NE © 5 ot ANNALES SCIENCES NATURELLES SIXIÈME SÉRIE BOTANIQUE BOURLOTON. — [mprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. ANNALES SUIENCES NATURELLES SIXIÈME SÉRIE BOTANIQUE COMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE M. PH. VAN TIEGHEM 6% tS< = TOME XVII PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE Boulevard Saint-Germain et rue de l'Éperon En face de l'École de médecine 1884 L&* Fe US i Pr anal Go2é a à L A: un LILEOT an: 4 L ses LOL nn 4 DT mime dde er D. À wine DRE w sit di M RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LA DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE CHEZ LES VÉGÉTAUX Par M. Léon GUIGNARD, Docteur ès sciences, chargé de cours à la Faculté des Sciences de Lyon (1). Les mémoires publiés dans ces dernières années sur la formation et la division des cellules ont montré que des phénomènes très complexes se passent dans le noyau et dans le protoplasme au moment de la division, quels que soient les organes examinés chez les végétaux et chez les animaux. Mais si l’on consulte les travaux les plus récents, tels que ceux de M. Strasburger (2) et de M. Flemming (3), pour ne parler que des plus importants, on remarque des diver- gences d'opinion assez considérables touchant la marche du phénomène. La discussion porte sur « la division indirecte » du noyau, caractérisée par une succession régulière de stades déterininés et accompagnée de modifications spéciales dans le protoplasme cellulaire environnant. Quant à « la division directe », elle est beaucoup plus simple et consiste, au moins dans la plupart des cas, dans une évolution propre du novau, indépendante du protoplasme cellulaire. Les deux savants précités s’efforcent, 1l est vrai, de ramener à un schéma général les divers cas observés dans les deux règnes ; mais chacun d’eux envisage les faits d’une façon par- (1) Travail fait au laboratoire de M. le professeur Van Tieghem, au Muséum. (2) Strasburger, Ueber den Theilungsvorgang der Zellkerne und das Ver- hältniss der Kerntheilung zur Zelltheilung. Bonn, 1882. (3) Flemming. Zellsubstanz, Kern und Zelltheilung. Leipzig, 1882. 6° série, BoT. T. XVII (Cahier n° 1)t. 1 6 L. GUIGNARD. ticulière et propose une explication différente. Les conclusions de M. Strasburger, qui a surtout étudié la division chez les végétaux, sont rejetées sur des points essentiels par M. Flem- ming, dont les observations ont perté presque exclusivement sur les animaux. Ces divergences d'opinion s'expliquent facilement, même de la part d’observateurs très habiles, en raison de la nature de ce genre d'étude et des variations qui doivent nécessaire- ment se rencontrer dans le vaste domaine de la botanique et de la zoologie. L’exactitude des résultats repose d’ailleurs en grande partie sur le choix des méthodes d'observation; c’est à lui qu'on doit les progrès accomplis depuis quelques années dans l’étude de la cellule. Tout en confirmant sur plusieurs points dans le présent travail Les résultats de M. Strasburger, je suis forcé d'admettre sur d’autres une opinion contraire. J’établirai en même temps cette conclusion, que la division du noyau chez les végétaux et chez les animaux étudiés jusqu’à ce jour offre la plus grande analogie. Je me suis adressé à des végétaux appartenant à des groupes variés parmi les Monocotylédones et les Dicotylédones. Mais les premières sont de beaucoup les plus favorables à l’observa- tion et c’est à elles qu’on recourra de préférence pour résoudre la question, en choisissant un certain nombre d’exemples. Je donnerai en outre plusieurs figures empruntées à différentes Dicotylédones, afin de montrer l’uniformité et la généralité du phénomène. Au point de vue où nous devons nous placer, il faut distin- guer dans la cellule des éléments de nature chimique diffé- rente, dont les uns se colorent par des réactifs déterminés, tandis que les autres ne se colorent pas. Le protoplasme cel- lulaire ou cytoplasme, qui entoure le noyau, comprend des granulations ou microsomes cellulaires colorables et une substance fondamentale ou hyaloplasme cellulaire, non colo- rable dans les mêmes conditions. Le protoplasme nucléaire, ou nucléoplasme, est formé de même par des microsomes nu- STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 7 cléaires colorables et par un hyaloplasme nucléaire non colo- rable. Par leur élection spéciale, certains réactifs permettent de différencier nettement les microsomes nucléaires des mi- crosomes cellulaires; les premiers contiennent, en effet, la chromatine, localisée dans le noyau et formée en grande partie, sinon en totalité, de nucléine dont on connaît un cer- tain nombre de réactions spécifiques. On peut, par consé- quent, distinguer les éléments constitutifs du noyau de ceux du cytoplasme environnant. EXPOSÉ DES OBSERVATIONS Nous examinerons en premier lieu la division du noyau dans les cellules mères du pollen des Monocotylédones, en prenant pour premier exemple, parmi les Liliacées, le Lilium Martagon L. Les cellules mères ont une forme arrondie ou ovoïde au moment où se manifestent les premiers symptômes de la divi- sion. Le noyau est volumineux et pourvu d’une membrane délicate qui paraît, à un grossissement suffisant et après colo- ration, formée de fines granulations accolées. Cette mem- brane se comporte à l’égard des réactifs de la même façon que les microsomes du cytoplasme entourant le noyau. C’est ainsi qu’elle se colore avec le carmin et l’hématoxyline, tandis que la safranine la rend à peine visible ; avec le vert de méthyle légèrement acidulé, elle offre un double contour et une teinte beaucoup plus prononcée que le cytoplasme. M. Strasburger pense, d’une façon générale, que la membrane du noyau appartient au protoplasme cellulaire et non au noyau lui- même; nous reviendrons plus loin sur cette question. Le noyau présente une structure filamenteuse délicate; on distingue à un fort grossissement de très nombreux micro- somes chromatiques disposés en replis serrés dans toute l’éten- due du noyau. Nous pouvons les considérer pour le moment comme formés par de la nucléine, dont les réactions microchi- 8 L. GUIGNARD. miques sont caractéristiques. Le nucléole est excentrique et se colore vivement par les mêmes réactifs (pl. 4, fig. 1). Dars ce noyau à l’état de repos, on ne parvient pas, même avec l’hématoxyline qui colore à la fois les éléments du cyto- plasme et du nucléoplasme, à découvrir s’il existe entre les replis formés par les microsomes nucléaires disposés en fila- ment, des granulations de même nature chimique que celle du cytoplasme ; mais à un stade plus avancé, tel que celui de la figure 2, on s'assure facilement qu’il n’en existe pas et que le peloton nucléaire comprend à lui seul toute la substance figu- rée du noyau, distribuée dans le sue achromatique ou hyalo- plasme nucléaire. Coloré avec l’hématoxyline, le cytoplasme entourant le noyau se montre formé de très fines granulations, qui sem- blent disposées pour la plupart sous forme d’un réseau d’une grande délicatesse que la safranine colore à peine. Le noyau ne possède généralement qu’un seul nucléole ex- centrique, très riche en chromatine, situé au dehors du fila- ment lui-même et accolé à ses replis (fig. 2). On trouve assez souvent un ou plusieurs nucléoles accessoires, beaucoup plus petits. Quand le peloton se contracte, les microsomes qui le con- stituent augmentent de volume. Le filament, jusque-là con- tinu, se partage ensuite en segments, dont le nombre est facile à reconnaître à un stade plus avancé ; à ce moment, le nucléole est encore intact et vivement colorable (fig. 2). Chacun des segments présente des replis variables; parfois l’une des extrémités s'appuie contre la membrane du noyau, laquelle sépare nettement le corps nucléaire du cytoplasme environ- nant. Comme la contraction se prononce de plus en plus, les segments se raccourcissent, deviennent plus épais et semblent assez souvent formés de disques juxtaposés; chacun d’eux, se courbant vers le milieu de sa longueur, rapproche ses deux moitiés l’une de l’autre; il se fait peu à peu entre elles un ac- collement longitudinal (fig. 3). La direction des branches d’un même segment est variable et la soudure longitudinale plus STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 9 ou moins régulière. Tantôt elles adhèrent dans toute leur lon- gueur à la membrane nucléaire; tantôt elles ne sont en con- tact avec elles que par un bout. C’est surtout à ce stade qu’il est facile de constater qu’il n’y a entre les segments chroma- tiques du noyau aucune substance figurée colorable soit par les réactifs spécifiques de la nucléine, soit par ceux du proto- plasme cellulaire. On voit en même temps que la membrane nucléaire existe encore. Quant au nueléole, il se colore de moins en moins par la safranine, l’hématoxyline et les autres réactifs; bientôt il disparait, et sa substance vient augmenter la richesse et par suite l’épaisseur dessegments chromatiques. J'ai déjà fait remarquer, dans des cas analogues (1), que le nucléole perd sa coloration au fur et à mesure qu’on approche de la division; l’hématoxyline, par exemple, qui le colorait d’abord en bleu foncé, ne lui communique plus alors qu’une teinte rougeûtre faible. La membrane nucléaire ne tarde pas à être résorbée; le cytoplasme pénètre alors vers l’intérieur du noyau et semble repousser les segments chromatiques, dont les branches se sont presque entièrement soudées (fig. 4). Toutefois l’accolle- ment longitudinal peut être encore incomplet, soit au voisi- nage du point où la courbure a eu lieu, soit à l'extrémité oppo- sée; dans tous les cas, la ligne de soudure reste très facile à voir. Les deux moitiés de chaque segment sont souvent ondu- lées; leur longueur est moindre qu'à la phase précédente; parfois aussi elles se coudent ensemble, comme dans la figure 5, qui représente les segments doubles ou bâtonnets for- més par leur accollement s’écartant déjà les uns des autres au centre de la cellule. Disposés d’abord sans ordre régulier dans la cellule, les bâtonnets ne tardent pas à s'orienter autour du centre. Ils s’en éloignent en prenant la disposition radiaire indiquée par les figures 6 et 7. Dans la plupart des cellules mères polli- (1) Développement de l'anthère et du pollen des Orchidées (Ann. des sc. nat. Bot., 6° série, t. XIV). 10 L. GUIGNARD. niques du Lilium Martagon, on peut constater que l'extrémité de chaque bâtonnet la plus rapprochée du centre correspond au point où s’est opéré la courbure du segment primitif qui a rapproché ses deux branches jusqu’à les souder l’une avec l’autre, et que celle qui regarde la périphérie comprend les deux bouts primitivement libres de ce même segment. Pendant ce temps apparaissent les fils achromatiques du fuseau nucléaire. Ils sont peu nombreux. De l'observation d’un certain nombre de noyaux en voie de division, Schmitz (1) a cru pouvoir conclure qu'ils sont formés tantôt par de fines granulations de la substance nucléaire, tantôt par un mélange de ces granulations avec le protoplasme cellulaire. Flemming les fait provenir de la substance achro- matique du noyau lui-même, du moins chez le Spirogyra qu'il a étudié (2). Pour le moment, qu'il nous suffise de remarquer que dans le Lilium Martagon, comme dans les cas dont il sera question plus loin, les fils achromatiques du fuseau se com- portent toujours comme les granulations du eytoplasme qui entoure le noyau avant la disparition de la membrane nu- cléaire. Les bâtonnets se rendent à l'équateur du fuseau et se pla- cent dans un plan perpendiculaire à son axe; observés par le côté, ils se présentent successivement dans les positions des figures 8 et 9. Leur nombre est remarquablement constant; on en compte douze dans le L. Martagon et dans les espèces voisives que j'ai examinées. Dans la figure 7, ils affectent une disposition en couronne, analogue à celle que Flemming a observée dans les cellules de l’épithélium buceal de la Sala- mandre; mais, chez ce batracien les bâtonnets chromatiques, au lieu d’être droits, ont la forme d’un V dont la pointe est tournée vers le centre, tandis que les deux branches regardent la périphérie; c’est d’ailleurs une disposition très commune dans les cellules animales. (1) Schmitz, Sitzber. der niederrh. Geselisch. f. Natur-und Heilkunde in Bonn, 1880. (2) Flemming, Zellsubstanz, Kern und Zelltheilung, 1882, p. 321. STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 11 Ainsi se trouve constituée la plaque nucléaire. C’est un des stades de la division qui se présentent le plus fréquemment aux yeux de l’observateur, sans doute parce que sa durée est la plus grande. Alors même que la soudure ou même la fusion des deux moitiés constitutives de chacun des bâtonnets est très prononcée, on peut reconnaitre avec l'objectif à immer- sion la ligne d’accollement; rarement d’ailleurs cette soudure est complète dans les douze bâtonnets. On observe bientôt une division de chaque bâtonnet en ses deux moitiés constitutives. Les branches qui s'étaient rappro- chées et soudées se séparent l’une de Pautre, en offrant des dispositions variées dont la plus commune est représentée dans la figure 11 ; une autre est indiquée dans la figure 19, vue par le pôle, comme la précédente. Les deux moitiés s’isolent ensuite complétement. Dès lors, le nombre des bâtonnets est doublé : au lieu de douze, on en compte vingt-quatre. Chacune des moitiés entrera dans la formation d’un des noyaux filles. Si l’on examine les fuseaux nucléaires par le côté, comme dans les figures 10 et 13, on voit que les éléments chromatiques qui résultent du dédoublement longitudinal des bâtonnets de la plaque nucléaire prennent la forme d'U ou de V dont la courbure ou la pointe se dirige vers le pôle. La séparation en deux groupes,incomplète dans la figure 14,estachevée dans la figure 16. Les branches des V sont souvent d’inégale longueur au début ; elles représentent alors un crochet ou un hamecçon ; parfois même les nouveaux bâtonnets ne forment pas de coude et restent droits. Leur nombre se reconnait facilement dans chacun des noyaux filles lorsqu'on les observe par le pôle, comme dans la figure 15, vue dans cette direction, mais un peu obliquement. Si l’on fait varier la mise au point dans une direc- tion parallèle à l’axe du fuseau, les deux branches du V ont l'aspect de deux grosses granulations rapprochées l’une de l'autre (fig. 17). Quelquefois on trouve une disposition en cou- ronne régulière, comme celle de la figure 18. Les branches des bâtonnets dans les noyaux filles ne tardent pas à perdre leur direction rectiligne et à s’incurver dans divers 12 L. GUIGNARD. sens pour se souder les unes aux autres par leurs extrémités libres, de façon à reconstituer un filament continu (fig. 19). Les replis s’écartent ensuite les uns des autres; une mem- brane délicate apparaît autour des noyaux filles. Après l’arrivée des bâtonnets aux pôles, les fils achroma- tiques qui s'étendent entre eux augmentent de nombre, comme on sait, jusqu’à occuper tout l’espace cellulaire (fig. 14, 16, 19). À l'équateur du tonneau se montre la ligne granuleuse qui est l’origine de la cloison de cellulose. Parvenus au stade représenté dans la figure 20, les noyaux filles ont pris une forme arrondie ; ils n’offrent pas de nucléole avant d’entrer en divi- sion. Si nous suivons maintenant la marche du phénomène dans chacun des noyaux filles, nous verrons qu’elle paraît être au premier abord assez différente de celle du noyau mère. Le filament nucléaire commence par se contracter, en même temps que ses replis s’éloignent les uns des autres et se placent dans la direction de l’axe du fuseau qui se formera un peu plus tard, comme l'indique le noyau de gauche dela figure 21, pl. 2, où le filament est encore continu. Le noyau de droite se pré- sente par le pôle, mais à un stade plus avancé, car la segmen- tation transversale est achevée. Déjà les branches de chaque segment en forme d’'U, tournées vers la périphérie, se rap- prochent l’une de l’autre, comme au stade correspondant dans le noyau de la cellule mère; mais il y a cette différence que la disposition radiale régulière fait toujours défaut et que laccol- lement longitudinal des branches est fort incomplet. Le nombre des segments est également d’une douzaine. La plaque nucléaire ressemble peu à celle du noyau mère. La figure 22 la représente avant le rapprochement de l'extrémité polaire de chaque segment vers la région équatoriale; c’est un stade moins avancé que celui de droite de la figure 21, vu par le pôle. Dans la figure 23, les branches se sont coupées et incurvées dans divers sens en s’isolant les unes des autres pour constituer les deux moitiés de la plaque, autrement dit les deux nouveaux nOyAUx. STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 13 En se dirigeant vers les pôles, les éléments chromatiques qui étaient plus ou moins incurvés à l’équateur après la divi- sion de la plaque nucléaire, se redressent pour la plupart dans la plus grande partie de leur longueur et prennent la forme d'hameçons dont le crochet regarde le pôle. On en trouve douze comme le montre la figure 24, à gauche. Bientôt ils se contractent et prennent l'aspect de granulations disposées en chapelets, qui se soudent par leurs bouts pour former le fila- ment continu des nouveaux noyaux (fig. 25); la membrane nucléaire fait ensuite son apparition. On voit par là qu’au premier abord la division des noyaux filles diffère assez de celle du noyau mère. Dans ce dernier, Les douze segments, provenant de la division du filament, rappro- chaient leurs moitiés pour les accoler en un bâtonnet droit; dans les noyaux filles, le filament dirige d’abord ses replis sui- vant le grand axe du fuseau, avant de se segmenter. Une fois formés, les segments des noyaux filles semblent accrochés pour la plupart les uns aux autres par leur partie recourbée dans la région équatoriale (fig. 22), puis chacun d’eux rétracte son extrémité polaire pour la rapprocher de l’autre, mais la soudure longitudinale n’a pas lieu ou est très-imparfaite. La division se manifestant ensuite dans chaque segment, on en trouve vingt-quatre comme au stade correspondant du noyau mère. Le nombre des éléments qui doivent constituer les noyaux filles se trouve donc en définitive être le même, mais la marche du phénomène paraît en quelque sorte précipitée. Dans une autre Liliacée appartenant à un genre différent, VAUlium ursinum L., la division des cellules mères du pollen diffère principalement de celle du Lilium Martagon par le nombre des éléments chromatiques de la plaque nucléaire. Tout d’abord, le noyau de la cellule mère possède un fila- ment assez mince, formé de granulations accolées, très dis- tinctes et de volume inégal, et un gros nucléole excentrique ; sa membrane d’enveloppe est finement granuleuse et ne se colore pas par les réactifs spécifiques de la chromatine (pl. 3, 14 L. GUIGNARD. fig. 68). Le cytoplasme coloré avec l’hématoxyline se montre formé par un réseau très délicat. Le filament chromatique se coupe après la résorption du nucléole. Les portions ainsi séparées n’ont pas de disposition régulière dans le suc nucléaire (fig. 69). En même temps qu’elles se contractent et s’épaississent, elles rapprochent leurs deux moitiés pour les souder; la membrane du noyau dispa- raît et le cytoplasme pénètre alors vers l’intérieur (fig. 70). On peut alors compter très facilement le nombre des bâton- nets irréguliers qui résultent de laccollement longitudinal qui s’est opéré entre les deux moitiés de chacun des segments pri- mitifs. Ces bâtonnets s’orientent sur le trajet des fils achroma- tiques du fuseau, dont le nombre est en rapport avec le leur, et se placent dans le plan équatorial (fig. 71). La division de la plaque nucléaire se fait comme dans le Lilium. Les nouveaux éléments chromatiques, provenant du dédoublement longitudinal de ses huit bâtonnets, prennent la forme d’U ou de Ven se transportant aux pôles; plus tard ils se montrent formés de granulations en chapelet et se soudent par leurs extrémités (fig. 72 et 73). Parfois on serait porté à croire qu'après que la soudure a eu lieu, 1l peut se faire un dédoublement longitudinal du filament reconstitué, car ses replis sont presque aussitôt beaucoup plus minces et plus nombreux et comme rapprochés deux à deux; mais il est pro- bable que cet aspect est dû simplement à un rapide étirement dans le sens de la longueur. Pendant que le filament s’allonge et se replie en sens divers, les fils achromatiques interposés entre les noyaux filles augmentent de nombre aux dépens du cytoplasme (fig. 74). Les noyaux filles sont déjà entrés en division dans la figure 79. Celui de gauche, vu par le pôle, montre huitsegments en forme d’U orientés autour du centre de la cellule et dont les extrémités hbres regardent la périphérie ; dans celui de droite, la segmentation n’est pas achevée. Un stade un peu plus avancé est représenté dans la figure 76, où les deux fuseaux sont situés dans des plans différents. Les branches de chaque V se STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 15 rapprochent l’une de l’autre dans la figure 77, observée par le pôle; leurs extrémités libres à la périphérie sont bien visibles dans la figure 78. La soudure des branches est incomplète, quoique plus prononcée qu’au stade correspondant dans le Lilium. Après la séparation des deux moitiés de chacun des éléments de la plaque nucléaire, les nouveaux bâtonnets s’incurvent en se rendant aux pôles, où ils arrivent avec une forme d'U plus ou moins réguliers (fig. 79). Finalement, les quatre noyaux se constituent comme on l’a vu et sont disposés soit en tétraèdre, soit dans le même plan (fig. 80). Examinons à présent la division dans les cellules mères pol- liniques d’une Amaryllidée, l’Alstræmeria Pelegrina L. Le noyau est moins gros que dans les deux cas précédents ; il a une forme ovoïde, un nucléole situé entre les replis serrés du filament chromatique ; sa membrane d’enveloppe est fine- ment granuleuse (fig. 26). Dans le cytoplasme qui l'entoure, l’hématoxyline permet de reconnaitre que les granulations achromatiques forment parfois un réseau extrêmement délicat. On trouve assez souvent, dans les cellules fixées par l'alcool, des noyaux semblables à celui que représente la figure 27, dans laquelle le filament chromatique contracté s’est retiré de la membrane nucléaire sur la plus grande partie de son étendue, en abandonnant le nucléole qui reste accolé à la membrane. Il est par suite évident que le nucléole n’est pas situé sur le trajet des replis du peloton nucléaire et qu'il peut s’en séparer au moment où se manifestent les premiers indices de la division. La nature du nucléole, dans de tels noyaux, a été mise en doute par Strasburger; nous reviendrons plus loin sur ce point. Le filament nucléaire se coupe en huit parües; chacune d'elles recourbe et rapproche ses deux moitiés. La figure 98, pl. 2, montre la soudure longitudinale dans plusieurs des seg- ments primitifs et, en outre, un petit nucléole que la safranine colorait faiblement. 16 L. GUIGNARD. Bientôt la membrane nucléaire disparait; le cytoplasme semble repousser vers le centre de la cellule les huit segments chromatiques. Ceux-ci se contractent et s’épaississent de plus en plus; la soudure longitudinale de leurs branches s’achève (fig. 30). [ls s’orientent ensuite autour du centre sans toutefois présenter une disposition rayonnante régulière comme dans le Lilium ; l'un d’eux occupe généralement le centre de la cellule, entre les sept autres (fig. 31). Observé par le côté, le fuseau nucléaire montre souvent une plaque semblable à celle de la figure 32. Les éléments qui la constituent sont situés sur le trajet des fils achromatiques auxquels ils adhèrent par une de leurs extrémités élargie, tandis que l’autre est tournée vers la périphérie et plus ou moins arrondie. Les fils du fuseau sont peu nombreux, mais très visibles ; les éléments chromatiques semblent guidés par eux dans leur orientation à l'équateur. Cette plaque nucléaire ressemble beaucoup à celle que Strasburger à décrite dans le Frotillaria persica (1). I figure chacun des éléments chromatiques en forme d’un Y dont les deux jambes sont placées sur le trajet d’un fil achromatique du fuseau et regardent les pôles. Cette disposition se présente aussi dans l’A/sétræmeria, mais les jambes de V'Y y sont moins longues et souvent même entièrement soudées. La division de la plaque nucléaire commence dans la figure 383 ; elle est complète dans la figure 34, où les nouveaux bâtonnets ont la forme d’U à branches plus ou moins égales. Une fois parvenus aux pôles, les branches de PU se contractent et se rapprochent l’une de l’autre jusqu’à s’accoler latéralement (fig. 35 et 37); en sorte que les élé- ments chromatiques des noyaux filles ont à peu près la même disposition que ceux de la plaque nucléaire du noyau mère ; leur grosseur est moitié moindre, puisqu'ils proviennent du dédoublement de ces derniers. On les compte facilement en les observant par le pôle, autour duquel ils sont orientés (fig. 38). (1) Loc. cit., p. 14 STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 17 Les deux branches accolées ne tardent pas à se séparer ; elles s’allongent en même temps et prennent la forme de cha- pelets (fig. 39 et 40) ; puis chacune d’elles se soude par le bout à la branche voisine d’un autre U, et le filament des noyaux filles se trouve ainsi formé (fig. #1 et 42). Pendant ce temps, le nombre des fils achromatiques aug- mente dans le eytoplasme jusqu’à occuper toute la largeur de la cellule. Une ligne granuleuse se dessine à l’équateur du ton- neau, pour former la cloison de cellulose (fig. 42). Le fila- ment du noyau s’allonge; ses replis s’amineissent de plus en plus etse montrent finalement composés de petits microsomes, parmi lesquels 1l n'apparaît pas de nucléole (fig. 43). Quand les noyaux filles entrent à leur tour en division, on retrouve la même marche que dans le noyau mère. Les seg- ments chromatiques sont également au nombre de huit; ils se recourbent en hamecon ou en forme d'U, mais leur orienta- tion autour du centre de la cellule précède l’accollement des branches ; rarement d’ailleurs l’adhérence de celles-ci est complète dans la plaque nucléaire (fig. 44). En cela elle rap- pelle ce que nous avons déjà vu dans les noyaux filles du Lilium et de l’Allium, comparés au noyau mère. La séparation des deux moitiés de chacun des éléments de lai plaque nucléaire se fait par une sorte de traction exercée par les extrémités tournées vers les pôles et à peine recour- bées (tig. 45). Souvent elle est tardive et n’a lieu dans quel- ques-uns qu'après l’arrivée de la plupart des nouveaux bâton- nets aux pôles; c’est ainsi que dans cette dernière figure on voit deux des segments primitifs redressés et encore indivis s'étendre d’un pôle à l’autre. Un stade plus avancé est repré- senté dans la figure 46; les nouveaux bâtonnets ont encore la forme de crochets ou d’hamecçons, dont le nombre ne peut être facilement compté qu'en les examinant par le pôle (fig. 47). La soudure a lieu presque aussitôt par les extrémités des branches des bâtonnets les plus rapprochées du pôle, puis par celles qui sont tournées vers l'équateur (fig. 48). Le filament Ge Série, Bot. T. XVIL (Cahier n° 1) ? 2 18 L. GUIGNARD. ainsi formé s’allonge en multipliant ses replis, la ligne granu- leuse précédant la cloison de cellulose apparaît à l'équateur du tonneau (fig. 48). En résumé, nous voyons que le processus de la division dans l’Alstræmeria ne diffère pas essentiellement de celui des exemples précédents et que dans cette plante, comme dans les autres, les phénomènes observés dans la division des noyaux filles, tout en n’offrant pas la répétition exacte de ceux qui se passent dans le noyau mère, peuvent néanmoins rentrer dans un schéma commun. On rencontre des modifications plus importantes chez les Orchidées. Prenons un exemple parmi celles qui, comme le Neottia nidus avis Rach,, le Lastera ovata KR. Br., possèdent les noyaux les’ plus faciles à examiner et dont j'ai eu l’occasion de parler dans un précédent travail (1). Grâce à des moyens d’ob- servation plus perfectionnés, j'ai pu mieux pénétrer les détails de la division. Les cellules mères du pollen du Lastera ont un noyau plus petit que celles du Lilium. Ge noyau offre un riche réseau filamenteux, un nucléole unique très riche en chromatine, assez gros et situé sur le côté, une membrane enveloppante que le vert de méthyle colore d’une façon assez marquée et que l’hématoxyline montre formée de fines granulations (fig. 50). Avant de se segmenter, le filament nucléaire se raccourcit en s’épaississant comme à l’ordinaire. Parmi les microsomes qui en constituent les replis, il en est de plus gros situés çà et là sur leur trajet. Le filament forme un peloton plus ou moins serré suivant la partie du noyau qu’on examine (fig. 51). Il se segmente ensuite en seize parties, qui se recourbent en forme d'U ou de V et peuvent adhérer à la membrane du noyau, soit par leurs extrémités rapprochées l’une de l’autre, soit par un autre point (fig. 52). Le nucléole a conservé sa place, son olume et sa coloration intense par les réactifs. (1) Développement de l'anthère et du pollen des Orchidées. STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 19 L’hématoxyline ne décèle la présence d'aucune autre gra- nulation colorable que celles qui constituent les segments chro- matiques : ceux-ci contiennent donc non seulement toute la chromatine, mais encore toute la substance figurée du proto- plasme nucléaire, le nucléole excepté. Il en était de même chez les plantes dont nous avons déjà parlé. Le nucléole perd peu à peu sa coloration par les réactifs ; 1l disparaît au même moment que la membrane du noyau. Le cytoplasme pénètre alors entre les segments qui se raccour- cissent et se contractent; quelques-uns ressemblent à un$, d’autres à un hameçon, la plupart à un U fortement épaissi (fig. 53). Ils s’orientent bientôt dans la direction des fils achro- matiques du fuseau pour se transporter vers l’équateur et former la plaque nucléaire (fig. 54). Pendant ce temps, les branches de chaque segment en forme d’U se recourbent en dedans, de manière à former deux crochets disposés en sens inverse qui tendent bientôt à s’éloi- gner l’un de l’autre, par suite d’un redressement et d’un étire- ment qui se fait entre eux dans la partie réunissant les deux branches de PU primitif. C’est ce qu’on remarque dans la figure 55, où la plaque nucléaire parait déja scindée en deux moitiés au moment même où les éléments chromatiques arrivent à l’équateur du fuseau. C’est pourquoi j'ai pu dire que la plaque nucléaire semble toujours double. Bientôt a lieu la rupture du pont qui unissait les deux moi- tiés de chacune des parties constitutives de la plaque nucléaire. Les deux groupes ainsi séparés comprennent dès lors lun et l'autre autant d'éléments chromatiques que le noyau possédait auparavant de segments; ces éléments ont la forme de petits V très épais, qui tournent leurs angles vers le pôle sur le trajet des fils achromatiques du fuseau (fig. 56-57). On retrouve le nombre seize dans chacune des moitiés de la plaque (fig. 58). Le nombre des fils achromatiques est en rapport avec celui des éléments chromatiques. Arrivées aux pôles, les branches des V s'allongent un peu, puis se soudent par leurs extrémités (fig. 59 et 60). Le fila- 20 L. GUIGNARD. ment des noyaux filles se montre formé de microsomes bien distincts (fig. 61). Après la formation de la membrane nucléaire, les fils achro- matiques augmentent de nombre comme dans les autres cas ; mais, ainsi que je l’ai déjà fait connaître (1), il n'apparait pas de plaque cellulaire entre ces deux noyaux filles, les Orchidées faisant exception sous ce rapport parmi les Monocotylédones ; les fils connectifs disparaissent avant les premiers indices de la division des noyaux filles. La figure 62 représente le début de cette division; le fila- ment est en effet déjà partiellement coupé. La contraction se manifeste ; les segments chromatiques épaissis se rassemblent au centre de la cellule après la disparition de la membrane nucléaire suivie de la pénétration du cytoplasme dans l’espace occupé par le noyau (fig. 63). Chaque noyau forme ensuite sa plaque nucléaire à l'équateur des deux fuseaux souvent dirigés à angle droit (fig. 64), assez rarement situés dans le même plan (fig. 65). Parvenues aux pôles, les deux moitiés de la plaque nucléaire se comportent comme précédemment; leurs éléments s’allon- gent, se soudent d'abord par leurs bouts les plus voisins du pôle, puis par ceux qui regardent l'équateur (fig. 65,66 et 67). Après la reconstitution du filament, les fils connectifs formés aux dépens du cytoplasme s'étendent dans tout l’espace inter- posé entre les quatre noyaux placés aux angles d’un tétraèdre ; les plaques cellulaires apparaissent et complètent la formation des quatre cellules de pollen. D’autres Monocotylédones ont des cellules mères polliniques pourvus de noyaux moms riches en chromatine et où par suite les détails de la division sont moins faciles à saisir. Citons-en seulement quelques exemples. Dans l'Agapanthus umbellatus Lhér., le noyau possède un filament à replis peu serrés et un nucléole relativement gros (1) Developpement de l'anthere et du pollen, etc. STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. A (fig. 81). La contraction n’est pas uniforme dans toute sa lon- gueur; de distance en distance, les microsomes nucléaires sont plus agglomérés (fig. 82). Toutefois les segments se forment suivant le mode connu ; leurs deux moitiés se rappro- chent, s’accollent et se soudent en donnant, non des bâtonnets proprement dits, mais plutôt des amas irréguliers de substance chromatique, formant la plaque nucléaire (fig. 83). Les stades ultérieurs n’offrent rien de particulier à noter. Dans une Mélanthacée, le Tricyrtis hirta, le noyau à une charpente interne semblable à celle du précédent; le nucléole est encore plus volumineux. Les segments présentent des gra- nulations distinctes (fig. 84); le rapprochement de leurs deux moitiés commence avant la disparition du nucléole et de la membrane nucléaire. [ls offrent dans la plaque nucléaire une disposition rayonnante (fig. 85). Après la division de chacun d’eux en deux parties, celles-ci prennent peu à peu la forme de bâtonnets en U se dirigeant vers les pôles (fig. 86); puis le filament se reconstitue dans les noyaux filles par la soudure des extrémités libres, et la membrane nucléaire apparaît (fig. 87). | On voit ainsi que tout en étant moins faciles à suivre dans les détails, en raison de la petitesse des éléments chroma- tiques, les différentes phases de la division présentent les mêmes caractères que précédemment. Il résulte de mes obser- vations sur d’autres plantes (Funkia, Uropetalum, Hemero- callis, ete.) que les modifications qu’on rencontre sont d'ordre tout à fait secondaire. M. Tangl (1) avait déjà examiné l’Hemerocallis fulva et prétendu que la division des cellules mères en quatre cel- lules de pollen était simultanée. M. Strasburger a montré le contraire dans son récent travail, et fait connaître en même temps une anomalie assez curieuse qu'il est bon de rappeler ici. Pendant la formation des noyaux filles, tandis que les deux (1) Tangl, Die Kern und Zelltheilung bei der Bildung des Pollens von Hemerocallis fulva (Denkschr. der Wien. Acad. d. Wiss., 1882). 22 L. GUIGNARD. moitiés de la plaque du noyau mère se rendent aux pôles, un petit nombre des éléments chromatiques de l’une ou de l’autre de ces moitiés peut rester à l'équateur du fuseau et ne pas les suivre dans leur marche normale. Il se forme alors à l'équateur un petit noyau, qui plus tard appartiendra à une cellule distincte quand les eloisons de cellulose se formeront entre lui et les deux noyaux filles normaux. Il est rationnel de rapporter à une anomalie semblable la présence de deux gros noyaux et d’un petit remarquée autrefois par Hofmeister et par d’autres observateurs dans des cas analogues. Dans les cellules mères polliniques des Dicotylédones, la division se fait comme dans les cas précédents. Mais il est en- core plus difficile de la suivre dans les détails; les micro- somes chromatiques sont très petits et les segments, après la soudure de leurs moitiés, ressemblent à des granulations. J'en ai pourtant observé toutes les phases dans divers Cam- panula et dans plusieurs Malvacées, Renonculacées, etc., qui, pour la plupart, se rapprochent beaucoup du Tricyrtis. Étudions maintenant la division des noyaux dans l’albumen en voie de formation chez plusieurs Monocotylédones et Dicotylédones. Strasburger en donne plusieurs exemples em- pruntés aux premières (1). En répétant ses observations, dont l'exactitude est partiellement mise en doute par Flemming, qui se fonde plutôt sur l’analogie qui doit exister à cet égard entre les végétaux et les animaux que sur des recherches per- sonnelles suffisantes, je suis arrivé à une opinion différente, que l'examen de tissus de nature variée n’a fait que confirmer davantage. Après l’étude de la division dans l’albumen, à l’état de noyaux libres sur la paroi du sac embryonnaire ou de tissu cellulaire, viendra celle des noyaux du sac embryonnaire avant la fécondation et du parenchyme du nucelle, des tégu- ments ovulaires et des parois ovariennes. En ce qui concerne l’albumen, on peut prendre pour (1) Loc. cit., p. 41. STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 23 exemple n'importe quelle espèce de Lis; mes figures se rap- portent au Lilium Martagon L. Le noyau au repos montre un réseau délicat formé par les nombreuses anastomoses d’un filament très fin (fig. 90). Son aspeet granuleux est dû évidemment aux nombreux replis du filament ; sur leur trajet se trouvent des nucléoles de grosseur inégale, qui paraissent être simplement des microsomes plus volumineux que leurs voisins. On peut croire à l’existence d’un filament unique dans le noyau au repos, car, dès qu’il se contracte, l’œil suit assez facilement dans toute l'étendue du noyau ses replis ininterrompus (fig. 91). On n’aperçoit entre eux aucune substance figurée colorable par un réactif quelconque. La membrane nucléaire est finement granuleuse : elle ne se colore pas autrement que les microsomes du eyto- plasme. Le filament se coupe en segments assez longs, enchevêtrés les uns dans les autres; la membrane nucléaire disparait (fig. 92). Bientôt commence l’orientation des segments dans la direc- tion du fuseau futur. Pour cela, chacun d’eux redresse son extrémité tournée vers le pôle; l’inflexion des deux branches vers le centre persiste. Les fils achromatiques du fuseau appa- raissent, mais très ténus. Les segments chromatiques, que nous appelerons aussi bâtonnets, continuent à se raccourcir; leurs bouts tournés vers les pôles restent à peu près droits et parallèles au grand axe du fuseau, tandis que les autres sont compris dans le plan équatorial ou s’en écartent peu. La plaque nucléaire est dès lors définitivement constituée (fig. 94). Le nombre des bâtonnets est le plus souvent de vingt-quatre pour l’ensemble; ils se montrent fréquemment accrochés à l'équateur par leurs extrémités recourbées. Parfois on trouve des plaques nucléaires très larges, comme celle de la figure 95. Peu de temps après leur orientation, les bâtonnets com- mencent à S’aplatir en rubans et à présenter des indices d’un dédoublement longitudinal qui s’accentue de plus en plus 24 L. GUIGNARD. (fig. 96, 97). Les extrémités tournées vers les pôles se rap- prochent de l’équateur; les moitiés des bâtonnets se séparent les unes des autres; elles se courbent fortement soit au mi- lieu, de manière à former des V dont l'angle se dirige vers le pôle, soit vers l’un de leurs bouts, ce qui donne alors un crochet dont la courbure regarde aussi le pôle (fig. 98); sou- vent quelques-uns sont en retard sur leurs voisins. Dans les deux groupes, qui représentent dès ce moment les noyaux filles, les bâtonnets sont, selon les cas, plus ou moins serrés les uns contre les autres, ainsi qu’on le voit dans les figures 99 et 100. Une fois arrivés aux pôles, ils rétractent leurs extrémités en se contournant en tous sens, afin de se souder bout à bout pour constituer un filament continu sous forme de peloton enchevêtré et serré (fig. 101, 102, 103). Peu à peu les replis s’amincissent en s'étendant; çà et là, sur leur trajet, appa- raissent des microsomes plus volumineux qui ne sont autre chose que des nucléoles, car entre ceux-ci, tels qu'on les trouve avec une grosseur notable dans la plupart des noyaux, et les microsomes beaucoup plus petits du filament chroma- tique, il y a tous les passages (fig. 104). Quant aux fils achro- matiques du fuseau, leur nombre est proportionnel à celui des bâtonnets. Si les noyaux qu’on étudie sont encore peu nombreux et assez éloignés les uns des autres sur la paroi du sac embryon- naire, par conséquent avant la formation des cellules de l’albumen, les plaques cellulaires qui se forment à l’équateur du tonneau sont transitoires; c’est le cas de la figure 104, où, entre les deux noyaux filles encore aplatis, s'étendent des fils connectifs fort nombreux, séparés par une plaque cellulaire large et transparente, de chaque côté de laquelle on remarque une accumulation de microsomes du cylo- plasme. Je dois parler ici des observations de M. Strasburger sur la division des noyaux de l’albumen dans le Früillaria impe- rialis, le Lilium Martagon et le Lilium croceum. C’est au STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 25 sujet de la plaque nucléaire que ce savant à émis une opinion différente de celle que je viens d’exposer. À part des différences d'ordre tout à fait secondaire, la marche générale de la division de la plaque nucléaire serait la suivante dans ces plantes. Les segments chromatiques ou bâtonnets sont formés, comme on le voit d’ailleurs dans les fig. 94, pl. #4, ou 195, 134, 155, pl. 5, de deux branches de longueur inégale : l’une, plus courte, à l'équateur; l’autre, plus longue, tournée vers le pôle. Ces branches forment en- semble un crochet J ou un U. Quand la plaque nucléaire se partage en deux moitiés, chaque bâtonnet subit une nouvelle inflexion qui a pour résultat de lui faire prendre d’abord l'aspect d’un @, puis une forme inverse de la première, P ou A. Tel est le schéma donné par M. Strasburger. On voit facile- ment que si les choses se passent réellement de cette façon, les bâtonnets dans chacun des noyaux filles doivent être une fois moins nombreux que dans la plaque nucléaire du noyau mère. Si, au contraire, les bâtonnets de cette plaque se dé- doubient longitudinalement, comme je l’admets, chaque noyau fille doit en posséder autant que le noyau mère, mais leur épaisseur sera moitié moindre. [Il suffit pour s’en convainere de se reporter aux fig. 97 et 98, pl. 4, ou 124 et 128, 155 et 138, pl. 5. On reviendra d’ailleurs sur ce point. La division des noyaux est également très intéressante dans le jeune sac embryonnaire avant la constitution définitive de l'appareil sexuel. Le noyau de la cellule du nucelle, qui s'agrandit en sac em- bryonnaire, ou noyau primaire, présente une structure assez différente de celle que nous avons rencontrée dans la plupart de cas. La charpente interne consiste en un véritable réseau composé de petits microsomes chromatiques ; les anastomoses sont très visibles (fig. 105). Dans les mailles du réseau se trouvent plusieurs nucléoles de grosseur inégale; on en compte fréquemment desix à huit; quelques-uns sont très vo- lumineux et paraissent avoir une vacuole centrale ; tous sont 926 L. GUIGNARD. riches en chromatine et se colorent d’une façon très intense. A la périphérie, la membrane nucléaire est formée de fines granulations achromatiques, que la safranine colore à peine, mais que l’hématoxyline met bien en évidence. Quand le noyau entre en division (fig. 106), les anastomoses du réseau disparaissent pour faire place à un filament continu qui s’épaissit par le rapprochement des microsomes. Placées d’abord en file l’un derrière l’autre, ces microsomes se rangent les uns à côté des autres et se fusionnent.En même temps, les nucléoles disparaissent, les plus petits les premiers; souvent ils offrent un aspect granuleux, comme ceux de la fig. 106. J'ai constaté qu’il s'agissait bien là de granulations de sub- stance chromatique et non de vacuoles, comme on en observe parfois dans les nucléoles âgés ou en voie de résorption. Après leur disparition, le filament devenu plus riche en chromatine paraît avoir, aux points où 1l est au contact de la mem- brane nucléaire, des microsomes plus volumineux qu'ailleurs (fig. 107); mais nous savons déjà que cet aspect est dù aux replis et aux changements de direction. Bientôt se produit la segmentation du filament et la dispa- rition de la membrane nucléaire. Le fuseau apparaît avec de nombreux fils achromatiques (fig. 108). Les segments ou bàâton- nets s'orientent à l’équateur; la plupart ont la forme d’un V, d’autres celle de crochet ou d’hamecon ; ils constituent autour du centre une étoile à nombreux rayons. Dans le fuseau de la figure 108, ils sont manifestement sur le point de subir un dédoublement longitudinal et de se séparer ainsi en deux moitiés destinées chacune à l’un des noyaux filles. On re- marque aussi aux deux pôles du fuseau une disposition radiaire des microsomes du cytoplasme, rare chez les végétaux, mais habituelle, comme on sait, chez les animaux. Cette figure offre une grande ressemblance avec celles que Flemming a urées de ses observations sur les cellules épithéliales de la Salamandre (1). de regrette de n’avoir pu suivre dans les détails (1) Loc. cit, pl. IT D, fig. 39 et suivantes. STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 27 toutes les phases de la division du noyau primaire du sac em- bryonnaire ; c’est chose difficile quand il s’agit de cet organe; mais il n’est pas douteux qu’elles ne ressemblent entièrement à celles que nous connaissons déjà. Les noyaux filles sont séparés par une grande vacuole qui apparait au centre du sac embryonnaire et les repousse aux deux extrémités. L'un et l’autre entrent ensuite en division, soit simultanément, soit à des moments différents. Le premier cas est normal dans la très grande majorité des plantes, il est représenté dans la figure 109 ; le second, certainement excep- tionnel, se rencontre pourtant très souvent dans le Lilium candidun, et dans les espèces voisines. Dans la figure 111, le sommet du sac renferme deux fuseaux avec plaques nucléaires complétement divisées, tandis que la base n’en offre qu'un seul, au même stade également, mais dont la richesse en bâtonnets chromatiques est au moins une fois plus grande. Ce dernier est donc resté en retard d’une division sur son congé- nère d'en haut; on trouve d’ailleurs souvent deux noyaux au repos au sommet, alors qu’au-dessous de la vacuole il n’y en a qu’un dont la grosseur est double. C’est ce dernier noyau qui est représenté dans la figure 110, avec ses nucléoles iné- gaux et son filament continu; les replis touchent à la mem- brane nucléaire dans la plus grande partie de leur longueur et offrent une disposition en hélice. Dans la figure 109, le fuseau situé au sommet du sac em- bryonnaire est vu par le pèle; ses bâtonnets ont des formes variées, les uns celle de V, les autres celles de crochets plus ou moins accentués; dans l’ensemble, la disposition est rayon- nante. Le dédoublement longitudinal n’est pas encore visible. Le fuseau de la base, vu par le côté, possède de nombreux fils achromatiques; sa plaque est plus riche en bâtonnets que celle du fuseau supérieur, de sorte qu’il parait y avoir eu déjà une inégalité assez marquée entre les deux noyaux. Dans la figure 111, les bâtonnets ont pour la plupart aux pôles la forme de crochets, l'extrémité la plus rapprochée de l'équateur étant redressée. À un stade plus avancé, ils se 28 L. GUIGNARD. soudent comme à l'ordinaire par leurs bouts pour reformer un filament. On voit par suite que dans les Lilium les phénomènes obser- vés durant la division des noyaux du sac embryonnaire, anté- rieurement à la fécondation, sont analogues à ceux qui se pas- sent, après la fécondation, dans les noyaux libres ou contenus dans les cellules déjà formées de lalbumen. J'ai représenté dans la planche 5, figure 119, le noyau pri- maire du sacembryonnaire d’un Tradescantia, dont le filament est déjà coupé en segments, afin de montrer les gros micro- somes en forme de disques juxtaposés qui les composent. D’autres exemples de division, dans l’albumen des Dicotylé- dones, sont empruntés au Pedicularis sylvatica, au Viola Koppii et au Clematis maritima. Dans le Pedicularis, les cellules ont un noyau pourvu d’un réseau chromatique avec plusieurs nueléoles de faible volume, comme dans la figure 113, ou plus souvent avec un gros nucléole, comme celui de la fig. 114. Le réseau se change en un filament continu, qui se raccourcit progressivement, puis se segmente après la disparition du nucléole (fig. 114, 115, 116). Les segments se rapprochent les uns des autres par suite de la pénétration du cytoplasme dans l’espace occupé d’abord par le noyau, après la disparition de la membrane nucléaire ; les microsomes du cytoplasme sont relativement très gros (fig. 117). Les segments ou bâtonnets prennent la forme de V plus où moins réguliers en s’orientant pour former la plaque nucléaire (fig. 118 et 119); après la division de celle-ci, l'épaisseur des bâtonnets chromatiques, arrivés aux pôles, indique suffisamment qu'il y a eu dédoublement longitudinal (fig. 1920). À peu près semblables sont les figures de division qu’on observe dans le Viola Koppui, où les noyaux ont un volume moindre (fig. 144 à 150). On constate également que les fu- seaux nucléaires possèdent des fils achromatiques nombreux et serrés. Dans le Clematis marilima, les noyaux endospermiques STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 29 libres sur la paroi du sac embryonnaire, peu de temps après la fécondation et avant la formation du tissu cellulaire, tout en étant beaucoup plus petits que ceux du Lilum et d’autres Monocotylédones, offrent néanmoins une structure et des dis- positions aux différentes phases de la division qui rappellent absolument les premiers. La figure 151 représente un noyau aussitôt après la dispa- rition de la membrane nucléaire et avant la segmentation du filament. Les segments formés allongent l’une de leurs branches dans la direction du fuseau futur etrecourbent l’autre dans la région équatoriale pour former la plaque nucléaire (fig. 159, 153). Ils se dédoublent ensuite longitudinalement en rétractant vers l'équateur leurs bouts tournés vers les pôles; les moitiés s’isolent les unes des autres et s’orientent sous forme de V dont l’angle se dirige vers les pôles (fig. 154, 155 et 156). Les noyaux filles pourvus de leur membrane d’enveloppe présentent, comme le noyau mère, un réseau délicat avec un ou plusieurs nucléoles riches en chromatine (fig. 157). Si nous comparons à ces exemples ceux qu’on observe dans le parenchyme des ovules ou des ovaires, nous verrons que le processus de la division est encore le même. C'est ainsi que l’A/stræmeria Pelegrina ou VA. versicolor offrent des noyaux dont le réseau est formé par des replisnom- breux, avec quelques nucléoles assez petits situés sur leur trajet (fig. 121). Le réseau se change en un filament plus épaissi, qui serpente dans toute l'étendue du noyau et adhère de distance en distance à la membrane finement granuleuse. La segmentation à lieu comme à l'ordinaire; la plaque nucléaire se constitue à l’équateur d’un fuseau à fils achroma- tiques à peine visibles. Les segments ou bâtonnets s’aplatissent en rubans, qui présentent bientôt les indices d’un dédouble- ment longitudinal (fig. 423, 124). Observée par le pôle, la plaque nucléaire prend successivement l'aspect indiqué par les figures 125, 196 et 127. Dans cette dernière, la séparation des moitiés des bâtonnets est complète. Le fuseau dans son 30 L. GUIGNARD. enserable passe dès lors par les stades déjà connus (fig. 198, 129 et 130). Dans le tissu de l'ovaire du Lis, on peut suivre facilement tous les stades de la division. Les noyaux offrent un réseau chromatique à mailles si étroites qu’on croirait avoir sous les yeux des granulations rapprochées et isolées (fig. 131). On n’aperçoit pas de nucléole, mais il est possible que ce corps soit représenté par un ou plusieurs microsomes plus volumi- neux que leurs voisins; c’est d’ailleurs surtout une question d'âge. La membrane nucléaire disparaît ; le filament pelotonné devenu plus épais se coupe en segments enchevêtrés les uns dans les autres (fig. 132), dont le nombre ne peut être appré- clé qu'aux stades ultérieurs, et paraît être souvent de 16. Les segments s’épaississent encore et s’allongent plus ou moins dans le cytoplasme avant de former la plaque nucléaire (fig. 133). Moins nombreux que dans les noyaux de l’albumen, il présentent le même aspect et se comportent de la même façon dans la suite (fig. 134). Déjà quelques-uns se montrent aplatis en rubans dans la figure 135, pour se dédoubler sui- vant leur longueur dans les figures 136 et 138. Les fils achro- matiques du fuseau sont peu visibles, même avec l’hématoxy- line. Lesfigures 137 et 139 représentent la plaque nucléaire vue par le pôle avant et après le dédoublement des segments. Chaque nouveau bâtonnet ainsi formé, après avoir rétracté vers l’équateur son extrémité dirigée vers le pôle, prend la forme d’un U ou d'un V, dont l'angle tourné d’abord vers le centre à l'équateur glisse vers le pèle sur le trajet des fils du fuseau (fig. 140). Les deux groupes vont ensuite comme à l'ordinaire constituer les noyaux filles (fig. 141, 142, 143). DISCUSSION ET RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS. Les observations qui précèdent, empruntées à des tissus végétaux de nature variée, permettent de se faire une idée générale de la structure et de la division du noyau. STRUCTURE ET DIVISION DU. NOYAU CELLULAIRE. 