Da rtLrd ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ——————————— ZLOOLOGIE PALÉONTOLOGIE PARIS. — IMP. E. ,MARTINET, eg— RUE MIGNON, ANNALES DES SCIENCES NATURELLES - CINQUIÈME SÉRIE ZOOLOGIE PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX M. MILNE EDWARDS XII PARIS VICTOR MASSON ET FILS, PLACE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE 71869 AE ASE @, SATA ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE ET PALÉONTOLOGIE E 2 : —— ——t LE a a se RE —— ÉTUDES ZOOLOGIQUES SUR LES HÉMIONES ET QUELQUES AUTRES ESPÈCES CHEVALINES, Par M. GEORGE, Docteur en médecine, licencié ès sciences naturelles. , 81. L'histoire naturelle des diverses espèces du genre Equus, qui vivent aujourd’hui à l’état sauvage dans l’intérieur de l'Asie et dans la partie nord-est de l'Afrique, est encore très-obscure, et la confusion qui y règne ne dépend pas seulement du manque d'observations précises relatives à ces animaux, et de l’insuffi- sance des sujets d’études réunis dans les musées zoologiques ; elle résulte aussi en partie de la manière dont quelques auteurs ont classé les Solipèdes, et de l'absence d’une critique sévère dans la discussion de la plupart des synonymies adoptées dans beaucoup d'ouvrages récents. Cette année, dans son cours de mammalogie, M. Milne Edwards à appelé l'attention sur cette partie de l’histoire des espèces chevalines, et il m'a engagé à m'en occuper d’une ma:- mère particulière ; il a bien voulu me donner communication des notes qu'il avait réunies sur ce sujet, et il a mis à ma dispo- 6 GEORGE, sition de précieux matériaux, dont l'étude lui paraissait propre à éclairer quelques-uns des points en discussion. Tous les zoologistes s'accordent à reconnaître avec Linné que le Cheval, l’Ane,-et les autres Quadrupèdes monodactyles aux- quels on donne le nom commun de Solipèdes, ont entre eux une parenté physiologique étroite, et constituent un groupe parfaite- ment naturel ; mais, de nos jours, les auteurs sont partagés d'opinions au sujet du rang qu'il convient d’assigner à ce groupe ; et tandis que les uns persistent à le considérer comme ne consti- tuant qu'un genre unique, d’autres l’élèvent au rang de famille, et le subdivisent ensuite en deux ou même en trois genres. Ainsi le savant conservateur des collections zoologiques du Musée britannique, M. le docteur Gray, répartit les Solipèdes en deux genres, et, réservant le nom d’Equus au Cheval proprement dit, il classe dans son genre Asinus toutes les espèces chevalines dont la queue est dépourvue decrins dans sa portion basilaire (1). Enfin Hamilton Smith, à qui l’on doit une monographie des Équidées, divise ce groupe en trois genres, savoir : le genre Equus, le genre Asinus et le genre Hippotigris, comprenant les Zèbres (2). Cette tendance à restreindre de plus en plus la valeur des divisions génériques, et à multiplier par conséquent les noms sous lesquels ces groupes sont désignés, augmente de jour en jour, et dans quelques branches de la zoologie elle est portée si loin, que les bénéfices du système de nomenclature mtroduit dans la science par Linné sont en grande partie perdus. Dans son enseignement au Muséum, M. Milne Edwards la combat souvent, et il pense qu'afin d'y mettre des bornes, 1l convien- drait de baser la délimitation des genres sur des considérations physiologiques, dont jusqu'ici les zoologistes classificateurs n’ont tenu que peu de compte. A l'exemple de Buffon et de Cuvier, ce professeur pose en principe que l’espèce est un groupe com- (1) JE. Gray, Gleanings from the Menagerie and Aviary at Knowsley Hall, 1850, p. 70. (2) Hamilton Smith, The Natural history of Equidæ (The Naturalists library, conducted by Jardine, vol. XIT, 1841). ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 7 prenant tous les animaux qui sont susceptibles de se reproduire entre eux et de donner ainsi des produits aptes à perpétuer leur type, et que, faute de pouvoir constater directement cette filiation continue, on doit en présumer l'existence chez les ani- maux qui ne diffèrent pas plus entre eux que ne diffèrent les individus féconds dont la communauté d’origine nous est con- nue ou nous paraît très-probable. Puis, adoptant les vues de Flourens sur les caractères physiologiques du groupe générique, ce naturaliste ajoute : « Le genre doit être composé des espèces qui sont assez semblables entre elles pour pouvoir se mêler et donner naissance à des hybrides stériles, ou dont la fécondité est limitée ; par conséquent, il faut ne pas séparer générique- ment les animaux que l’on sait être susceptibles de s'unir de la sorte, ni Ceux qui se ressemblent entre eux au même degré que se ressemblent les espèces aptes à se féconder mutuellement. » S1 l'on applique ces principes à la classification des Solipèdes de l’époque actuelle, on voit que ces animaux constituent bien réellement plusieurs espèces distinctes, mais que ces espèces ne forment qu'un seul genre naturel ; car tous les membres de ce groupe sont susceptibles de se mêler, et de donner naissance à des produits intermédiaires ou hybrides, inaptes à perpétuer leur type. Depuis l'antiquité la plus reeulée, on sait que le Cheval et l’Ane possèdent cette faculté, et que les Mulets, résultant de leur croisement, ne se reproduisent pas. Le Cheval et l’Ane sont par conséquent pour le naturaliste, aussi bien que pour le vulgaire, deux espèces distinctes ; mais ils doivent être réunis dans un même genre, et porter dans nos systèmes de nomenclature le même nom générique. On sait depuis quelques jours, par une expérience de croisement faite à la ménagerie du Muséum, que l'Hémione et le Cheval sont également aptes à se mêler ; et déjà, dans le même établissement scientifique, Isidore Geoffroy-Saint- Hilaire avait obtenu des métis d’Ane et d’'Hémione. Ce natura- liste avait vu aussi que l’'Hémippe est fécondable par l'Hémione. Enfin lord Derby avait constaié dans le parc de Knowsley que les Zèbres, ainsi que les Dauw et les Couagga, donnent des pro- duits hybrides, d’une part, avec le Cheval, d'autre part avec 8 GEORGE. l’Ane ou avec l’Hémione. Mais on sait que les produits mixtes ainsi obtenus sont ou complétement stériles, ou d’une fécondité très-limitée, de facon qu'ils ne se reproduisent pas entre eux, et que, dans le cas où l’un de ces animaux est fécondable par des reproducteurs appartenant à l’une des espèces-souches, ses pro- duits reprennent promptement les caractères de ce type zoolo- gique, de sorte que la forme intermédiaire ne se perpétue pas. {l en résulte que la zoologie physiologique doit repousser les divisions génériques proposées, soit par Hamilton Smith, soit par M. Gray, bien que ces divisions aient été adoptées par plus d'un auteur dont l'autorité est considérable en histoire naturelle, par exemple le prince Charles Bonaparte. Aussi, à exemple de Linné, de Cuvier et des deux Geoffroy, M. Milne Edwards réunit-il en un seul genre tous les Solipèdes de l’époque actuelle, et continue-t-1l à les désigner sous le nom commun d'Équus. | Il est cependant de toute évidence que le Zèbre, le Dauw et le Couagga, se ressemblent entre eux plus qu'aucune de ces espèces ne ressemble à l’Ane; que l’Ane ressemble à l'Hémione et à l’'Hémippe plus qu’il ne ressemble, soit au Zèbre, soit au Cheval, et que ce dernier se distingue au mème degré des espèces che- valines à robe rayée. Il peut donc être utile de représenter ces ressemblances et ces différences dans nos classifications métho- diques à l’aide de divisions correspondantes ; et par conséquent, à la condition de conserver à tous ces animaux le nom commun d'Equus, il convient de les répartir eu trois sections ou sous- genres ; et pour faciliter le discours, on peut donner à chacun de ces groupes un nom particuler, ou mieux encore le désigner par une épithète spéciale. Ainsi, dans lé cours de mammalogie du Muséum, M. Milne Edwards, appliquant à tous les membres du genre Æquus la dénomination commune d'Equidés, qui est déjà employée dans le même sens par beaucoup d'auteurs, appelle la première de ces sections le sous-genre des Équidés propre- ment dits, la seconde le sous genre des Équidés asiniens et la troisième le sous-genre des Équidés zébrés. Ces divisions corres- pondent, comme on le voit, aux {rois genres proposés par Hamil- ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 9 ton Smith, mais n’ont pas la même valeur hiérarchique, et ne font perdre à aucune des espècés réparties de la sorte le nom commun d'Equus. Le naturaliste dont je rapporte ici les opinions insiste égale- ment sur la nécessité de ne jamais perdre de vue la différence physiologique qui existe entre l'espèce et la race. Les individus dérivés d’une même souche peuvent présenter entre eux des dif- férences plus ou moins considérables, dues, soit aux conditions biologiques diverses dans lesquelles ils vivent, soit à des causes que nous ignorons ; et les variétés produites de la sorte, se transmet- tant par hérédité de génération en génération quand ces condi- tions persistent, se marquent de plus en plus, et donnent parfois à différentes lignées collatérales des caractères si tranchés, qu'au premier abord on les croirait distinctes spécifiquement. Mais ces races sont susceptibles de se mêler entre elles, et de donner des produits dont le pouvoir reproducteur est le même que celui de leurs parents, et se transmet indéfiniment à leurs descendants. Ces lignées ne constituent donc pas des espèces différentes ; mais les particularités qui les distinguent sont d'autant plus stables qu’elles ont existé sans interruption dans un nombre plus grand de générations ; et lorsque les reproducteurs sont des individus appartenant à deux races différentes, les produits participent aux caractères de l’une et de l’autre de celles-ci, ou bien se les parta- gent, de façon que certains individus reproduisent le type pater- nel, les autres le type maternel, et ce retour au type de l’un des ascendants peut avoir lieu après un intervalle de plusieurs géné- rations, aussi bien que parmi les descendants immédiats des races différentes dont le croisement donne naissance à cette po- pulation mixte. Les zoologistes éprouvent souvent de grandes difficultés pour distinguer entre elles les espèces et les races locales, et proba- blement beaucoup de formes organiques, que l’on considère gé- néralement comme étant propres à des espèces particulières, ne dépendent que de différences de races. En effet, les naturalistes n'ont que rarement l’occasion de constater expérimentalement ou par l'observation directe si des animaux dont le plan organi- 40 GRORGE. que est essentiellement le même, bien que leur structure diffère à certains égards, sont ou non susceptibles de se reproduire entre eux. Lorsque ces animaux vivent ensemble dans une même contrée, où ils pourraient se croiser si leur nature le compor- tait, et lorsque les types qui sont particuliers à certains de ces êtres se perpétuent sans mélange, les différences spécifiques entre les lignées ainsi produites sont indubitables. Mais lors- que les représentants de deux formes organiques semblables au fond, mais plus ou moins différentes par les détails, sont séparées par des barrières géographiques presque infranchissables, le même genre de preuves n'existe plus, et c’est seulement par l'appréciation de la valeur physiologique de leurs caractères distinctifs que l’on peut se décider à les séparer spécifiquement ou à les considérer comme des races locales d’une seule et même espèce. Or, la valeur d'une particularité organique, considérée comme caractère zoologique, est d'autant plus élevée que sa fixité est plus grande. Lorsqu'on constate l'existence de formes intermé- diaires qui établissent un passage graduel entre deux types répu- tés spécifiques, 1l est donc présumable que les particularités ca- ractéristiques de ces formes ont peu d'importance zoologique, et que ces types appartiennent seulement à deux races distinctes d’une seule et même espèce; mais pour faire cette constatation, il faut pouvoir comparer entre eux un grand nombre d'individus ; et, lorsqu'il s’agit d'animaux exotiques, les musées ne fournis- sent que rarement les matériaux nécessaires pour cette étude. Lorsque le naturaliste ne possède qu'un petit nombre de repré- sentants d'une forme zoologique particulière, il est done obligé de considérer cette forme comme étant caractéristique d’une espèce nouvelle toutes les fois qu’elle diffère notablement des formes propres aux espèces déjà connues, sauf à faire descendre au rang de variété ou de race l'espèce ainsi établie; dans le cas où un examen ultérieur portant sur une série d'individus plus nom- breux lui permettrait de la rattacher à l’un des groupes spéci- fiques précédemment connus. Les naturalistes doivent done s’appliquer avec persévérance à l'étude de la valeur des caractères employés pour la distincuon ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. A1 des espèces ou des races ; et dans ce but tenir grand compte des limites de la variabilité de chacune des particularités organiques qui constituent ces caractères. Tous ces principes généraux que j'ai puisés dans les leçons orales, faites au Muséum par le professeur de Mammalogie, trouveront immédiatement leur application dans les études qui font le sujet de ce Mémoire. 8 2. La plupart des naturalistes, les paléontologistes surtout, atta- chent une très-grande valeur aux particularités de structure offertes par la charpente osseuse des Mamnuifères, et considèrent toute différence un peu notable dans la conformation d’une partie quelconque du squelette comme devant motiver une dis- tinction spécifique ou même générique. Le plus ordinairement cette opinion paraît être fondée; les caractères ostéologiques ont indubitablement plus d'importance que les caractères fournis par les formes extérieures ou par les téguments. Mais les diffé rences que l’on rencontre dans la conformation du squelette, pour être des caractères, soit d’une espèce, soit d’un genre, doi- vent être constantes chez lesmembres qui constituent ce groupe, et lorsqu'elles varient notablement là où les lois physiologiques indiquent l'identité spécifique ou générique, elles cessent d’a- voir la même valeur. L'étude des espèces chevalines montre combien doit être grande la réserve qu'il faut mettre dans l’em- ploi de quelques-uns de ces signes de diversité. Parmi les différences anatomiques qui existent entre nos Chevaux et les espèces asines, on a depuis longtemps remarqué l’inégalité du nombre des vertébres lombaires. Chez les pre- miers, de même que chez les Zèbres, on rencontre dans cette région de la colonne rachidienne six vertèbres, tandis que chez es espèces asines on ne trouve que cinq de ces os (1). Au pre- mier abord, cette différence de structure semble être très-consi- {1) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, 2° édition, t. I, p.482. — Chauveau, Traité d'anatomie comparée des animaux domestiques, p. 23. 12 GEORGE. dérable, et l’on pouvait penser qu’elle constituait un des carac- téres spécifiques par lesquels la différence entre la nature du Cheval et de l’Ane se manifeste dans l’organisation de ces ani- maux. Aussi, lorsque M. Sanson, observateaur habile qui jouit de beaucoup d’autorité en zootechnie, eut constaté que chez certains chevaux de l'Afrique le nombre normal des vertebres lombaires est de cinq comme chez les espèces asines, beaucoup de zoologistes paraissaient disposés à admettre avec cet auteur que le sous-genre des Chevaux proprement dits se compose aujourd’hui non pas d’une espèce unique comme on le pensait jusqu'alors, mais de deux espèces, savoir : une espèce asia- tique ayant six vertèbres lombaires, et une espèce africaine ayant seulement einq vertèbres lombaires. Telle est, en effet, la conclusion que M. Sanson déduit de ses intéressantes recher- ches (1). Mais tout en reconnaissant qu'il y a là deux types bien distincts, faut-il admettre que ces types représentent deux espèces zoologiques, ou faut-il les considérer seulement comme des races appartenant à une même espèce? Si, pour définir l'espèce, on n'avait recours qu'aux données fournies par l'anatomie, ces questions ne seraient pas faciles à résoudre, tant sont légères les différences ostéologiques qui sé- parent entre elles les espèces les mieux caractérisées du genre Equus ; mais les règles que la physiologie tire de la zoologie et que j'ai rappelées dans la première partie de ce Mémoire, me semblent la résoudre nettement et montrer que chez ces Soli- pèdes le nombre des vertèbres lombaires n’est pas caractéris- tique des espèces. Effectivement, les faits constatés par M. San- son, au musée de l'École vétérinaire de Stuttgard, me paraissent prouver que les Chevaux pourvus de six vertèbres lombaires sere- produisent d’une manière normale avec les chevaux à 5 vertebres lombaires et que, sous le rapport de la faculté génératrice, leurs produits ne diffèrent pas de ceux qui sont engendrés par deux individus dont la charpente osseuse est constituée d’une manière (1) Voyez Mémoire sur la détermination d'un type spécifique de race chevaline à cinq vertébres lombaires, par M. A. Sanson (Journal de l'anatomie et de la physiolo- gie de M. Robin, t. V, 1868), ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 13 identique. La zoologie physiologique ne peut donc voir dans cette particularité que des caractères de races et non des carac- tères spécifiques. La divergence d'opinions entre M. Sanson et moi dépend donc seulement de la manière dont nous définis- sons le mot espèce; et je ferai remarquer que si l’on abandon- nait la règle physiologique adoptée ei-dessus pour la fixation des limites des groupes désignés sous ce nom, on tomberait dans l'arbitraire, car parmi nos animaux domestiques dont l’origine commune est connue, il n’y a pas de race bien marquée qui ne soit caractérisée par certaines particularités ostéologiques aussi bien que par sa conformation extérieure. Il me paraît done évident que tous les animaux de l’époque actuelle, qui dans les systèmes méthodiques des zoologistes por- tent le nom d’Equus caballus, doivent être considérés comme appartenant à une seule et même espèce, quelque grandes que soient les différences de race par lesquelles ils se distinguent entre eux. On peut se demander si le type primitif du cheval comportait cinq vertèbres lombaires comme le type actuel des espèces asi- nes, et si l'existence d’une sixième vertébre lombaire chez cer- tains de ces animaux ne serait pas la conséquence d’un perfec- tionnement organique Individuel devenu héréditaire par les effets de la sélection naturelle; ou si le type primitif possédait ces six os, et si les Chevaux, qui sous le rapport du nombre des vertébres lombaires ressemblent aux espèces asines, sont les re- présentants dégénérés d’une souche plus élevée. M. Milne Ed- wards incline à adopter la première de ces hypothèses; mais, pour se prononcer à cet égard, il faudrait connaître le nombre des vertèbres chez les Chevaux de l’époque quaternaire dont les débris abondent dans les cavernes à ossements du centre de la France ainsi que dans d’autres gisements analogues; et l’on ne possède, que je sache, aucun renseignement sur ce point. 8 3. La subdivision naturelle du genre Equus, qui a pour représen- tant principal l’Ane domestique, se distingue de celle des Che- 14 GEORGE. vaux ou Équidés proprement dits par la conformation de la queue, dont la portion basilaire dépourvue de crins est garnie seulement de poils ras, par l’absence de châtaignes où plaques cornées à la face interne des membres postérieurs, par la lon- gueur plus considérable des oreilles, et par quelques autres par- ticularités organiques. Elle ressemble au sous-genre des Équidés zébrés par la plupart de ces caractères; mais elle en diffère par la coloration presque uniforme du corps, qui n'offre pas une multitude de bandes alternativement claires et foncées comme chez ces derniers. Ce groupe zoologique comprend, indépendamment de l'Ane proprement dit, plusieurs espèces ou races qui habitent diverses régions de l’Asie, et se ressemblent tant entre elles, qu'au pre- mier abord il est tres-difficile de les distinguer, et que la plupart des voyageurs modernes ainsi que les écrivains de l’antiquité les confondent sous la désignation commune d’Anes sauvages. Les mots ovos æyptos employés par Aristote, et le nom d’Onagre (1) qui en dérive n'ont pas une signification plus précise, et c’est évidemment à tort que quelques auteurs les ont considérés comme s'appliquant spécialement à l’Equus asinus. Si l’on in- terprétait dans ce sens étroit les expressions vagues que je viens de rappeler, il faudrait admettre qu'aujourd'hui encore l'Ane proprement dit se trouve à l’état sauvage en Afrique, en Perse et dans toute l'Asie centrale. Mais cela ne paraît pas être; et 1l est démontré que dans un grand nombre de cas les prétendus Anes sauvages sont des Dshiggetei (2) ou d’autres espèces che- valines non moins distinctes de l’Equus asinus. Les zoologistes ne paraissent avoir aucune preuve convamn- cante de l’existence actuelle de l’Ane proprement dit à l’état sauvage ailleurs que dans le nord-est de l'Afrique, région où (4) Ovayp0s des Grecs etonagrus des Latins (Aristote, Hist. des anim., li. VE, ch. 36): (2) L’orthographe de ce nom, comme celui de la plupart des mots des langues orien- tales, n’est pas fixée d’une manière précise et varie beaucoup. Ainsi, on écrit tantôt Dshikkelæi, d'autrefois Tschiggetai ou même Czigethai ; mais ces variations dépendent seulement de la manière de rendre le son exprimé et n’impliquent aucune différence dans le sens du mot. À en juger par l’étymologie, il faudrait écrire Tschikiter, car ce nom Mongol dérive de Tschikt (oreilles) et signifie oreillard (auritus). ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 45 aucun représentant des espèces hémioniques n’a été encore ren- contré ; mais là, la présence de l'Equus asinus vivant compléte- ment libre en troupes immenses, est indubitable et date de l'antiquité la plus reculée. Effectivement, en 18514, la ménage- rie du Muséum obtint, par les soins de M. Delaporte, consul de France, au Caire, et de M. d'Agoutin, agent consulaire à Ma- souah, un âne sauvage provenant de l’Abyssinie, où, d’après le témoignage de plusieurs voyageurs modernes, jes änimaux de cette espèce vivent en troupes nombreuses dans cette partie de l'Afrique et y sont connus sous le nom de Hamar-seei, c’est-à dire Anes de chasse, ou Anës que l’on chasse (1). Pour reconnaître l'identité spécifique de ce Solipède avec nos Anes domestiques, il a sufhi de l'examen de ses formes extérieures, examen qui a été fait, il y a quinze ans, par trois juges très-compétents, Isidore- Geoffroy Saint-Hilaire, M. Richard (du Cantal) (2) et M. Scla- ter (3). Le premier de ces auteurs n’a pas hésité à le considérer comme un descendant des Ânes sauvages ou Onagres, dont plu- sieurs écrivains de l’antiquité avaient fait mention comme habi- tant le nord de l'Afrique (4). Le docteur Heuglin, voyageur qui (4) Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit. (Comptes rendus des séances de l’Acadé- mie des sciences, 1855, t. XLI, p. 1222). (2) Rapport de M. Richard (du Cantal) sur l’Hémione acclimatée au Muséum d’his- toire naturelle (Bulletin de la Société zoologique d’acclimatation, 1854, p. 379, pl. 4), Il est à noter que dans cette figure les oreilles sont beaucoup trop courtes, circonstance qui est due à une mutilation dont le dessinateur ne s'était pas aperçu. (3) Sclater, On Wild Asses (Proceedings of the Zoological Society of London, 1862, p. 164). (4) Pline nous dit : «L'Afrique produit beaucoup d'Hyènes et d’Anes sau- vages; dans cette dernière espèce, chaque mâle règne sur un troupeau de femelles » (Hist. nat., lib. VIII, $ 46). Élien décrit la manière dont les Maurésiens faisaient la chasse de l’Ane sauvage dans la partie nord-ouest de l'Afrique, et il parle de la vitesse remarquable de ces ani- maux (De Historia animalium, lib. XIV, cap. x, trad. de Gitius, 1565). Arrien parait avoir été témoin oculaire de cette chasse (De venatione, cap. xx1v). M. Milne Edwards fait remarquer aussi que l’Ane est reconnaissable parmi les animaux sauvages de l’Éthiopie, représentés dans la mosaique de Palestrine, {a- bleau qui, d’après Barthélemy, daterait probablement du milieu du n° siècle de l’ere chrétienne (Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres pour 1760, t: XXX). Léon l’Africain, géographe arabe qui voyagea dans le nord de l'Afrique au commen- 16 GEORGE. a eu également l’occasion d'observer l’Ane sauvage de l’Abyssi- nie, l'en distingue et le figure sous le nom d'Æquus lœniopus (1) ; cement du xvi° siècle, décrit aussi ces Anes sauvages qui, dit-il, vivent en troupes (Jean Léon African, Historiale description de l'Afrique, lib. IX, 1556, p. 399, édit. d'Anvers). Marmol (General Description de Africa, fol. 24, édit, de Grenade 1573) et Saint- Isidore de Séville (Etymologicarum, lb. XIL, cap. 1; Opera omnia, t, I, p, 45) font également mention de l'existence de ces animaux en Afrique. Parmi les voyageurs modernes qui signalent la présence des Onagres ou Anes sau- vages dans la partie de l’Afrique située au sud de l'Égypte, je citerai aussi : Caillaud, Voyage à Meroe, au fleuve Blanc, etc., fait en 1819, 1820, 1821 et 1822, t. IL, p.109; Wilkinsou, The Manners and Customs of the ancient Egyptians, vol. I, p. 21, édit. 1847; Kirk, Report on the Route from Tajurra to Ankobar (Journ. of the Gogr. Soc, of London, 1842, t. XII, p. 221); Isenbeng and Kraff, Route from Cairo, through Zeila to Shwa (J. Geogr. Soc., 1842, t. XII, p. 461); Trémaux, voyez Is. Geoffroy Saint-Hilaire (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1855, t. XLI, p. 1222); Botta, voyez Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit.; Guigollos, voyez Is. Geoffroy Saint-Hilaire (/oc. cit.); Leepsius, Voyage en Égypte; Tristram, The Great Sahara; Wanderings south of the Atlas Mountains, p. 318, 1860 (voyez Blyth, On Wild Asses. Journal of the Asiatis Soc. of Bengal, 1862, t. XXI, p. 365); Pelherick, consul anglais à Khartoum, voyez Sclater, op. cit. (Proceed. Zool. Soc., 1862, p. 164). Aujourd’hui les Onagres paraissent avoir complétement disparu de la région afri- caine que les anciens appelaient la Mauritanie, et peut-être faut-il attribuer en partie cette dépopulation à un fait signalé à l’attention des naturalistes par Dureau-Dela- malie, Considérations sur la domestication des animaux (Ann. des sc. nat., t. XVII, p. 424). L'usage de chasser les Onagres adultes et de manger leur chair comme venai- son existait chez les Romains ainsi que chez beaucoup d’autres peuples de l'antiquité, mais Mécène introduisit l’usage de manger les Anons domestiques, et bientôt après les gourmets de Rome abandonnèrent l’Anon pour l’'Onagre de lait. Or, Pline rapporte que « l’Afrique se vante de ses jeunes Onagres qu’elle nomme Lalisiones, comme supé- » rieurs, pour le goût, aux Anons» (Hit. nat., lib. VIII, cap. 69), et l’on sait que les Romains n’épargnaient rien lorsqu'il s'agissait de pourvoir au service de leur table somptueuse. Il est donc probable que vers le commencement de notre ère, la chasse des Lalisiones ou jeunes Onagres a été assez active poar en détruire la race dans les pays soumis à la domination romaine. (4) Dans le texte de sa note sur les Mammifères nouveaux de la partie de l’Afriqué qui avoisine la mer Rouge, M. Heuglin désigne cet animal sous le nom d’Asinus fænio- pus ; mais dans la légende de la planche, où il en donne une figure, il l'appelle Equus tæniopus. Voici la description qu'il en donne: «A, isabellinus, infra atbus, stria longi- » tudinali in dorso ad caudæ floccum setosum nigrum excurrente alteraque transver- » sali supra humeros ducta intense nigra ; regione oris nasique, nec non pedum latere » anteriore et interiore albidis; auriculis externe isabellinis, supra et versus marginem » ferrugineis, interne albidis nigro-marginatis, stria brevi sigmoidea ab auricularum » basi utrinque ad jubam excurrente nigro-fusca; juba brevi, infra albida, medio ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 17 mais les particularités de coloration que cet auteur y à remar- quées ne me paraissent pas suffisantes pour motiver son opinion, et l'examen que J'ai pu faire de la charpente osseuse de ce Soli- pède confirme pleinement la manière de voir d’Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Je prendrai donc l’Ane sauvage ou Onagre d’Abyssinie comme type de l'espèce chevaline à laquelle appartient l’Ane domestique, animal dont les formes ont été plus ou moins modifiées par l'in- fluence de l’homme; et je comparerai à ce type les Équidés asiniformes de l'Asie que l’on désigne communément sous les noms d'Hémippe, d'Hémione, de Dshiggetei, de Ghor-Khur, de Kiang, etc. De même que l’Ane domestique, l'Onagre d’'Abyssinie se dis- tingue des Équidés hémioniques par le grand développement de ses oreilles, dont la face interne est abondamment garnie de longs poils; par sa robe qui est d’un gris ardoisé, avec une ligne noire le long du rachis et une longue bande scapulaire transversale de même couleur, par la grosseur de sa tête, par la petitesse de ses nasaux et par plusieurs autres particularités. Il est ausst à noter qu'il présente vers la partie intérieure des pattes, quelques zébrures noires irrégulières, dont on n’apercçoit d'ordinaire au- cune trace chez les Anes domestiques ; mais ce caractère ne me parait pas avoir assez d'importance pour motiver l'établissement d’une distinction spécifique entre ces animaux. Ainsi que Cuvier l'a fait remarquer, les différences ostéologi- ques qui existententre l’Ane et le Cheval sont très-lègères. Pour distinguer ces animaux l’un de l’autre, on ne saurait avoir égard à la taille, puisqu'il existe des Chevaux qui sont moins grands que nos Anes ordinaires; et les caractères fournis par un os quel- conque, considéré isolément, sont peu tranchés (1). Mais lors- » migra; pedibus interne et externe tæniis fransversis partim confluentibus nigris, » regione versus ungulas ex ferrugineo-nigrescente, infima cingulo albo; ungulis, » genttalibus et antipedum verrucis corneis nigris; oculis iride nigro fusca » (Heuglin, Diagnosen neuer Süugethiere aus Africa am Rothen Meere. — Nova acta Acad. nat. Curios., t. XXNIIL, 1861). (1) Cuvier, Recherches sur les ossements fossiles, édit. in-8, t. IE, p. 217. 9° série, Z00L., T. XIL. (Cahier n° 1.) 2 2 16 GEORGE. qu’on compare les proportions des diverses parties du squelette, les différences se dessinent nettement. Pour rendre ces différences faciles à apprécier, 1l ne suffit pas de donner les mesures absolues des divers os, ainsi que les anatomistes le font d'ordinaire; il faut prendre comme terme de comparaison de part et d'autre une portion déterminée du squelette, la considérer comme unité de mesure, et rapporter à cette unité les longueurs relatives sur lesquelles on veut appeler l'attention. C'est ce que j'ai fait; et dans les tableaux numéri- ques ci-Joints (1), où trouvera l'indication de ces mesures, soit absolues, soit proportionnelles. Ici je me bornerai à signaler les différences qui me paraissent les plus importantes à noter. En prenant comme terme commun la longueur totale de la tête osseuse mesurée en ligne droite depuis le bord supérieur du lrou oceipital jusqu'au bord extérieur des os intermaxillaires, où remarque d’abord que les membres sont beaucoup plus courts chez l’Onagre que chez le Cheval (2). Ainsi la longueur relative de l’humérus est de 18,7 chez le premier, et de 58,6 chez le second. Pour l'avant-bras, les différences sont encore plus considérables; la longueur relative de ce rayonétant de 66,3 chez l'Onagre, et de 86,5 chez le Cheval; on retrouve encore cette différence dans le canon, qui est de 36,9 chez l'Onagre et de 47,1 chez le Cheval. Il est aussi à noter que chez les Anes le doigt est notablement plus étroit que chez le Cheval, différence qui s’accuse extérieurement par la forme du sabot. Les différences sont du même ordre entre les membres postérieurs de ces deux animaux; et on l’observe dans la conformation de cette partie du squelette d’autres paru- cularités qui sont en rapport avec le développement inégal de la puissance musculaire dans le train de derrière chez ces deux espèces. Dans le Cheval, les muscles fessiers et les autres exten- seurs de la cuisse ont un développement bien plus considérable que chez lAne, circonstance qui contribue à donner au premier (1) Voyez le tableau placé à la fin de ce mémoire: (2) Le squelette de Cheval qui m’a servi pour prendre ces mesures se trouve dans 14 galerie d'anatomie comparée du Muséum, et provient d’un étalon arabe dont les ver” tèbres lombaires ne sont qu'au nombre de cinq. ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 19 de ces animaux la faculté de se cabrer bien plus facilement que ne le fait l’Ane; et ce développement musculaire commande en quelque sorte un développement correspondant dans les os du bassin. Chez le Cheval, les os ilaques sont très-élarais et se diri- gent beaucoup plus en dehors que chez les Anes. Aïnsi, le dia- mètre transversal du bassin, mesuré entre les épines iliaques externes, est, relativement à la longueur de la tête, représentée toujours par 100, de 89 chez le Cheval et de 59 chez l'Onagre d'Abyssinie. Chez les Anes domestiques, dont les formes ont été modifiées par l'influence de l’homme, la largeur du bassin est plus considérable que chez l'âne sauvage dont je viens de parler; mais dans aucun eas Je ne l'ai trouvée supérieure à 76. Le déve- loppement du bassin dans là direction longitudinale est égale- ment très-différent chez le Cheval et chez l’Ane. Chez le premier, les tubérosités ischiatiques se prolongent beaucoup plus loin en arrière, disposition qui favorise l’action mécanique des muscles extenseurs de la cuisse, non-seulement parce qu'elle leur procure une surface d'attache plus étendue, mais parce qu’elle rend moins oblique leur insertion sur le levier fémoral qu’ils sont destinés à mettre en mouvement. La longueur de l’espace compris entre l’épine ihaque antérieure et la tubérosité ischiatique correspond à 86 chez le Cheval, et n’est que de 67 chez les Anes. On remar- que aussi une différence dans la direction du bassin chez ces deux espèces. Chez le Cheval les os iliaques sont placés très-oblique- inent par rapport au sacrum; chez les Anes, ils se relèvent da- vantage en arrière. La forme de chacun de ces os présente aussi dans ces deux espèces des différences assez considérables pour les rendre faciles à distinguer; et si j'avais à traiter ici de l’appli- cation des caractères ostéologiques à la solution des questions paléontologiques que soulève l'histoire du cheval, il me serait facile de faire ressortir ces caractères. Mais cela m'éloignerait trop du but principal de ce travail. Pour le moment, je me bornerai donc à ajouter que chez les Anes les fosses iliaques externes sont beaucoup moins profondes que chez le Cheval, et se rétrécissent beaucoup plus à leur partie postérieure (1). Les gouttières ischio- (1) Voyez planche 3, fig. 4. 20 GEORGE. pubiennes inférieures sont plus profondes chez l'Ane, et les cavi- tés cotyloïdes sont moins développées, circonstance qui dépend en partie du peu de saillie de la tubérosité périnéenne externe. Enfin, la crête épineuse du sacrum est beaucoup plus élevée chez le Cheval, et les apophyses qui la constituent sont plus complétement soudées entre elles et se dirigent moins oblique- ment en arrière; chez l’Onagre, de mème que chez les Anes domestiques adultes dont j'ai eu l’occasion d'étudier le squelette, la quatrième et la eimquième vertèbres lombaires sont soudées entre elles latéralement, disposition que je n’ai jamais rencontrée chez le Cheval. Chez le Cheval, les apophyses épineuses, dans la région lombaire, sont plus élevées; et daus la moitié antérieure de la région dorsale, la longueur de ces prolongements osseux augmente dans une proportion encore plus grande, circonstance que du reste on aurait pu prévoir par les différences qui existent dans la forme du garrot chez ces deux Solipèdes. La longueur de la portion cervicale de la colonne vertébrale, comparée à celle de la région dorso-lombaire, est aussi plus grande chez le Cheval ; et l’on observe des différences correspondantes dans la forme des vertèbres du cou. La forme générale de la tête osseuse est à peu près la même dans ces deux espèces chevalines; mais il y a des différences tres-notables déterminées en partie par le développement relatif de la région cräntenne et de la région faciale. Chez l'Onagre d'Abyssinie (?) ainsi que chez l’Ane domestique, la portion crà- mienne de la tête, mesurée du bord postérieur de l'orbite à la crête occipitale, est à la longueur de la région faciale mesurée de la même partie du bord orbitaire à l'extrémité antérieure des 6s intermaxillaires, comme 40 est à 15, tandis que le Cheval, elle est à peu près comme 16 est à 21,5. Chez les AÂnes et surtout chez l’Ane sauvage, les crêtes temporales se rapprochent très- promptement de la ligne médiane, de facon que la surface fron- tale se rétrécit très-brusquement en arrière du bord postérieur du cadre orbiture, et ne se prolonge que très-peu sur le sinei- (1) Voyez planche 14, fig. 4, etpl. 2, fig. 4. ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 21 put, tandis que chez le Cheval, elle occupe les deux tiers de la longueur de la région cränienne. Chez l’'Onagre d’Abyssinie, la portion interorbitaire de la région frontale est fort bombée transversalement, et la portion de la région jugale située entre l'orbite et le trou sous-orbitaire est très-renflée ; tandis que chez le Cheval elle forme de chaque côté un plan incliné dont la por- tion supérieure est plutôt concave que convexe. Ce renflement est surtout marqué au-dessus des dents molaires de la quatrième paire. La longueur relative de cette partie de la tête est à peu près la même dans les deux espèces ; et les différences que j'ai signalées ci-dessus dans les proportions de la face dépendent surtout de la brièveté de la portion de la mâchoire située au devant du trou sous-orbitaire. On remarque également entre les Anes et le Cheval, une différence notable dans la forme de l'os basilaire, dont la carène médiane est plus étroite et plus sail- lante chez ce dernier. Il y à aussi entre ces deux espèces quelques légères différences dans la conformation des dents molaires. Chez l'Onagre d’Abyssinie, elles sont remarquablement épaisses et très-riches en cément, caractères qui sont moins prononcés chez l’Ane domestique, mais qui distinguent encore celui-ci des che- vaux avec lesquels j'ai pu le comparer. Chez notre Onagre, le bord externe de la rangée formée par ces dents s’incurve davan- tage en dedans, et l’on remarque quelques particularités dans la disposition des replis de l’émail. Ainsi le lobe interne de la der- mère molaire est notablement moins allongé d’avant en arrière que chez le Cheval, et le développement de ce repli de l'émail est aussi moins grand à la molaire antérieure. Des différences correspondantes, quoique moins prononcées, sont offertes par les molaires intermédiaires. L'épaisseur des molaires est encore plus considérable à la mâchoire inférieure. La molaire postérieure surtout est beaucoup plus allongée d’avant en arrière chez le cheval. Les diverses particularités de conformation que je viens d’é- numérer ne sont, pour la plupart, que peu tranchées et échappe- raient facilement, si l’on ne faisait des parties qui les offrent une comparaison attentive. Si elles nous étaient offertes par la tête 22 GEORGE, osseuse d'animaux dont l’ensemble de l’organisation ne nous était pas connu, on pourrait hésiter à les considérer comme suf- fisantes pour motiver une distinction spécifique. Mais comme elles existent entre des animaux que nous savons appartenir à des espèces distinctes, elles doivent acquérir aux yeux du zoologiste une valeur considérable, et elles me semblent justifier l'emploi de caractères du même ordre pour la distinction d’autres espèces du genre Equus. Je chercherai donc si entre les espèces asines admises sans conteste ou réputées douteuses par la plupart des naturalistes, on peut constater dans la conformation du squelette des particularités de même valeur. SA Le Cheval, l’Ane et leur produit hybride, le Mulet, n'étaient pas les seuls Solipèdes connus des anciens. Aristote fait mention d'un animal de Syrie qui ressemble au Mulet, mais qui n’est pas stérile comme celui-ci, et qui perpétue sa race. Ce grand natu— raliste ne désigne cet Équidé sous aueun nom particulier, et se contente d’y appliquer celui d'Hémione ou demi-Ane que les Grecs donnaient aux Mulets ordinaires (1). Aristote n’est pas le seul écrivain de l'antiquité qui ait fait allusion à ces Hémiones féconds. Homère en parla, lorsqu'en énumérant les forces troyennes il voulut caractériser d’un mot le pays des Hamètes en Paphlégonie (2). Théophraste confirma l’assertion d’Aristote, et Pline reproduisit à peu de chose près ce qu'en avait dit Théophraste (3), mais sans y ajouter aucune observation nou - velle ; et jusqu'au milieu du xvur° siècle, ces indications res- tèrent même inaperçues des naturalistes ; aussi, à l’époque où Linné publia la dernière édition du Systema naturæ, c'est-à-dire en 1758, les zoologistes ne connaissaient que trois espèces du genre Equus : le Cheval, l’Ane et le Zèbre (4). (1) Histoire des animaux, livre VI, ch. 36, édition de Camus, t. I (2) Voyez Dureau de la Malle, Considérations générales sur lu domestication des animaux (Ann. des sciences naturelles, 1832, t. XXVII, p. 18). (3) Plinii secundi Historiarum mundi, liber VIT, $ XLVI, $ LXIX. (4) Voyez Linné, Systema naluræ, édition 42, t. I. ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 23 En 4774, Pallas ajouta à cette liste une quatrième espèce (L), Précédemment, le voyageur Messerschmid, chargé d’une mis- sion scientifique en Sibérie par Pierre le Grand, avait rapporté de la Daourie, et déposé dans le Musée de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, la dépouille d'un Solipède qu'il appelait le Mulet fécond d'Aristote. Pallas, en visitant le même pays, eut l’occasion de faire une étude plus attentive de cet ani- mal, qui vit en troupes nombreuses dans les steppes de l'Asie centrale, et qui est désigné par les Mongols sous le nom de Dshiggetei. 1 reconnut que cet Équidé, tout en étant, par ses formes, intermédiaire au Cheval et à l’Ane, par conséquent com- parable sous certains rapports au Mulet, constitue une espèce zoologique distincte. I l’inscrivit done comme telle dans nos ca- talogues méthodiques ; et, pensant que ce devait être l'animal dont Aristote avait fait mention sous le nom d’Hémione fécond, il l’appela Equus hemionus. Quelques années après, Pallas publia des observations sur un Équidé asiniforme des environs de la mer Caspienne, que de- puis longtemps on savait exister en Perse. À sa demande, Gme- lin s'était procuré une paire de ces animaux à Kahsbin, et était parvenu à amener l’un d'eux vivant à Saint-Pétersbourg. Pallas n’hésita pas à considérer ce Solipède comme différent spécifiquement du Dshiggetei de la Daourie, mais comme étant identique avec l'animal du même genre qui habite les déserts situés à l’est de la mer Caspienne, et qui est désigné sous le nom de Koulan par les Kirgis et les autres hordes nomades de la Tar- tarie (2). Enfin, cet auteur pensa que ce Koulan ne pouvait être autre que le véritable Ane sauvage ou Onagre des anciens (3). (4) Equus hemionus, Mongoles Dshikketaie dictus, describente P. S. Pallas (Novt Commentarii Academiæ scientiarum Imperialis Petropolitanæ, pro anno 1774, &. XIX, p. 394, lab. 7, 1775). — Naturgeschichte und Beschreibung des wilden habesels Dshiggetæi (Neue Beiträge, 2, s. 1). — Voyages dans l'empire de Russie et dans l Asie septentrionale, & N, p. 425. (2) Observations sur l’Ane dans son état sauvage ou sur le véritable Onagre des anciens, par P.S. Pallas (Acta Academiæ scientiarum Imperialis Petropolitanæ, pro anno 1777, pars posterior, p. 258, tab. XI et XII, 1780). (3) Geoffroy Saint-Hilaire et Fréd. Cuvier, Hist. nat. des Mammifères, 40° livraison. 21 GEORGE. Dès 1777 à 1835, nos connaissances relatives aux espèces chevalines de l’Asie ne firent que peu de progrès. Mais vers cette dernière époque, un négociant français, M. Dussumier, procura aux naturalistes l'occasion d'étudier attentivement un des re- présentants de ce groupe zoologique qui habite le Cutch, pays voisin de l’Indus, et qui y est connu sous le nom de Ghor-Khur. Déjà, en 1823, Frédéric Cuvier (4) avait appelé l'attention des naturalistes sur ce sujet, par la publication d’un dessin qui luiavait été envoyé de l'Inde par Duvaucel, et qui représentait un de ces animaux vivant en captivité à Laknau, où, d’après ce voyageur, on les employait de la même manière que l’Ane do- mestique. Frédérie Cuvier n'avait pas hésité à considérer cet Équidé asiniforme comme ne différant pas spécifiquement du Dshigsetei de l'Asie centrale , et, à l'exemple de Pallas, il l'avait désigné sous le nom méthodique d’Équus hemionus. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire adopta la même détermination spécifique pour les individus apportés de l'Inde par M. Dussu- mier et placés dans la ménagerie du Muséum d'histoire natu- relle où ils ne tardèrént pas à se multiplier. Cet auteur les dé- crivit et les figura sous le nom d’Hémione, et c’est par cette désignation qu’ils sont connus du public, amsi que de la plupart des naturalistes. Mais l'opinion de Frédéric Cuvier et d'Isidore Geoffroy fut combattue par quelques auteurs ; ainsi M. Gray, se fondant principalement sur l'étude qu'il avait faite du Kiang du Thibet, animal qu'il assimila au Dshiggetei de la Mongolie, sou- tient que le Ghor-Khur du Cutch diffère spécifiquement de ce dernier ; que c’est le Koulan de Pallas, et que par conséquent il faut l'appeler Æquus onager, au lieu d'Equus hemionus. Cette manière de voir est partagée par M. Wagner (2) et par quelques auires zoologistes. Enfin M. Sclater (3) a proposé dernièrement de désigner le Ghor-Khur du Cuteh sous le nom d’'Asinus indi- cus, mais sans discuter la question en litige. (1) Sur Legenre Cheval et spécialement sur l'Hémione (Equus hemionus, Pallas), par Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (Nouvelles annales du Muséum d'histoire naturelle, US er ni OC (2) Die Säugthiere von Schreber, Supplementband, t. V, Leipzig, 1845, p. 483. (3) On wild ases (Proceedings of the Society of London, 1862, p. 163). ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 25 Il'existe donc beaucoup d'incertitude dans cette partie de l’histoire des Équidés, et les difficultés sont devenues encore plus grandes qu'elles ne parassaient l'être 1l y a dix ans, par suite de la découverte de l'Hémippe, autre représentant du même sous-genre dans la partie occidentale de l'Asie, là où jus- qu'alors on n'avait parlé que d'Hémione ou d’Onagre. En 1555, M. de Bourgomg, chargé d’une mission militaire en Orient, remarqua dans les écuries du gouverneur de Damas deux animaux que les gens du pays appelaient des 4nes sau- vages ; ils avaient été donnés au sérasakier {zet-Pacha par un chef arabe nommé Atterh-Bevy, et l'on assurait qu’ils étaient ori- ginaires du désert de Syrie, situé entre Bagdad et Palmyre ; mais ils étaient nouveaux pour tous ceux qui en parlaient. À la demande de M. de Bourgoing, ces animaux furent envoyés en France pour être offerts à l'Impératrice, et Sa Majesté en fit présent à la ménagerie du Muséum où ils véeurent quelques années. Aussitôt leur arrivée, M. Isidore Geoffroy en publia une description sommaire ; il les considéra comme constituant une espèce particulière, et 1l proposa de donner à cette espèce le nom d'Hemippus, c’est-à-dire demi-Cheval, afin de bien imdi- quer que, par ses formes, elle est intermédiaire au Cheval et à l'Hémione, dont le nom signifiait primitivement demi-Ane (1). Mais le jugement porté sur ce point par le naturaliste éminent que je viens de citer ne fut pas accepté par tous ses contempo- rains. Ainsi le prince Ch. Bonaparte le critiqua vivement, et dé- clara que, dans son opinion, les Équidés en question ne consti- tuaient en réalité qu'une simple variété de l’Ane commun. M. Sclater, directeur du jardin zoologique de Londres, pense que l’'Hémippe ne diffère pas spécifiquement de lOnagre de Pallas (2). Enfin M. Mine Edwards, dans ses lecons orales au Muséum, soutient que l'Hémippe n'est autre chose que le vért- (1) Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Sur deux chevaux sauvages d’une espèce nouvelle (Equus hemippus) donnés par S. M. l'Impératrice à la ménagerie du Muséum d’his- toire naturelle (Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, 1855, t. XLI, p. 1214). (2) Scluter, op. cit, (Proceedings, 1862, p. 163). 26 GEORGE. table Hémione d’Aristote (1). À l’époque où ces divergences d'opinions se produisirent, on ne possédait dans aucun des musées de l'Europe les pièces nécessaires pour étudier compa- rativement l’Ane sauvage proprement dit, le prétendu Ovagre ou Hémione de Cutch et l’'Hémippe de la Syrie. Mais aujourd’hui ces objets ont été réunis au Muséum d'histoire naturelle de Paris, et par conséquent il est plus facile de discuter d’une manière fructueuse la question en litige. M. Mine Edwards a bien voulu mettre ces pièces ostéologiques à ma disposition, et elles me per- mettront, je crois, d'établir que l’'Hémippe ne peut être confondu spécifiquement avec l'Ane sauvage, et qu'il aurait dû être appelé Hémione, car ce nom lui convient mieux encore qu'à l'animal auquel Pallas et les autres zoologistes classificateurs lappli- quent. Afin de procéder méthodiquement dans la discussion de celte question, je la diviserai, et j'examinerai d’abord si l'Hémippe peut être considéré comme une simple variété de l’Æquus asi- nus, ainsi que le supposait le prince Ch. Bonaparte, puis j'expo- serai les raisons qui me portent à penser que le Ghor-Khur de la région indienne est non moins distinct spécifiquement du véri- table Onagre ou Ane sauvage, et je chercherai ensuite si cet Hémione doit être distingué au même degré de l'Hémippe, ou si ces deux animaux ne seraient pas seulement deux variétés lo- cales d’une seule et même espèce. Ainsi qu'isidore Geoffroy l'a fait remarquer, l'Hémippe res- semble tant aux Hémiones, soit par la forme générale du corps, (1) Les deux Hémippes femelles donnés à la ménagerie du Muséum par S. M. l'Im- pératrice, ne sont pas les seuls individus de cette espèce que l’on ait reçus en Europe. Ainsi, en 4868, le Jardin zoologique de Londres en obtint une paire qui lui avait été fournie par le Jardin d’acclimatation du Bois de Boulogne (Proceedings of the Zool. Soc., 1868, p. 404) ; mais il y n’a eu, à ma connaissance, aucun fait nouveau ajouté à l'histoire naturelle de ces animaux depuis la publication de la note présentée à l’Aca- démie, en 1855,par Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et je regrette que les zoologistes de Paris n'aient pas encore eu l’occasion de constater les différences sexuelles qui peuvent exister chez ces animaux. Il est aussi à noter que l’animal figuré par Wagner, sous le nom d’Equus asinus Onager Pall., d’après un individu vivant dans la ménagerie de Knowsley (Schreber’'s Säugethiere ; Supplem., B. 5, pl. 33), paraît être un Hemippe. ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 2 soit par sa robe isabelline avec crinière et bande dorsale noï- râtre, qu’au premier abord on pourrait facilement confondre ces animaux. Mais il suffit de les examiner attentivement, ajoute cet auteur, pour être convaincu qu'ils n’appartiennent pas à la même espèce. Chez l'Hémippe, la tête est beaucoup plus petite et plus fine, les oreilles beaucoup plus courtes, et, par suite, la physionomie bien moins différente de celle du Cheval propre- ment dit. La queue est plus fournie de poils longs, et sous ce rapport ressemble beaucoup à celle du Bardeau ; enfin, la cou- leur isabelline est plus intense, et s'étend plus bas sur les flancs, sur la gorge et sur la partie antérieure des membres. Isidore xeoffroy a constaté aussi que la voix de l’'Hémippe diffère de celle des autres espèces chevalines que l’on a pu observer à l'état vivant dans les diverses ménageries de l'Europe. Sous le rapport des formes extérieures, 11 y a donc plus de différence entre l’'Hémippe et l’Ane proprement dit qu'entre ce dernier animal et les Équidés du Cuich, auxquels on applique communément le nom d'ÆHémiones. La tête osseuse de l'Hémippe (1) se distingue au premier coup d'œil de celle de l’Ane, et ressemble davantage à celle du Cheval. J'ai fait remarquer dans le précédent paragraphe de ce mémoire que l’Âne sauvage, de même que l’Ane domestique, est dolichocéphale, tandis que le Cheval est brachvcéphale. Ce dernier mode de conformation se rencontre enfin chez l'Hé- mippe, et pour bien préciser les différences qui existent à cet égard entre ces deux espèces asines, il suffit de comparer chez l’une et chez l’autre la longueur de la portion crâänienne de la tète, mesurée entre le bord postérieur de l'orbite et la partie la plus saillante de la crête occipitale à la longueur de la région faciale, mesurée également en ligne droite du bord postérieur de l'orbite à l'extrémité antérieure de l'os intermaxillaire. Chez l’Ane sauvage, ainsi que je l'ai déjà dit, ces longueurs sont dans le rapport de 10 à 47, tandis que chez l'Hémippe elles sont comme 10 est à 22 et une fraction; relativement au diamètre (4) Voyez pl. 1, fig. 4, et pl. 2, fig. 2. 28 GEORGE. antéro-postérieur de la région cränienne, la face est donc en- core plus allongée que chez le Cheval. La forme de la région faciale est non moins différente chez ces deux espèces, que le prince Charles Bonaparte considère comme identiques. Chez l’'Hémippe, la tête est beaucoup plus étroite que chez les Anes; le front, au lieu d'être arqué trans- versalement comme chez ces derniers, est plat, et même un peu concave vers la racine du nez; les joues, au lieu d'être _renflées immédiatement en arrière des trous sous-orbitaires, y présentent une concavité très-prononcée. Il est aussi à noter que les barres sont plus courtes; que les crêtes temporales restent écartées entre elles dans toute la longueur du sinciput; que l'os basilaire est très-déprimé ; que les incisives externes (ou canines) sont petites, et que les molaires de la première paire sont plus développées d’arrière en avant. Le bassin fournit aussi des caractères qui ne permettent pas de confondre l'Hémippe avec l’Ane sauvage (4). L'os iliaque est notablement plus allongé par rapport à la longueur totale du bassin ; sa portion interne, qui s’adosse à la crête épineuse du sacrum, S élève davantage, et sa portion précotyloïdienne est plus grèle. La région périméenne est plus courte, et les ischions se dirigent beaucoup plus en dehors. Les membres sont notable- ment plus allongés ; ainsi, en représentant par 100 la longueur du tronc, mesurée de la dernière vertèbre cervicale au bord antérieur du sacrum, je trouve pour la longueur du membre postérieur, supposé étendu en ligne droite, 96 chez l'Ane et 415 pour l'Hémippe. D’après l’ensemble des faits que je viens de rapporter, il me paraît certain que l'opinion émise par le prince Charles Bona- parte n’est pas fondée, et qu'Isidore Geoffroy Saint-Hilaire avait raison, lorsqu'il soutenait que l’EHfémippe est un animal non moins distinct de l’Ane que celui-ci est distinct de l'Hémione. Gr nous verrons dans le prochain paragraphe que les règles fournies par la physiologie ne laissent aucune incertitude quant (Voyez pl Mip.2, ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 29 à la distinction spécifique entre l'Ane et l'Hémione. Quant à la question relative au degré d’affinité zoologique qui existe entre ce dernier animal asiniforme et FHémippe, elle ne peut être tranchée aussi facilement, et, pour la résoudre, 1l faut tout d’a- bord comparer entre eux ces Équidés plus attentivement qu’on ne l’a fait jusqu'ici, et chercher si des formes intermédiaires n'établissent pas le passage de l’un à l’autre. Quoi qu'il en soit à cet égard, que l'Hémippe doive être con- sidéré une espèce particulière ou seulement une race locale facile à istinguer, tant du Ghor-Khur du Cutch que du Dziggetei de la Mongolie, il n’en est pas moins évident que &’est à cet animal plutôt qu'à ceux dont je viens de parler que devrait appartenir le nom d'Hémione, introduit dans la science par Aristote. En effet, lorsqu'on cherche à établir la synonymie des animaux dont les anciens naturalistes ont fait mention sans les décrire d’une manière suffisante, il est indispensable de tenir grand compte des renseignements géographiques dont ees indications peuvent être accompagnées. Or Aristote dit positivement que les Mulets léconds où Hémiones, dont il parle, se trouvent en Syrie, pays que nous savons être la patrie de l'Hémippe et qui ne parait être habité par aucune autre espèce asine vivant à l’état sauvage. Cette considération me porte à penser que les Anes sauvages dont Xénophon fait mention, comme existant en grand nombre dans le voisinage de l'Euphrate, devaient être des Hémippes (4). Enfin il me semble également probable que tout ce qui a été dit par les Hébreux au sujet de l’Ane sauvage s’appliquait à l’Hé- mippe et non à l’Equus asinus. L'Hémippe serait done à la fois l'Hémione sauvage d’Aristote et le Chamor, Hymar où Hamar des Ecritures hébraïques (2). Cela établi, examinons si l’'Hémippe doit être regardé comme se distinguant spécifiquement des Équidés du Cuteh et de la Mongolie auxquels le nom d’Hémione a été appliqué, ou si, (1) Xénophon, Expédition de Cyrus dans l'Asie supérieure, iv. F, chap. v. (2) Les chevaux sauvages de la Mésopotamie, dont Ainsworth parle, mais sans avoir pu en voir, sont probablement aussi des Hémippes (Researches in Assyria, Babylonia and Chaldæa, p. 40, 1838), 90 GEORGE. dans l’état actuel de la science, il convient, ainsi que le pense M. Mine Edwards, de le considérer comme une race particu- hère de l'espèce hémionienne dont les divers représentants offri- raient, suivant les contrées qu’elles habitent, des particularités constantes, mais de trop inince valeur pour motiver l'admission de ces variétés locales au rang de types spécifiques. $ 5. Le Ghor-Khur ou Equidé asiniforme des déserts qui avoist- nent lindus et que Frédéric Cuvier, ainsi qu'Isidore Geoffroy Saint-Hilaire ont appelé Hémione parce qu'ils l’assimilaient au Dshigeetai de la Mongolie ou Æquus hemionus de Pallas, mas que M. Gray rapporte au prétendu Ane sauvage du nord de la Perse ou Onagre de ce zoologiste, et qu'il nomme pour cette raison Æquus onager est assez généralement connu pour qu'il soit inutile d’en décrire 1ci les formes extérieures (1) et je me contenterai de rappeler qu’il ressemble à l'Hémippe par son port, par sa couleur générale et par la disposition de sa raie rachi- dienne, mais que ses oreilles sont un peu plus longues, sa tète plus lourde et sa robe plus claire sur les flancs. Si l’on ne prenait en considération que les formes externes et le mode de coloration de cet animal, on pourrait hésiter à le con- sidérer comme constituant une espèce distincte de l’Ane propre- meut dit; mais lorsqu'on prend pour guide les principes de zoologie physiologique que j'ai rappelés au commencement de ce mémoire, la question me paraît nettement tranchée par les expériences faites à la ménagerie du Muséum d'histoire natu- relle. En effet, dans cet établissement, on a obtenu plusieurs fois des métis d'Hémione et d’Anesse ; mais les individus hybrides (1) Plusieurs bonues figures de l’Hémione du Cutch ont été publiées; on en trouve dans les ouvrages suivants : Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit. (individu femelle). — F. Cuvier (fils), Histoire naturelle des Mammifères, par F. Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, t. IV (individu femelle). — Gray, Knowsley Menagerie, pl. 53 (màle et femelle). — Roulin, Atlas du Règne animal de Cuvier, Mammifères, pl, 83, fig. À (màle). ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 31 produits de la sorte s’y sont toujours montrés stériles (4). I y a donc tout lieu de penser que le Ghor-Khur constitue dans le genre Equus une espèce particulière, parfaitement distincte de l'Equus asinus aussi bien que de l'Equus caballus. Jusqu'ici la structure intérieure de cet Hémione n’a été l'objet d'aucune étude suivie. Pour apprécier ses affinités zoologiques, il faut cependant tenir compte de toutes les particularités orga- niques que cet animal peut offrir. Parmi les caractères anatomiques par lesquels 11 diffère à la fois de l’Ane proprement dit et du Cheval, je citerai en première ligne ceux fournis par la structure de l'appareil génital mâle. La dissection de cet appareil a été faite récemment dans le labora- toire de M. Milne Edwards, par un des élèves de ce professeur, M. Edmond de la Rive, et ce jeune naturaliste a constaté qu'il n'existe dans le repli péritonéal situé entre la portion terminale des canaux déférents aucun vestige des vésicules wébériennes, tandis que chez l’Ane, M. Leuckart a trouvé ces appendices très- apparents et portés à l'extrémité d’un long tube impaire (2). Mas l'absence ou la présence d’un organe rudimentaire, et par cela même très-variable, n'aurait peut-être pas, aux yeux des natu- ralistes, une importance tres-grande, si cette particularité anato- mique existait seule, et je me hâte d'ajouter qu'ici elle est (1) M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a parlé d’un double Hybride né d’une Anesse qui aurait été fécondée par un métis d'Hémione et d’Anesse. Mais, d’après une enquête faite à ce sujet par M. Milne Edwards, il y a lieu de croire que ce zoologiste avait été trompé par un employé peu véridique. L’Anesse en question n’appartenait pas à la ménagerie du Muséum. Le garçon d’écurie, d’après le témoignage duquel on avait attribué la fécondation de l’Anesse par le métis nommé Polka, était connu pour son peu de véracité ; et l’Anon, né de cette femelle, ne paraissait différer en rien des Anes proprement dits. L'administration du Muséum en fit néanmoins l'acquisition, et il a été facile de constater que, même à l’âge adulte, cet animal n’avait avec son prétendu père aucun trait de ressemblance. Il est donc probable qu’il y a eu là fraude ou erreur involontaire; car le métis mâle, réputé producteur de cet individu, a ensuite été souvent accouplé, soit avec des Anesses, soit avec des Hémiones femelles, et n’a jamais donné de produit. Plusieurs Hybrides femelles, provenant de l’'Hémione du Cutch mâle et de l’Anesse, ont été souvent saiilies par un étalon de cette dernière espèce, et se sout toujours montrées stériles. (2) Voyez l’article : Vesicula prostatica, par M, Leuckart, dans le Cyclopædia of Anatomy and Physiology by Todd, t.IV, p. 1420, fig, 878. 02 GEORGE. accompagnée d'un autre caractère dont la valeur me paraît in- contestable. Les vésicules séminales, au lieu de consister en deux poches piriformes à col étroit et allongé (f), parfaitement dis- tinctes, affectent la forme d’une poche unique dont le fond est incomplétement bilobé, dont l'intérieur est divisé en deux parties par une cloison médiane, et dont le colest court et fort large ; je donne ici une figure de l'appareil mâle du Ghor-Khur ou Hémione du Cutch, dessinée d'après nature par M. E. dela Rive et déposée dans le portefeuille anatomique du laboratoire de M. Milne Edwards qui a bien voulu la mettre à ma disposition (2). Par la forme de la tête osseuse (3), cet animal diffère à la fois de l'Ane sauvage d’Abyssinie et du Cheval, mais 1l ressemble beau- coup à l'Hémippe. De même que chez ce dernier, la portion erà- mienne, mesurée de la manière indiquée ci-dessus, est mème plus courte que chez le Cheval et n’attemt pas tout à fait le dévelop- pement relatif que nous avons constaté chez l’'Hémippe, mais la différence est Insignifiante. Comme chez l’Ane, là partie antérieure du front est large, et au lieu d'être convexe transversalement comme chez l’Ane, elle est encore plus aplatie que chez le Cheval; vers la racine du nez, elle devient même un peu concave près de la ligne médiane, sans l'être autant que chez l'Hémippe. Chez un jeune mdividu (4), je trouve la tête très-étroite et la portion de la région jugale, comprise entre l'orbite et le trou sous- orbitaire très-oblique et un peu concave, sans l'être autant que chez l'Hémippe; mais chez un vieux mâle (5), elle se renfle notablement, sans atteindre cependant à beaucoup près la forme bombée que j'ai signalée chez l’Ane sauvage (6). Chez ce vieux mâle, le front présente aussi beaucoup de largeur, et les crêtes temporales, sans rester séparées dans toute leur longueur comme (1) Voyez la figure de ces organes donnée par M. Leuckart (loc. cit.), et reproduite par M. Owen. (2) Voyez pl. 4. (3) Moyez pl. 1, fig. 3,.et pl. 2, fig. 3. (4) Voyez pl. 1, fig. 3. (5) Voyez pl. 1, fig. (6) Voyez pl. 4, fig. = ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALÎNES. 99 chez l'Hémippe, ne se réunissent pas aussi promptement que chez l'Ane. L’os basilaire est beaucoup moins pineé que dans l’Ane, sans être tout à fait aussi aplati que chez l'Hémippe ; enfin, le pertuis palatin, au lieu de se terminer un peu en avant du ni- veau de l'extrémité antérieure de la rangée des molaires, se pro- longe notablement plus loin en arrière. Les incisives externes sont très-larges et présentent à leur face interne un sillon presque aussi marqué que chez le Cheval; mais je n'insiste pas sur cette particularité, car 1l est évident que la forme de la porlion terminale de ces dents doit varier beaucoup avec le degré d'usure amené par les progrès de l’âge. Les molaires sont épaisses comme chez l'Ane et l’'Hémippe; mais le diamètre an- téro-postérieur de la première de ces denis est beaucoup plus grand comparativement à celui des molaires suivantes. Cette dif- érence existe déja chez le Cheval, mais elle est encore plus marquée chez l'Équidé asiniforme du Cutch, ainsi que chez l'Hémippe. Le lobe interne de la molaire postérieure est encore moins développé que chez l’Ane. Enfin les côtes verticales qui garnissent la face externe des molaires des quatre dernières paires sont plus saullantes et plus minces que chez lAne et le Cheval. Le bassin se distingue facilement de celui de l’Ane, et ne dif- fère pas sensiblement de celui de l'Hémippe. Enfin la longueur des membres, comparée à celle du tronc, est à très-peu de chose près la même que chez l'Hémippe. Sous le rapport anatomique, je ne trouve donc entre l'Hé- mippe et l’'Hémione du Cutch aucune différence comparable à celles qui existent entre ces animaux et l'Onagre. & 6. Les faïts dont je viens de parler montrent qu’il existe aujour- d'hui, dans le voisinage des deux extrémités opposées de la Perse, deux Équidés asiniformes qui, l’une et l’autre, sont par- faitement dictinctes de l'Ane sauvage proprement dit, où Ona- gre du nord-est de l'Afrique ; savoir : l'Hémippe, dans le désert 5€ série, ZooL., T. XII, (Cahier n° 4.) à 3 j Slt GEORGE. syrien, au sud-ouest de l'Euphrate, et le Ghor-Khur du Cutch. Dans les pays intermédiaires ou dans les régions adjacentes de l'Asie centrale, il y a aussi beaucoup d'animaux qui appartien- nent au même groupe naturel, et qui, de mème que les précé- denis, sont communément désignés sous le nom d’Anes sau- vages ; peut-on les rapporter à l’une ou à l'autre des espèces dont je viens d'étudier les caractères, ou faut-il, dans l’état actuel de nos connaissances, les en séparer et les considérer comme ap- partenant à d’autres types spécifiques? C'est ce que je me pro- pose d'examiner maintenant. On sait depuis longtemps que les déserts salés de la Perse nourrissent des troupes d'Équidés asiniformes, connues dans ce pays sous le nom de Gour (4); mais les naturalistes ne sont en- core que très-imparfaitement renseignés sur les caractères z00l0- giques de ces animaux, et, pour mettre en lunuêre les incertitu- des légitimes que l’on peut concevoir au sujet de leur elassifica- tion systématique, il me semble utile d'analyser et de discuter les témoignages relatifs à chacune des races locales ou espèces, car il importe aux progrès de l’histoire naturelle d'appeler l’at- tention sur les lacunes qui existent dans la science aussi bien que sur les points qui paraissent être établis d’une manière satis- faisante. En 1822, un voyageur anglais qui observait bien et dessi- nait avec habileté, Ker Porter, a décrit et figuré, sous le nom de Gour ou Ane sauvage, un Équidé hémionien qui vit en trou- pes dans les déserts de la province du Fars, entre Shiraz et le golfe Persique. La plupart des zoologistes classificateurs rappor- tent ce Gour au Ghor-Khur du Cutch ou Asinus indicus de M. Sciater, c’est-à-dire l’Æquus hemionus de Fréd. Cuvier et (4) Pour montrer combien les Équidés, confondus sous le nom vulgaire d’Anes sauvages, étaient jadis abondants dans l’Iram et le Touran, M. Tchihatcheff cite le poème de Ferdusi, intitulé : Cha/nanie, où il est question de ces animaux comme constituant la nourriture ordinaire du héros et de ses compagnons pendant leur voyage vers Mozenderan (Tchihatcheff, L’Asie Mineure, 2 partie, p. 665). Je rappellerai également que d’après le voyageur Olearius, vers le commencement du xvuf siècle, trente-deux Gours furent abattus pour les préparatifs d’un festin donné par Chah-Abben ben Aman (Voyage, p. 335). ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 35 Isidore Geoffroy. M. Sclater, au contraire, l'en distingue spéci- fiquement et le rapporte à l'Equus hemippus. Dans l’état actuel de nos connaissances, il me semble impossible de trancher la question en litige ; il n'y a rien dans la description donnée par Ker Porter qui puisse faire pencher en faveur de l’une de ces opinions plutôt qu’en faveur de l’autre; 1l paraîtrait seule- ment, à en juger par la figure dont cette description est ac- compagnée, que les oreilles de ce Gour étaient courtes comme celles de l’'Hémippe. Mais je ferai remarquer que certaines par- ticularités notées par ce voyageur n’appartiennent ni à l’Hé- mippe ni à l'Hémione du Cutch. En effet, chez l’un et l’autre de ces Équidés asiniformes, la ligne médiane du dos est marquée d’une bande longitudinale noirâtre qui tranche fortement la couleur isabelline des parties voisines du dos et qui s'étend jusqu'à la queue. Or Ker Porter dit expressément que, chez le Gour qu'il tua dans le sud de la Perse, il n'existait aucune ligne semblable (4). Ce caractère sut- fit-il pour autoriser les zoologistes à considérer l'animal en ques- tion comme constituant une troisième espèce hémionique, dis- tincte, soit de l’'Hémippe, soit del’Equus indicus ou Ghor-Khur? Je ne saurais le croire; mais 1l nous impose une certaine réserve quantaux rapprochements à faire entre le Ghour du Fars et ses voisins de la Syrie ou du Cutch, et, en attendant plus ample informé, il me semble préférable de s'abstenir; je laisserai donc cet Équidé dans la catégorie, malheureusement trés-nom- breuse, des incertæ sedis. La détermmation spécifique des Gours du nord de la Perse me semble également douteuse. Ces animaux habitant, comme on le sait, les déserts situés près d’Ispahan (2); on en fait com- munément la chasse, et l’un des savants attachés à l’ambassade du général Gardanne, Félix de Lajard, qui a eu l’occasion d’en voir souvent, nous apprend qu'ils sont d’une couleur plus grise (1) «No line whatever was along his back or crossed his shoulders » (Porter, op. cit., p. 460). (2) Voyez Dureau de la Malle, op. cit, (Annales des sciences naturelles, &. XXVNII, p. 127, 127, 1827). î 36 GEORGE. que ceux du Fars décrits par Ker Porter, qu'ils ont une raie brune fortement prononcée le long de l’épine du dos, et que leurs jambes sont zébrées de brun (4). Il me paraît probable que les prétendus Anes sauvages des montagnes voisines de Casbin, envoyés à Saint-Pétersbourg par les soins de Gmelin et décrits par Pallas, il y a près d’un siècle, comme étant le véritable Onagre des anciens, étaient, comme ceux dont Lajard nous a parlé, des Gours du désert de la pro- vince de Korassan. On peut avoir une idée satisfaisante de leur conformation générale par les figures que ce dernier naturaliste en a données. Ils avaient les oreilles grandes, la robe isabel- line, et la bande rachidienne très-marquée ; enfin, Pallas (2) dit formellement que chez le mâle il y avait aussi une raie scapu- laire, bien que la femelle n’offrit aucune trace de cette bande transversale. Je ferai remarquer à ce sujet que chez les Ghor- Khurs de lun et l’autre sexe qui ont vécu à la ménagerie du Muséum, 1l n’y à aucune trace de bande transversale brune sur les épaules, tandis que chez un individu de même aspect et d'origine incertaine que le jardin zoologique de Surrey à Lon- dres possédait, il y a quelques années, la bande scapulaire était très-bien marquée (3) et que le célèbre voyageur Jacque- mont a constaté ce mode de coloration chez un animal asimi- forme qu'il a eu l’occasion de voir en captivité à Barrackpour pres de Calcutta. Enfin, un autre voyageur digne de confiance, Morier, parle des Gours de la partie orientale de la Perse comme offrant également ce mode particulier de coloration (5). Si l'on avait égard à des différences de cet ordre, on serait donc disposé (4) Irwin dit qu'ils sont connus dans le Khorassan, ainsi que dans les plaines du Turkestan d’où ils s'étendent dans la Russie asiatique (Memoire on the Climate, et Of Afghangistan. Journal of the Asiatie Soc. of Bengal, 1839, t. VIIT, p. 1008). Elphistone en fit la chasse dans une vallée ouverte, située près de Schiraz (Account of the Kingdom of Cabul). (2) Pallas, Observations sur l’'Ane dans son état sauvage (Acta Acad. Scien. Petro- pol, 1777,t. 1, pars 2, p. 269, pl. 41 et 12). (3) Voyez Geoffroy Saint-Hilaire, op. cit. (Nouv. ann. du Muséum, t. IV, p. 108, note). (4) Jacquemont, Voyage dans l'Inde, t. 1, p. 170. (5) Morier, Second voyage through Persia, t, NH, p. 201. ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. àa7 à croire que ces animaux ne sont pas de la même espèce et que les prétendus Onagres de Pallas ainsi que les autres Hémiones à bande scapulaire devaient être distingués spécifiquement des espèces dont j'ai parlé Jusqu'ici; mais je ne saurais attacher à ces particularités une importance si grande, et je rappellerais que M. Blyth, en combattant cette opinion, raconte que chez un des Ghor-Khurs qu’il a eu l’occasion d’observer dans l’Inde la bande scapulaire était visible d’un côté du corps sans l’être du côté opposé (1), circonstance bien propre à montrer le peu d’impor- tance zoologique de cette particularité dans la coloration du poil (2). M. Sclater considère ces Ghours comme devant être séparés spécifiquement des Hémiones du Cutch et réunis aux Hémip- pes (3) ; mais cette opinion ne me semble pas fondée, car ces derniers ont les oreilles plus petites que les animaux asiniformes de la région voisine de l’Indus, tandis que chez les Gours de Casbin figurés par Pallas comme étant des Onagres, ces or- ganes étaient presque aussi longs que chez l’Ane proprement dit. M. Gray les réunit spécifiquement aux Ghor-Khurs du Cu- ich (4:et, en cela, je me rangerai du côté de ‘cet auteur; mais il me semble que si l’on persistait à les regarder comme n'étant pas de la même espèce que le Dshiggetai ou Equus hemionus de Pallas, il y aurait de grands Inconvénients à leur appliquer le nom d'Onagres ou d’Équus onager ainsi que le fait M.G ray. En effet, ni les prétendus Anes sauvages du nord de la Perse, observés par Pallas, ni les Ghor-Khurs du Cutch, ni les Ghours des pays intermédiaires ne peuvent être assimilés spécifiquement à l’Ane proprement dit, qui, à l’état sauvage, doit nécessaire- (1) Blyth, Onthe different Animals known as wild Asses (J. of the Asiatic Soc. of Bengal, 1859, t. XXVIII, p. 235). (2) On pourrait aussi se demander si la bande scapulaire existe en réalité chez les Ghours ou Hémiones de race pure, et si cette particularité n'appartiendrait pas seule- ment à des individus métis nés du croisement accidentel d’un Hémione avec une Anesse. En effet, chez les Hybrides obtenus de la sorte à la ménagerie du Muséum, la bande scapulaire était remarquablement forte. (3) Sclater, op. cit, (Proceed. of the Zoo!. Soc. of Lonuon, 1862, p. 103). (4) Gray, Catal. of the Mammalia in the collection of the British Museurr, part. 3, p. 270 (1852). 38 GEORGE. ment conserver le nom d'Onagre. Ainsi que je l'ai déjà dit, l’'Ane sauvage de l'Afrique est un véritable Onagre, et si on le dépouillait de son nom pour l'appeler Æquus teniopus et pour appliquer aux Hémiones du Cutch et de la Perse ce même nom dont la signification est trop généralement connue pour que les zoologistes puissent la changer arbitrairement, il en résulterait une confusion fâcheuse. Si les conclusions auxquelles j'arrive relativement à l’agrandissement des groupes spécifiques des Hé- miones sont adoptées par les naturalistes, cette question de no- menclature perdra toute importance ; mais si les zoologistes croient devoir persister à diviser les Hémippes, les Ghor-Khurs et les Dsheggettei en autant d'espèces, je pense qu'il ne faudrait appliquer à aucune de ces espèces le nom d'Onagre ou Equus onager, car cela serait perpétuer une erreur de détermination commise par Pallas, et 1l conviendrait, je pense, de donner, à l'exemple de M. Sclater, le nom d'Equus indicus aux animaux asiniformes du Cutch ainsi qu'à tous leurs semblables. En se fondant sur les renseignements qu'il avait obtenus des marchands venant de la Boukharie, Pallas pensa que les Gours des montagnes voisines de Casbin ne différaient pas des Equi- dés asiniformes qui habitent les régions incultes situées plus à l’est et comprises entre la mer Caspienne et la mer d’Aral, animaux que les Kirgis appellent des Koulans. Il en est résulté que beaucoup de zoologistes modernes désignent sous ce der- nier nom les prétendus Onagres de Pallas et, par extension, emploient également ce terme en parlant des Ghor-Khurs, du Cutch, circonstance qui a contribué à augmenter la confusion déjà si grande qui règne dans cette partie de l’histoire du genre Equus. Dans son travail sur les Onagres des anciens actuellement vi- vants, Pallas, ainsi que nous l’avons déjà vu, ne distingua pas spécifiquement de l’Ane proprement dit le Gour des environs de Casbin, et ce fut par ce motif qu’il y appliqua scientifiquement le nom vulgaire d'Onagre. Mais, précédemment, ce naturaliste éminent avait introduit dans la science une division spécifique particulière pour un autre animal du même groupe zoologique : ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 29 le Dshiggetei de la Mongolie, et il avait donné à cette espèce le nom systématique d'Equus hemionus (1). À l’époque de la publication du travail que je viens discuter on ne connaissait l'existence du Dshiggetei que dans les régions orientales de l'Asie centrale, et il est présumable que ce fut en considération de l'éloignement géographique entre la patrie de cet animal et les steppes de la Boukarie, où l'existence du Kou- lan lui avait été signalée, qu'il rapporta ce dernier à son pré- tendu Onagre ou Ané sauvage de la Perse, plutôt qu'à son Equus hemionus. Mais on sait aujourd’hui, par les observations des naturalistes voyageurs envoyés dans ces contrées par le gou- vernement russe, que le Dshiggetei n’est pas limité à la Daourie, et qu'il occupe toute la partie sud de la Tartarie, depuis les frontières de la Chine jusqu’à la rive orientale de la mer Cas- pienne. M. Radde, qui mieux que tout autre a eu les moyens d'étudier sérieusement la distribution géographique des ani- maux de la Sibérie méridionale, s’est assuré de ce fait et pense que tout ce que les voyageurs ont dit au sujet d'Onagres habi- tant les steppes situés entre la mer d’Aral et la mer Caspienne, doit être appliqué au Dshiggetei de la Mongolie et nonau Gour de la Perse (2). Ainsi le Koulan, décrit par Eversmann (3), serait, d'après M. Radde, un Dshiggetei, et, à l’occasion de ces rapprochements, je ferai remarquer que l'animal figuré par Pennant, sous le nom de Dshiggetei, n'est autre que l'individu représenté par Pallas comme étant l'Onagre ou Ane sauvage de la Perse (4). Nous voyons ainsi que la région géographique occupée par le Dshiggetei vient presque joindre celle habitée d’un côté par le (1) Pallas, op. cit., (Novi Commentarii Acad, Scien. Petropolitanæ, 1775, t, XIX, p. 394, pl. 7). (2) Radde, Ressen in süden von ost Sibirien, Bd. I, p. 293 et suiv., 4862). (3) Eversmann Mittheilungen über einige neue und einige weniger Gekannte Säugethiere Russlands (Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou, 1840, p. 56). (4) La figure du Dshiggetei, publiée par Pennant dans son History of Quadrupedes, t. L, pl. n° 2, n’est qu'une copie de celle de l’Onagre donnée par Pallas, en 1777; dans le 1% volume des Actes de l’Académie de Saint-Pétersbourg,, pl. XI. RO GEORGE. Gour des Persans et d’un autre côté par le Ghor-Khur du Cutch. Je suis done amené naturellement à examiner mainte- nant si l'Hémione de la Sibérie et l'Hémione du Cutch consti- tuent une seule et même espèce, ainsi que le pensaient F. Cuvier et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, ou si ces animaux sont d'espèces différentes comme le veulent M. Gray, M. Sclater et plusieurs autres naturalistes contemporains. Les bases de cette dernière assertion reposent principalement, d’une part, sur les diffé- rences que l’on à remarquées entre le Ghor-Khur du Cutch et le Kiang du Thibet; d'autre part, sur l'identité spécifique que l’on suppose exister entre ce dernier animal et le Dshiggetei de la Mongolie. Pour faire un nouveau pas dans la diseussion de la question très-embrouillée dont l'étude m'oceupe ici, il faut, par consé- quent, examiner comparativement le Kiang, le Ghor-Kur et le Dshiggeter. EM L'existence d’une espèce asine vivant à l’état sauvage dans les vallées élevées du Thibet a été constatée par plusieurs voya- geurs, et quelques-uns de ces observateurs nous ont donné des détails intéressants sur la conformation et sur les habitudes de cet animal, auquel on donne communément le nom de Kiang. Moorcroft fut un des premiers à en parler (4). L'abbé Huc en a également entretenu le public (2); mais c’est principalement à (1) Les compagnons de voyage de Moorcroft virent une troupe de ces animaux dans la partie du Thibet appelée £adakb, mais il leur fut impossible d’en approcher ni de s’en procurer des dépouilles (Moorcroft, Travels in the Himalaya provinces of Hin- doustan, Penjab. Ladakh, etc., by Wilson, 1841, t. I, p. 449). (2) M. l'abbé Huc, missionnaire lazariste, qui visita le Thibet en 1845, nous dit: « Les Mulets sauvages sont très-nombreux dans le Thibet antérieur. Quand nous eùmes traversé le Mouxoni Oussou, nous en rencontrâmes presque tous les jours. Cet animal, que les naturalistes ont nommé Cheval hémione, où Cheval demi-Ane, à la grandeur d’un Mulet ordinaire; mais il a le corps plus beau, son attitude est plus grave, et ses mouvements sont plus légers; son poil est, sur le dos, de couleur rousse, puis il va s’éclaircissant insensiblement jusque sous le ventre, où il est presque blanc. Les Hémiones ont la tête grosse, disgraciense et nullement en rapport ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. li MM. Gray, Hodgson, Walker et Blyth que nous sommes redeva- bles de ce que nous savons touchant ses caractères zoologiques. Le Kiang à la robe plus rousse que les Hémiones des régions occidentales de l'Asie; sa couleur dominante paraît être bai clair plutôt qu'isabelline ; la bande dorsale brune ou noirâtre est bien marquée, et il n’y a pas de bande scapulaire transver- sale. Sa tête est grosse et ses oreilles longues. Hogdson l'avait d'abord considéré comme une espèce nouvelle, etil l’avait désigné sous le nom d’Asinus equioides (1), puis l'appelle Asinus polyo- don (2), lui assignant, comme caractère, l’existence de molaires supplémentaires au devant des molaires ordinaires; mais on a reconnu bientôt que cette particularité, dont on voit souvent des exemples chez le Cheval, n’était pas constante : elle est donc in- dividuelle au lieu d’être spécifique. Aujourd’hui les z0ologistes s accordent généralement à admettre que cet animal n’est autre que le Dshiggetei de la Mongolie, décrit par Pallas, mais il est à noter que cette détermination n’a pas été fondée sur la compa- raison directe de ces animaux, et, par conséquent, laisse encore à désirer. Si l’on adoptait le rapprochement admis par F. Cu- avec l'élégance du corps; ils marchent la tête haute et portent droites Icurs longues oreilles. Quand ils galopent, ils tournent la tête souvent et relèvent la queue qui res- semble entièrement à celle des Mulets; le hennissement qu'ils font entendre est vibrant, clair et sonore; ils sont d’une si grande agilité qu'il est impossible aux cava- liers tartares ou thibétains de les atteindre à la course. Quand on veut les prendre, on . se met en embuscade vers les endroits qui conduisent aux ruisseaux où ils vont se désaltérer, et alors on les tue à coups de flèches ou de fusil; leur chair est excellente et leur peau sert à faire des bottes. Les Chevaux demi-Anes sont féconds et se reproduisent en perpétuant l'espèce qui demeure toujours inaltérable ; on n’a jamais pu encore les plier à la domesticité ; on nous a dit que l’on en avait pris de tout jeunes, que l’on avait essayé de les élever avec d’autres poulains, mais qu'il avait été toujours impossible de les monter ou de les accoutumer à porter des fardeaux. Aussitôt qu’on les laissait libres ils s’échappaient et rentraient dans l’état sauvage. Nous n’avons pas remarqué pourtant que leur caractère fût extrêmement farouche ; nous les avons vus folâtrer quelquefois avec les Chevaux de la caravane qui paissaient aux environs du cam- pement; mais à l'approche de l'Homme, qu'ils distinguaient et sentaient de très- loin, ils prenaient aussitôt la fuite.» (Huc, Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine, t. I, p. 221, 14850.) (4) Hodgson, Notice of the Mammals of Tibet (Journal of the Asiatice Society of Bengal, 1842, t. XI, p. 275). (2) Hodgson, Calcutta Journal of Natural History, val. VI, p. 479, 4849. 