaire, qu'il a envahi plus des trois quarts de la totalité du corps, et comme il a une forme sphé- rique, on voit sortir de ce globe, à la partie supérieure, la tête et les quatre premiers anneaux thoraciques, et de la partie Im- férieure seulement, l'extrémité des appendices abdominaux. La largeur de la portion antérieure thoracique est d’un demi-milli- mètre, tandis que le diamètre de cette sphère a 2 millimètres ; c’est-à-dire les deux tiers de la longueur de tout le corps. La téle, vue de profil, est ronde ; sa partie occipitale paraît former une sorte de calotte, dans laquelle elle est logée. Les expausions latérales du bouclier céphalique recouvrent des deux côtés l'orifice buccal et ses accessoires. On aperçoit néanmoins les antennes, qui sont d’une longueur et d'une grosseur mé- diocres. Leur article basilaire, assez grand, est suivi d’un filet articulé, contenant des anneaux tres-nombreux et {rès-rappro- ches, qui sont couverts de poils divergents. La première patle-mâchoire est longue et grêle; elle est bi- articulée, et son dernier article est armé à son extrémité de quatre ou einq griffes longues et crochues. Les quatre anneaux thoraciques sont courts et d'une largeur uniforme. Le dernier est articulé, de manière, en reposant par sa base sur la partie sphérique de l'abdomen, à faciliter les mou- vements de rotation en tous sens de la portion antérieure du COrpPS. Chaque anneau du thorax est muni d'une paire de pattes petites, grèles et biramées. Les appendices abdominaux, qui, comme nous l'avons dit, dépassent à peme la capacité sphé- rique de l'abdomen, sont pourvus de quatre longues tiges étroites ei divergentes qui sont pennées, et qui remplacent les grifles crochues qui, d'habitude, terminent ces deux appendices. Coloration. — Ce Crustacé était mort lorsque nous l'avons re- eueilli le 46 juillet 1863; il habitait l’intérieur d’une Ascidie composée, fixée sur un Pecten maximus. Sa coloration alors était d’une couleur nankin, qui ne doit pas être celle de l’indi- vidu vivant. | | CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 307 Nous avons hésité longtemps à le publier, pensant que l’exa- gération considérable de sa partie abdominale pouvait ôtre cau - sée par un commencement de décomposition ; mais la décou- verte que nous avons faite de l'espèce suivante nous a prouvé que ce développement, qui nous paraissait anormal, pouvait cependant exister à l'état naturel. Habitat. — Vit, comme nous l'avons dit, dans l’intérieur des Ascidies composées. DOROPYGUS GLOBOSIPHÈRE. — Doropyqus qlobosipherus (Nobis). B. Extrémité abdominale terminée par une petite cavité. Appendices recourbés et crochus armés de pointes. Prolongements thoraciques postérieurs grands. Mâle inconnu. La femelle est infiniment plus petite que la précédente ; elle a tout au plus 1 millimètre de long sur un tiers de millimètre de large. Sa léle, vue de profil, est creusée au milieu, de manière à paraître relevée du côté du bord frontal et de sa base. Elle est suivie de trois articles thoraciques d’une égale lon- gueur et parfaitement distincts, et laissant entre eux un espace assez graud pour faciliter les mouvements en tous sens. Chaque anneau thoracique est muni d'une paire de pattes biramées, dont la tige extérieure est armée de quatre très-longues griffes divergentes et un peu recourbées au bout ; et l’interne est gar- nie de longues épines, également divergentes et pennées. Le cinquième anneau thoracique prend un développement sphérique tellement considérable, qu’à lui seul il dépasse en étendue et en capacité toute la partie antérieure du corps, de sorte que celle-ci n'en paraît plus qu’un annexe complémen- taire et secondaire. En dessous de cette sphère, on suit néanmoins le trajet de l'abdomen, dont les anneaux émargent du côté de Ja surface ventrale. On peut en compter le nombre qui est de cinq ou de six, d'égales dimensions à peu près, et qui sont bordés d’un limbe sanlant. L'extrémité de l'abdomen, y compris ses appen- dices, ne dépasse pas le bord inférieur du dernier anneau tho- racique. 308 HESSE. On voit aussi à la base du premier ou du deuxième de ces anneaux deux pointes crochues en forme de soc, la pointe dimi- gée en bas, dont l'usage est manifestement destiné à favoriser la propulsion. Les apperdices caudaux sont longs et plats ; ils sont terminés par quatre griffes longues, divergentes, et un peu recourbées au bout. Les antennes sont de médiocre grandeur ; elles sont multi- articulées, et garnies de nombreux poils. La première patte- mâchoire est longue, composée de deux articles, dont le dernier est armé de plusieurs griffes. Les labres supérieurs et inférieurs sont forts, et accompagnés latéralement d’une ou deux paires de petites mandibules. En dessous de ceux-c1 on aperçoit encore une autre paire de palte-mâchoire assez robuste, multi-articulée et hérissée d’épines, qui est destinée, en se relevant et se rabattant du côté de la bouche, à y apporter les objets servant à l'alimentation. Les œufs, qui sont tres-gros, sont renfermés dans la capacité thoracique du quatrième anneau qu'ils remplissent entièrement. Coloralion. — Ta tête est blanche, et le reste du corps est d'un blanc jaunâtre. Le trajet de l'intestin est indiqué par une raie rouge, qui est aussi la couleur de l'œil. La capacité qui contient les œufs est probablement, à raison de la coloration de ceux-ci, d'un vert brillant extrêmement foncé. Habitat, — Trouvé, le 40 mai 1868, renfermé dans une Ascidie composée, à enveloppe mince et d’une couleur jaune sale, de la grosseur d'un œuf de Pigeon ; l'intérieur était d’un jaune orangé très-foncé. Ce Crustacé est très-lent et très-apa- thique. Je crois utile de rappeler 1ci que plusieurs auteurs ont déjà signalé la présence de certains Crustacés vivant en parasites sur des Annélides, Le Selus bilobus à été trouvé par Krôyer sur l’Aphrodita punctata (Tidsskrift, 1837, t. 1, p. 476, pl V, fig. 4). La Nereicola ovala à été découverte par Keferstein à ia base des pieds de la Nereis Beau- coudhrayt (Aud. et Edw.) (voyez Zeitschrift für wissens. Zool., 1803, p. 460, pl. 42, fig. 1-4), Enfin M. Grube publie en ce moment la description d’une troisième espèce du même groupe. Le Chélonidiforme type de M, Hesse doit prendre place à eûté des genres Selius et Nereiïcola. Azpu. Mizxe Enwanps. ee ee mm D NOTE SUR LA DISPOSITION DES COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. Par M. À. DE QUATRERFAGES. Les naturalistes qui ont bien voulu lire la préface de mon Histoire des Annélides savent sous l'empire de quelles conditions il a été rédigé, et combien J'ai dû me préoccuper constamment de ne pas dépasser outre mesure les limites que m’imposaient les conventions faites avec l'éditeur. Ilest résulté de là que je n'ai pu m'étendre comme Je l’aurais souvent désiré; que j'ai omis bien des petits détails consignés dans mes notes, et surtout que j'ai laissé de côté, ou me suis borné à indiquer les questions qui me semblaient nécessiter encore des recherches. Parmi ces dernières s’est trouvée celle de la composition des couches musculaires longitudmales du corps. Des recherches bien anciennes n'avaient appris que cette distribution n’est rien moins que simple, ni uniforme. Dans une petite espèce observée par transparence, javais trouvé des muscles n’occupant que la longueur d'un anneau, d'autres qui s’étendaient à deux et à trois anneaux. Plus tard, en disséquant la Marphyse sanguine, j'avais vu la distribution des muscles longitudinaux présenter, au moins en partie, dans les anneaux correspondant à la trompe et à une portion de l’æsophage une disposition différente de celle qu’of- fraient les anneaux suivants. ete. Je m'étais bien promis d’exa- miner un jour à part cette question anatomique, quand je ter- minerais la monographie de la Marphyse, pour laquelle j'avais réuni d'assez nombreux matériaux. Mais entrainé par d'autres études, j'ai toujours ajourné ; et, comme bien d’autres, ce tra- vail est resté à l'état de projet. J'aurais donc eu fort peu de détails précis à donner sur une question dont il m'aurait fallu en même temps signaler la com- 910 A. DE QUATREFAGES. plication ; aussi, en rédigeant mon ouvrage, j'ai cru devoir me borner à parler des points d'attache des muscles. J'ai dit qu'ils s’attachaient aux cloisons inlerannulaires formées par une sorte de raphé tendineux (1). M. Claparède a vivement critiqué mes Indications sur ce sujet, et voici comme il s'exprime (2) : « Ces raphés n'existent point. » [1 est facile, sur des coupes longitudinales d’Annélides, de » s'assurer que les faisceaux longitudinaux se continuent sans » aucune interruption dans toute la longueur du Ver. » Le savant génevois revient ailleurs sur le même sujet à pro- pos des recherches qu'il a faites sur la alla parthenopeia (3). Ici M. Claparède dit : « M. de Quatrefages, à l'exemple de Cuvier » (réfuié cependant très-expressément par Meckel), n’accorde » aux fibres longitudinales que la longueur du segment auquel » elles appartiennent. Par leurs extrémités, elles sont censées » s’insérer sur des raphés cartilagineux intersegmentaires. » Pour ce qui est de Fépithète de cartilagineuæ appliquée par M. Claparède aux raphés dont j'ai parlé, | admets volontiers qu'elle est le fait d’une distraction de mon sévère critique. Bien certainement, je n'ai nulle part écrit quoi que ce soit qui auto- “se à me prèter l'opinion qu'il existe des cartilages dans le point dont il s’agit. | Je m'explique plus difficilement le reproche qu’il me fait au sujet de la longueur que j'aurais attribué aux fibres. Je n'ai pro- noncé ce mot que pour indiquer la direction de ces fibres; Je n'ai parlé que des faisceaux musculaires; je n'ai rien dit de leur étendue. Je viens d'indiquer la cause de ce silence. Voici comment M. Claparède décrit les faisceaux musculaires et leurs rapports avec les anneaux de l'animal (4) : «IL est facile » de s'assurer que, dans les segments, les faisceaux de fibres » sont entièrement indépendants les uns des autres, simplement » juxtaposés comme les fibres musculaires des Insectes. Au con- (4) Histoire des Annélides, &. 1, p. 29 et 30. (2) Les Annélides chétopodes du golfe de Naples, lutroduction, p. 17. (3) Loc. cit., p. 141. (4) Loc. cit., p. 141. COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 11 » traire, au niveau des constrictions intersegmentaires, tous les » faisceaux adhérent entre eux, grâce à l'existence d'une masse » iuterfibrillaire peu abondante qui joue le rôle de ciment. » Néanmoins, les fibres passent sans interruption d'un segment » à l’autre; c'est sans doute la région d’adhérence réciproque » des fibres qui aura donné lieu à l'illusion d’un raphé. » A l'appui de ses paroles, M. Claparède donne une figure qui, selon lui, «pourra servir de type (1) », ou plutôt deux dessins reproduisant l’un la coupe transversale, l’autre la coupe longi- tudinale d'une Æalla parthenopeia. C’est au dernier qu’il renvoie «pour s'assurer que ces raphés n'existent point »; c’est au sujet du même que Je crois pouvoir présenter quelques observations. Et d’abord 1l me paraît évident que cette figure est bien loin d'être assez grossie pour pouvoir montrer quoi que ce soit, rela- tivement aux faits dont il s’agit ici. Des dimensions de la alla, de la comparaison des deux coupes, il est facile de conclure que les dessins sont faits à un grossissement de 8 à 9 diamètres au plus. Est-ce assez, Je le demande, pour juger de la continuité ou de l'interruption des fibres musculaires ? Je mets sous les yeux du lecteur un dessin fait à un grossissement de 40 à 12 dia- mètres (2), et je déclare qu'il eût été impossible de distinguer nettement une fibre de ses voisines. La figure À est dessinée à un grossissement de 60 diamètres, et pourtant là encore on ne saurait suivre une fibre avec quelque certitude. Au reste, je m'en remets sur ce point au Jugement de tous les micrographes. M. Claparède décrit e& figure un plancher musculaire hori- zontal ; mais je ne vois figurer ni dans l'un ni dans l'autre dessin les cloisons interannulaires, qui partagent en chambres la cavité A NS = (4) Loc. cit, pl. XXXI, fig. 4 et 4 A. — M. Claparède ajoute : «Elle est d’ailleurs » assez neuve et mérite par conséquent d'attirer l'attention. » Selon le savant génevois Rathke et Schneider ont seuls jusqu'ici donné des coupes réelles d’Annélides; toutes celles qui ont été publiées par lui-même et par moi «sont plus ou moins schématiques » et idéales ». On comprend que je n'aie rien à dire de celles de M. Claparède ; mais je puis affirmer que mes coupes de Hermeile par exemple ont été faites avec les frag- ments sous les yeux, et avec l’intention de représenter aussi bien que possible ce qu'ils me montraient. (Ann. des sc. nat., 3° série, t. X, pl. 2.) (CO) MPINERTE ENS a A. DE QUATREFAGES. cénérale du corps. N'existeraient-elles pas dans l’espèce dont il s’agit ? Ce serait un fait remarquable; car je ne les ai vus man- quer dans aucune Annélide de taille à être disséquée, apparte- nant aux groupes plus ou moins voisins de celui dont fait partie la Halla parthenopeia. La région qui correspond à la trompe en manque, il est vrai, jusque chez les Marphyses, les Néréides, etc.; mais elles se montrent dès le commencement de l'æsophage chez ces dernières, et chez les Eunices dès que l’œsophage s’est déta- ché de la trompe (1). Ce n’est guère que chez certaines Annélides sédentaires et chez de très-petites espèces parmi les Errantes que j'ai vu les cloisons manquer, et être remplacées par des cordons isolés, qui tantôt manifestaient nettement leur nature musculaire, tantôt paraissaient être purement tendineux. Ce n’est pas pour le plaisir d'adresser une critique à M. Cla- parède que je rappelle les faits précédents. Je laisse de côté bien d'autres détails de sa figure qui me sembleraient avoir be- soin d'explications. Si j'ai appelé l'attention sur les cloisons inter- annulaires, c’est qu’elles ont un rapport direct avec la question dont il s'agit ici. Quoi qu'il en soit, la question soulevée par M. Claparède méritait d'être reprise, et c’est une de celles dont je comptais m'occuper avec le plus de soin pendant un séjour sur les bords de la mer que de circonstances impérieuses ont malheureusement abrégé. Je vais exposer ce que j'ai vu ; mais je tiens à répéter que je n'ai pas la prétention d’avoir épuisé la matière, et je suis au contraire convainçeu qu'il y à encore beau- coup à chercher et à découvrir. Chez un certain nombre d’Annélides, mais non pas chez toutes, les faisceaux musculaires longitudinaux sont en effet isolés les uns des autres, et lorsqu'ils sont très-développés, il y a entre eux de véritables lacunes, dans lesquelles pénètre parfois (4) PI. VL fig. 3 ; pl. VIL fig. 6, etc. Cette disposition a évidemment pour but de rendre plus aisés les mouvements de totalité de la trompe. Chez les Glyeères dont la trompe exsertile est si volumineuse, et occupe un espace considérable dans la cavité du corps, les cloisons sont fort imparfaites. Cette disposition permet le jeu plus libre du liquide de la cavité dont l’afflux est nécessaire à l'exsertion de la trompe, qui doit pouvoir rentrer de même avec rapidité, COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 915 le liquide de la cavité générale. Jai insisté ailleurs sur ce fait, et dit comment, grâce à cette disposition, j'avais trouvé chez une Aphrodite des œufs interposés entre les muscles, et qui avaient pénétré jusque sous les téguments (1). Néanmoins, démêler ces faisceaux en réalité microscopiques et les suivre avec détail n’est rien moins qu'aisé, même sur les plus grosses espèces. Voici quelques faits que j'ai recueillis chez la Marphyse sanguine : Si, sur un individu fraîchement et rapidement tué, on in- cise le dos longitudinalement sur la ligne médiane, et qu'on rabatte à droite et à gauche les deux moitiés latérales, on dis- tingue très-bien à la loupe les faisceaux de cette région. Si l'ani- mal est légèrement contracté, on voit les faisceaux de chaque anneau s'arrêter sur une ligne qui part du fond de l’étrangle- ment annulaire, et traverse la masse entière. L'aspect de cette ligne diffère de celui des parties voisines ; c'est ce que J'ai dési- gné sous le nom de raphé. Si l’on exerce une traction suffisante pour tendre les muscles, cette ligne disparaît plus ou moins, et au lieu de faisceaux courts s’arrêtant à la hauteur de deux étran- glements, on a sous les yeux l'aspect de handelettes musculaires s'étendant à plusieurs anneaux. Cependant il n’en est rien, et il est facile de se convaincre qu'il y à un arrêt répondant aux étranglements. Chez les Mar- physes, au point que j'ai indiqué, surtout dans les anneaux les plus antérieurs, les muscles sont détachés des téguments, si bien qu'on peut glisser un petit stylet entre la masse musculaire et la peau jusqu’à peu de distance de la ligne médiane ; or, on recon- naît que ce stylet est arrêté aux extrémités de chaque anneau. En glissant la branche d’un ciseau fin à la place du stylet, on peut diviser transversalement la masse musculaire de deux ou trois anneaux consécutifs. On voit alors les faisceaux et les fibres se relever en houppe, ou mieux en frange serrée des deux côtés du raphé auquel ils adhèrent. Dans le reste du corps, les masses musculaires sont plus ser- (1) Histoire des Annélides, t. I, p. 33. 