31 On a vu en commençant que sur le second point, qui est l’objet principal de ce travail, Strasburger et Klemming ne sont pas du mème avis ; leurs nombreuses recherches n’en ont pas moins fait connaître sur l’ensemble de la question heau- coup de résultats intéressants. La discussion qui s’est élevée entre eux sera résumée plus loin, après les considérations qui ont trait au noyau considéré à l’état de repos. Le noyau est constitué par une charpente interne sous forme de réseau ou de filament, généralement accompagnée d’un ou de plusieurs nucléoles, et dont les interstices sont remplis par le suc nucléaire. On ne sait pas encore d’une façon certaine si la membrane qui l'enveloppe lui appartient en propre ou provient du cytoplasme environnant. La charpente interne est formée par les microsomes nu- cléaires, de volume variable, caractérisés, comme les nu- cléoles, par la chromatine qu'ils renferment. Flemming admet que, dans la plupart des noyaux des cellules animales, elle a la structure d’un réseau dont les cor- dons grêles et ramifiés s'étendent dans tous les sens et forment tantôt des mailles très larges, comme dans les noyaux des grandes cellules nerveuses et des œufs de beaucoup d’ani- maux, tantôt des mailles très petites, comme dans les cellules épithéliales et glandulaires. Strasburger croit au contraire qu’il existe dans tous les noyaux des cellules végétales et ani- males qu'il a examinées un filament unique et continu, dont les replis s'étendent dans des directions variables et s’accolent latéralement les uns aux autres pour se séparer ensuite au moment où le noyau va entrer en division. La substance chro- matique n’est pas disséminée dans le noyau sous forme de gra- nulations ou de bâtonnets isolés, comme on le pensait jusqu’à ces derniers temps; cette apparence est due soit à des épais- sissements locaux, soit aux replis du filament. Ces deux opinions diffèrent moins qu’on ne pourrait le croire au premier abord; elles ont l’une et l’autre leur raison d’être, aussi bien pour les noyaux des cellules végétales que pour ceux des cellules animales. C’est ainsi qu’on observe un réseau dans 39 L. GUIGNARD. les noyaux qui possèdent plusieurs nucléoles volumineux, riches en chromatine, et par contre une charpente interne délicate, comme dans le sac embryonnaire du Lilium candi- dum (fig. 105, pl. 4). La largeur des mailles, occupées par le suc nucléaire, permet d'apprécier facilement cette structure. Mais la difficulté est plus grande quand il s’agit de noyaux dont les repris filamenteux sont serrés et enchevêtrés, ainsi qu’on l’observe dans la plupart des cellules mères de pollen ou dans l’'albumen du Lis. Dès les premiers indices d’une division pro- chaine, on distingue, dans tous les cas, un filament pelotonné dont la continuité devient de plus en plus évidente et qui peut succéder soit à un réseau dont les mailles se détruisent, soit à un filament primiuf dont les repris anastomosés s’isolent les uns des autres pendant la contraction qui s'opère dans toute sa longueur. Parfois aussi la présence d’un filament continu dans le noyau au repos est facile à constater; tel est le cas des cellules mères du pollen de l'Allium (fig. 68, pl. 3). Il peut en être de même dans les cellules animales, bien que les recherches de Flemming fassent croire à l'existence plus fréquente d’un réseau. M. Balbiani (1) en à trouvé un remarquable exemple dans les noyaux des glandes salivaires des larves de Chironomus. La substance chromatique y forme des disques accolés en un filament épais, qui offre une stratification transversale très nette, et dont les deux bouts se terminent par deux nucléoles transparents, ou parfois viennent se réunir l’un et l’autre à un même nucléole. Au point de réunion de chacur: des bouts du filament avec le nucléole se trouve un disque plus gros et ren- flé, dont la substance est analogue à celle du nucléole. Le vert de méthyle colore fortement le filament, mais il n’agit pas sur les nucléoles et les renflements discoïdes; au contraire, le carmin et l’hématoxyline colorent vivement les nucléoles et les renflements, mais beaucoup moins le filament ; la safra- nine se fixe surtout sur les nucléoles. Tous les tissus des - (1) Zoolog. Anzeiger, 1881, n° 99 et 100. STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 33 larves de Chironomus contiennent des noyaux semblables. L'action prolongée des acides rend la stratification moins visible; l’acide acétique et plusieurs autres réactifs agglutinent en réseau les replis du filament, ce qui porterait à croire que l'apparence de réseau est due à l’action des réactifs et que les noyaux possèdent réellement un filament continu. Gependant, Flemming a montré que si la substance figurée du noyau est disposée sous forme de filament dans le cas actuel, il est des noyaux, appartenant à d’autres animaux, où l'existence d’un réseau n’est pas douteuse. Il n’en est pas moins vrai qu'il faut se tenir en garde contre l’action des réactifs. Le filament nucléaire renferme, comme on sait, une partie de la chromatine; l’autre partie est contenue dans les nu- cléoles. Mais on ne peut affirmer que la chromatine constitue à elle seule les éléments figurés du noyau; elle peut avoir un substratum non colorable au même degré qu’elle. Son identité avec la nucléine n’est pas non plus démontrée, quoique Zacha- rias ait prouvé que c’est elle qui contient cette dernière sub- stance. C’est pourquoi la chromatine doit plutôt être définie par ses propriétés chimiques que par ses caractères morpholo- giques. Pour Strasburger, le filament nucléaire est formé par une substance fondamentale achromatique, ou hyaloplasme nu- cléaire, dans laquelle les microsomes chromatiques sont dis- posés en une file souvent fort régulière. Flemming ne fait pas cette distinction touchant la nature du filament ; il donne le nom d’achromatine à tout ce que les réactifs spécifiques de la chromatine ne colorent pas, par conséquent au suc nucléaire lui-même et, comme on le verra plus loin, aux fils du fuseau nucléaire qui proviendraient, selon lui, du noyau et non du cytoplasme qui l'entoure. Il se demande si la chromatine est localisée uniquement dans le filament et dans les nucléoles et s’il n’en existe pas aussi dans le suc nucléaire sous forme de granulations diffuses. Pfitzner et Retzius admettent que le suc nucléaire, qu'ils désignent sous le nom de substance inter médiaire, en est totalement privé. On verra plus loin que 6e série, Bor. T. XVII (Cahier n° 1)5. 3 34 BL. GUIGNARD. cette dernière opinion est seule admissible chez les végétaux. De son côté, Zacharias pense qu'il existe dans le noyau au repos des cellules mères polliniques, en dehors du filament chromatique, une substance qui réagit comme les fils achro- matiques du fuseau; c’est elle qui les formerait, et, par suite, ils ne proviendraient pas du cytoplasme. En cela il est d’ac- cord avec Flemming, et cette substance achromatique serait l’hyaloplasme nucléaire. Les nucléoles se comport:nt généralement, au contact des réactifs colorants, comme les microsomes chromatiques du filament; entre les uns et les autres on trouve tous les termes de passage, et C’est pourquoi on ne peut les distinguer dans tous les noyaux. Souvent les nucléoles se présentent comme des granulations un peu plus volumineuses que les microsomes nucléaires et comprises comme ces derniers dans le filament, sur le trajet de ses replis. Il en est ainsi dans beaucoup de noyaux adultes de Palbumen du Lis (fig. 90, pl. 3), dans les cellules des parois ovariennes (fig. 191 et 131, pl. 5), et dans les jeunes noyaux en voie d’accroissement. Leur volume aug- mente en même temps que leur nombre diminue; toutefois les noyaux du sac embryonnaire du Liliun conservent, jusqu'aux premiers stades de la division, plusieurs nucléoles de volume inégal (fig. 105 et 110, pl. 4). On distingue fréquemment un nucléole principal et des nucléoles accessoires ; mais il y à entre le premier et les der- niers la même transition qu'entre ceux-ci et les microsomes du filament nucléaire. Quand il n’y en a qu’un seul, il est généra- lement excentrique et plus ou moins éloigné de la membrane du noyau. Si les nucléoles possèdent un certain volume, on ne les voit plus sur le trajet du filament, mais simplement en contact avec lui; c’est ce qu’on remarque notamment dans les cellules mères polliniques (fig. 1, pl.1 ; fig. 81, pl. 3). Le fait est beaucoup plus évident quand la contraction du filament com- mence à se faire (fig. 51, pl. 2; fig. 114 et 115, pl. 5), ou même lorsque la segmentation à eu lieu (fig. 5%, pl. 2, et fig. 84, pl 3). STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 39 Dans les cellules animaies, le nombre des nucléoles peut changer périodiquement et 1l est certain que ce changement a un sens physiologique. Auerbach et Flemming en donnent des exemples; mais en ce qui concerne les cellules végétales, nos connaissances sont encore insuffisantes à cet égard. Les nucléoles n’ont pas de membrane d’enveloppe. Tout en étant formés, comme le filament nucléaire, de substance chro- matique, ils peuvent facilement en être distingués par leurs propriétés optiques et leur aptitude à se colorer. Il est des nu- cléoles qui prennent une teinte différente de celle du filament nucléaire, au contact des mêmes réactifs. Ainsi, dans les cel- lules mères du pollen du Laistera ovata, ils se colorent parfois en rouge jaune par l’hématoxyline, tandis que le filament devient violet foncé; 1l y a par conséquent, à certains moments du moins, une différence chimique entre la substance du nu- cléole et celle du filament nucléaire, et cette différence paraît être souvent en rapport avec l’âge. Strasburger a constaté que, dans les poils staminaux du Tradescantia, les nucléoles ne se colorent pas toujours par les réactifs spécifiques de la chroma- tine; au contraire, le volumineux nucléole des noyaux des cellules de Spiérogyra est très riche en chrometine, alors que le réseau nucléaire délicat qui l'entoure se colore à peine par la safranine. Quoi qu'il en soit de ces différences, beaucoup de jeunes nucléoles paraissent tirer leur origine des micro- somes nucléaires. La présence des nucléoles dans la très grande majorité des noyaux et leurs caractères optiques et chimiques montrent qu'ils ne représentent pas simplement des parties de la sub- stance nucléaire sans signification, mais un produit particulier de sa métamorphose et de l’activité vitale du noyau. Il est dès lors possible de les considérer, avec Strasburger, comme une matière de réserve du noyau, placée momentanément en dehors de son activité. On en a la preuve dans la façon dont ils se comportent durant la division. En effet, on a vu qu'ils persis- tent pendant la contraction du filament chromatique, et même (9 quelque temps après la segmentation (fig. 2 et 3, pl. 4; fig. o1 36 L. GUIGNARD. et 52, pl. 2, etc.). S'ils disparaissent morphologiquement pendant la division du noyau mère, ils réapparaissent avec les mêmes propriétés dans les noyaux filles. La disparition des nucléoles est souvent précédée d’une perte en chromatine, sans qu'il y ait d’abord diminution de volume ou changement de forme; parfois aussi le volume di- minue, bien que l’aptitude à la coloration persiste. Rarement ils se montrent granuleux comme ceux qui ont été signalés dans le Lilium candidum (fig. 106, pl.4). Quant à savoir si leur disparition consiste en une dispersion mécanique de leur sub- stance dans le filament nucléaire ou dans un remaniement chhuique, c’est une question qu'il n’est pas encore possible de résoudre. À la disparition du nucléole se rattache une opinion émise par Strasburger, dans son dernier mémoire (1), et qui mérite de nous arrêter un instant. Il s’agit d’un « corpuscule de sécré- tion » qui apparaitrait et serait éliminé dans les noyaux des cellules mères de pollen aux premiers stades de la division. Ce corpuscule a la forme et le volume d’un nucléole ; on Île trouve à la péripherie, au contact de la membrane du noyau. Le vertde méthyle le colore peu ou pas du tout ; mais d’autres réactifs peuvent le colorer. On l’aperçoit encore après la dispa- rition de la membrane nucléaire et même après la formation du fuseau ; Strasburger le figure chez plusieurs Monocotylé- dones, il l’a trouvé aussi chez toutes les Dicotylédones qu'il à examinées. Dans le Glaucium fulvum, il disparait en même temps que la membrane nucléaire ; dans l’Alfhœa roseu, 1 est très volumineux par rapport aux éléments figurés du noyau et reste colorable jusqu’à sa disparition. Il présente des carac- tères analogues dans le Pinus sylvestris, dans lEquisetum limosum et le Psilotum triquetrum. Tangl a également constaté que, durant la division des cel- lules mères polliniques de l’'Hemerocallis, on rencontre le corps en question ; mais 1l le considère simplement comme un (1) Loc. cit., p.26. STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 37 nucléole. Strasburger combat cette opinion, parce qu’on le trouve en dehors des replis du filament nucléaire. Pour Tangl, ce serait un fait accidentel; mais, pour Strasburger, il s'agirait là d’un phénomène général. Cette expulsion d’une partie de la substance du noyau rappellerait ce qui se passe dans la forma- tion des produits sexuels de plusieurs plantes (1). C’est ainsi que dans le Marsilia elata, une partie du contenu de la cellule mère des anthérozoïdes n’entre pas dans la constitu- tion de ces derniers. Il en est de mème dans la Salvinia naltans. Tout en reconnaissant que ces hypothèses plaisent à l’es- prit, malgré leur base peu solide, je suis porté à croire que le prétendu corpuscule de sécrétion n’est autre chose que le nucléole en voie de résorplion. En effet, dès qu'il a pris un certain volume, le nucléole se trouve en dehors et au contact du filament chromatique ; quand ce dernier se contracte, le nucléole peut s’en séparer, ainsi qu’on le voit dans le Lastera et l’Alium. D'ailleurs le nucléole reste passif durant les pre- miers changements qui se produisent dans le noyau avant la division et commencent par la contraction du filament chro- matique. Cette séparation peut avoir aussi pour cause l’action des réactifs; tel pourrait bien être le cas de la figure 27, planche 2, où l'alcool absolu à probablement contracté davan- tage le filament déjà pelotonné et épaissi. Remarquons, en outre, que le corpuscule se comporte avec les réactifs colorants de la même façon que le nucléole en voie de disparition. En ce qui concerne la partie du noyau qui n'offre aucun élément figuré, et à laquelle on donne le nom de suc nucléaire, on doit la considérer, tout au moins dans les cas observés Jus- qu'ici chez les végétaux, comme un liquide dépourvu de parti- cules colorables par les réactifs des éléments figurés chroma- tiques ou achromatiques. Dans les cellules animales, il peut offrir, d'après Flemming, une consistance gélatimeuseet prendre une teinte plus ou moins accentuée au contact des réactifs (1) Strasburger, Zellbild. u. Zelltheil., p. 97. 38 L. GUIGNARD. qui colorent, non pas les éléments figurés du noyau, mais ceux de la substance cellulaire, tels que le carmin, le picrocarmin et l’hématoxyline. J'ai insisié à plusieursreprises sur ce fait, que dans les noyaux dont le filament s’est déjà contracté et qui, par suite, entrent en division, on ne trouve entre les replis du peloton nucléaire aucun élément figuré colorable par les réactifs du cytoplasme. À ce même stade, Flemming a vu chez la Salamandre des granulations disposées sous formes de fils ou de cordons grèles qui, selon lui, sont destinées à former les fils achromatiques du fuseau. On n’a pu jusqu'à ce jour en constater la présence chez les végétaux ; c’est du moins ce qui résulte des observa- tions de Strasburger, de Soltwedel et d’autres botanistes, ainsi que des miennes propres; de sorte que jusqu’à ce Jour rien n’est venu prouver que l'opinion de Flemming soit admissible pour les végétaux. Une autre question qui peut encore prêter à discussion a trait à la membrane nucléaire. Son existence a même été niée dans plusieurs cas chez les animaux, mais sans preuves suffi- santes, ainsi que Flemming l’a montré (1). Dans les noyaux des cellules végétales, la membrane est en général d'autant plus visible que le réseau ou le filament chromatique est moins serré. On a vu qu’elle présente un double contour très net dans beaucoup de noyaux de cellules mères polliniques du Lis- tera, où elle prend même une coloration assez marquée par le vert de méthyle. La membrane est surtout très visible dans les noyaux qui sont arrivés aux premiers stades de la division. Le plus souvent elle se montre finement granuleuse, comme dans les noyaux des cellules mères polliniques ou de l’albumen du Lilium; ses granulations ne peuvent être différenciées de celles du evtoplasme par les réactifs. C’est pourquoi Stras- burger admet qu’elle est toujours formée par lui. On peut se demander, quand on la voit formée par des gra- nulations, si elle n’est pas perforée, et si elle n’offre pas des (1) Loc. cit., p. 165, STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 99 pores susceptibles d'établir une communication entre les éléments figurés du noyau et ceux de la cellule. Il suffit d’exa- miner les noyaux au début de la division, alors que le filament nucléaire, contracté ou même déjà segmenté, est plongé dans le sue nucléaire nettement séparé du cytoplasme, pour voir que le réseau de celui-ci n’a aucune relation avec le filament (fig. 2 et 3, pl. 1; fig. 28 et 52, pl. 2, ete.). Les échanges entre le cytoplasme et le noyau sont simplement de nature osmo- tique. Le cytoplasme présente souvent, comme on l’a vu dans les cellules mères polliniques, un réseau très délicat formé de fines granulations qui se distinguent des éléments figurés du noyau par leurs réactions. Parfois ces granulations sont assez grosses et isolées, comme les figures 4117 et 118, planche 5, Arrivons maintenant à l'examen des phénomènes qui se succèdent dans le cours de la division du noyau. On doit les grouper en un certain nombre de phases bien caractérisées. 1. La première consiste dans la disposition pelotonnée que prennent les éléments chromatiques du noyau. Le filament, qui existait déjà dans le noyau au repos ou qui succède au réseau, commence par se contracter. Les micro- somes qui le constituent se fusionnent en granulations plus grosses ou en disques accolés. Il est possible que parfois l’aug- mentation d'épaisseur du filament provienne d’une soudure latérale des replis primitifs disposés en zigzag. Pendant ce temps, la membrane nucléaire devient beaucoup plus visible. La disparition des nucléoles peut avoir lieu déjà à cette phase, surtout quand ils sont petits et peu distincts des micro- somes du filament; plus souvent ils persistent entre les replis pour ne disparaître qu'au moment de la segmentation on même après qu’elle a eu lieu (fig. 2 et 3, pl. 1 ; fig. 28 et 52, pl. 2; fig. 69, 02, 84, 91, pl. 3; fig. 114 et 115, pl. 5). Telle est la phase du peloton nucléaire. Les phénomènes qu'on observe chez les animaux à cette même période sont beaucoup plus complexes. Qu'il me suffise 40 EL. GUIGNARD. de rappeler qu’on voit apparaitre dans la substance cellulaire, au voisinage du noyau, deux pôles autour desquels les granula- tions se disposent en rayonnant. Un cas analogue a été observé par Strasburger dans l’Hyacinthus orientalis (4), avant la dis- parition de la membrane nucléaire et pendant la contraction du filament. La figure 108 de la planche # montre également uue disposition radiaire dans Île cytoplasme d’un sac embryon- naire, mais après la formation du fuseau et de la plaque nu- cléaire. Chez les animaux, la disposition dicentrique peut apparaître avant la formation du peloton nucléaire; quand ce dernier commence à se former, les nucléoles disparaissent, tandis que chez les plantes, ainsi que nous avons vu plus haut, leur disparition est beaucoup plus tardive. 2. La seconde phase comprend la segmentation du fila- ment pelotonné, avec les modifications que présentent les segments isolés avant et après la disparition de la membrane du noyau. La segmentation se fait généralement alors que les replis du filament s'étendent indistinctement dans tous les sens, à l’intérieur du noyau. Il est aussi des cas où les replis se dis- posent d’abord dans une direction sensiblement parallèle à l'axe du fuseau futur, par exemple dans les noyaux filles polli- niques du Lis (fig. 21). Strasburger a signalé, en outre, une disposition diagonale et même transversale dans d’autres cas. Mas ces variations n’ont qu'une faible importance, car on les irouve dans les tissus différents de la même plante. Le nombre des segments est assez constant pour les noyaux d’un mème tissu, mais il peut varier dans la même plante pour des tissus de nature différente. On en compte 12 dans les cellules mères du pollen du Lilium, 8 dans celle de l’AUlium et de l’Alstræmeria. Strasburger avait déjà remarqué ce fait. Aussitôt formés, ils se comportent de façons différentes. S'il s’agit des cellules mères de pollen, on voit chaque segment subir une incurvation en son milieu et rapprocher ses deux (1) Strasburger, loc. cit., fig. 143, pl. 3. STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 41 moitiés jusqu'à les accoler l’une à l’autre en un bâtonnet dans lequel elles restent plus ou moins longtemps reconnaissables. Le point où s’est fait la courbure regarde généralement le centre du noyau, comme l’indiquent les figures 6 et 7 de la planche 1. Cette disposition est beaucoup plus constante pour les segments des noyaux des cellules filles polliniques (fig. 24 el 44, pl. 2, et fig. 76, pl. 3). Elle manque souvent dans les cellules mères, et même, d’après Strasburger, elle est inverse dans les cellules mères polliniques du Fritillaria persica, c’est- à-dire que la courbure est tournée vers la périphérie. En outre, les deux moitiés de chaque segment, dans cette plante, ne se soudent que sur une partie de leur longueur, de manière à former ensemble un Y dont les jambes sont les plus voisines du centre, et se dirigeront l’une et l’autre vers chacun des deux pôles du fuseau. Une soudure incomplète, avec orientation analogue des bâtonnels, existe aussi dans l'A /stræmeria. Au sujet de cette curieuse soudure des deux moitiés de chaque segment en un bâtonnet unique, Flemming se de- mande sielle ne proviendrait pas de l’action des réactifs. Il n’en est rien; on peut la suivre pas à pas, pour ains! dire, aussi bien sur les préparations fraîches que sur celles qui sont fixées préalablement par l’alcool absolu ou par l’acide chro- mique. C’est généralement pendant le rapprochement des deux branches de chaque segment, quelquefois après leur soudure, que la membrane dunoyau disparaît. Le cytoplasme peut alors se mélanger avec le suc nucléaire et refouler vers le centre les éléments chromatiques jusque-là plus ou moins éloignés les uns des autres. Il est certain que ce rapprochement au centre n’est pas un effet des réactifs. 3. Bientôt on voit apparaître les fils achromatiques du fuseau. Leur nombre varie suivant les plantes et les tissus, tout en étant en rapport avec celui des segments ou bätonnets chromatiques auxquels ils doivent servir de guide aux stades ultérieurs (comparez les fig. 8, pl. 4, et 32, pl. 2, avec les fig. 89, pl. 3, et 146, pl. 5). Ils ne se colorent pas par les 42 L. GUIGNARD. réactifs spécifiques de la chromatine; le carmin et l’héma- toxyline les rendent très visibles, du moins dans la plupart des cas. Zacharias a reconnu qu'ils se dissolvent dans une solution de pepsine et deviennent plus apparents par les acides étendus, tandis que les éléments chromatiques présentent des réactions inverses. Leur apparition est tardive et leur nombre peu élevé dans les noyaux de l’albumen de la plupart des plantes et notamment du Lis. Quelle est lorigme de ces fils? Proviennent-ils du cyto- plasme ou bien du noyau lui-même? Nous sommes en pré- sence de deux opinions soutenues l’une et l’autre par plusieurs observateurs. Strasburger n'hésite pas à les rapporter au cytoplasme, en se fondant sur ce fait qu'avant la disparition de la membrane nucléaire il n'existe entre les replis du filament, ou entre les segments qui en proviennent, aucune substance figurée. Il s'appuie en même temps sur le moment de leur apparition, qui suit toujours la résorption de la membrane du noyau et la pénétration du cytoplasme entre les éléments chromatiques. On verrait même, das le Galanthus nivalis, le cytoplasme pré- senter une striation qui part de deux points représentant évi- demment les deux pôles du fuseau futur, avant la disparition de la membrane nucléaire et la segmentation du filament (4). Pour ce savant, les fils du fuseau sont la cause prochaine de la division et de l'orientation des éléments chromatiques. Zacharias pense, au coutraire, que les fils achromatiques proviennent du noyau lui-même ; il fonde son opinion sur la présence dans le noyau d’une substance granuleuse qui se comporterait au contact des réactifs d’une autre façon que la chromatine. Zalewski et Soltwedel les considèrent comme des tubes creux dans lesquels les éléments chromatiques se déplace- raient pour s'orienter et former la plaque nucléaire, et qui ensuite, dépourvus de leur contenu, persisteraient avec l’as- (1) Loc. cit., fig. 121, pl. 2. SE ———— STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 43 pect de fils minces. Mais tandis que le premier les rapporte au noyau seul, dont les éléments figurés constitueraient les tubes remplis de nuecléme, le second croit que c’est la substance cellulaire ou cytoplasme qui pénètre dans le noyau, en entou- rant les éléments chromatiques, et qui plus tard, après l’arri- vée de ceux-e1 à l’équateur, reste en arrière sous forme de tubes vides. De ses observations sur la Salamandre, Flemming conclut à l’origine nucléaire des fils achromatiques du fuseau. La substance qui les fournit constitue, d’après lui, pendant la phase du peloton nucléaire, des cordons granuleux très grêles, interposés entre les éléments chromatiques. Avant la dispari- ton de la membrane nucléaire, on remarque déjà dans le noyau deux centres autour desquels ces cordons achroma- tiques affectent une disposition rayonnante, en se dirigeant vers lintérieur du noyau entre les replis du filament chroma- tique. Ces deux centres sont d’ailleurs les deux pôles du fuseau futur ; ils apparaissent au contact de la membrane nucléaire, mais il est difficile de décider si c’est en dedans ou en dehors. Quant à l’origine de ces cordons granuleux, il faudrait les rapporter aux éléments figurés du noyau au repos, composés d'une substance fondamentale achromatique et de chroma- tine ; ces deux substances se sépareraient l’une de l’autre à un moment donné pour former, la première les éléments achro- matiques du fuseau, la seconde le filament chromatique pelo- tonné. Un argument plus solide en faveur de cette manière de voir est tiré du Spirogyra. Flemming affirme, contrairement aux assertions de Strasburger, que les fils achromatiques du fuseau existent déjà avant la disparition de la membrane nucléaire, et par conséquent avant la pénétration du eyto- plasme. Il ajoute, au sujet de la Salamandre, que les fils du fuseau n'offrent pas les mêmes réactions que ceux qui diver- gent en rayonnant dans la substance cellulaire. Il ne peut admettre que le cytoplasme pénètre par les pôles, comme le pensent plusieurs observateurs, pour former les fils du fuseau. 44 L. GUIGNARD. La question est donc très controversée. [1 n’y à pas lieu toutefois de s'arrêter aux assertions de Zalewski et de Soltwe- del concernant la disposition en tubes creux qu’affecteraient les fils du fuseau. Mais, à l’exception des observations de Flemming sur le Spirogyra, la plupart de celles qui ont eu pour objet les végétaux parlent en faveur de l'opinion de Stras- burger. En effet, les réactifs ne permettent pas de voir, entre les replis du filament nucléaire, soit avant, soit après la segmen- tation, des éléments figurés se comportant comme ceux du cytoplasme (fig. 2 et 5, pl. 1, ou fig. 69, pl. 3; fig. 115et 116, pl. 5). Il faudrait donc supposer, pour se conformer aux idées de Flemming, que si la substance achromatique destinée à former les fils provient, comme il le pense, du réseau ou du filament nucléaire, elle ne s’est pas encore séparée de la sub- stance chromatique dans les divers exemples auxquels nous renvôyons. Or, une telle séparation ne se montre à aucun moment. Les réactions des microsomes du cytoplasme végétal sont identiques à celles des fils du fuseau, autant du moins qu’on peut en juger dans l’état actuel de nos connaissances. Ces fils se colorent de la même façon que le cytoplasme, soit avec le carmin, soit avec l’hématoxyline. Il y a, par suite, des diffé- rences entre le cytoplasme végétal et le eytoplasme animal tel qu'il existe dans les cellules observées par Flemming; le se- cond paraît être d’une nature plus complexe. On sait qu'après la division complète d’un noyau mère, si les deux noyaux filles doivent être séparés par une cloison de cellulose et souvent même lorsque celle-ci ne se forme pas, les fils achromatiques interposés entre les deux noyaux aug- mentent de nombre aux dépens des éléments figurés du eyto- plasme environnant. Or, les réactifs ne permettent pas de distinguer, parmi ces fils, ceux qui appartenaient d’abord au fuseau de ceux qui proviennent ultérieurement du cytoplasme. Je n'ai pu voir dans aucun cas les fils du fuseau apparaître avant la disparition de la membrane nucléaire. Il faut remar- STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 49 quer, en outre, qu'il y à des noyaux relativement pauvres en chromatine, dont les fuseaux sont formés de très nombreux fils achromatiques (fig. 146 et 147, pl. 5); il serait dificile de croire que ces derniers proviennent du noyau seul. Que la pénétration du cytoplasme dans le noyau privé de sa mem- brane ne suffise pas à expliquer les changements de forme et de position du filament chromatique ou de ses segments, la chose est admissible, puisque la contraction et souvent la segmentation ont lieu avant la disparition de la membrane : la division du noyau parait alors se préparer indépendamment du cytoplasme. Toutefois, les pôles du fuseau, qui constituent deux nouveaux centres d'attraction, doivent apparaitre en dehors du noyau même, si l’on compare la longueur du fuseau et le diamètre du noyau au repos dans un certain nombre de cas. D'ailleurs, la formation et l'orientation des fils du fuseau peuvent tout aussi bien avoir lieu dans le cytoplasme que dans le noyau, sous l'influence de deux forces directrices agissant aux deux pôles du fuseau. Souvent aussi on remarque autour du noyau en voie de division une accumulation du cytoplasme, ce qui montre que le phénomène est au moins en partie sous sa dépendance (fig. 118 et 119, pl. 5). La formation des fils achromatiques est accompagnée de l'orientation des segments chromatiques autour du centre de figure. Nous avons vu que, dans les cellules mères polliniques du Lalium, de l’Alium et de l'Alstræmeria, chaque segment se coude en son milieu et rapproche ses deux branches pour les souder plus ou moins intimement en un bâtonnet. Cette soudure peut rester très incomplète, comme dans les noyaux des cellules filles polliniques. Parfois la façon dont les seg- ments se comportent est assez différente, comme dans le Listera (fig. 55 et 56, pl. 3). Les bâtonnets chromatiques se rangent dans le plan équa- torial du fuseau et forment une étoile plus ou moins régu- lière, qui est la plaque nucléaire (fig. 9, pl. 1, etc.). Mais dans la plupart des tissus autres que les cellules mères du pollen, la plaque nucléaire offre des caractères différents. 46 L. GUIGNARD. Les segments chromatiaues ne rapprochent pour ainsi dire pas leurs moitiés l’une de l’autre pour les souder; l’une d’elles se dirige vers le pôle, parallèlement à l'axe du fuseau, l'autre est située plus ou moins exactement dans le plan équatorial ou recourbée dans une direction variable : c’est le cas des noyaux de l’albumen du Lilium, du Clematis (fig. 94 et 95, pl. 4; fig 153, pl. 5), du tissu des ovules et des ovaires. D'autres fois les segments prennent la forme de V dont la pointe regarde le centre de figure, et dont les branches sont tournées vers la périphérie : ce sont les cas qui ressemblent le plus à ce qui se passe dans les cellules animales; on en rencontre dans le sac embryonnaire. Les éléments chromatiques de la plaque nucléaire ne pré- sentent pas toujours une disposition radiaire chezles végétaux; ils ne sont pas non plus tous situés autour du fuseau dans le plan équatorial, on en trouve plusieurs entre les fils achroma- tiques. Chez la Salamandre, il y a au centre de la couronne nucléaire un espace non occupé par les éléments chroma- tiques qu'on ne rencontre presque Jamais chez les végétaux, si ce n’est parfois dans les cellules mères polliniques du Li- lium (fig. 7, pl. 1). 4. À la phase suivante a lieu la division de la plaque nu- cléaire, sur laquelle porte principalement la discussion entre Strasburger et Flemming. Dans les noyaux des cellules mères polliniques, les deux moitiés qui forment par leur soudure longitudinale un bâton- net se séparent l’une de l’autre par dédoublement longitudmal et par une rupture qui se produit à l'endroit de la courbure du segment chromatique. Il en résulte deux nouveaux bâton- nets moitié moins épais, qui doivent appartenir chacun à lun des noyaux filles. Tel est le cas du Lilium, de lAllium, de l’Alstræmeria, ete., qui ressemblent complètement sous ce rapport au Fritillaria étudié par Strasburger. Le filament nucléaire se coupe done à deux reprises difré- rentes; la première fois pour former les segments que nous avons vu rapprocher et souder leurs moitiés, la seconde fois STRUCTURE ET DIVISION DU NOYAU CELLULAIRE. 47 pour séparer complètement ces deux moitiés l’une de l’autre. La première segmentation a lieu durant la phase pelotonnée, la seconde après la formation de la plaque nucléaire. Dans les noyaux de l’albumen et du parenchyme des tissus de l’ovule ou de l'ovaire, les choses se passent autrement : il n'y a pas de soudure des moitiés de chaque segment. Pour Strasburger, le filament pelotonné se coupe, 1e1 aussi, à deux reprises différentes : la première segmentation porte sur les replis les plus rapprochés des pôles du fuseau futur, la se- conde sur ceux qui occupent la région équatoriale; de sorte que, par exemple, dans mes figures 94 et 95, planche 4, les deux segmentations auraient eu lieu et les segments formant la plaque nucléaire n'auraient plus qu'à se séparer les uns des autres en deux groupes pour constituer les novaux filles. La seconde segmentation se produirait done plutôt dans ce dernier cas que dans les cellules mères de pollen. La plaque nucléaire est d’ailleurs bien différente. Strasburger admet aussi deux segmentations chez la Sala- mandre. La première aurait heu pendant la phase du peloton; la seconde plus tard, au moment où les éléments chroma- tiques ont pris une disposition en couronne. Flemming s'élève contre cette assertion : pour lui, la segmentation commence aussi à la phase du peloton nucléaire, mais elle se continue pendant un temps variable et souvent jusqu’au stade de la couronne. Strasburger croit qu'après les deux segmentations, les élé- ments chromatiques de la plaque nucléaire n’ont plus qu'à se séparer en deux groupes. Pour cela, la branche qui regarde le pôle se courbe en forme d’hameçon à son extrémité, tan- dis que la partie courbée du segment se redresse, en même temps qu'il se fait un transport des segments vers les deux pôles. Je crois, au contraire, qu’un tel mode de division de la plaque nucléaire n’est applicable ni aux végétaux, ni aux animaux. Et d’abord la segmentation du filament, dans les noyaux 48 L. GUIGNARD. de Palbumen ou de l'ovaire, ne m'a pas paru se faire à deux moments différents, en premier lieu vers les pôles, ensuite vers l’équateur. En outre, les segments qui constituent la plaque nucléaire ne se séparent pas simplement en deux groupes pour se transporter aux pôles, mais subissent un dé- doublement longitudinal, comme lindiquent les figures 96 et 97, planche #4; 193 à 127, planche 5, etc., dédoublement pré- cédé d’un aplatissement qui donne lieu à une forme rubannée. C’est par ce moyen que le nombre des segments chromatiques se trouve doublé. Ce dédoublement longitudinal a été bien constaté par Flem- ming et par plusieurs autres observateurs chez les Batraciens, tels que la Salamandre, le Triton. Strasburger ne l’admet pas, même chez la Salamandre; il a bien vu parfois les segments de la plaque nucléaire formés de deux rangées parallèles de granulations, mais 1l considère le fait comme inconstant; pour lui les segments ne se divisent pas suivant leur longueur en deux moitiés. Flemming pense, comme on l’a vu, que cette division longi- tudinale peut se manifester dès la phase du peloton et se con- tinuer jusqu’au stade de la plaque ou étoile nucléaire. Retzius croit, au contraire, qu’elle n’a lieu qu’à la phase de l’étoile nucléaire dont elle constitue le caractère essentiel (1). L'opinion de Flemming semble la plus fondée; mais, quoi qu'il en soit, la division longitudinale est hors de doute pour les noyaux des cellules animales. IL en est de même pour les noyaux des cellules végétales de l’'albumen, de l’ovaire, des ovules, des pédoncules floraux et d’autres tissus que j'ai examinés. Déjà quelques observations de Flemming parlaient en faveur de cette manière de voir, mais Strasburger Pexplique d’une façon toute différente, que J'ai indiquée, à propos des noyaux de Palbumen du Lilium. Il est à remarquer aussi que chez les végétaux, la division longitudinale des segments qui constituent la plaque nucléaire (1) Flemming, loc. cit., p. 267. STRUCTURE ET DIVISION DES NOVAUX CELLULAIRES. 49 ne commence qu'après la formation définitive de celle-ci et qu’on n’en aperçoit auparavant aucun indice; l'aspect rubanné des segments est postérieur à leur orientation. Ce dédouble- ment longitudinal aurait donc lieu seulement au stade où Ret- zus l’a vu dans les cellules animales. En se séparant l’une de l’autre, les deux moitiés de chaque segment de la plaque prennent des formes variables. Le plus souvent elles s’incurvent vers le milieu de leur longueur de façon à représenter des V plus ou moins réguliers, dont l'angle se tourne vers le pôle. Si l’une des branches reste courte, elles ressemblent alors à des bâtonnets en forme de crochets ou d’hameçons. Il devient alors plus facile d’en apprécier le nombre total et de constater qu’il est manifestement plus élevé que celui des segments qui formaient la plaque nucléaire avant le dédoublement, comme cela doit être si ce dédouble- ment existe réellement ; leur épaisseur est également moindre. (Comparez les fig. 98 aux fig. 94 et 95 de la pl. #, ou la fig. 129 aux fig. 123 et 124 de la pl. 5.) Le dédoublement longitudinal est souvent difficile à consta-, ter, surtout quand il s’agit de plaques nuciéaires dont les élé- ments sont minces et courts et ne peuvent être examinés qu'avec de très forts grossissements ; tel est le cas des cellules mères de pollen de la plupart des Dicotylédones. Cependant on observe fréquemment que chacun des noyaux filles contient autant d'éléments ou bâtonnets chromatiques que la plaque du noyau mère avant le dédoublement, et que leur épaisseur est moitié moindre. Il est évident que ce dédoublement constitue un phéno- mène très important dans la division du noyau, et, comme il a lieu à un moment déterminé dans les cellules végétales obser- vées Jusqu'à ce Jour, on peut avec raison le considérer comme caractéristique de la phase qui suit immédiatement la forma- tion de la plaque nucléaire. Nous savons pourtant qu’il n’a pas, à cet égard, la même importance aux yeux de Klem- ming, puisqu'il résulterait de ses observations sur la Sala- mandre qu’il peut se manifester bien avant celte phase, con- 6° série, Bor. T. XVIE (Cahier n° 1). k 90 L. GUIGNARD. trairement toutefois à l'opinion de Retzius qui ne l’a trouvé chez le Triton qu’au stade où je l'ai observé dans les cellules végétales. Mais que son apparition soit plus ou moins tardive, il n’en résulte pas moins un intéressant rapprochement entre les animaux et les végétaux. 5. La phase qui suit le dédoublement longitudinal de cha- cun des éléments constitutifs de la plaque nucléaire, d’où résulte la formation de deux groupes de bâtonnets chroma- tiques, comprend le transport et l’orientation de ces derniers aux pôles du fuseau. Ces bâtonnets prennent des formes variables, tantôt celle de V à branches à peu près égales (fig. 14, 16, 18, pl. 1), tan- tôt celle de crochets ou d’hameçons (fig. 24, 45, 46, pl. 9); dans tous les cas l'angle ou la courbure regarde le pôle. Sou- vent quelques-uns restent en retard à la fois dans leur orien- tation et dans leur marche (fig. 14, pl. 1; 45, pl. 2; 98, pl. #4; 1928, 129, 141, pl. 5). En suivant le trajet des fils du fuseau, ils arrivent aux pôles, où ils présentent une disposition ra- diaire, qui rappelle celle de la plaque nucléaire du noyau mère et qui est surtout très manifeste quand on les observe par le pôle, autour duquel les rayons de l'étoile formée par eux sont représentés par leurs branches plus ou moins longues (fig. 44, pl. 3; 77, pl. 2; 111, pl. #, etc.). Le centre de l'étoile est souvent occupé par des bâtonnets situés, comme leurs voi- sins, dans la direction des fils achromatiques du fuseau; par suite, la disposition en couronne est assez rare. 6. La dernière phase est caractérisée par la formation du filament pelotonné de chacun des noyaux filles. Les bâtonnets de l’étoile du noyau fille, encore assez dis- tants les uns des autres dans la plupart des cas pour pouvoir être comptés, ne tardent pas à se rapprocher en se contrac- tant sur toute leur longueur. Il en résulte dès lors un épaissis- sement et un accolement latéral des branches des bâtonnets, comme dans les figures 37 et 38, planche 9, ou une contrac- tion comme celle que représentent les figures 101 et 109, planche #; 142, planche 5. L’épaisseur des éléments chroma- STRUCTURE ET DIVISION DES NOYAUX CELLULAIRES. 91 tiques augmente ainsi et devient presque égale à celle qu’ils avaient dans le noyau mère au moment de la formation de la plaque nucléaire. C’est alors qu’ils commencent à se souder bout à bout, pour reconstituer un filament unique. Dans les noyaux filles des cellules polliniques, les branches des bâtonnets, d’abord con- tractées et épaissies, s’allongent en s’écartant les unes des autres; elles prennent ensuite l’aspect de granulations dispo- sées en chapelet, avant de se souder par les bouts les unes aux autres (fig. 39 et 40, pl. 2; 65 et 66, pl. 3). Une fois la sou- dure opérée, le filament formé écarte ses replis et devient de plus en plus granuleux (fig. 42, pl. 2; fig. 73 et 74, pl. 3). D'autres fois, comme dans lalbumen ou le parenchyme des ovules ou des ovaires, les éléments chromatiques se con- tractent également aux pôles, en s’épaississant et se rappro- chant au contact les uns des autres; les branches tournées vers l’équateur se raccourcissent et s’incurvent en divers sens ; la soudure se fait d’abord par les bouts les plus voisins du pôle, puis par ceux qui regardaient l’équateur (fig. 101, 102 et 103, pl. 4; fig. 149 et 145, pl. 5). La membrane nucléaire apparaît presque aussitôt après la soudure, pendant que les replis du filament pelotonné com- mencent à se dérouler en divers sens, avant de s’accoler ou de se souder latéralement de distance en distance pour former un réseau. Les nucléoles se montrent plus tard. Les noyaux filles acquièrent ainsi peu à peu la structure du noyau mère à l’état de repos: Telle est la succession normale des phénomènes observés dans le cours de la division indirecte. On peut dire que, dans ses traits principaux, la formation des noyaux filles consiste dans la répétition en sens inverse des phénomènes présentés par le noyau mère qui se divise. Il y a bien pourtant quelques différences dans les détails. Ainsi, dans le développement du pollen, le filament chromatique des noyaux filles se comporte en général autrement que celui du noyau mère avant de se 92 L. GUIGNARD. segmentér pour former la plaque nucléaire; il dirige d’abord ses replis dans la direction de l’axe du fuseau futur (fig. 21 ou 4%, pl. 2). La plaque du noyau fille ne ressemble pas non plus à celle du noyau mère; sés éléments sont plus longs et autre- ment orientés. Mais ces différences n’altèrent pas le caractère fondamental de la division. La répartition en six phases des phénomènes qu’elle présente me parait justifiée par les détails qui précèdent. Flemming admet, il est vrai, que pour les noyaux des cellules animales Ja segmentation du filament et le dédoublement des segments formés n’ont pas lieu à un moment précis, mais qu'ils peuvent se produire et se continuer à des stades variables, ce qui perméttrait alors de réduire le nombre des phases de la division. Cependant, comme dans les noyaux végétaux qui ont été l’objet de mes observations la segmentation et le dédoublement se montrent à des stades déterminés, 1l y a lieu d’admettre la succession des différentes phases telie que je viens de l’exposer. On voit, en définitive, qu'à part des différences d’ordre secondaire, la division des noyaux chez les végétaux et chez les animaux offre de grandes analogies; elle se résume de la façon suivante, à partir du noyau mère au repos : 1. Forme pelotonnée du noyau mère. 2. Segmentation du filament. 3. Étoile ou plaque nucléaire du noyau mère. 4. Dédoublement longitudinal des éléments de la plaque nucléaire. 5. Étoile des noyaux filles. 6. Forme pelotonnée des noyaux filles. STRUCTURE ET DIVISION DES :NOYAUX CELLULAIRES. 93 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 1. Fig. 1 à 20. — Lilium Martagon. Gr. 750. Fig. 1. Cellule mère de pollen avec noyau au repos. Fig. 2. Le filament pelotonné s’est coupé en douze segments, occupant encore toute la cavité du noyau. La membrane nucléaire est granuleuse; le nucléole existe encore. Fig. 3. Les segments A roche tlurs deux moitiés ; ils sont formés de micro- somes distincts. Fig.'4. Soudure longitudinale des moitiés de chaque segment. Le cyloplasme a pénétré dans le noyau après la disparition de la membrane et repoussé les segments vers le centre. Fig. 5. Les segments s’écartent les uns-des autres pour s'orienter autour du centre de la cellule. Fig. 6. Disposition radiaire des segments tournant, pour la plupart, leur partie courbée vers le centre. Fig. 7. Étoile nucléaire et disposition en couronne. La duplicité des segments est encore visible. Fig. 8. Fuseau nucléaire avec plaque équatoriale. Fig. 9. Le même, un peu plus âgé. Fig. 10. Dédoublement longitudinal des segments, avec orientation de leurs moitiés, plus ou moins séparées les unes des autres. | Fig. 11. Plaque, vue par le pôle, à la même phase, Fig, 12. Division un peu plus avancée. Fig. 13. Fuseau montrant les différentes formes présentées par les bâtonnets : chromatiques, commençant à se séparer en deux groupes et à s’incurver en forme d’U ou de V. Fig. 14. Séparation presque complète des deux groupes; quelques-uns des bâtonnets sont en retard: Fig. 15. Un des noyaux filles vu obliquement par le pôle, : avec ses douze bâton- . nets chromatiques en forme de V. Fig. 16. Arrivée aux pôles des bâtonnets encore assez peu serrés les uns contre les autres. Fig. 17. Vue par le pôle, montrant les deux branches de chaque bâtonnet accolées l’une à l’autre quand on fait varier la mise au point. Fig. 18. Disposition régulière en couronne, assez rare. Fig. 19. Les bâtonnets qui constituent chacun des noyaux filles incurvent leurs branches dans des directions variées pour souder leurs extrémités libres et former un filament unique. Les fils sChomAIqUEs sont devenus plus nom- breux que dans la figure 16. Fig. 20. Noyaux filles avec leur membrane enveloppante, mais sans nucléoles. La cloison de cellulose qui les sépare est assez épaisse. 54 L. GUIGNARD. PLANCHE 9. Fig. 21 à 25. — Lilium Martagon. Gr. 750. Fig. 21. Noyaux filles déjà entrés en division : celui de gauche étend ses rephis dans la direction de l’axe du fuseau futur; celui de droite montre par le pôle les segments déjà formés tournant leur partie courbée vers le centre. Fig. 22. Plaque nucléaire dont les éléments offrent des microsomes ou disques chromatiques bien distincts. Fig. 23. Les segments rassemblés à l'équateur se sont coupés en deux parties qui s’incurvent avant de tourner leur angle vers le pôle. Fig. 24. Les bâtonnets des noyaux filles sont pour la plupart recourbés en hamecçon. Fig. 25. Les bâtonnets contractés se sont soudés par leurs extrémités pour for- mer le peloton; il n’y a pas encore de membrane nucléaire. PLANCHE à. Fig. 26 à 49. — Alsiræmeria Pelegrina. Gr. 750. Fig. 26. Cellule mère de pollen avec noyau à l’état de repos. Fig. 27. Peloton nucléaire contracté fortement sur le côté; nucléole au contact de la membrane nucléaire. Fig. 28. Les segments chromatiques ont rapproché et accolé leurs moitiés, pour la plupart; la membrane existe encore ainsi que le nucléole. Fig. 29. Rapprochement au centre des segments après la pénétration du cyto- plasme. Fig. 30. Contraction plus marquée des segments accolés. Fig. 31. Commencement d'orientation des huit segments, dont les branches présentent une soudure plus complète. Fig. 32. Fuseau, avec sa plaque nucléaire, dont les segments sont situés sur le trajet des fils achromatiques. Fig. 33. Dédoublement des segments. Fig. 34. Séparation en deux groupes des bâtonnets incurvés résultant du dédou- blement. Fig. 35. Arrivée aux pôles des deux groupes; contraction des branches des bâtonnets et accolement très marqué. Fig. 36 et 37. Stades plus avancés. Fig. 38. Noyau fille, vu par le pôle au stade précédent. Fig. 39. Modifications annonçant la soudure bout à bout des branches de cha- cun des bâtonnets. Fig. 40. Vue oblique de l'étoile du noyau fille. Fig. 41. Soudure encore incomplète. Fig. 42. Reconstitution du peloton nucléaire. À l'équateur, se montre la ligne granuleuse qui est le rudiment de la plaque cellulaire. Fig. 43. Le filament pelotonné a étendu et aminci ses replis, qui s’accolent en formant un réseau sans nucléole, STRUCTURE ET DIVISION DES NOYAUX CELLULAIRES. 99 Fig. 44. Noyaux filles en division : à gauche, la plaque nucléaire est vue par le pôle ; à droite, elle se présente de côté, à un stade un peu moins avancé. Fig. 45. Séparation incomplète des deux moitiés de la plaque nucléaire. Fig. 46. Les bätonnets de chacun des noyaux en voie de formation ont la forme d’hamecon. Fig. 47. Un des noyaux, vu par le pôle. Fig. 48. La soudure, par les extrémités des bâtonnets, commence à se faire. Fig. 49. Noyau d’une des cellules de pollen entièrement constitué, avée son réseau finement granuleux. Fig. 50 à 54. — Listera ovata. Gr. 640. Fig, 50. Cellule mère pollinique avec son noyau au repos. Fig. 51. Contraction et épaississement du filament. Fig. 52. Segments chromatiques, avec le nucléole encore vivement colorable. Fig. 53. La membrane nucléaire a disparu; chaque segment se contracte sur lui-même. £ Fig. 54. Formation du fuseau et disposition des segments sur le trajet de ses fils. PLANCHE 3. Fig. 55 à 67.