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MILNE EDWARDS © —— TOME XVII PARIS LIBRAIRIE DE G. MASSON PLACE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE 1873 \nb de MEMOIRE SUR DES CRUSTACÉS RARES OÙ NOUVEAUX DES COTES DE FRANCE Par M. MESSE, (Vingt -Sbmième article.) Mémoire sur la famille des Sphéromiens, à l’occasion ‘des affinités et des relations sexuelles qui paraissent exister entre les Sphéromiens et les Cymodocéens d’ane part, et les Dynaméniens et les Néséens d'autre part. Les Crustacés dont nous allons nous occuper appartiennent à la section des /sopodes nageurs, qui comprend aussi les Ancées, pour lesquels nous avons adressé, le 28 juin 1858, un mémoire à Académie des sciences, où nous lui signalâmes les singulières transformations des Pranizes, qui jusque-là avaient été consi- dérées comme des Crustacés arrivés à leur développement com- plet, tandis que, par le fait, elles n'étaient que les larves des Ancées (1). Nous venons cette fois faire connaître une nouvelle découverte qui ne sera pas moins intéressante, si, comme nous l'espérons, nous ne nous sommes pas trompé : elle aurait pour résultat de prouver que quatre des genres de Crustacés compris dans cette même section des Zsopodes nageurs ne devraient plus en former que deux, attendu que deux de ces geures que l’on avait Crus jusqu'ici composés de mâles et de femelies, ne con- tiendraient que des femelles, et que les deux autres genres que l’on supposait également contenir des Crustacés des deux sexes, ne seraient aussi formés exclusivement que de mâles, qui seraient (4) Ann. des sciences nat., L® série, t, IX, SG. NAT., NOVEMBRE 1872. XVII, À, =— ART, N° À, 2 HRNSSE. ceux des femelles contenues dans les deux autres genres; d'où il suivrait que, d’après nos observations, 1l y aurait des motifs de penser : 4° Que les Sphéromiens ne seraient que les femelles des Cymo- docéens ; 2° Que les Dynaméniens ne seraient que les femelles des Néséens. Bien que nous n'émettions cette opinion qu'avec réserve, nous pensons cependant qu'il y a des raisons assez sérieuses pour que ces probabilités puissent être prises en considération. C’est ce que nous tàcherons de prouver dans les chapitres sui- vanis. S 0. Historique. Les faits que nous allons signaler nous sont connus depuis longtemps, mais nous avons jusqu'à présent hésité à les publier dans la crainte de nous tromper. Cependant, comme rien n’est venu contredire nos suppositions, mais au contraire les corro- borer, nous nous sommes décidé à sortir de notre réserve. So) Cymodocéens et Sphéromiens. Les Sphéromiens sont, comme on le sait, des Crustacés qui vivent habituellement en société. On les rencontre quelquefois réunis dans des flaques, mais plus fréquemment logés dans des cavités, sous les pierres ou dans les fentes des rochers. Ils se reti- rent aussi très-volontiers dans les conduits étroits que se creu- sent les Bernards-l’ermite dans l’intérieur des Té/hyes, lorsque ceux-e1 les ont abandonnés. Alorsils se blottissent dans ces réduits, dont ils se disputent la possession. Chaque fois que nous les avons rencontrés en certain nombre, nous avons (oujours trouvé aussi renfermés avec eux, et géné- ralement placés les derniers, c’est-à-dire près de l’orifice de ces conduits, des Cymodocéens. ARTICLE N° 4, <} CRUSTACÉS DES CÜTES DE FRANCE. (a) Que font-ils là, et pourquoi ne sont-ils pas mdistinctement au fond de cette cavité, et surtout pourquoi ne sont-ils pas avec des Crustacés de leur espèce ? À la première question ,on peut répondre queles Cymodocéens ayant la même conformation, à peu de chose près, que les Sphé- romiens, et les mêmes mœurs, il n'est pas étonnant de les voir ensemble à la recherche de la même nourriture. On peut ajouter que leur position dans ces cavités peut être aussi le résul- tat du hasard, et que l’on ne doit y attacher aucune importance. Nous admettons pour un moment cette réponse; mais nous ajoutons que depuis que notre attention s’est fixée sur ces Crus- tacés, c'est-à-dire depuis plus de vingt ans, nous n’avons Jamais vu un seul Cymodocéen adulte qui eût des œufs, tandis que nous avons foujours trouvé des Sphéromiens adultes qui en avaient, et nous avons même pu suivre leur éclosion et élever les jeunes. D'un autre côté, nous voyons que les Sphéromiens ont la faci- lité de se mettre complétement en boule, comme le font les Oniscus, et nous avons pensé que cette faculté, qui a été refu- sée aux Cymothoadiens, ne leur avait pas été inutilement accor- dée, attendu que lorsque leur corps est ainsi contracté, il met complétement à couvert leurs régions thoraciques et abdominales, et préserve alors les œufs qui y sont placés des chocs ou des périls qui pourraient les menacer. Enfin, nous n'avons jamais rencontré chez les Cymodocéens, bien que nous en ayons examiné un nombre considérable, rien qui indique, comme chez les Sphéromiens, les dispositions et les organes nécessaires pour maintenir les œufs et en favoriser l’incubation, dispositions qui, dans les Crustacés, ne se voient seulement que chez les femelles. Ces observations nous semblent avoir pour la solution de cette question un certain degré d'importance. Quant à la présence de Cymodocéens, relativement en petit nombre (1), au milieu des Sphéromuens, elle nous semble s’ex- (1) Dans des grandes marées qui eurent lieu le 43 juin et le 14 juillet 4861, favo- risées par un coup de vent de 5. O., nous trouvâmes à la côte un grand nombre de Téthyes dans lesquelles il y avait 23 Sphéromes et seulement 2 Cymodocéens, ll HESSE. pliquer plus par la nécessité des rapprochements sexuels que par leur conformité de goûts et le besoin de se procurer les objets nécessaires à leur existence. Ils n'auraient en effet au- cuue nécessité de se réunir pour chercher ensemble leur nour- riture ; bien au contraire, ils y trouveraient plutôt des concurrents redoutables pour leur disputer leur proie. C'est aussi à ceite attraction que nous attribuons la place et la proportion dans laquelle on rencontre les Cymodocéens réunis aux Sphéromiens. Habituellement 1l n’y à qu'un seul de ces premiers Crustacés mêlés à plusieurs Sphéromes; mais nous n'avons jamais vu que le contraire eût lieu, ce qui nous semble prouver, comme cela existe habituellement, que dans cette circonstance ce sont les mâles qui sont attirés par les femelles. C’est aussi ce qui nous expliquerail cette constante et étroite cohabitation de la part de deux espèces de Crustacés qui, malgré les plus grands rapports d'organisation, sont cependant encore assez dissemblables, et devraient, s'il n’y avait pas une puissante raison pour qu'il n’en fût pas ainsi, vivre isolés. Cependant, comme en fait de science on ne saurait prendre trop de précautions, dans la crainte de commettre des erreurs, nous avons eu recours à un moyen qui eût été infaillible si nous eussions réussi : 1l consistait à élever les jeunes Sphéromes jus- qu'à l’âge adulte, et à voir s'ils deviendraient indistinctement ou Sphéromes où Cymodocéens. Malheureusement nous n'avons pas pu mener Jusqu'au bout notre épreuve; nous avons cependant conduit leur éducation jusqu'à la troisième mue : mais passé cette limite, soit que l'é- tat de captivité dans lequel nousles tenions leur fût contraire, soit que le genre de nourriture que nous leur donnions ne leur con- vint pas, ils finissaient par mourir successivement sans avoir atteint l’âge adulte, Ce sont des expériences à recommencer, mais qui, si elles réussissaient, trancheraient naturellement la difficulté et four- niraient un argument saus réplique. Les Sphéromiens et les Cymodocéens sont phytophages; mais nous croyons que c'est faute de mieux, et qu'ils préféreraient les ARTICLE N° 4, CRUSTACÉS DES CÜÛTES DE FRANCE. 5 substances animales. Il faut, en effet, se garder, si l'on tient à les conserver, de les mettre ensemble, à moins de leur donner amplement à manger des plantes marines qui leur conviennent, car sans cela ils se dévorent avec avidité; et comme les Cymo- docéens sont plus grands et plus forts, et que leur carapace est aussi bien plus épaisse que celle des Sphéromiens, ces derniers deviennent leurs victimes. De ce qui précède nous croyons pouvoir conclure que si la question n’est pas encore définitivement tranchée, il y a cepen- dant des présomptions pour penser que les Cymodocéens pour- raient être les mâles des Sphéromiens. $ 3. Néséens et Dynaméniens. Nous allons maintenant nous occuper des AMéséens et des Dynaméniers, qui sont venus pour une grande part contribuer à nous donner l'opinion que nous avions conçue relativement à la parenté des Cymnodocéens et des Sphéromiens, et en ce qui les concerne nos affirmations seront bien plus positives. Les Néséens ont à peu près les mêmes mœurs que ces Crusta- cés, mais peut-être encore les deux sexes vivent-ils plus étroite- ment réunis ensemble que les précédents. On les rencontre, comme eux, blottis dans les petites cavilés des rochers, et quel- quefois aussi parmi les Fucus; mais l'espèce qui a le plus servi à uos observations, parce que c'est celle que l’on se procure le plus facilement, est le MVesea bidentata, qui se loge particulière- ment dans les alvéoles vides qui ont contenu des Balanes. Le mdle (2) est incontestablement une Aésée bien carac- térisée par sa forme et le prolongement bidenté ou fourchu de l'extrémité inférieure de son thorax, et enfin par la forme et la position de ses fausses pattes natatoires, La femelle, le Dynaménien, ou, si l'on veut, le Crustacé que (4) PI 2 eut (2) PI. 2, fig. LA 6 HESSE. nous trouvons constamment renfermé avec ces MVésées, a l'aspect des Sphéromiens (1), et il faut y regarder de très-près pour y constater quelques différences, qui consistent dans la forme des antennes supérieures ; dans celle de l'abdomen, dont l'extrémité est terminée par une large échancrure anale ; et en dessous dans le bord du dernier article abdomimal seutiforme, qui est entouré d’une large bande plate qui encadre cette cavité dans laquelle se trouvent placées les fausses pattes brachiales (1). Relativement à la nature des deux sexes, le doute ne nous semble pas possible, car on trouve /owyours, en effet, l'un avec des œufs, et l’autre qui n’en à jamais, bien qu'ils soient adultes tous les deux et aux époques de la reproduction. Comment d’ail- leurs expliquer autrement que par des motifs d’aitractions sexuelles la conformité des rapports et cette constante cohabi- tation, qui évidemment ne saurait toujours être attribuée au hasard. Nous avons également essayé, comme nous l'avons fait pour les Cymodocéens, d'élever les jeunes Crustacés de cette espèce, et à cet effet nous avons choisi les femelles dont les œufs étaient parvenus à un état d’incubation avancé. Ces œufs sont effective- ment éclos, et nous avons pu nourrir les petits jusqu'à la troi- sième ou quatrième mue; mais, passé cette époque, 1ls dépéris- saient, et ils ont fini par mourir successivement les uns après les autres. Ils mangeaient avec avidité les ramules de l’Æectocarpus lilloralis, sans en attaquer la fronde, qui, paraîtrait-1l, était trop dure et moins substantielle pour eax. Ils dévoraient aussi les individus de leur espèce qui mouraient ou qui étaient sur Île point de périr. Biographie. Pour suivre l'ordre que nous avons adopté, nous commence- rons par les Sphéromiens et nous passerons ensuite aux Véséens, 4) PI. 2, fig. 16 et 18. / OR ARTICLE N° 1. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 7 $ 4. Description des Sphéromes à l’état jeune. Les Sphéromes paraissent se reproduire à plusieurs époques de l’année, mais surtout du mois d'avril au mois d'août. Il existe probablement des intervalles entre chaque ponte, car les femelles qui ont pondu dans un des mois précités ne recom- mencent certainement pas le mois suivant. . Elles sont par le fait vivipares, ou du moins les petits ne quittent pas leur mère qu'ils ne soient en état de nager, de mar- cher et de se procurer leur nourriture. On les voit même, dans celte position, ne pas s'éloigner d'elle, y rester accrochés et se promener sur son corps sans qu'elle cherche à s’en débarrasser ; peut-être même que, dans l’intérêt de la dissémination, elle leur sert de moyen de transport. Les œufs, à l'état primitif, sont renfermés dans un tube com- mun (1), dont le diamètre augmente en raison du développement qu'ils acquièrent. Plus tard ils sont successivement expulsés dans la cavité thoracique formée par des lames ou plaques très-minces, membraneuses, fixées latéralement de chaque côté à la base des pattes. Ces lames s’avancent obliquement et se croisent à leur extrémité, lorsque les œufs ont encore un petit volume, mais s'écartent et ne forment plus qu’un bord latéral lorsque l’incu- bation est très-avancée et que les petits sout près de quitter leur retraite. Les œufs sont accumulés en grande quantité dans tout le corps, qui en est pour ainsi dire farci. ls occupent toutes les capa- cités disponibles, depuis la tête jusqu’à l'extrémité inférieure de l'abdomen. Les embryons sont très-vivaces, et il nous est fré- quemment arrivé de voir que des œufs qui avaient été extraits violemment de la place qu’ils occupaient avant que l’incubation fût complète, continuaient, nonobstant, leur développement, comme s'ils se fussent trouvés dans une position normale, et (4) PI 4, fig. 3. ë HESSE. atieignaient ainsi la dernière phase de leur métamorphose embryonnaire, Nous avons aussi constaté chez eux, comme nous l'avons fait d'autres Crustacés, tels que les Caligiens, par exemple, où la chose est plus facile à vérifier, parce que les œufs sont empilés un à un dans des sacs ovifères étroits, comme des pièces de monnaie dans un rouleau; nous avons, disons-nous, constaté que les effets de la fécondation ne sont pas simultanés et ne se font pas sentir également et au même moment à tous les em- bryons, de telle facon que l'on voit que ceux qui, par ordre de position, devraient éclore les premiers, ne le font pas : aussi avous-nous vu des Crustacés qui avaient déjà subi leur première mue lorsque les autres étaient encore renfermés dans leur enve- loppe. Cela tient peut-être à la vigueur plus ou moins grande des sujets ; car nous avons vu les mêmes faits se reproduire chez les Insectes, et notamment chez les Lépidoptères, dont les œufs pondus le même Jour éclosaient cependant à des époques diffé- rentes. Lorsque ces Crustacés sont parvenus à ce degré de transfor- mation, ils ont la forme de leur mère, c’est-à-dire celle des Sphéromiens (1). Is doivent, en cet état, subir encore une ou plusieurs mues.et conserver définitivement cette forme primitive ou prendre celle des Cymodocéens (2). | | A l’état embryonnaire, les larves des Sphéromes n’ont pas le même nombre d'anneaux et de pattes que dans l’état adulte (2). Les jeunes n’ont que cinq ou six pattes thoraciques, et autant d’anneaux et quatre anneaux abdominaux. La tête est relative- ment beaucoup plus grosse, et les membres sont onduleux, tur- gescents (3); les articulations ne sont qu'imparfaitement indi- quées ; ls sont transparents, et l’on aperçoit au centre la matière condensée. Ils n’ont pas encore assez de consistance pour exer- cer utilement leurs fonctions. Les yeux, au lieu d’être sessiles, comme ils le sont dans les (1) PI 4, fig. 4 et 15, (2) PI. 4, fig. 47. (3) PI. 4, fig. 40, 43 ct 14. ARTICLE N° 1. CRUSTACÉS DES CÜTES DE FRANCE, 9 adultes, sont presque pédonculés et se logent dans une sorte de cavité pratiquée sur le bord supérieur du premier anneau thora- cique échaneré à cet effet pour les recevoir (L). Leur volume est relativement considérable et se réduit en se perfectionnant (2). Toutes les parties constitutives sont à leur place, mais on voit qu'il n’y à que celles qui sont au milieu qui soient en état de fonctionner. C’est done du centre à la péri- phérie que se complète leur organisation (5). Les antennes, les pattes-mächoires et branchiales w'offrent rien de particulier; elles sont encore à l'état débauche rudimentaire, quidisparaitra dans la première transformation qu'elles subiront ; elles sont dépourvues de la matière chitineuse qui viendra les consolider et leur donner la solidité nécessaire à leurs fonc- tions (A). L'enveloppe tégumentaire n’a aucune consistance; elle offre l'apparence d’une peau molle et parcheminée, à travers laquelle on aperçoit les viscères intérieurs, et parmi eux l'esfomac, qui occupe une large place (5). Les provisions destinées à alimenter l'embryon jusqu’à ce qu'il puisse s’en procurer d’autres de lui- même ne sont pas encore épuisées. On en constate facilement la présence par la coloration jaune, qui est celle du vitellus, et par les globules gélatineux dont il se compose (6). Les jeunes Sphéromes croissent rapidement après leur pre- mière mue, ils atteignent en une dizaine de jours un millimètre de longueur; mais ensuite leur développement est bien lent, probablement parce que les conditions de captivité dans lesquelles ils se trouvaient et la nourriture que nous leur offrions ne leur convenaient peut-être pas. Aussi, comme nous l'avons déjà dit, nous n'avons pas pu les élever jusqu'à l’âge adulte. Ces jeunes Crustacés sont assez vifs dans leurs allures; ils (1) PL 4, fig. 18 et 19. (2) PI. 4, fig. 11 et 12. (3) PL 4, fig. 14 et 15. (&) PI. 4, fig. 33, 20, 25. (5) PL. 1, fig. 13, 9, 16. (6) PI, 4, fig. 6, 7, 8 et 9. 10 HESSE. marchent avec facilité etnagent rapidement. Dans ce dernier cas, ils se tiennent les jambes en bas, comme s'ils s'en servaient pour marcher. Le contraire a lieu pour les adultes, qui nagent sur le dos, se servant de leur carapace comme de la coque d’une nacelle, dont elle a la forme, et de leurs pattes ambulatoires et de leurs fausses pattes branchiales comme de rames et de propulseur. Les dernières fausses pattes de la dernière paire remplissent les fonctions de gouvernail. On veit quelquefois dans les flaques où l’eau est tranquille, ou dans les parties abritées du rivage, des Sphéromes parcourir ainsi des distances assez grandes, nageant à la surface de l’eau probablement pour y saisir les objets à leur convenance qui s’y trouvent. On remarque alors que, par suite de ja stridulation de leurs paites, qu’ils agitentavec rapidité, ils laissent après eux un petit sillage. Nous allons nous occuper maintenant des embryons des Néséens, Comme nous Pavons fait pour les Sphéromiens. $ 5. Description des Néséens à l'état jeune. Les rapports de conformation qui existent entre les Sphéro- miens et les Néséens seraient, s'ils n'existent pas, grandement confirmés par la ressemblance presque identique de leurs phases embryonnaires. On en sera du reste convaincu en comparant les planches 1 et 2 de notre mémoire, dans lesquelles nous avons eu soin de faciliter cette comparaison en reproduisant les mêmes phases et les mêmes organes chez les deux genres. Nous n'au- rions donc presque rien à ajouter, en décrivant les jeunes Néséens, à ce que nous avons dit en parlant de l'état embryon- naire des Sphéromiens. | Le caractère le plus saillant, et que l’on ne retrouve pas dans les jeunes Sphéromes, c’est cette échancrure qui est placée au bord de l'extrémité inférieure de l'abdomen, et qui, dans un élat de transformation plus avancé, est située à l’orifice de l'ouverture ARTICLE N° 1. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 41 anale (4) Dans quel but existe-t-elle? C’est ce que nous ne sau- rions expliquer, mais il nous semble évident qu'elle n'a pas été placée là sans motifs, Peut-être est-elle destinée à faciliter l'in- troduction de l’eau dans la cavité branchiale, et, s’il en était ainsi, pourquoi ne relrouverait-on pas les mêmes dispositions dans les Sphéromiens, avec lesquels ces Crustacés ont tant de ressem- blance ? Peut-être cela tient-il aussi à la disposition des lames plates qui encadrent et servent de marge au dernier anneau abdominal seutiforme (2). Dans ces diverses phases de transformation, on ne voit encore aucune modification dans les premiers articles de l’antenne supé- rieure (3) et des deux fausses pattes de la dernière paire, ressem- blant jusque-là exactement à celles des embryons des Sphé- romes (4); il serait donc assez difficile de les distinguer les uns des autres, si, comme nous l'avons fait, on ne les avait pas élevés séparément. Nous avons profité de l’état jeune de ces Crustacés pour étu- dier le fonctionnement de l'organe de la circulation, qu'il serait impossible d’apercevoir chez les individus adultes, à raison de l'épaisseur extrême de leur carapace. Voici les faits que nous avons observés : Chez les Crustacés, ainsi que dans les animaux supérieurs, la position du cœur est subordonnée à celle des organes de la res- piration avec lesquels il concourt à l'élaboration du sang. Aussi est-il, dans les Sphéromiens, placé à la base de l’abdomen, près des branchies. Il se présente sous la forme d’un long vaisseau cylindrique qui s'étend dans toute la longueur du corps, depuis la partie occipitale jusqu'à la région branchiale. Ce tube, qui est très- étroit à son sommet et qui est large à sa base, présente des deux côtés un ventricule dont le contour est indiqué-par une ligne en forme de V. Les deux branches de cette ligne, en s’écartant et se (1) PL 2/ fig 2, 3, 4, 6, 7, 8 et 9. (2) PL. 2, fig. 16 et 18. (3) PI. 2, fig. 6, 7, 8 et 14. (4) PL 2, fig. 6, 7, 8 et 9. 12 HESSE. rapprochant alternativement, indiquent parfaitement les baite- ments du cœur (1). La circulation se manifeste par un mouvement très-actif de systole et de diastole, qui a lieu d’une manière régulière et s’opère de dehors en dedans, à l’aide du rapprochement et de l'écartement alternatifs des parties latérales dont nous venons de parler. Les battements du cœur coïncident de temps en temps avec le mouvement des branchies, qui n'agissent pas continuel- lement comme le fait le cœur, ce qui prouverait que, pour l’éla- boration du sang, les fonctions des branchies n'ont pas besoin d'être aussi répétées que celles du cœur. Le sang chassé par les contractions du cœur rellue vers les parties les plus extrêmes du système artériel et veineux, et, après avoir accompli ce parcours, revient à son point de départ. Au-dessous de cet élargissement du tube cardiaque, on voit deux prolongements cylindriques doubles, dont les inférieurs sont plus longs de moitié que ceux qui les précèdent. Nous n'a- vons pas pu nous assurer qu'ils fussent des annexes du cœur, cependant il nous a semblé qu'ils ne prenaient aucune partiei- pation aux fonctions de celui-ci. Le système branchial se compose d'organes qui n'ont pas com- plétement la même conformation. Les branchies nous ont sem- blé être de deux espèces. Elles sont vésiculeuses et membra- neuses, et formées de deux lames plates superposées, laissant un intervalle entre elles. Les premieres, celles qui sont en dessus, sont plus grandes (2) que les autres et recouvrent complétement la cavité branchiüale, mais elles sont minces et transparentes comme celles qui sont en dessous, et non cornées comme les branchies operculaires des dotées, el leur charnière, au lieu d’être placée latéralement, est fixée au-dessus du bord inférieur du thorax. Leur forme est pointue par le bout, qui est légèrement arrondi et hérissé de petits cônes triangulaires et aigus en forme de (4) PI. 2, fig. 28. (2) PI. 2, fig. 28. — PI. 3, fig. 34 et 36, ARTICLE N° A. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE: 15 papilles (4). Non loin de cette extrémité, on aperçoit une sorte de tube (2) très-court, au milieu duquel existe un orifice. Ce tube présente à sa base deux fortes griffes en potes, légèrement recourbées en dehors. Le bord externe de ces branchies est droit et est garni de poils courts et roides ; le bord inférieur n’en présente pas. Parallèlement à ce bord supérieur, et à peu de distance de lui, on aperçoit une nervure opaque, de couleur brune, qui se termine en pointe recourbée en bas, et au-dessous de la- quelle se trouvent rangés régulièrement et parallèlement des petits tubes qui descendent du bord supérieur au bord inférieur. Ces tubes sont recourbés en crochet en haut, et semblent s’a- sencer les uns aux autres de manière à entrer en communication. Nous avons cru apercevoir aussi qu'ils présentaient à leur partie supérieure une petite ouverture ovale, en forme de #a4- chée. Enfin il nous a semblé que la nervure, qui est parallèle au bord supérieur, avait des relations avec le petit tube tronqué qui se trouve au bord inférieur, non loin de l'extrémité de la branchie, et dans lequel il nous a paru reconnaître qu'il existait un orifice. À quoi servent toutes ces dispositions? Nous ne saurions lé dire ; mais cependant on peut supposer qu’elles sont destinées à faciliter la pénétration de l'air, et peut-être à emmagasiner ce gaz, et, comme nous l'avons remarqué, à rendre l’activité du jeu des branchies moins nécessaire. Les autres branchies (3) qui sont placées au-dessous de celles que nous venons de décrire, sont beaucoup moins grandes. Elles n'ont pas non plus la même forme ni la même direction. Elles ont le bout arrondi en manière de spatule, et tout leur pourtour est garni de longues soies pennées, ce qui ne se voit pas dans celles que nous avons décrites. Enfin, au lieu d’être placées per- pendiculairement, elles le sont obliquement de dehors en dedans. (1) PI. 3, fig. 35, (2) PL 3, fig. 35. (3) PL 3, fig. 36. 1h HESSE. S 6. Systématisation du genre Cymodocée, Par suite de ce qui précède, si nos conclusions sont adoptées, legenre Sphérome, comme cela a eu lieu pour ie genre Pranize, devra disparaitre de la nomenclature carcinologique, et se con- fondre dans le genre Cymodocée, puisque les Sphéromes ne sont, d'après nos observations, que les /emelles des Cymodocées. Voici comment nous systématisons ce genre : GENRE CYMODOCÉE, MALE. — Tête assez petite. — Antenne supérieure formée de deux articles pédonculaires assez larges, suivis d’un filet divisé en dix articles. — Antennes inférieures plus longues, ayant {rois articles basilaires étroits, et le filet seize. — Corps allongé, de la même largeur dans toute son étendue, tronqué à son extrémité inférieur. — T'horax formé de sept articles distincts, bordés de pièces épimériennes. — Abdomen ayant deux articles, dont le premier, qui est sur le même plan que les précédents, présente de chaque côté trois divisions soudées ensemble, mais mdiquées par des raies latérales, le bord inférieur présentant trois décou- pures. L'anneau suivant, qui est sur un plan déclive, offrant au milieu deux pointes coniques saillantes, et une autre au-dessous. Bord inférieur terminé par trois découpures, formant deux dents latérales et une lame carrée au milieu. Sept paires de pattes #horaciques ambulatoires, dont les premières sont subchiliformes, et une paire de /ausses pattes natatoires formée de deux lames plates. FEMELLE. — Tête grosse. — Antennes comme celles du mâle. — Corps court, ovale, très-bombé, pouvant, en se contractant, se mettre en boule. — Thorax divisé en même uombre d'an- neaux que le mâle. Abdomen scutiforme et terminé par une seule pointe plus ou ARTICLE N° 1, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 19 moins arrondie. — Même nombre de pattes que le inâle, mais toutes à peu pres conformées de la même manière. Deux paires de fausses pattes natatoires, formées, comme dans le mâle, de lames plates et larges de longueur inégale. Nous n'avons pas constaté non plus de différence dans la con- formation et la disposition des pattes-mächoires. Ainsi, comme on le voit, il y a beaucoup plus de points de ressemblance entire les Cymodocées et les Sphéromes qu'il nv à de dssemblance ; de sorte qu’à priori, avant même de connaître les motifs que nous avons donnés pour ne faire qu'une seule de ces deux espèces, il est évident que la chose n’a rien qui puisse la rendre impossible ; nous dirons même qu’il y a de nombreux motifs pour qu'elle soit probable. Il y a peu de Crustacés qui soient plus variables ét leurs couleurs que ne le sont les Sphéromes. I y en a d’ornés des nuances les plus vives et les plus éclatantes, jointes à des positions gracieuses et variées. Nous en avons seize dans nos albums qui sont dans ces conditions (et nous sommes loin de les avoir toutes dessinées), et sur ces seize nous n’osons pas affirmer qu'il y ait plusieurs espèces différentes, attendu qu’il nous est arrivé de trouver réunis dans le même réduit plusieurs individus qui appartenaient évidemment à la même espèce, mais qui dif- féraient tellement de coloration, que sans cette circonstance nous eussions pu croire que c'étaient autant d'espèces différentes. Nous avons remarqué aussi quelques modifications dans la forme du dernier article abdominal seutiforme, dont l’extrémité est plus ou moins terminée en pointe ou tronquée, ou même échanerée. Nous ne pensons pas que ce soit un motif suffisant pour en faire des catégories, si ce n’est afin de faciliter leur détermination. Des modifications semblables ont aussi lieu dans la forme et la longueur des fausses pattes-nageoires, dont l'extrémité est quel- quefois tronquée, pointue ou arrondie, et dont la longueur rela- tive varie, ce qui, croyons-nous, n’a que peu d'importance, pas plus que les dentelures du bord externe. Toutes ces modifi- cations doivent être prises en considération, lorsqu'on décrit 16 BASSE. un individu, parce qu'elles servent à le distinguer d'un autre: mais elles ne sont pas, selon nous, assez importantes pour en faire des espèces. Les deux Crustacés que nous avons pris pour types de nos démonstrations sont, pour le mâle, la Cymodocée tronquée, dont la description qui en à été faite s'applique assez exactement à la figure que nous en donnons dans nos planches. Quant à la femelle. qui est un Sphérome, et mème le plus commun de nos côtes, nous n'avons trouvé, parmi celles qui existent, qui sont, il est vrai, bien laconiques, rien qui püt lui être appliqué d'une ma- nière certaine. Voici donc la nôtre : CYMODOCÉE TRONQUÉE (Cymodocea truncata) (A). Mare. — Corps d'une largeur presque égale dans toute son étendue. — Tête petite, front obtus. —Thorax divisé en sept anneaux, dont le premier est le plus grand; tous sont garnis laté- ralement de pièces épimériennes. — Abdomen tres-grand. Le premier anneau présentant trois fausses divisions de chaque côté ; le bord inférieur de celui-ci terminé par trois échanerures en feston. Plus bas, en dessous, sur un plan incliné, deux tuber- cules pointus et saillants, et plus loin trois autres, le bord inférieur terminé carrément par trois lames larges et plates, celle du milieu un peu plus étroite. — Fausses pattes natatoires très-larges, ne dépassant pas le bord inférieur de l'abdomen, celte partie du corps rugueuse et recouverte de longs poils bérissés. FEMELLE (2). — Corps ovale, plus court, plus ramassé, très- bombé.— Téle grosse. — Thorax divisé en sept anneaux, dont le premier est le plus grand et bordé latéralement de pièces épi- mériennes. — Abdomen présentant les mêmes dispositions que chez le mâle, sauf que son extrémité est scutiforme et terminée (M) PI, Ge. 4e CRIE ENTRE ARTICLE N° 4, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 1) par une seule pointe arrondie, et qu’elle est lisse, sans tubercules etglabre. Premières fausses pattes natatorres relativement courtes et petites ; pas de poils ni de rugosités. Coloration. — Le mâle et la femelle sont d’une couleur rouge brunâtre, ornée de petites lignes noires et blanches formant des dessins irréguliers. Les yeux sont noirs. Habitat. — Fréquents sous les pierres, dans leurs cavités et dans celles des T'éfhyes, moins communs parmi les Fucus. Vivent en réunion, blottis pèle-mêle, les Cymodocées et les Sphéromes ensemble. Ces derniers, toujours en plus grande pro- portion, se reproduisentplusieursfois l’année, du mois de mars au mois d'août. Nous avons eu encore plusieurs autres Cymodocéens en notre possession ; malheureusement, alors, nous n’y avons pas pris garde, et les dessins ainsi que les notes que nous en avons conservés ne sont pas assez complets pour que nous puissions nous en servir. GENRE NÉSÉE. Nous avons dit, au commencement de ce mémoire, que les Sphéromiens n'étaient que les femelles des Cymodocéens et des Néséens; peut-être eussions-nous dû, pour parler plus exacte- ment, en ce qui concerne les femelles des MVéséens, dire ou res- semblant aux Sphéromiens, car les femelles des MNéséens n’ont pas rigoureusement la forme complète des Sphéromiens, bien que la ressemblance soit frappante (i) : elles s’en distinguent par la conformation des articles basilaires des antennes supé- rieures (2), par une petite échancrure qui se trouve à l'extrémité de l’abdomen (3), et enfin, en dessous, par la lame plate qui sert de marge au dernier anneau abdominal scutiforme (4). Sauf ces différences, qui sont peu apparentes, les Sp/héromes femelles des Cymodocéens et celles des Néséens sont exactement sem- blables. (1) PL Ag 2. Pl, fig. 2. (2) PI. 2, fig.4 et 25, — PI, 3, fig. 44 et 15. (3) PL 2, fig. 2,3, 6, 7, 8et 9. — PI1.15, fig. 3, 2, 4, 5, 17 et 19: (4) PL 2, fig. 16 et 18. SC, NAT,., NOVEMBRE 1872. XVII 2. — ART: N° À. 15 HESSE. Voici, d’après nous, les caractères qui sont propres aux Néséens : Mae (4). — Corps étroit, allongé, de la même largeur dans toute son étendue, sauf le bas, qui est un peu plus large et tronqué à son extrémité inférieure. — Tr petite, profondément enchàs- sée dans le premier anneau thoracique, qui est un peu plus large que les cinq qui le suivent, et qui, comme lui, sont garnis laté- ralement de pièces épimériennes. Le septième anneau, beau- coup plus grand que les autres, est terminé à son bord inférieur par quatre petites dents latérales et deux dents médianes qui s’a- vancent au-dessous des anneaux suivants, qui ne sont plus sur le même plan (2). Anneau suivant armé de deux fortes pointes latérales, et le huitième ayant le bord inférieur échancré au milieu et présentant deux petits tubercules de chaque cûté. — Fausses pattes natatoires (3) larges et plates, arrondies ou tronquées à leur extrémité, droites ou courbes, fixées à la base de l'abdomen par trois articulations emboîtées les unes dans les autres, et accompagnées intérieurement de deux lames trian- gulaires, dont les pointes sont dirigées horizontalement de dehors en dedans, le long du bord postérieur de l'abdomen, de façon à se confondre avec le bord, tandis que la lame externe, plus longue et plus épaisse, est droite et presque perpendiculaire, de manière à former un angle droit avec les autres.— Antennes (h) supérieures composées de trois articles basilaires, le premier très-court, le deuxième long et cylindrique, le troisième évasé, présentant deux ou trois découpures et suivi d'une tige divisée en dix articles, dont le premier est le plus fort et le plus grand. — Antenne inférieure plus longue et mince dans toute son éten- due, formée de trois articles basilaires, dont le premier estle plu long, suivi d’un filet ayant douze articles. — Pattes thoraciques, vrèles et assez longues, composées de six articles. Le fémoral, (4) PL. 2, fig. 4. (2) PL 2, fig. 45 et 4. (3) PL 2, fig. 4 et 17. — PI. 3, fig. 492, (4) PL. 3, fig. 8, 44 et 45. ARTICLE N° 4. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 19 suivi d’un autre article moins long, puis de deux articles courts, et enfin d’un dernier article plus long, terminé par une griffe de moyenne grosseur, qui, à l’aide d’un pouce, peut devenir pré- hensile (1). FemeLe (2). — Corps ovale, assez étroit et moins bombé que celui des Sphéromes.— Tête petite, profondément enchâssée dans le premier anneau thoracique, qui est plus grand que les six qui suivent, et qui, comme lui, ont de chaque côté des pièces épi- mériennes assez fortes. Le septième anneau, ou le premier abdo- minal, plus grand que les précédents, présentant latéralement trois fausses articulations et deux petites dents à pointes mousses tournées en dedans; le huitième anneau et le deuxième abdo- minal, encore plus grand, scutiforme, peu bombé, présentant au milieu un carré plus étroit au sommet qu'à la base, à l'extrémité duquel on perçoit un orifice ovale entouré d’un bord en relief. Des deux côtés sont placées une paire de fausses pattes nata- toires, à deux rames larges et plates, semblables à celles des Sphéromiens, et dont les extrémités ne dépassent pas celles de l'abdomen. — Antennes semblables à celles du mâle. Les articles basilaires des supérieures un peu moins fortes. — Pattes au nombre de sept paires, conformées comme celles du mâle. Ainsi, comme on le voit, bien que la femelle des Mésées ait toute l'apparence des femelles des Cymodocées, elle s’en dis- üngue, et par la forme plus allongée et plus plate, par la petitesse relative de la tête, et par les autres caractères que nous avons déjà indiqués. Nous allons actuellement décrire d’abord la Nésée bidentée, déjà connue;(3), qui nous a servi de type et plus particulièrement à nos observations. Nous ferons ensuite de même pour toutes les nouvelles espèces que nous avons découvertes, et qui figurent dans notre troisième planche. Nous ne considérons pas comme des motifs suffisants pour en faire des genres nouveaux, les différences qui existent dans la (1) PL 3, fig. 33. (2) PL 2, fig. 2. (3) PL 2, fige 4 et 2. 20 MESSE. forme des pattes postérieures; nous nous contenterons d’indi- quer les catégories dans lesquelles nous les avons placées, afin de faciliter leur détermination. s 1 Espèces dont le sixième anneau du thorax est beaucoup plus grand que les précédents et chevauche au-dessus des anneaux suivants. 4. Nésée BineNTÉE. — Næsea bidentata (1). Mare.— Il a environ 6 millimètres de longueur sur 4 de lar- geur. Son corps est allongé et de la même largeur dans toute son étendue. Il est lisse et seulement garni de poils dans le bas du corps et sur les deux dernières fausses pattes natatoires. Le thorax est divisé en six anneaux, ayant tous de larges pièces épi- mériennes, dont le dernier, qui est le plus grand, est armé à son bord postérieur de deux petites épines latérales, plus de deux autres grandes dents en forme de fourche (2). Le septième an- neau est aussi armé d’épines plus petites, et le dernier se termine par un prolongement assez allongé, échancré au milieu, présen- tant de chaque côté deux petites protubérances. Les /ausses pattes postérieures sont assez longues, larges, plates et arrondies au bout; elles sont articulées sur les côtés et très-mobiles. La vére est très-petite et enchâssée profondément dans le premier anneau thoracique. Les antennes supérieures sont composées de treize articles, dont le troisième est très-évasé en forme de capsule, les autres sont étroits et cylindriques. L’antenne inférieure est mince, plus longue que l’autre et composée de quinze articles. Les pattes, au nombre de sept de chaque côté, ont cinq arti- cles. Elles sont préhensiles, à raison d’un petit pouce placé en dessous de la griffe qui les termime (3). Femezce (4).— À la forme des Sphéromes. Elle est d’un tiers plus petite que le mâle. Le corps est ovale, assez étroit et peu (4) PI. 2, fig. 4 et 2. (2) PI. 2, fig. 15. (3) PL. 2, fig. 24 et 23. (4) PI. 2, fig. 2. ARTICLE N° 4, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. VAI bombé. Sa séte est très-petite et enfoncée aussi dansle bord supé- rieur du premier anneau thoracique, lequel est suivi de six autres, tous garnis sur les côtés de fortes pièces épimériennes. Le sep- tième anneau, ou le premier abdominal, présente latéralement trois petites lignes indiquant de fausses articulations, et sur le bord intérieur se trouvent deux petites dents. Le huitième anneau est scutiforme ; 1] termine le corps ; il présente à son extrémité inférieure une échancrure ovale, entourée d’un bord en relief. Des deux côtés de cet anneau scutiforme sont les deux fausses pattes natatorres, ressemblant à celles des Sphéromes et plus courtes que le bord inférieur de l'abdomen. Les antennes res- semblent à celles du mâle; le troisième article de l'antenne supé- rieure est un peu moins évasé que chez celui-ci (4). Les pattes sont exactement les mêmes. Coloration. — Le mâle est d’un jaune foncé, orné de petites lignes rouges, perpendiculaires ; la ligne médiane est indiquée par une rangée de points noirs et jaunes. Ces mêmes couleurs décorent aussi les fausses pattes nataloires. La femelle varie du vert clair au bleu cendré ; elle est ponctuée de noir, et dans la région stomacale on aperçoit une teinte plus foncée avec deux taches noires en forme d’Y renversé. Habitat. — Nit à peu près toute l’année sous les pierres, dans les petites cavités qu'elles contiennent, mais plus particulière ment dans les alvéoles abandonnés par les Balanes. 2. Négée. — Prochonæsea propinqua (2). Maze.— Il est à peu près de la même taille que le précédent; il a 5 à6 millimètres de longueur. La description que nous en avons donnée peut aussi lui convenir. Sa ééfe est moins large et la fourche ou les deux dents du bord inférieur du sixième anneau sont plus longues, et en dessus on remarque une lunule en erois- sant. Le dernier anneau abdominal s’élargit considérablement à son extrémité, et se termine par deux tubercules au milieu des- (1) PL 2, fig. 25. (2) PL fig. 1. 29 FESSE. quels se trouve une échancrure profonde. Les antennes supé- rieures présentent aussi, comme dans l’autre espèce, un élargisse- ment au troisième anneau ; enfin les fausses pattes natatoires sont un peu plus longues et moins plates. Elles sont, ainsi que le dernier anneau, garnies de poils. Femerze (1). — Elle est de la taille de l’autre espèce, et n’en diffère, quant à la forme, que par la largeur beaucoup plus * grande du pédoncule des premières antennes et celle des pièces épimériennes. Coloration. —- Le mâle est d’un rouge brun, assez vif, orné de petites lignes rouges verticales. Les ie pattes sont de la même couleur. La femelle est d’un brun foncé couleur chocolat. Elle porte un écusson blanc sur le milieu du dos; il est entouré de quatre points bleus, et sur le dernier anneau scutiforme un autre écus- son blanc plus petit. Les antennes, les pièces épimériennes et les fausses paltes natatoires sont d’une couleur vert-pomme très-vif. Habitat. — Trouvée le 9 juillet 1844, dans une flaque d’eau sous les pierres, au fort du Dellec, près de Brest. 3. NÉSÉE À TÊTE ROUGE. — Nœæsea rubrocephala (2). Mae. — Inconnu. FemeLLe.— Elle n’a pas plus de 5 millimètres de longueur sur 3 de largeur. Son corps est ovale et bombé. Sa séfe est assez petite et les antennes sont grèles, ainsi que ses pattes. Les fausses pattes natatoires sont assez petites et ne dépassent pas le bord infé- rieur de l’ahdomen, qui présente une échancrure médiane, et des deux côtés des lamelles pointues an bout. Coloration. — Corps d’un vert-pomme très-brillant. Tête colorée de rouge vif. Une tache angulaire de la même couleur, dont le sommet atteint les deux premiers anneaux thoraciques, part de l’occiput. Elle présente aussi deux points bleus sur le cinquième anneau, lesquels sont entourés de dessins rouges qui (1) PI. 3, fig. 2. (A)IPI NS fig 18. ARTICLE N° 4. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. _ 93 descendent parallèlement jusqu’à l’extrémité inférieure de l’ab- domen. Le dessous du corps est d'un jaune chamois foncé. Les bords des pièces épimériennes et des branchies sont lisérés de rouge. Habitat.—-Trouvée sous les pierres à Touras, près de Roche- fort en mer, le 4 septembre 18/44. A. NÉSÉE À ÉCUSSONS JAUNES. — Nwæsea flavoscutata (1). Mare. — Inconnu. Femerze. — Elle est un peu plus grande que la précédente : elle a 7 millimètres de longueur sur 4 de largeur. Son corps est trapu et assez bombé. Sa fe est tres-petite, et ses antennes n’of- frent rien de particulier. Les pattes sont grèles, et les fausses pattes natatoires sont plus courtes que le bord inférieur de l’ab- domen. Coloration.—Le corps est couvert au milieu d’une large bande marron échancrée sur les côtés, qui sont jaunâtres ; deux grands écussons, dont les pointes sont tournées l’une vers l’autre, occu- pant le haut du dos et le dernier anneau abdominal; quatre petites taches bleues sont placées au milieu du corps. Habitat. — Trouvée le 15 mars 1851, à la batterie du Diable, près de Brest. 5. NÉSÉE À Écussons vVERDATRES, — Næsea subviridiscutata (2). Mae. — Inconnu. FemeLLe. — Elle n’a pas plus de 4 millimètres de longueur. Son corps est beaucoup plus allongé que dans la précédente espèce, et plus large à son extrémité inférieure. La #/e est assez petite et les antennes n’offrent rien de particulier. Les fausses pattes natatorres sont larges et pas plus longues que l'extrémité de l'abdomen. Le bord externe de la fausse patte natatoire interne est dentelé. Les pattes thoraciques sont grèles. Le dernier anneau abdominal est très-bombé (3). (4) PL 3, fig. 4. (2) PL 3, fig. 5. (3) PL 3, fig. 6. 2 HESSE. Coloration. —- Tout le corps est de couleur chocolat foncé ; la tête est aussi de cette couleur. Elle est ornée de trois petites taches jaunes ou verdâtres, et sur la partie supérieure du tho- rax et inférieure de l’abdomen sont deux larges écussons de la même couleur. Celui d'en bas a deux petites taches marron au milieu. On remarque également, outre ces écussons, quatre petites taches bleues au milieu du corps. Les pattes et les antennes sont rouges ; les fausses pattes branchiales sont jaunes, encadrées par un bord rouge. Habitat.— Trouvée le 5 février 1868, sur des Fueus, dans la baie de Bertheaume, près de Brest. Trouvé également la même espèce le 28 septembre 1855, dans la baie de Lannion, près de Brest. 6 NÉSÉE COURTE. — Néæsea contracta (1). Maze. — Îla 7 millimètres de longueur. Son corps, de la même largeur dans sa partie antérieure, s élargit beaucoup à son extrémité inférieure. Le bord mférieur du sixième anneau se termine par deux très-grandes dents parallèles, précédées d’un écusson en forme de croissant. Les fausses pattes natatoires sont larges (2), un peu courbées en dedans et tronquées obliquement à leur extrémité. Le dernier anneau abdominal est rugueux et garni de poils, ainsi que les fausses pattes natatoires. Les antennes supérieures présentent, comme dans les autres espèces, un élar- gissement à leur troisième anneau. Femezze. — Inconnue. Coloration. —Le corps est coloré en rouge brun, orné de petites raies vermillon, qui sont verticales et parallèles. Habitat. — Trouvée le 10 avril 1852, au Minou, près de Brest, et le 20 juin 1857, sous les pierres de la jetée de Porstein, également près de Brest. (1) PL. 8, fig. 7. (2) PL 3, fig. 9. ARTICLE N° 4. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 25 7. Nésée PoILUE, — Næsea pilosa (1). Mare. — Il a presque 10 nullimètres de longueur; c’est le plus grand de ceux que nous avons trouvés. Son corps est ovale et rétréci du côté de la tête et vers son extrémité inférieure, qui s’élargit à l'endroit où s'articulent les fausses pattes natatoires. Le bord inférieur du sixième anneau est armé de deux fortes dents, dont l’extrémité est très-aiguë (2). Le bord inférieur de l'abdomen présente au milieu des tubérosités assez fortes et dirigées obliquement. Les fausses pattes natatoires sont plates, longues, arrondies à leur extrémité et dirigées en dehors. Leur bord extérieur est dentelé au milieu (3). Les antennes supé- rieures (h) sont plates et très-remarquables par leur épatement et les trois pointes qu'elles présentent. Le corps est entouré de poils fins et serrés. FEMELLE. — Inconnue. Coloration. — Le corps est rouge brun, couvert de larges taches irrégulières d’un vert pâle. Les pattes et les antennes sont rouges. Habitat. — Trouvée le 15 avril 1851, parmi les Fucus, dans la baie du Dellec, près de Brest. 62 Espèces dont le sixième anneau du thorax est beaucoup plus grand que les précédents et chevauche en dessus des anneaux suivants. À. Fausses pattes postérieures étroites, arrondies et tubi- formes, pouvant se loger dans une capsule formée par leur lam e interne. 8. NÉSÉE DÉCORÉE. — Næsea decorata (5). Mare. — Il n’a que 4 millimètres de longueur. Son corps est (1) PL. 8, fig. 40. (2) PI. 3, fig. 43. (3) PL 3, fig. 42. (4) PL 3, fig. 41. (5) PI, 3, fig. 44, 26 HESSE. d'une largeur égale dans toute son étendue. Sa #fe est assez petite, et les pièces épimériennes qui garnissent les anneaux sont grandes. Le bord du sixième anneau thoracique est terminé par deux dents longues, aiguës, qui atteignent presque l'extré- mité mférieure du corps. Les fausses pattes postérieures sont assez courtes, droites, cylindriques, arrondies au bout, et peuvent se loger dans une capsule qui est formée par leurs lamesinternes (1), qui est mobile et peut se relever horizontalement ou s’abaisser perpendiculairement. Ces pattes sont garnies de poils fins et serrés. Les antennes supérieures sont plates, et le troisième anneau basilaire est très-élargi (2). FEMELLE. — Inconnue. Coloration. — Le corps est d’un vert gris clair, agréablement orné de taches brunes et jaunes qui sont d’un très-remarquable effet. Les antennes, les pattes et les bords des pièces épimé- riennes sont rouges. Habitat. — Trouvée à deux reprises différentes, le 4 mai et 21 juillet 18/48, dans la baie de Lannion, près de Brest. 9. Nésée VERTE. — Nœsea viridis (3). MALE. — Inconnu. FEMELLE. — Elle a 6 millimètres de longueur. Elle a toute l'apparence d’un Sphérome. Son corps est ovale. La fe est assez grosse. Le dernier anneau thoracique présente un écus- son au milieu, lequel est environné, sur les côtés, de fausses arti- culations, et le bord inférieur est terminé par deux petites dents obtuses qui, dans le mâle, deviennent probablement très-longues et forment cette fourche qui est un de leur caractère distinctif. L’abdomen est bombé, et présente à son extrémité une échan- crure assez profonde. Les /ausses pattes natatoires sont larges, plates et garnies de poils. Les antennes supérieures offrent le (1) PI. 3, fig. 46. (2) PL 3, fig. 45. (3) PL 3, fig. 47. ARTICLE N° 4. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 27 mème caractère distinctif que nous avons déjà signalé dans les autres Crustacés de cette catégorie. Coloration. — D'un vert-pomme très-éclatant, marqué de petits points noirs. Pattes natatoires bordées de rouge. Habitat. — Trouvée le 24 février 1849, dans la baie de Lan- nion, parmi des Fucus vesiculosus. Gi Espèces dont le dernier anneau thoracique ne présente qu’une seule dent médiane et rudimentaire, et dont les articles des antennes supérieures sont d’une grosseur uni- forme. B. Jeunes mâles ou femelles ayant la tête de forme triangu- laire et le front allongé, comme dans le genre Cercess. 10. NÉSÉE ANGULEUSE. — Næsea angulosa (1). Mare. — N'a que 4 millimètres de longueur. La #éfe est très- petite et enfoncée dans le premier anneau thoracique. Les anneaux du {horax sont garnis de pièces épimériennes aiguës, sauf celles du sixième anneau qui sont coupées carrément. Le bord inférieur de cet anneau porte au milieu une dent rudimentaire. Les anneaux suivants de l'abdomen sont aplatis et présentent une ligne mé- diane formant arête saillante en toit, des deux côtés de laquelle les surfaces s’abaissent jusqu'aux fausses pattes natatoires, qui sont longues, étroites, presque droites et denticulées extérieurement. La base de ces fausses pattes est fixée au niveau du bord infé- rieur de l'abdomen, de sorte qu’elles peuvent, lorsqu'elles sont remontées, s'appliquer presque parallèlement contre le bord infé- rieur qui s’avance en pointe et forme un angle très-ouvert. Elles sont fixées au corps par trois articulations très-fortes, qui con- tribuent à leur solidité et aussi à leur mobilité. Les antennes sont plus longues et plus grêles que dans les autres espèces. Elles s’insèrent à leur base dans une de ces découpures que présente le front (2). L’antenne supérieure est (4) PL 3, fig. 18. (2) PL 3, fig. 24. 28 HESSE. formée de huit articles qui sont tous à peu près de même calibre, et le premier est plus court quelesautres. Les antennes inférieures sont plus longues et composées de onze articles également d’un calibre qui va en diminuant progressivement de la base au sommet. Au delà des antennes on aperçoit un rostre qui s'avance en pointe arrondie, et qui présente à sa base trois petits appen- dices également en relief. Les pattes thoraciques où ambulatoires sont plus longues que dans les autres espèces; elles sont formées de six articles et ter- minées par une griffe qui, à l’aide d’un pouce, devient pré- hensile. | FEMELLE (1). — Elle est plus grande que le mâle ; elle a 5 milli- mètres de longueur. Son corps ressemble à celui des Sphéromes Son sixième anneau offre au milieu un petit écusson, de chaque côté duquel on aperçoit trois fausses articulations. L'extrémité de l’abdomen est scutiforme et présente une échancrure assez grande. Les antennes sont comme celles du mâle. Les articles basi- laires ne sont guère plus gros que les suivants. Les /ausses pattes natatoires sont larges et courtes. Le jeune mâle (2) n’a que A millimètres de long. Il a toute la partie antérieure du corps semblable à celle du mâle ou de la femelle. Le bord inférieur de son sixième anneau présente deux petites dents latérales, et l’extrémité abdominale est très-élar- gle, plate et arrondie au bord. Les /ausses pattes natatoires sont, comme dans le mäle, longues et étroites, légèrement dente- lées sur le bord externe. Elles peuvent aussi s'appliquer contre le bord inférieur de l'abdomen. Pour le reste 1l ressemble au male. Le frès-jeune, ayant 1 { millimètre, ressemble à la femelle. Il a la tête relativement très-grosse et a toute la forme d'un Sphérome. (4) PL. 8, fig. 19. (2) PI. 5, fig. 20. ARTICLE N° À. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 29 Coloration. — Le mâle varie de couleur et en change brus- quement après un Jour ou deux de captivité. Celui que nous donnons ie avait la tête d’un gris bleu, entourée d’une bordure noire. L’abdomen était de cette couleur avec deux larges bandes noires en demi-cercle sur les côtés, les pointes tournées en dehors. Le thorax était de couleur jaune éclatant, piqueté de noir avec de grosses taches de cette couleur sur les côtés, à l'extrémité de ces anneaux. Tout le corps est couvert de poils blancs, rigides ei très-fins. La /emelle est d'une couleur blanche mate, avec une ligne jaune au mulieu et deux autres latérales. Une ligne noire, en forme d’as de pique, entoure le dernier article abdominal scutiforme, ainsi qu'une raie rouge. Le reste du corps est orné de points noirs et rouges disposés sur les côtés. Elle a en outre en dessous de grosses taches noires comme celles du mâle. Le jeune mâle est blanc, avec trois lignes jaunes piquetées de noir, et avec des points noirs plus gros sur les côtés. _ Le out jeune est jaunâtre, avec deux lignes orangées parallèles sur le dos. Habitat. — Trouvée au Minou, près de Brest, le 4 mars 1849, le 27 septembre 1851 et 3 septembre 1872. Habite les rochers, les flaques d’eau et les endroits sablonneux; nage avec une vélo- Cité extraordinaire, et est extrêmement vorace et carnassière. Dévore les Crustacés de son espèce, faute d'autre nourriture. Nora.— Il y aurait peut-être lieu de créer un genre pour cette espèce, qui offre des différences assez essentielles pour être sépa- rée des Crustacés auxquels nous la laissons réunie. Genre CAMPÉCOPÉE. CAMPÉCOPÉE RAYÉE. — Campecopea lineata, Nobis (1). Male. —Il n'a pas plus de 3 à 4 millimètres de longueur sur À ; millimètre de largeur. Son corps est ovale et se rétré- cit du côté de la tête, qui est petite et un peu pointue. (1) PL. 3, fig. 22. 30 HESSE. Les antennes sont très-longues et très-grèles. La supérieure est formée de trois anneaux basilaires assez gros, et dont le troi- sième est le plus long. Elle est terminée par un filet divisé en quatre articles. L’antenne inférieure est plus longue et également mince. Elle est formée de trois articles basilaires et est terminée par un filet composé de sept articles. Les anneaux thoraciques sont terminés par des plaques épi- mériennes tronquées à leur extrémité et infléchies par le bas. Ces anneaux sont au nombre de six, dont le premier et le der- nier sont les plus grands. Celui-ci est terminé par une dent ou corne lrès-longue, très-étroite, à pointe obtuse, et qui dépasse l'extrémité des fausses paites natatoires, qui elles-mêmes sont démesurément longues. Elles sont larges et plates, et reliées à la base du thorax par des articulations smgulières, qui sont alter- nativement grandes et petites, intercalaires, pour favoriser le jeu des articulations et probablement leur mouvement (1). La région abdominale (2) est représentée par une large plaque légè- rement bombée du côté du dos et consolidée par quatre ou cmq nervures disposées en chevron. Les pattes sont aussi extrêmement longues et grèles (3). Elles se composent d'un article fémoral très-long, muni de poils roides, puis suivi d’un autre article aussi long, terminé par un épatement et suivi de deux petits articles de Ta même taille, et terminé par un dernier article aussi long que les deux premiers et armé d’une griffe assez faible et non préhensile. Femezce. — La /emelle, dont nous n'avons malheureusement conservé qu'un dessus incomplet, est dépourvue du long appen- dice dont est armé le mâle. Le bord inférieur de l'abdomen est arrondi. Elle a aussi des pattes natatoires très-grèles et très- longues, comme celles du mâle, mais elles se terminent en pointe et sont dentelées sur leur bord externe, ce qui n’a pas lieu dans celles du mâle. L'un et l’autre ne peuvent que reployer les deux (4) PL 8, fig. 23, (2) PL 3, fig. 24. (3) PL. 3, fig. 25, ARTICLE N° 1. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 31 extrémités de leur corps, comme les MVéséens, l’une contre l’autre, mais sans se mettre en boule. Les yeux sont relativement gros et composés de cornéules sphériques. Coloration. — Le corps est d’un beau vert brillant sur les côtés, avec trois raies d’un jaune pâle au milieu, lesquelles des- cendent de l’occiput jusqu’à l'extrémité de l'expansion thora- cique. Ces raies sont accompagnées de chaque côté de larges bandes brunes verticales et horizontales. La région abdomi- nale est également verte, et les nervures en chevron qui conso- lident les parties latérales sont aussi de cette couleur brune ; enfin les fausses pattes natatoires sont vertes, bordées de rouille et ornées de trois taches transversales de la mème couleur. Habitat. — Trouvé deux mâles et une femelle dans la baïe de Lannion, près de Brest, sous les pierres, le 24 mai 1841. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE À. Détails embryonnaires de la Cymodocée tronquée. Fig. 1. Cymodocée tronquée. Mâle, amplifié six fois. Fi ei g. 2, Sa femelle, grossie sept fois. Fig. 3.. Œufs de la même, très-grossis, el encore renfermés dans le tube commun, Fig. 4 et 5. Œufs plus grossis, renfermés dans leur enveloppe particulière et ayant déjà subi l'influence de l’incubation, par suite de laquelle on aperçoit la forme de l'embryon, ses deux extrémités, et l’on voit que le corps est renversé en arrière, du côté du dos. Fig. 6 et 7. Embryons encore plus développés, vus du côté du dos. Fig. 8. État de développement encore plus avancé, représentant l'embryon renfermé dans l’œuf, vu de profil, montrant les antennes, l’orifice de la bouche et les pattes- mâchoires qui commencent à se former, les pièces épimériennes et le rudiment des fausses pattes natatoires. Fig. 9. Embryon sorti de l’œuf, vu de profil, montrant toutes ses parties appendicu- laires : les antennes, les pattes-mâchoires, les pattes thoraciques, les fausses pattes branchiales, et enfin les fausses pattes natatoires. Fig, 40. Embryon dans un état de transformation plus avancé, de première ou de deuxième mue, montrant au bord supérieur de son premier anneau thoracique les échancrures latérales qui sont destinées à recevoir dans une capsule le globe oculaire, 32 HÉSSE. et plus bas les autres anneaux thoraciques et abdominaux qui ne sont encore qu'à l’état d’ébauche. Les membres sont turgescents, les articulations engorgées et nodu- leuses; ils occupent la place qu’ils doivent avoir par la suite, mais les anneaux thora- ciques ne sont qu'au nombre de six, ainsi que les pattes ambulatoires. Fig. 41 et 12. Oil et capsules, plus grossies, destinées à le recevoir. Fig. 43. Embryon du même dans une phase de transformation plus avancée, Ou aper- çoit déjà la forme et la position des viscères. Fig. 44. Embryon dans un état encore plus avancé, Les yeux sont presque à leur place, mais les cornéules ne sont pas pourvues de leur matière chromulaire, qui n'existe que dans celles qui se trouvent au centre. On voit que les anneaux du thorax et ceux de l’abdomen sont mieux délimités et approchent de la forme qu'ils auront définiti- vement, et que les antennes, les pattes thoraciques et les fausses pattes natatoires sont déjà à leur état complet. On aperçoit aussi, à travers le dernier anneau abdo- minal, que les fausses pattes branchiales ont leur forme normale et qu’elles sont à leur place. Fig, 45. Etat de transformation un peu plus avancé. La tête est encore relativement un peu forte; les yeux n’ont pas atteint leur état normal, mais les anneaux thoraci- ques et les pattes ambulatoires sont au même nombre que dans les adultes. Fig. 16. Jeune embryon destiné probablement à être une femelle, c’est-à-dire, selon nous, un Sphérome. Fig. 17. Autre jeune embryon destiné à devenir un mâle, c'est-à-dire, selon nous, une Cymodocée. Fig. 18. Patte thoracique d’un embryon sortant de l'œuf; l’ongle ou griffe qui doit la terminer n’est pas encore formé; il est représenté par un appendice obtus. Fig. 149. Même patte, mais dans un état plus avancé, et terminée par une griffe bifide. Fig. 20. Prolongement palpiforme d’une patte-mâächoire chez l'embryon. Fig. 21. La même, chez l’adulte. Fig. 22. Màchoire foliacée et ciliée de la première paire chez un embryon. Fig. 23, Fausse patte branchiale d’un jeune avec son article basilaire. Fig. 24, La même, chez l'adulte, pour servir de terme de comparaison, Fig. 25. Dernier article abdominal scutiforme d’us jeune Crustacé, vu en dessous, dans la capacité duquel on aperçoit les fausses pattes, ou lames branchiales, et de chaque côté les fausses pattes caudales, Fig. 26. Dernier article abdominal, vu en dessous, de la Cymodocée tronquée, mon- trant les mêmes organes. Fig. 27, La même partie du corps, vue en dessus, d’un jeune Crustacé presque adulte, montrant, au milieu de l’avant-dernier anneau abdominal, un écusson cordiforme des deux côtés duquel on aperçoit trois fissures latérales représentant de fausses arti- culations, On voit en outre, de chaque côté, les fausses pattes natatoires. Fig, 28. Partie supérieure de cet avant-dernier anneau, très-grossie, Fig. 29, Fausse patte natatoire, on caudale, d’un embryon à la sortie de l'œuf, dans laquelle on voit qu’à leur début ces appendices se présentent avec la forme de lobes inarticulés. ARTICLE N° 4, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 33 Fig. 80. La même, chez un individu arrivé à uu état de transformation plus avancé. Fig. 31. Ta même, chez un adulte, Fig. 32. Patte thoracique ambulatoire d'un adulte. Fig. 33. Antennes d'un adulte. PLANCHE 2. Détails embryonnaires de la Nésée bidentée. Fig. 4. Nésée bidentée. Mâle amplifié huit fois. Fig. 2, Nésée bidentée. Femelle grossie six fois. Fig, 3. Embryon très-grossi à l’état d’incubation, vu en dessus, et montrant déjà l’ori- fice anal largement ouvert. Fig. 4. Le même, vu de profil, mais à un état de transformation plus avancé ; on aper- çcoit le rudiment des antennes, des pattes-mâchoires et des pièces épimériennes. Fig. 5. Le même, sorti de l’œuf, vu de profil, montrant tous ses appendices à la place qu’ils occuperont dans les développements successifs, les antennes, les fausses pattes mâchoires et ambulatoires, les fausses pattes branchiales et caudales. Fig. 6. Embryon après sa première mue, chez lequel on aperçoit, au bord du premier anneau thoracique, les échancrures cupuliformes destinées à recevoir les globes ocu- laires. Tous les autres appendices sont déjà à leur place. Fig. 7. Le même, dans une phase de transformation plus avancée, On aperçoit déjà, par transparence, la forme et la position des viscères. Fig. 8. Transformation encore plus avancée, dans laquelle on voit que l'embryon a con- quis le nombre d’anneaux thoraciques, ainsi que les pattes qu'ont les adultes. Fig. 9. Métamorphose complète de l'embryon, mais ayant la forme sphéromienne, ou, selon nous, des femelles. Fig. 10. Tète d’un jeune Néséen, très-grossie, vue de profil, pour montrer la forme et la place des fausses pattes-mâchoires. Fig. 11. Tète du même, mais à un état de transformation plus avancée, vue en dessous, montrant la place qu'occupe et la forme des fausses pattes-mâchoires qui recouvrent l’orifice buccal. Fig. 12. Tête d’une femelle adulte, vue en dessous et de face ; la tête étant légère- ment inclinée et laissant apercevoir les mandibules, Fig. 13. Extrémité palpiforme d’une patte-mâchoire. Fig. 44. Antennes du jeune. Fig. 15. Dernier anneau thoracique du mâle adulte, montrant ses deux dents latérales et celles, beaucoup plus longues et en forme de fourche, qui se trouvent au milieu, Fig. 16. Fausses pattes caudales placées de chaque côté de l'extrémité abdominale de la femelle adulte, avec la lame interne qui borde la cavité branchiale et lui sert de marge, Fig. 17. Même patte caudale du mâle adulte, montrant la lame externe qui est verti- cale, et la lame interne légèrement abaissée, mais qui, dans l’état normal, est hori- zontale et s’applique contre le bord inférieur de l'abdomen. $C NAT., NOVEMBRE 1872, XVII, de —— ART. N° 4. BJ HESSE. Fig. 48. Dernier anneau abdominal d’un jeune Néséen, vu en dessous, montrant la disposition des fausses pattes branchiales, qui sont relativement courtes et placées ver- ticalement, celle des fausses pattes caudales, enfin celle des lames plates et margi- nales qui encadrent la cavité branchiale et dont les extrémités débordent de chaque côté l’orifice anal. Fig. 19. La mème partie abdominale, vue en dessous. Fig. 20. Portion latérale et supérieure du dernier abdominal. Fig. 21. Extrémité inférieure d’une patte thoracique d’un jeune. Fig. 22. La même, un peu plus grossie, montrant qu’à cette époque de transformation la griffe qui doit la terminer n’est pas encore articulée. Fig. 23. La même, à un état moins avancé de métamorphose, où cette griffe est repré- sentée par un lobe à pointe peu aiguë. Fig. 24. Pièces épimériennes de l’embryon encore à l’état d’incubation. Fig. 25. Antenne supérieure d’une femelle adulte. Fig. 26. Fausse patte branchiale d’un embryon; à cette époque ces appendices sont terminés par une pointe ou sorte de griffe. Fig. 27. Lame branchiale d’un jeune arrivé à un état de transformation plus avancé. Fig. 28. Partie inférieure et scutiforme de l’abdomen d’un jeune Néséen, vue en dessus, à travers laquelle on aperçoit par transparence, au milieu et en haut, la base du éube cardiaque, qui représente de chaque côté un ventricule dont la limite est indiquée par une ligne en forme de V, et dont les branches, en s’écartant et en se rapprochant alternativement, dénotent les fonctions de cet organe. Au-dessous sont accolés quatre tubes cylindriques dont les inférieurs sont plus longs, et, de chaque côté, on voit les /ames branchiales qui sont de deux espèces : celles de dessus ont le bout arrondi, et celles de dessous sont plus longues et ont l'extrémité plus pointue, On aperçoit autour de ces organes et entre le bord mar- ginal qui encadre la cavité abdominale un espace assez grand qui diminue conside- rablement chez les adultes; enfin on voit l'ouverture anale qui termine cette partie du corps. PLANCHE 3. Détail concernant des Néséens et la Campécopée rayée. Fig. 4. Nésée proche. Màle amplifié neuf fois. Fig. 2. Femelle de la même, grossie sept fois. . Nésée à écussons jaunes. Femelle amplifiée six fois, 4 2 Fig. 3. Nésée à téle rouge. Femelle amplifiée huit fois. Fig, 4 5 Fig. Nésée à écussons verdätres. Femelle amplifiée neuf fois. Fig. 6. Profil de cette Nésée pour montrer la gibbosité de son dernier anneau abdo- minal. Fig. 7. Nôsée courte. Mâle amplifié neuf fois, Fig, 8. Antenne supérieure de cette Nésée, ARTICLE N° le Fig. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 90 9. Patte-nageoire de la même. 10, Nésée poilue. Mâle amplifié cinq fois. 11. Antenne supérieure de cette Nésée. 12. Patte-nageoire de la même. 13. Profil de cette Nésée, 14. Nésée décorée. Mâle amplifié quinze fois. 15. Antenne supérieure de la même, très-grossie. 16. Abdomen de la même, vu en dessous, montrant ses fausses pattes natatoires avec les lames internes abaissées, dans la cavité desquelles elles peuvent se loger. 17. Nésée verte. Femelle amplifiée sept fois. 18. Nésée anguleuse. Mâle amplifié dix-huit fois. 19. Sa femelle grossie huit fois. 20. Jeune mâle grossi dix fois. 21. Tête de celui-ci, très-grossie, vue en dessus. 22. Campécopée rayée. Màle amplifié dix-sept fois. 23. La même, vue de profil. 24. Parte inférieure abdominale du même. 25. Patte thoracique du même, ayant à sa base une pièce épimérienne dont le bout est taillé carrément. Fig. Fig. 26 et 27. Mandibules de la Nésée bidentée. 28. Pattes-mächoires du même. 29. Languette très-orossie du même. 30. Tête d’un Néséen jeune, vue en dessous et très-grossie. 31. Diverses pièces de l'appareil buccal d’une Nésée adulte, vues en dessous. 32 et 33. Extrémités des pattes ambulatoires du même. 34. Branchie operculaire d’une jeune Nésée, vue dans son ensemble. 39. Extrémité très-grossie de cette lame branchiale operculaire montrant la ner- vure qui en suit parallèlement le bord supérieur; les tubes qui en descendent verti- calement pour se rendre vers le bord inférieur ; le petit tube tronqué armé de deux griffes qui se trouvent près de ce bord ; et enfin les papilles triangulaires qui héris- sent l’extrémité de cette lame branchiale. Fig. 36. Lame branchiale ordinaire de la même, c’est-à-dire celle qui se trouve en dessous de la branchie operculaire que nous venons de décrire, lorsque le Crustacé est vu du côté de sa face inférieure. NOTES ERPETOLOGIQUES, par M. F. BOCOURT. Anolis rubiginosus, nov. sp.— Tête plus longue que le tibia, couverte d’écailles rugueuses. Membres relativement courts. Demi-cereles sus-orbi- taires non en contact sur le vertex. Plaque occipitale petite. Ecailles ventrales lisses ; celles du dos, beaucoup moins grandes, sont granu- leuses. Queue déprimée à la naissance, faiblement comprimée dans Île restant de sa longueur, et protégée par des squames imbriquées et caré- nées. — Prov. d’Oxaca, Mexique. Anolis metallicus, nov. sp. — Tête un peu moins longue que le tibia, recouverte de plaques petites et carénées. Demi-cercles sus-orbitaires, séparés sur le vertex par deux rangées d’écailles. Squames des disques sus-oculaires au nombre de sept, surmontées de une et de deux carènes. Plaque occipitale petite, ovalo-polygonale, un peu moins longue que Îe trou auriculaire n’est haut. Écailles dorsales rhomboïdales, imbriquées et carénées, disposées sur douze rangées longitudinales, et aussi grandes que les squames ventrales. Flancs revêtus d’écailles beaucoup plus petites, également carénées. Queue subarrondie, garnie de dentelures ayant les mêmes dimensions que les squames du dos. Membres postérieurs assez bien développés, protégés en dessus et en dessous par des écailles caré- nées. Doigts peu dilatés en travers. — Mexique. Gerrhonotus viridiflavus, nov. sp.— Tête à museau étroit ; sa longueur jusqu à l'oreille est comprise quatre fois et demie, dans l’espace qu'il y à du menton à l’anus. Queue très-effilée à son extrémité, tétragone à la naissance, et arrondie dans le reste de son étendue. Huit plaques inter- naso-rostrales disposées deux par deux sur quatre rangs : celles de la première série, les plus petites, sont en contact avec la plaque rostrale, et celles dela dernière, les plus grandes, s’articulent, l’une à droite, l’autre à gauche, avec la squame naso-frénale, qui est unique ; en arrière, toutes deux touchent à la lame frontale. Cette dernière offre en avant un angle obtus et en arrière un angle subaïigu ; elle égale en longueur la distance comprise entre son bord antérieur et le contour postérieur de la rostrale ; seutelle postmentonnière unique. Écailles du dos à carène mousse et assez élevée, formant cinquante rangées transversales, de la nuque à l’origine de la queue; lamelles ventrales constituant douze séries longi- tudinales et une quarantaine à partir du thorax jusqu’à l’anus. Squames des bras et des jambes lisses; celles de la queue, un peu plus grandes que les dorsales, sont, comme ces dernières, carénées en dessus et lisses en-dessous. — Un seul spécimen de cette espèce, originaire du Mexique, est parvenu au Muséum par les soins de M. Boucard. ARTICLE N° 2. DE L'HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIBIES, Par M. Arthur HE L’ISLE. PREMIER MÉMOIRE. Spallanzan:, tenté par l’éclatant succès de ses fécondations artificielles, et après avoir de cette façon donné la vie aux œufs du Triton à crête, de la Ramette, du Crapaud vert, du Crapaud commun et de la Grenouille verte méridionale, fit quelques tentatives pour avoir artificiellement des mulets par le moyen de ces Amphibies. Malgré ce petit nombre d'éléments, le célèbre abbé italien, à qui Bonnet pouvait écrire sans flatterie : «Vous nous avez découvert plus de vérités en cinq ou six ans que des Académies entières en un demi-siècle », eût tourné l'obstacle sans peine avec cette dextérité merveilleuse qui était le propre de son génie; mais 1l se laissa influencer par ce même Bonnet et tromper par Bourgelat. Il crut, sur leur rapport, à l’existence des jumarts, ces prétendus hybrides de l’Ane et de la Vache, que delle Lanze a reconnu n'être que des bardeaux, produits du Cheval et de l’Anesse. Préoccupé outre mesure d’enfanter aussi de ces mulets monstrueux, il rèva d’accoupler un Barbet avec des Lapines et des Chattes, et baigna des œufs de Grenouille et de Crapaud dans la liqueur séminale de Salamandre aquatique et des œufs de Salamandre aquatique dans celle de Grenouille et de Crapaud; des œufs de Rainette dans celle de Crapaud et de Grenouille, el réciproquement, c’est-à-dire qu'il croisa entre elles des espèces appartenant à des familles et à des ordres distincts. À défaut d'espèces voisines, qu’il n'avait peut-être pas à sa disposition, Spallanzani eût pu hybrider des espèces du même ARTICLE N° 8. l A. DE L'ISLE. l'absence de sacs vocaux internes et de fentes vocales (1); tandis que les mâles de la rousse, qui en sont pourvus, ont la peau de la gorge, surtout au temps des amours, bleuâtre et distendue par leur usage. Notre troisième espèce, la Grenouille verte aquatique (Rana verides, Rœsel) est trop bien connue pour qu'il soit besoin d’en relater les caractères. Elle appartient, comme nous le verrons plus loin, à un autre groupe bien distinct. La nature a mis à l’hybridation de ces espèces en liberté des obstacles infranchissables. Elles s’éveillent et se reproduisent à des époques différentes, ne hantent point les mêmes lieux, et ne fraient pas ou rarement dans les mêmes eaux. Comment le mâle de la rousse, qui s’accouple en plein hiver, pourrait-il s’unir à la femelle de la verte, qui git à cette époque engourdie dans la boue, et dont les œufs ne seront mürs et prêts à revêtir l'enveloppe et la glu que plusieurs mois après. Sa pas- sion, que les rigueurs du froid rendent plus aveugle encore, n’a d’égale que celle du Crapaud commun ; mais comme chez ce der- nier, ce feu violent dure peu et est éteint quand l’agile femelle gagne les eaux plus profondes pour y jeter son frai. Aux premiers jours de mars, le mâle de l’agile s’éveille ; 1l monte du fond des étangs, appelant, de son gloussement sonore, sa femelle cachée sous la feuillée. Comment pourrait-il fécon- der les œufs de la rousse déjà éclos depuis trois semaines au moins, et dont les pelotes surnagent vides et flasques près des essaims noirs et compactes des petits têtards qui en sont sortis, ou dans le voisinage de leur bande dispersée ? EL comment féconderait-il le frai que la verte cache furtivement en mai et en juin, au fond des marais et des étangs, lui qui, à la même époque, vit à terre, loin des eaux stagnantes ? Enfin, par quel caprice le mâle de la verte irait-il rompre avec ses habitudes, et, secouant la torpeur qui le rive au limon, s'é- (4) L’excellence de ce caractère, c’est de séparer nettement l’agile, non-seulement du Rana fusca, mais de l'oxyrhinus et du sylvatica d'Amérique, auquel elle ressemble étrangement, et de justifier ainsi le principe émis par Holbrook qu’ «il n’est point de Reptile commun à l’Europe et aux Etats-Unis ». ARTICLE N° 3, HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIBIES. 5) veiller et se livrer à l’amour plusieurs mois avant le terme qui lui a été fixé ? Je tentai de renverser ces barrières que la nature a dressées avec un soin Jaloux entre ces espèces, et Je commencai par l’hybridation des œufs de ia Grenouille rousse. Elle mérite peu le nom de Grenouille terrestre qu’on lui à donné, si ce n'est peut-être par comparaison avec la verte. C'est à l’eau qu’on la voit en plus grand nombre, pendant les mois du printemps et de l'été; et si, par suite de la sécheresse, à la fin d’août et en septembre, les mares pluviales et les fossés couverts de Lentilles, où elle se plaît, viennent à tarir, on la trouve souvent encore dans leur voisinage, au pied des touffes de Persi- caire ou d'autres plantes d’eau. De tous nos Batraciens, la rousse s’accouple la première, sou- vent dans la glace à demi fondue, du 15 au 25 janvier, six semaines avant que la Grenouille agile et le Crapaud commun aient ressenti les influences de l'amour. Une telle fureur l’aiguil- lonne, qu'elle en perd le soin de sa sûreté et l'instinct de conserva- tion de sa progéniture, au point d'aller frayer de préférence et en grand nombre en de minces couches d’eau que les pluies ont formées, ou la crue d’une rivière, où les Taupes, les Putois, les pêcheurs en font massacre, et où ses œufs demeurent à sec et périssent au moindre retrait des eaux. C’est là qu’elle les aban- donne hbrementet les amoncelle par petits groupes ou par masses énormes de cent à cent cinquante pelotes. L'agile, au contraire, évite les simples flaques, recherche les eaux profondes, et attache ses pelotes aux bois morts, aux rameaux flottants de Ronce et d’arbrisseaux, les fixant toujours à quelque distance l’une de l'autre. Le 20 janvier 1867, le dégel étant survenu après une longue série de froid, je me fis descendre à l’une des principales localités de rousse autour de Nantes, près d’un certain nombre de ces flaques qu’elles recherchent au temps du frai. Une croûte de glace plus épaisse que la main les couvrait toutes. Dans un étroit espace où elle avait été cassée, on voyait cinq de leurs pelotes qu’à l’évolution des œufs je reconnus avoir été pondues G A. DE L'ISLEK. déjà depuis quatre et einq jours. Le lendemain les eaux étaient libres ; onze nouvelles pelotes fraîches et brillantes étaient accu- mulées près du bord. Jentrai dans la plus grande, et je draguai longtemps le fin gazon qui en forme le lit et les amas de feuilles sèches qui la tapisse. Je pêchai, comme la veille, une dizaine de mâles en atours, la gorge blanc bleu livide, tranchant avec le dessous blanc jaune sulfureux, taché de gris et de rouge, les pouces armés de leurs larges brosses noires ; enfin je finis par enlever, l’un après l’autre, trois couples blottis dans un trou au pied d’un arbre. & 2. Accouplement hybride du mâle de la rousse avec des femelles vertes et agiles, du mâle de l’agile avec des femelles rousses et vertes. Chez moi, mon premier soin fut d’arracher ces mâles accou- plés à leurs compagnes, et de les mettre, ainsi que les autres, en de larges verrines avec des Grenouilles vertes. Quatre de ces rousses s’accouplèrent à des femelles de cette espèce. L'un d'eux se jeta aussitôt sur un exemplaire de grande taille. Deux autres s’attachèrent à la même, comme ils font quelquefois en liberté, les mâles étant toujours plus nombreux que les individus de l’autre sexe. Comme s'ils eussent célébré leur union avec des femelles de leur propre espèce, ils gonflaient leurs sacs internes à la grosseur d’un grain de maïs sous la peau de leur gorge bleuâtre, faisant entendre leur sourd grognement : «rrouou, grrouou, ourrrou, rrououou », rendu plus retentissant par la sonorité des cylindres où ils nageaient. Quel contraste entre ces animaux enlacés ? Le mâle roux jaune semé de taches brun rou- geûtre, et la femelle d’un vert-olive couverte de vigoureuses marbrures noires. La face du mâle courte, épaisse, camuse, aux yeux largement écartés, se détachait sur celle de la verte, grande, allongée, prognathe par son maxillaire évasé et dont les yeux se touchent presque. Ces mâles restèrent ainsi couplés jusqu'au 27 février, c’est-à- dire pendant plus d’un mois, époque où je les tuai pour avoir ARTICLE N° 6. HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIPIES. # leurs semences. D’autres mâles de rousse que je conservai s’accouplèrent plus tard à des agiles femelles. Au commencement de mars, je fis le contraire, je réunis des mâles d’agile à des rousses et à des vertes femelles. Quelques instants après, Je vis l’un d’eux se ruer avec passion et enlacer à trois reprises dans ses bras une rousse qui l’entraînait en nageant et ne voulait pas se laisser prendre. Le soir, ces mâles d’agile faisaient entendre leur gloussement plus sonore que celui de la rousse et plus vite articulé : «cau, cau, cau, cau, cau, cau, corr, corr, CorT, corrro. » Un second mâle serrait sous l’aisselle une autre rousse, tandis qu'un troisième s'était étroitement accouplé avec une grosse verte, les mains jointes, les doigts entrelacés sur sa poitrine. Le lendemain, un quatrième enleva une autre verte au mâle rousse qui la tenait accouplée, mais quelque temps après une autre rousse, sans tache tympanique, la lui ravit à son tour. & 3. Chasse à l’agile ; ses mœurs. —- Hybridation artificielle des œufs de rousse par la semence de l’agile et de la verte. Comme la sy/vatica d'Amérique, à laquelle elle ressemble beaucoup, l’agile est une espèce exclusivement terrestre. Hors l’hivernage et le temps des amours, on ne la trouve jamais à l’eau. Elle recherche les frais vallons au bord des ruisseaux. C'est là, dans les prés, dans l'herbe des taillis ou de quelque vague sous les grands arbres, qu'on la trouve le plus souvent, isolée ou par petites bandes. Elles partent sous vos pas par bonds de quatre à cinq pieds, vont tomber dans le ruisseau ou se dérobent dans l'herbe de la prairie. Une grande partie hivernent à terre sous la feuillée, les autres dans la vase ou dans les masses submergées de plantes aquatiques. Le 23 janvier, pour me fournir des mâles nécessaires à ces expériences, je draguai autour de Nantes quelques étangs du bassin de l’Achésine. Des masses de Callitriche et de Sum, qui encombraient le premier, je retirai une femelle de taille mé- 8 A. DE L'ISLE. diocre, le ventre ballonné par ses œufs, et un mâle. D’un second plus grand, -quatre autres mâles, engourdis, les yeux à demi rentrés dans l'orbite et ne faisant nul effort pour s'échapper. Is étaient blottis au sud, dans la vase, sous le mur de pierres sèches qui défend ce côté da vent du nord. Avec l’aide du fermier, et armés de râteaux, nous culbutons les tas de feuilles mortes déposés en une avenue voisine, et découvrons tapis à terre dessous six ou sept autres mâles et deux femelles. Au retour, j'essayai de les accoupler. Pour les échauffer et les rendre plus prolifiques, je les tins à part en une verrine pleine d’eau ; et deux heures après, je les réunis dans l'aquarium aux trois couples de rousse et à quelques mâles libres, qui se ruaient sur les premiers pour leur enlever leurs femelles. J'espérais que ces rousses si enflammées communiqueraient aux agiles quelque chose de leur ardeur. Je fus trompé. Ces Grenouilles étaient mal dégourdies de leur sommeil d'hiver, et ne témoignaient rien de la passion qui les anime un mois plus tard, quand arrive le temps de leurs amours. Le 26 janvier, je passai une grande partie du jour à hybrider es œufs des trois rousses. Je tuai trois agiles mâles, hachaï et diluai leurs testicules et autres organes de la génération. Fouvris une rousse femelle et son double utérus où les œufs étaient tombés, les humectai sur place avec un pinceau chargé de ce suc étendu, et délivrai successivement chaque poche membra- neuse de la pelote qu'elle contenait. La glu extrêmement tenace qui enveloppe les œufs s’atiache à tout et rend cette opération diflicile. Je fixai chaque pelote sur un disque de verre, que Je fis glisser dans une coupe pleine d’eau spermatisée par le mélange des organes. Je laissai la pelote y baigner un quart d'heure. Ce temps passé à l’eau, Spallanzani a reconnu que le frai de Grenouille ne peut plus être fécondé, par suite de la dilatation de l’albumine des sphères. Je renouvelai l'opération sur les deux autres femelles. J'avais réservé le quart de ces œufs. Je les fécondai ensuite par la semence de cinq vertes, tantôt par imbibition avec un ARTICLE N° 3. HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIBIES. 9 pinceau, tantôt par immersion dans un bain fécondant. En cette saison si éloignée de l’époque du rut, les testicules de la verte sont petits et resserrés; leur suc, peu épais, troublait à peine l'eau. J'avais bien prévu, comme il advint en effet, que les œufs de rousse ne seraient point impressionnés par la semence de la verte; mais ce qui me surprit beaucoup, c’est que ceux hybridés par la semence de l’agile furent également frappés de stérilité. Le blastoderme, qui est noir, embrasse en dessus et sur les côtés les deux tiers de la superficie de l’œuf. Après la fécondation, il recouvre peu à peu la partie nutritive qu'il finit par envelopper. À quatre jours, elle n'apparaît déjà plus que comme une fine piqûre, un imperceptible pelit point blanc, au centre de l’hémi- sphère inférieur. À cinq, elle disparait et le blastoderme se coupe d’une fente en croissant dont les lèvres s’avancent au milieu. Elles s'ouvrent à six, et l’on distingue alors nettement un gros corps et une tête appendiculée. La queue se montre à sept, et le petit tétard commence à remuer à dix et à battre en brèche les parois de sa prison, d’où 1l sort vers douze jours. Les œufsdiversement hybridés ne se segmentèrent pas. Deux semaines après, ils étaient restés sphériques, offrant loujours en dessous, comme à l'instant qu'ils furent pondus, un tiers de la surface blanc à contour indécis. Je reproduisis autrement cette expérience, mais sans plus de succès. J'avais trouvé dans les déblais d’une ancienne carrière une jeune rousse non délivrée. Comme les Jeunes femelles qui pondent pour la première fois, elle était très en retard. F'aiten- dis encore quelques jours et l’hybridai à la fin de février, par conséquent, d’après la saison, avec du sperme d’agile parfaite- ment mûr, si l’on suppose qu’il ne le soit, comme le frai lui- mème, qu’à bref délai et seulement dans le temps du rut, S h Hybridation artificielle des œufs d’agile par la semence de la verte et de la rousse. Insuccès de cette expérience plusieurs fois répétée. Le 27 février, un mois après notre première hybridation, 10 A. DE L'ISLE. j'enlevai à leur accouplement hybride avec des vertes les trois mâles de rousse que je tuai,et en même temps une grosse agile prise au bord de l’eau au moment où elle allait y descendre pour accoucher. Un petit mâle la tenait depuis trois jours; mais il n'avait pu l’embrasser à l'ordinaire, et ses bras, trop courts, plon- geaient dans l’aisselle, comme ceux de la Rainette accouplée. Tous ses œufs, bien revêtus de glaire, étaient tombés dans les poches utérines. Je les fécondai ainsi que les œufs mûrs de deux autres agiles, dont un très-vieil exemplaire, comme précédem- ment, avec le sue étendu des testicules. Il était épais et blan- chissait l'eau, et ces organes, très-grands; jaune terne, voilés de pigment noir, en regorgeaient. De plus, comme un de ces mâles de rousse avait les vésiculesséminales très-pleines, j'humectai une partie des œufs avec le liquide transparent qu’elles contenaient, après lavoir enlevé au moyen d’un aspirateur de verre et étendu d’eau. J'avais réservé un quart de ces œufs d’agile que j'hybridar avec le suc des testicules de trois vertes, encore peu épais. Je terminai en fécondant quelques œufs d’agile par l’agile. Je découplai un mâle, le tuai ; 1l avait à l'ordinaire des testicules très-petits et très-grèles, mais des vésicules séminales assez grosses et gonflées de semence. Les pelotes d’agile ont des sphères plus petites et plus nom- breuses que celles de rousse. Le noir et le blanc y tranchent davantage ; le noir est plus intense, le blanc plus pur et plus brillant. Il est aussi plus étendu en dessous ; il fait près de la moitié et plus du tiers de la surface totale, et apparait pour peu que l’on remue la pelote. Aussi faut-il plus de temps au blasto- derme noir pour envelopper ce blane nutritif, et par suite au germe, pour croître, se mouvoir et sortir de la glaire. Ainsi ce n'est pas à Cinq jours, comme chez la rousse, mais à sept et à huit que le blanc disparait et que le blastoderme se fend. À neuf jours, mes œufs d'agile fécondés par l’agile s’ouvraient en croissant, montrant le corps et la tête. À dix, on commençait à reconnaitre la queue. À treize, ils remuaient, etc. Tandis que ceux, en beaucoup plus grand nombre, hybridés par la semence ARTICLE N° 9. HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIBIES, A1 de la rousse et de la verte, ne présentèrent nulles traces de développement. L'année suivante (le 5 et le 20 mars 1868), je recommençai deux fois, sans plus de succès, l’hybridation des œufs d’agile par la semence de la rousse et de la verte. S 5. Ponte échelonnée et successive de la verte et hybridation artificielle de ses œufs par la semence de la grenouille rousse. — Même résultat. Les Grenouilles vertes aquatiques secouent bien plus tard que les grenouilles terrestres l’engourdissement de l'hiver. Dans les mois d'avril et de mai elles ne font que préluder à leurs chants par quelques coassements tinudes, et laissent le Calamite et la Rainette troubler de leurs clameurs sonores les premières heures de la nuit. Ce n’est guère qu’au commencement de juin qu’elles le font éclater au loin par longues salves. C’est aussi à la même époque que la majeure partie de l'espèce se réunit par bandes uombreuses, au milieu des eaux stagnantes des vastes étangs et marais où elles pullulent, pour y frayer en sûreté. Cependant la ponte de cette espèce n’est point brève et simultanée, comme celle de la rousse, de l’agile et du Crapaud commun. Un certain nombre, habitant des eaux plus tièdes et plus circonscrites, telles que de petits étangs ou des mares pluviales, pondent un mois, deux mois plus tôt, en mai et en avril, et produisent des têtards qui se métamorphosent dès le commencement d'août. Les vertes sont rusées et ombrageuses. J'avais beau me lever, les surveiller la nuit, et les perdre de vue le moins possible, elles pondaient toujours furtivement en mon absence. Vallisneri pré- tend que la compression que les mâles exercent sur le thorax des femelles détache les œufs des ovaires et les fait passer dans les oviductes flexueux, où ils s'engluent. Cela peut être vrai; mais ce qui est plus certain, c’est que la volonté de la femelle peut en- traver ou faciliter cette action. Elle est maîtresse, suivant ses impressions, de retenir ses œufs dans l'ovaire ou de les laisser 12 A. DE L'ISLE. s'échapper. C’est ainsi que j'ai vu des agiles (espèce timide que la captivité trouble profondément) en prégnation et accouplées depuis longtemps, laisser passer de près d’un mois l’époque de la ponte. Pour éclaircir ce point, j'essayai si une simple constriction mécanique pourrait, en dépit de la volonté de l'animal, faire tomber les œufs dans l'utérus. Je pris deux vertes femelles et leur passai sous les aisselles un large anneau de caoutchouc que j’é- trécis et fixai au degré de compression que fait le mâle avec ses bras. Quatre jours après, j’ouvris la plus grosse et la plus gon— flée, et huit jours après la seconde; tous les œufs étaient restés dans les ovaires. | Voyant cela et l’inutilité de mes efforts, j’eus recours à l’w/#ma ratio, un double point de suture que je pratiquai sur les femelles sans perdre de temps, aussitôt que je les voyais accouplées. L'une d'elles, qui l'était ainsi depuis vingt heures, ayant laissé échapper quelques œufs, je la tuai, et vis avec plaisir que mon stratagème avait réussi; les deux poches utérines étaient pleines d'œufs beaucoup plus fins et nombreux que ceux de rousse et même d’agile. Au travers de leurs parois on apercevait le nucropyle de l'œuf, ou plutôt l’aréole pâle au centre de laquelle il est percé (4). Je tuai alors un mâle rousse de grande taille pris à l'eau de- puis peu. J’examinai sa semence au microscope. Cinq mois après a ponte, elle contenait encore des spermatozoïdes peu nombreux, mais assez également répandus et plus grands que ceux de verte. Ds étaient agités de légers mouvements et nouatent souvent l’un ou l’autre de leurs bouts. Pour obvier, autant que possible, au double inconvénient de leur petit nombre et de leur grandeur, je tuai deux autres mâles de rousse, choisissant les plus petits, dans l'espoir que ces organites seraient moindres. Je fécondai (4) Je puis certifier qu'il existé, el je l'ai observé récemment chez le sonneur et la Grenouille verte. Owen, dans sou récent ouvrage, Axatomy of Vertebrates, met en doute son existence : « Si un micropyle existe antérieurement à l’imprégnation, comme Prévost et Dumas le prétendent, il a échappé aux recherches expresses des derniers observa- teurs, » Et il cite Newport, ARTICLE N° 5. HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIBIES. 