811 A. DE QUAYREFAGES. rées, et, au moins par places, elles adhèrent aux téguments. Toutefois, en procédant à peu près de la même manière, ou simplement en déchirant, même assez grossièrement, les parties, on reconnait l'existence d’attaches transverses pour une partie des muscles longitudinaux. Tous ces faits s'expliquent, du reste, par l'hypothèse de la soudure des faisceaux et d’une simple illusion provenant de cette soudure. Pour savoir à quoi s’en tenir, il faut employer des grossisse- ments plus forts, et procéder par l'examen de lames minces coupées longitudinalement, de manière à comprendre au moins deux ou trois anneaux. On peut alors les étudier aux plus forts grossissements, et se rendre compte de l'existence réelle et de la structure des raphés. Mes premières observations ont porté sur la Marphyse san- guine. Je l'avais choisie comme présentant un grand développe- ment musculaire, et devant me montrer un maximum de com- plication organique. Malheureusement les matériaux de travail me manqueérent, et je dus, en outre, parür à l’improviste, alors qu'il me restait à répéter mes observations premières et à faire les dessins. En même temps que la Marphyse, j'ai étudié l’Arénicole des pêcheurs. Jai pris cette espèce de préférence à toute autre comme terme de comparaison, d'abord parce qu'elle se trouve à peu près partout en abondance, et qu'il sera par conséquent plus aisé de répéter sur elle mes observations, tandis que la Marphyse est difficile à se procurer. De plus, en portant spécia- lement mon attention sur la région caudale où les couches mus- culaires sont très-minces, où l'annulation est à peine marquée, je prenais en quelque sorte l'extrême opposé à la Marphyse. I y avait, ce me semble, quelque intérêt dans ce contraste même. Voici d'abord ce qui résulte des notes relatives à la Marphyse : Pour étudier la structure des couches musculaires longitndi- nales, J'enlevais, avec des ciseaux fins et bien tranchants, une lame mince de la couche. Ces coupes ont été pratiquées préci- sément dans le sens que suppose la figure de M. Claparède COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 915 (fig. A, A), c'est-à-dire au delà de la base des pieds, et paral- lélement au plan médian longitudinal. Placées sous le microscope et à un faible grossissement, ces lames m'ont toujours montré le même aspect dans leur ensem- ble. À chaque étranglement interannulaire, la couche épider- mique des téguments s'enfonce profondément ; sa coupe pré- sente un angle aigu, dont les côtés appartiennent à des anneaux différents. A chacun de ces angles correspondent des plans ou des fais- ceaux fibreux qui croisent à angle droit la direction des fibres longitudinales, et que l'on voit pénétrer dans la masse muscu- laire que forment ces dernières par la face interne de cette masse. Très-souvent un vaisseau sanguin plus ou moins volumineux, peu flexueux, accompagne ces faisceaux de fibres, et va se ra- mifier dans les couches tégumentaires. il est facile de s'assurer que ces plans fibreux proviennent des cloisons interannulaires, sur lesquelles J'appelais tout à l'heure l'attention. A la région antérieure, et surtout dans les anneaux qui correspondent à l’œsophage, ces prolongements se distin- guent aisément à la loupe sur une coupe transversale du corps. Dans les préparations semblables à celles dont je parle, on les voit souvent franchir le bord nettement limité qui correspond à la surface interne des parois du corps. J'ai vu plusieurs fois ces faisceaux ou plans fibreux, arrivés vers le milieu de l’épaisseur de la masse musculaire, se diviser en deux ou trois chefs, et j'ai vu aussi ces divisions s'attacher tantôt à l'angle formé par les téguments, tantôt sur les côtés de cet angle à peu de distance du sommet. La naiure de ces plans ou faisceaux fibreux, émanés des cloi- sons interannulaires, me laisse encore des doutes. Une ou deux fois, il m'a semblé que je ne pouvais attribuer qu'à leurs con- tractions certains mouvements qui se passaient sous mes Yeux ; on aurait dit que les muscles longitudinaux étaient entraînés par eux. Pourtant leurs fibres différent des fibres musculaires par l'aspect général et par le diamètre ; elles sont plus minces. Faute de temps, je n ai pu prendre de mesures. J'incline, comme par 916 A. DE QUATREFAGES, le passé, à les regarder comme tendineuses ; mais c’est un point à éclaircir. Il me paraît évident que c'est à la présence de ces faisceaux et plans fibreux se portant de l’intérieur du corps vers la surface, que sont dues la différence d'aspect dont je parlais plus haut, et ces lignes, visibles à la loupe, qui correspondent à la séparation des anneaux. Toujours est-il que, sous le microscope, la déli- mitation des couches musculaires longitudinales se distingue plus aisément encore qu'avec un simple verre grossissant. Cette délimitation s’accuse d'une autre manière. Les fais- ceaux musculaires ne se présentent pas dans les préparations dont je parle comme se continuant dans la même direction. Bien au contraire, le plus grand nombre de ces faisceaux, ceux surtout qui appartiennent aux couches profondes sont courbés et disposés en guirlandes superposées dans le même anneau, se suivant d’un anneau à l’autre. La convexité de ces guirlandes est dirigée vers le bord interne de la préparation. Les deux extré- mités se relèvent en approchant des faisceaux fibreux transver- saux. La portion inférieure de la figure 1 donne une idée de ce qui se voit également chez la Marphyse; mais au lieu d’une seule masse fibreuse comme celle qu'on voit ici, on en observe plusieurs bien distinctes étagées les unes au-dessus des autres. Jai vu plusieurs fois les fibres longitudinales se terminer dans les faisceaux fibreux transversaux. J'ai vu aussi les muscles longitudinaux passer entre ces fais- ceaux et aller ainsi d’un anneau à l’autre. C'est surtout dans les couches plus voisines des téguments que j'ai constaté ce dernier fait. lei se trouvent des muscles qui s’at- tachent directement sur les côtés des replis interannulaires. Ces muscles se dirigent en s'entrecroisant à travers deux (?), trois ou quatre anneaux. Leur disposition rappelle ce que j'ai représenté dans la partie supérieure de la figure 4 b (4). (4) Des croquis recueillis pendant mon séjour à Bréhat en 1843, il résulterait que cette couche de muscles entrecroisés s’attachant aux téguments ne commencerüait qu'au delà des anneaux correspondant fà la trompe et occuperait la région dorsale, tandis que plus en avant et sur les côtes les muscles ne présenteraient rien de pareil, COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 317 Je passe à ce que m'a montré l’Arénicole. Les parois de la région caudale sont, chez cette espèce, bien plus minces que celles des parties antérieures de la Marphyse, et comme je l'ai déjà dit, les couches musculaires sont loin d’at- teindre ici autant de développement. Pourtant la disposition est en somme à peu près la même. Si l’on place sous le microscope, à un grossissement d'environ 60 diamètres, une lame mince de la paroi latérale et supérieure du corps, on voit très-nettement les faisceaux musculaires et leur disposition générale mais sans pouvoir suffisamment distin- guer les fibres (1). La couche tégumentaire (2) se montre régulièrement annelée, mais les espaces interannulaires ont peu de profondeur. A chacun d'eux n’en correspond pas moins un angle analogue à celui dont j'ai parlé plus haut et à celui- ci aboutit un espace allongé, transverse, où l'apparence fibreuse disparaît plus ou moins et qui paraît plus clair que les parties voisines (3). Deux de ces intervalles indiquent les limites d’un anneau. Les couches musculaires longitudinales présentent d'ordinaire les deux dispositions que j'ai déjà indiquées et que jai repro- duites ici, en copiant aussi exactement que possible deux des dernières préparations que j'ai étudiées. La portion la plus interne de ces couches forme dans chaque anneau un tout centinu, mais dont les fibres infléchies de ma- nière à présenter leur convexité vers l’intérieur se relèvent vers les espaces clairs dont je viens de parler (4). En se rapprochant des téguments, on voit des faisceaux mus- culares ondulés qui répondent à 3-4 anneaux. Dans la prépara- tion que j'ai copiée, l’un de ces faisceaux venait s'attacher à l’angle interannulaire et à une portion de l’anneau (5). Un autre presque confondu d’abord avec le premier dépasse le point d’at- (CORPANE re UE (2) Fig: 4,ee, (3) Fig. 4, d. (A) Fig, 4,'a. (3) Fig. 4, à. 318 A. DE QUATREFAGES. tache et suit en s'infléchissant les contours des couches tégu- mentaires (1). À travers ces deux muscles, on aperçoit, par transparence, la prolongation de la masse musculaire appar- tenant à un seul anneau. Quant à cette dernière, il ne peut me rester de doute sur son étendue et sur le mode de terminaison @e ses fibres. En em- ployant un grossissement de 200 diamètres, celles-ci deviennent très-distinctes, et l’on peut parfaitement les suivre. On les voit aboutir à ces espaces clairs et transversaux dont j'ai parlé plus haut. Là, on les voit se fondre, pour ainsi dire, dans une sorte de tronc, de substance hyaline (2), présentant non plus des fibres, mais de simples stries et quelques granulations très- fines (3). Bien des fois, à travers ce raphé, j'ai vu les fibres des muscles appartenant à plusieurs anneaux se continuer sans présenter rien de particulier (h). Voilà ce que J'ai observé en employant à mes études des tran- ches minces, prises sur des animaux encore vivants. Je crois que pour des recherches de ce genre il faut, autant que possible, agir ainsi. L'action des réactifs, l'immersion dans l'alcool, sont certainement utiles dans bien des cas. Mais l'étude des éléments inaltérés doit toujours, ce me semble, précéder celle de ces mêmes éléments plus ou moins transformés. Seule, dans l'im- mense majorité des cas, elle fournit une base sûre aux observa- tions ultérieures. Lorsque j'ai fait les recherches précédentes, je ne connaissais du travail de M. Claparède que l’/ntroduction, insérée bien à l'avance dans les Archives de Genève et publiée, en outre, en brochure. Je n’ai donc su que plus tard que l'auteur avait obtenu les résultats que j'ai rappelés plus haut sur des individus d'a- bord plongés dans l'alcool absolu. J'ai dû chercher à me placer dans des conditions analogues et répéter mes observations. J'ai (1) Fig, 4, c. (2) Fig, 2,aa. (3) Fig. 2, b, (h) Fig. 2, cc4 COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 319 done examiné une des Marphyses que j'avais rapportées de Bréhat, et dont la conservation était entière (1). J'ai reproduit ici (2) une lame mince des parois de la région supérieure latérale du corps, vue à un grossissement de 10-12 diamètres. On reconpaitra aisément les couches tégumentai- res (3) avec les dépressions interannulaires (4), les masses mus- culaires (5) divisées par des lignes obscures — au lieu d’être claires — correspondant aux dépressions interannulaires, et se continuant avec des lambeaux des cloisons (6), auxquels adhèrent des débris du tube digestif (7). Remarquons d’abord que toute trace de la disposition en guirlandes à disparu dans les muscles. Je ne l'ai rencontrée que très-exceptionuellement sur quelques points des arineaux tout à fait antérieurs. Ce fait s'explique aisément pour quiconque s’est quelque peu occupé des Annélides sur le bord de la mer, et en a fait mourir dans l'alcool. L'action de ce liquide amène une contraction extrême de l'animal. Les fibres longitudinales se sont évidemment tendues partout jusqu'a ne plus présenter que des lignes à peu près droites et seulement légèrement ondulées, comme on les voit dans la figure 4. | Je ne suis donc pas surpris que M. Claparède ne signale rien de semblable à ce que m'ont montré tant de fois et si nettement les coupes faites sur l'animal vivant. Bien que le grossissement de la figure 3 soit supérieur à celui qu'a employé M. Claparède pour tracer la sienne, il est beaucoup (1) Pour assurer la conservation des Annélides, l'expérience m'avait appris qu'il fallait employer de l'alcool pur et non de l'alcool étendu comme on le fait trop sou- vent. Je plongeais les animaux vivants dans une cuvette pleine de ce liquide. Une fois morts, je les dépliais, les étendais et les laissais macérer pendant deux ou trois jours, Alors seulement, je les plaçais dans les tubes destinés à les transporter et que je rem- plissais également d’alcoo!l pur, Les Annélides sont ainsi fortement contractées, mais elles se couservent parfaitement, (2) PL V, fig. 3. (3) Fig. 3,44, (4) Fig. 3,ee. (5) Fig. 3, b 6. (6) Fig. 3, cc. (7) Fig. 3, dd. 320 A. DE QUATREFAGES. trop faible pour fournir des indications sérieuses sur le sujet qui nous occupe. J'ai cherché à reproduire, aussi bien que je le pouvais, l'aspect de la préparation. Or, tout ce qu’on distingue c'est la structure fibreuse des masses musculaires et aussi, mais plus difficilement, les fibres plus fines des cloisons interannu- lres. La figure 4, dessinée à 60 diamètres à peu près, est plus instructive et permet de constater quelques-unes des particula- rités que le défaut de temps et de matériaux m'avaient empêcher de dessiner à Kérity (1). Elle est la reproduction aussi exacte que possible d’une des préparations que J'ai eues sous les yeux. Elle montre les couches tégumentaires présentant une des dé- pressions interannulaires et l'angle correspondant (2), les cou- ches museulaires les plus voisines des téguments (3); les fais- ceaux où plans fibreux qui partent des cloisons intérieures et se rendent aux téguments à travers les couches musculaires longi- tudinales qu'ils croisent à angle droit (4). Entre ces faisceaux transverses, on voit passer les fibres mus- culaires des muscles longitudinaux, sans que rien annonce qu’elles présentent rien de particulier (5). La différence d’aspect et de grosseur entre les fibres venant des cloisons et celles qui appartiennent aux museles longitudi- naux est facile à distinguer, même sur cette préparation em- pruntée à un animal conservé depuis des années et à un grossis- sement médiocre. On voit en f (6) un vaisseau qui suitle trajet du faisceau de la (4) Kérity-Penmarch, sur les côtes de Bretagne. C’est là que j'étais allé m'installer, séduit par l'aspect que présente la côte sur la carte de M. Beautemps-Beaupré. La carte est parfaitement exacte, comme toutes celles qu'a publiées l’illustre hydrographe ; mais des conditions locales rendent remarquablement pauvre en animaux marins cette plage qui semble disposée de manière à en assurer la multiplication. Les infil- trations d’eau douce sont évidemment la cause de cette dépopulation. (2) PLV, fig. 4, aa. (3) Fig. 4, b. (4) Fig. 4, ccc. (5) PLAN ed raid (6) Fig. 4. COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 921 cloison et va se ramifier dans le voisinage des téguments. Ce vaisseau présentait encore une Coloration sensible. RÉFLEXIONS. Je viens de résumer rapidement les résultats les plus précis de mes observations. F’ajouterai encore quelques mots. Les préparations dont j'ai parlé ont été tirées de la portion latérale et supérieure des animaux que j'étudiais. C’est donc là que devront aussi les prendre les naturalistes qui voudront bien vérifier mes observations. Mais j'en ai aussi examiné quelques- unes prises sur d’autres points, et sans pouvoir entrer ici dans des détails, faute d’études suffisantes, il en résulte, pour moi, que la distribution des couches musculaires, dans la même An- nélide, n'est pas la même dans toutes les régions du corps. Par exemple, elle est bien plus simple et plus uniforme à la région ventrale qu'à la région dorsale, chez la Marphyse; c’est là un fait que j'avais reconnu lors de mes premières recherches à Bréhat, et que ] ai constaté de nouveau à propos des études que je vieus de faire. Dans les observations que J'ai faites, Je n'ai rien aperçu qui ressemblât à la soudure dont parle M. Claparède. Je ne voudrais pourtant pas affirmer qu'il n'existe rien de pareil. Bans certains cas, Chez la Marphvse conservée dans l'alcool, et surtout à la face ventrale, j'ai vu, sur la ligne correspondant à ce que je continue à appeler un raphé, les fibres musculaires s’enchevètrer et être accompagnées de granulations obscures qu’on aurait pu attri- buer à la décomposition d'une matière préexistante. Là j'ai bien vu des faisceaux de fibres franchir la ligne et se continuer. Je regrettte de n'avoir pu rechercher sur des animaux vivants Ja signification de ces faits. Mais à l’époque où j'étais à Kérity, Je ne connaissais du livre de M. Claparède que son fntroduction, et mon attention n'était donc pas dirigée sur un des points les plus délicats qui nous séparent. De nouvelles recherches me sem- blent donc nécessaires pour décider. Quoi qu'il en soit, je regarde nos connaissances sur la dispo 5€ série. Zoo. T. XI. (Cahier n° 6.) 21 322 A. DE QUATREFAGFS. tion des muscles du corps des Annélides comme étant fort in- complètes. Mais je crois pouvoir affirmer que cette disposition est beaucoup plus compliquée que ne l’ont admis Blainville, Delle Chiaje, Rathke, Meckel, dont M. Claparède mvoque l'autorité et adopte la manière de voir. En dehors même de toute observation, il m'eût semblé bien étrange que les fibres musculaires et les faisceaux qu'elles for- ment se prolongeassent sans interruption d’un bout à l'autre du corps d’une Annélide. Aucun animal ne réalise d'une manière aussi complète le type des Annelés qu'un Eunicien, un Néréi- dien.. Tous les systèmes organiques présentent au plus haut degré, Chez eux, le cachet de la division par anneaux. Pour ad- mettre que seul le système musculaire présente une exception unique, il aurait fallu, ce me semble, des observations bien minutieuses et cent fois répétées. Le peu que j'ai vu justifie ce me semble cette appréciation théorique. Je ne crois pas que, même chez les Némertiens, où pourtant toute trace d'annulation semble disparaitre, les muscles longitu- dinaux présentent la continuité admise par les auteurs que je viens de citer. Du moins, ai-je cru trouver des indices d'un enchevètrement de muscles séparés et n’occupant qu'une partie du corps dans quelques-unes des espèces que J'ai si longtemps étudiées. Mais malgré le grand nombre de coupes réelles que j'ai faites en tout sens et dont j ai représenté seulement deux (1), je n'ai pu mettre ce fait hors de doute et me suis borné à lindi- quer comme probable dans mon Mémoire sur les Némertiens. On voit que pas plus dans cette Note que dans mon livre, je n’ai prétendu éeclaiveir complétement la question dont il s’agit. Si j'ai publié le peu que je sais à cet égard, c’est surtout dans le but de la replacer dans les termes qui me semblent le plus justes et pour indiquer la voie dans laquelle Je crois qu'on doit marcher pour en obtenir la solution. (1) Annales des sciences naturelles, 3° série, L. VI, pl, 8, fig, 5 et 6, COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 429 EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE V, Fig. 4, Coupe réelle des parois de la région caudale d'une Arénicole faite dans la portion latérale et supérieure à peu près parallèlement au plan vertical médian, et vue à un grossissement d’euviron 60 diamètres (animal vivant). a a, museles longitudinaux dont les fibres s'arrêtent aux raphés d dd; b, muscles lon- gitudinaux appartenant à plusieurs anneaux, et dont on voit l’origine à la surface interne des couches tégumentaires ee; ce, autre muscle dont on voit les fibres se replier en suivant les contours des couches tégumentaires ; ee, couche tégumentaire dont je n'ai pas cherché à reproduire la structure. Fig. 2. Un des raphés de la même région de l’Arénicole, vu à un grossissement de 260 diamètres environ (animal vivant). a a &, fibres musculaires venant se confondre avec la substance de l’espèce de cloison tronquée b;ce, fibres musculaires d’un muscle appartenant à plusieurs anneaux et que l’on aperçoit par transparence. Fig. 3. Coupe réelle des parois du corps d’une Marphyse sanguine faite vers le tiers antérieur de l’animal et dans la même direction que ci-dessus, vue à un grossisse- ment de 10-12 diamètres (animal conservé dans l'alcool depuis vingt-cinq ans). a a, ensemble des téguments; 4h, couches musculaires longitudinales: ce, lam- beaux des cloisons interannulaires de la cavité générale dont on entrevoit, par place, la structure fibreuse ; dd, débris des parois de l'intestin, adhérant encore à la paroi interannulaire ; ee, dépressions interannulaires des téguments reliées aux cloisons extérieures par uxe ligne plus foncée. Fig. 4. Préparation prise sur la même espèce et dans la même région, vue à ün grossissement d'environ 60 diamètres (animal conservé dans l'alcool depuis vingt- cinq ans). a a, couches tégumentaires avec une dépression interannulaire ; à b, muscles longitu- dinaux ; cc, faisceaux fibreux venant des cloisons; dd, muscles longitudinaux, passant entre les faisceaux précédents sans présenter rien de particulier; e, vaisseau sanguin qui accompagne l’un des faisceaux fibreux et va se ramifier dans les tégu- ments, NOTE SUR LES SYSTÈMES MUSCULAIRE, VASCULAIRE ET NERVEUX DE LA TROMPE CHEZ LA MARPHYSE SANGUINE. Dans le bel ouvrage que M. E. Ehlers consacre à l'étude z00- logique et anatomique des Annélides (À), ee savant a fait quel- ques rapides remarques sur les observations que j'ai publiées, il y a bien longtemps, touchant ie système nerveux de la Marphyse (4) Die Borstenwürmer, 2° partie, 1868. 