— Listera ovata. Gr. 640. Fig. 55. Plaque nucléaire commençant à se dédoubler. Fig. 56. La séparation de ses deux moitiés est presque achevée. Fig. 57. Les deux moitiés se dirigent vers les pôles, leurs bâtonnets ont la forme de V à branches courtes. Fig. 58. Aspect de l’un des noyaux filles observé par le pôle, au stade de la figure précédente. Fig. 59. Contraction aux pôles des branches des bâtonnets. Fig. 60. Formation du peloton par soudure des extrémités. Fig. 61. Noyaux filles, avec leur membrane, entre lesquels se sont multipliés les fils chromatiques destinés à se résorber. Fig. 62. Les mêmes noyaux, après la résorption des fils connectifs. Fig. 63. Noyau fille entrant en division et déjà privé de sa membrane. Fig. 64. Plaques nucléaires des noyaux filles, vues par le côté et par le pôle. Fig. 65. Noyaux filles, dont la division a eu lieu dans deux plans légèrement inclinés l’un sur l’autre. Fig. 66. Aspect granuleux des branches avant la soudure par les bouts. Fig. 67. Tétrade dont trois noyaux seulement sont visibles, quelque temps avant la formation des cloisons cellulosiques. Fig. 68 à 80. — Allium ursinum. Gr. 700. Fig. 68. Cellule mère pollinique avec noyau pourvu d’un nucléole et d’un fila- ment composé de microsomes distincts. Fig. 69. La segmentation a eu lieu : le nucléole a disparu. Fig. 70. Les huits segments épaissis ont soudé leurs moitiés déjà rapprochées lune de l’autre dans la figure précédente. 56 L, GUIGNARD. Fig. 71. Fuseau nucléaire avec fils achromatiques peu nombreux. Fig. 72. Disposition des bâtonnets chromatiques aux pôles. Fig. 73 et 74. Formation du filament des noyaux filles. Fig: 75. Segmentation du filament des noyaux filles. À gauche, les segments, vus par le pôle, tournent leur courbure vers le centre. Fig. 76. Contraction des segments; apparition des fils achromatiques du fuseau. Fig. 77. Plaque ou étoile nucléaire, vue par le pôle. Fig. 78. Fuseau avec sa plaque nucléaire, vue par le côté. Fig. 79. Arrivée au pôle des bâtonnets résultant de la division de la plaque. Fig. 80. Noyaux d’une tétrade, peu de temps après la formation des cloisons cellulaires. Fig. 81 à 83. — Agapanthus umbellatus. Gr. 640. Fig. 81. Cellule mère de pollen avec noyau à l’état de repos, possédant un filament à replis peu serrés et un nucléole. Fig. 82. Aspect du filament peu de temps après la segmentation totale. Fig. 83. Fuseau avec sa plaque nucléaire. Fig. 84 à 89. — Tricyrtis hirta. Gr. GAO. Fig. 84. Cellule mère pollinique avec noyau montrant un gros nucléole et des segments assez minces et rapprochant leurs moitiés. Fig. 85. Plaque nucléaire dont les segments tournent leur angle vers le centre et leurs bouts libres vers la périphérie. Fig. 86. Les deux moitiés de la plaque arrivées au pôle. Fig. 87. Noyaux filles pourvus d’une membrane d’enveloppe, sur le point de se diviser à leur tour. Fig. 88. Plaques nucléaires, vues dans deux directions opposées. Fig. 89. Stade plus avancé que le précédent. PLANCHE 4. Fig. 90 à 93. — Lilium Martagor. Gr. 800. Fig. 90. Noyau d’endosperme sur la paroi du sac embryonnaire, avec replis nombreux et petits nucléoles. + Fig. 91. Le peloton chromatique étend ses replis dans divers sens. Fig. 92. La membrane nucléaire a disparu; la segmentation du filament est achevée. Fig. 93, Les segments épaissis commencent à s'orienter et à redresser leurs extrémités tournées vers les pôles Fig. 94 à 104. — Lilium Martagon. Gr. 800. Fig. 94. Plaque nucléaire offrant la disposition des segments. Fig. 95. Plaque nucléaire volumineuse avec segments peu serrés. Fig. 96. Les segments aplatis en rubans se montrent déjà formés de deux ran- gées parallèles de granulations accolées. Fig. 97. Séparation longitudinale des deux moitiés de chaque segment, avec neurvation dans des directions variables. STRUCTURE ET DIVISION DES. NOYAUX CELLULAIRES. D7 Fig. 98. Séparation des deux groupes avec orientation des bätonnets vers les pôles. Fig. 99. Les bâtonnets, disposés regulièrement côte à côte, tournent tous leur angle vers le pôle. Fig. 100. Éloignement progressif des deux moitiés de la plaque d’un noyau vo- lumineux. Fig. 101. Les bâtonnets commencent à rétracter leurs branches aux pôles. Fig. 102. La rétraction est plus avancée et accompagnée d’un rapprochement général de tous les bâtonnets. Fig. 103. Peloton des noyaux filles. Les fils achromatiques augmentent de nombre. Fig. 104. Deux noyaux presque adultes sur la paroi du sac; fils connectifs nom- breux ; plaque cellulaire transitoire avec accumulation du cytoplasme de chaque côté. Fig, 105 à 111. — Lilium candidum. Gr. 750, pour les figures 105, 106, 107, 108, 110; et, pour les autres, 540. Fig. 105. Noyau primaire du sac embryonnaire, avant les divisions qui fourni- ront l’appareil sexuel. Réseau bien visible. Fig. 106. Contraction du filament du réseau; nucléoles en voie de disparition. Fig. 107. Le filament, après la résorption des nuciéoles, offre cà et là des mi- crosomes plus volumineux que leurs voisins. Fig. 108. Division du noyau primaire du sac embryonnaire : fuseau à fils achro- matiques nombreux; plaque nucléaire étoilée formée de segments commen- cant à se dédoubler. Fig. 109. Sac embryonnaire contenant deux noyaux en division dans deux places différentes et au même stade ; celui du haut offre une plaque nucléaire moins riche en bâtonnets que celui du bas. Fig. 110. Un des deux noyaux secondaires du sac embryonnaire au repos. Le filament peut être suivi facilement dans toute sa longueur ; entre les replis écartés se trouvent plusieurs nucléoles. Fig. 111. Sac embryonnaire présentant les mêmes stades en haut et en bas. Les deux noyaux du haut sont déjà-très avancés dans leurs divisions, celui du bas, beaucoup plus riche en bâtonnets, n’est pas de la même génération que les deux précédents. PLANCHE 5. Fig. 112. — Tradescantia virginica. Gr. 750. Fig. 112. Noyau primaire du sac embryonnaire après la segmentation; les disques chromatiques des segments sont très visibles. Fig. 113 à 120. — Pedicularis sylvatica. Gr. 550. Fig. 113. Noyaux d’une cellule d’albumen au repos, avec réseau et petits nu- cléoles. 58 L. GUIGNARD. Fig. 114. Noyau d’albumen avec filament continu et gros nucléole. Fig. 115. Contraction et épaississement du filament. Fig. 116. Noyau après la disparition du nucléole et la segmentation du fila- nent. Fig. 117. Noyau après la disparition de la membrane nucléaire; le FOIE qui entoure les segments est formé de gros microsomes. Fig. 118. Fuseau avec plaque nucléaire en voie d'orientation. Fig. 119. Plaque nucléaire plus âgée. Fig. 120. Les deux noyaux filles formés de bâtonnets chromatiques une fois plus minces que ceux de la plaque du noyau mère. Fig. 121 à 130. — Alstræmeria Pelegrina. Gr. 750 Fig. 121. Noyau au repos d’une cellule du parenchyme de l'ovaire. Fig. 122. Contraction et épaississement du filament. Fig. 123. Plaque nucléaire montrant la disposition à l’équateur des bâtonnets aplatis et paraissant déjà doubles. Les fils achromatiques du fuseau sont peu visibles. Fig. 124. Une autre plaque nucléaire un peu plus aplatie. Fig. 125. La même, vue par le pôle. Fig. 126. Plaque nucléaire, vue par le pôle à un stade un peu plus avancé et montrant le dédoublement longitudinal des bâtonnets. Fig. 127. Dédoublement plus prononcé, vu par le pôle. Fig. 128. Fuseau nucléaire après dédoublement longitudinal ; quelques-uns des bâtonnets s'étendent jusqu'aux pôles. Fig. 129. Séparation plus avancée des deux moitiés de la plaque nucléaire; orientation des bâtonnets courbés dans la direction des pôles. Fig. 130. Séparation complète et arrivée aux pôles des deux moitiés de la plaque nucléaire. ue Fig. 181 à 143. — Lilium superbum. Gr. 750. Fig. 151. Noyau d’uue cellule du parenchyme de l’ovule, avec son ricke réseau chromatique. Fig. 132. Filament chromatique segmenté, après disparition de la membrane nucléaire. Fig. 133. Épaississement des segments peu de temps avant la formation du fuseau. Fig. 134. Formation de la plaque nucléaire avec disposition des segments ou bâtonnets recourbés à l'équateur. Les fils achromatiques du fuseau sont peu nombreux. Fig. 135. Plaque nucléaire avec plusieurs bâtonnets aplatis et sur le point de se dédoubler. Fig. 136. Plaque nucléaire avec dédoublement plus avancé, Fig. 137. Plaque nucléaire à un stade moins avancé que le précédent, vue par le pôle. Fig. 138. Dédoublement longitudinal achevé. Fig. 139. Une plaque nucléaire observée au même stade par le pôle. Fig. 140. Orientation des moitiés des bâtonnets dans la direction des pôles. STRUCTURE ET DIVISION DES NOYAUX CELLULAIRES. D9 Fig. 141. Séparation presque complète des deux groupes. Fig. 142. Contraction des bâtonnets aux pôles, avant la soudure par les bouts. Fig. 143. Filament reconstitué dans les novaux filles; augmentation du nombre des fils achromatiques. Fig. 144 à 150. — Viola Koppü. Gr. 750. Fig. 144. Noyau d’albumen au repos, avec réseau chromatique délicat et gros nucléole. Fig. 145. Peloton contracté autour du nucléole. Fig. 146. Fuseau composé de nombreux fils achromatiques; les segments s’orientent pour former la plaque nucléaire. Fig. 147. Aspect de la plaque nucléaire immédiatement avant sa division en deux moitiés. Fig. 148. Orientation des bâtonnets recourbés dans chaque moitié de la plaque. Fig. 149. Contraction des éléments chromatiques aux pôles. Fig. 150. Noyaux filles avec membrane d’enveloppe, réseau filamenteux et petit nucléole, Fig. 151 à 157. — Clematis maritima. Gr. 750. Fig. 151. Noyau endospermique libre, entrant en division sur la paroi du sac embryonnaire; la membrane a déjà disparu. Fig. 152. Orientation des segments dans la direction de l’axe du fuseau futur. Fig. 153. Plaque nucléaire avec bâtonnets recourbés à l'équateur. Fig. 154. Dédoublement longitudinal des bâtonnets. Fig. 155. Rétraction vers l'équateur avant la séparation en deux groupes. Fig. 156. Séparation presque complète des deux groupes. Fig. 157. Un des noyaux filles entièrement constitué et parvenu à l’état de repos. | . SUR | | LE SUCRE QUE LES GRAINES CÈDENT A L'EAU. \ Par M. A, PERREY, MM. Van Tieghem et Bonnier ont constaté (1) que les graines abandonnaient à l’eau des matières solubles, dont la proportion pouvait s'élever jusqu’à 3-6 pour 100 du poids des graines et qui renfermaient environ moitié de leur poids de sucre. Nous avons continué ces recherches sur les indications de M. Van Tieghem et à son laboratoire du Muséum. Nos expériences ont porté sur le Lupin blanc, la Fève de Séville à longue cosse, le Haricot blanc de Soissons à rames, le Haricot rouge (de Prague ?). Parmi les substances que ces graines cèdent à l’eau, la matière sucrée nous a presque seule occupé. Nous l'avons dosée de la manière suivante : Le liquide qui devait être soumis à l'analyse, ramené au vo- lume de 50 centimètres cubes, était additionné de 2°,5 d’acide acétique cristallisable et soumis pendant une heure trente mi- nutes en vase clos à l’action d’une température de 108 degrés. Dans ces conditions, les saccharoses sont interverties, la gly- cose ne subit pas d’altération, la dextrine n’éprouve point la saccharification (2). Une portion aliquote de la liqueur filtrée est versée dans un excès de liqueur de Fehling étendue et bouillante, et après deux minutes d’ébullition, le tout est jeté sur un filtre à plis de papier de Suède, lavé rapidement et sans discontinuité à l’eau bouillante. Le précipité calciné, humecté d'acide nitrique pur, puis calciné de nouveau, est pesé rapide- ment. Dans ce qui suit, et à moins de spééification contraire, les résultats numériques de nos analyses sont rapportés à (1) Ph. Van Tieghem et G. Bonuier, Recherches sur la vie latente et la vie ralentie (Bull. de la Soc. bot., XXVIL, p. 116, 1880). (2) Müntz, Ann. de l'Inst. agr., 1877-78. SUCRE QUE LES GRAINES CÉDENT A L'EAU. 61 10 grammes de graines prises dans l’état normal, et exprimés en glucose, c’est-à-dire qu'ils représentent les 0",453 du poids trouvé de bioxyde de cuivre. Si nous rapportons nos résultats au poids initial de 10 grammes de graines, ce n’est que pour en faciliter la lecture; nous avons généralement opéré sur des poids beaucoup plus considérables et variant de 20 à 100 grammes. Un même lot de graines, soumis pendant des périodes égales de temps à l’action d’égales quantités d’eau successivement renouvelées, ne leur cède qu'une faible fraction de la quantité totale de sucre qu’il renferme. Les quantités de sucre enlevées par les traitements successifs décroissent très rapidement et s’annulent bientôt. 1. — 10 grammes de Lupin (contenant un certain nombre de graines mortes) ont été reçus dans 112 grammes d’eau. Après 24 heures on a décanté l’eau, essuyé les graines. Elles avaient absorbé 12 grammes d’eau. On les a remises dans 100 centimètres cubes d’eau, qu'on a renouvelée 24 heures plus tard. Dans les trois périodes successives de 24 heures, les 10 grammes de Lupin ont abandonné 110, 40, 0 milli- grammes de sucre. Il. — 10 grammes de Lupin (toutes graines germant promptement) ont été reçus dans 62 grammes d’eau. Après 2% heures, on à décanté, essuyé les graines. Elles avaient absorbé 12 grammes d’eau. On les a remises dans 50 centi- mètres cubes d’eau pendant 24 heures. Les quantités de sucre abandonnées dans les déux traitements ont été de 45 et 0 milligrammes. LL. — 10 grammes de Fève (toutes graines vivantes), trai< tés trois jours de suite par 100 grammes d’eau (plus 12 gr. nécessaire à l’imbibition la première fois), ont abandonné suc- cessivement 68, 21, 0 milligrammes de sucre. Si lon recoit dans une série de flacons renfermant là même quantité d’eau des poids égaux, même considérables (90 grammes), de graines de même espèce, triées, si l’on con- serve les flacons ensemble pendant le même temps avec le soi 62 A. PERREY. de les agiter simultanément et fréquemment, si l’on élimine tous ceux dans lesquels le tégument de quelque graine a pu éclater sous l’influence du gonflement, si en un mot on ne compare que des liqueurs obtenues dans des conditions iden- tiques, on reconnait que ces liqueurs renferment sous le même volume des quantités de sucre très imégales. IV.— Ainsi, en 48 heures, deux lots de Lupin ont abandonné à l’eau lun des traces, l’autre 140 milligrammes de sucre. Les lots qui avaient abandonné le plus de sucre dans une série assez nombreuse d'expériences ayant paru être aussi ceux qui germaient le plus difficilement, on a été conduit à exami- ner les graines individuellement comme suit : V. — 78 graines de Lupin ont été pesées séparément, re- çues chacune dans un petit tube bouché avec vingt fois son poids d’eau; au bout de 48 heures, les graines ont été remises chacune dans 20 fois son poids d’eau nouvelle, où elles sont restées 24 heures. Pendant la durée de l'expérience, les tubes ont été simultanément et fréquemment agités. Après 72 heures, les graines, portant les numéros d'ordre correspondant aux liqueurs d’où elles sortaient, ont été placées sur du sable humide et on les a laissées germer en notant lé moment auquel la radicule perçait le tégument de chacune d’elles. a) Dans les premières 12 heures, 12 graines ont levé ; b) dans les 48 heures suivantes, 15 graines ont levé ; c) 50 graines n’ont pas germé. Les liqueurs réunies du lot 4 renfermaient (par 10 grammes de graines) 53 milligrammes de sucre, celles du lot b 182 milligrammes, celles du lot c 331 milligrammes. VI. — 24 graines de Fèves, pesées séparément, ont été reçues chacune dans un petit flacon bouché avec 11,2 pour 100 d’eau. Après 36 heures, les graines ont été mises au ger- moir (12 mai). «) 10 ont levé du 43 (matin) au 14 (soir) ; b) G ont levé du 16 (matin) au 17 (soir); €) 7 ont germé dans les deux ou trois jours suivants. Les liqueurs réunies du lot « renfermaient (par 10 grammes de graines) 49 milli- grammes de sucre, cellesdu lot #95 milligrammes, celles du lot c 198 milligrammes. SUCRE QUE LES GRAINES CÉDENT A L'EAU. 63 VII — Une seconde expérience faite sur les graines de Fève a confirmé les résultats de la précédente. VIII. — La même expérience a été répélée sur le Haricot rouge. 30 graines ont été traitées trois Jours de suite par 45, 15, 10 fois leur poids d’eau. Mises au germoir le 4 juin : a) 6 avaient levé le 7; b) 8 avaient levé le 11 ; c) 6 ont levé plus tard ou n’ont pas levé. 10 graines ont été rejetées, l’écla- tement du tégument ayant rendu les observations incertaines. Les liqueurs réunies du lot & renfermaient (par 10 grammes de graines) 33 milligrammes de sucre; celles du lot b 62 milli- grammes; un accident a fait perdre le précipité d’oxydule fourni par celles du lot c; mais ce précipité était tellement abondant que nous n’avons pu avoir aucun doute sur le résul- tat de l’expérience. Considérons deux graines qui, placées en même temps dans des conditions identiques de milieu extérieur, arrivent au même degré de développement, caractérisé dans le cas actuel avec une précision suffisante par la sortie de la radicule. Ce degré de développement correspond à un travail déterminé, accompli dans les graines à dater du moment où la vie s’y est manifestée. Si ce travail est accompli plus tôt dans une graine que dans l’autre, c’est ou bien que la manifestation de la vie a été plus hâtive, ou bien que l’activité vitale à été plus intense chez la première. L'une ou l’autre marche de l’évolution implique d’ailleurs chez la graine une apti- tude acquise sous l'influence des circonstances antérieures et qu'elle possède avant toute mamifestation de la vie. Et nous pouvons traduire les résultats des expériences V-VIII en disant : qu'une graine cède à l’eau une portion du ucre qu’elle renferme d'autant plus considérable, qu’en raison même de son aptitude individuelle il lui faut plus de temps pour que la vie se manifeste en elle, ou que l’activité vitale y est moins intense. Retardons dans une graine la manifestation de la vie, ou réduisons la somme d'activité dépensée dans un temps donné 64 A. PERREY. et nous verrons augmenter la quantité de sucre qu’elle aban- donne à l’eau. On à dans ce but mis les graines au contact de l’eau dans un flacon dont on enlevait immédiatement l’air à l'aide d’une pompe de Sprengel, ou bien on a employé le chloroforme, ou enfin on a abaissé la température de l’eau et des graines. Il est au moins difficile de dépouiller complètement et rapide- ment les graines de l'air qu’elles renferment, mais surtout nos expériences n'ont pas été faites dans des conditions assez r1- soureusement comparables, à cause de l’irrégularité de com- position des graines qui nous ont servi. Le chloroforme de- mande à être manié avec beaucoup de précautions. L'emploi d’une basse température nous à mieux servi. IX. —10 grammes de Lupin, choisis dans un lot dont toutes les graines après une imbibition de 48 heures, germaient en 2% à 48 heures, ont été reçus dans un flacon avec 190 centi- mètres cubes d’eau préalablement refroidie. Ce flacon a été conservé dans la glace pendant toute la durée de l’expérience ; sa température a été assez uniformément de 2 degrés centi- orades. L'expérience, poursuivie pendant trois Jours dans ces conditions, a été continuée ensuite à la température ordinaire pendant trois jours. Toutes les 24 heures, les graines étaient rapidement essuyées et pesées, et l’eau décantée remplacée à poids égal. Les liqueurs séparément analysées renfermaient es quantités de sucre suivantes : DANS LA GLACE . A LA TEMPÉRATURE ORDINAIRE A , a —, apres 2% heures. après 2 jours. après 3 jours. après # jours. après 5 jours. après 6 jours, Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. 19,8 98,1 17,5 10,5 6,1 1,5 Tandis que des graines qui avaient séjourné dans l’eau à la température ordinaire pendant 12 à 48 heures, mises au germoir, levaient en 24 à 48 heures au plus tard, les graines de l'expérience précédente, après six heures d’imbibition, placées à côté des premières, ont subi un retard considérable dans leur développement. SUCRE QUE LES GRAINES CÉDENT A L'EAU. 65 Voici le nombre des graines levées (sur 124) après : A jour. 2 jours. 3 jours. #4 jours. 5 jours. 6 jours. 8 jours. 9 jours. 13 jours. 7 29 49 77 91 98 103 109 112 : En outre, 8 graines, sur lesquelles l'allongement du germe n’a pu être constaté avec certitude, ont verdi par suite de la production de chlorophylle. X.— La même expérience a été répétée en conservant le flacon cinq jours à la température de 2 degrés, trois jours à la température ordinaire. Les quantités de sucre cédées à l’eau ont été (par 10 grammes de graines) : DANS LA GLACE A LA TEMPÉRATURE ORDINAIRE EE a après après après après après après après après 1 jour. 2 jours. 3 jours. 4 jours. 5 jours. G jours. 7 jours. 8 jours. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr, LOTO 113 13,27 085 0 0 0 Le même retard que dans l'expérience précédente a encore été observé dans la germination des graines. Nombre de graines (sur 123) levées après : 1 jour. 2 jours. 3 jours. 4 jours. 6 jours. 7 jours. 8 jours. 11 jours. 12 22 39 58 70 82 95 111 En outre, 7 graines, sur lesquelles l'allongement du germe n’a pu être constaté avec certitude, ont verdi par suite de la production de chlorophylle. XI. — 10 grammes de Lupin, conservés 24 heures dans l’eau (mêmes proportions que ci-dessus), à la température de 9 degrés, puis 24 heures à la température ordinaire, lui ont abandonné, le premier Jour, 12"5,7, le deuxième jour, 225,7 de sucre. XII. — 10 grammes de Lupin conservés 48 heures dans l’eau à 2 degrés (même proportion que ci-dessus non renou- velée) et 24 heures à la température ordinaire, lui ont aban- donné : en 48 heures 33"*,9, pendant le troisième jour 105,6 de sucre. Dans lexpérience XIE, la germination à encore subi un 6e série, BorT. T. XVII (Cahier n° 2)!. 5 66 A. PERREY. retard, mais beaucoup moins sensible que dans les expériences IX et X. Après deux jours, 21 graines (sur 116) n'avaient pas germé. Elles ont d’ailleurs germé les jours suivants. XII. — 10 grammes de Lupin provenant du même lotisse- ment que les graines employées dans les expériences précé- dentes, conservés comparativement dans Peau à la tempéra- ture ordinaire, lui ont cédé le premier jour 45,9, le second jour 0 milligramme de sucre. XIV. — La mème expérience à été faite sur les Fèves addi- tionnées de 11,2 p. d’eau lé premier jour, de 10 p. les jours suivants et conservées cinq Jours sous la glace, deux jours à la température ordinaire. Les quantités de sucre successivement exosmosées ont été (par 10 grammes de graines) : : DANS LA GLACE A LA TEMPÉRATURE ORDINAIRE © —— EE — après après après après après après après À jour. 2 Jours. 3 jours. & jours. 5 jours. 6 jours. 7 jours. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. Milligr. 45,8 57,3 36,8 23,9 15,0 16,5 1,1 Sur 96 Fèves, 50 ont levé, 6 ont pourri au germoir. [y a eu un retard dans la germination, mais nous n’en avons point pris note exacte : la germination de la Fève n’a pas eu d’ail- leurs, dans nos expériences, la régularité de celle du Lupin. Des expériences IX-XIV, il résulte que, pendant le temps qu’elles sont soumises à une basse température, les graines abandonnent à l’eau beaucoup plus de sucre qu’à la tempéra- ture ordinaire; qu’en outre, l’abaissement de température produit un effet durable, quise continue quand la température s’est ultérieurement élevée. D'où provient le retard apporté à la germination dans les expériences précédentes? Il est possible qu'il soit dû à la perte d’une certaine quatité de sucre; mais nous n'avons point encore fait d'expériences à ce sujet. Le refroidissement n'apporte pas seulement un retard dans la germination, mais aussi dans l’imbibition des graines. Le fait est connu, nous n’insisterons pas et aJouterons seulement SUCRE QUE LES GRAINES CÉDENT A L'EAU. 67 une observation : nous avons rencontré très rarement, tout au plus une fois sur 200, dans un des lots de Lupin dont nous nous sommes servi, des graines qui résistaient à un contact avec l’eau prolongé pendant un Jour. Ces graines ne se gonflaient absolument pas et restaient dures et sonores. Lorsque nous avons conservé le Lupin dans l’eau à 2 degrés, lenombre de ces graines s’est élevé jusqu’à 12-15 pour 100 ; elles ont résisté à huit jours de mouillage, dont trois à la température ordinaire, et les dernières ne se sont gonflées qu'après un séjour de plus d’une semaine au germoir. | Revenons aux Re de l’osmose des graines : 1° Leur intensité s’affaiblit rapidement à mesure que les circonstances extérieures favorisent le passage des graines de l’état de vie latente à l’état de vie manifestée ; 2° cette intensité est d'autant plus considérable que la graine possède en elle-même (en raison des circonstances antérieures) une moindre aptitude à passer du premier état au second ; 3° cette intensité augmente à mesure que les circonstances extérieures retardent le passage de la graine du premier état au second et ralentissent l’acti- vité de la vie déjà manifestée. La marche des phénomènes ne dépend point de la diffé- renciation de structure de la graine, et doit être la même pour chaque cellule considérée isolément. Du moins c’est là une in- terprétation quinous semble permise par l'expérience suivante : XV.— Des graines de Fève ont été sciées en deux, perpendi- culairement à leur plan de symétrie, un peu obliquement par rapport à leur longueur, de manière qu'une des deux moitiés de chaque graine renfermait le germe intact. Les moitiés qui renfermaient les germes ont formé le premier lot, les autres le deuxième. Les deux lots ont été soumis à l’action de l’eau (10 fois leur poids), renouvelée trois jours de suite. Ils lui ont abandonné les quantités de sucre ci-après : LOT I. LOT Il, Milligr. Milligr. Après 1 jour............... 284 o11 A MOUSE eee sie iete oise . 40 90 PM] OUNS are etre e eh late 0 0 68 | A. PERREY. Les germes se sont d’ailleurs ultérieurement développés à l'air. Les choses doivent done se passer dans chaque cellule en particulier comme dans la graine elle-même. Il est d’ailleurs possible qu’aussitôt que la vie se manifeste dans une cellule déterminée, le sucre cesse d’en sortir : l’imbibition des diverses cellules n'étant que successive, la continuité du phénomène observée sur la graine s’explique suffisamment. Il est possible aussi que la propriété dont jouit chaque cellule de céder du sucre au milieu extérieur décroisse progressivement à mesure que s'accroît son activité vitale. . Ainsi que l’on pouvait s’y attendre, lorsque lon a fait agir sur la graine une température capable d’en arrêter la germi- nation, elle a cédé à l’eau une quantité de sucre très considé- rable ; elle eùt pu sans doute céder la totalité. -XVI. — Un lot de Haricots blancs de Soissons, a élé main- tenu à la température de 100-102 degrés pendant 20 heures, puis soumis à l’action de 11,2 p. d’eau pendant 48 heures, comparativement avec un lot de graines normales. Le premier a abandonné à l’eau 495 milligrammes de sucre, pendant que le second n’en abandonnait que 54 milligrammes. XVII. — Si l’on déchire les cellules par le broyage, le même résultat est obtenu. Ainsi, des graines de Lupin imbibées, et qui n'avaient cédé à l’eau que des traces de sucre, broyées long- temps avec du sable, ont abandonné en 48 heures, à 20 fois leur poids d’eau, 485 milligrammes de sucre (par 10 grammes). Il paraît devoir résulter des faits exposés qu’une graine qui a d’ailleurs conservé sa provision de sucre intacte, une fois que la germination sera avancée, ne laissera plus exosmoser de sucre. Cest ce qu'ont confirmé plusieurs expériences faites à la température ordinaire sur des graines de Fève, depuis le moment où la radicule perçait le tégument, jusqu'au moment où elle avait atteint une longueur d’environ 45 millimètres. XVIIL. — Un lot de 40 grammes de Fèves a été reçu dans un flacon ouvert avec 48 grammes d’eau. Getle eau absorbée, on a maintenu les graines humectées jusqu’à ce que la radicule SUCRE QUE LES GRAINES CÉDENT A L'EAU. 69 eüL acquis une longueur de 5-15 millimètres. On a versé alors dans le flacon 250 grammes d’eau. Celle-ci, 24 heures plus tard, ne renfermait pas trace de sucre. Mais on doit admettre que pendant l'absorption de l’eau, une certaine quantité de sucre est sortie ; elle à donc été réah- sorbée par les graines. . XIX. — 64 graines de Fève, pesant 120 grammes, ont été reçues dans un flacon avec 190 grammes d’eau. 8 heures après, on décante l’eau, il y en a 86 centimètres cubes, sans compter celle qui mouille les graines et les parois du flacon, soit approximativement 100 centimètres cubes en tout. On en prélève 50 centimètres cubes, qui donnent à l’analyse 420 milli- grammes de sucre. On remet le reste sur les Fèves. Au bout de quatre jours, quelques gouttes d’eau étant remises de temps à autre dans le flacon, la radicule à percé le tégument de 49 graines (poids see — 915,2) ; on enlève les autres. Sur les graines germées, dans le même flacon (pour ne rien perdre), on verse 900 grammes d’eau, et après 24 heures de contact avec agitation, on recherche le sucre sur 400 centimètres cubes de liqueur. On n’en trouve pas trace. XX. — On a reçu dans un flacon 50 grammes de graines de Fève, 60 grammes d’eau, 250 milligrammes de sucre de canne. Au bout de trois jours, la totalité de la liqueur étant absorbée, la radicule ayant percé le tégument de 23 graines (sur 29), on a versé dans le flacon 250 centimètres cubes d’eau. 24 heures après, cette eau a été décantée et analysée. Elle ne renfermait que 8 milligrammes de sucre. | Ainsi, non seulement la Fève dont la germination est assez avancée n'abandonne point de sucre à l’eau, mais elle en absorbe avec l’eau d’imbibition une quantité relativement considérable. … Or les expériences faites avec le Lupin ne nous ont point donné les mêmes résultats. . XXI — 10 grammes de Lupin, imbibés de 13 grammes d’eau, ont presque complètement levé en 18 heures, complète- 70 A. PERREY. ment en 48 heures. On ajoute alors 50 grammes d’eau. Après 24 heures, les graines ont cédé à l’eau 6"5,3 de sucre. XXII. — Un lot de Lupin qui avait subi deux traitements par l’eau, de 2% heures chacun, et ne devait plus rien lui céder, a été mis au germoir. Voici les quantités de sucre perdues par 10 grammes (poids sec) de graines levées : (a) Après 24 heures de germination, 24 heures d’exosmose dans 100 grammes d’eau, sucre — 0 outraces Grammes. Milligr. ë 1% traitement (24 heures, 100 d’eau) sucre — 22 (MÉDIÉENE heures .| 2e traitement (24 heures, 100 d’eau) sucre — 18 Ce on 1e traitement (24 heures, 100 d’eau) sucre — 98 2 traitement (24 heures, 100 d’eau) sucre — 50 {traitement (24 heures, 100 d’eau) sucre — 22,5 É : 2e traitement (24 heures, 100 d’eau) sucre = 18,5 (4) Après T jours.. À % traitement (24 heures, 100 d’eau) sucre — 0,0 4° traitement (24 heures, 100 d’eau) sucre — 0,0 IR EN 1e traitement (24 heures, 200 d’eau) sucre — 22 (D AE MOQUE: | 2e traitement (24 heures, 200 d’eau) sucre — 10 XXII. — 10 grammes de graines de Lupin, qui avaient subi un traitement par l’eau (24 heures) et n'avaient donné que des traces de sucre, séjournent 24 heures au germoir; toutes les graines ayant levé, on traite par l’eau (48 heures) 100 grammes. Le vide à été fait dans le flacon au début de l'expérience. Sucre — 39 milligrammes. XXIV.— 10 grammes de Lupin simplement imbibé sont mis au germoir. Après quatre à cinq jours, la radicule ayant envi- ron deux fois la longueur de ja graine, on traite par 100 grammes d’eau pendant 48 heures. Sucre = 63 milli- grammes. Il est donc parfaitement certain que des graines de Lupin, qu’elles aient été simplement imbibées ou qu’elles aient séjourné dans l’eau, exosmosent du sucre quand leur germi- nation est suffisamment avancée. Il semble en outre qu’à dater de la sortie de la radicule, la quantité de sucre exosmosée aille croissant pendant quelques jours, à mesure que la ger- mination avance (XXII «, b, e, et XXIV), pour décroître ensuite (XX d, e). Les résultats obtenus avec la Fève sont difficiles à concilier avec ceux-ci. Il est possible que la différence obser- TR CIE ON PE 9 ES EU SdS SUCRE QUE LES GRAINES CÉDENT A L'EAU. TA vée tienne à ce qu’une asphyxie partielle du Lupin se soit pro- duite dans les conditions où nous l’avons placé. Toutes les graines n’exigent pas la même quantité d’air pendant la ger- mination ; une même graine n’en exige pas la même quantité pendant toutes les phases de ce phénomène, et si le Lupin est plus exigeant que la Fève sous ce rapport, la sortie du sucre pourrait bien tenir à un ralentissement de l’activité vitale. De fait, dans l'expérience XXII, où la quantité de sucre est plus considérable que ne comporte la progression des expériences XXII, on avait fait usage d’eau bouillie et extrait l’air du fla- con. D'autre part, si l'asphyxie était la cause de la sortie du sucre dans toutes ces expériences, il semble que le second traitement par l’eau devrait en enlever plus que le premier. Nous n'avons pas recherché séparément la glycose et la saccharose. (On sait que le Lupin renferme une saccharose spéciale.) Un lot de Fèves n’a pas cédé de glycose à alcool, un autre lot en a abandonné dans les premiers produits d’exos- mose. Parmi les échantillons de Lupin, les uns n’ont point cédé de glycôse à l’eau, les autres en ont cédé des proportions variables; le sucre abandonné par les graines du lot € de l'expérience V, c’est-à-dire par les graines qui n’ont pas germé, en renfermait 50 pour 100, et dans les expériences XXII les produits successivement exosmosés ont présenté à ce point de vue une composition variable : Grammes. Milligr. OM) ee name eee ele à Glycose — 0,0.... Extrait sec — 4 AR { 1*" traitement. Glycose — 0,0... Extrait sec — 52 | 2 traitement... Glycose — 0,0.... Extrait sec — 60 Loto te { der traitement... Glycose — 8,3.... Extrait sec — 74 2° traitement... Glycose — 3,3.... Extrait sec -— 131 1e traitement... Glycose — 18,0.... Extrait sec — 80 2% traitement... Glycose — 12,6.... Extrait sec — 83 af (es SCHraifement. mer cheeele 0,0.... Extrait sec — 136 4e traitement ......,.,..., .. 0,0.... Extrait sec — 625 Dans un certain nombre d’expériences, les graines dé- pouillées de leur tégument ont abandonné beaucoup plus de sucre à l’eau que les graines entières. Ainsi deux lots de Lupin, 72 A. PERREY. l’un composé de graines entières, l’autre de graines nues, ont, dans des conditions d’ailleurs identiques, abandonné à l’eau le premier 504 milligrammes, le deuxième 448 milligrammes de sucre. Nous pourrions rapporter trois ou quatre expériences semblables, mais lhomogénéité des lotissements est si incer- taine que ce genre d'expériences nous paraît peu concluant. Nous avons cherché à tirer des conclusions plus certaines de la comparaison des produits successifs d’exosmose d’un même lot, étudiés dans des conditions spéciales. XXV.— Deux lots de Haricots ont été conservés chacun dans 10 parties d’eau pendant vingt-quatre heures, avec agitations fréquentes. Ils ont abandonné le premier 475,3, le deuxième D3"6,0 de sucre. Leur imbibition était sensiblement la même. On a enlevé les téguments des graines du premier lot, on a remis les deux lots dans les mêmes quantités d’eau, on a agité fréquemment pen- dant vingt-quatre heures ; cette fois le premier lot a abandonné 68"5,9, et le deuxième 46,3 de sucre, c’est-à-dire que la quantité de sucre exosmosée par le premier lot a augmenté dans la proportion de *, tandis que la quantité exosmosée par le second à diminué dans le rapport ©. Il en résulte que sur 17 milligrammes de sucre qui passeraient dans la liqueur dans un temps donné, le tégument empêche qu'il en passe plus de 10 G%—5%). Mais ce rapport n’est admissible que dans les conditions spéciales pour lesquelles il a été déterminé, et l’action retardatrice du tégument doit être d'autant plus con- sidérable que la graine tend à exosmoser davantage, plus con- sidérable par conséquent pour une même graine dans les pre- mières heures de contact avec l’eau, plus considérable aussi pour une graine lente à germer que pour une graine capable de germer promptement. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LA FLORE FOSSILE DE MOGI DANS LE JAPON MÉRIDIONAL Par M. le emarquis de SAPORTA. C’est à ma sollicitation et avec l'intention bienveillante de faire connaitre aux lecteurs français les travaux paléophytolo - giques de M. À. Nathorst, que mon fils inséra, dans la livraison parue en mars dernier des Annales, une courte analyse des Généralités dont l’auteur scandinave a fait précéder sa deserip- tion des espèces de Mogi. Ces généralités comprennent au plus une trentaine de pages du texte suédois, que mon fils eut soin de traduire, avant d’en résumer la substance. Ilest vraique, frappé de mon côté du rapport que présentaient quelques-uns des points abordés par M. À. Nathorst avec mes propres études sur la flore fossile européenne, j'ajoutai trois notes ou, pour mieux dire, trois réflexions qui paraissent, à l’encontre du but que je me proposais, avoir choqué le savant auquel je voulais rendre hommage, tout en gardant cette liberté d'appréciation qui n’a rien de commun avec l’esprit de dénigrement. M. À. Nathorst attribue à des inexactitudes du traducteur et à la connaissance imparfaite qu’aurait celui-e1 de lidiome du Nord les erreurs qu'il me reproche et que je suis loin pourtant d’avouer. Jai donc à me justifier ici de trois griefs très différents et qu’il me faut bien repousser successivement : les défauts présumés de la traduction, les infidélités du résumé analytique, enfin le sens et la portée de mes notes. J’ai peu à dire sur la traduction elle-même. M. À. Nathorst ne relève aucun contre-sens dans les courts passages textuelle- ment insérés et placés entre guillemets; pourquoi en supposer 74 DE SAPORTA. gratuitement dans ceux qui sont restés inédits? Mon fils a mis beaucoup de complaisance à exéeuter ce petit travail, qui sort du cerele habituel de ses études, et les phrases rendues littéra- lement ne sont pas tellement fautives que Nordenskiôld, juge compétent, puisqu'il s’agit du recueil des « résultats scienti- fiques de l’expédition de la Véga », ait hésité à le féliciter d’avoir si bien réussi (1). Le résumé analytique est-1l infidèle? Prêtet-il à l’auteur des vues qui lui soient étrangères? Sans doute l'analyste doit s’en abstenir avec soin; mais il abrège, il ne saurait non plus entrer dans tous les CÉPIODREMIENS de l'original; il y renvoie et d’ailleurs lui-même s’ exprime parfois en son propre nom. C’estce que ne semble pas avoir compris M. Nathorst, qui parle de sa langue, non pas seulement comme grammaticalement dif- ficile et peu répandue en France, mais presque comme s’il s'agissait d’un texte hébraïque ou d’une inscription cunéi- forme. En réalité, le suédois n’a rien d’inabordable et ses nuances mêmes sont saisissables à qui les interroge patiem- ment. Quoi qu'il en soit, l’analyste était fondé dans le cas présent à ne pas considérer comme péremptoire l'hypothèse adoptée par Nathorst de la jonction récente du Japon aveclesiles Liou-Kiou et les Philippines, avec la Corée et KFormose. Les passages allégués et qu'on reproche à mon fils de n'avoir pas traduits sont-ils réellement de nature à démontrer l’existence d’une oscillation aussi considérable que l’exhaussement de 100 brasses anglaises d’une mer étendue, dans un âge aussi rapproché du nôtre que le quaternaire, et cela pour expliquer le retour sur le sol japonais de certains types tropicaux précé- demment exclus. Mais qui nous affirme, même en admettant des modifications dans lereliefdes terres, que ces mêmes types aient (4) Voici le passage d’une lettre de M. Nordenskiôld, en date du 20 avril 1883 : .… Mon ami Nathorst m'a remis votre agréable missive qui m’a trouvé encore ici, car je n’entreprendrai ma nouvelle expédition au Groënland qu’à la fin du mois prochain. Cela af été un plaisir pour moi d'apprendre que M. votre tils s’est donné à l’étude de la langue suédoise qui intéresse si peu les étrangers. J'ai reçu son intéressante traduction de la flore fossile du Japon et je le félicite de l'avoir si bien faite. » FLORE FOSSILE DE MOGI. 75 jamais été entièrement éliminés de cette région aujourd’hui et peut-être depuis longtemps insulaire. Dans le cours du passé, je suis disposé à le croire, le Japon à été sans doute et à plu- sieurs reprises réuni au Continent, ou bien 1] à occupé une étendue plus vaste que de nos jours; mais enfin, ce sont là des mouvements qui demeurent problématiques, dès qu'il s’agit de les préciser, puisqu'en Europe, après tant de recherches, il est si difficile de définir et de classer ces mêmes mouvements, je ne dis pas en s'adressant aux âges les plus reculés, mais en se plaçant dans la période la plus voisine de la nôtre. M. Nathorst hésite lui-même dans ses tendances. La note qu’il transcrit ne concorde pas à cet égard avec son texte. Celui- ei parle d’une extension possible du Japon méridional au fond de la mer, extension attestée par le prolongement de gisements de houille. Mais il se trouve, de l’aveu de l’auteur, que ces gisements n’ont rien de commun avec les couches de Mogi :ils appartiendraient à la craie et l'extension continentale mvoquée aurait été, par cela même, de beaucoup antérieure. Rien n’est done prouvé à cet égard. Nul ne conteste, je le répète, que Par- chipel japonais ait pu être soudé au continent asiatique, mais s’il est question, à propos de cette soudure, de désigner une époque particulière, spécialement le quaternaire, nous retom- bons aussitôt dans l'hypothèse pure, hypothèse qui ne saurait être invoquée comme indispensable, puisque les types subtropi- caux du Japon méridional sont en réalité anciens et qu'ils ont pu fort bien ne plus quitter le pays après une première intro- duction dont il est raisonnable de faire remonter la date à la première moitié des temps tertiaires. M. Heer a toujours con- sidéré entre autres les Cinnamomum polymorphum et Scheuch- zeri, si fréquents et si Caractéristiques dans tout le miocène, comme de simples nuances du Camphora officinarum Baubh. et du Cinnamomum pedunculatum Thbg., dontils représenteraient les prototypes tertiaires soit en Europe, soit ailleurs. Ges élé- ments miocènes subtropicaux auraient-ils quitté une première fois le sol japonais pour y revenir ensuite, de telle sorte qu'il faille marquer la route qu'ils auraient parcourue? C’est d’au- 76 DE SAPORTA. tant moins possible que, grâce aux explorations de Nordens- kiôld, nous venons à peine d'obtenir les premiers indices des évolutions de l'ancienne flore japonaise, et que, loin d’être clairs et décisifs, leur caractère propre et l’âge même auxquels ils se rapportent demeurent sensiblement indéterminés. Gette élimination présumée de certains types, basée sur l’étude de la seule localité de Mogi, M. Nathorst ne saurait lui-même l'appuyer sur ses propres recherches, puisqu’en définitive, sous le nom de Lindera (?) sp. (p.175, pl. XL, fig. #) il décrit et figure une feuille dont les caractères visibles annoncent une Laurinée triplinerve, assimilable au Cinnamomum Camphora Nees. Or, en pareil cas, il suffit d’un seul vestige pour anéan- ür toutes les suppositions contraires ; la présence d’un type subtropical avéré constituant un argument affirmatif sans réplique en faveur de Pélévation présumée de l’ancien climat. Ces considérations jusüfient pleinement les doutes et la réserve du traducteur; linsertion textuelle de la note de M. Nathorst n'y aurait rien changé; c’est toujours en effet le même cercle vicieux : un affaissement a dû avoir Heu ; pourquoi n'aurait-1l pas été postérieur au dépôt des bouches: de Mogi? Ge n’est pas impossible et c’est en rapport avec la marche € présumée » de la végétation japonaise. — Je vois là des pré- somplions ajoutées à d’autres présomptions ; si elles n’ont rien d’absolument invraisemblable, rien n’oblige non plus Pauteur d’un résumé succinet de les adopter au risque d’être dénoncé comme ayant rédigé une analyse infidèle. Le traducteur s’est-1l totalement mépris sur le sens ane texte suédois en écrivant le paragraphe suivant : € D’après une curieuse hypothèse de l’auteur suédois, les qu de la période glaciaire se seraient déplacées en traversant le désert de Gobi, alors moins désolé par la sécheresse, et elles auraient ensuite escaladé les monts Himalaya. La chaleur serait revenue ; toute végétation aurait plus tard disparu des vastes solitudes du plateau central de PAsie; mais, à l’heure qu’il est, on trouve au nord de l'Inde des formes analogues à celles qu’on a recueil- lies dans les gisements fossiles de Mogi. Telles sont du moins FLORE FOSSILE DE MOGI. 77 les conclusions, en partie hasardées, auxquelles arrive M. Na- thorst en s'appuyant sur opinion d'Engler. Les remarques que susciterait l'examen de ces idées nous entraineraient trop loin ; nous les formulons ici sans les adopter, niles garantir. » Pour juger équitablement les phrases qui précèdent, il faut bien transcrire et par conséquent traduire littéralement le pas- sage suédois qu’elles ont pour but de résumer. On reconnaitra sans peine en le lisant que les réserves de l’auteur scandmave ne sont pas tellement explicites qu'il ne mette en avant une hypo- thèse selon laquelle des espèces cheminant du nord au sud et traversant ou longeant (ce qui revient au même) le désert de Gobi auraient pu gagner l'Himalaya et en escalader les pentes, en se mêlant à la flore alpine de ceite chaîne, sous Pinfluence d’un abaissement calorique coïncidant avec la période gla- ciaire. Le traducteur n’a pas voulu dire autre chose. En résu- mant, 1l n’est pas entré dans les développements de l’auteur, mais 1l s’est contenté d’insister sur le point principal de son hypothèse: Les conclusions qu'a mentionnées celui-et, ont a ses yeux quelque chose de hasardé ; les remarques que suscite- raient les idées de Nathorst entraineraient trop lom. Le tra- ducteur les formule, sans les adopter ni les garantir. N'est-ce pas en effet son droit? Le lecteur en jugera, puisqu'il aura sous les yeux les termes exacts dont l’auteur suédois s'est servi : € La flore de Mogi serait peut-être aussi de nature à Jeter indirectement de la clarté sur certaines questions relatives à la distribution géographique des plantes de l'Himalaya. L'Hima- laya possède en effet une proportion restreinte de types de la zone tempérée américaine. Ainsi que l’a fait voir Engler, 1l y aurait quelque probabilité à admettre que ces types eussent cheminé, à partir des alentours du détroit de Behring, à l’aide des montagnes qui de la région de l'Amour s'étendent dans la direction du sud-ouest le long (ou à proximité) du désert de Gobi. Actuellement, une pareille émigration serait irréali- sable à cause de la sécheresse du climat, et Engler suppose en conséquence que le fait se serait produit jadis, alors que Gobi, comme la démontré Richthofen, constituait une grande mer 78 DE SAPORTA. intérieure et que le climat, à raison de cette circonstance, n’opposait aucun obstacle à l’exode des végétaux en question et à leur marche le long des montagnes. Il est certain toute- fois que le même abaissement de température qui, à l’époque du dépôt des couches de Mogi, écarta du Japon les végétaux d’affinité subtropicale, dut se faire également sentir sur le continent asiatique, et, comme l’un des effets de ce phénomène aurait été de faciliter aux végétaux sortis des régions tempérées l'accès des plaines inférieures, cette circonstance aurait sûrement favorisé la marche des formes que nous avons en vue, en leur permettant d'accomplir leur émigration soit au moment précis de l’abaissement climatérique, soit un peu après. En d’autres termes, immédiatement avant ou même pendant la période glaciaire, la flore de la région du fleuve Amour aurait émigré vers le sud et, contemporainement, la flore tempérée de l'Himalaya s’abaissait à un niveau infé- rieur sur le flane nord de cette chaîne, de manière à diminuer la distance entre les deux flores (venant ainsi à la rencontre l’une de l’autre). De même que les flores arctique et alpine ont pu à un moment donné se mêler l’une à l’autre à travers les plaines de l’Europe, de même aussi les flores tem- pérées des régions de l'Amour et de l'Himalaya ont eu la possibilité de communiquer entre elles, au moins à l’époque glaciaire. Et de même qu’une portion des espèces alpes européennes peuvent être arctiques d’origine, bien que main- tenant elles soient restreintes au sommet des Alpes, de même, par un semblable phénomène, les formes américaines, main- tenant limitées en Asie à l'Himalaya, auront très bien pu jadis se rencontrer dans la région de l'Amour. En développant cette hypothèse je ne prétends pas soutenir cependant que l’émigra- tion aurait coïncidé précisément avec l’époque glaciaire ; mon idée est uniquement de montrer que les faits ont pu très vraisemblablement se passer ainsi. » Assurément la page est intéressante, c’est bien là une curieuse hypothèse; mais en France où les hypothèses, même appuyées d’un commencement de preuves, ont tant de peine FLORE FOSSILE DE MOGI. 79 à se faire accueillir, est-ce méconnaître un auteur que d’ana- lyser les opinions qui précèdent, en quelques lignes, sans les adopter ni les garantir? Laissons le traducteur et l'analyste, pour en venir aux notes imcriminées, et par elles à la flore de Mogi examinée en elle- même. Elle en vaut la peine, et d’ailleurs cet examen nous conduira ensuite par voie de comparaison à des considérations applicables à l'Europe dont les plantes fossiles, lors de la pre- mière moitié du pliocène, sont loin d’être sans rapport avec celles de l'archipel japonais et des couches de Mogi en parti- culier. Mais avant tout il faut déblayer le terrain d’une première accusation, celle d’avoir méconnu les droits de priorité de M. Asa Gray, notre éminent confrère à l’Académie des sciences, dont les travaux et les vues sur la distribution des plantes d'Amérique ont une si grande portée. Qu’ai-je avancé à son égard qui puisse avoir Papparence de les méconnaitre et de les contester? Jai dit simplement: « Asa Gray n’est pas le seul botaniste qui se soit préoccupé d'expliquer la présence d’es- pèces et de genres disjoimts, disséminés à travers la zone tem- pérée boréaleet dans les deux continents, à l’aide d’émigrations venues du pôle... » Oui, je maintiens ce que j'ai voulu dire : ilya eu, en France et ailleurs, d’autres botanistes que ces idées ont préoccupés et qui les ont exposées, et ces botanistes ne l’ont pas fait par suite d’une entente mutuelle, n1 sous une impul- sion unique. Ils sont arrivés à concevoir et à développer des idées analogues à celles que M. Asa Gray avait émises en Amérique et dans sa langue; y a-t-1l eu présomption de ma part à le rappeler? En tous cas, c'était une question de fait et non de priorité, et c’est bien ce qui ressort de la phrase elle- même, comprise dans son sens le plus naturel. Je pourrais reprendre ainsi les deux notes suivantes et faire voir en quelques lignes qu’elles mentionnent uniquement des faits relatifs au Hêtre pliocène d'Europe, que je mets en paral- lèle avec celui du Japon, et le Fagus ferruginea Ait. d'Amé- rique, et enfin au Cycas Johnstrupi Hr. dont il m'a paru SÛ DEF SAPORTA. intéressant de mentionner la récente découverte dans la craie du Groënland et qui représente en effet l'ancêtre direct du Cycas actuel du Japon, C. revoluta Thbg. Est-ce « m'inscrire en faux » que de discuter une question assurément controver- sable, comme je vais le faire voir ? J'ai insisté sur le Hêtre, parce qu’en effet cette forme est la principale et la mieux caractérisée de celles qui composent la flore de Mogi; mais loin de parler du Hêtre seul, j'ai dit « le Hêtre et la flore qui lac- compagne » et J'ai fait allusion à l’extension accidentelle possible de cette flore au delà de ses limites actuelles. Qu’y aurait-il 1à d’étrange, ni de contraire à une foule d'observations semblables faites en Europe? Kiousiou est-1l si loin de Nippon ? Les associations végétales n’ont-elles pas varié d'aspect et de signification à bien des reprises, dans le cours entier du ter- tiaire en Europe? Voit-on maintenant quelque part sur notre sol des Bouleaux, des Hêtres, des Planères, des Trembles, des Érables du type opulifolium, des Tilleuls proches alliés de nos Tilleuls indigènes associés à des Laurus, à des Persea, à des Cinnamomum? C'est ce que l’on constate pourtant, non pas sur un seul point, mais dans un grand nombre de localités tertiaires, notamment dans le gisement de la Cerdagne, récem- ment exploré par M. Rérolles. Le fait est visible à Sinigaglia, em Italie, sur l'horizon des couches à Congéries. Dans les ciné- rites du Cantal, c’est avec le Smilax mauritanica que le Hêtre pliocène et le Tremble se trouvent en rapport; et ce Hêtre, nous le prouverons, ressemble, malgré la distance, à celui de Mogi. Tous deux, comme l’a fait ressortir M. Nathorst lui-même, se rapprochent plus sensiblement du Fagus ferruginea que des Hêtres actuels d'Europe et du Japon (Fagus sylvatica L. et F. Sieboldii Endi.). IE y à là un fait qui a dû me frapper, telle- ment il a de portée, et ce n’est pas sans raison que j'ai insisté sur la présence et abondance du Hêtre dans la flore fossile de Mogï. Aïlleurs, comme à Schossnitz, même avant la terminaison du miocène, des Bouleaux du type de notre Betula alba, des Ormes, des Érables, n’excluent pas les Callitris et Libocedrus. FLORE FOSSILE DE MOGI. 81 À Meximieux, le Populus alba, V'Acer vpulifolium presque sans aucune nuance différentielle, admettent à côté d’eux les Laurus, les Phœbe, les Oreodaphne et Persea. I existe donc des exemples qui montrent la possibilité, dans un tempsfanté- rieur au nôtre, de combinaisons végétales et d’associations d'espèces vivant en commun et constituant des ensembles différents de ceux auxquels nos yeux sont accoutumés. C’est pour cela qu'à mon sens la flore de Mogi, isolée et incomplète en dépit de sa richesse relative, exige un examen spécial et une revision attentive des éléments qui la composent. D’après M. Nathorst, cette flore, dans son état actuel, com- prendrait en tout 70 espèces; mais 1l faut immédiatement retrancher de ce premier nombre 19 Phyllites qui se rappor- tent à des fragments de feuilles non susceptibles, de l’aveu de l’auteur, d’être déterminés génériquement. Parmi ces derniers, je ne vois que le seul PAyllites cissoides Nath. (pl. IX, fig. 21) dont la ressemblance avec le Vatis flexuosa Thbg. soit assez frappante pour autoriser un rapprochement direct avec un groupe spécial, celui des Ampélidées. Ces retranchements inévitables réduisent le nombre des espèces déterminées de Mogi à 92; mais il s’en faut que ces 92 espèces présentent toutes la même sûreté de définition, ni qu'elles puissent être invoquées au même titre, dès qu’il s’agit de l'appréciation des éléments de l’ancienne végétation. Le Taaites, de l’aveu mème de M. Nathorst, pourrait être aussi bien un Sequoia qu’une Taxinée. Le Sulix et le Betula sont douteux même génériquement, Je laisserai de côté, comme n’offrant que de faibles garan- ties de détermination : le Carpinus stenophylla (pl. VE, fig. 16) qui se distingue mal du GC. subcordata, V'Aphananthe viburni- folia (pl. IX, fig. 2), simple fragment qui peut tout aussi bien dénoter un Viburnum qu'un Aphananthe, le Deutzia scabra Thbg. fossilis Nath. (pl. X. fig. 10) dont l’exemplaire unique ne semble pas concorder par le mode de dentelure avec l’es- pèce actuelle de ce nom, le Prunus sp. (pl. XIV, fig. 8), frag- ment trop incomplet pour qu'il en soit tenu compte, He Cydonia 6e série, Bor. T. XVII (Cahier n° 2) ?. 