d'A 2 MNT TIENNE HArE Eure b 4 EUDNT EN ES vla 4 CAE HATALAEMENSE 3 24 228 de CAEN 4 à CRT CR PATATE CRETE HÉPATITE Lette La RATE Von es date AMAR DUR 4 VA ut «À, #7 DNA Eat Furious dors Lu É 2 M?" PDA) TARN [ÉCENSNENES ETES hr MATE OC HARVARD UNIVERSITY la Library of the Museum of Comparative Zoology 7 bre (are ARE æ ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE PALÉONTOLOGIE Peris. — Imprimerie de E. Manriner, rue Mignon, 2. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES CINQUIÈME SÉRIE ZOOLOGIE PALEONTOLOGIE COMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE M. MILNE EDWARDS TOME XV PARIS LIBRAIRIE DE G. MASSON PLACE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE 1879 MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES Par M. BALBIANT. Suite (1, À mesure que l’ovule grossit, les granulations vitellines se mulüuplient au sem de la substance visqueuse et hyaline qui formait son contenu primitif, et dont la quantité augmente d'une manière proportionnelle. Les granulations déjà produites se transforment en granules plus gros pendant que d’autres naissent dans leur imtervalle, grossissent à leur tour, et viennent ans augmenter le volume du jaune. La vésicule germinative, plongée au sein de cette masse granuleuse, devient de moins en moins distincte; mais en éclaircissant l'œufau moyen de la compression, on réussit encore longtemps à apercevoir vers le centre du vitellus un espace circulaire et transparent, indi- quant la place occupée par cette vésicule. Ce n’est qu’à une époque tout à fait rapprochée de la maturation complète que cet espace cesse d’être lui-même visible, d’où l’on est induit à conclure à la disparition de la vésicule germinative elle- mème (fig. 6 et 21). Il n’est pas rare que, dans une vésicule encore parfaitement évidente, on ñ’aperçoive plus aucune trace du nucléole ou tache germmative : on sait, en effet, que la dissolution, ou du moins l’altération de cet élément de la cellule a déjà été plusieurs fois signalée comme le premier indice ou (4) Voyez, dans le précédent volume de ce recueil, les articles 2 et 9, ainsi que les planches XVIII et XIX. SC, NAT., JANVIER-AVRIL 4871, ARTICLE N°1, 1 2 BALIBEIANE. peut-être même la cause de la destruction prochaine de l'utricule qui le renferme (1). A raison de l'accumulation progressive des corpuscules vitel- lins dans la substance de l’ovule, l’opacité de ce dernier va sans cesse en augmentant ; mais il reste toujours, vers la périphérie, une couche dans laquelle les granulations précédentes ne pénè- trent point, et qui conserve par conséquent sa transparence pri- mitive. Plus tard, 1l est vrai, cette couche superficielle se remplit à son tour de granulations particulières, mais qui, étant beau- coup plus fines et plus pâles que celles de la masse centrale, n’y produisent qu’un léger trouble; aussi, dans l'œuf même à maturité, cette partie périphérique se dessine-t-elle toujours en clair, sous forme d’une zone parfaitement délimitée de la masse centrale opaque. Je désignerai cette zone claire sous le nom de couche germinative ou embryogène (fig. 44, 16, 419, 20, cemb), car elle constitue la partie la plus essentielle de l'œuf, celle d'où dérivent les prenuères cellules embryonnaires, tandis que la masse intérieure, ou vitellus proprement dit, n’est qu'une provision de substance nutritive que l'embryon absorbe pendant son développement. Par son mode de constitution, l'œuf des Aphides rentre donc dans le type des œufs à double vitellus, si généralement répandu dans la classe des Insectes. Toutefois 1l convient de faire à cet égard une réserve importante. En effet, la séparation des deux principes plastique et nutritif est généra- lement décrite comme n’existant pour ainsi dire que d’une ma- nière virtuelle avant la fécondation, et ne s’opérant de fait que par suite de l’action de l'élément mâle, et comme un effet des changements moléculaires que le travail de l’organisation pro- voque dans le contenu jusque-là indifférent de l'œuf. Or les faits exposés plus haut démontrent que, chez les Aphides tout au moins, l'opposition entre un vitellus de formation et un vitellus de nutrition existe déja d’une manière parfaitement tranchée en dehors de toute influence de la fécondation, puisque ce carac- tère mixte du contenu de l'œuf est déjà très-bien appréciable pendant que celui-ci est encore renfermé dans l'ovaire des (4) Voyez notamment Ranvier, Gazette médicale, 1869, n° 23. ARTICLE N° À. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 3 femelles vierges, et que l'étude des phénomènes ovogéniques permet de suivre pas à pas le travail en vertu duquel s’accom- plit cette séparation des deux principes (1). Aussi longtemps que l'œuf reste uni à la chambre germina- üve par le prolongement de son pôle antérieur, la couche em- bryogène présente danseette région une interruption déterminée par l'insertion du cordon précédent (fig. 14, 16, 49), Mais lorsque, par les progrès de l’évolution, celui-ci à disparu, cette couche s'étale uniformément sur la partie antérieure del’œuf, comme sur le reste de la surface de ce dernier. Au pôle postérieur, la couche germinative affecte une dispo- sition moins simple qu'au pôle antérieur; mais avant de décrire la constitution de cette partie de l'œuf, complétons d’abord Pétude des modifications que l’âge amène dans ses rapports avec la chambre germinative. Nous avons vu que le pédoneule qui établit ces rapports pen- (1) Presque tous les auteurs qui se sont occupés de l’embryogénie des Insectes ont signalé comme un des phénomènes les plus précoces du développement, l'apparition, à la surface du vitellus, d’une couche claire, dépourvue de granulations vitellines, aux dépens de laquelle s'organisent les premières cellules de l'embryon, (Voy. Zaddach, Die Entwicklung des Phryganideneies, 1854, p. 3. — Leuckart, Die Forlpflanzung und Entwicklung der Pupiparen, 14858, p. 65. — Robin, Mémoire sur la production du blastoderme chez les Articulés, dans Journal de la physiologie de Brown-Séquard, 1862, t. V, p. 361.) D’après les observations de M. Robin sur les Tipulaires culici- formes, cette couche superficielle serait exclusivement formée par la substance hyaline et visqueuse du vitellus, d’où se seraient retirées les granulations vitellines par suite de leur concentration vers le centre de l’œuf. M. Weismann décrit également une couche semblable dans œuf pondu des Muscides, sous le nom de b/astème de la mem- brane germinale (Keimhautblastem), mais il la considère comme formée principalement par la liquéfaction des granulations vitellines de la surface de l’œuf (Die Entwicklung der Dipteren im Et, dans Zeischr. f. wiss. Zool., 1863, t. XII, p. 161). La différence essentielle entre ces assertions des auteurs précédents et ma description du mode de constitution de l’œuf ovarien des Aphides est relative à l’origine et au moment de l’ap- parition de la couche périphérique claire, les premiers l’attribuant à une modification que le vitellus subit dans sa partie superficielle par suite de la fécondation, tandis que, selon moi, son existence remonte aux premiers temps de l’évolution de l'œuf, et est tout à fait indépendante de l’action de l’élément mâle. Sous ce rapport, l'œuf d’Aphide présente donc une constitution analogue aux œufs à double vitellus des Oiseaux, des Reptiles écailleux et des Poissons cartilagineux, bien que les éléments germinatifs n’y soient pas accumulés de manière à former une cicatricule, comme chez ces derniers. Mais je crois avoir réussi, en outre, à démontrer dans un travail antérieur, que le même mode d'organisation de l’œuf se remarque aussi chez uu grand nombre d’autres Îl BALBIANE. dant une longue période de l’évolution n’est d’abord qu’un fila- ment court et grêle. Mais en s’accroissant avec l'œuf, il se ren— force considérablement et se transforme en un cordon cylin- drique, dont la longueur et la grosseur sont subordonnées aa mode de développement de l'ovaire lui-même. À cet égard, il faut distinguer entre les espèces à ovariules uniloculaires et celles à ovariules pluriloculaires. Chez les premières, chaque tube ne donnant naissance qu’à un seul œuf, celui-ci demeure toujours très-rapproché de la chambre germinative; aussi le pédoncule ne s’allonge-t-1l guère, mais n’en devient que d’autant plusgros, au point que, chez certaines espèces, c’est l'œuf lui- même qui parait proéminer par sa partie supérieure Jusque dans la chambre germinale. Chez les Pucerons de la seconde catégorie. l’ovule formé en premier lieu étant repoussé de plus en plus vers Articulés des diverses classes : Insectes, Arachnides, Myriapodes (voyez ma Note sur la constitution du germe dans l'œuf avant la fécondation, dans Comptes rendus de l’Aca- démie des sciences, 1864, t. LVIII, p. 584, etc.). De certaines figures et descriptions des auteurs qui se sont récemment occupés de la structure de l’œuf chez les animaux de ce sous-embranchement, on peut tirer la même induction relativement à la con- stitution de ce corps. C’est ainsi que Leuckart décrit l’œuf du Melophaqus ovinus comme entouré, daus l’intérieur de l’ovaire, d’une couche claire, dépourvue des gra- nulations renfermées en abondance dans la partie centrale (loc, cit., p. 48). Sembla- blement, plusieurs des figures de Leydig montrent avec plus ou moins de netteté cette couche périphérique chez divers Coléoptères et Hyménoptères (Der Eïierstock und die Samentasche der Insecten, pl. 1, fig. 1 et 5; pl. 2, fig. 9).Les Crustacés eux-mêmes nous fournissent de semblables exemples. Aïnsi, M. P. E. Müller, qui a suivi avec soin l’évolution de l’œuf ovarien des Cladocères des genres Holopedium, Leptodora, Daph- nia, etc., dit qu'il est formé d’une masse centrale opaque, renfermant de nombreuses granulations graisseuses, et d’une couche superficielle mince et transparente, où l'on n’aperçoit que de fines granulations pâles dans une substance plasmatique pellucide (Bidrag til Cladocerernes Forplantningshistorie, dans Naturhistorisk Tidjskrift, 3e série, t. V, p. 344). Enfin, pour prendre un dernier exemple chez un type bien différent de l’embranchement des Annelés, citons une observation faite par M. Meczni- kow sur une espèce de Polycelis (Planaria aurantiaca, delle Chiaje). D’après ce natu- raliste, l'œuf, encore à l’intérieur de l'ovaire, présenterait déjà une opposition bien mar- quée entre une portion plastique et une portion nutritive : la première, que M. Meczni- kow assimile au Keimhautblastem de Weismann, n’aurait pour éléments que de fines granulations moléculaires, tandis que la seconde renfermerait des granuies beaucoup plus gros (Embryologische Studien an Insecten, dans Zeitschr. f, wiss. Zool., 1866, t. XVI, p. 483;. Je ne doute pas que ces exemples se multiplieront de plus en plus par la suite, à mesure que l’on scrutera avee plus de soin la constitution intime de l'œuf dans les diverses classes animales. ARTICLE N° À. pm MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 6) la partie postérieure du tube ovarique par l’intercalation d’un ou de plusieurs œufs nouveaux entre lui et la chambre précédente, le prolongement polaire s’allonge à mesure qu'augmente la dis- tance entre la chambre germimale et l'œuf auquel il s'attache. Il est évident qu'il ne peut atleindre ce résultat qu’en traversant toutes les chambres ovigères intermédiaires, et l’on voit alors celles-ci parcourues dans toute leur étendue par un cordon plus ou moins grêle, mais d’une longueur souvent considérable, qui pénètre antérieurement entre lescellules de la chambre germina- tive, où il se termine. On peut voir un exemple remarquable de cette dernière dis - position dans notre figure 19, qui représente dans sa totalité l’un des tubes ovariques du Drepanosiphum platanoides, renfer - mant trois œufs à divers degrés de développement. L'œuf le plus éloigné du sommet du tube, et qui est en même temps le plus avancé dans sa maturation ({%), se continue à sa partie anté- rieure en un prolongement cylindrique, long et légérement flexueux (k'), qui s’eftile graduellement depuis son point d'in- sertion à l'œuf, où il mesure 0°",05, jusqu'à sa terminaison dans la chambre germinative. En passant à travers les deux loges ovigères situées plus en avant, ce cordon est placé entre l'épithélium et lovule contenu dans chacune de ces loges. et dont la surface est creusée d'une gouttière peu profonde des- tinée à le recevoir, afin de prévenir son déplacement latéral, Au moment de son entrée dans la loge la plus antérieure, ou voit venir s’accoler à son côté un cordon beaucoup plus court et plus mince (£), qui forme le prolongement de l'œuf intermé- diaire (©). Enfin le pelit ovule de la première loge (/*) est lui- même muni d'un prolongement semblable, mais qui, dans la ligure, est entièrement caché sous les cellules de la chambre germinative. Pour apercevoir le trajet des trois cordons dans l'intérieur de cette chambre, il faut abaisser le fover du micros- cope jusqu au centre de celle-ci; on voit alors les trois fila- ments, considérablement amineis, marcher parallèlement jus- qu'au point où ils se terminent dans la partie postérieure de la cellule centrale. 6 BALIHRI A NE. Quant à la structure histologique du prolongement cordi- forme de l'œuf, celui-ei m'a toujours paru un cordon plein, formé dela même substance protoplasmique qui compose d’abord l’ovule tout entier ; jamais, soit par les moyens mécaniques, soit par l'emploi des réactifs, je n’ai réussi à y mettre en évidence une membrane d'enveloppe ou paroi propre. D'un aspect d’abord complétement homogène dans l'œuf encore jeune, on y dis- tingue souvent, lorsque celui-ci a pris un certain accroissement, de fines stries longitudinales parallèles, qui m'ont paru produites par des rangées de granulations très-fines s'étendant dans toute la longueur du cordon. Antérieurement, on peut suivre ces lignes granuleuses jusqu'à l'insertion du cordon à la cellule centrale de la chambre germinative, et parfois même on les voit s’avancer tout près du nucléus de cette cellule. Vers la partie postérieure, on constatesur les œufs encore transparents qu'elles se prolongent à travers le vitellus jusqu'au voisinage de la vési- cule de Purkmje, sur les côtés de laquelle elles se perdent en divergeant. L'impression que fait naître cette apparence de la partie centrale du prolongement polaire est celle d’une mem- brane granuleuse étendue du noyau de la cellule centrale de la chambre germinative à la vésicule de Purkinje de l'œuf en voie de développement. Si cette interprétation est exacte, voiel com- ment je crois pouvoir expliquer l'existence de cette membrane. Au moment où, comme nous l'avons dit précédemment, l’ovule naît, sous la forme d'une cellule-fille pédonculée, de la partie postérieure de la cellule centrale, un prolongement du nucléus de cette dernière passe à travers le pédoncule pour former le noyau ou vésicule germinative du jeune œuf. Mais au lieu de se détacherdu noyau principal et de devenir indépendant, comme cela est généralenient le cas dans ce mode de multiplication des cellules, le noyau nouveau reste uni au noyau ancien par une sorte de pont membraneux, de même que le pédoncule main- tient la continuité entre la substance de la cellule-fille et celle de la cellule-mère. Une observation qui démontre que cette sub- stance jouit partout de propriétés physiologiques identiques, est que l'on voit souvent le pédoneule émettre lui-même à sa ARTICLE N° 4. 1 MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. partie supérieure des bourgeons ovalaires tout semblables à ceux qui naissent directement de la cellule-mère. Avant même que l'œuf ait acquis son volume définitif, son prolongement antérieur est le siége d'un travail de résorp- tion, par suite duquel il devient de plus en plus mince, puis disparaît d’une manière complète. Cette disparition se fait pro- bablement par une absorption graduelle de sa substance dans l’intérieur de l'œuf; jamais elle ne s'accompagne de dégéné- rescence adipeuse, comme cela a lieu pour les cellules de la chambre germinative que j'ai caractérisées comme des ovules avortés ; on remarque seulement qu'avant de disparaître, le pédoneule perd son aspect brillant et homogène, et devient pâle et finement granuleux. Îl n’est pas rare d'observer des œufs où ce cordon est détruit dans une étendue variable de sa portion antérieure, et laisse, par suite, l'œuf sans connexion avec la chambre germivative, tandis que, par sa partie postérieure, il continue à rester adhérent à celui-ci. Plus tard, le tronçon inférieur disparaît à son tour, et il ne reste d’autre trace du pédoncule qu'une petite dépression circulaire du pôle anté- rieur marquant la situation du micropyle dans l'œuf arrivé à maturité. Après nous être formé une idée exacte de la structure de cet appendice de l'œuf des Aphides, voyons maintenant ce qu'il faut penser de l'usage qui luiest généralement attribué depuis Huxley, d'être un canal par l'intermédiaire duquel l’œuf en voie de formation puise les matériaux de son accroissement dans la chambre germinative, envisagée elle-même comme un organe producteur de matière vitelline. Nous avons vu plus haut comment Huxley fut amené à cette opinion après avoir adopté les idées de Stein relatives au pré- tendu rôle des éléments désignés par celui-ci sous le nom de cel- lules vitelliyènes, et nous avons montré également comment, acceptée d’abord par Lubbocket Claus, l'interprétation de Huxley a fini par obtenir l’assentiment de la presque totalité des physio- logistes de notre temps. On présumera facilement qu'après avoir combattu la théorie des cellules vitelligènes de Ste, je ne puis 8 BALBKHANE. accepter davantage l'opinion concernant l'existence d’un canal destiné à mettre l'œuf en communication avec les cellules pré- cédentes, opinion qui n’est qu’une extension des idées de l’obser- vateur allemand. Je résamerai dans les propositions suivantes les principaux faits qui me paraissent en contradiction avec cette manière de voir : | 1° La structure de l'organe décrit comme un conduit vitellin ne rappelle en rien celle d’un tube ou d’un canal, mais est bien plutôt celle d’un cordon plein, attendu qu'il est impossible d'y mettre en évidence une paroi propre et un contenu distinct de celle-c1. % En le soumettant à une pression modérée, on n’observe jamaisaucun mouvement de granules daus son intérieur, comme cela devrait être le cas, s’il servait à charrier la matière vitelline vers l'œuf. 3° La substance de ce cordon n'a aucune analogie avec celle qui forme le contenu de l'œuf; taudis que celui-ci est opaque et composé de granulations plus ou moins grossières et diverse- ment colorées, la matière du cordon est incolore et homogène ou tout au plus finement granuleuse, et ces granulations elles- mêmes ne sont jamais de nature graisseuse comme celles si abondantes du vitellus. h° 11 n'existe aucune communication directe entre les grandes cellules de la chambre germinale et l'organe considéré à tort comme leur conduit excréteur ; mais celui-ci se termine dans la cellule centrale que nous avons décrite comme la cellule-mère commune des éléments renfermés dans la chambre précé- dente. 5° Le cordon du pôle antérieur de l'œuf disparaît toujours avant que ce dernier ait atteint sa maturité complète ; malgré sa disparition, la masse vitelline continue néanmoins à s’ac- croître, d'où il résulte qu'il ne joue aucun rôle important dans les phénomènes du développement de l'œuf. 6° Chez un certain nombre d’Insectes, l’œuf est non-seule- ment dépourvu de tout prolongement qui l'unit à la chambre “erminative, mais celle-ci n'offre elle-même aucune trace des ARTICLE N° 1. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHILES, 9 cellules considérées comme un appareil vitelligène (Libellu- lides, Pulicides, beaucoup d’Orthopteres) ; néanmoins, dans ces espèces, l'œuf n'offre aucune différence essentielle dans son mode de constitution avec ce qu’on remarque chez les autres animaux de la même classe. De tous ces faits, je crois pouvoir conclure que l'organe qui nous occupe n’a pas la signification qui lui est atiribuée par un grand nombre de physiologistes, et que là théorie du mode de formation du vitellus chez les Insectes, formulée d’abord par le professeur Stein, et développée plus tard par Huxley, Lubbock et Claus, doit être définitivement abandonnée. Bien plus, toutes mes observations faites non-seulement sur les Aphides, mais encore sur un grand nombre d'Insectes des différents ordres, m'ont conduit à cette conséquence, que le vitellus ne se forme pas autrement chez ceux-ci que chez les animaux des autres classes, c'est-à-dire par un dépôt de granules ou de globules se produi- sant directement au sein de la substance visqueuse et homo- gène qui forme primitivement tout le contenu de l’ovule. Concluons done de cette discussion que le seul point qui demeure bien établi relativement aux fonctions de la chambre germinative, c’est que celle-ci est l'organe où s’élaborent les jeunes ovules, ainsi que cela avait déjà été reconnu du reste depuis longtemps par Léon Dufour ; d’où le nom d’ovulaire qu'il avait proposé pour désigner cette portion du tube ovarique des Insectes. Quant à la signification réelle du prolongement qui maintient l'œuf uni à la chambre germinative après sa sortie de cette cavité, elle ressort suffisamment de la description que nous avons donnée plus haut de la manière dont l’œuf naît dans la chambre précédente, en montrant qu'il s y individualise sous la forme d'un bourgeon uni par son pédoncule à la cellule qui lui à donné naissance. Le prétendu conduit vitellin n'est dès lors autre chose que ce pédoncule persistant et considérable- ment accru avec l'œuf lui-même (1). (4) En envisageant avec M. Milne Edwards l’ovule comme un organisme vivant, ou Protoblaste, les phénomènes de l’ovogenèse n’offrent rien de plus extraordinaire chez les Aphides et les antres Insectes qui présentent des faits analogues, que ce que lon 10 BALBEIANE. Étudions maintenant les phénomènes qui se manifestent au pôle postérieur de l'œuf, pendant que ceux que nous venons de décrire s’accomplissent au pôle antérieur. Nous avons vu précédemment que la couche superficielle de substance hyaline, désignée par nous sous le nom de couche embryogène, présente une épaisseur plus grande au pôle postérieur de l’œuf que dans le reste de son étendue. C’est dans cette partie plus épaisse qu'est logée la petite cellule antipode dont nous avons décrit plus haut le mode de formation et d'in- corporation à l'ovule (fig. 4 et 15, ca). De fines granulations päles apparaissent d’abord dans la substance transparente qui entoure cette cellule; puis, à mesure que leur quantité aug- mente, elles remontent jusque dans la partie antérieure de la couche superficielle, tout en restant plus abondantes dans la partie postérieure de celle-ci. Incolores ou légèrement grisâtres au moment de leur apparition, ces granulations prennent, avec les progrès de l’âge, une couleur qui, chez la plupart des espèces, varie du jaune clair au jaune brun plus ou moins foncé, ou du jaune verdâtre au vert le plus pur. C'est principalement à ces granulations de la couche germinative que l’œuf doit la colora- tion particulière qui le caractérise, au terme de sa maturation, dans chaque espèce de Puceron. La masse centrale ou vitellus de nutrition reste, au contraire, presque toujours incolore, et lorsque, comme on le remarque chez certaines espèces, elle offre elle-mème une coloration jaunâtre où brunâtre, celle-ci a exclu- sivement pour siége les gouttelettes huileuses qu'elle renferme toujours en abondance. À une période de l’évolution plus avancée, on constate au observe chez une foule d'animaux inférieurs, tels que les Polypes, par exemple, où les gemmes continuent plus ou moins longtemps à adhérer à l’organisme-souche avant de s’en détacher, on même ne se séparent jamais de celui-ci, et constituent de la sorte les agrégations d'individus qui forment les colonies de ces animaux. Nous verrons dans la suite que cette comparaison des phénomènes évolutifs de l’œuf, avant l’appa- rition de l'embryon. avec les procédés des générations alternantes des animaux ordi- naires, n’est pas la seule à laquelle se prêtent les corps reproducteurs des Pucerons, avant la naissance du nouvel être qui réalise la forme définitive de l’espèce, ou le Typozoaire, pour emprunter encore le langage de M, Milne Edwards. ARTICLE N° 4. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 11 pôle postérieur une masse volumineuse qui, au premier abord, paraît formée par un développement considérable, dans cette région, de la couche superficielle ou germinative. Quelquefois même, comme, par exemple, chez le Siphonophora À nthemidis, elle constitue une sorte de renflement ovoïde de l'œuf dans sa partie postérieure, détermimant à ce niveau le boursouflement de la chambre ovigère (fig. 13, mpo). Nous verrons plus loin quelle est la signification de ce corps, que nous nous contente- rons de désigner provisoirement sous le nom de masse polaire. Quant à sa composition, 1l est d'abord impossible d'y reconnaitre autre chose qu'une substance amorphe, incolore, faiblement réfrngente, diffluant facilement au contact de l’eau, et tenant en suspension un grand nombre de granulations moléculaires, pâles et grisâtres. Dans un état de maturation plus avancé, l'œuf ayant attemt une longueur d'environ 0*",50, on retrouve encore la masse polaire dans sa situation première au pôle postérieur ; sa forme est aussi restée à peu près la même (fig. 14, mpo), mais son volume a augmenté, bien que dans une proportion moindre que celui de la partie de l'œuf située en avant de cette masse, Mais les modifications les plus importantes sont celles surve- nues dans sa structure ; on y aperçoit effectivement alors un grand nombre de corps sphériques, très-pâles, mégaux de vo- lume, irrégulièrement entassés les uns sur les autres, ce qui en rend l'observation assez difficile dans l'œuf à l'état intact. Il n'est pas non plus aisé de les étudier après avoir rompu les membranes de l’œuf et fait écouler le contenu, attendu que leur extrême fragilité les expose à se détruire avec la plus grande facilité, malgré toute la circonspection apportée à cette ma- nœuvyre. Toutefois j'ai réussi à m'assurer que ces éléments étaient des vésicules arrondies ou sphéroïdales, larges de 0"",004 à 0"°",007, d’un aspect granuleux et pâle, limitées par une ligne de contour foncée, extrêmement délicate, bien que parfaitement accusée. Cette ligne circulaire est-elle l'expression d’une mem- brane d’enveloppe distincte du contenu? C’est ee que je n’oserais décider, bien que cela me paraisse probable. Quelle est l’origine de ces vésicules? Se sont-elles produites 49 BALE ANT. par formation libre au sein de la substance granuleuse amorphe qui constituait la masse polaire dans une phase moins avancée ? ou bien existe-t-il un rapport de dérivation entre elles et la cel- lule antipode, visible, pendant les premières périodes de lévo - lution, dans la région occupée maintenant par la masse précé- dente? C’est ce que mes observations ne m'ont pas mis à même d’élueider d’une manière directe; mais en me fondant sur des phénomènes entièrement analogues de l'ovogenèse des Pucerons vivipares, plus faciles à constater et à interpréter, Je n'hésite pas à considérer les vésicules de la masse polaire comme de véri- tables cellules-filles dérivées de la petite cellule simple dont nous avons décrit précédemment la réunion précoce avec l'ovule. En m’oceupant, dans un autre travail, de la génération des Pucerons vivipares, je fournirai la preuve péremptoire de la transformation de cette dernière cellule en un groupe de cellules nouvelles correspondant à l’amas d'utricules sphériques de la partie postérieure de l’œuf des Pucerons ovipares. Chez le Drepanosiphum platanoides, ces éléments m'ont offert plus visiblement que dans les autres espèces les caractères de vraies cellules, si tant est que les corps arrondis que j'ai aperçus dans la partie postérieure de l'œuf, chez quelques individus de cette espèce, puissent êlre rapportés aux formations dont nous nous occupons ici. C’élaient des sphérules d’un blanc bleuâtre, larges de 0*",004 à 0"",006, entourées d'un limbe clair et trans- parent (fig. 18, ca). Sous l'action de l'acide acétique, plusieurs d’entre elles montraient un espace intérieur clair, de forme cir- culaire, qu'on pouvait interpréter comme un noyau (fig. 182). C’est généralement à une période de l’évolution plus ou moins voisine de celle dont notre figure 44 donne une idée, d’autres fois à un âge moins avancé, Comme, par exemple, celui de l’ovule représenté figure 13, que la masse polaire commence à prendre la coloration verte qui la caractérise chez la grande majorité des Pucerons. Dans certaines espèces, elle ne prend pas d'emblée sa couleur définitive, mais passe d’abord par des teintes mter- médiaires plus ou moins variées. Ainsi, chez les Lachnus agiliset Roboris, elle commence par prendre une coloration jaune assez ARTICLE N° À, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 13 intense dans l'œuf encore jeune, puis passe au jaune verdâtre, et enfin au vert, lorsque l'œuf approche du terme de sa matu- rité. Rarement elle demeure incolore, tant que l'œuf n’a pas été évacué par la ponte, pour ne prendre sa teinte verte habituelle que chez lembryon en voie de développement (Chaïtophorus Populi). Enfio, chez un petit ombre de Pucerons, elle est indiffé- remment colorée en vert, en jaune ou en brun, chez les diverses femelles appartenant à des colonies différentes, variations qui sont probablement liées à des modifications dans la nourriture de ces auimaux (4phis Persicæ, A. Aceris. En se rapprochant de l'état de maturité parfaite, l'œuf prend une forme ovoïde de mieux en mieux caractérisée. Chez les espèces même où, ainsi que nous l'avons vu, il paraissait, pen- dant la phase moyenne de son évolution, comme divisé en deux portions Inégales par un étranglement cireulaire (fig. 13 et14), celui-ci devient de moins en moins marqué, le centour de l'œuf se régularise, et 1l ne reste bientôt plus aucune trace de la con- striction primitive.|Pendant que ces changements s'opèrent dans la forme extérieure, d’autres non moins importants se passent dans le contenu de l'œuf. La masse polaire, d’abord isolée à la partie postérieure du vitellus, est graduellement débordée sur ses côtés par les granulations du jaune, et apparaît finalement comme un gros globule vert enchâssé dans l'extrémité posté- rieure de l'œuf. Nous reviendrons bientôt avec plus de détail sur la disposition des parties au pôle postérieur, en étudiant les caractères de l'œuf mûr. Auparavant il n’est pas sans intérêt de dire quelques mots de certaines particularités que ce corps présente pendant son évolution génétique chez quelques Puce- rons, notamment dans le genre Drepanosiphum. Si l'on examine, par exemple chez le D. platanoides, les changements successifs d'aspect qu'il présente aux diverses phases de sa croissance, où constate d’abord que, dans le plus jeune âge, il offre la même forme arrondie ou sphéroïdale que chez les autres Pucerons (fig. 49, [”). À un âge un peu plus avancé, 1l s'est allongé suivant son axe longitudinal, et est devenu presque cvlimdrique (fig. 20). Sa longuaur est alors Al IAIREANE. d'environ 0"",25 à 0°°,30. Un étranglement circulaire, siégeant tout près de son pôle postérieur, le divise en deux portions fort inégalement développées, dont chacune loge une vésicule nuü- cléée au milieu d’une masse granuleuse. La portion antérieure, de beaucoup la plus volumineuse, est formée tout entière par le vitellus nutritif. De nombreusés granulations déposées dans son intérieur lui ont déjà fait perdre unë partie de sa transparence, mais on aperçoit encore distinctement vers son centre la vési- cule de Purkinje (vg), munie de sa tache germinative arrondie. La portion postérieure, située en arrière de l’étranglement, est fort petite comparativement à la précédente. Elle est formée par une masse claire, finement grenue, et contient également une vé- sicule pourvue d’un globule central pâle ét peu visible (4). Cette vésicule n’est autre chose que le Corps que nous avons désigné sous le nom de cellule antipode (ca). Une couche superficielle, mince et transparente, qui Commence à sé colorer en brunâtre dans sa partié postérieure, entoure Ces deux portions de l'œuf: c’est la couche embryogène ou germinative. Elle participe à l'é- tranglement du pôle postérieur, et présente une interruption sur deux points de son étendue, correspondants aux deux extrémités de l’ovule : au pôle antérieur, cette interruption est déterminée par Pinsertion du pédoncule de l'œuf, tandis qu’au pôle posté- rieur, où l'ovulese termine par une surface aplatie, on remarque une large ouverture, dont les bords Sont circonscrits par la couche germinative, et qui livre passage au pédoncule (y) de la cellule antipode. Ce pédoncule s’élève della partie postérieure d’un canal situé en regard de l'ouverture du pôle postérieur, et dont les parois sont formées par les longues cellules épithéliales de la partie postérieure de la chambre ovigère, ainsi que nous l'avons expliqué précédemment. | A une période encore plus avancée de son évolution, et déjà bien voisine de l’état de maturité, l'œuf a pris une forme presque régulièrement ovalaire, mais présente encore à son bout postérieur l'espèce de col que nous avons décrit dans la (1) Dans la figure, ce dernier élément a élé trop accusé par le graveur. ARTICLE N° 1. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 45 phase précédente (fig. 19, F). La masse vitelline a considéra- blement augmenté de volume, et constitue presque à elle seule la totalité de l'œuf. Un dépôt abondant, dans son intérieur, de granules vitellins et de goutteleties graisseuses l'ont rendue presque complétement opaque; toutelois, on y distingue encore la vésicule germinative sous la forme d’une tache claire et arron- die (wg). La couche embryogène (cemb) a pris dans toute son étendue une coloration rouge brun uniforme, mais l'insertion persistante du pédoncule du pôle antérieur l’empêèche encore de s'étendre sur cette dernière région. Au pôle opposé, cétte couche entoure sur les côtés une masse claire, finement sranuleuse (mpo), qui n’est autre que le corps que nous avons décrit sous le nom de masse polaire. Enfin on aperçoit en y, s’élevant du canal formé par l’épithélium à la partie postérieure de la chambre ovigère, le pédoncule de la cellule qui à donné naissance à cette masse. Autour de ce pédoncule commence à s’épancher une substance glutineuse, sécrétée par l'épithélium ambiant, et susceptible de se concréter eu une masse solide sur les usages de laquelle nous reviendrons plus bas. Lorsque enfin l’œuf du Drep. platanoides a acquis tout le déve- loppement-dont il est susceptible, 1l ne diffère pas, sous cet état, de celui des autres Pucerons ; son étude rentre, par conséquent, dans la description générale que nous allons présenter de ce corps envisagé à l’état de maturité chez les espèces de cette famille. Au moment où il est prêt à être évacué par la ponte, l'œuf des Aphides se présente sous la forme d'un corps oblong, eylin- droïde, plus ou moins allongé, dont l’une des faces est tantôt presque plane, tantôt légèrement concave, tandis que la face opposée est toujours plus ou moins convexe. Il est arrondi à ses deux extrémités, mais le bout postérieur est généralement plus gros et plus obtus que le bout antérieur. Cette forme, qui rap- pelle celle de l'œuf des Diptères, paraît être générale à tout le sous-ordre des Hémiptères homopières, car on la retrouve aussi, sauf quelques variations peu importantes, chez les Cica- dides, les Psyllides, les Coecides, etc. 16 D'EVAITENTE En considérant le gros volume de l'œuf, comparativement a la taille de la femelle, on peut dire que les Pucerons sont peut-être, de tous les animaux , ceux qui pondent les œufs proportionnellement les plus volumineux. Nous avons vu pré- cédemment que les espèces à ovariules uniloculaires sont surtout remarquables sous ce rapport, et J'ai cité, comme exemple, le Lachnus agilis, dont la femelle, avec une taille de 3 millimètres au plus, met au monde des œufs qui n’ont pas moins de 1"",80 de long, c’est-à-dire plus de la moitié de la longueur totale de l'imsecte (1). Au moment qui nous occupe, l'œuf est entièrement libre dans la chambre ovigère; non-seulement il a perdu toute connexion avec la chambre germinative par suite de la destruction du pédoncule qui l’umissait à celle-ci pendant une longue période de son évolution, mais un espace plus ou moins large le sépare de la surface mterne de la loge quiie contient. Cet espace était primitivement rempli par l’épithélium formant le revêtement intérieur de cette loge ; mais au moment que nous considé- rons, cet épithélium ne présente plus que des cellules affais- sées, aplaties et en pleine voie de dégénéresceuce graisseuse. A mesure qu’elles se détruisent, les granulations adipeuses qu'elles contiennent deviennent libres et se répandent dans lintervalle qui sépare l'œuf de la paroi ovarique. De même que chez la plupart des autres Insectes, les enve- loppes de l’œuf sont au noibre de deux, savoir : l’une, interne, délicate et fine, ou membrane vitelline ; l’autre, externe, plus épaisse et résistante, ou chorion. Je n’ai pu m’assurer de l’exis- tence de ces deux membranes avant l'entière maturité de loue Le chorion (fig. 6, cho) est d'une transparence parfaite et (4) Les chiffres suivants donnent les longueurs moyennes des deux diamètres de l'œuf chez un certain nombre de Pucerons: Aphis Persicæ, long. 022,57, larg, 0mm,99; 4. Genistæ, long. 0MM,56, larg. 00,27; Siphonophora Millefoli, long. Omm,79, larg. 0MM,35; S. Jaceæ, long. 072,83, larg. Omm 36; S. Anthemidis, long. 02,66, larg. 0,43; Drepanosiphum platanoides, long. 0,60, larg. OS OE Chaitophorus Populi, long. 0"M,58, larg. Omw 28; Lachnus Roboris, long. 10,37, larg. 0mm,66; L. agilis, long. 1%2,80, larg. omm, 80. ARTICLE N° 1. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 117 d'ordinaire complétement incolore. Chez le Lachnus Roboris, 1l m'a présenté une légère teinte brunâtre, comme enfumée, qui ne lui enlève d’ailleurs presque rien de sa transparence. Son épaisseur est de 0"",001 à 0"",002. Malgré sa minceur, 1l pos- sède une assez grande résistance, et 1l faut ur certain effort pour le rompre, comme Bonnet s’en était déjà assuré. Sa déchirure est nette, sans denticulations. Sa surface, entièrement lisse et unie, ne présente ni champs réticulés, n1 sculptures d'aucune sorte, comme on le remarque chez beaucoup d'Insectes; on y aperçoit seulement, à un fort grossissement, une multitude de fines ponctuations très-serrées, formées vraisemblablement par les orifices de petits conduits traversant son épaisseur, et de la nature de ceux connus sous le nom de canalicules poreux (Porenkanale des auteurs allemands). Ces canalicules du chorion ont été aperçus chez un grand nombre d'insectes. Leydig, notamment, a étudié d’une manière attentive leur mode de for- mation chez un Coléoptere, le Timarcha tenebricosa. D'après lui, ils seraient constitués d’abord par des prolongements filiformes du protoplasma des cellules épithéliales de l'ovaire, prolonge- ments autour desquels s’épancherait la substance du chorion sécrétée par ces cellules. Molle d’abord, celle-ci se consoliderait ensuite en une cuticule homogène, tandis que les prolongements protoplasmatiques laisseraient, en se détruisant, un vide sous la forme d’un petit canal traversant l’épaisseur de cette mem- brane (1). L’extrème ténuité du chorion chez les Aphides ne permet guère de s'assurer sur ces animaux si les choses se passent comme le dit le professeur de Tubingue; tontefois je suis trés-enclin à admettre la réalité de sa description, si Je m’en rapporte à ce que Jai pu observer sur d’autres œufs d'Insectes à chorion épais, et par conséquent plus favorables à l’étude de ce point d’ovo- genèse (2). (1) Leydig, Der Eterslock und die Samentasche der Insecten, p. 14. (2) Ajoutons que les observations de Pflüger (Ueber die Eierstocke der Süugethiere, 1863, p. 81), de Waldeyer (Eïerstock und Eï, 1870, p. 70 et 84), et de quelque: autres, semblent indiquer un mode de formalion analogue pour la membranc vitelline SC. NAT. JANVIER-AVRIL 1871, ARTICLE N° 1. ? A 18 BALBIANT. Au pôle antérieur de l'œuf mûr, j'ai aperçu, chez quelques Pucerons, une petite dépression lenticulaire du chorion, sem- blable à celle décrite par Leuckart chez l’Aphis Padi, maisje n’a pas réussi à distinguer l’orifice micropylaire qu'il dit être placé au fond de cette excavation. Par contre, j’ai reconnu d’une ma- nière non douteuse cet orifice chez l’Aphis Persicæ et quelques autres espèces, où il est placé au sommet d’une petite papille sur- montant le bout antérieur de l'œuf (fig. 21). On reconnaît facile- ment que ce point correspond bien au micropyle, en exerçant une pression un peu forte sur l'œuf : des granulations vitellines plus ou moins abondantes s’échappent alors par l'ouverture du pôle antérieur, et mettent ainsi hors de doute la perméabilité des membranes dans cette région. Au pôle opposé, on remarque, chez quelques Pucerons, un appendice en forme de queue, dont là conformation varie selon les espèces, et qui paraît avoir pour usage de fixer l'œuf à la surface du corps sur lequel la femelle le dépose. Chez ie Dre- panosiphum platanoides, lorsque l'œuf occupe sa situation naturelle dans l’intérieur de l'ovaire, cet appendice est recu dans une petite chambre particulière placée en arrière de la loge ovigère, et tapissée par un prolongement de l'épithélium. Cette chambre résulte de l'agrandissement, avec les progrès de l’âge, du canal d’où nous avons vu sortir précédemment le pédoneule de la cellule antipode (fig. 49, y'). Quant à l’appendice lui- mème, on y distingue un axe central, d'apparence tubuleuse, et une partie corticale, d’abord homogène, mais qui, dans l'œuf entièrement mûr, présente un grand nombre de plis transver- saux irréguliers. L'origine de cette couche corticale est pro- bablement la même que celle du chorion, avec lequel elle se continue d’ailleurs manifestement, c’est-à-dire qu'elle paraît aussi formée d’une substance épanchée par les cellules épithé- liales de la petite chambre postérieure, et concrétée ensuite en une masse solide. Le pédoncule de la cellule antipode, d’abord renfermé au centre de cette masse, laisse, en disparaissant, de l'œuf des Vertébrés, et que les stries qui parcourent cette membrane sont aussi généralement interprétées comme des canalicules étroits creusés dans son épaisseur. ARTICLE N° 4, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 19 uu vide qui apparaît comme un canal clair (y) dans. l'axe du prolongement caudiforme de l'œuf. Chez le Puceron du Pêcher, l’œuf est également pourvu d’un appendice sur lequel Morren avait déja appelé l'attention, et qu'il décrit comme formé par une masse visqueuse résultant d'un épaississement local de l'espèce de vernis qu'il supposait sécrété dans l'ovaire même, et destiné à coller l'œuf pondu. Il a la forme d’un crochet mousse, fixé au chorion par une base élargie (fig. 21), et logé, comme dans l’espèce précédente, dans une petite chambre spéciale que la loge ovigère émet par sa partie postérieure, et que tapissent intérieurement de longues cellules épithéliales disposées en une couche continue. Sa struc- ture est analogue à celle du même organe chez le D. platanoides ; on y distingue aussi un canal intérieur elair et une couche corticale formée d'une substance homogène et réfringente, finement striée en travers. Le canal central commence par une extrémité élargie, au point où l'appendice s'attache à l'œuf; il se rétrécit ensuite progressivement et se termine avant la cou- che corticale, laquelle se prolonge encore au delà en un petit bouton ovoïde. L'appendice tout entier est entouré à distance d’une sorte de fourreau formé par une membrane mince, trans- parente et sans structure, lequel disparaît probablement ou reste dans l'ovaire au moment où l'œuf s’en échappe, car on n’en aperçoit aucune trace dans l'œuf pondu (1). L’enveloppe vitelline, membrane extrêmement délicate et transparente, comme chez tous les Insectes, adhère d’une manière ‘intime à la face interne du chorion, circonstance qui, dans beau- coup de cas, en rend la démonstration fort difficile. J'ai déjà dit plus haut qu'il m'a été impossible d'en reconnaître l'existence avant l'entière maturité de l'œuf. Pour la rendre sensible, il faut rompre les enveloppes dans l’eau et examiner les bords repliés des lambeaux résultant de cette déchirure. Sur quelques-uns (4) Huxley décrit un appendice analogue au pôle postérieur de l’œuf du Vacuna dryophila,. mais il prend à tort pour un micropyle le canal clair qui existe au centre de ee prolongement. Nous avons toujours vu le micropyle situé au pôle antérieur de l’œuf chez les Pucerons, bien que Huxley assure n’avoir aperçu aucune ouverture dans cette région. 20 BAIBIANE. d’entre eux on aperçoit alors, en dedans de la ligne à double contour qui marque l'épaisseur du chorion, un trait net et foncé, beaucoup plus fin, séparé par un espace variable de la ligne précédente : c'est le contour de la membrane vitellime. Souvent aussi celle-ci est encore décelée par des prolongements d'upe pellicule hyaline et délicate s’avançant çà et là en dehors du bord déchiré des lambeaux du chorion, et dont la fine plis- sure contraste avec les gros plis roides et cassés de cette dernière membrane. Passant maintenant a l'étude du contenu même de l'œuf mür, nous trouvons d’abord, immédiatement au-dessous de la mem- brane vitelline, une couche mince d’une substance claire et réfrin- gente. finement granulée, diversement colorée suivant les espèces. C’est elle qui, vue par transparence à travers les enve- loppes, donne à l’œuf pondu sa coloration particulière dans cha- que espèce de Puceron. Elle constitue la partie que nous avons désignée plus haut sous le nom de couche germinative ou embryo- gène {fig. 6, 21, 22, cemb). Nous connaissons également déjà sa constitution fort simple, dans laquelle entrent exclusivement de fines granulations moléculaires pâles, reliées par une sub- stance hyaline et visqueuse. Ces granulations diffèrent beaucoup, par leurs propriétés physiques et chimiques, des éléments qui composent la partie centrale de l'œuf ou le vitellus de nutrition. Tandis que ceux-ci sont, pour la majeure partie, des granules ou globules réfractant fortement la lumière, très-inégaux de volume, et présentant toutes les réactions des matières grais- seuses, les granulations superficielles ou plastiques sont pâles, sensiblement égales entre elles, et manifestent, en présence des réactifs, les propriétés des substances albuminoïdes. C’est ainsi qu'elles se dissolvent rapidement dans les solutions alealines de potasse et de soude, quelquefois avec certaines particularités que nous devons noter ici. Ainsi, chez les espèces à granulations plastiques vertes, celles-ci disparaissent en colorant le liquide en jaune ; d’autres fois c’est une coloration rose violacé, plus ou moins prononcée, qu'elles lui communiquent : tel est notam- ment le cas pour certaines granulations jaunes ou brunes. ARTICLE N° Î. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 21 La couche germinative est séparée de là masse sous-Jacente par une ligne tellement bien accentuée, que l’idée d’une mem- brane interposée entre les deux parties se présente involontaire- ment à l’esprit. Ce n’est pas toutefois que l’on ne puisse expli- quer autrement que par l'admission d'une pareille membrane comment leurs éléments granuleux ne se mélangent pas à la surface de contact des deux couches, ear la viscosité propre de la substance intergranulaire dans chacune d'elles est parfaitement capable de produire ce résultat. D'ailleurs il est impossible de déceler par l'observation directe aucune cloison membraneuse servant de séparation à ces deux parties du contenu de l'œuf. Leur indépendance réciproque est surtout rendue évidente par certaines altérations que l'on remarque dans les œufs que le défaut d’accouplement à empèchés d’être évacués au dehors, el qui ont séjourné dans l'organisme de la femelle plus ou moins longtemps au-delà du terme normal. En effet, si l’on examine les œufs ainsi retenus dans le corps de l'animal, plusieurs se- maines après l’époque où leur évacuation par la ponte aurait dû avoir lieu, on constate fréquemment qu'il s'est opéré entre la couche superficielle et la masse centrale une séparation spontanée très-nette, par suite de laquelle la couche précé- dente se trouve soulevée dans une étendue variable à la surface de la masse sous-jacente, et séparée de celle-e1 par un espace rempli d’un liquide aqueux transparent. Cette observation ne laisse, à mon avis, aucun doute sur l'indépendance anatomique complète de chacun des deux principes germinatif et nutritif de l’œuf. En étudiant le développement de l'embryon, nous ren- contrerons d'autres faits qui conduisent à la mème conclu- sion (1). Pour terminer la description de la couche embryogene, 1l nous (4) La séparation du contenu de l'œuf en une portion périphérique ou germinative et une masse centrale ou vitelline peut être également observée sur des œuts mürs d’Araignée pris dans l’intérieur de l'ovaire, et placés pendant quelques semaines dans de l'huile essentielle de citron. Après ce traitement, qui a pour effet de dureir le vitel- lus, il est facile, sur l’œuf préalablement dépouillé de sa membrane vitelline, de déta- cher des lambeaux superficiels d'une pellicule granuleuse mince, qui n’est autre chose que la partie plastique de l'œuf, 22 BABIMHANS. reste à parler de sa disposition au pôle postérieur de l'œufet de ses rapports avec la masse polaire logée dans cette région. En examinant l'œuf à la lumière transmise, on aperçoit pres- que toujours très-facilement, soit à la loupe, soit même à l'œil nu, vers son bout postérieur, un espace généralement coloré en vert, de forme à peu près circulaire, qui contraste par sa transparence avec l’opacité des partiés environnantes. A la lumière incidente cet espace apparaît, au contraire, comme une tache obscure, tandis que le fond se colore d’une manière plus ou moins vive en jaunâtre, en brunâtre, etc. Cet espace du pôle postérieur, tantôt clair, tantôt obseur, suivant la nature de l'éclairage, marque le point occupé par la masse polaire. Pour mieux appré- cier ses rapports avec lés parties environnantes, on peut dimi- nuer l’opacité de l'œuf en soumettant celui-ci à une comipres- sion modérée. On choisira surtout pour cette observation les espèces où ce corps présente le moins d'épaisseur possible, telles que, par exemple, le Drepanosiphum platanoides. Mais c’est encore par l'étude attentive des premiers phénomènes embryo- géniques que l’on parvient le mieux à se former une idée exacte des rapports des parties dans la région postérieure de l'œuf. Ajoutons, enfin, que la comparaison analogique avec les phénomènes du développement chez les Pucerons vivipares aide aussi beaucoup à l'intelligence des faits observés chez leurs congénères ovipares. | Pour éviter de trop longs détails descriptifs, je me conten- terai d'appeler l'attention du lecteur sur nos figures 19, 22, 26 et 27, qui sont assez parlantes par elles-mêmes pour per- mettre de saisir immédiatement le mode de conformation de l'œuf à son pôle postérieur. On voit que la masse polaire (#po) est placée dans l’intérieur d’une espèce de poche formée par la portion postérieure de la couche embryogène, invaginée dans l'intérieur du vitellus. En avant et sur les côtés, cette poche est entourée par les granulations du jaune, tandis que sa paroi postérieure est immédiatement recouverte par la membrane vitelline. Cette paroi est formée par le rapproche- ment des bords de l'ouverture qui donne accès dans l'inté- ARIDICIHEMNE MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 23 rieur de la cavité logeant la masse polaire, ouverture com- plétement oblitérée dans les conditions ordinaires. Ce n’est que dans de rares exceptions que, par suite d’une réunion incomplète des bords, la poche reste plus ou moins large- ment ouverte dans sa partie postérieure. On peut voir un exemple de ce genre dans la figure 19, d’après le Drep. platanoides. La partie droite de cette figure montre l'extrémité postérieure de la dernière chambre d’une des gaînes ovariques, avec la portion correspondante de l'œuf qu'elle renferme. On constate facilement sur celui-ci la manière dont la couche embryogène (cemb) se réfléchit au pôle postérieur autour de la masse polaire (mpo), de facon à former à celle-ci une espèce de bourse (cemb') ouverte en arrière, par suite du rapprochement incomplet de ses parois dans cette région. Cette disposition n'est pas sans analogie avec la manière dont l'embryon des Vertébrés supérieurs est renfermé dans la cavité de l’amnios, avant la fermeture complète de l’ombilie amniotique. Mais si cette dernière apparence n’est qu’un accident dans le développement de l'œuf ovarien, l'ouverture de la poche pré- cédente et la mise à nu de la masse polaire dans une portion plus ou moins grande de son étendue sont au contraire des phéno- mènes normaux du début du travail embryogénique, comme nous le décrirons par la suite. Nos deux figures 26 et 27 ont été prises dans ces dermières conditions. Après avoir indiqué les rapports de la couche germinative avec la masse polaire, rapports qu'il était essentiel de bien con- naître pour l'intelligence des phénomènes qui vont se passer dans cette région pendant le développement de l’embryon, 1l nous reste, pour compléter la description de la masse polaire, à examiner les modifications survenues dans sa constitution intime, dans l’œuf complétement développé et mûr. À cet effet, il est nécessaire de lisoler en déchirant les enveloppes de l'œuf et faisant écouler le contenu à laide de pressions ménagées sur la lamelle de verre qui recouvre la préparation. Mais diverses précautions sont mdiquées pour réussir dans cette observation. Il faut d’abord se garder de 2/1 BALBRTANI. mettre le contenu de l'œuf en contact avec l’eau pure, qui exerce une action osmotique trop énergique sur les éléments, les gonfle et les altère. Le liquide qui convient le mieux est une légére solution albumineuse ou saline. Il importe, en outre, d'ouvrir largement l'œuf à sa partie postérieure, à l’aide des aiguilles, afin que le corps polaire se trouve parmi les premiers éléments qui s’échappent au dehors; par là on obvie à la déformation qu'il ne manquerait pas de subir sil était obligé de faire un trajet plus ou moins long dans l’intérieur de l'œuf pour gagner l’orifice de sortie, et l’on empêche en outre qu'il ne soit masqué par de trop nombreux granules vitel- lins, se précipitant en même temps pour sortir par la déchirure des enveloppes. Cependant, même avec tous ces soins, il est rare qu'on obtienne la masse polaire dans toute son intégrité. Sa consistance molle, le peu de cohésion deses éléments constituants sont presque toujours cause qu'elle se divise en fragments plus ou moins nombreux pendant les manœuvres destinées à l’isoler. Lorsqu'on à réussi néanmoins à la faire sortir à l’état intact, elle se présente sous la forme d'un gros globule coloré en vert, dans lequel on aperçoit d’une manière confuse des corps sphéroïdaux nombreux, pâles et incolores, empâtés dans une substance fine- ment granuleuse, qui est le siége de la coloration verte de la masse. Le diamètre de celle-ci varie suivant le volume total de l'œuf dans chaque espèce. Chez le Lachnus Roboris,où ee dernier atteint souvent une longueur de 4"",43, le diametre du globule polaire, mesuré sans compression aucune, peut alier jusqu'à Om" 38. Pour étudier la structure de ce corps, il est essentiel de Île rendre transparent en l’aplatissant plus où moins sous le poids d’une lamelle de verre mince. Les éléments sphériques clairs, entrevus dans l'état d’intégrité, se séparent alors les uns des autres et apparaissent avec pius d’évidence. On arrive à les isoler tout à fait à l’aide de petits coups donnés sur la lamelle qui les recouvre, et on les voit alors flotter pèle-mêle avec les granula- tions vitellines dans le liquide ajouté à la préparation. Ainsi iso- lés, on reconnait que ce sont des sphérules transparentes et inco- ARTICLE N° 1, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 29 lores, larges de 0"",02 en moyenne, mais pouvant atteindre jusqu’à 0"",0/, et même au delà. L'action de la compression, aidée, au besoin, de celle de l'acide acétique, ne laisse aucune incertitude sur leur structure cellulaire, en les montrant formées d’une membrane d'enveloppe extrèmement ténue, et d’un noyau pâle, à contour délicat, qui devient légèrement granuleux sous l’action de l’acide acétique, sans laisser néanmoins reconnaître un corpuscule intérieur ou nueléole (fig. 37) (4). Quant au con- tenu, 1l se compose entièrement d'une agglomération de très- petits corpuscules ronds et pâles, larges de 0"" ,0091à 0""003. Ces corpuseules sont faiblement cohérents entre eux, et se dissémi- nent dans tous les points du champ du microscope, lorsqu'on écrase la cellule qui les contient. :Observés dans l’eau albumineuse ou une solution légère de sel marin, leur aspect est complétement homogène; mais mis en contact avec une faible solution d'acide acétique, ils montrent très-distinctement une partie centrale, claire et arrondie, relativement large, entourée d’une mince couche de substance protoplasmique (fig. 37 a). D'après cette apparence, je n'hésite pas à voir dans ces petits corps de véritables cellules nées par géuération endogène dans l’intérieur des sphérules de la masse polaire. J'ai pu m'assurer, en outre, que ces petites cellules-filles étaient elles-mêmes suscep- tibles de multiplication. Si on les examine, par exemple, chez le Lachnus agilis, où elles offrent des dimensions relativement plus considérables que chez les autres espèces, on trouve un grand nombre d’entre elles offrant les diverses phases d’une division en deux, trois où quatre cellules nouvelles (fig. 38 a). Traitées par l'acide acétique, elles se gonflent, deviennent vésiculeuses, et un petit globule brillant, ayant probablement la signification d’un nucléole, devient visible au centre de chacune de leurs subdivi- (4) TH est probable qu'à l'exemple de ce qui se passe dans un grand nombre de jeunes cellules, le nucléole délicat se résout, aussitôt qu'il est en contact avec le réac- tif, en un amas de fines granulations qui se dispersent dans la cavité du noyau. Ce qui justifie cette présomption, c’est qu’à une époque ultérieure de l’évolution, les cel- lules dont il s’agit ici, ayant pris plus de consistance, présentent un nucléole bien distinct, apparaissant comme un globule brillant au centre du noyau, à la suite du traitement par l'acide acétique. 26 BALBHANE. sions (fig. 38 b). Plusieurs, outre l’étranglement médian annon- gant une division plus ou moins avancée du corps cellulaire, présentent un élément nucléiforme, allongé suivant l’axe de la cellule et aminei à son milieu, caractères bien connus des noyaux cellulaires en voie de scission spontanée. | En outre des cellules que nous venons de décrire, on trouve dans la masse polaire une substance visqueuse, amorphe, peu abondante, constituant comme une sorte de gangue aux sphé- rules précédentes, qu’elle maintient agglutünées entre elles. Cette substance est toute pénétrée de fines granulations moléculaires vertes auxquelles elle doit sa coloration, et qui paraissent d’une nature identique avec celles contenues dans la couche embryo- gène, sauf la couleur, qui est presque toujours brunâtre où jau- nâtre chez celles-ct, tandis que celles-à sont, comme nous venons de le dire, généralement colorées en vert plus ou moins franc. Cependant, chez quelques Pucerons, le Lachnus agilis, par exemple, les granulations ont la même teinte verte dans la masse polaire et dans la couche embryogène, et l’on en trouve en outre de semblables jusque dans l’intérieur des sphérules polaires, où elles sont mterposées entre les petites cellules-filles qui forment le contenu de ces dermières (fig. 36). Le moment est venu de nous demander quelle est la significa- tion du corps que nous avons décrit dans les pages qui précèdent sous le nom vague de masse polaire, et dont la présence simul- tanée avec les parties fondamentales ordinaires de l'œuf chez les Aphides, c’est-à-dire le vitellus et la vésicule germinative, con- stilue un caractère si exceptionnel chez ces animaux. Jusqu'ici les seuls êtres qui aient offert dans l'organisation de leurs corps reproducteurs femelles quelque chose d’analogue, sont les Pucerons vivipares, où Huxley fut le premier à signaler, sous le nom de pseudovitellus, un corps parüculier, qu'il sup- posa destiné à l'alimentation de l'embryon (1), et dont la com- position offre en effet la plus grande analogie avec notre masse polaire de l'œuf des Aphides ovipares. Plus tard M. Mecznikow, (4) Huxley, On the Agamie Reproduction and Morphology of Aphis (Transact. of the Linn. Soc., 1858, t. XXII, p. 208). ARTICLE N° 1. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 21 adoptant les vues de Huxley sur la signification de ce corps, n'y vit aussi qu'un dépôt de matière nutritive, qu’il désigna sous le nom de vitellus secondaire ou définitif, par opposition avec le vitellus primaire, destiné, suivant lui, à disparaître sans profit pour l'embryon (1). Aux deux auteurs précités, il faut joindre M. Claparède, qui, dans sa Vote sur la reproduction des Puce- rons, publiée en 1867 dans les Annales des sciences naturelles, a cru devoir se rallier à l’opinion de MM. Huxley et Mecznikow. Une manière de voir bien différente de celle des auteurs pré- cédents fut soutenue dans mon travail présenté en 1866 à l’Académie des sciences, sous le titre de : Vote sur la reproduc- tion et l'embryogénie des Pucerons (2). Dans ce mémoire, je reve- nais à l’opinion que quelques observateurs anciens s'étaient for- mée sur la nature des Aphides vivipares, en considérant ceux-ci comme des animaux réunissant sur un même individu les attri- buts des deux sexes, et je caractérisais comme un organe de fécondation le corps auquel MM. Huxley, Mecznikow et Clapa- rède n’ont attribué que des fonctions purement nutritives. J'ai exposé et discuté d’une manière sommaire les éléments de la question dans lintroduction historique de mon travail, publié en 1869 dans les Annales des sciences naturelles (3). Mon imten- tion n'est pas de me livrer ici à cette controverse, qui sera mieux placée lorsque nous traiterons de la génération des Pucerons vivi- pares, à propos desquels elle a été surtout soulevée. Je rappellerai seulement cette circonstance, que j'ai déjà signalée comme une objection grave aux vues de mes adversaires, savoir : que le corps en litige ne se comporte nullement à la manière d’un jaune nutri- tif, puisque, loin de diminuer au fur et à mesure des progrès du développement, il prend au contraire un accroissement propor- tionnel avec celui de l'embryon lui-même, ce qui est absolument inconciliable avec la définition physiologique d’un vitellus de nutrition. Remarquons, d’ailleurs, que le corps en question (4) Meeznikow, Untersuchungen über die Embryologie der Hemipteren (Zeitschr. f. wiss. Zool., 1866, t. XVI, p. 130). — Embryologische Sludien an Insecten. Die Entwicklungy der viviparen Aphiden (même recueil, t XVI, p. 443). (2) Comptes rendus de lPAcad. des sc., 4866, t. EXIT, p. 1231, 1285 et 1390, (3) Annales des sciences naturelles, 5° série, 1869, t, XI, p. 33 et suiv. 28 RBALBIANTI. accompagne, dans l'œuf des Aphides ovipares, un véritable vitel_ lus ou jaune nutritif, conformé comme chez les autres Insectes, ainsi que cela ressort suffisamment de la description suivante. La partie la plus volumineuse de l'œuf d’Aphide est effective- ment formée par un corps qui remplit indubitablement le rôle d’une masse alimentairepour l'embryon. La tache claire et arron- die, visible encore naguère vers la partie centrale de cette masse, et qui marquait la place occupée pendant les phases antérieures par la vésicule germinative, a entièrement disparu dans l'œuf arrivé au terme de sa maturité (fig. 6 et 21). Cette disparition, soit qu’on l'interprète comme un effet de la fécondation, ainsi que le font quelques physiologistes, soit qu’on ne veuille y voir qu'un in- dice du développement achevé de l'œuf, a été notée un trop grand nombre de fois pour que je eroie nécessaire d’insister beaucoup ici sur les précautions que j'ai prises pour m'assurer de la non- existence de cet élément dans l'œuf mür des Aphides. Ni l’obser- vation faite sur l’œuf intact et éclaire: à l’aide de la compression, ni la recherche de la vésicule germinative dans le contenu préa- lablement isolé, ne m'ont laissé de doute à cet égard. Huxley ne paraît pas avoir été plus heureux que moi chez le F’acuna dryophila (4). Quant au professeur Claus (2), 1l ne s'explique pas positivement sur le sort de cet élément à la période d’évolu- tion qui nous occupe, mais ses figures font foi qu'il ne l’a pas constaté non plus dans les espèces étudiées par lui (3). La masse même du vitellus se compose de deux sortes d’élé- ments granuleux, intimement mêlés les uns aux autres, et tenus en suspension dans une substance hyaline et visqueuse, ou liquide vitellin. Ces éléments diffèrent sensiblement par leurs propriétés (4) Huxley, On the Agamic Reproduction of Aphis (loc. cit., p. 206). (2) Claus, Beobachtungen über die Bild. des Insect. (loc. cit., pl. 6, fig. 7, 8, 17). (3) Leuckart dit avoir réussi à apercevoir encore la vésicule germinative dans l'œuf de l’Aphis Padi presque arrivé à maturité, et déjà long de 0®m,5 (Zur Kenntniss des Generationswechsels, p. 13). Newport seul s'exprime très-catégoriquement sur la per- sistance de la vésicule dans l'œuf pondu de l'Aphis (Siphonophora) Rosæ : «The vesicle», dit-il, Qis so persistent, that in one instance, in which I'examincd an egg sbortly after » itcame from the body of the Aphis, it not disappear for several seconds after the » egg was crushed under the microscope.» (Note on the Generation of Aphides, dans l'ransact. of the Linn. Soc., 1851, t. XX, p. 282.) ARTICLE N° 4 MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 29 physiques et chimiques. Les uns, de beaucoup les plus abondants, sont des globules réfractant fortement la lumière, d’un volume variant depuis celui de simples granulations moléculaires jusqu’à celui de petites sphères larges de 0"",008. Cependant, la plu- part mesurent de 0"",062 à 0"",00h4. Ils ne sont attaqués ni par lesréactifs acides, n1 par les solutions alcalines de »otasseet de soude, et ne prennent aucune coloration au contact des solutions colorées, telles que le carmin ammomiacal ou la teinture alcooli- que de rosaniline. Ces caractères indiquent que nous avons affaire à des gouttelettes graisseuses, d'une existence si générale dans le jaune de l’œuf chez tous les animaux. Incolores chez la plu- part des espèces, ces gouttelettes offrent une teinte jaunâtre ou brunâtre chez quelques Pucerons, comme, par exemple, l’Aphis Persicæ, le Lachnus Roboris, etc. ; plus rarement elles présentent une coloration rouge-brun assez intense, rappelant celle du vitellus de certains Coccides (4phis Aceris). La seconde sorte de corpuscules vitellins mêlés aux premiers, est formée de globules réfractant beaucoup plus faiblement la lumière que les précédents, et se comportant à l'inverse de ceux-ci dans les différents réactifs avec lesquels on les met en contact, c'est-à-dire qu'ils se dissolvent rapidement dans les liqueurs alcalines et se teignent d’une manière intense dans les solutions de matière colorante. L'eau pure ou acidulée par l’acide acétique les rend brunâtres, granuleux et opaques, et fait apparaître dans leur intérieur de nombreuses vacuoles claires, dues à l’absorption du liquide aqueux qui les baigne. Ces pro- priétés ne laissent aucun doute sur la nature albumineuse de ces derniers corpuscules. Leur diamètre dépasse en général celui des gouttelettes graisseuses qui leur sont associées dans une mème espèce; 1l est notablement plus grand chez certains Pucerons que chezles autres, mais on peut estimer à 0"",005 leur dimension moyenne chez la majorité des espèces de cette famille; les plus petits m'ont été présentés par divers Lachnus (L. agilis, etc.) La masse formée par le mélange des deux sortes d'éléments vitellins que nous venons de décrire s’avance jusqu'au contact 30 HADFEANE. de la couche embryogène étalée à la surface de l'œuf, sans inter- position d’une couche exclusivement formée par le liquide hyalin intergranulaire. Il en résulte que les granules grossiers et brillants de la partie centrale ou nutritive font brusque- ment place, vers la périphérie, aux granulations plus fines et plus pâles de la partie corticale ou germinative, et qu'une ligne nette, parallèle au contour de l'œuf, marque la limite récipro- que des deux parties. Ce contraste est rendu encore plus appa- rent par la transparence et la coloration jaune, brune ou verte de la couche périphérique, opposées à l'aspect blanchâtre et opaque de la partie centrale (fig. 21 et 22). La substance homogène, incolore et transparente, qui tient les granules vitellms agglutinés ensemble, ou liquide intergranu- laire, n’est autre chose que la masse protoplasmique formant primitivement à elle seule le contenu de l’ovule, et qui a augmenté de quantité pendant l'accroissement total subi par celui-ci. Ses caractères physiques et chimiques sont à peu près les mêmes que ceux des globules albumineux qu’elle tient en sus- pension, et qui ne paraissent être autre chose que des partieules plus condensées de la substance homogène primitive de l'œuf. Pour terminer l’histoire de la génération des Aphides ovi- pares, il nous reste à nous occuper du développement de l'œuf après la ponte : c’est ce que nous ferons dans la suite de ce travail. (La sue au prochain caler.) ARTICLE N° 4. OBSERVATIONS SUR DES CRUSTACÉS RARES OU NOUVEAUX DES COTES DE FRANCE Par ff. HESSE. «à (Dix-neuvième article. ) Description de nouveaux genres : Megabrachinus, Macrobrachinus, Hémaphile, Metoponanaphrissontes, Metopocatacoteinus, Megasaonyx, et des Crustacés, non encore connus, appartenant aux genres Doro- pygus, Botryllophile, Cératrichode, Biocrypte et Pinnotère. Les Crustacés dont nous allons nous occuper sont tous incon- nus et nouveaux pour la science. Les uns appartiennent à des genres déjà établis ; les autres serviront de types pour en former de nouveaux. Certains de ces Crustacés sont de véritables parasites; ils vivent sur les branchies des Poissons, où leur extrême petitesse les a probablement dérobés jusqu'à ce Jour à l'attention des carcinologistes. Ils sont non-seulement remarquables par l’étrangeté de leurs formes, mais encore par les ornements dont ils sont décorés. Malheureusement ces caractères si distinctifs, et qui servent à les faire reconnaître lorsqu'ils sont vivants, sont d’une grande fragi- lité, et disparaissent, pour la plupart, dès qu’ils sont morts, ou que, pour les conserver on les plonge dans l'alcool. Il est donc indispensable, lorsqu'on veut en garder un fidèle souvenir, de profiter du moment où ils en sont encore ornés pour en retracer exactement les formes et les couleurs. Les autres Crustacés dont nous nous occupons ne sont pas, comme ceux-ci, des parasites complets ; ils se bornent à s’impo- ser, en qualité de garnisaires, à des Mollusques bivalves ou à ARTICLE N° 24 2 HESSE. des Ascidies phalusiennes. Ils s’introduisent chez eux furtivement, pour profiter du courant artificiel que ceux-ci produisent à l’aide du mouvement de leurs valves ou de leurs cils vibratiles, et attendre, à l’abri du danger, la proie qui est amenée à léur hôte, et sur laquelle ils prélèvent un droit de redevance. Enfin, parmi ceux qui se réfugient dans l’intérieur des Ascidies, il en est qui ne se contentent pas d’habiter la cavité respiratoire de ces T'uniciers ; ils pénètrent jusqu'au milieu de leurs viscéres. Dans cette situation se contentent-ils des objets apportés du dehors, ou y adjoignent-ils un tribut directement perçu sur leur amphitryon ? C’est ce que nous ne saurions dire. Toutefois on peut constater qu'ils sont munis de tous les organes nécessaires pour ne pas se borner aux seuls avantages de l’hospitalité, et que, s'ils n’en réclament pas d’autres, c’est qu'ils n’en veulent pas ou n’en sentent pas le besoin. GENRE MEGABRACHINUS, Nobis (1). MEGABRACHINUS SUBOCULÉ. — MEGABRACHINUS SUBOCULATUS, Nobis. Mâle inconnu. F'emelle (2). — Elle à tout au plus 2 à 3 millimètres de long, sur un demi-millimètre de large. Son corps, vu en dessus, pré- sente les dispositions suivantes : | Le bouclier céphalique est à lui seul au moins aussi long que les quatre anneaux thoraciques qui le suivent, et qui vont en diminuant successivement de dimension en approchant de l’ab- domen. Le bord antérieur de ce premier anneau est plus étroit à son sommet qu'à sa base; il est divisé en trois lobes, dont les deux jatéraux sont arrondis et celui du milieu est étalé en éventail. On remarque au milieu de cet anneau céphalique une éléva- tion arrondie en forme de carène, qui s'étend également aux autres anneaux thoraciques jusqu'à la base de labdomen. Ceux-ci, en outre, ont es bords latéraux arrondis et relevés de (1) De uéyas, grand; Beayiov, bras. 2) Planche 1, fig. 1. ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 5) telle sorte qu'ils forment, de chaque côté de cette élévation dor- sale, une gouttière qui la suit dans toute sen étendue. Le bord inférieur de tous ces anneaux présente en outre trois échan- crures en forme de dents de feston. Le premier anneau abdominal est beaucoup plus étroit que les précédents; il est cylindrique au lieu d'être plat, et porte de chaque côté une patte plate, courte, spatuliforme, qui sert à protéger et donne attache aux sacs ovariques, lesquels sont fusiformes, assez gros, et ont une longueur qui dépasse d'un tiers celle de l'extrémité des appendices abdominaux. L'anneau suivant, qui est à lui seul aussi long que les trois autres, lesquels terminent l'abdomen, est légérement élargi au milieu, et ses deux extrémités sont du mème calibre que celle des anneaux qui le précèdent et le suivent. Il est de plus orné de deux petites lignes courtes, en relief, qui sont disposées en {orme de parenthèse. Le dernier anneau qui termine le corps présente, à son extré- nuté inférieure, deux appendices assez longs, qui finissent car- rément et sont armés de deux longues tiges minces, cylindriques, tronquées au bout et accompagnées latéralement à leur base de trois poils courts et divergents. Le corps, vu en dessous (4), offre les dispositions suivantes : Il estextrèmement épais, et, par suite du renflement des bords latéraux, il présente au milieu un creux longitudinal, profond, qui correspond à la sullie en forme de carène que vous avons signalée à la face supérieure. C'est dans ce sillon que se trouvent logés l’œil et la bouche. Les antennes (2), qui sont de moyenne grandeur et assez orêles, sont placées à peu de distance et de chaque côté du bord frontal. Elles sont denticulées en dessus et garnies de poils nom- breux, mais minces et courts. Elles sont formées de huit ou de dix articles peu distincts. À la base de celles-ci on aperçoit l'appareil oculaire (3), qui (A) PI £, fig. 2 (2) PL. 1, fig. 5. (3) PL 1, fig. 2 et 4. SC. NAT., JANVIER-AVRIL 4871, ARTICLE N° 2. [92] l MESSE. est remarquable non-seulement par sa position en dessous du corps, mais encore par sa forme en écusson. Au bord supérieur de celui-ci on voit, antérieurement et de chaque côté, deux petits globules au-dessous desquels se trouve une autre protubérance, arrondie, relativement très-grosse, la- quelle est divisée en deux parties égales par une dépression profonde et verticale. Enfin on aperçoit au-dessous de celle-ci un petit appendice triangulaire formé de deux pièces, dont l’in- férieure est terminée par une pointe tronquée. Un peu plus bas on voit les premières paltes thoraciques, qui sont très-remarquables par leur excessive longueur. Leur extré- mité atteint, lorsqu'elles sont déployées, la base de l'abdomen. Elles se composent de trois articles, dont le premier, le fémoral, est le plus gros et le plus court; le deuxième est le plus long ; et le dernier, qui est à peu près de la tnème taille, mais plus mince, se termine par une griffe légèrement recourbée et pointue à son extrémité. La partie cubitale de ces pattes est consolidée par un relief saillant qui en augmente l'épaisseur (1). La bouche se trouve placée un peu plus bas, à l'extrémité d'un tube arrondi. Nous n'avons pu en bien observer la conformation, à raison de l'épaisseur et de l’opacité de la carapace; mais nous voyons, par le profil que nous ea donnons (2), qu’elle est saillante et placée à la base du premier anneau thoracique, et qu'elle est environnée de plusieurs petites pattes-mächoires. Les palles nalatoires sont biramées ; elles sont au nombre de quatre paires, composées d'un article fémoral, qui sert de point d'attache aux appendices biramés, qui sont plats, divisés en trois articles hérissés au bord d’épines et de poils assez longs. Les œufs soni relativement assez gros ; ils sont, comme nous l'avons dit, renfermés dans une enveloppe fusiforme, dont la longueur dépasse de beaucoup l'extrémité de l'abdomen. Les embryons (3) ressemblent entièrement à tous ceux des COPIABME er 2,6 6 (2) PL. 1, fig. 3. (3) PI. 4, fig. 7. ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 5 autres Crustacés du même genre : leur corps est ovale ; ils ont un œil frontal, et de chaque côté trois paires de pattes, dont la première est simple et les deux autres biramées. Il est à remar- quer cependant que l'extrémité du corps est dépourvue de soies caudales, dont, d'habitude, cette partie du corps est munie. D. — Le corps est d’un blanc de lait mat en dessus et en dessous ; le bord inférieur des quatre derniers anneaux tho- _ raciques est. également décoré de points noirs et de dessins de cutte couleur, dont notre planche donne une exacte représenta- tion. Les dessous des bandes noires ornent aussi le contour inférieur des anneaux thoraciques et abdominaux. Les œufs, lorsqu'ils sont près d’éclore, et les embryons, sont d’un bleu irès-vif. fl abitat.— Trouvé, le 1 octobre 1860 et le 17 juillet 1862, sur les branchies du Muge ou Mulet capiton (Mugil capito de Cuvier). où il s'accroche fortement à l’aide de ses grandes pattes. Il est assez vif dans ses mouvements; et sa coloration, qui est blanche lorsqu'il est vivant, se ternit et devient jaunâtre lorsqu'il est mort, Ces œufs sont blancs avant leur incubation; ils ne pren- uent la couleur bleue que lorsqu'ils sont près d’éclore. Ce Crusiacé est remarquable non-seulement par la longueur excessive de ses premières pattes, mais aussi par la position de ses yeux, qui sont placés en dessous de la carapace, au lieu de l'être au-dessus, comme dans les autres espèces. Cette particula- rité ne se produit pas dès le début de leur organisation, car elle n'existe pas dans les embryons, qui ont un œil médian placé dessus et au milieu du bord frontal. La forme de l'œil, chez les adultes, est également très-singulière : elle se compose, ainsi que nous l'avons dit, de deux globules placés latéralement au sommet de lécusson qui forme l’ensemble de l'appareil oculaire, etla grosse protubérance arrondie qui les suit présente au centre une dois verticale qui, par l'effet du miroitement, semble offrir une solution de continuité, mais qui n’est PEN que le résultat de ce chatoiement. 6 HESSE. GENRE MACROBRACHINUS, Nobis (1). MACROBRACHINUS PONCTUÉ. — MACROBRACHINUS PUNCTATUS, Nobis (2). Mâle. — Inconnu. Femelle. — Elle estenviron d'un tiers plus petite que celle de l'espèce précédente, c'est-à-dire qu’elle n’a que À millimètre 1/2 à 2 millimètres de long sur un demi-millimètre de large. Son corps est épais, bombé, allongé et fusiforme dans son ensemble. Vu en dessus, il offre les dispositions suivantes : Le premier anneau céphalothoracique est étroit et arrondi à sa partie supérieure; 1l s’élargit ensuite successivement jusqu'aux irois quarts de sa longueur, de manière à former de chaque côté une pointe arrondie, puis il diminue encore de diamètre, et se termine en demi-cercle. Il est, à lui seul, aussi long que les deux anneaux suivants. L'œil est relativement très-petit et géminé. Il est placé au milieu du front et près de son bord supérieur. Le deuxième anneau thoracique est infiniment plus petit et plus étroit que le précédent. Il forme, sauf la partie en contact avec celui-ci, un cercle complet. Son pourtour est, comme celui du précédent, environné d’un liséré en relief. Le troisième anneau thoracique est encore bien plus petit que le précédent; il est presque cylindrique et de la moitié plus court que l’antérieur. Il est orné, de chaque côté, d’un relief étroit, linéaire, en forme de V, dirigé obliquement de dehors en dedans. Le premier anneau abdominal est un peu plus long que les sui- vants, lesquels sont au nombre de quatre. Le dernier est ter- miné par deux appendices longs et plats, tronqués au bout, sui- vis d'une tige très-mince, cylindrique, arrondie au bout, garnie de petits poils courts. Ces tiges sont placées en dedans des appendices, et ont, à leur base, quelques poils rigides et diver- (4) De paxoos, grand ; Boaygiwv, bras. (2) PI. 1, fig. 8. ARTICLE N° 2: #4 CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. i sents. Elles ont trois fois la longueur des appendices qui leur servent de point d'attache. Vu en dessous (1), on remarque les dispositions suivantes : Près du bord frontal et de chaque côté d’un écusson placé au centre, on aperçoit les antennes (2), qui sont simples, courtes, assez minces, tronquées au sommet, formées à la base de nombreux anneaux rapprochés, parallèles, terminés par cinq ou six autres plus épais, hérissés de pointes fortes et très-aiguéës. À la naissance de celles-e1i, on remarque un appendice (à) composé d’une tige courte, formée de plusieurs articulations, qui sont disposées de manière à lui permettre de se mouvoir dans tous les sens avec une grande facilité. L'extrémité de cet appendice se termine par deux tiges minces qui, appliquées l’une contre l’autre, semblent destinées à former une pince propre à saisir les objets. Un peu au-dessous des appendices que nous venons de décrire, et à la base des grandes paltes thoraciques, dont nous allons donner la description, se trouvent deux petites pattes composées seulement de deux articles et terminées par une griffe crochue. Celles qui suivent sont d’une longueur excessive, puisque, déployées et dirigées en bas, leur extrémité dépasse le bord inférieur du deuxième anneau thoracique. Elles sont formées de quatre artieles, le fémoral (4), qui est le plus court et Île plus large, suivi de deux autres articles, à peu près de la même longueur, et le dernier, qui est très-court et est armé d'une forte griffe qui, en se rabattant sur son bord inférieur, qui est cannelé, peut servir à saisir fortement les objets (5). Le deuxième article de ces pattes est consolidé par une bordure en relief et par de petits contre-forts d’une matière cornée. On remarque en outre, à la base de ces pattes, deux cavités relativement assez larges, et desquelles elles sortent, qui sont (4) PL 4, fig. 9. (2) PI. 1, fig. 13. (3) PL 4, fig. 11. COMPEMPSGENSMOTENMIOS (5) PI. 1, fig. 44. 5 HEHSSE, probablement destinées à remplir les fonctions de ventouses, ou du moins de points d’adhérence, attendu qu’elles sont munies circulairement de cercles cornés et de pointes aiguës qui, en se contractant ou en s’enfonçant, peuvent saisir les objets et sy maintenir. Peut-être aussi cet espace circulaire qui entoure la base de ces pattes doit-il servir à en favoriser les évolutions. La bouche (1) est remarquable par sa position au milieu et au bas du premier anneau thoracique et à la base d’une protubé- rance piriorme qui la met en relief. Elle est composée (2) d’un labre supérieur triangulaire, des deux côtés duquel sont deux mâchoires latérales arrondies, et d’un labre inférieur, qui, dans Jeur ensemble, entourent lorifice buccal, lequel peut lui-même, en s’allongeant, former une sorte de trompe. On remarque e: outre, de chaque côté, trois paires de petites pattes-mâchoires terminées par des griffes crochues et convergentes. Le deuxième anneau thoracique est pourvu de deux paires de pattes biramées, reliées entre elles par une bande transver- sale en relief, qui les réunit à leur base (3). Les deux anneaux suivants sont également munis d’une paire de pattes semblables. Enfin celui qui suit ceux-ci donne attache à une petite patte plate, unie, articulée, terminée par des poils courts et divergents, qui sert à protéger et à maintenir la base les sacs ovifères, qui sont fusiformes. Coloration. — Le corps en dessus et en dessous est d’un blane mat très-pur ; 1l est agréahlement orné de gros points noirs carrés, disposés sur des lignes qui parcourent diagonalement les anneaux ou en suivent les contours, et dont notre dessin in- dique la disposition exacte. L'œil est rouge. Les œufs sont assez gros, ovales, blancs avant l'incubation et tachetés de bleu ensuite. Habiiat. — Trouvé, le 15 juin 1864, sur les branchies de la Daurade vulgaire (Chrysophrys aurate de Cuvier), sur lesquelles il s'accroche fortement à l’aide de ses grandes pattes. Il est peu (4) PL. 4, fig. 9 et 40. (2) PL. 4, fig. 49. (3 PI. 1, fig. 9 et 15. ARTICLE N° 2, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 9 agile et nage peu ou point, mais il est très-vivace. Nous l'avons facilement conservé quinze Jours, et il aurait probablement vécu bien davantage si nous l’eussions voulu. Le màle doit nécessairement différer par la forme de la femelie, mais nous n'avons pu nous le procurer. Genre HÉMAPHILE, Nobis (1). HÉMAPHILE ROSE. — HÆMAPHILUS ROSEUS, Nobis (2). Mâle. — Inconnu. La femelle n’est guère visible qu'à la loupe. Sa longueur est d'environ un demi-millimêtre ou d'un millimètre au plus. Le premier anneau céphalothoracique forme à lui seul plus du tiers de toute la longueur du corps. Il est arrondi et un peu plus étroit à sa partie antérieure qu’à sa base. Il présente cette particula- rité remarquable qu’il est entouré dans toute son étendue d'une membrane mince et étroite, semblable à celle dont sont pourvus les Caligiens et les Pandariens. L'æœil est petit et géminé ; il est placé au mulieu et non loin du bord supérieur de la carapace, à l'extrémité inférieure d’un épatement triangulaire qui occupe le centre du bord frontal. Les anneaux qui suivent celui que nous venons de décrire sont au nombre de trois et complètent la région thoracique. Ils sont infiniment moins larges que le précédent, dont ils se dis- tinguent facilement par cette différence de dimension. Ils forment dans leur ensemble un cercle complet dont la partie supérieure est légérement recouverte par le bord inférieur du premier anneau céphalothoracique. L'abdomen est non moins distinct de la région qui le précède, par la diminution considérable de son diamètre et par sa forme cylindrique. Son premier anneau porte une paire de pattes biramées; le deuxième anneau donne attache à une petite patte plate qui sert (4) De aipa, sang ; œûos, ami. (2) PL. 1, fig. 46. 10 HESSE, à protéger et à fixer les tubes ovifères ; enfiu les trois anneaux suivants vont en diminuant de longueur ainsi que de calibre, et le dernier est terminé par deux appendices longs, plats, bor- dés de deux longues soies divergentes, et de deux plus courtes placées latéralement. Vu en dessous, ce Crustacé présente les dispositions sui- vantes (1) : Les antennes sont assez longues et relativement assez fortes ; elles sont formées de huit à dix anneaux assez peu distincts. La base est large, striée de raies nombreuses circulaires et rappro- chées. Elles sont hérissées dans toute leur étendue de pointes aiguës. On aperçoit près du bord frontal et au milieu un écusson, à la partie inférieure duquel on voit par transparence la position de l'œil placé sur l’autre surface. Un peu au-dessous sont des pattes d’une force et d’une lon- gueur moyenne, composées de trois articles dont le dernier est terminé par une griffe crochue. On voit aussi à la même hau- teur et extérieurement deux crochets, comme il en existe chez les Caligiens. Plus bas, et sur la ligne médiane, se trouve la bouche, qui a la forme d’un écusson, et à la partie supérieure de laquelle on aperçoit une ligne transverse, qui, de chaque côté, donne attache à une petite paire de pattes étroites et grêles. L'ouverture de cet organe est placée à son extrémité inférieure, qui est conique. Elle est environnée de chaque côté de deux petites pattes-mà- choires biarticulées et terminées par une griffe crochue. En dessous de la bouche se trouve une plaque plate, assez grande, échanerée à son bord inférieur, qui présente deux pointes aiguës. De chaque côté de cette plaque, on aperçoit latéralement une longue griffe erochue, dont la pointe est recourbée en bas, et un peu en dessous, une paire de pattes très-grêles et composées d'un article fémoral et de quatre articles à peu près égaux en longueur, terminés par un angle recourbé. (4) F1. 1, fig. 47. ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 11 Au dessous de cette plaque et sur la ligne médiane, et à la base du premier anneau céphalothoracique, on remarque un petit éeusson ovale, au bord inférieur duquel sortent deux spi-- cules divergents, courts et très-pointus. Des deux côtés on aperçoit une paire de pattes, auxquelles il sert de base, qui ont une tige grêle, cylindrique, allant horizon- talement atteindre les bords de la carapace, qu'ell e ne dépasse guère. Ces tiges sont divisées en trois ar teles, qui vont en dimi- nuant progressivement de longueur et de grosseur jusqu'à leur extrémité, qui est terminée par cinq ou six petits articles. Les trois premiers articles sont pourvus en dessous d'autant d’expansions plates et ovales, garnies au bord inférieur de pointes fortes et divergentes. Des pointes de même nature hérissent aussi l’extrémité de ces pattes, et servent de griffes. Les autres anneaux de la région onde qui suivent sont munis chacun d’une paire de pattes natatoires biramées, com-— posées d’un article fémoral qui sert de point d'attache à deux appendices composés de quatre autres articles plats, hérissés sur les bords d’épines solides et garnis de longues soies divergentes. L'anneau suivant est également pourvu d’une paire de pattes, qui est aussi biramée et conformée comme les précédentes. enfin, celui qui vient ensuite est muni d’une patte large, plaie, spatuliforne, dont les bords sent denticulés et garnis de poils et d’épines. L'anneau qui lui succède est au moins deux fois plus long que le précédent et que les deux suivants, et l'on y aperçoit latérale- ment les ouvertures des ovaires. Enfin, le dernier anneau est terminé par deux appendices plats, assez longs, garnis à leur extrémité par trois longues soies, et accompagnés à leur base, extérieurement, d’une ou de deux soies très-courtes et divergentes. Coloration. — Le cor ps est en entier d'un Hat mat, orné de larges plaques roses qui recouvrent presque en entier la cara- pace, et qui sont découpées en croissant, à leur bord supérieur, sur le céphalothorax, et présentent à leur base deux taches blanches arrondies. 12 ENSSE. Une large ligne rose descend également sur la partie médiane du corps jusqu'à l'extrémité de l'abdomen ; enfin cette ligne s’élargit beaucoup sur les anneaux thoraciques, et présente des découpures, dont les pointes extérieures se terminent en taches arrondies, légèrement relevées du côté de la tête. Les yeux sont rouges. Habitat. — Trouvé, le 29 avril 1853, sur les branchies de la Loche de mer (Motella vulgaris de Cuvier). Nous avons en Bretagne une variété de ce poisson, dont la couleur est presque noire. C'est sur cette variété, qui est assez commune, que nous l'avons rencontré. Ce Crustacé est rare, paraît-il, ear nous ne l'avons trouvé qu'une seule fois. Il doit nager avec facilité, à raison de l’orga- nisation de ses pattes ; mais nous ne l’avons pas vu à l’œuvre. Genre METOPONANAPHRISSONTES, Nobis (1). METOPONANAPHRISSONTES ORNÉ. — METOPONANAPHRISSONTES ORNATUS, Nobis (2). Mâle. — Inconnu. Femelle. — Elle a tout au plus 4 millimètre et demi à 2 milli- mètres de longueur. Son corps, qui est bombé et assez épais, est à peu près divisé en quatre parties égales, dont la région thora- cique forme le tiers. Vu en dessus, il présente les dispositions suivantes : Le bouclier céphalothoracique, qui est la plus grande de ces quatre parties, est presque carré. Sa partie supérieure, ou fron- tale, s’avance en pointe arrondie; elle présente latéralement une légère échancrure, suivie d’un élargissement qui se rétrécit encore, pour, en s'écartant de nouveau, former deux pointes arrondies, qui atteignent la base et le bord inférieur de cet article, lequel est découpé en trois dents médianes. Tout le bord de cet article est entouré de liséré étroit et en relief. Le milieu du céphalothorax présente en outre une ligne (4) De pérorov, front; dvappiosovres, hérissé. (2) PI 9, fig. 1. ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÜTES DE FRANCE. 1e étroite, verticale, en reliel, se Lerminant en pointe, et en haut de laquelle on apercoit près du bord frontal l'œil, qui est relati- vement très-pelit. De chaque côté de cette ligne médiane, on voit une saillie formée par une légère élévation en forme d'écusson, dont la partie la plus étroite est arrondie et dirigée en bas. Le deuxième anneau thoracique, beaucoup plus petit que le précédent, forme un ovale assez régulier, dont les pôles sont dirigés horizontalement. Le bord de cet anneau est environné comme l’autre d’un liséré en relief qui en suit les contours. On remarque au milieu une échancrure, au-dessus de laquelle se trouve un autre liséré en croissant, dont les pointes sont diri- gées en bas. Le troisième article est encore plus petit que le précédent ; il forme un cercle à peu près parfait, dont la partie supérieure est engagée sous le bord inférieur de l'anneau précédent. il est aussi, come le précédent, orné d’un relief qui en suit le contour extérieur, et de deux bandes étroites, également en saillie, qui sont placées en haut et de chaque côté en forme de parenthèse, dont les pointes sont dirigées en bas l’une vers l’autre. La région abdominale est obscurément divisée er deux parties. Le premier anneau est court et cylindrique ; il donne attache à deux petites pattes plates, destinées à soutenir et à garantir la base de tubes ovifères qui sont ovales, et dépassent peu en lon- gueur l'extrémité inférieure des appendices abdominaux. Le dernier anneau abdominal est environ trois fois plus long que le précédent ; 1 est un peu plus large au milieu qu'à ses extrémités supérieures et inférieures. Les appendices qui le ter- minent sont armés d’une forte pointe ayant une fois et quart la longueur de ces appendices, et accompagnés à leur base d’une autre petite pointe aiguë et divergente. Vu en dessous (1), on remarque les dispositions suivantes : Le bord frontal (2) est occupé par les antennes, qui sont divisées (1) PL. 2, fig. 2. (2) PI. 2, fig. 8. 1l HESSE, en huit ou dix articles, dont les deux premiers, placés à la base, sont striés de nombreuses raies rapprochées et parallèles. Ces premiers articles sont hérissés de poils rigides, pectinés, au milieu desquels on aperçoit des pointes longues, aiguës, qui dépassent en hauteur les autres. On voit aussi à la base de ces antennes une paire d'appendices gros, Courts, composés de trois artticles, dont le dernier est ter- miné par deux pointes aiguës, très-fortes, pectinées, et par deux lames plates échancrées, dont les deux pointes sont dirigées l’une vers l’autre. Le bord de ces lames est renforcé par un liséré en relief. Un peu en dessous et au milieu de ces deux appendices, on aperçoit l'appareil buccal (4) en forme de tube arrondi à ses deux extrémités, à la partie supérieure duquel, et de chaque côté, se trouvent deux petites pattes grêles, pointues, bifurquées, et non loin aussi, et des deux côtés, deux petits reliefs circulaires imdi- quant probablement l'orifice d’une ventouse. De la partie inférieure du tube buccal, qui paraît s'Invaginer dans le tube supérieur, sort une espèce de trompe rétractile, d'un calibre moins fort, à l'extrémité de laquelle on voit l'orifice de la bouche placé entre deux pointes formées par le bord du labre supérieur. Un peu au-dessous de cet oritice se trouve une pette barre horizontale en relief, avec une pointe verticale à ses deux extré- mités, coustituant une fourche sternale. Elle sert de point d’at- tache aux premières pattes natatoires biramées, dont nous allons donner la description. Ces pattes, au nombre de quatre paires, sont placées, les deux premières à la base du céphaiothorax, et les deux autres sur les deux anneaux suivants; elles sont remarquables par l’article fémoral, qui esttrès-large et très-fort, et qui est terminé, à l’en- droit de la génuflexion, par quatre fortes griffes (2) légérement crochues. Les deux rames qui sont attachées à cet article erochu CNP ECTS (2) PI. 2; fig. 51et\6. ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 15 sont plates, composées de trois articles bordés de pointes aiguës et de poils assez longs. Toutes ces pattes sont réunies entre elles à leur base par un relief transversal en forme de trait d'union. Coloration. — Le corps ainsi que les œufs sont d’un blanc jaunâtre clair et mat; les yeux sont rouges. Habitat. — Trouvé, le à septembre 1864, sur les bran- chies du Scombrésoce campérien (Scombresox camperianus de Cuvier). | GENRE METOPOCATACOTEINUS, Nobis (1). METOPOCATACOTEINUS HÉRISSÉ. — METOPOCATACOTEINUS HIRSUTUS (2). Mâle. — Inconnu. Femelle. — Elle n’a pas plus d’un nulimètre de longueur. Son corps est très-épais et bombé au milieu ; 1l est piriforme, et se compose de neuf articles, dont trois thoraciques et six abdo- mINAUX. Le céphalothoraæ est près de trois fois plus grand que les deux autres anneaux ; il est plus étroit au sommet qu'à la base. Le bord frontal (3) présente quatre échancrures, dont les deux du milieu sont destinées à faciliter le passage et le mouvement des antennes. Le bouclier céphalique va en s’élargissaut, en partant de son extrémité supérieure ; il se rétrécit ensuite près de sa base. L'œil, qui est tres-petit, est placé au centre, et près du bord frontal. L’anneau qui suit celui-ci est assez étroit dans sa hau- teur; mais il a la longueur du premier dans son diamètre, etses deux extrémités sont arrondies. Le troisième anneau est un peu moins large et mois haut que le précédent. Le premier anneau abdoñinal est de la même hauteur que l’antérieur ; mais il est infiniment plus étroit de diamètre, et donne attache des deux côtés aux pattes, qui sont destinées à supporter les sacs ovifères. (4) De pérorcv, front; xuraxoreu, découpé. (2) PI 9, fig. 7. (3) PI. 2, fig. 9. 