3211 A. DE QUATREFAGES. sanguine, et me reproche un certain nombre d'erreurs. Je re- produs cette critique. M. Ehlers pense que je me sus trompé relativement au nom- bre et à la division des troncs nerveux portant des ganglions abdominaux ; il n’a jamais rencontré les ganglions que j'ai m- diqués comme existant à l’intérieur des pieds ; 1l pense que les connectifs du cerveau naissent non pas du bord, mais de Ja face inférieure de cet organe ; il ne croit pas à l'existence des nerfs partant du bord antérieur du cerveau et pense que j'ai regardé comme tels des vaisseaux ou des filets fibreux ; 21 n'a pu trouver le système nerveux proboseidien. M. Ehlers insiste surtout sur ce dernier point et ajoute : « À » l'endroit même où, selon Quatreïages, devrait se trouver la » division de ces nerfs, j'ai trouvé seulement deux vaisseaux » considérables, tout à fait pareils et formant un anneau. Ces » vaisseaux parcourent la masse buccale entière en partie entre » le canal œsophagien et la cavité qui renferme les dents; et » en conséquence, Je ne puis m'empêcher de penser qu'une » grande partie des filets décrits comme des nerfs ne sont, en » réalité, que des vaisseaux. L'existence d'un système nerveux » allant du cerveau au commencement du tube digestif ne me » semble done pas devoir être considérée comme démontrée. » S'il en existe un, on ne lui trouvera pas les formes décrites » par Quatrefages. » Tel est l’ensemble d'observations et de eritiques auquel Je tiens à répondre. Je dois dire d’abord qu'il en est de fondées. Le travail dont parle Eblers est le premier que j'aie publié sur le système ner- veux des Annélides (4). I présentait bien des erreurs et des la- cunes que j'ai relevées et comblées, j'espère, pour la plupart, dans un second travail beaucoup plus étendu. Celui-ei reposait, entre autre, sur un ensemble de préparations qui ont été appor- tées à Paris, et montrées à qui à voulu les voir (2). CA (4) Annates des sciences naturelles, 3° série, €, 11, 1844. (2) Mémoire sur de syslème nerveux des Annélides (Ann. des se. nat., 3° série, L XIV, 1850), J'ai pu entre autre remercier publiquement MM. Rayer et Valen- COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 325 Dans ce second travail, 11 n’est question de la Marphyse san- guine que pour quelques faits fondamentaux nécessaires pour donner à mes conclusions toute leur généralité. Je n'avais pu, en effet, jusque-là, faute de matériaux, reprendre sur cette espèce une étude détaillée dont j'étais le premier à sentir la nécessité. Une seule fois, à Saint-Waast, en 1849, j'avais eu à ma disposition un individu de petite taille. Je ne manquai pas de faire la vérification au moins des points essentiels. Je pus ainsi reconnaitre un certain nombre d’inexactitudes, et à mon retour à Paris, la même année, je m'empressai de communiquer à la Société philomathique, et de publier une note à ce sujet (1). Voici quelques passages de cette Note : « C'est à tort que J'ai regardé, chez l’Eunice (2), les connectifs » du cerveau comme ne donnant naissance à aucun tronc ner- » VEUX. » « J'ai peut-être donné trop d'importance aux nerfs buccaux » en les considérant comme un système spécial. Des anasto- » moses que J'ai regardées comme probables entre ce système et » le système de la trompe n’ont pu être retrouvées par moi. Je » CTOIS qu'ici, Comme dans la portion terminale du système » proboscidien, j'ai pris des ligaments pour des filets nerveux.» « J'ai eu tort de regarder comme deux troncs distincts, le » gros tronc nerveux partant des ganglions abdominaux. Ce » tronc est réellement simple. Je crois, en outre, qu’une des » petites paires indiquées dans ma Note (et figurée dans les » planches) n'est composée que de fibres d'attache ligamen- » teuses. » Evidemment, M. Ehlers ne connaissait pas cette Note quand il a publié son livre. El n'eût pas manqué de dire que j'avais tout le premier relevé une partie des erreurs qu’il signale dans mon travail et quelques-unes dont il ne dit rien. ciennes qui avaient bien voulu consacrer plusieurs heures à leur examen. (Ann. des se. nat., 3 série, t. XUIL. — Résumé de mes recherches, à l'Académie des sciences.) (1) L'Institut, n° 814, p. 251. (2) Avec la généralité des naturalistes, je ne distinguais pas à cette époque les Morphyses des Eunices. 326 A. DE QUATREFAGES. Nous restons néanmoins en désaccord avec M. Ehlers sur cer- tains points. Je me borne à rappeler ce qu'il dit au sujet des ganglions placés à la base et à l'intérieur des pieds. Ici, je pense qu’il a raison en ce qui concerne les rapports que j'avais attribués à ces renflements nerveux, et que j'étais dans le vrai en en signa- lant l'existence. Ces ganglions sont très-probablement ceux que J'ai trouvés chez toutes les Annélides, à l'extrémité des grands ironcs qui partent des ganglions abdominaux. Ils sont tou- jours placés près de la cavité des pieds. Il est probable qu'en cherchant à nettoyer outre mesure le nerf qui les porte, je l’au- rai en partie déchiré; et qu'après avoir déplacé le ganglion lui-même, je l'aurai cru enfoncé dans la cavité dont il est seu- lement voisin. Mais, comme on l’a vu, Ehlers insiste surtout sur l’ensemble du système nerveux proboscidien. Il pense que j'ai pris pour les troncs principaux de ce système de simples vaisseaux sanguins, et croit être certain qu'on ne trouvera rien qui ressemble à ce que J'ai décrit et figuré. J'ai, au contraire, la certitude d’être ici dans le vrai. Toutes mes études ultérieures ont confirmé sur ce point les résultats de mes premières recherches. Or 1l est facile de com- prendre le soin que j'ai dû porter à cette vérification. J'avais trouvé chez toutes les autres Annélides des origines et une disposition générale différentes. Mon attention était donc éveillée d'une manière toute spéciale. Le résultat même des études faites sur les autres types devait me mettre en garde contre l'erreur et me faire plus difficilement accepter ce qui existe bien réellement chez la Marphyse et les autres Euniciens et Lombrinériens. Au reste, j'ai compris depuis longtemps que le moment vien- drait où j'aurais besoin de preuves pour faire accepter l'existence de cette remarquable exception. Aussi nr'étais-je promis de me les procurer à la première occasion. Faute de temps et de ma- tériaux, je n'ai pu atteindre ce but comme je l'aurais désiré. Pourtant, les deux préparations que j'ai rapportées, l’année der- COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 927 nière, du bord de la mer et dont la figure ei-jointe est la repro- duction (4), suffisent pour bien montrer les dispositions fonda- mentales de l'appareil nerveux proboscidien dans la Marphyse sanguine. M. Lacaze-Duthiers à bien voulu les examiner de près et constater l'exactitude des faits que j'avais avancés. Je serai heureux de pouvoir mettre ces pièces de conviction sous les yeux de quelques autres de mes confrères. Je m'explique d’ailleurs fort bien lincrédulité d'Ehlers. Le système nerveux dont il s'agit est bien plus difficile à décou- vrir que celui des Néréides. Chez ces dernières, il suffit d’enle- ver avec précaution les masses musulaires de la trompe pour isoler les gros ganglions qui reposent sur la membrane même qui tapisse l'intérieur de la cavité proboseidienne. Une fois ceux- ci mis à jour, on suit, sans trop de peine, les filets qui les unis- sent. I n’y a d’ailleurs dans le voisinage aucun vaisseau prêtant à une méprise. Eafin, la structure relativement simple, le peu de densité de la plupart des tissus, facilitent encore les recher- ches (2). Chez les Marphyses, la masse charnue qui entre dans la composition de la trompe présente une structure des plus compliquées. Il y a là plusieurs couches de muscles superpo- sées, présentant des bandes fibreuses, souvent, paraïit-il, de véritables tendons et des aponévroses. C’est au milieu de ces tissus serrés, entrecroisés et qui présentent pour la plupart une grande résistance, qu’il faut découvrir et suivre les neris. La forme même des parties, les replis profonds, les anfrac- tuosités de la trompe, la transposition de l’œsophage à sa région antérieure et supérieure concourent à accroître les diffi- cultés. La richesse de l'appareil circulatoire vient les augmenter en- core. La trompe est parcourue par de nombreux vaisseaux qui l’abreuvent largement et donnent à ses üissus l'aspect d’une ()MPIPAVTE 20 (2) Ehlers a fort bien su reconnaître et suivre les principaux troncs de ce système nerveux sur des individus gui avaient été conservés dans l'alcool (Die Borstenwürmer ; Gœttingische gelehrte Anzeigen, 24 avril 4869). 928 A. DE QUATRElMAGES, véritable chair; les troncs vasculaires quand ils se vident peuvent prêter à des erreurs. Parmi eux, il en est dont le trajet répète presque exactement, au moins en partie, celui des troncs nerveux. Je comprends donc sans peme qu'Ehlers, en trouvant ces vaisseaux sur un point correspondant à celui où Je plaçais des nerfs, ait eru que je m'étais trompé. C'est au-dessous et à une certaine profondeur que les nerfs sont placés. Il m'a semblé que, pour lever les doutes qui pourraient encore exister sur ces divers points, il pouvait être bon de placer, à côté du croquis reproduisant mes préparations récentes, des figures plus détaillées, empruntées à cette monographie de la Marphyse que j'avais commencée à Brebat, et que J'ai cru long- temps pouvoir terminer un jour. L'étude de la trompe, surtout de la région supérieure, était une des parties les plus avancées de ce travail ; et il ne sera peut-être pas sans intérêt de voir jus- qu'où est portée ici la complication organique. On verra d'ail- leurs par là que je ne pouvais avoir commis la confusion que me prête Ehlers, et que j'avais bien reconnu non-seulemeni les vaisseaux dont il parle, mais encore d’autres. Ces dessins et les quelques explications que je vais ajouter pourront, en outre, être utiles aux naturalistes tentés de reprendre le travail que je suis forcé d'abandonner (4). I. Forme et disposition générales de la trompe et de ses annexes. — La trompe de la Marphyse sanguine considérée dans son ensemble forme une masse irrégulièrement oblongue, étendue de la partie antérieure de l'anneau buccal jusqu'à la hauteur du sixième et du septième anneau. La longueur, le diamètre, va- rient d’ailleurs dans des limites assez étendues, selon l’état de contraction, soit des muscles propres de la trompe, soit de ceux (4) Je dois faire une remarque au sujet de ces figures. Pour faciliter la représen- tation des parties, sans grandir mes dessins outre mesure, j'avais donné aux anneaux une longueur supérieure à celle qui existe en réalité. Il en résulte que les objets sont trop allongés. Mon intention était de faire disparaitre ce défaut dans les dessins déli- nilifs que je complais exécuter en reprenant celte étude dans tous ses details. IL à, du reste, peu d'importance, une fois qu'on est prévenu du fait. COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 929 qui sont destinés à la ramener dans son ensemble en avant ou en arrière (1). Les coupes qu'Ehlers à données de la trompe de l'Eunice de Harasse (2) peuvent donner une idée de ce qu'est la cavité de la trompe dans la Marphyse sanguine. Seulement, cette cavité est plus accidentée encore que dans l'espèce étudiée par le savant allemand. On peut se la représenter comme formée de deux chambres allongées que sépare un repli profond (3). La chambre inférieure présente dans la partie médiane le labre, sur les côtés duquel s'élèvent deux forts bourrelets brusquement interrompus en arrière. La chambre supérieure renferme les dents et les den- ticules (4), dont le plus grand est fixé à un fort bourrelet qui circonserit en avant une anfractuosité latérale et profonde. À la voûte de cette chambre se trouve l'ouverture de l'œæso- phage placée très-peu en arrière de la bouche ; elle consiste en une fente étroite, entourée de deux forts bourrelets allongés, et comme dentelée des deux côtés par de petits mamelons (5). Le canal œsophagien traverse done ici la trompe à sa partie antérieure et supérieure, au lieu d’être, comme chez les autres Annélides, un simple prolongement de cet organe. Après en avoir franchi les parois, il reste adhérent à la face supérieure de la trompe, et ce n’est qu'après avoir dépassé l'origine des grands muscles rétracteurs dont je parlerai plus lom, qu'il se porte obiiquement de haut en bas pour aller traverser la pre- mière cloison interannulaire placée entre le septième et le hui- tième anneau (6). Il se continue en arrière jusqu'au vingt et unième anneau. Là il pénètre dans la première poche intestinale, et fait saillie à l'intérieur, comme une sorte de manchon à bords frangés. CORBIVIRE VIE EM 2,3" (2) "Loc. cit., pl XIE tfig. 47, 48; 19'et 20: (3) Fig. 3. (4) Fig. 3. (5) Fig. 12. Dans ce dessin j'ai fortement écarté les parties pour faire voir l'entrée de l’œsophage et ses bourrelets. A l’état de repos les dents sont très-rapprochées. (6) Fig:4,,2;3;16: 330 A. DE QUATREFAGES. Il suffit de jeter un coup d'œil sur les figures qui accompa- gnent ce travail pour comprendre que la contraction ou le re- lâchement des muscles propres de la trompe suffisent pour pro- duire des mouvements énergiques, étendus, et très-capables de modifier considérablement les proportions, soit de son ensemble, soit de ses diverses régions, C’est à peu près exclusivement à eux, par exemple, que sont dues l'extroversion incomplète de la cavité proboscidienne et la projection des dents qui peut être portée assez loin pour que les dents supérieures prennent une position presque complétement transverse. Il est vrai que cette extroversion doit être facilitée par la contraction des museles puissants qui s'attachent en dessus derriere la tête proprement dite, et se portent obliquement en arrière et en dehors. Leur présence et leur action expliquent comment, lorsque l'animal veut mordre, la tête est fortement renversée en dessus (4). Les mouvements d’arrière en avant de la masse probosci- dienne ne peuvent être aidés que très-faiblement chez la Mar- physe par la poussée du liquide de la cavité générale. La dispo- sition des parties ne se prête pas à une action de cette nature comme chez les Nephtys et les Glycères, où le déroulement de la trompe tient à peu près exclusivement à cette cause. Les mou- vemenis dont 1l s’agit sont évidemment dus surtout à l’action des muscles mêmes de la masse proboseidienne, et à celle des ban- delettes musculaires qui, partant des deux côtés, un peu au- dessus de l’œsophage, vont s’insérer aux plans ligamenteux épais et résistants placés entre la tête proprement dite et l’an- neau bateal (2) ; mais il est facile de voir que ces muscles sont trop peu développés pour produire des mouvements bien éner- giques. U est remarquable que d'aussi faibles bandelettes musculaires aient des antagonisies remarquables, au contraire, par leur développement. Tels sont avant tout les énormes muscles rétrac- (4) Fig. 4 et 2. Un autre muscle présentant la même direction, mais s'insérant plus en arrière et moins sur les côtés se trouve dans la couche que je ne reproduis pas ici comme étant peu ulile, (2) Fig. 4 et 2 b. COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 391 teurs placés en arrière (1). I n’est pas moins remarquable de trouver les analogues de ces muscles à peu près chez toutes les Annélides, quelques différences qu’elles présentent sous le rap- port des dispositions générales de la trompe et de son mode de fonctionnement. Ils existent, en effet, chez les Aphroditiens, aussi bien que chez tous les Euniciens, les Néréidiens, ete., et les espèces qui se rattachent à ces types. Ils m'ont semblé ne dispa- raître que chez les Annélides qui ne possèdent pas de trompe proprement dite. Chez la Marphyse dont nous parlons, ces muscles rétracteurs prennent naissance en arrière et sur les côtés de la trompe à la hauteur du quatrième anneau, en laissant entre eux une sorte de gouttière qu'occupe l'œsophage. Ils se dirigent obliquement en arrière, et vont s'insérer sur les côtés dans toute l'étendue des cmquième et sixième anneaux. Ils forment d’abord une forte colsnne charnue unique, laquelle s'épanouit en un grand nombre de chefs (2). Ces deux portions semblent être composées, au moins dans leur plus grande étendue, de deux systèmes de muscles distincts accolés, et réunis par un plan fibreux à peu près parallèle aux parois de la trompe. Leur ensemble constitue des muscles réfracteurs postérieurs. On peut encore considérer comme muscles rétracteurs antérieurs deux grands plans muscu- laires, qui, des parois latérales de l'anneau buccal, se portent en avant et en dedans, et vont s attacher à la fois sur la ligne médiane de la portion la plus antérieure de la trompe, et au fort repli ligamenteux qui sépare la tête de l'anneau buecal (3). L'action de ce muscle est donc d’entrainer en arrière à la fois la tête et la partie la plus antérieure de la trompe, en même temps qu'ils fixent celle-ci en avant. En outre de ces muscles d'attache antérieurs et postérieurs, la trompe est fixée aux parois latérales du corps par une couche musculaire, et peut-être en partie fibreuse appartenant exclu- sivement à la face supérieure. Cette couche présente un peu M (DÉRISRMMiS 399. (2) Fig. 2. (3) Fig. 2 c. 382 A. DE QUA#%REFAGES. l'aspect d’une aponévrose étendue de la trompe aux parois du corps. Elle est composée de bandelettes adhérentes, en partie au moins aux deux bords d’un repli sous-jacent, et qui se por- tent ensuite vers les parois du corps en formant des chefs dis- tincts et assez réguliers. Ces chefs correspondent, les uns, à la partie renflée des anneaux, les autres aux constrictions inter— annulaires (4). À part ces trois systèmes de muscles et ses attaches autour de l'ouverture buccale, la Trompe est libre dans toute son étendue ; ou u a d’autres attaches en arrière et en dessous que des brides très-ténues et de nombreux vaisseaux sanguins. Il n’y a pas de cloisons interannulaires dans la région du corps qui lui corres- pond. De plus, les trois premières que traverse l'æsophage n'atteignent pas les parois latérales du corps et se fixent sur les côtes à une forte aponévrose (2) partant du 10° an- neau. IT. Muscles propres de la trompe. — Cette partie de la mo- nographie que J'avais entreprise est de beaucoup la plus com- plète. J'avais débuté par là ; je ne comptais pas avec le temps ; javais les malériaux en abondance, et je n'ai jamais pris le crayon que lorsque j'avais sous les yeux une préparation bien nette. Aussi je crois pouvoir regarder comme exacts — sous la réserve faite plus haut — les dessins ci-joints qui représentent la musculature générale de la Trompe. Alors même qu'ils pré- senteraient quelques inexactitudes de détail, ils n’en témoigne- raient pas moins de la complication organique remarquable que présente la Frompe chez les Marphyses et sans doute chez tous les Euniciens. Cette complication se retrouve dans les parties plus profondes pour lesquelles j'ai aussi un assez grand nombre de dessins où mieux de croquis que je ne reproduis pasici, À mesure que l'on dépasse dans ces dissections délicates les couches superticrelles de l'organe et que l’on pénètre dans les replis, l'étude devient (1) Fig. Acc. (2) Fig. 6. COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 399 plus difficile. Les museles propres des dents ne sont rien moins qu'aisés à démêler et à suivre, En quittant Brehat, je sentais le besoin de revoir cette partie de mon travail. Je n’en parlerai donc pas aujourd’hut. Je serai en outre très-bref relativement à ceux de ces dessins que je crois pouvoir mettre sous les yeux de mes confrères et ne chercherai pas à expliquer longuement la disposition anatomi- que et la fonction de chacun de ces muscles. I me semble qu'un coup d'œil jeté sur les figures en apprendra plus que tout ce que Je pourrais dire. Si l’on enlève à la partie supérieure des premiers anneaux d'une Marphyse les téguments et la couche musculaire sous- jacente qui est 1e1 assez mince, on trouve la Trompe et la couche musculaire et fibreuse (?) dont j'ai déjà parlé (1). Sous celle-ci on rencontre une autre couche à laquelle la précédente adhère par places, comme je l'ai dit, et qui revêt toute la Trompe (2). Cette couche est fibreuse, d'apparence plutôt tendineuse que musculaire. Au-dessous de cette enveloppe générale commencent les véri- tables couches musculaires. À la face supérieure on remarque d'abord, tout à fait en avant, un large muscle qui naît d’une forte membrane fibreuse fortement adhérente aux téguments qu’elle semble continuer et qui s'enfonce entre la tête proprement dite et l'anneau œæsophagien (3). Ce muscle contourne la trompe, vient s'épanouir à ja face inférieure et s'attache sur les côtés du labre (4). Il ramène donc cette pièce solide en haut et en avant en même temps qu'il concourt à redresser et à rejeter en arrière la