6 82 DE SAPORTA. chloranthoides Nath. (pl. X, fig. 7), fragment très imparfaite- ment caractérisé, le Meliosma Myriantha S. et Z. (pl. VE, fig. 17) qu’on ne saurait distinguer d'un Quercus ou d’un Fagus. — Enfin, je suis amené, à en juger par l'extrême ana- logie des figures respectives, à proposer la réunion en une seule espèce de l’Acanthopanax acerifolium (pl. XI, fig. 5 et pl. XIL, fig. 1-2) et du Liquidambar formosana Hance fossilis Nath. (pl. XI, fig. 6-9), tellement, de part et d’autre, les carac- tères de forme, de dimension et de dentelure, paraissent iden- tiques (1). Ainsi réduite et imterprétée, la liste des espèces de Mogi donne lieu au tableau suivant : TABLEAU RECTIFIÉ DE LA FLORE FOSSILE DE MOGI. ESPÈCES FOSSILES ESPÈCES ACTUELLES ESPÈCES DE MOGI. D'EUROPE IDENTIQUES IDENTIQUES OU CORRESPONDANTES. — OU CORRESPONDANTES. AOHAMOUSQ SP ER eereccecheneer eee Bambusa lugdunensis SAPreses seems Bambusa et Arundina- ria, Sp. — Japon. 2. Carpinus subcordata Nath............ Carpinus suborientalis DAD eee Carpinus cordata BI. — Nippon, forêts monta- gneuses. 3. Ostrya virginica Wild. fossilis Nath... Ostryæ sp............. OSstrya virginica Wild.— Amérique, Nippon, Yeso. 4. Fagus ferruginea Ait. fossilis Nath... Fagus pliocenica Sap... Fagus ferruginea Aït. N. Amérique. — Yéso ? 5. Quercus Stunbergi Nath.............. Quercus Oreadum Sap. Quereus glauca Thbg. — Kiou-Siou et Nippon. 6. Zelkova Keakii Sieb. fossilis Nath...... Zelkova Ungeri Ett.... Zelkova Keaki Sieb. — Japon. Ulmus palæomontana [ Ulmus campestris Sm. var. lœvis Planch. —- 7. Ulmus campestris Sm. fossilis Nath ... Sapressesessssssss 1 } La) Ulmus quadrans Gæpp. Nippon, Yéso, région de l'Amour. 8. Celtis Nordenskiôldi Nath............. Ceitis trachytica Et. À Celtis Tournefortii Lam. à d É Celtis caucasica Wild. 9. Lindera sericea BI. fossilis Nath...... Lindera latifolia Sap.. Lindera sericea BL — 10. Cinnamomuim Camphora? Nees fossilis Japon, Yéso. Nathss SAME CRE de bEECIINe de Cinnamomum polymor- pirum Hr.. oo Cinnamomum Gamphora Nees. — Japon. (13 Je néglige de plus trois espèces mentionnées, mais indéterminées faute de caractères suffisants. 1. 12. - 13, 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21 FLORE FOSSILE DE MOGI. ESPÈCES DE MOGI. Styrax Obassia S. et Z. fossilis Nath. Styrax japonicumS. et Z. fossilis Nath. Diospyros Nordquisti Nath............. Clethra Mazximoviczi Nath......... .. Tripelaleja Almquisti Nath,......... oO Vaccinium Saportanum Nath......... Liquidambar formosana Hance fossilis Nath... MODE SBA0OGTBÉOQUE esse Vitis Labrusca L. fossilis Nath...... .. Vilis flexuosa? Thbg. fossilis Nath.... Clematis Sibiriakoffi Nath........... Magnolia Diksoniana Nath..... sil - Magnolia Sp. Nath.......... TSCOPE OCDE Stuartia monadelpha S. et Z. fossilis . Elæocarpus photiniæfolia Hook et Arn, fossilis Nath........... decor 2e RAS ans INA een e-rreeuces .. ESPÈCES FOSSILES D'EUROPE IDENTIQUES OU CORRESPONDANTES. Diospyros protolotus Sap. et Mar......... Liquidambar europæum Al Br, Ce-crsee Ge Vilis subintegra Sap..…. Magnolia fraterna, Sap. Tilia lignilum Elt..... 83 ESPÈCES ACTUELLES IDENTIQUES OU CORRESPONDANTES. — Styraxz Obassia S. et Z. — Nippon. Styrax japonicum S. et Z. — Nippon et Kiou- Siou. Diospyros lotus L. Diospyros Kaki L.— Nip- pon et Kiou-Siou. Clethra barbinervis S. ex Z. — Bois montagneux du Japon. Tripetaleja paniculata S. et Z. Tripetaleja bracteata Max. — Montagnes du Japon. Vaccinium densum Miq° — Indes, monts Nilig- heris, Liquidambar formosana Hance. — Chine. Vitis Labrusca L. — Amérique septentrio- nale, Japon. Vitis flecuosa Thbg. — Japon. Clematis paniculata Thbg. — Japon. Clematis ochroleuca Ait. — Mantchourie. Magnolia parviflora S. et Z. -- Bois montagneux du Japon. Magnolia obovata Thbg. — Japon. Magnolia conspicua Sab, Jisb. — Japon. Magnolia Cobus DC. — Nippon et Yéso. Stuarlia monadelpha S. et Z. — Kiou-Siou et Nippon. Elæocarpus photiniæ fo- lia Hook et Arn. — Japon. Tilia cordata Mill. — Japon. Tilia parvifolia Ehrh. — Europe, Asie. 84 21. 30. 31. : ESPÈCES DE MOGI. 26. Exæcaria japonica J. Muell. fossilis # Nath: Abe DE HER Fe snlestefslete Ho Acer Nordenskiüldi Nath.............. . Acer pictum Thbg. fossile Nath........ . Rhamnus costata Max. fossilis Nath... Ilex Heerii Nath..... AO UD HAN OORDOUL Zanthoxylon ailanthoides S.etZ. fossile Nathiss.ait ses eme elec sie Dictamnus frazinella Pers. fossilis Nath. 33. Juglans Sieboldiana Max. fossilis Nath. . Juglans Kjellmanni Nath............. . Rhus Griffithsii Hook fil. fossilis Nath. 36. Rhus Engleri Nath...................4 37. Prunus Buergeriana Miq. fossilis Nath. 38. Sorbus Lesquereuæi Nath.......... s…. 39. Sophora fallax Nath........... conso DE SAPORTA. ESPÈCES FOSSILES D'EUROPE IDENTIQUES OU CORRESPONDANTES. ESPÈCES ACTUELLES IDENTIQUES OU GORRESPONDANTES. Exæcaria japonica 4, Muell. — Montagnes du Japon. Acer polymorphum S.et Z., phiocenium Sap. et Mare. essepecnes Acer palmatum Thbg. var. septemlobum. — Japon. Acer lætum C. À. Mey., pliocenicum Sap. et Mare cieeromececr Acer piclum Thbg. - Japon. OCR ECEEEE EEE EE EEE Rhamnus costata Max. — Montagnes du Japon, llex rotunda Thbg. — Llex FalsaniSap.et Mar. Ÿ Japon. Ileæ pedonculosa Thbg. Japon. raies ent restaient Zanthoxæylon ailanthoi- des S. et Z.. — Bois montagneux de Nippon. Dictamnus major Sap.. Dictamnus fraxinella Pers. — Europe et Asie. duglans minor Sap. et Mar... Juglans Sieboldiana Max. — Kiou-Siou, Nippon et Yéso. Juglans regia L. var. si- nensis. Japon et Chine. os ealotelals als aielseieieieie ie soie Rhus Griffithsii Hook fil. — Khasia et Hima- laya. ss sletae tie cenlafeieelste scie, Rhus sylvestris S. et Z. — Japon, Kiou-Siou et Nippon. elles de ineenelfstsre so. Prunus Buergeriand Miq. — Japon, Kiou- Siou. BON TEBOND JD 0 vs. Sorbus alnifolias. et Z. — Japon, Yéso. DATA UGS DA0 1... Sophora daponica L. — Kiou-Siou et Nippon. sssnosrsierosssussssss Nous avons évidemment ici sous les yeux les restes d’une forèt montagneuse. Cela résulte non seulement des aptitudes bien connues de la plupart des espèces identiques ou assimi- FLORE FOSSILE DE MOGI. 89 lées à celles qui vivent actuellement au Japon, mais encore de cette circonstance, mise plus loin dans tout son jour, que la plus étroite analogie de composition existe entre la flore de Mosi et celle des cinérites du Cantal, que nous savons, à n’en pas douter, avoir peuplé les pentes de l’ancien volcan. La situation du dépôt de Mogi, voisine du bord de la mer, n’est pas un obstacle à cette manière de voir. L’orographie japo- naise a pu changer depuis l’époque indéterminée à laquelle il s’agit de faire remonter cet ensemble végétal; les feuilles recueillies ont pu aussi avoir été charriées par les eaux, et d’ailleurs, pour définir le vrai caractère d’une collection de plantes fossiles, le plus sûr est encore de s’en tenir aux indi- cations qu’elles fournissent soit par leur affinité individuelle, soit encore par leur mode de groupement. Il ne s’ensuit pas non plus, loin de là, de ce que l’on observe ces espèces sur un point donné actuellement rapproché du niveau même de la mer et peu distant de Nagazaki, que la région entière de Kiousiou ait dù être peuplée des mêmes végétaux. En Europe, les Chênes verts, les Laurinées subtropicales (Persea, Oreo- daphne, Phæbe), les Lauriers-roses et les Grenadiers des casca- telles de Meximieux faisaient certainement place sur le sol montueux du Cantal, au Hêtre pliocène, à un Chêne à feuilles caduques, au Charme, au Tremble, à des Ormes, à des Sapins, à des Noyers particuliers, tandis que le même Bambou, les mêmes Érables et le même Tilleul (Tilia expansa Sap.) main- tenaient l’unité de deux ensembles visiblementcontemporains. Au Japon, ce ne sont pas deux ou plusieurs localités se rapportant au même âge, comme en Europe, mais une seule qui ait été encore signalée, et la plus grande attention est nécessaire avant qu’il soit permis de se prononcer au sujet de la date qu'il est vraisemblable de lui assigner. M. Nathorst a été surtout influencé par cette circonstance que le plus grand nombre des espèces de Mogi habitaient maintenant le Japon, de telle sorte que les mêmes plantes sans changements ap- préciables ou des formes alliées de près aux fossiles se retrou- vaient encore sur les montagnes de Kiousiou, sur celles de 86 DE SAPORTA. Nippon ou même de Yéso, 10 degrés de latitude plus au nord que Nagazaki. En reprenant notre liste, je constate que sur 39 espèces assez sûrement déterminées, la presque totalité, soit 36, seraient encore représentées au Japon et 20 devraient être absolument identifiées avec des formes aujourd’hui japo- naises. Ces formes sont indigènes des parties élevées de Nippon ou même elles se trouvent cantonnées à Véso, et M. Nathorst en à conclu qu’au moment où elles s’avançaient au sud jus- qu’à Mogi, c’est-à-dire jusqu'aux approches du 33° degré de latitude, le Japon éprouvait les effets d’un abaissement no- table de température par rapport aux conditions climatériques actuelles. Voilà l'argument dans toute sa force, mais serré de près il perd beaucoup de son apparente rigueur. En effet, parmi les espèces indiquées comme japonaises, il en est plusieurs, et ce sont justement les plus importantes qui occupent une aire très vaste et ainsi ne sont pas particulières à l'archipel, mais commune à cette région insulaire et à bien d’autres points de la zone tempérée boréale. C’est là un fait essentiel que l’on ne saurait négliger, tellement son im- portance est évidente. Ni l’Ostrya virginica, que M. de Can- dolle ne distingue pas d’ailleurs de l’'Ostrya carpinifolia (1), ni l’'Ulmus campestris, ni le Dictamnus fraxinella Pers., ni le Vatis labrusca L. ou le Tilia parvifolia Ehrh., ni enfin le Juglans regiaL., encore moins le Fagus ferruginea Ait. ne sont des plantes caractéristiques de la région japonaise. Ges formes sont cependant au nombre des principales de Mogi. Bien plus, rien n’est moins assuré que la présence du Fagus ferrugineu à Véso. Ce prétendu F. ferruginea ne serait, d’après le Pro- drome (2), qu’une variété à feuilles dentées du F. Sieboldii Endi., confondue par Siebold avec la plante américaine d’Aiton. (1) L'Ostrya carpinifolia Scop., loin d’être une plante du Nord, ni même du centre de l’Europe, affecte des allures franchement méridionales. En Pro- vence, on l’observe seulement aux environs de Vence (Alpes-Maritimes), dans la zone de l’Oranger; il y occupe le fond des vallées, au bord des cours d’eau. (2) Prodr. Syst. nat., XVI, p. 119. FLORE FOSSILE DE MOGI. 87 Le Dictamnus fraxinella Pers. et le Tilia parvifolia Erhr. ont l’un et l’autre une immense extension à travers la zone tempérée boréale, et sont tout autant européens que japonais. D’autres, comme le Liquidambar formosana Manse, sont plutôt des plantes chinoises. Il reste, il est vrai, dans la flore de Mogi, malgré ces retranchements, une proportion considé- rable de types japonais actuels, et cette proportion engagerait à assigner à cette flore un âge en rapport avec la faible mesure des changements accomplis ; en un mot, il s'agirait plutôt d’un déplacement d'espèces marchant du nord au sud que d’une transformation des anciens éléments qui aurait exigé pour se réaliser l’interposition d’une longue période. Ge- pendant, voici à cet égard une dernière considération dont il est difficile de ne pas tenir compte : si, au lieu d’être Euro- péens, nous étions Japonais, et qu’en cette qualité il nous eût été donné de réunir et d'interroger les plantes fossiles de lun des riches dépôts du tertiaire récent de l’Europe, soit des cinérites du Cantal ou de Meximieux, soit de celui de la Cer- dagne découvert par M. Rérolles, ne serions-nous pas frappés de la quantité de formes identiques ou sub-identiques avec des espèces actuellement vivantes que nous aurions remarquées dans ces dépôts? Les cinérites auraient offert le Smilax mauri- nica (Niac.) (1), le Populus tremula L. (Saint-Vincent), le Carpinus orientalis Lam. (C. duinensis Scop.), l'Ulmus effusa Wild., le Zelkova crenata Sp., le Pterocarya fraxinifolia Sp., l’Hedera helix L. (Niac.), l'Acer opulifolium Vill., le Vrbur- num tinus L. (Niac.), le Dictamnus fraxinella Pers., ete. S'il s’était agi de Meximieux, ce serait le Populus alba L., le Buxus sempervirens L., le Laurus nobilis L., le Quercus ilex L., le Nerium oleander L., le Viburnum tinus L., le Punica grana- tum L. dont il aurait été donné de constater la présence, et dans ces constatations on ne s’arrêterait certainement pas aux minimes différences, aux nuances infinitésimales que nos (1) Niac est un nouveau gisement de cinérites découvert et exploré récem- ment par M. B. Rames. 88 DE SAPORTA. habitudes d'analyse et notre idée préconçue de ne pas identi- fier d’une facon absolue les formes vivantes aux fossiles nous poussent à apercevoir, et dont elles nous persuadent de tenir compte. Nous arriverions ainsi très naturellement aux conclu- sions adoptées peut-être un peu légèrement par M. Nathorst, et nous affirmerions avoir affaire à une flore fort peu éloignée par l’âge de celle qui habite encore de nos jours la région euro- péenne. Pourtant, les flores locales citées plus haut appartien- nent soit au miocène récent, soit au phiocène le plusinférieur. Sous le bénéfice des restrictions qui précèdent, nous aurons le droit de regarder d’un autre œil que M. Nathorst la flore de Mogi. Contrairement à sa méthode, nous laisserons les espèces supposées identiques à celles du Japon, et que ce pays pos- sède exclusivement pour considérer les autres. Le Hêtre, Fagus ferruginea fossilis de Nathorst, est certai- nement l’espèce la plus fréquente à Mogi, celle qui domine de beaucoup sur toutes celles que renferme la localité. Sauf Le fruit qui reste inconnu, on peut dire qu’elle est très bien connue par ses feuilles, figurées au nombre de vingt-cinq. M. Nathorst n’a pas tort de rapprocher son espèce du Faqus ferruginea Aït. d'Amérique, dont elle affecte la physionomie et en partie au moins les caractères de forme et de nervation. Il n’est pas moins vrai que la ressemblance de ce Hêtre avec le Hêtre pliocène d'Europe, celui des cinérites, Fagus pliocenica Sap., est plus étroite encore et dénote, selon moi, un degré tel d’affinité jusque dans les moindres détails que lidentification des deux formes résulte comme une conséquence naturelle de cette comparaison, surtout si l’on a égard à la liaison que je ferai ressortir tout à l'heure entre la flore de Mogi et celle des cinérites pliocènes du Cantal. En admettant la présence problématique du Fagus ferrugi- nea actuel au Japon et proposant de l'identifier avec le Hêtre fossile de Mogi, M. Nathorst considère sans doute celui-ci comme ayant cheminé autrefois du nord vers le sud, à l’exem- ple de plusieurs autres espèces japonaises qui auraient suivi cette marche, pour reprendre ensuite la même route en sens FLORE FOSSILE DE MOGI. 89 inverseetretourner aux lieux d’où ellesétaientvenues. Le Fagus Sieboldii aurait alors remplacé à Nippon le Fagus ferruginea auquel il se serait substitué presque partout, du moins c’est ainsi que je crois saisir la pensée de l’auteur. Mais l'hypothèse manque de base dès qu’il est reconnu que l'existence, sur le Fousi, du Hêtre américain ne repose que sur une erreur d’in- terprétation ou de synonymie. D'ailleurs le Fagus ferruginea Ait. a des allures particulières, qui s'opposent à ce que l’on reconnaisse en lui une plante du Nord. D'après des renseigne- ments que je dois à M. Léo Lesquereux, il fréquente le bord des cours d’eau plutôt qu'il n’occupe le flanc des montagnes, comme celui d'Europe. Il est signalé, il est vrai, jusque dans le New-Brunswick, qui est son extrême limite boréale (46 de- grés latitnde), mais il s'étend de là vers le sud, jusque dans la Caroline du Sud et même dans la Floride (30 degrés latitude). ILest surtout répandu dans l’Ohio et à l’ouest; il ne dépasse guère le Mississipi, distribution qui rend sa présence au Japon des plus invraisemblables. C'est à ce Fagus ferruginea que correspond trait pour trait en Europe, dès l’aquitanien de Manorque, le Faqus pristina Sap., qui m'a toujours paru représenter le prototype miocène de nos Hêtres de l’ancien continent. En Amérique seulement, ce prototype aurait conservé presque sans allération ses ca- ractères primitifs. En Europe, une transformation graduelle aurait eu lieu, et le Hêtre pliocène se montrerait déjà un peu plus rapproché du Fagus syloatica que ne l’était son devan- cier, c’est-à-dire que ses feuilles ne présenteraient plus guère que 11 à 13 paires de nervures latérales au lieu de 15 à 18, comme chez le Fagus pristina du miocène inférieur (voy. les figures 1 à 5 de la pl. VI, qui reproduisent diverses variétés du Faqus pliocenica des cinérites). Le pétiole déjà plus long et les dentelures plus constantes et plus aiguës rappellent à la fois ce qui existe dans le Hêtre actuel et ce que montre la forme prototypique; l’espèce pliocène est visiblement en voie de transformation, mais cette transformation est encore loin de son terme final. C’est donc entre le pliocène et le quaternaire 90 DE SAPORTA. que notre Hêtre européen, achevant de se modifier, aura abouti à l'espèce actuelle. Pour mieux dire, c’est ainsi que le ïlêtre tertiaire aura donné naissance en Europe à cet ensemble de formes auquel le terme de Faqus sylvatica a été appliqué et qui, sans exclure les races locales et les variétés accidentelles, se traduit par une certaine moyenne de caractères. Si l’on s’at- tache aux feuilles, ce sont des nervures latérales réduites à 8 ou 9 paires, des bords sinués, plus rarement crénelés, une forme générale plus large et plus courte, moins atténuée dans le haut et plus obtuse que dans le Hêtre pliocène. Le fruit de ce dernier à été recueilli par M. B. Rames dans les cinérites du Cantal, à Niac (pl. VL, fig. 6), et cette décou- verte à complété la connaissance du Fuqus pliocenica, dont les feuilles parsèment par milliers les plaques extraites des divers gisements. Je figure ici ce fruit pour la première fois. [l est plus petit que celui du Hêtre vivant; ses valves sont hérissées de pointes plus fines et plus courtes, surtout il est plus lon- guement pédonculé que l’organe correspondant des Faqus actuels, particulièrement du F. ferruginea d'Amérique, au- quel il ressemble par sa petite dimension. Au total, ce sont là des nuances qui n’excluent pas la possibilité de passages d’une forme vers une autre, et la longueur du pédoncule fructifère constitue encore à mes yeux le caractère différentiel le plus saillant de l’espèce fossile européenne. La concordance du Hêtre de Mogi avec le Hêtre pliocène d'Europe une fois admise, et cette identité résulte, selon moi, de la comparaison des deux séries respectives de feuilles, le premier se trouve placé vis-à-vis du Fagus Sieboldii Endl. dans le même rapport que le second (Fagus pliocenica Sap.) vis-à-vis du Fagus sylvatica L.; probablement aussi, et par une conséquence naturelle, il se range à la même distance chronologique, c’est-à-dire au commencement ou tout au plus vers le milieu des temps pliocènes. Cette opinion est en effet la plus sûre que l’on puisse adopter dans l’état actuel des connaissances et en présence du peu de documents que nous possédons encore sur la végétation tertiaire du Japon. FLORE FOSSILE DE MOGI. 91 Le Fagus Sieboldii Endl. (fig. 1) s’écarte peu en réalité du F. sylvatica ordinaire ; ilne constitue guère qu’une race locale sujette à des diversités analogues à celles que présente la race Fig. 4 (*). (*) Fig. 1. — Fagus Sieboldii Endl., Hakodaki, Japon.— 1, feuille provenant de l’herbier du Muséum de Paris, coll. Willford. Willford n’a pas distingué cette forme du Fagus sylvatica L.; elle porte cependant le nom de Fagus Siebol- dii dans l’herbier de Paris; grandeur naturelle; on compte sur cette feuille huit paires de nervures secondaires. — 2, autre feuille de la même espèce et de la même localité, plus grande et plus allongée, offrant dix paires de ner- vures secondaires, aboutissant aux sinus qui séparent les saillies marginales ; grandeur naturelle. Cette feuille, communiquée par M. A. de Candolle et pro- venant de l’expédition américaine de Wright, a été étiquetée Fagus sylvatica, par Asa Gray; elle se rapporte comme la précédente au type Sieboldii, dont 99 DE SAPORTA. européenne ou celle de l'Asie mineure. Les feuilles d'Hakodaki se confondent presque avec les feuilles normales du F. sylva- heu, auquel M. de Candolle les réunit dans le Prodrome (1). Le caractère principal de ces feuilles réside dans l’oblitération complète de la saillie des crénelures; l'effacement est telle- ment absolu que les parties convexes du contour de la marge correspondent aux intervalles qui séparent les points où vien- nent aboutir les nervures secondaires. Cette même disposition existe dans le Hêtre d'Europe, où cependant elle est très rare- ment aussi prononcée ; mais vers le haut des feuilles, dans les deux races, les crénelures peuvent accidenteliement repa- railre, à mesure que les nervures secondaires, au tieu de s'ar- rêter avant le bord, se prolongent plus ou moins de manière à donner naissance à une dent. La figure ci-contre fait voir que les feuilles d'Hakodaki peuvent compter jusqu'à 10 paires de nervures latérales, ce qui est peu ordinaire dans le Hêtre d’Eu- rope; mais cette circonstance est Justement de nature à ratta- cher le Fagus Sieboldi au Hètre pliocène dont les nervures étaient généralement aussi nombreuses, mais d’une façon normale. C’est à la bienveillance de M. A. de Gandolle que je dois ces précieuses notions sur le Hêtre d'Hakodaki; c’est bien celui qui, dans l’herbier de Paris, d’où provient la plus petite des deux feuilles figurées, a été désigné sous le nom de Fagus Sieboldii. Le Faqus crenata BI., variété à feuilles dentées du F. Sie- boldii, a pour correspondant européen une variété à dentelures saillantes le Tong des bords, qui provient de la forêt d'Egen- thal, au pied du Schneeberg (Bas-Rhin), foliis grosse dentatis ; j'ai reçu de M. Nathorst lui-même une variété semblable, re- cueillie par lui en Scanie, et enfin M. B. Rames a eu soin de m'envoyer du Cantal un Hêtre à feuilles distinctement créne- ilexiste des variétés distinctement crénelées, Le nombre plus élevé des ner- vures, dix paires, rapprocherait cette forme du Fagus pliocenica et l’éloi- gnerait du Fagus sylvatica normal dont les feuilles ne comptent presque jamais plus de 8-9 paires de nervures secondaires. (1) Tome XVI, p. 119. FLORE FOSSILE DE MOGI. 93 lées qu’il ne tiendrait qu'à moi de considérer comme une des- cendance directe du Fagus pliocenica de la même région, de même que M. Nathorst est disposé à reconnaitre dans des feuilles analogues provenant de Fusi-no-yama, un arrière- petit-fils de son Fagus ferruginea fossiles. D'une façon générale, les feuilles du Fagus sylvatica euro- péen, asiatique ou japonais, outre la forme plus large et plus courte, plus atténuée et plus obluse supérieurement de leur contour, ne présentent le plus souvent que sept à neuf paires de nervures latérales (fig. 2). Le Fagus ferruginea Ait. en a douze à quinze; le Hêtre pliocène d'Europe, de mème que celui de Mogi,en a dix à douze. Le dernier de ces nombres est très rarement dépassé, et très rarement aussi le pre- mier n’est pas attemt. Les dents marginales, dans les feuilles de cette espèce, sont le plus ordinairement sail- lantes et fines; elles dispa- raissent pourtant quelque- fois (pl. VI, fig. 5) pour faire place à des sinuosités plus ou moins prononcées, COM- me daus le Hêtre actuel. En ce qui concerne le pétiole, il tient le milieu, par la lon- gueur proportionnelle, entre celui du Fagus prisiina Sap. et par conséquent du Fagus ferruginea et celui des feuil- les de notre Hètre ; plus long que dans le premier cas et plus court en moyenne que dans le second. La forme ellipsoïde du contour, la base tantôt en () Fig. 2. — Fagqus sylvatica L., var. foliis crenalis, variété observée dans le Cantal par M. B. Rames; reproduction d’une feuille, grandeur naturelle. 94 DE SAPORTA. coin, tantôt arrondie, la pointe atténuée du sommet, la présence des dentelures marginales le rapprochent évi- demment du Fagus ferruginea Ait., dont au total il se tient plus près que du Fagus sylvatica, son descendant probable : je dis « probable » parce qu'il ne serait pas impossible que la race de ce dernier fut venue du nord à un moment donné, dans le cours ou vers la fin du pliocène, remplacer le Fagqus pliocenica dans les forêts montagneuses de l’Europe centrale et méridionale. Cependant, cette substitution à date fixe west rien moins qu'assurée; l'espèce nouvelle aurait dû s'étendre sur trop de points à la fois, s’avancer jusqu'en Espagne, en Sicile et dans le Taurus et exclure universelle- ment l'espèce antérieure partout en possession du sol, sans que celle-ci eût réussi à se maintenir nulle part. Par cela même, l'espèce venue la dernière aurait dû traverser l’espace inter- médiaire entre le pays d’origine et les montagnes précédem- ment occupées par le Fagus pliocenica pour en chasser celui-ci. Or, les indices et même la vraisemblance d’une semblable invasion manquent absolument et les traces du Faqus sylva- tica, dans le tertiaire supérieur, sont rares relativement, bien qu’elles ne soient pas inconnues. Le F. sylvatica répondrait plutôt selon moi à une tendance ; il serait l’expression der- nière d’une suite de modifications que l’espèce primitive aurait graduellement subies et qui, au Japon, comme sur le Cantal, aux Pyrénées et ailleurs, auraient abouti à la longue à des ré- sultats morphologiquement semblables ou très analogues. C'est là du moins l'explication qu’il est possible de donner sans Ja garantir d’une façon absolue et définitive. Ce qui est certain, c’est que les feuilles du Fagus sylvatica, bien recon- naissables, se montrent, lors du pliocène supérieur, dans les travertins toscans et plus tard dans les tufs quaternaires du Périgord (voy. pl. VIE, fig. #) avec huit paires de nervures laté- rales et des sinuosités marginales au lieu de dents. Mais bien avant, dès le miocène supérieur de Kaigen en Wétéravie, Ludwig a signalé, sous le nom de Fagus ferox, les feuilles et le fruit d’un Hêtre qui, par la réduction du nombre des nervures, FLORE FOSSILE DE MOGI. 95 les bords sinués et la forme générale, touche de près au Fagus sylvatica. De quelque façon que la forme primitive ait donné naissance à celle qui s’est substituée à elle, c’est bien là le plus ancien vestige d’une forme de Hêtre semblable à celle que nous avons sous les yeux en Europe, et à ce titre le Faqus ferox Ludw. devait être signalé, de même que je l’avais fait précé- demment en traçant, dans une conférence donnée au Havre, le tableau généalogique du Hêtre. Le fruit du F. ferox de Ludwig semble du reste différer fort peu de celui du Hètre pliocène du Cantal (pl. VE, fig. 6). Une comparaison attentive de toutes ces formes de Hêtres vivantes et fossiles fait reconnaître chez elles, dans les temps anciens, des variations analogues et correspondantes à celles que les espèces actuelles pro- duisent encore maintenant. Les figures que je donne ci- contre (fig. 2 et 3) permettent de constater ce phénomène. Ainsi, les feuilles à contour ellipsoïde et à terminaison ob- tuse, celles à marge simple- ment sinueuse ou découpée en crénelures distinctes, plus ou moins prononcées, n'étaient pas plus inconnues autrefois chez le Hôtre tertiaire qu’elles ne le sont aujourd’hui dans notre Faqgus sylvatica. Gepen- dant, l’espèce ancienne s’est visiblement modifiée; elle a perdu finalement la ressem- blance qui la reliait encore lors du pliocène au Faqus pristina Sap. et par celui-ci au Fagus ferruginea actuel d'Amérique. Le nombre des ner- (9 Fig. 3. — Fagus sylvatica L., type normal provenant de la forêtide Sainte- Baume, en Provence; reproduction d’une feuille, grandeur naturelle. 96 DE SAPORTA. vures secondaires a diminué; de dix à douze paires, 1l est descendu à huit ou neuf, même à sept : c’est ce que mon- trent, non seulement les feuilles actuelles du Cantal (voy. p. 93, fig. 2), de la Saint-Baume (voy. p. 95, fig. 3),du Japon (voy. p. 91, fig. À), ete., mais aussi la feuille des travertins quaternaires du Périgord que j'ai figurée (pl. VIL fig. 4). Cette feuille ne diffère de celles du Hêtre ordinaire que par des proportions assez réduites, dues peut-ètre à l’abaissement relatif de la température de l’époque. Le sommet est atténué en pointe; les bords sont obscurément sinués ; on compte au maximum neuf à dix paires de nervures secondaires. Cette feuille parait comme ridée obliquement, conformément à ce qui arrive aux feuilles de notre Hêtre, lorsqu'elles se détachent en hiver déjà flétries. Allongement proportionnel du pétiole, diminution du nombre des nervures latérales, dents ou lobules marginaux plus fréquememnt convertis en sinuo- sités de moins en moins prononcées, probablement encore consistance moins ferme du ussu: telles sont, en résumé, si l'on s’attache aux feuilles, les modifications qui du Hêtre plio- cène ont conduit au type qui peuple actuellement la zone tem- pérée boréale de l’ancien continent, Mais quelque faibles que soient ces modifications, quelle que soit la fière par laquelle elles se sont réalisées, 11 faut encore admettre un temps fort long avant qu'elles aient pu s’effectuer. Et de toutes façons, quand bien mème un Hètre nouveau et plus récent que Le Fagus pliocenica, gagnant de proche en proche et marchant vers le sud, serait venu se substituer à celui qui jusqu'alors avait oc- cupé les massifs monlagneux où nous constatons sa présence à l’état fossile, avant qu'il se füt étendu en Espagne, en Sicile, au cœur de l’Asie mineure, où nous le trouvons encore, un temps très long a été en tout cas nécessaire; c’est un élément et un facteur dont 1l est réellement impossible de se passer. La présence respective du Fugus pliocenica n’est pas le seul trait commun, ni le seul lien qui rattache la flore de Mogi à celle de l’Europe pliocène. Il en est d’autres sur lesquels je dois insister avec d'autant plus de raison qu'ils sont l'indice FLORE FOSSILE DE MOGI. 97 d’une distribution géographique de certaines espèces encore existantes, très différente de celle qui les caractérise et leur assignant, dans un âge antérieur au nôtre, une aire d’habita- tion bien plus étendue dans le sens des longitudes que celle qui leur est acquise de nos jours. Pour cela, il faut insister sur l’analogie étroite des formes de Mogi avec celles qui peuplent les tufs de Meximieux et, par-dessus tout, les cinérites du Cantal. Avec Meximieux, Mogi partage les éléments végétaux dont l’énumération suit : 1° le Bambou ; on n’a pour s’en convainere qu'à mettre en regard la figure 14, planche 93 de la flore de Meximieux, qui représente le Bambusa lugdunensis Sap. avec la figure 6, planche 4, de la flore de Mogi, l'identité ne sau- rait être plus complète; 2° le Liguidambar formosan (Mogi, pl. 11, fig. 6-9) qui pour n'être pas absolument pareil à celui de Meximieux (Mexim., pl. 25, fig. 2-3) ne témoigne pas moins d’une étroite analogie d'aspect avec l’espèce japonaise, ana- logie plus frappante même que celle qui existe avec le Liqui- dambar miocène proprement dit (4) ; 3°le Diospyros Nordquisti Nath. (Mogi, pl. 11, fig. 1, et pl. 17, fig. 1-5), proche voisin du Diospyros protolotus Sap. et Mar., de Meximieux, sur lequel il faut consulter les figures 3 et #4, planche 30, de la flore de Meximieux ; 4° l’Acer pictum Thunbg. fossile (Mogi, pl. 15, fig. 2-8 et fig. 2 dans le texte) que nous retrouverons dans les cinérites et qui ne diffère pas ou diffère fort peu de l’Acer lætum pliocenicum Sap. et Mar., puisque, à exemple de celui-ci, il présente des feuilles exclusivement quinquélobées ; 5° l’Ilex Heeri Nath. (Mogi, pl. 13, fig. 7-10) que rien ne distingue, si l’on s’en tient aux figures, de l’Zlex Falsani Sap. (Meximieux, pl. 36, fig. 29); 6° enfin, le Juglans Sieboldianu Maxim. /ossilis Nath. (Mogi, pl. 4, fig. 13-18) dont les folioles ressemblent singulièrement, sauf un peu plus d’ampleur, à celles du Ju- glans minor Sap. et Mar. (Meximieux, pl. 37, fig. 1-6). Ces analogies seraient-elles totalement fortuites et unique- (1) Voy. la figure 4, pl. XXV, de la flore de Meximieux qui reproduit le Liqui- dambar europæum miocène et permet d'apprécier celte nuance. 6e série, BorT. T. XVIT (Cahier n° 2)°. 7 98 DE SAPORTA. ment superficielles, au lieu de dénoter un degré d’affinité suffi- sant pour faire admettre une parenté réelle et une concordance chronologique entre la flore de Mogi et celle du pliocène des environs de Lyon? Il me semble d'autant plus difficile de le penser, du moins jusqu’à preuve contraire, que nous 1gnorons encore d’une façon absolue la nature de la végétation qui a précédé ou suivi au Japon celle de Mogi. D'ailleurs, la pré- sence dans cette dernière flore d'espèces identiques à celles qui vivent actuellement au Japon, soit à Kiousiou, soit à Nip- pon, soit même à Yéso, n’a pas plus de valeur et de portée en soi que n’en à, vis-à-vis de notre continent, la présence consta- tée des Populus alba L. et tremula L., de l’'Hedera Helix L., du Viburnuim Tinus L., de l’Acer opulifolium Vill., de l’Acer monspessulanum L., du Quercus [lex L., du Smilax maurita- nica, du Cornus mas, etc., et de tant d’autres espèces, encore aujourd’hui européennes, que lon observe déjà dans le miocène supérieur ou le pliocène inférieur de notre continent. Le phé- nomène est absolument semblable de part et d'autre. Mais poursuivons notre examen comparalif et laissons Mexi- mieux pour aborder les cinérites du Cantal, c’est-à-dire une flore montagnarde et visiblement assimilable par son assiette à celle de Mogi; nous verrons aussitôt la liaison devenir encore plus intime et se trahir par une proportion si notable d'espèces communes caractéristiques, que la liaison et le parallélisme des deux ensembles en ressortiront comme le corollaire le plus naturel et le moins incertain. Dans les cinérites, conformément à ce qui existe à Moi, l'élément japonais obtient une sorte de prépondérance, bien qu'il n’exelue pas l'élément indigène actuel, ni surtout l’élé- ment canarien auquel un certain nombre de types améri- cains, alors possédés en commun par l’Europe, viennent s’ad- joindre. Il est curieux d’avoir à constater entre Mogi et les cinérites une aussi étroite affinité. Non seulement le Bambou de Meximieux (Bambusa lugdunensis Sap.) reparait dans les cinérites avec la physionomie et les dimensions propres à celui de Mogi; non seulement le Carpinus suborientalis Sap. FLORE FOSSILE DE MOGI. 99 et le Zelkova crenuta Sp. y répondent trait pour trait au Car- pinus subcordata Nath. et au Zelkova Keaki Sieb. fossilis), mais le Hêtre (Fagus pliocenica Sap.) présente, des deux parts, les mêmes traits, comme je lai fait voir plus haut, et Joue absolument le même rèle. Ge n’est pas tout, un Dictam- nus (Dictamnus major Sap.) extrêmement répandu au Pas- de-la-Mougudo, ne se distingue du Dictamnus fraxinella Pers. que par la plus grande taille de ses feuilles que j'ai comparées justement à certaines variétés asiatiques et Japo- naises de l’espèce actuelle, signalée par M. Nathorst à Mogi. Au Lindera sericea BI. fossilis de Nathorst correspond dans les cinérites une magnifique espèce que je ne puis m'empêcher de figurer 1c1 (pl. VITE, fig. 1) et qui se rapproche plutôt, il est vrai, de la forme américaine, Lindera Benzoin Meisn. (Benzoin odoriferum Nees), que du Lindera sericea. Dans les cinérites, la présence du Lundera se trouve complétée et J'ajouterai confirmée par celle d’un Sassa/ras (pl. VIT, fig. 1) que j'ai signalé sous le nom de S. Ferretianum Mass., mais qui me parait se confondre réellement avec le Sassafras offici- narum Nees, tellement, dès le miocène inférieur, les formes actuelles, déplacées ou demeurées aux mêmes endroits, com- mencent à devenir fréquentes en Europe et sans doute aussi au Japon. Il est curieux d’avoir à remarquer à Ménat en Auvergne, presque dans la même région, mais sur un horizon sensiblement antérieur à celui des cinérites, vers l’Aquitanien, l'existence d’un autre Sassafras, très nettement caractérisé, intermédiaire par ses traits différentiels aux Sassafras prini- gerium Sap. de Sézanne et Ferretianum Mass. de Sinigaglia (miocène sup.). Ge dernier a été également signalé dans la flore tertiaire arctique par M. Heer. On peut suivre ainsi la série des élats successifs que ces formes ont affectés avant d’arriver Jusqu'à nous. Il me serait facile de démontrer par des exemples tirés, non seulement des cinérites, mais de Schossnitz et du dépôt de la Cerdagne découvert par M. Rérolles, que le Planera ou Zelkova affectait alors en Europe des formes qui le rappro- 100 DE SAPORTA. chaient sensiblement du Zelkova Keakii; mais une des Vignes fossiles de ces mêmes gisements du Cantal est encore remar- quable par son analogie avec le Vins Labrusca L. fossilis de Nathorst. La figure 2, planche VIII, rapprochée de celle de la flore de Mogi (pl. 10, fig. 9) permettra d’en juger. Deux espèces d’Acer, très nettement définies, font surtout ressortir cette singulière parenté de la flore de Mogi avec celle des cinérites. La première est l’Acer lœtum pliocenicum, Sap. et Mar., déjà signalé à Meximieux, mais encore plus fréquent dans les cinérites et que j'avais d’abord nommé Acer subpictum (1). Le nom d’Acer l@tum convient mieux, parce qu’il exprime un terme plus général, dont lAcer pictum du Japon représente plutôt une forme locale. Je figure 1c1 (pl. IX, fig. 1), pour achever la démonstration, une feuille de cet Érable pliocène du Cantal, dont l'identification avec celui de Mogi soulève d'autant moins d’objections qu'il s’agit bien de part et d'autre de feuilles constamment quinquélobées, tandis que l’Acer pictum de Thunberg présente assez généralement des feuilles simplement trilobées, celles à cinq lobes étant plutôt l’'excep- tion. La seconde espèce est la plus intéressante, tellement elle est caractéristique : c’est celle que J'ai nommée Acer polymor- plum Sieb. et Zucc. pliocenicum et que M. Nathorst nomme Acer Nordenskiôldi (pl. 19, fig. 10-14 de la flore de Mogi), en la comparant, comme je lai fait pour le mien, à l’Acer palma- tuim de Thunberg. Je figure ici (pl. IX, fig. 2), comme terme de comparaison, un des exemplaires recueillis dans les ciné- rites de Saint-Vincent (Cantal). Il est bien visible que cette forme d’Érable, d’une rare élé- gance, est sujette à varier, à l’exemple de son homomorphe japonais actuel. Elle présente des feuilles ayant depuis cinq jusqu'à sept et huit, mais plus ordinairement sept lobes pro- (1) Voy. Bull. Soc. géol. de France, séance du 17 février 1873, p. 221, Sur les caractères propres à la végétation pliocène, à propos des découvertes de M. Rames dans le Cantal, par le comte G. de Saporta. FLORE FOSSILE DE MOGI. 101 fonds, acuminés au sommet et denticulés le long des bords. L’exemplaire que je reproduis, à cause de sa merveilleuse conservation, montre huit lobes et peut être assimilé à la figure 14, planche 14, du mémoire de Nathorst. Il en est d’autres, provenant soit de Saint-Vincent, soit du Pas-de-la- Mougudo, que j'aurais pu également figurer et qui confirme- raient dans l’idée qu’il s’agit bien d’une seule et même espèce que rien ne distingue réellement de celle de Mogi. Une réunion d’éléments similaires ou analogues, aussi significative, ne saurait égarer selon moi. Jusqu'à preuve du contraire, on est plutôt autorisé à invoquer cette liaison pour s’en autoriser à placer Mogi surle même horizon géognostique que les cinérites, celui du pliocène inférieur, que caractérise en Europe la présence d’un Hètre identique au Hêtre de la localité japonaise, le Faqus pliocenica, Sap. Sur ces bases, quelles conclusions est-il raisonnable d'adopter ? Est-il néces- saire d’insister sur la différence qui existe entre l’état ancien et l’état actuel aux environs de Nagazaki et d'admettre un abaissement général de la température, une période de froid relatif assez intense pour avoir favorisé la marche verslesud et l'Asie intérieure d’une foule d'espèces venues du nord?Je crois, conformément du reste à la pensée même de M. Nathorst, que cette émigration, cet afflux de formes marchant du nord au sud, à pu se réaliser en divers temps, à l’aide d’une longue série de circonstances variables, entraînant leur exode et l’effectuant peu à peu dans des proportions très inégales ; mais je crois beaucoup moins à un abaissement, qui aurait eu pour conséquence immédiate d'entraîner momentanément jusqu’au 32° degré des espèces boréales, pour faire place ensuite à un relèvement du climat, ramenant au nord ces mêmes espèces et leur substituant en masse celles du midi, précédemment éliminées. Les oscillations climatériques du passé n’ont jamais eu, croyons-nous, cette brusquerie ni ce caractère absolu que nous sommes assez souvent portés à leur attribuer. À côté d’un refroidissement continu et universel que rien n’a jamais arrêté et qui, depuis sa première origine, n’a cessé en définitive 102 DE SAPORTA. de faire de nouveaux progrès, il y a les modifications dues à des causes purement locales, à la distribution géographique, par exemple, et à l’orographie de certaines contrées. Mais ces causes, à une si grande distance des événements et à mesure que l’on s'adresse à une période plus éloignée, à un pays plus écarté et plus imparfaitement exploré, est-il possible de les préciser ? Cela nous semble au moins très problématique. Ce que nous pouvons dire au sujet de Mogi, en nous fiant aux apparences, c’est qu'il s’agit d’une forêt montagneuse. La composition de la flore l’indique suffisamment, et dès lors comment douter de la possibilité qu’il existât côte à côte et dans le plat pays, des associations végétales autrement combi- nées, comprenant des espèces différentes et présentant un caractère particulier ? La situation actuelle de Mogi, dans cette hypothèse et en visant un âge aussi éloigné que le pliocène inférieur, n’est plus rien dans la question, pas plus que si l’on voulait arguer de lPassiette actuelle de Sinigaglia pour en tirer des présomptions relatives à l'aspect de l’ancienne localité lcrtiaire de ce nom et à la signification des végétaux qui v étaient réunis. On sait que, parmi ces végétaux, le Hêtre, les Chênes à feuilles caduques, le Tilleul et divers Érables jouent le principal rôle. Nul doute que depuis le début de l’époque tertiaire Parchipel Japonais n’ait changé d’aspect et vu son relief, comme son étendue, varier, peut-être à plusieurs reprises. Il est pourtant permis à un observateur de se demander comment les végétaux, en majorité sylvicoles, de Mogi, la plupart à feuilles caduques, ont pu descendre jusqu'aux approches du 33° parallèle, c’est- à-dire atteindre sans anomalie et peu après le miocène une latitude aussi méridionale que celle de Nagazaki, qui corres- pond à la Syrie moyenne, à la Perse, à Caboul, à Tripoli de Barbarie, à Madère, enfin à la Géorgie. A cela on peut répondre non seulement par l'extrême inégalité des isothermes qu autrefois pas plus que de nos jours n’ont coïncidé avec les parallèles, mais encore par cette considération que s’il est un phénomène général que l’on puisse noter comme ayant influé FLORE FOSSILE DE MOGI. 103 sur les climats terrestres, de manière à les rendre plus extrêmes et plus capricieux selon les régions, c’est à coup sûr la dimi- nution de l’humidité atmosphérique, sans cesse en décrois- sance depuis le milieu du tertiaire. C'est là la vraie et seule eause de la disparition d’un si grand nombre d’espèces jadis répandues dans tout l’hémisphère boréal. Elles en ont été en- suite partiellement éliminées, les unes sur un point, les autres sur un autre, de manière que, au lieu d’oceuper la zone tempérée tout entière, elles se sont trouvées finalement canton- nées dans certains pays exclusivement à d’autres. En effet, c’est seulement ainsi qu'il est possible d'expliquer la présence simul- tanée d'espèces européennes, japonaises, canariennes et nord- américaines au sein de l’Europe tertiaire; ces espèces à coup sûr ne sont pas venues du Japon n1 de l'Amérique, ni des Canaries ou du Gaucase, pour se donner rendez-vous sur notre sol. Selon une hypothèse généralement admise, elles sont arrivées de proche en proche de Pextrème nord, et ont pénétré de plusieurs côtés à la fois et dans plusieurs directions diver- gentes à l’intérieur de la zone tempérée boréale. Plus tard seulement, chaque pays s’est fait sa part et les conditions climatériques venant à varier et à s’aggraver en perdant de leur égalité première par une décroissance de l'humidité originaire, ces espèces ont dù tendre à se canton- ner; elles ont été soumises à l'épreuve d’une adaptation de jour en Jour plusrigoureuse, de nature à éliminer toutes celles que n’épargnèrent pas les exigences des climats locaux graduellement accentués. Mais cette limitation des espèces, d’abord très diffuses, à des espaces restreints ne s’est effectuée qu’à la longue. L'Europe du miocène récent qui nous est mieux connue que les autres contrées à la même date, réunis- sait à la fois le Ginkgo, le Glyptostrobus, le Taæus etle Torreya, les Érables du Japon, les Liquidambars et les Platanes d'Asie ou d'Amérique, les Tulipiers et les Magnolias, les Lauriers d'Europe, les Perseu et Oreodaphne des Canaries, les Landera et Sassafras des États-Unis ; elle les mariait à des Charmes et à des Chênes, à des Bouleaux et à des Peupliers, à des Noyers, 104 DE SAPORTA. dont elle a perdu une partie et dont elle garde les autres, dis- tribués pourtant dans un ordre différent. Ces promiscuités ne sont pas, comme on l’a cru longtemps, un indice de liaison et d’attenance géographique avec les divers pays dont le nôtre possédait les formes caractéristiques; ces formes lui apparte- naient bien en propre; mais il les à perdues depuis, de même que d’autres régions et le Japon lui-même doivent avoir perdu des arbres que notre continent aura eu la chance de conserver, tandis que le froid ou la sécheresse en accentuant leur progrès leur en enlevaient beaucoup d’autres. Mais avant ce froid et cette sécheresse, lorsque le climat de la zone tem- pérée boréale était encore à la fois égal et humide, le contraire de ce mouvement éliminatoire avait eu lieu et Les espèces que possédait cette zone, à l’époque où nous nous reportons en esprit, favorisées dans leur expansion, ont pu gagner au sud et pénétrer dans des contrées où maintenant leurs descendants, s’il en existe, n'habitent plus que la croupe des montagnes. M. de Candolle a prouvé par une loi des plus justes, que la sécheresse seule des mois d’été était la vraie cause qui arrêtait le Hêtre au midi; mais, dans un âge où cette difficulté n’exis- tait pas, le Hêtre et d’autres arbres ayant les mêmes aptitudes, comme le Tremble, le Tilleul, les Ormes, les Bouleaux, Les Peupliers, les Noyers et la plupart de ces espèces de Mogi que M. Nathorsi retrouve, soit à Nippon, soit à Yéso, ont pu sans obstacle s'étendre très loin vers le sud ; une fois arrivés là, ils auront constitué plus tard les éléments de ces associations vé- gétales dont les chaînes et les parties montagneuses de la zone tempérée chaude, comme l’Atlas, le Taurus, les montagnes de la Perse et celles de Kiousiou, nous offrent de précieux exem- ples. Lorsque les plaines ou les vallées inférieures, sous l’in- fluence de la sécheresse, sont devenues inhospitalières pour ces arbres, ils n'auront eu de refuge que les cimes élevées et les escarpements. Ces idées, je le remarque en terminant, n’ont rien de con- tradictoires avec celles de M. Nathorst, que je n’ai jamais cher- ché à combattre dans ce qu’elles ont d’essentiel, c’est-à-dire FLORE FOSSILE DE MOGI. 105 en ce qui concerne la marche continue et lémigration par séries successives des espèces quittant les régions polaires pour envahir les divers points de notre hémisphère et s’avancer gra- duellement au sud. Jai été plutôt conduit à reprendre quel- ques-unes de ses assertions qui m'ont paru assises sur une base à mon avis trop étroite, pour les commenter, formuler à leur encontre des objections partielles et rechercher les termes d’une solution, vis-à-vis d’un problème dont je ne me déguise pas l'extrême complexité. Ge n’est pas assurément attaquer n amoindrir un auteur que de l’analyser en cherchant à apprécier le sens et la portée de son œuvre. Mais cette intention bien arrêtée, M. Nathorst n’a pu apparemment la saisir dans les courtes notes que j'avais jointes au résumé analytique de son mémoire. C’est pour cela que J'ai tenu à la mettre dans tout son jour en écrivant les pages précédentes ; elles constituent au fond ur nouvel hommage au mérite de chercheur et de phyto- logue du savant suédois. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE VI. Fig. 1 à 6, Fagus pliocenica Sap., des cinérites du Cantal. — 1, feuille presque entière, sauf l'extrême sommet et le pétiole qui manquent ; les bords sont en partie sinués, en partie obscurément dentés; Saint-Vincent, grandeur naturelle. — 9%, autre feuille de la même espèce et de la même localité, a vec le pétiole complet et la terminaison supérieure. Cette feuille semble absolu- ment semblable à celle de Mogi figurée sur la planche 11, fig. 3; Saint- Vincent, grandeur naturelle. — 3, feuille de la même espèce couchée en tra- vers non loin de la précédente, sur la même plaque, grandeur naturelle. — 4, autre feuille de la même espèce, provenant du Pas-de-la-Mougudo. Le pétiole est plus court, la base arrondie, et les bords sont découpés par des crénelures obtuses, grandeur naturelle. — 5, deux autres feuilles de la même espèce provenant de Saint-Vincent et couchées l’une près de l'autre : A, montre une feuille arrondie et pétiolée à la base, terminée en pointe obtuse au som- met, avec neuf paires de nervures secondaires et des dents à peinesaillantes le long des bords. Cette feuille est de toutes celles du Cantal celle qui se rapproche le plus du type moderne. B, montre une feuille plus allongée, mu- nie d’un court pétiole, avec des bords à peu près entiers et une douzaine au moins de paires de nervures secondaires; grandeur naturelle. —-- 6, Fruit 106 DE SAPORTA. pédonculé du Fagus pliocenica Sap., recueilli dans le gisement de Niac, associé à de très nombreuses feuilles de la même espèce, d’après une em- preinte de l’extérieur des valves de l’involucre, dont le relief a été restitué. Grandeur naturelle.— 61, même organe légèrement grossi. PLANCHE VIT. Fig. 1. — Sassafras officinarum pliocenicum Sap., feuille complète, très légèrement restaurée au sommet, du gisement de Saint-Vincent, grandeur naturelle. Fig. 2. — Fagus Sp., probablement Fagus Deucalionis Ung. ou F. Marsi- gli Mass., du gisement de Puycerda, exploré par M. Rérolles; feuille com- plète, pour montrer le type du Hêtre vers la fin du miocène, dans la région des Pyrénées. Fig. 3. — Fagus ferruginea fossilis Nath., de Mogi, reproduction de la figure 3, pl. VIII du mémoire de M. Nathorst, pour servir de terme de comparaison avec les figures de la planche précédente, spécialement avec la figure 2. Fig. 4. — Fagus syloatica L. diluvian«. feuille provenant des tufs quaternaires du Périgord, pour montrer l'aspect des feuilles du Hêtre européen à l'époque quaternaire, grandeur naturelle. La figure 2, qui représente une feuille du miocène supérieur, montre le point de départ et la figure 4 le point d'arrivée des séries de modifications auxquelles le type Fagus à donné lieu en France dans l’espace intermédiaire entre le miocène et le quaternaire. PLancue VII. Fig. 1. — Lindera latifolia Sap., feuille presque entière provenant des ciné- rites du Cantai; Saint-Vincent, grandeur naturelle. Fig. 2. — Vatis subintegra Sap., base d’une feuille pour servir de terme de comparaison avec le Vétis Labrusca fossilis Nath. de la flore de Mogi, gran- deur naturelle. PLANCHE IX. Fig. 1. — Acer lœætum pliocenicum Sap. et Mar., feuille complète provenan du gisement de Saint-Vincent, grandeur naturelle. Fig. 2.— Acer palmatum Thunbg. pliocenicum Sap., feuille presque com- plète, du gisement de Saint-Vincent, grandeur naturelle ÉTUDE ANATOMIQUE OMBELLIFEHRES ET SUR LES PRINCIPALES ANOMALIES DE STRUCTURE QUE PRÉSENTENT LEURS ORGANES VÉGÉTATIFS Par MW. COURCHET. La famille des Ombellifères, malgré le grand nombre de genres et d'espèces qui la composent, malgré la diversité et l’étendue des régions qu’elle occupe à la surface du globe, constitue un de ces groupes homogènes et bien délimités que l’on désigne, avec beaucoup de justesse, du nom de familles naturelles par évidence. En effet, sauf d’assez rares exceptions, l’'étroite affinité qui relie ces plantes les unes aux autres se ré- vèle si bien dans leur port, leur mode d’inflorescence, la forme de leurs tiges et de leurs feuilles, et dans bien des cas, jusque dans l’odeur qu’elles exhalent, que leur place naturelle s’im- pose, en quelque sorte, à l’œil le moins exercé. Mais ce n’est pas seulement dans les caractères extérieurs des Ombellifères que se montre cette parenté intime; on la retrouve jusque dans la structure de leurs organes. L'anatomie de leurs tiges, de leurs feuilles, de leurs racines et même de leurs fleurs et de leurs fruits se laisse très aisément ramener à un type commun qui se maintient à travers les variations nombreuses qu’impri- ment à cette structure les conditions soit extérieures, soit In- hérentes au végétal lui-même, et que l’on retrouve jusqu’au milieu des anomalies profondes que présentent certaines de ces plantes. Disons toutefois qu'à cet égard on ne saurait séparer des Ombellifères les Araliacées qui s’en rapprochent telle- ment, du reste, par leurs caractères botaniques, qu’on les y adjoint souvent à titre de simple tribu. Malgré les particularités anatomiques intéressantes que 108 COURCHET. présentent les organes reproducteurs des Ombellifères, nous ne nous occuperons dans ce travail que de leurs organes végé- tatifs. Pour chacun d’eux nous ferons tout d’abord suceincte- ment connaitre le type normal de structure, et nous décrirons ensuite les principales divergences et les anomalies les plus intéressantes que présente leur organisation. I. — Tic. Type NorMAL. — La tige des Ombellifères, cylindrique dans son ensemble, est le plus souvent marquée de cannelures et de sillons longitudinaux plus où moins profonds. La moelle est volumineuse, mais se résorbe ordinairement vers le centre, ne laissant persister que des sortes de diaphragmes qui inter- rompent, à chaque insertion foliaire, la cavité tubulaire amsi produite. Sur une section transversale, cette tige se montre très nette- ment divisée en une zone corticale relativement mince, et un cylindre central qui, à lui seul, la constitue presque tout en- ère. Ge dernier renferme lui-même un parenchyme médul- laire très large, la zone ligneuse étant, en général, très étroite. Examinée au microscope, cette tige laisse voir, de dehors en dedans, les parties suivantes (pl. X, fig. 1 et 2) : 1° Un épiderme (fig. 1, ep) plus ou moins épais, et constitué soit par une seule assise cellulaire, soit par deux ou plusieurs assises ; 2 Le parenchyme cortical qui, lui-même, peut être subdi- visé en deux régions : une extérieure très riche en chloro- phylle, une interne incolore, plus large que la première, formée d'éléments plus lâchement unis entre eux et d’un plus grand diamètre (pl. X, fig. 2); 3° Un faisceau de collenchyme occupant dans toute sa lon- gueur chacune des côtes longitudinales de l’axe (fig. 4 et 9, col). Ges faisceaux se montrent plus ou moins réniformes en section transversale, leur concavité étant tournée vers le centre de lorgane. Il existe encore ordinairement d’autres ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÈRES. 109 trainées de collenchyme (fig. 2, co'.) en face des faisceaux correspondant à l'intervalle laissé entre les arêtes. On peut considérer la présence et la disposition de ce tissu de soutien comme un des traits anatomiques les plus caractéristiques des tiges d’Ombellifères ; à cet égard, pourtant, il convient d’assi- oner une valeur plus considérable encore à l'appareil sécréteur dont nous allons maintenant parler. 4° Dans la concavité de chacun des faisceaux collenchyma- teux, tantôt presque enclavé dans sa partie interne, tantôt séparé de lui par plusieurs assises de cellules corticales, se montre un méat arrondi (pl. X, fig. 1 et? cs), bordé de cellules à contenu trouble el granuleux : ce sont les canaux sécréteurs. Placés isolément, en général, en dedans du collenchyme, ces derniers peuvent s’y trouver aussi réunis au nombre de deux ou plusieurs, ainsi qu’on l’observe en particulier chez le Smyr- nium Olusatrum où les amas collenchymateux sont souvent très larges. Plus rarement enfin, des canaux de ce genre se ren- contrent au milieu même du collenchyme. 0° Les faisceaux apparaissent constitués, comme à l’ordi- naire, de deux parties : l’une extérieure libérienne, l’autre interne ligneuse. Sauf chez les Ombellifères frutescentes, le cambium disparaît de bonne heure, et le faisceau acquiert ra- pidement sa constitution définitive. L'un des traits les plus caractéristiques du liber chez ces végétaux consiste dans l’ab- sence de véritables fibres; il est tout entier constitué par un üssu cellulaire à éléments petits et très imégaux de volume (fig. 1 et 3, /). M. Trécul le désigne du nom de {issu cribreux. Je n'ai pu apercevoir les eribles des tubes grillagés, dont lob- servation nécessite probablement l'emploi de grossissements très considérables, en raison de l’exiguité de ces éléments. Le bois (tig. 1, v) est formé de fibres ligneuses à parois peu épaisses, et de vaisseaux ponclués ou rayés dans la partie externe et moyenne du faisceau, spiralés. spiro-annelés et annelés au voisinage de la moelle. Ainsi constitués, les faisceaux libéro-ligneux sont de deux ou trois grandeurs différentes, les plus puissants correspondant 110 COURCHET. chacun à une côte de la surface, les autres n’étant parfois re- présentés que par un petit îlot de liber mou et quelques fibres ligneuses. En général, le parenchyme fondamental se modifie dans l'intervalle des faisceaux pour former un tissu de soutien qui les relie en un cerele continu, et sépare ainsi la moelle du parenchyme cortical. Tantôt à peine distinct du parenchyme ambiant, ce tissu acquiert parfois, ainsi qu'il sera dit plus loin, tous les caractères d’un véritable sclérenchyme. Dans les cas les plus ordinaires, chez les Coriandrum par exemple, il est composé de cellules arrondies, fortement unies entre elles sans méats, à parois épaissies, blanches et nacrées. En coupe lon- gitudinale, ces éléments se montrent disposés en séries, très allongés, et séparés les uns des autres par des cloisons forte- ment inclinées. Ce tissu passe, d’ailleurs, peu à peu au paren- chyme médullaire vers l’intérieur, tandis qu’en dehors 1l se sépare du tissu cellulaire cortical par une ligne de démarea- tou bien tranchée. 6° La moelle, ainsi que nous l'avons dit plus haut, est très volumineuse et se résorbe généralement vers le centre. Le seul caractère qui la distingue, dans une tige d'Ombellifère nor- male, consiste dans la présence de canaux sécréteurs, 1rré- gulièrement répartis dans sa masse, ou localisés dans sa ré- sion périphérique. Dans l’un et l’autre cas, du reste, on rencontre presque toujours l’un de ces canaux exactement placé en face de chacun des faisceaux libéro-ligneux. Il résulte de cette disposition qu’une ligne radiale passant par une arête de la tige et par son centre rencontre de dehors en dedans : 1° L’épiderme ; 2 Un faisceau de collenchyme ; 3° Un canal sécréteur au sein du parenchyme cortical ; 4 Un faisceau hbérien ; 0° Un faisceau ligneux; 6° Un second canal sécréteur dans a moelle périphérique ; 7° Le parenchyme médullaire central rarement persistant. ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÈRES. 111 Sans vouloir insister plus longuement sur cette structure normale, nous dirons seulement que l'inégalité des faisceaux sur une coupe transversale s'explique parfaitement si l’on tient compte de la manière dont se comportent les faisceaux qui descendent des pétioles et des gaines foliaires dans le cylindre vasculaire de la tige et des rameaux. On sait en effet que, chez ces végétaux, la gaine embrasse l’axe sur presque tout son pourtour. Or, les cordons libéro-ligneux qui, de cette gaine, pénètrent dans l’axe, descendent en s’atténuant de plus en plus et en s’anastomosant de diverses manières avec les fais- ceaux issus de feuilles inférieures et plus anciennes. Ilen résulte qu'une section transversale peut rencontrer : 1° des faisceaux très développés issus de la feuille immédiatement supérieure ; 2° des faisceaux un peu moins considérables provenant de la seconde feuille au-dessus ; 3° enfin d’autres faisceaux, parfois à peine indiqués, provenant de feuilles plus jeunes encore. L’anastomose des faisceaux dans les nœuds foliaires explique pourquoi leur nombre ne s'accroît pas d’une manière en quelque sorte indéfinie, du sommet vers le bas de l'axe. MODIFICATIONS DE STRUCTURE ET ANOMALIES. Les cas où la structure de la tige, chez les Ombellifères, s’écarte du type ordinaire que nous venons d'exposer peuvent être distingués en deux groupes : ceux qui ne constituent que de simples modifications de ce type, et ceux qui doivent être considérés comme de véritables anomalies. Parmi les cas où la structure se trouve simplement modifiée, et sur lesquels nous passerons très brièvement, nous pouvons signaler les suivants : 4° Dans certaines espèces, les arêtes étant nulles ou peu dis- tinctes, le collenchyme peut manquer absolument, ou former autour de la tige une zone ininterrompue. La première dispo- sition nous est offerte par l'Hydrocotyle vulgaris. Dans les tiges grêles et rampantes de cette Ombellifère, le système libéro-ligneux n’est représenté que par six faisceaux environ, 119 COURCHET. peu développés et très distants les uns des autres, rangés au- tour d’une moelle abondante. En dehors de chacun d’eux, et immédiatement appliqué contre le liber, se montre un canal sécréteur séparé de l’épiderme par une large zone de paren- chyme cortical très lacuneux, mais formé d'éléments tous sem- blables. Nous trouvons un exemple de la seconde disposition dans les tiges épaisses et les gros rameaux des Bubon. Chez. le Bubon Galbanum par exemple, on rencontre, immédiate- ment au-dessous de l’épiderme, une première zone formée par deux ou trois séries de cellules à parois épaissies et nacrées, tandis que plus à l’intérieur, au sein même du parenchyme cortical, se montre une seconde zone plus puissante que la première, continue comme elle, et présentant tous les carac- tères d’un véritable collenchyme. Cette dernière correspond vraisemblablement au collenchyme en faisceaux des Ombelli- fères ordinaires, la première zone pouvant être considérée comme un simple renforcement de l’épiderme. 2° Dans les tiges âgées des Ombellifères frutescentes, chez le Bupleurum fruticosum par exemple, le système libéro-ligneux, au lieu d’être réparti en faisceaux distincts, constitue autour de la moelle un cercle épais et continu, traversé par de nom- breux rayons médullaires. Mais chez les tiges jeunes de ces mêmes espèces, les faisceaux sont encore isolés, et la disposi- tion est alors identique à celle que l’on observe chez les Om- bellifères à tige herbacée. Le bois forme encore une zone épaisse et minterrompue dans les tiges souterraines vivaces des Ombellifères dont les parties aériennes disparaissent pendant l'hiver. 3° Certaines tiges se font remarquer par des gaines plus ou moins solides et plus ou moins puissantes qui se forment au- tour de leurs faisceaux. Ainsi le Laserpitium Siler présente un arc sclérenchymateux puissant en dehors de chaque faisceau libérien. Chez les Peucedanum, indépendamment d’un pareil arc sclérenchymateux au dehors du liber, le bois de chaque faisceau est encore protégé par une gaine semblable latéra- lement et du côté de la moelle. Enfin chez d’autres Ombelli- ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÈRES. 113 fères, l’Echinophora spinosa en particulier, ce tissu fibreux ne constitue pas seulement, autour de chaque faisceau, une gaine complète, mais encore s’insinue entre le bois et le liber qui se trouvent ainsi complètement séparés (pl. X, fig. 2 et 3). Ce sclérenchyme occupe aussi les intervalles entre les faisceaux. Ce n’est là qu'une exagération de ce que nous avons vu se pro- duire chez beaucoup d’Ombellifères herbacées, où le tissu conjonctf s'organise d’une façon spéciale au niveau du cy- lindre libéro-ligneux. Mes observations personnelles ne me per- mettent d’ailleurs d'émettre aucune opinion sur le rôle méca- nique ou physiologique de ce tissu, ni sur la relation qui existe entre sa présence et les conditions dans lesquelles végète la plante. 4 Les espèces du genre Sium présentent dans leurs tiges des faisceaux assez espacés, oblongs ou presque triangulaires, à droite et à gauche de chacun desquels on aperçoit deux fais- ceaux symétriques et uniquement fibreux. 9° Des différences moins importantes résultent de la pré- sence de canaux sécréteurs dans telle ou telle région de l’axe. M. Trécul distingue, à ce point de vue, dix combinaisons dis- tinctes que je ne crois pas utile d’'énumérer ici. Il nous reste à parler maintenant des anomalies réelles que présentent les tiges d'Ombellifères, anomalies qui toutes résultent de la présence de faisceaux libéro-ligneux en dedans du cylindre vasculaire normal. Je distingue à cet égard deux cas qui se rencontrent parfois isolément, mais qui peuvent aussi se montrer simultanément dans une même tige : 1° Faisceaux surnuméraires épars au sein du parenchyme médullaire ; 2° Faisceaux surnuméraires existant au pourtour de la moelle, orientés d’une manière constante en face des faisceaux normaux. A. — Au premier type se rattachent les tiges des Siluus pralensis, Peucedanum Oreoselinum, Opopanax Chironium, Ferulu communis, et quelques autres. Quant au nombre des 6° série, Bor. T. XVII (Cahier n° 2). 8 114 COURCHET. faisceaux ainsi dispersés dans la moelle, il varie, non seule- ment d’une espèce à l’autre, mais encore, dans une même tige, avec le niveau auquel on pratique la coupe : ils sont d'autant plus nombreux qu'ils sont situés plus bas sur l'axe. Leur présence, d’ailleurs, ne doit être considérée que comme un caractère purement spécifique. D’après les données de Richardt et de remis ces fais- ceaux sont entièrement indépendants, non seulement des fais- ceaux du cercle normal, mais encore des rameaux et des feuilles. On les voit s’anastomoser diversement à chaque nœud, entre- mêlés de canaux sécréteurs. De ces anastomoses se détachent les faisceaux médullaires de l’entre-nœud suivant. Les faisceaux surnuméraires, ainsi isolés, m'ont offert deux formes différentes par la position relative des deux élé- ments, ligneux et libérien, qui les constituent. Dans ceux du premier groupe, le liber et le bois se montrent simplement juxtaposés, comme chez les faisceaux normaux dont ils repro- duisent la structure, mais avec un degré de simplicité bien plus considérable (pl. XI, fig. 1). Comme ces derniers, ils s’accroissent pendant un temps très court à l’aide d’un cam- bium (c) qui sépare le bois du liber, et chacun d’eux se montre le plus souvent environné par une sorte de gaine formée par du parenchyme fondamental modifié (pm), en tout comparable à celui que nous avons vu relier souvent entre eux les faisceaux normaux. Leur forme et leur volume sont très variables, et leur orientation ne parait soumise à aucune loi, ce qui con- firme les données de Jochmann au sujet de leur indépen- dance. Dans les faisceaux isolés du second groupe, les deux élé- ments du faisceau libéro-ligneux forment deux cylindres con- centriques, le liber étant plus ou moins complètement entouré par un anneau de vaisseaux et de fibres. Je n’ai jamais ren- contré de faisceaux isolés ainsi constitués que dans la moelle des Œnanthe, où nous verrons exister en même temps des faisceaux surnuméraires dépendant des faisceaux normaux; mais ils se rencontrent, au contraire, dans les pétioles de ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÈRES. 415 beaucoup d’Ombellifères des genres Thapsia, Echinophora, Æthusa, etc. (pl. XI, fig. 2). B. — Au second type se rattache l’organisation que possè- dent certaines tiges d’'Œnanthe, des Œ. crocatu et globulosa entre autres. Chez ces espèces, indépendamment de quelques faisceaux épars dans la moelle, on en trouve d’autres dans la moelle périphérique, dont la structure et la disposition méri- tent d’être étudiées de plus près. Si nous prenons comme exemple une tige d’'Œ. crocata, nous retrouverons, d’ailleurs, la structure que nous avons considérée comme typique chez les Ombellifères (pl. XL, fig. 3) : à chaque arête correspondent, comme à l’ordinaire, une trainée de collenchyme (co), un canal sécréteur (cs), et l’un des faisceaux principaux de la tige (v). Les faisceaux vasculaires, nombreux et très rapprochés, sont très riches en vaisseaux, et forment dans la moelle des saillies cunéiformes ; le canal sécréteur correspondant de lé- corce est immédiatement appliqué en dehors de leur liber. Mais en dedans du cylindre hbéro-ligneux normal, existe un second système de faisceaux en tout comparables aux premiers (pl. XL, fig. 3 et #, v'), orientés en sens inverse, de telle sorte que leur liber est dirigé vers le centre de la moelle et leur bois vers la périphérie, tout contre le bois du faisceau normal correspondant. La même symétrie s’observe dans la compo- sition du faisceau surajouté, les vaisseaux spiralés et spiro- annelés de ce dernier étant dirigés en dehors, les gros vaisseaux rayés et ponctués vers le centre de l’axe. On trouve un faisceau semblable en face de chacun des faisceaux normaux prinei- paux de la tige. Il n’est même pas rare de rencontrer, en face de l’un de ces derniers, trois faisceaux surajoutés dont lun (pl. XI, fig. 5 et 4, v') lui est directement opposé, landis que les deux autres (v”) sont symétriquement placés à droite et à gauche, leurs régions ligneuses étanttournées lune vers l’autre. Get ensemble offre alors l’aspect d’un petit système de quatre faisceaux disposés en croix, et séparés par des rayons paren- . chymateux très larges e n dehors, terminésen ponte en dedans 116 COURCHET. Quant aux faisceaux isolés au milieu de la moelle, ils pré- sentent, ainsi que nous l’avons indiqué déjà, un liber central et un bois périphérique. Les faisceaux surnuméraires inverses, voisins du cylindre vasculaire, par leur position et leur orientation constantes, sont évidemment en relation étroite avec les faisceaux nor- maux, auxquels ils sont, du reste, reliés souvent par un tissu cellulaire à très petits éléments, assez semblable au liber. M. Trécul, dans un de ses mémoires, mentionne ces faisceaux internes, qu'il compare aux faisceaux composés que l’on trouve dans le pétiole du Panais et des Aralia esculenta et chinensis. Il admet que ces formations se constituent aux dépens du fissu cribreux qui environne en partie les faisceaux normaux, et forme à leur partie interne des amas plus ou moins consi- dérables. Il est bon de faire remarquer iei que les faisceaux inverses de la moelle périphérique ne sont pas essentiellement distincts des faisceaux isolés et à bois annulaire, auxquels ils sont ratta- chés par des formes de transition bien ménagées. On remarque, en effet, que les premiers ne sont pas tous également rap- prochés des faisceaux normaux. Très semblables à ces derniers quand ils leur sont accolés, on les voit, au contraire, se modi- fier d'autant plus qu'ils s'en éloignent davantage, leur système vasculaire offrant alors une tendance à s’étendre plus ou moins de chaque côté du liber, de façon à l’environner plus ou moins complètement; enfin l’anneau vasculaire est complet dans les faisceaux du centre. La gaine et le pétiole des feuilles de l'Œnanthe crocata ont une organisation comparable à celle des tiges, à cette différence près que les faisceaux inverses périphériques sont bien moins nombreux que les faisceaux indépendants à bois annulaire, ce qui est Le contraire dans la tige. Or, des coupes longitudinales menées les unes à la fois à travers la tige et le pétiole, les autres dans la tige seule, mais sur la longueur de plusieurs entre- nœuds, permettent de constater les rapports de ces divers fais- ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÈRES. 117 ceaux entre eux. On voit alors que les faisceaux arrondis de la gaine et du pétiole passent dans la tige pour se continuer dans les faisceaux surnuméraires inverses de cette dernière; on voit encore que dans la tige, parmi les faisceaux médullaires indé- pendants d’un entre-nœud, les uns s’anastomosent entre eux dans les nœuds foliaires, de telle sorte qu'il est difficile d’en suivre la marche, landis que d’autres, se rapprochant de la périphérie, se continuent directement dans les faisceaux in- verses de l’entre-nœud suivant. La tige de l'Œ. globulosa m'a présenté les mêmes particu- larités de structure. L’Œ. pimpinelloides possède aussi des faisceaux inverses dans sa tige, mais peu développés. Enfin la ge de l'Œ. fistulosa n'offre rien de particulier; mais nous verrons que cette espèce se rattache aux précédentes par l’ano- malie de ses racines adventives. IT. — FEuILLE. Type NorMAL. — Les détails que nous avons donnés sur la structure normale des tiges nous dispenseront d'entrer dans de longs développements au sujet des feuilles. On retrouve, en effet, dans la gaine et surtout dans le pétiole, l’ensemble des caractères qui distinguent la structure des tiges. La gaine possède, au milieu d’un parenchyme plus ou moins abondant, des faisceaux à peu près également distants les uns des autres, dans chacun desquels la partie libérienne est tour- née en bas et en dehors, la partie ligneuse en haut et en dedans. Le faisceau médian dorsal est le plus volumineux; le volume des faisceaux latéraux va diminuant ensuite à droite et à gauche, de telle sorte que les plus éloignés sont simplement fibreux. À mesure qu’on remonte vers le pétiole, on voit la gaine deve- nir plus étroite tandis que son épaisseur augmente; en même temps ses deux bords tendent à se rapprocher en dessus, et le large sillon qu’ils limitaient se change peu à peu en une étroite souttière, ou même s’efface entièrement, Tandis que celle-ci tend ainsi à se fermer, on voit les deux extrémités de Parc T8 COURCHET. vasculaire se rapprocher l’un de l’autre, ou même se rejomdre en un cercle complet; mais le faisceau médian inférieur con- serve ordinairement un volume plus considérable. Les deux traits principaux qui, chez les Ombellifères, dis- tinguent le pétiole de la tige, sont les suivants : 4° 1l n’existe pas, dans le pétiole, de faisceaux de deux ou trois grandeurs différentes, alternant entre eux d’une manière plus ou moins régulière; 2° le tissu fondamental quiexiste entre les faisceaux ne se spécialisant pas, ces derniers restent très distinctement séparés par le parenchyme ambiant non modifié. Le rachis et ses ramifications possèdent la même structure essentielle que le pétiole, mais avec une simplicité de plus en plus considé- rable. Enfin les nervures du limbe sont réduites à un seul fais- ceau, mais toujours accompagné d’un canal sécréteur au moins. Le parenchyme foliaire n'offre rien de spécial à signaler. Chez les feuilles épaisses et charnues, comme celles des Crith- muun et des Echinophora, le centre de l’épaisseur du limbe est occupé par un parenchyme à grandes cellules incolorés, limité sur tout son pourtour par du tissu cellulaire vert. FAISCEAUX SURNUMÉRAIRES DE LA GAINE ET DU PÉTIOLE. — Les gaines foliaires et les pétioles présentent souvent des ano- malies semblables à celles que nous avons signalées dans les tiges. Toutes les Ombellifères dont la tige possède des faisceaux surnuméraires en présentent aussi dans leurs feuilles ; mais beaucoup d'espèces en présentent dans leurs feuilles, sans que la tige s’écarte du type normal. Les deux formes de faisceaux médullaires isolés (faisceaux à bois et liber juxtaposés, faisceaux à bois et liber concentriques) se retrouvent encore ici; mais les faisceaux à bois annulaire sont beaucoup plus fréquents que dans la tige. Parfois, ainsi qu'on l’observe dans le pétiole du Panais, les faisceaux mé- dullaires sont composés d’un amas de bois pourvu de deux ares libériens diamétralement opposés. Cette disposition résulte évidemment de la fusion de deux faisceaux accolés par leur partie ligneuse, ainsi que le prouve la présence simultanée de ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÈRES. 119 faisceaux, les uns incomplètement confondus, les autres sim- plement voisins. On trouve encore souvent dans cette même espèce, à côté des faisceaux composés à deux libers dont il vient d’être question, des groupes de deux ou plusieurs fais- ceaux accolés par leurs parties latérales. Enfin, dans ce même pétiole, tous les faisceaux du cercle normal possèdent eux- mêmes un liber externe et un liber interne tout aussi déve- loppé. Il est permis de supposer qu’ils résultent de l’adjonction, à chacun des faisceaux normaux, d’un second faisceau orienté en sens inverse, comparable à ceux que nous avons étudiés dans les liges des Œnanthe. Les faisceaux de la gaine et du pétiole de l’Apium graveolens (pl. XI, fig. 5) sont aussi composés, et résultent évidemment de la fusion de trois faisceaux dont un médian (v) très volumi- neux et deux latéraux (v/) symétriquement placés, à liber di- risé en dehors. Ces trois faisceaux sont entièrement confondus par leurs parties ligneuses, mais leurs systèmes libériens sont demeurés parfaitement distincts (4, l'). La variété dulce, où cette particularité est plus accentuée que dans la forme sau- vage, présente même des faisceaux ainsi composés, mais dont l’arc libérien externe est lui-même traversé par un petit fais- ceau vasculaire arrondi (”). La disposition des faisceaux médullaires dans les pétioles est plus ou moins régulière. ls sont, chez le Panais, dispersés sans ordre et diversement orientés. Le pétiole de l'Echinophora présente au contraire, au milieu de la moelle, des faisceaux formant un ensemble symétrique. Chez l'Æthusa Cynapium il n'existe qu'un seul faisceau surnuméraire à bois annulaire (pl. XI, fig. 2), placé dans la moelle en face du faisceau mé- dian. Chez l’Imperatoria Ostruthium on trouve, dans le plan médian du pétiole, trois gros faisceaux alignés dont le liber est tourné vers le côté inférieur du pétiole, l'élément ligneux vers le haut. Pleine d’abord, la moelle se détruit bientôt à droite et à gauche de cette rangée de faisceaux, qui demeurent unis par une lame de parenchyme, et divisent ainsi la cavité cen- trale en deux compartiments. 1920 COURCHET. LIT. — RACINE. TYPE NORMAL. — Une racine normale d’'Ombellifère pré- sente, comme la tige et la feuille, un type de structure dont la Livèche, l’Angélique, le Panais, ete., nous offrent des exemples bien connus. Cette racine, après le développement des for- mations secondaires, présente, de dehors en dedans : 4° Un périderme brun ; 2% Une première zone de parenchyme cortical, à cellules ordinairement allongées dans le sens transversal, et au milieu desquelles on aperçoit quelques canaux sécréteurs ; 3° Une seconde zone corticale, généralement beaucoup plus puissante que la première, dont elle se distingue, du reste, par la présence de rayons médullaires, et la disposition en files radiales plus ou moins régulières des éléments qui la consti- tuent. Ces derniers, distincts seulement des cellules extérieures par leur calibre moins considérable et l’épaississement un peu plus prononcé de leurs parois, représentent à peu près exclusi- vement l'élément hbérien dans les racines d’Ombellifères. Ce qui caractérise surtout cette zone, c’est la présence de canaux sécréteurs, souvent très nombreux, et disposés en files radiales et en zones concentriques. Nous pouvons citer en particulier les racines des Thapsia et des Ferula, remarquables par le nombre de leurs canaux régulièrement rangés en séries con- centriques dans le hber. Dans les racines âgées, le parenchyme cortical et la zone libérienne sont, le plus souvent, lacérés en divers sens, dans le sens radial surtout, parfois en partie dé- truits, et la disposition des canaux devient alors difficile à observer ; 4° Une zone cambiale ; 5° Le bois dont l’épaisseur est généralement moindre que celle du parenchyme cortical et du liber réunis. Cette région se montre en général formée de fibres à parois peu épaisses et de parenchyme ligneux, au milieu desquels on trouve des vais- seaux formant des séries plus ou moins irrégulières, interrom- ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÈRES. 121 pues, souvent convergentes en V, ou des amas plus ou moins volumineux. Le parenchyme ligneux peut prendre un déve- loppement prédominant et se gorger de fécule, comme on l’observe dans la Carotte ; 6° Enfin la moelle qui, d’ailleurs, fait souvent défaut. Ce dernier cas se présente surtout, comme on l’observe dans la généralité des Dicotylédones, dans les racines latérales. C’est surtout dans son développement que la racine des Ombellifères se distingue de celle des autres familles. Les par-- ticularités intéressantes que présente cette évolution ont été étudiées avec beaucoup de soin et exposées avec détail par M. Van Tieghem dans deux mémoires remarquables dont je ne puis donner iei qu’un résumé des plus rapides. Le jeune pivot des Ombellifères ne se distingue tout d’abord en rien de celui des autres végétaux Phanérogames. L’endo- derme apparait avec ses caractères ordinaires, séparant en deux régions concentriques (écorce et cylindre central) le pa- renchyme fondamental de la racine. Le péricambium, ou assise rhizogène, se montre en dedans de l’assise protectrice, avec ses cellules alternes à celles de cette dernière. Bientôt se forment, par voie centripète, deux lames vasculaires diamétralement opposées, et deux amas de liber primaire alternes avec elles. Jusqu'ici, rien encore de particulier ne caractérise la jeune ra- cine. Mais à ce moment les deux cellules de Passise rhizogène adjacentes aux deux lames vasculaires, et dont la cloison com- mune est située dans le plan même de ces lames, se divisent chacune par une cloison oblique en une grande cellule interne et une petite cellule externe, et bientôt les quatre cellules ainsi formées, se séparant à leur point de rencontre et arron- dissant leurs angles, déterminent la production d’un petit méat quadrangulaire. Ainsi se forment, en face des deux lames vasculaires, les deux premiers canaux sécréteurs de la racine, aux dépens de l’assise rhizogène. Or on sait que chez à peu près toutes les Phanérogames, les radicelles naissent aux dépens des cellules du péricambium immédiatement en con- tact avec les formations vasculaires." Un rôle tout spécial est, 122 COURCHET. au contraire, réservé à ces cellules chez les Ombellifères. La faculté de produire des radicelles sera donc dévolue, chez ces derniers végétaux, ainsi que chez les Araliacées et les Pitto- sporées, qui présentent les mêmes particularités de structure, aux éléments de lassise rhizogène situés en dehors des lames vasculaires, en face ou sur les côtés des ares Hbériens. Or, au sommet de chacun de ces derniers se montre en outre un canal sécréteur limité en dehors par deux cellules de l’assise rhizogène, en dedans par trois cellules libériennes. Ici encore les radicelles ne pourront prendre naissance; elles devront dès lors se former aux dépens des cellules péricambiales com- prises entre le canal hbérien et le canal superposé aux lames vasculaires. Chaque radicelle traverse l'écorce en faisant avec le plan vasculaire un angle de 45 degrés, et elle Imsèreses vais- seaux sur les vaisseaux moyens de la lame vasculaire voisine, à l’aide d’une amorce qui vient rencontrer cette dernière au foyer correspondant de l’ellipse que forme le cylindre central. Il résulte de ces particularités que chez les Ombelüfères, de même que chez les Araliacées et les Pittosporées : 1° Les radicelles sont en nombre de séries longitudinales double de celui des lames vasculaires ; % Qu'elles alternent non seulement avec ces lames vascu- laires, mais encore avec les ares libériens. ; Les choses se passent dans les racines adventives de la même manière que dans le pivot, avec cette différence que le nombre des formations primaires, et par suite le nombre des canaux sécréteurs et des séries longitudinales de ra- dicelles, y est très variable. Il y a, par exemple, six à huit lames vasculaires dans les racines adventives chez le Sanicula europæa, quatre ou cinq chez l'ŒÆnanthe fistulosa, jusqu’à neuf et au delà chez les Œnanthe globulosa et crocata, ete. Nous n’insisterons pas sur le mode de production des for- mations secondaires. Le cambium qui apparaît tout d’abord en dedans des ares libériens pour se continuer plus tard, en dehors des lames vasculaires, en une zone continue, ne produit que du parenchyme en dedans et du liber en dehors en face ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÈRES. 193 de ces lames, tandis qu’il donne à la fois du liber, des vais- seaux et des fibres ligneuses au niveau des faisceaux libériens primaires. Il résulte de ces faits que : 4° les canaux sécréteurs correspondant aux lames vasculaires sont peu à peu repoussés, ainsi que l’endoderme, vers la périphérie, par le parenchyme nouveau qui se forme à leur partie interne; ® les formations ligneuses secondaires sont séparées par de larges rayons pa- renchymateux au niveau des lames vasculaires. Quant à l’as- sise rhizogène, ses cellules se divisent pour produire en dehors un suber, en dedans un parenchyme cortical secondaire. Enfin dans la racine adulte toute lécorce primaire, y com- pris l’'endoderme, s'étant exfoliée, la zone péridermique et le parenchyme cortical que nous avons décrits plus haut sont d’origine secondaire, et nous venons de voir comment ils naissent aux dépens du péricambium. RACINES ANORMALES. — Les racines de certaines Ombel- lifères présentent des particularités intéressantes. Parmi Jes cas d’anomalie que nous offrent ces organes, nous ne décrirons avec détail que ceux des Œnanthe proprement dits. Chez les espèces de ce genre, le pivot rentre d’abord tout à fait dans le type normal, tel qu'il a été décrit par M. Van Tieghem. Il en est ainsi du moins au début, et j'ignore encore s'il se modifie plus tard; car je n'ai pu l’étudier jusqu'ici que sur des individus très jeunes, et chez les plantes adultes que j'ai observées, 1l avait depuis longtemps été remplacé par les racines adventives. Ces dernières naissent par faisceaux des nœuds foliaires inférieurs ; quelques-unes d’entre elles se renflent et se gorgent de substance amylacée, landis que d’autres demeurent grêles et cylindriques. C’est aux dépens des aliments de réserve accumulés que se développe au printemps la nouvelle tige feuillée dont les nœuds inférieurs produisent bientôt de nouvelles racines; celles-ci ne tardent pas à se comporter comme celles de l'année précédente. Les Œnanthe crocata, fistulosa, globulosa, possèdent des racines napiformes ainsi tubérisées sur presque toute leur longueur, 194 -: COURCHET. tandis que celles de l'Œ. pimpinelloides ne se renflent que vers leur extrémité et sur un espace très restreint. Tout d’abord rien ne révèle à l'extérieur l’organisation com- plexe de ces racines ; mais plus tard leur surface se creuse de sillons longitudinaux plus ou moins profonds, en nombre va- riable d’une espèce à l’autre et, dans de certaines limites, dans une seule et même espèce. On en compte souvent neuf chez l'Œnanthe crocata, quatre à cinq seulement chez l'Œnanthe fistulosa. Nous verrons que ces sillons sont en rap- port avec la structure même de lorgane. La section transversale d’une racine d'ŒÆnanthe crocata renflée et complètement formée montre, au lieu du cylindre libéro-ligneux normal, des systèmes vasculaires indépen- dants les uns des autres, en nombre variable suivant le niveau de la section, et que certains observateurs ont cru devoir considérer à tort comme des radicelles soudées. Ges systèmes sont plongés au milieu d’un parenchyme amylacé qui, chez les racines qui ont déjà cédé leurs aliments d'épargne aux forma- lions nouvelles, se montre desséché ou même partiellement détruit dans lintervalle de ces faisceaux. C’est par suite du retrait que subit ainsi le parenchyme ambiant dans l'intervalle des systèmes périphériques que les tissus extérieurs, dont nous indiquerons bientôt la nature et l’origine, se moulant en quelque sorte le long de leur trajet, forment ces cannelures et ces sillons dont il à été question déjà. La figure 6 de la planche XIT montre une racine adventive de ce genre, jeune encore, prise sur lŒ. globulosa, espèce chez laquelle on re- trouve les mêmes traits essentiels de structure que chez VŒ. crocata que nous prenons actuellement comme exemple. Chacun de ces systèmes partiels dont le nombre, ainsi que lindique M. Trécul, peut être de vingt-deux et au delà, se montre constitué par un amas de vaisseaux reliés par quelques fibres à parois minces, dont l’ensemble forme le plus sou- vent une étoile à plusieurs rayons. Get ensemble est enveloppé d’un parenchyme spécial, très distinét du tissu cellulaire fon- damental par la forme rectangulaire de ses éléments, l'absence ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÈRES. 195 de fécule, et leur disposition en files rayonnantes. Ge paren- chyme régulier (pl. XIE, fig. 6) se confond à la périphérie avec le tissu cellulaire ambiant dans lequel il forme, en face des séries de vaisseaux, des prolongements plus où moins sail- lants. Les systèmes périphériques affectent une forme qui déjà laisse prévoir leur origine. [ls présentent en effet, le plus souvent dans leur milieu, une série de vaisseaux orientée dans le sens radial (pl. XIT, fig. 4), dont le calibre va en crois- sant de la périphérie vers le centre. À droite et à gauche se montrent des séries de vaisseaux plus irrégulières, courbes et souvent symétriquement placées, leur convexité étant tournée vers la lame centrale. Quant aux systèmes du milieu de la racine, leurs vaisseaux sont bien moins nombreux en général et disposés d’une façon bien moins régulière. L'ensemble de ces formations est enveloppé par une écorce parenchymateuse très lacuneuse, dont il est séparé, dans les racines jeunes, par un endoderme encore très distinct (pl. XIL, fig. 6, end). Les racines renflées de l'Œnanthe globulosa sont essentiel- lement organisées de la même manière; mais le nombre de leurs systèmes périphériques ne dépasse pas ordinairement neuf à dix, et ces derniers sont ordinairement plus simples, souvent même réduits à leur lame centrale (pl. XIT, fig. 6). Le même type d’organisation se trouve encore chez l'Œ, fistulosa. Mais 1l n'existe ici que quatre ou cinq systèmes au plus, et dans les racines âgées les tissus externes, en se moulant sur leur pourtour, donnent à l'organe une forme quadrangulaire ou pentagonale. Par l’arrangement des vais- seaux, les systèmes partiels ressemblent à ceux de PŒ. cro- cal&. Dans l'Œ. pimpinelloides, les portions renflées des racines ne présentent que deux ou trois groupes vasculaires relative- ment peu développés, noyés au milieu d’un abondant paren- chyme amylacé, Dans les divers cas que nous venons de signaler, des canaux sécréteurs se montrent disséminés, sans relation apparente avec les systèmes vasculaires, au milieu du tissu fondamental. 126 COURCHET. L'étude organogénique rend parfaitement compte de cette structure si singulière en apparence, et montre qu’elle ne constitue qu’une simple modification du type normal. Les racines adventives jeunes rentrent tout d’abord com- plètement dans la règle commune. Les formations vasculaires et libériennes primaires s’y montrent en nombre variable, souvent de neufet au delà chez l'Œ. crocata (pl. XIE, fig. 1), de cinq à neuf chez l'Œ. globulosa (pl. XIE, fig. 5), de trois à cinq chez l'Œ. fistulosa, enfin le plus souvent de trois chez V'Œ. pimpinelloides (pl. XIT, fig. 7). Immédiatement en dehors des lames vasculaires, on voit, comme il aété dit déjà, un canal sécréteur formé aux dépens du péricambium. Bien- tôt, chez l'Œ. crocata, une zone cambiale se constitue en dedans des faisceaux libériens primaires, et donne naissance latéralement à quelques vaisseaux qui viennent s’adjoindre de part et d'autre aux deux lames vasculaires voisines. En même temps le tissu fondamental multiple ses cellules et se gorge de fécule ; puis, en dedans des formations primaires, au milieu de ce parenchyme amylacé, se différencientun certain nombre de groupes vasculaires (pl. XIE, fig. 1, v') d’une façon indé- pendante des formations précédentes. Dès lors lébauche des divers systèmes, qui devront plus tard constituer une racine napiforme, se trouve établie. En effet, les cellules im- médiatement voisines des groupes de vaisseaux se cloisonnent tout autour d'eux par voie centripète, de façon à produire des séries de cellules rectangulaires s’irradiant du centre même de chacun de ces systèmes. Telle est l’origine du paren- chyme spécial qui enveloppe ces derniers. Chez l'Œ. crocata et lV'Œ. globulosa, les vaisseaux d’origine secondaire restant appliqués contre la lame vasculaire primaire, la disposition étoilée des systèmes périphériques se trouve naturellement expliquée. Quant aux systèmes internes, ils dérivent des vais- seaux que nous avons vus se constituer, d’une manière indé- pendante, au milieu du parenchyme fondamental, et ce mode de production explique leur forme différente. D'ailleurs, Les cellules de l’assise rhizogène et celles qui limitent en dedans ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÈRES. 197 les canaux sécréteurs primaires se divisent ici, comme chez les autres Ombellifères, pour produire un suber et un paren- chyme cortical secondaires, et les systèmes périphériques s’écartent ainsi peu à peu de l’endoderme (pl. XIE, fig. 2 et 3). Mais l'écorce primitive, bien que réduite à un tissu spon- gieux, ne se détruit pas en entier; c’est elle qui constitue len- veloppe molle et peu ädhérente de ces racines. Longtemps on peut apercevoir les groupes libériens primaires (pl. XI, fig. 6, {) vers la périphérie du cylindre central, chez les Œ. crocata et globulosa. Chez cette dernière espèce, les vaisseaux d’origine secondaire manquent souvent dans les systèmes péri- phériques, et les systèmes du centre ne renferment souvent qu'un ou deux vaisseaux. Chez l'Œ. fistulosa, par contre, il ne se forme aucun vais- seau indépendant des quatre ou cinq systèmes périphériques ; mais les formations secondaires apparaissent en plus grand nombre, et les groupes vasculaires sont plus complexes. Chez l'Œ. pimpinellordes, des transformations analogues s'observent dans le développement des racines tubérisées. Mais, ainsi que nous l’avons vu, cette tubérisation n’atteint qu’une partie de la racine vers son extrémité; dans tout le reste de son étendue, celle-ci demeure tout à fait normale et réduite à ses formations primaires. Dans les parties en voie de tubérisation, aux lames primaires peu nombreuses (pl. XIE, fig. 7) viennent s’adjoindre quelques vaisseaux d’origine se- condaire. Bientôt l’ensemble des formations se divise en deux ou trois parties qui s’écartent l’une de l’autre par suite d’une abondante prolifération du parenchyme intermédiaire. La structure anormale des racines renflées des Œnanthe proprement dits s'explique donc : 4° Par ce fait que les formations vasculaires primaires, seules ou accompagnées de quelques vaisseaux d'origine secondaire, sont rejetées vers la périphérie, demeurent indépendantes et s’entourent d'un tissu cellulaire spécial; ® Par la production de nouveaux faisceaux qui, chez cer- 128 COURCHET. laines espèces, naissent en dedans des premiers d'une façon indépendante. Nous terminerons ces observations en faisant remarquer que l'Œnanthe Phellandrium, que Linné avait cru devoir pla- cer dans un genre spécial, s’écarte manifestement des autres Œnanthe par la manière dont se comportent ses racines ad- ventives. Ces dernières demeurent flasques et spongieuses, toutes égales et grêles. Dans celles que j'ai observées, le cylindre central montrait : 1° deux lames vasculaires primaires diamétralement opposées et réunies au centre, et quelques vaisseaux d’origine secondaire situés à droite et à gauche de ces lames; 2 les deux amas libériens alternant avec ces lames, et séparés d'elles par quelques amas de cellules conjonetives. L’endoderme se montrait distinctement encore, et l'écorce primaire avait persisté, bien qu'extrèmement lacuneuse. Cette structure rentre, comme on le voit, dans le type normal. Ces recherches ont été accomplies au laboratoire de bota- nique de la Faculté des sciences de Montpellier. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE X. Fig. 1. Un des faisceaux principaux de la tige du Smyrnium Olusatrum. — ep, épiderme; co, collenchyme; cs, canal sécréteur; pc, parenchyme corti- cal; 4, liber; v, partie vasculaire du faisceau (les dimensions de la figure ne permeltent pas de montrer le canal sécréteur médullaire situé dans le même rayon que le faisceau); m, moelle. Fig. 2. Fragment d'une coupe transversale de tige de l'Echinophora spinosa. — g, gaine des faisceaux. Les autres lettres comme dans la figure précé- dente. Fig. 3. Système libérien d’un faisceau de l’Echinophora, plus fortement grossi. — l, liber; g, portion de la gaine. Fig. 4. Extrémité du même faisceau. — v, vaisseau; g, gaine. PLANCHE XI. Vig. 1. Un faisceau médullaire de la tige du Thapsia garganica. - b, bois; L, liber ; c, cambium; pm, parenchyme de la moelle modifié au voisinage du faisceau, ÉTUDE ANATOMIQUE DES OMBELLIFÉÈRES. 199 Fig. 2. Faisceau médullaire indépendant, du pétiole de l'Æthusa Cynapium. — b, bois annulaire; /, liber; pm, parenchyme fondamental modifié. Fig. 3. Une portion de la tige de l'OŒnanthe crocala, en coupe transversale. — co, collenchyme; cs, canaux sécréteurs; v, faisceaux vasculaires du cercle normal ; v’ faisceaux inverses; v’/, faisceaux latéraux. Fig. 4. Système de quatre faisceaux représenté en v v/v''v"" au milieu de la figure précédente, plus fortement grossi. — cs, canal sécréteur situé dans le parenchyme cortical pm; v, faisceau normal; ?, liber du faisceau normal; v', faisceau inverse; v''v'", faisceaux latéraux. Fig. 5. Un faisceau composé de la gaine foliaire du Céleri cultivé. — v, portion ligneuse du faisceau normal: v'v', portion ligneuse des faisceaux latéraux; 1, l',l', portions libériennes correspondantes; v”', petit faisceau circulaire enclavé dans le liber / du faisceau normal. PLancue XII. Fig. 1. Racine adventive d'OEnanthe crocata, encore jeune et non tubérisée. — pc, parenchyme cortica]; end, endoderme; rz3, assise rhizogène; cs canaux sécréteurs ; vu, lames vasculaires primaires ; v’, v', premières ébauches des systèmes qui vont se former au centre de la racine. Fig. 2. Une partie de la coupe précédente plus fortement grossie, pour mon- trer l’une des lames vasculaires encore adjacente au canal sécréteur primaire cs. -— end, v', comme dans la figure précédente. Fig. 3. Même région, montrant l’écartement progressif de la lame vasculaire v et du canal sécréteur cs, grâce à la segmentation des cellules du péricam- bium et des deux cellules internes du canal sécréteur. Fig. 4. Un des systèmes périphériques d’une racine napiforme de l'OŒEnanthe crocata. — v, lame vasculaire centrale de formation primaire; v', vaisseaux d’origine secondaire ; ps, parenchyme spécial environnant les vaisseaux. Fig. 5. Racine adventive jeune d'OEnanthe globulosa. — Mèmes lettres et même signification que dans la figure 1. Fig. 6. Racine renflée d'OŒEnanthe globulosa, presque entièrement formée. — pe, parenchyme de Pécorce primaire ; end, endoderme ; s, systèmes périphé- riques; s', systèmes centraux; pa, parenchyme fondamental amylacé; L, L, faisceaux de liber primaire. Fig. 7. Racine adventive jeune d'Œnanthe pimpinelloides. Mèmes lettres et même signification que dans les figures 1 et 5. ge série, Bor. T. XVII (Cahier n° 3)f. ÿ SÛR QUELQUES GENRES DE FOUGÈRES FOSSILES NOUVELLEMENT CRÉES Par M. R. ZEILLER. J'ai publié ici même, il y a quelques mois, une étude sur divers types de frucüfications de Fougères du terrain houiller (1), dans laquelle, m'appuyant sur les caractères des sporanges, J'ai créé quelques genres nouveaux (Crossothecu, Dactylotheca, Renaultiu, Myriotheca, Grand'Eurya) et donné sur d’autres genres déjà connus (Calymmatotheca, Senften- bergia, Oligocarpia, Hymenophyllites, Diplotmema) des détails permettant de fixer à peu près exactement la place qu'ils doivent occuper dans la classification adoptée pour les Fou- sères vivantes. Dans un travail plus récent (2), consacré à l'étude des Fougères du culm et du terrain houiller, M. D. Stur, le paléontologiste bien connu de l’Institut 1. R. géologique de Vienne, vient de publier d'importantes observations, qui, faites (1) Annales des sciences naturelles, 6° série, Bot.,t. XVI, p. 177 à 209; pl. 9 à 12. Fructifications de Fougères du terrain houiller. Les pages 177 à 192 ont paru dans le cahier 1-2-3, publié en aouT 1883, ainsi que l'indique la note inscrite sur la couverture; les pages 193 à 209 ont paru, avec les planches 9 et 12, dans le cahier 4, publié en ocTOBRE 1883, et les planches 10 et 11, omises dans le cahier 4 par suite d’une erreur de brochage, ont paru dans le cahier 5, publié également en ocroBRE 1885. (2) Zur Morphologie und Systematik der Culm und Garbonfarne. Extrait des Sitzb. der k. Akad. d. Wissensch., 1° Abth., Juli-Heft, Jahrg. 