16 ET ICCT0E L'anneau suivant est à peu près aussi haut que le précédent ; il est élargi vers le milieu de son diamètre, et présente latérale- ment deux échancrures, dans lesquelles se trouvent les orifices des ovaires. Les quatre anneaux qui suivent sont cylindriques et du même calibre ; ils ont aussi la même lorgueur. Le dernier présente deux appendices de moyenne dimension, qui sont armés à leur extrémité de deux pointes tres-fortes, très-longues et trés- aiguës, juxtaposées, à la base desquelles 1! y a extérieurement uue autre petite pointe divergente (1). Les sacs ovifères sont fusiformes, et dépassent de beaucoup l'extrémité des pointes des appendices abdominaux. Vu en dessous (2), le corps présente les dispositions sui- vantes : Au milieu et près du bord frontal, on voit un petit écusson, des deux côtés duquel sont fixées les bases des antennes; elles sont formées de six ou sept articles. Elles sont de moyenne grosseur (3), et très-remarquables par les cils nombreux et pennés dont elles sont couvertes. Au troi- sième anneau, on en aperçoit deux qui sont beaucoup plus longues, et dépassent les autres; elles ont les pointes dirigées l'une vers l’autre en manière de parenthèse, et ne sont pas pennées comme les autres. Un peu au-dessous de l’écusson dont nous venons de parler s'aperçoit la bouche, qui, elle aussi, a la forme d'un écusson, et qui présente à son extrémité inférieure lorifice buceal, ayant de chaque côté de petites mâchoires. On voit encore latéralement une paire de petites pattes grèles, terminées par un angle crochu, et de chaque côté une très-forte et très-large paire de pattes, très-remarquables, qui sont com- posées d’un article fémoral plat et robuste, suivi d’un article court, mais large, duquel sort une tige étroite arrondie, ter- minée par une forte gritte. (4) PI. 9, fig. 40. (2) PL. 2, fig. 8. (3) PL 2, fig. 9. ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÜTES DE FRANCE. il Cette patte est double à son extrémité fémorale ; elle présente un appendice qui est en tout semblable au premier. Le bord extérieur de ces deux paties est garni de fortes épines diver- sentes relevées en arrière, et dont la tige est pennée. Un peu au-dessous, on aperçoit sur la ligne médiane une ou- verture circulaire qui est celle d'une ventouse, et plus bas un relief ovale, terminé latéralement par une pointe légèrement échancrée et arrondie au bout. Enfin au-dessous, et toujours sur Ja ligne médiane, une autre ouverture circulaire, probablement celle d’une ventouse ; puis un écusson assez fort, partagé verti- calement par une raie perpendiculaire. Tous ces organes sont à la base de trois fortes pattes natatoires, dont l’article fémoral est large et plat, et qui sert de point d'attache à deux üges bira- mées, également plates, divisées en trois articles, qui sont armés sur les côtés de fortes épines et de poils divergents. L’abdomen, que nous avons décrit en dessus, ne présente en dessous rien de particulier à signaler. Coloration. — Tout le corps ainsi que les œufs sont d'un blanc jaunâtre pâle. L’œil est rouge. Habitat. — Trouvé, le 7 septembre 1864, sur les branchies ‘ de l'Orphie vulgaire (Belone vulgaris'de Cuvier, ou Æsoæ vul- garis). Son corps, relativement très-épais, et conséquemment opaque, rend les observations microscopiques par transparence très-difficiies. GENRE MÉGASANOIXE, Nobis (1). MÉGASANOÏXE BIMACULÉ. — MEGASANOIXUS BIMACULATUS (2). Mâle. — Inconnu. Femelle. — Elle a environ un millimètre de longueur sur un demi-millimètre de large. Son corps est légèrement bombé sur le dos, et plat et creux en dessous. Il se compose de cinq anneaux thoraciques et de einq abdominaux. Vu en dessus, le premier anneau, qui comprend le céphalo- (4) De piyas, grand ; Xvotéts, ouverture. CP ne 11e 10 HAE SE. thoraæ, est à peu près aussi grand que les trois suivants ; il est pointu à sa partie supérieure, et va ensuite en s’élargissant à sa base, qui est de la même dimension latérale que les trois autres anneaux suivants, lesquels sont entre eux de la même hauteur et de la mème largeur. À la suite de ceux-e1, il se produit un étranglement considé- rable et fort brusque pour le dernier anneau thoracique, qui est trés-étroit, et qui est suivi du premier anneau abdominal; celui-ci donne attache à une paire de petites pattes, courtes et plates, qui est destinée à retenir les tubes ovifères. Immédiatement au-dessous de ce dernier, on aperçoit le deuxième anneau abdominal (î), qui est excessivement remar- quable par ses dimensions latérales, qui excèdent d’une assez grande largeur celle des premiers anneaux du thorax. Cet anneau, qui est cordiforme, présente sur les bords extérieurs trois découpures et trois autres aussi en dessous. Hi est attaché au premier anneau thoracique par le sommet, et va en s’élar- gissant à sa base, à laquelle sont fixés de chaque côté deux appendices très-larges et très-gros, bombés et de forme globu- leuse, dans lesquels sont pratiquées les très-larges ouvertures des oviductes et des organes de la génération. En dessous de cet énorme grossissement, l'abdomen re- prend sa dimension précédente, et son cylindre arrondi est divisé en trois anneaux eourts et d'égale dimension, dont le dernier se termine par deux appendices larges, d’une longueur médiocre, terminés à leur extrémité par deux pointes pennées, d’une lon- gueur considérable, à la base desquelles sont deux petites potes extérieures très-courtes et divergentes. Vu en dessous (2), le corps offre les dispositions suivantes : Les antennes (3) sont fortes, longues et assez grosses: elles sont placées de chaque côté et près du bord frontal; elles sont com- posées de cinq où six anneaux, qui vont en diminuant de calibre en s'approchant de l'extrémité. (1) PL 2, fig. 12. (2) Pl. 2, fig. 12. (3) PI. 2, fig. 12. ARTICLE N° 2: CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 19 Le premier est gros ét court ; le suivant est un peu plus long, et divisé par de nombreuses raies parallèles et concentriques ; le troisième est plus long du double, ainsi que le quatrième ; les autres sont mfiniment plus courts. Le troisième et le quatrième présentent sur le bord extérieur une dentelure assez prononcée ; ils sont garnis, comme tous les autres, de poils serrés et assez forts. : À la base des antennes (1), on aperçoit une petite paire de pattes très-grêles et biarticulées, et près d'elles, et extérieure- ment, une autre paire, beaucoup plus forte et plus longue, qui est double à son extrémité, et se compose d’une tige formée de trois arücles, dont le fémoral est le plus grand et le plus petit se trouve à l'extrémité, laquelle est garnie de poils rigides et pa- rallèles. La partie de la patte placée en dessous de celle-ci est arrondie et spatuliforme ; elle est terminée par de longues et nombreuses soles rigides, qui sont courbées à leur extrémité en forme de crochets. La bouche (2) est ovale ; la partie antérieure est partagée en deux par une ligne perpendiculaire qui s'arrête à la moitié de sa longueur, et sépare entre eux deux lobes arrondis à leur extré- mité ; ceux-ci sont suivis de deux petits appendices également arrondis au bout, puis enfin viennent deux mâchoires latérales, au milieu desquelles on aperçoit l'orifice buecal. On remarque encore, mais en dehors, deux petites expansions plates et arron- dies, et à la base de celles-ci une paire de petites pattes biarticu- lées, terminées par une griffe longue qui est couverte de poils. Un peu plus bas on voit quatre paires de pattes biramées, qui sont bordées d’épines très-fortes et de poils longs et diver- gents. La première de ces pattes est fixée sur le premier anneau thoracique, et les trois autres sur les anneaux qui le suivent. Les griffes (3) extérieures de ces pattes sont singulières par (1) PL 9, fig. 18. (2) PI. 2, fig. 44. (3) PL. 2, fig. 44. SG. NAT, JANVIER-AVRIL 1871, ARTICLE N° ?, / 20 HESSE. leur conformation ; elles ont la forme d’une feuille, dont la griffe forme la nervure du milieu, et dont les contours sont minces, membraneux, et bordés de poils fins. Le premier anneau abdominal porte de chaque côté une patte courte, spatuliforme, garnie sur le bord d’épines très-fortes et très-aiguês (1). Il ne nous reste plus, pour compléter la description que nous avons donnée de la face supérieure du deuxième anneau abdo- minal, qu’à faire connaître celle du dessous (2). Les contours extérieurs sont évidemment les mêmes, mais on aperçoit sur le côté les ouvertures génitales, qui ne se voyaient pas en dessus. Ces orifices sont d’une dimension extraordinaire et tout à fait insolite ; ils sont du reste en proportion avec ceux de cet anneau, qui est aussi d’une largeur tellement exceptionnelle, qu’elle semble démesurée. Les bords de ces ouvertures sont en- vironnés d'un liséré en relief, qui leur donne quelque ressem- blance avec celles de certaines coquilles, les Cyclostomes par exemple, dont la bouche est environnée d’un bord rabattu en dehors. Nous n’avons rien à ajouter à ce que nous venons de dire de trois anneaux suivants, qui ont été décrits antérieurement. Coloration. — Le corps est entièrement d’un jaune clair uni- forme. On voit sur le milieu du dos une ligne noire ponctuée, fusiforme, qui part d’un peu au-dessous de l'œil pour se rendre perpendiculairement à l'extrémité inférieure du corps; elle est large au milieu et étroite à ses deux extrémités. On aperçoit éga- lement des deux côtés du deuxième anneau thoracique une tache ronde, d’un jaune orangé assez vif, qui se reproduit à la surface inférieure. L’œil est rouge. Habitat. — Station douteuse. Nous avons trouvé ce petit Crustacé , le 15 novembre 1867, dans une soucoupe contenant (4) PI. 2, fig.16-et 17. (2) PL. 2, fig. 15, ARTICLE N° 24 CRUSTACÉS DES CÛTES DE FRANCE. 21 un Polyclinum constellatum. Vivait-1l sur cette Ascidie com- posée, ou était-il fortuitement dans ce vase? Cest ce que nous ne saurions dire. Toutefois nous l'avons conservé vivant plus d’un mois, dans l'espoir de le voir avec ses œufs, état dans lequel 1l doit avoir une physionomie étrange, à raison de la lar- geur extrème de son deuxième anneau abdomimal. Notre espoir ne se réalisant pas et craignant de le perdre, nous l'avons plongé dans l’alcool. | Il nage avec une grande vivacité et par saccades etsoubresauts. Ïl parcourt rapidement d’un trait une certaine distance, puis s'arrête, et recommence encore à nager : il est évident que le diamètre considérable de son abdomen doit être un obstacle qui entrave ses mouvements. GENRE DOROPYGUS, Thorell. DoropyGus A CRÈTE. — DoroPyGus CRISTATUS, Nobis (1). Espèce dont l'extrémité abdominale est terminée en pointe arrondie, armée d’appendices droits, inermes, avec ou sans poils ; prolongement postérieur nul (2). Mâle. — Inconnu. Femelle. — Elle a environ 1 millimètre et demi à 2 milli- mètres de longueur. Son corps, qui est cylindrique, va, en dimi- nuant de grosseur, de la tête à l'extrémité inférieure. Sa téle est assez grosse, et, vue de profil, elle présente sur locciput une élévation conique, dont la pointe est arrondie. Les anneaux thoraciques suivants n’atteignent pas la hauteur de ce point culminant ; cependant le premier présente une gibbosité arrondie qui fait saillie, et qui est aussi plus forte que les autres qui vont successivement en diminuant de diametre. La transition des anneaux du fhoraæ à ceux de l'abdomen est insensible ; ceux-ci vont, comme nous l'avons dit, en diminuant de calibre, jusqu'à l'extrémité du corps, qui est arrondie, et qui (1) PL. 2, fig. 18. (2) Voy. Annales des sciences naturelles, 1866, t, VI, p. 54. 27) HESSE se termine par deux appendices droits et inermes, garnis de quelques poils courts et presque invisibles. L'œil est assez fort, et placé au milieu et près du bord frontal. Les antennes ont ur très-fort et grand pédoncule terminé par une tige cylindrique, divisée en cinq ou six anneaux d’une égale grandeur, Le bord frontal est terminé en pointe recourbée. La bouche présente, à sa partie supérieure, une mâchoire crochue et recourbée en bas; elle est, en outre, accompagnée en dessous de plusieurs pattes-mâchoires, dont la plus grande est l'inférieure, qui se relève du côté de la tête et est garnie de nom- breuses pointes aiguës. La première patte thoracique est petite et grêle ; elle est cy- lindrique et est formée de trois articles, dont le dernier est armé d'une griffe crochue. Les pattes nataloires sont au nombre de quatre. Elles vont en diminuant de grosseur en allant de la tête à l'extrémité du corps. Elles sont biramées, très-fortes et très-longues. La tige externe, qui est cylindrique, est divisée, outre l’ar- ticle fémoral qui sert de base aux deux appendices, en quatre articulations qui sont garnies de longs de poils divergents. Toutes les autres pattes ressemblent à la première, qui est cepen- dant plus forte que les autres. Enfin, on aperçoit, à la base de l'abdomen, une expansion ronde et cylindrique de peu de longueur. La partie la plus curieuse de ce Crustacé est sans contredit ia crête qu'il porte sur le dos. Celle-ei est membraneuse, mince, transparente, mais ayant cependant assez de consistance pour se tenir dans une position verticale. Elle commence à la base du premier anneau thora- cique et finit aucommencement delarégion abdominale. Son bord supérieur est dentelé, en forme de feston et bordé d’une sorte de liséré qui paraît destiné à la consolider, et qui n'est peut-être que le profil de l'épaisseur de cette membrane. On remarque aussi, sans doute appropriées aux mêmes fouctions, six nervures ARTICLE N° 2. o] CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 23 qui partent de la surface dorsale pour se rendre perpendicu- lairement à ce bord supérieur ; ces nervures peuvent être des plis de cette expansion. Coloration.— Le corps est d’un beau jaune vif, orné au milieu d’une double raie verte, formant une anse du côté de la tête, et dont les bouts ne dépassent pas l'extrémité inférieure du thorax. Une raie rouge qui part de ce point se rend à la partie inférieure de l'abdomen. I, œil est rouge. Habitat. — Trouvé deux exemplaires, le 14 décembre 1869, dans une Ascidie phaliusienne (Ascidia canina). Les mouvements de ce Crustacé sont lents et peu répétés. La forme extraordi- naire de la membrane transparente qui est placée sur la région dorsale nous à engagé à en donner la représentation dans notre planche. Il est probable que cette expansion membraneuse est destinée à contenir les œufs pendant leur meubation. DOROPYGUS A POSTÉRIEUR GLOBULEUX. — DOROPYGUS POSTREMOGLOBOSUS, Nobis (1). Espèce dont l'extrémité abdominale est terminée en pointe arrondie, armée d’appendices droits internes, avec ou sans poils; prolongement postérieur grand. Mâle. — Inconnu. La femelle est d’une taille relativement assez forte. Elle a presque 3 millimètres de longueur, sur un demi-millimètre de large. La région thoracique est à peu pres de là même grosseur dans toute son étendue. Sa téte est relativement très-forte; l’occiput, vu de profil, se termine en une pointe arrondie qui se rabat sur l'anneau suivant. Les quatre premiers sont d’égale largeur et divisés chacun par un pli arrondi en forme de bourrelet. Le quatrième est le plus grand, et le cinquième l’est presque autant, mais il est remar-- quable par sa forme sphérique; 1l vient s'ajouter aux anneaux précédents et terminer la région thoracique. (4) PL. 2, fig. 12. 9/ HESSE. L'abdomen est d’un calibre relativement très-étroit ; il est fixé à l’avant-dernier anneau thoracique. Le premier anneau est très-long ; les trois autres sont de la même grandeur; le dernier se termine en pointe arrondie, etil est armé d’appendices très-longs, droits, inermes et glabres. L'æœil est petit et est placé au milieu de la tête. Le front se prolonge en une grande pointe aiguë et recourbée en forme de griffe, comme la mandibule supérieure d’un bec d'oiseau. Les antennes ont un pédoncule très-fort, très-long et très- gros, qui dépasse de beaucoup les côtés de la bouche. Elles sont terminées par une tige grêle multiarticulée et garnie de poils nombreux et divergents. La première palle thoracique est grêle et cylindrique; elle est assez longue et composée de trois articles, dont le dernier est terminé par une griffe crochue et réflexe. Les pattes nataloires, biramées, thoraciques, sont relativement petites et courtes ; elles sont garnies de soies membraneuses. Le premier anneau abdominal donne attache à une expansion cyliudrique et courte, qui ne dépasse pas le bord inférieur de cet anneau. Coloration. — Le corps entier est d’un jaune fauve éclatant; le milieu est d'une couleur rougeätre, et l’on aperçoit en outre, au centre, deux lignes noirâtres qui sont parallèles, et qui, après avoir formé une anse près de la tête, descendent jusqu'à l’ex- trémité de l’avant-dernier anneau thoracique. L’œil est rouge et petit. Habitat. — Trouvé, le 14 décembre 1869, un seul exemplaire dans une Ascidia canina draguée à une certaine profondeur. Ce Crustacé a des inouvements très-lents et sur place. Nous l'avons vu, en se reployant sur lui-même, engager l'extrémité de son abdomen entre ses antennes, et s’en servir comme d’une brosse ou d’un peigne, probablement dans l'intention de net- ioyer cette partie inférieure du corps, et de la débarrasser des objets qui pourraient faire obstacle ou nuire à ses fonctions ou à ses mouvements. ARTICLE N° 2, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 25 GENRE BOTRYLLOPHILUS, Nobis. BOTRYLLOPHILE VOISIN. — BOTRYLLOPHILUS PROPINQUUS. Nous venons ajouter une nouvelle espèce à celles que nous avons déjà fait connaître et qui font partie de notre genre Botryllophile (4). Mâle. — Inconnu. Femelle. — On ne peut guère l’apercevoir sans le secours d’une ioupe. Elle a tout au plus un millimètre de longueur. Son corps, assez dégagé et étroit du cèté de la tête, est au contraire très-large à la base de la région thoracique. La téle est petite et arrondie au sommet. Les antennes sont doubles, très-courtes, cylindriques et garnies seulement de poils minces. On aperçoit à la base un petit appendice plat et arrondi, garni de griffes divergentes et très-fortes. La première patte est longue, grêle, composée de trois ar- ticles, dont les deux derniers sont de la même grandeur; ceux-ci sont garnis d’épines et de longues soies, et l'extrémité du dernier article est terminée par quatre ou cinq épines très- longues, très-fortes et divergentes. La deuxième patte thoracique est au contraire très-forte, très-grosse, garnie à son extrémité d’une petite griffe crochue qui peut se rabattre sur la partie inférieure de la dernière arti- eulation, et par ce moyen servir à saisir les objets. Les quatre paires de pattes thoraciques suivantes sont com- posées de la manière ci-après : ( Elles ont trois appendices fixés sur une seule tige, par patte. 41° La première tige, qui est interne, est conique; elle est ter- winée par une longue pointe dirigée en haut vers la tête et pré- cédée d’une petite griffe crochue, en forme d’ergot. 2° La deuxième tige est fixée en dehors, à la base de celle-ci; elle est arrondie, très-courte, et garnie au bord de cinq griffes puissantes, divergentes et légèrement recourbées au bout. (4) Voyez le tome IV des Annales des sciences naturelles de 1864, p. 223-225; t, V, 1866, p. 343-348, pl. 19, fig. 1-19, 20 HESSE, 3° Enfin, l’autre appendice est plas étroit, mais plus ong et armé à son extrémité de cinq épines assez longues ettrès-aigués, mais droites. À la base du thorax, à ses bords inférieur et postérieur, sont deux tiges plates, légèrement recourbées en bas et terminées à leur extrémité par une pointe très-forte, très-aigué, ayant à la base deux soies rigides et divergentes. L'orifice des ouvertures vaginales est placé des deux côtés à la base de l'abdomen, qui est cylindrique, d’une moyenne longueur. Il est formé de cinq anneaux qui, sauf le dernier, qui est le plus grand, sont tous de la même longueur. L'extrémité de l'abdomen est terminée par deux grosses tiges, assez courtes, mais armées de quatre très-fortes griffes crochues, dont la pointe est relevée en haut du côté du corps. Coloration. — Le corps est blanc; l’œil est rouge. Une bande de cette couleur, partant d'un peu au-dessous de l’æil, se conti- nue jusqu’à l'extrémité de l'abdomen, où elle arrive en dimi- nuant de grosseur. On voit aussi, près de cette extrémité, de petits vaisseaux injectés de rouge, qui forment un réseau vascu- laire dichotome. Les œufs sont relativement assez gros; ils sont d’une cou- leur vert-pomme très-vif, Ils étaient encore dans la capacité thoracique lorsque nous avons trouvé l'individu que nous décri- vons. Îl y en avait deux autres individus plus jeunes et qui n'avaient pas encore d'œufs. Dans cette situation, leur corps paraissait plus long et plus étroit, mais la taille était la même ; ce qui nous fait penser qu'ils étaient parvenus à l’état adulte, mais qu’ils n'avaient pas été fécondés. Habitat. — Trouvé, le 15 janvier 1870, dans une Ascidie composée, pédiculée et palmée, fixée sur une valve de Pecten maæimus. Cette Ascidie était de couleur jaunâtre, pointüllée de noir. Trois individus femelles, de différents âges. Les mouvements de ces Crustacés sont très-lents, et sur des corps lisses, comme le verre et la porcelaine, les pointes et les griffes dont ils sont armés n’ayant pas de prise, ils restent presque toujours à la même place. Mais il est évident que dans ARTICLE N° 2, CRUSTACÉS DES CÜTES DE FRANCE. 27 les conditions où ils se trouvent habituellement placés, ils peu- vent s'en servir avec avantage en les enfonçant dans le tissu des Ascidies pour exercer une traction puissante, soit en avant, soit en arrière, et changer ainsi facilement de position, et même pénétrer dans les cavités les plus étroites, où ils éprouvent de la résistance. Ce Crustacé, qui à du rapport avec notre Botryllophile court, s'en distingue néanmoins par plusieurs caractères qui lui sont propres, et qui ne se retrouvent pas dansles autres espèces : tels que, par exemple, les antennes, qui sont composées d’un pédon- cule conique, hérissé d’épines qui sont droites et divergentes ; Les pattes thoraciques, et enfin l'habitat. GENRE CÉRATRICHODE, Nobis. CÉRATRICHODE JAUNE, — CERATRICHODES FLAVUS. Cette espèce ressemble beaucoup à celle que nous avons dé- crite sous le nom de Cératrichode blane (1). Le mâle à à peine un millimètre de loug. Son corps, qui est en forme de massue, va en diminuant de largeur de la tête à l’extrémité inférieure, et se compose de cinq articles pour la ré- gion thoracique, y compris le bouclier céphalique, et de sept articles abdominaux, en tout douze articles. Le bouclier céphalique égale en longueur les deux anneaux suivants. {] est arrondi à son bord frontal, et son extrémité infé- rieure s'appuie sur quatre anneaux à peu près de la même gran- deur, mais dont la largeur va successivement en diminuant jus- qu'au premier anneau abdominal, qui est cordiforme, et est à lui seul presque aussi long que les six autres qui le suivent. On aper- çoit de chacun de ses côtés les ouvertures des orifices génitaux. Le dernier anneau de cette partie du corps est de la longueur au moins des deux précédents. Il est terminé par deux appen- dices plats, munis de trois longs poils forts, rigides et divergents, qui ont à leur base extérieure une pointe courte mais très-aiguë. (4) Voy. Ann. des se, nat., 14864, t. VI, p. 75-78, pl. 4, fig. A, À 4 à A 11. 28 HESSE. Les anneaux de l’abdomen sont, comme dans l’autre espèce, très-courts et très-rapprochés, et comme imbriqués les uns dans les autres ; mais les bords sont lisses et saillants, sans être garnis de poils courts et rigides, comme cela a lieu dans notre Cera- trichodes albidus. L'œil est placé en dessus, au milieu et près du bord frontal. Les antennes sont extrêmement remarquables ; comme dans l’autre espèce, elles sont très-grosses, courtes et garnies de mamelons et de poils courts, rigides, en forme d’épine ; elles sont munies à leur base, et en dessous, d’une expansion arrondie et bombée, assez large, formant une sorte de pelote hérissée de poils en forme de cils. L'appareil buccal est placé au milieu et un peu au-dessous des antennes. Il a la forme d’un écusson et est pourvu d’une mà- choire inférieure et mâchoire supérieure, au milieu desquelles se trouve son orifice. De chaque côté de cet organe on aperçoit d’abord une patte abdominale, longue et grêle, terminée par plusieurs griffes diver- gentes, dont la base touche à celle des antennes. Puis autour de la bouche, deux paires de pattes, plus courtes, armées de griffes, et en dessous de celles-ci une autre paire de pattes un peu plus longues, dont l’extrémité est multiarticulé et garnie de pointes erochues dirigées du côté de la bouche. La deuxième patte thoracique est très-grosse et très-forte. Elle est composée de deux articles à peu près de longueur égale ; mais le dernier est terminé par une pince formée par deux griffes se rabattant l’une sur l’autre. Viennent ensuite quatre pattes fortes et biramées, dont la première est fixée à la base de la région thoracique, et les autres aux trois anneaux suivants. Ces pattes sont bordées d’épines et de poils rigides et divergents. La femelle est d’un tiers plus petite que le mâle, conséquem- ment diflicile à apercevoir sans le secours d’une loupe. Comme celui-ci, elle a le corps en massue, mais il est beaucoup plus plat et plus large, lui ressemblant, du reste, pour toute son or- ganisation, mais en différant néanmoins par un point remar— ARTICLE N° 2, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 29 quable et essentiel : la terminaison de l'abdomen, dont les deux appendices, au lieu d'être munis de soies longues et divergentes, sont armés de trois fortes griffes recourbées et crochues. Coloration.— Le mâle et la femelle sont de la même couleur, qui est d’un jaune pâle, avec une bande étroite de rouille fon- cée, qui se trouve au milieu et descend de l’œil à l'extrémité inférieure du corps. L’œil est rouge. H abitat.— Trouvé, le 29 mars 1869, dans une Ascidie sociale. Le màle est extrêmement vif et nage avec facilité. La femelle est au contraire pesante et inerte; elle ne se meut qu'à l’aide de ses pattes, dont elle se sert pour ramper dans l’intérieur des Ascidies, et des crochets de son abdomen qu’elle emploie pour rétrograder ou se fixer sur un point.! GENRE BIOCRYPTE, Nobis BIOGRYPTE SOUCI. —BIOCRYPTUS CALTHAEUS (1). Mäle. — Inconnu. La femelle ressemble beaucoup, pour la forme du corps, à celle de notre Biocrypte jaune, dont elle à aussi la taille, d’en- viron un millimètre. Son corps est gros et trapu et comme tumé- fié, lorsqu'il est contracté. Sa téte est à peu près de la même largeur que celle du corps : elle est cordiforme lorsqu'on la voit en dessus et du côté du dos; mais elle est légèrement séparée du thorax par un étranglement en forme de cou, lorsque le corps est allongé. Les divisions qui en séparent les diverses parties sont faiblement indiquées, et paraissent être au nombre de quatre thoraciques et d’une abdominale. Le bord du dernier anneau thoracique s’élargit d’une manière considérable, de façon à con- stituer par son évasement une large capsule qui sert à loger la base des sacs ovifères. Ceux-ci sont, comme dans l’autre espèce, gros, courts et re- levés en croissant du côté de la tête; de plus, vus de face, ils (4) Voyez les descriptions que nous avons déjà données des autres Biocryptes dans les Annales des sciences naturelles, 14864, t, IV, p. 242-257, et pl, 6, fig. 4 B, 10 B, ANCNAED 30 HESSE. sont cambrés en dedans de telle facon qu’ils laissent entre eux ur vide qui est conséquemment plus large au milieu qu'aux extré- mités. Les œufs sont très-gros et au nombre de six ou sept dans chaque tube. La partie abdominale du corps est infiniment plus étroite que la région thoracique. Vue de profil, elle se relève à son extré- mité inférieure, de manière à former un creux entre elle et le bord du dernier anneau du thorax. L’abdomen est terminé par deux petits appendices plats et arrondis au bout. Les autres par- ties du corps sont entièrement conformées comme celles de notre Biocrypte jaune, duquel il ne diffère que par la coloration et l'habitat. Nous nous bornerons donc à renvoyer à la description que nous avons donnée en parlant de cette espèce. Coloration.— La femelle est d’un jaune foncé très-vif, et les œufs d'un rouge pourpre éclatant. Les yeux sont également rouges. Habitat. — Trouvé, le 3 décembre 1869, plusieurs individus renfermés dans une Ascidie composée très-coriace, assez mince, d'un blanc sale, tachetée de jaune et de noir, enveloppant la fronde d’un Fucus vesiculosus. Mouvements lents et indolents; ne nage pas, se traine au fond du vase où il est placé. GENRE PINNOTÉRE (1). PINNOTÈRE ASCIDICOLE. — PINNOTERES ASCIDICOLA. Tous les Pinnotères qu’on a décrits Jusqu'à ce jour ont été trouvés vivant dans l'intérieur des coquilles hivalves (2), où (1) Voyez, pour ce qui concerne ces Crustacés, les Observations sur la classification des Crustacés, par M. Milne Edwards, publiées dans les Annales des sciences naturelles, 1853,t. XX, n° 4, p. 246-247, pl. 10, fig. 4 à 4 C, et pl. 11, fig. 6 à 9. (2) Dans la liste des Invertébrés marins de l'Angleterre (dressée par le Comité de drainage de l'Association Britannique), extraite du Report of the thirtieth meeting 0 the British Association for the advancement of science, held at Oxford in June and July 1860-1861. Nos voisins ne connaissent encore que les deux espèces de Pinno tères : les P. pisum et P. veterum. ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. o1 la fragilité de leur carapace leur donne l'instinct de chercher un refuge. L'espèce que nous allons faire connaître déroge à ces habitudes (1). Elle pénètre dans la capacité qui sépare l’enve- loppe extérieure des Ascidies phallusiennes de celle qui contient, intérieurement, la partie viscérale de ces animaux. C’est dans cet étroit réduit que s'écoule leur existence. Mais cette particu- larité ne nous paraîtrait pas suffisante pour considérer notre espèce comme nouvelle, si nous ne trouvions dans sa conforma- tion des caracteres spécifiques qui nous semblent justifier cette Opinion. Elle est un peu moins grande que le Pinnotère pois ou des Moules. Son corps, qui ressemble, pour la forme, à celui des Crustacés compris dans ce genre, est cependant d’une consis- ‘tance plus résistante, et la carapace est beaucoup plus solide que celle de ses congénères. Le mâle est d’un tiers plus petit que la femelle, dont il se dis- tngue en outre par la partie saillante de son front, et par la longueur relative des pattes ambulatoires, qui, chez les deux sexes, sont très-fortes et garnies, surtout à leur avant-dermier article, sur le bord mterne, d'une longue bordure de petites houppes de poils tomenteux qui forment une frange épaisse et entremêlée de poils pennés. La deuxième et la cinquième patte sont presque glabres. Les yeux, dans les deux sexes, sont pédonculés, mais l’appen- dice qui les porte, et qui peut s’allonger ordinairement, est telle- ment enfoncé dans leur orbite, qu’on les croirait sessiles ; ils sont cependant placés de telle sorte qu'ils aperçoivent non-seulement devant eux, mais encore obliquement en dessus et en dessous, et latéralement. L'antenne extérieure est composée de trois articles, dont le basilaire est large et conique, et un peu plus long que l’inter- médiaire, qui va en diminuant de calibre pour atteindre la base (4) Nous devons cependant mentionner ici que Savigny, dans le deuxième volume de ses Mémorres sur les Invertébrés, signale, aux pages 142 et 167 de cet ouvrage, la présence de Crustacés, et notamment des Pinnotères, dans l’intérieur du Cyalhia monus ct da Phallusia monachus, qui sont deux espèces de la mer Rouge. 92 HESSE. de celui quile suit et qui est traîiné par deux petites pointes divergentes. L'antenne interne est composée de quatre ‘articles à peu près de la même longueur et se terminant en pointe au sommet. La carapace est presque arrondie, légèrement bombée en des- sus et en dessous; elle est glabre et n’a pas cet aspect tomen- teux qu’on remarque chez les autres espèces, et particu- hèrement chez le Pinnotère des anciens (Pinnoteres veterum). Un sillon circulaire formant une ligne de démarcation au- tour de la partie antérieure du front indique la limite de la iète. Les pattes-mâchoires externes, ou hectognathes, sont placées obliquement. Le prognathite et le dactylognathite sont de la même lon- gueur, mais le premier est presque la moitié plus large que celui-ci ; ils ont le bord intérieur droit, tandis que l'extérieur est recourbé, et ils peuvent, en s'appliquant imtérieurement l’un contre l'autre, former une sorte de pince qui, au besoin, pour- rait saisir les objets. Le carpognathite est, relativement au gnathostégite, tres- court, tandis que le premier est très-long, beaucoup plus large en haut qu’en bas, et fortement échancré à son bord imterne, qui forme, au milieu et un peu au-dessous du prognathite et du dactylognathite, une dent assez forte, mais arrondie à la ponte. À la base du gnathostégite et derrière celui-ei on aperçoit le scaphognathite, qui est ovale, plat et large, et atteint, en lon- gueur, presque la moitié de celle de celui-e1. Il est terminé par son flagelle, composé de deux articles, dont le dernier, qui est moins long et moins large, est terminé par des poils longs et fins. Les pattes antérieures sont plus courtes que les autres; les mains des deux côtés sont d’une égale grosseur. Elles présen- tent, à leur base, des pinces denticulées, et sur la surface extérieure une rangée de petits tubercules placés sur une ligne courbe. La femelle, sauf les exceptions que nous avons signalées, res- semble au mâle. Son plastron sternal est excessivement large, et ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 99 l'extrémité de son bord inférieur atteintle cadre buccal. Il est en outre entouré d’une largegarniturede ces petites houppes de poils tomenteux dont nous avons déjà parlé, et qui sont beaucoup plus longs sur la portion latérale de cette partie du corps. Coloration.— Le corps est d’une couleur sépia plus ou moins foncée, suivant les parties du corps, pointillée de petites taches noires rondes. Les pattes sont d’une teinte plus claire, et l’extré- mité des pinces des mains ainsi que les petits tubercules qui sont à leur base sont blancs. En dessous la carapace est de la même couleur ; une bande d’une teinte rouille foncée occupe le milieu de l’appendice abdominal. Les yeux sont rouges, pointllés de blanc. Habitat. — Trouvé généralement seul, mais quelquefois par couple, dans l’intérieur, plus généralement, de l’Ascidie phallu- sienne (Ascidia canina), et quelquefois dans l Æscidia intestinalis . Les mâles, surtout lorsqu'ils sont jeunes, sont très-agiles et nagent avec facilité ; nous croyons que les bordures ciliées qui garnissent l’avant-dernier article de leurs pattes doivent, en leur donnant plus d’action sur l’eau, leur fournir un point d'appui et contribuer à ce résultat. Plus tard, lorsqu'ils ont atteint leur dimension normale, ils sont beaucoup moins agiles, et alors, comme les femelles, ils ont des mouvements lents. Le premier de ces Crustacés que nous avons trouvé était un mâle, et ce fut le 23 novembre 1867 que nous le rencontrâmes ; depuis lors, dans les mois de novembre et de décembre 1869, nous nous en sommes procuré plusieurs, que nous avons con— servés en les nourrissant de petits Crustacés et d'Annélides, qu'ils ne tardaient pas à dévorer, mais dont les débris, néanmoms, corrompaient bientôt l’eau dans laquelle ils étaient plongés. 1 fallait donc veiller attentivement à ce qu'ils ne restassent pas longtemps dans ce milieu dangereux, dont ils supportaient ce- pendant les inconvénients, et, suivant l’état de la température, pendant plusieurs jours. Biologie. Nous nous sommes demandé comment ces Crustacés pou- ol HESSE. vaient pénétrer dans l'intérieur des Ascidies, celles-ci n'ayant que deux orifices assez étroits, et d’une contractilité qui leur permet de fermer hermétiquement ces ouvertures; et, d'autre part, étant protégées contre les attaques du dehors par une enveloppe coriace capable de résister à toute agression. Lorsque les Ascidies sont plongées dans une eau tranquille, et que le calme règne autour d'elles, on voit leurs deux ouvertures s'épanouir, et c’est dans ces conditions que les objets de petites dimensions dont elles font leur nourriture, appelés par le cou- rant artificiel qu’elles produisent, pénètrent facilement dans l’in- térieur, et e’est aussi probablement de cette manière que les petits Crustacés parasites, les Annélides et d’autres animaux qu’on y rencontre, s’introduisent dans leur cavité respiratoire ; mais ces admissions n'ont lieu, il est à croire, qu'à la condition qu’elles n’occasionnent ni choc, ni violence, car alors la sensi- bilité de ces Tuniciers ne tarderait pas à se manifester par la construction du sphincter qui ferme complétement ces orifices, et, dans cette situation, il leur serait impossible d'y pénétrer. On doit donc supposer que ce n’est que lorsque les Pinnoteres sont encore de très-petites dimensions, conséquemment très-jeunes, qu'ils franchissent ces détroits sans provoquer de résistance, car nous ne pensons pas que plus tard ils puissent, en employant la violence, forcer ces obstacles. Il faut cependant, et nous le ver- rons à l’occasion du Pinnotère que nous allons décrire après celui-ci, que ces Crustacés, qui sont de nature très-lente et tres- indolente, aient, à l’occasion, assez de vivacité et de prestesse pour saisir le moment favorable pour s'introduire dans la de- meure qu'ils convoitent, et dont ils seraient sans cela exclus, non sans péril pour leur vie. Quant à la sortie de la prison étroite dans laquelle ils se sont volontairement renfermés, nous croyons que la pression exercée, de dedans en dehors, pour franchir ces obstacles, rencontre moins de résistance que dans le sens contraire, et que, conséquem- ment, ils peuvent avec plus de facilité recouvrer leur liberté. Enfin, il n’est pas inutile de faire remarquer que les Pinno- tères qui habitent les Ascidies sont placés, sous le rapport de ARTICLE N° 2, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 35 leur alimentation, dans les mêmes conditions que leurs congé- nères établis dans les coquilles bivalves des Pinnes marines ou des Moules, et que c’est probablement pour cela qu’ils les ont choisies. En effet, le courant qui leur apporte leur nourriture existe dans l’un et dans l’autre cas, qu'il soit provoqué par l’agi- tation des valves ou des cils vibratoires qui bordent les feuillets branchiaux des Mollusques, ou par l’action du sac branchiai des Ascidies, qui, par sa contraction ou sa dilatation, produit l'aspi- ration ou l'expulsion de l’eau. Nous avons, à plusieurs reprises, conservé, dans l’intention de voir l’éclosion des œuls et d’en suivre les développements des embryons, des Pinnotères des anciens, ainsi que celui que nous décrivons; mais jusqu’à ce jour notre tentative est restée in- fructueuse. Ces Crustacés supportent très-longtemps la priva- tion d'aliments, et l’on peut les garder facilement pendant un temps assez long, sans d’autres soins que de les maintenir dans de l’eau pure, et encore vivent-ils quelques jours dans celle qui n’est pas complétement fraiche. Ils sont, comme nous l’avons dit, généralement indolents, et lorsqu'on les touche, ils restent quelques instants immobiles, les pattes antérieures ramenées contre le bord frontal, et les autres contractées et serrées l’une contre l’autre; le dernier article, qui est terminé par un ongle crochu très-aigu, replié sur le bord inférieur de cet article. On voit souvent le mâle de notre Pinnotère ascidicole fixé sur la surface dorsale de la femelle, qu'il tient étroitement serrée entre ses pattes ; ce sont probablement les préludes ou l'acte de l’accouplement. Ils s’'accrochent aussi volontiers aux objets sur lesquelsils veulent se fixer par les dernières pattes, et, dans cette situation, ils ont les pattes antérieures disponibles pour saisir les aliments qui passent à leur portée. Nous avons désiré savoir comment ils s'y prenaient pour s’n- troduire dans les Ascidies, et, à cet effet, nous en avons placé une dans le vase où nous avions plusieurs de ces Crustacés. Notre expérience n'a pas réussi; ils se sont contentés de se réfugier sous ce Tunicier pour s'y cacher, mais sans y pénétrer. C’est donc une expérience à recommencer, SC. NAT. MAI-JUILLET 1874. ARTICLE N° 2. [cg 36 HESSE. PINNOTÈRE DES PÉTONCLES. — PINNOTERES PecTruncuu, Nobis. Voici encore un nouveau Pinnotère qui, ne suivant pas les habitudes de ses congénères, choisit son domicile dans une co- quille où 1l paraîtrait impossible qu’il pût pénétrer. En eflet, les Pétoncles sont peut-être de tous les Bivalves ceux dont les coquilles ferment le plus hermétiquement. Leur test est exces- sivement épais, et les bords sont taillés en biseau; de sorte que, lorsqu'elles sont eloses, il est matériellement impossible que rien n'yentre ou n'en sorte; et si nous ajoutons à cela que ces Mol- lusques vivent assez profondément enfouis dans le sable ou dans un terrain vaso-sablonneux, on sera, comme nous le sommes, surpris que ce petit Crustacé ait l'adresse et l'instinct néces- saires pour vaincre tous ces obstacles. Il n’en est pas de même des deux autres espèces déjà connues depuis longtemps : le P. pisum (1) et le P. veterum. Celles-ci peuvent s'introduire facilement dans les coquilles qu’elles habitent, attendu que leurs charnières laissent toujours un passage par lequel sort leur byssus, et que d’ailleurs, dans les Pinnes marines, les valves sont tellement béantes à leur partie supérieure, que l'accès en (4) Ilne saurait être indifférent, pour l'étude de l’histoire naturelle, de signaler, iñême quand on ne peut l'expliquer, la préférence que plusieurs espèces accordent à certaines localités. Les Moules sont aussi communes, et peut-être même plus com- munes sur les côtes de la Bretagne que partout ailleurs, et cependant le Pinnoteres pisum ne s'y rencontre, pour ainsi dire, jamais; tandis qu'au contraire, dans la Saintonge, où ces Mollusques sont élevés artificiellement, il est rare de ne pas en trouver au moins un dans chaque coquille. Est-ce dù à l’effet du milieu où on les élève ? Cela nous parait probable. En Bretagne, en effet, les Moules, qui peuvent choisir les localités qui leur conviennent, affectionnent surtout les rochers sur lesquels les flots de la mer viennent se briser. Elles s’attachent aussi à la carène des navires, aux balises et enfin à tous les objets qui sont placés au milieu des courants rapides, qui servent à leur apporter les aliments dont elles se nourrissent. En Saintonge, au contraire, on les oblige à se fixer sur des pieux enfoncés dans la vase, où elles vivent dans un milieu calme, qui permet aux Pinnotères de les atteindre facilement et de s’y loger. Voilà, selon nous, ce qui explique pourquoi ils sont communs dans une localité, et rares dans l’autre. L'absence de ces Crustacés dans les Moules de notre pays fournit aussi un argument ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 31 est des plus faciles. Notre Crustacé mérite donc, à plus d’un titre, de fixer l'attention des carcinologistes. Le Pinnotère des Pétoncles est d'une dimension plus forte que celui des Moules, auquel il ressemble beaucoup par là con- texture de sa carapace et par les couleurs dont elle est ornée. La femelle, qui est d’un tiers plus grande que le mâle, a en- viron À centimètre de large sur 7 millimètres de hauteur. Son corps, presque cylindrique, est recouvert d’une enveloppe mince, * luisante, à travers laquelle on aperçoit ses viscères. Les deux paltes antérieures ont les mains de la mème gros- seur ; elles sont longues, effilées, et garnies à leur bord inférieur d'une rangée de poils longs, touffus, inclinés en avant du côté de l'extrémité des pinces. Le pouce présente au milieu, et inté- rieurement, une dent triangulaire dont le bout est arrondi. Les quatre pattes sont, comme les premières, assez longues et très-minces ; elles ne présentent que quelques poils très-rares, Leur dernier article est court, avec deux petites tubérosités sur le bord interne, et une griffe petite, recourbée et crochue, qui les termine. Vues en dessous, les antennes internes sont trés-courtes, et ne dépassent pas le bord frontal. Les externes sont plus longues, et formées de cinq articles d’une longueur à peu près égale et d’un calibre qui va en diminuant de la base au sommet, lequel est pointu, et terminé par quelques petites soies divergentes. Les yeux sont portés sur un pédoncule gros et court, qui se dirige obliquement en dessous. L'hectognathe est de grandeur moyenne ; le gnathostégrte est assez large, et le palpe, relative- de plus contre l'opinion, partagée encore par’ quelques personnes, qu’ils occasionnel les accidents d’empoisonnement qui ont lieu de temps en temps. Ces intoxications se produisent en Bretagne, comme ailleurs ; mais comme on cherche toujours une expli- cation à toutes choses, on les a attribuées à l'oxydätion qui s'opère sur les carènes des navires doublés de cuivre, Gette solution né saurait être admise, dans tous les cas, que pour les Moules recueillies sur ces bâtiments ; mais comme celles récoltées ailleurs occasionnent les mêmes effets, qui sont aussi, du reste, communs aux Huïtres, il nous parait évident qu'il y a une autre cause à ces accidents que celle que l’on attribue & ces Crustacés. 90 HESSE. ment au dactyle. est assez fort ; le scaphognathite et son flagelle n'offrent rien de particulier. L’abdomen recouvre largement la région sternale, et son bord inférieur, lorsqu'il est appliqué contre cette partie du corps, atteint le cadre buccal. Le mâle, qui, comme nous l'avons dit, est plus petit que la femelle, ne s’en distingue que par la différence de taille et par la saillie du bord frontal. Coloration. — Le corps ainsi que les pattes sont d’un Jaune clair assez pâle. Au milieu de la carapace, on aperçoit une large tache couleur de rouille, qui forme à la partie supérieure une bifurcation, dont les extrémités arrondies sont dirigées vers le bord frontal qu'elles atteignent presque au-dessous, et à la base de celle-ci s’en trouve une autre assez grande et ovale aussi placée horizontalement; puis viennent successivement au milieu du corps, et jusqu à son extrémité inférieure, d’autres taches de Ia même couleur qui se touchent, et forment une bande continue. Habitat. — Trouvé pour la première fois le 24 février 1865, et ensuite le 10 mars 1868, dans l’intérieur du Pétoncle flammulé (Pectunculus flammulatus), où 1l n’est pas très-rare. Ces Crustacés sont lents et très-peu agiles ; 1ls restent immobiles et comme engourdis pendant quelque temps, après qu'on les a touchés. Il faut cependant, comme nous l'avons dit, qu’ilsmon- trent à certains moments une grande prestesse pour s’introduire, au risque de se faire broyer entre les valves robustes et parfaite- ment closes, dans la coquille qu'ils habitent. SYSTÉMATISATION. Il nous reste maintenant à chercher la place que doivent occuper dans la classification les Crustacés que nous venons de décrire, et que nous proposons comme devant servir de types à de nouveaux genres. Voici quelle est notre opinion à cet égard. GENRE MEGABRACHINUS. La place qu'il convient d’assigner aux Mégabrachiniens nous paraît, pour ainsi dire, désignée à l’avance par la connaissance ARTICLE N° 2. 9 ( CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 39 que nous avons de leur manière de vivre. Il est, en effet, à re- marquer que chaque être a été doté, avec sollicitude, de tout ce qui peut contribuer à faciliter ou à assurer ses moyens d’exis- tence ; il n’y a donc rien d'étonnant qu'on retrouve entre eux un air de famille, une certaine ressemblance dans les formes et dans les organes, et c’est sur ces caractères que s'appuient avec raison les classificateurs pour en faciliter l'étude en les grou- pant par genre. Les Mégabrachiniens, habitant, comme nous l'avons dit, les branchies des Poissons, doivent appartenir à la nombreuse sous- classe des Crustacés suceurs de l’ordre des Siphostomes, de la famille des Pachycéphales, de la tribu des £rgasiliens. En effet, nous voyons qu'ils ont beaucoup d’analogie avec les individus de cette tribu, auxquels ils ressemblent par la forme générale du corps, par celle de la bouche, par celle des pattes, ainsi que par leurs dispositions et leur nombre, et enfin par leurs sacs ovi- fères. Mais ils s’en distinguent aussi par la position de l'œil frontal et médian, qui, dans notre espèce, est placé sous la sur- face inférieure de la carapace; par la forme du bouelier cépha- lique, qui est très-épais et à bords extérieurs arrondis; par la longueur excessive des pattes antérieures; et enfin, par celle de la région abdominale qui, au lieu d'être formée de deux ou Lrois articles, en contient cinq; et par les appendices divergents qui la terminent, qui sont armés à leur extrémité d'une petite épine externe, et mtérieurement d'un long tube étroit, et cylindrique, dont le bout est arrondi et est garni de quelques petites soies minces et courtes. Toutes ces différences nous ont paru assez importantes pour établir le genre Megabra - chinus, que nous caractérisons comme suit : GENRE MEGABRACHINUS. Mâle. — Inconnu. Femelle. — Corps ovale, épais, renflé et arrondi à ses bords extérieurs, élevé en forme de carène au milieu de la carapace. Bouclier céphalique étroit et arrondi à sa parte antérieure, s'élargissant au milieu et se rétrécissant à sa base, qui forme l0 HESSE. trois échancrures en feston. Cette partie antérieure du corps au moins aussi grande à elle seule que les quatre anneaux thora- ciques qui suivent, et qui vont en diminuant successivement de dimension. Abdomen étroit, cylindrique, presque aussi long que la région thoracique, divisé en einq anneaux, d’une taille à peu près égale, sauf le deuxième, qui est beaucoup plus long. 4 ppen- dices caudaux armés d’une épine divergente et de deux tubes longs, étroits et cylindriques. Antennes courtes, grêles, dente- lées, garnies de poils courts et fins. Et placé à la face mfé- rieure de la carapace près du bord frontal, et composé d’un appareil en forme d'écusson; composé d’un globe gros, hémi- sphérique, des deux côtés duquel sont deux petits globules. Pattes antérieures du thorax grèles, excessivement longues, pou- vant atteindre et au delà le bord inférieur du dernier anneau thoracique. Bouche placée à l'extrémité d’un tube arrondi, et descendant jusqu’au bord inférieur du céphalothorax. Les autres anneaux de cette région garnis de quatre paires de pattes bi- ramées, hérissées d’épines et de poils divergents. Œu/fs ren- fermés dans deux grands sacs fusiformes. | Habitat. — Sur les branchies des Poissons. GENRE MACROBRACHINUS. Les Macrobrachinus, quoique rappelant beaucoup les Méga- brachiniens par l’ensemble de leurs formes, celle de leurs organes, ainsi que par leur manière de vivre, s’en distinguent néanmoins par certaines différences que nous allons signaler, et qu nous ont déterminé à en faire un genre à part. Chez ces Crustacés, le céphalothoras est extrêmement allongé. Il est étroit à sa partie antérieure, et il est élégamment découpé latéralement. Son bord inférieur s’arrondit en demi-cercle. La région thoracique, y compris ce premier anneau, n'en contient que quatre, au lieu de cinq que présente l’autre espèce. La région abdominale n’en présente que le même nombre : quatre au lieu de cinq, qu'ont les Mégabrachiniens. L'extrémité de l'abdomen se termine de la même manière; seulement les deux tubes cylindriques sont beaucoup plus longs. L’œl, qui est infiniment moins gros que ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. h1 dans l’autre espèce, est placé, comme d'habitude, à la surface du corps, au milieu et près du bord frontal, au lieu de l'être en dessous. Nous signalons en outre la présence, à la base des an- tennes, d’une sorte de patte, grosse, courte, formée de plusieurs articulations, dont la dernière est terminée par deux pointes aiguës, qui, en se rapprochant l’une contre l’autre, peuvent former une pince propre à saisir les objets. La bouche est, comme dans l’autre espèce, placée à la base du céphalothorax ; mais ici elle se trouve sur une protubérance très-saillante, piriforme, au lieu d’être à l'extrémité d’un tube, comme cela a lieu dans les Mégabrachiniens. Voici comment nous systématisons ce genre : GENRE MACROBRACHINUS. Méle. — Inconnu. Femelle. — Corps allongé, étroit, formé de quatre anneaux thoraciques et d’un nombre égal d’anneaux abdominaux. Le céphalothoraæ très-grand, étroit et arrondi à sa partie inférieure, découpé en demi-cercle. Les autres anneaux allant en dimi- nuant de grandeur, et terminés de la même maniere, et garnis d’un liséré étroit en relief. Abdomen cylindrique, terminé par deux appendices divergents, armés à leur extrémité extérieure d’une épine aiguë, et intérieurement d’un tube long et étroit. Antennes minces, courtes, multiarticulées, garnies de poils fins et courts. Œil double, placé en dessus, au milieu de la cara- pace et près du bord frontal. Pattes thoraciques antérieures grèles et d’une longueur excessive, atteignant l’extrémité infé- rieure du troisième anneau thoracique. Bouche placée à la base du céphalothorax, à l'extrémité inférieure d’une forte protubé- rance médiane, piriforme. Quatre paires de pattes biramées atta- chées aux anneaux thoraciques, et reliées entre elles à la base par un trait d'union formé par une ligne transversale en relief. OEufs contenus dans deux grands sacs fusiformes. Habitat. — Sur les branchies des Poissons. h2 HESSE, GENRE HÉMAPHILE. Voici encore un Crustacé qui vit sur les branchies des Pois- sons, mais qui, malgré cette conformité d'existence, n'appar- tient évidemment pas au même genre que ceux que nous venons de décrire, bien que cependant il fasse partie de la sous-elasse des Crustacés suceurs. Si nous accordions à la présence de la membrane mince, qui entoure le céphalothoraæ, toute la valeur qu’elle doit avoir comme caractère distinctif des Caligiens et des Pandariens, nous n'hé- siterions pas à le ranger dans un des genres compris dans ces deux tribus, d'autant plus que nous y serions engagé par la pré- sence des premières pattes thoraciques, qui ont une grande ana- logie avec celles des Caligiens, ainsi que les crochets qui sont placés en dehors de ces deux pattes, et qui ont beaucoup de rap- port avec ceux qu'on rencontre chez ces Crustacés, et aussi à raison de deux forts crochets qu'on aperçoit de chaque côté de son plastron sternal; mais nous voyons immédiatement que ce rapprochement se base seulement à ces caractères, tandis que le nombre des dissemblanecs lemporte de beaucoup sur celui des affinités. Les Caligiens, comme les Pandariens, ont en effet la partie frontale garnie de lames très-larges, dont les extrémités laté- rales servent de bases à leurs antennes, qui sont très-courtes et plates, tandis que dans notre espèce le bord frontal est réduit à une petite lame qui n’est que la continuation de la mince mem- brane qui environne le bord du céphalothorax, et les antennes sont très-grèles, très-longues, cylindriques. Le bouclier cépha- lique des deux espèces précitées est divisé en dessus en compar- timents, par des sillons linéaires. Enfin ils n'ont que trois anneaux thoraciques, dont le premier et le dernier sont séparés profondément entre eux par celui du milieu, qui est extrème- ment court et élroit. Dans notre espèce, il n'existe rien de semblable. Le bouclier céphalique est entier, sans divisions linéaires. Il est suivi de trois anneaux thoraciques qui, bien que fort distincts, diminuent suc- ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. h3 eessivement de diamètre, et forment dans leur ensemble un rond presque parfait. L’abdomen, étroit et cylindrique, est formé de quatre anneaux. L'appareil buccal s'éloigne aussi complétement de celui des Pandariens. I aurait plus de rapport avec celui des Caligiens ; mais il ressemble encore davantage à celui des Ergasiliens, avec lesquels, du reste, notre espèce a le plus d’analogie. Elle formera done un genre mixte entre les Caligiens et les Érgasiliens, des- quels il participe. Voici comment nous systématisons ce genre : GENRE HÉMAPHILE. Mâle. — Inconnu. Femelle. — Corps ovale assez large. Bouclier céphalique très-grand, presque le double, à lui seul, de la longueur des trois autres anneaux thoraciques, qui sont beaucoup plus étroits, et forment dans leur ensemble un rond assez régulier. OEil petit et double, placé en dessous de la eara- pace et près du bord frontal. Bouclier céphalique environné en entier à ses bords extérieurs d’une membrane mince et plissée, semblable à celle des Cali- giens et des Pandariens. Abdomen long, étroit, cylindrique, divisé en cinq anneaux, allant, en diminuant de grosseur, de la base au sommet. Appendices caudaux de moyenne longueur, garnis de soies longues et divergentes. Antennes longues, grèles, cylindriques, multiarticulées, hé- rissées de poils courts et roides. Premières pales thoraciques courtes, de grosseur médiocre, composées de quatre articles et terminées par une griffe crochue. En dehors et près d'elles, de chaque côté, un appendice court, armé d’une griffe. En dessous, la bouche formée d'un appendice plat, ovale, en forme d’écus- son, portant à sa partie supérieure une paire de petites tigelles, et de chaque côté deux petites paires de palles-mâchoires. Plus bas, un plastron sternal, échancré à son bord inférieur, qui pré- septe deux pointes des deux côtés de ce plastron, une paire de srifles crochues, et plus bas une paire de petites pattes grêles et hA HESSE. multiarticulées. Au-dessous de cette plaque, et toujours sur la ligne médiane, se trouve un petit écusson ovale qui sert de point d'attache à une paire de pattes grêles, multiarticulées, et por- tant en dessous trois plaques plates, découpées en feston, et gar- nes au bord de fortes épines divergentes. Celles-ci sont suivies de trois autres paires de pattes biramées, fixées aux anneaux thoraciques, et à l’article suivant on voit encore une paire de pattes également biramées qui vient après, et enfin à l’article suivant deux appendices plats et courts servant de point d’at- tache aux sacs ovifères. Habitat. — Sur les branchies des Poissons. GENRE MÉTOPONANAPHRISSONTES. Ce petit Crustacé présente pour la classification des difficultés qui résultent de ce qu'il réunit à lui seul des caractères que l'on trouve disséminés chez plusieurs individus appartenant à diverses espèces. À sa manière de vivre, à la forme de sa bouche, on reconnaît qu'il doit être rangé parmi les Crustacés suceurs ; mais on s'aperçoit aussitôt que, si, par ces caractères, 1l se rap- proche des Caligiens, il s'en écarte par la conformation des autres parties du corps : par ses antennes; par ses sacs ovifères, qui, au lieu d’être réduits à un tube long et cylindrique, ne con- tenant que des œufs superposés un à un, sont au contraire des poches ovifères, fusiformes, dans lesquelles ceux-ci sont accu- mulés en grande quantité. Enfin, on ne voit pas qu'il soit pourvu de cette membrane fine et plissée qui environne le céphalo- thorax des Pandariens et des Caligiens, et qui est un caractère distinctif de ces Crustacés. Si nous là comparons aux Ærgasiliens, desquels il semble se rapprocher davantage par la forme de ses antennes, celle de sa bouche et la disposition de ses œufs, nous voyons qu'ici encore il s’en écarte considérablement par la forme générale du corps, par l’absence des deux paires de pattes antérieures, générale- ment très-longues, qui n’existent pas, et sont remplacées par unesorte d'appendice gros et court placé près du bord frontal, et qui est composé de pointes obtuses, dont l'usage nous est ARTICLE N° 2, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. LS resté inconnu. Il faudra donc faire, selon nous, un genre à part pour ce Crustacé, et c'est d'après ces motifs que nous proposons de le caractériser comme suit : GENRE MÉTOPONANAPHRISSONTES. Mâle. — Inconnu. Femelle, — Corps assez allongé, mais large, composé de trois articles thoraciques et de deux abdominaux. Le céphalothorax, aussi grand que les deux anneaux suivants, est un peu plus étroit antérieurement qu'à sa base. Les deux anneaux suivants du thorax allant en diminuant de grandeur, et étant tous les trois bordés d’un liséré formant relief. Abdomen terminé par deux appendices divergents, armés d’une épine courte et oblique et d’une longue épine verticale. OEïl très-petit, placé en dessus, près du bord frontal en dessous. Antennes très-longues et grèles, multartüculées, hérissées de poils pennés, à la base desquels sont deux appendices gros et courts, armés de pointes mousses. Bouche placée à l'extrémité inférieure d’un tube cylindrique, terminé par une mâchoire supérieure en croissant, et par une sorte de trompe. Deux épines bifurquées et une petite ventouse placée de chaque côté et au haut de la bouche. Quatre fortes paires de pattes nalatoires, biramées, reliées entre elles : la pre- mière par une sorte de croissant en relief, et les autres par une raie transversale ; ces pattes placées, les deux premières à la base du céphalothorax, et les deux autres sur les anneaux thora- ciques suivants. L'article fémoral de ces pattes présente, à l’ar- ticulation, avec les appendices biramés, trois ou quatre griftes aiguës et parallèles. Le premier anneau abdominal ayant de chaque côté un appen- dice destiné à protéger la base des sacs ovifères, ceux-ci ne dé- passent pas les pointes des appendices caudaux. Habitat. — Trouvé sur les branchies des Poissons. GENRE METOPOCATACOTEINUS. Le petit Crustacé pour lequel nous proposons d'établir un nouveau genre vit aussi sur les branchies des Poissons ; consé- 0 HESSE. quemment il appartient à la famille des Crustacés suceurs, I ne peut, par les raisons que J'ai données, faire partie des trois tribus qui comprennent les Caligiens, les Pandariens et les Ergasiliens ; mais cependant ilse rapproche plus de ces derniers que des deux autres par la conformation de ses antennes, de sa bouche et de ses sacs ovifères. Mais, ici encore, on constate l'absence de ces longues pattes antérieures qui se font remarquer chez ces petits Crustacés. Voiei les caractères principaux qui serviront à systématiser ce genre : GENRE METOPOCAT ACOTEINUS. Corps piriforme, légèrement bombé en dessus, plat et creux en dessous. OEùl petit, placé en dessus, près du bord frontal. Thorax formé de trois anneaux, dont le premier, le céphalo- thorax, est beaucoup plus grand que les trois autres qui suivent, et qui vont en diminuant de dimension jusqu'à la région abdo- minale, laquelle est assez longue, composée de cinq anneaux cylindriques, terminés par deux appendices plats, divergents, armés de deux pointes très-longues et très-fortes. En dessous, les antennes sont tres-longues, grêles, cylindriques, multiartieu- lées; elles sont couvertes de nombreux poils pennés, dont deux, beaucoup plus longs que les autres, ont les pointes dirigées l’une vers l’autre en forme de parenthèse. Ces antennes partent d'un écusson situé au milieu du corps et près du bord frontal. Bouche plate, formant un petit lobe ovale, des deux côtés de laquelle sont deux petites pattes très-grèles, et de leur base sont deux - fortes pattes très-larges, de l'extrémité de la partie fémorale desquelles partent deux autres appendices ayant chacun un petit article large et plat, suivi d’une très-longue griffe crochue. Le bord externe de ces pattes est hérissé de pointes robustes et cro- chues, retournées en haut. Un peu plus bas, sur la ligne mé- diane, se trouve une ventouse, puis une autre, séparée par un petit relief ovale, dirigé horizontalement, et placé à la base de trois fortes pattes natatoires et biramées. Le premier anneau ARTICLE N° 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE, 7 abdominal donne attache à une petite paire de pattes qui sert à protéger les tubes ovifères. Habitat. — Sur les branchies des Poissons. GENRE MÉGASANOIXE. Nous éprouverons moins de difficulté pour classer le Crustacé que nous proposons comme type de ce nouveau genre, que nous n’en avons rencontré lorsqu'il s’est agi des autres. En effet, sauf quelques différences que nous allons signaler, nous trouvons qu'il se rapproche beaucoup des Ærgasiliens par la forme gé- nérale du corps, par les antennes, par la bouche ; mais il en diffère essentiellement par le nombre des anneaux thoraciques, par le développement anormal du deuxième anneau abdomimal, ainsi que par leur nombre ; mais il s'en distingue surtout par l'absence des longues pattes antérieures, armées d’une forte griffe, qui caractérisent ce genre, et qui, dans le nôtre, sont remplacées par une paire de pattes beaucoup moins grandes, qui sont terminées par deux appendices plats et divergents, dont l’in- térieur est garni de griffes crochues assez courtes, placées l’une à côté de l’autre, et l’extérieure armée de très-longues griffes sétiformes recourbées en forme de crochets à leur extrémité. Notre genre aurait aussi beaucoup de rapport avec celui établi par M. Thorell pour les Lichomologus; mais ici encore nous trouvons des différences dans la longueur des antennes et la con- formation des pattes antérieures, celle de la bouche, et surtout du deuxième anneau abdominal, ainsi que dans les appendices qui terminent cette partie du corps, qui, dans notre espèce, est armée de quatre soies pennées, dont les deux externes sont courtes et les deux internes très-longues. Voici, du reste, comment nous formulons les caractères de ce genre. Genre MÉGASANOIRE. Corps ovale formé de cinq anneaux thoraciques et de cinq abdominaux. Bouclier céphalothoracique très-grand, pointu à son sommet, près duquel on aperçoit un œil unique, double; ce AS MESSE. premier anneau étant à lui seul aussi grand que Îles quatre sui- vants, qui, sauf le dernier, très-étroit, sont à peu près de la largeur du premier. Premier anneau abdominal du même ca- libre que le dernier anneau thoracique ; deuxième anneau élargi latéralement et d’un diamètre plus grand que celui de la cara- pace thoracique. Cet anneau portant en dessous et de chaque côté deux appendices ronds et creux, à larges ouvertures, envi- ronnés d’un bord saillant. Les trois autres anneaux abdominaux de la même largeur que le premier; ceux-ci terminés par deux appendices courts, plats, larges et divergents, garnis de quatre soies, dont les deux extérieures sont courtes, les deux intérieures sont tres-longues et pennées. En dessous, près du bord frontal, les antennes, qui sont longues, multiarticulées, striées à la base, garnies de poils courts et serrés. Plus bas, deux pattes de lon- gueur moyenne, terminées par deux appendices ovales, dont l'intérieur est garni d’épines courtes et serrées, et l’externe par de très-longues griffes sétiformes, recourbées au bout en forme d'hamecon. Bouche plate, arrondie, composée de petites mä- choires plates, également arrondies, précédées d’une paire de petite patte-mâchoire très-grêle, et accompagnée latéralement d’une autre paire formée de trois articles, dont le dernier est suivi d’une longue griffe effilée et recourbée, couverte de poils fins. Pattes thoraciques très-fortes, au nombre de quatre paires biramées, composées d’un large article fémoral, donnant attache à deux appendices plats, et divisés en trois articles, bordés d’épines et de poils divergents. Un appendice plat, armé de griffes et de poils, est fixé de chaque côté du premier anneaü abdominal, où il sert de point d'attache aux sacs ovifères. Habitat. — Station douteuse; trouvé dans un vase contenant un Polyclinum constellatum. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 1. Fig. 1. Megabrachinus suboculatus, amplifié 30 fois, vu en dessus. Fig. 2. Le même, à la même grandeur, vu en dessous, pour montret la position de son appareil oculaire, placé sous la partie médiane et antérieure de la carapace ; ARTICLE NO 2. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 19 le point d'insertion de ses antennes et de ses deux premières pattes thoraciques ; le tube buccal, et enfin la partie biramée et celles qui servent de point d'attache à ses sacs ovifères. 4 Fig, 3. Le même Crustacé, mais à un grossissement bien moins fort, vu de profil, pour montrer la disposition du système buccal, faisant saillie à la base du céphalothorax. Fig, 4. Appareil oculaire très-grossi. Fig. 5. Antenne du même, très-amplifiée. Fig. 6. Partie cubitale de la première palte, très-grossie. Fig. 7. Embryon du même, très-amplifié, vu en dessus. Fig. 8 Macrobrachinus punctatus, amplifié 30 fois, vu en dessus. Fig. 9. Le même, à la même grandeur, vu en dessous, pour montrer la disposition de ses antennes, dont la base est appuyée sur un petit écusson au-dessus de chaque côté duquel sont deux pattes courtes, terminées par une sorte de pince. Au-dessous de l’écusson, on aperçoit la base des premières pattes, lesquelles émergent d'une large cavité entourée de nervures, d’une substance cornée destinée à les consolider. Plus bas, à l’extrémité inférieure du premier anneau thoracique, on aperçoit la bouche environnée de petites pattes-mâchoires ; puis, enfin, quatre paires de pattes biramées reliées entre elles par un relief étroit et transversal, et enfin, au premier anneau abdominal, les pattes qui servent de point d’attache aux tubes ovifères. Fig. 10. Le même Crustacé, mais à un grossissement moindre, vu de profil, pour montrer la disposition de la bouche. Fig. 11. Première patte, courte, très-grossie, terminée par une sorte de pince dont la base repose dans une articulation dont les bords, élargis, forment un godet, pour en faciliter les mouvements. Fig. 142. Extrémité du tube buccal, tres-amplifié, montrant les mâchoires et les man- dibules qui l’environnent. Fig. 143. Antenne du même, très-grossie. Fig. 44. Extrémité inférieure, très-grossie, de la deuxième patte thoracique, montrant la griffe qui la termine, et qui peut devenir préhensile en se rabattant sur le bord inférieur. Fig. 45. Palte biramée du même, très-grossie. Fig. 16. Hémaphile rose, amplifié environ 400 fois, vu en dessus, Fig. 17. Le même, vu en dessous, au même grossissement, pour montrer la dispo- sition des pattes antérieures, la situation de la bouche et des divers appendices qui l'entourent. PLANCHE 2, Fig. 1. Méloponanüphrissontes orné, amplifié 20 fois, vu en dessus. Fig. 2. Le même, représenté au même grossissement, vu en dessous, pour montrer la disposition de la bouche et des pattes-màchoires. Fig. 3. Moitié du bord frontal, très-amplifié, indiquant la disposition de divers appen- dices et des poils pennés qui garuissent cette partie antérieure de la tête, 90 HÈSSE. Fis, 4. Bouche, très-grossie, de ce Crustacé. Fig. 5 et 6. Pattes du même, tres-grossies. Fig. 7. Metopocatacoteinus hérissé, amplifié environ 80 fois, vu en dessus. Fig. 8. Le même, à la même amplification, vu en dessous. Fig. 9. Antenne du même, très-grossie. Fig. 10. Un appendice caudal tres-amplifié. Fig. 1414. Mégasanoixe bimaculé, amplifié 70 fois, vu en dessus. Fig. 12. Abdomen du même, très-grossi, vu en dessous pour montrer les orifices gémi- taux, Fig. 13. Antenne du même, tres-grossie. Fig. 414. Bouche du même, très-grossie, accompagnée des pattes qui l’environnent. Fig. 15. Patte, très-arossie, qui sert de point d’attache aux sacs oviferes. Fig. 16. Griffes, très-grossies, qui bordent les pattes biramées. Fig. 17. Les mêmes, mais à un moindre grossissement. Fig. 18. Doropygus cristatus, amplifié 30 fois, vu de profil. DOCUMENTS POUR SERVIR À L'HISTOIRE DE LA BALEINE DES BASQUES (BALÆNA BISCAYENSIS) Par M, ©. FISCHER. La pêche de la Baleine, longtemps pratiquée par les Basques dans les eaux du golfe de Gascogne, a peu à peu diminué d’im- portance, et depuis le xvr° siècle a cessé complétement. Les Baleines, chassées à outrance, ont vu leur espèce presque détruite; quelques rares individus la représentent encore, en attendant une extinction absolue, qui ne peut tarder beaucoup. Nous assistons aujourd'hui à plusieurs de ces disparitions d'espèces zoologiques : je ne citerai, comme exemples, que celles de la Rhytine, du Dronte, du Solitaire, du grand Pingouin, etc. Il est donc important de réunir tous les documents relatifs aux animaux dont la durée spécifique est comptée, et dont les moindres débris seront plus tard recherchés soigneusement dans nos musées. Toutes les Baleines franches semblent d’ailleurs vouées à une fin prochaine. La Baleme du Groenland (Balæna mysticetus) n’habite plus que des mers maccessibles; les Baleines du Sud (Balæna dd: et antipodum) deviennent de plusen plus rares; la Baleine du Japon, attaquée sans trêve ni merci par les balei- niers américains, partagera bientôt le sort de ses congénères. Les baies où ces animaux vont mettre bas sont visitées, et la mort de chaque femelle est suivie nécessairement de celle du Baleineau. G.Cuvier n'a étudié que deux vraies Baleines: celle du Groenland, dont il avait vu une tête en Angleterre, et la Baieine SC. NAT., MAI-AOUT 1871, ARTICLE N° 9. 6 > P, FISCHER. australe, dont deux squelettes lui furent envoyés du cap de Bonne-Espérance par Delalande. Guidé uniquement par les caractères ostéologiques, Cuvier réforma la cétologie, encombrée d'espèces fantastiques établies par des compilateurs, tels que Klein, Brisson, Bonnaterre, Lacé- pède, qui n'avaient jamais vu un Cétacé, et qui décrivaient leurs caractères, leurs mœurs, leurs combats, avec une assurance démesurée. Mais l'exagération de la critique conduisit Cuvier à repousser l'existence d'espèces légitimes, comme la Baleine des Basques et la Baleine du Japon ; disons à sa décharge qu'il ne possédait aucune partie de leurs squelettes. La révision des Baleines franches est toute moderne. Elle est due, en grande partie, aux recherches patientes et sagaces d’Eschricht (1), qui inaugura un nouveau système d’études de ces animaux, en démontrant, de la manière la plus nette, que leurs migrations sont constantes, qu'elles n’ont jamais varié depuis les premiers jours où des observations ont été faites. Chaque espèce se meut dans un espace limité, qu'elle ne fran- chit qu'accidentellement ; par conséquent, une distribution géo- graphique distincte indique une espèce distincte. Cette méthode, appliquée maintenant par la plupart des céto- logues, et en particulier par M. Van Beneden(2), permet d’espé- rer dans uu avenir prochain une connaissance parfaite des cinq ou six Baleines franches qui sillonnent les mers du globe. Eschricht, en établissant, à l’aide des matériaux que lui avait fournisle capitaine Holbôll, les migrations du Balæna mysticetus, remarqua que cette espèce ne quittait Jamais les glaces du Nord ; par conséquent, elle ne devait pas être identique avegla Baleine des Basques, qui passait l'hiver dans le golfe de Gun, et retournait en été vers l'Islande. D'autre part, les anciens baler- (4) Eschricht, Forhandl, Skand. Naturf. Kiôbench, 1849.— Eschricht et Reinhardt, Kông. Dansk Vidensk, 1861. — Eschricht, Comptes rendus de l'Institut, 1858. — Comptes rendus de l’Institut, 1860; — Développement du questionnaire relatif aux Cétacés (Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, 1859, t, XXII, p, 425). (2) Van Beneden, Les Baleines et leur distribution géographique (Bulletin de l’Aca- démiie royale de Belgique, 1868, & XXV), ARTICLE N° 9. DOCUMENTS SUR LA BALEINE DES BASQUES. 5) niers basques et hollandais, de même que les Islandais, distin- guaient les deux espèces. On pouvait donc réfuter déjà l'opinion de Cuvier, qui, faute de preuves suffisantes, réunissait la Baleine du Groenland et celle des Basques sous un même nom. Enfin, une circonstance inattendue vint justifier toutes les prévisions d’Eschricht : une Baleine accompagnée de son Balei- neau se montra en 1854 dans la baie de Saint-Sébastien, au fond du golfe de Gascogne. Le Baleineau fut harponné et envoyé à Copenhague, où l'examen le plus superficiel montra à Eschricht combien étaient grandes ses différences avec la Baleine du Groenland. Bien plus, la Baleine des Basques n’appartenait pas au groupe zoologique du Mysticetus; elle n'avait d’affinités qu'avec les Baleines australes. 8 Ï. — Historique. Les anciens n’ont connu que la Baleme de la Méditerranée, qui est un Rorqual ou Balénoptère. Juvénal, cependant, fait allusion à la grandeur des Baleines de l’océan Britannique (1). Elles étaient pêchées sur les côtes de Flandre en 875, ainsi qu'il résulte du récit de la translation et des miracles de saint Waast. Au xr siècle, une Vie de saint Arnould parle de la pêche à la Baleine au moyen du harpon (2). Albert le Grand (3) et Vincent de Beauvais (4), au xi° siècle, nous ont transmis le récit de la pèche aux Baleines par les habitants de la Basse- Allemagne; on se servait de harpons lancés à la main ou à l’aide de balistes, et les animaux harponnés étaient achevés à coups de piques et remorqués sur le rivage. Plusieurs barques étaient employées à cette pêche; des marins faisaient un grand bruit de timbales et autres mstruments. L'usage des fanons de Baleine (1) «Quanto Delphinis Balæna britannica major.» (Bat. X, v. 14.) (2) Noël de la Morinière, Histoire générale des pêches anciennes et modernes, 1815. (3) De Animalibus, 651, (4) Speculum univers., 1, 1272: li P. FISCHER. comme pauaches de guerre au xm° siècle est attesté par deux passages de Guillaume Breton (1), le poëte de la bataille de Bouvines. Mais c’est surtout dans le golfe de Gascogne que la Baleine était abondante (2). Au moyen âge, les mœurs des Basques se rapprochaient de celles des Normands ; ils suivaient le long des côtes, et, quand la pêche était improductive, ils pillaïent les vil- lages voisins. Ils attaquaient les Baleines qui s’approchaient des baies pour mettre bas, les remorquaient à terre et les dépe- caient. On a trouvé, sur plusieurs points du littoral, des restes de tours ou de vigies et de fours à fondre le lard. Peu à peu les Basques dépassèrent au sud le cap Finisterre ; dès 999, d’après Cerqueyra, ils avaient conquis Porto et fondé des colonies dans le voisinage. Aux xr° et xim° siècles, cette pêche côtière est à son apo- gée, comme l'indiquent nombre de documents. Jusqu’alors elle était favorisée par une entière liberté. D'après les jugements d'Oléron, les pêcheurs de cap Breton, du Plech ou Vieux- Boucaut, de Biarritz, Guétary, Saint-Jean de Luz, du pays de Labourd, des côtes de Saintonge et d’Aunis, avaient été déclarés exempts de tous droits. Ils donnaient aux églises les langues de Baleines et Balemeaux, mais volontairement. Les rois d’An- gleterre, en qualité de ducs de Guyenne, exigèrent par usurpa- tion des droits seigneuriaux (3). En 1199, Jean-sans-Terre, roi d'Angleterre, fait don à Vital de Biole et à ses héritiers de cinquante livres angevines à prendre chaque année sur les deux premières Baleines capturées à Biar- riz, en échange de la rente que le roi Richard, son frère, lui avait donnée sur une pêcherie à Guernesey (4). (1) Willelm Brito, Philipp, IX, 519,XI, 321. (2) La Manche était visitée par des troupes de Baleines. Les chroniqueurs rapportent que, en 1004, plusieurs bâtiments périrent dans ces parages, choqués par des Baleines. (Mabillon, Act. sanct. ord. 5, Bened., sect. vi, 40.) (3) Tableau historique de la péche de la Baleine, par Noël, p. 13, thermidoran VIT. — Cleirac, Us et coutumes de la mer, 1661, p. 140. (4) Archives de la Tour de Londres. — Noël, Histoire générale des pêches, 1815, ARTICLE N° 3. DOCUMENTS SUR LA BALEINE DES BASQUES. 5 En 1268, cette rente fut rachetée par Thomas d'Yperague, sénéchal de Gascogne, moyennant une somme de quinze cents sous morlans payée à Vital de Polhon, citoven de Bayonne, ayant droit de Vital de Biole (1). La même année (1268), un règlement fixe les droits que les pêcheurs de Biarritz devront payer au roi pour chaque Baleine prise par eux à quarante livres de monnaie de Morlaas par Baleine et une livre par Baleineau (2). Un acte de l’abbaye de la Honce (village situé à six lieues de Bayonne), daté de 1261, énonce qu'il est permis de payer la dime en Baleines. Cette dime était une conversion du don que faisaient les pêcheurs des langues de Baleines et Baleineaux (3). Quatre ans auparavant (1257), Guillaume Lavielle avait donné à l'évêché et au chapitre de Bayonne la dîme des Baleines pêchées à l'Océan par les gens de Biarritz. En 1281, on eut des difficultés à recouvrer cette prestation. Le 30 août 1498, con- vention entre les chanoines représentant le chapitre et l’évêque de Bayonne, d'une part, et les habitants, d'autre part, pour réduire la dime au vingtième, en choisissant le meilleur de la langue et du gras, sans y comprendre le maigre. En 1566, les habitants refusent la redevance, d’où procès devant le sénéchal de Bayonne et appel devant le parlement de Bordeaux. Par une iransaction du 1° septembre 1566, on substitue à la dime un capital de neuf cent vingt livres et une rente de quatre-vingt douze livres bordelaises jusqu’à parfaite libération. Les habitants n’acceptèrent pas cet arrangement, et dès le 15 novembre 1567 revinrent à l’ancien mode de payement (4). Des échouements de Baleines portant des harpons sont (1) François Saint-Maur, Quelques mots sur la péche de la Baleine à Biarritz. Pau (sans date). (2) François Saint-Maur, loc. cit. (3) Goyetche, Saint-Jean de Luz historique et pittoresque. Bayonne, 1856, — Francisque Michel, Le pays basque. Paris, 1867, (4) François Saint-Maur, loc. cit. — U. Darracq, Réponse aux diverses questions posées par M. Eschricht de Copenhague, relatives à l’ancienne péche de la Baleine dans le golfe de Gascogne (Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, 1859, t. XXII, p. 432). 6 P, FISCHER. constatés par plusieurs actes. En 1290, lorsque le seigneur Have- ring était sénéchal de Guyenne, une Baleine morte fut jetée à la côte, ainsi que les harpons dont on s'était servi pour la percer. Ces harpons furent suspendus à l’une des poutres de la grande salle du château, en signe de la possession où était le roi de ces côtes. Dans le temps que Raymond du Mirail était gouverneur du château de Lège (1290), la mer jeta deux Baleines sur les côtes de Lège et de Saint-Vincent de Buch (1). Ces droits de naufrage devaient être assez importants, puis- que, en 1315, Édouard IL, roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine, passe un acte avec Yolande de Solier, dame de Belin, par lequel il se réserve le jet et échouement des Baleines sur les côtes de Biscarosse et de Sort, terre des Basques (2). Édouard IL, en 133$, voulant dédommager Pierre de Poyanne de ses frais pour équiper à Bayonne la flotte dont il était amiral, lui délègue les droits qu’il percevait à Biarritz, savoir : 6 livres sterling sur chaque Baleine prise et amenée au port (3). Sur un acte de 1335, le sceau de Fontarabie représente une barque montée par des pêcheurs qui harponnent une Baleine (4). En 1870, j'ai constaté que les armes de Fontarabie. peintes dans l’église de la ville, représentaient un poisson que tous les habitants appellent encore Baleine. À cette époque, on vendait la chair, et surtout la langue de Baleine, considérée comme un mets délicat dans les marchés de Bayonne, Cibourre, Biarritz, etc. (5); les côtes servaient à faire des clôtures de jardins (6); les vertèbres étaient utilisées comme sièges (7); enfin, les mâchoires inférieures étaient placées à la (4) Charte du & février 1290, apud Rymer, t. I, pars 3, p. 87. (2) Rymer, loc. cit, 1315, pars 3, p. 514 et 515. (3) Rymer, loc. cit., pars 5, p. 46. (4) François Saint-Maur, Loc. cit. (5) Noël, Tableau historique de la péche de la Baleine, thermidor an VIT. (6) Rondelet, Histoire entière des Poissons. Lyon, 1568. (7) Thore, Promenade sur les côtes du golfe de Gascogne, Bordeaux, 1810, p. 328. ARTICLE N° 3. DOCUMENTS SUR LA BALEINE DES BASQUES. ñ porte des églises (1). Il y a quelques années encore, une mâchoire inférieure de Baleine se voyait devant la chapelle d'Arcachon. Rondelet n’a eu que des notions incomplètes sur la Baleine; il remarque cependant que la Baleine des Basques n’est pas la vraie Baleine des anciens, qui ressemble plutôt à son Gibbar, qui est un Rorqual. La Baleme vulgaire qu'on prend, dit-il, sur la côte des Basques, est longue de 36 coudées et épaisse de 8 ; elle n’a pas d’aileron dorsal; son estomac ne contient pas de poisson, « d’où il paraît qu’elle n’est point mange-chair » (2). D’après Delalande, l'estomac de la Baleine australe ne con- tient jamais de restes de poissons (3), ce qui la rapproche de la Baleine des Basques. Du temps de Rondelet, la Baleine était encore assez commune, puisqu'il parle de « ceux qui tous les ans en la coste de Baïone » font le guet à ces bestes pour les prendre, puis les partissent » en pièces ». La pêche était pratiquée en hiver. Dés que les guetteurs aper- cevaient une Baleine, ils sonnaïent le tambourin. Les pêcheurs s’'embarquaient sur des nacelles à dix rameurs, et attaquaient le Cétacé avec des harpons munis de cordes; lorsque la Baleine avait perdu son sang, on la remorquait à terre. Au xvr° siècle, André Navajero, ambassadeur vénitien, de passage en France et en Espagne, parle de la pêche à Bayonne et à Saint-Jean de Luz. Une Baleine valait alors 200 ducats (4). (1) A Biarritz, les os maxillaires inférieurs de Baleine ont été employés aux usages les plus divers. Ils servaient de pont pour traverser un petit ravin, de poutres, de solives, etc. J’en ai trouvé de très-nombreux fragments en 1870, mais aucune pièce n’était intacte. Une portion de mächoire inférieure, appartenant à M. Silhouette, de Biarritz, est longue de 42,75 ; sa plus grande largeur n’est que de 30 centimètres : dimension faible par rapport à la largeur des mandibules des Baleines australes. Dans presque toutes les vieilles maisons de Biarritz existe une pièce où l’on fondait l'huile de Baleine ; les vertèbres servaient de siéges, En démolissant ces maisons, on rencontre dans le sol des ossements de Baleine, (2) Rondelet, loc. cit. (3) Desmoulins, Dictionnaire classique a histoire naturelle, t. I, p. 161. * (4) François Saint-Maur, Loc, cit. 8 P. FISCHER. Cleirac, avocat de Bordeaux et auteur de l'ouvrage intitulé : Us et coutumes de la mer, donne l'indication exacte de l’arrivée des Baleines dans le golfe de Gascogne. « La saison du passage des Baleines sur les costes de Guyenne » et de Biarris, lesquelles s’attouchent en angle droit ou quart » de rond, au lieu nommé la Chambre d'amour, proche les » masures de l’ancien chasteau de Ferragus, en la paroisse de » l’Anglet, distant d'environ une lieue de Bayonne, commence » après l’équinoxe de septembre et dure presque tout l'hyver. » Il avance que les Basques distinguent la Baleine du Nord de celle de Guyenne; ils nomment Guelde un insecte dont elles se nourrissent, et assurent qu'on ne trouve pas de poissons dans leur estomac (1). Duhamel rapporte que, de son temps, quelques Baleines paraissent encore sur la côte de Bayonne et jusqu’au cap Finis- terre, où l’on en a harponné. Il distingue nettement la Baleine des Basques, ou Sarde, de la Baleine du Groenland, en soup- connant toutefois que la Sarde pourrait bien ètre le Vordkaper des baleiniers hollandais (2). $S 11, — Echouements de Baleines franches sur les côtes de France et du golfe de Gascogne, Un très-petit nombre d’échouements de Baleines franches ont été constatés sur nos rivages; la plupart n’ont été suivis d’au- cune observation zoologique détaillée. 1° Vers le milieu de février 1680, près du phare des Baleines, au N.-0. de l’île de Ré, on découvrit une Baleine échouée sur la plage, de telle sorte que l'œil, une portion du ventre et la queue étaient seuls visibles. L'animal fut examiné par Segnette (3), médecin de la Rochelle, qui lui attribua les dimensions sui- vantes : (1) Cleirac, Us et coutumes de la mer. Bourdeaux, 1661. (2) Duhamel, Traité général des pesches, t. IT, 1779. (3) Historia Ceti aut Balænc ad littora Rupellæ propulsæ (Zodiacus medico-gallicus, annus secundus, authore Nicolao de Blegny ; Genevæ, 1682, t. 1, p. 63-67). a ARTICLE N° de DOCUMENTS SUR LA BALEINE DES BASQUES. 9 m De l'extrémité du rostre à la queue. ........ 15,43 — 47 pieds ct demi. Girconférence. MEN RICE EI" 8,77 à 9m — 27 à 28 picds. De l'extrémité du rostre à l’œil..........,.. 3,958 — 11 pieds 2 pouces, De l’œil à la nageoire pectorale............. 0,65 — 2 pieds. De la nageoire à la fente vulvaire........... 6,50 — 20 pieds. Longueur de la fente vulvaire...........,.. 0,97 — 3 pieds. De la fente vulvaire à l'extrémité de la queuc. 4,60 — 14 pieds 4 pouces. D'une pointe de la nageoire caudale à l’autre. 5,20 — 16 pieds. Longueur de la nageoiïre pectorale....,..... 1,10 = 3 pieds et quelq, pouces, Largeur de la nageoire pectorale.,.,.,.,.,.. 4,30 — 4 pieds. La peau était uniformément noire, lisse et soyeuse; autour de la tête, Segnette observa des sortes de couronnes creusées dans les téguments et qui paraissent être des Coronules ; enoutre, dans les chairs de la mâchoire inférieure, existaient des amas de coquilles analogues à celles que l’on appelle vulgairement Dails ou Coutelières (1). La langue, recouverte d’un tégument blanc, était remarqua- blement épaisse. Segnette décrit avec soin les organes génitaux femelles, les mamelles et même les os pubiens (2). Il suffit de lire la relation de Segnette pour être convaincu que le médecin de la Rochelle à vu une Bateine franche, el non un Rorqual ou Balénoptère. Et d’abord remarquons que l’échouement à eu lieu à la pointe des Baleines, par conséquent dans une localité visitée de temps immémorial par ces grands Cétacés (3). | Segnette ne parle ni d’aileron dorsal, ni de plis de la gorge, qui distinguent si facilement les Balénoptères des Baleines fran- ches. Il attribue à sa Baleine une coloration noire uniforme, qui est propre aux deux Baleines australes et à la Baleine des côtes E. (1) «Nonnullis referentibus illico apparuere quædam stellulæ per superficie » sparsæ, ac revera à me observatæ, nominatim circa caput, nonnullæ figuræ quasi » exsculptæ, coronam quamdam non male referentes; proxime autem extremitatem » maxillæ inferioris repertus a me cumulus concharum quarumdam, quas vocant dails » seu coutelières, carni et profunde infixarum.» (Segnette, loc. cit, p. 64.) (2) « Præter uteri ligamenta, dissecantibus observanda exhibui duo ossa, quorum » unum transversum ferebatur a fundi illius initio, alterum a posteriori parte, utrum- » que coloris flavescentis, trium digitorum crassitudinis, procul dubio vices ossium » pubis quæ in cæteris animalibus existunt obtinentia.» (Segnette, loc. cit.) (3) I existe encore sur la côte de la Charente-Inférieure une localité nommée rade des Basques, en souvenir des anciennes pêcheries de Baleines. 40 P, FISCHER. de l'Amérique du Nord (1) ; tandis que les Balénoptères sont cen- drés ou noirs, avec le ventre blanc; que la Baleine du Groen- land est d’un gris noirâtre avec quelques parties blanches, et que la Baleine du Japon porte sur la tête des taches blanches con- stantes. La longueur de la tête, comparée à celle du corps, est, chez la Baleine de l’île de Ré, égale à un quart ; elle est supérieure à ce chiffre chez les Baleines australes et la Baleine d'Amérique. Chez la Baleine du Groenland, la tête est égale à un tiers de la longueur totale; chez les Balénoptères, la tête ne représente guère plus que le cinquième environ de la longueur du corps. L'élargissement de la nageoire pectorale ne se voit que chez les vraies Baleines ; les nageoires des Balénoptères sont allon- gées, étroites, en forme de fer de lance. Enfin, il n’est pas douteux que la Baleine de l’île de Ré por- tait sur la tête des Cirripèdes, que Segnette compare à des cou- ronnes et qui devaient appartenir au genre Coronula (2). Ces Coronules, qui manquent toujours chez la Baleine franche et les Balénoptères, se montrent constamment chez les Baleines australes, en compagnie de Tubicinelles. Les Baleines à bosse (Megaptera) portent des Diadema. Il est très-probable que Rondelet, en décrivant la Baleme des Basques, a voulu faire allusion aux Coronules qu'on remarque sur leur tête, dans le passage suivant : « Rostro est brevi, fistula caret; corio duro, nigro, integitur sine pilis, cui Lepades et Ostrea hœrentia aliquando reperiuntur (3). » 9 M. de la Courtaudière écrit, de Saint-Jean de Luz, à Duhamel, que, dans le mois de février 1764, il vint échouer sur cette côte une Baleine avec son petit qu’elle portait sur son dos. On harponna le petit, qui donna huit barriques d'huile et (4) Les baleiniers donnent à cestrois espèces de Baleines (Balæna australis, antipo- dum et cisarctica) le nom commun de Black Whale. (2) M. Van Beneden propose pour cette Coronule l'appellation Coronula biscayensis (Les Cétacés, leurs commensaux et leurs parasites, dans Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 2° série, 1870, t. XXIX, p. 105); mais nous ne savons pas encore si l'espèce n’est pas identique avec le C, balænaris des Baleines australes. (3) Rondelet, De piscibus, lib. XVI, p. 476, Lugduni, 1554, ARTICLE N° 5. DOCUMENTS SUR LA BALEINE DES BASQUES. Al cent livres (50 kilogrammes) de fanons; il avait 25 pieds (8 mètres environ) de longueur, 17 pieds et demi (6 mètres environ) de circonférence dans sa plus grande épaisseur, 15 pieds du côté dé la queue, et 10 pieds 2 pouces à la tête (1). Ici le doute n’est plus permis, le Baleineau mesuré par de la Courtaudière appartient bien certainement à l'espèce de Biscaye. 3° En février 1811, la mer rejeta sur la plage de l’'Herbau- dière, presque en face du corps de garde, une Baleine, considé- rée par F. Piet comme Baleine franche. Il lui fut impossible de l'examiner avec beaucoup d'attention, en raison de sa putréfac- tion, qui en rendait l'approche presque insurmontable. La tête manquait entièrement. On fit mesurer la longueur de la colonne vertébrale, et, en supposant que la longueur de la tête de la Baleine forme le tiers du corps, non compris la nageoire cau- dale, Piet en conclut que ce Cétacé avait de 28 à 30 pieds (10 mètres) (2). h° Le 25 février 1852, une Baleine de ‘grande taille, mais dé- capitée et en pleine putréfaction, échoua sur la plage de Soulac (Gironde). L’odeur était tellement infecte, qu’on prit des me- sures pour brûler immédiatement sa carcasse. Elle n’a pas été mesurée (à). Il est probable que cette Bateine et la précédente ont été cap- turées en mer et abandonnées aux courants, après le dépouille- ment des fanons. Elles proviennent certainement de l'Atlantique du Nord. 5° À Ja fin de décembre 1853, le gardien du phare de Biar- ritz aperçut au large une Baleine; «la partie supérieure de son corps était couverte d’un banc de coquillages qui s’y étaient incrustés » (4). (4) Duhamel, oc. cit., t. III, p. 25. (2) F. Piet, Recherches sur l'ile de Noirmoutiers, 22 édition, 1863, p. 243. (3) Eschricht, Développement du questionnaire (loc, cit,, 1859, p. 498). (4) François Saint-Maur, loc. cit. 12 P. FISCHER. En janvier 1854, des marins de Biarritz, en pêche dans une chaloupe près du phare, virent une Baleine, accompagnée de son Baleineau, se dirigeant vers l’anse de la Chambre d'amour (1). Pendant que l’ou cherchait des harpons, la Baleine disparut dans la direction de la côte d'Espagne, et les marins qui la poursuivirent la perdirent de vue à la hauteur du port des Passages. Le 17 janvier, les Baleines entrèrent dans la baie de Saint- Sébastien, où le Balemeau recut trois harpons. «Quand la Baleine mère vit son petit capturé, loin de fuir, elle fit des efforts inouïs pour le délivrer, décrivant un cercle autour des chaloupes sans leur faire aucun mal : tantôt elle étreignait le Baleineau sous ses terribles nageoires et s’efforçait de l’entraîner au loin ; tantôt elle plongeait avec lui, disparais- sait, et se montrait bientôt à quelque distance. Mais l’entreprise n'était pas facile, les lignes étaient solides et les trois harpons bien assurés. » Enfin, dans un dernier effort, la Baleine brisa d’un coup de queue les lignes de pêche, et emporta au loin le Baleineau, qui laissait une longue traînée de sang. Le lendemain, le corps du Baleineau, ayant été rencontré en mer par une barque de Guetaria, fut remorqué à Saint-Sébastien. La Baleine suivit le corps de son petit et entra dans la conche de Saint-Sébastien ; elle y séjourna six heures, malgré les coups de fusil qu'on lui tira, et disparut le lendemain (2). Le docteur Monedero dessina le Baleineau, dont le squelette fut envoyé au musée de Pampelune, où Eschricht arriva en 1858. Il acquit ce spécimen intéressant, qui fait aujourd'hui partie du musée de Copenhague. Le Baleineau de Saint-Sébastien diffère radicalement du Balæna mysticelus; mais il se rapproche de la Baleine du Cap par la forme de la tête. Le rapport de la tête à la lon- gueur totale est de + pourle B. mysticetus, — pour le B. austra- (1) Ces Baleïnes suivaient exactement la route indiquée par les anciens auteurs. (2) E. Lamaignère, Gazette de Biarritz, août et seplembre 1859. ARTICLE N° 3. DOCUMENTS SUR LA BALEINE DES BASQUES. 15 lis, —- pour le B. biscayensis (1). Le nombre des vertèbres est différent de celui de la Baleine du Cap ; l’omoplate a une forme spéciale. On compte quinze côtes ; la première est bifide à son extrémité antérieure (2). Le dessin que M. Monedero fit exécuter, d’après le Baleinean de Saint-Sébastien, est extrèmement précieux, parce qu'il constitue la seule représentation authentique de la Baleine des Basques (5). Le Baleineau était entièrement noir. La tête est remarqua- blement courte; les lippes sont larges et relevées ; le rostre est assez large. Les nageoires pectorales, élargies, sont échancrées vers la partie moyenne de leur bord inférieur, caractère qu’on retrouve chez les Baleines australes ; la tête forme à peu près le quart de la longueur totale ; la nageoire caudale est très-large. Dimensions. m Detaipomteduros(re a la queue.. nt ... 7,56 — 26 pieds 9 pouces, CHICONIETENCO RE EEE CE ECC M eee MON == 17) Hauteur au niveau des évents..............,...... ARE NC 0 Largeur de la caudale, d’une pointe à l’autre........ 2,54 — 9 0 Distance durostre a Nœils ere... 1,45 = 5 2 Hauteur de la mâchoire inférieure, à sa partie moyenne. 