tète proprement dite dans l'acte de protraction des droits. — Un muscle plus étroit et fort mince, peut-être un simple chef du précédent, suit à peu près la même direction. — Enfin, deux muscles ayant Ie même point d'attache sur la ligne médiane se portent obliquement en arrière à droite et à gauche, de manière (A) Fig 4, (2) Fig. 2 ff. (3) Fig. 7 d. (4) Fig. 7e. 3311 A. DE QUATREFAGES. à répondre à peu près à l’ouverture œsophagienne qu'ils con- tournent probablement (1). En arrière des muscles précédents à la face supérieure et sur les côtés de l'æsophage, on distingue la première couche de ceux qui composent essentiellement la masse proboseidienne propre- ment dite. Dans les deux tiers antérieurs (2), cette couche est formée par les chefs d'attache nombreux (3) que fourmit un large muscle venant de la face inférieure (4). Dans le tiers pos- térieur, on distingue en partie une masse charnue trés-épaisse composée de faisceaux robustes et nombreux. On peut la considérer comme formée de deux parties, l’une s'étendant en arrière du point où sontimplantées les dents, l’autre placée sur les côtés de ces organes. La première forme à elle seule toute la portion terminale de la trompe (5). Les muscles qui entrent dans sa composition ont une disposition semi-annu- laire. Ils s'implantent dans une forte aponévrose faisant suite au petit stylet corné, prolongé en arrière des grandes dents supé- rieures. En se joignant sur la ligne médiane, ces museles for- ment en dessus et en dessous un fort raphé plus prononcé à la face supérieure qu'à la face inférieure. La portion antérieure de la masse dont il s’agit s'attache à une aponévrose épaisse el tres-résistante qui part du point d'attache des dents supé- rieures et suit le contour externe de celles-ci (6). Les muscles qui la composent se portent à la face inférieure et vont se fixer à une autre aponévrose partant de la base externe du labre (7). Un fort plan musculaire à fibres transverses les continue pour ainsi dire sur la portion médiane de la même face (8). La, portion antérieure de la masse dont je viens de parler re- (1) Fig, 2ee. (2) Fig. 2, (3) Fig. 2 gg. (4) Fig. 7 d, (5) Fig. 2h et fig. 6 LA. (6) Fig. 6 et 9; (7) Fig. 6. (8) Fig: 6. COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 395 monte jusqu’à la hauteur des attaches de l’œsophage (4). Une partie reste cachée par un muscle large et mince dont je n’ai pas reproduit Porigine antérieure, mais qui passe sous l’æsophage pour venir se fixer à un point correspondant à la base des dents supérieures (2). Du même point partent de chaque côté deux museles quise portent en haut et en avant pour se fixer à l’œso- phage (3). Après avoir enlevé les partiesque je viens d'indiquer, on trouve — toujours à la face supérieure — en avant de l'œsophage un muscle circulaire (4). Ce muscle est croisé par les deux petits muscles protracteurs de la trompe (5) dont j'ai déjà parlé et qui sont très-importants à signaler. En effet, si Ehlers à pu pen- ser que j'avais pris pour des nerfs les vaisseaux représentés dans les figures 4 et 2, on pourrait aussi croire que J'ai pris pour les racines du système nerveux proboscidien deux de ces faisceaux musculaires, La paire interne est en effet placée à peu près dans la direction de ces racines et présente une disposition assez sem- blable. Mais c'est bien plus profondément qu'il faut aller cher- cher les origines du système nerveux stomato-gastrique de la Marphyse. À la même couche appartiennent les fibres qui irradient en avant autour de l'origine de l'æsophage (6), ainsi que deux petits systèmes de muscles que ce canal cache lorsqu'il est en place. Tous deux sont des museles moteurs des denis supérieures : l'un les porte en avant (7), l'autre les rayproche lune de l’autre (8). Au côté externe de la dent, la membrane interne de la trompe forme un repli peu prononcé dans lequel est logé en partie un gros muscle longitudinal qui s'attache à la base des dents et se porte en avant et en bas. je n'ai pas déterminé son attache = + Ge OS . 6 d. io. 6 bb, * 01 6 c. .6ee. .6g. 2 " bei © CE) PES CES RS CES CSS ne) EIRE SERRE SET D = = OOMNIMEO O1 [28] ds 02 de dg de 03 de 5 39 A. DE QUATREFAGES. antérieure. Je vois dans mes notes qu’il porte le paquet des dents en avant et un peu en bas. Je ne puis, Je le répète, donner des détails aussi précis sur les muscles de la face mférieure de la trompe non plus que sur ceux qui appartiennent en propre aux dents. Je me borne à dire que chacune a les siens plus ou moins développés, mais toujours re- marquablement faibles relativement aux masses musculaires dont j'ai donné une idée sommaire. Il me paraît évident que l’acüon des muscles dentaires ne suffit pas à beaucoup près pour rendre compte de la pression qu'exercent les grandes pinces de la Mar- physe. Cette pression est assez forte pour causer parfois une légère douleur. On doit l’attribuer pour la plus grande part à la contraction des couches musculaires générales signalées dans les figures 2, 5, 6 et 7. La structure de lœsophage est aussi assez compliquée. Au sortir de la trompe, il est un peu comprimé et dilaté, de ma- nière à former une légère saillie au-dessus des parties voi- sines. Plus lom il se rétrécit et devient cylindrique. Ses faces supérieure et inférieure sont d’abord seulement membraneu- ses. Elles acquierent ensuite une couche musculaire à fibres longitudinales (1). Presque à son origine, la membrane qui le tapisse intérieurement présente de chaque côté un large repli représenté extérieurement par une goutüère longitudinale dans laquelle pénètrent des vaisseaux et des nerfs (2). Les deux bords de cette gouttière sont réunis dans la portion proboscidienne par une couche musculaire, assez lâche et à fibres transverses (3). Au delà, cet appareil musculaire se complique et devient plus puissant. Il se compose alors de faisceaux musculaires assez forts et entrecroisés qui réunissent les deux bandes musculaires lon- gitudinales supérieure et inférieure (4). Il est facile de comprendre comment l’action combinée de ces muscles peut faire chemimer un bol alimentaire tout le long du conduit œsophagien. (A) Fig. 6. (2) Fig, 6 4 (3) Fig. 6 4 (4) Fig. 6m. COUCHES MUSCULAIRES CHLZ LES ANNÉLIDES. 99 En résumé, la trompe de la Marphyse, comme celle des autres Annélides, ne présente d'autres pièces solides que la por- tion postérieure des dents implantées dans les tissus et la petite pièce cornée sur laquelle semblent s'appuyer les dents supé- rieures et que J'ai figurée dans l'atlas de mon Histoire des Annélides(A). Elle n’en présente pas moins une complication or- ganique remarquable. Des muscles généraux bien distincts, très- nombreux, la composent presque entièrement. Ceux-ci se fixent à des couches fibreuses très-résistantes, parfois relativement épaisses et qu'on peut considérer comme de véritables aponé- vroses. Les muscles propres des dents n’entrent que pour une faible partie dans la masse totale. Il semble qu'ils aient surtout pour fonction de placer les organes solides dans une position convenable à l'attaque, à la défense, à la préhension, mais que l'énergie de l’action à exercer dépende essentiellement des muscles généraux. Je dois ajouter ici une remarque essentielle, en ce qu’elle tend à rendre compte d’une disposition organique générale chez les Annélides dont la trompe présente quelque développement. J'ai dit plus haut que chez la Marphyse, le liquide de la cavité générale ne devait mtervenir que pour une faible part dans les mouvements généraux de la trompe, contrairement à ce qui se voit chez diverses espèces appartenant à des types différents. Je ne crois pourtant pas qu'il n'ait aucun rôle à jouer. L'espace dans lequel est logé la trompe forme comme une grande cham.- bre bien distincte. Ce liquide peut s’y mouvoir en toute liberté. Lorsque les parois du corpsse contractent, la poussée qu'il exerce ne peut que tendre à porter en avant et à ouvrir largement les lèvres qui, à leur tour, entraînent la masse proboscidienne. Le liquide de la cavité générale vient donc en aide aux faibles museles protracteurs que j'ai signalés. Mais cette action s'exerce inévitablement d’une maniere géné rale et par le fait seul des mouvements de l'animal lorsqu'ils sont un peu énergiques, alors même qu'il n'a aucune raison pour se (4) PL 40, fig. 5. 5e série. Zoo1., T. XI. (Cahier n° 6.) ? 29 338 A. DE QUAÏïREFAGES. servir de la puissante armature de sa bouche. Il en est iné- vitablement de même chez toutes les Annélides et surtout chez les Errantes. Cette simple considération suffit pour rendre compte de l'existence de ces puissants muscles rétracteurs que nous trouvons ailleurs comme ieï. Ils n'ont pas seulement pour fonction de ramener la trompe en arrière quand elle à été plus ou moins extroversée ; ils doivent surtout et à chaque instant contre-balancer l'impulsion que les mouvements du corps ten- dent à donner à cet organe par l'intermédiaire du liquide de la cavité générale. IX. Appareil circulatoire de la trompe. —Dans son beau mémoire connu certainement de tous nos lecteurs (1), M. Milne Edwards a fait connaître dans tout ce qu'il a de général l'appareil vas- culaire de la Marphyse sanguine. Je n'ai donc rien à dire sur ce sujet, et me borne à décrire, avec un détail qui n’entrait pas dans le plan de mon éminent confrère, la portion de cet appareil appartenant à la trompe seule. Chez la Marphyse sanguine le grand vaisseau abdominal (aorte), suivi d’arrière en avant, arrive jusque dans le 6"° anneau avec l'appareil de troncs latéraux et de cours si bien dé- crit et figuré par M. Milne Edwards. Mais dans le 7°°, c’est à-dire dans celui où finit la trompe, ces dispositions se modi- fient brusquement. On peut dire qu'il s'y termine. {l fournit alors de chaque côté les divisions suivantes (2) : 4° Un grand tronc tres-sinueux, dont les dimensions sont plutôt amoindries qu'exagérées dans la figure. Ce tronc est fixé tres-lâchement en bas et sur les côtés de ce qu'on peut appeler la chambre proboscidienne. C'est lui qui fournit aux couches mus- culaires du corps les artères qui plus en arrière partent directe- ment du vaisseau abdominal. Il donne aussi des artérioles extrè- mement grèles à la chaîne nerveuse ganglionnaire abdominale. Il remonte en serpentant jusqu'à la hauteur du premier an- (1) Recherches pour servir à l'histoire de la circulation chez les Annélides. (2) Fig. 8, 9, COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 999 neau. Là 1l passe sous la trompe à laquelle il fournit un fort rameau qui se recourbe en arrière. Un autre rameau plus consi- dérable contourne la trompe et pénètre dans le muscle rétrac- teur antérieur correspondant (1). Je ne trouve rien dans mes notes sur sa terminaison. 2° Un peu en avant des vaisseaux précédents, l'aorte porte dans le 7° anneau une paire de cœurs beaucoup plus volumi- neux que tous les autres et en forme de crosse parfois trés-lar- gement dilatée à son extrémité (2). Ces premiers cœurs se dis- tinguent surtout des suivants en ce qu’ils ne se continuent pas en un vaisseau latéral et allant aux pieds. Leur contraction ne peut donc chasser le liquide qu'ils renferment que dans le vais- seau abdominal et ses divisions. 3° Immédiatement après avoir donné naissance aux cæcums dilatés qui forment les cœurs, l'aorte se bifurque (3). Les deux ironcs ainsi formés donnent naissance aux vaisseaux suivants, que j énumère en procédant du dedans en dehors. A. Un fort rameau accolé à la grande masse musculaire pos- térieure de la trompe. À la hauteur du point correspondant à la terminaison des grandes dents supérieures, ce rameau et son correspondant débouchent dans un véritable cœur probosci- dien). Celui-ci, d'une forme presque quadrilatère, presque deux fois plus large que long, est placé transversalement. Ses angles postérieurs reçoivent les deux vaisseaux dont je viens de parler. En avant, sur la ligne médiane, il fournit un rameau assez fort qui se porte directement entre l’œsophage et la trompe en donnant des ramuscules aux muscles profonds de celle-ci. Des angles antérieurs du même cœur partent deux autres vais- seaux qui remontent le long des attaches de la grande masse musculaire et lui donnent de nombreux ramuscules. Je vois par mes notes que les quatre divisions principales se portent dans (1) Je trouve dans une de mes notes que les deux vaisseaux correspondants se joignent presque sous la trompe et forment une anse d’où partent les branches aliant à la trompe et à son muscle rétracteur antérieur, (2) Fig. 6. (3) Fig. 8, 9. 940 A. DE QUATREFAGES. les directions suivantes : à sur les côtés et en avant; d'en avant ; ef sur les côtés et uniquement à la masse musculaire. B. Après avoir donné naissance à ce petit système vasculaire profond , chaque tronc aortique fournit une première grande branche qui passe sous l’æsophage et l'accompagne en se por- lant en avant jusqu'au point où ce canal pénètre dans les parois de la trompe. Là, chacune des branches sort sur les côtés de l’æsophage et continue à se porter en avant jusqu'à la hau- teur des muscles rétracteurs antérieurs de la trompe (1). Là, elle traverse les couches musculaires supérieures et vient débou- cher dans une dilatation du grand vaisseau dorsal (veine cave), qui n'a paru souvent assez marquée pour mériter aussi le nom de cœur (2). Ces vaisseaux dont je viens de parler sont probablement ceux qu'Eblers a vus et qu'il pense avoir causé la méprise qu'il nrat- tribue. Ils suivent en effet presque exactement le même trajet que les grands troncs supérieurs du système nerveux probosci- dien. Mais ces derniers sont situés plus profondément, comme nous le verrons plus loin. C. Les troncsaortiques, après avoir fourmi ces branches sous- œsophagiennes, s'élèvent entre l'œsophage et le point d'insertion des grands muscles rétracteurs postérieurs (3). Chacun d'eux {fournit encore un rameau à l'œsophage, puis ils pénètrent à tra- vers les couches superficielles de la trompe et le plan d’attaches musculo-fibreuses et viennent ramper à la surface de celui-e1, en suivant à peu près la mème direction que les précédents (4). Sur leur trajet, ils donnent au moins deux rameaux aux parois mus- culaires supérieures du corps (5), et un autre qui s'enfonce dans la gouttière latérale de l’'æsophage (6). Enfin, 1ls aboutissent à la dilatation du grand vaisseau dorsal dont j'ai parlé plus haut et (1) Fig. 8,9. (2) Fig. 8. (3) Fig. 8 et 14. (4) Fig. 8. (5) Fig. 7. (6) Fig. 7, COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 111 s’insèrent un peu en arrière des précédents (1). Mes notes sur la portion de l'appareil vasculaire qui arrose les régions inférieures et profondes sont trop insuffisantes pour que j'en parle ici. IV. Système nerveux. — J'arrive maintenant au système ner- veux et aux observations d'Ehlers qui ont déterminé la publi- cation de ces notes. Le savant allemand a eu raison de penser que le connectif œso- phagien ne se continue pas avec les côtés du cerveau comme je lai représenté. Il aurait pu ajouter que la division en lobe antérieur et en lobe postérieur de chaque moitié latérale de cerveau n’est pas aussi prononcée que je l'ai figuré, si même elle existe. Ehlers pense que j'ai pris, soit des vaisseaux, soit des fibres tendineuses pour des nerfs partant de la partie antérieure du cerveau. — Ici, de nouvelles recherches seraient nécessaires pour décider lequel de nous deux araison. En 1849 j'ai retrouvé les filets que j’ai indiqués. Ce ne sont bien certainement pas des vaisseaux, car j'ai tenu grand compte des moindres ramifica- tions vasculaires de la tête. Seraient-ce des brides ligamenteuses partant de la membrane qui enveloppe le cerveau et joue le rôle d'une dure-mère? Il peut se faire qu’il en soit ainsi. Mais alors cette dure-mère présenterait chez la Marphyse une disposition que je n’ai retrouvée dans aucune autre espèce, bien que l’en- veloppe fibreuse existe dans toutes les Annélides. Je me suis déjà expliqué au sujet du système latéral que j'avais cru provenir directement du cerveau. Je crois bien au- jourd'hui m'être trompé sur ee point lors de mes premières re- cherches, et avoir pris en effet quelques fibres d'attache pour les racines des nerfs des lèvres. Mais, comme je l’ai dit plus haut, il en est autrement du sys- ième nerveux proboscidien. Ici j'avais bien vu, et je n’ai à peu près rien à changer à ce que j'avais dit d'abord, sauf à tenir (1) Fig. 9 et 43. 3112 A. DE QUATAEFAGES. compte des remarques que j'avais fait le premier dans la note insérée dans l'Institut. Les détails suivants portent exclusivement sur les points dont je puis démontrer l'exactitude à l’aide des préparations dont j'ai déjà parlé. Chez la Marphyse, le système nerveux proboscidien ou stoma- togastrique nait bien à la face inférieure du cerveau. Ses racines sont au nombre de deux (1). Elles ont leur origine de chaque côté, et vers le milieu ou tout au moins au tiers postérieur de la surface du lobe qui les fournit. Pour les découvrir, 1l faut enlever non-seulement les tégu- ments et les couches musculaires du corps, mais encore les cou- ches musculaires appartenant à la trompe et indiquées dans les figures 5, 6, 7 et 8. C'est au-dessous des petits muscles rétrac- teurs qu'on les trouve. Encore faut-il relever fortement le cerveau pour en apercevoir les origines. La présence du repli fibreux qui sépare la tête de l'anneau buceal, le nombre et la densité des muscles et des attaches fibreuses qui s'implantent sur ce repli, la présence des vaisseaux qui se portent à la tête, rendent la recher- che de ces racines assez difficile, même pour celui qui en con- paît l'existence et sait le mieux où elles sont. Les deux racines, d’abord assez distantes, convergent vers la ligne médiane, passent sous le repli dont je viens de parler, et se joignent un peu après leur entrée dans l'anneau buccal (2). Là, elles forment un ganglion ou mieux une sorte de forte ban- delette qui s'étend jusqu’à l'origine antérieure de l'æsophage (3). En s'arrêtant à cette hauteur, cette espèce de ganglion allongé fournit un nerf assez volumineux qui se dirige transversalement et que j'ai suivi jusque sur les côtés de la trompe sans qu'il eût sensiblement diminué de volume (4). I me parait évident que ce filet se rend à la région inférieure et que sur ce point mes an- ciennes observations sont exactes. (1) Fig. 6, 7. (2) Fig. 5 (3) Fig. 9. (4) Fig. 5 COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 3113 Après avoir fourni ces filets latéraux, la bandelette nerveuse se partage en deux troncs quise portent obliquement de haut en bas et de dedans en dehors. Is se recourbent ensuite autour de l'œæsophage de manière à former à la base même de son origine sur la trompe un véritable anneau (1). Vers le milieu de ce trajet chaque tronc fournit un filet qui longe l’œso- phage sur le côté (2). Après s'être rejoints sous l’œsophage, les troncs précédents forment de nouveau une bandelette semblable à celle que j'ai déjà décrite, mais un peu moins forte et un peu plus longue (à). Celle-ci se porte en arrière sur la ligne médiane. Elle se bifur- que encore et forme un second anneau (4) dont les branches sont en partie engagées dans la base de la forte aponévrose qui s'implante sur les racines des dents supérieures que l’on en- trevoit ici par transparence à travers une couche fibreuse (5). Voilà tout ce que montrent les préparations que je possède chez moi en ce moment. Mais est-il vraisemblable que le système nerveux proboscidien de la Marphyse ne se compose que des parties que je viens de décrire ? Ii me semble évident qu'il ne saurait en être ainsi. Ea région inférieure de la trompe doit aussi avoir ses nerfs destinés à animer les muscles à peu près aussi puissants chez elle que dans la région supérieure. J'en ai représenté un certain nombre dans le travail cité par Ehlers. Me suis-je trompé à leur égard? J'ai déjà dit (nstitut, loc. eit.) queje pensais m'être mépris sur la nature d’un filet placé dans la portion terminale postérieure de la Frompe. Cela même peut faire concevoir des doutes sur quel- ques-uns de ceux que j'ai cru être en connexion ou en conti- nuité avec lui. Je ne pense pas d’ailleurs avoir vu tous les nerfs de cette région inférieure. Je n’hésite pas à en dire autant, même de la région supérieure. TR = — LE) en 15. 