12 GEORGE. vier et Is. Geoffroy, entre le Dshiggetei et le Ghor-Khur du Cutch, il faudrait donc considérer aussi ce dernier comme étant de la même espèce que le Kiang; mais M. Gray, ainsi que la plupart des naturalistes anglais qui ont voyagé dans l'Inde, repousse cette opinion, et le savant conservateur du Musée britannique se fonde principalement sur les particularités qu'il a remarquées dans la conformation de la tête osseuse de ces ani- maux (1). Chez le Kiang dont M. Gray a figuré la tête osseuse, la région jugale est très-haute et le trou sous-orbitaire est situé plus bas et moins en avant que chez le Ghor-Khur ou l’'Hémione dù Cutch (2). Mais M. Milne Edwards, dans ses lecons orales au Muséum, à fait remarquer que ce caractère ostéologique n’a pas, chez les Équidés, autant de fixité que lon serait disposé à y attribuer de prime abord. En effet, il a constaté que chez les Ghor-Khurs il existe à cet égard desdifférences notables, suivant l’âge, et d’après ce naturaliste 1l n°y aurait, dans l’état actuel de nos connaissances relatives au Kiang du Thibet, aucun motif suffi- sant pour considérer cet animal et le Ghor-Khur du Cutch comme constituant deux espèces distinctes ; il pense même que ce ne sont que deux races différentes d’une seule et même espèce. N'ayant pas eu l'occasion de voir un Kiang, n1 d’en examiner la tête osseuse, je n’oserais me prononcer à ce sujet; mais j mcline à penser que les différences entre ces deux formes zoologiques ne peuvent être que très-légères, et je citerai à l’appui de cette . opinion un fait qui me parait très-significatif. En 4848, le professeur Walker publia à Calcutta une notice sur le Kiang et accompagna ce mémoire d’une figure coloriée, faite d’après un individu vivant que ce naturaliste avait obtenu du gouverneur d’une des provinces du nord-ouest de l'Inde an- glaise (3). Quelque temps après, M. Blyth, qui à fait de la zoo- (4) Gray, Notes on the Skull of Equus Hemionus and Equus Kiang (Proceedings of the Zool. Soc. of London, pert. 17, 1849, p. 29). (2) Gray, Catalogue of the Specimens of Mammalia in the collection of the British Museum, part, 3, Ungulata furcipeda, p. 273, pl. 37, fig. 2. (3) H. Walker, Nofice of the Kiang (Journal of the Asiatic Society of Bengal, 1848, t. XVII, part. 2, p. 4, pl. 1). ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. 3 logie indienne une étude approfondie, compara attentivement cet animal à un certain nombre de Ghor-Khurs réunis dans un pare à Calcutta, ainsi qu'à des Kiangs empaillés que l'on con- serve dans le musée de cette ville, et il en conclut que cet Équidé, réputé Kiang, était en réalité un Ghor-Khur et devait provenir du Cutch (1). Mais la question n’en resta pas là, et par le témoignage de M. Strachey, il fut établi que l'animal en question était, en réalité, originaire du Thibet, comme Wal- ker l'avait avancé. Cet auteur ajoute que la voix du Kiang ne diffère que peu de celle du Ghor-Khur, que la teinte de la robe est très-variable chez tous ces animaux et que, dans son opinion, il n’y a pas entre eux une différence spécifique. Sous ce rapport, M. Strachey (2) est d'accord avec M. Blyth qui s'est occupé de l'étude des Équidés asiniformes de l'Asie plus altentivement que tout autre zoologiste de nos jours, et qui dit positivement que, entre le Kiang du Thibet et le Ghor- Khur du Cutch, il lui a été impossible de découvrir aucune différence, si ce n’est dans la taille, la nuance de la couleur du poil et dans l'étendue relative de ces teintes (2). Il n'a été fait jusqu'ici, à ma connaissance, aucune compa- raison directe entre le Kiang du Thibet et le Dshiggetei de la Mongolie, mais l'identité spécifique de ces animaux est admise sans contestation par tous les naturalistes qui, dans ces dernières années, ont écrit sur ce sujet, et, par conséquent, je ne verrais aucune raison pour la révoquer en doute. Nous sommes donc conduit à rejeter la distinction spéci- fique que M. Gray et plusieurs autres naturalistes ont cru devoir établir entre le Dshiggetei de l'Asie centrale où Hémione de Pallas et le Ghor-Khur du Cutch où Hémione de Fréd. Cuvier et Isidore Geoffroy. L'opinion que je défends ici est aussi celle de l’un des zoolo- (1) L'animal en question avait été acheté à Almora, capitale du Kumaou sur le ver- sant sud de l'Himalaya. Voyez Strachey, Memorandum on M.Blytks paper on Animals known as wild Asses (Journal of the Asiatic Soc. of Bengal, 1860, vol. XXIX, p. 136). (2) Blyth, op. cit. (Journal of the Asiatice Soc., 1859, vol, XXVIIL, p. 239). ll GEORGE. gistes les plus compétents : M. Brandt de Saint-Pétersbourg, qui connaît mieux que tous les naturalistes de l'Europe occiden- tale le Dshiggetei de la Russie asiatique, et qui a eu l’occasion d'examiner de visu des Ghor-Khurs du Cutch vivant dans les ménageries de Paris et de Londres, pense que ces animaux sont de la même espèce, et sa manière de voir est partagée par M. Radde (1). $ 8. Pour terminer cette revue des espèces ou prétendues espèces du genre Equus qui vivent actuellement en Asie, il me reste à parler de l’Asinus equuleus de Hamilton Smith, animal que cet auteur vit à Londres, il y à environ cinquante ans, et qu'il eroit appartenir à la Tartarie chinoise. Par la petitesse de ses oreilles et la coloration générale de sa robe bai clair, en dessous du corps ausi bien qu’en dessus, ce Solipède ressemblait à un Che- val plus qu’à un Ane ou un Hémione, mais sa queue était grêle et peu ou point garnie de crins à sa base; il n'avait des châtai- gnes qu'aux membres antérieurs ; ses jambes étaient marquées de zébrures, à peu près comme chez l’Ane sauvage d’Abyssinie ; il avait une raie longitudinale noirâtre le long de l’épine dor- sale; enfin, 1l portait sur les épaules une large bande transver- sale de couleur brun foncé. Hamilton Smith n'a vu qu'un seul individu, et aucun autre zoologiste n'a eu, jusqu'ici, l’occasion d'observer un animal semblable. Cet auteur pense que son A4sinus equuleus pourrait bien être le Yo-to-tzé des Chinois; mais, quoi qu'il en soit, nos connaissances relatives à ce Solipède sont trop incomplètes pour que l’on puisse inscrire cette prétendue espèce dans nos catalo- gues zoologiques autrement qu’à titre de renseignement. 8 9. D'après l'ensemble de faits que je viens de passer en revue, (4) Radde, Reisen im Suden von Ost Sibirian, t, 1, p. 299, ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. h5 il me parait probable que l’'Hémippe, le Gour, le Ghor-Khur, le Koulang, le Dshiggetei, le Kiang et l’Asinus equuleus ne sont des variétés locales ou races d'une seule et même espèce, l'Equus hemionus, qui s’étendrait depuis la Syrie jusqu'aux con- fins de la Chine. En effet, on trouve des passages entre toutes ces formes et aucune des particularités anatomiques ou physio- logiques, dont les auteurs ont parlé, comme pouvant servir à les caractériser spécifiquement, ne me semblent avoir ni l’im- portance, ni la stabilité nécessaires pour que l’on doive leur attribuer une valeur si grande. Si l’on persistait à croire que l’'Hémippe, le Ghor-Khur etle Kiang constituent trois espèces distinctes, il faudrait, pour être conséquent, admettre dans la même subdivision du genre Æquus, à côté de l'Équus asinus, une cinquième espèce pour le Gour du midi de la Perse, décrit par Ker-Proter, une sixième espèce pour l’Equidé asiniforme à grandes oreilles du nord de la Perse, figuré par Pallas sous le nom du Koulan, une septième espèce pour le Dshiggetet du même auteur, et une huitième espèce pour l’Asinus equuleus de Hamilton Smith. Or, une pareille multiplicité d'espèces, propre- ment dites, appartenant à un même type générique et vivant à la même époque dans une même région géographique dont toutes les parties communiquent entre elles, serait sans exemple en mammalogie. Je crois donc devoir me ranger à l'avis de M. Milne Edwards, qui dans ses lecons orales au Muséum ne reconnaît dans le sous-genre des équidés asiniformes que deux espèces zoologiques, l'Equus asineus et l'Equus hemionus, et parle de l'Hémippe, du Ghor-Khur, du Kiang, etc., comme ne représentant qu'autant de races on formes secondaires du type hémionien. La justesse de cette manière de voir ue pourra être prouvée que lorsqu'on aura constaté la possibilité du croisement de toutes ces races entre elles et l'aptitude de leurs produits à se perpé- tuer en s’umissant entre eux. Mais si cette communauté spéci- fique entre les différents animaux dont l'étude vient de nous occuper existe réellement, on comprendrait comment, par le mélange accidentel de deux ou de plusieurs races, 1l a pu y avoir h6 GEORGE. dans une même lignée des individus qui, par atavisme, réalisent des types secondaires différents, et que la race des Ghor-Khurs, par exemple, dont les représentants purs n’ont pas de bande transversale sur les épaules, puisse donner parfois naissance à des individus marqués d’une bande scapulaire comme les représentants d’une autre race où cette particularité serait nor- male. Ces phénomènes de retour vers le type de l'ancêtre s’ob- servent souvent chez nos animaux domestiques et doivent pro- bablement se produire aussi chez les animaux qui vivent à l’état de nature. Quoi qu'il en soit à ce sujet, nous voyons que tous les Solipèdes asiatiques dont les voyageurset les naturalistes destempsmodernes parlent sous le nom d’Anes sauvages sont en réalité des Hémio- nes, et que de nos Jours l’Ane, proprement dit,n’a été trouvé à l’état sauvage que dans le nord de l'Afrique. En était-il toujours de même, et les Anes domestiques, répandus en si grand nom- bre dans l’Asie Mineure, dansla Perse, dans l'Inde et dans d’au- ires parties de l'Asie, sont-ils d’origine étrangère ou bien y avait-il jadis dans ces contrées des Onagres proprement dits, dont tous les descendants auraient été réduits à l’état de domesticité? Cette dernière hypothèse me paraît peu probable dans un pays où la population est rare et où les déserts ainsi que les steppes et les montagnes offrent de nombreux refuges pour les animaux ra- pides à la course. On pourrait objecter, il est vrai, que plusieurs écrivains de l'antiquité ont parlé des Onagres de la Perse, mais nous avons vu qu'à l'exception d’Aristote, ils ne distinguaient pas les Hémiones des Onagres, et ce que les Latins ont dit de l'emploi d'Onagres pour l'amélioration de la race des Ânes do- mestiques en Italie s’appliquait, suivant toute apparence, aux Onagres de l'Afrique. On répète souvent que la beauté des ra- ces asines de la Perse est due aucroisement de ces animaux avec des étalons sauvages, mais le Gour étant un Equus hemionus et non un Équus asinus n’exercerait probablement aucune in- fluence sur les caractères d’une race d'animaux de l'espèce asine, proprement dite, car les hybrides qu'ilsproduiraient avec eux seraient, suivant toute probabilité, stériles. ÉTUDES SUR QUELQUES ESPÈCES CHEVALINES. h7 Dans ce moment, je ne pousserai pas plus lom mes études sur le genre Æquus, mais J'espère pouvoir disposer des maté- riaux nécessaires pour les étendre aux espèces dont Hamilton Smith a proposé de former le genre Hippotigris et, lorsqu'il en sera ainsi, je soumettrai au Jugement des zoologistes la seconde partie de mon travail. Le tableau ci-joint (page A8) contient les mesures des prinei- pales parties du squelette chez les espèces ou races chevalines dont j'ai parlé ci-dessus. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE À. Fis. 4, Tête osseuse de l’Æquus asinus sauvage ou Onagre de l’Abyssinie vue en dessus. (Les trous qui existent dans la région nasale sont accidentels, et sont Le résultat de Ja compression des os produits par le licol qui servait à attacher l'animal dans son écurie, et sur lequel il tirait sans cesse pour se dégager. Ces ouvertures fournissent un exemple remarquable de la résorption du tissu osseux que la pression est sus- ceptible de déterminer.) Fig. 2. Tête osseuse de Ghor-Khur ou Hémione du Cutch, vue em dessus. (Vieux male.) Fig. 3. Tête osseuse d’un jeune individu de la même race. Fig. 4. Tète osseuse de l’'Hémippe ou variété syrienne de l’Equus hemionus. (Indi- vidu femelle adulte.) PLANCHE 2. Fig. 4. Tête de l’Onagre d’Abyssinie vue de profil. Fig. 2. Tête osseuse de l'Hémione du Cutcb. Fig. 3. Tète osseuse de l’'Hémippe. PLANCHE 9. Fig. 4. Bassin de l’Onagre d’Abyssie vu de profil. Fig. 2, Bassin de l’Hémione du Cutch vu de profil. PLANCHE /. Fig. 1. Appareil génital mâle de l’Hémione du Cutch — a, a, testicules ; à, k, ren- flement subterminal dés canaux déférents; €, c, repli du péritoine où se trouverait la vésicule wébérienne, si cet organe rudimentaire existait ; d, d, vésicules séminales 5 e,e, prostates ; /,/, glandes de Cowper ; g, canal de l’urèthre. Tableau comparatif des mesures des principales parties du syuelette des espèces ou races chevalines étudiées ci-dessus. CHEVAL ARABE à À ANE ONAGRE HÉMIPPE HÉMIPPE HÉMIONE (à 9 vertèbres : lombaires). domestique. d’Abyssinie. (femelle jeune).f (femelle adulce).| (mäle adulte). Te | À ms Longueur de la tête, ET VS de l’occiput à l’extr. de l’os incisif.. .., 52,01100,00/41,8/100,00/46,0/100,00[40,41100,00111,0/100,00142,0/100,00 Long. du scapulum.|38,2| 73,46125,3| 60,52/24,5| 53,70/25,5| 63,10/24,0| 58,50126,5 61,90! Long. de l’humérus.[30,5| 58,65/21,5| 51,43/22,4| 48,70119,2| 47,50121,0| 51,20/23,0 54,70 Long.del’avant-bras.|45,0| 86,53128,8| 68,89130,5| 66,30130,8| 76,20 29,5! 71,90135,6| 84,70 Circonférence de l’avant-bras. . ....112,2| 23,60! 9,6] 22,901 9,0| 49,50!... 8,4| 20,40! 9,0! 21,40 Longueur du canon.|24,5| 47,11116,2| 38,75]17,0| 36,90118,3| 45,20/19,0| 46,30119,3| 45,90 Longueur du doigt.|19,0| 36,53112,8| 30,621....1......1... 12,3| 30,00113,6| 32,30 Long. du bassin, de l’épine iliaque ant. à la tubér. ischiati- que. ALMA 45,0! 86,53/28,4| 67,91131,0| 67,30/30,4| 75,20130,0| 73,10132,5| 77,30 Largeur du bassin au niveau des épines iliaques externes. . 146,4! 89,23132,0| 76,55127,2| 59,10/32,2| 79,70132,0| 78,20/32,3| 76,70 Longueur du fémur,|41,4| 79,61/28,7| 68,66130,0| 65,20128,5| 70,50128,0| 68,20132,0| 76,10 de la surf, artic. fém. autrochanteracces-| SOIPE MEN 117,3] 32,26/12,3| 29,42111,3| 24,50110,7| 26,40/11,5| 28,20}12,7| 30,20 De la tête fémorale à la surface artic. infér. (verticale). .|38,0| 73,07127,0| 64,59129,1| 63,00126,0| 64.30/24,5| 59,70/29,5| 70,20 Longueur du tibia..|39,5! 75,96/22,7| 54,30124,3| 52,60[25,5| 63,10/24,5| 59,70128,0| 66,60 Longueur du canon.|28,0| 53,84118,0| 43,06/19,5| 42,20/20,5| 50,70/22,0| 53,60/24,5| 58,30 Id. avec calcanéum.|41,8| 80,38128,4| 67,94129,8| 64,70[31,3| 77,40/32,9| 80,20135,0| 83,30 Longueur du doigt.|18,0| 34,61| 8,8! 21,05)... 9 00 : ....112,5| 30,40/13,4| 31,90 Hauteur verticale de l’apoph. épin. de la 5° vertèbre dorsale. |19,0! 36,53/11,5| 27,53/10,4| 22,40/11,2| 27,70/10,2| 24,80113,9| 30,90 Longueur de l’apo- physe épineuse de la 5° vertèbre dor- SAC RARE HS Hero MS) Les aile 2000 0 14,2] 35,10/12,3| 30,00[15,6| 87,10 Longueur du cou (le long du bord inf.).163,5/122,11/43,0/102,65/48,5/105,40149,0/121,20154,0/131,70152,0|123,80 Long. de la rég. dors.|82,01157,69158,5/139,95/62,5/135,80/60,0/148,40[62,0/451,20169,0/164,20 Long.delarég.lomb.[24,0| 46,15121,0| 50,23/20,5| 44,50/19,3| 47,70/22,2| 54,10122,0| 52,30 Hauteur du sacrum (y compris le bord iliaque interne)...112,4| 23,841 8,9! 21,90! 8,4] 18,20! 6,5] 16,00! 8,4| 20,40! 8,8| 20,9 Largeur au niveau de la deuxième apophyse trans- verse lombaire. ..|25,0] 48,07/18,0! 43,06117,5| 38,00[20,3| 50,20/17,3| 42,10121,2| 50,40 MÉMOIRE SUR LE VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX, Par RK MAREY. AVANT-PROPOS, Le mécanisme du vol, chez les Insectes comme chez les Oiseaux, est jusqu'ici un des points de la physiologie les moins connus. it pourtant c’est un problème qui à eu le privilége de piquer au plus haut degré la curiosité des chercheurs. Il est facile, je erois, de montrer la cause du peu de succès de tant d'efforts, et de prouver aussi que la solution de ce problème est possible aujourd'hui, grâce aux ressources nouvelles dont les expérimentateurs peuvent disposer. | Les mouvements de l'aile, chez les Insectes, sont tellement rapides que l'œil ne peut les suivre ; chez la plupart des Oiseaux, s'ils sont en général moins rapides, ils le sont encore trop pour qu on puisse, par la simple observation du vol, saisir les phases diverses de chaque révolution de l'aile. Assurément, les obser- vateurs nous ont légué des notions importantes : les uns, sur la vitesse du vol chez différentes espèces d’Oiseaux ; les autres, sur l'influence que la direction du vent exerce sur lui. D’autres nous ont fait connaître les différents types qu’affecte le:vol, selon la forme et l’étendue des ailes de chaque espèce, ce qui fait que certains Oiseaux semblent, comme le Condor, planer les ailes immobiles, tandis que d’autres battent de l'aile d’un mouvement incessant et régulier. Toutes ces notions ont une grande impor- tance, car elles correspondent à des faits dont l’exactitude est bien établie, mais elles ne prendront toute leur valeur que lorsque nous aurons résolu cette question qui se pose la première : Com- ment un Oiseau ou un Insecte prend-il son point d'appui sur 9° série, ZooL. T, XII. (Cahier n° 4.) # 4 90 MAREY. l'air, et quel travail doit-il exécuter pour s’y soutenir et pour s’y transporter ? Les physiciens étaient-ils en mesure de donner la théorie du mécanisme du vol? S'ils ont pu l’espérer, comme le prouvent leurs nombreuses tentatives pour mesurer la force déployée par l’Oiseau, ils ont dû reconnaître, à leur insuceès même, que la question n’était pas soluble dans les termes où elle était posée, et que le calcul ne trouvera son application que le jour où seront exactement connus les mouvements que l'oiseau imprime à ses ailes. En effet, la résistance de l'air varie suivant la vitesse de l'aile qui le frappe, suivant la forme de cette aile, suivant l'in- elinaison ‘de son plan ; toutes choses qu’il faut connaître avant d'aborder le calcul du travail effectué par l’Insecte ou par lOi- seau. La physiologie expérimentale peut acquérir aujourd'hui les notions indispensables à l'étude du mécanisme du vol : c’est ce que je veux entreprendre de démontrer en peu de mots. Un exemple récent montre bien qu'il ne faut pas désespérer d’élucider les plus obscures questions de la physiologie, et que ce qui est mystérieux aujourd'hui pourra demain être facile à étudier par quelque nouvelle méthode. En 1845, J. Müller, qui a tant contribué au progrès de la physiologie, écrivait ces lignes : « Nous n’aurons probablement » jamais les moyens d'évaluer la rapidité de l’action nerveuse ». Cinq ans après, Helmholtz donnait la mesure de cette vitesse en recourant à une méthode qui avait déjà permis aux physiciens de mesurer la vitesse des projectiles de guerre, et, en général, des phénomènes dont la durée échappe à nos sens. Le physiologiste expérimentateur n’a donc qu'à s'inspirer des méthodes si exactes que les physiciens emploient ; 1l doit, comme eux, créer des appareils dont la précision soit en rapport avec la délicatesse du phénomène qu'il veut saisir et mesurer. Dans ces conditions, le mécanisme du vol peut être analysé dès mainte- nant. Si la complexité du problème rend la marche un peu longue avant qu’on arrive à la solution, du moins n’aura-t-on pas à craindre de s’égarer en route, si l’on n’emploie que des mé- VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 51 thodes rigoureuses, ainsi que J'ai essayé de le faire dans les expériences qu'on va lire. Depuis plusieurs années, l'étude des mouvements qui accom- pagnent les fonctions de la vie m'avait forcé à recourir à des moyens exacts d'analyse et de mesure. L'emploi des instruments enregistreurs, des chronographes, des appareils qui trausmet- tent les mouvements à distance sans les altérer, m'était devenu familier. J'avais appris à varier la construction de ces instru- ments suivant le but à atteindre ; aussi l'étude du vol s’est-elle présentée à moi comme un cas particulier du problème plus gé- néral de la fonction musculaire et du mouvement chez les êtres vivants. Pour éviter les redites, j'aurai souvent occasion de renvoyer le lecteur à des publications antérieures, soit pour la description détaillée de certains appareils, soit pour l'exposé des faits rela- tifs à la production du mouvement dans le tissu musculaire. CHAPITRE PREMIER. DU VOL DES INSECTES. Fréquence des mouvements de l'aile des Insectes. — Des différentes positions que prend l'aile d’un Insecte à chacune de ses révolutions pendant le vol.— Changements du plan de l'aile, La marche naturelle dans une pareille étude est d'acquérir d'abord, sans idée préconçue, la connaissance exacte des mou- vemeuts que l'aile de l’insecte exécute pendant le vol, et de chercher ensuite comment ces mouvements agissent pour pro- duire la locomotion aérienne de l'animal. Les questions à résou- dre se posent donc dans l’ordre suivant : 1° Quelle est la fréquence du mouvement de l’aile chez les Insectes? 2° Quelles sont les différentes positions successives que l'aile occupe en exécutant sa révolution complète ? 5 Comment se développe la force motrice qui transporte le corps de l'animal ? 92 MAREY. FRÉQUENCE DES MOUVEMENTS DES AILES DES INSECTES. — La fréquence des mouvements de l'aile varie avec l'espèce d’Insecte qu'on étudie. L’oreille entend un son aigu pendant le vol des Moustiques et de certaines Mouches ; le son est plus grave pour le vol de l’Abeille et du Bourdon ; plus grave encore pour les Macroglosses et les Sphynx. Quant aux autres Lépidoptères, ils ont en général un vol silencieux par suite de la rareté des batte- ments de leurs ailes. Plusieurs naturalistes ont essayé de déterminer la fréquence des battements de l’aile des Insectes, d’après la tonalité du son qu'ils prodzisent en volant. Si ces bourdonnements vibratoires sont dus aux battements de l’aile, et s'ils résultent de son va-et-vient alternatif, comme le son de l’anche résulte du va-et-vient d’une lame métallique, alors, en appréciant la tonalité du son, où connaîtra le nombre de vibrations pendulaires auxquelles il correspond; en un mot, on connaîtra la fréquence des battements. Il suffira pour cela d’un monocorde, d’un piano, d’un diapason, avec lequel on prendra l’unisson de son produit par l’Insecte. Cette méthode serait très-concluante, si le principe sur lequel elle repose était admis sans conteste. Mais sur ce point il y à débai entre les naturalistes. Chabrier et Lacordaire rapportent que l’on a pu détruire une portion des ailes d’un Insecte, sans que le bruit ait cessé par suite de cette ablation : « À mesure qu’on retranche de nouvelles » portions de ces organes, le son devient plus aigu, et il s’affai- » blit sensiblement lorsqu'on n'en laisse qu'un tronçon. Si l’on » enlève ce dernier, ce qui ne peutse faire sans une dilacération » considérable des muscles qui l’attachent au thorax, le bour- » donnement cesse entièrement. » Si, conclut l’auteur, ie bourdonnement était entièrement dû aux ailes, on ne pourrait retrancher impunément les trois quarts de ces organes. — Cette objection confirme l'hypothèse qu'elle a la prétention d’ébranler. En effet, puisque le son s'élève à me- sure que l'aile vibrante dimmue de longueur, ce phénomène n'est-il pas entièrement comparable à celui qu l’on observe M VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 58 lorsqu'on vient à raccourcir une verge vibrante et sonore ? La modification imprimée au son étant la même dans l’un et l’autre cas, le mécanisme de sa production ne doit-il pas être identi- que ? Au moins, les choses ne se passeraïent-elles pas autrement si la vibration alaire était bien réellement la cause du bour- donnement entendu. Les auteurs que nous venons de citer ont indiqué une toui autre cause à ce phénomène acoustique : ils l’ont attribué à l’air qui entrerait dans les trachées et qui en sortirait rapide- ment, mettant en vibration les petits organes écailleux qui en- tourent la base desstigmates. Etils citent à appui de leur ma- mère de voir ce fait, que le bourdonnement cesse aussitôt si l’on vient à enduire de gomme la surface du corps de l’animal, et à empêcher amsi l'accès de l'air dans les canaux respiratoires. Les lèvres des stigmates se comporteraient alors comme se compor- tent chez les animaux supérieurs les lèvres de la glotte ; et le bourdonnement de l'Insecte serait une voix véritable. Quelle que soit la fortune de cette explication, le résultat qu’il nous faudra retenir sera toujours le même ; en effet, dans le mouvement de l'aile, 1l semble n’y avoir qu’une seule période active, celle de l’abaissement ; le relèvement se ferait en vertu de l’élasticité des pièces du thorax fortementtendues par la contraction des museles abaisseurs. En même temps que se produit cette tension, le vo- lume du thorax se trouve amplifié, et l'appel de l'air est le ré- sultat immédiat de cette ampliation de volume. L'air doit donc entrer dans les trachées et en sortir à chaque battement ; et les vibrations du son produit (qu’elles proviennent de la membrane alaire ou des stigmates) correspondent exactement aux mouve- ments de l'aile. Le phénomène acoustique, s’il n’est pas la conséquence du frémissement des ailes, est au moins un phénomène synchrone à celui-ci ; 1l peut done nous renseigner dans tous les cas sur la fréquence des battements. Mais lorsqu'on observe le bourdonnement d’un Insecte qui vole avec une rapidité uniforme, on s'aperçoit que la tonalité ne reste pas la même ; quand l’Insecte se rapproche de l'oreille, la 5h MAREY. tonalité s'élève; elle s’abaisse quand il s'éloigne. Il se passe quelque chose d’analogue lorsqu'on fait rapidement passer de- vant l’oreille un diapason en vibration : le son rendu s'élève, puis s'abaisse, et la différence peut atteindre un quart de ton et même un demi-ton. Il faudrait donc que insecte sur lequel on expérimente fût toujours à la même distance de l’ob- servateur. Ce phénomène perturbateur ne présente du reste aucune difficulté d'interprétation; il est aujourd’hui parfaite- ment expliqué. Sans doute, les vibrations se reproduisent tou- jours après le même intervalle de temps ; lorsque la lame vi- brante reste à la même distance de l'oreille, il leur faut le même temps pour y parvenir, et le phènomène, uniforme pour l’in- strument, est uniforme aussi pour notre organe. Au contraire, si l'instrument se rapproche brusquement, la vibration qui se produit à cet instant a moins de chemin à parcourir pour venir frapper notre tympan : elle est donc plus rapprochée de celle qui la précède, et le son gagne en acuité. Si l'instrument s'é- loigne, les vibrations s'espacent davantage et le son devient plus grave. Tout le monde a pu remarquer, en voyageant en chemin de fer, que si une locomotive marchant en sens inverse passe en sifflant, l’acuité du son de cette locomotive s'élève à l’in- stant où la machine se rapproche, tandis que le son devient plus grave quand le croisement s’est effectué et que le sifflet s'éloigne rapidement. En somme, il est bien difficile d'estimer, d’après la tonalité du son que produit un Insecte en volant, la fréquence absolue des battements de ses ailes. Cela tient, d’une part, au peu de fixité de la tonalité du son qui se produit alors, et qui, suivant la rapidité ou la direction du vol, passe à chaque instant du grave à l’aigu. D'autre part, il est difficile d’assigner la part qui revient à chacune des ailes dans la production du son. Les mou- vements des deux ailes sont-ils synchrones et se confondent-ils dans un unisson parfait? ou bien sont-ils alternants, et s'ajou- tent-ils pour donner comme tonalité résultante l’octave aiguë du son rendu par chacune des ailes ? Enfin, l'aile d’un insecte, dans sa révolution, ne subit-elle pas, par son frôlement sur l'air VOL. DES INSECTES ET DES OISEAUX. 55 dans lequel elle s’agite, des vibrations sonores beaucoup plus nombreuses que chacune des révolutions complètes qu'elle accomplit ? La méthode graphique fournit une solution simple et précise de la question qui nous occupe, et permet d'évaluer, à un batte- ment près, le nombre des mouvements que l'aile d’un Insecte produit à chaque seconde. Expérience. — Sur un cylindre de 42 centimètres de circon - férence, on étend une feuille de papier que l’on noircit à la fumée d’une bougie. Ce cylindre, mû par un mouvement d'horlogerie muni d’un régulateur de Foucault, tourne uniformément sur lui-même avec une vitesse d’un tour en une seconde et demie. On prendalors, avec une pince délicate, l'Insecte donton veut étudier les mouvements alaires au point de vue de la fréquence, et, saisissant l'animal par la partie inférieure de l'abdomen, on le place de telle sorte que l’une des ailes, à chacun de ses mou- vements, vienne légèrement frôler contre le papier noirci. Chacun de ces contacts enlève le noir de fumée qui recouvrait le papier, et comme le cvlindre tourne, des points nouveaux se présentent sans cesse au contact de l'aile. On obtient ainsi une figure d’une régularité parfaite si l’Insecte à été main- tenu dans une position bien fixe. Ces figures, dont nous donnons quelques spécimens, diffèrent suivant que le contact de l'aile avec le papier a été plus ou moins étendu. Si le contact est très- léger, on obtint une série de points ou de courtes hachures comme dans la figure 1. Un contact plus étendu de l'aile laisse une trace plus compli- quée, dans laquelle, toutefois, on reconnaît d’une manière évi- dente que le même rhythme se reproduit sans cesse; de sorte que si l’on regarde les points homologues, par exemple les longues hachures de la figure 2 ou les petits points qui la dominent, on voit que ces signes sont de même nombre pour une longueur donnée du graphique ; qu’ils sont équidistants entre eux et que chacun d’eux est manifestement produit par le retour de l'aile à une même position après une révolution complète. 56 MAREY, Il serait donc facile, sachant que le cylindre fait un tour en une seconde et demie, de voir combien de révolutions de l'aile sont ainsi notées sur la circonférence totale du cylindre. Mais il est encore plus commode et plus sûr de se servir du diapason SSSS ù DR VTEN RDS EDR SSSTSS ETS DRE RE ULOLEESEEETS SES AUD LS AE TEE 2 ae OR TS RÉ Te SOA CRAN ARR AN FR DR ARR NRA RAR A QUANERRRN RENE RAS ART Nan SAN L XNA NN RNN NN NAN AR ANA NN EN EN X LRO VAN RNA AURA EAN TS RUN RENAN RENAN RAR N ses ALAN SET ER ENNERE BA REPLI ENNEN TEEN ARNR ANA ENERR EAN PAR ENNEANNMENET TANT Fic. 4. — Montrant la fréquence des battements de l’aile chez un Bourdon (les {rois lignes supérieures); et chez une Abeille (la ligne ponctuée inférieure). — La quatrième ligne est produite par les vibrations d’un diapason muni d’un style qui exécute 250 vibrations doubles par seconde. chronographe , et d'enregistrer, à côté de la figure tracée par l'Insecte, les vibrations du style dont ce diapason est muni. La figure 1 montre, à côté du graphique produit par l'aile d’un Bourdon, celui des vibrations d’un diapason qui, 250 fois Fic. 2. — Graphique produit par l'aile d’un Bourdon frottant un peu plus fortement sur le papier que dans l'expérience précédente. à chaque seconde, exécute une double oscillation. Le diapason servant à évaluer les durées qui correspondent à une longueur quelconque du graphique, permet de déterminer que laile du bourdon exécutait de 240 à 260 révolutions complètes par se- conde. Causes qui modifient la fréquence des mouvements alaires. Frottements. — Ce qu'on sait de l'influence des résistances sur la rapidité des mouvements que produisents les animaux devait faire penser que l'aile qui frotte sur le cylindre n'a pas la rapi- dité normale de ses mouvements, et que ses révolutions sont VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 57 d'autant moins nombreuses que le frottement est plus fort. L’ex- périence a confirmé ces vues. Un Insecte exécutant les mouve- ments du vol en frottant assez fortement son aile sur le papier a fourni 210 mouvements par seconde; en diminuant de plus en plus les contacts de l'aile avec le cylindre, J'ai obtenu des nom- bres de plus en plus grands: 282, 805 et 321. Ce dernier chiffre doit exprimer sensiblement la vitesse de l'aile qui se meut en liberté, car le graphique ne s’accusait plus que par une série de points à peine visibles. Au contraire, en frottant plus fortement j'ai vu retomber la fréquence des mouvements de l'aile à 240 et même au-dessous. | Une autre cause de modification, dans la fréquence des mou- vements alaires des insectes, c'est l'amplitude même de ces mouvements. Je rapproche cette eause de la précédente, car il est naturel d'admettre que les grands mouvements rencontrent dans la résistance de Pair plus d'obstacle que les petits. Quand on tient une Mouche ou un Bourdon au bout de sa pince de la facon que j'ai indiquée, on voit que l’animal exécute parfois de grands mouvements de vol: on entend alors un son grave; tandis que d’autres fois son aile n’est animée que d’un très-léger frémissement qui rend au contraire ua son fort aigu. Ce que l'oreille révèle sur la différence de fréquence des batte- ments que l'animal peut imprimer à ses ailes, lorsque rien n'entrave leurs mouvements, est entièrement confirmé par les expériences que J'ai faites par la méthode’graphique. Saisissant tantôt les moments de grand vol, tantôt ceux de petit vol ou de frémissement alaire, j'ai enregistré ces deux sortes de mou- vements et j'ai trouvé que la fréquence varie dans des limites très-étendues, à peu près dans le rapport de À à 3, la moindre fréquence appartenant aux mouvements de grande amplitude. Les différentes espèces d'Insectes sur lesquelles j'ai expéri- menté m'ont présenté aussi de très-grandes variations dans la fréquence des mouvements alaires. J'ai cherché autant que pos- sible à comparer ces espèces entre elles dans des conditions sem- blables, c'est-à-dire pendant le grand vol, avec peu de frotte- ment de l'aile sur le cylindre. Voici les chiffres que j'ai obtenus 58 MAREY. comme expression de la fréquence des révolutions alaires par seconde dans différentes espèces : Mouche commune..,.....,,...,.... S HDI 330 Bourdon. ...., No 0 0 co 0 n dOd Ibte 240 Abeille terre AA Ad 0 Le eee 490 GUCPE RME AE ERA ER 00010 À 0 MOINE 110 Macroglosse du caille-lait.............. Do 0e 72 Hibellule, 2 Are OM ET EE RRTRR PET ee 28 Papillon (Piéride du chou)....,...... 5086 9 Des pluies abondantes et la saison déjà avancée ne m'ont pas permis d'expérimenter sur de plus nombreuses espèces ; on voit pourtant, par ce tableau, quels écarts considérables présentent entre elles les différentes espèces d’Insectes. Il sera intéressant de reprendre ces expériences sur un grand nombre d'espèces bien déterminées. J'ajoute que, pour une même espèce, la fréquence des mou- vements à peu varié, sauf le cas où l'animal était fatigué par une expérience très-prolongée ; les mouvements de ses ailes se ralentissaient alors, et leur fréquence tombait au quart ou au cinquième de son chiffre normal. Si l’on rendait alors la liberté à l’Iusecte, il tombait à terre ou n’exécutait plus qu’un vol lent e ide courte durée. Synchronisme des mouvements des deux ailes. — Dans le vol des Insectes, les ailes s’élèvent très-fortement et viennent pres- que au contact l’une de l’autre au-dessus de la région dorsale de l'animal. On peut donc, en orientant ne uen l'Insecte, de facon que le plan antéro-postérieur qui le diviserait soit bien perpendiculaire à l’axe du cylindre, obtenir un graphique si- multané des mouvements des deux ailes. Ces graphiques sont particulièrement faciles à obtenir dans le cas de simple fré- missement alaire. Dans tous les cas, on y trouve la preuve du parfait synchronisme des révolutions des deux ailes, chacune , AAA En VEN En AR ANA SAR: \ ; URSS ARR EE Pine Dr re Le DIRE Eee Fig. 3. — Ce RTE des mouvements des deux ailes d'un Bourdon dans le petit vol. (On voit le synchronisme parfait du mouvement des deux ailes.) arrivant au sommet de sa course en même temps que l’autre. La figure 3 fournit un spécimen des tracés aimsi obtenus. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 59 Du reste, on peut se convaincre qu'il existe une sorte de soli- darité nécessaire entre les mouvements des deux ailes. Si on lance violemment un insecte contre le sol, de manière qu'il soit étourdi par eette commotion violente et ne puisse plus exécuter de mouvements volontaires, on voit, en imprimant des mouve- ments à l’une des ailes, que celle de l’autre côté suit jusqu’à un certain point les mouvements imprimés à sa congénère ; si l'on écarte une aile du corps de l'animal, l’autre s’écarte aussi ; si on la porte en baut, l’autre s'élève. Certaines espèces, la Guèpe, par exemple, m'ont paru se prêter très-bien à cette expérience. Toutefois, dans le vol captif, certains Insectes peuvent exé- cuter de grands mouvements de l’une de leurs ailes, tandis que l’autre n’exécute que de petites vibrations. La Mouche carnas- sière, par exemple, affecte ordinairement ce genre de vol alter- natif; rarement ses deux ailes se meuvent à la fois. La brusque- rie et l’imprévu de ces alternatives, les déviations violentes qu’elles impriment à l’axe du corps de l'animal, m'ont empêché de recueillir le graphique simultané du mouvement des deux ailes et de savoir si, malgré l'inégale amplitude des mouvements, le syuchronisme persiste dans ces conditions. Sauf cette excep- tion, qui n'existe peut-être que dans les conditions artificielles où J'avais placé l’animal, les mouvements des deux ailes symétriques des Insectes m'onttoujours paru coïncider exactement entre eux. DES DIFFÉRENTES POSITIONS QUE PREND I AILE D'UN INSECTE A CHACUNE DE SES RÉVOLUTIONS PENDANT LE VOL. — Les figures que l'on vient de voir montrent la périodicité régulière des mouvements du vol de l'Insecte ; mais elles font voir aussi que le graphique ne saurait représenter la totalité du parcours de laile, car celle-ei ne saurait être tangente à une assez grande partie de la surface du cylindre. Quels que soient les mouvements que l'aile décrive, sa pointe se meut évidemment sur la surface d’une sphère qui aurait pour rayon la longueur de l’aile et dont le centre serait placé au point d'attache de cet organe avec le mésothorax. Or, une sphère ne peut être tangente qu'en un point avec une surface plane ou convexe ; aussi n'obtient-on, 60 MAREY. pour une série de révolutions de l'aile, qu’une série de points, si le cylindre tournant n’est que tangent à la pointe de l'aile. Les graphiques plus compliqués ne sont obtenus que par des contacts plus étendus dans lesquels l'aile se plie et frotte par une partie de ses faces ou de ses bords. Je dirai plus tard comment j'ai tiré parti de la méthode gra- phique pour déterminer les mouvements de l’aile; mais je vais indiquer d'abord, pour la clarté de l’exposition, les résultats ob- tenus par une autre méthode. 1. Méthode optique pour la détermination des mouvements de l'aile. — Une fois bien convaincu de la périodicité régulière des mouvements de l'aile des Insectes, d’après les expériences précé- dentes, je pensai qu'on pouvait, par la vue, déterminer la nature du mouvement. En effet, si l’on pouvait attacher à l'extrémité de l’aile une paillette brillante, cette paillette, parcourant sans cesse les mêmes points de l’espace, laisserait une trace lumineuse qui devrait reproduire une figure régulière complète et dépour- vue de la déformation que peut donner le frottement à la surface du cylindre. Cette méthode optique a du reste été déjà employée pour un usage analogue par Wheatstone qui, terminant par des boules métalliques brillantes des verges à vibrations complexes, obtenait des figures lumineuses variant avec les différentes com- binaisons des mouvements vibratoires. J'eus d’abord quelques difficultés à agglutiner à l'aile des In- sectes des corps brillants, même très-légers ; la brusquerie des mouvements est telle qu’elle projetait au loin ces petites masses. Toutefois, je réussis à fixer au bout de l’aile des parcelles de cire à cacheter blanche, préalablement fondues sur une pointe d’ai- guille ; le refroidissement de la cire est assez rapide pour que l’Insecte ne puisse pas décoller ce petit corps. La cire, par sa blancheur, fournit, lorsqu'on se place au soleil et sous une inci- dence convenable, une figure saisissable du mouvement de l’aile. Mais il faut avoir soin de ne mettre que très-peu de cire, sans quoi l’aile est trop chargée et n’exécute que des mouvements fai- bles ou très-déformés. Les images lumineuses sont encore plus nettes si l’on réussit à fixer, au moyen de vernis, une paillette VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 61 d'or battu à la ponte de l'aile. Dans ces conditions, J'obtins l’image représentée figure À : Cette figure montre que la pote de l'aile décrit un huit de chiffre très-allongé, parfois même Vaile semble se mouvoir abso- lument dans un plan, puis, l'instant d’après, on voit s'ouvrir da- vantage les boucles terminales qui forment le 8. Quand cette BADOUREAU Fig. 4. — Aspect d'une Guëêpe à laquelle on a doré l'extrémité des deux grandes ailes. L'animal est supposé placé dans un rayon de soleil. ouverture devient plus large, en général une des boucles prédo- mine sur l’autre ; c’est parfois la boucle supérieure qui s'accroît et l'inférieure qui diminue, le plus souvent c’est l’inverse qui a lieu. Enfin, par une ouverture plus large encore, la figure se transforme quelquefois en une ellipse irrégulière, mais à lex. trémité de laquelle j'ai cru reconnaître un vestige de la seconde boucle. Il m'a semblé que le type elliptique ne s’obtenait que lorsqu'on a trop chargé l'aile de l’Insecte. En effet, l’autre aile qui n’est pas chargée se meut, pendant ce temps, sans présenter une ou- verture aussi large. En outre, ces figures’elliptiques se produisent surtout quand l’Insecte fait de violents efforts de vol, ce que l’on provoque sur les Macroglosses par le contact des antennes; chez les guèêpes par la ütillation des pattes, etc. 62 MAREY. CHANGEMENTS DE PLAN DE L'AILE PENDANT LE VOL. — La figure lumineuse que donne, dans ses mouvements, l'aile dorée d’un Insecte, montre encore que pendant les mouvements alternatifs du vol, le plan de l’aile change d'inclinaison par rapport à l'axe du corps, et que la face supérieure de cette aile regarde un peu en arrière pendant la période d’ascension, tandis qu'elle regarde un peu en avant pendant la descente. En effet, si l’on dore une grande étendue de la face supérieure de l’aile d’une Guëpe, en ayant soin que la dorure soit bien Ii- mitée à cette face, on voit que l'animal, placé dans un rayon de soleil, donne la figure du 8 avec une intensité très-inégale dans les deux moitiés de l’image, ainsi qu’on le voit figure 4. Le ca- ractère d'imprimerie 8, ici représenté, donne une idée du phé- nomène qui se produit alors, si l’on considère le trait pleim de ce caractère comme correspondant à la partie très-éclatante de l’image et le trait délié comme correspondant à la partie peu brillante. Il est évident que la cause de ce phénomène réside dans un changement du plan de l'aile, changement par suite duquel l'incidence des rayons solaires, favorable pour leur réflexion pendant la période d’ascension, est défavorable pendant la des- cente. Si l’on retourne l'animal de façon à observer en sens inverse la figure lumineuse, le huit de chiffre présente en sens inverse l’inégal éclat de ses deux moitiés, devient briilant dans la portion qui tout à l'heure présentait peu d'éclat et réciproque- ment. Nous trouverons plus loin, dans l'emploi de la méthode gra- phique, de nouvelles preuves de ces changements du plan de l'aile des Insectes pendant le vol. Ce changement de plan est d’une grande importance, car c'est en lui que réside la cause prochaine de la force motrice qui déplace le corps de l'animal. 2. Aléthode des contacts. — Pour contrôler les expériences précédentes et pour m'assurer encore mieux de la réalité des déplacements de l'aile que la méthode optique rend perceptibles, j'ai introduit l'extrémité d’un petit poinçen dans l'intérieur des boucles du huit de chiffre dont je viens de parler, et j'ai constaté VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 65 que, dans l’intérieur de ces courbes, 1l existe réellement des es- paces libres en forme d’entonnoirs, dans lesquels le poincon pé- nètre sans rencontrer l’aile, tandis que si l’on veut franchir l'intersection où les lignes se croisent, l'aile vient aussitôt battre contre le poincon et le vol est mterrompu. 3. Méthode graphique. — Les expériences précédentes simpli- fient beaucoup l'interprétation des graphiques que l’on obtient par le frôlement de l'aile d'un Insecte contre le eylimdre noireï, et bien que les figures ainsi obtenues soient incomplètes le plus souvent, on peut, avec leurs éléments épars, reconstituer la figure que la méthode optique nous à indiquée. On remarque d’abord que, sans gèner sensiblement les mou- vements du vol, on peut obtenir des graphiques de 7 à 8 nuilli- mètres de largeur quand l’ale est un peu longue. La flexion légère que subit l'aile lui permet de rester en contact avec le cylindre dans cette étendue; on obtient donc un graphique par- tel du mouvement. Or, si l’on prend soin de produire le contact de l'aile avec le cylindre dans des points différents du parcours de l'organe, on obtient une série de graphiques partiels qui se complètent les uns les autres et qui permettent de déduire la forme qu'aurait le graphique complet d'une révolution alaire. Supposons que, dans la figure A, la courbe décrite par l'aile dorée soit divisée par des lignes transversales en trois zones : l’une supérieure, formée par la boucle du haut; l'autre moyenne, comprenant l'entrecroisement des deux branches du 8 formant une sorte d'X; l’autre inférieure, comprenant la bouele du bas. Fig. 5. — Graphique de la région moyenne du parcours de l’aile d’une Abeille, mon- trant l’entrecroisement des deux branches du 8. L'une des branches se prolonge assez bas, toutefois le graphique de la boucle inférieure n’a pas pu se produire. En enregistrant les graphiques de la zone moyenne, on ob- . tient des figures assez semblables entre elles et dans lesquelles 6h MAREY. des lignes obliques se coupent entre elles. Il en est ainsi, dans la figure 5, région moyenne du graphique d’une Abeille, et dans la figure 6, région moyenne du graphique d’un Macro- glosse du caille-lait. | Les graphiques de la zone supérieure de la révolution alaire sont analogues à celui de la figure 7, dans lesquels on voit bien les boucles supérieures du huit de chiffre. Enfin, les graphiques dela zone qui correspond au parcours Fiç. 6. — Graphique de la zone moyenne du parcours de l’aile d’un Macroglosse du caille-lait. Les traits multiples dont ce graphique est formé tiennent à ce que l’extré- . mité de l’aile est frangée et présente des pointes multiples. inférieur de l’aile donnent également des boucles comme celles de la zone supérieure (la figure 8 en montre un spécimen), de sorte que le huit de chiffre peut se reconstruire par le rappro- chement des trois fragments de son graphique successivement obtenus. Si l’on pouvait recueillir tout entier, d’une seule fois, le tracé d’une aile d’insecte, on aurait donc une figure identique avec Fig. 7. — Cette figure montre, dans le graphique d’une Guëêpe, la boucle supérieure et toute l'étendue d’une des branches du 8. La partie moyenne de cette branche est seulement ponctuée à cause du faible frottemenl de l’aile. celle que notre savant acousticien Kœnig a obtenue le premier avec une verge de Wheatstone accordée à l'octave, c’est-à-dire VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 65 décrivant un huit dans l’espace. Cette forme-type est repré- sentée figure 8. Fig. 8. — Graphique d’une verge de Wheatstone accordée à l'octave, c’est-à-dire vibrant deux fois transversalement pour chaque vibration longitudinale: (figure obtenue par la méthode de R. Kœnig). On va voir que la méthode graphique se prête à d'autres ex- périences destinées à vérifier celles qne nous avons déjà passées en revue. En faisant varier l'incidence de l'aile sur le cylindre tournant, on peut prévoir à l’avance quel sera le graphique ob- tenu si l’aile décrit réellement un huit de chiffre, et, si la figure Fic. 9. — Graphique de l’aile d’une Guêpe; on y voit nettement plusieurs des boucles inférieures.(Ce graphique est obtenu en tenant l’Insecte de façon à frotter le cylindre par la partie postérieure de la pointe de l'aile, ce qui donne des courbes très- étendues.) tracée par l’Insecte volant dans ces différentes attitudes est con- forme aux prévisions, on aura une démonstration nouvelle de la réalité de ce mouvement. Supposons que l'aile de l’Insecte, au lieu de toucher le cylin- dre par sa pointe, comme nous l'avons vu tout à l'heure, le tou- che par un de ses bords, et admettons pour ‘un instant que le huit de chiffre décrit par l'aile soit tellement allongé qu'il s'écarte très-peu du plan qui passerait par l’axe vertical de cette figure ; alors, pour peu que nous pressions l'aile contre le cylindre, le 5° série. ZooL. T. XII. (Cahier n° 2.) 1 5 66 MAREY. contact sera constant et le graphique non interrompu; mais la figure obtenue ne sera plus celle du 8; ce sera, si le cylindre est FiG. 40. — Graphique obtenu avec l'aile d’une Abeille oscillant dans un plan sensiblement tangent à la génératrice du cylindre de l’enregistreur. immobile, un arc de cercle dont la concavité sera tournée du côté du point d'implantation de l'aile, point qui occupera préci- sément le centre de la courbe décrite. Si le cylindre tourne, la TER + à RE LS [LA p': TS À ESS NES NN Fiç. 41. — Graphique d’une Abeille avec un peu d’inclinaison du plan d’oscillation de l'aile avec la surface du cyliudre; le contact est moins parfait que dans la figure précédente. On voit ici la transition qui conduit à la figure 7. figure se déploiera comme le fait l’oscillation d’un diapason en- registrée dans les mêmes conditions, et l’on obtiendra un gra- phique plus ou moins approché de celui qui est représenté figures 10 et 11. Cette forme, que la théorie faisait prévoir, se retrouve toutes les fois que le plan dans lequel l'aile se meut est rendu tangent à la génératrice du cylindre. En examinant ces graphiques, il est facile d'y reconnaître des changements dans l'épaisseur du trait, des parties qui semblent faites par une friction plus ou moins forte de l'aile sur le cylin- dre ; c’est la preuve nouvelle de l'existence du mouvement en huit de chiffre, ainsi qu’on le verra plus loin. Pour dissiper tous les doutes sur la signification des tracés et pour prouver que c’est bien un mouvement en huit de chiffre qui les engendre, nous pouvons recourir à une autre méthode VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 67 et reproduire synthétiquement ce tracé avec une verge vibrante semblable à celle qui a donné la figure 8. Prenons une verge de Wheatstone accordée à l’octave; mu- nissons-la d’une aile d’Insecte en guise de style et traçons sur un Fig. 42. — Graphique d’une Guêpe; on a orienté l'animal de façon que son aile touche le cylindre par sa pointe et trace surtout la boucle supérieure du 8. cylindre les vibrations qu’elle exécute. Nous obtiendrons, si le cylindre est immobile, des figures en 8 lorsque l’aile le touche par sa pointe perpendiculairement appliquée sur sa surface et si le cylindre tourne, on aura des 8 déployés. On peut, avec une verge accordée à l'octave, obtenir des gra Fi, 43. — Graphique d’une verge de Wheatstone accordée à l’octave el orientée de manière à enregistrer surtout la boucle supérieure du 8. phiques identiques avec ceux que donne l’Insecte, ainsi qu’on en jugera par la comparaison des figures 12 et 13. Il ine semble suffisamment établi que dans les grands mouve- ments du vol, l'aile des Insectes que j'ai eu l'occasion d'étudier décrit dans l’espace un huit de chiffre. De plus nous avons vu, à l'inspection de la figure lumineuse que laisse dans son parcours une aile dont la pointe est dorée, que les périodes d’ascension et de descente de l'aile s'accompagnent de changement du plan de cet organe. On peut trouver dans l'emploi de la méthode graphique une nouvelle preuve de l'existence de ces changements de plan. Supposons qu'on tienne l’Insecte de telle sorte que ce ne soit plus la pointe, mais le bord de son aile qui frotte sur le cylindre, en d’autres termes, rendons le plan d’oscillation de l’aile paral- lèle à la génératrice du cylindre. Un nouveau phénomène se produira : ce ne sera plus telle ou telle partie du huit de chiffre 68 MAREY. qui viendra s'écrire, mais il se fera, à chaque révolution de l'aile, deux contacts, au moment où les boucles du huit présente- ront leur convexité au cylindre. Ces contacts seront alternants, et si l’Insecte est un peu éloigné du cylindre, on verra, entre les contacts supérieurs et inférieurs, un intervalle où le papier n'aura pas subile frottement de l'aile. C'est dans ces conditions qu'a été obtenue la figure 14. On y voit en outre que ce n’est pas la même face de l'aile qui a frotté sur le cylindre en haut et en bas. Il est évident que les traits de la moitié supérieure, formés chacun d’une série de hachure, sont produits par le contact d’un bord frangé, tandis que les contacts de la partie inférieure sont produits par une autre partie de l’aile qui présente une région dépourvue de franges, et laisse une trace plus blanche à contours mieux définis. Ces changements de plan n'existent que dans les grands mou- vements de l'aile. C’est un fait important à signaler, car il nous / | VA : fé F\ 44 à Fi. 44. — Graphique du Macroglosse du caille-lait, L’aile se meut sensiblement dans un plan tangent à la génératrice du éyiere , et l’intermittence des contacts est évidente. mettra sur la voie du mécanisme de leur production. La figure 15 est fournie comme la figure 1h par les mouvements de l'aile Fi6. 15. Graphique de l’aile d’un Macroglosse fatigué. On n’y voit plus la forme en 8, mais une simple oscillation pendulaire. d'un Macroglosse; mais, par l'effet de la fatigue, ces mouve- ments avaient perdu presque toute leur amplitude. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 69 On ne voit, dans cette figure, qu'une série d’oscillations pen- dulaires indiquant que l'aile ne fait que s'élever ets’abaisser sans changer de plan. La ligne brillante qui borde les parties ascen- dantes et supérieures de ces courbes s'explique par les flexions alternatives de l'aile qui frotte contre le papier; elle montre que la face supérieure présentait une aspérité qui laissait une trace prononcée, tandis que la face inférieure ne présentait pas d'aspérité semblable. CHAPITRE IL. Détermination du sens des mouvements de l’aile de l’Insecte.—Théorie des mouvements de l'aile. — De l’action propulsive des ailes de l’Insecte, — Reproduction schéma- tique du vol de l’Insecte. Il manque encore un élément très-important pour avoir la connaissance complète des mouvements que l'aile de lInsecte exécute pendant le vol. En effet, la méthode optique, en nous montrant tous les points du parcours de l'aile dont la pointe est dorée, ne nous indique pas dans quel sens se fait ce parcours ; quel que soit le sens dans lequel l'aile se meuve dans son orbite, la figure lumineuse qu’elle fournit doit toujours être la même. Un moyen très-simple m'a fourni la solution de cette nouvelle question ; voici en quoi il consiste : Soit (fig. 16) l’image lumineuse que fournissent les mouve - F1. 16, — Détermination du sens des mouvements de l’aile d’un Insecte. ments de l'aile droite d'un Insecte. Des flèches indiquent le sens dans lequel s’exécutent ces mouvements que l'œil ne peut 70 MAREY, suivre. On prend une petite baguette de verre poli et on la noircit à la fumée d’une bougie: puis, tenant cette baguette per- pendiculairement au plan dans lequel l'aile se meut, on en pré- sente la pointe noircie en a, c’est-à-dire en avant de la boucle inférieure. On tâche de faire pénétrer cette pointe dans l’mté- rieur du parcours alaire ; mais dès qu'elle pénètre dans cette région, la baguette reçoit une série de chocs de l'aile qui frotte à sa surface et enlève le noir qui la recouvrait. En examinant la pointe de verre, on voit que le noir a été essuyé à sa partie su- périeure seulement, ce qui montre qu’au point a de son par- cours l’aile est descendante. La même expérience étant répétée en a’, c’est-à-dire à la partie postérieure du parcours alaire, on trouve que la baguette a été frottée par en bas, c’est-à-dire qu’en a' l'aile était ascendante. On peut constater de la même façon que l'aile remonte aussi en b et descend en b”. Nous connaissons maintenant tous les mouvements que l'aile d’un Insecte exécute dans son parcours, ainsi que le double chan- gement de plan qui les accompagne. La connaissance de ce chan- gement de plan nous a été donnée par l’inégal éclat des deux branches du 8 lumineux. Or on peut s'assurer que dans le par- cours de l'aile descendante, c’est-à-dire de b! en a dans la figure 16, la face supérieure de l'aile regarde un peu en avant, tandis que de a/ en b, c’est-à-dire dans la remontée, cette face regarde un peu en arrière. THÉORIE DES MOUVEMENTS DE L'AILE, — Ces mouvements si complexes tendraient à faire admettre l’existence d’un appa- reil musculaire très-complexe lui-même. Mais l'anatomie de l’Insecte ne révèle pas l'existence de muscles capables de com- mander tous ces mouvements. On ne reconnaît guère dans les muscles moteurs de l'aile que des élévateurs et des abaisseurs, et, du reste, en examinant de plus près les conditions méca- niques du vol de l'Insecte, on va voir que pour produire tous ces actes successifs si bien coordonnés, il suffit d’un va-et-vient alternatif imprimé par les museles; la résistance de l'air en- traîne tous les autres mouvements. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 71 Si l’on arrache l'aile d’un Insecte, et, si la tenant par l'espèce de pédicule qui lattache au thorax, on la soumet à un courant d'air, on voit que le plan de l’aile s'incline d'autant plus que l’on souffle avec plus de force. La nervure antérieure de l’aile résiste, tandis que le voile membraneux qui la prolonge en arrière flé- chit à cause de sa plus grande souplesse. En souflant sur la face supérieure de l’aile, on voit cette face se porter en arrière, tan- dis qu’en soufflant par dessous, on tourne cette face en avant, N’est-il pas clair que dans les mouvements de l'aile pendant le vol, la résistance de l’air produira sur ce plan flexible les mêmes effets que les courants d’air que nous venons d'employer tout à l'heure? Du reste, les changements de plan que produi- rait dans ces conditions la résistance de l'air sont précisément ceux que l'on observe pendant le vol. Nous avons vu, en effet, que l’aile descendante présente sa face antérieure en avant, ce qui s'explique par la résistance de l’air agissant de bas en haut et que l'aile ascendante tourne sa face supérieure en arrière, ce qui tient à ce que la résistance de l'air agit alors de haut en bas. Il n’est donc pas besoin d'admettre des actes musculaires spé- ciaux pour opérer les changements de plan de l’aile ; ceux-ei, à leur tour, vont nous donner la clef des mouvements obliques et curvilignes qui produisent le parcours en huit de chiffre suivi par l'aile de l'Insecte. Reportons-nous à la figure 16; l'aile descendante se porte en même temps d’arrière en avant. Or l’inclinaison que prend le plan de l’aile, sous l'influence de la résistance de l'air, com- mande nécessairement cette descente oblique de 8’ en a. Un plan incliné qui frappe l'air tend à se mouvoir dans le sens de sa propre inclinaison. Supposons donc que, par l’action musculaire, l'aile s’élève et s’abaisse simplement; la résistance de l'air, agissant sur le plan de l’aile, forcera l'organe à se porter en avant pendant qu'il s’a- baisse. Mais cette déviation ne pourra se produire sans une flexion légère subie par la nervure. D'autre part, la force qui dévie l'aile en avant devra nécessairement varier en intensité suivant la vitesse avec laquelle l'organe s’abaisse. Aussi, lors- 79 MAREY. qu’à la fin de sa course descendante l’aile s’abaissera d’un mou- vement pluslent, on devra voir la nervure, moins énergiquement déviée, ramener l'aile en arrière d’un mouvement curviligne. Ainsi s'explique naturellement la formation de la branche des- cendante du huit de chiffre parcouru par l’aile. La même théorie s'applique à la formation de la branche as- cendante de cette figure. En somme, une sorte d’oscillation pen- dulaire exécutée par la nervure de l'aile suffit, avec la résistance de l'air, pour engendrer tous les mouvements que l'observation révèle. DE L'ACTION PROPULSIVE DES AILES DE L'INSECTE. — Les mouvements que je viens de décrire constituent l'essence même du mécanisme du vol chez les Insectes. Chaque coup d’aile frappe l’air obliquement et décompose la résistance de ce fluide de telle sorte qu’il résulte une composante horizontale qui pousse l’Insecte en avant. Cette composante se produit dans la descente de l’aile aussi bien que dans son élévation, de telle sorte que les deux temps de l’oscillation de l'aile ont une action également fa- vorable à la propulsion de l'animal. Il se produit un effet analogue à celui qu'on obtient dans l'eau par les mouvements de la godille. Chaque coup de cette rame qui présente un plan incliné à la résistance de l’eau, décompose cette résistance en deux forces, l’une qui agit en sens contraire du mouvement de la rame, l’autre dont la direction est perpen- diculaire de celle de ce mouvement, c’est celle-c1 qui pousse le bateau. La plupart des propulseurs qui agissent dans l’eau utilisent ainsi la décomposition de la résistance du fluide par le mouve- ment d’un plan incliné. La queue des Poissons produit une pro- pulsion de ce genre, celle du Castor agit de même, avec cette différence qu'elle oscille dans un plan vertical. L'hélice elle- même peut être considérée comme un plan incliné dont le mou- vement serait continu et toujours de même sens. REPRODUCTION SCHÉMATIQUE DU VOL DES INSECTES, — Pour VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 73 rendre plus saisissable l’action de l'aile de l’Insecte et les effets de la résistance de l'air, voici l'appareil que j'ai construit. Soit, Fic. 17. — Insecte artificiel ou schéma du vol des Insectes. figure 17, deux ailes artificielles composées d’une nervure 7 MAREY, rigide terminée en arrière par un voile flexible formé de bau- druche que soutiennent de fines nervures d’acier; le plan de ces ailes est horizontal; un mécanisme de leviers coudés les élève ou les abaisse sans qu'aucun mouvement de latéralité soit possible. Le mouvement des ailes est commandé par un petit tambour de cuivre dans lequel de l'air est foulé ou raréfié alternativement par l’action d'une pompe. Les faces circulaires de ce tambour sont formées de membranes de caoutchouc articulées avec le levier qui meut les ailes; l'air comprimé ou raréfié dans le tam- bour imprime à ces membranes flexibles des mouvements puis- sants et rapides qui se transmettent aux ailes. Un tube horizontal équilibré par un contre-poids permet à l'appareil de pivoter autour d'un axe central et sert en même temps à conduire l'air de la pompe dans le tambour moteur. L'axe est formé d’une sorte de gazomètre à mercure qui pro- duit une clôture hermétique des conduits de l'air, tout en per- mettant à l'appareil de tourner librement dans un plan hori- zontal. Ainsi disposé, l'appareil permet de saisir le mécanisme par lequel la résistance de l’air combinée avec les mouvements de l'aile produit la propulsion de l’Insecte. Mais avant cela, on peut démontrer que les phénomènes ac- cessoires que la méthode optique nous a fait constater dans l'aile de l’Insecte se reproduisent également sur l'appareil artificiel. On a vu que les articulations de l'appareil ne permettent aux ailes que de s'élever et de s’abaisser. Si l’on dore l'extrémité de ces ailes factices et qu'on fasse rapidement marcher la pompe à air en immobilisant l'appareil sur son pivot, on voit qu'en s’agitant, elles décrivent également dans l’espace la figure du huit de chiffre. En comparant l'éclat relatif des deux branches du 8, on constate que cet éclat varie, pour chacune des branches, suivant l'incidence de la lumière, et qu’en faisant varier cette incidence, on fait passer le maximum d'éclat de l’une des bran- ches à l’autre. Que se passe-t-il donc pour produire ces phénomènes? Le changement de plan de l’aile artificielle s'explique par l'effet de VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 75 la résistance de l'air agissant sur la partie flexible de l'aile arti- ficielle. Quant aux mouvements de latéralité, nous avons vu qu'ils ne peuvent se passer dans l'articulation de Paile; il faut donc que la nervure subisse une flexion dans chacun des deux temps de l’oscillation; cette flexion est la conséquence de la formation du plan incliné. Elle montre l'existence de la composante horizontale qui se produit, soit dans l’abaissement de l’aile, soit dans son élévation ; elle permet même de mesurer l’intensité de cette composante. Il suffit, en effet, de déterminer quel est le poids nécessaire pour fléchir et dévier en avant la nervure de l'aile d’une certaine quantité, pour savoir que la force horizontale qui dévie l’aile de cette même quantité pendant le vol est précisément équivalente à ce poids. Cette force, qui dévie la nervure de l’aile de l'appareil lors- qu'on le maintient fixe, poussera l'appareil tout entier en avant si on l’abandonne à lui-même. En effet, si l’on cesse de mainte- nir en place l’Insecte artificiel, on le voit prendre un mouvement de rotation rapide autour de son axe. Le mécanisme de la trans- lation de l’Insecte est donc éclairé par cette expérience qui confirme pleinement les théories que nous avons déduites de l'analyse optique et graphique des mouvements de l’aile pendant le vol. On peut se demander si les mouvements en huit de chiffre que aécrit la pointe de l'aile d'un Insecte captif se produisent aussi lorsque l’animal vole. Nous venons de voir que la flexion de la nervure est due précisément à la force qui pousse en avant l’Insecte quand il est devenu libre. On pourrait donc supposer que la nervure de l'aile ne cède pas à cette force quand l’Insecte vole librement, et que la composante horizontale se traduit uni- quement par une impulsion de la totalité de l’Insecte en avant. En examinant la figure décrite par l'aile artificielle pendant le vol, on voit que le huit de chiffre persiste dans cette circonstance. À la vérité, cette figure est modifiée par la translation de l'ap- pareil ; elle subit une sorte de déploiement et elle prend l'aspect du huit de chiffre enregistré sur un cylindre tournant, mais elle ne se réduit pas à une simple courbe pendulaire, ce qui arrive- 76 MAREY. rait si la nervure restait toujours rigide. On comprend qu’il en soit ainsi à cause de linertie de l'appareil qui ne peut subir les mouvements variables que chaque coup d’aile tend à lui impri- mer. L'appareil, une fois en mouvement, est tantôt en avance, tantôt en retard sur la force horizontale que développent ses ailes ; c’est pourquoi la nervure alaire est obligée de s’infléchir, car la masse à mouvoir ne peut obéir instantanément à la composante horizontale que l’aile emprunte à la résistance de l'air, Le même phénomène doit se passer dans le vol d’un In- secte véritable. L'appareil schématique dont on vient de voir la description ne donne pas encore une idée exacte du mécanisme du vol de l'In- secte. J'ai dù, pour la facilité de la description des mouvements de l’aile, supposer que son oscillation se fait de haut en bas, c’est-à-dire du dos au ventre de l'animal couché horizontalement sur l'air. Mais il suffit d'observer le vol de certains Insectes, la Mouche commune, par exemple, et la plupart des autres Diptères, pour voir que le plan dans lequel se meuvent les ailes n’est point vertical, mais au contraire très-voisin de l’horizonta- lité. Ce plan présente un peu sa face supérieure en avant; or, à cette face supérieure répond la nervure de l'aile. C’est donc de bas en haut et un peu en avant que s’exercera la propulsion de l'Insecte. La plus grande partie de la force déployée par l'aile aura pour effet de soutenir l'animal contre l’action de la pesan- teur; le reste de cette force le portera en avant. En changeant l’inclinaison du plan d’oscillation de ses ailes, ce qui peut se faire par des mouvements de l'abdomen qui dé- placent le centre de gravité, l’Insecte pourra, suivant le besoin, augmenter sa tendance à voler en avant, perdre la vitesse ac- quise et rétrograder, ou enfin, se jeter de côté. Il est facile de voir, quand un Hyménoptère volant à toute vi- tesse s'arrête sur une fleur, que cet Insecte porte fortement le plan d’oscillation de ses ailes en arrière. Rien de plus variable, du reste, que l’inclinaison du plan dans lequel les ailes oscillent chez les différentes espèces d'Insectes. Les Diptères m'ont paru avoir ce plan d’oscillation très-voisin de VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 7 l’'horizontalité ; chez les Hyménoptéres, l'aile se meut dans un plan plus voisin de 45 degrés; enfin les Lépidoptères battent des ailes presque verticalement à la manière des Oiseaux. Pour rendre saisissable cette influence du plan d’oscillation des ailes et pour montrer que la force empruntée à la résistance de l'air a le double effet de soulever l'Insecte et de le diriger, il faut donner au schéma une disposition particulière. Il faut d’abord pouvoir changer le plan d’oscillation des ailes de lInsecte, ce qui s'obtient par un pivotement du tambour à l’extrémité du tube horizontal au bout duquel il tourne. Enfin, pour rendre sensible la force ascensionnelle qui se développe dans cette nouvelle con- dition, il faut que l'appareil ne se borne plus à un simple mou - vement de rotation dans le plan horizontal, mais qu'il puisse osciller dans le plan vertical comme le ferait le fléau d’une ba- lance. La figure 18 montre la disposition nouvelle que j'ai donnée à l'appareil pour obtenir ce double résultat. Dans cet appareil, la pompe à air qui constitue la force mo- trice est conservée ; il en est de même de la colonne tournante qui pivote sur le gazomètre à mercure. Mais au-dessus du disque qui termine en haut cette colonne, est établie une articulation nouvelle qui permet au tube horizontal équilibré au bout duquel est l’Insecte artificiel, d'osciller dans le plan vertical comme le fléau d’une balance. Pour établir la communication entre la co- lonne tournante et le tube qui porte l’Insecte, je me sers d'un petit tube de caoutchouc assez flexible pour ne gèner en rien les mouvements oscillatoires de l'appareil. D’autres modifications tout à fait accessoires se voient encore dans la figure 18 : l’une consiste dans l'emploi d’un tube de verre pour conduire l'air de la pompe motrice à l’'Insecte; l’autre con- siste en un changement du mécanisme qui fait mouvoir les ailes. La modification la plus importante est l'existence d’une articulation qui permet de donner au plan d’oscillation des ailes toutes les inclinaisons possibles. L'appareil étant disposé de telle sorte que le contre-poids, assez rapproché du centre, ne fasse pas équilibre au poids de 78 MAREY. l’Insecte et du tube de verre qui le supporte, on oriente l'appareil de facon que les ailes se meuvent dans un plan horizontal, la nervure étant en haut. Alors, toute la force motrice est dirigée de bas en haut, et dès que la pompe marche, on voit l'Insecte s'élever verticalement. On peut estimer facilement le poids sou- levé par les battements des ailes, et comme, en déplaçant le contre-poids, on fait varier à volonté le poids de l’insecte, on peut déterminer l'effort développé suivant la fréquence ou l'amplitude du mouvement des ailes. En faisant faire un demi-tour à l’Insecte, de facon que ses ailes oscillant toujours dans un plan horizontal tournent leurs ner- vures en bas, on développe une force verticale descendante qu'on estime en éloignant plus où moins le contre-poids et en faisant soulever ce contre-poids par la descente de l’Insecte. Si l'on oriente le plan d’oscillation des ailes verticalement, l'Insecte tourne horizontalement autour de son support de la même facon que dans l’appareil décrit précédemment et repré- senté figure 47. Enfin, si l'on donne au plan d’oscillation des ailes la position oblique qu'il présente chez la plupart des insectes véritables, c’est-à-dire si la nervure regarde à la fois en haut et un peu en avant, on voit l’Insecte se soulever malgré l’insuffisance du con- tre-poids et tourner en même temps autour de l'axe vertical; c’est-à-dire que l'appareil présente le double effet qu’on observe chez un véritable Insecte qui vole, trouvant à la fois dans le battement de ses ailes la force qui le soutient contre la pesanteur et celle qui le dirige dans l’espace. De ces deux forces, la première est de beaucoup la plus con- sidérable : aussi, lorsqu'un fnsecte plane sur une fleur et qu’on l’observe obliquement éclairé par le soleil couchant, peut-on constater que le plan d’oscillation de ses ailes est presque horizon- tal. L'inclinaison doit évidemment se modifier dès que l’Insecte veut se porter rapidement dans une direction quelconque, mais alors l'œil ne peut plus guère le suivre et constater ce change- ment de plan dont la théorie et les expériences ci-dessus indi- quées autorisent à admettre l'existence. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 79 Un point curieux de l’histoire du vol des Insectes serait l'é- BADOUREAU. Il (ll HT /] É JL (HTTIIN Ill M . 18. — Schéma permettant de rendre sensible la force ascensionnelle développée par l'Insecte, tude des mouvements préparatoires au vol. Je ne parle pas seu- 80 MAREY. lement du déploiement des ailes que les Coléoptères exécutent avant de s'envoler, mouvement qui est parfois assez lent pour qu'on puisse bien l'observer, ni du déplissement des premières ailes qui, chez les Guëpes, s'exécute avant le vol. D’autres In- sectes, les Diptères, présentent un mouvement très-curieux de pivotement de l'aile autour de sa nervure, au moment où les ailes qui étaient étendues sur le dos dans l’attitude du repos se portent en dehors et en avant pour le vol. Les Mouches, les Tipules et d’autres Insectes encore présentent ce mouvement préparatoire qui s’observe très-bien quand l'Insecte épuisé n’a plus la même énergie dans le vol. On voit la nervure de l'aile rester sensiblement immobile, et autour d'elle tourne le voile membraneux dont le bord libre passe directement en bas. Cette position étant obtenue, l’Insecte n’a plus qu'à faire osciller son aile dans la direction presque horizontale d’arrière en avant et d'avant en arrière. Si ce pivotement n'existait pas, l’aile coupe- rait l'air par sa tranche et serait entièrement incapable de pro- duire le vol. Chez d’autres espèces, les Agrions par exemple, les quatre ailes, au repos, sont adossées entre elles au-dessus de l'abdomen de l'animal. Leur nervure est en haut et garde sa po- sition quand les ailes se portent en bas et en avant; 1ci, aucune préparation au vol n’est nécessaire. Chez ces Insectes, comme chez les Papillons, l'aile n’a qu'à entrer en mouvement pour que l'animal s'envole. Il serait curieux de suivre dans la série des Insectes les varia- tions que présente le mécanisme du vol, mais je n'ai pu faire jusqu'ici qu'un nombre très-restreint d'observations : j'attends l’occasion de les compléter. VOL DES INSECTES ET. DES OISEAUX. 81 CHAPITRE III. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES FORCES MOTRICES QUI AGISSENT DANS LE VOL. De la force statique des muscles de l'oiseau, — Rapidité d'action des muscles de l'oiseau. — Comparaison de l’action des muscles avec certains phénomènes qui se produisent dans le caoutchouc. — Des différentes formes du travail musculaire, — Modifications de l’appareil musculaire et du squelette suivant le type du vol, chez les différentes espèces d'oiseaux. À la simple inspection de l'aile de l'Oiseau, il est facile de voir que le mécanisme du vol n’est plus le même pour lui que pour l’Insecte. Que l’on observe la façon dont s’imbriquent les pennes de l’Oiseau, et l’on verra que l’air ne trouve de résistance contre l'aile que de bas en haut, tandis qu’en sens inverse il se fraye une issue facile en fléchissant les longues barbes des plumes qui ve sont plus soutenues. Cette disposition bien connue, et dont Prechlt (1) a très-bien indiqué les effets, a pu faire croire que l’aile de l’Oiseau n'a be- soin que d’osciller dans un plan vertical pour que l'animal se soutienne contre la pesanteur, à cause de la prédominance de la résistance de l'air agissant de bas en haut sur celle qui s'exerce en sens contraire. Avant de discuter la valeur de cette théorie, il faudrait voir si l'aile de l’Oiseau n’exécute réellement que des oscillations dans un plan vertical. Nous nous retrouvons donc, comme au début des études sur le vol des Insectes, en présence de questions que l'expérience seule peut résoudre. Toutefois le problème se pose ici dans des conditions particu- lières. L’Oiseau, par sa taille bien plus grande que celle de l’In- secte, par sa disposition anatomique bien mieux connue, se prête à des études et à des expériences d’un autre ordre. J’étudierai autant qu'il sera possible la nature de la force musculaire de l'Oiseau et l'influence qu’exercent sur le vol la disposition parti- (1) Untersuchungen über den Flug der Vôgel, in-8°. Wien, 1846. 5€ série, ZooL., T. XII, (Cahier n° 2.) 2 6 82 MAREY. culière de ses muscles et la forme de ses ailes. Les méthodes de myographie, dont l'emploi rend si facile l'analyse des différentes formes du mouvement produit par les muscles, seront, dans ces recherches, d’un précieux emploi. L’anatomie comparée nous montre, dans l'aile des Oiseaux, l'analogue du membre antérieur des Mammifères. Réduite à son squelette, l’aile présente, comme le bras humain, l’humérus, les deux os de l’avant-bras et une main rudimentaire dans laquelle on retrouve encore des métacarpiens et des phalanges. Les mus- cles aussi offrent de nombreuses analogies avec ceux du membre antérieur de l’homme; de part et d'autre, quelques-uns ont une telle analogie d'aspect et de fonctions qu'on a pu les désigner sous la même dénomination. En somme, chez l'Oiseau, les muscles les plus développés sont ceux qui ont pour action d'étendre ou de fléchir la main sur Pavant-bras, l’avant-bras sur l'humérus, et enfin de mouvoir l’humérus, c’est-à-dire le bras tout entier, autour de l'articulation de l’épaule. Chez la plupart des Oiseaux, surtout chez les grandes espèces, l'aile semble rester toujours étendue pendant le vol. Ainsi les muscles extenseurs des différentes pièces de l’aile serviraient à donner à cet organe la position nécessaire pour que le vol soit possible, et à le maintenir dans cette position, tandis que le tra- vail moteur serait exécuté par d’autres muscles beaucoup plus forts que les précédents, les muscles pectoraux. Toute la face antérieure du thorax est occupée, chez l'Oiseaü, par des masses musculaires puissantes, et surtout par un grand muscle qui, d’après ses attaches au sternum, aux côtes et à l’hu- mérus, se montre évidemment l’analogue du grand pectoral de l’homme et des mammifères; son rôle est visiblement d’abaisser l'aile avec force et rapidité, et de prendre sur l'air le point d’ap- pui nécessaire à soutenir ainsi qu'à mouvoir toute la masse de l'Oiseau. Au-dessous du grand pectoral, se trouve le pectoral moyen; sans analogue chez les autres espèces animales, ce muscle a pour action de relever l'aile, Enfin, extérieurement, le petit pectoral se porte du sternum à l’humérus; c’est un acces- soire du grand pectorai. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 83 Chacun sait que la force d’un muscle est proportionnelle au volume de cet organe ; aussi, en voyant que les muscles pecto- raux représentent chez l'Oiseau 1/6° environ du poids total de l'animal, comprend-on tout de suite que c’est à ces puissants or- ganes qu'est dévolu le rôle principal dans l'acte du vol. Borelli a voulu déduire du volume de ces muscles la force dont ils sont capables; il a cru pouvoir conclure que la force que l’Oiseau emploie pour voler égale 40 000 fois son poids. Je ne réfuterai point l'erreur de Borelli que tant d’autres se sont chargés de combattre, cherchant à substituer aux évaluations du physiologiste italien des chiffres dont l'exactitude ne serait guère plus facile à prouver. Les contradictions si grandes qui existent entre les estimations de la force musculaire des Oiseaux tiennent à ce que ces tentatives de mesures étaient prématurées. Si l'on voulait aujourd'hui faire une évaluation réelle du tra- vail développé par l’Oiseau pendant le vol, 1l faudrait avant tout demander à l’expérimentation physiologique les données com- plètes du problème. Cette mesure suppose la connaissance des mouvements de l’aile avec leur forme, leur étendue et leur vi- tesse à chaque instant ; elle suppose également connus l'étendue de la surface de l’aile, sa courbure et l'angle sous lequel elle frappe l'air. Ce problème sera peut-être le dernier dont nous puissions espérer la solution; mais nous pouvons dès maintenant étudier, à d’autres points de vue, la force des muscles de l'Oi- seau, et apprécier quelques-uns des caractères avec lesquels elle se manifeste. On peut d'abord obtenir expérimentalement une mesure de l'effort maximum que puissent développer les muscles de l’Oiseau. Cette mesure pourra bien ne pas correspondre à l'effort réel qui est développé dans le vol, mais elle nous empêchera de tomber dans l’exagération qui ferait attribuer à ces muscles une force supérieure à l'effort maximum dont ils sont capables. DE LA FORGE STATIQUE DES MUSCLES DE L'OISEAU, — En physio- logie, on mesure la force statique développée par un muscle eu cherchant le poids maximum que ce muscle vuisse soulever. 8 MAREY. Cette détermination a été faite par E. Weber (1) sur les muscles de la Grenouille, par Henke et Knorz (2), puis par Koster (3), sur les muscles de l'Homme; le poids maximum dans ces expé- riences était de 1 kilogramme environ par centimètre carré de section musculaire d’après Weber; de 5 pour Henke et Knorz; enfin, de 7 pour Koster. Si les estimations de Borelli et même celles de Navier étaient justes, on devrait trouver aux muscles de l'Oiseau une force sta- tique bien plus considérable ; 1l ne m'a pas paru, au contraire, que cette force surpassât celle des muscles des Mammifères. J'avais déjà constaté qu'un poids d’un kilogramme placé sur l'aile d’un Pigeon, au niveau de l'articulation du bras avec l’a- vant-bras, ne pouvait être soulevé par les efforts volontaires de l'animal. Aussi, dans certaines expériences, où l’on veut tenir un Oiseau immobile, un excellent moyen de contention consis- terait-il à mettre l'animal sur le dos, les ailes étendues, et à charger chaque aile d’un sac de grenaille de plomb pesant un kilogramme. Je voulus avoir une mesure plus précise de la force des muscles pectoraux. Une Buse chaperonnée fut placée sur le dos dans la position que je viens de décrire. L'application du chaperon plonge ces animaux dans une sorte d’hypnotisme pendant lequel on peut faire sur eux toute espèce d'opérations, sans qu'ils tra- hissent leur douleur autrement que par des mouvements réflexes. Je dénudai le grand pectoral et la région humérale, je liai l'ar- tère, et désarticulai le coude en faisant l’ablation de tout le reste de l'aile. Je fixai alors une corde à l'extrémité de l’humé- rus, et au bout de la corde je plaçai un plateau dans lequel on versa de la grenaille de plomb. Le tronc de l'Oiseau étant par- faitement immobilisé, j'excitai le muscle par des courants in- duits interrompus, et pendant que se produisait le tétanos artifi- ciel, un aide versait la grenaille de plomb jusqu’à ce que la force (1) Wagner’s Handwôrterbuch der Physiologie. (2) Die Grosse der absoluten Muskelkraft, in Henle und Pfeufer, t. XXIV. (3) Archives néerlandaises, 1866, p. 14. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 85 de raccourcissement du muscle fût surmontée. À ce moment, le poids supporté était de 2,380. Or le bras de levier au bout duquel ce poids avait été placé était la longueur même de l’humérus : environ 9 centimètres, si l’on mesure la longueur du levier entre l’attache de la corde et le centre du mouvement de l'articulation humérale. Le bras de la puissance, visiblement beaucoup plus court, est plus difficile à mesurer. D'abord, l’attache du grand pectoral s'étend sur une grande longueur, environ 3 centimètres. Si l'on veut supposer la force musculaire appliquée au milieu de cette ligne d'inser- tion, le bras de levier de la puissance est d'environ 17 milli- mètres. Le poids soulevé et l'effort musculaire multipliés l'un et l’autre par leurs bras de leviers respectifs s’équilibraient. Il s'ensuit que la valeur réelle de la force de l'Oiseau était 2380 X 90 — toral tout entier. Divisant ce nombre par 9%,7 qui représente la surface de section de ce muscle, on obtient pour chaque centi- mètre carré du muscle de l'Oiseau un effort de 1298 grammes. La faiblesse du chiffre que j'ai obtenu peut tenir à certaines causes d'erreur : d'abord je n'ai pas coupé le tendon du pectoral moyen (élévateur de l'aile). On peut donc objecter que les cou- rants électriques, s'irradiant jusque dans la région profonde des muscles thoraciques, ont excité l’élévateur de l'aile, dont l’action antagoniste du grand pectoral, c’est-à-dire agissant dans le même sens que le poids, a diminué sensiblement la charge nécessaire pour équilibrer l'effort du muscle abaisseur. On pourra dire aussi que l’agent électrique dont je me suis servi peut ne pas produire dans le muscle des efforts aussi éner- giques que ceux que la volonté provoque. Admettons que ces objections soient fondées, doublons, qua- druplons même la force que je viens d’assigner au muscle, et nous serons encore au-dessous des chiffres que Koster attribue à la force spécifique du muscle de l'Homme. Ainsi, malgré le peu de précision de l'expérience que j'ai faite, on y peut, je crois, trouver la preuve qu’il n'existe pas dans les muscles de l'Oiseau ; ce qui donne 12*,600 pour la force du grand pec- 86 | MAREY. une puissance notablement plus grande que celle qu'on rencon- tre chez les autres animaux. RAPIDITÉ D'ACTION DES MUSCLES DE L'OISEAU. — L'une des par- ticularités les plus frappantes de l’action des muscles de l'Oiseau est la rapidité extrême avec laquelle la force s’engendre dans ces muscles. Parmi les différentes espèces animales sur lesquelles j'ai déterminé les caractères de l'acte musculaire, l’Oiseau est celui qui m'a donné les mouvements les plus rapides. On peut, par la myographie (1), enregistrer la courbe du mou- vement que produit un muscle, et apprécier ainsi la durée de son raccourcissement, puis celle de son retour à sa longueur primitive. Si l’on fait agir l'électricité ou un excitant instantané quelconque sur le nerf d’un muscle, ou sur le muscle lui-même, on provoque un mouvement d'une durée très-variable suivant l’espèce animale sur laquelle on agit. Ce mouvement que j'ai appelé secousse musculaire, pour le distinguer de la contraction prolongée qui peut se produire en d’autres circonstances, dure une seconde et même plus pour les muscles de la Tortue; chez l'Homme, 1l ne dure guère plus de six ou huit centièmes de se- conde, et chez l’Oiseau, il s’accomplit en quatre centièmes de seconde. Cette rapidité est une condition indispensable du vol, En effet, l'aile qui s’abaisse ne peut trouver sur l'air un point d'appui suffisant que si elle se meut avec une grande vitesse. La résis- tance de l'air, au-devant d’un plan qui le refoule, croît sensible- ment en raison du carré de la vitesse avec laquelle ce plan se déplace. Il ne servirait de rien à l’Oiseau d’avoir des muscles énergiques, capables de produire un travail considérable, si ces muscles n'imprimaient à l’aile que des mouvements lents; leur force ne trouverait pas à s'exercer, faute de résistance, et aucun travail ne pourrait être produit. Il en est autrement des animaux terrestres qui courent ou rampent sur le sol avec une allure plus ou moins rapide suivant la nature de leurs muscles, mais (4) Voyez Marey, Du mouvement dans les fonctions de la vie, p, 223 à 266. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 87 qui, en définitive, utilisent en travail leur force musculaire à cause de la parfaite résistance du point d'appui. Chez les Pois- sons déjà, le besoin de rapidité dans les mouvements se faisa sentir; l’eau dans laquelle ils nagent résiste en raison de la vi- tesse avec laquelle la queue ou les nageoires la repoussent ; aussi l'acte musculaire est-il bref chez les Poissons, mais moins que chez les Oiseaux qui se meuvent dans un milieu bien plus mobile encore. | Pour comprendre la production si rapide du mouvement dans les muscles de l’Oiseau, il faut admettre que les actions chimi- ques qui ont lieu dans la substance même du muscle, et y en- gendrent, comme dans nos machines, la chaleur et le mouve- ment; que ces actions, dis-je, naissent et se propagent plus facilement dans les muscles des Oiseaux que chez toute autre espèce animale. C’est ainsi que les différentes poudres de guerre présentent des durées variables dans leur déflagration, et par suite impriment des vitesses très-différentes aux projectiles qu'elles lancent. Il me semble indispensable d’insister à ce propos sur les phé- nomènes moléculaires dont les muscles sont le siége; on y trou- vera des éclaircissements pour le sujet qui nous occupe. Les physiologistes modernes, étendant aux êtres organisés le principe de la conservation de la force ainsi que l’équivalence du travail mécanique et de la chaleur, admettent que dans les mus- cles, comme dans le foyer de nos machines, il se produit une combustion. Cette combustion ou décomposition chimique, rom- pant certains équilibres moléculaires, met en liberté les forces qui les retenaient et les rend sensibles sous deux formes : la chaleur et le travail mécanique, qui sont en quelque sorte com- plémentaires l’un de l’autre. De sorte que si un muscle excité se contracte sans soulever de poids et sans faire de travail, il s’é- chauffera sensiblement ; s’il est chargé d’un poids et qu’il fasse du travail, ce muscle s’échauffera moins, et cette perte de cha- leur, si l’on pouvait la mesurer, devrait correspondre à l’équiva- lent mécanique du travail qui a été produit. Assurément, on ne saurait évaluer exactement la chaleur que 88 MAREY. dégage un muscle vivant pendant qu'il se contracte, car la cir- culation du sang, suivant qu’elle y est plus ou moins active, vient y apporter, en plus ou moins grande abondance, la chaleur qui se produit aux différents points de l'organisme. Toutefois, les expériences de Béclard, de Heidenhain, de Hirn, etc., ten- dent à prouver que la production de chaleur diminue lorsque la quantité du travail mécanique augmente. C'est assez pour légi- time l'admission, en physiologie, du principe de la conservation de la force, d'autant plus que ce principe est de ceux dont l’exis- tence s'impose le plus impérieusement à la raison. Toutefois, il reste encore deux manières de comprendre la production du travail par les actions chimiques qui ont lieu dans les muscles. Ou bien l’action chimique que nous avons ap- pelée combustion met en liberté des forces qui se traduisent im- médiatement, partie en chaleur et partie en travail mécanique; - ou bien, ainsi que cela se passe dans nos machines, la chaleur se produit d'abord pour se transformer partiellement en travail. Certains faits rendent cette dernière hypothèse extrêmement probable. On peut, en certains cas, surprendre dans un muscle la trans- formation de la chaleur en travail mécanique. Chargez d’un poids un muscle encore vivant, puis élevez la température du musele, vous le verrez se raccourcir et soulever le poids : un travail mécanique aura done été produit aux dépens de la cha- leur. C'est un physiologiste russe, J. Chmoulevitch, qui décou- vrit, tout récemment, cette action de la chaleur sur les muscles. Voici dans quelles conditions le phénomène se manifeste. Lorsqu'on détache un muscle de Grenouille et qu'on provoque en lui des secousses par l'électricité, tout en le soumettant à une élévation graduelle de température,;on voit que l'amplitude des mouvements qui se produisent va toujours en décroissant à partir d’un certain point, et qu’il arrive un instant où le muscle ne réagit plus du tout. C'est au delà de 33 degrés centigradesque se produit cette perte d'irritabilité musculaire. Si l'on refroidit VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 89 ensuite graduellement le muscle, on le voit peu à peu reprendre son irritabilité. Que s'est-il passé ? Si l'on a soin d'enregistrer les unes à côté des autres les secousses du muscle graduellement échauffé, on voit que la décroissance de leur amplitude tient à ce que le muscle, après s'être raccourci, ne revient plus à sa longueur normale s’il recoit de la chaleur. Les minima des courbes s'élèvent de plus en plus, annonçant que le poids soulevé par chaque se- cousse ne redescend pas complétement; le travail effectué pendant le raccourcissement musculaire ne se défait pas entiè- rement dans le relâchement incomplet qui suit, et il reste ‘une Fire, 19. — Montrant les effets de la chaleur sur le travail musculaire (la figure se lit de droite à gauche). La première secousse a une grande hauteur ; la deuxième esl moins haute, mais cela tient en partie à ce que l’origine du trait se trouve à un niveau plus élevé, ainsi que le montre la ligne horizontale d’où la deuxième secousse se détache : cette élévation du point de départ de la secousse prouve que le muscle était dans un état de raccourcissement sous l'influence de la chaleur. Le même effet se prononce de plus en plus jusqu’à la cinquième secousse, À ce moment, le muscle est refroidi, et son retour à sa longueur primitive ramène l’amplitude des secousses à leur degré normal, certaine quantité de travail accomph dont la cause paraît être la transformation de la chaleur dans le muscle. Et quand le inusele chauffé au delà de 33 degrés paraît inerte, c’est qu'il a obtenu par l’action de la chaleur tout le raccourcissement dont il est susceptible : c'est qu’il a exécuté tout le travail dont il est ca- pable. 90 MAREY. Dans la période de refroidissement du muscle, l'inverse se produit, la soustraction de chaleur équivalant à un travail né- gatif, c’est-à-dire au relâchement du muscle et à la chute du poids qu'il avait soulevé. COMPARAISON DE L'ACTION DES MUSCLES AVEC CERTAINS PHÉNO- MÈNES QUI SE PRODUISENT DANS LE CAOUTCHOUC, — Le caout- chouc jouit de propriétés très-analogues à celles du tissu muscu- laire, au point de vue de la transformation de chaleur en travail mécanique. Prenez un fil de caoutchouc non vulcanisé, chargez- le d’un poids, il s’allonge, un travail négatif se produit, et con- formément à la théorie mécanique de la chaleur, vous pourrez percevoir un échauffement très-notable du fil. Inversement, soumettez ce fil chargé d’un poids à une élévation de tempéra- ture, et vous verrez, avec Thompson, le fil se raccourcir et sou- lever le poids. Mais, dans ces conditions, la quantité de travail produite par le caoutchouc est très-faible ; voici un moyen de la rendre très-considérable. Il y a deux ans environ, le docteur Ranvier me rendit témoin de l'expérience suivante : Il étirait longuement un fil de caout- chouc de manière à le rendre quinze à vingt fois plus long qu’au repos, et amenait le fil à un état qu'il appelait l’énervement, dans lequel le caoutchouc restait allongé, même lorsqu'on ces- sait d'exercer sur lui des tractions. Si alors on touchait un en- droit de ce fil avec un corps chaud, on voyait aussitôt se produire en ce point un renflement considérable formé par le retrait su- bit du caoutchouc et par son retour à sa forme et à sa longueur primitives. Placé dans le creux de la main, le fil énervé s'y tor- dait comme un ver et reprenait en quelques instants sa brièveté et sa largeur primitives. L'expérience de M. Ranvier était facile à interpréter dans l’une de ses parties ; la chaleur appliquée au caoutchouc était par lui transformée ‘en travail ; mais qu'était- ce que l’état d’énervement préalable auquel le fil devait avoir été amené pour que le phénomène pût avoir lieu? En reprenant cette expérience, je ne tardai pas à m'aperce- voir que la durée des tractions auxquelles je soumettais le fil VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 91 avait un grand rôle dans la production de l’énervement. Si je me bornais à étendre le fil de manière à lui donner vingt fois sa longueur, et si je le relächais aussitôt, 1l revenait sensiblement à sa forme primitive, mais si la traction se prolongeait trente secondes, une minute ou plus encore, le fil abandonné à lui- même ne revenait qu'incomplétement : il avait été en partie énervé, et d'autant plus complétement que la traction avait été plus prolongée. Or, l'influence de la durée des tractions avait une explication naturelle. Si l’on se souvient que le caoutchouc éliré s’'échauffe, il est naturel d'admettre que la chaleur ther- mométrique qui apparaît à sa surface se perdra peu à peu si la traction se prolonge ; et s’il faut de la chaleur pour que le caout- chouc revienne à ses dimensions, il ne reviendra pas compléte- ment s’il a perdu une partie plus ou moins grande de la chaleur que l’étirement avait dégagée. Si cette théorie est vraie, il est facile de produire un énerve- ment rapide du caoutchouc en lui enlevant rapidement sa cha- leur sensible. C’est précisément ce qui a lieu. Étirez un fil de caoutchouc et plongez-le dans l’eau froide, vous l’en retirerez instantanément énervé, figé pour aimsi dire en élongation; rendez-lui de la chaleur, il reviendra à ses dimensions premières en produisant un travail mécanique. Je ne doute pas que la physique ne puisse retrouver dans le travail ainsi obtenu l’équi- valent exact de la chaleur restituée. Nous voici bien lom de notre sujet, mais nous allons y reve- pir avec des idées nouvelles qui nous permettront une analyse plus complète de l’action des muscles. En effet, nous avons dans l'emploi du caoutchouc une sorte de schéma du muscle très- précieux pour l'étude de certains phénomènes qui, chez les êtres vivants, se présentent avec trop de complexité. DES DIFFÉRENTES FORMES DU TRAVAIL MUSCULAIRE. —Le caout- chouc va nous servir à comprendre la manière dont s'effectue le travail du muscle chez les animaux en général, et spécialement chez les Oiseaux dont nous nous occupons ici. Prenons deux cylindres de caoutchouc de même forme et de 99 MAREY. même poids, allongeons-les tous les deux de dix fois leur lon- gueur primitive, et refroidissons-les en cet état ; si nous resti- tuons à ces deux fils la quantité de chaleur qu'ils ont perdue, tous les deux, en se raecourcissant, produiront le même travail sous la même forme, c'est-à-dire qu'ils soulèveront le même poids à la même hauteur. Prenons maintenant deux fils de même poids, mais de sec- tion inégale, dont l’un, par exemple, sera dix fois plus gros, mais dix fois plus court que l’autre. Allongés chacun de dix fois sa longueur et refroidis en cet état, ils seront encore capables, s'ils reçoivent la chaleur perdue, de produire le même travail ; mais ce ne sera plus sous la même forme. Le fil gros et court pourra, par exemple, soulever un poids de 100 grammes à 1 centimètre de hauteur ; le fillong et mince sera absolument in- capable de soulever le même poids, mais si on ne le charge que de 10 grammes, 1l soulèvera ces 10 grammes à 10 centimètres. Or, la mesure du travail mécanique s'obtient en multipliant le poids soulevé par la hauteur à laquelle 1l a été porté ; ce pro- duit sera le même dans les deux cas, 1l y aura donc identité de travail au point de vue de la quantité, mais non au point de vue de la forme sous laquelle il aura été produit. Ainsi pour les fils de caoutchouc qui ont subi un même al- longement proportionnellement à leur longueur et une même soustraction de chaleur, la quantité de travail produit par la restitution de cette chaleur sera proportionnelle au poids des fils ; l'effort, ou le poids soulevé, sera proportionnel à la section de chaque fil ; enfin, le parcours imprimé au poids sera propor- tionnel à la longueur du fil. Tout ce qu'on sait de la fonction musculaire tend à prouver que le travail produit par un muscle est soumis aux mêmes lois. En effet, l'étendue du raccourcissement des muscles est fonction de la longueur de leursfibres, tandis que l'effort maximum qu'ils peuvent développer est proportionnel à la section du faisceau musculaire. Prenons quelques exemples parmi les muscles de l'Homme. Le deltoïde, musele gros et court, ne subit que des raccourcis- VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 93 sements peu étendus, mais il développe un effort considérable. Le muscle couturier, au contraire, long et grêle, ne saurait exécuter le même effort, mais, grâce à la position de ses attaches osseuses, il subit des raccourcissements bien plus grands. Ces deux muscles, si nous les supposons du même poids, pourront exécuter le même travail, mais sous des formes différentes, ce qui tient à Ja facon dont est répartie en eux la substance musculaire. MODIFICATIONS DE L'APPAREIL MUSCULAIRE ET DU SQUELETTE SUI- VANT Li TYPE DU VOL CHEZ LES DIFFÉRENTES ESPÈCES D'OISEAUX. — Si nous étudions chezles Oiseaux de différentes espèces, la forme du muscle grand pectoral, c’est-à-dire de l'abaisseur de l’aile, nous voyons que ce muscle présente des formes très-variables. Tantôt ce muscle est long et grêle, tantôt 1l est court et épais. Nous allons voir que cette disposition anatomique correspond à une importante distinction dans le caractère du vol. Il suffit d'observer le vol d'un Canard et celui d’une Buse pour être frappé d'une différence capitale dans les mouvements de ces deux Oiseaux. Le Canard, en volant, élève et abaisse beau- coup ses ailes, décrivant avec chacune d'elles un angle de plus de 90 degrés. La Buse, au contraire, a les mouvements peu éten- dus ; lorsqu'on l'observe de profil, c’est-à-peine si l’on voit la pointe de son aile dépasser les limites de la silhoutte de son corps. Cette différence dans le type du vol à tellement frappé les ob- servateurs que certains d’entre eux ont classé les Oiseaux en ra- meurs et en voiliers. Les premiers seraient ceux qui volent eu frappant l’air de leurs ailes comme le batelier frappe l’eau avec sa rame ; les seconds, livrant au souffle du vent la surface de leurs ailes comme la voile d’un navire, voleraient d’une ma- nière en quelque sorte passive, utilisant, pour se soutenir et pour se diriger, la force du vent. Nous verrons plus loin ce qu'il y a de réel dans cette distinction ; n'acceptons, pour le moment, que ce fait incontestable : à savoir, que certaines espèces d’Oi- seaux impriment à leurs ailes des mouvements d’une grande amplitude, et que certaines autres ne les meuvent que dans un parcours tres-peu étendu. 94 MAREY. J'ai disséqué différents Oiseaux pour étudier la forme de leurs muscles pectoraux. Chez le Canard, le grand pectoral est extrêmement long, tandis que chez la Buse il est très-court; mais le muscle de la Buse présente une section transversale beaucoup plus grande que celui du Canard. Si nous ne considé- rons que la longueur relative des muscles pectoraux, nous voyons qu'elle varie dans le sens que la théorie pouvait faire prévoir : elle est plus ou moins grande suivant l'amplitude du mouvement que l’aile de Oiseau exécute pendant le vol. Mais à quoi correspond cet inégal développement des pecto: Fiç. 20. — Squelette de l’aile et sternum de la Frégate. On y voit l’extrème brièveté du sternum par rapport à la grande étendue de l’aile. raux dans le sens de l'épaisseur ? Il suppose évidemment un ei- fort musculaire plus grand pour la Buse que pour le Canard; Comment comprendre cet effort ? Si nous comparons les différentes espèces d'Oiseaux qui ont le grand pectoral gros et court avec celles qui ont ce muscle long et mince, nous voyons que, chez les premières, la surface des ailes est très-grande, tandis qu'elle est très-faible chez les se- VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 95 Fiç. 21, — Squelette du Flamant (d’après Alph. Milne Edwards). L’aile est très- grande et le sternum très-court. 96 NEAHREY. condes. Or, on sait que la résistance de l'air contre une surface animée d’une certaine vitesse est proportionnelle à l’étendue de cette surface. Toutes choses égales d’ailleurs, une aile large aura besoin, pour se mouvoir, d'un plus grand effort qu’une aile de petite surface. Tout concorde donc pour montrer que la différence de forme des muscles pectoraux chez les différentes espèces d'Oiseaux est en rapport avec la différence de forme sous laquelle se présente le travail exécuté par chacune d’elles. Deux Oiseaux de même poids effectueront, en volant, le même travail et auront vrai- semblablement aussi des muscles de même poids; mais si les masses musculaires présentent dans leur forme la différence que nous avons indiquée, nous verrons letravail s'effectuer de façons différentes. L'Oiseau aux ailes petites fera son travail en mult- pliant par un grand parcours le petit effort que leur offre à vain- cre la résistance de l'air, tandis que l'Oiseau à grandes ailes tra- vaillera tout autant, mais en multipliant la plus grande résistance que l'air offre à son aile par un parcours d’une moindre étendue. Mais, dira-t-on, la nature eût pu obtenir ces différentes for- mes de travail avec des muscles de forme constante chez tous les Oiseaux ; il lui eût suffi de donner une position variable au point d'attache du grand pectoral sur l’humérus, autrement dit de faire varier la longueur du bras de levier de la puissance dans le même rapport que eelui de résistance. anatomie comparée montre qu'il n’en est pas ainsi. Chez les Oiseaux, le grand pec- toral s'attache toujours au plus près de l'articulation de l'épaule ; la distance absolue qui sépare cette attache du centre de mou- vement de l'humérus ne semble varier qu’en raison de la taille de l'Oiseau, mais non suivant la plus ou moins grande étendue relative de ses ailes ; cette dernière dépend principalement de la plus ou moins grande longueur des os de l’avant-bras et des rémives. Ïl n’est pas absolument nécessaire de disséquer un grand nombre d'Oiseaux de différentes espèces pour confirmer l’exac- titude de la loi que j'ai cherché à établir au sujet du rapport de la surface alaire avec la longueur du muscle grand pectoral. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 97 L'inspection du squelette fournit les éléments principaux de cette vérification. Si l’on parcourt la galerie zoologique du Muséum qui est affectée à l’exposition des squelettes d'oiseaux, on en sortira convaincu de l’existence de ce rapport imverse entre Fic. 22. — Squelette d’un Pingouin. — L’aile est très-courte, le sternum est très-long. l'étendue de l'aile et la longueur du muscle grand pectoral. Voici comment l’ostéologie fournit les documents nécessaires à cette vérification : Chez les Oiseaux, le développement des os de l’aile renseigne assez exactement sur l’étendue relative que présente cet organe lorsqu'il est emplumé. Voyez la Frégate (fig. 20) avec son avant- bras d’une prodigieuse longueur, comparez le squelette de son membre antérieur à celui d’un Canard, mieux encore, d’un Guillemot ou d’un Plongeon, les proportions du squelette vous révéleront au premier coup d'œil la supériorité de la Frégate au point de vue de l'étendue des ailes. 5° série, ZooL., T. XIE (Cahier n° 2.) 3 98 MAREY. Comparez ensuite le sternum chez ces différents Oiseaux, vous le trouverez large chez la Frégate, mais d’une extrème brièveté. Chez le Canard, le Plongeon, le Guillemot, le sternum, plus étroit, offre au contraire une longueur considérable. Or, lester- num est précisément l'os auquel s'attache le grand pectoral. Les gouttières latérales qui s'étendent de chaque côté de sa crête représentent en quelque sorte le moule en creux des museles pectoraux. On peut donc, sur les squelettes des Rapaces ou des Échassiers, vérifier ce fait, qu'aux grandes ailes appartiennent des muscles gros et courts, et sur les Canards, les Cygnes et les Oiseaux plongeurs, que les petites ailes possèdent des mus- cles plus grêles mais plus allongés. Ceci nous ramène aux considérations que J'émettais au com- mencement de ce paragraphe. Nous voyons maintenant com-— ment on pourra mesurer le travail développé par un oiseau qui vole. Il faudra connaître la résistance que l'air présente à la sur- face de son aile, et multiplier, pour chaque coup d’aile, cette résistance par l'espace parcouru. Encore le problème n'est-il pas aussi simple qu’on pourrait le croire d'après cet énoncé. Tout porte à croire que la vitesse de l'aile qui frappe l'air n’est point uniforme, et qu'elle a des phases croissantes et décroissantes, dans lesquelles la résistance de l'air subit les phases de cette vitesse. Connaître la nature réelle du mouvement de l'aile de lOiseau est done la première ques- tion qui se pose: ce sera l'objet des expériences qui seront exposé dans les chapitres suivants. CHAPITRE IV. DU TRAVAIL EFFECTUÉ PAR L'OISEAU DANS LE VOL. De la forme de l’Oiseau. — Conditions de stabilité. — Planement et glissement sur l'air. — Rapport de la surface des ailes ou poids du corps de l’Oiseau.— Rapport du poids des muscles thoraciques au poids de l'animal. Forme DE L'OisEau. — Tous eeux qui se sont occupés de l'étude du vol des Oiseaux ont insisté avec grande raison sur la forme de ces animaux qui les rend éminemment propres au vol. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 99 Ils y ont vu les conditions de stabilité parfaites dans le milieu acrien. Ils ont bien compris le rôle de ces grandes surfaces qui forment les ailes, et qui peuvent parfois agir comme un para- chute pour produire une descente très-lente de l'animal, tandis que d’autres fois ces surfaces glissent sur l'air, et, suivant l'inclinaison de leur plan, permettent à l'Oiseau de descendre trés-obliquement, de s'élever même, ou de planer en tenant ses ailes immobiles. Mais beaucoup d’observateurs sont allés jusqu'à admettre que certaines espèces d'Oiseaux avaient dans le vol un rôle tout passif, et que livrant leurs ailes au souffle du vent, ils lui empruntaent une force capable de les diriger en tout sens et contre le vent lui-même. [me semble impor- tant de discuter en quelques mots ce point capital de la théorie du vol. CONDITIONS DE STABILITÉ. — La stabilité de l’Oiseau a été bien expliquée; 1l n’y a rien à ajouter aux remarques qui ont été faites à ce sujet. L’attache des ailes se fait précisément au point le plus élevé du thorax, et, par conséquent, lorsque les ailes déployées prennent un point d'appui sur l'air, tout le poids du corps se trouve placé au-dessous de cette surface de suspension. On sait, en outre, que dans le corps lui-même, les organes les plus légers sont en haut : les poumons et les sacs aériens, tandis que la masse intestinale déjà plus dense est située au-dessous. Enfin, les museles thoraciques, si volumineux et si lourds, occu- pent le point inférieur du système ; de sorte que la partie la plus lourde est placée le plus bas possible au-dessous de la surface de suspension. L'Oiseau qui descend les ailes déployées présentera donc tou- jours en bas sa région ventrale ; sans avoir besoin de faire des efforts d'équilibre, il prendra cette attitude passivement, comme la prend le parachute abandonné dans l’espace, comme la prend aussi le volant qui retombe sur la raquette. Maus cette chute verticale dont je viens de parler est un cas exceptionnel ; l’'Oiseau qui se laisse tomber est presque toujours animé d'une vitesse préalable ; il glisse donc obliquement sur 100 MAREVY. l'air comme glisse tout corps léger et à grande surface placé g P g g ! dans les conditions de stabilité qui viennent d’être indiquées. PLACEMENT ET GLISSEMENT. — M. J. Pline a très-bien étudié les différentes sortes de glissement qui peuvent alors avoir lieu ; il les a même reproduites en construisant des Papillons artifi- ciels de formes les plus variées. H est préférable d'étudier ces phénomènes au moyen de petits appareils schématiques affec- tant des formes géométriques très-simples et par conséquent très-faciles à construire. Que l’on prenne une feuille de papier de forme carrée, et qu’on le ploie par le milieu de manière à former un angle dièdre Fic. 23. — Représentant : à gauche, un appareil de planement équilibré par deux masses égales placées aux extrémités de la tige qui est logée dans le fond de l’angle dièdre. Cet appareil tombe verticalement comme l’indiquent les positions successives de la tige munie de deux masses. — A droite, on voit le même appareil muni d’une seule masse, La chute est parabolique, ainsi que le montre la trajectoire ponctuée. très-obtus (fig. 23); puis, qu'au fond de cet angle, on fixe avec un peu de cire une tige de métal munie de deux masses de même poids ou quelque corps pesant, on aura un système stable dans l'air. Si le centre de gravité passe exactement par le centre de figure, en abandonnant cet appareil dans l’espace, on le verra tomber verticalement, la convexité de son angle étant tournée en bas. Si l’on enlève l'une des deux masses de manière à dé- placer le centre de gravité, l'appareil, au lieu de tomber verti- VOL DES INSECTES ÊT DES OISEAUX. 101 calement, suivra une trajectoire oblique, et glissera sur l'air d’un mouvement accéléré. La trajectoire parcourue par ce mobile sera située dans un plan vertical, si les deux moitiés de l'appareil sont bien symé- triques ; dans le cas contraire, elle s’infléchira du côté où l’ap- pareil coupe l'air en trouvant le moins de résistance. Ces effets, bien faciles à comprendre, sont identiques avec ceux que produit dans la marche d’un navire la résistance du gouvernail. Ils peu- vent aussi se produire dans le sens vertical; de sorte que la tra- jectoire de l'appareil peut être une courbe à concavité supérieure où inférieure suivant le cas. Fic. 24. — On a relevé le bord postérieur de deux plans de l'angle dièdre. Après une chute descendante, parabolique, l'appareil remonte ainsi que la trajectoire ponctuée. Tout corps mince qui présente une courbure tend à glisser dans l'air dans le sens du rayon de sa propre courbure. Si, dans notre petit appareil, nous relevons le bord postérieur ou le bord antérieur des plans latéraux, nous verrons, à un mo- ment donné de sa chute oblique, l'appareil remonter contre la pesanteur, mais perdre bien vite son mouvement de translation. Que s'est-il passé? Tant que le mobile, dans sa chute, n’a eu que peu de vitesse, l'effet de la courbure de sa surface est resté insensible, parce que l'air ne présente de résistance aux surfaces qu’en raison de la vitesse dont elles sont animées. Lors donc que la vitesse à été assez grande, un effet de gouvernail s’est produit qui a relevé 102 MAREY. l'extrémité antérieure du mobile et lui a imprimé une direction ascendante. Mais aussitôt, la pesanteur, qui était la force accélé- ratrice du glissement de l'appareil dans l'air, est devenue retar- datrice, et à mesure que le mobile s'élevait, il a perdu sa vitesse et est arrivé à limmobilité. Après cela, une rétrogradation com- mence, puis une remontée en arrière, de facon que par oscilla- tions successives l'appareil arrive enfin sur le sol. J'ajoute que si l'on donne au mobile une légère concavité par en bas, l'inverse se produit, et lon voit (fig. 25), à un certain moment, la trajectoire s'infléchir brusquement en bas et le mobile frapper le sol avec une grande violence. Dans ce second eas, au moment où l'effet du gouvernail s'est produit, la direc- FF £ m7 \ / =. / ee ms I 1 1 1! ! 1 1 1 1 Re UT © j FrG. 25. — La partie postérieure du plan de l’angle dièdre a été recourbée en bas. Après une chute parabolique, le mobile prend une marche descendante très-rapide. tion nouvelle s’est trouvée favorisée par la pesanteur qui a pré- cipité la chute, tandis que, tout à l'heure, elle ralentissait la remontée. J'ai insisté sur ces effets, parce qu'ils se produisent fréquem- ment dans le vol des Oiseaux. Les anciens traités de fauconnerie décrivent les évolutions intéressantes des Oiseaux chasseurs. Sans remonter plus haut, on trouve dans Huber (in-8°, Genève, 1784) la description de ces mouvements curvilignes du Faucon, aux- quels on donnait le nom de passades, et qui consistaient en une descente oblique de l'oiseau suivie d’une ressource ou remontée VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 103 (du latin resurgere). « L'Oiseau, dit Huber, emporté par sa pro- » pre vitesse, irait toucher la terre et s’y fracasser s’il n’usait de » certaine faculté qu'il a de s'arrêter au plus fort de sa vitesse et de se porter droit en haut, au degré nécessaire pour être à » même de faire une seconde descente. Ce mouvement suffit » non-seulement pour arrêter sa descente, mais encore pour le » porter, sans qu'il fasse aucun effort, aussi haut que le niveau » d'où il est parti. » Assurément, il y a de l’exagération à dire que l'Oiseau remonte jusqu'au niveau d'où il est parti sans faire d'effort actif ; la résis- tance de l'air doit éteindre une partie de la force qui a été ac- quise pendant la chute et qui doit se transformer en remontée. On voit cependant que le phénomène de la ressource est bien constaté par les observateurs et qu'il a été considéré par eux comme un acte en quelque sorte passif dans lequel l'Oiseau n'a pas à dépenser de force musculaire. Le planement présente dans certains cas une grande analogie avec les phénomènes décrits précédemment. Lorsque certains Oiseaux, les Pigeons par exemple, ont parcouru une certaine distance en battant des ailes, on les voit suspendre tout batte- ment pendant une ou plusieurs secondes et glisser sur l'air, soit horizontalement, soit en s’abaissant ou en s’élevant. Le plane- ment descendant est celui qui présente la plus longue durée; en effet, ce n'est qu'une chute extrêmement ralentie, mais dans la- quelle la pesanteur entretient le mouvement, tandis qu’elle le ralentit dans le planement horizontal ou ascendant. Dans ces deux dernières formes, l’aile, plus ou moins obliquement dirigée, prend son point d'appui sur l'air comme ce jouet d'enfant que l'on appelle le cerf-volant ; avec cette différence que la vitesse est imprimée au cerf-volant par la traction exercée sur la ficelle lorsque l’air est calme, tandis que l'Oiseau utilise dans le plane- ment une vitesse qu’il a acquise, soit par une chute oblique, soit par des coups d'ailes préalables. J'ai déjà dit que les observateurs avaient admis que certains Oiseaux qu'ils appellent voiliers pouvaient, par la seule action dn vent, se soutenir et se diriger dans l'air. Cette théorie a toute ) TZ 10} MAREY. l'apparence d’un paradoxe; on ne comprend pas en effet que l’Oiseau immobile dans le vent ne subisse pas l’entraînement de l'air sur lequel il glisse. Si les passades ou les planements qu’il exécute peuvent le por- ter parfois en sens contraire de la direction du vent, ce ne sont que des effets passagers compensés à un autre instant par un en- traïnement plus rapide. Cependant, la théorie du vol à voile a été soutenue avec un grand talent par certains observateurs, el particulièrement par le comte d'Esterno, auteur d’un remarquable Mémoire sur le vol des Oiseaux. Tout le monde, dit cet auteur, peut voir certains Oiseaux pra- tiquer le vol à voile; le nier, c'est nier l'évidence. J'ai vu aussi moi-même le vol à voile, mais 1l m'a semblé qu'il s’exécutait, en général, dans des conditions toutes particulières que voici : Le long des hautes falaises de la Normandie, j'ai vu les Mouettes et les Goëlands se livrer à leurs évolutions sans agiter leurs ailes. J'ai vu autour des vieilles cathédrales les Choucas et les Corneilles exécuter le même vol. Mais ces mêmes oiseaux, lors- qu'ils quittent ces stations spéciales, m'ont toujours paru se livrer au vol ramé, c’est-à-dire se livrer à des battements d’ailes con- stants ou à peine Interrompus, chez les Choucas, par des temps de planement de courte durée. J'ai cherché alors à bien déterminer la direction du vent, et voici ce qui m'a semblé se passer. Lorsqu'un Oiseau se trouve dans le voisinage d’un abri où l'air soit calme ou agité de remous de sens inverse à la direction du vent qui règne, il peut passer tour à tour de l'air calme dans l'air agité, et mversement. Un Goëland qui se livre au cours du vent trouve une impulsion qui l’entraîne avec une certaine vi- tesse, et si, par un simple mouvement tournant, lOiseau rentre dans une région où l’air soit calme, 1l peut utiliser la vitesse que le vent lui a donnée et s’en servir pour revenir, en sens con- traire, jusqu’au niveau d’où il était parti. Se replongeant de nouveau dans la zone agitée, il recommence de nouveau VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 105 l’évolution que je viens de décrire, et cela sans agiter ses ailes, mais en leur donnant seulement des orientations diffé- rentes. Les Choucas et les Corneilles m'ont paru se comporter de même à l'abri des tours des cathédrales. Les auteurs qui ont rapporté les cas les plus curieux de vol à voile les ont observés dans des régions montagneuses. C'était un Condor dans les Cordillières, ou un Aigle dans les Pyrénées. On à maintes fois décrit le vol à voile de certains Oiseaux de proie qui, au milieu d’une plaine, s'élèvent en tournoyant sans agiter leurs ailes. Jai vu moi-même souvent les Buses voler ainsi, mais toujours aussi j'ai constaté que dans son ensemble, la spirale qu’elles décrivent alors est déviée par le vent et que, en définitive, l'oiseau s’en va à la dérive d’un mouvement plus ou moins rapide. Même en la réduisant à ces limites, l'influence du vent sur le vol des oiseaux est encore difficile à expliquer. Elle se complique en effet de conditions très-multiples, dans lesquelles la vitesse acquise par l’Oiseau rencontrant, sous des angles variables, la direction du vent, donne naissance aux combinaisons de mouve- ment les plus variées. On a dit encore qu'il règne dans les hautes régions de l'air des courants de sens variés, parfois même contraires à la direc- on du vent qui règne à la surface du sol. L'Oiseau, passant alors d’une couche dans une autre, pourrait trouver des forces qui le poussent dans les directions opposées. En somme, la question du vol à voile me semble une des plus difficiles à résoudre; il serait téméraire de condamner absolu- ment l'opinion des observateurs en s'appuyant sur une théorie et sur des notions aussi vagues que celles que nous possédons sur ce sujet. RAPPORT DE LA SURFACE DES AILES AU POIDS DU CORPS DE L'Or- SEAU. — Un des points les plus intéressants de la conformation des Oiseaux consiste dans la détermination du rapport des sur faces alaires avec le poids de l'animal. Existe-t-il un rapport 106 MEAREY. constant entre ce poids et ces surfaces? Cette question a été l'objet de nombreuses controverses. Il est déjà démontré que si l’on eomparait des Oiseaux d’es- pêces trés-différentes et de poids égal, on pourrait trouver que les uns ont des ailes trois ou quatre fois plus étendues que les autres. Les Oiseaux à grandes surfaces sont ceux qui se livrent le plus ordinairement au vol plané et qu'on a appelés voiliers, tandis que ceux dont l'aile est courte ou étroite sont plus ordi- pairement condamnés au vol ramé. Mais si l’on compare deux Oiseaux rameurs entre eux ou deux Oiseaux voiliers ; si, pour mieux faire encore, or les choisit dans une même famille, afin de n’avoir entre eux que des différences de taille, on trouvera un rapport assez constant entre les poids de ces Oiseaux et la surface de leurs ailes. Mais la détermination de ce rapport doit être basée sur certaines considérations qui ont longtemps échappé aux naturalistes. M. de Lucy a cherché, pour tous les êtres qui volent, à me- surer la surface des ailes et le poids de l'animal. Puis, afin d’éta- blir une unité commune entre ces animaux d'espèces et de tailles si différentes, il rapportait toutes ces mesures à un type idéal dont le poids était toujours de 1 kilogramme. Ainsi, après avoir constaté que le Cousin qui pèse 3 milligrammes possède des ailes de 30 milimètres carrés de surface, il concluait que dans le type Cousin, le kilogramme d'animal était supporté par une surface alaire de 10 mètres carrés. Dressant un tableau comparatif des mesures prises sur un grand nombre d'animaux d'espèces et de tailles différentes, 1l est arrivé aux chiffres suivants : Espèces. Poids Surface Surface de l’animal. des ailes. pour 4 kilogr. Cousin. . ...... 3 milligr. 30 mm. carrés. 40 m. carrés. Papillon etre 20 centigr. 1663 mm. carr. 8m. 4/3 Pigeon eee cie 290 gram. 750 c. carr. 2586 c. carr. Cigogne. ...... 2265 gram. 1506 €. carr. 41988 c. carr. Grue d’Australie, 9500 gram. 8543 c. carr. 899 c. carr. De ces mesures, à travers des variations de détail, ressort ce fait bien saisissable : que les animaux de grande taille et de grand VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 107 poids se soutiennent avec une surface alaire beaucoup moindre que les petits. Un pareil résultat montre déjà que le rôle de l'aile dans le vol n’est pas seulement passif, car un voile ou un parachute doivent toujours avoir des surfaces proportionnelles aux poids sur les- quels ils doivent agir. Considérée au contraire à son point de vue véritable, c’est-à-dire comme un organe qui devra frapper l'air, l'aile de lOiseau devra, ainsi qu'on va le voir, présenter une surface relativement moindre chez les Oiseaux de grande taille et de grand poids. L'étonnement qu’on éprouve en présence du résultat des dé- terminations faites par M. de Lucy, disparaît en partie lorsqu'on songe qu'il y à une raison géométrique pour laquelle la surface alaire ne saurait croître en raison du poids de l’Oiseau. En effet, si nous supposons deux objets de même forme, deux cubes, par exemple, dont l’un serait deux fois aussi grand que l’autre (en diamètre), chacune des faces du grand cube sera quatre fois aussi grande que celle du peüt; enfin le poids du grand eube sera huit fois celui du petit. Pour tous les solides géométriquement sem- blables, les dimensions linéaires étant dans un certain rapport, les surfaces croîtront comme les carrés et les poids comme les cubes de ce rapport; deux Oiseaux semblables de forme, mais dont l’un sera deux fois plus large d'envergure que l’autre, au- ront des ailes dans le rapport de 4 à et des poids dans le rap- port de 1 à 8. M. P. Demondésir exposant devant moi ces idées, croyait trouver là une raison qui limite la taille des Oiseaux ca— pables de voler. Les plus grandes espèces d’Oiseaux, l’Autruche et le Casoar, ne volent pas, disait-il, et si ces Oiseaux avaient, proportionnellement à leur poids, autant de surface alaire qu’une Hirondelle, ils ne pourraient replier leurs ailes complétement et traîneraient derrière eux ces longs et embarrassants appendices. Cette objection serait vraie dans la théorie du vol à voile, mais dans le vol ramé, l'amplitude du coup d’aile, croissant comme la taille de l'oiseau, multiplie la résistance que l'aile trouve sur l'air et la ramène à un rapport semblable à celui du poids des Oiseaux eux-mêmes. 108 MARTY. Le docteur Hureau de Villeneuve, partant du mème principe, a cherché à déterminer la surface d’aile qui pourrait faire voler une Chauve-souris dont le poids serait celui d’un Homme. Il à trouvé que chacune des ailes n'aurait pas à mètres de lon- gueur. 1 a paru dans le cours de cette année un remarquable travail de Harting (4) sur l’étendue relative des aïles et le poids des muscles pectoraux chez les différentes espèces d’animaux verté- brés volants. L'auteur montre d’abord que l’on peut, dans la série des Oiseaux, établir l’existence d’un certain rapport entre la surface des ailes et le poids du corps. Mais il faut avoir soin de ne comparer que les éléments comparables, c’est-à-dire les lon- gueurs des ailes, les racines carrées des surfaces alaires, et les racines cubiques des poids chez les différents oiseaux. Soient ! la longueur de l'aile; a son aire ou surface, et p le poids du corps, on pourra comparer entre eux L, Va Vp. Opérant sur différents types d’Oiseaux, Harting fit des men- surations et des pesées desquelles on peut extraire le tableau sui- vant : Poids. Surface. Rapport. Nom de l’espèce. p. &, Va V°P 4. Larus argentatus....... 965,0 544 2,82 DÉPATASATINLOCA EEE CE SDS 02100076 9. Pulicalatras "otre 195,0: 262 2,05 AMPANASNCTECCA EEE CEE DID TUE MTS 5. Larus ridibundus....... 197,0 331 9:16 6. Machetes pugnax....... A1JDO 1640 223 7. Rallus aquaticus........ 170 SO TNT SA 8. Turdus pilaris. .......,. LOSC RO ETT 9ÉMrurdusimerula se eee 88,8 4106 2,31 40. Sturnus vulgaris. ....,. 86,4 SH 02; D9 44. Bombicilla garrula ..... 60,0 BB 41,09 12. Alauda arvensis........ 32,2 76 2,69 43.1 Parus major. : .:.,.... 44,5 3102529 44. Fringilla spinus........ 40,4 DH 0 45. Parus cæruleus........ CRE 24 019,31 - Rapport pu pois, ete. —- Le poids des muscles pectoraux est au contraire dans un rapport simple avec le poids total de l'Oi- (1) Archives néerlandaises, t. IV, 4869. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 109 seau, et malgré les écarts qui correspondent aux divers degrés d'aptitude au vol dont chaque espèce est douée, on voit qu’il est environ de 4/6 dans le plus grand nombre des Oiseaux. En résumé, chaque animal qui se soutient en l'air doit déve- lopper un travail proportionnel à son poids; il devra à cet effet posséder des masses musculaires proportionnées à ce poids; car, ainsi que nous l'avons vu, chapitre EL”, si les actions chimi- ques qui se passent dans les muscles des Oiseaux sont toujours de même nature, ces actions chimiques et le travail qu’elles engen- drent seront proportionnés aux masses musculaires. Maintenant, comment se fait-il que des ailes dont la surface varie comme le carré des dimensions linéaires des Oiseaux suffi- sent à mouvoir des poids qui varient dans le rapport des cubes de ces dimensions. C'est iei qu'il faut faire intervenir la notion du éravail, c'est-à-dire des résistances multipliées par les espaces qu'elles ont parcourus. Admettons une vitesse uniforme pour l’abaissement de l’ex- trémité de l'aile chez les deux Oiseaux que nous comparons et qui ont, pour leurs dimensions linéaires, le rapport 4 à 2. La surface des ailes du gros Oiseau sera, nous avons dit, quatre fois plus grande que celle du petit ; or, comme la résistance que l'air présente aux surfaces animées d'une même vitesse est propor- tionnelle à l'étendue de ces surfaces, si nous appelons r la résis- tance éprouvée par l'aile du petit Oiseau, elle sera 4r pour le gros. Mais ces deux Oiseaux en abaissant leur aile n’exécuteront pas des battements de même amplitude ; chez le gros Oiseau, chaque point de l'aile aura un parcours deux fois plus grand que le point homologue de l'aile du petit. Si donc nous appelons g l'espace parcouru par la résistance r que rencontre l'aile du petit Oiseau, on aura rg pour le travail accompli par lui et 4r2g où 6rg pour le travail effectué par le gros oiseau. On voit donc que ce travail s'est aceru dans les mêmes rapports que les poids des animaux que nous venons de comparer. Enfin, une autre conclusion ressort des considérations qui précédent. Si nous admettons que l'aile possède la même vitesse chez l’un et chez l’autre Oiseau, la durée du battement croiîtra \ 110 MAREY. avec l’espace parcouru par l'aile, c’est-à-dire qu’elle sera pro- portionnelle aux dimensions linéaires de l’Oiseau. L'observation justifie cette vue en montrant que les gros Oiseaux ont des bat- tements plus rares que les petits. On n’a pu, jusqu'ici, déterminer assez exactement le nombre des battements des ailes des Oiseaux pour savoir si leur fréquence présente un rapport exactement inverse de la taille de ces ani- maux; mais il est facile de voir que c’est dans ce sens que varie la fréquence des battements des ailes chez les Oiseaux de diffé- rentes tailles. CHAPITRE V. Fréquence et rhythme des mouvements de l’aile de l'Oiseau. — Méthode électrique pour mesurer le nombre et la durée des temps d’élévation et d’abaissement de l’aile. — Méthode myographique appliquée aux muscles pectoraux pendant le vol. — Appréciation, d’après la forme des tracés myographiques, des résistances que l'aile rencontre à chacun de ses mouvements. La méthode graphique dont l'emploi était si facile pour la détermination de la fréquence des battements de l'aile de l’In- secte ne peut plus s'employer sur l’Oiseau dans les mêmes con- ditions. Il fallait établir entre l'Oiseau qui vole et l'appareil enre- gistreur une transmission de signaux. Méruope ÉLECTRIQUE. — La télégraphié électrique m'a servi d’abord ; elle fournissait le moyen de résoudre les questions suivantes : Quelle est la fréquence des battements de l’aile d’un Oiseau ? Quelle est la durée relative des temps d’élévation et d’abaisse- ment de l'aile? L'expérience consiste à placer à l’extrémité de l'aile un appa- reil qui, à chacun des mouvements alternatifs qu'il reçoit, rompe ou ferme un circuit électrique. Sur le trajet de ce circuit est placé un appareil électro-magnétique qui écrit sur un cylindre tournant. La figure 26 montre ce mode de télégraphie appliqué à l'étude du vol d’un Pigeon, concurremment avec un autre VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 411 moyen de transmission de signaux. Dans cette figure, les deux fils électriques sont séparés l’un de l’autre. La pointe écrivante tracera une ligne crénelée dont chacun des changements de niveau correspondra à un changement dans la direction du mouvement de l'aile. Pour que l’Oiseau vole le plus librement possible, un câble fin et souple, contenant deux fils conducteurs, établit la communication entre l’'Oiseau et le télésraphe écrivant. Les deux bouts des fils sont adaptés à un petit appareil très-léger qui exécute par l'effet de la résistance de l’air une sorte de mouvement de soupape. Quand l'aile s'élève, : la soupape s'ouvre, le courant est rompu, et la ligne du tracé télégraphique s'élève. Quand l'aile descend, la sonpape se ferme, le courant se ferme aussi, et le tracé télégraphique s’abaisse. Appliqué à différentes espèces d'Oiseaux, cet appareil permet de constater la fréquence propre aux mouvements de chacun d'eux. Le nombre d’espèces que J'ai pu étudier est encore assez restreint ; voiei les chiffres que j'ai obtenus : Révolution de l’aile par seconde. NOTE AU RE MANN RER Lu Es 13 Chat enNe REED RAT be 9 POELE HE Een A 8 TES EC L A OS ASE D PS ARE 0 D à da RQ GEI 5 3/4 ChouetteNeffrate IN ne AE Et D ISO ce ARE ORALE A DA MAL 3 La fréquence des battements varie du reste suivant que l'Oi- seau est au départ, en plein vol, ou à la fin de son vol. Quelques Oiseaux présentent, comme on sait, des temps d'arrêt complet de leurs ailes, et planent en utilisant leur vitesse acquise. La durée relative des deux temps de chaque révolution de l'aile est plus eurieuse à étudier. Contrairement à l'opinion émise par certains observateurs, la durée de l'abaissement de l'aile est plus longue, en général, que celle de l'élévation. L’inégalité de ces deux temps se prononce surtout chez les Oiseaux dont Îles ailes sont à grande surface et les battements peu fréquents. Aïnsi, tandis que ces durées sont presque égales chez le Canard, dont les ailes sont très-étraites, 12 WAREVY. elles sont inégales chez le Pigeon et bien plus encore chez la Buse. Voici les chiffres réels : Durée totale d'une révolution Ascension. Descente. de l’aile. Canard..... 6 2/3 centièmes de seconde. 3 3 2/3 Pigcon....4 7 4/2 = 3 L 1/2 Buse ace 24 1/2 — 8 1/2 13 Îl est plus difficile qu’on ne pourrait le prévoir de déterminer l'instant précis où change la direction de la ligne tracée par le télégraphe. Les attractions et les relâchements du fer doux ont une durée appréciable si le cylindre noirei tourne avee la rapi- dité nécessaire pour la mesure des mouvements rapides qu'il s’agit d'analyser. Les inflexions de la ligne tracée par le télé- graphe deviennent alors des courbes dont il est assez difficile de déterminer l’origine précise. il y a done une limite à la précision des mesures qu’on peut faire avec la méthode électrique; je crois qu'on ne peut estimer ainsi la durée d’un mouvement avec une approximation de moins de 1/200° de seconde. Une autre espèce de signaux permet d'estimer la fréquence des battements de l'aile, en même temps qu’elle fournit l’mdica- tion de l’action successive des principaux muscles moteurs de l'aile. MÉTHODE MYOGRAPHIQUE APPLIQUÉE AUX MUSCLES PECTORAUX. — J'ai indiqué en 1867 (1) une méthode de myographie appli- cable sans mutilation de l’animal sur lequel on expérimente. Elle consiste dans l'emploi du gonflement d’un muscle pour apprécier ses changements de longueur, c'est-à-dire sa contraction ou son relâchement. Tout muscle, en effet, étant sensiblement incom- pressible, ne peut changer de longueur sans que son diamètre transversal subisse des modifications de sens inverse. Un rac- courcissement rapide ou lent, faible ou énergique du muscle, s’accompagnera donc d’un gonflement qui affectera les mêmes (1) Voyez Du mouvement dans les fonctions de la vie. In-8, Paris, Germer Baillière. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX 113 caracteres de vitesse ou d'intensité. À chaque abaïissement de l'aile d’un Oiseau, le grand pectoral subira donc un gonflement qu'il s’agit de transmettre à l'appareil enregistreur. D'une part, un tube _ É Tu dl om d'autre part, un signal électrique note, avec leurs durées relatives, les périodes — Appareil à doubles signaux pour enregistrer les mouvements de l’aile d’un Pigcon. transmet l’action musculaire ; Fi. 26. Je me sers, à cet effet, de la transmission par des tubes à air, moyen qui m'avait permis autrefois de transmettre à un enre- 5° série. Zooz., T. XII. (Cahier n° 2.) # 8 d’élévation et d’abaissement de l'aile. 11/4 MAREY. gistreur placé à distance les battements du cœur, le pouls des artères, les mouvements de la respiration, etc. (1). L'Oiseau vole dans un espace de 15 mètres carrés etdes mètres de hauteur. Les appareils enregistreurs étant placés au centre de la pièce où l'expérience se fait, il suffit de 12 mètres de tube de caoutchouc pour établir une communication constante entre l’Oiseau et les appareils. Une sorte de corset est appliqué à un Pigeon (voyez figure 26). Sous ce corset, entre l’étoffe bien tendue et les muscles pecto- raux, est glissé un petit appareil destiné à percevoir le gonfle- ment des muscles, et dont voici la disposition : Une petite cuvette de métal (fig. 27) contenant à son intérieur LT SK Z LI (7777222 A . Fig. 27. =— Appareil explorateur de la contraction des muscles thoraciques de l'Oiseau. La face supérieure convexe est formée par la membrane de caoutchouc soulevée par le ressort-boudin ; c’est elle qui s'applique sur les muscles. La face infé- rieure, en contact avec le corset, porte quatre petites griffes qui s'implantent dans l’étoffe et maintiennent l'appareil en place, un ressort-boudin est fermée à son orifice par une membrane de caoutchouc. Ceite cuvette, ainsi close, communique avec le tube de transmission. Toute pression sur la membrane de caoutehouc la déprime ainsi que le ressort; l'air est chassé de la cuvette et s'échappe par le tube. Si la pression cesse, l'air rentre dans la cuvette par l'élasticité du ressort qui soulève la membrane. Une soufflerie et une aspiration alternantes s’établissent donc dans le tube, et le mouvement de l'air transmet à l'appareil enregistreur le signal des pressions plus ou moins fortes qui ont été exercées sur la membrane de la cuvette. (4) Voyez, pour les détails de la construction de ces appareils, Du mouvement dans les fonctions de la vre. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 115 L’enregistreur est celui qui me sert dans toutes mes expé- riences. Il se compose également d'une cuvette fermée par une membrane de caoutchouc. L'intérieur de cette cuvette commu- nique avec le tube de transmission (1). Les mouvements impri- nés au premier appareil se transmettent donc à la membrane du second au moyen du va-et-vient de l'air. Les mouvements de la membrane de l'appareil récepteur, amplifiés par un vie, s’écrivent sur un cylindre enfumé. La figure 26 représente la disposition générale de l’expé- rience, dans laquelle la télégraphie électrique et la transmission par l’air sont employées concurremment. On voitle Pigeon en expérience muni de son corset, sous le- quel est l'ampoule exploratrice des mouvements de ses museles pectoraux. Le tube de transmission aboutit à un appareil enre- aistreur qui écrit sur un cylindre tournant. À l'extrémité de l’aile du Pigeon est l'appareil qui ouvre ou ferme un courant électrique suivant que l'aile s'élève ou s’abaisse. Les deux fils du circuit sont représentés séparés ; on voit, sur leur trajet, deux éléments de pile de Bunsen et l’électro-aimant qu, muni d'un levier, enregistre les signaux télégraphiques des mouvements de l’ale. Une précaution indispensable : c'est d’empècher l'extension des tubes de caoutchouc dont on se sert pour établir la commu- nication entre l'Oiseau et les appareils. Lorsque l’Oiseau s'envole, il soulève une plus ou moins grande longueur de tube, et si celui-ci est extensible, il s’allonge par son propre poids. Alors il se produit une raréfaction de l'air que contiennent les appareïls, et le levier enregistreur trace les courbes musculaires sur une ligne descendante. Pour empé- cher cet mconvénient, on relie le tube de caoutchouc au câble iélégraphique au moyen de ligatures espacées de distance en distance, en ayant soin que le tube de caoutchouc ait un peu plus de longueur que le câble et qu’il ne subisse jamais de trac- tion. Ces précautions prises, rien ne s'oppose à la bonne trans- (4) Voyez figure 26, l'appareil posée sur la table, et dont le levier est placé en haut. 116 MARY. mission des signaux. Il n’y a pas lieu de s'occuper de l’élasticité du tube de caoutchouc dans le sens transversal; les parois de ce tube sont assez épaisses pour que leur élasticité ne soit jamais mise en Jeu par les faibles changements de pression que subit l'air Intérieur. Expérience. — On lâche l'Oiseau à l’une des extrémités de la salle, la volière dans laquelle on le tient d'ordinaire étant placée à l'extrémité opposée. L'Oiseau s'envole en se dirigeant habi- tuellement vers sa volière sur laquelle 11 va se reposer. Pendant la durée du vol, on obtient les tracés représentés par la figure 28. On voit que le tracé diffère suivant l'espèce d'Oiseau sur la- quelle l’expérience a été faite. Toutelois, dans chacun des tra- cés, on observe le retour périodique de deux mouvements a et b qui se produisent à chaque révolution de l'aile. À quoi tiennent ces deux actes museulaires ? Il est facile de reconnaître que l’ondulation a correspond à l'action du muscle élévateur de l’aile, et londulation b à l’action de l’abaisseur. On peut le prouver d'abord en recueillant, en même temps que le tracé musculaire, celui des mouvements d’ascension et de descente de l'aile transmis par l’électricité. Ces deux tracés su- perposés l’un à l’autre (fig. 29) montrent que le temps d’éléva- tion de l'aile concorde avec la durée de l’ondulalion a, et le temps d’abaissement avec Pondulation b. Mais pour établir cette concordance, 1l faut tenir compte de linégale vitesse de trans- mission des signaux électriques et aériens. On peut considérer comme instantanée la transmission électrique, tandis que la transmission aérienne se fait sensiblement avec la vitesse du son dans l'air (334 mètres par seconde). Si les deux pointes des leviers enregistreurs sont verticalement placées l’une au-dessus de l’autre, les signaux ne seront pas exactement superposés, le signal électrique précédera l’autre d’une distance qui corres— pondra à une certaine fraction de seconde suivant la longueur de tube qu’on aura employée. On pourrait déduire, de la longueur même du tube à air, le retard de sa transmission, mais il est plus sûr de le déterminer 117 T DES OISEAUX. FT D INSECTES 1 DES VOL 2 s une expérience sert. Dan ON SC (! | Ü ialement pour le tube don j CE ! spi lable, on enregistre un mouvement transmis à la fois par *CSN PI 0p 9004} A OUBLT — *PAUSNY NP 9001} AJ OUSTT — ‘9SLANLS PICUL) NP 92U41 CJII QUSTT — ‘96 dan$y so9ju0891d91 S101JIPUO9 S0] SUEP HIONI9I 919 L 90P41J 29 ÉU098Y NP SI[9SNU S0P DOUX) (JT OUBLT — *2pu0998 ACd SI0] 00 P4AUIA uoseduip 29 { axremnosnu juatuaanou onbvyo op onjosqe o91np v] 194n$9U L 9H1JS9p oydersouoiyo uosvduIp FT QUSTT — ‘[0A 9] juepuod xnvos1Q P 5099489 sajuol9pip ans snuojqo xnvropoed s0p sonHyde So S90VIL — ‘87 ‘OM 6 ! à nl pre cart des deux . cet écart constant ecar n mesure |’ 1 9 12 SA \ a air, x. Dans l'appareil dont et par le tube A cn 2} l'électricité Je me suis servi Q signau 118 MAREY, était de 4/100® de seconde ; j'ai dû, en conséquence, faire ré- trograder chacun des signaux électriques d’une même longueur pour qu'il concorde avec le signal aérien correspondant. La figure 29 montre la F2: superposition des deux si-: = de gnaux après la correction. SE Ces tracés sont recueillis = sur la base. Ilest facile de compren- dre comment se produi- sent les ondulations & et b dans tous les tracés mus- culaires des Oiseaux. En effet, au niveau de la ré- gion explorée et près de l’arète du sternum, ilexiste deux plans musculaires dis- üncts : le plus superficiel est formé par le grand pectoral, ou abaisseur de l'aile; le plus profond par le pectoral moyen, ou élé- vateur de Faile, dont le tendon passe derrière la fourchette du sternum pour s'attacher à la tête de l’humérus. Les deux muscles superposés agiront par leur gonflement sur l'appareil qui est appliqué sur eux; l’élévateur de l'aile, se gonflant lorsqu'il se coniracte, signale son action par l’ondulation a; le grand pectoral signale l’'abaissement de l'aile par l'ondulation b. ‘OA OJJUUPUOd 9/00 EI SUEP NISIO,T 9P SUOTJUIIIOSO S9P PAUL) OT ATJUOUL 9119 à [4 £M9)99 9 d9dn99094d 191 SU J10p où 2 USB CT — ‘ANOSSIEQU,I 9D UOrOU ‘9 + OIIU,T OP AMOJUAYIIT 9P UOTE D SOXIE[NOSNUL S99LAI} D au LT — ‘JUou9)oou1p onu9qo NB LL SUVP SJou 29888 SJn29p s0p sed quaquosaad où xneu e 0 c nc ce” a hœ -de,j onb [97 350 90017 99 : osnf ] D OJIU,I 9p SJUALOSSIEER 79 SUOIUANTO SOP onbraoofo 90v47 ‘D amouodns oustT — ‘6 ‘OM ‘ Cons [LES l “onbra)9079 90%49 NP 01991409 © OUSrT — ‘9puo099s Aud suOEIA] 00G YP UOSEARIP UP PO ‘ ouai VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 119 On peut vérifier encore l'exactitude de cette explication au moyen d’une expérience très-simple. L’anatomie nous montre que le musele élévateur de l’aile est étroit et ne double l’abais- seur que dans sa partie la plus interne, située le long de la crête du sternum. De sorte que si l’on déplace le petii appareil qui explore le mouvement de ces muscles, et si on le porte plus en dehors, 1l occupera une région où l’abaisseur de Paile n'est plus doublé de l’élévateur, et le tracé ne présen- era plus qu'une ondulation simple. celle qui correspond à b dans les figu- Het I est done bien démontré que les ondulations a et b, dans les tracés musculaires des Ciseaux sur lesquels j'ai expérimenté, correspondent exac- tement à l’action des principaux mus- cles élévateurs et abaisseurs de l’aile Dals On ne saurait attacher une grande jnporlance à la forme de ces tracé: pour en déduire la nature précise du mouvement exécuté par le muscle. Ces mouvements semblent, en effet, chevaucher Fun sur l’autre. De sorte que le relâchement de lélévateur west probablement pas complet lors- que labaisseur commence à agir. Ne demandons d’abord à ces tracés que ce qu'ils fournissent le plus na- turellement, à savoir : le nombre des ù révoluti ons de l’aile, le plus ou moins SO de régularité de ces mouvements, l'égalité ou l'inégal itémet l'énergie de chacun d’eux. Or, en restreignant la question dans ces limites, l'expérience de fréquence des battements de l’aile d’un Pigeon pendant un ation était peu rapide, ce qui permet d'obtenir un plus grand gure, on voit les grands mouvements qui signalent le début du vol. e dont la rot A gauche de la fi Ce tracé a été recueilli sur un evlindr nombre de mouvements dans un court espace.) vol de 15 mètres de longueur. FiG. 30. — Montrant les différences d'amplitude et ( © 120 MAREY. montre que les battements de l'aile de l'Oiseau diffèrent d’am- plitude et de fréquence dans les différents instants du vol. Au départ, les battements sont plus rares, mais plus éner- giques; ils atteignent, après deux ou trois coups d’aile, un rhythme régulier qu'ils perdent au moment où l'animal va se reposer (fig. 30). Nous retrouverons dans d’autres expériences des indications plus complètes sur les variations du mouvement de l'aile aux dif- férents moments du vol. Appréciation, d’après la forme des tracés myographiques, des résistances que l'aile rencontre à chacun de ses mouvements. — Telles sont les indications certaines qu'on peut tirer de la mé- thode des signaux établis entre les museles de l’Oiseau qui vole et l’appareil enregistreur du mouvement de ces muscles. Mais s'il est sage de restreindre les conclusions de ces expériences à ce qu'elles ont de plus rigoureux, il est permis, du moins, de re- chercher si le tracé de ces muscles ne pourrait pas fournir de nouvelles données sur la nature du mouvement qu'ils exécutent. J'ai démontré ailleurs (1) que la forme du mouvement que produit un muscle, lorsqu'il est soumis à une excitation quel- conque, varie suivant les résistances que ce mouvement ren- contre. Ainsi, en appliquant au myographe un musele de Grenouille, j'ai vu que si un obstacle arrête le raccoureissement du muscle, la durée de la secousse musculaire s’allonge en raison même de cet obstacle. De plus, la théorie fait prévoir que si le muscle présente, dans les différentes phases de son raccoureissement, certaines modifications qui lui soient imposées par l’inégalité des résistances à vaincre aux différents instants, le gonflement du muscle doit présenter aussi les mêmes phases. Le tracé musculaire obtenu sur Oiseau peut done, s’il est l'expression exacte du mouvement produit par le muscle, nous renseigner sur la nature des résistances que rencontre l'aile de (4) Du mouvement dans les fonctions de la vie, p. 363. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 121 l'Oiseau dans les différentes phases d’une de ses révolu- tions. Prenons d'abord l'exemple le plus simple : En voyant que les masses musculaires qui ont pour action d'élever l'aile et celles qui sont chargées de l’abaisser sont très-mégales en volume, on peut supposer que si la résistance était égale dans ces deux temps de l’action de l’aile de l'Oiseau, la durée de l'élévation excéderait beaucoup celle de l’abaissement. Et comme c’est le contraire qui a lieu, on doit conclure que l'aile remontante ne frappe pas l'air, mais qu'elle le coupe vraisemblablement par son bord tranchant, de façon que la résistance soit très-faible à la montée et très-forte à la descente de l’aile. Si nous examinons maintenant le tracé de l’abaisseur de l’aile, nous y pourrons trouver, dans certaines limites, l'expression des différentes résistances que l'aile rencontre aux différentes phases de son abaissement. Mais, pour bien comprendre la signification - des différentes formes du mouvement musculaire, il faut, par des expériences préalables, déterminer l'effet de certaines résis- tances, d’une nature spéciale, qu'on pourrait appeler les résis- tances élastiques. Prenons un muscle de Grenouille; appliquons-le au myo- graphe, et provoquons en lui une secousse au moyen de l’élec- tricité. La forme de cette secousse variera de la manière suivante sous l'influence des résistances de différentes natures qui s’oppo- seront à l’action du muscle. Si le muscle est chargé d'un poids, il donnera le tracé sui- vant a (fig. 31) : S'il rencontre, après les premiers instants de son raccoureisse- ment, un obstacle absolu à toute nouvelle diminution de lon- gueur, il donnera le tracé b. Enfin, s’il rencontre un obstacle élastique, un fil de caoutchouc par exemple, qui présente une résistance surmontable, le muscle donnera la courbe c. Il semble que ces différentes formes suffisent à caractériser la nature des résistances que la secousse musculaire à dû vaincre. Dans le premier cas, c'était l’inertie d’une masse ; or, cette masse, soumise pendant un temps borné à la force musculaire, 122 MAREY. a dû prendre un mouvement accéléré d’abord, puis diminué ; c’est précisément ce qui indique la forme de la courbe a. Dans le deuxième cas, il n’est pas besoin d’expliquer comment la ligne horizontale qui forme le sommet de la secousse b exprime la cessation de tout raccourcissement en présence de l’obstacle absolu que le muscle a rencontré. Enfin, dans la courbe c, la présence d’un obstacle se traduit par une inflexion de la courbe, c’est-à-dire par un changement dans la vitesse du mouvement qui se produit ; mais le raccourcissement ne cesse pas, puisque l'obstacle est surmontable ; seulement il devient plus lent, à cause de la résistance plus grande qui se présente. J'ai pu m'assurer que, dans l'expérience précitée, le gonfle- ment du muscle présentait les mêmes 1, ases que son change- ment de longueur. En effet, j'ai transmis au myograpne le mou- vement produit par le gonflemen en et l'ai obtenu des tracés identiques avec les précédents. Enfin, voulant savoir si appareil dont je me sers pour explo- rer les muscles de l'Oiseau transmet bien fidèlement les diffé- rentes phases du gonflement d’un muscle, j'ai fait l'expérience suivante : Sur un de mes muscles biceps, j’appliquai le petit tambour explorateur qui a servi à recueillir sur l’Oiseau les mouvements dont on a vu les tracés figure 28. Je fixai exactement ce tambour sur mon muscle au moyen d’une bande roulée, et je le mis en communication avec l'appareil enregistreur. Fexécutai alors des mouvements volontaires, très-brusques et aussi semblables entre eux que je pouvais le faire; mais j’appliquai à ces mouvemenis VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 123 des résistances variées. Dans un cas, c'était un poids que j'avais à soulever ; dans un autre, ma main rencontrait le dessous d’une lourde table et s’arrêtait contre cet obstacle absolu ; dans l’autre enfin, après une courte flexion de mon avant-bras, ma main se trouvait retenue par un lien de caoutchouc, et elle ne pouvait s'élever qu'avec un effort plus énergique du biceps. Or, les tracés qui exprimaient le gonflement de mon biceps dans ces trois expériences reproduisaient les trois types repré- sentés figure 31, et montraient bien que les mouvements vo- lontaires eux-mêmes sont soumis à l'influence des résistances de différente natare qu'ils ont à surmonter. J'essayais de commander à mes muscles des mouvements iden- tiques dans tous les cas. Ainsi, c'était toujours une flexion vigou- reuse et de courte durée que Je voulais reproduire, mais la nature de la résistance modifiait ces actes musculaires qui intention- nellement étaient semblables entre eux, et leur imprimait les variétés de phases et de durée que je viens de signaler. Ceci posé, revenons au tracé musculaire du grand pectoral Fire. 22. — Tracé des muscles d’une Buse pendant le vol: a, action du muscle éléva- teur; à, action de l’abaisseur. Les lignes ponctuées qui descendent jusqu’à l’axe des abscisses complètent la forme probable des mouvements des deux muscles de l’aile. de l'Oiseau. J'ai dit que l’origine réelle de ce mouvement est indéterminée ; l’élévateur de l'aile n’a pas repris entièrement sa forme de repos lorsque l’abaisseur commence à agir, et si l’on voulait représenter la courbe probable de l’action de ces deux muscles, d'après ce que la myographie nous a appris, il faudrait 19/4 MAREY. compléter le tracé au moyen de lignes ponctuées, comme dans la figure 32. Cette construction une fois faite, la forme des courbes de l’élévateur et de l’abaisseur révèle la nature des résistances que chacun de ces muscles a rencontrées. La courbe a de l’élévateur de l'aile est celle que produit un muscle qui agit sur un poids; elle semble indiquer que l’inertie de l'aile est le seul obstacle que doive surmonter le muscle élé- vateur. La courbe b nous montre une inflexion à partir de la- quelle le raccourcissement du musele prend un mouvement plus lent. C'est done là qu'interviendrait la résistance de l'air; les choses se passeraient done de tout point comme dans les expé- riences que j'ai faites sur les museles de Grenouille et sur mes propres muscles. Mais, dira-t-on, pourquoi cette inflexion de la courbe ne se produit-elle que st tard ? Le muscle abaisseur de aile peut donc se raccourcir pendant un certain temps, et d’une manière rapide, avant de rencontrer cette résistance de l'air qui ralentit son mouvement ? C'est justement ce qui arrive; on en peut avoir la preuve dans la disposition anatomique des attaches du muscle grand pecto- ral. On verra daps le chapitre suivant comment se produit le nouvenent de l’humérus autour de son arliculation ; disons seu- lement que, dans le premier temps de son aclion, le grand pee- toral, en se raccourcissant, produit un pivotement de l'aile au- tour de la tête humérale, et que, dans ce premier mouvement, le muscle n'éprouve pas la résistance de l'air qui viendra un instant plus tard ralentir son raccourcissement. Le lecteur trouvera peut-être que voilà bien des déductions tirées à propos de la forme des courbes musculaires. Mais ceux qui voudront bien se familiariser avec l'emploi des appareils en- registreurs du mouvement, et en particulier avec le myographe, se convaincront bientôt que, dans la forme des courbes, rien n'est livré au hasard, mais que les détails doivent trouver leur explication dans les conditions dynamiques de la production du travail musculaire. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 125 CHAPITRE VI. Des mouvements que l’aile de l’Oiseau exécute pendant le vol. On à vu, à propos du mécanisme du vol chez l’Insecte, que l'expérience fondamentale a été celle qui a révélé le parcours de la pointe de l'aile à chacune de ses révolutions. La connaissance du mécanisme du vol découlait, pour ainsi dire, natureliement de cette première notion. Pour le vol de Oiseau, la même détermination est également indispensable ; mais la méthode optique devient ici imapplicable. En effet, le mouvement d'une aile d'Oiseau, bien que trop rapide pour être saisissable à l'œil, ne l’est pas assez pour fournir une impression rétinienne persistante de son parcours entier. La méthode graphique, telle que je l'ai employée jusqu'ici, ne fournit que Pexpression des mouvements qui se passent sui- vant une ligne droite, et ce n’est qu'en combinant ce mouvement rectligne avec la translation uniforme d’une surface enfumée, qu'on obtient l'expression de la vitesse avec laquelle le mouve- ment s'effectue à chaque instant. Le problème qui se pose est celui-ci : Trouver le moyen d’en- registrer sur un plan immobile tous les mouvements que fait dans l’espace la pointe de l’aile de l’Oiseau ; comme si à l’extrémité de l'aile on avait placé un pinceau, et que ce pinceau frotit sur une feuille de papier placée à sa portée. Encore faudrait-il. pour avoir une figure de même nature que la figure lumineuse de l'aile dorée d’un insecte, que la feuille de papier fût immobile par rapport au centre de mouvement de l'aile de POiseau qui vole; autrement dit, qu'elle suivit, dans toutes ses phases, la translation de l’Oiseau dans l'espace. Or, la physique nous apprend que tout mouvement susceptible d'être enregistré sur un plan peut être engendré par la combi- naison rectangulaire de deux mouvements rectilignes. Les tracés que Kœænig a obtenus en armant d’un stylet les verges vibrantes de Wheatstone, les figures lumineuses des accords musicaux que M. Lissajous produit par la réflexion d’un faisceau lumineux sur 126 MAREY. deux miroirs vibrants perpendiculairement l’ur à l'autre, sont des exemples bien connus de la formation d’une figure plane au moyen de deux mouvements rectilignes. | il ji “a | l DÉREAT 27 FA UM Fig. 33. — Appareil destiné à transmettre à distance à un levier tous les mouvements qu'un autre levier exécute ] ) (ll Ainsi, en admettant qu'on puisse transmettre à la fois les mou- fl Î autour de l’une de ses extrémités. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 127 vements d’élévation et d’abaissement que l'aile de lGiseau exé- cute, aussi bien que les mouvements que fait cet organe d'avant en arrière et d’arrière en avant; en supposant qu’une pointe écrivante puisse recevoir simultanément l'impulsion de ces deux mouvements perpendiculaires entre eux, cette pointe écrira sur le cylindre la figure exacte des mouvements de l'aile de l’Oiseau. Jai cherché d’abord à réaliser l'appareil qui transmettrait ainsi à distance un mouvement quelconque et l’enregistrerait sur un plan, sans me préoccuper de la façon dont je pourrais appliquer sur l’Oiseau cette machine plus ou moins pesante. La figure 33 représente ce premuer appareil d'essai, dont la des- cription est indispensable pour faciliter l'intelligence de la ma- chine définitive dont je donnerai plus tard la construction. Sur deux pieds solides portant des supports verticaux, on voit deux tiges horizontales parallèles entre elles. Ce sont deux leviers d'aluminium qui devront, grâce aux appareils de transmission que Je vais décrire, exécuter tous deux les mêmes mouvements. Chacun de ces leviers est monté sur un Cardan, c’est-à-dire sur une double articulation qui leur permet toute espèce de mouve- menis : amsi, chaque levier peut être porté en haut, en bas, à droite, à gauche; il peut, par sa pointe, décrire la base d’un cône dont le Cardan sera le sommet. Enfin, il exécutera toute espèce de mouvement qu'il plaira à l’expérimentateur de lui imprimer. Il faut maintenant établir la transmission des mouvements d'un des leviers à l’autre, et cela à une distance de 10 à 15 metres. Cela se fait au moyen du procédé que le lecteur connait déjà : l'emploi des tambours et des tubes à air. Le levier qui, dans la figure, se voit à gauche, est relié, par une tige métallique articulée à ses deux extrémités, à la mem- brane d’un tambour placé au-dessous de lui. Dans les mouve- ments verticaux du levier, la membrane du tambour, tour à iour abaissée ou soulevée, produira un mouvement de souffle- rie qui se transmettra par un long tube à air jusqu’à la mem- brane d'un tambour semblable appartenant à l'appareil de droite. Ce second tambour placé au-dessus du levier qui lui 128 MAREVY. correspond, et articulé avec lui, transmettra fidèlement tous les mouvements verticaux qui auront été imprimés au tambour n°1 (celui de gauche). Ces mouvements seront de même sens dans les deux leviers, grâce à l’inversion de la position des tambours. Ex effet, supposons qu’on abaisse le levier n° 1; on enfonce la membrane du tambour qui est au-dessous de lui; 1l se produit une soufflerie qui soulève la membrane du second tambour, et conséquemment abaisse le levier n° 2. Inversement, l'élévation du levier n° 1 produira une aspiration d'air qui élèvera la mem- brane et le levier n° 2. En procédant de la même manière pour la transmission des mouvements dans le plan horizontal, J'ai placé, à droite de l’un des leviers et à gauche de l’autre, un tambour dont la mem- brane, située dans le plan vertical, imprime à ces leviers les mouvements de latéralité, la transmission de ces mouvements se faisant par un tube spécial de 10 mètres de long, comme le précédent. L'appareil étant ainsi construit, si l’on prend dans les doigts l'extrémité d’un des leviers, et qu'on lui imprime des mouve- ments quelconques, on verra l'autre levier exécuter ces mouve- ments avec une fidélité parfaite. Toute la différence consiste en une diminution légère de l’'am- plitude du mouvement dans le levier qui obéit. Cela tient à ce que l'air contenu dans chacun des systèmes de tubes et de tam- bours se comprime un peu, et par conséquent ne transmet pas la totalité du mouvement qu'il recoit. Il serait facile de remé- dier à cet inconvénient, si c'en était un, en sensibilisant l’appa- reil récepteur, ce qui se fait en plaçant le Cardan un peu plus près du point où le mouvement se transmet au levier du second appareil. Mais il est préférable de ne pas chercher une trop grande amplification des mouvements lorsqu'on veut les écrire, car on augmente alors les frottements et l'on diminue la force qui devra les surmonter. Après avoir constaté que la transmission d'un mouvement quelconque s'effectue d'une manière satisfaisante au moyen de cet appareil, j’ai cherché le moyen d'écrire ce mouvement sur VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 129 un plan. La difficulté qui s'était déjà présentée lorsque j'avais voulu appliquer la méthode graphique à l'étude du mouvement de l'aile de l’Insecte se représente 1c1; mais, cette fois, il n°v avait plus moyen de l’élucider et de me contenter de tracés partiels. La pointe du levier n° 2 décrit dans l’espace une figure sphé- rique incapable d’être tangente autrement qu’en un point à la surface enfumée qui devait recevoir le tracé. En consé- quence, J'ai dû enregistrer la projection de cette figure sur le plan. Helmholiz s'était trouvé autrefois en présence de la mème cufficulté dans la construction de son myographe, et il l'avait résolue en forçant, au moyen d’un poids, la pointe du style écrivant à venir frotter sans cesse sur la surface enfumée. Mais comme je ne pouvais charger d’un poids l'extrémité de mon levier, je recourus à l'emploi d’un ressort disposé de la facon suivante : La figure 34 montre, à l'extrémité du levier, le ressort en Fi. 34. — Pointe élastique traçant sur une glace enfumée. question. Il est large à la base, afin de résister à toute tendance aux déviations latérales sous l'influence des frottements; cette base est fixée sur une pièce verticale d'aluminium, qui, par en bas, s'attache à l'extrémité du levier. De cette façon, la pointe du ressort qui fait l'office de style se trouve sensiblement sur le prolongement du levier dont elle enregistrera les mouvements. Supposons que le levier s'élève et prenne la position indiquée par la ligne ponctuée dans la figure 34; en parcourant cet espace, Il aura décrit un arc de cercle, et son extrémité ne sera plus sur le même plan que tout à l'heure, mais l’élasticité 9° série. Zooc. T. XII. (Cahier n° 3.) 