0,87 — 3 il Longueur des nageoires pectorales. ..,..., 09000000 UE 9 Largeur des nageoires pectorales.......... Cosdoueo DD 6 Circonférence de la langue....,... Gao Cod 001 Joocoe ADN E 2 À la partie supérieure de la tête et du dos, on a recueilli un Crustacé parasite, qui, d'après le dessin, se rapporte au genre Cyamus. M. Van Beneden l'appelle Cyamus biscayensis (h). Eschricht devait donner une monographie de ce squelette ; (A) Eschricht, Sur les Baleines franches du golfe de Biscaye (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1860). (2) Gray, On the geographical distribution of the Balænidæ (Ann. and Mag. of nat. Hist., London, avril 1868). (3) Copin al natural del Ballenato muerto en la playa de S. Sebastian, el 17 de Enero de 1854, hecha por las indicaciones y direccion del Do Monidero. — Cette figure est reproduite dans le bel ouvrage de Gervais et Van Beneden sur l’histoire naturelle des Cétacés. (4) Les Cétacés, leurs commensaux et leurs parasites (Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 2 série, 1870, t, XXIX, p. 349). Al P. FISCHER. malheureusement la mort l’a frappé au moment où il commen- çait la publication de son Histoire naturelle des Cétacés. $ III. — Existe-t-il plusieurs Baleines franches dans l’océan Atlantique septentrional ? Cette question est difficile à résoudre, par suite de l’insuffi- sance des documents. Nous savons que de temps immémorial on a pêché sur les côtes d'Islande et de Norvége une Baleine distincte de la Baleine du Groenland. Il est prouvé par plusieurs sagas norvégiennes que les Normands avaient précédé les Basques dans ces entreprises, et qu'en Islande on mangeait la chair de la Baleine (1). Un ma- nuserit islandais, Kong-skug-sio (Miroir royal), du xu° siècle, distingue la Baleme du Groenland, ou Nordwail, du Sletbag, ou Baleine de l'océan Atlantique (2). Les pêcheurs islandais distin- guaient les deux espèces d’après leur taille et les Cirripèdes qui couvrent le dos de la deuxième. Le nom de Vordkaper, ou Baleine du cap Nord (Islande), fut donné à notre Baleine par les Hollandais, et elle est ainsi dési- guée dans la plupart des voyages et des traités zoologiques. Égède, Crantz, Anderson, et les autres voyageurs, lui donnent pour caractères distinctifs : une tête plus petite et un corps plus mince que chez le Mysticetus ; les fanons sont plus courts ; la mâchoire plus arrondie. Elle ne fournitque dix à trente tonneaux d'huile; enfin elle porte des Balanes (Cirripèdes) sur le dos. Elle serait ichthyophage (3), circonstance à vérifier, qui est en désaccord avec les assertions des Basques au sujet de la Baleine de leurs côtes. L'histoire du Nordkaper à été singulièrement embrouillée ; il semble que plusieurs auteurs ont rapporté à cette espèce une variété du B. mysticetus (k). Les baleiniers en ont eu une notion (1) Noël de la Morinière, Histoire générale des péches anciennes et modernes, 1815 (2j Eschricht, Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1858 et 1860. (3) Anderson, Histoire naturelle de l'Islande, Groenland, etc., t. I, 1750, (4) La figure du Nordcaper donnée par Lacépède représente un véritable Myst- cetus, Elle lui avait été communiquée par Joseph Banks, qui l'avait reçue de Bach- ARTICLE N° 9. DOCUMENTS SUR LA BALEINE DES BASQUES. 15 plus exacte. On prétend que les Hollandais crurent reconnaître leur Vordkaper, lorsqu'ils découvrirent la Baleine australe en allant aux Indes orientales (4). Le Nordkaper n'existe plus dans les mers du nord de l’Europe ; depuis bien longtemps aucun individu n’a échoué sur les côtes de Norvége et d'Islande. En 1783, une Baleine de cette espèce fut harponnée par un baleinier danois entre Terre-Neuve et l'Islande (2). Mais aucun musée n’en possède un squelette. Il est probable que le Vordkaper d'Islande était la même espèce que la Baleine des Basques. Les anciennes relations nous apprennent que le Vordkaper arrivait en Islande au moment même où la Baleime des Basques venait de quitter ses stations d'hiver dans le golfe de Gascogne (3). Quelle était maintenant la Baleine des côtes nord-est de l’A mé- rique du Nord ? Lorsque les Basques eurent détruit les Baleines qui arrivaient en hiver dans leurs parages, ils cinglèrent vers l’ouest, et attei- gnirent, en 4372, le banc de Terre-Neuve, où ils aperçurent des Baleines en abondance. Comme l'espèce qu'ils y trouvèrent était différente de celle du golfe de Gascogne, ils la nommèrent Sar- laco Baleac, qui, en leur langue, signifie Baleine de troupe. Telle est l'origine du nom de Baleine de Sarde, ou simplement Sarde. strom. Or Bachstrom exécuta son dessin en 1779, d'après unie Baleine du Groenland, La tête mesute plus du tiers de la longueur totale. «Le dessous de la tête, dit Lacé- pède, paraît un grand ovale d’un blanc {rès-éclatant, au centre et à circonférence duquel on voit des taches grises ou noirâtres irrégulières, confuses et nuageuses, » Cette coloration est précisément celle de la Baleine du Groenland, Il suffit d’ailleurs de comparer la figure du Balæna mysticetus de Scoresby (Arcéic Regions, 1, p. 448, pl. 12, fig. 1) avec celle du Nordcaper de Lacépède, pour reconnaître leur identité. D'ailleurs Scoresby lui-mème déclare que les dessins de Bachstrom constituent la représentation la plus exacte de la Baleine du Groenland. (1) Eschricht, Loc. cit., 1860, (2) Eschricht, loc. cit., 1860, (3) Les anciens auteurs attribuent 7 pieds de longueur aux fanons du Nordkaper Qui avaient, par conséquent, les mêmes dimensions que les fanons des Baleinés australes, Les fanons de la Baleine du Groenland sont longs de 3 à 4 mètres, Les nouveau-nés du Nordhkaper auraient 6 mètres de longueur, et ceux du B, mysticetus EL mètres et demi tout au plus. 16 BP. l'ISCHER. Continuant leurs explorations, ils arrivèrent au golfe de Saint- Laurent; là ils découvrirent une Baleine différente de la Sarde et bien meilleure. Ils lui imposèrent le nom de grand Bayaco Baleac, ou Baleine de la grande Baie (1). Après l’appauvrissement de la baie de Saint-Laurent, les Basques poussèrent vers la mer Glaciale, où ils atteigmirent le principal repaire de la Baleme du Groenland, qui leur parut être la même que celle du Saint-Laurent (2). Ils remarquerent que la corpulence de la grande Baleine du Nord était environ double de celle de la Sarde ; les fanons sont plus grands; l'huile est plus claire, tandis que celle des Sardes est toujours trouble (3). On n’est nullement certain que la Sarde de Terre-Neuve ait été identique avec la Baleme de Biscaye ; elle en était cepen- dant voisine, quoique un peu plus maigre : mais nous savons que les Baleines sont très-grasses au moment de l'allaitement, qui correspondait à la station d'hiver des Baleines de Biscaye. Une autre Baleine a été signalée sur les côtes E. de l'Amé- rique du Nord ; elle était très-abondante à l'embouchure de la Delaware. Une lettre de W. Penn, datée de 1683, dit que onze individus ont été pris cette même année près des caps; cinq ont été vus dans le fleuve Delaware depuis cette époque, et deux de grande taille ont été capturés sur les côtes du Maryland. Les baleiniers américains nomment Black W hale cette espèce de Baleine, dont la coloration est par conséquent identique avec celle des Baleines australes. Récemment trois captures de la Baleine d'Amérique ont été signalées par M. Cope. Il y a trois ans, un individu a été pris vis-à-vis de Philadelphie, un autre dans la baie de Rehoboth (4) Cette Baleine est indiquée par Thomas Edge sous le nom caractéristique de «the Grand-Bay Whale ». (2) Aujourd’hui le B. mysticetus ne descend plus en Islande et à la baie de Saint- Laurent. On n’en voit plus dans les parages du Spitzberg, où sa pêche était très-active au xvue et au xvin® siècle. (3) Mémoire adressé en 1710 à M. de Planthion, syndic général du pays de Labourd par les négociants de Saint-Jean de Luz et de Cibourre. (La Gironde, 29 avril 1857.) ARTICLE N° 4. DOCUMENTS SUR LA BALEINE DES BASQUES. 1h (Delaware), et le dernier dans la baie de Mobjack (Virginie). On en voit quelquefois dans les parages de New-York. Un squelette complet fait partie du musée de l’Acadéinie de Philadelphie. Longueur totale, 31 pieds et demi (9",45); mais, en tenant compte des cartilages, ce chiffre pourrait être porté à 37 pieds (11*,10). Toutes les épiphyses ne sont pas soudées. La tête, longue de 8 pieds 5 pouces (2”,62), est proportionnelle- ment au Corps aussi longue que chez la Baleme australe. On compte cimquante-six vertèbres, quatorze paires de côtes. La tête de la première côte est simple, non bifide. L’omoplate est très- large : 29 pouces de largeur (72 centimètres) et 23 de hauteur (57 centimètres). En comparant cette espèce, que M. Cope a nommée Balæna aisarcticaau, Balæna australis, on verra qu'elle en diffère :1° par le nombre des côtes (14 au lieu de 15); 2° par le nombre des vertèbres (56 au lieu de 59) ; 3° par la largeur proportionnelle- ment plus grande de l’omoplate (57 centimètres de hauteur et 72 centimètres de largeur chez le B. cisarchica, 96 centimètres de hauteur et 409 centimètres de largeur chez le B. australis). Les pariétaux enfin seraient plus aigus (1). Cette Baleine d'Amérique, incontestablement distincte des Baleines australes, est-elle semblable à la Baleine de Biscaye ? M. Cope le soupçonne, ainsi que M. Van Beneden (2), qui serait disposé à ne voir qu'une seule espèce dans toutes les Baleines franches des mers tempérées du Nord Atlantique. M. Gray (3), au contraire, croit la Baleine de Biscaye distincte, parce que le squelette du Baleineau de Saint-Sébastien a quinze côtes, et que la tête de la première côte est bifide. Je ne sais si ces carac- tères ont une valeur spécifique absolue; mais j'ai vu souvent le nombre des côtes varier chez les Dauphins et les Marsouins, amsi que le nombre des vertèbres. Quant à la bifidité de la tête de la première côte, il m'est impossible d’être édifié sur son impor- (4) Cope, Note on a species of Whale occurring on the coast of the United Siates (Proceed. of Acad. of nat. Hist. Philadelphia, 1865, p. 168). (2) Van Beneden, Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 1867 ct 1868. (3) Gray, loc. cit. (Ann. and Mag. of nat. Hist., 1868). SC. NAT,, MAI-AOUT 1871, ARTICLE N° 5. 7 18 BP, FISCHER. tance. M. Gray, en ne tenant compte que de cette dernière dif- férence, caractérise deux espèces de Baleines du Cap : la pre- mière, Eubalæna australis, s'applique aux squelettes du Musée de Paris rapportés par Delalande; la seconde, Hunterius Tem-— minchi, est représentée par le squelette d’un Baleineau du musée de Leyde (1), dont les vertèbres sont plus nombreuses et dont la premiere côte est bifide. Si cette distinetion est acceptée, il est évident que la Baleine des Basques appartient au genre Hunterius. Un autre caractère très-remarquable des Hunterius est l'ex- trème épaisseur des côtes, dont la section esl ovalaire et presque circulaire. Jai reçu de M. de Folin un fragment de côte d’une Baleine de Biscaye provenant de Biarritz ; l'épaisseur de cette pièce dépasse de beaucoup les dimensions des côtes correspondantes chez les Balæna Mysticetus, australis et antipodum, dont les squelettes d'individus très-adultes sont conservés au Muséum d’histoire naturelle de Paris : Dimensions. Plus grand diamètre de la côte... — 0,11 Plus petit diamètre de la-côte... —= 0,085 La section de cette côte est régulièrement ovale, sans angle ou crête appréciable. Il existe une autre Baleine franche, dont les côtes offrent la même conformation : c'est le Hunterius Svedenborgi de Lillje- borg (2), connu seulement par quelques parties du squelette découvertes à létat subfossile, en 1709, à Wanga (Gothland, Suède), et conservées dans le musée de l’Académie des sciences de Stockholm. L'extrémité inférieure des côtes et leur section sont tellement semblables à celles de la Baleine de Biscaye, qu'on (1) Scblegel, Abhandl., 1841, 37. — Flower, Gray, Catalogue of Seals and Whales in the British Museum, ed. 2, 1866, p. 98: (2) On two subfossil Whales discovered in Swedén (Nova AG regiæ Sociel. scient : Upsaliensis, 3° ser,, 1868, t. VI). ARTICLE N9 6. DOCUMENTS SUR LA BALEINE DES BASQUES. 19 peut se demander si les deux espèces ne doivent pas être réunies sous un seul et même nom. Il est enfin probable qu'un certain nombre d’ossements de Baleines quaternaires se rapportent à la Baleine de Biscaye : tels sont deux vertébres et une côte des dunes d'Ostende (1), un groupe de vertèbres cervicales draguées à Bridport (2) en 1860, et diverses autres pièces figurées dans l’Ostéographie des Célacés de Gervais et Van Beneden. Enfin les restes de la Baleine déterrée rue Dauphine, à Paris, décrits et figurés par Lamanon, Daubenton et Cuvier (3), pour- raient bien appartenir à la Baleine de Biscaye. Ces os sont cer- tainement subfossiles, et personne ne pourrait soutenir aujour- d'hui qu'ils ont été enfouis à l’époque tertiaire. Résurné. — Les Baleines franches des régions tempérées du Nord Atlantique ont recu plusieurs noms, suivant les localités où on les a pèchées ou recueillies : 1° Balæna Biscayensis, dansle golfe de Gascogne ; 2° Nordkaper, en Norvége et Islande ; 3° Baleines de Sardes ou Sardes, au banc de Terre-Neuve ; h° Balæna cisarctica, sur les côtes E. de l'Amérique du Nord; 5° Hunterius Svedenborgi, subfossile de Gothland ; 6° Balæna Lamanoni, subfossile de Paris. Ces désignations s’appliquent-elles à une seule espèce? Je ne le pense pas, malgré l'opinion de leur identité présentée par M. Vau Beneden. ÿ Les Balæna Biscayensis, le Nordcaper des Norvégiens et Islandais, et l'Aunterius Svedenborgi, me semblent devoir étre » * confondus dans un même genre, sinon dans une même espece, . très-voisine de l’'Æunterius Temmincki du cap de Bonne-Espé- rance. Ces diverses Baleines ont pour caractères communs une (4) Van Beneden, Notice sur la découverte d’un os de Baleine à Furnes (Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 2° série, 1867,t, XXII). (2) Van Beneden, Les squelettes des Cétacés et les Musées qui les renferment, p. 39. (3) Lamanon, Journ. de phys., 1724, t. XVII, p. 393, pl. 2. — Daubenton, Hém. Acad, sc., 1782, p. 241. — Cuvier, Ossements fossiles, t. V, part. 2, p. 393, pl. 27, fig. 16. — Un fragment de crâne est conservé au musée Teyler, de Haarlem; le Musée de Paris possède une vertèbre et quelques autres pièces, \ 20 P. FISCHER. | tête très-petite, une première côte bifide, les extrémités Infé- rieures des côtes très-épaisses et presque arrondies (4). Les Sardes du banc de Terre-Neuve, et le Balæna cisarctica de la côte de l'Amérique du Nord, appartiennent à un groupe différent très-voisin des Balæna australis du cap de Bonne- Espérance et B. antipodum de la Nouvelle-Zélande. La tête est comparativement plus longue que chez les Hunterius ; la pre- mière côte est simple ; les extrémités inférieures des côtes sont comprimées. , Il existe donc dans nos régions tempérées de l'Atlantique au moins deux espèces de Baleines franches (2), qui toutes les deux n’ont aucun rapport avec la Baleme du Groenland (Balæna Mysticetus). 7” La démonstration de ces suppositions sera, je Crois, encore plus évidente, lorsque MM. Reinhardt et Copé auront publié les monographies de la Baleine de Saint-Sébastien et de celle de l'Amérique. En terminant cette note, je remercie M. Geffroy, professeur à la Faculté des lettres de Paris, qui a mis à ma disposition plu- sieurs notes destinées à M. Eschricht pour la rédaction de son grand ouvrage sur les Cétacés, dont quelques feuilles seule- ment ont été imprimées. 4 (1) M. Gervais m'a montré l'extrémité inférieure d’une côte du Balæna Lama- ont, qui, par son épaisseur, se rapporte à la Baleine des Basques. (2) Une autre Baleine de l’Atlantique est indiquée par les anciens cétologues sous le nom de Balæna gibbosa ou nodosa. M, Gray suppose qu’elle appartient au groupe des Baleines franches; Cuvier croit y reconnaître un Rorqual. ARTICLE N° &, + MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES, Par KI. FBAFRBEANE. Suite (1). $ III. — Développement de l’œuf poudu. Avant d'aborder cette partie de mon travail, je crois devoir avertir le lecteur qu’il ne doit pas s’attendre à trouver ici le ta- bleau complet de l’évolution des Aphides depuis le moment de la ponte jusqu'à celui de l’éclosion. Il n’a pas dépendu de moi de tracer dans son ensemble l’histoire embryologique de l'œuf pondu, attendu qu’à partir d’une certaine période du développe- ment, l'œuf devient complétement impropre à une observation suivie, et qu'il ne se prête bien qu’à l'étude des premières phases des phénomènes embryonnaires. Je serai notamment obligé de laisser de côté presque tout ce qui. concerne le développement organogénique de l'embryon. Mais tout en bornant notre tâche à l'étude presque exclusive des premières modifications de l'œuf, nous trouverons encore de nombreux faits à recueillir, dont plu- sieurs, fort inattendus, sont d’un haut intérêt pour l’'embryolo- giste. Quant à ceux que les difficultés matérielles de l’observa- tion dérobent à notre vue, nous sentirons moins vivement le regret de les passer sous silence, en considérant que nous pou- vons y suppléer par l’mvestigation sur les Pucerons vivipares, dont l’évolution présente, comme nous le verrons par la suite, la plus grande analogie avec celle de l'embryon dans l’intérieur de (1) Voyez les articles n°5 2 et 9 du tome précédent, et l’article n° 4 ci-dessus. Les planches à consulter sont les 48€ et 192 du dernier volume de ce recueil. SC. NAT. MAI-AOUT 1871, ARTICLE N° 4. D RAIIRBEANE. l'œuf pondu. Je me bornerai done ici à exposer les faits qui concernent spécialement ce dernier, sauf à compléter plus tard l'histoire embryogénique des Aphides dans un autre travail qui formera la seconde partie de ce mémoire. Mes recherches n’ont pas porté sur une espèce unique, étu- diée à l'exclusion des autres. J'ai examiné l’évolution chez un assez grand nombre de types appartenant à des genres diffé- rents : partout j'ai reconnu une identité parfaite des phénomènes du développement, d’où je me crois en droit de conclure que mes descriptions pourront s'appliquer à tous les Aphides mdis- tinctement. Les seules différences constatées ne concernent que la facilité plus ou moins grande de l'observation ; toutefois 1l est peu d'espèces où celle-ci rencontre des difficultés réelles. Je citerai parmi ces dernières les Lachnus, où, par suite de son gros volume, l'œuf n'offre pas une transparence suffisante, et quel- ques autres où, bien que doué de proportions moindres, ce corps est rendu opaque par l'abondance et la coloration foncée des granulations pigmentaires de sa couche superficielle ou germi- native. Parmi les Pucerons plus particulièrement aptes à l'étude que nous allons entreprendre, je signalerai les suivants, tant à raison des facilités que leurs œufs présentent à l'observation, que parce qu'ils sont au nombre des espèces les plus communes, et pour ainsi dire aussi répandus que les végétaux eux-mêmes dont ils font leur séjour, circonstance qui n’est pas à dédaigner dans les investigations de ce genre, où l'abondance des matériaux d'étude est une condition essentielle au succès des recherches. je sont : les Siphonophora Jaceæ, Cichorii, Solidaginis, Mille- fol; le Drepanosiphum platanoides, dont les femelles ovi- pares se reconnaissent facilement à première vue, par leur forme et leur coloration, des individus vivipares de même espèce, et se tiennent en abondance, en automne, à la face inférieure des feuilles de l'Érable plane. La plupart des espèces du genre Aphas conviennent également bien, à cause de la taille généralement moindre de leurs œufs et de la transparence plus grande qui en est la conséquence. | Pour suivre les phénomènes évolutifs dans l’ordre chronolo- ARTICLE N° A. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 3) gique de leur apparition à partir de la ponte, il va sans dire que l'observateur doit avoir à sa disposition des œufs dont il con- naisse exactement le moment où ils ont été mis au monde. Heu- reusement, c’est là une condition facile à réaliser chez les Aphides, attendu que leurs pontes sont très-fréquentes et se font à toute heure du jour; en outre, la marche de l’évolution est assez lente pour qu'aucune de ses phases n'échappe à un obser- vateur un peu attentif. On peut même dire, à cet égard, que ce dernier trouve amplement matière à exercer sa patience, sur- tout lorsque l'observation se fait à une température relativement basse, comme cela est généralement le cas à l'époque tardive de l’année où les pontes s'effectuent chez ces Insectes (4). Mais il est facile de remédier à cet inconvénient en mettant l'œuf en (1) Le moyen le plus simple de se procurer en abondance les œufs de Pucerons consiste à couper les branches portant les colonies de ces animaux au moment où les individus sexués commencent à se montrer, et à en former des bouquets que l'on place dans des vases pleins d’eau. À mesure que ces branches se flétrissent, on les remplace par d’autres plus fraiches, sur lesquelles les Pucerons ne lardent pas à monter en abandonnant les tiges anciennes. Pendant cette sorte d'éducation, on a de fréquentes occasions d'observer des accouplements, bientôt suivis du dépôt des œufs, que les femelles fixent contre les feuilles et les tiges des rameaux où elles sont établies. IL est d’ailleurs inutile de prendre des dispositions spéciales destinées à empêcher leur évasion. Il ne faut pas, en effet, une grande expérience des mœurs de ces animaux pour avoir constaté la différence qui existe sous ce rapport entre les Pucerons sexués et les vivipares. Tout le monde à dù remarquer que ces derniers se hätent d’abandon- rer les branches où ils se sont tenus jusque-là dès que des signes de flétrissure indiquent que la nourriture va leur manquer, abandon toujours annoncé à l'avance par la transformation des larves en uymphes, puis en Insectes ailés. Dans ces circonstances, il m'est arrivé fréquemment de trouver les carreaux des fenêtres de mon apparte- ment couverts d'innombrables Pucerons aïlés qui avaient déserté ainsi les branches qu’ils couvraient naguère de leurs colonies serrces. Il en est tout autrement des femelles ovipares. Condamnées par leur organisation à rester toujours à l’état aptère, elles n’émigrent jamais au loin à la recherche de végétaux frais, lorsqu'elles sont mena- cées par la disette de nourriture ; tout au plus se contentent-elles d’envahir les tiges fraiches mises à leur portée immédiate, comme nous l'avons dit plus haut, Abandon- nées à elles-mêmes, elles se laissent tomber des raméaux desséchés dans un état d’épui- sement complet, ainsi que Bonnet en avait déjà fait la remarque chez l'espèce qu'il nomme le gros Puceron du Chène (Insectologie, observ. 47). Ge n’est qu'au fur et à mesure que le moment de pondre arrive pour chaque individu, qu’on les voit, dans quelques espèces, particulièrement celles vivant sur des plantes herbacées, quitter suc- cessivement celles-ci pour aller déposer leurs œufs plus ou moins loin de là, à la sur- face du sol, dans l'herbe, sous les pierres, elc, h BALBIANE. incubation dans une température artificielle plus ou moins éle- vée, de 20 à 25 degrés centigrades par exemple. Il ne faudrait cependant pas dépasser de heaucoup cette dernière limite, car déjà à 30 degrés, ainsi que je l’ai constaté, s’il en résulte d’abord une accélération notable dans la marche de l’évolution, l'œuf ne tarde pas à périr, ordmairement même avant que l'embryon ait commencé à s’y former. Une autre propriété des œufs, dont on peut tirer un parti avantageux pour l'observation, est l’imperméabilité complète du chorion, qui acquiert une trausparence parfaite lorsqu'on plonge l'œuf dans l’huile, ce que l’on peut faire sans nuire en aucune facon à sa vitalité. L’œuf peut même séjourner plusieurs jours, voire plusieurs semaines, dans ce liquide, sans présenter aucune trace d’altération ; non-seulement l’évolution se poursuit aussi régulièrement qu'à l’air libre, mais j’ai mème constaté plusieurs fois un embryon bien formé dans son intérieur, et parfois même très-avancé dans son développement. L'observa- tion dans l'huile peut d’ailleurs se faire également bien tantôt par transparence, tantôt à la lumière réfléchie sur un fond noir (4). Premiers phénomènes embryonnaires. Formation du blastoderme. — L'œuf fraîchement pondu présente le même aspect que pen- dant la dernière période de son séjour dans l'ovaire, sauf l’addi- tion de la couche vernissée dont il se revêt à son passage dans la partie postérieure de l’oviducte. Nous avons dejà constaté pré- cédemment la disparition de la vésicule germinative même avant (1) J'ai à peine besoin de faire remarquer qu'il ne s’agit ici que du séjour de l'œuf sous une mince couche d'huile, lorsque, par exemple, on le place dans une goutte de ce liquide à la surface d’une lame de verre porte-objet. En l’immergeant dans une plus grande quantité d'huile, de manière à interdire absolument l'accès de l’air à sa surface, l'œuf périt au contraire assez promptement, comme ceux de tous les animaux dans de semblables circonstances. L’imperméabilité du chorion permet éga- lement son développement dans l’eau pure ou chargée de divers sels (chlorure de sodium, bichromate de potasse, etc.). L’enduit extérieur que l’œuf reçoit au moment de la ponte contribue évidemment aussi à le garantir de l’imbibition par les liquides en contact avec sa surface, ARTICLE N° 4. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 5) que l'œuf ait abandonné la loge ovigère. Le vitellus remplit d'ordinaire complétement la cavité du chorion; plus rarement, il existe un léger vide entre celui-ci et la surface du vitellus. Nous reviendrons plus bas sur ces dernières particularités. Moins heureux que ne l'ont été chez d’autres Insectes plu- sieurs de mes prédécesseurs, Meissner, Leuckart, de Siebold, M. Robin, je n'ai Jamais constaté de spermatozoïdes engagés dans le micropyle de l'œuf de Puceron, non plus que dans l'intérieur du vitellus, soit que je l’examinasse au moment où il venait d'être évacué, et en le prenant pour ainsi dire à la vulve de la femelle, soit que, suivant le conseil de Leuckart (1), j'attendisse, avant de procéder à cette recherche, qu'il se fût écoulé un certain temps depuis la ponte, et que l'œuf présentât un commencement de développement embryonnaire. Je vois que, sous ce rapport, Leydig n'a pas mieux réussi que moi chez un grand nombre d'Insectes divers qu'il a examinés spé- cialement dans le but de s'assurer s’il y a pénétration des fila- ments spermatiques dans l’intérieur de l’œuf. Ces résultats né- gatifs, appuyés de quelques autres faits que Leydig rapporte dans son ouvrage : Der Eïersiock und die Samentasche der Insecten, lui ont paru des motifs suffisants pour s'élever contre la théorie si généralement admise aujourd’hui de la nécessité du contact matériel de l'élément mâle et de l’élément femelle pour que la fécondation ait lieu. Mais dans l'état actuel de la science, une pareille tentative de retour aux idées surannées relatives à une aura seminalis ne peut manquer de paraitre pour le moins extrèmement aventurée. Nous venons de voir que, dans un certain nomore d'œufs, le vitellus ne remplit pas entièrement la cavité de la coque au mo- ment de la ponte. Cette circonstance est évidemment un résultat du phénomène connu sous le nom de retrait du vitellus, et qui est généralement décrit comme le premier changement qui se manifeste dans l’œuf fécondé. Chez les Aphides, ce retrait est beaucoup moins prononcé que chez d’autres Iusectes, particu- (4) Leuckart, Die Fortpflanzung und Entwicklung der Pupiparen, 1858, p. 64, 6 BALBIANE, lièrement les Diptères, où, d’après les observations concordantes de Leuckart, Weismann, M. Robin (4), il se forme aux deux pôles de l’œuf, par suite de la concentration du vitellus, un espace plus ou moins considérable, rempli d’un liquide clair et homogène. Chez l’Aphide, cet espace est fort étroit et existe sur toute la périphérie du vitellus (fig. 29, 28, 24). En outre, au lieu de disparaître presque complétement, comme chez les Insectes précédents, par l'expansion du vitellus venant remplir de nou- veau, une fois le blastoderme formé, la cavité des enveloppes, 1l continue chez le Puceron à s’agrandirau pôle postérieur de l'œuf, et ne disparait qu’à une époque plus tardive de l’évolution. Cette différence d’avec les faits constatés chez les autres Insectes est, comme nous le verrons, en relation avec certains phéno- mènes remarquables dont le pôle postérieur de l'œuf d’Aphide est le siége. Le retrait du vitellus se fait d’une manière extrêmement lente et graduelle, et il s'écoule d'ordinaire de vingt-quatre à trente- six heures, suivant la température, pendant lesquelles on ne coustate pas d'autre changement appréciable dans le contenu de l'œuf. On voit alors apparaître çà et là dans la région postérieure du vitellus quelques taches blanchâtres très-päles, de forme cir- culaire, mais dont le contour indécis semble se fondre dans la substance environnante. Elles sont séparées par des espaces une ou deux fois aussi larges que leur diamètre, évalué approxima- tivement à 0"*,025. Ces taches siégent dans la couche super- ficielle ou germipative, et contrastent d'abord à peine avec la coloration jaunâtre ou verdâtre du fond ; mais, sous les yeux de l'observateur, elles s’éclaircissent et prennent un contour de plus en plus accentué. Pendant ce temps, d’autres taches sem- blables apparaissent dans leurs intervalles, ainsi que dans la zone de substance germinative placée en avant de la région où se sont montrées les premières taches (fig. 23). Remontant ainsi de proche en proche jusqu’à l'extrémité antérieure de l'œuf, (4) Robin, Mémoire sur la production du blastoderme chez les Articulés (Journal de physiologie de Brown-Séquard, 1862, t. V, p. 361). ARTICLE N° 4. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 7 celui-ci se trouve finalement recouvert, sur toute la surface, de nombreuses taches claires et arrondies, plus ou moins régulière- ment espacées. Quiconque s'est familiarisé par des observations personnelles avec les premiers phénomènes de l’évolution chez les Articulés, ou ue les connaît même que par les travaux classiques de Zad- dach, de Leuckart, de Weismann, de Claparède, etc., recon- paîtra dans les taches superficielles claires que nous venons de décrire les noyaux du blastoderme fatur. L'origine première de ces noyaux a été, comme on sait, fort diversement appréciée par les différents observateurs : les uns, admettant en principe, comme unique mode de formation des cellules, leur provenance par voie de filiation d’autres cellules préexistantes, considèrent les noyaux blastodermiques comme résultant de la division du noyau primitif de l'œuf, ou vésicule germinative ; les autres, au contraire, attribuent leur formation à une véritable génération spontanée au sein du blastème germinatif de l'œuf. Sans entrer dans l'examen de cette discussion, je me contenterai de dire que je partage sur cette question l'opinion de Weismann, lequel explique l’origine des éléments dont il s'agit par un travail chimique s’accomplissant dans la matière plastique de l'œuf, et amenant sa séparation en une substance fondamentale amorphe et en petites masses albuminoïdes globuleuses représentant les noyaux du blastoderme au premier temps de leur formation (1). Mes observations sur les Aphides viennent en effet complé- tement à l'appui de cette explication. Pas plus que chez les Diptères étudiés par le savant embryologiste allemand, les noyaux du blastoderme, chez les Pucerons, n'ont d'abord la forme vésiculeuse qu’ils affectent à une période plus avancée de l’évolution. Mais, comme cette question embryologique se lie intimement à celle encore très-controversée de la formation des cellules en général, je crois devoir entrer dans quelques détails à ce sujet. Lorsqu'on ouvre, dans l’eau salée ou albumineuse, un œuf (4) Weismann, loc. cit, p. 206. o) BALREANE. dans lequel les premiers noyaux blastodermiques commencent à se montrer, et qu'on en fait doucement sortir le contenu, il est facile de voir, par la manière dont celui-ci s’écoule, qu’à ce moment les ganulations vitellines n’ont contracté encore aucune cohésion réciproque , et qu’elles se séparent à peu près comme le feraient des particules solides et légères tenues en suspension dans un véhicuie aqueux. Parmi leséléments quiencombrent ainsi le champ du microscope, on ne tarde pas à apercevoir cà et la de petites masses claires et incolores, pâles, la plupart de forme arrondie , quelquefois elliptique. Leur diamètre varie entre 0°",011 et 0®*,017. Il est facile de reconnaître dans ces corps ceux qui produisent l'apparence de petites taches päles et rondes à la surface de l’œuf, c’est-à-dire les nucléus primaires du blas- toderme. Observés dans des liquides d’un faible pouvoir osmo- tique, comme ceux mentionnés plus haut, ces novaux offrent un aspect complétement homogène, et ressemblent tout à fait à de petits globules de sarcode. L'eau pure les gonfle, puis les dissout instantanément, tandis que, additionnée d’un peu d'acide acétique , elle les coagule en y déterminant un léger précipité granuleux. Là se borne, pour un certain nombre d’entre eux, l’action de ce dermier réactif; mais, chez plusieurs, il met en outre en évidence une ligne de contour foncée, extrèmement délicate, qui doit être saisie ici comme l'indice d’une membrane d'en- veloppe, et non comme l'effet d’une coagulation superficielle déterminée par le liquide acide, attendu qu'on ne la retrouve pas indistinctement chez tous ces éléments. Le même agent y fait apparaître aussi un petit nucléole rond , granuleux et pâle, large de 0*",004 à 0"*,006 (fig. 23 “). De ces derniers caractères, il faut conclure, selon moi, qu'un certain nombre de noyaux ont déjà pris la forme vésiculeuse qui leur est propre à l'état adulte, par la solidification de leur couche la plus superfi- cielle. À mesure que l’œuf avance dans son développement, on trouve une proportion de plus en plus grande de ces noyaux devenus vésiculeux. Quelqües-uns des noyaux primaires du blastoderme sont en- ARTICLE N° A. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 9 tièrement libres, leur surface lisse ne porte aucune trace de la substance granuleuse qui les entourait dans l’intérieur de l'œuf; d’autres, au contraire, sont enveloppés d’une couche floconneuse plus ou moins épaisse de cette même substance (fig. 23 *), cou- che assez adhérenie pour être entraînée avec le noyau dans les mouvements de déplacement que celui-ci subit sous l'influence des courants du liquide où il flotte. Ces différences d'aspect des noyaux s'expliquent d'une manière très-satisfaisante dans l’opi- pion qui les fait naître par formation libre et comme des parti cules transformées chimiquement de la substance germinative. On peut en effet les considérer comme correspondant aux diffé- rentes phases du travail par lequel ces éléments tendent à se dégager de plus en plus du blastème environnant. On les com- prend moins bien dans l'hypothèse qui regarde les noyaux du blastoderme comme des fragments de la vésicule germi- native, car, dans ce cas, ils devraient tous se ressembler à leur début. | À cette démonstration directe du mode d’origine que j'attri- bue aux noyaux blastodermiques, j'ajouterai la preuve analo- gique suivante, tirée de Pembryologie des Pucerons vivipares. Dans le petit ovule transparent de ces Insectes, on voit très-bien, pendant une certaine période de l’évolution , conjointement avec les noyaux du blastoderme situés à la périphérie du vitel- lus, la vésicüle germinative plus ou moins aitérée dans sa forme, mais néanmoins parfaitement reconnaissable encore au centre de l'œuf. De ces faits, je me crois donc en droit de conclure avec Weismann qu'à leur origine les noyaux primaires du blasto- derme sont de petites masses d’une substance gélatiniforme transparente, nées, par formation libre, dans la matière blas- témique de œuf, mais qui acquièrent ultérieurement une paroi propre par condensation de leur couche périphérique, et se transforment ainsi en de véritables vésicules. Revenons maintenant à nos observations sur l'œuf vivant et intact. Comme premier eflet de l’action des noyaux sur la substance 40 BAEIMRIANE. qui les environne, on constate que chacun d’eux s'entoure d’une zone granuleuse en attirant à lui les granulations plastiques pla- cées dans sa sphère d’action. À la lumière incidente, chaque noyau parait alors entouré d’une bordure opaque plus ou moins large, et d’une coloration plus foncée que la substance intermé- diaire, laquelle semble d'autant plus pâle qu’elle est privée d’une partie de ses granulations. Il n’est pas rare de rencontrer des œufs qui, avant l'apparition des noyaux, présentent à leur sur- face des taches ou des traînées plus foncées que les parties intermédiaires, lesquelles paraissent, par contre, plus ou moins décolorées. Ces taches ou ces trainées résultent d’une inégale distribution des granulations plastiques dans la couche germina- tive. Lors de la formation des noyaux, ces granulations, solliei- tées par les nombreux petits centres d'attraction disséminés d’une manière à peu près régulière à la périphérie de l'œuf, se dis- tribuent d’une façon plus égale et donnent à celui-ci une colo- ration plus uniforme. Une fois formés, les noyaux primaires du blastoderme ne tardent pas à se multiplier par division spontanée, en présen- tant tous les phénomènes habituels de ce mode de multiplica- tion. Je ne m'arrêterai donc pas à les décrire ici, et me bornerai à faire remarquer qu'autour de chacun des deux noyaux nou- veaux résultant de la scission du noyau prinutif, se reforme le cercle granuleux qui entourait ce dernier, dont il a suivi toutes les phases de division. À mesure que les noyaux se LE PD EE leur taille va en diminuant, et les intervalles qui les séparent s’a= moindrissent dans la même proportion (fig. 24, 25, 28). Enfin, comme nous l’avions observé pour l'apparition première de ces éléments, c'est aussi par le pôle postérieur que débute leur multiplication par scission, en sorte qu'ils vont en décroissant progressivement de volume de l'extrémité postérieure au bout antérieur de l'œuf. Examiné à la lumière incidente sur un fond obscur, et sous un grossissement assez faible pour le mon- trer dans sa totalité, l'œuf présente à ce moment de son évolution un aspect des plus élégants, grâce au contraste produit par les nombreuses taches blanches arrondies qui parsèment sa surface ARTICLE N° 4. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. A1 avec le champ coloré sur lequel elles se détachent (fig. 24, 25, 98). L'action attractive des noyaux, après s'être exercée d’abord exclusivement sur les granulations plastiques, s'étend aussi en- suite à la substance homogène intergranulaire elle-même. fl arrive, par suite, un moment où celle-ci se divise dans les inter- valles des noyaux, dont chacun se ü'ouve, en conséquence, en- veloppé d’une portion de substance germinative isolée du reste. Telle est l’origine des premieres cellules du blastoderme. Les noyaux étant placés à des distances à peu près égales les uns des autres, cette division de la couche plastique se fait d’une ma- nière assez régulière pour que la plupart de ces cellules affec- tient dès l’abord une forme hexagonale. De même que tous les autres phénomènes concourant à la formation du blastoderme, c'est dans la région postérieure de l'œuf que commence cette organisation cellulaire de la couche germinative. Il est aussi aisé qu’intéressant de suivre des yeux les progrès de ce travail, qui se poursuit d’une manière plus rapide que ceux qui l'ont précédé, et de voir comment il se propage de pro- che en proche jusqu’au pôle antérieur de l'œuf. Des lignes claires et déliées apparaissent d’abord isolément dans l'intervalle de deux noyaux, à distance égale de chacun ; ces lignes s’allongent par leurs extrémités, se rejoignent angulairement, et dessinent autour de chaque noyau un espace polygonal d’abord ouvert par un ou plusieurs côtés, mais dont l’aire ne tarde pas à se compléter en enfermant à son centre le noyau générateur de la cellule. Les cellules primaires ainsi constituées sont dépourvues d’une membrane d’enveloppe, et ne se composent quede la masse cellu- laire ou protoplasma et du noyau, comme toutes les premières cellules embryonnaires des animaux. Malgré l'absence d'une paroi propre, la force de cohésion qui maintient leurs éléments groupés entire eux suffit pour s'opposer à leur désagrégation sous l'influence des causes mécaniques et du contact des liquides lorsqu'on donne issue au contenu de l'œuf, Dans ces conditions, au lieu de se détruire, comme naguère, par diffluence de ses 19 BAEBHANTY. éléments, la couche plastique se sépare en cellules bien recon- naissables, les unes isolées, les autres formant des lambeaux membraniformes composés d’un nombre variable de cellules blasitodermiques (fig. 34 “). Presque aussitôt formées, les cellules primaires du blasto- derme se multiplient par divisions successives, comme faisaient paguère leurs noyaux encore libres dans le blastème amorphe; mais C'est toujours la scission du noyau, précédée elle-même de celle du nucléole, qui donne le signal du partage du corps de la cellule (fig. 29‘). Cette multiplication entraîne, comme pour les noyaux, une dimmution progressive de taille des cellules blasto- dermiques. C’est ainsi qu’au pôle postérieur, où leur largeur était d'abord de 6"*,019 à 0**,026, celle-ci arrive graduellement à n'être plus que de 0°",043 en moyenne. Par suite de la préco- cité, déjà plusieurs fois signalée, de cette dernière région pour tous les phénomènes préparatoires de la formation du blasto- derme, il résulte que celui-ci est déjà entièrement constitué au pôle postérieur, alors que sur les autres points de la surface de l’œuf on observe encore de nombreuses cellules en voie de division, surtout à mesure qu'on se rapproche davantage du pôle antérieur. . Lorsque enfin le blastoderme est constitué sur toute la péri- phérie de l’œuf, il se compose de pelites cellules aplaties, hexa- gonales pour la plupart, d'une taille à peu près uniforme de 0"",012. Elles représentent par leur ensemble une couche mem- braneuse mince, étalée à la surface du vitellus central, dont l'aspect est resté le même qu’au moment de la ponte. Les deux surfaces interne et externe du blastoderme sont d’abord entière- ment lisses et unies, mais, à une période plus avancée de l’évo- lution, ses cellules composantes se bombent à leur surface exté- rieure et deviennent convexes. Le blastoderme présente par suite, sur toute sa périphérie, un aspect inégal, comme bosselé. En même temps le contenu des cellules s’est éclairei et a pris un aspect fortement réfringent, comme vitreux, avec une légère teinte bleuâtre ou verdätre. Les granulations plastiques ont abandonné pour la plupart la partie extérieure saillante des cel- ARTICLE N° À. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 13 lules pour se concentrer autour du noyau et vers leur face pro- fonde en rapport avec le vitellus. Sur le bord de l’œuf, toutes ces petites surfaces convexes et brillantes, disposées sur plu- sieurs rangs placés en retrait les uns au-dessus des autres (fig. 36), donnent lieu à une réfraction confuse des rayons lu- mineux, qui trouble un peu la netteté de l’image et ferait aisé ment croire à l'existence de plusieurs rangées concentriques de cellules blastodermiques. Or nous connaissons aujourd’hui, par d'assez nombreux exemples, la manière dont le blastoderme se forme et est constitué dans la classe des Insectes. Ce nombre se trouverait considérablement augmenté si nous y comprenions les Articulés des autres classes dont l’évolution a été étudiée. Partout nous voyons que la membrane embryogénique est re- présentée comme formée par une couche unique de cellules, tant que l'embryon ne s’est pas encore développé dans son inté- rieur. Nos propres observations sur les Aphides sont parfaite- ment en accord avec ce résultat. Si quelques auteurs ont avancé le contraire, et l'ont décrite comme composée déjà à te moment de plusieurs rangées de cellules, leur erreur doit être probable- ment attribuée à une illusion d'optique du genre de celle dont nous avons parlé plus haut. Par sa face profonde, le blastoderme s'applique immédiate- ment sur le vitellus sous-jacent, dont il se délimite par une ligne aussi nette que celle que nous avons vue marquer la séparation entre la couche plastique et le vitellus dans l’œuf non fécondé. Cette ligne forme d’abord une courbe parfaitement unie et pa- rallèle au contour de l'œuf; mais, plus tard, elle prend un aspect sinueux ou pluiôt festonné, par suite des changements qui sur- viennent dans l’arrangement des éléments vitellins, comme nous le verrons bientôt. Sous le nom de blastème germinatif interne (innere Keimhaut- blastem), Weismann a signalé chez les Diptères, entre le blasta- derme et le vitellus, l'existence temporaire d’une couche qu'il décrit comme formée par l’exsudation de la substance homo- gene et hyaline du vitellus, et qu’il considère comme fournis- sant les matériaux servant à l'accroissement des cellules du SC. NAT. MAI-AOUT 1871, ARTICLE N° 4. 8 Ah BALBHANI. blastoderme (1). Cette couche n'existe jamais chez les Aphides, où ces cellules paraissent puiser directement dans le vitellus ad- jacent les éléments destinés à leur nutrition, sans que ceux-ci se soient préalablement accumulés en une couche spéciale sous- blastodermique. A l'exception des Chironomes et des Muscides étudiés par Weismann, il ne paraît pas non plus que l’existence de ce blastènie interne ait été observée chez les autres Insec- tes dont l'évolution a été étudiée jusqu’iei (2). Le même auteur mentionne, en outre,.chez les espèces précédentes, un autre phénomène fort remarquable se rattachant encore au mode de nutrition du blastoderme. Je veux parler de la pénétration en nature des granulations vitellines dans les cellules de cette metnbrane par teur face profonde. Cette pénétration, qui est facilitée par l'absence d’une enveloppe propre autour des cellules blastodermiques, aurait pour effet d'obscureir complétement leur contenu jusque-là parfaitement transparent, et ce ne serait que consécutivement qu'une membrane d'enveloppe se formerait à la surface de ces cellules. Sans vouloir aucunement mettre en doute les faits observés par Weismann chez les Diptères (3), je dois dire, toutefois, que je n'ai jamais constaté chez les Aphides ce mélange des éléments vitellins avec les éléments germinatifs, lesquels restent, au contraire, toujours parfaitement distincts et séparés. Peut- être cette différence tient-elle à ce que les phénomènes de nutri- tion s’exercent d’une manière moins active dans le blastoderme des Aphides que dans celui des Diptères, différence sans doute en relation elle-même avec le rôle variable que cette membrane celluleuse est appelée à jouer de part et d'autre dans la forma- (à) Weismann, Die Entivickelung der Dipteren im Ei (Zeitschr. f. wrss. Zool., 4363, & XIIN, p: 415 et 164). | (2) Depuis là rédaction de ces lignes, J'ai vu que Butschii à décrit dans l'œuf W’Aboille une couche sous-blastodermiqué semblable à celle signalée par Weisiianu chez les Diptères, mais moins complète que chez ces derniefs. (Bütschli, Zur Entwick- tungsgeschichte der Biene, dans Zeütschr, f. wiss, Zool., 1870, t. XX, p: 523.) (3) Un phénomène du même genre est décrit par Mecznikow chez les Simulia (Zeitschr. f, wiss. Zoo!., 1866, €. XVI, p: 394), et par Bütschli chez l’Abeille (même recueil, loc, cit., p. 524). ARTICLE N° /: MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 15 tion de l'embryon. En effet, chez les Diptères, celui-ci se forme, comme on sait, aux dépens du blastoderme lui-même, tandis que chez les Pucerons, l'embryon n’est, comme nous le verrons, qu une provenance indirecte de ce dernier, dont le rôle physio- logique se réduit à celui d’une simple membrane d’enveloppe pour l'embryon. On concoit, dès lors, que les actes nutritifs du blastoderme soient beaucoup moins énergiques chez ces Hémi- ptères que chez les Diptères observés par Weismann : destiné bientôt à subir l'espèce d’atrophie qui le réduit à l’état d'un sac membraneux, 1ilétait inutile qu'il se chargeât, chez les premiers, de particules empruntées directement au vitellus sous-jacent. Ce mode de formation du blastoderme, tel que je viens de l'exposer, présente la plus grande similitude avec la manière dont la production de cette membrane est déerite par la plapart de mes prédécesseurs, chez les espèces dont ils ont réspective- ment étudié l’évolution. Mais s’il y a une concordance presque parfaite dans la facon dont ils ont exposé les phénomènes obser- vés, on ne constate plus la même uniformité lorsqu'il s’agit de les interpréter, surtout au point de vue de la comparaison avec les phénomènes correspondants du travail embryogénique dans les autres classes d'animaux. Mais avant de nous livrer à cet examen, il convient d’abord de compléter nos propres observa- tions sur les phénomènes physiologiques qui précèdent, dans l'œuf d'Aphide, l'apparition de l'embryon. Jusqu'ici, pour ne pas interrompre notre description de la formation du blastoderme, nous avons omis de parler de cer- tains phénomènes fort remarquables qui se passent dans la par: tie postérieure de l’œuf pendant que le blastoderme achève de s organiser. C’est cette lacune que nous allons maintenant com- bler, en revenant quelque peu sur nos pas pour reprendre les choses à une phase un peu moins avancée que celle où nous nous sommes arrêté dans notre narration. En décrivant précédemment la structure de l'œuf non fé- condé, nous avons vu que celui-ci présentait dans sa partie postérieure une poche formée par invagination de la couche superficielle germinative,poche dans laquelle était logée la masse A6 BALBIANT. polaire, et dont l'ouverture s'était refermée de manière que cette couche passait sans interruption sur le bout postérieur de l’œuf. Au moment où, comme nous l'avons décrit, les pre- mières cellules blastodermiques commencent à apparaître dans cette région, leur formation S’'accompagne d’un mouvement de rétraction, dirigé d’arrière en avant, de la couche germinative. Cette rétraction a pour effet d’écarter les bords de l’ouverture dont il vient d'être parlé, et de découvrir, d’abord dans une pe- tite étendue, la masse polaire (fig. 25). La contraction conti- nuant d’une manière lente et graduelle, la masse est mise à nu dans une portion de plus en plus grande, à mesure que la dila- tation de l'ouverture polaire fait des progrès. Nos figures 27 et 26 représentent deux degrés de cette dilatation, vue suivant un plan passant par le centre de l'ouverture, chez le Siphonophora Anthemidis. La figure 28 montre, dans une vue superficielle, la poche polaire encore plus largement dilatée sur un œuf du S. Millefolu. Lorsque la contraction des parois de la poche a cessé de faire des progrès, on voit souvent la masse polaire proéminant par ses trois quarts postérieurs hors de l'ouverture, et engagée seulement par son quart antérieur dans le vitellus. En plaçant l'œuf verticalement sur son bout antérieur, de manière à con- templer de face le bout opposé, on y aperçoit une sorte d’exca- vation du fond de laquelle s'élève la masse polaire, et dont le pourtour, presque régulièrement circulaire, est formé par une rangée de petites cellules blastodermiques saillantes par leur bord interne convexe du côté de l'ouverture, ce qui fait parai- tre celle-ci comme entourée d’une ligne festonnée (fig. 31). Tantôt le pourtour de l’excavation enserre étroitement la masse polaire, comme un gland l'est par sa cupule, tantôt il en est séparé par une distance plus ou moins grande |(fig. 28) ; mais ces variations, quise rencontrent d’un œuf à l’autre, dans une mème espèce, sont sans importance pour les phénomènes ulté- rieurs de l'évolution. Les choses persistent dans cet état pendant un temps variable suivant la température, et qui n’est pas non plus le même dans ARTICLE N° /. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 17 toutes les espèces , l'œuf demeurant largement ouvert à son pôle postérieur, avec la masse polaire faisant une saillie plus ou moins prononcée hors de cette ouverture. Il n’en résulte pas toutefois une pause dans le travail embryogénique. C’est même à cette période que se place un phénomène important de l’évolution, je veux parler de l’organisation cellulaire du vitellus nutritif, ou ce qu'on peut appeler son fractionnement, car il est entiè- rement comparable au travail désigné sous ce nom chez la plu- part des autres animaux. Fractionnement du vitellus nutritif. — Jusqu'au stade auquel nous sommes parvenus, la masse centrale ou vitelline était restée complétement étrangère aux modifications qui se sont accom- plies à la surface de l'œuf, et continuait à présenter les mêmes granulations sans cohésion mutuelle, reliées par une substance homogène amorphe. Mais des changements analogues à ceux qui se sont passés dans la couche superticielle vont s’opérer dans cette masse, et en modifier à la fois l'aspect et Ja constitution intime. Îei encore, c'est le pôle postérieur de l'œuf qui prend l’avance sur les autres régions, et le pôle antérieur qui se mo- difie le plus tardivement. On voit d'abord les granulations vitel- lines se grouper par places, dans la partie postérieure de l'œuf, de manière à former des masses arrondies, d’abord mal délimi- tées et en partie confondues les unes avec les autres. Peu à peu ces masses granuleuses s’individualisent davantage et prennent une forme plus régulièrement sphérique. Mais bientôt survient un mouvement de tassement, indice d’une concentration du vi- tellus, par suite duquel elles se rapprochent les unes des autres, s’aplatissent aux surfaces de contact et deviennent plus ou moins régulièrement hexaédriques. Du pôle postérieur de l'œuf, cette transformation de la masse vitelline s'étend graduellement jusqu'au pôle antérieur, et, finalement, le vitellus tout entier se trouve constitué par un assemblage de segments polyédriques pressés les uns contre les autres (fig. 34, 35, 36). Si l’on exa- mine à cet état l'œuf à la lumière incidente, en rasant avec le foyer de l'objectif la surface du vitellus, on aperçoit, au-dessous du réseau délicat formé par les lignes de contour des cellules 18 BALRBIANT. blastodermiques, un second réseau de lignes claires et déliées, circonscrivant des mailles plus larges que celles du réseau su- perficiel et formées par des champs granuleux, pour la plupart hexagonaux. Ceux de ces derniers qui sont placés sur le contour de l'œuf sont limités extérieurement par une ligne courbe re- présentant la coupe de la surface convexe par laquelle les seg- ments vitellins touchent au blastoderme. Il en résulte que le vitellus présente la même surface bosselée que nous avons signa- lée dans le blastoderme, et que la séparation de ces deux parties n'est plus indiquée, comme dans les stades antérieurs, par une ligne unie, mais bien par une succession de petites lignes cour- bes à convexité tournée en dehors (fig. 34, 35, 36). Pour se former une idée de la nature des segments polyédri- ques qui composent actuellement le vitellus, 11 faut recourir à l'isolement et à la préparation des ces parties. Pendant ceite opération, on remarque tout d'abord que les granulations vitel- lines n'ont plus la même tendance que naguère à se séparer les unes des autres, qu'elles ne sont plus aussi meubles, mais conservent assez bien la forme d’agrégats qu'elles affectaient dans l'intérieur de l'œuf. Le diamètre des segments varie depuis 0°°,02 jusqu à 0"°,05 (chez le Siphonophora Millefolii). Au con- tact du liquide extérieur (eau salée), ils perdent pour la plupart leur forme polyédrique pour devenir plus ou moins régulière- ment sphéroïdaux. Le défaut de transparence ne permet de reconnaître leur structure que lorsqu'on les a préalablement éclaireis en les soumettant à une légère compression. À leur partie centrale apparaît alors un espace circulaire, transparent et pâle, dépourvu de granulations, et large de 0"",006 à 0"",OL1, suivant le volume total de la masse. Par des pressions ménagées, sufti- samment répétées, on parvient à débarrasser complétement l’espace central des granules qui lenvironnent, et l’on a alors sous les yeux une petite vésicule limpide, à paroi extrêmement mince et délicate (fig. 34 ”). D’après cela, 1l est impossible de méconnaître que les segments vitellins ont la valeur de véritables cellules, dont la vésicule précédente est le noyau. Ces cellules sont d’ailleurs susceptibles de se multiplier par division sponta- ARTICLE N° A. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 19 née, comme le démontre la rencontre de certains de ces élé- ments présentant un nucléus étiré et étranglé à son milieu en forme de sablier (n'}, ou d’autres renfermant deux nucléus rapprochés, plus petits, produits évidemment par la division du noyau primitif (fig. 34°, n, n). Quant au contenu de ces cellules, nous y retrouvons les mêmes éléments que nous avons décrits comme parties constituantes du vitellus dans l’œuf non fécondé, savoir : des granulations graisseuses abondantes, quelques glo- bules albumineux plus larges (ga), mêlés aux premiers, et une substance intergranulaire transparente, maintenant le contact entre les corpuscules précédents. Seulement, cette substance offre beaucoup plus de viscosité dans les cellules vitellines que dans le vitellus encore à l'état amorphe, d'ou la cohésion plus grande que montrent mutuellement les granules vitellins des cellules lorsqu'on donne issue au contenu de l'œuf. Une question moins facile à résoudre, relativement à la con- stitution de ces corps, est celle de savoir s'ils sont ou non pour- vus d’une membrane d’enveloppe. Il paraît du moins certain que, dans les premiers temps de leur existence, cette enveloppe manque, de même que nous l'avons vue faire défaut autour des cellules du blastoderme à leur origine, À une période plus avancée, je crois, au contraire, pouvoir admettre l'existence d'une paroi celluleuse, smon comme une membrane parfaite- ment différenciée de la substance qu’elle limite, du moins sous forme d’une couche périphérique plus dense de cette même suh- stance. C'est ce qui me paraît ressortir des observations suivantes : Eu faisant agir une solution de carmin ou d’aniline sur les cel- lules vitellines, indépendamment du noyau qui se colore bientôt en rouge intense, on ne tarde pas à les voir s'entourer d’une mince bordure de même couleur, très-nette, semblable à un liséré plus foncé que la masse de la cellule, laquelle se colore plus tardi- vement. En outre, sous l'influence du traitement par l'acide acétique, on voit souvent se produire en un point de Ja cellule un mouvement brusque, semblable à celui qui résulterait de la déchirure subite d’une enveloppe, mouvement immédiatement suivi de l'issue des corpuscules intérieurs, Si ces faits ne con- 90 BALRIANI, stituent pas des critériums absolument certains de la présence d'une membrane d’enveloppe autour des cellules vitellines, du moins ils suffisent, selon moi, pour démontrer l'existence d’une couche de substance cellulaire plus dense à la périphérie de ces éléments. Nous avons constaté plus haut, chez un certain nombre d’entre eux, des signes non équivoques d'une multiplica- tion par scission; mais celle-ci ne paraît pas se répéter plu- sieurs fois sur les fractions d’une même cellule; beaucoup d’entre elles semblent même ne pas se diviser du tout, car on ne les voit guère diminuer de taille à partir du moment de leur première apparition. Il y a donc, sous ce rapport, une grande différence entre les cellules du vitellus nutritif et celles du blastoderme, qui se résolvent, au contraire, en éléments de plus en plus minimes depuis l'instant où elles ont commencé à se former. En résumant les premiers phénomènes de la vie embryon- naire exposés dans les pages qui précèdent, nous voyons qu’à partir de la ponte, l'œuf d’Aphide est le siége d’un double tra- vail d'organisation cellulaire s’accomplissant d’une manière in- dépendante et successive dans chacune des deux parties du con- tenu dont nous avons reconnu l'existence ; savoir, d'abord dans le principe plastique, pour la formation du blastoderme, puis dans l'élément nutritif ou vitellus proprement dit. Chez l’un et l’autre, c’est par le pôle postérieur de l'œuf que ce travail dé- bute pour s'étendre ensuite graduellement jusqu'au pôle anté- rieur. Dans chaque partie aussi, il commence par l'apparition simultanée d’un certain nombre de cellules se formant proba- blement de la même manière, c’est-à-dire par la division d’un blastème primitivement amorphe et partout identique avec lui- même, autour de noyaux apparus en plus ou moins grand nombre par formation libre au sein de ce dernier. Avant de continuer notre exposé des phénomènes de l’évolu- tion, 1l est bon de nous arrêter un moment et de comparer les faits précédents aux phénomènes du même ordre observés pen- dant le développement d’autres Articulés, savoir : par Zaddach, ARTICLE N° A. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 21 chez les Phryganes et les Mystacides (4); par Leuckart, chez le Melophagus ovinus (2) ; par Weismann, chez les Chironomes et les Muscides (3) ; par Mecznikow, chez l’Aspidiotus Neru (h). Nous pouvons même faire rentrer dans cette énumération les observations de M. Claparède sur le développement des Araïi- gnées (5), attendu que, par le mode de constitution de leurs œufs et les phénomènes embryonnaires dont ceux-ci sont le siége, ces animaux présentent de nombreux traits de ressem- blance avec les Insectes. Chez tous ces Articulés, le blastoderme se forme par un procédé identique, que l’on peut résumer brièvement de la manière suivante : Le vitellus s’éclaircit d’abord dans sa par- tie périphérique, puis des noyaux plus ou moins nombreux, semblables à des taches pâles, apparaissent dans cette zone claire, qui représente l'élément germinateur. Chaque noyau s’entoure d'un amas de matière plastique, qu'il s'approprie en quelque sorte aux dépens de la couche commune. Ces petits amas, avecleur noyau central, représentent les premières cellules du blastoderme, et celles-ci, à leur tour, engendrent d’autres cellules, par leur division, pour la constitution définitive de cette membrane. Quant à la masse vitelline intérieure, ellene participe pas à la formation du blastoderme et ne remplit d'autre usage que celui d’une provision alimentaire pour l'embryon qui se développe à sa surface. Zaddach (6) est le seul auteur qui parle d’une division de cette masse en un grand nombre de frag- ments irréguliers chez le Phryganea grandis, mais il considère cette division comme n'ayant rien de commun avec le phéno- mène connu sous le nom de fractionnement du vitellus chez un grand nombre d'animaux, et ne regarde même pas comme de véritables cellules les fragments qui en résultent (7). (1) Zaddach, Die Entwickelung des Phryganiden-Eies, 1854, p. 3. (2) Leuckart, Die Fortpflanzung und Entwicklung der Pupiparen, 1858, p. 58, (3) Weïismann, loc. cit., p. 112 et 164. (4) Mecznikow, Embryol. Studien an Insecten. Embryologie von Aspidiotus Neri (Zeitschr. f. wiss. Zool., 1866, t. XVI, p. 468). (5) Claparède, Recherches sur l'évolution des Araignées, 1862, p. 7. (6) Zaddach, Loc. cit., p. 64. (7) Kôlliker dit aussi avoir constaté quelquefois un pareil morcellement du vitellus D 2 BAIBIANT. Ce mode de production du blastoderme chez les Articulés présente des différences assez importantes avec la manière dont cette membrane se constitue chez les autres animaux, pour que plusieurs des auteurs précédemment cités n’aient trouvé aucune assimilation à établir entre les deux phénomènes. No- tamment le travail préparatoire qui, d'ordinaire, lui sert d'im- troduction, c’est-à-dire le fractionnement du vitellus, paraît faire entièrement défaut chez les Articulés. où une très-petite portion seulement du contenu de l'œuf, limitée à sa couche Ja plus superficielle, est intéressée dans la production du blasto- derme. Tel a été le sentiment des premiers observateurs qui se sont occupés de l’histoire génétique de ces animaux, Rathke, Külliker, Zaddach. À une époque plus récente, Weismann à même insisté avec plus de force encore sur les caractères diffé- rentiels des deux procédés, en avançant que la couche où se pro- duisent les premières cellules embryonnaires chez les Insectes ne fait pas partie intégrante du vitellus, mais constitue une zone distincte, à laquelle 1! donne le nom de blastème germinatif (Keimhautblastem). Qu'il nous soit permis de faire observer à cet égard qu'en cherchant à établir l'autonomie de cette couche embryogéëne, l'éminent professeur de Fribourg a sans doute perdu de vue que, suivant sa propre description, son blastème germinatif n’est autre chose que la substance transparente du vitellus, sortie par expression ‘de la masse sous-jacente, et que, dès lors, 1l n'est pas en droit de le regarder comme une formation entièrement différente du vitellus (4). En outre, ainsi que M. Meeznikow la fait remarquer avec raison, on retrouve une couche toute semblable chez des animaux où le vitellus éprouve un véritable fractionne- ment, soit partiel, soit total, comme, par exemple, chez un cer- tain nombre de Crustacés et de Vers, d’où M. Mecznikow eon- clut que le prétendu blastème germinatif des Insectes, admis par nutritif chez les Chironomes (Observat. de prima Insectorum genesi, p. 3), tandis que Weismann, dans ses études approfondies sur l’évolution de ces mêmes espèces, ne mentionne rien de semblable. {1) Weismann, loc. cit., p. 208. ARTICLE N° 4, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 25 Weismann, n'est autre chose que ce que l’on connaît depuis longtemps chez d’autres animaux sous le nom de vitellus de formation (1). Nos propres observations sur les Aphides viennent com- plétement à l'appui de cette manière de voir et lui donnent même plus de relief, par la démonstration de l’indépen- dance réciproque de l'élément germinateur et de l'élément autritif dès avant la fécondation, et de la manière successive dont s'opère leur conversion en un tissu de cellules ; tandis que chez les Crustacés et les autres espèces animales où l'on observe également l'organisation de ces deux éléments, le synchronisme des phénomènes masque souvent ce qui se passe isolément dans chacun d'eux. Indépendamment des Pucerons, J'ai constaté, outre la seg- mentation de la couche superficielle ou plastique, celle de la partie centrale ou nutritive chez les Aleurodes, les Cicadides, divers Lépidoptères (Bombyæ Mori, Tinea crinella). Enfin, c'est probablement au même ordre de faits que se rapporte l'observation, rappelée plus haut, de Zaddach sur le Phry- ganea grandis, où, le blastoderme une fois formé d’après le mode habituel chez les Insectes, ce savant à vu également le vitellus intérieur se diviser en segments distincts, bien qu'ils ne lui parussent pas être des cellules. Zaddach ne peut s’em- pêcher néanmoins de les comparer aux sphères de segmenta- tion des Entomostracés, lesquelles sont bien de vraies cellules, si nous nous en rapportons aux observations de Leydig, Claus et autres. Pour résumer ma manière de voir au sujet du mode de for- mation du blastoderme chez les Articulés, je pense qu'il n’y à aucune différence essentielle entre ce phénomène et celui du fractionnement , tel qu'on l’observe chez d’autres animaux. Suivant la définition de M. Claparède (2), c'est une fragmentation lnitée à une mince couche superficielle du vitellus, et, ajoutons (4) Mecznikow, Embryol. Studien an Insecten (loc. cit., p.483). (2) Claparëde, loc, ct., p. 10. 2}, | BALBIANT. avec Leuckart, survenant postérieurement à la production d’un grand nombre de noyaux (1). Reprenons maintenant notre narration de la genèse du Puceron dans l’œuf. Nous avons laissé ce dernier avec un blastoderme bien con- stitué, entourant une masse vitelline fragmentée, et présentant dans sa partie postérieure la masse polaire faisant une saillie plus ou moins prononcée à travers l'ouverture du blastoderme largement dilatée (2). Les choses persistent dans cet état pendant un temps assez long, dix à douze heures au moins, sans que d’autres change- ments appréciables surviennent dans le contenu de l'œuf. Puis, à la contraction des parois de la poche blastodermique succède, aussi insensiblement que celle-ci s'était produite, le relâche- ment de ces parois, manifesté par leur tendance à venir réoccu- per leur situation première au pôle postérieur de l'œuf. Elles recouvrent ainsi peu à peu la portion de la masse polaire qui avait élé primitivement mise à découvert, se rejoignent en arrière de cette masse, et l’enferment finalement de nouveau d’une manière complète dans l’intérieur de la poche blastoder- mique. À raison de l’inégale extensibilité des différents points de la paroi de cette poche, son ouverture, en se resserrant, ne con- serve que rarement la forme circulaire qu’elle présentait dans l’état d'élargissement extrême, mais se modifie sans cesse dans son aspect aux différentes phases de ce resserrement. Elle devient ainsi tantôt triangulaire, tantôt polygonale (fig. 32); d'autres fois elle prend la forme d’une fente allongée (fig. 33), ou même une configuration tout à fait irrégulière. (1) Leuckart, loc. cit., p. 67. (2) Comme pour tous les autres phénomènes de l’évolution, la rapidité avec laquelle s'opère la dilatation de cet orifice varie selon la température. Voici quelques indica- tions à cet égard : Chez le Siphonophora Millefolii, par une température extérieure moyenne de 47 degrés centigrades, c’est de trente-six à quarante heures après la ponte que l'ouverture du pôle postérieur atteint son maximum de dilatation. Son diamètre peut aller alors jusqu’à 0,48 à OMm,20, Par une température plus basse, de 12 à 15 degrés, par exemple, le même phénomène exige, pour se produire, un temps plus long, que j’évalue à cinquante ou cinquante-cinq heures. ARTICLE N° 4, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. - 925 Le temps nécessaire pour que la bourse blastodermique passe de l’état de dilatation extrême à celui d’occlusion complète varie suivant les conditions de température et les différences spécifiques, comme pour les autres phénomènes de l’évo- lution (1). Migration de la masse polaire. Origine de l'embryon. — Pen- dant que ces changements s’aecomplissent dans la poche blasto- dermique, la masse polaire est elle-même le siége d’un phéno- mène intéressant. Il consiste dans le transport lent et graduel de ce corps depuis le pôle postérieur de l'œuf jusque vers le centre de celui-ci. Ce phénomène débute toujours après la dilatation de l’ouverture blastodermique, le plus ordinairement lorsque celle-ci commence à se refermer, d'autres fois seulement après son occlusion complète. Le vide produit au pôle postérieur. par suite du déplacement de la masse polaire, est comblé gra- duellement par le vitellus que celle-ci refoule pendant son trajet dans l'intérieur de l'œuf. La vitesse avec laquelle ce transport s'effectue est soumise aux mêmes influences de température qui gouvernent la marche générale de l’évolution (2). (1) Les résultats suivants peuvent donnér une idée de la marche de ce phénomène, L'œuf représenté dans notre figure 31, vu par son pôle postérieur, et qui appartient au Siph. Millefolii, offrait une poche blastodermique largement ouverte entre dix et onze heures du matin. Vers une heure de l'après-midi du même jour, l'ouverture avait pris la forme que montre la figure 32. A cinq heures, elle n'existait plus que comme une fente étroite, longue de 0%®,04, au fond de laquelle on apercevait une petite por- tion de la surface de la masse polaire (fig. 33). Les figures 26 et 27 montrent deux phases de la fermeture de la poche chez le S. Anthemidis, La première représente son aspect à dix heures du matin, et la seconde la modification qu’elle avait subie lorsque je l’examinui vers une heure de l'après-midi du même jour. Enfin, à quatre heures et demie, la poche blastodermique était presque complétement fermée et n’offrait plus qu'une très-petite ouverture sous forme d’un étroit pertuis au pôle postérieur de l'œuf. La température moyenne, pendant le temps de l'observation, élait de 17 degrés cen- tigrades. (2) Comme pour plusieurs des faits embryologiques précédents, il n’est peut-être pas sans intérêt de présenter également ici quelques indications chronologiques sur la marche du phénomène que nous étudions. Dans un œuf du Siph. Millefolii, pondu le 16 novembre au matin, la masse polaire a commencé à abandonner le pôle postérieur le lendemain 17, vers onze heures du soir, et n’est parvenue au centre de l’œuf que le 18, vers deux heures de l’après-midi ; elle a donc mis quinze heures à franchir cet 26 BALBEANE. Quant à la cause de ce phénomène, elle n’est pas facile à apprécier par l'observation directe. Parmi les actions qu'on peut songer à invoquer, 1l faut immédiatement écarter ur mou- vement propre de ce corps, déterminé par des contractions actives de sa substance, et nécessairement accompagné de changements dans sa forme extérieure. En effet, rien de semblable ne s’ob- serve ici, la masse polaire ne subissant aucune modification d'aspect pendant toute la durée de son mouvement de transla= tion. IL faut donc chercher en dehors de ce corps les causes déterminantes de ce mouvement, c’est-à-dire dans descontractions actives ayant pour siége les parties environnantes et se trans- mettant de celles-ci à la masse polaire. Malheureusement, lopa- cité du vitellus au milieu duquel cette masse est plongée nuit considérablement à la facilité de l'observation. Mais, par bon- heur, nous pouvons suppléer encore ici par l’examen;des Puce- rons vivipares, ainsi que nous l'avons déjà fait plusieurs fois pour éclairer certains points obscurs du développement de l'œuf pondu. Appliquant cette méthode d'interprétation au cas actuel, nous voyons que la cause qui produit la translation de la masse polaire est étroitement liée au mode de formation de l'embryon chez ces Hémipteres. I est donc essentiel d'entrer dans quelques détails sur ee point important de leur embryologie, en anticipant quelque peu sur les faits que nous aurons à faire connaitre plus tard chez les Pucerons vivipares. Ilme semble d’ailleurs hieite d’ap- pliquer les résultats acquis chez ceux-ci aux ovipares, vu l'iden- intervalle, La température moyenne, pendañt l'observation, était de 17 degrés centi- grades, Dans un autre œuf de la même espèce, mais observé à une température de 6 à 7 degrés seulement, il n’a pas fallu moins de quatre jours pour que le même corps eùt gagné le centre de l'œuf, L'exemple suivant iiontre que les conditions du phéno- mène varient aussi d’une manière assez considérable d'une espece à l’autre, toutes choses étant égales d’ailleurs, non-seulement pour l'époque de son début, mais encore pour le temps nécessaire à son entier accomplissement, Ainsi, dans un œuf du S, Jacee, pondu le 18 octobre, à deux heures de l'après-midi, la masse polaire a commencé à quitter le pôle postérieur le surlendemain seulement, vers dix heures du matin, et n’est arrivée au milieu de l'œuf qu'au bout de vingt-quatre heures. La lempérature moyenne était de 17 degrés, comme dans la première observation, citée ci-dessus; sur le S, Millefolir. ARTICLE N° MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 9 tité complète de ceux des phénomènes de l’évolution que l’on peut étudier d’une manière directe et comparative chez les uns et les autres. Voici comment, dans mon travail sommaire sur l'embryologie de ces Insectes, publié en 4866, j'ai décrit le mode de formation de l'embryon chez le Puceron vivipare (4) : « Le premier phénomène qui dénote le commencement du développement embryonnaire estun bourgeonnement des cel- lules sur une des moitiés de la circonférence de l'ouverture dont J'ai indiqué précédemment le mode de formation au pôle pos- térieur du blastoderme. Le résultat de ce bourgeonnement est la production d’une lame celluleuse qui, du bord de l'ouverture précédente, s'élève graduellement dans l'intérieur de l'œuf en s'appliquant contre la paroïinterne du blastoderme, qu’elle parait doubler en quelque sorte dans une certaine étendue. Parvenue à une petite distance du pôle antérieur, elle se replie en dedans, en sens inverse de sa première direction, comme pour redes- cendre vers l'ouverture qui a été son point de départ, mais ne dépasse pas, au moins pour le moment, le milieu de la branche ascendante. Cette lame courbe, produite de la sorte par un bourgeonnement du blastoderme dan; l'intérieur de sa propre cavité, n’est autre chose que le rudinent embryonnaire ou la bandelette primitive (Ketmstreif des ariteurs allemands). » Reportons-nous maintenant à l'œuf pondu, et voyons si Îles faits qu'il présente à notre observation autorisent un rappro- chement avec ceux constatés chez les Pucerons vivipares. Nous avons vu précédemment, en décrivant la structure de l'œuf ovarien, que la couche germinative, qui forme un de ses éléments constitutifs, se compose de deux portions : l’une superficielle, étalée à la surface du vitellus, l'autre profonde, incluse dans la portion précédente, et constituant au pôle postérieur de Pœuf la poche dans laquelle est logée la masse poiaire. Jai montré également comment, dans l'œuf fécondé (À) Balbiani, Note sur la reproduction el l'embrijogénie des Pucérons (Comptes ren dus de l’Académie des sciences, 1866, t. LXIT, p. 1231); 28 BAIBIANTI. et pondu, la couche germinative superficielle s'organise pour devenir le blastoderme, mais je n'ai rien dit des changements qui surviennent dans la partie profonde, sa situation au milieu du vitellus en rendant l'observation presque absolument im— possible. Mais, lorsque là masse polaire abandonne la région postérieure de l'œuf, celle-ci s’éclaircit quelque peu à la suite de ce déplacement , et il devient alors possible de distinguer vaguement, mais positivement néanmoins, les changements qui se sont opérés dans cette région. On constate quela poche du pôle postérieurs’est allongée comme poursuivre la masse polaire dans son transport dans l'intérieur de l'œuf, et que ses parois figurent une sorte de canal étendu de la masse précédente à l’ouverture du pôle postérieur, à travers laquelle elles se continuent avec le blastoderme étalé à la sur- face de l'œuf. Dans les circonstances les plus favorables, telles que celles de notre figure 35, on peut même reconnaitre la structure celluleuse des parois de cette poche, et s'assurer qu’elles se composent de petites cellules entièrement conformes, pour la taille et l'aspect, à celles qui constituent le blastoderme. Il n’est pas jusqu'à la coloration Jaunâtre ou verdâtre de ces der- nières qu'on ne retrouve dans ces éléments de la poche. Il est done évident, par ce qui précède, que l'organisation cellulaire de la couche germinative ne reste pas limitée à sa partie super- ficielle, mais s'étend aussi à la portion profonde, incluse dans la premiere. Il est impossible de méconnaitre l’analogie qui existe entre cette portion interne du blastoderme de l'œuf pondu et la lamelle qui, du bord postérieur du blastoderme des Pucerons vivipares, pénètre dans la cavité de cette membrane pour y constituer l'embryon, ainsi que je l'ai décrit dans le passage, rappelé plus haut, de ma note précitée. S'il pouvait rester encore quelques doutes sur la signification embryologique de cette partie, ils seraient immédiatement levés par la comparaison avec la ma nière dont l'embryon se forme chez les Aleurodes, les Aspidio- tus, les Cicadides et autres genres voisins des Aphides, dont les œufs présentent plus de transparence, et partant plus de facilité ARTICLE N° /. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES, 29 à l’observation des phénomènes embryonnaires que ceux de ces derniers (1). Chez tous ces Hémiptères, nous voyons, en effet, que l'embryon se constitue par un procédé identique, très-différent de son mode de production chez les autres Articulés, où on le fait généralement résulter d’une prolifération locale des cellules du blastoderme. Dans les espèces précitées, au contraire, celui-ci n'intervient que d'une manière indirecte dans la formation de l'embryon, c’est-à-dire par la production d’un repli qui pousse dans la cavité de ce sie membraneux, au pôle postérieur de l'œuf, phénomène comparable à une gemmation intra-blasto- dermique. Chez le Puceron ovipare, ce repli n’est autre chose que la poche renfermant la masse polaire, et qui, après avoir pris une structure celluleuse analogue à celle du blastoderme superficiel, pousse dans l’intérieur de la cavité circonscrite par cette membrane, entraînant avee elle la masse polaire, Mal- heureusement, l'épaisseur croissante du vitellus, dans lequel elle s'enfonce de plus en plus, ne permet pas de suivre l’évolu- tion de cette partie et de voir de quelle manière l'embryon en dérive. En même temps que le prolongement embryogène du blasto- derme s’allonge dans l’intérieur de l’œuf, l'ouverture à laquelle il aboutit au pôle postérieur devient de plus en plus étroite par le rapprochement graduel de ses bords, puis finit par disparaître sans laisser aucune trace sur le contour de Pœuf. Le blastoderme passe alors sans aucune interruption sur le pôle postérieur, et y présente une disposition aussi régulière que sur le reste de sa surface (fig. 36). La masse polaire reste plus longtemps visible sous la forme d’une tache circulaire verte, apparaissant confusément sous la couche de substance vitelline qui la recou- vre. Pendant quelque temps encore, on peut la voir se rappro- cher de plus en plus du centre du vitellus, seul signe révélant à l'observateur la continuation du travail embryogénique qui s’accomplit dans la profondeur de l'œuf. (4) Pour le mode de formation de l’embryon chez les Aspidiotus, voyez Mecznikow, Embryol. Studien an Insecten (loc. cit., p. 468). SC. NAT., SEPTEMBRE 1871, ARTICLE N° /, 9 80 BAIBIANT. Parvenue presque exactement au nulieu de celui-ci, elle pa- raît se maintenir définitivement dans cette situation ; toujours est-1lqu’on n'y constate pas d'autre changement de position aussi longtemps que l'observation peut être encore prolongée. Bien- tôt, en eflet, se mamifeste un nouveau phénomène ayant pour résultat de voiler le peu de transparence que l'œuf avait conservé jusque-là dans sa partie centrale : je veux parler de la coloration foncée qu'il prend à cette période de son évo- lution. De la membrane embryonnaire et de sa coloration. — Les Aphides sont du nombre des Insectes dont les œufs ont le privilége, regrettable pour l'observation, de changer de couleur pendant leur développement, et de prendre une teinte plus ou moins intense qui les prive d’une grande partie de leur translu- cidité. L'exemple le plus connu de ce phénomène nous est pré- senté par les œufs du papillon du Ver à soie. Bonnet et de Geer connaissaient déja cette particularité chez ceux des Pucerons, où ce dernier l’a signalée dans un grand nombre d'espèces apparte- nant à des genres divers, telles que le Lachnus Pini, le Calh- pterus Alni, les Aphis Viciæ et Mal, les Siphonophora Rosæ et Millefolii, etc. Je l'ai retrouvée, pour ma part, chez toutes celles dont j'ai pu étudier le développement, et dont les noms sont cités dans ce travail. Cette propriété paraît donc inhérente à toute la famille des véritables Aphidiens. Le changement de couleur de l'œuf se manifeste par une teinte brun violacé que celui-ci prend d’abord à son pôle anté- rieur, et qui s'étend de là eomme un voile sombre sur tout le reste de sa surface. Cette teinte est d’abord légère et trouble à peine la transparence de l’œuf, mais graduellement elle gagne en intensité, et finit par se convertir en un noir luisant, parfai- tement homogène. Vu à l'œil nu ou sous la loupe, l'œuf res- semble alors complétement à une petite perle de jais ovoïde, absolument opaque. Le moment où l’œuf commence à s’obscurcir ne dépend point du temps absolu qui s’est écoulé à partir de la ponte. Il est en relation avec ua stade déterminé de l’évolution, caractérisé par ARTICLE N° A. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES, ol le phénomène que j'ai décrit sous le nom de migration de la masse polaire, et qui est lui-même susceptible de varier dans l’époque de son apparition, selon la température où l’œuf se développe. Les mêmes variations se remarquent aussi dans le temps nécessaire à l'œuf pour traverser les diverses nuances de coloration intermédiaires avant d'acquérir sa teinte noire défi- nitive. Ce temps est ordinairement de vingt-quatre à trente-six heures, sous une température de 16° à 18° centigrades. Une question plus difficile à résoudre est celle relative à la partie de l’œuf qui est le siége de cette coloration foncée. El est d'abord facile de s'assurer qu'elle ne gît pas dans l'embryon lui- même, mais bien dans les enveloppes de celui-ci. Or, au stade d'évolution qui nous occupe, ces dernières se composent de trois tuniques différentes, dont deux, le chorion et la membrane vi- tellime, sont propres à l'œuf, et par conséquent antérieures à l'embryon. Quant à la troisième, son existence est d’une date plus récente et remonte à la première période du développement de l’œuf pondu, c’est-à-dire à la formation du blastoderme. Elle n'est, en effet, autre chose que le blasloderme lui-même transformé eu une pellicule mince, qui adhère, d'une part au vitellus et à l'embryon, et d'autre part s'applique étroitement contre la face interne de la membrane vitelline. : J'ai déjà eu l’occasion de dire plus haut quelques mots de la formation de cette tunique. Elle représente évidemment l’en- veloppe qui, chez un certain nombre d’autres Articulés, entoure l'embryon en voie de développement, et-que quelques auteurs ont cru pouvoir assimiler à la membrane séreuse de l’œuf et à l’amnios des Vertébrés supérieurs (1). Pour ne rien préjuger sur cette homologie, je me contenterai de la désigner sous le nom de membrane ou d'enveloppe embryon- (1) Cette enveloppe de l'embryon des Articulés paraît avoir été entrevue pour la première fois par quelques anciens auteurs (Suckow, Herold), mais leurs observations étaient complétement oubliées, lorsque les embryologistes de notre temps signalèrent de nouveau l'existence de cette membrane (voy. Ganin, Ueber die Embryonalhülle der Hymenopteren und Lepidopteren, dans WMém, de l’Acad. ümpér. des sc. de Saint-Péters- bourg, 1° série, 1869, t, XIV, n°5). En 1866, Mecznikow et moi, étudiant d’une manière indépendante l’évolution des Aphides vivipares, avons signalé, chacun de notre 52 BAEBEANE. naire, car ses relations avec l'embryon présentent des’eircon- stances encore assez obscures. Ce qui ressort de plus clair des descripüons souvent contradictoires des auteurs, c’est que ces relations ne sont pas identiques dans les divers groupes d’Arti- culés. Mais c’est là une question dont nous réservons l'examen pour le moment où nous nous occuperons de la formation de cette membrane chez les Pucerons vivipares, car elle ne saurait être étudiée fructueusement à propos de l’œuf pondu. À ce mo- ment aussi, je dirai comment on doit, selon moi, envisager cette formation embryonnaire des Articulés. Il n’est pas aisé de reconnaître son existence dans l'œuf pondu, à raison de l’adhérence mtime qui s'établit entre elle et les mem- branes de la coque. Mais dans certaines circonstances, il s'opère spontanément une séparation entre celles-ci et l'enveloppe pré- cédente. C’est ce que l’on remarque principalement dans les œufs qui se sont altérés pendant leur développement. Dans ces conditions, il arrive fréquemment que l'embryon et le vitellus forment une masse granuleuse rétractée au centre de l'œuf, et entourée d’une pellicule noirâtre et plissée, qui n’est autre que la membrane embryonnaire. Cette observation, en même temps qu’elle met en évidence l'existence de cette enveloppe chez les Aphides, démontre aussi que c’est à elle qu'il faut attribuer la coloration noirâtre de l’œuf en voie de développement. Quant au chorion et à la membrane vitelline, ils restent inco- lores et transparents comme aux stades antérieurs de l’évolution. La membrane embryonnaire des Aphides ovipares se pré- sente sous l'aspect d'une pellicule ténue, entièrement lisse et homogène, ou n’offrant que par places quelques vagues indica- côté, l’existence d’une enveloppe propre autour de l’embrjon de ces Insectes, et montré comment elle résulte d’une transformation du blastoderme (Mecznikow, Unters. über die Embryol. der Hemipteren, dans Zeitschr. für wiss. Zool., 1866, t. XVI, p. 431; —Balbiani, Sw: la reproduction et l’embryogénie des Pucrrons, dans Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1866, t, LXII, p. 1231). Depuis, MM. Weismann, Kupffer, Mecznikow, Ganin et Bütschli l’ont retrouvée chez un bon nombre d’autres espèces appartenant à différents ordres. Enfin, d’après quelques auteurs (Dohrn,Bessels), la membrane embryonnaire des Insectes aurait aussi son homologue chez certains Crustacés amphipodes. ARTICLE N° 4. 29 MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. De) tions des lignes de contour des cellules blastodermiques qui ont servi à la former. Sa couleur obscure n’est pas due à des granu- lations pigmentaires développées dans son intérieur, mais res- semble plutôt à une temmture uniforme, comme celle qui serait produite par une matière colorante (1). Quant à la cause qui détermine cette coloration, je ne puis faire à cet égard que des conjectures. L'opinion qui me parait la plus vraisemblable est qu’elle tient à une modification chimique de la membrane embryonnaire, liée aux échanges de matières gazeuses qui s'opérent entre l'œuf et le milieu ambiant, et déter- minant l’oxydation de cette enveloppe ; en un mot, Je la consi- dère comme un phénomène de respiration de l'œuf. Remar- quons, en effet, que la coloration noire ne se manifeste que dans les œufs qui se développent régulièrement. et que son début coïncide toujours avec l'apparition de l'embryon, ou du moins avec l’organisation de la portion du blastoderme destinée à donner naissance à celui-e1. Elle manque, au contraire, dans les œufs provenant de femelles qui ne se sont pas accouplées, ou dans ceux qui, après avoir présenté un commencement de développement, périssent par une cause quelconque avant la formation de l'embryon. La lumière est sans influence sur la production de la teinte foncée de l'œuf, car celui-ci noircit aussi bien dans l’obscurité que lorsqu'il reste exposé au grand jour. Enfin, la nature du milieu où l’œuf se développe est indifférente à sa manifestation : placé dans l’eau, l'huile ou d’autres liquides, l'œuf noireit ni plus ni moins promptement qu’à l'air libre. À l'inverse des phénomènes embryologiques qui se passent dans le contenu de l’œuf, savoir, la formation du blastoderme et la fragmentation du vitellus nutritif, lesquelles débutent par le (1) D’après Ganin, la couleur violette ou jaune que prennent les œufs de certains Lépidoptères pendant leur développement proviendrait aussi de la coloration d’une membrane de ce genre, maïs ici elle serait due à des granulalions pigmentaires renfer- mées dans les cellules de cette enveloppe (Ganin, Ueber die Embryonalhülle der Hymenopteren und Lepidopteren, loc. cit.). Je puis confirmer cette observation de Ganin pour le Bombyx Morr. 57/1 HBALBEANE. pôle postérieur pour se terminer à l’extrémité opposée, la colo- ration de la membrane embryonnaire se manifeste au contraire d’abord au pôle antérieur, pour s'étendre progressivement jus- qu’au pôle postérieur. Cette opposition dans la marche des phé- nomènes, selon qu'ils précèdent ou suivent la formation de l'embryon, coustitue assurément un fait des plus remarquables, mais dont la raison m'échappe absolument. Ce que l’on peut hasarder de plus vraisemblable à cet égard, c’est que les pre- miers sont plus spécialement influencés par les conditions de l'imprégnation de l’œuf par l'élément mâle, tandis que les se- conds paraissent sous la dépendance plus immédiate des actes vitaux de l'embryon. En même temps que l’œuf s’obscureit, comme nous venons de le décrire, survient un autre changement affectant sa forme extérieure. C’est une dépression prononcée de sa face primitive- ment plane, laquelle devient fortement concave et parait comme enfoncée, tandis que la face opposée continue à rester convexe et bombée. Cette dépression a pour cause prenuère une rétrac- tion énergique du vitellus au côté correspondant de l'œuf, d’où résulte la formation d’un vide dans lequel s’amasse le liquide clair et homogène qui tient le vitellus comme suspendu. Mais comme ce liquide est insuffisant pour maintenir de ce côté la tension de la coque, celle-ci s'enfonce vers l’intérieur de l'œuf en présentant un grand nombre de plis irréguliers. L’œuf perd par suite sa forme cylindroïde pour en prendre une plus ou moins aplatie, ce qui, combiné avec la teinte noire qu'il revêt à la même époque, le fait paraître comme flétri et altéré. Cette apparence avait effectivement causé jadis l'erreur de Bonnet, lequel, en voyant noireir les œufs qu'il observait, crut à leur altération et les rejeta. Par suite de cette méprise, 1 ne put observer que trois ans seulement après sa découverte des pre- miers œufs des Pucerons, qu’il regardait d'abord comme des fœtus immobiles, l’éclosion de ceux-ei, et il se laissa ainsi de- vancer dans cette observation par Lvonet qui, dans l'intervalle, avait vu cetle éclosion, et fourni ainsi la preuve péremptoire de la véritable nature des corps que ces Insectes mettent au monde ARTICLE N° A. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 29 en automne, au lieu des petits vivants par lesquels ils se pro- pagent pendant le printemps et l'été. L'observation de l'œuf à l’état d'mtégrité devenant désormais impossible, il ne reste d'autre moyen, pour suivre les progrès de l’évolution, que de briser les membranes et de faire sortir l'embryon. Malheureusement, celui-ci ne s'obtient que rarement à l’état intact, et c’est presque toujours par lambeaux plus ou moins informes que son extraction s'opère. Cependant, malgré l'imperfection de cette méthode, elle suffit pour mettre en évi- dence un fait général important sur lequel J'ai déjà plusieurs fois insisté dans le cours de ce travail, à savoir : l'identité par- faite des phénomènes de l’évolution chez les Pucerons ovipares et Jes vivipares. Il existe pourtant une différence essentielle dans la constitution de l’œuf chez les Aphides, suivant qu'il est des- tiné à se développer dans le monde extérieur ou dans le sein de l'animal qui Va produit. En effet, dans le premier cas, l'embryon se forme en présence d’un vitellus abondant où il puise les maté- riaux de son accroissement, tandis que dans le second, où cette masse alimentaire manque absolument, c'est de l'organisme même de la mère qu'il tire ses éléments nutritifs. Malgré ces différences dans le mode de nutrition du Jeune Puceron avant la naissance, on n'observe cependant aucune modification impor- tante dans le travail organogénique. Nous en verrons plus loin un exemple remarquable tiré du développement de l'intestin, c'est- à-dire celui de tousles organes que les embryologistes s'accordent à décrire comme étant le plus directement lié dans sa formation à la masse vitelline de l'embryon. Jen conclus que l’on est par- faitement en droit de transporter aux Pucerons ovipares les faits acquis chez leurs congénères vivipares, et réciproquement. Or, ainsi que je l'ai déjà fait observer, c’est chez ces derniers seuls qu’un tableau complet de l’évolution peut être tracé. Par consé- quent, dans ee qui va suivre, laissant presque entièrement de côté ce qui concerne le mode d’origine des divers systèmes or- ganiques, je me bornerai à décrire la forme extérieure de l’em- bryon considéré à différents stades de son évolution, de plus en plus éloignés de la ponte, afin de donner une idée générale de 30 É BALBIANE. la marche du développement. Je n’entrerai dans quelques dé- tails plus circonstanciés qu’en ce qui a trait aux organes géné- rateurs, dont l’étude nous intéresse plus particulièrement ici. Mais auparavant 1l est nécessaire que je fasse connaître ma ma- mère de voir au sujet de l’état sexuel et du mode de reproduc- tion du jeune Puceron qui éclôt au printemps de l'œuf pondu en automne. On sait déjà depuis le milieu du siècle dernier que celui-ci ne se reproduit pas par un mode identique avec celui auquel il doit lui-même son existence, c’est-à-dire avec le concours de parents sexués, mais qu'il met au monde des petits tout vivants et for- més sans participation d'aucun autre individu de son espèce. Cette reproduction par agamogénésie, pour employer l'expres- sion de Huxley, à été envisagée par les naturalistes de nos jours tantôt comme un phénomène de gemmation interne, ce qui erait rentrer les Pucerons parmi les auimaux à générations alternantes, tantôt comme un fait de parthénogenèse de plus à ajouter aux exemples déjà assez nombreux de ce mode de reproduction connus chez d’autres espèces animales (1). Reprenant l'hypothèse par laquelle les premiers observateurs, Leeuwenhoeck, Cestoni et autres, avaient cherché à expliquer la multiplication de ces Insectes, à savoir, celle de leur herma- phrodisme, j'ai essayé d'établir dans mon travail sommaire, pu- blié 1l y a quelques années (2), que les germes internes de ces animaux devaient être assimilés à de véritables œufs, et avaient besoin comme tels d’être fécondés pour être aptes à se déve- lopper. Comme organe de cette fécondation interne, je carac- térisai le corps décrit dans les pages précédentes sous le nom de masse polaire, et je eitai à l'appui de cette manière de voir, outre la similitude de son origine première comparée à celle de l’or- gane femelle, les caractères des corpuscules produits dans son intérieur, Corpuseules qui me paraissaient devoir être saisis comme de véritables éléments de fécondation. Malheureuse- (1) Voyez l'historique que j'ai tracé de cette question dans les Annales des sciences naturelles, 5° série, 1869, t. XI, p. 9. (2) Balbiani, Nofes sur la reproduction et l'embryogénie des Pucerons (loc. cit.). ARTICLE N° 4. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 97 ent, Je ne puis que répéter, à propos de cet organe en parti- culier, ce que je viens de dire d’une manière générale touchant la difficulté de poursuivre dans l'œuf pondu l’évolution des parties internes de l'embryon. C’est donc chez les Pucerons vivipares que nous examimerons avec détail tout ce qui concerne l’histoire morphologique et physiologique de l'appareil repro- ducteur. Ici nous devons nous borner à retracer ce que l’on peut saisir de ses transformations dans l'œuf pondu, afin de nous en servir plus tard comme points de comparaison pour la même étude chez les Pucerons vivipares. Étude de quelques-uns des stades ultérieurs de l'évolution. — Appareil générateur hermaphrodite de l'embryon. — Si l’on exa- mine un œuf présentant depuis quelques jours déjà la colora- tion noire que nous avons signalée plus haut, on reconnaît que la majeure partie de la masse qui s’en échappe, après avoir rompu la coque, est formée par les cellules granuleuses résul- tant de la fragmentation du vitellus nutritif. Les caractères de ces cellules sont restés à peu près les mêmes qu'aux époques an- iérieures de l’évolution; cependant on remarque qu’elles ont pris plus de consistance, que leurs granulations ne se séparent plus avec la mème facilité, et que, par suite, un plus grand nombre de cellules vitellines conservent, après leur sortie de l'œuf, la forme polyédrique qu'elles affectaient dans l’intérieur de celui-ci. En outre, on y reconnait visiblement une mem- brane d’enveloppe, dont l'existence, à une période moins avan- cée, ne nous apparaissait pas d’une manière certaine. Indépen- damment des éléments précédents, on voit flotter dans le liquide ajouté quelques lambeaux irréguliers, qu'à leur coloration verte on reconnait aussitôt pour des fragments de la masse polaire. Toutefois on réussit assez souvent, avec quelques précautions, à obtenir cette masse dans son état d’intégrité, c'est-à-dire sous la forme d’un gros globule, tantôt entièrement isolé, tantôt por- tant adhérentes à sa surface un plus ou moins grand nombre des cellules vitellines qui l’entouraient dans l’intérieur de l'œuf. Relativement à sa constitution, on y observe encore les mêmes grandes cellules-mères arrondies, remplies de petites cellules- 30 HBALBEIANE. filles très-minimes, que nous avonsdécrites précédemment, etque maintient toujours unies une substance mucilagineuse impré- gnée des petites granulations pigmentaires auxquelles la masse entière doit sa coloration verte. Quant aux cellules blastoder- miques, autrefois mêlées en abondance aux éléments précédents, lorsqu'on donnait issue au contenu, on n’en aperçoit plus aucune trace à l’époque qui nous occupe. Nous avons vu, en eftet, plus haut que ces cellules se modifient pour constituer autour de l’em- bryon l'enveloppe noirâtre que nous avons décrite sous le nom de membrane embryonnaire. Au lieu d'accompagner le contenu pendant sa sortie, elle reste dans l’intérieur de l'œuf, où sa pré- sence est accusée par la coloration foncée des débris de la coque. L'existence de l'embryon, à cette époque de l’évolution, ne peut être mise en doute après la description que nous avons donnée plus haut des phénomènes accompagnant sa formation première, phénomènes parmi lesquels le transport de la masse polaire vers le centre de l'œuf est un des plus apparents et des plus directement liés à cette formation. Mais nous avons des preuves plus positives de son existence par des fragments plus ou moins volumineux d’un tissu composé de petites cellules rondes et pâles, très-délicates, mêlés aux éléments issus de l'œuf. Ces cellules ont tous les caractères des jeunes cellules qui composent la partie primitive ou premier rudiment de l’embryon chez les Articulés ; mais, à raison de la grande mollesse de cette partie, il est impossible d'éviter sa déchirure pendant les ma- nœuvres destinées à son extraction. Cet accident est beaucoup plus rare lorsqu'on laisse écouler un laps de temps plus long, trois semaines à un mois par exemple, entre le jour de la ponte et celui de l'observation. La rupture des enveloppes de l'œuf, suivie de la sortie du contenu, met cette fois au jour un embryou bien reconnaissable, mais néan- moins dans un état de développement encore peu avancé. Sa forme générale est celle d’une lamelle celluleuse repliée sur elle- même, où les différents segments correspondants aux principales divisions du corps : tête, thorax et abdomen, sont déjà uette- nent indiqués. D’après le plan habituel du développement des ARTICLE N° A. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 39 Articulés, cette lamelle représente la partie inférieure du corps de l'embryon; aussi la dénomination de rudiment ventral, que M. Claparède lui applique chez les Aranéides, lui convient-elle très-bien (4). Les segments ou zoonites de la tête et du thorax sont munis à leurs parties latérales de petits mamelons coniques ou rudiments des appendices respectifs de ces segments. L’ab- domen est relevé contre le thorax et présente visiblement une division transversale en huit segments. Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement dans la des- eription de l'embryon, ce sont les rapports qu'il affecte avec la masse polaire ou organe mâle, suivant la signification que nous avons attribuée à cette masse, Celle-ci est simplement appliquée contre la face interne de la partie ventrale de l'embryon, de manière à la déborder de chaque côté, sans qu’aueun ligament ou connexion quelconque vienne consolider ses rapports avec cette partie. _ Considérée en elle-même, abstraction faite d’une augmenta- tion assez sensible de son volume, cette masse à subi quelques modifications, comparée à l’état où nous l'avons laissée dans la période précédente. Très-molle toujours, néanmoins plus cohé- rente que naguère, elle se laisse facilement déprimer par une pression légère, comme celle déterminée par une lame de verre mince. Pour la première fois depuis que nous l’observons, elle apparait entourée d'une membrane d’enveloppe sans structure et d’une ténuité extrême, et par cela même difficile à discerner dans l’état naturel. Mais l'addition de l'acide acétique, en déter- minant la séparation de cette membrane d'avec la masse qu’elle enserre, ne peut laisser de doute sur la réalité de son existence (fig. 39). Par suite de l'augmentation de transparence résultant de la compression de la masse polaire, un grand nombre de petites taches rondes et claires deviennent visibles dans son inté- rieur. Ce sont les noyaux des grandes cellules qui la constituent presque entièrement. Mais pour mettre celles-ci en plus grande éviaence et rendre en même temps apparents les autres détails (1) Claparède, Recherches sur l’évolution des Araiïgnées, 1862, p. 18. 10 BALIEREANE. de structure de ces éléments, il faut faire agir sur eux l'acide acétique. Dans ces conditions, on voit apparaître autour de chaque cellule une ligne de contour déliée, indice d’une mem- brane d’enveloppe délicate, et au centre du noyau, un petit glo- bule brillant et bien accusé, qui en est le nucléole (fig. 39) (4). Quant au contenu cellulaire, l'augmentation de densité qu'il a subie se traduit par sa réfringence plus grande et une diminu- tion de taille de la cellule entière, laquelle ne mesure plus que 0"",017 à 0%®,020, au lieu de 0"",020 à 0°*,040 qu'elle offrait au commencement de l’évolution. Mas ce sont les petites cellules-filles contenues dans les cel- lules de la masse polaire qui présentent les modifications les plus intéressantes. Un grand nombre d’entre elles se sont déjà trans- formées en corpuscules que je considère comme jouant daus la reproduction solitaire de ces Insectes le rôle d'éléments fécon- dateurs à l’égard des germes d’où dérivent les embryons qui se développent dans les gaînes de leur ovaire. Mais quel que soit l'intérêt qui s'attache à cette question, 1l me paraît plus conve- nable d’en ajourner l’examen au moment où nous nous occupe- rons de la reproduction des Pucerons vivipares, car là seule- ment elle peut être étudiée d'une manière complete. | Pour achever la description de l'appareil reproducteur de l'embryon, il me reste à parler de l'organe femelle ou ovaire. La phase la plus précoce de lexistence de cet organe qu'il m'ait été donné d’apercevoir correspond précisément au stade de l’évolution que nous examinons 1ci. Il m'a apparu sous la forme d'une petite masse celluleuse simple, ovalaire, allongée transversalement, et située sur la ligne médiane de l'embryon, à la face interne de sa portion ventrale. Son diamètre transver- (1) Cette figure représente la masse polaire au moment où l'acide acétique com- mence à agir sur elle. Dans la partie droite, ses cellules se sont déjà modifiées sous le contact de cet agent: elles apparaissent d’une manière distincte avec leur enveloppe, leur nucléus et leur contenu de petites cellules-filles très-minimes. Dans la partie gauche, que le réactif n'a pas encore touchée, elles offrent une apparence plus indé- cise et telle qu’elle résulte d’une simple compression, sans addition d'aucun liquide modificateur. ARTICLE N° |. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. IE sal n’est alors que ‘de 0" ,12. Placé immédiatement en arrière de l'organe mâle, qui le recouvre même un peu par son bord postérieur (fig. 39), 1l est, par conséquent, plus rapproché de l'extrémité postérieure du corps de l'embryon que ce dernier. Le rudiment de l'ovaire est constitué tout entier, à cette période, par un groupe de petites cellules rondes et transpa- rentes, larges de 0°*,006. Ce sont les premières cellules ger- minatives formant le contenu des chambres terminales des gaînes ovariques. Elles se composent d’un noyau relativement large, pourvu d’un petit nucléole pâle, et entouré d’une mince couche de substance protoplasmique renfermant quelques granules jaune grisâtre, probablement graisseux. Je n'ai pas réussi à mettre en évidence une membrane cellulaire autour de ces jeunes ovules. La petite masse que ceux-ci forment par leur agrégation m'a paru également dépourvue d’une paroi com- mune. Il s'ensuit qu'au moment de la première apparition de l'organe femelle, celui-ci n’est, à proprement parler, repré- senté que par son contenu ou les germes ovulaires, tandis que le réceptacle destiné à les renfermer plus tard, ou l'ovaire, n'existe pas encore. À plus forte raison, n’aperçoit-on non plus aucun vestige des parties de l'appareil femelle qui jouent un rôle purement accessoire, c'est-à-dire les trompes et l’ovi- ducte commun. Remarquons enfin, pour donner une idée de l’état encore très-imparfait de l'embryon, que ses seules parties internes se réduisent aux organes de la reproduction, tandis que ceux de la vie de relation et de la vie végétative n'existent pas même encore à l'état d’ébauche. A une phase plus avancée, nous trouvons l'organe mâle et l’organe femelle dans la même situation relative que pendant l’époque précédente. Le premier ne s’est pas sensiblement mo- difié dans son aspect extérieur; mais l'ovaire s’est allongé trans- versalement et a pris la forme d’un bissac composé de deux masses latérales ovalaires, débordant de chaque côté le rudiment ventral, et réunies par une partie médiane plus étroite appli quée contre ce rudiment (fig. 39). Sa longueur atteint alors 0"",30. Le rétrécissement médian est le premier indice de sa h2 BBAILBREANE. division future en deux portions symétriques, affectées chacune à une moitié du corps. En effet, avec les progrès du développe- ment, la parte intermédiaire devient graduellement plus étroite (fig. 40), puis se divise finalement, et chaque ovaire se consti- tue à l’état indépendant. Il s’opère, en un mot, une véritable scission de l'ovaire primitif simple, analogue à celle par laquelle une cellule donne naissance à deux cellules nouvelles. Avant de se séparer de son congénère, chacun des deux ovaires secon- daires se subdivise lui-même en portions tertiaires, qui repré- sentent les chambres germinatives où rudiments des ovariules de chaque côté du corps. Le nombre de ces subdivisions varie d’une espèce à l’autre, suivant le nombre des gaînes dont se compose chaque avaire chez la femelle adulte. Elles apparais- sent d’abord comme de simples mamelons ou lobes arrondis à la surface de l'ovaire (fig. 41); puis, à mesure que les sillons qui les séparent s’approfondissent davantage, ces lobes s’allongent et se transforment en prolongements coniques (fig. 42), lesquels achèvent eux-mêmes de se séparer les uns des autres. Après, ou peut-être même avant leur individualisation complète, chaque division ovarique s’entoure d’une paroi membraneuse formée de cellules hexagonales aplaties, qui représente l’épithélium. Cette paroi se continue postérieurement avec un tube très-court, composé de cellules primaires elliptiques : c’est le rudiment de la gaine de l’ovariule (fig. 43). Les deux faisceaux ovariques constitués de la sorte sont d’abord placés sur une même ligne transversale à l'axe du corps et croisant à angle droit la portion inférieure de l'intestin, non loin de l'extrémité de l'abdomen. [ls se regardent par leur partie postérieure, qui est tournée en dedans au lieu d’être di- rigée en arrière comme elle le sera plus tard. Mais avec les pro- grès de l'évolution, Îles deux faisceaux de l'ovaire remontent graduellement dans la cavité de l'abdomen en prenant une direction de plus en plus parallèle à l’axe longitudinal du corps. C'est pendant qu’ils exécutent ce mouvement que chacun d'eux vient se meitre en rapport avec un système de canaux formés d'une manière indépendante aux dépens des cellules primaires ARTICLE N° {a MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 3 de l'embryon, et représentant les conduits efférents de l'organe femelle, ou lies trompes et l’oviducte. La constatation de la formation précoce des organes généra- teurs chez les Articulés ne constitue point par elle-même un fait nouveau dans la science. Depuis longtemps, comme on sait, Herold avait réussi à démontrer l'existence de ces organes chez les petites chenilles du Papillon du Chouau moment de leur sortie de l'œuf, et à reconnaître même déjà les caractères distinetifs de chaque sexe. Dans ces derniers temps, Weismann, Bessels, H. Landois, ont également constaté leur présence pendant la vie embryonnaire, chez un certain nombre d’Insectes. Mais de toutes les observations faites à cet égard, il n’en est point qui fassent remonter plus haut l’origine de ces organes que celles de Huxley, Mecznikow et les miennes. En 1858, Huxley fut le premier à signaler chez l’Aphis (Siphonophora) Pelargonti l'existence de l'organe femelle à une époque où, suivant son expression, l'embryon first becomes clearly fashioned (1). Et en effet, la figure qu’il en donne le représente encore dépourvu de tout appendice extérieur à ce moment de l'évolution, et n'ayant, en fait de parties internes, que le rudi- ment de son pseudovarium, ainsi que Huxley désigne l'élément femelle chez le Puceron vivipare. Plus récemment, mes obser- vations sur ces mêmes Insectes m'ont permis de constater que l’origine de cet organe remontait à une époque encore plus reculée de l’évolution que ne le supposait le célèbre savant anglais ; bien plus, que sa formation précédait celle de l’em- bryon lui-même (2). | Ces faits furent bientôt après confirmés par les recherches de M. Mecznikow sur le Puceron du Rosier, et cet auteur nous a fait connaître, en outre, un second exemple non moins remar- quable de la formation précoce de l'organe reproducteur chez les larves vivipares des Cécidomyies. I à constaté que les germes , (L) Huxley, On the agamic Reproduction and Morphology of Aphis (Trans. of the Linn. Soc., 1858, t. XXII, p. 209). (2) Balbiani, Note sur la reproduction et l'embryngénie des Pucerons (Comptes rendus de l Académie des sciences, 1866, t. EXIT, p. 1231, etc.). hh BALHIANE. d'où la progéniture vivante de ces animaux tire son origine dérivent des éléments connus sous le nom de cellules polaires, et dont la formation est antérieure à celle du blastoderme (1). Enfin, il y a peu d'années, M. P. E. Müller (de Copenhague) a signalé des faits analogues chez les Crustacés : en suivant le développe- ment de certains Cladocères, il a vu lovaire se constituer dans l'œuf à l’époque même où se forme le blastoderme (2). Comme toutes les espèces dont 1l vient d'être question se signalent par les particularités de leur reproduction, on peut se demander sil n'existe pas un rapport entre celle-er et le mode de développement de leurs organes générateurs. il est de fait que jusqu'ici on n'a encore réussi à observer l'origine pre- mière de ces organes chez aucun Insecte soumis aux lois ordi naires de la propagation sexuelle. On a bien, il est vrai, con- staté chez plusieurs la production de cellules polaires analogues à celles d’où M. Mecznikow fait dériver les éléments reproduc- teurs des larves de Cécidomyies. Ainsi, M. Meeznikow lui- même a observé ces cellules chez les Simulia (3), M. Robin chez les Tipulides (4), M. Weismann chez les Chironomes et les Muscides (5) ; mais aucun de ces auteurs n'est parvenu, dans les espèces précitées, à saisir les relations de ces éléments avec les organes de la génération. | J'ai été plus heureux en suivant le développement des Pu- cerons sexués dans l'intérieur de l'appareil reproducteur des individus qui constituent la dernière génération vivipare de l'année. Non-seulement j'ai pu constater chez ces animaux la formation des cellules polaires, mais j'ai pu suivre, en outre, toutes les phases de la transformation de celles-ei en éléments (4) Mecznikow, Embryologische Studien an Insecten: Die Entwicklung der viviparen Cecidomyidentarven (Zeitschr. für wiss. Zoo!., 1866, t. XVI, p. 407). (2) P. E. Müller, Bidrag til Cladocerernes Forplantningshistorie (Naturhist, Tidsskrift, 3° série, 1868, t. V, p. 350). (3) Mecznikow, Embryol. Studien an Insecten : Die Embryol. von Simulia (loc. cit, p. 392). (4) Robin, Mémoire sur la production du blastoderme chez les Articulés (Journal de physiologie de Brown-Séquard, 1862, t. V, p. 318). (5) Weismann, Die Entwickluny der Dipteren im Ei (loc. cit., p. IL et 462). ARTICLE N° /. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. h5 de reproduction. L’analogie permet certainement de conclure qu'il en est de même chez les autres Insectes à reproduction sexuelle dioïque bien caractérisée. Il est en effet difficile d’ad- mettre que des éléments qui, dans toutes les espèces où on les a observés, se présentent dans des conditions si identiques quant au temps, au mode et au lieu de leur apparition dans l’intérieur de l'œuf, n'aient point partout la même signification organo- génique (1). Dans les espèces où l’on n’a pas réussi à constater cette rela- ton des cellules polaires avec les organes générateurs, la forma- tion de ceux-ci avant tous les instruments de la vie mdividuelle constitue certainement une présomption sérieuse en faveur des rapports que nous signalons 1e1. J'ai observé un cas de ce genre chez un insecte qui rentre complétement dans la règle ordinaire dela reproduction sexuelle des animaux de cette classe, le Tinea crinella. Chez ce Lépidoptère, j'ai pu n’assurer que l'organe sexuel est déjà parfaitement perceptible à une époque où l’em- bryon n’est encore représenté que par son rudiment ventral, et n'offre encore aucune trace de ses autres appareils organiques. À cette phase peu avancée de son existence, l'organe repro- ducteur forme une petite masse ovalare simple, composée de minimes cellules rondes et transparentes, larges de 0"*,00%. Cette masse est appliquée à la face interne de l'extrémité infé- rieure du rudiment ventral, et occupe par conséquent la même situation que chez l'embryon d'Aphide, à l’époque correspon- dante de son développement. Comme chez ce dernier aussi, elle paraît se diviser plus tard en deux portions secondaires pour chaque moitié du corps, si j'en juge par la forme étranglée au milleu qu'elle me présentait chez quelques embryons. Nous reviendrons sur cette question de l’origine des organes géné- rateurs, à propos des Pucerons vivipares. (1) Il ne faut pas confondre les cellules polaires des Insectes avec les formations analogues, mais nullement homologues, observées chez d’autres espèces animales, prin- cipalement les Moliusques et les Vers, et décrites sous le nom de vésicules directrices, globules polaires, etc. Celles-ci ne paraissent même pas être de véritables cellules et ne jouent, dans tous les cas, aucun rôle important dans les phénomènes de l’évolution. SC. NAT., SEPTEMBRE 1871, ARTICLE N° 4. 10 h6 BALBEANTE. Reprenons maintenant nos observations sur le développement du jeune Puceron dans œuf pondu. En examinant, au commencement de Janvier, des œufs de Siphonophora Millefolii pondus en novembre et conservés de- puis cette époque à l'air libre, j'ai trouvé dans leur intérieur un embryon bien développé, long de 0"”,56 en moyenne, pourvu d’appendices céphaliques et locomoteurs assez longs, mais non encore revêtu de son tégument chitineux. Pour nous borner ici à la description des organes de la reproduction, nous y obser- vons deux ovaires complétement séparés, formés chacun d’un faisceau de petites chambres germinatives elliptiques, longues de 0"",05 (fig. 14). Leur contenu consiste dans ces mêmes pe- tites cellules rondes et claires que nous y avons observées à un stade antérieur ; seulement elles paraissent groupées moins lâche- ment entre elles, mais ne sont pas encore assez rapprochées pour se déformer mutuellement. On commence aussi déja à saisir un commencement de différenciation des éléments de la chambre germinative en ovules abortifs et ovules viables, sui- vant la distinction que nous avons faite entre ces éléments chez l'animal adulte, ou, pour parler comme les auteurs, en cellules vitelligènes et ovules proprement dits. Mais ceux-ci ne se dis- tinguent guère encore des premières que par leur taille plus petite et leur situation à la partie postérieure de la chambre germinative ; cependant nous verrons bientôt ces différences s’accuser d'une mauière plus tranchée. Chaque chambre germinative se prolonge en arrière en un petit canal représentant là partie de l'ovariale que j'ai nommée, à l'état de développement parfait, son pédicule. Après un court trajet, celui-ei se réunit à ses congénères pour déboucher dans la trompe du même côté (fig. 44). Cette dernière n’est encore qu’un tube cylindrique à paroi composée d’une rangée unique de cellules, et qui n’a pas même achevé de s’individualiser, car il se perd par sa partie postérieure dans la masse celluleuse de l'embryon, sur le côté de la terminaison de l'intestin ; par con- séquent, 1l ne peut être encore question, à ce moment, de lovi- ducte, qui est formé par le prolongement postérieur commun ARTICLE N° À, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 7 des deux trompes. Enfin chaque chambre terminale se prolonge à son sommet en un filament grêle, qui s'unit à ses pareils pour former le ligament suspenseur du faisceau ovarique. A une époque de l'évolution encore plus avancée et très-rap- prochée de l’éelosion (milieu de février), on trouve le contenu des chambres germinatives nettement séparé en deux ordres d'éléments : les uns, plus volumineux, ont pris, en se compri- mant mutuellement, une forme hexagonale (fig. 45); leur dia- mètre, chez le Siph. Millefoli, est de 0**,04. Ils renferment un nucléus d’une dimension relativement considérable, large de 0"",007, muni lui-même d’un nucléole de 0"*,0015 : ce sont les ovules abortifs. Quant aux autres éléments, ils forment à la partie postérieure de la chambre un petit groupe souvent caché sous les précédents, et composé de petites cellules sphériques indépendantes les unes des autres, dont la plupart atteignent à peine la moitié de la taille des grandes cellules germinatives. Ces petites cellules représentent les ovules proprement dits. À cette époque du développement, l'un d'eux s’est même déjà détaché du groupe commun, a grossi, et s’est formé en arrière de la chambre germinative une pete loge pour y subir sa transformation en un embryon (fig. 45). Si nous considérons enfin l’état de l'organe femelle vers les derniers temps de la vie embryonnaire et au moment de l’éclo- sion, nous voyons que chaque tube de l'ovaire se compose, en outre d’une chambre germinative constituée comme pendant l’époque précédente, de deux loges renfermant chacune un germe embryonnaire. Dans la loge la plus reculée, et par con- séquent la plus ancienne, le développement est ordinairement déjà arrivé à la période où le blastoderme commence à se for- mer, tandis que la loge antérieure contient un petit ovule arrondi, encore pourvu de sa vésicule germinative. En un mot, la gaine ovarique présente le même aspect qu'à l’époque cor- respondante de la vie chez les petites larves engendrées par les individus vivipares. De même aussi que chez ces dernières, le nombre des loges embryogères va en s'accroissant rapidement à parür de la naissance ; moins de quinze jours après, je comptais 18 HALBIANÉ, daus chacune des gaînes de l'ovaire, chez le Puceron de l’Achil- lée, cinq embryons rangés à la file par ordre de primogéniture, le dernier étant le plus développé de tous. Il me resterait, pour terminer l’histoire des transformations de l'appareil reproducteur, à décrire également les dernières phases de l’évolution de l'organe mâle, comme je viens de le faire pour l'organe femelle ; mais, après avoir constaté sa division en deux portions pour chacune des moitiés du corps, 1l m’a été impos- sible de reconnaître les modifications ultérieures dont celles-ci sont le siége. À cet égard, l'embryon des vivipares présente des conditions plus favorables que l'œuf pondu ; par conséquent, c’est en m'occupant des phénomènes du développement chez le premier, que je décrirai les dernières transformations de l'organe mâle. Bien qu'il n'entre pas dans mon plan, par les raisons expo- sées plus haut, d'étudier ici la formation des autres organes de l'embryon, je ne puis toutefois m'empêcher de dire quelques mots du développement du tube digestif, à cause des différences qu'il présente d'avec les faits constatés jusqu'ici chez les autres Insectes, et surtout parce qu’il nous révèle une identité parfaite du travail organogénique dans l'œuf pondu et chez l'embryon des vivipares. On sait, en effet, par les observations concordantes de tous les embryologistes, que le tube alimentaire des Articulés ne se con- stitue pas d’une seule pièce, ni simultanément dans toute son étendue, mas qu'il naît par trois portions distinctes : une mé- diane et deux terminales, lesquelles, d’abord séparées, se déve- loppent à la rencontre l’une de l’autre, et finissent par constituer un canal continu, s'étendant d'une extrémité à l’autre du corps. Les deux portions terminales, à savoir : l’œsophage d’une part, et l'intestin avec le rectum d'autre part, se constituent avant la portion moyenne ou futur estomac, dont elles différent en outre par leur mode de formation. Tandis que les premières sont gé- néralement décrites comme résultant d’un refoulement en de- daus de la paroi du corps de l'embryon, aux deux extrémités de celui-ci, l'intestin médian se produirait au contraire, suivant ARTICLE N° /{e MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. h9 Zaddach et Weismann, par une formation libre de cellules dans un blastème épanché autour de la masse vitelline, et constitue alors ce que l’on à nommé le sac vitellin, jusqu'au moment où cette masse de matière assimilable emmagasinée disparaît par absorption (1). Si nous comparons maintenant la manière dont les choses se passent chez les Aphides, nous voyons que l'intestin antérieur et l'intestin postérieur se forment les premiers, comme chez tous les Insectes. Quant à l’intestin moyen, 1l naît sous la forme d'un cordon celluleux plein, composé de plusieurs couches de cel- lules, lesquelles m'ont paru résulter d’une multiplication active des cellules primaires de l'embryon sur la ligne médiane du corps, à la face interne du rudiment ventral. Ce cordon se trans- forme ensuite en un canal cylindrique étroit, à paroi composée d'une rangée unique de cellules, canal quise met plus tard en communication avec les deux portions œsophagienne et rectale du tube digestif. Jamais on n’apercoit aucune parcelle de sub- stance vitelline dans son intérieur, et sa lumière reste toujours d’une limpidité parfaite. Il en résulte qu'il ne se forme pas de sac vitellin chez les Aphides, et que, par conséquent, l'intestin moyen se constitue, non pas autour du vitellus, ou même avec sa par- ticipation, mais d’une facon complétement indépendante de cette masse. Or l'observation apprend que chez l'embryon des vivipares, qui s développe en l'absence de tout vitellus, cette portion du tube digestif ne s’en constitue pas moins par un pro- cédé complétement identique avec celui auquel elle doit son origine dans l'œuf pondu ; d’où il faut tirer cette conclusion que, (4) D’après les observations de Kôlliker et de Weismann sur les Chironomes, tout le vitellus ne passerait pas dans l’intérieur du sac vitellin chez ces Insectes, mais une portion resterait au dehors, et formerait une bande étroite interposée entre la face ventrale de ce sac et la paroi correspondante de l'embryon. J’ai montré qu'il en est de même chez les Lépidoptères {voy. Balbiani, Études sur la maladie psorospermique des Vers à soie, dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1867, t. LXIV, p. 577), avec cette différence, toutefois, que la portion de vitellus qui, chez ceux-ci, reste extérieure à l'intestin, n’est pas, comme chez les Chironomes, renfermée dans la cavité du corps de l'embryon, mais située entre celui-ci et les enveloppes de l’œuf, ou, plus probablement, sous la membrane qui entoure immédiatement l'embryon et que quelques auteurs ont comparée à un amnios, 50 BAELIREANS. contrairement à l'opinion de quelques embryologistes, le vitellus ne joue aucun rôle actif dans la formation de l'intestin chez les Articulés (1). La constatation de la situation extra-intestinale de la masse vitelline chez les Aphides soulève une autre question impor- tante pour l’histoire de l’évolution de ces Hémiptères, savoir: celle des rapports du vitellus avec l'embryon. Mais l'impossibilité d'observer en place la disposition des parties ne permet qu'une appréciation fort incomplète de ces rapports. Tout ce dont j'ai pu me convaincre, c’est que, pendant une longue période du développement, l'embryon est enveloppé par le vitellus au lieu d’entourer celui-ci, comme chez la plupart des Insectes ; de sorte que la masse vitelline se trouve directement placée sous le blastoderme transformé en membrane embryonnaire. L’éclosion de l'œuf pondu à été décrite par de Geer et par Kyber. De Geer compare à une mue la sortie du jeune Puceron, et ditque celui-ci se débarrasse des membranes de l'œuf comme ces animaux s’y prennent pour dépouiller leur vieille peau. J'ajouterai que, chez le Puceron du Pêcher, j'ai constaté que la larve perce la coque de l'œuf par la partie postérieure, et naît à reculons, suivant l'expression dont se sert Bonnet pour dé- peindre la manière dont viennent au monde les petits qui sortent tout formés du corps de leur mère, singulier trait de conformité entre les deux modes de reproduction des Insectes de cette famille. Comme chez tous les Hémiptères, la larve naissante pré- sente déjà une forme très-rapprochée de celle de lindividu adulte ; mais les différentes divisions de son corps n’ont pas les mêmes proportions relatives que chez ce dernier. Chez le Puce- ron du Pôcher, la longueur totale de la larve, au moment de l'éclosion, est d'environ 0"",64, dont 0*”,19 pour la tête, (4) D’après M, Mecznikow, il ne se formerait pas non plus de sac vitellin chez les Aspidiotus ; d'où cet observateur conclut que l'intestin moyen ne se développe pas dans ces espèces (Mecznikow, Embryolog. Studien an Insecten, loc, cit,, p. 473), Je ne erois pas pouvoir admettre cette conclusion, ARTIGHE N° A MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 51 0°" ,20 pour le thorax, et0"",25 pour l'abdomen ; d'où il suit que les deux premières divisions, prises ensemble, l'emportent d'une manière sensible en longueur sur la dernière : or on sait que c'est la condition inverse qui existe à l’âge adulte. La largeur du corps est de 0"",50 ; elle est presque la même à la tête qu'au milieu de l'abdomen, ce qui donne à la petite larve une forme ovalaire, plus obtuse antérieurement, tandis qu'à un âge plus avancé le corps s’effile dans ses portions céphalique et thora- cique, comme chez la plupart des espèces de cette famille. Le mode de coloration n’est pas non plus le même qu'après les pre- mières mues ; notons seulement, à cet égard, que la couleur olivâtre que présente l'abdomen chez la petite larve de l'A phis Persicæ, tandis que le reste du corpsest d’un jaune brunâtre clair, est due aux cellules de l'organe mâle, dont la couleur verte est vue par transparence à travers les téguments extérieurs encore très-minces. Les cornicules sont peu développées et à peine appa- rentes sur le troisième avant-dernier segnent de l'abdomen. Les pattes, relativement fortes et robustes, assez longues, se termi- nent par un tarse armé de deux crochets solides. Ce développe- ment des organes locomoteurs, joint à un rostre assez épais, attel- gnant l'extrémité de l'abdomen, indique l'obligation pour le Puceron de pourvoir au soin de son alimentation aussitôt sa sor- tie de l’œuf, et cette nécessité est elle-même la conséquence du manque de toute matière assimilable chez l'embryon au mo- ment de l’éclosion. Par là ces Hémipteres diffèrent de la plupart des autres Articulés, dont le développement continue encore plus ou moins longtemps après la naissance aux dépens de la masse vitelline non assimilée qu'ils ont emportée de l'œuf. Kyber assure que le Puceron éclos de l’œuf ne se transforme pas en Insecte ailé comme celui qui provient d’une mère vivi- pare. Pour reconnaître si cette assertion était fondée, je plaçai, vers la fin de février, un grand nombre de petits Puceronsnouvel- lement éclos, de l'espèce du Puceron de l'Achillée (Siphonophora Mallefolii), sur des pieds de cette plante cultivés dans des pots. Vers le milieu de mars, la plupart avaient déjà subi une ou deux mues, et atteignaient une longueur de près de 2 millimètres. 52 BALBIANE.. Les gaînes de leurs ovaires renfermaient des embryons à tous les degrés de développement, et ils commencèrent en effet bientôt après à mettre au monde des petits vivants. Ils continuèrent à produire ainsi plusieurs générations successives jusqu’en avril, où je cessai de les observer. Or, durant tout cet intervalle, je n'ai pas apercu un seul individu ailé. La remarque de Kyber parait done fondée non-seulement pour la génération sortie de l'œuf, mais aussi pour plusieurs des générations suivantes issues de celle-e1 par viviparité. Nous terminons ie1 l’exposé de nos recherches sur la géné- ration des Aphides ovipares. Avant d'entreprendre la même étude chez les Aphides vivipares, dans la deuxième partie de ce travail, nous pensons qu'il ne sera peut-être pas sans utilité pour le lecteur de pouvoir jeter un coup d'œil rapide sur les principaux résultats acquis dans la première partie ; c’est ce qui nous engage à clore celle-ci par une série de propositions con- tenant l'expression sommaire de ces résultats, ainsi que les inductions qu'il nous paraît légitime d’en tirer relativement aux Insectes en général. 1° Chez le Puceron mâle adulte, les deux testicules sont concentrés sur la ligne médiane du corps et soudés entre eux par la partie antérieure de leurs conduits déférents. — Chez le Puceron femelle, au même âge, les deux ovaires sont au con- traire toujours libres et séparés dans les deux côtés du corps. 2 Il y a d'abord une concordance numérique parfaite, chez l'embryon, entre les groupes cellulaires qui représentent les or- ganes sexuels mâles et femelles au premier temps de leur exis- tence; mais, par suite de coalescences plus ou moins répétées qui s’établissent plus tard entre les groupes mâles, les cæcums tes- ticulaires sont toujours inférieurs en nombre, au moment de la naissance, aux Cæcums ovariques, dans une mème espèce. 3° Il existe une homologie morphologique parfaite entre le contenu des capsules spermifiques du testicule et celui des chambres germinatives de l'ovaire, chez les jeunes larves des ARTICLE N° 4. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 59 deux sexes. Chez les unes comme chez les autres, il est formé par des groupes de cellules piriformes, disposées radiairement autour d’une cellule-mère centrale ; seulement, les cavités du testicule renferment un grand nombre de groupes semblables, tandis que dans les cavités de l’ovaire, le contenu se réduit à un groupe unique. h° Les cellules rayonnantes des groupes mâles sont toutes de même nature et susceptibles de produire, par voie endogène, une génération de cellules-filles, qui sont les ovules mâles ou cellules de développement des spermatozoïdes. — Les cellules homologues des groupes femelles sont aussi d'abord toutes équivalentes entre elles, mais se différencient par la suite en ovules développables, c’est-à-dire susceptibles de devenir des œufs complets et mûrs, et ovules non développables ou destinés à avorter. 5° Les cellules dites vitelligènes de l'ovaire des Insectes n'ont pas la signification physiologique qui leur a été attribuée d’abord par Stein et ensuite par presque tous ses successeurs. Ces cellules ne sont autre chose que les ovules frappés d’avortement dont il est question dans le paragraphe précédent. L'opinion émise depuis longtemps par Hermann Meyer sur la nature de ces éléments est donc parfaitement fondée. 6° Comme conséquence de la conclusion qui précède, la si- gnification attribuée par Huxley, Lubbock et Claus au pro- longement qui unit l'œuf en voie de formation à la chambre germinative, d'être un canal transportant à celui-ci la matière vitelline élaborée dans cette chambre, ne saurait se soutenir plus longtemps. Ce prolongement n’est autre chose que le pé- doncule très-développé du bourgeon ovulaire qui représente l’œuf à la première phase de son existence. 7° L'assertion de Lubbock, Weismann et autres observa- leurs, que l'œuf des Insectes englobe pendant son développe- ment les cellules dites vitelligènes, et serait ainsi un composé de plusieurs cellules, n’est pas confirmée par l’observation sur les Aphides. L'œuf se développe isolément jusqu’au terme de sa maturité, tandis que les cellules précédentes se détruisent par 51 BALBIANT. - dégénérescence graisseuse plus ou moins longtemps avant cette époque. 8° Au moment de la naissance, les tubes de l'ovaire, chez le Puceron femelle, ne sont représentés que par leurs portions ex- trêmes, savoir : la chambre germinative et le pédoncule de la gaine ovarique. Quant à la portion intermédiaire, ou portion ovigère proprement dite, elle ne se forme qu'après la naissance, et au fur et à mesure que les œufs se développent, par l’allonge- ment progressif de la chambre germinative dans sa partie postérieure, comme les œufseux-mêmes proviennent de la partie postérieure de la cellule centrale de cette chambre. 9° Immédiatement après sa sortie de la chambre germinative, l'ovule s'unit à une petite cellule naissant sur un point opposé de l’épithélium ovarique (cellule antipode). Cette cellule pro- duit, en se multipliant, un amas d’autres cellules qui représente l'élément mâle de l'appareil hermaphrodite du Puceron qui éclôt de l'œuf. L'origine de cet élément remonte, par consé- quent, aux premières phases de l’évolution de l’œuf dans l'ovaire. 10° L'élément femelle apparaît aussi de très-bonne heure chez l'embryon et avant la formation d'aucun autre organe, sauf l'élément mâle (1). Il ne se compose aussi d’abord que d'une petite masse cellulaire simple, laquelle produit par des partages successifs les groupes d’ovules formant le contenu des chambres germinatives de l'ovaire à son état de développement parfait. 11° Ce n’est que consécutivement à la formation des groupes ovulaires précédents que chacun de ceux-ci s'entoure d’une paroi propre, qui représente l'ovaire. L'ovule, c’est-à-dire le germe, précède donc, dans son apparition, l'ovaire, dont le rôle paraît se borner dès lors à fournir au premier ses matériaux de nutrition et ses parties protectrices, c’est-à-dire le vitellus et les enveloppes extérieures de l'œuf mür. | 12° De ce qui précède, il résulle encore que la séparation, dans l'œuf, du principe plastique (germe) et du principe nutritif (1) Je montrerai par le développement du Puceron vivipare que la formation de l'organe femelle n’est pas moins précoce que celle de l'organe mâle lui-même, ARTIGLE N° /, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 59 (vitellus), est un fait primordial de la constitution dé l'œuf ova- rien, et non un effet consécutif de l’action de l'élément fécon- dant mâle, comme on l'enseigne presque universellement au- Jjourd'hui. 13° Les ovules mâles, ou cellules de développement des sper- matozoïdes du Puceron mâle, renferment, outre le noyau ordi- naire, connu de tous les micrographes, un autre corps vési- culeux (la vésicule spermatogène), qui joue le principal rôle dans la formation du corpuscule séminal : c'est lui qui devient la portion céphaloide de ce dernier, tandis que, contrairement à l’avis du plus grand nombre des histologistes, le noyau ne prend aucune part à cette formation et disparaît sans laisser de trace. 1h° Ces faits indiquent une analogie morphologique et phy- siologique remarquable entre Povule mâle et l'ovule femelle ; chez l'un et l’autre, c'est la petite vésicule adjointe à l'ovule (vésicule spermatogène et cellule antipode) qui devient l'origine de l'élément fécondateur, chez l'individu mâle et l'individu hérmaphrodite de l'espèce. 15° Les organes annexes où complémentaires de lappareil génital mâle ou femelle, c’est-à-dire les glandes accessoires et le réceptacle séminal, se forment beaucoup plus tard que les parties fondamentales de ces mêmes appareils, ou les ovaires et les testicules. Ces organes ne commencent à se développer qu'à la naissance sous la forme de petites protubérances creuses du canal évacuateur mâle où femelle. 16° Le blastoderme, chez les Aphides, résulte, comme chez tous les Insectes, d’une division de la couche germimative autour de noyaux préformés nombreux. Celte division doit être assi- milée, suivant la manière de voir de Leuckart et de Claparède, à une véritable segmentation, qui ne diffère de ce que l’on observe chez la plupart des autres animaux qu’en ce qu'elle reste limitée à une couche mince de la surface de l'œuf. 17° Les premières cellules du blastoderme apparaissent d’a- bord au pôle postérieur de l'œuf, puis s'étendent graduellement jusqu'au pôle opposé, | 56 BALBEIANTI. 18° La segmentation de la couche superficielle ou plastique est suivie, au bout de quelque temps, de celle de la masse cen- trale ou vitelline, et a aussi pour résultat sa conversion en cel- lules distinctes (cellules vitellines). De même que pour la couche germinative, la fragmentation du vitellus nutritif commence d'abord au pôle postérieur de l'œuf. 19° Les noyaux primaires des cellules blastodermiques, comme sans doute aussi ceux des cellules vitellines, naissent par forma- tion libre dans la substance amorphe germinative ou nutritive. À leur origine, ce sont de petits globules homogènes de matière albuminoïde, mais qui, en s’entourant plus tard d’une enveloppe membraneuse, tandis que le contenu se liquéfie, se transfor- ment en vésicules. C'est à tort que quelques auteurs les font provenir de la vésicule germinative, dont on ne trouve aucune trace dans l’œuf après la ponte. 20° L’embryon, chez les Aphides, ne résulte pas de l’évolu- tion d’une portion circonscrite du blastoderme étalé à la surface de l'œuf, comme chez beaucoup d’autres Insectes. IL à pour origine une Invagination du blastoderme en lui-même, au pôle postérieur de l'œuf. Quant au blastoderme extérieur, il se trans- ‘orme en une membrane servant d’enveloppe à l'embryon jus- qu'au terme de son développement (amnios de quelques auteurs). 21° C’est cette membrane qui, par la coloration noirâtre qu'elle prend à unecertaine époque du développement, est cause du changement de couleur, signe de la fécondité de l’œuf. Cette coloration se manifeste d’abord au pôle antérieur. 29° L'intestin, chez les Aphides, se forme d’une manière complétement indépendante du vitellus, et jamais aucune par- celle de cette masse ne pénètre dans la cavité intestinale de l'embryon; par conséquent, il ne se forme pas de sac vitellin chez ces Insectes. ARTICLE N° À, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DÉS APHIDES. 57 EXPLICATION DES FIGURES (4). Fig. 1. Appareil génital d’une femelle ovipare du Sephonophora Mullefotii, approchant de l’état adulte. — go, gaines ovigères surmontées de leur chambre germinative avec son contenu de grandes et de petites cellules; vg, vésicule germinative de l’œuf en voie de développement; ca, cellule antipode incorporée à l’œuf, au pôle postérieur de celui-ci; pd, pédoncule de la gaine ovigère ; {, trompes des ovaires; od, oviducte ; v, vagin; rs, réceptacle séminal; gla, glandes accessoires. On voit dans les trompes, l’oviducte, le vagin et le réceptacle séminal, la couche musculaire externe, formée de fibres-cellules transversales encore lisses, (Grossissement 70 fois.) Fig. 2. Conduits efférents de l’appareil femelle avec les organes annexes, chez un individu adulte de la même espèce, pour montrer leur structure histologique, Quelques-uns de ces organes sont vus par la surface, d’autres suivant une coupe idéale passant longitudinalement par leur centre. — ff, trompes avec les diverses couches qui en composent la paroi; ep, leur épithélium vu par sa surface interne ; ep', coupe de cette couche ; »”#, leurs fibres musculaires longitudinales lisses ; me', leurs fibres musculaires transversales striées; od, oviducte, entouré de ses fibres muscu- laires striées, me; v, vagin, présentant, en 7, sa tuuique interne cuticulaire, formant de nombreux plis longitudinaux; en », sa couche musculaire de fibres striées ; rs, réceptacle séminal, composé d’une portion initiale musculeuse ou conduit sémi- nal, et d’une portion terminale membraneuse ou poche séminifère; 2, sa cuticule intérieure; "2, fibres musculaires striées du conduit séminal ; g/a, glandes acces- soires : celle de droite est intacte et vue par la surface extérieure; celle de gauche, suivant une section longitudinale, montrant la coupe de la paroi et la cavité interne ; ï, la cuticule intérieure ; ep, l’épithélium glandulaire; tp, la tunique propre (il n’y a pas de fibres musculaires); gla/, portion rétrécie ou col de la glande, par laquelle elle débouche dans la partie supérieure du vagin; p,p,p, tunique externe commune ou péritonéale de l'appareil femelle. (Grossissement 125 fois.) Fig. 3. Portion supérieure d’une des trompes du S. Anthemidis, un peu comprimée pour produire l’écartement des fibres musculaires transversales "12e, et montrer leurs anastomoses. — mel, coupe de ces mêmes fibres; nu, fibres musculaires lon- gitudinales lisses, placées en dedans des précédentes. (Grossissement 125 fois.) Fis. 4. Coupe longitudinale à travers le réceptacle séminal, la partie postérieure des glandes accessoires et le vagin, montrant l’épaisseur relative et la composition de la paroi de ces organes, ainsi que leur cavité intérieure.— On remarque les nombreux plis longitudinaux de la couche cuticulaire 2, et la manière dont l’épithélium, ep, du conduit séminal s’amincit progressivement pour passer, ep/, dans la poche sémiuifère. Celle-ci contient de nombreux filaments spermatiques sp; "1, point où finit la couche musculaire du conduit séminal, la poche séminifère étant dépourvue d'éléments contractiles; od?, orifice par lequel l’oviducte, situé derrière le récep- tacle séminal, s'ouvre dans la partie supérieure dilatée du vagin, au même niveau que les organes annexes. Les autres lettres ont la même signification que dans la figure précédente, (Grossissement 125 fois. (4) Voyez les planches 18 et 49 du tome XIV des Annales. 58 HAILIE 4 NE. Fig. 5. Extrémité postérieure d’une femelle adulte du S, Millefolie. — s8, huitième segment de l'abdomen; s{%, sa division sternale formant la lèvre inférieure de la vulve; la lèvre supérieure est formée par le sternite du neuvieme segment, st? ; s°, partie supérieure de ce segment; vw, vulve entrouverte, placée entre le huitième et le neuvième segment de l'abdomen; s10, appendice caudal constitué par la partie supérieure du dixième segment; s{10, partie inférieure du même, ou sternite préanal, portant à sa face supérieure une dépression ovalaire z, recouverte, dans l’état ordinaire, par l’appendice caudal. L’anus s'ouvre à l'extrémité anté- rieure de cette dépression, entre les deux divisions du dernier zoonite. Fig. 6. Une des gaines ovigères de l'Aphis Aceris. — l!, première loge ovigère con- tenant un petit ovule ; /?, deuxième loge renfermant un œuf mûr; cemb, couche germinative ou embryogène de cet œuf; cemb', portion de la couche précédente entourant la masse polaire »1p0 ; pd, pédoncule de la gaine, Fig. 7. Portion postérieure de l'appareil femelle d’une jeune larve du S. Millefolir, longue de trois quarts de millimètre, montrant les organes complémentaires de cet appareil au commencement de leur formation. — Ces organes apparaissent à la partie antérieure du vagin sous la forme de trois protubérances, dans chacune desquelles pénètre un diverticule de la cavité vaginale, La protubérance médiane, rs, est le rudiment du réceptacle séminal; les deux latérales, gla, sont les origiues des glandes accessoires; v, vagin, surmonté de l’oviducte encore très-gréle od; od!, embouchure de l’oviducte dans le vagin. (Grossissement 460 fois.) Fig. 8. Mèmes parties avec l’un des ovaires, chez une larve plus âgée de la même espèce. — On voit très-bien à ce moment comment la cavité du vagin, v, se divise antérieurement en trois portions pour former les cavités du réceptacle séminal #s, et des glandes accessoires gla; od}, embouchure, en forme de fente transversale étroite, de l’oviducte dans le vagin, au-dessous du réceptacle séminal ; ep, épithé- lium des chambres germinatives de l’ovaire ; il commence à s’épaissir à la partie postérieure de ces chambres pour former l’épithélium, ep’, de la première loge ovi- gère; ov, ovules viables; od, pédoncule de la gaine ovarique; #,£, trompes des avaires ; od, oviducte. (Même grossissement.) Fig. 9. Les organes accessoires à un état encore plus avancé, et au moment où les cellules de la paroi commencent à se différencier et à se séparer en couches distinctes. — On voit, eutre autres, la transformation des cellules de la couche exté- rieure en éléments musculaires fusiformes, à la base du réceptacle séminal #, et autour du vagin #/. Mème signification des autres lettres que dans les figures 7 et 8. (Même grossissement.) Fig. 10. L'un dés ovaires d’une femelle ovipare du S. Millefolii au moment de la naissance. — Pour la signification des lettres, voy. la fig. 8. (Grossissement 425 fois.) Fig. 141. Une chambre germinative de l'ovaire précédent, un peu aplatie par com- pression pour laisser apercevoir la disposition rayonnante des cellules qui en forment le contenu.— om, cellule mère des ovules placée au centre de la chambre : elle renferme un noyau clair, entouré de granulations; oab, ovules abortifs naissant à sa surface sous forme de bourgeons pédonculés; ov, ovules viables nais- sant de la même manière de la partie postérieure de la cellule centrale, ARTICLE N° 4, MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 59 Fig. 12. Gaine ovigère d’une petite femelle du S. Anthemidis.— On voit au centre dela chambre germinative la cellule mère des ovules, om, entourée des ovules abortifs (cel- lules vitellisènes des auteurs), et produisant par sa partie postérieure ceux destinés à devenir des œufs complets ov. L'un de ceux-ci, ov!, a refoulé en arrière la paroi de la chambre germinative, et déterminé l’épaississement de l’épithélium de cette région pour former la loge dans laquelle il doit achever son développement. Dans l’état naturel, l’ovule remplissait complétement cette loge et se trouvait en contact avec la cellule antipode ca, née dans le bas de celle-ci, une légère compression a déterminé la séparation de ces éléments. (Grossissement 150 fois.) Fig. 13. Gaine ovigere d’une femelle plus âgée de l’espèce précédente. — Elle renferme un œnfen voie de formation, pourvu d’une grande vésicule germinative claire vg. Cet œuf présente à sa partie postérieure un renflement ovoïde produit par le déve- loppement de la masse polaire m»po, et déterminant une dilatation correspondante de la loge ovigère. (Grossissement 100 fois.) Fig. 14. Gaine ovigère d’une femelle adulte de la même espèce, contenant deux œufs en voie de développement : l’un, encore très-petit, occupe la loge antérieure encore en partie confondue avec la chambre germinative; l’autre, beaucoup plus gros, présente à sa partie postérieure la masse polaire 2p0, dans laquelle on commence à apercevoir des vésicules sphériques granuleuses, très-päles ; ug, sa vésicule germi- native; k, cordon par lequel l'œuf communique encore avec la cellule centrale de la chambre germinative qui lui a donné naissance. Fig. 15. Deux gaines ovigères, inégalement développées, d’une femelle non adulte de l’'Aphis Aceris. — ca, cellule antipode ayant perforé le pôle postérieur de l’œuf en voie de développement; y, pédoncule parlequel cette cellule est fixée à l’épithélium du bas de la loge. Pour la signification des autres lettres, voyez les figures 12 et 44. Fig. 16. Portion supérieure d’une gaine ovigère d’une femelle adulte du S. Mille- folii.— Par une disposition exceptionnelle, la cellule-mèré des ovules, om, est cou- verte sur toute sa surface d’une multitude de petits bourgeons ovulaires inégale- ment développés, placés entre les grandes cellules abortives oab. Les plus gros de ces bourgeons, or, uaiïssent de la partie postérieure de cette cellule; ce sont aussi les seuls susceptibles de se transformer en œufs complets ; Zi, première loge ovigère contenant un ovule piriforme, séparé par l'effet d’une légère compression des parois de la loge ; 2, deuxième loge renfermant un œuf presque mür, mais tenant encore par sou pédoncule à la cellule centrale de la chambre germinative; *, ce pédéncule en voie de résorption, devenu miuce et granuleux. (Grossissement 120 fois.) Fig. 17. Deux des gaines ovariques d’une jeune femelle du Lachnus agilis.— Dans la plus longue, on remarque, outre la forme ovalaire de la chambre germinative, le grand nombre des cellules abortives 0ab, fixées par leur pédoncule à la surface de la cellule-mère centrale om; celle-ci est beaucoup plus volumineuse que daus les autres espèces ; #, son uoyau. Les petits cercles granuleux visibles sur la cellule centrale indiquent les points où les cellules-filles, plus profondément placées, s’at- tachent à la cellule-mère ; vg, vésicule germinative d’un œuf en voie de développe- ment; k, pédoncule qui rattache celui-ci à la cellule centrale; ca, cellule antipode, également pédonculée, pénétrant par le pôle postérieur de l’œuf précédent 60 BALBIANE. ov, ovuies encore rénfermés dans la chambre germinative; #72, fibres musculaireà transversales éparses à la base des gaines ovigéres. Fig. 18. Loge de l’ovaire contenant un œuf en voie de formation (d’une jeune femelle du Drepanosiphum platanoides).—On aperçoit au centre de l’œuf les granules gros- siers du vitellus nutritif au milieu desquels est plongée la vésicule germinative vg, et à sa surface la couche claire, finement granuleuse, du vitellus plastique (couche germinative ou embryogène). Elle contient dans sa portion postérieure élargie de nombreux petits globules pâles, entourés d’un limbe clair, ca, provenant vraisem- blablement de la multiplication de la cellule antipode, et représentant les premiers éléments de la masse polaire (voyez l'explication des figures 20 et 21); y, pédoncule persistant de la cellule antipode, fixant l’œuf à la partie postérieure de la loge. (Grossissement 150 fois.) Fig. 18 «. Les globules du pôle postérieur de l’œuf précédent, après leur traitement par l'acide acétique, qui fait ressortir davantage leur structure cellulaire. (Grossisse- ment 150 fois.) Fig. 19 (pl. 19). Portion d’un des ovaires d’une femelle du Drepanosiphum plata- noides, arrivée à toute sa croissance. — Une des gaînes ovigères pluriloculaires de cette espèce est représentée dans sa totalité; une autre l’est dans sa partie posté- rieure seulement. Dans la première, on voit: /!, la première loge ovigère avec un ovule encore fort jeune; /?, la deuxième loge, renfermant un ovule plus développé communiquant par son prolongement antérieur, k, avec la chambre germina- tive; la partie postérieure élargie de la couche germinative de cet ovule renferme peut-être déjà la masse polaire »#po; (8, la troisième loge contenant un œuf beaucoup plus gros, mais non encore mür ; vg, sa vésicule de Purkinje, d’où la tache germinative a disparu; cemb, sa couche superficielle ou embryogène, colorée en brunâtre, renfermant dans sa partie postérieure épaissie la masse polaire encore incolore mpo; y, pédoncule de la cellule antipode autour duguel lépithélium commence à épancher la substance destinée à former l’appendice du chorion; k!, pédoncule par lequel l’œuf tient encore à la chambre germinative, et qui traverse les deux loges antérieures. — Dans la gaine, dont on ne voit que la portion posté- rieure avec l’œuf qu'elle renferme, on trouve : cemb, couchembryogène de cet œuf, se réfléchissant en cemb! autour de la masse polaire #2p0, pour former la paroi de la cavité qui contient celle-ci; w, orifice par lequel cette cavité s'ouvre sous les enveloppes de l'œuf; ilest ordinairement complétement fermé et l’on n’en aper- çoit aucune trace ; y, appendice du pôle postérieur de l’œuf ; son axe est formé par un canal clair résultant de la disparition du pédoncule de la cellule antipode, lequel était d’abord placé dans le centre de cet appendice; {, trompe de l'ovaire avec sa couche de fibres musculaires transversales. (Grossissement 100 fois.) Fig. 20. Loge moyenne d’une gaine ovigère, contenant un ovule peu développé, avec les extrémités des deux loges adjacentes, chez une femelle adulte de l'espèce précé- dente. — Dans sa portion postérieure, séparée du reste par un étranglement, cet ovule renferme la cellule antipode ca; y, pédoncule de cette cellule, passant à travers la perforation du pôle postérieur pour aller s’insérer sur la paroi, formée de longues cellules épithéliales, du canal qui fait suite à la loge ovigère; cemb, couche ARTICLE N° /. MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. GI embryogène commençant à se colorer en brun dans la partie postérieure de l’ovule ; vg, vésicule germinative de celui-ci. (Grossissement 100 fois.) Fig. 21. Gaine ovigère uniloculaire de l’Aphis Persicæ, renfermant un œuf mür. — On voit dans celui-ci : le micropyle placé au pôle antérieur ; la couche germinative colorée en brun; la masse polaire, dont les cellules sont aggiutinées par une substance pré- sentant la même coloration que la couche précédente ; et l’appendice, en forme de crochet, du pôle postérieur, servant à fixer l’œuf pondu. Cet appendice est reçu dans une petite chambre formée par un prolongement de l’épithélium, en arrière de la loge ovigère. (Grossissement 80 fois.) Fig. 22 à 37%. Relatives au développement de l'œuf pondu du Siphonophora Mille. folii. Fig. 22. Œuf venant d’être pondu, vu suivant une coupe idéale passant par son grand axe. — cemh, couche embryogène ; cemb', partie de cette couche entourant la face antérieure de la masse polaire 10. (Grossissement 80 fois.) Fig. 23. Œuf au moment où les premiers noyaux du blastoderme viennent d'appa- raitre sous la forme de larges taches superficielles, rondes et claires, Les noyaux ne se sont pas encore étendus sur le pôle antérieur, Fig. 234 Noyaux primaires du blastoderme, isolés de la substance germinative qui les entoure dans l’œuf. Fig. 24. Les noyaux du blastoderme se sont multipliés par scission spontanée et couvrent toute la surface de l’œu'; beaucoup d’entre eux sont encore en voie de division. Fig. 25. Stade plus avance, dans lequel la couche germinative commence à se diviser autour des noyaux du blastoderme pour former les premières cellules blastoder- miques. Cette division commence d’abord au pôle postérieur de l’œuf, puis s'étend graduellement jusqu’au pôle antérieur. Le blastoderme commence à se rétracter au pôle postérieur ct laisse apercevoir une petite portion de la masse polaire. Fig. 26 et 27. Coupe idéale de la partie postéricure de l’œuf pour montrer les rela- tions de la masse polaire avec la poche qui la contient, à deux phases différentes de la fermeture de cette poche, Ces deux figures se rapportent à un stade de l’évo- lution plus avancé que la suivante. Fig. 28. Le blastoderme est entièrement constilué au pôle postérieur, mais la couche germinative ne s’est pas encore segmentéc dans le reste de sa surface. Les noyaux blastodermiques se sont multipliés, et sont devenus fort petits et régulièrement cir- culaires. La rétraction du blastoderme au pôle postérieur a fait des progres, et la masse polaire se trouve par suite mise à découvert dans une grande portion de son étendue. Fig. 29, Portion du blastoderme vue en place à la surface du vitellus, et isolée par la déchirure de l'œuf. Fig. 29 2, Cellules primaires du blastoderme isolées et séparées les unes des autres; dans plusieurs, le nucléole ou même le noyau s’est dédoublé pour une division prochaine de la cellule. (Grossissement 320 fois.) Fig. 30. Masse polaire isolée, avec une portion du blastoderme environnant, Cette SC. NAT. OCTOBRE 1871, ARTICLE N° 4. it G2 BA IBEANE. masse est légèrement aplatie par la compression pour mieux laisser apercevoir ses cellules composantes pleines de petites cellules filles, ainsi que la manière dont les premières sont unies ensemble par une substance amorphe pénétrée de fines granu- lations pigmentaires vertes. Fig. 31 à 33. Œuf vu par son pôle postérieur, montrant l'ouverture polaire à trois états successifs différents. Fig. 31. L'ouverture encore très-dilatée, presque régulièrement circulaire, laisse apercevoir une large portion de la masse polaire proéminant entre ses bords. Fig. 32. Elle a commencé à se refermer et a pris une forme triangulaire. On aperçoit plus profondément la masse polaire, qui commence à s’enfoncer dans l’intérieur de l'œuf, À son côté, on distingue quelquefois un corps échancré au milieu, probable- ment formé par les bourrelets germinatifs de l'embryon, bg, bg'. Fig. 33. L'ouverture du pôle postérieur n'existe plus que comme une fente irrégu- lière, à travers laquelle on voit encore une pelite partie de la masse polaire, Fig. 34. Coupe idéale de l'œuf suivant son grand axe. — On y distingue : le blasto- derme étalé à la surface du vitellus, et formé par une rangée unique de cellules jaunàtres ; il est largement ouvert au pôle postérieur, où il présente une sorte de rebord dépassant en arrière la masse formée par le vitellus nutritif; une bande jau- nâtre étendue de l'ouverture postérieure à la masse polaire, et consfituée par la partie qui devient l'embryon ; la masse polaire commençant à pénétrer dans l’inté- rieur de l'œuf; le vitellus nutritif divisé en segments granuleux polygonaux (cellules vitellines). Fig. 340. Cellules du blastoderme, vues par leur surface. (Grossissement 300 fois.) Fig. 345. Cellules vitcilines aplaties par compression pour montrer le noyau 7. _— L'une d'elles contient un noyau en voie de division #/ ; dans d’autres, cette division s’est déjà effectuée et la celiule renferme deux noyaux, ga, globules albumineux mèlés aux granules graisseux qui forment principalement le contenu de la cellule. (Grossissement 300 fois.) Fig. 35. Stade plus avancé que celui de la figure 34,—La masse polaire s’est rappro- chée du centre de l’œuf. La partie destinée à devenir l’embryon a pris une structure cellulaire, et apparait visiblement comme une portion du blastoderme invaginée dans la propre cavité de cette membrane. Fig. 36. Stade plus avancé.— Par suite du reflux du vitellus dans la région postérieure de l’œuf, toute trace du rudiment embryonnaire a cessé d’être visible dans cette région, L'’ouverlure par laquelle ce rudiment communiquait avec le blastoderme superficiel a elle-même entièrement disparu, et le blastoderme s'étend uniformé- meut sur le pôle postérieur. La masse polaire est parvenue au centre de l’œuf, où elle reste stationnaire. C’est à ce stade que l’œuf commence à noircir et ne laisse plus rien apercevoir des changements qui se passent dans son intérieur. Fig. 37. Cellules de la masse poluire isolées, provenant d’un œufau commencement de son évolution. — Deux d’entre elles sont vues sans compression, les deux autres sont un peu aplaties pour laisser reconnaitre le noyau central. (Grossissement 450 fois.) ARTICLE N° { MÉMOIRE SUR LA GÉNÉRATION DES APHIDES. 63 Fig. 374. Cellules filles renfermées dans les cellules précédentes, traitées par l'acide acétique. (Grossissement 4000 fois). Fig. 38. Cellule de la masse polaire d’un œuf du Lachnus agilis, venant d’être pondu. Fig. 384. Les cellules filles de la précédente, dont plusieurs présentent des traces de division. Fig. 38%, Les mêmes, après le traitement par l'acide acétique. Fig. 89. Organe mâle (masse polaire) et organe femelle, constituant l’appareil herma- phrodite rudimentaire d’un embryon dont il n’existe encore que la partie ventrale (du Siphonophora Millefolii). Fig. 40 à 45. Évolution de l’organe femelle chez la même espèce. Fig. 40. Ovaire primitif se divisant en deux parties secondaires pour chaque moitié du corps. Fig. 41 et 42. Division plus avancée.— Chaque ovaire secondaire se subdivise lui-même en six lobes (on ne les voit pas tous dans les figures) pour former les groupes cellu- laires composant le contenu des chambres germinatives des tubes ovariques. Fig, 43. Chaque groupe s’est entouré d’une membrane celluleuse représentant la paroi du tube ovarique. Fis. A4. Faisceau ovarique d’un embryon déjà assez développé. 8 PP Fig. 45. Chambre terminale avec la première loge ovigère d’un tube ovarique, chez un embryon près d’éclore, PUBLICATIONS NOUVELLES. A Synopsis of the Family Unionidæ, by Isaac LEA, in-4°. Philadel- phia, 1870. M. Lea, bien connu par ses persévérantes études et ses nombreuses publications sur la famille des Unio, vient de donner une quatrième édi- tion du Synopsis de ce groupe de coquilles fluviatiles. Le nombre des espèces vivantes admises par l’auteur s'élève à 1069; il fait mention aussi de 224 espèces qu’il considère comme douteuses, et de 183 espèces fossiles. Enfin il signale en outre plus de 806 noms spécifiques qu’il range parmi les synonymes. Le nombre des livres, mémoires on notes qu'il cite dans la partie de son travail consacrée à la bibliographie s'élève à plus de mille. Notes d'anatomie et de physiologie comparée, par M. P. Berr, professeur à la Faculté des sciences de Paris, 2° série, 1870. Ce fascicule, extrait des Mémoires de la Société des sciences phystolo- giques et naturelles de Bordeaux, contient : 1° un Mémoire sur la physio- logie de la Seiche, dans lequel l’auteur rend compte de diverses obser- vations faites sur ces animaux dans les bassins de l'aquarium d'Arcachon; — 2° une Note sur la mort, dans l'eau douce, des Poissons de mer ; — 3° un Mémoire intitulé: Les animaux voient-ils les mêmes rayons lumineux que nous? Question que l’auteur résout affirmativement. Recherches anatomiques et paléontologiques pour servir à l’histoire des Oiseaux fossiles de France, par M. Arpronss Kizne Epwarps, in-4°, 2 volumes de texte et 2 volumes de planches. Cet ouvrage, dont la publication avait été interrompue pendant le siége de Paris, se continue maintenant. Les livraisons 35, 36, 37 et 38 vien- nent de paraître; les livraisons 39 et A0 sont sous presse. Enfin‘la livrai- son 41 et dernière paraîtra très-prochainement, et sera fournie gratuite- ment aux souscripteurs, conformément aux conditions indiquées dans le prospectus. Recherches pour servir à l'hstoire naturelle des Üamnufères, par MM. H. et ALrnonse Mise Evwanps, in-4°. Les livraisons 6 et 7 de cet ouvrage, contenant la suite du travail de M. Alphonse Milne Edwards sur les Mammifères de la Chine, viennent de paraître. La huitième livraison sera mise en vente le mois prochain. SC. NAT. OCTOBRE 1871, ARTICLE N° 0. OBSERVATIONS SUR QUELQUES POINTS DE L’EMBRYOLOGIE DES LÉMURIENS | ET SUR LES AFFINITÉS ZOOLOGIQUES DE GES ANIMAUX, Par M. ALPHONSE MALNE Æib 4% AREDS. (Lues à l’Académie des sciences, le 14 août 48714.) Depuis vingt-cinq ans environ, les résultats fournis par les études embryologiques ont acquis une grande importance, non- seulement au point de vue de l’histoire du développement des êtres animés, mais aussi de l'appréciation de leurs affinités. En effet, on à pu constater qu'en général, les ressemblances entre les divers membres d’un même groupe sont d'autant plus grandes que le travail embryogénique est moins avancé, et que, chez les Mammifères, chaque division naturelle est caractérisée de très- bonne heure par un certain nombre de particularités que pré- sentent, soit le corps de l'embryon lui-même, soit ses organes annexes et transitoires. Malheureusement le nombre de Mammi- fères dont nous connaissons le mode d'évolution intra-utérine est très-limité, et nous ne savons absolument rien touchant la conformation des membranes fœtales de beaucoup de ces ani- maux , Où la constatation de faits de cet ordre serait d’une grande utilité pour la solution de plus d’une question difficile. Cependant plusieurs essais de classification ont eu pour bases principales les modifications observées dans la structure de divers organes propres au fœtus, tels que l’allantoïde, le pla- centa et les appendices qui, en se développant, formeront les membres. Mais, comme dans bien des cas les recherches de cette nature avaient été rendues impossibles faute de matériaux, on n'avait alors d'autre guide que l’analogie pour généraliser les SC. NAT. OCTOBRE 1871, ARTICLE N° 6. 2 ALPHONSE WELVE EDVVARDS. observations faites sur un petit nombre de types, et il en est par- fois résulté des rapprochements inexacts. Il y a donc un grand intérêt à examiner la disposition de ces organes embryonnaires dans les principaux groupes de la classe des Mammifères. Parmi ces lacunes regrettables, je eiterai l’histoire embryolo- gique de la grande division des Lémuriens. Jusqu'à présent aucun naturaliste n'avait eu l’occasion d'étudier les enveloppes fœtales de ces animaux que l’on s'accorde généralement à réunir aux Singes, à raison de l'existence à tous les membres d’un pouce opposable , et de certaines ressemblances extérieures. Effectivement, dans tous les systèmes actuels de classification, ils forment, avec ces animaux, un seul et même groupe appelé l’ordre des Quadrumanes. Diverses considérations anatomiques m'avaient conduit à dou- ter de la justesse de ce rapprochement, et je désirais vivement pouvoir rechercher si les caractères de l'embryon viendraient l’appuyer ou le contredire. Aussi, au moment où mon ami M. Alfred Grandidier est parti pour accomplir son dernier voyage d'exploration à Madagascar, où il avait déjà découvert tant de faits nouveaux et importants, ai-je dirigé son attention d'une manière toute particulière sur ce point, lui recommandant de rechercher avec soin les femelles de Lémuriens à l’état de gestation. Les résultats obtenus par ce savant voyageur ont surpassé mes espérances, car il s’est procuré des fœtus appartenant à quatre genres différents du groupe des Lémuriens, et il a bien voulu les mettre à ma disposition. Les dissections que j'en ai faites m'ont permis de constater qu'il existe, sous le rapport du développement intra-utérin, des différences essentielles entre les Lémurienset les Singes. On sait que chez ces derniers le placenta ressemble beaucoup à celui de l’espèce humaine ; il n’occupe qu’une faible portion de la surface de l'œuf; constitue un ou deux disques parfaitement circonscrits, et si intimement unis à la tunique muqueuse de l'utérus, qu’ils ne peuvent s’en séparer sans arrachements ou déchirures : en effet, il existe une caduque (ou decidua) bien caractérisée: enfin, la vésieule ombilicale est ARTICLE N° 6. * OBSERVATIONS SUR L'EMBRYOLOGIE DES LÉMURIENS, à jette. et, avant les derniers temps de la vie utérine, elle dispa- raît d’une manière presque complète. Les Lémuriens nous offrent une disposition très-différente. Ainsi, chez le Propithèque, qui peut être considéré comme l’un des représentants les plus élevés du type que nous étudions, et par conséquent le plus voisin des Singes, la presque totalité de la surface de l'œuf adhère à la face interne de l'utérus, si ce n’esl vers l’'exirémité céphalique. Le chorion est presque entié- rement couvert de villosités épaisses et serrées, constituant une sorte de coussin vasculaire et résultant de la confluence d’une multitude de cotylédons irréguliers. Le placenta ainsi formé affecte donc l'apparence d’un grand sac qui encapuchonne presque complétement l’amnios, et que je désignerai sous le nom de placenta en cloche, par opposition au placenta discoïde de l'Homme, des Singes, des Chiroptères, des Insectivores et des Rongeurs, au placenta zonaire ou en ceinture des Carnivores, et au placenta diffus des Herbivores. Les villosités sont les plus touffues et les plus longues dans la portion supérieure et moyenne du chorion; elles diminuent gra- duellement en se rapprochant du pôle céphalique, où elles dis- paraissent presque entièrement sur une étendue qui, d’ailleurs, est peu considérable. La tunique muqueuse de l'utérus présente uue disposition en rapport avec ces différences dans la constitu- tion de l’œuf. Les portions moyenne et supérieure sont creusées d'une multitude d’anfractuosités irrégulières, et la surface en est hypertrophiée de façon à former une couche caduque, très- analogue à celle qui, dans une très-faible étendue, adhère au placenta discoïde des Singes, des Insectivores et des Rongeurs. Dans le voisinage du col utérin, cette hypertrophie cesse graduel- lement, et la muqueuse devient enfin tout à fait lisse. Entre le chorion et la tunique amniotique, on trouve un énorme sac membraneux qui s'étend sur chacune des faces de l'œuf en se prolongeant dans le sens de son grand axe, et qui adhère au cordon ombilical par un pédoncule grêle. Ce sac se dilate de facon à constituer deux ou trois cornes digiti- formes dont l’une passe entre les vaisseaux ombilicaux ; il ne Îl ALPHONSE WMELRNE ÆDV ARDS,. ; contracte que des adhérences faibles avec les deux tuniques adjacentes, dont on peut le séparer à l’aide d’une dissection attentive. Aucun vaisseau ne s’y distribue. Si l’on injecte, sous l'eau, cette poche, on la voit se distendre et ses contours se des- sinent nettement. Elle ressemble tellement,'par sa forme générale, à une vésicule ombilicale de Carnivore hypertrophiée, qu'au premier abord je l’ai considérée comme étant un appendice de même genre; mais ayant pu disséquer, depuis, uv fœtus parfai- tement conservé et dont le cordon ombilical était intact et à peine altéré par son séjour dans l'alcool, j'ai pu suivre le pédon- cule de ce sac membraneux jusque dans la cavité abdominale de l’animal en voie de développement, et constater qu'il est eu continuité de substance avec l’ouraque. Dès lors il devient évi- dent que cet organe transitoire est l’allantoïde, et son énorme extension sépare profondément le Propithèque des Singes, des Chiroptères, des Insectivores, des Rongeurs et même des Carnivores. Je ferai remarquer que les connexions anatomiques de cette : poche membraneuse avec le chorion, d’une part, et avec l’am- uios, d'autre part, sont peu en accord avec la théorie de la for- mation du placenta, telle qu'elle a été présentée par M. Baer et M. Bischoff. En effet, ces anatomistes considèrent l’allantoïde comme formée de deux feuillets dont l’externe se souderait au chorion, tandis que l’interne, constituant une sorte de sac, resterait à peu près libre entre celui-ci et l’amnios. S'il en était ainsi, le feuillet externe de l’allantoïde devrait se trouver appli- qué sur la face de cet organe quientoure l’amnios, et l'on conçoit difficilement la séparation complète de ces deux tuniques du côté où l’externe doit se souder au chorion ; or, l’allantoïde du Propithèque est si facile à détacher des parties adjacentes, qu'il me semble peu probable qu'elle ait laissé un de ses feuillets adhérant au chorion, et je suis disposé à penser que l'explication mécanique de la production du placenta, telle qu’elle a été pro- posée par M. Baer et M. Bischoff, n’est pas toujours l'expres- sion de la vérité, et que, dans certains cas au moins, Parri- vée des vaisseaux sanguins de l’allantoïde à la face externe du ARTICLE N° 6. OBSERVATIONS SUR L'EMBRYOLOGIE DES LÉMURIENS. 5 chorion provoque une hypertrophie dans les parties corres- pondantes du tissu de cette enveloppe fœtale; que e’est de cette manière que se forme le placenta, et non à la suite de l’ac- colement d’une portion des parois de la vésicule allantoïdienne. C'est là une question embryologique qui ne peut être examinée d’une manière incidente, et qui demanderait à être traitée d’une manière spéciale; et me proposant d'y revenir dans une autre occasion, je ne m'y arrêterai pas en ce moment. Dans les genres Lepilemur et Hapalemur, le placenta est conformé d'après le même plan; mais les végétations vasculaires qui en hérissent la surface sont moins développées, moins ser- rées ; au lieu de se toucher partout, comme chez les Propithé- ques, elles sont assez écartées entre elles pour laisser apercevoir par places la membrane qui les porte. L’allantoïde est un peu moins grande, mais sa forme est la même. Chez les Chirogales, où l'utérus est très-nrofondément divisé en deux chambres mcubatrices, et qui ont au moins deux petits à chaque portée au lieu d'un seul, comme chez les Propithèques et les genres voisins, le placenta est également en cloche et s'étend sur presque toute la surface de l'œuf; il descend même plus bas que chez les Lémuriens dont je viens de parler, et sa structure ne m'a présenté rien de particulier. Nous voyons donc que chez les Lémuriens, les tuniques de l’œuf sont conformées d’après un plan dont nous ne connais- sons encore aucun autre exemple dans la classe des Mammi- fères. Ce type spécial s'éloigne beaucoup plus de celui de l'Homme, des Singes, des Insectivores et des Rongeurs, que de celui propre aux Carnassiers ; Car, si l’on suppose un instant que le pôle caudal de l'œuf du Chien ou du Chat soit envahi par les villosités du placenta, on a la réalisation des caractères propres à celte membrane chez les Lémuriens. Ces caractères embryologiques, si importants, sont en accord avec ceux fournis par le cerveau, le crâne, le système dentaire et les mains. Le cerveau des Lémuriens les plus élevés en orga- pisation ne se développe que peu en arrière, et, au lieu de cacher entiérement le cervelet, comme cela se voit chez les 5 ALPHŒUSEH NELVM HibWARDS. Singes, il laisse à découvert une portion plus ou moins consi- dérable de cet organe. L’orbite, qui, dans le groupe des Singes, est complétement cloisonnée en dehors et séparée de la fosse temporale, communique largement avec celle-ci chez tous les Lémuriens, ce qui donne à la tête osseuse une certaine ressem- blance avec celle des Carnassiers. Les dents qui arment en avant la mâchoire inférieure sont conformées d'une manière très- différente chez les Singes et les Lémuriens : chez les premiers, la distinction entre les canines et les incisives est très-nette et celles-ci sont verticales; chez les seconds, elles sont étroites, serrées les unes contre les autres en forme de peigne, couchées presque horizontalement, et tellement similaires par leur forme, que certains zoologistes les considéraient comme étant toutes des incisives, tandis que, en réalité, celles de la troisième paire représentent les canines des autres Mammifères. Les mains, dont le pouce est toujours bien développé et presque toujours parfaitement opposable aux autres doigts, ne présentent pas les caractères de celles des Singes; elles sont admirablement conformées pour grimper, mais sont impropres à la préhension des aliments. C’est avec la bouche que ces ani- maux saisissent d'ordinaire leur nourriture, à moins qu’ils n'em- ploient à cet effet leurs deux mains réunies, ainsi que les Écu- reuils ont l'habitude de le faire. Les doigts, au lieu d’être amineis vers le bout comme ceux des Singes, s'élargissent en forme de pelotes dans leur portion terminale, et l’ongle qui les garnit en dessus ne recouvre qu’une petite portion de cette dilatation. Enfin, l'index de la main postérieure se termine, comme on le sait, par un ongle en forme de griffe. Si, dans la classification des Mammifères, on veut que les groupes naturels désignés sous le nom d'ordres aient une même valeur zoologique, il me semble impossible de réunir dans une division ayant ce degré d'importance les Singes et les Lémuriens. L'existence d’une main peut se rencontrer chez des animaux dérivés de types très-difiérents : on en connait depuis longtemps des exemples parmi les Marsupiaux ; tandis que parmi les Singes, on trouve, à côté d'espèces franchement ARTICLE N° 6, OBSERVATIONS SUR L'EMBRYOLOGIE DES LÉMURIENS. n pentadactyles, d'autres espèces où les membres antérieurs sont dépourvus de pouce. On ne peut doné pas considérer cette particularité organique Comme constituant un caractère domi- nateur, et les différences nombreuses et essentielles que j'ai signalées dans le cours de ce mémoire me semblent avoir une valeur zoologique bien supérieure; elles nécessitent, entre les Singes et les Lémuriens, une distinction profonde. Et c’est en m'appuyant sur ces faits que je proposerai de considérer ces groupes comme formant l'un et l’autre un ordre particulier : l'ordre des Lémuriens, reliant l’ordre des Singes à l'ordre des Carnivores. NOTE SUR LA VARIÉTÉ MÉLANIENNE DU SURMULOT (MUS DECUMANUS), PAR M. ALPHONSE MILNE EDWARDS. Les recherches entreprises par M. A. de l'Isle ont prouvé que le Rat noir de France, ou Mus Rattus de Linné, doit être considéré comme une simple variété mélanienne d’un autre Rat, le Mus alexandrinus, décrit par Geoffroy Saint-Hilaire. Il a montré zoologiquement et physiologique- ment que ce Rongeur, après son introduction en Europe, s'était peu à peu modifié, et avait ainsi produit, à la suite des conditions d'existence au milieu desquelles il se trouvait, une race parfaitement caractérisée par sa couleur noire. Le Surmulot, qui paraît originaire de la région persique, est arrivé en Europe au commencement du xvin° siècle par la Russie et par l’Angle- terre ; il a détruit le Rat noir presque partout où il l’a rencontré, et s'y est substitué. Bien qu’il n’y ait qu’une période de temps assez restreinte depuis son invasion, ses caractères zoologiques tendent déjà à se modifier dans le même sens que ceux du Mus alexandriaus, son prédécesseur, et il est permis de supposer que d'ici à quelques années le pelage de tous les Surmulots de France sera entièrement noir, au lieu d’être d’un fauve brun. En effet, dans ia ménagerie du Muséum où ces Surmulots arrivent journellement en troupes nombreuses, soit de la Halle aux vins, soit des égouts, et où l’on est obligé de leur faire une chasse active, on remarqua, il y a près de vingt ans, quelques individus noirs; on les prit d’abord pour des Rats proprement dits, mais un examen plus attentif montra que ce n'étaient que des Mus decumanus nègres. Or, depuis une quinzaine d'années, j'ai constaté que le nombre des individus de cette couleur aug- mente rapidement : cet été ils constituaient près du cinquième du nombre total des Surmulots dont les cadavres m'ont été apportés par les hommes chargés de les détruire. Cette modification graduelle dans la coloration du pelage d’une espèce non domestique, et sur laquelle l’homme ne peut agir par sélection, m’a paru intéressante à noter, et je me propose de suivre attentivement ces observations, afin de bien me rendre compte des progrès que fait cette race mélanienne. SC. NAT., OGTOBRE 1871, ARTICLE N° 7, NOTE SUR LES APHIDIENS DU PISTACHIER TÉRÉBINTHE Par RE. HDERBES, Professeur à la Faculté des sciences de Marseille, Dans un mémoire mséré dans les Annales des sciences natu- relles en 1569 (1), j'ai fail connaître les faits que j'avais pu observer sur les Pucerons des Pistachiers, surtout sur ceux du Térébinthe. Dans ce mémoire, outre les faits qui me paraissaient nouveaux, après les avoir bien constatés, j'émettais quelques hypothèses sur les phases de la vie de ces insectes, qui m'avaient échappé. Je vais aujourd’hui exposer mes nouvelles observations, et de cette exposition ressorüra ce qu'il y avait de juste dans ces hypothèses. Mais, pour être clair, il convient de rappeler en peu de mots où la question avait été laissée dans la précédente note. Les Aphidiens qui habitent les galles qu'on observe sur le Téré- binthe avaient été considérés comme appartenant à une seule espèce, l'Aphis Terebinthi. M. Passerini, en les étudiant de plus près, en compte trois espèces, qu'il attribue au genre Pemphigus (Hartig). Quant à moi, qui ai eu l’occasion et le loisir de les examiner plus particulièrement, j'en ai reconnu cinq espèces bien distinctes, en faisant entrer en ligne de compte les caractères qu'ils présentent dans trois générations successives, savoir : Ceux de première génération, qui n’acquièrent jamais des ailes; ceux-ci ont pour mission de produire sans accouple- ment, Ceux de deuxième génération, qui finissent par avoir des ailes, s’envolent à la fin de l’été ou au commencement de l’au- tomne, et déposent ceux de troisième génération, produits de même sans accouplement, dont je n'ai pu examiner les carac- tères que tout à fait jeunes, attendu que, normalement, ils sont (1) Annales des sciences naturelles, 5e série, t. XI, SC, NAT., OCTOBRE 1871, ARTICLE N° 8 2 DEREBES, déposés en un lieu qui, jusqu’à présent, a échappé à toutes mes recherches. Je mentionnais aussi deux faits, que je rapportais avec doute à l’histoire des Pemphigus : 1° L'existence de certains petits kystes qui se trouvent en abondance dans les fentes de l’écorce et du bois mort des vieux troncs de Térébinthes, et 2° la présence d’Aphidiens ailés, errants au printemps sur le tronc et les bran- ches de ces arbres et y déposant des petits vivants. Ces Aphi- diens me paraissaient bien appartenir au genre Pemphigus; mais ils différaient de ceux que j'avais observés jusque-là. Je passe maintenant sous silence les hypothèses que j'avais avancées, pour y substituer la réalité des faits que j'ai observés depuis lors. D'abord les petits animaux noirs observés jusqu'à la fin d'avril, sur les bourgeons sur le point de s'ouvrir, sont ceux qui sont sortis des kystes. J'en ai la preuve : 1° dans la similitude complète résultant de leur comparaison avec ceux qui, évidem- ment, sont sortis des kystes que j'avais gardés dans des tubes ; 2° dans leur apparition simultanée avec l’éclosion des kystes; 8° dans cette circonstance, qu’au commencement de mai, époque où presque toutes les galles sont formées, il n’y a presque plus de kystes qui ne soient vides. Quant à l'identité de ceux-ci avec ceux qui s’enferment solitaires dans les jeunes galles, un examen attentif en donne une démonstration, outre la supposition infi- niment probable qui résulte de la position qu'ils affectent. Les uns et les autres ont quatre articles aux antennes. C'est même là un caractère qui rend reconnaissable, au milieu de sa nom- breuse progéniture, celui qui en est l’origine, et qui le rend reconnaissable même après qu'il s’est épuisé, desséché et qu'il est mort. | | Voilà donc un chaînon rattaché à la chaîne de l'existence des Pemphigus. Voyons à y en rattacher un autre. Dans la première quinzaine de mai, commencent à se former de nouveaux kystes aux dépens de la progéniture des Pemphi- gus aïlés qui parcourent à cette époque les branches et le tronc des Térébinthes. Ceux-ci déposent des petits vivants dans les ARTICLE N° ê. APHIDIENS DU PISTACHIER TÉRÉBINTHE. 5) fentes et sous l'écorce morte de ces arbres. Parmi ces petits, 1 en est de blanchâtres, plus gros (1), et de verts de dimensions beaucoup moindres (2). Ces deux sortes de Pucerons sont pro- duits indistinetement par le parent qui leur donne le jour. de m'en suis assuré de plusieurs manières. J'ai enfermé, par exemple, dans un tube un Puceron ailé, et j'ai constaté, après quelque temps, qu'il avait mis bas des uns et des autres. Jai aussi pressé l'abdomen d’un Puceron ailé, et j'en ai vu sortir cette double progéniture. C'était là une présomption pour me faire penser que cette différence de dimensions et de coloration était un signe caracté- ristique et distinctif des sexes; cette présomption est devenue pour moi une certitude, le 14 mai 1869. J'ai constaté alors, pour la première fois, l’accouplement de ces deux Pucerons : la femelle était blanche et le mâle était vert. Mis dans l’huile pour les observer, 1ls se soni séparés; mais une légère pression in a permis de voir le volumineux pénis de celui-ci (3), et de constater chez celle-là, dans le voisinage de la vulve, lexis- tence d’une vésicule copulatrice où s’agitaient avec beaucoup de vivacité d'innombrables petits spermatozoïdes. Il s’en trou- vait aussi dans une goutte de hquide à l'extrémité du pénis du mâle et dans le canal éjaculateur de celui-ei (4). J'ai mesuré les dimensions de ces deux individus. Voici ces dimensions : Müle. > mi Longueur du corps y compris la tête....... 0,667 Épaisseur à la base de l’abdomen......... 0,297 Femelle. TES NON PS CN ARE PET © DE 00 de 0 1002016 ÉTUDE OR 0: 106 J'ai aussi mesuré les spermatozoïdes : ils ont en longueur (1) PI 3 À, fig. 2 a. (2)MPIP SPAS ie. 100; (8) PIN 3TA is. Ld. (4) Fig. 1 6. l DERBÉS. 0°*,05, et en épaisseur environ 0"*,0005 ; la région antérieure m'a paru un peu plus épaisse que la queue. L'existence du mâle ne se prolonge pas longtemps après qu'il a accompli ses fonctions. La peau durcie de la femelle sert d’en- veloppe à l’œuf unique qu’elle contient (1), et constitue le kyste qui se forme presque immédiatement après la fécondation. Les phases de l'existence des Pemphigus exigeraient donc, pour se clore, la durée de deux ans. Ils passent l'été de la pre- miere année dans une galle, où deux générations se succèdent, dont la dernière sort de la galle munie d'ailes et va je ne sais où déposer les Pucerons de la troisième génération, lesquels re- viennent ailés au printemps suivant (à moins qu'il n y ait une autre succession de générations pendant la phase hivernale) et dépo- sent ceux de la quatrième génération. Ceux-ei s'accouplent, et les femelles s’enkystent, en contenant un seul œuf, qui ne doit éclore qu’au printemps de l’année suivante, en produisant une cinquième génération qui clôt, où mieux qui recommence le cycle. Ce qu'il y ade remarquable, c’est que de ces cinq générations, pas uue ne ressemble aux autres ; qu'une seule se fait par le concours d'individus à sexes parfaitement distincts; qu'un seul œuf est produit par eette copulation et reste dans le corps de la femelle, qui meurt et l'enveloppe jusqu'au moment où il éclôt ; et enfin que ce n’est pas sous la forme habituelle d’indivi- dus ailés que l’accouplement a lieu, mais bien sous la forme qu'ont ordinairement les larves. Je dis qu'il n'y à pas deux de ces générations qui se ressem- blent, car la génération qui s'accouple diffère des autres, principalement par l'absence à peu près complète d'une irompe (2) ; ce qui, du reste, pouvait se prévoir. En effet, cetle génération ne paraît pas avoir d'autre destination que celle de donner une nouvelle impulsion à la vie par une fécondation sexuelle. ) Fig. 2 a. J'Fig-47retr2rc. ARTICLE N° 8e e APHIDIENS DU PISTACHIER TÉRÉBINTHE. 5) Ïl ne me reste plus à découvrir que le lieu où la troisième génération est déposée et passe l'hiver. Tout ce que je sais, c'est que ce lieu pourrait être assez éloigné de celui où les Pem- phigus parcourent les principales phases de leur existence; car les individus de la seconde génération prennent leur essor bien haut, et ceux de la troisième génération, munis aussi d'ailes et guidés par leur instinct, reviennent au printemps suivant et abordent le sommet des arbres, où on les voit d’abord sur les feuilles, d’où ils passent sur les branches, puis sur le tronc. Leur premier mouvement est un mouvement de descente; mais plus tard on les voit aussi bien monter que descendre. Jen ai vu ar- river; ils paraissent fatigués de l’espace qu’ils viennent de par- courir, et se tiennent un moment immobiles sur les feuilles, conime pour se reposer. J’ajouterai que, si j'ai trouvé des différences spécifiques entre les habitants des diverses galles, ces différences paraissent s'être complétement effacées lorsque les Pemphigus viennent pour déposer la progémiture qui doit s'accoupler, ear tous les individus que j'ai observés, et ils sont nombreux, ne m'ont paru différer que par un peu plus ou un peu moins de grosseur. Quant aux antennes et à la trompe, 1l est impossible d'établir entre eux la momdre dissemblance. Je dois dire aussi qu’en examinant attentivement un individu femelle conservé dans l'huile depuis un an et qui était devenu très-transparent, jai cru reconnaitre distinctement une portion du système nerveux, consistant en trois ganglions cérébraux, un collier æsophagien traversé par le canal digestif, trois ou quatre autres ganglions postæsophagiens et quelques irradiations ner- veuses. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 3 A. Fig. 1. a, individu mâle vert; b, pénis du même: ec, spermatozoïdes; 4, appareil copulateur du mâle; f, rudiment de trompe du mâle, Fig. 2. a, individu femelle : l'œuf pourrait avoir été représenté plus gros; ordinaire- ment il occupe presque toute la cavité du corps; à, appareil copulateur de la femelle ; ce, rudiment de trompe de la femelle; «/, appareil nerveux, SG, NAT,, OCTOBRE 1874, ARTICLE 5° 8 12 NOTE SUR DES PROCÉDÉS DE CONSERVATION POUR LES MÉDUSAIRES ET DIVERS AUTRES ANIMAUX MARINS, Par M. Ed. VAN BENEDEN. L'auteur a fait connaître à la Société entomologique de Belgique (séance du 14 octobre 1871) deux procédés de pré- paration qu’il a employés ’été dernier à Helgoland pour la conservation des Méduses, des Cténophores, des Noctiluques, et de la plupart de ces êtres inférieurs, transparents comme du cristal, qui vivent à la surface de la mér et que la pêche au petit filet fournit en abondance. Il met sous les yeux de la Société différentes petites Méduses (Oceania, Geryonopsis), des Cténophores (Cydippe pileus) et des Noctiluques (Voctiluca miliaris) qu'il a préparés de cette manière, et qui sont remar- quables par leur parfaite conservation. L'un de ces procédés consiste dans l’emploi de l'acide osmique en solution faible, l’autre dans l’usage de l’acide picrique. L’acide osmique a été employé journellement en histologie, spécialement pour l'étude des terminaisons nerveuses, depuis que Max Schultze a démontré, par ses belles recherches sur la structure de la rétine, tous les avantages que l’on peut retirer de l'emploi de ce réactif. — Non-seulement l’acide osmique durcit les tissus el les organes les plus délicats, de façon à per- mettre d'en faire des coupes microscopiques fort minces, mais il possède en outre la précieuse propriété de colorer d’abord er brun, puis en noir, les matières grasses en général et spéciale- ment la myéline. — Il teint en brun les cellules épithéliales et les éléments musculaires, et rend très-apparente la structure fibrillaire du cylindre de l'axe des fibres nerveuses. — Tout ré- cemment Franz Eilhardt Schultze a employé avec grand succès l'acide osmique pour ses belles recherches histologiques sur le Cordylophora lacustris. Ce réactif dessine admirablement les limites des cellules et fait ressortir leurs divers caractères. Voici comment M. Ed. Vau Beneden emploie l'acide osmique SC NAT. OCTOBRE 1871. ARTICLE N° 9. CONSERVATION DES MÉDUSAIRES. 2 pour préparer les Méduses et les Cténophores, de facon à les mettre à l'abri de l’action destructive de l'alcool. - On laisse agir l'acide osmique en solution très-faible (4 sixième à À dixième pour 400) pendant un temps qui,d’après lanature oula dimension des objets. peut varier de quinze à vingt-cinq minutes. Après ce laps de temps, on voit les objets se colorer légèrement en brun : les cellules de l’endoderme et les organes formés aux dépens du feuillet endodermique se colorent seuls, et les autres tissus conservent leur transparence primitive. Grâce à cette colo- ration des cellules endodermiques, les canaux gasiro-vasculaires se dessinent admirablement, et les cirres deviennent plus dis- tincts que chez la petite Méduse vivante. En même temps tous les tissus se durcissent, et l’on peut alors retirer de la solution acide les objets qui ont été soumis à son action, les laver sorgneuse- ment et à diverses reprises, ef les placer ensuite dans l’aleool fort, sans craindre de leur voir perdre ultérieurement n1 leurs formes élégantes, ni la transparence de leurs tissus. — On peut même après plusieurs semaines, et probablement aussi après plusieurs mois, étudier l'organisation et la structure de ces êtres si délicats, tout aussi bien que si on les avait vivants sousles yeux. La seconde méthode de conservation, qu’il a employ ée avec succès, consiste dans l'usage de l'acide picrique en solution aqueuse concentrée. — J'ai déposé dans ce liquide, depuis six semaines environ, de petites Méduses (Oceania) et des Noctiluques que j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de la Société. Elles ont con- servé toute la netteté de leur forme et tous les caractères de leur structure. — On remarquera seulement que les petites Méduses, aussi bien que les Cydippes, ont perdu un peu de leur transpa- rence, si parfaite quand elles sont en vie. — Jai examiné au microscope quelques Noctiluques, et j'ai pu constater qu'elles se prétent à l'étude tout aussi bien que si elles sortaient vivantes de la mer. M. Van Beneden exprime l'espoir que ces procédés pourront rendre quelques services aux entomologistes pour la conserva- tion de certaines larves trop délicates pour pouvoir être placées dans l'alcool. NOTE SUR UN NOUVEAU CAS D'HYPERMÉTAMORPHOSE CONSTATÉ CHEZ LE PALINGENIA VIRGO A L'ÉTAT DE LARVE, Par M. N. JOLY, Professeur à la Faculté des sciences de Toulouse. Occupé depuis plusieurs années de l’embryogénie des Ephé- mérines, surtout de celle du Palingenia virgo, je n'avais pu encore faire éclore dans mon laboratoire les œufs de cet insecte névroptère, devenu si célèbre, grâce aux savants mémoires des Swammerdam, des Réaumur, des de Geer et des Christian Schæffer. Plus heureux cette année, j'ai enfin réussi à suivre le développement de linsecte dans l'œuf, à en obtenir l’éclosion, et à combler ainsi une lacune importante, que je regrettais de trouver dans les mémoires, d’ailleurs si pleins d'intérêt, des maitres illustres que Je viens de citer. On se rappelle peut-être que dans un travail qui date déjà de près d'un quart de siècle, J'ai signalé chez la larve de l’'OEstrus Equi un des premiers cas bien constatés d’hypermétamorphose. Au moment de sa sortie de l'œuf, cette larve, en effet, ne res- semble que très-imparfaitement à ce qu'elle sera plus tard, c'est-à-dire lorsqu'elle sera fixée depuis plusieurs mois à la mu- queuse de l'estomac du Solipède, aux dépens duquel elle doit vivre jusqu'à l’époque de la nymphose. Il est généralement adinis que, chez les Insectes proprement dits, la larve, une foiséclose, ne subit aucun changement notable jusqu’à l'instant où elle se mé- tamorphose en nymphe. Cr, j'ai constaté que, non-seulement la forme, mais encore la structure de la larve de l’OÆEstrus Equi, au moment de la naissance, diffèrent considérablement de ce qu'on - bserve chez les larves qui ont attemt tout leur accroissement, Ainsi, au lieu d’être brusquement tronquée à sa partie posté- rieure, elle a cette même partie très-eflilée et terminée par deux tubes respiratoires analogues à ceux de beaucoup de Diptères aquatiques, tubes qui seront plus tard remplacés par un appa- #0, NAT,, OCTOBRE 1871, ARTICLE N° 10, NOUVEAU CAS D 'HYPERMITAMORPHOSE. 