15. . 15. Fa 1415 10) 45. CS KR à + PE oo dg CD 7 PS LC Oo Er EP sr pol = de do do ZT ol 4. DE QUATREFAGES. Dans mes recherches de 1849, j'avais vu très-nettement et mon- tré à M. Blanchard, avec qui j'avais à ce moment le plaisir de travailler à Saint-Vaast, un filet qui, partant de la bifurcation postérieure de la seconde bandelette (1), se porte au cœur pro- boscidien placé au-dessus et quelque peu en arrière (2). Nul doute que des recherches attentives ne fassent découvrir de nou- veaux et curieux détails dans ce système nerveux intéressant à bien des titres. Mais c’est un travail qu'il me faut désormais laisser à des mains plus jeunes et à des yeux moins fatigués que les miens. En faisant les préparations que je reproduisici, j'ai voulu seu - jement pouvoir montrer en cas de besoin que, malgré ce que présentaient d’exceptionnel les résultats de mes anciennes études sur la Marphyse, ils n'en étaient pas moins exacts pour tout ce qui touche aux origines et à la disposition fondamentale du sys- tème nerveux proboseidien. J'espère que mes confrères et Ehlers lui-même ne conserveront plus de doutes sur ce point. Si l’on veut bien se rappeler que les Lysidices m'ont montré dans le même appareil des particularités entièrement analo- gues (3) ; si l’on ajoute à ces faits déjà bien significatifs ceux que présentent la disposition de la trompe elle-même, son arma- ture, ete. (4), on sera, j'espère, conduit à se rapprocher des vues que J'ai résumées dans mon livre au sujet des Euniciens et des Lombrinériens. L'ensemble de ces deux familles, parfaitement distinctes sous ces divers rapports de toutes les autres Annélides , me semble devoir former un petit groupe à part ayant autant de valeur que celui qui réunit les Aphroditiens et lesPalmyriens (5). in outre, les caractères exceptionnels que présentent ici en même temps le système nerveux stomatogastrique et l'appareil proboscidien, me semble confirmer encore ce que j'ai dit de (1) Fig. 45. (2) Fig. 15. (3) Fig. 15. (4) Fig. 9. (5) Mémoire sur le système nerveux des Annélides proprement dites (Ann.des sc. nat., t. XIV, pl. 9, fig. 6). COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 35 l'étroite liaison qui rattache le premier au second chez les Anné- lides en général (1). NOTE SUR L'ORGANE AUDITIF DE LA MARPHYSE SANGUINE. Dans mon Mémoire sur les organes des Sens chez les Anné- lides (2), j'ai dit que j'avais trouvé deux fois chez la Marphyse sanguine un organe qu'on pourrait peut-être regarder comme se rattachant à l'audition. Je mets aujourd’hui sous les yeux de mes lecteurs le dessin que j'en fis à l’époque de mes recherches sur cette Annélide. C'est dans l'anneau buccal, un peu sur les côtés de la région dorsale et vers le milieu de l'anneau, que j'ai rencontré ce petit corps. Il se montra sous la loupe comme un corpuscule à peine visible et que sa couleur jaune seule me fit distinguer au milieu des autres tissus. Détaché et porté sous le microscope, il présenta l'aspect que J'ai reproduit (3). Peut-être quelques-unes des par- ticularités de forme qu’on y remarque, et entre autres l’élonga- tion dans le sens transversal de la cavité intérieure, la forme triangulaire arrondie de la masse centrale, etc., tiennent-elles à quelque accident de préparation, car à la loupe l'ensemble m’a- vait paru sphérique. Quoi qu'il en soit, on voit que l'organe dont il s'agit consiste en une forte capsule fibreuse à parois épaisses (4), se prolon- geant en arrière en un pédicule évidemment coupé par les instruments (5) et présentant dans son intérieur une cavité rem- plie de liquide. Au milieu de cette cavité, et isolé de toute part, se trouve un corps composé de granulations confuses qui s’effa- cent vers la surface, et dont la teinte générale est jaunâtre (6). Un tronc volumineux, de nature bien probablement nerveuse, (1) Second mémoire sur le système nerveux des Annélides. (2) Ann. des sc. nat., 3° série, t, XIII. (3) PL. VII, fig. 46. (4) Fig. 46. (5) Fig. 16. (6) Fig. 46. 346 A. DE QUATREFAGES. pénètre par le pédicule de l'organe, et vient s'épanouir à la partie postérieure de la cavité. Dans cet épatement, il présente une structure granuleuse. Là aussi il est entouré d'une légère couche de pigment jaunâtre pâle à granulations irrégulières. Un amas analogue se trouve à la partie antérieure. On ne voit rien de semblable sur les côtés. L'ensemble de cette disposition rappelle bien ce qu’on a tant de fois décrit dans les organes considérés comme auditifs chez les Mollusques, les Annéhdes, etc. ; toutetois, lastructure ou au moins l’aspect de l'otolithe me semblent assez exceptionnels. EXPLICATION DES FIGURES (1). PLANCHE (0. Fig. 4. Cette figure ne représente que la moitié droite du corps. La moitié supérieure de la tête et du cerveau sont enlevés; à la région proboscidienne, il en est de même pour les téguments et les couches musculaires sous-jacentes, a, moitié de la tête proprement dite, montrant la structure des tissus placés en avant du cerveau et les nombreux vaisseaux qui les abreuvent. L'un de ces vais- seaux, passant sous fe cerveau, se bifurque à la hauteur de l’échancrure qui sépare les deux lobes et fournit de chaque côté une arcade qui se replie jusqu’en arrière. — b, cloison fibro-ligamenteuse très-forte qui sépare la tête proprement dite de l’an- neau buccal.— c,c,c, première couche musculaire et aponévrotique (?) de la trompe, se fixant sur les côtés de l’œsophage d. — e,e, grand vaisseau proboscidien supé- rieur ou superficiel donnant les troncs f,f qui se portent aux couches musculaires du Corps. — g, vaisseau dorsal qui se bifurque en arrière dès qu'il a dépassé la région proboscidienne. Fig. 2. Dans cette figure, la tête montre les mêmes parties que dans la précédente. Dans la région proboscidienne, l'œsophage est en place; la moilié gauche du dessin présente la seconde couche musculaire de la trompe; la moitié droite reproduit la troisième couche musculaire et les vaisseaux qui en dépendent, a, têle. — b, cloison fibro-ligamentcuse. — ce, muscle rétracteur et élévateur de la tête. — d, muscle qui contourne la trompe et s'attache au lobe inférieurement (fig. 7 c). — e,e, muscles qui contournent l'œsophage (?).— /,f, première couche musculaire proboscidienne, composée de muscles qui se recourbent en dessous et s’attachent par une large aponévrose à la face inférieure (fig. 7 e,e). — g,g, chefs (1) Par suite de diverses circonstances survenues pendant l'impression de ce mémoire, il a pu se glisser quelques erreurs d'indication dans les notes placées au bas des pages; en cas de doute, le lecteur est prié de vouloir bien consulter celle explica- lion que j'ai quelque peu étendue pour ce motif. COUCHES MUSCULAIRES CHEZ LES ANNÉLIDES. 317 musculaires du grand musele de la face inférieure (fig. 7 d). — h, portion posté- rieure de la grande masse musculaire proboscidienne que l’on retrouve dans les figures 6 et 7, — à, muscle protracteur des dents représenté en entier figure 6. — k, grand muscle rétracteur de La (trompe avec toutes ses atlaches aponévrotiques. — l, le même, dépouillé de ses couches supérieures el superficielles, — m»,m,m, œso- phage en place. — », cloison inferannulaire, — 0, muscles longitudinaux du corps. — D, D, p, cavité générale du corps. — 9,9, origine du grand vaisseau probosci- dien superficiel de la figure 1. — 7», grand vaisseau proboscidien profond. — s, dilatation du vaisseau dorsal, du corps recevant les troncs précédents et jouant le rôle de cœur {pour le détail, voyez fig. 4), Fig. 3. Dans cette figure, la trompe est vae en dessous. La moitié inférieure est enlevée dans la plus grande étendue de l'organe, de manière à montrer le grand repli qui en divise la cavité. | a; Contour de la tête, vu en dessous. — b, onverture buccale dilatée. — e,e, les lèvres forment un épais bourrelet. — 4, orifice de l’œsophage entr’ouvert et montrant de grandes papilles et deux forts bourrelets longitudimaux. — ce, dents. — f, portion postérieure de la trompe dont on a enlevé les trois premières couches musculaires, de manière à montrer les grands muscles prolracteurs des dents. — 9, g, grands muscles rétracieurs de la trompe. — h, œsophage. Fe. 4. Dans la préparation reproduite dans ce croquis, la trompe et la moitié infé- rieure du corps ont été enlevés pour permettre de mieux voir le vaisseau dorsal ef le centre vasculaire auquel aboutissent les grands vaisseaux proboscidiens représentés dans les figures 4 et 2. a, vaisseau dorsal. — D, vaisseau proboscidien de la figure 2. — 6€, vaisseau proboscidien de la figure 4. — d, continuation du vaisseau dorsal qui pénètre dans la tète el passe sous le cerveau. Fig, 5. Organe auditif (?) de la Marphyse. a,a,a, enveloppe fibreuse.— D, cavité remplie d’un liquide diaphane.— c, masse granuleuse isolée dans ce liquide (ofolithe ?).— d, nerf se terminant à la cavité par un large épatement. PLANCHE 7, Fig, 6. Dans cette figure, la trompe est vue en dessus ; la première et la seconde couche musculaire appartenant exclusivement à la trompe ont été enlevées. L'œsophage a été détaché, relevé à gauche, et ses museles propres sont représentés. En arrière de l'origine de ce canal, on voit au côté gauche la froiësième couche musculaire de la trompe; à droite, la quatrième et dernière couche de muscies est mise à découvert, Les grands muscles rétracteurs ont été enlevés. a, muscles protracteurs de la trompe. — #,b, muscles circulaires dont les attaches inférieures n’ont pas été déterminées. — c, faisceaux musculaires irradiant autour de l'orifice de l’œsophage et devant contribuer à l’ouvrir. — 4, petit muscle longitudinal moteur des dents. — e,e, muscles adducteurs des dents. — /, grand muscle protracteur supérieur des dents — g, grand muscle protracteur inférieur des dents (fig. 3 /). — h,h, grande masse musculaire postérieure de la trompe. — 318 A. DE QUATREFAGES. it, portion antérieure de l’œsophage détachée de la trompe et rejetée sur le côté. — hi, repii longitudinal latéral de l’œsophage qui se prolonge dans toute son étendue, et dont les bords sont réunis d’abord par le plan musculaire irrégulier 4, puis par le système de muscles entrecroisés m, — n, portion moyenne de l’æsophage dont on a enlevé la moitié supérieure. — 0,0, cloisons interannulaires commencant seule- ment après la chambre proboscidienne et n’atteignant pas d’abord les côtés du corps. —?, p, p,les deux troncs latéraux qui représentent la continuation du grand vaisseau abdominal. — 4,4, grands cœurs inférieurs etterminaux, dont la contraction envoie le sang aortique dans l'appareil vasculaire proboscidien. — 7, l'un des troncs qui vont former le cœur proboscidien £ (pour le détail, voyez fig. 8). —s,s, tronc qui fournit les deux grands vaisseaux proboscidiens (fig. 4 et 2), — #{,4, cœurs latéraux du corps. Fig. 7. Premières couches musculaires de la trompe vue en dessous. a, tète. — b, labre faisant saillie au delà de l'ouverture buccale. — €, muscle semi-annulaire antérieur (fig. 2, d). — d, muscle dont les chefs supérieurs sont représentés dans la figure 2, y (deuxième couche). — ee, attaches aponévrotiques et musculaires de la première couche (fig. 2 f,f). — g, muscle médian s'insérant de chaque côté dans un repli de la trompe. — , portion inférieure de la grande masse musculaire postérieure (fig. 2 À et fig. 6 L,L). — ti, grands muscles rétracleurs. — k, œsophage. — /, cloison interannulaire. Fig. 8. Cœur proboscidien avec ses dépendances (fig. 6). a, Vaisseau médian qui se porte dans le voisinage des dents, — b, tronc se por- tant en avant et en dehors. — e,f, branches qui se distribuent à la grande masse musculaire postérieure (fig. 2 À, fig. 62,4, fig. 7 L).— c,c, troncs venant du grand vaisseau abdominal (fig. 6). Fig. 9. Cette figure est la reproduction rigoureuse des dernières préparations que j'ai faites, et que je suis prêt à montrer. Elle ne reproduit que l’ensemble des parties et les troncs principaux du système nerveux. a, tête, — b,b, la trompe, dont les muscles ont été enlevés sans précaution, pour mettre à nu les troncs nerveux. — €, œsophage rejeté sur le côté. — d, le cerveau. — 6,6, les deux racines du système nerveux proboscidien sortant de la face inférieure du cerveau. — f, grand ganglion allongé placé en avant de la trompe. — 49, filets nerveux partant du ganglion précédent et contournant la trompe. — h, h, troncs nerveux partant du même ganglion et contournant l'œsophage de manière à former un anneau, se réunissant dans un second ganglion allongé À qui lui-même se bifurque pour former un second anneau k, lequel embrasse la base des dents supérieures. — /, filet nerveux partant des branches 2,4 et logé dans la gouttière ou repli latéral de l’œsophage, RECHERCIHES ANATOMIQUES SUR LES GLANDES NASALES DES OISEAUX, Par NS. JOHN, Docteur en médecine, licencié ès sciences naturelles, S 1. — L'anatomiste qui fait une étude ostéologique du crâne de certains Oiseaux palmipèdes ou Échassiers constate sur les parties latérales de la voûte crâänienne, au-dessus des orbites, la présence de deux dépressions variables en étendue, en profon- deur, chez les différents genres qu'il a sous les yeux. S'il exa- mine l’animal à l'état frais, il verra ces fossettes remplies par deux organes d'aspect rougeâtre, que Cuvier, dans sa première édition, reconnait pour être de nature glandulaire, et qu'il assi- mile à la glande lacrymale (1). Tiedemann, dans sa Zoologie, étudie cet organe (2). Nous aurons dans le cours de ce travail l'occasion de revenir sur les diverses opinions qu’il à émises à ce sujet. En 1813, Jacobson (3) lit à la Société philomathique un mémoire sur une glande conglomérée étudiée chez les Oiseaux. et ilassimile cet organe à la glande décrite par Stenson dans l'organe olfactif des Mammifères. Dans ce mémoire, Jacobson donne quelques aperçus rapides sur: la forme et les dimensions du canal excréteur, et le volume de cette glande qu'il affirme être constante chez tous les Oiseaux. En 1820, Nistch publie dans les Archives de Meckel(h), sur la glande, à laquelle il donne le nom de nasale, un long travail, se plaçant au point de vue purement descripuf. Enfin Müler (5), dans son traité De struc- (1) Cuvier, Anatomie comparée, t, II, p. 440. (2) Tiedemann, Zoo!., t. IL, p. 88. (3) Jacobson, Bull. Soc. philom., 1813, 6° année, p. 267, (4) Ueber die Nasendruse der Vôgel (Deutsches Archiv von Meckel, 1820, t. VE, p. 234). (5) Müller, De Glandul, structura, p, 933. 390 JOBERT. tura glandularum, consacre à la glande nasale de lÆnser do mesticus quelques lignes ; 1l compare sa structure à celle des glandes de lappareil digestif. Durant le cours de cet hiver, nous avons eu l’occasion, au laboratoire des recherches de l'École pratique des hautes études. de faire de fréquentes observations sur les glandes des Échas- siers et des Palmipedes. Grâce à l'abondance des matériaux, nous avons pu non-seulement vérifier les assertions émises par Nistch, mais consialer des fails qui avaient échappé à l’obser- vation de cet anatomiste, le seul, il faut le dire, qui ait réelle- ment étudié la question. Ce sont ces résultats que nous publions aujourd'hui. Avant d'entrer en matière, qu'il nous soit permis d'adresser nos remerciments à notre savant maitre M. Milne Edwards, pour les bons enseignements qu'il n’a cessé de nous prodiguer du- rant nos recherches. 8 2. — Nos recherches se sont bornées aux Oiseaux échas- siers et palmipèdes, même à un nombre de genres assez res- treint; nous espérons pouvoir étendre nos investigations dans les autres ordres des Oiseaux. Chez ceux dont nous nous sommes cccupé, la glande est généralement située sur la voûte crânienne, dans une fossette osseuse que nous signalions au début. | Ces fossettes sont creusées aux dépens du frontal ; elles ont pour limite, en avant, le lacrymal, en arrière, latéralement, le frontal. Chez quelques Palmipèdes, la Fuliqula fusca par exemple, elles s'étendent très en arrière et vont en s'élargissant. Chez certains Échassiers, tels que les Larus et Numentus, la fosse est profonde, on voit des trous perlorant sa paroi inférieure et destinés à laisser passer vaisseaux et nerfs. Dans les Vanellus, la glande est appliquée sur les frontaux, et cependant 1l n'existe pour ainsi dire aucune dépression sur ces os. La glande peut enfin, et le cas est fréquent, venir s'appliquer sur le bord de l'os frontal, qui est alors légèrement dépirimé tout à fait à la marge de l'orbite. En ce cas, les vaisseaux, les nerfs, viennent directe- GLANDES NASALES DES OISEAUX. 991 ment se rendre à la glande, en rampant sur la voûte de l'orbite qui n’est plus perforée pour leur donner passage. L'étude de la fosse osseuse nous amène à parler de la forme et du volume de l'organe glandulaire. Dans les Échassiers et les Palmipèdes, la forme est généralement celle d’un croissant. Si la glande est appliquée sur les frontaux, la face supérieure s’élargit, et peut acquérir ses dimensions maxima. Chez les Double-Ma- creuses (Fuliqula fusca) par exemple, les deux glandes se rejoi- gnent sur la ligne médiane dans presque toute l'étendue de leur bord interne. Dans le genre Numenius, les bords internes des deux organes ne se touchent plus guère qu'en une courte lon- gueur. Dans les Sterna, tout en conservant la même forme, les glandes, encore rapprochées, ne se touchent plus. Dans les Anas et l’Anser domesticus, une petite bandelette de couleur rouge, appliquée tout à fait à la marge orbitaire, mdique seule la pré- sence de la glande, dont la face supérieure est devenue minimum en largeur, tout en gardant en longueur les dimensions nor- males. La glande en ce cas est presque un prisme triangulaire à faces convexes ; une de ces faces est appliquée contre l'os, l'autre dirigée en dehors, la troisième en haut; et c'est par le bord tranchant, qui est en rapport avee la voûte de l'orbite, que les nerfs et les vaisseaux pénètrent dans cet organe sécréteur. Dans les Vanellus, la glande appliquée sur les frontaux est de forme rectangulaire ; chez les Cereops, c'est une pyramide qua- drangulaire à base plane sur les os du front, la pointe regardant en avani. Dans les Ardea, la glande n'est plus dans l'orbite. Nous re- viendrons avec quelques détails sur cette disposition. $ 3.