13 comme ci-dessus, mais j'étendis le moins possible ce suc des testicules, de façon à fortement spermatiser l’eau. Je répétai l'expérience ; mais jamais le sperme de rousse ne put réussir à féconder les œufs de la Grenouille verte. Dans les heures qui suivirent il n’y eut pas même trace de segmentation. CHAPITRE II DE L'HYBRIDATION DANS LE GENRE BUFO. 8 1. Les deux espèces soumises à ces expériences n’appartiennent point à la même section, Pêche de ces Crapauds et différences qu'ils présentent dans l'allure, le coassement et les habitudes. Nous venons d'établir que l'hybridation ne peut avoir lieu entre espèces très-voisines que la science distingue d'hier et que beaucoup de naturalistes confondent encore. Nous allons voir maintenant la même opération réussir entre espèces très-élor- guées, appartenant à des sections différentes et aussi distinctes l’une de l’autre que la Grenouille verte de la rousse : je veux parler des Bufo vulgaris et Calamita. Le Calamite (Bufo Calamita, Laur.) appartient à la section des Bubeta, Fatio, caractérisée par une très-grande vessie vocale sous la mandibule, le doigt externe plus court que le second, des pieds peu palmés, avec un pli de la peau sur le côté interne du tarse; tandis que le Crapaud (Bu/o vulgaris) forme, avec le chiensis la section des Phryne de Fitzinger, espèces privées de vessie vocale et de pli cutané le long du tarse, à téguments rugueux et même épineux, aux pieds semi-palmés et au doigt externe plus grand que le second. | Le premier diffère en outre singulièrement du second par la brièveté de ses membres pelviens, qui est telle qu’elle ne lui per- met pas le saut. Le Crapaud sautille, comme une Grenouille, et le Calanite, comme Ræsel en a fait le premier la remarque, court comme une Souris, Muris nstar, pour me servir de sa phrase. C'est pourquoi 1l répand son frai dans les fossés, les mares, les SC. NAT., NOVEMBRE 1872. XVII. 4. — ART. N° de Ah A. DE L'ISLE. minces flaques d’eau de pluie. Une rigole lui suflit, une simple ornière. L'élongation de ces mêmes membres donne au Crapaud plus d'assurance, et bien qu'il nage disgracieusement, ilrecherche les eaux profondes pour mieux y dérober son frai. Il pond dans les étangs, les marais, les tourbières, etc. Le Calamite est presque exclusivement nocturne; malgré son extrême fréquence, on le trouve peu le jour dans les eaux plu- viales, où on le rencontre en si grand nombre pendant la nuit. Il y revient chaque soir, quand le temps est doux, par bandes de trente, quarante, cent cinquante mâles qui chantent à l'unisson, se taisent et reprennent tous à la fois, et forment ces chœurs bruyants qui, comme ceux de la Rainette, s'entendent fort loin, à plus d’une demi-lieue de rayon. Son coassement, « crau, crau, crrreu, crrreu, crrreu, » ressemble, par sa monotonie, à la stri- dulation de la Courtilière. Les Rainettes chantent par saccades, par fanfares bruyantes; elles impriment à leur vessie vocale des vibrations brusques, courtes, multipliées; le Calamite, qui l’a plus grosse, des vibrations lentes, prolongées, plus rares. Privé de ce même organe, le Crapaud commun fait entendre jour et nuit, mais plutôt le jour que la nuit, son coassement plamüf et beaucoup plus faible : « crrraa, crrraa, queru, queru », qui rap- pelle un peu l’aboiement du Chien. Leurs groupes tumultueux, que l’on voit lutter au large pour la possession des femelles, ne le produisent jamais à l'unisson et en chœur, comme les bandes de Calamites. Le Calamite fraye en juin, selon la plupart des auteurs. Cela est exact; mais il fraye aussi, comme je lai observé, en mai, en avril, en mars et quelquefois en septembre. En un mot, il offre amplifié le phénomène, que nous avons signalé chez la Grenouille verte, d’une ponte échelonnée et successive. Certains individus, suivant le terrain qu’ils habitent, son exposition, la chaleur et la nourriture qu'ils en reçoivent, se trouvent prêts plus ou moins vite à accomplir l’acte de la génération. il n’en est pas de même de l’autre espèce, dont la ponte, sui- vant les années, peut être reculée d’un mois (des derniers jours de février aux premiers d'avril), mais est brusque, courte et sel ARTICLE N° 3. HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIBIES. 45 fectue tout entière en quinze jours. La ponte échelonnée du Calamite embrasse une période minimum deprès de quatre mois ; on trouve donc, pendant la ponte du Crapaud commun, des Cala- mites accouplés et des femelles sur le point d’accoucher. Je n'avais pas à lutter ici avec la difficulé résultant de l’écart dans la saison du frai. Le temps rude, froid, venteux depuis quelques semaines, s’'amollit aux premiers jours d'avril 1870. Le A, je croyais la ponte du Crapaud commun finie, elle ne faisait que commencer. La saison était en retard d’un mois. À la Haye, en un premier étang, je trouvait submergés à quelques centimètres bor nombre de cordons entassés en lourds écheveaux. Chaque écheveau, d'un volume plus gros que la tête, était le produit de la ponte de plusieurs femelles, qui, de même que la Grenouille rousse, mais à un degré moindre, se plaisent à pondre ensemble et à accumuler ainsi leurs œufs. Dans un second étang, sis en un bas, deux femelle sseulement avaient frayé, comme l’attestaient à main gauche, contre le talus, leurs doubles cordons enlacés à plusieurs tours à de jeunes pouces d’arbrisseau. Je draguai sous ces œufs et ramenai un très-fort couple ; plus loin, au milieu du talus, j'en pêchai un second, un troisième, un quatrième, un cinquième et un sixième tapis ensemble au fond de l’eau. Je pris du même côté deux autres couples qui plongeaient à mon approche, mais gènés l’un par l’autre et par le poids des œufs, se laissaient prendre aisément. Ces huit femelles, le ventre tout gonflé, ne pondaient point encore. À droite, des Crapauds lut- taient avec animation, et, comme cela a lieu le plus souvent, l'objet de la lutte était une femelle déchargée. Six mâles de leurs bras noueux la serraient comme dans un étau : un premier à l'ordinaire sous l’aisselle, un second par le milieu du corps, un troisième à l'aine, à la façon du sonneur; un quatrième lui enfonçait de côté ses poings dans les flancs; un cinquième, renversé sur le dos, s'était accouplé ventre à ventre; un sixième enlaçait le premier mâle, faute de pouvoir l’attemdre elle-même. Un septième mâle tomba, quand j'enlevai ce paquet de Crapauds, sous lequel disparaissait presque la pauvre femelle. Â6 A. DE L'ISEX. Le soir, un chœur de Calamites se faisait entendre à distance. Ces animaux sont ventriloques : on les croit à deux cents mètres, lorsqu'ils sont à quinze cents. Je fus trompé, non sur la direction à suivre, mais sur la portée et le point de départ de leurs voix. Je les crus dans le lavoir du village voisin ; le village passé, plus loin dans une mare, près du ponceau de la route. Le pont franchi, ils chantaient, à n’en point douter, dans un fossé que j'entrevoyais à distance. Mais, de mare en mare, de fossé en fossé, j'arrivai, après une série d'illusions et de désillusions, au bord d'un pré profondément encaissé entre le talus d’un chemin et des vignes. C’était là, dans la mince couche d’eau qui le couvrait par endroits, que se trouvaient disséminés ces animaux au nombre de plus d’un cent, faisant vibrer comme un clairon leur large vessie vocale, et appelant d’une lieue à la ronde les femelles en état de frayer. Neuf de celles-ci, guidées par ces clameurs, étaient venues les trouver, et l’une d'elles accouplée accouchait déjà de ses cordons. Quand je tourpais le feu de ma lanterne sur ces mâles, quelques- uns, enhardis par leur grand nombre, continuaient de chanter, quoique je fusse tout près d'eux à les regarder en face. Ils se dressaient au-dessus de la mince couche d’eau, parmi le Trèfle et les Graminées, enflant leur sac vocal à la grosseur d’une forte noix. 6 2. Accouplement hybride du mâle Calamite avec la femelle Crapaud commun, suivi de l’hybridation naturelle des œufs, et accouplement contraire du mâle Crapaud avec la femelle Calamite. En arrivant à Nantes, je séparai de leurs mâles les huit femelles 2. vulgaris, et les mis à part en un aquarium avec sept ou huit mâles Calamites. Ceux-ci, voyant des femelles chargées de leurs œufs, se ruèrent sur elles : deux s’accouplèrent sur-le- champ; il y en eut bientôt quatre, puis einq, puis six enfin. Je doutais que cet accouplement fût possible. Le Bu/0 vulgaris est déjà hors de proportion avec sa femelle et cinq fois plus petit, et le Calamite est encore moindre que celui-ci d’un cinquième. 0 ARTICLE N° 0. HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIBIES. 47 C'était chose curieuse de voir nos six mâles Calamites accouplés avec les six femelles de Crapaud commun, nager en chantant, grognant, et repoussant de leurs pattes les autres mâles restés libres qui s’approchaient pour leur ravir leurs femelles. Le con- traste était piquant entre le petit mâle à l'iris vert doré, à la raie jaune sur le dos, et son énorme femelle aux yeux rouges, aux flancs marbrés de bistre. Le soir même, deux d’entre elles commençaient leur ponte, et cinq pondaient le lendemain matin, toujours fermement accou- plées aux mêmes mâles Calamites. Ceux-ci, pleins d’ardeur, s’agitaient, nageaient avec vivacité, enflant leur vessie vocale autant que le permettait la {pression de leur mâchoire d'en bas sur le dos de la femelle et la faisant sonner comme s'ils eussent célébré leurs noces légitimes ; se contractant, s’allongeant et arrosant les cordons de leur semence à mesure qu'ils sortaient, comme en témoignèrent les germes qui furent impressionnés, et se développèrent dans la mesure de ceux artificiellement hybridés. Après avoir recueilli ces œufs d’une espèce librement fécondés par une autre, et qui équivalaient à trois faix entiers, je disposai de ces couples pour mes expériences. Sauf deux, près desquels j'introduisis plusieurs Bufo vulgaris que je venais de découpler, ces Crapauds si ardents se saisirent aussitôt des femelles demeu- rées libres, mais, à ma grande surprise, ne touchèrent pont à celles déjà accouplées aux deux mâles Calamites, qui les tinrent impunément embrassées sous les yeux de ces rivaux, perdant dix jours que dura cet accouplement hybride. Le 5 mars 1872, je provoquai l’accouplement contraire, je réunis dix femelles Calamites à un nombre égal de Crapauds communs. Ceux-ci, négligeant deux ou trois d’entre elles qui avaient commencé leur ponte, se jetèrent immédiatement sur les autres, qu'ils saisirent avec l’ardeur qu'ils mettent à leur accouplement ordinaire, faisant retentir l’aquarium de leur coassement£. Je vis l’une d’elles aux prises avec deux mâles, et plus loin je comptai jusqu’à six de ces Crapauds communs sur la même femelle Calamite. Craignant de la voir étouller sous tant 15 A. DE L'ISLE. d'embrassements vigoureux, je tentai plusieurs fois de la délivrer de ces mâles surnuméraires, mais sans y parvenir. Ils revenaient à la charge au bout de quelques instants et ressaisissaient leur proie. Le lendemain, la plupart de ces femelles pondaient tou- jours accouplées aux mâles de l’autre espèce. Je gardai ces œufs, qui ne furent point impressionnés. - 8 3. Hybridation artificielle des œufs de Crapaud commun par la semence du Calamite. Évolution d’un grand nombre, puis arrêt de développement. — Éclosion de cinquante têtards qui périssent à l’état de larve. Je découplai cinq Calamites que je tuai. Ces Crapauds n’ont point de véritables réservoirs séminaux ; je tirai le sue de leurs testicules et canaux déférents. J'en conservai une partie peu étendue dans un verre de montre et répandis le reste dans une large coupe pleine d’eau. Je tuai alors successivement cinq femelles de Crapaud commun. Elles ne se laissent pas volontiers délivrer vivantes ; après la mort, les œufs s’échappent tout seuls. Tenant la femelle au-dessus de la coupe, j’activais leur chute avec des pinces, ils tombaient d'eux-mêmes; je n'avais qu'à m'asseoir et à me lever, ou bien qu’à hausser et à baisser la femelle pour modérer ou accélérer leur écoulement dans l’eau spermatisée. Je les remuai, les étirai pour qu'ils en fussent bien pénétrés, et les enlevai au bout d’un quart d'heure pour fare place à d'autres. Je fécondai le reste autrement, les humectant à sec d’un gros pinceau que Je trempais dans la liqueur plus concentrée du verre de montre. On peut estimer au faix de trois femelles mes œufs hybridés, c’est-à-dire à environ trois mille cinq cents. Le 40 avril, à quatre jours, six cents de ces œufs, plus du sixième, offraient les pre- mières phases du développement, comme des œufs de 2. vul- garis naturellement fécondés. La partie plastique s'était épaissie sur son bord libre, recouvrait la nutritive, et s’en détachait tout autour par un sillon circulaire. Mais quatre cents de ces œufs ARTICLE N° 3. HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIBIES. 19 furent alors même frappés d'arrêt de développement. Le 11 et le 12, à cinq et six jours, deux cents seulement marquèrent le second degré. Chez eux, la partie nutritive disparut et l'œuf se coupa d’une fente en croissant. Une centaine cessa encore d'évoluer; le reste devint réniforme, laissant voir déjà la tête distincte du corps. Le 15 avril, à neuf jours, soixante-seize seulement avaient survécu et s'étaient développés au même point que des œufs ordinaires, montrant ostensiblement le corps ét son abdomen saillant, la tête et la queue. La glaire s'était amincie autour d'eux, et ils avaient une tendance à passer trop vite au travers. Le 17, à onze jours, leur éclosion prématurée en avait fait périr la moitié, et réduit leur nombre à quarante et un. Je les délivrai des cordons qui se gâtaient, en les aspirant avec un tube léger et les reversant dans une coupe d’eau fraîche, où je les vis pour la première fois remuer en touchant le fond. Le 4 mai, ces têtards hybrides avaient un mois, mais peu viables, il en périssait chaque jour; des quarante et un survivants du 17 avril, 1l n'en restait plus que dix-neuf. Le 12, il en restait huit. À la mi-juim, un seul, qui survécut quelque temps aux autres et périt âgé de deux mois et demi, avant de dégager ses pattes de derrière. 84. Hybridation artificielle des cordons du Calamite par la semence du Crapaud commun. Développement de presque tous les œufs suivi d’un prompt arrêt. Transformation de soixante-quinze en têtards, qui périssent avant d’avoir achevé leur métamorphose, Pour croiser la fécondation de ces deux espèces, il me fallait faire le contraire ethybrider les œufs de Calamite par la semence du Crapaud commun. A la fin d'avril, je repris mes excursions nocturnes. Dans l’une, je trouvai une centaine de Calamites éta- blis dans une tenue : les uns sur les herbes de deux viviers, au milieu du jardin ; les autres errant çà et là sur les carrés autour des pièces d’eau. On reconnaît les mâles à leur gorge bleuâtre, d’un üssu lâche et extensible pour laisser gonfler leur très-grosse vessie vocale, et aux quatre lames de corne, longues, étroites, 20 A. DE L'ISLE. qui revètent leurs doigts et remplacent le bourrelet d’accouple- ment du pouce des Grenouilles. Jen pris quatre-vingts, que je relâchai, et sept femelles à la gorge d’un tissu ferme, blanc et tacheté comme l’abdomen, dont cinq, accouplées à terre, cou- raient sur les plates-bandes, emportant leur mâle sur leur dos. L'une d'elles en avait deux superposés. Ceux-ci, les bras passés sous les aisselles, les rejoignaient sur la poitrine, entrela- cant leurs doigts comme font les Grenouilles accouplées. Le lendemain, je tuai quatre de ces femelles, deux seulement avaient les œufs tombés dans l'utérus. Les doubles chapelets du Calamite, d’une longueur vraiment remarquable, diffèrent de ceux du Crapaud par leur extrème graailité et la finesse de leurs grains. Leur face nutritive est blanchâtre unie. Elle est plus fon- cée, grise pointillée de noirâtre dans l’autre espèce, dont les œufs sont plus gros et les cordons plus épais. J’hybridai avec le suc des testicules de quatre mâles de Crapaud commun. Ces œufs avaient en dessous plus du tiers de la surface blanche à contour indécis. Le plus grand nombre fut impressionné par la semence du B. vulgaris, et, dans les jours qui suivirent, pres- que tous offraient en dessous un disque blanc à contour nette- ment limité, réduit au quart, au septième, ou à une simple piqûre très-fine. J'avais opéré sur deux mille deux cents œufs environ. Le 8 mai, à onze jours, les germes en petit nombre qui continuèrent d'évoluer s’élaient ouverts et montraient le corps, la tête et la queue. Ils étaient toujours enveloppés dans l'enveloppe, qui apparaissait sous forme de petite sphère transparente, mais la glu du cordon s’était dissoute et ne laissait plus voir d'elle que quelques traces. Le 12 mai, à quinze jours, de ces deux mille deux cents germes, soixante-quinze seulement s'étaient déve- loppés, étaient éclos et avaient quitté l'enveloppe. La mortalité qui les frappait diminua d’énergie, et les derniers périrent dans la seconde moitié de juin, après avoir vécu environ deux mois. RÉFLEXIONS. Ainsi, tandis que des espèces voisines du genre Grenouille ne se laissent pas hybrider, d’autres espèces tres-éloignées du genre ARTICLE N° 6, HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIBIES. 21 Crapaud donnent naissance à des mulets. Pourquoi cette diffé- rence en raison inverse de ce qu’on devrait attendre ? La spécificité modifie tout l'être, mais affecte particulièrement certaines parties. Dans le genre Grenouille, un grand nombre des caractères les plus tranchés reposent précisément sur les organes accessoires et fondamentaux de la génération. Ils fournissent même des caractères subgénériques tels que, dans le groupe des Temporaria, les deux grands bourreleis au pouce du mâle pour soutenir sa brosse d’accouplement; l’absence de sacs vocaux ou des sacs sans issue au dehors ; l’existence de vésicules séminales, la forme oblongue ou cylindrique des testicules ; enfin, la gran- deur des sphères de mucilage qui, remplies de gaz, flottent sur l’eau. Dans le groupe qui contient la verte et la Grenouille des Mascareignes, les sacs vocaux se produisent au dehors par des fentes maxillaires ; 1] n'existe qu’un seul grand bourreletet point de vésicules séminales; les testicules sont ronds et lenticulaires, et les sphères des œufs étroites et peu chargées de gaz coulent à fond. Mais entre espèces voisines et de la même section, les diflé- rences sont déjà notables. Les brosses copulatrices de la rousse, noires et hérissées de longues aspérités pointues, sont très- larges; celles de l’agiie assez petites, grises et formées de fins granules ronds. Les testicules de la rousse, en corrélation avec l'énorme développement de ces brosses, sont très-gros et repré- sentent un volume sextuple. Gris jaune, voilés de noir, ils sont ovales et à peine moitié plus longs que larges. Ceux d’agile, très- petits et sans proportions avec sa taille, sont grèles et cylin- driques, trois fois plus longs que larges et d’un blanc jaunître. Ses vésicules hémisphériques font sac sur le côté du canal sémi- nal et s’en détachent nettement aux deux bouts; celles de la rousse seulement en avant, et sont oblongues et plus grandes. On est frappé, au contraire, de la ressemblance qui existe dans les parties de la génération entre le Crapaud calamite et le Crapaud commun, espèces si différentes d’ailleurs. Pour les lames d’accouplement, c’est le même nombre et la même cou- 99 A. DE L'ISLE. leur; pour les testicules, la même forme, les mêmes nuances et les mêmes proportions. Pour me résumer, les Grenouilles du groupe des Temporaria, que nous venons d'kybrider inutilement, sont très-voisines, avec des organes génitaux très-différents, et les Crapauds qui ont donné des têtards hybrides, très-différents, avec des organes reproduc- teurs très-voisins. Ainsi, le résultat est en raison, non du rapport qui existe dans l’ensemble de l’organisme, mais en raison de celui même des organes génitaux. Examinons ce qu'il reste maintenant de l'opinion du célèbre physiologiste italien. Ayant échoué dans ses essais d’hybridation, et malheureux pour la première fois, peut-être, Spallanzani suivit l'impulsion ordinaire de l'esprit humain; il se rejeta en deçà, après avoir cherché la vérité au delà. Il avait tenté d'obtenir des mulets monstrueux, il en vint à nier qu'il y eût des accouplements hybrides. «Comme si nos Amphibies prévoyaient l’inutilité de leurs semences respectives, Je n’en ai jamais vu aucuns accouplés Îles uns avec les autres : quoique pendant le temps de leurs amours je mis un mâle Crapaud avec une Grenouille dans un vase, le mâle Crapaud ne s’approchait pas de la Grenouille ; il cherchait à s’en- fuir, et quand je les forçai de rester plusieurs jours ensemble, jamais il n’y eut aucune apparence d’accouplement, quoique la Grenouille accouchât et que les mâles soient alors plus ardents. J'ai vu celte froideur du Crapaud puant, pour la Rainette et la Grenouille verte aquatique ; j'ai observé la mème chose en mettant des mâles de ces deux espèces de Grenouilles avec des femelles du Crapaud puant,. » .…. Je puis assurer que je n’ai jamais vu de pareilles unions dans la multitude immense de Crapauds et de Grenouilles que j'ai vus accouplés. ».…. Aussi je rejette cette opinion qui me paraît n'avoir d’autres fondements que la crédulité populaire (1). » (4) Expériences pour servir à l’histoire de la génération, traduction Senebier, p. 221. ARTICLE N° à. HYBRIDATION CHEZ LES AMPHIBIES. 23 Roœsel, que Spallanzani à mal lu, a observé positivement le contraire en Allemagne. À la page 4 de son Hist. nat. nostratum Ranarum, 1 nous peint, au temps de la génération, le mâle de la Grenouille rousse animé d’une telle passion, « qu’il s’'accouple avec un autre mâle, avec une femelle morte et même avec un Crapaud, quoi qu’il y ait des gens qui ne croient point à de tels rapprochements. » Et plus loin, page 88 : «Notre Crapaud et la Grenouille terrestre frayent à une même époque, et j'ai saisi ces deux animaux, si différents, quelquefois accouplés. » Nous avons observé la même chose en France. On a vu avec quelle facilité, avec quelle fureur même se produisaient dans nos bassins l’accouplement hybride du mâle de la rousse avec l’agile et la verte, du mâle de l’agile avec la verte et la rousse ; celui du Crapaud avec la femelle Calamite et du Calamite avec la femelle Crapaud, et l’on se rappelle même que cette dernière union contre nature fut librement consonimée et qu’il en naquit des produits bâtards. J'ai surpris en outre le mâle de la rousse plusieurs fois accouplé avec le Pélobate cultripède; un mâle agile serrant avec force et plongeant ses poings dans les flancs d’un énorme Crapaud femelle ; il chantait d’une voix sonore, et je le tirai assez rudement par la patte sans qu’il lâchât prise. Mais en liberté, dans la nature, j'ai remarqué de semblables unions. Non loin de Palavas, au bord de la Méditerranée, j'ai été témoin de l’accouplement hybride du Calamite mâle avec le Pélobate cultripède, et à la mare de Grammont de celui du Pélo- dyte et de la Rainette. Le Pélodyte tenait la Rainette étroitement embrassée à l’aine, selon son mode habituel d’accouplement. Jai pêché en Vendée une verte femelle de grande taille que six mâles Crapauds serraient de leurs bras noueux comme avec autant de paires de tenailles ; elle semblail près de suffoquer, et creva en effet deux jours après. De la Fontaine (Faune du Luxembourg) raconte qu'il eut beau- coup de pee à dégager un poisson, un Barbeau de 125 grammes, des étreintes amoureuses d'un Crapaud mâle qui se maintenait cramponné sur son dos. Le fait suivant est presque aussi bizarre : j'ai pêché un mâle de Grenouille rousse accouplé avec une 2h A. DE L'ISLE. femelle de Triton marbré, très-grosse et très-corpulente. Ce mâle était petit ; de ses gros bourrelets noirs il tenait, selon sa coutume, la femelle étroitement serrée au défaut de l’aisselle. Quand j'enlevai et maniai ce couple monstrueux, 1l continua à la serrer fortement, et je constatai que ses mains se Joignaient et que ses doigts s’entrelaçaient à lordinaire sous la poitrine de la Salamandre. Dans ma boîte de fer-blanc il faisait vibrer ses sacs vocaux. Le lendemain je le trouvai mort, victime de ce malencontreux accouplement et du poison qu'il avait absorbé. Une des causes d'erreur du célèbre physiologiste italien, c'est qu’il a provoqué ces unions bâtardes entre espèces qui ressentent tard les effluves du printemps, et qui attendent une chaleur beaucoup plus forte pour s’accoupler : le Crapaud vert, la Rai- nette, la Grenouille verte aquatique. Or, ces espèces tardives, el le sonneur, que l’on peut ranger à côté, sont moins ardentes que les autres, plus précoces, et il semble que la chaleur amortisse en elles la passion du rut au lieu de l’aviver, comme on serait tenté de le croire à priori. Elles sont loin d’avoir, par exemple, l’ardeur de la Grenouille rousse, de l’agile et du Crapaud commun, qui ressentent beau- coup plus tôt les influences de l'amour. Nous établirons, en poursuivant le récit de ces expériences, que l’on peut obtenir, en variant les facteurs, des hybrides à l'état parfait comme à l’état de larve, et cela aussi bien entre les Urodèles que parmi les Anoures. ARTICLE N° 3. RECHERCHES SUR L'ANATOMIE DES LIMULES Par ME. Aïph. RERENE KEHVV ARDS (1). 8 1. Les Limules présentent des particularités des plus remar- quables : leur mode d'organisation est si spécial, qu'elles ne peuvent prendre légitimement place dans aucune des classes établies jusqu'ici dans le Règne animal; elles représentent au- jourd’hui encore, de la manière la plus fidèle, un type zoologique qui existait déjà dans les mers de la période jurassique, et qui ne diffère que peu de celui réalisé par divers animaux articulés des époques paléozoïques les plus anciennes. Enfin leur distri- bution géographique actuelle est si singulière, qu'elle soulève des questions d’un intérêt majeur pour l’histoire naturelle gé- nérale. Les zoologistes ont été très-partagés d'opinions au sujet des aflinités naturelles des Limules. Les anciens auteurs (2) les con- fondaient avec les Crabes, et Linné les plaçait dans le genre Monoculus, à côté des Daphnies, des Cypris, des Cyclopes et de quelques autres Crustacés inférieurs (3) ; mais à mesure qu'on a mieux connu les caractères extérieurs de ces animaux, on les a isolés de plus en plus. Ainsi, vers la fin du siècle dernier 0. F. Müller en forma un genre particulier qu'il laissa cependant (1) Ce mémoire fait partie d’un travail beaucoup plus étendu que je fais imprimer dans le grand ouvrage sur la zoologie de la région centrale de l'Amérique, publié par la Commission scientifique du Mexique; mais ce livre ne devant paraître que dans quel- que temps, M. le ministre de l'instruction publique a bien voulu m'autoriser à en dé- tacher un chapitre, afin de le faire connaître dès aujourd’hui aux lecteurs des Annales des sciences naturelles, et prendre ainsi date pour les observations nouvelles sur l'ana- tomie des Limules qui s’y trouvent consignées, (2) Clusius, Rumphius, Seba, etc. (3) Systema nature, éd. x, t. 1, p. 1097. ARTICLE N° 4. ? ALPH. MEILNE EDWARDS. dans la famille des Entomostracés (1); plus récemment Latreille éleva cette division générique au rang d'ordre, sous le nom de Xiphosures (2), emprunté à Gronovius (3), et en 1534 M. Milne Edwards en constitua une sous-elasse distincte du groupe où prennent place Lous les Crustacés ordinaires (4). Vers la même époque, Straus-Dürckheim, habile naturaliste alsacien, proposa de les séparer complétement des Crustacés, pour les ranger dans la classe des Arachnides (5). Enfin les obser- vations dont je vais rendre compte contribueront à établir que pour représenter d'une mamière fidèle l’ensemble des aflimités naturelles de ces Entomozoaires, et nepas détruire l’homogénéité des groupes appelés classe des Crustacés et classe des Arachnides, il convient de les placer dans une classe particulière à laquelle j'appliquerai le nom de Merostomata, déjà employé dans des acceptions plus restreintes par M. Dana (6) etpar M. H. Woodward. À des époques géologiques très-anciennes, le type des Méro- stomés, dont dérivent les Xiphosures, était représenté par un grand nombre d'animaux, parmi lesquels je citerai 1c1 les Pre- rygotus et peut-être les Trilobites ; mais, de nos jours, le groupe ainsi constitué ne comprend qu'un seul genre, celui des Limules, composé d’un petit nombre d'espèces. Une de celles-ci (le Limulus Polyphemus) est confinée dans la partie nord de l'océan Atlantique; elle se trouve sur quelques points du littoral mexicain (7), dans la mer des Antilles et (1) Oth. Fréd. Müller, Entomostraca, p. 124. Le genre Linulus de cet auteur com- prenait aussi les Apus, etc. (2) Zoophylacium Gronovianum, fasciculus secundus, 1764, p. 220. (3) Latreille, Familles naturelles du Règne animal, p. 804. (4) H. Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t, L,p. 236, et t. I, p. 538. (5) Straus-Dürckheim, Traité pratique et théorique d'anatomie comparée, t. I, p. 38. (6) M. Dana s’est borné à substituer ce nom à celui de Xiphosure. M. Woodward l'a appliqué à un ordre de la classe des Crustacés comprenant les Xiphosures et les fossiles des terrains paléozoïques appelés Zuryptleridæ. (Voyez Dana, United States eæploring expedition, Crustacea, vol. I, p. 1418.— Woodward, Morograph of the Bri- tish fossil Crustacea belonging to the order Merostomata, in Paleontogr. Society, 1866.) (7) La commission scientifique du Mexique a reçu, par les soins de M. l’amiral Cloué, plusieurs individus de cette espèce recueillis dans les lagunes de Terminos, sur la côte du Yucatan. ARTICLE N° 4e \ ANATOMIE DES LIMULES. 5] sur les côtes des États-Unis, dans la Floride et la Caroline. Mais on ne la rencontre pas ailleurs, et dans les régions adja- centes les Limules manquent complétement. Elles reparaissent fort loin de ces parages, aux îles Moluques, ainsi que dans les mers de la Chine et du Japon, où elles présentent quelques par- ticularités à raison desquelles on les distingue spécifiquement des Limules américaines. Mais elles ne diffèrent en réalité que très-peu les unes des autres, et il me semblerait difficile d’ad- mettre qu’elles ne soient pas descendues d’une souche primor- diale unique. En effet, la nature ne parait pas se répéter dans ses créations, et 1l est peu probable que le type organique dont déri- vent les Limules de la période jurassique, les Limules actuelles de l'océan Atlantique et celles de l'océan Pacifique, n'aient entre elles aucun lien de parenté et soient le résultat de trois créalions zoologiques distinctes, Mais, dans l’état actuel des choses, l’isthme de Panama et les autres parties du continent américain d’une part, les mers glaciales d'autre part, rendent, pour les Limules, toute communication impossible entre la région atlantique et la région asiatique ; par conséquent on ne s'explique pas comment les descendants des Limules Polyphèmes auraient pu émigrer Jusque dans les mers du Japon et des Moluques, ou comment les descendants de l’une quelconque de ces dernières espèces auraient pu aller dans le golfe du Mexique ou sur la côte orientale des États-Unis constituer la race locale ou espèce dérivée que l’on désigne sous le nom de Limulus Polyphemus. On est done conduit à penser que la séparation entre ces races locales, variétés permanentes, ou espèces secondaires (peu importe ici la manière de les désigner), doit dater d’une époque à laquelle les terres du nouveau monde n'avaient pasleur configuration actuelle et où les eaux chaudes ou tempérées de l'Atlantique se mélaient aux eaux de l'océan Pacifique sans passer par les régions polaires. Une communication de ce genre n’a pas existé depuis l’émersion des terrains tertiaires qui occupent le fond du golfe de Darien et qui s'étendent de là vers le sud-est, jusque sur le littoral de la Nouvelle-Grenade baigné par l’océan Pacifique. Il en résulte que les ancêtres communs des Limules américaines et des Limules [A ALPH. MILNE EDWARDS. asiatiques avaient apparu avant la période tertiaire dont je viens de parler, et, si nous trouvons une grande lacune entre ces ani- maux et les Linules de l’époque jurassique dont les restes sont conservés dans les dépôts leacaires de Solenhofen, c’est peut-être parce que les terrains marins de la période crétacée, accessibles aujourd'hui à nos investigations, ont été formés au sein de mers profondes, tandis que les animaux dont l'étude nous occupe ct ne vivent que dans le voisinage des côtes. Il me semble donc probable que toutes les Limules de l’époque actuelle descendent des Limules de la période jurassique, et constituent des espèces dérivées ou espèces secondaires, au lieu d’être des espèces pri- mordiales, ce qui supposerait des créations multiples d’un seul et même type zoologique. Quoi qu'il en soit à cet égard, la Limule Polyphème, qui habite exclusivement la région américaine, se distingue des espèces asiatiques par divers caractères bien connus des natu- ralistes (1). Je crois donc inutile de rappeler ici ces particularités ; je m’abstiendrai également de l'examen de la conformation exté- rieur des animaux de ce genre, car à ce sujet je n'aurais aucun fait nouveau à signaler : mais au contraire leur anatomie est à peine connue, et Je crois devoir exposer avec détail les résultats de mes études sur la structure intérieure de la Limule améri- caine où Limulus Polyphemus. Le 26 juin 1969, j'ai communiqué à la Société philomathique les principaux résultats des recherches que je venais de faire sur l'anatomie des Limules, et un court extrait en a été inséré dans le bulletin de cette compagnie savante et dans le Journal de l'Institut (2). Ce travail, accompagné de nombreux dessins, devait être imprimé peu de temps après; mais les circonstances malheureuses où la France s’est trouvée en 1870 et 1871 en ont arrêlé la publication, et ce n’est qu'aujourd'hui qu'il m'est possible de le faire paraître x extenso. Les premières notions que nous ayons sur l’organisation inté- (1) Voyez l'Histoire naturelle des Crustacés, par M. H. Milne Edwards, € HN, p. 949, ct la Monographie des Limules, par Van der Hocven. (2) Voy. l'Institut, 1869, n° 1853, p. 215 et 216, ARTICLE N° 4. ANATOMIE DES LIMULES. Hs) rieure des Limules datent de 1828 et sont dues à Straus-Dürck- heim (1). Dix ans après, van der Hoeven publia sur l’ensemble de ce groupe une monographie faite avec un très-grand soin (2) mais toute la partie anatomique de son travail, étudiée à l’aide d'individus conservés dans l'esprit-de-vin, laisse beaucoup à dési- rer, et l’on y remarque de graves erreurs, presque impossibles d’ailleurs à éviter dans les conditions où cet auteur se trouvait. Vers la même époque, Duvernoy ajouta quelques détails à ce que l'on savait déjà sur l'appareil respiratoire des Limules (3). En 1843, M. R. Owen a inséré dans ses Lecons sur l'anatomie des Invertébrés divers faits relatifs à la structure de ces singuliers Arthropodes (A), et tout récemment un journal anglais annonça que cesavant illustre avait repris l'étude du même sujet; mais son travail n'est encore connu que par un extrait publié en 1872 (5). Quelques points relatifs à l'histologie des Limules ont été traités par M. Gegenbaur (6), et des travaux d’un très-grand intérêt, sur les mœurs de ces animaux, sur leur embryologie et sur leurs affinités zoologiques, ont été publiés par MM. Lockwood (7), Packard (8), Dorhn (9), E. van Beneden (10). Enfin M. Wood- ward (11) à présenté dans plusieurs mémoires consécutifs des. (1) Considérations générales sur l'anatomie comparée des Animaux articulés, 1828, n-, p. 346. (2) Recherches sur l'histoire naturelle et l'anatomie des Limules, À Vol, in-foi., 1838. (3) Duvernoy, Sur quelques points de l’organisation des Limules (Ann. des sc, nat,, ZooL., 2 série, 1841, t. XV, p. 10). — Additions à l’Anatomie comparée de Cuvier, 2e édit., t. VI, p. 440, (4) Owen, Lectures on the Comparative Anatomy and Physiology of Invertebrate Animals, A1 édit., 1843, p. 181, et 2° édit., 1855, p. 319 et 320. (9) Nature, 25 janvier 1872, 1. V, p. 254. (6) Anatomische Untersuchung eines Limuius, #4 besonderer Berüchsichtiqung der Gewebe, in Abhandl, d. naturf, Ges. zu Halle, Bd. IV, Heft 2 uw. 3, 1858, p. 227. (7) American Naturalist, 4870, t. IV, p. 27. (8) The Development of Limulus Polyphermus, Mem. Boston Sociely of t. 11, p. 156). Mémoire présenté le 46 novembre 1870. (9) Untersuchungen über Bau und Entwickelung der Arthuopoden, n° 49, zu» Embryologie und Morphologie des Limulus Polyphemus (Jenaische Zeitsclorift für Medicin und Naturwissenschaft, 1871, p. 580). Nat, History, (10) Comptes rendus de la Sociélé entomologique belyje, 44 octobre 1874. (41) Monograph of the British fossil Crustacea belonging to the order (Paleontographical Society, 4865, 1869, 1871). SG. NAT., NOVEMBRE 1872. Merostomata XVII, Se = ART N° 4, 6 APE. RAEENE HIDXV EDS. considérations très-intéressantes sur les relations des Limules avec les Trelobites, les Pteryqgotus etdivers Animaux articulés, dont les débris se trouvent à l’état fossile dans les terrains silurien, devonien et carbonifère. Je n'ai pas l'intention de discuter ici les questions relatives aux affinités zoologiques qui peuvent exister entre les Limules et les espèces éleintes des périodes géologiques anciennes. Mes obser- vations portent sur l'anatomie de ces animaux, et principale- ment sur la constitution de leur appareil circulatoire et sur la structure de leur système nerveux. Afin d'éviter les répétitions inutiles, je ne ferai pas ici l'historique de l’état de nos connais- sances à ce sujet, me réservant d'indiquer ce qui revient à mes prédécesseurs, lorsque j'examinerai chaque point en particulier. $ 2. APPAREIL CIRCULATOIRE. Cœur et système nerveux. L'appareil circulatoire des Limules est plus parfait, plus com- pliqué que chez aucun autre animal articulé. Le sang veineux, au lieu d’être répandu dans des lacunes interorganiques comme chez les Crustacés, est, dans une portion considérable de son par- cours, renfermé dans des vaisseaux particuliers, à parois par- faitement distinctes des organes adjacents, naissant souvent par des ramifications d’une délicatesse remarquable et se rendant dans des réservoirs bien circonscrits pour la plupart. Le liquide nourricier passe de ces réservoirs dans les branchies, et après avoir traversé ces organes respiratoires, arrive par un système de canaux branchio-cardiaques dans une chambre péricardique, puis pénètre dans le cœur (4), dont les dimensions sont extrème- ment considérables, et est ensuite lancé dans des artères tubu- laires (2), à parois résistantes, dont la disposition est des plus (4) Voyez, pour le systènie vemeux, pl. 43 et pl. 44: (2) Voy. pl. 5 et suiv, ARTICLE N° 4 ANATOMIE DES LIMULES. 7 complexes, dont les anastomoses sont fréquentes, et dont les ramifications terminales, d’une ténuité et d’une richesse mer- veilleuses, peuvent être suivies jusque dans l'épaisseur des mem- branes les plus délicates (1). Les auteurs qui ont étudié l'organisation des Limules semblent sêtre formé des idées très-erronées de la disposition de cette partie du système circulatoire. Van der Hoeven et Duvernoy ne donnent à ce sujet aucun détail. M. Gegenbaur, au contraire, se prononce très-nettement en disant : « Les parois des artères se fondent sans limites arrêtées dans des cavités lacumiformes, après s'être anastomosées à plusieurs reprises les unes avec les autres. » Et dernièrement M. R. Owen exprima à peu de chose près la même opinion (2). Cette erreur dépend probablement de ce que ces anatomistes n'ont pu observer que des Limules ma] conservées ; mais les études que j'ai faites sur des individus vivants, et les injections que j'ai pratiquées peu de temps après la mort, m'ont permis de constater que ces vaisseaux paraissent tubulaires tant que l'œil peut les suivre, et qu'on distingue leurs branches jusqu’à l'extrémité des membres ; en s’aidant du microscope, on les retrouve encore avec leurs contours bien définis jusque dans la substance des membranes les plus fines et les plus transparentes, par exemple dans les tuniques intesti- nales (3), et même, dans le plancher de la chambre péricar- dique (4), onles voit, en employant des grossissements suffisants, au milieu des fibres musculaires primitives qu’elles n’égalent même pas en diamètre, et quelques-unes de celles que j'ai me- surées avaient moins de 1/100° de millimètre de calibre (5). (4) Voy, pl. 8, fig, 3 et 4, veprésentant les capillaires des parois de l'intestin et du péricarde. (2) « The arteries soon lose their tubuiar form, and as they expand, lose likewise » much of their fibrous walls, and seem reduced to delicate membranous sinuses which » follow the shapes of the parts or interstices along which the blood meanders as il » returns by the venous sinuses to the general pericardial one. » (Voy. Nature, 25 jan- vier 1872, p. 259.) (3) Voy. pl, 8, fig. 3: (4) Vov. pl. 8, fig. 4. — Voyez aussi, à ce sujet, pl, 10, fig. 4 (5) Voy. pl. 13, fig. 4, Ô AILPBE. MEILNE HIDNVWARDS. Une des singularités les plus frappantes de cet appareil vasculaire consiste dans ses relations avec le système nerveux. Effectivement il loge dans l'intérieur de ses gros troncs toute la partie centrale de cet appareil, ainsi que presque tous les nerfs. dans une étendue considérable de leur trajet (1). Jusqu'à présent on n’avait aucune donnée sur l'existence de veines se rendant de diverses parties du corps aux branchies. Les notions qu’on possédait sur le système artériel étaient des plus incomplètes et souvent entachées d'erreurs graves. On connais- sait mieux le cœur; cependant tous les auteurs s'étaient mépris au sujet des connexions de cet organe avec la plupart des gros troncs artériels. Le cœur, ainsi que l'avait indiqué Straus-Durekheim, van der Hoeven, ete., est très-développé, et affecte la forme d’un grand vaisseau longitudinal placé à la face dorsale du corps, sur la ligne médiane, presque immédiatement au-dessous des tégu- ments (2). Par sa disposition générale il ressemble beaucoup au cœur de certains Arachnides, et en particulier des Scorpions. Il occupe un peu plus de la moitié de la longueur totale de l’animal et s’élend en avant jusqu'au niveau des yeux composés, qui sont situés latéralement vers le milieu du grand bouclier céphalo- thoracique; en arrière il se prolonge Jusqu'à une ligne qui réu- nirait la troisième paire des épines latérales de l'abdomen. II n’est séparé des téguments que par une enveloppe péricardique, plus épaisse en arrière qu’en avant, et sur laquelle je reviendrai plus Join (3); un très-grand nombre de brides transparentes et élastiques rattachent le cœur à cette enveloppe. Au niveau de chaque ouverture valvulaire ces brides sont très-serrées, de facon à constituer des cloisons transversales incomplètes, qui divisent la cavité péricardique en une série de compartiments. À ia face inférieure du cœur ces expansions membraniformes sont courtes, résistantes, et constituent une sorte de lissu (4) Voy. pl. 6, 7 et 15. (2) Voy. pl. 5. (3) Voy. pl. 43, fig. 4. ARTICLE N° À. ANATOMIE DES LIMULES. 9 spongieux, à mailles irrégulières, dans lequel pénètre le sang veineux. Le cœur est d'ailleurs solidement maintenu dans sa position vaturelle par des amarres latérales au nombre de neuf paires, qui sont solidement fixées aux parties avoisinantes et se confon- dent avec les parois cardiaques par leur extrémité interne (1). La première paire de ces attaches existe immédiatement à l’extré- mité du cœur, au point où les crosses aortiques en émergent ; la seconde, la troisième et la quatrième se continuent avec la mem- brane transparente inférieure de la chambre cardiaque; la ein- quième et les suivantes s'appliquent au plancher des vaisseaux branchio-cardiaques et se fixent en dehors à des pièces solides reliant entre eux les apodèmes d'insertion qui descendent de la face tergale de l'abdomen vers la base des pattes branchiales. Je n'ai pu retrouver aucun élément musculaire dans ces ailes du cœur ; elles sont formées de tissu connectif mélangé à quelques fibres élastiques, ainsi que l'avait déjà remarqué Gegenbaur. Le cœur présente son maximum de largeur dans sa portion abdo- minale. Ses parois sont formées essentiellement de deux plans de fibres musculaires striées. Les plus extérieures sont longitu- dinales et peu étroitement unies entre elles; le second plan est formé de fibres annulaires : celles-ci constituent des faisceaux séparés par des espaces plus ou moins profonds, de facon à rap- peler par leur disposition les colonnes charnues du cœur des Mammifères. Les petites cavernes ainsi circonscrites sont plus nombreuses sur les côtés que sur les faces supérieure ou infé- rieure. Il n'y a pas de cloisons distinctes divisant le cœur en un certain nombre de chambres, comme chez les Insectes et les Arachnides ; sous ce rapport, cet organe ressemble au cœur des Squilles, dont la disposition générale est à peu près la même (2). Le sang entre dans le cœur par des ouvertures en forme de boutonnières, situées de chaque côté de la ligne médiane, sur la face supérieure et dont les lèvres disposées en valvules empêchent (4) Voy. pl. 5 et pl. 13, fig, 4. (2) Voy. Atlas du Règne animal, Crustacés, par M. Milne Edwards, pl. 55 rs. 10 ALP. MILNE EDWARDS. le reflux du liquide nourricier. Straus, le premier, a fait connaître l'existence et les fonctions de ces ouvertures (1). Elles sont au nombre de huit paires, situées vis-à-vis des ailes latérales du cœur, et ressemblent à de petites bouches linéaires dont l’ouver- ture serait transversale (2); celles de la 2° paire sont cependant un peu obliques d'avant en arrière et de dedans en dehors. Elles s'ouvrent toutes très-facilement quand elles sont pressées de dehors en dedans; mais, poussées en sens contraire, elles ferment leurs lèvres, car leurs bords se renversent dans l’intérieur du cœur en s'appliquant d'autant plus l’un sur l’autre, que la pression est plus considérable, ainsi que cela a lieu pour les valvules sigmoïdes de l’orifice de l'aorte chez les Vertébrés. Quelques- unes des fibres longitudinales de la tunique externe passent au- dessus de ces ouvertures stigmatiformes, ce qui tend encore à augmenter leur résistance. En arrière et surtout au-dessus de la 8° paire de ces boutonnières, les fibres qui sont au-dessus sont si nombreuses, qu'il est difficile, à première vue, de reconnaître lorifice valvulaire. C’est ce qui explique que van der Hoeven et les auteurs qui l'ont suivi n'aient mentionné que sept paires d'ouvertures cardiaques afférentes. A la partie antérieure du cœur il existe aussi des replis à l’orifice des crosses aortiques, qui empêchent le sang de refluer dans ces vaisseaux, mais d’une manière très-imparfaite, ainsi qu’on peut s’en assurer en pous- sant avec beaucoup de lenteur et de précaution une injection de la périphérie vers le centre. L'enveloppe péricardique dont j'ai déjà indiqué les rapports avec le cœur est constituée inférieurement par une membrane transparente qui la sépare du sinus intestinal (3). En des- sus, la structure de ce sac varie : ainsi, dans la portion céphalo- thoracique, elle tapisse la face inférieure des muscles élévateurs du bouclier abdominal; là elle est très-délicateet formée presque uniquement de tissu connectif condensé. Dans la portion abdo- minale, au contraire, elle est situ ‘e au-dessous des téguments et (4) Op. cit., p. 346. (2) Voy. pl. 10, fig. 5. (3) Voy. pl. 8, fig. 4; pl. 13, fig. 4. ARTICLE N° 4. ANATOMIE DES LIMULES. A1 acquiert une plus grande épaisseur; on y reconnait des fibres élastiques et des cellules épithéliales. Dans le péricarde s'ouvrent de chaque côté einq gros troncs qui viennent des branchies, et, remontant le long du bord externe de ces organes, passent au-dessus des plaques transversales qui relient entre eux les apodèmes abdominaux, puis chacun d'eux débouche par un large orifice dans le sac péricardique (4). Ces vaisseaux, ainsi que Gegenbaur l’a vu, ne sont pas de simples lacunes interorganiques, mais sont pourvus de parois propres, se continuant avec celles du sinus péricardique ; une sixième paire de canaux analogues, mais moins importants et venant de la grande lame operculaire qui couvre les branchies, s'ouvre dans la chambre péricardique, au devant des canaux branchi6-cardiaques dont je viens de par- ler. La membrane qui constitue cette chambre, bien que trans- parente et très-délicate, reçoit un nombre considérable de ra- muscules que, à l’aide du microscope, on peut voir serpenter dans son épaisseur (2). Les troncs artériels qui partent du cœur sont au nombre de onze : trois de ces vaisseaux, dont un médian et deux latéraux, que j'appellerai crosses aorliques, naissent de son extrémité anté- rieure ; les quatre autres paires sortent de sa portion moyenne, au niveau des ouvertures valvulaires des quatre premières paires (3) ; quelquefois une paire d'artérioles accessoires a son origine à l'extrémité antérieure du cœur, près de la base des crosses aortiques, mais son existence n’est pas consiante et elle manque mème assez souvent. Tous les auteurs qui ont parlé de l'appareil circulatoire des Limules décrivent le cœur comme se terminant en arrière par une artère médiane ou aorte postérieure (k); mais, ainsi que je le (4) Voy. pl. 43, fig. 4. (2) Voy. pl. 8, fig. 4. (3) Voy. pl. 5. (4) Van der Hoeven donne la description suivante des artères qui partent du cœur : « De chaque côté du cœur naissent sept vaisseaux à la face inférieure et au-dessous des ouvertures transverses qui sont placées vers le dos; la partie antérieure du cœur se rétrécit brusquement et ses parois y deviennent plus minces. De cette partie naissent trois troncs artériels : deux troncs assez larges et à parois {rès-minces, un de chaque 12 AILEHI. NISLNE HIDVVwAREDS. montrerai bientôt, ils ont été induits en erreur par une super- position de parties parfaitement distinctes entre elles. Le cœur se termine postérieurement en cul-de-sac et ne fournit dans ce point aucune branche. Une méprise du même genre a été com- mise au sujet des artères qu'on a eru voir naître latéralement au niveau des ouvertures valvulaires des quatre dernières paires ; les ailes du cœur recouvrant les artères qui, de chaque côté, se rendent d'un tronc latéral à l'intestin, et les cachant en partie, ont fait supposer que ces vaisseaux étaient en communication directe avec l'organe d’impulsion, tandis qu'ils n’ont en réalité avec lui aucune relation, ainsi que je le ferai voir plus en détail dans la suite de ce travail. | Pour faciliter l'étude du système artériel dont la distribution est très-complexe, je crois utile de m'occuper d’abord des vais- seaux du plan supérieur ou dorsal, et d'examiner ensuite ceux du plan inférieur ou ventral. Ces deux ordres d’artères ont entre elies de fréquentes et larges communications ; mais à raison de leur mode d’origine, de leur distribution et de leurs rapports, elles sont très-distinctes; j'ajouterai aussi que, tandis que celles côté, qui se courbent en dessous et vont en arrière; et un autre tronc médian beaucoup plus étroit et placé immédiatement sous le bouclier. Deux autres vaisseaux larges laté- raux naissent vers la seconde paire des ouvertures du cœur et se portent en arrière... De la partie postérieure du cœur..…, ilsort un vaisseau longitudinal d’où partent plu - sieurs vaisseaux à angles aigus. » (Van der Hocven, Recherches sur l'histoire naturelle et l'anatomie des Limules, 1838, p. 19.) — Duvernoy indique à peu près la même disposi- tion:«Le cœur, dit-il, se termine en avant par trois branches principales ; deux branches de chaque côté, que nous regardons comme artérielles, se rendent du cœur aux deux moitiés de la nagcoire génitale. En arrière, le cœur diminue rapidement de diamètre, au delà des dernières branchies, et finit par une pointe effilée formant un vaisseau arté- riel. » (Annales des sciences naturelles, Zoor., 2 série, 4841, t. XV, p. 27.) M. R. Owen décrit ainsi l'appareil circulatoire : € An aortic trunk proceeds from » each extremity of this heart. The anterior aorta is {he largest, and immediately divides » into three branches... The postertor aorta is chiefly destined for the supply of the » sword like {ail of the Limulus. » (Lectures on the Comparative Anatomy and Physio- logy of the Invertebrate Animals, 2 édit., 4855, p. 320.)— En 1572, cet anatomiste reproduit à peu près la même description du cœur et parle encore de l’existence d’une aorte postérieure ; il s'exprime ainsi: «The heart was elongate, vasiform, included in à » pericardial like sinus : besides an anterior and posterior aortic trunk, there were » seven pairs of lateral primary branches, » (Nature, 25 janvier 1872, p. 255.) ARFICLE N° A. ANATOMIE DES LIMULES. 13 du plan inférieur logent dans leur cavité la presque totalité du système nerveux, les artères da plan supérieur ou dorsal n’en- gaînent aucune parle de cet appareil. Les artères antérieures sont, comme je viens de le dire, au nombre de trois; elles naissent, sur le même niveau, à l'extré- mité du cœur, qui, dans ce point, est un peu renflé et à parois moins épaisses que dans le reste de son étendue. Deux de ces vaisseaux, disposés symétriquement, constituent les crosses aor- tiques, qui plongent bientôt vers la bouche et conduisent le sang dans les artères du plan inférieur (4). Je les laisse de côté pour le moment, les considérant comme les racines de ce dernier système. L'artère médiane est environ de moitié plus grèle que les précédentes, je la désignerai sous le nom d’artère frontale (2); elle correspond à l’ophthalmique des Crustacés. Mais son rôle physto- logique est trop différent pour qu’il soit possible de lui appliquer cette dénomination, car elle ne se rend même pas dans le voisinage des yeux composés ; elle est appliquée sur l'estomac, qu’elle longe en dessus, et y envoie quelques filets très-grèles ; par sa face supérieure elle est en contact avec les téguments. Plus en avant, elle repose sur les glandes génitales et sur Île foie, et y donne des branches très-importantes, naissant par une paire de troncs situés immédiatement en avant de l'estomac. Ces vaisseaux se portent en dehors et se ramifient dans toute la portion antérieure de la masse glandulaire viscérale ; ensuite l'artère frontale se prolonge en conservant un calibre sensible- ment égal jusqu'au bord de la carapace, où elle se divise en deux troncs de même importance, qui se dirigent l’un à droite, l’autre à gauche, en suivant exactement le pourtour du bouclier céphalothoracique. Chacun d'eux concourt à former, par son anastomose avec la thoracique principale, l'artère que je nom- merai #arginale et sur laquelle je reviendrai dans un instant (3). Les principales artères latérales du cœur sont, comme je l'ai (1) Voy. pl. 5, a, et pl. 10, fig. 4, a. (2) Voy. pl. 5, f. (5) Voy. pl. 5, m. 1h AILPES. NIIENE EDWARDS. déjà dit, au nombre de quatre paires et prennent naissance dans la région céphalothoracique ; je les désignerai sous les noms de 4°°,2°, 3° et 4° latérales (A). Leur embouchure correspond au niveau des ouvertures valvulaires du cœur des 4°, 2°, 3° et h° paires. Les amarres de cet organe passent au-dessus d’elles : elles communiquent largement les unes avec les autres, au moyen de la portion antérieure d’un tronc (artère collatérale) qui, marchant parallèlement au cœur, est situé au dedans des muscles des membres et en dehors de la chambre péricar- dique (2). Quelquefois, au niveau du renflement cardiaque d’où émanent les aortes, il existe une petite branche latérale acces- soire, mais son existence n'est pas constante comme celle des vaisseaux principaux. La première latérale {3) ou thoracique antérieure est peu volumineuse, et, presque à sa sortie du cœur, elle se divise en plusieurs branches, dont deux sont anastomotiques et les autres terminales ; ces dernières se portent en dehors et vont se distri- buer aux muscles adjacents, ainsi qu'aux parties voisines de la masse viscérale. La branche anastomotique antérieure qui con- court à former la ccllatérale se porte en avant, parallèlement au cœur, donnant des rameaux aux muscles, au foie, aux glan- des génitaies et à la portion de l'intestin située auprès de l’em- bouchure de la première paire de canaux biliaires antérieurs ; ses dernières ramifications s’anastomosent avec celles qui se détachent de la crosse aortique, remontent sur les côtés de l'estomac, et vont en dehors gagner les muscles. La branche anastomotique postérieure va déboucher à plein canal dans la deuxième latérale, où thoracique principale, et constitue ainsi la deuxième portion dela collatérale, ou collatérale moyenne. Dans son trajet, elle fournit des rameaux aux muscles des pattes-mà- choires, à la masse viscérale et à la portion de l'intestin située immédiatement en arrière des canaux biliaires postérieurs. La deuxième artère latérale, où thoracique principale, est très- (4) Voy. pl. 5, /1, 72,73, 74, (2) Voy. pl. 5, c. (3) Voy. pl. 5, /1. ARTICLE N° /. ANATOMIE DES LIMULES, 15 volumineuse (1); de toutes les artères de la Limule, c'est la plus importante et celle dont le trajet est le plus étendu : on peut dire qu'elle établit des communications entre toutes les autres parties du système artériel. Elle se détache du cœur un peu en avant de l'articulation des deux boucliers, et se porte en dehors et un peu en arrière, s’anastomosant d’abord avec la collatérale moyenne et envoyant en arrière un autre gros tronc anastomotique qui peut être considéré comme la prolongation de cette dernière, et qui s'étend daus l'abdomen, parallèlement au cœur : c’est la collatérale postérieure. Elle continue ensuite, fournissant quelques rameaux aux museles de la cinquième paire de pattes, et aux glandes hépatique et génitale ; puis au niveau de l'extrémité du bord articulaire du bouclier eéphalothoracique, deux branches s’en détachent à angle droit : l’une se porte en avant, l’autre en arrière. La première coupe en deux portions presque égales la masse glanduleuse ; je la désigne sous le nom d’Aépañique, car elle concourt pour une part importante à la nutrition du foie (2); à droite et à gauche de l'hépatique partent des branches consi- dérables qui se distribuent dans l'épaisseur de la masse viscérale et s’y résolvent en un réseau d'une admirable richesse. Cette artère passe au-dessous de l’œil composé, lui envoie quelques rameaux, puis se continue et s’anastomose à plein canal, ou plutôt se confond bout à bout avec une autre branche ophthal- mique (3) qui naît du réservoir circumoæsophagien et accompa- gne le nerf optique, établissant ainsi une communication directe entre le système vasculaire supérieur et l’inférieur. J’examinerai plus loin cette branche ophthalmique. La seconde, ou marginale postérieure (k), suit le bord du bouclier abdominal et fournit des rameaux au test et aux épines marginales ; pour la mettre à nu, on est obligé de la sculpter dans l'épaisseur de la carapace, où elle donne un réseau des plus riches ; en arrière elle se réunit avec l’une des branches de l'artère abdominale postérieure. (4) Voy. pl. 5 et pl. 8, fig. 4, 72. (2) Voy. pl. 5, 4. (3) Voy. pl. 5 et pt. 16, fig. 5,0. (4) Voy. pl. 5, mp. 16 ALPH. MILNE EDWARDS. Quant à la thoracique principale, après avoir fourni l’hépa- tique et la marginale postérieure, elle continue son trajet en sui- vant le pourtour du bouclier antérieur, et bientôt, se confondant avec la branche latérale de l'artère frontale, concourt à former le grand vaisseau périphérique, dont J'ai déjà fait mention, qui borde la carapace, fournit des rameaux au test, au foie et à l'appareil génital (4), et sert à établir une facile communication entre l'artère frontale et les artères latérales. Vers les angles latéro-postérieurs du bouclier céphalothoracique, cette artère chemine dans l'intérieur du test, qui présente là une grande épaisseur ; elle donne à droite et à gauche des branches nom- breuses, les unes qui se portent en dehors vers le bord de la carapace et qui servent à la nutrition des téguments, les autres qui se dirigent en dedans, gagnent le foie et se divisent de plus en plus, constituent, en se réunissant avec les filets terminaux de l'artère hépatique, un réseau extrêmement délicat. La collatérale postérieure (2), ainsi que je viens de le dire, se détache de la deuxième artère latérale, à une faible distance du cœur et vis-à-vis de la collatérale moyenne, dont elle semble être la continuation. Elle est très-volumineuse et se porte en arrière, parallèlement au cœur, jusque sous l’extrénnté posté- rieure de cet organe, en se plaçant sous le bord latéral de la chambre péricardique et en dedans de la série des apodèmes tergaux de l'abdomen. Dans sa première portion, elle recoit du cœur les troisième et quatrième artères latérales (3), qui sont très-courtes et très-peu importantes. La collatérale postérieure fournit, du côté interne, six branches dont les deux premières se confondent à leur base avec les artères latérales dont je viens de parler ; les suivantes sont en connexion avec les ailes du cœur, de façon que, pour les distiuguer des troncs latéraux de la troi- sième et de la quatrième paire, il faut en faire une dissection attentive ; mais, à l’aide d’injections poussées avec soin, J'ai pu acquérir la certitude qu'elles ne communiquent pas avec l'inté- (4) Voy. pl. 5, ma. (2) Voy. pl. 5 et pl. 8, fig. 4, cp. (3) Voy. pl. 5, 45, 74, ARTICLE N° A. ANATOMIE DES LIMULES. 17 rieur du cœur. Dans toute cette région abdominale, les artères latérales font complétement défaut, et la disposition que je viens de signaler explique comment la plupart des auteurs ont décrit plus d’artères latérales qu’il n’en existe réellement (1). Chacune de ces six branches internes, ou catestinales supérieures (2), tra- verse les parois du sinus veineux intestinal et se répand sur le tube digestif, où leurs ramifications terminales se réunissent à celles du côté opposé et à celles des artères mitoyennes, aussi bien qu’à celles des branches fournies par l'artère abdominale inférieure ou ventrale, dont j'aurai bientôt à parler (3). En dehors, et presque vis-à-vis des artères intestinales pré- cédentes, partent du tronc collatéral postérieur six vaisseaux nourriciers des membres abdominaux et des muscles de ces organes (4). Chacun d'eux passe entre les apodèmes tergaux de l'abdomen, au-dessous des canaux branchio-cardiaques; puis, après avoir fourni une branche aux muscles adjacents, se courbe et s'enfonce pour gagner la face postérieure de la lame branchi- fère ou de lopercule qui porte les orifices génitaux; là il se dis- iribue dans le muscle abaisseur, qui s’y épanouit en éventail. La première de ces artères appendiculaires abdominales, qui se rend à l’opercule, fournit quelques rameaux aux conduits évacuateurs de l'appareil de la reproduction. En arrière de ces six paires d’artères, la collatérale posté- rieure fournit une septième branche (5) qui naît exactement de la même manière que les précédentes, mais se distribue très-diffé- remment. Sur ce point, il n°y à plus de fausse patte branchi- fère; aussi l'artère dont il est ici question, au lieu de s’enfoncer brusquement au milieu des parties molles, se porte en dehors et (1) D'après van der Hoeven (op, cit., p. 19), il naïtrait de chaque côté du cœur sept vaisseaux, à la face inférieure et au-dessous des ouvertures transverses qui sont placées vers le dos. A cet égard, M. Owen s'exprime dans les termes suivants : « Besides an » anterior and posterior aortic trunk, there were seven pairs of lateral primary branches. » (Nature, 25 janvier 1872, p. 255.) (2)VoyaplRo ei pl 6e. (3) Voy. pl. 9, fig. 2. (4) Voy. pl. 5 et pl. 9, fig. 3, à. (8) Voy, pl. 5, bc. 15 ALP. MEALNE HDNVARDS. en arrière, pénètre dans le muscle latéro-supérieur de la queue, dont elle croise obliquement les fibres en leur envoyant, chemin faisant, un grand nombre de rameaux ; puis elle pénètre entreles deux lames du squelette tégumentaire, qui, en cet endroit, sont très-rapprochées l’une de l’autre, et va enfin, par ses dernières ramifications, s’anastomoser avec les branches de l’artère mar- ginale postérieure (1), dont il sera bientôt question. En arrière du cœur, les deux collatérales se portent en dedans et se réunissent sur la ligne médiane, au-dessus de l'intestin, pour constituer un tronc unique que Je désigne sous le nom d'artère abdominale supérieure (2). C’est elle que van der Hoeven, Duvernoy et M. Owen ont appelée aorte postérieure, croyant qu’elle naissait de la partie terminale du cœur, comme chez les Squilles et les Scorpions; mais elle est simplement recouverte à sa base par la pointe de cet organe et n’en émane pas. Appli- quée sur la paroi supérieure du sinus péritonéal qui engaîne l'intestin, elle fournit à celui-ci quelques branches peu impor- tantes. Dans le voisinage de l'anus, sa terminaison présente une remarquable complication. Elle donne un assez grand nombre de branches : d’abord, à droile et à gauche, un tronc anastomo- tique qui se recourbe brusquement en bas et en avant (3), em- brassant le rectum, dont il gagne la face inférieure, et envoyant aux parois de celui-ci de nombreux rameaux ; puis, sans avoir diminué notablement de calibre, débouche à plein canal dans l'artère abdominale inférieure, établissant ainsi, en arrière du corps, une de ces communications directes entre les systèmes artériels de la face dorsale et de la face ventrale, analogue à celle dont j'ai déjà signalé l'existence dans la région céphalique, en parlant de l'artère ophthalmique. Immédiatement en arrière de cet anneau vasculaire rectal, on voit naître une autre paire de vaisseaux assez gros, qui se dirigent d’abord en dehors, puis en avant, en suivant le pourtour du bouclier abdominal, et forment, par leur continuation bout à boutavec une des paires de branches (4) Voÿ. pl: 5, mp. (2) Voy. pl. 5; 8, fig: 4, et pl. 40, fig, 2, r: (8) Voy. pl. 5 et pl. 10, fig. 2, ar; ARTICLE N° À. ANATOMIE DES LIMULES. 19 de la deuxième artère latérale, l'artère marginale postérieure (L), destinée à la nutrition des téguments, et dont la disposition, dans cette région, est à peu près la même que celle de la marginale antérieure dans le bouclier céphalique. Il est à noter que cha- cune des épines latérales reçoit d'elles une ou deux petites branches nourricières. Par sa concavité, elle fournit des rameaux aux muscles supérieurs de la queue et aux parties adjacentes du squelette tégumentaire; par sa convexité, elle donne naissance, dès son origine, à l'artère caudule latérale (2), qui est logée dans l’angle latéral de la queue. Enfin, l'artère abdominale supérieure, devenue extrèmement grêle, continue son trajeten constituant la caudale supérieure(3) qui longe l’arête dorsale de la queue ; à la base de celle-ci, on voit deux petites branches peu importantes, destinées au bour- relet articulaire. Le plan artériel inférieur est non moins compliqué que le système vasculaire tergal; ainsi que je lai déjà dit, il tire son origine des deux crosses aortiques. Celles-ci sont représentées en miniature chez le Scorpion par une aorte unique qui, naissant de la chambre antérieure du cœur, passe sous les glandes stomacales et se porte à la base du cerveau, ainsi qu'on peut le voir dans les belles planches ana- tomiques publiées par M. E. Blanchard (4). Là ce tronc médian se divise en deux branches qui contournent l’œæsophage en s’ap- pliquant sur le collier nerveux, et donnent naissance aux vaisseaux des appendices céphalothoraciques et à l'artère spinale qui longe en dessus la chaîne ganglionnaire jusque dans la partie caudi- forme de l'abdomen. Pour avoir une idée générale de la conformation du réservoir sanguin dans lequel vont déboucher les crosses aortiques de la Limule, il suffit de se représenter l'anneau vasculaire incomplet et grèle du Scorpion comme s'étant beaucoup dilaté, se réunis- (4) Voy. pl: 5, mp, (2) Voy. pl: 5 et pl, 8, fige 1; cl. (3) Voy: pl. 5 et pl. 8, fig; 1, cs. (4) L'Organisation du Règne animal, Aracuines, p. 77, pl. 5, fig. À, et pli 6, fig. 4: 20 ALES. MILLNE HEDVV ARBRES. sant en avant sur la ligne médiane de façon à représenter autour de l’æsophage, non plus un simple fer à cheval, mais un cercle nou interrompu, et logeant dans son intérieur la portion centrale du système nerveux, au lieu d’être appliqué sur la face supé- rieure de celui-ci. Le réservoir ainsi formé consiste dans un anneau vasculaire (2), dont les parois très-résistantes sont en continuité de sub- stance avec celles des deux troncs dont je viens de parler et des autres parties du système artériel veniral. Son volume est assez considérable, et sa portion postérieure, correspondante à l'artère spinale des Scorpions, est très-grosse. Il est situé à la face ster- nale, vers le milieu du céphalothorax, au niveau d’une ligne transversale qui passerait par les deux yeux composés. Sa posi- tion très-reculée tient à la longueur remarquable de l'œsophage qui se recourbe au-dessous de l'estomac pour gagner la bouche ; il est protégé en dessus par une pièce dure entothoracique, ana- logue à celle qui existe chez les Crustacés, les Insectes et les Arachnides, et que Straus-Dürckheim, en parlant des Limules, a désignée à tort sous le nom de sternum cartilagineux. K faut fendre cette pièce pour mettre à nu ce réservoir cireumbuccal. Les embouchures des crosses aortiques occupent la partie supé- rieure de l’anneau et se voient de chaque côté vers le tiers an- térieur de celui-ci, au-dessus du point d’où émergent les artères de la deuxième paire de pattes-mächoires. En arrière de l'œsophage, les deux moitiés latérales de ce cercle vasculaire sont réunies par trois ou quatre troncs trans- versaux (2), dont le premier est situé à peu près au niveau des crosses aorliques, et repose sur la face dorsale de l'æsophage; ces troncs, très-rapprochés les uns des autres et simulant autant de traverses vasculaires, diminuent graduellement de longueur d'arrière en avant, et, comme nous le verrons bientôt, logent les commissures des portions correspondantes de la chaîne gan- glionnaire. (A): Voy.pl. 6, 7et 40, fig. 4, R. (2) Voy. pl. 6 et pl. 45, fig, 1 et 4, 4, ARTICLE N° 4. ANATOMIE DES LIMULES. 21 Latéralement, cei anneau vasculaire donne naissance à un grand nombre d’artères sur la disposition desquelles je reviendrai bientôt, et en arrière 1l se continue sur la ligne médiane avec un gros tronc longitudinal que j'ai comparé à l'artère spinale des Scorpions. .c Lorsqu'on ouvre cette portion du système artériel, on trouve dans son intérieur le collier nerveux œsophagien, le reste de la chaîne ganglionnaire et la plupart des principaux nerfs qui y sont baignés par le sang. Les artères ne sont pas seulement appliquées sur le système nerveux, comme chez les Scorpions, ou développées à la surface de ce système de façon à le recouvrir ; elles logent celui-ci dans leur cavité. Cette disposition rappelle celle du réservoir sanguin dans l’intérieur duquel M. de Quatre- fages a constaté l’existence des ganglions cerébroïdes chez les Planaires, et celle du vaisseau ventral des Sangsues, découvert par Johnson. Ces relations singulières de l'appareil de l’innervation avec le système artériel des Limules avaient été aperçues, mais très- incomplétement, par M. Owen, et sont plus intimes que ne semble le penser cet anatomiste éminent. Effectivement, comme je l'ai déjà dit, la chaîne ganglionnaire de ces animaux n’est pas simplement enveloppée par le réservoir sanguin ventral et atco- lée à lui de façon à en être difficile à distinguer, comme le dit M. Owen (1), elle y est incluse, et ce réservoir ne consiste pas (4) Voici en quels termes M. Owen s'exprime : « The two larger lateral branches » (celles que j'appelle les crosses aortiques) form arches which curve down the side of » the stomach and the œsophagus, giving branches to both those parts and to the intes- » tine, and becoming intimately united with the neurilemma of the œsophageal nervous » collar. They unite at the posterior part of that collar, and form a single vessel, which » accompanies the abdominal nervous ganglionice chord to its posterior bifurcation, » where the vessel again devides. Throughout all this course, the arterial is so closely » connected with the nervous system as to be scarcely separable or distinquishable » from tt. The branches of the arterial and nervous trunks which accompany each » other may be defined and studied apart.» (Owen, Comp. Anat. and Physiol. of invertebrate Animals, 1855, p. 320.) Dans sa dernière publication à ce sujet, postérieure de plus de deux ans à celle que J'ai faite en 1869, M. Owen se borne à reproduire en d’autres termes l’opinion énoncée dans le passage précédent, Après avoir parlé de la manière dont les artères perdent, SC. NAT., NOVEMBRE 1872. XVII, 6. — ART, N° 4. 99 AE. NASLNE HEIN ANRDS. en une simple facune interorganique due à la disparition des parois artérielles dans cette portion de l’économie animale. Les parois, comme 1l a été indiqué plus haut, sont de même nature que celles des parties adjacentes du système artériel et sont en continuité de substance avec celles de ces vaisseaux sanguins. Ce n’est pas un cas de juxtaposition des nerfs et des artères, c'est un engaînement complet des premiers par les seconds. Du reste cette inclusion n'implique aucune déviation essentielle du type organique dont les Scorpions nous offrent la réalisation, et l’on peut facilement s’en rendre compte. En effet, elle peut être considérée comme une conséquence d’un simple agrandis- sement des voies circulatoires autour de la chaine ganglion- naire, creusées primitivement dans le blasième commun de l'embryon en voie de développement et de la formation tardive des parois propres de la parlie correspondante du système arté- riel. Ces parois, au lieu de se constituer autour d’un mince filet de fluide nourricier, et de donner ainsi naissance à un vaisseau grêle comme l'artère spinale du Scorpion, se développent autour de l'espèce de lac sanguin au milieu duquel se trouve la chaîne ganglionnaire, et forment ainsi un tronc vasculaire dans l'inté- rieur duquel ces centres nerveux se trouvent emprisonnés. C'est un phénomène organogénique analogue à celui dont paraît dépendre l'inclusion du rectum dans la cavité du cœur, chez la plupart des Mollasques acéphales. Si les vaisseaux artériels se développaient avant la constitution des organes adjacents, comme le supposait Serres, on ne pourrait concevoir l'inclusion du système nerveux dans les tuyaux sanguinifères de la Limule qu’en admettant, non-seulement l'espèce d'accolement interne dont parle M. Owen, mais la soudure longitudinale des bords du vaisseau enveloppant, et la résorption consécutive de la lame suivant lui, leur forme tubulaire, et se résolvent en expansions membraneuses qui se mouleraient sur les interstices où le sang serpente, il ajoute : « The most remarkable » of the arterial prolongations are that which the author had previously described in his » Lectures on Invertebrata (2e édit., 1855, p. 310), as expanding upon and seeming to » form the neurilemma of the central axis and branches of the nervous system ; so that » injection of he anterior aorta coals the neurine and demonstrates a great part of the » nervous system by its colour, » (Nature, 1872, p, 295.) ARTICLE N° 4, ANATOMIE DES LIMULES. 25 du vaisseau qui aurait été reployée de la sorte en dedans. Or, des transformations de ce genre seraient difficiles à comprendre, tandis qu’au contraire là formation tardive des parois vascu- laires autour des espaces parcourus par le sang dans le blastème organogénique est en accord, non-seulement avec tout ce que l'on sait touchant l’évolution de l’appareil circulatoire chez les animaux invertébrés, mais aussi avec les observations de M. Packard, relatives à l’embryologie des Limules. Cet auteur n’a fait aucune dissection de l’appareil circulatoire ou du système nerveux ; mais, en observant, par transparence, de jeunes indi- vidus dont les téguments présentaient peu d'épaisseur, il a pu voir les couranissanguins, et il fait remarquer que chez ces larves il lui a été impossible de distinguer les parois d’une artère quel- conque. Le sang artériel, ajoute-t-il, semble couler dans des canaux ressemblant exacteinent aux sinus veineux (1). Pour l'instant, je n’insisterai pas davantage sur les relations du système nerveux et des artères chez les Limules, me propo- sant d'y revenir quand Jj'étudierai spécialement le premier de ces appareils, et je continuerai maintenant la description anato- mique des organes de la circulation. Lorsqu'on examine les branches qui naissent du réservoir circumbuccal, on est d’abord frappé de leur nombre et de leur complication, et si l’on ne procède pas méthodiquement dans leur description, ilest impossible de s’y reconnaître, Je les divi- serai donc en plusieurs groupes, non-seulement d’après leur mode d'origine, mais aussi à raison de leur destination. Le premier groupe se compose des vaisseaux qui naissent de la portion renflée du réservoir, correspondant aux ganglions cérébroïdes, qui se dirigent en avant et se rendent aux organes des sens et aux téguments adjacents. Ce sont : 1° Une artère ophthalmique médiane, grêle et d’un calibre uniforme (2), qui naît au milieu du renflement antérieur ; elle s'applique sur la face inférieure de l’œsophage, contourne l’es- (4) Packard, op. cit., p. 474. — Voyez aussi pl. 5, fig. 27, (2) Voy. pl. 10, fig. 1, s. 2] ALIPES. NIALNE HI ARS. tomac en avant, puis, traversant le foie et les glandes génitales, se rend aux ocelles ou yeux simples. 9° Deux paires de petites artères frontales (1), qui se ramifient dans le derme de la partie antérieure du bouclier céphalothora- cique, où elles fournissent un réseau d’une finesse extrème. 3° Une paire de petits troncs (2) qui engaînent à leur base les nerfs marginaux antérieurs, mais ne s'avancent que très-peu, ne tardent pas à se confondre avec le névrilème; le sang n’y circule pas : nous n'avons, par conséquent, pas à nous en occuper 11. L° Une paire d’artères qu'on peut appeler ophthalmiques laté- rales (à), parce qu'elles portent le sang aux yeux composés. Chacun de ces vaisseaux se dirige en avant et un peu en dehors, contourne les muscles basilaires de la première paire des pattes- mächoires sans rien leur fournir, puis pénètre au milieu du foie et des glandes génitales, en leur donnant des branches latérales nombreuses, mais généralement assez grèles. Il se courbe alors en arrière, se plaçant en dehors des muscles trochantériens et gagne peu à peu la face supérieure de la masse viscérale pour s’anastomoser bout à bout avec la branche hépatique émanée de la thoracique principale, formant ainsi avec cette dernière une grande arcade vasculaire et établissant une communication facile entre le système sanguifère tergal et le système ventral. Je ferai remarquer que le trajet suivi par ce vaisseau est presque deux fois aussi long que celui qu’il aurait à parcourir, s’il se rendait en ligne droite du collier æsophagien à l'œil, en passant entre les muscles trochantériens. 5° Des artérioles très-grêles, qui naissent à la face inférieure du réservoir et vont se distribuer au pourtour de Îa bouche et à la portion terminale de l’æsophage. G° Une artère stomato-gastrique (4), qui de chaque côté se détache en dessus et en arrière de la portion antérieure ou céré- (4) Voy. pl. 40, fig. 4, fr. (2) Voy. pl. 40, fig. 4, n° 3. (3) Voy. pl. 5 et pl. 40, fig. 4, o. (4) Voy. pl. 9, fig. 4, et pl. 10, fig. À, g. ARTICLE N° 4. ANATOMIE DES LIMULES. 25 broïde du réservoir sanguin, en avant de l'embouchure des crosses aortiques; elle s'étend, parallèlement à ces dernières, au dessous d'elles, sur la face latérale de l’œsophage, distribue des branches à droite et à gauche, et se termine en s'anastomosant bout à bout à la branche gastrique fournie par chaque aorte. Une artériole æsophagienne se détache aussi du réservoir, un peu en arrière de la branche stomato-gastrique et remonte vers la face dorsale du canal alimentaire ; quelquefois elle se confond avec la précédente à son origine. Le groupe des artères appendiculaires émane des parties latérales du réservoir œæsophagien. Il comprend : 4° Les artères des palpes ou appendices de la premiére paire 2 (1) "08e 2 Celles des cinq paires, de pattes-mâchoires (2) (artères pédieuses). 3° Celles des appendices thoraciques postérieurs. h° Celles qui se rendent à la valve operculaire, où s'ouvrent les organes génitaux. 5° De petites artères qui, au nombre de deux ou trois, accom- pagnent chacune des artères pédieuses, pour se distribuer aux muscles trochantériens adjacents. On voit partir également de la face supérieure et latérale du réservoir sanguin six paires de petits prolongements qui engaî- nent les nerfs tégumentaires et ne servent pas à la circulation, bien qu'ils reçoivent un peu de sang à leur partie basilaire (3). Je reviendrai sur leur disposition en décrivant le système nerveux. Les artères des palpes buccaux se détachent au-dessous et en arrière du renflement correspondant aux ganglions céré- broïdes (4); elles se portent en avant et en dehors, et, après un très-court trajet, pénètrent dans la pièce basilaire du membre et se prolongent jusqu’à l’extrémité de cet organe, en fournissant des rameaux aux museles de chaque article. (4) Voy. pl. 7 et pl. 15, fig. 4, pt. (2) Voy. pl. 6, 7 et 9, fig. 4, p. (3) Voy. pl. 6 et pl. 10, fig. 4, n°5 5 à 40. (4) Voy. pl. 7 et pl, 15, fig, 4, pt 26 AERPEE. NELENE HIDWARDS,. Les artères des pattes-màchoires (4) naissent latéralement à la partie inférieure du réservoir, de façon qu'on ne voit bien leur origine qu'en disséquant l’animal par sa face ventrale ; elles pa- raissent alors comme des rayonsse détachant d’un centre. La pre- mière pairesedirige en avant, les deuxièmeet troisième en dehors, la quatrième et la cinquième obliquement en arrière. Elles s’en- foncent bientôt entre les parties molles ; donnent d’abord une branche qui remonte dans les muscles du trochanter, puis deux autres assez grèles, destinées au lobe maxillaire du trochanter, où elles forment, par leurs anastomoses, une série de petitesarcades. Dans chacun des autres articles, les rameaux accessoires inter- musculaires sont aussi très-volumineux et remarquables par leurs communications larges et fréquentes. L’artère de la dernière paire de pattes-mâchoires est, de toutes, la plus considérable, et, avant de s’enfoncer dans la hanche, elle décrit un trajet assez long dans le thorax, quittant le réservoir sanguin pour se porter presque directement en arrière. La branche latérale qu’elle fournit aux muscles de la portion basilaire du membre est remarquable par son volume (2). Chacune de ces artères pédieuses est accompagnée à son ori- gine, ainsi que je l'ai dit, par deux ou trois branches accessoires toujours grèles, qui ne s’enfoncent pas dans la patte et sont des- tinées aux muscles trochantériens supérieurs. En arrière des artères nourricières de la dernière paire de pattes-mâchoires, on voit, de chaque côté, deux troncs quise diri- gent en arrière, parallèlement à l'artère venirale, et vont, l'un à l’appendice thoracique postérieur (3), l’autre à l’opercule (ou fausses pattes abdominales de la première paire) (4) ; il pénètre dans cette rame au voisinage de la ligne médiane, et se distribue aux muscles de sa portion intérieure et aux conduits évacuateurs de l'appareil génitaf, s’anastomosant par ses dernières ramifi- cations avec l'artère du plan supérieur, qui est fourmie à cet organe par la collatérale postérieure. (1) Voy. pl. 6, 7, 40, fig. 4, et pl. 45, fig. 4, 3 et 4, p? à p6. (2) Voy. pl. 11, fig.3. (3) Voy. pl. 7 et pl. 40, fig. 4, p?. (4) Voy. pl. 5, b1, et pl. 9, fig. 3. ARTICLE N° A. ANATOMIE DES LIMULES, 27 L’artère ventrale, d’un calibre très-considérable, fait suite au réservoir cireumæsophagien (4); elle est située sur la ligne mé- diane, au-dessus des téguments inférieurs, Dans toute sa portion thoracique elle ne donne aucune branche latérale, et il n’en part que quelques rameaux qui montent directement sur l'intestin. Dans sa portion abdominale, elle présente trois renflements, cor- respondant aux points où naissent es artères des première, deuxième et troisième fausses pattes branchiales (2). Ces vais- seaux sont assez volumineux; on ne les voit pas en dessus, car ils plongent immédiatement pour gagner le côté interne de l’ap- pendice correspondant et se distribuer au muscle fléchisseur de celui-ci. Au-dessus de cette artère, il en naît toujours une autre qui se rend aux muscles élévateurs et abaisseurs de l’abdomen, dont le développement est très-considérable. Enfin, en avant, il existe de petits irones qui engaînent à leur base les nerfs tégu— mentaires, mais ne les accompagnent pas dans leur trajet. Enfin, l'artère ventrale se termine par une sorte de queue-de-cheval constituée par les artères des deux dernières fausses pattes bran- chiales, par les rameaux qui se rendent aux muscles de l’abdo- men et de la queue, au nombre de quatre paires, et par une bifurcation terminale formée de deux artères anales (3) volu- mineuses , presque accolées l’une à l’autre et se portant en arrière. Chacun de ces troncs, résultant de la division de la ventrale, ne tarde pas lui-même à se bifurquer ; 1l fournit en de- hors une branche volumineuse (4), qui se résout en un grand nombre de rameaux dans les muscles latéro-inférieurs de la queue ; les deux autres s'appliquent sur les côtés du rectum (5). Ils sont séparés l’un de l’autre par un faisceau charnu qui, se détachant du muscle fléchisseur de la queue, se porte au- dessous au sphincter de l’anus et détermine des mouvements de dilatation de celui-ci. En arrière de ce faisceau, les deux artères (4) Voy. pl. 6 et 7, v. (2) Voy. pl. 7, 9 et suiv. (3) Voy. pl. 7 et 8, fig. 2, et pl. 10, fig. 2, an. (4) Voy. pl. 7 et 8, fig. 2, e. (5) Voy. pl. 7, fig. 2, z et an. 25 ALPH. BELNE HDWARDS. se réunissent de nouveau pour se séparer presque immédiate- ment : celle du côté interne, que l’on doit considérer comme la continuation du trone primitif, se termine bientôt, ses parois de- venant adhérentes à un nerf qui, renfermé jusque-là dans son intérieur, émerge et se reud dans la queue ; celle du côté externe, qui en même temps occupe un plan supérieur. gagne le dessus du rectum qu'elle contourne, et débouche à plein canal dans l'artère rectale (1) ou abdominale supérieure, de facon à consti- tuer l'anneau vasculaire dont j'ai parlé plus haut. Dans leur trajet sur la partie terminale de l'intestin, ces ar- tères fournissent un certain nombre de branches qui se distri- buent aux parois du rectum; quelques-unes d’entre elles sont disposées transversalement et unissent les deux troncs vascu- laires, en passant, les uns au-dessus, les autres au-dessous des muscles abaïisseurs de l'anus. Si nous jetons un coup d'œil d'ensemble sur la circulation artérielle de la Limule, le fait le plus remarquable consiste dans le nombre et l'importance des anastomoses qui existent entre les principaux troncs vasculaires; il semble que le sang puisse cireuler sans qu'il soit nécessaire qu'il passe dans les veines. Il peut sortir du cœur, soit par les artères antérieures, soit par les artères latérales. Supposons qu'il prenne la première de ces voies, il pourra, ou bien suivre l'artère frontale, qui, directe- ment, le conduira dans l’artère marginale, et de là le ramènera au cœur par les thoraciques principales, ear les valvules qui gar- nissent l'entrée de ces dernières ne s'opposent que très-imparfai- tement au reflux du sang ; ou bien, s’engageant dans les crosses aortiques, il gagnera le réservoir ctreumæsophagien. Mais nous savons que celui-ci communique facilement avec les artères du plan supérieur, soit par l'intermédiaire de Pophthalmique, soit par le tronc ventral et le troncanal, qui, en arrière, débouche dans l'abdominale supérieure; cette dernière, à l’aide de la collatérale postérieure, pourra conduire le liquide nourricier jusque dans (1) Voy. pl. 5 et 40, fig. 2, nr. ARTICEAN OU: ANATOMIE DES LIMULES. 29 les artères thoraciques, et de là au cœur. Si le sang a pris les voies latérales, 1l peut, en suivant un trajet inverse, refluer vers le cœur, soit par l'artère frontale, soit par les crosses aorti- ques. Quand bien même on interrompl le trajet de ce liquide sur un point de son parcours, on peut néanmoins, à l’aide d'une injection, remplir tous les vaisseaux, tant les commu- nications sont faciles. Ainsi, il existe un cercle complet suivant le pourtour de la carapace, et constitué par les artères mar- ginales antérieures et postérieures. Ce cercle est en commu nication avec l'artère frontale, avec les artères thoraciques principales, avec les artères ophthalmiques et hépatiques, avec l’artère abdominale supérieure, et, par conséquent, avec tous les vaisseaux de la face inférieure du corps. Un deuxième cercle, moins développé et plus rapproché du cœur, est constitué par les artères collatérales reliées à l'organe d’im- pulsion par ies latérales. Enfin, un autre circuit s'établit, à l'aide des ophthalmiques, entre le collier œsophagien suivi de l'artère ventrale, les artères thoraciques principales et mar- ginales postérieures. Toutes les voies de communication que je viens d’énumérer sont larges et faciles; mais, indépendamment d'elles, il en existe d’autres qui ont lieu par les dernières rami- fications des artères, et, par conséquent, réalisent davantage ce qui existe chez les animaux supérieurs. Ainsi, le système artériel ventral communique avec le système dorsal par les capillaires de l'intestin, qui recoit à la fois des branches de l'artère ven- trale, de l’anale et des collatérales antérieure, moyenne et pos- térieure. Dans les fausses pattes branchiales, les ramuscules des troncs émanés de l’artère ventrale se réunissent à ceux fournis par les collatérales. Enfin, dans l'épaisseur du foie et des glandes génitales, les anastomoses de ce genre sont fréquentes entre l’ophthalmique, la marginale céphalo-thoracique, l'hépatique et la frontale, ainsi que les artères inférieures du réservoir cireum- œsophagien. I y à donc chez la Limule plusieurs cercles circulatoires arté- riels complets. Les capillaires terminaux de cet appareil sont partout en rapport avec les racines du système veineux, et établis- 9 0 ALPH. MILNE EDWARDS, sent ainsi d'autres voies pour le retour du sang, qui doit passer par l'appareil respiratoire avant de retourner au cœur. Je reviendrai bientôt sur les conséquences physiologiques de cette disposition eurieuse. $ 3. Système veineux. Je décrirai ici, sous le nom de système veineux, toutes les voies par lesquelles le sang retourne des capillaires au cœur, soit directement, soit en traversant l'appareil respiratoire. Ces voies sont constituées en partie par des canaux et des sinus bien délimités, en partie par des lacunes interorganiques tapissées seulement par des expansions membraniformes ; mais une por- tion considérable de cet appareil consiste, comme je lai déjà signalé, en vaisseaux tubulaires, à parois parfaitement indé- pendantes des parties voisines et offrant tous les caractères de veines proprement dites. Le réservoir péricardique, que j'ai déjà décrit, recoit le sang par six paires d'ouvertures principales (1) situées sur les côtés, et le faisant communiquer avec autant de canaux revêtus d’une membrane bien caractérisée. Ces trones passent entre les apo- dèmes tergaux de l'abdomen, se dirigent en dehors, puis vont gagner les fausses pattes abdominales, dont ils longent le bord externe. Cinq de ces tubes viennent des branchies, et doivent porter le nom de canaux branchio-cardaques ; leur disposition est à peu près la même que chez les Scorpions et les Squilles (2). Le sixième, placé en avant des précédents, correspond aux faus- ses pattes abdominales de la première paire. Enfin, encore plus en avant, il existe de chaque côté un septième orilice, creusé (4) Voy. pl. 42 et pl. 48, fig. 4, td. (2) Duvernoy, dans son mémoire sur l'appareil respiratoire des Limules, parle des cinq paires de troncs branchio-cardiaques proprement dits sous le nom de veines bran- chiales (op. cit., p. 27); dans un autre passage de ce travail (p. 25), il appelle artère branchiale la continuation de ces troncs le long du bord de la branchie. ARTICLE N° /. ANATOMIE DES LIMULES. 34 au- dessous des muscles releveurs de l'abdomen et communiquant avec les espaces intermusculaires adjacents. Le sang, ramené ainsi des branchies au cœur, arrive aux organes respiratoires par deux grands trones vasculaires ven- traux (1), ou canaux collecteurs, qui s'étendent à la face infé- rieure du corps, depuis l'estomac jusqu’à la partie postérieure de la région branchifère de l'abdomen. Ce réservoir veineux a des rapports très-mtimes et très-complexes avee tous les muscles circonvoisins, notamment avec les faisceaux charuus obliques dépendants du long fléchisseur de Pabdomen, et avec l’élévateur du plancher abdominal. En arrière du thorax, 1l est placé entre ces deux plans charnus, et se trouve limité en dedans et en dessus par le premier, en dehors par le second. Pour bien faire comprendre ces connexions, il est nécessaire d'entrer dans quel- ques détails sur la disposition des parties adjacentes. Quand on à enlevé l'intestin et qu’on a mis à nu le plancher musculaire sous-jacent, on remarque d’abord une série de six brides mus- culaires transversales ou #ansverses de l'abdomen (2), étendues de la ligne médiane ventrale à la face supérieure du test où elles s’insèrent en dedans des apodèmes tergaux : ce sont les élévateurs des parois inférieures de l'abdomen. Au-dessous de ces traverses charnues, se trouve un gros muscle qui se compose d’une série de faisceaux plus ou moins obliques, allant des apo- dèmes tergaux du bouclier abdominal à la partie inférieure du corps et s’y fixant, les uns en avani, sur la pièce entothora- cique, les autres plus en arrière, sur une série de petites pièces dépendantes de l’arceau ventral et comparables à autant d’apo- dèmes épisternaux : les premiers sont par conséquent des fléchis- seurs de l'abdomen ; les seconds, des élévateurs du plancher qui porte les appendices branchiaux. La complication de ses usages m'empêchant de donner à ce muscle un nom indiquant ses fonctions, je l’appellerai l’abdominal oblique (3). (4) Voy. pl, 12, fig. 4, et pl. 44, év. (2) Voy. pl. 12, fig. 4, et pl. 13, fig 2, C. (3) Voy. pl. 12, fig. 1, et pl. 43, fig. 2, A. a AEPEE. MELNE EDW ARDS. En dehors de ce grand musele il en existe un autre (1) dont les fibres sont longitudinales, et qui, s'insérant antérieurement vers la partie moyenne de la face dorsale du bouclier céphalo- thoracique, se termine obliquement par une série de six tendons très-grêles et très-longs, qui descendent sur la face ventrale et vont se fixer à autant de petits apodèmes situés à la base des fausses pattes abdominales, immédiatement en avant et en dehors des faisceaux du muscle abdomimal oblique : je dési- gnerai ce muscle sous le nom de branchio-thoracique (2). Le canal collecteur, ou sinus intermusculaire abdominal, a des parois membraneuses très-résistantes, très-faciles à isoler et lisses extérieurement aussi bien qu'à l’intérieur ; elles sont maintenues en place à la partie inférieure par des adhérences bien localisées sur lesquelles je reviendrai dans un instant, et en dessus par une série de brides transparentes, élastiques, apla- tes latéralement, qui, émanant de la face supérieure, montent verticalement entre les faisceaux du muscle abdomimal oblique et ceux du branchio-thoracique, dans les intervalles que laissent entre eux les transverses abdominaux, puis se fixent au plancher du sinus péricardique. La paroi inférieure est, dans la portion post-thoracique, en contact avec les téguments, et y présente six ouvertures (3) corrrespondant aux fausses pattes situées au- dessous et en continuité avec les sinus internes des feuillets branchiaux, et avec le sinus homologue dépendant de l’opercule. C'est autour de l’embouchure de ces canaux que s’insèrent le muscle abdominal oblique et le branchio-thoracique; ce dernier, comme Je lai dit, envoie un tendon grèle à chacune des petites pièces apodémiennes qui sont situées entre ces ouvertures, et qui, lors de la contraction du muscle, sont entraînées en avant, de façon à clore plus ou moins complétement l’orifice veineux dont (4) Duvernoy, en parlant de ce muscle, le considère comme un abducteur ou abais- seur des rames branchifères, et il figure l'insertion du tendon au-dessus d’une fossette cutanée située entre la ligne médiane et les feuillets respiratoires, à la base de chacune de ces rames. (Op. cit., pl. 3, fig. 2, 0.) C)aVoye pl012; fe pl. A3; fe, 2 Ft ARR: (3) Voy. pl. 13, fig. 2. ARTICLE N° /. ANATOMIE DES LIMULES. 