2 reil si curieux et si compliqué, qu'il serait peut-être bien difti- cile d’en citer un autre exempie dans l’innombrable armée des Insectes. Le système nerveux éprouve aussi des modifications extrêémement remarquables. Voilà donc de vraies métamorphoses, de notables change- ments de forme et de structure qui ont lieu dans l'intervalle qui s'écoule depuis l’éclosion de la larvule (larve primitive) jus- qu’au moment de la nymphose, fait important et nouveau qui rappelle les métamorphoses que subissent, après leur naissance, les Myriopodes, les Entomostracés (Artemia, Branchipus, Apus) et même les Crustacés décapodes (Caridina Desmaresti, etc.). Von Siebold (de Dantzig) et Fabre (d'Avignon) ont signalé, l’un avant, l’autre après moi, deux faits analogues, qu’ils ont observés, le premier chez les larves des Sérepsiptères, le second chez celles des Méloïides. Mais 1c1 l'hypermétamorphose se borne à quelques modifications dans les formes extérieures; l’organi- sation interne reste invariablement la même jusqu’au moment de la nymphose. Il n'en est pas ainsi chez la larve récemment éclose du Palingenia virgo, dont nous suivions depuis huit ans le dévelop- pement dans l'œuf, sans avoir pu réussir à l'en voir sortir sous sa forme nouvelle. Plus heureux cette année, nous avons constaté qu'au moment de Péclosion, le Palingenia virgo est dépourvu de plusieurs organes qui sembleraient essentiels, indispensables à la vie, et dont l'apparition tardive a de quoi nous surprendre. Ainsi, il n’a d'abord ni appareil circulatoire, ni organes spéciaux pour la respiration. Les antennes et les soies caudales n’ont ni le même nombre d'articles, ni la villosité qu’elles acquerront plus tard; en un mot, comparé à ce qu'il doit être peu de temps avant l'époque de la nymphose, il est, on peut le dire, un animal très- incomplet. Sous ce premier état, le Palingenia virgo rappelle donc celui des Nemoura trifasciata où variegata. Un peu plus tard, ses branchies apparaissent sous la forme de-petits cæcums tubuleux, placés dans l'angle postérieur des premiers anneaux de Pabdomen et d’une transparence cristalline, comme Pest à N. FOLY. du reste celle du corps tout entier. Sa longueur alors ne dé- passe pas un millimètre et denu. Quinze jours après, les branchies tubuleuses se sont conver- ties en une membrane aplate, élargie et comme pectinée à son extrémité libre, et déjà parcourue par de fines trachéoles. La circulation n’existe pas encore. Deux semaines ne sont pas écoulées que les tubes ou cæcums branchiaux primitifs sont devenus des lamelles en ovale très- allongé, frangées sur leurs bords, et laissant voir, grâce à leur parfaite transparence, le tronc axal trachéen qui les relie avec un tronc plus considérable, lequel longe, avec son congénère, les deux côtés de l’abdomen. Quant au tronc axal lui-même, il se ramifie déjà dans la membrane devenue tout à la fois un organe de respiration active et une rame puissante qui, avec le concours de cinq autres paires d’avirons semblables à ceux du premier anneau de l'abdomen, constitue autant d'organes loco- moteurs que l'animal agite sans cesse et qui le font avancer comme la galère antique, dont Maraldi lui à donné le nom. A cette époque de son existence, notre larve de Palingenia est pourvue d’un cœur dont les contractions sont très-visibles à l’aide du microscope. La circulation est établie, et l’on voit les globules sanguins cheminer plus ou moins rapidement sur les parties latérales du corps et d'avant en arrière, pour rentrer dans le vaisseau dorsal, lequel doit les emporter à son tour dans le sens opposé, c’est-à-dire d’arrière en avant. Mais je n'ai pu voir jusqu'à présent (15 juillet) aucune trace de circulation sanguine ni dans les pattes, n1 dans les soies caudales (4). Quoi qu'il en soit, il demeure bien établi que la larve du Palingenia virgo subit de vraies métamorphoses à partir de l’éelosion jusqu'au moment de sa transformation en nymphe. Un changement important a lieu chez elle à l'extérieur lors de l'apparition des branchies ; un autre, non moins important, s'opère à l’intérieur lors de la formation du cœur ou vaisseau dorsal et des globules sanguins. Il y a donc un moment dans la vie de l’insecte où il respire (4) La larve du Palingenia virgo a maintenant 02,003 de longueur. ARTICLE N° 40. NOUVEAU CAS D'HYPERMÉTAMORPHOSE. h uniquement par la peau et où la circulation du sang n'existe pas ; ensuite les branchies apparaissent sous la forme de cœcums tubuleux, et 1l respire à la manière du Vemoura trifasciata, ou plutôt du Sralis lutarius, muni, comme lui, de cæcums bran- chiaux suspendus aux parties latérales des six premiers anneaux de l'abdomen. Puis, en se compliquant encore davantage, l’ap- pareil branchial prend la forme de lamelles aplaties légèrement concaves en dedans, frangées sur les bords, à la manière des branchies rectales des Libellules, et parcourues, comme chez ces dernières, par un tronc trachéen principal, subdivisé en ramus- cules déliés. Nous avons vu quelque chose d’analogue chez le Caridina Desmaresh, cette petite Crevette d'eau douce si commune dans notre canal du Midi. Chez elle, en effet, le cœur et les branchies n'existent pas encore au moment de la naissance. Un peu plus tard les branchies apparaissent, très-simples d’abord, puis de plus en plus compliquées. Enfin le cœur devient appa- rent, et, après plusieurs mues successives, l'animal passe à l’état parfait. Il est probable, pour ne pas dire certain (Schæffer l’affirme), que le Palingenia virgo à l’état de larve est aussi soumis à la mué; mais on conçoit qu'il nous ait été difficile de retrouver sa dépouille au inilieu des coques d'œufs, des parcelles de hmon et des débris de toute sorte qui altéraient à dessein la pureté du liquide où vivait notre insecte, et qui, en outre, lui permettaient de se construire la galerie ouverte qui sert à l’abriter. Ainsi tombe, en quelque sorte, la barrière qui, naguère en- core, séparait les Insectes des Crustacés, ou du moins ainsi se révelent les frappantes analogies, jusqu'à présent peu soupcon- nées, entre ces deux grandes classes d'Invertébrés. Tant il est vrai que la plupart de nos classifications, dont nous sommes si fiers, sont néanmoins bien imparfaites! tant il est vrai qu'il sera toujours difficile, quoi qu’on fasse, d'exprimer tous les rapports, toutes les analogies connues ou inconnues des divers êtres entre eux. En résumé, le Palingenia virgo à l’état de larve est sujet à 5) N. JOLY. | une véritable hypermétamorphose, attestée, non-seulement par l’apparition de branchies d'abord fort simples, puis de plus en plus compliquées, mais encore par l'apparition de trachées, par la formation du cœur et des globules sanguins, enfin par l'établissement de la circulation. Nora. — La transition des Insectes aux Crustacés paraît bien plus évidente encore lorsqu'on étudie attentivement la singulière larve aquatique que mon fils, Émile Joly, à fait connaître l’an dernier à la Société d'histoire naturelle de Toulouse (1), et qui n'est rien autre chose que le prétendu Crustacé que Geoffroy a nommé le Binocle à queue en plumet, et dont Latreille à cru devoir faire un genre nouveau sous le nom de Prosopistoma (2). M. Mile Edwards, au contraire, est porté à penser que cet animal est tout simplement une larve de quelque Crustacé destiné à subir de vraies métamorphoses. Telle est en effet la vérité, croyons-nous. Seulement M. Milne Edwards se trompe comme Latreille en rapportant aux Crustacés un animal qui est un véritable Insecte (3): les nombreuses trachées qui constituent cn très-grande partie ses houppes branchiales, et dont mon fils et moi avons parfaitement constaté la présence, ne permettent plus le moindre doute relativement à la classe à laquelle appar- tient le Binocle à queue en plumet de Geoffroy (4). Le Prosopi- stoma de Latreille, ce prétendu Crustacé, est un Insecte, peut- être même un Insecte plus rapproché qu'on ne pense du genre Ephemeria. (4) Voyez les Comptes rendus de cette Société, séance du 15 juin 1870. (2) Voy. Nouvelles Annales du Muséum, t. NH, p. 23, Dans son Histoire des Crus- tacés, Latreille désigne le Binocle de Geoffroy sous le nom de Binoculus pennigerus. (3) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. III, p. 593. En me citant ici, M. Joly paraît avoir oublié les réserves que j'ai cru devoir faire au sujet des Prosopistomes de Latreille, animaux dont je n'ai parlé que dans un Appendice à mon Histoire des Crustacés. Voici les termes dans lesquels je me suis exprimé : « Dans le système de classification précédent, j'ai à dessein omis de parler » d’un petit Crustacé dont Latreille a formé le genre Prosopistome, nos connais- » sances relatives à cet animal étant si imparfaites, qu’il me semble impossible de » déterminer la place qu'il doit occuper. » (Op. cit., t. IE, p. 552.) (Muxe Enwarps,) (n) Voy. Geoffroy, Histoire des Insectes des environs de Paris, t. I, pl xxr, fig. 8, ARTICLE N° 10. SUR UN APPAREIL MOTEUR VALVES BUCCALES DES CUCULLANS, Par NZ. Æd. FERRER, Aïde-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle. Les Cucullans sont, comme on sait, caractérisés, entre les Helminthes nématoïdes, par cette particularité, que leur bouche est armée de deux valves de consistance cornée, situées sous la peau. L'une de ces valves est dorsale, l’autre ventrale. Tout l'appareil présente assez bien l'aspect des coquilles d’un Mollus- que acéphale. A priori, on est naturellement porté à attribuer à ces organes le rôle physiologique de mâchoires. Cependant les naturalistes sont loin d’être d'accord sur ce point. Outre les deux valves dont nous venons de parler, l'appareil buccal des Cucullans comprend d’autres pièees solides aeces- soires qui ont été jusqu'ici Incomplétement observées ; de là les divergences d'opinions que nous avons à signaler. Rudolphi, dans le tome IT de son ouvrage sur les Entozoaires, et avec lui Dujardin (?), décrivent à peu près ainsi tout l'appareil buccal : « Tête assez large et renfermant un appareil buccal com posé de deux valves latérales, en forme de coquille (chaperon, cucullus, Rud.), ayant à la base une sorte de barre transverse (apophysis, Rud.), et deux pièces intermédiaires formées d’une tige longitudinale et de deux ou quatre branches dirigées obli- quement en arrière. » Rudolphi considère ces branches comme des vaisseaux. Du- jardin mentionne cette opinion avec un point de doute dans sa caractéristique du genre Cucullan; mais, dans la deseription du (1) Heliminthes |Suites à Buffon de Roret, p. 245). SC. NAT., OCTOBRE 1571, ARTICLE N° 14. 2 ED. PERRIER. Cucullanus elegans (1), il suppose que les branches latérales servent à l'insertion des muscles. De quels muscles? Dujardin n’en dit rien, et il garde la même réserve en ce qui touche les relations physiologiques de ces branches latérales, de l POP et des mâchoires. La description que donne Creplin (2) de l’appareil buccal des Cucullans fait penser qu’il a pris les branches latérales chi- tineuses pour un appareil excréteur. M. Blanchard, dans son grand ouvrage sur les Vers. se borne à figurer ces branches latérales, dont il n'avait pas à rechercher l'usage, ses soins étant dirigés d’un autre côté. Nous arrivons enfin à Schneider, dont la Monographie der Nematoden, publiée en 1866, est le dernier travail considérable publié sur les Nématoïdes en général. Schneider est plus expli- cite, mais peut-être pas tout à fait exempt de reproches. Les figures 4 et 5 de sa planche IV, relatives au Cucullanus melano- cephalus, sont contradictoires: dans l’une, les branches latérales partent du point où les valves ont leur plus grande largeur: dans l’autre, elles prennent leur origine dans la portion la plus rétrécie, et, de plus, elles sont figurées comme faisant corps avec les valves, ce qui, sans être impossible, nous paraît en- core douteux. Les figures 6 et 7 de la même planche sont rela- ives au Cucullanus elegans; on ne peut y relever le même défaut que dans les précédentes, mais nous croyons qu'elles ont besoin d'être revues. Voici maintenant comment il décrit et comment il comprend l'appareil buccal des Helminthes qui nous occupent (3); nous traduisons mot pour mot : « La bouche, chez les Cucullans, est une fente occupant de droite à gauche toute la largeur de la tête; elle conduit dans une capsule épaisse, presque elliptique, s'ouvrant en arrière dans l’œsophage par un orifice circulaire. Sur la surface interne de cette capsule courent de nombreuses rides aiguës, parallèles, (4) Loc. cit., p. 247, (2) Allgemeine Encyclopädie, 1. XXX, p. 386. (3) Monographie der Nematoden, p. 140. ARTICLE N° 11. APPAREIL MOTEUR DES VALVES BUCCALES DES CUCULLANS. à qui forment sur le bord de l’oritice buccal autant de petites dents. Les parois de la capsule ne sont pas également épaisses ; de chaque côté de la partie antérieure, elles se réduisent à une mince membrane. Dès lors les portions dorsale et ventrale, qui sont brunes et épaisses, font sur l'œil l'impression de deux écailles oppo- sées. En arrière de la capsule, de chaque côté, on voit un appa- reil à trois branches, constituées par la même substance que celle-ci et en continuité directe avec elle. Ces prolongements sont morphologiquement, et sans doute aussi physiologiquement, d'une autre nature que l'appareil à trois branches du Fülaria pungens, avec lequel ils présentent quelque ressemblance. L'ap- pareil trifurqué des Cucullans est situé, non pas dans l'œæsophage, mais à l'extérieur de celui-e1. » Nous avons souligné dans cette citation les passages sur lesquels nous désirons appeler l'attention, parce qu'ils sont directement opposés à notre manière de voir, en ce qui concerne le Cucul- lan de Duméril, dont l'appareil buecal est constitué d’ailleurs un peu autrement que celui du Cucullanus elegans. Plus loin (41), Schneider revient sur l’organisation de la bouche des Nématoïdes, et voici ce qu'il dit des différents organes qui l’avoisinent : « Comme on peut le conclure de notre anatomie, la fonction des diverses parties de la bouche est purement passive. On ne trouve aucun muscle destiné à mouvoir les dents ou les lèvres. Ces organes ne sont mis en activité que par les mouvements généraux du corps et par ceux de Fæsophage, qui agit comme une ventouse. » Déjà dans un mémoire sur l'organisation d’une espèce nou- velle d'Hedruris (2), nous avons montré que l'anatomie ne con- firmait pas cette dernière opinion de Schneïder, et nous avons décrit les muscles qui servent à mouvoir les quatre lèvres cornées de l’Hedruris armata. Nous nous proposons de prouver 1ci que les Cucullans ne sont pas moins bien pourvus sous ce rapport (4) Loc. cit., p. 326. (2) Nouvelles Archives du Muséum d'hustorre naturelle, t. VAT. l ED. PERRIER. que les Hedruris. C'est là un nouvel exemple ajouté à ceux que nous avons donnés dans un précédent mémoire sur les pédi- cellaires et les ambulacres des Astéries et des Oursins (4), de cette singuhère précision avec laquelle sont construits les appareils de préhension des animaux en apparence les plus dégradés. Nos observations ont été faites sur un Cucullan voisin sans doute du Cucullanus microcephalus de Dujardin, mais que nous en croyons différent. Cet Helminthe a été trouvé dans l'intestin d'une Emyde peinte, morte à la ménagerie du Muséum des suites de l’invasion des Hedruris, et que feu M. ie professeur Duméril avait eu la bonté de mettre à notre disposition pour en exa- miner les viscères. C’est en souvenir de cet acte d’obligeance que nous attacherons à cette espèce nouvelle le nom du savant regretté à qui nous en devons la découverte. Le Cucullanus Dumerilii se distingue de tous ses congénères connus par sa Couleur, qui est blanche au lieu d'être d'un rouge plus ou moins foncé. L'appareil buccal se laisse immédiatement reconnaître à sa couleur d’un brun fauve. Le seul individu de cétte espèce de Cucullan que nous ayons eu à notre disposition était un mâle; il fait actuellement parte de la collection helmin- thologique du Muséum. Sa longueur est d'environ 13"°,5 et sa largeur de 16 centièmes de millimètre. El est par conséquent plus grand que le GC. microcephalus. La largeur de la tête est d'à peu prés 142 millièmes de milimetre ; elle a donc les 7/8° environ du diamètre du corps, tandis que celle da Cucullanus microce- phalus n’en est que les 11/19, c'est-à-dire un peu plus que la moitié. L'œsophage, musculeux, est court; sa longueur est d'environ A5 centièmes de millimètre. À 25 centièmes de millimètre de l'extrémité céphalique, au milieu de la face ventrale, se trouve l'orifice externe antérieur du système excréteur. L’anus est situé, chez le mâle, à 23 centièmes de millimètre de l'extrémité de la queue, qui est pointue, recourbée en dessous et bordée d’une (4) Annales d'histoire naturelle, 5° série, 1869, t. XIIL, ARTICLE N° 41, APPAREIL MOTEUR DES VALVES BUCCALES DES CUCULLANS. 6) mince membrane que traversent en avant de l'anus cinq ou six papilles allongées et en arrière trois autres papilles. Le spieule est simple, très-allongé, un peu recourbé, pourvu d'une pièce basilaire accessoire et dépassant de la moitié de sa longueur, qui est de 73 centièmes de millimetre, l'extrémité caudale ; il pré- sente à son extrémité aiguë une sorte de petit rameau que nous croyons être purement accidentel. La cuticule est très- nettement striée, et ses stries sont distantes l’une de l’autre de 4 millièmes de millimètre. Voici maintenant, en détail, comment se trouve constitué l'appareil buccal : Tout d'abord les deux valves buecales existent bien certaine- ment et ne sont pas une simple apparence due à l’épaississe- ment de certaines parties d'une capsule analogue à la capsule céphalique des Strongles et des Nématoïdes voisins. Que ces valves soient réunies l’une à l’autre par une membrane, cela est possible; mais dans le squelette les différents os sont, eux aussi, réunis par des capsules articulares, et personne ne songe pour cela à considérer deux os contigus comme formant un seul et même tout. Nous croyons donc qu'en formulant l'opi- nion que nous combations en ce moment, M. Schneider s’est laissé entraîner trop loin par des idées morphologiques certai- nement préconçues et tendant à assimiler les Cucullans aux Strongles. Pour nous, chaque valve se compose d’une partie à peu près semi-elliptique, concave vers l'intérieur et située au-dessous de l’œæsophage (4): c'est la parte active de la mâchoire; infé- rieurement, cette partie se prolonge en une sorte de queue médiane, rectangulaire, courte, presque transparente, et qui s'engage dans l’æsophage, où on la distingue fort nettement (2). De chaque côté, les deux valves sont séparées l’une de l'autre par une nodosité chitineuse sur laquelle elles sont simplement appayées par leurs angles inférieurs, et qui ne fait en aucune (4) PL. 38B, fig. 4, a. (2) PI, 3 B, fig. 4, 6. 6 ED. PERRIER. facon corps avec elles; par son bord inférieur, cette nodosité repose sur le bord supérieur de l’æsophage (4). Elle donne nais- sance à deux sortes de productions chitineuses : 1° Les trois branches latérales dont tous les auteurs ont parlé. 2° Deux bandes chitineuses transversales : l'une dorsale ou supérieure ; l’autre ventrale ou inférieure. Ces bandes chitineuses réunissent l’une à l’autre les deux nodosités, de manière à for- mer avec elles un contour absolument fermé (2). Chaque bande est formée de trois festons, dont les deux latéraux sont convexes vers l'extérieur, tandis que le feston médian, plus faible et moins coloré que les deux autres, est convexe vers l’intérieur et s’ap- puie par son sommet sur le milieu du bord inférieur de la valve correspondante. Ce sont les analogues de ces deux bandes chitineuses que Rudolphi avait voulu désigner quand il parlait de la barre transversale nommée par lui apophyse. Malheureusement, les particularités présentées par cette barre chez notre Cucullan pe se retrouvent pas chez tous, et son rôle physiologique avait complétement échappé à l'illustre helminthologiste, comme il a échappé à tous ceux qui ne se sont occupés que du Cucullan de la Perche. Les branches latérales sont au nombre de trois de chaque côté; leur longueur est de 6 centièmes de millimètre environ. De ces branches, l’une est médiane et impaire de son côté ; les deux autres sont symétriques et forment par conséquent une sorte d'angle dont la branche médiane est la bissectrice. Cette dernière branche est droite, amincie au sommet, oblique d'avant en arrière et de dedans en dehors, par rapport à l'axe du corps; ellese trouve immédiatement en rapport avec les parois des corps qu’elle paraît soutenir (3). Les deux autres branches sont légere- ment courbes, et se dirigent, l’une en haut et en dedans, l’autre en bas et également en dedans. C’est un peu au-dessous de leur (4) PL 3 B, fig. 4, c. (2)RPI 6 Big M0 10; G)PIPSIB Mig A raret D: ARTICLE N° 414, APPAREIL MOTEUR DES VALVES BUCCALES DES CUCULLANS. 7 jonction avec la nodosité chitineuse que naissent les apophyses. Chacune de ces branches se termine par un léger renflement chitineux sur lequel s’insère un assez fort cordon musculaire (4), qui se dirige d'avant en arrière et de dehors en dedans vers l’axe du corps. On distingue très-nettement ces quatre cordons musculaires parmi les muscles longitudinaux du corps et parmi les cordons qui unissent l'æsophage, soit aux parois du corps, soit aux branches chitineuses elles- mêmes. Cela posé, le jeu de tout ce petit mécanisme est facile à com- prendre. Supposons que les muscles a se contractent, les branches latérales extérieures seront forcées de se rapprocher chacune de sa symétrique du côté opposé, et la branche médiane elle-même sera entraînée dans le mouvement. En se rapprochant, les branches extérieures comprimeront entre elles les deux arcs dits apophyses. Or, nous savons que le feston médian de ceux-ci est plus faible que les deux autres; l’arc comprimé cédera donc en ce point, qui deviendra de plus en plus saillant vers l’intérieur et refoulera devant lui la base de la valve sur laquelle il s’appuie. Les deux valves, tournant autour de leur bord inférieur, bascu- leront en conséquence autour de la nodosité latérale; les mâ- choires seront ouvertes. Supposons maintenant que les muscles « se relâchent. L'œso- phage comprimé par la branche médiane, les parois du COrps entrainées par celle-ci tenaront à reprendre leur forme primitive en même temps que les branches extérieures. Il en résulte que la simple élasticité des tissus raménera tout le système dans sa position première, et la bouche se refermera d'elle-même. C’est là, on le voit, un mécanisme à la fois fort simple et fort ingénieux, mais qui sort un peu des dispositions que lon re- marque d'ordinaire chez les animaux. C’est pourquoi il nous a paru intéressant de le signaler, en opposant à cette opinion de Schneider, que, chez les Nématoïdes, le rôle des différentes pièces de la bouche était purement passif. (1) PI. 3 B, fig. 1, a. ô CD. PERRIER. Nous ferons remarquer, en terminant, que cette curieuse dis- position est tout à fait en rapport avec le plan général du système musculaire tégumentaire des Nématoïdes. En effet, là les mus- cles annulaires n'existent pas, et les muscles longitudinaux, ainsi que les éléments musculaires de la paroi intérieure du corps, sont interrompus suivant deux, quatre ou même six lignes longitudinales. Ce plan étant conservé, il ne pouvait pas exister de muscles transverses pour mouvoir les valves, puisque les muscles auraient dû précisément traverser perpendiculaire- ment les champs latéraux, où le système musculaire des parois du corps est interrompu. C’est donc au moyen des muscles lon- oitudinaux qu'a dû être obtenu le mouvement des valves. Au contraire, des muscles annulaires se montrent dans l’œso- phage, et une simple modification de ces muscles auraït dû déter- miner le mouvement d'ouverture des valves, si celles-ci n'avaient été qu'une modification de la partie antérieure de l’œsophage. De ce rapprochement nous devons conclure que les valves buc- calesfdes Cucullans sont plutôt des dépendances du système tégumentaire que du système digestif : elles peuvent être dès lors considérées comme homologues des lèvres des Filaires et des Hedruris ; homologie qui reste à déterminer pour la capsule céphalique des Strongles et des Nématoïdes voisins. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 3 B. Fig, 4. Extrémité antérieure du Cucullanus Dumerilit (Ed. Perrier), vue de dos. — u, valve dorsale ; », nodosité latérale ; 4}, branche médiane ; 6, branches extérieures ; a, apophyse; ?, œsophage; », muscles moteurs des valves. j Fig. 2. Extrémité antérieure du mème, vue de côté. — Mémes lettres que dans la figure précédente. o, orifice antérieur du système excréteur. Fig. 3. Branches latérales et apophyses isolées, Fig, 4. Extrémité postérieure montrant le spicule et les papilles caudales, ARTICLE N°: 41, OBSERVATIONS SUR LA MYOLOGIE DE L'AYŒMOSCHUS Par M. le Dr Joannes CHA'TIN. S Ie. La plupart des zoologistes sont aujourd’hui d'accord pour re- connaître que les Mammifères ruminants se rattachent aux Pa- chydermes d’une façon bien plus intime que ne semble l'indiquer le mode de répartition de ces animaux adopté par Cuvier et suivi par beaucoup de naturalistes. Les recherches entreprises dans ces dernières années sur l’anatomie de certains types peu connus ont montré que la limite tracée entre ces deux ordres était beau- coup trop tranchée ; que, sur plusieurs points, elle tend à s’effacer, et que des liens de parenté manifesies existent entre les Porcins et certains Ruminants. Le chaînon qui sert à relier ces deux groupes nous est fourni par la petite famille des Chevrotains proprement dits ou Tragu- lidés. Les Tragules, en effet, par la disposition des membranes qui entourent le fœtus, par la conformation de l’appareil digestif et par quelques particularités ostéologiques, s'éloignent beau- coup des autres Ruminants, pour se rapprocher de certains Pa- chydermes, et particulièrement des Porcins. Le genre Tragulus est aujourd'hui bien connu, et les différentes espèces qui le com- posent ont été étudiées à tous les points de vue. Le genre Hyœ- moschus, qui ne compte qu’une seule espèce vivante, l'A. aqua- ticus (Ogilby), confinée sur certains points de la côte occidentale d'Afrique, s'éloigne davantage encore du type Ruminant. Les ca- ractères ostéologiques de ses membres sont plutôt ceux d’un Porcin et rappellent particulièrement ceux des Pécaris. Malheu- SC. NAT. JARVIER 1872, ARTICLE N° 12, 13 2 J$. CHATIX. reusement cette espèce est fort rare : un squelette se trouvait au Musée Britannique de Londres, le Muséum de Paris possédait la tête et les os des membres d’un jeune individu. Ce sont ces ma- tériaux seulement quiontpuêtre mis en œuvre pourles recherches des anatonristes. Récemment M. Flower, conservateur du Musée des chirurgiens de Londres, put étudier l’appareil digestif de l’'Hyæmoschus, et reconnut que l’estomac est construit sur le même plan que celui des Chevrotains véritables. Mais l'histoire anatomique de ce genre intermédiaire était loin d'être complète, et l’on ne possédait pas toutes les données nécessaires pour per- mettre l’appréciation exacte des affinités naturelles de cetanimal. Une circonstance particulière m'a permis d'ajouter quelques dé- tails à ceux que l’on connaissait déjà sur l’anatomie de ce Tragu- lide : M. le professeur Milne Edwards a pu se procurer le corps conservé dans l’alcoo! d’un Hyæmoschus adulte ; il a bien voulu le mettre à ma disposition, et j'ai pensé qu’il y aurait un imtérêt véritable à chercher si les particularités myologiques étaient en rapport avec les modifications que présente le squelette ; s’il y avait dans la disposition du système musculaire des différences profondes entre l’Hyæmoschus et les Ruminants typiques, tels que les Cerfs, les Antilopes ou les Moutons, et si l’on ne retrouverait pas, sous ce rapport, chez ce Ruminani, le même plan organique que chez les Poreins. C’est dans ce but que j'ai entrepris ces recherches, pensant que tout ce qui pouvait contribuer à jeter quelque lumière sur l’or- ganisation de ces types intermédiaires si curieux à étudier, ne devait pas être négligé. Mais avant de commencer la description des particularités que j'ai observées dans la disposition des mus- cles de l'Hyæmoschus, je crois utile de rappeler brièvement quel est l’état de la science relativement à cet animal. Dans la séance de la Société zoologique de Londres du 26 mai 1840, M. Ogilby fit connaître une nouvelle espèce de Chevrotain bien distincte, par sa taille, son pelage et sa répartition géogra- phique, de tous les représentants de ce groupe alors connus. Cet animal, qui ne se rencontre qu à Sierra-Leone et au Gabon, y est ordinairement désigné par les habitants sous le nom de Biche- ARTICLE N° 42. MYOLOGIE DE L'HYOEMOSCHUS. 3 cochon (1), car ses jambes courtes et massives lui donnent l'appa- rence d’un Porcin, tandis que sous d’autres rapports 1l. se rap- proche des Cerfs et des Antilopes : on verra, par la suite, que l'anatomie justifie pleinement cette dénomination vulgaire. Ogilby donna à cette espèce le nom de Moschus aquaticus, le ran- geant ainsi dans le même genre que le Porte-musc du continent asiatique et que les petits Chevrotains de l'Inde et de l'archipel indien (2). Cinq ans apres, le docteur J. E. Gray reconnu que ces ani- maux ne font évidemment pas partie du même groupe géné- rique (3). Ainsi, en 1845, M. Cautley et Falconer reconnurent que, contrairement à ce qui existe chez les Ruminants, le pied du Moschus aquaticus ne constitue pas un canon, ear les métacarpiens sont tous parfaitement libres. M. le professeur P. Gervais indique même, dansson Âistoire des Mammifères, qu’il en est ainsi des pattes postérieures ; mais il a été trompé par l’âge de l'individu qu'il a examiné : effectivement, chezles jeunes, les métatarsiens sont libres, mais ils ne tardent pas à se souder sur la ligne mé- diane. Le pied est donc plus compliqué que celui des vrais Rumi- nants, car 11se compose, à la patte de devant, de quatre doigts dis- üncts dans toute leur longueur, dont deux médians plus gros, et deux latéraux très-complets ; à la patte postérieure, il existe un véritable canon, mais très-analogue à celui des Pécaris et profon- dément sillonné dans ses deux tiers supérieurs, de chaque côté duquel on remarque des doigts latéraux bien développés. Les os du tarse sont disposés comme chez les Tragules, le cubo-scaphoïde étant soudé au cunéiforme (4). Cesparticularités tirées de ladisposition des os des piedsne sont pas les seules que présente le squelette, mais ce sont les plus im- (4) Water Deer des colons de Sierra-Leone, Boomorah des nègres de Sierra- Leone, Biche-cochon des colons français du Gabon. (2) Ogilby, Proceedings of Zoological Society of London, 1840, p. 35. (3) Gray, Annals and Magazine of natural History, 1845, t. XVI, p. 350. (4) Ces diverses particularités dans la constitution du squelette sont figurées dans le travail de M. Alphonse Milne Edwards : Recherches anatomiques, zoologiques et paléontologiques sur la famille des Chevrotains (Ann, des sc: nat., Zoo1,, 5€ série, 1864, t, IT). f JS. CHATIN. portantes. Je rappellerai seulement que les membres de l'Hyæ- moschus sont plus courts, plus trapus et plus forts que ceux des Chevrotains ; l’humérus, très-robuste, massif et comprimé laté- ralement, offre une fosse olécrânienne imperforée ; le cubitus est volumineux et reste distinct du radius. Le fémur et le tibia sont aussi peu allongés, et les os du tarse, par quelques-uns de leurs caractères, s’éloignent de ceux des Ruminants pour se rapprocher de ceux des Porcins : ainsi l’os malléolaire est soudé au tibia et l’astragale est plus étroit et plus tordu que chez les Tragules. Enfin, la tête, très-grosse, comparativement au reste du corps, porte, à la mâchoire supérieure, deux canines très-développées, très-tranchantes en arrière, très-pointues à leur extrémité, et qui sortent de la bouche en débordant les lèvres. Les molaires sont plus mamelonnées que celles des Ruminants, et mdiquent une tendance vers le type Pachyderme. M. le professeur Alphonse Milne Edwards a insisté avec raison sur l’importance des caractères qui séparent les Tragulides du Porte-musc. Ce dernier est un Cervidé sans cornes, tandis que les premiers appartiennent à un autre groupe. Se basant principale- ment sur l'étude du développementembryonnaire, ce savant z00- logiste a proposé de former sous le nom de Moschidæ une famille ne comprenant que le genre Moschus, tandis qu’il réunissait les Tragulus et l’Æyæmoschus dans la famille des T'ragulidæ. On trouve, dans le même travail, la description du squelette de l’'Hyæmoschus aquaticus, ainsi que celle d'une espèce fossile du même genre, provenant des couches miocènes de Sansan et connue sous le nom de Æ. crassus : c’est l’ancien Cervus crassus de M. Lartet, queM. Pomel fit rentrer dans le genre Hyæmoschus. C'est également à cette espèce qu'appartiennent des ossements trouvés à Montabuzard et étudiés par Cuvier, qui y avait re- connu des caractères assez remarquables pour qu'il voulüt en former un genre particulier voisin des Cerfs. Récemment, M. le professeur O. Fraas a retrouvé ce même Hyæmoschus crassus dansles assises miocènes de Steinheim (Wurtemberg), etiladonné de bonnes figures représentant une tête assez bien conservée, appartenant à un jeune individu ayant encore ses dents de lait, ARTICLE N° 42. MYOLOGIE DE L HYOEMOSCHUS. 5 un pied postérieur presque complet et relativement plus allongé que ceux qui proviennent de Sansan, et enfin différents os des membres (1). L'animal de la faune tertiaire dont on a trouvé des débris à Montabuzard, à Sansan et à Stemheim, se rapproche beaucoup de l’espèce qui vit aujourd’hui en Afrique : fait intéressant et qui établit un lien de plus entre les Tragulides et les Anoplothérides, surtout si l’on considère l’ordre de succession et d’enchaînement de ces animaux dans la série des âges. Les Tragulides, et surtout l’Hyæmoschus, semblent appartenir à un type en voie de dispari- tion ; ce qui peut expliquer l'isolement zoologique dans lequel ce dernier se trouve. On voit donc que l’'Hyæmoschus aquaticus mérite une étude des plus attentives ; aujourd’hui je viens ajouter à ce que l’on savait sur l’ostéologie de ce genre le résultat des recherches myologi- ques que j'ai entreprises. J'ai comparé sous ce rapport le Che- vrotain aquatique à différentes espèces de Cerfs, au Porc, au Sanglier et au Pécari; mais les muscles du tronc n’offrant rien de particulier, je me bornerai à décrire ceux des membres, qui, l’on pourra s’en convaincre, différent beaucoup de ceux des Ruminants pour se rapprocher de ceux des Poreins. SIL Membre antérieur, — Muscles de l’avant-bras. Les muscles dont l’action porte sur le deuxième segment du membre thoracique forment deux groupes bien distincts: celui des exienseurs et celui des fléchisseurs. Les extenseurs occupent la région brachiale postérieure; quant aux fléchisseurs, ils se trouvent au contraire à la face antérieure du bras. Chez l'Hyæ- moschus, ces derniers sont au nombre de deux : 1° Le long fléchisseur de l’avant-bras ; 2° Le court fléchisseur de lavant-bras. Quant aux extenseurs, leur nombre est plus considérable. On (1) O. Fraas, Die Fauna von Steinheim (Wuriemb. naturwiss. Jahreshefte, Jabrg. XXVI, 4870, p. 230). ü J. CHATAN. sait que chez l’homme la face postérieure du bras est occupée par un muscle volumineux divisé supérieurement en trois parties, ce qui lui à valu le nom de «triceps brachial »; dans l'Hyæ- moschus, cette région comprend plusieurs muscles qui n’ont avec le triceps d'autre analogie que celle du rôle auquel ils sont des- tinés. Ces muscles sont les suivants : 4° Le gros extenseur de l’avant-bras ; 2 L’extenseur profond de l’avant-bras; 3° Le grand extenseur de l’avant-bras ; h° L’extenseur grêle de l’avant-bras. En résumé, les muscles de l’avant-bras sont au nombre de six, dont deux sont destinés à produire sa flexion et quatre à déter- miner son extension sur le bras. 1° Long fléchisseur de l'avant-bras (1).— Ce fléchisseur, qui, par son aclion, ses rapports, ses insertions même, peut être re- gardé comme l’analogue du biceps brachial desanthropotomistes, est un muscle long et prismatique, tendineux à ses deux extré- mités et entrecoupé de nombreuses intersections fibreuses, dont une, beaucoup plus considérable que les autres et presque cen- irale, représente une corde très-résistante qui traverse ce long fléchisseur d’un bout à l’autre el se continue avec ses deux ten- dons d'insertion. La direction de ce muscle est oblique de haut en bas et d'avant en arrière. C’est à la base de l’apophyse coracoïde que se trouve l’origine du long fléchisseur ; de ce point part un tendon assez régulière- ment arrondi qui gagne la coulisse bicipitale en se moulant sur cette large dépression (2) ; après s’être légèrement infléchi en arrière, il se confond avec le corps du muscle. Quant au tendon inférieur (3), il est très-court, s'attache à la tubérosité supérieure et interne du radius (4) et envoie en outre un petit prolonge- ment à l’aponévrose antibrachiale, disposition assez semblable à ce que l’on voit chez les Porcins. (4) Fig. 6, n°2. (2) Fig. 6, n° 3. (3) Fig. 6, n° 4. (4) Tubérosité bicipitale. ARTICLE n° 2. MYOLOGIE DE L HYOEMOSCHUS. 7 Ce muscle, séparé de l'articulation scapulo-humérale par une pelote graisseuse, recouvre la face antérieure de l’humérus, le coraco-huméral et l'articulation du coude; 1 est recouvert par le sus-épineux ou mieux pré-épineux, que l’on est forcé d'in- ciser pour mettre à nu le muscle qu nous occupe, et plus bas par une aponévrose qui lui est propre et le sépare du court fléchisseur. | Ce muscle fléchit l’avant-bras sur le bras ; de plus, il tend l’aponévrose antibrachiale. 9° Court fléchisseur de l’avant-bras. — Le court fléchisseur de l’avant-bras (1) peut être considéré comme le représentant du brachial antérieur de l’homme. C’est un muscle volumineux et presque entièrement charnu. Il occupe la gouttière de torsion de l’humérus, assez exactement pour en suivre la direction même, de sorte qu'il contourne l’os du bras de façon à se trouver sur sa face postérieure, puis sur sa face externe, et enfin, dans son dernier tiers, sur sa face antérieure. Il passe ensuite en avant et au-dessus de l'articulation du coude, pour se terminer à la face interne du bras. | Ce muscle s’insère en haut à la face postérieure de l'humérus, au-dessous du col de cet os; de là ses fibres descendent d’après la direction ci-dessus indiquée, puis s’attachent par un large ten- don au cubitus, en avant du précédent. Ilest fléchisseur de l’avant-bras; recouvert à son origine par l’adducteur du bras, il se trouve ensuite en rapport avec les extenseurs de l'avant-bras, et en dernier lieu le coraco- radial. 3° Grand extenseur (2). — Ce muscle est long, prismatique, plus large dans son tiers moyen que dans les deux autres, dirigé de haut en bas et légèrement aussi d’arrière en avant. Il occupe la partie postéro-externe du bras. La peau et l’aponévrose le re- couvrent. Il est en rapport : en arrière, avec le gros extenseur ; en dedans, avec le court extenseur et l’humérus ; en avant, avec l’humérus et le brachial antérieur. (1) Fig. 6, n° 6. (2) Fig. 5, n°4. 8 3. CHATIN. Cet extenseur s'insère au bord postérieur de l’omoplate ; infé- rieurement le muscle est bifide: son tendon postérieur s’attache à la face externe de l’olécrâne, et son tendon antérieur à l’apo- névrose antibrachiale et à la tubérosité externe et supérieure du radius. Il étend l’avant-bras et opère la tension de l’aponévrose anti - brachiale. h° Ectenseur profond. — Ce muscle (1), presque entièrement charnu, est dirigé dans le sens de l’humérus, dont il occupe la face externe. Il est en rapport : en dedans, avec la peau ; en dehors, avec le grand extenseur; en arrière, avec le gros extenseur ; en avant, avec l’os du bras. Inséré supérieurement sur la face interne de l’humérus et sur la face postérieure du même os, l’extenseur profond se termine inférieurement au sommet de l’olécräne. 5° Long extenseur de l’avant-bras. — Allongé et presque grêle, il se dirige obliquement de haut en baset d’arrière en avant. Recouvert en arrière par la peau, il est en rapport en avant avec le gros extenseur, et contracte même avec ce muscle des connexions intimes. Il tire son origine supérieure de la face ex- terne du grand dorsal; quant à ses attaches inférieures, elles se trouvent à la face postérieure de l’olécräne et sur l’aponévrose antibrachiale. Ce muscle étend l’avant-bras et l’aponévrose antibrachiale ; ce dernier rôle est toutefois moins accusé. Par son origine supérieure ce muscle offre, chez l’Hyæmoschus une analogie remarquable avec ce que l’on observe chez les Porcins. 6° Gros extenseur de l’avant-bras. — Cet extenseur volumi- neux (2) se dirige de haut en bas et d’avant en arrière ; 1l pré- sente au milieu de sa masse charnue quelques bandes aponévro- tiques. Attaché au bord axillaire de l’omoplate, il se termine par un fort tendon qui s’insère à la partie postérieure de l'olécrâne. (4) Fig. 5, n° 8. (2) Fig. 5, n° 2. ARTICLE N° 42. MYOLOGIE DE L'HYOEMOSCHUS. 9 Il esten rapport: en arrière et en dedans, avec le long exten- seur ; en avant, avec l’extenseur profond ; en dehors, avec la peau. Il étend l’avant-bras. Muscles du métacarpe. Les muscles qui donnent aux métacarpiens du pied antérieur leurs mouvements propres sont au nombre de six: 1° Le gros extenseur du métacarpe; 2° L’extenseur grêle du métacarpe ; 3° L'adducteur du métacarpe; L° Le fléchisseur interne du métacarpe ; 5° Le fléchisseur oblique du métacarpe ; 6° Le fléchisseur externe du métacarpe. Les trois premiers se trouvent à la face antérieure de l’avant- bras ; les trois autres à sa face postérieure. 1° Gros extenseur du métacarpe (1). — Cet extenseur, très- développé, est prismatique et charnu dans sa moitié supérieure, qui est parsemée de nombreuses fibres aponévrotiques. Il naît de l’épitrochlée et de la partie inférieure de l’humérus, puis se porte verticalement en bas pour aller s’insérer à la tête du métacarpien interne. Il est en rapport: supérieurement, avec les muscles de l’avant- bras; en dedans, avec le suivant ; en dehors, avec l’extenseur des doigts internes et l’extenseur commun; en arrière, avec les os de l’avant-bras ; en avant, avec la peau de l’aponévrose anti- brachiale. Son tendon inférieur passe dans le ligament du carpe. Ce muscle, qui existe chez le Porc comme chez! Hyæmoschus, a pour usage d'étendre vivement le métacarpe sur l’avant-bras. 2° Extenseur gréle du métacarpe. — Cet extenseur (2) est assez mince et s'attache au tiers inférieur de la face antérieure de ’humérus, puis se dirige vers la région carpienne, où 1l s'insère à la tête du carpe. Son tendon inférieur est intimement uni à celui du suivant. En haut, il est en connexion intime avec le bi- (4) Fig. 6, n° 7, et fig. 8, n° 5. (2) Fig. 8, n° 6. 10 J. CHATIEX. ceps; en dedans, avec les muscles qui occupent la région pos- téro-interne de l’avant-bras ; en dehors, avec le précédent ; en avant, avec la peau et l’aponévrose. Ce muscle étend le métacarpe, mais plus faiblement que le précédent. 3° Adducteur du métacarpe. — Naissant sur une assez longue étendue de la face externe du radius, l’'adducteur du métacarpe se termine mférieurement par un petit tendon qui va s'attacher auprès du précédent. Situé à la face profonde des muscles qui recouvrent l’avant-bras, ilest antérieurement en rapport avec ceux qui vienrent d'être décrits. Sa position, sa taille et ses rap- ports rendent son action très-faible : il porte légèrement le pied en dedans; en même temps il étend légèrement le carpe, par suite de ses connexions avec les différents muscles situés à la face antérieure de l’avant-bras. h° Fléchisseur interne du métacarpe. — Situé au côté interne de l’avant-bras, il est charnu dans sa moitié supérieure, ten- dineux dans le reste de son étendue. Inséré supérieurement à l’épicondyle, il se porte presque verticalement en bas pour s’at- tacher à la tête du métacarpien du grand doigt interne, après avoir glissé dans une gaîne ostéofibreuse, ainsi que cela se voit chez le Porc. Recouvert en avant et en dedans par l’aponévrose antibra- chiale et la peau, il est en rapport en dehors avec le radius et en arrière avec le perforant et le perforé. Il fléchit le pied antérieur sur l’avant-bras. 5° Fléchisseur oblique du métacarpe. — Ce muscle (1), situé en arrière et en dedans de l’avant-bras, est aplati et de forme à peu près losangique ; il présente sur la partie supérieure de sa masse charnue desirradiations aponévrotiques assez nombreuses, etmé- rite parfaitement ici le nom de fléchisseur oblique, car, au lieu d'être à peu près vertical comme dans la plupart de nos animaux domestiques, il se dirige évidemment d'avant en arrière. L'origine supérieure de ce muscle est double ; il s’insère : 1° sur (1) Fig. 414, n° 7, ARTICLE N° 42. MYOLOGIE DE L HYOEMOSCHUS. il la face interne de l’épicondyle par des fibrestendineuses situées dans l'axe de son corps charnu ; 2 à l’olécrâne au moyen d’une petite bandelette très-mince et fort peu charnue ; en bas il s’at- tache à la partie supérieure du carpe. Il est en connexion par sa face superficielle avec l’aponévrose antibrachiale, et par .sa face profonde avec les fléchisseurs des doigts; son bord antérieur touche au fléchisseur perforé, et son bord postérieur au fléchisseur perforant. Dans sa portion termi- pale son tendon adhère fortement à celui du fléchisseur externe. Ce muscle fléchit le pied antérieur sur l’avant-bras et le porte légèrement en dedans. 6° Fléchisseurexterne du métacarpe (A). - C'est un muscle vo- lamineux, situé en arrière des fléchisseurs des phalanges et du fléchisseur oblique du métacarpe; il les dépasse même légère- ment en dehors. Large et aplati, ce muscle s'attache par un fort tendon à l’épitrochlée (2) et se termine au métacarpien le plus externe auprès du fléchisseur oblique. Il répond à l'épitrochléo- carpien décrit chez le Porc par Laurillard et Cuvier ; en anthro- potomie, on lui donnerait pour analogue le «eubital postérieur ». Il est en rapport : en avant, avec les fléchisseurs oblique et perforant ; en arrière et en dedans, avec la peau et l’aponévrose. Il fléchit le pied sur l’avant-bras avec plus de force que le pré- cédent, mais sans produire l’adduction qui se remarque lors de la contraction du fléchisseur oblique. L'Hyœmoschus offre encore ici un point commun avec le San- glier, le Porc, etc., puisque chez lui ce muscle s'insère sur la tête du métacarpien externe, ainsi que cela s’observe dans ces animaux et dans les Carnassiers. Muscles des doigts. Ces muscles forment neuf masses principales dont voici l'énu- mération : 1° L’extenseur du petit doigt externe ; (4) Fig. 5, n° 7; fig. 8, n° 1; fig. 41, n° 8. (2) Il s’agit de l’épitrochlée des auteurs vétérinaires; elle correspond à l’épicondyle des anthropotomistes, 12 3. CHATIN. 2° L’extenseur du grand doigt externe : 3° L'extenseur commun des doigts ; h° L’extenseur des doigts internes ; 5° Le fléchisseur superficiel ou perforé des doigts ; 6° Le fléchisseur profond ou perforant des doigts ; 7° Le court fléchisseur du petit doigt externe ; 8° Le lombrical ; 9° Les interosseux. 1° Extenseur propre du petit doigt externe (1). — Ce muscle, charnu seulement dans son quart supérieur, naît de l’épicondyle, puis se porte à la partie inférieure du membre, où il s'attache à la première phalange du petit doigt externe. Danstoute l'étendue de son parcours, il esten rapport avec l’ex- tenseur propre du grand doigt externe, qui l'accompagne durant presque tout son trajet; enveloppés tous deux dans une apo- névrose très-résistante, 1ls glissent, au carpe, dans une même gaîne ostéofibreuse. À la partie inférieure du métacarpe, il aban- donne un tendon assez gros qui va renforcer le tendon extenseur du grand doigt externe. — Quand le petit doigt externe est flé- chi, ce muscle l’étend sur le métacarpe. Cet extenseur offre donc chez l'Æyæmoschus une analogie notable avec ce qu'on remarque dans les Porcins, où son re- présentant envoie également un tendon assez faible, il est vrai, et destiné à augmenter l'extension des grands doigts. 2° Extenseur du grand doigt externe. — Ce muscle (2) affecte es rapports les plus intimes avec le précédent. Né antérieure- ment et supérieurement à cet extenseur du petit doigt externe, il ‘accompagne jusqu’au delà de leur gaîne carpienne commune , puis, parvenu en cet endroit, il se dirige en dedans et va s’atta- cher à la première phalange du doigt médian externe. Quelques millimètres avant son insertion, il reçoit un tendon proven ant de lattache tendineuse du précédent. De plus, il est uni à l'exten- «eur de l’autre grand doigt par des lamelles de tissu connectif dense. (A) Fige 8, n° 2. (2) Fig. 8, n° 3. ARTICLE N° 42, MYOLOGIE DE L'HYOEMOSCHUS. 13 L’extenseur du grand doigt externe, grâce aux connexions qui viennent d'être indiquées, concourt encore à l’extension des doigts voisins. Il existe chez le Porc, sans y être cependant aussi nettement isolé que dans l’'Ayæmoschus. 3° Extenseur commun des doigts (1). — Ce muscle présente, dans lemode d’agencement et de distribution de ses diverses par- ties, plusieurs particularités intéressantes. Il naït de la tubérosité externe de l’humérus et de la face externe du radius, et présente, par conséquent, deux corps charnus dont le plus superficiel, qui est aussi le plus développé, donne naissance, vers le milieu de l’avant-bras, à deux tendons: l’externe se porte en dehors pour s’insérer à la troisième phalange de chacun des deux doigts ex- ternes ; le second va rejoindre le tendon de l’autre portion, puis la corde qui en résulte se bifurque au niveau des doigts pour for- mer deux tendons destinés aux deux doigts internes. A l’origine du tendon de la deuxième portion s'attache un petit filament qui forme un V, puis se joint à l’extenseur des doigts internes et se prolonge même en bas; il est trop faible pour avoir une action puissante. Il est en rapport : en avant, avec l’extenseur des doigts inter- ues; en arrière, avec le précédent ; en dedans, avec les os de l’avant-bras ; en dehors, avec l'aponévrose et la peau. Extenseur des doigts, ce muscle sert encore à étendre les phalanges un- guéales et le pied lui-même dans sa totalité ; 1l rapproche aussi les doigts en les étendant. — Ilest inutile d'insister sur la ressem- blance qu’il offre chez l’Hyæmoschus comparé aux Porcins. h° Extenseur des doigts internes. — Ce muscle présente une forme et une direction peu différentes de ce que l’on remarque dans le muscle précédent. Il s'attache supérieurement à la face antérieure de l’avant-bras ; en bas il se bifurque obliquement en deux tendons : l’un se dirige en dedans et s’insère à la deuxième phalange du petit doigt interne ; l’autre, situé en dehors, se rend au grand doigt interne. — Il est en rapport: en avant, avec le gros extenseur du métacarpe; en arrière, avec le précé- dent ; en dehors, avec la peau et les aponévroses. (1) Fig. 8, n° 4. Aû J. CHATIN. Ce muscle étend fortement les deux doigts internes sur le mé- tacarpe. 5° Fléchisseur commun perforé des doigts (1). — 11 ne mérite réellement pas chez l’Hyæmoschus, le nom de « fléchisseur su- perficiel », sous lequel on le désigne chez les animaux domesti- ques et chez l'homme. Dans ceux-ci, en effet, il forme un plan superficiel qui recouvre nettement le fléchisseur perforant ce qui ne s’observe plus au même degré chez l'animal qui nous occupe. Ce fléchisseur se termine par deux tendons très-longs (2) qui se rendent aux deux grands doigts. Ces tendons traversent la gaine carpienne puis, au niveau des doigts, forment chacun un anneau où mieux un cylindre dans lequel s’engage la corde du fléchisseur perforant ; il s'attache à la deuxième phalange. — Il est en rapport: en avant, avec le radius; eu dehors, avec le fléchisseur interne du métacarpe ; en arrière, avec le perforé, qui le déborde; en dedans, il est recouvert par l’aponévrose et la peau. Le fléchisseur perforé ne fléchit réellement pas les doigts, car cette flexion est due surtout à l’action des interosseux et des lom- bricaux ; son rôle consiste principalement à fléchir la seconde pha- lange sur la première. — Chez les autres animaux voisins, la dualité du perforé s’observe bien encore, mais il y offre d'assez grandes différences dans son mode de constitution. En effet, dans la plupart des Ruminants, il se compose de deux corps charnus dont les tendons se réunissent vers le milieu de la région métacarpienne en un tendon unique qui se bifurque ensuite. Chez le Porc, la division du perforé en deux branches s’accentue davantage, et, chez lui comme dans l'Hyæmoschus, ce muscle ne s’insère qu'aux deux grands doigts, tandis que chez les Carnas- siers il s'attache à la seconde phalange des quatre doigts prin- cipaux (8). 6° F'léchisseur commun perforant des doigts (k). — Situé à la. (1) Fig. 9, n° 8, et fig. 41, n° 9. (2) Fig. 5, n°9. (3) Chauveau et Arloing, Anatomie comparée des animaux domestiques, p. 287. (4) Fig. 5, n° 41 ; fig. 41, n° 40. ARTICLE N° 42, MYOLOGIE DE L'HYOEMOSCHUS. 15 face postérieure de l’avant-bras, il présente un assez grand dé- veloppement, naît par trois chefs et se termine par quatre ten- dons ; il en résulte donc une certaine complexité en raison de laquelle je crois devoir scinder son étude. a. Corps charnus. — D'après leur origine, les trois portions musculeuses de ce fléchisseur peuvent être divisées en portions épicondyhienne, cubitale et radiale. 1° La portion épicondylienne est de beaucoup la plus considérable ; elle est appliquée immé- diatement sur le perforé et confine extérieurement à la portion radiale. On peut y distinguer plusieurs faisceaux très-tendineux quinaissent au sommet de l'épicondyle un peu en arrière du point d'insertion supérieure du perforé, mais sans se confondre toute- fois avec ce fléchisseur. 2° La partie radiale est placée sous la précédente, qui la masque complétement du côté externe. En dedans, elle est en rapport avec les os de l’avant-bras, en avant avec le perforé, en arrière avec la portion suivante. 8° La portion cubitale offre une partie supérieure charnue peu développée, età laquelle succède un long tendon qui, au niveau du carpe, va se réunir aux deux autres. Son attache supérieure se trouve au som- met et au bord postérieur de l’olécrâne. b. Tendon. — Constitué à la hauteur du carpe par l'union des trois parties ci-dessus décrites, le tendon s'engage dans la gaine carpienne avec celui du fléchisseur perforé. Vers le tiers inférieur du métacarpe, deux petites branches, l’une droite et l’autre gauche, se séparent de l'axe tendineux pour se diriger vers les deux doigts latéraux, à la dernière phalange desquels ils s’attachent. 3 ou 4 millimètres plus bas, le tendon primitif ou axile se bifurque pour former deux petites cordes tendi- neuses destinées aux deux grands doigts ou doigts médians. Chacune d'elles, parvenue au niveau de la portion inférieure du métacarpe, s'engage dans l’anneau formé par le perforé, passe entre les deux branches terminales de ce dernier ets’épanouit en- suite sur la dernière phalange en formant une expansion aponé- vrotique. Dans la dernière portion deson trajet, un filament de tissu conjonctif fait adhérer le tendon à la partie profonde de sa ga ne fibreuse. 16 J. CHATIN. J'ai déjà indiqué les rapports les plus importants de chacune des parties constituantes du perforant; pour ce qui est des con- nexions générales de ce muscle, j ajouterai'qu'il touche en dehors aux os de l’avant-bras, en avant au perforé, en dedans à l’apo- névrose et à la peau, en arrière au fléchisseur oblique du méta- carpe. Le perforant fléchit les phalanges les unes sur les autres et sur le métacarpe, en agissant sur l'articulation métacarpo-pha- langienne. Il peut même concourir à la flexion de tout le pied antérieur sur l’avant-bras. Chez l’Hyœmoschus, le fléchisseur perforant offre les mêmes dispositions que chez les autres animaux voisins ; mais c'est sur- toul avec le Porc que la ressemblance est évidente, puisque, dans ces deux quadrupèdes, les tendons du fléchisseur perforé se ren- dent seulement aux doigts médians, tandis que les tendons du perforant se portent aux quatre doigts, et doivent faire considérer le perforant comme étant le seul fléchisseur commun des doigts chez ces animaux. 7° Court fléchisseur du petitdoigt externe (1). — En anthropo- tomie, son analogue serait vraisemblablementle « court fléchis- seur du petit doigt ». Il présente 1c1 les mêmes dispositions que dans les Porcins (on ne le rencontre pas chez les Ruminants). Inséré supérieurement à la tête du métacarpien externe, il se termine à la prenuère phalange du doigt rudimentaire externe, dans le voisinage du tendon extenseur de ce doigt. Recouvert par les tendons du perforant et du perforé, ce flé- chisseur est peu puissant ; il est aussi légèrement adducteur. 8° Lombrical (2). — Comme le Porc, l’'Hyæmoschus ne pos- sède qu’un seul lombrical, qui, par sa forme et sa situation, mé- rite d’ailleurs bien ce nom. Il s'insère supérieurement au tendon du perforant et inférieurement au doigt rudimentaire interne. 9° Jnterosseux (3). — Ces muscles occupent les intervalles compris entre les os métacarpiens, et sont au nombre de quatre, (1) Fig. 414, n° 4, (2) Fig. 41, n° 6. (3) Fig. 41, n°5 2, 3, 4, 5, ARTICLE N° A2. MYOLOGIE DE L'HYOEMOSCHUS. 17 comme dans les Porcins. Ils s’attachent à la partie mférieure du carpe et aux faces latérales des métacarpiens. Inférieurement, ils se terminent à la première phalange des doigts ; ceux qui se rendent aux doigts rudimentaires sont bifides dans leur portion terminale. Ces muscles sont recouverts d’une épaisse membrane fibreuse. $ LIL. Muscles du membre inférieur. — Muscles de la jambe. Les muscles de la jambe, au nombre de six, peuvent se diviser, comme ceux du membre supérieur, en extenseurs et en fléchis- seurs. Les premiers occupent la région antéro-externe de la cuisse, tandis que les fléchisseurs s'étendent sur ses faces posté- rieure et interne. Muscle tenseur du fascra lata(A).—Assez développé chez l’'Hyæ- moschus, ce muscle occupe la face antérieure et externe du fé- mur; sasituation est cependant antérieure plutôt que latérale. Il offre assez exactement la forme d’un triangle dont la base serait supérieure et le sommet inférieur ; c'est plutôt un muscle plat qu'un muscle long, au contraire de ce qui se voit chez l'homme. I s'attache en haut à l'angle externe de l’ilium ; ses fibres, par- semées de nombreuses intersections aponévrotiques, se dirigent de haut en bas jusque vers le tiers inférieur de la cuisse, où elles font place à l’aponévrose fascia lata qui recouvre les différents muscles. Par un des feuillets de son aponévrose, il prend son insertion fixe à la rotule, d'ou le nom de « muscle ilio-rotulien externe » sous lequel on le désigne fréquemment chez les ani- maux domestiques. Le tenseur du fascia lata est en rapport : en dedans, avec le triceps ; en dehors et en avant, avec la peau ; en arrière, avec les fessiers et le long vaste. Ce muscle tend l’aponévrose qui le termine, et grâce aux con- nexions de ce fascia lata, concourt à étendre la jambe, à fléchir la cuisse, etc. CM no PRET EMEETONE Ma) SC. NAT. JANVIER 1872, ARTICLE N° 492. 44 18 J. CHATENS. Chez le Daim, le Mouton, eic., ce muscle est plus en dehors de la cuisse que dans l’Hyæmoschus ; il est aussi plus grêle que chez celui-ci, tout en étant plus développé que dans les Solipèdes. 2° Triceps (1). — Les muscles qui produisent l'extension de l’avant-bras sur le bras nous ont offert d'importantes différences avec ce que l’on sait chez l’homme; il n’en est plus de même pour ceux qui doivent étendre le deuxième segment du membre ab- dominel sur le premier. L’Hyœæmoschus nous offre effectivement un iriceps analogue à celui de l'homme. Il est entendu que, dans cette assimilation, je considère le triceps crural comme formé par le droit antérieur, le vaste interne et le vaste externe, suivant en cela l'exemple des anatomistes modernes. Il faut donc étudier successivement : 1° le vaste externe, où portion externe du triceps; 2° le droit antérieur, ou portion moyenne ; 9° le vaste interne, ou portion interne. a. Vaste externe (2). — Chez l'Hyæmoschus comme dans la plupartdes Quadrupèdes, le vaste externe forme une épaisse masse charnue qui se dirige de haut en bas, c'est-à-dire du bassin à l'articulation du genou, en recouvrant la face externe du fémur. Ses faisceaux sont entremêlés de fibres tendineuses; ils naissent de la région trochantérienne, de la face externe de l'os de la cuisse et de sa face antérieure, puis convergent en dedans pour se con- fondre avec les faisceaux du droit antérieur, et se terminer enfin à l'angle externe de la rotule, dont le ligament droit externe peut être regardé comme le prolongement. il est en rapport : en avant, avec le tenseur du fascia lata; en dedans, avec le vaste interne et le droit antérieur; en arrière, avec le long vaste et le fémur. b. Droit antérieur. — Portion moyenne du triceps, le droit antérieur est un muscle épais et allongé qui supérieurement s’at- tache en avant de la cavité cotyloïde de l’ilium, et se termine à l’angle médian et à la face antérieure de la rotule dont il forme le ligament droit médian. Il est en rapport : en avant, avec le ten- seur du fascia laia ; en dedans, avec le vaste interne, et en dehors (1)Fig19, 3,4, 7 (2) Fig. 3, n° 3; fig. 7, n° 3. ARTICLE N° 12. MYOLOGIE DE L HYOEMOSCHUS. 19 avec le vaste externe ; car les trois parties du triceps, distinctes supérieurement, sontintimement unies dans leurs portions ter- minales. ce. Vaste interne (1). — Le vaste interne présente, à la face in- terne de la cuisse, une position comparable à celle que le vaste externe occupe dans la région crurale externe. Il naït au-dessous du col du fémur, et sur les faces externe et antérieure de cet os ; il est en rapport, en dehors avec le droit antérieur et le vaste externe, en dedans avec l’aponévrose fémorale, les adducteurs et le pectiné. Ses attaches inférieures forment le ligament droit interne ou se confondent avec celles du droit antérieur. Les trois portions du triceps, s’'insérant d'une part au bassin ou au tiers supérieur du fémur, d'autre part à la rotule, ontpour effet direct de tirer cet os en haut ; ils sont donc extenseurs de la jambe. A la vérité, le droit antérieur, par son imsertion iliaque, pourrait être regardé comme un fléchisseur de la cuisse sur le bassin ; mais les connexions contractées inférieurement par ces trois muscles sont trop intimes pour que ce rôle par üculier du droit antérieur ne puisse être négligé. Le Daim du Mexique n'offre pas de différences remarquables dans la forme générale du triceps comparée à ce qu’elle est chez l’Hyæmoschus ; toutefois, dans ce Cervus, on constate que le vaste interne et le vaste externe sont légèrement postérieurs au droit antérieur. 3° Long vaste (2), — Ce muscle, très-développé, comme l’in- dique son nom, est situé derrière le fémur, et, par suite de la courbure prononcée offerte par celui-ci, il forme une concavité antérieure qui entoure l'os de la cuisse. Très-développé chez tous les Ongulés (3), le long vaste doit être assimilé au biceps crural de l’homme; certains auteurs (Owen. etc.) le désignent même sous ce nom chez les animaux (4). Il fautreconnaître cependant que chez eux ce muscle n'offre pas (4) Fig, 2, n°1; fig. 4, n° 4. (2) Fig. 4, n° 8, (3) Stannius et Siebold, Anatomie comparée, t. II. (4) A. Owen, Comparative Anatomy and Physiology of Vertebrates, t, UT. 20 JF. CHATIN. toujours le caractère morphologique en raison duquel les anthro- potomistes lui ont donnélenom de biceps; d’ailleurs chez l Hyœ- moschus et d’autres Quadrupèdes voisins, le long vaste comprend également une portion du grand fessier (4). Ce muscle, l’un des plus volumineux qui existent chez la «Biche-cochon », se dirige de la portion supérieure du sacrum à la région postérieure de la jambe en décrivant la courbe que j'ai indiquée plus haut. I s'attache sur l'ischion et sur le ligament sacro-sciatique, ce qui permettrait de lui décrire deux portions, lune supérieure, l’autre inférieure, mais se réunissant beaucoup plus tôt que ‘ne le font leurs analogues chez l'homme. Il se ter- mine en bas par une large aponévrose, qui se confond en avant avec le fascia lata et en arrière avec l’aponévrose jambière posté- rieure, de telle façon que le long vaste cache en grande partie les gastrocnémiens, etc. Carus, qui assimile ce muscle au « large de la cuisse des Oi- seaux » (2),a parfaitement analysé les différentes raisons, toutes tirées de l’insertion et du volume des museles cruraux ou jam- biers, qui expliquent comment la forme de la cuisse des ani- maux diffère bien davantage du type humain que celle du bras ; mais, chez aucun des Mammifères voisins de l’Hyæmoschus et étudiés par Carus, cemusele ne présente un développement com- parable à ce qui existe chez l'animal du Gabon. Le long vaste de ce Quadrupède descend jusqu’à une très-faible distance du calcanéum (3), tandis que chez les Ruminants que j'ai disséqués, le tendon d'Achille est distinct durant presque tout son trajet. Ce muscle est en rapport, par sa face superficielle avec la peau et l’aponévrose crurale, par sa face profonde avec les fes- siers, les extenseurs et les adducteurs de la jambe, inférieure- ment enfin avec le tendon d'Achille ou ses muscles. (4) Le biceps de l’homme est surtout représenté ici par la portion postérieure du long vaste. ‘ (2) Carus, Anatomie comparée, te 1, p. 380. (3) L'Oryctérope et le Tatou offrent une disposition analogue. Voy. Cuvier, Anato- mie comparée, t. 1, p. 524. ARTICLE N° 42. MYOLOGI DE L'HYOEMOSCHUS 21 Le long vaste est un puissant fléchisseur de la jambe qu'il tourne aussi en dehors. _k° Muscle demi-tendineux (1). — Moins volumineux que le précédent, 1l est encore assez puissant, et s'étend du bassin à la jambe en s’incurvant notablement. Leyh le range avec le précé- dent parmi les muscles cruraux internes des animaux domesti- ques dont il a fait l'histoire (2); chez l’Æyæmoschus, une telle assi- milation ne m'a pas paru possible, car ce muscle est franchement postérieur. Inséré supérieurement à l’ischion et au coccyx, il se termine à la partie supérieure du tibia. — Il est en rapport avec les muscles suivants : en dehors, avec le long vaste et les jumeaux de la jambe; en dedans, avec les muscles cruraux internes ; dans le reste de son étendue, avec l’aponévrose fémorale. Tenseur de l’aponévrose jambière et fléchisseur de la jambe, le demi-tendineux porte le membre pelvien en arrière. Chez le Daim comme dans la plupart desRuminants, ce muscle ne remonte nullement vers la base de la queue, disposition qui se remarque chez l’Hyæmoschus, le Porc, le Sanglier. De plus, tous ces animaux offrent ceci de remarquable, que leurs trois muscles cruraux s’aftachent au tibia plus largement et plus inférieurement que chez l'homme, ce qui amène la jambe à demeurer toujours dans un état de demi-flexion ; or, cette particularité est plus marquée chez l'Hyæmoschus que dans les Cervus, etc. 5° Muscle demi-membraneux (3). — Plusieurs anatomistes comptent ce muscle parmi ceux de la région interne, et tout d’abord j'avais été tenté de les imiter ; un examen plus attentif n’a convaincu que sa situation devait être regardée comme pos- iérieure et non interne. Moins puissant que le précédent, le demi-membraneux s'attache supérieurement à l’aponévrose des museles coccygiens et à l’ischion, un faible prolongement re- monte même vers la naissance de la queue. Son insertion mobile se trouve à la partie supérieure des condyles fémoraux. Il est HER MS no fie MAS 02e 7,00 2. (2) Leyh, Anatomie des animaux domestiques. (3) Fig. n°3, 4 ; fic. 7, n°1: 22 3. CHATIN. en rapport avec le long vaste, le demi-tendineux et le court adducteur. Le demi-membraneux est à la fois adducteur et extenseur de la jambe ; 1l offre, comme le précédent, cette singularité remar- quable qui {rapproche l’Hyæmoschus des Pachydermes, je veux parler du prolongement coccygien qui concourt à son insertion supérieure. 6° Muscle poplité. — Plat et irrégulièrement triangulaire, le poplité s'étend obliquement de haut en bas et de dehors en de- dans, c’est-à-dire de la partie inférieure de la cuisse à la partie supérieure de la jambe. En effet, il s'attache par un tendon court et fort au-dessus du condyle externe du fémur, passe sur la face postérieure de l'articulation fémoro-tibiale qu'il renforce, puis va se terminer au tiers supérieur de la face postérieure et du bord interne du tibia. La masse charnue du poplité est en- tremêlée de nombreuses fibres aponévrotiques. Ce musele est en rapport : postérieurement, avec les jumeaux, le soléaire et les fléchisseurs ; en dedans, avec la peau et l’aponévrose jambière ; en dehors, avec les muscles qui occupent la face externe de la jambe; en avant, avec l’articulation et le tibia. I fléchit la jambe en même temps qu'il la porte légèrement en dedans. Chez le Daim, etc. , il est un peu moins volumineux, sans offrir d’ailleurs de particularité notable. Muscles du pied postérieur. Importants par leur nombre et leur rôle, ces muscles offrent des analogies souvent assez difficiles à saisir pour que l’on soit forcé de les diviser en groupes afin d’en faciliter l’étude. Je décrirai done successivement : 1° Les muscles du tarse : 2° Les muscles du métatarse ; 3° Les muscles des orteils. À. Muscles du tarse. — Ces muscles, qui sont au nombre de L = ? e - trois chez l’Ayæmoschus, présentent, comme on sait, une inser- tion mobile commune, de telle sorte qu’ils peuvent être désignés ARTICLE N° 42. MYOLOGIE DE L HYOEMOSCHUS. 23 sous les noms de muscles du cou-de-pied ou triceps sural; ce sont les jumeaux et le soléaire. 1° et 2° Jumeaux de la jambe (1). — Les jumeaux ou gastro- cnémiens sont beaucoup plus faibles chez les animaux que chez l’homme ; leur partie supérieure est, de plus, recouverte par les fléchisseurs de la jambe : aussi la forme de celle-ci est-elle bien différente de ce qu’elle est dans l’espèce humaine. L'action de ces muscles est d’ailleurs considérablement accrue ici par la longue apophyse postérieure du calcanéun ; la puissance peut donc être diminuée, le bras de levier étant augmenté. Les jumeaux prennent leurs insertions fixes à la partie infé- rieure de la cuisse (au-dessus des condyles'externe et interne du fémur), de sorte que leurorigine est masquée par la terminaison des muscles ischio-tibiaux. Ces deux corps charnus convergent lun vers l’autre, puis se confondent bientôt en une masse unique et aplatie, de laquelle naît, vers le milieu de la jambe, un fort tendon qui se termine à la face postérieure du calcanéum. Les jumeaux sont en rapport en arrière avec l’aponévrose jambière et la peau, en avant avec les autres muscles de la région. 3° Soléaire (2).— Ce muscle ne mérite guère ici ce nom, car, s’il occupe la même position que son analogue chez l’homme, il affecte une forme bien différente. En effet, le soléaire est ici vo- lumineux et à peu près prismatique ; mais son origine, sa ter- minaison au tendon d'Achille suffisent pour lui faire attribuer ce nom. Inséré supérieurement à la partie postérieure de la tubérosité externe du tibia, il se termine par un tendon qui s’unit à celui des jumeaux. ILest en rapport : en arrière, avec ces muscles et le fléchisseur superficiel des phalanges; en avant, avec les muscles profonds de la région Jambière postérieure. Ce muscle a le même rôle que les jumeaux, mais sa puis- sance est bien moindre. (OP Ein fe MS io 705 fie 10/1009; (2)MFig 7; n0 7. 2h J. CHATIN. D’après plusieurs auteurs, Stannius entre autres, le soléaire manque rarement chez les Mammifères ; mais, en général, au lieu de contribuer à la formation du tendon d’Achille, il se ter- minerait par un tendon propre qui, chez les Ruminants, le Cochon et le Chien, se diviserait pour se rendre aux orteils, de sorte que ce muscle jouerait le rôle d’un court fléchisseur des orteils, outre celui qui lui est ordinaire. Dans!’ Hyœmoschus, cependant, pasplus que dans le Cervus mexicanus, une pareille duplicité de fonction ne saurait être attribuée au soléaire, car le fléchisseur des orteils, qui glisse sur la face postérieure du calcanéum comme sur une poulie de renvoi, en est bien distinct. Cuvier n’mdique d’ailleurs nullement ce mode de terminaison du soléaire se prolongeant jusqu'aux orteils pour en former le fléchisseur superficiel. B. Muscles du métatarse. — Le Cervus mexicanus n'offre qu’un seul musclese rendant au métatarse (fléchisseur externe du métatarse.) Chez l'Jyæmoschus, au contraire, à cette région du pied correspondent deux fléchisseurs : un fléchisseur externe et un fléchisseur interne. 1° Fléchisseur externe du métatarse (1). — Dans les Sohipèdes, disent les traités d'anatomie vétérinaire, 1ln°y à pas de muscle analogue au long péronier des anthropotomistes (l’analogue du court péronier est l’extenseur du doigt externe) ; mais chez le Bœuf il y a, représentant ce péronier, un muscle qui correspond au plus long des deux muscles de la région jambière externe de l’homme. J'ai retrouvé ce muscle chez le Daim et | Hyæmoschus, et, en disséquant soigneusement ses insertions, je Suis arrivé aux mêmes conclusions que les auteurs dont je viens de rappeler es travaux. Tout d’abord on serait peut-être tenté de regarder l’ex- tenseur du doigt externe, beaucoup plus étendu que le muscle qui nous occupe, comme l’analogue du long péronier des anthro - potomistes, mais cette analogie n’est qu’apparente et tient à l’é- norme accroissement que prennent chez les Quadrupèdes les mé- DOS 7 RUE ARTICLE N° 42, MYOLOGIE DE L HYOEMOSCHUS. 25 tatarsiens. En effet, le muscle dontil s’agit s'insére à la tubérosite externe du tibia et à l’aponévrose jambière ; ilen résulte uneinser- tion assez large et entremêlée de quelques intersections tendi- neuses d’où naissent des fibres quise portent en bas et constituent un faisceau dont le volume diminue progressivement jusqu’à l’origine du tendon. Celui-ci commence vers le milieu de la jambe, contourne la malléole externe, et se place à la face in- terne du tarse ; arrivé au niveau de la pièce cuboïdo-scaphoï- dienne, 1l se réfléchit de dehors en dedans pour s'engager dans un canal ostéofibreux pratiqué à la face inférieure de cette pièce et s'attache à la tête du métatarsien externe. Il est impossible de n'être pas frappé de l’analogie réelle qui existe entre ce muscle et le court péronier de l'homme. L'ana- logie devient surtout frappante lorsque le tendon va s'engager dans le canal tarsien. Ici même cette gouttière est bien plus com- plète que chez l’homme ; elle est presque purement osseuse, et ce n’est qu'en burinant l'os que l’on peut arriver à l'insertion inférieure du muscle. D’ailleurs les détails dans lesquels je me suis permis d'entrer au sujet des analogies de ce muscle, sont en complet accord avec ce que Meckel nous apprend sur l'anatomie comparée des péromiers (4). | Chez l’homme, le long péronier abaisse le bord externe du pied, en même temps qu’il étend faiblement ce segment. Ces parties ayant subi chez les animaux des modifications importan- tes, on remarquele même changement dans le rôle de leurs mus- cles. Chez l’Hyæmoschus, c'est presque uniquement comme flé- chisseur du pied qu'agit le muscle que je décris ; aussi, ayant égard à ce mode d’action, ai-je cru devoir le désigner sous lenom qu'il porte dans ce chapitre. 2° Fléchisseur antérièur du métatarse (2).— Ce muscle, assez puissant et dont l’action s’ajoute à celle du suivant, est congénère de l’extenseur des orteils et se confond avec lui pendant la plus grande partie de son trajet. Attaché supérieurement à la portion inférieure du fémur, il prend son insertion mobile à la région (4) Meckel, Anatomie comparée, t. VI, p. 412. Cie noce 10 nous" 26 J. CHATIN. supérieure et médiane du métatarse, en dehors du fléchisseur interne de ce segment. 3° Fléchisseur interne du métatarse (1). — Ce muscle s’insère supérieurement à la tête du péroné et à la tubérosité antérieure du tibia (le tendon de l’extenseur commun passe entre ces deux insertions) ; aussitôt naît son corps charnu fortement déprimé de dehors en dedans et formant ainsi une gouttière dans laquelle se loge l’extenseur commun des orteils.— Il est en rapport : en de- dans, avec le tibia ; en dehors, avec l’extenseur commun, et en avant avec l’aponévrose et la peau. C’est l’analogue du tibial anté- rieur qui, chez la plupart des animaux, naît ainsi de deux fais- ceaux d'origine. Il est assez dissemblable chez le Cervus mexi- canus comparé à l'Hyæmoschus. C. Muscles des doigts du pied postérieur. — Les muscles des orteils sont au nombre de onze : 4° L'extenseur commun ; 2° L’extenseur propre du petit doigt externe ; 3° L’extenseur propre du grand doigt externe ; h° Le fléchisseur superficiel ou perforé ; 5° Le fléchisseur profond ou perforant; 6° Le fléchisseur oblique des doigts ; 7° Le muscle pédieux ; 8° Les interosseux. 1° Extenseur commun des doigts (2). — Ce muscle, le plus volumineux de ceux qui se trouvent à la région antérieure de la jambe, naît dans la fossette externe du fémur par un tendon puissant qui traverse lapartie supérieure du fléchisseur interne du métatarse ; il est représenté par une forte masse charnue qui de- vient tendineuse lorsqu'elle s'engage dans le ligament annulaire du tarse. Les tendons terminaux (3) sont, comme chez le Porc, au nombre de quatre. Ils se rendent aux phalanges unguéales (4) Fig. 7, n°48. ()hFie 1, n°16 fig. 07, n°176540 n°02; (3) Fig. 7, n° 146; fig. 10, n° 3: ARTICLE N° 12. MYOLOGIE DE L'HYOEMOSCHUS. 25 des quatre doigts, tandis que chez le Cervus mexicanus ils sont au nombre de deux (pour les deux grands doigts). Il est en rapport : en dedans, avec le fléchisséur interne du métatarse ; en dehors, avec les analogues des péroniers; en avant, avec l’aponévrose et la peau; en arrière, avec les os. Il étend les phalanges et fléchit le jarret. 2°-Extenseur propre du petit doigt externe (1). — Inséré à la tête du péroné, ce muscle se transforme, à l’union du tiers supé- rieur de la jambe avec ses deux tiers inférieurs, en un tendon long et grêle qui glisse dans la gaîne tarsienne et va s’attacher à la base de la seconde phalange du petit doigt externe. Il est en rapport avec l’extenseur du grand doigt externe, le fléchisseur externe du métacarpe, les muscles de la région jambière posté- rieure, etc. Il n’est point aisé d'établir l'analogie de ce musele, cependant c’est à l’un des faisceaux du long extenseur qu’il convient de le rapporter. Certains auteurs l’ont décrit comme un troisième péro- nier, dénomination assez juste, carelle rappelle au moins les rap- ports et la situation de ce muscle. Il manque chez le Daim, mais le Porc le présente comme l’Hyæmoschus. 3° Extenseur du grand doigt externe (2). — Analogue du court péronier de l’homme, ce muscle s'attache au ligament externe de l'articulation fémoro-tibiale et à la partie supérieure de la jambe. Son tendon passe avec celui du précédent dans une gaine située au côté externe du tarse pour gagner la face antérieure du pied et se terminer à la seconde phalange du grand doigtexterne, ainsi que cela a lieu dans les Poreins. Recouvert, comme l’extenseur du petit doigt, par le long vaste et le fléchisseur du métatarse, il est en rapport en arrière avec les muscles du tendon d'Achille ; au métatarse, son tendon est sous- cutané. h° Fléchisseur superficiel ou perforé des doigts (3). — Ce mus- cle, que les auteurs vétérinaires considèrent avec raison comme (1) Fig. 7, n° 43; fig. 10, n° 6. (2) Fig. 7, n° 41 ; fig. 10, n° 4. (3) Fig. 10, n° 40. 928 JS. CHATIN, formé du fléchisseur commun des orteils et du plantaire grêle de l’homme (1), ne consiste, chez les Solipèdes, qu’en une longue corde tendineuse charnue supérieurement. Mais, dans le Cervus mexicanus, il est beaucoup plus épais, ce qui concorde avec ce que l’on sait sur sa texture dans les Ruminants domestiques; ce volume est encore exagéré chez l’Hyæmoschus. Il s'attache à la fosse sus-condylienne externe, passe derrière l'articulation fémoro-tibiale ets’accole aux jumeaux ; à la partiein- férieure de la jambe naît un tendon quiestantérieur, puis externe, puis postérieur à celui des jumeaux, gagne le sommet du calca- néum, et s’y élargit considérablement en formant une sorte de cupule qui embrasse en arrière l’os du talon. La surface de ce dernier porte une synoviale destinée à favoriser le glissement ; ce tendon (2) longe ensuite la face postérieure du métatarse, et arrive enfin aux orteils, où 1l se comporte comme le tendon du fléchisseur superficiel au membre antérieur ; il se perfore en effet pour le passage du fléchisseur profond et se termine à la phalange moyenne des deux grands doigts. Je dois ajouter qu’au niveau de l'articulation métatarso-phalangienne, 1l envoie une petite bride cellulo-fibreuse aux deux petits tendons latéraux qui, du fléchisseur perforant, se rendent aux doigts rudimentaires. L'action du perforé peut ainsi déterminer une légère flexion des petits doigts. À la jambe, ce muscle est en rapport : en avant, avec le so- léaireet les muscles de la région antérieure ; en arrière, avec les jumeaux. Au pied, son tendon, recouvert par la peau, recouvre le tendon du perlorant, avec lequel son principal rapport vient d’être décrit. il fléchit les deux premières phalanges et concourt à l'exten— sion du jarret. 5° Fléchisseur profond ou perforant des doigis (3). —- Ce muscle qui, comme le précédent et le suivant, occupe la partie posté- (4) Chez les animaux domestiques, Gurlt décrit comme plantaire grêle l’analogue du muscle qui porte ici le nom de soléaire, (2)MFig. 7; n°149; @) DES MTS te 7 ne ARTICLE N° 42. MYOLOGIE DE L'HYOEMOSCHUS. 29 rieure de la jambe et du pied, naît par plusieurs imsertions à la face postérieure et à l'extrémité supérieure du tibia. Ilen résulte deux corps charnus assez inégaux (le plus volumineux est celui qui nait de la face postérieure du tibia), dont les tendons se réu- nissent au-dessus de l'articulation tibio-tarsienne pour former une large corde tendineuse qui glisse dans une gaîne fibreuse et se trouve renforcée, vers le milieu du métatarse, par le tendon du fléchisseur oblique. Cette large bandelette blanchâtre se sub- divise bientôt en quatre tendons qui se rendent aux différents doigts en se comportant, pour ce qui est des deux médians, comme le fléchisseur perforant du membre thoracique. ILest en rapport : en dehors, avec le soléaire ; en dedans, avec Je fléchisseur oblique des doigts qui le recouvre en arrière ; antérieurement, 1l est appliqué sur les os de la jambe. La biidité supérieure du fléchisseur perforant s'explique aisé- ment lorsque l’on sait quels sont ses analogues chez l’homme, Dans l’espèce humaine, en effet, il est représenté par deux mus- cles distincts et séparés, qui sont le jambier postérieur et le long fléchisseur du gros orteil. Cuvier (4) avait conclu à l'absence dece muscle chez tous les Mammifères à canon ; il y existe cependant, mais soudé au long fléchisseur du gros orteil. M. Chauveau (2) fait mème observer que ces deux muscles sont plus distincts chez les Ruminants que chez les Solipèdes, ce qui concorde avec ce qui ma été offert par le Cervus mexicanus. La partie de ce muscle quicorrespond au « jambier postérieur » est cette portion lusiforme attachée à la tubérosité externe du tibia et entourée par une autre masse charnue d’un volume plus considérable et s’in- sérant à la partie postérieure de la jambe (3); elle représente le « long fléchisseur du gros orteil ». Il fléchit les phalanges les unes sur les autres et sur le méta- tarse; quelques petites brides se rendant de ses tendons à ceux du perforé établissent une sorte de communauté dans l’action de ces deux muscles (ceci s'applique surtout aux petits doigts latéraux). (4) Cuvier, Anatomie comparée, t. 1, p. 341. (2) Chauveau, Anatomie comparée des animaux domestiques. (3) Ligament interosseux, etc. 50 J. CHATIN. 6° Fléchisseur oblique des doigts (1). — Situé entre le poplité en dedans et les deux portions du perforant en dehors, il se di- rige de haut en bas et de dehors en dedans, de telle sorte que l’on peut représenter son trajet à la jambe par une ligne qui, de la portion supérieure et externe de ce segment, se rendrait à la face interne du calcanéum. Analogue au «long fléchisseur com- mun des orteils » des anthropotomistes, il correspond au « péro- néo-phalangien » des auteurs vétérinaires. fl s’insère à la partie postérieure du péroné et du tibia; à son corps succède, vers le milieu de la jambe, un tendon prismatique qui descend en dedans du calcanéum, où il se loge dans une cou- lisse spéciale ostéofibreuse située au côté interne du tarse; ce tendon se rapproche enfin de celui du perforant et s’y accole au milieu du métatarse. Ses rapports sont les suivants : en dedans, avec le pophité ; en dehors et en avant, avec le perforant ; en arrière, avec les muscles de la couche superficielle. Son rôle est indiqué par son mode de terminaison : il augmente l’action du perforant. Chez le Daim, le Cerf, etc., la réunion de son tendon à celui du fléchisseur perforant a lieu plus bas que dans l’Zyæ- moschus. 7° Muscle pédieux (2). — Les Cervidés et autres animaux voi- sins présentent un petit muscle qui, par sa situation et son mode d'action, doit être assimilé au «pédieux » des anthropotomistes, dont il diffère par sa forme et sa terminaison. Ce n'est, en effet, qu'un petit ruban muscuieux attaché supérieurement à la partie antérieure du calcanéum et se terminant sur le tendon de l’ex- tenseur commun. Les Cerfs, etc., présentent ainsi les mêmes caractères que les Ruminants domestiques ; chez l’'Hyæmoschus, au contraire, le muscle pédieux est plus volumineux, bifide infé- rieurement, et par conséquent semblable à celui du Porc.— Re- couvert par lestendons qui se voient à la face antérieure du pied, il concourt faiblement à l'extension de cette partie. (4) Fig. 4, n° 5. (2) Fig. 40, n° 4. ARTICLE N° 42. MYOLOGIE DE L HYOEMOSCHUS. a 8° Muscles interosseux (1). — Au nombre de quatre comme au membre antérieur, les interosseux prennent leurs insertions fixes sur les faces postérieures des métatarsiens, et se terminent inférieurement à la première phalange du doigt correspondant. Ils affectent les mêmes dispositions que leurs analogues pré- sentent chez le Porc, le Sanglier, etc. , et sont recouverts par une membrane fibreuse et par les tendons des fléchisseurs perforant et perforé. 8 IV. Au début de cette note, m'appuyant presque exclusivement sur des notions ostéologiques, je rappelais les nombreux points de contact qui unissent l'Æyæmoschus aux Porcins. Les recherches myologiques dont je viens de présenter les résultats me conduisent à la même conclusion. Ce n’est donc pas au dernier rang des Ru- minants, mais bien en tête des Pachydermes, auprès des Suidés, qu'il convient de placer la «Biche-cochon » d'Afrique, puisque non-seulement dans le mode de terminaison des principaux mus- cles des membres, mais encore dans l’agencement des masses charnues les plusimportantes, onconstatel’analogie la plus grande entre les Porcins et l’animal à l’histoire anatomique duquel j'ai essayé d'ajouter quelques lignes. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHES 7, 8 ET 9. Fig. 4. Muscles de la cuisse, couche superficielle et externe. — 1, tenseur du fascia lata ; 2, aponévrose crurale; 3, long vaste. Fig. 2, Muscles de la cuisse vus par la face interne. — 1, vaste interne; 9, long adducteur; 3, triangle où passent les vaisseaux fémoraux; 4, pectiné; 5, long adducteur ; 6, aponévrose jambière. Fig. 3. Muscles de la cuisse, face externe (le long vaste est enlevé). — 4, demi- membraneux; 2, demi-tendineux; 3, vaste externe; 4, tenseur du fascia lata ; 9, carré crural ; 6, ilio-spinal ; 7, jumeaux de la jambe. Fig. 4. Muscles de la jambe, face interne. — 4, vaste interne; 2, demi-tendineux ; 3, jumeaux de la jambe; 4, fléchisseur perforant des phalanges; 5, fléchisseur oblique des phalanges; 6, corps charnus de l’extenseur commun des phalanges et du fléchisseur antérieur du métatarse; 7, tendon de l’extenseur commun; 8, tendon du fléchisseur antérieur du métatarse; 9, tendon du fléchisseur interne du métatarse. (1) Fig, 9, nos 4, 2, 3, 4. a J. CHATEN. Fig. 5. Muscles de la région antibrachiale postérieure. — 14, aponévrose brachiale; 2, gros extenseur; 3, extenseur profond; 4, grand extenseur de l’avant-bras; 5, flé- chisseur interne du métacarpe; 6, fléchisseur oblique du métacarpe; 7, fléchisseur externe du métacarpe; 8, corps externe du fléchisseur perforé des phalanges ; 9, ses deux tendons; 410, leur terminaison; 14, corps charnu du fléchisseur perfo- rant ; 12, ses quatre tendons terminaux. Fig. 6. Muscles du bras vus par la face antérieure. — 1, portion interne du sus- épineux (sa portion externe a été reséquée pour montrer l’origine du suivant) ; 2, long fléchisseur de l’avant-bras ; 3, son tendon supérieur glissant dans la coulisse bicipitale ; 4, son insertion inférieure; 5, abducteur du bras; 6, court fléchisseur de l’avant-bras; 7, gros extenseur du métacarpe; 8, articulation scapulo-humérale ; 9, bumérus; 40, os de l’avant-bras. Fig. 7. Muscles de la jambe, face exterue. — 4, demi-membraneux; 2, demi- tendineux ; 3, vaste externe ; 4, tendon rotulien ; 5, jumeaux ; 6, tendon d’Achille ; 7, soléaire; 8, fléchisseur profond; 9, fléchisseur externe du métatarse ; 10, son tendon d'insertion inférieure; 41, extenseur du grand doigt externe ; 12, son tendon; 43, extenseur du petit doigt externe; 44, son tendon ; 15, gaine dans laquelle glissent les deux tendons précédents; 16, tendon de l’extenseur commun qui va au petit doigt externe; 47 extenseur commun; 18, fléchisseur interne du métatarse ; 49, tendon du fléchisseur commun superficiel. Fig. 8. Muscles de l’avant-bras, face antéro-externe, — 1, fléchisseur externe du métacarpe; 2, extenseur du petit doigt externe; 3, extenseur du grand doigt externe; 4, extenseur commun naissant par deux corps charnus; 5, gros extenseur du métacarpe ; 6, extenseur grêle du métacarpe ; 7, adducteur. Fis. 9. Muscles propres du pied poslérieur. — a, calcanéum vu par sa face infé- rieure ; 4, 2, 3, 4, muscles interosseux (les numéros partent du côté interne du pied) ; 5, 6, tendons fléchisseurs des grands doigts. Fie. 40. Muscles et tendons du pied postérieur vu par la face antéro-externe, — 4, muscle pédieux s’insérant au calcanéum et se terminant à un tendon de l’ex- tenseur commun; 2, extenseur commun; 3, ses tendons; 4, extenseur du grand doigt externe; 5, son tendon; 6, extenseur du petit doigt externe ; 7, son tendon; 8, fléchisseur antérieur du métatarse; 9, jumeaux de la jambe; 40, fléchisseur superficiel des orteils, Fig. 11. Muscles propres du pied antérieur, face inféro-postérieure. — 1, court fléchisseur du petit doigt externe ; 2, 3, 4, 5, interosseux; 6, lombrical; 7, fléchis- seur oblique du métacarpe ; 8, fléchisseur externe du métacarpe; 9, fléchisseur superficiel des phalanges coupé au niveau du métacarpe; 40, fléchisseur profond également sectionné ; 44, 42, tendons fléchisseurs. ARTICLE N° 4% MÉMOIRE SUR LE VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX, Par M. MAREY. 2e Mémoire (1). CHAPITRE PREMIER. CUMPARAISON DE L’INSECTE ET DE L'OISEAU AU POINT DE VUE DU MÉCANISME DU VOL. Différences de la trajectoire de l’aile chez lInsecte et chez l'Oiseau. — Différences anatomiques en rapport avec les différentes fonctions de l’aile chez l’Insecte et chez l’Oiseau. — De l’utilisation inégale de la résistance de l’air par l’Insecte et par l’Oiseau. Comparaison de l’Insecte et de l'Oiseau au point de vue du me- canisme du vol. — Nous connaissons assez les mouvements que l’Insecte et l'Oiseau exécutent dans le vol, pour pouvoir établir une Comparaison entre leurs façons de voler; nous aurons à signaler des différences bien tranchées. Toutefois la classe des Insectes présente de telles variétés dans la structure des ailes et dans le fonctionnement de ces organes, qu'il est indispensable de bien préciser l'espèce que l’on prendra pour type dans la comparaison qui va être faite. Les Diptères nous fourniront ce type ; c’est chez eux, en effet, que le vol semble, par son mécanisme, s'éloigner le plus de celui de lOiseau, tandis que les Lépidoptères, par la direction presque verticale de leur coup d’aile, par leur faculté de planer dans l'air sans effectuer de mouvements, quelquefois par le parcours de leurs ailes, sem- blent se rapprocher du type du vol qui appartient à l’Oiseau. Une Mouche et un Oiseau, par exemple, nous offrent deux (1) Voy. Annales des sciences naturelles, 1869, t, XII. SC. NAT., JANVIER 1872, ARTICLE N° 13. 45 2 MAREY. modes bien tranchés de locomotion aérienne ; les différences portent sur plusieurs points. Elles portent sur la forme de la trajectoire de l’aile dans l’espace; sur l'inclinaison du plan dans lequel battent les ailes; sur le rôle de chacun des deux mouve- ments alternatifs et de sens inverse que ces ailes exécutent ; enfin sur la facon dont la résistance de l'air se décompose dans ces différents mouvements. Différence des trajectoires de l'aile chez l’Insecte et chez l'Oiseau. — On a vu que si l'aile d’un Insecte est munie d’une paillette brillante, on peut suivre des yeux la trajectoire qu’elle décrit Fic. 4. — Trajectoire de l’aile d’une Mouche. dans l’espace; le parcours de cet organe se traduit alors (fig. 1) par la forme d’un 8 plus ou moins allongé (4). Chez l'Oiseau, la méthode optique est inapplicable, mais des appareils enregis- treurs spéciaux m'ont fourni la forme du parcours de l'aile ; cette trajectoire présente une sorte d’ellipse à sommet aigu dont la figure 2 fournit la reproduction exacte. Fig. 2, — Trajectoire de l’aile d’une Buse. Si maintenant nous tenons compte de la direction générale dans laquelle s’exécutent les mouvements de l'aile chez les deux (4) Je croyais avoir signalé le premier cet aspect de l'aile de l'Insecte pendant le vol; une réclamation de M. J, Bell Pettigrew, d'Edimbourg, m'a appris que cet auteur avait déjà décrit cette forme du mouvement. Mais on peut voir, dans le travail du physiologiste écossais, que l'interprétation qu'il a donnée de la cause de cette figure optique et de la nature dés mouvements auxquels il l’attribue est tout à fait différente de la théorie que j'ai cherché à établir. (Voy. Comptes rendus, n° 16, 13 avril 4870.) ARTICLE N° 15, VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. à types que nous comparons, une nouvelle différence se présente : l'Insecte bat des ailes dans un plan sensiblement horizontal et l’Oiseau dans un plan presque vertical. De sorte que si nous supposons chacun de ces animaux im- mobile dans l’espace, les trajectoires décrites par leurs ailes seraient, pour leur forme et leur orientation, représentées par les figures 1 et 2. La structure de l'aile de l’Insecte comparée à celle de l'Oiseau faisait déjà prévoir que l’action de ces organes sur l'air ne devait pas être la même. Une aile d'Insecte est également imperméable à l'air, quelle que soit celle de ses faces qui frappe ce fluide; chez l'Oiseau, au contraire, le mode d'imbrication des pennes ne permet à l'aile d'offrir à l’air un plan résistant que par sa face inférieure. « De là deux effets distincts dans le va-et-vient de l'aile : chez l'Insecte, ces deux temps sont actifs l’un et l’autre ; chez l'Oiseau, l'abaissement de l'aile est le seul temps actif. Je ne veux pas dire que pendant sa remontée, l'aile ne serve à rien pour soute- nr l'Oiseau ; mais, ainsi qu’on l’a vu, dans ce deuxième temps du vol, ce n'est plus l'aile qui agit contre l'air, mais c’est l’air qui agit contre l'aile. L'Oiseau, animé d'une vitesse horizontale acquise dans le temps d’abaissement de son aile, présente celle-ci en un plan incliné au moment de sa remontée; il passe alors à l’état de projectile empenné et monte sur l'air par l'effet des surfaces inclinées qu'il offre passivement à la résistance de ce fluide. Si, pour rendre plus saisissante la différence de ces deux facons de voler, nous figurions les trajectoires de l'aile de l’In- secte et de celle de Oiseau lorsqu'ils se meuvent dans l’espace, et si, de plus, nous représentions l'orientation du plan de leurs ailes à différents instants de ce parcours, on obtiendrait les figures à et A. Les différences des deux types de vol me semblent nettement définies par la comparaison de ces deux figures. Cette différence consiste essentiellement en ceci : Chez l'Insecte, un mouvement énergique est également néces- l MAREY. saire pour frapper l'air dans les deux temps de la révolution de l'aile. Chez l’Oiseau, au contraire, un seul temps actif est néces- saire, C’est le temps d’abaissement ; il crée à lui seul toute la force motrice qui sera dépensée pendant la révolution entière de l'aile. Fic. 4. — Trajectoire de l’aile d’un Oiseau qui se transporte horizontalement de droite à gauche (1). Cette différence dans l’action entraîne une différence dans la forme de l’aile, ainsi qu'on va le voir. Diff érences anatomiques en rapport avec les différences de fonc- tion de l'aile chez l'Insecte et lOiseau. — Quand une surface frappe l'air, il faut, pour qu'elle y trouve quelque résistance, que cette surface se meuve avec rapidité, Or, une aile qui se meut autour de son point d’attache au corps de l’animal, pré- sente des vitesses inégales et graduellement croissantes pour les points qui s’éloignent de plus en plus du corps, de sorte que, presque nulle au niveau du point d'attache de l'aile, la vitesse sera très-grande à l’extrémité libre. | (4) Cette figure est celle que laisserait dans l’espace l’aile d’un Oiseau, si elle pou- vait tracer dans l’air une trainée lumineuse. Toutefois, je dois faire des réserves au sujet du sens des mouvements de l’aile, qui m'a paru varier dans certaines conditions. Il m'a paru plus naturel, pour l’intelli- gence du mouvement, d’imiter ce qui arriverait si l’Oiseau frôlait de son aile un plan qui garderait la trace de ses passages. Le tracé obtenu fuirait derrière l’Oiseau comme fuit le rivage derrière une barque qui descend le cours d’une rivière. ARTICLE N° 43. Æ VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. ®) Qu'on se figure une aile d’Insecte aussi large à sa base qu’à son extrémité; cetle largeur serait inutile dans la partie la plus voisine du corps, car l'aile, en ce point, a trop peu de vitesse pour frapper Pair utilement. Aussi voit-on, chez les Insectes appartenant au groupe que nous étudions en ce moment, l’aile réduite, vers sa base, à une forte nervure. Le voile membraneux ne commence que dans les FiG., 5, — Aile d'un Insecte, points où la vitesse du mouvement commence elle-même à prendre quelque valeur, et le voile gagne en largeur jusque dans le voisinage de l'extrémité. Tel est (fig. 5) le type de l'aile essentiellement active, c’est-à-dire destinée seulement à frapper l'air. Mais, chez l'Oiseau, nous l'avons vu, l'aile a aussi un rôle pas- sif, c'est-à-dire qu’elle subit la pression de l’air sur sa face infé- rieure, lorsque l’Oiseau est projeté rapidement en avant par sa vitesse acquise. Dans ces conditions, l'animal tout entier étant transporté dans l’espace, tous les points de son aile sont animés de la même vitesse; les régions voisines du corps sont aussi uti- lisables que les autres pour subir la poussée de l'air qui agit comme sur un cerf-volant. FiG. 6. — Partie active et partie passive de l’aile de l’Oiseau. Aussi la base de l'aile, chez l'Oiseau, loin de se réduire, comme chez l’Insecte, à une tige rigide mais nue, est-elle très-large et m unie de pennes et de couvertures qui constituent une grande 6 MAREY. surface sous laquelle l'air presse avec force et d’une manière très-efficace pour soutenir l'Oiseau. La figure 6 donne une idée de cette disposition de l'aile à la fois active et passive d’un Oiseau. La moitié interne, dépourvue de vitesse suffisante, doit être considérée comme la partie passive de l’organe, tandis que la moitié externe est la partie active, celle qui frappe sur l'air. On comprend ainsi que, par sa vitesse très-grande, la pointe de l'aile doive rencontrer dans l’air plus de résistance que toute autre partie de cet organe : de là l’extrème rigidité des pennes dont elle est formée ; de là aussi la faiblesse de plus en plus grande de ces pennes dans les parties de l'aile plus voismes du corps; et enfin la minceur très-grande des plumes de la base ou partie passive de l'aile. Enfin, en observant l’inclinaison que doit présenter l'aile d'un Oiseau dans le temps actif et dans le temps passif, on voit que cette inclinaison doit être inverse dans l’un ou l’autre temps. Dans le temps actif ou d’abaissement, la face supérieure de l'aile doit regarder en avant: dans le temps passif ou de remontée, cette même face doit regarder en arrière. Or, les deux moitiés de l’aile présentent anatomiquement une différence d'mclinai- son qui s'accorde avec le rôle particulier de chacune d’elles. La partie passive tourne naturellement sa face inférieure en avant; elle se trouve orientée favorablement pour subir l’action de l'air par sa face inférieure, soit sous l'influence du vent, soit par l'effet de la vitesse de translation de l’Oiseau (1). La partie active, au contraire, présente naturellement une orientation différente. Son plan est presque horizontal, et, pour peu que la résistance de l’air se produise au-dessous de ce point, le bord postérieur se soulève et la face inférieure regarde en arrière. Cet effet donne à l’aile une surface gauche qui semble faire partie d’une hélice sans que rien dans le mode d'action de l’aile permette de l’assimiler à l’hélice au point de vue du mécanisme de la propulsion (2). (4) Tout porte à croire que la partie interne de l'aile de l'Oiseau doit garder son role passif, même pendant le moment de l’abaissement de l’aile. (2) M. Pettigrew, d’Edimbourg, frappé de cette apparence de l'aile, a pensé que le ARTICLE N° 13. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 7 Les différentes espèces d’Oiseaux n’offrent pas au même degré cette torsion du plan de l'aile. Ainsi, les Oiseaux qu'on nomme voiliers, parce que, plus que les autres, ils utilisent l’action du vent, n’ont pas une aile aussi tordue en spirale que les Oiseaux dits rameurs, qui frappent l’air d’une manière presque contmue. Enfin, cette torsion, d’après M. Pettigrew, serait à son maxi- mum dans les espèces aquatiques qui volent sous l’eau, comme le Pingouin. Chez cette espèce d’Oiseau, la torsion complète de l'aile se trouve en rapport avec la condition toute particulière dans laquelle le vol s'exécute. Plus léger que le fluide dans lequel il vole, le Pingouin doit trouver dans l’inclinaison de son aile une force qui le fasse plon- ser malgré l'effet de sa légèreté spécifique, tandis que les autres Oiseaux doivent, par une inclinaison de sens inverse, s'élever, malgré leur poids, au-dessus d’un fluide beaucoup mois dense que leur corps. De l'utilisation inégale de la résistance de l'air par l’Insecte et par l’Oiseau.— Sans pouvoir encore aborder l’équation du tra- vail développé par l’Oiseau ou par l’Insecte, nous pouvons faire entre leurs façons de voler une comparaison intéressante. Nous pouvons chercher quel est celui de ces deux types du vol qui utilise le mieux le point d'appui que l’air lui offre. A ce point de vue, je crois qu’on peut démontrer que l'avantage appartient à l'Oiseau. En effet, reportons-nous aux figures 3 et L qui représentent la trajectoire de l’aile chez l'Insecte et chez l'Oiseau. Nous voyons que dans sa position ordinaire de vol, l’Insecte bat des ailes dans un plan presque horizontal, et que la composante qui le soutient et le propulse est une partie seulement de la résis- rôle de cet organe n’est autre que celui d’une hélice qui agirait sur l’air comme agit sur l’eau l’hélice d’un bateau à vapeur. Mais on comprend que le type alternatif qui appartient aux mouvements musculaires ne saurait se prêter à produire l’action pro- pulsive d’une hélice; car, s’il est vrai que l'aile pivote sur son axe et change de plan pendant son parcours, cette rotation se borne à une fraction de tour et est suivie d’une rotation de sens inverse qui, dans le cas du mouvement d’une hélice, détruirait com- plétement l'effet produit par le mouvement précédent, 8 MAREY. tance de l’air. Or, que devient l’autre partie? Cette seconde com- posante, dirigée contrairement au sens du mouvement de l'aile, aura pour effet de fournir à cet organe un point d'appui pour déplacer latéralement le corps de l'nsecte. Dans le coup d’aile suivant, le même phénomène va se reproduire, la composante verticale sera seule utilisée pour la translation de l’'Insecte, tan- dis que la composante horizontale tendra à déplacer latéralement le corps de l’animal. Mais, cette fois, le déplacement devrait être en sens inverse du déplacement précédent. On voit déjà que sur les deux composantes que chacun des coups d’aile de l’Insecte emprunte à la résistance de l'air, il n'y en a qu’une qui soit utilisée, l’autre tend seulement à produire des vibrations latérales du corps de l’animal. Mais ces vibrations n'existent même pas en réalité; en effet, quand on observe, planant sur une fleur, certaines mouches à corps brillant, on voit que tandis que leurs ailes s’agitent avec une extrême rapidité, leur corps reste parfaitement immobile. L'œil peut saisir les moindres détails de la structure de l’Insecte, tandis qu'il ne le verrait que d’une manière confuse et avec des contours vagues s’il était animé de vibrations latérales. ILest facile de comprendre pourquoi ces vibrations n'existent pas. Cela tient à l'extrême rapidité des battements des ailes, à la flexibilité de ces organes, et à l’inertie de la petite masse que représente le corps de l'Insecte. L’aile d’une Mouche, qui fait 530 révolutions par seconde, exécute par conséquent 660 oscil- lations simples; elle devrait, à chaque fois, imprimer une déviation latérale au corps de l’Insecte et détruire la vitesse acquise que loscillation précédente lui avait donnée en sens contraire. Or, toutes les fois qu'une tige flexible, chargée d’une masse à son extrémité, est sollicitée à exécuter des oscillations, on voit que ces oscillations perdent de leur amplitude à mesure que leur fréquence augmente, et qu’à un moment donné il ne se produit plus que des flexions alternatives de la tige, la masse restant immobile. Le même phénomène se produit chez l’Insecte pour éteindre les oscillations latérales auxquelles son corps serait SOUMIS. ARTICLE N° 43. ï VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 9 Quelle est la valeur de la composante empruntée à la résis- tance de l'air et utilisée pour la locomotion de l’Insecte ? Cela dépend évidemment de l'angle que fait le plan de l'aile, à chaque instant, avec la direction de son parcours. Cette ques- tion est done une de celles dont les éléments sont beaucoup trop complexes pour qu'on puisse en chercher actuellement la solu- tion. Nous serons obligé de faire une hypothèse, et d'admettre que les deux composantes empruntées à la résistance de l'air sont égales entre elles. Dès lors nous caractériserons le type du vol employé par l'Insecte en disant qu'il n'utilise que 50 pour 100 de résistance que l'air lui fournit. Fié, 7.— Représentant la position de l'aile au:moment de l’abaissement (temps actif). La ligne oblique tracée sur cette figure indique l’inclinaison du plan de l'aile pendant la descente, Fic. 8, — Représentant l’inclinaison de l’aile dans le temps passif ou de remontée, Voyons maintenant ce qui se passe chez l'Oiseau. Les figures 7 et 8 indiquent les positions successives que prend le plan de son aile. Un seul temps est actif dans la révolution de l’aile de l’Oiseau, c'est le temps d’abaissement. Nous n’aurons donc que celui-là à considérer. Dans l’abaissement de l'aile, le plan oblique qui frappe l'air en décompose la résistance, de facon qu'il se pro- 10 MAREY. duise une composante verticale qui lutte contre la pesanteur et une composante horizontale qui imprime la vitesse au corps de l'Oiseau. Or, il est clair que la composante verticale est utilisée, puis- qu'elle sert à soutenir l’Oiseau contre la pesanteur. Il n’est pas moins évident que la composante horizontale n’est pas perdue, mais qu'elle est emmagasinée sous forme de force vive dans la masse de l'Oiseau, pour être utilisée, à son tour, pendant la remontée de l'aile, par l'effet de cerf-volant. Si la composante horizontale était restituée tout entière, on comprend que le type de l’Oiseau serait deux fois plus avantageux que celui de l’Insecte, et qu'il utiliserait toute la résistance de l'air. Mais cette composante horizontale qui donne à l’Oiseau la vitesse, subit à son tour une décomposition, et cette fois ne s'utilise pas tout entière pour devenir force ascensionnelle. La résistance de l'air devant l'aile inclinée en cerf-volant (fig. 8) donne une composante verticale qui lutte contre la pesanteur, celle-là est utilisée; et une composante horizontale directement opposée à la translation de l’Oiseau, et entièrement inutile. On voit que le coup actif de l'aile utilise une de ses compo- santes empruntées à la résistance de l’air, au moment même où ce coup se produit, et qu'il emmagasine la deuxième composante dont une partie seulement sera utilisée plus tard. Admettons pour le partage des forces ce que nous avons admis pour l'In- secte, à savoir, que dans cette décomposition les composantes seront égales entre elles, et nous verrons que l'Oiseau utilise contre la pesanteur 75 pour 160 de sa résistance que lui fournit l'air, tandis que l’Insecte n’en utiliserait que 50 pour 100. Le type du vol effectué par l’Oiseau est done théoriquement préfé- _rable à celui de l’Insecte, puisqu'il présente deux fois moins de déchet de la résistance de l'air. Mais n'oublions pas que tout le raisonnement qui conduit à cette conclusion repose sur une hypothèse, à savoir, que devant un plan incliné, la résistance de l’air se décompose également en deux forces perpendiculaires l'une à l'autre. ARTICLE N° 13. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 11 I est clair que devant certaine inclinaison du plan qui frappe l’air, la décomposition de la résistance peut se faire ainsi en deux forces égales; mais comme on ne sait pas encore quel est précisément l'angle sous lequel l'aile se présente à chaque instant à la résistance de l'air, il s'ensuit que l’appréciation que nous venons de tenter est purement approximative, jusqu'à ce que, pour lui donner plus de rigueur, on soit arrivé à connaitre plus exactement l'angle formé à chaque instant par le plan de l'aile. CHAPITRE II. TENTATIVE DE REPRODUCTION SYNTHÉTIQUE DU PHÉNOMÈNE DU VOL DE L'OISEAU, Du partage de la force musculaire entre la résistance de l'air et la masse du éorps de l’Oiseau, — Loi du partage de la force motrice entre diverses résistances inégales. — Synthèse du coup d’aile descendant, — Variation de l'étendue de l’ascension de l’ascendant : 4° suivant le poids à soulever ; 2° suivant l'intensité de la force motrice ; 3° suivant l'étendue de la surface des ailes, T'entalives de reproduction synthétique des phénomènes du vol de l'Oiseau. — Après avoir analysé les mouvements de l'aile de l’Insecte, nous avons essayé de reproduire ces mouvements dans un appareil schématique (1). Lamême méthode devra être suivie dans les études sur le vol des Oiseaux ; mais en face de la compli- caiion plus grande du problème, il faut ici procéder avec plus de lenteur et plus de circonspection, Nous essayerons d’abord de bien comprendre la nature et les conditions mécaniques d’un des actes exécutés par l'Oiseau dans le vol ; nous tenterons de reproduire cet acte, puis d’autres successivement, jusqu’à ce que nous puissions employer la méthode qui seule peut nous permettre de reproduire dans son ensemble la locomotion aérienne. Pour donner dès maintenant un aperçu de cette méthode, disons qu’elle consistera à placer un Oiseau dans des conditions telles que tous les mouvements qu’il exécute nous soient fidè- lement transmis par des enregistreurs. On placera ensuite l'ap- (4) Voyez le premier mémoire (Ann, se, nat., t, XI). 12 MAREY. pareil schématique dans les conditions où tout à l'heure se trou- vait l’Oiseau véritable, et l’on recevra également le signal de tous les mouvements qu'il produit. Dès lors la marche à suivre sera nettement tracée; 1l s'agira de corriger sans cesse le méca- nisme arlificiel jusqu’à ce que, se rapprochant de plus en plus de la machine vivante, il finisse par en imiter la fonction d’une manière satisfaisante. Ainsi, dans ces expériences, on devra pas- ser continuellement de l'analyse à la synthèse; il faudra en quel- que sorte procéder comme le copiste qui veut reproduire un tableau, et qui pour cela passe incessamment de l'étude du mo- dèle à la correction de son œuvre jusqu'à ce qu'il la trouve assez achevée. Cela dit, revenons à notre programme plus restreint, et voyons comment, dans l’abaissement de son aile, l’Oiseau trouve sur l'air un point d'appui qui lui permette de mouvoir la masse de sou corps. Trois facteurs sont à considérer dans ce problème : la force engendrée, le point d'appui et la résistance à vaincre. Du partage de la force musculaire entre la résistance de l'air et lamasse du corps de l'Oiseau. — Lorsqu'en physiologie on cherche à estimer le travail qu'un musele peut exécuter, on le considère comme fixé à l’une de ses attaches d'une façon absolue, et l'on apprécie l'étendue du parcours de l'extrémité mobile de ce muscle. Si l’on connaît, d’une part, le poids que ce muscle soulève ainsi, en se contractant, et, d'autre part, le parcours qu'il imprime à ce poids, on a les deux éléments de la mesure du travail effectif. Mais ce sont là des conditions idéales que la locomotion terrestre présente à peine ; on ne les observe plus chez les animaux qui se meuvent dans l’eau et surtout chez ceux qui volent dans l'air. Que l’on compare seulement l'effort nécessaire pour marcher sur un sol meuble, sur le sable des dunes, par exemple, avec celui qu’exige la marche sur un plan résistant. On verra que la mobilité du point d'appui fourni par le sable détruit une partie de l'effet utile de la contraction de nos muscles ; en d’autres termes, qu'il faut un effort notablement plus grand pour produire ARTICLE N° 15. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 15 le même travail utile, quand le point d'appui n'est pas résis- tant. Cette consommation de travail est facile à comprendre et même à mesurer. Lorsqu'un marcheur appuie l'un des pieds sur le sol, la jambe correspondante, un peu fléchie, se redresse bientôt et repousse à la fois le sol par en bas et la masse du corps par en haut. Si le sol résiste entièrement à cette pression, tout le mouvement produit se fera du côté du tronc qui sera soulevé à une certaine hauteur, à 15 centimètres par exemple. Mais si le sol s'enfonce de 5 centimètres sous la pression du pied, il est clair que le corps ne sera plus soulevé qu'à une hauteur de 10 centimètres, et que le travail utile subira par ce fait un déchet d’un tiers. L'enfoncement du sol sous le pied constitue bien certainement un travail, d'après la définition mécanique de ce mot. En effet, le sol, en cédant, présente une certaine résistance ; c’est cette résistance qui doit être mulhipliée par l'étendue dont le sol s’est affaissé pour donner la mesure et la valeur du travail accompli en ce sens. Mais c’est un travail tout à fait mutile pour la loco- motion que celui-là; c’est un déchet de la force motrice dépensée. Lorsqu'un Poisson frappe l’eau de sa queue pour se propulser en avant, 1l exécute un double travail : une partie a pour effet de chasser derrière lui une certaine masse d’eau avec une cer- taine vitesse, et l’autre pousse son corps, malgré les résistances du fluide environnant. Ce dernier travail est seul utilisé; il serait bien plus considérable si la queue de l’animal rencontrait, au lieu de l'eau qui fuit derrière elle, un point d'appui solide et résistant. Presque tous les propulseurs employés par la navigation su- bissent ce déchet de travail qui tient à la mobilité du point d’ap- pui. C'est ce déchet qu’on évite avec grand profit, dans le fouage, en faisant agir la machine motrice sur une chaîne qui est immergée dans le canal et fournit un point d'appui d’une fixité à peu près absolue. L'Oiseau se trouve dans des conditions particulièrement dé- il MAREY. favorables ; son aile qui, si elle agissait sur un appui solide, sou- lèverait, en se raccourcissant, la masse du corps à une grande hauteur, n’imprime à celle-ci qu'une légère ascension, ainsi qu’on l’a vu dans des expériences précédemment exposées. Loi du partage de la force motrice entre deux résistances iné- gales. — Peut-on mesurer le déchet de la force motrice par la mobilité du point d'appui, et prévoir la quantité de travail utile que donnera un moteur s'appuyant sur l'air? C'est ee qu'il s’agit maintenant d'examiner. Il est un principe établi par Newton et qui domine, pour ainsi dire, toute la mécanique : c’est que l’action est égale à la réaction. Dans le cas qui nous occupe, la force motrice de l'Oiseau pro- duit, par chacun des tendons d'insertion des muscles grands pec- toraux, deux actions égales : l’une a pour effet de déplacer en arrière une certaine masse d'air avec une certaine vitesse, l’autre pousse en sens contraire le corps de l'oiseau, avec une autre vi- tesse. Est-ce à dire que dans ces deux actions 1l y ait une même quantité de travail produit? Nous allons essayer d'examiner cette question. Dégageons-la tout d'abord d'une influence qui la complique et sur laquelle nous reviendrons plus tard : l’inégale longueur du bras de levier sur lequel agissent ia force motrice et la ré- sistance de l'air, et supposons que la force musculaire s’ap- plique directement à soulever la masse du corps et à repousser celle de l'air. La physique nous fournit des exemples de sem- blables partages de force. Ainsi, dans la balistique, la force mo- trice de la poudre, c’est-à-dire la pression des gaz, agit à la fois sur le projecüle et sur la pièce, imprimant à ces deux masses des vitesses de sens contraire. Or, il se fait un partage égal de la quantité de mouvement entre les deux projectiles, de sorte que la masse formée par le canon et son affüt, multipliée par la vitesse de recul qui lui est communiquée, est égale à la masse du projectile multipliée par la vitesse de propulsion qu'il reçoit. Comme le canon pèse beaucoup plus que le boulet, la vitesse ARTICLE N° 43. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 15 de recul du canon est beaucoup plus faible que la vitesse impri- mée au projectile (1). Quant au travail développé par la poudre contre la pièce et contre le boulet, il se partage très-inégalement entre ces deux masses. En effet, le travail engendré par une force vive étant proportionnel au carré de la vitesse de la masse en mouvement 2 UM SE le calcul montre que ce travail, dans le cas où la pièce péserait 300 fois plus que le boulet, serait 300 fois plus grand pour le boulet que pour la pièce. Dans ce calcul, il faut encore admettre que la déflagration de la poudre soit très-rapide et qu'elle se passe d'une manière parfaitement régulière, ce qui n’est pas démontré. Acceptons comme inattaquables les résultats de l'expérience de balistique et des calculs qui ont été faits à ce sujet, puis cher- chons si l’on peut transporter ces calculs au partage de l’action musculaire dans le cas du vol. Il semble que, dans le cas où le moment de l’action du muscle — sa formule est (1) Voici la solution de ce probième donnée par Poncelet, Introduction à la méca- nique industrielle, page 175 : Soit F, à un instant donné, la force motrice qui pousse en avant le boulet et qui est censée presser, en sens contraire et avec une intensité égale, le fond de l'âme de la pièce; soient P et P/, les poids du boulet et de la pièce y compris son affüt, etc.; soient V et V/ respectivement les petits degrés de vitesse qui leur sont imprimés à un instant quelconque et dans la durée de l’élément de temps £, on aura la proportion ERPE EVENT out PEER Tor, On aura de même, pour la pièce et son allut : RRND EE ERTESOURP NT OT Ainsi : PY=P/V' ou V:V/:: P/: P. …. Par conséquent, les degrés de vitesse imprimés au boulet et à là pièce, dans un temps infiniment petit, sont réciproquement proportionnels au poids de ce boulet et de cette pièce. .. De même, les vitesses finies imprimées à la pièce et au boulet à l'instant où celui-ci a acquis tout son mouvement, sont réciproquement entre elles comme le poids de cette pièce et de ce boulet. 16 MAREY. sur le corps serait le même que celui de la résistance de l'air, l'action du muscle devrait agir également sur la masse du corps et sur celle de l’air. Que, par exemple, à l'instant où la masse du corps est soulevée avec une certaine vitesse, la masse de Pair déplacé devrait recevoir une quantité de mouvement égale à celle de l'oiseau, mais de sens contraire. Synthèse du coup d'aile descendant. — Sans faire une étude plus approfondie des phénomènes physiques qui présentent quelque analogie avec celui qui nous occupe, adressons-nous à la méthode expérimentale, et tentons de reproduire un coup d’aile descendante afin de voir si la réaction de ce mouvement sur l’appareil schématique sera semblable à celle que nous a montrée l’analyse du vol de loiseau. Dans mes premiers essais j'employai des mécanismes assez compliqués pour produire labaissement d’une aile artificielle. J'eus, du reste, dans ces tentatives, un insuecès à peu près com- plet à cause de la difficulté qu’il y a dans ces conditions à pré- voir les effets d’un moteur mécanique destiné à agir contre une résistance mal connue. Je recourus dès lors à la méthode inverse, et j'empruntai le procédé des géomètres, qui, dans certains problèmes d’une solu- tion embarrassante, supposent le problème résolu et remontent ensuite la série des propositions qui s’enchainent jusqu’au point de départ. Supposons done le problème résolu, et admettons que les coups d’aile de notre machine soulèvent sa masse comme les coups d’aile de l’Oiseau soulèvent la masse de son corps. Si la machine pèse: autant qu'un Oiseau d'espèce déterminée, une Buse, par exemple, si les ailes ont la même étendue que celle de la Buse, il semble bien admissible que la même force motrice devra être dépensée de part et d'autre pour produire, dans la machine et chez l’Oiseau, des ascensions de même hauteur. On cherchera ensuite quels effets se produisent suivant qu'on fait varier dans tel ou tel sens le poids de la machine, la surface des ailes ou la force motrice. LABS UE RS ARTICLE N° 15. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 17 Or, pour ce genre d’études il n’est pas besoin d'observer une longuesérie de coups d’aile. Un seul coup d’aile suffit, s’il soulève l’Oiseau ; à plus forte raison le soulèvement se produira-t-1l sous l'influence d’une série de coups d’aile donnés dans des condi- tions semblables. Le docteur Hureau de Villeneuve a essayé déjà, il y a quelques années, de construire des ailes artificielles qu’il adaptait à une monture légère, et qui, par la détente d’un ressort, s’abaissaient brusquement. On voyait, au moment du coup d’aile, le système tout entier sauter en l’air à une certaine hauteur. C’est à une disposition de ce genre que nous aurons recours ; et de plus, dans la série d'expériences que nous allons exécuter, nous aurons soin de tenir un compte exact des surfaces qui agi- ront sur l'air, des forces qui mettront ces surfaces en mouve- ment, des poids qui seront soulevés, enfin des hauteursauxquelles ce soulèvement se fera. Pour ce dernier résultat, la méthode graphique sera d'une très-grande utilité. La figure 9 représente la disposition que j'ai adoptée pour simuler les conditions du phénomène qu'il s’agit de reproduire. De chaque côté, se voient des ailes aa faites, en avant, par une nervure de bois, sur laquelle s’implantent des tiges d’acier destinées à former une carcasse élastique que l’on recouvre de papier mince et résistant. Ces ailes ont deux qualités impor- tantes : la légèreté et la solidité. Elles ont aussi une flexibilité qui permet à la partie postérieure de se relever légèrement par l’effet de la résistance de l'air, ainsi que cela se produit dans le vol de Oiseau. La charpente sur laquelle ces ailes s’articulent est ainsi dis- posée. Une forte traverse de cuivre carrée est mortaisée à ses deux extrémités, et reçoit une pièce métallique qui constitue la base de l'aile : la partie qui correspond à la tête humérale. Toute- fois, au lieu des mouvements en tous sens qu’exéeute chez l'Oi- seau la tête de l’humérus, nous n’aurons ici que l'élévation et l’abaissement que permet une simple charnière. La pièce de cuivre horizontale qui porte les deux ailes est traversée dans sa longueur par une tige verticale sur laquelle sont fixés deux cor- SC. NAT., JANVIER 1872, ARTICLE N° 48. 16 18 MAREY. dons de caoutchouc m,m, qui correspondent aux muscles pec- toraux, et vont, comme eux, se rendre en divergeant jusqu'aux ul NET NS \ Ve FiGe 9. — Appareil destiné à reproduire le soulèvement du corps de l'Oiseau au moment de l’abaissement de son aile. BADOUREA UV, nervures des ailes, sur lesquelles ils se fixent dans le voisinage des articulations. L’élasticité de ces fils de caoutchouc servira à ARTICLE N° 43, VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 19 abattre les deux ailes à la fois. En relevant les ailes, on sur- monte la résistance du caoutchouc qui se tend, et, quand les ailes sont ainsi relevées, on les maintient dans cette position qui tend les ressorts de caoutchouc. Pour cela, deux crochets d’acier sont implantés perpendiculairement à la nervure des ailes; quand ces crochets sont amenés presque au contact l’un de l’autre, on les maintient en cette position au moyen d'un fil de lin f. HI suffit de brûler le fil pour que les ailes, obéissant toutes deux aux ressorts de caoutchouc qui les tirent, s'abattent brusquement. Mais il est difficile de donner aux deux caoutchoucs le même degré de tension: de là résulte une prédominance de l'action d'un des ressorts, et conséquemment de l’action d'une des ailes. Pour obvier à cet inconvénient, j'ai pris un fil unique de ecaout- chouc attaché par chacun de ses bouts à l’une de ces ailes, et l'ai fait reposer à la partie moyenne dans la gorge d’une poulie verticale p qui tourne librement. De cette façon, l'effort du fil decaoutchouc se partage très-également entre les deux ailes qu’il doit mouvoir. Le poids des pièces qui viennent d’être décrites n’est pas très- considérable ; aussi, pour soumettre l’appareil à des charges croissantes, ai-je adapté une tige verticale articulée qui pend au-dessous du système, portant à son extrémité un godet P, dans lequel on jette des poids additionnels. L'intérêt des expériences que l’on peut faire avec cet appareil consiste tout entier dans l'appréciation exacte des différentes hauteurs auxquelles Le soulèvement se fera, suivant les charges, les surfaces d'ailes, les degrés de tension du ressort, etc. J'ai dis- posé le schéma de façon qu’il pût tracer sur une surface enfumée les indications de ses soulèvements; pour cela, je l'ai asservi à se mouvoir dans un plan vertical. Une tige creuse, longue et légère, traverse d'arrière en avant la monture métallique qui représente le squelette de l’Oiseau. Cette tige se termine en arrière par une traverse horizontale T, dont les deux extrémités pivoiteut librement dans une chape vissée sur une forte colonne, La tige rigide impose donc à l’ap- 20 MAREVY. pareil des oscillations verticales. En avant de l'Oiseau, et sur le prolongement de cette même tige qui dirige ses mouvements, s’en trouve une autre, /, mince et légère, terminée par une pointe écrivante, C’est cette poinie qu'on amène au contact, soit d'un cylindre tournant, soit d’une simple plaque de verre enfu- mée sur laquelle se trace un trait dont la longueur exprime la hauteur à laquelle la machine s’est élevée à chaque coup d’aile. Enfin le schéma, au repos, est souienu par un solide arceau de fer sur la plate-forme duquel s'appuie une goupille g, hori- zontale, courte et forte, implantée dans la tige verticale de l’ap- pareil. Il s’agit de faire des séries d'expériences, en variant graduel- lement une seule des conditions dont j'ai parlé plus haut : poids, surface d’aile ou force du ressort, Une précaution est nécessaire pour que les ailes soient tou- jours également élevées et les ressorts également tendus: elle consiste à fabriquer à l'aide d’un mandrin de bois les anneaux de fil qui relieront ces crochets et tiendront l'appareil armé jusqu’à ce qu'on les brûle. Ces anneaux, ayant un diamètre constant, amèneront les deux crochets toujours à la même distance l’un de l’autre, et par conséquent tendront toujours également les ressorts de caoutchouc. PREMIÈRE EXPÉRIENCE : /{n/luence du poids à soulever sur l’am- plitude du mouvement ascensionnel. — Après avoir, par le tâton- nement, établi des surfaces d'ailes assez grandes et employé un ressort assez fort pour que l’abaissement des ailes soulève tout le système à quelques centimètres de hauteur, on détermine le poids total de la machine en glissant le fléau d’une balance au- dessous du poids P. L'appareil, pesé ainsi avec la tige qui sert à le diriger, représente un poids de 195 grammes environ. On constate que le coup d’aile élève le schéma à 7 centimètres, par exemple. Alors on ajoute un poids additionnel de 10 gram., et l'on voit que l'appareil ne s'élève plus qu'à 6 centimètres et demi. Une nouvelle addition de 10 grammes réduit encore la hauteur à laquelle la machine s'élève. On procède ainsi par ARTICLE N° 15. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 31 additions successives de poids constants, jusqu’à ce que le coup d’aile ne soulève plus du tout l'appareil, et l’on obtient la courbe des hauteurs auxquelles un même effort soulève des poids graduellement croissants (fig. 10). Re er ee ee = ee " 98. 405, 145, 195. 155. 145. 195, 165. 175, 185. 195. 205. 215, Fic. 10, — Hauteurs auxquelles s'élève l’appareil portant des charges croissantes. Les hauteurs du saut de l'appareil décroissent visiblement en raison de l'accroissement de la charge; il semble même, au pre- mier abord, que la diminution de l’amplitude soit proportionnelle àl’accroissement du poids, mais il n’en est rien : le rapport est plus complexe. Si la hauteur du saut était inversement propor- tionnelle à la charge, on verrait les sommets de toutes les lignes iracées par la machine situés sur une même ligne droite, ce qui n'a pas lieu, ainsi qu’on peut s’en assurer dans la figure suivante. Mais si les hauteurs auxquelles s'élève l'appareil sous des charges régulièrement eroissantes ne sont pas régulièrement décroissantes, le travail effectué, c’est-à-dire le produit de la charge par la hauteur du soulèvement subit une décroissance régulière. Le lecteur pourra s’en convaincre au moyen d’une construction très-simple, dont la figure 40 fournit tous les élé- ments. Toutefois les quatre derniers tracés font exception à 22 WMAREY, cette règle; cela m'a paru tenir à l’intervention d’une force étran- gère : l’élasticité de la goupille qui supporte l'appareil au repos. DEUXIÈME EXPÉRIENCE : De l'influence de la force motrice sur la hauteur à laquelle se soulève l'appareil. — Jusqu'ici c’est un ressort de force quelconque qui a servi à mettre en mouvement l'appareil schématique. Le tâtonnement seul avait présidé au choix de ce ressort, dont J'ai graduellement augmenté la tension, jusqu'à ce qu’il produisit le soulëvement désiré. La série suivante d'expériences a été faite avec des ressorts de forces décroissantes. D de ee = rer |NY Qi (WA L nt PL ES 500 409 200 2,00 100 Fic. 41. — Hauteurs auxquelles s'élève l’appareil sous l'influence de ressorts de forces différentes. Un tube de caoutchouc bien homogène développe toujours la mème traction, lorsqu'on en prend un tronçon quelconque, d’une longueur donnée, soumis à une même élongation. Jai donc pris trois morceaux de ce tube, semblables en longueur, et j'en ai employé d’abord un seul, puis deux à la fois, puis trois, pour produire l’abaissement des ailes de la machine; chaque tube développait environ un effort statique de 900 grammes. La figure 11 montre trois séries d'expériences comparatives. ARTICLE N° 15. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 23 Chaque série est faite avec une même force de ressort, mais avec des poids variés graduellement décroissants. Pour distinguer ces trois séries entre elles, on a donné aux traits des aspects différents. La série première, formée de tous les tracés qui sont ponc- tués et portent le n° 1, a été obtenue avec un ressort de 900 grammes de force; les charges successivement employées allaient en décroissant, à partir de 500 grammes jusqu’à 100. La deuxième série, reconnaissable aux traits plus fins dont elle est formée et aux numéros d'ordre de chacun de ses tracés, a été obtenue avec un ressort de 1800 grammes de force ; les mêmes variations de poids ont été employées. En comparant cette deuxième série à la première, on voit qu’à mesure que la machine s’allége, l'effet du ressort plus puissant se prononce davantage. Une troisième série a été entreprise avec un ressort de 2700 grammes de traction, mais elle a été interrompue dès la troisième expérience ; l’un des tubes de caoutchouc a pré- senté un commencement de déchirure. L'appareil ne pouvait, après cela, donner des résultats comparables à ceux qu'il avait fournis précédemment; de là interruption forcée de la série commencée. TROISIÈME EXPÉRIENCE : Jnfluence de l'étendue des surfaces des ailes sur la hauteur de soulèvement. — Les expériences pré- cédentes étaient faites avec des surfaces d'ailes constantes pour chaque série. L’aile employée dans les expériences représentées figure 10 était de grande dimension; la surface totale était 1692 centimètres carrés. . Pendant la construction de l'appareil, alors qu'il n’y avait encore que la partie externe des ailes qui fût garnie de papier, je fis une série d'expériences avec charges croissantes. La sur- face qui agissait sur l’air n’était que de 700 centimètres carrés. Après avoir obtenu la série de tracés représentés figure 12 par des lignes pleines, je continuai à couvrir de papier la char- 21, MAREY. pente de l'aile, et j’augmentai ainsi de 392 centimètres la surface résistante. Une série d'expériences faites dans ces conditions nouvelles me donna des résultats très-peu différents des premiers, ce qui prouve bien que la surface de l'aile n’agit efficacement pour soulever l’Oiseau qu’autant qu’elle est située au bout d’un bras de levier considérable, c’est-à-dire soumise à un mouve- ment rapide. 419 19) hSN 4106: J6GIIZAN EU (91140 Fic. 12. — Hauteurs auxquelles s’élève l'appareil avec des surfaces d’ailes plus ou moins étendues. Les tracés nouveaux obtenus avec la grande surface d’aile avaient leurs sommets au niveau de la série de points qui sur- montent les traits pleins dans la figuré 12. La différence des seconds tracés avec les premiers portait principalement sur les expériences faites avec le minimum de charge; cette diffé- rence dimimuait graduellement à mesure que l'appareil était plus chargé; elle a disparu complétement après la septième expérience. Les nouveaux tracés se confondent alors avec les anciens, et la série des points arrive au contact des traits, dont elle ne se distingue plus. CHAPITRE IIL APPLICATIONS PHYSIOLOGIQUES DES EXPÉRIENCES SCHÉMATIQUES FAITES SUR LE COUP D’AILE DESCENDANT. 49 De la masse à mouvoir. — 20 De la force élastique du muscle qui abaisse les ailes. — 3° De la résistance de l'air et de son point d'application. — 4° Des moments d'action de la force motrice et de la résistance de l’air. — Évaluation théorique de la force musculaire de l’Oiseau ; contrôle expérimental. Les expériences précédentes sont destinées à éclairer les con- ditions dynamiques dans lesquelles l’Oiseau, frappant l'air de son ARTICLE N° 13, VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 25 aile, se soulève verticalement. Laissons de côté, pour un instant, l'impulsion horizontale qui se produit dans ce même coupd’aile ; le schéma que j'ai employé ne permet pas à ce mouvement de se manifester. Si nous bornons notre étude au mouvement ascensionnel, dans l'Oiseau et dans le schéma, nous trouvons, de part et d'autre, une parfaite identité. Les éléments du problème méca- nique sont les suivants : 1° la masse qui doit être soulevée; 2° Ja force élastique du muscle ou du ressort qui abaissera les ailes ; 3° la résistance de l’air ; 4° le moment de la résistance de l'air et celui de la force musculaire. Ces diverses données nous fourniront le sujet d’une utile comparaison entre le mécanisme du coup d’aile de l’Oiseau et celui du schéma. Avec ces éléments, il deviendra possible de déterminer le travail total déployé par le ressort moteur ou par le muscle chez l'Oiseau ; enfin, on pourra faire la part du travail mutile et de celui qui est utilisé. ; 4° De la masse à mouvoir. — Dans les expériences ci-dessus, l'appareil pouvait être soumis à des charges variées qui le portaient au poids de 500 grammes dans le schéma à petites ailes et de 8 à 900 grammes dans le schéma à grandes ailes. Ces poids étaient souvent supérieurs à ceux des Oiseaux véri- tables, le Faucon et la Buse par exemple, dont les ailes présen- tent à peu près les dimensions de celles que nous avions con- struites. On ne peut donc pas dire qu’au point de vue de la masse à soulever, les expériences schématiques aient été faites dans des conditions de travail moindre que celui qui se produit à chaque coup d’aile de Oiseau. 2° De la force élastique du muscle et de celle du ressort qui abaisse les ailes. —Ces deux forces sont parfaitement compa- rables entre elles. Jai montré ailleurs (1) combien Ed. Weber avait raison d'assimiler les muscles à des ressorts, et de définir leur force motrice : « L'effet d’une force élastique considérable acquise par le muscle au moment de l'excitation nerveuse. » (1) Marey, Du mouvement dans les fonctions dans la vie, p. 285. 26 MAREY. Une objection, cependant pourrait être faite à cette compa- raison : c'est que, dans un ressort, la force élastique a été em- magasinée au moment où l'on a bandé ce ressort, et que cette force, si elle ne trouve pas de résistance, peut se dépenser en un instant extrêmement court. Dans le muscle, au contraire, la force élastique qui produit le mouvement s’engendre pendant l'acte même dans lequel elle se dépense, ce qui limite beaucoup, dans certains cas, la rapidité du mouvement que produit un muscle. L'exemple des muscles de la Tortue est un des meilleurs que l’on puisse citer. En effet, les muscles de cet’animal mettant en général plus d'une seconde à engendrer la force élastique qu'ils auront à dépenser (4), il est évident que la Tortue ne saurait exécuter un acte musculaire complet en un temps moindre qu'une seconde. Mais, si la différence qui existe entre un muscle et un ressort peut être très-grande dans certaines conditions dynamiques et chez certains animaux, cette différence n'existe pour ainsi dire pas dans les conditions qui nous occupent. D'une part, la production de la force élastique des muscles de l’Oiseau est si rapide, que le temps nécessaire à la produire est négligeable. J'ai montré, en effet, que la secousse musculaire d’un Oiseau dure à peine 2 ou à centièmes de seconde, et que, . par conséquent, la période d’accroissement de sa force élastique dépasse à peine 1 centième de seconde. | D'autre part, un ressort tendu, bien qu'il possède toute la force motrice qu’il devra dépenser, est limité, en général, dans la vitesse avec laquelle il dépensera cette force. Ce qui ralen- tit la vitesse avec laquelle ce ressort revient sur lui-même, c’est la résistance qu'il doit vaincre. Or, dans le coup d’aile descendant d’un Oiseau, ou dans la descente de l’aile du schéma, la résistance de l’air intervient pour réduire la vitesse de raccourcissement du muscle aussi bien que celle du ressort. Le temps d'abaissement de l'aile d’une Buse est parfois d'environ 15 centièmes de seconde ; on voitque, par rapport à cette durée, (4) Loc. cit., p. 367. ARTICLE N° 43, VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 27 le temps de production de la force élastique dans le muscle est négligeable, et qu’on peut légitimement assimiler l'effet de ce muscle à celui du ressort préalablement tendu qui sert de mo- teur dans le schéma. Enfin, on peut mesurer sur l’Oiseau la force élastique du muscle grand pectoral, en déterminant le poids qui fait équilibre à sa contraction. Nous avons vu précédemment que sur la Buse adulte, cette force est d'environ 12°°,600 pour chacun des pectoraux. Dans le schéma, on évalue la force élastique du ressort en mesurant par une expérience préalable quel est le poids dont on doit le charger pour lui donner le degré de tension avec lequel il fonctionnera. Ainsi, on chargera de poids ce ressort jusqu'à ce qu'il ait acquis la force élastique qui représente celle du muscle grand pectoral de l'Oiseau. Il faut, pendant cette évaluation de la force élastique du ressort, que les ailes aient été préalablement placées dans l'élévation, afin d’avoir la mesure de la force élastique du ressort lorsque celui-ci est tendu au maximum. 3° De la résistance de l'air et de son point d'application. — Puisque nous n’avons pas mesuré la durée d’'abaissement de l’aile dans le schéma, nous ne pouvons évaluer par le calcul la résistance que l'air doit exercer au-dessus de l'aile. Mais l'expé- rience nous ayant démontré que la masse du corps est soulevée par l’abaissement de cette aile, nous sommes autorisé à con- clure que la somme des pressions de l'air contre les deux ailes est un peu supérieure au poids du corps. Si nous chargeons graduellement le corps de la machine de manière à réduire à son minimum le soulèvement qui se produit à chaque coup d'aile, nous pouvons admettre qu'au moment où ce minimum est atteint, la résistance de l'air fait exactement équilibre au poids de la machine. Ainsi, étant donné un Oiseau ou un schéma du poids de 600 grammes, il faut, pour qu'il se soulève, que la résistance verticale éprouvée de bas en haut excède 300 grammes pour chaque aile; si cette résistance égale seulement 400 grammes, 28 MAREY. le corps de l'Oiseau serasoutenu, mais non soulevé, pendant que les ailes s’abaisseront. l° Du moment de la force motrice et de celui de la résistance de Pair. — Cette poussée de 300 grammes, qui représente la somme des résistances éprouvée par l’aile, agit en un point que nous avons vu être situé à la réunion du tiers externe avec les deux tiers internes de chaque aile. Cette considéra- tion du point d'application de la résistance de l'air est de la plus grande importance; elle permet en effet de déterminer quelle doit être, au minimum, la force élastique du ressort moteur. En effet, essayons d'appliquer sous les ailes du schéma une force qui soulève l’appareil. Plaçons, par exemple, un doigt sous chacune des ailes ; il est clair que nous soulèverons la machine avec un effort total de 600 grammes, quel que soit le point de chaque aile sous lequel le doigt sera placé. Mais il faut pour cela que les ailes restent rigides et que le ressort qui les tire en bas ne subisse pas d’élongation; sans quoi, les ailes s’élèveraient seules et la masse de l'appareil ne se soulè- verait pas. Or, la force qui tend à allonger le ressort de caoutchouc varie, non pas avec l'intensité de la poussée ascendante que les doigts exercent sous les aïies, celle-ci ne saurait excéder le poids de la machine, mais avec le bras de levier au bout duquel eette poussée s'exerce. Si ce bras est très-court, on peut soulever la machine sans que les ressorts fléchissent. Mais si l'on applique les doigts sous des points de l'aile de plus en plus éloignés de l'articulation, il arrive un moment où le ressort cède et où l’aile s’élève, en tendant le ressort, sans que la machine puisse être soulevée. C’est qu’alors l'effort exercé sous l'aile, multiplié par le bras du levier au bout duquel cet effort s'exerce, surpasse la force élastique du ressort multipliée par le bras très-court au bout duquel elle est appliquée. Rapport entre le moment d'action de la force motrice et celui de la résistance de l'air. — Le point d'application de la résistance ARTICLE N° 415. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 29 de l'air se trouve, avons-nous dit, à l’extrémité d’un levier dont la longueur serait environ les deux tiers de la longueur totale de l'aile. L'attache du ressort à la nervure de l'aile n’a pour bras de levier que le vingtième, peut-être, de la longueur totale (nous déterminerons plus tard ces longueurs véritables). Il faut donc que la force élastique du ressort excède la poussée de l'air en raison inverse de la longueur de ces bras mégaux. Fixons les idées provisoirement sur des chiffres arbitraires. Le corps de la machine pèse 600 grammes; la poussée ascen- dante excédant 300 grammes pour chacune des ailes s'exerce à O0 centimètres de l'articulation; lPattache du ressort qui abaisse l'aile est située à 2 centimètres de cette même articula- tion. Il faudra, pour que la machine se soulève, que la force du ressort, mulüpliée par son bras de levier très-court, excède la poussée de 300 grammes multipliée par son long bras de levier. On aura donc le rapport suivant : 300% x 40 FE x 2, F re- présentant la force élastique du ressort d’une des ailes ; d’ou : 12k,000 2 6 2 ou 6 kil. F> Si la force F n’excédait pas 6 kilogrammes, elle ne pourrait surmonter la poussée de l'air qui est nécessaire à soulever la machine. Ou, pour mieux dire, la force du ressort ne saurait imprimer à l'aile une vitesse capable de lui faire éprouver sur l'air la résistance nécessaire au soulèvement de l'appareil, On peut se convaincre de la réalité de ce principe au moyen de l'expérience suivante. Soit (fig. 13) M la masse à soulever dans le schéma; nous négligerons la masse des autres parties de l'appareil. Soient f,f, les ressorts qui abaissent l’aile et leur force motrice qui s'applique eu f’,f'; soient r,r, la résistance de l’air contre chaque aile, et r/,r', les points d'application de ces résistances aux ailes dont les centres de mouvement sont en 0,0. Quelle que soit la valeur de r, nous connaissons son point d'application r”. On peut établir que le moment de la résistance r (r'o) est sensiblement égal à celui de la puissance f(f'o). En 90 MAREY. effet, si le moment de la résistance excédait celui de la puis- sance, le mouvement ne pourrait avoir lieu; d'autre part, si le moment de la résistance était sensiblement plus faible que celui de la puissance. le mouvement de l'aile s'accélérerait jusqu'a ce que l'égalité s'établit. IGN 187 Or, nous soutenons que sous chaque aile la pression r est au moins égale à 1/2 M. Dans l'hypothèse où r—1/2M, comme nous sommes con- duits à admettre que le moment de la force motrice est au moins égal à celui de la résistance, nous aurons cette égalité : 4/2M (rl 0) = f (j#0). D'où l’on peut conclure que si l'on appuyait deux doigts sous les ailes au niveau des points »,1', on souléverait la masse de l'Oiseau sans faire céder l’élasticité des ressorts f,f. L'expérience montre que toutes les fois que le schéma pouvait s’enlever par un coup d'aile, on pouvait aussi le soulever en le soutenant au-dessous des points »',r', el que les ressorts ne fléchis- saient pas. Dans l'hypothèse où r peut être beaueoup plus petit que 1/2 M, le moment de la puissance du ressort est nécessai- rement moins grand que dans le cas précédent. Des lors, en appuyant sous les ailes aux points r',r/, on fera céder Pélas- ticité des ressorts sans soulever l'appareil, et les ailes seules s’éléveront. L'expérience a montré que dans ces conditions, le schéma ne se soulève point par l'effet du coup d'aile. Elle montre, en outre, que la machine cesse précisément ARTICLE N° 13, VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. ol de se soulever par l’action de son ressort, au moment où la force de ce ressort, graduellement diminué, ne lui permet plus de résister à un effort ascendant égal à la moitié du poids de l'Oiseau et appliqué sous chaque aile au même point que la résistance de l’air. Pour ne laisser aucun doute sur la réalité du principe qui établit que la résistance de l'air doit toujours être au moins égale au poids de l’Oiseau, reprenons l'expérience dans des conditions nouvelles. Sans changer la force du ressort, faisons, cette fois, varier le poids dont nous chargerons l'appareil. Les tracés repré- sentés figure 10 montrent que, sous des charges croissantes de 95 grammes à 215, la hauteur à laquelle la machime se sou- levait allait toujours en décroissant. Nous avons estimé qu’à 215 grammes de charge, l'appareil cessait de se soulever (le fuble tracé qu'on obtient alors, el qui persiste même pour des charges beaucoup plus fortes, semble tenir à un ébran- lement vibratoire communiqué au style comme à toute la machine). Dans notre hypothèse, tant que l'appareil a sauté en abattant ses ailes, il devait aussi pouvoir être soulevé par une pression exercée sous ses ailes, au point où s'applique la résistance de l'air. Quand il a cessé de pouvoir être soulevé ainsi sans que ses ressorts fléchissent, 1l a dû aussi cesser de sauter à chaque coup d’aile. | C'est précisément ce qui a lieu dans l'expérience. Arrivé à la charge de 215 grammes, l’appareil ne sautait plus, et, d'autre part, ses ailes s’élevaient seules sous la pression des doigts, lors- que ceux-ci, placés aux points d'application de la résistance de l'air, tendaient à soulever tout l'appareil. S'il reste un certain vague dans la détermination du poids nécessaire pour empêcher le fonctionnement du schéma, cela tent, d'une part, à la difiiculté d'établir le moment où l'appareil cesse entièrement de s'élever, et, d'autre part, à la difficulté de déterminer avec une grande précision le point d'application de la pression de l'air sur l'aile. Mais les résultats ci-dessus men- 32 MAREY. tionnés sont bien suffisamment nets pour établir ce principe très-important : Que la résistance que les ailes rencontrent sur lair doit étre au moins égale au poids de l'Oiseau. Cette égalité étant admise, il serait intéressant de rechercher si la force maximum des museles d’un Oiseau répond à ce que la théorie lui assigne. Évaluation théorique de la force musculaire de l'Oiseau. sn Contrôle expérimental. — Nous avons essayé autrefois (1) de faire cette détermination, et nous avons trouvé dans une expé- rience faite sur la Buse, que l'effort total développé par chacun des muscles grands pectoraux était de 12*°,60. Dans la même expérience, nous avons évalué à 17 mullimètres le bras de levier au bout duquel cette force est appliquée. D'après les dimensions ordinaires et la forme de l’aile de la Buse, il semble qu’on puisse placer le point d'application de la pression de l'air au bout d'un bras de levier de A0 centimètres de longueur. Enfin, d’après un tableau dans lequel j'avais réuni le poids de différents Oiseaux tués au fusil, le poids de la Buse est de 785 grammes. S'il est vrai que la pression de l'air sous chaque aile soit égale à la moitié du poids du corps, cette pres- sion sera d'environ 392 grammes. Pour que le vol s'effectue, il faut que le moment de la force motrice soit au moins égal à celui de la pression de l'air; nous devons même nous attendre à le trouver un peu supérieur, de facon à obtenir le rapport : JA QI 7 ES DE ou 12 600 gr. X 17 > 392 gr. X 400, ou 214200 >> 156800. L'excès du moment de la force motrice sur celui de la ré- sistance de l'air devait exister, avons-nous dit; l'estimation ci-dessus nous montre qu'il est à peu près dans le rapport de A1 à 8 dans un cas particulier, (A) Ann, des sciences nat. ARTICLE N° 15. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 34 Une plus grande rigueur n’est pas de mise dans des expé- riences de ce genre : en effet, on ne sait pas si la force que la volonté de l'Oiseau engendre dans ses muscles, à chaque coup d’aile, est bien égale à celle que nous y développons par des excitations électriques ; qu'on joigne à cela la difficulté de déter- miner avec précision le bras de levier de la force musculaire et celui de la résistance de l'air, et l’on aura la conviction que nous avons obtenu tout le degré de précision que comporte une esti- mation dans un acte physiologique. Toutefois, pour ne pas tirer de conclusion d’après un seul fait, dans une circonstance si importante, J'ai répété sur un Pigeon adulte la détermination de la force musculaire ; voici les résul- tats de cette détermination. Poids du Pigeon, 375 grammes. La moitié de ce poids sera égale à la pression de l'air sous chaque aile; soit, pour eette résistance, 487 grammes. Le point d'application de cette pres- sion de l'air sur l'aile serait situé environ à 23 centimètres de l'articulation humérale. Le moment de la résistance de l'air sera donc 187 x 230°° — 13 010. Pour déterminer le moment de la force musculaire, j'ai constaté d'abord que le grand pectoral électrisé développait un effort total de 5860 grammes; l’attache de ce muscle se fait environ à 12 millimètres de l'articulation. Le moment de la puissance sera donc 5860 x 12 = 70 320. Le rapport de 70 à 43 est ici plus favorable à la puissance que dans lexpérience ci-dessus. Peut-être cela tenait-il à la fai- blesse du poids du Pigeon, qui nous a fait estimer très-bas la valeur de la résistance de l'air. C'était une femelle adulte qui venait de couver pendant plusieurs Jours ; elle était très-maigre et avait sans doute subi plus de déchet dans son poids que dans sa force musculaire. Il ressort de ces deux déterminations expérimentales que les muscles de l’Oiseau ont toujours plus de force qu'il n'en faut pour faire équilibre à la résistance de l'air, qui serait égale au poids du corps de lOiseau multiplié par le bras de levier au bout duquel agit cette résistance. SC. NAT. JANVIER 1872, ARTICLE N° 19. 17 äl MAREY. Toute cette force n’est sans doute pas nécessaire dans le vol ordinaire, mais elle peut servir en certaines circonstances. Sans parler des Oiseaux rapaces auxquels les fabulistes font enlever des animaux de grande taille, on peut citer des exemples authentiques de poids considérables enlevés par des Oiseaux. Silberschlag avait un Aigle apprivoisé qui volait en enlevant une boule de cuivre du poids de quatre livres. J'ai fait enlever par un Pigeon un poids de plus de 100 grammes ; une Buse en enlevait 300, un Canard sauvage en soutenait à peine 60. CHAPITRE IV. NOUVELLE SÉRIE D'EXPÉRIENCES. Comparaison des mouvements de l'Oiseau avec ceux de l'appareil schématique destiné à les imiter, — Appareils destinés à réaliser cette comparaison. Dans les chapitres qui précèdent, nous avons vu tour à tour comment on peut analyser chacun des phénomènes du vol des Oiseaux, et comment on peut, au moyen d'artifices mécaniques, reproduire chacun des mouvements de l’aile avec les effets qui lui sont propres dans le vol. Dans ces études, le lecteur aura, j'espère, puisé cette conviction que rien ne peut résister à l’em- ploi de la double méthode où l'analyse s'allie à la synthèse. Si, parmiles mouvements complexes que l’Oiseau exécute en volant, il n’en est aucun qui puisse échapper aux appareils d'analyse, il n’est aucun mouvement, non plus, qu’on ne puisse reproduire artificiellement au moyen d'appareils schématiques appropriés. Mais pour tirer de cette méthode le meilleur parti possible, 1l faut l'appliquer de telle sorte que nous puissions passer à tout instant de l'analyse à la synthèse; comparer à tout instant le mouvement de l’Oiseau qui vole à celui du schéma par lequel nous cherchons à imiter ce mouvement. Cette incessante com- paraison exige que nous nous placions dans des conditions nou- velles. En effet, nos études analytiques ont porté jusqu'ici sur un Oiseau qui vole en hberté, et tant que nous n’aurons pas entière- ment résolu le problème que nous poursuivons, 1l nous est im- ARTICLE N° 48. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 39 possible d'abandonner à lui- même un appareil artificiel, il se briserait à chaque expérience. Or, la coniparaison des mouvements de l'Oiseau avec ceux du schéma n'exige pas que ces mouvements s’effecluent dans les conditions du vol libre ; pourvu que l'Oiseau batte des ailes avec l'intention de voler, nous pourrons étudier ses actes musculaires avec leur caractère de force, d’étendue, de durée. Un Oiseau qu’on aurait suspendu à un fil, et qui battrait des ailes, pourrait, par exemple, être comparé à un appareil schématique suspendu de la même facon. Mais ce procédé grossier de suspension au- rait des inconvénients; il gènerait les mouvements de l'Oiseau en s’opposant à la production régulière des réactions que chaque coup d'aile produit sur la masse du corps; 1l ne permettrait pas non plus la translation de l'animal. J'ai essayé d’un mode de suspen- sion moins imparfait, qui permet, d’une part, à l’Oiseau de voler dans des conditions à peu près normales, et qui, d'autre part, fournit au schéma le moyen de s’essayer dans ses tentatives de vol sans qu'on ait à craindre de le voir tomber, si les mouve- ments qu'il produit sont insuffisants à le soutenir en l'air. Voici la description de cet appareil. Il s'agit d'une sorte de manége de 6 à 7 mètres de diamètre, danslequel l’Oiseau se meut sans cesse, pouvant ainsi fournir à l'observation un vol circulaire de longue durée. Je donne à ce manége un grand rayon, afin que sa courbe, moins brusque, mo- difie moins la nature du mouvement que l’Oiseau devra exécuter. Attelé, en quelque sorte, à l'extrémité d’un long bras qui tourne sur un pivot central, l’Oiseau doit être, autant que possible, libre d'exécuter des mouvements d'oscillation verticale. Nous avons vu, eu effet (1), qu'a chacune des évolutions de l'aile, le corps exécute un double mouvement d’oscillation. L'animal ou l'appareil schématique, placé dans ces conditions d'expériences, doit fournir à des instruments enregistreurs Île tracé de tous ces mouvements. A cet effet, des appareils explo- rateurs spéciaux, des tubes de transmission et un enregistreur (4) Ann. des sc. nat., 1869, €. XII. 30 MAREY. particulier devront être mis en usage. Toutes ces pièces, assez compliquées, mais dont plusieurs sont déjà connues du lecteur, FiG. 14. — Disposition générale du manége, Un Pigeon est attelé à l'appareil ; trois signaux à la fois sont {ransmis à l’enregis- treur placé au centre du manége. L'opérateur recueille les tracés au moment où le vol s'exécute régulièrement. auront besoin d’une description spéciale. Pour plus de netteté, je décrirai séparément les pièces de la machine qui répondent à ARTICLE N° 13. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 31 des fonctions distinctes, et passerai en revue successivement les parties suivantes : le ma nége, l'appareil suspenseur, les explo- raleurs du mouvement, et enfin l’enregistreur. Du manége.— Les conditions à remplir sont : la grande mo- bilité du manége, afin que l'Oiseau sente le moins possible de résistance à vaincre pour sa translation, et la rigidité des bras de la machine pour empêcher qu'elle ne prenne des vibrations propres, capables de dénaturer les mouvements exécutés par l’Oiseau. La figure 14 montre la disposition générale du manége. Un pivot d'acier planté dans un socle de fonte massif et d’un grand poids, est placé sur la plate-forme d’une table de photo- graphe. Cette table s'élève au moyen d’une crémaillère, de facon que l'opérateur, après avoir disposé ses appareils suivant les besoins de l’expérience, puisse élever la plate-forme assez haut pour que le manége tourne librement au-dessus de sa tête. Le manége proprement dit est un arc formé d’une longue planchette de sapin légèrement courbée. La corde de cet are est un fil métallique qui, à sa partie moyenne, se fixe sur une cage de bois traversée par le pivot central. On a soin d’équilibrer les deux bras de l'appareil, c'est-à-dire d'ajouter des poids gradués au bras qui ne porte pas l’Oiseau ou la machine en expérience. Sans cette précaution, l'appareil, en tournant, imprimerait des mouvements de latéralité au pivot sur lequel il repose et à la base elle-même. Cette première disposition du manége était défectueuse à certains égards. La rigidité du bras était assez parfaite, mais le pivot central, quelque gros qu'il ft. cxécutait encore des flexions latérales dont l'effet s'exagérait à l’extrémité des bras du manége, en raison de la longueur même de ces bras. Il s’ensuivait que des oscillations du plan du manége tendaient à se produire. Pour les supprimer entièrement j'ai dû chercher un point de suspension au plafond même de la salle, où j'appliquai un cro- chet tournant verticalement au-dessus du pivot du manége. Deux cordons fortement tendus, descendant du crochet à l’extré- 58 MAREY. mité des bras de la machine, ont supprimé toute espèce d’oscil- lation de ces bras. Un autre inconvénient existait encore malgré cela. Les bras du manége élaient susceptibles de subir une torsion suivant leur axe. Cet effet se produisait surtout dans les moments où l'Oiseau imprimait à son corps des mouvements de progression saccadés. J'ai fait totalement disparaitre cette tendance à la torsion des bras du levier, en terminant chacun de ceux-ci par une traverse de bois horizontale fixée perpendiculairement à leur extré- mité. C'est aux deux bouts de cette traverse que se fixent les liens suspenseurs qui convergent tous au pivot qui les tient au plafond de la salle. Dés lors quatre cordons suspendent les bras du manége el les forcent à se mouvoir dans le plan d’un cercle parfait. Restait enfin une amélioration à introduire. La résistance que l’air présente à la rotation de ce système est plus grande qu'on ne pourrait le croire tout d’abord. Elle est très-sensible à la main, quand on imprime au manége un mouvement de rotation rapide. Cette résistance ne peut donc que nuire à la hbre trans- lation de l’Oiseau. Pour la réduire au minimum, j'ai rendu tran- chants les bords de la planchette de sapin qui forme les bras du manége, et, sous l'influence de cette modification, j'ai obtenu une très-notable diminution de la résistance de l'air pendant ces mouvements rapides. De l'appareil suspenseur de l'Oiseau. — Dans les expériences précédemment mdiquées, on à vu qu’un Oiseau peut porter avec lui des pièces assez volumineuses sans être gêné dans son vol. Il faut, pour cela, que ces pièces soient fixées à la région dorsale au moyen d’une sorte de corset. Pour que les pièces solides qui suspendent l'Oiseau ne puissent pas gêner ses mouvements, j'ai recouru à une sorte de cercle métallique a, ss (fig. 15), tangent à la région dorsale de l’Oiseau par un de ses points, et fixé par le point diamétralement opposé à l'extrémité du bras du manége. Chacune des ailes peut se mouvoir en toutes directions sans rencontrer en aucun point l'anneau métallique qui suspend l'Oi- seau; pour assurer encore plus la liberté des mouvements des ARTICLE N° 43. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 39 ailes, je donne à l’anneau métallique qui supporte l'animal la forme d’une ellipse allongée. Pour permettre à l’Oiseau d'exécuter librement les oscillations Appareil suspenseur de l'Oiseau muni de trois tambours explorateurs et de trois tubes de transmission de signaux. Le tambour n° 1 recueille les mouvements d’élévation et d'abaissement de l'aile ; le n° 2, les mouve- ments d'avant en arrière; le n° 3, les oscillations du corps de l’Oiseau. Fig. 15. verticales que nous avons signalées, je place, sur deux points de l’ellipse qui vient d’être décrite, deuxappareilsélastiques, ss, sortes de suspentes qui permettent à l’Oiseau d’osciller verticalement. 40 MAREY. Tout cela ne suflisait pas encore. On pouvait voir, en effet, que l’Oiseau ainsi suspendu se trouvait mal à l'aise, quand il volait avec quelque vitesse, et que les mouvements de ses ailes en semblaient fort contrariés. Je reconnus que cette gène tenait à la force centrifuge qui produisait une torsion de l’Oiseau quand l’anneau suspenseur restait dans la verticale. Pour remé- dier à cet inconvénient, je disposai au point a, où l'anneau se rattache au bras du manége une articulation qui permettait les mouvements d'oscillation latérale. L'Oiseau prenait alors de lui- même la position inclinée représentée dans la figure 14, et so vol s’'exécutait librement. Plus tard, en observant le vol circulaire chez les Oiseaux en liberté, j'ai pu constater que leur corps s’in- cline de façon que la région dorsale regarde un peu du côté du centre de la courbe qu’ils décrivent. La force centrifuge s'exerce donc dans le vo! comme dans la locomotion terrestre, et produit, chez les Oiseaux, la même attitude que chez les animaux qui fournissent une course rapide dans un espace circulaire, sur les Chevaux, par exemple, qui galopent dans un cirque. L'appareil suspenseur, tel qu'il vient d’être décrit, se fixe à l’Oiseau au moyen d’une sorte de selle de métal qui s’adapte elle- même à l'aide du corset ; on peut donner au corps de l'animal des inchnaisons diverses, afin de choisir celle qui est le plus favo- rable au vol. Il m'a semblé que cette position n’est pas l’hori- zontalité parfaite du corps, la tête doit être légèrement abaissée. Des appareils explorateurs et enregistreurs des mouvements de l’Oiseau. — Dans les expériences précédentes, ces appareils variaient beaucoup suivant la nature du mouvement qu'il s'agis- sait de percevoir. Avec la disposition présente, j'ai pu réduire l'appareil explorateur à un type unique, et cet appareil n’est autre que le tambour à levier lui-même, qui sert ainsi à tous les usages, La figure 16 montre la disposition de ces appareils. Les tambours à levier L et L’ communiquent entre eux au moyen du tube T. Il est clair que, dans ces conditions, tout mou- vement du levier L’ sera transmis au levier L; mais ce mouve- ment sera reproduit en sens inverse par le levier enregistreur, de ARTICLE N° 43. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. IA sorte qu’une élévation du premier levier se traduira par un abaissement du second, et inversement. Il suit de là que, si pour une raison quelconque, il y avait intérêt à conserver dans le tracé le sens réel du mouvement communiqué au levier L', il faudrait que l’un des deux appareils ft placé dans une position renversée par rapport à l’autre. C'est par un cordon de traction C que le mouvement qu’on explore se transmet au levier L/. Ce cordon ne peut avoir d’ac- tion que dans un sens, celui dans lequel une traction s'exerce sur lui. Aussi, pour que le levier exprime avec fidélité, non- seulement le mouvement de traction qui tend le fil, mais aussi les différentes phases de la diminution de l'effort de traction, j'ai placé en antagonisme avec le cordon C un fil élastique de caoutchouc F, suspendu à une sorte de potence. Ce fil tend sans cesse à relever le levier L', tandis que le cordon C tend à l’abais- ser. Dans ces conditions, l'appareil fonetionne d’une manière tout à fait satisfaisante. En effet, si une force quelconque, une contraction musculaire, par exemple, tire sur l'extrémité du cordon € et la porte de B en À, cette traction tend le fil de caoutchouc qui, réagissant à son tour pendant la phase de relâchement musculaire, ramènera le levier en haut avec plus ou moins de vitesse, selon que le relà- 12 MAREY. chement du muscle sera plus ou moins rapide. L'appareil aura donc reçu l’expression complète de l'acte musculaire avec ses deux phases : la contraction et le relâchement. L'emploi du tambour à levier présente encore un autre avan- tage, celui de déterminer avec facilité l’amplitude réelle d’un mouvement, d’après celle du tracé qu’on en obtient. Pour cela, on détermine préalablement le rapport qui existe entre l'ampli- tüude des mouvements du levier Let celle des mouvements de L’. Il arrive, en général, que le levier enregistreur réduit notable- ment l'amplitude des mouvements que l’on transmet au levier explorateur ; cela s'explique tout naturellement par la compres- sion que subit l'air contenu dans les appareils. Lorsque la trans- mission se fait à une longue distance, et que, par suite de la grande longueur des tubes employés, on arrive à enfermer un grand volume d’air dans l’intérieur des appareils, cette com- pression de l'air est particulièrement sensible. Avec elle s'observe, au maximun, la diminution de l'amplitude du tracé. Deux moyens permettent de parer à cet inconvénient : l’un consiste à sensi- biliser le tambour enregistreur (1) en faisant agir le mouvement de la membrane le plus près possible du centre de mouvement du levier; l’autre procédé s'adresse à l'appareil explorateur. Il consiste à établir le contact du levier avec la membrane le plus loin possible du centre de mouvement, de façon à produire le plus grand déplacement possible de la membrane pour un mou- vement quelconque du levier L’. Il est clair que ces grands dé- placements de la membrane mettront en mouvement une grande quantité d’air et compenseront le déchet de mouvement qui se produit dans la transmission, sous l'influence de la compression de l'air. La figure 15 représente plusieurs explorateurs des mouve- ments de l’Oiseau fonctionnant à la fois : l’un, n° 1, reçoit les mouvements d’élévation ou d’abaissement qu'exécute l'aile d’un Pigeon, et les transmet à un levier enregistreur; l'explorateur n° 2 recoit les mouvements que l'aile exécute dans le sens (1) Voyez, ‘pour la description des procédés, Marey, Du mouvement dans les fonc- tions de la vie. In-8, Paris, 1865, p. 140 et suiv. ARTICLE N° 13, VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 5 antéro-postérieur; le n° à reçoit les oscillations verticales de l’Oiseau. On peut ainsi recueillir un nombre illimité de signaux suivant le nombre des explorateurs dont on dispose. En graduant la sensibilité des appareils par l’un des deux moyens ci-dessus indiqués, on arrive à donner à l'amplitude du tracé tous les degrés possibles : on peut réduire le tracé des grands mouvements à la moitié ou au tiers de leur étendue réelle ; on peut conserver aux petits mouvements leur grandeur nor- male ou même les amplifier. De l'appareil enregistreur. — Les tubes de transmission sont disposés, dans mon appareil, le long d’un bras du manége; ils sont maintenussur toute sa longueur et aboutissent à un enregis- treur composé de trois tambours à levier écrivant sur le cylindre tournant dont je me sers dans toutes mes expériences. Le manége, dans sa rotation, enroulerait autour de son axe les tubes de transmission, si l'appareil enregistreur auquel ils se rendent ne participait pas à la rotation générale. On voit dans la figure 14 comment cet appareil est disposé. Le cylindre a son axe placé verticalement; sur lui viennent écrire les trois leviers des tambours enregistreurs des mouve-- ments. L'appareil, dans son ensemble, repose sur une tablette formée par la cage de bois qui tourne sur le pivot central. Nous nous treuvons dans les conditions bien connues où trois mouvements à la fois s’enregistrent sur le même cylindre : il est done inutile de rappeler les précautions à prendre dans l'installation de l'appareil, telles que l’exacte superposition des pointes écrivantes, etc. Une difficulté particulière se présente dans nos expériences ; voici en quoi elle consiste. Les mouvements de l’Oiseau sont d’une rapidité extrême ; ils ne peuvent être enregistrés que sur un cylindre qui tourne avec une très-grande vitesse ; celui que j'emploie fait un tour en une seconde et demie. La brièveté du temps disponible pour enre- gistrer les mouvements de l'Oiseau nous force à n’enregistrer ces mouvements qu à l'instant précis où l’animal présente le phé- li! MAREY. nomène que l’on veut observer, soit le plein vol, soit le ralentis- sement, soit les efforts du départ. Si les trois leviers frottaient constamment sur le cylindre, on n'aurait bientôt plus qu'un tracé confus. Il est indispensable de disposer l'appareil de facon que les pointes des leviers ne touchent le cylindre qu'au moment où se produit le phénomène que l’on veut enregistrer, et de faire cesser ce contact après une ou tout au plus deux révolutions du cylindre, afin d'éviter la confusion des traits. À cet effet, les trois leviers sont montés sur une tige qui pivote sur son axe de façon à les éloigner du cylindre ou à les mettre en contact avec lui. Deux butoirs limitent l’étendue de ce pivote- ment, de façon à ne laisser produire que les mouvements néces- saires, d’un côté, pour que les leviers écrivent nettement sur le cylindre ; de l’autre côté, afin qu'ils s’en écartent assez pour ces- ser d'écrire. Reste à produire à volonté ces mouvements de pivotement. A l’état de repos, un ressort tient les leviers légèrement écartés du cylindre. Pour produire le contact, j'insuffle de l'air dans un tambour, dont la membrane agit pour faire pivoter le support des leviers, en luttant contre l’élasticité du ressort dont je viens de parler. Cette insufflation d’air s'obtient en pressant dans la main une poire de caoutchouc. La figure 14 montre l’expérimentateur au moment où il re- cueille un tracé du vol d'un Pigeon. Observant l'allure del’Oiseau, il saisit le moment du vol régulier et serre la boule de caoutchouc ; le contact des leviers se produit aussitôt et le tracé s'écrit. Après une seconde et demie, on cesse de serrer la boule, le ressort produit l'éloignement des leviers. et le tracé finit. Avec un peu d'habitude il est très-facile d'apprécier la durée d’une révoiu- tion du cylindre et de réduire à cette durée la longueur du tracé. D’autres fois on peut laisser les leviers écrire pendant deux révo- lutions du eylindre ; il est facile de lire ces deux tracés super- posés sans les confondre. Cette longue description était indispensable pour faire con- naître la disposition de l'appareil qui servira bien souvent pour les ex; ériences d'analyse et de synthèse dont j'ai parlé plus haut, ARTICLE N° 43. | VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. (1) Le plan de ces expériences est facile à comprendre. Il consiste à atteler tour à tour au manége un Oiseau véritable et un Oiseau mécanique ; à recueillir sur chacun d’eux le tracé des mouve- ments des ailes, des oscillations du corps ou de tout autre phé- nomène; à comparer les deux tracés obtenus ; enfin à corriger l'appareil schématique jusqu’à ce qu’il imite exactement les mou- vements de l'Oiseau véritable. Alors seulement nous devrons essayer de livrer l'Oiseau factice à son propre vol. CHAPITRE V. VÉRIFICATION, AU MOYEN DU NOUVEL APPAREIL, DES RÉSULTATS FOURNIS PAR LA PREMIÈRE MÉTHODE EXPÉRIMENTALE. De la trajectoire des mouvements de l’aile. — Construction de la courbe du parcours de l’aile d’après celles des hauteurs et des mouvements d’avant en arrière. Le nouvel appareil dont nous disposons permet d'obtenir tout ce que fourmissait l'appareil représenté figures 33 et 35 du pre- mier mémoire, appareil qui nous a donné la trajectoire de la pointe de l'aile dans l’espace pendant le vol. Il permet quelque chose de plus: c’est d’expérimenter sur tout appareil artificiel qu'on voudra suspendre à la place où, dans la figure 15, le Pigeon est attaché. La machine, si imparfaite qu’elle soit, si incapable qu’on l’a suppose de se soutenir sur l'air, donnera tout au moins le signal de ses coups d'ailes avec leurs phases diverses d'intensité et de durée, avec la trajectoire que ces ailes décrivent dans l'air, avec les réactions que leurs mouve- ments exercent sur le corps de la machine. Avant de passer à ce genre d’études, sur lequel je fonde de grandes espérances, j'ai voulu utiliser le nouvel appareil à con- trôler les résultats obtenus par la première méthode, relative ment aux mouvements de l'aile de l'Oiseau; j'ai voulu voir si la même trajectoire serait fournie par la nouvelle méthode et par l’ancienne. Tout l'intérêt de cette recherche tient à ce que la manière d'obtenir les tracés est différente dans les deux cas. Le premier appareil nous fournissait d'emblée une courbe com- “ AG MAREY. plète, semblable à celle que l'aile eût pu produire elle-même en frottänt sur une surface sensibilisée. Le second, au contraire, nous fournit seulement les éléments isolés de cette courbe. Un enregistreur spécial nous donne le tracé des hauteurs de l'aile, c’est-à-dire des oscillations verticales de cet organe avec sa vitesse à chaque instant ; l’autre enregistreur nous fournit les mouve- ments que l'aile exécute d’arrière en avant. Ces deux courbes, une fois fournies par l'appareil, c'est à la géométrie de les re- composer en une courbe unique qui doit être sensiblement sem- blable à celle que nous avons obtenue par l'emploi de la pre- mière méthode. Voici en quoi consiste l'expérience : Détermination nouvelle dela trajectoire de l'aile d’un Oiseau. — Un Pigeon me servit dans cette expérience. C'était un mâle de la race dite Pigeon romain, très-vigoureux et assez habitué à voler (1). La figure 15 montre la disposition des appareils que j'appliquai à l’étude de ses mouvements. Si l’on néglige le tambour explorateur n° 3, relié par son cordon de traction à la moitié inférieure de l’ellipse métallique qui suspend l'Oiseau, et destiné à transmettre exclusivement les mouvements d’oscillation verticale du Pigeon, on voit que les deux tambours employés dans cette expérience sont destinés à signaler les mouvements des deux ailes. C’est à l’humérus que je n’adresse cette fois pour obtenir le mouvement de l'aile dans l'espace. A cet effet, l’os est contourné par un fil métallique qui l’étreint comme un anneau, et vient par ses bouts libres fournir à l’extérieur de l’aile une attache solide à de nouveaux fils qui exercent leurs tractions sur les tambours explorateurs. Les mouvements des deux ailes étant parfaitement symé- triques dans le vol régulier, Je fais converger à chacun des tambours explorateurs deux fils qui se détachent symétrique- (4) Ge dernier point est d’une extrême importance, car la plupart des Oiseaux de volière sont incapables de servir, à cause de leur inexpérience du vol. ARTICLE N° 15. = VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. h7 ment des ailes. Ainsi, le tambour n° 1, destiné à signaler les mouvements d’élévation et d'abaissement de l’aile, recoit deux fils qui se détachent chacun de l’un des humérus du Pigeon, à à centimètres en dehors de l'articulation de l’épaule, et se portent à la pointe d’un levier en formant un angle aigu ; tandis que de cette même pointe part un fil de caoutchouc qui sert de ressort antagoniste et s'élève verticalement jusqu’à un crochet qui le retient par en haut. On a vu précédemment (fig. 16) comment le levier du tambour explorateur recoit, dans ces conditions, tous les mouvements d’élévation et d’abaissement que l’humérus de l'Oiseau pourra exécuter. Deux autres fils, détachés aussi chacun d’un humérus du Pigeon et du même point de l’os qui dounait attache aux fils du tambour n° 1, convergent aussi, en se portant en arrière, et se rendent au levier du tambour n° 2. Ce dernier est l’explora- teur des mouvements que l'aile exécute dans le sens antéro- postérieur. Les deux tambours envoient leurs mouvements par des tubes à air, désignés sous les lettres £ 1 et£2, jusqu’à l’enre- gistreur situé au centre du manége, ainsi qu'on le voit dans la figure 1h. Expérience. — Après s'être assuré que les deux leviers qui vont écrire ont bien leurs pointes situées sur la même verti- cale, l’opérateur fait lâcher le Pigeon. L'animal fait les mou- vements du vol, et bientôt entraîne, dans une rotation assez rapide, le manége auquel 1l est attelé. L'opérateur, placé au centre du manége, n’a qu'à faire quelques pas pour suivre la rotation de l'appareil. Pendant ce temps, il tient à la main une boule de caoutchouc qu'il lui suflira de presser pour que les deux leviers appuient leurs pointes contre le papier noivrei et pour que le tracé commence à s’écrire. Dès que le vol est bien établi et qu'il semble s’exécuter dans des conditions satisfaisantes, l'opérateur presse la boule, et après une ou deux secondes 1l recueillele tracé représenté figure 17. Interprétation des tracés. — Les courbes se lisent de gauche à LS MAREVY. droite, comme l'écriture ordinaire. La courbe supérieure est celle que décrit l’humérus de l'Oiseau dans ses mouvements d’arrière Les droites qui coupent chacune de ces courbes correspondent à la position de l’humérus quand l'aile est horizontalement étendue et, autant que possible, perpendiculaire au grand axe du et dans la direction verticale (courbe inférieure). corps de l'Oisceau. Fc, 17. — Représentant les mouvements de l'humérus d’un Pigeon dans la direction antéro-postérieure (courbe supérieure) en avant et d'avant en arrière; le sens de ces mouvements est indiqué par les lettres À et P, qui veulent dire que tous les som- ARTICLE N° 43. VOL DES INSECTES ET DÉS OISEAUX. h9 mets des courbes, de même que le sommet À, correspondent au moment où l'aile a atteint la partie la plus antérieure de son parcours ; les parties inférieures de ces courbes, au contraire, correspondent toutes, ainsi que le point P, au moment où l'aile a atteint la lite postérieure de son parcours. La ligne horizontale qui coupe cette courbe a été tracée dans une expérience préalable par la pointe du levier, au moment où les ailes de l’Oiseau, maintenues immobiles par un aide, pou- valent être considérées comme transversalement étendues et ne se porlant ni en avant, ni en arrière, Cette ligne représente donc en quelque sorte le zéro de la graduation des mouvements de l'aile dans le sensantéro-postérieur. L’inspection de la courbe nous montre encore que, dans ses mouvements, l'aile du Pigeon se portait surtout dans le sens qui se traduit par une élévation de la courbe, c'est-à-dire qu'elle se mouvait davantage dans le sens des sommets homologues du point À; en d’autres termes, le mou- vement en avant prédominait sur le mouvement en arrière. 2ette description semble suffisante pour bien faire com- prendre sa signification de la première courbe. Toutefois, afin de lever toute difficulté d'interprétation, je vais suivre, d'apres cette courbe, le parcours de l'aile dans ses deux premières oscil- lations antéro-postérieures. Au commencement du tracé, c'est-à-dire à la partie gauche de la figure, on commence à apercevoir la courbe un peu au- dessous de la ligne horizontale des zéros; lPaile se trouvait donc un peu en arrière de sa position moyenne, quelle atteint bien vite pour se porter en avant dans une grande étendue; puis elle revient en arrière et atteint une seconde fois sa position moyenne, qu'elle franchit pour se porter en arriere de cette ligne, mais à une distance environ moitié moindre que celle à laquelle elle s'était portée en avant. Alors elle revient de nouveau à la ligue médiane, la dépasse encore une fois de la méme étendue que la première fois, et revient en arrière, Le même mouvement, suivant les mêmes phases, se produit ainsi indéfiniment et, sauf de très-légères différences, dans toute l'étendue de la courbe supérieure. SC. NAT: JANVIER 1872, ARTICLE N° Â6: 18 90 MAREY. La courbe mférieure traduit les mouvements que l'aile exé- cute dans le sens vertical. Cette courbe est extrèmement facile à compreudre : les lettres H et B indiquent le haut et le bas des oscillations de l'aile; la ligne horizontale qui coupe le tracé correspond à la position de l'aile quand elle est bien horizontale- ment maintenue dans l'extension. De plus longs détails sont inutiles pour l'intelligence de cette figure : elle nous montre que, dans sa période de descente, l'aile ne se meut pas avec le même mouvement que dans la période d’ascension. Pour caractériser cette différence, je dirai que dans sa montée, l'aile se meut d'un mouvement accéléré d'abord, puis ralenti; dans sa descente, le mouvement de laile subit, au dernier tiers de sa course, un temps d'arrêt à partir duquel sa descente est pluslente, ainsi que le montre le rebondissement de la courbe descendante. À quoi attribuer ce rebondissement de la courbe, ce temps d'arrêt de l’aile qui s’abat? Il semble très-rationnel de lattri- buer à la résistance de l'air qui intervient au maximum à ce moment de la descente où l’aile s’abaisse avec vitesse et où le plan de cette aile est vraisemblablement orienté de manière à trouver sur l'air la résistance maximum. On verra plus lon comment se produisent les changements de plan de l’aile aux différentes phases de son parcours. Je me borne ici à l'étude des mouvements qu'exécute le squelette de l'aile, la partie qui correspondrait à la nervure antérieure, si l’on comparait l'aile d’un Oiseau à celle d’un Insecte. Nous pouvons donc savoir à tout instant quelle est la position de l'aile par rapport à l'horizon, quelle est sa position par rap- port au plan vertical qui passerait par les deux articulations scapulo-huniérales. Mais cesrenseignements que fournit l’inspec- tion des deux courbes ci-dessus ne donnent que difficilement l’idée de ia trajectoire de l’aile; ils permettent de déterminer un à un les éléments de cette trajectoire sans la livrer tout entière aux regards, comme le fait la courbe précédemment obtenue et représentée figure 36 (1®* mémoire). Cette courbe était une ellipse dont le grand axe était incliné de haut en bas et d’arrière en avant. ARTICLE N° 13. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 51 Pour savoir si dans l'expérience présente le parcours de l'aile du Pigeon est sensiblement le même que celui de la Buse dans l'expérience ancienne, Jai construit la courbe complète du par- cours de l'aile dans l’une de ses révolutions, et je me suis servi pour cette construction des deux courbes de la figure 17. Voici comment on procède pour cette construction : Supposons le problème résolu, et admettons que nous ayons sous les yeux la figure décrite par un point de l’humérus pen- dant une révolution de Paile. Sur cette figure, imaginons une série de points placés les uns à côté des autres : chacun d’eux exprimera la position de l'aile à un instant donné; il correspon- dra donc à un certain point de la courbe des mouvements de l’aile dans le sens antéro-postérieur, et à un certain point de la courbe des hauteurs de l'aile. Or, ces deux points des deux courbes différentes se trouveront nécessairement dans la même verticale, puisque, dans les conditions mêmes de l'expérience, nous avons eu soin de superposer exactement les extrémités des deux leviers, afin qu'elles écrivissent dans une même verticale les mouvements qui se produisent à un même instant. On peut donc, en traçant sur la figure 17 des verticales en nombre suffi sant pour couper chacune de ses courbes en un grand nombre d'endroits, obtenir, aux intersections de chacune des verticales avec les deux courbes, deux points dont la position, par rapport à la ligne des zéros, exprimera la position d’un point de la tra- Jectoire de l’aile par rapport aux deux coordonnées qui serviront à la construire. Voici, du reste, comment s'effectue cette construction. Pour donner plus de facilité à la mesure des positions des différents points de ces courbes, je les décalque toutes deux (fig. 18) sur un papier gradué en centimètres et en millimètres. Je trace en ligne pleme l’une des deux courbes, celle des mouvements dans le sens antéro-postérieur, dont le sens est désigné par les lettres A et P; puis je reproduis par une ligne ponctuée la courbe des hauteurs avec les lettres H et B. Je superpose ces deux tracés de manière à confondre l’une avec l’autre les deux lignes des zéros. Ces deux lignes n en forment plus qu'une située elle-même sur D2 L'ENCTN E l’une des divisions centinétriques horizontalement dirigées ; l'épaisseur plus grande du trait permet de reconnaître la position de cette ligne des zéros. De plus, j'ai eu soin de conserver dans le décalque des deux courbes la superposition verticale des points CICR LLER" IN PEITIPELIERPIILI IL TT. 24 E HE] HAT HR EE MERE pus a A [TT IE ZITITI [TT] pue CET EEE EEE CLTTTTT CE [TT] Ru EEE CET] ÉRRCERE PRE ERE EH EEREEHEREEEEEEEE EEE (16. 18. — Transport de la figure 17 sur papier millimétriquement a super- position de ces deux courbes, de façon qu’elles aient une droite commune pour axe des abscisses. correspondants de chacune d'elles ; on peut donc compter que, partout où une ligne verticale quelconque vient à couper les deux courbes, les intersections correspondent à la position que l’humérus de l’Oiseau occupe à eet instant, par rapport à deux plans perpendiculaires l’un à l’autre. L'intersection avec la courbe ponctuée exprimera, par la longueur de l’ordonnée me- née de ce point à l'axe des absceisses, ia position que l'aile occupe a cet instant par rapport à un plan horizontal; l'intersection avec la courbe pleine exprimera la position de l'aile par rapport a up plan vertical. Cette détermination est réalisée {fig. 19 ) pour une série de points de la trajectoire de l'aile dans l’espace, qui se trouve construite par points successifs de la manière suivante : Soient deux lignes æx et yy, la première constituant l'axe des abseisses et la seconde celui des ordonnées. Convenons que tout ce qui est en haut de la ligne des zéros, dansla courbe pleine, c’est-à-dire tout ce qui correspond à un mouvement dans le sens ARTICLE N° 15. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. J0 antérieur, devra se pointer à droite de la ligne des y. Inverse- went, tout ce qui est au-dessous des zéros dans la courbe pleme se pointera en arrière, c’est-à-dire à gauche de laxe des y: La position par rapport à cet axe sera comptée parallèlement à l'axe des abscisses an moyen des divisions millimétriques. RRENE FÉES RÉBREU FECEE EE T EEE RER nr SSERrNrRRrRRNt RENRIER ERRRREER ane REA rie Fie. 49, — Figure décrite par le mouvement de l’aile du Pigeon, construite au moyen des deux courbes de la figure 18. D'autre part, les différentes mesures prises sur la courbe des hauteurs de l’aile devront se pointer à la hauteur correspondante, comptée en dessus ou en dessous de la ligne des +, selon que ces points, dans la courbe des hauteurs, s’éloignent d’un cer- tain nombre de millimètres, soit en haut, soit en bas de la ligne des zéros. Prenons, comme point de départ, dans la construction de la courbe nouvelle, le point c choisi (fig. 18) sur la courbe ponc- tuée à l'un des instants où l’aile est arrivée à l’une de ses limites d’abaissement. Ce point, d’après la graduation millimétrique, nous indique que l’aile est abaissée de 43 divisious au-dessous de l’horizontalité. Suivons la verticale qui passe par le point € jusqu'à sa rencontre avec la courbe du mouvement de sens antéro-postérieur; l’intersection de cette verticale avec cette courbe nous indique que l'aile à cemoment était portée en avant de 24 divisions. Sur la courbe nouvelle. le point a devra donc être marqué en un point bien déterminé c, qui se 9!| MAREY. trouvera à l'intersection de la treizième division au-dessous de l'axe des æ avec la vingt-quatrième à droite de l'axe des y (ce qui, d’après notre convention, correspond à 24 divisions du côté de l'avant). Pour déterminer un second pomt de notre courbe, portons- nous, dans la lecture de nos tracés, d’une division millimétrique plus loin vers la droite: nous relèverons de la même manière que tout à l'heure la position de la verticale de ce point avec les deux courbes, et nous aurons, dans la figure nouvelle, un second point déterminé. La série de points successifs obtenus de cette manière se trouve placée sur une courbe dont la flèche indique la direction. En construisant ainsi la figure entière, on voit qu'après s'être portée en bas et en avant, cette courbe s'élève en revenant en arrière. On peut, en rapprochant cette figure de celle que nous avions obtenue autrefois avec un autre appareil sur une autre espèce d'Oiseau ; et en explorant le mouvement d'une autre partie de l'aile, on peut, dis-je, constater entre les deux courbes de frap- pantes ressemblances qui montrent bien que, dans le vol, les Oiseaux procèdent par des mouvements à peu près identiques. En eïfet, de part et d'autre, l'os de l'aile décrit une sorte d’ellipse irrégulière à grand axe incliné en bas et en avant. Ces expériences datant de deux ans et mes recherches ayant été suspendues depuis cette époque, je n'ai pu me rappeler assez sûrement la position des appareils qui m'ont servi à les exécu- ter. Il en est resté quelques incerutudes dans mes souvenirs re- lativement au sens de la rotation de l'aile. J'ai dû recommencer mes expériences dans des conditions d'installation plus parfaite des appareils. De nouveaux détails sur le mécanisme du vol ont été ainsi obtenus. J'ai cherché, par exemple, à déterminer la vitesse et l'étendue réelles des mouvements de l'aile à chaque instant, à signaler les divers changements du plan de cet organe aux différentes phases de sa révolution. Ces premières notions sont les éléments indispensables sur les- ARTICLE N° 13. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX: 55 quels seront basées les tentatives d'imitation du mécanisme du vol des Oiseaux. CHAPITRE VI. DES CHANGEMENTS DU PLAN DE L'AILE AUX DIFFÉRENTES PHASES DE SA RÉVOLUTION. Description des appareils destinés à obtenir la courbe des changements de l'aile. — Rapports de cette courbe avec celle des autres mouvements. — Conclusions. On à vu, au commencement de ces études, que l’aile de l’In- secte éprouve, sous l'influence de la résistance de l'air, des torsions qui changent à chaque instant l’inclinaison de son plan. Ces mouvements, tout à fait passifs, constituent l'essence du mécaniswe du vol de l’Insecte, dont aile, à chacun de ses mou- vements de sens alternatif, décompose la résistance de Pair et lui emprunte une force qui agit du côté de la nervure et sert à soutenir et à propulser l’animal. La structure de l'aile de l'Oiseau ne permet pas d'admettre chez lui l'existence d'un mécanisme semblable. Pendant l'ascension, cette aile ne présente pas à l'air un plan résistant; mais, grâce à l’imbrication des pennes qui s'ou- vrent pour lui livrer passage, ce mouvement n’éprouve qu'une très-faible résistance et s'effectue en toute liberté. La phase d’a- baissement est donc la seule où le vol de l'Oiseau présente des conditions analogues à celui de l’Insecte. Du reste, la courbe décrite par la pointe de l’aile de l'Oiseau diffère assez de celle que parcourt l'aile de l’Insecte pour prouver que, de part et d'autre, les conditions mécaniques sont différentes. Il était indispensable de déterminer expérimentalement les différentes inclinaisons du plan à chaque phase de chacune de ses révolutions. En effet, pour estimer la valeur de la résistance que l’air oppose à tout instant du vol, il faut connaître les deux éléments de cette résistance : 1° l’angle sous lequel le plan de l'aile vient frapper l’air; 2 la vitesse avec laquelle ce choc s'effectue. Rien n’est plus facile que d’obtenir la seconde donnée du problème; nous la tirerons quand nous voudrons de la courbe qui représente la position de l'aile à chaque instant, courbe dont oÛ ME SUB . la figure 19 fournit un exemplaire obtenu sur un Pigeon: iwais ce qui présentait plus de difficultés, c'était d'obtemr l'indication des changements de plan de l'aile pendant le vol. Voici le méca- nisme auquel j'ai recouru : On sait qu'une tige articulée à un mouvement de Cardan. dont le centre de rotation est voisin de l'articulation scapulo- humérale, peut être rendue solidaire des mouvements de circum- duction que l’aile exécute. L'expérience qui m'a servi à déter- miner la courbe décrite par la pointe de l'aile est basée sur l’em- ploi d’une tige de ce genre. Mais le mouvement de Cardan, tout en Ghéissant aux flexions en tous sens qu'on imprime à la tige, ne traduit nullement les mouvements de torsion suivant l'axe de cette tige. Fic. 20. Soit donc (fig. 20) un appareil de ce genre, on pourra imprimer à la tige 4 toute espèce de mouvements dans le sens vertical ou dans l’horizontal ; elle obéira à toutes les impulsions reçues. Mais si, prenant à la main l'extrémité de cette tige au niveau du levier /, qui s’en détache perpendiculairement, on cherche à imprimer au levier un mouvement de torsion, comme lorsqu'on tourne une vis, le Cardan ne permet pas au mouvement de se produire et la tige résiste à effort qu'on exerce. Supposons que derrière le Cardan et sur le prolongement de la tige #, il se trouve une autre tige cylindrique p pivotant dans un tube, cette tige tournera dans le tube sous l'influence des efforts de torsion qu'on exercera en tenant à la main le levier coudé /, et si la tige p porte elle-même un levier coudé / , situé dans le même planque /, on verra que ces deux leviers sont solidaires l’un de l’autre, et que tout changement de plan subi par le premier se transmet au second . | ARTICLE N° 18. _ VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 57 Dans ces conditions, si nous rendions le levier L solidaire des changements de plan que l'aile éprouve dansles différentes phases de sa révolution, ces changements seraient transmis au levier /°, qui pourrait à son tour agir sur un appareil explorateur, et en transmettre le signal sous forme d’un tracé. C'est précisément le moyen que j'aiemployé dans mes expériences. Le levier L'état couché sur le plan de l'aile de l'Oiseau tenu en position horizon- tale. Le levier !', horizontal lui-même, était relié par un fil au levier d’un tambour explorateur placé au-dessus de lui et disposé de la même facon que dans les expériences décrites au chapitre précédent. Quand on faisait basculer le plan de l'aile de façon à lourner la face supérieure de cet organe plusou moins en arrière, la courbe enregistrée s'abaissait : elle s'élevait, au contraire, quand on tour- nait ce plan de l'aile de manière à porter sa face supérieure en avant. Mais une dificulté se présentait encore. Il n’était pas possible de fixer le levier / en un point de la tige #, et d’autre part de l'immobiliser en un pointde l'aile de l'Oiseau. En effet, le Cardan n'ayant pas le mème centre de mouvement que l'articulation de l'aile, il s'ensuit que, dans les mouvements verticaux, il doit exister un glissement entre l’aile et la tige 4. Il faut donc que le levier /, fixé aux plumes de l’aile, glisse librement sur la tige dans le sens de sa longueur, et cependant qu'il lui imprime sous forme de torsion tous les changements d'inclinaison que lui transmettent les plumes de l’Oiseau. On verra à la figure 21 comment ce résultat a été obtenu, Soit 4 la tige qui doit suivreles mouvements de cireumduction exécutés par l'aile. Cette tige présente des cannelures longitu- dinales profondes qui donnent à sa coupe l'apparence d’une étoile. Cette coupe est représentée en E sur le côté de la figure 21. De plus, elle passe dans un tube qui s'applique à sa surface exté- rieure et glisse librement. Mais à l’une des extrémités du tube est un fond métallique qui est percé d’une ouverture en étoile à travers laquelle passe la tige #, dont chaque cannelure est logée HYe) MARLY. dans une branche de l’ouverture étoilée. Le levier / est soudé sur ce tuhe; il peut donc avec lui se porter aux divers points de la longueur de la tige, ce qui assure la liberté du mouvement du vol, mais il ne peut changer de plan sans communiquer ce changement de plan au levier //, qui en reçoit l'impression et en transmet le signal. Aprés quelques expériences, je reconnus la nécessité d'appor- ter certains perfectionnements à mon appareil. Ainsi, le levier / avait des tendances à se tordre à cause du déplacement des pennes aux différents instants du vol; je le remplaçai (fig. 21) par une pièce à trois leviers mobiles tournant dans un même plan, autour d'une articulation commune, à la facon des lames d’un éventail. Chacune de ces petites branches finissait par un cro- chet. Après avoir attaché le tube à glissement sur la main de lOiseau, je liai l'extrémité de chacune de ces trois lames avec une des pennes de l'aile. Cette ligature, faite avec du fil de caoutchouc, m'a donné d'excellents résultats. D'autre part, le levier l', fig. 20, présentait de grands incon- vénients. Chargé de transmettre ses mouvements à un tambour explorateur, cet appareil était défectueux à cause de son inégalité d'action. Je le remplaçai par une poulie d’un court rayon, située sur la tige même qui se prolonge en arrière du Cardan. Le filrr qui doit transmettre les torsions de la tige s'enroule dans la gorge de cette poulie ; à ses deux extrémités sont les fils de caoutchouc qui assurent sa tension permanente. Enfin, quand l'appareil est sensibilisé d’une manière convenable, on fixe le fil dans la gorge de la poulie au moyen d’une goutte de cire à cacheter placée ARTICLE N° 13. VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 99 sur un point où l'enroulement doit être permanent. De cette facon, la rotation de la poulie résultant de la torsion de la tige transmet toujours avec fidélité cette torsion au levier explorateur. HB exprime le mouvement de haut en bas. — La avant et en arrière, courbe ponctuée indique la torsion de l’aile autour de l'articulation scapulo-humérale ; plus la courbe s'élève au-dessus de l’une des abscisses, plus elle exprime que le bord postérieur de l’aile est relevé. mouvements de l'aile en Fic. 22. — Tracé simultané des divers mouvements de l'aile d’une Buse. — La courbe AP indique les Pour terminer cette description déjà trop longue de l'appareil destiné à recevoir les signaux de lélévation et de l’abaissement de l’aile, je me borne à dire que la pièce située à la base du levier tt est destinée à transmettre les mouvements verticaux et les mouvements horizontaux par deux systèmes de fils. Pour les mouvements verticaux. un double fil v passe dans la double 60 VS A BEN . gorge d'une pièce courbée eu arc de cercle et se rend au levier d’un tambour explorateur. Le fil À transmet à un autre appareil les mouvements dans le sens horizontal, c’est-à-dire antéro- postérieur. Expérience. — On fait voler une Buse à laquelle cet appareil a été adapté, et l'on obtient à la fois les trois courbes représentées figure 22. Avec ces triples données on peut coustruire non-seulement la trajectoire de l'aile, mais la série des inclinaisons du plan de cet organe aux divers points de son parcours. La figure 22 montre les trois courbes obtenues à la fois au moyen de l'appareil. La courbe tracée par un trait plein correspond aux mouve- ments que l'aile exécute dans le sens antéro-postérieur, Le point À etses homologues correspondent à la position antérieure extrême de l'aile de l'Oiseau; le point P à la position extrême postérieure. La courbe formée de traits interrompus indique les hauteurs de l'aile dans l’espace ; le point H correspond au maximum de l’élévation de l’aile, et le point B à son plus grand abaissement. Ces deux courbes dans l'espace permettent de construire par points la courbe fermée (fig. 23), représentant la trajectoire que l’aile parcourt autour de son centre de mouvement, qui est l'articulation de l'épaule (1). C'est sur cette trajectoire que nous déterminerons linclinai- son du plan de l'aile à chaque instant de son parcours elliptique. A cel effet, il faut se reporter (fig. 22) à la courbe ponctuée, qui est l'expression des torsions de l'aile à différents instants. Les ordonnées positives et négatives de cette courbe correspondent aux tangentes trigonométriques des angles que l'aile fait avec (1) Cette courbe n’est pas toujours fermée, mais on peut, à l'inspection des courbes de la figure 22, savoir quand on obtiendra pour la trajectoire de l’aile une courbe fermée. C’est quand les intersections de la courbe des hauteurs et celle des mouve- ments d'avant en arrière se produisent deux fois de suite dans des points homologues, Ce cas s’observe lorsque le vol est d’une régularité parfaite. ARTICLE N° 13, VOL DES INSECTES ET DES OISEAUX. 