1883, p. 633 à 846, avec 44 figures dans le texte. Il résulte des renseignements qu'a bien voulu me donner M. Carl Gerold’s Sohn, éditeur des publications de l’Académie des sciences de Vienne, que ce travail, publié d’abord en tirage à part, a paru le 1% DÉCEMBRE 1883, et que le cahier de juillet des Sitzungs- berichte, dont il est extrait, n’était pas encore prêt le 8 janvier 1884, mais devait paraître huit ou dix jours plus tard. NOUVEAUX GENRES DE FOUGÈRES FOSSILES. 131 avant que l’auteur ait eu connaissance des miennes, sont venues leur apporter sur plusieurs points une confirmation dont j'ai été très heureux; en outre quelques-uns des genres créés dans ce travail se trouvent coïncider exactement avec une partie de ceux que j'ai fait connaître, ce qui semble prou- ver que ces coupes génériques répondent réellement à des groupes naturels et sont légitimement établies. Il me parait utile de donner ici quelques détails sur le travail de M. Stur, aussi bien en ce qui touche les conclusions ou inter- prétations différentes des miennes que celles pour lesquelles il ya concordance. Les divers genres examinés par l’auteur sont les suivants : Rhacopteris et Nœggerathia, qu’il range dans les Ophioglossées ; Aphlebiocarpus, Sphyropteris (nov. gen.), Hapalopteris (nov. gen.), Senftenbergia, Grand’'Eurya (nov. gen.), Hawlea, Oligo- carpia, Discopteris (nov. gen.), Saccopteris (nov. gen.), Des- mopleris (nov. gen.), Asterotheca, Scolecopteris, Renaultia (nov. gen.), Diplazites et Danwites, qu'il rapporte aux Marat- tiacées; Thyrsopteris (Palæothyrsopteris), Calymmatotheca, Sorotheca (nov. gen.), qu'il attribue, mais sous réserve, aux Cyathéacées ; et enfin Diplotmema qu’il place dans les Acros- tichées. Je ne m’arrêterai qu’à ceux de ces genres qui touchent par un point ou un autre à ceux que J'ai moi-même étudiés. Genre Hapalopteris. — Ge genre, fondé sur le mode de consti- tution ainsi que sur la disposition des sporanges observés sur quelques pennes fertiles de Fougères houillères, est identique par tous ses caractères au genre Renaultia que j'ai créé dans le travail précité, et dans lequel j'ai fait rentrer, avec le Sphe- nopteris chærophylloides, chez lequel les sporanges sont isolés au sommet de chaque nervure, des espèces qui, comme le Sph. gracilis et le Sph. microcarpa, portent des sporanges réunis au nombre de trois à cinq autour de l'extrémité des nervures, mais toujours indépendants les uns des autres. M. Stur a observé, comme moi, au sommet de ces sporanges, quelques cellules légèrement différenciées comme forme, qu’il 132 R. ZEILLER. compare au rudiment d’anneau apical signalé par M. Stras- burger chez les Angiopteris. Il y a donc coïncidence absolue, et le nom générique Hapa- lopteris doit, par conséquent, faire place au nom de Renaulta, qui, d’après les dates de publication que je viens d'indiquer (notes de la page 130), se trouve avoir la priorité. Genre Senftenbergia. — M. Stur n’ajoute rien d’essentiel dans son nouveau mémoire à ce qu'il avait dit de ce genre dans la Culm-Flora. J'ai indiqué comment il a dû être trompé par un défaut de conservation des échantillons qu’il a examinés, les dimensions mêmes qu’il attribue au sporange du Senft. elegans suffisant à prouver qu'il n’a eu sous les yeux que la coiffe et non le sporange complet. Je me bornerai à ajouter que j'ai examiné de nouveau tout récemment, avec M. B. Re- nault, l’échantillon de cette espèce qui se trouve au Muséum, et que cet examen n’a fait que confirmer nos premières obser- vations, conformes à celles de Corda, en nous montrant des sporanges munis d’une coiffe très accentuée et très nettement limitée. M. Brongniart, dont M. Stur invoque le témoignage, n'avait contesté, d’ailleurs, que la régularité de cette coiffe, et nullement son existence, et l'on peut au surplus, ainsi que Je l'ai montré, trouver des sporanges dont la coiffe est tout aussi régulière que Corda l'avait indiqué. On ne peut donc faire rentrer ce genre parmi les Marattia- cées, et 1l est impossible de lui rapporter, comme le voudrait M. Stur, le Pecopteris exiqua étudié par M. B. Renault (4) ; les sporanges de cette espèce ressemblent, comme forme et comme constitution, à ceux qui m'ont servi à établir le genre Dactylotheca, mais ils n’affectent pas la même disposi- ton, étant nettement perpendiculaires au limbe au lieu d’être appliqués sur les nervures, et le limbe étant lui-même très réduit. Genre Grand’ Eurya. — M. Stur réunit sous ce nom deux Pecopteris étudiés par M. B. Renault sur des échantillons sili- (1) Cours de Botanique fossile, 3 année, p. 115, pl. 19, fig. 13 à 18. NOUVEAUX GENRES DE FOUGÈRES FOSSILES. 133 cifiés et décrits par lui comme P. oreopteridia (1) et P. densi- folia (2). I n’y à donc aucun rapport entre ce genre Grand’ Eu- rya et celui que j'ai fait connaître dans mon travail; le nom de M. Stur, plus récent, devrait par conséquent être remplacé par un autre s'il s'agissait réellement d’un type générique innommé: mais, ainsi que M. B. Renault a bien voulu me le faire remarquer, ces deux Pecopteris ne se distinguent par aucun caractère essentiel de tous ceux du groupe du P. cya- thea : 11s présentent seulement, de chaque côté de la nervure médiane, deux séries de synangium au lieu d’une seule. Or ce caractère ne paraît pas suffisant pour motiver la création d’un genre nouveau, pas plus que dans le genre Phlebodium, par exemple, les variations du nombre des séries longitudinales de sores n'ont motivé l'établissement de subdivisions distinctes. D'autre part, le caractère fondamental indiqué par M. Stur pour son genre Grand'Euwrya, à savoir que les sporanges seraient indépendants les uns des autres, ne repose que sur une erreur d'interprétation : les coupes transversales de groupes de sporanges figurées par M. B. Renault, passant près du sommet de ceux-ci, montrent en effet des sporanges libres, ouverts vers le centre de chaque groupe, comme il arrive, par exemple, pour l’une des figures du Pecopteris geriensis (3), et comme il arriverait pour tout autre synangium d’Asferotheca ou de Scolecopteris si la coupe passait au-dessus du point où les sporanges deviennent libres; mais, à leur base, les spo- ranges des P. oréopteridia et densifolia étudiés par M. B. Re- nault sont bien réellement soudés en synangium, et il suffit, pour s’en assurer, de se reporter aux dessins de ces fructifica- tions et aux indications très précises données dans le texte par l’auteur. Genre Oligocarpia. — M. Stur range, comme par le passé, ce genre parmi les Marattiacées; mais je dois signaler dans son travail deux points qui viennent confirmer mes conclusions (1) Cours de Botanique fossile, 3° année, p. 110, pl. 19, fig. 7 à 12. (2) Ibid., p. 113, pl. 19, fig. 1 à 6. (3) Ibid, pl. 22, fig. 4. 134 BR. ZKILLER. et apporter une nouvelle preuve en faveur de l'attribution des Oligocarpia aux Gleichéniacées : d’une part il figure (p. 688, fig. 16) un sore d’O. Brongniarti composé de neuf sporanges, dont six étalés en étoile et trois dressés au centre, qui présente la ressemblance la plus frappante avec les sores de Gleichénia- cées, et notamment avec le sore de Mertensia dichotoma que j'ai figuré (1). D’autre part, il reproduit (p. 687, fig. 45) le dessin, donné dans la Culm-Flora, des sores de Of. lindsæoides et d’un sporange détaché qu'il regarde comme appartenant à cette espèce. Ge sporange, en forme de poire et comme tronqué du côté le plus large, présente bien, du côté opposé, des cellules toutes égales, rayonnant autour du point que M. Siur suppose être le sommet ; mais je remarque que, vers l'extrémité élargie du sporange, les cellules, très allongées, constituent, parallèle- ment à l'espèce de troncature quiest censée être la base, un anneau transversal parfaitement net. Il faut donc voir dans l'extrémité rétrécie le point d'attache du sporange, tandis qu’autour du sommet fortement renflé règne un anneau sem- blable à celui des Gleichéniacées. Il est clair, au reste, que, pour former, par leur groupement autour d’un point, des sores de forme générale hémisphérique comme celui de l’O{. Bron- gmiarti figuré par M. Stur ou de l’O/. formosa que j'ai figuré (2), il faut que les sporanges aient été attachés par leur extrémité la plus étroite. Genre Dascopteris. — Je me bornerai, pour ce genre, à appeler l'attention sur l’analogie qu’il présente avec celui que J'ai désigné sous le nom de Myriotheca. M. Stur en figure deux espèces qui pourraient bien constituer deux types distincts : dans le D. Karwinensis chaque segment porte à son sommet un sore rond, semblable comme dimension à ceux de beau- coup de Polypodium, et tout le reste du limbe est stérile; dans le D. Schumanni, le limbe est entièrement chargé de fructifi- cations, comme dans les Acrostichum, sauf au sommet des (1) Loc. cit., pl. 10, fig. 16. (2) Ibid., pl. 10, fig. 11. NOUVEAUX GENRES DE FOUGÈRES FOSSILES. 139 lobes, qui demeure stérile sur une très petite étendue; en tout cas, la présence d’un réceptacle concave rappelant un peu celui des Cyathea différencierait encore les Discopteris de ce groupe, du genre Myriotheca, chez lequel je ne crois pas qu’il y ait de réceptacle, les sporanges paraissant attachés directe- ment sur le limbe. Genre Saccopteris. — Dans ce genre, créé sur une penne fertile qu’il rapporte au Sphenopteris Essinghi, M. Stur range, entre autres espèces, le Sphen. coralloides et l'Alethopteris erosa. Or, j'ai précisément rangé dans mon genre Grand’ Eurya et le Sph. coralloides, lui attribuant les pennes fertiles que j’ai figurées, et le Sph. Essinghi. La figure 18 « donnée par M. Stur (p. 697) ressemble bien en effet, comme port et comme aspect général, à mes figures 1 et 3 (1); mais les sores et les spo- ranges ne se présentent pas de la même manière : dans le Suc- copteris Essinghi, les sporanges sont beaucoup plusnombreux que je ne les ai vus sur l'échantillon de Sphen. Essinghi du Levant du Flénu auquel j'ai fait allusion dans mon travail; ils sont étalés en étoile au lieu d’être dressés, et, d’a- près les figures 18 b et c, ils porteraient à leur sommet une ouverture ovale entourée d’une sorte de bourrelet. On doit done se demander si les échantillons rapportés par M, Stur d’une part, et par moi de l’autre, au Sphen. Essinghi, appar- tiennent réellement à la même espèce, et si les deux genres Saccopteris et Grand Eurya ne constituent pas deux types tout à fait indépendants, malgré l’analogie qu'ils présentent au premier coup d'œil. [l est possible qu'il en soit ainsi, mais le travail de M. Stur contient à cet égard des renseignements de nature à me faire penser que ces deux genres sont réellement identiques; il cite, en effet (p. 699), un échantillon fertile bien conservé d’Alethopteris erosa qu'il a observé à Dresde en juin 1883, et dont les sporanges encore fermés présentent exactement, dit-il, le même mode d’ornementation et la même disposition que ceux du Saccopteris Essinghi, sauf qu’ils sont (1) Loc. cit., pl. 12. 136 R. ZEILLER. moins nombreux dans chaque sore, sept environ au lieu d’une quinzaine. Or, à la suite de l’envoi que je lui avais fait de mon travail précité, M. H. B. Geinitz a bien voulu, par unelettre en date du 3 octobre 1883, me faire part des observations très in- téressantes que lui suggérait l’examen comparatif de ce même échantillon d’Aleth. erosa et des figures que je venais de pu- blier pour l'établissement du genre Grand'Eurya : ayant trouvé sur cet échantillon tous les caractères de ce dernier genre, il l'avait, me disait-il, étiqueté immédiatement Grand’- Eurya erosa, et il m’exprimait sa conviction que les échantil- lons fertiles que j'avais étudiés devaient appartenir à cette espèce plutôt qu'au Sphen. coralloides. 1 a bien voulu m’en- voyer, à l’appui de son opinion, un bel échantillon stérile d’Aleth. erosa; mais l’examen de celui-ci, comparé à la penne fertile que j'ai représentée figures 1 et 2 (1), tout en fortifiant les doutes que m'avait inspirés sur l’exactitude de ma détermi- nation l'affirmation du savant paléontologiste de Dresde, m'a cependant laissé encore hésitant, mon échantillon de Ferfay présentant, dans la largeur relative des rachis de divers ordres, dans la disposition et dans le mode d'attache des pimnules, des caractères qui s'accordent mieux avec le Sph. coralloides qu'avec l’Aleth. erosa. Quoi qu'il en soit, il ressort des observations de M. Geinitz, confirmées par lui dans une nouvelle lettre en date du 12 jan- vier 1884, que l’échantillon fertile d’Aleth. erosa du musée de Dresde appartient positivement à mon genre Grand’ Eurya. Si donc, malgré les différences qu’il présente avec sa figure, M. Stur à reconnu sur cet échantillon les caractères de son genre Saccopleris, celui-ci vient nécessairement se confondre avec le genre Grand’ Eurya, dont le nom a la priorité. La différence que présentent les dessins de M. Stur et les miens pourrait, du reste, s'expliquer en admettant que, dans l'échantillon qu'il a examiné, les sores se seraient ouverts, les sporanges s’écartant les uns des autres pour se renverser sur (1) Loc. cit., pl. 12. NOUVEAUX GENRES DE FOUGÈRES FOSSILES. 137 le limbe, et montrant alors leur face interne, tandis que sur les empreintes d’Aniche que j'ai étudiées et sur celles de Dresde ils n’offrent que leur face externe ; peut-être alors l’es- pèce de bourrelet que M. Stur a vu à leur sommet représente- rait-il simplement une petite portion de la bandé élastique assez fortement renflée qui caractérise le genre Grand’Eurya, et qui m'a conduit à le placer parmi les Botryoptéridées. Genre Renaultia. — Ge genre, dont le nom ne peut subsis- ter, ayant été employé par moi pour un autre type avant de l'être par M. Stur, est uniquement fondé par son auteur sur la description donnée par M. B. Renault de son Pecopteris intermedia (1). 11 me paraît évident que les sporanges si par- ticuliers de cette espèce, munis d’un connecticule apical et d’une bande élastique bien caractérisés, ne sauraient à aucun titre être rattachés aux Marattiacées, et que c’est avec beau- coup plus de raison que M. B. Renault a rapproché ce type des Schizéacées et des Senftenbergia ; 1 ne l'a pas, d’ailleurs, jugé assez bien connu pour lui imposer immédiatement un nom générique nouveau, et je crois convenable de lui laisser le soin de choisir lui-même, quand il aura trouvé des élé- ments plus complets, le nom qui devra désigner cette forme intéressante, si, comme cela paraît probable, elle ne rentre dans aucun genre déjà connu. Genre Calymmatotheca. — M. Stur ne donne sur ce genre aucun renseignement nouveau, et n'indique pas les motifs pour lesquels il persiste à regarder les organes qui le caracté- risent comme les restes d’involucres déchirés en lanières rayonnantes plutôt que comme des sporanges. M. B. Renault avait cependant admis déjà cette dernière interprétation, et les observations que j'ai faites sur le Gal. asteroides l'ont positi- vement confirmée. Je signalerai seulement deux espèces rap- portées par M. Stur au même genre, Cul. Avoldensis et Cul. Fren:li, dans lesquelles, d’après les figures qu'il en donne (fig. 37, p. 803, et fig. 38, p. 804), les corps en question, in- (1) Cours de Botanique fossile, 3° année, p. 122, pl. 22, fig. 8 à 11. 138 R. ZEILLER. volucres ou groupes de sporanges, au lieu d’être portés sur les ramifications du rachis, constituant des panicules fertiles entièrement dépourvues de limbe foliaire, sont portés sur le prolongement des nervures de pinnules à limbe normalement développé; l'aspect de ces pinnules fait penser au premier abord aux Hymenophyllum plus qu'à tout autre groupe, et il est possible qu'il s'agisse en effet de véritables involucres protégeant des groupes de sporanges. En tout cas, s’il y avait identité entre ces organes et ceux des vrais Calyminatotheca, il conviendrait, je crois, de séparer les espèces à pinnules fer- tiles munies d’un limbe normal, de celles dans lesquelles le limbe à complètement disparu, comme on a, par exemple, dans la flore vivante, séparé les Cyathea et les Thyrsopteris. Genre Sorotheca. — Les échantillons du Levant du Flénu que M. Stur a reçus de M. F. Crépin, et sur lesquels il a créé ce genre et établi le Sorotheca Crepini, sont manifestement identiques à ceux qui me sont venus de la même provenance et auxquels j'ai donné le nom de Crossotheca Crepini (1). Seulement les empreintes du Levant du Flénu étant moins bien conservées que celles que j'ai reçues de Lens, je ne suis pas surpris que M. Stur ait été trompé sur la nature véritable des organes qui constituent ces panicules fertiles : il les consi- dère comme des capsules destinées à envelopper des spo- ranges et se déchirant à la maturité en un certain nombre de valves ou lanières régulièrement disposées. Les dessins que j'ai publiés montrent qu’il s’agit en réalité de sporanges co- riaces pendant, sous forme de frange, sur tout le pourtour des segments fertiles, et l’on trouverait sur ma figure 3 plusieurs de ces segments fructifères offrant exactement l'aspect de ceux que M. Stur a représentés (p. 807, fig. 39). Les petits enfoncements, disposés en deux séries contiguës, qu'il signale sur la partie centrale de chacun de ces segments, correspondent simplement à la base de chaque sporange ou plutôt de chaque groupe de sporanges, ce qui explique (1) Loc. cit., p. 180, 184, pl. 9, fig. 1 à 9. NOUVEAUX GENRES DE FOUGÈRES FOSSILES. 139 tout naturellement pourquoi ces enfoncements sont précisé- ment en nombre égal à celui des valves ou lanières qui pen- dent ou s’étalent autour du segment; chacune de ces valves représente en effet un groupe de sporanges semblable à ceux qu’on peut voir, sur mes figures 6 et 8, et c’est l’'accolement de deux sporanges l’un contre l’autre qui donne lieu à la ligne médiane représentée par M. Stur comme formant une sorte de nervure au milieu de chacune de ces lanières. Le nom de Crossotheca ayant la priorité, celui de Sorotheca doit par conséquent disparaître, et, quant à la place du genre, je n'hésite pas à croire qu’elle est dans les Marattiacées, sans pouvoir préciser toutefois si les capsules sont libres dès la base ou partiellement soudées. Quant au Sphenopteris herbacea, que M. Stur croit devoir rapporter à ce mème genre, 1l présente, ainsi que je lai dit (1), un mode de fructification absolument différent. Genre Diplotmema. — M. Stur a, dans son nouveau travail, fait de ce genre une étude détaillée, dans laquelle il à mis en relief tous les points qui lui ont paru de nature à confirmer le rapprochement qu'il avait fait dans la Culm-Flora des Diplot- mema et des Rhipidopteris. U persiste à voir, dans l'axe auquel s’attachent les pétioles de ces feuilles bifurquées, un tronc plutôt qu'un rachis, et 1l proteste contre toute comparaison soit avec les Gleichéniacées, soit avec les Lygodium, la four- che des Diplotmema étant toujours, selon lui, dépourvue du bourgeon qui devrait y exister si cette comparaison était fondée. Il conteste la légitimité du genre Mariopteris, ayant vu plus d’une fois, chez la même espèce, des feuilles, les unes simplement bifurquées, et les autres nettement quadripartites : il signale notamment, sur un échantillon de Pecopteris muri- cata, deux feuilles attachées sur la même tige et dont l’une, la plus basse, se partage en quatre pennes, tandis que celle qui la suit immédiatement ne se divise qu’en deux pennes divergentes. Enfin il donne (p. 836, fig. 44) le dessin de folioles (1) Loc. cil., p. 198. 140 BR. ZEILLER. fertiles de Diplotmema dans lesquelles les nervures portent à Jeur extrémité, en dehors du limbe, une fructification arron- die, ressemblant à un sore d'Hymenophyllum, mais qu'il compare encore à la fronde frucufère des Rhipidopteris ; àl attribue en conséquence aux Diplotmema un double mode de fructification, constitué par des « phyllomes fertiles » placés les uns dans la fourche même des pennes (D. subgeniculatum), les autres sur le bord des pinnules normales, à l'extrémité des nervures. Je crois nécessaire d'indiquer pour quels motifs, malgré les objections longuement développées de M. Stur, je ne puis revenir sur les opinions que j'ai émises au sujet des Fougères de ce groupe. L'idée de regarder comme un rachis plutôt que comme un tronc l’axe auquel s’attachent les feuilles des Diplotmema, idée acceptée par M. F. Crépin, par M. B. Renault et par M. Ster- zel, les seuls auteurs, je crois, qui se soient aussi occupés de ce genre, me parait confirmée par quelques-unes des observa- tious de M. Stur, notamment par l’espacement toujours très considérable de ces feuilles et par le peu d'épaisseur de l'axe, variant entre la grosseur du pouce comme maximum et celle d’un tuyau de plume. Je rappelle en outre que, dans l’échan- üllon de Dipl. acutilobum dont j'ai parlé dans mon travail (1) les pétioles des feuilles sont accompagnées d’Aphlebia à leur base, et J'ajouterai que, chez tous les Diplotmema où Mario- pteris sur lesquels jai pu observer des feuilles encore atla- chées, ces feuilles, nettement distiques, s’étalent dans le plan même de l’axe sur lequel s’insère leur pétiole, sans que celui-ci présente aucune trace de torsion : il n’en peut être ainsi que si cet axe est un rachis, comme dans le cas du Mertensia glau- cescens, auquel j'ai comparé les Diplotmema et les Mario- pteris (2). Le fait cité par M. Stur, au sujet du Mariopteris muricata, apporte à l'appui de cette comparaison un argument des plus (1) Loc. cit., p. 199. (2) Ibid., p. 202. NOUVEAUX GENRES DE FOUGÈRES FOSSILES. 141 significatifs, puisqu'on voit, chez cette Fougère fossile, des ensembles de deux pennes seulement succéder, comme dans le vivant, à des groupes de quatre pennes ; il est, de plus, con- traire à l'hypothèse qui voudrait faire un tronc de l’axe prin- cipal, puisqu’en s’élevant sur un tronc on devrait rencontrer des feuilles de plus en plus développées et compliquées. L’ob- servation que M. Stur a faite, chez la même espèce, de deux pennes opposées encore partiellement enroulées en crosse (p. 830) et formant deux arcs qui tournent l’un vers l’autre leur concavité, s'accorde de même fort bien avec la compa- raison entre ces Fougères et les Gleichéniacées (1). D'autre part, la constance de l’absence de bourgeon dans les bifureations du rachis ne repose que sur le refus de M. Stur de considérer comme des bourgeons les corps obser- vés à cette place par lui-même et par M. Sterzel; j'ajouterai d’ailleurs que, dans les Gleichéniacées, ceux de ces bourgeons qui doivent être privés de développement ultérieur sont tou- jours excessivement peu développés et réduits presque à rien : j'ai notamment sousles yeux, dans mon herbier, un bel échan- üllon de Mert. glaucescens provenant du Brésil, sur lequel ils sont à peine visibles : ils ne sont indiqués que par quelques petites écailles que la macération ferait rapidement dispa- raitre et dont 1l ne resterait vraisemblablement aucune trace en empreinte. Enfin, en admettant cette comparaison, si les frondes des Diplotmema avaient, comme celles des Lygodrum et des Mertensia, un développement en quelque sorte indéfini, il estfacile de comprendre comment on peut trouver, attachées au même axe, des pennes déjà flétries et d’autres encore en bon état, sans que pour cela cet axe doive être nécessairement regardé comme un tronc (2). (1) L’enroulement a lieu, normalement, dans un plan perpendiculaire à celui de la fronde; mais, par l’aplatissement, les crosses se rabattent dans le plan de la fronde, et il n’est pas étonnant qu'on observe sur des empreintes cette disposition, que présentent très fréquemment les échantillons d’herbier, ceux de Mertlensia Bancrofti notamment. (2) Voy. Stur, loc. cit., p. 819. 142 R. ZEILLER. Quant au genre Mariopteris, la comparaison même que j'ai faite de ces Fougères avec le Mert. glaucescens prouve que je n’attache pas à la partition en quatre pennes au lieu de deux une importance exagérée ; mais je persiste à croire qu’il con- vient de séparer les Fougères pécoptéroïdes de ce groupe, à limbe très développé parcouru par de nombreuses nervures, des Fougères sphénoptéroïdes, à limbe profondément découpé en lanières fines et étroites parcourues par une nervure unique ou très peu divisée, de même que, dans la flore vivante, on sépare les Darea des Asplenium proprement dits; j'ai, dès le principe, en établissant le genre Mariopteris, indiqué ce ca- ractère comme essentiel (4), et je continue à lui attribuer la même valeur. En ce qui concerne les fructifications des Diplotmema, je me bornerai à faire rernarquer la ressemblance d'aspect que pré- sentent celles que vient de figurer M. Stur, comme celles que j'ai figurées moi-même (2), avec les sores des Hyménophyllées : sur les corps arrondis qui terminent les nervures de l’échan- üillon qu'il figure (p. 836, fig. 44) il a observé aussi des côtes rayonnantes semblables à celles que j'ai vues à la même place sur le D. acutilobum ; mais je crois que la plupart des ptérido- logistes accepteront difficilement le rapprochement qu'il veut faire entre ces côtes et les nervures de la fronde fertile du Rhi- pidopteris pellata, ainsi qu'entre ces fructifications elles- mêmes, portées au bout des nervures des pinnules, et cette même fronde fertile de Rhipidopteris. Tant qu'on n'aura pas pu étudier les sporanges des Di- plotmema ei des Mariopteris, il faudra, je crois, n’accepter que sous bénéfice d'inventaire toutes les comparaisons qu’on pourra faire de ces Fougères avec les types vivants, bien que leur analogie avec les Gleichéniacées me paraisse manifeste, à ne considérer que les frondes stériles, et que les observations (1) Bulletin de la Soc. geol. de France, 3° série, t. VIT, p. 96; et Explication de la Carte géol. de la France, t. IV, 2° partie, p. 45 et 69. (2) Loc. cil., pl. 11, tig. 2 à 4. NOUVEAUX GENRES DE FOUGÈRES FOSSILES. 143 de M. Stur sur le Mariopteris muricata soient venues encore la fortifier. Je signalerai, en terminant, un passage de l'introduction de M. Stur (p. 638), dans lequel, s'appuyant sur ce qu’on n’a jamais, dit-il, rencontré de pennes fructifiées chez aucun des genres MNevropteris, Alethopteris, Odontopteris, Dictyopte- ris, etc., il émet l’idée que ces plantes pourraient bien n’être pas des Fougères, et les exclut en conséquence de son essai de classification. Je crois utile de rappeler, en ce qui concerne ces divers genres, les belles observations de M. B. Renault sur la constitution des pétioles des Alethopteris, qui lui ont offert tous les caractères des Marattiacées (1), la découverte, due à M. Grand'Eury, d’une penne fructfiée d'Odontopteris (2), et enfin les fructifications de Dictyopteris Schützei que j'ai moi- même signalées (3) et dont j'ai retrouvé les analogues sur des pinnules appartenant probablement au Dict. Münsteri. Ces quelques faits me paraissent suffisants pour faire maintenir parmi les Fougères les genres dont il vient d’être question. (1) Cours de Botanique fossile, 3° année, p.159 à 165. (2) Tbid., p. 183, pl. 30, fig. 6 à 8. — Grand’Eury, Flore carbonifère, p. 111, pl. XII, fig. 4. (3) Explication de la Carte géol. de la France, t. IV, 2 parue, p. 57. SUR LA CONSERVATION DES FERMENTS ALCOOLIQUES DANS LA NATURE Par M. Léon BOUTROUX. Si l’on presse des fruits sucrés, tels que le raisin ou les pommes, le jus obtenu subit la fermentation alcoolique sous l'influence de diverses espèces de levüre appartenant au genre Saccharomyces. D'où viennent ces cellules vivantes, toujours prêtes à pro- voquer la fermentation du sucre des fruits? C’est une question qui présente encore beaucoup d’obscurité. M. Pasteur en à trouvé les germes à la surface des fruits mürs ; mais d’où pro- viennent ces germes (1) eux-mêmes? Différents observateurs ont montré que l’air atmosphérique en contient souvent, mais ces germes sont toujours peu nombreux, de sorte que la dissé- mination par l'air explhiquerait difficilement l’abondance des cellules de levüre à la surface des fruits. De plus, M. Pasteur a observé que les grappes de raisin ne commencent à porter de germes de levüre qu’à l’époque où le raisin est mür. Comme ce fruit reste beaucoup plus longtemps exposé à l'air avant sa malurité qu'après, 1l est d'autant plus évident que la dissémi- nation par l'air ne fournit pas une explication suffisante. Pour comprendre comment la levüre se conserve d’une année à l’autre, 1l faut connaître ses habitats aux différentes époques de l’année. M. Em. Hansen (2) a signalé pour le Saccharomyces apiculatus un habitat important, la terre. Il (1) Par le mot germe j'entends des cellules, dans un état quelconque, capables dese multiplier par la culture. (2) Recherches sur la physiologie et la morphologie des ferments alcooliques (Meddelelser fra Carlsberg Laboratoriet, Copenhague, 1881). FERMENTS ALCOOLIQUES. 145 résulte de ses expériences que le sol est le lieu d’hivernage de cette levüre. J'ai trouvé d’autres habitats naturels pour les ferments alcooliques, à savoir les fleurs et les insectes. Mais les espèces que j'y ai rencontrées sont nouvelles pour la plupart; j'ai ainsi élé amené à faire une étude aussi complète que possible des diverses espèces du genre Saccharomyces que j'ai pu me pro- curer. J'ai pu dès lors comparer les espèces qui concourent aux fermentations utiles à celles que j'avais récoltées dans la nature. PREMIÈRE PARTIE RÉCOLTE DE LEVURE DANS DIVERS HABITATS. Pour savoir si un objet porte de la levüre, on le dépose comme semence dans un moût fermentescible, privé lui-même de tout germe; puis, ce moût est placé dans les conditions favorables à la fermentation. S'il se produit un dégagement de gaz, on étudie au microscope les organismes présents, car la fermentation pourrait être provoquée par des micro-orga- nismes étrangers au genre Saccharomyces, en particulier par des moisissures. Il ne suffit même pas de trouver des cellules qui présentent l’aspect de la levûre, car certains micro-orga- nismes,que l’on a souvent désignés par le nom vague de {orula, et qui ne sont pas des ferments, peuvent présenter exactement cet aspect; la présence simultanée de ces torulas et de cer- taines moisissures pourrait faire croire faussement à la pré- sence d’une véritable levüre. Je me suis toujours mis en garde contre cette erreur en isolant le ferment à l’état pur, et en constatant directement son action sur le sucre. Le liquide fermentescible employé pour recevoir les objets essayés doit être un peu acide, afin que la présence des levüres ne soit pas masquée par le développement des bactéries : le moût de bière ne conviendrait que médiocrement. Le moût de raisin convient au contraire parfaitement; n'ayant pas pu m'en 6° série, Bor. T. XVII (Cahier n° 3)2. 10 146 I. BOUTROUX. procurer au début de mes expériences, j'ai employé d’abord un mélange d’eau de levûre, de glucose et d’acide tartrique ; puis, à partir de la saison des fruits, je me suis servi de jus de cerises étendu d’eau. Le liquide employé, après avoir été stérilisé par l’ébullition, est placé dans des tubes à essai fermés par des bouchons de liège, tubes préalablement purifiés eux-mêmes par la chaleur. Le mode d’emplissage des tubes sera décrit un peu plus loin. Pour faire une expérience, on passe le sommet du tube avec son bouchon dans une flamme, on soulève le bouchon, on intro- duit l’objet à essayer, et on referme immédiatement; puis on porte le tube dans une étuve chauffée à 30 degrés, et l’on étu- die le développement. Très souvent 1l apparaît d’abord un mycélium de moisissure; mais comme la forme allongée de la colonne liquide convient peu au développement des moisis- sures et gêne moins celui des Saccharomyces, si des germes de ces derniers organismes se trouvent présents, on ne tarde pas à observer un dégagement de bulles de gaz. On procède alors à des cultures méthodiques destinées à isoler le ferment actif. Il ne sera peut-être pas sans intérêt, pour ceux qui s'occupent de cultiver de la levüre pure, de décrire les procé- dés opératoires dont je me sers, procédés qui sont applicables à la culture d’autres micro-organismes. 4° Préparation du liquide de culture en provision. — Le liquide, quel qu'il soit, est toujours acide : l’ébullition suffit donc pour le stériliser. Il est placé dans une fiole fer- mée par un bouchon de caoutchouc à deux trous; l’un des deux trous est traversé par un tube droit qui ne descend presque pas au-dessous du bouchon, et qui est surmonté d’un court tuyau de caoutchouc. Le second trou est traversé par un tube coudé auquel est relié, par un tube de caoutchouc, un bec longuement effilé. Le liquide de la fiole est chauffé, le tube coudé ne plon- oeant pas dans le liquide; quand l’ébullition commence, on bouche le tube droit au moyen d’un bouchon de verre pour forcer la vapeur à passer par le bec effilé; au bout de deux FERMENTS ALCOOLIQUES. 147 minutes, on débouche le tube droit et on ferme le bec à la lampe. Ensuite, sans interrompre l’ébullition, on abaisse le tube coudé jusqu’au fond de la fiole, et enfin, en même temps qu’on éteint le feu, on fixe au caoutchouc du tube droit un petit tube bourré de coton, préalablement flambé, muni de deux effilures dont l’une, d’abord fermée, vient d’être ou- verte dans la flamme d’une lampe à alcool. C’est cette extré- mité qu’on enfonce dans le tuyau de caoutchouc. Pendant le refroidissement Pair rentre en se filtrant sur le coton. Nous avons ainsi une provision de liquide pur. 2 Vases à culture.— D'autre part, 1l faut préparer des vases purs pour la culture. Je me sers habituellement de petits tubes, semblables aux tubes à essai ordinaires, mais terminés à leur partie supérieure par une ou deux olives. Ces tubes sont coiffés de petits chapeaux de verre ; du coton enroulé autour des olives remplit l’espace qui reste entre le tube et le chapeau, et ne laisse glisser celui-ci qu’à frottement dur. Les tubes ainsi disposés sont flambés dans un poêle à gaz. Leur intérieur est pur de tout germe. 3° Transvasement du liquide de culture de la fiole à provision dans les tubes à culture. — I suffit, pour opérer ce transvase- ment, de couper l’extrémité de l’effilure, de la flamber, d’in- suffler de l’air par le tube droit et de recevoir dans les tubes à culture le liquide qui s'écoule par le bec.Avant d'ouvrir chaque tube à culture, on passe dans une flamme le bord du chapeau pour éviter que les poussières qu'il peut porter ne s’intro- duisent dans le tube. L'opération exige deux personnes, l’une pour souffler, l’autre pour déboucher et reboucher les tubes à culture. Quand on n’a qu’un petit nombre de Lubes à remplir, l’in- sufflation se fait à la bouche au moyen d’un tuyau de caout- chouc adapté au tube à coton; une pince de Mohr placée en un point du tuyau permet d'interrompre ou de rétablir la com- munication avec les poumons ou avec l’atmosphère. Ce mode d’emplissage, appliqué fréquemment à un grand nombre de tubes de suite, peut causer aux bronches une fatigue nuisible. 148 L. BOUTROUX. Aussi vaut-il mieux remplacer les poumons par un soufflet à pédale. Un tube en T est placé entre le soufflet et la fiole; la branche latérale porte un tuyau de caoutchouc serré par une pince de Mohr. Quand on veut faire écouler le liquide, on comprime l'air avec le pied, la pince étant fermée ; quand on veut arrêter l'écoulement, il suffit d'ouvrir la pince de ma- nière à laisser échapper l'air comprimé par le tuyau latéral. On maintient toujours dans la fiole une pression suffisante pour que la colonne liquide reste suspendue dans le tube effilé : on évite ainsi une rentrée d’air après l’emplissage de chaque tube. Par ce procédé, je puis remplir cinquante ou soixante tubes de suite en peu de temps et sans fatigue. Les causes d'introduction de germes étrangers dans le liquide des tubes ne sont pas absolument supprimées : l’effilure reste longtemps exposée à l'air, et peut en recevoir des poussières vivantes qui pourront ensuite être déposées dans les tubes à culture ; ceux-ci peuvent mème recevoir directement quelques impuretés de l'air pendant le temps qu’ils restent débouchés. Aussi est-il prudent d'essayer la pureté du liquide des tubes avant de s’en servir, en laissant ceux-ci à l’étuve pendant une quinzaine de jours au moins. Eo fait, 1l m'arrive souvent d'observer dans quelques tubes, pendant ce temps d'épreuve, un développement de moisissures ou de Bacillus. I m'est même arrivé, à un certain moment de l’année, de trouver ainsi quelques tubes chargés de levüre. Ge fait gênant de l’altération de mes liquides de culture est ainsi devenu la source d’intéressantes observations. J’en citerai un Cas. | Le 6 décembre 1882 J'emplis, par le procédé ci-dessus, cinquante-six tubes de jus de cerises étendu d’eau et je les porte à l'étuve. Le 11 décembre, dix de ces tubes étaient en pleine fermentation et l'examen microscopique y montrait une seule et même levüre : elle sera décrite plus loin avec le numéro X. Pour savoir si les germes de cette levüre s'étaient introduits pendant l’emplissage ou s'ils n'auraient pas été déposés acci- dentellement dans la fiole à provision même, j'ai placé celle-ci FERMENTS ALCOOLIQUES. 149 à l’étuve : aucune fermentation ne s’y est développée. C'était donc de l’air que venaient ces germes de levère X, à moins cependant qu'ils n’eussent été apportés par les tubes à culture insuffisamment flambés. J'ai trouvé encore plusieurs fois cette même levüre dans des tubes emplis les jours suivants ; mais elle a cessé de se montrer au printemps. La proportion des tubes contaminés est ordinairement A moindre que celle qui vient d’être citée, ©; de sorte que le procédé d’emplissage peut être considéré comme suffisant dans la pratique. Ces préliminaires posés, j'arrive aux expériences faites pour rechercher les germes de levûüre dans la nature. Les fruits mûrs ne sont pas les seuls organes des végétaux qui puissent fournir à des germes de levûre un milieu propre à leur développement. Jai recherché si les fleurs nectarifères ne seraient pas dans le même cas, et dès la première expé- rience j'ai trouvé de la levûre sur plusieurs fleurs. En voici le détail. r PE xd Le 11 juillet 1881, je recueille dans des tubes contenant du moût stérilisé de petits fragments d’inflorescences de Sedum rubens et de Sumac (Rhus coriaria). Huit tubes reçoivent des fleurs de Sedum, et neuf des fleurs de Sumac. Chaque petit bouquet est détaché de la tige avec des ciseaux préalablement passés dans la flamme d’une lampe à alcool, au-dessus d’un tube de moût qu'un aide débouche et rebouche à l'instant avec les précautions nécessaires. Les dix-sept tubes sont ensuite portés à l’étuve. Au bout de quelques jours cinq des tubes à Sedum et les neuf tubes à Sumac sont entrés en fermentation ‘sous l’influence de véritables levüres, qui ont été isolées par la culture. Encouragé par ce résultat, j’ai soumis au même examen un orand nombre de fleurs, en ne mettant plus qu'une seule fleur dans chaque tube, et j'ai pu me convaincre que la présence des germes de levère dans les fleurs, loin d’être un phénomène accidentel, est un fait normal ; j’en ai trouvé en toute saison ; ils étaient seulement moins nombreux en hiver. Le tableau 150 L. BOUTROUX., suivant donne les résultats de ces recherches, consignés dans l’ordre des saisons, sans égard pour l’ordre des années, 0 DATE NATURE ADSERE à , DES DE L'EXPÉRIENCE. DES FLEURS EXAMINÉES. PROPORTION POUR CENT. FLEURS. ONT DONNÉ DE LA LEVURE. 93 février 1882.... | Petasites vulgaris 6 mars 1882 Erica mediterranea.….. 31 mars 1882 Nonnea lutea 2 mai 1882 Acer pseudo-platanus. 6 mai 1882 Bourrache 11 mai 1882 3 juillet 1882.... | Véronique cultivée 11 juillet 1881.... | Sedum rubens 11 juillet 1881.... | Rhus coriaria........ 4e octobre 1882... | Solidago virga-aurea. 4 novembre 1881. | Réséda Nora. — Les nombres marqués du signe * représentent des groupes de trois ou quatre fleurs, On voit que les fleurs d'hiver : Petasites vulgaris, Erica medi- terranea, portent déjà des germes de levûüre, et qu'à mesure que la saison devient plus chaude le nombre des fleurs char- gées de levüre s'accroît. Au mois de mai, si l’on recueille, par un beau soleil, des fleurs particulièrement recherchées des abeilles, comme celles de la Bourrache, chaque fleur est capable de faire entrer du moût de cerises en fermentation alcoolique. On ne saurait donc regarder comme accidentelle la présence des germes de levüre dans les fleurs, surtout si l’on rapproche ces résultats de ceux que vont nous donner les fruits recueillis de la même manière. Si les germes trouvés sur les fleurs étaient simplement de ceux que Pair dépose partout, on en devrait trouver autant sur les fruits or il m'est arrivé bien des fois de recueillir des fruits et des fleurs dans la même expé- rience, et de trouver tous les fruits dépourvus de levüre, tan- dis que presque toutes les fleurs en étaient chargées. J'ai examiné, à différentes époques de l’année, des fruits FERMENTS ALCOOLIQUES. 451 verts et des fruits mûrs, en y cherchant toujours les germes de levüre par la même méthode, c’est-à-dire en déposant les fruits comme semence dans du moût fermentescible, Voici les résultats obtenus avec les fruits verts : audol gr NOMBRE ZE 5 2 © LA " BUE ES NATURE DES FRUITS. DE AISÉE S « En < S ? FRUITS. Z a © [=] = 4 11 mai 1882...... Groseilles à maquereau. 10 D) 20 20 mai 1881...... | Groseilles à maquereau. 5 1 20 20 mai 1881...... (ASSIS MEME ne à 7 5 71 2 frag- 20 mai 1881..... . | Groseilles à grappes... Fa 0 0 de 3grains 20 mai 1881...... Fraises. 7%. ue 8 (]) 0 95 mai 1881...... Cerises. ........ SE 10 0 0 25 mai 1881. ..... Mahonia aquifolia.... 10 0 0 15 juin 1881...... Fraises eee 9 0 0 15 juin 1881...... Cassis. ..:..., AO te 7 3 13 2 juillet 1881.... | Framboises .......... 19 4 33 10 grou- 6 juillet 1881.... | Épine-vinette..,....,.. pes de 5 6 60 Ainsi certains fruits verts (groseilles à maquereau, cassis, framboises, baies d’Épine-vinette) peuvent être considérés comme portant normalement de la levüre, d’autres (fraises, groseilles à grappes, etc.) s’en sont toujours montrés dépour- vus dans mes expériences; je ne saurais cependant affirmer qu’ils n’en portent jamais. Pour les fruits mûrs, les résultats obtenus seraient des plus variables, et impropres à toute généralisation, si l’on ne tenait compte d’une condition bien plus importante que la matu- rité, à savoir la non-intégrité, comme le montrent les expé- riences qui vont être rapportées. L'automne dernier, je me suis rendu dans une ferme de Sologne où l’on cultive la Vigne, et, muni des appareils les plus indispensables, j'ai pu faire des récoltes et des cultures 152 L. BOUTROUX. avec la même pureté que dans mon laboratoire. Le 26 sep- tembre, après plusieurs jours froids et pluvieux, on faisait la vendange. Je me rends dans une partie de la vigne qui n'avait pas encore été explorée par les vendangeurs et je cueille 91 grains de raisin noir bien mürs, et en même temps bien sains. Ces grains sont recueillis directement dans des tubes de moût de cerises. Le 30 septembre, les tubes, qui, conservés à la température ordinaire, n’ont présenté aucune apparence de fermentation, sont placés dans le four de la ferme, le pain ayant été retiré quelque temps auparavant; température du four : 31 degrés. Le 3 octobre, la température du four était de 22 degrés, et aucun tube ne fermentait. Les jours suivants, deux des tubes ont semblé manifester une très faible fermen- tation, et il m'a été impossible de savoir si c'était par de la levûre et non par des moisissures; en tout cas, il n’y avait pas là des espèces de levûre bien actives, car elles ne seraient pas restées trois jours entre 3L et 22 degrés sans produire une fer- mentation tumultueuse. Les grains de raisins mûrs, mais sains, ont donc donné des résultats négatifs. Il en a été bien autrement des grains qui avaient été en partie déchirés et sucés par les Imsectes. Le 30 septembre, je recueille 18 grains de raisin entamés dans une partie de la vigne où l’on n’avait pas fait la vendange parce que ce raisin était moins mûr. Les tubes de moût ense- mencés avec ces grains sont portés au four à 31 degrés. Le lendemain, presque tous les tubes étaient en fermentation très vive ; le surlendemain tous fermentaient, tandis que les tubes à grains sains, placés dans le mème four, ne dégageaient pas une bulle de gaz. Cette expérience suffit pour montrer la grande différence qu'il y a entre les fruits entamés et les fruits sains. Voici maintenant quelques expériences qui se rapportent à des fruits mûrs, et intacts autant qu’on peut en être sûr par un simple coup d'œil. FERMENTS ALCOOLIQUES. 153 NATURE DES FRUITS, ONT DONNE DE LA LEVURE. PROPORTION 2 juillet 1882.... | Groseilles à grappes... 6 juillet 1882.... | Groseilles à maquereau. 6 juillet 1882... 6 juillet 1882... 6 juillet 1882... 15 juillet 1882... 15 juillet 1882... 26 septembre 1882. On voit que sur les fruits mûrs intacts la levüre est rare, plus rare même sur certains fruits mûrs que sur d’autres fruits encore verts. Si parmi les fruits mûrs on n’exelut pas les fruits entamés, et qu’on écrase par exemple des fruits du commerce (cerises, fraises, müres de Mürier ou de Ronce, raisin, pommes) on trouve toujours de la levûre, et le jus entre toujours sponta- nément en fermentation. Les habitats que nous avons signalés jusqu'ici, fleurs et fruits, en supposent un autre : ce sont en effet des milieux extrêmement restreints, éphémères, isolés les uns des autres ; il faut qu'ils soient reliés entre eux de quelque manière. L’air atmosphérique pourrait bien faire cet office, mais, comme nous l’avons déjà dit, les germes qu'il charrie sont en nombre insuifisant. Il se présente à l’esprit un autre mode de dissémi- nation des germes. Nous savons qu'il y a de la levûre sur les fleurs nectarifères ; ces fleurs sont sans cesse fouillées par une multitude d'insectes ; elles ne peuvent manquer d'abandonner à ces derniers des germes de levüre, qu'ils iront transporter sur des fleurs nouvelles ou sur des fruits. J’ai été ainsi conduit à chercher de la levüre sur le corps des insectes, particulière ment de ceux qui fréquentent les fleurs nectarifères. Le pro- cédé opératoire est toujours le mème : insecte est saisi avec 154 L. BOUTROUX. une pince flambée, et déposé dans un tube de moût qu’on vient de déboucher et qu'on rebouche immédiatement. On observe ensuite si le moût entre ou n’entre pas en fermenta- tion. Voici les résultats obtenus : SP NATURE OBJET J È Ê = 5 a Ch 14 mars 1889... | Abeille......... Fleurs :.::2, 1 1 1% mars 1882.... | Très petits coléo- | Fleurs d’Arabis Diese alpina. ...... 20 1 31 mars 1882... | Abeille......... Fleurs de Nonneu lUTER EME 1 1 31 mars 1882... | Insecte voisin de | Fleurs de Nonnea l'abeille. . .... RATS OE RES 1 1 31 mars 1882.... | Bourdon. ....... Fleurs de Nonnea lutea ..... ut 1 1 2 mai 1882..... Petites mouches | Fleurs d’Érable NOÏTES. sycomore ..... 10 2 6 mai 1882..... Abeilles ........ Fleurs diverses... 7 7 6 mai 1882..... | Sétoines........ Fleurs diverses.. 2 2 11 mai 1882..... | Abeilles........ Fleurs de Fram- boisier....... 6 6 3 juillet 1882... | Abeilles........ Fleurs diverses. . 6 5 30 septemb. 1882. | Guêpe.......... Raisin "+. 1 1 80 septemb. 1882. | Bourdon..... .. | Fleursde Linaria vulgaris ..... 1 1 4 novemb. 1881. | Abeillesouvrières | Réséda......... 7 5 4 novemb, 1881. | Abeilles mâles... | Un mur........ n 2 Ainsi, dans la plupart des cas, chaque insecte (Abeille, Guêpe, Bourdon, Sétoine, etc.) a fourni de la levüre. Les Coléoptères recueillis le 14 mars 1882 n’en ont fourni que dans la proportion de 4 sur 20, mais c’est à peine une excep- tion, car ils ne paraissaient pas visiter les nectaires des fleurs d’Arabis alpina qu'ils habitaient : les pétales de ces fleurs portaient de larges échancrures attestant qu'ils étaient l’objet spécial de la recherche de ces Insectes. Ces expériences montrent que les germes de levüre sont FERMENTS ALCOOLIQUES. 155 beaucoup plus nombreux sur le corps des insectes que sur les fruits ou même sur les fleurs. Dans plusieurs cas, la comparai- son à été faite expressément, comme l'indique le tableau suivant, dans lequel nous désignons par P le nombre des fleurs ou fruits qui ont fourni de la levüre pour 100, et par P' la même proportion pour les insectes recueillis en même temps. DATES. FLEURS OU FRUITS. P. INSECTES, P!, EE PAUL 31 mars 1882.... Nonnea lutea... 57 Abeïlleset autres. | 100 2 mai 1882..... EÉrable ......... 12,5! Mouches noires. 20 6 mai 1882..... | Bourrache...... 100 Abeilles et Sé- toines........ 100 11 mai 1882..... Framboisier..... 100 Abeilles ........ 100 3 juillet 1882... | Véronique...... 1 Abeilles, :.... 22 83 30 septemb. 1882. | Raisin entamé... | 100 | Guêpes et bour- donse ue 100 4 novemb. 1881. | Réséda. ........ 60 Abeilles ouvriè- TEST NN rie 71 Cette comparaison est toujours à l'avantage des insectes. Après avoir vu combien les germes de la levüre étaient nombreux, particulièrement sur les Abeilles, j'ai eu l’idée de rechercher si le miel pris dans la ruche contiendrait de ces ferments. Le 2 octobre 1882, j'ai pris un rayon de miel au moment où on le tirait de la ruche et j’en ai examiné le miel par la méthode des ensemencements. J’ouvre un opercule avec une pointe flambée, je prélève quelques gouttes de miel avec une pipette également flambée et j’en dépose une goutte dans un tube de moût de raisin stérilisé. J’ai fait la même opération avec le miel de quatre alvéoles différentes. Les tubes ont été portés au four à 24 degrés (l'expérience avait lieu à la cam- pagne). Aucun des tubes n’a fermenté ; trois d’entre eux sont même restés dépourvus de tout organisme vivant; le quatrième a été envahi par un mycélium de moisissure. Le miel ne conserve donc pas les germes de levûre que por- 156 L. BOUTROUX. taient les abeilles qui l'ont sécrété. Il est probable qu’il reçoit des cellules de levüre, mais que celles-ci y meurent. L'ensemble des faits acquis jusqu'ici tendrait à faire ad- mettre que les germes de levüre sont semés sur les fruits par les insectes, qui les ont eux-mêmes pris soit à d’autres fruits, soit aux fleurs. Pour juger de la valeur de cette hypothèse, 1l faut savoir si les levüres des fruits sont les mêmes que celles des fleurs et des insectes, si, en particulier, les levüres qui produisent les fermentations utiles se retrouvent sur les fleurs avant l’époque de la maturité du raisin. Dès que j'ai voulu résoudre cette question, je me suis aperçu que le genre Saccharomyces est loin d’être actuellement bien connu, et qu'avec les descrip- tions données par les micrographes il m'était impossible de déterminer les espèces que j'avais sous les yeux et de savoir si deux levüres d’origine différente appartenaient ou non à la même espèce. J’ai ainsi été amené à faire l'étude du plus grand nombre possible d'espèces du genre Saccharomyces au point de vue morphologique et physiologique, étude dans laquelle j'ai comparé les levüres que j'avais trouvées dans la nature à celles qui agissent dans diverses fermentations spontanées ou industrielles. J'ai récolté, en vue de cette comparaison, les levres du vin, du cidre, du levain de pain, des levüres des brasseries et une levüre que j'ai trouvée plusieurs fois dans des sirops ou confi- tures en état de fermentation spontanée. DEUXIEME PARTIE ÉTUDE DE DIFFÉRENTES ESPÈCES DE FERMENTS ALCOOLIQUES. Les expériences qui viennent d’être rapportées n'ayant fourni un grand nombre d'échantillons de levüre, j'avais à rechercher quelles étaient ceux qui-appartenaient à des espèces distinctes, et, quand cela était possible, à identifier ces espèces avec les espèces connues. Il fallait donc com- FERMENTS ALCOOLIQUES. 