99 il vient d’être question. Je ferai remarquer aussi que les parois du canal collecteur adhèrent à la portion terminale de chacun de ces tendons qui pénètrent dans son intérieur. En arrière de ces petits apodèmes, on voit l'insertion des fibres des faisceaux inférieurs de labdominal oblique. Il résulte de la direction et du mode d'insertion de ces muscles, que labdomimaloblique est l'antagonistedu branchio-thoracique : le premier, lorsqu'il se contracte, doit tendre à fermer le passage entre le caval collecteur et les branchies, de façon à interrompre le cours du sang dansces organes; le second, par le raccourcissement de ses fibres, rend au contraire ces orifices béantset rétablit le cou- rant circulatoire. Un autre résultat physiologique important pour le mécanisme de la circulation est dû à l’action de ce même mus- cle : effectivement, en mème temps qu'il élargit l'entrée des vais- seaux afférents de la branchie, il fait remonter le plancher ven- tral, et, par conséquent, comprime le canal collecteur de manière à pousser dans les branchies le sang contenu dans son intérieur ; il produit ainsi un mouvement de soufflet qui, coïncidant avec l'élévation des lames branchiales, aide puissamment à la cireu- lation dans ces organes, et joue un rôle analogue à celui des cœurs branchiaux chez les Mollusques céphalopodes, et des petits muscles situés à la base des pattes chez divers Insectes de l’or- dre des Hémiptères, notamment les Nèpes et les Ranatres (1). Ce mécanisme rappelle d’une manière encore plus frappante celui que M. E. Blanchard a découvert chez les Scorpions, où l'abdomen présente des mouvements alternatifs de contraction et de dilatation aidant singulièrement à la circulation aussi bien qu'à la respiration, et déterminés par l’action de piliers mus- culaires comparables à ceux que je viens de décrire chez les Limules (2). (1) Voy. Behn, Découverte d'une circulation du fluide nutritif dans les pattes de plu- sieurs Insectes lémiptères, circulation qui est indépendante des mouvements du vaisseau dorsal et se trouve sous la dépendance d’un organe moteur particulier (Ann. des sc. nat., Zoor.., 2€ série, 1835, t. IV, p. 5).—Voyez aussi Léon Dufour, Ann. des sc. nat., 1835, t. IV, p. 313. (2) Blanchard, l’Orgamsation du Règne animal, ArACHNIDES, p. 73. ol ALP. MIÉLNE HDVWARDS. Le sang veineux rassemblé dans le sinus collecteur est donc poussé de la sorte dans les vaisseaux afférents situés au côté in- terne des branchies et longeant les piliers musculaires intrinsè- ques qui fléchissent la rame; de là il entre dans les feuillets respiratoires, formés, ainsi que van der Hoeven, Duvernoy et Gegenbaur Pont montré, de deux lames cutanées rattachées l’une à l’autre d'espace en espace par des trabécules assez résistantes. Le sang, en se répandant dans ces méais, constitués par des sinus interorganiques analogues au système capillare d’une branchie à vaisseaux continus, s'étale en lames minces, séparées du liquide ambiant par une membrane très-délicate. Comme le nombre de ces feuillets est très-considérable (4), on comprend que les échanges respiratoires puissent se faire facilement quand l’animal agite ces organes dans l’eau et les écarte l’un de l’autre. Placés hors de l’eau, les feuillets restent appliqués les uns sur les autres comme ceux d’un livre qui serait fermé. L'air ne peut donc pas se renouveler à leur surface ; il est aussi à noter que toutes les rames restent fléchies contre la paroi ventrale et protégées par la valve operculaire. Dans ces conditions d'immobilité, la respira- tion doit donc être en grande partie suspendue, et la cause mé- canique qui détermine ce phénomène empêche aussi le sang de passer des canaux collecteurs dans les branchies; le retour de ce liquide vers le cœur se fait alors par d’autres voies, et particu- lièrement au moyen des anastomoses artérielles, si fréquentes, dont j'ai parlé précédemment. En poussant une injection fine par le canal collecteur ventral, on voit les feuillets branchiaux se remplir de la matière colorée, qui s'avance de leur bord interne vers le bord externe, où elle va se déverser dans les tubes efférents dont la continuation constitue les vaisseaux branchio-cardiaques (2). (4) Environ 150 par branchie. (2) Duvernoy s’est complétement mépris sur le cours du sang dans ces organes : « Le sang, dit-il, arrive des différentes parties du corps dans un sinus veineux qui ré- » pond à chaque branchie. L’artère branchiale descend le long du bord interne de la na- » geoire en diminuant à mesure de diamètre, C’est à l'extérieur de cette artère que se » votent 12 ou 13 plaques cornées, la plupart en carène (fig, 4, x nn), qui la protégent. ARTIGLE N° 4. ANATOMIE DES LIMULES, 99 Si nous reprenons maintenant l'étude du canal veineux collec- teur, nous verrons que dans toute la portion céphalo-thoracique du corps, il ressemble beaucoup plus à un tronc veineux ordi- paire, et communique avec un très-grand nombre de branches par Pa tubulaires. Près du bord articulaire postérieur du thorax, il reçoit un gros tronc (4) qui vient de la portion postérieure du foie (2), et qui, à raison de son parcours, est comparable à l'artère thoracique principale, quoique situé beaucoup plus profondément; toute la portion radiculaire de cette veine hépatique postérieure est logée dans la substance du foie, mais sa partie terminale passe sous les muscles de la base des pattes mâchoires de la deuxième paire. Un second groupe de veines hépatiques donne naissance à un tronc moyen qui correspond à la première artère latérale et dé- bouche dans le canal veineux collecteur, au-dessus des conduits biliaires de la seconde paire (8). Enfin un troisième groupe, com- prenant toutes les veines de la partie antérieure du foie, constitue un tronc volumineux qui passe entre les muscles basilaires des premiers appendices buccaux, et forme la racine antérieure du canal collecteur : c'est la veine hépatique antérieure (4). Les diffé- rentes veines qui naissent ainsi dans la substance du foie sont extrèmement nombreuses et peuvent être suivies jusque dans des branches d'une grande ténuité. Ce ne sont pas des lacunes interorganiques, car leurs parois peuvent toujours être isolées du tissu hépatique par une dissection attentive. » Le sang qui a respiré est versé des feuillets branchiaux de chaque branchie dans une » veine située du côté opposé àl'’artère ; elle se continue vers le cœur, qui en reçoit ainsi » cinq de chaque côté. » Je ferai remarquer que le vaisseau appelé artère branchiale par Duvernoy, et représenté dans la figure 1 de son mémoire sous les plaques #, n, n, au lieu d’être un canal afférent à la branchie, est au contraire efférent à cet organe, et se continue avec les vaisseaux branchio-cardiaques, dont cet auteur parle ensuite sous le nom de veines se continuant vers le cœur. (Voy. op. cit., p. 25.) (4) Voy. pl. 14, Ai. (2) J'ai indiqué l'existence de ces veines hépatiques dans un des articles d’une notice sur mes travaux scientifiques (in-4, Paris, 1871, p. 43), (3) Veine hépatique moyenne. Voy. pl. 14, 2. (4) Voy. pl. 14, A8, 50 AEIÉI. MIELNE HEAVY ARDS. Indépendamment de ces veines si bien circonscrites, le canal collecteur recoit d’autres conduits veineux qui y débouchent par des orifices situés à sa face inférieure ou sur ses côtés, et y amè- vent le sang des membres et des autres parties inférieures du corps. Mais on ne retrouve pas dans celte partie du système ver- neux le caractère vasculaire qui est si nettement prononcé dans le foie. Ces conduits circulatoires ressemblent plutôt aux lacunes ou espaces interorganiques, qui, chez les Crustacés, constituent la majeure partie des voies suivies par le sang veineux. Un troisième grand réservoir veineux est constitué par le sac péritonéal qui est situé sur la ligne médiane du corps, et qui loge le tube digestif (4). Les parois de ce sinus sont très-résis- tantes et parfaitement continues; en dessus elles se confondent avec le plancher de la chambre péricardique, et, sur les côtés, elles présentent un certain nombre de petits hiatus qui permettent au sang des parties circonvoisines d'y pénétrer et de passer ensuite dans les deux canaux collecteurs latéraux. D’après les détails qui précèdent, on voit que le sang artériel lancé par les contractions du cœur, se rend à toutes les parties de l’organisme à l’aide d’un système artériel tubulaire jusque dans ses dernières ramifications, et d’une complication des plus remarquables chez un Arthropode, et que ce liquide nourricier peut revenir à son point de départ de deux manières très-diffé- rentes. En effet, à l’aide des nombreuses anastomoses artérielles, le cercle circulatoire peut se compléter sans le concours de l'appareil veineux, le sang restant toujours inelus dans un système clos de tubes artériels en communication directe avec la cavité car- diaque, et sans communication avec le sinus péricardique. Le sang veineux répandu partout peut aussi revenir au cœur en suivant les voies ordinaires et en arrivant aux canaux collecteurs, soit par l’intermédiaire des veines hépatiques, soit par le sinus intestinal et les méats interorganiques, en se rendant aux bran- chies, traversant ces organes, et allant ensuite dans le réservoir (4) Voy. pl. 41, fig. 1. ARTICLE N° le ANATOMIE DES LIMULES. 97 péricardique par l’mtermédiaire des vaisseaux branchio-cardia- ques ; là le fluide nourricier baigne la surface extérieure du cœur et entre dans ce vaisseau dorsal par les huit paires de bou- tonnières valvulaires, qui s'ouvrent pour lui livrer passage, mais se referment lors des mouvements de systole. M. Packard, en observant par transparence de jeunes Limules, a aperçu plusieurs des grands courants établis de la sorte, mais il n'a pu rien préciser, quant au caractère général de la cir- culation chez ces animaux (1). S A. Système nerveux. Le système nerveux de la Limule est difficile à étudier; il est presque partout complétement masqué par les parois des artères de la face inférieure du corps, ce quirend sa dissection longue et minutieuse. Ces circonstances particulières expliquent l'imperfec- tion de nos connaissances sur ce sujet, car van der Hoeven à décrit comme un même ensemble les artères et les nerfs. Gegenbaur, qui s’est occupé de l'étude histologique de ces parties, n’a pas su reconnaître Ce qui appartenait au système vasculaire de ce qui constituait le système nerveux, et son travail se ressent de cette confusion. J’ajouterai que si M. R. Owen a constaté l'enveloppe- ment de la chaîne ganglionnaire par un gros tronc artériel, il n’a pas distingué, parmi les filets qui s’en détachaient, les artères et les nerfs ; il pensait que ces organes cheminaient côte à côte, sans qu'il y eût engainement (2), tandis qu'en réalité ces derniers sont inclus dans les vaisseaux sanguins et baignent directement dans le fluide nourricier. Il y à une distinction importante à faire entre ces nerfs, car les uns sont libres, si ce n’est à leur base, et, sous ce rapport, res- semblent presque complétement à ceux des autres animaux; les (4) Packard, op. cit., p. 1471, pl. 5, fig. 27, (2) « The branches of the arterial and nervous trunks which accompany each other » may be defined and studied apart. » (Lectures on the comparative Anatomy and Phy- siology, 2° édit., 1855, p. 320.) SC NAT., NOVEMBRE 1872. XVII. 7. — ART. N° À, bte) ALP. MELNI HEDVWARDS. autres, dans la majeure partie de leur étendue, cheminent dans l'intérieur des artères. Les premiers, ou nerfs libres, sont tous destinés aux organes de la vie de relation; il en est aussi de même pour le nerf qui longe la face dorsale du cœur ; mais tous les autres sont baignés par le sang, et la paroi artérielle constitue pour eux une sorte de névrilème général. Ces parois sont épaisses, mais transparentes, de façon que l’on peut apercevoir à travers le nerf qui généralement repose sur la face inférieure ou latérale du vaisseau avec laquelle il ne contracte que des adhérences faibles (4). Lorsque le nerf arrive dans le voisinage d’un des organes où il doit se rendre, on voit un faisceau plus ou moins considérable se détacher du tronc principal, s'engager dans une des branches qui eu nais- sent, et bientôl en émerger. Mais cette sortie ne se fait pas brusquement, le nerf ne perce pas tout d’une pièce les pa- rois artérielles sur un point circonscrit ; il se décompose en un grand nombre de faisceaux toujours formés chacun de plu- sieurs fibres primitives, comme un écheveau de fil que l’on vien- drait à séparer en plusieurs brins; les parois de l'artère accom- pagnent ces faisceaux secondaires plus ou moins loi, et, s’appli- quant d’une façon intime sur chacun d'eux, leur forment une enveloppe qu’on peut comparer à un névrilème, et trop adhérente pour que le liquide nourricier puisse s’y introduire : aussi ne trouve-t-on jamais dans cette partie de globules sanguins autour des fibrilles nerveuses. Il résulte de ce mode de terminaison que lorsqu'un nerf sort de l’artère, on remarque sur ce point un petit renflement piriforme, conséquence de la séparation des faisceaux et de leur revêtement individuel (2). Lorsque le nerf est libre dans l’intérieur de l'artère, ses éléments sont faiblement unis, et, pour assister à leur dissociation, 1l suffit de les compri- mer entre deux lames sur le porte-objet du microscope. Il existe cependant sur le nerf encore engaîné un névrilème, mais très- délicat et très-transparent, tandis qu'une fois sorti de l'artère, la (1) Voy. pl. 16, fig. 4. (2) Voy. pl: 40, fig. 3. ARTICLE N° 4, ANATOMIE DES LIMULES. 39 tunique générale fournie par l'expansion de la gaine artérielle maintient plus solidement unis les différents faisceaux du nerf. Si, par exemple, on prend un des filets latéraux qui se rendent aux téguments du eéphalothorax, on lui trouve une gaine assez résis- tante, sur laquelle rampent de nombreux vaisseaux capillaires destinés à sa nutrition (4), tandis que si l’on examine le nerf con- tenu dans l’une des artères des pattes, la membrane unissante est tellement diaphane et délicate, qu'on ne l’aperçoit qu’en essayant avec des aiguilles de dissocier les faisceaux nerveux sous le microscope, et aucun capillaire sanguin ne rampe à sa surface : ce qui se comprend facilement, puisque le cordon nerveux baigne dans le liquide nourricier (2). Les fibres primitives qui composent les troncs nerveux sont faciles à étudier; elles sont gristres et composées d’une enveloppe assez épaisse et transpa- rente au travers de laquelle apparaît ua contenu granuleux; elles appartiennent donc à la catégorie des fibres à bords pâles ou fibres de Remak (3). Les centres nerveux constituent autour de la partie inférieure de l’œsophage un collier épais d’une forme ovalaire, qui se trouve contenu dans le réservoir sanguin eireumbuccal (4). Les parois de ce réservoir sont épaisses, très-résistantes et for- mées d’un tissu fibreux renforcé par un tissu élastique; mais je n'y ai trouvé aucun élément musculaire. Il faut fendre cette membrane pour mettre à nu le collier nerveux, et, si l’on néglige cette opération, il est impossible de se rendre exactement compte de la disposition des ganglions et de l’origine des nerfs. C’est ce qui à entaché d'erreurs, comme je l'ai déjà fait remarquer, les observations de van der Hoeven et de Gegenbaur. Les adhé- rences qui existent entre le réservoir sanguin et le collier œsopha- gien sont faibles dans toutes les parties latérales et postérieures ; ce n’est qu’en avant qu'elles deviennent plus intimes, sans em pêcher pour cela le passage du sang : de telle sorte que, si l'on (1) Voy. pl 40, fig. 4. (2) Voy pl AG fe 1 (3) Voy. pl A6“: (4) Voy: pl 15, fig. 1, 3 et 4. 10 | ALP. REILNE ENV ARDS. pousse une injection par le cœur, on remplit complétement ce réservoir ; si l'on se borne à introduire, du vivant de l'animal, une matière colorante, du carmin précipité par exemple, dans le cœur, la contraction de cet organe ne tardera pas à la pousser en avant, et on la retrouvera autour de l'anneau nerveux. En avant de ce collier médullaire, immédiatement appliquée sur la face inférieure de l'œsophage, se trouve une masse arron- die de la grosseur d’un pois, et correspondant aux deux ganglions cérébroïdes. Is sont intimement soudés l’un à l’autre sur la ligne médiane , et c'est à peine si, dans ce point, un pelit sillon, visible seulement à la face supérieure, indique leur séparation primitive ; en arrière, ils sont nettement séparés du collier par une dépres- sion bien marquée. Les nerfs qui naissent de cette petite masse médullaire se rendent aux yeux, aux téguments de la région frontale et au pourtour de la bouche. Les nerfs des deux yeux simples, ou stemmates (1), prennent naissance sur la ligne médiane; 1ls se réunissent l’un à l’autre pour ne former qu'un seul tronc logé dans une artère très-grêle et très-longue, dont j'ai déjà décrit le trajet, et qui, après avoir suivi la face inférieure de l'œsophage, remonte sur l'estomac, puis se dirige vers les yeux simples ; les deux filaments, d'une ténuité extrème, malgré leur grande longueur, se séparent alors à tres-peu de distance de ces organes, dans lesquels ils pénètrent. Les nerfs optiques principaux (2), c’est-à-dire ceux des yeux composés, sont les plus importants. Chacun d'eux prend nais- sance à la partie antérieure de chaque masse cérébroïde, puis s'engage dans l'artère ophthalmique; en avant du muscle élé- vateur de la première paire d’appendices buccaux, il croise un nerf qui se rend aux téguments, puis il se courbe en arrière en suivant le bord externe des muscles, et se continue en fournissant quel- ques branches jusqu'aux yeux composés, mais à une faible dis- tance de ceux-ci (1 ou 2 centimètres environ); il sort de l'artère en se décomposant en deux, trois ou quatre faisceaux (3), à la (4) Voy. pl. 40, fig. 1, et pl. 15, fig. 4 et 3, n° 1. (2) Voy. pl. 10, fig. 1, et pl. 15, fs. 418, "400615 /mn0n9 (8) Voy. pl 40, fig. 3, et pl. 16, fig. 5, ARTICLE N° 4, ANATOMIE DES LIMULES. IA base desquels existe un petit renflement, puis pénètre dans l'œil. L’artère continue ensuite son trajet et se réunit à lhépa- tique, branche de la thoracique principale, ainsi que je l'ai déja décrit (2). En dedans du nerf optique part un autre nerf qui lui est à peu près parallèle, au moins dans la première partie de son trajet, et qui ne tarde pas à se diviser pour fournir des filets aux tégu- ments de la portion antérieure du bouclier céphalo-thora- cique (2). Ce nerf n’est pas engainé par une artère, si ce n’est à sa base. Deux autres nerfs très-grèles (3), situés en dedans du précé- dent, cheminent dans les petites artères frontales inférieures (4), s’avancent, appliqués sur la face ventrale du test, jusqu’au triangle formé sur la ligne médiane par la carapace et situé en avant de la région épistomienne : ils semblent représenter les nerfs antennaires des autres Arthropodes:; mais ils ne sé rendent dans aucun des appendices, et se perdent dans l'épaisseur du système tégumentaire. Enfin, pour terminer ce qui est relatif aux filets nerveux émanés des ganglions cérébroïdes, je dois citer deux rameaux très-grêles qui naissent en arrière et se distribuent sur le pour- tour de la bouche : ce sont les nerfs pharyngiens. On doit considérer le reste du collier œsophagien comme résul- tant de la coalescence de tous les ganglions sternaux du thorax et du ganglion appartenant au premier segment abdominal; il y à donc là une centralisation portée très-loin, et le nombre des nerfs qui émanent de ce collier, comme des rayons d’un centre, est très-considérable. Mais avant de les étudier, nous devons d’abord examiner le sys- tème stomalo-gastrique (5), qui prend son origine, non pas sur les (1) Voy. page 15. (2) Voy- pl 10, fs. 1, et pl. 45, fig. 45 3 à 5, n° 3, (3) Voy. pl. 45, fig. 4 et 3, n° 4. (4) Voy. pl. 10, fig. 4, fi (5) Dans la planche 10, fig, 1, on voit l’artère g qui contient ce nerf. Cette artère est représentée aussi planche 9, fig. 4. Le système nerveux isolé se voit sur la planche 12, fig. 2, 2 ALPH, NINLNE EDNVARDS. ganglions cérébroïdes, comme cela a lieu chez les Arachnides, mais sur les connectifs qui relient ces derniers aux autres centres méduliaires. Cette disposition rappelle au contraire celle qui a été constatée chez les Crustacés supérieurs. Ce système se compose d’une paire de nerfs dont Porigine se voit en avant de l’œso phage, mais en arrière et sur les côtés des ganglions cérébroïdes. Ces nerfs sont contenus dans les artères stomato-gastriques ; ils s’a- vancent sur la face inférieure du conduit œsophagien, auquel ils fournissent un certain nombre de rameaux latéraux, puis gagnent la face externe de l'estomac. Au point où cet organe se replie brusquement pour se porter en arrière , se trouve un irès-petit ganglion aplati, logé comme le nerf dans l'artère, près de l’anastomose de cette dernière avec la branche gastrique éma- née de la convexité de la crosse aortique; de ce ganglion partent en avant des filets qui se distribuent aux parois très-musculeuses de l'estomac, et en arrière deux autres rameaux, dont l’un se rend à la portion pylorique de ce viscère, et l’autre gagne l’intes- tin. Ces parties sont très-difficiles à distinguer, car elles sont extrèmement grêles, et, pour les dégager des artères où elles sont logées, il faut procéder avec un très-grand soin. Sur les côtés de l’estomac se trouvent aussi deux filets délicats et ténus qui se rendent à un nerf volumineux situé sur la ligne médiane du cœur et dans toute la longueur de cet organe. Ce nerf cardiaque (1), qui s’amincit beaucoup vers les extrémités du vais- seau dorsal, est au contraire très-large vers la partie moyenne de celui-ci; effectivement, il présente un certain nombre de renfle- ments situés au niveau de chaque paire d'ouvertures vasculaires, et de ces points partent des filets qui se dirigent à droïte et à gauche sur les parois adjacentes. Ce nerf n’est pas contenu dans une artère, car le cœur ne reçoit aucune branche vasculaire. J'ai déjà mentionné, il y a un instant, un nerf qui, partant des ganglions cérébroïdes, se dirige en avant et se distribue, presque sur la ligne médiane, aux téguments. Au-dessus du collier œso- phagien, on voit naître une série de nerfs analogues, mais beau- (4) Voy. pl. 5. ARTICLE N° A. ANATOMIE DES LIMULES. 3 coup plus volumineux, qui, au nombre de six paires, se rendent aux mêmes parties (1). Ces troncs nerveux présentent ce fait remarquable qu'ils ne sont point engainés par les artères; c’est à peine si le saëg peut pénétrer à une faible distance de leur ori- gine, car bientôt il existe un renflement dû à ce que les parois du réservoir circumoæsophagien, qui les avaient accompagnés jusqu’à environ un centimètre de leur origine, s'appliquent entiè- rement sur leurs différents faisceaux. se confondent avec le névri- lème, et interceptent complétement toute communication entre l'enveloppe du nerf et le réservoir sanguin (2). La première paire de ces nerfs qui naît en avant de l'embou- chure des crosses aortiques se porte obliquement vers le front, ne tarde pas à passer au-dessous du nerf optique qu’elle croise, et fournit un certain nombre de filets qui vont jusqu’au pour- tour de la carapace, distribuant, chemin faisant, leurs filaments à la peau. Les nerfs de la paire suivante, comme les précédents, sont presque appliqués sur la face ventrale de la carapace et passent dans l’intervaile qui sépare les muscles de la première paire de pattes mâchoires de ceux de la deuxième ; puis ils plongent au milieu du foie etse distribuent latéralement à l'enveloppe tégu- mentaire. 11 en est de même pour ceux des quatre paires sul- vantes; tous s'engagent dans les intervalles qui existent entre les pattes mâchoires, puis se recourbent en arrière et en bas pour se distribuer jusqu'au bord du bouclier céphalothoracique. Le dernier de ces nerfs est le plus long de tous (à) ; il se dirige presque directement en arrière, puis se courbe en avant de l'arti- culation du thorax avec l'abdomen, et contourne les muscles du trochanter de la patte-mâchoire postérieure en suivant la même direction que l'artère thoracique principale et que la veine hépatique postérieure, mais en se plaçant sur un plan plus inférieur. Au-dessous des nerfs cutanés dont il vient d’être question, (4) Voy. pl. 6, pl 10, fig. 4, et pl. 15, fig. À et 3, n° 5 à 10, (2) Voy. pl. 16;°fig. 3. (3) Voy. pl. 6, n° 40, hh ALP. NMELNE EDWAHRDS. naissent ceux des membres ; ils sont tous contenus dans les artères, et la description qui a été donnée de ces dernières peut également leur être appliquée. Ainsi qu'on le sait, il existe à la face inférieure du corps sept paires d'appendices. Les pre- miers, placés presque sur la ligne médiane, sont très-petits et chéliformes; on les a comparés tantôt à des antennes, tantôt à des palpes, tantôt à des pattes-mâchoires. La con- naissance du point d'origine des nerfs qui s’y rendent peut servir à élucider cette question. En effet, c’est par l’étude de ces connexions anatomiques que M. E. Blanchard a pu, chez les Arachnides, reconnaître la véritable nature des antennes-pinces, dont les nerfs émanent des ganglions cérébroïdes. Au premier abord. les nerfs de ces membres antérieurs de la Limule semblent provenir de la face inférieure des ganglions cérébroïdes (1); mais cette apparence est due à ce que ces nerfs cheminent sous la gaine du réservoir sanguin et ne sortent pas exactement à leur lieu d'ori - gine (2). Si l’on fend celte enveloppe, et que par conséquent on mette à nu les centres médullaires (3), on constate qu'ils prennent naissance en arrière de ces ganglions et un peu sur les côtés, à la face inférieure de la partie du coilier œsophagien située au devant de la bouche et correspondant au connectif an- térieur des ganglions sous-æsophagiens des Crustacés, où toutes ces parties, étant très-éloignées les unes des autres, sont faciles à distinguer; on ne peut doncles considérer comme des dépen- dances des anneaux frontaux, et l’on doit repousser leur assimi - lation à des antennes (4). Ce sont les premiers des appendices sternaux, et par conséquent des pièces de l’appareil burcal, qui (Moy spl 7e pl El SE Mie no A7 (2) Je me suis anciennement trompé sur l’origine de ces nerfs, et j'ai cru qu'ils nais- saient des ganglions cérébroïdes, parce que je n'avais pas ouvert la gaine artérielle où ils sont enfermés. (Voy. l’Institut, 1869, p. 215.) (G)AVOy- pl M5 -#fe.00: n0,"417. (4) M. Owen considère ces appendices comme les analogues des antennules, et ceux de la paire suivante comme représentant les antennes externes des Crustacés. (Voy. Nature, 25 janvier 1872, p. 254.) — Voyez aussi à ce propos Woodward, On {he rela- lionship of the Xiphosura {o the Eurypterida, and to the Trilobita and Arachnida (/he Quarterly Journal of the Geological Sociely, 4 février 4872, & XXVIIT, p. 58). ARTICLE N° A. ANATOMIE DES LIMULES. 1) sont ici réduites à cette seule paire de membres. Je donnerai à cette première pare d’appendices le nom de palpes, qui lui a déjà été assigné par Cuvier, et qui lui convient fort bien à cause des usages particuliers qu'ils remplissent, Les nerfs des palpes sont grêles, et dès le deuxième article sortent de l'artère pour marcher parallèlement à celle-ci le long du bord inférieur du membre. Les nerfs des pattes-mächoires (4) sont beaucoup plus volu- miveux que les précédents; ils sont aussi engaînés par les artères correspondantes, et sont accompagnés d'un certain nombre de nerfs accessoires contenus dans autant d’artères particulières qui se rendent aux muscles thoraciques de l'article basilaire de ces appendices. L'une de ces branches accessoires, plus volumi- neuse que les autres, est placée immédiatement au-dessus du tronc principal, et se distribue aux muscles du trochanter. La disposition de ces nerfs est d’ailleurs la même pour les quatre premières paires de pattes-mâchoires; elle diffère un peu pour la cinquième paire (2), en ce que la branche trochantérienne naît directement du nerf principal et n’émane pas du collier œsophagien. Si l'on examine le trajet du nerf dans cette patte- mâchoire (3), on voit qu'aussitôt après avoir pénétré dans l’ar- ticle basilaire, sans cesser d’être engainé par l'artère du membre, il s’en détache un faisceau volumineux qui se porte en dehors et sort de l'artère au-dessus de l’appendice flabelliforme, appendice quise dirige en arrière et peut frotter contre le bord antérieur des fausses pattes ahdominales, et là se résout en un nombre énorme de filets grèles (4). D’autres branches sortent aussi de l'artère pres du tronc principal, et les unes se rendent aux muscles de la hanche renfermés dans le trochanter; les autres pénètrent dans les articles suivants de la patte-mächoire. Le tronc le plus impor- tant continue à cheminer dans l'artère, il n'en sort que dans la jambe. Cette sortie s'opère avec une assez grande régularité sar (MAVoy DC TOR in 18/2022; (2; Voy. pl. 6 et pl. "7. (3)MVoy. pl MAPS (4) Voy. pl. 9, fig. 4. 6 AËLPH. NMELNE EDWARDS. des points bien déterminés. Ainsi le faisceau le plas important se détache en dedans (4), et, avant de se diviser, marche quel- que temps parallèlement à l'artère, en suivant le bord interne de la patte-mächoire. Un autre faisceau, en général grêle, suit au contraire le bord externe du vaisseau, et tous se rendent, soit aux muscles de cet article, soit à ceux des pièces terminales du mem bre. Indépendamment des nerfs des pattes-mächoires, dont je viens de parler, on voit naître près de la partie postérieure du collier œsophagien une paire de branches nerveuses (2), qui se dirigent parallèlement à la chaîne ganglionnaire, et vont se rendre dans les petits appendices aplatis et denticulés qui existent en arrière des pattes-mâchoires de la dernière paire, que Cuvier compa- rait à une lèvre inférieure, mais que l’on pourrait plutôt con- sidérer comme les analogues des appendices pectiniformes des Scorpions. Enfiv, une paire de nerfs plus volumineux que les précédents prend naissance à côté d’eux, et, logés aussi dans les artères, ils vont gagner la première paire de fausses pattes abdominales (3). Cette origine semble indiquer que le premier ganglion abdo- minal concourt à former la partie postérieure du collier œso- phagien. Il'en résulte que ce collier nerveux, formé en avant par les lobes cérébroïdes, est constitué sur les côtés et en arrière par la coalescence de huit paires de ganglions réunies longitudinale- ment, mais restant plus ou moins écartées de la ligne médiane, pour livrer passage à l'œsophage. Les connectifs de ces différents ganglions ne sont pas distinets, mais les commissures, rejetées fort loin en arrière, sont souvent bien isolées les unes des autres, et, suivant que plusieurs de ces bandes transversales se réunissent entre elles, ou que leurs fibres se séparent en faisceaux secon- daires, on voit leur nombre varier : quelquefois 1l n’en existe que (4) Vox. pl: 41e. 3. (2)}:Voy. pl. 6 et pl. 45, fig. 4, n° 23, (3) Voy. pl. 6, 10 et 15, n° 24. ARTICLE N° A. ANATOMIE DES LIMULES. 7 quatre renfermées chacune dans une artère anastomotique spé- ciale (1); d’autres fois on en compte huit et même neuf (2); mais dans ce cas plusieurs de ces bandelettes sont contenues dans un même vaisseau. Les commissures diminuent graduellement de longueur de la première à la dernière, et reposent sur la face dorsale de l’'œsophage. Il est à noter que la première se détache au niveau du bord postérieur de l'embouchure des crosses aor- tiques, mais on peut la suivre beaucoup plus loin en avant dans la substance du collier nerveux. Elles peuvent être comparées à la bride transversale qui réunit les cordons nerveux latéraux en arrière de l’œsophage chez les Crustacés décapodes (3). La chaîne nerveuse ganglionnaire qui fait suite au collier central se prolonge en arrière jusqu’à l'insertion de la dernière rame branchifère (4). Elle est contenue dans l'artère ventrale (5), et les nerfs qui en émanent sont tous, au moins à leur origine, renfermés dans les artères. Cette chaine s'étend régulièrement, en conservant des dimen- sions uniformes jusqu'au niveau de la première fausse patte branchifère; elle est formée de deux connectifs placés côte à côte et séparés l’un de l’autre par une fissure étroite ; mais au- dessus de cette rame il existe un renflement ganglionnaire résul- tant de la soudure des deux petites masses latérales. Un second et un troisième ganglion semblables se voient au-dessus de la deuxième et de la troisième fausse patte branchiale (6). Sur ces points l’adhérence entre la substance nerveuse et la face infé- rieure de la gaine artérielle est beaucoup plus intime que sur le trajet des connectifs. Plus en arrière, les derniers ganglions abdo- minaux se rapprochent et tendent à se fusionner ; c’est à peine si de très-pelites fissures médianes indiquent la séparation du quatrième, du cinquième, du sixième. (4) Voy. pl. Get pl. 15, fig. Al,1D. (2) AVOy- pl Mio fps en: (3) Voy. l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Crusracés, pl. 2. (4) Voy. pl. 16, fig. 4, v. (5) Voy. pl. 7 et 45, fig. 1. (6) Voy. pl. 15, fig. 4, et pl. 16, fig. 1. hte ALPEH. MELNE EDVWARDS. Dans toutes les parties de la chaîne nerveuse située au-dessus du plancher branchifère, il naît de chacun des ganglions deux paires de nerfs. L'une, placée en avant, destinée aux muscles et à la peau, correspondant aux branches nerveuses qui émanent du collier œsophagien à sa face supérieure (1), et pouvant en être considérés comme les analogues ; Pautre, située un peu en arrière, se rend dans la branchie sous-jacente, et doit être regar- dée comme la répétition des nerfs des pattes-mächoires. Les premiers, ou nerfs tégumentaires abdominaux (2), ne cheminent pas dans les artères ; on voit à peu de distance de leur base les parois du tronc vasculaire ventral qui s'applique entiérementsureux etempêchele sang de pénétrer plus loin (3) ; les parties auxquelles se distribuent ces branches nerveuses reçoivent le sang par d’autres voies, telles que les petits vais- seaux émanés de la face supérieure de l'artère ventrale, et les branches de la collatérale et de la marginale postérieure. Ces nerfs tégumentaires sont placés d’abord au-dessous du muscle abdominal oblique, dont ils croisent les fibres; 1ls passent au- dessous de la veine collectrice latérale et du muscle branchio- thoracique, puis remontent pour s'engager entre les apodèmes terzaux et se distribuer ensuite aux téguments du bouclier abdo- minal. Ces nerfs présentent une disposition particulière très- remarquable dans la portion de leur trajet située au-dessous du trone veineux collecteur; chacun d'eux envoie un filet (4) qui se dirige en avant, et va se réunir, ou plutôt concourt à former un nerf latéral longitudinal (5). Celui-ci s'étend parallèlement à la chaîne ganglionnaire, un peu en dehors de la veine collec- irice et entre les muscles abdomimal-oblique et branchio-tho- racique ; il se prolonge en avant jusqu'au thorax, et en arrière il présente un petit renflement ganglionnaire ; dans son parcours il fournit des filets aux muscles voisins. Ce nerf latéro-abdo- 1)AVoY. pl AG er A5; fe. 10 n0S M5 RAMAIDE D le) 2 (@) Moy. pl.115, 88.2 41%e tp M CEA ENEMAMENC. (3) Voy. pl. 16, fig. 8. (4) Moy: pl. 16, fig. 4, n°5 41/4 45/tetfe9; nt 12261438 (O) MOD 0e MP n0%25, ARTICLE N° A. ANATOMIE DES LIMULES. 9 minal, dont l'existence n'a Jusqu'à présent été signalée que chez les Limules, rappelle par sa position le grand sympathique des animaux supérieurs; mais son rôle physiologique est tout à fait différent, puisque au lieu de se distribuer aux organes de la vie de nutrition, il se rend aux organes de la vie de relation. Les nerfs branchiaux (1) sont contenus dans l'artère nourri- cière des rames respiratoires (2), et ils en sortent seulement près de leur terminaison. Leur nombre correspond à celui de ces appendices. « En arrière de ces nerfs on voit encore se détacher deux paires de branches cutanées analogues à celles dont J'ai parlé plus haut, mais que les artères accompagnent plus loin dans leur trajet : la première (3) passe en arrière des derniers apo- dèmes tergaux, etse rend aux muscles de la queue et à la peau ; la dernière, plus volumineuse (4), se porte au-dessus du fléchis- seur de là queue, dont elle croise obliquement les fibres, en leur fournissant des filets, puis s'enfonce au-dessous de l’adduc- teur de celte épime, et se termine dans les tégumenis de la partie postérieure du bouclier abdominal. Evfin, la chaîne nerveuse se termine par deux trones volu- mineux qui se portent en arrière à côté l'un de l'autre (5), cheminent dans les artères (6), et ne tardent pas à se bifurquer. La branche externe 5e distribue dans le muscle latéro-inférieur de la queue et aux téguments correspondants (7) ; l’autre, destiné à l’épine caudale, passe au-dessous du muscle abaïsseur de anus et au point où l'artère qui le contient s’anastomose avec l'artère anastomotique, fournit trois ou quatre filets grêles qui remontent sur les parois de l’intestin et se rendent à un pelit ganglion rec- tal (8) situé un peu en avant du sphincter de l'anus, au-dessus (1)NVoy. pl: .15;fig-M°ket pl. 16, fig. {, n°5,26, à,29; (2) Voy. pl. 7. (3). Voy. p.015, 8. Mél pl 6 fe 1, n°216"; (4) Voy. pl. 15, fig. 4, et pl. 16, fig. 1, n° 16. (5) Voy. pl. 15, fig. 1 et 2, et pl. 16, fig. 1, n° 51. (6) Voy. pl. 7 et 8, fig. 2, nn. (7) Voy. pl. 7 et 15,,fs. 2. (8) Voy. pl. 15, fig. 2, n° 32, et pl, 42, fig. 3, d. 90 ALPIHE. NISLNE HDVV ARS. du faisceau musculaire abaisseur de celui-ci. Ce ganglion, un peu allongé d'avant en arrière, est logé dans la dilatation artérielle qui existe sur ce point, et envoie des filets nombreux en avant, en dessus et en arrière. Ces filets s’enfoncent dans les parois intestinales. L'existence de ce petit centre ganglionnaire est très-curieuse, et indique un système sympathique rectal qui n'existe pas, ou du moins qui n’a pas été observé chez les autres Arthropodes; il est d’ailleurs très-difficile à isoler des parois artérielles qui l'engaînent. Le nerf caudal, qui est resté très-volumineux, cesse alors d’être contenu dans une artère, et remonte un peu sur les parois du rectum, passe entre les faisceaux du releveur de l'anus, et ne tarde pas à s’enfoncer dans l’épine caudale, où il se résout en une infinilé de filets d’une délicatesse très-grande et indiquant qu'il existe, dans cette partie, une sensibilité tacüle que lon serait loin de soupçonner, lorsque l’on considère l'épaisseur du test de cette portion terminale du corps. D'après les faits que je viens de passer en revue, on voit que le système nerveux de la Limule diffère beaucoup de celui de tout autre animal articulé, et ressemble moins à celui des Ara- chnides qu’à celui des Crustacés. Chez les premiers, les ganglions céphalothoraciques sont tellement serrés entre eux, que le per- tuis ménagé au milieu du collier œsophagien, pour le passage du tube alimentaire est d’une petitesse extrème, et qu'en arrière de cette masse médullaire, les deux moitiés de la chaîne ner- veuse sont réunies entre elles dans toute leur longueur, au lieu d'être rattachées l’une à l’autre par des commissures ganglion— naires seulement. Chez les Crustacés, on rencontre souvent une disposition analogue à celle des Limules. Mais la coalescence des ganglions cérébroïdes et des ganglions postbuccaux n’est jamais portée aussi loin, et c’est en général entre ces deux systèmes des centres nerveux que les connectifs sont le plus allongés. Chez les Limules, au contraire, ces connectifs sont remarquablement courts, tandis que ceux situés à la partie antérieure de la région abdominale sont fort longs. Il est aussi à noter que le système ARTICLE N° 4. ANATOMIE DES LIMULES. 51 ganglionnaire viscéral, dont M. Blanchard a tiré des caractères anatomiques pour la distinction des Insectes, comparés aux Myria- podes et aux Arachnides, présente chez les Limules une disposi- tion qui n'a encore été observée nulle part ailleurs. Ces particu- larités anatomiques viennent donc à l'appui de l'opinion que j'ai déjà émise relativement, à la nécessité de séparer ces animaux des autres Articulés, et d'en former une classe particulière, sous le nom de Merostomata, classe très-voisine, d’ailleurs, des Arachnides. $ 5. Système appendiculaire. Ce n'est pas seulement par leur organisation intérieure que les Limules s’éloignent des Crustacés et se rapprochent des Arach- nides, sans se confondre avec eux ; il y a dans la conformation générale des Mérostomiens et des Scorpions des traits de ressem- blance qui traduisent, pour ainsi dire, au dehors la similitude de leurs caractères anatomiques et qui semblent indiquer chez tous ces Entomozoaires une communauté de type primordial. Pour s’en convaincre, 1l suffit d'étudier comparativement leur système appendiculaire considéré en lui-même et dans ses rapports avec les autres parties du squelette tégumentaire, avec le système ner- veux et avec les orifices extérieurs des organes digestifs et repro- ducteurs. Mais, afin de bien montrer les ressemblances ainsi que les différences qui existent sous ce rapport entre les Limules et les autres Mérostomiens d’une part, les Scorpions et les Crus- tacés d'autre part, il est nécessaire d'examiner à un autre point de vue qu'on ne le fait d'ordinaire le système appendiculaire de tous ces animaux articulés. En prenant pour terme de comparaison la conformation géné- rale des Vertébrés et des Insectes, les naturalistes considèrent le corps des Crustacés et des Arachnides comme étant constitué par trois groupes de segments ou sortes, auxquels on a ap- pliqué les noms de “te, de thorax et d’abdomen. Cette classifi- cation des parties de l'organisme est en général très-commode pour les descriptions zoologiques ; mais, ainsi qu'on le fait remar- D? AILEH. NIBENA MED49 AHRDS. quer depuis fort longtemps, elle est arbitraire et peut souvent faire naître des idées fausses (1). En effet, rien n'est plus variable que le mode de répartition des segments ou anneaux du corps entre les régions appelées tte et {horax, et pour les études morphologiques 1l me semble pré- érable de diviser la série totale de ces tronçons, ainsi que les appendices qui en dépendent, en deux groupes, d’après leurs relations avec le système nerveux. Les recherches anatomiques de M.E. Blanchard sur les Arachnides montrent combien l'origine des nerfs affectés à certains appendices peut nous guider avec sûreté dans la détermination des homologies, et en m'appuyant sur des considérations du même ordre, je diviserai la série des membres, ou, ce qui revient au même, la série des segments qui portent les appeudices, en un groupe procéphalique et un groupe postfrontal ou sternal. Les premiers de ces segments reçoivent leurs nerfs des ganglions cérébroïdes ou sus-æsophagiens; les autres sont pourvus uniquement de nerfs provenant des gan- glions sternaux ou postæsophagiens. On remarque chez les divers animaux arüculés des différences très-grandes sous le rapport du développement du groupe frontal ou procéphalique de ces organes appendieulaires : tantôt ceux-ci sont au nombre de deux ou mêmedetrois paires, lantôtil n’en existe qu'une seule, et d’autres fois encore ils manquent complétement. Or, les Crustacés et les Limules, que les naturalistes rangent d’or- dinaire dans une même classe zoologique, conslituent les deux termes extrèmes de la série formée de la sorte, et, parmi les ter- mes intermédiaires, représentés par les Insectes, les Myriapodes et les Arachnides, ce sont ces derniers qui se rapprochent le plus du type commun aux Mérostomiens. En effet, chez les Crustacés supérieurs, 1l y a, comme on le sait, trois paires d'appendices de cet ordre : les pédoncules oculaires, les antennules et les anten- nes externes. Les membres oculiferes n'existent plus chez les Edriophthalmes, ainsi que chez la plupart des Entomostracés; mais, dans la classe des Crustacés, 1l y a presque toujours deux (1) Milne Edwards, Hist, nat, des Crustacés, 1834, L. I, p. 18 et 49, ARTICLE N° 4. ANATOMIE DES LIMULES. 99 paires d'antennes, et quand ces appendices viennent à disparaître complétement, c’est par l'effet d’une métamorphose récurrente, car ils se montrent dans le jeune âge et s’atrophient d’une manière consécutive. Chez les Insectes et les Myriapodes, 1l y a constamment une seule paire de ces appendices procéphaliques, et ils constituent toujours des antennes, comme cela a lieu chez les Crustacés, lorsqu'une seule paire persiste. Chez les Arachnides, il y a aussi une paire de membres pro céphaliques, mais, au lieu de constituer des antennes comme d'ordinaire , ces appendices sont employés à former des armes défensives ou des instraments de préhension désignés par les entomologistes sous le nom de chélicères, et cette déviation de la forme normale indique une tendance à l'avortement ; car il est de règle que l'existence d’un organe déterminé est plus constante quand celui-ci est conformé de la manière normale que lorsqu'il a subi des modifications profondes, à raison desquelles il est en quelque sorte dénaturé. Enfin, chez les Limules, 1l n’y a ni appendices oculifères, ni antennes, ni chélicères, n1 membres procéphaliques d'aucune espèce, Au premier abord, on pourrait croire que les petits appendices qui se trouvent au devant de la bouche des Limules, et qui ont été désignés sous les noms de palpes par Cuvier (1), et de man- dibules succédanées par Savigny (2), et de pattes antérieures par van der Hoeven, sont, comme le pensait Latreille, les homologues des antennes d’un Insecte ou des chélicères d'un Arachnide, car la description du mode d'origine des nerfs appartenant à ces appendices, donnée par van der Hoeven, vient à l'appui de cette opinion. M. Owen à même été beaucoup plus loin à cet égard ; 1l fait dériver de la portion de l'anneau nerveux qui cor- respond au cerveau les nerfs des deux premières paires d’appen- dices buccaux des Limules, et, par conséquent, il n'hésite pas à déclarer que ces organes sont les homologues des deux paires | (4) Cuvier, Tableau élémentaire, p. 453. (2) Savigny, Recherches sur les Animaux sans vertèbres, 4816, 4° fascicule, p. 116, SG NAT. NOVEMBRE 4872 XVII 8 — ART. N° 4. 5 AILRPES. MINENE EDVARDS. d'antennes des Crustacés (1). Mais ces détermimations ne me pa- raissent pas admissibles, car, ainsi que je l’ai montré, les nerfs de la première paire ne proviennent pas des ganglions cérébroï- des, mais naissent du collier œsophagien, à peu près comme le font les nerfs des pattes mâchoires des Crustacés. Les appendices prébuccaux des Limules, ou membres de la première paire, doi- vent done être considérés comme appartenant à la série post- œsophagienne ou sternale, et, à fortiori, les membres de la seconde paire ne sauraient être, chez ces animaux, les représen- tants des antennes externes d’un Crustacé. J'en conclus que, chez les Limules, il y a absence complète d’appendices frontaux, et ce caractère les distingue des Arachnides aussi bien que de tous les autres animaux arliculés de la période actuelle. Les appendices sternaux, ou membres de la série sternale, sont presque toujours divisés en deux groupes, dont l'un, occupant la portion postérieure du corps, sert principalement aux fonc- tions de la vie végétative en constituant des organes respira- toires ou génitaux. On les appelle communément des fausses pattes ou appendices abdominaux. Les autres termes de la même série constituent les pattes ordinaires, ainsi que l'appareil masticateur ou les instruments qui en tiennent lieu, et peuvent être désignés sous le nom commun d'appendices subeéphalo-thoraciques. Ils dépendent de la portion orale ou postfrontale de la tête et du thorax, et se répartissent d’une manière très-variable entre l'appareil buccal et l’appareil locomoteur. Les Scorpions ne possèdent en arrière de la région frontale que des membres subcéphalo-thoraciques, et il existe des res- semblances frappantes entre cette portion de leur système appen- diculaire et les membres céphalo-thoraciques des Limules. Chez les uns comme chez les autres, on trouve entre le front et l’ab- domen sept paires d’appendices : ceux de la paire postérieure (4) Owen, op: cit, (Nature, 1872, p. 254), — Voy. aussi the Quarterly Journal of the Geolog. Society, t, XXVIII, p. 58, | ARTICLE N° A. ANATOMIE DES LIMULES, 5 D) sont rudimentaires et n’ont pas d’usages connus (1); ceux de la paire antérieure sont très-réduits et sont employés uniquement au service de la digestion ; enfin les appendices des cinq paires intermédiaires sont très-développés, et constituent des pattes ambulatoires ou des organes de préhension pédiformes, dont l'article basilaire ressemble singulièrement à une mâchoire. Chez les Limules, qui sont des animaux broyeurs, dont la bouche, largement ouverte, est située à peu de distance du bord postérieur de la région céphalo-thoracique, la division du travail physiologique ne s’est pas établie dans l'appareil ainsi consti- tué : tous ces membres sont à la fois des pattes-mâchoires et des instruments préhenseurs. | Chez les Scorpions, qui se nourrissent de matières liquides, Ja bouche est au contraire d’une petitesse extrême et reportée fort en avant : les articles basilaires des pattes adjacentes ne peuvent donc servir que peu à la préhension des aliments; cependant, par leur forme, leur disposition et même le genre de mobilité dont ils sont doués, ils ressemblent extrêmement aux pattes-mächoires des Limules. Il me paraît donc indubitable que les pattes-mächoires anté- rieures des Limules, loin d’être les homologues des antennes externes des Crustacés, correspondent aux appendices appelés palpes ou pattes-mâchoires chez les Scorpions. Je crois devoir considérer les palpes ou mâchoires des premières comme étant représentées chezles Scorpions par les appendices rudimentaires qui de chaque côté garmissent le tubercule buccal situé entre la base des pattes-mächoires et les chélicères ou appendices frontaux des Scorpions, pièces que je désigne sous le nom de maxilles, afin de ne rien préjuger quant à leurs homologies avec telle ou telle pièce buccale chez les autres animaux articulés (2). (4) Ce sont les peignes des Scorpions et les deux petits appendices thoraciques pos- térieurs, appelés par Savigny lévre inférieure chez les Limules. (2) M. Blanchard, qui a représenté ces pièces buccales avec son exactitude ordinaire, n’a pas cru devoir se prononcer sur leurs homologies, et hésite à les rapporter aux mandibules plutôt qu'aux mâchoires des Insectes. (Règne animal, ARACHNIDES, p. 20; pl 41% 2113: 56 BILPES. MAIL HE ARS. Les membres abdominaux des Limules sont, comme on le sait, élargis en forme de lames, et ceux de la première paire, tout en servant d'opercule pour clore en dessous la fosse respiratoire, por- tent les orifices génitaux, taudis que les membres des quatre paires suivantes donnent naissance à autant de branches multifoliées. Chez les Scorpions, il n'y à rien qui rappelle les appendices operculiformes dont je viens de parler, et les orifices génitaux sont situés un peu plus en avant à la partie sternale de la région thoracique; mais il y a une grande ressemblance entre les cinq paires des fausses pattes branchiales des Limules et les quatre paires de poches pulmonaires des Scorpions; 1l y aurait même presque identité si, chez les Limules, ces appendices, au lieu d'être libres par leurs bords latéraux aussi bien qu'en dessous, contractaient avec les parties voisines du test des adhérences, de facon à ne laisser d'ouverture que sous leur bord inférieur, et si les feuillets branchiaux de ces animaux, au lieu d’être imper- forés, se creusaient d’une cavité accessible à l'air, à peu près de la même manière que les fausses pattes branchiales des Tylos et des Porcelliens se creusent de poches pulmonaires. Si la forme organique réalisée par les Limules, au lieu d’être appro- priée à la vie aquatique, s'adaptait à la respiration aérienne d'une manière analogue à ce que nous savons exister chez certains représentants terrestres du type dont dérivent les Crustacés iso- podes à respiration aquatique, il n'y aurait donc, sous ce rap- port, aucune différence importante entre ces deux sortes d’ani- maux articulés. En résumé, nous voyons donc que les Limules diffèrent beau- coup moins des Scorpions qu’elles ne diflérent de tous les Crustacés proprement dits qui vivent aujourd'hui à la sur- face du globe; et qu'à raison des particularités d'organisation qu'elles présentent, on ne peut, dans une distribution métho- dique naturelle, les ranger dans la même classe que ces derniers animaux. Mais si les Limules ne sont pas des Crustacés, elles né sont pas davantage des Arachnides. Elles se distinguent de ceux-C1 n0p-seulement par leur mode de respiration, mais par l'existence d’yeux composés, l'absence d’appendices frontaux, le ARTICLE N° 4, ANATOMIE DES LIMULES. 57 prolongement continu de la série appendiculaire ventrale sur la partie adjacente de l'abdomen, et par plusieurs autres caractères organiques. Elles se distinguent aussi de tous les autres animaux articulés par la disposition de leur système circulatoire, et par conséquent, malgré le petit nombre d'espèces de ce groupe, le zoologiste doit les considérer comme constituant une classe particulière intermédiaire aux Crustacés et aux Arachnides. Aux époques géologiques anciennes, le type dont dérivent les Limules était représenté par des animaux dont la forme générale se rapprochait davantage de celle des Scorpions : par exemple, les Pferygotus gigantesques des dépôts paléozoïques, et les Euryptères. Ainsi que l’a très-bien montré M. H. Wood- ward, elles constituent avec ces Arthropodaires fossiles un groupe paturel auquel le nom de Merostomata peut être appliqué; mais, à mon avis, il ne faut pas confondre ces animaux avec les Crus- tacés, ainsi qu’on le fait communément. Les Merostomata étaient contemporains des Trilobites, et 1l semble y avoir entre ces deux groupes zoologiques non-seule- ment des ressemblances fort grandes, mais des intermédiaires qui établissent le passage de l’un à l’autre. Quelques auteurs ont cru utile de les réunir sous un nom commun. Cela me semble pour le moins fort prématuré, car jusqu’à ce que nous sachions quelque chose de significatif au sujet du système appendicu- laire des Trilobites, on ne peut se prononcer légitimement sur cette question ; mais, quoi qu’il en soit à cel égard, il me semble fort probable que les Trilobites diffèrent des Crustacés propre- ment dits, comme nous voyons les Mérostomiens en différer, et qu'ils devront constituer également une elasse particulière dans la grande division naturelle des Entomozoaires. Mais cette ques- tion est étrangère au sujet que je me proposais de traiter dans ce mémoire, et je ne m'y arrêterai pas, mon but étant seule- ment de faire mieux connaîlre l’anatomie des Limules, base indispensable pour l'appréciation des affinités naturelles, non- seulement des Mérostomiens de l'époque actuelle, mais des espèces éteintes qui peuplaient les mers des époques houillère, devonienne et silurienne. 98 APE. MIIENE EIXVARDS. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 5. Cette planche représente les artères de la face supérieure du corps. La carapace a été coupée en dessus pour mettre à nu les organes sous-jacents ; la chambre péricar- dique est enlevée et les ailes latérales du cœur coupées vers leur extrémité. Sur la ligne médiane, on voit le cœur parcouru en dessus par un nerf longitudinal, et les ouvertures en forme de boutonnières, au nombre de huit paires, au niveau desquelles s’insèrent les ailes latérales du cœur. à a, crosses aortiques qui naissent de la partie antérieure du cœur, reposent sur la portion pylorique de l'intestin, et s’enfoncent bientôt dans le sillon qui limite l'estomac en arrière. f, artère frontale qui, située sur la ligne médiane, repose sur l'intestin, sur l’es- tomac, puis sur le tissu de l'ovaire. En avant de l’estomac, elle donne une paire de branches destinées à l’ovaire et au foie qui se voit au-dessous des œufs. Près du bord antérieur de la carapace, l’artère frontale se bifurque et forme de cha- que côté : ma, V'artère marginale antérieure, qui envoie des rameaux à la masse viscérale et aux téguments dans l'épaisseur desquels ils serpentent, H, 12,18, 14, indiquent les artères latérales, La première fournit en avant la collatérale antérieure ca, et en arrière la collatérale moyenne cm. La seconde, ou thoracique principale, fournit en arrière la collatérale posté» rieure cp, puis l'artère hépatique À qui passe au-dessous de l’œil composé et s’anastomose à plein canal avec l’artère ophthalmique (0), l’une des branches émanées du réservoir sanguin circumbuccal. En arrière de l’hépatique, la thoracique principale fournit la marginale postérieure »1p, puis elle se continue et concourt à former la marginale antérieure #4. De chacune des collatérales postérieures, on voit naître, en dedans, les artères intestinales supérieures #, qui s’enfoncent bientôt dans le tissu de l'ovaire pour gagner la face supérieure du tube digestif. Vis-à-vis des artères intestinales supé- rieures se détachent, en dehors de la collatérale postérieure, les troncs destinés à la nutrition des branchies (4); ils passent entre les apodèmes tergaux de l’ab- domen dont on voit la section, fournissent une branche aux muscles, puis s’en- foncent dans les tissus. bc indique la caudale latérale, qui passe en arrière du dernier apodème tergal, fournit des rameaux aux muscles et aux téguments, Les deux collalérales se réunissent en arrière du cœur pour former l’abdomi- nale supérieure qui longe l'intestin ; deux branches s’en détachent à angle droit et embrassent le rectum en formant l'anneau rectal @r; plus en arrière naissent deux autres branches qui concourent à former la marginale postérieure #p, et la caudale latérale cl; enfin, l'artère abdominale supérieure se termine par la caudale supérieure cs. ARTICLE N° 4, ‘ ANATOMIE DES LIMULES, 59 PLANCHE 6. Le cœur et l'intestin ont été enlevés, ainsi que la plus grande partie de la masse vis- cérale et des museles de l’article basilaire des pattes mâchoires ; l'estomac est rejeté sur le côté, ainsi que les crosses aorliques (a) à leur origine, et l'artère frontale f. a, crosses aortiques qui prennent naissance en avant du cœur, s'appliquent en arrière de l’estomac, dans le sillon qui sépare cet organe de l'intestin, et suivent les parois latérales de l’œsophage pour déboucher dans le réservoir circum= buccal. R, réservoir sanguin circumbuccal dont on voit la portion postæsophagienne. t, artères transversales de ce réservoir, qui reposent sur la face dorsale de l’œso- 2 _ phage. 0, artère ophthalmique latérale, qui prend son origine dans la portion prébuccale du réservoir sanguin, se dirige en avant, contourne les museles basilaires de la première paire d’appendices, et se porte en arrière pour gagner l’œil composé que l’on voit, du côté gauche, en place sur la carapace. p?, p3, pi, p5, pf, indiquent les artères des pattes-mâchoires ; elles s’enfoncent dans ces appendices en fournissant latéralement une branche aux muscles du tro- chanter. pT, artère destinée à l’appendice thoracique postérieur. v, artère ventrale. bi, artère de l’opercule ou fausse patte abdominale de la première paire. b?, 03, BE, artères branchiales. ‘, artères intestinales inférieures coupées à peu de distance de leur origine. mu, artères destinées aux muscles de l’abdomen. an, artères anales continuant en arrière l’artère ventrale, e, artère du muscle fléchisseur latéral de la queue. », artère rectale ou abdominale supérieure. 5 à 10, nerfs cutanés qui, appliqués sur les téguments inférieurs, se rendent au derme et au test. À, faisceaux du muscle abdominal oblique. B, muscle branchio-thoracique. C, muscles transverses de l’abdomen. D, brides qui se détachent du canal veineux collecteur, passent entre les faisceaux de l’abdominal oblique, et vont se fixer en haut au plancher de la chambre pé- ricardique ; ici elles sont coupées au-dessous de cette dernière. E, estomac. CE, æsophage. I, intestin. PLANCHE 7. La Limule est vue par sa face inférieure ; les téguments ont été coupés pour mettre à nu le réservoir circumbuccal R, l'artère veutrale v, et les artères qui en naissent. 0, artères ophthalmiques destinées aux yeux latéraux, 60 ALPH. MILNE EDW ARDS,. p', artères des palpes. p°?, p3, p4, p5, pô, artères des pattes-mâchoires. p7, artères de la dernière paire d’appendices thoraciques. bi, artères de l’opercule constitué par les premières fausses pattes abdominales. b? à b6, artères des branchies. an, artères anales. e, branche destinée aux muscles de la queue. in, artère anastomotique de l’anale passant en dehors du faisceau abaïisseur de l'anus. 11, 42, 13, 14, 15, nerfs engainés à leur base seulement par les parois artérielles et destinés aux muscles et aux téguments. T, portion terminale de l'intestin. PLANCHE 8. Fig. 4. Cette figure représente une portion du cœur, les artères collatérales et l'artère abdominale supérieure injectées et de grandeur naturelle, Le cœur a été coupé en arrière des ouvertures valvulaires de la quatrième paire; dans sa portion antérieure il est encore enveloppé dans la chambre péricardique, mais celle-ci a été enlevée en arrière, et il ne reste plus qu'un lambeau de sa lame inférieure reposant sur l’in- testin : on voit les ailes latérales du cœur s’enfoncer dans le vaisseau branchio -car- diaque. C, cœur. P, péricarde. Ï, intestin. cm, artère collatérale moyenne. c, p, artère collatérale postérieure. 12, artère thoracique principale, BB, troisième artère latérale, , quatrième artère latérale. i, artères intestinales supérieures. On voit que, dans toute la portion postérieure du corps, ces artères se détachent de la collatérale postérieure, n’ont aucune communication avec le cœur, au-dessous duquel elles s’enfoncent en traversant le plancher péricardique, et vont se ramifier sur le tube digestif. r, artère abdominale supérieure. ar, anneau vasculaire rectal. mp, branche formant la marginale postérieure. cl, artère caudale latérale. cs, artère caudale supérieure. b, artères des branchies qui passent entre les apodèmes lergaux. Fig. 2. Branches de la portion postérieure de Partère ventrale, grossies. Cette figure est un complément de la planche 7. v, artère ventrale, b5 et 06, artères des 4° et 52 lames branchifères. 4%, 15, 16, nerfs tégumentaires et musculaires engainés à leur origine seulement par ICS parois artérielles, ARTICLE N° /. ANATOMIE DES LIMULES. 61 an, artères anales formées par la bifureation de la ventrale Elles sont appliquées contre la face inférieure de l'intestin T, et se divisent bientôt en trois branches, l’une qui est la continuation du tronc principal, l’autre, e, qui se rend dans les muscles latéraux de la queue, la troisième, ?, qui n’est qu'anastomotique, et passe au-dessus du faisceau E détaché du muscle latéro-inférieur de la queue et s’insérant au bord inférieur de l’anus. L’artère anale an s'applique bientôt contre le nerf caudal, 31, qui en sort un peu en avant de l’articulation caudale. tv, branches transversales qui unissent entre elles les anales, et sont appliquées contre les parois de l'intestin. Fig. 3. Portion de la paroi de l'intestin, vue au micrascope et très-grossie. La mu- queuse à été, sur une certaine étendue (a), détachée de la couche sous-jacente, afin de bien montrer la manière dont les capillaires se distribuent à sa surface. Sur une autre portion (b), on voit par transparence les artères serpenter au-dessous d'elles. Enfin, une troisième portion {c) dépouillée de la muqueuse laisse voir à nu les mêmes vaisseaux ; les branches les plus fines de ce réseau ont à peine 1/100° de millimètre. Fig. 4. Portion de la membrane qui revêt inférieurement la chambre péricardique, considérablement grossie, et sur laquelle on peut suivre des vaisseaux qui n’ont pas 4/50° de millimètre. PLANCHE 9. Fig. 4. Face latérale de l’estomac considérablement grossi. Les artères sont injectées. a indique la crosse aortique appliquée contre les parois du tube digestif, au niveau du sillon qui sépare l'estomac E de l'intestin T, et longeant ensuite le bord supérieur de l’æsophage (Æ; de sa convexilé se détache une grosse branche 59, qui, après avoir fourni des rameaux à la partic supérieure et postérieure de l'estomac, ainsi qu’à la portion pylorique de l'intestin, se courbe en bas et en arrière pour s’anastomoser à plein canal avec l'artère stomato-gastrique g. Gette dernière fournit des branches à l’œsophage et engaine le nerf stomato-gaslrique ; le ganglion nerveux est logé dans la portion arquée de ce vaisseau , sur laquelle on remarque de petites branches anastomotiques as. De la concavité de la crosse aortique part une branche gé destinée à la portion pylorique de l'intestin. Fig. 2. Troncon de l'intestin grossi cinq fois et vu en dessus. Les artères injectées naissent de la collatérale postérieure et se ramifient en formant un riche réseau dans l'épaisseur des parois intestinales; on peut suivre leurs dernières ramifications sur la figure 3 de la planche 8, où le grossissement est beaucoup plus considérable. Fig. 3. Bouclier abdominal vu en dessous; la première rame branchifère est relevée, et les téguments ont été enlevés pour mettre à découvert l'artère ventrale v et ses branches. b, artère branchiale externe née de la collatérale supérieure. bi, artère branchiale interne contenant le nerf destiné aux organes respiratoires. 12, nerf tégumentaire engaîné à sa base par les parois artérielles. A, muscle abdominal oblique dont on voit en A’ le faisceau inférieur qui s’insère sous le canal veineux collecteur. 62 ALP. MILNE EDWARDS,. B, muscle branchio-thoracique dont les tendons s’insèrent sur les petits apodè- mes B’. Fig. 4. Appendice flabelliforme de la dernière paire de pattes mächoires, grossi 40 fois, et ouvert pour montrer son artère nourricière, dont les dernières ramifications for- ment une série d’arcades, et son nerf qui se résout en une multitude innombrable de petits faisceaux d’une très-grande ténuité. PLANCHE A0, Fig. 4. Réservoir sanguin circumbuccal injecté et grossi. L’estomac E est relevé et rejeté sur le côté, ainsi que la crosse aortique à. g, artère stomato-gastrique contenant le nerf stomato-gastrique et s’anastomosant avec la branche antérieure sg, née de la crosse aortique. s, artère stemmatique naissant de la partie antérieure et supérieure du réservoir, s'appliquant sur la face inférieure de l’œsophage, près de l’estomac, et allant ensuite gagner les yeux simples, où elle conduit un nerf très-grêle. fi, artères frontales qui se ramifient dans les téguments de la portion antérieure du bouclier céphalothoracique. 3, nerfs marginaux antérieurs, engainés à leur base seulement par les parois arté- rielles. o, artères ophthalmiques latérales contenant le nerf des yeux composés. mu, artère destinée aux muscles de la base des palpes. 5 à 10, nerfs tégumentaires engaînés à leur base seulement par les parois arté- rielles. p? à p6, artères des pattes-mâchoires contenant les nerfs de ces appendices ; à leur base naissent des branches plus grêles destinées aux muscles circonvoisins. p7, artère de la dernière paire des appendices (horaciques. bi, artère de l’opercule constitué par la première paire de fausses pattes abdomi- nales. v, artère ventrale logeant la chaine ganglionnaire. Fig. 2. Portion terminale de l'intestin et base de l’épine caudale, vues par leur face latérale pour montrer la distribution des artères, T, intestin. PE, plancher de la chambre péricardique, cp, artères collatérales postérieures. r, artère rectale ou abdominale supérieure, résultant de la fusion des deux précé- dentes. ar, anneau vasculaire rectal faisant communiquer l’artère précédente avec l’anale. mp, branches qui concourent à former l’artère marginale postérieure. cl, artère latérale de la queue, logée dans l'arête inféro-latérale de l'épine cau- dale. ce, artère supérieure de la queue. an, artère anale résultant de la bifurcation de l'artère ventrale. e, artère du muscle latéro-inférieur de la queue. 34, nerf caudal sortant de l'artère anale. ARTICLE N° /. ANATOMIE DES LIMULES. 6Gà Fig, 3. Nerf optique latéral contenu dans l'artère ophthalmique, et grossi. On voit par transparence, à travers les parois du vaisseau, le nerf s’engager dans une bran- che latérale dont les parois s'appliquent bientôt sur ses différents faisceaux. Ces der- niers ont été artificiellement séparés; dans l’état de nature, ils sont appliqués les uns contre les autres et s’enfoncent dans l’œil composé, qui ici a été enlevé. Fig. 4. L'un des nerfs latéraux cutanés, nés du collier æsophagien (voy. fig. 4, n° 7), grossi AO fois, et montrant la branche artérielle très-délicate qui lui fournit des rameaux. Fig. 5. L'une des ouvertures latérales du cœur, montrant sa face inférieure. On voit que les lèvres assez épaisses de cette boutonnière se replient en dedans de façon que, lorsque le sang les presse de dedans en dehors, elles doivent s'appliquer l’une sur l’autre, Cette figure est grossie 20 fois, PLANCHE 414. Fig. 4. Dans cette préparation, le cœur a été enlevé, les crosses aortiques sont rejetées en avant, le sinus veineux péritonéal a été fendu pour mettre à nu le tube digestife E, estomac. T, intestin. BT, canaux biliaires. a, crosses acrtiques. sg, branche se ramifiant sur les parois de l'estomac et aux muscles de la partie basilaire des appendices de la première paire. gt, artère née de la concavité de l’aorte et destinée à la portion pylorique de l’in- testin. ca, collatérale antérieure. cm, collatérale moyenne. cp, collatérale postérieure. 2, thoracique principale. : ï, artères intestinales supérieures se détachant des collatérales, s’enfonçant à tra- vers les parois du sinus péritonéal et se ramitiant sur le tube digestif, r, artère abdominale supérieure, Fig. 2. Portion postérieure de l’estomac, et portion pylorique de l'intestin insufflé et grossi, pour montrer la distribution des artères. La portion antérieure du cœur, les crosses aortiques a et l’artère frontale f ont été rejetées en avant. gt, branche née de la concavité de la crosse aortique et se distribuant à l’intestin, sg, branche postérieure de l’artère gastrique émanée de la convexité de la crosse aortique. à” 1”, artères infestinales se détachant de la collatérale antérieure, B, canaux biliaires de la première paire. Fig. 3. Patte-mâchoire de la dernière paire, ouverte pour mettre en évidence la dis- tribution des artères et celle des principaux nerfs. p, artère contenant dans son intérieur le tronc nerveux. p', branche latérale destinée aux muscles du trochanter ; au-dessus de l’appendice flabelliforme F, il s’en détache un ou deux troncs nerveux @ qui se distribuent dans ce dernier. 6k ALPH. MILNE EDWARDS. Un autre nerf à sort de l'artère dans le trochanter et s'enfonce ensuite dans les autres articles; d’autres nerfs c,d,e, se détachent successivement du vaisseau ; enfin le tronc principal / quitte l’artère dans le pied ; il est accompagné sur une certaine étendue par une branche artérielle dont les parois ne tardent pas à s'appliquer sur lui. PLANCHE 12. Fig. 1. Cette figure représente une coupe longitudinale de la Limule. Le cœur et la plus grande partie de l'intestin sont enlevés; on voit encore l'estomac et la portion pylorique du tube digestif. tv indiquent le canal veineux collecteur rattaché au plancher de la chambre péri- cardique par une série de brides transparentes D. Le muscle abdominal oblique A, qui, en dedans, est appliqué surle canal collec- teur, à été coupé, et l’on ne voit que la section de ses faisceaux supérieurs et inférieurs. B, muscle branchio-thoracique qui, en dehors, est appliqué contre le canal vei- neux. C, muscles transverses de l'abdomen dont l'insertion inférieure est coupée. tb, vaisseaux branchio-cardiaques s’ouvrant sur les côtés de la chambre péricar- dique. Fig. 2. Estomac grossi, e, vu parsa face latérale, et montrant le ganglion gastrique g. Les nerfs qui en naissent se distribuent à l'estomac et à l'intestin ?, ainsi que le nerf qui le rattache au collier médullaire 0e, suit le bord latéral de l’œsophage À. Pour mettre ce ganglion et ces nerfs à découvert, il faut ouvrir les artères gastriques où ils sont contenus. Fig. 3. Rectum grossi, >, vu par sa face latérale. a, l'anus, sur les bords duquel s’insèrent de nombreux faisceaux musculaires. b, faisceau qui se détache du muscle fléchisseur de la queue et vient s’insérer en avant de l’anus. c, nerf caudal, duquel se détachent quelques filets qui se rendent au ganglion rectal d. Ces parties ont été écartées pour mieux les montrer; le muscle à est dans l’état normal appliqué contre l'intestin, et par conséquent le nerf caudal est plus rapproché du ganglion rectal, PLANCHE 43, Fig. 4. Dans cette figure la chambre péricardique a été ouverte, et l’on voit le cœur rattaché aux parties voisines par des ailes latérales qui s’enfoncent dans les canaux branchio-cardiaques. D'un côté, ces vaisseaux ont été simplement mis à découvert, en enlevant les téguments; on les voit alors passer entre les apodèmes tergaux. De l’autre, la carapace a été coupée pour mettre à nu les lames branchifères et montrer par transparence les canaux qui suivent leur bord externe. Fig. 2. Cette figure montre les relations du canal collecteur veineux latéral, év, avec les muscles adjacents. Ce canal veineux est ouvert en dessus, et l’on voit à sa face inférieure les ouvertures 6, par lesquelles le sang pénètre dans les branchies. ARTICLE N° A. ANATOMIE DES LIMULES. 69 A, muscle abdominal oblique dont les faisceaux supérieurs ont été coupés près de leur insertion et rejetés en dedans; les faisceaux inférieurs A’ s’insèrent en arrière des ouvertures afférentes des branchies, et peuvent êlre considérés comme les dilatateurs de celles-ci. B, muscle branchio-thoracique rejeté en dehors; ses différents faisceaux ont été séparés afin de montrer comment ils entrent dans le canal collecteur pour s’in- sérer en B’ sur une petite pièce apodémienne située en arrière de l’ouverture afférente des branchies, de façon que lorsque ce muscle se contracte, il ferme plus ou moins complétement ces orifices. Fig. 3. Première lame branchifère, vue par sa face antérieure; 1e canal branchio- cardiaque a été ouvert et injecté en bleu. Fig. 4. Faisceau musculaire de la base des pattes mâchoires, grossi 500 fois, et mon- trant les relations des derniers rameaux artériels avec les fibres primitives striées. PLANCHE 14, Cette planche montre es canaux veineux collecteurs et les veines du foie. Le cœur et l'intestin sont enlevés; on voit encore l’estomac rejeté sur le côté, et l’œsophage s’en- fonçant sous la pièce entothoracique. Les ovaires sont aussi enlevés pour mettre à nu le tissu du foie, au milieu duquel serpentent les veines hépatiques. Du côté droit, les attaches externes du muscle abdominal oblique, À, ont été coupées à la base des apodèmes tergaux, et les faisceaux sont rejetés en dedans; le muscle branchio-thoracique est aussi enlevé pour mettre à nu le canal collecteur veineux (lv) : celui-ci est rempli d’une matière à injection bleue. On voit au-dessus la série d’amarres membraneuses, D, qui, dans leur état naturel, sont fixées au plancher de la chambre péricardique ; leur attache supérieure ayant été coupée sur cette préparation, ils sont rejetés en dedans, Du côté gauche, les attaches internes du muscle abdominal oblique, À, sont coupées, mais sa portion interne est en place; on voit au-dessus les petits faisceaux des frans- verses de l'abdomen, C. En dehors du tronc veineux, le muscle branchio-thoracique, B, est rejeté sur le côté pour mettre à nu ses tendons d'insertion, qui contractent les adhé- rences les plus intimes avec la veine, s’enfonçant dans son intérieur pour se fixer aux petits apodèmes de la base des fausses pattes abdominales. RA représente la veine hépatique postérieure. R2, la veine hépatique moyenne. R$, la veine hépatique antérieure. PLANCHE 45. Fig. 1. Cette figure représente les centres nerveux et les nerfs qui en naissent, vus en dessus, et contenus dans leur gaine artérielle, qui a été en partie fendue pour les mettre à nu. (Toutes les figures de cette planche sont grossies.) G, ganglions cérébroïdes, e, chaine nerveuse ventrale. D, commissures latérales réunissant les ganglions composant le collier œsophagien. 4, nerf des yeux simples. 2, nerf des yeux composés. 3, nerfs tégumentaires frontaux. 66 ALPH. RMELNE EKDWVARDS,. 4, nerfs tégumentaires fronto-inférieurs. 9 à 10, nerfs tégumentaires nés à la partie supérieure de la masse médullaire, et engainés seulement à leur base par les artères. 41 à 16, nerfs nés des ganglions abdominaux, et destinés aux muscles et aux tégu- ments; ils ne sont engainés qu’à leur origine. 18 à 22, nerfs des pattes-mâchoires; à leur base se détachent de petits faisceaux nerveux accessoires destinés aux muscles circonvoisins 18’ à 22’. 23, nerfs des appendices pectiniformes, 24, nerfs de l’opercule (ou fausses pattes abdominales de la première paire). 26 à 29, nerfs branchiaux. 30, nerfs des muscles de la queue, 31, nerf caudal,. 32, nerf destiné aux muscles latéraux de la queue. î, artère intestinale inférieure. Fig. 2. Cette figure complète la précédente, et montre le petit ganglion rectal R con- tenu dans l’artère anale. Les lettres de renvoi sont les mêmes que pour la figure précédente. Fig. 3. Cette figure représente les centres nerveux d’une Limule, chez laquelle les commissures D, au lieu d’être réunies en 4 faisceaux, étaient au nombre de 9, On voit aussi l’origine des nerfs stomato-gastriques, 33, et les nerfs pharyngiens, 34, qui se détachent de la face inférieure de la masse nerveuse, Les autres lettres sont les mêmes que pour les figures précédentes. Fig, 4. Dans cette figure les centres nerveux sont vus en dessous et sont entièrement enveloppés par la gaine artérielle. On voit s’en détacher les nerfs des palpes, 17, con- tenus dans les artères, qui semblent naïtre des ganglions cérébroïdes. Fig. Bb. Portion antérieure du système nerveux central, vu en dessous. La gaine arté- rielle a été complétement enlevée. On voit à découvert les ganglions cérébroïdes, G, qui forment une petite masse parfaitement limitée, et donnent naissance aux nerfs optiques, À et 3, et aux nerfs tégumentaires fronto-inférieurs. En arrière, les nerfs des palpes, 17, prennent leur origine sur les connectifs; plus en arrière encore, on aperçoit les nerfs des pattes mâchoires, 48 et 19, Les lettres sont les mêmes que pour les autres figures, PLANCHE 46. Fig. 1. Cette figure représente la portion postérieure de la chaîne nerveuse abdomi- nale et les principaux nerfs qui en émanent. V, chaine nerveuse ventrale. 24, nerf de l’opercule (ou fausses pattes abdominales de la première paire). 44 à 46, nerfs destinés aux muscles abdominaux et aux téguments, Ces nerfs sont appliqués sur les téguments de la face inférieure du corps, passent entre les apodèmes lergaux, au-dessous des vaisseaux branchio-cardiaques, puis se rami- fient dans le derme du bouclier abdominal; à peu de distance de l’origine de chacun d’eux, il s’en détache un filet, 44” à 45”, qui se réuuit à un nerf, ou plutôt concourt à former un nerf latéral, 25, parallèle à la chaîne nerveuse, qui règne ARTICLE N° A, ANATOMIE DES LIMULES. 67 dans toute la longueur de l’abdomen et envoie des filets aux muscles adjacents, et principalement au branchio-thoracique. 26 à 30, nerfs branchiaux. 31, nerf caudal. Fig. 2. Celte figure complète la précédente, et représente, grossie, une portion du nerf latéral 25, et les filets 42’ et 13”, qu'il reçoit des nerfs tégumentaires n°5 12 et 13. Fig. 3. L'un des nerfs tégumentaires n° 12, grossi. A son origine, il est engainé par un prolongement des parois de l’artère ventrale, et l’on voit ses faisceaux par trans- parence; mais ces derniers, d’abord intimement accolés, tendent à se dissocier; les parois artérielles s’appliquent sur eux et leur forment une sorte de névrilème général. Fig. 4. Portion de l’une des artères des pattes-mâchoires, considérablement grossie ; la paroi en a été fendue sur un point pour montrer le nerf qui y est contenu, et dont un faisceau latéral se détache et s'engage dans l’une des branches ou tronc principal. Fig. 5. ŒŒil composé et artères qui s’y rendent. [2, artère thoracique principale d’où part l'hépatique k, qui va déboucher à plein canal dans l'artère ophthalmique o. Cette dernière loge le nerf optique, 2, qui, au voisinage de l'œil, sort du vaisseau et pénètre dans les téguments. Fig. 6. Cellules nerveuses vues au microscope avec un grossissement tres-considérable. Fig. 7. Fibres primitives du nerf caudal vues au microscope avec un très-fort gros- sissement, NOTE SUR LE SE BASTES MINUTUS, PAR M. H. E. SAUVAGE. On peut dans le genre Sebastes de Cuvier et Valenciennes établir sous le nom de Sebastopsis une petite division caractérisée par l’absence de dents aux palatins et d’écailles à la base des nageoires ventrales. Le Sebastes minutus est le type de ce nouveau genre auquel il faut ratta- cher les Scorpæna bandanensis, BIk., et Scorpæna laniaria, G. V. Nous avons pu nous assurer, grâce aux types de Cuvier et de Bleeker, qu'on doit rapporter au Sebastes minutus le Scorpæna polylepis de Bleeker; de pius, le Scorpæna bandanensis, BIKk., ne répond pas au Scorpæna haplo- dactylus de Günther : la première de ces espèces étant dépourvue de dents aux palatins; la seconde rentrant dans le groupe des Scorpènes proprement dites, à dents palatines, L'espèce de Cuvier ayant été méconnue par tous les auteurs, nous en donnons la diagnose : SEBASTOPSIS MINUTUS. — Sebastes minutus, C. V., t. IV, p. 318. — Scorpæna polylepis, Bleek., Natuurk. Tijdschr. Nederl. Indië, 1851, t. IE, p. 173.— Günther, Cat. Acanth., t. IL, p. 106. Hauteur comprise quatre fois, tête deux tiers dans la longueur totale. Dos très-voûté, OEil séparé du bout du museau par un espace égal au diamètre, compris trois fois et un tiers dans la tête. Espace inlerocu- laire très-concave, à deux lignes saillantes, égal à la moitié du dia- mètre oculaire. Dents du vomer sur un A très-ouvert. Cinquième rayon dorsal aussi long que l'œil; deuxième rayon anal fort. Pectorales plus longues que les ventrales, qui n’atteignent pas l’anus, situé très-près de l’anale. Brun rouge, avec des marbrures plus foncées; petites taches aux nageoires.— Long. 75 millim. — D. 12, 1/8-9; A. 3/5; lig. lat. 28, Amboine, Sumatra, Moluques, Mariannes, îles de la Société, ARTICLE N° 5, RECHERCHES SUR LES ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE Par A. F. MARBEION. L'étude des animaux inférieurs marins, si brillamment inau- gurée en France par nos zoologistes nationaux, est devenue récemment moins habituelle, tandis que les naturalistes étran- gers s'engageaient dans cette voie qui nous réserve bien des rencontres ivattendues. Les divers points de nos rivages médi- terranéens ou océaniques, d'ordinaire si favorablement disposés, demeureront longtemps encore un champ fécond ouvert aux recherches. Tel est le cas des parages voisins de Marseille, dont les côtes et la rade n’ont été que très-peu explorées à ce point de vue. Ce n’est pas cependant que ces localités moins favorisées soient pauvres en animaux de ce genre. Müller, après les tra- vaux de MM. Khron et Derbès, puisa en grande partie dans les eaux de ce golfe les éléments de son histoire du développement des Échinodermes. A des époques plus rapprochées, divers natu- ralistes, feu le professeur Keferstein entre autres, ont visité de nouveau les mêmes lieux, mais, semble-t-il, sans trop de succès. Cette particularité ne paraîtra pas surprenante à quelqu'un fami- larisé avec ces études et sachant combien un séjour prolongé est le plus souvent nécessaire. Mettant à profit les avantages de ma situation à Marseille, et aidé en dernier lieu par toutes les facilités que le laboratoire pratique des hautes études établi à la Faculté des sciences m'offrait pour la recherche des ani- maux des grandes profondeuts, j'ai pu réunir diverses obser- SG, NAT. DÉCEMBRE 1872. XVII 9, — ART, N° 6. 2 A. K. MARION. vations que j'espère continuer et compléter, sinon parfaire, à la longue. Le golfe de Marseille s'ouvre largement vers l’ouest, séparé de la haute mer par deux petites Îles : Pomègue et Ratoneau, situées à environ une lieue de la côte, à laquelle elles se ratta- chent par une vallée sous-marine dont le point le plus profond atteint à peine dix-huit brasses. La côte elle-même, se déve- loppant en un vaste croissant irrégulier, présente, dans son aspect et sa structure, une variété assez grande en relation directe avec les roches de formations géologiques diverses qui la constituent. Au nord-ouest, les falaises secondaires de Nieulon et de l'Estaque s’infléchissent vers les couches sableuses et argileuses du bassin tertiaire de Marseille, dont les massifs, profondément découpés, viennent se rattacher aux roches crétacées de Notre-Dame de la Garde, auxquelles succède la plage du Prado et de Montredon, bornée au sud par les escarpements des Goudes et de l’île Maïré. Ces rivages, fréquemment creusés de petites baies étroites (calan- quo des Provençaux), abritent, dans une première zone litto- rale peu profonde, un ensemble d’Invertébrés assez nombreux, vivant au milieu des Algues, parmi les rameaux pressés des Floridées ou sur les frondes des Ulves. Les Annélides et les Tur- bellariés de petite taille dominent, côte à côte avec de nombreux Nématoïdes errants, dont j'ai eu l’occasion de parler ailleurs. Quelques Rayonnés spéciaux apparaissent en certains points, pour disparaître bientôt ensuite, et ne reparaître que plusieurs années plus tard (1), tandis que les Mollusques testacés et les (4) Je citerai, comme exemple remarquable de ces apparitions fugilives, quelques observations sur un curieux Hydrozoaire : Je trouvai, le 24 avril 1865, dans des vases contenant des Ulves prises au Pharo, une multitude de petites Eleuthéries qui toutes portaient à la face supérieure de l'ombrelle des bourgeons à des degrés différents de développement. Ces animaux n’ont plus été retrouvés depuis, Je n'aurai pas à rendre compte de mes recherches sur ces Rayonnés, car M. de Filippi a décrit déjà avec détail les phénomènes que j’observais à la même époque. Cette particularité méritait cepen- dant d’être signalée : les Eleuthéries apparaissaient subitement en avril 1865 sur deux points assez éloignés des côtes de la Méditerranée, pour disparaitre bientôt ensuite du voisinage de Marseille, J’ai pu bien souvent constater des faits analogues pour des êtres très-divers, ARTICLE N° 6, ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE. 5) Crustacés habituels des rivages abondent auprès des nom- breux Zoanthaires ou Échinodermes, qui tapissent les rochers peu profonds. Ces divers animaux ne descendent point très-bas, s'arrêtent à quatre ou cinq brasses, et sont remplacés bientôt par de nouvelles espèces, avant-garde de la faune de la seconde zone, faune bien plus riche et plus variée encore, et qui n’atteint son maximum de développement que dans les fonds de quinze à dix-huit brasses. De vastes prairies de Zosières s'étendent sur un sol résistant, parsemé de quelques nappes vaseuses ou sableuses (vailé) peu étendues; région bien connue des pêcheurs de ganqui provençaux et dont le nom caractéristique (/ouns d’Aougo) pour- rait être conservé, en bien remarquant, toutefois, que le mot Alque est employé sur nos côtes pour signifier les différentes Zostéracées (Posidonia Caulini, Kœnig; Zostera nana, Roth.), tandis que les Algues floridées et fucacées sont désignées sous le nom de Mouffo. Ici le nombre des invertébrés qui parcourent les mortes amas- sées auprès des rhizomes des Posidonies devient considérable et ne peut être comparé à celui des espèces littorales. Les genres, les espèces, les individus, ont rapidement augmenté en appro- chant de ce gite habituel des animaux rares ou peu connus, parmi les Annélides, les Turbellariés, les Siponculiens. Le Cerianthus membranaceus, YOmbrelle de la Méditerranée, fréquentent cette région où abondent les Mollusques des genres Cassis, Cassi- daria, Trivia, Nañca, Rianella, Triton, Turritella, Chenopus, Trochus, Fissurella, Plhiline, Scaphander, Aplysia, Tethys, Pleurobranchus, Coriocella, Cardium, Pectunculus, Arca, Pecten (À), etc. Peut-être suflira-t-il, pour prouver la richesse (1) Principaux Mollusques de la deuxième zone : Cardium papillosum, Por, Arca clathrata, Lamk. Astarte incrassata, Broc. — tetragona, Por. Galeomma Turtoni, Sow: — barbata, L. Cardita sulcata, Lamk. Pectunculus glycymeris, Chemn. — calyculata, E. — pilosus, L. — aculeata; Polf, Pecten polymorphus, Bronn. — trapezia, L, — hyalinus, PA. Lucinä spinifera, Mont. — varius, L. — digitaria, L, — Testæ, Biv. h A. F. MARIO. de cette faune, de citer les divers Crustacés supérieurs les plus communs dans ces prairies de Zostères : Stenorbynchus longirostris, A. Edw. (Aragno des pêcheurs provençaux). St. Scorpio, Fabr. (id.). St. thoracicus, Loux (1d.). St. dorynchus, ZLeach (id.). Pisa tetraodon, Leach (Esquinadoun). Pisa armata, Latr. (id.). Lissa chiragra, Leach (id.). Maïa Squinado, Lam. (Esquinado). Eurynome aspera, Leach. Lambrus mediterraneus, Aoux. Pilumanus spinifer, M. Eduw. Portunus corrugatus, Leach (Favouiïo rougeo). Calappa granulata, Fabr. Ilia nucleus, Desm. Ebalia Pennantii, Leach. Lima hians, Gml. Spondylus gœderopus, L. Murex trunculus, L, — brandaris, L. — crislatus, Br, — corallinus, Sca. — distinctus, Crest. Fusus squamulosus, PA. — strigosus, Lam. — pulchellus, PA. — syracusanus, L. — scaber, Lam. Triton nodiferum, L. — corrugatum, Lam. — mediterraneum, Sow. Ranella gigantea, Lam. Purpura hæmastoma, L. Cassidaria echinophora, Lam. — tyrrhena, Brug. Cassis sulcosa, Brug. Pleurotoma Volutella, Kiem. Defrancia Leufroyi, Mich, — gracilis, Mont. Mangelia Vauquelini, Peyr. — rugulosum, PA. — granum, PA. Lachesis minima, Mont. — mamillata, Résso, Nassa limata, Chemn. — pygmia, L. Mitra plicatula, Broc. — Zonata, ZW. ARTICLE N° 6, Natica flammulata, Reg. — Guilleminii, Peyr. — millepunctata, Lam. Scalaria tenuiscosta, Mich. — lamellosa, Lam. — eburnea, Mich. Eulima polita, L. Chemnitzea lactea, L. Odostomia conoidea, Br. Solarium luteum, Lam. Trivia europæa, Mant. — pulex, Sol, Cypræa lurida, L. Ovula carnea, L. Birostra pelta, L. Calyptræa sinensis, L. Turbo rugosus, L. Trochus granulatus, Born. — corallinus, Gm,. — fanulum, Lam. — magus, L. — cornulus, Lam. — millegranus, Ph. Eissurella nimbosa, PA. Dentalium dentalis, L. Umbrella mediterranea, Lam. Tylodina citrina, Joan. Scaphander lignarius, L. Philine aperta, L, Pleurobranchus aurantius, Réss. — testudinarius, Cantr. Goriocella perspicua, L, ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE. à) Ebalia Costæ, Aeller. Dorippe lanata, M. Edw. Ethusa mascarone, Roux. Homola spinifrons, Leach. Homola Cuvieri, /rsso. Dromia vulgaris, M. Eduw. Pagurus striatus, Lafr. (Piado des pêcheurs provençaux), Pagurus calidus, Asso (id.). Diogenes varians, Costa sp. (id.). Eupagurus angulatus, Æisso sp. (id.). Galatea strigosa, Fabr. (Punaiso). Galatea squamifera, Leach (id.). Munida rugosa, Fabr. sp. (id.). Scyllarus arctus, Fabr. (Chambré). Scyllarus latus, Latr. (id.). Palinurus vulgaris, Latr. (Lingousto). Homarus vulgaris, M. E£'diw. (Lingoumbaou). Crangon cataphractus, M. Edw. (Carambo). Gnathophyllum elegans, Latr. (Pèro). Squilla Mantis, Aond. (Galero). Squilla Desmarelii, Ærsso (id.). Nous ne trouvons, au contraire, les mèmes groupes repré- sentés à la côte que par les espèces suivantes : Grapsus varius, Latr. (Courentio des pêcheurs provençaux). Pirimela denticulata, Leach (Favouïo dei pichouno). Eriphia spinifrons, Latr. (Fioupélan). Xantho rivulosus, Risso. Pisa tetraodon, Leach. Maïa verrucosa, M, Edw. Maïa Squinado, Lam. Acanthonyx lunulatus, Latr. Corystes dentatus, Latr. Eupagurus Bernhardus, Brandt (Piado). Eupagurus Prideauxii, Leach. sp. (id.). Porcellana platycheles, Zam. Porcellana longicornis, M. £dw. Palinurus vulgaris, Latr. Palæmon Treillianus, Desm. (Raquié). Ces deux listes comparatives, dans lesquelles n’ont été in- scrits que les Crustacés les plus fréquents, ne nous donnent du 6 A. EF. NMAREION. reste qu’une bien faible idée de la richesse relative des deux faunes, qu'il serait sans doute exagéré de considérer comme étroitement parquées. Certaines espèces, en effet, fréquentent volontiers les deux zones, quittant quelquefois les grands fonds pour les rivages, tandis que d’autres espèces littorales ne crai- gnent pas de descendre jusqu'à ces profondeurs, qu’elles ne semblent pourtant pas dépasser. Aux prairies de Zosières succè- dent, par vingt-cinq, trente, quarante et cinquante brasses, de grandes étendues vaseuses et sableuses, habitées par les Poissons blancs spéciaux, que les pêcheurs des tartanes savent bien atteindre, mais dont les Invertébrés ne sont que difficilement recueillis. Les observations scientifiques ne peuvent donc s’a- dresser d'ordinaire qu'aux animaux littoraux ou des prairies de Zostères. Parmi ces Invertébrés de petite taille parcourant les Floridées du rivage ou les rhizomes des Posidonies, se trouvent communément plusieurs espèces d’Annélides et de Turbellariés du groupe des Némertiens. En exposant le résultat de mes recherches sur quelques-uns de ces Vers, j'espère pouvoir aug- menter de quelques faits nouveaux, de quelques remarques utiles, leur histoire encore si controversée. PREMIER ARTICLE OBSERVATIONS SUR UN NOUVEAU NÉMERTIEN HERMAPHRODITE (BORLASIA KEFERSTEINII) Il est généralement admis aujourd’hui que la monœæcie et la diæcie ne possèdent pas l'importance qu'on leur avait accordée dans quelques classifications zoologiques. Les découvertes ré- centes Sont venues prouver qu'on devrait bien souvent, en fai- sant cas de la disposition des appareils sexuels, séparer des animaux appartenant d’ailleurs manifestement au même type orgaÿique. Nous connaissons actuellement de nombreux exem ples d'espèces hermaphrodites dans des classes d'êtres unisexués ou ARTICLE R° 6, ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE. % d'animaux unisexués à peine distincts de leurs congénères her- maphrodites. Dans l’embranchiement des Vertébrés, du reste si homogène, le groupe des Serrans paraît constituer, parmi les Poissons, une exception de celte nature (1). Mais c’est surtout chez les animaux inférieurs que ces cas, pour ainsi dire anor- maux, deviennent fréquents. Il suffit, en effet, de citer les Mol- lusques et les Vers, pour rappeler linsuffisance de ces particu- larités anatomiques. Les faits de monœæcie annoncés chez les Nématoïdes demandent bien encore confirmation, mais cette réunion des sexes a été très-exactement décrite chez plusieurs Annélides polychètes, appartenant principalement à la famille des Serpuliens'(2). | Nous trouvons enfin des exceptions analogues, mais plus rares, parmi les Turbellariés. Le groupe des Rhabdocéliens offre quel- ques espèces, telles que le Prostomum lineare et le Convoluta paradoza (3), dont les organes gémitaux mâles et femelles se développent à des époques différentes, de telle sorte que l’un des deux sexes prédomine toujours, tandis que d’autres fois (Acmo- Stomum dioicum) la séparation des sexes est totale (4). Ajoutons que Claparède a décrit un Dendrocélien également anormal (Planaria dioica), observé à Saint-Vaast, dans lequel au con- traire les deux sexes n'étaient pas réunis (5). La famille des Némertiens mérite d’être signalée au même titre. Les divers membres qui la composent sont généralement unisexués, el cette particularité à paru suffisante pour les distin- (4) L’hermaphrodisme de ces curieux Poissons mériterait toutefois de nouvelles recherches. 