61 l'horizon (4). Elles permettent donc de tracer sur la figure 23 une série de lignes dont chacune exprime, par son inclinaison sur l’horizon, l’inclinaison que le plan de laile présentait à ce même instant de son parcours. ETC R25; Le sens du mouvement de l'aile se lit de haut en avant, ce qui, sur la figure 23, se compte de haut à droite, de la lettre H aux lettres Av. La figure 23 est en parfait accord avec la théorie qui ressort de toutes les expériences précédemment rapportées. Elle montre en effet que l’aile, dans son ascension, prend la position in- clinée qui lui permet de couper l'air en trouvant le minimum de résistance ; que dans la descente, au contraire, la position de son plan se renverse de telle sorte que la face inférieure de cet organe regarde en bas et en arrière. Il suit de là que dans sa période d'abaissement, l'aile, par son incidence obli- que, décompose la résistance de l'air, et, tout en soulevant le corps de l'Oiseau, le propulse en avant. On voit aussi que l'in- climaison de l'aile change graduellement aux différentes phases de son abaissement et de sa descente. Dans cette dernière phase surtout se montre l'influence de la résistance de l'air sur l’orien- tation de l'aile : c’est en effet au moment où la vitesse d’abais- sement atteint son maximum, que l’on voit le bord postérieur de l'aile se relever le plus fortement. {4) HN faut de l'angle (rouvé retrancher algébriquement une valeur constante : l'angle de 30 degrés que l'aile au repos fait avec l'horizon, 62 MAREY. On peut presque Urer de l'expérience précédente les données nécessaires à l'évaluation du travail qu'un Oiseau effectue en vo- laut. En effet, de l'angle sous lequel la résistance de l’air se présente sous la face inférieure de l'aile, on peut déduire la manière dont cette résistance se décomposera suivant deux directions : l’une, verticale, luttant contre la pesanteur et soutenant l'Oiseau ; l'autre, horizontale, servant à la translation de l'animal. Une série d'expériences nouvelles s'ouvre encore devant nous. Elle consistera à prendre une aile véritable, l'aile d’une Buse, par exemple, à dessécher cette aile daus l'exteusion, afin de s’en servir comme d'un plan incliné destiné à se mouvoir dans l'air avec des vitesses différentes et sous des angles différents. Il faudra déterminer expérimentalement la valeur des deux composantes de la résistance de l’air pour chaque angle et pour chaque vitesse. On pourra ensuite, au moyen de ces éléments, déterminer la quantité de travail que Paile effectue sur l'air à chacun de ses passages successifs de l’une des positions représen- tées figure 23 à la position suivante. La somme de ces travaux élémentaires constituera le travail total effectué par Paile sur l'air à chacune des révolutions de l'aile de l'Oiseau. ARTICLE N° 16. ÉTUDE ANATOMIQUE SUR UN CHÉTOPTÈRE, Par M. Ch. LESPÉS, Professeur à la Faculté des sciences de Marseille. Les Chétoptères sont des Annélides d'un aspect si singulier, et leur manière de vivre les rend st rares, que l'étude anatomique d'une de leurs espèces ma paru devoir présenter quelque intérêt. C'est cette étude dont je me propose d’exposer les résultals. - L'espèce que J ai pu examiner et disséquer me semble nou- velle pour la science et remarquable surtout par sa petite taille. Comme tous ses congénères, elle se trouve à une assez grande profondeur et habite des tubes mous couverts de grains de sable et d’autres petits corps. Il n'est point facile de se la procurer, car les pêcheurs n’attachent aucune valeur aux objets qui ne se ven- dentpas au marché, et si nos paysans sont peu observateurs, les pêcheurs de Marseille le sont encore moins: ils ont à peine quel- ques noms pour désigner les êtres qu'ils retirent de leurs filets iraînants. C’est dire que les Chétoptères leur sont inconnus, et que si lon veut en trouver, 1l faut aller les chercher soi- mème. ; Les côtes calcaires de la Provence sont bordées de grandes prairies sous-marines dont la richesse zoologique doit être consi- dérable. Une Zostéracée à souches fort longues, le Posidonia Cau- lini, les forme ordinairement ; ses rhizomes entrelacés en conso- lident le sol, et, pendant la belle saison, ses longues feuilles le recouvrent d'une végétation touffue. Le Chétoptère dont l'étude m'a occupé attache le plus souvent ses tubes aux rhizomes de ce fond, et c’est en visitant avec soin ceux que le filet rapportait, SC. NAT., AVRIL 1872, ARTIGLE N° 14, 2 CH. LESPÉS. que j'ai pu me procurer un assez graud nombre d'individus. Je n'ai pourtant réussi dans mes recherches qu'à des profondeurs de quinze à vingt brasses. En général, les animaux retirés de ces profondeurs vivent peu de temps en captivité. Là, en effet, l'eau dissout beaucoup plus de oaz, les changements de température sont à peu près nuls, la pression est beaucoup plus forte. Ces conditions et aussi plusieurs autres font comprendre la mort rapide des êtres que nous fournit la drague. Tout au contraire de leurs concitoyens, les Chétopteres se font très- facilement à l'habitation de nos bassins ; après quel- ques jours, leurs tubes ont été réparés et adhèrent fortement au verre, souvent même de telle sorte que l’on peut suivre les mou- vements de l’animal dans leur intérieur. J'en at conservé ainsi pendant une année; mais il est vrai que mes bassins sont établis dans des conditions telles que plusieurs Poissons et même des Langoustes y vivent depuis le même temps au moins. Le tube qui loge notre Annélide est long de 12 à 20 cen- timètres ; ordinairementsa direction est un peu courbe et ses deux extrémités sont relevées, semblables et ouvertes toutes deux. L'animal, toujours unique, qui l’habite ne dépasse jamais l’ouver- ture ; à peine les antennes, quand elles sont longues, sortent-elles en partie. La portion moyenne de ce tube atteint un diamètre de 4 = à 2 centimètres; elle est couverte de fragments de Posidonia, de Foraminiféres, de grains de sable et de tous les petits débris qui forment le fond, et, comme je l'ai dit déjà, elle elle adhère presque toujours à une souche de Posidona. Les extrémités, sur une longueur de 2 centimetres environ, sont lisses et sans corps étrangers à la surface ; leur diametre est un peu moindre, et leur couleur, d’un blanc sale, rappelle le papier mouillé. A l’intérieur, le tube est lisse, blanchâtre et tapissé du mucus dont les couches successives le constituent. L'animal se montre indifféremmentaux deux extrémités ; j'ai pu le voir, dans les tubes adhérents au verre des bassins, se retourner souvent dans l’intérieur. Le mouvement à toujours lieu de sorte que la face ventrale des premiers segments touche la même face des derniers. Autant les mouvements sontembarrassés hors du tube, ARTICLE N° d/, ÉTUDE ANATOMIQUE SUR UN CHÉTOPTÈRE. 3 autant ils sont rapides dans son intérieur, quand le Ver s'appuie sur Sa ventouse. Le genre Chætopterus, fondé par Cuvier pour un Annélide des Antilles, à été admis par tous les naturalistes ; mais les espèces qui le constituent sont loin d’être nettement séparées l’une de l’autre, et toutes ont une telle analogie, qu'il ne me semble pas facile de les distinguer. L'un des caractères les plus commodes me semble être le nombre des anneaux de la région postérieure du corps, quoique ce nombre ne soit pas d’une constance abso- lue. Dans l'individu de Cuvier (C. pergamentaceus), décrit plus tard avec soin par MM. Audouin et Milne Edwards, cette région était incomplète; une dizaine d’anneaux existaient, etil doit y en avoir eu probablement une cinquantaine. La seconde espèce (C. Norvequs Sars) en aurait environ douze, mais je ne con- nais pas la description originale, et Je n'ai sous les yeux que celles de MM. de Quatrefages et Grube. Le quatrième pied serait aussi plus court que les autres et la partie antérieure du corps ovalaire. Le €. F’alencini Quatr. en a de A8 à 50; mais s’il porte réellement des soies tronquées au quatrième et au cin- quième pied, 1l est distinct de toutes les autres espèces, et même de tous les autres Chétoptériens ; de plus, le nombre variable des anneaux de la région antérieure en fait une espèce très- facile à distinguer. Ne serait-ce pas un individu monstrueux ? Le C. Sarsii Quatr. a vingt anneaux à la région postérieure. En- fin, celui que M. de Quatrefages nomme Leuckarti, le variope. datus Rénier (d'après Claparède), en aurait de vingt et un à vingt-trois, suivant la description de Leuckart. Il est en outre remarquable par le nombre variable deses pieds antérieurs. C'est la seule espèce trouvée jusqu'ici dans la Méditerranée, L'espèce de Marseille a le plus souvent onze anneaux à la ré- ion postérieure; une seule fois J'ai trouvé un individu très- petit, mais dont les organes reproducteurs étaient développés, qui n’en avait que huit. Un grand individu n'en a présenté ire1ze et un autre quatorze. J'en ai dessiné onze seulement, mais est probable que j'ai laissé inaperçus deux petits pieds sur celui qui m'a servi de modèle. C'est donc du C. Norvegus que SC. NAT. AVRIL 4872, ARTICLE N° A}. 19 li CM. LESPÉS. mon espèce se rapproche le plus; peut-être est-elle identique avec lui, mais la preuve me inanque, et je la désignerai sous le nom de CHÆTOPTERUS BREVIS. Corpus 25-35 usque ad 50 millim. longum, sordide album. Regioantica subquadrata. Antennis duabus plus minusve elonga- ts capitisque margine rosaceis. Pedibus quartis basi uncinorum nigrorum h ad 12 instructis. Regio postica brevis, in plerisque undecim articulata. Le corps (1) peut être décrit comme formé de trois parties; mais la distinction entre la première et la seconde n’est proba- blement pas aussi facile dans toutes les espèces, car le dixième pied dorsal et l'anneau qui le porte sont considérés par les uns comme appartenant à la portion moyenne, formée alors de eimq segments, et par d'autres comme dépendant de la portion anté- rieure. C’est ainsi que je les décrirai. La partie antérieure ou céphalique a la forme d'un quadrila- tère allongé, mais devient presque ovalaire dans certains mou- vements. En avant, elle se termine par une sorte d’entonnoir garni d'une frange membraneuse sur a moitié de sa circonfé- rence. C’est le côté ventral, ainsi que tous les auteurs, Sars excepté, l’ont déterminé, et que je le montrerai par la position des centres nerveux. Le côté dorsal du mème entonnoir porte deux autennes d’une longueur très-variable ; dans quelques indi- vidus, ce sont des tubercules à peinesaillants ; chez d’autres, au contraire, des filaments très-mobiles, dont la longueur est pres- que égale à celle de la première partie du corps. Ni la taille ni le sexe de l'individu ne sont liés à ces variations des antennes; ce n’est point non plus qu'elles aient été coupées, car elles sont égales, et un individu isolé depuis longtemps les avait très- courtes. À leur base externe, l’œil se montre comme un petit point foncé difficilement visible. La surface dorsale présente une dépression médiane longitudinale dans la moitié antérieure à (4) Fig. 4. ARTICLE N° 4/. ÉTUDE ANATOMIQUE SUR UN CHÉTOPTÈRE. 5 peu près, et de légères dépressions transversales qui séparent les sept premiers anneaux. À partir de ce dernier, la surface est occupée par une masse arrondie molle, qui porte sur les côtés les deux grands lambeaux auxquels le genre doit son nom, et qui sont les dixièmes rames dorsales. Sur les côtés de ce qua drilatère on voit parfaitement neuf pieds armés de nombreuses soies ; en arrière et au-dessous de la base des grands lambeaux, on aperçoit de chaque côté une expansion membraneuse : c’est la rame ventrale du dixième segment. Vue en dessous, la même région se présente jusqu’au neuvième pied comme une surface un peu bombée, sans trace aucune de segmentation. Elle est formée, comme je le dirai plus loin, par une couche musculaire à faisceaux longitudinaux. Le neuvième pied seul porte une rame ventrale très-petite et couverte de soies en peigne, comme les aulres rames venirales. Enfin le dixième anneau est recouvert par ces lames arrondies que nous avons vues par dessus et qui sont ses rames ventrales. Elles sont garnies, sur les bords, de nombreuses soies en peigne. La région antérieure, telle que je la comprends, est donc formée de la tête et de dix anneaux portant tous des rames dorsales, et les deux derniers seule- ment des rames ventrales. La rame ventrale du neuvième segment est indiquée dans une description publiée en 4867 par M. Jourdain (1). Les rames dorsales portent toutes de nombreuses soies, ordi- nairement vingt-cinq : ce sont de longues soies en sabre (2), qui sortent par une fente longitudinale dirigée en avant et en dessus. La lame est d'autant plus étroite que la soie est plus loin de la base du pied. Au quatrième pied, la série commence par des acicules tronqués (3), bruns, et dont l’ensemble forme une petite masse noirâtre très-facile à voir (4). Le nombre de ces acicules est variable : j'en ai toujours vu au moins quatre, le plus souvent | huit et quelquefois jusqu’à douze; ils sortent par la même fente (1) Association scientifique de France (Bul{, hebdomad,, n° 33, 45 septembre 1867). (2) Fig. 2. (3) Fig. 3. (4) Fig. 4, & 6 CH. LESPÉS. que les soies en sabre qui les suivent, et dont le nombre est en raison inverse du leur. La dixième rame dorsale (1) est formée par un lambeau triangulaire mince et presque immobile ; animal le porte dirigé en avant et appuyé sur les trois ou les quatre pieds qui le précèdent ; de nombreux acicules simples, coniques el disposés en deux paquets peu distincts, le remplissent. Ils sor- tent par une fente longitudinale ouverte sur le bord interne ou antérieur. Mon dessin (2) représente toute cette première région vue en dessus. Mais quand on retire un Chétoptère vivant de son tube, il prend souvent la position opposée : la face ventrale est alors en dessus, ce qui expiique l'erreur de Sars. Les quatre anneaux qui suivent forment la région moyenne que l’on est convenu denommer thoracique. Pendant la vie, 1ls sont en mouvement continuel; immédiatement après la mort, ils s’éloignent un peu l’un de l’autre : c’est ainsi que Jje les ai re- présentés vus de profil. Une double bande musculaire blanche (3) continue celle de la région céphalique du côté ventral et peut être suivie jusqu'aux derniers anneaux du corps, mais dans la région moyenne elle est très-distincte. Quatre lambeaux (4) semblables à de petites selles et garnis sur leurs bords de soies en peigne représentent les rames ventrales de ces quatre segments. L’intestin hépatique, rempli d'une masse noire ou d’un vert foncé, présente une série de plis et de renflements qui paraissent à travers les tissus et donnent à cette région un aspect singulier (5). Les rames dorsales ne portent aucune soie. Celles du premier de ces anneaux sont réunies (6) en une masse ronde pédiculée et creusée en cupule; celles des trois anneaux suivants forment, par leur réunion, une membrane mince et transparente qui dépasse beaucoup la masse noire et l'entoure (7). Ces quatre (4) Fig. 1,e. (2) Fig. 1. (3) Fig. 1, /f. (4) Fig. 4, gg. (5) Fig. 4 et fig. 4,hh. (6) Fig. 4 et fig. 4, (7) Fig. 4 et fig. 4, kk&, ARTICLE N° « ÉTUDE ANATOMIQUE SUR UN CHÉTOPTÈRE, 7 anneaux sont en mouvement continuel : les lames des trois der- niers se portent en avant et recouvrent la cupule en s’appli- quant l’une sur l’autre, puis elles s’en éloignent successivement en se portant fort en arrière ; enfin elles reviennent à leur posi- tion initiale. Les anneaux de l'abdomen sont un peu plus ramassés que ne les montre mon dessin; ils diminuent de volume du premier au dernier. La rame dorsale (1) est étroite, assez longue, et renferme cinq et quelquefois sept soies caniques, simples et droites, qui sortent par une fente supérieure, mais le plus souvent on ne les observe que par transparence. Une crête membraneuse, mince (2), réunit la base des deux rames dorsales ; c’est le reste ou l’ana- logue de la grande membrane des trois derniers pieds moyens. La rame ventrale est double à chaque anneau, caractère déjà bien observé par MM. Audouin et Milne Edwards, et sur lequel Claparède a justement insisté, car les Chétoptériens sont les seuls Annélides qui le présentent. Le lambeau externe (3) est très- distinct et en forme de trapèze ; l’interne (4) est en partie con- fondu avec celui du côté opposé ; l’un et l’autre portent au bord de nombreuses soies en peigne. Ce sont des plaques (5) suppor- tées par un filament et dont le bord libre est armé de neuf dents dirigées en arrière. Toutes les rames ventrales portent des soies semblables, depuis celles du neuvième pied jusqu'à celles du dernier. Quant à la division de la rame en deux lambeaux, elle est bornée à la région postérieure; mais dans la région moyenne la lame en forme de selle de chaque anneau porte des soies en peigne distribuées en quatre groupes : deux antérieurs, plus écartés, représentent les lambeaux externes ; deux postérieurs, plus rapprochés, sont les analogues des lambeaux internes. Les rames ventrales du neuvième et du dixième pied sont simples comme dans la plupart des Annélides. (4) Fig. 4 et fig. 5, 27. (2) Fig. 5, m. (3) Fig. 1 et fig, 5, #. (4) Fig. À et fig. 5, 0. (5) Fig. 6, 8 CH. LESPÉS, Appareil digeshf. — L'œæsophage s'ouvre au fond de l’enton- noir céphalique, aucune pièce dure ne l'accompagne : l'animal semble se nourrir des êtres fort petits qui nagent dans l'eau. Je n'ai jamais trouvé dans son tube digestif un débris reconnais- sable, mais seulement quelquefois une substance brune com- posée de granulations très-petites, et le plus souvent rien que des cellules hépatiques. Dans les neuf premiers anneaux du corps, l'intestin est droit et présente un étranglement marqué au niveau de chaque dissépiment. En effet, si à l'extérieur ces anneaux sont presque continus, ils n’en sont pas moins séparés intérieu- rement par des cloisons très-distinctes. Parvenu à la masse ovalaire dorsale du dixième anneau (1), le tube change d'aspect, et il se boursoufle en trois renflements à la suite desquels il est étranglé au niveau du dissépiment auquel il adhère. Dans l’anneau de la ventouse il offre aussi une série de renflements qui apparaissent sous la peau très-mince de cette région et rappellent l'aspect du gros intestin de l’homme (2). Étranglé de nouveau par le dissépiment, il pénètre dans la poche médiane du deuxième anneau thoracique qu’il remplit plus ou moins complétement, mais sans adhérer à ses parois en d’autres points qu’au niveau des dissépiments. Il décrit dans cette poche une grande anse à convexité dorsale (3). Son diamètre augmente beaucoup pour se rétrécir encore au niveau du dissépiment. Danslesdeux derniers anneaux thoraciques, il est constitué d’une manière semblable, mais son volume est un peu moins fort. Dans la troisième partie du corps l'intestin présente un dia- mètre uniforme (4) à peine rétréci au niveau des dissépiments, qui deviennent de moins en moins distincts; mais 1l décrit dans chaque articulation une courbe analogue à celle des segments thoraciques; dans l’avant-dernier il est presque droit, et dans le dernier il est formé par une poche ovalaire ouverte à l’anus. Toute la portion moyenne du tube digestif est d’une couleur (4) Fig. 7, p. (2) Fig. 1, fig. Let fig. 7, r. (3) Fig. 7,5. (4) Fig. 7, te ARTICLE N° 44. ÉTUDE ANATOMIQUE SUR UN CHÉTOPTÈRE. 9 verte si foncée, qu'elle paraît noire à un premier examen; cette couleur commence avec les premiers renflements dans le dixième anneau, et finit dans le dernier anneau thoracique. La portion renfermée dans les anneaux postérieurs est à peine colorée. La couleur est due à une énorme quantité de cellules hépatiques rondes, d'un diamètre de 0"",012 à 0**,030, pleines de gra- nulations foncées et contenant aussi quelques gouttelettes huileuses. | Respiration et circulation. — Malgré des recherches très-sou- vent renouvelées, je n’ai jamais vu la moindre trace d’un appareil circulatoire. Rénier aurait décrit avec beaucoup de détails cet appareil, d’après Claparède, qui ne l’a pas trouvé plus que moi, et qui ne met pas en doute que celte description ne soit une erreur. M. Jourdain, dans la note que j'ai déjà citée, annonce la description de ce même appareil et de celui de la respiration ; je ne crois pas qu'il l'ait jamais publiée, car ni l’un ni l’autre n'existent. La frange semi-circulaire de la tête, les antennes et les bords des fentes des rames dorsales des dix premiers et des onze derniers pieds sont couverts d'un épithélium vibratile très actif. Si ces organes ont quelque fonction respiratoire, ils ne constituent au moins rien d’analogue à de vraies branchies. La grande lame des trois derniers anneaux thoraciques en a bien plus l'aspect, mais sa structure est tout autre. Ainsi que je le dirai plus loin, elle renferme de chaque côté une cavité occupée par les organes reproducteurs, et l'expansion me semble un organe de mouvement. Système nerveux. — La position des centres nerveux déter- mine la surface supérieure du corps, mais les ganglions ne sont pas faciles à trouver et la dissection des nerfs offre des difficultés à peu près msurmontables. Immédiatement au bord de l’entonnoir, du côté opposé à la frange, 1l y a sur la ligne médiane une sorte de petit tubercule; en disséquant avec soin, on peut apercevoir sous Ja peau (1) (A) Fig, 8, A0 CH. LESPÉS. deux petites masses ovalaires confondues : ce sont les ganglions sus-æsophagiens. Leur position détermine la face dorsale du Ver, et c'est bien celle que tous les observateurs, excepté Sars, avaient considérée comme dorsale, bien que l'animal retiré de son tube, ou même dans l'intérieur, la porte presque toujours en dessous. J'ai vu de chaque côté un très-mince filament sortir de ces masses, mais Je n'ai pas réussi à le suivre au delà d'un millimètre, et encore ne l'ai-je vu qu'à l’aide de l’acide osmique. C’est peut- être la commissure, peut-être aussi le nerf optique ou celui de l'antenne, peut-être la réunion des trois; mais ici je ne puis me prononcer. A la face opposée du corps, la chaîne ventrale est moins diff- cile à trouver (1). Un premier ganglion appartient au premier segment; 1l est ovalaire et ressemble tout à fait à ceux qui le suivent. En avant, il donne deux filets grêles qui suivent la frange buccale dans laquelle ils se rendent, et qui offrent deux ren- flements ovalaires sur leur parcours. Je ne puis croire que ce soient les commissures, mais alors celles-ci m'ont absolument échappé. Chaque anneau possède une double masse nerveuse dans toute la longueur du corps, au moins usque vers la partie terminale. Les commissures sont partout doubles et bien visibles. Quant au volume, il varie peu dans les premiers anneaux; le dixième est celui où les ganglions sont le plus volumineux. Dans les anneaux de la partie moyenne, ils sont au contraire petits et allongés, et ils fournissent de nombreux filets aux masses musculaires. Ceux de la troisième région deviennent de moius en moins distincts. Comme on peut le voir par cette description, la tête est aussi peu distincte que possible chez le Chétoptere; extérieurement, ce n’est que la frange buccale, les antennes et les yeux qui la constituent. Quant au système nerveux, les ganglions supérieurs sont les seuls qui lui appartiennent; le premier des sous-æsopha- giens esten effet celui du premier anneau. Les mêmes faits existent chez tous les Annélides, qui n’ont, à vrai dire, qu’un demi-seg- (1) Fig. 9. ARTICLE N° 14 ÉTUDE ANATOMIQUE SUR UN CHÉTOPTÈRE. 11 ment pour tête; mais ils sont ici d’une plus grande évidence, à cause de la forme de l’entonnoir. OEil. —L'œil est une très-petite masse allongée, d’un rouge trés-foncé. Il est placé à Ja base de l'antenne en dehors (1), au fond de la dépression qui résulte de l’union de l’antenne, du bord de la frange buccale et du premier pied. Situé dans l’épais- seur de la peau, il est à peine visible. Sa constitution est du reste fort peu remarquable : un petit cristallin dépasse en avant le manchon formé par le pigment, et celui-ci se rétrécit en arrière ; mais il m'a été impossible de découvrir le nerf. Cet organe est d’une très-faible résistance ; le moindre mouvement suffit pour le rendre méconnaissable et le transformer en une masse de pigment. Structure de la peau.— Ainsi que je l'ai déjà dit, la peau n’est couverte d'un épithélium vibratile que sur un très-petit nombre de point : l'antenne, la marge de la frange buccale et le bord des fentes par lesquelles sortent les soies des rames dorsales. Cet épithélium ne présente rien de remarquable; les cellules qui le constituent sont un peu brunes, disposées en pavé, et les fila- ments sont courts et touffus. Partout ailleurs la peau est com- posée de nombreuses cellules arrondies et entremêlées dans s2 couche profonde de cellules plus grandes qui donnent naissance aux corps bacillaires du mucus. Ces derniers ressemblent à des fuseaux longs de 0"*,012 à 0,015, sans membrane propre et sans aucune structure. Ils semblent jouer un certain rôle dans la formation des couches muqueuses qui constituent le tube. Le mucus abondant que l'animal sécrète quand on le retire de son tube est légèrement phosphorescent, ainsi que cela a déjà été signalé pour d’autres espèces du même genre. Appareil locomoteur. — Le Chétoptère, je lai déjà dit, se meut assez rapidement dans son tube, de sorte que ses antennes se présentent tantôt à une des ouvertures, tantôt à l’autre. Dans les tubes qui sont fixés contre les parois de verre de quelques-uns (1) Fig. 4 etfig. 8, c. 49 CH. LESPÉS. de mes bocaux, les mouvements sont très-faciles à suivre. Ce sont les pieds de la région antérieure, et surtout les grandes lames dorsales des trois anneaux de la région moyenne, qui sont les organes acüfs de ces mouvements. C’est au contraire la ven- touse du onzième segment qui sert d'appui et de fixateur. La face ventrale du Ver offre dans la région céphalique une sorte de quadrilatère musculeux qui commence en avant aussitôt après la membrane circumbuccale pour se continuer jusqu'aux rames ventrales du dixième pied qui le cachent et semblent le terminer, car les mêmes rames du neuvième segment sont fort petites. À la région thoracique commencent deux bandes mus- culaires très-grosses parallèles et dont la couleur blanche tranche neltement sur le vert foncé de l'intestin (1); parvenues à la troi- sième région, elles deviennent moins visibles, mais se continuent toutefois jusqu’au dernier anneau. M. de Quatrefages (2) et Claparède (3) ont émis, ainsi qu’on le sait, des opinions très-différentes sur les couches musculaires des Annélides. Le premier les représente comme formées de fibres interrompues en majorité ou presque en totalité au niveau des dissépiments ou cloisons; le second a pensé qu’elles sont continues et que leur interruption, seulement apparente, vient de l'existence au niveau de chaque dissépiment d’une substance in- terfibrillaire qui les relie et rend leurs contours peu distincts. Il m'a semblé que la couche musculaire qui recouvre inférieure- ment la première partie du corps était très-capable de donner au moins pour le Chétoptère la solution de cette divergence d'opinion. Quand on a enlevé la peau, et c’est bien facile, puisqu'elle est réduite à une couche épithéliale, on trouve à cette masse mus- culaire un aspect tout nouveau. Les cloisons, ou dissépiments, sont, ainsi que je l'ai déjà dit, très-distinctes (4); entre elles les (4) Fig. 4, ff. (2) Histoire naturelle des Annelés. Paris, 4865. — Note sur la dispos. des couches musc. des Annelés (Ann. des sc. nat., Zooc., 5° série, 4869, 1. XI). (3) Ed. Claparède, es Annélides Chétopodes du golfe de Naples. Genève et Bâle, 1868. (4) Fig. 40. ARTICLE N° 44, ÉTUDE ANATOMIQUE SUR UN CHÉTOPTÈRE. 13 faisceaux musculaires se séparent, et, au lieu de constituer une couche uniforme, laissent de nombreuses ouvertures longitudi- nales. L'ensemble forme un treillis à ouvertures parallèles dont l'apparence est celle d’un filet irrégulier tendu dans le sens de sa longueur. Au premier examen, chacun des faisceaux semble s’insérer sur le dissépiment en s’étalant (1), mais une étude plus complète conduit à un résultat tout différent. Je ne crois pas qu'une seule fibre musculaire se termine là; quelques-unes, il est vrai, chan- gent de direction et suivent la cloison vers la profondeur; mais aucune n’est terminée. Le muscle est continu dans toute la lon- gueur de cette région ; il est seulement libre entre les dissépi- ments, au milieu de chaque anneau, et adhérent au contraire à chaque cloison, mais il ne s y termine nullement. Il existe en un mot un seul muscle pour les neuf anneaux. Le point où adhère la rame ventrale du dixième segment et ceux où l’on trouve les membranes en forme de selle qui repré- sentent les rames ventrales des quatre suivants correspondent aussi en partie à des dissépiments, et là aussi il semble y avoir une interruption dans les masses musculaires; mais ce n’estencore qu’une apparence, les fibres sont continues. En ces points, il est vrai, quelques fibres musculaires changent de direction, et cela est surtout remarquable pour les anneaux à grande membrane. Si l’on étale sur une lame de verre un de ces anneaux encore vivant, et qu’on l’examine à un grossissement très-faible (2), ce n’est qu'après un moment d'étude qu’on peut se bien rendre compte du mécanisme de ses mouvements. L’intestin, ainsi que je l’ai déjà dit, est suspendu dans une poche médiane. Dechaque côté de celle-ci une autre cavité renferme la glande sexueile et l’organe segmental ; enfin un liquide transparent remplit l'inter- valle des deux membranes. Dans cet espace se trouvent de nom- breux petits corps étoilés, dont l'aspect rappelle les taches pig- mentaires de beaucoup d’animaux inférieurs. C’est pourtant tout autre chose : chacun d'eux est formé de trois ou quatre fibres (1) Fig. 10, vu (2) Fig. 4. Al CH. LESPÉS. qui adhèrent à l’une des membranes, et se réunissent en un centre commun, duquel partent trois ou quatre autres fibres qui se rendent à la membrane opposée. De la grande masse mus- culaire longitudinale partent des fibres très-minces qui viennent se terminer au point de réunion des précédentes. On les voit sous le microscope se tendre brusquement en même {temps que les fibres divergentes rapprochent les deux parois. Appareils reproducteurs. —£Le Chétoptère est unisexué comme le plus grand nombre des Annélides Chétopodes ; il est même presque toujours facile de distinguer les femelles à une masse blanche longitudinale que porte chaque anneau de la troisième région, au-dessous du pied et en rapport presque immédiat avec le lambeau externe de la rame ventrale. Je montrerai plus loin que c’est l'organe segmental, dont le volume est en rapport avec le degré de développement des œufs. Les segments céphaliques sont dépourvus d'organes reproduc- teurs. L'anneau de la ventouse porte de chaque côté une petite glande sexuelle et un organe segmental ; ils sont renfermés dans une cavité close et tout à fait distincte de celle qui contient l'in- testin dilaté. C'est dans les trois anneaux suivants que les organes reproducteurs sont le plus volumineux et le plus facile à bien étudier (1) : dans l'épaisseur de la membrane existent quatre cavités sans communication l'une avec l’autre. D'abord la cavité commune, pleine d’un liquide transparent et dans laquelle se trouvent les groupes de fibres musculaires que j'ai déjà décrits; puis la poche qui renferme l’anse intestinale, et qui est comme suspendue sur les deux masses musculaires longitudinales (2) ; . enfin, de chaque côté de celle-ci, la cavité sexuelle (3), qui ren- ferme la glande et l'organe segmental. Dans la troisième région chaque anneau porte une glande et un organe segmental de chaque côté. Ainsi que nous l'avons déjà vu, la glande sexuelle des anneaux (4) Fig. 4. (2) Fig. 4, À. (3) Fig. 4, v. ARTICLE N° 44, ÉTUDE ANATOMIQUE SUR UN CHÉTOUTERE. 15 à grande membrane est renfermée dans une poche spéciale (1) à parois très-minces. C’est une sorte de cordon d’un jaune clair, quand les produits sont peu développés, et qui est suspendu à une membrane blanche, comme l'intestin l’estau mésentère. Cette membrane elle-même adhère à la paroi en dedans, au point où celle-ci se confond avec l'enveloppe de la poche intestinale. Quant à l’organe segmental, il est placé à une petite distance des masses musculaires et ressemble absolument à ceux des anneaux de la troisième région. Dans cette dernière, la glande est adhé- rente aux parois du corps à peu près dans le point qui corres- pond au lambeau externe de la rame ventrale. C'est bien le point où elle existe chez le plus grand nombre des Chétopodes. Quand les produits sexuels sont à peu près mürs, la glande sexuelle se rompt et les met en liberté : alors chacune des poches latérales des anneaux à membrane en est pleine et se montre sous l’apparence d’une masse blanche ; alors aussi les anneaux de la partie postérieure sont gonflés et pleins de ces produits, mais ils ne passent pas d'un segment dans l’autre, et plusieurs fois j'ai observé des différences considérables dans le développement des organes reproducteurs de deux anneaux successifs. Les zoospermes n’offrent rien de remarquable que la brièveté de leur queue; ils ont environ 0"",02 de longueur, dont la tête fait le quart. Celle-ci est régulièrement ovalaire et large d'environ 0"",001. Je ne crois pas avoir vu des œufs d'une maturité parfaite ; ils subissaient, en effet, une modification considérable peu de temps après avoir été retirés du corps de la mere et placés dans l'eau de mer. Leur diamètre était de 0"",12, et ils contenaient une belle vésicule claire de 0**,05 et un nucléole brillant de 0"",008. Ce sont les plus gros et les plus avancés qu'il m'ait été possible de trouver. L'organe segmental, dont il me reste à parler pour terminer l’histoire des appareils reproducteurs, est très-différent dans les mâles et dans les femelles. (1) Fig. 4, v. \ 16 CH. LESPÉS. Dans les premiers, je l'ai vu à tous les anneaux thoraciques et abdominaux. C’est (1) un tube court, transparent, légèrement courbe, élargi comme le pavillon d’une trompette à son extré- mité libre, qui flotte dans la cavité sexuelle des anneaux thora- ciques et dans la cavité générale des anneaux abdominaux. Ce pavillon porte intérieurement de douze à quinze bandelettes cou- vertes de cils vibratiles, dont les mouvements rapides sont diri- gés de l'intérieur à l'extérieur. À son extrémité adhérente ce tube s'ouvre à l'extérieur par un pore fort petit, situé à la partie postérieure de l'anneau, sur le côté. Je nai vu l'organe segmental femelle que dans les anneaux de la troisième région. C’est un tube blanc, boursouflé et opaque, dont le volume change à mesure que les œufs se développent. Il occupe la même place que celui des mâles; mais il est aussi facile à voir par transparence et à disséquer que celui de ces derniers l’est peu. Je n’y ai pas vu d'œufs, même quand ceux-ci étaient bien près de leur maturité, mais seulement un revêtement intérieur de cellules épithéliales vibratiles blanches, qui m'ont semblé uniformément distribuées. Son ouverture interne n'est pas étalée en pavillon. On sait quel vague régnait il ÿ a encore peu de temps sur les organes reproducteurs des Annélides. Claparède a porté dans cette question une vive lumière : les produits sexuels naissent dans des glandes distinctes, et tombent, au moment de leur ma- turité, dans la cavité du corps. Quant à l'organe segmental, il est probablement chargé de leur expulsion, mais le mécanisme de cet acte est mal connu. EXPLICATION DES FIGURES, PLANCHE 4, Fig. 4. Chætopterus brevis retiré de son tube. La première région du corps est vue par dessus, la seconde et la troisième sont en profil. Fig. 2. Soiès en sabre des rames dorsales des neuf premiers pieds. Fig, 3. Un acicule tronqué de la rame dorsale du quatrième pied. (1) Fig. 44. ARTICLE N° A4. Fig. ÉTUDE ANATOMIQUE SUR UN CHÉTOPTÉRE. 17 &. Les onzième et douzième anneaux vus par la face dorsale; le douzième un peu écarté du précédent, comme cela arrive souvent. Fig. 5. Moitié du troisième anneau de la région postérieure, vu par derrière pour montrer la disposition des rames dorsale et ventrale. Fig. Fig. 6. Soie en peigne d’une rame ventrale. 7. L’intestin daus la portion moyenne du corps. 8. Ganglions cérébroïdes ou sus-æsophagiens. 9. Les trois premiers ganglions de la chaine ventrale. 10. Portion de la couche musculaire inférieure de la première région du corps. 11. Organe segmental mâle du troisième anneau de la région abdominale à droite. Les lettres ont la mème signification dans les diverses figures. a, antenne. b, frange membraneuse de la bouche. c, œil. d, faisceau d'acicules tronqués du quatrième pied. e, rame dorsale du dixième segment. ff, masse ou cordon musculaire de la région moyenne. ! gg, membranes en forme de selle qui représentent les rames ventrales de cette même région. hh, intestin vu à travers les téguments dans les anneaux thoraciques. i, veutouse du onzième segment formée par les rames dorsales réunies et privées - de soies. kkk, grandes membranes des douzième, treizième et quatorzième segments. [Il, rames dorsales des segments de la troisième région. m, repli membraneux dorsal de ces mêmes segments. nnn, portion ou lambeau externe des rames ventrales de ces mêmes segments, 00, portion ou lambeau interne des mêmes. ?, renflements de l'intestin dans le dixième segment, r, portion boursouflée de l'intestin dans l’anneau de la ventouse. ss, grandes anses intestinales dans les anneaux à membranes. t, anse intestinale dans la premier anneau de la troisième région. uu, dissépiments ; v, cavité sexuelle des anneaux à grande membrane, PUBLICATIONS NOUVELLES. ARCHIVES NÉERLANDAISES DES SCIENCES EXACTES ET NATURELLES, 1871, CAVE La Société des sciences de Harlem rend à la France un service con- sidérable en publiant en français un recueil destiné à faire connaître les travaux scientifiques accomplis en Hollande, et nous nous empres- sons de signaler à l'attention de nos lecteurs les articles relatifs à la zoologie contenus dans le dernier volume de ce journal. 1° Recherches sur les murmures vasculaires, par M. Nozer (t. VI, p.49, 1871). — L'auteur éludie expérimentalement les conditions physiques dans lesquelles les bruits de ce genre sont produits, et il applique les résultats de ses recherches à l'explication de divers phénomènes de physiologie pathologique. 20 Sur la vitesse avec laquelle l'irritation se propage dans les nerfs mo- teurs chez l'Homme, par M. PLAGE (t. VI, p. 80). — L'auteur s’attache principalement à montrer la grande inégalité des vitesses de propa- gation dans les différentes parties d’un même nerf, notamment au bras et à l’avant-bras. 3° Sur les mouvements de l'œil, par M. M. G. Bamr(t. VI, p. 127). — L'auteur traite géométriquement de la position que le globe oculaire doit prendre pendant le mouvement de rotation autour de la ligne de regard. h° Sur les plumes caudales allongées des Oiseaux de paradis, par M. ManmsuaLL (t. VI, p. 296). — L'auteur présente des observations intéressantes sur le mode de développement de ces plumes. 5° Description de deux espèces inédites de Labroïdes, par M. Biurer (MED 627) ANALES DEL MUSEO PUBLICO DE Bugnos-AtRes, par M. BuRMEISTER, LIT part et? MST Ces deux nouvelles livraisons contiennent un grand mémoire de M. Burmeister surles Glyptodons, et plus particulièrement sur l’espèce ont il a formé le genre Panochthus, Ce travail est accompagné de 16 planches. RECHERCHES ANATOMIQUES ET PALÉONTOLOGIQUES POUR SERVIR A L'HIS- TOIRE DES OISEAUX FOSSILES DE LA FRANCE, par M. ALpH. MILNE EpwaARps, ä vol. in-4°, dont 2 vol. de planches. La L3° et dernière livraison de cet onvrage vient de paraître, MÉMOIRE #3 7 SUR LES MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN, Ë Par BE. André SANSON, Professeur de zootechnie et de zoologie à l'École de Grignon, Secrétaire de l'Association scientifique de France, Membre du Comité central de la Société d'anthropologie de Paris. I DÉFINITION DES MÉTIS. Les résultats de l’accouplement des animaux d'espèces diffé- rentes ont toujours eu le privilége d'attirer vivement l'attention des naturalistes. Depuis la célébre expérience de Buffon sur les espèces du Loup et du Chien, le phénomène de l’hybridité a été l'objet d'interprétations bien diverses et le sujet de beaucoup de controverses. C’est qu'il se rattache au point fondamental de l’histoire naturelle des êtres organisés. Je veux parler de la notion définie de l'espèce, à l'égard de laquelle les esprits ne sont pas encore unanimement arrêtés. Un certain nombre l'ayant cru trouver précisément dans le phénomène de la fécondité continue ou indéfinie, ils se sont vus dans l'obligation, une fois leur définition admise, ou de nier la réalité des faits constants, ou d'admettre la parenté spécifique entre des individus d'espèces notoirement distinctes. Le nombre est grand, à présent, des observations qui prou- vent que l'union sexuelle de sujets appartenant à un mème genre naturel peut avoir des suites indéfiniment fécondes, bien que ces sujets ne soient point de la même espèce, c'est-à-dire bien que leurs types morphologiques diffèrent, et qu’ils aient eu des sou- ches évidemment distinctes. La fixité de ces types, démontrée expérimentalement chez les animaux domestiques, ne permet pas d'en douter. On observe des résultats variables, quant à la fécon- dilé, et qui paraissent dépendre des places qu'occupent dans 8C NAT., AVRIL 1872, ARTICLE N° A5. 20 9 A. SANSON. leurs séries respectives les espèces accouplées. Pour les unes, l’infécondité est radicale dès la première génération, les indivi- dus mâles étant dépourvus de l'élément fécondant; pour les autres, la fécondité est au contraire pleine et entière, absolument comme entre individus de même espèce. C’est pourquoi J'ai proposé (4) de reviser les notions de l’hybridité et du métissage, souvent confondues ou maldéfinies. Jusqu'à ces derniers temps l'idée d’hybridité entraïnait nécessairement celle d’infécondité. Il n’y a guère plus d’une dizaine d'années qu'on parle d’hy- brides féconds, ce qui tend à introduire la confusion dans le langage. Il m'a donc semblé bon de réserver la dénomination d'hybrides pour les produits inféconds de l’accouplement croisé, et de donner celle de métis aux produits féconds de ce même accouplement, qui, d’après mes propres observations, sont beau- coup plus nombreux. L'étude des métis, ou produits croisés indéfiniment féconds, loin de porter le trouble dans la définition de l'espèce telle qu’elle me paraît devoir être admise définitivement, pour la mettre tout à fait d'accord avec sa notion universelle, contribue au con- traire singulièrement à l’affermir. En effet, selon cette notion ramenée à sa signification nette, l'espèce est le type d’après le- quel sont construits tous les individus de la même race, ou en d’autres termes tous les individus issus de la même souche, car la race véritable n’est pas autre chose que l’ensemble des générations d'un couple primitif ou des familles issues de ce couple. Or, la reproduction des mélis entre eux montre qu'ils sont absolument impuissants à former des types nouveaux durables, participant à la fois des caracteres propres à chacun de leurs types natu- rels ascendants. Les métis jouissent de la fécondité continue, mais c’est à la condition de faire bientôt retour à l’un ou à l’autre de ces types, et le plus souvent aux deux. Ils se reproduisent ensuite selon leur propre loi, qui est celle même de ‘espèce, affirmée une fois de plus par le phénomène dont il s’agit. (1) Voy. André Sanson, De lhybridité (Bulletin de la Société d'ani Et 2e série, 1868, t. III, p. 780). ARTICLE N° 45. MÉTIS DU LIVRE ET DU LAPIN. 6) Le présent mémoire a pour objet, et il aura pour résultat, J'espère, d’en fournir une nouvelle preuve, en même temps qu’il fixera la science sur la question controversée de l'existence des métis du Lièvre (Lepus timidus) et du Lapin (L. Cuniculus). Na pour but aussi d'apporter une faible contribution à la caracté- ristique anatomique de l'espèce chez les Mammifères, en atten- dant un travail plus complet sur ce même sujet. Je crois avoir trouvé expérimentalement les bases ostéographiques de cette caractéristique, qui dépend essentiellement des formes du sque- lette, dont les fondamentales sont tout à fait spécifiques. Ce sont celles-là qui se reproduisent invinciblement, quelques efforts qu on leur oppose par des artifices de sélection ou de génération croisée. Les variations obtenues ne touchent que des attributs accessoires de l'individu, dépendant d'activités physiologiques susceptibles de plus et de moins et ne variant que dans les limites d'amplitude de leurs oscillations naturelles. I] ÉTAT DE LA QUESTION. L'existence des métis du Lièvre et du Lapin fut affirmée pour a première fois, sije ne me trompe, en 1858, par Paul Broca (1). Dans son mémoire, l’auteur racontait en détail l’histoire d’une nombreuse famille de ces métis obtenus dans les environs d’An- goulème et qui était l’objet d’une exploitation industrielle. La question de l’hybridité, très-discutée depuis à ce propos, était alors en quelque sorte neuve, dans ses rapports avec celle de l'espèce. «On ne peut, disait Broca, étudier le croisement des espèces sans aller à la recherche des types primitifs, sans remon- ter à l’origine des êtres, et sur ce terrain glissant la science est exposée à se heurter contre les systèmes théologiques. Dans de pareilles conditions, la découverte de la vérité est entourée de (4) Paul Broca, Mémorre sur l'hybridité en général, sur la distinction des espèces animules, et sur les métis obtenus par le croisement du Lièvre et du Lapin (Journal de la physiologie de l'Homme et des Animaux, de Brown-Séquard, 1898, t, I, p. 433). L A. SANSPA. difficultés exceptionnelles. Les uns, dominés par des préjugés traditionnels, repoussent sans examen les faits qui les gènent, ou leur donnent une interprétation forcée pour les plier aux exi- gences de leur doctrine; les autres, obéissant à des préjugés inverses, plus désireux de trouver des arguments que d'en vérifier l'exactitude, acceptent les faits qui leur plaisent avec un empressement qui ressemble quelquefois à de la légéreté. Je ne saurais avoir la prétention d'échapper seul à l'influence des idées préconçues. Il y a des problèmes en présence desquels aucun esprit sérieux ne peut rester indifférent, et celui qui se dresse derrière la question de l'hybridité est certainement de ce nombre. Mais les expériences que je rapporterai à la fin de ce mémoire, etdont j'ai de mes propres yeux constaté les résultats, émanent d’une source dont l’impartialité ne peut être mise en doute. C’est un agronome aussi ingénieux que persévérant, mais étranger aux débats des biologistes, qui les a instituées, exécu- tées et poursuivies pendant huit ans, dans un but exclusivement pratique. Je devrais peut-être me borner au rôle de simple narrateur; j'espère, toutefois, qu'on me pardonnera de faire ressortir l'importance scientifique des faits nouveaux qu'il a découverts. » Broca donna aux animaux examinés par lui chez M. Roux le nom de Léporides. Quant à leur origine, 1l avait dû s’en rap- porter aux déclarations de ce dernier. Son mémoire ne contient aucune preuve scientifique des opérations auxquelles leur pro- duction était attribuée. Il se trouva que les qualifications dont le propriétaire du clapier de Bardines avait été gratifié dans loccur- rence étaient fortement surfaites. Ses assertions furent contes- tées, mises en doute, et bientôt on n’y crut plus du tout. Des ten- tatives furent faites de divers côtés pour cbtenir l'aecouplement du Lièvre avec des Lapines. Celles qui auraient pu présenter des garanties scientifiques restèrent toutes infructueuses ; celles qu'on annonçait comme ayant réussi n'offraient point ces garanties. Durant ce temps la controverse allait, et l'on essayait de démon- trer, par des raisons anatomiques, l'impossibilité d'un tel accou- plement; par des raisons moins solides et tirées seulement de ARTICLE N° 19. MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN. b) l’idée qu'on se faisait de l'espèce, l'impossibilité qu'il fût fécond, encore bien qu'il aurait lieu. Cependant un expérimentateur qui avait pris à cœur le sujet, poursuivait de son côté avec une grande persévérance la réali- sation du résultat auquel il n'avait point cessé de croire. Après bien des essais vains, M. Gayot eut enfin la satisfaction de voir ses espérances se réaliser. Le 16 avril 1868, un jeune Lièvre, né en captivité à la fin de septembre 1867, s’accouplait sous ses yeux avec une Lapine blanche, dont la nichée était sevrée depuis deux ou trois jours. Le 17 mai suivant, cette Lapine don- nait naissance à sept petits, métis par conséquent de Lièvre et de Lapm. «Je ne prends pas le soin de dire, ajoute M. Gayot, que la paternité est authentique ; que toutes les précautions commandées par la gravité des circonstances, en vue de l'exactitude rigoureuse des faits, ont été soigneusement et scrupuleusement observées. Il s’agit d'expériences scientifiques et non de travaux de hasard; elles ont donc été entourées du cortége des attentions minu- tieuses qui leur donnent signification et valeur (1).» Pendant que la gestation de cette première femelle s’accom- plissait, une cinquantaine d’autres furent présentées au même mâle. L’accouplement eut lieu avec quatre seulement. Le Lièvre étant mort peu de temps après et n'ayant pu être remplacé, M. Gayot le déplore en-vue de combinaisous ultérieures de croi- sement, auxquelles il attache une grande importance, et il ajoute : « De ce fait même résulte cet autre, que je ne possède que des Léporides de demi-sang. À l'heure où j'écris (juin 1869), j'en ai qui sont à leur quatrième génération inter se. » Je serais tenté, pour mon compte, de me réjouir du petit chagrin causé à M. Gayot par la mort de son Lièvre étalon, en me plaçant au point de vue des limites dans lesquelles cette mort l’a obligé à poursuivre son expérience intéressante et vrai- ment décisive. Il se peut que les combinaisons compliquées de croisement au sujet desquelles 1l à depuis longtemps une convic- tion arrêtée l’eussent conduit à une création industrielle utile. (4) Journal /a Culture, n° 9, 16 avril 1874, p. 223, 6 A. SANSOX. Ce n’est point de cela que j'ai l'intention de m'occuper ici. Pour la solution du problème scientifique posé par les individus appe- lés Léporides, 1l est préférable d'avoir pu observer purement et simplement la reproduction continue des premiers métis obtenus. Cette reproduction, au sujet de laquelle il ne peut plus subsister aucun doute, atteste d'abord leur fécondité. En juin 1869, ils étaient arrivés à leur quatrième génération. Dans un article du Journal d'agriculture pratique (n° du 13 juillet 1871, p. 583), M. Gayot, racontant ce qu'il est advenu de sa levrière et de son clapier de Brétigny-sur-Orge (Seine-et-Oise) durant l’occupa- tion allemande, en a donné des nouvelles plus récentes. « La reproduction des Léporides inter se se poursuivant sans difficulté aucune entre les mains de M°° Henry Jubien, je me contentais, dit-il, de l’observer et de la surveiller, afin d’en bien constater les effets. Elle est arrivée aujourd'hui à la septième génération sans aucune trace d’altération ni physique, ni physiologique. Les: produits ont conservé leurs caractères intermédiaires, toutes leurs qualités comme bêtes alimentaires. » Nous aurons à vérifier ces dernières appréciations sur lesquelles l'auteur s’est lui-même chargé de fournir des documents con- tradictoires, ainsi que nous allons le voir tout de suite ; mais au- paravant il est permis de considérer comme établi que l’accou- plement sexuel du Lièvre et de la Lapine donne naissance à des individus qui ne sont point des hybrides dans le vrai sens du mot ; ce sont de véritables métis indéfiniment féconds. À quoi leur fécondité les conduit-elle ? Est-ce à la formation d’une espèce nouvelle, ayant ses caractères typiques propres, résultant d’une combinaison de ceux empruntés, d’une part à l’espèce du Lièvre, et de l’autre à celle du Lapin? A la création d’une espèce qui doive prendre place dans la classification zoologique et dans la nomenclature, sous le nom de Léporide ? Voici d’abord ce que M. Gayot lui-même en dit : «A partir de la seconde génération, dans presquetoutesles portées de Léporides se reproduisant entre eux, se voient un ou plusieurs petits dont Ja fourrure se montre bientôt différente. Le duvet s’allonge con- sidérablement ; la jarre est beaucoup plus rare; le manteau tout ARTICLE N° 15. MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN. 7 entier revêt un caracière soyeux nouveau, car il n'est celui du duvet ni du Lièvre, ni du Lapin. Le poil, la soie, voulais-je dire, est d’une finesse et d’une douceur extrème, de nuance légère, mais variable, havane sur quelques-uns, d’un très-beau gris cendré chez d’autres, ardoise plus foncé ou fauve brillant et doré chez d’autres encore, et le brin acquiert rapidement une grande hauteur. Il n y à là rien de l’angora. C’est, je le répète, un pro- duit complétement nouveau, encore inédit. Étudié de près par des hommes compétents, il a été classé comme poil de Lièvre, dont il a le pied blanc, les ondulations, l'éclat soyeux, tandis que le poil du Léporide ordinaire a le pied bleu du poil du Lapin, bien qu'il soit plus soyeux que ce dernier (L).» Plus loin, l’auteur ajoute, au sujet de ses Léporides longue soie : « [ls naissent en quelque sorte accidentellement, au nom- bre de un à quatre, dans chaque portée de Léporides ordinaires. il fallait savoir si, alliés entre eux, ils se reproduiraient fidèle- ment. Le fait a été affirmatif. En eux, la fécondité est tres- active; j'ai eu des portées de douze; je n’en ai pas eu de moins de huit petits, tous longue soie sans exception. Ceci m'a fort surpris. Je m'attendais à voir naître des nichées mêlées. Il n'en a rien été pour les quatre premières générations, terme extrème de mon expérimentation. » >M. Gayot a montré plusieurs fois les animaux dont il s’agit à la Société centrale d'agriculture de France, où j'ai eu l’occasion de les voir et de vérifier l’exactitude de ce qui vient d’être dit. L'examen rapide des sujets vivants m’a chaque fois laissé l’im- pression que ceux appelés Léporides ordinaires présentaient l’en- semble de la physionomie du Lapin, les autres, dits Léporides longue soie, celle du Lièvre. L’appréciation de la fourrure par les hommes compétents auxquels elle a été soumise par M. Gayot confirme cette impression. Le poil des derniers a été classé, dit-il, comme poil de Lièvre, dont il a le pied blane, les ondulations, l’éclat soyeux, tandis que le poil du Léporide ordinaire a le pied bleu du poil du Lapin, bien qu’il soit plus soyeux que ce dernier. (1) Journal d'agriculture pratique, loc. cit, 8 A. SANSON. On s'explique peu, après cela, que l’auteur nonobstant affirme le fait de la reproduction de ses Léporides jusqu’à la septième génération, «sans aucune trace d'altération ni physique, ni physiologique», les produits ayant «conservé leurs caractères intermédiaires ». Il est évident pourtant qu'ils ne se ressemblent pas entre eux, qu'ils sont pariaitement distinets, les uns, de son propre aveu, portant du poil de Lièvre, et les autres du poil de Lapin. M. Gayot lui-même en fait deux espèces, l’une qu'il appelle le Léporide ordinaire, et l’autre le Léporide longue soie. Daos un travail publié en 1872 (1), le même auteur donne sur le même sujet ces détails importants : «Alliésentre eux, dit-il, les Léporides longue soie se reproduisent semblables à eux-mêmes. Pour être vrai jusqu’au bout, — je ne cherche en tout ceci que la vérité, — je dois ajouter que les produits de cette première génération, la seule que j'aie encore oblenue du mariage des longue soie entre eux, me semblent offrir, dans la région de la tête, des caractères Lièvre plus prononcés. En son ensemble, la tête est plus fortement busquée, l'œil n’est plus noir comme chez le Lapin, :l n’est pas jaune comme chez le Lièvre, mais il s’avance plus vers cette couleur jae chez le Léporide ordinaire; Je bord supérieur de l'oreille est bien plus bordé de noir et d’une teinte plus foncée. Par contre, les longue soie donnent du talon sur le sol, à la manière du Lapin, ce que n’ont pas encore fait, en ma présence, leurs frères les Léporides tout court. » Au sujet des particularités que présente le poil des premiers, ileût été intéressant que l’expérimentateur fit connaître avec soin ce qu'il a pu observer sur Îles Lièvres qu'il a élevés et fait repro- duire en captivité en même temps que ses métis. En août 1870, d’après sa déclaration, 1l en possédait une vingtaine que les évé- nements de la guerre ont détruits. Il s'étend sur ce qui concerne leur fécondité; mais 1l ne dit rien des modifications que leur fourrure a pu subir, modifications fort habituelles, toutefois, chez les animaux d’une espèce sauvage nés en captivité depuis plu- sieurs générations. L'auteur constate que la fécondité, d’abord (1) Nouveau Dictionnaire de Bouley et Reynal, art. HYBRIDE. ARTICLE N° 15, MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN. 9 très-paresseuse, revient à son activité et se régularise dès la seconde génération. « Chez les animaux de la troisième généra- tion, ajoute-t-il, les affaires de la reproduction me semblent être complétement rentrées dans les conditions normales; peut-être même la fécondité s’est-elle élevée d'un degré, car J'ai obtenu de premières portées jusqu'à trois petits, nombre tout à fait inobservé dans les portées des femelles des générations anté- rieures ayant vécu à l’état de captivité. Celles-ci, pour Pordi- vaire, ne donnent qu'un seul petit à la première mise bas.» Le fait est important, eu égard à la fécondité des Léporides longue soie, visiblement en voie de retour, au moins, à l'espèce du Lièvre, comme le sont à celle du Lapin les Léporides dits ordinaires. Pour vérifier ce premier aperçu, il n’y avait qu’à étudier com- parativement les véritables caractères spécifiques des sujets métis, qu'à déterminer d’une manière précise Le type cramolo- gique auquel chacune des deux espèces de Léporides produites avec tant de persévérance par M. Gayot se rattache. Sur ma prière, il a bien voulu, avec une obligeance dont je me plais à le remercier 101, mettre à ma disposition les deux crânes qui étaient nécessaires et que j'ai pu ainsi comparer à celui du Lièvre et à celui du Lapin domestique. Les résultats de mes comparaisons résoudront, je pense, la question essenüelle que les ex périences de M. Gayot ont laissée au moins obscure. Ces expériences ont mis hors de doute là possibilité du croisement entre l'espèce du Lièvre et celle du Lapin, et la fécondité indéfinie des produits de ce croisement. La reproduction des métis se pour - suit encore à l’heure présente, et rien n'annonce que leur fécon- dité aille en diminuant, du moins en ce qui concerne ceux appe- lés Léporides ordinaires. À ce point de vue, elles ont une impor- tance qu'on ne saurait méconnaître et qui assure à leur auteur la reconnaissance des zoologistes. Mais il s’agit de savoir si, à partir d’un certain nombre de générations, ce sont des métis de Lièvre et de Lapin, des Léporides, qui continuent de se repro- duire ainsi, ou bien si ce ne sont pas plutôt des Lapins d’une part, des Lièvres de l’autre. Tout ce que nous savons au sujet de la reproduction des métis entre eux, parmi les races d'animaux 40 A. SANSON. domestiques, atteste l’infaillibilité de la loi de réversion au type pvaturel, en pareil cas. J'en ai, pour ma part, accumulé de nom- breuses preuves dans mon Traité de zootechnie. I n’y a pas une seule des prétendues races nouvelles créées par voie de croise- ment et de métissage qui puisse supporter un examen scienti- fique tant soit peu sévère. Toutes se présentent comme des mé- langes d'individus se rattachant à l’un ou à l’autre de leurs types naturels ascendants, et par conséquent disparates entre eux. Ces individus ne sont habituellement uniformes, et encore dans une certaine mesure, que par un de leurs caractères secondaires et superficiels, qui est le caractère économique cherché par leur éleveur, lorsque celui-ci est assez habile pour le maintenir par une attentive sélection. Les caractères fondamentaux, spécifiques ou typiques, suivent leur loi et n’obéissent point aux combi- naisons artificielles. L’atavisme les fait triompher de tous les obstacles qui peuvent leur être opposés. Nous avons à voir s'il n’en est pas ainsi pour les métis du Lièvre et du Lapin. Mais auparavant il faut mentionner les ré- sultats d’une étude comparative faite par M. S. Arloing sur les organes génitaux du Lièvre, du Lapin et du Léporide (4). A cette étude très-minutieuse, mais d’un intérêt très-faible, surtout après le fait constaté d’une reproduction poussée aussi loin qu’elle l’a été aujourd’hui, l’auteur a joint celle des pattes, dont il donne la description. {l en arrive finalement à la conclusion sui- vante, comme résultant de ses comparaisons entre les Léporides des deux sexes, les Lièvres et les Lapins : « Ces hybrides, dit-il, out en présentant quelques caractères intermédiaires aux deux espèces qui les ont produits, possèdent des organes géni- taux qui se rapprochent beaucoup plus de ceux du Lapin que du Lièvre. » M. Arloing a soin de faire remarquer que les études anato- miques qui font le sujet de son mémoire «ont été exécutées sur des Léporides de demi-sang reproduits inter se. Ainsi, ajoute-t-il, (4) Journal de lanatomie et de la physiologie de M. Ch. Robin, n° 5, septembre et octobre 1868, p. 449. ARTICLE N° 45, MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN. A1 un fils et une fille nés du Lièvre mâle ou bouquin, et de la Lapine, accouplés ensemble, ont donné une première portée de Léporides dont faisaient partie le mâle et la femelle que j'ai décrits. » Les deux individus lui avaient été fournis par M. Gavot, et 1l déclare du reste qu’il les a disséqués sur l'invitation de ce dernier. Cela se passait en 1868. Or on se souvient que le premier accouplement du Lièvre et de la Lapine, sous les yeux de M. Gayot, date du mois d'avril de cette même année. Les dispositions anatomiques constatées dans les organes génitaux ne valent donc que pour les individus arrivés au premier degré de métissage où en étaient ceux qui les ont présentées. Elles se rapprochaient toutefois beaucoup plus de celles du Lapin que de celles du Lièvre. À ce moment les Léporides dits longue soie n'étaient pas encore sur- venus. Il s'agissait de vrais métis, et l’on ne parait s'être préoc- cupé que de constater la présence ou l'absence des éléments de la fécondité, dont l’expérience physiologique devait bien plus sûrement encore contrôler la puissance persistante. III ÉTUDE CRANIOLOGIQUE. Chez les Mammifères, les os de la tête ont des proportions et des formes tout à fait spécifiques. Chaque espèce naturelle a un type cérébral et un type facial qui lui sont propres et qu'au- cune influence de milieu ne peut faire varier d’une façon durable. L'étude approfondie des animaux domestiques, soumis depuis si longtemps à des tentatives de modification si souvent reuouve- lées, nous l’a expérimentalement démontré d’une manière sur- abondante. Tels étaient à cet égard ceux dont nous possédons des restes fossiles, tels nous les retrouvons encore aujourd’hui. Le type crâniologique est donc absolument fixe ou permanent dans l'étendue de temps que nos observations peuvent embras- ser. Il en est de même pour les autres parties fondamentales du squelette, et c'est ce que je me propose de rendre évident par le travail ostéographique complet dont il a été déjà parlé. Ia nous avons seulement à nous occuper des deux espèces de ron- 19 A. SANSON. geurs dont il s’agit et des métis qu’elles produisent par leur ac- couplement croisé. Nous allons donc étudier successivement leur cräniologie, en commençant par ceux des Léporides ayant dé- passé Ja sixième génération, que M. Gayot, leur éleveur, a bien voulu mettre à ma disposition. Le dessin donnera, mieux qu’au- cune description, l'impression d'ensemble ou impression synthé- tique de leur figure. Cette impression sera confirmée, analysée et expliquée surtout par les principales mesures cràäniométriques que nous allons en donner. Il suffira ensuite d’une comparaison des figures et des nombres, pour tirer les conclusions des faits ainsi mis en évidence. 4° Crâne de Léporide ordinaire. — Ce crâne (pl. VE, fig. 1) est dépourvu de sa mâchoire. Un accident a fait disparaître celle-ci. En voici les dimensions caractéristiques, mesurées en millimètres : nm Diamètre longitudinal de la cavité cérébrale (4).........., 32 Dianètre transverse de la même cavité. .....,.... ee MO FongueundemtosrontallO)Pe RP ere rer 40 OUEN ES DES GE 06 dobooovoosotcoaooneoodeos 24 Diametretloneitudmalide MOnDite EEE CEE CE ECEe ee e 30 Diamètre transversal de l’orbite........... 00000 06 0 08 23 Distance entre les deux ponts temporaux, .......,...... ss. 2 Longueur du sus-nasal ou os propre du nez............... 16 Plus grande largeur du sus-nasal....................... 08 Epaisseur de la face au niveau des os zygomatiques......... A0 Epaisseur de la face au-dessous de la première molaire..... 17 Longueur de l'os incisif, des alvéoles à l'extrémité de sa NON SUNSRENURES do 00.0 do 6 0000 00.0 9 00 0 0,0 0 80/0 9 06 070 0 52 Longueur de l’os incisif, des alvéoles à l'extrémité de sa branche#infémenre eee ECC Crete CLLLCUCCE 22 Longueur de l’espace interdentaire..................... 31 Fonsueurndelatranséemolaire EPP PAPE PER ONE 45 Distance entre les bords extérieurs des rangées molaires.... 24 Distance entre le bord guttural du palatin et l'extrémité anté- reuretduisphénoIdesst SERRE E CEE ERREUR 49 (4) La limite supérieure de cette cavité est prise au niveau de la suture occipito- pariétale, laissant ainsi en arrière la cavité cérébelleuse, qui, chez les Mammifères quadrupèdes, n’a rien à faire avec le type cérébral; la limite inférieure correspond au fond de l'angle que le frontal forme, chez les Rongeurs dont il s’agit, avec son apo- physe orbitaire. (2) Cette longueur est mesurée de la suture fronto-pariétale à la pointe par laquelle je frontal se termine en bas, et qui, réunie avec celle du frontal opposé, occupe l’angl que forme la racine du nez. ARTICLE N° 15, MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN. 15 2 Crâne de Léporide longue soie. — À ce crâne (pl. VI, fig. 2) il manque l’occipital, les rochers des temporaux et le sphénoïde, ainsi que les os propres du nez. Les dimensions des premiers n'ont qu'une faible importance pour la caractéristique, et celles des sus-nasaux peuvent être facilement et exactement déduites par la mesure de l'espace qu'ils occupaient et qui subsiste. En revanche, il est pourvu de son maxillaire. Voici les proportions de ses diverses parties : mm Diamètre longitudinal de la cavité cérébrale... .,...., 66000001 8x Diamètre transverse de la même cavilé...........,....., 30 Longueur de l'os frontal. ...... dRaboccop0 0000000080 0 38 LPargeurientrenesiorbites ere recto -cce 30000bbo :P0 Diamètre longitudinal de l’orbite......,.. Pense eee ee 28 Diamètre transversal de l'orbite. ....,..,....,.. Gode 00000 PH Distance”entre les deux ponts temporaux........ 5000000 L4 Longueur du sus-nasal ou os propre du nez....,......... 42 Plus grande largeur du sus-nasal. .......,.,..,.......... 09 Epaisseur de la face au niveau des os zygomaliques......... a Epaisseur de la face au-dessous de la première molaire. .... 49 Longueur de l'os incisif, des alvéoles à l’extrémité de sa branche supérieure. .... D'e:0!5:6 p6 0610 Tee en 48 Longueur de l'os incisif, des alvéoles à l’extrémité de sa brancheMiniénieure etre ec ir DA Di0 0 DE De 18 Longueur de l’espace interdentaire....,....,..,.,.. Va 20 Poneucmdelaranséemoliremernere eee eee ces. 10 Distance entre les bords extérieurs des rangées molaires.. ... 25 Distance entre le bord guttural du palatin et l'extrémité anté- rieure du sphénoïde.,....... na ed 0 Las be tiens 45 Longueur de la branche descendante du maxillaire....,... 40 Longueur de la branche montante. ...,............,,... 42 Largeur de la branche montante. .......... HO bocb Id bouts 27 Distance entre les deux branches montantes. .......,....,. 36 3° Crâne de Lapin. — Ce crâne (pl. VE, fig. à), que j'ai pré- paré moi-même par macératon, provient d'un sujet domestique de taille inférieure à celle du Léporide ordinaire auquel appar- tenait celui que M. Gayot a bien voulu me remettre. Ce sujet était d’un âge un peu moins avancé. Le crâne est complet, il n'y manque rien. Les diverses dimensions sont les suivantes : 1} A. SANSOKN. mm Diamètre longitudinal de la cavité cérébrale............. 029 Diamètre transverse de la même cavité....... ds baonhios bRTR, Lonsueurdetiostcontal eme "CCE CREER Cor re O0 Largeur.entre Les orbites. .........71........ HS Die De 23 Diamètre longitudinal de l’orbite....,.,..... Doavoaco0ce 26 Diamètre transversal de l’orbite. ........ Loto 0 doc oo oo 20 Distance entre les deux ponts temporaux. ..........,..... 42 Longueur du sus-nasal ou os propre du nez......... Dpooo HU Plusisrande largeuriduisus=-nasal "ec --- ct 08 Epaisseur de la face au niveau des os zygomatiques......... L1 Epaisseur de la face au-dessous de la première molaire... .. 19 Longueur de l’os incisif, des alvéoles à l’extrémité de sa branche SUPÉFIEUTE:, hd cts cran bee Mol ea Sn) Longueur de l'os incisif, desalvéoles à l’extrémité de sa A HNÉTIEUTES Sie ent Deal ane ne Retail ele close a fee IOIete 17 Longueur de l’espace interdentaire........... te Cle 27 Ponsueuridentamantéemolairereeerer CEE Cr CUT 15 Distance entre les bords extérieurs des rangées molaires.. . 23 Distance entre le bord guttural du palatin et l'extrémité anté- MEUTET AUS PhENOITE ER EE RECU TE PELLE 20 Longueur de la branche descendante du maxillaire......... 34 Longueur de la branche montante.. ....,............. 12 Largeur de la branche montante. ............,.,.. st NO 2 Distance entre les deux branches montantes. . ... SH0000 ge cmMEt) h° Crâne de Lièvre(pl. VI, fig. 4). — 1 est également tres- complet, et je l'ai aussi préparé par macération. Le sujet a été tué dansles plaines de la Beauce, voisines de la localité dans la- quelle M. Gayot a exécuté ses expériences. On a tenu à cette circonstance, afin qu'il fût, autant que possible, du même type que celui auquel appartenait le premier père des Léporides de Brétigny-sur-Orge. Voici les dimensions de ce cräne : Diamètre longitudinal de la cavité cérébrale. .,...,0..... 33 ga Diamètre transverse de la même cavité. ....0.......4.. . "32 Longueur de l'os frontal. ........,....,.. entolte lets EL) Harscumeentre lesFonDilES Eee Cire rte lta0 Diamètre longitudinal de l’orbite.. .....,...... DD 6 DUO 80 32 Diamètre transversal de l'orbite... ......... doo0deUouoe 6e 12 Distance entre les deux ponts temporaux....os.sseseeee LG Longueur du sus-uasal ou os propre du nez,...... Dovdcot &0 Plus grande largeur du sus-nasal. . .... O'Odondaocoomouoc 42 Epaisseur de la face au niveau des os zygomatiques......., 46 ARTICLE N° 46, MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN. 195 min Epaisseur de la face au-dessous de la première molaire....,, 24 Longueur de l'os incisif, des alvéoles à l'extrémité de sa branche SUPÉRIEURE A eee en So 00 BED E DMRES ER Damiie) Longueur de l’osincisif, des alvéoles à l'extrémité de sa branche NÉE 0 orale dE dc 0 à 00.00 08H00 00 0 a0 0 10 000€ 18 Longueur de l’espace interdentaire......,.........,.... 28 Longueur de la rangée molaire...................... 4. s 48 Distance entre les bords extérieurs des rangées molaires.... 27 Distance entre le bord guttural du palatin et l’extrémité anté- Heure dUISphénoIdes see eir eee. DS DORÉ TOUTE 23 Longueur de la branche descendante du maxillaire........ 45 Longueur de la branche montante. ........ b6 ao00 d'oto T2 Largeur de la branche montante... ...,.... 90 0 000 0 b00 06 + 30 Distance entre les deux branches montantes. ..,.,.,.,.°.... 38 Avant de faire ressortir, par une description comparative, les différences typiques qui distinguent le crâne du Lièvre de celui du Lapin, et qui constituent les caractères spécifiques fondamen- taux de chacun, afin de pouvoir ensuite leur comparer celles qui existent entre les deux crânes de Léporides considérés, nous allons mettre en regard, dans un tableau synoptique, les dimen- sions des quatre cränes mesurés. Le rapprochement de leurs figures, par les impressions d'ensemble qui en résulteront, sera plus propre que tout le reste à montrer les rapports réciproques d'analogie ou de ressemblance qui peuvent exister entre eux et à servir de base pour la conclusion que nous cherchons. En fait de types morphologiques, rien ne peut complétement suppléer le dessin, donnant l'aspect des choses qu'aucune description ne saurait rendre aussi exactement, faute de termes précis pour l'exprimer. Mais néanmoins les dimensions des parties sont en- core ce qu'il y a de plus convenable pour rendre compte à l’es- prit des différences que l’œil saisit à l'aspect de l’ensemble. La méthode des mensurations, usitée en crämiologie, bien qu’elle soit insuffisante toute seule, a donc toutefois une grande im- portance, surtout lorsqu'il ne s’agit point de comparer des moyennes, mais bien des mesures réelles, Le tableau suivant est disposé pour faciliter les compa- ralSONS : 16 A. SARSON. PE = a © ; UE 8 DIMENSIONS MESUREES. LAPIN. | Æ © |LIÈVRE.| & © E = M TZ f Inn nm mm mm Diamètre longitudinal de la cavité cérébrale. ...| 29 32 33 31 | Diamètre transverse de la même cavité........ 29 30 32 30 Longueur de l'os frontal....,.,............. 39 A0 40 38 | Largeur entre les orbites. .............. DS RS 2h 36 97 Diamètre longitudinal de l’orbite............. 26 30 32 28 | Diamètre transversal de l’orbite.............. 20 23 22 21 | Distance entre les deux ponts temporaux....... 42 HAPINAUAE A Longueur du sus-nasal ou os propre du nez..... El 46 40 42 | Plus grande largeur du sus-nasal............, 08 08 42 09 | Epaisseur de la face au niveau des os zygomatiques.| 41 40 46 ul Epaisseur de la face au-dessous de la première MORE, os Sooosovoodooudonboogocevvasoo 19 17 21 19 Longueur de l'os incisif, des alvéoles à l'extrémité de sa branche supérieure. . ; bid oliai ao 016 | 47 52 49 L8 Longueur de l’os incisif, des alvéoles à il extrémité de sa branche ne. MR NUE SR EELS 17 22 18 18 À Longueur de l’espace interdentaire............ 27 31 28 29 À Longueur de la MANTÉCMOIAITE ACER L CCE Ce 15 45 18 15 | Distance entre les bords extérieurs des rangées Mo ER dan date d older door a oo 000 23 24 27 95 À Distance entre le bord guttural du palatin et l'ex- {rémilé antérieure du sphénoïde............ 20 19 23 15 | Longueur dela branche descendante du maxillaire.! 31 » 45 40 Longueur de la branche montante. .-.....,... 42 » 12 42 Largeur de la branche montante..............| 32 » 30 37 Distance eutre les deux branches montantes. .... 39 » 38 36 Au premier re les nu entre les dimensions des mêmes parties paraïtront petites; mais il faut prendre garde qu'il s'agit ici de crânes d’un faible volume total, et que, rela- tivement à l'étendue même de chacune de ces dimensions, dont ja plus grande ne dépasse point 52 nullimètres, des différences de ? à k millimètres sont fort à considérer. Ce faible volume impose seulement l'obligation d’une grande précision dans les mensurations, et celle de l'usage d’un compas à pointes très- fines pour les pratiquer. En additionnant ces petites différences, on arrive à une somme dont l'importance relative devient aussi- tôt frappante. Comparons, par exemple, par cette voie, la lon- gueur totale de la face du Léporide ordinaire avec celle du Lépo- ride longue soie, à partir de la suture fronto-pariétale jusqu'a l'extrémité inférieure de l'os incisif;, nous avons, d’une part, 10 + 52 = 99, et de l'autre 38 + 48 = 86, soit une diflérence ARTICLE N° 45 MÉTIS DU LIiÈVRE ET DU LAPIN. 17 de 6 millimètres. Si, d'un autre côté, nous comparons de même les largeurs entre les orbites, nous avons dans le premier cas 24, dans le second 27 ; pour les épaisseurs aux zygomatiques, 40 et Al ; pour celles au-dessous de la première molaire, 47 et 19, Il y a donc, dans le premier cas, les rapports 92 : 24 : 40 : 47; dans le second, 86 : 27 : Al : 19. Dans ce dernier cas, la lon- gueur diminue et les largeurs augmentent. On saisit donc facile- ment tout de suite comment 1] se fait que l’aspect de la physio- nomie se présente tout autre chez les deux crânes, mème pour l'œil le moins exercé, et que le second paraisse, relativement au premier, encore plus court et plus épais qu'il ne l’est en réalité ; car c'est à avant tout une question de rapports. La différence de longueur se multiplie en quelque sorte par celle de largeur. Toutes les dimensions en longueur chez le Léporide longue soie ont une moindre étendue que celle des mêmes dimensions _chez le Léporide ordinaire; les différences varient de 1 jusqu’à h millimètres. Cette dernière différence est celle des os propres du nez, qui, dans la caractéristique des types naturels, ont une importance capitale. Une autre, étroitement connexe et exacte- ment semblable, est celle de los incisif, qui est aussi moins long de 4 millimètres. Toutes les dimensions en largeur ont au con- traire une. plus grande étendue, sauf le diamètre transverse de la cavité cérébrale, qui est égal dans les deux cas, ainsi à peu près que la largeur du sus-nasal, Ici les différences varient de 4 à s millimètres seulement. L'orbite est absolument moins grande chez le Léporide longue soie que chez le Léporide ordinaire ; mais sa forme est semblable, le rapport entre ses deux diamètres étant le même : 28 : 21 dans un cas, 80 : 23 dans l’autre. li est évident, d’après cela, que le Léporide ordinaire et le Léporide longue soie de M. Gayot ne sont point du même type naturel ou de la même espèce, bien qu'ils soient issus l’un et l’autre des mêmes prenuers parents, Si les individus appartenant à leurs deux races diffèrent par la nature de la fourrure, qui leur à valu les noms par lesquels 1ls sont désignés, ils diffèrent aussi par la forme des parties fondamentales de leur squelette, essentiellement caractéristiques de l'espèce. Il reste à savoir si ANN. SG. NAT., AVRIL 1872, ARTICLE N° 19. 21 18 A. SANSEN. cette forme leur est propre, auquel cas il faudrait les considérer comme deux espèces nouvelles obtenues par métissage. C’est ce que va nous apprendre l'étude comparative des crànes du Lièvre et du Lapin, leurs premiers ascendants, à l’aide des chiffres de uotre tableau, qui nous fourniront une vérification analytique de l'impression reçue par l'examen des figures de la planche. Un simple coup d'œil jeté sur cette planche rend immédiate- ment évidentes les différences caractéristiques des deux types naturels dont 1l s’agit, et il est facile de voir, en outre, que ces différences sont du même ordre que celles déjà constatées entre les deux sortes de Léporides dont la crâmiologie vient d'être comparée ; ellessont seulement un peu plus accentuées. Ier, comme dans le premier cas, les indices céphaliques ne nous fournissent rien de distinctif. Chez les quatre individus considé- rés, le type cérébral est sensiblement le même. Le rapport entre les deux diamètres ne varie que d’un millimètre; cela se main- tient dans la hinite des incertitudes de mensuration. C'est donc dans le type facial qu’il faut chercher la raison des différences si frappantes que nous conslatons par l'examen objectif des deux physionomies. Si nous cherchons, comme précédemment, le rapport entre la longueur totale de la face, à parür de la suture fronto-parié- tale jusqu'à l'extrémité inférieure de l'os incisif, et ses diverses largeurs et épaisseurs, nous trouvons chez le Lapin, pour la pre- mière, 35 + 47 = 82; chez le Lièvre, 40 + 49 = 89 : soit une longueur plus grande de 7 millimètres pour le Lièvre. Mais, chez le premier, la largeur entre les orbites est de 23, l’épais- seur aux zygomatiques de 41, au-dessous de la première mo- laire de 49 ; tandis que chez le second, ces trois dimensions sont de 36, de A6 et de 24. Les rapports sont donc, pour le Lapin, de 82 : 23 : {1 : 19; pour le Lièvre, de 89 : 56 : 16 : 24. Ces rapports, qui sont, dans le premier cas, celui des fongueurs, 82 : 87, soit une différence de 7 en faveur du Lièvre, devien- nent inversement, pour les autres cas, ceux des largeurs, bien plus forts; ainsi 23 : 36, 41 : 46, 19 : 24, ou des différences de 13 et de 5 en faveur du Lapin. D'où il suit que le rapport ARTICLE N° 40. MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN. 19 entre les deux diamètres de la face, ou l’imdice facial, est beau-- coup moins grand chez le Lièvre que chez le Lapin ; et c'est ce qui fait que sa face paraît beaucoup plus large et plus courte. Toutes les autres dimensions concordent avec cette relation. Ainsi la longueur des os propres du nez ne diffère que de 4 mil- limètre; mais leur largeur diffère de 4 pour chacun, soit de 8 pour les deux. Tandis que la racine du nez est large de 16 mil- limêtres chez le Lapin, elle est large de 24 chez le Lièvre. L'écartement des rangées molaires, qui est de 23 chez le pre- mier, est de 27 chez le secoud. La distance des ponts temporaux étant 42 pour le Lapin, est AG pour le Lièvre. Comme dernière différence à signaler, nous meutionnerons la forme de l'orbite, qui est tres-sensiblement plus allongée chez le Lièvre que chez le Lapin. Le rapport des diamètres est 26 : 20 pour le premier, 32 : 22 pour le second. Quelques autres particularités de moindre importance se font remarquer, notamment l’écartement beaucoup plus grand des ptérygoïidiens chez le Lièvre, et une plus grande ouverture de l'angle que l'extrémité supérieure de l'apophyse orbitaire du frontal forme avec sa table. L'obliquité du sphénoïde est aussi beaucoup plus forte, ce qui change la situation du trou occipi- tal et raccourcit le rayon de la courbe du profil de la tête. . En somme, on voit, par tout ce qui précède, qu'il n’est pas possible de confondre le crâne du Lièvre avec celui du Lapin domestique de lPespèce considérée, et qui est celle du Lapin commun des environs de Paris. On précise ici cette réserve parce que, sous des noms divers de race, il est au moins très-vraisem=— blable que des types naturels distincts de Lapins domestiques non encore suffisamment déterminés sont envisagés comme appartenant à une seule et même espèce. Mais ceci n'étant pas dans notre sujet, nous ne devons point nous y arrêter; il suffit quant à présent de le signaler. Voyons maintenant si nos crânes de Léporides peuvent ou non être rapportés à l’un ou à l’autre des deux types naturels qui viennent d’être décrits, d’après les bases que nous avons adoptées pour nos comparaisons, et qui sont celles de la caractéristique des espèces de Mammifères. 20 A. SANSOX. Au point où nous en sommes, il est permis de penser que les rapprochements ont été déjà saisis. L'identité, par exemple, du Léporide ordinaire et du Lapin s'impose avec la netteté de lévi- dence. La comparaison des figures de leurs deux crânes ne per- met pas d'en douter, et celle des chiffres indiquant les rapports de leurs dimensions respectives va l'expliquer de la manière la plus satisfaisante. Nous avons déjà dit que la différence entre les indices cépha- liques est trop minime pour avoir une valeur caractéristique ; quelque soin qu'on y mette, on ne peut pas répondre de 2 mil- limètres dans la mensuration d’un diamètre cérébral. Les limites de la cavité ne sont pas suffisamment déterminées pour cela, à part les dificultés tuhérentes à l'emploi du compas d'épaisseur, surtout quand il s’agit de dimensions si faibles. Nous laisserons done de côté cette petite différence, de même que nous ne nous prévaudrons point tout à l'heure d’une identité qui se trouverait être en faveur de notre thèse. La comparaison ue doit done porter que sur les dimensions des os de la face, comme précé- demment. La longueur totale de la face est chez le Lapin, 35 + 47=89; elle est, chez le Léporide ordinaire, 40 + 52 = 92. Les lar- geurs sont, chez le premier, 23, 41 et19; chez le second, 24, 40 et 47. Les rapports sont, dans le premier cas, 82 : 23 : A1 : 19; dans le second, 92 : 24 : 40 : 17. La face du Léporide est done sensiblement plus allongée que celle du Lapin; mais il est visible que la différence des rapports se maintient dans les limites d'oscillation que l'on observe chez tous les types naturels. D'ail- leurs, si la petite différence constatée n'était pas de l’ordre dont il s’agit, il faudrait nécessairement qu'elle fût due à l'influence héréditaire de l’ascendant Lièvre du Léporide considéré ; celui- ci, n'étant pas un Lapin, ne pourrait être qu'un mélange ou une fusion quelconque entre les caractères du Lièvre et ceux du Lapin. Or, dans ce dernier cas, sa face, au lieu d’être plus longue que celle du Lapin, devrait être plus courte, puisque celle du Lièvre s'en distingue surtout par un indice beaucoup plus faible. La différence entre les deux diamètres de l'orbite est 6 dans ARTICLE N° 45, MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN. 21 un cas, 7 dansl’autre, c’est-à-dire sensiblement égale, La distance entre les ponts temporaux l’est tout à fait. Les os propres du nez ont la même largeur, et la différence qui vient d’être discutée tient principalement à une longueur un peu plus grande de ces os chez le Léporide, ainsi que de l'os incisif et de l’espace inter- dentaire. La longueur de la rangée des molaires est égale, et la distance entre les deux rangées l’est sensiblement, à un milli- mètre près, de même que celle qui existe entre le bord guttural du palatin et l'extrémité antérieure du sphénoïde. Il n’est donc guère possible d'exiger une ressemblance plus grande, qui se présente d’ailleurs dans tous les détails ostéologiques des deux crânes comparés, et qu'il serait superflu d'indiquer plus expli- citement. Nous avons signalé les différences qui existent entre le crâne du Léporide dit longue soie et celui du Léporide ordinaire. Du moment que nous venons d'établir l'identité de ce dernier avec celui du Lapin, il devient inutile d'entreprendre une comparai- son qui nous conduirait nécessairement au même résultat. Ceci est un théorème de géométrie. Le Léporide longue soie n'est donc pas un Lapin. Est-ce un Lièvre ? telle est la question. Pour la résoudre, l'examen comparatif de son crâne et du crâne de Lièvre doit être effectué, comme vient de l'être celui du Lépo- ride ordinaire. Nous avons vu que, par son pelage ou sa fourrure, l’individu vivant se rapproche de l'espèce du Lièvre. Son poil a les mêmes caractères, à cela près qu'il est soyeux, ce qu'explique parfaite- ment le régime de la captivité. Voyons ce qu’il en est pour le cràne. L'indice céphalique se trouve être exactement le même : 33 : 32, dans un cas; à1 : 30, dans l’autre; mais nous savons que cet indice ne diffère poiut sensiblement entre Lièvre et Lapin. La longueur de la face, chez le Lièvre, est 40 + 19 — 89; chez le Léporide longue soie,.elle est 38 + 418 = 86. Il y a donc une différence de 3 millimètres en faveur du Lièvre. Les lar- geurs pour le Lièvre sont 36, AG et 24, tandis que pour le Eépo- ride longue soie elles ne sont que de 27, At et 19. Les rapports, qui sont, chez le premier, 89 : 36: 16 : 24, sont par consé- 22 A. SANSON. quent, chez le second, 86 : 27 : 41 : 19. Si la première dimen- sion est de 3 millimètres plus grande, les autres le sont de 9 et de 5, ce qui rend les rapports très-différents. Le type facial se trouve être par là beaucoup plus court et plus élargi chez le Lièvre que chez le Léporide que nous lui comparons. D'un autre côté, la forme de l'orbite est sensiblement celle du Lapin, c'est- à-dire moins allongée que celle du Lièvre (32 : 29) ; ilenest de même pour celle du sus-nasal (9 millimètres de largeur chez le Léporide, 12 millimètres chez le Lièvre). En revanche, la lon- gueur de la branche inférieure de los incisifet celle de l’espace interdentaire sont sensiblement égales; mais les dimensions des rangées molaires différent, et surtout la longueur et la largeur de l’espace circonscrit par le bord guttural des palatins, les ptérygoïdiens et l'extrémité antérieure du sphénoïde ; celui-ci est aussi beaucoup moins oblique chez le Léporide que chez le Lièvre. Nous avons signalé plus haut la conséquence, relative- ment à la situation du trou occipital. Enfin, il n’y a pas de diffé- rence sensible dans la largeur aux ponts temporaux, non pi que dans les proportions du maxillaire. On voit clairement, d’après cela, que le type du sujet étudié n’est ni tout à fait celui du Lapin, ni tout à fait celui du Lièvre. Il participe à la fois de l’un et de l’autre par quelques-unes de ses parties ; il semble être une moyenne entre les deux. IV CONCLUSIONS. De notre étude crâmiologique et crâniométrique, 1l résulte que des deux sortes de métis obtenus par M. Gayot en croisant les espèces du Lièvre et du Lapin, et dont il nous a décrit les appa- rences extérieures, l’une est absolument identique au Lapin par tous ses caractères spécifiques, l’autre se rapproche du Lièvre sans y être complétement arrivée, mais moins par les formes de son crâne que par ses attributs extérieurs. Pour la première sorte que l’auteur a nommée Léporide ordi- naire, et dont la caractéristique est entièrement semblable à ARTICLE N° 15, MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN. 93 celle de tous les sujets de provenance moins authentique pré- sentés en diverses occasions, il est évident que, conformément à la loi de réversion bien connue, les métis reproduits entre eux ont opéré leur retour complet à l'espèce ou au type du Lapin, l’un de leurs ascendants. C'est ce que notre étude rend tout à fait incontestable. | Pour la seconde sorte, celle du Léporide dit longue soie, dont la fourrure est celle du Lièvre légèrement modifiée, l'influence de cette loi de réversion ne paraîtra pas moins hors de doute à l’observateur attentif. 11 conclura des faits constatés que les métis sont, dans ce cas, en voie de retour vers le type du Lièvre, auquel ils seraient certainement déjà parvenus si leur reproduc- on s'était effectuée dans les conditions d'existence propres à ce type, c'est-à-dire en état de complète Hberté. En effet, dans la vie captive ou domestique, peu conforme à l'humeur vagabonde du Lièvre, M. Gayot constate que les indi- vidus dont il s’agit naissent en quelque sorte accidentellement, au nombre de un à quatre, dans chaque portée de Léporides ordinaires, que nous savons maintenant être des Lapins. D’après tout ce que nous connaissons des conditions de l’hérédité dans la reproduction entre métis, la lutte entre l’atavisme du Lièvre et celui du Lapin, plus puissant, est ici évidente. Le résultat de cette lutte demeure incertain. Est-ce l’un ou l’autre atavisme qui triomphera finalement? L'expérience seule en peut décider. Le sujet étudié par nous était issu d’une quatrième génération entre individus ayant présenté le caractère exiérieur qui leur a valu le nom sous lequel l’expérimentateur les désigne, et par lequel caractère leur déviation vers le type du Lièvre s’est accen- tuée, tandis que se produisait celle de leurs frères vers celui du Lapin, auquel ils sont aujourd'hui complétement revenus. On comprend facilement, en songeant aux conditions de milieu, que la réversion ne soit pas encore accomplie ; ces conditionsne lui étaient pas du tout favorables. Il y a peut-être mème plus de chances pour qu’en définitive, dans la suite des générations, ces individus reviennent au type du Lapin, plutôt que d'atteindre out à fait celui du Lièvre. Cequi se produit en pareil cas pour 21, A. SANSOX. d’autres métis des espèces domestiques, observés durant une longue série de générations, nous porte à le penser. Quoi qu’il en soit, l'observation des faits, dans leur état actuel, permet de résoudre dès à présent la question autrement impor- tante de l'existence ou de la non-existence du type spécifique nouveau qui à reçu le nom de Léporide, comme résultant du croisement des espèces du Lièvre et du Lapin, et leur étant in- termédiaire. Notre étude démontre que ce type n'existe point, et que les sujets nés de ce croisement sont purement et simple - ment des métis qui, à la façon de tous les autres, oscillent durant uu certain temps entre leurs divers types naturels ascendants. pour faire en définitive retour à l’un ou à l’autre. Dans les expé- riences de M. Gayot, le plus grand nombre s’en est allé résolâment et sans arrêt vers le type du Lapin, tandis que quelques-uns seu- lement tendaient vers le Lièvre, auquel ils éprouvent quelque difficulté à retourner. Il ne faut pas oublier que tous sont issus du même père, et que la différence si accusée de tous leurs caractères crâniologiques ou exiérieurs, encore bien que ces caractères ne seraient exactement ni ceux du Lapin, ni ceux du Lièvre, suffirait toute seule pour leur faire dénier la qualité d’espèce, la condition indispensable de celle-ci étant l'identité des caractères fondamentaux du type. Mais si ces expériences ne permettent point d'admettre la réalité du Léporide, en tant qu’espèce zoologique nouvelle, et sielles ne portent aucune atteinte à la notion de l'espèce telle qu’elle est comprise par le plus grand nombre des naturalistes français, elles auront eu le grand mérite de mettre fin à la con- troverse très-agiiée, depuis une dizaine d'années, sur la possi- bilité même de l’accouplement fécond entre les deux espèces naturelles dont il s’agit. À ce titre, elles ont une réelle impor- tance, et leur auteur a rendu à la science un véritable service en les poursuivant avec une persévérance qu'on ne saurait trop louer. Indépendamment du cachet d'authenticité scientifique qu'il leur a donné, nous pensons que les résultats mêmes de notre étude seraient de nature à lever tous les doutes, s’il pou- vait en subsister. Les caractères du Léporide longue soie. de ARTICLE N° 45. MÉTIS DU LIÈVRE ET DU LAPIN. 