1 9 130 MAREY. du ressort aura porté plus en avant la ponte écrivante; celle-ci continuera donc à être en contact avec le plan sur lequel elle doit écrire. Ainsi, le levier s’allonge ou se raccourcit suivant le besoin et sa pointe frotte toujours sur le plan. J'ajoute que la surface sur laquelle je reçois les tracés est une glace bien polie, et que le ressort que j'emploie est d’une telle souplesse, que la pression élastique qu'il exerce sur cette glace ne donne presque pas de frottements. L'appareil étant ainsi disposé, il faut le soumettre à une véri- fication, pour savoir si les mouvements sont bien fidèlement transmis et enregistrés. Pour cela, munissant les deux leviers de la figure 35 de styles semblables, je place les pointes de ces styles contre une même glace enfumée ; je conduis à la main l’un des leviers de manière à produire une figure quelconque, à signer mon nom, par exemple, et l’autre levier doit retracer la même figure, repro- duire la même signature. Il arrive, en général, que la trasmission n'est pas également facile dans les deux sens; on s’en aperçoit à la déformation de la figure transmise qui s’allonge plus ou moms en hauteur et en largeur. Ce défaut peut toujours être corrigé : il tient à ce que la membrane d’un des tambours est plus tendue que celle de l'autre et qu’elle obéit moins facilement. On arrive bien vite par le tâtonnement à donner la même sensibilité aux deux mem- branes, ce qu’on reconnaît lorsque la figure directement tracée par le premier levier est identique avec celle que trace le second. Voiei les modifications au moyen desquelles j'ai rendu cette transmission applicable à l’étude des mouvements de l'aile d’un Oiseau qui vole. L'appareil devant nécessairement avoir un assez grand poids, je pris un gros Oiseau pour le porter. De fortes Buses adultes me servirent dans nes expériences. À l’aide d’une sorte de cor- set qui laissait libres les ailes et les pattes, je fixai sur le dos de l’Oiseau une plancheite de bois léger sur laquelle l'appareil était établi. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 131 Pour quele levier exécutàt fidèlement les mêmes mouvements que l'aile de POiseau, le Cardan de ce levier devait être placé au contact de l'articulation humérale de la Buse. Or, comme la pré- sence des tambours à côté du levier ne permettait pas ce con- tact immédiat, je recourus à l'emploi d’un parallélogramme qui l Fi. 35. — Buse volant avec l'appareil qui signale les mouvements décrits par l'extrémité de son aile. transmettait au levier de l'appareil les mouvements d’une longue tige dont le centre de mouvement était très-voisin de l’articula- üon de l'aile de l’Oiseau. Enfin, pour obtenir la solidarité des 132 MAREY. mouvements de la tige avec ceux de l’aile de la Buse, je fixai sur l'aile bâtarde, c’est-à-dire sur le métacarpien du pouce de l'Oiseau, une pince à écrou bien serrée, et munie d’un anneau dans lequel glissait la tige d’acier dont je viens de parler. La figure 35 représente la Buse volant avec l'appareil dont il vient d'être question; au-dessous d’elle pendent les deux tubes de transmission qui se rendent à l'appareil enregistreur. Après un grand nombre de tentatives infructueuses, de chan- gements dans la construction de l’appareil, qui, trop fragile,.se brisait presque à chaque vol de l'Oiseau, je réussis à obtenir des résultats satisfaisants. Pendant toute la durée du vol, le Fi. 36. — Représentant le parcours de la pointe de l'aile à chaque mouvement du vol. levier enregistreur décrivait une sorte d’ellipse; mais je dus renoncer à enregistrer cette figure sur une glace immobile. Les mouvements de l’aile, en effet, n'étant pas les mêmes aux divers instants du vol, le style ne repassait pas par les mêmes points, et j'obtenais un tracé d’une grande confusion. Je résolus alors d'écrire sur une glace animée d’un mouve- ment uniforme de translation horizontale, afin d'obtenir une figure déployée, que je pourrais ensuite soumettre à une correc- tion géométrique et ramener à ce qu’elle devrait être pour chaque instant du vol, si le tracé eût été recueilli sur une sur- face immobile. La figure 36 représente un des nombreux tracés que j'ai recueillis dans ces conditions. La parfaite ressemblance de ces tracés entre eux me donne toute confiance dans l’exactitude de chacun. Pour analyser la signification de cette courbe, il faut savoir VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 133 comment l’Oiseau volait, comment les appareils étaient disposés, et dans quel sens se déplaçait la glace enfumée qui recevait le tracé. L'observateur, étant placé en face de la glace et du côté où sa surface était enfumée, voyait cette glace marcher de droite à gauche; entre la glace et lui, était l'appareil écrivant dont le levier, frottant sur la glace, se portait directement en avant. L'Oiseau, volant de droite à gauche dans un plan parallèle à celui de la glace, portait à son aiïle droite le levier de son appa- reil. De sorte que les leviers des deux appareils conjugués étaient toujours parallèles entre eux. Ceci étant connu, le tracé doit se lire de gauche à droite. On voit déjà que le mouvement consiste en ,une sorte d’ellipse que la translation de la glace déploie en spirale. Les mouvements, très-étendus au début du vol, perdent peu à peu de leur amplitude et gardent quelque temps un caractère assez uni- forme. Cette figure ressemble assez à celle qu’on obtient au moyen d’une verge de Wheatstone accordée à l’unisson, et tracant l’el- lipse que décrit sa pointe, sur une surface animée d’une transla- tion de droite à gauche. La figure 37, montrant le tracé de cette verge, permet d'établir la comparaison, C'est donc une sorte d’ellipse que décrit l'extrémité de l’aile UT AURDNOED O0, 200000 0 AD Fic, 37, — Ellipse tracée par une verge de Wheatstone sur un cylindre tournant. de la Buse ; mais il faut en déterminer la forme d’une facon plus exacte, et, à cet effet, corriger, pour les différents points du tracé, la déformation produite par la translation de la plaque. Une pareille correction n’est possible que si l’on connaît la 13% MAREY. vitesse avec laquelle se meut l’aile à chaque instant par rapport à la ligne des ordonnées de la courbe qu’elle décrit. En d’autres termes, il faut connaître les hauteurs auxquelles se trouve cette aile au bout d’instants successifs égaux entre eux. Cette notion une fois obtenue, si l’on trace des lignes parallèles horizontales dont chacune occupe la position de l'aile dans ces instants suc- cessifs, ces lignes viendront couper la courbe descendante, par exemple, en des points qui correspondent à des instants succes- sivement égaux de son parcours. Il est clair que si ces points de la courbe ont été produits à des intervalles de temps égaux, cha- eun de ces points, sous l’influence de la translation uniforme de la plaque, aura été dévié, vers la droite, d’une quantité con- stante par rapport au point précédent. La correction consistera donc à reporter vers la gauche le premier point d’une certaine quantité qui se déduit de la vitesse de translation de la plaque; à porter le second point vers la gauche de deux fois cette quantité; le troisième point, de trois fois cette même quantité, et ainsi de suite. La partie ascendante de la courbe devra être soumise à la même corection, et ainsi de suite pour chaque portion du tracé. Mais ce qui est inconnu, c’est précisément la hauteur à laquelle l'aile se trouve aux différents mouvements de son par- cours ascendant ou descendant. Or, cette donnée peut être four- nie par l’appareil de la manière suivante : Fi. 38. — Tracé dans l’espace par l'extrémité de l’aile (abstraction faite de la translation de l'oiseau). Puisque le principe de cet appareil repose sur la transmission de deux mouvements perpendiculaires entre eux, ceux qui se VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 135 ont dans le sens de la hauteur et ceux qui se font horizontale- ment, il suffit de supprimer la transmission des mouvements horizontaux pour avoir immédiatement la courbe des hauteurs, c’est-à-dire l'expression de la hauteur de l'aile à chaque instant de son parcours. Pour cela, je pince le tube de transmission latérale, je fais voler l’Oiseau, et j'obtiens la courbe des hau- teurs de l'aile à tous les instants. La correction étant faite et la figure 36 étant ramenée à ce que serait le parcours de la pointe de l’aile dans une de ses révo- lutions, projeté sur un plan immobile, on obtient la figure 38. Des flèches indiquent le sens dans lequel se fait le parcours de l'aile. Cette forme appartient-elle à tous les Oiseaux, ou seulement à la Buse et dans les conditions de vol où elle était placée ? Cette dernière supposition semble la plus probable : on peut même voir, en comparant la forme du tracé aux divers instants du vol de l'Oiseau dans la salle d'expérience, que l’ellipse était plus grande et surtout plus ouverte dans les premiers coups d’aile que dans les derniers (1). De la rotation de l’humérus et des changements du plan de l'aile pendant le vol. — L’aile de l'Oiseau, comme celle de l’Insecte, doit, en frappant l'air de haut en bas, trouver une résistance suffisante pour soulever sa partie flexible : celle que forment, en arrière des os, les rémiges et les couvertures. Cette cause produit déjà un changement dans le plan de l'aile; mais il en est une autre qui agit d’une manière beaucoup plus effi- cace, car elle place l'aile, dès le début de la phase d’abaisse- ment, dans une position favorable à la double propulsion qu’elle doit produire. Je veux parler du pivotement que l’humérus exécute autour de son axe à chaque contraction du grand pec- toral. (4) 1 faut en excepter le second coup d’aile qui, dans toutes les expériences que j'ai faites, m'a donné une ellipse plus étroite que toutes les autres. Je ne sais à quoi il faut attribuer cette forme spéciale qu’il m’a paru intéressant de signaler à cause de sa constance. 136 MAREY. Il suffit de regarder la crête osseuse à laquelle s’insère le large tendon du muscle abaisseur de l’aile, et de considérer que cette crête occupe le bord antérieur de l’humérus, pour comprendre que l’action du grand pectoral, dont les fibres se portent en bas et en arrière, doit produire un mouvement de rotation de l’hu- mérus autour de son axe longitudinal. La conformation de l’ar- ticulation humérale se prête parfaitement à ce mouvement. Enfin, l'existence de cette rotation est rendue plus nécessaire encore par la résistance que l'air présente à l’arrière de l'aile et oppose à l’abaissement de sa partie emplumée. On pourra, sil'on veut, au moyen des appareils enregistreurs, signaler l'existence de ce mouvement et en mesurer l’étendue. Mais ces recherches m'ont paru devoir être ajournées, d'autant plus qu’elles nécessiteraient la construction d'appareils spéciaux, qu’elles exigent des expériences nombreuses, et qu'elles ne fourniraient, après tout, qu'un renseignement de peu d’im- portance. En effet, 1l est permis de déduire de lattache des muscles la nature du mouvement qu'ils produisent, et cette déduction est ici particulièrement facile. Toutefois, j'ai cherché à vérifier, par lélectrisation des mus- cles de l'Oiseau, l'existence de ce mouvement de rotation de l’'humérus, et à en mesurer l'étendue. Dans l'expérience déerite précédemment, et qui avait pour but de mesurer l'effort statique développé par la contraction du musele grand pectoral, j’ai vu que l’humérus, à chaque exci- tation portée sur son muscle abaisseur, exécutait un mouvement de rotation sur son axe. J'ai planté dans l'os une tige perpendi- culaire à l’humérus, et j'ai pu, d’après l'angle formé par les deux positions de cette tige, constater que la rotation corres- pondait sensiblement à un angle de 35 à A0 degrés 5hez la Buse. Il semble que les limites de cet angle soient imposées toutes deux par les attaches des muscles élévateur et abaisseur de l'aile. Si l’on prend un Oiseau fraichement disséqué, 1l suffit d’exercer une traction sur les deux muscles antagonistes pour voir que l'élévateur de l'aile élève ce membre de telle sorte que sa face VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 137 supérieure regarde un peu en arrière. L'action du musele abais- seur change complétement cette position de l'aile, et porte sa face supérieure franchement en haut, peut-être même un peu en avant (1). Mais, à coup sûr, la flexion des pennes sous l'influence de la résistance de l'air doit donner, au moment de la descente la plus rapide de l'aile de l’Oiseau, une inclinaison de son plan beaucoup plus prononcée. De ces influences qui font changer le plan de l'aile de l’Oiseau pendant le vol, la plus difficile à mesurer, c’est celle qui pro- vient de la pression de l'air sur les pennes. Peut-être ne serait-1l pas impossible de construire des appareils capables de la mesu- rer ; mais cet effet est si variable, en raison même des variations de la vitesse avec laquelle l’aile s’abaisse, que la mesure qu’on obüendrait ne serait que l'expression d’un cas particulier. Ilest très-probable, au contraire, que le changement de plan qui provient de l’action des muscles, et qui tient à la position du tendon de l’élévateur et de celui de l’abaisseur de l'aile, est un phénomène beaucoup plus constant. À On peut déjà prévoir l’action des deux mouvements de l'aile de l’'Oiseau, d’après ce qui a été dit du mécanisme du vol chez l’Insecte. Il est clair que l’aile descendante aura le double effet de soulever l’Oiseau et de lui imprimer une vitesse de translation horizontale. Quant au coup d’aile ascendant, son rôle ne saurait être le même, puisque l’imbrication des pennes ne leur permet pas d'offrir à l'air une surface résistante. Tout porte à croire que l'aile remontante coupe l'air par le tranchant de son bord antérieur; mais, ainsi qu'on va le voir, un autre phénomène se produit, qui soulève le corps de l'Oiseau pendant la remontée de l’aile : c'est la transformation de la vitesse que l’Oiseau à acquise pendant l’abaissement de l’ale. Cette vitesse se change en remontée par un mécanisme ana- (4) Ces expressions ex haut et en bas sont relatives à un plan qui couperait l'Oiseau en deux moitiés, l’une dorsale et l’autre ventrale, mais ce plan n’est sans doute pas tout à fait parallèle à l'horizon pendant le vol. 138 MAREY. logue à celui qui soulève le jouet d'enfant que l’on nomme cer/f- volant. Dans une remarquable étude sur le vol des Oiseaux, M. Liais est arrivé, par l'observation et le raisonnement, à admettre cette théorie. Les expériences qui vont être décrites fourniront, j'espère, des preuves en faveur de cette supposition. Avant de quitter ce sujet, 1l faut encore signaler l'existence de certains autres mouvements chez les Oiseaux de petite taille ; je veux parler des reploiements et déploiements alternatifs de l'aile pendant le vol. Mais l'existence de ces mouvements ne semble pas être constante, l'œil n’en saurait apercevoir la moindre trace pendant le vol des grands Oiseaux, sur lesquels J'ai expérimenté. Je négligerai donc la recherche de ces mouvements et de leurs effets possibles, sauf à restreindre mes conclusions au mécanisme du vol de certaines espèces d'Oiseaux déterminées. CHAPITRE VII. De la réaction produite par chaque mouvement de l’aile sur la masse de l’Oiseau, — Appareil destiné à apprécier les oscillations que l’Oiseau exécute dans le plan verti- cal pendant le vol. — Tracés des oscillations verticales recueillis sur différentes espèces d'Oiseaux. — Déterminations des différentes phases de la révolution de de l’aile auxquelles correspondent les oscillations verticales de l’Oiseau. — Détermi- nation des variations de la vitesse du vol. — Tracé simultané des deux ordres d’oscillations de l’Oiseau dans le vol. L'étude des différents mouvements que l'aile exécute pen- dant le vol de l’Oiseau conduit nécessairement à la recherche de l'effet produit par chacun de ces mouvements. On pourrait tenter de déduire ces effets de la nature même des mouvements qui les engendrent, mais il est plus sûr de demander à l’expéri- mentation la solution de ce problème qui est assez compliqué. Deux effets distincts sont produits pendant le vol : d’une part, l’Oiseau est soutenu contre la pesanteur ; d'autre part, il est sou- mis à une force propulsive qui le transporte d’un lieu à un autre. Mais l’Oiseau soutenu dans les airs y garde-t-il un niveau sen- VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 139 siblement constant, ou bien subit-il des oscillations dans le plan vertical? N'éprouve-t-il pas, par l'effet intermittent du batte- ment de ses ailes, une série de remontées et de descentes dont l'œil ne saurait saisir la fréquence, ni l’étendue? — D'autre part, dans son transport horizontal, l’Oiseau n'est-il pas animé d'une vitesse variable? Ne trouve-t-il pas dans l’action de ses ailes une série d’impulsions qui donnent à son transport un mou- vement saccadé ? Ces questions peuvent être résolues expérimentalement, et voici de quelle manière : | Puisque nous disposons d’un moyen qui permet d'envoyer à distance et d'écrire des mouvements qui consistent en une pres- sion sur la membrane d’un tambour plein d’air, il faut chercher à ramener les mouvements que nous voulons connaître à une pression de ce genre. Il faut que les oscillations que l'Oiseau peut exécuter dans le plan vertical produisent, sur la membrane d’un tambour, des pressions alternativement fortes ou faibles suivant que l’Oiseau monte ou descend. La même marche devra être suivie dans la recherche des variations de sa vitesse horizontale. Supposons qu’un Oiseau qui vole porte, fixé sur le dos, un tambour métallique semblable à ceux que nous connaissons déjà. Que la membrane de ce tambour soit tournée en haut, et que cet instrument soit mis en communication par un long tube avec l’appareil enregistreur. La membrane du tambour, obéis- sant à tous les mouvements de l’Oiseau, ne produira aucun dé- placement de l'air des appareils ; le levier enregistreur restera immobile. Mais si nous empêchions la membrane de subir tous les mou- vements de l'Oiseau, si nous pouvions lui donner une tendance à garder un niveau constant, ce serait le tambour qui se dépla- cerait par rapport à la membrane, la soufllerie se produirait, et avec elle les signaux enregistrés par le levier. Or, cette tendance à la conservation du plan horizontal, nous pouvons l’imposer à la membrane; 1l suffit de la charger d’une masse inerte; un disque de plomb, par exemple. — La figure 39 140 MAREY. montre le tambour qui porte sur sa membrane une masse inerte. Cette masse est formée de disques de plomb, dont on peut ajou- ter ou retrancher un certain nombre jusqu’à ce que l'appareil réponde bien aux mouvements d’oscillation verticale qui lui sont imprimés. | Avec cette disposition, les mouvements de translation hori- zontale sont sans influence sur l’appareil, mais la moindre oscil- lation dans le sens vertical se traduit par un mouvement sem- blable du levier enregistreur. En effet, si le tambour s'élève, la masse inerte ne participant pas complétement à cette élévation déprime la membrane, absolument comme si cette masse avait été abaissée, le tambour étant immobile. Inversement, quand le tambour descend, l’inertie de la masse la fait rester en arrière du mouvement ; c’est comme si elle avait été soulevée, le tam- bour étant immobile. Remarquons que le mouvement du levier enregistreur se trouve alors précisément du même sens que celui du tambour ; c'est-à-dire que si le tambour s'élève, le levier s'élève aussi. En plaçant un appareil de ce genre sur le dos d’un Oiseau qui vole, il peut arriver que, dans le mouvement des ailes, quelques plumes viennent à frotter sur la membrane du tambour, ce qui produirait de la confusion dans les signaux enregistrés. Pour éviter cet effet, je couvre d’un grillage métallique la partie supérieure de l'appareil, et j'obtiens la disposition qui est représentée figure 39. Le tambour est représenté tenu à la main par son tube de transmission qui, d'autre part, communique avec un levier en- registreur. Si l’on agite le tambour dans le plan vertical, on voit que le levier s’agite dans le même sens, du même rhythme, et que l'amplitude des mouvements signalés est proportionnelle à celle des mouvements que l’on exécute avecla main. Si, au con- traire, on imprime à l'appareil des mouvements de latéralité, ils restent sans effet sur le levier et ne donnent aucun signal. Mais, dira-t-on, une masse inerte placée sur une membrane élastique tend à exécuter des vibrations propres. Il s’ensuit qu'in- dépendamment des mouvements d’oscillation de l’Oiseau, Fappa- VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. Ah reil devra transmettre les vibrations mêmes de la masse de plomb nl | | dl = | Fi6. 39. — Appareil destiné à transmettre au levier enregisteur toutes les oscillations qui lui sont imprimées dans un plan vertical. D et dela membrane quiia porte. Comment se débarrasser de cette complication ? Les lois des vibrations nous apprennent que la durée de la 142 MARY. double période de chacune d'elles varie avec la masse vibrante et avec la force élastique de la tige, de la lame ou de la mem- Ligne 4, Chouelle effraie. — Ligne 5, Buse. Fic. 40. — Ligne 1, tracé du diapason chronographe, 400 vibrations à la seconde, — Ligne 2, oscillations verticales du Canard sauvage pendant le vol, — Ligne 3, oscillations du Busard. brane qui porte cette masse. Plus la masse est grande et l’élasti- cité faible, plus sera longue la période de la vibration. Or, les VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 113 mouvements que nous étudions ici sont assez fréquents, certains Oiscaux donnant huit ou dix battements d’aile par seconde. Si nous faisons en sorte que la période de l’osaillation propre de la masse de plomb soit beaucoup plus longue que celle de l'Oiseau, nous ne serons plus gênés par la complication de ces mouve- ments interférents. En employant une masse de plus en plus lourde et une mem- brane de moins en moins tendue, on arrive par le tâtonnement à obtenir une bonne transmission des mouvements qui ne sont pas trop lents; de ceux qui, par exemple, durent moins d’une demi-seconde. Cest plus qu’il n’en faut pour pouvoir appliquer l'instrument à l'étude des oscillations de toutes les espèces d’Oi- seaux. Mais, pour plus de sûreté, avant de faire fonctionner l’appa- reil, j'ai voulu vérifier directement l'exactitude de ses indica- tions. La méthode que j'ai suivie, très-analogue à celle que j'emploie pour contrôler tous mes appareils, consistait en ceci : écrire directement le tracé du mouvement que J'imprimais à l’appareil explorateur des oscillations (c’est-à-dire au tambour chargé d’une masse), et voir si le mouvement indirectement en- registré par le levier était identique avec le premier. Je reliai donc au premier appareil une tige munie d’une pointe écrivante ; je fis tracer cette pointe sur le cylindre verticalement au-dessous de la pointe du levier enregistreur ; j'imprimai à l'appareil des secousses variées en fréquence et en amplitude, et lorsque je constatai que les deux tracés étaient sensiblement identiques, je jugeai que l'appareil pouvait être employé dans l'étude des oscillations de l'Oiseau. Des expériences faites sur différentes espèces : Canard, Buse, Busard, Chouette, m'ont montré qu'il existe des types très-variés du vol, au point de vue de l'intensité des oscillations dans le plan vertical. | La figure A0 montre les tracés fournis par ces différentes espèces d’Oiseaux. Tous ces tracés, recueillis sur un cylindre qui {ourse avec une vitesse constante, et rapportés à un diapason chronographe de cent vibrations par seconde, permettent d’ap- 14 MAREY. précier la durée absolue et relative des oscillations du vol chez ces différents Oiseaux. Il ressort de cette figure que la fréquence et l’amplitude des oscillations verticales varient beaucoup suivant l'espèce d'Oiseau qu’on étudie. Pour mieux faire connaître la cause de chacun de ces mouvements, enregistrons en même temps les oscillations verticales de l'Oiseau et l’action des muscles de l'aile. Si l'on fat cette double expérience sur deux Oiseaux très-différents entre eux par leur manière de voler, tels que le Canard sauvage et la Buse, on obtient les tracés représentés figure 41. Le Canard présente à chaque révolution de son aile deux oscil- lations énergiques : l’une en b, au moment où l'aile s abat, elle est facile à comprendre ; l’autre en a, au moment où l'aile re- monte. Pour expliquer l’ascension de l'Oiseau pendant ce temps d’élévation de l'aile, il me semble indispensable de faire inter- venir l'effet de cerf-volant dont il a été question plus haut. L'Oiseau animé de vitesse présente ses ailes à l’air sous forme de plan incliné ; ilse produit alors un effet analogue à la remontée dont'il a été parlé à propos des appareils planants qui transfor- ment leur vitesse acquise en ascension. Le vol de la Buse présente à un moindre degré l'ascension qui accompagne la remontée de l'aile. Ne faut-il pas voir la cause de cette différence dans une inclinaison moins grande de l'aile remontante par rapport à l'horizon ? Détermination des différentes phases de la révolution de l'aile auæquelles correspondent les oscillations verticales de l’Oiseau. — L'interprétation de ces courbes s’éclairera tout à l’heure des expériences faites sur les variations de la vitesse de transla- tion de l’Oiseau aux différents instants de la révolution de son aile. Mais avant d'aller plus loin, notons que l'expérience précé- dente nous fournit un renseignement très-précieux pour la théorie du vol. En effet, si l’Oiseau exécute une série de chutes et de remontées, la durée des périodes de chutes nous fera connaître, au moins approximativement, la quantité de travail positif que VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 145 l’'Oiseau devra faire pour remonter au niveau d’où 1l était tombé. Et nous voyons que le Canard, qui à neuf révolutions de l'aile par seconde, exécute à chaque révolution deux oscillations ver- ticales, soit dix-huit par seconde. Chaque oscillation se compo- sant d’une montée et d’une descente, chaque chute de l'Oiseau ne saurait durer plus de 1/36 de seconde. Or, si l’on fait abstraction de l'effet de parachute que produi- sent vraisemblablement les ailes déployées de l’Oiseau, un corps qui tombe l’espace de 1/36 de seconde ne parcourt que 0",036. Cette chute, répétée dix-huit fois par seconde, constituerait Fig. 41. — Dans la moitié supérieure, on voit superposés: le tracé musculaire et celui des oscillations verticales chez un Canard sauvage. Au-dessous de l’ondulation w, qui signale l'élévation de l'aile, on voit une oscillation verticale ; on en voit une autre au-dessous de b, tracé de l’abaisseur de l'aile, — Dans la moitié inférieure, on voit les mêmes tracés recueillis sur une Buse, l’oscillation qui se trouve en a et correspond à l'élévation de l'aile et moins marquée que chez le Canard, 0,066 de remontée nécessaire pour ramener pendant chaque seconde l’Oiseau dans le même plan horizontal. Dans le tracé de la Buse, les chutes sont plus lentes que chez le Canard, probablement à cause de la grande surface des ailes de l'Oiseau. St série, Zoo. T, XII. (Cahier n° 3.) ? 10 116 MARKEY. Détermination des variations de la vitesse du vol.—La seconde question que nous avons à résoudre est relative à la détermina- tion des phases variées de la vitesse du vol. Elle peut trouver sa solution dans l'emploi de la même méthode. S1 le tambour chargé d’une masse de plomb était placé sur le dos de l’Oiseau de façon à présenter sa membrane dans un plan vertical perpendiculaire à la direction du vol, cet appareil serait insensible aux oscillations verticales et signalerait seulement les oscillations qui se font d'avant en arrière et inversement. De plus, en tournant en avant la membrane du tambour, il est clair que si l'Oiseau accélère sa vitesse, le retard de la masse sur la translation de l'appareil produira un refoulement de l'air du tambour et une élévation du levier, tandis que le ralentissement de l'oiseau amènera la descente du levier enregistreur. L'expérience faite sur les espèces d'Oiseaux indiquées précé- demment fournit des tracés analogues à ceux des oscillations verticales. S'il est vrai, comme je l’ai supposé, que l’oscillation verticale de l’Oiseau, au moment de la remontée de l'aile, soit due à la transformation de la vitesse en hauteur, en recueillant simulta- nément le tracé des oscillations verticales et celui des variations de la vitesse, on aura le moyen de vérifier cette théorie. En recueillant en même temps les deux ordres d’oscillations dans le vol d’une Buse, j'ai vu que la phase d’abaissement de l'aile produit à la fois l'élévation de l'Oiseau et l'accélération de sa vitesse horizontale. Cet effet est la conséquence nécessaire de l’inclinaison du plan de l'aile au moment de sa descente ; nous le connaissons déjà pour lavoir obtenu dans le voi de l’Insecte. Quant à la phase de remontée de l'aile, on constate que pendant la légère ascension qui se produit, la vitesse de l’Oiseau diminue, En effet, la courbe des variations de vitesse s’abaisse au moment où l'Oiseau prend de la hauteur. C’est done unie confirmation de la théorie précédemment émise sur la transformation de la vi- tesse de l’Oiseau en hauteur. Ainsi, par ce mécanisme, le coup d’aile descendant crée la force qui produira les deux oscillations de l’Oiseau dans le plan VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 147 vertical. Ce coup d’aile produit directement l'ascension qui est synchrone avec lui et indirectement, en créant de la vitesse, il prépare la seconde oscillation verticale de l'Oiseau. Tracé simultané des deux ordres d’oscillations de l'Oiseau. — Au lieu de représenter séparément les deux ordres d’oscillations que l’Oiseau exécute en volant, j'ai pensé qu'il serait plus in- structif de chercher à obtenir une courbe unique représentant l'ensemble des mouvements que le corps de l'Oiseau exéeute pen- dant sa translation dans l’espace. La méthode qui a servi à obtenir les mouvements de la pointe de l'aile de l'Oiseau peut, avec certaines modifications, fournir le tracé simultané des deux ordres de mouvements que le corps de l'Oiseau exécute dans l’espace. Pour cela, 1! faut que les deux tambours rectangulairement combinés soient reliés avec une mème masse inerte. Reportons-nous à la figure 31 qui montre les deux leviers conjugués communiquant entre eux par des tubes qui trans- mettent à l’un tous les mouvements que l’autre exécute. Quand on imprime au prenter levier un mouvement quelconque, le second levier reproduit le même mouvement dans le mème sens. ; Chargeons maintenant l'un des leviers d’une masse de plomb, et prenant en main le support de l'appareil, faisons lui décrire un mouvement quelconque dans un plan perpendieulaire à la direction du levier. Nous verrons que le levier n° 2 exéente des mouvements absolument inverses. En effet, puisque la force motrice qui agit sur les membranes des tambours n'est autre chose que l’'inertie de la masse de plomb, que cette masse est toujours en retard sur les mouvements imprimés à l'appareil, il est clair que si l’on élève tout le système, la masse retiendra le levier en bas; que si l'on abaisse le système, la masse retiendra le levier en haut; que si on le porte en avant, la masse retiendra le levier en arrière, ete. Or le levier n° 2, exécutant les mêmes mouvements que le n° 4, donnera des courbes qui seront absolu- 1418 MER HA Y. ment l'inverse du mouvement qu'on aura imprimé au support de l'appareil. ‘AUUJOA UO 9]N99X9 98N UN, ND SUOIJUIFLOSO,p SOIPIO XNIP S0P QUCJINUUS DOCIL, — YO Ceci posé, passons à l'expérience. Pour cela, je prends l'appareil qui est représenté figure 35 sur le dos de la Buse qui vole; je supprime la tige qui recevait les mouvements de l'aile, ainsi que le parallélogramme qui les transmettait au levier. Je ne conserve que le levier relié aux deux tambours, et la monture qui fixe le système tout entier sur le dos de la Buse. J’adapte une masse de plomb sur ce levier et Je fais voler l'animal. Le tracé recueilli est représenté figure 42. L'analyse de cette courbe est au premier abord extrèmement difficile ; j'espère toutefois réussir à en montrer la signification. Cette courbe est recueillie sur le cylindre, dans les mêmes condi- tions que la figure 36 montrant les différents mouvements de la pointe de laile ; la plaque se meut de droite à gauche; le tracé se lira donc de gauche à droite. La tête de l’Oiseau est placée vers la gauche; son vol s'effectue dans la direction de la flèche. Nous pouvons partager cette figure | en une série de tranches par des lignes verticales passant par des points homologues, soit qu'on fasse passer ces verticales par le sommet des boucles, soit qu’on les mène par le sommet des courbes simples, comme cela à été fait par les points æ ete, Ch:icune de ces tran- VOL. DES INSECTES ET DES OISEAUX. 149 ches renfermera des éléments assez semblables, sauf leur dé- veloppement inégal dans les différents points de la figure; négli- seons pour le moment ces détails. Il est clair que le retour périodique de formes semblables cor- respond au retour des mêmes phases d’une révolution de l'aile de l'Oiseau. La tranche ae représentera donc les différents mou- vements de l'Oiseau dans une révolution alaire. Rappelons-nous que dans la courbe que nous analysons, tous les mouvements sont inverses de ceux que l'oiseau exécute en réahté, Les deux oscillations verticales de l'Oiseau, la grande et la petite, doivent donc se traduire par deux courbes dont Île sommet sera en bas. Ilest facile de reconnaitre leur existence dans la grande courbe abe et la petite «de. L'Oiseau montait donc de a en b, descendait de b en c; il remontait de c en d, redes- cendait de d'en e. Mais ces deux oscillations chevauchent l’une sur l’autre, ce qui produit la boucle cd; l'oscillation cde recouvre en partie la première en se portant du côté de la tête de l'Oiseau. C'est une preuve, puisque les indications de la courbe sont inver- ses du mouvement réel, que l’Oiseau à ce moment se portait en arrière ou du moins ralentissait sa course (1) Cette figure donc résume tout ce que les expériences précé- dentes nous ont appris sur les mouvement de l'Oiseau dans l’espace. On y voit que l'oiseau exécute à chaque révolution de son aile deux montées suivies de descentes ; que ces oscilla- tions sont inégales; la grande, comme on sait, correspond à l’abaissement de l'aile, la petite à son élévation. On voit, enfin, que l’ascension exécutée par l'Oiseau pendant la remontée de l'aile, s'accompagne de ralentissement de la vitesse de l'animal, ce qui justifie la théorie par laquelle cette remontée a été con- sidérée comme faite aux dépens de la vitesse acquise par l'Oi- seau. {1) Gomme l'appareil n’est sensible qu'aux changements de vitesse, il est clair que le tracé ne tient aucun compte de la vitesse uniforme de l'Oiseau, mais qu'il accuse comme mouvement en ayant les accélérations, et comme rétrogradation les ralentisse- ments. 150 MAREY. Mais ce n'est pas tout ; cette courbe nous fait voir encore que les mouvements de l’Oiseau ne sont pas les mêmes au com- mencement qu'à la fin du vol. Nons avons déjà vu (fig. 31) que les coups d'ailes au départ sont plus étendus, nous voyons ici qu’au départ, c’est-à-dire à gauche de la figure, les oscilla- tions produites par la descente de l'aile sont aussi plus éten- dues. Mais la théorie fait prévoir que l’oscillation de la remon- tée de Vaile étant empruntée à la vitesse de l’Oiseau doit ètre très-faible au début du vol, quand l'Oiseau n’a encore que peu de vitesse. La figure nous montre que c’est bien ainsi que les choses se passent et qu'au début du vol, la seconde oscilla- tion de l’aile (celle qui forme la boucle) est très-peu prononcée. Nous voici done en possession des notions principales sur les- quelles peut s'établir la recherche du travail mécanique déve- loppé par l’Oiseau dans son vol, et nous voyons que c’est pendant la descente de l'aile que se crée tout entière la force motrice qui soutient et dirige l’Oiseau dans l’espace. SUR LE TRECHOMYS BONDUELLII ET SUR DEUX AUTRES RONGEURS FOSSILES DE L'ÉOCÈNE PARISIEN, Par M. Édouard LARMEX. I « Le règne animal, à ces époques reculées, était composé » d'après les mêmes lois; il comprenait les mêmes classes, les » mêmes familles que de nos jours, et, en effet, parmi les divers » systèmes sur l'origine des êtres organisés, il n'en est pas de » moins vraisemblable que celui qui en fait naître successive- » ment les différents genres par des développements ou des » métamorphoses graduelles. Qui ne voit que chaque genre, » chaque espèce en particulier, est nécessaire à l'équilibre » de l’ensemble... » Ainsi s’exprimait Cuvier (4), lorsqu'il reconnut pour la pre- mière fois, dans les plätrières des environs de Paris, des restes de deux Rongeurs, qu’il rapportait au sous-genre des Loirs. Plus tard, Cuvier eat encore occasion d'observer une tête de Rongeur venant aussi de Montmartre, et qui, comparée à celle d'un Ecureuil commun, ne lui parut offrir presque aucune différence sensible (2). Cette tête, qui n'a pas été figurée, existe dans les collections du Muséum. La calotte osseuse du crâne qui en à été détachée laisse voir l'empreinte en marne schdifiée des hémisphères cérébraux, peut-être légèrement déprimés et plus larges que longs. On croirait y distinguer des indications de quelques plis ou circonvolutions rudimentaires, marquées par des dépressions divergeant obliquement de la scissure médio- longitudinale, d'avant er arrière et en dehors. L’empreinte re- présentant les hémisphères réunis est échancrée en cœur en (4) Ossem. foss., in-49, t. III (1822), p. 299. (2) Ossem, foss., in-4°, t, V (1824), 2€ part,, p. 506. 152 E. LARTET. arrière. I n'ya rien d'indiqué pour le cervelet ; le rapproche - ment que l’on essayerait de faire avec le cerveau de notre Écu- reuil ne conduirait probablement pas à une identification accep- table, même au point de vue générique. Quelques années après la mort de Cuvier, M. Charles d’Orbi- gny (1) annonça la découverte par lui faite, dans l'argile plas- tique de Meudon, d’ossements de plusieurs Mammifères, parmi lesquels deux incisives de Rongeurs, qui furent soumises à l’exa- men de Blainville et de Laurillard. L'une de ces incisives se trouve aujourd'hui placée dans la collection publique des ossements fossiles du Muséum, où elle est inscrite comme incisive d'Écu- reuil ; l’autre fut également attribuée à un Rongeur, mais indé- terminable comme espèce. Ces deux Rongeurs étaient donc plus anciens que ceux décrits par Cuvier, puisque leurs restes gisaient dans le conglomérat de l'argile plastique, à la base des terrains tertiaires des environs de Paris. En 1858, M. Delesse, ingénieur en chef des mines et profes- seur à l'École normale supérieure, qui ne néglige aucune occa- sion d'augmenter l’intéressante collection d’ossements fossiles commencée dans cet établissement par M. Hébert, voulut bien me confier en communication un os recueilli dans les travaux de forage d’un puits percé dans le calcaire de Saint-Ouen (traver- tin inférieur de Brongniart), près des Docks à Paris. Cet os était un calcanéum assez complet, et qui, considéré dans tous ses caractères anatomiques, me parut pouvoir être attribué à un Rongeur ; mais ce devait être un Rongeur de grande taille, et atteignant tout au moins les proportions de notre Porc-Épic avec des formes plus élancées. Peu de temps après, mon savant confrère à la Société géolo- gique, M. le professeur Tombeck, me communiqua également deux petites dents molaires de Rongeur par lui recueillies à Pan- tin, dans les marnes supérieures du gypse. Ces dents me sem- blent revenir à l’une des deux espèces des plâtrières décrites en premier lieu par Cuvier. (4) Comptes rendus de l'Académie des sciences, août 1836. Bull. de la Soc, géol., t,. VII et VIII, SUR LE THECHOMYS BONDUELLII. 153 C'était là tout ce que je connaissais de restes de Rongeurs fossiles provenant des formations anciennes du terrain tertiaire parisien, lorsque, au mois de mars dernier, mon savant ami et confrère M, le professeur Ch. Martins (de Montpellier) m'apporta une boîte, dans laquelle se trouvaient soigneusement agencées des plaques dédoublées d’une marne argileuse blanchâtre, et sur lesquelles se voyaient disséminées des portions de tête, des maxillaires armés de dents, et des os plus ou mains complets d’un petit mammifère, qu'à première vue on pouvait recon- naître, comme me lannonçait M. Martins, pour un Rongeur de taille à peu près égale à celle du Surmulot. Ces échantillons de roche ingénieusement rapprochés et fouillés avec soin, de facon à mettre en un bon jour tout ce qu'ils renferment de pièces osseuses caractéristiques, proviennent encore des marnes supé- rieures du gypse de Pantin, près Paris. Leur provenance et leur date géologique sont d’ailleurs garanties par les coquilles d'eau douce (Planorhis lens, Brongn.) qui y sont empätées, et que lon retrouve habituellement sur les échantillons types de cette for- mation placés dans nos collections publiques. La découverte de cet assemblage de pièces, si remarquable et si intéressant pour la paléontologie de notre éocène parisien, remonte à peu près à vingt ans. C’est au mois d'octobre 1849 que M. le docteur Bonduelle, alors étudiant à Paris et aujour- d'hui médecin distingué à Montpellier, recueillit, comme il l'a lui-même consigné en note : « Les restes de ce Rongeur fossile, » à Pantin près Paris, dans les marnes blanches du gypse, où » sont en grande partie formés les escarpements du plateau qui » couronne le fort de Romainville. Ces miarnes, qui, dans cette » localité, sont riches en coquilles lacustres, Lymnées, Planor- » bes, etc., reposent immédiatement sur les bancs de gypse » exploités, et passent, à leur partie supérieure, aux marnes » jaunes dites à Cythérées (Cytherea conveæa et plana, Oury. et Brongn.; Glauconomia, Gray, Desh.). » On voit par cette note que M. le docteur Bonduelle, qui avait si judicieusement déterminé les affinités zoologiques du nouveau Mammiiere fossile par lui introduit dans la science, n’était pas SM A 15/4 E. LARTET. moins bien fixé sur l’âge et les relations géognostiques du ter- rain dans lequel cette découverte s'était réalisée. Non content d’avoir fait ces premières constatations, M. Bon- duelle s’est ensuite appliqué à amener au jour et à dégager de la roche incrustante toutes les pièces osseuses et plus ou moins fragmentées, qui peuvent fournir des notions précises sur les caractères anatomiques de ce Rongeur. Après cela, il a fait de la série dentaire et des parties conservées des maxillaires un dessin grossi à cinq fois grandeur de nature, tellement rigoureux et exact, que nous l’avons simplement fait reproduire sur la pierre en le réduisant, en raison du format obligé de la planche, à quatre fois grandeur de nature ; de sorte que le mérite de cette découverte et aussi de sa publication, que M. Bonduelle n’a pas voulu être faite en son nom, lui revient en entier, sauf les quel- ques recherches que j'ai dû faire pour vérifier les analogies plus ou moins prochaines de l’ostéologie de ce nouveau Rongeur avec celle de divers genres vivants ou fossiles dont il semblerait pos- sible de le rapprocher. Mais n'ayant pu trouver ni dans son sys- tème dentaire, ni dans les parties restituables de ses membres, une combinaison de formes rentrant dans le facies défini de nos genres connus, Je me vois Conduit à proposer pour ce nouveau Rongeur fossile à longues jambes de Pantin, le nom générique distinctif de Trechomys (Rat coureur), en le dédiant comme espèce au naturaliste éclairé qui veut bien faire profiter la science de son heureuse découverte : ce sera donc le Trechomys Bonduellii. | En outre des figures de l’appareil dentaire déjà dessinées par M. Bonduelle, notre planche reproduit, mais en surface conti- nue, par manque d'espace, les cinq échantillons de marne, sur lesquels sont disséminées toutes les pièces osseuses recueillies comme appartenant au même sujet, et encore adhérentes à leur gangue. Aïnsi, dans la figure 1 (pl.5), on voit en a le maxillaire supé- rieur gauche armé de la série complète de ses quatre mâche- lières. En b, même figure, une portion de la mandibule gauche por- SUR LE TRECHOMYS BONDUELLIT. 159 tant encore deux molaires, et laissant apercevoir en avant l’ex- trémité de son incisive. En e, les quatre mâchelières inférieures en série du côté droit. En d, une partie de la tête comprenant le maxillaire droit avec ses quatre mâchelères, portion de l’intermaxillaire, et les inci- sives cassées dans le prolongement intra-alvéolaire de leur cou- ronne: les mâchelières encore engagées dans la gangue n'y sont vues que par leur face externe. En e, l'incisive inférieure droite avec l'empreinte d'une partie de la mandibule du même côté. Ce sont, du reste, pour la plupart, les pièces qui ont été re- produites avec grossissement au 4/1 dans les figures 2°, 8°, et 5, d'après les dessins si exacts de M. Bonduelle. Les incisives supérieures, comme on peut le voir à la figure 5, où une cassure intra-alvéolaire donne assez bien leur coupe, ont leur couronne un peu élargie à la face antérieure, dont le dia- mètre transverse égale à peu près celui des molaires. Les quatre mâchelières supérieures, figure 2, grossies et de grandeur naturelle, sont subégales de dimension ; la première ayant son côté interne un peu contracté, et la dernière étant sensiblement réduite dans ses divers diamètres, et à contour plus arrondi en arrière. Leur fût du côté interne est creusé, jusqu'au tiers de la face triturante de la couronne, d’une échancrure verticale qui, presque transverse dans la première màcheliére, prend une direction de plus en plus oblique en avant dans les molaires qui suivent. La face triturante de ces dents a dû, à l'origine, être divisée par trois ou quatre arêtes transverses, sé- parées par autant de sillons creux et s’ouvrant à la face externe du füt. Par l'effet de la détrition longtemps continuée, la den- üine à été mise à nu sur le tiers interne de la couronne. Sur les deux autres tiers, il s’est produit des rubans bordés d’émail plus ou moins Inégaux, et qui restent séparés par les quatre sillons transverses, excepté à la première mâchelière, où l’usure a fait disparaitre le sillon postérieur qui reste encore indiqué dans les trois molaires qui suivent. On peut voir à la figure 5, où les 156 N. LARTET, quatre mâchelières droites sont représentées par leur face ex- terne, que les échancrures marginales produites par les sillons transverses étant plus ou moins profondes, leur persistance doit être plus ou moins prolongée, et que finalement ces sillons doi- vent passer à l’état de fossettes isolées sur la table de la dent, et circonscrites extérieurement par une ligne continue d’'émail, comme cela s’est déjà en partie réalisé sur les mâchelières infé- rieures de la figure 3. À la mâchoire inférieure (fig. 4), l'incisive, qui s’aiguise en biseau peu allongé, a sa couronne comprimée de droite à gauche, et plus haute que large à la face antérieure. Les mâchelières (fig. 3) y sont, comme d'habitude chez les Rongeurs, construites dans un plan retourné par rapport aux supérieures, C'est-à-dire que la grande échancrure verticale du fût qui, dans ces dernières, s'ouvre du côté interne, et oblique- ment d’arrière en avant, est reportée du côté externe dans les mâchelières inférieures où elle s'enfonce obliquement d'avant en arrière, tandis que les sillons transverses qui divisent la très- grande partie de la face triturante s'ouvrent du côté imterne. Ces quatre mâchelières sont aussi subégales de grandeur, avec cette différence que, tandis que dans la série supérieure ces dents ont leur diamètre antéro-postérieur moindre que leur lar- eur transverse, ce serait le contraire pour les molaires infé- rieures, dont les intermédiaires semblent aussi occuper un peu plus d'espace que les deux extrêmes. Les mâchelières inférieures ont dû, comme les supérieures, être à l’origine traversées par quatre arêtes d’émail, que Pusure a fait disparaître dans la première, où l’on n’aperçoit plus sur l'avant de la couronne que trois îlots d’émail, la dentine étant complétement mise à nu dans le tiers postérieur de la face tritu— rante ; dans la seconde mâchelière de la série représentée, qui est celle du côté gauche, on distingue la trace de trois sillons, dont deux restent ouverts au bord interne, tandis que le plus antérieur ne constitue plus qu'une fossette allongée transversa- lement. La détrition, moins avancée dans les troisième et qua- trième mâchelières, laisse apercevoir, entre les rubans de den- SUR LE TREÉCHOMYS BONDUELLI. 157 tine bordés d’émail, les indications bien nettes des quatre sillons qui traversaient originairement la couronne, et dont les anté- rieurs sont aujourd’hui divisés en îlots. Dans toutes les dents mâchelières du Trechomys Bonduellr, la couronne reste nettement distincte de ses appendices radicu- laires. Le collet est marqué par une sorte d’étranglement, au point où s'arrête le revêtement émailleux de la couronne, et où les racines divergent en seus divers. Ces racines sont au nombre de trois dans les molaires supérieures, dont deux du côté externe et une très-forte au côté imterne ; celle-e1 formée, eomme d'ha- bitude, de la réunion de deux racines, qui le plus souvent con- servent distincts les canalicules pour le passage des nerfs et des Vaisseaux. À la mâchoire inférieure, l'implantation se fait par deux appendices divergeant d'avant en arrière, el formés ausst cha- cun de deux racines connées. Ainsi, dans le Trechomys Bonduellii, comme chez les Ron- seurs éocènes et autres Mammifères terrestres de cet âge, qu'il m à été possible jusqu à présent d'étudier à ce point de vue, le développement des appendices radiculaires des mâchelières se réalisait du moment où ces dents, à croissance limitée, avaient effectué leur évolution au-dessus du bord alvéolaire. Ce n’est que dans la période suivante, où miocène inférieur, que j'ai pu constater des molaires de Rongeur tardivement radi- culées, c'est-à-dire dont le fût émaillé continuait à croître, et restait partiellement engagé dans son alvéole, même après que la couronne était entrée en exercice. Dans le miocène moyen, période des faluns et de Sansan, où commence à trouver des Rongeurs (Lagomys sansaniensis) dont les mâchelières ne prennent jamais de racines, à l'exemple de celles des Lièvres et de la plupart des Campagnols ; tandis que le Zagomys (L'itanomys) du miocène inférieur de Weizenau et de l'Allier se distingue de ses congénères venus plus tard par des appendices radiculaires tardivement développés, mais très-dis- tinets (4), | (2) H y a des paiéontologistés qui ont tenu à disüngüer génériquement par ie nom 158 EH. LARTET. Le Trechomys Bonduellii rentre donc dans la catégorie des Rongeurs pourvus de quatre mâchelières de chaque côté des maxillaires supérieurs et inférieurs. Mais pour trouver des mo- laires dont la couronne soit construite dans un plan analogue, c'est principalement chez les Rongeurs de types américains qu'il faut aller chercher des termes de comparaison, et, parmi ceux- ci, de préférence dans les genres de la grande famille des Hystricidés. Les Echimys ont, en effet, leurs quatre mâchelières subégales, et divisées à la couronne par des sillons transverses. Mais les échancrures verticales de l’un des côtés du fût n’y sont pas aussi largement pénétrantes, et, de plus, quelques-uns des sillons transverses de la face triturante passent de l’un des côtés à l'autre de la couronne, ce qui semble n'avoir jamais eu lieu dans les mâchelières du T'rechomys Bonduellii. Nous trouvons quelque chose de plus rapproché dans les mà- chelières du Cercomys, qui ne donnent cependant pas une entière similtude de composition. L'analogie serait mieux indiquée avec les molaires de l'Urson du Canada, n'était la disposition plus anguleuse et plus oblique des plis qui forment les échancrures principales de leur fût. Les de Titanomys, le petit Leporidé de Weïzenau et de l’Allier, par la raison qu'il aurait une dent de moins à la mâchoire inférieure que certains Lagomys de l’époque actuelle. Mais ce prétendu Titanomys qui a,. du reste, tous les caractères ostéologiques du genre dont on voudrait le séparer, possède également dans sa série dentaire inférieure la même formule numérique d'éléments de trituration que l’on trouve dans les Lagomys vivants. Seulement, le lobe unique qui, chez ces derniers, constitue, en arrière, la cinquième mâchelière, se soudait dans le Zagomys de Weizenau et dans celui de Sansan à la pénultième molaire qui devenait ainsi une dent terminale à trois lobes, représentant, dans la série, la pénultième et la dernière de nos Lagomys actuels, ce qui ne changeait rien à la formule numérique des éléments de trituration, Mais ces mêmes paléontologistes qui, pour créer le genre Tifanomys, ont pris prétexte de la réduction du nombre de ses mâchelières à quatre au lieu de cinq qu’en possèdent les Lagomys vivants, deviennent inconséquents lorsque, dans leur nomenclature, ils con- servent le nom de Lagomys (Lagomys sardus, Wag.) au petit Léporidé fossile des brèches osseuses de Sardaigne, qui, comme le Lagomys de Sansan et le prétendu Tèta- nomys de l'Allier, n’a également que quatre mâchelières à la mâchoire inférieure, par suite aussi de la soudure avec la pénultième molaire de l’unique lobe qui, chez quel- ques congénères, constitue une cinquième mâchelière distincte, Une simple addition-de cément intra-alvéolaire suffirait donc pour motiver la création d’un genre nouveau !! SUR LE TRECHOMYS BONDUELLIT. 159 sillons rentrants jusqu’à mi-couronne du côté opposé à ces échan- crures, y sont Moins nombreux que dans notre Rongeur fossile. On sait d’ailleurs que, tant par le plan de trituration de ses mo- laires que par la forme de son crâne, l'Urson (£rethison) diffère notablement des vrais Porc-Épics, auxquels il y a lieu de s’éton- ner qu'on l'ait si longtemps réuni. Parmi les Rongeurs fossiles connus, ce serait avec les Théri- domys de M. Jourdan (1) et les {soptychus de M. Pomel (2) que l’on pouvait chercher à établir des rapprochements; mais les comparaisons directes qu'il nous à été possible de faire avec des séries dentaires de ces genres si bien décrits d’ailleurs par M. Pomel, ne nous ont pas fourni de motifs suffisants pour leur identifier l'animal découvert par M. Bonduelle. Nous aurons, du reste, tout à l'heure l’occasion de réunir aux Théridomys un autre Rongeur provenant de ces mêmes marnes du gypse de Pantin, dans lesquelles a été trouvé le f'rechomys Bonduelli. Quant à la forme du crâne de ce dernier et aux détails carac- téristiques que l’on y pourrait relever, ce qui enreste est malheu- reusement trop incomplet etinsuffisant pour pouvoir en déduire approximativement la physionomie de la tête osseuse. À côté du maxillaire supérieur gauche en a, fig. À, on peut distinguer l'emplacement soigneusement fouillé de la fosse tem- porale avec une notable portion de l’arcade zygomatique qui est largement dilatée. Nous avons pu nous assurer que le trou sous- orbitaire était aussi très-grand, comme dans la plupart des Ron- geurs américains de la famille des Hystricidés. En signalaut dans les Théridomys ce grand développement de la partie anté- rieure de l’arcade zygomatique, qui, je crois, y est bien moindre que dans le Rongeur de M. Bonduelle, M. Jourdan s'était de- mandé si cette disposition anatomique n’indiquait pas que le Théridomys était un animal fouisseur. D’autres auteurs ont pré- féré qualifier d’abajoues osseuses cette grande expansion de l'os jugal, et l’on connaît d’ailleurs nombre de Rongeurs essen- üellement fouisseurs qui ont, au contraire, des arcades zygoma- (1) Theridomys (Ann. des se. nat., Zoor., 2° série, t. VIII, 1837). (2) Pomel, Catal. méthod. et descript. des Vert, foss., etc. 1853, p. 34. 160 EH. LARTET. tiques très-grèles. Nous verrons aussi que le nouveau Rongeur de Pantin est loin de montrer, par d’autres détails de son sque- lette, une tendance marquée vers les habitudes des animaux fouisseurs. Une autre portion de la tête, où l’on peut voir en d, fig. 4, le maxillaire droit avec les quatre mâchelières tournées vers le bas, et, en avant, une partie des incisives, ne nous donne pas non plus d'indications caractéristiques de la forme de la face. De la colonne vertébrale, il ne nous reste que trois vertébres, dont une lombaire, est presque entièrement engagée dans la gangue en /, fig. 4. En g et en h, même figure, on voit deux vertèbres caudales, dont la plus forte doit être une des pre- mières, et indiquerait que la queue, assez développée, pourrait avoir servi à une fonction active quelconque, sans cependant arriver à cette importance physiologique qu’elle acquiert, lors- qu'elle devient chez certains Rongeurs un organe de préhension. Pour les membres antérieurs, nous n'avons de l’omoplate que son extrémité articulaire avec l’humérus, en 4, fig. 1, dont la cavité, arrondie dans son plus grand contour, s’allonge vers l’'apophyse coracoïdienne qui paraît bifurquée. 11 ne reste au- eune indication des clavicules, à moins que l’on n’accepte comme s y rattachant le tronçon d'os isolé en #, même figure. L’humérus droit se voit par sa face postérieure en /, jusqu’à plus de moitié de sa hauteur ; sa tête détachée se montre toutà côté en m; de plus, on voit le même os entier, mais toujours par sa face postérieure en n. En l’examinant de côté sur la pièce originale, on voit qu'il est percé sur son condyle interne pour le passage de l'artère radiale. La diaphyse de l'os est grêle, et ses proportions notablement réduites par rapport aux os longs de l'extrémité postérieure. Il en est de même du radius, dont on aperçoit en o les trois quarts par en bas de sa longueur totale ; en p se montre par derrière sa région supérieure, où l’on peut vérifier que sa face articulaire avec l'humérus était oblongue transversalement. Le cubitus, comparativement robuste et à olécrâne épais, est visible en g par sa moitié supérieure. Le fémur en r, très-endommagé et tronqué à son extrémité SUR LE TRECHOMYS BONDUELLII. 161 inférieure, parait avoir été aplati d'avant en arrière, mais ro- buste et très-développé comparativement à l’humérus. Son grand trochanter dépasse en hauteur la tête de l'os; le petit trochanter est nettement en saillie, et vers le tiers présumable de la longueur originelle de Vos, se montre une crète assez forte et réfléchie en arrière, laquelle représente très-bien un troi- sième trochanter. En s, on retrouve un tibia gauche très-long et robuste, par rapport aux membres antérieurs. En £, on voit également la moitié inférieure d’un tibia droit; ni l’un ni l’autre de ces os ne montre le trou de l’attache par ankylose du péroné, qui était probablement indépendant, et dont on ne peut distinguer au- eun fragment, si ce n’est dans une anfractuosiié de la pierre non visible dans la figure. Les os des pieds nous manquent en grande partie ; nous avons en wet w les deux calcanéums, dont la grande tubérosité est assez développée et la face astragalienne très-dilatée. En v etv se voient deux métatarsiens principaux; en æ et æ, quelques phalanges de premier rang et second rang. Nous négligeons de signaler d'autres morceaux qui, bien que reconnaissables dans la plaque marneuse originale, se distinguent difficilement dans le dessin qui en a été fait; de ce nombre sont des fragments rapportables au bassin. En somme, on pourrait déduire de l’ensemble malheureu- sement incomplet du squelette de ce:Rongeur que sa taille, calculée d’après les proportions des extrémités postérieures, devait au moins égaler celle du Surmulot, avec des membres antérieurs comparativement atiénués. Cette prédominance du train postérieur semblerait indiquer un animal coureur plutôt que fouisseur ou mème arboricole, bien que pouvant acciden- tellement grimper, ce que devait permettre la mobilité de son articulation tarsienne, laquelle, rattachée d'autre part à des jambes longues et robustes, dénoterait une grande aptitude à la course. Quant à son régime, on pourrait supposer, par les analogies de son système dentaire, qu'il devait être frugivore ou grani- 9€ série, ZooL., T. XII. (Cahier n° 3.65 11 162 E. LARTET. vore; mais rien n'exelurait des habitudes plus variées daus son alimentation. Pour faciliter autant que possible la vérification et la critique de l'étude descriptive que nous venons de faire de ce Rongeur fossile, étude que nous sommes loin de présenter ici comme dé- finitive, nous donnerons la mensuration exacte des principales ÈS qui ont été mentionnées dans le cours de cette note : Espace occupé en longueur par les quatre machelières Supérieures, . : .. M senda ee rene PR ES 0,0085 Espace occupé par les quatre mâchelières inférieures.... 0,0100 Longueur de l’humérus.....:.:.... 6). MIE CE CHU 0,0275 Plus grande largeur de sa tête supérieure........, 0 0UUD Plus grande largeur de son extrémité inférieure. ..:..: 0,0065 Plus grande hauteur de l’olécrâne., ......:.....:.,. 0,0050 Plus grande largeur de la tête du radius. ............ 0,0025 son diamètre antéto=postérieur. à 3 2 4. 60e 04 04 Ë 0,0015 Longueur conservée du fémur au-dessus de sa cassure. 0,0370 Plus grande largeur de son extrémité supérieure. ...,. 0,0080 Distance du grand trochanter au troisième......... 1.10, 0440 Longueur du tibia. ...... NE Reed delete Ne eee aa AD DAT Voncueur dutalcaneumaenET rat a Une 0,0095 Longueur de la grande tubérosité........,....... +. 0,0060 Longueur du métatarsien du médius.........:...... 0,0160 Longueur du métatarsien de l’index?,...,.,,.. ; 0,0150 IT Sur deux dents fossiles de Rongeur, trouvées dans les marnes supérieures du gypsé à Pantin, près Paris, par M. le professeur Tombeck, Nous avons vu que Cuvier (1) a décrit et figuré deux Rongeurs des plâtrières de Montmartre, qu'il rattachait au sous-genre des Loirs ; l’un d'eux surtout représenté par un squelette presque entier, et qui, dit-il, par la structure de ses diverses dents, ferait, sauf la taille moindre, un véritable Loir. L'autre Rongeur, un peu plus grand, n’est représenté que par une demi-màchoire inférieure, toujours dans le type des Loirs, mais avec une structure particulière des dents. Cependant, dès 1840, M. de Quatrefages (2), dans un travail sur les Rongeurs fossiles, fort remarquable surtout pour l'époque, a, le premier, exprimé quelques doutes sur la valeur absolue des rapprochements proposés par Cuvier, d’après le caractère des dents molaires. (4) Ossem. foss., in-40, &. Il, p. 297 et suiv., pl. 68, fig. 5-13, 18929. (2) Thèse sur les Rongeurs fossiles. Paris, 4840, in-A°, p. 42. SUR LE TRECHOMYS BONDUELLII. 163 « Les dents de la premiére espèce, dit M. de Quatrefages, offrent quelques différences. Nous y trouvons, il est vrai, les six crètes transverses alternativement grandes et petites; mais elles prennent toutes naissance au bord interne de la dent, et celui-ci forme une espèce de rebord qui est presque de ni- veau avec les crètes. Rien ne rappelle les deux ovales traversés par une ligne droite qui distingue les molaires des Loirs. Cette différence dans le dessin de la couronne indiquerait déjà une espèce distincte du Loir, quand même la taille du fossile, qui est celle d’un Muscardin, ne viendrait pas corroborer cette opinion ; le rapport de longueur entre la tête et les membres indique, en outre, des formes plus trapues » (Oss. foss., NE, pl. 68, fig. 5,6, 11). « La seconde espèce, trouvée par Cuvier dans la même loca- lité, continue M. de Quatrefages, n’a été établie que sur une machoire inférieure ; les dents différent encore plus de celles du Loir que celles du précédent. L'incisive nous paraît re- marquablement forte pour le volume de la mâchoire; quant aux molaires, dont les lignes saillantes semblent rayonner d’un bord vers l’autre, elles n’offrent plus qu'une ressemblance éloignée avec celles du Loir. L’incisive présente fort bien la disposition caractéristique de ces dents chez les Rongeurs ; elle s'avance jusque sous la troisième molaire. » Ces remarques critiques de M. de Quatrefages nous semblent très-fondées et d'autant plus importantes à rappeler, que les appréciations formulées plus tard par d'autres paléontologistes n'ont peut-être pas été suffisamment motivées. M. Giebel s’est contenté d'inscrire dans sa Faune der Vorwelt (t. T, p. 81) les deux Rongeurs de Montmartre, sous les noms de Myoœus pari- siensis et Myoxœus Cuvieri. M. Pomel (1), en dédoublant le genre Theridomys de M. Jourdan pour faire son sous-genre Zsoptychus, a doïné au second Loir des plâtrières le nom d’Æsoptychus Cu: vieri, Enfin M. Gervais, dans la seconde édition de sa Zoologie et paléontologie françaises, page 33, mentionne ce même second Loir des pltrières sous la désignation de T'heridomys Cuvieri, (4) Catal, méthod., 4853, p. 36. 164 E. LARTET. comme constituant une espèce de taille inférieure à celles pré- cédemment décrites, et dont la forme des molaires incomplé- tement connue est évidemment plus semblable à celle des T'heridomys qu'à celle des Loirs. Il ajoute, page 34, « que, » postérieurement à Ja publication de la première édition de son » ouvrage, et avant de connaître l’opinion de M. Pomel, 1l avait » étudié le type de cette espèce que l’on trouve au Muséum, et » que, d’après ses notes, cet animal se rapprochait des T'heri- » domys, et qu'il devrait sans doute être classé dans le même » groupe qu'eux. » De tout cela, 1l semblerait résulter que ni M. Giebel, ni M. Pomel, ni M. Gervais, n'avaient eu connaissance des obser- vations si nettement formulées par M. de Quatrefages, bien qu'à une autre occasion, sa thèse ait été citée par l’un d'eux. Consta- tons simplement ici que c’est à notre savant professeur d’anthro- pologie au Muséum que revient la priorité des rectifications proposées à l'endroit des déterminations tant génériques que spécifiques adoptées par Cuvier pour les prétendus Loirs des plätrières. C’est au second de ces prétendus Loirs des plâtrières que me sembleraient revenir les deux mâchelières recueillies par M. Tom- beck dans les marnes du gypse de Pantin, soit que ce Rongeur doive rentrer, comme le pense M. Gervais, dans le genre Theri- domys de M. Jourdan, soit qu'il dût mieux se spécifier dans le sous-genre Jsoptychus de M. Pomel; l’un et l’autre de ces deux sous-genres fossiles devant se rapprocher, comme l’a fait remarquer M. Gervais, du Cercomys un peu plus que des Echi- mys de l’époque actuelle. La dent représentée à quatre fois grandeur de nature dans la figure 6 de notre planche, nous paraît être une première mâche- lière (prémolaire) supérieure droite, un peu usée à sa couronne. Elle était implantée par trois racines distinctes, dont deux posté- rieures et transversalement divergentes, tandis que la grosse racine antérieure se trouve évidemment formée de deux racines connées ou soudées, avec un commencement de bifurcation à la base, disposition que je n'ai pas retrouvée dans d’autres Ron- Seurs. SUR LE TRECHOMYS BONDUELLII, 165 La deuxième dent (fig. 7) serait une molaire inférieure ou, s'il est possible de mieux préciser, un germe non encore radi- culé de dernière molaire du côté droit. Ces deux dents seraient assez bien dans la forme et les proportions de leurs homologues dans le Theridomys (Lsoptychus) aquatilis, Aymard, des marnes de Ronzon, au Puy-en-Velay. ITT Sur un calcanéum fossile de grand Rongeur?, trouvé par M. Delesse, dans le caleaire de Saint-Ouen, près des docks à Paris. Le troisième Rongeur fossile du terrain tertiaire parisien dont il nous reste à parler n’est représenté que par un seul mor- ceau, un calcanéum gauche annonçant un animal de grande taille comme Rongeur, si, en réalité, le sujet auquel il à appar- tenu pouvait être définitivement classé parmi les espèces de cet ordre. En effet, le volume de cet os laisse pressentir des formes plus élancées, quoique peut-être moins robustes comparative- ment que celles de notre Porc-Épic d'Italie. Dans ce calcanéum, la grande tubérosité est plus longue que le reste de l'os, et son extrémité est excavée par une large souttière antéro-postérieure, comme dans beaucoup de Carnas- siers et de Rongeurs. Le corps de l'os est médiocrement com- primé en dessus, et relevé sur sa face externe d’une crête lon- gitudinale, qui a dû faire expansion extérieurement à l'endroit de l'articulation calcanéo-astragalienne, avant d’avoir subi une cassure ou érosion qui reste très-visible dans la pièce originale. La première facette d’articulation avec l'astragale, c'est-à-dire celle placée en avant et dans l’axe de la grande tubérosité, est convexe et réfléchie du côté interne de cette tubérosité, mais sans ondulation, comme cela se voit souvent chez les Carnassiers. La seconde facette d’articulation avec l’astragale se montre sur une apophyse distincte du côté interne; elle est assez régulière- ment arrondie et très-sensiblement concave, ce qui, en premier leu, nous porterait à attribuer ce calcanéum à un Rongeur. De plus, la facette cuboïdienne est également concave, large et sans échancrure sur aucun de ses bords, toutes circonstances qui pousseraient à un rapprochement avec les Rongeurs plutôt 166 E, LARTET. qu'avec les Carnassiers. La comparaison directe que nous avons faite de cette pièce avec tout ce dont il nous a été possible de disposer pour celte étude, nous entraînait constamment vers son attribution à un Rongeur, et, parmi les espèces de cet ordre, c’est dans le calcanéum du Capromys Fournieri que nous avons trouvé le plus d’aualogie dans la forme et les proportions, sauf pour la longueur de la grande tubérosité qui impliquerait une taille presque double pour l'animal fossile de Saint-Ouen, tandis que, considérées dans d'autres points de comparaison, ses dimen- sions ne devaient pas excéder de plus d’un quart celles du Capro- mys Fournierr. EXPLICATION DE LA PLANCHE 5. Fig. 4. Assemblage en un seul plan des fragments de marne sur lesquels sont dissé- minés les restes osseux du Trechomys Bonduelliü. a, maxillaire supérieur gauche portant les quatre mâchelières en série, vues grossies en figure 2. — D, moitié de mandibule gauche avec deux mâchelières en plan, vue grossie en figure 4. — ç, les quatre mâchelières inférieures en série, vues grossies en figure 3.— d, maxillaire droit avec sesquatre mâchelières en série, vues du côté externe et partie des incisives en avant, grossi en figure 5, — e, incisive inférieure gauche avec empreinte et fragments de la mandibule. — /, vertèbre lom- baireen partie engagé dans la gangue.— 9, vertèbre caudale, l’une des premières.— h, autre vertèbre caudale. — 1, extrémité articulaire de l’omoplate. — k, peut-être fragment de elavicule. — /, moitié inférieure de l'humérus gauche, vue par sa face postérieure. — #, tête supérieure du même humérus. — n, humérus droit entier, vu également par sa face postérieure. — 0, radius vu dans une grande partie de sa longueur. — p, autre moitié supérieure du radius, — q, moitié supérieure du cubitus. — 7», fémur gauche, vu par sa face postérieure. — s, tibia gauche. — t, moitié inférieure du tibia droit, -— w, , les deux calcanéum. — v, v, deux méta- tarsiens principaux. — x, æ, phalanges de premier et second rang. Fig. 2. Les quatre mâchelières supérieures gauches, grossies à A fois grandeur nature, et vues, en dessous, de grandeur naturelle. La première de la série est à gauche de l’observateur. Fig. 3. Les quatre mâchelières inférieures du côté gauche à grossissement égal et la série marchant aussi de gauche à droite. Fig. 4. Portion de mandibule gauche portant l’incisive et deux mâchelières, toujours grossies à 4 fois grandeur de nature. Fig. 5. Maxillaire supérieur droit avec ses molaires et ses incisives grossies 4 fois. Fig. 6. Première mâchelière (prémolaire) supérieure gauche, grossie +, de Theridomys? Cuvieri, trouvée dans les marnes supérieures du gypse à Pantin, par M. Tombeck. Fig. 7. Germe de dernière molaire inférieure droite de Theridomys ? Cuvieri ; même provenance. Grossi à Fig. 8. Calcanéum gauche attribué à un grand Rongeur, trouvé par M. Delesse, dans le calcaire de Saint-Ouen, près des docks, Paris. Grandeur naturelle. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES CARACTÈRES ZOOLOGIQUES ET LES AFFINITÉS NATURELLES DE L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR, PAR MM. ALPHONSE RELNE EDVWVARDS ET Alf. GRANIDEHDIER. 8 1. Tous les naturalistes se souviennent de l'intérêt qu'excita une communication faite à l’Académie, le 27 janvier 1851, par M, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, relativement à des œufs énor- mes trouvés à Madagascar par M. Abadie, capitaine d'un navire marchand (1). Ces œufs, dont M. Geoffroy Saint-Hilaire placa plusieurs exemplaires sous les yeux de l’Académie, dépassaient de beaucoup, par leurs dimensions, ceux des plus grands Oi- seaux connus. Leur capacité était de plus de 8 hires et leur volume correspondait à celui de six œufs d’Autruche ou de cent quarante-huit œufs de Poule. Ils ne pouvaient être attribués à aucune des espèces vivant actuellement, soit à Madagascar, soit sur d’autres points de la surface du globe; mais d’après quelques fragments d'os trouvés dans le même gisement, le savant dont nous venons de citer le nom pensa qu'ils devaient appartenir à un (1) Note sur des ossements et des œufs trouvés à Madagascar dans des alluvions modernes et provenant d'un oiseau gigantesque, par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l Académie des sciences, 1851, t. XXXII, p. 401). Voyez aussi Ann. des sc, nat., Zoo1., 3° série, t. XIV, p. 206, et uote addi- tionnelle, op. cit., p. 213, 168 A. MELNE EDWARDS ET GRANDIDEER. oiseau gigantesque tridactyle, et il donna à cette espèce inconnue le nom d'Æpyornis maximus (1). Avant la découverte que nous venons de rappeler, quelques renseignements plus ou moins vagues pouvaient faire soupçonner l'existence d'oiseaux de grande taille dans l’île de Madagascar. En effet, vers 1834, Goudot avait recueilli dans cette île quel- ques débris de coquilles d'œufs, dont M. P. Gervais fit mention comme paraissant avoir dû élre du volume de ceux des Au- truches (2). Plus anciennement encore, M. J. Verreaux, pendant son sé- jour au cap de Bonne-Espérance, reçut de M. Sganzin, qui était resté quelque temps à Madagascar, le dessin d’un œuf gigan- tesque représenté au trait, de grandeur naturelle. Ce-dernier voyageur racontait qu'il avait vu plusieurs œufs semblables dont un était scié en deux portions, et dont un autre était traversé, suivant son grand axe, par un bâton, afin de pouvoir servir à écraser du riz. Ce dessin et ces notes furent perdus dans le naufrage qui engloutit les collections accumulées pendant de longues années dans l'Afrique australe par M. Jules Ver- reaux. Enfin, en 1848, un commerçant français, M. Dumarèle, vit à Port-Leven, sur la côte nord-ouest de Madagascar, un œuf dont les habitants se servaient en guise de vase, dont la coquille avait l'épaisseur d’un dollar d'Espagne et dont la capacité était égale à celle de treize bouteilles ordinaires, c’est-à-dire de huit à neuf litres environ (à). Plus récemment, divers voyageurs ont rappporté en Europe au moins douze exemplaires de ces œufs gigantesques, et l’un de nous (4) en à pu recueillir de nombreux fragments dans les (1) De œirüs, élevé, et dpvi, oiseau. (2) P. Gervais, article AuTRUCHE du Dictionnaire des sciences naturelles, supplé- ment,t. 1, p. 524, 1841. (3) Strickland, Supplementary notices regarding the Dodo and its Kindred (Annals and Magazine of natural history, 2° série, 1849, t. IV, p. 325). (4) Alfred Grandidier, Observations sur le gisement des œufs de l'Epyornis (Comptes rendus hehdomadaïires des séances de l'Académie des sciences, séance du 9 septembre 1867, t. LXV, p. 476). SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 169 sables du cap Sainte-Marie (1); mais jusqu'ici on ne pouvait for- mer que des conjectures très-vagues sur les caractères zoologi- ques, et les affinités naturelles de l'Æpyornis, car l'examen des œufs indiquait seulement que l’Oiseau qui les avait produits de- vait être de très-grande taille, et les fragments d'os recueillis en 1850, par M. Abadie, et en 1854, par M. Coquerel (2), étaient trop incomplets pour donner la solution de ces questions diffi- ciles ; aussi les auteurs les plus récents sont-ils partagés d’opi- nion au sujet de la nature de l’Oiseau dont les œufs sont si remarquables. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire pensait que l’'Æ- pyornis était un Brévipenne ; c'est aussi la conclusion à laquelle l’un de nous est arrivé par l'étude des mêmes pièces ostéologi- ques (3); mais M. Valenciennes regardait cette espèce comme devant être rapprochée des Pingouins et des Manchots (4). Enfin M. le professeur Bianconi, qui a publié sur ce sujet un travail très-étendu, soutient, au contraire, que l'Æpyornis était un Oiseau de proie, voisin des Vautours, et était probablement le Roc où Ruc mentionné par Marco Polo (5). La découverte d’autres ossements de cet Oiseau était donc fort désirable, et, l’année dernière, lorsque les auteurs de ce Mémoire se réunirent pour étudier en commun et pour publier la des- cription des animaux recueillis par l’un d’eux pendant un pre- mier voyage à Madagascar, il fut convenu qu'ils ne négligeraient (1) M. George Dawson Rowley, qui a examiné ces fragments, pense qu'ils appar- tiennent à une espèce différente de l'Æpyornis maximus, et il l’a désignée sous le nom d’'Æpyornis Grandidieri (On the egg of Æpyornis, the Colossal bird of Madagascar ; Proceedings of the Zoological Society of London, 1867, p. 892). (2) Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 1854, t. XXXIX, p. 833. (3) Alpb. Milne Edwards, article OIsEAUx FossiLes du Dictionnaire universel d’his- toire naturelle, 2° édition, 1869. (4) Valenciennes, Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 1854, t. XXXIX, p. 837. {5) Bianconi, Dell Epyornis maximus menzionato da Marco-Polo e da Fra-Mauro. Bologna, 1862; Memorie della Academia delle Science, t. XII. — Degli scritti di Marco-Polo e dell uccello Ruc da lui menzionato. Bologna, 1862, op. cit., 2€ série, t. Il. — Séudi sul Tarso-Metatarso degli uccelli ed in particolare su quello dell Epyornis mazimus, op, cit., 23 avril 1863 et 12 janvier 1865. 170 A, MILNE EDWARDS ET GAREANDIDIER. rien, soit pour obtenir de nouveaux débris de l'Æpyornis, soit pour faire de ces pièces une étude attentive. Les désidérata que nous venons de signaler sont aujourd’hui en partie comblés, et l’Académie sait que, tout dernièrement, lun de nous, en faisant fouiller un terrain marécageux à Am- boulitsate, sur la côte ouest de Madagascar, y a découvert des ossements parfaitement conservés qui appartiennent évidem- ment à l’Oiseau gigantesque dont M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire a fait connaître les œufs (1). Ces pièces sont arrivées en France à la fin du mois de mars, et ce sont les observations auxquelles elles ont donné lieu que nous venons soumettre au jugement de l'Académie. Les parties de squelette qui ont été trouvées dans ces fouilles récentes, sont : 41° Un tibia complet (2) et diverses portions du même os; 2° Un fémur presque complet (3); 3° Deux vertèbres isolées (4); h° Un fémur presque entier (5) et des fragments du même os, appartenant à des Æpyornis de plus petite taille; 5° Un fémur très-incomplet, provenant d'un Æpyornis de taille encore plus petite. 6 2 Le tibia de l'Æpyornis est énorme et présente un aspect tout particulier qui est dû principalement à l'élargissement excep- tionnel de ses extrémités articulaires (6). En effet, sa longueur est de 64 centimètres, la circonférence de l'extrémité supérieure mesure 45 centimètres, celle de l'extrémité inférieure 38, tan- dis que le corps de l'os n’a, dans sa partie la plus resserrée, que (1) Milne Edwards, Sur les découvertes faites récemment à Madagascar, par M. Aifred Grandidier (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l Académie des sciences, 14 décembre 1868. — Voyez aussi Ann. des sc. nat., Zoor., 5° série, t. X, p. 375, 1868. (2) Voyez pl. 7, pl. 8 et pl. 9. (3) Moy. pl'10'et 11. (4) Voyez pl. 14, 15 et 16. (5) Voyez pl. 12 et 13. (6) Voyez pl. 7 et 8. SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. A7 15 centimètres et demi. Il est fortement comprimé d'avant en arricre et est bien loin de revêtir la forme presque cylin- drique que l'on remarque chez les Autruches et les autres Stru- thionides; enfin, il présente une légère courbure à concavité interne. La face antérieure devient très-large au-dessus de P'ar- ticulation tarsienne où elle est aplatie et même légèrement dé- primée. On n'y voit aucune trace du canal osseux dans lequel s'engage, chez presque tous les Oiseaux, le tendon du muscle extenseur commun des doigts. Ce canal est remplacé par une gouttière superficielle, en dedans de laquelle existent des empreintes profondes marquant l'insertion de fa bride tendi- neuse qui, chez cet Oiseau, devait tenir la place du pont osseux que l’on observe d'ordinaire ; l'empreinte opposée se voit de l'autre côté de la gouttière, mais elle est moins bien marquée et située beaucoup plus bas, immédiatement au-dessus de la sur- face articulaire, Au même niveau, mais du côté externe, s’ouvre un trou assez grand qui se prolonge dans l'intérieur de l'os et qui paraît correspondre à des cellules aériennes. Cette face: antérieure du tibia est obliquement traversée dans toute sa lon- gueur par une ligne intermusculaire très-forte, qui part de la crête tiblale antérieure et qui gagne ensuite le bord interne de Vos, où elle disparaît au-dessus de l'empreinte du ligament des- tiné à brider le tendon de l'extenseur des doigts. La position de ceite ligne imtermusculaire est très-singulière, car généralement elle suit presque parallèlement le bord interne de l'os, tandis que chez l'Æpyornis elle remonte en.se dirigeant en dehors, de façon que dans le tiers supérieur de l'os elle divise la face anté- rieure en deux parties presque égales : l'une externe, dans la- quelle devaient se fixer les fibres du muscle extenseur commun des doigts et du tibial antérieur ou extenseur du pied, l’autre interne destinée à l'insertion de la portion correspondante du gastro-cnémien indiquant ainsi pour ce muscle un développe- ment relativement énorme. Le bord externe de los est épais et couvert de rugosités sur lesquelles se fixait le péroné (4); on les voit commencer presque (4) Voyez pl. 7. 