157 mencer par isoler chacune des espèces présentes, c’est-à-dire la séparer, premièrement des organismes étrangers auxquels était associé chaque échantillon de levüre (moisissures, bacté- ries, etc.), deuxièmement des autres espèces de levüres qui pouvaient avoir été récoltées en même temps. Ce travail de séparation, aussi ingrat qu'indispensable, a quelquefois pré- senté des difficultés considérables. Quand il s’agit de purifier une levüre associée seulement à des organismes étrangers, il n’y a nulle difficulté. Dans les conditions de mes expériences, c’est-à-dire le porte-semence (fleur, fruit, insecte) étant recueilli dans le moût de fruit, je n’ai rencontré que de rares espèces de bactéries, appartenant tantôl au genre Wicrococcus, tantôt au genre Bacillus, du Myco- derma vini et des moisissures. Pour se débarrasser des bactéries et des moisissures, il suffit de faire deux ou trois cultures de suite dans le même moût de fruit. Pour éliminer le Myco- derma vini, ce procédé ne donnerait aucun résultat : j'ai con- staté en effet que si l’on cultive un mélange de levüre de cidre et de Mycoderma vini dans du moût de cerises, à la septième culture, la végétation du mycoderme est aussi riche qu'à la première : la levüre et le mycoderme se développent aussi bien l’un que l’autre, sans paraître se nuire mutuellement. Au con- traire, en semant ce mélange des deux organismes dans un mi- lieu fortement acide, eau de levüre sucrée additionnée d'acide lartrique ayant pour acidité # d’eau de chaux pour 1 de li- quide (1), j’ai obtenu une séparation complète dès la première culture : la levüre seule a végété dans ce milieu. Pour plus de sûreté, il y a lieu de faire deux ou trois cultures successives de la levüre dans ce même milieu. C’est lorsqu'il s’agit de séparer les unes des autres plusieurs espèces de levüres associées que la difficulté devient grande. Souvent 1l est à peu près impossible de les obtenir toutes à l’état pur ; le seul résultat qu’on puisse atteindre est d’en pu- rifier une en sacrifiant les autres. (1) Ce qui représente 71,6 d’acide tartrique cristallisé par litre. 158 L. BOUTROUX. Les procédés qui m’ont réussi sont les suivants : 1° Cultures successives dans le moût de fruit. Ce procédé très simple réussit quand on a un mélange de deux levüres dont l’une est beaucoup plus active que l’autre; mais on ne peut jamais être sûr ainsi que la levüre la moins active a entièrement disparu. % Conservation prolongée du mélange de levüres dans le liquide dont il a provoqué la fermentation. C’est un procédé que je n’ai pas employé volontairement, mais qui a produit plusieurs fois le dédoublement d’une levüre que je croyais unique. Ayant abandonné pendant des mois une culture de levüre supposée pure, et l’ayant ensuite semée dans du moût, j'ai vu se developper une espèce toute différente de la semence originaire. C’est à de semblables découvertes, quelquefois pré- cieuses, mais souvent gênantes, qu’on s'expose en n’employant que le premier mode de séparation. 3° Culture dans des milieux de plus en plus acides. On arrive à une certaine acidité que l’une des levüres supporte beaucoup mieux que l’autre. J’opère ainsi quand il s’agit de levüres dont j'ignore les propriétés. Dans le cas contraire, j'emploie d'emblée un milieu d’une acidité que je sais suppor- table pour la levüre seule qu’il s’agit d'isoler. Nous avons déjà vu une application de ce procédé à l'élimination du Wy- coderma vine. 4 Exposition de la semence complexe à des températures de plus en plus élevées. Il y aura ainsi une espèce qui survivra aux autres à partir d’une certaine température. La remarque précédente est encore applicable. Tels sont les procédés qui m'ont paru les meilleurs. Pour obtenir la pureté complète, il est utile de combiner ces divers procédés ensemble. Je citerai deux exemples de purification de levüre par ces méthodes. J'ai fait l’analyse d’un levain employé à faire le pain, au point de vue des organismes microscopiques qu’il contenait. Ge levain était celui de la ferme de Sologne dont j'ai déjà parlé, ferme éloignée de toute brasserie; 1l y est conservé par cul- tures successives dans la pâte de pain de Seigle; sans être FERMENTS ALCOOLIQUES. 159 Jamais renouvelé. On fait le pain une fois par semaine, et chaque fois on réserve une portion de la pâte, qui servira de levain pour la semaine suivante. Je prélève une petite portion d’une masse de levain pétri depuis sept jours; je la délaye dans de l’eau et je l’examine au microscope; je trouve de gros grains d’amidon, de fins filaments droits ou coudés, appartenant au genre Bacillus, et de petites cellules à contenu granuleux qui peuvent appartenir au genre Saccharomyces. Une autre petite portion, prélevée, avec un tube flambé, au milieu de la masse de levain, est semée dans un tube contenant du moût de raisin stérilisé. Au bout de deux jours, la fermentation se déclare dans le moût de raisin. L'examen microscopique y fait voir de petites cellules rondes qui paraissent appartenir à l’espèce que M. Engel a nommée S. #ninor. En faisant plusieurs cultures successives dans le moùt de raisin, je ne tarde pas à reconnaître que toute trace de Bacillus a disparu, mais aussi que plusieurs espèces de Saccharomyces se développent simultanément. Un voile épais garnit la surface : l’examen au microscope montre qu’il est formé de Mycoderma vini (appelé encore Saccharomyces Mycoderma). Le dépôt du fond montre des cellules de deux grosseurs très différentes. Une culture dans de l’eau de levüre sucrée d’acidité 7 (1) fait immédiatement disparaître le My- coderma vini; mais il reste encore deux espèces distinctes. Les cultures successives en moût de cerises faisaient prédominer les plus grosses cellules. Ge mode de séparation ne m’inspirant que peu de confiance, j'ai recours à la chaleur. La levüre mé- langée est portée à 55 degrés pendant une minute. Après ce traitement les plus petites cellules sont mortes ; les grosses subsistent : c’est une levüre pure ; nous la retrouverons sous la désignation de levûre XI. Chérchons maintenant à isoler l’autre espèce. Je sème la levüre mélangée dans des tubes de moûts d’acidité 8, 10 (1) C'est-à-dire telle que 1 volume de liqueur est saturé par 7 volumes d’eau de chaux ; c’est toujours ainsi que je mesurerai l'acidité, 160 L. BOUTROUX. et 12. Dans chacun de ses tubes, 1l se développe un organisme formant voile à la surface à la façon du Wycoderma vini, mais constitué par des cellules d’une forme différente : elles sont tout à fait rondes, plus petites que les cellules de levüre ordi- naire; d’après leur aspect elles peuvent appartenir à l'espèce S. minor. Les cellules qui ont poussé dans le tube d’acidité 19, semées dans un second tube de même acidité, ne se multi- plient pas : c’est donc une acidité qui ne permet pas plusieurs cultures de suite. J’ai recours au tube d’acidité 10 : une goutte du dépôt de ce tube, semée dans le moût d’acidité 12, donne un développement appréciable ; quelques cellules de cette der- nière culture, semées dans du moût de bière, donnent un déve- loppement luxuriant, formant un voile grimpant à la surface, mais ne produisant aucune fermentation (voy. pl. XII, fig. 2). Par conséquent le S. minor que j'avais cru voir au début, ou s’est perdu dans les cuitures successives, ou n’existait pas du tout, et était remplacé par de petites cellules rondes, qui, en réalité, n'étaient que ce que nous appelons des torulas. Me rappelant cependant que la fermentation première avait été provoquée par de petites cellules rondes très différentes de la levüre XI, je n’ai pas renoncé après cette expérience à mettre en évidence le S. minor. J’ai eu recours à une autre culture dont la semence primi- tive, empruntée au même levain, avait été cultivée deux fois dans du moût de raisin et une fois dans un moût d’acidité 7 : les dernières cultures ne présentaient plus du tout de voile, mais les cultures nouvelles donnaient naissance à des cellules de deux sortes. J’ai soumis cette levüre mélangée au double traitement précédent. Par la chaleur, j'isolais la levüre XT. Par des cultures plusieurs fois répétées dans des moûts d’acidité 4 et 5, j'ai isolé au contraire les petites cellules rondes : celles-ci faisaient parfaitement fermenter le sucre; elles appartenaient bien au S. minor (pl. XV, fig. 30). Cette analyse a donc fourni, outre les bactéries, quatre orga- nismes différents : le Mycoderma vini, qui n’a pas été isolé (c'était inutile), deux véritables levüres et un organisme sem- FERMENTS ALCOOLIQUES. 161 blable au Saccharomyces par sa forme, mais dénué du rôle de ferment. Ces trois derniers organismes ont été isolés. Re- marquons en passant que, sans cette séparation complète, il aurait été impossible de savoir si les petites cellules rondes observées au début appartenaient réellement à un ferment alcoolique. Jene traite pas ici la question de la nature de la fermentation panaire. Cependant les faits précédents m'amènent à en dire un mot. Il a été publié récemment d’intéressants travaux sur ce sujet. M. Chicandard (1) à établi que la fermentation panaire n’est pas une fermentation alcoolique, et nie même la présence de tout ferment alcoolique dans le levain. Cette manière de voir à été confirmée par une note de M. Mar- cano, relative à la pamification au Venezuela (2). Cependant M. Moussette (3), travaillant sous la direction de M. Barral, a tiré 1,60 d'alcool pour 100 en volume, du liquide obtenu par la condensation des vapeurs qui s’échappaient d’un four pendant la cuisson du pain. Les résultats dont je viens de rendre compte me paraissent confirmer la théorie de M. Chicandard pour le point le plus important. Il faut bien que la fermentation panaire principale ne soit pas une fermentation alcoolique, pour que dans du levain de huit jours en pleine fermentation, propre à faire lever de la pâte nouvelle en quelques instants, l’examen microsco- pique n’ait révélé que de rares cellules dont lidentification avec de la levüre était douteuse. C’est en effet ce que j'ai observé : sans les cultures, 11 m'aurait été impossible d'affirmer la présence de Saccharomyces dans ce levain; et pourtant la levüre XI est en grosses cellules rondes bourgeonnantes bien visibles ; le S. minor, plus petit, est également facile à aper- cevoir lorsqu'il est en pleine végétation : il forme des cha- pelets ou des paquets de cellules rondes qu'il est impossible de confondre avec des grains d’amidon (pl. XV, fig. 29 et 30). (1) Comptes rendus de l'Acad. des sc., t. XCVI, p. 1585. (2) C. R;, t: XOVI, p. 1733. (3) Ibid., p. 1865. 6° série, Bor. T. XVII (Cahier n° 3)°. il 162 L. BOUTROUX. Si l’abondant dégagement de gaz qui avait considérablement muluplié le volume du levain examiné avait été produit par les Saccharomyces, ceux-ci auraient dû présenter une végétation luxuriante. _Les Bacillus, au contraire, étaient bien visibles : il n’était pas besoin de les faire multiplier par la culture pour les mettre en évidence. Cependant refuser tout rôle, même accessoire, à la levüre, me parait difficile quand on voit un levain de ferme, loin de toute brasserie, conserver deux espèces de levüre particulières, car, comme on le verra dans cette étude, les deux espèces que J'ai trouvées dans ce levain sont différentes des levüres de brasserie ainsi que de celle du vin. A la vérité, les faits qui précèdent ne fournissent aucun renseignement sur le rûle que peut jouer la levüre dans la fermentation panaire, mais ils permettent du moins d’en affir- mer la présence dans un levain de pain, conformément au résultat annoncé par M. Engel. Comme second exemple d'analyse, je citerai celle d’un moût en fermentation spontanée. On à pris des pommes à cidre; on les a écrasées, additionnées d’eau, et la masse à été pressée. Le moût obtenu a été placé dans une grande fiole et porté à l’étuve. La fermentation s'étant déclarée, l’examen microsco- pique a montré diverses cellules de Saccharomyces, ainsi que des bactéries. Plusieurs cultures dans du moût de cerises et dans de l’eau de levüre sucrée acide firent disparaitre les bactéries : 1l restait du WMycoderma vini et une levüre véri- table. Le Mycoderme fut éliminé par des cultures dans un milieu d'acidité #. On aurait pu croire à ce moment avoir obtenu une levüre pure : l’examen microscopique montrait des cellules assez semblables entre elles, que nous décrirons bien- tôt sous la désignation de levüre VE (pl. XIV, fig. 16 et 16 bus). Cette levüre est semée dans plusieurs tubes de moût de cerises répartis en quatre groupes de cinq tubes, lesquels sont portés respectivement à 99, 60, 61 et 62 degrés. La semence déposée dans ces tubes avait été empruntée à une FERMENTS ALCOOLIQUES. 163 culture très ancienne, datant de sept mois. Les cinq tubes du premier groupe entrèrent en fermentation, il n'y en eut que quatre du second groupe, et trois du troisième, Parmi les cinq tubes du quatrième groupe, qui avaient été portés à 62 degrés, un seul avait conservé de la levüre vivante, et cette levüre, examinée au microscope, se montra différente de la semence. C'était celle que nous retrouverons plus loin avec le n° VII (pl. XIV, fig. 18). Elle a été soumise à plusieurs cultures sue- cessives après chauffage à 62 et même 63 degrés. La levüre du cidre n’était donc pas pure : elle contenait la levüre VIT et une autre. Cette dernière a été isolée par cultures dans des milieux de plus en plus acides : dans les milieux d’acidité supérieure à 8, elle ne se multipliait pas d'habitude ; cependant j'ai obtenu exceptionnellement une culture dans un milieu d’acidité 10. C'est à cette culture que J'ai emprunté ma semence pour toutes les expériences relatives à la levüre VE. Jamais trace de levüre VIT ne s’y est montrée. Ce n’est pas tout : la levère VIT elle-même n’était encore qu'un mélange. En eflet, désirant un jour faire une culture de levüre VIT, j'empruntai ma semence à une culture faite deux mois et demiauparavant. À ma grande surprise, ilse développa une levüre d’un aspect microscopique tout différent de celui que je connaissais : j'examinai alors plusieurs anciennes eul- tures de cette même levüre,el je rencontrai dans les dépôts deux formes différentes de cellules, la forme que je connaissais déjà comme étant celle de la levüre VIT, et en même temps la nouvelle forme. Une nouvelle séparation était à faire. J’essayai l'emploi de mes moyens habituels, mais cette fois avec un demi-suceès seulement : les deux levüres supportaient à peu près la même température et la même acidité ; on aurait donc pu croire à l'identité de ces deux levûüres, et pourtant la diffé- rence de forme se conservait nettement à travers la série des cultures successives faites dans des conditions semblables. J’ai fini par isoler la levüre VIT par des cultures dans des milieux d’acidité difficilement supportée (acidité 5), mais je n'ai pas pu jusqu'à présentobtenir autre levüre exempte de levüre VIT 164 L. BOUTROUX. Cette analyse, qui a fourni du Mycoderma vini et trois espèces de levüre dont deux ont été isolées, présente emploi des quatre procédés de séparation combinés. Il m'a semblé utile de la décrire en détail parce qu’elle donne la solution d’un problème pratique. Le brasseur est souvent aux prises avec de grandes difficultés provenant du mélange de plusieurs espèces de Saccharomyces : rarement son levain est constitué par une espèce unique, ce qui serait favorable à la régularité de la fermentation. L'application des procédés qui viennent d’être décrits permet d'isoler les espèces, d'étudier la fermen- tation que chacune d’elles produit, et de donner la préférence à celle qui fait la meilleure bière. Heureusement il n’est pas toujours aussi pénible d'obtenir un échantillon de levüre pure. On obtient quelquefois ce résultat du premier coup. C’est l’avantage des cultures de micro-organismes en général faites avec une semence em- pruntée à un milieu où elle est rare. Quand, par exemple, je dépose une petite fleur comme celle du Sedum rubens ou de l'Érable sycomore dans un tube de moût de fruit, il arrive par- ois qu'il se développe une seule espèce de levüre. Jai quelque- fois profité de semblables chances. Une fois en possession d'échantillons de levüres pures ou supposées telles, et je n’en avais pas moins de trente et un regardés provisoirement comme différents, 1l fallait rechercher uels étaient ceux qui appartenaient à des espèces réellement distinctes. J'ai institué pour cela un grand nombre d’expé- riences de comparaison dont je rendrai compte en désignant provisoirement chaque espèce de levüre par un simple numéro d'ordre. Les espèces que je regarde définitivement comme distinctes sont au nombre de dix-neuf au moins. Je laisse de côté dans cette étude celles dont l’autonomie est encore dou- teuse : il y aura donc dix-neuf numéros. Les levûres I, IT, III et IV proviennent de levains de brasserie; les n° XI et XII désignent celles que J'ai trouvées dans le levain de pain de Seigle, toutes les autres sont des levres spontanées (1). (1) Dans une note insérée au Bulletin de la Société linnéenne de Normandie, FERMENTS ALCOOLIQUES. 165 Les caractères qui ont servi à faire la distinction des espèces sont les suivants : 1° Aspect macroscopique de la levüre. — L'examen macrosco- pique consiste à observer si dans son développement la levüre forme un voile à la surface libre du liquide, si elle dépose des trainées de flocons le long des parois du vase, si elle abandonne au fond un dépôt pulvérulent ou floconneux, si pendant la fermentation elle trouble le moût ou le laisse limpide. Pour que ces données aient quelque valeur, il faut que toutes les cultures soient faites dans les mêmes conditions de milieu et de température, et examinées à la même époque. Dans les expériences qui vont être rapportées, les vases étaient les petits tubes de verre qui ont été décrits plus haut. Le liquide de culture était du jus de cerises étendu de trois fois son volume d’eau. La température était de 30 degrés environ. Les levüres [, VIE, VILLE, IX, XI, XIE, XVI, XVII ne forment pas de voile à la surface du liquide. Les levüres VLet XVI ne forment pas non plus de voile, mais présentent souvent à la surface libre un ou plusieurs petits ilots de cellules. Les levüres LE, IT, IV, X, XHIF, XVII, XIX, forment un voile floconneux facilement dislocable. Enfin il y a deux espèces, Vet XIV, qui produisent des voiles tout à fait membraneux, ridés, à la manière du Mycoderma vini. Gelui de la levûre V est sans ténacité; les secousses le disloquent facilement; celui de la levüre XIV est au contraire épais et tenace; si l’on agite le liquide, le voile tombe au fond sans se déchirer. L'examen du dépôt n’est caractéristique que pour un petit nombre d'espèces. Généralement celles qui ne forment pas de voile à la surface abandonnent au fond du liquide un dépôt pulvérulent, tassé, ou finement floconneux. Souvent le dépôt qui s’est formé au début de la fermentation est pulvérulent, grisâtre ; plus tard on le trouve surmonté d’un dépôt flocon- » neux blanc : la différence de couleur des dépôts successifs est année 1883, j'ai déjà décrit la plupart de ces levüres, quelques-unes avec des numéros d'ordre différents. 166 L. BOUTROUX. liée au changement de couleur du moût : celui-ci se décolore toujours plus ou moins pendant la fermentation active. La matière colorante se précipite et colore la levüre; quand cette précipitation est achevée, la levüre qui continue à se déposer est blanche. Les dépôts caractéristiques sont ceux des levüres IF, XIV et XV. La levüre [IT abandonne un dépôt en gros flocons isolés qui ressemblent à un précipité cailleboté de chlorure d'argent; ce caractère est mieux mis en évidence quand on fait la cul- ture dans un vase à large fond contenant une faible épaisseur de liquide : les autres levüres tapissent complètement le fond d’une pâte d'aspect homogène pour l'œil; celle-cr au contraire abandonne de gros flocons qui laissent voir le verre parfaite- ment propre entre leurs intervalles. La levüre XIV abandonne un dépôt exceptionnellement volumineux, floconneux et écailleux, composé de feuillets suc- cessifs. Ge dépôt provient du voile superficiel qui tombe sous l'influence des secousses, est remplacé par un second, lequel tombe à son tour, et ainsi de suite indéfiniment. Quand la culture est faite dans un tube suffisamment étroit et à l'abri des secousses, ce n’est pas au fond, mais à la surface libre, que l’on trouve ce dépôt d’une épaisseur exceptionnelle. La levüre XV forme un dépôt en choux-fleurs serrés, qui orossissent beaucoup sans s’aplatir. Les levüres qui troublent le moût pendant la fermentation dans les conditions où j'ai expérimenté sont les n% IT, V, VE, VII, X, XI, XVE. Les autres ne restent pas en suspension dans le liquide, ou le remplissent de flocons entre lesquels la limpi- dité subsiste. Ge caractère est loim d’être absolu : il n’a de valeur que par comparaison, et autant que les cultures sont faites dans des conditions aussi identiques que possible. Les levüres [, IT et IX troublent quelquefois légèrement le liquide. 2° Aspect microscopique. — L'examen microscopique a été fait surtout dans deux conditions spéciales. Les cellules ont été examinées d’abord à l’état Jeune, pendant la multiplication active. Dans cetétat, certaines levüres sontà peu près complè- FERMENTS ALCOOLIQUES. 167 tement sphériques (VIT, XI, XII, XV, XVIII), d’autres sont ovoides (E, X, XVII), d’autres sont très allongées (I, XIV, XVI), mais peuvent présenter aussi les formes rondes ou ovales. Les dimensions, comme la forme, varient d’une espèce à l’autre. | Voilà pour la forme des cellules individuelles. Leur mode de sroupement est souvent caractéristique. Dans les espèces les plus actives comme ferments, les cellules sont généralement peu groupées. Au contraire, les levüres XIT, XIIT, XIV, XV, présentent des paquets de cellules quirestent soudées ensemble en nombre très variable, soit en chapelets linéaires ou rameux, soit en masses müriformes ou étoilées. Ces caractères fournis par les cellules jeunes sont souvent trompeurs. Ils se modifient à mesure que la culture s’'avance. Des cellules d’abord sphériques peuvent s’allonger en véritables tubes; les dimensions sont des plus variables, surtout pour certaines espèces, notamment pour la levüre XIV. Le mode de groupement varie beaucoup aussi. Le second état qui a fourni d’utiles caractères microscopi- ques est celui que prennent les cellules superficielles dans les cultures où la fermentation est terminée. Les cellules qui for- ment voile à la surface développent souvent à leur intérieur des corps ronds assimilables à des spores. Cette observation, faite sur toutes les levüres, a fourni des caractères différentiels importants. Les levüres VIIT et XVIT donnent très facilement de ces ascospores : les cellules superficielles, examinées plu- sieurs semaines après l’ensemencement, sont presque toutes remplies de petites boules au nombre d’une ou plusieurs, quatre ou cinq au maximum, disposées soit en file linéaire, soit en pile de boulets; quelquefois la membrane enveloppante est à peine visible, et le reste du contenu de la cellule a dis- paru. C’est exactement l'aspect des thèques figurés par Max Reess (1) et par M. Engel (2). (1) Botanische Untersuchungen über die Alkoholgährungspilze, Taf. L. fig. 10. (2) Engel, Les ferments alcooliques. Thèse pour le doctorat, 1872. È Il » 168 L. BOUTROUX. Dans la plupart des espèces, les cellules vieilles superfi- cielles, sans se résoudre entièrement en spores, présentent un contenu granuleux, au milieu duquel on voit une ou deux petites boules. Enfin dans les espèces IV, VIT, XIIT, en examinant les cel- lules vieilles des voiles superficiels, je n’ai observé que de petits grains plus ou moins libres et plus ou moins nombreux. Certaines espèces (XVII et XIX) présentent dès l’état jeune, au milieu de cellules bien vivaces, des boules légèrement colo- rées en brun verdàtre, au nombre d’une ou plusieurs par cellule. Je ne saurais dire quelle en est la nature, mais comme elles sont à peu près constantes dans certaines espèces, et manquent constamment dans d’autres, elles fournissent un caractère distinctif. Je ne parle pas iei des vacuoles, que l’on connait depuis longtemps, et que présentent surtout les levüres actives, comme celles de la brasserie, les levüres V, XVE, et autres. 3° Actions des levüres sur le sucre de canne. — Gertaines levüres font fermenter le sucre de canne aussi bien que le olucose; d’autres ne peuvent provoquer la fermentation que de ce dernier sucre. Pour faire l'épreuve, je sème la levüre en quantité imperceptible dans un mélange neutre au tourne- sol d’eau de levüre et de sucre de canne, stérilisé par un chauffage en vase clos à 115 degrés. Dans ces conditions les levres de LE à XV ont produit une fermentation manifeste; les autres, de XVI à XIX, se sont développées abondamment, mais sans dégager une seule bulle de gaz et sans modifier la saveur sucrée du liquide. La levüre XVI s’est même très peu déve- loppée. Ces dernières sont pourtant bien des ferments alcooli- ques, car semées dans un mélange d’eau de levüre et de glucose elles transforment ce sucre en alcool avec dégagement de gaz. Ge caractère, d’une netteté absolue, répartit en deux groupes toutes les levüres que j'ai étudiées : J’appellerai levüres snversives celles du premier groupe, parce qu’elles sont capables d’interverur le sucre de canne, et levüres non inversives celles du second. FERMENTS ALCOOLIQUES. 169 % Résistance à l'acidité. — Toutes les espèces ont été semées dans des mélanges d’eau de levüre, de glucose et d’a- cide tartrique où l’acidité était respectivement de 1/9, 4, DNS PAU 12, d’eau de chaux pour 1 de liquide. Gette compa- raison n’a pas fourni des résultats aussi nets que je Paurais espéré. Les premiers jours après l’ensemencement, j’observais des différences bien tranchées : certaines levüres supportaient des acidités qui empêchaient le développement de certaines autres. Mais à mesure que le temps s’écoulait, le nombre des espèces quisupporlaient chaque acidité essayée allait en crois- sant, et au bout d’un mois presque toutes les levüres avaient supporté les acidités les plus fortes. Voici quelques faits : Dans une expérience où les acidités essayées étaient 4, 5 et 6, au bout de trois jours les résultats étaient les suivants. Aucune des levüres non inversives, XVI exceptée, ne s'était développée dans les tubes d’acidité #; Pacidité # avait aussi empêché le développement de deux levüres inversives, XIE et XV; l'acidité 5 avait empêché le développement des levüres Let IF; Pacidité 6 celui des levûres ITT, VIIT et XIV ; les levüres IV, VE, IX et XVT avaient supporté l'acidité 6. Au bout de dix- neuf jours presque toutes les différences s’élaient effacées. Toutes les levüres inversives s'étaient développées dans le moût d’acidité 6; quant aux levüres non inversives, quelques- unes ne s'étaient encore développées que dans le liquide d’acr- dité #, mais plus tard elles finirent aussi par faire entrer en fermentation les liquides d’acidité 3 et 6. Les acidités plus élevées ont été essayées et ont donné des résultats semblables. De sorte qu’au lieu de pouvoir fixer numériquement l’acidité limite que supporte chaque levüre, je n’ai pu recueillir que des caractères un peu vagues : les levüres non inversives, sauf XVE, résistent difficilement à Paci- dité ; la levüre XVI, au contraire, supporte facilement même l'acidité 19 ; parmi les levüres inversives, les levüres FE, IT et [IT supportent plus difficilement l’acidité que les autres. Ces expériences n’ont pas porté sur les levüres VIT, X' et XI, que je n'avais pas encore isolées à cette époque. 170 L. BOUTROUX. 9° Activité du développement. — Dans le même milieu, à la même température, dans des vases de même forme, la semence étant toujours prise dans le même état de Jeunesse et en quantité à peu près égale (une ou deux gouttes de liquide d’une précédente culture), les différentes levüres pro- voquent des fermentations inégalement rapides. La comparaison à été faite dans des milieux d’acidités di- verses.On observait les moments où commençait et où finissait la fermentation. Quand celle-ci est lente, le moment où ellese termine est impossible à déterminer, même à deux jours près. Le milieu de culture étant du moût de cerises étendu d’eau, on a obtenu les résultats contenus dans le tableau suivant, où t désigne le nombre de jours au bout duquel on a observé le , premier dégagement de gaz, et T le nombre de jours qu’a duré L2 le dégagement de gaz : NUMÉRO DE Ga ie LA LEVURE. (Posese 1, jour. 3 jours. NE. APE ee 3 — IDE RATE A ÉÉRENAUATS 2: Veau dors 1 5 — MARÉES (re Di MES RE 3 — NI JTE IE 3 — Levures inversives..... Vie Digsapie à OPEN EB INAÈTE. SR 3 — NATREUE Di nes 2u— bin À =, 2 — XIE jeep e Dre XIE +. AC ANR NEVERS D > 6 — NV RU DR se 5 — NO RATER IIS ES ES k. — à TT NUITS Dis sttia k 1, — Levures non inversives. | XVII... LC 2 XIX. D are > 6 — La levüre XIT n’a pas été étudiée dans cette série d’expé- riences. Dans d’autres essais, elle s’est montrée capable de produire des fermentations plus rapides que la levüre IT, Les nombres qui précèdent ne doivent pas être considérés FERMENTS ALCOOLIQUES. 171 comme bien fixes, surtout ceux qui indiquent la durée de la fermentation. Ils ne peuvent servir que de moyens de compa- raison. L'ensemble des observations faites m'a montré que les levüres les plus actives sont TT, IX, V, VI, X, VIT, XVI, XIE, IT, 1, IX, VILLE, rangées à peu près dans l’ordre d'activité. Les levûres qui engendrent les fermentations les plus lentes sont, parmi les inversives, [V, XIII, XIV, XV, et parmi les non inversives, XIX. Les fermentations produites par les levûres non inversives, sauf XVI, sont généralement lentes. Voici maintenant quelques résultats de comparaisons faites dans des milieux d’acidité croissante. Le tableau ci-jomt fait connaître le nombre de jours £ qui s’est écoulé pour chaque levüre depuis l’ensemencement jusqu’à l'apparition des pre- mières bulles de gaz dans les milieux d’acidité 1/92, #4, 5, ...9. VALEUR DE £ POUR LES ACIDITÉS, NUMÉROS DE LA LEVURE. Jours. Jours. Jours. Jours, À Jours. 3 19 6 19 6 2 2 2 5 3 Le) OT RO Ot HO Ce tableau présente quelques anomalies qui montrent que la précision absolue est impossible dans ce genre d'expériences : la levüre XIV, par exemple, a mis quatre jours à provoquer la 172 L. BOUTROUX. fermentation en liqueur d’acidité 6, et seulement trois jours en liqueur d’acidité 7; anomalie semblable pour la levûre XV. Ce fait n’est pas surprenant : les acidités 1/2 4, 5 et 6 ont été essayées dans une même expérience, et les acidités 7, 8 et 9 dans une autre; la semence n’était pas la même dans lun et l’autre cas: les conditions de culture pouvaient être aussi légèrement différentes. [l n’y a plus la même raison à Imvo- quer pour expliquer les anomalies de ce genre présentées par les levüres [, Iet XVT: pour les deux premières, les valeurs de € sont de dix-neuf jours en liqueur d’acidité 5, et de cinq jours en liqueur d’acidité 6; pour la levüre XVE, elles sont de cinq Jours, et de quatre jours en liqueurs respectivement d’acidités 8 et 9 ; on ne peut voir là que des accidents. Dans la majorité des cas, on voit qu’il faut régulièrement, pour que la fermentation commence, un temps d'autant plus long que le milieu est plus acide; avec les acidités 10, 11 et 12, les évaluations numériques deviennent impossibles : la fermentation tarde beaucoup à apparaître ; quelquefois elle ne se manifeste jamais par des bulles de gaz, mais seulement par l'augmentation croissante du dépôt et par la diminution de la saveur sucrée constatée quand on à mis fin à expérience. Il en a été de même avec les acidités 4, 5, 6, … 9, pour les levüres non inversives autres que XV. Les levüres dont l’activité paraît le moins souffrir de l’aci- dité sont IV, XIV et XVI. Dans une expérience spéciale, elles ont produit la fermentation du moût d’acidité 12 en moins de quatre Jours. G° Résistance à la température. — Le procédé employé, un peu primitif par suite du manque d'appareils appropriés, pré- sentait cependant un certain degré de précision. Un bain- marie, toujours le même, rempli d’une quantité d’eau inva- riable, était chauffé au moyen d’un fourneau alimenté par du gaz d'éclairage sous pression constante. Le gaz, sortant d’un régulateur Giroud, arrivait par un tube de caoutchouc que l’on serrait à volonté au moyen d’une pince à vis. Un manomètre incliné de Scholfield faisait connaitre la pression. Celle-ci était FERMENTS ALCOOLIQUES. 173 choisie de manière à ce qu’aux températures essayées l’eau du bain s’élevät de L degré en trois minutes. Pour faire une expérience, on plongeait dans ce bain, l’eau étant froide, un certain nombre de tubes de moût qui venaient d’être ensemencés puis fermés à la lampe, et en même temps un tube semblable plein d'eau et portant à son intérieur le réservoir d’un thermomètre. Ensuite on chauffait. On peut admettre que la température à laquelle étaient portées les semences était donnée par le thermomètre. Quand celui-ci indiquait le degré voulu, on retirait les tubes; on les laissait refroidir, puis on les ouvrait dans une flamme; pour éviter toute rentrée de germes, on les coiffait de petits chapeaux de verre, et on les portait à l’étuve. En vue d'éliminer les phé- nomènes accidentels, on faisait toujours l'essai de chaque tem- pérature sur trois, quatre ou cinq tubes de la même levüre. De plus, chaque expérience portait sur plusieurs levüres à la fois, de manière à fournir, sinon des nombres absolus exacts, au moins d’utiles comparaisons entre les levüres essayées, les quelles se trouvaient placées dans des conditions identiques. J'ai ainsi déterminé la température mortelle pour chaque levüre en essayant d’abord des températures se suivant de deux en deux degrés, puis de degré en degré. Celle que j’ap- pelle mortelle, diminuée d’un degré, devient une température supportable. Elle varie naturellement avec la vitesse de l’échauffement : les nombres adoptés ne s'appliquent qu'à la vitesse de À degré en trois minutes dans le voisinage de la température mortelle. L'ensemble de ces nombres forme une échelle qui s'étend de 52 à 64 degrés. En voici le tableau : TEMPÉRATURES. LEVURES QU'ELLES TUENT. DA de TÉS Aer rcee XVI. 53 "EN E ET Let XII, XV, XIX. 56 NE. CAE 1, IX XIV, XVIIT- ER bo BsDE XII. OT Ar do ab der VIII CE EF ab 0 done XVII OA Il. CARTONS DO DER 0 S UE II, V, X COR cure eee VI, VII 174 L. BOUTROUX. Pour faire juger du degré de précision que comportent ces déterminations, je donnerai le détail d’une expérience. Essai des températures 60, 61, 62 et 63 degrés sur les levüres IF, IE, IV. Ges trois levüres, prises au même âge (un jour) sont semées chacune dans onze tubes de moût de cerises; l’un de ces tubes sera gardé comme témoin, les autres seront chauffés. Ces derniers sont scellés à la lampe, puis répartis en quatre faisceaux contenant chacun trois tubes de chaque levüre, et enfin chauffés; le premier faisceau est retiré du bain-marie quand la température est montée à 60 degrés, le second à 61 degrés, etc. Après refroidissement, Îles tubes chauffés ayant été convenablement ouverts, sont portés à l’étuve ainsi que les tubes non chauffés. Le lendemain, les trois témoins fermentent seuls. Troisième jour : Rien dans les tubes IT et TT chauffés; parmi les tubes IV, les trois tubes chauffés à 60 degrés, les trois chauffés à 61 degrés, deux des tubes chauffés à 62 degrés et un des tubes chauffés à 63 degrés, commencent à fermenter. Quatrième jour : Rien dans les tubes IT; parmi les tubes II, un seul fermente, c’est un de ceux qui ont été chauffés à 61 de- crés. Tubes IV : tous les tubes chauffés à 60, 6T et 62 degrés ; et un seul des tubes chauffés à 63 degrés fermentent. Mêmes résultats les jours suivants. Ainsi, dans cette expérience, la levüre IT n’a pas sup- porté 60 degrés. J'ai cependant inscrit GT degrés comme tem- pérature mortelle pour cette levüre, parce que dans une autre expérience trois tubes sur quatre avaient supporté 60 et non 61 degrés. La levüre IT a présenté une anomalie aucun des tubes n’a supporté 60 degrés, tandis qu'un tube sur trois chauffés à 61 degrés a fermenté. Pour cette levûüre, la température de 61 degrés ne péut être considérée que comme une limite. La levüre IV à supporté les températures de 60, 61, 62 et 63 degrés, cette dernière comme tempé- rature limite. Des anomalies comme celle qu'a présentée ici la levüre III ne sout pas rares, quand -on arrive aux tem- FERMENTS ALCOOLIQUES. 175 pératures limites : il en peut résulter des erreurs de À ou même 2 degrés sur les températures mortelles. Pour les éviter, j'ai, autant que possible, dans les cas douteux, mis en expérience quatre où même cinq tubes à la fois pour chaque levûre et pour chaque température. Mais on conçoit que l’ex- périence devient beaucoup plus difficile quand on multiplie ainsi le nombre des tubes : la consommation en devient telle, au bout de quelques expériences semblables, qu’on est bientôt exposé ou à la pénurie, ou à encombrement. Je ne puis donc répondre des températures mortelles absolues qu’à 1 ou 2 de- grés près; et ce que des expériences telles que la précédente font connaître le plus exactement, ce sont les différences de résistance de diverses espèces. 7° Pouvoir. alcoogène et pouvoir fermentatif. — Chaque levüre est capable, en présence d’un excès de sucre, de pro- duire une certaine proportion maxima d'alcool à peu près constante pour une même levüre et différente d’une levüre à une autre. C’est cette proportion maxima d'alcool que j’ap- pelle le pouvoir alcoogène. Quant au pouvoir fermentatif, j'appelle ainsi le poids d’al- cool formé pendant la disparition de 100 grammes de saccha- rose ou du poids équivalent (105 grammes) de glucose. Plus la levüre est puissante comme ferment, moins elle emploie le sucre à autre chose qu’à en faire de l'alcool. J'ai mesuré le pouvoir alcoogène des espèces qui ne détrui- sent pas tout le sucre d’une solution à 14 pour 100; le pou- voir fermentatif n'a été mesuré que pour cinq espèces, mais les résultats des expériences qui vont être rapportées per- mettent de s’en faire une idée approchée. On fait un mélange de sucre de canne, d’eau de levire, d'acide tartrique et d’eau distillée. L’acide tartrique à été ajouté pour permettre la stérilisation du liquide à 100 degrés. La proportion d'acide employé (0,095 pour 100 centimètres cubes) correspond à l'acidité 1/2. Ce liquide est placé dans des fioles fermées chacune par un bouchon que traverse un petit 176 L. BOUTROUX. tube de verre surmonté d’un tube de caoutchouc. Un de ces flacons est représenté dans la figure ci-contre. On fait bouillir chaque fiole, puis, pen- dant l’ébullition, en même temps qu’on éteint la flamme du gaz, on ajuste au tube de caoutchouc un tube à coton flambé comme ci-dessus. Le liquide est maintenant stérilisé : on peutle conserver indéfiniment. Des fioles ainsi préparées sont ensemencées le même jour avec toutes les levres inver- sives. La fermentation dure un temps va- riable d’une Ilevûre à une autre; quand elle est bien terminée dans une fiole, on y dose le sucre qui peut être resté et l'alcool qui s’est formé. Pour soumettre à la même épreuve les levüres non inversives, on rem- plaçait le sucre de canne par du glucose. L'expérience a été faite deux fois pour toutes les levüres ; la première fois, pour les levüres inversives, le liquide conte- nait 10 grammes de sucre pour 100 centimètres cubes; pour les levûres non inversives la liqueur était composée de la même manière : on y avait introduit 10 pour 100 de glucose du commerce, mais elle ne contenait que 6,4 pour 100 de glucose réel dosé à la liqueur de Fehling. Dans la seconde expérience, le moût au saccharose en contenait 14,95 pour 100; le moût au glucose contenait 17 pour 100 de sucre réducteur réel. Les résultats obtenus sont consignés dans les tableaux sui- vants, où les colonnes marquées A sont relatives à la première expérience, et les colonnes B à la seconde. FERMENTS ALCOOLIQUES. A0 LEVURES INVERSIVES. POIDS DE SUCRE | A AS ALCOOL ee ALCOOL POUR 4006 NUMEROS < DOUÉ EN VOLUME. EN POIDS, APRÈS LA FERMENTATION DES LEVURES. ES | A B A. B A Il gr. gr. gr. és nt RCA 0 1,1 6,55 8,85 | 51 7,02 1 LUE REP 0 0 6,25 9,55 2,97 7,59 AR at 0 0 6,55 9,50 5,21 7,55 INA 0 1,7 6,35 8,50 5,05 6,76 Viteheté () 0 6,30 9,55 5,00 7,59 \ 1 RARE () 0 6,00 | 9,40 | 4,77 7,47 Mens 0 0 6,05 9,50 A,81 7,55 PTIT RE 0 0,14 | 6,30 9,05 | 5,00 7,20 Ne 0 0 6,05 9,10 1,81 7,47 MERE E € 0 n 6,25 | 9,45 2,97 7,51 Nemo: û 0 6,25 9,45 | 4,97 7,51 TT SEEN 1,5 2,8 4,80 6,55 3,82 5,21 NV 3,6 4,0 3,60 | 4,50 | 2,86 3,58 RU RE 7,4 1,45 110 | 0,915 | 3,26 La levüre XII ne figure pas dans ce tableau, parce qu’elle n'a pas été essayée avec les mêmes solutions; il en sera ques- tion plus loin. Dans les expériences sur les levüres non-inversives, on pre- nait toujours pour terme de comparaison ane des levüres inver- sives les plus actives, la levûre de brasserie II. LEVURES NON INVERSIVES. POIDS DE SUCRE NUMÉROS Bout O0SE APRÈS LA FERMENTATION ALCOOL °/, ALCOOL POUR 100: EN VOLUME. EN POIDS. DES LEVURES. 6° série BorT. T. XVII (Cahier n° 3) f. 12 178 L. BOUTROUX. L'inspectuion de ces tableaux suggère les remarques sui- vantes : 4° Parmi les levüres inversives, la plupart font fermenter complètement une solution de saccharose à 14 pour 100, mais les levüres XITT, XIV et XV ne détruisent pas tout le sucre même d’une solution à 40 pour 100. Pour ces dernières levüres, je n’ai pas déterminé de pouvoir alcoogène, puisque la proportion d’alcool formé, loin d’être constante, a considé- rablement augmenté avec la proportion de sucre mise à leur disposition. Cela pourrait signifier simplement qu’on à mis fin trop tôt à la première expérience, bien qu’on ait effectué les dosages au bout de vingt-deux jours après l’ensemencement pour la levüre XV, au bout de vingt-neuf jours pour la levüre XIIF, et au bout de quarante-six jours pour la levüre XIV. Quoi qu’il en soit, ces trois levüres ne peuvent jamais fournir beaucoup d’alcool. 2 Les levüres inversives qui ne transforment pas tout le sucre en alcool l’intervertissent néanmoins, car le dosage du sucre après fermentation était fait directement avec la liqueur de Fehling : c'était donc du sucre réducteur qui restait (4). Dans le premier tableau, les nombres inscrits aux deux premières colonnes représentent les poids de saccharose équivalents aux poids de sucre réducteur fournis par les dosages. Ce fait est une preuve de plus d’un fait déjà bien établi, à savoir que l’action de la levüre sur le sucre de canne résulte de deux fonctions distinctes et séparables : inversion, puis fer- mentation. ei 3° Aucune des levüres non inversives ne détruit tout le sucre d’une solution de glucose à 6,4 pour 100; la levüre inversive [IT elle-même n’a pas détruit tout le sucre : il est pro- (1) Comme il y avait un peu d’acide tartrique dans les liqueurs, on pourrait croire que l’inversion a été produite par cet acide, et non par les levüres. Il n’en est rien, car des fioles témoins, préparées de même, mais non ensemen- cées, ont été conservées, et le sucre interverti en a été dosé au bout de cinq mois : la quantité de sucre interverti qu'on y a trouvée était toujours de beau- coup inférieure à celle qui avait été intervertie dans les fioles ensemencées : l'inversion était donc due à la levüre. FERMENTS ALCOOLIQUES. 179 bable que ce n’est qu'une apparence, et que les 0,3 pour 400 de substance réductrice laissés dans la liqueur par cette levre étaient non du glucose, mais une impureté du glucose. Les levüres non inversives qui peuvent produire le plus d’al- cool sont les levüres XVI et XVI. Elles ont approché de bien près de la levüre [TT dans la première expérience. Mais en pré- sence d’un excès de glucose, elles ne peuvent guère donner plus de 5,5 pour 100 d'alcool en volume, dans des conditions où la levüre IT en fournit 9 pour 100. 4 Pour les levüres non inversives XVIIF et XIX, qui ne détruisent pas tout le glucose d’une solution à 6,4 pour 400, le pouvoir alcoogène s’est montré à peu près invariable : quelle que soit la proportion de sucre mise à leur disposition, les levüres XVIIT et XIX donnent de 1,5 à 2,5 pour 100 d’al- cool, au plus. Les données précédentes permettraient de calculer le pou- voir fermentatif de chaque levüre, si j'avais pris soin de me- surer le volume final de chaque liqueur fermentée de manière à pouvoir calculer chaque fois le sucre disparu total et Palcool lormé total. Malheureusement les expériences étant faites d’abord dans un autre but, j'ai omis cette mesure. J'ai cepen- dant déterminé le pouvoir fermentatif de cinq ievüres dans des expériences spéciales. Le volume et le titre du moût primitif étant bien connus, je mesurais exactement le volume après la fermentation, puis je dosais le sucre et l’alcool. De ces données, on déduisait le poids d’alcool correspondant à 100 grammes de saccharose ou à 105 grammes de glucose détruits. La mesure du volume final accusait une perte d’en- viron deux à trois volumes pour 100. L’acide carbonique et la vapeur éliminés contenaient de l'alcool dont il était impos- sible de tenir compte : les nombres trouvés pour le pouvoir fermentatif sont donc tous un peu trop faibles; l’erreur peut monter à un peu plus d’une unité pour chaque nombre, comme je m'en suis assuré en la calculant dans la supposition où le volume disparu aurait la même richesse en alcool que le liquide restant. Les levüres sur lesquelles ont porté ces expé- 180 riences sont, pour les inversives, IT, XIT et XV; pour les non inversives, XVI, et une autre, dont j'avais résolu de ne pas parler dans ce travail parce que je ne suis pas sûr qu’elle soit distincte de celles que je déeris ici; elle n’a donc pas de nu- méro, elle se rapproche de XVII par l'ensemble de ses carac- tères : Je l'appellerai x. Les résultats sont consignés dans les tableaux suivants : EL. BOUTROUX. LEVURES INVERSIVES. POIDS DE SUCRE R à 100 ALCOOL °/ ’ ur 100% ARS NUMÉROS Ré POUVOIR PE em QU PNEU Re — DES LEVURES. BE AULA FERMENTATIF. avant apres | | be 3 s en volume. en poids. fermentation.| fermentation. gr > = 2 | DIT A 14,95 0 9,2 1,27 29,7 Mes atls 7,00 0 4,3 3,41 47,6 NID ES UE 14,00 Sol 9,4 2,70 46,6 XIE ES 1,00 0,53 9,00 2,90 46,1 XVeen de 14,00 8,0€ 2,19 2; 98,3 VER 7,00 3,75 1,69 1,34 39,3 LEVURES NON INVERSIVES. POIDS DE GLUCOSE our 100cc ALCOOL °° NUMÉROS pe POUVOIR RE DES LEVURES. ant après FERMENTATIF. à : en volume. en poids. fermentation. | fermentation. : gr gr 1 XVI: 6,40 0,92 3,90 2,62 48,6 No dde 6,40 2,20 2,10 1,66 10,3 Ces expériences fournissent plusieurs renseignements, au point de vue du pouvoir alcoogène comme du pouvoir fermen- tatif, La levüre XV a encore produit des proportions variables FERMENTS ALCOOLIQUES. 181 d'alcool, mais cette levüre produit des fermentations si tran- quilles qu'il est impossible de savoir si elles sont terminées. Le levûre XIE, au contraire, a toujours fourni environ 3,5 d’al- cool pour 100 en volume quand la richesse du moût en sucre a varié du simple au double : le pouvoir alcoogène en est donc déterminé. Le pouvoir fermentatif s’est montré à peu près constant pour une même levüre et différent d’une levüre à une autre. On voit que la levüre XVI (Saccharomyces apiculatus) a un pouvoir fermentatif à peu près égal à celui d’une levüre de bière (IT). La levüre de pain XIT (Saccharomyces minor), tout en avant un pouvoir alcoogène faible, a un pouvoir fermentatif voisin de celui de la levüre de bière. La levüre XV, qui s’en rap- proche beaucoup pour les caractères morphologiques, s’en éloigne nettement par son faible pouvoir fermentatif. Gette dernière et la levüre æ sont des ferments peu puissants : elles consomment une notable proportion de sucre pour en faire autre chose que de l'alcool. Tels sont les caractères qui ont été observés comparative- ment sur tous les échantillons de levûre obtenus. C’est l’en- semble de cet examen qui m'a conduit à distinguer dix-neuf espèces, en me bornant à celles qui sont le plus manifeste- ment différentes entre elles. Sont-ce bien de véritables espèces au sens où l’on prend ce mot en biologie? IT est difficile de répondre à cetle question. Les caractères morphologiques, seuls admis dans les sciences naturelles comme éléments de classification, manquent ici de netteté ; pour trouver des diffé- rences sensibles, il faut aller aux extrêmes. Par exemple, la levüre XV, dont les cellules n’ont que 3 ou 4 micromillimètres de diamètre et sont à peu près sphériques, se distingue nette- ment de lalevüre LE, dont les cellules sont trois fois plus grosses et ovales. Mais, outre que dans bien des cas les différences morphologiques sont beaucoup moins sensibles, ces carac- tères sont ici d’une valeur douteuse, parce que dans une même espèce on les voit varier suivant les circonstances : le 182 L. BOUTROUX. volume des cellules, leur forme, leur mode de groupement, dépendent de l'acidité du milieu, de la température, de Pâge des cellules, et par conséquent peuvent difficilement fournir des caractères vraiment spécifiques. Les caractères physiologiques sont, d’après mes expériences, plus tranchés et plus fixes, notamment ceux qui sont tirés du rôle chimique des diverses levüres et de leur résistance à la température. Mais quand on voit desmicro-organismes patho- sènes se modifier tellement, sous l'influence d'artifices de cul- ture, que leur virulence peut être graduée à volonté, et en parti- culier être entièrement annulée, on hésite à fonder la distinc- tion des espèces sur les caractères tirés des fonctions vitales, ce qui est d’ailleurs contraire à l’esprit des sciences naturelles. Je n’ose donc décider si ce sont de véritables espèces que j'ai isolées, ou seulement des variétés; j’ineline cependant à les considérer comme des espèces, parce que les caractères qui me servent à les distinguer n’ont guère moins de valeur que ceux qui séparent deux espèces incontestées, le Saccharo- myces apiculatus et le S. cerevisie. Ces restrictions faites, j'arrive à la description particulière de chaque espèce, en suivant l’ordre des numéros, qui est à peu près celui de l’activité que montrent les diverses levüres comme ferments, en commençant par les plus actives (4). À moins que des conditions spéciales ne soient mentionnées, les caractères indiqués se rapportent à des cultures faites à 30 de- grés dans du moût de cerises contenu dans des tubes, comme ceux de la figure 2. Le moût employé est parfaitement lim- pide par lui-même. (1) J'ai déjà décrit la plupart de ces espèces dans une note insérée au Bul- letin de la Société linnéenne de Normandie, 3° série, t. VIT. La suite de mes recherches m’ayant amené à faire quelques changements, je n’ai pas conservé ici les mêmes numéros d’ordre que dans cette note. FERMENTS ALCOOLIQUES. 183 PREMIER GROUPE. — Leviüres inversives. Levüre L. — C'est une levüre basse de brasserie; elle pro- cède d’une semence que jai emportée du laboratoire de M. Pasteur en 1880. Aspect macroscopique. — Elle ne forme aucune aggloméra- tion de cellules à la surface, et ne trouble pas sensiblement le moût pendant la fermentation. Quand celle-ci est termi- née, elle forme simplement au foud du vase un dépôt pulvé- rulent. Aspect microscopique. — Les cellules en voie de bourgeon- nement sont grosses, d’une forme ovale assez régulière, isolées ou par groupes de deux ou trois cellules (pl. XII, fig. 3). Une prise faite à la surface du liquide quand la fermentation est depuis longtemps terminée montre des cellules qui contien- nent deux ou trois petits grains brillants (spores?) (fig. #). Cette levüre provoque des fermentations assez rapides el complètes. Elle ne supporte que difficilement une acidité supérieure à #, mais peut cependant mettre en fermentation, au bout d’une douzaine de jours, un milieu d’acidité 9; elle est tuée à 96 degrés. Levüre 11. — Levûre de brasserie (1). Aspecl macroscopique. — Forme à la surface du liquide un voile floconneux, abandonne des trainées de flocons le long des parois, forme au fond un dépôt floconneux, ne trouble pas sensiblement le liquide pendant la fermentation. Cultivée dans un vase à large fond plat, cette levüre se distingue à pre- mière vue de toutes les autres par son dépôt qui ressemble à un précipité caillebotté de chlorure d'argent. Aspect microscopique. — Les cellules en voie de bourgeon- nement ont une forme irrégulière, souvent allongée; elles sont disjointes ou rapprochées les unes des autres sans former de (1) Prise à la Brasserie d'Allemagne, près de Caen. 184 L. BOUTROUX. longues chaines (fig. 5). En vieillissant, au contraire, elles sont souvent réunies de manière à figurer un mycélium pluri- cellulaire rameux (fig. 6). Les cellules vieilles du dépôt su- perficiel présentent à leur intérieur tantôt d'innombrables petits grains, tantôt un, deux ou trois grains plus gros (fig. 7). Provoque des fermentations rapides et complètes. Pouvoir fermentatif, environ 49. La résistance de l'acidité est à peu près la même que celle de la levüre F, c’est-à-dire faible pour les acidités supérieures à 4. Tuée à 61 degrés. Levüre IT. — Levüre de brasserie (1). Aspect macroscopique. — Peu différent de celui de la levüre Il; cependant la levüre IT trouble franchement le moût pendant la fermentation et n’abandonne pas un dépôt caillebotté. Aspect mcroscopique. — Les cellules jeunes sont générale - ment libres ou par groupes de deux, de forme irrégulière, souvent allongée ou piriforme (fig. 8). En vieillissant cette levüre s’allonge quelquefois et forme des chaînes rameuses (fig:.9): Les cellules vieilles du dépôt superficiel rappellent la levüre I: petits grains souvent peu nombreux (fig. 10). Provoque des fermentations rapides et complètes. Résiste mieux à l'acidité que les levüres I et IT. Semée en même temps que ces dernières dans des moûts d’acidité crois- sante, elle a provoqué en deux jours la fermentation dans un liquide d’acidité 5, tandis qu'avec les deux autres, le liquide d’acidité # n'a commencé à fermenter qu’au bout de trois Jours. Tuée à 62 degrés. Levüre IV. — Levûüre de brasserie (2). (1) Brasserie d'Allemagne, près de Caen. (2) Brasserie d'Allemagne, près de Caen. FERMENTS ALCOOLIQUES. 