95 M. Gayot, notamment, ne sauraient être autres qué ceux d'un métis de Lièvre et de Lapin. Ils suffiraient tout seuls pour attes- ter la réalité du croisement et du métissage qui l’a suivi. Ce métissage, poussé lors de la naissance des sujets étudiés par nous jusqu à la sixième génération, atteste en outre, de la part de ces sujets, une fécondité qui peut être considérée comme indéfinie. Cette question de la fécondité des produits de croise- ment à été très-obscurcie par des conclusions hâtives, tirées d'observations insuffisantes ou mal faites, et qui étaient plutôt des induclions subjectives que des déductions expérimentales. La science est maintenant en possession de documents tels que ceux qui nous sont fournis par la reproduction courante, au Chili, des métis de Chèvre et de Brebis, ceux qui concernent la reproduction, dans les fermes du roi de Wurtemberg, des métis de Dos taurus et de Bos zebu, etc. En y ajoutant'celui qui nous est donné par l'observation des mélis de Lièvre et de Lapin, il n'est plus permis de contester que des espèces zoologiques notoi- rement distinctes puissent engendrer, par leur accouplement, des individus dont la limite de fécondité soit indéterminée. Pour qu'il en soit ainsi, il suffit, me semble-t-il, que les pro- duits de croisement soient capables de donner entre eux une première génération. La loi de réversion qui leur est propre ne peut ensuite, par sou action infaillible, qu'augmenter leur fécon- dité, laquelle devient bientôt celle de l'espèce naturelle même. C’est là du moins ce qui s'est toujours manifesté dans les expé- riences bien conduites. On n'en connait point daus lesquelles la fécondité se soit affaiblie après avoir été constatée d'une façon non douteuse. I n'y à dans la science que le fait du mâle hybride d'Hémione et d'Anesse, rapporté par Isidore Geoffroy Saint- Hilaire ; mais M. Milne Edwards a montré que ce fait ne mérite aucune créance. Les produits de croisement sont radicalement inféconds entre eux, ou ils sont indéfiniment féconds. Les faits connus portent à penser qu'il n’y a point de moyen terme, pré- cisément à cause de l'intervention de la loi de réversion. Les femelles hybrides peuvent être fécondées par le mâle de l’une des deux espèces qui ont contribué à leur formation. Elles 26 A. SANSOX. jouissent de la faculté de produire des ovules. Il y en a dans la science d'assez nombreuses preuves concernant les Mules. Mais dans aucun cas il n’est arrivé que la Mule ait donné naissance à un produit viable. Sur la question de savoir à quoi peut être attribuée la diffé- rence entre les produits de croisement radicalementincapables de se reproduire, et ceux qui jouissent notoirement d’une fécondité indéfinie, en d’autres termes la différence entre les hybrides et les métis, 1l y a une probabilité que je demande la permission d’énoncer en terminant. Elle me paraît conforme aux faits con- nus. Les espèces, dans leur genre respectif, sont disposées en série régulière. Celles qui sont immédiatement voisines dans leur série donnent par l’accouplement croisé des produits féconds. Il en est de même lorsqu'elles ne sont pas trop éloignées. S'il y a entre elles au delà d’un certain nombre de termes, le produit de leur accouplement est mfécond. En tout cas, 1l serait intéressant que cette vue püût être vérifiée complétement par l’expérimentation. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 6. Fig. 1. Crâne d'un métis de Lièvre et de Lapin, dit Léporide ordinaire. Fig. 2. Crâne d’un mélis de Lièvre et de Lapin, dit Léporide longue soie. Fig. Crâne d’un Lapin domestique de l’espèce commune des environs de Paris. EF © D = Fig. Crâne d’un Lièvre des plaines de la Beauce. OBSERVATIONS SUR LA CONFORMATION DU PLACENTA CTEZ LE TAMANDUA (TAMANDUA TETRADACTYLA), Par I. ALPHONSE MILNE EDWARDS. (Présentées à l’Académie des sciences, le 11 décembre 1871.) Nos connaissances relatives à la conformation des enveloppes fœtales des Édentés sont si peu avancées, qu’il me semble im- portant d'enregistrer tous les faits de nature à nous éclairer sur les modifications de structure dont ces dépendances de l'em- bryon sont susceplibles, et sur la valeur des caractères zoolo- giques que l’on peut en déduire. C’est dans ce but que je crois devoir publier quelques observations que j'ai eu l’occasion de faire sur le placenta d’un Fourmilier, bien que les matériaux m'aient manqué pour poursuivre l'examen de cet organe transi- toire, aussi loin que je l'aurais voulu. La petite famille naturelle des Myrmécophagides, ou Four- miliers, se rapproche des Pangolins par l’absence complète des dents et par le développement extraordinaire de la langue ; mais les animaux qui la composent n’ont pas, comme ceux-ci, le corps garni d’écailles, et ils se font remarquer par l'allongement de la tête, ainsi que par l’étroitesse extrême de la bouche. Lesson les a divisés en trois genres très-nettement caractérisés. Dans le premier de ces groupes, celui auquel on a réservé le nom de Myrmecophaga, les habitudes sont terrestres, la queue n'est pas préhensile, enfin les palies sont tétradactyles. Dans le second groupe, appelé genre Tamandua, les doigts sont en même nombre que chez les Myrmécophages proprement dits, mais la queue est volubile et sert à l’animal pour grimper aux branches ANN, SC. NAT. — ART, N° 16, 2 ALPH. MILNE EDWARDS. des arbres sur lesquels il se tient d'ordinaire. Dans la troisième section, composée également de Fourmiliers grimpeurs, et dési- gnée sous le nom de genre Cyclothurus, les pattes sont didactyles. Aucun naturaliste n’a, je crois, encore eu l’occasion d’exami- ner les enveloppes fœtales du Tamanoir ou grand Fourmilier à quatre doigts (Myrmecophaga jubata), et le peu que lon sait relativement au placenta des Édentés de cette famille se réduit à quelques indications très-sommaires, qui s'appliquent au genre Cyclothurus. D'après une pièce anatomique, d’ailleurs trés-Incomplète, M. Milne Edwards a pu constater que, chez le Fourmilier didactyle, le placenta n’est pas divisé en lobes, et constitue une sorte de disque concave, à bords minces; mais il 0 à pu déterminer quelle est l'étendue de la portion des parois de l’œuf qui est occupée par ces houppes vasculaires (1). Le fœtus que j'ai eu entre les mains, et sur lequel a porté mon examen, appartient au genre T'amandua, et provient d'un T. letradactyla de la Nouvelle-Grenade (2). Bien que sa peau soit encore complétement dépourvue de poils, il paraît avoir atteint une période déjà avancée de la vie utérine. Son placenta, situé à l'extrémité d’un cordon ombilical assez long et bien cylindri- que, et dans lequei les vaisseaux pe s’enroulent pas en spirale, estunilobé et circulaire, mais il occupe une portion trop consi- dérable de la surface de l’œuf, et il est d’une forme trop bombée, pour pouvoir être assimilé aux placentas auxquels on applique d'ordinaire l’épithète de discoïdes. On en donnerait une idée plus exacte si on l’appelait placenta discoïdal envahissant. En effet, 1l occupe la majeure partie des parois de l'œuf(3) ; il ne se compose pas de villosités simples, comme celles du placenta des Pachy- dermes, des Caméliens et des Tragulides, mais de végétations vas- culaires très-serrées entre elles, et offrant dans la portion centrale une épaisseur considérable, ce qui donne sur ce point, à l'organe, une apparence spongieuse ; ses bords sont nettement dessinés, (4) Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'Homme et des animaux IX, p. 563, note 2. (2) Voyez pl. 5, fig. 2. (3) Voyez pl. 5, fig. 4. ARTICLE N° 16. CONFORMATION DU PLACENTA CHEZ LE TAMANDUA. 3 et laissent à nu une partie du chorion, qui est lisse et parait cor- respondre à la région de l'utérus voisine du col de cette chambre incubatrice. Ces végétations ne rappellent en rien par leur dis- position les plis réticulés et l'aspect alvéolaire signalés par M. Sharpey dans le placenta du Pangolin. Vers le centre, il m'a paru exister quelques débris du tissu utérin, indiquant l'existence d’une caduque, mais l'état de la pièce ne me permet de rien affirmer à ce sujet. Enfin, je n’ai trouvé aucune trace de l’allantoïde, d’où je conclus que cet appendice fœtal doit être fort réduit; mais, à mon grand regret, je n'ai pu séparer par la dissection les différentes lames de la tunique de l’œuf, ni isoler les parties constitutives du cordon ombilical ; un séjour très- prolongé de l'animal dans de l'alcool trop concentré ayant rendu tous ces tissus d'une dureté et en même temps d’une fra- gilité excessives. J’ajouterai que la surface interne du chorion, sillonnée seulement par les vaisseaux quiirradient du point d'in- serlion du cordon ombilical, est parfaitement lisse, et ne présente aucune trace des excroissances observées chez l'Unau. Si nous comparons le placenta du Tamaudua à celui de quel- ques Édentés appartenant à d’autres familles naturelles, nous ne pouvous ne pas être frappés des différences considérables qui paraissent exister dans la structure de cet organe, chez les divers membres d'un groupe que les zoologistes considèrent générale- ment comme formant un seul ordre. Le placenta de l’Unau, tel que nous le connaissons par la figure, accompagnée d’une courte explication, qu’en a donnée Carus (1), ne ressemble n1 à celui du Fourmilier, ni à celui d’au- eun autre Édenté, ni même à celui d’un Mammifere quelconque. D'après les indications très-sommaires données par M. R. Owen sur la conformation du placenta d'un Tatou, cet organe serait comparable, au moins par sa forme générale, au placenta dis- coïde d'un Insectivore; le placenta du Pangolin, décrit par M. Th. Huxley d'apres les observations dues à Sharpey, pré- sente un troisième mode d'organisation, non moins distinct des (1) Tabulæ Anatomiam comparativam illustrantes, pars LE, pl. IX, fig. 15. I AEIPES. MIILNE HDWVARDS. précédents. Enfin, le Tamandua vient de nous offrir une dispo- sition qui, tout en différant à certains égards de ce qui existe chez le Cyclothurus ou Fourmilier didactyle, paraît en être seu- lement l’exagération. Faut-il conclure de cette diversité que, dans l’ordre des Éden- tés, les caractères des enveloppes fœtales n’ont pas l'importance que beaucoup de naturalistes s'accordent aujourd'hui à leur at- tribuer dans d’autres groupes de la classe des Mamnufères? Ou bien doit-elle nous conduire à penser que les différents types zoologiques réunis par les zoologistes sous le nom d’Ædentés ont entre eux moins d'affinités qu'on nele suppose généralement, et devraient être représentés, dans nos systèmes de classifica- tion, par des divisions d'un rang plus élevé? De ces deux opi- nions, la dernière me paraît la plus fondée, et dans une autre occasion je me propose de discuter cette question, en nr'ap- puyant sur des considérations fournies par l'étude anatomique de ces Mammifères. EXPLICATION DE LA PLANCHE 5. Fig. 1. Fœtus de Tamandua tetradactyla, revètu de ses membranes et montrant la disposition du placenta. (De grandeur naturelle.) Fig. 2. Fœtus extrait de ses enveloppes, qui ont été retournées et dont on ne voit que la face interne ou amuiotique. ARTICLE N° 16. NOTE SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE D'AXOLOTL (LE SIREDON DUMERILI), Par M. A. DUGÈS. (Extraite d’une lettre adressée à M. *** et datée de Guanajuato, mai 4870.) L'animal dont je donne ici la description se trouve à Patzcuaro et y est connu sous le nom d’Achoque de agua. Il est nouveau pour lascience, et, d’après les observations récentes de M. A. Du- méril sur les transformations subies par une autre espèce du même genre, Je suis porté à croire qu'il pourrait être le têtard de quelque grand Batracien urodèle. Voici les caractères que j'y ai assignés dans un article très- court publié à Mexico, dans le journal intitulé la Naturaleza. Parties inférieures beaucoup plus claires que les supérieures ; quelquefois gorge et poitrine blanches ; quatre taches blanchâtres sur les flancs. — Chez le mâle, la crête dorsale commence entre les épaules. Des points enfoncés sur la peau des parties supé- rieures surtout ; ce sont des ouvertures de glandes qui sécrètent une humeur lactescente amère, fétide. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 10. Fig. 4. Q. P, poumons. — H, foie. — V, vésicule biliaire. — LE, estomac. — E/, rate. — I, intestins. — R, rectum rempli de matière fécale, — O, ovaires, — OI, oviductes. — CL, cloaques. Fig. 2, Q: On n'a laissé que les oviductes OT, pour montrer les pavillons OT! et la terminaison OI? dans le rectum, dont on a figuré un fragment, — CA, corps jaunes graiss eux; Fig. 3. Q. Les corps adipeux CA, et les reins RI ; un fragment de péritome entre les corps adipeux un peu écartés, Fig. 4. Q©. Tête de profil, ANN. SC NAT. — ART. N° 17. 2 A. DUGES. Fig. 5. œ'. G, cœur.— O, hbumérus. — H, foie. — I, intestin.— V, vessie urinaire. — CL, cloaque et prostales. Fig. 6. ©. Appareil digestif enlevé, — F, commencement de l'estomac, — P, pou- mon droit. — B, rate. — T, testicules. — R, reins. — V, vessie, — UR, uretère débouchant dans le haut du cloaque. — S P, spermiductes à orifices latéraux. — À, anus. — CL, cloaque avec ses plis. Fig. 62. Reins et canal déférent ou prostate pelvienne, selon quelques auteurs. Fig. 7. O7. Tête osseuse avec l’allas et les arcs branchiaux cartilagineux. Fig. 8& . Dents supérieures. Fig. 9. œ. Cœur grossi. — OD, oreillette droite. — OG, orcillette gauche. — V, ventricule. — B, bulbe artériel. — Le cœur est placé dans une cavité tapissée d’une sorte de péricarde et comme moulée sur lui; au-dessous s'ouvrent les orifices pulmonaires (voy. fig. 6), et derrière le bulbe un orifice qui communique avec le pharynx et remplace le larynx absent. Fig. 10. G’. Coupe des prostates caudales, sécrétant du mucus. — B, périphérie ter- minée en utricule. — L, l'extrémité libre dans le cloaque. Fig. 11. ©’. Coupe de l’oviducte à parois énormes, formées d’utricules allongées sécrétant la mucosité qui enveloppe les œufs. Fig. 12. ©. Tête (de grandeur naturelle). A gauche les arcs branchiaux, à droite les nerfs principaux. — 1, olfactif et ses ramifications dans le sac pituitaire. — 2, tri- facial, — 3, optique. — 4, motcur oculaire externe. — 5, facial. — 6, acoustique se ramifiunt sur la poche membraneuse du vestibule plein de matières mucilagi- neuses et contenant un otolithe crélacé. — 7, glosso-pharyngien. — 8, lobes olfac- tifs. — 9, hémisphères, — 10, glande pinéale. — 44, lobes optiques, cervelet entre eux ct la moelle allongée. — 12, moelle allongée et commencement de la moelle épinière. Fig, 13. Siredon Dumerilii $. Vu en dessus, ARTICLE N° 1’, RECHERCHES LA PHONATION ET SUR LA FORMATION DES REGISTRES DE LA VOIX, Par Ie Hbr EL. RMANDIL. 1. — On appelle voix, le son produit, chez l’homme et chez les animaux supérieurs, par l'air chassé des poumons à travers le larynx convenablement disposé ; on le désigne plus spéciale- ment sous le nom de voix inarticulée, lorsqu'on veut la distinguer de la voix associée à des voyelles et à des consonnes, c’est-à-dire. aux sons produits dans les cavités pharyngées, et qu’on appelle voix articulée. Cependant il est impossible d'entendre le son produit par l'air chassé des poumons à travers le larynx, sans que l’on entende simultanément les vibrations de l'air renfermé dans la cavité pharyngée, parce que le son produit est obligé de la traverser. La définition de la voix, telle qu’elle a été donnée, est par con- séquent défectueuse. Le son produit par l’air chassé des poumons à travers l’orifice glottique sera désigné par nous sons le nom de son glottique. 1 est impossible de l'entendre seul, isolé, sur l’homme vivant ; il y sera toujours associé aux sons produits dans le pharynx, et que nous appellerons sons pharyngés. C’est donc l'association des sons glottiques et des sons pharyngés qui forme la voix. Elle est inarticulée lorsque la disposition des cavités pharyngées est tout accidentelle; elle devient. articulée lorsqu'on dispose ces cavités d’une manière déterminée. Nous étudierons maintenant la voix inarticulée, en fixant notre attention exelusivement sur les sons glottiques et en faisant abstraction des sons pharyngés que l’on entend simultanément. SC, NAT., JUILLET 4872, ARTICLE N° 18. 29 D VA A REDE. Cette abstraclion est possible, parce qu'on peut étudier isolément les sons pharyngés, et parce que cette étude prouve que m le mode de production, ni la tonalité ou l'intensité des sons glot- tiques, ne sont influencés par les sons pharyngés. Le timbre seul éprouve une modification profonde par cette association. IL. — Le son se produit dans la glotte, pendant l'expiration, par le mécanisme bien connu des muscles expirateurs. L'émission prolongée des sons exige que l'expiration se fasse lentement. Ce résultat est obtenu par l'opposition que mettent les agents inspirateurs aux agents expirateurs. Les inspirateurs, en continuant d'agir, retiennent l'air dans les poumons, tandis que les expirateurs l’en chassent pour produire le son. Il s'établit ainsi une lutte entre les agents qui veulent retenir l'air et ceux qui le chassent, lutte établie dans l'intérêt de la production de la voix, et que, par cette raison, nous (Gazelte médicale de Paris, 1855) avons appelée lutte vocale. La dilatation thoracique qui se fait dans l'inspiration s'opère de trois manières diverses. Un seul muscle, le diaphragme, agit dans l'inspiration abdominale ; 1l agrandit le diamètre longitudi- nal du thorax. Lorsqu'une expiration prolongée est nécessaire, la lutte entre les muscles inspirateurs et expirateurs se passe tout entière sur les viscères mous et mobiles de la cavité abdo- minale, et les parois thoraciques n’éprouvent aucune fatigue. I n’en est plus ainsi dans la respiration claviculaire. Les côtes supérieures, la clavicule, l’omoplate, les vertèbres, et quelquefois même le crâne, sont déplacés par l’action de muscles très-nom- breux ; ce qui entraine une dépense de force très-considérable, car la résistance offerte par ces diverses portions fixes et peu flexibles est tres-grande. En effet, toute la moitié supérieure de la cage osseuse et cartilagineuse dans laquelle les poumons sont renfermés va se dilater et acquérir des dimensions plus considé- rables. Lorsque survient ensuite l’expiration prolongée, la résis- tance offerte par les nombreux agents inspirateurs et par les par- ties osso-cartilagineuses rend la lutte vocale très-fatigante pour les muscles thoraciques. ARTICLE N° 15. RÉCHERCHES SUR LA VOIX. 9. IE, — Aucun mouvement extrinsèque appréciable du larynx n'est exigé absolument pour l'émission du son, quels qu'en soient l’intensité, la hauteur ou le timbre; le laryux peut conserver, si l’on y est exercé, la position de repos qu'il occupe pendant la respiration tranquille, abdominale. Les oscillations que l’on constate pendant l'émission des sons sont déterminées par la position variable que l’on donne d’habi- tude à la langue et qui entraine le larynx avec l'os hyoïde. Ces oscillations seront d'autant plus prononcées, que les déplace- ments de la langue sont plus accnsés. Mais on peut à volonté maintenir immobile la langue et le larynx avec elle. Nous verrons, en étudiant la tonalité, que la hauteur du son, contrairement aux idées et théories courantes, est indépendante d'un déplacement déterminé du larynx. IV. — Dans l'émission normale d’un son, les mouvements in- trinsèques peuvent être rangés en deux groupes : les uns com- prennent les dispositions préalables, les autres l'émission même. V. — Lorsqu'on veut donner un son, le larynx prend la con— figuration suivante : les cartilages aryténoïdes se rapprochent ; la muqueuse du repli interaryténoïdien | est plissée ; les lèvres vocales abandon- nent la position écartée qui leur est assi- gnée pendant la respiration; elles se rap- prochent au point de fermer l’orifice _glottique dans toute sa longueur (fig. 1), ou seulement dans le tiers ou les deux 44, 1. — Disposition préalable üers antérieurs de sa longueur. pour l'émission du son (1). En même lemps que les lèvres vocales se déplacent, elles éprouvent des changements dans les diamètres longitudinal et transversal et dans leur tension, changements très-variables sui- vant la tonalité du son que l’on se dispose à émettre. Il nous suf- fit de faire remarquer ici que les lèvres s’allongent et deviennent plus saillantes ; qu’elles perdent leur flaccidité et sont plus (4) 4, bourrelet de lépiglotte; rs, repli supérieur ; 72, repli inféricur ; dr, cartilage aryténoide. h MANDL. roides ; en un mot, qu’elles abandonnent l’état dans lequel elles se trouvaient pendant la respiration, pour s’accommoder à la phonation. Les autres parties de la portion supérieure de la cavité laryn- gée sont disposées comme dans un léger arrêt de l'expiration. L'épiglotte s’abaisse légèrement et les replis supérieurs se rap- prochent insensiblement. On peut, il est vrai, donner à ces mouvements intrinsèques divers plus d'énergie en arrêtant da- vantage, c’est-à-dire en rendant plus diflieile l'expiration; mais la voix fait alors explosion et n’est plus normale. 2) d 7 Fig. 3. — Disparition de l’orifice Fig. 2. — Rétrécissement de l’ori- interligamenteux, et béance de fice interligamenteux (1). l'orifice intercartilagineux (2). Fig, 4. — Occlusion incomplète Fig. 5. — Occlusion complète de laglotte, de la glotte (2). l’épiglotte relevée (2). VE. — Dans son ensemble, cette disposition est done une oc- clusion, et le mécanisme qui s'accomplit est le même, avec cette difference essentielle cependant, que des muscles intrinsèques, (1) 4, langue; e, épiglotte; pe, repli pharyngo-épiglottique ; g, gouttière pharyngo- laryngée ; ae, repli ary-épiglottique ; €, cartilage cunéiforme ; ar, cartilage argténoide ; r, repli interaryténoïdien ; o, orifice glottique; v, ventricule; {, repli inférieur; ts, repli supérieur. (2) d, bourrelet de l’épiglotte ; rs, repli thyro-aryténoidien supérieur ; 2, lèvre vo- cale; or, orifice intercartilagineux; ar, cartilage aryténoïdien; c, cartilage cunéi- forme; ap, repli ary-épiglottique ; #r, repli interaryténoidien, ARTICLE N° 18. RECHERCHES SUR LA VOIX, a) inactifs dans le simple arrêt d'expiration, entrent maintenant en action. Ainsi, lorsqu'on se disposé à émettre un son de tête, le doigt placé entre les cartilages thyroïde et cricoïde constatera le rapprochement de ces cartilages; ce qui n’a pas lieu dans le simple effort. Le muscle thyro-aryténoïdien est également entré en fonction ; la lèvre vocale s’est épaissie. Nous détaillerons tout à l'heure ces diverses actions (S X et suiv.) VIE. — La conriGurATIoN dépend des modifications variables, suivant le son émis, et qui se rapportent, soit aux diamètres des lèvres vocales, soit à l’écartement, d’où résultent le rétrécisse- ment et le raccoureissement de l’orifice glottique ; soit enfin aux vibrations. VIIL. — Les diamètres longitudinal et transversal des lèvres vocales peuvent varier. La tension allonge les replis inférieurs ; l’éparssissement résulte de l'accroissement du diamètre trans- versal. IX. — L'écartement des lèvres vocales détermine les diamètres de l’orifice glottique. Celui-ci, qui, pendant la disposition préa- lable à l'émission, était fermé dans une étendue plus où moins grande et toujours dans la portion interligamenteuse, est ouvert maintenant dans une étendue plus ou moins considérable, mais toujours au moins dans la portion interligamenteuse. Lorsque celle-ci seule reste béante, le diamètre longitudinal de lorifice glottique subit un raccourcissement par ocelusion de l’orifice in- tercartilagmeux ; l’écariement latéral plus ou moins considérable des lèvres vocales détermine le rétrécissement ou l'élargissement de l’orifice par les modifications du diamètre transversal, qui, cependant, sera toujours inférieur à celui de l’orifice pendant la respiralion. X. — Les vibrations sont déterminées par le courant d'air ex- piré ; elles sont transversales, c’est-à-dire qu’elles ont lieu dans un plan vertical au plan horizontal dans lequel est située la lèvre (9 MANDL. vocale. Celle-ci se soulève au-dessus de l’aire glottique, retombe et descend du côté opposé, pour remonter, et ainsi de suite. Ce soulèvement est le plus prononcé vers le milieu et moins sensible aux extrémités. Les nombres et les amplitudes des vibrations sont très-variables. On ne possède jusqu’à présent aucun moyen pour mesurer l'étendue des vibrations sur les lèvres vocales, soit en longueur, soit en largeur; l'appréciation de l'observateur, au commencement de ses études, peut être guidée par les ébranle- ments qu'éprouvent pendant ces vibrations de petits amas de mucosités qui adhérent aux lèvres vocales; on les voit bientôt s’accumuler en un point quelconque des bords, le plus souvent . aux sommets des apophyses vocales. IT est bien entendu que je ne parle pas ici d’un état pathologique intense, mais de ces affec- tions légères qui passent inaperçues pour les gens du monde, et qui produisent ce que les artistes appellent «avoir un chat » dans la gorge. Ces petits amas altérent le timbre, mais guère l'étendue des vibrations. Tous les tissus de la lèvre vocale entrent en vibration; 1l nous est impossible d'adopter l'opinion de ceux qui n’admettent des vibrations que dans l’un ou l’autre tissu, ou comme Fournier, uniquement dans le repli muqueux qui se détacherait des tissus sous-Jacents. « Les fibres musculaires, dit Henle (Anat. des Menschen, +. I, p.258), avancent tellement vers les cordes vocales et sont tellement unies au tissu élastique, qu'il est impossible de penser que les fibres élastiques vibrent isolément et que les fibres mus- culaires se retirent du repli muqueux. Au surplus, la masse principale du ligament élastique ne répond pas au bord du re- pli vocal, mais plutôt à la surface mférieure de ce repli. L'uti- lité du tissu élastique consiste en ce qu'il peut se raccourcir sans former des plis et sans onduler, comme certains ligaments de la colonne vertébrale. Sur le cadavre, où l’on ne peut imiter la coutraction des muscles thyro-aryténoïdiens internes, l'air donne aux ligaments la tension nécessaire. Le bord des cordes vocales est alors formé par un repli muqueux qui se détache bien plus du tissu élastique et du muscle que cela ne peut avoir lieu sur le ARTICLE N° 418. RECHERCHES SUR LA VOIX. 7) vivant, surtout si l'on a retranché toute la portion supérieure du larynx jusqu'aux cordes vocales. Il est impossible que la fonc- tion de la phonation soit réservée aux plissements accidentels de ce repli muqueux. » En effet, on ne saurait comprendre comment la muqueuse détachée, privée de toute élasticité, pourrait exécuter des vibra- tions régulières. Les vibrations peuvent s'étendre jusque dans l’orifice intercartilagineux ; on les constate facilement lorsque par hasard des mucosités s'y trouvent amassées. D’autres fois une portion seulement, la portion centrale de la glotte ligamenteuse, peut vibrer. Le mécanisue des modifications s'explique facilement par l’ac- tion des muscles intrinsèques ; nous analyserons celles qui se rapportent aux diamètres des lèvres vocales et de l’orifice glottique. La tension s'opère par la contraction des muscles erico-thy- roïdiens; il en résulte le redressement des bords de la glotie interligamenteuse, qui sont légèrement concaves pendant la respiration. L'épaississement est le résultat de la contraction du thyro- aryténoïdien interne qui se gonfle en se raccourcissant. Ce gon- flement et la tension ne sont pas contradictoires ; cette dernière s'exerce presque exclusivement sur le tissu élastique, situé au bord et à la face inférieure du repli, tandis que le muscle, en se contractant, modifie les dimensions transversale et verticale du repli qu'il occupe. Le raccourcissement de l'orifice glottique est déterminé par la contraction du muscle aryténoïdien, qui fait remonter les carti- lages aryténoïdes de la portion inférieure de l'articulation crico- aryténoïdienne à la portion supérieure, et qui ferme de cette manière l’orifice cartilagineux. Le raccourcissement de la partie vibrante de la portion liga- menteuse est dû à la tension des replis supérieurs qui appuient aux deux bouts de la portion ligamenteuse. Ce résultat est ob- tenu probablement par la contraction du faisceau supérieur du muscle thyro-aryténoïdien externe. (@"e] MANDL. Le rétrécissement de l’orifice glottique s'opère par l’action des crico-aryténoïdiens latéraux et du thyro-aryténoïdien externe. Le muscle constricteur inférieur du pharynx, qui, suivant quelques auteurs, contribuerait également au rapprochement des replis inférieurs par la pression exercée sur les lames du thyroïde, ne prend, suivant nous, aucune part dans ce phéno- mène. En effet, l'affrontement des replis s'opère aussi complet que possible, même lorsque ces lames sont complétement ossi- fiées, lorsque, par conséquent, nulle pression musculaire ne pour- rait les faire se rapprocher ; d’un autre côté, la pression exercée avec la main sur le thyroïde, chez l’homme vivant, ne produit aucun rapprochement des lèvres vocales, quelque énergique qu’elle soit ; cependant elle est assurément supérieure à la pres- sion que pourrait exercer le constricteur inférieur du pharynx. Le muscle thyro-aryténoïdien interne ne me semble non plus apte à rétrécir l'orifice glottique; en se contractant, il peut tirer en avant l'apophyse vocale, mais on ne conçoit pas comment il pourrait rapprocher les replis. L’élargissement de l’orifice intercartilagineux est dù à la con- traction des crico-aryténoïdiens postérieurs, antagonistes des la- téraux ; si les crico-aryténoïdiens latéraux sont à l’état de relà- chement, tout l’orifice glottique est élargi par la contraction des postérieurs. C'est l’action combinée de ces muscles antagonistes qui modifie et détermine le diamètre transversal de l'orifice. XL. — Tandis que ces phénomènes se passent dans les lèvres vocales, le vestibule glottique subit également des modifications dans ses diamètres. L’épiglotte peut se relever ou s’abaisser. Les replis supérieurs sont flasques et écartés, ou bien tendus et rap- prochés ; les mêmes changements se constatent dans les replis ary-épiglotiiques. L'entrée des ventricules de Morgagni est plus ou moins effacée. Les modifications diverses de la tension et des diamètres des lèvres vocales sont favorisées.par la facilité avec laquelle les ventricules de Morgagni peuvent être comprimés ; ces cavités sécrètent en outre, par leurs glandules, une notable quan- tité de mucus. ARTICLE N° 18. RECHERCHES SUR LA VOIX. 9 Ces modifications sont déterminées par la contraction du fais- ceau supérieur du thyro-aryténoïdien externe et du thyro-ary- épiglottique. XIE. — La voix forme des gammes en allant du grave à l’aigu. Dans l’examen des causes qui peuvent déterminer ces différences de tonalité, nous séparons les mouvements extrinsèques (XHI) des intrinsèques (XIV). XII. — L'élévation ou l’abaissement du /arynæ n’exercent : aucune influence sur la tonalité. Les sons les plus élevés peuvent être donnés même si le larynx est dans sa position la plus basse, de même qu’on peut émettre tous les sons possibles en conser- vant au larynx la position de repos qu’il occupe sur la partie moyenne du cou pendant la respiration diaphragmatique tranquille. Les mouvements extrinsèques du larynx sont déterminés, comme nous l’avons déjà dit, par les mouvements concomitants de la langue, et par conséquent de l’os hyoïde. La position de la langue exigée pour la prononciation de telle voyelle ou de telle consonne, et qui détermine la position du larynx, peut être con- servée dans l'émission du ton des sons, quelle que soit leur hau- teur. On peut donc vocaliser sur la même voyelle sans déplacer le larynx. Lorsqu'on dit, par conséquent, qu’il faut faire remonter le larynx pour les sons élevés ou l’abaisser pour les sons graves, on est dans l'erreur : on exprime seulement le fait d'une habi- tude prise par beaucoup de personnes, mais qui n’est nullement une loi physiologique. Cependant quelques physiologistes, comme par exemple Har- ess, Merkel, se sont appliqués à mesurer avec des instruments ces déplacements prétendus nécessaires pour l'émission de chaque note de la gamme. Ïl est inutile de donner les résultats de ces recherches, qui sont sans valeur, et dans lesquelles on ignorait la véritable cause, & savoir : la position de la langue, qui est sans influence aucune sur la tonalité. L'élévation ou l’abaissement du larynx n'ayant aucune in- fluence essentielle sur la tonalité, il s'ensuit nécessairement que 10 WANBIE. la longueur de la #rachée est également indifférente. Tout ce qui a été dit à ce sujet repose donc sur les données d'autant plus fausses, que rien, dans la construction des instruments à cordes, n'autorise à faire supposer, par analogie, cette influence hypo- thétique. XIV. — Nous avons dit que la voix formait des gamines en allant du grave à l’aigu. Ces gammes sont composées de séries . de sons consécutifs, mais diversement homogènes. Les sensations diverses qu'éprouve le larynx dans l'émission de ces différents sons à fait supposer depuis longtemps qu'un mécanisme particu- lier déterminait chaque série de sons consécutifs et homogènes, à laquelle on donne le nom de registre. On en distingue deux, quelquefois trois ou quatre. Les deux registres acceptés par tout le monde sont le registre de poitrine (XV) et celui de téle (KVE). Les autres registres sont le registre mixte (XVII) et le mé- dium (KVIH). On dit quelquefois aussi voiæ de poitrine, voix de téle, etc. Pour connaître, au point de vue anatomique, les différences des divers registres, nous aurons recours, pour chacun d’eux, à l'examen des caractères déterminés par les mouvements intrin - sèques (VI et suiv.). Nous étudierons, par conséquent, pour chaque registre, l'étendue des vibrations, de même que les mo- difications des diamètres des lèvres vocales et de l’orifice glot- tique. XV. — En examinant la glotte au moment de l'émission d’un son grave, appelé voix de poitrine, et dont la tonalité répond, chez l’homme adulte, à celle de la parole parlée, on voit l’orifice glottique ouvert et vibrant dans toute sa longueur. Avec l'élévation ou l’abaissement du son, nous verrons des modifications s'établir dans les caractères anatomiques, à savoir, dans la forme de l’orifice glottique, dans la tension et les dimen- sions des lèvres vocales, dans l'étendue des vibrations, et dans la forme du vestibule. La connaissance de ces modifications nous permettra de donner une définition anatomique du registre de poitrine. ARTICLE N° 18. RECHERCHES SUR LA VOIX. 41 Dans les sons les plus graves que l’on puisse examiner au laryn- goscope, l'orifice glottique présente un ellipsoïde (fig. 6) très- allongé, se terminant en avant et en arrière en pointe. La lar- geur la plus considérable s'observe vers le milieu de la portion interligamenteuse ; les sommets des apophyses vocales sont cachés et indiqués seulement par la tache jaunâtre qui les caractérise. Fig. 6, — Registre infé- Fig. 7. — Registre infé- Fic. 8. — Registre infé- rieur ou voix de poi- rieur, médium (2). rieur, sons aigus (2). trine, sons graves (1). Au fur et à mesure que l’on monte dans l’échelle diatonique, les lèvres se rapprochent, les sommets des apophyses vocales de- viennent plus saillants, et plus distincte la division de la glotte en deux portions (fig. 7). Dans les sons les plus élevés du re- gistre inférieur, l’orifice glottique est presque linéaire, surtout dans sa portion intercartilagineuse; cependant celle-ci n'est ja- mais fermée (fig. 8), comme nous le verrons en étudiant les vibrations. Cette béance persistante de l'orifice intercartilagineux prouve que les cartilages aryténoïdes persistent à occuper la portion in- férieure de la surface articulaire crico-aryténoïdienne ; l’ocelusion de l’orifice interligamenteux s'opère par le relâchement du erico- aryténoïdien postérieur et par la contraction des muscles erico- aryténoïdien latéral et thyro-aryténoïdien externe. Ces derniers ne peuvent amener au contact que les sommets des apophyses vocales, mais jamais les surfaces internes concaves des cartilages aryténoïdes. (1) b, bourrelet de l’épiglotte; or, orifice glottique ; »s, repli supérieur; 7, repli inférieur ; rap, repli ary-épiglottique ; ar, cartilages aryténoiïdes. (2) or, orifice interligamenteux; orc, orifice intercartilagineux. Les autres lettres comme dans la figure 6. 12 MIANIDE. C'est cette disposition anatomique qui met un terme au registre de poitrine. En effet, lorsque les sommets sont arrivés au plus haut degré de contact et que l’orifice glottique est devenu presque linéaire, l’action des constricteurs de la glotte est épuisée. Cette constriction extrême explique la fatigue qui se manifeste dans les sons élevés de la voix de poitrine, surtout lorsqu'ils sont émis pendant quelque temps et d’une manière suivie. La description que nous venons de donner de la forme de l'orifice glattique montre la profonde différence qui existe entre nos observations et celles des auteurs. Contrairement à leurs opi- nions, nous avons constalé la béance persistante de l’orifice glot- que dans toute l'étendue du registre Inférieur, tandis que les auteurs affirment que l’orifice se ferme, avec l'élévation du son, suivant les uns d’arrière en avant, suivant les autres d'avant en arrière. Les changements que subit l’orifice glottique au fur et à me- sure que la voix devient plus aiguë sont accompagnés de modifi- cations notables des lèvres vocales dans leur tension et leur épaisseur. La tension de plus en plus prononcée, déterminée par l’action du crico-thyroïdien, rend les bords des lèvres vocales de plus en plus minces et allonge les lèvres vocales elles-mêmes. L’épaississement dû à la contraction du thyro-aryténoidien interne rend les replis inférieurs d'autant plus saillants, que le son est plus élevé. ï La direction des replis inférieurs peut être horizontale ou bien inclinée d'avant en arrière ou d’arrière en avant, suivant l’action variable des muscles intrinsèques ; elle est complétement indé - pendante de la tonalité. Il est vrai que la contraction du crico- thyroïdien détermine aussi des changements d’inclinaison : mais la parallaxe, les positions variables du laryngoscope, les mouve- ments extrinsèques du larynx, si différents suivant ies habitudes prises, rendent tout à fait imaginaire une appréciation exacte de cette inclinaison. Les cartilages aryténoïdiens se rapprochent d'autant ee que le son est plus élevé; le repli interaryténoïdien se plisse et finit ARTICLE N° 18. RECHERCHES SUR LA VOIX. 15 par former une fente étroite; les sommets des aryténoïdes se pressent l’un contre l’autre. Les replis supérieurs, de plus ea plus tendus avec l'élévation du son, recouvrent progressivement les replis inférieurs qui apparaissent moins larges; l'entrée des ventricules de Morgagni devient plus étroit. Les vibrations sont manifestes dans toute la longueur et la lar- geur de la glotte. Les vibrations sont les plus amples au milieu de la portion ligamenteuse; dans la portion carlilagineuse elles sont moins prononcées, mais deviennent manifestes même aux élèves, lorsque par hasard les mucosités s’y trouvent amassées et qu'elles vibrent, entraînées par les vibrations de la glatte carti- lagineuse. Dans les notes les plus graves, l’épiglotte s’abaisse et rend l'inspection difficile et incomplète. Avec l’élévation du son, elle se redresse; les replis ary-épiglottiques s’allongent ; le diamètre antéro-postérieur du vestibule glottique s’est considérablement accru, tandis que la hauteur des parois latérales et le diamètre transverse ont diminué presque de moitié. Les explications précédentes permettent de définir le registre dit de poitrine comme une série de sons donnés par la glotte, lors- qu'elle est ouverte dans toute sa longueur. Cette définition anatomique est remplacée chez les physiolo- gistes et les artistes par d’autres, comprenant tantôt les caractères du timbre, tantôt ceux de la tonalité. Ainsi, par rapport à la qualité du timbre, on dit que la voix de poitrine comprend des sons pleins, sonores ; le caractere de la tonalité fait dire que cette voix commence par les sons les plus graves et qu’elle donne suc- cessivement des sons plus aigus, d’un nombre déterminé. Mais, pour fixer la limite extrème de la voix de poitrine et pour la dis- tinguer du commencement de la voix de tête, on est obligé d’in- voquer de nouveau le secours de l'oreille, en se basant sur la qualité du timbre. Le nom de registre de poitrine ou voix de poitrine repose sur des idées fausses : on supposait que la voix se formait dans la poitrine, en opposition avec une autre voix qui serait produite € th MANDIL. dans la tête ; double erreur, car la voix naît uniquement dans le larynx. Ce qui à paru justifier ces dénominations, ce sont les sensations qu’on éprouve dans l'émission, et qui dépendent dle la contraction plus ou moins énergique des muscles du thorax et des vibrations concomitantes. Je préfère appeler cette série de sons le registre inférieur. XVI. — Enexaminant la glotte au moment de l'émission d’un son aigu, on voit l’orifice glottique ouvert et vibrant seulement dans sa portion interligamenteuse ; toute la portion intercartila- gineuse est fermée. | Comme pour le registre inférieur, nous allons étudier les mo- difications des caractères anatomiques déterminées par la tona- lité, à savoir, la forme de l’orifice, la tension et les diamètres des lèvres vocales, l'étendue des vibrations et la forme du vestibule elottique. Il en résultera la définition anatomique de ee registre. L'orifice glottique est ouvert seulement dans sa portion inter ligamenteuse ; il est le plus large vers le milieu de son étendue et se rétrécit avec la hauteur du son (fig. 9). Ce diamètre transversal est plus large, même dans les sons les plus graves, que dans les sons les plus aigus du registre Imférieur. Aussi la constriction et la fatigue qui en résultent sont-elles moindres, et éprouve-t-on un soulagement par la détente qui s'opère, lorsque de la limite extrême du registre inférieur . on passe à la voix de tête. La lon— Fig. 9. — Registre supérieur (voix gueur de l’orifice ne diminue pas, CAR ES SN et il ne se ferme pas par conséquent ni d'avant en arrière, ni d'arrière en avant, avec l’accroisse- (41) Z, langue; e, épiglotte; pe, repli pharyngo-épiglottique; ae, repli ary-épiglot- tique; ts, replis thyro-aryténoidiens supérieurs; #, replis thyro-aryténoïdiens iufé- rieurs (lèvres vocales); 9, gouttières pharyngo-laryngées; ar, cartilages aryténoïdes ; ce, cartilages cunéiformes; 0, portion interligamenteuse de l’orifice glottique, contiguë à une ligne qui s'étend jusqu'aux aryténoïdes, et laquelle présente l’orifice intercarti- lagineux fermé; 7, repli intcraryténoidiens sous forme d’une fente étroite. ‘ARTICLE N° 48. RECHERCHES SUR LA VOIX. 15 ment de l’acuité. Lorsque, dans les sons les plus aigus, les vibra- tions cessent aux angles antérieur et postérieur de l’orifice, les mucosités sont chassées par l'air expiré ; ce qui prouve le pas- sage libre et la béance de la portion interligamenteuse. La portion intercartilagineuse de l’orifice reste constamment fermée; cette occlusion ne peut s’opérer que par l’accolement des faces internes des cartilages aryténoïdes, par le mouve- ment médian, c'est-à-dire par l’action des muscles aryténoï- diens transverse et oblique, qui font franchir à ces cartilages l’espace de l'articulation qui les sépare, en les portant en haut du ericoïde et en pressant les faces internes l’une contre l’autre. Dans cette nouvelle position, les cartilages aryténoïdes sont cependant toujours en état d'exécuter le mouvement latéral, lorsqu'ils sont sollicités par l’action des constricteurs (mus- cles thvro-aryténoïdien externe et erico-aryténoïdien latéral) ou des dilatateurs (cerico-aryténoïdien postérieur) de la glotte. C'est ce qui explique la largeur variable de la portion interliga- menteuse. La tension, l’allongement et l'épaississement des lèvres vocales s’operent, avec l'élévation du son, comme dans le registre infé- rieur. La largeur visible des lèvres vocales a diminué. Lorsque, après avoir donné un son du registre inférieur, on émet tout d’un coup un son aigu, on voit les cartilages aryté- noïdes, par un mouvement rapide, se porter l’un contre l’autre au point de transformer le repli imteraryténoïdien en une fente étroite, tandis que leurs sommets, surmontés des cartilages cor- niculés, sont tirés en arrière par l'action des fibres obliques des muscles aryténoidiens. Dans l’image laryngoscopique, ce mouvement paraît s'effectuer en avant; là aussi la fente qui résulte du plissement au repli interaryténoïdien paraît con- tinue à la ligne noire produite par l’occlusion de l’orifice car- tilagineux. Un examen attentif saura les distinguer l’une de l’autre. L'entrée des ventricules est effacée, surtout aux angles anté- rieur et postérieur, par la tension des replis supérieurs qui s’ap- 16 MANDE. pliquent énergiquement et recouvrent une portion plus large des lèvres vocales que dans le registre inférieur. Nous verrons plus tard que les replis font dans ce cas office de rasette (XXIIE, a). Les vibrations sont plus rapides que dans le registre inférieur. Elles occupent, dans les notes inférieures, toute la longueur de l'orifice glottique ; mais, au fur et à mesure que le son s’élève et que les replis supérieurs s'appliquent aux bouts antérieur et pos- térieur des lèvres vocales, celles-ci ne peuvent plus vibrer que dans leur milieu. Nous savons aussi que les replis supérieurs diminuent la lar- geur de la face supérieure des lèvres vocales ; une portion moins large de celles-c1 entrera par conséquent en vibration. C'est ce qui a fait dire que, dans la voix de tête, les bords seuls peuvent vibrer (Garcia, Battaille.) Les modifications du vestibule glottique sont très-accentuées. Le redressement de l’épiglotte et la tension des replis ary-épi- elottiques sont bien plus prononcés, même dans les notes basses de la voix dite de tête, que dans le registre inférieur. Ces ré- sultats sont déterminés probablement par l'action des fibres musculaires thyro-ary-épiglottiques, qui le plus souvent sont continues aux muscles aryténoïdiens obliques, contractés actuel- lement. Nous pouvons maintenant définir la voix dite de téte comme une série de sons donnés par la glotte, lorsqu'elle est ouverte seule- ment dans la portion ligamenteuse, et que l’orifice intercartilagi- neux se trouve par conséquent complétement fermé. Nous appellerons cette série de sons le registre supérieur ; les musiciens le désignent sous le nom de registre ou de voix de téte ou de fausset, à cause de la résonnance prédominante dans les cavités pharyngées. XVIT.—- Un certain nombre de sons de la même tonalité con- stitue les sons les plus aigus du registre inférieur, et lessons les plus graves du registre supérieur. Les deux registres ne peuvent donc être considérés comme deux séries de sons quise touchent bout à ARTICLE N° 18. RECHERCHES SUR LA VOIX. 17 bout, mais bien comme deux séries dont le commencement de l’une est superposé à la fin de l’autre. | Ces quelques sons qui, par leur tonalité, sont communs aux deux registres, constituent pour nous ce qu'on appelle la voix mixle ; ils ne sont pas produits par une disposition particu- lière anatomique, mais acquièrent de nouveaux caractères par une altération d'intensité ou de timbre. Ainsi, lorsque les artistes veulent émettre les sons de cette série dans le registre inférieur, ou, anatomiquement parlant, lorsqu'ils veulent laisser ouverte la glotte dans ioute sa longueur, le rétrécissement de l’orifice est porté à son plus haut degré, et les sons deviennent stridents, criards, désagréables ; alors on diminue l'intensité, et c’est avec une voix de poitrine diminuée qu'on chante : c'est ce qui arrive habituellement aux basses et barytons. D’autres artisies donnent ces mêmes sons avec les dispositions anatomiques du registre supérieur, et produisent ainsi un son de la même tonalité, mais qui diffère par le timbre. Ainsi, un cerlain nombre de sons peuvent être émis par les dispositions anatomiques du registre inférieur ou du supérieur : dans le premier cas, on l'appelle voix de poitrine diminuée; dans le second, voix mixte. Aussi les effets étant semblables, a-t-on dit que la voix mixte n'était qu'une voix de poitrine diminuée. Au point de vue anatomique, c’est une erreur, comme nous ve- nons de le voir, car les dispositions anatomiques sont différentes. Une confusion assez notable existe au surplus parmi les musi- clens en ce qui concerne la valeur de ces dénominations diverses. Pour les uns, voix de tête et de fausset sont identiques, et la voix mixte coniprend les sons communs aux registres inférieur et supérieur; pour les autres, voix de fausset veut dire voix mixte; d'autres appellent voix de tête la voix mixte, et le registre supérieur voix de fausset. XVIHE. — On appelie médium le milieu de la voix, à savoir, la voix mixte à laquelle on ajoute les sons les plus voisins, soit du registre inférieur, soit du supérieur. Quelques musiciens limitent l'étendue du médium à celle de la voix mixte. &C NAT., JUILLET 1872, ARTICLE N° 18. 29 15 WMANDE. XIX. — En résumé, il existe deux registres : l’inférieur, con- stitué par une série de sons que donne la glotte ouverte dans toute sa longueur; le supérieur, produit par la glotte ouverte seulement dans sa portion ligamenteuse et fermée dans la por- tion intercartilagineuse. Un certain nombre de sous, les plus élevés du registre infé- rieur et les plus graves du registre supérieur, ont la même tona- lité ; ils constituent la voix mixte. Le médium comprend la voix mixte, à laquelle s'ajoutent deux ou trois sous en decà et au delà. XX. — On sait que l'intensité dépend de l'amplitude des vibrations, et que celle-ci est déterminée par la force initiale de l'impulsion. Les vibrations des lèvres vocales seront donc d’au- tant plus amples, que le courant d'air qui vient les frapper sera plus fort; ce qui dépend, d’une part, du développement et sur- tout de l’élasticité des poumons et de la trachée, et, d'autre part, de la force avec laquelle on expire. Si l’on examine lorifice glottique pendant l’émission d’un son de la même tonalité, mais donné tantôt faible. tantôt avec force, on verra que l’orifice glottique n’éprouve aucun changement dans ses dimensions longitudinales ou transversales, quoique les au- teurs aient parlé tantôt de son allongement, tantôt de son élargis- sement. Ce sont les vibrations seules qui gagnent en amplitude avec l'accroissement de l'intensité. Il est facile de se convaincre de l'exactitude de cette assertion, lorsque de petits amas de mu- cosités se rencontrent aux bords des lèvres. On les verra entrai- nés par les vibrations, quelle que soit la place qu'ils occupent, aussi bien lorsque le son est faible que lorsqu'il est fort; si, par contre, ces amas se trouvent dans un endroit qui ne vibre pas, comme par exemple dans la glotte intercartilagineuse pendant l'émission des sons aigus, ils restent immobiles, que le son soit fort ou faible. L'agrandissement de lorifice, dont parlent quelques auteurs, n’est qu'apparent; les vibrations plus amples permettent de l'a- percevoir plus aisément. ARTICLE N° 18, RECHERCHES SUR LA VOIX. 1 Quand on fait passer un courant d'air dans un tu yau surmonté d'une anche membraneuse, on constate que le son s'élève pro- gressivement avec l'intensité croissante du courant. Müller con- clut, d'après ses nombreuses expériences, que, la hauteur des sons restant la même, pour que la force de la voix monte jus- qu’au forte, la tension doit diminuer. Il établit donc une com- pensation, en vertu de laquelle une partie de la glotte vibrante s’allonge, ce qui fait baisser le son ; mais en même temps la ten- sion et, avec elle, les vibrations augmentent. Ces deux modifica- tions se neutralisent ; la hauteur est conservée et l'intensité est accrue. D'autres systèmes de compensation avaient été déjà éta- blis depuis Dodard. D'après ce que nous venons de dire, cette compensation n'existe pas. Pour chaque son il y a un degré de rigidité et d’élas- ticité assigné aux lèvres vocales par le degré déterminé de la contraction des muscles intéressés; ce degré de tension Imitiale est conservé, sinon la voix détonne. XXI. — Le timbre du son glottique est déterminé par les vibrations des lèvres vocales et la consonnance du vestibule glottique. Les lèvres vocales, dit Helmholtz, agissent comme des anches membraneuses, et produisent une série de secousses aériennes discontinues, nettement séparées, qui, considérées comme une somme de vibrations pendulaires, correspondent à un très-grand nombre de vibrations de cette nature, et font par conséquent ur l'oreille l'effet d’un son formé d’une assez longue série d'har- moniques. Avec le secours de résonateurs, Helmholtz a reconnu, dans des notes graves de la voix basse, chantées avec force sui des voyelles éclatantes, des harmoniques très-aigus, allant même jusqu’au sixième ; et dans l’émission un peu forcée de notes ai- gués de toute voix humaine, les harmoniques aigus apparaissent plus nettement, dit-il, que sur tout autre instrument, à partir du milieu de l’octave de l'indice. On trouve surtout les six ou huit premiers harmoniques nettement perceptibles. XXIT. — Nous avons analysé, dans les paragraphes précé- 20 MANDL. dents, le mécanisme et les caractères du son; ces notions nous engagent maintenant d'aborder la solution d'une autre question, à savoir, celle de la théorie de la voix. La réponse ne saurait être donnée qu'après l'examen préalable des éléments actifs du la- rynx, au point de vue physique, c’est-à-dire après la comparaison de leurs fonctions avec les fonctions des éléments actifs dans les instruments de musique. Nous analyserons, par conséquent d’abord, les trois éléments constituants, pour établir ensuite la théorie de la voix inarticulée. XXII, — Dans l'appareil vocal existent, comme dans les in- struments de musique, trois éléments constituants, à savoir : A. L'élément vibrant, qui est une anche représentée par les replis thyro-aryténoïdiens inférieurs ; les lèvres vocales, habi- tuellement appelées cordes vocales. 9. L'élément moteur, qui arrive sous forme d’un courant d'air chassé des poumons (soufflerie) à travers la trachée (porte-vent), pour se heurter, dans l’orifice glottique, aux bords des deux replis inférieurs. 3. Le tuyau sonore, formé par les cavités pharyngées qui surmontent le larynx : c’est le tuyau vocal. h. De même que des auteurs différent sur la part que prennent les anches à la production des sons, de même leurs opinions varient sur le rôle joué par les lèvres vocales dans la production de la voix. Suivant les uns, elle est due aux vibra- tions primaires des lèvres ; suivant les autres, celles-ci, incapables de produire elles-mêmes un son, déterminent un écoulement pé- riodiquement variable de l'air, par les variations que les vibra- tions font subir à l'ouverture. Ceux qui professent cette dernière opinion (Dodart, Liscovius, Helmholtz, Longet, etc.) pensent donc que la voix est produite par un mécanisme analogue à celui de la sirène. Pour défendre cette théorie, on a malheureusement souvent avancé des asser- tions complétement erronées. Ainsi Liscovius dit que les cordes vocales sont tendues dans les sons #raves et relächées dans les ARTICLE N° 18 RECHERCHES SUR LA VOIX. 21 sons aigus ; qu elles ne peuvent produire de sons, parce que les cordes humides ne sonnent pas, etc. Les partisans des vibrations primaires des lèvres vocales (Fer- rein, Haller, Müller) ne trouvent pas une objection sérieuse dans la faiblesse du son propre ; ils disent que les vibrations primaires des cordes sont également très-faibles et ne peuvent être per- çues distinctement que renforcées par une caisse de résonnance. Müller est un des principaux défenseurs de cette théorie, qu’il a cherché à vérifier par des expériences nombreuses et fort pa- tientes sur les anches membraneuses. J’adopte l'opinion suivant laquelle le son glottique est produit par les vibrations de l’air qui s’échappe à travers l’orifice glot- tique, comme dans les anches, et non pas par le son propre des lèvres vocales. Il est en effet excessivement probable que ce son propre est très-faible. I est vrai, on ne peut isoler les lèvres vocales sur l’homme vivant, mais les expériences faites sur les anches ri- gides, sur les membraneuses et sur le larynx des cadavres ont prouvé que leur son propre, déterminé par le souffle ou l’ébran- lement, est très-peu intense, qu’il est absorbé par le’son intense que produisent les vibrations de l'air, et que le son final résulte des vibrations de l’air et du son propre de l’anche. La tonalité, c’est-à-dire le nombre des vibrations du courant d'air, dépend du nombre des vibrations des lèvres vocales et de la largeur de l’orifice glottique. a. Les lèvres vocales, qui vibrent transversalement, sont des anches fixées aux deux bouts et à l’un de leurs côtés; elles sont soumises aux mêmes lois que les anches. Le nombre de leurs vi- brations augmente par conséquent avec leur élasticité, leur épais- seur et leur raccourcissement. Aussi voyons-nous, à mesure que le son s'élève dans le registre inférieur, la lèvre plus tendue, par conséquent plus élastique et plus épaisse par la contraction musculaire. Dans le registre supérieur s'ajoute à ces deux causes une troisième, la diminution de longueur de la portion vibrante. Cet effet est obtenu par un double mécanisme ; l’orifice glottique 29 WE A NEDE.. est fermé et reste constamment fermé dans toute l'étendue de ce registre, ce qui raccourcit la lèvre à peu près d’un quart de sa longueur ; puis, dans les sons plus élevés, les replis supérieurs s'appliquent énergiquement aux deux bouts et les empêchent de vibrer, en remplissant ainsi l’orifice de la rasette dans les tuyaux à anche. On admet généralement que le nombre des vibrations du cou- rant d'air est numériquement égal à celui des vibrations de l’anche. b. L'influence de la largeur de l’orifice glottique n’est pas encore étudiée. XXIV. — L'élément moteur est le courant d'air expiré qui provoque dans les lèvres vocales les vibrations primaires, les- quelles, à leur tour, déterminent dans le courant des vibrations qui forment le son. Le courant d'air est fourni par le poumon, qui fait office de soufflerie ; 1l arrive à la glotte par la trachée, qui représente par conséquent le porte-vent. Le courant d'air est variable suivant son intensité et ses dimensions. De la vitesse à laquelle il s'écoule dépend son intensité, et celle du son, par l'amplitude des vibrations déterminées dans les lèvres vocales : nous savons qu’elle n’a aucune influence sur la tonalité. Les dimensions variables du courant d’air, déterminées par les changements de forme de la trachée, sont aussi complé- tement étrangères aux variations de la tonalité ; nous avons vu, en effet, que celle-ci est entièrement indépendante des mouve- ments extrinsèques, et par conséquent de l'élévation et de l’abais- sement consécutifs du larynx. La raison qui établit cette différence entre le porte-vent du tuyau à anche et la trachée, c'est que dans le premier la conson- nuance est assez forte pour que les harmoniques influencent la tonalité, tandis que dans la trachée elle ést de beaacoup trop faible. Au surplus, la différence entre les positions extrêmes du ARTICLE N° 16. RÉCHERCUES SUR LA VOIX. 2) larynx pour toute l'étendue de la voix ne dépasse pas 5 à 6 cen- timètres; en supposant même, ce qui est loin d’être exact, un allongement correspondant de la trachée, cette variation de dia- mètre n’expliquerait pas même la variation d’un seul ton, puis- que, d’après les expériences de Müller, le porte-vent exige, pour un seul ton, un changement d'au moins 10 à 1i centimètres. XXV. — Dans le larynx, tel que nous l'avons considéré jus- qu'a présent, séparé du pharynx, le vestibule glottique joue le rôle encore mal déterminé de tuyau sonore. Quelques physiolo- gistes l'ont comparé au bocal des instruments à vent. Il est excessivement probable que les ondes sonores du son glottique éprouvent des réflexions aux parois du vestibule, et que celles-ci renforcent quelques-unes des harmoniques : l’ana- logie de structure avec les cavités pharyngées autorise cette o He hypothèse. Cependant nulle expérience n’ayant été faite sur le larynx d'animaux vivants, nous devons nous borner à l’énoncé du fait. XXVE — L'existence d'une anche qui vibre par un courant d'air rend évident que la glotte doit être comparée aux anches, et particulièrement aux anches doubles, telles qu’elles existent, par exemple, dans le hautbois. C'est un fait déjà reconnu par Galien. Le larynx diffère cependant essentiellement de tous les tuyaux à anche, en ce que les lèvres vocales peuvent subir des variations dans leurs dimensions et dans leur élasticité, à la volonté de l'individu : c’est ce qui n’a lieu pour aucun imstrument, Dans le hautbois, le basson, etc., ces variations sont obtenues fort incomplétement à l’aide des lèvres, qui sont des anches peu élastiques, mais qui, en réalité, sont complétement étrangères à l'instrument. Il n'existe donc aucun instrument musical qui puisse donner, comme le laryux, une série de sons ascendants ou descendants dans l'échelle musicale, par la moditication variable d’une et de la même anche. 2h MANDL. Mais si l’on considère le larynx au moment où il donne un son d’une hauteur déterminée, et si l’on fait abstraction des mo- difications qu’il peut subir pour donner des sons d’une hauteur différente, alors nul doute ne peut exister que le son glottique est produit de la même manière que le son de toute anche. Le son glottique est, par conséquent, l'impression produite par un Courant d'air vibrant qui s'écoule périodiquement entre les lèvres vocales mises en vibration par lui-même. ARTICLE N° 18. DESCRIPTION D'UN NOUVEAU MAMMIFÈRE INSECTIVORE DE MADAGASCAR (GEOGALE AURITA), Par MIRE. Alph. RELANE EDVWVARES et Alf. GRANIDENDIER. L'ordre des Insectivores a été, depuis quelques années, l’objet de recherches nombreuses. Les travaux de Brandt, de Peters, de Barboza du Bocage, d’Allmaun_ et de St-George Mivart ont fait connaître l’organisation de plusieurs types intéressants, et ont assigné aux différents genres la place qu'ils doivent occuper dans une classification méthodique. Cependant, parmi les Mammifères, ce groupe est peut-être celui qui réserve encore aux naturalistes le plus de découvertes inattendues; en effet les espèces qui le composent, à raison de leur taille peu considérable, de leurs habitudes nocturnes et fouisseuses, peuvent facilement se déro- ber aux regards et passer inaperçues à côté des explorateurs les plus attentifs, — Le Potamogaie velox du Gabon, si bien étudié par Allmann, le Solenodon de Cuba, sur lequel Peters a publié ur mémoire très-complet, le Rhynchocyon, découvert sur la côte de Mozambique par le même zoologiste, constituent des types très-singuliers et par leur taille et par leurs formes. Plus récem- ment l’un de nous a fait connaître d’autres genres propres à la faune du Tibet, et d'autant plus intéressants, qu’ils comblent des lacunes existant entre des genres ou des familles paraissant au premier abord très-éloignés. Ainsi le Vectogale elegans rattache les Sorex aux Myogale; V'Uropsilus soricipes est intermédiaire aux Urotrichus et aux Soreæ, tandis que le Scaplonyæ fusicauda forme un trait d'union entre les Urotrichus et les T'alpa. L'ile de Madagascar nous a aussi fourni un genre nouveau ARTICLE N° A9. 23° 2 A. MELNE EDWARDS ET 4. GRANDIDIER. d'Insectivore dont l’organisation emprunte des caractères aux Tenrecs, aux Solenodon et aux Potamogales. Ce petit animal dont la taille ne dépasse pas celle de la Souris, et que nous proposons de désigner sous le nom de Geogale aurita, parait habiter les plaines de toute la côte ouest, car des quatre exem- plaires que nous possédons, trois ont été pris à Mouroundava, dans un trou que l’on venait de découvrir en arrachant les pieux d’une palissade; le quatrième a été trouvé dans les mêmes cir- constances, à Tullear, c’est-à-dire à plus de soixante-quinze lieues de la localité précédente. Les parties supérieures du corps et de la tête sont revêtues de poils courts, peu épais et grisâtres. Les parties inférieures ainsi que Pextrémité des pattes sont d’un blane légèrement nuancé de gris. Aussi, au premier abord, serait-on tenté de prendre le Géogale pour un Soricide, mais ses oreilles très-grandes et ses yeux bien développés suffisent pour le distinguer nettement. La tête est proportionnellement très-longue ; par ses dimensions elle égale environ la moitié du tronc, et cependant le museau est court et ne se prolonge pas en un groin, comme chez les Taupes, ou en une trompe, comme chez les Desmans, les Urotriques et les Uropsiles. Il ressemble davantage à celui de certaines Musa- raignes, bien qu'il soit plus gros et moins allongé. Les narines s'ouvrent latéralement et immédiatement au-dessus des incisives supérieures. La bouche est grande et fendue en arrière jusqu'au- dessous des yeux. Ceux-ci sont beaucoup plus gros que chez les Soreæ, et, par leurs dimensions relatives, rappellent ceux du Solenodon. Les côtés du museau-sont abondamment garnis de moustaches longues et brunâtres. Les oreilles sont très-dévelop- pées, elles dépassent de beaucoup la tête et se dirigent en haut, en dehors et en arrière ; elles sont membraneuses, brunâtres, dé- pourvues de poils sur leurs deux faces et semblent susceptibles de se plisser naturellement pour clore plus ou moins compléte- ment le trou auditif. Les pattes sont tres-grêles et terminées par des ongles faibles, plus faibles même que chez beaucoup de Musaraignes ; le pied, peu allongé, n'indique pas un animal sauteur. La queue, ARTICLE N° 49. NOUVEAU MAMMIFÈRE INSECTIVORE DE MADAGASCAR. &) mesurée depuis l’anus jusqu’à son extrémité, n’égale pas la lon- gueur du tronc; elle est assez forle vers sa base et s’atténue rapidement vers le bout ; la peau qui la couvre est finement an- nelée et revêtue de poils très-courts, très-clair-semés, brunâtres et difficiles à apercevoir, de façon qu’au premier aspect elle semble complétement nue. La région ischiatique, qui s'étend fort loin en arrière des cuisses, est également nue, comme chez le Solenodon de Cuba. Cette queue presque glabre, cette tête à oreilles grandes et membraneuses et à bouche largement fendue, donnent au Géo- gale un aspect qui rappelle celui de certaines Sarigues. Les mamelles sont très-nombreuses, 1l en existe neuf paires situées en deux groupes vers le pli des aines ; elles s'étendent en arrière au-dessous des cuisses jusqu'auprès du jarret. Les dents sont au nombre de 34, probablement ainsi réparties : Inc ose ‘a de p. mol Le mol Pr —) 3/4 np Et Fono Art EME Les os intermaxillaires étaient entièrement soudés aux maxil- laires, et l’on ne pouvaitapercevoir aucune trace de la suture qui les sépare primitivement, de telle sorte qu'il nous reste beaucoup d'incertitude sur la détermination des incisives et de la canine, et il est possible que la formule dentaire telle que nous la don- nons Ici ne soit pas complétement exacte. Les premières incisives supérieures sont très-écartées lune de l’autre, laissant entre elles un espace vide, égal à environ deux fois leur largeur; elles portent en arrière, à leur base, une pointe triangulaire assez aiguë et méritent bien le nom de dents en hamecon qu'on applique aux imcisives des Musaraignes. À une petite distance en arrière des précédentes, se voient de chaque côté deux autres dents semblables entre elles et que nous consi- dérons comme des incisives latérales; elles sont fortes, un peu courbées en arrière en forme de crochet, et portent à leur base un talon pointu reproduisant ainsi en plus petit l'apparence de lincisive antérieure. La dent quileur succède et que nous croyons être une canine est très-petite et ne dépasse pas le talon de la NA. MALNE EDWWARDS KT 4. GRANDEDIER. précédente, elle est légèrement tricuspide. La première prémo- laire est peut-être encore plus réduite et seulement bicuspide. La seconde est au contraire très-forte, elle dépasse toutes les autres en largeur el en hauteur ; son bord externe porte trois pointes dont une médiane très-grande et triangulaire, et deux latérales trés-petites; sa portion interne est étroite et en fer à cheval, dont la convexité regarderait directement en dedans. Les deux molaires suivantes se ressemblent beaucoup; elles sont très-res- serrées, leur diamètre transversal dépassant leur diamètre longi- tudinal; elles peuvent être comparées à des prismes triangulaires dont une face serait tournée en dehors et l’un des angles en dedans, mais ce dernier, au lieu d’être aigu, est arrondi. Elles ressemblent beaucoup à celles des Tenrecs, du Potamogale et surtout du Solenodon. La dernière molaire est petite, très-com- primée longitudinalement et légèrement oblique de dehors en dedans et d'avant en arrière. À la mâchoire inférieure, les premières incisives sont trés- grandes, obliques et non couchées comme chez les Musaraignes ; leur bord tranchant porte une denticulation un peu au-dessus de la moitié de leur hauteur; la deuxième et la troisième incisive reproduisent à peu près les mêmes formes, mais elles sont moins aiguës et leurs dimensions vont en décroissant. Aucun intervalle ne les sépare et elles sont appliquées les unes suÿ les autres. La quatrième dent que nous regardons comme représentant la ca- nine est bicuspide et très-réduite; elle n’atteint même pas la den- ticulation en forme de talon qui existe sur l'incisive précédente. Les molaires sont au contraire très-hautes, très-aiguës, très-rap- prochées les unes des autres, et rappellent beaucoup celles du Solenodon ; elles se composent d’une pointe médiane très-forte et de deux petites pointes latérales situées à des niveaux diffé- rents. Sur la première molaire, c'est la pointe postérieure qui est la plus haute, tandis que la disposition contraire existe pour les autres dents. La dernière molaire est plus allongée que les précédentes, ce qui tient au développement de la pointe posté- rieure, mais elle offre la même forme générale. Les particularités extérieures du Geogale aurita ne suffisent pas ARTICLE N° 49, NOUVEAU MAMMIFÈRE INSECTIVORE DE MADAGASCAR. 4) pour indiquer la place qu'il doit occuper dans la série des Insec- tivores, mais les caractères de la dentition ne laissent aucun doute à cet égard et montrent qu'il doit se ranger dans la famille des Centetinæ, telle que Peters l’a délimitée. Cette famille se composait de trois genres spéciaux à Madagascar [Centeles (À), Ericulus, Echinops|, et d'un genre confiné dans l’île de Cuba (Solenodon) ; plus tard le Potamogale du Gabon vint prendre place dans ce même groupe dont 1l constitue le type aquatique. Je Géogale, à raison de la nature de ses poils et de la forme de ses dents, s'éloigne beaucoup des Tenrecs, des Éricules et des Echinops, dont le corps est revêtu de poils roides et de piquants ; à cet égard, 1l se rapproche au contraire du Solenodon et du Potamogale, et établit un lien qui manquait entre les Centetinæ à piquants de Madagascar et ceux à poils ordinaires de l'Afrique et de l'Amérique. Le Géogale présente done un intérêt véritable au point de vue de la répartition géographique des Mammifères à la surface du globe, et au point de vue des modifications que les formes zoologiques peuvent éprouver sans cesser pour cela de se rattacher à un même type fondamental (2). (4) Les Hemicentetes (Mivart) ont été séparés des Centetes à raison d’un certain nombre de particularités que présente leur système dentaire. (2) L'Oryzoryctes (Grandidier) de Madagascar appartient aussi à la famille de Centetinæ, et il se rapproche plus encore du So/enodon que ne le fait le Géogale. DESCRIPTION QUELQUES REPTILES NOUVEAUX DÉCOUVERTS A MADAGASCAR EN 1870, Par M. Alfred GRANDIDIER. CROCODILUS MADAGASCARIENSIS, NOV. SP. Le Crocodile de Madagascar se rapproche, par l'apparence extérieure, beaucoup plus du C. cataphractus que d’aucun autre de ses congénères, mais il en est spécifiquement distinct; le pro- longement des os nasaux qui pénètrent entre les intermaxil- laires ne permet pas en effet de les confondre. Il a le museau allongé et les mâchoires étroites, moins toutefois que le C. cata- phractus; la largeur de la tête n’est contenue que deux fois dans sa longueur. La mandibule est très-faiblement échanerée pour laisser passer les quatrièmes dents inférieures, et l'angle sortant au niveau de la dixième dent supérieure est peu proémiment. Le chanfrein est droit et assez uni. La table du crâne est plane ou légèrement évidée. La gouttière interoculaire est peu profonde. La mâchoire supérieure est armée de 34 dents, et l'inférieure de 30. Les doigts des pattes antérieures et postérieures sont à demi-palmés. Quatre très-fortes écailles nuchales, accompagnées quelque- fois de deux autres latérales plus petites. Bouclier cervical rap- pelant ce qui se voit chez le C. cataphractus et les Alligator, en ce qu'il forme chez l'adulte une bande longitudinale contiguë avec les écussons dorsaux, où qui du moins en est à peine séparée ; les écussons cervicaux sont disposés sur trois rangées, et leur nombre varie de 8 à 12. Il y a de 413 à 15 rangées d'écailles dorsales, en comprenant chacune six, moins la”ou les deux premières. Trois rangées de quatre pelviennes chacune. La ARTICLE N° 20. REPTILES NOUVEAUX DE MADAGASCAR. 7 queue compte de 18 à 19 anneaux surmontés d’une crête double et de 23 à 24 surmontés d’une crête simple. L'espace entre la table crânienne et les écailles nuchales, entre les écailles nuchales et le bouclier cervical, est couvert de petites écailles carénées et de tubercules. Épaules et côtés du cou semés de tubercules. Sur les.flancs, une rangée d’écailles carénées, et au-dessous des écailles lisses ou tuberculeuses. CHAMÆLEO ANTIMENA, NOV. Sp. Casque élevé, très-comprimé, surmonté d’une carène à peine arquée, qui rappelle celui du C. verrucosus. Museau se prolon- geant au delà du maxillaire en une lame aplatie, à arêtes lisses s’incurvant vers le bas, et à extrémité arrondie, qui est osseuse à l'origine et cartilagineuse vers le bout. Cette lame est couverte d’écailles légèrement tuberculées. Écailles du Corps semées de gros tubercules. Crête dentelée sur le dos; pas de crête ventrale. Longueur du corps, 0",097; de la queue, 0",100: de la tête, 0",032; de l’appendice nasal seul, 6,006. Hauteur de l’'appendice nasal, 0°,005. Largeur maximum du casque, 0",012. Hauteur maximum du casque, 0,096. Habit. : Côte occidentale de Madagascar. CHAMÆLEO LABORDI, nov. sp. Casque beaucoup plus élevé que chez le précédent, à carène curviligne rappelant celui du €. calyptratus. Museau se prolon- geant au dela du maxillaire en une lame entièrement osseuse, plus grande que celle du €. 4ntimena, très-comprimée, à arôtes lisses et rectilignes, et à extrémité arrondie. Cette lame est cou- verte d’écailles plates non tuberculées. Écailles du Corps non semées de tubercules. Une crête dentelée sur le dos et sur le ventre. Long. du corps, 0”,111; de la queue, 0",122; de la tête, 0°,036; de l’appendice nasal seul, 0°,012. Hauteur de l’ap- pendice nasal, 0",007. Larg. maximum du casque, 0",013. Haut. max. du casque, 0*,032. Habit, : Côte occidentale de Madagascar. Ô A. GABANIDEMEEE. CHAMÆLEO CAMPANI, NOV. Sp. Corps traversé longitudmalement par six rangées subsymé- triques de grosses écailles rondes et plates, qui sont à peu près toutes d’égale grandeur ; celle qui suit la ligne du dos est double. Pas de crète dorsale n1 ventrale. Le casque est peu élevé. Long. du corps, 0",035; de la queue, 0,033. Habit, : Massif d’Ankaratra. HemipacryLus TOLAMPYÆ, nov. sp. De taille assez petite; d’un gris brun jauvâtre coupé de raies transversales, brunes, brisées, très-irrégulières. Des pores préa- naux. Pas de pores aux cuisses. Aucun tubercule sur la peau. Queue sans épines. Habit. : Forêts de la côte ouest. GERRHOSAURUS ÆNEUS, NOY. SP. D'un brun cuivreux ou bronzé sur le dos avec deux bandes noirâtres sur les flancs, que limite en haut,'sur le cou et la partie antérieure du trone, une raie verdâtre, et en bas, tout le long du sillon, une ligne de points de même couleur. Tête bronzée de couleur plus claire que le corps. EUPREPES SAKALAVA, NOV. Sp. Ecailles à six carènes. Brun : une ligne étroite, de teinte plus claire, s'étend le long du dos et est encadrée par deux petites raies brunes au-dessous desquelles sont semés quelques légers petits points clairs. Une raie blanchâtre sépare les flancs du dos. Flancs d’un brun foncé à peine semés çà et là de quelques tout petits points blanchâtres. Une autre raie blanche limite les flancs en dessous. Abdomen grisätre. Au-dessus et en arrière des oreilles, petite traînée rouge. Long. du corps, 0",04 ; de la queue, 0,06. Habit. : Malaimbandy (pays des Sakalaves). GONGYLUS SPLENDIDUS, NOV. Sp. D'un blanc rougeâtre coupé transversalement de 21 bandes ARTICLE N° 20. REPTILES NOUVEAUX DE MADAGASCAR. 9 brunes de la tête à l’origine de la queue; les bandes brunes sont environ de moitié moins larges que les bandes rougeûtres inter- médiaires. Parties inférieures blanchâtres. Tête et pattes tache- tées de brun; mâchoires rayées de noir de haut en bas. Long. du corps, 0",11 (la queue est cassée). Habit. : Berounounou (pays des Betsileos). GONGYLUS MOUROUNDAVÆ, NOV. Sp. Tout brun, avec une bande un peu plus foncée sur les flancs qu’encadrent deux petites raies de teinte plus claire. Long. du corps, 0",06; de la queue, 0°,06. Habit. : Mouroundava. ONYCHOCEPHALUS ARENARIUS, NOV. SP. Plaque rostrale saillante, à bord tranchant. Sillon nasal divi- sant entièrement la plaque nasale. Vingt rangées d’écailles. Dents à la mâchoire supérieure. Yeux très-apparents. D’un blanc rosé, couleur de chair ; les écailles du dos teintées légèrement de brun. Queue un peu courbée vers le bas, longue d’une fois et demie son diamètre. Long. totale, plus de 18 centimètres. Diamètre, 2 milli- mètres 4/10 près de la tête, et 3 1/2 près de la queue. Habit. : Mouroundava. PyxICEPHALUS MADAGASCARIENSIS, NOV. SP. Rappelle un peu le P. marmoratus, mais la membrane du tympan est grande et le museau est allongé, plutôt pointu qu’ob- tus. Partie postérieure de l’abdomen et face Interne des cuisses tuberculées, taudis que la gorge et le reste du ventre sont lisses. Membres postérieurs dépassant la tête de tout le métatarse. D’un brun noir marbré de verdâtre; sur le dos, une ligne médiane verte, longitudinale, va du museau à l'anus, et du coin postérieur dle l’œil à la naissance des cuisses s'étend aussi une autre petite ligne de même couleur, mais beaucoup moins large et moins visible. Long. du corps, 0°,059 ; des membres postér., 0,085. C, NAT, JUILLET 1872. ART. N° 20 24 10 A. rie A REPARER. DyscoPaus, NOV. gen. Voisin des lelobates et des Veobatrachus. Dents maxillaires fortes ; dents vomériennes disposées sur une forte et longue ran- gée transversale interrompue au milieu. Langue ovale non échancrée, libre dans sa partie postérieure. Tête conique con- fondue avec le tronc, à sommet convexe. Corps trapu, membres peu développés. Tympan caché. Pas de parotides. Un éperon dur, analogue à celui des Pyxicéphales. Doigts et orteils à peu près libres et obtus à l'extrémité; le troisième doigt et le qua- trième orteil sont beaucoup plus longs que les autres. Dyscopaus INSULARIS, nov. sp. Tête et corps lisses; des granulations sur les flancs et sous le ventre. Parties supérieures d’un brun roux, vermiculées de brun plus foncé; les dessins sont bordés de très-fines lignes d’un jaune d’or terne. Flancs rougeûtres. Abdomen d’un brun rougeûtre. Long. du corps, 0°,035 ; des membres postér., 0° ,040. Habit. : Antsouhy, près de Trabounzy. EUCNEMIS ANTANOSI, NOV. Sp. D'un blanc argenté. Membres antérieurs et cuisses d’un jaune safran; les jambes sont blanches. Abdomen grisätre, couvert de granulations ainsi que le dessus des cuisses; gorge lisse. Long. du corps, 0”,026 ; des membres postérieurs, 0°,035. Habit. : Salavaratse. Eucnemis B£TSILEO, nov. sp. Tout vert; les flancs sont Satan du dos par une belle bande d’un jaune d’or qui, partant des narmes, va en s’élargis- sant jusqu'aux membres postérieurs. Une raie de même couleur s'étend sur les deux tiers postérieurs des cuisses. Long. du corps, 0°,025; des membres postér., 07,035. Habit. : Pays des Beisileos. DENDROBATES MADAGASCARIENSIS, ROV. SP. £ D'un noir bleuâtre uniforme. Abdomen semé de taches d’un bleu clair; cuisses et face interne des jambes d’un beau rouge, ARTICLE N° 920. REPTILES NOUVEAUX DE MADAGASCAR. Ai © D'un beau noir mat avec une tache d’un vert clair velouié à la naissance et sur l’avant de chacun des quatre membres. Abdo- mer semé de taches d’un bleu ciel. Face interne des jambes d’un beau rouge. La peau de ces Dendrobates est finement chagrinée. Long. du corps, 0",022; des membres postér., 0",082. Habit. : Forêt d'Ambalavatou, entre Mananzarine et Fiana- rantsoua. DENDROBATES BETSILEO, NOV. Sp. Tête et dos d’un vert jaunâtre, nettement délimité par la bande d’un brun foncé qui s'étend sur les flanes et les pattes. De l'angle de la bouche part une petite raie verdâtre qui se continue sur les membres antérieurs. Abdomen et face interne des cuisses semés de petites taches vertes. Long. du corps, 0,016; des membres postér., 0°,025. Habit. : Pays des Beisileos. Nota. — Il est curieux de retrouver à Madagascar deux espèces de ce genre exclusivement américain. Hemisus oBSCURUS, sp. Corps trapu. Tête petite, pointue. Bouche petite. Membres courts. Aux membres antérieurs, troisième doigt très-allongé. Orteils palmés à la base. Parties supérieures d’un brun un peu verdâtre, marbrées irrégulièrement de taches blanchâtres. Une bande grisätre traverse d’un œil à l'autre. Abdomen gris, semé de petits points bruns entre les deux membres antérieurs et sous les lèvres. Long. du corps, 0°,023 ; des membres postér,, 0",24. Habit. : Côte N. O. de Madagascar. NOTE SUR LES CRABES D'EAU DOUCE DE MADAGASCAR, Par RE. ALPH. BMILNE EDWARDS. Les Crabes d’eau douce se trouvent dans toutes les régions du globe, mais leurs formes varient beaucoup suivant qu'ils appar- tiennent, d’une part à l'Amérique, d’autre' part à l’Europe, à l'Afrique ou à l'Asie. Le premier de ces continents est habité par les Boscies et les Epilobocères ; dans l’ancien monde, on ne ren- contre que des Thelphuses et des Parathelphuses. Leur nombre est très-considérable et s'augmente tous les jours à la suite des recherches faites dans les parties peu connues de l'Asie et de l'Afrique. La répartition géographique de ces Crabes paraît très- limitée, et chaque bassin nourrit, pour ainsi dire, son espèce ou ses espèces propres, qui ne voyagent pas et ne paraissent pas se mêler entre elles. Le nombre des Thelphuses proprement dites, qui ont été décrites, atteint presque cmquante; à Madagascar on n’en avait signalé qu'une seule, envoyée au Muséum de Paris par Goudot, et décrite par M. Milne Edwards, sous le nom de Thelphusa Goudoti (1). Les recherches de M. AÏf. Grandidier nous ont fait connaitre deux autres espèces de Crabes d’eau douce, l’une appartenant aussi au genre Thelphuse, l’autre s'en rapprochant, mais devant rentrer dans un autre groupe générique. J’indiquerai d'abord les caractères de la Thelphuse. THELPHUSA MADAGASCARIENSIS, NOV. SP. La carapace est beaucoup plus étroite que celle du Thelphusa Goudoti, et les régions branchiales antérieures sont beaucoup moins renflées; sous ce rapport, elle ressemble davantage à celle du T'. denticulata et du T. Larnaudii. Le long des hords latéraux on remarque de petites crêtes qui se dirigent transversalement et un peu obliquement en arrière. Les crêtes postfrontales sont assez nettement indiquées, mais elles sont interrompues sur la ligne médiane. Le front est bordé d’une rangée de fines granulations qui se continuent sur le bord (4) Milne Edwards, Mélanges carcinologiques, p. 178. — Alph. Milne Edwards, Nouvelles Archives du Muséum (mémoires), t, V, p. 172. ARTICLE N° 21. CRABES D'EAU DOUCE DE MADAGASCAR. 2 orbitaire supérieur. Quelques granulations analogues se voient un peu en arrière, mais elles ne s'étendent même pas jusqu'aux crêtes postfrontales. Les bords latéraux antérieurs sont peu épais, limités par une petite crête granulée comme le front. La dent épibranchiale est plus petite que l'angle orbitaire externe. Les pattes antérieures sont lisses, les doigts des pinces se touchent dans toute leur longueur. L’avant-bras porte en de- dans deux épines, l’unesupérieure, très-forte, l’autre inférieure, de moitié plus petite. Le bras est entièrement caché par la cara- pace, ce qui n'a pas lieu chez le Thelphusa Goudoli ; son bord antérieur est armé de quelques tubercules pointus. Les pattes ambulatoires sont longues, terminées par un doigt très-grêle et portant sur ses angles quatre rangées d’épines. Longueur de la carapace, 0",030; largeur, 0",039. S1 l’on à égard à la disposition des crêles postfrontales et à celle des bords latéro-antérieurs, on voit que notre espèce nou- velle doit se ranger à côté des Thelphusa Leschenaulti, Larnaudii et denticulata; elle diffère de la première par les rugosités de son bord antéro-latéral, et elle se distingue des deux autres par son front plus élargi et par le développement beaucoup plus con- sidérable de la dent épibranchiale. Cette espèce a été recueillie sur la route de Bombétok à Tananarive, sur le bord de petits torrents. HYDROTHELPHUSA, nOV. gen. Ce genre est très-voisin des Thelphuses. Ses pattes mâchoires externes, ses antennes, son abdomen, présentent les mêmes caractères généraux, mais 1l se distingue nettement par sa cara- pace peu élargie, aplatie, presque quadrilatère, par le faible développement dés régions épibranchiales, par son front qui s’avance beaucoup et presque horizontalement. HYDROTHELPHUSA AGILIS, NOV. SP. La carapace de cette espèce est à peine plus large que longue et peu resserrée dans sa moitié postérieure; elle est lisse en des- sus, si ce n'est vers les bords latéraux, où elle devient rugueuse et granuleuse. Chez le mâle, que j'ai sous les yeux, toute la par- tie supérieure des régions branchiales et de la région cardiaque 9 AILPZH. MELUE MEN ANMRDS, postérieure porte des poils très-courts, coniques, roides et espa- cés, de facon à ne pas cacher le test qui est au-dessous. Sur la femelle ces poils n'existent pas, mais peut-être leur absence était-elle accidentelle. Les sillons branch1o-cardiaques sont très- écartés l’un de l’autre, de façon que les régions cardiaque et gas- trique n’ont pas l’aspect cordiforme qu’elles présentent chez les Thelphuses. Les crêtes postfrontales sont nettement marquées et interrompues. Le front est lamelleux, largement échancré au milieu ; il ne se recourbe pas en bas, mais s’avance horizontale- ment; son bord est garni d’une rangée de granulations bien visibles et régulières. Les orbites sont grandes, non échancrées en dessus et terminées en dehors par un angle très-aigu et dirigé presque directement en avant. Leur bord inférieur est crénelé. Les bords latéro-antérieurs sont minces et très-courts ; ils sont armés d’une dent épibranchiale forte et séparée de l'angle orbi- taire par un espace assez considérable. Les bords latéro-posté- rieurs sont grands et peu obliques. Les régions ptérygosio- miennes portent quelques granulations. Les pattes antérieures du mâle sont subégales et de grosseur médiocre. Les doigts de la pince sont peu écartés entre eux et faiblement dentés ; la main est lisse sur toutes les faces ; l’avant- bras est armé de deux épines comme chez la plupart des Thel- phuses. Le bord antérieur du bras est 'spinuleux. Les pattes am- bulatoires sont longues, fortes et terminées par un doigt garni de quatre raugées de petites épines. Dimensions du mâle : Longueur de la carapace, 0",0/41 ; largeur, 0°,050. Distance entre les angles orbitaires externes, 0,036. Largeur de la cara- pace au-dessus des pattes de la troisième paire, 0°,044. Dimen- sions totales de l'animal, les pattes étendues, 0",18. Dimensions de la femelle : | Longueur de la carapace, 0°,0/6 ; largeur, 0",054. Distance entre les angles crhitaires externes, 0*,037. Cette espèce, de même que la précédente, a été prise sur la route de Bombétok à Tananarive. ARTICLE N° 21. DESCRIPTION DE QUELQUES LÉPIDOPTÈRES APPARTENANT AUX GENRES CHARAXES ET CYLIGRAMMA ET PROVENANT DU VOYAGE DE M. ALF. GRANDIDIER A MADAGASCAR. Par M. H. LUCAS. CHARAXES ANTAMBOULOU, Lucas. (Envergure : 90 millimètres.) Mäle. — Dessus des premières ailes d’un brun briqueté, entièrement fauve à la base, marqué d'une rangée marginale de sept points d’un fauve foncé et de deux taches transversales de cette couleur situées dans le voisinage du sommet de la cel- lule discoïdale:; nervures de la base et bord antérieur verdà- tres. Secondes aïles d’un fauve foncé, plus claires dans la cellule discoïdale, avecle bord externe d’un brun briqueté et offrant une rangée marginale de taches fauves. Prolongements caudaux assez allongés, d’un fauve foncé, ceux de l’angle anal recourbés exté- rieurement. Dessous des quatre ailes nuancé de brun, avec les nervures et tout le bord antérieur des premières verts; la base de celles-ci d’un jaune clair, avec la cellule discoïdale marquée de traits fins d’un noir foncé. Antennes d’un brun foncé. Tête, thorax et abdomen fauves; palpes fauves en dessus, d’un brun jaunätre en dessous. Pattes d’un fauve clair. CHARAXES ANTANALA, Lucas. (Envergure : 70 millimètres.) Femelle. — Dessus des quatre ailes d’un brun foncé, traversé au milieu par une bande commune d’un blanc teinté de bleu, ARTICLE N° 22, 2 Hi. LUCAS. surtout sur les secondes ailes. Les premières offrent une suite de larges taches d’un fauve clair qui atteignent le bord antérieur, et dont deux plus petites occupent le sommet de la cellule dis- coïdale ; les secondes présentent une rangée marginale de taches d'un bleu clair, avec le bord postérieur marginé de cette couleur, et le bord externe liséré de fauve clair. Prolongements caudaux assez grands, parcourus en dessus et en dessous par une ligne très-fine d’un blanc teinté de bleu. Dessous des quatre ailes d’un blanc gris pâle, orné de taches et de traits d’un brun foncé. Les premières présentent une rangée marginale de taches noires. avec la cellule discoïdale maculée de brun ferrugineux foncé ; les secondes offrent une double rangée marginale de traits en croissant d’un brun foncé. Antennes noires. Tête brune tachée de blanc en dessus dans le voisinage des yeux et des antennes. Palpes bruns en dessus, entièrement blanes en dessous. Thorax d'un brun foncé, taché de blanc sur les côtés et en dessous ; ab- domen brun en dessus, d’un fauve clair sur les côtés et en des- sous. Pattes blanches. CHARAXES BetsimiIsARAKA, Lucas. (Envergure : 55 millimètres.) Mâle. — Dessus des quatre ailes d’un brun foncé, avec une large bande commune d’un blanc tres-légèrement teinté de verdâtre. Les premières, dentelées, profondément découpées, présentant une rangée marginale de cinq points d’un blanc ver- dâtre; sommet marqué d’un point de cette couleur ; cellule dis- coïdale traversée à son sommet par une tache d’un brun foncé ; les secondes, dentelées, offrant une rangée marginale de points blanchâtres obscurément marqués. Prolongements caudaux assez grands, étroits, légèrement spatuliformes, d’un brun foncé, offrant dans toute leur longueur, en dessus et en dessous, un filet très-fin d’un blanc verdâtre. Dessous des quatre ailes d’un blanc verdâtre légèrement nacré, traversé par des bandes d’un brun foncé, étroites, obliques, et dont celles présentées par les secondes ailes se réunissent vers l’angle anal. Les premières ARTICLE N° 22, LÉPIDOPTÈRES DE MADAGASCAR. 3 offrent deux rangées marginales de taches d’un blanc légèrement nacré séparées entre elles, longitudinalement et transversale- ment, par des lignes brunâtres; les secondes, unimarginées seu- lement de taches d’un blanc légèrement nacré. Antennes d’un brun foncé. Tête brune, ornée de chaque côté, en dessus, près des yeux, de deux petits points blancs; palpes bruns en dessus, entièrement blancs en dessous. Thorax brun en dessus, de cette couleur en dessous, avec les côtés maculés de blanc: abdomen d’un brun roux, taché de blanc en dessous. Pattes blanches. CHaRAxES BeranIMENA, Lucas. (Envergure : 59 millimètres.) Mâle. — Dessus des quatre ailes d’un jaune clair terminé aux supérieures, qui sont découpées et dentelées, par un espace assez grand d’un brun briqueté, sur lequel on aperçoit cinq taches d’un fauve clair, dont une occupe presque le sommet: cellule dis- coïdale marquée à son sommet d’un trait étroit, d’un brun bri- queté. Secondes ailes présentant une bande d’un brun briqueté clair, sur laquelle on remarque une rangée marginale de taches d’un fauve clair obscurément marquées. Prolongements caudaux assez grands, d'un brun briqueté, recourbés au côté interne. Dessous des quatre ailes nuancé de brun fauve, les premières ayant une rangée marginale de très-pelits points noirés, les se condes marquées à la base de la cellule discoïdale d’une petite tache blanche et présentant sur le bord externe deux rangées marginales de petits points noirs très-obscurément indiqués. Antennes d’un brun briqueté foncé. Tête fauve, marquée en dessus, dans le voisinage des antennes et des yeux, de deux petits points blancs. Thorax fauve, marqué de blanc sur les côtés et en dessous ; abdomen fauve. Pattes blanches. CyLicramMmA RaBoupou, Lucas. ‘ (Euvergure : 75 millimètres.) Mâle. — Dessus des quatre ailes d’un brun légèrement vio- lacé, traversé un peu au dela du milieu par une bande com- l H. LUCAS,. mune, assez large, obscurément marquée sur les premières ailes, jaunâtre sur les secondes, et suivie sur les premières d’une rangée de points mal alignés, d’un brun foncé; les supérieures offrant entre la base et la bande une autre bande courbe, oblique, large, trianguliforme, d’un noir foncé; tache réniforme remplacée par une tache assez grande, échancrée In- férieurement et bordée de jaunâtre au côté interne. Dessous des quatre ailes brun, les premières et les secondes offrant une ran- gée marginale de taches jaunes en forme de croissant. Antennes, tête, palpes, thorax, abdomen et pattes de couleur brune. Femelle. — Bande commune des quatre ailes en dessus très- accusée, large, d’un jaune clair, fortement dentelée à son bord externe ; dessous des quatre ailes traversé au delà du aulieu par une bande commune, large, d’un jaune clair, divisée à son som- met chez les premières ailes seulement; taches marginales jaunes, en croissant, et beaucoup plus accusées que dans le mâle. ARTICLE N° 22. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. Mémoire sur la génération des Aphides, par M. BALBIAN. . . . Observations sur les Crustacés nouveaux ou peu connus des côtes de Éance Da nieMS ETESSE NE MC DR ASUS Ai Mo Documents pour servir à l’histoire de la Baleine des Basques, par Ml PCR 0 ot ME bo EN G mGHR AIME Mémoire sur la génération des Aphides, par M. BaLBranI (suite). . . Bublicanons nouvelles MURS MEENT NN SN OM ENTENLNIRRS Observations sur quelques points de l’embryologie des Lémuriens, et sur les affinités zoologiques de ces animaux, par M. Alph. Mine BND, à 67206 VCD TN DEAR RE Rae ARS ete Note sur la variété mélanienne du Surmulot, par le MÊME. + . . Note sur les Aphidiens du Pistachier térébinthe, par M. DERBES. Note sur des procédés de conservation pour les Médusaires et divers autres animaux marins, par M. Ed. VAN BENEDEN. + . | . . Note sur un nouveau cas d’hypermétamorphose constaté chez le Palingenia Virgo, par M. Jozy. . 5 NON ANNE Sur un appareil moteur des valves buccales des Cucullans, par IMPR ER RER An A Una ane de Idea ere bedire Observations sur la myologie de l’'Hyæmoschus, par M. J, CHATIN. . Mémoire sur le vol des Insectes et des Oiseaux, par M. MAREY. , , Études anatomiques sur un Chétoptère, par M. Lespés. . . . . Mémoire sur les métis du Lièvre et du Lapin, par M. A. Sanson. . Observations sur la conformation du placenta chez le Tamandua, par MPSAIDOESINTENENEDNARDS CNE TN RU UT Ce Note sur une nouvelle espèce d’Axolotl, par M. A. DuGÉs, + + Recherches sur la phonation et sur la formation des registres de la VOIR MNDA EME ANTANDE 22 MEN SOMe UE ER ENINNEUNS Dre CAMEIEN, Description d’un nouveau Mammifère insectivore de Madagascar (Geogale aurila), par MM. Alph. Micxe Epwarps et À. GRANDIDIER. Description de quelques Reptiles nouveaux de Madagascar, par NES CRAN DD LE Re Re NL M NN AURONT Note sur les Crabes d’eau douce de Madagascar, par M. Aïph. MIE ÉENPANRDES Lea) CMS 1 ROMEO LT SERRE RS Description de quelques Lépidoptères appartenant aux genres Charaxes et Cyligramma, et provenant du voyage de M. Grandidier à Mada- SCO DANS FLUCAS A NE TN AE RE ENS CUS ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N0 & 19 20 21 22 TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS ART. ART, BaLBIANI. — Mémoire sur la généra- GRANDIDIER et Alph. MiLNE Enwanps. tion des Aphides. . . . . . . . 4 et 4! — Description d’un nouveau Mam- CHaTiIN. — Observation sur la myo- mifère insectivore de Madagascar. . 49 logie de l’'Hyæmoschus. . . . . . 12 | Hesse. — Observations sur des Crusta- Dergës. — Note sur les Aphidiens du cés nouveaux ou peu connus des Pistachier térébinthe. . . . . . , 8| côtes de France. . . . - . CRONORE ne 74 Ducës. — Note sur une nouvelle Jocy. — Note sur un nouveau cas espèce d'Axoloil. . , . . ... 17| d’hypermétamorphose constaté chez Epwanrps (Alph. MiLNE). — Ocnes le Palingenia Virgo. . . . . . : 40 tions sur quelques points de l’em- Lesrés. — Etudes anatomiques sur un bryologie des Lémuriens, et sur les Ghétoptere- RME EE 14 affinités zoologiques de ces animaux. 6|Lucas. — Description de quelques — Note sur la variété mélanienne du Lépidoptères provenant du voyage SUrMUIOI. Lu . ... 7| de M. Grandidier à Madagascar. . 22 — Observations sur la confor en Maxpz. — Recherches sur la phona- du placenta chez le Tamandua. . . 16| tion et sur la formation des registres — Note sur les Crustacés d’eau douce dela VOIX me Eee 18 de Madagascar. . . . . . . . + + 21/Marey. — Mémoire sur le vol des — et GRANDIDIER.— Dacia d’un Insectes et des Oiseaux. . . . . . 13 nouveau Mammifère insectivore de PERRIER. — Sur un appareil moteur Madagascar CECI C ICE 19! des valves buccales des Cucullans. 11 FiscHer. — Documents pour servir à Sanson. — Mémoire sur les métis du l’histoire de la Baleine des Basques. 3] Lièvre et du Lapin. . . . . . . . 15 GRANDIDIER. — Description de quel- VAN BENEDEN. — Note sur des procé- ques Reptiles nouveaux de Mada- dés de conservation pour les Médu- PaSCAR ee ee 2000020 | Saires fetidivers ANIMAUNATINS TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planches 4 et 2. Crustacés des côtes de France. . . ARTICLE N° 2 — 3. Aphidiens du Pistachier. — Valves buccales des Cucul- Jans. ARTICLES n° & et N° 11 — h. Anatomie du otre EI : . ARTICLE N° 14 — ‘5. Fœtus et enveloppes fœtales du aies PRÉRUUE ARTICLE N° 16 — ‘6. Têtes de Léporides, etc. 5 D ARTICLE N° 45 —— 7,8, 9. Myologie de l'Hyæmoschus. . 0. MARTICEE NON = 10. Siredon Dumerilhi. RS RO RE CAN SR PARTICLERNOE77 Paris, — Imprimerie de E. MaBTinET, rue Mignon, 2 Ann, des Sezene. nat, 5° Jerte. LooL orne 1 LUE" / pt” M {| # LL | RC ï das avrs C1 SE NP AT 4 \ 7 L) CTrustaces des Cotes de lrance. mp. A, S'alnon,r Veille Fstrapade, 15, Larts. Er, DAS Bt me 7 LOC COLONEL IN LE N2) Ann, des Seiene.,nat 5° Serte, ? rustaces des Uotes de france. ee 1np. A, Satnon r. Viedle Lotrapae,15, [arts , re RS RS ie a TES tre Eté em) Le Ce) Ann des Serenc nat, 5° Serre. LOT LRO RONTV) D A .Aphudiens dur Lis lachter, D, Vadoes buccates des lucullans. Zap À S'atmonr Mode Lstrapade 15,7 arts Zoo Zome 19, PL 4 ren des Serene, nat, 5° Serre ùd on w fsb À A , ND ES À S ER Ni ZEN Want 2 Anatorue du Cheloptere Zmp.A, S'abnon nr Veille Estrapade,15.Lerrs Ann. des Jecene. nat. 5° Jerte. Tool Lomme TILL NO Faætus et envoloppes. f&tales du Fourmuer Zamandux {2,1 Salnen sr Velo Lisbon ra dun. nn des Se nat ol oerIer | Zoo PLAGE FETE GANT in AA Ann. des Se. nat. d° Serie. Zoo MMS PILE Aelahayge lt. Myologie de l’Hyæmoschus M | Me Zoo AIS PIE -E: 2 Série . e limrdes scmatr © Zip. Becqret a Paris. gie de l'Hyæmoschus Myol O Zoo AL ils, PIE, 0 Aûn.des Sc.nat. i° Serie. lxhage Litle. € D ; l'Hyvæmoschus Myologie de E u œ 4 CE SA EE HAN EE TAN Ann. des Seienc. nat, 5° Jerte: 2 Zool lome 15, 1U,10. <à ours RelE Be, 2 — fe JU — Sérecdor Dumerili A. Dugew | Lip. 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