11 semble, en effet, que cette disposition des sexes n’est pas constante ; il conviendrait, dans tous les cas, de déterminer exactement les fonctions des organes. (2) Amphiglene medilerranea, Clap., Laonome Salmacidis, Clap., Salmacina tn- crustans, Clap., Salmacina œdificatrix, Clap., Protula Dysteri, Huxley {Salmacina ?), Sptrorbrs Pagenstecheri, Quatr., Spirorbis lævis, Quatr., etc., Pileolaria militaris, Clap., Nereis massiliensis, G. Mq.-T. (Nereis Dumerili ?), (3) Voy. Claparède, Recherches anatomiques sur les Annélides, Turbellariés, etc., observés dans les Hébrides, — E. Mecznikow, Zur Naturgeschichte der Rhabdocelen (Archiv für Naturgeschichte, 1865, p. 174). (4) E. Mecznikow, Loc. cit., p. 178. (5) Claparède, Beobachtungen über Anatomie und Entwick. wirbelloser Thiere, ete., p. 18. 6 A. EF. MAREION. guer nettement des autres Turbellariés. Keferstein (1), en annon- cant naguère l'existence d’un Némertien hermaphrodite, vint démontrer une fois de plus la fragilité de ce caractère. Cette observation du professeur de Gôttingue est cependant passée presque inaperçue, malgré la note insérée à ce propos par Clapa- rède dans les Archives des sciences physiques et naturelles (2). Le zoologiste de Genève remarquait avec raison que la décou- verte de Keferstein donnait une signification nouvelle aux consta- tations récentes de jeunes Némertiens contenus dans le corps d'individus adultes de même espèce. L'auteur allemand conser- vait lui-même un certain doute sur la valeur du fait intéressant qu'il venait de signaler. Le Némertien hermaphrodite qu'il avait étudié sur les côtes de la Bretagne pouvait être, ainsi qu'il me le déclarait quelques mois à peine avant sa mort, un individu monstrueux exceptionnel parmi les animaux de ce geure, même en écartant l'hypothèse peu probable d’une fécondation interne. La découverte d’une nouvelle forme de Borlasie monoïque dans le golfe de Marseille vient heureusement confirmer les remarques du professeur Keferstein. Le premier individu de cette espèce inédite, que je désignerai sous le nom de Borlasia Kefersteinii, à été trouvé en mars 1869 parmi les rhizomes de Posidonies retirées de dix-huit brasses de profondeur, par le travers du Château-d'If, à la hauteur du Prado. J'ai pu recueillir depuis, dans celte station, trois autres Némerliens offrant la même organisation, et leur examen me permet de donner aujourd’hui une description assez complète. Leur corps, très-protéiforme, atteint quelquefois une lon- gueur de 15 millimètres ; il est large alors d’un millimètre, légè- rement aplali et régulièrement amimei aux deux extrémités, à peine fusiforme. D’autres fois, l'animal se contractant vivement, sa masse apparaît avec des renflements irréguliers larges de 8 millimètres, tandis que sa longueur est réduite à 4 ou 5 milli- mètres ; mais la tête, médiocrement acuminée, ne présente nor- (1) Ueber cine Zwilernemertine (Borlasia hermaphroditica) von SéMalo (Arch. für Naturgeschichte, 1868, p. 102). (2) Arch. des se. phys. et nat., t, XXXE, n° 122, février 4868, p. 173. ARTICLE N° 6, ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE. 9 malement aucun étranglement la détachant du reste du corps; elle est de même dépourvue de lobes antérieurs; ses fossettes latérales sont infundibuliformes et peu profondes : tous ces caractères, sans compter l’armature de la trompe, s'accordent complétement avec ceux attribués par Keferstein au genre Borlasia (1). Il est souvent difficile de reconnaître dans les Némertiens des caractères assez constants et d’une importance assez considé- rable pour servir à déterminer les espèces. On à cité la forme et les dimensions des zoospermes comme pouvant être employées dans ce but; mais ces particularités ne sont pas toujours appré- ciables. La forme générale du corps et sa coloration, surtout celle de la région antérieure, la disposition des organes des sens, semblent offrir plus de fixité. Dans les genres armés, les diverses régions de la trompe facilitent la détermination qu'il est pos- sible d'établir sur la seule considération des détails du stylet et de son socle. L'étude du Némertien hermaphrodite des côtes de Marseille va nous démontrer l'importance de ces derniers caractères (2). Il existe en effet, dans les mêmes fonds fréquentés par le Borlasia Kefersteinii, une autre petite espèce parasite des Phallusies, qui, par ses dimensions et sa coloration rose légère- ment blanchâtre aux deux extrémités du corps, rappelle beau- coup la Borlasie hermaphrodite. Mais cette ressemblance exté- rieure est bientôt renversée par l'examen anatomique. La Borlasie parasite des Ascidies simples porte bien deux yeux assez volumineux en avant de la tête, mais la forme du stylet, ses dimensions et surtout les contours du socle, diffèrent totalement dans les deux espèces. Quelques figures comparatives suffiraient pour faire apprécier la valeur spécifique de ces variations. Keferstein, dans sa note sur le Borlasia hermaphroditica de Saint-Malo, ne représente pas l’armature de la trompe, qu'il ne décrit du reste que d’une manière rapide. Nous pouvons recon- (4) Voyez, pour la classification des Némertiens, Keferstein, Untersuchungen über niedere Seethiere (Zeïtschr. für wissensch. Zoologie, 1862). (2) Voy. fig. 3”, stylet du Borlasia Kefersteinii, et comparez au stylet du Borlasia echinoderma, fig, 40. 10 À, EF, NMARION. naître, toutefois, que le Némertien océanien est franchement distinet de son congénère méditerranéen. Le Borlasia herma= phroditica ne possède qu’une paire de taches oculiformes d'une petitesse extrême ; au contraire, ses organes latéraux en rapport avec les fossettes céphaliques sont très-apparents. Les sperma- tozoïdes eux-mêmes, d’une taille assez grande, portent une région antérieure caractéristique. Les droits spécifiques du Né- mertien hermaphrodite du golfe de Marseille me semblent donc bien établis. Le corps du Borlasin Kefersteinü est entièrement couvert de cils vibratiles implantés, comme chez toutes les autres espèces, dans une cuticule très-mince, sans structure appréciable (4). - Ces cils sont surtout très-mobiles et très-longs en avant, autour de l'ouverture de la trompe et de celles des fossettes latérales, en arrière autour de l'anus (2), mais je n'ai pu constater la pré- sence d'aucun de ces filaments rigides et immobiles qui, chez quelques espèces, représentent peut-être des organes de taet. Au-dessous de la cuticule, on distingue facilement la couche granuleuse au sein de laquelle le pigment est irrégulièrement disséminé (3). Cette partie de l'enveloppe générale du corps aiteint une épaisseur maximum de 0",095 ; elle contient quel- ques cellules mucipares dont les pores ne sont guère visibles qu'à la face inférieure de la région céphalique. J'ai trouvé bien souvent dans cette couche granuleuse, chez divers Némertiens du golfe de Marseille, de petits corps brillants, tantôt en forme de prismes, tantôt en forme de boucles, et rap- pelant les corps analogues signalés dans les muscles des Échi- nodermes. Le Borlasia Kefersteinii m'a toujours paru privé d'organes de ce genre, et je ne puis insister que sur l'épaisseur assez considérable de l'enveloppe cutanée, relativement à celle de la couche musculaire qui la tapisse intérieurement (4). Tous les Némertiens de grande taille possèdent un système (1) Fig, 5, CRE. 1, (3) Fig. 5, (4) Fig. 5, c. ARTICLE N° 6. el 4. D © ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE. Al musculaire assez compliqué, consistant en deux couches de fibres circulaires et en deux couches de fibres longitudinales; mais notre Borlasie hermaphrodite, à l'exemple de la plupart des petites espèces, ne présente qu’un ensemble de fibres mus- culaires longitudinales délimitant la cavité générale du corps. On distingue enfin, à diverses hauteurs, des faisceaux fibreux transverses qui se détachent de l'enveloppe musculaire et vien— nent s'insérer sur la couche hépatique du tube digestif. IL est difficile de fixer la nature de ces fibres (1), que l’on rapporte quelquefois au système musculaire, mais qui constituent peut- être un appareil conjonctif. Durant les mouvements de l’ani- mal, j'ai vu souvent l’intestin suivre , au moyen de ces faisceaux fibreux, les flexions de l'enveloppe générale du corps, mais la longueur des fibres transverses ne diminuait ni n’augmentait jamais. Quoi qu'il en soit, la cavité générale ainsi délimitée est presque entièrement occupée par la trompe et par le tube diges- tif. Les produits sexuels que j'ai toujours observés en abon- dance concourent à combler les derniers vides. Tous les naturalistes admettent sans doute aujourd’hui, chez les Némertiens, un appareil digestif complet, avec bouche et anus, bien distinct de la trompe, organe d'attaque et de défense, dont les fonctions véritables peuvent être facilement reconnues sur des individus vivants (2). Je ne veux point essayer ici l’histo- (1) Fig. 5, f, f. (2) J'ai connaissance en dernier lieu d’une communication sur quelques points de l’organisation des Némerliens, faite par M. Léon Vaillant au congrès de l’Asso- ciation française pour l'avancement des sciences, réunie à Bordeaux (voy. Revue scientifique, 2° série, n° 42, 21 septembre 1872). Le savant naturaliste admet que la trompe doit être regardée comme le véritable appareil digestif. Malgré l’impor- tance nouvelle que cectte déclaration donne à ‘une opinion soutenue du reste aupa- ravant par de célèbres zoologistes, je ne puis nullement l’accepter comme certaine. M. Léon Vaillant affirme que les aliments sont introduits par l'ouverture pro- boscidienne; la structure du bulbe du stylet ou de la région qui lui correspond, chez les espèces inermes, et l'observation des actes d'individus vivants, me semblent au contraire réfuter cette fonction. Si l’on étudie avec soin ce bulbe, au moment où la trompe à été projetée, on reconnait, en employant au besoin des procédés de coupes transverses, que la partie centrale est occupée, chez les Némertiens armés, par la pointe du stylet à côté de laquelle vient s'ouvrir un mince canal; les poches 49 A. F. MARION. rique de cette question que d’autres zoologistes ont du reste lon- guement développée déjà. Il me suffit de déclarer qu à l'exemple de Van Beneden et de Keferstein, je considère comme erronée l'opinion qui attribue à la trompe le rôle d’un tube digestif, à la bouche véritable celui d’une ouverture sexuelle, et à la couche hépatique des fonctions reproducirices. Chez le Borlasia Kefersteinti la bouche s'ouvre à la face ven- trale, en arrière des ganglions céphaliques (1); elle consiste en une fente assez longue dont le diamètre transverse est très- variable. L’enveloppe générale du corps se renfle notablement autour de cette ouverture en bourrelet labriforme, dont la cut - cule porte des cils vibratiles longs et très-mobiles. Ces cils sem- blent se continuer dans la première région du tube digestif, qui s'étend longitudinalement jusqu'à lextrémité postérieure du corps, avec quelques renflements irréguliers trop peu Importants, toutefois, pour délimiter dans cet appareil des régions différentes successives. Je n'ai pas eu l’occasion de constater dans ce tube digestif les Grégarines parasites si nombreuses chez d’autres espèces. L’anus est exactement terminal (2) ; sa présence ne peut styligènes que l’on voit de profil communiquer par un prolongement étroit avec la région centrale, auprès du stylet principal, doivent posséder aussi en ce point deux ouvertures que je n'ai pu distinguer nettement. En admettant donc que les ali- ments pénètrent dans la trompe, il faut supposer qu'ils cheminent en suivant l’étroit canal situé à côté du stylet, et qui, à mon avis, n’est autre chose que le tube excréteur de la poche à venin de la partie inférieure du bulbe. Or, je crois avoir constaté, dans tous les cas, que le liquide contenu dans la région postérieure glan- dulaire de la trompe est constamment animé d’un mouvement de sortie, aussi bien chez les espèces incrmes que chez les Némertiens armés. J'ai vu ce liquide pro- jeté subitement par des individus placés vivants sous le microscope, atteindre de petits Cyclopes et arrêter instantanément leurs mouvements. J'ajoute que je n’ai pas su découvrir une ouverture postérieure à la trompe; tandis que je crois être cer- tain de l'existence d’un anus correspondant à la bouche située à la face inférieure de la région céphalique. M. Léon Vaillant considère sans doute cette dernière ou- verture comme un pore sexuel, et rattache probablement aussi aux organes repro- ducteurs ce que je crois être une couche hépatique. Ces différences si considérables dans nos interprétations réciproques doivent nous montrer combien l’organisation de ces curieux Némertiens mérite de nouvelles recherches, qui contrediront peut-être mes observations, mais que j'appelle cependant de tous mes vœux. (1) Fig. 2, B. (2) Fig. 4, A. ARTICLE N° 6, ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE. 13 être souvent constatée que grâce aux longs cils vibratiles qui l'entourent. Les bords de cette ouverture sont en effet rappro- chés d'ordinaire d’une manière si intime, que l'enveloppe géné- rale ne semble pas interrompue en ce point. Quelquefois, cepen- dant, il est possible de voir les parois se dilater et les excréments être rejetés. Cette occlusion de l'anus est normale, et je crois même pouvoir l’attribuer, chez les grandes espèces, au jeu d’un système musculaire particulier de fibres obliques ou circulaires. Il convient de remarquer néanmoins que les tissus externes des Némertiens sont, pour ainsi dire, tellement plastiques, que leurs surfaces s'unissent bien souvent dans diverses régions, de ma- nière à masquer entièrement des ouvertures d’autres fois large- ment béantes. La couche hépatique est considérable (1); son enveloppe fibreuse externe se rattache aux filaments transverses que j'ai déjà signalés (2). Toute sa masse consiste en des groupes plus ou moins volumineux de vésicules adipeuses jaunâtres, réunies quelquefois en grand nombre dans une fine membrane d’enve- loppe commune (3). Ces gouttelettes sphériques ont à peine 0",003 de diamètre et rappellent les éléments analogues de l’in- testin de certains Invertébrés. La trompe présente un développement inaccoutumé; elle s'étend à la région dorsale, au-dessus de l’appareil digestif, Jus- que dans le voisinage de l’anus (4), et se recourbe ensuite pour venir se fixer à la paroi de la cavité générale. Elle peut être pro- jetée par une ouverture située exactement à la pointe antérieure de la tête, en glissant entre les deux commissures transverses des ganglions cérébraux. Le mécanisme de cette projection, dans l'attaque ou la défense, a été exactement décrit par les divers auteurs qui ont su reconnaître les fonctions de cet organe, dont la structure empêche toute pénétration de substances extérieures. (4) Fig. 4 et 5, H. (2) Fig. 4 et 5, f, f. (3) Fig. 8. (4) Fig. 4, t, et fig. 4, Al A. EF. RIAERION. Je ne citerai donc pas les couches fibreuses longitudinales et transverses qu’on retrouve chez toutes les espèces. I faut distinguer daus cette trompe trois régions différentes : l’une, antérieure, protractile, à laquelle succède le bulbe du stylet, suivi lui-même par la région glandulaire, qui s'étend jusque vers le point d'attache de la partie terminale uniquement musculaire. La région protractile est couverte de papilles assez épaisses et à peine tuberculeuses, sur lesquelles je n'ai point observé de cils vibratiles (1), ni d'organes bacillaires et urticants, qui ne font pas défaut cependant chez toutes les espèces. Cette partie de la trompe est d’une longueur moyenne ; elle peut toutefois, dans son mouvement de rétroaction, qui correspond à la saillie du stylet, recouvrir la portion supérieure de là région glandulaire. Le bulbe du stylet vient ensuite, sans étranglements bien sensibles, avec une armature dont tous les détails peuvent être facilement observés. Le stylet occupe le centre du bulbe; sa pointe mince et irès-acérée est engagée dans une petite ouver- ture dans laquelle on la voit jouer quelquefois; cette pointe est enchâssée à sa base dans une sorte d'anneau qui surmonte Île socle, un peu rétréei vers son milieu (2). La masse de ce socle apparait granuleuse et branâtre, et ne se comporte pas avec les acides comme la pointe du stylet elle-même. Des deux côtés de la région supérieure du bulbe se trouvent les poches styligènes, contenant trois petites pointes entourées de leur anneau basi- laire et disposées, suivant le grand axe des poches, d’une ma- nière symétrique (3). De leur partie antérieure part un petit canal qui se recourbe bientôt, et vient finalement se terminer à côté du point où saillit Le stylet principal (4). Au-dessous des vési- cules styligènes, les tissus fibreux sont parsemés de fines granu- lations pigmentaires, La partie inférieure du bulbe est constituée (L) Fig. 3% (2) Fig. 3, t, et fig. 137; (B)NEig- 6, P, P: (4) Fig. 3, /, de ARTICLE N° 6: ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE. 45 par une dilatation assez vaste (1), sorte de poche musculaire tenant en réserve le liquide évidemment venimeux produit par la région glandulaire de la trompe (2). Dans cette poche, le venin consiste en de petites gouttelettes granuleuses d’un aspect hui- leux, glissant, sous l’action des muscles, dans un étroit conduit qu! traverse le bulbe le long du stylet (3), et vient s’ouvrir à côté de sa pointe. Lorsque la trompe est projetée à l'extérieur et que le bulbe est devenu terminal, on voit distinctement les mouve- ments saccadés du stylet, ou plus exactement de la masse mus- culaire qui l'entoure, et un liquide grenu s’écoulant par l’ouver- ture voisine du canal excréteur. Celte expulsion du venin est même habituelle aux Némerliens des genres Lineus, Cerebra- tulus, Nemertes, etc., dont la trompe est sans armature, mais qui se servent utilement, néanmoins, de cet organe. Le liquide ainsi rejeté semble très-nuisible aux divers animaux qui peuvent être en rapport avec nos Turbellariés. J'ai pu bien souvent constater la répulsion que manifestent pour eux certains Crustacés assez volumineux, très-avides au contraire de petites Annélides. Les Salicoques s’élancent au loin aussitôt qu’elles ont reconnu, par le simple contact de leurs antennes, un Némertien qu’on leur présente, même alors que sa irompe n’a pas été projetée. On dirait que-ces Crustacés trouvent, à la surface du corps des Tur- bellariés, un avertissement salutaire. Ces Vers sont cependant dépourvus d'ordinaire d'appareils urticants ; l'agitation des cils vibratiles est-elle perçue par les Crustacés, qui éviteraient ainsi, par une sorte d’instinct héréditaire, le dangereux venin? Quoi qu il en soit, les Némertiens possèdent en cette trompe un appareil précieux de protection. Le liquide qu'ils éjaculent et qu’ils inoculent quelquefois avec le stylet, est sécrété par la ré- gion glandulaire qui suit le bulbe. On aperçoit dans cette portion de l'organe de nombreuses vésicules dont la fine membrane d’en- veloppe se détruit dans le voisinage de la poche où prend (1) Fig. 3 (2) Fig. 3, (3) Fig. 3 V Q a 16 A. H,. NIAREGN. naissance le canal excréteur. Il est à remarquer que cette région postérieure de la trompe apparaît presque toujours en- tièrement occupée par ces vésicules, de même que la poche à venin est comblée par le liquide qui doit s'en écouler. Ce fait serait inexplicable dans l'hypothèse des fonctions digestives de la trompe. Je n'ai pu reconnaitre que d'une manière très-imparfaite le système vasculaire du Borlasia Kefersteinii, J'ai distingué cependant, en avant de la tête, une anse assez complète déeri- vant une courbe irrégulière autour des organes des sens et des ganglions nerveux, et résultant de l'union des deux vaisseaux latéraux; la naissance seule du vaisseau dorsal était visible (1). Du reste, le liquide contenu dans ces canaux était presque inco- lore, particularité qui augmentait encore les difficultés d'ob- servation. Ces vaisseaux ne m'ont pas semblé produire des rami- fications iransverses; je les crois indépendants des fossettes jatérales, sans vouloir rien préjuger sur leurs fonctions. On sait que Van Beneden les considère comme constituant un appareil d’excrétion analogue à celui de certaius Helminthes : les fentes céphaliques seraient dans ce cas les ouvertures externes de ces canaux ; mais la structure anatomique des organes latéraux reste très-indécise, et beaucoup de naturalistes persistent à décrire les vaisseaux des Némertiens comme correspondant à ceux des Annélides et contenant un liquide nutritif distinct de celui de la cavité générale. Telle était l'opinion de Keferstein, qui préfé- rait comparer les fossettes céphaliques aux organes segmentaux des Vers, et leur accorder un rôle dans les fontions de reproduc- tion. Mais je ne puis m’attarder plus longtemps sur des questions générales, qui méritent assurément des recherches nouvelles, qu’il m'est impossible toutefois de tenter dans une notice de ce genre, Le système nerveux de la Borlasie hermaphrodite des côtes de Marseille peut être analysé dans ses régions principales, dont la disposition présente, du reste, un lrès-grand degré de (4) Fig. 2, V. ARTICLE N° 0, ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE, 17 simplicité, à l'exemple des organes de toutes les petites espèces de la famille des Trémacéphalides. En avant et au-dessus de la bouche se trouvent les ganglions cérébraux, munis de deux lobes supérieurs bien développés. Les deux nerfs latéraux s’en détachent en arrière et semblent être la suite des lobes inférieurs à peine reconnaissables. Les deux commissures transverses sont très-distinctes : la supérieure, plus mince, naissant de la région antérieure des lobes ; l’inférieure, au contraire, apparaissant comme une bande aussi large que les nerfs latéraux, dont les dimensions sont assez fortes, comparées à celles des ganglions et de l'animal lui-même (1). Des flancs de ces troncs latéraux, ainsi que de ceux des lobes cérébraux supérieurs, partent de petits filets nerveux dont il est impossible de suivre la marche. Chez d’autres espèces, ces mêmes nerfs, contenant de nombreuses fibres, se ramifient plusieurs fois, se recourbent en anses ou viennent se mettre en rapport avec divers corps cellulaires situés dans les tissus de l'enveloppe générale. J'ai dit que le Borlasia Kefersteinii porte en avant de la tôte deux paires d’yeux volumineux. Ces organes reçoivent leurs filets nerveux de la région antérieure des ganglions céphaliques, d'où se détachent aussi quelques autres nerfs se distribuant pro- bablement dans les couches musculaires, ainsi que je l’ai observé dans d’autres cas. Cette disposition anatomique est assez géné- rale; j'ai pu consiater cependant, chez une espèce fort remar- quable du genre Borlasia, une multiplicité d'appareils visuels entraînant une modification assez curieuse du plan général. Je crois devoir Indiquer rapidement ce fait exceptionnel. La Borlasie, dont 1l est ici question d’une manière incidente, habite les Ulses qui tapissent les rochers de la côte. Son corps, long de A0 centimètres et large de 2 millimètres, est brillamment coloré en un vert jaunâtre à peine distinct de celui des Algues z0osporées sur lesquelles elle rampe. Les jeunes individus n'offrent au contraire qu'une coloration laiteuse, mais ils possèdent déjà toutes les autres particularités (4) Fig. 2, CG. SG, NAT., JANVIER 1876. XVII, 10. — ART. N° 6, 48 A. Æ, MARION. plus importantes d'organisation interne, dont la plus nette con- siste dans la structure de l'enveloppe générale, parsemée d’une multitude de petits bâlonnets brillants recourhés en boucles, analogues à ceux que lon trouve dans les muscles des Oursins. Cette espèce serait exactement désignée par lépithète echino- derma. Son stylet ne porte qu'une pointe assez courte, tandis que le socle, arrondi presque en fuseau dans sa première région, se rétrécit bientôt, puis s'évase et se tronque enfin brasque- ment (1). Le système nerveux, très-developpé, possède une constitution histologique très-complexe , analogue à celle que j'ai eu l’occasion de décrire autrefois (2). Les ganglions cépha- liques renferment des amas de cellules nerveuses dans les lobes supérieurs et dans les lobes inférieurs, cellules nucléolées et mul- tipolaires dont le diamètre varie de 0°,01 à 0,03, auxquelies aboutissent en partie les fibres nerveuses des trones latéraux. Quelques-unes de ces fibres semblent se continuer dans les commissures transverses, d’autres se détachent en avant des lobes, sous forme de trois paires de troncs volumineux qui se distribuent à vingt paires d'organes oculiformes, inégalement développés et rangés en deux groupes sur les côtés de la tète. Mais les veux les plus remarquables dépendent des nerfs laté- raux et consistent en des corps globuleux très-réfringents, en- chässés dans des masses de pigment noir, enveloppés d’une couche conjonctive qui paraît être un prolongement de la mem- brane recouvrant les troncs nerveux et les ganglions cépha- liques. Les onze premières paires de nerfs qui se détachent du flanc externe des troncs latéraux, se rendent à ces organes, mais deux faisceaux de fibres demeurent indépendants pour chaque nerf ; l’un se recourbe vers l'organe visuel inférieur, l’autre se ramifie et pénètre dans les tissus de l’enveloppe générale du corps. Cette disposition me semble très-rare chez les Némertiens, dont les yeux se rattachent d'ordinaire aux centres nerveux céré- braux. (1) Fig. 40. (2) Note sur lluslologie du système nerveux des Némertes (Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 4869, t, LXVIIT). ARTICLE N° 6. ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE. 149 Le Borlasia Kefersteini se conforme, sous ce rapport, à la règle générale, puisque ses yeux, munis d'un cristallin enve- loppé à sa base d’un pigment noir intense, reçoivent des filets nerveux émanés des ganglions céphaliques. La structure histo- logique de ces ganglions est, du reste, assez simple. On ne peut distinguer, dans la région occupée fréquemment par les cellules nerveuses multipolaires, qu’un amas finement granuleux, par- semé de noyaux arrondis. La portion centrale est cependant par- courue par les fibres nerveuses des troncs latéraux. J'arrive enfin à la description des organes reproducteurs de la Borlasie hermaphrodite des côtes de Marseille, description que je considère comme indépendante des pages précédentes, dont le sens seul peut être discuté. Les Némertiens possèdent des vésicules génitales dans les- quelles se développent, suivant les sexes, les ovules ou les sper- matozoïdes. Ces appareils se forment à l'époque de la maturité dans la cavité générale, des deux côtés du tube digestif, entre la couche hépatique et l'enveloppe musculaire. Ils consistent en une fine membrane enferment un amas de protaplasma, qui doit s'organiser en éléments sexuels. Ces poches reproductrices sont donc identiques avec celles de certaines Olizochètes, flottant librement dans le corps et notamment aux vésicules génitales que j'ai trouvées chez quelques Annélides polychètes du groupe des Oria (1). Lorsque les ovules ou les spermatozoïdes contenus dans ces poches ont atteint tout leur développement, la mein- brane d’enveloppe se détruit, et ces éléments sont versés dans la cavité sénérale. Il est facile de rencontrer des Némertiens arrivés à ce moment de la période reproductrice ; quelques observateurs ont pu décrire cependant des œufs et des filaments sperma- tiques disposés dans les poches ovariennes ou tesliculaires. Le Borlasia hermaphroditica figuré par Keferstein présente même tres-nettement cette particularité organique. Chez le Borlasia Kefersteinii, la formation des ovules semble plus hâtive que celle des zoospermes; les éléments femelles sont (4) Voy. Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 4872, t. LXXIV, n° 49. 20 A, F. MARION. en effet déjà libres dans la cavité du corps, tandis que les cor- puscules spermatiques sont encore contenus dans les vésicules génitales mâles. Tous les individus que j'ai recueillis, étudiés au printemps ou au début de l'été, se trouvaient dans cet état spé- cial de gestation. Une fois seulement j'ai reconnu une poche ovarienne dans la région inférieure du corps, mais presque atrophiée et ne renfermant que quelques ovules imparfaits. Les enveloppes testiculaires se détruisent en dernier lieu ; les zoo- spermes viennent se mélanger aux ovules, et la fécondation doit s'effectuer à ce moment, alors que les œufs possèdent leurs membranes externes complétement constituées. L’insuffisance des sujets et les nécessités de l'étude au microscope m'ont empèé- ché de suivre les actes embryogéniques. La constatation exacte de l'hermaphrodisme me semblait, du reste, primer la recherche des phénomènes subséquents, dont nous trouvons les conclu- sions évidentes dans le fait bien observé déja de la présence, chez quelques rares Némertiens, de jeunes individus contenus dans l’intérieur du corps des adultes. Je me bornerai done à décrire l’état ordinaire sous lequel les divers éléments sexuels sont réunis dans le même individu (1). Les ovules et les poches spermatiques sont disposés pêle-mèêle sur les flancs du tube digestif, depuis le voisinage de la bouche jusque vers l'extrémité postérieure. On trouve deux ou trois ovules côte à côte, puis quelques vésicules mâles entremêlées d'œufs atrophiés.. Les poches testiculaires, isolées du corps, semblent irrégulièrement ovoïdes; leur plus grand diamètre atteint 0°°,275. Il en existe cependant de plus petites, prineipa- lement dans les deux régions extrêmes de l'animal. La membrane qui constitue ces organes mâles apparaît distinctement sous la forme de deux traits parallèles délimitant un espace très-hyalin de 0°” ,003, Les filaments spermatiques sont accumulés dans ces poches et s’agitent vivement d'un mouvement ondulatoire lors- qu'on en détruit les parois. On reconnait alors qu'ils étaient plongés dans un liquide faiblement opalin et granuleux. Ces (4) Fig. 5. ARTICLE N° 6. ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE. 21 zoospermes ont 0"",03 de longueur; leur position antérieure en bâtonnets est peu appréciable (1). ai rencontré une fois seule- ment, dans une vésicule mâle, quelques amasde corps framboisés représentant les cellules d'évolution des spermatozoïdes. Les œufs normaux se montrent sphériques lorsqu'on les con- sidère hors de l'animal; leur diamètre atteint 0°",317. Leurs enveloppes les entourent d'une petite zone mince et hyaline dans laquelle on distingue plusieurs traits, tantôt parallèles, tantôt entrecroisés et dénotant l'existence d’une membrane vitelline et d'un chorion peut-être soudés ensemble (2). Le vitellus, d'un jaune brun très-foncé, est parsemé de petites gouttelettes adi- peuses sphériques. On aperçoit vers son centre une vésicule germinative très-brillante, dont le diamètre égale 0"",09, conte- nant un uoyau peu apparent. Ces œufs, arrivés à leur dernier développement, sont nombreux dans l’intérieur du corps, mais il existe en outre des ovules imparfaits consistant en des amas sphériques d’un protoplasma hyalin, dont la limpidité est par- fois troublée par de fines granulations groupées autour des vési- cules germinatives. Leur surface est cernée par une ligne plus colorée se rapportant peut-être à une couche périphérique plus dense (3). On sait que ces éléments femelles abortifs sont fré- quents chez un grand nombre d’Articulés. J'ai observé des ovules avortés analogues chez certaines Annélides polychètes, dans les poches ovariennes desquelles les œufs imparfaits, dépourvus de granulations, ne peuvent être confondus avec les cellules vitel- ligènes qui existent concurremment. Dans une curieuse espèce de Lombricien marin des côtes de Marseille, les vésicules géni- tales femelles ne produisent qu'un seul ovule normal surmonté d'un groupe d'ovules atrophiés. Quel est le rôle de ces derniers éléments? L'examen des Némertiens nous prouve que les œufs peuvent parcourir toutes les phases de leur existence sans se réunir aux corps voisins. Il est. d'autre part, impossible d’'ad- mettre que ces ovules imparfaits peuvent se développer après la (1) Fig. 9. (2) Fig. 6. (3) Fig. 5, g, g 9. 22 A. EF. MARIOEN. disparition de la membrane ovarienne, dans un milieu différent de celui qui leur a donné naissance et au sein duquel les élé- ments normaux se sont accrus. Îl est done probable qu'ils sont atteints bientôt par une dégénérescence graisseuse semblable à celle qui détermine la décomposition des organes similaires des Annélides et des Insectes. Je n'ai pu constater chez le Borlasia Kefersteint de véritables pores sexuels pour l'expulsion des produits reproducteurs. Pevons-nous, à l'exemple de Keferstein, considérer les organes latéraux et les fossettes céphaliques comnie des appareils destinés à celle lonction? Je ne fais que rappeler, en terminant, cette opinion, que je ne veux appuyer d'aucune observation person- nelle. EXPLICATION DES FIGURES, PLANCHE 17. Fig. 1. Borlasia Kefersteinii, nov. spec. Individu vu dans toute sa longueur, presque normalement déployé et considérablement grossi : 13/1. Fig. 2. Région antérieure du même individu sous un grossissement encore plus considérable : M, ouverture de la trompe, exactement terminale et entourée de longs cils vibratiles; B, ouverture longitudinale de la bouche, située à la face ventrale et vue par transparence. E, E, fossettes latérales. V, anse vasculaire céphalique provenant de la réunion des deux canaux latéraux. On distingue dans la portion antérieure la naissance du vaisseau dorsal. C, ganglions céphaliques dont les lobes supérieurs, bien développés, sont rattachés | par les deux commissures transverses. La structure histologique interne, fine- ment granuleuse et fibreuse, est à peine sensible. En arrière naissent les deux ironcs nerveux latéraux #, #, et en avant les filets qui se distribuent aux deux paires d’yeux #, €, à, Fig. 8. Trompe du Borlasia Kefersteinii figurée isolément. M, région antérieure protractile, couverte de papilles tuberculeuses. 3, région du bulbe du stylet. R, portion inferieure de ce bulbe : poche de réserve du liquide venimeux. 5, région glandulaire de la trompe contenant les vésicules qui produisent le liquide venimeux. t, Stylet principal à côté duquel chemine le canal excréteur € venant s'ouvrir à la région centrale du bulbe. P, P,poches styligènes ; — /, Z, conduits qui s’en détachent et se dirigent vers la pointe du stylet principal, ARTICLE N° 6, Fig. Fig. ANIMAUX INFÉRIEURS DU GOLFE DE MARSEILLE. 23 3/. Papilles tuberculeuses de la région protractile, considérablement grossies. 3/!. Stylet principal du Borlasia Kefersteinii représenté isolément : comparez au stylet analogue du Borlasia echinoderma, nov. spec., représenté fig. 10. Fig. Fig. &. Région postérieure du corps. À, ouverture anale entourée de longs cils vibratiles. t, région glandulaire de la trompe disposée au-dessus du tube digestif dont on aperçoit par transparence une portion de la cavité centrale. H, couche hépatique se rattachant aux parois de la cavité générale par les fibres transverses f, f. S, vésicule spermalique, O, derniers ovules de la région postérieure du corps, imparfaitement développés. 5. Portion latérale du corps considérablement grossie, pour montrer la disposition des divers éléments sexuels. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. a, cuticule portant les cils vibratiles. b, couche granuleuse de la peau contenant le pigment. e, couche des fibres musculaires longitudinales. d, nerf latéral. , f, /, fibres transverses venant s’insérer sur la couche hépatique H. 0, 0, 0, ovules entièrement développés, flottant librement dans la cavité générale, après la destruction de la membrane de la vésicule ovarienne. 93 9 OVules abortils. s, 8, s, s, vésicules spermatiques contenant des zoospermes entièrement développés. 6. Ovule arrivé à son complet développement et isolé du corps. 7. Vésicule spermatique. 8. Corps adipeux de la couche hépatique. 9. Groupe de zoospermes retirés d’une vésicule spermatique et très-mobiles. 10. Stylet du Borlasia echinoderma, nov. spec. NOTE SUR UNE ESPÈCE ÉT£INTE D'OISEAU DE PROIE GIGANTESQUE TROUVÉE À LA NOUVELLE-ZÉLANDE, PAR M. HAAST. (Extrait.) En faisant des fouilles dans la tourbière de Glenmark pour l'extraction des os de Dinormis, qui sont très-abondants dans cette localité, on a trouvé mélés à ces débris divers os d’un Oiseau de proie de très-grande taille dont l'espèce est éteinte. Dans le quatrième volume des 7ransac- tions de l’Institut de la Nouvelle-Zélande, M. le docteur Haast a décrit et figuré plusieurs de ces pièces, et nous apprenons par une lettre de ce paluraliste qu'il est maintenant en possession de la presque totalité du squelette de ce grand Rapace, auquel il a donné le nom d’Æarpagornis Moorei. I établit que c'était un oiseau de proie diurne, voisin de l’Aigle à queue étagée, qui habite aujourd’hui la région australienne, mais ayant à peu près le double de la taille de celui-ci. Le fémur, que M. Haast a figuré, présente en effet les dimensions suivantes : longneur, 6,66 pouces anglais; circonférence du diaphyne dans le point le plus mince, 4,66; circonférence de l'extrémité inférieure, 5,58. Une phalange unguéale, crochue et des plus robustes, mesure près de 3 pouces en longueur. CARACTEÈRES D'UNE ESPÈCE NOUVELLE D IGUANIENS LE SCELEPORUS ACATHHINUS, PAR M. BOCOURT. Grande espèce à plaques sus-céphaliques lisses, faiblement bornbées. Arêtes anguleuses du museau, garnies chacune de deux scutelles. Squames sus-oculaires très-dilatées en travers, au nombre de quatre ou cinq sur un rang longitudinal. Bord antérieur de l'oreille garni de scutelles étroites et pointues. Écailles du dos grandes, rhomboïdalés, carénées, dentelées, et terminées par une longue pointe; sept de ces écailles égalent la longueur de la surface supérieure de la tête. Squames ventrales d’un liers moins grandes. Queue revêtue d’écailles de mêmes dimensions que celles du dos. Treize à quatorze pores sous chacune des cuisses. Regions supérieures du corps d’un beau vert avec un collier scapulaire noir et complet. Les mâles ont la gorge, la poitrine et les côtés du ventre colo- rés en bleu. Cette espèce offre quelque ressemblance avec les grands Scélopores décrits par Wiegmann, surtout avec les Sceloporus spinosus et horridus. Elle a été recueillie à Saint-Augustin, localité située sur le versant oc- cidental du volcan d’Attitlan (Guatémala), à 610 mètres au-dessus de la mer. ARTICLE N° 6 B1s, MÉMOIRE DES CRUSTACÉS RARES OÙ NOUVEAUX DES COTES DE FRANCE Par M. IESSE. (Vingt et unième article.) Description de Crustacés nouveaux appartenant à la légion des Edriophthalmes, de l’ordre des Amphipodes, de la famille des Pésci- coles, de la tribu des Ænoplopodes (1), Nobis, du genre des /chthyo- myzoques (2), Nobis. Les Crustacés dont nous allons donner ci-après la deseription sont appelés à combler la lacune qui existe entre les Amphipodes et les /sopodes, avec lesquels ils ont certains rapports de coufor- mation. On voit, en eflet, que par leur partie antérieure ils se rapprochent beaucoup des Zsopodes, tandis que, par l'extrémité intérieure du corps, ils ressemblent aux Amphipodes. Ce sont donc ces motifs qui nous ont engagé à créer pour eux une nou- velle famille, et conséquemment une nouvelle tribu, et par suite un nouveau genre. Nos Zchthyomyzoques ont la tête relativement petite, plate et triangulaire; le bord frontal s’avance horizonta- lement en pointe arrondie et recouvre la base des antennes. Ce rostre est lamelleux, il est creux en dessous et garni d’un bord étroit et en relief (3). La tête s'applique sur le bord supérieur du premier anneau thoracique, légèrement creusé pour la recevoir ; mais il ne pré- sente pas d’échancrures spéciales pour recevoir les yeux, comme (1) De évoracc, armé ; mode, mod'oe, pied. (2) De txôùs, poisson ; to, je suce. (3) PL 4, fig. 1, 3, 8, 19, 20 et 9. ANN. SC NAT, — ART. N° 7e 2 HESSE. cela a lieu dans les Sphéromiens, les Cymodocéens et les Æqa (1). Les yeux (2) sont grands, ovalaires, réniformes, à cornéules bien distinctes, écartés les uns des autres et placés obliquement, en grande partie, sur la surface supérieure de la tèle et à sa base, comme chez les Zsopodes. Le corps est ovalaire, bombé en dessus, plat et même un peu creux en dessous; il est formé de sept anneaux thoraciques qui, à l'exception des premiers qui sont les plus étroits, sont à peu près de la même dimension dans ie sens vertical, mais augmen- tent de diamètre vers le milieu du corps, pour diminuer ensuite graduellement vers ses deux extrémités. Bien que les bords de ces anneaux soient assez plats et très- distinctement délimités par une dépression qui circonserit la convexité dorsale , ils ne présentent pas, comme dans les Cymo- thoadiens errants, une bordure formée par l'angle latéro-posté- rieur des pièces tergales des anneaux thoraciques ou par des pièces épimériennes saillantes et acuminées. Il en est de même des anneaux abdominaux. L'abdomen est divisé en cinq ou six anneaux (3), dont le dia- mètre est bien plus étroit que celui des anneaux du thorax. Le dernier se termine par un prolongement gros et arrondi, vers le bas duquel on aperçoit facilement lorifice anal qui est relative- ment tres-grand. Les trois derniers anneaux donnent attache, de chaque côté, à deux ou trois paires de tiges arrondies, dont les extrémités ne se dépassent pas, bien que cepeudant elles soient, à raison de leur point de départ, d’une longueur inégale. Elles sont terminées chacune par deux petites lames ovales et pointues à leurs deux extrémités (4) ; et, sous ce rapport, ils ressemblent aux Amplipodes de la division des Crevettines marcheuses, tels CPI Mir ASS 10m 0e 0; (2) Ibid. (3) Notre Ichthyomyzoque de la Squatine ange fait exception à cette règle, attendu que son abdomen n'est formé que de deux anneaux seulement, (RES 26107, 26, 18, 15%et 17: ARTICLE N° 7. CRUSTACÉS DES CÛTES DE FRANCE. d que les Corophies ou les Hypérines, ainsi! que les Vases et les Phronimes (1). Enfin, l’ensemble de cette disposition constitue, à l'extrémité de l'abdomen, une sorte de nageoire caudale stylifère, étalée en éventail, qui, lorsqu'elle se déploie, doit nécessairement rem placer les dernières fausses pattes des Sphéromiens, et leur faci- hter, comme à eux, les évolutions nataloires. Dans l’état de repos, ces Crustacés tiennent toujours la partie abdominale que nous venons de décrire reployée sous le thorax ; ils ne la redressent que lorsqu'ils veulent s’en servir pour nager, comme le font les Amphipodes. Vu en dessous, on aperçoit d’abord, de chaque côté du prolon- gement frontal, les anfennes, qui sont généralement courtes et grosses et s'insèrent à la face inférieure de la tête, dont le bord supérieur, comme nous l'avons dit, recouvre leur base, ainsi que cela se voit dans les Cymothoadiens parasites (2). Le pédoncule de la première paire se compose de trois articles cylindriques, dont le basilaire est le plus petit et le plus gros. Le filet contient trois ou quatre articles plus ou moins longs. Les antennes de la deuxième paire s’insèrent immédiatement en arrière des précédentes; elles sont également composées de trois articles basilaires, et le filet, qui est d’un diamètre beaucoup plus petit, en contient cinq ou six, dont la longueur va en augmentant progressivement à mesure que leur calibre diminue. La téte est de forme ovoïde ; sa partie supérieure est plus large que l’inférieure, à l’extrémité de laquelle se trouve placée l’ou- verture buccale. Du haut du front et de la base du prolongement frontai part une ligne verticale en relief, nasiforme, qui descend perpendiculairement en diminuant de longueur jusqu’à l’orifice de la 4ouche, dont elle forme le /abre supérieur. De chaque côté et au-dessus de cet orifice, on aperçoit une paire de pattes-mâchoires composées de deux articles, dont le (1) Fig. 6, 7, 48 et 26. (2) Fig. 9. (3) Fig. 9. ll HESSE. second est terminé par une longue griffe crochue et acuminée, dont la pointe est dirigée vers le bas (1). Au-dessous de celle-ci sont également placées deux paires de pattes-mâchoires plates et ovales (2), dont la première, qui est la plus grande, est large, plate et accompagnée de son jouet ; l’autre (3), plus petite, se trouve des deux côtés de la bouche. Enfin, entre celui-ci on aperçoit les mandibules, qui sont pe- tites et cachées, en ne laissant voir que les denticules dont elles sont bordées. La région thoracique est, comme cela a lieu pour les femelles de Cymothoadiens ravisseurs, entièrement recouverte de larges lames ovalaires membraneuses et très-minces, qui partent de l'insertion de chaque patte et se portent horizontalement en dedans, de manière, en s’imbriquant les unes dans es autres, à former une poche incubatoire. Les fausses pattes abdominales (h) ou les organes de la respi- ration ne se composent pas, comme dans les Cymothoadiens, de grandes lames plates, ovalaires, membraneuses, se recouvrant en se superposant ; elles se rapprochent, par leur conformation, de celles des Amphipodes. Elles ont un pédoncule aplati, presque aussi large que long, sur lequel sont fixées, de chaque côté, deux tiges assez longues, presque cylindriques, mulliarticulées, larges au milieu et étroites à leur extrémité, chaque anneau étant bordé d'une série de poils longs et rigides, et pennées. Les pattes thoraciques Sont au nombre de sept paires. Les trois premières, et la première surtout (5), sont ancreuses, terminées par une grosse main armée d'un ongle crochu qui se reploie contre son bord antérieur, ainsi que cela a lieu dans les Isopodes, chez les Nérociles; les quatre autres paires de pattes sont ambulatoires ; elles sont plus longues et plus grêles et ter- minées par un ongle presque droit (6), comme cela a lieu chez (1) Fig. 9 et 10. 2) Fig. 9 et 42. 3)MFig. 9 et 41: ) Fig. 4, 7, 24 et 95, 5) Fig. 23, 13 et 16. ) Fig. 2, 24 et 22. ARTICLE N° 7, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 5 les Cymothoudiens ravisseurs, les Séroles. Elles sont formées de cinq ou six articles, dont le premier et le dernier sont les plus longs. On remarque aussi que, dans les pattes ambulatoires, l’article fémoral est très-large et très-plat, et que, sous ce rap- port, ils ressembleraient aux Amphipodes. Ces dernières pattes, dans notre Zchthyomyzoque de la Bau- drote, offrent une conformation des plus étranges (1) et que nous n'avons pas constatée chez les autres Crustacés de ce genre, peut- être aussi parce qu'elle nous a échappé. Nous n’en parlerons pas ici, mais nous nous réservons de le faire dans la description particulière que nous en donnerons. Nous devons ajouter eucore que la tête, vue en dessous, que nous avons figurée dans notre planche, ne concerne que ce même imdividu (2). Les Zchthyomyzoques sout des Crustacés essentiellement para sites, qui vivent sur les Poissons. Voici maintenant la description des espèces qui se trouvent fisgurées sur notre planche. A. — Abdomen formé de cinq articles et terminé par trois tiges. ICHTAYOMYZOQUE ORNÉ. — /chthyomyzocus ornatus, Nobis (3). C’est le plus grand des quatre Crustacés dont nous allons donner la description. Il a environ 42 millimètres de longueur sur 5 de large. Sa fête est presque aussi longue que large. Le bord frontal s'avance considérablemeut en pointe lamelleuse et arrondie, et elle couvre la base des antennes. Le bord inférieur est échancré au milieu, et les yeux, qui sont très-gros et réniformes, sont placés de chaque côté. Le /horazx est formé de sept anneaux qui sont tous à peu près de la même dimension. Leur bord latéral est arrondi et ne pré- (1) Fig, 14 et 15. (2) Fig. 9. (3) Fi 1 1 6 HESSE. sente pas de pièces épimériennes. Le dernier anneau seul est acuminé latéralement. L'abdomen se compose aussi de cinq anneaux qui sont beau- coup plus étroits que les précédents, et qui diminuent graduel- lement de largeur en allant de la base à l'extrémité inférieure du corps. Le dernier anneau de cette partie du corps donne attache à trois tiges arrondies et d’égale longueur; les deux latérales por- tent à leur extrémité deux appendices plats, ovales et pointus. La tige du milieu porte deux tiges plus minces et divergentes, lesquelles sont également terminées par des appendices plats et pointus. | Les antennes sont de moyenne longueur, interne est formée de quatre anneaux basilaires dont le premier est le plus gros et le plus court; le filet en contient cinq qui vont en diminuant de calibre et en augmentant de longueur en allant de la base au sominet. Les antennes de la seconde paire sont un peu plus longues et ont dix à douze anneaux. Les pattes {horaciques sont au nombre de sept paires d’une longueur moyenne. Les trois premières sont un peu plus grosses et plus courtes que les autres; elles sont en outre terminées par une forte griffe crochue qui est préhensile et se reploie contre le bord antérieur; les autres sont ambulatoires, plus grèles et terminées par une griffe presque droite. Le nombre de leurs articles est de cinq, dont les articulations sont lrès-évasées, de manière à en favoriser les mouvements (1). Coloration. — Le corps est d’une couleur jaunâtre, d’une teinte uniforme, parsemé de petites lignes rouges disposées verti- calement et horizontalement. Les yeux sont noirs; trois pelites taches de cette même couleur, et en forme de virgules, sont placées sur l’extrémité du rostre. Habitat. — Nous n’en avons trouvé qu'un seul individu, le 2 décembre 1847, sur le Gade morue où Morue ordinaire (Mor- rhua vulgaris). C'est probablement un mâle. (1) Fig. 2. ARTICLE N° 7. rs CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE, ( B. — Abdomen formé de cinq articles et terminé par trois paires de tiges. ICHTHYOMYZOQUE DU GADE MORUE. — /chthyomyzocus Morrhuæ, Nobis (1). Sa taille est environ de { à 5 millimètres de long sur 3 de large. Sa /éfe est plate, relativement petite et de forme triangulaire ; elle est munie d'un bord saillant s'avançant en rostre, de moyenne longueur, dont la pointe est arrondie au sommet. Sa base est légèrement enchässée dans une échancrure qui existe au bord supérieur du premier anneau thoracique. Les yeux sont gros, arrondis, formés de cornéules très-dis- ünctes ; ils sont placés à la base de la tête et au-dessus du pre- mier anneau thoracique. Le corps est ovale, légérement aplali, très-large au milieu et allant en dinninuant de diamètre à ses deux extrémités, sur- tout du côté de la tête. Le /horax se compose de sept anneaux, à peu près de la même dimension dans le sens vertical, mais le premier et le dernier sont bien plus étroits que le troisième, le quatrième et le cinquième. Aucun d'eux ne présente de pièces épimériennes sur les côtés. L'abdomen contient aussi sept anneaux plus étroits que les précédents et allant en diminuant de diamètre jusqu’à l'extré- mité inférieure du corps. Aucun d'eux n'est non plus muni de pièces épimériennes ; le quatrième présente deux échancrures latérales (2) avec un pro- longement arrondi au milieu ; l’anneau suivant en a aussi trois, mais celle du milieu est moins saillante ; l’anneau suivant en a ciuq plus peites au-dessous desquelles on aperçoit l’orifice anal, placé au milieu d’un prolongement arrondi qui termine l’ab- domen. (2) Fig. 3 et 6. fo) HDSSE. Cet avant-dernier anneau donne altache, de chaque côté cor- respondant aux échancrures latérales, à trois paires d’appen- dices en forme de tiges arrondies, dont les sommets ne se dépas- sent pas, bien qu'ils soient de longueur inégale. Ces tiges sont terminées chacune par deux petits appendices plats et ovales, fixés par leur extrémité supérieure au bout de ces tiges (4). Vu en dessous, ce Crustacé présente les dispositions sui- vanltes : L'extrémité du rostre est creux et foliacé et entouré d’un bord en relief. Les antennes sont placées à sa base. Elles sont grosses et courtes et à peu près de la même longueur. La plus longue est composée de quatre articles basilaires assez gros, largement arti- culés et terminés par un filet de cinq articles, dont le calibre va en diminuant de la base au sommet. L'autre paire d'antennes n'a que six articles, dont trois basi- laires. Elle est un peu moins grosse que la précédente. La bouche ne nous est que très-imparfaitement connue ; nous avons seulement aperçu de larges pattes-mâchoires pointues au bout, qui, lorsque celles-er étaient relevées, masquaient l’ori- fice buccal et en dérobaient à la vue les détails. La région thoracique est garnie de plaques larges et squa- meuses, destinées, chez les femelles, à protéger les œufs pendant leur incubation. On aperçoit à l'extrémité inférieure de l'abdomen les fausses pattes branchiales (2), se composant d'une double tige eylin- drique fusiforme, multiarticulée, et hérissées de nombreux poils rigides et pennés, fixés à leur base sur un large pédoncule aplali. Les pattes thoraciques sont au nombre de sepl paires. Les trois premières sont plus grosses et plus courtes que les quatre autres. Elles sont subchéliformes et composées de cinq articles, dont les trois du milieu sont très-courts; le dernier est au con- (1) Fig. 6 et 5. (2) Fig. 4 et 7. ARTICLE N° 7, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 9 traire très-long, très-gros, et terminé par une forte griffe pré- bensile, en se reployant sur le rebord antérieur. Les quatre autres paires de pattes sont ambulatoires, plus longues et plus minces, composées de cinq articles et terminées par une griffe moins recourbée. Coloration. — Le corps entier est d’un jaune pâle uniforme. On aperçoit deux larges taches, d'un vert brillant, en forme de croissant, de chaque côlé et au milieu de la région thoracique. Cette couleur est tantôt verte, tantôt rouge ; elle dépend proba- blement de celle des aliments dont le parasite est gorgé. Les yeux sont blancs ; le contour des cornéules s'aperçoit distinctement. Habitat. — Trouvé le 16 novembre 41860, sur les branchies et les nageoires de la Morue vulgaire où Gade morue (Morrhua vulgaris). C'est un individu femelle. ICHTHYOMIZOQUE DE LA BAUDROIE COMMUNE — /chthyomyzocus Lophii, Nobis (1). Ce parasite est à peu près du double plus grand que le précédent ; il atteint 10 mullimèires de longueur sur 4 de largeur. Sa fête est très-petite et est cordiforme. Son front s'avance en pointe assez étroite, mais arrondie au bout. Sa base repose presque à plat sur le bord supérieur du premier anneau tho- racique. Ses yeux sont gros, réniformes, placés loin l’un de l’autre et obliquement sur la face supérieure de la tête. Le corps est légèrement déprimé, mais néanmoins bombé en dessus ; sa forme est ovalaire, et la région dorsale est parfaite- ment délimitée par deux sillons longitudinaux qui là séparent de chaque côté des parties latérales. Le thorax esi formé de sept articles, dont les deux premiers sont les plus étroits en hauteur et en diamètre; les autres vont en augmentant de largeur jusqu’au cinquième, après lequel ils (4) Fig. 8. SC. NAT., JANVIER 1870. XVII 114. — ART. N°9 7. 10 HESSE. diminuent aussi de diamètre. Aucun de cesanneaux n’est pourvu de pièces épimériennes, le dernier seulement a les extrémités latérales terminées en pointe. L'abdomen (1) se compose aussi de sept anneaux, dont le premier est à peu près de la largeur du dernier anneau thora- cique ; mais les autres diminuent graduellement de diamètre, pour s'élargir de nouveau à l'extrémité inférieure du corps, dont les derniers anneaux donnent attache à trois paires de tiges cylindriques terminées, comme nous l'avons déjà indiqué dans les espèces précédentes, par de petites lames plates et aiguës à leur extrémité (2). La tête, vue en dessous (3), est de forme ovoïde. Sa partie antérieure est plus large que l’inférieure, à l'extrémité de laquelle est placée l'ouverture buccale. Une nervure en relief et nasi- forme descend perpendiculairement du bord frontal pour atteindre la partie supérieure de lorifice buccal, dont il forme le labre supérieur. De chaque côté on aperçoit une paire de pattes-mâchoires composées de deux articles, dont le dernier est armé d’une forte griffe crochue qui à la pointe dirigée en bas (4). Au-dessous de celui-ei sont deux paires de pattes-mdchoires, l’une grande, plate, ovale, munte de son /owef (5), l’autre paire plus petite, placée, des deux côtés de la bouche, et recou- vrant en partie des mandibules denticulées qui entourent cet orifice (6). Les antennes sont grosses et courtes, d'une longueur presque égale. Celles de la première paire sont un peu plus grêles et sont composées de sept articles, trois basilaires et quatre formant le filet terminal. Celles de la deuxième paire ont aussi quatre articles basilaires, dont le troisième est à lui seul aussi long que les trois premiers; le filet est composé de sept articles beau- coup plus minces. (1) Fig. 8 et 18. (2) Fig. 17. (3) Fig. 9. (4) Fig. 9 et 10. (5) Fig. 9 et 12. (6) Fig. 9 et 41. ARTICLE N° 7. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 11 Les patles thoraciques sont au nombre de sept paires, et pour leur conformation ressemblent à celles que nous avons déjà décrites en parlant des autres Crustacés de cette espèce. Les trois premières paires sont dirigées du côté de la bouche; elles sont ancreuses, et quelquefois le dernier article est entouré d’un bord mince, et la griffe qui le termine est puissante (1) et se rabat sur la surface antérieure. Les articulations sont très- larges, de manière à faciliter leurs évolutions, mais elles se dis- tinguent surtout par un singulier appendice qui est placé à leur extrémité et à la base des griffes qui les terminent (2). Cet appendice ressemble, pour la forme, à un pisul dont on aurait conservé seulement l'ovaire et le style. Nous ignorons si les autres espèces ont aussi des appendices de ce genre, ou s’ils sont propres à celle-ci seulement. Quant à son usage, 1l nous est inconnu ; mais nous pensons qu'on pourrait le comparer à celui de la gaffe dont se servent les marins pour aftirer à eux ou pour repousser les objets dont ils veulent s'éloigner ou s’appro- cher. La griffe servirait en effet à les accrocher et le style à les écarter. Les fausses pattes branchiales présentent la même conforma- tion que celles de l'espèce précédente. Elles sont seulement relativement plus étroites. Le jeune ressemble de tout point à l'adulte : il est nécessaire- ment plus petit ; il a la tête relativement plus grosse, le corps moinslarge etlesantennes et les pattes aussi beaucoup plus fortes. Le diamètre des derniers anneaux du thorax diffère peu de celui de l’abdcmen. Coloration. — Le corps est en entier d’une couleur jauvätre légèrement teintée de rose; le jeune est de cette dermière cou- leur. Les yeux dans l’un et l’autre sont noirs. Habitat. — Trouvé le 10 mai 1849, plusieurs individus de cette espèce fixés sur une Baudroie commune (Lophius piscatorius). Notre dessin représente une femelle adulte, mais sans œufs. (1) Fig. 43 et 16. (2) Fig. 44 et 15. 19 HESSE. C. — Abdomen formé de deux articles et terminé par deux paires de tiges. JCHTHYOMYZOQUE DE LA SQUATINE ANGE. — /chthyomyzocus Squatinæ(1). Il n'a pas plus de 4 miliimètres de longueur sur 1 et 1/2 de largeur. Sa tôle esttriangulaire (2) ; son bord frontal s’avance en pointe arrondie, assez large, et son bord inférieur forme aussi, en sens opposé, une expansion également arrondie, qui s'avance assez profondément dans le premier anneau thoracique, dont l’échan- crure supérieure atteint presque le bord inférieur. Les yeux sont très-gros, ronds, divergents, formés de cor- néules assez fortes, et ils sont placés sur les côtés et au milieu de la tête sur une sorte d'appui latéral qui semble destiné à faciliter leurs fonctions (3). Le corps est parfaitementovoïde ; il est divisé en douze anneaux, dont dix thoraciques et deux seulement abdominaux. Le /horax est bombé au milieu et plat sur les bords, de sorte que la région dorsale est parfaitement circonscrite par les parties latérales qui l'entourent. Le premier anneau est le plus petit et le dernier est le plus large dans le sens vertical; mais diagonalement il est plus étroit que ceux qu'il précède, attendu qu'il termine en pointe arron- die l'extrémité de cette partie du corps. I n'ya pas de pièces épimérienues; les bords des anneaux sont larges et plats, leur bord inférieur est légèrement acuminé. I] existe entre eux une légère distance qui doit nécessairement con- tribuer à faciliter leurs mouvements. La partie abdominale (h) est relativement extrêmement courte, puisqu'elle ne se compose que de deux anneaux. Le premier est cylindrique, légèrement aplati; il sert d’ap- (1) Fig. 19. (@)NEis.20%e1#19; (3) Fig. 20. (4) Fig. 96. ARTICLE N° 7, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 13 pui à deux paires de fortes tiges qui sont, comme dans les autres espèces, terminées par deux appendices plats et acuminés au bout, mais non à leur base. Au milieu de ces tiges et au-dessous de ce premier anneau abdominal, on voit une sorte de plaque en forme de croissant dont les bouts sont arrondis, qui se trouve placé au-dessus du prolongement qui termine le corps et au centre duquel on aper- çoit l'ouverture anale (1). Les antennes sont relativement plus grandes dans cette espèce que dans les autres; elles sont à peu près de la même grandeur. Elles sont recouvertes à la base par le prolongement rostral de la tête. Celles de la première paire sont plus courtes et moins grosses que les autres. Elles se composent de huit articles dont trois basi- laires et nécessairement plus gros que ceux qui forment le filet. Les antennes de la deuxième paire sont formées de trois articles basilaires et six autres composent le filet terminal. On remarque que le bord supérieur du deuxième anneau basilaire est légèrement denticulé (2). Les pattes thoraciques sont au nombre de sept paires. Les trois premières sont plus fortes et plus courtes que les autres et dirigées du côté de la bouche; elles sont armées de fortes griffes crochues et creuses en dedans. Elles sont subchéli- formes et composées de cinq articles (3). Les quatre autres paires de pattes sont ambulatoires, plus longues et plus grêles ; elles sont dirigées dans un autre sens que les trois premières, vers le bas du corps; elles sont composées de cinq articles et terminées par un ongle légèrement crochu (4). Dans les femelles, l’article fémoral est muni d’une expansion large et membraneuse (5). Les fausses pattes branchiales (6) sont exactement conformées (1) Fig. 26 et 27. (2) Fig. 20. (3) Fig. 23. (L} Fig. "21Net222; (5) Fig. 24. (6) Fig. 24. Al HESSE. comme dans les espèces précédentes ; elles se composent de üiges-cylindriques formées de douze articles recouverts de nom- breux poils divergents et pennés, dirigés de haut en bas (1). Is reploient habituellement, et lorsqu'ils sont en repos, l'ex- trémité abdominale sous le thorax. Coloration. — Toute la partie thoracique, y compris la tête, est d'un blanc mat luisant, ornée de raies roses étroites et paral- lèles, qui descendent verticalement de l'extrémité supérieure du front à l'extrémité inférieure du thorax. Toute la région abdo- minale, c’est-à-dire les deux anneaux qui la composent, est trans- parente, conséquemment d’un bleu clair très-päle. Les yeux sont blancs, avec une tache pigmentaire brune au milieu, L'individu que nous avons représenté est une femelle. Habitat. — Trouvé le 5 mai 4869 sur la Squatine ange (Squa- ina ngelus). Voici comment nous caractérisons ce nouveau genre de Crus- lacés. GENRE ICHTHYOMYZOQUE. Corps ovalaire, légèrement déprimé, bombé en dessus, plat et même un peu creux en dessous. Tête petite, aplatie, triangulaire ; front lamelleux s’avançant horizontalement en pointe arrondie et recouvrant la base des antennes; celles-ci grosses, courtes, à peu près d'égale lon- gueur et composées de cinq à sept articles. Yeux grands, réniformes, très-écartés, placés obliquement, en dessus de la tête et formés de cornéules bien distinctes. Thorax divisé en sept anneaux de la même longueur, sauf les premiers, qui sont plus étroits, aucun nu eux n'ayant de pièces épimériennes. Abdomen moins large que le thorax, formé seulement de cinq ou de deux anneaux, également sans bordure épimérienne, les derniers portant de chaque côté des tiges arrondies terminées par de petites lames oules et pointues. (}=ig. 24 et 25. ARTICLE N° 7. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 19 Bouche proéminente, formée d'un labre supérieur, de pattes- mächoires latérales armées de griffes, et d'autres plates, sous lesquelles on aperçoit de petites mandibules qui environnent l’orifice buccal. Paltes thoraciques au nombre de sept paires, dont les trois premières sont ancreuses et dirigées du côté de la bouche: les quatre autres paires plus grêles et plus longues, terminées par un ongle légèrement recourbé, quelquefois l’article fémoral étant large et plat. Les fausses pattes branchiales composées d'une double tige cylindrique, fusiforme, divisées en nom- breux anneaux garnis de longs poils rigides et pennés. L'abdo- men, dans l’état de repos, se reployant sous le thorax, et celui-ci garni, chez la femelle, de larges plaques membraneuses qui, en s'imbriquant les unes dans les autres, forment une poche incubatoire Ces Crustacés vivent en parasites sur les Poissons. DESCRIPTION DE LA PLANCHE 4. Fig. 1. Ichthyomyzoque orné, vu en dessus, amplifié 8 fois. Fig. 2. Patte thoracique ambulatoire du même, très-grossie. Fig. 3. {chthyomyzoque de la Morue vulgaire, vu en dessus et amplitié 14 fois. &. Ses fausses pattes branchiales tres-orossies. 5. Ses appendices caudaux également très-amplifiés. Fig. 6. Extrémité inférieure de son abdomen, très-grossie, vue en dessus. 7. La même partie du corps, également très-grossie, vue en dessous. Fig. 8. Ichthyomyzoque de la Baudroie commune, vu en dessus et grossi 9 fois. Fig. 9. Tête du même, vue en dessous et très-grossie, montrant les antennes dès leur origine, placées à la base du prolongement rostral, qui est creux et foliacé, avec un bord en relief; puis une nervure en saillie, nasiforme, descendant verticalement du bord supérieur frontal pour atteindre l’orifice de la bouche, dont l'extrémité infé- rieure forme le labre supérieur. On aperçoit des deux côtés deux pattes-mâchoires armées d’une griffe très-longue et très-crochue, dont les extrémités parallèles sont dirigées en bas; puis deux autres paires de pattes-mâchoires plates, dont la plus grande est armée de son fouet; Enlin, au bas, l'ouverture buccale cnvironnée de mandibules denticulées. Fig. 40. Pattes-mächoires du même individu, très-grossies. 16 HESSE. Fig, 11 et 12. Pattes-mächoires de ce Crustacé. Celle du n° 14 est pelite et plate, et est placée à côté et près de l'ouverture buccale; l’autre, n° 12, placée en dessus, est plus grande et plate aussi comme l’autre, mais elle est munie de son fouet. lig. 43. Première patte thoracique de ce même Crustacé, très-grossie, Fig, 44. Patte thoracique ambulatoire du même individu, très-grossie. Fig. 45. Extrémité très-amplifiée de cette même patte, pour montrer le singulier appen- dice styliforme placé à la base de la griffe qui la termine. Fig. 16. Griffe très-grossie de la première patte thoracique de ce mème Crustacé. Fig. 17. Appendices caudaux du même. Fig. 18. Extrémité inférieure de l’abdomen du mème, très-grossie, vue en dessus. Fig. 19. Jchthyomyzoque de la Squatine ange, vu en dessus et amplifié 48 fois. Fig. 20. Tête du même, très-grossie, vue en dessus. Fig, 21 et 22. Pattes thoraciques ambulatoires du même. Fig. 23. Première patte thoracique ancreuse du même, armée de sa griffe qui, en se rabattant sur la surface antérieure, devient préhensile. Fig. 24. Fausse patte branchiale du même, très-grossie. Fig, 25. Un des poils de cette fausse patte branchiale, extrèmement grossi pour mon- trer qu’il est articulé et penné. Fig. 26. Extrémité inférieure de l'abdomen du même, vue en dessus et très-grossie. Fig. 27. Plaque cornée en forme de croissant à bouts arrondis, placée au-dessous de l’orifice anal. ARTICLE N9 7. RECHERCHES SUR LES TUBES DE WEBER ET SUR LE PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX Par le P. LEGOUIS, de la Compagnie de Jésus, S 1% Je me propose d'établir que, contrairement à l'opinion naguère ia plus autorisée, tous les Poissons osseux ont un pancréas très- développé, et que le nouveau système vasculaire découvert par Weber en 1827 est simplement le canal excréteur de la glande. Les anomalies de cet appareil me permettront d'expliquer les longues hésitations de la science sur ce point, et J'essayerai ensuite de faire voir que ces anomalies ne sont qu'apparentes. Ces conclusions ressortent de quelques observations nouvelles, et aussi de tous les documents antérieurs plus exactement inter- prétés. INTRODUCTION HISTORIQUE. Les questions qui ont trait à l’existence et à la nature du pan- créas des Poissons sont restées jusqu'ici au nombre des plus controversées,. Pour que ce sujet soit compris, ainsi que la raison des discus- sions auxquelles il a donné lieu, il me paraît utile d'appeler d’abord l'attention sur un des caractères généraux des forces digestives. Elles ont pour objet d'opérer des transformations dont le résultat dernier et essentiel est une dissolution ; il est done de SC. NAT. — ART. N° 8. L 9 LEGOUIS. nécessité qu'elles soient exercées par des liquides. Ceux-ci sont les produits du travail de certains organes de consistance solide, dans le tissu desquels ils s’élaborent. La digestion d’un aliment suppose ainsi trois choses : l’action qui le fluidifie, l'agent liquide de cette transformation, et l'organe solide où se prépare l'agent. Si l’on considère dans son ensemble la digestion d’un animal, on y reconnait à coup sûr ces trois parties indispensables ; sil s’agit, au contraire, non plus de la totalité des phénomènes, mais d’une digestion particulière, la digestion pancréatique par exemple, cette série peut y faire défaut totalement ou par- tiellement. On conçoit qu'il puisse se trouver des êtres qui n'aient besoin d'aucun des matériaux empruntés aux aliments par l'organisme à l’aide du suc pancréatique. Une question préalable se présente donc lorsqu'on se propose d'étudier dans un groupe particulier un appareil encore inconnu. YŸ a-t-1l lieu d'entreprendre cette recherche? L'absence de l'organe pourrait, chez ces animaux, résulter de l’inutilité d’une fonction à laquelle ailleurs il est destiné à concourir. La fonction pancréatique existe-t-elle chez les Poissons ? En d’autres termes, parmi les actions physiologiques dont se com- pose le fait complexe de la digestion des Poissons, s’en trouve-t-il qui soient identiques avec celles qu’exercele liquide des pancréas les mieux connus? Tel est le problème fondamental à résoudre avant tout autre. Je serai dispensé de n’y arrêter. L'importance même de la fonction pose en faveur de son existence une probabilité que toutes les analogies corroborent; l'accord s’est toujours maintenu sur.ce point, et enfin M. Bernard, dans son grand travail sur le pancréas, a donné à cette supposition la sanction définitive de l'expérience. Les Poissons possèdent, comme les autres Vertébrés, la fonc- tion pancréatique. L'opinion commune et même générale, parmi les anciens ana- tomistes, allait plus loin, et c’est ce qui donne à l’histoire de ce détail une physionomie qui n’est pas sans intérêt. Convaincus ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX: 3 à priori qu'il existe chez les Poissons un principe de mature pancréatique, tous les auteurs ont pensé qu'il y avait pour pré- parer le liquide véhicule de ce principe un appareil anatomique- ment distinct des parties voisines, comme sont les pancréas de l'Homme et du Chien. Avaient-ils tort? Moins que personne j'aurais le droit de le prétendre ; mais cette supposition fut néan- moins la cause de bien des erreurs. Elle ne tarda pas à paraître peu conciliable avec les faits. On s’évertua à disséquer cet organe, à l'isoler. Quelques suc- cès encouragèrent d’abord; toute la tribu des Plagiostomes, con- formément aux prévisions des observateurs, se trouva posséder le pancréas attendu. Mais les Osseux n'’offraient rien de semblable, tout au plus avait-on dans deux espèces (1) quelque chose qui pût être com- paré au pancréas des animaux supérieurs. Au bout de trente ans de travaux (1820-1847) on ne se trou- vait guère plus avancé. Aussi de la lutte entre l’idée préconcue et les résultats étaient nées des hypothèses pour expliquer cette discordance. Mais les affirmations contradictoires, les va-et-vient d'opinion, du même homme souvent, et sur un même fait, dis- créditaient les théories à mesure qu’elles se faisaient jour. La marche de toutes ces recherches est marquée au même carac- tère: d’abord effort pour trouver le pancréas, puis résultat simon nul, au moins douteux et incomplet. Tel quel, ce résultat deve- nait le point de départ d’interprétations d'ordinaire excessives, tendantes toutes à prouver qu’il existe un appareil spécial four- nissant du suc pancréatique. En général, ces observations, prises en soi, sont cependant exactes; de même l’idée d’un organe glandulaire distinet est conforme à la réalité. Le lien seul a manqué pour joindre les faits à la théorie, et les anciens travaux n’ont eu que le tort de ne point l'indiquer. Pour l'établir, aujourd'hui qu'il est connu, il ya grand profit à reprendre ces faits signalés depuis longtemps, mais qui manquaient d'explication. J'entrerai en conséquence dans plus de détails. (4) Siurus Glanis (Brandt et Ratzburg), Esox Lucrus (Alessandrini). h LEGOUIS. En Fabsence d’un pancréas ordinaire, on regarda d’abord les appendices pyloriques comme l'organe destiné à en tenir lieu. Cuvier proposa cette manière de voir avec une réserve qui ne fut pas toujours gardée par tous ceux qui l'adoptèrent. La science a longtemps vécu sur cet accommodement entre les idées et les résultats négatifs des dissections. Outre les auteurs des leçons d'anatomie comparée, ce mode d'interprétation compta pour partisans Meckel, Müller, Wagner, Carus, Brandt, Ratzbürg, c'est-à-dire la presque universalité des hommes les plus entendus en ces matières. Leurs adhésions furent acquises à cette doctrine sans doute parce qu'elle satisfaisait à l’idée de la nécessité d’un organe, mais surtout à cause du compte vraiment suffisant qu'elle rend des faits alors connus. On savait que les Plagiostomes ont un pancréas bien développé ; aussi on ne leur trouvait aucun cæcum, tandis que nombre d'espèces d'Osseux avaient des cæcums plus ou moins nombreux, et par contre ne présen- taient aucune trace de pancréas. Vers le temps où cette théorie faisait son apparition, Weber annonçait avoir trouvé le pancréas du Silure et du Brochet ; ces deux espèces manquent d’appendices, et la théorie prit acte de ces deux découvertes. | Toutefois, malgré de si imposantes autorités, jamais elle ne régna sans conteste. Steller, anatomiste de Saint-Pétersbourg, avait affirmé depuis longtemps la coexistence des appendices et du pancréas sur beaucoup d'espèces. C'eût été là une difficulté sérieuse, Car s'il y à un pancréas et que des appendices l’accom- pagnent, est-il probable qu'ils aient la même fonction que lui ? Pourquoi deux formes si différentes d’un même organe? pour- quoi une si étrange association d'appareils dissemblables en vue d'obtenir un même résultat? Le débat se trouva ainsi engagé sur les observations de Steller:, Elles paraissaient peu probantes et n’obtinrent qu'une confiance médiocre. Mais quand mème on fût venu à bout d’anéantir la contradiction soulevée par cet anatomiste, un fait très-aisé à conslater, et reconnu de tous, ne laissait à la doctrine de la sup- ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. p) pléance par les appendices aucune chance d’un succes durable. Tous les Ésoces, tous les Silures, tous les Cyprins, tous les Lophobranches, tous les Apodes, tous les Plectognathes et beau- coup d’autres, manquent absolument d’appendices ; on ne leur trouvait aussi aucune trace de pancréas. Si des Poissons en tel nombre pouvaient se passer de suc pan- créatique, n’était-il pas à croire que la plupart des autres en faisaient autant, et que leurs appendices ne leur servaient point à s’en procurer. Que penser dès lors de l'opportunité d’une théorie qui, créée principalement pour expliquer l'absence du pancréas dans les espèces pourvues d’appendices, laisse la difficulté reparaître tout entière dans celles, en si grand nombre, qui n’ont ni appendices ni glande. Duvernoy s’est préoccupé de cette objection; il explique l’ab- sence simultanée des cæcums et du pancréas par la raison que «l'humeur pancréatique n’est pas aussi nécessaire à la digestion » intestinale des Poissons que dans les autres classes des animaux » vertébrés. » Cette réponse paraît faible ; car, loin de faire com- prendre la convenance de l'hypothèse du remplacement, elle énonce en excellents termes la raison qui doit en faire soup- conner l'inutilité. La critique de cet anatomiste reprend tous ses avantages lors- qu'elle s'exerce sur la valeur des travaux publiés au sujet du pancréas. Il prouve par ses propres recherches qu’on s’est trop hâté de décerner ce nom à l'organe mentionné par Weber, soit daus le Silure, soit dans le Brochet. Il y à grande probabilité, suivant lui, que le canal perçant l’intestin à côté du cholédoque (1) n'est qu'un second conduit hépatique. Weber avait pourtant dit vrai; mais 1l devinait la nature de l'organe plus qu’il ne la démontrait, et l’anatomiste francais se trouvait avoir raison contre lui, parce que ses assertions trop peu prouvées pouvaient sembler téméraires. La conclusion de cette discussion n’en était pas moins, pour tout Juge impartial, de se (4) Leçons d'anats comp., t. IV, 22 partie, p. 645. 6 LEGOUIS. tenir sur la réserve et dans une défiance fondée à l'endroit de la théorie de Duvernoy et des faits allégués par Weber. Les observations de ce naturaliste, quoique tombées en dis- crédit, ne tardèrent point à être vérifiées contrairement au dire de Duvernoy. Alessandrini (1) décrivit avec grand détail une dissection très- attentive des viscères du Brochet. Il en ressortait que cet animal possède un véritable pancréas, comme Weber l'avait entrevu. Plus tard, Brandt et Ratzbürg publiaient le résultat de leur travail sur le Silure saluth; 1l se trouvait conforme aux prévi- sions de Weber. Bientôt même un point qui touchait de plus près à la doctrine de la suppléance fut retourné contre elle par suite de nouvelles observations. La masse des appendices cæcaux de l'Esturgeon représen- tait à Meckel et aux esprits systématiques qui avaient embrassé l'opinion de Cuvier, le principal terme de la transition entre la forme glandulaire parfaite du pancréas des animaux supérieurs et ladissociation extrême etlimite des culs-de-sac dans les espèces à cæcums isolés et non ramifiés. Ce fait donnait de la cohésion à la doctrine; il en était comme le centre. Or, Alessandrini (2), dans la même publication, révélait l'existence, chez l'Esturgeon, d’un pancréas «glandulaire et parenchymateux », semblable, quant au tissu, à tous les pancréas connus, mais aussi fort diffé- rent de cette masse appendicielle sur laquelle s’échafaudait la théorie. C'était à pour elle un dommage plus grand que celui qui eût résulté de la confirmation des idées de Steller ; elle ren- contrait dans cette observation une objection capitale, et elle y perdait un de ses principaux moyens. Duvernoy, il est vrai, voyait encore dans ce prétendu pancréas de l'Esturgeon (3) un simple lobe du foie. Mais, au milieu de ce conflit d'observations incomplètes et de dénégations, où s'arrêter, et qui croire? A là (4) Antonii Alessandrini Descript. veri pancreatis..… (Novi Commentari Acad. scrent. Instit,, Bonon., 4835, t. 1). (2) Anton. Aless., loc, cit., p, 355-399. (3) Leçons d'anat. comp., loc. cit., p: 619: ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 7 place de la théorie des appendices, rien ne s'élevait pour coor- donner les faits. L’obscurité dès lors va croissant à mesure qu'ils se multiplient. La question se compliquait d’une idée singulière émise par Weber, que celte absence du pancréas paraît avoir préoccupé plus que tout autre. Avant l’éclosion de la doctrine de la sup- pléance par les appendices, il avait déjà émis la sienne, celle de la suppléance par le foie. S'il l’eût formulée en disant que chez les Sturioniens et les Osseux, et là généralement où manque le pancréas ordinaire, la bile acquiert quelque chose des pro- priétés du suc pancréatique, en gardant l'essentiel des siennes propres, c’eût été certes déjà une hypothèse hardie ; mais il ne s'en tenait pas à si peu (1). Il voulait que le foie fût en même temps un pancréas, le tissu de nature et pancréatique et hépatique, capable de fournir simultanément ou séparément les deux principes, apte à pourvoir de suc biliaire son canal excréteur et de suc pancréatique un second canal découvert par lui, mais que Duvernoy regarde plus simplement comme un deuxième canal hépatique. Cette conception de la fusion sur une mème cellule glandulaire des propriétés pancréatiques et hépa- tiques est difficilement intelligible, et celle de la séparation des voies excrétoires correspondantes ne semble qu'y ajouter une contradiction (2). Aussi paraît-elle avoir eu pour unique consé- quence de mettre en défiance contre le fait à l’occasion duquel elle avait été énoncée. Chose remarquable, ce fait est vrai, mais non dans le sens où le comprenait Weber. Très-importante pour le sujet, cette vérité trouvera plus loin une démonstration com- plète et les développements qu'elle exige. Cette première période (3) de l’histoire de la question, si (4) Texte de Weber : « Folgende Beobachtung wird wahrscheimlich machen dass die » Natur auch zuweilen einem drusigem organe zugleich die stelle eines zweiten vertre- » ten lässt. » (Weber, 4rchiv. de Meckel, 1827, p. 294.) (2) Voici le texte même de Weber : «...... das die Leber, bei den Cyprinus-arten » zugleich die function des Pancreas habe, weiïl sie mit doppelten ausführungsgangen... » versehen ist; weil sie auch ihrer Farbe, Form... ünd ihren Entheilüng in kleinere » Läppchen nach, mehr ähnlichkeit mit einem Pancreas, als mit einer Leber hat... » (3) 1828-1839 environ, 8 LEGOUIS. abondante en incertitudes et si pauvre en résultats rigoureux, n’est pas la moins satisfaisante : le sujet traverse vers cette épo- que (1) une phase de confusion plus grande encore, s’il est pos- sible. Tandis que beaucoup d’auteurs s’attardent à poursuivre la démonstration de la théorie appendico-pancréatique, Müller (2) publie sur le pancréas de l’Anguille une note trop peu détaillée pour permettre d'en tenir compte autrement que comme un appel à un nouvel examen (3). Stannius se rapproche de Weber parce qu'il a cru trouver sur quelques espèces (Cyclopterus Lum- pus, Belone longirostris, Trigla Gunardus, Trachinus Draco) (h) le corps auquel ce dernier avait fait allusion; mais comme cet organe manque de canal excréteur, il se rallie plutôt en défi- nitive à l'opinion de Meckel, qui est celle de Cuvier. Il arrive même (5) à émettre des doutes sur l'observation d’Alessandrini, relative à l’Esturgeon. Nous le verrons plus tard se ranger de nouveau parmi les adversaires de cette manière de voir. Wagner (6), dont l’opinion a suivi les mêmes variations, affirme dans la Truite l'existence d’un pancréas avec des appendices pyloriques, mais il ne décrit rien de l'organe; d’autre part MM. Vogt et Agassiz (7), ayant probablement trouvé le même corps, y voient plutôt un tube pylorique. Une observation de Müller, relative à la Lotte, le jette dans les mêmes (8) incerti- tudes. Il finit par rétracter ses premières paroles, et ce qu'ils ont vu, Retzius et lui, ne lui semble plus, tout considéré, qu'un analogue des corps de Steller ; le prétendu tube abducteur qu'il croyait avoir trouvé n'était sans doute qu'un lymphatique. Ces corpuseules pourraient même n'être que de simples produits pathologiques (9). (1) 1839-1846. (2) Müller, Lehrbuch der vergleichenden Anatomie der Wirbelthiere, 4845, p. 98. (3) Milne Edwards, Leçons d’anat. et de physiol., t. VI, p. 513. (4) Stannius, Symbole ad anatomiam Piscium, 1839, p. 36. (5) Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, par de Siebold et Stannius (traduct. Spring et Lacordaire), 4850, t. II, p. 104, note. (6) Cours d'anat. comp., 1844, p. 267. (7) Agassiz et Vogt, Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Neufchâtel, 1845. (8) Müller, Archiv, 1840, p. 139. (9) Milne Edwards, Lecons sur la physiol. et l’anat., L. NT, p. 514. ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 9 Pas un seul fait dans tout cet intervalle qui ne paraisse con- trouvé tôt ou tard ; on assiste à une agitation stérile où tous les efforts s'entre-détruisent. I en résulte une grande obscurité de laquelle se dégage pour- tant une conclusion à peu près claire. Les observateurs les plus habiles, Cuvier, Duvernoy, Weber, Müller, Brandt, Stannius, croyant d'avance à l'existence d’un appareil pancréatique, l'ont cherché, et cela sans succès ; donc cet appareil n'existe pas. Ni l'adresse, ni l’opinitreté n’ont fait défaut; s'il existait, ils l’au- ralent vu. On est heureux d'échapper à cette ère de contradictions par la thèse que M. Brockmann (1) soutenait vers 18/6. Elle mérite de faire époque dans l’histoire du sujet, moins à cause de la lumière qu’elle apporte en elle-même que par la précision des faits qu’on y trouve relatés, et par l'importance qu'elle prit en ramenant sur cette question l'attention des naturalistes. Elle renferme les résultats de recherches faites par Stannius et M. Brockmann sur une dizaine d'espèces. Dans le Saumon, le Hareng, la petite Morue, le Chabot de rivière, la Perche, la Plie et le Turbot, l’Aiguillette et la Brème, ces observateurs ont trouvé de petits corps d'apparence glandulaire en rapport avec l'intestin par un canalicule. Ïls proposent de regarder ces organites comme des pancréas, et quoi qu'il en soit de cette opinion, il faut reconnaître que l'existence de ces corpuscules est en elle-même un fait inté- ressant. Du reste, dans l'interprétation des résultats trouvés par eux, MM. Stanonius et Brockmann sont extrêmement réservés. On sent, sous les formes de la rédaction, qu'une arrière-pensée de- meure quelque part dans l'esprit. L'auteur n’est pas pleinement satisfait de son suceës. Ce qu'il avance, il l’a clairement vu, mais tout ce qu'il souhaiterait pouvoir dire, il ne le peut avancer, et tout ce qu'il attendait, 1l ne l’a pas vu. En effet, il a rencontré peu là où il voulait davantage. Ces (4) Brockmann, De pancreale Piscium, dissert, inauguralis. Rostock, 1846 SG. NAT., FÉVRIER 18739. XVII, Â2. — ART, N° 8: 10 LHGGUES. pancréas, auxquels s'arrête le scalpel de M. Stanmius, sont, pour la plupart, extrèmement petits. Ces rudiments d’organe, comme le dit M. Mine Edwards (1) en les signalant, ne peuvent fournir que très-peu de liquide. L'idée qu'ils puissent suffire à la digestion des Poissons osseux ne peut subsister dans l'esprit après la lecture (2) du texte où la petitesse de leurs dimensions est consciencieusement notée. Le défaut de proportion entre la fonction à remplir et l'organe qui en est chargé frappe bien plus encore celui qui se donne ia peine de les retrouver par la dissection. Prétendre qu'ils sont le pan- créas des animaux où on les a vus reviendrait à dire que ces êtres manquent de la fonction dévolue à un organe aussi réduit. D'ailleurs, en regard de ces deux espèces, mettons seulement les soixante genres accessibles à l'étude, sans sortir de la faune française, et la conséquence immédiate sera de nous demander comment pourvoient à leur digestion ces animaux où, vérifica- tion faite, on n'a pas trouvé le moindre granule à interpréter en pancréas. Si des Poissons en grande majorité, ce semble, digèrent sans cette glande, l’analogie veut qu'il en soit de même pour les autres, et ce ne seraient point les corpuscules de Brockmann qui empècheraient de pousser à ce point le raisonnement et de s’en tenir à cette conclusion. Même après la publication du travail de ces derniers savants, je dirai plus, surtout après ce mémoire, la conclusion indi- recte des anciennes recherches se trouvait donc encore la plus légitime. Et à la question posée en ses termes les plus généraux : La fonction pancréatique est-elle remplie dans l’ensemble des Poissons osseux par un liquide spécial, produit d'un pancréas comparable à la glande connue sous ce nom? à cette ques- tion, dis-je, la probabilité forçait à répondre négativement, sauf à excepter ensuite deux ou trois espèces (Silure, Brochet, Anguille). En 1865, lorsque j'entrepris de nouvelles recherches sur ce point, l’aspect du sujet n'avait pas changé. (4) Mine Edwards, op. cf., p. 514. (2) Brockmann, De pancreale Piscium, p. 16 et suiv. ARTIGLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. Al En résumé, les tentatives théoriques faites en vue d’accréditer l’idée de l'existence du paneréas devaient être regardées comme illusoires. L'hypothèse de Cuvier et celle de Weber, nées, comme je le disais en commençant, du besoin d’un organe où l’on n’en trou- vait pas, avaient été renversées par les faits. M. Claude Bernard (1), comprenant bien l'importance de la fonction pancréatique, avait proposé plus récemment d'admettre un pancréas en revêtement laminaire de l’intestin et consommé à chaque digestion. Mais l'éminent physiologiste ne donne cette ingénieuse supposition que comme un pis-aller provisoire, en attendant des éclaircissements nouveaux. Restaient done les faits seuls avec leur tournure à peu près constamment négative. Les pancréas trouvés par Brockmann, Stannius et Müller, en prouvant Fhabileté anatomique de ces auteurs, semblaient affirmer tout ensemble, et l'impossibilité d’un pancréas efficace qui les eût eux-mêmes exclus, et, par suite, la nécessité d’une disposition physiologique qui remplit quelque chose de son rôle. C'est dans ce sens que s'exprime le volume des Lecons sur la physiologie et l'anatomie imprimé en 41859. On ylit (2) : « Le » pancréas manque aussi complétement chez beaucoup de Pois- » sons, et chez d’autres animaux de la mème classe il est rudi- » mentaire. » Et plus loin (3): « Le pancréas paraît manquer com- » plétement chez beaucoup de Poissons ; le nombre des espèces » dans lesquelles la présence de cette glande a été constatée est » restreint, et son volume n’est jamais considérable. » Pourtant la simplicité des raisonnements qui conduisaient à celle manière de voir n avait pas conquis tous les esprits. Les opinions sur ce point étaient assez diverses, mais le préjugé de l'existence du pancréas dans la classe entière des Poissons se trouvait encore, je crois, dominant. Il dut, sans doute, d’être aussi vivace à la difficulté des (1) Mémoire sur le pancréas (Supplément aux Compt: rend., 1856, t. 1, p. 540). (2) Milne Edwards, t. VI, p, 503; (3) Op. cit., p. 514. 12 LEGOUES. recherches, à l'obscurité des documents publiés sur ce sujet, et à l'instinct qui fait assimiler plus encore des êtres analogues déjà sous d’autres rapports. Mais il se maintint surtout par la difficulté apparente de conei- lier l'absence d’un organe avec l’accomplissement de la fonction. Cependant 1l n’y a là aucune incompatibilité. De l'acte à l'agent, l'induction sans doute est nécessaire, mais non pas de l’acte à un agent spécial et réservé à cet acte seul. Celui qui à réfléchi sur les lois de la localisation et de la diffusion du travail comprend aisément cette différence. Où gît l'essentiel de la fonction pan- créatique? Ce n’est pas, je le répète, dans la production par une glande ou une cellule spéciale, d'un liquide spécial; c'est dans l’action physiologique du liquide dit pancréatique sur tout ou partie des aliments. Or, ce liquide n’est pas seul. Les fins de la digestion sont atleintes chez l'homme, principalement par cinq humeurs de cet ordre : les sucs salivaire, gastrique, hépatique, pancréatique et intestinal. Celte combinaison de cinq éléments n’a rien de nécessaire à priori. Trois, deux peuvent suffire ; un seul même. La digestion se fera sans doute avec une déli- catesse, une précision moins exquises; l'étendue, la prompti- tude de l'acte souffriront, les produits seront moindres, et l’asst- milation sera pourtant préparée d’une mamiere telle quelle, en rapport avec les besoins d’un organisme moins parfait, et la vie sera entretenue. Les Poissons osseux pourraient n'avoir pas de pancréas, sans que cependant l'opération dévolue ordinairement au sue pan- créatique manquât à leur digestion; les autres liquides digestifs auraient alors acquis quelque chose des propriétés essentielles de ce suc. En dehors de son mode le plus parfait, la fonction peut s’accomplir par adaptation d'appareils ou par simple extension d'une fonction similaire. Cette dernière supposilion convenait bien au cas actuel; j'aurais pour ma part adnus volontiers qu'un suc intestinal plus copieux relativement et plus énergique rem- plaçät le produit du pancréas dans ces tribus ultimes de la famille des Vertébrés. Cette opinion ne paraît pas, ce me semble, éloignée de celle ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 15 que supposent les paroles suivantes ; je les tire d’un livre déjà cité afin qu’elles communiquent à ma manière de voir une autorité incontestée. Elles viennent à propos de la digestion spéciale des graisses ; mais l’idée qu’elles expriment semble en parfait accord avec ce que je viens d'avancer : « Je rappellerai aussi, dit l’auteur (1), que chez la plupart des Poissons le pancréas n'existe pas, ou ne se trouve qu'à l’état rudimentaire, et cepen- dant nous avons tout lieu de croire que ces animaux digèrent et absorbent les matières grasses contenues dans leur proie ; car, en général, on trouve de l’huile en abondance dans quelques- uns de leurs organes. Il est vrai que les fonctions dévolues à un instrument physiologique spécial chez les animaux d’une struc- ture très-perfectionnée peuvent être remplies ailleurs par d’au- tres parties de la machine vivante, elc., elc. » La théorie nouvelle se fondait sur une substitution physio- logique, tandis que les anciennes admettaient une substitution d'organe. Telle était la raison de la supériorité de la premiere, et aussi, il faut le dire, tout le progrès de la question en qua- rante ans. Encore, si plausible que parût cette théorie d’accommoda- tion fonctionnelle, on s’accordait à croire que la science ne pourrait s’y fixer avec sécurité sans de nouvelles informations. Elle avait le désavantage de s'appuyer sur des résultats négatifs. D'ailleurs, les incertitudes de détail, dans ce sujet singulier, avaient été se multipliant à mesure que les explorations s'étaient étendues. Deux faits, en particulier, demeuraient dénués de toute explication. Le premier par la date et aussi par l'importance, remontait à la découverte de Weber (2). Il avait vu un tube, qui n'était point un cholédoque, aller de l'intestin au foie. La théorie qu'il conçut à ce propos n'obtint jamais d'assentiment sérieux, et M. CI. Bernard (3) en avait mis en lumière l’étrangeté. Mais le fait subsistait ; M. Bernard a retrouvé ce singulier appareil sur (4) Milne Edwards, Lerons sur la physiol. et l'anat.,t. VI, p. 841. (2) Weber, Archives de Meckel, 1827, p. 294. (3) CI. Bernard, Mémoire sur le pancréas, p, 544, af LEGOULS. quelques espèces. Suivant lui, ces tubes ne présentent aucun rapport, aucune analogie qui puisse en faire soupconner la nature dans l’état actuel de nos connaissances. «C’est là proba- blement un appareil imconnu », tels sont les termes dont se sert éminent physiologiste. Ces tubes, que j'appellerai provisorrement tubes de Weber, que sont-ils ? Que signifient aussi les corpuseules d’aspect glandulaire que M. Brockmann a trouvés, sans leur voir aucune connexion avec le duodénum ? Semblables aux pancréas de cet auteur, ne dépendent-ils point de ces organes? S'il n’en est pas ainsi, ils feraient plutôt douter de l'assimilation légitime des autres à un pancréas vrai. J'ai tenté d’élucider ces deux points, et de résoudre quelques- uns des problèmes partiels que soulevaient les anciennes obser- valions. Si Dieu, de qui viennent tous les succès, même les plus modestes, m'a donné plus que je n’osais espérer, je l'en remer- cie. C'est en elfet la synthèse de tout ce qui regarde ce détail de l’organisation des Poissons que je me crois en droit d'exposer, et que je livre, uon sans confiance, à l’appréciation des hommes compétents. J'entrepris ce travail en 1865, il se prolonge encore. Mes re- cherches ont porté jusqu'ici sur une quarantaine d'espèces, variées d'habitat, fluviatiles, marines, mixtes, où se trouvent représentées les principales familles naturelles. Les sujets furent tirés de provenances diverses. Commencées à l’École normale, ces études ont été continuées en Normandie, et pour la partie la plus importante à l'aquarium de Concarneau, avec l’obligeant assentiment de MM. Coste et Guillou, puis au Muséum dans les laboratoires de MM. Lacaze-Duthiers et Milne Edwards, et enfin dans plusieurs des maisons de la compagnie de Jésus. Je n'ai pu pousser jusqu'au mème point l’examen de tous ces types, mais entre tous les résultats obtenus et ci-dessous résu- més règne une concordance parfaite, il n’y à pas un seul fait dissonant ; j'ai même eu la satisfaction de voir toutes les obser- vations antérieures, sans exception, depuis Müller jusqu’à Brock- ARTICLE N° 6. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 15 maun et M. Bernard, si disparates lorsqu'on les rapproche sans commentaire, s'expliquer aujourd’hui sans effort. Elles prennent d’elles-mêmes leur place dans le système que je propose. Elles recoivent de lui leur vrai sens, et lui apportent une confirma- tion à laquelle j'attache le plus grand prix. go RÉSUMÉ DU SUJET DANS SON ÉTAT ACTUEL Le nombre des espèces étudiées avant moi et depuis 1865 est considérable ; cependant il en est bien peu dont l'examen n'ait rapporté quelque chose de spécial, et qui ne fournissent leur trait à la physionomie de l’ensemble. Il serait impossible aussi d’en citer une qui, seule ou associée à un petit nombre d’autres, donnât de tout ce système anatomique une idée approxi- mativement exacte. Le lien analytique qui réunit tous les faits est partout dispersé. C’est par des comparaisons multipliées, établies pour ainsi dire point par point, qu'on parvient à le saisir. Il est donc nécessaire de le faire connaître avant d'entrer dans le détail des observations. Précédées de l’énoncé et de la dis- cussion sommaire de la loi générale, celles-ci gagneront en clarté et en valeur démonstrative ; d'autre part, l’évidence et la simplieité du résultat final seront mieux senties. La première partie de cet exposé sera consacrée à prendre une vue d'ensemble sur l’état actuel du sujet. Dans une seconde plus volumineuse, mais non plus importante, auront place les résultats 1inmédiats des observations. Les espèces étudiées s’y présenteront comme une série de pièces justificatives. Après l'examen et la critique des relations générales auxquels je vais dès maintenant me livrer, cette indication plus particu- lière des procédés et des détails permettra de juger de la solidité et de la concordance du tout. La certitude, j'espère, en sortira complète. | L'histoire du sujet montre les questions qui doivent princi- palement fixer l'attention ; ce sont aussi celles qui ont surtout sollicité mes recherches, à savoir : 16 LEGOUIS. 1° La généralité de l'existence des tubes de Weber et leur fonction. 2° La généralité de l’existence du pancréas, et, s’il existe, la disposition anatomique qui le rend invisible. 3° L'existence et la nature de la relation du pancréas avec les tubes de Weber. h° Les rapports du paneréas avec les viscères, et particuliè- rement avec le foie. Je parcourrai successivement ces quatre divisions. J'ajouterai dans une cinquième quelques données sur les organes lymphatiques. 4° Des canaux de Weber. J'appelle canaux de Weber un système de vaisseaux, vu en premier lieu par Weber, et qui s'étend en ramification plus ou moins compliquée à la surface des viscères, dans le foie et sur les membranes abdominales. | Ils sont communs à tous les Poissons osseux : je les ai ren- contrés toutes les fois que j'ai eu occasion de les chercher sur ces animaux ; mais leur aspect varie. Chez la plupart des espèces, ils ne sont visibles qu'au microscope, comme les Iymphatiques moyens, dont ils ont les dimensions; alors ils n'apparaissent dans leur ensemble que si l'on réussit à y faire pénétrer un liquide fortement coloré. Au contraire, dans un petit nombre de Poissons, tels que la Carpe, le Turbot, le Maquereau, la Sole, ils prennent partielle- ment, et sous certaines mfluences spéciales, un vif reflet d'argent. On les suit alors assez aisément à l'œil nu; de là vient que Weber en a immédiatement constaté la présence chez le Cyprènus Carpio, sans les trouver dans les autres espèces qu'il étudiait en même temps. Ces différences expliquent aussi comment M. Stannius, qui travaillait sans doute dans des circonstances désavantageuses à la formation de la teinte nacrée, n’a pas constaté leur existence, ARTIGLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 17 quoiqu'il se soit occupé d'animaux où cette vascularisation est particulièrement étendue ; tandis que M. CI. Bernard, qui les a reconnus sur plusieurs espèces, n’a vu sur chacune d'elles qu’une partie probablement assez minime du système complet. Enfin ils ont échappé à tous les autres ichthyologistes, du moins à ma connaissance. Considérés en eux-mêmes et de prime abord, ces vaisseaux ne paraissent se rattacher à rien de connu. Leur caractère le plus remarquable est leur déversement dans l'intestin, plus ou moins près de l'orifice du cholédoque, souvent par l’intermé- diaire d’un tronc renflé en ampoule. Ce ne sont donc ni des veines, ni des artères ; la régularité de leur ramification les sépare aussi neltement des lymphatiques dont ils se rapprochent par leur volume et par la ténuité de leurs parois. Monro, Fohmann et M. Stannius ne les en ont point dis- tingués, sans doute parce que le mercure de leurs injections pénétrait dans les deux ordres de vaisseaux à la fois. J'aurai occasion, à propos du Maquereau et de plusieurs espèces, de discuter plus complétement les différences qui séparent ces vaisseaux de tous les autres systèmes d'irrigation physiologique. Ils forment dans quelques espèces (1), dont l'intestin est long et contourné, une arborisation extrêmement étendue et fort élé- gante (2). Il n'est guère de sinus intestinal où ne se glisse quelque ramuscule de ce système; de même des branches qui en dé- pendent s'engagent entre les appendices pyloriques lorsqu'ils existent (3); leurs principaux trones suivent souvent le cholé- ‘loque ou les veines portes, spléniques et mésentériques. Ils pé- nétrent fréquemment dans le foie (4), jamais dans aucun autre viscère. Logés d'ordinaire dans l'épaisseur des membranes périto- (1) Mugil, Scombres, Cyprinoïdes, etc. (2) PI. XIX, fig. 4; pl. XX, fig. 1, (3) Zeus faber, Scombres, etc. (4) Cyprinoides, Sparus erythrinus, Trigles, Pleuronectes, etc. 18 LEGOUIS. néales, ils semblent courir quelquefois à la surface de l’in- testin (1), mais c’est une simple apparence résultant de la chute et de l’application sur la paroi intestinale du repli mésentérique qui les renferme ; ils s’'approchent ordinairement très-près de la rate en suivant la veine splénique, et il est très-commun de les voir s’étaler sur la vésicule du fiel (2). Ils sont tres-réduits dans les Anguilles et les Murènes (3); enfin les Sélaciens et les Sturioniens (4) paraissent en manquer. 20 Pancréas. Je n'ai pas rencontré d'espèce qui ne füt pourvue d’un pan- créas ; cette glande est même considérable, malgré la dispersion ordinaire de ses éléments. Mais la disposition qu'elle affecte est si variabie entre espèces voisines et entre individus d'une même espèce, elle brise si entièrement avec les analogies tirées des animaux des classes supérieures, qu'il n’y à point à s'étonner de l’insuccès des recherches dont elle fut l'objet. Le plus souvent le tissu se dissimule dans la masse viscérale ; il se perd quelque- fois dans l'intérieur du foie; enfin presque toujours il est caché dans des dépôts graisseux dont il adopte la couleur. Les Plagiostomes seuls possèdent un pancréas semblable à celui des autres Vertébrés (5). Hors des limites de cette famille, la glande à un aspect très-particulier ; elle peut être rapportée à un type unique, mais cette figure fondamentale est suscep- tible de modifications secondaires capables de l’altérer profon- dément. Les grandes lignes de la loi qui régit ses formes sont (4) CI. Bernard, Mémoire sur le pancréas et Leçons de physiol. expériment., 4855, p. 480. (2) Scomber Scombrus, Gadus Merluchius, Plewronecles maximus, PI. Sola, ete., PI. Platessa, PI. Flesus, Gadus Pollachius, ete. (3) Muræna Conger, Muræna Anguilla. (4) Acipenser Slurio, Carcharias (glaucus ?), Rhina (Ange), Raja Batis. (5) Je n'ai point cu occasion de disséquer le Sa/mo salar ni ie Saluth, mais je suis convaincu qu'ils rentrent, quant à leur pancréas, dans la catégorie commune à tous les autres Osseux. ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 19 constantes, mais elles dépendent de rapports anatomiques qui échappent au premier coup d'œil. J'adopterai done provisoirement, pour plus de clarté dans la description, la division que M. Stannius (1) a indiquée : un pre- mier groupe où la glande est disséminée, un second pour les pan- créas diffus, et un troisième comprenant les pancréas massifs ordinaires. Pancréas disséminé (2).— Silon examine avec un soin scru- puleux les lames hépatique, splénique et intestinale du péritoine on reconnait qu'elles sont, surtout dans certaines espèces (3), se- mées de globules glandulaires. Chacun de ces corpuscules est un pancréas ; et, généralisant cet énoncé, on peut dire : Toute glande, le foie excepté, ou toute glandule, nettement distincte, isolée ou engagée, qu'on rencontrera dans les membranes des viscères digestifs abdominaux, quels que soient son aspect, sou volume, sa place, est un pancréas. Toujours elle sera reliée au duodénum par un appareil excréteur. La région occupée par ces systèmes de granules paraît Inva- riable pour chaque espèce (4), mais la place de chaque grain, non plus que son volume, n'a aucune fixité en général. Quelques- uns (5), plus importants sans doute, sont plus gros et d'existence plus constante. Ce sont ceux-là qu'ont trouvés MM. Stannius et Brockmann dans le Hareng, la Vive, la petite Morue, etc. Quoique le nombre de ces globulins visibles puisse être consi- dérable (j'en ai compté dix-sept à vingt dans le Bar), ils ne forment que la minime partie de l'organe, qui se complète, soit par l’adjonction d’une foule de granulations semblables mais mi- croscopiques, soit par d’autres dépendances dont J'aurai bientôt à parler. Ainsi se trouve écarté le reproche d'insuffisance qui frappait (1) Brockmann, thèse inaugurale, p. 24. (2) PI. XVIIL, fig. 2, 3, 4, 5. — PI. XIX, fig. 4. {3) Perche, Cyprins, Bar, Cycloptère, Alose, Cobitis, ete. (4) Zeus faber, Bar. (5) Scomber Scombrus, Belone longirostris, Labrus (Baïlloni ?), Gadus Pollachius, Gadus Merluchius. 20 LEGOUIS. justement les résultats de MM. Stannius et Brockmann. Ces ob- servateurs donnent, pour pancréas entier de la plupart de leurs espèces, ceux seulement de ces globules dont ils ont véritié la communication avec l'intestin ; tandis que la même foncuor s'étend à d’autres globules de même ordre qu'ils ont vus sans en reconnaître les connexions, et à d’autres parties encore dont ils ne se sont point occupés. Il faut en effet remarquer que sous cette forme disséminée, certains pancréas atteignent, grâce à leur partie microscopique, un extrême développement. Les globules visibles sont dus au ren- flement normal ou accidentel de certains points d'un immense système dont on est surpris de trouver des dépendances dans des régions très-éloignées du duodénum et même de ces glo- bules (Maquereau). Pancréas diffus (4). — La seconde forme, plus importante et plus générale, est lamellaire et rappelle de loin le pancréas du lapin. C’est, en réalité, une toile glandulaire beaucoup plus légère encore, au point de se confondre souvent avec la mem- brane dans l'épaisseur de laquelle elle s’'épand (2). Ailleurs elle se condense, prend un peu de corps avec une couleur laiteuse (3) ou roussâtre (4); souvent elle est nue, parfois revêtue de tissu adipeux. Il est à peu près impossible, dans l’un et l’autre cas, de la distinguer, à moins d’être prévenu de son existence. La ressemblance superficielle avec des trainées graisseuses, sur- tout sur les individus tirés de l’eau depuis déjà deux ou trois heures, est telle, que je n'hésite pas à rapporier à cette cause l'illusion qui à jusqu'ici trompé les observateurs. Tous, j'en suis convaincu, qu'ils le cherchassent ou non spécialement, ont vu le pancréas, au moins en partie, mais 1ls n'ont pu croire leurs yeux ; et, déroutés par toutes les apparences de couleur et de forme, ils ont négligé ce tissu prétendu graisseux, et passé outre. J'ai reconnu, non sans étonnement, que dans les anses du svs- (4) PI: XVIII, fig. 4. (2) Vésicule biliaire du Maquereau ; péritoine de l’Atherina presbyter, etc., ete. (3) Pleuronectes maximus. (4) Gadus Merluchius, Muræna Conger. ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 21 tème intestino-hépatique des Poissons, ce qui souvent est rare, ce qui fait quelquefois défaut, c'est la graisse, qu'on s’est arrêté à y voir; ce quiabonde, c’est le parenchyme pancréatique, qu’on n'a pas vu. L'étude seule des canaux de Weber (1) pouvait conduire à cette distinction fondamentale. En outre, j'ai eu, lorsque mes idées étaient déjà fixées, la bonne fortune de rencontrer une espèce où le tissu graisseux est, vers l’époque du frai, en juin, presque réduit à rien, et où la nature glandulaire de la mem- brane est bien reconnaissable. C'est le Muræna Conger, dont l'étude offre un grand intérêt à divers égards. Il en est de même à un moindre degré dans les Grondins, les Merlus et autres ; là encore le péritoine de certains individus rappelle les glandes par la couleur et la vascularisation des espaces intercæcaux, et des anses intestinales. Cette surface de sécrétion s’élargit d'ordinaire d’une façon prodigieuse ; elle s'étale sur les mésentères (2), s’engage jus- qu'au fond des sinus de l'intestin, ou en accompagne seulement les veines, les recouvrant comme d’un enduit (3); remonte dans la courbure stomacale jusqu'à la membrane diaphragmatique, se retrouve tout près du cloaque (4), et occupe les vides entre les appendices (5). Enfin, on peut dire sans exagération, de quelques espèces (6), que les viscères de la masse gastro-intestinale sont plongés dans une sorte de milieu pancréatique. Chez plusieurs, cette nappe paraît se cantonner, au moins pour un temps, dans des limites plus précises (7), sauf pour des individus exceptionnels. Elle se renfle quelquefois, surtout au voisinage du cholédoque (8); et ces points sont autant de foyers G)BPISEXNIT PMR 3 Lo PI XIX, fie. APN PI XX Po 1 (2) Belone longirostris, Maquereau, Gadoïdes, (3) Épinoche, Cyprinoïdes, Pleuronectes, Sparus Pagrus, (4) Muræna Conger. (5) Labrus, Trigla lyra, Chabot de mer et de ruisseau. (6) Caranx, Scombrus. (7) Merluchius, Aiguillette. (8) Merluchius, pl. 1, fig. 4; Pleuronectes maximus, PI, Sola, 22 LOGOUES. à partir desquels elle s'irradie en s’amincissant dans toutes les directions qu’elle trouve ouvertes (1). Au contact d’un obstacle infranchissable, elle s’arrondit en bourrelet ; elle tapisse souvent les veines et la vésicule du fiel, jamais l'intestin ni le foie. En revanche, elle entre parfois dans la substance de ce dernier, autour des troncs du système de la veine porte, soit sous forme de fourreau, soit en franges lamel- laires qui les bordent à droite et à gauche. Pancréas massif. — Enfin, quelques Poissons osseux présen- tent un organe pancréatique semblable à celui des Vertébrés supérieurs, véritable glande composée, toujours établie sur Île duodénum. Cette forme, de beaucoup la plus rare, est celle que les auteurs avaient trouvée très-accusée dans le Silure, moins nette dans le Brochet; c'était aussi la seule qu'on püt recon- naître indépendamment de l’étude des tubes de Weber. À ces deux exemples j’ajoute lAnguille, le Congre, le P/euronectes mazunus et le Merlus. 1] ne faut point attribuer au mot #assif un sens trop étroit, je l’adopte par opposition avec les autres états, dont le carac- tère est une dissocialion plus ou moins complète. Ces trois déno- minations peiguent les choses d’une manière satisfaisante, mais une seule de ces dispositions se trouve rarement figurer la tota- lité du pancréas d’une espèce. | La concomitance des formes est la règle, et je regarde les exceptions comme transitoires, en raison de la variabilité étendue de cet organe dans l'espèce et l'individu. L'idée générale la plus complète et la plus exacte qu’on puisse se faire du type d'un pancréas de Poisson osseux serait done une nappe lamellaire envoyant des expansions en grand nombre daus les replis péritonéaux (forme diffuse). Le parenchyme de cette nappe, constitué en majeure partie par des acènè micros- copiques plus ou moins agglomérés, se condense, ailleurs, en glardules que relient parfois entre elles des portions amincies au point de devenir linéaires (forme disséminée), — Enfin, en (1) PI XVI, fig. 4. ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 23 certaines régions privilégiées, la même nappe membraneuse s’épaissit jusqu'à prendre quelque chose du volume habituel et de la physionomie des glandes. Tel est l’aspect sous lequel ily a, selon moi, avantage à résumer l’organe et à envisager l'unité des trois formes. Le Turbot et le Gadus Merluchius sont les meilleurs exemples de l'association des trois états ; le premier se superpose au second dans le Belone longirostris, le Houting et une foule d’autres; enfin, je ne connais point, en dehors des Plagiositomes, de pan- créas massif qui n'ait des prolongements membraneux de deuxième espèce, au moins le long des veines (1). Sur ce point, les travaux de Müller, d’Alessandrini et de M. Leydig, garan- tissent l'exactitude des résultats. Il n’y à, quant à la fréquence et aussi quant au degré d’abon- dance, aucune comparaison à établir entre les formes microsco- piques et toutes les autres. C'est exceptionnellement que certaines granulations deviennent visibles, et, parmi ces dernières, les pancréas massifs sont, à leur tour, une minime exception. Dans les individus où le pancréas diffus et laminaire est le plus développé, on parvient sûrement, par une recherche assez atten- tive, à trouver des glandules visibles de la forme disséminée (2). De même celle-ci, à son état microscopique, s’adjaint presque toujours d’autres glandules plus ou moins saisissables à l'œil nu. Un certain nombre de Poissons de petite taille (3) ne m'ont jamais montré que des glandules disséminées, tandis que d’autres, aussi peu volumineux, ont un pancréas mixte (4). J'expliquerai, en traitant de ces espèces, pourquoi Je ne pense pas qu’il faille attacher à cette division en trois formes une grande importance. (4) Anguille, Congre, Brochet, Esturgeon, (2) Maquereau. (3) Sardine, Belec (Atherina presbyter), Lump, Cyprinus sinensiss (4) Gardon, Éperlan, Épinoche, Vairon, Loche, 2/ LEGOUIS. 3° Rapports du pancréas avec les tubes de Weber. Les tubes de Weber ne sont autre chose que les conduits excrétoires des deux premières formes pancréatiques. Rien ne le ferait supposer tout d’abord. La première fois qu’on les aperçoit, c'est grâce à leur chatoiement nacré ou au résultat inattendu d’une injection. Dans un cas comme dans l’autre, l'intelligence vraie de cette découverte ne peut se pré- senter à l'esprit tant qu'on ne possède point la connaissance préalable des allures singulières et de l'existence du pancréas mi- croscopique. Si c’est la teinte nacrée qui les fait meidemment paraître, on pense aussitôt, comme l’a dit M. CL. Bernard, avoir mis la main sur quelque appareil nouveau, inconnu dans les ani- maux d'une structure plus perfectionnée. L’analogie frappante de leurs couleurs avec les tons argentés des écailles et de cer- taines membranes porterait même plutôt à admettre que ces tubes doivent avoir quelque rapport avec l’origine de ces colo- rations. Si, en second lieu, comme 1l m'est arrivé, une injection les manifeste, on ne sait que penser de leur nature. L'arborisation injectée, quoique régulière, présente un aspect sw generis (1); en outre, elle s'étend indistinctement à la surface de certains viscères et sur des membranes de parfaite transparence et d’une ténuité extrème. Quelle probabilité y a-t-1l que ce soient là les voies d'exerétion d’une glande hypothétique dont on n'aperçoit aucun vestige? L’étendue des surfaces où s'épanouit ce système, les terminaisons si variées et si distantes des tubes, tout dans les apparences est en opposition avec la station ordinaire d'un appa- reil sécréteur. J'ai poursuivi pendant longtemps la recherche simultanée de ces tubes et du pancréas sans oser croire à l'existence d'une relation directe entre ces deux parties. Et il n’est point de (4) PI. XIX, fig. 4, ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 25 sujet où il soit plus nécessaire de se mettre en garde contre l'effet d’une première impression. De plus, l'incertitude s'accroît à la réflexion. Si l’on re- cherche des faits analogues déjà connus, on n’en trouve que deux : lun consigné au mémoire deM. CI. Bernard (1), et l'obser- vation relative à la Carpe (2). Stannius et Brockmann, Schmidt, Rathke et les anciens auteurs, n’ont rien vu de pareil. L’anato- misie qui n'aura rencontré lui-même cet appareil que sur deux ou trois espèces, dans un travail d'assez longue durée, sera ainsi conduit à regarder ce système comme spécial à certains Poissons, et par suite comme étranger à la fonction pancréatique qu’on sait commune à tous. D'ailleurs, si ces canaux aboutissent à une glande, il faut admettre que cette glande, dans la Carpe, est confondue avec le foie; association étrange de tissus, qui serait à elle seule une difficulté grave contre l'hypothèse. Enfin l'examen microscopique, loin, dans les commencements, de redresser l'opinion, serait plutôt capable de l’ésarer. En effet, du moment que, sur une pièce, les tubes de Weber sont deve- nus visibles par leur reflet nacré ou par injection, il est à peu près certain que, sur cette même pièce, les cellules du pancréas laminaire seront alors détruites, ou à tout le moins méconnais- sables. Cela vient de la promptitude avec laquelle ces utricules se flétrissent, tandis que la teinte nacrée ne se développe qu’à la longue et qu’il faut beaucoup de temps pour réussir ces sortes d'injections. Aussi, même apres que la disposition anatomique avantageuse du Maquereau (3) et du Caranx Trachurus m'eut mis sous les yeux la communication d’un rameau wébérien avec un gram glandulaire voisin du duodénum, j'ai longtemps encore balancé à admeltre que cet immense réseau de filets partiellement argentés, dont les mailles allaient entourer les faisceaux des ap- pendices, füt fout entier au service d’un appareil pancréatique (4) Leçons de physiol, expériment., p. 480-483. (2) Weber, Archiv. de Meckel, 1827, p, 394. (3) PI. XIX, fig. 4, SG NAT,., FÉVRIER 1875. XVII. 19, == ART. N° 8e 26 LHGOUIS. invisible. Malgré ce que cette hypothèse avait de simple et de plausible, les raisons contraires me semblaient presque prépon- dérantes. L’incertitude n’a cédé que peu à peu devant la netteté et la multiplicité des preuves. Aujourd'hui ma conviction est entière, et si quelque obser- vateur, ayant rencontré ces mêmes tubes, éprouvait les mêmes doutes, j'ai confiance que la lecture de ce travail le ramènerait à ma manière de voir. Car l'existence du pancréas microscopique et l'ampleur de ses dimensions superficielles ôtent à cette opinion ce qu’elle a de plus invraisemblable à l’abord. EL s'il est souvent difficile, dans un cas donné, de constater la présence du tissu glandulaire, j'affirme qu’en opérant avec méthode, et en se plaçant dans des circonstances favorables, on vérifiera la coexistence des acini et des tubes, et même leur dépendance et ieur nature. Il n'y a point, en eflet, de ramuscule de ces canaux qui n’a- boutisse, d’un côté à un noyau visible (4) ou microscopique (2), et ne se relie de l’autre par des communications intermédiaires au duodénum (3), Toute espèce peut servir à la démonstration de ce fait, mais la préparation est plus aisée sur une région pan- créatique disséminée en glandules assez grosses, comme il s’en trouve dans le Labrar Lupus, le Cyprin de Chine, le Zeus faber, etc. Les plus gros troncs du système wébérien se rendent aux globules les plus volumineux, qu'on peut en général dis- tinguer sans secours d’instrument. Quelquefois (Tanche, Bar- beau, Brème (4), Carpe), certains amas pancréatiques sont assez près du duodénum et leur canal exeréteur assez ample pour qu’on puisse engager une soie dans toute la longueur du conduit. Dans les cas difficiles (Sardine, Maquereau, Chabot de mer, elc.), il faut d'abord, par injection, ou sinon par une recherche microscopique à de faibles grossissements (50 à ) PL XVIIL fig. 2-3, ) PL XVI, fig. 5, 3) PI, XVILL, fig. 2, 3, 5, == PI. XIX et pl, ÀX, fig. À: ) PL XVI, fig, 4 ARTICLE N° à DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 2 150 diamètres), prendre quelque connaissance du régime de ces vaisseaux. On déterminera ainsi certains points de leur trajet qui jouissent d’une fixité remarquable. Ces préliminaires sont pénibles et demandent parfois l'examen d’un grand nombre de sujets. Mais, enfin, lorsqu'on a réussi à poser quelques re- pères invariables sur le trajet des tubes, en portant ces points au microscope, dès l'ouverture d’un animal encore vivant, sil est possible, on aura chance de voir, d’une manière très- distincte, la glande et la pénétration des ramuscules dans les acInl. Je me suis attaché à atteindre cette pleme évidence dans un assez grand nombre de cas (4); mais je dois réserver le détail des procédés et des résultats pour la description des espèces. Toutes les fois que, en suivant ce manuel opératoire, j'ai eu des insuccès, il ma été facile d'en reconnaitre la cause dans quelque cir- constance de l'observation, et la démonstration ne peut en être infirmée. | Quant à la constatation de la continuité avec le duodénum, elle est beaucoup plus aisée. Même lorsque les différents systèmes vasculaires, sanguin, wébérien, Iymphatique, s’enlrecroisent en réseaux compliqués (2), les tubes de Weber se distinguent faci- lement des autres, et il suffit, dans tous les cas, de s’astreindre à une étude microscopique assez patiente. À l’appui de cette preuve directe, j'ajouterai que quelques espèces, tres-rares, offrent le double avantage de présenter un pancréas visible et de se prêter à l'injection. Le pancréas n’est alors, il est vrai, nettement délimité à l'œil que dans une por- tion plus ou moins restreinte de son contour (Gadus Merlu- chius) (5); l'injection ne réussit aussi que partiellement. Mais lorsqu'elle se propage jusqu'à la partie bien définie du circuit pancréatique, toujours on la voit s’y arrêter comme devant une (4) Carpe, Brème, Plie, Sardine, Maquereau, Aïguillette, Bar, Cyprinus sinensis, Belec (Afherina presbyter). (2) Barbeau, Brème, Orphie, Alose, (3) PI. XVII, fig, 4. Les lignes noir foncé représentent la partie visible à la surface du pancréas, dans une injection réussie, 28 LURQUES. barrière infranchissable. Elle se règie sur la forme des bords et ne les dépasse jamais ; elle les suit comme tont les nervures sur le limbe d’une feuille. Cette remarque suffirait, ce me semble, à prouver la dépendance mutuelle des tubes et du pancréas. La rencontre d'une espèce (P/ewronectes maximus) où le reflet ar- genté permet une observation de ce genre leva mes dernières hésitations. Enfin, la comparaison des espèces différentes montre que le système wébérien s’efface de plus en plus à mesure que la masse pancréatique se concentre davantage. I est à peine besoin d'expliquer que les canaux excréteurs deviennent alors intérieurs à la glande et perdent par conséquent, d'une manière plus ou moins complète, les apparences qui trompaient sur leur nature. C'est la raison pour laquelle la forme massive ne s’accom- pagne Jamais de canaux wébériens proprement dits (Plagio- stomes). Donc, tout vaisseau de Weber conduira à un pancréas, si l'exploration est assez persévérante; et réciproquement, comme j'ai déjà eu occasion de l’annoncer, toutes les fois que, dans les limites ae la masse gastro-intestinale, on rencontrera une glan- dule non hépatique, on la verra se rattacher au duodénum par une suite non interrompue de conduits. Ces conduits feront partie d’un système wébérien, et la glandule sera un pancréas. 4° Rapports du pancréas avee les viscères et en particulier avec le foie. La nature des conduits nacrés une fois connue, on ne peut plus hésiter sur le sens de l'observation originale de Weber. On est contraint d'admettre que dans la Carpe les tissus du foie et du pancréas sont mélés. EL si insolite que soit une pareille assocta- ou de deux glandes dans une même masse solide, elle ne peut faire de doute du moment qu’on aura démontré l'existence des tubes el leur entrée dans le foie. Ce fail curieux n’est pas absolument isolé, et la réflexion dis- sipe en partie l’étonnement qu’il cause d’abord. Le pancréas des ARTICLE N° 6. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 29 Reptlesest, comme on sait, souvent accolé à la rate (1); sa cou- leur seule l’en distingue. Dans plusieurs Batraciens (2) (la Gre- nouille, par exemple), il adhère si intimement au cholédoque, que ce dernier à pu être pris pour son canal excréteur. Quel- que chose de semblable se rencontre chez certains Rongeurs, et dans le Lophiomys (3) le pancréas s'implante directement sur le conduit eflérent de la bile, et répand ses produits dans l'intestin par l'intermédiaire de ce canal. Or, la confusion des tubes de déversement est un acheminement vers l’asso- cialion des ussus, et l’on peut avancer que, si le mélange des humeurs sécrétées s'effectue avant le point où elles doivent entrer en jeu, la localisation des appareils où elles prennent naissance n'a plus beaucoup de portée physiologique. Puisque c'est un liquide mixte qui doit agir, qu'importe que ses élé- ments se soient réunis plus ou moins haut sur le chemin qu'il parcourt avant d'entrer en activité? La communauté des ori- fices et des conduits d'écoulement est donc, à certains égards, une circonstance plus notable que l'association des parenchymes glandulaires. C'est une des raisons pour lesquelles Cuvier à mentionné, avec un soin si minulieux, le pont unique oumultiple d’abouchement du cholédoque et du pancréatique dans l'intestin des Vertébrés supérieurs. D'après son travail (4), les conduits, lorsqu'ils sont distincts, percent la muqueuse en des points généralement rapprochés. Il est donc peu probable que, même dans les organismes les plus parfaits, la séparation des glandes foie et pancréas soit d'une très-grande conséquence. Si nous en venons aux Poissons, parmi tous ceux qui ont été étudiés à ce point de vue par Alessandrini ou Brockmann et après eux, il n’en est que deux ou trois où l’on ait vu les canaux des deux glandes s'ouvrir à des distances appré- | (1) Cuvier, Anat. compar:, 2° édit., t, IV, p. 600; F. Leydig, édition française, p. 399. (2) Milne Edwards, Lecons de physiol. et d'anat., t. NI, p. 513. (3) Alph. Milne Edwards, Annales du Muséum, 1867. (4) Lecons d’'anat. comp., 2€ édit., t. IV, p. 581-607 30 LÉGOUIS. ciables (4cipenser Sturio) (1). Lorsque les bouches des deux conduits ne se trouvent pas en exacte coïncidence, elles sont au moins très-voisines, et dans la plupart des cas c’est par des ma- nœuvres délicates qu’on arrive à mettre en évidence leur sépa- ration (Belone). n'y a done pas dans cette classe d'intérêt pour la digestion à ce que l’action de la bile sur l'aliment pré- vienne de loin celle du suc pancréatique, et en fait c'est un liquide mélangé qui réagit. I semble done que l'introduction des deux glandes sous un seul volume ait peu d’inconvénients. Je rappellerai aussi que, là où l’unité et l'homogénéité de la glande hépatique sont des faits admis de tous, cette simplicité n’est qu'apparente. La découverte de la fonction glycogénique, en révélant un nouvel usage du sue produit par le foie, dédouble du même coup la théorie histologique de cet organe. MM. Morel et Küss ont déjà noté des différences sensibles entre les éléments qui le constituent. Le foie est au fond, quoi qu'il y paraisse, un appareil multiple. À ce point de vue, ladjonction des cellules pancréatiques à celles qui sont propres aux liquides biliaire et glycogène ne serait plus qu'une augmentation légère surajoutée à une complicalion préexislante. L'observation de Weber ne fait, selon moi, que mettre au jour un terme de la série des dégradations du type glandulaire, terme remarquable, sans qu'il soit étrange. | Je ne voudrais pas cependant que, dépassant ma pensée, on allât jusqu’à regarder l'immixtion du pancréas dans le foie comme chose indifiérente, J'y vois un signe manifeste d’infério- rité dans l’accomplissement des fonctions correspondantes. Non- seulement les glandes, n'ayant plus leur place à elles, se nuiront dans leur développement, mais surtout 1l me semble qu’elles doi- vent se disputer les matériaux que leur apportent les capillaires au préjudice de l'intégrité des réactions, de l'abondance et de la richesse des produits. Jattachais une grande importance à justifier par une dé- (4) Alessandrini, Nov. Comment. Acad, Bononiensis, 1835, {&. I, p. 45 et fig, 5, À l’Esturgeon on peut ajouter les Pleuronectes, ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. | 91 monstration sans réplique les inductions que je viens de déve- lopper. On verra dans l'histoire des familles combien le résultat décisif s’est fait attendre. Avant de pouvoir la constater chez la Carpe, j'avais saisi cette pénétration sur le fait dans deux espèces (Labrus, Cyprinus sénensis), et dans un assez grand nombre d’autres cas elle se pré- sentait avec une probabilité équivalant à la certitude. Mais je ne me tenais point pour satisfait, et à cause de l'intérêt spécial qu'il y avait à mettre hors de doute cette station anomalé, et pour les particularités accessoires que pattendais de l'observation directe. La vue des choses m'a en effet montré que la diffusion du pancréas s'effectue à l’intérieur du foie aussi facilement que dans les membranes viscérales. Cette propriété n'est, au surplus, qu'une conséquence particulière du mode de distribution de la matière pancréatique. La loi de cette répartition, de haute impor- tance à mon avis, va maintenant m'occuper. En général, la configuration de la partie diffuse paraît se régler d’une manière immédiate suivant l’état du péritoine de l'espèce ; mais, au fond, ce sont les veines qui, par leur trajet, décident des limites et des formes de l’envahissement glandu- laire. Jai pu suivre, avec une netteté parfaite, à travers la substance du foie volumineux de la Carpe, les longues files de cellules pancréatiques La glande plongée s'enfonce dans l’autre comme les racines d’un arbre pénètrent le sol. Elle s’y introduit par de légères bandelettes auxquelles les ramifications des veines portes et mésentériques servent de soutien et qui vont se subdi- visant avec ces vaisseaux. La pénétration dans le foie n’est qu’un cas particulier des ten- dances générales qui rapprochent le pancréas des veines, et cette situation exceptionnelle confirme avec évidence la règle plus générale de concomitance avec les vaisseaux. J'aurai occasion de revenir plus tard sur les raisons naturelles de ces rapports. Quelle qu’en soit la cause, ils constituent le fait saillant de l’anatomie de l'organe paneréatique. Depuis les Plagiostomes les plus élevés en organisation, jus- 32 LEGOUIS. qu'aux Apodes, la même loi se soutient. Lorsqu'une veine vient à passer dans les environs du duodénum, le pancréas s'établit à sa surface-et dans la région voisine, puis il la suit indifféremment dans sa marche descendante vers l'intestin, si c’est une mésen- térique, dans son cours ascendant vers le foie, s'il s’agit d’une veine porte. Quand le vaisseau se ramifie, le pancréas d'ordi- naire se ramifie s’il procède par bandes, ou s'étale en largeur s’il forme une nappe. Toutes les vemes n’ont pas sur son développe- ment une égale influence ; il s'épanouit de préférence autour de celles qui approchent le plus près du duodénum, et se prolonge le long de ces dernières beaucoup plus loin que sur celles qui restent à distance de l'intestin. Il est aisé de se rendre compte, après cette remarque, de la cause qui détermine les formes générales de la glande. Sr, comme dans le Mugil et le Maquereau, le système veineux des viscères est très-riche et occupe beaucoup d'espace, le pancréas sera très- étendu, en général laminaire el microscopique et souvent en acini clair-semés. Lorsque la vascularisation de la masse viscérale se fait par un petit nombre de troncs, comme dans les Pleuro- nectes ou l’Orphie, l'aire occupée par la glande se resserre d’au- tant, sans que son volume y perde, car la toile sécrétante se montre plus continue et quelquefois plus épaisse. Viennent en- suite des espèces où la veine, accompagnée par le pancréas, est unique, mais très-allongée : c’est le cas de l'Esturgeon, du Bro- chet, des Apodes. Alors le tissu file le long de cette voie jusqu'à des distances linéaires étonnantes (Conger); et sice grand déve- loppement en longueur par son extrémité ne lui suffit pas, en même temps il s'épaissit à sa tête. Dans ces circonstances se for- ment les gros pancréas massifs (Æsox, Acipenser, Anguille, Congre). Quelquefois, comme dans les Plagiostomes pleuro- trèmes, les nécessités de forme extérieure réduisent encore la longueur du grand, tronc hépato-mésentérique. Le pancréas se rassemble en proportion et redevient une glande ordinaire par l'accumulation de tous ses lobules sur une étendue restreinte. Pour prévenir des généralisations exagérées, je crois devoir faire dès maintenant remarquer une différence importante entre ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 39 le mode d'extension du pancréas des Poissons et la facon dont se comporte celui de certains Vertébrés allantoïdiens, les Rongeurs par exemple. Chez ces derniers, outre que la superficie occupée par l’organe est incomparablement moindre, il ne parait jamais rechercher le voisinage des veines. Toutefois il y a un point commun aux animaux où la dissociation des éléments du pancréas est plus prononcée : presque tous appartiennent à des espèces herbivores. Dans les Poissons en particulier, cette coïncidence, aisée à constater, s'explique aussi sans difficulté. Lorsque le régime est essentiel- lement végétal, l'intestin s’allonge, les veines mésentériques se développent, et le pancréas trouve un champ plus vaste offert à son expansion. La disposition générale des viscères exerce aussi, comme l’in- testin dans l'exemple précédent, une influence visible sur la manière d'être du pancréas. Mais ce dernier ne la subit qu'in- directement, et toujours par l'intermédiaire des veines dont la distribution dépend des rapports généraux des viscères et réagit à son tour sur celle de la glande qui les accompagne. A ce sujet se ratlache un fait facile à prévoir, mais que je signale comme important au point de vue de l'organogénie. La forme et l'agencement des gros viscères détermine d'ordinaire la figure superficielle des masses pancréatiques, lorsque celles-ei parviennent à un grand volume. La glande, aux points où elle prend une épaisseur notable, ne se donne pas une forme propre à elle; sa substance remplit simplement les interstices, et sa surface montre l'empreinte très-fidèle des cavités interviscérales (Merlus). Les limites du pancréas sont aussi en relation non moins évidente avec le degré de persistance des lames péritonéales. Cette influence n’est que secondaire, si on la compare à celle des veines. Même dans les animaux où l’arrangement des lacunes et des replis de la séreuse modifie le contour glandulaire de la manière la plus apparente (G. Merluchius), on reconnaît encore que certains circuits veineux sont les lignes essentielles du des- sin de l'appareil pancréatique. La conformation des ligaments DJ] LHGOUIS. péritonéaux n'intervient que pour guider ou arrêter les dévelop- pements de tissu, dont le point de départ est toujours auprès du vaisseau. Revenons aux espèces chez lesquelles le pancréas pénètre le parenchyme du foie. Beaucoup d’entre elles, la Carpe et la majeure partie des Cyprinoïdes, par exemple, se font remar- quer par les dimensions excessives de la glande hépatique. Elle n'a pas trop pour se loger de tout l’espace laissé libre par les autres organes dans la cavité ventrale. Où se tiendra done le pancréas ? I] lui faudra se développer au sein de la masse qui a tout envahi. Ïl le fait d’une manière d'autant plus naturelle qu'il doit y trouver ces mêmes veines où il a habitude de prendre son point d'appui. Plus on étudie ces espèces, plus se fortifie la conviction que Pimmixtion du pancréas dans le foie est une conséquence nécessaire de leur anatomie générale. y a plus. On peut affirmer que l'incorporation d’une glande à l'autre n’est pour ces êtres qu'un accident sans importance physiologique. Si le pancréas a devant lui, aux environs du duodénum, une aire suffisante et bien pourvue de lignes vei- neuses, 1l occupe cet espace et n’aiteint pas le foie. Mais chez les espèces qui ont ce dernier très-volumineux ou seulement voisin du duodénum, le paneréas ne change en rien pour cela ses allures; il ne s’épaissit pas davantage dans les régions découvertes, mais il s'engage dans la masse avec les veines, absolument comme il les eût suivies sur un espace libre. La preuve de cette indifférence dans le développement du pancréas en dehors ou eu dedans du foie, résulle de l'observation com- parée d’un grand nombre d'espèces. Elle se confirme par l'étude spéciale de quelques-unes (1), où l'on trouve, suivant les indi- vidus, et le foie et le pancréas à des degrés de développement très-variables. À mesure que les deux glandes se présentent dans unétat de progrès plus avancé, elles em piètent plus où moins, sans qu'il se fasse le moindre changement dans leur physiono- mie générale. À l'appui de cette manière de voir je n’ajouterai (4) Belone, Gurpe, Merlus, Cyprinus sinensis. ARTICLE N° 5, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 29 qu'un fait : il me semble démonstratif, Si la combinaison des tissus avait une véritable portée fonctionnelle, elle se ferait smon cellule à cellule, du moins aginus à acinus; or il n’en est pas ainsi, les deux tissus ne sont point, même dans la Carpe, très- intimement mêlés; 1l y a bien plutôt englobement du pancréas par le foie que fusion des deux ensemble. Enfin le caractère d'invariabilité que l'enchevêtrement des deux éléments pan- créatique et hépatique devrait présenter, s'il élait de grande conséquence, fait aussi complétement défaut. On trouve dans le foie non-seulement la forme diffuse du pancréas, mais les deux autres. J'ai isolé du foie d’un Labre une grosse masse pan— créatique très-bien délimitée, et qui ne se confondait en rien avec le milieu circonvoisin. La même chose a lieu pour de petites massettes reconnaissables dans le foie du Cyprin doré. Ces considérations me semblent péremptoires. On doit regar- der l'association des deux glandes comme un simple acci- dent organographique, dans l'anatomie comparée des Poissons osseux. Il n’est peut-être pas inutile de faire remarquer que cette con- clusion ne détruit en rien ce que j'ai dit plus haut. L'association des deux tissus, même sous la forme moins désavantageuse d’un simple enclavement du pancréas, ne peut être sans incon- vénient pour les fonctions digestives, et ce que j'en avais avancé à priori subsiste sans restriction. Mais si l’on covsidère cette dis- position anatomique par rapport aux organismes dont elle fait partie, et non plas en elle-même, on pourra, sans contradiction, la trouver peu préjudiciable ou même tout à fait indifférente. II suflira que l’altération des types supérieurs soit assez avancée dans le surplus de l’organisation des êtres où l’on constate ce fait, et c’est ce qui a lieu pour les Osseux. La concentration de l'appareil pancréatique ou son éparpille- ment seraient aussi des caractères de valeur Imsignifiante pour l'appréciation taxinomique du rang des espèces parmi les Pois- sons. Il est certainement remarquable que la forme massive soit commune à tous les Cartilagineux et très-rare chez les autres. Ce fait est trop constant pour ne pas se rattacher à un progres 96 LÉGOUIS. | marqué des aptitudes physiologiques des premiers en comparai- son de celles des Osseux. Cependant, examinée de près, la diffé- rence est moins tranchée que la formule précédente ne le lais- serait croire. L'Esturgeon offre l'indice manifeste d’un commen- cement de diffusion du pancréas, et sur le Carcharias la mème tendance s’accuse encore, quoique plus faible. Quelles sont d’ailleurs les espèces d'Osseux qui, au point de vue spécial de l’agglomération, se rapprocheraient le plus des Plagiostomes? Les Silures et les Anguilles, les Esoces, et après eux certains Gadoïdes. Or, les classificateurs sont d'accord pour ne pont attribuer à ces familles un rang élevé. Remontons aux principes de la classification. Les caracteres fondamentaux se tirent des appareils les plus fixes dans leurs formes et leurs rapports, et au contraire nous n'avons rien vu de plus variable que le pancréas des Poissons osseux. Loin d'im- poser, comme le font les organes majeurs, des conditions de disposition à d’autres appareils moins essentiels, il ne se commu- nique à lui-même ni sa forme qu'il emprunte aux interstices, ni sa figure générale qui lui vient des veines. J'ai déjà remarqué que le régime des veines est la conséquence de l’arrangement général des viscères, qui dépend surtout à son tour de la nature des aliments. Pour arriver au pancréas, il faut descendre une série dont tous les degrés auront une influence supérieure à la sienne, et dont il occupe le dernier échelon. Et si l'on ajoute à cela qu'aucun de ces appareils dont il subit la lot n’est lui-même au nombre des systèmes organiques prédomimants, on est amené à reconnaître le défaut d'importance physiologique des formes de cette glande. 5° Rapports du pancréas avec les organes lymphatiques. L'étude prolongée de la constitution élémentaire des lames mésentériques m'a fourni quelques renseignements sur l’ori- gine des globules lymphatiques des Poissons. Je n'ai pas cru devoir pousser mes recherches dans cette direction; mais sans disperser mes efforts, j'ai pu recueillir un assez grand nombre ARTICLE N° 8. DIJ PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. D / de faits nouveaux. Peut-être ne les jugera-{-on pas indignes de tout intérêt. Une observation antérieure et inconnue de moi pendant mon travail me décide, en les confirmant, à ne point les passer sous silence. Elle est due à Leydig (4). Je devrai revenir sur la page du Traité d'histologie comparée où l'auteur (décrit ses résultats. J'aurai à discuter, à propos de plusieurs espèces (2), les assertions qu'elle renferme. Faute d'avoir connu les canaux wébériens, M. Leydig a été conduit, comme les anatomistes d’une époque plus reculée, à une interprétation excessive d’un fait vrai. Il rapporte au système lymphatique ce qui revient surtout au pancréas. Mais la part de ce dernier une fois réservée, l'au- torité de l'habile histologiste achève de me donner confiance dans ma propre manière de voir. Je rattache à la production des granules de la Iymphe plusieurs, mais plusieurs seulement, des particularités que nous avons notées l’un et l'autre. Je ne doute pas que M. Leydig n'eût pressenti la convenance ‘de cette distinction, s'il eût pu comparer, comme j'en ai eu les moyens, un beaucoup plus grand nombre de faits. Je regarde comme démontré aujourd'hui que dans la plupart des Poissons, des globules lymphatiques prennent naissance sur une grande partie de l'étendue des membranes péritonéales, comme nous l'avons vu pour les cellules du pancréas. Malgré quelques réserves, la parité manifeste d’allures dans ies deux fonctions fait préjuger qu'elles tendront à se réunir. En effet, c'est ce qui a lieu dans la plupart des espèces ; et si je n'étends pas à toutes la mème affirmation, c’est seulement pour laisser place à l’impréva. Ce fait est le plus considérable au point de vue de l'histoire du pancréas. La constance de cette associalion et les circonstances dont elle s'entoure quelque- fois (3) sont trop frappantes pour ne dépendre que du hasard. Mais un exposé plus théorique aura son lieu naturel dans les (1) F. Leydig, Histol. comp., p. 4178, trad. française. (2) Cobitis fossulis, Trigla lyra, Cottus Scorpius, ete, (3) Merlus, Turbot, Maquereau, où BELGE ES. explications que nécessiteront certaines familles (1) étudiées à la fois par M. Leydig et par mot. Je désire ne composer ce som- maire que de résultats mdubitables. Deux questions d'importance majeure pour le sujet me semblent avoir trouvé leur solution définitive ; ce sont les seules que je toucherai 1et : Ï. Comment les issus pancréatique et lymphatique se distin- guent-ils l'un de l’autre ? Il. Comment se fait leur association ? HE. J'indiquerai ensuite ce que je sais de plus notable dans le mode de diffusion des aires Ilymphatiques, comparé à celui du pancréas. La coexistence du paneréas et d'une production organique étrangère se constate sans difficulté. Au milieu des cellules de Ia sécrétion paneréatique on ren- contre des endroits où pullulent certains éléments beaucoup plus petits. Ils se montrent dans la piupart des lambeaux mi- croscopiques détachés, soit des pancréas agglomérés, soit des lamelles abdominales. Outre leur petitesse, on a pour les reconnaitre des caractères différentiels bien nets. Le plus appa- rent est leur tendance à sortir des cavités qui les renferment. Se fait-il un courant dans le liquide du porte-objet, aussitôt ces granules se soulèvent en foule, et vont s'accumuler dans les parties moins agilées. Aucune des cellules pancréatiques ne les accompagne dans ce mouvement, sauf exception. Elles n'ont aussi ni la mème forme, ni la même réfringence; au surplus, je me propose de reprendre ailleurs le détail des traits qui donnent aux globules un aspect très-différent en général de celui des cellules voisines. Ce ne sont pas davantage des granulations d'origine intracel- lulaire. On reconnait au premier coup d'œil que ces corpuscules (1) Joues cuirassées, parliculitrement, ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 39 sont des éléments complets et non des parties séparées d’élé- ments détruits. Est-ce à dire que ces granules n'aient point ailleurs d'ana- logues? Non, sans doute; mais, en raison de leur tendance à s’isoler, c'est plutôt parmi les éléments libres qu'on pourra trou- ver leurs semblables. Par la forme, la taille et ce que j'ai pu découvrir de leur constitution intérieure, ils rappelient les glo- bules de la lymphe. Celte assimilation se présente de soi. Toute- fois, comme je n'avais pas eu le temps d'observer les globules des mêmes espèces dans leurs propres vaisseaux lymphatiques, je ne ne croyais pas autorisé à la donner pour certaine. Mais de puis que M. Leydig s’est prononcé, cette réserve ne serait-elle pas exagérée ? | Ce sont donc des globules lymphatiques, tels qu’en ont les Poissons osseux. D'ailleurs, les caractères essentiels de leur pro- duction conviennent bien à cette manière de voir. Dans les pan- créas diffus (1) et même dans les massifs (2), des surfaces assez vastes quelquefois ne laissent pas apercevoir une seule cellule glandulaire ; ces régions surabondent au contraire de granules blanes, et si, par suite de la-mobilité de ces derniers, quelque portion de la trame s’est trouvée dépouillée de son produit, on y observe des aréoles conjonctives d’une régularité remarquable. Ces lacunes n'ont en général que peu de ressemblance avec les cellules pancréatiques. Elles se distinguent plus clairement encore du tissu conjoncif ordinaire, par leur uniformité et leurs dimensions. En outre, celui-ci est le plus souvent riche en dépôts de graisse; les aréoles, au contraire, ne contiennent pas d’autres substances adipeuses que celles qui peuvent figurer dans la constitution de leurs globules. Faudra-t-1l done chercher dans des tissus de nature non con- jonctive l’analogue de cette disposition des méats interstitiels ? On ne peut y songer. D'ailleurs, avant d'en venir là, nous devons comparer ce réseau lacunaire régulier à une forme très-particu- (4) Congre; Turbot, Ariguille, (2) Sole, Merlus; A0 LEGOUIS. lière de groupement conjonclif, étudiée récemment. Les affinités du tissu qui nous occupe nous seront ainsi révélées. C'est à un parenchyme aréolaire, composé d'éléments em- pruntés au système conjonctif, que M. Kôlliker et les observa- teurs les plus distingués rapportent la production des corpus- cules Iymphatiques dans les Vertébrés, où la division du travail est plus complète. Ce parenchyme, dit substance corticale des ganglions, est sans aucun doute le représentant plus perfec- tionné des aires à pulpe globuleuse des Poissons. Sans qu'il y ail identité parfaite entre les deux tissus, la ressemblance est sensible. Les différences se montrent plutôt dans les caractères secondaires de densité et de régularité. Elles doivent, suivant moi, être comprises en ce sens que les utricuies lymphogènes des Osseux sont une forme de dégradation ultime dans la sub- slance ganglionnaire. La nature lymphatique des globules et du tissu quiles engendre étant désormais établie, examinons plus spécialement les rap- ports de cet ensemble avec le pancréas. (Bi 2 Il existe donc une glande (1) lymphatique d’étendue consi- dérable entremêlée avec l'organe pancréatique. L'intimité de cette associalion est tout autre que celle qui joint le pancréas au foie. Dans les Cyprinoïdes, tels que la Carpe et le Cyprin doré, où la liaison des deux glandes annexes du tube digestif est le plus compliquée, 1l n’y à jamais continuité véritable de tissu. Jai pu, çà et là, isoler les lobules pancréatiques sans y pro- duire ni perte de substance, ni déchirement; les parties conti- gués du foie demeuraient de leur côté dans une intégrité par- faite, et si celte séparation n’est pas toujours possible, c’est faute d'instruments assez délicats. Rien de pareil entre les tissus pan- créatique et lymphatique. La même trame conjonctive fonda- mentale se charge ici de cellules pancréatiques adhérentes, et là (1) J'emploie à dessein le mot glande dans une acceplion un peu large. ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. li s'arrange en réseau aréolaire, destiné à contenir les noyaux lymphatiques libres. Cette continuité, ou mieux encore cette communauté de tissu nest pas moins évidente dans les espèces où l’acinus pancréa- tique est uettement dessiné que dans celles où il est diffluent. Dans ces dernières (1), à mesure que la dispersion des élé- ments paucréatiques approche de ses états extrêmes, la ressem- blance des deux parenchymes devient de plus en plus prononcée. Si l’on examine les lames péritonéales, ce sont des degrés insen- sibles qui font passer des foyers à vacuoles Iymphatiques aux acini nettement cellulaires, d’une part, et de l’autre aux amas de gros utricules graisseux. Les trois formations, lymphatique, pancréalique et adipeuse s’y mêtent aussi profondément que trois espèces végétales voisines croissant sur le fonds commun d'un même sol. Chez certaines espèces (2) à pancréas bien constitué, une disposition exceptionnelle recommande plus spécialement encore l'association des deux fonctions à l'attention des physiologistes. La glande pancréatique, très-développée sur quelques sujets (3), paraît entourée d’une sorte de tunique albuginée, jusque dans une portion de ses prolongements laminaires. Un exemple re- marquable de cet épaississement périphérique m'a été fourni par le pancréas diffus sur la vésicule de plusieurs Gadoïdes (4). La trame conjonctive de la membrane supervésiculaire est gon- flée sur une partie de la surface. Cette élevure superficielle du tégument forme une plaque unique très-large et de couleur lai- teuse. Elle s'étend sans solution de continuité, et est en relation non interrompue avec les grands centres pancréatiques du duo- dénum. Ces excroissances aplaties sont protégées extérieure- ment par une couche conjonctive de densité supérieure, douée d’une solidité surprenante (Muræna Conger). Or le pancréas n’est pas seul à occuper l’espace ainsi garanti ; (1) Scombres, Trigles, Labres, (2) Gadus Merluchius, Turbot. (3) Esozx, Muræna Conger et Anguilla, Pleuronectes maximus, Acipenser Sturio, (4) Merlus et peut-être aussi le Merlan, le Lieu. SC. NAT., FÉVRIER, 1879. XVII. 14 — ART. N°56: h2 LNGQUES. il n’en prend même parfois (vésicule du Merlus) que la moindre partie. Si l'on perce au hasard la pellicule protectrice pour pra- tiquer une coupe microscopique, ce ne sont point des cellules du pancréas qu’on recueiilera d'ordinaire ; mais on verra le champ encombré par des milliers de granules. Les lobules du pancréas diffus, plongés dans cette masse de tissu lymphatique, sy trou- vent en quantité variable, quelquefois faible relativement. On reconnaît souvent à l'extérieur, par leur blanc plus mat et moins transparent, les régions plus riches en cellules pancréa- tiques. Jamais l'association du pancréas au foie ne m a rien montré de semblable. TTMI Ce qui me reste à dire sur le mode de diffusion de la fonction génératrice des globules achèvera de mettre en relief les ressem- blances qui la rapprochent du pancréas. La genèse globulaire est à l’élat diffus comme la sécrétion pancréatique dans un grand nombre de Poissons osseux, et pro- bablement dans tous. Elle dépasse même cette dernière par le degré de dissociation plus élevé des éléments où elle s'opère. C'est ce qui résulte de l’ensemble des faits. Ainsi il à toujours été impossible de limiter d’une manitre quelque peu précise les zones à globules. Cette indécision de leurs contours coexiste chez plusieurs espèces (1), avec un état déjà très-marqué de localisation des parties pancréatiques. Il y a un certain parallélisme dans la marche des deux tissus vers la concentration; mais le retard est toujours du côté des vacuoles interstitielles d’où sortent les noyaux lymphatiques. Bien plus, on a reconnu depuis déja longtemps l'absence, dans les lames viscérales des Poissons, de toute glande lymphatique massive. L'analogie avec le pancréas ne se soutient done pas jusque-là. Mais j'ai constaté en outre que l'appareil de la lymphe (1) Gadus Merluchius, Pleuronectes maatrois, Apodes: ARTICLE N° 6, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. its) ne possède, dans cette classe, même à l’état microscopique, au- cune agglomération comparable aux ganglions des organismes plus complexes. Tandis que les pancréas disséminés, invisibles à l'œil nu, sont souvent nombreux, jamais celte forme à cir- conscription arrêtée n'a été offerte par les régions lympha- tiques. Enfiu j'ai acquis la certitude que, dans les Poissons (1) où la désagrégation du pancréas est extrème, et où en même temps les signes spécifiques de sa texture glandulaire sout le plus amoindris, il subsiste cependant sur les mésentères de larges espaces dénués de toute aptitude à produire le suc. pancréa- tique. Si grande que soitla diffusion du pancréas, elle a toujours des bornes. En est-il de même pour la sécrétion de la lymphe ? J'incline à le croire, mais par des considérations auxquelles mes observations sont étrangères. En tout cas, st cette délimitation se fait chez tous les Osseux, elle doit, pour quelques-uns, être singulitrement vague et variable. Existe-t-1}, par exemple, dans les régions non pancréatiques des mésentèéres du Maquereau, un seul point incapable de produire des globules ? On ne saurait l’affirmer; tel espace qui ne s'en est encore jamais chargé, pourrait, je crois, devenir producteur sous l'influence d’un léger changement biologique. À ces divers égards la sécrétion lymphatique se présente comme moins eirconscrite et moins centralisée que celle du pan- créas. Il en est de même, à quelque point de vue qu’on l’exa- mine, comme les espèces déjà citées le feront voir. Je n’ajouterai plus qu'un mot quant à l’activité avec laquelle les mésentères fournissent les eorpuscules. Pour beaucoup de Poissons (2), la majeure proporüon de ces organites est due à cette source. La force qui les engendre est mégalement dis- iribuée sur les différentes régions membraneuses ; mais on peut affirmer que les points les plus féconds ne sont pas tou- jours dans la tunique conjouctive exierne des veines, comme le (4) Scombres, Carangues. (2) Maquereau, Gongre, hh LRGOUES. docteur Schmidt (1) l'admet pour les globules muqueux des Mammifères. J'ai trouvé des centres de formation dans un üssu aréolaire assez distant de ces vaisseaux (2). $ 3. OBSERVATIONS SUR LES SCOMBÉROÏDES. 4° Maquereau (Scomber Scombrus, L.). Un résultat inmatiendu, qui se présenta dans l'examen du Maquereau, fit soupconner le rapport du pancréas avec les tubes de Weber, et permit de considérer comme moins improbable la généralité de ces derniers. Les viscères de cette espèce affectent une disposition facile à saisir. J’en ferai une brève description pour expliquer ce qui va suivre (3). La partie abdominale de l’œæsophage forme le bras supérieur, et la branche pylorique de l'estomac avec le ducdénum le bras inférieur d'un Y horizontal, dont le grand cul-de-sac stomacal serait le pied. L'angle des bras s'ouvre vers la tête, le pied touche presque à l'anus. Les autres organes dessinent une gout- üière horizontale, dans la cavité de laquelle repose l'ensemble en figure d’Y. I s'y engage si profondément, que le cul-de-sac et l'æsophage émergent à peine au-dessus des bords de la gout- üère, surtout en avant, c’est-à-dire vers la tête. Extérieurement la masse ainsi formée a quelque chose de l'apparence d’un cornet, dont louverture regarde en avant. Elle se moule et s'applique sur les parois de la cavité viscérale du poisson, qui renferme en outre le rein et les laitances ou les ovaires. De mème la gouttière se trouve remplie par le système en Ÿ. Le tissu conjonctif comble, suivant sa coutume, les inter- (4) F. Leydig, trad. française, p, 353, ou Schmidt, professeur à Copenhague, Zeïit- schrift für Zoologie, volume XIII, 2° livraison, p. 292 et passim. (2) Cobitis, Trigla lyra, Trigla hirundo (Leydig), Dactyloptera volitans (Leydig), Cottus Scorpius, Pleuronectes maximus, Pl. Sola, Maquereau, Carangue, Congre, Anguille. (3) PI. XIX, fig. 4; pl. XX, fig. 4 et 2. Les mots ci-dessus, etc., sont rapportés au poisson, ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. h5 stices entre les organes. Les deux côtés de la gouttière se pro- longent inégalement en arrière, c’est-à-dire vers l’anus. Celui de la droite de l'animal est figuré par le ruban des tubes in- teslinaux qui forment des coudes et reviennent courir paral- lèlement à eux-mêmes les uns auprès des autres. Il doit se porter jusqu'à l'anus et dépasse par conséquent la pointe du cul-de-sac stomacal. Celui de gauche, constitué eu avant par un bord tranchant du foie, et en arrière par la masse des cæcums, s'arrête environ aux deux tiers du chemin. Au fond de la gout- üière, la queue des appendices pyloriques ne va guère plus loin ; de là cet aspect de cône légèrement effilé que présente l'ensemble. La branche pylorique de l'estomac est courbe et n’oecupe que le tiers environ du bras inférieur de l’Y; là commence le duo- dénum, dont les faces latérales et le fond sont criblés par les ori- fices cæcaux, mais la face supérieure en est libre. Ces tubes, avec le tissu vasculo-conjoncuf qui les unit, composent une couche épaisse qui s'applique sur le fond et sur les bords du duodénum, de la branche et du cul-de-sac de l'estomac; vers le milieu du fond de ce dernier, ce revêtement se termine en pointe. Les tubes pyloriques sont généralement horizontaux, quelques-uns sont en outre bifurqués. Après avoir formé le duodénum, l'intestin, arrivé à l'extrémité de la branche inférieure de l'Y, se replie en arrière, à droite et en haut. Dans sa courbure il donne naissance aux derniers cæcums et prend ensuite le nom d'intestin grêle. Vers le nulieu du côté droit du cul-de-sac, il se coude de nouveau, mais cette fois vers le bas et en avant, pour subir une troisième courbure qui le dirige en droite ligne vers l'anus. Ce dernier changement se fait près de l’origine des bras de l Y. Le tube intestinal, après chaque courbure, se rapproche de la partie précédente, de ma- nière que l’ensemble s'allonge en bande rubanée. Quelques cæcums glissent au-dessous du ruban, entre les tubes et le bord droit du duodénum, d’autres passent en dessus ; la troisième et dernière courbure se trouve ainsi perdue et cachée dans le sys- tème appendiciel. 16 LEGOUIS. Le foie, dont la situation et les rapports sont peut-être moins importants, est d’un aspect plus compliqué, plus difficile à représenter. Îl figure autour de l'æsophage qui va sortir de la cavité abdominale les deux tiers d’un anneau Imcomplet ouvert par le haut. Une nappe unique s'étend sur les organes pour les recouvrir; mais fort mégale dans sa longueur, elle descend très-peu à droite et en avant. Elle se borne à cacher Panse antérieure du duodénum qui se loge dans l'épaisseur du pa- renchyme creusé en conséquence. An contraire, à gauche, le bord horizontal postérieur de la gouttière est dû au foie. Son extrémité dépasse le cardia; c’est là le sens de son plus grand développement. Entre ces directions limites, les dimensions sont intermédiaires. Ainsi se trouve complétée l’idée qu'on peut se faire de la surface extérieure du foie. La surface interne se modèle sur les viscères sous-jacents, elle envoie une crête à arête vive entre les bras de l'Y. La vésicule du fiel est très-considérable. C’est un doigt de gant fort allongé, dont la situation sera facile à comprendre, grâce aux détails précédents. Le canal cholédoque part de l'intestin à une très-petite dis- tance en avant du pylore. Il court à plat sur le duodénum, entre es deux rangées des têtes d’appendices ; reçoit les biliaires, dont e nombre est sans importance. Arrivé à une petite distance de l'extrémité du bras de PV, il commence à s’élargir. La vésicule, à partir de là, s’évase graduellement. Parvenue à la courbure, elle se replie, et reste toujours appliquée au-dessus du duodénum et de l'intestin qui lui fait suite. Elle forme done, aussitôt qu’elle dépasse la partie droite de l'anneau du foie, le bord droit de la gouttière, jusqu'au point où elle se termine, c’est-à-dire à un peu plus que la moitié de la longueur du cul-de-sac. La rate est foliacée ; elle a d’un bistouri la forme et à peu près la taille ; elle adhère par sa base à la veine splénique, près du point où commence la vésieule, Cet organe s’enroule sur Pœsophage en passant au-dessous, de sorte que sa pointe, orientée en arrière, flotte à droite. Il reste caché par la vésicule du fiel et le duodé- ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. h7 num, dans les anses duquel il se trouve. Il en suit la courbure, appliqué contre l’œsophage. Celui-ci ne se relie au foie que par un petit nombre de filets fibro-vasculaires ; si on les coupe et qu’on tire l’organe hépa- tique vers la gauche, on découvre le dessus du duodénum et l'embouchure du cholédoque. Ge canal paraît d’une teinte blanc rosé. Il ne commence à passer au vert brun que plus haut, au niveau de l'élargissement vésiculaire. Jamais 1l ne n’est arrivé d’y constater la présence de la bile ; mais ce qui frappe tout d’a- bord, c’est sa largeur et son aplatissement ; il offre l'apparence d'un ruban plutôt que celle d’un tube. Dans la plupart des animaux éludiés j'ai trouvé le canal sup- posé pancréatique accolé au conducteur de la bile, ou au moins très-voisin de lui. Aussi, lorsque j'aborde une espèce nouvelle, est-ce toujours sur cetie région que portent mes premières recherches. Sur le Maquereau, comme dans les Salmonés, les deux conduits s’accompagnent ; de là vient la largeur excessive du cholédoque, et peut-être aussi sa couleur pàlie par celle du pancréatique. Celui-ci est à sa droite. Dans la plupart des indi- vidus il suffit d'un coup d'œil attentif pour distinguer les deux canaux el leur séparation. La largeur du pancréatique est aussi considérable que celle de son voisin, mais cette particularité est moins étounante que la longueur de ce large canal. Habituel- lement on voit le pancréatique, assez volumineux à son pied, se résoudre en plusieurs branches après un parcours extrêmement bref. Il se rétrécit tres-brusquement et semble disparaître : ce tronc, comme le dit Brockmann, est plutôt semblable à une ampoule qu'à un canal. Cette disposition, particulière au Maquereau, permit de ten- ter l'injection du système supposé pancréatique, procédé com- mode, mais qu'il ne m'avait été donné d'employer qu'une seule fois. C'était sur le Barbeau de rivière, et j'avais été conduit aussitôt à la découverte d’un de ses pancréas, que je crus alors ètre le seul. À ce souvenir, je ne faisais nul doute d'obtenir encore par le même procédé le même succès. Quelle fut donc ma surprise quand je vis se dessiner sur les viscères, et jusque LS LÉGOUIS. dans l'épaisseur de la masse cæcale, un réseau d'un prodigieux développement (1). Le liquide s'était-1l introduit dans une veine, soit par une fausse manœuvre de la canule, soit par l'ouverture adventive d’un pertuis entre deux canaux juxtaposés? Non; car, bien que je connusse la richesse deleurs communications anastomotiques, je ne voyais aucune des veines voisines qui eût reçu l’injec- tion. Les canaux où elle était entrée maintenaient leurs troncs principaux en contact avec les grosses branches veineuses, sans trace d’épanchement dans celles-ci. Cette concomitance absolue de deux troncs veineux très-inégaux d'importance et tout à fait indépendants, sur uu long parcours, eût été sans précédent. Et comme celte région paraissait très-abondamment pourvue de veines d'aspect ordinaire, suffisant à coup sûr au mouvement sanguin, 1 n'était pas à croire que ces singuliers canaux dépen- dissent du système de la veine porte. La supposition que ce püt êlre une artère n'était pas plus fondée. Je nr''arrêtai plus long- temps à l’idée que ce pouvait être le système lymphatique latéral des veines mis par hasard en évidence ; mais 1l me fallut encore rejeter cette hypothèse, sur cette remarque que le lacis injecté était régulier, les branches plus fines faisant toujours suite à des troncs plus larges, et se divisant à leur tour en cana- licules plus grêles. En un mot, par sa régularité, le dessin différait totalement de la complication des lymphatiques. Il devenait done probable, par l'élimination successive de ces hypothèses, que je me trouvais devant un système étranger à la circulation générale des humeurs et destiné à un liquide el à une fonction à part. En tout cas, il était des lors douteux que le but principal de mon essai, la recherche du pancréas, püût être atteint par ce procédé. Ni l’ensemble, nt aucune de ses parties ne ressemblait à un canal exeréteur unique ou mulüple. Mais s'ilme fallait renoncer pourle moment à l'espoir d'arriver au pancréas par celte voie, j'avais peut-être trouvé l'analogue d’un fait jusque-là presque isolé. Il existe en effet dans la Carpe (1) PI. XIX, fig. 4 ; pl. XX, fig. 4. ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. h9 commune un canal accompagnant le cholédoque à son enirée dans l'intestin, et duquel part un système de vaisseaux ramifiés qui se distribuent au foie. Je vais laisser parler Weber, auquel appartient cette observation. «Dans la Carpe (1), tandis que le pancréas manque, amsi » que les appendices de la branche pendante de l'intestin grêle » qui, dans la plupart des Poissons, tiennent lieu de pancréas, » le foie est pourvu de deux espèces différentes de conduits » EXCréteurs. » Les premiers sont les biliaires ordinaires, avec leur tronc » commun. Tout contre ce dernier et par derrière, se trouve un » second canal, beaucoup plus grêle, formé de tissu cellulaire, » qui s'ouvre dans l'intestin près du cholédoque. Cette partie » finale est dans sa longueur si étroitement attachée au cholé- » doque, qu’il faut être habile pour l'en séparer complétement » par la préparation. Ce canal ne renferme aucune trace de bile, »iln’est pas coloré en vert. Il se partage en trois conduits » excréteurs extrêmement grèles et brillants comme de l'argent. » En injectant du mercure dans les ramuscules les plus reculés, » on les voit de plusieurs façons se porter en différents endroits » du foie, et même vers les lobes, d’où sortent en même temps » des tubes biliaires. » Des tubes nacrés en communication avec l'intestin ont aussi été vus dans des Poissons même pourvus de pancréas, par M. Claude Bernard; mais à la facon brève et sommaire dont cette observation est incidemment rapportée, on ne peut croire qu’elle ait beaucoup arrêté l'attention de l'auteur, qui ne nomme pas les espèces. Devant l'importance des questions dont son esprit était préoccupé, un détail aussi spécial devait en effet disparaitre (2). Le fait signalé par Weber étail done le seul qui pût me servir de terme de comparaison. Je ne pouvais toutefois méconnaitre, (4) Weber, Ueber die Leber von Cyprinus Carpio (Archives de Meckel, 1827, p. 296). (2) C1. Bernard, Mémore sur le pancréas (Suppl. aux Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1856, t. I, p. 544). DÙ LHGGUES. avant de rapprocher ces deux cas, l'importante différence qui existe entre eux. Les canaux de la Carpe sortent du foie, tandis que laramificatian s'opère à la surface des appendices pyloriques dans le Maquereau. Mais le fait considérable commun aux deux observations, c’est la communicaüon des canaux avec le duodé- num, au même point à peu près ct non lon de l'ouverture du cholédoque. Comme je l’avais déjà remarqué dans la Carpe, je trouvai que les orifices se touchent sans se confondre. Ils sont semblablement portés sur une papille. La similitude va peut-être encore plus loin. Jai cru voir l’un, en forme de croissant, em- brasser l’autre dans sa concavité. La dissemblance des régions où ces canaux se subdivisent devait-elle balancer la probabilité résultant d’un accord si com- plet? Finclinais à ne pas le croire. Si les canaux de Weber n'é- talent point les analogues de ceux qui venaient de m'apparaître, il découlait de là que la Carpe jouit d’une fonction propre à elle et inconnue dans les classes plus élevées en organisation, et que le Maquereau en possède une aussi, également particulière et autre que celle de la Carpe. Cette multiplicité d’hypothèses répugne trop à l'esprit. La manière dont se déverse le liquide coulant dans ces canaux, l’organe et le point de l'organe où ils le dirigent, paraissent aussi des caractères d’une portée physio- logique prédominante, puisque c’est là où elle devient libre que l'humeur révèle son rôle. Je ne parle pas de la supposition qui en eût fait un système pancréatique; tout semblait se réunir contre elle. Longueur extrème des canaux, étendue prodigieuse de la surface où ils se développent, fréquence des anastomoses, et nullité presque complète de ramification, concomitance absolue avec les veines, tendance des rares subdivisions à courir parallèlement entre elles et côte à côte, c’étaient la certes des caractères peu ca- pables de rappeler un tube excréteur. D'ailleurs excréteur de quoi? Nulle apparence de glande; on peut dire : rien moins qu'appareuce de glande. Ea plupart des filets injectés allaient, en suivant les veines, se perdre dans les membranes péritonéales des trois anses de l'intestin; quelques-uns des canaux parais- ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 1 saient mourir sur les appendices et la vésicule. M. CL. Bernard les voyait dans la paroi intestinale du poisson étudié par lui; Weber les avait suivis dans le foie de la Carpe, et j'avais reconnu moi-même sous quelle forme ils y pénètrent. En résumé, ces tubes vont partout. Supposer aussi partout cette glande bizarre, dont il n’y a nulle part aucun vestige, uniquement pour l’avan- tage de les en faire dépendre, n’eût-ce pas été le fait d’une imagination bien arbitraire. D'ailleurs je ne possédais alors que deux exemples d’exis- tence de ee système, le Maquereau fournissait le troisième. Jen devais conclure, comme M. CI. Bernard, quecetappareil, mconnu à Brockmann et à tous les anatomistes, était spécial à quelques espèces, et par conséquent étranger à une fonction essentielle. Enfin était-il admissible que MM. Alessandrini et Stannius, qui avaient vu de véritables pancréas, eussent pu passer à côté de cet immense réseau sans en soupçonner l'existence, s'il dépen- dait du système pancréatique ? Les glandules rudimentaires, accolées au duodénum, qu'on tenait à celte époque pour Îles représentants du pancréas absent,'et que j'avais retrouvées sur quelques espèces nouvelles, ne pouvaient, ee me semble, avoir rien de commun avec un appareil si disproportionné à leur taille. Je regardai donc ces tubes comme les analogues de ceux de la Carpe, et je les appelat « tubes de Weber ». Ce rapprochement paraissait d'autant plus acceptable qu’on est porté d’abord à considérer ce système de vaisseaux comme une forme exceptionnelle des Iymphatiques. Dans celte hypo- thèse, leur dépendance des veines se trouve expliquée ainsi que leurs anastomoses, leurs dimensions transversales et leur multi- plicité. Quant à l'abouchement intestinal du tronc commun et à la pénétration de plusieurs tubes dans le foie, si ces caractères semblent indiquer un rôle digestif, on peut aussi les comprendre par une action excrémentitielle : or, il n°y aurait à cela rien d’é- trange. Dans des animaux marins, dont la proie renferme une très-grande quantité d’eou, il se pourrait que la Iymphe véri- table eût besoin de se débarrasser d’un excès de ce liquide avant 52 LEGQOUIS. d'entrer dans le sang. La conséquence de cette nécessité serait une sorte de session du système lymphatique en deux parts. Une canalisation lymphatique éliminatoire relierait le pourtour des vaisseaux absorbants au canal intestinal. Les faits ne tardèrent pas à modifier cette manière de voir. La première injection dont je viens de discuter le résultat, con- sidérée en elle-même, avait assez mal réussi, J'ai depuis lors renouvelé très- fréquemment lessai qui, je l'avouerai, ne wa jamais donné pleine satisfaction. Ce nouvel ordre de conduits se remplit bien moins profondément queles capillaires sanguins. Le défaut de pénétration peut provenir de leur extrême ténuité ; mais je l’attribue plutôt à la fragilité des parois. On finit presque toujours par s'apercevoir que l'mjection s’est terminée par épanchement, sans que le fond d'aucun tube paraisse avoir été atteint. Quoique d’une efficacité restreinte, ces tentatives ne laissent pas que d’avoir été fort utiles. Isolées, elles seraient tout à fait insuffisantes, car le liquide coloré se répartit d'ordinaire très- inégalement. Une des branches apparaît avec détail, tandis que d’autres montrent à peine leurs premiers troncs. Mais, en multipliant les tàtonnements, on arrive à combler peu à peu les lacunes. Or, une injection plus heureuse et renouvelée vint jeter du jour sur les questions pendantes, et même en étendre la portée. Elle avait fait dans un certain canalicule un chemin plus long qu’à l'ordinaire : arrivé à l'endroit où s’arrêtait la ma- tière colorée, Je vis le conduit se prolonger encore au delà; 1l prenait en effet dans cette région l'éclat d'argent indiqué par Weber et remarqué bien souvent aussi par moi dans les vais- seaux duodénaux de la Carpe commune. Il n’y avait là rien de particulier à l'individu. Je ne me souviens pas d’avoir ouvert depuis lors un maquereau où cette teinte nacrée, d'un effet si tranché, n’existât avee plus ou moins d'abondance. Et si jus- qu'alors elle m'avait échappé, c’est que d'ordinaire je n’étudiais ces tubes qu'en decà des limites de l'injection. La maiière à laquelle elle est due ne remplit point le canal ARTICLE N° 8. DU PANCRIEAS DES POISSONS OSSEUX. 9 d'un bout à l’autre; elle se sépare en tronçons de longueurs variables, dont l'éclat cependant n’est pas dû, comme on pour- rait le croire, à un simple jeu de la lumière sur les parties plus favorablement exposées. Car les endroits brillants ne se dé- placent pas lorsque l'orientation change. Celte discontinuité montre une nouvelle analogie avec ce qui a lieu dans la Carpe. Ces colonneltes éclatantes ne se déplacent ni en totalité, ni en partie, lorsque, en comprimant le canal, on essaye de les faire progresser à la manière du sang sous l'action de l'artère, ce qui prouve qu'elles ne sont point l'effet d’un liquide contenu dans le vaisseau. Je suis même en droit de supposer qu'elles n’en remplissent pas le canal, car je vois souvent l'injection pénétrer dans des régions qui étaient occupées auparavant par des lignes pacrées; ces taches ne forment done point obstacle. D'ailleurs elles ne fuient pas refoulées par le liquide, on ne les retrouve point accumulées à la tête de la colonne mjectée. Elles demeurent immobiles, mais leur reflet disparait noyé dans la couleur vive du chromate. On trouve en effet une constance remarquable dans les points où se fixe cette matière. Elle paraît augmenter à mesure que la pièce vieilht ; et si j'étais contraint de donner mon opi- pion sur la nature de cette substance, je dirais que j'y vois le résultat d’un dépôt par précipitation sur les parois du canal. Quoi qu'il en soit, là physionomie de ces taches est si frap- pante et si spéciaic, qu’elle assure la vérité des analogies que leur présence suggère naturellement à l'esprit. Ajoutons que l'abondance des tubes nacrés, ou plutôt la longueur des parties argentées de ces tubes est variable. On la trouve souvent tres-réduite dans le Maquereau, sans que je puisse rien dire des conditions biologiques dont eet effet dépend. Mais la grande majorité des animaux de ceite espèce offrent des tronçons nacrés, et après avoir vu une fois cette apparence, en la cherchant attentivement sur le trajet des tubes déter- miué au préalable, on est à peu près certain d'en retrouver des traces. Il est donc établi que les canaux de Weber ont leur analogue dans les capillaires à déversement duodénal du Maquereau, II ol LHGOUIS. est même probable que ces deux systèmes sont complétement équivalents. Devant traiter cette question plus loin (4), 1l me suflira de prendre acte du résultat : on connaît un troisième exemple du canal de Weber. Notons qu'un travail très-pro- longé ne l’eût peut-être pas révélé, si la possibilité de injection par l’ampoule pancréatique ne s'était offerte. Cette circonstance m'a d'autant plus frappé, que J'étudiais depuis longtemps le pancréas ou l'appareil pancréatique des Poissons, sans avoir jamais vu ce canal sur aucune espèce, sauf la Carpe. | Je n’ai point donné à l'examen microscopique de la substance nacrée tout le temps que nécessiterait cette étude difficile. Pour la question qui me préoccupe aujourd'hui ce travail paraissait superflu; je n'ai pu réussir à séparer des parois du vaisseau les molécules constitutives de cette substance. Il y avait tout Intérêt à poursuivre mes recherches dans une direction différente. En effet, j'aurais eu tort, au vu de la pre- mière injection, de considérer cette méthode comme incapable de me conduire au pancréas. L'un des capillaires du réseau vient aboutir à un corpuscule au delà duquel il ne se prolonge pas. Ce petit corps a toutes les apparences d’une glande. Il est par- faitement isolé, d’une couleur vineuse qui tranche sur les parties voisines, de texture friable, mais recevant quelque solidité de la lamelle fibreuse qui l'enveloppe. Le canal qui s’y rend est uacré, je l’ai remarqué depuis; mais la temmte est si légère et si fugitive, qu’elle m'avaitéchappé jusqu'au moment de l'injection spéciale de ce conduit. Il pénètre et garde son reflet jusqu’à une profondeur notable au delà de son insertion sur la glandule. J'ai pu distinguer ses premières subdivisions; elles rampent, semble-t-il, à une petite distance de la surface. Parfaitement constant d'ailleurs dans son existence et sa phy- sionomie, ce corpuscule est très-aplati, ovale, à bords tranchants, et ne dépasse pas 2 millimètres 4/2 dans son plus grand dia- mètre. Il adhère par son bord parallèle au grand axe, au bord interne du canal cholédoque. Sans doute dans l’état normal il (1) Dans la Monograplue de l'organe pancréatique de la Carpe, ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 09 est replié sur ce canal, le long de sa ligne d’attache qui sert de charnière à ce repli; le contact a lieu vers l'endroit où le cho- lédoque se renfle pour commencer la vésicule au-dessous du bras supérieur de l Y et un peu vers la droite. Dès les premiers animaux que j'avais ouverts, ce corps ne m'avait point échappé, mais paraissait si éloigné de l’embou- chure du cholédoque, qu’il semblait téméraire de l’assimiler tout d’abord à un pancréas. Il à fallu des injections bien réussies dans ce sens pour meltre en évidence d’une manière irréfragable la communication de cette glandule avec le duodénum par l’orifice paucréatique. S'il était possible de concevoir des doutes sur la nature glan- dulaire de ce corps, l'examen microscopique suflirait pour tran- cher la question. On y trouve les éléments essentiels de toute glande, savoir, des cellules aptes à la sécrétion, et un tissu ou stroma dans lequel elles sont plongées. Celui-ci résiste à l’action de l’eau pure, et ne m’a paru offrir aucune particularité notable. J'ai pu voir quelques cellules avec une tres-grande netteté ; une fois s’est présenté de face tout un lambeau de membrane cellulaire : c'était probablement une partie dépliée et développée de paroi sécrétante. Je n'insistai pas alors sur l'étude histologique de cet organite. Reprise plus tard, elle trouvera sa place à propos du pancréas diffus de cette espèce. lime suflira d’avoir confirmé par le témoi- gnage du microscope les présomptions puissantes qui mililent en faveur de la nature glandulaire de la masse. Il y a donc là une glandule parfaitement constante dans son existence et dans ses rapports, ce qui, malgré sa petitesse, est une première preuve de son importance anatomique. En outre, elle se trouve en relation par un canal spécial avec le duodénum ; enfin ce canal affecte vis-à-vis du cholédoque les allures ordinaires du canal paneréatique : on ne peut se refuser à reconnaître un des pancréas du Maquereau commun. Au surplus, si l’on contestait cette conclusion, 1l faudrait rejeter en même temps tous les résultats obtenus par Brockmann et Stannius, dont aucun ne se présente avec plus de netieié, ces observateurs n’ayant 90 LOGOUES. jamais injecté aucun tube ni soumis leurs glandules au mi- Croscope. Je passerai, sans m'en occuper davantage, sur le peu de suc- ces que m'a donné l’application de la méthode chimique à ce corps : les résultats sont demeurés douteux. D'autres espèces (Acipenser et Cyprinoïdes) donneront une meilleure occasion d'expliquer à quoi J'attribue le défaut de netteté des réactions dans le cas des Poissons, et surtout des Osseux. Si ceite glanduleest un pancréas, que devait-on penser du système vasculaire dont elle termine une des branches? Faut-il croire que ce soit le canal excréteur multiple d’une glande mul- tiple ? L'analogue physiologique veut que le liquide qui tombe dans l'intestin par l'orifice de la papille soit du suc pancréatique. Or, l'humeur qui circule dans le tronc commun terminal des tubes de Weber est un mélange. Elle est due en minime partie au pancréas, et pour le reste au surplus du système. Si l'on admet que la sécrétion de la petite glande soit du suc pancréatique normal, on pourra supposer que les autres canaux contiennent aussi ce MÊME sUC. Séduisante à bien des égards, cette conception n’est cepen- dant pas une conséquence nécessare des faits, et même après la découverte du petit pancréas, la discussion ne me paraissait pas lui assurer assez clairement l'avantage. I était douteux que la liqueur circulant dans ce système füt en réalité pancréatique ; car la probabilité voulait que cette vascularisation fût particu- lière à certaines espèces. J'ai dit ailleurs combien peu les appa- rences conviennent à la supposition de l'existence d'une glande. D'autre part, la glandule est-elle bien un pancréas eflicace? Ne serait-ce pas, comme Îles corps de Brockmann, une glande réduite, d'utilité contestable, vestige rudimentaire d’un organe {typique de l'embranchement, ou simple témoin affirmant la parenté zoologique avec des espèces mieux pourvues? Brockmann paraissait avoir trouvé des corpuscules semblables ou complé- tement isolés, ou donnant dans lintestin par un canalicule très-court. N’élait-il pas à prévoir que, dans une espèce douée comme le Maquereau d’un appareil wébérien, le corpuscule ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 57 pancréas, sans cesser d'être rudimentaire et inutile, se greflerait sur un rameau d'emprunt, appartenant à uue fonction diffé- rente. Je trouvais aussi dans sa constitution, comme on le verra, d’autres raisons de craindre que ce corps n’eût pas d’usage phy- siologique. En toute hypothèse la direction du travail était mdiquée ; je m'efforçai, à partir de ce moment, de remonter jusqu'à l'extrémité de quelque autre canalicule. Je crus d’abord que, si ces rameaux aboutissaient à une glande, je ne pourrais manquer d’en reconnaître bientôt les éléments; au contraire, il se trouvait que les circonstances de celte détermination étaient on ne peut plus désavantageuses, et l’idée de rapporter le système wébérien tout entier à un appareil glandulaire ne put que perdre encore du terrain, sans qu'aucun jour se fit de longtemps sur la desti- nalion de cet ensemble. Pour ne point sureharger ce travail, je ne mentionnerai qu’à propos de deux ou trois espèces ce que j'ai recueilli de la distri- bution des tubes de Weber, moins pour donner une idée de leur complication et de leur longueur, qu’en vue d'établir sur quelques descriptions choisies la loi, fort simple, selon moi, de leur tracé. L'intérêt principal des explications dans lesquelles je vais entrer, est d'établir la concomitance des vaisseaux wébériens et des veines; mais l'étude approfondie de cette espèce conduit à reconnaître la fixité remarquable des grandes divisions de ce système vasculaire etl’abondance de ses anastomoses; je m'ar- rêterai surtout aux points qui mettent ces trois propriétés en évidence, À l’époque où je les étudiais sur le Maquereau, je ne conservais qu’une confiance très-découragée dans l'existence d’un pancréas microscopique, et ne soupçonnais rien de l'influence qui en dirige l'accroissement. Je suivais donc très-péniblement ces tubes dans l'espoir de trouver à l’origine des ramuscules quelque indication sur leur nalure. Aucune injection, comme on le comprend, n’a pénétré dans ces conduits déliés jusqu'aux distances relativement prodi- SC. NAT., FÉVRIER 1873. XVII. 15, — ART, N° 8, 58 LEHGOUIS. gieuses où ils sont susceptibles d'atteindre ; c'était donc le mi- croscope seul qui me révélait, à force d'essais, la continuité des tubes. Il faut ici se reporter à la description des viscères que J'ai dû faire avec quelque précision, l'intelligence de ce qui suit en dépend. | Enfin, il est utile de se souvenir que, en relevant le trajet des tubes de Weber, on trace du même coup la figure de son pan- créas diffus. On trouvera la preuve spéciale de ce fait, relative - ment au Maquereau, dans les dernières pages de cette notice. Parmi les tubes de ce réseau, celui du pancréas glandulaire se recommandait à un examen plus approfondi. Au sortir de l'intestin, le tronc commun remonte à droite du cholédoque, qu'il ne cesse pas d'accompagner quand ce der- nier est devenu canal cystique. Il court entre lui et une des veines appendicielles du côté droit. Large à son origine, 1l se rétrécit promptement pour n'être bientôt plus qu'un filet aussi grêle que tous les vaisseaux de même nature. Un peu après la rate, il rencontre le petit pancréas, et là se divise en deux branches: l'une, très-courte, extrèmement déliée, se porte à gauche par rapport à l'animal, c'est-à-dire à droite du courant dont ces canaux sont le siége. Ce rameau latéral, parfois tout à fait In- visible, est l’excréteur de la glandule. La seconde branche fait suite au trone primitif; elle est quel- quefois aussi volumineuse que lui, souvent beaucoup moins ; elle s’avance sur le cystique pour gagner la vésieule. Le cho- lédoque, appliqué sur l'intestin, est élargi en ruban et tranchant par ses deux bords, qui regardent, l’un en dehors, vers le foie, l'autre en dedans, vers la soudure des bras de l'Y. C’est sur ce dernier qu'est placé le petit pancréas lamellaire, et c'est aussi ce bord que la branche commence par suivre; elle est presque toujours brillante dans cette partie de sa longueur. Plus aisé à suivre, le trajet supervésiculaire, que je vais indiquer, semble particulièrement instructif. Ces deux bords sont garnis chacun d’une ligne cellulo- graisseuse qui va se confondre avec sa congénère au fond de la ARTIGLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 99 vésicule. Il y en a en outre une troisième. La vésieule biliaire s'enfonce dans le prisme triangulaire horizontal, dont le ruban intestinal détermine la face inférieure. La face interne est formée par la zone inférieure du côté du eul-de-sae, l'externe répond à la paroi abdominale, la vésicule ne remplit pas jusqu’à l’arèête les angles de ce prisme; mais ce sont des traînées de graisse qui cecupent. Elles convergent au fond du sac, auquel elles donnent l'aspect d’une pointe. La traînée qui part du bord externe du cholédoque suit l’arête externe inférieure du prisme. Celle du bord interne se divise à peu près au point (noté dans la description des viscères) où la vési- eule sort de dessous le foie. Elle envoie une de ses branches à l'arête externe supérieure (bord de la gouttière), et l’autre à l’arête interne inférieure entre l'intestin et le cul-de-sac. La constance du trajet dans cette région est d'autant plus frappante qu’elle porte sur un détail sans importance appréciable. Le canal suit l'arête interne à peu près jusqu’au tiers de sa longueur, où il la quitte pour traverser la face de la vésicule qui s'applique sur le cul-de-sac ; il va ainsi toucher l’arête supérieure, puis, traversant en sens inverse (4), il retourne à la première pour ne plus s'en séparer. Après chaque concavité postérieure on trouve d'ordi- naire une sorte de dépôt nacré. Avant de s'éloigner de l’arête iuterne inférieure, le canal envoie à travers la graisse denx rameaux : ce sont les seules ramifications de la partie super- vésiculaire visibles à l'œil nu. Il est toujours coupé vers le fond par une grosse veme plus large et plus superficielle. Les divisions de la veine le rencontrent également plus près de la pointe et se comportent de même à son égard, Une membrane cellulaire à plusieurs nappes part de la ponte vésiculaire el va se porter, par un de ses prolongements, au cul- de-sac stomacal, par un autre à l’anse postérieure de l'intestin, par un troisième au rectum. [l se fait toujours dans cette mem- brane des dépôls graisseux ; les deux plus importants se fixent, (i) PI. XIX, fig, 60 LEGQUES l’un à la pointe de la vésicule, Pautre un peu en arrière, dans le plan vertical de la courbure intestinale ; mais entre l'intestin et le cul-de-sac, ces amas adipeux forment le prolongement longi- tudinal des lignes qui divisent en trois régions la surface de la vésicule. On peut constater que le canal dont il vient d’être ques- tion quitte la vésicule à sa pointe. court superticiellement sur la masse graisseuse voisine qu'il dépasse, et s'engage dans le liga- ment cellulaire qui résulte de la jonction des trois nappes pré- citées. J'ai encore retrouvé dans la première partie de ce parcours extra-vésiculaire quelques vestiges de matière nacrée. Il est possible de suivre le canal jusqu’à la deuxième masse de matière adipeuse, qui, du reste, est souvent reliée à la première par un ruban continu et plus ou moins chargé de graisse : mais cetle poursuite n’a rien révélé de remarquable. Revenons au tronc d'origine. Avant d'arriver à la courbure du cholédoque, il a déjà émis un jet relativement important vers les appendices, en dedans d’abord, puis en dehors de la veme mé- sentérique; un second canal se sépare de lui tout près de là pour s'attacher à une autre veine du système intestinal. Entre ces deux jets un filet de communication produit aussitôt une anastomose ; au delà de la courbure et de l’autre côté, se trouve une grosse branche dérivée qui gagne le versant correspondant de la masse appendicielle. Là elle se divise en deux parties, puis en plu- sieurs. La branche compagne de la veine mésentérique (1) continue à la suivre à travers les faisceaux des appendices. La veine se porte vers le troisième coude à convexité antérieure de Pintestin. Un peu en avant de ce point, le canal wébérien donne naissance à plusieurs divisions, en nombre variable, mais partagées entre le groupe d’appendices qui se trouve au-dessus et les mésentères intestinaux ; un des courants marche d'ordinaire vers le coude ; d’autres passent au-dessus et gagnent, en gardant leur distance, le fond de la deuxième courbure; ils s'y dédoublent souvent en filets qui, parallèles à la branche mère, courent habituellement accolés aux deux côtés d’une même veine. (4) PI. XX, fig, 4. ARTICLE N° 6. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 61 Au delà du coude de l'intestin, la veine mésentérique passe au-dessus, en suivant le dessous de la partie de l’intestin qui se rend droit au rectum; puis elle la traverse et va se diviser et se subdiviser dans l’anse formée par cetle partie et la voisine. Elle est, dans tout ce trajet, accompagnée par la suite de la branche de Weber qui lui reste fixée. Cette branche se subdivise aussi plusieurs fois. Les canalicules marchent parallèlement à la veine, la bordant sur les deux côtés; entre les divisions de cette branche, deux des plus longues côtoient les branches intestinales. J'ai pu les suivre fort loin dans ce sens. On retrouve près d'elles, dans cetle région, une des divisions projetées bien plus haut par le tronc latéral à la mésentérique, avant la troisième courbure de l'intestin. Je n’ajouterai que peu de détails sur les autres canaux déjà mentionnés comme issus du tronc principal voisin du cholé- doque ; ils s’étalent en réseau compliqué à travers la masse des appendices reliés entre eux et avec l’origine des précédents par des branches anastomotiques. Il m'a semblé en voir un se diriger vers le foie. J'ai appris, par l'examen comparé d'espèces variées, que les appendices, lorsqu'ils sont nombreux, sont en quelque sorte divisés par groupes. Chaque faisceau de cæcums est entouré par une ceinture péritonéale qui le délimite et le sépare des fais- ceaux voisins. Les lames séreuses qui composent ces enveloppes des groupes ne sont, on le prévoit, jamais complètes; dans le Maquereau on les trouve particulièrement réduites, mais la seg— mentation de la masse appendicielle n’en subsiste pas moins, et les débris de la membrane fibreuse forment autour des groupes et entre eux des lacis ligamenteux qui donnent à l’ensemble de la fixité et de la consistance. Sur ces trabécules fibro-con- jonctives passent les vaisseaux sanguins et aussi les ramifica- tions secondaires des tubes wébériens. Ces derniers, par leurs anastomoses, ferment plus ou moins exactement leurs circuits autour des groupes, à la surface et dans l'épaisseur desquels ils envoient leurs dernières subdivisions. La plus distincte parmi ces réunions de cæcums recouvre la troisième courbure intestinale ; 62 LEGOUIS, elle est séparée du reste des appendices par le plan de cette courbure, dans lequel cireule la veine mésentérique inférieure ; c’est aussi dans ce plan que se rend le trone gastro-intestinal des tubes wébériens. Ce tronc, avons-nous vu (4), fournit, en passant, à la portion des cæcums située au-dessus de lui et à sa droite; les canalicules auxquels il donne naissance pénètrent dans le faisceau eæcal ; quant à la rangée des appendices qui descend à gauche du duo- dénum, outre la branche que nous avons vue s’y rendre, au niveau du pancréas massif, elle en reçoit une autre plus impor- tante, issue directement du tronc commun. Ce vaisseau court parallèlement au bord gauche du duodénum, et dans son trajet il émet à gauche des dérivations en nombre variable qui descen- dent dans le sillon entre deux cæcums voisins, puis pénètrent dans la masse. Il est rare que, à côté du filet wébérien, on ne rencontre pas un petit vaisseau sanguin ; lorsque cette circonstance fait défaut, on peut presque toujours affirmer que le canal de Weber, qui marche ainsi seul, est un tronçon anastomotique et de très-courte portée. L'existence des troncs que j'ai indiqués, et qui sont tous à peu près au nombre des principaux, est absolument constante; ils se déplacent un peu d’un individu à l’autre, jamais cependant de manière à devenir méconnaissables. Pour constater et vérilier, partie par partie et tronçon par tronçon, pour ainsi dire, la distribution des tuyaux wébériens, il fallut examiner un très-grand nombre de sujets (plus de soixante); tant que dura la pêche de ce poisson dans la rade de Concarneau, c’est-à-dire plus de deux mois, je ne cessai guère de m'occuper de cette espèce. Il semble que des observations quotidiennes et si persévérantes eussent dû n'apprendre non-seulement la disposition, mais aussi l'usage des tubes wébériens. Déterminer cette fonclion était le but principal de mon travail. Jespérais parvenir à l'extrémité ()PLOXIX et XX, fige 44 ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 63 d’un de ces canaux dont je connaissais le cours, et trouver là l'élément, glandulaire ou autre, dont le système dépendait. Mais {oujours je perdais la trace du conduit avant d’en avoir touché le bout. Les ramifications secondaires latérales des grands troncs ne se prêtaient pas mieux à l'examen, et souvent je n’arrivais même pas à en trouver une seule. J'ai compris depuis la raison de ces insuecès. Si décourageants qu'ils fussent, je revenais cependant de préférence à l’observa- tion du Maquereau, parce que cet animal offre un des rares exemples d'une disposition où l'injection puisse être opérée, Mais, comme on l’a remarqué plus baut, une observation mi- eroscopique du système wébérien effectuée après injection ne réussit pour ainsi dire Jamais; le pancréas lamellaire est alors trop décomposé pour que les rapports et la nature des éléments puissent être saisis. D'autres causes accéléraient encore son alté- ration. Le bain dans lequel plongeaient les viscères, quoique l'eau en eût été salée ou sucrée, altaquait les cellules; cet effet destructeur est plus prononcé encore si, comme Jje le faisais dans les commencements, le liquide est chauflé à 20 ou 30 degrés. D'ailleurs le Maquereau se trouveêtre, ainsi que Je l’ai reconnu plus tard, une espèce très-défavorable quant à la détermination du pancréas diffus, indépendamment des difficultés mhérentes à l'injection. Même lorsqu'on procède, sans injecter, à l'obser- valion directe, l’état particulier des lames viscérales et des acini glandulaires de cet animal rend la préparation fort délicate et les ésullats mcertains. Il en est surtout ainsi en hiver, à l'époque de la deuxième pêche de ce poisson. Pendant les mois de décembre et de janvier, où je faisais ma première série de recherches, les viscères du Maquereau sont chargés de graisse ; je ne parvins que beaucoup plus tard, lors de la pêche d'été, à me rendre un compte exact de anatomie de ce pancréas et des grandes dificultés qui lui sont particulières. Jusque-là cependant mon travail n'avait pas été absolument sans fruit. Outre la masse pancréatique principale qui ne fait jamais défaut, certains sujets m'en avaient montré d’autres. Une 6 LEGOUIS. fois, je trouvai sur ce tronc wébérien principal, un peu avant sa rencontre avec la masse déja connue, une massette beau- coup plus petite. Elle était sessile sur le confluent du rameau qui se rend à la partie antérieure gauche des appendices. Deux ou trois fois je vis une glandule plus considérable, quoique variable par la situation et la forme, à l'extrémité du tronc d’origine des tubes de Weber, et placée au concours du cholé- doque et du duodénum. Ces corpuscules, d'existence variable, ne différent en rien, dans leur constitution et leurs rapports essentiels, avec la masse principale; ce sont donc des pancréas disséminés adventifs. Leurs cellules sécrétantes sont peut-être en général un peu plus grandes que celles du corps fixe. De ces faits résulterait une probabilité croissante en faveur de la supposition que tous les tubes de Weber aboutissaient à des acini glandulaires. La certitude de cette relation me fut fournie, comme on verra, par d'autres espèces, et ma conviction était faite lorsque je repris en juillet l'étude du Maquereau, voulant alors surtout reconnaître l'obstacle qui m'avait arrêté. Le pancréas laminaire du Maquereau présente des caractères qui lui donnent une place à part entre les organes de cette forme. C'est aussi de ces singularités de texture que venaient mes premières incertitudes. | Si l’on se reporte à la description très-précise qui a été faite du système wébérien, on y pourra remarquer la longueur des troncs directs et la multiplicité de leurs communications anastomo- tiques. On n’est pas moins frappé de la pauvreté des arborisations proprement dites. Les troncs primaires franchissent des distances considérables sans émettre un seul canal latéral, et les rameaux secondaires ne présentent pour ainsi dire pas de branches ; leurs dérivés sont presque exclusivement des canaux d’anastomose. Cette apparence ne tient pas, comme je l'ai cru d’abord, au dé- faut de pénétration des injections. L'étude microscopique fait voir que le long des canaux du premier ordre, ceux du second ordre sont à la fois et très-mullipliés et très-petts pour la plu- part. Un ou deux seulement, sur des centaines, prennent du développement, et la longueur de ces branches exceptionnelles ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 65 est alors considérable. De même pour les rameaux tertiaires. En général, les canaux du dernier ordre, ceux qui aboutissent au lissu, sont très-courts. Les traînées'adipo-pancréatiques dont J'ai parlé et qui longent la vésicule sont d'une étude très-instructive à cet égard. La brièveté de ces canalicules, sans être tout à fait spéciale à cette espèce, s’y montre plus marquée et comme extrème. Elle est en rapport avec le motif qui fait du pancréas lamellaire le compagnon inséparable des veines, et l’on a pu noter que les petits pancréas en masse se constituent au contact des troncs primaires, avec un pédoncule à peine visible. F faut une étude microscopique minutieuse pour reconnaître les derniers ramuscules, et de là viennent mes premiers insuccès sur ce point. À ce caractère exceptionnel dans les tubes s’en ajoute dans le tissu un autre inverse et inattendu. Il semble qu’au bout de ces pelits conduits on doive rencontrer un simple follicule, ou tout au plus un acinus de dimensions réduites en proportion. Ce canal si exigu suffit cependant à l’excrétion de surfaces glan- dulaires relativement énormes. Les acini, dans cette espèce, sont d’une charpente très-lâche et pour ainsi dire eux-mêmes diffluents, comme le pancréas pris en totalité, Les membranes péritonéales se trouvent envahies sur une assez grande largeur par les élé- ments pancréatiques, sans que les ramifications latérales des grands troncs en prennent plus d'extension. Nous reviendrons plus loin sur ce fait, que je m'explique par une action locale des cellules; qu'il suffise de le constater 1e1. Cette imperfection dans la canalisation de la glande est corrélative d’un défaut non moins remarquable de consistance dans la couche conjonctive qui la délimite. En général, aucun pancréas diffus n'a de revêtement membraneux; la substance glandulaire se dépose à travers les mailles du tissu conjonclif, sans prendre rien de comparable à une tunique propre; mais il n’est point d'espèce où cette absence de limitation dans l'appareil de sécrétion spéciale soit plus prononcée. Dans la Carpe, le Cyprinus sinensis, le Merlus etle Corégone houting, etc., l’acinus, quoique dépourvu de membrane enveloppante, se constitue dans un stroma plus compacte que le tissu conjonctif ordinaire. Le Maquereau et aussi, 66 LEGŒOUIS. comme on le verra, le Caranx Trachurus, n'offrent cette con- densation qu'à un degré beaucoup moindre. Les cellules glandu- loires sont aussi moins serrées dans les limites de cet espace. La concentration du tissu est si faible, qu'elleapproche du minimum. Il est toujours impossible à l'œil pu, et souvent difficile-avec un grossissement faible, de saisir les contours des folioles glandu- laires, contrairement à ee qui se voit ailleurs. L’acinus ne prend poiut avec netteté la forme globuleuse à surface framboisée qu'on lui connaît, il dépend beaucoup plus des accidents du tissu con- joneuf général. Si dans une préparation microscopique soumise à un grossissement médiocre se trouve une partie pancréatique, les bords, qui s’accusent par une teinte à peine plus foncée sur le milieu ambiant, suivent des lignes étrangères aü dessin ordinaire d’une glande, et l’on ne peut décider s'il s’agit vraiment d'un üssu particulier ou d'un simple épaississement local de la trame conjonelive. Les grossissements supérieurs doivent être employés pour lever les doutes. [ls permettent de reconnaitre la partie essentielle du tissu, la cellule sécrétoire. Elle présente une différence constante dans toutes les espèces, suivant qu'on la prend dans le pancréas massif ou dans le diffus. Là même où l'observation histologique du pancréas diffus n'offre aucune difficulté et où se trouvent les éléments le mieux caractérisés, la cellule du diffus est plus grande, plus variable, d’une constitution moins nette que celle des masses. Dans le Maquereau, en particulier, l'inégalité, l’indécision dans les propriétés de la cellule, sont plus profondes ; de tous les types que j'ai examinés particulièrement sous ce rapport, c’est le plus imparfait. Les cellules du pancréas massif sont petites; elles mesurent environ 0"",009 et restent au-dessous des dimensions ordinaires des épithéliums glandulaires des Mammiferes. Elles sont rondes, égales en volume, peu réfringentes et à contours pâles, colorées d’une légère nuance jaune vert, que l'on retrouve dans tous les üssus de l'animal; quelques-unes présentent un noyau très-appa- rent, dans beaucoup il est malaisé de le découvrir. Enfin, chez ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 67 la plupart d’entre elles, je n'ai pu réussir à l’apercevoir. Au surplus, les cellules à nucléus et les autres sont indifféremment mêlées dans le parenchyme des petites glandes; sauf cette diffé- rence, l'identité est parfaile. Le pancréas diffus est remarquable par la variabilité de ses éléments sécrétoires. C’est un tissu composé de cellules très- adhérentes à un stroma peu consistant. Elles ont la même teinte, la même faible réfringence que celles qui leur correspondent dans le pancréas localisé ; toutes s’'approchent de la forme ronde, mais avec des irrégularités plus ou moins sensibles. La varia- tion à cet égard va jusqu'à rendre oblongues les plus distantes du contour normal, La dissemblance est surtout notable dans les dimensions. On en trouve sur une même région et côte à côte d'aussi pelites que celles du massif, et d’autres presque six fois plus grandes en surface. Les dimensions extrêmes que j'aie notées sont 0"",011 à 9"°,012 de largeur sur 0*",012 à 0"",018 de long; le noyau, toujours très-petit, paraît manquer à la plupart. Les circonstances m'ontamené à faire de ees éléments une étude comparalive très-prolongée, dont les résultats trouveront ailleurs une place plus opportune. I convient aussi de renvoyer à un autre temps (1) les détails que m'a fournis examen du Maquereau quant à son système lymphatique. Pour éviter des redites trop fréquentes, je grou- perai autour des sujets qui donnent lieu aux remarques les plus intéressantes les faits accessoires obtenus sur les autres espèces. 2° Caranx Trachurus, Val, Parmi toutes les espèces que j'ai vues, le Caranr Trachurus est la plus propre à donner une idée de l’extrême développe- ment que certains pancréas sont susceptibles de prendre. Les explications dans lesquelles j'entrerai auront surtout pour but d'établir ce fait. (1) Étude des Trigles et des Chabots, (és) LEGQUES. On verra aussi combien les analogies sont quelquefois étroites entre espèces voisines dans la disposition générale de la glande et des organes digestifs. La preuve que fournit de cette affinité anatomique la comparaison du Scomber Scombrus et du Sc. Tra- churus, me dispensera, à propos des autres familles, d'entrer dans d'aussi grands détails. Ces deux points auxquels seront subordonnées toutes les par- ticularités de la description ne sont pas cependant ceux qui fixèrent principalement mon attention lors des recherches sur cetanimal. J'étais alors préoccupé des difcultésspéciales qu'offre sur le Maquereau la détermination microscopique du pancréas diffus. D'autres espèces m’avaient déjà fait acquérir la connais- sance certaine des caractères essentiels de la forme diffuse; il semblait étonnant de ne les retrouver dans le Scombrus qu'in- décis et exagérés tout à la fois. La Carangue vint à propos com bler une acune qui nuisait à l’unité de l’ensemble, et former le trait d'union entre les types généraux et la constitution des lames diffuses du Maquereau. L'état décrit pour ce dernier est une forme limite et en quelque sorte aberrante. I Analogie étroite entre les pancréas des Scomber Scombrus et Trachurus. Les viscères du Trachurus sont la copie à peu près fidèle de ceux du Scomber. La disposition générale des masses est si exac- tement semblable, qu’au premier coup d'œil on aperçoitunediffe- rence de teinte et rien de plus. Les tons sont plus rougeàtres chez la Carangue, plutôt verts dans le Maquereau. La forme, les rela- tions des organes sont les mêmes ; le régime des veines est con- struit sur un plan presque identique ; le foie, un peu moindre en volume, s'avance un peu moins en arrière. Je n'insiste pas sur d’autres différences d'aussi faible portée, qu’un examen minu- lieux pourrait sans doute relever. On trouve dans les appendices un fait de plus de conséquence sur le degré d’accumulation du tissu glandulaire. Il n’y à que cinq cæcums, tandis que le duo- dénum du Scomber en porte d'ordinaire plus de cent. Malgré ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 69 cette grande inégalité, le volume qu'occupent ces cinq digita- lions n'est guère moins considérable que la place prise par la masse cæcale au-dessus des viscères du Maquereau. Et pour se rendre compte du reploiement naturel et des rapports des parties sur le vivant, il est indifférent de se servir d’une espèce ou de l’autre (1). L'étude dont je parle ici m'a paru devoir servir avant tout à éclairer ce qui restait obscur dans l'examen du Maquereau: Pour le reste, je m'en suis tenu à la vérification rapide de l'analogie des caractères. I n'y a done lieu d’insister ni sur l’existence, ni sur la dispo- sition du système wébérien ; je ne me suis point astreint à noter les différences très-secondaires que peuvent entraîner de légères dissemblances dans le réseau veineux viscéral. On prévoit, par l'identité dans l’ensemble de la ramification wébérienne, que ie plan général du pancréas doit être le même. Il en est ainsi, et pourtant l'étude de la glande, sans difficulté chez le Caranx, esttrès-laborieuse dans son analogue. D'où vient cette facilité relative ? Ailleurs on a vu que le dessin de l'appareil pancréatique est formé par les circuits veineux, dans ses traits fondamentaux. Plus loin je faisais remarquer que les formes plastiques de la glande dépendaient plutôt d’intluences différentes. La compa- raison du Curanx et du Scomber fait saisir la conciliation de ces deux tendances diverses. lei et là les grands troncs wébériens se ressemblent par leur configuration, comme les plexus vei- neux qu’ils accompagnent; les grandes voies de communication à travers la substance glandulaire sont donc les mêmes pour les deux espèces, et aussi par conséquent les lignes essentielles de la figure du pancréas. Mais autour de cette charpente vasculaire (4) PI XIX, fig. 4 ; pl. XX, fig. 1 et 2.— Je me suis cru dispensé par cette similitude complète de donner une figure spéciale des viscères du Maquereau #7 statu viventis. L’exactitude des idées n’y eùtrien gagné. On voit, pl. XX, fig. 2, la représentation de la masse viscérale du Caranx, avant séparation des parties; un dessin relatif au Scom- brus n’en différerait pas sensiblement, sauf par la multiplicité des appendices. Les dé- tails à noter dans la distribution des vaisseaux sont indiqués d’autre part suffisamment pour le Caranx par les figures 4 des deux planches prises du Scombrus. 70 LHGOUIS. commune les constructions parenchymateuses sont beaucoup plus considérables chez la Carangue, et par suite les tâtonne- ments microscopiques nécessaires pour mettre en évidence le tissu sécrétant sont d'autant moins nombreux. J'aurai souvent à mentionner de pareilles dissimilitudes de développement sur des types wébériens semblables. En même temps, à côté des variations dans l'abondance du tissu, on note un fait anatomique si constant, qu'il ne peut manquer de s’y rattacher, à savoir, une variation inverse dans la multiplicité des cæcums. Je crois pouvoir avancer que : 1° entre pancréas d’égale importance, la dissémination molécu- laire de la glande varie dans le même sens que le nombre des appendices ; et 2° toutes choses égales d'ailleurs, le volume total du pancréas augmente lorsque la richesse du système appendi- ciel diminue. La coexistence de ces deux mouvements inverses est mani- feste dans la comparaison des espèces dont il est iei question. Le tisssu pancréatique du Maquereau est visiblement moins aggloméré et moins abondant. On s'explique aisément l'influence du nombre des appendices sur sa densité. Entre des cæcums mulüpliés se trouveront des lacunes interstitielles de grande surface. Ces méats sont traversés par des lames péritonéales compliquées où plus ordi- pairement par un riche réseau de fibrilles ligamenteuses. Le pancréas trouve alors au voisinage de son foyer duodénal des issues par lesquelles il se fraye un passage jusqu’au fond de toutes les cavités intercæcales. Avant d'en venir à l'épaississe- ment, il se développera sur ces aires presque indéfinies, de telle sorte que sauf dans les cas d’ampleur excessive du système pan- créatique, le progrès en épaisseur n'aura pas lieu de se produire. La glande sera microscopique et diffuse, comme dans le Maque- reau, ou dissémiuée et microscopique en partie, comme dans le Zeus faber. Un coup d'œil donné aux masses cæcales si différentes du Maquereau et du Caranx suilit pour saisir la réalité et la nécessité de l'influence dont il s’agit. il est vrai que chez la Carangue à queue rude, la glande ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 71 trouve sur les mésentères une compensation de eroissauce en surface. Nous savons que dans le Maquereau se rencontrent sur- tout à distance des veines de larges régions mésentériques où les cellules du pancréas ne semblent jamais parvenir. Dans la Carangue, à défaut d'espaces intercæcaux, les aires qui demeu- rent libres sur les membranes du Maquereau sont d’abord uti- lisées. Mais cela ne suffit pas encore à la plupart des individus ; aussitôt que la glande achève d'occuper toutes les surfaces péri- tonéales, le progrès se continue de toute nécessité par voie d'épaississement. Dans ce cas, d'après une loi non moins géné- rale, l'accroissement se manifeste surtout à la partie circum- duodénale, entre les appendices, et aussi dans la nappe duo- déno-hépatique, circonstance qui n’est pas dénuée d'intérêt. La seconde loi ei-dessus énoncée exige que, à parité d'énergie dans les fonctions digestives et de développement intestinal, le volume du pancréas compense la pauvreté du système appen- dieiel. Remettons à plus tard l'exposé d'un principe général qu'on pourrait regarder comme embrassant l'énoncé précédent, et qu'il suffise d'enregistrer ici les faits suivants. Ces espèces Car anx et Maquereau sout assurément très-voisimes. Les conditions bio- logiques auxquelles répondent les parties accessoires de leur organisation se trouvent communes à l’une et à l'autre. Elles apparaissent ensemble sur les côles, et si les Carangues ne vien- pent pas en masses aussi énormes que les bancs de Maquereaux, elles s’y mêlent, el jamais on ne les rencontre qu'associées à ces poissons. Ces animaux ont même régime, même port et même taille. Les formes et l’armature buccale ne diffèrent pas. Quant à leur anatomie interne, les deux espèces sont construites sur un type identique. L'activité vitale et l'intensité des forces digestives ne peuvent done beaucoup différer. Il se trouve au contraire que les appareils cæcaux y prennent des proportions très-inégales. Le Maquereau porte plus de 150 appendices, quel- quefois près de 200; la Carangue en a presque loujours 5; Je n’en ai jamais compté davantage. La nature offre donc ici d’elle- même les circonstances les plus favorables pour juger de l'in- 72 LÉGOUS. . fluence d’une cause physiologique; on trouve spontanément réa- lisées les conditions que l'expérience s'efforce de produire par des moyens artificiels : identité en tout, sauf sur le point à étudier, et sur ce même point variations aussi étendues que possible. Or, en regard de la disproportion du système cæcal, quetrou- vons-nous? Le pancréas de la Carangue devient en général beaucoup plus volumineux que celui du Maquereau. Sa grosseur, quoique variable, reste toujours supérieure à celle où se fixe la glande de ce dernier. La différence à son avantage est souvent considérable. Il ne lui cède guère en étendue et le surpasse nota- blement de densité et d'épaisseur. La précision en de pareilles mesures serait impraticable, et je n'ai point tenté d'essai dans ce sens, mais le rapport des masses sécrétantes n’est certainement pas au-dessous de 3/1 et doit s'élever beaucoup plus haut. Cette inégalité corrélative, selon moi, de la différence mverse des surfaces appendicielles est d'autant plus remarquable, que ces deux pancréas sont de toute évidence constitués sur un même modèle. Si l'organe dela Carangue a certains caractères propres, leur tendance commune est de le rendre plus puissant que son analogue ; hors de là nulle différence. I n’y a pas lieu d'insister sur ce point, la similitude fonda- mentale des deux glandes ayant été suffisamment mise en lumière par les explications qui précèdent. L'identité pourtant n’est pas absolue. Avant de noter les causes de désaccord et d'en apprécier la portée, j'appellerai l'attention sur une divergence de détail très-digne de la fixer à plusieurs égards, mais dont je n'ai pu recueillir dans d’autres familles que très-peu d'exemples (Mugel et Trigle Iyre). La comparaison du pancréas die avec le elobulaire semble indiquer entre ces deux organes une différence dans l'origine et l’évolution. Chez le Maquereau en particulier, et les pes de mème conformation viscérale, le premier ne serait qu’une annexe surajoutée, un complément adventif, quoique nécessaire; tandis qu’on devrait voir le pancréas anatomiquement vrai dans la petite glandule massive supervésiculaire. Celle-ei constitue- rait à elle seule le représentant légitime des pancréas bien déli- ARTICLE N° 5, 2 DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 13 mités qu'on observe chez les Mammifères ; la glande éparse n’é- tant qu'un appoint exigé par les nécessités physiologiques. D’a- près cette manière de voir, certains Poissons auraient deux genres de pancréas : un premier, glande ordinaire, qui leur viendrait à litre de Vertébrés, par la loi de permanence des formes, et en outre un second devant sa seule raison d’être à l'insuffisance de l’autre, sorte de terme introduit comme par empirisme pour rétablir l'équilibre entre la formule anatomique et les besoins. On ne peut guère refuser d'admettre que la concordance rigou- reuse d’un type déterminé avec les exigences biologiques ne soit exceptionnelle, si même elle a lieu quelque part. C'est sans doute le privilége de quelques organismes perfectionnés. Plus on s’en éloigne pour descendre aux niveaux inférieurs, plus les formes devront s’altérer afin de se mettre mieux en harmonie avec les nécessités nouvelles; et comme leur flexibilité a des limites, on trouvera finalement un degré où l'adaptation ne serait plus réalisable, et la vie deviendrait impossible. Alors la nature tirerait de quelque ressource cachée l'organe nouveau, supplémentaire et vraiment de correction, qui lui permettrait, sans manquer à la loi du type, d’excéder les limites qu'il impose. Comparons les pancréas diffus et massif à La fois dans les deux Scombéroïdes d’une espèce à l’autre. Les masses pancréatiques du Magquereau se retrouvent dans le Trachurus. La glandule fixe du prenner est fixe aussi dans le second ; entre ces deux corpuseules la ressemblance est parfaite : identité et invariabilité de situation, similitude de volume, de figure, de rapports, tout montre qu'il s’agit d’un mème organe transporté, pour ainsi dire, sans changement d’une espèce dans l'espèce voisine. J'ai été plus étonné encore de retrouver les gra- nules variables du Maquereau, variables aussi chez la Carançue. L'aspect de ces deux petites glandes est trait pour trait celui de leurs analogues déjà connus. Moins réguliers, moins parfaits et moins remplis que la masse fixe, tandis que celle-ci éveille l'idée d’un organe complet, quoique petit, les pancréas duodéraux ont quelque chose d’inachevé et d’adventf. Ils paraissent, comme dans le Maquereau, naître un peu au hasard sur une zone très- SC, NAT,, FÉVRIER 1879. XVII, 16, — ART. N° 8, 3 LEGOUIS. étroite, bordant la tête de lampoule pancréatique., Leur déve- loppement est beaucoup plus fréquent que sur le Maquereau ; phénomène qui se réfère à la densité générale de l'organe, supé- rieure, comine on l’a vu, chez la Carangue. Il sera plus intéressant encore de comparer, dans chaque espèce, le pancréas en masse au pancréas diffus. La coexistence ordinaire de ces deux formes n’a rien qui étonne, lorsque les masses se présentent comme des épaississements locaux et gra- duels de la membrane ; nous rencontrerons de nombreux exem- ples de pancréas que l'on voit peu à peu s’enfler jusqu'à prendre en certains points l'aspect commun aux lobes des glandes. Les petites masses des Scombéroïdes paraissent quelque chose de fort différent ; elles se montrent tout à fait séparées et distinctes du tissu de la glande diffuse ; autour d’elles les mésentères sont toujours très-pauvres en matière sécrétante : ce sont de petits pancréas isolés, ayant leur place à paït et une sorte d'indivi- dualité ; leur indépendance est d'autant plus saisissante, que ces corpuscules naissent fous sur la face supérieure du duodénum, région où le pancréas diffus ne se propage jamais que faiblement, si même 1l l’atteint quelquefois. Les interstices cæcaux lui offrent au-dessous de cette région un champ pius favorable, On ne peut, d'autre part, appliquer à ces massettes isolées, et surtout à la principale, cette loi qui moule un grand nombre de pancréas volumineux sur l'empreinte exacte des cavités cor- respondantes. Le corpuscule fixe du Maquereau et de la Ca- rangue est certainement, si petit qu'il soit, un organe de forme précise, invariable, et déterminé par une force indépendante. On en doit dire autant de sa position, qui ne s'interprète par aucune convenance purement géométrique et matérielle. Ajoutons une dernière réflexion : s’il était prouvé que le déve- loppement de la glandule fixe est indépendant de celui du pan- créas diffus, qu'ils différent dans leur mode de formation, il serait diflicile de se soustraire à celte conséquence que les deux pancréas fussent deux organes typiquement dissemblables, quoi- que réunis dans un même rôle physiologique. Or, 1l est au moins un fait certain : la glandule alleint son maximum de ARTICLE N° d DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 75 développement bien avant que l'organe diffus ait réalisé ses derniers progrès ; les accroissements des deux espèces de pan- créas ne se font point par une marche parallèle, sinon peut-être pendant les premiers temps de leur existence commune. Je n'ai Jamais rencontré la massetie qu'à l’état parfait, tandis que la toile glandulaire mésentérique varie en général d’étendue d’un individu à l’autre. N'est-ce pas aussi un caractère bien démons- iratif que cette communauté chez deux espèces différentes d’un corpuscule identique par la place et les dimensions, mais associé dans l’une et l’autre à des annexes diffuses tout autres. On ne peut échapper à quelque surprise en voyant le volume généra de l'organe pancréatique éprouver de très-grandes variations, une multitude de détails anatomiques se modifier en passant d’un individu à l’autre, bien plus, la caractéristique même de l'espèce se transformer, et cependant le corpuscule demeurer invariable lorsque tout change autour de lui. Fait-on appel aux données micrographiques, elles sont loin de contredire les indications de l'anatomie. Le microscope fera voir que les cellules sécrétantes, quoique évidemment semblables, ne sont pourtant pas identiques. Vérifiée déjà sur le Maquereau, cette différence se maintient dans la nouvelle espèce. Le pancréas en masse est constitué par des éléments plus petits, plus égaux, plus réguliers ; mieux conformés ; l’'acinus S'y montre plus dis- ünct, le tissu plus compacte, le stroma moins abondant, quoique plus dense en comparaison. Enfin la glandule fixe possède un véritable revêtement, qui, s'il n’a rien de comparable avec une vraie tunique albuginée, ne manque pourtant pas de solidité et de consistance. Le pancréas diffus, au contraire, semble en géné- ral tout à fait nu. Tout au plus lorsqu'il occupe lintervalle entre deux feuillets séreux, leur emprunte-t-1l, dans quelques espèces, une apparence de membrane propre. Précisons le sens de cet ensemble de faits. N’en peut-on pas conclure que le pancréas fixe et le diffus, physiologiquement semblables, sont organiquement distinets. Les lois de leur for- mation différent quant au temps, au mode, à la place qu'ils occupent. Entre eux, nulle analogie de forme, nulle continuité 16 LEGOULS. de tissu; la constitution histologique est aussi diverse que le com- porte la similitude des fonctions. N'est-il pas légitime d'en con- clure que ces organes, avec un rôle physiologique analogue, sont séparés au point de vue de l'anatomie ? Cette manière de voir une fois admise, quelle idée faudra-t-il se faire de la cause qui donne ainsi aux deux parties d'un même tout des aspects si différents. Avant d'essayer une explication, une remarque est encore nécessaire. La petitesse même de la masse fixe est une raison convaincante de son importance. A côté du pancréas diffus, relativement énorme, du Caranx Trachurus, ‘et en comparaison aussi de celui du Scomber, cette massette est sans utilité physiologique. Le contingent qu'elle fournit à la sécrétion générale est pour ainsi dire insensible. Il suffirait à la glande diffuse de s'étendre un peu plus loin sur ces espaces péritonéaux qu’elle paraît si aisément s'approprier, pour com- penser l'absence de ce corpuscule, s'il n'existait point. Si donc le pancréas est physiologiquement une superfluité, quel est le but pour lequel il subsiste? Pourquoi maintient-il d'une manière si constante son existence distincte sans profit réel de l'ensemble ? I faut aussi savoir que ce fait n’est pas isolé, et si je n'ai pu l'étu- dier ailleurs avec autant de soin, Je l'ai constaté dans la famille des Grondins et des Coftus. | | Peut-être serait-il permis, à titre provisoire, de se représenter les choses ainsi qu'il suit. Le pancréas d’an animal quelconque est toujours pendant une certaine phase de son développement composé de plusieurs masses. Cela n'est pas hypothèse pure; l'observation ne laisse sur ce point aucun doute dans le cas des poissons: M. Leydig (1) a vérifié le fait, et chez les Mammifères, et surtout chez les Oiseaux. Sur toute l'étendue de l'embranche- ment des Vertébrés, sauf chez les Osseux et quelques animaux exceptionnels dans chaque groupe, quelques-uns ou même unseul de ces corpsglandulaires prend de l'accroissement, les autres res- tent frappés d'arrêt dans leur évolution, elainsi se trouvent formés les pancréas ordinaires. Mais dans les Poissons osseux l'aptitude à (A) Leidig, Hestol comp. ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 17 se développer n’est pas le partage exclusif d’un petit nombre de ces masses, presque toutes les glandules peuvent au besoin arri- ver à des dimensionsappréeiables. Toutefois, entre elles, l'égalité : n'est pas complète encore. Quelques-unes, parfois une seule comme chez les Scombres, représentent vraiment les pancréas localisés des animaux supérieurs. Quoique leur grosseur soit très-réduite, elles ont la fixité, la constitution des glandes ordi- naires; comme ces dernières, elles se font leur place et adoptent une forme précise ét invariable. Toutefois, à cause de la peti- tesse de son volume, ce pancréas ne suffirait point à la digestion de l'animal; aussi naît-1l un autre pancréas par le développe- ment de certaines glandules qui, ailleurs, demeurent station- naires. Nous aurions là quelque chose d’analogue au phénomène qui fait pousser des racines hors rang sur les tiges du Pandanus et des Figuiers. Ce second organe, de nature complémentaire et adventive, n’a plus, on le comprend, que les propriétés essen- tielles du pancréas; ses traits secondaires, ses allures sont toutes différentes. Produit par l'organisme pour suppléer à l'extrême insuffisance du pancréas typique, il subit la loi des autres organes et parvient à son but en suivant des voies plus imparfaites. Il s'établit aux seules places qui n'aient pas de premier occupant, n'envahit que les parenchymes conjonctifs, respectant ceux d'une importance physiologique majeure. Cette facon de comprendre les faits trouve quelque applica- tion dans presque toutes les espèces. Le langage et l'exposition gagnent en clarté, si l’on se ent toujours à ce point de vue. Il sera commode de l'adopter, sans rien préjuger, d’ailleurs, sur la complète exactitude d’une théorie que j'avoue n'être pas assez appuyée. IT Abondance du tissu pancréatique. Lorsqu'on ouvre une Carangue fraîche et adulte, l'aspect des viscères abdominaux appelle immédiatement l'attention. Ils forment une masse très-cohérente, tout d’une venue, qui garde F8 LEGQUIS. sa figure après avoir été extraite et portée dans l'eau. Une sub- stance très-semblable à la graisse, mais d’une nuance jaune brun quelque peu variable d’un endroit et d’un individu à l’autre, comble tous les sillons superficiels correspondant aux interstices des organes. Elle descend jusqu'à l’anus, se retrouve au fond de la deuxième courbure (1) intestinale, et en avant se rattache au tissu du foie dont on à quelque peine à la distinguer. C’est elle encore qui tient les appendices à distance les uns des autres, et qui communique sa solidité dans tout le système vis- céral. La couleur rougeâtre, propre aux entrailles de l'espèce, jui est due, et comme cette teinte se fond avec celle du foie, on croit d'abord qu'il s’agit d’une dépendance hépatique tournant graduellement au tissu graisseux à mesure qu'on marche vers l’ar- rière. Pénétre-t-on dans les méats viscéraux profonds, on y voit s’enfoncer cette même matière ; elle est partout, en un mot: les viscères de cette espèce sont, sans exagération et au pied de la lettre, plongés dans cette matière dont le volume, ramassé en un seul bloc, dépasserait certamement celui de la rate. Celte substance n’est autre chose que le pancréas diffus. L'ampleur et la complication de cette glande bizarre sont quel- que chose de vraiment prodigieux. Mème après avoir vu les expansions pancréatiques si multipliées du Congre, et les coulées divergentes de cette glande chezle Merlus, on ne peutse défendre d'une sorte d’étonnement lorsqu'on la rencontre chez l'animal qui nous occupe. À l’épaisseur près, ses lanières ressemblent beaucoup aux traînées hépatiques des Cyprinoïdes. Remarquons en passant l’accord entre cette disposition inter- stitielle de l’organe et ce que nous avons vu des canaux de Weber, semblables à ceux du Maquereau. Du reste, J'ai vérifié au microscope la présence du üssu glandulaire jusqu'au point le plus éloigné du centre duodénal. On peut prendre presque au hasard un point dans cette masse, les caractères des glandes s y montreront avec la plus grande netteté. (4) PI, XIX, fig. 2. ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 9 TT Comparaison des tissus pancréatiques des Scomber Trachurus et Scombrus au point de vue histologique. Autant est difficile l'étude de la cellule diffuse du Maquereau, autant il est aisé de la reconnaître sur le Caranx. Ces éléments ont d'assez grandes dimensions, comparables sur ce point à ceux du Merlus. Ovales, ils portent dans le petit sens0"",016 et mème plus, avec 0"*,024 sur leur plus grand diamètre. La pression les isole assez aisément du tissu auquel 1ls adhèrent. Quelques-uns présentent sur un de leurs côtés un noyau très-voisin du bord de la cellule (4), ou même en contact avec le bord. Ce noyau, très-brillant et allongé, oceupe en longueur le tiers de la cellule et un peu moins du tiers en largeur. Parmi tous les éléments de là masse règne la ressemblance de forme la plus complète; les dimensions sont plus variables, quoique entre des limites peu distantes. L'uniformité est plus parfaite entre les cellules qui constituent les pancréas massifs. Ces dernières sont aussi moins grosses; le noyau, plus rare, y est moins apparent. L'acinus n'a pas été examiné à fond. Mieux constitué cer- tainement que celui du Maquereau, il est encore bien lom de s’accuser aussi fortement que dans les Turbots, les Congres et même les Bars. Quoi qu'il en soit, rien ne manque à la détermination de la nature du tissu. Î/examen comparatif fournit d’ailleurs des résultats identiques avec ceux de étude intrinsèque. Aucune confusion ne peut se commettre entre les éléments décrits ci-dessus et les globules du sang de l'espèce. H n'est pas malaisé d'obtenir à la fois les deux éléments dans la même pré- paration. On choisira pour cela quelque pont de la glande diffuse qui paraisse à l'œil plus rouge et plus vascularisé. Les glo- bules sont jaunes et les cellules très-blanches; moins clairs, (4) PI. XIX, fig. 2. 80 LEG@UIS. plus petits, plus opaques, les premiers ont un noyau central beaucoup moins caractérisé, et relativement plus gros. Leurs bords sont plus entiers, leurs dimensions très-constantes. Enfin ils forment une ellipse sensiblement plus allongée, et sont beau- coup plus petits. Ces derniers caractères feraient par eux seuls remarquer un globule du sang au milieu de milliers d'éléments pancréatiques. On verra plus loin quelles déformations suivent l’action des acides. La différence entre les cellules et les utricules graisseux est encore plus profonde. Les tissus pancréatiques n’ont rien de l’arrangement et de la transparence des masses adipeuses. Les inégalités dans la grandeur des éléments sont bien moins consi- dérables; la réfringence plus fable, la régularité des contours incomparablement plus parfaite. Les utricules adipeux ne se séparent de la trame conjonctive qu'en se déchirant et se vidant, si la température ambiante n’est pas trop basse ; les cellules au contraire se débarrassent ‘aisément de leur gangue et se dépo- sent en nombre sur les bords du lambeau microscopique. D’ail- leurs, tandis que certains éléments du pancréas renferment un noyau très-apparent, je n'ai Jamais pu mettre le nucléus en évi- dence sur la paroi d'aucun saccule de graisse. A défaut de ces caractères distinelifs, si nets et si nombreux, il en est un dernier, la grosseur comparative des éléments, qui pourrait les suppléer tous ensemble. Les liquides huileux sont contenus dans des enveloppes où tiendraient aisément quatre et même, pour les plus grandes, six cellules paneréatiques. On a du reste bien rarement l’occasion d'appliquer les remarques précédentes. Je n'ai trouvé sur ces animaux que très-peu de graisse. D’ordinaire les préparations tirées des lamelles péri- . tonéales n'offrent cà et là que quelques petites gouttelettes oléa- gineuses, arrondies, très-réfringentes, jaunâtres, et qu'il est, comme on sait, impossible de confondre avec un élément figuré quelconque. Trois à cinq sphérules de ce genre dans une prépa- ration renfermant des multitudes de cellules glandulaires, telle est la proportion où me paraît réduit, chez les Caranx pêchés ARTICLE N° 6, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 81 à la fin de mai, le système adipeux des membranes viscérales, Rappelons que le Maquereau, à cette époque et pendant tout le courant de l'été, ne conserve aussi qu'une portion insignifiante de la graisse, dont les lissus se sont changés pendant l'hiver. Il importe moins encore de s'arrêter aux caractères qui sépa- rent les cellules pancréatiques des aréoles conjonctives et des globules de lymphe. J'ai beaucoup moins étudié ces derniers dans l'espèce qui m'occupe que dans le Maquereau ; 1ls semblent peu différer d’une espèce à l’autre, et un examen prolongé eût été infructueux après celui des mêmes corps chez l’autre Scom- béroïde. Ils sont moins abondants, les aires qui les produisent plus restreintes; elles n'ont pas semblé plus rares en dedans qu'en dehors des limites du pancréas diffus. Il faut reconnaitre cependant que les démarcations terminales de la glande sont en général tres-compliquées et difficiles à déterminer par des essais microscopiques. de pensé que la substance glandulaire doit renfermer sur plusieurs points des îlots de trame membra- neuse sans cellules, et pour n'avoir point trouvé d'éléments pancréaliques sur une préparation, on n’a pas le droit d’affir- mer que la glande ne dépasse point le niveau auquel le fragment de membrane fut emprunté. Quoi qu'il en soit, la forme ellip- tique allongée et la grosseur des cellules leur ôtent toute ressem - blance avec les aréoles et les globules blancs. | Elles ne tiennent aussique bien peu des cellules du foie. Cepen- dant il n’est pas inutile de mettre en regard quelques notes distinctives fondamentales, parce que chez les sujets les plus abondamment fournis de tissu paneréatique les deux glandes arri- vent au contact. Extérieurement. elles se ressemblent assez dans celte zone commune pour qu'on ait quelque peine à les distin- guer. L'examen microscopique ne laisse aucun doute. Il faut l'effectuer autant que possible sur des pièces très-fraîches; les cellules pancréatiques se granulent en s’altérant et se déforment; d'autre part on doit avoir soin d'éviter l'emploi de l'eau pure, qui paraît dissoudre très-vite les enveloppes cellulaires hépa- tiques. Si ces précautions ne sont pas négligées, on trouvera les éléments pancréatiques toujours très-clairs, ceux du foie tou 02 LUGOUIS, jours remplis de granulations d'aspect graisseux. Le noyau des derniers est bien plus apparent, plus général, multiple quelque- fois et tout autre de ‘position. Enfin il suffirait de s’en tenir au caractère de forme; avec les grossissements élevés la cellule pancréatique perd, 1l est vrai, la netteté de ses lignes limites ; mais, pour celles du foie, l'irrégularité porte non-seulement sur la pureté du dessin, maissur la forme générale elle-même. Leur paroi solide, soumise à des amplifications moyennes (200 diam.), paraît comme bosselée; le contour, plutôt carré que circulaire et assez variable de figure, porte des saillies locales et de larges dépressions. En un mot, il n’y a guère plus de rapport entre les cellules fraiches du foie et du pancréas sur cette espèce qu'entre les mêmes éléments pris dans un Chien. Cette discussion se conelut d'elle-même. Les éléments que nous venons ainsi d'étudier diffèrent de tous ceux qui peuvent se rencontrer sur les lames mésentériques. Ils répondent donc à une fonction spéciale, et constituent un organe qui n’est ni simple amas de graisse modifiée, ni dépendance du foie. Tra- versé dans le sens longitudinal par les grands troncs wébériens, dont les rameaux du dernier ordre se perdent dans sa substance, il existe là seulement où se rencontrent des tubes de Weber, et se retrouve parlout où pénètrent ces derniers. Ce tissu glandu- laire est donc une dépendance du pancréas. Il n’est pas sans intérêt d'établir ces déductions avec détail dans le cas du Curanx, à cause des difficultés que présente la détermination des mêmes éléments chez le Maquereau. La pre- mière de ces deux espèces guide dans l'étude de l’autre et con- duit d’une manière aisée et naturelle à l'explication des ano- malies que la seconde paraît offrir. Aussi fut-ce avec grande satisfaction que je rencontrai une Carangue, entre autres, sur laquelle, pour des veux exercés, la nature glandulaire du tissu interstitiel était reconnaissable à la première inspection. Cel aspect ordinaire des glandes n’appa- raissait sur le pancréas diffus de l'animal qu'au point où l'épais- seur est maximum; entre les appendices, sous forme de bandes rougeatres. La vascularisation sanguine de ces espaces est très- ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 09 développée ; ils diffèrent totalement de la graisse froide ou liqué- fiée. Cette dernière se montre, sur les Maquereaux ui en sont pourvus, disposée en longs rubans variables d'épaisseur que logent les cavités Interviscérales et que supportent les mem- branes mésentériques. Dans la saison chaude ces traïnées offrent à l'ouverture du poisson un aspect remarquable. Toutes ces membranes font jouer la lumière comme un verre dépoli ou une mousseline imprégnée d’eau. On voit que la plupart des rayons pénètrent à travers un liquide contenn dans la trame du tissu, tandis que plusieurs, tombant sur des gouttelettes mieux orientées, sont réfléchis totalement et donnent l’impression d’une multitude de points brillants sur le fond translucide, d’un gris très-léger. La graisse solidifiée n’a besoin d'aucune mention; elle est, à la teinte près, chez les Scombres, ce qu'on la trouve partout, mais d’une blancheur plus opaque. La substance interposée entre les digitations cæcales est éga- lement éloignée de ces deux apparences. Elle se rapproche davan- tage de l’aspect offert par le pancréas chez les animaux supé- rieurs. Examinée avec attention, la surface paraît mamelonnée en très-fins lobules; un réseau sanguin abondant, beaucoup plus développé que celui de la graisse, occupe la périphérie des lobes. Ses capillaires sont gorgés de sang. Les détails de l'irrigation sanguine s'aperçcoivent d'autant mieux, que, comme on l'a vu, aucune membrane protectrice spéciale ne recouvre le tissu. Il se tient par sa propre cohérence et au moyen des seules fibrilles de la toile conjonctive, où il se développe. La massette fixée sur la vésicule possède, au contraire, un revêtement fibreux qui, bien que beaucoup plus mince, rappelle les gros paneréas de l’Anguille et du Congre. Aussi sa surface est-elle lisse et dépour- vue de vaisseaux. Sans doute il y a bien loin de ces bandelettes mtercæcales aux pancréas agglomérés, volumineux et résistants des -grands ani- maux. Mais la série des modifications intermédiaires se retrouve assez complète depuis la forme la plus élevée jusqu’à la plus infime, qui est le propre de lespèce ici étudiée, un degré plus bas encore, le pancréas cesse absolument, d’être visible, et par ôl LEGQOUIS. conséquent reconnaissable. C'est ce qui a lieu dans le Maque- reau, où sur tant d'exemplaires pas un seul n'a présenté un épaississement saisissable à l'œil nu. Le pancréas diffus visible de la Carangue occupait une région plus étendue que l'examen superficiel de la masse viscérale n’eût permis de le croire. Plus où moins développé entre les quatre interslices cæcaux, 1l plongeait vers les parties profondes, s'en- fonçant jusqu’au niveau de la rate dans le sens de la veine splé- nique descendante, et en amont vers le foie, avec lequel il con- tracte un rapport intime; son épaisseur maximum paraissait être dans les environs de l'insertion du cholédoque, non au-dessus, mais plutôt sur le côté de l'intestin duodénum. Il est à croire que le contact des tissus hépatique et pancréa- tique va jusqu'à l'immuxtion partielle; mais je ne me suis pas occupé de démontrer le fait sur cette espèce, et l'association des parenchymes reste à l'état de forte probabilité. Les grada- tions d’aspect sur la région de contact le feraient supposer, et ce qui a lieu dans d’autres cas ne laisse guère de doutes à cet égard. Mais 1l semblait plus important de faire surtout servir l'étude de la Carangue à la vérification d’une lout autre partie du sujet. J'avais dû suspendre l'observation du Maquereau à la fin de la pêche, sans avoir obtenu rien de bien net, quant à la consti- tution de son pancréas diffus. Loin de s’'avancer vers la connais sance exacte des choses, mon opinion s’en détournait plutôt. Il a été dit combien, au premier coup d'œil porté sur le résultat de l'ingestion, l'hypothèse d’une glande latente paraissait im- probable. Si l'on ajoute à cette impression première une longue série de recherches infructueuses, il sera facile de comprendre mes hésitations. Si deux ou trois canaux wébériens m'avaient conduit à des granules pancréatiques visibles, je n'osais à peine croire encore, au bout de mes premières recherches, que les autres aboutissent à des acrni microscopiques; j Inclinas de plus eu plus à penser que la majeure partie du système wébérien répondait à une fonction étrangère. D'autres espèces plus favorables à la précision des observa- ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 85 ons (Bar, Sardine, Merlus, etc.) étaient heureusement venues donner un tout autre cours à ces tendances. Il n’était plus dou- teux, lorsque J'ouvris un Caranx pour la première fois, que la plupart des Poissons osseux n’eussent un pancréas microsco- pique. Mais tous étaient-ils doués d’un pareil organe, à défaut de glande visible suffisante ? Il fallait encore ajourner la réponse à celte question, puisque certaines espèces très-éludiées, celles du groupe des Cyprinoïdes, et le Maquereau n'avaient rien montré qui pût assurer l'existence du tissusécrétoire. C'était donc un très-grand avantage d’avoir dans la Carangue un animal en rapport étroit d'organisation avec le Maquereau, et sur lequel les observations ne rencontraient aucun obstacle. On à vu celte facilité mise à profit pour établir sur des preuves multipliées l’existence du pancréas diffus dans cette espèce autour d'un système wébérien analogue de tout point à celui du Scom- brus. Une analogie indiscutable force dès lors à conclure que dans ce dernier le même système wébérien dépend d’un pareil tissu pancréalique. Il serait trop étrange et trop inadmissible que sur des organismes tellement semblables, où l'identité se retrouve jusque dans la place et la forme des massettes pancréa- tiques disséminées, un système canaliculaire dévolu dans l’un à la fonction pancréatique, ainsi que dans toute la sous-classe des Osseux, fût attribué dans l’autre à un usage différent. Mais en même temps qu'elle lève toute incertitude sur ce point capital, la connaissance anatomique du pancréas diffus sur le Trachurus doit conduire à l'explication des particularités qui nuisent à la détermination des éléments histologiques du même organe pour l’autre espèce. Entrons à cel égard dans quelques détails. J'ai signalé l'extrême brièveté des canaux wébériens du der- nier ordre, qui desservent directement les ac. Cela n’étonnera plus lorsqu'on saura qu'il en est de même à des degrés divers chez bon nombre de Poissons où les développements pancréa- tiques ne s'éloignent guère des veines. Dans la Carangue, les canalicules paraissent aussi entrer fort peu avant à l'intérieur de l’acinus. O0 ELRGOUIS. On sera moins surpris aussi de trouver à l'acènus du Maque- reau une constitution aussi diffluente, si l’on remarque le peu de netteté des limites et la faiblesse des liaisons dans celui de l’es- pèce comparée. Dans l’une pas plus que dans l’autre, les expan- sions foliacées du pancréas diffus ne se prêtent à un dessin exact de leurs bords. La simple pression du verre paraît capable d’é- craser l’acénus et d'en rompre les parois. Là pas plus qu'ici le cireuit de démarcation entre les aires pancréatiques et conjonc- tives n’a pu être saisi par les faibles grossissements Il est certain pourtant que le lobule se marque dans k Carangue d’une façon plus vigoureuse, puisqu'il est déjà capable d'imprimer à la sur- face libre quelque chose du grené arrondi que portentles glandes ordinaires. Je regarde le cas du Maquereau comme extrème, celui de la Carangue y conduit par transition immédiate. N'est-ce pas un fait intéressant à d’autres égards que de voir sur la Carangue le perfectionnement de la cellule sécrétante devancer d'aussi loin le progrès d'organisation dans la glande même ? La cellule d’un paneréas humain ne semble pas mieux constituée qu'un élément nucléolé pris sur le diffus d’un Caranx ; mais quant à la solidité des parties, la texture de l’ensemble et la séparation des acèni, je crois la différence extrème. La comparaison des deux espèces, au point de vue de l’élé- ment essentiel de toute sécrétion, mérite plus de détails. On a remarqué la grande échelle de variations que descend la cellule du Maquereau, quant à la forme et aux dimensions. Là git une des principales causes d'ambiguïté pour l'interprétation des faits. Les simples méats conjonctifs, les aréoles lymphatiques, les saccules graisseux et les cellules pancréatiques se fondent chez le Scombrusles uns dans les autres par transitions si bien mé- nagées, qu’elles jettent l'observateur dans un embarras à peu pres sans issue. En admettant qu’il apporte à cet examen une con- naissance préalable, quant à la nature physiologique des élé- ments et au nombre des fonctions entre lesquelles 1ls se répar- tissent, resterait encore à déterminer sur les préparations quelles sont les limites de chaque tissu spécial, où finissent les aréoles : par exemple, où commencent les régions simplement grais- ARTICLE N° 5. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 07 seuses, et de même pour les autres, et ce serait là une réparti- tion bien délicate à effectuer. Mais celui qui chercherait, comme je l'ai fait trop longlemps, sur ces membranes son premier exemple du tissu pancréatique diffus, courrait grand risque de ne parvenir Jamais à une détermination indubitable. Ces cellules, qui pour la plupart manquent de noyau, jouissent d’une telle variabilité dans les dimensions et les formes, qu'après lobser- vation la mieux conduite et la mieux réussie, il restera encore douteux si l’objet était une grande cellule pancréatique on seu- lement un très-petit utricule graisseux. Cette cause fonda- mentale d'incertitude se complique d’une foule d’autres : com- munauté de teinte entre tous les éléments, faiblesse de réfrin- gence, surabondance de graisse et difficulté des coupes. Il y avait donc absolue nécessité d'étudier une espèce parallèle, afin de sortir de lindécision. Or, quant aux cellules, voici ce qu'apprend l'observation de la Carangue. La /orme des éléments pancréatiques est toujours reconnaissable et peu susceptible de changement, mais leurs dimensions n’ont pas la même stabilité. Les plus grandes cellules ne sont pas très-loin du volume limite auquel descendent les alvéoles adipeux les plus réduits. Jamais, il est vrai, on n’a constaté que ces derniers puissent effectivement se restreindre aux dimensions des plus grosses cellules glandulaires; mais je n'oserais affirmer ou nier l'impossibilité de cette atténuation extrème. L'utricule graisseux m'a paru susceptible chez maints Poissons de changements de volume tels que jamais Je n’en avais vu ailleurs dans aucune espèce d'éléments. C'est ce qui rend la réserve nécessaire. Toutefois, chez la Carangue, 1l n’y aura que rarement raison de douter, l'irrégularité absolue de figure élé- mentaire étant propre à toutes lés formations graisseuses, tandis que la cellule glandulaire conserve sous les dimensions minima la forme qui sert d'exemplaire aux plus grandes, forme d’ovale régulier, qui porte en soi quelque chose de très-reconnaissable, et ne se prête aucunement à une réalisation accidentelle. Ces observations faites, revenons au Maquereau, et imagi- nons que chez cet animal, à la variation dans la grandeur de la 80 LRGQUES. cellule pancréatique se superpose l'instabilité du dessin des con- tours cellulaires ; alors toute démarcation nette entreles cellules et la graisse pourra disparaître ou cesser d'être aisément observable : c'est ce qui a lieu dans la réalité. Faut-il done s'étonner si l'on rencontre dans ces faits des difficultés que la théorie permettait de prévoir ? Le même raisonnement explique en quel danger on se trouve sans cesse de confondre les cellules du pancréas avec certaines aréoles conjonctives produisant ou non des corps lymphatiques. Dans la Carangue, la distinction se fait aussitôt, grâce aux carac- tères de la forme cellulaire; sur l'espèce Scombrus, ceux-ci manquant, l'incertitude se produira. Enfin un sujet d'étonnement et de perplexités sans fin venait, dans le travail d'hiver, de &e qu'il n’est pas rare de rencontrer des coupes constituées exclusivement de cellules en nombre immense, pelites par rapport aux utricules adipeux. Ces frag- ments ne renferment pas une seule grande cellule à graisse ordi- naire, et ne laissent échapper par écrasement que des gouttes huileuses en quantité insignifiante. Elles ne montrent aussi qu'un très-petit nombre de granules. Parfois granules et graisse paraissaient faire absolument défaut. Je ne pouvais croire que ce fussent là des plaques pancréatiques, tant elles étaient larges et tant elles semblaient s'écarter des dernières ramifications wébériennes. D'autre part, l'arrangement régulier des cloisons était tout différent de celui qu'affectent les fibres du üssu con- jonctif simple. En regard de ces faits, mettons ce qu'on trouve dans le Tra- churus. Ce n’est plus quelquefois, c'est à peu près toujours que le champ se présente couvert d’une espèce cellulaire unique, à l'exclusion presque radicale de la graisse, des globules ou de toute formation étrangere. Ici, par bonheur, il n°y a point d’em- barras sur la nature des cellules observées, malgré leur nombre et la remarquable expansion des acë. La forme typique est là qui les distingue. Le nucléus, beaucoup plus apparent, achève de caractériser suffisamment quelques-unes d’entre elles, et par celles-là le groupe tout entier. ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 39 On ne doutera plus, après cette remarque, que les mêmes apparences dans le Scombrus ne répondent au même organe. En achevanit la courte série d’observations qu’exige le Caranx (cinq ou six jours), j'avais le droit de me croire en possession de plusieurs vérités importantes. Analogies intimes de certaines espèces, même dans les caracières si variables d'ordinaire de leurs organes digestifs; étendue iminense du développement de quelques pancréas diffus en largeur et en épaisseur; enfin, au point de vue de la méthode, iutérêt particulier d’une étude com- parative de plusieurs espèces voisines, surtout aux environs des dégradations extrèmes. Cette dernière remarque m'a été plusieurs fois d’une grande utilité, Il ne restait plus qu'à effectuer, par l'observation directe du Maquereau d'été, une vérification indispensable des conclusions auxquelles mène l’analogie, sans qu'il fût besoin néanmoins, pour le but spécial de ce travail, de parfaire une description his- _tologique complète des tissus mésentériques. L'existence et le mode de distribution du paneréas diffus, tels étaient les deux points qu'il suflisait de mettre au-dessus de toute contestation, et la voie la plus simple paraissait de prouver qu'il existe des élé- ments incontestablement glandulaires à proximité des bouches du système wébérien. Dès les premiers animaux que la pèche de juin procure, on reconnaît la diminution considérable de l'appareil graisseux. A l'œil et à la loupe de Brücke, les membranes splanchniques ne produisent plus ces jeux de lumière dont les effets ont été décrits plus haut. Cependant, /4 plupart des coupes microscopiques contiennent encore assez de gros uiricules et de goultelettes graisseuses pour rendre l'observation impossible. Que l’on pro- cède par coupe ou par arrachement, l'inconvénient subsiste avec la mème gravité. Après avoir essayé de traiter les coupes par l'éther à la température de 20 à 25 degrés, j'ai été con- traint d'y renoncer; l’action dissolvante sur la graisse n’était pas achevée que déja les préparations devenaient méconnais- sables. L'emploi d'acides très-dilués ou de bases étendues n’est SC, NAT,., MARS 1879, XVII 17, — ART, N°8, 90 LEGOUIS. pas d’un meilleur service ; tout pâlit; les traits s’atténuent bien- tôt et prennent une tellelégèreté, qu'on ne peut les saisir. Restait, comme ressource dernière, la recherche directe de cellules sé- crétantes à travers ces coupes souvent encombrées de goutte- lettes et surchargées d'éléments qu'on juge toujours graisseux au premier abord. Une précaution, de travail prompt et facile, permet de déblayer les préparations sinon de toutes les gouttes huileuses qui les obscurcissent, au moins de la plupart. On com- prime légèrement le lambeau entre les verres jusqu’à rupture des enveloppes graisseuses, puis on le lave pendant une demi-minute dans un courant d'eau très-sucrée pour le replacer ensuite sur le porte-objet. On risque ainsi de perdre la plupart des cellules glan- dulaires, mais leur mobilité étant moindre que celle des gouttes d'huile qui tendent à monter à la surface du bain, les préparations gagnent beaucoup en elarté sans être privées de toutes leurs parlies essentielles. Il va sans dire que ce procédé s'emploie faute de mieux, et seulement lorsque l'individu étudié surabonde d’élé- menis gras. Trouver des cellules à noyau n’est pas un cas très-rare: on en constate au pancréas diffus une proportion égale à celle que con- tiennent les masses; mais comme ces éléments à nucléus bien apparent sont néanmoins en grande minorité (deux ou trois au plus sur les préparations les plus avantageuses), il convient de se poser quelques objections sur la valeur de cet indice. D'abord, que penser de l'absence, sur tant de cellules, d'un caractère dit essentiel à l'élément glandulaire ? La réponse est aisée. En fait, sur quantité de pancréas incontestables et avérés, on trouve, avec des cellules pourvues de noyau apparent, des cellules toutes pa- reilles, qui semblent absolument dénuées de cette partie réputée constituante, Je citerat, avec le Caranr, le Merlus, le Congre et l’'Anguille, et si je voulais apporter tous les exemples que j'ai recueillis, 11 faudrait rappeler toutes les observations, sans en omettre aucune. 1] importe, je crois, sur ce sujet, de préciser l'expression. F'affirme simplement que, pour la plupart des eel- lules sécrétoires des osseux, le noyau, s'il existe, est d’une obser- vation très-difficile, au moins dans les circonstances où les poissons ARTICLE N° 64 DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 941 arrivent entre les mains du micrographe; je ne prétends rien de plus. L’acide acétique donne un meilleur relief à ceux des noyaux qu'on a déjà constatés, mais il est rare qu'il en fasse ap- paraître, d'une manière indiscutable, dans les éléments qui en sont dépourvus. Lorsqu'elles se détruisent sous l'influence d’une cause quelconque, telle que les acides, les cellules du péritoine commencent d'ordinaire par se remplir de ponetuations granu— leuses au nombre desquelles peut être le noyau; mais je ne l'y ai pas reconnu sur des signes distinctifs assez nets pour me pou- voir prononcer; l'existence de ces granulations est d’ailleurs passagère, l’action destructive du réactif a promptement tout noyé dans une transparence uniforme. Du reste, on a lieu de croire que l'absence de noyau visible résulte d'une disparition de ce petit organe, par résorption physiologique, morbide ou cadavé- rique. J’ai toujours trouvé des noyaux en plus grande abondance chez les individus vivants (Turhot, Cyprin, Carpe, etc.). En tout cas, du moment que, sur un seul pancréas, on aurait constaté la coexistence de cellules à noyau et d’autres semblables, mais privées de ce corpuscule, l’objection tirée de la présence des cellules sans noyau contre la nature pancréatique d’un tissu perdrait toute valeur. Or, je l'ai dit, une foule de pancréas, qui méritent cette dénomination à des litres aussi clairs que ceux de l’homme ou du chien, possèdent à la fois des cellules avec ou Sans noyau. Moi-mème, au commencement de ces recherches, J'attachais à l'existence du noyau dans la cellule, comme signe de son acti- vité physiologique, une importance que je regarde aujourd'hui comme excessive, au moins lorsqu'il s’agit des êtres qui font l’objet de mes études. C’est sous l'influence d'une telle conviction que je soupeonnais le petit pancréas massif du Maquereau, alors que je n'en connaissais pas d'autre, de n'avoir, comme la plu- part des organites de Brockmann, aucune valeur fonctionnelle ; j'avais été frappé du petit nombre des celluies à noyau renfer- mées dans ce petit corps. Mais du moins est-il certain qu'il existe dans le Maquereau des cellules possédant vraiment un nucléus? Comme la plupart des 92 LEGQUIS. coupes sont semées de globules lymphatiques et de gouttelettes graisseuses, ilest bon de vérifier si l'apparence de noyau ne serait point due à une réfraction accidentelle à travers une cellule vide et un globule superposés. On peut répondre que les noyaux observés sur le Maquereau sont incontestablement des formations inira-cellulaires ; leur netteté est quelquefois parfaite (4); ils sont pius peüts que les globules hbres et n’ont ni la même forme, ni la même réfrmgence ; leur position vis-à-vis de la cellule est à peu près constante et 1ls se déplacent avec elle. Ces mèmes caractères les distinguent des goutteleites graisseuses. Enfin, la présence constatée d’un noyau suffit-elle pour définir la nature de la cellule? Non, et c'est la raison pour laquelle on invoquera plusieurs autres caractères à l’appui de l’opiuion qui fait des cellules en question de véritables éléments sécrétoires. Cependant 1l faut convenir que la présomption résultant de la seule existence du noyau et des particularités dont il est le sujet vaut à peu près certitude. | Les auteurs sont, en effet, d'accord sur l’extrème difficulté qu'on éprouve à voir le noyau d'une vésicule graisseuse. Il n’est perceptible que sur certaines cellules, par des grossissements qui ne s'abaissent pas au-dessous de 300 diamètres; il faut, pour le distinguer, que la cellule se présente de côté, et alors un très— peut renflement nucléaire se montre dans l’épaisseur de la paroi latérale. Dans les osseux, des milliers de vésicules adipeuses, que j'ai observées avec de forts grossissements, ne m'ont jamais offert un seul noyau clairement indiqué, taudis que le noyau des cellules dont il s’agit ici se distingue, dans les cas avantageux, sans la moindre difficulté; un pouvoir amplfiant de 100 diu- mètres commence à le rendre visible. Ce corpuscule est gros par rapport aux dimensions de sa cellule; il n’est point pariétal, mais plutôt voisin du centre. En conséquence, il y a lieu de penser que les cellules à noyau sont de véritables éléments glandulaires. Etudions-les à d'autres points de vue, (1) M UXX, fig. 3 et 6. ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 93 Le caractère différentiel le plus frappant tout d'abord, c'est leur volume. La plus grande dimension ne dépasse guère, pour les cellules, 0"",015, tandis que les enveloppes de la graisse se tiennent d'ordinaire au-dessus de 0"",030 dans le sens le plus étroit. Il semble, d’après cela, que la distinction des deux genres d'éléments ne devrait pas arrêter un instant. On les mesurerait et leur taille indiquerait leur nature. Par malheur, cette sim— plicité n’existe pas dans les fails. D'une part, on ne saurait nier qu'aux cellules à noyau fasse suite une série d’autres cel- lules. sans noyau, mais qui se rattachent aux premiéres par toutes les raisons et les analogies supposables de situation, de proximité, de forme ou d'aspect. Or, entre ces dernières, les di- mensious varient plus encore qu'entre les cellules où le noyau est distinct, soit au-dessous, soit au-dessus du volume de celle-ci. D'ailleurs, les utricules graisseux sont des organes de la plus grande variabilité morphologique. C'est un fait reconnu que leurs dimensions sont susceptibles de tomber au-dessous de la moyenne imdiquée plus haut. I n’est pas impossible que les deux suites ne se rejoignent, et, s'il en était ainsi, les distinctions fondées sur la grosseur comparée de- viendraient illusoires. Aussi ne peut-on s'en tenir à ce caractère. Cependant il importe de remarquer qu'une continuité véri- table entre les séries respectivement issues des deux types cellu- laires n’est pas un fait d'observation; le contraire, mdiqué par l’analogie sur le Caranx, où les dimensions limites paraissent ne pas se confondre, résulterait plutôt aussi de l’ensemble des nom- breuses observations dont le Maquereau fut l’objet précisément à cause de lindécision qu'offre ce caractere. L'embarras tient à des causes multiples dont les effets se retrou- vent chez plusieurs autres espèces. Le Maquereau, cependant, est d’une étude hors de toute comparaison plus délicate. C’est donc ici le lieu d’entrer dans la discussion des procédés, d'autant que ce point, non sans intérêt par lui-même, constitue une des parties les plus difficiles et qui absorbèrent le plus de temps. D'abord, au point de vue d’une constatation de volume, le 9! LEGQUIS. mode d'opérer, que la nécessité m'avait imposé, se trouve extré - mement préjudiciable. La compression fait vider les enveloppes à graisse, dont le contenu est ensuite balayé presque entière- ment par l'eau. Mais les pellicules vides s’affaissent et se plis- sent (1) à peu près comme lorsqu'on soutire le contenu par un dissolvant. Une pareille déformation doit amener un agrandisse- ment latéral de la plupart des cellules, mais 1l peut aussi quel- quefois en résulter un retrait. Dès lors, à chaque cellule de petite dimension qui se présente dans le champ du nucroscope, il faut se demander si la petitesse de l’organite n’est point un ré- sultat des manipulations préliminaires. Ne se pourrait-il pas que des cellules graisseuses, par des plissements convenables, arri- vassent, sous l'influence de leur pression mutuelle, à des formes réduites. Ajoutons que l'éclat réfringent spécial à la graisse ne peut servir à la distinction, puisque l'enveloppe est vidée. En second lieu, lorsque les tissus sont assez déchargés de graisse pour que l'observation immédiate soit réalisable, il faut considérer que le poisson étudié ayant été sans doute, l'hiver précédent, fortement adipeux, l'absence actuelle des matières grasses peut reconnaître pour cause une émaciation naturelle. Quelques débris des anciennes cellules graissenses, dont le con- ienu fut résorbé, peuvent avoir subsisté ; ils se trouveront donc parmi les autres éléments. Pour celte raison, un doute irrémé- diable vient frapper toutes les observations, si précises et si claires qu’elles soient en elles-mêmes. Enfin, ces conditions fâcheuses se compliquent de l'impossibi- lité à laquelle l'observateur est réduit d'obtenir le Maquereau dans un état satisfaisant de fraîcheur. Poisson de hante mer, qui se prend au large, 1l ne supporte pas l'exposition à l'air et s’asphyxie aussitôt. I faut un concours de circonstances favo- rables pour que l'étude ne suive pas la mort de plus de trois heures. On comprend qu’alors bien des cellules glandulaires seront altérées, ponctuées et fripées à la surface, mais surtout déformées. (A) PL XX. fig. 4 et 5. ARTIGLE N° 6. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 95 La plupart des préparations utilisables renferment ainsi beau- coup de cellules modifiées par l’une de ces trois influences. Rappelons-nous iei que tout revient à s'assurer de la continuité ou de la discontinuité des séries entre le type à noyau et le type franchement graisseux. Or, il-faudra pour cela savoir remonter de la cellule altérée à la cellule vivante, sous peine de ne pou- Voir jamais conelure; car, en admettant la discontinuité dans les formes intactes, telles qu'on les voit, il ne serait jamais démontré que la cellule altérée n’est pas celle qui formait jus- tement, à l’état sain, la transition manquante. Il m'était impossible d'aborder de front la triple question de pathologie cellulaire qui se plaçait par incident sur mon che- min. Au surplus, elle n’intéressait pas assez le sujet, puisque j'atteins par d’autres voies une démonstration suffisante. Puis, n'était-il pas permis de craindre qu’elle ne fût pas, dans l’état actuel de la science histologique, susceptible d’une so- lution? J'étais, d’ailleurs, complétement dispensé de cette étude par l'insuccès partiel et le résultat des observations portant sur les coupes non comprimées; et ce qu’on dira 1ei du Scomber regarde aussi le Trachurus. Si l’on arrache un lambeau sur le pourtour d’une plaque graisseuse, il se trouve composé de cellules fort inégales, irrégulièrement disposées, mais dont l’irrégularité n’est pas un complet désordre; celles des bords se montrent très- grosses et très-claires; mais à mesure qu'on s’avance vers les centres adipeux, la limpidité diminue ainsi que le volume des cellules, et il arrive que la préparation devient obscure là même où peuvent se trouver les formes de passage. L’inverse a lieu si lon choisit un fragment tout près du tube de Weber; on y voit de très-petites cellules qui, de la veine, vont grandis- sant Jusqu'à la parte terminale du lambeau, Entre ces zones extrêmes 1l y a sur les mésentères une ligne moyenne, mais c’est Jà aussi que linvestigation devient le plus difficile; presque toutes les cellules sont déchirées, vides et déformées de telle manière qu'on ne peut juger de leur grosseur. Enfin, on voit ces sortes d'observations toujours contrariées par une multitude de 96 LEGQUIS. gouttelettes qui se forment et se meuvent ous l'œil de l'obser- vateur pendant toute la durée du travail. Donc, les doutes qui résultent dans un cas de la présence d'é- léments altérés reviennent dans l’autre à propos de ces cellules, dont la majeure partie, sur la région intermédiaire, n'est pas observable. | Du reste, quoi qu’il en soit de ces cellules, s'il existe une lacune entre les deux groupes, elle n’est pas considérable. IL y a peut-être, dans la progression des volumes, une légère coupure, mais trop faible en tout cas pour fournir un critérium irrépro- chable. C’est là le résultat positif des observations ; il eût donc été illusoire, dans le cas du Maquereau, de chercher, en com- parant les dimensions, une diagnose absolue des différents ordres de cellules. Malgré ces obstacles dont je crois avoir fait senür toute l’im- portance, on obtient de la seule comparaison des grandeurs une induction légitime en faveur de la séparation des cellules entre deux catégories. On remarque, en effet, sur les préparations non écrasées principalement, que parmi les cellules altérées ou non qui se sont détachées du lambeau et ont été s'arrêter au delà des bords, presque toutes sont de petite taille. Or, sil n°y avait qu’une seule espèce d'éléments différant simplement de volume par des circonstances fortuites de pression mutuelle, on com- rendrait peu qu'elles eussent une tendance inégale à se séparer de leur soma. Au contraire, personne n'ignore que les cellules sécrétoires échappent d’une manière aisée et peut-être normale à la membrane propre de la glande, tandis qu'il est bien rare de rencontrer une vésicule graisseuse isolée. Il faut cependant reconnaître que chez le Maquereau, puis à un degré moindre chez certaines autres espèces osseuses (1), l'indépendance de la cellule, par rapport à ses enveloppes connectives, paraîl moins prononcée; cependant la probabilité veut que la différence reste dans le même sens pour ces animaux, et chez les espèces voisines du genre Trigle l'observation confirme cette manière de voir, (1) Ghabots de mer et de ruisseaux. ARTICLE N° 8. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 97 Ce raisonnement acquiert plus de valeur encore lorsqu'on applique une attention suivie à l'examen des cellules errantes au delà des bords. La grande majorité sont petites, pas toutes cependant. On en trouve aussi quelques grandes, mais alors ce n'est pas seulement plus grandes, c’est beaucoup plus grandes qu’elles apparaissent d'ordinaire (41). Elles ont, en outre, un précieux caractère (2). La plupart du temps ces grandes cel- lules sont entourées des morceaux déchirés de cellules voisines qu’elles ont transportés avec elles. Les petites n'ont jamais rien de pareil. Il est done à croire que deux espèces de cellules sont en présence, les unes plus petites, les autres plus grandes, les premières sortant par elles-mêmes de leur place, les autres devant être arrachées. Ajoutons que si l’on bornait la compa- raison aux cellules claires et non altérées, les résultats seraient encore plus convaincants; il n’est pas très-rare relativement d'en voir de petites claires et isolées, mais pour une seule grande cellule détachée, et néanmoins pleine de graisse, je ne crois pas l'avoir vue. Inutile de dire qu'on doit éliminer de la comparaison précédente tous les débris ffottants, gros ou petits, qui ne renfermeraient point un contour cellulaire complet. Pour être autorisé à conclure, d’après cette espèce de statis- tique, il faut un grand nombre d'observations; heureusement la seconde pêche dure presque autant que celle de l'hiver. Mais pourquoi la différence peu sensible sur les cellules en place s’accuse-t-elle ainsi davantage sur les éléments libres? et pourquoi trouve-t-on plus de profit à étudier les derniers? Il me semble que la différence se prononce parce que dans Îles observations ainsi conduites deux causes agissent dans le même sens. C'est un point établi sans conteste que les grandes cellules sont fort nombreuses, les petites beaucoup plus encore, mais Îles moyennes rares. On en pourrait déjà inférer que les deux maxima d’abondance correspondent à des espèces élémentaires distinctes. (4) PI. XX, fig. 4 et 5, ( PI: XX, fig. 5. 98 EEG@UES, Mais allons plus loin, admettons que les cellules moyennes soient adipeuses, ainsi que les grosses, ce qui est conforme à cette notion générale, d’après laquelle l'élément le moins parfait et le moins complexe doit être le plus variable; puis souvenons-nous que l’utricule graisseux fait corps avec le tissu. Nous devrons prévoir alors ces deux conséquences, et que la proportion relative des grandes cellules libres sera faible puisqu'elles sont retenues par des liens plus résistants, et qu’en outre les cellules moyennes isolées feront presque défaut, ear à leur infériorité numérique dans la masse s’ajoutera la difficulté de leur déplacement. Enfin, si au lieu de considérer le volume seul des éléments, on tient compte en même temps de la place qu'ils occupent, on obtient an nouvel argument en faveur dela diversité des natures. Car toutes les coupes s'accordent à montrer que les saccules graisseux périphériques sont toujours de la plus grande dimen- siGn ; il faut pénétrer dans l'épaisseur des masses de graisse pour trouver les cellules moyennes qui créent de si grandes diffi- cultés. Comment expliquer, d’après cette remarque, qu’en pre- nant un lambeau sur la surface encore des amas d'apparence graisseuse, mais près du tube de Weber, on le trouve presque infailhiblement composé de petites cellules ? Puisqu'elles provien- nent de la couche superficielle, ces cellules, sielles étaient grais- seuses, devraient appartenir au grand type; et comme, au con- traire, elles se rapportent toujours au moindre, il est à penser qu'une influence autre que la position préside au degré de leur développement, c’est-à-dire qu’elles sont d’une nature différente, Bien des fois un semblable raisonnement s'était présenté à mon esprit, même avant l'étude du Trachurus ; mais les plaques composées ainsi exclusivement de petites cellulessemblaientsieon- sidérables, que je n’osais imaginer autour du tube de Weber des expansions pancréatiques de cette importance. On sait mainte- nant que le Trachurus et beaucoup d’autres Poissons offrent des exemples de développements glandulaires plus exagérés encore. En résumé, malgré les difficultés pratiques et l’insuffisance des caractères qu'on en peut tirer, l'étude comparative des dimensions élémentaires conduit à admettre deux catégories ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 99 de cellules : les unes, très-généralement petites, se détachant aisément et voisines des tubes de Weber; les autres, ordinaire- ment grosses, adhérentes et éloignées des tubes. C’est précisé- ment ce qui aurait lieu s’il existait un tissu pancréatique mêlé aux éléments adipeux. Démontrons l'existence de cette glande par un troisième ordre de preuves. Elles seront déeisives si elles établissent que les petites cel- lules ne renferment pas de graisse. Pendant l'hiver, les Maquereaux sont imprégnés de liquide buileux au point que rien ne me fit soupçonner une séparation en régions graisseuses et régions dénuées de graisse. Mais, à la pêche de juin, certains individus étaient suffisamment débar- rassés pour se prêter à l'observation immédiate. Or, l'aspect des coupes est fort différent, suivant qu’elles sont composées de grosses ou de très-petites cellules. Dans le premier cas, aucun lavage n'ayant été opéré, le champ est couvert d’une foule de gouttelettes de cette graisse qui se maintient fluide à la tempéra- ture ambiante (20° environ). On a déjà remarqué ce fait à pro- pos de l’aspect général des membranes. Les gouttes continuent à se former avec abondance pendant le courant de l'observation, et si l’on vient à écraser le lambeau, elles se multiplient au delà de toute mesure. S'agit-il, au contraire, d’une coupe à cellules de petite taille, on est frappé tout aussitôt par la clarté de la réparation ; quelques bulles graisseuses se montrent encore, mais en nombre incomparablement moindre; on les peut même compter : c'est trois, cinq, douze, que l’on trouve sur la plaque à la fin de l'observation, tandis que les cellules portées par le lambeau sont innombrables. La disproportion est si forte entre la graisse produite et la contenance de cette masse cellulaire, qu'on se trouve aussitôt forcé de conclure à l'absence de graisse dans les cellules. Quant aux quelques gouttelettes observées, il est bien facile de leur assigner une origine en dehors du lambeau, car la graisse va se mêler jusqu’à la sérosité qui baigne les surfaces membraneuses de l’animal. Un moyen très-commode pour s'assurer de cette exhalation 100 ERGOTES,. graisseuse se pratique en versant une ou deux gouttes d’eau sur un des sillons d’interstices superficiels à la masse viscérale; une légère nappe liquide remplit un instant la cavité, et l’on aperçoit à sa surface plusieurs très-pelites bulles de graisse qui, parfois, sans doute lorsque l’eau est légèrement alcaline, s'étendent et donnent, avant de disparaître, les colorations des lames minces. D'autre part, en détachant le fragment, il est impossible de ménager toutes les cellules graisseuses, de telle sorte au’aucune ne lui abandonne son contenu. Une objection plus grave contre la légitimité des conclusions consisterait à dire qu'on doit regarder comme bien naturel de ne pas trouver de graisse dans ces coupes, si ces petites cellules sont simplement des utricules graisseux déjà vides avant l'opé- ration. Il n’est pas de coupe, en effet, comme on l’a vu, qui ne renferme des cellules altérées, et celles-là même, dont la Himpidité subsiste, ne se montrent certainement pas dans l’état normal. Cette prétention, pourtant, ne peut être soutenue. Remar- quons, avant d'apporter une raison plus forte, combien peu l'hypothèse semble probable. D'abord ces petites cellules ne por- tent pas les signes connus de la résorption graisseuse; ce n'est aucunement par plissements, c'est par des ponctuations que la plupart d’entre elles manifestent leur altération. On n y ren- contre nulle trace de résidu solide; elles ne paraissent point racornies ; en un mot, jes transformations moléculaires dont elles sont le siége mdiquent bien plutôt une tendance à la liqué- faction de l'élément tout entier qu'un résultat d'évacuation du liquide intérieur. D'autre part, s’il y a des cellules altérées, 1l'en est aussi de mieux conservées, dont le nombre est encore trep grand pour qu'une dizaine de globules graisseux puissent en représenter le produit. Dira-t-on que celles-là mêmes sont des vésicules vidées ? Mais tout ce qu’on en voit contrarie cette opinion. Lorsqu'une poche membraneuse vient à perdre son contenu, sans être elle-même aussitôt résorbée, elle ne peut manquer de se flétrir. Je consi- dère comme inutile de m'arrêter à ce point qu'aucun anatomiste ARTICLE N° 6, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 101 ne voudrait défendre. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que les cel- lules claires portent Îles caractères d’un élément en état d’inté- grité. Je n'irais point jusqu’à prétendre que ces parties n’ont pas souffert, mais les modifications qu'elles peuvent avoir éprouvées n'ont aucun rapport d'intensité avec celles que supposerait une résorplion plus ou moins complète et de date reculée. Enfin, l'expérience directe dément cette hypothèse. Les petites cellules, non plus que les grosses, ne sont pas vides, mais les substances qui les remplissent participent de natures différentes. À mesure qu'une couche de grandes cellules est plus comprimée, elle se couvre d’un nombre croissant et bientôt immense de bulles graisseuses. Ce qui sort, en pareil cas, des petites est un liquide sur lequel nagent encore parfois quelques gouttes de graisse, mais en grande minorité par rapport au véhicule qui les porte; ce dermier n'est pas une huile, il coule comme l’eau dont il partage la fluidité et ne se rassemble pas en sphé- rules. Enfin, il entraine une foule de granules différents des corpuseules lymphatiques et d'origine intracellulaire. Malheu- reusement cette épreuve par compression nest pas souvent applicable, car les préparations absolument dépourvues de cel- lules à grande dimension et pleines de graisse sont assez peu nombreuses. Donc, il existe sur les lames viscérales du Maquereau, comme dans la Carangue, deux ordres de cellules : 1° Des cellules pour la plupart beaucoup plus petites, asso- ciées entre elles en fort grand nombre, ne renfermant pas de graisse, isolables du stroma, parmi lesquelles certaines offrent un noyau plus où moins apparent. Elles sont voisines des tubes de Weber; les plus petites ne different pas de celles du pancréas iaAsSIf. | 2 Des utricules, pour la plupart notablement plus grands, renfermant de la graisse, attenants à la trame du tissu, sans noyau perceptible, développés surtout près du contour de démarcation entre les parties purement conjonctives et les parties plus orga.