— Nous n'aurons pas à revenir dans le cours de ce travail sur la disposition générale des canaux excréteurs, la description que nous allons en donner pouvant s'étendre à tous les genres, et nous n'avons dans nos dissections reconnu qu'une seule exception qui nous a été fournie par l’Autruche. Le canal excréteur avait échappé à Cuvier (4) ; Tiedemann (2) (4) Cuvier, Anat. comp. loc. cit. (2) Tiedemann, Zoo/., loc. cit. 359 JOBERT. suppose qu'il émerge de la partie postérieure de la glande, qui va en effet s’amincissant en suivant le bord postérieur de l’or- bite, par exemple dans les Anas Boschas et Anser domesticus. Jacobson (4), dans son mémoire, signale sa présence et sa véri- table direction. Nistch (2) reconnaît son point d’émergence de la glande ; une fois il aperçoit l'orifice extérieur, mais ne peut le retrouver, et dans d’autres recherches, il voit un canal double chez l'Anser. Croyant à une anomalie, 1l suppose que les deux canaux ou bien se sont réunis dans leur trajet, ou viennent dé- boucher dehors par un orifice commun. I n'en est rien ; ya toujours deux canaux excréleurs distincts, et nous allons en don- ner la description détaillée. Les deux canaux excréteurs (3) émergent de la glande à la partie extérieure, au niveau du lacerymal ; ils sont enveloppés dans une gaine commune, accolée dans son trajet à la branche nasale du nerf ophthalmique et aux vaisseaux qui l’accom- pagnent. La couleur de ces canaux est rougeûtre, leur con- sistance résistante. Le plus souvent, comme dans l’Anser et le Cygnus, ils sont facilement reconnaissables, étant gonflés après la mort d’un liquide blanchâtre et épais. Ts sont formés exclu sivement de longues fibres lamineuses placées dans le sens de la longueur. Nous n'avons pu y constater la présence des muscles lisses ; l'épithélium qui les tapisse est cylindrique. Ces deux canaux sont placés dans leur gaine non à côté l’un de l’autre, mais l'un au-dessus de l'autre; ils sont d’un calibre à peu près égal. jl est une particularité qui nous paraît importante à signaler : souvent ces canaux naissent au niveau de l'os lacrymal, et mar- chent séparés dans une gaine ; mais il est un certain nombre d'Oiseaux, comme les Numenius, Sterna, Fanellus, chez les- quels un canal unique semble naître de là glande. L'examen attentif fait bientôt reconnaître que ce n'est pas le canal excré- teur que l'on à sous les yeux, mais bien la glande elle-même qui (1) Jacobson, Bull, Soc. phil, loc, cit. (2) Nistch, Archiv Meckel, loc. cit, (3) Voyez pl. VU, fig, 2 et 5, \) GLANDES NASALES DES OISEAUX. 999 va en se prolongeant, et c'est à l'extrémité de ce pseudo-con- duit que l'on trouve réellement ies canaux. Si nous prenons dans l’Anas Boschas un exemple (1), voici quel est letrajet des canaux et leurs rapports avec les parties voisines : Chez cet oiseau, la glande est placée à la marge orbitaire, et va en s’'amincissant jusqu’au niveau de l'articulation du lacrymal avec le frontal. Arrivés en ce point, les deux canaux se détachent de l'organe, plongent sous l'os lacrymal, et s'engagent dans une sorte de canal osseux limité : en dehors, par la face interne de l’os lacrymal; en dedans et en bas, par le bord de l’ethmoïde ; en haut, par le bord externe du frontal qui fait légèrement voûte, et S'articule avec le lacrymal ; en bas, par la surface externe des fosses olfactives. Les deux canaux cheminent dans cet espace, enveloppés, comme nous l'avons dit, de leur gaîne commune, accolés aux vaisseaux et au nerf; celui-ci marchant un peu au-dessus et en dedans d'eux, leur direction générale est d’abord de haut en bas, et d’arrière en avant, un peu de dehors en dedans, et ils sont séparés de la face interne du lacrymal par une aponévrose épaisse insérée sur un ligament très-apparent, qui prend ses points d'attache, en bas, sur le bord supérieur de los jugai, à la réunion de son tiers postérieur avec les deux tiers anté- rieurs ; en haut, sur la partie inférieure de la lamelle cartilagi- neuse qui ferme l'orbite en avant, à la formation de laquelle, suivant Cuvier, concourent le lacrymal et une lame latérale de l’ethmoïde. Par sa face interne, la gaine des canaux est appliquée directement sur la surface extérieure des fosses olfactives. Par- venus au niveau de l'articulation du frontal avec le nasal et derrière cet os, les deux canaux cessent de marcher parallèle- ment; le supérieur continue sa route directement, passe sous le nasal, et va s'ouvrir à la partie supérieure et externe de la narine, au niveau du canal inférieur ; il est accompagné de la branche nerveuse et des vaisseaux, L'autre canal s’in- fléchit, descend derrière l'os nasal, décrivant une courbe, (4) Voy. pl. VII, fig. 2. 5c série, ZooL., T. XI. (Cahier n° 6.) à 23 30 JOBERT, dont la concavité regarde en arrière, puis se courbe de nouveau, en suivant les inflexions d’une erèête osseuse située sur la partie médiane de la face supérieure de l'os maxillaire, et va s'ouvrir à la face interne de la narine sur la cloison médiane. Dans l’Anser domesticus, le trajet est surtout facile à obser- ver. Le canal inférieur, comme on peut le voir à la planche annexée à notre travail (4), vient s'ouvrir sur la face interne de la narine, et la dernière partie de son trajet est rectiligne, diri- gée d'arrière en avant. Dans les Cygnus, il en est également ainsi. Souvent dans l’Anas Boschas, au contraire, c’est dans les arrière-narines que s’ouvrait la partie ultime du canal infé- rieur. La direction des courbes multiphées de ce canal est un fait anormal dans l'histoire des glandes, les canaux excréteurs affectant en général la direction rectiligne autant que possible. Cette description une fois faite, nous n’avons pas à la modi- fier pour les divers genres d’Oiseaux que nous aurons à exami- ner. Plus loin, nous constaterons la longueur des canaux en mesures métriques ; mais nous le répétons, le fuit de l'existence des canaux étant constant, ceux-c1 peuvent varier non en direc- tion, mais en longueur, suivant que les narines sont plus ou moins éloignées de la base du bec. $ 4. — La glande dont nous nous occupons est, nous le disions en commençant, d’une couleur rougeûtre. Quand on a enlevé l’épaisse aponévrose qui là recouvre, on aperçoit dans certains cas, chez la Fuligula fusca par exemple, une surface aréolée, composée de petits polygones irréguliers et 1rrégulière- ment semés, limités par du üssu blanchâtre. Dans d’autres cas, comme chez les Numenius et les Sterna, la surface supérieure est divisée par des sillons longitudinaux. Dans l’Anser, cette même disposition existe ; on peut voir que ces sillons cireonscrivent de chaque côté des éminences s'éten- dant d’une extrémité de la glande à l’autre, et formés par de petits amas rougeâtres placés réguliérement à la file les uns des (4) Voy. pl. 8, fig, 3. GLANDES NASALES DES OISEAUX. 809 autres, et séparés entre eux par des cloisons de tissu fibreux. La couleur de l'organe est quelquefois d’un beau rouge vif (Sterna), ou d’un rouge noirâtre (dans les VNumenius) ; nous en verrons tout à l'heure la raison. Très-pàle dans les Cereopsis, Fanellus, elle est très-foncée. presque noire, dans l’Anas elan- gula et la Fuligula fusca. Sa consistance, toujours dure, est due à la présence du tissu fibreux. Les petites aréoles rougeûtres, grains glandulaires, comme les nomme Jacobson, ne sont pas autre chose que des acini formés par la réunion de culs-de-sac tubuliformes bifurqués souvent et venant s'ouvrir dans un canal excréteur commun. Ces culs-de-sac sont entourés d’un lacis de vaisseaux sanguins séparés par des cloisons conjonctives, et autour de l’acinus formé par leur réunion le tissu conjonctif qui constitue la charpente de la glande s’est condensé pour lui former une sorte de coque fibreuse. Tous les culs-de sac dont l’intérieur est rempli d’épithé- lium polyédrique débouchent, comme nous le disions, dans un canal excréteur commun. Le plus souvent bifurqués ils peuvent être trifurqués à leur extrémité et au moment de s'ouvrir dans le canal excréteur deux ou trois d’entre eux se réunissent sou- vent. Dans les Cereopsis, par exemple, nous avons toujours ob- servé celte disposition que nous mettons du reste sous les yeux du lecteur (1). Le canal excréteur de l’acinus vient déboucher dans un canal plus considérable tapissé d’épithélium cylindri- que, et celui-e1 à son tour vient se rendre dans un conduit cen- tral qui règne dans toute la longueur de la glande, tapissé aussi d'épithélium eylindrique et que l’on peut considérer comme la partie initiale des conduits que nous avons étudiés tout à l'heure. Les acmi sont en grand nombre. Dans une coupe faite au travers de la glande de l’Ænas boschas dans la partie médiane nous comptons dix-sept de ces amas de culs-de-sac. La planche annexée à notre travail représente une coupe faite au travers de la glande de la Fuliqula fusea et montre la disposi- tion des acini, leurs canaux excréteurs, les conduits de deuxième (1) Voy. pl. IX, fig. 4. 390 JOBERT., ordre et le conduit central où ceux-ci viennent déboucher(1). Les acini sont de volume variable ; nous les avons trouvés déve- loppés au maximum chez l’Autruche où ils avaient la forme de petites pyramides quadrangulaires dont la base mesurait Jusqu'à 2 millimètres de côté. Quant aux culs-de-sac glandulaires, ils sont variables aussi ; nous les avons vus au maximum de développement chez les Spa- tules et le Céréopses. Dans deux de ces oiseaux ils étaient rem- plis de granulations calcaires analogues en aspect et en struc- ture à celles que l'on observe normalement dans la glande pinéale des Mammiferes. Nous avons cherché à constater la présence des fibres lisses entre les acini. Nous n’en avons jamais trouvé trace; mais sou- vent dans le tissu conjonctif mterposé entre les amas de culs- de-sac, nous avons pu voir des cellules pigmentaires. C’est même à cet élément développé en grande abondance qu'est due la couleur nojrâtre que possèdent les glandes de cer- tains oiseaux. (Numenius, Larus, Fuligula fusca, par exemple.) I! arrive souvent, et je signalais le fait en commençant, que dans les Sterna, Numenius, Vanellus,on trouve dans ce que l’on croit être un conduit excréteur unique, des acini qui viennent s'ouvrir dans ce pseudo-canalet fort loin dela masse'glandulaire. Chez l’Anser domesticus, à la partie imitiale de la glande en rap- port avec l'os lacrymal, nous avons constaté cette disposition que nous reproduisons dans un dessin. Nous nous trouvons done en présence d’une glande qui à des caractères intermédiaires entre la véritable glande en grappe composée et la glande en grappe simple, ou plutôt d’une glande qui est formée par la réunion de glandes offrant ces deux types. Müller, dans son traité des glandes, déclare qu'il n’a pu, à l’aide du mercure, obtenir l'injection complète des acini. Il était difficile qu'il en fût autrement. Müller croyait à la présence d'un seul canal exeréteur. Nous avons vu qu'il y en à deux, mais il est un fait capital dans l’histoire de cet organe, c'est qu'en réalité (4) Voy. pl. IX, fig. 3. (2) Voy. pl. IX, fig. 4. GLANDES NASALES DES OISEAUX. 397 il n'existe pas une seule glande mais bien deux, complétement distinctes et indépendantes. Injectez un liquide colorant par le canal supérieur la partie supérieure et postérieure et la glande sera colorée ; vous achèverez si vous le voulez l'injection en fai- sant pénétrer le liquide par le canal inférieur. Qu'une coupe mince soit faite au travers d’une glande durcie, et l’on pourra constater facilement l'épaisseur de la paroi con- jonetive qui sépare les groupes d’acini si l’on a eu som de pous- ser par les canaux deux mjections de deux couleurs différentes. Ce fait de l'existence de deux glandes indépendantes nous a été démontré elairement chez plusieurs Spatules où, grâce à une altération des éléments constitutifs, les glandes indurées étaient disséquées et se montraient chacune avec leur canal excréteur respectif. Nous ne pouvons, du reste, passer sous silence cette altération de la glande de Jacobson dans les spatules, nous y reviendrons tout à l'heure. $ 5.— Les arieres de ces glandes, dit Jacobson, viennent de la sphéno-palatine ; les veines vont se jeter dans la jugulaire in- terne. Nistch et Müller répètent sans commentaires cette asser- tion de l’anatomiste danois, en ne cherchant ni à la vérifier ni à la combattre. —Les dispositions que nous avons observées, après de nombreuses injections, étant toujours les mêmes et dans les Palmipèdes et dans les Échassiers, nous relaterons succinete- ment ce que nous avons vudansle Larus argentatus, où les artères nourricières de la glande appartiennent à un réseau formé par des branches venant des artères ophthalmique interne et de l’ethmoïdale (1). Après avoir fourni le plexus temporal situé immédiatement sous los carré, la branche ophthalmiquese bifurque ; un rameau auquel on peut conserver le nom d’ophthalmique interne plonge dans l'orbite, fournit des branches au niveau du point d’émer- gence du nerf optique, remonte ensuite le long de la voûte or- (4) Voy. pl. IX, fig. 4 et 2. 398 JOBERT. bitaire en rampant sur sa paroi el arrive au niveau de la petite apophyse du lacrymal qui limite l'orbite en avant. Là, elle s’anastomose à plein canal avec une artère dont nous allons donner la description, et le vaisseau formé par cette réunion va se perdre dans la narine, accompagnant le nerf nasal de la première branche du trijumeau ; au niveau du point d’anastomose ou un peu en arrière naît une artériole qui perce la voûte crânienne et va se perdre dans la glande. Reve- nons à l'artère ophthalmique interne. La deuxième branche provenant de sa bifurcation monte directement eu longeant le bord postérieur de l'orbite et pénètre dans la cavité orbi- taire. Au niveau de l'extrémité postérieure dela glande, elle lui four- nit une branche perforante, puis continue sa route, longeant toujoursl'orbite, et un peu plus loin, à la moitié environ de l’or- gane, elle fournit une nouvelle branche ; quelques millimètres plus loin elle s’anastomose par inosculation avec une branche de l’ethmoïdale, contourne toujours le bord de l'orbite et vient se réunir, comme nous l'avons dit plus haut, avec la branche fournie par lophthalmique interne pour former la branche nasale. $ 6. — À cause de la disposition des veines essentiellement variable et surtout de l'absence de nomenclature adoptée, nous nous contenterons de décrire ce que nous avous vu chez les Larus et plusieurs Anas sans dénommer les vaisseaux. La branche artérielle nasale est accompagnée de deux vais- seaux veineux qui, arrivés au bord du lacrymal et sur le plan- cher de l'orbite se réunissent à une première veine venue de la glande et accolée à l'artère que nous avons figurée. De ce petit sinus partent deux vemes. L'une qui descend dans l'orbite longeant la branche ophthalmique et se jetant dans un espace veineux situé au point d’émergence du nerf où abou- tissent des veines venues du globe de l'œil; de là part un gros vaisseau veineux qui se dirige en arrière vers le golfe des jugu- laires et S'y Jelte mais après s'être anastomosé avec la veine qui GLANDES NASALES DES OISEAUX. 359 longe le bord de l'orbite suivant le trajet circulaire de l'artère el qui à reçu deux veines venues de la glande. $ 7. — Du point où la branche ophthalmique du nerf triju- meau se divise et donne naissance à la branche nasale partent deux ou trois rameaux grêles qui suivent un trajet récurrent et vont pénétrer dans la glande quand celle-er est très-volumineuse comme dans les Fuligula fusea et les Larus, des filets naissent en arrière de la branche ophthalmique, et s’accolent aux vaisseaux pour pénétrer dans la glande à travers les trous du frontal. Quant aux filets du sympathique signalés par Jacobson, ils naissent du point de réunion d’un rameau du sympathique avec la prenuère branche du trrjumeau. MM. Siebold et Stannius ont, dans leur ouvrage, résumé en quelques lignes les travaux de Weber et de Schlemm ; nous €i- tons textuellement le passage tiré de leur Manuel d'anatomie : « Rappelonssuccinctement la disposition actuellement connue » du grand sympathique dans le crâne. » Deux rameaux ascendants partent du ganglion cervical que » nous prendrons pour point de départ. » L'un vase réunir à la branche du trijumeau, l’autre «s’en- » gage dans le canal carotidien, s’'anastomose avec des filets du » glosso-pharyngien et du facial et quitte ce canal pour se ren- » dre comme nerf vidien le long de la paroi interne de l'orbite. Il » donne des rameaux palatins, nasaux postérieurs, des filets à la » glande de Harder et se confond avec la première branche du » trijumeau dans le pont où celle-c1 sort de l'orbite. » C’est de ce point que naissent deux ou quatrefilets très-grêles qui vont à la glande nasale. Il existe sur ce point un enchevêtre- ment de vaisseaux et de nerfs qui rend la dissection pénible. Sui- vant MM. Siebold et Stannius, on n'observerait pas au point de réunion indiqué ci-dessus de renflement gangliforme, mais nous en avons constaté plusieurs fois, surtout dans les Anas. Les nerfs une fois entrés dans la glande rampent entre les acini. Dans les Céréopses, on peut même les voir facilement entre les culs- — 900 JORERF. de-sac glandulaires. Comment se terminent-1ls, nous n'avons pas cherché à élucider cette question. 8 8. — Ces généralités étant exposées, nous allons passer en revue les divers genres et espèces d'oiseaux qu'il nous à été donné d'examiner et les particularités qui peuvent exister au sujet de l'organe objet de cette étude. Nistch qui n’a pu disséquer de tête d'Autruche, a, d'après l'observation du squelette, conclu à l'existence chez cet oiseau d’une glande nasale située sur la marge orbitaire. Voici ce que nous avons constaté chez un individu âgé de trois ans. Le bord orbitaire supérieur était complété par une large et trés-épaisse aponévrose s’insérant à la partie la plus reculée de l'apophyse lacrymale, sur tout le bord externe du frontal jus- qu’à l’apophyse post-orbitaire fournie dans ce cas par l’os du front. Nous avons dit que bord orbitaire était complété, car, chez une jeune Autruche, comme le montre Owen dans son ouvrage d'anatomie comparée, il est interrompu par une échancrure profonde, limitée par le frontal latéralement en arrière, et par le lacrymal en avant et en dehors. L'aponévrose, dont nous avons indiqué la disposition, trans- forme en une fosse elliptique cette échancrure, en complétant sa paroi latérale externe. C’est dans cette fosse elliptique qu'est logée la glande de Jacobson. Elle a la forme d'un tronc de cône elliptique. La face supérieure qui se trouve au niveau des os du crâne est recouverte par une aponévrose épaisse ; elle mesure pour le grand axe 13 millimètres, le petit axe 9 millimètres ; la base inférieure est plus large et mesure : grand axe 19 milli- mètres, petit axe 12 millimètres. Un seul conduit part de l’ex- trémité antérieure de la glande, passe sous le lacrymal et s’ap- plique sur la surface externe des fosses nasales, qu’il contourne pour venir s'ouvrir dans la narine à la paroi externe. Ce conduit en longeur mesure 7*:,9, son diamètre est considérable, ses parois sont très-résistantes. L’assertion de Nistch n’est donc pas GLANDES NASALES DES OISEAUX. 