179 4. MILNE EDWARDS ET GiReA%MMEIRENE. immédiatement au-dessous de l'articulation supérieure, où elles constituent une surface large et aplatie; puis elles sont inter- rompues un peu au-dessus de la portion moyenne de los par une gouttière lisse et oblique de haut en bas et d’arrière en avant qui correspond au trajet de l'artère tibiale antérieure et de ses veines satellites. D’après la largeur de cette gouttière on peut se former une idée de l'importance des vaisseaux qui y sont logés, et, par conséquent aussi, des parties auxquelles ceux-ei se distribuent. On sait que chez les Oiseaux l'artère tibiale antérieure ne fournit à la jambe que des branches d’un faible calibre; elle s'engage sous la bride ligamenteuse qui re- couvre le muscle fléchisseur du pied et, dans ce point, envoie quelques rameaux à l'articulation; mais c’est surtout sur la face antérieure de l'os tarso-métatarsien qu'elle fournit des branches qui se rendent aux muscles des doigts. Ces muscles, chez l'Æpyornis, avaient, suivant toutes probabilités, une très- grande puissance. Au-dessous du canal de l'artère tibiale antérieure, on remar- que d’autres rugosités moins accusées et qui n'étaient pas, comme les précédentes, recouvertes par des ligaments robustes. Elles se prolongent presque jusqu’à l'extrémité de l’os de la jambe, où elles se terminent par une surface aplatie et élargie, qui correspond probablement au point où s’arrêtait le péroné. Cet os aurait été plus long que chez les autres Brévipennes au- jourd'hui vivants. On peut aussi constater, par l'étendue et la forme des surfaces osseuses destinées à l'insertion des muscles péroniers, que ceux-e1 étaient très-robustes, et que le péronier inférieur devait s'étendre sur la portion de la face antérieure de los qui, ainsi qu'il a déjà été dit, s'élargit beaucoup imférieure- ment. En arrière, le corps de l'os est arrondi et presque entière- ment dépourvu de lignes intermusculaires ; cependant on voit, au-dessous de l'extrémité supérieure, quelques rugosités mar- quant la surface d'insertion du muscle fléchisseur profond des doigts. Vers la partie moyenne, il existe quelques boursouflures qui paraissent résulter d’un état pathologique du tissu osseux, analogue à ce qui se voit quelquefois chez l’Autruche et les SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 173 autres grands Oiseaux actuels. Au-dessus des rugosités du muscle fléchisseur profond des doigts et au-dessous du rebord arti- culaire s'ouvre, au fond d’une dépression, un large orifice; le trou nourricier de los est, comme d'ordinaire, placé en arrière des rugosités de la crête péronière Immédiatement au dessus de la gouttière dont j'ai déjà signalé l'existence et dans laquelle s'engage l'artère tibiale antérieure. L'extrémité supé- rieure est extrèémement élargie et remarquable par son peu d'épaisseur (1), elle paraît avoir subi un mouvement de torsion, en vertu duquel la crête tibiale antérieure et la crête tibiale ex- terne sont fortement rejetées en dehors. Ces crêtes sont d’ailleurs très-peu saillantes et se prolongent à peine au-dessus de Particu- lation fémorale. La surface glénoïdale interne est aplatie et semi- circulaire. Le condyle péromier est, au contraire, arrondi et comparativement extrèmement développé; 1l est séparé de la crête tibiale externe par une gouttière large et profonde. L’ex- trémité articulaire inférieure est très-comprimée d'avant en arrière, très-élargie latéralement et légèrement déjetée en de- dans (2) ; la gorge interarticulaire est à peine creusée en avant et reproduit assez exactement une forme cylindrique ; le condyle interne est plus avancé que celui du côté opposé ; il se développe aussi beaucoup plus en arrière et porte en dehors une dépres- sion large et profonde destinée à l'insertion du ligament latéral de l'articulation. Une dépression analogue mais beaucoup plus creuse se remarque sur le condyle externe, au-dessous d’une tubérosité mousse et élargie. Lorsqu'on examine par sa face inférieure cette surface articulaire, on voitqu’elle est plus épaisse en dedans qu'en dehors et présente de ce même côté une échan- crure superficielle, mais étendue, qui entame le bord du con- dyle ; du côté opposé on n’observe aucune trace semblable. Un simple coup d'œil jeté sur ce tibia prouve de la manière la plus évidente qu’il provient d’un Oiseau du groupe des Brévi- pennes, mais ce groupe comprend lui-même un grand nombre de types tels que les Autruches, les Nandous, les Dromées, les Casoars, les Apleryx et les Dinornis. Chez tous ces Oiseaux, à (L)=Moyez pl. 9, fig. 2. (2) Voyez pl. 9, fig. 1. 174 A. MELNE EDWARDS ET GRANDIDIER. l'exception des Dinornis, le tibia est dépourvu d’un pont osseux au-dessus de la coulisse du muscle extenseur des doigts. L’Æ- Pyornis, sous ce rapport, se range à côté d'eux, mais d'autre part, les proportions générales de l'os de la jambe sont complé- tement différentes, et les particularités anatomiques qui le carac- térisent ne présentent avec celles des autres Brévipennes que de lointaines analogies. Chez aucun de ces Oiseaux, le tibia n’est aussi massif surtout dans ses parties articulaires. Les genres Dinornis et Palapteryx renferment des espèces chez lesquelles l'os de la jambe est beau- coup plus long; amsi, chez le Dinornis giganteus il mesure 88 centimètres, chez le Palapteryx robustus 82 centimètres, chez le Dinornis ingens 73 centimètres, mais les extrémités articulaires sont comparativement étroites. Ainsi le diamètre transversal de l'extrémité supérieure est de 49 centimètres chez l'Æpyornis, tandis qu'il n’est aussi que de 49,7 chez le Dinornis giganteus, de 19,3 chez le Palapteryx robustus et de 15,3 chez le Dinornis ingens. Les différences dans les dimensions de l’extrémité inférieure sont du même ordre, ainsi que l’indiquent les chiffres suivants : Chez l'Æpyornis, la largeur de cette parte est de 13 centi- mètres et demi. Chez le Dinornis giçanteus, de 10 centimètres. Chez le Palapteryx robustus, de 14 centimètres. Chez le Dinornis ingens, de 9 centimètres. La patte du Dinornis elephantopus est généralement crtée par les anatomistes comme l'exemple desformes les plus massives aux- quelles peuvent atteindre les oiseaux; mais sous ce rapport le Dinornis elephantopus est dépassé de beaucoup par l'Æpyornis. Dans les genres Struthio (1), Rhea (2) et Dromaus le corps de l’os est presque cylindrique et les extrémités sont étroites; dans les genres Casuarius (3) et Apteryx (h), le tibia est plus mas- sif, plus élargi, mais il est loin cependant de pouvoir se rappro- (4) Voyez pl. 8. (2) Voyez pli. 8. (3) Voyez pl. 7. (4) Voyez pl. 7. SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 175 cher de celui de l'Æpyornis; il y a d’ailleurs dans la forme des extrémités articulaires des caractères extrèmement distincts, ainsi chez l’Apteryæ les condyles de l'articulation tarstenne sont situés à des niveaux très-différents, et la gorge qui les sépare est relativement profonde. Chez les Casoars, la poulie articulaire, bien que peu excavée, est étroite et épaisse ; enfin les crètes tibiales supérieures sont trés-avancées et s'élèvent beaucoup au-dessus de l'articulation. Lorsque M. Bianconi a publié son Mémoire sur l'Æpyornis, il n'avait malheureusement à sa disposition qu’un fragment d'os tarso-métatarsien qui a pu l'induire en erreur sur les affinités et la place zoologique de l'Oiseau de Madagascar, et il est évident que s'il avait pu en étudier le übra, il aurait reconnu que le plan d'organisation de cet os était complétement différent de celui de tous les Oiseaux de proie et des Sarcoramphes en par- ticulier. En effet, chez ces animaux l'os de la jambe est presque cylindrique ; la crête tibiale antérieure est située irès-près du bord interne de l’os, ne laissant pas eu avant une large surface pour l'insertion des muscles extenseurs du pied; la gouttière de lextenseur commun des doigts est profonde et s'engage sous un pont osseux très-solide; l'extrémité articulaire inférieure est étroite et constituée par deux condyles très-saillants qui laissent entre eux une gorge extrèmement creuse; enfin sur les faces la- iérales il n y a pas de fossette pour l'insertion des ligaments arti- culaires. Ces caractères qui existent chez tous les Rapaces mon- trent les différences profondes qui séparent ces Oiseaux de celui dont l’étude nous occupe ici. Dimensions du tibia de l’AÆpyornis mAxIMUS comparé à celui des espèces voisines. Longueur Largeur Largeur Civconférence totale de l’extrémité de l’extrémité du corps de l'os. supérieure. inférieure. de l'os, Æpyornis maximus. ....., 64,0 19,0 43,5 15,5 Dinornis giganteus, ..,,.. 88,3 19,0 10,0 16,5 Palapteryx robustus. ..... 82,0 49,0 11,0 47,0 Dinornis ingens...,...... 73,9 15,3 9,0 ANSE Dinornis elephantopus. .. 54,4 16,0 10,4 16,2 Struthio camelus, . ....... 49,0 7,9 6,6 10,0 Rhea americana. . ... ..... 39,0 4,5 4,0 7,0 Casuarius galeatus. ...... 38,0 9,2 6,5 8,0 Dromaius Novæ-Hollandiæ. 45,0 6,0 5,0 9,0 Apteryx australis. ..,,,,,. 43,4 2,0 4,7 2,4 176 A. MILNE EDWARDS ET GRANDIDIER. Afin de mieux faire ressortir les différences de proportion qui existent entre ces os, nous placons ici un tableau où toutes les dimensions sont rapportées à la longueur totale du tibia prise comme unité de mesure et représentée par 100. Largeur Largeur Circonférence de l'extrémité de l'extrémité du corps supérieure. inférieure. de l'os, Æpyornis Maximus. ....... Doazo 29,7 24,0 24,2 Dinornis giganteus. ........ CR 120 1188 18,7 Palapteryx robustus......... 0p0co | 267 13,4 20,7 Dinornis ingens-""" "er." "er. 20,8 192 47,9 Dinornis elephantopus....... COUT 49,1 29,8 SÉRULHIONCAMElUS Eee CT ECC 15,3 ns 24,0 Rheatamernicana ee Peer Pre Er ere 42,7 41,4 20,0 Casuarius galeatus....... DO ao DO 13,6 44,9 21,0 Dromaius Novæ-Hollandiæ........ 13,3 41,1 20,0 Apteryx australis. .... .......... 14,9 12,6 47,8 Si Plusieurs fémurs ont été trouvés dans la mare d’Amboulitsate; l’un d’eux est notablement plus grand que les autres (1), et nous nous occuperons d’abord de son examen, parce que ses surfaces articulaires paraissent correspondre par leurs dimensions à celles du tibia dont 1l vient d’être question. I n’est pas un Oiseau chez lequel le fémur présente des pro portions aussi singulières; en effet, sa grosseur est extraordi- naire. Sa longueur est, au contraire, très-faible, et n’équivaut pas même à une fois et demie la largeur de son extrémité infé- rieure. La tête fémorale est incomplète, cependant on peut voir qu'elle était portée sur un col très-court et très-massif. Le trochanter est brisé ; on n’en voit que la base, de façon qu'il est impossible de savoir s’il existait dans ce point des orifices pneu- matiques et quelle était leur forme. L’écartement entre le col du fémur et le trochanter est très-considérable et constitue une surface légèrement déprimée. Le corps de l'os est très-gros et un peu aplati sur les faces antérieure el postérieure ; il s’élargit graduellement en s'appro- chant de l'extrémité imférieure et présente en avant une ligne rugueuse oblique qui indique l'insertion de la portion moyenne du muscle triceps (2). En arrière, la ligne âpre suit le bord ex- (1) Voyez pl. 10 et 14. (2) Voyez pl. 10. SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 4177 terne de l’os et l’on voit, dans la portion moyenne, l'ouverture du trou nourricier. Inférieurement, il existe une fosse énorme au fond de laquelle s'ouvrent de grands orifices pneumati- ques (1). Chez aucun autre Oiseau coureur on n’observe des ouvertures de cette nature aussi considérables, et chez l’A pteryx aussi bien que chez les Dinornis, il n’en existe aucune trace, l'air ne pénétrant pas dans l'os de la cuisse. Cette fosse, que l’on pourrait appeler poplitée, affecte une forme irrégulière- ment triangulaire, la pointe du triangle étant dirigée en haut et la base reposant sur le condyle interne. Ses bords sont abrupts, excepté en dedans et en bas, où ils ont une pente plus douce. L'ouverture pneumatique la plus considérable occupe la partie supérieure et s'enfonce directement dans les cellules osseuses qui occupent l’intérieur de los. Entre cette fosse et le bord in- terne du fémur, on remarque une surface presque ovalaire, très-large et très-rugueuse, sur laquelle devaient s’insérer les fibres de la portion interne des muscles gastro-cnémiens qui devaient avoir une tres-grande force. L'extrémité articulaire inférieure est remarquablement élar- gie (2), et cependant, sur l’exemplaire que nous avons entre les mains, le revêtement osseux superficiel manque presque entière- ment. La gorge rotulienne est très-peu profonde et très-large, les condyles paraissent s’'avancer à peine, celui du côté externe descend un peu plus bas que celui du côté opposé; mais, par contre, ce dernier est plus élargi. En arrière, la poulie inter- condylienne est très-étendue et peu déprimée ; la crête péronéo- tibiale, qui correspond à l'intervalle séparant les deux os de la jambe, est peu saillante et très-rapprochée du bord externe du condyle. En dehors, ce condyle est profondément marqué de rugosités sur lesquelles se fixait le ligament articulaire externe du genou. Ces empreintes sont beaucoup moins accusées du côté opposé. Les Dinornis les plus trapus sont loin d’avoir l'os de la cuisse conformé sur un plan aussi massif que celui que nous venons (4) Voyezpl, 41. (2) Vayez pl. 40. 5€ série, ZooL. T. XII. (Caler n 3.) 12 178 A. MELNE EDWARDS ET GRANDIDIER. de décrire. Chez le Düinornis giganteus, où la longueur de cet os atteint AO centimètres, la circonférence de la diaphyse, mesurée au point le plus étroit, n’est que de 19 centimètres et demi, et la largeur de l'extrémité inférieure dépasse à peine 15 centimètres ; au contraire, pour lÆpyornis, la longueur to- tale de l’os étant de 32 centimètres, là circonférence de la dia- physe est de 27 centimetres, la largeur de l'extrémité tibiale de 19 centimètres et la circonférence de cette mème extrémité de 51 centimètres. Le tableau ci-dessous indique d’ailleurs d'une manière exacte les différences qui existent sous ce rapport entre l'Oiseau de Ma- dagascar et ceux de là Nouvelle-Zélande, ainsi qu'entre les Bré- vipennes qui vivent encore aujourd hui, et 11 montre aussi que le Dinornis elephantopus, qui jusqu’à présent pouvait être cité comme présentant les formes du fémur les plus ramassées, est de beaucoup surpassé à cet égard par l'Æpyornis. En effet, la longueur de l'os de la cuisse est la même chez ces deux espèces, tandis que la circonférence de la diaphyse présente chez lÆ- pyornis près de 8 centimètres de plus. et l'extrémité articulaire inférieure est environ de 5 centimètres plus large. J'ajouterai que chez les Dinornis, le trochanter est toujours beaucoup plus saillant en avant: les condyles inférieurs sont plus avancés, et par conséquent la gorge rotulienne est plus profonde. Enfin, les énormes pertuis aérifères de l'extrémité inférieure achèvent de donner au fémur de l'Æpyornis uñe physionomie toute spé= cale. Dimensions du fémur de l’ÆpxorNis MAxIMUS comparées à celui des espèces voisines. Longüeur Largeur Largeur Circonférence totale de l'extrémité dé l'extrémité du corps de los. supérieure. inférieure. de l'os. Co Æpyorpis Maximus. ...... 32,0 47,6 19,0 27,0 Dinornis giganteus....... 40,0 15,0 15 19,5 Palapteryx robustus....... 39,7 15,0 15,0 20,0 Dinornis ingens......,... 34,5 13,7 44,5 18,0 Dinornis elephantopus..,.. 32,5 14,7 14,9 19,9 Struthio camelus. ...,.:. 30,3 10,0 40,0 12,0 Rhea americana....... .. 23,0 6,0 6,1 7,5 Casuarius galeatus.......: 22,0 5,1 6,0 0,5 Dromaius Novæ-Hollandiæ. 23,0 (Gs4l 7,2 10,0 Apteryx australis ....:.., 9,5 2,0 2,4 20 SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR: 179 Dimensions des mêmes os rapportées à la longueur du fémur prise comme unité de mesure et représentée par 100. Largeur Largeur Circonférence de l'extrémité de l’extrémité du corps supérieure. inférieure. de l'os. Apyornis MAxIMUS. ,.:..4.44 11:17 063;1 99,4 84,4 Dinornis giganteus.............. 37,9 39,2 48,7 Palapteryx robustus..... ........ 12,0 42,0 96,0 DIMOLMSMNEENS. Se EC O0 7 12,0 52,2 Dinornis elephañtopus...,....... . 45,2 45,8 61,2 SHBUUNIONCAIME USE MEN ere 33,3 33,3 40,0 RAP ENCANAEE EE - 26,0 26,0 26,9 CHSUarius paleatus 20000. 23,1 27,0 43,1 Dromaius Novæ-Hollandiæ........ 26,0 32,0 43,5 Apléryx australis. ..,.:...:..5:... 21,0 25,2 35,0 $S h. Il nous parait difficile de rapporter à la même espèce les os- sements dont il vient d’être question, etles fémurs, de beaucoup plus pétite taille, qui ont été trouvés ensemble (1). Ces derniers présentent des caractères généraux identiques et proviennent évidemment d'un Æpyornis, mais d’une espèce probablement différente (2). Ainsi nous ferons remarquer que ces fémurs ne se disunguent pas seulement par leurs dimensions plus réduites, mais aussi par la largeur moindre de la face externe de l'os; il en résulte que toute la portion située entre le trochanter et la nais- sance du col fémoral est beaucoup moins déprimée. La ligne intermuseulaire qui, en avant, marque la surface d'insertion de la portion profonde du triceps crural, est ie1 à peine mdiquée, tan- dis qu’elle est très-saillante sur le fémur de grande taille. La face postérieure (3) est aussi plus arrondie, et la distance qui sépare la fosse poplitée de l’extrémité supérieure est plus grande; la forme de cette fosse profonde est d’ailleurs la même que celle décrite plus haut; les empreintes d'insertion qui la surmontent offrent bien quelques différences, mais on sait que ces carac- tères sont susceptibles de certaines modifications, et l’on doit se garder de leur attribuer une valeur trop considérable. (1) Voyez pl. 12 et 13. (2) Nous la désignerons provisoirement sous le nom d’Æpyornis medius. (3) Voyez pl, 13. 180 A. MILNE EDWARDS ET GRANDIDIER. Nous ne pouvons donner ici toutes les dimensions de ces fé- murs, Car ils sont incomplets, les extrémités articulaires étant plus ou moins entamées. Mais on peut se rendre bien compte des différences qui les distinguent de celui de l'Æpyornis maximus en comparant les figures qui accompagnent ce Mémoire et en consultant les nombres suivants : Fémur Fémur depetitetaille, de grande taille. Circonférence du corps de l’os.........,..,.. 0 00 0.906 21,5 27,0 Longueur mesurée obliquement du trou nourricier à la RÉSNCOMEN OM TONIEE ENS d0 220100 200 00000 11,9 13 Longueur mesurée de l’extrémité supérieure à la base de laffosSepoplitée PRET EEE CE LE ELEC EUENE 25,5 30,0 Largeur de la face externe mesurée au point le plus étroit. 5,0 5,8 Largeur de la face antérieure... ...:............... 7,6 9,0 Largeur de la face postérieure mesurée du bord era à la ligne âpre........... Gi à: 004 OI SE 752) 8,8 Parmi les fragments osseux que M. Isidore Geoffroy Saint Hilaire présenta à l’Académie en 1851, se trouvait la partie su— périeure d’un péroné dont les dimensions ne s'accordent pas. avec celles des tibias trouvés à Amboulitsate ; il provient d’un Oiseau de taille moins considérable, et peut-être doit-on le rap- porter aux Æpyornis auxquels appartiennent les petits fémurs dont nous venons de donner la description. Nous avons remarqué, au milieu des débris retirés de la mare d’'Amboulitsate, un fragment d'os d'Oiseau qui nous paraît pro- venir du fémur d'un Æpyornis de taille plus petite encore que les précédents (1), car la circonférence de la diaphyse n’est que de 12 centimètres, tandis que celle des autres fémurs est de 21,5 centimètres. Il est à regretter que ce fossile soit très-incomplet; en effet, les deux têtes articulaires sont entièrement brisées, et le corps de l'os lui-même est dans un état de conservation qui laisse beaucoup à désirer. Cependant on peut encore reconnaître celte forme trapue et élargie qui caractérise l'os de la cuisse dans le genre Æpyornis. La direction des faces latérales indique (4) Nous désignerons provisoirement cette espèce sous le nom d’Æpyornis modestus. SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 181 que l'extrémité inférieure offrait aussi un développement consi- dérable, mais on ne peut rien préjuger des caractères que pré- sentait la fosse poplitée. En arrière, la ligne âpre est peu saillante et le trou nourricier peu marqué; l’intérieur du cylindre osseux est en partie vide et présente, le long de ses parois, des cellules pneumatiques larges et irrégulières. La longueur totale de ce fémur devait être de 18 centimètres environ. S 6. Les particularités anatomiques fournies par les vertèbres de l’Æpyornis s'accordent complétement avec celles que présen- tent les autres pièces du squelette, et indiquent que le corps de l’Oiseau de Madagascar était comparativement beaucoup plus volumineux que celui des Dinornis. Ainsi M. Owen a fait repré- senter, dans les belles planches qui accompagnent son Mémoire sur les Oiseaux de la Nouvelle-Zélande, quelques-unes des ver- tèbres du Dinornis giganteus et en les comparant à celles que nous donnons ici, 1l est facile de voir qu’elles sont de beaucoup plus petite taille, bien que les pattes du Dinornis giganteus soient beaucoup plus longues. Notre examen n’a pu porter que sur deux des vertèbres. L'une d'elles appartient à la région cervicale (1), elle est remarquable- ment robuste et devait être assez rapprochée de celles de la ré- gion dorsale. Si on la compare aux osselets de la colonne verté- brale de l’Autruche, on est frappé de la différence qui l'en sépare; au lieu d'être grêle et allongée comme dans ce dernier Oiseau, elle est élargie, courte et épaisse. La surface articulaire supérieure du corps de l'os est très-étendue transversalement et à peine creusée sur la ligne médiane (2); la surface articulaire inférieure se prolonge beaucoup latéralement en formant des sortes d'ailes séparées sur la ligne médiane et en avant par une échancrure (3). En dessous, le corps de l'os est large et aplati (1) Voyez pl. 14. (2) Voyez pl. 14, fig. 2, (3) Voyez pl. 14, fig. 3. 182 A. MILNE EDWARDS ET GRANDIDIER. dans sa portion inférieure (1), malheureusement l'état de con- servation de la vertèbre ne permet pas de voir s'il existait sur ce point une gouttière profonde; de chaque côté s'ouvre un trou aérifere grand et ovalaire (2). Les apophyses articulaires supé- rieures sont brisées, mais les inférieures qui sont entières sont très-rapprochées l’une de l’autre, séparées sur la ligne médiane par une échancrure peu profonde et dirigées en avant et en de- hors ; l’espace qu'elles occupent est notablement moindre que celui de la surface articulaire inférieure du corps vertébral qui, en dessous, déborde de chaque eûté, tandis que le contraire a lieu chez la plupart des Brévipennes actuels et chez les Dmormis. L’apophyse épineuse est très-peu marquée, elle se bifurque in- férieurement pour limiter la fossette dans laquelle s’insère le ligament intervertébral. Il est à regretter que cette portion de l'os soit fortement endommagée et qu'il soit impossible de se rendre compte de la profondeur de cette fossette (3). La seconde vertèbre que nous avons entre les mains fait partie des premières de la région dorsale (4). Elle est énorme et montre quelles devaient être les dimensions de la charpente thoracique de l’Oiseau de Madagascar. Le trou vertébral destiné au passage de la moelle épinière y est cependant extrèmement étroit; c'est à peine s’il est possible d'y introduire le petit doigt (8). Le corps vertébral est tres-sur- baissé, très-élargi, et porte en dessous une large apophyse épi- neuse sur la longueur de laquelle nous n'avons aucune indica- tion, car elle se trouve brisée près de sa base, En avant, il s’élargit notablement et fournit ainsi une surface fort étendue, entièrement occupée par l'articulation. Celle-ci est large, épaisse et peu déprimée, ses bords latéraux sont tellement usés que l’on ne peut apercevoir les fossettes articulaires costales. La surface articulaire inférieure est beaucoup plus petite, concave d'avant (1) Voyez pl. 44, fig. 5. (2) Voyez pl. 14, fig. 1 (3) Voyez pl. 14, fig. 5 (4) Voyez fig. 15 et 16. (5) Voyez pl. 16. SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 183 en arrière ou plutôt de haut en bas et convexe transversalement, Sur ses côtés, en avant, on voit une petite dépression destinée à loger le prolongement articulaire latéral de la vertèbre qui vient ensuite. Les lames, au-dessous de l’apophyse transverse, sont creusées d’une vaste ouverture aérifère. Les apophysesarti- culaires antérieures sont massives, courtes et portent une facette arrondie et dirigée en haut et en dedans. De chaque côté, on voit en arrière une fosse étroite et très-profonde, limitée posté- rieurement par l’apophyse épineuse dans laquelle s’attachait le ligament intervertébral. Ces deux fosses sont séparées par une cloison osseuse. L'apophyse épineuse supérieure dont il n'existe que la parte basilaire est très-renflée; elle circonscrit en arrière une dépression profonde qui s'étend aussi entre les apophyses articulaires postérieures et dans laquelle s’insère un ligament intervertébral. ST L'os du pied fournit d'ordinaire d'excellents caractères pour la détermination des oiseaux, aussi est-on en droit de s'étonner que l'étude des fragments de cet os que l’on possède n’ait pas conduit pour l'Æpyornis à des résultats plus positifs et surtout plus concordants que ceux auxquels sont arrivés les divers natu- ralistes qui se sont occupés de cette question. Nous avons déjà eu l’occasion de dire que Isidore Geoffroy Saint-Hilaire considé- rait l'oiseau de Madagascar comme un Brévipenne, mais que Valenciennes croyait, au contraire, qu'il se rattachaït au groupe des Pingouins et des Manchots, tandis que M. Bianconi le rangeait parmi les Rapaces à côté des Condors. C’est surtout sur la con- stitution de los de la patte que se fondaient pour justifier leur opinion les deux derniers auteurs dont nous venons de citer les noms. Les fragments du tarso-métaiarsien qu'ils avaient sont très-mcomplets. L'os est brisé un peu au-dessus de la naissance des trochlées articulaires destinées à supporter les doigts; on ne peut, par conséquent, ni se faire une idée com- plète de ses proportions générales, ni profiter des indications si utiles que présente son extrémité supérieure. C’est ainsi que 184 4%. MELNE HIDNVARDS KT GERANDENENER. l’on peut s'expliquer les divergences d'opinions que nous ve- nons de rapporter. Depuis l’époque où ces ossements ont été cédés au Muséum d'histoire naturelle par M. Abadie et en- suite répandus dans toute l'Europe à l’état de moulages, le Muséum a recu, de M. Liénard, communication d’un morceau beaucoup plus complet que l’on s’est emptessé de faire mouler et qui nous permettra d'ajouter quelques faits à ceux déjà con- nus. Cet os est non-seulement plus complet que ceux que l'on possédait, mais ses dimensions sont aussi un peu plus considéra- bles (1). Le caractère le plus saillant de ce métatarsien réside surtout dans son élargissement combiné avec un aplatissement très-notable dans le sens antéro-postérieur; ainsi la largeur de la diaphyse, mesurée au point le plus étroit, est de 8 centimètres, tandis que son épaisseur n'est pas de 4 centimètres. Lorsque l’on n'avait pour guide que la partie inférieure de ce métatarse, on devait naturellement penser qu'il appartenait à un oiseau de taille énorme, car si on lui compare son analogue chez le Dinor- nis giganteus, on voit que la diaphyse de l'os du pied de cette espèce gigantesque ne mesure que 5 centimetres et demi de lar- geur, c’est-à-dire plus d'un tiers de moms; or la taille totale de ce dernier oiseau devait être de à mètres, ce qui d'après ces calculs aurait donné à l’Æpyornis au moins 3°,60 de hauteur. L'étude que nous venons de faire des autres os de la patte montre combien on se trompait en prenant ces mesures comme base pour le calcul de la hauteur de l'animal. L'extrémité inférieure du tarso-métatarsien se compose de trois trochlées extrêmement fortes et assez écartées les unes des autres. La médiane dépasse de beaucoup les autres, non-seulement en grosseur mais aussi en longueur ; elle porte sur ses deux faces laté- rales une dépression profonde et surtout extrêmement étendue destinée à l'insertion des ligaments de la phalange digitale corres- pondante. La gorge de la poulie, limitée par des bords épaiset peu saillants, est très-oblique par rapportà l'axe de l’oset se tourne en bas et en dehors. L’échancrure interdigitale externe est très-large et se prolonge beaucoup en haut où elle se continue avec le {canal (1) Voyez pl. 6, SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 185 dans lequel passe le tendon du muscle adducteur du doigt externe qui, chez | Æpyornis, de même que chez le Casoar à casque, n’est pas recouvert par une bride osseuse. La trochlée externe se pro- longe un peu moins que la précédente ; elle est légèrement dirigée en dehors et creusée d’une gorge à peine marquée, si ce n’est à sa base. Sur tous les exemplaires jusqu'ici connus du métatarse de lÆpyornis, la trochlée interne est incomplète : on peut cepen- dant voir qu’elle est plus petite que celle du côté opposé; elle se dirige en dehors et se prolonge un peu plus que la précédente. Sur la face postérieure de l'os on ne remarque aucune trace de la fossette dans laquelle s'attache d'ordinaire le métatarsien du pouce (L),d’où l’on peut conclure que ce doigt n'existait pas ou qu'il était extrèmement réduit, et par ce caractère l'Æpyornis se rapproche des Dinornis et s'éloigne des Palapteryæ. À une faible distance au-dessus de l'extrémité digitale, la face antérieure de l'os se creuse d’une large gouttière longitudinale au fond de laquelle on voit en haut la trace des deux sillons qui de- vaient prolonger intérieurement les pertuis indiquant la sépara— tion primordiale des trois éléments du métatarse (2). La présence de ces sillons a une très-grande importance, car elle montre que l'os est presque entier, et elle permet de mesurer très-approxi- mativement quelle devait en être la longueur. En effet, les pertuis dontilestquestion sont toujours placés immédiatementau -dessous de l'extrémité tarsienne. On voit aussi l'os s’élargir dans ce point pour constituer la tête articulaire supérieure. On peut d’après la position de ces sillons se convaincre que l'os du pied de l'Æpyor- nis ne devait pas avoir plus de 37 ou 38 centimètres. Enfin, pour terminer ce qui est relatif aux caractères anatomiques du tarso-métatarsien nous ajouterons que la face postérieure de l’os est légèrement renflée dans sa portion médiane correspondante au métatarsien du milieu, tandis que les bords latéraux sont extrêmement amincis (3). Le nombre des articulations qui terminent le métatarse sépare (4) Voyez pl. 6, fig. 4. (2) Voyez pl. 6, fig. 1. (3) Voyez pl. 6, fig. 2. 156 A. MILNE EDWARDS ET GRANDIDIER. nettement l'Æpyornis des Struthis, où il n'y à que deux doigts. L'oiseau de Madagascar se distingue aussi nettement des Rhea, des Dromaius et des Apteryæ par l'absence d’un canal tubu- laire pour le passage du tendon du musele adducteur du doigt axterne; ils’en sépare également par la forme aplatie d'avant en arrière du corps de l'os. Dans le genre Casuarius, le tendon de l’adducteur du doigt externe passe dans une simple gouttière comme chez lÆpyornis, et ce qui augmente encore les analogies qui existent entre ces oiseaux, c'est que la face antérieure de la diaphyse est creusée d'une gouttière profonde qui est aussi marquée chez le Casoar de Bennett que chez le Casoar à casque, mais les trochlées digi- tales de ces derniers sont beaucoup plus resserrées; celle du côté interne est plus petite, et enfin l'os est notablement plus épais. Le métatarsien des Dinornis et des Palapteryxæ est dépourvu du canal tubulaire inférieur, et il ressemble aussi beaucoup à celui de l’'Æpyornis par la disposition générale et relative des poulies articulaires ; mais chez ces oiseaux de la Nouvelle-Zé- lande les trochlées latérales sont plus fortes, celle du côté interne descend davantage, la saillie formée sur la face postérieure par le métatarsien médian est moins marquée et les lignes intermus- culaires qui s'en détachent inférieurement sont à peine imdi- quées, tandis qu'elles existent très-nettement chez | Æpyormis. Par la comparaison des os du pied, on trouve que l'Æpyornis présente beaucoup plus de ressemblance avec les Dinornis qu'a- vec toute autre espèce, mais qu'ilen diffère cependant dans des limites qui ne permettent pas de le cohsidérer comme apparte- pant au même genre. M. Bianconi n'a pas reconnu ces analo- gies, et dans ie mémoire très-étendu que nous avons déjà cité, il s’est attaché à démontrer que le métatarse de lÆpyornis est celui d’un oiseau de proie. Si l’on étudie la constitution de cette partie du squelette chez les Rapaces diurnes, on y reconnaît des modifications importantes qui correspondent à deux sous-famil- les parfaitement naturelles, la première comprend les Aigles, les Faucons, les Vautours, ete.; la seconde ne se compose que des Sarcoramphes. Chez les oiseaux de proie de la première de ces SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR, 187 divisions, l'os du pied porte trois trochlées extrêmement vigou- reuses, toutes situées à peu près à la même hauteur, toutes courtes et trapues. Celle qui supporte le doigt mterne est beau- coup plus large que les autres et se prolonge beaucoup en de- hors; celle du côté externe se prolonge notablement en arrière, de facon que l'extrémité articulaire inférieure considérée dans son ensemble parait disposée sur une ligne fortement arquée, Chez les Sarcoramphes, cette courbe est beaucoup moins indi- quée, et l'os est mamifestement comprimé d'avant en arrière ; sa face antérieure se creuse même d'une gouttière longitudinale qui, au voisinage de l'articulation tarsienne, devient très-profonde. Il en résulte qu'à première vue cette partie semble offrir quel- que ressemblance avec son analogue chez l'Æpyornis, mais il y a d'autre part des caractères fondamentaux mdiquant qu'il existe des différences considérables entre ces oiseaux. Il en est une qui frappe tout d'abord, c’est la présence d’une fossette profonde creusée sur le bord interne de l'os et destinée à recevoir le métatarsien basilaire du pouce si développé chez tous les oiseaux organisés pour déchirer les lambeaux des chairs dont ils font leur nourriture. Cette fossette manque chez l'Æ- pyornis ; cet oiseau n'élait pourvu que de trois doigts antérieurs. Comment accorder ce mode d'organisation avee les faits rappor- tés par Marco Polo? Comment peut-on se figurer qu’un oiseau dépourvu de pouce ait été capable d'enlever des proies volumi- neuses pour les transporter dans son repaire ? Nous voyons donc que le caractère essentiel aux Rapaces manque complétement. Nous pourrions signaler encore de nombreuses différences. Ainsi chez aucun Rapace nous ne voyons manquer le canal osseux dans lequel s'engage le tendon du muscle adducteur du doigt externe; ce canal se prolonge même en une gouttière sur la face antérieure de l'os, indiquant par ses proportions la force du muscle qui le remplit. Chez les Sarcoramphes la gorge de la trochlée médiane est placée dans l'axe de l'os et ne présente pas l'obliquité si prononcée que l’on remarque chez l'Æpyornis et qui n'aurait pas été compatible avec les mouvements des serres d’un Rapace. La trochlée interne est arrondie en avant et plus élargie 1358 A, NIELNE EDNWVARDS ET GRANDIDIER. que l’externe, car elle donne attache à un doigt puissant, tandis que chez l’'Æpyornis le doigt interne devait être relativement faible, la poulie sur laquelle il s'articule étant étroite et courte. I est facile de se convaincre que ce n’est que par des particularités d’une valeur tout à fait secondaire que le métatarsien de l'Æ- pyornis ressemble à celui des Sarcoramphes, tandis qu’au con- traire il en diffère par tous ses caractères fondamentaux. 1] ne nous paraît pas utile de discuter longuement les relations qui existent ou plutôt qui n'existent pas entre l'os du pied de l'oiseau de Madagascar et celui des Apténodytes et des Sphé- nisques. En effet, chez ces oiseaux, les éléments primordiaux du mé- tatarse sont nettement séparés par des sillons profonds, les trochlées digitales sont très-courtes et celle du côté interne se dirige fortement en dedans. Il en résulte une conformation complétement différente de celle de l'oiseau de Madagascar. Dimensions du tarso-métatarsien de l'ÆpyorNis MAxIMUS comparé à celui des espèces voisines. Longueur Largeur Circonfé- Largeur Largeur de de l’extrémité rence du corps ? delatrochlée l'os. inférieure, de l'os. de l'os. médiane. Æpyornis maximus (4).......... 37,09 14,5 20,0 8,0 5,2 Dinornis giganteus. ............ 46,5 13,5 15,8 5,6 4,9 Palapteryx robustus........,..... 39,5 13,3 41373 9,0 5,9 Dinornis elephantopus.. :........ 23,2 3,9 16,4 6,1 5,3 Struthio:camelus. en 42,0 6,0 9,5 7 3,6 Rhea americana. .............. 34,0 A,2 6,0 1,8 4077 Casuarius galeatus.............. 28,9 5,5 8,0 50) DD Dromaius Novæ-Hollandiæ....... 40,0 2,9 9,0 EU DUT Apteryx australis...,............ AE 21 2,4 0,8 0,8 & 8. Les parties du squelette que nous venons d'étudier nous per- mettent maintenant d'établir avec précision quelles sont les affi- nités naturelles de l'Æpyornis de Madagascar et de rétablir en partie ses formes extérieures. 1] ne peut plus être aujourd’hui question de rapprocher l'Æ- (4) Cette mesure de 37 centimètres pour le tarso-métatarsien de l’Æpyornis maximus n’est donnée que comme probable. SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 189 pyornis des Rapaces; évidemment 1l appartient au groupe des Brévipennes, mais il doit constituer parmi eux un type parfai- tement caractérisé par ses formes massives, par ses pattes d’une grosseur dont on à peine à se former une idée. Ces caractères l’éloignent à la fois des Autruches, des Nandous, des Casoars et des Emeus pour le rapprocher davantage des Dinornis et des Apteryæ. Cependant il y a entre lui et ces deux genres des diffé- rences fondamentales qui ressortent de l'examen que nous avons fait des particularités anatomiques fournies par chacun des os considéré isolément. Par l'existence d’un pont osseux qui bride le tendon du muscle tibial antérieur, les Dinornis s'éloignent de tous les autres Brévipennes. Ils ont, par cela même, un caractère plus gallide, mais, de même que chez l’Apteryæ, l'air ne pénètre pas dans le fémur; tandis que nous y avons trouvé chez l'Æpyor- nis des orifices pneumatiques très-développés, ce qui indique des différences profondes dans l’organisation imtérieure. L'oiseau de Madagascar ne pouvait présenter de diaphragme complet ana- logue à celui de l'Apteryæ, et les réservoirs aériens devaient être chez lui au moins aussi développés que ceux de l’Autruche ou des Casoars. L'Æpyornis se rattache donc à une forme ornithologique bien distincte de celle qui comprend, soit les Dinornis, soit les Apte- ryæ, soit les autres Struthioniens. Ce genre doit même consti- tuer une famille spéciale qui comptait plusieurs représentants, car d’après les ossements trouvés à Amboulitsate, il paraîtrait y avoir eu là trois espèces bien distinctes : l’'Æpyornis maximus, l'Æpyornis medius et l'Æpyornis modestus. Cette dernière n’au- ralt guère dépassé la taille de la grande Outarde. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, en se basant sur les rapports qui existent chez les Brévipennes actuels entre la grosseur de l'œuf et les dimensions de l'oiseau, pensait que la hauteur totale de l'Æpyornis devait être d'environ 3",60, et par conséquent su- périeure à celle du Dinornis giganteus, qui, d’après M. R. Owen, serait au-dessous de à mètres. Cette évaluation ne reposait pas sur des bases assez certaines pour donner des résultats exacts, car on sait que les dimensions des œufs varient dans des limites 190 A. MILNE EDWARDS ET GRANDIDIER. qui ne sont pas en rapport avec le volume des oiseaux qui les ont produits, et l’on peut citer l’Apteryx comme le meilleur exemple d’un animal de petite taillé pondant un œuf énorme. Aujourd’hui que nous avons, dans un état de conservation qui laisse peu à désirer, presque toutes les pièces du squelette de la patte, nous pouvons arriver à en déduire approximativement la taille de l'Æpyornis. Ces os sont tous beaucoup plus courts que ceux du Dinornis giganteus; ainsi nous rappellerons que chez l'oiseau de Madagascar, le tarso-métatarsien ne devait guère dépasser 37 à 38 centimètres. Le tibia mesure 64 centimètres et le fémur 32, ce qui donne une longueur totale de 1°,33 pour tous ces os placés dans une extension forcée. Chez l'espèce co- lossale de la Nouvelle-Zélande le métatarse atteint 46 centime- tres, le tibia 88 et le fémur 40. Ces pièces placées bout à bout mesurent 1,74. Il existe donc une bien grande différence de taille en faveur de cette dernière. Pendant la station normale des oiseaux, la cuisse n’est jamais complétement étendue sur la jambe ; elle forme, au contraire, avec elle, un angle variable, mais peu ouvert, et le tibia est lé- gèrement fléchi sur le métatarse, de façon que si l'on veut con- naître la hauteur réelle de l'articulation coxale du bassin, on ne peut y arriver en additionnant les longueurs des différents os dont se compose la patte, mais l'expérience nous a montré que l'on arrive à un résultat approximativement exact, eû ajoutant aux longueurs totales du métatarse et du tibia les deux tiers de celle du fémur. D'après ce caleul, l'articulation coxo-fémorale de l’Æpyornis maæimus ne se trouverait qu'à 1°,24 du sol; celle du Denornis giganteus à 1”,65. Chez la plupart des oiseaux brévipennes, le corps est très-peu oblique et d'ordinaire affecte une posilion presque horizontale ; il suffit done, pour connaître la hauteur du dos de l'animal, d'a jouter aux nombres, ainsi obtenus, la hauteur de la partie du bassin, située au-dessus des cavités cotyloïdes, hauteur peu con- sidérable et qui, chez l'Æpyornis ne devait pas dépasser 10 où A centimètres. En appliquant ces principes, on trouve que la = SUR L'ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 192 région dorsale de l'oiseau dont l'étude nous occupe ici ne devait être élevée que de 1,40 à 1°,45, tandis que celle du Dinornis giganteus atteignait 1°,75 à 1",80. La longueur du cou des oiseaux est d'ordinaire proportionnée à celle des pattes, excepté chez certains Palmipèdes qui, devant aller, péndant qu'ils nagent à la surface de l’eau, chercher au fond leurs aliments, ont le cou beaucoup plus long que ne paraissent le Comporter leurs pattes très-courtes, Il faut aussi noter que, chez les oiseaux terrestres et marcheurs, la longueur du bec supplée à la brièveté du cou, ainsi que cela se voit chez les Ibis, les Cigognes, les Courlis, les Barges, les Apteryx, de telle sorte qu'il est impossible d'établir d’une manière absolue les dimensions du cou d’après celles des pattes. De plus, la por- tion cervicale de la colonne vertébrale ne s'étend pas en ligne droite, elle offre plusieurs courbures qui diminuent notablement sa longueur ; ainsi elle affecte la forme d’un S dont les courbures s'effacent plus ou moins suivant les besoins de l'animal. Chez l’Autruche, le cou est notablement plus long que chez le Casoar à casque, et comme nous savons que c’est surtout de ce dernier oiseau que se rapproche l’Æpyornis, nous devons penser que les proportions devaient avoir quelques rapports chez ces deux espèces. En calculant ainsi, nous arrivons à penser que la hau= teur totale de l’oiseau de Madagascar ne devait guère dépasser 2 mètres, c'est-à-dire la taille d’une grande Autruche; tandis que celle du Dinornis giganteus devait varier entre 2°,50 et 3 mètres, On peut voir d’après cela que nous sommes bien loin des dimen- sions que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire attribuait à l'oiseau de Madagascar. Mais si l'Æpyornis n’était pas le plus grand de tous les oiseaux, c'était évidemment le plus gros et le plus mas- sif, Le plus éléphant, si nous pouvons nous exprimer ainsi. 8 9. À l'époque où l’on découvrit les œufs de l’'Æpyornis, on pou- vait penser que l'oiseau qui les avait produits vivait encore dans les parties les plus inaccessibles de l’île de Madagascar; mais au- jourd’hui que cette terre a été mieux explorée, il n’est plus pos- 192 A. MILNE EDWARDS ET GRANDIDIER. sible d'espérer que nous connaîtrons jamais complétement ce type ornithologique si intéressant, et l’un de nous a pu s'assurer que sur la côte sud-ouest, où l’on rencontre fréquemment des frag- ments d'œufs, les habitants les plus âgés non-seulement n’ont Jemais entendu parler de l'Æpyornis, mais qu'il n'existe parmi eux aucune légende, aucune tradition pouvant se rapporter à cet oiseau. Il est permis de se demander si c’est à l'Æpyornis que doivent s'appliquer quelques lignes que Flacourt, dans son histoire de Madagascar, consacre à un oiseau de grande taille. Nous repro- duisons ce passage : OYSEAUX QUI HANTENT LES BOIS. « Vouron patra.— C’est un grand oyseau qui hante les Am- patres et fait des œufs comme l’Autruche; c’est une espèce d'Autruche. Ceux desdits lieux ne le peuvent prendre, il cherche les lieux les plus déserts (4). » D'après les débris osseux trouvés récemment à Amboulitsate, il y a lieu de croire qu'il existait plusieurs espèces d'Æpyornis de tailles différentes, savoir : l'Æpyornis maximus, V Æpyornis medius et l’'Æpyornis modestus. Les plus petites ont dû persister plus longtemps que ces géants de la création ornithologique et c’est peut-être à l’une d'elles que fait allusion Flacourt. Ce sort peut-être aussi les œufs du J’ouron Patra dont Goudot avait re- cueilli des fragments. L'étude du squelette nous montre que l'Æpyornis n’était pasun oiseau de proie, par conséquent on ne peut le reconnaître dans la description que Marco-Polo nous a laissée du Roc ou du Rue, si toutefois cette description est exacte et si le Roc était effective- ment un Rapace grand voilier; mais le célèbre navigateur ne parle de cette espèce que par ouï-dire et non pas d’après ses propres observations, aussi est-1l probable qu'il s’est fait sim- plement l'mterprète des traditions relatives à un oiseau colos- (1) De Flacourt, Histoire de la grande île de Madagascar. Paris, in-4°, 1698, p.165. SUR L' ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 193 sal qui aurait vécu longtemps auparavant à Madagascar, tra- ditions qui se seraient perpétuées jusqu'à l’époque de son voyage (1). On trouve dans un ouvrage publié en 1696, sous le nom de Furteriana, ou les bons mots et les remarques de M. Fure- tières, une lettre envoyée de Sansaco en l’isle de Madagascar à Monsieur l'abbé de ***, par M. l'abbé de *‘*, sur son voyage. Cette prétendue lettre n’est d’un bout à l’autre qu'un tissu de fables et d’absurdités au milieu desquelles sont noyées quelques vérités et où l’on retrouve encore ce souvenir d'un oiseau gigan- tesque, et c’est à ce point de vue que nous reproduisons ce pas- sage (2) malgré les contes et les faussetés évidentes qu'il contient, (1) «Sunt et aliæ insulæ ultra Madagascar versus meridiem...... et in illis certo » anno tempore apparet mirabilis species avis, quæ Ruc appellatur, aquilæ quidem » habens effigiem, sed immensæ est magnitudinis. Ajunt qui illas viderunt aves, pleras- » que alarum pennas in longitudinem continere duodecim passus, spissitudinem vero » ejus proportionem tenere longitudinis, et totum avis corpus pennis in proportionem » respondere ; avis vero ipsa tantæ fortitudinis, ut sola sine aliquo adminiculo E/ephan- » tem capiat, et in sublime sustollat, atque rursum ad terram cadere sinat quo carnibus » ejus vesci possit. Ego Marcus cum primum hæc de illa ave audissem, putabam esse » Gryphonem, qui inter quadrupedia dicitur esse pennatus, Leoni ex omni parte » similis, nisi quod faciem Aquilæ habet similem : Sed ki qui aves illas viderant » constanter asserebant, nihil illis commune esse cum ulla bestia, et quod duobus » ut reliquæ aves incederent pedibus. (2) Entre ces oiseaux, il s’en trouvait d’une espèce dont la grandeur étonne les étran- gers qui n’en ont jamais vu de semblables. Ils sont beaucoup plus grands que les Autruches, leur plumage est bleu et de couleur de pourpre, ressemblant à celui de ces grantdis Perroquets qu'on nomme en France Papoques ; perchent et font leurs nids dans des baricotiers, qu’ils composent de pièces de bois aussi bien assemblées que la char- pente d’une maison; ces nids ont au moins vingt pieds de diamètre; il est presque impossible de les détacher, parce que les plus petites branches des Baricotiers sont plus grosses que les plus grosses poutres et couvertes de piquants gros comme le petit doigt et longs de huit pouces. Les insulaires s’en servent pour armer leurs flèches quand ils vont eu guerre. Ces oiseaux sont si forts qu'ils enlèvent les Moutons, quelque grands qu'ils puissent être, et n’épargnent pas même les hommes quand ils les trouvent seuls et que la faim les presse, ce qui oblige les habitants voisins des forêts où ils se retirent d'aller presque toujours accompagnés d'un Tigre apprivoisé pour les défendre au besoin, car ils craignent extrêmement les Tigres et les Panthères, quoiqu'ils fassen fuir les Lions, épouvantés, à ce que l’on dit, de leurs cris semblables à celui de nos Cogs, mais cent fois plus forts, on les entend de dix lieues pendant la nuit. Ce qui est étonnant, c’est que quelque grands que soient ces oiseaux, leurs œufs ne sont pas plus $ros que ceux d’une Oie, ce qui fait dire aux Portugais la même chose qu’on dit par 5e série. ZooL. T. XIL. (Cahier n° 4.) 1 | 13 19h A. MILNE EDWARDS ET GRANDIDIER. et qui ne peuvent donner qu'une faible idée de l’invraisemblance de tout le reste du chapitre. S1 les écrits des anciens voyageurs ne peuvent nous éclairer sur l’époque où l'Æpyornis a cessé d'exister, nous trouvons sur les ossements quelques indications plus précises qui nous prou- vent que cette espèce avait été, à Madagascar, contemporaine de l’homme. Effectivement, sur le tibia le mieux conservé qui a été recueilli à Amboulitsate, on voit à l'extrémité supérieure des empreintes profondes pratiquées à l’aide d’un instrument tran- chant; il semble évident que ces incisions ont été faites en cou pani les ligaments du genou pour séparer l'os de la jambe de celui de la cuisse, et elles décèlent la main de l’homme. Sur un des fragments du métatarse que M. Isidore Geoffroy Saint-Hi- laire avait eu entre les mains, on voit aussi quelques incisions, mais beaucoup plus superficielles et très-semblables à celles qui existent sur certains ossements des cavernes et que l’on est au- jourd’hui d'accord pour considérer comme le résultat du travail de l’homme. Il ressort donc clairement de ces faits que l’Æpyornis a vécu à une époque où l’homme habitait déjà Madagascar, mais que, dépourvu de moyens de défense et probablement aussi d'intellh- gence, il a été rapidement détruit, et que les voyageurs des xvr' et xvu' siècles n’ont pu que recueillir sur son compte les souvenirs déjà anciens et, par conséquent, mêlés de merveilleux que les tribus sauvages se transmettaient de génération en génération. Nous ferons aussi remarquer que l’existence à Madagascar d’une population de grands oiseaux, dont la conformation se rapproche de celle des Dinornis, des Apleryæ et des Casuarius semble établir de nouveaux liens entre la Nouvelle-Zélande et les îles Mascareignes qui, au premier abord, paraissent si éloi- admiration du Crocodile, Sic crescit ab ovo. Le gouverneur en a un privé que l'on à dressé à porter un homme en l’air qui le conduit avec une petite corde passée dans son bec. On dit que cet oiseau sous cette charge pourrait faire vingt lieues en une heure, si l’on voulait courir la poste sur une monture aussi bizarre. 11 porte un homme avec autant de facilité qu’un Faucon enlève un Pigeon. J'ai été témoin oculaire de ce pre- dige, et c'est à mon avis la chose la plus merveilleuse qui soit ici. SUR L ÆPYORNIS DE MADAGASCAR. 195 gnées, mais qui probablement se rattachaïent à une vaste éten- due de terres dont il ne reste plus aujourd’hui que quelques par- ties émergées. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 6. Fig. 4. Tarso-métatarsien de lPÆpyornis maximus dont la partie articulaire supé- rieure manque, vu par sa face antérieure, de grandeur naturelle. Fig. 2. Face interne du même os. PLANCHE À. Tibia de l'Æpyornis maximus, vu par sa face antérieure, de grandeur naturelle ainsi que les figures suivantes. PLANCHE 6. Face postérieure du tibia de l'Æpyornis maximus. PLANCHE 9. Fig. 1. Extrémité articulaire inférieure du tibia de l'Æpyornis maximus, vue en dessous. Fig. 2. Extrémité articulaire supérieure du même os, vue en dessus, et montrant des incisions faites probablement de main d'homme. PLANCHE 410. Fémur de l’Æpyornis maximus, vu par sa face antérieure, PLANCHE 41. Fémur de l'Æpyornis maximus, Vu par sa face postérieure. PLANCHE 12. Fémur de l'Æpyornis medius, vu par sa face antérieure, de grandeur naturelle. PLANCHE 13. Fémur de l’Æpyornis medius, vu par sa face postérieure. 196 A. MILNE EDWARDS ET GRANDIDIER. PLANCHE 14. Fig. 1. Vertèbre cervicale de l'Æpyornis maximus, vue de côté. Fig. 2. Face supérieure du même os. Fig. 3. Face inférieure. Fig. 4. Face antérieure, Fig. 5. Face postérieure. PLANCHE 15. Fig. 1. Vertèbre dorsale de l'Æpyornis maximus, vue de côté. Fig. 2. Face inférieure du même os. PLANCHE 16. Vertèbre dorsale de l'Æpyornis maximus, vue par sa face articulaire antérieure. RECHERCHES SUR LES PÉDICELLAIRES ET LES AMBULACRES DES ASTÉRIES ET DES OURSINS, Par M. Edmond PERRIER, Aiïde-naturaliste au Muséum. HISTORIQUE. 0. F. Müller, dans sa Zoologia Danica (t. 1, p. 16), a le pre- mier signalé l'existence sur les Oursins de certains organes, qu'il ? prit pour des Polypes parasites, et qu'il déerivit comme tels sous le nom de Pedicellaria. C'est encore ainsi qu'ils furent décrits par Lamarck, dans son Histoire des animaux sans vertèbres. La question n’était pas plus avancée, lorsqu’en 1841, Valentin publia, dans les Monographies d’Échinodermes d’Agassiz, sa belle anatomie de l’Echinus lividus. Muller avait décrit trois espèces de Pédicellaires : les P. glo- bifera, triphylla et tridens. Valentin (Anatomie du genre Echinus, p. A6) les considère comme très-probablement identiques avec ceux qu’il a trouvés sur son Échinus, et décrits sous les noms de P. ophicéphale, gemmiforme et tridactyle. Toutefois, 1l ressort de la rédaction de son texte que les Pédicellaires sont pour lui non pas des animaux parasites, mais simplement des organes dépen- dant soit du test, soit de la membrane buccale. Les figures qu'il donne de ces organes (pl. 4) sont très-sensiblement exactes, et il n'est pas étonnant que les idées qu’il en avait le fussent aussi. La description des Pédicellaires. buccaux semble l'avoir beaucoup embarrassé, et, tant par ses figures que par son texte, il est diffi- cile d’en prendre une idée exacte. 198 E. PERRIER. Valentin a étudié les Pédicellaires chez l £. hividus, VE. bre- vispinosus et l'E. sphæra. À Ja fin du chapitre qui les concerne, il écrit formellement : « L'usage de ces petits organes n’est pas encore connu d’une manière précise. On est naturellement porté à les considérer comme des organes de préhension, d'autant plus qu'ils s'ou- vrent et se ferment comme les doigts de la main, comme Monro l'a observé le premier... Mais sil est vraisemblable que ce soient des organes de préhension, leur utilité n’en est pas encore démontrée, attendu qu'il n'existe dans leur voisinage aucun canal par lequel ils puissent faire passer les objets qu'ils au- raient saisis. Les transmettent-ils de l'un à l’autre jusqu'à la bouche? Cette hypothèse est peu vraisemblable, attendu qu'il existe à la base de la membrane buccale, à côté des branchies externes, une interruption dans leur succession. …. Quoi qu'il en soit, que l’on envisage les Pédicellaires comme des organes de préhension ou qu'on leur assigne d’autres fonctions, leur nombre et la constance de leur disposition suffisent pour nous convaincre de leur importance. » À cette époque, Sars venait de faire connaître ses beaux tra- vaux sur le développement de l’Asterias sanguinolenta. Sous l'empire de l'admiration que lui inspirait cette découverte, Agassiz émit l’idée que l’on ne pourrait éclaireir la nature des Pédicellaires qu'après avoir étudié l’embryogénie des Oursins, et il ajouta en note, aux déclarations mêmes de Valentin, qui regar- dait ces Pédicellaires comme des organes des Oursins, une re- marque dans laquelle on trouve la phrase suivante : «Je ne puis me défendre de l’idée que les Pédicellaires ne soient des em- bryons des Oursins qui, après leur éclosion, se fixeraient sur le test de leur mère. La ressemblance frappante qu'ont les arceaux des Pédicellaires avec l'appareil masticatoire des Oursins ne paraîtra pas un paradoxe, si l’on considère la diversité des formes qu’affectent les Pédicellaires sur le même Oursin, et surtout si l’on se rappelle que les Comatules, avant de devenir libres, sont aussi pédiculés, comme nous l’a appris M. Thomson. » On connaît aujourd’hui le développement des Oursins, et PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 199 d’ailleurs, l'existence constante des Pédicellaires avec leur forme caractéristique chez les Oursins de tout âge, combat suffisam- ment l'hypothèse de M. Agassiz. En étudiant l’embryogénie des Oursims, le fils même de M. Agassiz à d’ailleurs signalé l’époque à laquelle apparaissent ces organes. Avant Valentin, Delle Chiaje (Memorie sulla storia e notomia degli animali senza vertebre degli regno di Napoli, t, IE, p. 324) déclare qu'il ne se range pas à l’opinion de Lamarck, adoptée par Cuvier, à savoir que les Pédicellaires sont des Polypes. « Ils font, dit-il, partie intégrante des Oursins, et leur servent à saisir les corps voisins, et aussi à retenir les animaux dont ils font leur nourriture. » Delle Chiaje décrit et figure, mais très-grossièrement, les Pédicellaires de l'Echinus edulis, de VE, neglectus, de VE. cida- ris, de l’Æ. Napolitanus, de l'E, saxatilis et de VE. spatagus. N faut ajouter que ses figures sont tout à fait insuffisantes pour donner une idée même générale de la constitution des organes qui uous occupent (pl. XXI, XXE, XXEV et XXV). Delle Chiaje décrit ausst et figure, d’une manière assez recon- naissable, l'une des espèces de Pédicellaires que l’on trouve sur l’Astérie, désignée par lui sous le nom d'A. Savaresi, et que l'on peut reconnaitre, rien qu'à ce Pédicellaire, pour un Asté- racanthion (pl. XVII). L'ouvrage de Delle Chiaje date de 1825. En 1842, Erdi, dans Weigman’s Archiv (pl, 2), a publié quelques figures de Pédicellaires d’Oursins ; mais il est absolu- ment impossible de reconnaître à quels animaux ces Pédicel- laires appartiennent. Si l’on ajoute à cela quelques descriptions données par Sars des Pédicellaires des Oursins du genre Cidaris, on aura la liste à peu près complète des publications qui ont été faites sur la matière. En ce qui concerne les Astéries, nous sommes plus pauvres. Quelques figures fautives de Müller et Troschel dans leur beau livre (System der Asteriden); une bonue figure de l’une des 200 E. PERRIER. sortes de Pédicellaires des Astéracanthions donnée par Duvernoy dans son Mémoire sur le test des Oursins ; une figure donnée par M. de Quatrefages dans la grande édition du Règne animal de Cuvier, voilà tout ce que nous possédons. Duvernoy avait signalé chez les Astéracanthions deux espèces de Pédicellaires, les seconds étant pour lui les embryons des premiers. MM. Dujardin et Herpé ont essayé de figurer cette deuxième sorte de Pédicellaires, que nous désignerons plus loim sous le nom de Pédicellaires croisés ; mais la figure qu'ils en donnent est absolument insignifiante. Enfin, dans des descriptions d'Échinodermes publiées en 1865 dans le tome XV des Annals and magazin: of natural History, M. Normann parle de ces Pédicellaires comme étant formés de deux mâchoires croisées, et entourant la base du tubercule de piquants. Il avait donc reconnu leur localisation, mais sans en dire autre chose. Il pense que les Astéracanthions peuvent n'avoir qu'une ou deux espèces de Pédicellaires (caractéristique de ses Astéries), et fonde même sur leur absence un genre que nous ne saurions admettre, attendu que leur existence nous à paru jusqu'ici absolument constante. Ce genre, qui porte le nom de Stichaster, est formé par l'A. roseus, dont nous décrivons les deux sortes de Pédicellaires. Nous ne pouvons non plus partager l'opinion de M. Normann qui refuse aux Pédicellaires de certains Æ4steriscus, et notam- ment à ceux de |A. verruculatus, cette valeur. La présence d’un appareil musculaire spécial, que nous avons trés-nettement constaté, nous oblige à considérer les organes auxquels il est fait allusion comme des Pédicellaires très-simples, il est vrai, mais parfaitement caractérisés. | En somme, la science est encore assez pauvre de renseigne- ments, on le voit, sur les Pédicellaires. Le travail que nous avons entrepris n’a pas épuisé la question, mais il donnera, nous l’espérons, une idée bien nette de la con- stitution de ces organes, et des avantages qu'ils peuvent offrir dans la classification. Nous traiterons successivement des Astéries et des Oursins. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 201 Nousavons également pour ces derniers étudié les spicules des Ambulacres et leurs rosettes sur lesquels, depuis Erdl et Valen- tin, on n'avait pas attiré l'attention. On verra plus loin de quelle importance peuvent être ces parties dans les caractéristiques. PREMIÈRE PARTIE. PÉDICELLAIRES DES ASTÉRIDES, Les Pédicellaires des Astérides n’ont pas été jusqu'ici étudiés d’une manière attentive. La plupart des auteurs qui s’en sont occupés n'ont fait que les décrire d’une manière tout à fait sommaire et presque toujours inexacte. Personne, dans tous les cas, n’a cherché quelles modifications ils présentent dans les différents genres d'Étoiles de mer ; tout au plus, s’est-on con- tenté de signaler dans les caractéristiques leur présence ou leur défaut. Müller et Troschel dans leur travail classique sur les Astérides, Dujardin et Hupé dans les Suites à Buffon, n'ont pas fait autre chose. Il suffit même de jeter un coup d'œil sur les figures qu'ils donnent de ces organes pour se convaincre du peu d'importance qu’ils y attachaient. Je me propose d'établir dans ce travail : 1° Quelles sont les différentes formes que peuvent présenter les Pédicellaires dans la famille des Astérides ; 2° Quels avantages on peut tirer de leur étude, soit pour la répartition de ces Échinodermes en groupes, soit pour la carac- téristique des espèces. | Les parties molles de ces organes, leurs fonctions, leurs rela- tions avec le reste de l'organisme, devant faire pour nous l’objet d’un nouveau travail, il sera principalement question dans celui que nous publions actuellement de leur squelette calcaire qu’il est toujours facile d'étudier, et que l’on retrouvera sans aucun doute, malgré sa fragilité, parmi les fossiles microscopiques. Nous avons fait porter nos études non-seulement sur toutes les espèces, mais sur tous les individus qui composent la collec- tion du Muséum d'histoire naturelle de Paris, et nous les avons 202 E. PERRIER. poursuivies également sur les Oursins, qui feront l’objet de la seconde partie de ce travail. Si, dans ces deux groupes, nous sommes arrivés à des résultats de quelque généralité, nous aurons contribué une fois de plus à montrer de quelle utilité sont pour la science ces vastes collections que l’Europe nous enviait naguère encore, qui ont maintenant des émules, sinon des égales, et qui seraient bientôt dépassées, si l’on ne commençait à s'apercevoir que le nerf de la guerre est aussi quelque peu le nerf de la science. Avant de procéder à la description des différentes formes de Pédicellaires et à l'étude de leurs relations avec les groupes éta- blis dans la famille des Astérides, il n’est pas inutile de dire ce que sont ces groupes, et d'indiquer leur valeur relative en même temps que la valeur des genres qu'ils renferment. Dans leur System der Asteriden, qui fait aujourd’hui loi dans la science, MM. Müller et Troschel divisent les Étoiles de mer en trois grands groupes ainsi caractérisés : [. — Quatre rangées d’'Ambulacres dans chaque sillon.— Un anus, — 1° groupe. Il. — Deux rangées d’Ambulacres seulement dans chaque sillon. À. — Un anus. — 2° groupe. B. — Point d'anus. — 3° groupe. Le premier de ces groupes ne renferme que deux genres : Asteracanthion, Heliaster. Le second comprend à lui seul la majeure partie des Astérides. Le troisième se décompose en trois genres : Astropecten, Ute- nodiscus, Luidia. Ces trois groupes nous paraissent loin d’avoir une égale valeur zoologique, celui qui renferme les genres Asteracanthion et Heliaster répond bien plutôt à l'ensemble des deux autres qu'il n’est équivalent à chacun d’eux en particulier. En l'absence de connaissances certaines sur les systèmes ner- veux et vasculaires de différents types ou de notions embryogé- PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 205 niques suffisantes pour être hardiment généralisées, nous sommes forcés de juger des analogies et des dissemblances par la forme et par la constitution des téguments ou des organes qui en dé- pendent. Parmi ceux-ci, on trouve les Pédicellaires, et nous leur reconnaîtrons une constitution toute différente suivant qu’ils appartiennent au type des Astérides à quatre ou à deux rangées d’ambulacres sur chaque bras. Étudions d'abord les Pédicellaires dans le premier de ces types où ils sont plus complexes, plus constants et, sans doute, aussi plus utiles à l'animal. 8 IT. — PÉDICELLAIRES DES ASTÉRIDES A QUATRE RANGÉES D'AMBULACRES, Dans toutes les espèces appartenant aux genres Asteracanthion et Heliaster, on trouve deux sortes de Pédicellaires, différant à la fois par leur structure et par leur distribution à la surface du corps de l'animal, mais ayant ceci de commun qu'ils sont tous supportés par des parties molles qui leur formenten même temps une enveloppe complétement fermée et un pédicule; de plus, le squelette calcaire est toujours formé de trois pièces. C’est dans la forme et les relations de ces pièces entre elles que les diffé- rences anatomiques se montrent. Pour abréger le discours, nous désignerons tout de suite l’une des formes de Pédicellaires sous le nom de Pédicellaires droits, l’autre sous le nom de Pédicellaires croisés. Les Pédicellaires droits (1) sont les plus gros; ils ont été sou- vent décrits et quelquefois assez exactement. M. Duvernoy les a fait dessiner d'une manière très-reconnaissable, tant en ce qui concerne les parties dures que les parties molles. Ce sont, du reste, et de beaucoup ceux dont la structure est la plus simple. On les trouve constamment isolés, tout au plus en petits fascicules, soit sur le dos de l'étoile, entre ses piquants, soit sur la face ventrale. Ils sont surtout abondants et robustes dans l'angle rentrant des bras et parmi les piquants qui bordent le sillon ambulacraire. C'est dans cette dernière station qu'on les trouve le plus souvent (1) PI. 47, fig. 4, 2, 3, &, etc. 20/4 E. PERRIER. par fascicules de trois ou quatre. Là, comme dans l'angle des bras, ils doivent, sans doute, leur développement plus considérable à leur position même qui les met à l’abri de la plupart des causes de destruction auxquelles les autres sont exposés. Presque tou- jours bien reconnaissables à l'œil nu, ils varient pour la taille de- puis un 4/2 millimètre environ jusqu'au quadruple de cette lon- gueur au moins; sur les échantillons desséchés, la blancheur de leur squelette les fait immédiatement reconnaître. Ce squelette est toujours composé de trois pièces calcaires, per- cées, comme la plupart des pièces calcaires des Échinodermes, de nombreuses vacuoles qui leur donnent tout à fait l'aspect d’une délicate dentelle pierreuse. Leur fragilité est telle qu’une légère pression exercée sur la plaque qui les recouvre, pour la commo- dité des observations microscopiques, suffit le plus souvent pour les réduire en poussière. Sauf dans le cas des Pédicellaires de très-grande taille, ces pièces sont parfaitement transparentes; on peut étudier à travers leur épaisseur presque tous les détails des parties situées au-dessous. De ces trois pièces, deux sont paires et latérales, ce sont les mächoires de la pince; une est impaire symétrique, placée au-dessous des deux premières; nous lui donnerons le nom de pièce basilaire. Dans toute l'étendue du genre Asteracanthion, ces différentes parties présentent une remarquable similitude. I est impossible de les confondre avec des parties de Pédicellaires de genres dif- férents. Nous allons en faire une description théorique, réser- vant pour la partie spéciale à chaque espèce, les détails qui pourraient se présenter. Chaque mâchoire est formée par une lame calcaire triangu- laire, repliée suivant sa hauteur de manière à former une face externe courbe et deux faces latérales sensiblement planes (1). Celles-ci sont terminées chacune par un bord libre, irrégu- lièrement sinueux et très-régulièrement dentelé dans toute sa longueur (2). La partie inférieure de ce bord est échancrée (14) PI. 17, fig. 2 d. (2) PL 17, fig. 2 a, 8 a, etc. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 205 jusqu’à la base qui est légèrement courbe et s’appuie sur la pièce basilaire sur laquelle elle peut rouler. Une lame calcaire, pré- sentant la même texture que celle qui forme les faces, unit l’une à l’autre les deux portions latérales de celle-ci, tout en laissant les deux bords de cette dermière faire une saillie assez considérable. C’est ce que montre la coupe théorique que nous avons représentée (1), et qui est supposée faite par un plan perpendiculaire aux deux faces latérales du Pédicellaire. Cette lame interne s’unit à la première en envoyant de chaque côté et perpendiculairement à sa direction de petits prolongements calcaires qui rampent sur celle-ci et paraissent servir de pièces de renforcement. On observe souvent à sa base une échan- crure tantôt demi-circulaire, tantôt angulaire ; c’est un passage ouvert à des muscles dont les fibres remplissent la cavité de l’organe et vont s’insérer sur ses parois internes. Les échan- crures que nous avons signalées sur les bords internes de la feuille repliée sont dépourvues des dentelures que présentent les bords dans le reste de leur étendue; elles servent aussi à l’in- sertion de certaines fibres musculaires. Il est à remarquer que la structure réticulée si marquée de ces différentes pièces disparaît, pour la lame repliée, depuis la ligne d'insertion de la lame interne jusqu'au bord libre dentelé. Cette région est à peine percée de quelques rares vacuoles. Les bords libres de chacune des deux mâchoires sont en rap port avec les bords libres de l’autre. J'ai observé constamment que leurs sinuosités se correspondaient de telle façon que les sallies de l’un pénétraient dans les enfoncements de l’autre et réciproquement. C'est là un fait général qui se retrouve dans les Pédicellaires des Oursins, comme je l'ai indiqué dans une autre partie de ce travail, et qui corroborerait assez bien l'opinion, aujourd'hui généralement reçue, que les Pédicellaires sont des organes de préhension, — de préhension, soit, — reste à savoir ce qu'ilssont destinés à saisir; mais cette question sera examinée ailleurs. (4) PI. 47, fig. 2 d. 206 E. PORRIER. Dans quelques espèces, le sommet des mâchoires est prolongé en un crochet recourbé, mais dont la pointe n’est jamais bien acérée. En résumé, on se figurera assez bien la forme d’une mâchoire de Pédicellaire droit en la comparant à une pyramide triangu- laire creuse dont l’une des arêtes aurait été remplacée par une face arrondie, tandis que les deux faces adjacentes se seraient prolongées au-dessus de la troisième. Les deux mâchoires se meuvent, avons-nous dit, sur une pièce basilaire de nature calcaire comme elles et présentant aussi cette structure réticulée que nous retrouvons dans tout Je groupe des Échinodermes. On peut se la représenter comme une sorte de demi-rondelle creuse, plutôt elliptique que circulaire, dont la portion convexe est tournée en dehors, tandis que la partie plane sert de pièce d'appui à la base des mâchoires. Au milieu de cette dernière face se présente une saillie irrégulière qui s’en- gage dans le vide formé par l'échancrure de l'extrémité infé- rieure des bords internes des branches de la pince. Sur cette saillie s’insèrent les fibres musculaires qui ont pour but de fer- mer la pince. Les deux angles supérieurs externes de la pièce basilaire sont arrondis de manière à laisser entre celle-ei et la base des mâchoires un espace vide où l’on apercoit les muscles qui écartent les branches du Pédicellaire. Vue au microscope par sa face supérieure, la pièce basilaire apparaîtra done généralement comme un rectangle à sommet plus ou moins arrondi, présentant une bordure avec une bande médiane, parallèle aux petits côtés, plus obscures. Gelte appa- rence tient à ce que l’on voit alors en projection l'épaisseur des faces et celle de la saillie médiane qui sert d'attache aux muscles addueteurs des pinces. Vue latéralement par une de ses faces larges, parallèle au plan dans lequel se meuvent les mâchoires, elle aura, plus ou moins, l'aspect d’un demi-cercle avec une saillie centrale. Enfin, vue par une de ses petites faces, elle reprendra encore une forme sensiblement triangulaire. L'espace clair qui, dans le premier de ces trois cas, s’observe PÉDICELLAIRES ET AMPBULACRES. 207 entre les bords de la pièce et la bande médiane est le résultat de l'absence dans ces parties de la lame calcaire grillagée. Comme s’il se fût agit d'économiser la matière le plus possible, il n’y a de parties solides que là où elles sont réellement indispensables : c’est-à-dire sur tout le contour où s'appuient les mächoires, qui sont elles-mêmes creuses, et sur la partie médiane où viennent s'attacher les fibres musculaires destinées à former la pince. Les Pédicellaires croisés n'ont pas encore été décrits. On en trouve une indication daus le mémoire de Duvernoy sur la dé- iermination des pièces calcaires des Astérides, Mais il est évident que l’auteur ne les a pas suffisamment observés, puisqu'il les con- sidère comme des rudiments de Pédicellaires droits: ce qui est iuadmissible, comme cela résultera évidemment de notre des- cription. MM. Dujardin et Hupé en donnent une figure qui les rappelle de loin, mais qui est tout à fait inintelligible. Müller et Troschel ne les indiquent même pas comme forme distincte. Leur station toute particulière et leur disposition spéciale auraent dû cependant attirer sur eux l'attention, On les trouve constamment autour des piquants de la face dorsale et de la face ventrale, en houppes insérées sur un bour- relet qui est tantôt peu développé, comme dans l’Asteracanthion rubens ou, au contraire, très-considérable, comme dans l 4stera- canthion glacialis. Dans ce dernier, le bourrelet est mobile et peut tantôt recouvrir complétement les piquants, tantôt se re- plier sur lui-même, de manière à les mettre à découvert. Les Pédicellaires croisés ne sont jamais isolés. Les Pédicel- laires droits le sont presque toujours; on en trouve cependant quelquefois parmi les houppes des Pédicellaires croisés, du moins chez VAstaracanthion glacialis. On pourrait donc indifféremment donner aux Pédicellaires croisés le nom de Pédicellaires fasci- culés, tandis que les Pédicellaires droits seraient appelés Pédi- cellaires isolés ou sohtaires. Sur les piquants qui bordent le sillon ambulacraire, les houppes de Pédicellaires croisés ne forment que des demi-ceintures. Je rappelerai ici, en premier lieu, la structure si particulière de l'appareil musculaire de ces organes qui suffirait à elle seule 208 E. PERRIER. pour faire repousser toute idée de filiation ou d'avortement ten- dant à les unir aux Pédicellaires droits. Ce sont là deux sortes d'organes, ayant évidemment une certaine parenté physiolo- gique, mais aussi distincts que le sont nos membres antérieurs de nos membres postérieurs. Bien qu'il y ait certains rapports entre ces deux sortes de membres, il ne viendra pourtant à l’idée de personne de dire que les uns sont les rudiments des autres. L'étude des différentes pièces solides qui composent un Pédicellaire croisé montre d’ailleurs que Duvernoy les avait à peine aperçues et que, par conséquent, son opinion ne repose sur aucun fondement sérieux. Comme les Pédicellaires droits, les Pédicellaires croisés se composent de trois pièces dont une basilaire et deux formant les branches d’une pince fort solide. Nous étudierons d’abord la pièce basilaire (1), ce qui nous facilitera l'intelligence des rapports des différentes pièces de l'organe. Cette pièce est impaire et symétrique. Nous pourrons lui ap- pliquer une terminologie analogue à celle que l’on emploie dans l'étude des os de Vertébrés et la décomposer en une partie fondamentale ou corps et quatre apophyses. Les quatre apo- physes sont à leur tour symétriques quant à leur forme et quant à leur position relativement au corps. Deux d’entre elles sont terminées par un bord très-réguher arrondi, libre vers l’intérieur; nous les désignerons sous le nom d’apophyses régulières. Les deux autres n’ont pas une forme géo- métrique, elles sont terminées à leur partie supérieure par un bord plus ou moins irrégulier ; ce seront pour nous, les apo- physes irrégulières. Étudions chacune de ces parties séparément : 4° Le corps de la pièce basilaire est une lame plane, percée, comme toujours de nombreuses vacuolesqui sont tantôt arrondies, tantôt ovales et disposées en séries linéaires. On remarque, en général, près du bord supérieur trois ouvertures ou plutôt trois (1) PL 47, fig. 9 f. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 209 vacuoles plus grandes que les autres et de forme quadrangulaire. Le corps détermine la forme générale de la pièce basilaire. C’est une demi-ellipse dont le grand axe serait dirigé transversa- lement. Cette forme générale subit pourtant quelques légères modifications que nous aurons à indiquer dans les descriptions spécifiques. Les apophysesrégulières (4)sont situées l'uneen avant et à droite, l'autre en arrière et à gauche du corps de la pièce basilaire, au moins dans les casles plus généraux (2). Elles forment comme une espèce de talon arrondi sur lequel peut s'appuyer et rouler la queue de l’une des mâchoires. Les diverses figures que nous don- nons des Pédicellaires croisés (3) feront immédiatement saisir cette disposition qui est d’une constance remarquable dans tout le genre Asteracanthion. La substance calcaire qui constitue ces apophyses n'est pas aréolée comme d'habitude. Ajoutons que des fibres musculaires destinées à fermer la pince s’insèrent sur leur bord imterne. Les apophyses irrégulières occupent des positions exactement symétriques de celles que nous avons indiquées pour les apo- physes régulières. Il en résulte que chacun des bords du corps de la pièce basilaire donne naissance, en avant, à une apophyse régulière, en arrière à une apophyse irrégulière et inversement. Les apophyses irrégulières se dirigent d’abord vers le bord op- posé à celui qui leur a donné naissance, puis se coudent et se dirigent enfin vers le haut où elles dépassent le bord supérieur du corps. Là, elles se termiment par un bord libre horizontal sur lequel s'appuie une partie de la mâchoire correspondante. Les apophyses irrégulières et régulières qui se trouvent sur une même face du corps, constituent, par leur saillie, comme une sorte de gouttière dans laquelle chaque branche de la pince se trouve enchâssée, sans être cependant assez serrée pour ne pouvoir pas se mouvoir librement dans le sens latéral. La présence des deux paires d’apophyses fait que la pièce (4) PL. 17, fig. 2 f. (2) Cette position peut être renversée. GIMP ME MN a 20; 310 10 cet. 5e série. ZooL. T. XII. (Cahier n° 4.) 2 14 240 E. PERRIER. basilaire, vue par sa partie supérieure, présente l'aspect d’un huit de chiffre dont les deux boucles seraient pleines et séparées l’une de l’autre par un espace linéaire assez allongé (1). Vue par l’une des faces latérales, elle présente une forme assez irrégulière comme on le voit dans les figures 5 b et 8 b de la planche 17. L'apophyse irrégulière s'élève beaucoup plus haut que l’apophyse régulière et amène ainsi une dissymétrie très- marquée. Une vue par la face inférieure ne présente rien d’intéressant. Nous ferons remarquer ici le genre particulier de symétrie du Pédicellaire croisé, qui se dessine très-nettement dans sa pièce basilaire. Tandis que le Pédicellaire droit était symétrique par rapport à deux plans rectangulaires, l'un perpendiculaire aux faces larges de la pièce basilaire, l’autre parallèle à ces faces, le Pédicellaire croisé n'est plus symétrique que par rap- port à la ligne d’intersection de ces deux plans. C'est ce que montrent les figures ? f, 5 b, 8 b, etc., de la planche 17. Les figures 2 c et 2 e représentent une coupe horizontale de la pièce basilaire des deux sortes de Pédicellaires. Occupons-nous maintenant des mâchoires ; elles sont identi- ques l’une avec l’autre, mais disposées par rapport à l’ensemble des Pédicellaires, suivant le mode de symétrie décrit tout à l'heure, de telle façon qué, l’une se trouvant en avant el à gauche par rapport à la pièce basilaire, l’autre se trouve en arrière et à droite. Ces deux mâchoires séparées ainsi par la pièce basilare se croisent comme les deux branches d'un X ou, pour me servir d'une comparaison plusexacte, comme des branches de ciseaux. Comme dans celles-ci nous aurons à disüinguer, pour chacune d'elles, une partie directementutile, ou mors, etune partie servant simplement au mouvement et que nous appellerons la queue. Cette dernière étant la plus simple, nous la décrirons la pre- mière. Sauf dans l’une des espèces que nous avons examinées et qui, (1) PI 17, fig. 2e. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 211 d’ailleurs, se distingue par d’autres particularités bien remarqua- bles, la matière calcaire qui constitue la queue du Pédicellaire croisé est dépourvue de vacuoles. Elle présente seulement quel- ques lignes saillantes qui semblent être des pièces de renforce- ment. Sa forme est assez variable dans les différentes espèces ; mais on la voit toujours se porter en se recourbant de l’un des bords supérieurs de la pièce basilaire au bord inférieur opposé en sui- vant une ligne diagonale ; elle présente un bord concave supé- rieur et une échancrure inférieure par laquelle elle s'appuie sur l’apophyse régulière. Elle se termine par un bord convexe qui se combine généralement au moyen d'une courbure régulière avec les deux bords concaves (1). Une description plus détaillée ne ferait, du reste, que compliquer ce que montrent surabon— damment les diverses figures de nos planches. Il est important de signaler vers l'extrémité arrondie de cette queue, une sorte de revêtement calcaire aréolé qui l'enveloppe comme un étui plus ou moins aplati et qui se termine, dans sa portion libre supérieure, par un bord irrégulièrement frangé. Cette partie est remarquable par son existence constante et aussi par son rôle physiologique. Elle sert de deuxième point d'attache aux fibres musculaires partant du bord interne de l’apophyse régulière et qui ont pour rôle de fermer les branches du Pédi- cellaire (2). La forme des mors est tout aussi variable que celle de la queue. Leur description générale sera donc fort brève, attendu que nous ‘aurons à y revenir assez longuement lorsque nous indiquerons les différences spécifiques tirées des Pédicellares que nous au- rons cru reconnaître. Par une de leurs faces, les mors se conti- nuent avec la queue dela mâchoire; mais la feuille calcaire qui les constitue se recourbe du côté opposé de la pièce basilaire à la hauteur du sommet de l’apophyse irrégulière, et constitue ainsi une sorte de cuiller dont la face dorsale est très-généralement beaucoup plus élargie à son sommet qu’à la base (OAPI 17 ig.021b, 810,101, 1614, (etc. (2 PI. 17, fig. À a, m 912 E. PERRIER. Le feuillet recourbé qui n’est pas continu avec la queue de la cuiller demeure libre à son bord inférieur, qui vient s'appuyer sur le sommet de l’apophyse irrégulière. Il roule sur ce sommet pendant les mouvements des branches de la pince, dont il assure ainsi la régularité. Cette disposition aura pour effet de donner plus de solidité à la pince en s’opposant à toute espèce de glisse- ment de ses branches dans le sens longitudmal. Ce feuillet recourbé a encore un bord interne plus ou moins vertical. Lorsque la pince est fermée, ce bord vient s appliquer sur le bord de l’autre branche qui est en continuité avec la queue de la mâchoire à laquelle il appartient. La même dis- position se reproduit sur la face opposée, de telle sorte que, si l'on donnait un nom aux deux bords de l'espèce de cuiller qui constitue chaque mâchoire, on pourrait dire que les bords en contact, lors de la fermeture de la pince, sont des bords de nom différent. Les pièces calcaires qui constituent la partie du mors que nous venons de décrire, sont toujours plus ou moins percées de va- cuoles; toutefois ces vacuoles ne sont ni aussi nombreuses, ni aussi régulières, quant à leur forme et à leur disposition, que celles de la pièce basilaire ou des différentes pièces des Pédi- cellaires droits. 1 nous reste, pour compléter cette description théorique des Pédicellaires croisés, à parler des deux lames calcaires qui se- raient placées, pour continuer notre comparaison, devant la concavité de la cuiller et qui sont situées l’une au-dessous de l'autre : la lame interne supérieure remplissant l'espèce de voûte que forme le sommet de la cuiller en se recourbant; la lame interne inférieure partant de la ligne d'union de celle-ci avec le fond de la concavité du mors, pour aller se confondre avec l'extrémité supérieure de la queue. Elle est de beaucoup la plus considérable. Ces deux lames sont très-solides, armées de plusieurs rangées de dents tres-fortes, très-apparentes, disposées quelquefois en quinconce, de telle facon que les dents d’une série longitudinale donnée sont en rapport avec les intervalles vides des deux séries linéaires voisines. C’est ce que l'on aper- PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. J13 çoit bien quand on regarde un des mors par son dos (1). Ilest, du reste, assez difficile de reconnaître le nombre de ces rangées de dents et le nombre de dents qui constituent chaque rangée. Les lames de chaque mors, en s’opposant aux lames du mors opposé, constituent évidemment un appareil de préhension ex- trèmement puissant. Il résulte, sans aucun doute, de cette description que les Pé- dicellaires croisés sont incomparablement plus compliqués dans leur structure que les Pédicellaires droits ; je ne pense pas qu’il puisse venir à l’idée de qui que ce soit que l’on puisse les consi- dérer comme une sorte d’avortement de ces derniers. À la vérité, leur taille est constamment plus petite, il est impossible de reconnaître leur forme, même grossièrement, à l'œil nu. Leur exiguité a donc pu tromper, à la suite d’une observation super- ficielle, et suggérer une opinion qu'un simple coup-d’œil donné à travers un microscope convenable suffit à détruire. L'impression qui résulte d’une étude tant soit peu attentive de ces organes est un vif étonnement de leur complication et du soin tout particulier que la nature semble avoir mis à en faire des organes de préhension solides et précis. On n’est pas habitué à rencontrer des organes aussi finis, si je puis employer une telle expression, dans des êtres aussi simples que les étoiles de mer. Nous ne retrouverons rien de semblable chez les Oursins eux- mêmes, qui passent cependant pour être plus élevés dans l'échelle que les Astéries. Nous sommes loin, malgré l'étendue de notre travail, de con- sidérer comme résolues toutes les questions relatives aux Pédicel- laires. Nous avons réuni tous les détails possibles sur la structure de leurs parties dures, et nous croyons avoir mis hors de doute que ce sont des organes de préhension. Mais 1l reste encore beaucoup à faire sur les parties molles qui entrent dans leur constitution. Ces parties molles sont actives, nutritives ou simplement pro- tectrices. Les parties actives sont les muscles et les nerfs; les () PL 47, fig. 3e, 19 c, 44 c, 45 6, 16 4. 21h E. PERRIER. parties nutritives, les vaisseaux; les parties protectrices sont le revêtement épidermique des Pédicellaires. Nous connaissons assez bien les muscles; mais nous n'avons encore aperçu aucune trace de nerfs, ni de vaisseaux. Nous avons trouvé constamment un revêtement épithélial; mais nous igno- rons absolument la constitution des parties qui relient cet épi- thélium aux parties dures ou aux muscles. Nous ignorons encore si le Pédicellaire communique avec la cavité générale du corps et comment cette communication s’o- père. Nous n'avons presque aucun renseignement sur le déve- loppement des organes qui nous occupent et sur l’époque à laquelle ils apparaissent. Enfin, il ne suffit pas de savoir que ce sont des organes de préhension, 1l faut encore savoir ce qu'ils sont destinés à prendre et comment ce qu'ils ont pris est utilisé par l'animal. Toutes ces questions peuvent donner lieu à un mémoire très- étendu pour lequel nous rassemblons des matériaux, et qui formera une seconde partie de notre travail. Nous réunirons, néanmoins, ici le peu de chose que nous savons jusqu'à présent sur ce sujet. Tous les Pédicellaires des Asteracanthion, qu'ils soient droits ou croisés, sont toujours complétement enfermés dans une gaïne épithéliale qui recouvre tant leur partie externe que leur partie interne. Dans les Pédicellaires droits, on peut très-facilement suivre cette gaine le long de la face interne (4). On la voit séparer en deux parties les muscles addueteurs des pinces qu’elle recouvre et venir s’insérer sur l'apophyse médiane de la pièce basilaire. Cette enveloppe est beaucoup plus séparée, à la partie externe du Pédi- cellaire qu'à sa partie interne, et l’on peut reconnaître le plus sou- vent un petitespace vide, linéaire, très-fin, entre la pièce calcaire et la paroi interne de cette enveloppe. La paroi externe est tapis- sée par un épithélium cellulaire bien distinct, ayant beaucoup d’analogie avec l’épithélium vibratile et que l’on a souventindiqué (1) PL 47, fig. A b. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 915 comme réellement vibratile. J’avoue n’avoir encore pu distinguer les cils qu'on lui attribue. Cet épithélium est beaucoup moins distinct à la face interne du Pédicellaire. Qu'y a-t-il entre lui et la pièce calcaire ? Est-ce un espace vide dans lequel le liquide de la cavité générale pénètre pour faire saillir le Pédicellaire? Existe- t-il là un tissu particulier ? Nous avons cru y voir quelquefois une sorte de tissu aréolaire spongieux propre à se gorger de liquide, un véritable tissu érectile: mais cela à besoin d’être étudié de nouveau sur de nombreux animaux frais. Quoi qu’il en soit, l’épithélium se continue tout le long du pé- dicule de l’organe jusqu'à la peau, et souvent la membrane de revêtement présente des plis, des invaginations partielles, indi- quant que le Pédicellaire peut se retirer et s’abriter dans son intérieur. n’y a pas de différence histologique entre le revête- ment épithélial des Pédicellaires droits et celui des Pédicellaires croisés. La disposition anatomique varie nécessairement de manière à s’accommoder aux formes variées des organes. Il faut distinguer dans les muscles deux catégories ; les unssont, en effet, destinés à mouvoir l’ensemble de la pièce, les autres, au contraire, font simplement mouvoir les branches de la pince sur la pièce basilaire. Il nous faut examiner ces muscles dans les deux sortes de Pédicellaires. Dans les Pédicellaires droits le muscle moteur général se compose tout simplement d’un faisceau de fibres très-déliées qui s'insèrent d’une part sur la parte solide du test et de l’autre sur la pièce basilaire. Cette insertion se fait sur la face inférieure de la pièce basilaire. Ce muscle n'avait pas encore été signalé, que nous sachions. Ce muscle n'a pas d’antagoniste, 1l a évi- demment pour but de faire rétracter le Pédicellaire ; l'extension est produite, très- probablement comme celle dés organes rétrac- tes des Mollusques, par exemple au moyen d’une injection du liquide de la cavité générale. Les muscles moteurs des branches de la pince ont été exacte- ment figurés par Delle Chiaje (4) pour PA. Savaresi qui est (4) Memortie sulla storia et Notomia, etc. 216 E. PERRIER. l'A. tenuispinus de Müller et Troschel, et par Davernoy (4) pour l’Ast. rubens. Ils sont les uns adducteurs, les autres abducteurs. Les muscles adducteurs sont au nombre de deux (2). Ils s’insèrent sur les côtés de l’apophyse unique de la pièce basilaire, et leurs fibres se por- tent, en formant une sorte d’éventail, vers la branche du Pédi- cellaire. Ces branches sont échancrées dans cette région et laissent voir une bonne partie des fibres, ce qui a fait croire à Duvernoy qu’elles s’arrêtaient au point où leur trajet est coupé par le bord de l’échancrure du bord de la pince. Mais il n’en est rien; dans un grand nombre de cas, nous avons vu la plus grande partie de ces fibres pénétrer dans une échancrure de forme variable ménagée à la base de la lame interne du Pédi- cellaire, former un faisceau à l'intérieur de la cavité de chaque branche et s'insérer finalement dans le voisinage du sommet de la paroi interne de cette cavité. Ces fibres possèdent donc une grande longueur, et leur insertion au sommet du Pédicellaire a évidemment pour effet de donner aux mouvements de celui-ci beaucoup plus de force et de précision. Les muscles abducteurs (3) forment deux petits faisceaux, ayant l'apparence de coussinets placés aux deux bords externes de l'organe, entre la pièce basilaire et la partie inférieure de la pince. Leur peu de développement est parfaitement en rapport avec leurs fonctions. Il faut beaucoup moins de force et de pré- cision dans les mouvements qui ouvrent la pince que dans ceux qui sont destinés à lui faire saisir et retenir un objet. Les Pédicellaires croisés, malgré la petitesse de leur taille, ont un appareil musculaire bien plus développé que les Pédicel- laires droits. Chose assez singulière, le muscle moteur général (4) ne s’in- sère pas sur la pièce basilaire, mais bien sur les branches mêmes de la pince. Il se compose de deux plans de fibres qui demeu- (1) Comptes rendus de l’Institut, t. XX, CU ENTER UNTOTE (3) PL. 17, fig. 1 b, mo. (4) Pl: 147, fig. 4 a, mr. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 917 rent superposées et parallèles pendant une grande partie de leur trajet, mais qui arrivées au voisinage de la pince se séparent en deux faisceaux divergents. L'un de ces faisceaux va s'attacher à l'extrémité de la queue de la branche de droite de la pince, l’autre se dirige vers la pince de gauche. Cette disposition est, comme on voit, assez curieuse; mais elle est commandée, pour ainsi dire, par la disposition des fibres motrices adductrices des branches de la pince. Celles-ci s’insèrent, d’une part, sur la por- tion grillagée de la queue de la pince, de l’autre sur le bord de l’apophyse régulière du côté opposé. Elles forment ainsi une sorte de revêtement musculaire à toute la portion libre de la face correspondante de la pièce basilaire. De plus, on voit quel- quefois des fibres qui passent de l’une des branches à l’autre et agissent évidemment dans le même sens que les premières. Le muscle moteur général ou rétracteur ne pouvait venir s’unir sur la pièce basilaire qu’en traversant les couches du muscle adduc- teur. Ces fibres ainsi entrecroisées n’auraient guère pu agir sans se gèner mutuellement. Des fibres musculaires s’insèrent; d'une part sur l’apophyse irrégulière, et de l’autre sur la paroi interne des cavités du Pédi- cellaire (1). Elles font encore partie du système des muscles adducteurs et nous ont paru une fois très-nettement striées. Mais cetie observation, portant sur un échantillon d’Ast. violaceus conservé depuis longtemps dans l'alcool, n’a point, pour nous, une valeur considérable. Rien ne nous prouve que les stries très-nettes que nous avons vues ne soient pas un produit de l'al- tération produite sur les fibres par l'alcool. Nous n'avons rien vu qui ressemblât à des stries sur les fibres musculaires des échantillons d’4. rubens et d'A. glacialis que nous avons eus vivants à notre disposition. Les fibres abductrices forment un faisceau entre les bords externes supérieurs de la pièce basilaire et la partie inférieure du mors de la pince ; elles nous ont paru s’insérer sur le pour- tour du bord libre de la lame calcaire. (4) PL 17, fig. 1a,mf. 218 E. PERMRINE. Quelles sont les fonctions des Pédicellaires ? Tout dans leur structure doit nous les faire considérer comme des organes de préhension. Nous avons même trouvé dans les échantillons du Muséum un individu démontrant d’une façon assez nette cette opinion. C'était un 4st. glacialis (A. Rissoi, Val.). Autour de ses piquants, on voyait à l'œil nu de longs filaments blancs, droits, roides, terminés par un léger renflement. En arrachant ces fila- ments, on remarquait leur deuxième extrémité, beaucoup plus renflée que la première. Examinant ces filaments au microscope, nous ne fûmes pas peu étonné d'y reconnaître des Pédicellaires de l’'Echinus lividus. En observant les choses de plus près, nous pûmes nous assurer que ces Pédicellaires avaient été saisis près du bouton et arrachés par les Pédicellaires croisés de l'A4stera- canthion. Comme tout ces Pédicellaires se trouvaient ainsi saisis près du bouton, il était évident que l’Astérie les avait arrachés à l'Oursin vivant. Celui-ci, en quête de quelque proie, avait sans doute, en agitant ses Pédicellaires, rencontré ceux de l’Astérie qui s'étaient refermés sur eux. Les Pédicellaires ont donc joué là un rôle défensif. Sont-ils employés aussi comme auxiliaires dans la nutrition? Je l’ignore. Quant à leurs rapports avec la reproduction, 1ls me paraissent plus que problématiques. Les ayant constamment trouvés iden- tiques dans tous les individus d’une même espèce que j'ai exa- minés, je puis affirmer qu'ils existent pendant toute la durée de la vie de l'animal et qu'ils n’ont aucun rapport avec son sexe. J'ai quelquefois rencontré, à l'extrémité des bras, des Pédicel- laires en voie de formation. Je regrette de n'avoir pu les étudier sur des animaux en voie de rédintégration. Mais dans l’Ast. gla- cialis, j'ai trouvé une fois un Pédicellaire droit en voie de formation, et semblant bourgeonner sur un autre parfaitement développé qui lui servait de support. Je me contenterai pour le moment de renvoyer à la figure que je donne de ce cas de bourgeonnement (4) qui, probable- ment, est exceptionnel. (4) PI, 47, fig. 4 6, p. PÉDIGELLAIRES ET AMBULACRES. 319 Je ferai seulement remarquer que la pièce basilaire est déjà presque entièrement développée, quand les branches de la pince sont à peine représentées par quelques épines. Enfin tout le réseau calcaire est enveloppé dans une sorte de bouton qui lui sert de mairice. Nous avons eru devoir mentionner ce fait qui nous à paru in- téressant; mais nous ne pouvons nous empêcher de faire remar- quer qu'avant d'en tirer aucune conclusion relative au dévelop- pement des Pédicellaires, 1l faudrait être bien assuré que nous n'avons pas eu affaire à un cas de monstruosité, portant à la fois et sur le lieu où l'organe s’est développé, et sur la conformation des parties qui le constituent. C’est ce que des recherches ulté- rieures peuvent seules décider. Voilà tout ce que nous savons actuellement sur l'embryogénie et la structure des parties molles des Pédicellaires. Les lacunes sont nombreuses, nous bornons là ce que nous dirons sur ce sujet et nous allons entamer immédiatement l’étude des formes diverses de ces parties dans les Asteracanthion. DESCRIPTION PARTICULIÈRE DES PÉDICELLAIRES DES ASTÉRIDES DU GENRE ASTÉRACANTHION. Nous arrivons à la partie spécifique de notre travail. Elle a été effectuée en entier sur les échantillons de la magnifique collec- tion du Jardin des Plantes. Nous avons eu en même temps à revoir cette collection et à vérifier toutes les déterminations qui la concernaient. Cette étude nous a conduit à reconnaître un certain nombre d'espèces qui n'avaient pas encore été décrites et dont plusieurs portaient un nom donné par M. Valenciennes, mais inédit. Nous avons soigneusement conservé et ce nom et son origine. Chacune de ces espèces sera décrite en même temps que ses Pédicellaires. 220 E. PERRIER. Voici la liste des espèces que nous avons étudiées : . Asteracanthion glacialis, M. etT. . — gelatinosus, M. etT. ; — rubens, M. et T. © — violaceus, M. et T. ; — roseus, M. et T. — africanus, M. etT. “ — tenuispinus, M. et T. : — Linckii, M. etT. : — Striatus, M. et T. 10. — graniferus, M.etT. A1. —= margaritifer , M.etT. 42° — aurantiacus, M. etT. 13. — polaris (?), M. et T. 4 2 3 L 5 6 7 8 9 Auxquelles il faut ajouter les espèces suivantes dénommées par Valenciennes : 44. Asteracanthion australis om —= gemmifer. 46. — Novæ Boracensis. A7 — inermuis, 44. — stellionura. 310), — Espèce indéterminée dela Nouvelle-Hollande. Ces espèces ve nous paraissent suffisamment décrites nulle part; nous croyons devoir en donner dans notre travail une des- cription complète en leur conservant les noms qu’elles portent dans la collection du Muséum, et ajoutant aux caractères ordi- naires les caractères intéressants que fournissent leurs Pédicel- laires. À la suite des Asteracanthion nous placerons : 20. L’Heliaster heliantus, Gray, dont la séparation, comme genre, ne nous paraît pas suffisam- ment justifiée. À. ASTERACANTHION GLACIALIS (1). — Les Pédicellaires de pre- mière espece ont leurs mâchoires environ cinq fois aussi longues que la pièce basilaire, pointues, légèrement flexueuses à l’inté- (4) PI 47, fig. 1 act 6. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 291 rieur. La pièce basilaire est petite et fortement amincie à son bord libre, droite ou légèrement concave sur ses faces latérales. Le bord libre des mâchoires est finement et régulièrement denté ; leur face interne présente à sa base une échancrure semi-circu- laire par laquelle pénètre la masse musculaire qui sert à rap- procher les deux branches l’une de lautre. Les Pédicellaires de seconde espèce forment des groupes très- fournis autour des piquants ; ils sont entremêlés de petits Pédi- cellaires droits, mais en assez faible quantité. Ils sont implantés sur un bourrelet charnu qui peut ou invaginer complétement les piquants ou se ramasser à leur base. La queue des mächoires présente à sa face externe deux si- nuosités; son extrémité est renflée. Leur mors est peu élargi, allongé. Sa face interne présente, de haut en bas : 1° deux ou trois rangées, de petites dents très-serrées ; 2° dans la concavité de sa portion recourbée, deux ou trois rangées de grosses dents au nombre de deux ou trois pour chaque rangée; 3° sur lalame interne inférieure on voit trois rangées longitudinales de dents assez grosses et fort régulières. Ces trois rangées s'étendent à peu près de l’une des extrémités de la lame à l’autre. La pièce basilaire est de forme ovale. Les vacuoles dont elle est percée sont de forme circulaire; à sa partie supérieure se voient quatre où cinq perforations, plus grandes que les autres et souvent de forme rectangulaire. Nous avons trouvé quelquefois, engagés dans les mors de pé- dicellaires croisés de cette espèce, de nombreux pédicellaires de l'Echinus lividus. On ne peut done mettre en doute que ces or - ganes ne puissent réellement servir à la préhension, malgré leur exiguité. Nota. — La description que nous venons de donner des Pé- dicellaires de l’Æsteracanthion glacialis est faite : 1° d’après des individus qui nous sont venus de Portrieux; 2° d’après une série d'individus conservés dans l’alcool et faisant partie de la collec- tion du Muséum. Ils y portent des noms différents, donnés par M. le professeur Valenciennes, et qui, il faut bien le dire, ne nous 222 E. PERRIER. semblent en aucune façon justifiés. Tout au plus pourrait-on les motiver sur des différences très-fugitives, présentées par le nom- bre, la disposition et la grandeur des piquants, différences qui, à notre avis, sont tout à fait individuelles. Nous confondrons ici par conséquent, sous le même nom, les Asteracanthion frigidus, gelidus, glacians et Rissoï de la collec- tion du Muséum. 2. ASTERACANTHION GELATINOSUS, M. etT. (1). — Les Pédicel- laires droits ont dans cette espèce une forme très-caracté- ristique. Ils sont gros, trapus, souvent aussi larges que longs. Leur taille est très-variable ; les plus grands se trouvent comme d'ordinaire dans le voisinage du sillon ventral. Ils atteignent jusqu'à 2 millimètres de long. La pièce basilaire a la forme d’un trapèze, dont la base large serait tournée vers le bas et remplacée par une ligne courbe. Son épaisseur est peu considérable; elle est percée dans toute sou étendue de vacuoles arrondies, toutes à peu près de même grandeur et ne différant pas non plus, sous ce rapport, des trous que présentent les mâchoires. Celles-ci sont raccourcies, terminées en pointe, finement den- tées sur leur bord interne. Leur lame interne présente à sa base une échancrure pour le passage du muscle. Les Pédicellaires croisés sont disposés à peu près comme dans l’espèce précédente ; leur taille est beaucoup plus constante que celle des Pédicellaires droits et leur configuration générale est peu différente de celles que nous avons rencontrées chez l'A. gla- cialis. Seulement la courbure de la queue des mâchoires est régulière et non plusieurs fois infléchie; de plus, l'extrémité de la queue est grande mais ne présente pas de renflement appré- ciable. La lame interne supérjeure présente six rangées longitudi- nales environ de grosses dents, chaque rangée étant formée de quatre ou cinq dents ; sur la lame interne inférieure, on ne voit (1) PI. 17, fig. 4. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 223 que quatre raugées longitudinales de dents aussi grosses que les précédentes et occupant toute l'étendue de la lame. 3. ASTERACANTHION AFRICANUS, M. et T. (1).— Les Pédicellaires droits sont quatre fois à peu près aussi longs que larges. La pièce basilaire occupe environ le quart de la hauteur totale. Vue par sa face supérieure, elle paraît presque carrée; néan- moins, son épaisseur est un peu plus fable que sa largenr. Les mâchoires sont allongées, trois fois plus longues que l’en- semble de leur largeur, finement dentées sur leur bord. La lame interne cesse au niveau des sommets de l'échancrure musculaire et se termine là par une ligne horizontale. À peine pré- sente-t-elle en son milieu une légère échancrure. Il en résulte que l'échancrure interne vue de face présente à très-peu près la configuration d’un carré. Les Pédicellaires croisés sont très-nombreux autour des pi- quants du dos. Ils sont relativement allongés. La pièce basilaire est de même forme que dans les espèces précédentes, ses apo- physes irrégulières sont très-allongées comimne le montre la figure 5 6, planche 17, représentant l'un de ces Pédicellaires vu par sa face latérale. Cette figure montre, en outre, que le dos de chaque mâchoire va en s’élargissant de plus en plus vers la partie supérieure, à travers laquelle on aperçoit la base des dents de la lame interne supérieure. La figure précédente (2) montre le même Pédicellaire vu par ses faces ; les mors sont à peu près de même largeur dans toute leur étendue; celle de leur partie qui correspond à la lame interne supérieure est relativement très-étendue. La lame interne supérieure présente deux rangées de petites dents formant des courbes parallèles à celles de son bord, une rangée de dents plus grandes, et enlin deux rangées toujours parallèles aux premières de grosses dents légèrement courbées et pointues. (4) PI. 47, fig. 5aet 6. (2) PI. 17, fig 5 a. 291, E. PERRIER. La lame interne inférieure porte des dents de même taille et de même forme que les plus grosses dents de la lame supé- rieure. Elles forment quatre rangées longitudinales d’inégale longueur de manière à présenter dans leur ensemble l'aspect d’un triangle. Les dents de chaque rangée alternent avec celles des rangées voisines, de manière à présenter une disposition quinconciale. La queue des mâchoires est courte, arrondie, renflée ; la lame irrégulière d'attache qui environne l'extrémité est très-déve- loppée. Queiques dents plus petites se trouvent, soit sur le bord mfé- rieur de l’aile libre du mors, soit sur la lame calcaire qui le relie à la queue; ces dents semblent continuer les rangées que porte la lame interne inférieure du mors. h. ASTERACANTHION TENUISPINUS, M. et T. (4). — Les Pédi- cellaires droits présentent dans leur ensemble la forme d’un ovale allongé, dont la pièce basilaire forme le gros bout. Elle constitue à peu près le sixième de la longueur totale de l'or- gane et peut être comparée à une demi-ellipse dont les axes seraient entre eux comme à est à 4. Les trous dont elle est per- forée sont circulaires, plus petits vers le pourtour, plus gros au centre. Les mâchoires, finement dentelées sur leur bord interne, présentent, à la partie inférieure de ce bord, une longue échan- crure entaillée elle-même à sa partie supérieure de manière à former plusieurs dents. Leur largeur est à peu près la même dans toute leur étendue. Les trous de ses faces latérales sont aussi arrondies. Les Pédicellaires croisés ne présentent rien de bien saillant dans leur forme générale; ils sont toutefois caractérisés par certains détails de structure qu'il est facile d’apercevoir. Les trous de la pièce basilaire, arrondis dans le voisinage des apophyses irrégulières, deviennent allongés dans le corps même de la pièce et semblent former de légères courbes rayonnant de (CORTE ENT IEEE PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 995 son sommet. A la partie supérieure, on peut distinguer un gros trou médian et d’autres plus petits sur la même ligne horizon- tale. La queue des mâchoires est courte, de même largeur par- tout. Leur mors présente, à sa partie interne supérieure, l’ap- parence d’une échancrure. Si l’on examine la lame interne, on voit que la supérieure présente deux ou trois rangées de dents très-fines à son bord externe; puis au-dessus trois rangées de grosses dents disposées transversalement en ligne courbe, de manière que la supérieure enveloppe les deux autres. La pre- mière et la deuxième comprennent le plus grand nombre de dents. La lame interne inférieure présente trois ou quatre rangées de dents disposées en séries longitudinales, et qui en occupent sur- tout la partie médiane. 5. ASTERACANTHION VIOLACEUS, M. et T. — Pédicellaires très- allongés. Pièce basilaire formant à peu près un septième de leur hauteur, deux fois aussi large que haute. Mâchoires terminées en pointe, finement dentées sur leur bord interne. Pédicellaires croisés ressemblant beaucoup à ceux de l’Aste- racanthion rubens, mais moins délicats. Toutes leurs parties plus massives. 6. ASTERACANTHION POLARIS ? — Nous conservons à cette espèce la dénomination qu’elle porte dans les collections du Muséum ; nous ne voudrions cependant pas affirmer que ce soit l'espèce de Müller et Troschel. Dans le doute, nous croyons devoir donner une description complète de l'individu unique que nous avons observé. Six bras, trois fois aussi longs que le diamètre du disque, un peu plus de trois fois plus longs que larges, très-convexes. Disque couvert de tubercules arrondis, fortement sillonnés longitudinalement, ayant une tendance à se ranger par groupes irréguliers de cinq ou six. Chacun d’eux est entouré d’une cein- ture de Pédicellaires croisés ; cette ceinture est tantôt formée 5° série, ZooL, T. XII. (Cahier n° 4.) 3 15 296 E. PERRIER. d’un cercle unique, tantôt de plusieurs cercles ; d’autres fois elle est irrégulière, présentant d’un côlé jusqu’à quatre rangées de Pédicellaires et de l’autre une ou deux seulement. La plaque madréporique est entourée d’un cercle de tubercules munis de leurs Pédicellares. Les dessins qu’elle présente sont formés de lignes sinueuses saillantes, plus larges que les intervalles qui les séparent, et présentant d'espace en espace quelques parties récurrentes ; elle est peu saillante, et située à 2 millimètres environ de la ligne de séparation des bras. Ceux-ci sont pointus, mais peu allongés. Leur face dorsale est couverte de tubercules et de Pédicellaires en tout semblables à ceux du disque, et n’affectant aucune disposition régulière. Les intervalles qui séparent les uns des autres les cercles de Pédi- cellaires relatifs à ces tubercules sont remplis par des tubes ten- taculaires. La face dorsale est limitée de chaque côté par une rangée à peu près régulière de piquants, ayant une hauteur à peu près double du diamètre de leur base et non sillonnés, si ce n est quelquefois légèrement à leur sommet. Sur la face ventrale, on rencontre : 1° les piquants des sillons ambulacraires paraissant former tantôt deux rangées, dans les- quelles tous les piquants sont en contact les uns avec les autres , tantôt, et c’est le cas le plus général, quatre ou cinq rangées de piquants, disposés de telle façon que les piquants d’une rangée alternent avec ceux de la rangée suivante. Ces piquants sont cylindriques, arrondis ausommet, minces relativementaux autres piquants de la face ventrale, et séparés les uns des autres par une grande quantité de Pédicellaires droits. Après les piquants des sillons ventraux, on voit deux rangées assez régulières de gros piquants cylindriques, lisses, arrondis au sommet et dont le diamètre est à peu près double de ceux que nous venons de décrire. Quelques piquants plus pelits isolés se voient quelquefois entre la rangée la plus externe de ces piquants, et celle qui borde la face dorsale. Ces deux dernières rangées comprennent entre elles un espace longitudinal, dans lequel on ne voit d'ordinaire que des tubes tentaculaires. La collecuon du Muséum ne renferme qu'un seul individu PÉDICELLAÏRES ET AMBULACRES. 227 de cette espèce ; il à été apporté du nord du Groënland par M. L. Rousseau, qui l'avait récolté pendant son voyage avec le prince Napoléon. Cet individu a de 15 à 16 centimètres de diamètre. Les deux formes de Pédicellaires sont assez remarquables, Les Pédicellaires droits (1) sont allongés ; ils ont la forme d'un quadrilatère à diagonales rectangulaires et à sommets mousses. La plus grande diagonale est à la plus petite comme 12 est à 7 environ ; leur rencontre se fait au quart de la longueur totale de la première. Comme la petite diagonale est formée par la partie supérieure de la pièce basilaire, il s’ensuit que celle-ci forme le quart de la longueur totale de l'organe. Elle à la forme d’un trapèze, dont la petite base coïnciderait avec la partie libre de la pièce. Cette petite base présente en son milieu une légère concavité ; elle est à la grande base comme À est à 5. La lame interne présente à sa base une échancrure demi-circulaire pour le passage du muscle. Les machoires forment une sorte de triangle isocèle, dont le sommet serait remplacé par un arc de cercle, et dont la base serait à la hauteur comme 7 est à 10. Les Pédicellaires croisés (2) ne sont pas très-nombreux et leur forme, comme celle des précédents, a quelque chose de géométrique. Les arêtes n’ont pas une courbure pareille à celle que l’on trouve d'ordinaire dans les autres espèces. L’enseml:e des mors des deux pinces forme une sorte de triangle équilatéral. Leurs queues sont allongées, à bords presque parallèles. | Nous devons faire remarquer le grand développement que prend dans cette espèce la pièce calcaire grillagée qui recouvre la queue des mâchoires; elle remonte presque jusqu’à la hau- teur des mors. La pièce basilaire se rapproche davantage des formes habi- tuelles; elle est percée de trous ronds, dont les supérieurs for- (4) PL 47, fig. 6 ©. (2). PI. 47; fig, 6ra, 998 E. PERRIER. ment une ligne horizontale ; leur diamètre est à peine supé- rieur à celui des trous qui occupent les autres parties. La lame interne supérieure présente une rangée courbe de grosses et longues dents qui est la plus inférieure, et au-dessus de laquelle on voit deux ou trois rangées de plus pettes dents très-nombreuses. La lame interne inférieure est courte, et pré- sente cinq ou six rangées longitudinales de dents de la même grandeur que les plus grandes de la lame interne supérieure. Le nombre des dents est variable d’une rangée à l’autre ; elles se prolongent jusque sur la deuxième partie de la queue des mâchoires. 7. ASTERACANTHION RUBENS M. etT.(1).— Dans l'A. rubens, les deux sortes de Pédicellaires sont disposées comme d'ordinaire. Les Pédicellaires droits se trouvent disséminés en plus ou moins grand nombre à la face dorsale, dans le voisinage du sillon am- bulacraire et aux angles du bras. Ils sont grands, peu allongés, pourvus d’une pièce basilaire presque en forme de rectangle à bords arrondis; celle-ci est surmontée de mâchoires terminées en cuillers arrondies et, par conséquent, dépourvues de crochet terminal. Ces mâchoires ont un bord libre irrégulier, festonné et denté. Nous avons pu sur cette espèce nous assurer de la sensibilité des Pédicellaires. Il suffisait de placer la pointe d’une aiguille entre leurs branches, quand elles étaient ouvertes, pour les voir aussitôt se refermer, saisir la pointe, et se faire parfois arracher plutôt que de lâcher prise. Seulement, avec les individus affai- blis que nous avons eus à notre disposition, il nous à été impos- sible de saisir des mouvements spontanés des Pédicellaires. Les pédicellaires croisés se trouvent comme d'habitude autour des piquants. Sur le vivant on les distingue très-nettement à l'œil au. La couleur blanche de leur squelette tranche très-netiement sur le fond violacé de la masse charnue qui les supporte et qui n’est pas susceptible de recouvrir les piquants et de les découvrir comme dans l’Asteracanthion glacial. (4) PL 47, fig. 2e, 0, c, d, e, f, g. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 299 Dans l’Asteracanthion rubens, les pédicellaires croisés forment tout au plus deux ceintures autour de chaque piquant; encore le plus souvent la cemture extérieure est-elle incomplète. Ces pédicellaires sont ceux que nous avons étudiés les pre- miers. Les mâchoires et la queue sont inclinées l’une sur l’autre de 60 degrés environ. Elles ont à peu près la même longueur. L'uneet l’autre sont deux fois plus longues que larges. La pièce basilaire est arrondie à son bord interne, ses deux apophyses sont bien marquées. 8. ASTERACANTHION ROSEUS, M. et T. (1). — Les pédicellaires droits sont larges et courts; la longueur est à leur plus grande largeur comme 8 est à 10 à peu près. La pièce basilaire forme le quart environ de la longueur to- tale. Sa largeur est à sa hauteur comme 2 est à 1. Les échan- crures placées de chaque côté de l’apophyse médiane sont très- peu marquées. Les mâchoires sont arrondies extérieurement, finement den- telées à l’intérieur et terminées chacune par un crochet. Une seule des faces de chaque mâchoire se prolonge pour former le crochet ; l’autre continue son chemin. Il en résulte un creux dans lequel vient se loger le crochet de l’autre mâchoire. Si, en effet, c’est la face inférieure de la branche de gauche qui forme crochet, ce sera la face supérieure de la branche de droite qui contribuera à former cette partie. Nous retrouverons une sem-— blable disposition dans l’Asteracanthion aurantiacus avec lequel l’Asteracanthion roseus présente du reste de nombreuses analo- gies de forme. Les pédicellaires croisés s’éloignent peu des formes ordi- paires. La queue des mâchoires est bien développée mais non ren- flée; elle porte une lame grillagée qui remonte presque jus- qu'aux mors. Ceux-ci ont une lame interne inférieure pourvne de trais ran- gées de grosses dents disposées en quinconce. (1) PL. 47, fig. 7. 330 E. PERRIER. 9. ASTERACANTHION LINCKI, M. et T. — Il n'existe dans la collection qu'à l’état sec ; je n'ai pu jusqu'ici, pour cette raison, en étudier les Pédicellaires. AO. ASTERACANTHION STRIATUS, M. et T. — Il n'existe dans la collection qu’un seul individu desséché et en assez mauvais état. Je n’ai examiné ni ses Pédicellaires droits, ni ses Pédicellaires croisés, mais je me suis assuré de leur existence. Cette espèce est remarquable par l'addition aux deux espèces de Pédicellaires que l’on trouve chez tous les autres Asteracan- thion, d’une troisième espèce que nous verrons plus tard appa- raître presque constamment chez les Oreaster et les Culcites. Je veux parler des Pédicellaires valvulaires. Chez l'animal qui nous occupe, deux lames calcaires allongées, fixées aux téguments, entourées d’une sorte de rempart composé d’épines, constituent ces pédicellaires. Ils se trouvent à la face ventrale où ils forment une rangée de chaque côté de chacun des sillons ambulacraires. Dans l'individu que nous avons examiné, les deux pores de sortie des tubes ambulacraires d’un même côté étaient réunis par une fente, tandis que dans les autres espèces les pores sont en général parfaitement circonscrits. Y a-t-il là des conditions suffisantes pour former une coupe générique ? Je ne le pense pas; mais ce caractere était bon à signaler. A1. ASTERACANTHION AURANTIACUS, M. et T. (4). — Les Pédi- cellaires droits de l’Asteracanthion aurantiacus sont remarqua- bles. Ils présentent la forme générale d’un triangle 1socele dont la hauteur serait à leur base à peu près comme 11 est à 7. La pièce basilaire est une sorte de trapèze dont la grande base serait arrondie et dont la petite serait les cinq sixièmes de la pre- mière. La hauteur totale de cette pièce est un peu moindre que la moitié de sa plus grande largeur. La pièce basilaire, comme le reste de l'organe, est perforée d'un grand nombre de trous ronds. #4) Ann,sc, nat., Zoo1., pl. 17, fig. 8 a et D. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 231 Les mâchoires forment les quatre cinquièmes environ de la hauteur totale du Pédicellaire. Chacune d'elles est terminée par un crochet mousse, très-allongé et formé seulement aux dépens de l’une des faces de la mâchoire; l’autre face se continue sans aucune modification de courbure. Comme dans l’Asteracanthion violacéus, la face dépourvue de crochet d’un côté vient s’oppo- ser à la face qui en est pourvue de l’autre, de sorte que le pédi- cellaire estsymétrique par rapport à une ligne, mais n’a plus de plan de symétrie. Les pédicellaires croisés se distinguent surtout par l’élargis- sement considérable du cuilleron qui forme les mors. Nous rangeons dans le genre Æsteracanthion, l'animal dési- gné par Gray sous le nom de : 12. HezrasTEeR HELIANTHUS. — ]l diffère à la vérité des 4ste- racanthion ordinaires par la multiplicité de ses bras, par leur forme, enfin par sa couleur toute particulière. Mais ces raisons nous paraissent msuffisantes pour établir un genre nouveau. Il existe dans les collections du Jardin des plantes des Astérides que nous allons avoir à décrire, qui ont aussi des bras fort nombreux, mais qui présentent néanmoins tous les autres caractères et jusqu’à l’aspect extérieur des Asieracanthion à cinq bras. Ces espèces à rayons multiples nous conduisent sans brusques chan- gements aux Heliaster et nous déterminent à maintenir ceux-ci dans le genre Asteracanthion proprement dit. À défaut de recherches anatomiques que nous n’avons pu faire, ou d’études embryogéniques qu'il serait intéressant de conti- nuer, nous ne croyons pas devoir conserver un genre basé uni- quement jusqu'ici sur des formes extérieures s’éloignant fort peu, du reste, des formes ordinaires. Nous sommes confirmé dans notre opinion par l'identité absolue que nous présentent sous tous les rapports les pédicellaires de l’Æeliaster et ceux des Asteracanthion. Nous ne connaissons pas encore les pédicellaires droits. Les pédicellaires croisés sont placés, comme d'ordinaire, au- 232 E, PERRIER. tour des piquants ; ils sont relativement en petit nombre et de taille ordinaire, mais très-élargis. La pièce basilaire est à peu près deux fois aussi large que haute. La queue des mâchoires est après sa première courbure pres- que horizontale; elle est à peu près, à partir de ce point, deux fois aussi large que longue. Le mors n’est pas aussi recourbé que dans les autres espèces. La lame interne supérieure est très-développée et toute recou- verte de dents grandes et nombreuses, disposées en lignes cour- bes transversales. La lame interne mférieure ne porte que trois rangées longitu- nales, formées chacune de quatre ou cinq grosses dents. Ces dispositions sont bien apparentes si l'on regarde l’organe de pro- fil ou par sa face interne. Les perforations sont nombreuses et circulaires ; la lame gril- lagée de la queue des mâchoires n’a qu’un développement très- ordinaire. Nous arrivons maintenant à une série d'espèces du genre Asteracanthion dont la détermination précise n’est pas possible, à cause de la brièveté des descriptions qui sont données par la plupart des auteurs. Il se peut que plusieurs de ces espèces soient déjà connues, et nous ne prétendons à aucun droit de priorité à cet égard. Nous nous ferons un plaisir de rendre à chacun ce qui lui est dû, dès qu’une réclamation nous paraîtra suffisamment justifiée. Notre désir pour le moment est de faire connaître ce que pos- sède la collection du Muséum d'histoire naturelle de Paris ; nous conservons, comme nous l'avons déjà dit, à chacune des espèces déjà nommées, mais non décrite par M. Valenciennes, la déno- mination qui lui à été imposée. Notre tâche se borne donc à fixer ces noms au moyen d’une description précise, nous ajoute- rons seulement aux caractères que l’on donne d'habitude, les caractères précieux fournis par les pédicellaires. Nous aurons fait ainsi, aussi naturellement que possible, uné première appli cation des résultats de nos recherches. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 933 13. ASTERACANTHION NOVÆ BORACENSIS, Val. — Cinq bras, à peu près quatre fois aussi longs que larges, trois fois et demi plus grands que le diamètre du disque, légèrement aplatis. Disque présentant un grand nombre d’épines, épaisses, cour- tes, arrondies au sommet et irrégulièrement disséminées à sa surface. Plaque madréporique, assez grande, saillante, non en- tourée de piquants et placée tout près du bord. La face dorsale des bras présente trois lignes assez régulières de piquants ; l’une médiane, les deux autres tout à fait latérales. Ces trois lignes forment carènes, surtout celles des bords. Entre elles se trouvent irrégulièrement disséminés un grand nombre de piquants à peine plus petits, situés, comme cela est ordinaire, aux sommets des angles du réseau calcaire formé par le squelette. De nombreux tentacules déliés se montrent sur lasurface du dos. Sur la face ventrale on rencontre le sillon ambulacraire, bordé d’une double rangée de piquants presque cylindriques, ou légèrement aplatis à leur extrémité. Ces piquants sont assez courts ; ceux qui forment la rangée externe sont encore moins longs que les autres. En dehors des piquants du sillon ambula- craire se voit une double rangée de piquants réunis deux à deux par leur base, et qui occupent le milieu de l’espace laissé libre entre le sillon ambulacraire et la ligne de piquants qui limite la région dorsale. En outre, vers le tiers interne des bras, cette double rangée de piquants est flanquée de chaque côté d’une nouvelle rangée de piquants simples ; ce qui nous fait en tout à la face ventrale quatre rangées de piquants. Enfin les piquants de la carène latérale deviennent doubles en se rapprochant de l'angle du bras. Les Pédicellaires de première espèce, ou Pédicellaires droits (1), sont à peine plus longs que larges ; ils présentent à peu près la forme d’un triangle équilatéral à côtés courbes. La pièce basilaire est moins large que la base des mâchoires ; sa hauteur est un peu plus du tiers de sa largeur ; celle-ci est à peu près la même partout, de sorte que la figure géométrique, qui se rapprocherait le plus de la forme de la pièce basilaire, (4) PI. 47, fig. 9, a. 23h E. PERRIER. serait un rectangle. La pièce basilaire forme à peu près le quart de la hauteur totale du Pédicellaire. Les trois autres quarts sont formés par les mâchoires qui sont très-finement dentelées sur leur bord interne, et jusque sur le pourtour de l’échancrure destinée aux muscles adducteurs. Toute l'étendue des pièces calcaires est perforée de trous ronds, sauf, comme d'ordinaire, l’espace compris entre le bord interne des mâchoires et la ligne d'insertion de la lame interne. On remarque seulement sur cet espace des portions plus épais- sies qui sont des espèces de barres de renforcement. Les Pédicellaires croisés (1) ont, comme les Pédicellaires droits, une forme plus ou moins trapue. La pièce basilaire à sa forme elliptique ordinaire : on re- marque à sa partie supérieure une ligne horizontale non per- forée, et qui frappe l’œil, dès qu’on le met au microscope, par son éclat. Les mâchoires sont assez courtes ; leur queue est peu développée, et n’offre rien de bien particulier. Les figures ici, comme dans toute description, en disent plus que toutes les paroles. Notre rôle doit donc être d'appeler simplement l’atten- tion sur les particularités qui nous paraissent les plus caracté- ristiques. La lame interne supérieure est couverte d’un nombre consi- dérable de petites dents qui la fait ressembler à une carde. La lame interne inférieure présente seulement un nombre restreint de ces dents qui sont en revanche plus grande. Ces dents sont disposées en une sorte de V qui embrasse l'échancrure destinée à loger la pièce basilaire. Le sommet du V est formé par deux dents. La pièce grillagée de la queue des mâchoires est moyenne- ment développée. Un individu unique de New-York ; son diamètre est de 25 cen- timêtres environ, autant qu’on en puisse juger sur un individu conservé dans l'alcool. La couleur est devenue dans cette liqueur d’un gris päle uni- forme. (1) PL. 47, fig. 9, b. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 235 Ah. ASTERACANTHION SULCIFER Val. (4).— Cinq bras allongés, arrondis, au moins quatre fois aussi longs que le diamètre du disque, pointus, de cinq à six fois plus longs que larges. Toute la surface du corps est rendue granuleuse par la quan- tité considérable de Pédicellaires qui la recouvre. Ces Pédicel- laires sont presque tous des Pédiceilaires croisés. Sur le disque, on voit irrégulièrement disséminés un assez grand nombre de petits piquants cylindriques à pointe mousse. La plaque madréporique est située sur le bord du disque; elle est élevée et entourée d’un cercle de piquants analogues à ceux du dos. Le nombre de ces piquants n’est pas constant ; 1l est en moyenne d'une quinzaine. Sur la face dorsale des bras, on remarque la ligne médiane qui est légèrement saillante, et porte des piquants que l’on trouve souvent disposés trois par trois transversalement. Cette disposition est surtout bien marquée sur les gros échantillons, et principalement vers la base des bras. De chaque côté viennent ensuite trois lignes irrégulières longitudinales de piquants qui sont souvent géminés. Entre ces lignes, on voit un certain nombre de piquants également géminés. On arrive alors à une ligne assez régulière, composée de piquants presque tous sim- ples, et que nous pouvons considérer comme formant la limite de la face dorsale. Tous les piquants étant peu allongés, les lignes qu’ils forment sont au premier abord peu apparentes. La gémination fréquente des piquants et les piquants isolés sur le disque augmentent encore l'incertitude sur le nombre des lignes ; mais il suffit d’un peu d'attention pour les reconnaître rapidement. Sur la face ventrale, on aperçoit beaucoup de piquants qui forment à la fois des rangées transversales de trois, quatre ou cinq, et des rangées longitudinales. Ces piquants ont encore une tendance à la gémination. Dans le voisinage de la base des bras, ils deviennent beaucoup plus gros et plus longs; ils sont arrondis au sommet, et presque en contact les uns avec les autres. Les (DEL PP etL; atbretic: 236 E. PERRIER. piquants de la face ventrale sont en général plus gros et plus longs que ceux de la face dorsale. Nous arrivons enfin aux sillons ambulacraires dont les piquants sont grèles, allongés, pointus ou larges et aplatis au sommet. Ces piquants sont disposés sur deux rangs. Les Pédicellaires droits sont assez nombreux, et se rencontrent principalement à l’angle des bras et parmi les piquants des sillons ambulacraires ; ils sont assez allongés. La pièce basilaire forme environ le quart de la hauteur totale. Sa hauteur est à peu près la moitié de sa largeur. Les mâchoires sont terminées par un crochet mousse, et la substance calcaire qui les compose est percée d’une quantité innombrable de trous très-petits, ou, pour mieux dire, les baguettes du réseau cal- caire qui la constitue sont tellement rapprochées, qu’elles lais- sent à peine entre elles des espaces ayant un diamètre égal à leur épaisseur. Les Pédicellaires croisés sont extrêmement nombreux, dis- posés en groupes autour des piquants, et se retrouvent jusque dans leurs intervalles. La pièce basilaire a la forme ellipsoïde, comme on le voit d'ordinaire ; mais sa hauteur est à peu près égale à sa largeur. Les mâchoires sont peu allongées, à queue droite à partir du coude, et munie d’une pièce grillagée allant jusqu’à son milieu. La lame interne supérieure est toute hérissée de dents for- mant trois ou quatre rangées courbes. Les dents alternent dans deux rangées consécutives ; les plus grandes sont celles de la rangée inférieure. Sur la lame interne inférieure, immédiate- ment au-dessus de cette dernière rangée, on voit une rangée longitudinale de dents allant jusqu'à l'extrémité du bord qui n’est pas en rapport avec la queue de la mâchoire. Ces dents ne sont pas découpées dans ce bord lui-même ; elles se trouvent un peu à l’intérieur. Presque sur la ligne médiane, au-dessous de cette lame interne, se voit une petite échancrure, sur le pour- tour de laquelle sont de petites dents. Plus bas, une rangée de trois grosses dents très-apparentes, séparées des précédentes par une autre grosse dent placée entre les deux plus internes et au- PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 237 dessus. Au-dessus de la grosse dent externe, trois ou quatre autres plus petites, et formant une rangée longitudinale irré- gulière. Le Muséum possède cinq échantillons de cette espèce venant du port Famine ; ils ont été rapportés par MM. Hombron et Jacqumot (7’oyage de l’Astrolabe). Il m'est impossible de déterminer leur couleur. Leur taille atteint environ 3 décimètres de diamètre. 15. ASTERACANTHION GEMMIFER Val. (1). — Grande et belle espèce à onze bras, ayant chacun de trois à quatre fois le dia- mètre du disque pour longueur ; celle-ci est égale à six ou sept fois leur largeur. Disque couvert de piquants assez allongés, pointus, entourés chacun d'une gaîne pouvant les invaginer à certains moments comme dans l’Asteracanthion glacialis. Dans l’état de rétraction où elles se trouvent par suite du long séjour de l'animal dans l'alcool, ces gaînes forment seulement autour de la base des piquants de gros bourrelets recouverts de Pédicellaires croisés, On ne voit qu'une seule plaque madréporique petite, située près du bord du disque, dans l'intervalle de deux bras. Les bras sont arrondis, de cinq à six fois aussi longs que le diamètre de leur base, et présentent cinq rangées longitudinales parfaitement régulières de piquants bien pointus. Chacun de ces piquants est entouré d’une gaïîne pareille à celle des piquants du disque, et portant des Pédicellaires. Dans l’intervalle de ces rangées sont des touffes peu nombreuses de tubes tentaculaires. Sur la face ventrale, les piquants du sillon ambulacraire sont disposés sur un seul rang, grêles et légèrement aplatis à leur extrémité. De chacun des angles des bras partent deux ou trois épines divergentes, qui se dirigent vers la bouche et protégent son origine. En dehors des piquants des sillons ambulacraires, et remplissant l’espace qui les sépare de la dernière rangée de piquants dorsaux, on voit une nouvelle rangée de piquants aigus (1) PI, 17, fig, 12, &, O et ce 9238 E. PERRIER, et allongés, et qui sont disposés transversalement trois par trois ou deux par deux. Le piquant le plus interne, dans le cas où il y en a trois, est plus aigu et plus grêle que les deux autres, et se trouve moins étroitement uni à son voisin que celui-ci ne l’est au piquant externe. Ce dernier porte seul une houppe de Pédi- cellaires formant seulement une demi-couronne. Les Pédicellaires droits sont abondants daus l’intérieur des sillons ambulacraires, et je n’en ai guère rencontré que là, du moins dans l'échantillon unique que j'ai eu sous les yeux. Ils sont petits (1/3 de millimètre environ). La pièce basilarre forme le cinquième de la hauteur totale ; elle est à peu près elle- rêème deux fois plus large que haute, et sa plus grande largeur est aussi à peu près celle des mâchoires. Celles-ci vont en s’amincissant graduellement vers leur extré- mité, et leur bord extérieur est légèrement concave, de manière que le Pédicellaire tout entier présente la forme d’un ovale, dont les plus grandes dimensions rectangulaires seraient entre elles comme 2 est à 5. Le bord interne des mâchoires est très-fine- ment dentelé et à peine sinueux. La lame interne est irré- gulièrement échancrée à sa base pour le passage du muscle. L’extrémité des mâchoires est arrondie et dépourvue de cro- chets. Les Pédicellaires croisés ont une pièce basilaire de forme ellip- tique, comme d'habitude, avec la partie médiane formée d'une lame simple percée de trous ronds. Cette lame se renforce dans sa partie supérieure, et présente au-dessous de lapartie renfor- cée deux ou trois perforations plus grandes, et disposées sur la même ligne horizontale. Les apophyses régulières sont peu développées. Les mâchoires ont une queue courte et arrondie ; leur lame grillagée est bien développée. Les mors sont allongés, mais leur largeur est peu considérable. La lame interne supérieure porte quatre ou cinq rangées courbes de dents ; celles de la rangée supérieure sont petites, mais celles des rangées inférieures sont grandes et à peu près superposées les unes aux autres. La lame interne inférieure présente sur sa concavité cinq rangées longi- PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 239 tudinales de grosses dents disposées à peu près en quinconce. Ces rangées contiennent un nombre de dents variant de quatre à six ; c’est la rangée médiane qui en contient le plus. Sur l'aile du mors, qui n’est pas en continuité avec la queue, on voit deux ou trois rangées de petites dents parallèles au bord, et qui pa- raissent continuer les deux rangées longitudinales les plus voi- sines. La grandeur de cette espèce est d'environ 25 centimètres de diamètre ; la mesure étant prise sur un individu conservé dans l'alcool depuis 1832. Sa couleur est devenue d’un blanc jaunâtre uniforme. L'individu unique que possède le Jardin a été rapporté du Chili par M. Eydoux. 16.— Nous devons rapprocher de l’Asteracanthion gemmifer, un autre individu également unique dans la collection et en fort Mauvais état. La longueur des bras est trois ou quatre fois plus grande que le diamètre du disque; mais ils sont tellement maltraités qu'il est impossible de reconnaître leur forme. Ils sont au nombre de douze et portent chacun cinq rangées de piquants comme dans l’Ast. gemmifer. Seulement les rangées sont moins régulières et le bourrelet charnu qui porte les pédicellaires est moins déve- loppé. Sur la face ventrale, les piquants qui bordent les sillons am- bulacraires sont disposés sur deux rangées. Entre les deux sillons et la dernière rangée de piquants dorsaux, il y aura double ran- gée de piquants comme dans l'espèce précédente. Les pédicellaires droits se trouvent surtout dans l’intérieur des sillons ambulacraires. Ils sont petits comme dans l'espèce précé- dente. La pièce basilaire forme le cinquième de la hauteur ; elle est deux fois et demie aussi large que haute. Sa forme est celle d’un trapèze à grande base convexe. Les mâchoires dans leur plus grande largeur qui est à la base sont un peu plus larges que la pièce basilaire considérée aussi 240 E. PERRIER. dans sa plus grande largeur. Elles présentent la forme d’un triangle isocèle dont la base serait environ les deux tiers de la hauteur. Les mâchoires se terminent en formant un angle très- aigu; elles présentent même une sorte de petit crochet; l’une des deux est légèrement plus grande que l’autre dont elle en- capuchonne l’extrémité. Les pédicellaires croisés (1) ont une pièce basilaire qui nepré- sente aucune particularité saillante. Les mâchoires ont une queue courte et arrondie dont la plus grande partie, surtout du côté interne, est occupée par la pièce grillagée. Les perforations que présente cette pièce sont arrondies. Les mors ont une hauteur qui est à la largeur de leur base comme à est à 4. La lame interne supérieure ne présente qu’une seule rangée de grosses dents, c’est la plus inférieure ; les ran- gées placées au-dessus sont au nombre de deux ou trois et for- mées de très-petites dents. La lame interne inférieure présente à sa partie supérieure deux perforations latérales, symétriques, de forme ovale. Elle supporte cinq rangées de dents, l’une médiane composée de cinq dents, les deux voisines sont aussi composées de cinq dents alter- nant avec celles de la rangée médiane et dont la plus élevée est au-dessous de la dent la plus élevée de cette dernière rangée. Les rangées extrêmes ne comprennent que trois ou quatre dents, un peu plus petites que les autres. Enfin de petites dents se - voient encore sur l'aile libre de la mâchoire. Grandeur, 2 décimètres environ. Origine, Nouvelle-Hollande (Quoy et Gaimard, expédition d'Urville). 17. ASTERACANTHION STELLIONURA, Val. — Espèce à cinq bras allongés, pointus, ayant environ quatre fois le diamètre du disque pour longueur; sept fois au moins aussi longs que larges, un peu Convexes. Disque tout d'une venue avec les bras, présentant à peine (1) PI. 17, fig. 41 et A5 a et à. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 244 quelques rares épines mousses, peu allongées; couvert d’une très-grande quantité de pédicellaires droits. Plaque madrépo- rique peu saillante, sans bordure de piquants, située à quelques millimètres de l’angle du bras sur le rayon qui va du sommet de cet angle au centre du disque. Bras présentant sur la ligne médiane dorsale une rangée de petites etgrêles épines et de chaque côté des bras des épines dis- séminées, encore moins grandes que celles de la ligne médiane, ou bien trois rangées, d’ailleurs peu distinctes et peu régulières de ces mêmes épines. Toute la surface des bras est couverte de tubes tentaculaires et de pédicellaires droits qui contribuent par leur nombre et leur taille à rendre les épines peu apparentes sur les individus conservés dans l'alcool, les seuls, du reste, que nous ayons eus à notre disposition. Il est à remarquer que les épines du dos ne sont pas entourées de ce cercle de pédicellaires croisés que nous avons rencontré jusqu'ici d’une maniere con- stante. Les pédicellaires droits étant d’ailleurs parfaitement con- servés, je ne crois pas devoir attribuer la disparition des pédi- cellaires croisés de la région dorsale à une cause accidentelle. J'ai eu d'ailleurs entre les mains cinq individus de cette espèce qui sont tous les cinq dans cette condition. — La région dor- sale est limitée par une ligne très-régulière de piquants droits, pointus, et qui, cette lois, sont entourés de pédicellaires croisés. Sur la face ventrale on rencontre : 1° les piquants qui bordent les sillons ambulacraires. Ils sont petits, écartés, disposés sur deux lignes dont l’interne est renversée sur les sillons et l’ex- terne renversée au contraire en dehors et composée de piquants plus petits.— A l'angle des bras les piquants des rangées se ren- versent vers la bouche, du moins en général. — 2° Une rangée de piquants très-grands, très-forts, entourés du côté externe par un bourrelet recouvert de Pédicellaires croisés. Les Pédicellaires ont une forme spéciale et tout à fait carac- téristique. Les Pédicellaires droits ont une pièce basilaire (1) dont la face (4) PL. 47, fig. 40 6. 5° série. ZooL., T. XII. (Cahier n° 4.) 4 16 242 E. PERRIER. inférieure est convexe, les faces latérales concaves et les faces antérieure et postérieure planes. Il en résulte que celles-ci ont la forme d’un trapèze curviligne dont la grande base serait convexe, les deux arêtes latérales concaves très-inclinées sur la base et la base supérieure irrégulière. La hauteur du trapèze est à peine le quart de sa petite base et environ les trois quarts de la grande. Sur sa ligne médiane, cette pièce basilaire se prolonge en une longue pyramide pomtue qui s'engage entre les deux mâchoires et s'élève un peu au-dessus de la moitié de leur hau- teur. C'est là un caractère unique dans le genre Asteraäcanthion ; cette pyramide représente évidemment la légère protubérance qu’on remarque à la même place chez toutes les autres espèces et qui sert de point d’attache fixe aux muscles adducteurs des mâchoires. — Les usages de la pyramide en question sont exac- tement les mêmes; mais de sa forme spéciale résulte une dis- position spéciale aussi de l'appareil musculaire. Les mâchoires forment ensemble un triangle isocèle à côtés convexes et dont la base est à la hauteur comme 3 est à 1. — Pièce basilaire et mâchoire sont réticulées dans toute leur étendue, sauf sur le bord interne qui est homogène est très- finement dentelé sursa tranche. On ne voit ces dentelures, d’ail- leurs très-régulières, qu'à un grossissement de 140 diamètres environ (Oc. À — obj. 2 de Nachet). Les Pédicellaires eroisés sont tout aussi remarquables pour le moins que les Pédicellaires droits. La pièce basilaire, bien que d'une forme peu différente de la forme ordinaire, comme on peut le voir planche 47, figure 10 c, est néanmoins beaucoup plus petite relativement à la grandeur des mâchoires. Celles-ci ({) ne présentent aucune partie lisse, ce qui est encore une condition exceptionnelle ; la queue comme le mors présentent dans toute leur étendue la structure réticulée. 1 serait difficile de distinguer pour le mors une face interne et encore moins de subdiviser celle-ci en deux lames, l’une su- périeure, l’autre inférieure. Le mors est bien plutôt une sorie (4) PI. 47, fig. 10 di PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 2h28 de pyramide triangulaire dont une arête serait tournée vers l’in- térieur. Cette arête ou plutôt la facette arrondie qui la repré- sente porte trois rangées de dents très-grandes disposées en quinconce. — À sa partie inférieure, les deux feuillets calcaires qui la forment se séparent, de manière que Pun forme l'aile libre des Pédicellaires, tandis que l’autre va rejoindre la queue. Dans ce parcours, les bords de ces feuillets portent tous deux deux rangées de petites dents, l’une sur leur tranche, l’autre au-dessus, mais à une petite distance. Le sommet de la pyramide est remplacé par un crochet formé de deux très-grandes dents, l’une extérieure, l’autre intérieure, entre lesquelles s'en trouvent trois ou quatre de petites. Sur la lame interne, chaque dent est flanquée de deux petits trous. L'ensemble de ces trous forme deux rangées assez régu- lières de perloration, qui peuvent illusionner au premier abord sur le nombre des rangées de dents quand on regarde l'organe au MmiICrOsCOpe. L'Asteracanthion Stellionura a environ 18 centimètres de dia- mètre. Il a été rapporté d'Islande par M. Gaimard en 4895 dans l'ex- pédition de la Recherche. La couleur des individus conservés dans l'alcool est d’un gris blanc uniforme. Le Muséum possède cinq échantillons assez bien conservés. ASTERACANTHION Lacazir (Ed. P.). — Nous avons pu expéri- menter sur cette espece la valeur du caractère fourni dans cer- tains genres par les Pédicellaires. — Elle se trouvait dans la collection du Muséum sous le nom d'Æchinaster echinura, Val. En effet, son aspect extérieur est celui de certains Echi- naster, et les ambulacres avaient été si bien comprimés qu'ils semblaient au premier abord ne former que deux rangées, Nous nous y étions même un moment trompé, et nous nous apprétions à décrire notre animal comme un nouvel Æchunaster, lorsqu’en examinant sa face ventrale à la loupe, nous y avons aperçu des Pédicellaires. Le microscope nous a montré que ces Pédicellaires DATI E. PERRIER. étaient tout à faitidentiques avec les Pédicellaires droits des Asté- racanthions. Des doutes nous sont alors venus ; nous avons trouvé sans peine, autour des piquants de la face dorsale, les Pédicel- laires croisés, et enfin un examen plus attentif des sillons ambu- lacraires de l’individu que nous avions sous les yeux, et de trois autres plus petits conservés dans l'alcool qui l'accompagnaient, nous à permis de constater que les tubes ambulacraires étaient bien réellement disposés sur quatre rangées et non sur deux. — L'Echinaster echinura de Valenciennes est donc bien un Astéra- canthion ; nous ajouterons à son nom spécifique celui de notre savant maître M. Lacaze-Duthiers qui, dans ses cours à l'École normale et dans ses conseils particuliers, nous avait indiqué les Pédicellaires, comme pouvant être un sujet de recherches de quelque intérêt. L'Asteracanthion Lacazii est pourvu de cinq bras dont la longueur, comptée à partir du centre, est près de cinq fois aussi grande que la longueur du rayon du disque. Ces bras sont lége- rement convexes, terminés en pointe, six fois aussi longs que le diamètre de leur base. — Toute leur surface dorsale, ainsi que le disque, est couverte d'une grande quantité de gros piquants cylindriques, tronqués au sommet, entourés chacun à leur base d'un simple ou double cercle de Pédicellaires croisés. Les piquants de la face ventrale ont une tendance à former une rangée multiple dans le voisinage des bords ; 1l y a ensuite un espace vide où se trouvent, surtout dans le voisinage de l’an- gle des bras, beaucoup de Pédicellaires droits. — Les piquants des sillons ambulacraires sont disposés en deux rangs, légère- ment aplatis et tronqués au sommet ; ceux qui forment la ran- gée interne sont un peu plus grands que les autres. Les Pédicellaires droits ont une pièce basilaire en rectan- gle quatre fois au moins aussi large que haut. Les màchoi- res s’'amincissent brusquement au sommet de manière à se terminer en pointe. Elles sont finement dentées sur leur bord interne. La plaque madréporique est grande, saillante, située au mi lieu de la distance entre le centre du disque et son bord. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 215 Elle est marquée de sillons qui vont en se dichotomisant et en s'irradiant à partir du centre. Rapporté en 1846 par M. Smith de la Caroline du Sud. Les descriptions que nous venons de donner, les dessins qui les accompagnent, montrent à quel point sont constantes les deux espèces de Pédicellaires droits et croisés dans toute l’étendue du genre Asteracanthion. — À peine peut-on distinguer quelques légères variations spécifiques ; l'identité la plus absolue se pour- suit dans toutes les espèces jusque dans les moindres détails. — On peut conclure de là, et aussi du soin avec lequel les Pédicel- laires croisés semblent avoir été constitués, que ces organes jouent un rôle de quelque importance dans l’économie de l'animal. — Des observations faites sur les lieux mêmes, et dans des condi- tions autrement favorables que celles où nous nous trouvons, se- raient nécessaires pour définir nettement ce rôle; nous sommes forcé de les remettre à une autre époque, — à moins qu’un autre naturaliste plus heureux que nous ne vienne à nous de- vancer. — Notre étude n’en aura pas moins son importance, puisqu'elle aura appelé l'attention sur des organes que leur taille exiguë porte à négliger, mais qui présentent néanmoins, comme nous l'avons fait voir, de nombreuses particularités intéres- santes. Si maintenant nous remarquons que la forme tout à fait constante et tout à fait caractéristique des Pédicellaires coexiste dans le genre Asteracanthion avec la présence de quatre rangées d'ambulacres, caractère qui à lui seul nous paraît avoir une im- portance plus que générique, nous serons porté à éloigner les Astéracanthions des autres Astéries plus qu’on ne le fait d'ordi- naire. — Pour nous, les animaux qui composent le genre As- iéracanthion doivent former un groupe d’une valeur égale à ce- lui que forment toutes les Astéries pourvues seulement de deux rangées d'ambulacres. Nous allons étudier maintenant ce nou- veau groupe. 2/6 E. PERRIER. $ IT. — PÉDICELLAIRES DES ASTÉRIES A DEUX RANGÉES D’AMBULACRES, Les Astéries à deux rangées d’ambulacres forment un groupe beaucoup moins homogène à tous égards que le groupe formé par les Astéries à quatre rangées d’ambulacres, On le divise en deux groupes fort naturels Caraciérisés par la présence ou par l'absence d’un anus. Il ne faudrait pourtant pas supposer que cette division fût aussi fondamentale que le caractère auquel elle est empruntée pourrait le faire croire. L'’anus est en effet extrêmement réduit, chez les Astéries ; son rôle est très-peu important et personne ne mera qu'il ny ait une très-grande affinité entre les Archaster qui en sont pourvus et les Astropecten chez qui il manque complétement. — Nous sommes donc porté à penser que toutes les Astéries à deux rangées d’ambulacres, qu’elles soient ou non pourvues d'un anus, doivent fournir un groupe unique, parallèle à celui des Astéries à quatre rangées d’ambulacres. C'est à l'anatomie et à l’embryogénie de décider la question ; mais nous pouvons dès à présent apporter quelques considérations ayant une certaine va- leur à l'appui de notre opinion. En effet, de même que le passage entre les Astéries à quatre rangées et les Astéries à deux rangées d’ambulacres se fait brus- quement sous le rapport du nombre de ces organes, de même la forme des Pédicellaires change aussi brusquement et leur présence cesse également d’être aussi constante. D’une manière générale, dans le groupe dont les Astéracanthions sont le iype, tout Pédicellaire droit ou croisé se compose de trois pièces dont l’une joue simplement le rôle de support par rapport aux deux autres. Dans le groupe qui nous occupe, cette pièce basilaire a -complétement disparu. C'est le corps même de l’Astérie qui sert de support aux pinces; de telle sorte que dans bien des cas, les deux branches du Pédicellaire semblent presque n'être que deux piquants plus rapprochés que les autres ou même un seul pi- quant ayant subi une sorte de scission. — Il résulte de là que le Pédicellaire est absolument sessile. — Dans les Astéracanthions, PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 217 au contraire, il était supporté par un pédieule mou, rétractile, dont la présence expliquait et nécessitait à son tour la présence d’une pièce solide servant de support aux mâchoires et de point d'appui fixe à l’appareil musculaire destiné à les faire mouvoir. Dans la plus grande majorité des cas, les Pédicellaires du eroupe qui nous occupe sont donc exclusivement formés de deux pièces toutes deux actives. — Dans un seul genre, le genre Luidia, quelques espèces présentent des Pédicellaires formés de trois pièces ; mais ces trois pièces sont aussi, dans ce cas, des pièces actives, des mâchoires. — Au lieu d’être une pince à deux branches, le Pédicellaire devient une pince à trois branches, comme cela se voit dans tous les Oursins. Il n’est cependant pas possible — nous le verrons plus tard — de confondre le Pédi- cellaire d’une Luidia avec le Pédicellaire d'un Échinide quel- conque. Malgré cette simplicité de structure des Pédicellaires des As- térides à deux rangées d'ambulacres, ils appartiennent néan- moins à deux groupes distincts et que l’on a désignés depuis longtemps sous les noms de « Pédicellaires en pince » et de « Pédicellaires valvulaires ». Nous accepterons ces dénomina- tions; mais nous devons néanmoins faire à ce sujet quelques remarques. Les Pédicellaires en pince et les Pédicellaires valvulaires peu- vent exister isolément chez certaines espèces ou coexistér, mais dans des régions différentes du corps, comme nous l'avons vu pour nos Pédicellaires droits et croisés. — Dans le premier cas 1ls sont parfaitement distincts; mais dans le second il arrive fréquemment de trouver tous les intermédiaires entre le Pédi- cellaire en pince et le Pédicellaire valvulaire. Cela est surtout apparent sur le dos des Culcites et dans les aires tentaculaires dorsales des Oreaster. — Ajoutons que dans l’un et l’autre cas il existe à la face ventrale de l’animal des Pédicellaires valvu- laires des mieux caractérisés. De semblables passages n’ont rien qui puisse nous étonner. Les mêmes pièces, identiquement disposées, composent nos deux sortes de Pédicellaires ; seulement dans le cas des Pédicel- 2h8 EÉ. PERRIER. laires en pince, les deux pièces sont allongées perpendiculaire- ment au corps de l’Astérie, tandis que dans le cas des Pédicel- laires valvulaires, elles sont allongées parallèlement à ce corps. El suffit donc de modifications très-peu importantes pour passer d'une variété à l’autre, et nous trouverons dans les Oreaster et les Culcites tout ce qu'il faut pour favoriser ces variations. Dans tous les cas, il est facile de reconnaître que tout Pédi- cellaire est ici, comme dans le genre Asteracanthion, recouvert d’une enveloppe épithélhale, peut-être vibratile; mais 1l nous a été impossible de le constater dans des individus conservés dans l'alcool. — Cet épithelium cylindrique est parfaitement distinct, notamment chez les Luidia, et l’on peut le suivre facilement même sur la face interne des branches des pinces qu’il recouvre complétement ; néanmoins il s’amincit beaucoup dans cette région. L'appareil musculaire est extrêmement simple. — Dans les Pédicellaires en pince, on le trouve constitué par une première série de fibres qui relient la face externe des branches à la sur- face du corps et qui agissent évidemment pour écarter les branches de l’organe. — Ces fibres sont verticales. — Un peu au-dessus de la base du Pédicellaire, on peut voir les deux branches de la pince reliées entre elles par une deuxième série de fibres, cette fois horizontales, souvent disposées au-dessus d’une légère échancrure présentée par les branches des pinces. Ces fibres constituent le muscle adducteur des valves. Nous de- vons faire remarquer qu’elles n’ont rien de comparable comme puissance avec les muscles adducteurs ou abducteurs des Pédi- cellaires des Astéracanthions. Quant à la disposition du Pédicellaire, elle est également lom de présenter une fixité et une netteté pareille à celle que nous avons déjà rencontrées. Comme d'ordinaire la face ventrale, le voisinage de sillons ambulacraires sont particulièrement favorisés à cet égard ; nous aurons à revenir sur la question de distribu- tion en traitant de chaque genre en particulier. Nous l'avons déjà dit, l'existence des Pédicellaires n’est pas con- stante dans tous les genres. Nous avons soigneusement recherché PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 249 ces organes dans tous les genres qui ont été à notre disposition, et nous sommes arrivé sous ce rapport aux mêmes conclusions que MM. Müller et Troschel. Les genres Solaster, Chæœtaster (?), Ophidiasier, Scytaster, Astropecten, sont absolument dépourvus de Pédicellaires ; nous n’aurons donc pas à nous en occuper sous ce rapport. Toutefois, afin de donner à nos conclusions leur valeur réelle et pour éviter de laisser croire à une généralisation plus étendue que celle que nos recherches comportent, nous croyons devoir donner iei la liste des espèces que nous avons examinées dans chaque genre. Nous trouverons en cela le double avantage de faire connaître ce que possède le Jardin des Plantes de Paris et par conséquent ce qui lui serait utile, en même temps que nous aurons l’occa- sion de décrire les espèces nouvelles ou peu connues enfermées dans ces vitrines. Notre travail sera ainsi aussi complet que possible. GENRE ECHINASTER. Point de Pédicellaires. Les espèces examinées sont les suivantes : Echinaster spinosus, M. et T, Echinaster oculatus M, etT. — crassus, M. et T. — fallax, M. et T. — gracilis, M. et T. — brasiliensis, M. et T. — eridanella, M: et T. — sepositus, M. et T. — serpentarius, M. et T. A cette liste nous devons ajouter les espèces non encore dé- crites qui se trouvent dans la collection du Muséum. Ce sont les suivantes : Ecanasrer CLouer Val. (Coll. Mus.). — Cinq bras arrondis, atténués à leur extrémité, —trois fois et demi aussi longs à partir du centre que le rayon du disque et un peu plus de quatre fois plus longs que leur largeur à la base. — Réseau des ossicules peu distinct, tout le corps paraissant recouvert d’une peau épaisse qui enveloppe même les piquants. — Ceux-ci sont courts, nom- breux, pointus ou légèrement émoussés et forment jusqu’à onze rangées longitudinales irrégulières, dont quelques-unes peuvent néanmoins être fort incomplètes ou manquer presque entière- 250 E., PERRIER. ment, de manière à réduire à sept le nombre des rangées. Les pi- quants des sillons ambulacraires sont courts, serrés, obtus et dis- posés sur deux rangs au moins à la base des bras. La plaque madréporique est petite, placée vers le milieu du rayon du disque, arrondie et marquée d’un petit nombre de grosses lignes saillantes et bosselées disposées à peu près paral- lèlement. Les trois individus conservés dans l’alcool que possède le Mu- séum ont une couleur brune; mais une partie de leur surface conserve une teinte presque noire que l’on devrait peut-être considérer comme la véritable temte générale des individus conservés dans l'alcool. Diamètre de 8 à 9 centimètres. Patrie : Madagascar. — M. Cloué (1827). ÉCHINASTER AFFINIS, Ed. P. — Espèce très-voisine de l’'Echi- naster eridanella (Nal.), mais qui s'en distingue par la forme des bras qui sont moins allongés et plus obtus — par les lignes de piquants voisines de ceux des sillons ambulacraires qui sont au nombre de deux au moins, après lesquelles vient une nouvelle rangée un peu plus écartée. Les ossicules qui réunissent les pi- quants de cette dernière rangée à ceux des précédentes limitent des espaces dans lesquels se trouve wa seul pore tentaculaire. On aperçoit plus près du bord une nouvelle rangée de pores tentaculaires également isolés ou seulement géminés. Dans l'E. erinadellus, il n’y à presque jamais de pores isolés (2). Du reste tous les autres caractères sont communs à ces deux espèces — six bras, deux plaques madréporiques, etc. Colora- tion blanche dans l'alcool. Origine : nord de l'Inde. Obs. — Il est possible que cette espèce doive être réunie à VE. erinadellus — quoique la différence d'habitation rende cela peu probable. Malheureusement l'E. eridanellus n'existe au Muséum que desséché, tandis que VE. affinis est conservé dans l'alcool, ce qui rend la comparaison difficile. (1) Le réseau calcaire nous a paru également moins saillant et plus serré. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 251 Ecniaster (Cribella) oRnarus, Ed. P, — Cinq bras arrondis, s’amincissant graduellement du bas vers l'extrémité, obtus au sommet ; quatre fois aussi longs à partir du centre que le rayon du disque, quatre fois également aussi longs que leur largeur à la base. — Surface dorsale tout entière couverte de papilles granuleuses qui sont disposées en rangs serrés sur les ossicules du réseau et circonscrivent par conséquent des espaces nus dans lesquels se trouvent plusieurs pores tentaculaires.—Plaque madréporique située au bord de la partie déclive de lintervalle de deux bras, c’est-à-dire vers le milieu du rayon du disque, et dont les collines saillantes rayonnent en se dichotomusant à par- tir d’un point excentrique. Les piquants des sillons ambulacraires sont cylindriques, assez gros, tronqués au sommet et disposés sur deux rangs. — En dehors on voit deux rangées longitudinales de groupes de pa- pilles. Diamètre 75 millimètres environ (alcool). Origine : Cap de Bonne-Espérance. (Rapporté par M. de Castelneau, 1858.) GENRE SOLASTER. Point de Pédicellaires. Les espèces examinées sont les suivantes : 1. Solaster papposus, M. et T, | 2. Solaster endeca, M. et T. GENRE CHÆTASTER. M. et T. Nous n'avons point trouvé de Pédicellaires. Gexre OPHIDIASTER, M. etT. Point de Pédicellaires. Espèces de la collection du Muséum. Ophidiaster ophidianus, Ug. Ophidiaster tuberculatus, M. et T — cylindricus, M. et T, — echinulatus, M. et T. — miliaris, M. et T. — attenuatus, M. et T. — multiforis, M. etT. — ornithopus, M.,T.et Val.(1). Il faut ajouter à cette liste les espèces nouvelles suivantes ; (1) De plus: Ophidiaster diplax, M. et T. Localité : Zanzibar. — Il peut présenter six bras, ; 252 E. PERRIER. OPHIDIASTER ATTENUATUS. Ed. P.