- uisées des mésentères. Les premières constituent le parenchyme d’une glande pan- 102 LHGQUES. créatique diffuse ; les autres forment les analogues très-ressem- blants des corps graisseux communs à tous les animaux. Je répète, en finissant, que les forts grossissements (au-dessus de 250 à 300 diamètres) ne m'ont rendu aucun service. [ls font mieux sentir l’altération des cellules glandulaires, mais les détails de constitution intime qu'ils révelent, pour devenir le point de départ d’une différenciation, devraient avoir une importance qu’on n'est guère autorisé à leur attribuer; ils nécessiteraient une étude approfondie, très-longue, hors de proportion avec le but final et peut-être aujourd’hui sans véri- table chance de succès. La couleur et la réfringence propres à la graisse sont aussi, comme on l'a vu plus haut, d'un médiocre secours, parce que c'est un caractère général entre toutes les espèces osseuses et autres, que la cellule paneréatique soit un élément très-limpide, assez fortement réfrmgent; quant à la teinte, le Maquereau est tout imprégné d'une matière colorante vert pâle à peine diité- rente du jaune-vert de la graisse; l'intensité de cette coloration change d’ailleurs d'un sujet au suivant. Les cellules glandulaires offrent à l'altération une résistance beaucoup moins durable que les saccules graisseux. Pour compléter cette étude, 1l faut encore prouver que ce qui ne dépend pas du système adipeux se subdivise en deux classes de tissus: glandulaire ou lymphatique. Îci la démonstration sera facile, Les corpuscules blancs et les cellules n’ont aueun rapport de ressemblance, ce sout deux éléments très-distinets n'ayant que leur mobhilité pour point commun, encore est-elle singulie- rement plus grande dans les corpuscules. Quant aux aréoles lymphatiques, origine des globales, leur fixité les distingue aussitôt des éléments glandulaires. L'existence des deux fonctions ne soulève donc aucun doute. En revanche, il est impossible de délimiter avec certitude Îles régions lymphatiques et les parties glandulaires, Les points fertiles en globules sont constitués par des aréoles conjonctives, d'une réfringence très-fuble, formant un réseau bien régulier, mais à mailles inégales. I ny aura aucun danger ARTICLE N° 5, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 103 de confondre une pareille disposition (L) avec les cellules pau- créatiques libres et bien plus réfringentes. Mais je ne saurais rien affirmer de définitif quant aux relations entre ces régions lym- phatiques et les ac du pancréas. Cette question d'histologie reste pendante. Jai reconnu seulement que les aires, ou mieux les espaces Iymphatiques sont très-intimement mêlés à la char- pente conjonctive de la glande ; 1l est bien rare, dans les bonnes préparations, de m'avoir pas à la fois des cellules libres, des glo- bules et des aréoles; quelquefois, cependant, on obtient des coupes aréolaires re toute leur étendue ; il est encore moins rare de voir les globules manquer absolument. J'aurais été dispensé d’une partie de ces pénibles travaux si, dans les Scombéroïdes comme chez tant d’autres Poissons, les limites des folioles glandulaires pouvaient clairement s’aperce- voir. N'ayant pu y réussir, j'attribue cet insucces, avant tout, à l'abondance de la graisse. L’épaisseur du tissu adipeux est si grande dans cette région intermédiaire déja signalée à propos des cellules moyennes, que les préparations n'y sont jamais satisfaisantes, soit à cause de leur obscurité, si l'on observe en masse par de faibles grossissements (40 à 100 diamètres), soit par la destruction des rapports, la déformation de l’ensemble et l'abondance des gouttelettes graisseuses, si l’on essaye de faire des coupes. De plus, la faiblesse des liens connectifs de l’acénus intervient encore ici pour tout confondre ; le poids du verre su- périeur doit suffire pour rompre les surfaces terminales du tissu glandulaire en bien des points; enfin, le commencement de décomposition des éléments sécrétoires contribue aussi pour sa part à priver l'observation de toute netteté. En cherchant ainsi les bornes du tissu glandulaire, il m'est souvent arrivé de rencontrer l'apparence suivante : au sein des lobules graisseux, lesamplifications faibles, qui permettent les vues d'ensemble, font reconnaitre des plaques, ou plutôt des espaces assez abondamment et trèes-finement granulés, dont les contours irréguliers tranchent avec netteté sur les régions voisines, Ces (1) PI, XX, fig, 2; 10/4 LÉGOUIS. granules sont très-probablement de ceux que j'appelle lympha- tiques, mais Je n’ai pu examiner la constitution de ces plaques avec assez de soin pour en tirer des conclusions cerlaines. Si l’existence du pancréas diffus du Maquereau ne peut être révoquée en doute, il subsiste une grande indétermination dans les limites que cette glande atteint sur les mésentères. Je puis seulement affirmer que la glande est toujours sous forme lami- naire et microscopique, formant des franges tres-mégaies et très-variables sur les côtés du tube excréteur. J'ai acquis la conviction que les Poissons d’été ne portent presque aucune trace de leur développement graisseux corres- pondant à l'hiver précédent : si la graisse a été résorbée, l'en— veloppe à dû l'être aussi; peut-être encore ces animaux sont-ils d’une génération différente. Quoi qu'il en soit, chez plusieurs d’entre eux, le parenchyme panceréatique diffus surpasse en abon- dance la formation graisseuse, contrairement à ce qui semble probable d’après les Poissons pêchés en janvier. Dans le parenchyme des pancréas en massettes, fixes ou non, du Trachurus et du Scombrus, pas une seule cellule graisseuse ne s’est offerte ; au contraire les corpuscules lymphatiques y sont presque aussi abondants que sur les irainées mésentériques. EXPLICATION DES PLANCHES. N. B, — Dans toutes les descriptions ou légendes, les mots : dessus, dessous, à droite, à gauche, devant, derrière, ete., sont rapportés à l'animal. PLANCHE 415, Dans ies cinq figures de cette planche : mm. désigne les pancréas massifs. ml désigne les masses disséminées considérables, mil désigne les masses disséminées visibles. nm" désigne les masses disséminées microscopiques. w désigne les canaux de Weber. wi désigne les troncs primitifs du système wébérien. Fig, 4, Zone duodéno-héputique d’un pancréas diffus reconnaissable à l'œil nu (Merlus). Le pancréas massif (2) s'appuie sur le duodénum (d) en forme de prisme dont ARTICLE N° 6. DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 105 l'axe est traversé par le cholédoque (2) et la veine duodénale (2). Une injection poussée par l’orifice intestinal est parvenue en partie jusqu’à la surface où des tronçons wébériens se trouvent remplis et marqués en noir foncé. On voit les ramifications s'étendre dans la masse membraneuse (p), vers le hile du foie (a), en compagnie des biliaires (g et g'), et d'autre part, s'appuyant sur des fibrilles conjonctives, rejoindre les appendices (c) par des arcades multiples (b). La seule région complétement injectée (w p) du système wébérien s'étend fort loin des limites du pancréas visible et dessert une partie microscopique. Des traïnées reconnaissables de substance glandulaire filent le long de la veine porte (0) jusqu’à la veine splénique (#/t), et le long du cystique (L) jusqu'au fond de la vésicule où se dépose la masse vésiculaire (2’). (Un peu plus grand que nature.) Fig. 2. Pancréas disséminé visible en massettes adventives sur l’une des faces de la vésicule d’un Mgrlu. Une injection pénétra du duodénum jusqu’en wt, Fig. 3. Pancréas disséminé en foliations régulières dans la couche membraneuse (e) blanche de la paroi vésiculaire d’un Merlu. Cette plaque, limitée par un contour très- net (/), est en continuité de tissu avec la masse (#/),et par elle avec les centres duo- dénaux. Fig. 4. Massette pancréatique principale, sessile sur le duodénum, et ampoule de Vater, dans une Brème (Abramis Brama). Fig. 5. Pancréas disséminé microscopique du Bar (Labrax lupus). Le lambeau mésentérique pris au contact du duodénum après injection par l’am- poule de Weber, dont une partie est visible (a), renfermait avec huit tronçons wébériens plus ou moins injectés et attenant à cette portion de l’ampoule, plu- sieurs masses dont l’une (1/7), tout à fait insaisissable à l’œil nu, avait conservé intactes ses relations avec le duodénum; pour d’autres massettes du même lam- beau, les communications, quoique rompues, étaient reconnaissables, Quelques uns des tronçons injectés se prolongeaient dans des feuillets membraneux diffé- rents. PLANCHE 49, Fig. 4. Partie du système wébérien (Maquereau). Cette figure représente l'aspect de la masse viscérale disposée pour l'injection du tronc-ampoule (a) de Weber, adjacent au cholédoque (2). La disposition des viscères, #n statu viventis, est donnée par la figure 2. On enlève le foie en cou- pant les canaux hépatiques (c) et la veine porte (d), puis, après avoir séparé la branche montante (e) du cul-de-sac (f) stomacal, sans rompre la veine gastro- œsophagienne (g), on reporte cette branche en (e’). On éloigne ensuite du duo- dénum (k) et de l’estomac la première spire (2) de l'intestin, tandis que la spire anale (7) reste en place. Le plan supérieur du système cæcal (4) se trouve alors découvert avec la veine splénique (7), les masses pancréatiques fixe (M) et ad- ventives (#). La vésicule (x) a été rejetée en dehors, de manière à montrer les veines (p) mésentériques avec leur branche (q) d’anastomose. L'une (p) de ces mésentériques (l’inférieure) passe au-dessous du faisceau (k/) appendiciel prin- cipal, L'injection montre dans ce plau : 4° le canal wébérien (W) du pancréas SC, NAT.) MARS 1879, XVII, 18, — ART. N° 6, 106 LEGQUIS. fixe et de la vésicule; 2° l’origine du canal wébérien (w) du plan inférieur au- quel la figure 1 (pl. 20) est consacrée; 3° une de leurs communications (r) ana- stomotiques. Les branches (W!) dérivées de W fournissent surtout à la partie gauche des cæcums; les branches (w’) de w surtout à la partie droite. (Un peu moins du double de la grandeur naturelle.) Fig. 2. Masse viscérale du Caranx trachurus, dans l’état naturel; l'appareil repro- ducteur a été enlevé, Les mêmes lettres correspondent aux mêmes organes que dans la figure 4. Le foie (s), les cinq cæcums (4) et la première spire (2) de l'intestin recouvrent le cul-de-sac stomacal, moins long que sur le Maquereau. — Dans les sujets très-riches en tissu pancréatique, la glande est reconnaissable à l’œil nu dans toute la région (f) intercæcale ; elle envoie dans les sillons QG) des dépendances qui parviennent jusqu'en v, même sur des animaux plus pauvres de pancréas. (Grandeur natuelle.) Fig. 3. Cellules du pancréas diffus du Caranx trachurus ; quelques-unes montrent un noyau latéral plus réfringent que le contour cellulaire. (Grossissement de 200 dia- mètres environ.) Fig. {. Cellules du pancréas massif. (Même grossissement.) Fig. 5. Globules du sang avec cellules du pancréas massif, (Grossissement un peu plus fort.) PLANCHE 20. Fig, 4. Deuxième partie du système wébérien (Maquereau). Cette figure, où les mêmes lettres correspondent aux mêmes organes que dans la figure 1 de la pianche 49, représente une disposition très-voisine de la précé- dente. Pour l'obtenir en partant de celle-ci, il suffit de rejeter sur la gauche le faisceau appendiciel principal (k') et d’écarter les spires (7) de l'intestin. On dé- couvre alors avec la mésentérique inférieure (p') sa branche wébérienne (w) latérale, dont l’origine seule apparaissait en w sur la planche 19. Cette branche latérale w donne des rameaux appendiciels (wt), d'autres gastriques (w2), et d’autres mésentériques (w$), qui, après s'être subdivisées, finissent par border des deux côtés l'extrémité des ramifications (pt) de la veine. Fig. 2. Tissu arcolaire à grandes mailles très-pâles, après disparition des globules (Maquereau). (Grossissement de 200 diamètres environ.) Fig. 3. Eléments cellulaires du pancréas massif (Maquereau), Le champ est couvert d'éléments cellulaires pressés les uns contre les autres (a), dont les dimensions varient (de a à b), la grande majorité est de taille moyenne (c); quelques-uns, petits ou grands indifféremment, ont un noyau (d) si réfrin- gent qu'il parait presque noir, sauf le point focal. Certains espaces de ce paren- chyme abondent en granules blancs (e). (Même grossissement.) Fig, 4. Cellules graisseuses déformées et vidées par compression; l’une d'elles, de ARTICLE N° 8, DU PANCRÉAS DES POISSONS OSSEUX. 107 taille ordinaire, recouvre deux cellules pancréatiques (Maquereau). (Grossissement de 150 diamètres.) Fig. 5. Aspect général des grandes cellules graisseuses après compression, telles qu’on en trouve d’isolées, et qu'elles sont ordinairement dans la trame (Maquereau). Ces cellules à l’état frais ont la figure ordinaire. (Grossissement |: moins de 300 dia- mètres.) Fig. 6. Un lambeau non comprimé pris sur le péritoine au contact du tube de Weber (Maquereau), et tel que se présentent beaucoup des préparations ainsi faites. La surface montre un grand nombre de cellules claires et fortement accusées, dont quel- ques-unes sont pourvues d’un noyau très-réfringent; ces cellules plus ou moins alté- rées sont éparses en nombre variable (petit dans l'exemple) sur un fond aréolaire d’où sortent les corpuscules (nombreux dans l’exemple, tous n’ont pas été figurés). (Grossissement de 250 diamètres environ.) NOUVELLES DÉCOUVERTES PALEÉONTOLOGIQUES FAITES Par RE. RHARSEH. Professeur à Yale-College, New-Haven, États-Unis. 8 1. Sur un Mammifère fossile gigantesque de l’ordre des DINOCERATA (1). Parmi les nombreux animaux d'espèces éteintes découverts récemment dans les terrains tertiaires de la région des mon- tagnes rocheuses, quelqus-uns des plus remarquables sont des Mammifères gigantesques provenant des dépôts éocènes, de Wyoming. Il importe donc de les faire connaitre promptement et des renseignements exacts sur ces fossiles sont d'autant plus nécessaires que des erreurs graves ont été commises à ce sujet et propagées au loin par la voie de la presse. Ces animaux égalaient presque l'Éléphant par la taille, et ainsi que Je l'ai déjà dit en parlant de l’espèce typique, le Teno- ceras anceps, March., ils ressemblent aux Pachydermes par la conformation de la charpente solide de leurs membres; mais la tête osseuse (1) est surtout remarquable par la réunion de ca- ractères que l’on y observe. Longue et étroite, ellea trois paires de cornes bien séparées entre elles. Sa face est très-concave et ses bords latéraux et postérieur sont surmontés d’une énorme crête. La mâchoire supérieure est armée de grandes défenses courbes dirigées en bas, constituées par les canines ef rappelant celles des Morses; mais elle est dépourvue de dents incisives. Les molaires, au nombre de six, sont très-petites et d’une forme particulière. + (4) Traduction d'un mémoire publié dans l'American Journal of sciences and arts; vahier de février 1873, (2) Voyez planche 24. ANN. SC. NAT, — ART. N° 9, NOUVEL ORDRE DE MAMMIFÈRES FOSSILES. 9 Plusieurs espèces de ce type mammalien remarquable ont déjà été trouvées, mais dans l’état actuel de nos connaissances, toutes ne peuvent pas être définies avec certitude. L'espèce typique du groupe (T'inoceras anceps, M., appelée d’abord Wastodon anceps) a été établie d’aprèsle premier spécimen observé, lequel, décou- vert en septembre 1870 par les explorateurs de Vale-College, fut décrit sommairement par nous en juin 1871, sous le nom de Titanotherium? anceps (1), et c’est à cette description que se sont rapportés les auteurs qui, plus récemment, ont parlé de cette espèce, ou d’autres fossiles analogues. L'année suivante le professeur Cope donna le nom de Lorolophodon semicinctus à une espèce établie sur une seule prémolaire, qui appartient proba- blement au même groupe et pourrait bien être identique avec celle dont il est ici question. En août dernier, dans un mémoire tiré des Proceedings of the Academy of Philadelphia, le docteur Leidy décrivit un spécimen bien caractérisé sous le nom de Uintatherium robustum, et donna aussi le nom d’Uintamastir atrox à une dent canine supérieure provenant probablement du même animal, mais considérée par cet auteur comme appartenant à un carnivore (2). Le caractère le plus remarquable de la tête osseuse des ani- maux de ce groupe fut indiqué par le nom de Ténoceras, pro- posé par l’auteur, le 19 août 1872, pour le genre représenté par l'espèce typique (3). Plus récemment, le professeur Cope pro- posa le nom générique d’'Æobasileus et fit mention de trois espèces qui ne paraissent pas être distinctes de celles décrites précédemment par le docteur Leidy et par l’auteur. Plusieurs des caractères donnés par le professeur Cope, dans sa description de ces animaux, ne sont pas applicables aux autres espèces con- nues ; mais il est évident que ses observations sont entachées de quelques erreurs graves, parmi lesquelles les plus importantes sont celles-ci : 1° les dents que le professeur Cope appelle des (1) Proceed. Philad. Acad., 1872, p. 169. (2) Proceed. Philad. Acad., 1872, p. 169. (3) American Journal of sciences and arts, 14 septembre 1872, erratum, et oclobre A8 ip 322. 5) MARSH. incisives sont des canines, en sorte que son assertion relative à l'existence de grandes mcisives età l'absence de canines doit être retournée; 2° les petites cornes qu'il décrit ne sont pas portées sur les os frontaux, mais naissent des os maxillaires ; 3° les orbi- tes ne sont pas situées sous les cornes mais tout à fait en arrière d'elles, et ces cavités sont surmontées d’un rebord saillant de l'os frontal; 4° l’occiput n’est pas vertical, mais s'étend oblique- ment en arrière, la crête occipitale faisant saillie derrière les condyles ; 5° les fosses temporales, au lieu d'être petites posté- rieurement, sont remarquablement grandes ; 6° contrairement à l’assertion du professeur Cope, le grand trochanter du fémur est recourbé ; 7° l’épine du tibia n’est pas obtuse; elle manque. J'ajouterai que l’une des espèces auxquelles M. Cope a donné des noms (l’Æobasileus furcatus) est fondée sur des parties qu'il considère comme des os nasaux, mais que d’après la des- cription qu'il en donne, on voit qu'elles ne sont autre chose que Ja paire de cornes postérieures appartenant à l’espèce ordinaire. Le musée de Yale-College possède les débris de beaucoup d'individus appartenant à l’ordre des Dinocerata auquel se rapportent les types de diverses espèces déjà décrites par l’au- teur (1). Celles-ci sont toutes représentées par des pièces bien caractérisées, et l’une d'elles, le DMinoceras murabilis, Marsh, par une tête entière et un squelette presque complet. Cette cir- constance a permis à l’auteur de déterminer avec certitude les caractères et les affinités de ce très-singulier groupe d'animaux, dont les traits les plus importants sont indiqués ici en attendant que la description complète en ait été rédigée. La plupart des caractères cräniens ont été constatés sur une tête dans un état de conservation parfaite, représentée dans la planche jointe à cette note (2). Cette tête est remarquablement longue et étroite. Les trois paires de cornes osseuses qui la garnissent s'élèvent successi- vement l’une au-dessus de l’autre, et l'énorme crête qui entoure la concavité profonde du sinciput contribue, ainsi que les grandes (1) American Journal of Scienc. and Arts, 1873, L, IV, p. 322, etc. (2) Voy. pl. 21. ARTICLE N° 9, NOUVEL ORDRE DE MAMMIFÈRES FOSSILES. h défenses décurrentes, à y donner un aspect des plus singuliers dont aucun autre animal vivant ou fossile ne nous offre d'exemple. La structure de la tête nous présente aussi plusieurs particu- larités intéressantes à noter. L'os sus-oceipital est très-développé, et après s'être élevé au-dessus de la boîte cränienne constitue une crête énorme qui se prolonge obliquement en arrière au delà des condyles. Antérieurement, cette crête se continue de chaque côté, obliquement, au-dessus des fosses temporales qui sont très-grandes. Les portions latérales sont formées essentiel- lement par les pariétaux; les cornes de la paire postérieure en naissent, et au-dessous de ceux-c1 elle présente en dedans un épaississement. En avant de ces cornesles crêtes s’abaissent rapi- dement et s’effacent presque entièrement au-dessus du centre des orbites. Les cornes dont il vient d’être question sont plus hautes que les cornes antérieures, et leur sommet est obtus et aplati transversalement (voyez planche 22). Les os frontaux ne donnent naissance à aucune apophyse postorbitaire, etles orbites ne sont pas séparées des fosses temporales (fig. 2). L’os squam- meux constitue la partie inférieure de la fosse temporale et envoie vers le bas un prolongement post-glénoïdal très-fort; une apo- physe zygomatique qui s'en détache aussi, se porte en avant et ressemble à celle du Tapir. L’os malaire complète en avant l’ar- cade zygomatique, disposition qui n'existe chez aucun Probosei- dieu connu. L’os lacrymal est grand et constitue le bord anté- rieur de l'orbite connue chez le Rhinocéros. Dans sa partie faciale il est percé d’un grand trou. Au-dessus des orbites le frontal donne naissance latéralement à une crête sallante qui devait protéger efficacement l'œil de ces animaux lorsqu'ils se battaient entre eux. Sur celte crête se trouve une petite protubérance qui ressemble à un axe de corne très-réduit, mais d’après sa posi- tion immédiatement en avant de la crête latérale, on ne peut pas supposer qu'elle ait porté une véritable corne. Les os intermaxillaires sont massifs et très-remarquables en ce qu'ils supportent une paire de cornes osseuses, robustes et coniques. Ces protubérances sont rapprochées entre elles à leur 5 WMARSE. base, et leur sommet est obtus, arrondi méme. Au-dessous de ces cornes se trouvent les énormes dents canines qui sont im- plantées dans leur base. En arrière de ces défenses se trouve une barre de médiocre longueur, suivie d’une rangée de six petites dents prémolaires et molaires, dont la couronne est gar- nie de deux collines transversales, séparées entre elles du côté externe, mais se rejoignant à leur extrémité interne. Les os nasaux sont massifs et se prolongent beaucoup anté- rieurement. En avant des arcades zygomatiques ils se resserrent et constituent la partie inférieure de la surface interne des cornes maxillaires ainsi qu'une élévation située entre celles-ci. De ce point jusqu'au bord antérieur de la suture naso-inter- maxillaire ils augmentent un peu en longueur, puis ils se ré- trécissent de nouveau jusqu'au bout du museau. Près de l'extrémité antérieure des os nasaux se trouve une paire de tubérosités surbaissées, qui évidemment portait des cornes dermiques (fig. 4). Les os prémaxillaires sont dépourvus de dents, et leur forme est très-particulière. Postérieurement ils s'unissent aux maxillaires immédiatement en avant des canines et ensuite ils se divisent en deux branches qui entourent partel- lement en dessus aussi bien qu'en dessous l'orifice nasal. La branche supérieure est intimement unie à l'os nasal adjacent etcontribue beaucoup à soutenir les cornes nasales. La branche inférieure est grêle et ressemble au prémaxillaire de quelques Ruminants. L’extrémité se trouve un peu en arrière ‘du bord postérieur des naseaux. Les narines antérieures sont petites, com- parativement ; elles sont plus contractées que chez le Rhinoce- ros. La mâchoire inférieure est grêle et les défenses petites. Les membres des Dinocerata ressemblent beaucoup à ceux des Proboscidiens, mais sont plus courts proportionnément. L'humérus est court, massif et assez semblable à celui de l'Élé- phant par ses caractères essentiels; une des différences les plus marquées consiste en ce que la grosse tubérosité n’est que peu comprimée et ne s'élève pas au-dessus de la tête de l'os. La crête condylienne de l'extrémité inférieure est tuberculiforme et ne se continue pas supérieurement sur le corps de l'os. L'ex- ARTICLE N° 9. NOUVEL ORDRE DE MAMMIFÈRES FOSSILES. 5 trémité inférieure de l'humérus ressemble beaucoup à celle du Rhinocéros; les proportions sont à peu près les mêmes. La tête du radius est appliquée contre le milieu de l'articulation cubi- tale et le corps de cet os ne croise pas le cubitus aussi oblique- ment que chez l'Éléphant. Le fémur est proportionnément de plus d’un tiers plus court que celui de l'Éléphant. La tête de cet os ne présente pas de fossette pour l'insertion du ligament rond, et le grand trochanter est aplati et recourbé. Le professeur Cope dit que cette partie du fémur n’est pas recourbée; mais plusieurs échantillons en par- fait état de conservation déposés dans le musée de Yale-College ne laissent aucune incertitude à cet égard. Il n’y à aucune trace de l’existence d’un troisième trochanter. L'extrémité infé- rieure du fémur est plus aplatie transversalement que chez l'Élé- phant, et ses deux condyles sont presque de même grandeur. Les surfaces articulaires correspondantes du tibia sont par con- séquent plus égales entre elles, et elles sont contiguës, aucune saillie ne les séparant l’une de l’autre. Lorsque le membre était au repos le fémur et le tibia étaient presque sur une même ligne comme chez l'Éléphant et chez l'Homme. L'astragale ne présente pas de coulisse supérieure distincte. La portion anté- rieure offre des surfaces articulaires pour les os naviculaire et cuboïde, disposition qui existe chez les Proboscidiens et se rap- proche de ce que l’on voit chez les Périssodactyles. Le calca- néum est très-court. Les phalanges sont courtes et robustes, elles ressemblent à celles de lÉléphant. Les vertèbres des animaux de ce groupe ne diffèrent pas beaucoup de celles des Proboscidiens, quant à leurs caractères essentiels. Les vertèbres cervicales sont notablement plus longues que celles de l'Éléphant. Les vertèbres sacrées, au nombre de quatre, sont petites et donnent attache à une queue courte et grêle. Les côtes présenteut des apophyses uncinées rudimen- taires, comme chez les Proboscidiens. Les vertèbres et les os des membres des Dinocerata sont, sous plusieurs rapports, remarquablement semblables aux parties correspondantes du squelette chez les Proboscidiens, mais à 7 MARSE. certains égards les caractères du type Périssodactyle s’y trouvent. La tête, au contraire, ne présente aucune des particularités propres aux Proboscidiens. L'existence de cornes paires, l’ab- sence de dents aux intermaxillaires et la conformation des grandes canines conduisent vers les Ruminants. Les cornes nasales, la structure de la portion antérieure de la tête, les dents molaires, l’arcade zygomatique, lallongement des fosses temporales et d’autres caractères moins importants montrent que ces ani- maux avaient de l’aflinité avec les Périssodactyles. On ne connait que dans cet ordre des cornes maxillaires, une dépression sem- blable du sinciput et de grandes crêtes latérales sur le crâne. Parmi les caractères les plus marquants qui distinguent ces animaux des Proboscidiens, on doit citer : 4° l'absence d’m- cisives supérieures, 2° la présence de canines, 3° l'existence de cornes. 4° l'absence de grandes cellules aériennes dans les parois du crâne, 5° l'intervention des os malaires dans la constitution des arcades zygomatiques, 6° l'existence de grandes apophyses ptérygoïdes, 7° la disposition du grand os lacrymal perforé qui forme la partie antérieure de l’orbite, 8° la petitesse et la direc- tion horizontale de l’orifice nasal, 9° l'allongement considérable des os nasaux, 10° la séparation entre les prémaxillaires et les frontaux, 11° l'existence des crêtes erâniennes latérales et pos- térieure, 12° la petitesse des molaires et leur remplacement vertical, 13° la pelitesse de la mâchoire inférieure, 14° l'arti- culation de l’astragale avec les deux os carpiens, le cuboïde et le naviculaire, 15° l’absence d’une véritable trompe. Ce dernier caractère se déduit du peu de longueur des membres antérieurs, de la longueur du cou et de l'allongement de la tête qui, en per- mettant au museau d'atteindre facilement à terre, rendait une tompe inutile. La petitesse de l'ouverture nasale qui est moindre que chez le Ruminant et le Tapir, tend aussi à faire penser qu'il ne devait pas y avoir une trompe, et il est égale- ment à noter que les cornes nasales ainsi que les grandes canines descendantes auraient été très-défavorables au jeu d’un prolon- gement nasal de ce genre. Les cornes des Déinocerata constituent un caractère fort remar- ARTICLE N° 9. OISEAUX FOSSILES POURVUS DE DENTS. 8 quable. Celles des os nasaux étaient probablement courtes et dermiques, à peu près comme celles des Rhinocéros, mais plus petites ; celles des os maxillaires étaient coniques, très-allongées, et constituaient certainement des armes défensives puissantes. Les cornes postérieures étaient les plus grandes, et la forme comprimée de leur axe osseux indique qu’elles étaient élargies et peut-être branchues (1). Tous ces axes osseux sont com- pactes, presque lisses extérieurement, et ne montrent aucune trace d’ourlet. On ne peut pas savoir si les cornes existaient chez les deux sexes, mais cela paraît probable. Les fossiles, d’après lesquelles cette description a été faite, appartiennent tous aux dépôts éocènes de Wyoming. Une des- cription plus détaillée en sera publiée prochainement. gt, Sur une nouvelle sous-classe d'oiseaux fossiles désignés sous le nom d'ODONTORNITHES. Un examen plus approfondi des remarquables Oiseaux à ver- tèbres biconcaves (les Zchthyornidæ) décrits récemment par l’auteur, et provenant des couches crétacées supérieures du Kansas, a permis de constater chez ces animaux des caractères additionnels qui les éloignent beaucoup de tous les types zoolo- giques connus jusqu'ici, soit à l’état fossile, soit à l’état vivant. Effectivement, l'espèce typique de ce groupe, l'Zch#hyornis dispar, Marsh., possède à chaque mâchoire des dents bien développées. Ces dents sont nombreuses et insérées dans des alvéoles spé- ciaux ; elles sont petites, comprimées, pointues, et semblables (1) En rendant compte de la découverte intéressante de M. Marsh, dans une des réunions de la Société philomathique, M. Alph. Milne Edwards a fait remarquer que, d’après la forme et la disposition de ces trois espèces de protubérances osseuses, il incline à penser qu’elles pouvaient bien ne pas avoir porté des cornes, mais cor- respondre à des lobes dermiques analogues à ceux dont la tête des Phacochères est garnie, et qui prennent chez les vieux mâles un développement considérable. Il a ajouté que, par la forme allongée de la tête, la concavité de la région frontale ainsi que par l'existence de pièces osseuses qui semblent être comparables au os du boutoir, le Dinoceras mirabilis offre certaines ressemblances avec les Porcins dont il vient d’être question. (Note du traducteur.) ) WMARSH. entre elles (du moins, autant qu'on en peut juger par celles dont la conservation est parfaite). Celles de la mâchoire infé- rieure sont au nombre d'environ vingt de chaque côté, et toutes sont plus ou moins inclinées en arrière ; la série occupe le bord supérieur de l'os dentaire dans toute son étendue, celles de la première paire étant situées très-près de son extrémité. Les dents maxillaires paraissent avoir été non moins nombreuses et à peu près semblables à celles de la mandibule inférieure. La tête est de grandeur moyenne, et les yeux étaient placés tres en avant. La mâchoire inférieure est longue et grèle; ses branches n'étaient pas intimement unies entre elles à la sym- physe, et elles sont brusquement tronquées immédiatement der- rière l'articulation avec l’os carré. Leur partie terminale, sur- tout l'articulation, ressemblait beaucoup à ce que l’on voit chez quelques oiseaux aquatiques récents ; enfin les mâchoires parais- sent ne pas avoir été revêtues d’un bec corné. L'arc scapulaire et les os de l’aile, ainsi que les os des pattes, sont conformés d’après le véritable type ornithique. Le sternum est pourvu d'un brechet saillant, et présente des sillons articu- laires allongés pour l'insertion des os coracoïdiens dont l’extré- mité était élargie. Les ailes étaient grandes comparativement aux pattes. L'humérus est pourvu d’une grande crête radiale, et les 0S mélacarpiens sont soudés entre eux comme chez les oiseaux ordinaires. Les os des membres postérieurs ressemblent à ceux des pattes des oiseaux nageurs. Les vertèbres sont toutes biconcaves, et les cavités sont également bien marquées et presque de même forme sur les deux surfaces du corps de l'os. Dans l’état actuel des choses, on ne peut pas déterminer si la queue était allongée ou non; mais On à pu reconnaitre que la dernière vertébre du sa- crum est plus grande que d'ordinaire. Cet oiseau était tout à fait adulte, et à peu prés de la taille d'un Pigeon. À l'exception de la tête, les os ne paraissent pas avoir été pourvus de cavités pneumatiques, bien que la plupart d’entre eux soient creux. L'animal était carnivore et probable- ment aquatique. ARTICLE N° 9, OISEAUX FOSSILES POURVUS DÉ DENTS. 10 Lorsque les restes de cette espèce furent déerits pour la pre- mière fois, la portion de la mâchoire inférieure, mise à décou - vert, fut considérée comme appartenant à un Reptile (1), car, tout en reconnaissant qu’elle pouvait faire partie du squelette de l'oiseau en question, cela ne paraissait pas assez probable pour devoir être indiqué ; mais en dégageant davantage le fossile de sa gangue pierreuse, on mit à nu la tête, ainsi que d’autres parties de la mandibule. Maintenant, 1l ne semble y avoir aucune raison de mettre en doute que toutes ces parties n'aient appartenu à un même individu. L'existence de dents et de vertèbres biconcaves chez un ani- mal dont le reste du squelette est exactement constitué d’après le type avien, implique que cet animal ne peut prendre place dans les aroupes d'Oiseaux de l'époque actuelle, et rend néces- saire l'établissement d’une nouvelle sous-classe, celle des Odontor- nithes ou Aves dentatæ. L'ordre comprenant l'oiseau en question pourrait être désigné sous le nom d’Zchfhyornithes. Le fossile décrit dernièrement par l’auteur sous le nom d'{chthyornis ,celer a également les vertèbres biconcaves, et avait probablement aussi des dents; mais 1l se distingue géné- _riquement de l'espèce typique dont il vient d’être question, et on pourrait l’appeler l'Apafornis celer, Marsh. Sa taille était à peu prés la même que celle de l’Zchfhyornis dispar, mais les propor- tions étaient plus grêles. L’horizon géologique des deux espèces est essentiellement le même. Les seuls restes connus de l’une et l’autre sont déposés dans le Musée de Yale-College. L'heureuse découverte de ces fossiles intéressants constitue un progrès important pour la paléontologie, et tend à faire tomber les vieilles distinctions entre les Oiseaux et les Reptiles, résultat auquel la connaissance de l’Archæopteryx avait déjà contribué. Il est fort probable que ce dernier Oiseau avait des dents et des vertèbres biconcaves, en mème temps que des métacarpiens libres et une queue allongée. (4) American Journal, 4872, &, IV, p. 406. 9 BOCOURE. 3. SCELOPORUS DUGESII. Espèce assez grande, à corps déprimé. Plaques sus-céphaliques libres. Arêtes anguleuses du museau, chacune garnie de deux scutelles. Écailles sus-oculaires relativement petites, à peine plus larges que longues. Bord antérieur de l’ouverture auriculaire, garni de scutelles plates, à peine plus grandes que celles qui les précèdent. Écailles du dos de médiocres dimensions, obtuses et faiblement carénées ; neuf de ces écailles égalent la longueur de la surface supérieure de la tête. Squames des flancs à peine plus petites; celles du ventre d’un tiers moins grandes que celles du dos. Queue revêtue de squames un peu plus grandes que les écailles dorsales. Treize à quinze pores sous chacune des cuisses. Régions supérieures du corps teintées de terre d'ombre, mélangée de tons verdâtres, avec un collier scapulaire brun, bordé en arrière de jaune. Les mâles ont la poi- trine jaunâtre et les côtés de l'abdomen largement colorés en bleu. Cette espèce ressemble, par la coloration, au Scel. torquatus et au Scel. grammicus, mais on la distingue facilement par ses écailles dorsales, obtuses, dont les dimensions sont plus petites que chez l’un et plus grande que chez l’autre. Elle a été recueillie à Colima, par M le docteur Dugès. h. SCELOPORUS HUMERALIS. Petite espèce à plaques sus-céphaliques, carénées, chacune des arêtes anguleuse du museau garnie de scutelles. Squames sus-oculaires, au nombre de quatre sur un seul rang, les trois premières très-dilatées en travers. Frontale antérieure divisée longitudinalement. Bord antérieur de l'oreille faiblement dentelé. Écailles dorsales assez grandes, rhom- boïdales, non échancrées, à carèrie formant, par leur réunion, dix lignes longitudinales sur la région moyenne du dos, neuf de ces écailles égalent la longueur de la surface supérieure de la tête. Squames des flancs de moitié moins grande, ont leur carène obliquement dirigée vers le haut. Queue revêtue de scutelles avant à peu près les mêmes dimensions que celles du dos. Membres postérieurs bien développés. Six à sept pores fémoraux. Pas de plaques sexuelles derrière l'anus. Une grand tache noire subcireulaire à l'articulation du bras. Chez les mâles, région abdominale d’un blanc verdàtre unicolore, sans taches latérales, colorées en bleu. Au premier aspect cette espèce ressemble beaucoup au Scel. variabilis, mais on la distingue de ce dernier par les écailles dorsales plus grandes et non échancrées, par la tache noire placée à l'articulation du bras et non arrière, et par d’autres caractères importants indiqués dans la diagnose. Elle a été recueillie à Oaxaca, par M. Sallé. OBSERVATIONS SUR L'ANATOMIE DU DROMAIUS NOVÆ -HOLLANDIÆ (LATHAM), Par M. G. DUCHAMP, Licencié ès sciences naturelles, Le Dromaius Novæe-Hoilandiæ, décrit par Latham en 1790, est le seul représentant du genre Dromaius, coupe établie par Vieillot, en 1825, aux dépens du genre Casuarius. Au point de vue de l'anatomie, J. J. de Fremery fut le pre- mier à porter son attention sur ce Struthionide et à y signaler l'existence d’une poche trachéale. Quelques années plus tard, et probablement sans avoir con- naissance des travaux de son devancier, R. Knox publia dans l'Edinburgh phulosophical Journal (\ol. X, 1823-1524) un mé- moire sur « a structure anatomique du Casoar de la Nouvelle- Hollande», où il donne comme nouvelle la découverte faite par lui d’un sac zausculaire S'ouvrant dans la trachée. Dans le même volume de ce recueil, il fit paraître, comme complément, ses « Observations additionnelles sur la structure de la trachée du Casoar de la Nouvelle-Hollande » . Les mémoires de Knox, d’abord analysés dans les Ærorcep's Notizen (1824), furent traduits #2 ertenso dans les Archives de Meckel, en 1832, Ce dernier auteur, dans son raté d'anatomie comparée, ne fait que rapporter les opinions des observateurs précédents. Dans les auteurs qui suivirent, il est presque exclusivement question de la poche trachéale, et même quelques-uns d’entre eux, les professeurs Owen et Wagner, par exemple, n’en parlent qu'accidentellement. SC. NAT., AVRIL 1875. XVII, 19. = ART. N° 14, 2 DUCHANMP. Carus a représenté cette disposition singulière dans ses T'ables d'anatomie comparée. Enfin, tout récemment, en 1867, il a paru sur ce même sujet un remarquable travail du docteur Murrie (1), sur lequel nous aurons à revenir en parlant des organes respi- ratoires. Grâce au directeur du Muséum d'histoire naturelle de Lyon, M. le professeur Lortet, mon maitre et mon ami, qui a bien voulu mettre à ma disposition le corps d’un Émeu mâle mort dans uotre ville, où 1l avait vécu pendant plusieurs années, j'ai pu étudier par moi-même la structure anatomique de cet oiseau, et tâcher de compléter, sur quelques points, les recherches dont il a déjà été l’objet, | Dans ce travail, je me suis attaché exclusivement aux organes splanchniques, en ayant soin d'ajouter à leur description quelques détails histologiques, quand ils m'ont paru devoir présenter quel- que intérêt. Mais, avant d'entrer en malière, je dois remercier M. le professeur Aph. Milne Edwards pour les conseils et les indications qu’il m'a donnés avec tant d'obligeance. Appareil digestif, la langue est assez large, courte, légèrement lancéolée; de chaque côté se voient quatre prolongements formés par la mu- queuse et dirigés d'avant en arrière, comme les barbes d'une flèche. L'organe présente une faible épaisseur. La charpente en est formée par deux pièces cartilagineuses appartenant à l'appareil hyoïdien : inférieure, en forme de style à pointe dirigée en avant; la supérieure, lamelliforme et creusée en gouttière sur le parcours de la précédente, dont elle n’est séparée que par une couche mince de tissu conneelif. A la surface de la muqueuse on ne remarque aucune saillie 1) Proceed. Zool, Soc, of London, 1867, ARTICLE n° 11. ANATOMIE DE L'ÉMEU. 3 papillaire, mais dans les deux tiers postérieurs se trouvent de nombreuses ouvertures donnant accès dans des follicules volu- mineux. Le pharynx et l'œæsophage ne présentent rien de particulier, si ce n'est l'épaisseur de leur tunique musculaire. La muqueuse est plissée longitudinalement. Cette partie du canal alimentaire mesure 0,65 de longueur. Contrairement à ce quise voit chez le Casoar à casque (Stan- nius, Manuel d'anatomie comparée, p. 328, note 5), il n'existe aucune dilatation pouvant représenter le jabot, et le diamètre de l’œsophage ne varie pas sensiblement jusqu'à l'estomac. Celui-ci, comme dans l’immense majorité des oiseaux, se com- pose de deux parties remarquables à plus d’un titre chez l’ani- mal que nous étudions. La première, le ventricule succenturié, semble formée par une dilatation de l’æsophage, dont ne la sépare aucun étranglement ; sa forme générale est celle d'un ovoïde très-allongé dont le grand axe, dirigé d'avant en arrière, mesurerait 0°,25. Les parois en sont épaisses, et la surface interne, lisse dans le quart antérieur, est couverte dans le reste de son étendue de saillies arrondies, au centre de chacune desquelles se voit une ouverture de 1/4 à 1/3 de millimètre de diamètre, orifice du canal excréteur de chacune des glandes à sue gastrique, qui, en soulevant la superficie de la muqueuse, lui donnent cet aspect mamelonné. Ces glandes forment en dedans de la tunique musculaire une couche épaisse, et constituent la majeure partie de la paroi de l'organe. Elles affectent une direction fortement oblique, et, par suite de cette disposition, sont superposées sur deux, trois et mème quatre rangs dans les parties centrales, celles du rang supérieur correspondant aux intervalles de l’inférieur. Leur longueur, assez faible du côté de l'œsophage, augmente graduellement et varie entre 5 millimètres et 1 centimètre. Elles sont entourées par un tissu conjonctif dont les larges mailles, parcourues par de nombreux vaisseaux sanguins d’un diamètre considérable, rappellent celles du tissu caverneux. l DU CHE ANER. Quant à leur structure intime, elles sont formées par d'innom- brables culs-de-sac venant tous aboutir dans un canal excréteur central, par rapport auquelils offrent une direction plus ou moins transversale. C’est dans l'intérieur de ces culs-de-sac que se trou- vent les cellules à pepsine, analogues à celles des autres Verté— brés (pl. 22, fig. 1). En dehors de cette couche glandulaire, on rencontre la #mique musculeuse, formée de fibres lisses, et n’atteignant, non plus que la fibreuse, qu'une très-faible épaisseur. Immédiatement après le ventricule suceenturié, mais séparé de lui par un étranglement, se trouve une seconde cavité, le gésier, plus volumineuse que la première, de forme globulaire, à parois épaisses et résistantes. Il représente une sorte de poche appendue au canal digestif, dont le bord supérieur continue directement le trajet primitif. La capacité de ce second estomac est d'environ 4 décimètre cube ; il mesure, dans sa plus grande longueur, de 15 à 16 cen- timètres et de 7 à 8 centimètres en largeur. Ses parois sont formées par trois couches : l'externe, la plus mince, constituée par du tissu fibreux; la moyenne, la plus épaisse, par des muscles puissants à fibres lisses; la troisième, enfin, est une muqueuse dont la structure mérite d'être étudiée avec soin, La surface interne de ceite muqueuse est recouverte par un revêtement corné et résistant de 2 à 3 millimètres d'épaisseur, hérissé partout de crêtes saillantes de 1 à 2 millimètres et formé de couches superposées d’une matiere homogène et amorphe, au milieu de laquelle se rencontrent en assez grand nombre des débris de cellules épithéliales. Elle est, ainsi que Leydig l'avait déjà observé sur lArdea cinerea, le produit de sécrétion de volumineuses glandes en cul- de-sac que l’on trouve immédiatement au-dessous d'elle sur toute la surface de la muqueuse, et au niveau de chacune des- quelies se dessine comme une sorte de tourbillon. Les parois de ces glandes sont tapissées par un épithélium pavimenteux à cel- lules épaisses (fig. 2). ARTICLE N° 41. ANATOMIE DE L'ÉMEU. 5 La couche inférieure de la muqueuse est formée par du tissu conjonctif au milieu duquel rampent les vaisseaux, qui, dans cet organe, sont moins nombreux et moins développés que dans le ventricule succenturié, ce qui du reste est parfaitement d'accord avec le rôle physiologique des deux cavités stomacales. Du gésier on pénètre directement dans le duodénum, sans trouver aucune disposition anatomique analogue au pylore des Mammiferes. Pour le tube intestinal proprement dit, nous n'avons à signaler qu'une énorme différence de longueur entre l'intestin grêle et le gros intestin : cette dimension pour le premier est de 3°,20, tandis que pour l’autre elle n’atteint que 0,25; — le diamètre transversal est de 3 et 6 centimètres. Il existe deux cæcums d’inégale longueur, débouchant dans l'intestin à un niveau différent : celui du côté droit est le plus long (0",20) et s'ouvre le plus postérieurement ; le gauche n'a que 0",16. — Leur calibre est à peu près le même; ils peuvent admettre l'extrémité du petit doigt. La surface interne de l'intestin grêle est hérissée de longues villosités qui lui donnent un aspect velouté. La muqueuse ren- ferme de nombreuses glandes de Lieberkühn que nous avons constamment vues s'ouvrir à la base des villosités, une de chaque côté, disposition que Leydig a également observée sur d'autres Oiseaux. Glandes annexes du tube digestif. — Le foie est volumineux et pèse AS0 grammes. On y distingue deux lobes principaux, l’un droit, l’autre gauche, de dimensions à peu près égales, dont la soudure est indiquée par un angle rentrant profon- dément creusé à la partie médiane du bord postérieur. Il existe en outre un lobe supplémentaire ou de Spigel, beaucoup plus pelit et presque complétement séparé des précédents. L'appareil excréteur est assez compliqué et offre quelques différences avec le type général de la classe; bien qu'il soit décrit par Meckel, nous avons cru utile de nous étendre sur sa disposition, et même d'en donner une figure, afin de rectifier sur certains points Ja description de lanatomiste allemand, 6 DUCHAMNE. particulièrement pour ce qui a trait aux rapports de cet appa- reil avec les canaux pancréatiques (fig. 3). Les canalicules du lobe droit et du lobe gauche se réunissent en un caual unique qui, après un court trajet, va se jeter dans une vésicule bilaire. Du lobe de Spigel part un autre canal à peu près de même calibre qui, après un parcours de 27 centimètres, débouche dans le duodénum : à un centimètre environ de son point d’ori- gine, il est relié à la vésicule biliaire par un canal transverse d’une longueur très-peu considérable, qui s'ouvre dans ce réser- voir tout près du premier. La vésicule représente un ellipsoïde tres-allongé de 12 cen- tunètres de longueur sur à centimètres de largeur; elle est parfaitement indépendante des parties voisines, et donne nais- sance à un canal cystique long de 18 centimètres, qui se rend dans le duodénum après s'être anastomosé avec l’un des canaux pancréatiques. Nous aurons à revenir sur le mode de terminaison de ces différents conduits, et nous en achèverons la description en même temps que nous étudierons ceux du pancréas. Cette autre glande, située dans l’anse duodénale, est allongée, aplatie, bilobée à son extrémité caudale ; sa plus grande dimen- sion est de 13 centimètres. Les canaux excréteurs sont au nom bre de deux, d’une longueur d’un centimètre environ. Le supérieur va directement déboucher dans le duodénum, en passant au-dessus du canal hépatique; linférieur s'anasto- mose, ainsi que nous venons de le dire, avec le canal cystique, à quelques millimètres de la paroi externe de l'intestin. Au même niveau, mais sur la surface interne du duodénum, se voit une saillie conoïde, formée par là muqueuse, au sommet de laquelle s'ouvrent séparément le canal hépatique et les canaux cystique et pancréatique réunis, disposition qui rappelle l'ex poule de Vater des Mammifères. | Au-dessus et à la base de cette saillie, débouche l’autre canal pancréatique. l nous resterait à parler du cloaque pour terminer cette ARTICLE N° 11. ANATOMIE DE L'ÉMEU. 7 étude de l'appareil digestif; mais it nous semble préférable d’en rejeter la description après celle des organes génitaux et uri- paires, aux produits desquels il sert de réservoir commun, tandis qu'il n'est même pas traversé par ceux de la digestion. IT Appareil de la respiration. Le larynx supérieur n'atteimt qu’une faible longueur; sa lar- seur est proportionnellement plus considérable. La fente vocale, obliquement dirigée d'avant en arrière et de haut en bas, mesure environ à centimètres; les cartilages qui la limitent affectent la mème disposition que chez l’Autruche d'Afrique : ils sont dirigés horizontalement, et présentent une face supérieure, une inférieure et un bord interne sur lequel, au point de réu- non des deux tiers antérieurs avec le tiers postérieur, existe un épaississement de la muqueuse de la grosseur et de la forme d’une graine de chanvre qui, à ce niveau, rétrécit l'ouverture laryngienne. À la base de la langue, on trouve une épiglotte rudimentaire d’un demi-centimètre de longueur, formée seulement par un repli membraneux sans aucune trace de fibro-cartilage. Dans l’intérieur du larynx on ne découvre aucun vestige des cordes vocales ; la muqueuse présente seulement des replis lon- giludinaux. La charpente de l'organe est formée par des cartilages non -ossifiés, quoique l'animal soit parvenu depuis longtemps à l’âge adulte, conformation qui rapproche l'Emeu du Casoar et l’éloigne des Autruches proprement dites. La trachée se compose de 107 anneaux cartilagineux aplatis d'arrière en avant dans fa partie supérieure; son diamètre reste à peu près le même sur tout son parcours. Les anneaux sont pour la plupart régulièrement elliptiques; mais, à partir du quaire- vingt-septième, ils forment antérieurement un angle ouvert par en haut ; leur hauteur diminue sensiblement à partir du même point : de 4 millimètres qu’elle était primitivement, elle arrive à n'être plus que de 1"",5. 8 DUCHAMP. Ï n’y a pas de larynx inférieur; l'extrémité du conduit est fermée par la muqueuse. A la trachée se trouve annexée cette poche singulière qui, jusqu'ici, n’a été observée sur aucun autre animal. Ainsi qu'on à pu le voir, depuis Fremery il en est fait mention dans tous les travaux relatifs à l'anatomie de l’Emeu, et le mé- moire du docteur Murrie, dernière publication faite, à notre connaissance, sur ce sujet, est exclusivement consacré à l'étude de cet organe (1). Cette poche, située à la partie antérieure et inférieure de la trachée, arrive Jusque près du sternum; elle est légèrement ovoïde, etses dimensionssont environ celles de la tête d’un enfant. Elle est mise en communication directe avec l'intérieur du tube aérien par une fente existant sur la face antérieure de plusieurs anneaux Cartilagineux. Ces cerceaux incomplets sont en nombre variable suivant les sujets. Knox en a trouvé 13; M. Murrie n’en a observé que 6 sur une femelle adulte et sur un jeune mâle, à partir du cinquante-quatrième pour la première et du cin- quante-huitième pour le second ; sur notre mâle aduïte, nous en avons compté 9 également à partir du cinquante-quatrième. Quant à sa constitution, ce sac est formé par une muqueuse qui nous à paru, comme au docteur Murrie, se continuer directe- ment à travers la fente avec celle de la trachée ; toutefois nous n'avons pas remarqué la ligne de démarcation existant entre elles, suivant ce naturaliste, à quelques millimètres des bords de la fente. Cette muqueuse est recouverte par des fibres muscu- laires transversales ayant des rapports assez intimes avec les muscles sterno-lrachéens pour qu'elles puissent en être consi- dérées comme une dépendance. À l'intérieur, nous n'avons pas trouvé les brides dilatatrices de la fente trachéale décrites et figurées dans le mémoire de Murrie, et sur ce point notre propre observation est corroborée par celles de M. À. Milne Edwards, qui ne les à pas rencontrées non plus sur plusieurs Émeus disséqués par lui. (4) On the tracheal Pouch of the Emeu, by James Murrie (Proceedings of the Zoolo- gieal Sociely of London, 1867). ARTICLE N° 41, ANATOMIE DE L ÉMEU. 9 La trachée donne directement naissance aux bronches, à l’entrée desquelles la muqueuse forme un léger repli qu'on pourrait peut-être regarder comme un vestige du larynx infé- rieur. Les deux conduits bronchiques sont composés de huit an - neaux Cartilagineux, incomplets à leur face dorsale; ils ont une longueur de 4 centimètres avant de pénétrer dans les poumons, où ils deviennent complétement membraneux. Quant aux poumons, ils sont conformés comme dans toute la classe des Oiseaux. IT Organes urinaires, Les reins sont volumineux : ils ont une longueur de 0",20 environ ; celui du côté gauche est plus allongé que celui du côté droit. Ils sont divisés en quatre lobes dont le supérieur est le plus considérable. Ces organes sont surmontés par les capsules surrénales, d'un gris rosé, du volume et de la forme d’une grosse amande. Comme chez tous les Oiseaux, elles sont situées à la partie supé- rieure du rein correspondant et en rapport avec le testicule du même côté. Il n'existe ni calice, ni bassinet. L'uretère émerge de la sub- stance rénale vers le milieu de la face inférieure du lobe supé- rieur, longe la majeure partie du rein, et se rend, en passant au-dessus de l'intestin, dans le cloaque, où il pénètre à un cen- timètre environ en avant et un peu au-dessus du canal déférent. La longueur de son trajet est de 21 à 22 centimètres ; son calibre est uniformément celui d’une plume d’oie, sans appa- rence de rétrécissement ni de dilatation : ses parois sont épaisses et contractiles. IV Organes génitaux. Les testicules, situés sur le côté externe des reims, ont une longueur de 0",045 et une largeur de 0,012; leur forme rappelle celle d’un haricot. 10 DEUCHANMP. Le canal déférent longe la face antérieure du rem corres- pondant : il présente à son origine un épaississement nolable, et à 0,10 du testicule prend une apparence rubanée qu'il con- serve durant tout son trajet sur le tiers moyen du rein. De là il gagne la paroi externe du cloaque et y pénètre obliquement au-dessous des uretères. Séparé par un sphincter puissant du rectum qui s'ouvre à sa partie antérieure et se renversant au dehors au moment de la défécation, le cloaque appartient plutôt aux organes génito-uri- naires qu'à l'appareil digestif. Sur les côtés de sa partie moyenne, se voient les ouvertures des uretères et des canaux déférents. Les premieres, supérieures, sont obliques d'avant en arrière et ne présentent qu'un faible repli. Les canaux déférents, au contraire, après avoir parcouru un certain trajet dans l'épaisseur des parois du cloaque, pénè- trent chacun dans une papille conoïde de A à 5 millimètres de hauteur, au sommet de laquelle ils viennent déboucher. Quant à sa copstitution histologique, cette papille est formée à sa partie périphérique par un véritable tissu caverneux; des fibres musculaires transversales forment une couche plus interne; enfin, à là partie centrale, se trouve la lumière du conduit sper- matique limitée par une muqueuse à plis longitudinaux (fig. 4). Sur la face inférieure du cloaque existe un pénis conformé sur le même type que celui du Casoar à casque, c’est-à-dire qu'il tient à la fois de l'appendice linguiforme de l'Autruche d'Afrique et de la verse en fourreau du Canard. La partie basilaire en est formée par deux corps caverneux laissant entre eux, à leur face dorsale, une gouttière légèrement sinueuse par où s'écoule le liquide fécondateur. Le pénis se ter- mine par uve portion proiractile suscepüble de se dérouler au moment de l'érection, de rentrer au contraire quand l'organe est au repos, état dans lequel il y à, par suite, formation d’une sorte de prépuce. Cette partie présente également un sillon flexueux; continuation de la gouttière de la base (fig. 5). La muqueuse du vestibule se continue sur cet appareil copa= lateur, auquel appartient en outre un groupe musculaire spécial. ARTICLE N° 11. ANATOMIE DE L'ÉMEU. 11 \4 Rate. — Corps thyroide. Nous ne dirons que peu de chose de ces deux organes, dont le rôle physiologique est encore bien obscur où même compléte- ment Inconnu. La rate, située du côté droit, assez près de l'estomac, est allongée, très-peu épaisse, de forme ovalaire; sa longueur est de 10 centimètres, sa largeur de 3 centimètres, et son poids de 20 grammes. Le corps thyroïde est représenté par deux masses indépen— dantes l’une de l’autre, de la grosseur du doigt et de 25 milli- mètres de longueur. Signalons encore, en terminant, bien qu'il ne rentre pas dans le cadre que nous nous sommes tracé, un fait intéressant, surtout au point de vue physiologique : c’est la ténuité des nerfs du plexus brachial, en harmonie du reste avec le faible développement des muscles du vol, presque complétement atrophiés chez les Oiseaux coureurs. EXPLICATION DE LA PLANCHE 22, Fig. 1, Glandes du ventricule succenturié, a, coupe longitudinale. b, coupe transversale. 1, canal central où se réunit le produit de la sécrétion des glandes en cul-de- HEC, 2, Pc) 3, couche de tissu conjonctif servant d’enveloppe commune aux glandules, Fig. 2. Estomac musculeux; coupe de la muqueuse. 1, revètement interne formé par une matière amorphe au milieu de laquelle se rencontrent des débris épithéliaux. 2, grosses glaudes en cul-de-sac sécrétant la matière amorphe. 3, stratum conjonctif, Fig. 3. Appareil excréteur du foie et du pancréas (le foie est vu par sa face inférieure), F, foie. L, lobes droit et gauche soudés, l, lobes de Spigel. P, pancréas. D, duodénum, 2 49 DUCHAMP. 4-1, canaux hépaciques. 2, vésicule biliaire. ” 3, canal reliant le canal hépatique du lobe de Spigel à la vésicule biliaire. h, canal cystique. D-0, Canaux pancréatiques. Fig, 4. Papille génitale, coupe transversale. 4, tissu caverneux. 2, couche moyenne où se trouvent les fibres musculaires. 3, muqueuse avec ses replis longitudinaux, 4, lumière du canal déférent. Fig, 5. Cloaque, appareil copulateur (grandeur naturelle), vus par derrière.— Cette figure est la reproduction d’un dessin fait dans le laboratoire de M. A. Milne Edwards par M. le prosecteur Vautherin. 4, dilalation de l’anus. 2, uretère et canal déférent droits réunis, 2’, uretère gauche. 2", canal déférent gauche. 3, orifice du rectum dans le cloaque. &-A, papilles génitales, vues par une fenêtre ouverte dans le repli qui sépare le vestibule du cloaque urinaire. 5, orifice du cloaque dans le vestibule. 6, verge. 7, sillon de la verge. 8, pointillé indiquant la forme et les dimensions de la cavité protractile dé la verge. 9-9, muscle moteur de la verge. 10-10, sphincter de l'anus. NOTES SUR L'ANATOMIE DE LA CIVETTE, Par M. le Ir Soannes CHATEN L'anatomie des Viverriens ne nous est guère connue que par les mémoires déjà fort anciens de Castellus, de Bartholin, de Méry, de Perrault, etc. (1). Dans leur Zoologie médicale, Brandt et Ratzeburg ont prinei- palement étudié les glandes à viverreum (2), résumant en quel- ques lignes l'examen des viscères de la Civette, dont ils n'ont ainsi donné qu'une description trop incomplète et souvent erronée. M. le professeur Milne Edwards ayant bien voulu mettre à ma disposition le corps d’un Viverra Civetta, J'ai pensé qu’il y aurait intérêt à en étudier les principaux appareils splanchniques, en les comparant à ceux des animaux voisins. J'ai cru aussi devoir augmenter de quelques détails d'anatomie générale ces recher- ches qui ont été faites dans le laboratoire de l'École des hautes études, dirigé par MM. H. et A. Milne Edwards. J'examinerai successivement les principaux organes de la vie de nutrilion et l'appareil génito-urinaire. (4) Castellus, Hyæna odorifera vulgo Civetta. Messonæ, 4638. — Bartholin, Ana- tome Civetitæe Hyænæ odoriferæ, in Hist. anat. cent., 4, 1657, p. 199-213. — Méry (Jean), Observations sur les canaux lactifères de la Civette, in Mém. Acad. sc. de Paris, 1666-1699, t. 11 (1733), p. 8.— Perrault (CI.), Description anatomique de cinq Civettes, avec 2 pl., in Mém. Acad. se. de Paris, 1666-1699, €. IT, p. 4, 1733, p. 1457-177.— Morand, Nouvelles observations sur le sac et le parfum de la Civette, avec une planche, in Mém. Acad, sc. de Paris, 1728, — De la Peyronie, Description d'un animal connu sous le nom de Muse (Viverra), avec 4 pl., in Mém. Acad. sc. de Paris, 1731, p. 443- 464. — Hodgson, On the internal viscera of Viverra melanurus (Calcutta, Journal of nat. History, t. A1, 1842.) (2) Brandt et Ratzeburg, Medizinische Zoologie, Berlin, 4829, p. 6-44. ANN. SC. NAT. — ART. N° 42. © J. CAEN. Cœur el gros vaisseaux. — Le péricarde est fort mince et diffère peu de celui des autres Carnivores; il s'attache sur le centre aponévrotique du diaphragme. Le cœur (1) est ovoïde et sensiblement arrondi à la pointe ; ses deux dimensions principales sont représentées par les nom- bres suivants : Longueur de la base au sommet Largeur de la portion moyenne CRD CIO IC" OO DO COTON 2 millim. 6) Ce viscère est presque complétement couché sur la face supé- rieure du sternum, sa pointe étant dirigée en arrière; la cloison interveniriculaire est médiocrement développée ; quant à l’épais- seur respective des parois de chaque ventricule, elle est en moyenne de 9 millim. pour le ventricule gauche, et de 4 millim. pour le ventricule droit. Les cordages dépendants de la valvule tricuspide sont très-forts. De la partie antérieure du ventricule gauche naît l'aorte (2), qui se porte d’abord en ligne droite, ou plutôt d’arrière en avant et de bas en haut, puis se recourbe en crosse dans le voisinage de la colonne vertébrale, décrivant ainsi une courbe à convexité antérieure et dirigée de droite à gauche, ainsi que cela s’observe d’ailleurs dans tous les Mammifères. Durant ce trajet, l'aorte conserve un diamètre à peu près constant et égal à 8 millim. environ. Au point où ce vaisseau commence à s’incurver, il donne nais- sance à une artère large de 3 millim., ou tronc brachio-cépha- lique (3), qui, après un parcours de 1 4 mullim. environ, se sépare en trois branches, qui sont les suivantes,en procédant de droite à gauche : 1° L'artère sous-clavière droite ; 2° L'artère carotide primitive droite ; 9° L'artère carotide primitive gauche (4). (4) Fig. 410. (2) Fig. 1 6. (3) Fig. 4 ec. (L)VFig- 4h rdite, tr ARTICLE N° 42. ANATOMIE DE LA CIVETTE. à Quant à l'artère sous-clavière gauche, elle naît isolément sur la courbure aortique, à 6 millim. de distance du tronc brachio- céphalique (4). Avant d'aller plus loin Je dois, au sujet de ce mode de divi- sion de l’aorte, comparer aux animaux voisins le V. Civetta, qui, on va le voir, offre peu d'analogies avec eux. On sait que, d’une facon générale, le système des artères fournies à la tête et aux membres thoraciques par la crosse de l'aorte, peut naître par un seul trone, par deux ou même par trois troncs ; aussi « l'étude » de ces différences a-t-elle de l'intérêt, parce qu'elles jettent » beaucoup de lumière sur la théorie anatomique des modifica- » tions du système vasculaire, et parce qu'elles correspondent » souvent à certaines anomalies dont l’organisation de l'homme » nous offre parfois des exemples » (2). Cependant, Brandt et Raïzeburg se contentent d'indiquer, chez la Civette, un «système » vasculaire conformé comme celui du chien » (3). L’anatomie ne confirme en rien la description trop synthétique de ces auteurs. Chacun sait en effet que, dans le Chien, les caro- tides naissent isolément du tronc brachio-céphalique (4), et que, de plus, la première artère naissant ainsi est un tronc caro- tidien (5), tandis que c’est la sous-clavière droite qui forme ici la première branche se séparant de l’aorte. La Civetie ne peut donc être rapprochée du Chien pour ce qui regarde l’origime du système artériel. On ne saurait l’assimiler davantage à la Genette, chez laquelle Meckel déerit ainsi le mode de division de l'aorte : «Une confor- » mation analogue à celle de la plupart des Ruminants et des » Solipèdes est présentée aussi par le Viverra Genetta, chez lequel » on n'observe qu'un tronc unique fournissant, après un court SM (1) Fig. 4 g. (2) Milne Edwards, Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l’homme et des animaux, t. I, p. 521. (3) Brandt et Ratzeburg, loc. cit., p. 8. | (4) Ghauveau et Arloing, Traité d'anatomie comparée des animaux domestiques, 2e édition, p. 628. (5) Milne Edwards, /oc. cit, p. 524. l J. CHAN. » trajet, la sous-clavière gauche, et se divisant antérieurement » en deux branches, les carotides primitives droiteetgauche(1).» J'ai cité textuellement ce passage parce qu'il fait connaître une disposition extrèmement curieuse : seule, parmi les Carnassiers, la Genette présenterait un tronc primitif comparable à l'aorte antérieure du Cheval, ete. On eût été porté à admettre une con- formation semblable chez le Viverra Civetta, mais on voit qu'ici les ressemblances anatomiques ne concordent pas avec les affi- nités zoologiques, L’artère pulmonaire (2)se dirige d’arrière en avant, dans une direction plus ou moins parallèle à l’aorte, sur le côté droit de laquelle elle se trouve accolée ; puis, passant bientôt sous la crosse formée par cette même artère, elle se bifurque pour se rendre aux deux poumons. J'arrive immédiatement à la description de ces organes, les veines caves et les vaisseaux coronaires n’offrant rien de particulièrement remarquable. Poumons. — Brandt et Ratzeburg nous apprennent simple- ment que, chez la Civette, «les poumons présentent six lobes » (3). C’est principalement en effet, au point de vue du nombre de leurs divisions, que ces organes peuvent présenter quelque inté- rêt quand on les étudie comparativement chez les animaux d’une même famille : aussi Duvernoy a-t-il donné un long tableau ré- sumant les particularités que lui ont oflertes les diverses espèces qu'il a étudiées à cette fin (4). Le V. Civetta n’y est point men - tionné, mais on y trouve le Suricate, la Genette et la Mangouste. Celle-ci offre quatre lobes au poumon droit et trois au poumon gauche; les deux autres Viverriens ont chacun quatre lobes au poumon droit et deux au poumon gauche; c'est également ainsi qu'étaient divisés ces organes dans la Civette que j'ai disséquée. Ces lobes pulmonaires soût fort Inégaux sous le rapport de (4) Meckel, Trailé général d'analomie comparée, 4. IX, p. 396; voy. aussi Milne Edwards, loc. cil., p. 524, note 4. (2)MFigeu1 7. (3) Brandt et Ralzcburg, loc, cit, p. 8. (4) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, 2° édition, &. VIT, p. 414. ARTICLE N° 12. 5 ANATOMIE DE LA CIVETTE. D leur volume, de leur forme et de l'étendue qu’ils occupent; ils sont séparés par des sillons profonds qui s’étendent jusqu’à la ra- cine des poumons. Le tissu pulmonaire offre une grande com- pacité, les lobules étant très-serrés et assez petits. J'ai étudié les vaisseaux pulmonaires au double point de vue de leurs rapports généraux et de leur mode de division, sans y trouver réellement aucune différence avec ceux des animaux voisins (1). Estomac. — On ne saurait en dire autant de lestomac (2) qui présente ici une forme tellement particulière, que je ne puis m'expliquer le silence des auteurs du Medizinische Zoologie au sujet de cet organe. Duvernoy (3) compare ce viscère de la Civette à celui du Chat, comparaison bien peu exacte, car l'estomac du Chat a la forme d’une poire dont la petite extrémité correspondrait au pylore (4) ; cetle apparence piriforme constitue un caractère devenu pour ainsi dire classique, tant les auteurs vétérinaires s'accordent à l'employer lorsqu ils ont à décrire l'estomac de ce carnassier do- mestique. Owen (5) a figuré l'estomac du Suricate, animal plus voisin de la Civette, mais qui cependant présente une disposition semblable à celle que l'on remarque chez le Chien ou le Chat. Meckel ne consacre que deux lignes à la deseription de l'estomac des Viverriens et ne lui assigne aucun caractère spécial. L’estomac du Viverra Civetta est réellement tubulaire et pré- sente l’apparence d’un gros cylindre qui, à la vérité, diminue sensiblement de l’orifice cardiaque vers le pylore; en ce dernier point, il présente presque la même largeur que le duodénum. Celui-ci (6) offrant même un diamètre légèrement supérieur à celui de la région pylorique de l'estomac, il en résulte une sorte {1) Voy. Cuvier, Loc. cit., t. VII, p. 446. — Owen’s Comparative Anatomy and Physiology of Vertebrates, t. III, ch, xxx. (2) Fig. 2 à, (3) Cuvier, loc. cit, t, IV, 2 part., p. 38, (4) Cuvier, tb#d,, p. 38. — Chauveau et Arloing, oc, cit., p. 414, (5) Owen, Loc. cit., p. 444, fig, 351. (6) Fig. 2 c. SC. NAT., AVRIL 18739. XVII. 20, — ART, N° 19, 6 3. CHAA'FEN. d'étranglement qui marque bien au dehors la place du pylore. Les dimensions de l'estomac sont les suivantes : Longueur de la grande courbure. ....,,......... 16 centim. Longueur de la petite courbure.......,.......... 8 Largeur de l’æsophage dans sa portion terminale... 8 millim. Harseur de L'eStOMaC AUTCArIA Reese. 24 Largeur de l’estomac dans sa portion moyenne...... 18 LPorseurdel'estomac au pylore eee tree... 45 Largeur du duodénum au pylore ........,....... 18 La surface libre de la tunique muqueuse de l'estomac présente des plis, des sillons et d'innombrables vacuoles. On distingue tout d’abord trois plis fort élevés et dirigés du cardia au pylore ; quant aux sillons, ils sont assez apparents et divisent la surface de la muqueuse gastrique en une foule de petits mamelons dont chacun mesure de 5 à 9 millim. carrés en superficie. Examinée sous un faible grossissement (1), cette surface se montre comme une sorte de crible, apparence due aux nombreux pertuis qui se voient sur ses mamelons. En me servant d’une solution d’acide tartrique, j'ai pu étudier aisément les glandes pepsiniféres qui sont longues de 4 à 2 milli- mètres environ; de sorte que, sur une mince coupe traitée par l'acide tartrique et vivement éclairée par une lampe à gaz, on parvient à voir à l'œil nu les élégantes dispositions de ces petits appareils auxquels le réactif a donné une teinte mate et une certaine opacité. Ces glandes appartiennent au type des glandes en tubes com- posées, ainsi qu’on l'observe chez les autres Mammifères; mais elles sont ici assez différentes, au pont de vue morphologique, des glandes pepsinifères du Chien, qui, de tous les Carnivores, a été le mieux étudié sous ce rapport (2). Chez cet animal, les glandes de la région moyenne de l'estomac sont constituées cha- cune par un tronc commun d'où naissent des ramifications dont le nombre varie entre A et 9; chez la Civette, au contraire, ces subdivisions sont au nombre de 2 ou 8, rarement on en compte (1) Objectif n° 4 de Nachet. (2) Sappey, Trailé d'anatomie descriptive, 2° édition, 4873, t IV, p. 174-475, fig. 767. ARTICLE N° 12, FT ANATOMIE DE LA CIVETTE. i h-5 ; elles ne semblent pas excéder ce chiffre. Leur diamètre est aussi légèrement inférieur à ce qu’il est chez le Chien; l'état de l’animal ne m'a malheureusement pas permis de compléter cette description par l'étude des éléments épithéliaux de ces glandes et de leurs conduits. Intestins. — La longueur du tube intestinal mesurée dans ses diverses parties et comparée à celle du corps, fournissant de précieux renseignements au point de vue de l'anatomie com- parée, je dois résumer tout d'abord les résultats que m'ont four- nis ces diverses mensurations chez le Vaverra Civetta. Duvernoy a donné, dans les Lecons d'anatomie comparée de Cuvier, de longs tableaux présentant les dimensions de l'intestin considéré, soit dans son ensemble, soit dans ses différentes par- tes, et comparé à la longueur du corps chez un grand nombre d'animaux (1); aussi ai-je étudié la Civette en me servant des mêmes termes de comparaison, et cet examen m'a conduit sou- vent à des résultats assez dissemblables pour que je croie devoir les mettre en regard des nombres donnés par Duvernoy pour la Civette : Nombres donnés DÉTAIL DES MENSURATIONS. par Duvernoy. m m Longueur duicorps(2) OEM ECOLE 0,590 0,459 Longueur de l'intestin gréle ............. 2,590 2,381 Diamètre moyen de l'intestin grêle........ 0,017 néant LongueutducæCUuM.. EC ELEC 0,040 0,018 Diamètre moyen du cæcum.............. 0,027 néant Longueur du côlon et du rectum ......... 0,143 0,229 Diamètre moyen du côlon et du rectum.... 0,018 néant Longueur du canal intestinal ............ 2,693 2,628 Rapport entre la longueur de ce canal intes- 1 n tinal et la longueur du corps. .......... ME &,61 5,5 Tout en tenant compte de la différence de taille (3), on re- (1) Cuvier, Loc. cit., t, IV, 2€ partie, p. 482 et suiv. (2) Le corps a été mesuré depuis le bout du museau jusqu’à l'anus. (3) Le chiffre indiqué par Duvernoy semble bien faible, comparé aux chiffres donnés par la plupart des naturalistes, qui fixent à 02,650 et 02,700 la longueur du corps de la Civette, ce) 3. CHATEX. marque que si la longueur totale des intestins est représentée 1e1 par un chiffre peu différent de celui donné par Duvernoy, les éléments dont il se compose sont fort dissemblables dans les deux colonnes qui résument ces observations en les comparant. Owen évalue à1°,50 ja longueur des intestins du Suricate (1) ; la différence est donc fort notable, et l’on arrive aux mêmes conclusions lorsqu'on se reporte aux nombres donnés par Meckel pour divers Viverriens (2). Si l’on examine en particulier les diverses portions du canal intestinal de la Civette, on remarque certaines singularités qui méritent d'être mentionnées. L'intestin grêle est cylindrique dans toute son étendue et ne présente aucune dilatation, soit dans le voisinage du pylore, soit en quelque autre point. Quant à la ter- mipaison des voies biliaires, j'aurai l'occasion d'y revenir bientôt. Selon Cuvier et Duvernoy, le cæcum de la Civeite serait très- court, étroit et semblable, pour la forme et la grandeur, au petit doigt de l’homme. Jai vainement cherché ces caracteres chez l'animal que j'ai disséqué. Le cæcum (3) avait l'apparence d’un grosrenflement cylindrique, terminé par une pointe obtuse et long de 55 millim. sur 32 millim. de largeur moyenne. Cet appendice est donc fort développé, et sa description mérite d'être opposée à celle que Cuvier et Daubenton ont donnée du cæcum de la Genette et de l’Ichneumon (4), animaux voisins de la Civette et chez lesquels cet appendice serait « rudimentaire ». Owen a figuré le cæcum du Suricate, qui serait absolument différent de celui que je décris. El y aurait donc intérêt à pouvoir étudier chez ces divers animaux le mode de continuité de l’in- testin grêle et du gros intestin, car on sait que «les Mammifères » pourvus d’un cæcum sont ceux chez lesquels la terminaison de » l'intestin grêle est plus ou moins perpendiculaire à l’origine » du gros inteslin » (5). (4) Owen, loc. cit., p. 445. (2) Meckel, loc, cit., t, VILL, p. 702. (3) Fig. 3 0. (2) Buflon, Hist. nal, des Mammif., pl. 432, fig. 4, et Cuvier, loc, cit, 47e édition, pl. 39, fig. 2. (5) Sappey, Loc, cit,, p. 249. ARTICLE N9 42, ANATOMIE DE LA CIVETTE. 9 Le côlon est assez court, mais relativement large; à partir du cæcum, il se dirige en avant jusque vers l'estomac et le pancréas, puis se porte à gauche et sensiblement en arrière pour se conti- nuer avec le rectum. Ce dernier, solidement fixé au sacrum et au coccyx, ne pré- sente aucune poche ou dilatation, et va déboucher à l'anus, qui sera décrit plus tard lorsque je résumerai les caractères des glandes qui l’avoisinent, ce que j'espère faire dans un prochain travail. Foie. — En prenant comme centre de la masse hépatique la vésicule biliaire, on constate que le foie est composé de cinq lobes inégaux (1) disposés à peu près symétriquement des deux côtés de ce réservoir, et que lon peut distinguer de la façon sui- vanie : Un lobe central, profondément échancré, loge dans cette dé- pression la vésicule du fiel, qui est énorme. À droite et à gauche se trouvent deux lobes fort inégaux en volume, de sorte que l’on est conduit à admettre chez la Civette un foie quinquélobé. Cuvier a d’ailleurs établi que le foie des Carnivores était géné- ralement établi selon ce mode (2), mais que ce tracé typique était simplement marqué par de fréquentes subdivisions des lobes. C’est sans doute pour cette raison que Brandt et Ratzeburg indiquent chez la Civette un foie à cinq, six et sept lobes, varia- tions au moins étranges dans cette espèce, dont les anatomistes allemands semblent n'avoir guère disséqué qu'un seul individu (3). La vésicule du fiel (4) offre un volume énorme comparative- ment à celui du corps et aux dimensions générales de la Civette. Sur le cadavre, ses parois sont affaissées de facon à rendre diffi- cile l'appréciation de sa forme el de son volume; mais en injec- tant par le canal cholédoque un mélange d’axonge et de suif, on parvient aisément à rendre à ce réservoir ses caractères propres. COMEDIE E (2) Cuvier, loc. cit., t. IV, 28 partie. (3) Brandt et Ralzeburg, loc. cit., p. 8. (4) Fig. 2 9. 10 J. CHATEN. On constate alors que la vésicule biliaire a une apparence piri- forme et mesure 40 millim. en longueur (1) et 16 millim. en lar- geur moyenne. Le canal cholédoque (2), long de 58 millim., s'étend de la vésicule au duodénum, dans lequel il débouche à 23 millim. du pylore, à une courte distance du canal pancréatique, semblant ainsi être accolé à ce dernier conduit. On ne trouve point là d’ampoule bien marquée ; d’ailleurs Cuvier paraît n’en avoir pas rencontré chez la Mouffette (3). On ne remarque, dans le Vèverra Civetta, nul canal hépato- cystique ou se rendant des lobes hépatiques dans la vésicule, près de son col. Ceci est intéressant à noter, car on sait que ces canaux, considérés par certains auteurs Comme faisant défaut chez les Carnassiers (4), ont été indiqués cependant chez le Chien par Blasius (5), chez la Loutre par Caldesi (6), chez le Loup par Cuvier et Duvernoy (7). Chez l'Homme, leur présence n’a été constatée que dans certains cas tératologiques (8). Le tissu du foie se compose de lobules arrondis ou ovoïdes dont le diamètre est égal à 1°°,30 au maximum. La plupart des anatomistes s'accordent à regarder ce volume comme assez variable ; cependant cette mensuration fournit, au point de vue de l’anatomie comparée, un résultat bien curieux, puisqu'elle éloigne la Civette du Chien, l'un des rares Carnassiers chez lesquels ce diamètre ait élé mesuré (9). (4) Cette longueur a été mesurée de l’origine du canal au point opposé à cette inser- tion. (2) Fig. 2 4. (3) Cuvier, loc. cit., t. IV, 22 partie, p. 519. (4) Leyh, Analomie des animaux domestiques, p. 359. (5) Blasius, Anatome Animalium, pl. 40, fig. 6. (6) Caldesi, Osservaziont anatomiche, 4687, pl. 5, fig. 2. (7) Leçons d'anatomie comparée, 22 édition, t. IV, 29 partie, p. 570. (8) Amyand, Of an Obstruction of the biliary Ducts (Philos. Trans., 1738, t. XL, p. 317). — Marjolin, voy. Pitct, Travaux de la Sociélé analomique (Bulletin de la Faculié de médecine de Paris, 1812, t. 1, p. 219). (9) « Chez l'Homme, ce diamètre est d’un millimètre, et s’élève à 2 millim. chez le » Cochon, mais chez le Chien il ne dépasse pas 02,45, » (Sappey, Traité d'anatomie descriptive, 22 édition, 1873, t. IV, p. 313.) ARTICLE N° 42. ANATOMIE DE LA CIVETTE. 11 Les lobules sont séparés les uns des autres par un intervalle qui représente à peu près la sixième partie de leur diamètre. Ils se composent de cellules d’un diamètre égal à 0°°,016, et par conséquent moins développées que dans le foie humain (1). Les voies biliaires n’offrent aucun caractère particulier, qu'on les étudie dans leur origine, leurs anastomoses ou leur structure ; cependant j'ai cru devoir m’appliquer, sous ce dernier point de vue, à étudier la forme et le mode de division des glandules implantées sur ces conduits. Chez la Civette, on trouve, sur les canaux d'un calibre déjà assez grand, des utricules groupées autour d’un axe commun et disposées régulièrement à droite et à gauche de celui-ci, de telle sorte que l’ensemble de ce petit appareil présente moins l'aspect d’une grappe que celle d’une feuille régulièrement découpée. Cette disposition semble donc être générale ou fréquente chez les Carnassiers, si l'on se reporte à ce que l’on sait de ces glandes chez le Chien et le Chat (2). Pancréas. — De couleur grisâtre et légèrement rosée, cette glande présente 1c1 de notables différences, si l'on se rappelle les caractères qu'elle offre dans les animaux voisins. Le pancréas de la Civette (3) se compose bien encore de deux portions, l’une duodénale, l’autre splénique ; mais ces deux par- ties sont lom de se réunir à angle droit, ainsi que cela se voit chez divers Carnassiers, et particulièrement chez le Chien (4). La portion duodénale, ou «tête du pancréas », se continue même ici d’une façon insensible avec la portion terminale ou caudale. Les canaux excréteurs se réunissent en un tronc commun (5) qui va déboucher daus le duodénum à 3 millim. du canal hépa- tique; ceci est d'autant plus remarquable que l'on accorde géné- ralement aux Carnassiers deux voies pancréatiques distinctes (4) Sappey, tbid., p. 314. (2) Idem, bid., p. 319 et 320, fig. 801, c. (3) Fig. 2 d. (4) Claude Bernard, Mémoire sur le pancréas (Suppléments aux Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, t. I, pl. 3, fig. 5). — Owen, loc. cit., p. 496. (5) Fig. 4 e. 12 3. CHATIX. et séparées, disposition bien connue maintenant chez le Chien depuis les recherches de M. Claude Bernard (1). Cuvier indiquant, chez les Civettes, la fusion des voies Di ne et pancréatiques dans leur portion terminale (2), je me suis vai- nement appliqué à rechercher cette coalescence. Des injections poussées successivement dans le canal cholédoque et dans le conduit de Wirsung m'ont au contraire montré une évidente indépendance de ces canaux. La Civette semblerait donc se rap- procher, sous ce rapport, de la Mouffeite, dans laquelle Cuvier a vu le canal pancréatique percer l'intestin à un millimètre de distance du canal cholédoque (3). Au point de vue histologique, le pancréas de la Civette offre les mêmes caractères généraux que dans la plupart des Mammi- fères; c'est une glande en grappe dont les culs-de-sac ont un diamètre moyen variant entre 0"°,03 et 0°",05 ; loim d'être allongés ou variqueux comme dans la plupart des glandes en grappe, ces culs-de-sac sont courts et arrondis, caractères que présente d’ailleurs assez constamment la structure du pan- créas (4). Les canaux excréteurs ont des parois assez minces el dans lesquelles je n’ai pu découvrir nulle trace d'éléments muscu- laires. On sait du reste que ceux-e1 sont fort rares sur ces con- duits, quoique Fabien les ait signalés dans le conduit de Wirsung du Bœuf (5). La tunique propre de la glande est formée par des fibres lamineuses médiocrement serrées. Rate. — La rate de la Civette présente certaines analogies avec celle des Félins (6), sans pouvoir lui être absolument com- parée. Elle est longue de 95 millim., et présente une largeur moyenne égale à 23 millim. Chez la plupart des Carnassiers, et (4) Claude Bernard, Loc. cit., pl. 3, fig. 4 et 4. (2) Lecons d'anatomie comparée, 22 partie, t. IV. (3) Guvier, Loc, cit., t. IV, 22 partie, p. 519, (4) Re Pouchet, Précis d'histologie humaine d’après les travaux de l'École fran- çaise, p. 260. (5) Leydig, Traité d'hislologie comparée de l'homme et des animaux, p. 399. (6) Owen, /oc. cit., p. 562, ARTICLE N° 42, ANATOMIE DE LA CIVETTE. 13 particulièrement chez le Chien et le Chat, on décrit ordinaire- ment la rate comme un viseère très-visiblement dissemblable à ses deux extrémités (1) ; rien de semblable ne s’observe ici, et l’on ne saurait davantage reconnaître à la rate de la Civette cet aspect falciforme devenu elassique chez nos Carnassiers domes- tiques (2). Appareil urinaire. — En examinant les reins dans leur situa- tion naturelle, on constate que le rein gauche s’insère plus bas que le rein droit, ou plutôt en arrière de celui-ci, ainsi que cela a été signalé chez quelques Carnassiers (3), chez le Cheval (4), et dans divers Rongeurs, Marsupiaux, etc. (5). | Ces viscères ont sensiblement le même volume, mesurant 37 millimètres dans le sens antéro-postérieur, et 23 millim. dans le sens transversal (cette dernière mesure étant prise au niveau du hile). Pour se rendre compte de la structure intime des reins d’un Mammifère quelconque, la meilleure méthode consiste à remonter de l’urêthre vers la portion périphérique de l'organe dont ce canal est le conduit excréteur (6) : aussi est-ce en suivant cette marche que j'ai observé dans le rein de la Civette les dispositions suivantes. La portion initiale de l'uretère est formée par l'infundibulum du bassinet qui est peu développé, et présente, en regard de cet entonnoir, un gros lubercule allongé d'avant en arrière et pré- sentant, dans sa portion basilaire, des piliers bien plus déve- loppés que ceux qui se trouvent dans le bassiret du Chien ou du Chat (7). (4) Leyh, Anatomie des animaux domestiques, p. 363. (2) Leyh, tbid., et Chauveau, Loc. cit., p. 458. (3) Milne Edwards, Loc, cit,, t. VII, p. 350. (4) Gurlt, Die Anatomie des Pferdes, pl. 48, fig. 1. — Chauveau et Arloing, Loc. cit, p. 514, fig. 205. (5) Perrault, Mémoire pour servir à l’histoire naturelle des animaux, 2€ partie, pl. 42, fig. 5. — Meckel, Ornithorhynchi paradozi descriptio anatomica, pl. 8, fig. 4. (6) Milne Edwards, Loc, cit, p. 353. (7) Ghauveau et Arloing, Loc. cit., p. 524. Al J. CHATIN. La substance médullaire est formée de canalicules urinifères remarquables par l’étroitesse de leur calibre; le diamètre de ces tubes est en effet égal à 0°*,0/4 dans leur partie moyenne, et l'on sait qu'une telle dimension ne se rencontre guère que dans la portion tout à fait lerminale de ces canaux, dont la portior initiale est généralement bien plus large (1). Quant à la région corticale ou granuleuse, elle est formée par ces mêmes tubes recourbés en tous sens et s'y terminant en con- stituant les glomérules de Malpighi. Ceux-ci sont fort nombreux et chaque coupe en monire plusieurs; leur volume diffère peu de celui qu'ils offrent chez l'Homme (2) ; quant à la capsule du glomérule ou de Müller, elle est ici sensiblement plus petite, car son diamètre n’est pas supérieur à 0"",09, tandis que chez l'Homme il varie entre À et 2 dixièmes de millimètre (3). Les uretères de la Civette se présentent sous l’apparence.de deux canaux membraneux et cylindriques, faisant suite aux bassinets. Ils commencent au hile du rein, se portent en dedans, puis en arrière, et descendent ainsi jusque dans le bassin, où ils débou- chent dans la vessie urinaire à 2-3 millimètres du col de ce réservoir. Étudiés au point de vue de leur structure intime, ces conduits vecteurs présentent trois tuniques, dont la distinction est même plus aisée que chez beaucoup d’autres Carnassiers, tels que le Chien et le Chat. La vessie est fort développée et mesure 52 mullim. en lon- gueur et 33 millim. en largeur moyenne. Sa forme n'est point ovoide comme chez le Chien (4), mais bien conique ou tout au moins piriforme, son corps se continuant insensiblement avec son Col. Quant au canal de l’urèthre, je signalerai ses dispositions prin- { cipales en décrivant l'appareil génital. (1) Frey, Traité d’histologie et d'histochimie, trad. par Spillmann, p. 620. (2) Külliker, Éléments d'histologie humaine, p. 536, fig. 251. (3) Robin et Littré, Dictionnaire de Nysten, 42° édit, art. REIN, (4) Prévost et Dumas, Observations relatives à l'appareil générateur mâle, ete, (Ann. des sc. nat., 4824, t. I, pl. 2, fig. 4). ARTICLE N° 12, ANATOMIE DE LA CIVETTE. 15 Capsules surrénales. — Certains auteurs admettent que «les capsules surrénales ne présentent pas de différences chez les ani- maux » (1), mais l'anatomie comparée semble peu favorable à cette opinion. En se bornant à la seule famille des Carnivores, on constate des différences morphologiques très-appréciables. Chez le Chien, ces capsules sont réniformes (2); dans le Chat, Owen les décrit comme arrondies (3) ; chez la Civette, elles offrent l'apparence d’une sorte de casque appliqué sur l'extrémité anté- rieure du rein. Chaque corps surrénal est long de 20 millim. et large de 6 millim. environ. Organes génitaux. — Les testicules du V. Cetta sont ovoïdes ou plutôt piriformes, leur masse principale étant anté- rieure par rapport à la position normale de l’animal. Chacun d’eux est long d'environ 25 millim. La tête de l'épididyme est assez développée ; quant à la queue, elle suit son trajet ordinaire pour se porter en arrière et se continuer avec le canal déférent. Celui-ci est toujours grêle et flexueux, sans présenter ni dila- tation n1 rétrécissement, mais possède des parois d’une épaisseur extraordinaire relativement à sa cavité, qui est assez étroite. Les canaux déférents arrivent dans l’urèthre à une certaine distance du col de la vessie, au point même où se trouve la prostate. Les recherches de MM. Dumas et Prévost ont d’ailleurs établi que c’est généralement en ce point que débouchent les canaux défé- rents des Carnivores (4). On sait que cette famille des Carnivores est l’un des groupes chez lesquels on remarque les plus grandes variations dans le nombre des glandes annexées au canal de l’urèthre: ainsi, le Chat a une prostate et des glandes de Cowper; le Putois n'offre aucun de ces organes (5). On peut ainsi former une série dans laquelle la Civette devrait être placée auprès du Chat, etc., car elle pos- (4) Leyh, Loc. cit., p. 398. (2) Chauveau, Loc. cit., p. 525. {3) Owen, loc. cit., p. 570. (4) Prévost et Dumas, Loc. cit., p. 17 et 468. (5) lbid., p. 168, 20 et 17. 16 J. CHA'TEN. sède comme cet animal des glandes de Cowper et une prostate. Quant aux vésicules séminales, on sait qu'elles font défaut chez les Carnassiers (1). La prostate est sensiblement bilobée dans le sens longitudinal, mais ne présente point 1c1 les dimensions remarquables qu’on lui connaît chez les Carnassiers domestiques (2), et est assez réduite comme chez les autres Viverriens (3). La trame de la glande se compose principalement de fibres lamineuses, de fibres-cellules et de nerfs; j y ai vainement cherché les muscles striés mdiqués par Leydig chez le Chat et la Belette (4); quant à la partie sé- crétante, elle est formée de culs-de-sac larges de 33 millièmes de millimètre en moyenne, et par conséquent bien plus réduits dans la Civette que chez l'Homme, où ils varient entre 70 et 37 millièmes de millimètre au minimum (5). Je n'ai pu examiner les éléments épithéliaux, mais J'ai trouvé fréquemment, dans les culs-de-sac sécréteurs, une matière granuleuse, solide et jJau- pâtre, analogue à celle que l’on rencontre souvent, selon M. le professeur Ch. Robin, dans la prostate de l'Homme (6). Cette elande ne présente ici aucune cavité destinée à recevoir le pro= duit de la sécrétion qui se déverse directement dans lurèthre selon le mode que les recherches de MM. Dumas et Prévost ont montré être général chez les Carnivores (7). À 0 millimètres environ de la prostate, se voient deux petites masses piriformes appendues aux côtés du canal de lurèthre : ce sont les glandes de Cowper; chacune d'elles mesure 9 millim. en longueur et 5 millim. de largeur (dans leur portion moyenne); elle est enveloppée d’une épaisse couche de muscles striés reliée aux Inasses musculaires voisines, mais appartenant en propre à la glande. Les culs-de-sac sécréteurs ont un diamètre variant (1) Siebold et Slannius, Traité d'anatomie comparée, &. I, p. 543. — Chauveau et Arloing, loc. cit., p. 917. (2) Leyh, loc, cit, p. 402. (3) Owen, loc. cit., p. 670. (4) Leydig, Loc. cit., p. 561, (5) Robin et Littré, loc. cit., art. PROSTATE. (6) Robin et Littré, ibid, Voy. aussi G, Pouchet, loc. cit., p. 269. (7) Prévost et Dumas, loc. cit., passim, et Leydig, /oc, cit, p. 559-560. ARTICLE N° 42. ANATOMIE DE LA CIVETTE. 17 entre 0°",08 et 0"",05 ; ils sont done assez petits, si on les com- pare à ceux des mêmes glandes dans l’homme, ete. (1). Au delà de ces glandes le canal de l’urèthre se continue en ligne droite et va se terminer à la verge; le corps caverneux est assez semblable à celui du Chien; il n’y a point d’os pénien. En résumé, la Civette présente un ensemble de caractères anatomiques qui tantôt la rapprochent des animaux voisins, et tantôt l'en éloignent; je les rappelle en quelques lignes. Dans l'appareil circulatoire, la portion initiale du système arté- riel mérite une mention spéciale, en raison du mode de division de laorte, qui diffère absolument de ce que l’on observe chez les Carnassiers voisins, d'après Meckel et Cuvier. Le nombre des lobes pulmonaires et leur répartition entre les deux masses viscérales constituant l'appareil respiratoire rappro- chent au contraire la Civeite de la Genette et du Suricate. L’estomac, réellement tubuliforme, ne saurait être comparé à celui du Chat, du Suricate, ete. Les résultats fournis par la mensuration des intestins permettent de rectifier en plusieurs points les nombres donnés par Duvernoy, en même temps qu'ils établissent exactement les relations qu'ont entre elles les diverses portions du canal intestinal. Le cæeum, fort développé ici, ne ressemble en rien à celui du Chien, du Chat, de l’Ichneumon ou de la Genette. Le foie diffère peu de celui des animaux voi- sins, mais les votes biliaires et pancréatiques sont indépendantes et percent l'intestin en des points distincts et séparés; on ne voit aucune trace de canaux hépato-cystiques. Dans l’appareil génito-urinaire, il faut noter l'existence de la prostate et des glandes de Cowper, qui manquent dans plusieurs animaux de la même famille. | Les résultats histologiques consignés dans cette note peuvent aussi fournir des résultats intéressants ; malheureusement, c’est au Chien ou même à des animaux encore plus éloignés que j'ai (4) Kolliker, Mekrosk, Anat., ps 407. — Henle, Erngeweidelehre, p, 385, Suivant cet anatomiste, les glandes de Gowper feraient partie de l’appareil urinaire, 15 J. CEIAEN. dû le plus souvent comparer la Civette, tant l'anatomie générale des Mammifères nous est encore peu connue. Quoi qu'il en soit, le Viverra Civetta présente des glandes pepsinifères assez sem- blables à celles des autres Carnivores, et l’on peut en dire autant des glandes des voies biliaires, mais les lobules du foie sont ici plus grands que chez le Chien; la structure du pancréas diffère peu de ce qu'elle est chez les animaux étudiés jusqu'à ce jour. Les tubes du rein et les capsules de Müller sont moins développés que chez l'Homme; la même remarque s'applique aux culs-de- sac de la prostate, dont la trame n'offre nulle trace de muscles striés. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 23. Fig. 4. Cœur et gros vaisseaux : a, cœur; b, aorte primitive; c, tronc brachio-cépha- lique ; d, sous-clavière droite; e, carotide droite; , carotide gauche; g, sous-clavière gauche; À, artère pulmonaire; ?, veine cave antérieure. Fig. 2. Estomac, pancréas et foie : a, œsophage ; b, estomac; c, duodénum; d, pan- créas; e, canal pancréatique ; /, f, lobes du foie; g, vésicule biliaire; À, canal cho- lédoque. Fig. 3. a, iléon; b, cæcum; c, côlon. ARTICLE N° 42, MÉMOIRE SUR L’ALYTE ACCOUCHEUR ET SON MODE D’ACCOUPLEMENT , Par M. Arthur DE L'ISLE. « Une observation si intéressante méritait bien d’être répétée, et elle me paraissait plus propre à irriter la curiosité du philosophe qu’à la satis- faire. » (SPALLANZANTI,) Deux opinions divisent la science relativement au mode d’ac- couplement de l'A/ytes obstetricans. Le plus grand nombre des naturalistes admettent ie récit de Demours ef lui prétent un accouplement axillaire, comme celui des Grenouilles, des Cra- pauds et des Raimettes. D'autres, et des plus clairvoyants parmi les zoologistes contemporains : Agassiz, Thomas, Fatio, admet- tent, soit à titre de conjecture, soit comme un fait reconnu, que l'Alyte accoucheur, saisit sa femelle à laine, au défaut des lombes, à la façon du Pélodyte, du Discoglosse, du Sonneur. Je penchais de ce côté ; cependant les faits observés par Demours, en contradiction formelle avec cette opinion, me fai- saient hésiter un peu. Je pouvais bien croire que Demours, dans une observation isolée, faite sans lumière, à la tombée du jour. n'avait pas tout vu, avait mal vu. Certes plus qu'un autre j'étais porté à infirmer son jugement; mais croire qu'il eût fait une peinture de fantaisie, qu'il eût écrit non l’histoire, mais le roman du Crapaud accoucheur, j'étais loin de commettre une pareille irrévérence à l'égard du savant oculiste et démonstrateur d’his- toire naturelle. Le doute cependant naissait pour moi de ce con- flit d'opinions. Je résolus d’en appeler au fait lui-même. ANN. SC, NAT. — ART. N° 13. 2 A. DE L'ISLE. La difficulté était d'observer de nouveau ce que nul dans la science n'avait pu revoir, malgré l'attention appelée sur ce fait extraordinaire depuis tantôt un siècle et demi, et le mérite des observateurs qui l'avaient tenté et nous avaient retracé après Demours l’histoire du Crapaud accoucheur. Cet animal étant tout à fait nocturne et d’une timidité vraiment extraordinaire, bien qu'il se trahisse par la note de cristal qn'il jette le soir, est peu aisé à surprendre et fuit devant vous avec une certaine prestesse. Le Pélodvie est l'hôte des carrières et des endroits pierreux ; l’Alyte aime les terres fortes et argileuses. Il recherche le voi- sinage des habitations, les courtils de village, les tenues, les orands jardins, etc. Le jour il se terre en quelque galerie aban- donnée de Taupe ou de Campagnol dans le remblat d'un fossé, dans les trous au pied des maisons ou des murs exposés au sud, ou se tient caché sous des pièces de bois, sous de larges dalles, sous des tas de pierres, de sable, et jusque dans la réserve de paille des jardimers. L'été, beaucoup s’établissent dans le voisinage immédiat de l’eau, dans les murs de pierres sèches des réservoirs des jardins, ou sous les marches de leurs paliers. J'en ai surpris dans des conduites de bassins, sous des tonnes et des baquets servant à l’arrosage, etc., etc. Je recherchai donc l’Alyie en ces lieux, au commencement d'avril, le soir et quelquefois la nuit, aux lumières, mais sans parvenir à le voir Jamais accouplé. J'eus alors la pensée qu’en réunissant de bonne heure, au printemps, un certain nombre de mâles et de femelles, je serais le nouveau témoin de cette union bizarre ; et ayant rencontré à la porte d'habitations rurales, blottis sous des décombres, une quinzaine d’Alytes adultes, j'exécutai ce dessein, les apporta chez mot, les plaçai dans l’ob- securité qu'ils aiment et les fournis de terre fraiche et meuble, ainsi que de nourriture. Je les garda longtemps, les épiant avec précaulion, mais en vain; il n'y eut ni ponte, ni accouplement,. Dix ans après (1872) j'ai renouvelé cette tentative, et l’ai pour- suivie sur des centaines d’Alytes, tout le semestre pendant lequel ARTICLE X° A3, L'ALYTE ACCOUCHEUR ET SON MODE D'ACCOUPLEMENT. 9 la ponte se succède et s'échelonne. Quelques femelles étaient visiblement. en prégnation, et j’apercevais facilement leurs œufs jaune pâle, parvenus à maturité, à travers la peau, sur un espace très-mince, translucide et dénué de pigment, qui est au bas de l'abdomen. Cette particularité et celle de la taille notablement plus forte (d’un tiers ou d’un quart) que celle du mâle, permet de distin- guer les femelles à l'extérieur ; ce qui offre encore quelque dif- ficulté, par la raison que les mâles ne présentent nul caractère sexuel accessoire, tel que la brosse et les bourrelets de l'index des Grenouilles, les plaques de la poitrine et des bras, et les épines de Pabdomen des Pélodytes, les lames de corne des doigts des Crapauds et des Discoglosses, la glande brachiale des Pélobates ou la vessie sous-gulaire des Rainettes. Ces Alvtes étaient traités avec le plus grand soin, gardés en de vastes réservoirs de pierre, sur une couche formée d'argile, de sable et de terreau léger et pourvus presque chaque jour d’une nourriture abondante. Plusieurs femelles effectuèrent leur ponte, #nais sans le secours des mûles, irès-nombreux cependant autour d'elles, et que je renouvelais de temps en temps. Elles accouchèrent librement de leur cordon, qu’elles abandonnèrent. J’attribue ce fait à l’ex- trème timidité de l'animal, qui l'empêche de s’accoupler en captivité, ce que toute autre espèce indigène eût fait en sa place. Je croyais, d'après la note intéressante de M. Thomas (Ann. des sciences nat., K° série, t. E, n°5), quel’Alyte avait deux pontes par an, l’une au printemps, en avril, et l’autre en automne, à la fiu de septembre. En le suivant avec plus d'attention, j'ai reconnu que sa ponte n’est point double, mais échelonnée et successive, comme celle du Crapaud calamite, du Sonneur et de l’Axolot] ; les uns l’effectuant à la fin de mars, d’autres au commencement ou à la fin d'avril, d’autres en mai, d’autres en juin, d’autres en juillet, d'autres en août et jusqu'au commencement de sep- tembre, selon la maturité de leurs œufs et selon l'humidité et la chaleur de l’atmosphère. La rencontre fréquente de mâles chargés d’œufs à ces époques SC, NAT., AVRIL 1875. XVII, 21, — ART. N°13 l A. DE L'ISLE. variées me rendit maître de ce fait intéressant. Je n’en tira d’abord nulle conséquence ; je n'avais rencontré ces animaux jusque-là que par petites bandes de dix, vingt, trente individus tout au plus. Un soir (8 juillet 1872) que je leur faisais la chasse, après en avoir reconnu plusieurs petits groupes semés çà et là dans l’espace d’une lieue, je parvins sous les murs d’un verger où ils chantaient en grand nombre et se répondaient sur des timbres différents. La nuit était venue; j'entrai cependant, et, malgré l'heure avancée, j’obtins du jardinier de chasser ces petits animaux. Il alluma une lanterne et me donna ses enfants pour guides. Ceux-ci me menérent tout droit au point d'où les sons partaient en plus grand nombre. C'était un large et profond vivier dans lequel plongeaient vingt-quatre rangs de marches. A cette époque, cinq rangs seulement surgissaient au-dessus de l’eau. À la fraîcheur de la nuit, tout autour du mur d’enceinte de la pièce d’eau, sur les carrés voisins, dans les jeunes plants frais arrosés, et partout au dedans sur les marches et les paliers, vaguaient les Alytes. Quelques-uns s’arrêtèrent intimidés par la lumière, mais j'en vis le plus grand nombre s'élancer rapide- ment à notre approche, sauter, puis disparaitre dans les cre- vasses au pied du mur, sous de grosses pierres et dans les fentes qui les abritent le jour des rayons du soleil. En un quart d'heure j'en pris quarante presque tous adultes. Voyant cette afluence, qui me faisait augurer que la tenue en renfermait des centaines, et songeant qu'ils offrent le phénomène d'une ponte échelonnée et successive, je fus traversé de la pensée qu'il ne serait pas impossible d’en rencontrer d’accouplés, ce qui aetiva ma recherche. Presque aussitôt j'en vis deux qui venaient de se désunir : la femelle était encore liée au paquet d'œufs que le male portait par derrière, soit par une couple d'œufs encore engagés dans le cloaque, soit par leur seule viscosité. Un spectacle plus curieux m’attendait, et j'allais revoir ce que Demours avait vu plus d’un siècle auparavant, en 4741. À gauche, sur la seconde marche du palier, un mâle accouchait sa femelle. Fait curieux ! il ne l’embrassait point à l’aine à la ARTICLE N° 13, L' ALYTE ACCOUCHEUR ET SON MODE D ACCOUPLEMENT. 5 facon du Sonneur, du Pélodyte, des Pélobates, ni sous les bras, à l’aisselle, comme font les Rainettes, les Crapauds et les Gre- nouilles. Ses bras, passés par devant les siens, la serraient fai- blement au défaut de la tôle, au cou, union aussi anormale que l’accouchement lui-même et que le port des œufs. Par suite de cet embrassement collaire et de la position anté- rieure de ses bras, l’accoucheur, malgré sa taille d’un tiers ou d’un quart plus faible, masquait sa compagne par devant et semblait vouloir la soustraire aux regards. Son museau se projetait sur la même ligne que le sien, si même 1l ne le dépassait un peu. Tandis que chez les autres Phanéroglosses Orthocores ( Sonneur, Pélodyte, Pélobates, etc.), par suite de l’accouplement inguimal, c’es/ la femelle qui dépasse le mâle en avant et de plus de la moitié du corps, de tout celui-ci à partir des reins, et que chez les Ph. Plagiocores (Grenouilles, Crapauds, Rainettes, etc.), par suite de l’accouplement axillaire, elle a les bras en avant de ceux du mâle ef /e dépasse de la moitié, el même, chez les Crapauds, presque de la tête entière, à cause de la grande disproportion de taille qui existe entre les sexes. La position du train antérieur de ces animaux accouplés, du moins de la femelle, n’était pas celle du complet repos, alors que tapis dans leur retraite, le corps affaissé, ils écartent leurs pattes de devant et appliquent leur tête contre terre ; mais celle de l’éveil, de l'arrêt dans la marche, quand l'animal, en quête et hors de son gîte, les pattes un peu rapprochées, la tête et la partie antérieure soulevées, regarde en avant et autour de lui. Par contre, le train postérieur, à demi allongé et à demi ramené vers le tronc, était affaissé sur le sol. Le male s'était plutôt placé les bras à cheval sur le cou dé sa femelle, qu’il ne la serrait dans un embrassement violent et énergique, comme celui des autres Anoures, qui, de la tranche interne et du dessus de la main, pressent assez fortement les flancs ou la poitrine de leurs compagnes pour y produire des ecchymoses et quelquefois des lésions mortelles. La main était 6 A. DE L'ISLE. ouverte, les doigts écartés, et la paume semblait chercher la terre, si mème elle ne s’y posait de temps en temps (1). Bizarrerieétrange ! comme pour suppléer à cette molle étreinte, la femelle enlacait et retenait le mâle. Tout le train postérieur de celui-ci disparaissait enfoncé et caché entre ses pattes. Les cuisses largement écartées, elle avait fait passer ses genoux par-dessus les siens, bandé sa jambe contre et par-dessus la sienne, et replié son tarse et sa plante par-dessus et par derrière le tarse et la plante de son conjoint, de telle sorte que ses pattes encadraient complétement celles du mâle jusqu’au bout des orteils et les masquaient, n’en laissant voir en dessus que le haut des cuisses et la saillie des talons. D'un tiers plus grande et plus forte, elle lui maintenait ainsi les pattes dans la position con- venable pour recevoir les œufs, et le retenait assez fermement pour l'empêcher de précipiter l'acte du dévidage et du peloton nement du cordon, et ne lui rendre qu'au moment opportun la liberté de son office. Peut-être était-ce encore pour l'aider à vaincre sa couardise, qui sans cela aurait pu, au moindre éveil, le porter à fuir et à abandonner au milieu d’une opération si délicate, ce qui eût causé la perte des œufs. Agenouillé sur la marche au-dessous, ma lanterne posée de facon à n’éclarer que l’arrière-train de ces animaux, Je contem— plais ce curieux spectacle, et je fus quelque temps avant de bien déméler ce que Je voyais et tout cet enchevètrement de parties. Les talons du mâle se touchaient, et ses genoux s’écartaient de facon à ménager entre eux un espace libre en forme de losange. Les œufs, qui paraissaient sortir facilement, se répandaient dans cet espace qu'ils remplissaient peu à peu. Pendant dix à douze minutes ils s’écoulérent ainsi lentement de l'anus de la femelle entre les jambes du mâle, sans autre mouvement appréciable de la part de celui-ci qu'un gonflement sensible de ses poches (4) Le trait suivant fait ressortir la faible attache du mâle à la femelle. Dans ma quatrième rencontre d’Alytes accouplés, le mâle releva plusieurs fois le bras du cou de sa femelle et se passa d’arrière en avant la tranche de la main sur le côté de la mà- choire, comme ils font toutes les fois qu'ayant saisi leur proie de travers, ils la redres- sent dans le seus de Paxe de l’œsophage, ARTICLE N° 15. L'ALYTE ACCOUCHEUR ET SON MODE D'ACCOUPLEMENT. 7 dorsales et un léger frémissement de tout le corps, qui marquait le commencemeut de l’imprégnation. Quand la femelle euf ainsi librement pondu la majeure partie du cordon, plus de la moitié, près des deux tiers, le mâle enfin, sans cesser de la tenir embrassée au cou, dégagea ses membres postérieurs de l'étreinte qui les retenait, ed trois ou quatre reprises les écarta l'un de l'autre régulièrement et de toutes ses forces. La petite masse des œufs que leur viscosité, aidée de quelque pression, avait fait adhérer intimement à ses che- villes, s’éfira en une lonque bande étroite, et je vis d’autres œufs amenés au dehors par ce mouvement transversal, sortir de l'anus de la femelle et suivre les autres. Chaque œuf, simulant la perle d'un chapelet, est retenu au suivant par un filament de glaire épaissie pareil à un fil de caoutchouc. L’extrème tension opérée sur les œufs déjà sortis n'eut pas de plus immédiat résultat que d’accoucher la femelle de ceux encore enfermés dans l'utérus, qui vinrent s'intercaler au milieu de la bande juste devant l'anus du mdäle, qui acheva sans doute à cet instant la fécondation, car 1l° était toujours animé de ce mouvement convulsif dont nous avons parlé. Après cette traction, cette sorte de dévidage, le mâle, sans perdre de temps, maintint la patte gauche fixe et écartée, et fit exécuter à la droite un singulier mouvement circulaire: 27 la fit tourner sur place six ou sept fois, roulant dessus el pelotonnant les œufs, puis, la tenant tranquille, mais toujours écartée, il en fit autant de l’autre patte. Tandis que le mâle effectuait ces mouvements d’écarts répé- tés et de torsion alternative, un fort tremblement agitait la femelle. Après celte double opération, qui ne dura que quatre ou cinq minutes, ce couple se tint plus tranquille. D’autres Alytes chan- taient sur les plates-bandes autour du vivier. Le mâle, tenant toujours sa femelle par le cou (mais celle-ci n’avait point ra- mené ses jambes par-dessus les siennes), enfla ses poches cuta- nées et se mit à chanteret à leur répondre. Il était de moyenne taille, et son timbre n’était pas des plus pleins et des plus sono- res; J'entrevoyais parfaitement les mouvements de sa gorge. La 8 A. DE L'ISLE. ponte était finie, et après quelques instants de repos, chargé de son paquet d'œufs, il s’élançait du dos de la femelle et s’effor- cait de rentrer dans une fissure de la muraille, tandis qu'elle cherchait de son côté à en faire autant. Les nuits suivantes (16, 18, 23 juillet 1872) je pus revoir trois fois le curieux phénomène et le suivre tout du long, tel que je viens de le décrire et sans variante appréciable. L'accoucheur, dès qu'il s'aperçoit qu'on l'observe, a parfai- tement conscience du danger, et ne perd jamais de vue le soin de sa sûreté, comme tant d’autres Anoures. Un cinquième et un sixième couple, qui n'avaient point encore commencé de pondre, se désunirent à mon approche. Deux autres, qui avaient presque achevé, brusquérent le dénoûment : le mâle n'avait pas fini d’entortiller le cordon, dont un fragment long de quelques pouces traînait à terre, encore engagé à son extrémité dans le. cloaque de la femelle; l’un et l’autre tiraient et sautaient en sens contraire pour se dégager. Il faut que le sentiment de la peur soit plus vif chez l'Alyte que la passion du rut, puisqu'il en triomphe si aisément. Que ces timides et furtives amours sont loin de celles du Crapaud mâle, qui repousse en grognant la main qui veut lui ravir sa femelle, supporte la brülure de ses membres pelviens jusqu'aux genoux, l’ablation des cuisses, et jusqu'à la décapitation, sans lâcher prise, et ne laisse point alors, au milieu de ces cruelles tortures, et quelque incroyable que la chose puisse paraître, d'accomplir l'acte de la généra- tion. | Agassiz s'est donc bien trompé quand il conjectura «que la reproduction a lieu comme dans le Crapaud à ventre couleur de feu, le mâle saisissant la femelle au défaut des lombes», et avec lui Thomas, Fatio, qui ont si complétement admis cette opinion, qu'ils l’expriment dans leurs écrits, non plus comme une simple conjecture, mais comme un fait (1). Le raisonne- ment inductif est un excellent guide, mais qui nous égare quel- (1) L. Agassiz, dans Wagler, Deser. et icon. Amphibiorum, partie 2°, p. 41, — Thomas, loc. cit, — Fatio, Faune des Vertébrés de la Suisse, t, TIT, p. 270 à 363. ARTICLE N° 15. L'ALYTE -ACCOUCHEUR ET SON MODE D'ACCOUPLEMENT. 9 quefois, et bien des lois qu’on croit générales, ont des excep- ions inattendues. Les aflinités qui relient l’Alyte au Pélodyte et aux Pélobates dans un même groupe naturel, celles plus étroites encore qui le rattachent au Discoglosse et au Sonneur dans une même famille, ont fait croire à ces habiles zoologistes qu'il s’'accouplait de la même manière. Quoi de plus simple, en effet, et de plus logique que d'attribuer à un membre l’accouplement général à toui le groupe ! Cependant l’mduction qui s'élève de faits nombreux à Ja loi qui les régit, me semble plus légitime que celle qui redes- cend de cette même loi au fait particulier et isolé. Cet animal timide qui, au bruit de vos pas, fuit prestement et se dérobe, prenez-le, jetez-le à l’eau, il reviendra vers vous en nageant. Il a moins peur de vous que de l'élément mobile, s'il a quelque profondeur. Écartez cette crainte qui découle du sentiment de sa conservation et de l’amour de sa progéniture, et qui tient à l’aperception confuse qu’il y trouvera la mort s'il n’en peut sortir, et que ses œufs y périront. Swpposez que son frai s'y puisse développer comme celui de la généralité des Anoures. L’induction nous marque clairement quel devrait être son mode d'union; nul doute qu'il ne füt inguinal. Mais sa ponte terrestre, le soin que prend le mäle de se charger de ses œufs, ne sont plus d'accord avec ce genre d’accouplement, et c'est ainsi qu’en histoire naturelle une particularité en entraîne une autre. Il y a ici corrélation d'harmonie. Si l’Alyte mâle embrassait sa femelle à l’aine, celle-ci pondrait sous lui, et non entre ses pattes ; les œufs frais pondus, tout visqueux, tomberaient à terre, s’y souilleraient, y contractant de fâcheuses adhérences, et com- ment le mâle, en supposant qu'il püt vaincre ces obstacles, pourrait-il les dévider et les pelotonner autour de ses talons ? Où trouverait-1l le point d'appui nécessaire pour exécuter ces mouvements ? Dans les quatre accouchements que nous avons suivis dans ces lieux, à quelques nuits d'intervalle, les œufs pondus entre les pattes du mâle, par leur viscosité se collent au point de contact de celles-ci, c’est-à-dire un peu au-dessus des talons. Cette 10 A. DE L'ISLE. adhérence première, rendue plus intime par quelque pression de ces parties, offre justement à l'accoucheur le point d'appui dont ii a besoin pour exécuter ces curieux mouvements de dévi- dage et de torsion dont on soupçonnait bien quelque chose, mais que nul n'avait pu encore observer. | | L'opinion de Demours, qui affirme que ces animaux s’accou- plent comme les Grenouilles et les Crapauds, est done égale- ment erronée, Îl ignorait, comme ses contemporains, les véri- tables affinités zoologiques de l'Alyte, qu’il considérait comme «un Crapaud terrestre de la petite espèce, Æwbela minor, Ges- neri». I crut pouvoir lui appliquer, pour compléter sa descrip- tion, les particularités qu'il avait reconnues à loisir dans l’ac- couplement du «Crapaud terrestre de la grande espèce Awbeta major », Bufo vulgaris, qu'il nous peint, comme l’attestent les passages suivants : «les pattes étant beaucoup plus courtes que chez les Grenouilles, il ne peut les joindre de même, elles n'atteignent qu'aux côtés de la poitrine de la femelle, où il les applique quelquefois si fortement, qu'il y survient une inflam- mation avant que les deux animaux se séparent » (Mém. Acad. sc., 1778, p.14), et dans le rapport, page 7 : « Plusieurs semaines avant la ponte, le Crapaud mâle tient sa femelle embrassée.» Ce qui esttout le contraire des habitudes de l’Alyte, dont l’accouple- ment est si court, qu'il ne dure guère plus de vingt minutes, et l'embrassement si faible, que les rôles sont imtervertis, et que c’est plutôt la femelle qui retient le mâle. Partagé dans son attention, puis enfin uniquement préoccupé, comme il nous le dit lui-même, «d'examiner si le mâle arrosait de sa liqueur séminale les œufs à mesure qu'il les tirait du récep- tacle de la femelle » (Mém. Acad. sc., 1778, p.14), pour un fait général et reconnu, 1l négligea le fait particulier et nouveau. Il nous marque d’ailleurs «que l'endroit où ils se trouvaient était un peu sombre...., qu'il fit son observation sur le soir..….., au défaut d’un jour suflisant ». Il ne faut pas s'étonner qu'il n'ait pu reconnaitre les sngularités de l’accouplement à la suite d’une observation faite sans laide d’une lumière artiticielle, et qu'il crut superflu de répéter, comme lattestent le Compte rendu de ARTICLE N° 15, L'ALYTE ACCOUCHEUR ET SON MODE D ACCOUPLEMENT. 41 l'Académie des sciences de ATRA et le mémoire intégral qu'il fit insérer dans le même recueil, trente-sept ans après, en 1775, devenu associé vétéran de l’Académie, mémoire qui n’est que la répétition, ou, si l’on veut, qu’une légère amplification du pre- mier. Satisfait d’avoir révélé à la science une des particularités les plus intéressantes de l’histoire naturelle, Demours s’en tint là et ne semble pas avoir fait de grands efforts pour revoir le curieux phénomène et contrôler sa première observation. Ce qui échautfa la bile du célèbre Spallanzani, qui ne put se tenir d’en marquer sa surprise : « [l est fâcheux que l'observateur français n'ait pas mieux caractérisé l'espèce de son Crapaud... Üne observation si intéressante méritait bien d’être répétée, et elle me paraissait plus propre à irriter la curiosité du philosophe qu'à la satis- faire (1). » Demours est inexact encore dans le récit de l'accouchement, qu'il ne nous à pas fidèlement rendu. Il appuie trop sur la difti- culté qu'a la femelle à pondre ses œufs, «difficulté si grande, dit-il, qu’elle a besoin d’un secours étranger, sans lequel elle ne paraît pas pouvoir les faire sortir de son corps » (Hist. Acad. sc., 1741, p. 29). Ainsi que les naturalistes qui l'ont suivi, et c’est le plus grand nombre, il insiste trop sur les fonctions d’accoucheur de l’Alyte. Il n’a pas compris que le fait vraiment curieux et singulier n'était pas tant accouchement que le port des œufs par le mâle. Si le mâle les accouche, ce n’est pas parce qu'ils sont plus gros à leur sortie que ceux des autres Anoures, Non! Ea preuve en est qu'en captivité, la femelle en accouche très-bien toute seule, et qu’en liberté elle en accouche d'elle-même de la plus grande partie, comme nous l'avons établi plus haut. Et c'est alers seulement qu’elle permet au mâle de dégager ses pattes qu'elle retient jusque-là emprisonnées, et que celui-ci achève incidemment sa délivrance. Car tous ses mouvements semblent ne viser qu'un but : dévider et pelotonner les œufs sur ses pattes. Oui, voilà le point capital ! le port des œufs par le mâle, et leur (1) Expériences pour servir à l’histoire de la génération, p. 89. 12 A, DE L'ISLE. incuhation, ajouterai-je, car quelle autre explication donner des faits suivants ? Jai à plusieurs reprises enlevé à des Alytes leurs œufs frais pondus que j'ai immergés dans l’eau des mares, où l’on rencontre leurs têtards, et ils ont rapidement cessé d'évoluer. J'ai soumis à la même expérience d’autres œufs plus avancés dans leur déve- loppement, le même résultat en est advenu. Enfin j'ai pris des œufs dont les germes déjà grands offraient des branchies externes entièrement développées : vingt-quatre heures, trente heures après, ces germes se tournaient ef se retournaient encore parfai- tement dans l'œuf; mais le surlendemain, après quarante-huit heures d'immersion, ils avaient perdu le mouvement et la vie. D'un autre côté, J'ai bien des fois conservé à l'air libre des œufs d’Alyte développés à divers degrés, en les maintenant dans une atmosphère humide ou les y faisant passer par intervalles pour les empêcher de se dessécher, mais sans chercher à suppléer à l'incubation du mâle par une chaleur artificielle; le résultat a toujours été un prompt dépérissement et la mort. ARTICLE N° 13. MÉMOIRE DES CRUSTACÉS RARES OÙ NOUVEAUX DES COTES DE FRANCE Par M. HESSE. ( Vingt-deuxième article, ) Mémoire sur deux nouveaux Crustacés parasites, appartenant à la sous- classe des Crustacés suceurs, de l’ordre des Lernéides, de la famille des Zernéoapodiens, du genre des Colobomatiens (1), Nobis. Nous avons pu croire pendant longtemps qu'il serait difficile de rencontrer un Crustacé de forme plus extraordinaire et de manière de vivre plus étrange que celui que nous avons décrit ici même sous le nom de Léposphile du Labre (2). Cependant, en cherchant précisément le mâle de ce singulier Crustacé, nous avons eu l’heureuse fortune de découvrir un nouveau parasite qui ne lui cède en rien sous le rapport de la conformation et sur l’étrangeté de ses habitudes, qui ont du reste beaucoup de rap- ports avec celles des Léposphules. Les circonstances dans lesquelles nous l'avons trouvé sont assez curieuses pour que nous pensions qu'il ne sera pas sans intérêt de les relater. Ce fut le 9 août de cette année 1872, qu’en visitant avec soin un Labre vieille (Labrus Bergylta), nous aperçümes à la base du crâne, sur la partie occipitale, un petit trou parfaitement rond, de 2 millimètres environ de diamètre, ressemblant telle- ment aux ouvertures des fosses nasales, que si ce n'eût été sa position, nous l’eussions facilement pris pour l’une d'elles. Cette (1) De x0,06wux, mutilé, moignon. (2) Ann. des sc. nat., 52 série, t. V, p. 267-279, pl. 9. ANN. SC. NAT. — ART. N° 4/. D HESSE. perforation différait essentiellement de celles que font les Lépos- philes, qui s'établissent invariablement sur la raie latérale que l’on remarque chez presque tous les Poissons, et qui va de l’ex- trémité extérieure des opercules branchiaux à la queue. A cel endroit, les écailles des Labres ont une conformation particulière qui présente une série longitudinale de petits tuyaux gaufrés, dont les orifices servent probablement à faciliter l'introduction des larves de ces Crustacés sous les écailles. On ne remarquerait pas non plus cette accumulation ‘de squames formant un petit cône ressemblant à un furoncle terminé à son sommet par une petite ouverture qui décèle toujours la présence de ce parasite. Ici la peau, qui, à cet endroit, était totalement dépourvue d'é- cailles et tendue, n'offrait qu'une légère perforation dont les bords étaient environnés d’un limbe d’une couleur sanguinolente. Malgré toutes ces différences, nous eûmes cependant l’heu- reuse 1dée d’y enfoncer la pointe d’un instrument tranchant, et l'ayant retiré de manière à ramener ce qui pouvait s'y trouver, nous apercümes à son extrémité un petit flocon d’une matière mucilagineuse, qui immédiatement plongé dans de l’eau de mer et placé sur le porte-objet du microscope, ne tarda pas à nous laisser apercevoir un petit Crustacé, que nous primes d'abord pour un Léposphile ; mais, comme nous constatâmes bien- tôL des différences notables dans sa conformation, nous erûmes avoir enfin trouvé le mâle de cette espèce que nous cherchions depuis longtemps, et qui peut-être n'existait pas, Mais notre joie fut de courte durée, lorsque voyant ses appendices tronqués et en quelque sorte mutilés, en forme de #0#gnons (1), nous crûmes n'avoir trouvé qu'un individu incomplet, qui n'avait conservé que la base de ses pattes thoraciques et dont les autres articulations étaient absentes. Cependant, en y regardant de plus près, nous ne tardâmes pas à constater que ces prétendues mutilations étaient symétriques, et, en les examimant avec attention, nous vimes que l'extrémité de ces membres que nous croyions tronqués, était terminée (1) Fig. 8. ARTICLE N° 1/4. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 3 normalement, sans déchirures ni dislocations, mais encore que leur contour était entouré d'un liséré qui annonçait qu’ils étaient complets ; puis enfin nous fümes entièrement rassuré en voyant que notre Crustacé, au lieu de périr, comme cela serait infaillt- blement arrivé s'il eût reçu des blessures aussi graves, témoi- gnait par sa vitalité et la vivacité de ses mouvements qu’il était au contraire dans un état de santé et de conservation des plus complets. Effectivement, bien qu'il ne fût pas dans sa position habituelle, et que nous l’ayons fréquemment tourmenté en le mettant sous le microscope pour l’examiner, nous avons pu Île conserver vivant pendant douze Jours. Ces faits étant bien constatés, nous nous rappelâmes qu'il y a neuf ans, le 16 juillet 1863, nous fimes la découverte d'un autre Crustacé qui avait avec celui-ci les plus grands rapports ; mais il nous parut alors si extraordinaire, que nous hésitèmes à en donner la description, et que nous le plaçâmes dans la caté- gorie des individus à examiner de nouveau. Nous allons maintenant donner la description de ces deux Crustacés, et nous commencerons, en suivant l’ordre de date, par celui que nous avons découvert le premier. 8 1 CoLoBomMAïE DU SQUALE NEZ. —= Colobomatus Lamncæ (1). Mae. — Inconnu. Femezce. — Elle est extrèmement remarquable par la lon- gueur et la gracilité de son corps, relativement à sa largeur. Elle a plutôt l'aspect d’un Insecte que d’un Crustacé, et à quel- que ressemblance avec les Mantes ou les Phasmes ; et ses extré- mités étant à peu près terminées de la même manière, par des appendices de même forme, pourraient, à la première vue, être prises l’une pour l’autre, si lon n’était guidé par les organes qui les font reconnaître. (1) Fig. 4 et 2. ll HESSE. Son corps n'a pas plus de 4 à 5 milimètres de longueur sur 2 de largeur; il est bombé en dessus et légèrement creux en dessous. Il est divisé en huit anneaux, dont nous allons donner la description. La rôle est longue et conique ; sa partie antérieure se termine en pointe arrondie, laquelle sert de support à deux longs appen- dices plats et spatuliformes, pouvant s’écarter ou se rapprocher à volonté, mais néanmoins réunis à leur base par le bord frontal, qui est étroit. On aperçoit sur sa partie supérieure, et à peu près au milieu, un æil petit et saillant, auquel sont accolés deux autres petits yeux d'un moindre volume. Les deux anneaux suivants, qui forment une sorte de cou, sont à peu près du même calibre et de la même dimension; ils sont cylindriques; le supérieur est néanmoins un peu plus étroit à l'endroit de sa jonction avec la tête, et le deuxième l’est aussi à sa base. L'anneau suivant est fusiforme ; 1l a à peu près le tiers de la longueur de la totalité du corps. Il donne attache, des deux côtés et au milieu, à deux paires d’appendices longs, cylindriques et divergents, qui se terminent en pointesarrondies et sont disposés en X, les supérieurs élant dirigés du côté de la tête et les deux inférieurs vers l'abdomen ; mais on n’aperçoit aucune articula- tion à leur point de jonction avec le corps. L'anneau qui suit celui-ci est court et presque aussi long que large ; il porte de chaque côté deux appendices ressemblant aux quatre précédents, mais ils sont légèrement recourbés en dedans et leurs extrémités sont dirigées vers le bas. Ces deux appendices présentent à léur base, au-dessus du corps, deux protubérances arrondies (1), semblables à celles qu'on voit au dernier anneau el qui sont apparentes, surtout lorsqu'on les regarde de profil. Les trois anheaux qui succèdent au précédent sont étroits et cylindriques, leur longueur est à peu pres la même; le dernier cependant est un peu plus long, et il s’élargit brusquement à son (1) Fig. 5. ARTICLE N° 14. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 5 extrémité, et présente de chaque côté deux protubérances arron- dies et relevées (1), dans lesquelles se trouvent les ouvertures vaginales. Au-dessous de ces protubérances, on remarque deux appen- lices plats et spatuliformes, assez grands et assez larges, dirigés verticalement et parallèlement, qui ressemblent un peu à ceux qui précèdent la tête. Au milieu de ces expansions on aperçoit l’orifice anal (2). En dessous, la tête offre, à sa base, l'ouverture buccale dont nous n'avons pu constater d’une manière certaine la conforma- tion ; aussi donnons-nous avec doute sa forme et sa description, ainsi que deux dessins de l’exactitude desquels nous ne sommes pas certain. Celui de gauche (3) offre deux petites antennes de forme cylindrique, composées de cinq anneaux et précédées, à leur base, d’un article beaucoup plus large, dont le bord forme le croissant. La bouche a la forme d’un écusson aplati, dont le bord infé- rieur sert de labre supérieur, et au-dessous duquel se trouve la lèvre inférieure, des deux côtés de laquelle on aperçoit deux petites pattes-mâächoires cylindriques et coniques formées de trois articles; enfin, des deux côtés sont deux grandes lames, larges et plates, triangulaires et à pointes divergentes. Le dessin de droite (4) ne diffère de l’autre que par la pré- sence de deux petites pattes qui sont à la base des antennes, et de deux autres à peu près de la même graudeur et de la même forme, qui sont placées de chaque côté de la bouche. Les deux dessins qui sont au bas de la planche représentent en dessus et en dessous l'extrémité du corps et l'ouverture anale (5). On aperçoit au-dessus de cette ouverture un tube quisemble être en saillie, et dont la pointe se dirige vers la droite, PMR © = CET SERBE IR = c = N° El H da da 02 0 de rs RS N° 2 a © œ y & Qt et 7. 6 HESSE. des deux côtés duquel sont deux lames plates, dont les pointes arrondies et terminées en crochet sont convergentes. Coloration. — Le corps de ce Crustacé est d’un vert tendre qui s'étend à tous les appendices; on aperçoit au milieu du corps, en dessus, une large bande noire qui part du deuxième anneau et se rend au dernier, où elle se termine par une bifurcation dont les pointes atteignent la base des protubérances que l’on remar- que des deux côtés. Cette bande noire s’élargit considérablement au milieu du corps, et forme, à la hauteur et à la base de deux appendices inférieurs, deux taches arrondies placées sur les deux protubérances qui s’y trouvent, En dessous, la couleur noire du dessus du corps est remplacée par une teinte fauve assez vive. Habitat. — Trouvé un seul individu, le 16 Juillet 1863, sur un Squale nez (Lamna cornubica). H était mort lorsque nous nous le sommes procuré, mais il était dans un état parfait de conservation. ; COLOBOMATE DU LABRE VIEILLE. — Colobomatus Bergyltæ (A). MALE. — Inconnu. FemeLce, — Elle a environ 5 à 6 millimètres de longueur sur 3 de largeur, dans la partie du corps qui a le plus grand dia- mètre. Sa tête, qui est très-petite et bombée, est précédée d’un bord frontal très-minee et tres-large, qui sert de pont d'attache à deux expansions également larges et plates, spatuliformes, assez lon- oues, et qui peuvent se rapprocher ou s’écarter très- facilement lune de l’autre. Nous sommes mcertain sur la position et sur la forme de l'æv, que nous avons cru apercevoir fantôt sur la partie supérieure et antérieure de la tête, et tantôt au milieu de celle-ci. La colora- tion de cet organe, si toutefois il existe, ne diffère pas du milieu (1) Fig. 8 et 9. ARTICLE N° À. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 7 où il se trouve, de sorte qu’il augmente encore la difficulté de le découvrir. Il nous a paru sessile, hémisphérique et composé de cornéules relativement d’une forte dimension. La tête est suivie de trois anneaux en forme de cou, qui sont étroits, arrondis en dessus et plats en dessous; le premier et le troisième sont à peu près de la même longueur; l'intermédiaire, c’est-à-dire le second, est de moitié moins long et pour ainsi dire carré, sa largeur étant presque égale à sa longueur. Le troisième anneau, dont la base s'appuie sur l'extrémité antérieure du quatrième anneau thoracique, est presque à lui seul aussi long que les deux précédents; 11 est muni, à sa parte moyenne, de deux expansions larges et plates, en forme de raquettes, qui sont insérées en dessous et au tiers supérieur de sa longueur, par un pédoncule qui s'attache à une plaque ster- nale carrée (4). Le quatrième anneau est le plus long et surtout le plus large de tous. Sa forme est octogonale; les côtés supérieur et infé- rieur servent de point d'attache à la partie antérieure et posté- rieure du corps, et les côtés latéraux à quatre expansions courtes, grosses, épaisses, spatuliformes et arrondies au bout, qui sont opposées l’une à l’autre diagonalement, de manière que les antérieures sont dirigées en haut, et les deux inférieures en bas. Cet anneau est, comme les autres, bombé en dessus et creux en dessous. Le cinquième anneau (2), qui est formé par l'abdomen, se rétrécit brusquement et prend à peu près le calibre des anneaux qui précèdent le quatrième ; 1l présente à sa partie supérieure une sorte d’anneau arrondi en forme de boulet suivi d’un étran- glement, puis d’un élargissement, et se termine par deux appen- dices plats et arrondis au bout, séparés par une petite échan- . crure au-dessus de laquelle on aperçoit un petit tube saillant qui présente à son extrémité inférieure l'ouverture de l’orifice anal. (4) Fig: 15. (2) Fig: 17 et 18. 4 8C. NAT., AVRIL 1879. XVII, 22. — ART: N° ve ) HESSE. Vu en dessous (1) : à Le corps est creux, en forme de gouttière, dans toute son étendue, et cette cavité se manifeste surtout au quatrième anneau. La ééte est bombée, mais nous n'avons pas pu nous assurer d'une manière positive de la forme et de la position de la bouche (2). Elle nous a paru placée à la partie inférieure de la tête, ayant un orifice circulaire proboscide, entouré d’un bord saillant armé d’une rangée de pièces larges, plates et pointues, dont les extrémités seraient convergentes. Vue de profil, nous avons cru aussi remarquer que ce bour- relet constituait deux mâchoires en saillie, l’une supérieure et l’autre inférieure ; mais la difficulté de bien s'assurer de la forme de la bouche vient de ce qu'elle est souvent atteinte et recou- verte par le bord supérieur du premier anneau dans lequel elle s’invagine (3). Le . cardiaque est placé sur la ligne médiane du corps qu'il parcourt verticalement d’une extrémité à Pautre. Il est en dessus et suit la même direction que le be entestinal, sur lequel il se détache par sa couleur blanchâtre, qui est celle de ses glo- bules, qui sont relativement assez gros. La circulation nous a paru très-lente, et nous n’avons pas pu la suivre dans les ramifications latérales de son système artériel et veineux. Ïl n’a aucun organe apparent servant à la respiration. Le tube intestinal s'aperçoit en dessous du tube aortique; ilest d’un volume considérable, surtout au milieu, car il va en s’al- ternant, à ses deux extrémités. On le voit fréquemment se con- tracter et se soulever de bas en haut. | On aperçoit de chaque côté de celui-ci, et suivant la même direction, un cordon nerveux d’une forte dimension, qui paraît parcourir verticalement toute l'étendue du corps. On en aperçoit encore deux autres qui traversent diagonalement, en s’entrecrol- (1) PL 2, fig. 2. (2) PI, 2, fig. 41, (3) PI, 2, fig, 5, ARTICLE N° 14, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 9 sant, la capacité du quatrième anneau pour se reudre oblique- ment à la base des quatre expansions latérales que nous avons décrites précédemment. Enfin, par suite de la transparence de la carapace à cet endroit, on constate que les intervalles compris entre les viscères que nous avons décrits et les cordons nerveux dont nous venons de parler sont occupés par un réseau nerveux très-complet. Les tubes ovifères, avant l'émission des œufs qu'ils contiennent, sont renfermés dans la capacité de ce quatrième anneau, dont ils contournent les abords supérieurs et latéraux. Leur incuba- tion dans l’individu que nous décrivons n’était pas très-avancée, car 1ls étaient de petites dimensions. Les orifices vaginaux (À) sont très-larges et très-apparents ; ils sont placés à la partie latérale et moyenne du dernier anneau abdominal. On remarque sur la ligne médiane du quatrième anneau deux plaques sternales, en carré long, terminées cha- cune à leur orifice par un petit crochet. Trois autres crochets sont placés en triangle un peu plus bas et au milieu de cette partie du corps (2). Vu de profil (3), le corps est très-fortement caréné sur le dos, surtout à partir de la tête Jusqu'au quatrième anneau. La tête présente une volumineuse protubérance frontale qui est reçue à sa base daus le bord supérieur du premier anneau qui est échan- cré à cet effet, et lui permet de tourner plus facilement sur son axe. Il en est de même des autres anneaux, auxquels cette liberté les mouvements à été accordée. Coloration. — Le corps est en entier d’un blanc jaunâtre clair; le tube cardiaque est d’une couleur blanchâtre que fait ressortir encore celle d’un noir bleuûtre de l'intestin placé en dessous, Les tubes ovifères sont couleur de rouille. Habitat. — Trouvé un seul exemplaire, le 9 août 1872, sur le Labre vieille (Labrus Bergylia), et nous l’avons conservé vivant jusqu'au 20 du même mois. (1) Fig. 8, 9 et 17. (2) Fig, 2, 9 et 49, (8) Fig. 40, 40 HESSE, g 2. HISTORIQUE. Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons dit du Coo- bomate du Squale nez, attendu qu'il était mort lorsque nous l’avons recueilli, et que conséquemment 1 nous a été impossible de l’étudier au point de vue de ses habitudes. Il a le corps beaucoup plus grêle que celui du Co/obomate de la Vieille, et ses expansions latérales sont plus longues et plus étroites; mais, comme dans l’autre espèce, elles ne sont pasarti- culées à leur jonction avec le corps, de sorte qu’elles n’ont pas de mouvement qui leur soit spécial; mais elles participent à ceux d'ensemble. Nous n'avons pas eu aussi le moyen, comme dans l’autre espèce, d'en constater le sexe, attendu qu'il n'avait pas d'œuf; cependant comme son quatrième anneau est relativement assez large et ressemble, sous ce rapport, à celui du Co/obomate de la Vieille, nous avons pensé que ce pouvait être une femelle. Le caractère le plus saillant qu’il présente est son œil médian, auquel il nous à semblé que deux autres plus petits étaient acco- lés. Cette disposition particulière ne serait pas sans imtérêt, si elle existait réellement, attendu que sous ce rapport elle le rap- procherait des Pycnogonidiens, qui en ont quatre, et près des- quels, du reste, nous croyons qu'il doit être placé. Quant au Colobomate de la Vieille, nous n'avons pas non plus à revenir sur ce que nous avons dit relativement à la manière dont nous nous le sommes procuré. Il nous est arrivé en cette circonstance, ainsi que cela se voit souvent, de ne pas trouver l’objet que nous cherchions et d’en rencontrer un autre sur lequel nous ne comptions pas. Depuis lors nous avons visité un grand nombre de Labres sans avoir pu découvrir d’autres individus de cette espèce, ce qui nous fait penser qu'ils doivent être assez rares. Nous avons constaté aussi depuis, que, chez la plupart des Labres, la peau qui recouvre la partie supérieure de la tête était percée d’une multitude de trous, tous semblables quant à la ARTICLE N° 1, CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. A1 forme, mais variant de diamètre. Elle est, en cet endroit, com- plétement dépourvue d’écailles et adhère fortement à la boîte crânienne, de sorte que ces perforations, qui n’ont que son épais- seur, n'offrent que très-peu de profondeur, et que si l’on veut les sonder, on se trouve immédiatement arrêté par les os, qui forment obstacle. Dans ces conditions les explorations deviennent assez difficiles; il faut choisir dans ces cavités celles qui parais- sent offrir le plus de chance de recéler un de ces Crustacés, ou se résigner à les visiter toutes, ce qui demande beaucoup de temps, car il faut le faire avec infiniment de précautions, pour ne pas s’exposer à les froisser ou àles mutiler, attendu que leur extrème petitesse les rend très-difficiles à apercevoir. Pour remédier à ces inconvénients et pour tâcher d'aller plus vile en besogne, pensant que ces différents trous pourraient bien être des sortes de regards communiquant à des galeries creusées au-dessous de la peau, nous avons eu l’idée de sca/per la tête de ces Poissons ; mais cette opération, qui eût eu pour résultat, en mettant les os du crâne à nu, de nous permettre de visiter plus facilement les réduits où ils peuvent se cacher, n’a pas eu le succès sur lequel nous comptions. L’adhérence de la peau est extrême en cet endroit, et elle offre peu de consistance, de sorte qu'elle se déchire en petits lambeaux et qu'il faut y revenir à plusieurs reprises; ce qui expose à froisser ou à écraser tout ce qui sy trouve. Nous croyons donc que, malgré les diffi- cultés qu’il présente, l’autre moyen est encore le meilleur. D'ailleurs il ne peut qu'être utile de visiter presque toutes ces perforations, attendu que rien ne prouve que ces parasites res- tent toujours à la même place (4), et ce grand nombre de trous semblerait le prouver; peut-être aussi servent-ils à fa- (4) Nous avons cru que les Leposphiles, qui ont avec ce Crustacé une grande ana- logie sous le rapport de la manière de vivre, restaient, durant toute leur existence, renfermés dans le domicile qu'ils se creusent dans l'épaisseur des écailles des Poissons. Cependant, le 27 août 14871, grande a été notre surprise en ouvrant une tumeur placée à la partie antérieure et frontale de la tête d’une Vieille, d’y rencontrer un Leposphile très-vivant et qui était très-probablement la cause de cette déformation. Cet individu ressemblait exactement à ceux trouvés sous les écailles, si ce n’est qu'il était d’une cou- leur verdâtre pâle et d’une taille un peu plus forte que d'habitude. 19 HESSE. ciliter leur entrée et leur sortie, et à favoriser la dissémination des embryons. On a vu, par ce qui précède, que nous avons gardé ce Crustacé vivant du 9 août 1872 au 20 du même mois, soit onze jours. Durant tout ce temps nous n'avons cessé de l’examiner au micros- cope et de le dessiner, de sorte que nous avons certainement con- tribué, en le tourmentant et en l’exposant à l'éclat d’une lumière quelquefois très-vive, à abréger son existence, qui, dans des conditions ordinaires, se serait probablement prolongée bien au delà. Durant tout ce temps nous avons pu constater la très-grande vivacité de ses mouvements, qui ont aussi beaucoup de rapports avec ceux des Léposphiles. Ils consistent surtout en balance- ment très-vif et très-répété de droite à gauche, et réciproque- ment de la tête et de tous les anneaux antérieurs. Il se tourne sur lui-même, contracte et étend son corps avec d'autant plus de facilité, que ses anneaux sont organisés de façon à favoriser toutes ces manœuvres, et, comme nous l'avons dit, que ses cor- dons nerveux sont très-solides et disposés en conséquence. Ce sont ces mouvements brusques et continuels qui rendent l'étude de ces Crustacés extrêmement fatigante et difficile ; par une torsion de la partie antérieure du corps, il nous dérobait continuellement la portion du corps que nous voulions examiner, et (1) comme nous tenions à le conserver vivant le plus longtemps possible, nous ne voulions pas employer des moyens contentifs, qui auraient pu, en l'immobilisant, le faire périr. C’est à cette grande mobilité et aussi à la facilité qu'il avait, en contractant ses anneaux, de les invaginer les uns dans les autres, que nous devons d’être resté incertain sur la forme et la position de la bouche et de l'œil médian, et de n'en avoir parlé qu'avec hésitation. La tête, qui est extrèmement petite, s’encapuchonne dans le bord supérieur du premier anneau, qui justement est évasé à cet endroit et présente une expansion arrondie destinée à la protéger en la mettant à l'abri (2). (4) Fig. 41. (2) Fig. 40 et 41. ARTICLE N° 14. CRUSTACÉS DES CÜTES DE FRANCE, 13 Nous avons eu occasion de remarquer déjà bien souvent que les Crustacés qui sont en bon état de santé ont les couleurs plus vives, et que surtout le corps est bien plus transparent que lors- qu'ils sont morts ou sur le point de l'être; aussi lorsque le con- traire se produit, on doit s'attendre à les voir succomber promp- tement. Cet effet s’est produit, comme d'habitude, sur notre Crustacé, mais d’une manière différente ; la matière musculaire et charnue s’est concentrée au milieu et a abandonné les parois de la carapace, n’y adhérant que par quelques points d'attache, se terminant en pointes et donnant à cette masse un aspect sin- gulier, imilant des tiges hérissées d’épines (1). Quelque chose d’analogue n’a-t-il pas lieu chez les Nymphons ? Nous avons déjà eu occasion de remarquer chez d’autres Crustacés cet affaisse- ment des parties molles dans des circonstances pareilles, mais il ue présentait pas ces points d'attache qui lui donnent cet aspect singulier que nous mentionnons. Les expansions latérales quisont fixées au troisième anneau (2) paraissent, à raison de l’étroitesse de leur pédoncule et d’une sorte d’articulation sur une plaque sternale, être plus mobiles que les quatre autres, qui sont largement attachés au quatrième anneau et en font partie. Celles-ci ne suivent que les mouvements d'en- semble communiqués à cet anneau par les cordons nerveux dont nous avons déjà parlé et qui le traversent diagonalement (3). Les expansions du quatrième anneau semblent creuses en dessous et forment une sorte de ventouse (4). Nous ne l'avons pas remar- quée pendant que le Crustacé était vivant, et ce n’est qu'après quelques jours de macération dans l'alcool que nous nous en sommes aperçu, de sorte que ce n’est peut-être qu’une défor- mation qu'on peut attribuer à l’action de ce liquide. C'est aussi dans les mêmes conditions que nous avons cru aper- cevoir Ce que nous n'avions pas vu auparavant : les deux plaques sternales que nous avons représentées dans notre figure 4, et (1): Fis,44,42%et013. (2) Fig. 8, 9 et 10. (3) Fig. 4 et 2. (4) Fig. 13, 14 et 15, 14 HESSE. qui semblent terminées, à chaque angle, par un petit crochet, et enfin les trois autres crochets qui se trouvent rangés en des- sous en triangle (1). Ces sortes d’armatures, dans le cas où elles existeraient réelle-- ment, nous sembleraient destinées à fixer ce Crustacé sur un objet quelconque. D'après ce que nous avons dit, ces Crustacés, n'ayant aucun organe de locomotion, sont pour ainsi dire fixés à leur place : ils parviennent cependant à s’en éloigner, à peu de distance, il est vrai, en multipliant les mouvements de contraction et d'extension dont nous avons parlé, et qui équivalent, en somme, à une sorte de replation. $ 3. SYSTÉMATISATION. En cherchant dans la nomenclature carcinologique la place qu'il convient d’assigner aux singuliers Crustacés dont nousvenons de donner la description, on se trouve conduit à reconnaître qu'ils doivent être relégués dans les dernières séries des êtres compris dans cette catégorie. [ls n’ont en effet aucun des carac- tères principaux auxquels on reconnaît les Crustacés; car, à l'exception des anneaux que présente le corps, par une bizar- rerie qui ressemble à une mutilation, ils sont entièrement privés de membres articulés, qui sont d'ordinaire si multipliés chez ceux-ci. On ne saurait, en effet, regarder comme étant desti- nés à les remplacer les appendices tronqués et inarticulés, qui ne sont, par le fait, que des prolongements de la carapace. Ils sont donc, sous ce rapport, moins bien favorisés que les Cernéo- cériens, qui ont des moyens de fixation sur leur proie, et surtout que les Pycnogonidiens, qui sont pourvus de pattes ambula- toires qui servent à leur locomotion. Ils sont également dépour- vus, Comme eux, d'organes extérieurs destinés à la respiration, et, à raison de cette analogie, ils peuvent être rapprochés des (4) Fig. 19. ARTICLE N° 4/4. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 15 Crustacés précités, près desquels, du reste, nous pensons qu'ils doivent être placés. Car bien que ce soit peut-être le seul point de ressemblance qu'ils aient avec eux, ils paraissent encore moins s'éloigner de ceux-ci que des autres Crustacés uxquels on pourrait les comparer. Nous sentons ici qu'il eût été à désirer que nous fussions fixé d’une manière certaine sur la conformation de la bouche de ces parasites ; mais, bien que les caractères qu’on peut en tirer aient toujours une certaine importance, nous ne pensons pas néan- moins qu'ils puissent avoir assez de valeur pour pouvoir modi- fier la position que nous proposons de leur assigner. De tous les Crustacés auxquels nous pourrions les comparer, il n’en est aucun qui, à raison de leurs formes extérieures, de leurs habi- tudes et de leur manière de vivre, ait autant d’analogie avec nos Léposphiles. Nous pensons donc qu'il y a lieu de les placer près de ceux-ci et d’en former un groupe à part; et à cet eflet nous créons pour nos nouveaux venus une famille que nous caractérisons comme il suit : SOUS-CLASSE DES CRUSTACÉS SUCEURS. Ordre des LERNÉIDES. Famille des LERNÉOAPODIENS. FemeLces. — Non fixées sur leur proie, mais vivant dans une cavité qu'elles creusent dans la peau de celle-ci. Sans pattes thoraciques ; à leur place des appendices inarticulés. — Tête précédée de deux appendices spatuliformes larges et plats. Genre COLOBOMATE, MALEs. — [nconnus. Feuezce. — Corps long et grèle, formé de cinq ou de quatre anneaux thoraciques, le troisième ou le quatrième beaucoup plus long et plus large que les autres. Abdomen formé de trois ou d’un anneau. 16 HESSE. Téte grande et conique, ou petite et arrondie, précédée de deux appendices larges, plats, spatuliformes. Œil médian, placé sur la tête, simple ou accompagné de deux autres accessoires. Bouche proboscidiforme, ayant un labre supérieur et infé- rieur, et deux petites pattes-mâchoires latérales. Antennes courtes, composées de quatre ou cinq articles. Extré- mité abdominale lerminée par deux appendices longs et paral- lèles ou courts et divergents. COLOBOMATE DU SQUALE NEZ. — Colobomatus Lamne. Mae. — Inconnu. FemeLe. — Tête assez grande, conique, précédée de deux appendices plats, divergents et spatuliformes. Œil médian, formé d’un globe principal et de deux plus petits. Thorax composé de cinq anneaux, dont les trois premiers étroits, en forme de cou; le quatrième fusiforme, beaucoup plus long et plus large, servant de point d'attache à quatre expan- sions latérales disposées diagonalement en forme d'X. Anneau suivant court et arrondi, ayant de chaque côté deux appendices longs, cambrés, avec la pointe dirigée en bas, Trois anneaux abdominaux, le dernier plus grand, terminé latéralement par deux protubérances arrondies, dans lesquelles sont les ouver- tures vaginales, et par deux expansions plates et spatuliforines parallèles, dont les pointes sont arrondies et dirigées en bas. Bouche placée en dessous et à la base de la tête; forme incer- taie. Coloration vert clair, avec une large bande noire au nuilieu, et celle-ci d’un rouge rouille en dessous. Habitat. — Trouvé un exemplaire seulement sur le Squale nez (Lamna cornubica),. ARTICLE N° 414, Ro — —- CRUSTACÉS DES CÜTES DE FRANCE. 17 COLOBOMATE DU LABRE VIEILLE, — Colobomatus Bergyltæ. Mare. — Inconnu. FemerLe.— T'éte petite, très-ronde postérieurement, antérieu- rement précédée d'un prolongement frontal, se terminant par deux appendices divergents, larges et plats, spatuliformes. Œil médian, petit, placé derrière et au milieu de la tête. Thorax formé de quatre anneaux, dont les trois premiers sont étroits et forment une sorte de col ; le quatrième très-large et très-grand, testudiniforme et octogone, présentant latérale- ment et diagonalement quatre expansions en forme de raguettes, deux expansions semblables étant également placées de chaque côté, au tiers antérieur du troisième anneau. Abdomen formé d’un seul article étroit eteylhindrique, terminé par deux appendices courts, arrondis à leur extrémité et légère- ment séparés entre eux. Bouche proboscidiforme, placée en dessous de la tête, mais insuffisamment connue, Coloration. — Jaune pâle, les œufs couleur de rouille. L’in- testin couleur bleu noir et tube cardiaque blanc. Habitat.— Trouvé vivant dans une petite cavité creusée dans la peau qui recouvrait la partie occipitale d’un Labre vieille. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 24. Colobomate du Squale nez. Colobomate du Squale nez femelle, vu en dessus, amplifié 36 fois. . Le même à la même amplification, vu en dessous. . La bouche très-grossie, vue de face. . Autre dessin de la bouche, vue également de face et au même grossissement. el 3 F & ND Fig. 5. Dernier anneau de l’abdomen, très-grossi, vu de trois quarts pour montrer les tubérosités qui sont à la base; deux expansions terminent cette partie du corps, Fig, 6. Ce même dernier anneau, vu en dessous, Fig, 7. Le même, vu en dessus, 18 HESSE. Colobomate du Labre vieille. Fig. 8. Colobomate du Labre vieille amplifié 28 fois, vu en dessus, Fig. 9. Le mème à la même amplification, vu en dessous, Fig. 140. Le même au même grossissement, vu de profil. Fig. 11. La même partie du corps à un grossissement plus fort, représentant l’eflet produit après la mort et la condensation de la matière musculaire qui s’est détachée des parois de la carapace, et, en s’affaissant, montre les parties encore adhérentes ayant la forme de pointes, qui font ressembler cette masse à une tige hérissée de pointes. Fig. 42 et 13. Appendices latéraux du quatrième anneau, très-grossis, sur lesquels la mort a exercé le même effet. Fig. 43 et 14. Appendices du troisième anneau très-amplifiés, vus en dessus et en dessous. La figure 9 représente cet appendice vu en dessous, après immersion dans l'alcool, et paraissant creux en forme de ventouse. Fig. 15. Les mèmes appendices, vus en dessous, et réunis par une plaque sternale avec laquelle ils semblent articulés. Fig. 46. Tête de ce Crustacé vue en dessus et très-grossie, mais dont la forme est douteuse. Fig. 17. Extrémité abdominale très-grossie, dessinée après macération pendant plu- sieurs jours dans l'alcool. Fig. 48. La même partie du corps, très-grossie, vue en dessous, dessinée sur le Crus- tacé vivant. Fig. 149. La même partie du corps vue en dessous. Fig. 20. Quatrième anueau et partie abdominale très-grossie, vue en dessous, dessinés après macération dans l'alcool, On aperçoit au milieu deux plaques sternales carrées, terminées à leurs angles par de petits crochets, et l'on voit également en dessous de celui-ci quatre autres petits crochets disposés sur la même ligne, et deux autres, en croissant, placés en dessous. ARTICLE N° Le NOTE SUR LE TÉNIA ALGÉRIEN, Par M. le Dr CAUVEZ (1). Les médecins de l'armée d'Afrique ont tous rapporté le Ténia alsérien à une seule et même espèce : T. sokum, L. Un seul penche à croire, mais sans preuves à l'appui, que ce Ténia est peut-être fourni par deux espèces distinctes : le 7°. /afa et le T. solium. Je ne sais si je m’abuse, mais il est probable que le nom de T'. lata, douné primitivement au Bothriocéphale, a été la cause de bien des erreurs, et qu’en a souvent appelé T. lata tout individu dont les articles semblaient être plus larges que ceux du Ténia armé. Telle est, sans doute, la raison pour laquelle Pruner-bey et Guys appelèrent 7. lata le parasite qu'ils avaient observé en Syrie. Peut-être la même particularité fit-elle appliquer le même nom au Ténia trouvé chez les orphelins de Ceylan venus à Londres. | Telle encore dut être l’origine du nom de Bofthriocephalus tropicus, donné par Schmidtmüller au Cestoïde si commun à Java. Contrairement à Pruner-bey, les médecins français de l'expé- dition de Syrie ont pris pour des Ténias armés tous les Cestoïdes observés dans le corps expédilionnaire, soit pendant l’occupa- tion, soit après le retour de l’armée en France. (1) En aZressant celte note au bureau de la rédaction des Annales, M. Cauvet a exprimé le regret de ne pouvoir trouver en Algérie les recueils scientifiques nécessaires pour la compléter au point de vue bibliographique; et à ce sujet nous croyons devoir citer les observations de M. Knoch insérées dans le Bulletin de l'Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg pour 1867, t. XII, p. 346. La planche qui accompagne ce tra- vail nous a permis de ne pas insérer ici les figures jointes à la note de M. Cauvet, ANN. SC NAT, — ART: N° 40, 2 CAUVET. Sous l'empire de cette idée, absolument préconçue, ils rap- portent l'infection au lard salé qui formait en partie la nourri- ture de nos soldats. Cependant le parasite était extrêmement commun chez les indigènes. Comme ceux-ci ne mangeaient pas de lard, il étax à supposer : ou que leur Ténia était d'espèce différente, et la détermination de Pruner-bey pouvait être justifiée; ou bien que le parasite était le même dans les deux cas, et dès lors le lard mangé par les soldats n’était pas le point de départ de l'affection. | Cette dernière hypothèse semble d'autant plus probable, que notre armée d'Orient, nourrie de la même manière et placée d’ailleurs dans des conditions hygiéniques plus défavorables, ne fut pas, à ma connaissance, aussi profondément infestée par les Cestoïdes. Il aurait donc fallu chercher ailleurs que dans le lard la cause de l'infection. Quelques médecins ont cru voir cette cause dans l’eau des mares où puisaient les soldats, ou dans la salade (surtout le Pourpier) cueillie n'importe en quel voisinage. Cette supposition tombe devant ce que l’on sait des migrations nécessaires des Cestoides et de l'impossibilité où sont leurs embryons de se développer en animaux parfaits, sans être passés au préalable par la phase hydatique, qui est commune à tous les individus de ce groupe. Il est incontestable que l'absorption de l’eau croupie des mares situées dans le voisinage des habitations est l’une des sources des tumeurs hydatiques (Échinocoques, Acéphalocystes) si fréquentes chez les Arabes, et qui, en Algérie, infestent les viscères des animaux de boucherie. Mais on ne saurait admettre que les larves ainsi ingérées puissent se développer directement en Ténias dans l'intestin. Il est donc probable que les parasites observés ne provenaient ni du lard, ni de l’eau, ni de la salade. Il restait, en outre, à décider : 1° Si le Ténia des indigènes et celui de nos soldats appartenaient à la même espèce. 2 Si ce Ténia était le T. Zata ARTICLE N° 15. NOTE SUR LE TÉNIA ALGÉRIEN. 3) (Pruner-bey), ou le T. solium (médecins du corps expédition- naire). Or, il arriva que M. le docteur Suquet, ayant envoyé de Syrie deux de ces Ténias à M. Davaine, notre savant helninthologue les reconnut pour des Ténias inernes (7°. mediocanellatu, Küch.). Si donc la détermination de Pruner-bey et celle des médecins français se trouvaient justifiées, il existerait en Syrie trois espèces distinctes de Cestoïdes : Bothriocéphale, Ténia armé, Ténia inerne. Comme je n’appartenais pas à l’armée de Syrie, je ne puis me faire juge de cette question. Mais je crois que Pruner-bey et les médecins français ont été induits en erreur, et que le Ténia inerme est le parasite dominant en Syrie. Cette opinion se base sur les faits qui font l’objet de ma note. J'ai dit plus haut que l’on avait rapporté au seul T'œ@ra so- lium, L., tous les Cestoïdes observés chez l’homme dans notre colonie algérienne. Dès mon arrivée à Constantine, j'appris que cette sorte de Ténia est très-fréquente dans cette ville ; que Arabes, Juifs et Européens en sont infestés, et l’on ajouta même que l’on n’y en avait jamais vu d'autre. J'étais fort surpris que le Ténia armé, qui vient presque exclu- sivement du porc, se montrât seul dans une ville où domine l'élément indigène, et je me promis d'examiner soigneusement tous les Ténias qui seraient expulsés par les malades de l’hôpital militaire. Or, quatre de ces parasites m’ayant été présentés, tous les quatre se trouvèrent être des TÉNIAS INERMES. Je relus avec soin les documents publiés par le Conseil de santé des armées, dans le Æecueil de mémoires de médecine militaire, etc., pour y chercher quelques renseignements au sujet de la détermination des Ténias observés. Tous avaient été rapportés au Ténia armé, quoiqu'une seule observation relate la présence de crochets sur la proboscide du parasite. Dans le plus grand nombre de cas, la tête n'avait pas été trouvée, ou les moyens de grossissement faisaient défaut. Quatre observations LL CAUVET. seulement portent les indications suivantes, qui sont d'ailleurs fort vagues : 1° _Renflement sphérique, au centre duquel on remarquait un point noir indiquant la tête du Ténia armé. 2 Tête globuleuse, dans laquelle on n’a pu voir à l'œil nu les crochets ni les suçoirs. 2° Téle sans crochets. N° Tôte à quatre mamelons, cou court. Daus la plupart des cas, un fait bien digne de remarque semble avoir passé inaperçu. La plupart des observateurs disent que les cucurbitains se détachaïent isolément, et tombaient, soit avec les fèces, soit, et surtout, dans l'intervalle des défécations. Or, il est rare que les segments du Ténia armé se détachent ainsi; presque toujours ils s’'échappent par groupes, sous forme d’un ruban plus où moins long. J'ai souligné, dans les descriptions ci-dessus, tout ce qui m'a paru se rapporter au Ténia inerme, dont voici les caractères, tels qu'on les voit à la loupe. En comparant cette diagnose aux parties soulignées, on trou- vera, je l’espère, plusieurs points communs entre elles. TÉNIA 1NERME (T'œnia mediocanellata, Küch.).— Tète globu- leuse, plus grosse que celle du Ténia armé, dépourvue de crochets, déprimée à la partie antérieure, qui porte une fossette au lieu d’une proboscide, munie de quatre oscules (ventouses ou suçoirs) très-développés, disposés aux extrémités de deux diamètres per- pendiculaires, à bords arrondis, mais saillants, et rappelant, par leur aspect, une loupe d’horloger. Cou plus courtet pluslarge que celui du Ténia armé, à segmentations très-nombreuses, très- rapprochées, commencant presque au voisinage de la tête; segments moins longs et plus larges que ceux du Ténia armé, marqués d’une zone sombre longitudinale et médiane, pourvus de cupules génitales saillantes, placées sur les bords de l'anneau, irrégulièrement disposées, mais assez souvent alternes d'un an- neau à l’autre. Les segments se détachent en général isolément, et déterminent à la marge de l'anus un prurit insupportable. La brève description ci-dessus ne permet de déterminer le ARTICLE N° 45, NOTE SUR LE TÉNIA ALGÉRIEN. 5) Ténia inerme que lorsqu'on en peut retrouver la tête. Dans ce cas, même sans la loupe, la forme bombée de la tête, qui semble tronquée à son extrénuté, l'épaisseur et la brièveté du cou, sont des moyens de diagnostic suffisants. À défaut de la tête, la largeur des anneaux et leur tendance à s'échapper iso/ément doivent fournir une indication, à mon avis, précieuse sur la nature probable de l'animal. L'œuf du Téniainerme est sphérique, plus rarement ovoïde, et un peu plus gros que celui du Ténia armé. Il est linuté extérieure- ment par une coque rugueuse qui, sous l'influence d’une solu- tion de potasse au 8° pour 100, se désagrége et se montre com- posée de petits corps prismatiques disposés perpendiculairement à la surface de l'œuf et reliés par une gangue translucide amorphe. À la face interne de la coque se trouve une mem- brane transparente, anhiste, comparable à celle qui existe dans l'œuf de la poule. L'embryon se voit assez difficilement par transparence. Toute- fois l'emploi de la potasse caustique ou même un examen attentif permettent de le discerner. Il se montre alors comme une masse irrégulièrement sphé- rique, incluse dans une matière muco-granuleuse, et pourvue, sur un de ses points, de six crochets disposés par paires : une paire antérieure médiane, deux paires latérales. La sortie de l'embryon s'effectue par rupture de la coque. Quelque soin que j'aie porté à mes observations, 1l m'a été impossible de voir cet embryon ramper sur le porte-objet ou même mouvoir ses crochets, comme M. Leuckart dit l'avoir vu chez le Bothriocéphale. Après avoir quitté l'œuf, la jeune larve semble conserver une grande vitalité, car en général elle ne s’est point colorée sous l’in- fluence du carminate d’ammoniaque. Elle ne paraït pas, comme celle du Bothriocéphale, destinée à vivre dans l’eau : au moment de son éclosion, je ne l’ai pas vue munie d’une enveloppe cilicée. Enfin, la matière granuleuse qui l’entourait dans l’œuf accom- pagne l’embryon, au moins pendant quelque temps. Toutefois, dans un certain nombre de cas, j'ai vu cette matière affecter la SC. NAT, AVRIL 1879. XVII, 23, — ARTe N° 19. 6 CAUVET. forme d’une cupule dans laquelle le jeune animal était plus ou moins engainé. Les faits que je viens de rapporter sont, sans doute, bien connus et se retrouvent probablement dans la larve du Ténia armé. Je n'ai pas eu l’occasion de les constater chez cette dernière. Une question bien autrement importante est celle qui a trait à l’étiologie de l'infection. Depuis que j'ai quitté la France, je n'ai pu me tenir au cou- rant des recherches faites dans ce sens, et peut-être que ce qui me reste à dire est depuis longtemps connu. Comme je l'iguore, on me pardonnera si je m'expose à des redites. Les personnes que j'ai interrogées, officiers venant des co- lonnes, Arabes de la ville, Israélites, Européens, m'ont toutes déclaré que, chez elles, la présence du Ténia était principale- ment dénotée par la sortie de cucurbitains isolés. Il était donc à supposer que, chez toutes, le parasite était de même espèce. Or, si quelques-unes mangent parfois du pore, leur religion défend aux autres d’en manger, et 1l fallait cher- cher ailleurs que dans le porc la cause de l’infection. Les ouvrages spéciaux abondent en faits qui semblent prouver que le Ténia inerme provient du Bœuf. M. Leuckart a même démontré la transmissibilité de ce Ténia, de l'Homme au Bœuf. Il réussit à produire la ladrerie chez des veaux, en leur faisant avaler des cucurbitains de Ténia inerme, après avoir échoué sur des Pores et des Moutons. Mais quelqu'un est-il parvenu à trouver chez le Bœuf le Cysticerque du Ténia inerme ? Telles étaient mes réflexions : Je me rendis à l’abattoir pour examiner les viscères (foie, poumons) des Bœufs que l’on venait d'abattre, et sur un foie et sur un poumon je recueillis plusieurs kystes hydatiques. L'étude microscopique de ces kystes me montre des Echi- nocoques dans les uns, des Acéphalocystes dans les autres. Un kyste de Mouton renfermait un Cysticerque de Tera. marginata, Batsch (Cyst. tenuicollis, Rud.). ARTICLE N° 15, NOTE SUR LE TÉNIA ALGÉRIEN. 7 Les bouchers, consultés, m'apprirent que les kystes du poumon et du foie étaient toujours de même nature que ceux que j'avais étudiés. Ce n'était donc pas dans les viscères, sans doute, que se logeait le Ténia inerme, pendant sa phase hydatique. Un boucher me dit que, parfois, on observait des corps gros comme un pois sur les muscles intercostaux. Une observation attentive de la cavité thoraco-ahdominale d’un grand nombre de Bœufs ne me fournit aucun résultat, et j'allais me retirer, lorsque, en examinant un lambeau du diaphragme d’un Bœuf d'ailleurs en très-bon état apparent, j'aperçus sous la plèvre une sorte de petite élévation semblant remplie de sérosité. Je détachai la portion sous-jacente du diaphragme, et, arrivé dans mon laboratoire, je disséquai minutieusement la petite tumeur. Celle-ci étant énucléée, j’obtins une vésicule ovoïde, translucide, longue d'environ un centimètre. J'ouvris cette vésicule avec précaution, en l’examinant à la loupe. Elle contenait une membrane amorphe à laquelle adhérait une deuxième vésicule de la dimension d’un grain de chènevis. Cette dernière fut ouverte avec une aiguille, et, par compression, j'arrivai à en faire saillir un corps allongé, adhérant à la paroi interne de la vésicule par l’une de ses extrémités, tandis que l’autre extrémité, examinée à la loupe, se montra pourvue de quatre grandes ventouses et privée de crochets. Cette extrémité, comparée à la tète du Ténia inerme, se montra constituée de la même manière. Je crois donc avoir trouvé le Cysticerque du Ténia inerme. Ce Cysticerque occupait, au-dessous de la plèvre, le tissu cellulaire qui sépare celte séreuse du diaphragme. Il doit done, comme le Cysticerque de la cellulosité, habiter le tissu cellulaire interstitiel. C’est là que je me propose de le rechercher de nouveau. N. B. — Depuis l’époque où cette note fut écrite, dix nou- veaux Ténias ont été expulsés à l'hôpital militaire. Tous ces Ténias se sont trouvés être des Ténias inermes. NOTE SUR L'HYLODES MARTINICENSIS ET SES MÉTAMORPHOSES, Par M. Bayar. Extrait (1). Cette petite Rainette, extrêmement abondante à la Guadeloupe, sort de l’œuf avec la forme qu’elle doit garder toute sa vie; mais avant l’éclosion, elle subit les mêmes métamorphoses que celles des autres Batraciens anoures. Dans les circonstances où se trouvaient les œufs observés par l’auteur, les changements se succèdent de la manière suivante : Le quatrième jour, après la ponte, l'embryon se dessine bien; la queue est bien visible, ainsi que deux éminences figurant sur la tête l’emplacement des yeux. Le cœur existe; on le voit fonctionnant entre Pembryon et le vitellus, un peu en avant des pattes antérieures. Avec beaucoup de peine, on distingue de chaque côté de cet organe une branchie, mais le sang n’est pas encore coloré ou ne l’est que très-peu. Le mouvement rotatoire de l'embryon est manifeste, et s'effectue à raison de cinq tours par deux minutes environ. L'animal est en outre doué d’un mouvement propre indépendant du vitellus, auquel il a Vair d’être uni par un cordon. Le cinquième jour, le sang est coloré, et les branchies sont assez visibles; elles affectent la forme d’une simple anse vasculaire. La forme des membres commence à se dessiner; les mains sont élargies en palettes. Le mouvement rotatoire a cessé. Le sixième jour, les branchies sont à leur maximum de coloration. Le vitellus est couvert d’arborisations vasculaires. Le septième jour, on ne distingue plus les branchies : un point rouge en occupe la place. La queue, très-mince, s’est considérablement élargie. Le huitième jour, la queue ne semble plus limitée dans son contour. Le neuvième jour, les pattes sont bien formées ; le vitellus fait corps avec l’embryon; 1l n'y à plus le moindre vestige de queue, ni de branchies. Le dixième ou le onzième jour, éclosion. (4) Note publiée à Basse-Terre (Guadeloupe) en 1872. ANN. SC. NAT. — ART. N° 46, NOTE SUR L'AMEIVA EDWARDSII PROVENANT DE L'AMÉRIQUE CENTRALE. Par M. F. Bocourr. Cette belle espèce, que nous dédionsà M. le professeur Milne Edwards, habite les forêts du versant oriental du Guatemala; elle est très-com- mune à Isabal et à Santa-Maria de Pansos, près du rio Polochic. On trouve dans les mêmes localités une grande variété de l’Am. undulatus, Wiegmann, décrite par M. Aug. Duméril, Cat. méth. coll. Rept., 1851, p. 113, et par M. Cope, Proceed, Acad. nat. sc. Philad., 1862, p. 62. Voici les caractères distincts de ce Saurien : Huit séries longitudinales de plaques abdominales. De grands écus- sons gulaires et collaires. Squames de la région inférieure des cuisses grandes, formant trois rangs longitudinaux. Une bande festonnée d’un vert tendre sur la ligne vertébrale, et de chaque côté une autre assez large, d’un beau noir liséré de jaune. Afin de faire mieux connaître l’Ameiva E‘dwardsii, j'en donne ici une description complète. Narines percées entre deux plaques, sur le bord postérieur de la naso-rostrale ; squame post-naso-rostrale grande et subquadrilatérale, Écailles du demi-cercle sous-orbitaire disposées ainsi : l’antérieure, très-élevée, a ses contours verticaux curvilignes, supérieurement elle est en contact avec la première scutelle sourcilière, et inférieurement elle repose sur la quatrième sus-labiale ; la deuxième, plus petite, est rectangulaire, touche inférieurement à la quatrième et à la cinquième sus-labiale ; la troisième, très-allongée, forme le contour inférieur de l'orbite; enfin le demi-cercle se termine en arrière par cinq écailles beaucoup moins grandes. Sur chacune des lèvres, cinq paires de lames, les inférieures très-inégales en largeur; trois squames sus-oculaires, quelquefois une quatrième en arrière, excessivement petite; cinq sCu- telles sourcilières, la deuxième très-longue ; deux lames fronto-parié- tales; trois plaques occipitales suivies de deux ou trois rangs de petites scutelles nuchales ; sur la gorge, sept à dix écussons inégaux, irrégu- lièrement disposés ; le plus grand égale souvent par ses dimensions la plaque internasale ; en avant du pli antéro-pectoral on voit une rangée transversale de neuf à dix plaques, quelques-unes aussi grandes que celles de la poitrine. Squames abdominales sur huit rangs longitudi- naux, les quatre médians égaux en largeur, les latéraux un peu plus ARTICLE N° 417. 2 | NOTE SUR L'AMEIVA EDWARDSII. étroits; trois écailles préanales subcirculaires, les deux postérieures un peu plus petites, en contact par leur côté interne, et bordent presque l'anus; une rangée de squamelles sur la surface externe des bras, double sur le commencement de l’avant-bras, ensuite simple et très-dilatée en travers vers le poignet; squames fémorales inférieures relativement grandes, sur trois rangs longitudinaux; plaques tibiales encore plus grandes, formant deux rangées longitudinales. Queue longue, tétragone à la naissance, très-effilée à l’extrémité, recouverte de verticilles d’écail- les à carène élevée; en dessous, à la base seulement, elles sont lisses et offrent six séries longitudinales ; longueur du tibia égalant l’espace compris entre le bout du museau et la dernière écaille nuchale; dix- neuf à vingt et un pores sous chacune des cuisses. Longueur totale du plus grand exemplaire. ................... 0,350 Longueur de la tête, du bout du nez au bord antérieur de l'oreille. 0,030 Longueur de la tête en dessous, du menton au pli antéro-pectoral.. 0,041 Du pli antéro-pectoral à l’anus.......,...,..,...... Jbcosonc 0,073 Longueur de la queue..... DB 0bdoo0000% 100 Ab ob 1010239 ÉonvueuriduMitibia er RC Se ere E Eee cc ee: cCCRECECe 0,028 Longueur du pied, prise du talon à l’extrémité du doigt le plus long 0,042 Coloration. — Sur un fond olivâtre se détache en clair, sur la ligne vertébrale, une bande festonnée d’un vert tendre, peu distincte chez les vieux spécimens; elle prend naissance sur le bout du museau et se termine sur la première partie de la queue; à droite et à gauche, elle est accompagnée de taches circulaires brunes; de chaque côté on voit une autre bande assez large, d’un beau noir velouté, liséré de jaune; flancs gris-olive. Régions inférieures d’un blanc verdâtre. L'Ameiva Edwardsii paraît très-voisin de l’'Am. E'utropia, Cope, ori- ginaire de la Nouvelle-Grenade (loc. cif., 1862, p. 60), mais on peut le distinguer de ce dernier par les particularités suivantes : 1° plaques de la première partie de l’avant-bras disposées sur deux séries, et non sur une seule; 2° écussons anaux au nombre de trois seulement; 3° pores fémoraux un peu plus nombreux; 4° surle dos il n’y a que trois bandes et non cinq : une sur la ligne vertébrale, et une autre colorée en noir sur chacun des côtés qui, de la narine au bassin, parcourt toute la longueur du corps. ARTICLE N° 17. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Mission scientifique au Mexique et dans l’Amérique centrale. Recherches zoologiques publiées.sous la direction de M. Mine Epwanps. 1 vol. grand in-4, chez G. Masson, à Paris. La publication de cet ouvrage, commencé avant la guerre et sus- pendu pendant le siége de Paris, a été reprise vers le milieu de l’année dernière, et nous avons lieu d'espérer que désormais elle marchera ra- pidement. La partie relative aux Myriapodes du Mexique, par MM. H. de Saussure et À. Humbert, est terminée eta paru en septembre dernier; elle se compose de 208 pages de texte, et elle est accompagnée de 6 planches. Les deux premiers fascicules de la partie consacrée aux Orthoptères est également en vente. Ils sont dus à M. de Saussure ; ils comprennent les 292 premières pages du travail de ce naturaliste et les 6 premières planches. La 3° livraison est sous presse. La 7° partie de ce recueil, consacrée aux Mollusques terrestres et fluviatiles, rédigée par MM. Crosse et Fescher, est également très- avancée. Les trois premières livraisons ont paru et se composent de 384 pages de texte accompagnées de 16 planches. La 3° section se compose d’un travail de MM. Auguste Duméril et Bocourt sur les Reptiles de l'Amérique centrale. La plus grande partie avait été préparée avant la mort de M. Duméril, et la suite sera rédigée par M. Bocourt. La 2: livraison se termine à la page 144 et les planches 4 à15 ont paru. Enfin, la 4° partie dans laquelle MM. L. Vaillant et Bocourt parlent des Poissons recueillis par ce dernier pendant son voyage dans l’A- mérique centrale est sous presse, ainsi que la 5° partie qui traite des Crustacés et qui est rédigée par M. Alphonse Milne Edwards. Dans la 2° partie, M. J. Verreaux donnera un catalogue méthodique des Oiseaux de cette région; son manuscrit est presque achevé et sera mis sous presse très-prochainement. Nous ajouterons que la partie botanique, publiée sous le direction de M. Decaisne, est également en voie de publication. Un premier fasci- cule consacré aux Cryptogames, et rédigé par M. E. Fournier, a été mis en vente il y a quelques jours. ANN, SC. NAT. — ART. N° 18. 4 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. Recherches pour servir à l'histoïre naturelle des Mammifères, par MM. MrINE Epwarps. In-h, chez Masson, Paris. Les livraisons 14 et 15 de cet ouvrage viennent de paraître, et con- tiennent la suite du travail de M. Alphonse Milne Edwards sur les Mammifères du Tibet chinois. Elles sont accompagnées de deux planches. Animaux fossiles du mont Léberon (Vaucluse). Études sur les Vertébrés, par M. A. Gaunry. — Étude sur les Invertébrés, par MM. Fischer et Tournouër. 1 vol. grand in-A, Le gisement fossilifère du mont Léberon ressemble beaucoup à celui de Pikermi, dont M. Gaudry avait fait précédemment une étude très- approfondie. On y trouve des Machærodus, des Helladotherium, des Hipparions, etc., etc. L'ouvrage sera divisé en 4 livraisons, dont les deux premières ont paru et renferment 10 planches. Archives du Muséum d'histoire naturelle de Lyon. Grand in-4. Deux livraisons de ce nouveau recueil nous sont déjà parvenues. La première, publiée en 1872, contient un mémoire intitulé : £éudes sur la station préhistorique de Solutré, par MM. Ducros et Lortet. La seconde, publiée en 1873, renferme : 4° un travail de M. Locard sur les brèches osseuses des environs de Bastia ; 2° des études sur le Zagomys corsica- nus, par M. Lortet (avec une planche représentant le squelette de ce Rongeur fossile ; 3° un mémoire de MM. Lortet et Chantre, intitulé : Études paléontologiques dans Le bassin du Rhône : A iode quaternatre, et accompagné de 7 planches. Mémoires de la Société Linnéenne de Normandie, années 1870-1872. 4 vol. in-4, Caen, 1872. Ce volume (le XVI° de la série) est occupé en entier par un travail paléontologique et géologique sur les étages supérieurs de la forma- tion jurassique du département de la Haute-Marne. Les zoologistes y remarqueront une description des Reptiles, des Poissons, des Crusta- cés et des Mollusques de cette formation, par M. de Loriol (avec 27 planches). La partie géologique, par MM. Royer et Tombeck, con- tient beaucoup de renseignements sur la distribution de ces fossiles. ARTICLE N° 18. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE: 6) Annales de la Société Linnéenne de Lyon pour 1872 (tome XIX). Gr. in-8. Ce volume contient : 4° la suite de l’/conographie et description de Chenilles et Lépidoptères inédits, par M. Millière (avec 6 planches colo - riées) ; 2° un travail de MM. Mulsant et Rey Sur la tribu des Brév- pennes (avec 5 planches). Histoire naturelle des Coléoptères de France, par MM. MuzsanT et Rey. Ce nouveau volume du grand ouvrage de M, Mulsant est consacré aux Lamellicornes et aux Pectinicornes. Histoire naturelle des Oiseaux-mouches ou Colibris constituant la famille des Trochilides, par MM. Muzsanr et J, VERREAUX. In-4k. Première livraison, Lyon, 1873 {avec 2 planches). Cet ouvrage paraîtra par livraisons d’environ dix feuilles de texte, et sera accompagné de planches coloriées représentant chaque espèce, si le nombre des souscripteurs est suffisant pour couvrir les frais de la publication. Traité élémentaire d'Entomologie, par M. Maurice GIRARD, professeur d'histoire naturelle au collége Rollin. In-8. Le premier volume de ce traité est consacré : 4° à une introduction dans laquelle l’auteur s'occupe de l’anatomie, de la physiologie et de la distribution géographique des insectes; 2° aux Coléoptères. Il est fait avec soin et accompagné d’un atlas de 60 planches. Nous rappelons que M. Girard a inséré dans les Annales, il y a quelques années, un travail important sur la température des Insectes. Manuel d'anatomie comparée, par C. GEGENBAUR, traduit en français sous la direction de C. Vocr, professeur à l’Académie de Genève. In-8, Paris, 1873. Ce livre, dont la quatrième livraison vient de paraître, sera très-utile à toutes les personnes qui veulent faire des études approfondies en zoologie. Histoire de la zoologie depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, par M. Horrer. 1 vol. in-18, Paris, 1873. Ce volume fait partie d'une collection d’ouvrages sur l’histoire uni- verselle, publiée sous la direction de M. V. Duruy, ancien ministre de l BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. l'instruction publique, auquel les naturalistes français sont redevables de la fondation des laboratoires désignés sous le nom d’£cole pratique des hautes études. M. Hæffer est depuis longtemps très-connu des hommes d’étude pour son histoire de la chimie et pour d’autres tra- vaux analogues. Fauna der Kieler Bucht, von H. À. Meyer and K. Môgrus. In-fol. Le second volume de ce bel ouvrage publié à Leipzig il y a quel- ques mois (1872), est consacré principalement aux Mollusques proso- branches et aux Mollusques lamellibranches du golfe de Kiel. Il est accompagné de 24 planches représentant ces animaux peints d’après le “vivant, avec non moins de perfection que l'avaient été les Opistho- branches dans le premier volume, dont la publication remonte à 1865. Journal des Museum Godefroy. Hambourg, 1873, in-4. Ce recueil nouveau, dont le premier fascicule vient de nous être adressé, contient un travail de M. Graefe sur les îles Samoa, et une note sur les Oiseaux de l’île Huahineine, ainsi que des notes sur la bo- tanique. Il est accompagné de planches. Illustrated Catalogue of the Museum of Comparative Zoology at Harvard College, n° 7. Revision of the Ecuini, by Alex. Agassiz. Dans la première partie de cetimportant travail, l’auteur fait une révision générale des Echinides et discute la synonymie des espèces. Dans la seconde partie, il s'occupe de la distribution géographique de ces animaux. La partie descriptive de son travail est accompagnée de planches photographiées, et la seconde partie de cartes indiquant la distribution des Echinides sur les différentes parties de la surface du globe. A Monograph of the Paradiseidæ, by D. G. EztoT. Gr. in-folio, Londres. La seconde livraison de ce magnifique ouvrage vient de paraître, et dépasse pour la beauté des planches les publications précédentes du même ornithologiste sur les Faisans et autres groupes naturels d’Oi- seaux. ARTICLE N° 18 ————__—_—_—_—_—_—_E—E TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME, Mémoire sur des Crustacés rares ou nouveaux des côtes de France, Par M UHESSE EE ES RO OU NN UE NT Notes erpétologiques, par M. F. BocourT. . . . . . A «0 De l’hybridation chez les Amphibies, par M. Arthur DE L'IscE. . Recherches sur l'anatomie des Limules, par M. ALPHONSE MILNE EDWARDS: 1 ME NE LE CONTES UPS Note sur le Sebastes minutus, par M. H. E. SAUVAGE, . . . . Recherches sur les Animaux inférieurs du golfe de Marseille, par M AS PM ARION SR AO IN ee MT TIENNE Note sur une espèce éteinte d'Oiseau gigantesque trouvée à la Nou- velle-Zélande paDeMEMAAAST. NOM NN CS Caractères d’une nouvelle espèce d’Iguanien, par M. BocourtT. . . Mémoire sur des Crustacés rares ou nouveaux des côtes de France, par M. Hesse {vingt et unième article). . , . .: : . | . Recherches sur les tubes de Weber et sur le pancréas des Poissons OSSeUx, DAT le PALEGOUIS OC NT Ce EC Nouvelles découvertes paléontologiques (1° Mammifère fossile gigan- tesque de l’ordre des Dinocerata ; 2° Nouvelle sous-classe d’Oiseaux fossiles désignés sous le nom d’Odontornithes), par M. Marsa. Note sur quelques espèces nouvelles d’Iguaniens du genre Sceloporus, PAT MER BOCOURT RS RC CT Ne D 6 0 Observations sur l'anatomie du Dromaius Novæ-Hollandiæ, Latham, Pac MAG UGHAMP RON CO CE Note sur l'anatomie de la Civette, par M. J. CHATIN. « . . . . Mémoire sur l’Alyte accoucheur et son mode d’accouplement, par ACADENAISLE ER CCC CU Mémoire sur des Crustacés rares ou nouveaux des côtes de France, par M. Hesse (vingt-deuxième article), . . . . . Note sur un Ténia algérien, par M. CAUVET. . . . Note sur l’Hylodes martinicensis et ses métamorphoses, par M. Bavay. MU) S à 0 CON NN O"ET IC 08 9 Louer Note sur l’'Ameiva Edwardsü, par M. BocouRT. . . . . Bulletin bibliographique. + + + + . + e 0 e e e e e ARTICLE N° 4 ARTICLE N° 2 ARTICLE N° 3 ARTICLE N° 4 ARTICLE N° 9 ARTICLE N° 6 ART, N° 6 des. ART. N° 6 ter. ARTICLE N° 7 ARTICLE N° 8 ARTICLE N° 9 ARTICLE N° 40 ARTICLE N° 44 ARTICLE N° 42 ARTICLE N° 43 ARTICLE N° 44 ARTICLE N° 45 ARTICLE N° 16 ARTICLE N° 47 ARTICLE N° 48 TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS. ARTe Bavay. — Note sur l’Hylodes martini- Haasr. — Note sur une espèce éteinte censis et ses métamorphoses. « . . 46| d’Oiseau gigantesque trouvée à la BocourtT. — Notes erpétologiques. . 2| Nouvelle-Zélande. . . . . . . . — Caractères d’une espèce nouvelle Hesse. — Mémoire sur des Crustacés d'Iguanien : le Sceloporus acan- rares ou nouveaux des côtes de TRINUS EN ER TS NE MERE OUCRI| à TÜRTCCELAMSRMEMEL US 5 € — Note sur quelques espèces nouvel- les d’Iguaniens du genre Sceloporus. — Note sur l’Ameiva Edwardsii. . Cauver. — Note sur un Ténia algé- Tien ere Car (Johannès). — Note sur l’ana- tomie de la Givette. . , . . . . Ducuamp. — Observations sur l’ ae mie du Dromaius Novæ-Hollandie. DE L'Isce. — De l’hybridation chez les AMAbIDI ES PRET — Mémoire sur l’Alyte accoucheur et son mode d’accouplement. , . . Epwarps (Azpn. Mirxe), — Recher- ches sur l’anatomie des Limules, . LEGouis. —- Recherches sur les tubes 40! de Weber et sur le pancréas des 16| Poissons osseux. . . . . . . - Marion. — Recherches sur les Ani- 15]. mauxinférieurs du golfe de Mar- selles: nu 20 AOL Dec 42|/Marsx. — Nouvelles eonertes pa- léontologiques (1° Mammifère fos- 41! sile gigantesque de l’ordre des Di- nocerata ; 2° Nouvelle sous-classe 3| d'Oiseaux fossiles désignés sous le nom d’Odontornithes). » . . + « . 43| SAUVAGE. — Note sur le Sebastes mi-- TUULUS Re delete ee elle L TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planche 4. Cymodocée tronquée. — ‘2. Nésée bidentée. — ‘3, Sphéromiens. — 4, Genre Ichthyomyzoque. — ‘47. Borlasia Kefersteinit. 21. Dinoceras mirabilis. 22. 23. Anatomie de la Civette. 24. Colobomates, ‘5à 16. Anatomie des Limules. ‘48, 149, 20. Pancréas des Poissons. Anatomie du Dromaius Novæ-Hollandiæ. FIN DES TABLES. Paris, — fmptimerie de E. MARTINET, rue Mignon, 2, 1, 7,et4n Zoo, Zome DAME C NT > Ann.ades Seenc. nat 5° Serre. 2 quee : NN n te 210 d0 0. 7 l Zmp. A. Salmen, r Veille Éstrapaders L'art, » Ann, des Seiene, nat, 9° Serie. Zoo, Jome 7 HU, Hesse del. Wesee. Pidentee. Lnp. A Salmon r Vieille Ps trapade, 15, Partis. 1 7h / Zooë. Zome 17, LL. Ann, des Sesenc. nak 3° d'erte., JW, 23 Aeromi lp Imp.A. Salmon r ele Estrapate,15, Paris. [e Ann, des Secenc.nrat 57 J'erre: Zoo! Tome 17,71 4, Cal. PR LES Re) | GS ES Da Er RENE AS ur R— ne) = EF Cenre eh llyomny #AOGUCS mp. A. Salmon, r Veille Estrapade, 15, Lars. Jt-nrat. 5 Serre Zoot. L'17. PI. 5 BnpBesyuet à ris Aratortie de la Zimule don des le. nat. 3 Verte . Zoo!. T° 17, PI. 6. . Le drnoulti## Anatomie de La Limule. Ann. des Je. nat. 5 Serre Zool 777 71.7 Analornce de la L'rrrule Anatorue de lx Limule Ann. des Je nat. 5° Jérie Zoot. T'IT. P1.9. L lih Jp Piégrat à Lars Anatornce de la Limule SE TE Ann des Je nat. Serre Zoot. T' 17 PJ 10. lnp Brcgret à Paris Anatomie de la Limule. Zoot. JT PL 11: Ann. des Se. rat. 8 Serre. Kg. il a far Prp Brsguit Louvears LL} Anatomie de la Limule Ann. des Seivne. nat. 5! Serre. c Zool. Tome 27, UE, 7272 Anatomie de la Linule ne À S'alnen r Voile Ertrapade.s$ L'aris Arte. des Se. rat PS Jerte {natorite de ’ 7 la Lune foot. 17. FA13 Ann des Je nat. 3° Série Zooû, T'17 1.14 Æ{natormte de la Limule Ë Ê è À à AMnalomie de la Limule DC nr Nantes 2 1 MW Edwards del Lebrun se Analonue de la Limute . Amp, À Salmon Vive Es trapradte, 2£ l'art Zool, Tome 27 WU. 2 enLe. CLONE) Clerie D Ain, des J Lagewse se: del Lo A EF Mar / DAT Mar lei 17 orlasta Âe efers Zmp.A. Salmon r Veille Zstrapade,15. Paris, Ann des Setenc nat 5° J'erte. Zool. Tome 27 TO 2 X A, Marion del Pancreas des Poissons. & 1m p. À. Salmon r Veille sérapade,15 L’aris. Ann. des Science. nat. 5 Ÿ Jerze Zool, Tome TRE lancreas des lotsson-. mp A. Jatnan rhelle Lrtrapade, 18, l’arur, Zool, lome 17, FL. 20 pe =} 13%;) “ Mere, / c CLene, NA, Ann. des S / Pancreas des Po LS SOLS . np, A. S'almonr leille Lstrapade.15 faris. du dt. mn D aie , ns Ann, des Jeune, nat 5% S'ére, lool, Tome 17, PE a1, Dinoceras Mrabilis. bon À PalnonrVWeclle Estrapade, 15 Paris. 7 Zool, Tome 27, Ne e Ce de, Le’, Pr Naes Jerene nas (ll Le a 42”, s# novæe-Îlo lan , LULU du l/ron Le Analom mp, A. S'alnon, r lille E,. strapade,13, arts. Ann. des Sc. nat. S° Serie. oo TOR ON D S Louveau hth. HS Imp. Becquet, Paris . ÂAnatome de la Civette. Arin, des Science. nat. 5° Serie. Zool, lome 17, PL. 24, Colobonates. mp. À. Salmon, r Welle Estrapade, 15, Parir. Date Due | | | 655 il I " ÿ d'EL quan | LUI 3 2044 4 * - Le € oc a eue ee CCC ce ' AC 2 È = >. 22. V4 LA ne s $ ve \ . 6 ee 15 LANE ‘ { à Le L ns nus = à : \ + À { L l RP pre ITS > 4 PET ET RES = . A À 4 Ce. Y 4 ES Es de Tec ec Cu ee CU ee es GEre et CCC (EX cc € | EE Le tee CE (re