361 vérifiée, la glande est situge non à la marge orbitaire, mais bien dans l'orbite, et quand plus tard un travail d'ossification vien- dra remplacer par des os l’aponévrose que nous avons signalée, la glande se trouvera incluse dans la cavité même de l'orbite. Chez deux Echassiers pressirostres du genre Vanellus et de l'espèce cristatus, comme nous l'avons signalé plus haut, la glande était petite, rectangulaire et non falciforme, comme l'indique Nistch; un sillon longitudinal la divisait en deux, était-ce à la ligne de démareation des deux glandes? Les con- duits excréteurs franchissaient le frontal presque verticalement, puis passaient sous le lacrymal et de là se dirigeaient vers les fosses nasales. Nous avons pu étudier quelques Cultrirostres ; plusieurs individus du genre Ardea et de l'espèce Cinerea et quatre Spatules. Chez les Ardea, la glande a quitté la marge de l'orbite et sa cavité mème {pour se porter en avant. Elle est pe- tite, de couleur noirâtre, très-mtiltrée de pigment ; sa consis- tance est très-dure ; elle a la forme d’un cône dont la pointe se- rait dirigée en avant, et d’où émergeraient les deux canaux excréteurs. Elle est située dans un espace limité en avant par l'os nasal, par le jugal en bas et en arrière par le lacrymal. Les conduits excréteurs sont très-courts, fort grêles et séparés des fosses nasales seulement par l'épaisseur de l'os du nez. Chez quatre individus du genre Spatule (Platalea) et de l’es- pèce leucorodia, les glandes assez volumineuses, falciformes, étaient situées à la marge de l'orbite dans une dépression du frontal. Dans un individu la glande avait 18 millimètres de long, 6 millimètres de large maximum. C'est à une altération pathologique fréquente chez ces oiseaux que nous devons d’avoir pu trouver les deux glandes nasales isolées. Chez un premier individu, la glande du côté droi formait au-dessus de l'œil une tumeur très-dure et proémi- nente au bord orbitaire; lineision du tégument crânien mit à nu deux organes falciformes à peine adhérents entre eux par quelques brides fibreuses ; c'étaient les deux glandes, et de chacune d'elles émergeait un conduit excréteur. L'examen microscopique nous montra les culs-de-sac très-distendus par 3062 | JOBERT., les cellules épithéliales contenues dans leur cavité; ils étaient gonflés outre mesure. Du côté gauche, une tumeur molle sur- plombait l'orbite et sous les téguments incisés nous trouvâmes une matière blanche, savonneuse au toucher. Les conduits excréteurs, ainsi que la cavité de la narine, étaient remplis de cette substance; le tout baignaït dans un liquide très-épais. L'examen microscopique de cette tumeur nous la montra com- posée d’épithélium à tous les degrés d’altération, et au milieu des cellules étaient semées des brides fibreuses provenant des dé- bris des culs-de-sac qui s'étaient rompus et dissociés. L’altéra- tion s'était étendue plus lom, les ganglions et les vaisseaux lymphatiques étaient indurés jusqu'à la base du cou et même dans le thorax. Le volume des glandes avait considérablement augmenté; leur tissu était induré, très-friable, granuleux. Nous n'en avons pas fait l'étude microscopique. Nous avons constaté des altérations semblables à des degrés plus ou moins prononcés chez les quatre Spatules qu'il nous a été donné de disséquer. La glande nasale est du reste sujette à une altération qui est peut-être la même dans tous les oiseaux. Jacobson la signale dans son mémoire. Il ne dit rien sur sa nature, promettant d'y revenir plus tard. Bien que ce ne soit pas ici le lieu de se livrer à des considérations de pathologie comparée, nous avons cru utile de signaler cette affection fréquente chez les oiseaux du genre Spatula, altération qui entraîne la mort et dont la marche vous semble identique avec celle de certaines tumeurs glandu- laires malheureusement si souvent observées dans le genre humain. Nous n’avons eu à examiner que trois Longirostres du genre Courlis (Numenius) et de l'espèce arcuatus. Chez ces oiseaux les glandes, considérables en largeur, se touchaïent par-dessus la voûte crânienne dans une petite étendue leur bord interne. Une particularité des plus intéressantes à signaler, c'est que la glande était non-seulement appliquée sur les frontaux, mais qu'en outre elle envoyait sur le bord orbitaire mférieur un long prolongement décrivant ainsi dans son ensemble les deux tiers d’une circonté- GLANDES NASALES DES OISEAUX. 968 rence. La parte inférieure était large de 4 millimètres seule- ment. Au niveau du lacrymal, la glande se prolongeait sous cet os dans une étendue d'un demi-centimètre, et c’est seule- ment de ce point que partaient les deux canaux excréteurs très-grèles et tres-courts. La glande était très-infiltrée de pig- ment, et entre les acini il était facile d'observer même à un faible grossissement de grosses cellules pigmentaires étroites, anasto- mosées entre elles. Parmi les Palmipèdes, nous avons pu observer un grand nom- bre d'individus, et c’est chez eux, du reste, que les recherches sont le plus faciles. Chez les Longipennes, les glandes situées sur le front dans deux fosses osseuses, très-bien délimitées, sont toujours d’un volume considérable. Elles se rejoignent sur la ligne médiane dans presque tout leur bord externe chez les Gœlands, où elles sont d’une belle couleur rouge. Chez les Pétrels (Procellaria), les bords internes ne se peuvent réunir à cause d’une lamelle verticale du frontal qui sépare les deux fosses osseuses. Chez cet oiseau, la glande est presque noire et infiltrée de pig- ment ; les conduits excréteurs sont eux-mêmes facilement reconnaissables à leur couleur noirâtre. Dans les Sterna hirundo, les glandes ne se touchent plus sur la ligne médiane et leur couleur est d’un beau rose vif. Dans les parois des canaux, nous avons observé des cellules pigmentaires. Une glande de Sterna mesurait 16 nullimètres de long et était large de 5 milli- mètres. Dans le Pétrel et les Hirondelles de mer, la surface convexe de la glande était dans le sens longitudinal partagée en cluq ou six lobes par des sillons très -accusés. C'est chez les Lamellirostres que nous avons trouvé la glande à son maximum de développemen, et c’est chez eux qu’il est le plus facile de constater la présence des canaux excréteurs et d'étudier leur trajet. Sur plus de cent observations qui ont porté, soit sur des Anas, soit sur des Anser domesticus, jamais nous n'avons constaté une seule fois qu’il y eût anomalie. Dans nes généralités, nous avons décrit le trajet des canaux chez l’Anas boschas pris pour type. Chez les Cygnes, les glandes 36/ JOBERT. sont, sur le front, allongées en croissant comme on peut le con- stater sur la planche représentant la face postérieure de la glande du Cygnus domesticus un peu amplifiée. La glande chez deux individus avait une largeur moyenne de un centimètre et une longueur de 23 millimètres. Le conduit supérieur mesurait 32 millimètres ; l’inférieur, un centimètre de plus. Chez l’Anser domesticus la glande est peu large, située à la marge de l'orbite, longue de 4 centimètres et large de 6 milli- mètres. Mais les conduits sont longs et de diamètres considé- rables. Cheziles Cereopsis Novæ Hollandiæ, la glande est située au contraire sur les frontaux ayant une forme de pyramide, le sommet dirigé en avant; sa couleur est pâle. C’est chez cet oiseau que uous avons trouvé les tubes glandulaires les plus développés. Dans le groupe des Canards proprement dits, c'est chez les Macreuses que nous avons observé la glande à son plus grand développement. Chez une double Macreuse les deux masses glandulaires se touchaient dans toute l'étendue de leur bord interne etcouvraient presque le cràne toutentier ; leur longueur était de 46 millimètres ; en arrière, la glande qui allait s’élar- oissant, mesurait 14 millimètres. Sa couleur était rouge foncé. Chez un Garrot (Anas clangula) les glandes, encore con- sidérables, avaient des dimensions beaucoup moimdres, mais occupaient encore presque toute la voûte du crâne. Chez les Millouins (Anas ferina) et les Milloumnans (Anas marila), la glande est peu considérable et placée à la marge de l'orbite. Chez l’Anas boschas, qui doit être considéré comme la souche du Canard commun de nos basses-cours, la glande nasale est peu développée en largeur et a la forme de celle de l’Anser; sa couleur est généralement rouge noirâtre. Nous avonsexaminé plus de soixante mdividus de cette espèce, et voici la moyenne des dimensions que nous avons constatées : Longueur, 23 millimètres; largeur, 4 millimètres; canal excré- teur supérieur, 29 millimètres; canal mférieur qui contourne les fosses nasales, 36 millimètres. Quoique la glande soit d’une cou- GLANDES NASALES DES OISEAUX. 365 leur assez foncée, nous n'avons jamais trouvé de pigment entre les acini. Chez le Canard de la Caroline (Anas sponsa) la glande est pe- üte, noirâtre, placée à la marge de l'orbite et ne s'étendant pas sur le front. Tel est le résumé des observations qui nous ont paru dignes d'être relatées au sujet de chaque genre d'oiseaux en particu- ler. Nous allons maintenant chercher à voir quelles sont les re— lations qui peuvent exister entre l'organe glandulaire décrit par Jacobson et les appareils organiques au voisinage desquels il est placé. $S9. — À quel grand appareil doit-on rattacher la glande nasale? Nous avons dû, après nous être posé cette question, rechercher des termes de comparaison dans les organes sécré- tants environnants. Chez les oiseaux que nous avons pu nous procurer à l’état le plus frais possible, tels que Anas et Anser domesticus nous avons recherché les glandes de la membrane pituitaire. Ce sont des follicules isolés placés à côté les uns desautres en grand nombre et plongeant profondément dansla substance conjonctive de la mem- brane. Leur forme est celle d’une ampoule à ouverture très- étroite; l’épithélium est polyédrique. Leydig (1), quija décrit la pituitaire du Pigeon comme sujet d'étude, compare ces glandes à celles de Lieberkühn. Chez les Anser et Anas, la comparaison ne me paraîtrait pas très-exacte; en effet, les follicules pitui- taires ont une forme ampullaire beaucoup plus accusée que ceux de l'intestin. Nous conseillons à ceux de nos lecteurs qui voudraient se rendre un compte exactet du nombre et de la forme de ces glandes, de faire une coupe d’un des cornets cartilagineux du nez recouvert de sa muqueuse. Ils constateront facilement au- dessus des cartilages dont les chondroplastes sont très-appa- rents, un substratum conjonctif fort épais, percé d'ouvertures quisont des lumières de vaisseaux et un peu au-dessus, puis plon- (1) Leydig, Histol, comp., p. 246. 366 JOBER?F. geant dans le substratum, les glandes en question. Il pourra en voir de bilobées, mais l'ouverture est toujours unique, les deux ampoules se réunissant. Le cas est cependant très-peu fréquent. C’esten vain que nous avons cherché à voir les glandes si- onalées par Hoyer, lesquelles seraient semblables à celles qui sécrètent la sueur; nous n'avons pu en trouver trace. Quant aux organes de Jacobson (4) signalés par Stenson chez les mammifères et auxquels l’anatomiste danois assimile les glandes nasales, nous renvoyons le lecteur à l'ouvrage de Ley- dig (2) qui contient une description de ces organes d’après Balogt qui les a spécialement étudiés. Nous ne pensons pas que l’on puisse établir une analogie quel- conque entre des glandes aussi parfaites que celle des oiseaux et ces organes en tout semblables aux conduits nasaux. Müller (3) ne signale aucune différence entre la structure des glandes de la salive et celle des glandes du nez. Nous avons cher- ché à vérifier cette assertion et nous l'avons trouvée d’une par- faite exactitude. Que l’on examine les masses glandulaires de la bouche, soit celles qui sont situées au-dessous de la langue dans l'angle des maxillaires inférieurs, soit les parotides, soit celles qui sont situées à, la voûte palatine et signalées par Tiedemann et Perrault dans les Rapaces, lesquelles sont toujours développées dans les Palmipèdes et viennent s'ouvrir tout à fait à la partie antérieure du bec par deux longs conduits accolés à la branche médiane du nerf maxillaire supérieur, on trouvera l'aspect aréolé, la couleur rougeâtre, la consistance dure que nous signalions dans les glandes du nez. Mais si l'examen macrosco- pique mène à ces résultats, l'étude microscopique ne fait que les confirmer. Ce sont les mêmes culs-de-sac bifurqués, réunis en acini, le même épithélium contenu dans leur cavité ; le même épithélium cylindrique tapissant leurs conduits exeréteurs. Enfin c’est la mème prédominance de la charpente conjonctive. L'asser- tion de Müller est bien fondée. 1) Jacobson, loc, cit, ( (2) Leydig, Hist., p. 247. (3) Müller, loc. cit, GLANDES NASALES DES OISEAUX. 367 Existe-t-il entre les glandes de l'appareil lacrymal etcelles que nous étudions une même analogie de structure? I suffit de jeter un coup d’oœil sur la glande de Harder pour voir qu'il n’en est pas ainsi. Le tissu de celle-c1 est mou, blanchâtre, très-friable. Si elle est disposée en acini formés de culs-de-sac comme dans l’or- gane nasal, il est facile de constater combien ceux-ci sont plus allongés, plus transparents dans la glande de Harder. L’épithé- lum qu'ils contiennent est cylindrique; il à été signalé par Levydig chez l'Anser domesticus (1). Étant donnée cette étude comparative, pouvons-nous résoudre la question que nous nous posions en commençant? nous ne le pensons pas, car l'anatomie, malgré l’analogie qu’elle nous four- nit, ne doit pas nous mener à préjuger des fonctions d’une glande dont nous ne connaissons que la structure. Quelles peuvent être ses fonctions ? Cuvier (2) en fait une glande lacrymale; Tiedemann (3), la voyant développée surtout dans les oiseaux d’eau et de rivage qui vont fouiller la vase pour chercher la proie, suppose qu’elle est destinée à sécréter un liquide huileux qui protégerait la pituitaire du contact nuisible du liquide. Écartons tout de suite cette opinion. Après avoir examiné la sécrétion de la glande, non pas cette matière plus ou moins épaisse que l’on trouve à l'entrée des ea- naux, après la mort, matière qui est composée surtout d’épithé- um altéré; mais le liquide transparent, légèrement citrin, obtenu au moyen d’une fistule pr atiquée chez un Anser par l’ abla- tion d’une partie de l'os nasal qui nous avait permis de dénuder les canaux, nous pouvons considérer l'opinion de Tiedemann comme erronée. L'examen microscopique ne fait reconnaître dans cette sécrétion aucune gouttelette huïleuse. Nistch (4) assimile cette glande à une portion de la glande (1) Leydig, Hist, comp., p. 280. (2) Cuvier, Anat. comp., t, Ii, p. 440, (3) Tiedemann, Zoo!., loc. cit. (4) Nistch, /oc. cit, 368 JOBERT. lacrymale en se basant sur des considérations philosophiques que nous ne pouvons passer sous silence. Le canal nasal peut être considéré, dit-il, comme la continuation des conduits la- crymaux interrompus dans leur trajet, ce qui permet au liquide sécrèété de lubrifier l'œil et les fosses nasales ensuite. Chez les oiseaux , la nature aurait fait de la masse glandulaire lacrymale trois glandes distinctes dont l’une, ne conservant plus avec l'œil que des rapports de position, serait spécialement destmée à lubrifier les fosses nasales. Ce serait un exemple concluant de la division du travail physiologique, principe si reconnu aujourd hui. Nous ne combattrons pas à présent l’opi- nion de l’anatomiste allemand. Avec les éléments dont nous disposons, la question nous paraît insoluble aujourd’hui; mais de ce modeste travail 1l est ressorti deux faits nouveaux. Nous avons fait connaître l'existence des deux canaux excréteurs, et nous avons donné la description du trajet dn canal inférieur. Enfin, chez la Spatule, nous avons pu constater la présence de deux glandes isolées ; 1l nous reste à continuer notre travail par des études embryogéniques, et à obtenir sur les fonctions de la glande des données positives tirées de l'examen des liquides sécrétés, recueillis sur le vivant à l’aide de fistules pratiquées sur les canaux. Ces questions sont à l'étude, et nous espérons pouvoir en faire connaître prochainement la solution. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 8, Fig. 4. Numenius arcualus. Les téguments du crâne ont été incisés et réclinés sur les côtés, Au-dessous, on voit en à les glandes nasales, situées dans les fosses osseuses placées au-dessus des yeux. Fig, 2. Anas boschas. Glande nasale et trajet de ses canaux excréteurs, Les 0$ lacrymaux et nasaux ont élé divisés pour mettre à nu les canaux, — 4, glande nasale ; , canaux excréteurs contenus dans leur gaine commune; €, conduit supé- rieur ; d, conduit inférieur; e, branche nasale du nerf ophthalmique du trijumeau ; nerf maxillaire supérieur. Lig. 3. Anser domesticus, Les os lacrymaux et nasaux ont été divisés comme dans la préparation précédente et la paroi externe des fosses nasale incisée et réclinée, afi GLANDES NASALES DES OISEAUX. 369 de montrer les orifices des canaux, — «4, canaux contenus dons leur gaine; b, canal supérieur ; €, son orifice extérieur au niveau du cornet inférieur; d, canal inférieur et son trajet flexueux; e, son orifice à la face interne de la fosse nasale; m1, 08 maxillaire supérieur, PLANCHE 9. Fig. 4. Larus argentatus, Réseau vasculaire sanguin qui fournit les branches nourri- cières de la glande, — 0, artère ophthalmique interne ; p, plexus temporal situé sous l'os carré; b, branche postérieure de la bifurcation de l’ophthalmique interne qui monte vers la glande G et lui fournit les artérioles c et dj a, branche antérieure de la bifurcation de l’ophthalmique qui plonge dans l'orbite ; f, branche de l'artère ethmoïdale qui, s’anastomosant par inosculation avec la branche 6, complète le réseau sanguin; e, artère antérieure de la glande ; L, artère nasale. PA Fig. 2. Cygnus domesticus. Glande nasale, vue par sa face postérieure. — 4, artère et réseau artériel superficiel; c, d, canaux excréteurs. Fig. 3 Coupe faite au travers de la glande de la Fuliqula fusca, grossie 50 fois. — aaa, les acini; b, canal excréteur d’un acinus; €, canal secondaire où viennent d'ouvrir les conduits des acini; e, canal central qui règne dans toute l'étendue de la glande. Fig. 4, Cereopsis Novæ-Hollandiæ. Un cul-de-sac glandulaire isolé, grossi 200 fois. ERRATA. Page 392, ligne 14, extérieure, lisez : antérieure. — 355, ligne 13, lisez : ces culs-de-sac sont séparés par des cloisons. — 363, ligne 7, cellules étroites, lisez : cellules étoilées. — 369, ligne 23, supprimez : comme sujet d'étude, 5° série. Zooc. T, XI. (Cahier n° 6.) 4 24 LA RESPIRATION CHEZ LES NYMPHES DES LIBELLULES, Par M. E. OUSTALET. Les Libellules qui, à l’état adulte, ont une existence essen- tiellement aérienne, vivent, comme on le sait, à l’état de larves et de nymphes, dans les eaux de nos mares et de nos ruisseaux. Elles possèdent alors un appareil de respiration aquatique, aussi curieux 'qu'élégant, qui à été signalé, il y a fort longtemps, par Swammerdam (1), et qui a depuis attiré l'attention de Réau- mur (2), de de Geer (3), de Lyonnet (4), de G. Cuvier (5), de Duvernoy (6), de Marcel de Serres (7), de de Suckow (8), de Ratzeburg (9), etc. Plus récemment encore Léon Dufour a publié sur ce sujet, dans les Annales des sciences naturelles (10), un mémoire dans lequel il cherche à compléter les travaux de ses devanciers, et M. Milne Edwards, dans son grand ouvrage sur l'anatomie et la physiologie des animaux, a exposé l’état actuel de nos connaissances relatives à cette partie de l’histoire des insectes (11). (1) Swammerdam, Biblia naturæ, 1680. Traduction française insérée dans le tome V, de la Collection anatomique, 1758, p. 138 et suiv. (2) Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, A74Q, éd, orig., t. VI, p. 389 et suiv. (3) De Geer, Mémoires pour l’histoire des Insectes, 1771, t, II, p. 664 et suiv. (4) Lyonnet, Ouvrage posthume publié par M. de Haan, 1832. (5) G. Cuvier, Mémoire sur la manière dont se fait la nulrition dans les Insectes, 1798. (6) Duvernoy, Anat. comp. de Guvier, 2° édit., t. VIT, p. 498. (7) Marcel de Serres, Observations sur les usages du vaisseau dorsal, etc., 1843, (8) De Suckow, Sur l'anatomie et la respiration des larves des Libellules, ete., 1840. (9) Ratzeburg, Insectes nuisibles aux foréts, etc., 1844. (40) L. Dufour, Sur l'anatomie des larves de Libellules (Ann. des sc. nat,, 3° sér., t. XVII p.64 et suiv). (41) Milne Edwards, Leçons d'anatomie et de physiologie comp., & 1, p, 189. DE LA RESPIRATION CHEZ LES LIBELLULES. 