— Cinq bras, atténués au sommet et presque terminés en pointe, à peu près six fois aussi longs que le rayon du disque. La région dorsale présente de nombreuses plaques ovales dont le grand axe est dirigé trans- versalement et qui contiennent des granulations polygonales aplaties. Ces plaques sont parfois contiguës dans le sens de la longueur des bras de manière à former des espèces de séries longitudinales brisées très-irrégulières, mais le plus souvent elles sont irrégulièrement disposées et entre elles se trouvent les aires tentaculaires qui sont mal délimitées et couvertes de granules bien plus petits que ceux des plaques. Sur la face ventrale les piquants des sillons ambulacraires sont disposés sur trois rangs. Ceux de la rangée interne sont au nom- bre de quatre ou cinq sur chaque plaque, allongés et légèrement aplatis au sommet ; — viennent ensuite des piquants plus gros, | courts, presque prismatiques et qui font le passage aux granu- lation polygonales qui recouvrent la face ventrale. Au delà des piquants ambulacraires on voit deux séries régulières de plaques . contiguës et séparées l’une de l’autre seulement vers la base des bras par une courte rangée d’aires tentaculaires. Les plaques plus voisines du sillon ambulacraire sont d’ailleurs peu distinctes. Il existe enfin à la face ventrale une troisième rangée régulière de plaques séparées des précédentes par une rangée non moins régulière d’aires tentaculaires à peu peu près circulaires. Plaque madréporique au bord de la partie déclive du disque, triangulaire. Coloration gris uniforme dans l'alcool. Patrie : Zanzibar. (M. Grandidier, 1864.) Ormipiasrer pipLax (M. et T.). — Nous rapportons à l’'Ophi- diaster diplax de Müller et Troschel des Astéries de deux prove- nances différentes et qui ne nous ont présenté de caractères bien distinctifs que dans la couleur. Les unes — provenant de Zanzibar (1864) — sont devenues complétement blanches ou rougeâtres dans l'alcool; —lesautres, rapportées du voyage de d'Urville par Hombron et Jacquinot, PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 253 ont pris au contraire une teinte brune avec de grandes taches plus foncées sur les bras. Il nous a paru également que chez ces dernières les plaques dorsales sont un peu plus grandes et moins serrées; mais c’est là un caractère bien fugace. — La couleur ne nous paraît pas non plus bien réellement un caractère sérieux, d'autant plus que la qualité de l'alcool employé à la conserva- tion des objets peut influer considérablement sur ces variations. Nous devons donc maintenir réunis ces animaux sous une même dénomination spécifique jusqu'à plus ample mformé. Il était nécessaire cependant de signaler les différences qui nous ont frappé. OPHIDIASTER IRREGULARIS, Ed. P. — Espèce trèes-voisine de | O. diplaæ, mais ayant ses plaques dorsales beaucoup plus grandes et sept à neuf pores dans les aires tentaculaires, — trois rangées de petites plaques ventrales serrées seulement, puis une rangée d'aires tentaculaires ; enfin une rangée de plaques de la grosseur de celles du dos qui sont irrégulièrement disposées. Un seul échantillon présentant quatre bras très-petits en voie de rédintégration et un seul beaucoup plus grand. Mayotte : M. Cloué, 18/41. OPHIDIASTER PURPUREUS. Ed. P. — Voisin de l'Ophidiaster cylindricus, mais S'en distinguant néanmoins par les plaques dorsales, beaucoup moins saillantes et beaucoup moins régulière- ment disposées. Parmi les granulations qui recouvrent complé- tement la face dorsale, se trouvent de petits tubercules saillants, arrondis et ne formant pas de lignes transverses comme dans l'O. cylindricus. — Enfin, la ligne de piquants située en dehors des sillons ambulacraires est composée de piquants un peu moins serrés. Bien que conservé dans l’alcool, l’animal que nous avons sous les yeux a encore conservé une couleur pourpre bien nette entremêlée de plaques irrégulières d’un brun sale. Les aires tentaculaires ‘ne contiennent au maximum qu'une dizaine de pores. 254 E. PERRIER. Origine : Les Seychelles. Rapporté en 1841 par M. L. Rous- seau. Ornpiasrer (?) vesrirus. Ed. P.— Nous trouvons rapportée au genre Ophidiaster, mais nous laissons avec doute dans cette division, une Astérie rapportée de Mayotte par M. Cloué et qui est malheureusement très-détériorée. Elle a cinq bras qui s’'amin- cissent légèrement vers leur extrémité ; tout le corps est recou- vert par une peau lisse, épaisse, perforée en-dessous de nombreux trous livrant passage aux pores tentaculaires et présentant en dessus des lignes enfoncées partant des intervalles de piquants des sillons ambulacraires et parcourant transversalement toute la face inférieure des bras. Çà et là se présentent de petits piquants courts et pomtus, nombreux surtout vers l'extrémité des bras. Obs. — 1] faut remarquer que les plaques dorsales caracté- ristiques des Ophidiaster ne sont pas du tout visibles. Le sque- lette paraît composé simplement d'un réseau d'ossicules allongés, ce qui conduirait à rapprocher lespèce qui nous occupe des Echinaster bien plutôt que des Ophidiaster. GENRE SCYTASTER. Point de Pédicellaires. Nous avons examiné les : 4. Scytaster variolatus, M. et T. Ophidiaster linearis, de Valenciennes 9, == milleporellus, M. etT. C. M. 2 — pistorius, M. et T. >, Scylaster monilis, très-voisin du Eh, — subulatus, M. et T., ou S. pistorius, et distingué par Valenciennes (Coll. Mus.). Ce dernier n’a de remarquable que de grandes plaques marginales, espacées les unes des autres, qui donnent au bord du bras une apparence mamelonnée, analogue à celle d’un cha- pelet à grains tres-aplatis. C'est du moins la disposition qu'a voulu rappeler Valenciennes. Il faut ajouter à cette liste une espèce nouvelle que nous pro- posons de nommer à cause de son origine : PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 255 ScyTAsTER iNpICus, Ed. P. — Six bras s'amincissant graduel- lement jusqu’à leur extrémité, à peine deux fois aussi longs que le rayon du disque. Face dorsale présentant de grandes plaques arrondies, épaisses, saillantes, fortement granuleuses, laissant entre elles de grands espaces également granuleux qui paraissent subdivisés en aires polygonales distinctes, dont chaque sommet présente un pore tentaculaire. — La plaque madréporique est petite, présentant des lignes sallantes de même largeur à peu près que les vallées et inégalement sinueuses. Sur les bords des bras, des plaques analogues aux grandes plaques dorsales for- ment deux rangées, l’une dorsale, l'autre moins marquée, ven- trale, peu régulière. — La face ventrale est du reste dépourvue de grosses plaques, régulièrement granuleuse. On y distingue vaguement trois rangées de plaques couvertes de petits tuber- cules un peu divergents. — Les piquants des sillons ambula- craires sont disposés par groupes de quatre ou cinq, divergents sur chaque plaque ; ils forment deux rangées, l’une couchée sur le sillon, l’autre renversée en dehors et formée de piquants plus petits. Ils sont cylindriques et tronqués au sommet. Près de la bouche les piquants des deux rangées s’allongent beaucoup, deviennent pointus, se renversent tous en dehors et forment ainsi aux sorämets des angles de réunion des sillons une sorte de re- vêtement très-marqué. Cette jolie espèce provient des mers de l'Inde. GENRE CULCITE. Âu point de vue de l’ornementation du derme, les Culcites for- ment avec les Oreaster un groupe des plus naturels ; mêmes for- mesde tubercules, piquants,etc., mêmes formes de Pédicellaires. Ces organes sont en général de deux sortes ; mais il ne fau- drait pas supposer pour cela que constamment ces deux sortes appartiennent, soit aux Pédicellaires en pince, soit aux Pédicel- laires valvulaires. Il peut se faire que tous les Pédicellaires soient en pince, ou que tous soient valvulaires ; mais dans ces deux cas leur forme diffère, en tant qu'ils sont situés à la face ventrale ou à la face dorsale. — On peut dire d’une manière gé- 256 E. PERRIER. nérale que, sauf dans le sillon ambulacraire, toutes les fois qu'il existe des Pédicellaires à la face ventrale ils sont valvulaires, tandis que les Pédicellaires de ia face dorsale ont une tendance à prendre la forme de pinces. Nous trouvons et dans la forme et dans la disposition des Pédicellaires des Culcites de bons carac- tères spécifiques. L'appareil musculaire présente la disposition si simple que nous avons déjà indiquée d’une manière générale. CuLciraA piscotDEA, Ag. (1).—Dans la Culcita discoïdea, nousne trouvons pas à la face ventrale de Pédicellaires valvulaires, mais derrière les piquants du sillon ambulacraire on voit une rangée de gros piquants ; il en existe un par plaque. — Chacun de ces piquants est séparé de son voisin par un Pédicellaire en forme de pince, ayant environ un millimètre de longueur. Chacune des mâchoires est à peu près quatre fois aussi longue que large. Ces mâchoires sont épaisses, massives, finement dentées sur leur bord interne. Leur texture est très-serrée et par conséquent les trous qu’elles présentent très-petits. Chacune de ces mâchoires est terminée en une pointe obtuse. La face dorsale est couverte de fines granulations implantées dans la peau et quise rencontrent aussi bien sur les aires tenta culaires que sur le réseau des pièces calcaires qui les séparent. Parmi ces granulations se trouvent de nombreux Pédicellaires valvulaires qui sont deux fois plus gros à peine, ce qui les rend souvent peu distincts. — Chacun de ces Pédicellaires apparaît comme une granulation arrondie présentant une fente diamé- trale qui le fait immédiatement reconnaître à la loupe. — Ces Pédicellaires étant à peu près aussi larges que longs pourraient être considérés comme formant le passage entre les Pédicellaires en pince et les Pédicellaires valvulares. CuLcrrA GREx (?), M. et T. (2). — Le Culcite en question ne me paraît être en aucune façon l'animal désigné sous ce nom par Müller et Troschel. Je crois donc devoir, sans lui donner un (1) PI. 18, fig. 5a,betc. (2) PI. 48, fig. 8 a et à. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES, 257 nom nouveau, accompagner ma description des Pédicellaires d’une description complète de l’animal. Le corps est un pentagone régulier à côtés légèrement con- caves. La face ventrale est plane, entièrement couverte de gra- uules fins et partagée par des lignes enfoncées en aréoles plus ou moins pentagonales dont l'aire est légèrement convexe. Toutes ces aréoles sont contiguës absolument comme les alvéoles d'un gâteau de cire. Le long des sillons ambulacraires le nombre de ces aréoles, qui sont bien distinctes, est de treize ou quatorze, dont une impaire dans l’angle et faisant partie de deux séries à la fois. Dans l'intérieur de chaque aréole on voit le plus souvent un certain nombre de tubercules peu considérables et quelques Pédicellaires valvulaires très-allongées. Tantôt les Pédicellaires peuvent manquer, tantôt les tubercules, — Ils sont en général en nombre inverse les uns des autres. Quand il n'existe qu’un seul Pédicellaire, les tubercules ont une tendance à se ranger en cercle autour de lui. Les uns et les autres peuvent manquer à la fois. Dans le sillon ambulacraire, chaque plaque porte quatre pi- quants dépassant fort peu le bord, à peu près de même gran- deur ; ces piquants deviennent beaucoup plus gros en se rap- prochant de la bouche; 1ls forment alors avec ceux du sillon Voisin un angle circonscrivant un espace au sommet duquel sont accumulés et pressés les uns contre les autres un grand nombre de tubereules assez gros.—Derrière les piquants du sillon ambu- lacraire, on voit une autre rangée de tubercules au nombre de deux derrière chaque plaque.— Un peu en arrière entre chaque couple de ces tubercules, on voit un Pédicellare dont les valves sont à peu près aussi larges que hautes et ne sont à proprement parler ni des Pédicellares en pince, ni des Pédicellaires valvu- laires, bien qu’ils se rapprochent plutôt de ceux-ci. Sur la face dorsale, les aires tentaculaires sont déprimées entre le réseau qui les cconscrit et qui porte un certain nombre de courts aiguillons à base large, mais à pointe trés-acérée. — Dans l'intérieur de ces aires, on voit aussi un ou deux piquants; elles sont d’ailleurs couvertes de fines granulations, parmi les- 9° série. Zoo. T. XIT (Cahier n° 5.) 1 17 258 E. PERRIER. quelles on distingue les Pédicellaires qui sont un peu plus gros, un peu plus longs que larges et à mâchoire dentée sur les bords. Leur tissu paraît fait d'une série de bâtons calcaires parallèles réunis par des traverses très-serrées. La plaque madréporique est située dans l'intervalle de deux angles à un tiers environ du bord ; elle est légèrement saillante. — Le diamètre de l'animal est de huit à neuf centimètres. Il provient de l'expédition d’Urville. CuzcrrA cortAcEA, M. et T. — Le Muséum n'en possède que des individus desséchés et trop détériorés pour qu'il soit possible de parler de leurs Pédicellaires. Nous trouvons dans la collection Michelin quelques Culcites rapportés à cette espèce; mais leur détermmation ne nous pa- raît pas assez certaine pour que nous nous hasardions à en parler. CuccrrA Novzæ Guineæ. — Un seul échantillon dans la collec- tion du Muséum, tellement détérioré qu'il est impossible de rien dire de ses Pédicellaires. CuLctra ARENOSA. Val. (4).—Corps formant un pentagone ré- gulier, mais à côtés légèrement concaves.—Dessus du corps très- finement granuleux et parsemé d'un grand nombre d’épines, courtes, pointues, paraissant couchées sur le dos. — Les trous tentaculaires sont nombreux, serrés, petits, également distribués sur la face dorsale. — On remarque aussi vers cette région de nombreux Pédicellaires en pinces couchés sur le dos de l’une des valves. Chacune de ces dernières est légèrement courbée sur sa partie dorsale ; en même temps, elle se relève légèrement vers le milieu de sa longueur. Ces valves ne présentent de dents bien nettes que sur le pourtour du eulleron terminal; aussi ces dents irrégulières et espacées ressemblent-elles plutôt à de sim- ples lacunes de la substance calcaire. (1) PL 48, fig. 6. PÉDICELLAIRES EF AMBULACRES. 299 La plaque madréporique est large, aplatie, irrégulière, assez saillante ; au lieu de présenter, comme dans la plupart des cas, une série de sillons plusieurs fois bifurqués, rayonnant d’un cen- tre commun, elle est couverte de sillons formant de très-nom- breuses cireonvolutions à sa surface sans que l’on puisse distin- euer aucune disposition radiée.—Sa forme, au lieu d’être ronde, se rapproche de la forme de la croix qu'on obtiendrait en dé- crivant des demi-circonférences sur les côtés d’un carré comme diamètres. Sur la face ventrale, on distingue deux sortes de granules, les uns rares relativement et plus gros, les autres très-nombreux et contigus. On ne retrouve pas ici là disposition alvéolaire que nous avons fait remarquer dans la Culeita grex et la Culcita discoidea. — Parmi ces granules se trouvent les Pédicellaires, dont les valves sont tantôt plus longues que larges, tantôt au contraire plus larges que longues, de telle façon qu'on trouve à peu près tous les intermédiaires entre les Pédicellaires en pince et les Pédicellaires valvulaires, sans toutefois avoir ni les uns n1 les autres. Tout le long du sillon ambulacraire, les plaques portent 4, 5, 6 ou même 7 piquants dont les rangées obliques s’imbriquent de mamère que les deux ou trois piquants les plus rapprochés du centre, et qui sont les plus petits, sont souvent en partie masqués. Derrière cette rangée de piquants, on voit une ran- gée de gros tubercules géminés de manière à simuler deux rangées. Au sommet des aires angulaires limitées par les sillons, les pi- quants marginaux atteignent presque la grosseur de ces tuber- cules qui eux-mêmes deviennent plus robustes, de telle façon qu'il semble y avoir en ces points une accumulation de gros tu- bercules. Entre deux paires de tubercules consécutives, on aperçoit deux piquants réums, plus petits, souvent imégaux, et qui rappellent par leur position les Pédicellaires en pince qu'on trouve à leur place dans quelques espèces. L'individu, conservé dans l'alcool, d’après lequel est faite cette 260 E. PERRIER. description, mesure 18 centimètres de diamètre, cette mesure étant prise entre deux sommets séparés par un troisième. Cette Culcite a été rapportée des îles Sandwich par la Bonite. (Eydoux et Souleyet, 1837.) CuLcira PULVERULENTA, Val. (1). — Le Muséum ne possède qu'un seul échantillon de cet animal. Il est conservé dans l'alcool, mais fortement endommagé. Dessus du corps très-finement granuleux présentant des ares tentaculaires larges et irrégulières, séparées par des espaces très-finement granulés, presque nus ou portant seulement de petites épines peu nombreuses. Les Pédicellaires dorsaux se trouvent seulement dans les aires tentaculaires. Ils sont petits, nombreux, en forme de pinces, à mâchoires assez délicates, dentées largement sur leur bord, plus élargis vers le milieu de leur longueur et légèrement recourhés à leur sommet. La lame calcaire qui constitue ces Pédicellaires est perforée de trous nombreux et présente même quelques pe- tites épines. Je n’ai pu voir la plaque madréporique ; elle se trouvait dans une portion de la face dorsale qui a été détruite. Sur la face ventrale, on remarque de nombreux tubercules aplatis, serrés les uns contre les autres et entre lesquels se voient de petites granulations et des Pédicellaires. Les tubercules sont d'autant plus gros qu’ils se rapprochent davantage des sillons ambulacraires, auxquels ils forment une double bordure irrégu- lière. Les tubercules situés à l’angle des sillons sont, comme d'ordinaire, les plus gros. Les Pédicellaires situés entre les tubercules sont petits, peu distincts, assez nombreux, affectant sensiblement la forme val- vulaire. La hauteur de chacune des valves est à peu près égale à sa largeur. Dans les sillons ambulacraires, chaque plaque porte cinq ou six piquants, serrés, à peu près cylindriques, tous à peu près de (1) PI. 18, fig. Aa, bet c. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 261 même taille, sur Chaque plaque. Les deux dernières plaques les plus rapprochées de la bouche portent des piquants beaucoup plus gros et en nombre moindre. Diamètre : 14 centimètres environ. Individu rapporté en 1829 du détroit de la Sonde par M. Ray- naud, expédition de la Chevretle. GENRE OREASTER, Malgré une différence notable dans leur aspect extérieur, les Oreaster nous semblent devoir être considérés comme très-voi- sins des Culcites. À la vérité, ils présentent toujours cinq bras parfaitement distincts ; ces bras présentent à leur tour des tuber- cules énormes et des réticulations qu'on ne trouve pas chez ces derniers Stellérides ; mais si l’on examine d'un peu près l’orne- mentation, on y découvre presque exactement tout ce que nous avons eu à signaler chez les Culeites. Les tubercules aplatis de la peau, les granulations plus fines des aires tentaculaires, les deux sortes de Pédicellaires se re- trouvent, par exemple, chez les Oreaster avec le même carac- tère que chez les Culcites.— Ici encore nous pourrons constater que toutes les espèces du genre sont pourvues de Pédicellaires ; quelques-unes présenteront à la fois des Pédicellaires valvulaires et les Pédicellaires en pince, d’autres ne présenteront que des Pédicellaires en pince; mais nous savons qu'entre ces deux formes d'organes la liaison est beaucoup plus étroite que celle qui existe entre les deux sortes de Pédicellaires des Asteracan- thion, tellement que l’on peut quelquefois, sur un même indi- vidu, trouver tous les passages entre ces deux formes. Nous n'avons, au contraire, jamais rencontré une forme intermédiaire entre le Pédicellaire droit et le Pédicellaire croisé des Astéra- canthion. Il y à plus : chez les Oreaster, comme chez les Culcites, on voit quelquefois les Pédicellaires valvulaires passer pour ainsi dire aux granulations de la peau, et de façon qu’un tubereule plat peut prendre la place d’un Pédicellaire dans les dessins ou les 262 E. PERRIER. groupes formés par ceux-ci à la face ventrale. Cela autoriserait presque à considérer les Pédicellaires comme des organes de même nature que les granulations. Ils sembleraient d’après cela n'être que des granulations modifiées de manière à remplir un rôle spécial. Une telle assimilation ne viendrait jamais à l'esprit si l’on n’étudiait les Pédicellaires que dans le genre Asteracanthion, où ils sont toujours compliqués, ne rappelant en aucune façon l’'ornementation du derme. Aussi, malgré une similitude réelle dans les fonctions aux- quelles ces organes paraissent destinés, avons-nous été tentés de nous demander s'il y a une véritable homologie entre les Pédi- cellaires des Asteracanthion et ceux du deuxième groupe des Stellérides. Ne seraient-ce pas plutôt des organes analogues ? Il appartient à l’'embryogénie de décider cette question. Nous es- pérons pouvoir un jour diriger nos recherches de ce côté, la science ne possédant pour le moment sur l'Étoile de mer aucun travail qui ressemble à celui de MM. Carpenter et Thomson sur l’Antedon rosaceus. Les espèces d'Oreaster que nous avons eues à notre disposition sont assez nombreuses, etnous avons pu néanmoins nous assurer que l'assimilation des Pédicellaires aux granules du derme n’était pas non plus sérieusement fondée. En effet, si l'on examine des échantillons suffisamment détérioriés pour que toute lornemen- tation du derme ait disparu, sur la surface des pièces calcaires ainsi mise à nu, on aperçoit des cavités tantôt à peu près circu- laires, tantôt très-allongées, parfois régulièrement disposées, parfois au contraire dispersées sans ordre et dont la profondeur est peu considérable. Ces cavités ne sont pas autre chose que l'emplacement des Pédicellaires valvulaires ou en pince dont T'Oreaster était muni. Elles existent constamment au-dessous de chacun de ces organes. — Si l’on vient alors à gratter au moyen d’un scalpel dans le voisinage d’un Pédicellaire, on peut facile- ment mettre à nu la pièce calcaire qui le supporte et reconnai- tre que les granulations qui la recouvrent ne laissent sur elle aucune empreinte ; ce sont donc de véritables productions épi- PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 268 dermiques. Les Pédicellaires, au contraire, traversent l’épi- derme et vont s'implanter directement dans l’intérieur même des pièces qui composent le squelette de l'Orcaster, absolument comme les dents s’'implantent dans l’alvéole des mâchoires. — Seulement ici la dent peut se mouvoir dans son alvéole. Cette disposition nous a inspiré l’idée de chercher comment le Pédicellaire et les muscles qui le font mouvoir étaient mis en rapport soit avec l'appareil cireulatoire, soit avec le système ner- veux. Nous avions également poursuivi ces recherches en étu- diant les Pédicellaires des Astéracanthions ; aucun réactif, au- cune dissection, aucun examen microscopique, avée quelque soin qu’il fût fait, ne nous avait permis de mettre en évidence rien qui ressemblât à un nerf ou à un vaisseau. Dans le cas actuel, pour se rendre au Pédicellaire, le nerf ou le vaisseau de- vait traverser la pièce du squelette supportant ce Pédicellaire. Nous pouvions penser dès lors que l’existence des nerfs ou des vaisseaux nous serait démontrée par l’existence d’une perforation aboutissant à l’alvéole du Pédicellaire dans chacune des pièces du squelette qui supportaent un ou plusieurs de ces organes. Or, dans tous les cas, l’alvéole nous à paru se terminer en cul- de-sac et nous n'avons aperçu aucun orifice sur la surface des pièces calcaires elles-mêmes après les avoir soigneusement 1s0- lées et nettoyées. Nous sommes ainsi conduits à supposer que les Pédicellaires que nous étudions en ce moment ne reçoivent ni nerfs, ni vais- seaux proprement dits. Cependant ils peuvent se mouvoir ; ils vivent par conséquent, et tout nous porte à penser qu'ils sont sensibles et qu'ils obéissent à la volonté de l'animal. — Nous nous en sommes parfaitement assurés sur des Astéracanthion dont nous faisions à volonté fermer les Pédicellaires en les tou- chant même très-légèrement avec la pointe d’une aiguille. Il était possible néanmoins que les orifices d'entrée des nerfs et des vaisseaux, Comme le canal supposé qui les mène aux Pédicellaires, fussent trop petits pour être aperçus à la simple loupe. Pour lever toute espèce de doute, j'ai fait une coupe mince de l’une des pièces du squelette portant trois empreintes 9264 E. PERRIER. de Pédicellaires et je l'ai observée à un grossissement de 110 diamètres. Cette coupe, faite dans le voisinage du fond des al- véoles, devait nécessairement traverser les canaux s'ils existaient et les mettre ainsi en évidence. Or le microscope m'a montré que la structure des pièces du squelette des Oreaster était par- faitement homogène et ne présentait aucune trace de canaux. Ces pièces sont formées d’un réseau extrèmement serré de sub- stance calcaire à mailles parfaitement égales et carrées. Ces mailles sont beaucoup trop serrées pour qu'on puisse supposer qu’elles livrent passage à aucun filet nerveux, à aucun vaisseau. Je conclus donc que, chez les Oreaster du moins, les Pédicellai- res ne sont en rapport ni avec l'appareil vasculaire, n1 avec le système nerveux, si tant est que ce dernier existe réellement. D'autre part, l'implantation du Pédicellaire dans un alvéole distinct rend extrèmement peu probable l'hypothèse qui ferait Jépendre ces organes du système tégumentare proprement dit. Reste à savoir maintenant dans quel rapport le Pédicellaire se trouve avec les pièces du squelette. C’est ce que nous devons demander à l’embryogénie, — ce que nous ne pouvons dire en ce moment. OREASTER RETICULATUS, M. et T. — La face ventrale présente un grand nombre de Pédicellaires valvulaires épars, présentant à peu près la taille des granulations, mais se distinguant facile- ment même à l'œil nu. — Il n'existe pas de Pédicellaires en pince dans le sillon ambulacraire. . Quant aux Pédicellaires de la face dorsale, nous sommes for- cés de nous en rapporter à ce qu'en disent les auteurs. Ils sont plus petits et plus étroits que ceux de la face ventrale ; on les trouve entre les pores tentaculaires. L'état de dessiccation des individus que nous avons examinés s’opposait complétement à ce que l’on püût distinguer les diver- ses sortes d’ornements de la peau du dos. | Nous croyons devoir rapporter à cette espèce deux petits in- dividus sans indication de localité que Valenciennes avait séparés dans la collection du Muséum sous le nom d’Oreaster coronatus. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES, 265 OrEAsrer TURRITUS, M. et T. (1).— Il n'existe pas de Pédicel- laires à la face dorsale. — Les Pédicellaires indiqués par Müller et Troschel sur les aires des pores tentaculaires, ne sont que de petits tubercules entourant l’orifice de chaque pore. Sur la face ventrale, nous n'avons vu de Pédicellaires que sur les plaques qui bordent les sillons ambulacraires. Chacune d'elles en porte en général deux formant à peu près deux ran- sées parallèles aux sillons. Quelquefois on en trouve trois sur la même plaque, dont deux sur la même ligne, très-rapprochées du sillon ambulacraire et un en arrière. — Ces Pédicellaires sont valvulaires et ont à peu près un millimètre de long. — Leur constitution ne présente du reste rien de particulier. Sur l'angle le plus rapproché de chacune des pièces calcaires de la bouche qui bordent les sillons ambulacraires, s'insère un Pédicellaire en pince. Il se trouve placé entre le premier et le deuxième rang de piquants etsépare les uns des autres les grou- pes de piquants appartenant à chaque pièce. Les mâchoires de cette pince, comme nous le trouverons du reste dans presque tous les Oreaster, sont épaisses, presque cylindriques et formées d'une substance calcaire réticulée à mailles très-serrées Cette substance paraît être constituée par des tiges longitudinales, di- vergentes, mais très-légèrement à partir de la base et réunies en tous sens par de petites traverses irrégulièrement disposées. Chacune de ces tiges se termine librement à la surface du Pédi- cellaire par une pointe saillante, et comme ces terminaisons ont lieu à des hauteurs différentes, la surface de l'organe paraît échinulée. Les épines deviennent d'autant plus saillantes qu'on est plus rapproché de l'extrémité libre du Pédicellaire. Elles donnent au bord externe du profil de chaque pince l'apparence d’une seie dont toutes les dents seraient dirigées vers le haut.— Le bord interne de la pince présente une dentelure irrégulière composée de dents courtes, arrondies au sommet, très-mégales, mais sensiblement dirigées perpendiculairement au bord. — Chaque pince présente une face interne sensiblement plane. (OPPI 18 feMNa; bretre: 266 EH. PERRIER. Les tiges primitives, d’ailleurs fort irrégulières, de même diamètre que les traverses et distinctes seulement par l'apparence générale de la substance calcaire, semblent partir du voisinage du bord interne de la pince pour remonter ensuite vers l’extré- mité supérieure de l'organe. Cette apparence rayonnée ressort aussi du reste de la disposition uniforme et en ligne des per- forations de la substance calcaire et des épines que portent les nœuds du réseau; épines très-obliques et presque couchées sur la surface de l’organe. Longueur double de la largeur. OREASTER MURICATUS, Duj. et Hupé (1). SYN. — Pentaceros muricatus, Linck. Asterias Linchii, de Blainv. Oreaster Linckii, Val. (Coll. Muséum). Sur la face dorsale, dans les aires tentaculaires, on aperçoit, entremêlés avec les granulations de la peau, un nombre consi- dérable de petits Pédicellaires valvulaires, mais à valves très- peu allongées transversalement, de telle facon aue le Pédicel- laire présente l'aspect d’un petit bouton arrondi, fendu suivant l’un de ses diamètres. Ces Pédicellaires sont à peine plus gros que les granulations de la peau. À la face ventrale, on distingue deux sortes de Pédicellaires, les uns en pince, les autres valvulaires. Chacune des pièces calcaires qui bordent les sillons ambulacraires porte à son angle interne le plus rapproché de la bouche un Pédicellaire en pince. Ces Pédicellaires se trouvent donc placés comme dans l’espèce précédente. Ces Pédicellaires sont très-allongés (trois fois envi- ron aussi longs que l’ensemble de la largeur des deux màchoi- res). — La pièce calcaire qui les constitue est moins dense que dans l’espèce précédente ; on n’y aperçoit pas non plus de pointes aussi nombreuses, elles sont réduites à de simples petites saillies irrégulières et arrondies. (1) PI. 48, fig, 3 a et à. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 267 Les pièces de la seconde rangée portent aussi le plus souvent un et quelquefois deux Pédicellaires valvulaires, très-allongés quand is sont seuls. Ces Pédicellaires forment une rangée assez régulière le long des sillons ambulacraires. Les pièces suivantes peuvent également porter des Pédicellaires valvulaires, mais la distribution de ces organes se fait sans régularité. [ls ne sont abondants que vers le sommet du triangle compris entre deux sillons ambulacraires consécutifs. Dans cet espace, chaque pièce calcaire en porte au moins un. Au delà du milieu de la distance qui sépare le sommet de ce triangle du sommet de l'arc rentrant qui limite les bras, les pièces calcaires qui portent des Pédicel- laires valvulaires sont l'exception. Les plaques marginales des bras sont constamment dépourvues de Pédicellaires valvulaires. OREASTER miuLcus, M. et T. (1). — Chez l’Oreaster hiuleus, le dos présente deux sortes de Pédicellaires; les uns franchement valvulaires, quoique petits et peu allongés, se trouvent principa- lementsur la réticulation saillante. On les trouve presque con- stamment parmi les granulations des tubercules dorsaux. Leur place est encore marquée, quand ces granulations sont tombées, par l’alvéole dans lequel ils étaient nnplantés. Dans les espèces précédentes nous avons au contraire toujours constaté l’absence de Pédicellaires sur les réticulations et les tu- bercules. La deuxième espèce de Pédicellaires se voit dans les aires ten- taculaires. Ils sont plus gros et plus saillants que les granulations qui recouvrent les aires. — La largeur de chacune de leurs branches égale à peu près sa hauteur, de telle sorte que ces Pé- dicellaires tiennent véritablement le milieu entre les Pédicel- laires valvulaires et les Pédicellaires en pince. — La mâchoire, après s'être un peu rétrécie à sa base, s’élargit de nouveau de manière à recouvrer son diamètre primitif, quand elle s’insère sur le fond de l’alvéole. — Le bord libre est finement denté et (1) PI. 48, fig. 2 a et b. 268 E. PERRIER. le tissu calcaire qui constitue la pointe a des mailles assez ches. Les Pédicellaires de la face ventrale sont également de deux sortes. Ceux du sillon ambulacraire sont en pince et occupent la même position que dans les espèces précédentes. — Chaque branche de la pince est à peu près six fois aussi longue que large et terminée en pointe mousse; elle ne s’élargit que légèrement vers sa base. Le tissu calcaire qui les constitue n'est pas très- serré. — Sur son bord interne chaque mâchoire porte une sé- rie de dents irrégulières, coniques, perpendiculares à la direc- tion du bord. — La surface du Pédicellaire présente en outre des saillies irrégulières, pointues et qui sont dirigées vers le sommet de l'organe. Les pièces du squelette qui viennent immédiatement après celles qui forment les sillons ambulacraires portent toutes un ou deux petits Pédicellaires valvulaires, — un le plus souvent, — deux rarement. Celles qui viennent ensuite n'en présentent qu'exceptionnellement. Nous n’en avons pas aperçu dans d’auires régions de la face ventrale chez trois Imdividus que nous avons examinés; mais deux autres plus petits nous ont offert deux ou trois Pédicellaires valvulaires de même forme que les autres dans les parties médianes de l’espace triangulaire compris entre le bord du corps de l'animal et deux sillons ambulacraires consé- cutifs. OREASTER MAMMILLATUS, M. et T.— Nous avons sous les yeux sept individus de cette espèce, dont cinq appartiennent depuis longtemps à la collection du Muséum et ont été rapportés en 1850 de la mer Rouge, par M. Clot-Bey. Les deux autres proviennent de la collection Michelin et ne portent pas d’indi- cation de localité. Ces individus présentent entre eux sous le rapport des Pédi- cellaires des différences assez remarquables. Sur l’un d'eux, provenant de la mer Rouge, on trouve de tout petits Pédicel- laires valvulaires dans les aires tentaculaires. Ces Pédicellaires se retrouvant sur tous les individus, nous n’aurons plus à en PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 269 parler. —- Sur la face ventrale, les plaques qui forment la pre- mière rangée après celles du sillon ambulacrare portent cha- cune deux ou trois Pédicellaires valvulaires ayant à peu près un millimètre de longueur. On retrouve encore quelques-uns de ces Pédicellaires sur les autres plaques de la face ventrale. La plupart des plaques marginales inférieures, surtout celles qui sont dépourvues de tubercules, en portent également un certain nombre. | Sur les plaques marginales supérieures, les Pédicellaires val- vulaires prennent un grand développement. Ou ils sont très- nombreux, ou ils sont très-allongés, ou bien la place qu'ils de- vraient occuper est prise par un fort tubercule. — Une plaque portait un seul Pédicellaire de 3 millimètres 1/2 de long ; une autre portait sept petits Pédicellaires. Ces Pédicellaires sont dis- posés sans ordre sur la plaque qui les porte ; mais souvent aussi deux ou trois d’entre eux sont contigus et disposés sur une même ligne droite, de telle facon qu'ils semblent provenir par fissiparité d'un seul Pédicellaire qui s’est divisé. Dans ce cas, les Pédicellaires sont situés dans un alvéole commun qui se ré- trécit seulement un peu aux points de séparation. Ces mêmes Pédicellaires valvulaires se retrouvent enfin sur les réticulations saillantes du dos, principalement sur les nœuds qui ne portent pas de tubercules. On en voit aussi d’ailleurs sur les flancs de ces mêmes tubercules dorsaux. Chacune des plaques qui bordent le sillon ambulacraire porte son Pédicellaire en pince, comme d'habitude. Ce Pédicellaire est assez semblable à celui de l'espèce précédente. Nous pouvons appliquer sans aucun changement ce qui pré- cède à deux autres des individus provenant de la mer Rouge ; mais chez les deux qui restent les Pédicellaires valvulaires des plaques marginales ventrales ou bien n’existent pas ou bien sont très-pelits. Il en est de même de ceux des plaques marginales dorsales: ils manquent sur beaucoup d’entre elles, sont très- petits sur toutes les autres, quoique se trouvant en assez grand nombre sur quelques-unes. Les nœuds du réseau dorsal sont aussi pourvus de Pédicellaires valvulaires, ainsi que les bases 270 E. PERRIER. des tubercules ; mais ces Pédicellaires sont encore relativement petits. Cette réduction des Pédicellaires est encore plus marquée chez l'un des individus de la collection Michelin ; enfin chez l'autre, aucune des plaques marginales, soit dorsales, soit ven- trales, ne porte de Pédicellaires. Nous n’avons aucun renseignement qui puisse nous indiquer la cause de ces variations dans la disposition des Pédicellaires. — Ce qui nous paraît bien certain en tous cas, et ce que dé- montre l'existence de transitions, c’est qu'elles n’ont rien à faire avec les sexes. — Tous les individus sur lesquels nos descrip- tions sont faites ayant à peu près la même taille, l’âge semble au premier abord avoir peu d'influence. — D'autre part, le déve- loppement des tubercules n’est qu’une cause de variation secon- daire, puisque l'individu qui présentait le moins de tubercules était aussi celui chez qui les Pédicellaires de plaques marginales étaient le moins développés. Restent donc les saisons et les localités. Il serait intéressant de savoir si les Pédicellaires absents à une époque peuvent se développer à une autre. — Il serait égale- ment intéressant de connaître l'influence que le milieu peut avoir sur le développement de ces organes. Ces recherches ne peuvent se faire sur nos côtes, où les Asté- ries à Pédicellaires que l’on rencontre sont des Astéracanthions chez qui ces organes ne manquent Jamais. OREASTER MAMMOsus, Val. Coll. — L'Oreaster mammosus n’a pas encore été décrit. Il se rapproche par sa forme et son orne- mentation de l’Oreaster turritus et de l’Oreaster hiulcus ; mais si l’on admet que les caractères spécifiques employés d'ordinaire ont une valeur constante, il s’en distingue néanmoins aisément. Ses formes sont plus trapues. Sur le disque, en face de chaque bras, on remarque un gros tubercule en forme de pain de sucre, et couvert de granulations aplaties polygonales. Chacun de ces tubercules est le commencement d’une série de tubereules plus petits qui occupent la ligne médiane des bras. Aucun de ces PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 274 tubercules, les seuls qui existent sur le corps de l’animal, ne présente de Pédicellaires. On remarque dans les aires tentacu- laires un assez grand nombre de Pédicellaires intermédiaires entre les Pédicellares valvulaires et les Pédicellaires en pince. Il n’en existe pas d’autres sur le dos. Les plaques marginales, tant dorsales que ventrales, sont aussi dépourvues de Pédicel- laires ; elles sont au nombre de quinze pour chaque bras. La face ventrale est couverte de granulations irrégulièrement polygonales, plus grandes sur le centre des pièces calcaires qui les supportent. Celles de ces pièces, qui forment la premiére rangée aprés celles des sillons ambulacraires, portent chacune un ou deux Pédicellaires valvulaires. Les plaques du sillon ambu- lacraire portent chacune de dehors en dedans : 1° deux gros piquants aplatis au sommet ; 2° à leur angle interne, comme d’ha- bitude, un Pédicellaire en pince, analogue à ceux de l’Oreaster hiulcus ; 3° sur son bord interne une rangée de trois à cinq piquants, dont les moyens sont de beaucoup les plus allongés. Ces piquants vont en divergeant ; il résulte de là que les piquants des sillons ambulacraires sont sur deux rangs. La plaque madréporique est arrondie. Les collines saïllantes et ramifiées qui les parcourent naissent les unes du centre, les autres vers le milieu du rayon, s'anastomosent souvent, et sem- blent passer en sautoir les unes sur les autres. Dans l'O. hiuleus, la plaque madréporique est au contraire en forme de losange. Zanzibar. Louis Rousseau, 1841. OREASTER CLOUEI, Ed. P. — Cette jolie petite espèce est sur— tout remarquable par ses plaques marginales bombées, qui font paraître ses bords comme festonnés. Ces plaques sont au nombre de treize pour chaque bras et chaque face; quelques-unes d'entre elles vers l'extrémité des bras portent un aiguillon pointu et allongé. Toutes sont recouvertes, comme le reste de la sur- face du corps, de petites granulations saillantes et arrondies ; aucune d'elles ne porte de Pédicellares. Les pièces qui forment la charpente du nulieu des bras sont parfois saillantes, de ma- nière à simuler des tubercules ; elles forment une sorte de carène, 972 E. PERRIER. qui se termine à chacun des sommets du pentagone du disque. Chacun des sommets de ce pentagone porte un aiguillon mousse. Sur les aires tentaculaires, on trouve des Pédicellaires en pince, dont chaque branche, arrondie au sommet, se rétrécit vers le bas pour s'élargir de nouveau, et atteindre à sa base d'insertion une largeur presque double de la largeur qu'elle possède à la moitié de sa hauteur. Vue de profil, chaque branche est environ trois lois plus haute que large. A la face ventrale, chacune des plaques qui forment la char- pente est séparée de ses voisines par un sillon, de sorte que cette face est divisée en aréoles polygonales bien distinctes. Les plaques les plus voisines de celles qui forment le sillon ambulacraire por- tent pour la plupart un Pédicellaire valvulaire long de 4 mulli- mètre environ. Les plaques du sillon ambulacraire portent chacune de dehors en dedans : 4° un ou deux gros piquants cylindriques arrondis au sommet; 2° à leur angle interne un Pédicellaire en pmee de forme ordmaire ; 3° enfin, dans l'intérieur du sillon, une rangée de cinq petits piquants, dont les deux latéraux très-petits. La plaque madréporique est arrondie, à collines rayonuant du centre et dichotomes. Diamètre pris sur l'individu unique de la collection qui est conservé dans l'alcool, 6 centimètres. J'ai donné à cette espèce le nom du capitaine Cloué, qui l'a rapportée en 1847 de Diégo-Jouarès, et à qui le Jardm des plantes doit un nombre considérable d’envois. OREASTER OBTUSANGULUS, M. et T.—La plupart des pièces ven- trales portent un grand Pédicellaire valvulaire occupant toute la longueur de la pièce. Les Pédicellaires portés par les pièces marginales sont plus petits, mais ordinairement au nombre de deux ou trois. Je ne crois pas qu'il existe de Pédicellaires en pince parmi les piquants du sillon ambulacraire. Je ne puis rien dire des Pédicellaires de la face dorsale ; l’état de détérioration dans lequel se trouve l'individu unique possédé par le Muséum m'ayant interdit un examen attentif de ces dernières parties. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 973 OREASTER OBTUSATUS. — L'Oreaster oblusatus nous offre à considérer des Pédicellaires en pince situés, comme d’ha- bitude, à l'angle interne de chacune des plaques du sillon ambulacraire, et non pas de deux en deux, comme disent Müller et Troschel, et, d’après eux, Dujardin et Hupé. Ces Pédicellaires sont assez allongés. Les plaques qui viennent après sont toutes pourvues d’un ou deux petits Pédicellaires valvulaires. Les Pédicellaires du. dos sont des Pédicellaires en pince; ils sont supportés chacun par une petite pièce calcaire située entre les grosses pièces qui constituent la principale charpente du dos. Ces Pédicellaires en pince sont peu allongés et élargis à l’extré- mité. Les Oreaster que l’on connaît actuellement, et que nous n'avons pu examiner, sont les suivants : Oreaster afjinis, M. et T., O. sinensis, M. et T., O. tubercula- tus, M. et T., O. verrucosus, M. et T., ©. clavatus. M. et T., O. carinatus, M. et T., O. aculeatus, M. et T., nodosus, armatus, orientalis, valvulatus, lapidarius, Dujardinsiüi. Chez tous, on signale l'existence de Pédicellaires valvulaires au moins. GENRE ASTROGONIUM, Müller et Troschel, Dans le genre Oreaster, nous avons constamment trouvé des Pédicellaires, et, sauf dans un ou deux cas encore un peu incer- tains, nous avons constaté la présence simultanée de Pédicel- laires valvulaires et de Pédicellaires en pince. Nous aurions pu en dire autant des Culcites; de telle sorte que les Pédicellaires doivent être considérés comme entrant dans la caractéristique de ces genres. Il n'en est plus de même dans le genre Astrogonium et dans les autres genres qui nousrestent à étudier, et qui se rapprochent de ces deux types. Les espèces du genre Astrogonium pourvues de Pédicellaires sont jusqu'à présent au nombre de trois. Ces Pédicellaires sont bivalves. Nous n’avons pas rencontré de Pédi- cellaires en pince. Ces Pédicellaires bivalves se présentent, du 5€ série, ZooL., T. XII. (Cahier n° 5.) 2 18 271 ËÉ. PERRIER. reste, avec les mêmes caractères que chez les Oreaster et les Culciles. Chacun d’eux est logé dans un älvéolé creusé dans l’une des pièces calcaires du squelette. Les deux valves sont quel- quefois denticulées sur leur bord. Les trois espèces chez qui nous avons constaté la présence de Pédicellaires valvulaires sont les suivantes : 1° Astrogonium phrygianum, M. et T. (1).—-Dans cette espèce, il existe des Pédicellaires valvulaires tant sur la face ventrale que sur la face dorsale. Ceux de la face ventrale sont les plus grands : ils forment unie ligne régulière de chaque côté des silloïs ambu- lacraires, et a: épars sur le reste de la surface. Leur longueur est de 2 millimètres environ ; la hauteur des valves est de 1 imil- limètre et demi ou 2 environ. Ces valves sont dentelées sur leur bord interne. Les Pédicellaires dorsaux ont tout à fait la même forme que ceux de la face ventrale ; ils sont seulement un peu plus petits ét plus épais. ® Astrogontum pulchelluni, M. et T. — Les Pédicelläires sont portés principalement par les plaques les plus voisinies dés bords extérieurs de l’änimal et par cellés qui suivent; les autres plaques de la face ventrale peuvent d’ailleurs en être également pour- vues. Cette tendance des Pédicellairés à se trouver sur les plaques les plus voisines des plaques marginales est déjà'ier un fait exceptionnel ; jusqu'ici nous avons vu constamment que les plaques privilégiées étaient, soit les plaques marginales elles- mêmes, soit surtout les plaques les plus voisines des sillons ambulacraires. Mais là ne se borne pas la singularité. D’ordinaire la plaque qu: porte un Pédicellaire présente un alvéole en rectangle allongé assez large, dans lequel viennent se placer les valves qui s'ouvrent dans un sens perpendiculaire à la direction de l’al- véole, qu’elles dépassent en général dela moitié de leur hauteur. Ici c’est tout le contraire ; l’alvéole est très-étroit à ses extré- mités, s’élargit un peu au milieu. Le Pédicellaire est placé dans (1) PI. 48, fig. 9, PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 275 son intérieur, et ne le dépasse pas. Il est formé de deux pièces petites, peu développées, et qui s'ouvrent non plus dans le sens perpendiculaire à la longueur de l’alvéole, mais bien dans le sens même de cette longueur. C’est la première fois que nous rencontrons une telle forme de Pédicellaires ; nous ne la connaissons même dans aucune autre espèce d’Astérie. Müller et Troschel ont aperçu cette particularité, mais ne nous paraissent pas s’en être rendu un compte parfaitement exact. Ils la décrivent, en effet, de la facon suivante (Syst. der Asteriden, p. 55) : « Die Batchplatten sind glatt, jede von einem Kranze dikerer » Granula üngeben; auf fast allen findet sich eine Mmeist etwas » gebogene Furche, welche offenbar dem Sitz einer Pedicellarie » entspricht. In dieser Furche liegen immer zwei kalkige Stücke, » die sich gegen einander bewegen zu künrien scheinen; zuwei- ÿ len Stossen auch drei in einen Punkt zusammen, und viele » andere Combinationen. » On peut traduire avec Dujardin et Hupé (Histoire naturelle des Échinodermes, p. 392) : « Plaques ventrales lisses entourées chacune d’une bordure de granules épais, et présentant presque toutes un sillon un peu arqué qui correspond à l'emplacement d'un Pédicellaire, et qui contient deux ou trois pièces calcaires susceptibles de se mou- voir et de se rapprocher ensemble. » Pour nous, le sillon ne correspond pas à l'emplacement d’un Pédicellaire, c’est bien réellement l'emplacement, l’alvéole d’un Pédicellaire, et les pièces calcaires qu'il contient, et que nous n'avons jainais vues dépasser le nombre de deux, sont les pièces constituant les Pédicellaires en question; elles forment un Pédicellairé d’une nouvelle sorte. S 3° Astrogonium australe, M. et T.— fl existe des Pédicellaires bivalves ordinaires sur le dos, très-près de la bordure de gra- nules des plaques. 276 H. PERRIER. Après ces trois espèces, nous devons signaler celles que nous avons examinées, et qui ne nous ont pas offert de Pédicellaires; ce sont les suivantes : Astrogonum magnificum, M. elT. Astrogonium granulare, M. et T. — astrologorum, M. et T. — Souleyeti, Duj. et Hupé, — geometricum, M. et T. dans leur Histoire naturelle des Echi- — cuspidatum, M. etT. nodermes de la collection Roret. Cette dermière espèce a été désignée par M. Valenciennes, dans la collection du Muséum, sous le nom d’Arechaster lucifer ; mais c’est bien réellement un Astrogonium. Nous ajouterons à cette liste deux autres espèces que nous trouvons dans la collection du Muséum sous le nom de Gonio- discus Sebæ M. et T., et qui sont tout simplement deux espèces nouvelles d’Astrogonium. ASTROGONIUM Emizn, Ed. P. — Corps aplati ayant environ 1 décimetre de diamètre. Face supérieure couverte de plaques arrondies, lisses, entourées chacune d’un cerele de granules. Plaque madréporique triangulaire, présentant une structure réticulée, quine devient guère radiée que sur les bords ; elle est située au premier tiers du rayon du disque à partir du centre. Plaques marginales dorsales au nombre de douze à chaque bord, plus une impaire très-petite. Plaques marginales ventrales au nombre de seize à chaque bord, soit six dorsales et huit ven- trales pour chaque bras. Les plaques ventrales vont en dimi- nuant légèrement de grandeur quand on se rapproche des angles. Les dorsales conservent à peu près leur taille ; la dernière seule est brusquement réduite. Toutes ces plaques, tant dorsales que ventrales, sont entourées d’une double rangée de granules. La face ventrale est couverte de plaques irrégulièrement poly- gonales, et qui sont entièrement granuleuses. Quelques-unes seulement présentent une aire centrale, assez grande, ovale ou circulaire, complétement nue. Les piquants du sillon ambula- craire paraissent disposés sur trois rangées ; les deux internes composés de deux piquants sur chaque plaque, l’interne en comprenant trois. En arrière de celle-ci se trouvent en assez PÉDICELLAÏRES ET AMBULACRES. og orand nombre de gros granules, qui font le passage entre les piquants et les granules de la face ventrale. Le plus grand et le plus petit rayon du corps sont entre eux comme 7est à 11. Patrie inconnue. Étiqueté dans la collection du Muséum sous le nom impropre de Goniodiscus Sebæ, M. et T. ASTROGONIUM DUBIUM. — Je ne décris cette espèce qu'avec doute ; elle pourrait bien n'être qu’une monstruosité de l’Astro- gonium cuspidatum de Müller et Troschel, dont elle présente tous les principaux caractères. Toutefois, l'échantillon que J'ai entre les mains ne possède que quatre bras, et la courbe que forme ses bords est beaucoup moins marquée que dans l’Astro- gonium cuspidatum. L'un des côtés a été blessé, et des plaques marginales nouvelles, irrégulièrement disposées, se sont déve- loppées à l'endroit de la blessure, et en plus grand nombre que le nombre normal. Ces plaques nouvelles sont granulées, comme celles du disque, dans celles de leurs portions qui avoisinent ces dernières. La plaque madréporique, au lieu d’être située entre trois plaques du disque, comme dans l'A. cuspidatum, est placée entre A ; c'est là la différence la plus saillante. Enfin, au pre- nier abord, les piquants du sillon ambulacraire paraissent dis- posés sur trois rangs et non pas sur deux ; mais cela ne semble être qu'accidentel, et dù, soit au désordre des piquants de l’échan- tillon que j'ai eu entre les mains, soit à un développement inso- lite de petits tubercules qui sont d'ordinaire situés en arrière de la dernière ligne des piquants. Je crois donc avoir affaire simplement à une variété acciden- telle et monstrueuse de l’Astrogonium cuspidatum, M. et T. Diamètre : 7 centimètres. Patrie imconnue, Je trouve enfin dans la collection du Muséum un individu très-voisin de 4. Emili, et qui s’en distingue par le nombre des plaques marginales qui sont pour chaque bord de dix en 978 EH. PERRIER, dessus et douze en dessous, et par ses plaques ventrales unifor- mément granuleuses. Point de Pédicellaires. — Patrie inconnue. GENRE GONIODISCUS. Comme celles du genre Astrogonium dont il est très-voisin, les espèces du genre Goniodiseus sont très-différentes entre elles sous le rapport des Pédicellaires, les unes possédant des Pédi- cellaires valvulaires, quelques autres (une au moims) des Pédi- cellaires en pince ; d’autres enfin étant complétement dépour- vues de ces organes. La constitution des Pédicellaires ne diffère pas ici de ce que nous avons rencontré dans les trois genres qui précèdent ; 1ls sont sessiles, et insérés chacun dans un alvéole particulier, creusé dans les pièces qui composent le squelette calcaire. Cela est aussi vrai pour les Pédicellaires valvulaires que pour les Pé- dicellaires en pince. Nous parlerons d’abord des espèces qui présentent des Pédi- cellaires. Gonioniseus PLEYADELLA , M. et T.—Les Pédicellaires sont val vulaires, petits, et situés sur les plaques qui sont les plus voisines de celles qui bordent les sillons ambulacraires. On n’en voit ni sur les plaques marginales, ni à la face dorsale. Gonroniscus cuspipatus, M. et T.— lei les Pédicellaires sont en pince, et l’on peut en distinguer de deux sortes : les uns un peu en arrière des piquants du sillon ambulacraire, mais insérés sur les plaques mêmes qui le portent, les autres placés au nombre de quatre ou cinq sur les plaques qui suivent immédiatement, et sur quelques-unes de celles de la partie médiane du corps. Les premiers sont allongés, à branches attéruces vers leur extrémité, et au moins deux fois et demi aussi longues que larges. Les seconds ont, au contraire, leurs branches à peine aussi longues que larges, el un peu élargies à leur extrémité libre. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 979 Sur la face dorsale, on observe également dans le voisinage des aires tentaculaires de longs Pédicellaires en pince. GONIODISCUS ARTICULATUS, Ed. P. — ASTROGONIUM ARTICULA- Tum, Val. (Coll. Mus.). — Le rapport du plus petit au plus grand diamètre est comme 4 est à 7 environ. Les bras sont nettement dessinés, et séparés les uns des autres par une échancrure pro- fonde. La face dorsale est couverte de granules très-fins, et pré- sente en même temps un grand nombre de petits tubercules irré- gulièrement disséminés, et renflés à leur sommet qui est tronqué. La plaque madréporique est placée un peu avant le quart du plus petit rayon partant du centre du disque; elle estovale, et creusée de sillons qui vont en divergeant et en se divisant à partir du centre. Les plaques marginales dorsales sont au nombre de trente pour chaque bord ou quinze pour chaque bras, sans compter les impaires situées au sommet des bras. Elles sont couvertes de granules irréguliers, assez gros et non contigus. Chacune d'elles porte un ou deux petits Pédicellaires valvulaires. Ces plaques vont en diminuant vers l'extrémité des bras ; elles sont plus larges que longues. Il en est de même des plaques marginales ventrales, qui sont au nombre de trente-deux pour chaque bord ou seize pour chaque bras, la dernière étant très-petite. Ces plaques sont couvertes de granules plus serrés et plus réguliers que ceux que présentent les plaques dorsales ; elles portent, en outre, deux ou plusieurs Pédicellaires valvulaires un peu plus grands que ceux du dos. Toute la face ventrale paraît formée de plaques entourées cha- eune d’une couronne de gros granules, et portant un Pédicel- laire valvulaire qui occupe toute leur longueur. Vers le sommet de chaeun des triangles découpés par le sillon ambulacraire, l’une de ces plaques est plus saillante, et a une tendance à former une sorte de corne ou d'arête. Les piquants des sillons ambula- craires sont sur deux groupes : ceux qui forment le rang interne sont disposés par groupe de cinq sur chaque plaque, ceux du milieu étant plus grands et plus forts. Les piquants du second rang sont plus courts, plus gros, tronqués au sommet, et dis- 280 E. PERRIER. posés par groupes de trois sur chaque plaque seulement. Entre les piquants du premier et du second rang, à l’angle interne de chaque pièce, on aperçoit en outre, comme chez les Oreaster, un Pédicellaire en pince gros et court. Le diamètre des échantillons desséchés, le plus gros était de 18 centimètres. Deux individus de la collection du Muséum et deux acquis par lui dans la collection Michelin. Des îles Seychelles. Nota. — Un assez grand nombre de petits Pédicellaires val- vulaires se voient sur la face dorsale. Goniopiscus ACUTUS, E. P. — Cinq bras terminés en pointe, allongés. Le rapport du plus grand au plus petit rayon étant de 2. Face dorsale parsemée d’un assez grand nombre de tuber- cules irréguliers espacés de 1 millimètre ou 1 millimètre et demi environ, et entremêlés de quelques Pédicellaires valvulaires. Plaque madréporique située au premier tiers du rayon, à parür du centre, présentant des sillons très-profonds, beaucoup plus larges que les rubans qui les séparent. Ceux-ci forment une sorte de réseau vers le centre de la plaque, puis divergent vers les bords en se dichotomisant irrégulièrement. Plaques marginales dorsales supérieures au nombre de trente pour chaque bord, soit quinze pour chaque bras, sans compter l’impaire apiciale, convexes, granuleuses, à granules irréguliers, peu serrés, plus gros vers le bord interne. Plaques marginales ventrales au nombre de trente-deux, seize pour chaque bras, plates, uniformément granuleuses, et portant assez souvent un grand Pédicellaire valvulaire. Plaques ventrales portant toutes un Pédicellaire valvulaire occupant toute leur longueur, entou- rées d’une double couronne de granules, dont les extérieurs sont les plus gros. Les Pédicellaires de la face ventrale ont au moins 2 millimètres de long. Sillons ambulacraires présentant deux rangées de piquants. Les piquants de la rangée interne, qui sont minces et cylindriques, sont au nombre de cinq diver- seant sur chaque plaque; les médians sont les plus longs. En PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 281 arrière se trouvent deux piquants gros et courts, et quelques tu- bercules. Il existe un Pédicellaire en pince, gros et court, entre ces deux rangées de piquants, à l'angle mterne de chacune des plaques du sillon. Diamètre : 1 décimètre à l’état de dessiccation. Patrie : Nouvelle-Hollande. Rapportés par M. J. Verreaux, 184. Telles sont les espèces que nous avons pu examiner, et qui présentent des Pédicellaires. Müller et Troschel signalent encore des Pédicellaires valvulaires sur la face ventrale, et les plaques marginales du G. pentagonulus ; sur la face ventrale seulement du G. Sebæ ; sur la face ventrale, les faces marginales, et moins abondamment sur le dos du G&. seriatus ; enfin le G. mamillatus aurait aussi sur la face ventrale de très-petits Pédicellaires que nous n'AVONS pas vus. Il résulte de tout ce que nous venons de dire que, chez les Goniodiscus comme chez les Astrogonium, les Oreaster et les Culcites, le lieu d'élection des Pédicellaires valvulaires est la face ventrale. Les Pédicellaires en pince se trouvent au contraire constamment dans le sillon ambulacraire, et assez souvent sur la face dorsale dans les aires tentaculaires. La collection du Jardin des plantes ne possède aucune des espèces de Goniodiscus indiquées par Müller et Troschel comme dépourvues de Pédicellaires, à savoir : Goniodiseus placenta, G. regularis, G. singularis et peut-être G. capella, non plus que l'espèce décrite par Philippi, dans Weigman’s Archiv, 1857, sous le nom de G. verrucosus. Mais nous trouvons dans la col- lection Michelin, acquise récemment par cet établissement, une espèce fort intéressante qui présente ce caractère par sa face inférieure seulement. Nous lui donnerons le nom de : Gonioniscus Micmeuinr, E. P. — Corps pentagonal à côtés assez fortement échancrés pour constituer cinq bras bien dis- tincts. Le plus grand rayon égale environ une fois un tiers le 289 E. PERRIER. plus petit. Face supérieure entièrement et très-finement granu- lative, à granulations entremêlées de Pédicellaires bivalves, ayant à peu près une longueur double de celle du diamètre des gra nules. Sur la ligne médiane des bras, on voit quatre énormes piquants très-gros et très-obtus, dont le dernier est plus petit et quelquefois à peine visible; les premiers, c’est-à-dire ceux qui sont les plus rapprochés du centre, dessinent un pentagone, dont les côtés portent en leur milieu un piquant semblable. Au centre du disque, qui est aussi celui du pentagone, s'élève encore un piquant : enfin on en trouve deux ou trois disposés en triangle, dans ce dernier cas, sur les surfaces triangulaires comprises entre les lignes médianes des bras. Ces piquants ne présentent des granulations que tout à fait à leur base; ils sont lisses dans toute leur hauteur, qui atteint au moins 1 centimètre sur 3 mil- limètres de diamètre à leur base. Ces piquants s’amincissent graduellement vers leur extrémité, et se terminent par une sur- face arrondie. La plaque madréporique est située immédiate- ment en dehors et à la base de l’un des piquants qui s'élèvent au milieu des côtés du pentagone du disque. Elle est légèrement triangulaire, et présente des sillons irréguliers qui s’irradient en se divisant à partir du centre. Les plaques margiuales dorsales sont au nombre de quatorze pour chaque bord ou sept pour chaque bras, plus convexes vers le sommet des bras que dans les angles rentrants ; elles sont entièrement couvertes de granules aplatis et serrés. La dernière est presque toujours mutique ; mais les trois qui précèdent présentent toujours un piquant pareil à ceux du dos, mais qui se réduit quelquefois pour les plaques les plus voisines du sommet des bras à un simple tuber- cule. Les plaques marginales ventrales sont au nombre de dix- huit pour chaque bord, soit neuf pour chaque bras, les deux dernières étant beaucoup plus petites que les autres, incurvées et relevées presque verticalement sur la face arrondie qui tient lieu de sommet aux bras. Toutes ces plaques sont uniformément couvertes de granules aplatis, et portent chacune un piquant beaucoup plus petit que ceux du dos et des plaques dorsales, mais de même forme. Les piquants les mieux développés se PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 283 trouvent sur les plaques les plus voisines du sommet des bras. Sur les aires triangulaires comprises entre les plaques margi- nales etles sillons ambulacraires, on remarque des séries linéaires de tubercules formant une suite de triangles semblables au triangle sur lequel 1ls sont disposés. Ces tubercules sont d’au- tant plus élevés, qu'ils appartiennent à une ligne plus voisine du sillon ambulacraire, et sur cette ligne ils sont d'autant olus grands, qu'ils sont plus près du sommet du triangle. Toute Ja Surface ventrale est d’ailleurs couverte d’une nie toh par- faitement régulière. Les piquants du sillon ambulacraire for- ment deux rangées : ceux de la rangée interne sont disposés dans l'intérieur même du sillon ; 1l en existe quatre sur chaque plaque; ceux du milieu étant plus grands que les autres, tous sont minces et aplatis. Les piquants de la seconde série sont disposés sur le bord extérieur du sillon; ils sont gros, dressés, très-saillants, arrondis au sommet, et légèrement coniques. Ils deviennent de plus en plus petits à mesure qu’on se rapproche davantage de l'extrémité des bras. Les quatre ou cinq piquants de chaque série qui sont les plus rapprochés de la bouche sont un peu moins longs que ceux qui précèdent, beaucoup plus serrés, et leur forme, par suite d’une sorte de compression réei- proque, tend à devenir triangulaire. Les dix séries de piquants ainsi légèrement transformées forment une sorte d’armature buccale bien nette. L’anus est situé à la base du piquant dorsal central, contigu avec lui et à sa gauche, en mettant, comme d'ordinaire, la plaque madréporique en arrière. Largeur de l'individu desséché unique que nous avons pos- sédé, 85 millimètres. Localité : Mazatlan (Mexique occidental). Collection de feu Michelin, à qui nous dédions cette espèce. GENRE NECTRIA, Gray. La Wectria ocellifera, espèce unique lusqu’ici dans son genre 9 P 9 28h E. PERRIER. ne m'a point offert de Pédicellaires. J'ai examiné deux échan- tillons desséchés du Muséum. GENRE STELLASTER, Gray. STELLASTER CHILDRENI, Gray. — Les Pédicellaires en pince de cette espèce ont été figurés par Müller et Troschel ; mais la figure qu'ils en donnent est certainement une figure de fantaisie. On ne trouve jamais dans les Pédicellaires des Astéries cette den- telure régulière que représente la planche VI du System der Asteriden, la même, du reste, qui porte une figure tout à fait inexacte des Pédicellaires croisés de l’Asteracanthion gelatino- sus, et qui n est guère plus heureuse pour les Pédicellaires droits de la même espèce. Les Pédicellaires en pince du Stellaster Chidreni sont situés un peu en arrière des piquants du sillon ambulacraire, entre ceux-ci et la ligne de piquants aplatis qui suit. Ils sont assez allongés, minces, formés d’un tissu calcaire réticulé, fort irrégulier, concaves à l’intérieur, et à bords héris- sés d’un grand nombre de pointes calcaires perpendiculaires à la direction de ce bord. | Les Pédicellaires valvulaires sont situés sur la plupart des plaques ventrales, dorsales et marginales ; ils sont assez peu nombreux, et relativement très-petits. La planche IV du System der Asteriden de Müller et Troschel donne, dans ses figures 3 et A, une bonne idée de leur nombre, de leur grandeur et de leur disposition. Le Stellaster Childreni présente donc dans ses Pédicellaires la mème disposition générale que les espèces des genres précé- dents. Tous ces genres sont du reste intimement unis entre eux. GENRE ASTEROPSIS, M. T. Dans le genre Asteropsis, la variété est bien plus grande que dans les précédents sous le rapport des Pédicellaires. Nous trouvons, en effet, une espèce pourvue de Pédicellaires en pince, une espèce pourvue de Pédicellaires valvulaires, et enfin des PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 285 espèces complétement dépourvues de ces organes. Il n’y à donc rien de général à dire sur les Pédicellaires des Asteropsis, si ce n’est pourtant qu'ils ne nous semblent pas, comme dans les genres qui précèdent, logés dans des alvéoles spéciaux pratiqués dans l'épaisseur des pièces calcaires du squelette. Cela est de toute évidence pour l’Asteropsis carinifera, qui porte des Pédi- cellaires en pince distribués tout le long des bords de la région dorsale des bras. Ces Pédicellaires se trouvent au milieu des aires tentaculaires de cette région ; ils sont petits, peu alongés, et présentent quelque chose d’analogue à ce que nous avons rencontré chez les Asteracanthion. Ici aussi le Pédicellaire est composé de trois pièces, une basilaire et deux formant la pince. La pièce basilaire pré- sente une cavité légère, dans laquelle sont implantées les deux branches de la pince. Celles-ci sont courtes et irrégulières ; elles sont reliées à la pièce basilaire par des fibres muscu- lares verticales qui écartent les deux branches l’une de l’autre. A leur base, ces deux branches s’entrecroisent légèrement en se servant mutuellement de point d'appui, et des fibres muscu- laires horizontales peuvent déterminer leur rapprochement. Il semblerait au premier abord que ces Pédicellares remar- quables fissent exception au type général que nous avons décrit pour les Pédicellaires des Astérides à deux rangées d’ambulacres ; mais 1l est facile de se convaincre que ces organes s’'éloignent pourtant plus de ceux des Asteracanthion que de ceux des autres Étoiles de mer. En effet, la pièce qui leur sert de support n'est pas, comme dans les Asteracanthion, dans le même plan que les branches des pinces et portée par un pédi- cule mou; elle se développe au contraire dans la peau elle- même, et dans un plan perpendiculaire à celui des pinces. Elle occupe par conséquent, relativement à celles-ci, la même posi- tion que les pièces calcaires empruntées au squelette pour servir de support au Pédicellaire. Dans l’Asteropsis carinifera, la peau est bourrée de petits spicules calcaires, quelquefois un peu bifurqués, le plus souvent, au contraire, arrondis aux deux bouts, 286 Ë. PERRIER. L’Asteropsis vernicina est pourvu de Pédicellaires valvulaires. Je n'aurais pu déterminer leur mode d'insertion sans détériorer trop grivement les échantillons que possède le Muséum et qui sont au nombre de deux. La disposition de ces Pédicellaires est re- marquable. On en compte dix sur la face dorsale situés par paire dans l'intervalle des bras, au voisinage du bord, obliquement à ce bord. La face ventrale n’en présente que cinq situés isolé- ment près du sommet de chacune des aires triangulaires limi- tées par le sillon ambulacraire. Les Asteropsis ctenacanthus et pulvillus que nous avons exa- minés ne nous ont présenté aucune trace de pédicellaires: Nous avons pu observer deux ÆAsteropsis pulvillus conservés dans l'alcool. Grube ne signale pas de pédicellaires sur son Asteropsis im- bricata (W'eigm. Archiv, 1857, p: 340). GENRE ARCHASTER, M. er T. Le genre Archaster appartient à un type bien différent de ceux que nous venons d'étudier. Par leur aspect extérieur, les espèces quile composent rappellent tout à fait les Astropecten. Elles n'en diffèrent guère que par la présence d’un anus et par celle de Pédicellaires en pince bien développées. Les Pédicellaires val- vulaires ont disparu avec les grosses pièces calcaires qui for- maient le squelette et dans lesquelles ils étaient logés. Les Pédi- cellaires en pince qui existent seuls présentent, du reste, ce type général, commun à toutes les espèces d’Astéries, à deux rangées d'ambulacres et auquel nous n'avons trouvé qu’une demi-ex- ception dans l'Asteropsis carinifera: Les deux branches de la pince reposent directement sur les ossicules du squelette: Elles sont formées d'un tissu calcaire réticulé, mais qui ne présente pas néanmoius l'apparence d’une feuille caleaire repliée. Ces bran= ches sont, au contraire, massives ou plutôt spongieuses. Elles sont entièrement couvertes d'une membrane épithéliale qui les réunit à la peau, à laquelle les attachent encore des fibres muscu- laires destinées à les écarter l’une del’autre. Ces branches présen- PÉDICELLAIRES ÉT AMBULACRES, 987 teht, en outre, à la partie inférieure de leur bord interne, une échäncrure recouverte par des fibres musculaires horizontales qui déterminent là fermeture de la pince (1). Îl n’y à là, comme on le voit, rien qui ressemble à ce que nous avons trouvé chez les Asleracahthion. La station ordinaire des Pédicellaires chez les Archaster est le sillon ämbuülacraire, ainsi que les angles du bras. Mais on en trouve aussi parmi les paxilles du dos. | Des trois espèces actuellement décrites d'Archaster, deux ont été à notre disposition : L'Archaster typicus et l'Archaster angulosus. ARCHASTER TyPICUS, M. et T.—— Chez l’Archaster typicus, nous n'avons trouvé de Pédicellaires que dans les angles des bras et dans le sillon ambulacraite. Les branches de ces Pédicellaires (2) ne sont pas toujours par- faitement égales entre elles, elles ne sont pas non plus parfaite- ment régulières. La longueur de chacune d'elles est un peu plus de quatre fois sa plus grande largeur. Cette plus grande largeur est atteinte à peu près au sommet de l'échancrure muscülaire interne. À partir de ce point le bord interne de chaque branché devient légèrement oblique de manière à rétrécir graduellement la pince qui se termine par un sommet arrondi. Le bord intefne de chaque mâchoire est très-finément denté sur tout son pour- tour à partir du sommet de l'échancrure. ARCHASTER ANGULATUS, M. et T. — Deux espèces de Pédicel- laires ; l’un parmi les paxilles du dos, l'autre parmi les piquants des sillons ambulacraires. Les Pédicellaires dorsaux (3) ont leurs branches à peu près de mème largeur dans toute leur étendue. Le rapport de leur lon- gueur à leur largeur est celui de 5 à 1. Chaque branche est (4) PI. 48, fig. 19 et 13. (2) PL 48, fig. 13. (3) PL 18, fig 42 b, 9288 E. PERRIER. finement denticulée sur tout le pourtour de son bord interne, Les Pédicellaires situés dans les sillons ambulacraires (1) sont environ deux fois et demie plus longs que ceux du dos. Leurs mâchoires sont très-amincies à leur extrémité libre et leurs dents peu apparentes. L'échancrure dans laquelle est logé le muscle adducteur esten forme d’ovaleextrèmement allongé. La longueur de l'organe entier est à peu près huit fois la plus grande largeur de chacune de ses branches. Cette largeur maximum est atteinte au huitième de la hauteur à partir de la base, un peu au-dessus du point où commence l'échancrure qui loge le muscle. Ces Pédicellaires ne présentent pas d’autres particularités sail- lantes. GENRE ACANTHASTER, Gervais, L'espèce que nous avons examinée est l’Acanthaster solaris (Dujardin et Hupé), l'Echinaster solaris de Müller et Troschel, le Stellonia echinites d'Agassiz. C’est sous ce dernier nom que se trouve placé le bel échantillon de la collection du Muséum. Les Pédicellaires (2) sont nombreux, situés parmi les piquants, à la face dorsale et composés de deux branches épaisses, presque cylindriques, percées de nombreuses vacuoles, hérissées sur toute leur surface et dentées à leur face interne sur les bords. On n’aperçoit pas d’échancrure destinée à loger les muscles. L'organe tout entier est entouré d'un épithélium. Il est réuni au corps de l'animal par des fibres musculaires que l'on peut voir au-dessous de la gaîne jusqu'à leur point d'insertion sur les pièces solides. Ces fibres sont destinées évidemment à écarter les deux branches de la pince. GENRE ASTERISCUS, M, £r T. Bien que j'aie pu examiner un assez grand nombre d'espèces appartenant au genre Asteriscus et que beaucoup d’entre elles fussent représentées par des individus en bon état et conservés (1) PL 48. fig. 12 a. (2) PL. 48, fig. 44. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 289 dans l'alcool, il ne m'a été possible de trouver des Pédicellaires que sur deux espèces : l'Asteriscus verruculatus, M. et T., et l'Asterisceus marginatus, Val. Cette dernière espèce n'a pas encore été décrite. Ces Pédicellaires présentent les caractères que nous avons trouvés chez tous Stellérides à deux rangées d’Ambulacres. Deux mâchoires appuyées sur une petite pièce calcaire faisant partie du squelette, reliées à cette pièce par les téguments communs et par les fibres musculaires constituent la partie essentielle de ces organes. Il faut y ajouter des fibres musculaires horizontales qui réunissent les deux mâchoires et qui sont destinées à les rappro- cher. Nous aurons alors donné une idée très-exacte et très-sim- ple de ces organes. Les pièces calcaires qui en forment la partie solide sont aérolées comme toujours, mais leur tissu est compacte et épais comme nous l'avons vu chez les Oreaster et les genres voisins. Il n’y a là rien qui rappelle la transparence et la délica- tesse du tissu calcaire qui constitue les Pédicellaires des Aster- acanthion. _ Dans les espèces du genre Asteriscus que nous avons exami- nées, nous n'avons jamais trouvé de Pédicellaires sur la face ven- trale, ni dans le voisinage des sillons ambulacraires. On les trouve, au contraire, toujours sur le dos et sur les nœuds du réseau calcaire qui remplit l’espace laissé vide entre les écailles dorsales et limite en même temps les pores tentaculaires. Ils se voient également en très-grand nombre sur le bord dorsal des bras où les pores tentaculaires manquent; mais là encore, ils sont situés entre les plaques écailleuses qui portent les petits pi- quants, jamais dessus. Remarquons en passant que la situation exclusivement dorsale des Pédicellaires des Asteriscus est singulièrement peu favorable à l'hypothèse qui leur a assigné pour rôle de porter les aliments jusqu'à la bouche en se les transmettant mutuellement. ASTERISCUS MARGINATUS, Val. — Corps pentagonal avec les intervalles des bras assez échancrés. Rapport du plus petit au plus grand rayon mesuréà partir de la bouche comme 1 est à 2. Dessus 5€ série. Zoor, T. XII. (Cahier n° 5.) 3 | 19 290 Ë, PERRIER. du corps pas très-convexe. Plaques écailleuses dorsales portant six ou huit petits piquants disposés transversalement sur deux rangs, serrées de manière à former une sorte de crête ou d’éven- tail. Trois de ces crêtes plus grandes s’inclinent sur la plaque madréporique qui est située au quart du plus petit rayon à par- tir de l'anus qui est central. Dans la plaque madréporique les lignes saillantes rayonnent à partir du centre et sont aussi larges que les intervalles qui les séparent. Les pores tentaculaires sont nombreux et sur le réseau qui les limite on voit de nombreux Pédicellaires (1) à branches très-allongées et recourbées présen- tant de nombreuses épines dirigées versle haut, disposés en séries longitudinales et bien visiblesseulement sur le profil. La courbure supérieure présente de nombreuses petites dents, toutefois les bords verticaux offrent de longues dents pointues, perpendi- culaires à leur section. Ces dents sont peu nombreuses. Sur le bord tranchant du disque, chaque plaque porte un bouquet de tubercules divergents; à la face ventrale chaque plaque porte quatre piquants allongés, pointus, disposés en une ligne transversale et devenant d'autant plus longs qu'ils sont plus rapprochés des sillons ambulacraires. Ceux-ci neprésentent qu'une seule rangée de piquants longs, minces, tronqués au sommet, disposés en lames, quatre par quatre sur chaque pla- que. Ceux qui sont au sommet des angles buccaux sont plus longs, plus divergents que les autres et forment ainsi une sorte d'armature. Diamètre : 6 centimètres. Patries : Brésil (Castelneau et Deville); — Gorée (Robert). ASTERISCUS VERRUCULATUS, M. et T. — Dans l’Asteriscus verru- culatus les Pédicellaires (2) sont tout aussi nombreux que dans le précédent. Ils sont construits à peu près de la mème façon ; mais on n'ydistingue d’épinesque dans la portion terminale ; les bran- ches de la pince sont presque droites et non plus courbes; elles () PL 48, fig. 41. (2) PL, 48, fig, 40. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 901 présentent aussi de longues dents pointues perpendiculaires au bord interne ; enfin, dans cette espèce les Pédicellaires sont plus petits que dans la précédente. ASTERISCUS PULCHELLUS, Val.— Cette Astérie est indiquée dans la collection du Muséum comme identique avec l’A. pulchella de de Blainville. S'il en est ainsi, on ne peut confondre cette espèce avec la précédente comme l'ont fait Müller et Trochel; elle se rapprocherait plutôt de VA. marginatus; mais elle s’en distingue par sa taille beaucoup plus petite, l'absence de crêtes, de piquants et d'écailles sur le dos, et aussi par ses Pédicellaires qui sont grands, nombreux, à branches légèrement arquées, très-écartées, un peu élargies au sommet, épineuses et à épines dressées vers le Sommet, avec une région du bord interne présentant des dents horizontales peu aiguës et peu allongées. Les sillons de la plaque madréporique sont très-contournés, beaucoup plus larges que les lignes sallantes qui les séparent et qui paraissent crénelées. Sur la face ventrale chaque plaque porte deux ou trois piquants, trés-allongés et souvent trés-aigus. Les piquants du sillon ambulacraire sont allongés, grêles, obtus et disposés sur une seule rangée. Chaque plaque en porte en général quatre, unis par une même membrane, très-peu divergents. Patrie : Messine, rapporté par M. Constant Prévost. Diamètre : 2 centimètres. Telles sont les seules espèces d’Asteriscus qui nous ont pré- senté des Pédicellares. I faut y ajouter, d’après Müller et Troschel, l’Asteriscus trochiscus de la mer des Indes. Nous n'avons pu trouver aucun autre caractère de valeur qui les sépare de leurs congénères dépourvus de ces organes. Nous avons examiné les espèces suivantes : Asteriscus australhs, M. et T.; A. calcar, M. et T., conservé dans l'alcool; A. minutus, M. et T.; À. cepheus, Val. (coll. Mus.) et M. et T.; À. setaceus, Val. (coll. Mus.) et M. et T. Ces derniers étant desséchés seraient peut-être cependant à 299 E. PERRIER. examiner de nouveau, et l’on ne peut répondre que leur état de conservation soit suffisant pour que les Pédicellaires soient visibles. A ces espèces, toutes décrites par Müller et Troschel ou par Gray, il faut en ajouter quelques autres que nous croyons nou- velles, et dont nous donnons la description. ASTERISCUS. CALCARATUS, Val. — Corps pentagonal, avec les côtés à peine échancrés. Les plaques écailleuses dorsales portent chacune une double ou triple rangée de piquants granuleux, arrondis au sommet, serrés les uns contre les autres ; toutes ces rangées sont presque contiguës, et séparées quelquefois par des bouquets arrondis de piquants entièrement semblables à ceux qui les forment. Plaque madréporique assez grande, au premier cinquième de la distance du centre du disque au bord, en par- tant du centre. Bords tranchants légèrement incurvés vers la face ventrale qui est concave. Les triangles, que découpent sur cette face les sillons ambulacraires dans la moitié de leur surface la plus voisine du sommet, présentent des rangées incomplètes de piquants isolés, quise changent dans la deuxième moitié en autant de rangées doubles de piquants courts et obtus. Les piquants du sillon ambulacraire sont sur un seul rang; ils sont très-grèles; il y en a deux sur chaque plaque. Ils sont renforcés en arrière par une rangée de piquants appartenant à la face ventrale proprement dite, mais plus allongés que de coutume. Diamètre, 3 centimètres. Patrie : Valparaiso. ASTERISCUS EXIGUUS, Val. — Nous conservons à cette espèce le nom que Valenciennes lui a donné dans la collection du Muséum; mais nous n’adoptons en aucune façon la synonymie qui en fait l’Asteriseus eæiguus de Lamarck. En dehors des singularités qui peuvent être attribuées à une monstruosité, cette espece présente en effet des caractères dis- PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 293 tineufs bien tranchés. Voici la description de l'individu unique que possède la collection du Muséum : Corps quadrangulaire à côtés fort peu échancrés. Surface dor- sale entièrement couverte de plaques écailleuses un peu atténuées en arrière, et présentant à leur bord antérieur une petite échan- cruredemi-cireulare qui circonscrit un pore tentaculaire. Chaque plaque autour de cette échancrure porte une ou deux rangées courbes de petits piquants courts, granuleux, arrondis au som- met, etqui manquent, sans doute accidentellement, sur beaucoup d’entre elles. Il existe deux plaques madréporiques situées symé- triquement très-près de l'anus, de chaque côté de la ligne dia- gonale du carré formé par le disque. Les sillons présentés par ces plaques sont peu contournés, etheaucoup plus larges que les lignes saillantes intermédiaires. La face ventrale est couverte d’écailles imbriquées, dont le bord libre arrondi est tourné vers la bouche. Ces écailles sont légèrement concaves. Celles qui sont le plus voisines du bord du disque portent chacune un piquant ; il en existe deux sur la rangée inférieure marginale. Les piquants des sillons ambulacraires sont sur un seul rang, isolés sur chaque plaque, et renforcés par une rangée de piquants plus gros appar- tenant à la face ventrale proprement dite. Diamètre : 14 millimètres. Patrie : Nouvelle-Hollande, rapporté par M. J. Verreaux, 1844. ASTERISCUS SQUAMATUS, Val. — Grande espèce pentagone, quelquefois irrégulière, à cinq bras bien marqués, ayant le dos entièrement couvert d’écailles imbriquées sur les bords, plus espacées quand on se rapproche du centre du disque, et cir- conscrivant alors un pore tentaculaire. Plusieurs de ces écailles sont rétrécies vers leur milieu ; toutes portent sur celui de leur bord qui regarde le centre du disque, une rangée verticale de petits piquants. La plaque madréporique est grande, très-voi- sme du centre du disque, marquée de stries rayonnantes très- régulières, bifurquées et sinueuses, à peu près de la largeur de 29/ E, PERBIER. l'intervalle qui les sépare. Les écailles sont d'autant plus larges et plus courtes, qu'on se rapproche davantage du centre du disque. La face ventrale est également couverte d’écailles imbri- quées, portant chacune un piquant sur le milieu de leur bord tourné vers le centre. Seules les plaques marginales, qui sont plus allongées, portent chacune sur leurs bords latéraux une rangée de petits piquants inclinés et serrés. Les piquants du sillon ambulacraire sont sur un seul rang; il y en a deux sur chaque plaque, plus en arrière, fixé à un tubercule saillant, un autre piquant apparteuant seulement à la face ventrale. Diamètre : 8 à 10 centimètres. Patrie : Inconnue. Asreriscus Weça, Val. — De six à huit bras irréguliers, bien marqués, couverts d’écailles échancrées en avant, rapprochées, tranchantes, et s’imbriquant légèrement, limitant chacun par son échancrure antérieure un pore tentaculaire. Chacune de ces écailles porte à sa partie antérieure de petits piquants diver- gents qui la font paraître hérissée dans cette région. La face veutrale est également recouverte d’écailles serrées qui, vues à la loupe, se montrent criblées de pores; ces plaques portent chacune vers son bord central un piquant. Les piquants du sillon ambulacraire paraissent disposés sur deux rangs ; 1l y en a quatre ou cinq sur chaque plaque. Ces piquants s’allongent beaucoup aux sommets des aires triangulaires limitées par Îles sillons ambulacraires ; ils vont alors en s’élargissant graduelle- ment de la base au sommet. Diamètre : 2 à à centimètres. Patrie : Mer Rouge. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 295 GENRE ASTROPECTEN, Linck. Les Astropecten n’ont pas de Pédicellaires. Espèces exami- nées : ze Astropecten Brasiliensis, M. et T. 6. Astropecten Andromeda, M. et T. 2, — polyacanthus, M. et T. 7. — Johnstoni, M. et T. ” a — platyacanthus, M, et T. 8. — serratus, M. et T. 4. — hystrix, M. etT. 9. — hispidus, M. et T. 3 — armatus, M. et T. 10. — spinulosus, M. et T. Espèces nouvelles : ASTROPECTEN PERARMATUS, Ed. P. — Grande espèce pourvue de cinq bras, quatre fois au moins aussi longs que le rayon du disque, présentant trente-trois plaques granuleuses portant cha- cune un ou deux piquants gros, courts et pointus; l’un de ces piquants se trouve sur le bord interne de la plaque, l’autre en son milieu. La plaque madréporique est voisine du bord interne des plaques marginales qui sont très-allongées en ce point. Chacune de ces plaques ventrales porte tout à fait sur le bord supérieur un long piquant pointu et légèrement recourbé, redressé vers le haut, Le long du bord interne de ces plaques, on voit une rangée de piquants traversant les bras, pointus, allongés, aplatis, au nombre de quatre ou cinq, d'autant plus courts qu'ils se rap- prochent davantage des bords du sillon ambulacraire. Les plaques ventrales sont couvertes d'écailles aplaties, arrondies à leur extrémité libre. Les piquants du sillon ambulacraire sont sur deux rangs. Ceux de la rangée interne sont disposés trois par trois sur chaque plaque, grêles, allongés, pointus ; celui du milieu est le plus long, Ceux de la rangée externe sont seulement au nombre de deux sur chaque plaque, larges, aplatis et arrondis au sommet. Derrière eux, surtout dans le voisinage de l'angle des bras, les écailles de la face ventrale s’allongent, de manière à prendre une forme analogue à celle de ces piquants, et simu- lent ainsi une ou deux nouvelles rangées incomplètes. Les tubes ambulacraires sont couronnés par une sorte de 296 Ë. PERRIER. cône ridé le long de ses arêtes, eb qui remplace l'épanouissement discoïde qui se voit chez les Astéries des autres genres. Diamètre : 25 centimètres. Patrie : Mer du Sud (du voyage de Hombron et Jacquinot, expédition d'Urville). ASTROPECTEN SAMOENSIS, Ed. P.— Cette espèce se fait remar- quer comme la précédente par le développement considérable de ses piquants. Elle possède cinq bras, environ deux fois aussi longs à partir du centre que le rayon du disque. Ces cinq bras sont couverts de paxilles plus fines que dans l'espèce précédente. La plaque madréporique est un peu convexe, irrégulièrement arrondie, touchant presque les plaques marginales couvertes de lignes amincies, enfoncées, de même largeur que les saillies qui les séparent, très-sinueuses, et aboutissant presque toutes à un même point du bord interne des cinq plaques. Les plaques margi- nales dorsales sont couvertes de nombreuses soies très-serrées, arrondies au sommet. Ces plaques sont très-sallantes, angu- leuses ; trois d’entre elles, situées à l'angle des bras, présentent la forme d’une sorte de crête aplatie transversalement, dont le bord porte des soies. La plus interne porte un long piquant pointu dirigé vers le centre du disque. Les deux suivantes sont dépourvues de piquants, les autres reprennent la forme ordi- paire, et portent chacune un piquant gros à sa base, mais très- pointu au sommet, dirigé vers la ligne médiane du bras. À la face ventrale, les plaques sont toutes aplaties transver- salement ; elles présentent toutes une grande quantité de petits piquants minces, allongés et obtus au sommet, et, en outre, le long de leur bord externe transversal, une rangée de grands piquants très-allongés, très-pointus, devenant plus grands à mesure qu'ils s'éloignent du sillon ambulacraire. Les plaques les plus voisines de l'angle des bras présentent la même forme que celles qui leur correspondent à la région dorsale. Elles présentent ceci de particulier que leurs piquants, au lieu de grandir en allant du sillon ambulacraire au bord des bras, décroissent au PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 297 contraire. De plus, ces piquants, toutes choses égales d’ailleurs, sont d'autant plus petits, qu'ils appartiennent à celle des trois plaques qui est la plus rapprochée de l'angle des bras. Les plaques du sillon ambulacraire portent chacune, tout à fait au bord du sillon, trois piquants très-divergents, dont le mé- dian est plus long ; puis, en arrière, deux rangées latérales de petits piquants obtus, minces et allongés, au nombre de trois ou quatre par chaque rangée. Les tubes ambulacraires sont pointus ; leur tissu est transparent. Diamètre : 20 centimètres environ. Patrie : Samoa (voyage de d’Urville, rapporté par MM. Homn- bron et Jacquinot). Je décrirai encore deux espèces désignées par M. Valencien- nes sous les noms d'A. Mulleri et A. Myosurus. AsrROPECTEN Muzcert, Val. — Cinq bras dont la longueur à partir du centre égale un peu plus de trois fois le rayon du disque. Trente-huit plaques marginales granuleuses et à granules plus gros vers le bord interne. Paxilles composées de trois à six tubercules centraux entourés d’une couronne rayonnante de piquanis en massue. Plaque madréporique formée de lignes sail- lantes, larges, presque droite, rayonnant d'un point de son bord interne. À la face ventrale, les bras présentent une bordure de trois rangées de piquants plus ou moins complète et dont la rangée externe présente seule des piquants aplatis à l'angle du bras. Plaques ventrales portant chacune plusieurs rangées de petites écailles saïllantes. Piquants du sillon ambulacraire sur trois rangs. Le rang externe composé de trois piquants par pla- que dont le médian est comprimé et légèrement recourbé. Les piquants de la rangée suivante sont aussi au nombre de trois par plaques, aplatis et élargis au sommet. Ceux de la première ran- gée sont au nombre de deux. Patrie : Copenhague (M. Læwen). Diamètre : 12 à 13 centimètres. 998 E. PERRIER. ASTROPECTEN MYOSURUS, Val. — Espèce à cinq bras pointus, très-grêles, couverts de paxilles à soies longues et minces. Cinq à six fois plus longs à partir du centre que le rayon du disque. Plaque madréporique petite, peu distincte. Plaques marginales dorsales au nombre de vingt-huit portant chacune un piquant dressé, pointu, assez allongé, conique. Chacune des plaques ven- trales porte sur son bord marginal deux piquants couchés, l’un rond, allongé, pointu, grèle, un peu courbé; l’autre plus petit. Les bords latéraux de ces plaques portent aussi de petits piquants aplatis et couchés, tandis que leur partie est couverte de petits piquants courts en forme de soies. Les piquants du sillon ambu- lacraire sont espacés et sur un seul rang. Diamètre : 6 centimètres. Patrie : Mediterranée. GENRE CTENODISCUS, M. €r T. On ne connaît encore qu'une seule espèce de Ctenodiscus, le Clenodiscus ou Anodiscus crispatus. La collection du Muséum en possède de fort beaux échantillons; nous avons constaté qu'ils sont, comme les Astropecten, dépourvus de Pédicellaires. GENRE LUIDIA, Forbes, Les Luidia présentent un fait tout exceptionnel dans la famille des Astérides, mais qui n’est pas constant dans toutes les espèces. C’est la présence de trois valves dans la pince qui forme le Pédi- cellaire. On sait que c’est là le cas général dans la famille des Échinides. I n’y a pourtant aucun autre rapport entre les Pédi- cellaires des Luidia et ceux des Oursins ; il n’est pas possible, comme cela ressortira des descriptions des Pédicellaires d’'Our- sins que nous avons étudiés, de confondre un Pédicellaire à trois branches de Luidia avec un Pédicellaire à trois branches d’Our- sin. Les Pédicellaires de Luidia sont toujours sessiles ou repo- sent directement sur une tige calcaire épaisse, supportant quel- quefois un nombre variable de branches, sorte de piquants mousses, plus minces qu’elle. Les trois branches du Pédicellaire sont reliées à cette tige d’abord par l'enveloppe cutanée géné- PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 299 rale, ensuite par deux systèmes de fibres musculaires, les unes internes, les autres externes. Les fibres musculaires externes sont évidemment destinées à écarter les branches du Pédicellaire. Elles s'insèrent sur le pour - tour de la pièce basilaire et à des hauteurs différentes sur les branches de la pince. On les voit souvent très-dislinctement courir au-dessous de l’enveloppe épithéliale jusqu'à leur point d'insertion. Les fibres musculaires internes forment à la base de chaque branche de la pince un renflement ovoïde très-distinct par sa couleur jaunâtre dans les individus conservés dans l'alcool. Elles s'insérent sur la partie centrale de la pièce basilaire et sur la face interne de la pince, du moins chez la Luidia granulosa de Valenciennes, La Luidia ciliaris présente une disposition un peu différente. La base de la face interne de chaque branche est évidée, comme nous l’avons vu chez plusieurs Asteracanthion, et les fibres mus- culaires pénètrent probablement dans l'intérieur même de cha- que branche pour aller s’insérer sur la paroi de la cavité pyrami- dale que limitent ses trois faces. Dans tous les cas, on ne trouve jamais de pièce calcaire spé- ciale destinée à servir de surface d'attache aux muscles, tandis que cette pièce est constante chez les Oursins. La structure du réseau calcaire qui constitue la partie solide des branches, varie d’ailleurs avec les espèces. En général, les Pédicellaires se trouvent dans le voisinage des sillons ambulacrai- res. Nous inclinons à croire qu’ils sont constants; mais nous na- vons pu toujours les découvrir. I était impossible qu’il en fût autrement, à cause de l’extrème fragilité de toutes les Luidies. Notons enfin que chez certaines espèces, telles que la : Luinra Savienvi, Audouin, les Pédicellaires ne sont pas à trois branches, mais bien à deux seulement comme chez les au- tres Astéries (1). Nous avons pu étudier ces Pédicellaires dans un (4) PL. 48, fig. 46. 300 E. PERRIER. assez bon état de conservation. Ils sont sessiles, comme toujours, et les valves sont réunies à la pièce par une enveloppe épithéliale cellulaire très-épaisse, recouvrant complétement la branche tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Au-dessous de ce revêtement on distingue très-bien les fibres musculaires internes qui remontent le long des branches pour s’insérer à leur surface à différentes hauteurs. Entre les branches on aperçoit un faisceau de fibres horizontales, s’attachant toutes sur la lame interne des branches des pinces et qui sont destinées à le rapprocher. Les lames calcaires qui constituent la partie solide sont minces, transparentes et formées d’un tissu calcaire à larges aréoles. Ces lames présentent de nombreuses aspérités à leur surface, et ces aspérités simulent à la face interne des dents qui seraient diri- gées vers le haut. Chaque branche est un peu moins de quatre fois plus longue que large, arrondie au sommet et conserve ses dimensions à peu près dans toute son étendue. Ces Pédicellaires se trouvent dans le voisinage des sillons ambulacraires. Luipra ciciARis, Gray. — La Luidia cihiaris à été confondue avec l'espèce précédente par plusieurs auteurs, et notamment par Müller et Troschel. Dans leur Histoire des Échinodermes (p. 133), Dujardin et Hupé la distinguent, mais en s'appuyant seulement sur ce que les proportions de cette Luidia sont plus grèles que celles de la Luidia Savignyi. Ce caractère, purement relatif, est évidemment tout à fait insuffisant comme caractéristique. L’é- tude des Pédicellaires nous fournit un caractère nouveau qui sépare nettement ces deux espèces. En effet, les Pédicellaires de la Luidia ciliaris sont presque tous à trois branches et non plus à deux comme dans la précédente; de plus, le tissu calcaire qui les constitue est beaucoup plus serré et beaucoup plus compacte. Le Pédicellaire (1) a la forme d’un cône bien régulier à sommet arrondi, divisé longitudinalement en trois branches si bien ap- pliquées l’une contre l’autre qu'on a quelquefois de la peine à les distinguer. Les faces internes des valves sont planes, de telle (1) PI. 48, fig. 17. PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 901 sorte qu’elles circonserivent un espace ayant la forme d’une py- ramide triangulaire. Ces faces internes présentent à leur base, comme nous l'avons dit, une portion évidée demi-circulaire, tan- dis que la base même de l'organe présente une sorte de saillie triangulaire qui vient s'appuyer sur les sallies homologues de ses voisines qui se fournissent ainsi réciproquement un point d'appui pendant les mouvements des valves. Nous n’avons pas étudié les muscles internes. Mais les muscles externes ou adduc- teurs forment au Pédicellaire une sorte de ceinture qui l’unit à un tubercule conique portant quelques branches allongées cal- caires. Ce tubereule est la pièce basilaire du Pédicellaire, sa forme conique explique la nécessité du prolongement horizontal de la base des valves que nous avons déjà signalé. Enfin, une enveloppe épithéliale commune réunit encore toutes ces pièces à la peau du corps. Ces Pédicellaires se trouvent dans le voisinage du sillon am- bulacraire. LutprA GRANULOSA, Val. — Les Pédicellaires (1), dans cette es- pêce, sont à trois valves, comme dans la précédente; mais leur forme est bien différente. Les trois branches qui les constituent sont grèles, élargies à la base, mais s’amincissant rapidement d'abord, lentement ensuite, de manière à se terminer par un sommet arrondi. Le tissu calcaire dont elles sont formées est mince, transparent, régulièrement percé de nombreuses vacuoles arrondies. Les valves sont dentées aussi sur leur bord; le bord supérieur de chaque dent est court, dirigé perpendiculairement au bord général, tandis que le bord imférieur est très-long et très-oblique. La face interne présente de nombreuses petites pointes uniformément dirigées vers le haut. Ces valves, contiguës seulement à leur base, reposent sur une tige cylindrique légèrement élargie au sommet, à laquelle elles sont unies par leur revêtement épithélial et par les deux systèmes de fibres musculaires. Le système des fibres abductrices forme (1) PL. 48, fig. 18, 302 Ë, PERRIER. une sorte de ceinture unissant les valves au pourtour de la tige basilaire. Les fibres adductrices, au contraire, forment trois fais- ceaux distincts saillants, s’insérant d’une part sur la tige basi- laire, de l’autre sur la face interne des valves, mais sans pénétrer dans l’intérieur de la cavité qui limite les faces de cette der- nière. La tige basilaire porte, en général, trois longues tigelles den- tées sur leur bord et aréolées comme d'ordinaire. Les Pédicellaires se trouvent dans le voisinage des sillons ambulacraires. Nous n'avons pas vu les Pédicellaires de la Luidia macu- lata, M. et T., ni ceux de la Luidia Senegalensis, bien que la collection du Muséum possède ces deux espèces. EXPLICATION DES PLANCHES. Nota. — Dans toutes les planches, les spicules sont dessinés à un grossissement uniforme de 440 diamètres. Les Pédicellaires à un grossissement qui varie de 30 à 60 diamètres environ. Dans chaque planche, les figures relatives à une même espèce sont désignées paf le même numéro affecté d’un indice qui est seul reproduit dans l'explication. PLANCHE 17. Pédicellaires des Astéracanthions. Fig. 4. Asterachnthion glacialis. — a, Pédicellaire croisé revêtu de ses parties molles; e, enveloppe cellulaire membraneuse; é, branches entre-croisées constituant la pince; à, pièce basilaire calcaire sur laquelle s'appuient et peuvent rouler les branches; #, m f, muscles destinés à fermer la pince; m0, muscle destiné à ouvrir la pince. — 4, Pédicellaire droit revêtu de ses parties molles. Les mêmes lettres représentent les mêmes parties que dans la figure précédente. p, Pédicellaire en voie de formation, bourgeonnant sur un Pédicellaire déjà formé. Fig. 2. Asteracanthion rubens,— a, pédicellaire droit ; b, Pédicellaire croisé ; €, pièce basilaire d’un Pédicellaire droit, vue par en haut; d, coupe de l’une des mâchoires di même ; /, pièce basilaire d'un Pédicellaire croisé, vue de face ; e, la même, vue par sa face supérieure; g, partie inférieure de l’unc des mâächoires du Pédicel- laire droit, vue par sa face interne et montrant, en 0, l’orifice par lequel le muscle adducteur pénètre dans l’intérieur de la mâchoire pour s’insérer sur ses parois. Fig, 3. Asteracanthion tenuispinus. — a, Pédicellaire droit; D, Pédicellaire croisé; ce, l’une des branches d’un Pédicellaire croisé, vue par sa face interne pour montrer les dents dont elle est armée, PÉDICELLAIRES ET AMBULACRES. 303 fie. 4. Asteracanthion gelatinosus, Pédicellaire droit, Fig, 5, Asteracanthion africanus, — &, Pédicellaire croisé, vu de face; b, le même, vu de profil, Fig. 6. Asteracanthion polaris. — a, Pédicellaire croisé ; b, Pédicellaire droit. . Fig. 7, Astéracanthion roseus. Pédicellaire droit, Fig. 8. Asteracanthion aurantiacus.— a, Pédicellaire droit ; b, Pédicellaire croisé, vu de profil. Fie. 9. Asteracanthion Nov&-Boracensis, — a, Pédicellaire droit; b, Pédicellaire croisé. Fig. 40: Asteracanthiôn stellionura. — a, Pédicellaire droit; d, pièce basilaire de ce Pédicellaire, isolée ; c, Pédicellaire croisé; d, l’une des mâchoires de ce Pédicelläire un peu inclinée pour montrer l’armature dentaire. Fig. 41. Asferacanthion de la Nouvelle-Hollande. Pédicellaire croisé, Fig. 12. Asteracanthion gemmifer. — a, Pédicellaire droit; D, Pédicellaire croisé ; ce, une mâchoire du précédent, vue par sa face interne. Fio. 43. Asteracanthion australis. Pédicellaire croisé. Fig. 14. Asteracanthion sulciferus. — a, Pédicellaire droit; bd, Pédicellaire croisé c, mâchoire du précédent, vue par sa face interne. Fig. 15. Asteracanthion. — a, Pédicellaire droit ; », Pédicellaire croisé, Fig. 16. Asteracanthion (heliaster) helianthus.— a, Pédicellaire croisé ; à, l’une des mâchoires de ce Pédicellaire, vue par sa face interne. | PLANCHE 48. Fig. 1. Oreaster turritus.— a, Pédicellaire en pince; b, une valve d’un Pédicellaire valvulaire ; e, coupe d’un Pédicellaire valvulaire et de l’ossicule qui le supporte pour montrer le mode d'insertion du premier sur le deuxième, Fig. 2. Oreaster hiulcus.— a, Pédicellaire en pince du sillon ambulacraire ; b, Pédi- cellaire valvulaire des aires tentaculaires dorsales (une branche isolée, vue par sa face interne). Fig. 3. Oreaster Lincküt. — a, Pédicellaire ou pince ; D, peau de la face dorsale dans le voisinage d’un pore tentaculaire; 0, pore tentaculaire; p, petit Pédicellaire val- vulaire ; g, granulations dorsales. Fig. 4. Oreaster de San Diego. — a, Pédicellaire en pince du sillon ambulacraire; b, Pédicellaire en pince des aires tentaculaires de la face dorsale ; une branche, vue par la face interne ; c, la même, vue de profil, Fig. 5. Culcita: discoidea. — a, Pédicellaire en pince du sillon ambulacraire ; b, trois plaques du sillon ambulacraire; e, piquants formant la rangée interne de l’armature ambulacraire ; t, piquants de la rangée interne; p, Pédicellaires situés entre ces deux rangées au bord interne de chaque plaque; g, granulations de la face ventrale, — c, peau de la région dorsale dans le voisinage d’un tubercule 5 t, tubercule ; a, aires tentaculaires couvertes de pores; ?, lignes saillantes portant des tubercules et séparant les aires tentaculaires ; p, Pédicellaire en pince, 30 E. PERRIER. Fig. 6. Culcita arenosa. Pédicellaire de la face dorsale. Fig. 7. Culcita pulverulenta. — a, Pédicellaire en pince des aires tentaculaires de la face dorsale ; b, une mâchoire de ce Pédicellaire, vue par sa face interne ; c, Pédi- cellaire valvulaire de la face ventrale. Fig. 8. Culcita grex.—a, Pédicellaire valvulaire de la face ventrale, en place; b, Pédi- cellaire valvulaire des aires tentaculaires de la face dorsale, une branche isolée. Fig, 9. Astrogonium phrygianum. Pédicellaire valvulaire de la face ventrale. Fig. 10. Asteriscus marginatus. Pédicellaire de la région dorsale. Fig. 11. Asteriscus verruculatus. Pédicellaire de la région dorsale. Fig. 42. Archaster angulosus. — a, Pédicellaire du sillon ambulacraire ; b, Pédicel- laire de la face dorsale. Fig. 143. Archaster typicus. Pédicellaire du sillon ambulacraire. Fig. 44. Acanthaster solaris. Pédicellaire de la face dorsale. Fig. 16. Luidia Savignyi. Pédicellaire à deux branches de la face ventrale. Fig. 17. Luidia ciliaris. Pédicellaire à trois branches du bord du sillon ambulacraire. Fig. 18. Luidia granulosa. Pédicellaire à trois branches de la face ventrale. NOTES PHYSIOLOGIQUES, Par M. Henry ERIENR W PREMIÈRE NOTE. DE L'ABSORPTION CUTANÉE CHEZ LES BATRACIENS. Pour montrer, dans un cours, avec quelle facilité les sub- stances, liquides ou gazeuses, traversent l'enveloppe cutanée, bien des moyens peuvent être employés. Un des meilleurs est celui dont on fait usage pour anesthésier les Grenouilles. Il suffit, comme l’on sait, de plonger l'animal dans de l’eau éthérée pour produire, en quelques minutes, l’'insensibilité et la mort appa- rente. Une fois ce premier effet obtenu, en plaçant la Grenouille dans un bocal contenant un peu d’eau ordinaire, on la voit re- venir à elle progressivement, et simultanément l'eau qui la baigne se charge d'éther. Donc cette dernière substance a traversé la peau : tantôt de dehors en dedans, tantôt de dedans en dehors, selon la composition relative du milieu ambiant et du milieu interne. En complétant une expérience dont j'avais été autrefois té- moin, Jai institué une méthode qui ne laisse, je crois, rien à désirer pour mettre en évidence cette grande perméabilité de la peau des Grenouilles. Dans ses cours, M. CI. Bernard plongeait les Grenouilles dans de l’eau salée. Bientôt la mort arrivait, causée, comme le faisait remarquer avec raison ce savant physiologiste, par l’absorption du sel. Voici comment je développe cette expérience. Je mets l’animal dans de l’eau contenant environ 25 pour 100 de sel marin. La Grenouille s’agite d’abord beaucoup, et au bout de peu de temps, de trois à cinq minutes, elle devient insensible, flasque et sans mouvements. Alors jela prends, la lave et la place dans de l’eau ordinaire ; elle revient à elle dans l'espace de cinq 9e série, ZooL., T. XIL. (Cahier n° 5.) 4 20 306 MH. EMERVY. minutes environ. On peut reproduire à volonté un certain nom- bre de fois ces effets inverses, en plaçant alternativement l’ani- mal dans de l’eau salée et dans de l’eau pure. Reste à démontrer que la mort apparente est due à l’absorp- tion du sel, le retour à l’activité à son excrétion. Pour cela il suffit, l'animal étant insensible, de le retirer de l’eau salée, de le laver avec soin, puis de le placer dans de l’eau distillée. Quand la Grenouille est revenue à lactivité, on constate que le liquide qui la baigne précipite abondamment par l'azotate d'argent. Donc le retour à l’activité est dû à l’excrétion du sel marin. ILest à remarquer que cette excrétion se prolonge pendant plusieurs jours. Dans une expérience où l’on renouvelait l’eau de temps à autre, Jai vu le liquide précipiter encore par l’azotate d'argent après Cinq jours d'immersion dans l’eau distillée. De là il faut conclure que l'animal peut conserver toutes ses facultés, quand bien même son sang renferme une proportion de sel marin su- périeure à la proportion normale. Il serait intéressant de déterminer la dose nécessaire pour amener la mort. Cette expérience avait été faille comparativement, comme toujours, c’est-à-dire que l'on essayait par l’azotate d'argent : nou-seulement l'eau distillée dans laquelle avait séjourné la Grenouille précédemment soumise à l'eau salée, mais encore de l’eau distillée dans laquelle avait baigné, pendant le même temps, une Grenouille saine. Dans les preiniers temps cette dernière eau blanchissait légèrement; bientôt tout effet appréciable disparut. Donc la Grenouille saine avait excrété un peu de sel marin. Ainsi ces animaux paraissent pouvoir se débarrasser, par la peau, de l’excès de sel marin introduit sans doute dans leur organisme par l'alimentation. Cette méthode peut être variée, pour ainsi dire à l'infini, en remplaçant le sel marin par toute substance soluble dans l'eau et facile à caractériser chimiquement. NOTES PHYSIOLOGIQUES. 807 DEUXIÈME NOTE. SUR LES MOUVEMENTS DU COEUR. Au nombre des agents excitateurs de ces mouvements, on place : l'air et la chaleur. $ 4. — Influence de l'air. Parmi les expériences citées à l’appui de l'action stimulante exercée par l'air sur les contractions du cœur, Je trouve la sui- vante dont j'emprunte la description à l'ouvrage de M. Milne Ecwards (1) : « L'action stimulante de l'air sur le cœur a été également mise en évidence par des expériences de M. Tiedemann, dans lesquelles ce physiologiste a étudié ce qui se passe lorsqu'on place dans le vide le cœur d’une Grenouille excisé et encore pal- pitant. Aussitôt que la raréfaction de l'air atteint un certain degré, les mouvements du cœur s’affaiblissent, et dans l’espace d'environ une demi-minute is s'arrêtent tout à fait quand le vide est presque complet; mais ils se déclarent de nouveau lorsqu'on fait rentrer l'air dans le récipient. Dans une des expé- riences de M. Tiedemann, ces alternatives d'activité et de repos, suivant que le cœur a été exposé au contact de l’air ou soustrait à l’action de ce fluide, ont été constatées dix fois de suite. » Un résultat analogue avait été obtenu précédemment par Fontana; et si Caldani, dans des expériences du même genre, n'a vu les battements cesser qu’au bout d’un quart d'heure, cela devait tenir à l’inperfection de la machine pneumatique dont il faisait usage. » Les circonstances essentielles de cette expérience peuvent se résumer ainsi : Un cœur de Grenouille, détaché du corps et placé sous le récipient de la machine pneumatique, cesse de battre quand on raréfie l'air, tandis que les mouvements reparaissent avec la rentrée du fluide sous la cloche. Le repos du cœur arriverait (1) Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée, t, IV, p. 123. 308 H. EMERY. très-rapidement, en une demi-seconde selon les uns, au bout d’un temps plus long, un quart d'heure, selon les autres. J'adresserai à cette expérience deux critiques : D'abord les conditions dans lesquelles elle s’exécute s'écartent beaucoup trop des conditions normales, pour qu'on puisse rien en conclure relativement à l'influence de l'air sur les manifesta- tions spontanées du cœur. En second lieu cette expérience a le tort grave de nous pré- senter l’effet de causes complexes, causes dont les deux plus apparentes sont : la diminution de pression et l’effusion du sang. J'ai essayé, par la disposition suivante, de remédier à ces défauts. L'animal vivant est couché sur le dos, puis fixé, par des épingles, sur une plaque de liége. Alors on ouvre largement les parois abdominale et thoracique, de façon à mettre à découvert les principaux viscères : cœur, poumons, partie centrale du tube digestif. La plaque de liége est alors placée sous le récipient de la machine pneumatique, et l'on commence à manœuvrer les pistons. A mesure que l'air se raréfie, on voit les viscères creux se dilater progressivement, surtout les poumons et le cœur ; les diverses régions du tube digestif se gonflent aussi, mais beaucoup moins. La cause de cette distension est trop facile à saisir pour que je m'y arrête. Ce phénomène est dû à la dilatation des fluides élastiques renfermés dans les viscéres; et, selon que ces fluides trouvent plus ou moins de difficulté à se dégager par les voies naturelles, la distension de l’organe est plus ou moins consi- dérable. C’est ainsi que l'effet le plus prononcé se produit dans le cœur, viennent ensuite, par ordre d'intensité décroissante : les poumons d’abord et enfin le tube digestif. Après avoir rapidement porté la pression intérieure à son mi- nimum, £’est-à-dire un demi-centimètre dans la machine dont je me servais, on maintient le vide ct l’on observe le cœur. NOTES PHYSIOLOGIQUES. 209 Dans cet organe, considérablement distendu comme nous ve- nons de le dire, les battements se ralentissent peu à peu, mais ils persistent encore au bout d’une demi-heure à trois quarts d'heure, bien qu’alors ils soient excessivement rares. Probable- ment ils cesseraient tout à fait si l’on prolongeait suffisamment l'expérience, ce que je n'ai pas fait, n'étant arrêté au point où les battements étaient à peine percepübles à de longs inter- valles. | Alors on rendit l'air : les viscères reprirent leur volume nor- mal, et les battements du cœur leur rhythme accoutumé. Tel est le fait expérimental sur lequel il ne peut y avoir dés- accord ; reste l'interprétation : là naissent les divergences d'opinion. Les physiologistes cités plus haut attribuent le ralentissement progressif et enfin l'arrêt du cœur à la privation d'air; quant à mot, je l'attribue à la distension considérable et permanente des fibres musculaires de l'organe, distension amenée par la raré- faction de l'air environnant. Je me crois d'autant plus fondé à proposer cette explication, que l’on sait déjà que la dilatation forcée du cœur amène la cessation de ses mouvements. On lit en effet dans l'ouvrage déjà cité (1) : « Quand par une circonstance quelconque les oreillettes se trouvent très-distendues, elles ne peuvent plus se contracter. Cela se voit très-bien chez la Grenouille, quand on insuffle par la veme cave quelques bulles d'air dans ces organes sans en en- voyer dans le ventricule, qui continue à battre. La même chose arrive quand ces réservoirs sont trop remplis de sang, et dans ce cas on voit souvent leurs contractions se rétablir dès qu'à l’aide d’une petite ponction on a déterminé la sortie d’une cer- taine quantité de liquide. » Enfin, cette interprétation fait également comprendre pourquoi le temps nécessaire pour amener la cessation des (1) Milne Edwards, Leçons de physiologie et d'anatomie comparée, t. IV, p. 12, en note. 310 H. EMERY. battements est plus ou moins long, suivant que la pression, sous la cloche, est plus ou moins grande. Car, plus l’atmo- sphère est raréfiée, plus le cœur se gonfle et par conséquent plus promptement la fibre musculaire est mise dans l'impossibilité de se contracter. $ 2. — Influence de la chaleur. Lorsque la température s'élève, les battements du cœur s’ac- célérent. Voici la manière très-simple dont on peut démontrer cette proposition. On plonge une Grenouille dans de l’eau à 45° environ. Au bout de quelques minutes les membres sont rigides, et l'animal semble mort. On le retire du bain, on l’ouvre et l’on voit le cœur battre avec précipitation. Voilà l'effet de la chaleur démontré. Peu à peu la motilité reparaît dans les membres, et bientôt la Grenouille recouvre toutes ses facultés. Quand la température du sang atteint un certain degré, l’on sait que l'animal meurt subitement. M. CI. Bernard attribue la mort dans ces circonstances à l’ar- rêt subit des battements du cœur. Voilà donc deux effets opposés : agitation tumultueuse ou arrêt définitif du cœur, que l’on peut produire successivement en élevant la température. Mais comment se fait le passage de l’un à l’autre état ? Quand on élève graduellement la température, le nombre des battements va-t-il sans cesse en augmentant jusqu’à l'instant où le mouvement s'arrête brusquement et pour toujours; ou bien, ce qui paraît plus conforme aux lois du mouvement, le nombre des battements, qui augmente d’abord, atteint-il un certain maximum pour diminuer ensuite jusqu'à leur cessation complète, quand la température atteint un degré déterminé? C'est là un point que je me propose d'étudier, et voici com ment je conçois l'expérience. La Grenouille sera préparée comme il à été dit plus haut pour l'expérience dans le vide. Puis l'animal vivant et ouvert, NOTES PHYSIOLOGIQUES. 911 fixé à la plaque de lége, sera plongé dans un bain d’eau dont on élèvera progressivement la température. On pourra amsi suivre pas à pas les manifestations du phénomène. TROISIÈME NOTE. LES POUMONS DE LA GRENOUILLE, CONSIDÉRÉS COMME ORGANES DE RESPIRATION ET COMME APPAREIL HYDROSTATIQUE. $S 1. — De la respiration pulmonaire de la Grenouille. Le mécanisme de l'inspiration est décrit, avec tous les détails nécessaires, dans les ouvrages spéciaux : c'est une déglutition. Mais je n’ai rien trouvé dans les auteurs sur l'expiration. Voici ce que l'observation n'a appris à ce sujet. Quand on examine une Grenouille respirant à l'air libre, on observe deux sortes de mouvements. Les uns, connus de tout le monde, sont des battements rhyth- miques de la peau du cou, qui se suceèdent rapidement. Is sont produits par des mouvements successifs de déglutition, et tra- duisent extérieurement les actes répétés de l’mspiration. Les autres, beaucoup plus rares, se manifestent à des époques indéterminées et essentiellement variables ; ils se réduisent à une où à un petit nombre de brusques contractions des flancs. Ce sont là les mouvements d'expiration. C'est ce qu'il est facile de prouver expérimentalement. Une Grenouille vivante étant couchée sur le dos et fixée à la plaque de liége, on enlève la paroi abdominale, de manière à mettre entièrement à découvert les deux sacs pulmonaires. Les mouvements de déglutition continuent après l'opération, puisque les battements de la gorge persistent; mais les mouvements brusques de contraction des flanes sont devenus impossibles par suite de l’ablation de la paroi abdominale. Dans ces circonstances, on voit les deux sacs pulmonaires se gonfler, et conserver un volume bien supérieur à leur volume ordinaire. 312 Hi. EMNRY. Comment mterpréter ce résultat? Remarquons d'abord que, dans les conditions de l'expérience, l'expiration ne doit plus se faire, puisque le volume du poumon, au lieu de croître et de décroître périodiquement, comme cela se voit pendant le cours normal de la respiration, s'accroît au contraire d’une maniere continue, au moins dans les premiers moments de l'expérience, et en tous cas ne diminue pas. D'où vient cette distension permanente, cette impossibilité d'expiration ? Les parois du sac pulmonaire possèdent bien encore, il est vrai, une force de réaction notable; car les choses étant arrivées au point indiqué plus haut, si, avec la pointe d’une aiguille, on perce la paroi, aussitôt le sac se dégonfle et se vide complétement. Mais cette force de retrait est msuffisante à elle seule pour vanere l'obstacle qui s'oppose au retour de l'air par la trachée-artère. En effet, comme le fait remarquer M. Milne Edwards (4) : « Chez les Grenouilles et les Crapauds, la glotte s'ouvre dans une cavité arrondie, à parois cartilagineuses, qui représente la portion supérieure de la trachée, à laquelle on à donné le nom de larynæ, et qui communique avec les poumons par deux tubes ou bronches menibraneuses et très-courtes. » J'ajouterai que les deux lèvres de l'ouverture qui donne accès dans la glotte, en raison même de leur nature cartilagineuse, sont naturellement appliquées l’une contre l’autre avec une cer- taine force, dont on reconnait aisément l'existence lorsqu'on essaye, avec la pointe d’un scalpel, de les écarter l’une de l’autre. Les contractions de l'abdomen, en comprimant les poumons, sont au contraire assez puissantes pour vaincre cet obstacle, comme le prouve d’ailleurs le fait suivant. Lorsqu'une Gre- nouille flotte à la surface de l'eau, si l’on vient à l’effrayer, l'animal plonge brusquement, et l'on voit aussitôt de ces con- tractions rapides des flancs se produire, et en même temps des bulles d’air sortir de la bouche. Ainsi, dans les conditions de notre expérience, le renouvelle (1) Milne Edwards, Leçons sur la physiologie, t. IE, p, 275, NOTES PHYSIOLOGIQUES. 313 ment de l'air dans les sacs pulmonaires est impossible ; alors, le besoin de respirer devenant à la longue de plus en plus impé- rieux, l'animal entretient, précipite même ses mouvements de déglutition. Dans ces circonstances, l'appareil pulmonaire fonc- tionne uniquement comme pompe de compression, refoule sans cesse de l'air dans les poumons, et, par suite, ces organes se sonflent de plus en plus jusqu'à ce que l'équilibre $établisse entre la puissance de déglutition et la résistance à la distension qu'oppose chacun des sacs pulmonaires. Les mouvements respiratoires étant soumis à l'empire de la volonté, l'animal peut à son gré: ou les exécuter alternative- ment, ou les arrêter complétement, ou enfin suspendre l’un d'eux pendant quelque temps : soit le mouvement d'expiration, soit celui d'inspiration. Le premier cas s’observe pendant le séjour de l'animal à l'air libre, et le second pendant son séjour sous l'eau; quant à la suspension de l’une des deux sortes de mouvements, elle amène, dans le volume du corps et par suite dans son poids spécifique, des changements qui favorisent la natation. Ainsi se trouve expliqué le phénomène si anciennement observé et que La Fontaine à décrit dans sa charmante fable : La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf. Par là, on comprend également pourquoi, dans l'expérience citée plus haut, si les mouvements de déglutition cessent pour une cause ou une autre, par suite de l’affaiblissement de l’ani- mal par exemple, le poumon n’augmente plus de volume. Ces considérations sont d’ailleurs susceptibles d’une autre vérification expérimentale, à laquelle j'avais été conduit en recherchant le motif du gonflement anormal que présentaient parfois les Grenouilles mortes que j'enlevais de mon réservoir. À plusieurs reprises J'avais également été témoin de ce gonfle- ment sur certaines Grenouilles que je conservais vivantes, après la section de la moelle épinière. Maintenant ces faits s'expliquent aisément et on peut, les reproduire à volonté. Ils résultent de la paralysie des nerfs qui se distribuent aux muscles constricteurs de l'abdomen ; paralysie CHI NH. HMERY. amenée par la maladie, où bien par la section de la moelle épi- pière en un point convenable. Dans ces conditions, les mouve- ments de déglutition continuant seuls, l'animal se gonfle. Je signalerai encore un point important de la physiologie du poumon de la Grenouille, considéré comme appareil respira- toire. On s'accorde généralement aujourd’hui à regarder la vessie natatoire comme le dernier terme des modifications successives que l'appareil pulmonaire des Vertébrés éprouve en se dégra- dant. Si cette manière de voir est juste ; si, anatomiquement, on peut passer par gradations du poumon à la vessie natatoire ou réciproquement; de même, physiologiquement, lon doit pou- voir passer de l’un à l’autre, c’est-à-dire retrouver dans l'acti- vité de l'un tous les phénomènes caractéristiques de l’activité de l’autre. Or, la véritable caractéristique de la vessie natatoire est d'être un sac à parois membraneuses, complétement ou imcompléle- ment clos, et contenant des gaz dont la nature chimique et la pro- portion relative varient selon certaines conditions aujourd’hui connues. On sait en effet, depuis les recherches de M. le docteur À. Moreau, que, dans les conditions normales d'existence, quand l'animal se trouve dans de l'eau convenablement aérée, sa vessie natatoire se charge d'oxygène destiné à subvenir aux besoins de la respiration, lorsque le milieu ambiant vient à s’'appauvrir. Le poumon posséderait-il une semblable faculté ! La Grenouille est très-favorablement organisée pour ce genre de recherches. Voici la disposition que j'avais imaginée pour résoudre la question, mais je n’ai fait encore qu'un trop petit nombre d'essais pour être en mesure de me prononcer à cet égard. Une Grenouille étant plongée dans l’eau, par des compres- sions ménagées des flancs et de la gorge on expulse l'air des poumons. Cela fait, l'animal est introduit, sans sortir de l’eau, dans un appareil où il reste complétement submergé, mais dans NOTES PHYSIOLOGIQUES. 319 de l'eau courante. L'appareil qui réalise ces conditions est facile à imaginer, on peut d’ailleurs varier beaucoup sa disposition ; je ne le décrirai pas ici. Après un séjour plus ou moins prolongé, vingt-quatre heures par exemple, dans celte eau aérée, il suffit d'explorer les pou- mons de la Grenouille de la manière indiquée plus haut, pour reconnaître s'ils renferment de l'air. 8 2. — De lastation de la Grenouille dans Peau. Les poumons constituent pour la Grenouille un véritable appa- reil hydrostatique. Dans l’eau le corps d’une Grenouille placé en décubitus ven- tal est en équilibre stable ; car, lorsque l'animal meurt où qu'on supprime momentanément l’action musculaire par anesthésie, il conserve son attitude première, contrairement à ce qui se passe chez le Poisson. Les membres étant au repos, le corps de l'animal, au point de vue statique, peut être assimilé à un ludion, les deux sacs pulmonaires faisant office d’ampoule à air. L'animal veut-il venir flotter à la surface ? Il commence par s'élever à l’aide des mouvements de nage de son train posté- rieur. Une fois ses narines en contact avec l'air atmosphérique, par déglutition il gonfle ses poumons de manière à rendre son poids spécifique inférieur à celui de l'eau ; dès lors pour flotter il n'a plus d'autre travail musculaire à dépenser que celui qu'exige la respiration. Au contraire, toutes les fois qu’une Grenouille plonge apres avoir flotté quelque temps à la surface, elle se débarrasse de l’excédant d'air renfermé dans ses poumons; aussi voit-on, pen dant la descente, un certain nombre de bulles d’air se dégager de la bouche. Enfin, on peut prouver expérimentalement qu'une Gre- nouille, rendue inerte par l'éther, n’est plus qu'un ludion. On éthérise un de ces animaux ; quand l'insensibihté est obtenue, les membres sont flasques, mais le relâchement muscu- 916 H. EMERY. laire n’atteint pas les mâchoires qui restent assez fortement rap- prochées. On met alors la Grenouille dans une longue éprouvette pleine d'eau ; elle tombe au fond. On place le tout sous le récipient de la machine pneumatique, et l’on commence à raréfier l’air. Bientôt on voit le corps se gonfler ; l'animal se redresse, et se maintient verticalement comme s’il était soutenu par l’action du train postérieur : puis l'épuisement de l’air continuant, ce corps inerte, tout en se maintenant vertical ou légèrement incliné, s'élève perpendiculairement, et vient enfin flotter à la surface. Dans bien des cas, les phénomènes s'arrêtent là ; mais par- fois, en vertu d'une particularité que nous allons expliquer, le corps redescend, tombe au fond, puis la série des mouvements que nous venons de décrire se répètent dans le même ordre; l’animal se redresse, s'élève jusqu’à la surface, flotte un instant comme un aréomètre, puis retombe, et ainsi de suite. Voici l'explication de ces phénomènes : Au début de l'expérience, le corps repose au fond de l’éprou- vette, ce qui prouve que son poids spécifique est supérieur à celui de l'eau. Néanmoins, 1l v a de l'air dans les poumons; aussi, à mesure que la pression diminue sous la cloche, cet air se dilate, et le poids spécifique de l'animal diminue gra- duellement. Voilà pourquoi la Grenouille se redresse d'abord, puis monte à la surface où elle flotte inerte une partie du corps hors de l’eau. Si les mâchoires sont trop fortement serrées, les phénomènes s'arrêtent là ; s'il n'en est rien, une certaine quan— tité d’air se dégage, en écartant les mâchoires pour un instant, et le corps retombe au fond de l’eau. Mais comme on continue à raréfier l'air, le volume de l’animal s'accroît encore ; 1l se re- dresse, remonte à la surface, laisse dégager une nouvelle bulle d'air, retombe, et ainsi de suite. QUATRIÈME NOTE. DE £L'ASPHYXIE DANS L'AIR CONFINÉ. Quand on place un animal dans de l'air confiné, la proportion d'oxygène de l'atmosphère diminue, celle de l’acide carbonique NOTES PHYSIOLOGIQUES. 317 augmente peu à peu par l'effet de la respiration, et l’animal meurt au bout d’un certam temps. Cette mort, comme on sait, est un effet complexe produit à la fois par l'excès d’acide carbonique et par l'insuffisance d’oxy- sène du milieu. La diminution d'oxygène amoindrit la combustion physiolo- aique, et l'augmentation de la proportion d'acide carbonique, en entravant l’exhalation de l'acide carbonique du sang, ralentit par suite l'absorption de l'oxygène. Aussi, quand on enlève l'acide carbonique au fur et à mesure de son dégagement, on prolonge la vie de l'animal. Dès lors la force de résistance à l’asphyxie offerte par chaque organisme doit être très-variable et dépendre nécessairement du degré d'énergie de l’activité vitale. Aussi, sous ce rapport, peut-on ranger les animaux en deux groupes : Les animaux de faible résistance à l’asphyxie où de grande activité vitale ; Les animaux de grande résistance à l’asphyxie ou de faible activité vitale. Cette classification n’est pas absolue, et le même animal appartient tantôt à un groupe et tantôt à l’autre, selon ses con- ditions physiologiques présentes. Mais on peut dire qu’en géné- ral les animaux à sang chaud sont essentiellement du premier groupe, et les animaux à sang froid du second. Pour mesurer cette force de résistance et pour en étudier les variations sur le même individu, deux procédés sont en usage. Dans le premier, l’on mesure le temps que l'animal peut vivre dans de l'acide carbonique soit pur, soit additionné d'oxygène. Dans le second, l’on détermine la limite inférieure à laquelle la proportion d'oxygène de l'air peut descendre, sans amener la mort. Bien que l’on possède déjà beaucoup d'expériences sur ce sujel-là, j'espère que celles que je vais rapporter ne seront pas inutiles. $ 1. — Résistance à l’asphyxie des animaux à sang froid. Expériences sur les Grenouilles. — N° 1. Dans un flacon 218 H. EMERVY. de 900 centimètres cubes de capacité, contenant un mélange à volume égal d'acide carbonique et d'oxygène, on introduit une Grenouille, puis on ferme avec un bon bouchon de liége, on renverse le flacon et l’on maintient son goulot dans l’eau. L'expérience, commencée le vendredi 5 mars 1869 à quatre heures et demie, est arrêtée au bout d’une heure. L'animal est inerte, sa peau est devenue noirâtre. On le met dans l’eau fraiche, le lendemain il est complétement rétabli et sa peau a repris sa couleur claire naturelle. Il est évident que, depuis sa sortie du flacon, la Grenouille s’est débarrassée de son excès d'acide carbonique; il aurait été bon, ce que je n'ai pas fait, de le vérifier directement. Pour cela, on aurait opéré comparativement sur deux flacons conve- nablement bouchés, contenant de l’eau ordinaire, et dans l’un desquels on aurait mis la Grenouille asphyxiée et dans l’autre une Grenouille saine. En traitant ensuite convenablement ces liquides, on aurait dû reconnaitre que l’eau qui avait baigné la Grenouille asphyxiée contenait plus d’acide carbonique que l'autre. Une méthode plus directe se présente, à l'esprit : ce serait de mettre l’animal dans de l’eau de chaux; mais ce procédé donne de mauvais résultats. J'avais été conduit à l'essayer au souvenir d'une de mes anciennes expériences, qui consistait à placer des fèves dans de l’eau de chaux, pour mettre en évidence l’exhalation d'acide carbonique pendant la germination. Dans ces conditions, la ger- mination commencait, la radicule sortait des enveloppes sémi- nales, mais bientôt la vie s’éteignait dans l'embryon. À ce mo- ment, non-seulement on trouvait du carbonate de chaux pulvé- rulent dans le flacon, mais encore la peau des graines était par- semée de peüts cristaux de carbonate de chaux. Ces faits m'avaient engagé à traiter une Grenouille par l’eau de chaux. Pour cela, j'ai placé un de ces animaux et le liquide alcalin dans un flacon bouché à l’'émeri. Comme l'animal parais- sait beaucoup souffrir, je ne l'ai laissé qu'un quart d'heure en NOTES PHYSIOLOGIQUES. 319 expérience. Ce peu de temps avait suffi pour manifester l'exha- lation de l'acide carbonique. L'animal retiré du flacon vivait encore, mais placé dans de l’eau ordinaire, il n’a pas tardé à périr en présentant des lésions très-caractéristiques. L’épiderme se détachait par larges lam- beaux ; il y avait une extravasation générale du sang dans les tis— sus; enfin l’eau ordinaire, dans laquelle l'animal avait séjourné depuis l'expérience, élait Comme sanguinolente, sans cepen- dant présenter des traces de globules au microscope. Je me propose, du reste, de poureuivre l'étude de l’action exercée sur l’économie par l’eau de chaux et en général par les caustiques plus ou moins dilués. N° 2. Dans un flacon en verre, bouché à l’émeri, de 260 cen- iimètres cubes de capacité et plein d'acide carbonique, on introduit une Grenouille, on bouche et l’on plonge le goulot dans du mercure. L'expérience commence le mercredi 47 mars 1869, à dix heures trois quarts. À onze heures l'animal est inanimé, néan- moins on le laisse en expérience. Le lendemain, à onze heures, où le retire du flacon, il est sans mouvement. Ou l’ouvre, le cœur bat, donc il est encore vivant, à moins d'admettre que ces battements ne sont pas l'indice de la vie, mais le simple effet physique du contact de l'air sur l'organe. À ce sujet, J appellerai l'attention sur la difficulté que l’on rencontre souvent, en opérant sur les Grenouilles, de recon- naître si la mort est apparenté ou réelle. Je crois que le meilleur criterium est dans l’observation du cœur. Je dis le meilleur et non pas l'infallible, car le cœur pourrait suspendre ses batte- ments pendant un temps assez long pour tromper l'observateur, et reprendre ensuite ses mouvements. Du moins quelques-unes de mes observations tendraient à le faire supposer; et certaine- ment uue des questions les plus importantes à résoudre serait celle-ci : combien de temps le cœur de la Grenouille peut-il cesser de battre sans amener la mort. N° 8. Dans un grand flacon de verre, rempli d'acide carbo- nique, on place deux Grenouilles, on bouche au liége et l’on 320 H. EMERY. plonge le goulot dans de l’eau. L'expérience commence le mer- credi 17 mars 1869 à quatre heures du soir ; le lendemain ma- tin, elles paraissent mortes; toutefois on les met dans de l’eau ordinaire et l’une des deux se rétablit. N° A. Cette expérience avait surtout pour but de reconnaître si une Grenouille, après avoir consommé tout l'oxygène de l'air, peut continuer de vivre dans cette atmosphère aimsi viciée et ne renfermant plus que de l'azote et de l'acide carbonique. Dans un flacon de verre, semblable à celui du n° 2, d’une capacité de 260 centimètres cubes, et contenant un mélange de 48 pour 100 d'acide carbonique et de 82 pour 100 d’azote, on introduit une Grenouille; l’on bouche et l’on plonge le goulot dans le mercure. L'expérience, commencée le mercredi 17 mars à dix heures trois quarts du matin, est arrêtée le lendemain à onze heures. L'animal est alors insensible, mais placé dans l’eau ordinaire il revient à lui dans la journée. Toutes ces expériences prouvent combien est grande la force de résistance des Grenouilles à l’asphyxie par l'acide carbo- nique. Ce résultat est confirmé par les faits suivants, qui montrent que les animaux à sang froid peuvent arriver à utiliser, pour les besoins de leur respiration, ia totalité de l'oxygène atmo- sphérique. N° 5. Dans un flacon semblable au précédent, d’une capa- cité de 300 centimètres cubes et plein d'air ordinaire, on intro- duit une Grenouille le mercredi 40 mars 1869, à neuf heures et demie du matin, on bouche et l’on plonge le goulot dans du mercure. À quatre heures et demie du soir, c’est-à-dire au bout de sept heures, l'animal est encore bien portant. On dose l'acide carbonique et l'oxygène du flacon par la potasse et l'acide pyro- gallique, et l'on trouve : Acide carbonique....... 8,70 pour 100 Oxygène. :. ......... 410,50 — La proportion d'oxygène avait donc diminué de moitié envi- ron, sans nuire eu apparence à la vie de l’animal. N° 6. Dans le même flacon, contenant encore de l’air ordi- NOTES PHYSIOLOGIQUES. 921 naire, on introduit une Grenouille le jeudi 11 mars 1869, à neuf heures et demie du matin. Le lendemain à deux heures et demie, c’est-à-dire au bout de vingt-neuf heures, on la retire. Elle est tout à fait insensible, on la place dans l’eau ordinaire, elle ne se ranime pas et on la Jette quand la putréfaction commence. Mais avait-elle cessé de vivre durant l'expérience ou avant? Je l'ignore, n'ayant pas consulté le cœur au moment où on la reti-- rait du flacon. A l’analyse, on a trouvé: Acide carbonique....,.. 18,00 pour 100 (CHATBÈMED 0'0 8 pig 10 mob toie 0,00 — Ainsi, l'animal avait sensiblement épuisé la totalité de l’oxy- gène du flacon. Mais ce n’est pas là une cause nécessaire de mort, comme le montre l'expérience n° 4. Expérience sur les Insectes. — N° 7. Le 15 mai 1859, à trois heures, on introduit dans un flacon semblable au précé- dent, d’une capacité de 230 centimètres cubes et plein d'air, cinq Capricornes dont le poids total est de 1*,969. . Le 25 mars, à quatre heures, c'est-à-dire au bout de dix jours et une heure, on arrête l'expérience. Les Insectes, qui ne pèsent plus alors que 1*,94, sont insensibles, néanmoins on les laisse à l'air libre et le lendemain ils sont complétement rétablis. L'analyse a donné : Acide carbonique. ...... 17,81 pour 100 OXVLÉNEMPA EE Le 1,60 — Ainsi en dix Jours d’abstinence 1ls avaient perdu 0,029 de leur poids, et vivaient dans une atmosphère ne contenant plus que 1,6 pour 100 d'oxygène. Expérience sur un Lézard. — N° 8. Le lundi 10 mai 1869, à deux heures et demie, on introduit un Lézard gris du poids de 1,375 et d’un volume de 1*“,258 dans un flacon bouché à l’émeri de 265 centimètres cubes de capacité. L'animal meurt le mardi, 48 mäi, à onze heures du matin, ou en près de huit jours. L'air renferme alors : Acide carbonique.,..... 10,57 pour 100 GRANDES 00 RO 0 DE AS = 5° série, Z0oL. T. XIT, (Cahier n° 6.) 1 21 929 H. EMERY. Le volume absolu de l'air était donc de 265 — 1,958 — 263,742, et son volume relatif de _—— rond. Ainsi, l'animal est mort en près de huit jours dans 209 fois son volume d'air, et après avoir abaissé à 7 pour 100 la proportion d'oxygène. Mais la privation absolue de nourriture n'a-t-elle pas hâté la mort? == 203 en nombre Expérience sur une Tanche. —- N° 9. Une Tanche de 242,84 et de 248 centimètres cubes de volume, et à laquelle on a coupé les opercules pour faciliter sa respiration dans l’air, est placée le samedi, 24 avril, à neuf,heures cinquante minutes du matin dans un flacon de verre, à parois humides de 2h95 centimètres cubes de capacité. On ferme le flacon au liége et à la cire. L'animal meurt à deux heures cinq minutes, c’est-à-dire au bout de quatre heures un quart. L'air confiné contient : Acide carbonique..,..... 4,64 pour 400 OXYSÈNE. 1 RES 18,98 — Le volume absolu de l'air étant de 2495 — 218 — 29h7 cen- 2947 timètres cubes, et son volume relatif de — 9,06 environ; 218 il en résulte que l'animal a vécu quatre heures un quart dans neuf fois son volume d'air, après avoir abaissé la proportion d'oxygène à près de 19 pour 100 environ. Mais à peine est-il nécessaire de faire remarquer que lasphyxie dans ces cir- constances a été produite surtout par des causes mécaniques, qu'elle est le résultat d’entraves apportées à l'exercice de la respiration, et non l'effet de l'insuffisance d'oxygène. $ 2. — Résistance à l’asphyxie des animaux à sang chaud. Les animaux à sang chaud ont, dans les conditions ordinaires, une faible résistance à l’asphyxie. Mais il est évident que si l’on parvenait à diminuer leur activité vitale, leur puissance de résis- tance augmenterait notablement. Or, un des moyens les plus simples pour produire cet effet est de ralentir l’activité respira- toire, car par là on déprime l’ensemble des fonctions. NOTES PHYSIOLOGIQUES. 323 On réalise aisément ces conditions en tenant compte de cer- taines particularités bien connues maintenant des physiolo- gistes. Supposons que l'on renferme un animal dans une atmosphère, dont le volume relatif, c’est-à-dire le volume comparé à celui de son corps, soit très-faible, dont le volume soit, par exemple, seulement le double de celui de son corps. Par l Cat de la respi- ration l'atmosphère va s'appauvrir brusquement et notable- ment, la proportion d'oxygène descendra en quelques minutes à la moitié, au tiers peut-être de ce qu’elle était, et l'animal, en- core en pleme activité vitale, sera asphyxié. Plaçons au contraire le même animal dans une atmosphère confinée de volume égal à trente ou quarante fois son volume, alors la proportion d'oxygène s’abaissera très-lentement, malgré l’activité de la respiration ; néanmoins elle s’abaissera, la res- piration se ralentira done, mais peu à peu. Dès lors l’activité vitale diminuera, mais diminuera progressivement et par degrés insensibles pour ainsi dire. Aussi l’animal pourra-t-il vivre dans une atmosphère qui serait beaucoup it pauvre pour lui sil était en pleine activité vitale. En d'autres termes : à la mort de l'animal, la proportion d'oxygène de l'air confiné sera d'autant plus faible que l’as- phyxie aura été plus lente, et la mort sera d’autant plus lente à venir que le volume relaüf de l’atmosphère sera plus grand. Voici de nouvelles preuves expérimentales à l'appui de cette manière de voir. Expériences sur des Rats. — N° 10. Le samedi 10 avril 1869, à neuf heures trois quarts du matin, on place un Rat du poids de 387 grammes dans un flacon de verre de 2500 centimètres cubes de capacité. On ferme avec un bouchon de liége qu’on lute à la cire. L'animal meurt à dix heures et demie, c’est-à-dire au bout de trois quarts d'heure. L'atmosphère du flacon renferme alors : Acide carbonique....... 11,62 pour 100 OXVRCNE NE M EE 0025 EE 32/1 H. EMERY. Comme on le verra plus loin, le poids spécifique de ces Rats était sensiblement égal à celui de l'air, on peut prendre 587 centimètres cubes pour le volume du corps de l'animal, et par conséquent le volume absolu de l'air confiné était 2509 — 387 — 2115 centimètres cubes, et son volume relatif 2113 7 — °,16 en nombre rond. Ainsi l’animal était dans un volume d’air égal à cinq fois et demie environ son propre volume. N° 11. Le mercredi 21 avril 1865, à deux heures un quart, on met un Rat du poids de 46*,07 dans un flacon de 695 cen- timètres cubes de capacité, on bouche au liége, puis on lute à la cire. L'animal meurt à trois heures un quart, c’est-à-dire au bout d’une heure. L’atmosphère renferme alors : Acide carbonique. ...... 14,26 pour 100 OXVCENC EE. ce. 4,26 —. On a déterminé très-exactement le volume de l'animal par la méthode du flacon, et l’on a trouvé 45*,83, donc le volume absolu de l'air confiné était 695 — 15 — 650 centimètres cubes, et son volume relatif — 14,4. Il en résulte que l'animal était dans quatorze fois son volume d'air, aussi n'est-il mort qu'au bout d’une heure, après avoir abaissé la proportion d'oxy- gène à 4,26 pour 100. N° 12. Le samedi 10 avril 1869, à deux heures et demie, on a placé dans un flacon de 924 centimètres cubes de capacité un Rat du poids de 37 grammes, et dont le volume a été trouvé de 37 centimètres cubes, on a fermé le flacon comme à l’ordi- naire. L'animal est mort à quatre heures quarante-cinq minutes, c'est-à-dire en deux heures trois quarts. Trois analyses de l'air ont donné : 1. Il. HI. Acide carbonique..... 17,09 pour 100 11,38 pour 100 15,55 pour 106 Oxygène..." 3,82 — 3,84 — 3,84 ut Le volume absolu de l'air confiné était de 924—37=887 cen- NOTES PHYSIOLOGIQUES. 325 87 timètres cubes, et son volume relatif de = — 93,97. Ainsi l'animal était dans vingt-quatre fois son volume d'air. En résumé : Le Rat est mort en trois quarts d’heure dans cinq fois et demie son volume d'air, en abaissant l'oxygène à 5 pour 100 ; le Rat est mort en une heure dans quatorze fois son volume d'air, en abaissant l'oxygène à 4 pour 160; le Rat est mort en deux heures trois quarts dans vingt-quatre fois son volume d’air, en abaissant l'oxygène à 8,84 pour 100. Expérience sur un Chat. — N° 13. Le mardi 4 mai 1869, à neuf heures dix minutes du matin, on introduit dans un flacon de 2400 centimètres cubes une Chatte, âgée d’un mois environ, d'un poids de 323%,685 et d’un volume de 370 centimètres cubes. On ferme comme à l'ordinaire ; l'animal meurt à dix heures cinquante-cinq minutes, c'est-à-dire en une heure trois quarts. L'analyse de l'air donne : Acide carbonique....... 13,71 pour 100 OxXYACNEPEREE EE RENE 5,31 — Le volume absolu de l'air confiné était de 2400 — 370 2030 D 3 — 2030 centimètres cubes : son volume relatif de —— = 5.48, 70 ? OBSER VATIONS SUR LES CORPUSCULES DE PACINI CHEZ LE SINGE, Par M. @&. NEPVEU. Les corpuscules de Pacini ont été l’objet de nombreuses re- cherches dans les trente dernières années. Signalés d’abord chez l'Homme par Abraham Vater (1741), retrouvés par Pacimi en 1830, ils furent principalement étudiés en France par Camus et Lacroix, M. Andral (4833)et M. Denonvilliers (1846) (Archui- ves de médecine, 1846). Henle et Kælliker (Ueber die pacinischen Kærperchen des Men- schen und der Thiere, Zürich, 1844) commencerent la série des travaux allemands. Leydig (in Zeitschrift für wissenschafiliche Zoologie) les suivit de près. On connaissait alors ces corpuscules sur de nombreux Mammifères : Rongeurs, Carnivores, Pachy- dermes, Ruminants, lorsque Herbst les signala dans les papilles qui entourent le bec des Oiseaux (Ueber die pacinischen Kærper- chen und ihre Bedeutung ; Gœttmgen, 1848, Herbst). Leur existence chez le Singe était presque certaine, lorsque Guitton (thèse de Paris, 1843) les y indiqua le premier. Cet auteur ne s'était pas contenté d’une simple mention; 1l avait fait quelques recherches dans le but de s'assurer si ces cor- puscules suivent, dans la série animale, les mêmes lois de dé- croissance que les diverses parties du centre nerveux encéphalo- rachidien. Sur des mains de nègre, les corpuseules lui ont paru être en plus petitnombre que chez les blanes. Sur les mains d'un Singe macaque, il les à trouvés à peu près semblables à ceux du nègre, un peu moins gros, presque aussi nombreux. Guitton les avait trouvés en petit nombre et presque atrophiés sur des idiotes de la Salpêtrière. CORPUSCULES DE PACINI CHEZ LE SINGE. 927 Meissner, en 4859, les signala à la plante des pieds et aux lèvres de deux espèces de singe. L'anatomiste allemand s’en tint là. | Il m°a semblé que la simple mention qu'a faite Meissner de ces corpuscules chez le Singe, que les données plus étendues de Guitton, pouvaient laisser place à un petit travail d'anatomie pure. J'ai donc cherché à décrire aussi complétement que pos- sible les corpuseules de Pacini chez le Singe. J'avais eu l'inten- tion de faire précéder cette description d’une étude comparative de ces corpuscules daus les principales races humaines; malheu- reusement, je n'ai pu rassembler jusqu'ici tous les matériaux nécessaires. J'espère un jour pouvoir en faire la base d’un autre travail; cependant je pourrai dès aujourd’hui dire quelques mots des corpuscules que j'ai observés chez un Charrua (peuplade de l'Amérique du Sud). Qu'on me permette tout d’abord de témoigner à mon savant maître, M. Broca, toute ma reconnaissance. C’est lui qui m'a engagé à faire quelques recherches sur ce sujet, c’est dans son laboratoire que j'ai travaillé, et c’est grâce à lui que J'ai pu étu- dier les corpuscules de Pacini sur les quatre Singes suivants : Le Chimpanzé (Troglodytes niger), la Mone (Cercopithecus mona), le Papion (Cynocephalus sphinx), le Sajou (Cebus). Les corpuscules de Pacini signalés par Guitton dans la main du Singe, par Meissner dans le pied, n’ont pu être découverts jusqu'ici dans d’autres régions. Cependant j'ai vérifié sur le Pa- pion ce que Rauber (1865) à trouvé sur l'Homme; ces corpus- cules de Paeini sont, en effet, comme cet auteur l’a indiqué le premier, très-nombreux sur les nerfs articulaires. J'ai pu de même en trouver quelques-uns dans les muscles de l’'éminence thénar du mème animal. J'ai cherché jusqu'ici, sans suecès, à les découvrir dans l'épiploon et la base du mésentère ; du reste, ils ne sont connus chez l'Homme que dans le mésentère et sur les grands plexus sympathiques abdominaux (4). | (4) Chez le Chat, ils existent en grande quantité sur tous ces points; j’en ai trouvé un assez grand nombre sur le mésorectum. La grande quantité de ces corpuscules dans l'abdomen, l'existence dans l’épiderme de l'Homme de nouveaux corpuscules décrits 928 G. NEPVEU. Leur forme est très-variable; chez le Chimpanzé, ils ont la régularité de forme qu’on trouve chez l'Homme, ils sont ellipti- ques ou piriformes (fig. 6). Chez la Mone, ils sont souvent ar- qués, courbés sur leur grand axe, parfois complétement réni- formes (fig. 11, 12); sur le Papion, ils sont conoïdes ou presque sphériques; dans quelques cas, ils présentent une légère Incisure à leur sommet (fig. 16, 17, 18). Chez le Sajou, le polymor- phisme n'est pas aussi étendu, la plupart sont ovoïdes ou piri- formes (fig. 22, 24). Si l’on se rappelle que chez l'Homme ils sont toujours elliptiques ou piriformes, rarement imfléchiscomme dans la figure 4, si à cela on ajoute que la forme offre peu de dévia- tion du type dans les diverses races humaines, comme J'ai pu le voir chez le Charrua, on arrivera à cette conclusion que chez les Singes, il nv a pas de type général, que celui qui se rapproche le plus de l'Homme est le Chimpanzé, que les autres Singes que nous étudions en même temps se séparent très-nettement du Chimpanzé lui-même et présentent à côté de la forme ovoïde dominante des variétés arquées, réniformes. Le volume de ces corpuscules est tout aussi intéressant à con- sidérer; je donne dans le tableau suivant les moyennes des men- surations que j'ai faites sur un grand nombre d’entre eux. Largeur Longueur en en centièmes de millimètre. centièmes de millimètre. Homme blanc.......,..... . 110 200-400 SA HR Es 010 d.0/d,01000 ba 0 (60, 80, rares) 160, rares. 90, 100 200-250-300 Chimpanzé (très-jeune sujet).. 75-90 150-180 La Mone....... FACE DORE 70-85 130-150 Papion- Lee eretrcrercrcre 20-25-30 60-70 SOU eee emmener 25-30-35 70-80-100 J'ai pris pour unité le centième de millimètre; comme on le voit, il y a peu de distance entre l'Homme blanc et le Charrua. Parmi les Singes, évidemment le Chimpanzé et la Mone tiennent par Langerhaus (1869), semblent devoir faire repousser l’idée que les corpuscules de Pacini soient des corpuscules du tact, proprement dit; leur fonction doit être plus générale, puisqu'on les trouve sur les nerfs intercostaux, les plexus sympathiques, dans le mésorectum. Quelle est-elle? Faut-il y localiser l'aptitude qu’aurait la peau (aptitude plus grande encore que celle des nerfs sensitifs), de déterminer les actions réflexes (expériences de Volkman, de Marshall’ Hall) ? Faut-il voir dans les saccules terminaux une matière semi-fluide dont les vibrations produisent des excitations sur les nerfs CORPUSCULES DE PACINI CHEZ LE SINGE. 329 la tête, encore faut-il ajouter que le Chimpanzé est très-jeune ; puis après viennent le Sajou et le Papion. Existe-t-il une différence sous le rapport du volume, entre les corpuscules des orteils et des doigts, des pieds et des mains? Je l'ai patiemment recherchée et j'ai pu me convaincre sur de nombreuses mensurations qu'il n’y en avait aucune. Le nombre de ces corpuscules pris chez l'Homme et le Singe comparativement ne pourrait guère donner de résultat certain, les causes d'erreur sont trop nombreuses. Trouver ces corpus- cules au milieu du tissu cellulaire sous-cutané, les examiner im- médiatement et l’un après l’autre au microscope afin de ne pas les confondre : 1° avec les glomérules des glandes sudoripares (erreur qu'a commise Vater); 2° avec les corpuscules de Krause qui se trouvent dans les mêmes points. Telles sont les princi- pales difficultés, et l'on conçoit que nous ayons reculé, si l’on songe que la plupart des pièces que nous avions à notre disposi- tion avaient macéré déja quelque temps dans l’alcool. Herbst, qui a fait chez l'Homme ce calcul minutieux, prétend qu'il y a 65 corpuscules au pouce, 95 à l'index, 385 à la paume de la main. Je ne puis baser mon assertion que sur des présomptions ; mal- gré cela, je crois qu'on peut dire qu’à surfaces cutanées égales, les corpuscules sont en aussi grand nombre chez les Singes que chez l'Homme. Il n’est pas rare, en effet, de les trouver par bouquets de 3-4 et quelquefois plus (fig. 12, 13, 14). Ces corpuscules se composent, comme chez l'Homme, d’une fibre nerveuse centrale, d’un bulbe central et d’une enveloppe composée d’une foule de capsules emboîtées. On y trouve aussi des artérioles, des veinules, des capillaires Iymphatiques. (Wagner et Meissner)? Faut-il, comme Pacini, en faire un organe de magnétisme ani- mal, hypothèse qui peut s'appuyer sur Les travaux de Savi (Anatomie du système élec- trique de la Torpille)? Si l'on songe qu'en allant de l’épiderme vers les parties profondes, on rencontre des corpuscules beaucoup plus superficiellement placés qu’eux et beaucoup plus à même qu'eux de se prêter aux impressions tactiles, tout d’abord les corpuscules de Langerhaus situés dans l’épiderme, ensuite les corpuscules de Meissner dans les papilles, on ne peut s'empêcher de penser que le tact ne saurait s’y localiser facilement, Tout laisse donc à penser que c’est un organe de sensibilité générale. 990 &. NEPVEU, Les capsules, qu'on divise en internes, très-rapprochées les unes des autres, et externes, plus éloignées, sont en nombre va- riable. Chez le Chimpanzé on en trouve 50 en moyenne; chez le Papion, 27-85; chez le Sajou, 30-38, et chez l'Homme le nom- bre de ces corpuscules monte jusqu’à 40 et 70, en moyenne 60, Ces capsules sont des enveloppes concentriques à la face in- terne desquelles Hoyer (Æin Beitrag zur Histologie der Pacini- schen Kærperchen, journal de Dubois-Reymond et de Reichert, 1864) est parvenu à isoler une couche de cellules polygonales et comme pavimenteuses. À l'état frais, on les voit facilement au moyen du réactif de Recklingshausen (nitrate d'argent et chlo- rate de potasse) ou avec celui de His (simple imprégnation de nitrate d'argent pendant 2-3 minutes). Cette découverte a été vérifiée par Kælliker sur le Chat où cette couche d'apparence épithéliale présente une grande régularité. Hoyer compare les espaces intercapsulaires qui, à l'état frais, sont remplis d’un hi- quide transparent, aux espaces lymphatiques de Tomsa et de Ludwig. Ces espaces lymphatiques sont tapissés de cellules, comme les espaces intercapsulaires. Si l’on ajoute à cela que le développement de ces corpuseules démontre bien leur origme conjonctive (fig. 4 bis), on admettra facilement avec Hoyer qu'ils sont formés de tissu conjonctif. Ces faits que je viens, à dessein, d'exposer en détail, je suis parvenu à en démontrer l'existence chez le Singe au moyen du réactif de His, et je comparerais vo lontiers la disposition des cellules de la face interne des cap- sules à un carrelage régulier ou à une espèce de mosaïque, Le bulbe central est finement granuleux. Rouget, de Montpel- lier, a vu le premier que ce bulbe est composé de couches em- boîtées (vüy. Académie de médecine, 1865-1863). Le bichromate de potasse lui a permis, après une longue macération, de mettre hors de doute ce fait que, du reste, Kælliker, dans sa quatrième édition, pressentait déjà. J'ai observé ces stries sur le Papion avec une simple imprégnation de carmin et un fort éclairage à la lampe. Le bulbe central se compose donc de couches emboi- tées, formées de jeunes cellules conjonctives, c’est ce qui expli- que sa forte coloration par le carmin, Sur la Mone, outre les stries CORPUSCULES DE PACINI CHEZ LE SINGE. 291 fines longitudinales dont je viens de parler, j'ai pu voir des stries transversales (fig. 10); ces fines stries forment pour ainsi dire des ligaments transversaux autour du faisceau des stries longitudinales du bulbe. Je pense que l'acide pierique en faible solution m'a été d’un grand avantage pour l'étude de ces fins détails, je le préfère de beaucoup au carmin pour l'étude des corpuscules et de leurs rapports avec les vaisseaux et les nerfs. La fibre nerveuse subit chez le Papion et surtout chez le Sajou quelques inflexions à son entrée dans le corpuscule, parfois ces flexuosités sont plus longues que le bulbe en entier; chez le Chimpanzé et chez l'Homme, ces inflexions ne paraissent pas exister (fig. 12, 22, 24). La fibre nerveuse se place presque toujours au milieu, rare- ment sur le côté. Réduite, en apparence, au cylindre-axe, elle finit par une extrémité mousse tantôt fine et déliée. Sur le Pa- pion, j'ai trouvé un corpuscule où la fibre nerveuse que j'ai pu suivre jusqu'au tronc nerveux, après être arrivée à la tête du corpuseule se recourbait et formait un angle droit avec le bulbe central pour se terminer, après un trajet de 90 centièmes de millimètres, dans une espèce d’appendice caudiforme; sur le même corpuseule, il m'a semblé voir la fibre nerveuse se ter- miner dans une cellule à prolongements ramifiés, ressemblant assez à une cellule ganglionnaire. Ce fait a, du reste, été déjà avancé par Jacubowitsch. Sur la Mone (fig. 40), il semble qu'on a nettement affaire avec une cellule et son noyau; sur le même animal (fig. 9), j'ai trouvé une fibre nerveuse qui finissait par un petit renflement pirforme. Je ne serais pas éloigné de croire que parfois la fibre nerveuse passe d’un corpusceule dans un au- tre, mais Je n'ai pu m'en assurer complétement et, en tout cas, cela ne doit exister que très-rarement. Le pédicule du corpuscule dont Bowman (Cyclopedia of Ana- tomy de Todd et Bowman, article Pacinian Bodies) le premier a donné une description complète, doit être considéré comme une production du névrilème autour d’un seul tube nerveux; c’est ce que démontre, du reste, l'étude du développement (fig. 4 bis). Bowman a trouvé parfois deux tubes nerveux dans une même 292 G. NEPVEU. capsule, la gaïne de la fibre nerveuse décrite par Bowman sur le Chat, se retrouve chezle Singe et finit par mourir au niveau du bulbe central. Le système vasculaire offre un grand intérêt. Le premier mode de vascularisation déjà signalé par les auteurs et qu'on peut désigner sous le nom de circulation bipolaire, est tout sim— plement l’arrivée aux deux extrémités de leur grand diamètre de deux petits troncules vasculaires; le premier suit le nerf jus- qu'à son entrée dans le corpuscule; le deuxième est indépen- dant et forme des anses très-nombreuses et très-délicates (fig. 7) sur les corpuscules réniformes, la disposition est la même au fond, mais ici les troncules sont rapprochés de telle sorte que le corpuscule paraît suspendu par ses extrémités aux vaisseaux. Un deuxième mode, c’est la circulation coronaire ; je ne lai jamais rencontré chez l'Homme, le Chimpanzé, la Mone; mais chez le Papion, il est très-fréquent, c’est presque la règle; les vaisseaux, dans ce cas, font presque le tour du corpuscule. Un autre mode est celui que j'ai représenté dans la figure 15; quatre corpuscules à divers états de développement sont ras- semblés dans la même gaîne et autour d'eux se voient de fins réseaux capillaires. C’est ce qu’on pourrait appeler circulation latérale ou d'ensemble, ou encore de développement. Les veines suivent le même trajet; quant aux lymphatiques, sur quelques-unes de mes préparations, on peut voir nettement des radicules très-déliées, très-fines se rendre dans des rameaux noueux, renflés; ce sont des lymphatiques, qui paraissent être très-nombreux. Le développement peut se suivre aisément; les corpuscules naissent 3-4 dans une même gaîne; presque courbés, rémifor- mes à l’origine, ils se redressent petit à petit et finissent par at- teindre la forme légèrement curviligne qu'ils conserveront toute la vie (fig. 15). J'ai représenté (fig. 4 bis) un corpuscule à l'état de développement pris chez un fœtus de quatre mois. Mandl (Anatomie microscopique, 1838-1846. Paris), avait déjà réussi à trouver ces corpuscules sur un fœtus de six mois. Il est à croire que le bulbe interne joue un grand rôle dans la CORPUSCULES DE PACINI CHEZ LE SINGE. 399 production des capsules ; cependant il ne faut pas refuser toute importance à la gaine conjonctive de tout le corpuscule, le üssu conjonctif ambiant s'épaissit et forme petit à petit des lignes concentriques à celles des capsules. Voyez à ce sujet la figure 23; de chaque côté du corpuscule, on peut voir des corpuscules de tissu conjonctif rangés en ligne et formant presque membrane. Il ressort évidemment de tout ceci que les corpuscules du Singe ont la même structure générale que ceux de l'Homme, tout en offrant certaines différences qu'il est bon de résumer. Je ne puis rien affirmer sur le Charrua; s’il y a quelques différences entre le blanc et le Charrua, on peut, en effet, les attribuer à la longue macération dans l'alcool que la peau du Charrua a subie pendant environ vingt à vingt-cinq ans. Le Chimpanzé (Troglodytes niger) se rapproche de l'Homme par la régularité de la forme des corpuscules, par leurs dimen- sions, par le même mode de circulation, circulation bipolaire, par le même nombre de capsules à peu près, par la longueur et la largeur du bulbe central; ajoutons que ces caractères ont été pris sur un très-jeune sujet, et que certainement le volume, les dimensions indiqués plus haut sont bien au-dessous du chiffre qu'on trouverait chez l'adulte. Les corpuscules de la Mone s’écartent davantage du type que l’on observe chez l'Homme. Ils s'enrapprochent cependant encore par leurs dimensions assez considérables et par leur circulation bipolaire. Mais leur forme est moins régulière, le plus souvent arquée ou rémiforme, parfois recourbée à l'extrémité, et le tube nerveux présente dans leur pédicule des flexuosités assez mar- quées. Chez le Papion (Cynocephalus sphinæ), la difference avec l'Homme est bien plus tranchée, Les corpuscules sont parfois presque sphériques, parfois conoïdes; sur quelques-uns des cor- puscules sphériques, on voit quelquefois une légère incisure vers le sommet; d’autres sont arqués à leurs extrémités. Les flexuo- sités de la fibre nerveuse sont généralement peu étendues, mais le rapport entre la longueur du bulbe central et celle de la fibre nerveuse dans le pédicule augmente. La circulation revêt un 894 G. NEPVEU nouveau caractère. Elle est souvent coronaire, rarement bipo- laire. Chez le Sajou (Cebus) la petitesse du volume est un peu moins marquée, les irrégularités de la forme sont moindres, ils ne sont pas aussi souvent arqués ou réniformes; mais, malgré cela, ils présentent des caractères d’infériorité très-marqués : la creula- tion coronaire en général, des flexuosités très-évidentes de la fibre nerveuse dans le pédicule, enfin le rapport de la longueur de la fibre à celle du bulbe change; la fibre était moins longue jusqu'ici, elle est aussi longue souvent, même plus longue. J'ai essayé de condenser dans le petit tableau suivant les prin- cipales différences que J'ai constatées entre l'Homme et les Singes que j'ai pu étudier. Pour apprécier la valeur des résultats consignés sur ce tableau, il est bon de dire que les corpuscules de Pacini ont été mesurés sur l'Homme adulte, et qu'en outre le Cercopithèque, le Cyno- céphale et le Cebus qui ont servi à mes observations avaient at- teint toute leur croissance, tandis que le Chimpanzé était un sujet très-Jeune, paraissant âgé de moins de deux ans. Or, les corpuseules de Pacini sont toujours notablement plus petits chez les enfants que chez les adultes; je ne puis affirmer que leur volume soit toujours, dans la même espèce, proportionnel à la taille; mais il est certain que chez l'Homme ils s’accroissent en même temps que le corps. On peut donc admettre, comme ex- trèmement probable, que les corpuscules de notre jeune Chim- panzé sont loin d'avonr acquis tout leur développement. Malgré cette circonstance désavantageuse, on voit que les dimensions de ces corpuscules sont sensiblement plus grandes chez le jeune Chimpanzé que chez les autres Singes. Sous ce rapport, le Chimpanzé qui appartient à la famille des Anthro- poides est celui qui se rapproche le plus de l'Homme. Il ne s’en rapproche pas moins par le nombre des capsules, la brièveté de la fibre comparée au bulbe, l'épaisseur du bulbe et la disposition bipolaire des vaisseaux. Le Cercopithèque, qui occupe un rang élevé dans la famille 399 CORPUSCULES DE PACINI CHEZ LE SINGE, XN9IQUIOU SUIOUL 919 JUOAIOP St quonbosuoo Jed 39 ‘oumop y zogo onb o8uig o1 zou xnoiquiou tssne juos SIt “sanDa sogunino saon/uns À D nb nred eur Jr #gneq snjd sopsodxo re f onb suosrex sop anod ‘outrop qurod un ans So[nosndi09 9p S9iquiou Sof Touu0p nd T,u 2f — ‘VION EE à ‘oltejodiq juau *aTIP[OdIq Juoux 3 IUT ‘oumwuoion |-9181 ‘oxreuo010r) “oareodig *9IPIOdIg DELUT (LES En OT ON ON D TER ON D OR OE ON TRE (TA US) GY-Gr GS-Sr-87 RE A ME 0c-8r YG-0c-87 71797" 'eqma np 2AHeoI anossredg "opuras “apurais °8qmq 2] ‘oqinq 2] ‘oqinq Sud no ojesx "axes Snjd no ojesg jonb on$uoj suroy |onb onSuor suropg [ne jaoddez ad o1qy ey op amon8uo7 *SJISONXOT I *S9JISONXOTA °S9JISONXOI *SOTInN ‘SON |°°°"""oSNaAOU 911 E] 9p S9JISONXOLA 88-08 G8-LG G6-08 "LG 06 ? 07 02 t0G °':'"so9poque somsdeo sop 91quioN *SOLUAOFIUTI no ‘sonbie no ‘sop "9x