871 Venant après tous ces maîtres de la science, je ne pouvais avoir la prétention de fre des découvertes très-importantes ; toutefois, en disséquant avec soin un grand nombre de nymphes de Libellules, et en m'aidant de moyens d'investigation plus parfaits que ceux dont pouvaient disposer Léon Dufour et ses prédécesseurs, j'ai aperçu certains détails, relevé certaines er- reurs qu'il est peut-être bon de signaler. J'aurais voulu, par la même raison, détermmer spécifique- ment d’une manière exacte toutes les nymphes que j'ai eues sous les yeux ; mais je n'ai trouvé aucun renseignement à cet égard dans les auteurs qui se sont occupés des Libellules, et en particulier dans Burmeister (1), dans Charpentier (2), dans Van der Linden (3), dans Rambur (4) et dans de Selys-Long- champs (5). Réaumur s’est contenté de répartir les larves, d'après les caractères tirés de leurs masques, en trois catégories répondant aux trois po des Æschnides, des Libellulides et des Agrionides. L. Dufour lui-même, dans son mémoire, rap- porte telle nymphe à telle espèce, suivant que celle-ci est plus où moins commune dans le voisinage de l'étang où vit la pre- mière, ou s'en rapproche par sa taille et sa conformation exté- rieure. C'est ainsi, et par simple imduction, qu'il attribue à l’'Æschna grandis (Latr.) la nymphe assez répandue au printemps dans les eaux stagnantes, aux environs de Paris, et qu’il carac- térise de la manière suivante : «Nympha hinc inde asperulo punctata, oculorum angulo » postico breviter acutissimo, abdomine utrinque trispinoso. » Long. 4 4/2 poll. Hab. in stagnis. » Lobes occipitaux, ainsi qu'une fine ligne transversale, en » arrière des segments abdominaux, les deux derniers exceptés, » avec de petites aspérités ponctiformes. Dessous du corps tou- » jours d'un blanc sale uniforme ; le dessus ou jaune argileux, (1) Burmeister, Handbuch der Entomologie, t. II. (2) Toussaint de Charpentier, Horæ «nlomologicæ. (3) Van der Linden, Monographæ Libellulinarum europæarum specimen. Agriones Bononienses, Æschnæ Bonontenses. (4) Rambur, Suites à Buffon, Histoire naturelle des Insectes, NÉVROPTÈRES, 1842. (5) Selys-Longchamps, Monographie des Libellulides d'Europe. D12 E. OUSTALET. » ou brun, ou noirâtre, avecou sans bandes longitudinales, lar- » ges, obscures, où à mouchetures pâles. » Mais l'Æschna grandis se rencontre spécialement, sinon exclusivement, dans le nord de la France : ce serait une raison pour ne pas lui attribuer une nymphe commune aux environs de Paris. Comme elle ressemble extrèmement à celle figurée par M. Blanchard dans ses Métamorphoses des Insectes (1), sous le nom d'Æschna maculatissima (Latr.), je préfère la rapporter à cette dernière espèce. Une autre nymphe, appartenant à la deuxième catégorie de Réaumur, c’est-à-dire au groupe des Libellulides, paraît être celle que L. Dufour représente sous le nom de ZLibellula depressa (Linn.) et décrit amsi: aNympha sordide griseo virescens hirsuta, abdominis lateribus » inermibus, segmentis primis in medio disci tuberculo-minuto » pilifero munitis. Long. 9-10 lin. Hab. in fossis. » Pattes à mouchetures Claires. Les premiers tubercules dor- » saux de l'abdomen cachés par les étuis des ailes. » L'époque d'apparition et l'habitat de l'adulte ne contredisent pas cette hypothese. Mais nous ne nous dissimulons pas les défauts de cette méthode d'induction. Évidemment il n’y a qu'un moyen d’arriver à une détermination exacte des nymphes, c’est d'assister à leur méta- morphose. C’est ainsi que j'ai reconnu que la Libellula vulgata (Charp.) sort d’une nymphe de 2 centimètres de longueur, d'un gris verdâtre obscur, un peu velue, avec une épine de chaque côté des derniers anneaux de l'abdomen, et un tubercule dorsal sur l’avant-dernier segment et les deux précédents. Cette nymphe ressemble à celle décrite par Léon Dufour sous le nom de Libellula ferruginea (Nan der Lind.) sauf par les tubercules dorsaux. On voit quelles incertitudes règnent encore dans ce sujet sur lequel j'espère avoir l’occasion de revenir. Le système trachéen de lÆschna maculatissima (pl. 10, (1) Blanchard, Mélamorphoses, mœurs et instincts des Insectes, 1868, p. 598. DE LA RESPIRATION CHEZ LES LIBELLULES. 979 fig. 1}, si complexe en apparence, à été néanmoins parfaitement saisi dans son ensemble par L. Dufour. I peut se ramener, comme Cuvier l’a constaté le premier, à trois paires de troncs aérifères longitudinaux, symétriquement disposés, reliés entre eux par des canaux anastomotiques, et donnant naissance à des arbuscules trachéens d’une richesse merveilleuse. La première paire, ou paire dorsale (fig. a, et fig. 2), s’aper- coit immédiatement lorsqu'on à pratiqué une incision mé-- diane longitudinale à la face supérieure du corps. Elle est séparée des téguments par les muscles de la région tergale, par le cœur et par des épiploons graisseux, toutes parties auxquelles elle fournit des trachées. Elle repose, par con- séquent, sur le tube digestif. Les deux troncs qui la consti- tuent ont toujours une couleur de cuivre rouge, dans la nym- phe comme dans l’insecte parfait. Très-atténués en arrière, et ramifiés jusqu’à l'extrémité de l'abdomen; ils émettent dans cette région, en dessus et en dessous, neuf ou dix rameaux parallèles à leur origine et qui s’enfoncent brusquement dans les parois du rectum ; puis les deux trones s’écartent l’un de l’autre pour revenir bientôt après à leur direction première et suivre en ligne presque droite le trajet de l'estomac et de l’'œ- sophage ; ils pénètrent ensuite dans la tête en s’accolant l’un à l’autre, et c’est seulement lorsqu'ils sont arrivés dans la cavité céphalique, et non pas avant, comme le dit L. Dufour, qu’ils se bifurquent en deux trones secondaires pour fournir des trachées au cerveau et aux muscles de la tête. Suckow (1) a indiqué grossièrement cette disposition. Les deux troncs dorsaux sont réunis à labase du cerveau par un tronc anastomotique qui forme une sorte de pont au-dessus de l'œsophage. Léon Dufour ne si- gnale pas cette anastomose, qui paraît constante dans les Libel- lules, et que l’on aperçoit même par transparence dans la nym- phe de l’Agrion puella (Vander-Lind). Un peu plus bas, dans la région thoracique, à l'endroit où les (4) Suckow, Respiration des Insectes, etc., dans le Zeitschrift für die organische Physik de Heussinger, 1828, pl. I, fig. 7 de l’atlas. 371 E, OUSTALET. deux troncs dorsaux sont très-rapprochés l’un de l’autre, il existe entre eux un autre canal anastomotique très-court, et c’est de ce dernier, et non des troncs eux-mêmes, comme le dit L. Dufour, que partent, comme les deux branches d’un Y, deux trachées assez brèves allant aux stigmates {horaciques posté- rieurs (fig. 1, s’s’). C’est également d’un tronc dorsal que sont issus les canaux aériferes allant l’un à la troisième, l’autre à la deuxième patte. Ce dernier reçoit aussi, avant de pénétrer dans l’appendice lo- comoteur, une trachée d’origine du stigmate thoracique anté- rieur du même côté (fig. 1, ss.). De ce dernier orifice proviennent encore, d’une part le canal aérifère de la première patte, de l’autre une branche allant au tronc dorsal ; 1l serait done plus naturel de supposer que l’ou- verture stigmatique est venue interrempreletrajet d’une branche issue du tronc dorsai, et en tout semblable à celles qui se ren- dent à la deuxième et à la troisième patte. Ainsi se trouverait rétabli le parallélisme entre les trois trachées des trois membres du même côté. | Du canal aérifère destiné à la première patte sort en avant une branche récurrente qui forme avec celle du côté opposé une paire de canaux longitudinaux accompagnant l’œsophage en dessous comme les deux troncs dorsaux le suivent en dessus, et qui se replient bientôt pour pénétrer dans la trompe et sy distribuer. Ce sont ces deux trachées récurrentes que L. Dufour a sans doute prises pour deux branches de bifurcation des troncs supérieurs. Le système aérifère moyen, ou viscéral (fig. 1, BB et fig. 9, tv), se distingue par sa couleur argentée du système dorsal dont il répète la disposition en dessous du rectum. Il envoie égale- ment dans les parois de cet organe plusieurs branches recour- bées et parallèles entre elles, donne ensuite quelques rameaux aux tubes malpighiens, puis remonte sur les eûtés de l’estomacet lui fournit un grand nombre de trachées quis’épanouissent à sa surface en arbuscules argentés du plus bel effet. Enfin les deux troncs viscéraux gagnent la partie supérieure du tube digestif, DE LA RESPIRATION CHEZ LES LIBELLULES. 979 et, se croisant en sautoir, viennent se jeter, celui de droite dans la trachée destinée à la deuxième patte du côté gauche, celui de gauche dans la trachée de la deuxième patte du côté droit. En arrière, chacun de ces troncs viscéraux se jette dans le tronc inférieur ou ventral du même côté. Le système aérifère inférieur ventral (fig. 4, cc), d’un rouge cuivreux comme le système dorsal, est bien moins important puisqu'il n’envoie aucune branche au tube digestif. IL amène l'air par ses ramifications nombreuses aux muscles de la région inférieure du corps et à la chaîne nerveuse, et se termine en avant par deux branches assez grêles. Il se rattache au tronc dorsal du même côté : en arrière par une branche sinueuse et latéralement par cinq branches recourbées qui remontent le long des flancs. En résumé donc chaque tronc dorsal est relié au tronc ventral du même côté par six canaux anastomotiques, au tronc viscé- ral par l'intermédiaire de la trachée de la deuxième patte en avant et du tronc ventral en arrière, enfin au tronc dorsal du côté opposé par deux branches transversales, l’une cépha- litique, l’autre thoracique. Dans cette description sucemcte j'ai négligé les ramifications secondaires des trachées; 1l en est cependant quelques-unes qui présentent une disposition intéressante. Par exemple, sous la voûte tergale, les trachées qui arrivent perpendiculairement au vaisseau dorsal, s'arrêtent brusquement contre ses parois et se partagent en deux branches, tellement écartées l’une de l’au- tre qu'elles deviennent presque parallèles à l’axe du corps, et dont l’une assez courte se dirige en arrière, tandis que l’autre se prolonge en avant. Il résulte de cette disposition que le vais- seau dorsal est limité, à droite et à gauche, par un cordon tra- chéen interrompu. Quelque chose d’analogue se voit le long du sillon qui loge la chaîne ganglionnaire; de plus, les trachées émises perpendiculairement à sa direction, au niveau de chaque ganglion, viennent s'épanouir chacune à la surface d’un de ces centres nerveux, et ont été prises par Léon Dufour pour autant de nerfs médians. 376 E. OUSTALET, Dans la tête, les canaux aérifères ont une disposition arbo- rescente à la base du cerveau, pectinée entre les éléments des nerfs optiques. La lèvre supérieure reçoit deux rameaux tra- chéens du système dorsal, la lèvre inférieure ou le masque deux branches récurrentes des trachées de la première paire de pat- tes. Ce fait pourrait être encore invoqué comme preuve de la dualité primitive de ces pièces buccales. Les trachées excessivement fines que l’on aperçoit, en s'ai- dant d’un grossissement considérable, à la surface du vaisseau dorsal suivent la direction générale de cet organe. De chaque côté du cœur, et formant une sorte de fraise, pour me servir de l'expression de L. Dufour, sont des épiploons grais- seuæ qui reçoivent du système dorsal une extrême abondance de canaux aérifères; à un niveau inférieur se trouve une deuxième paire d'épiploons, non moins riche en trachées. L. Dufour regarde ces masses graisseuses comme destinées à subir une sorte de résorption nutritive dans les temps de diète et d’abstinence forcée ; mais la quantité d'air qu'elles reçoivent dénote une importance physiologique bien plus considérable : c’est qu’en effet elles sont le siége du développement des or- ganes génitaux, dont on aperçoit déjà les vestiges sous la forme de cordons composés de cellules accolées bout à bout, dans la nymphe qui est sur le point de se transformer. Le système aérifere général des nymphes de la Libellula vul- gata et de la Libellula depressa ne présente pas avec celui de la nymphe de l'Æschnide de différences capitales : même nombre detrones longitudinaux ; même disposition en sautoir des troncs viscéraux sur la portion antérieure du tube digestif; mêmes anastomoses principales, sauf pour les troncs viscéraux qui s'é- puisent en arrière au lieu de s’aboucher dans les h'oncs ven- traux. Swammerdam (1), de Geer (2), Cuvier (3), von Siebold (4) (4) Biblia nature. (2) Mémoires, loc. cit. (3) Mémoires, op. cit., p. 48. (4) Manuel d'anatomie comparée, 1849. DE LA RESPIRATION CHEZ LES LIBELLULES. ol ne font pas mention des stigmates des larves de Libellules. Réau- mur (1) parle d’un assez grand nombre de stigmates abdomi- paux, et, d'après lui sans doute, Sprengel (2), Carus (3) et Duvernoy (4) en admettent sept ou neuf paires. Mais l'examen minulieux des téguments montre qu'il u y à pas d'ouverture, mais de simples taches sur les côtés de l'abdomen. Réaumur indique en outre deux paires de stigmates thoraci- ques ; Léon Dufour au contraire n’en a vu qu'une PAM et après l'avoir décrite, 1l ajoute : «<20><2><6 ou 24 000 papilles au moinspour la to- talité de l'appareil branchial. Ce chiffre, sans doute trop faible, peut donner une idée de la multiplicité des contacts entre les tra- chéeset le fluide respirable. Dans les nymphes de Libellules pro- prement dites, la respiration n’est pas moins active, car si les la- melles branchiales sont dépourvues de villosités, elles sont en plus grand nombre et présentent à l'eau oxygénée une surface au moins égale. L'air vital pénètre ensuite dans toutes les par- 6 DE LA RESPIRATION CHEZ LES LIBELLULES. 909 ties du corps, mais 1l n’est pas expulsé, comme l'ont cru cer- tains auteurs, par les stigmates thoraciques. Ceux-ci sont-ils seulement des témoins destinés à marquer la place qu’occupe- ront les orifices respiratoires de l'adulte, ou bien servent-ils déjà à la nymphe pour l'absorption des gaz, lorsqu'elle est obligée de respirer à l'air libre, soit par suite du desséchement de la mare qu’elle habite, soit surtout quand arrive l'instant de sa méta- morphose et quand ses branchies commencent à s’atrophier ? Dufour admet cette dernière opinion, et Je serais assez disposé à la partager. En effet, les stigmates de la nymphe sont assez dé- veloppés, surtout les antérieurs, qui sont entr'ouverts. D'autre part, on voit que l’insecte qui va se métamorphoser cherche à sortir de l'eau et périt asphyxié si on le maintient dans ce li- quide. Il y a là un moment critique qui correspond à un chan- gement radical du mode de respiration et qui marque la fin du deuxième âge de la Libellule. Mes recherches n’ont porté que sur cette période de son existence, mais j'espère les compléter en étudiant d'une manière analogue la respiration chez l'adulte. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHES 10, 41 ET 12. Fig. 1. Système trachéen de la nymphe de l’Æschna maculatissima. — AA, troncs supérieurs ou dorsaux; BB, troncs moyens ou wiscéraux; CC, troncs inférieurs ou ventraux; SS, stigmates antérieurs; S/S/, branches allant aux stigmates postérieurs. Fig. 2. Système viscéral de la même nymphe. — T, tête; O, œsophage; G, gésier; E, estomac; M, tubes malpighiens; R,rectum; A, anus; fv, troncs viscéraux ; td, troncs dorsaux. Fig. 3. Touffe branchiale, grossie 90 fois environ, de la même nymphe.— #, trachee ; pp, papilles. Fig. 4. Rectum ouvert et grossi de la même nymphe, montrant les six bandes bran- chiales. — v, v/, valvules. Fig. 5. Portion grossie d’une trachée du vaisseau dorsal de la même nymphe. — me, membrane externe; #17, membrane interne ; é/, trachéoles. Fig. 6. Trachée grossie 140 fois.de la même nymphe, au moment de la métamor- phose. — TT, nouvelle trachée ; ff, ancienne trachée. Fig. 7. Lamelles branchiales de la nymphe de la Libellula vulgata, vues sous un grossissement de 950 fois. — f, trachée; mA, mh', membrane hyaline. 5€ série, Zoor., T. XI, (Cahier n° 6.) 5 25 VE 286 E. OUSTALET. Fig. 8, Réctum ouvert et grossi de la même nymphe, montrant les six bandes bran- chiales. — {d, troncs dorsaux; fv, troncs viscéraux; v, valvule., Fig. 9. Stigmate antérieur droit de la nymphe de la Zibellula vulgata, vu sous le même grossissement. Fig. 10. Stigmate postérieur gauche de la même nymphe, vu sous le même grossisse- ment. Fig. 41. Stigmate antérieur droit de la nymphe de l'Æschna maculatissima, vu sous un grossissement de 70 fois, Fig. 42. Stigmate postérieur gauche de la nymphe de l'Æschna maculatissima, vu sous le même grossissement. Fig. 43. Papille branchiale de la même nymphe, vue sous un grossissement de 950 fois. Fig. 44, Extrémité (très-grossie) de l'abdomen chez la même nymphe. Fig. 45. Extrémité (très-grossie) de l'abdomen chez la même nymphe de la Zibellula vulgata. FIN DU ONZIÈME VOLUME. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. ANIMAUX VERTÉERÉS. Observations anatomiques sur les glandes nasales des Oiseaux, par M. Joperr. Observations sur l’ablation des hémisphères cérébraux des Pigeons, par M. Vour. (Extraits PR EL. 1e SE 0 DUC ANIMAUX INVERTÉERÉS. Mémoire sur la génération des Aphides, par M. BALBrANI. Études sur la chaleur libre dégagée par les animaux invertébrés, et particulière- ment par les Insectes, par M. Maurice GIRARD. . « . . o' 'Ae Note sur la Respiration chez les nymphes des Libellules, par M. Ousrtarer. . Observations sur les Aphidiens qui font les galles des Pistachiers, par M. Der- RS M6 ES OMR NN O0 DOME 0 OU TND MD OLD, Observations sur des Crustacés rares ou nouveaux des côtes de France, par MHESSr (Diesephemerasiicle.) OMAN NN NU Réapparition du genre Arethusia, par M. BarROUDE. (Extrait). . Note sur la disposition des couches musculaires chez les Annélides, par M. A. DER OUATRENS GES CES NN EURO TE NERO Note sur une nouvelle Annélide chétopode hermaphrodite, par M. G. Moquix- HPANDON- HS Ut aber SR Ne Eee SRE EU Observations sur la on des Mollusques céphalopodes a golfe de Gas- COSNE DATE MM ATP AEONT. NN CNE Sur les Crénoïdes vivants, par M. Sars. (Annonce). . . . . . . . 349 90 108 309 134 409 108 TABLE DES MATIÈRES PAR BaLcBlani. — Mémoire sur la généra- tion des Aphides.. . . ... .« « . . BARROUDE. — Réapparition du genre Arethusia. (Extrait). . . . . . . . DerBës. — Observations sur les bre diens qui font les galles des Pista- CRIPLS Te ee Cle rate ee en GirARD (M.). — Etudes sur la chaleur libre dégagée parles animaux inver- tébrés et particulièrement par les INSeCLES CNE Cr oc Hesse. — Observations sur les Crus- tacés rares ou nouveaux des côtes HO JMS 6180 0 ee 6 le Jo8erT. — Recherches anatomiques sur les glandes nasales des Oiseaux. NOMS D'AUTEURS. LAFONT (A.). — Observations sur la fécondation des Mollusques cépha- lopodes du golfe de Gascogne. . nouvelle Annélide chétopode her- MADOTOULC ER PERS = chez les nymphes des Libellules. . QUATREFAGES (A. DE). — Note sur la disposition des couches musculaires chez les Annélides. . . . . . . . . Sars. — Mémoire pour servir à Ja connaissance des Crinoïdes vivants. (Annonce.). 275|Yorr. — Observations sur l’ablation des hémisphères cérébraux des Pi- geons. (Extrait.). TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planche "4. Ghélonidiforme type. Planche 2. Aphides ovipares. — ‘3et4. Aphidiens. — ,6 et 7. Anatomie des Annélides. — ‘Bet 9. Glandes nasales des Oiseaux. — "40, 11 et 42. Appareil respiratoire des Libellules. Paris, — Imprimerie de E. MARTINET, rue Mignon, ?. . 409 108!MoquiN-Taxpon (G.). — Note sur une . 134 93|Ousrarer. — Note sur-ta respiration 370 309 108 90 D Ann. des Jecence. nat. 5° Serre . 000 TITI OL TOR _ Chelontudiforme 474 : {mp A Sabnon, r Weille -Estrapade, Parts. dt DEA “il NT a ” . e # . d Annales des Sezences nat. 5° Serre . CRT FE Cool. Tome XT. PI. 2. apo mu Dent G Dalbiant. del [a . “ î Life Are t Hyren gétulet Me : voeu le À donne tmp à Prés Lebray Lol, L'ADREAUOS" nn des Jonat. 0 Jérie. A A, p Aidierns. À. Salmon cnp .7. lerille-F strapade, 2d,Laris. | Ann.des Je.nat. Ÿ Serre , 7001 TXL Ne | Aph LLLCRS . À. Salmon, imp. r.Wieille-Lstrapade, 15, ares A, TITRE Zoo! , 2 Les 22 des Arr Analonie Lurws. «æ 1 Salmertnp.r bistrapade, 15. RO NON Zoo!, D £e ot à des Tnt es. A. Salron, tmpiT 77 Lstrapadet Anatoñt CPE “+ Cl'ue , D) TC: , s Jecerne Anite., ÆAratorrt 2 27e des 17 £e A Salmon 72 7. l£Estapae, 2. Lhres . Ann. des Secene, nat: 5" Sérte Zool. Jome AT. 7e Ô. [24 ne Clandes nasales des Viseaux.. mp. A. Salmon, 7. Freille-Estrapade,15, Farrs . Zool. Zome A7. HA) d gr nr ee Anrn.des Setene.nat. 9" Serie, Glandes nasales des Vistaur . mp. A. Salmon, r. Vieille -strapade, 29 Parts. ATTIE Tome A7, KU 70% Ann.des Seenc.nat. 3 Serie, Appareil r'esperalorre des Lribellulierns . - A. Salmon tmp. Veille-Estrapade.1$. a Paris. Zoot, Tome A1. FU. 1. Ann,.des Sriene,.nal. 5° Serie. Se our Appareil res piraloire. des L. ro | 4 Snlson znp - r. Wreille-Fstrapade. 15. Paris. Ann, des Jeierne.nat. 5 Jértre., Zool., Tome A1, [A, 72, Appareil respiratoire des Lribelluliens . A. Salmon np. r, Weille-Estrapade,r$, Parrs . L Re En LP "L LE TU 338 713