185 Aspect macroscopique. — À peu près le même; le liquide n'est pas trouble. Aspect microscopique. — Les cellules jeunes sont isolées ou par groupes de deux, allongées, non pyriformes, généralement plus petites et plus grêles que celles de la levüre II (fig. 11). Les cellules vieilles du dépôt superficiel ont des formes encore plus irrégulières (fig. 12). [l y a des chaînes d’un assez grand nombre de cellules; certaines cellules ont un ou plu- sieurs petits grains. Provoque des fermentations complètes, mais très lentes, se prolongeant pendant un mois dans des conditions où, avec les autres levüres, la fermentation dure une huitaine de jours ou même moins. Ge caractère ne permet pas de confondre celte levüre avec IT et ITT, qui présentent à peu près les mêmes caractères morphologiques. Cette levüre résiste mieux à l’acidité que les précédentes, comme le montre le tableau ci-dessus. L’acidité croissant à partir de la valeur #, elle s’est développée plus vite que les autres, et la différence de vitesse a été en croissant. Dans un moût d’acidité 12 elle a provoqué la fermentation en moins de quatre jours. Tuée à 64 degrés. Levüre V.— L’échantillon que j'ai étudié provient de vin rouge en voie de fermentation dans les conditions ordinaires Deux années différentes j'ai examiné le moût en fermentation dans la ferme dont j'ai parlé, et j'ai trouvé chaque fois que la fermentation principale était due à ce ferment. Aspect macroscopique. — À la surface, flocons blancs for- mant une membrane épaisse, mais dépourvue de toute téna- cité. Cette membrane, s’accroissant toujours, se ride et se replie plusieurs fois sur elle-même. Le dépôt du fond présente une couche pulvérulente grisâtre surmontée d’une couche de flocons blanes. C’est une levère qu’on peut appeler supère; elle trouble un peu le moût pendant la fermentation. Aspect microscopique. — Les cellules jeunes sont générale- [SG L. BOUTROUX. ment libres ou par groupes de deux, trois ou un peu plus; forme allongée, assez irrégulière ; vacuoles nettes (fig. 13). La couche superficielle d’une culture datant d’une quaran- taine de jours s’est montrée formée par des cellules rondes, serrées les unes contre les autres de manière à affecter des formes polyédriques et contenant en général une multitude de petits grains ; quelques cellules contenaient un grain assez gros (spore?). Les membranes cellulaires étaient peu résistantes, car il suffisait de presser la lamelle de verre avec le doigt pour écraser ces cellules ; beaucoup de petits grains bien ronds de diverses grosseurs flottaient alors dans le liquide (pl. XEV, fig.14). Le voile d’une culture plus vieille présentait des cel- lules presque vides, contenant encore un nombre variable de grains de diverses grosseurs; des grains bien ronds étaient hibres dans le liquide (fig. 15). Gette levüre provoque des fermentations rapides et com- plètes. Elle résiste bien à l'acidité, car elle provoque du jour au lendemain la fermentation d’un moût d’acidité 5. Elle est tuée à 62 degrés. Levire VI. — L'échantillon étudié a été obtenu dans l’ana- ivse de la levüre de cidre qui a été décrite plus haut : c’est la levüre qui a eu le rèle principal dans la fermentation de ce cidre. Aspect macroscopique. — Pas de dépôt superficiel ou seule - ment un petit ilot au milieu de la surface; souvent on voit au- dessus du liquide, quand la fermentation est terminée, un anneau blanc, mais 11 n°v à jamais la moindre apparence de voile. Le dépôt du fond se compose d’une couche pulvérulente orise, surmontée d'une couche de fins flocons blancs. Le moùt est un peu troublé. Aspect microscopique. — Les cellules jeunes sont assez semblables à celles de Ia levüre V, mais de forme un peu plus régulière; de plus, elles restent plus fréquemment associées en chaines d’un nombre variable de cellules (fig.16). Quelque- lois les cellules s’allongent en longs tubes (fig. 16 bus). FERMENTS ALCOOLIQUES. 187 Les cellules vieilles du dépôt superficiel présentent tantôt une multitude de petits grains à peine distincts, tantôt deux ou trois petits grains bien visibles (fig. 17). Provoque des fermentations rapides et complètes. La résistance à l’acidité est relativement faible : cette levüre supporte facilement les acidités #4, 5,6, mais très difficilement les acidités supérieures. Elle résiste, au contraire, très bien à la température; elle est tuée à 63 degrés. Cette levüre pourrait être confondue avec la levüre V; cependant elle me parait bien s’en distinguer, d’abord par l'aspect microscopique el macroscopique, el ensuite par la résistance à la température. En effet, dans une expérience spécialement destinée à la comparaison de ces deux levüres, et où les températures essayées étaient 61, 62 et 63 degrés, les tubes de levüre V portés à 61 degrés ont seuls fermenté, tandis que parmi les tubes de levüre Vi la fermentation s’est déclarée dans ceux qui avaient été portés à 61 et à 62 degrés, et dans un tube sur deux portés à 65 degrés (1). Levüre VII. — Trouvée dans le cidre qui a fourni la levüre VI et dans le moût du raisin qui a fourni la levûre V. Aspect macroscopique. — Aucun dépôt superficiel, mais traînées de poussière blanche le long des parois. Le dépôt du fond est entièrement floconneux ; il ne se tasse pas à la longue. Le moût ne se trouble pas pendant la fermentation. Aspect microscopique. — Les cellules jeunes sont rondes, agglomérées en paquets souvent müriformes (fig. 18). Les cellules vieilles prises à la surface sont bien rondes, remplies de très petits grains peu nets (fig. 19). Provoque des fermentations assez rapides et complètes. Supporte mal l'acidité 4. On ne pourrait cependant pas utiliser cette propriété pour éliminer cette levüre d’un mé- (1) Gette expérience tendrait à faire reculer à 64 degrés au moins la tempe- rature mortelle pour la levüre VI; j'ai cependant adopté 63 degrés d’après des expériences répétées où la vitesse d'échauffement avait été plus régulière. 188 L. RBOUTROUX. lange, car l’échantillon que j'ai étudié provient précisément d'un mélange des levüres VLet VIT qui avaitété purifié par plu- sieurs cultures en liqueur d’acidité #4. C’est par la chaleur que la Séparation a été opérée, comme nous l'avons dit plus haut. Elle est tuée à 63 degrés. Levüre VILT. — Trouvée dans une fleur d'Érable sycomore. Aspect macroscopique. — Pendant la fermentation active il ne se forme pas de voile appréciable à la surface ; plus tard il peut se former un voile floconneux qui retombe par la moindre agitation. Quand on regarde une vieille culture, on ne voit rien à la surface; au fond il y a un dépôt pulvérulent coloré, surmonté d’une couche floconneuse blanche. Aspect microscopique. — Les cellules jeunes sont allongées, de forme irrégulière, souvent pyriformes, peu groupées, (fig. 20). Les cellules du voile qui se forme ultérieurement sont très allongées (fig. 21). Les cellules recueillies à la surface des vieilles cultures pré- sentent l'aspect des spores découvertes par Max Rees pour la levüre de brasserie. Quelques-unes sont remplies de petits grains fins et nombreux (fig. 2%). Cette levüre provoque des fermentations assez rapides et complètes. Elle supporte très facilement l'acidité 5, difficilement les acidités supérieures. Tuée à 99 degrés. Levüre IX. — Provient d'une fleur de Petasites vulgaris. Aspect macroscopique. — À la surface on ne voit ni voile ni flocons. Pas de flocons non plus dans le liquide. Au fond, dépôt pulvérulent. L'aspect est tout à fait le mème que celui de la levüre LE. Pendant la fermentation le liquide reste limpide ou se trouble légèrement. Aspect microscopique. — Les cellules jeunes sont allongées, souvent en massue, libres ou associées par groupes de deux ou trois (fig. 23). Les cellules vieilles superficielles sont rares. J’ai exploré FERMENTS ALCOOLIQUES. 159 plusieurs fois la surface libre du liquide de cultures anciennes sans en trouver. J’ai pu cependant en observer une fois : elles présentaient de grosses boules, ordinairement une seule par cellule, quelquefois deux, rarement davantage (fig. 2%). Cette levüre provoque des fermentations un peu lentes mais complètes. Elle résiste facilement aux acidités même élevées (8 par exemple). Sa résistance à la température est relativement faible : elle est tuée à 96 degrés. Levüre À. — Cest la levüre déposée accidentellement dans mes tubes à culture pendant l'emplissage. Je ne suis pas ab- solument sùr de l’autonomie de cette espèce, qui présente une grande analogie avec la suivante. Cependant, essayée en même temps que celle-ci au point de vue de la résistance à la chaleur, elle a été tuée à 62 degrés, tandis que l'autre à résisté à 63 degrés (fig. 25 et 26). Levire XI. — Cest une des deux levüres retirées du levain de pan de Seigle dans Panalyse décrite plus haut. Aspect macroscopique. — Pas de voile complet : quelques flocons seulement le long des parois. Au fond, dépôt pulvéru- lent surmonté de quelques fins flocons blancs. Pendant là fermentation, cette levüre trouble franchement le moùt. Aspect microscopique. — Rappelle la levüre I. Les cellules jeunes sont ovales ou sphériques, assez régulières, grosses, isolées ou par petits groupes (pl. XV, fig. 27). Les cellules vieilles prises à la surface présentent à leur intérieur de petits grains en nombre très variable, ou bien de srosses boules, une, deux ou trois par cellule (fig. 28). Cette levüre provoque des fermentations très rapides, plus vives même que celles que l’on obtient avec la levüre I, et complètes. La résistance aux acides est relativement faible. La résistance à la température est très grande et suffit pour 190 L. BOUTROUX. distinguer cette espèce de la levûüre L. La température mortelle est de 64 degrés. Levire AIT, — C'est la plus petite des deux levüres tirées du levain de pain, le Saccharomyces minor de M. Engel. Aspect macroscopique. — Pas de voile à la surface; le dépôt du fond est pulvérulent. Le moût n’est pas franchement troublé pendant la fermentation. Aspect microscopique. — Les cellules jeunes sont petites, rondes, groupées en chapelets ou en paquets multicellulaires (fig. 29). Dans des moûts très acides (acidité # ou 5) les cel- lules restaient beaucoup plus longtemps adhérentes entre elles de manière à former des paquets d'innombrables cel- lules (fig. 30). Les cellules vieilles superficielles sont si rares que lexamen en est difficile; celles que j'ai observées présentaient quel- quefois un ou plusieurs petits grains peu caractéristiques (fig. 31). Cette levüre est une de celles qui provoquent les fermenta- tions les plus rapides; elle possède cependant un faible pou- voir alcoogène : elle détruit tout le sucre du moût s’il n’y en a pas plus de 6 grammes pour 100 centimètres cubes. En présence d’un excès de sucre, elle produit toujours au plus environ 3,6 d'alcool pour 100 en volume, 2,9 pour 100 en poids. Son pouvoir fermentatif est environ 46,5. Elle supporte bien lacidité 4; l'acidité 5 ne la tue pas, en permet jusqu’à un certain point le développement avec fable dégagement de gaz, mais ne se prêle pas à des cultures suc- CESSIVES. Tuée à 93 degrés. Levüre XXII. — Cette levüre a été trouvée un grand nombre de fois sur des fleurs (Petasites vulqaris, Erica medi- terranea, Nonnea lutea, Bourrache), sur un fruit vert (cassis), sur des insectes (Abeilles, Bourdons). Aspect macroscopique. — Voile floconneux à la surface, en FERMENTS ALCOOLIQUES. 191 même temps large couronne le long du verre au-dessus du liquide. De gros flocons nagent dans le liquide, qui reste limpide. Le dépôt du fond est floconneux. Aspect microscopique. — Les cellules jeunes sont en paquets très rameux, émettant de longs tubes raides, souvent tordus, cloisonnés ou non cloisonnés ; les cellules non tubuleuses sont rondes ou ovales, bien régulières (fig. 32). Les cellules vieilles prises à la surface du liquide ne m'ont présenté que de rares petits grains; 11 y en avait de très grosses, toutes rondes, paraissant vides (fig. 33). Cette levüre provoque des fermentations lentes et incom- plètes. Son pouvoir alcoogène s’est montré au plus égal à 6,5 pour 100 en volume. Elle supporte relativement mal les acides; elle peut cepen- dant, à la longue, mettre en fermentation des moûts d’acidité 6, 7 et 8. Les expériences faites sur cette levüre pour déterminer la résistance à la température ont donné des résultats irréguliers. Ainsi essayant, dans une même expérience, les températures de 55, 96 et 57 degrés avec trois tubes par température, jai obtenu la fermentation dans un seul tube de chaque groupe. Ordinairement la température de 55 degrés est mortelle ; celle de 58 degrés n’a jamais été supportée. Levüre XIV. — Trouvée fréquemment sur des fleurs (Se- dum rubens, Saumac, Bourrache, Framboisier), sur des fruits verts (cassis, framboises, Épine-vinette), sur des insectes (Abeilles, Mouches, Sétoines). Aspect macroscopique. — Gette levüre, semée dans un moût lermentescible, forme d’abord une membrane analogue au Mycoderma vini, blanche, épaisse. Avant qu'aucune bulle de oaz se dégage, la membrane devient bientôt plus large que la surface libre du liquide; elle grimpe à plusieurs centimètres le long des parois, en même temps elle se fronce par de larges plis, des flocons pendent sous cette membrane et, se détachant de temps en temps, forment au fond un dépôt volumineux, 192 L. BOUTROUX. feuilleté ou écailleux. Bientôt le dégagement de gaz apparait ; il n’est jamais très rapide. Si la culture est faite dans une large fiole, les bulles qui se dégagent ne percent pas le voile, et, sans cesse grossies par d’autres, forment de grosses perles de plusieurs centimètres de diamètre qui soulèvent le voile par places. Quand la fermentation est depuis longtemps ter- minée, on voit, à la surface et au fond, des feuillets superposés sur une grande hauteur. Si lon vient à agiter le liquide, on voit, à la partie supérieure, se former des stries qui indiquent la superposition de couches de densité décroissante. Le déga- sement de gaz n’a pas été assez vif pour mélanger ces diffé- rentes couches. Aspect microscopique. — Pendant la période de vie active, les cellules sont remarquables par leur grande irrégularité de forme, de dimensions, de mode de groupement. Il y en à qui forment de longs rameaux à articles tubuleux, irrégu- liers. Mème à l’état jeune, un très grand nombre de cellules présentent un ou deux grains brillants, ou davantage (fig. 44). Les cellules vieilles prises à la surface ont'un aspect peu différent : elles contiennent presque toutes des boules de diverses grosseurs (pl. XVE, fig. 35). Cette levüre provoque des fermentations lentes et incom- plètes. Son pouvoir alcoogène a été au plus de 4,5 pour 100 en volume Elle résiste bien aux acides. Ainsi elle a mis en fermentation un moût d'acidité 12 en moins de quatre jours. Elle résiste mal à la chaleur : elle est tuée à 56 degrés. Levüre XV. — Trouvée sur une groseille à maquereau verte et sur un coléopière. Aspect macroscopique. —Ne forme pas de voile à la surface ; au fond, dépôt de gros flocons en choux-fleurs; il se forme souvent aussi à la surface de semblables choux-fleurs, très épais, ne couvrant pas toute l'étendue, tombant facilement au fond. Le liquide reste limpide. Dans les fermentations finies FERMENTS ALCOOLIQUES. 195 depuis longtemps, on voit, au-dessus de la surface, une cou- ronne le long du verre. Aspect microscopique. — Les cellules en voie de végétation active sont rondes ou peu allongées, groupées en chapelets ou en paquets irréguliers, mais non rameux; elles sont remar- quables par leur petit volume et par une grande régularité de forme et de grosseur (fig. 36). Les cellules vieilles prises à la surface sont moins régulières : on en trouve de grosses, rondes, presque vides, contenant seu- lement deux ou trois petits grains ; beaucoup de cellules ont à leur intérieur un grain unique assez gros (fig. 37). Cette levüre provoque des fermentations lentes et incom- plètes. Les expériences faites pour en mesurer le pouvoir alcoogène, au nombre de quatre, n’ont pas donné de résultats concordants ; jamais le sucre n’a été détruit totalement, et les proportions d'alcool formé ont varié de 4,15 à 4,10 pour 100 en volume. Le pouvoir fermentatif a été trouvé égal à 39 environ. C’est done un ferment peu énergique. Résiste assez bien aux acidités même élevées, très mal à la chaleur : tuée dès 52 ou 53 degrés. Il y à de grandes analogies entre cette levüre et la levüre XII (1). Au microscope l'aspect est le même, sauf que les cel- lules sont un peu plus petites; même résistance aussi à la température. Ge qui distingue la levüre XV, c’est, au point de vue morphologique, le dépôt en choux-fleurs, et, au point de vue physiologique, la lenteur de la fermentation qu’elle pro- duit, ainsi que la faiblesse de son pouvoir fermentatif. (1) Dans ma note du Bulletin de la Société linnéenne, je les ai confondues sous le nom de levüre XIV. Ge série, Bor., T. XVII (Cahier n° 4). 13 194 L. BOUTROUX. DEUXIÈME GROUPE. — Levüres non inversives. Levüre XVT. — Rencontrée sur des fruits mûrs entamés (raisin, müres de Ronce) et sur des insectes (une abeille, une guêpe); s'obtient toujours quand on écrase des fruits mûrs quelconques non choisis et qu’on abandonne le jus à la fer- mentation spontanée. Cette levüre est si facile à identifier que je puis la nommer dès maintenant : c’est le Saccharomyces apiculatus. Aspect macroscopique. — Pas de voile à la surface, seule- ment la mousse abandonne un anneau le long du verre. Le liquide est troublé pendant la fermentation; le dépôt du fond, relativement peu volumineux, est pulvérulent. Aspect microscopique. — Gellules peu groupées, ayant la forme caractéristique de citrons (fig. 38). 11 est inutile d’insis- ter sur la description de cette levüre très connue. Je ne parle- rai que des cellules vieilles superficielles : l'examen d’une culture de neuf mois à fourni quelques cellules contenant une ou deux boules centrales bien nettes, le reste des cellules étant à pee visible (fig. 39). Cette levüre provoque des fermentations rapides. M. E. Hansen (1) a annoncé le premier que le S. apiculatus ne fait pas fermenter le sucre de canne; mes expériences ont confirmé ce fait, mais elles m'ont donné des résultats différents de ceux de M. Hansen relativement au pouvoir alcoogène. D’après cet observateur, la levüre apiculée ne produirait que 1 pour 100 d'alcool en volume dans un moût de bière susceptible de fournir 6 pour 100 d'alcool sous l'influence d’une autre levüre. De mon côté, culüvant dans un même moût constitué par de l'eau de levüre, du glucose et un peu d’acide tartrique, d’une part la levûre IT (levüre de brasserie qui donne des fermen- tations complètes), et d'autre part la levüre apiculée, j'ai (1) Meddelelser fra Carlsberg Laboratoriet, 3 livraison. Copenhague, 1881. FERMENTS ALCOOLIQUES. 195 obtenu, comme on la vu plus haut, avec le moût à 6,4 p. 400 de glucose : 3,19 ‘/,d’alcool en volume par la première, 3,90 %, — par la seconde; et, avec le moût à 17 pour 100 de glucose : 9,0 ©, d'alcool par la première, 5,4% — par la seconde. Dans tous les cas, le liquide fermenté avait conservé du sucre réducteur. Dans le moût à 6,4 pour 100 de glucose, les 0,92 pour 100 de matière réductrice qu'a laissés la levüre apiculée pouvaient être constitués en grande partie par une impureté du glucose, puisque la levûre ITT, de brasserie, a laissé elle-même 0,3 pour 100 de matière réductrice. Je puis donc affirmer que la levûre apiculée détruit à peu près tout le glucose d’une solution {à 6 pour 100. On pourrait objecter que c’est une levüre étrangère qui, vivant à mon insu en même temps que la levüre apiculée, a poussé la fermentation plus loin que n'aurait fait celle-ci seule. Je ne puis le croire, car, d’une part, ma levüre apiculée re faisait pas fermenter le sucre de canne, donc elle n’était asso- ciée à aucune levûre inversive; d'autre part, elle a fourni plus d'alcool que toutes les autres levüres non inversives que j'ai étudiées, donc elle ne devait au mélange d'aucune de celles-ci un surcroît de puissance. Resterait à supposer qu’elle était associée à une levüre non inversive, non isolée par moi et plus puissante que toutes les autres : supposition invraisemblable, car l’examen microscopique aurait dû le révéler; la forme caractéristique de la levüre apieulée rend la constatation de sa pureté d’une facilité exceptionnelle. La différence de nos résultats tient probablement à ce que nous n'avons pas expérimenté sur le même sucre : celui du moût de bière est surtout du maltose, le glucose n’y existerait qu’en très petite quantité si on ne ly ajoutait pas. Le sucre dont je me suis servi est du glucose du commerce, lequel pro- vient de la saccharification sulfurique de la fécule. 196 L. BOUTROUX. Si cette explication est vraie, 1l faut conclure de ces faits que le S. apiculatus n’agit pas plus sur le maltose que sur le saccharose. Quant au pouvoir fermentatif de la levûüre apiculée, je Pai trouvé égal à 48,6, c’est-à-dire à peu près le même que celui d’une levüre de brasserie. C'est, de toutes les espèces que j'ai étudiées dans les deux croupes, une de celles qui résistent le plus facilement à l’aci- dité. Semée dans un liquide d’acidité 12, elle en a provoqué la fermentation vive en moins de quatre jours. Sa résistance à la température est au contraire la plus faible de toutes : elle est tuée à 52 degrés. Levüre XVIT. — Trouvée plusieurs fois dans des confitures u sirops qui étaient entrés en fermentation spontanée, ainsi que dans du glucose solide. Aspect macroscopique.— À la surface, il ne se forme pas de véritable voile; on n'y voit que quelques flocons ainsi que dans tout le liquide, qui d’ailleurs, reste ARNO Le dépôt du fond est à peu près pulvérulent. Aspect microscopique. — Les cellules en voie de développe- ment actif sont groupées en chapelets contournés; elles sont presque rondes ou un peu ovales, d’une grande régularité (fig. 40). Les cellules vieilles prises à la surface présentent des asco- spores parfaitement nettes, au nombre de 1, 2 ou 3 par cellule; le reste de la cellule est pâle, presque invisible (fig. Æ1). Cette levüre est assez active ; elle provoque des fermentations un peu moins vives que la levüre apiculée, mais à peu près complètes quand le moût ne contient pas plus de 6 pour 100 de glucose. En présence d’un excès de glucose, elle n’a pas fourni plus de 5,3 pour 100 d'alcool en volume. Elle résiste mal à l'acidité. Elle a pu cependant déterminer la fermentation d’un moût d’acidité 6, mais au bout d’un très longtemps. Elle est tuée à 60 degrés. FERMENTS ALCOOLIQUES. 197 Levüre XVIIT. — Trouvée sur des fleurs, des abeilles et des fruits mûrs (cassis, raisin). Aspect macroscopique. — Léger voile à la surface ; au fond, dépôt pulvérulent. Leliquide reste limpide pendant la fermen- tation. Aspect microscopique. — Cellules libres ou peu groupées, si ce n’est tout au commencement du développement, presque rondes ou tout à fait rondes. Même les cellules toutes jeunes, prises au commencement de la fermentation, contiennent sou- vent une ou deux grossesboules très différentes des vacuoles or- dinaires, présentant une légère teinte vert brunâtre (fig. 42). Les cellules vieilles superficielles présentent à peu près le même aspect, sauf que les boules intérieures sont plus petites, et que les cellules sont de taille plus variable (fig. 43). Cette levüre est un ferment peu actif. Elle produit dans le moût un dégagement de gaz lent, durant longtemps, accom- pagné d’une destruction incomplète du glucose et d’une faible production d'alcool. Elle résiste mal aux acidités supérieures à 5, et est tuée à 06 degrés. Je crois devoir considérer comme des variétés de cette espèce plusieurs levüres que j'ai rencontrées sur des fruits verts ou müûrs, des fleurs et des insectes, et qui n’en diffèrent que par la forme des cellules à l’état jeune. Frappé de la différence d'aspect microscopique de certaines cultures, j'ai fait denom- breuses tentatives pour trouver des caractères distincts, et je n’en ai trouvé aucun de précis. Les figures 44, 45 et 46 mon- trent les diverses formes observées. Toutes ces levüres sont des ferments faibles qui produi- sent au plus 2,5 pour 100 d'alcool en volume ; 1} y en a qui troublent le moût pendant la fermentation. Elles résistent mal aux acides et sont tuées à 55 ou 96 degrés. Levûre XIX.—Trouvée en grande abondance sur les fleurs, les fruits verts, les fruits mûrs et les insectes. C’est une des plus répandues dans la nature. 198 L. BOUTROUX. Aspect macroscopique. — À la surface, il se forme pendant la fermentation un grand nombre de flocons non adhérents les uns aux autres, le reste du liquide en contient aussi beaucoup, ainsi que la surface du verre, mais la Himpidité persiste. Le dépôt du fond est finement floconneux. Aspect microscopique. — Cellules souvent très grosses, libres ou groupées en chapelets rameux, allongés, souvent cylindri- ques. Même à l’état jeune, elles contiennent souvent de grosses boules légèrement colorées comme la levüre XVII (fig. 47). Les cellules vieilles prises à la surface sont généralement plus petites, et contiennent aussi des boules (fig. 48). Gette levüre provoque des fermentations lentes et incom- plètes. Elle supporte difficilement les acidités supérieures à 3 et est tuée à 53 degrés. Il s’agit maintenant d'identifier autant que possible les espèces ci-dessus décrites aux espèces connues. Les levüres 1, Il, IT sont évidemment des espèces confon- dues jusqu'ici sous le nom de Saccharomyces cerevisie. La levüre IV est peut-être celle que M. Pasteur a nommée levüre caséeuse (Études sur la bière, fig. 4% et 45, p. 197.) La levüre V, par son origine et par sa forme, doit être con- sidérée comme identique avec le S. ellipsoideus (Reess). La levüre VE est une espèce voisine de la précédente ; par sa forme, elle se rapproche même davantage de celle qui est figurée dans le mémoire de Reess, sous le nom de S. ellip- soideus (pl. IF, fig. 4, 2, 3, 4). La levûre VIT répond à la description du S. conglomeratus (Reess), figuré dans le mémoire de Reess (pl. I, fig. 14). La levüre VIIT répond assez bien à la description de S. pus- torianus donnée par Reess (/oc. cit., p. 29), au pot de vue morphologique; mais au point de vue des caractères physiolo- giques il y a une différence importante : le S. pastorianus de Reess s’est montré incapable de provoquer la fermentation du sucre de canne, ma levüre VITT, au contraire, le fait fermenter, La levüre XIT est le S. minor de M. Engel. FERMENTS ALCOOLIQUES. 199 La levüre XIIT est peut-être identique avec une levüre trouvée dans l’atmosphère par M. Chamberland (1). La levüre XIV parait identique avec celle qui est figurée dansles £tudes sur la bière de M. Pasteur (p.208, fig. 50), sous le nom de levüre aérobie du S. pastorianus. Mes expériences me conduisentà la regarder comme une espèce autonome, car à travers un nombre très considérable de cultures successives dans des conditions variées, elle a toujours conservé ses carac- tères distinctifs très nets, particulièrement la propriété de former des voiles ridés volumineux et blancs. C’est probable- ment encore une des levüres que M. Chamberland a trouvées dans l'atmosphère (loc. cit., p.69, au bas). Elle répond aussi assez bien à la description de la #ycolevüre de M. Duclaux (2), sauf pour l’aspect microscopique : la ycolevire de M. Duclaux ne produit pas, d’après la figure qu’il en donne, de cellules aussi allongées, ni aussi différentes entre elles. Mais cette dif- férence peut n'être qu’accidentelle. La levüre XVI est Le S. apiculatus. La levüre XVITL est évidemment celle que M. E. Roux a trouvée dans du glucose avarié (3). La levüre XVIIL est probablement la même que celle qu'a trouvée M. Le Bel sur des framboises, et qu'il a désignée sous le nom de S. Wurtzi. La description qu'il en donne, «levüre presque ronde, fournissant 2,5 pour 100 d'alcool! (4)», bien qu'insuffisante pour permettre une identification certaine, concorde bien avec la mienne. Quant aux autres espèces, savoir, IX, X, XI, XV, XIX, il n’a été impossible de les rapporter à des types connus. Il conviendrait maintenant de donner des noms à toutes les espèces qui n’en ont pas: par prudence, je ne le ferai que pour irois des mieux caractérisées. (1) Origine et développement des organisines microscopiques (Ann. de l'École normale, 4878. Suppl., p.70, fig. 21). (2) Ferments et maladies, p. 58. (3) Bull. Soc. chim., XXXV, p. 571. (4) Comptes rendus de l Acad. des se., t. XGVI, p. 1509. 200 L. BOUTROUX. Pour la levüre XIV, qui forme des voiles superficiels d’un aspect tout à fait à part, je propose le nom de S. pseudo- mycoderma ; pour la levüre XIIT, remarquable par ses longs rameaux tordus semblables à des vrilles, celui de S. cérralus ; enfin je donnerai le nom de S. Aouxt à la levüre XVIT, pour rappeler que M. E. Roux a, le premier, en France du moins (1), signalé l'existence d’un Saccharomyces capable de produire la fermentation du glucose, mais non d’intervertir et de faire fermenter le sucre de canne. Cette propriété avait déjà été découverte pour des Mucorinées par M. U. Gayon, mais non pour une véritable levüre. J'adopterai le nom de S. Wurtzi pour la levüre XVII. Quant aux espèces qui restent, Je continuerai à les désigner par leurs numéros d'ordre. (1) M. E. Hansen a signalé en 1881 la même propriété pour le S. apiculatus. La communication de M. Roux a été faite à la Société chimique dans la séance du 11 mars 1881. La publication de M. Hansen ne porte pas d'indication de mois; il n’est donc impossible de savoir quelle est la première en date de ces deux découvertes. Dès 1870, M. M. Reess avait cité le même fait pour le S. pastorianus, mais d'une manière incertaine, Voici ses propres termes : « Peut-être le fait suivant mériterait-il d'être observé de nouveau. Un jour que je n’avais pas de glucose sous la main, j'employai accidentellement un mélange d’eau de levüre et de sucre de canne pour cultiver du S. pastorianus, que je possédais à l’état de pureté; cette levüre ne put nullement mettre le liquide en fermentation. Je jetai donc ce liquide et je laissai de côté la levüre, la croyant absolument inac- tive. Quinze jours après, je mis la même levüre dans un mélange d’eau de levûre et de glucose, qui entra immédiatement en fermentation. Serait-ce par hasard que le $. pastorianus aurait la faculté de décomposer le glucose en alcool et acide carbonique, mais non celle de transformer le sucre de canne en glucose? Quand je me proposai plus tard cette question, je ne pus plus obtenir de S. pastorianus à l'état pur. » FERMENTS ALCOOLIQUES. 201 TROISIEME PARTIE COMPARAISON DES LEVURES DE DIVERSES PROVENANCES. Cette analyse faite, nous pouvons comparer les levüres trouvées dans la nature avec celles des fermentations usuelles. Il n’a pas été possible, dans chaque expérience, de déterminer avec certitude toutes les espèces de levüre trouvées, mais cela a été fait dans le plus grand nombre des cas. Le tableau sui- vant indique toutes les espèces qui ont été trouvées, d’une part dans la nature (fleurs, fruits, insectes), d'autre part dans des fermentations usuelles, artificielles ou accidentelles (vin, cidre, sirops fermentés, bière, levain de pain). Les levüres non in- versives y sont distinguées par des caractères italiques. 5 FE & À ä 7 À gcgurs. | FRUITS = 5 s 2 S VIN. CIDRE. | SIROPS. | BIÈRE. = à VERTS. | À Ex É € 7 4 En hhaié ip VIT | XI XVII | XVI | XII V VD EXP Il XI IX | XIV | xXIX|XVIII| XIV| VII VII Il XII XL | XV (?) XVe EX PI MEVT nl XIV |X VIII XVI | XVII? IV XVIII | XIX XVIII XIX XIX QE Les fleurs ont donc donné quatre levüres inversives, dont deux, VIII et IX, sont des ferments puissants. Les fruits verts ont fourni aussi des levüres inversives et des non inversives, et ce sont les mêmes espèces que celles des fleurs, sauf que celles qui sont des ferments puissants man- quent sur les fruits verts. Les fruits mûrs ne m'ont donné que des levüres non inver- sives, et ceux qui étaient intacts n'ont même fourni que les moins actives comme ferments. Les espèces trouvées sur les fruits mûrs intacts sont au nombre de celles des fleurs; les 202 L. BOUTROUX. fruits entamés m'ont, au contraire. fourni une levüre non trouvée sur les fleurs, le S. apiculatus (XVT). Je m’em- presse d'ajouter que je n’attribue pas aux résultats concer- nant les fruits mûrs une grande généralité, parce que mes expériences sur cet habitat ont été moins nombreuses que les autres. Comme c’est sur les fruits mûrs qu'ont ordinairement porté les observations des divers savants qui jusqu’à présent ont étudié les levüres spontanées, je ne croyais avoir rien à trouver de nouveau dans cette direction. Mais je me propose de faire de nouvelles recherches sur ce point. Quant aux insectes, ils ont fourni des levüres inversives et des non inversives : parmi les premières il ne figure que des ferments peu puissants ; parmi les dernièresse trouve le S.api- culalus. Le S. Wurtzi est la seule espèce qui ait été trouvée partout. Dans les moûts en fermentation spontanée ou artificielle nous retrouvons les S. apiculatus et Wurtzi, qui se rencon- trent sur les fleurs ou sur les insectes; mais ces espèces m'ont là qu'un rôle secondaire; celles qui ont le rôle le plus impor- tant sont, au contraire, des espèces que Je n’ai pas rencon- trées dans la nature : S. ellipsoideus (NV, ND, S. conglomeratus (VII), levüres de brasserie, etc. Tels sont les faits fournis par l'expérience. Tâchons mante- nant de nous en servir pour élucider fa question de Ta conser- vation des diverses espèces de levüre. Avant comme pendant la saison des fruits mürs, plusieurs espèces ont été trouvées à la fois sur les fleurs et sur les im- sectes. l me parait donc légitime d'admettre que les levres des fleurs y ont été semées par les insectes. Geux-e1 peuvent en avoir emprunté les germes soit à d’autres fleurs, soit à quel- que source différente, par exemple au sol. L'importance des fleurs comme source de levüre aurait été mise hors de doute si j'avais pu y constater la présence de cellules de levüre en voie de bourgeonnement manifeste. Je dois avouer que je nai pas eu ce bonheur, J'ai examiné à ce point de vue plusieurs fleurs de Bourrache, et sans aucun succès. Mais de ce que je FERMENTS ALCOOLIQUES. 203. n'ai pas su y voir une seule cellule de levûre, je n’en puis nul- lement conclure qu'il n’en existait pas. Il est, au contraire, vraisemblable que les nectaires des fleurs fournissent un milieu propre à la multiplication de la levüre. Quand les fruits commencent à se former, les fleurs se des- sèchent. Les germes de levûre qu’elles portent peuvent alors ou tomber avec les débris des organes floraux, ou rester adhé- rents, mais à l’état de vie latente; les fruits qui retiennent le plus de parties desséchées de la fleur, comme le cassis ou les ogroseilles à maquereau, pourront conserver ainsi plus de germes que Ceux qui, Comme les cerises, présentent une sur- face unie sans débris de fleurs. Ainsi s’expliqueraient en partie les différences que m'ont présentées les divers fruits verts que j'ai examinés. De plus, de nouveaux ensemencements peuvent avoir lieu par l’intermédiaire des insectes : ceux-ci ayant des préférences pour certains fruits, il en résultera tout naturel- lement des différences d’une espèce de fruit à une autre. Les fruits mürissent. Tant qu'ils restent intacts, nul chan- gement; à mesure que le temps s’est écoulé, ils ont eu de plus en plus de chances de perdre les germes de levüre qu'ils pou- valent tenir des fleurs dont ils proviennent, et, tant qu'ils n’at- ürent pas particulièrement les insectes, ils ne subiront pas d’ensemencements nouveaux : aussi trouvons-nous que les germes de levüre sont rares sur les fruits mûrs intacts, et les espèces y sont les mêmes que sur les fruits verts, quoique en plus petit nombre (S. Wurtzii et levüre XIX). Mais à partir du moment où quelque frelon, quelque guëêpe ou autre animal a pratiqué une incision dans l’épiderme, et mis à nu le parenchyme cdorant et sucré, une phase nouvelle commence. D’autres frelons, d’autres guêpes viennentà chaque instant augmenter la brèche; des insectes qui eussent été im- capables de la pratiquer eux-mêmes s’empressent d'en profi- ter dès qu’elle est faite, et une multitude d’abetlles, de mou- ches et d'insectes divers sont sans cesse occupés à piller le trésor mis à découvert. Les maraudeurs ne quittent pas la place sans y laisser des traces de leur passage, des germes de 204 L. BOUTROUX. levüre : aussi trouvons-nous tous les fruits entamés chargés de germes appartenant à des espèces trouvées sur les insectes : les S. apiculatus et Wurtzii. Ces mêmes insectes peuvent ensuite ensemencer des grains non entamés : j'ai observé un frelon qui parcourait successi- vement toutes les parties d’une grappe de raisin, touchant un grand nombre de grains avec ses mandibules et ses pattes, sans s'arrêter sur aucun; il pouvait bien y déposer ainsi quelques germes de levûre. Jusqu'ici tout s'explique aisément. Les difficultés commen- cent quand il s’agit de décider d’où vient la levüre qui fait le vin, ou celle qui fait le cidre. En effet, cette levüre appartient à des espèces que je n'ai retrouvées nulle part. On pourrait, il est vrai, proposer une explication fort simple, admettre que les S. ellipsoideus et conglomeratus ne sont pas réellement dis- uncts des levüres trouvées ailleurs, mais résultent d’une trans- formation de celles-ci. Les levüres VIIL et IX, par exemple, n'auraient pas besoin de changer beaucoup pour ressembler aux levüres du vin; il est même possible que, telles qu’elles sont, elles jouent dans certains cas un rôle important dans les fermentations naturelles. Les autres levüres inversives trouvées sur les fleurs et les insectes, notamment le S. cirra- tus, pourraient aussi être considérées comme mères des S. el- lipsoideus et autres, et pourquoi n’en pas dire autant du S. Wurizi? — Cette explication trop facile ne saurait être considérée comme satisfaisante: c’est une supposition gra- tuite, car dans mes séries de culture je n’ai rien observé qui ressemblât à de telles transformations. La levüre IX est tou- Jours tuée à 56 degrés, tandis que les deux sortes de S. ellip- soideus que j'ai isolées sont toujours tuées à 62 et 63 degrés; ou plutôt, d’une expérience à l’autre, il peut bien se produire une variation d’un ou deux degrés, mais Jamais de sept degrés. Je dois donc reconnaitre que les recherches précédentes ne donnent pas d'indications certaines sur l’origine des espèces si abondantes dans le vin en fermentation, à savoir des S. el- FERMENTS ALCOOLIQUES. 205 lipsoideus, conglomeralus et même du S. apiculatus, que j'ai bien trouvé sur des insectes, mais non sur des fleurs. Mais, à défaut d'expériences parfaitement probantes, il est permis de raisonner par analogie. Il est certain que le moût de raisin en fermentation sponta- née doit sa levüre aux germes qui étaient adhérents au raisin avant l’écrasement. Il n’y à pas d'autre origine possible : cela a été démontré par M. Pasteur ainsi que par M. Chamber- land (1). Gette levûre existe donc sur le raisin et sur d’autres fruits mûrs. Cependant je ne l’y trouve pas; j’en trouve d’au- tres espèces que l’expérience me fait retrouver sur les insectes et les fleurs. Évidemment les espèces utiles n’ont échappé à mon observation que parce qu’elles sont rares, mais elles ne peuvent manquer d'exister sur quelques fruits mûrs, et il est légitime de penser qu’elles y sont venues par la même voie que les autres. Mais comment ces levüres seraient-elles rares, quand on les voit pulluler en quelques heures dans les cuves où l’on vient d’écraser la vendange? — À cette objection, je répondrai que l'abondance relative d’une espèce à l’état de végétation active ne prouve rien relativement à l'abondance de la semence. Voici des expériences qui le prouvent. J’ai recueilli, comme il à été dit plus haut, du raisin bien mür, tantôt intact, tantôt entamé; Je n’y ai trouvé que des levüres non inversives : S. Wurtzu et S. apiculatus. Le raisin de la même vigne est écrasé en grande quantité à la fois par les vendangeurs. Deux ou trois heures après, je sème deux gouttes du moût obtenu dans emq tubes de moût stérilisé. Le (1) I suffit d'isoler une grappe de raisin verte, sur pied, en l’enfermant dans un bocal transparent qui ne s’oppose pas à son développement ni à l'accès de l'air, mais à celui des poussières de l’air et des insectes, pour que le raisin de cette grappe, devenu mûr et écrasé, ne puisse pas fermenter sans qu'on y ajoute artificiellement de la levüre, tandis que les grappes qui ont poussé à l’air libre donnent toujours, après l’écrasement, un moût qui fermente spontané- ment. (Voy. Chamberland, Loc. cit., p. 76). — M. Pasteur a fait l'expérience plus en grand, en installant des serres vitrées au-dessus de ceps de vigne en- tiers, et montrant que tout le raisin qui avait müri dans cet espace isolé était incapable de fermenter spontanément après l’écrasement. (Voy. Comptes ren- dus de l'Acad. des sc., t. LXXXVII, 1878.) 206 L. BOUTROUX. moût-semence, examiné lui-même au microscope, ne montre aucune cellule de levüre, mais les tubes ensemencés entrent tous en fermentation les jours suivants : l'examen microsco- pique y fait reconnaitre surtout le S. apiculatus et la le- vüre V. Le moût de la cuve, examiné le lendemain au microscope, ne montre encore rien. Le surlendemain, ce moût présente un peu de levüre V; il est semé dans deux nouveaux tubes : cette fois il se développe surtout la levüre V, et encore un peu de S. apiculatus. Le quatrième jour, le moût de la cuve fermente active- ment; au microscope je n'y vois pas du tout de levüre api- culé, jy trouve surtout de la levüre V, quelques cellules qui paraissent être du Mycoderma vini, et Je crois reconnaitre, tout à fait exceptionnellement, le S. Wurtzii. Ce moût, semé dans deux tubes, a donné un développement de levüre V paraissant absolument pure au microscope. Les jours suivants Je ne vois plus que la levûüre V. Ainsi le raisin de la vigne portait en majorité des levüres non inversives (S. Wurtzü et apiculatus), puisque, étudiant les grains un par un, je n’y ai trouvé que celles-là ; cependant deux ou trois heures après l’écrasement, le moût qui provient de ce raisin contient déjà abondamment la levûre V. Du S. Wurtzii, plus aucune trace : je ne l'ai plus reconnu qu'une fois, exceptionnellement, dans le moût en fermentation. Le S. apiculatus, d’abord en majorité, disparait lui-même peu à peu pour laisser la prédominance à l’espèce primitivement la plus rare. L'examen du moût en fermentation montre donc surtout l'espèce qui se multiplie le plus vite, et non celle dont il a reçu le plus de germes. Il n’y à, par conséquent, aucune contradiction à appeler les levüres utiles des levüres rares, quoiqu’elles se rencon- trent dans tous les moûts qui fermentent spontanément. Je n'en ai trouvé les germes ni sur les fruits, ni sur les fleurs; mais elle existe certainement sur quelques fruits, et, par ana- FERMENTS ALCOOLIQUES. 207 logie avec les levüres XVIIT et XIX, je puis croire qu’elle doit exister aussi sur quelques fleurs. Les résultats de ces recherches mènent à une conception simple de l’ensemble des procédés qui sont employés dans a nature pour la conservation des ferments alcooliques. En automne, la levüre est surtout sur les fruits mürs entamés ; elle s’y multiplie rapidement. Après la saison des fruits, elle se conserve en partie sur les débris de fruits qui subsistent, d’après les expériences de M. Pasteur et de M. Chamberland (1), et, en partie, d’après celles de M. E. Hansen, dans la terre. Elle passe ainsi les mois froids. Dès le commencement du printemps et même plus tôt, les germes restés vivants sont portés par les insectes sur les fleurs : là ils peuvent se rajeu- nir et se mulüplier dans une certaine mesure. Pendant tout l'été, ils se trouvent cultivés de fleur en fleur, grace à l’ense- mencement pratiqué sans cesse par les insectes. Puis ils sont transportés sur les fruits par le même moyen. Nous revenons ainsi au point de départ, à l’époque de la maturité des fruits : le evcle est fermé. Celte conception est justifiée par lexpérience en ce qui concerne plusieurs espèces de levüre, malheureusement les moins intéressantes au point de vue des applications. Par analogie, Je l’étends aux espèces qui produisent les fermen- tations naturelles utilisées par l’homme, espèces qui ne de- vraient leur prédominance dans les moûts de fruit qu'à une plus grande puissance de prolifération dans ces milieux. Je ne présente cette explication que comme une hypothèse : s’il y avait à la rejeter, les faits acquis dans ce travail n’en subsisteraient pas moins. (1) Loc. cil., p. 785. 208 L. BOUTROUX. EXPLICATION DES FIGURES PLANCHE 13. Fig. 1. Levain de pain : grains d’amidon, bâtonnets de Bacillus et cellules de Saccharomyces (?) Fig. 2. Organisme non ferment, trouvé dans le levain de pain. Fig. 3. Levüre I (Saccharomyces cerevisiæ), cellules jeunes. Fig. 4. Levüre I, cellules vieilles superficielles. Fig. 5. Levüre IT, cellules jeunes. Fig. 6. Levüre Il, cellules plus âgées. Fig. 7. Levüre II, cellules vieilles superficielles. Fig. 8. Levüre III, cellules jeunes. Fig. 9. Levüre IT, cellules plus âgées (3 semaines après l’ensemencement). Fig. 10. Levüre IT, cellules vieilles superficielles. Fig. 11. Levüre IV, cellules jeunes. Fig. 12. Levüre IV, cellules vieilles superficielles. Fig. 13. Levüre V(S. ellipsoideus), cellules jeunes. PLANCHE 14. Fig. 14 et 15. Levüre V, cellules vieilles superficielles. Fig. 16 et 16 bis. Levûre VI, cellules jeunes. Fig. 17. Levüre VI, cellules vieilles superficielles. Fig. 18. Levüre VIT (S. conglomeratus), cellules jeunes. Fig. 19. Levüre VIT, cellules vieilles superficielles. Fig. 20. Levüre VIIL, cellules jeunes. Fig. 21. Levüre VILL, cellules plus âgées, du voile. Fig. 22. Levüre VII, cellules vieilles superticielles. Fig. 25. Levüre IX, cellules jeunes. Fig. 24. Levüre IX, cellules vieilles superficielles. Fig. 25. Levüre X, cellules jeunes. Fig. 26. Levüre X, cellules vieilles superficielles. PLANCHE 15. Fig. 27. Levüre XI, cellules jeunes. Fig. 28. Levüre XI, cellules vieilles superficielles. Fig. 29. Levüre XIT (S. minor), cellules jeunes, culture en milieu peu acide. Fig. 30. Levüre XIL, cellules jeunes, culture en milieu très acide. Fig. 31. Levûüre XII, cellules vieilles superficielles. Fig. 32. Levüre XII (S. cirratus), cellules jeunes. Fig. 33. Levüre XII, cellules vieilles superficielles. Fig. 34. Levüre XIV (S. pseudo-mycoderma), cellules jeunes. FERMENTS ALCOOLIQUES. 209 PLANCHE 16. Fig. 35. Levüre XIV, cellules vieilles superficielles. Fig. 36. Levüre XV, cellules jeunes. Fig. 37. Levüre XV, cellules vieilles superficielles. Fig. 38. Levüre XVI (S. apiculatus), cellules jeunes, Fig. 39. Levüre XVL, cellules vieilles superficielles. Fig. 40. Levüre XVIT(S. Rouxi), cellules jeunes. Fig. 41. Levüre XVIL, cellules vielles superficielles. Fig. 42. Levüre XVIII (S. Wärtzii), cellules jeunes. Fig. 43. Levüre XVII, cellules vieilles superficielles. Fig. 44,45 et 46, variétés de levüre XVIIL, cellules jeunes. Fig. 47. Levüre XIX, cellules jeunes. Fig. 48. Levüre XIX, cellules vieilles superficielles. 6° série, Bor, T. XVIT (Cahier n° 4)? 14 RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS Par REMI. Gaston BONNELE et Houis RIANGHN. Nous nous sommes proposé d'examiner les échanges gazeux qui se produisent entre une plante sans chlorophylle et le milieu extérieur et nous avons d’abord choisi les Champignons comme sujet d’études. Dans ce premier mémoire, nous don- nous les résultats de nos recherches sur la respiration et la Lranspiration de ces végélaux. PREMIÈRE PARTIE RES PHEANEOEN Î. — APERÇU HISTORIQUE L'étude de la respiration des végétaux, c’est-à-dire de l’ab- sorpton d'oxygène et de Pémission d'acide carbonique, a été entravée au début par l'importance qu'on à naturellement attachée à la découverte de l’action chlorophyllienne. On avait d’abord confondu tous les échanges gazeux qui se produisent entre la plante (avec où sans chlorophylle) et le milieu (éclairé ou obscur), sous le nom général de respiration. Depuis que la distinction entre les deux phénomènes à été établie, on a relativement négligé l'étude de la respiration proprement RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 211 dite pour porter les mvestigations nouvelles vers lassimila- tion du carbone par la chlorophylle. Nous parlerons d’aborä des auteurs qui ont signalé le phé- nomène de la respiration chez les plantes et qui ont montré sa généralité dans toutes les circonstances. Nous signalerons ensuite les principaux travaux relaufs à l’influence de la tem- pérature, de la pression et de la lumière sur la respiration, ainsi que ceux qui concernent Pétude du rapport relatif des gaz absorbés ou exhalés. Enfin nous terminerons par un aperçu historique spécial sur la respiration des Champignons. 1° Étude générale de la respiration. — Scheele parait avoir le premier constaté que, chez les végétaux, il se produit une absorption d'oxygène et un dégagement d'acide carbonique (1). Ingen-Housz a étudié ce phénomène en mème temps que l'assi- milation du carbone (2), et, plus tard, le dégagement d’acide carbonique par les graines en germination à été signalé par Huber (5); mais c’est surtout de Saussure (4) qui a publié les premiers travaux importants sur la respiration des plantes. De Saussure à étudié, dans de nombreuses expériences, les échanges de gaz qui se produisent entre la plante et le milieu extérieur, soit pour des branches ou des feuilles maintenues à l'obscurité, soit pour des graines à divers élats de germi- nation, des fleurs ou des fruits, et toujours il a constaté l’ab- sorplion d'oxygène et l'émission d’acide carbonique. Les expériences sur la respiration du Blé germant sont de- venues classiques et ont fait souvent assimiler complètement la respiration des graines à la respiration de l’homme. Dans le Blé, en effet, d'après de Saussure, le volume de gaz oxygène absorbé et le volume d’acide carbonique émis sont égaux entre eux. Meyen (5) a reproduit des expériences analogues (1) Voy. Bergmann, Chemische Abhandlung, p. 25, 1TTT. (2) Versuche mit Pflanzen, 1780. (3) Mémoire sur l'influence de l'air sur la germination, Genève, 1S91. (4) Recherches chimiques Sur la végétation, 1804. — Ann. de chim.'et de phys., t. XIX et XXI, 1821-1822. — Mem. Soc. phys., Genève, 1833. @) Pflanzenphysiologie, &. I, p. 162, 1838. 212 &. BONNIER ET L. MANGIN. etil a énoncé que le phénomène respiratoire est général pour toutes les parties des végétaux et pour tous les végétaux. Dutrochet (1), le premier, a indiqué que la respiration se produit même à la lumière. C'est aussi ce qu'a signalé Mohl (2) et ce qui a été établi définitivement par les tra- vaux classiques de M. Garreau (5) qui par ses élégantes dé- monstrations expérimentales, à fait nettement saisir lindé- pendance de ces deux phénomènes si souvent confondus sous le nom peu clair de respiration végétale. Après la publication des importants mémoires de ce physiologiste, la respiration du protoplasma (soit animal, soit végétal), éclairé où obscur, apparaît comme une propriété essentielle, comme un caractère général de Ia substance vi- vante. Le phénomène chlorophyllien qui produit l’action contraire a été ainsi séparé de l’autre échange gazeux sous le nom d’ac- tion chlorophyllienne, comme un phénomène de nutrition spécial, localisé dans les parties vertes des végétaux et ne se produisant que sous l’influence de la lumière. Nous ne pouvons ici que citer les noms des auteurs qui ont vérifié la généralité du phénomène respiratoire, soit dans lé- tude de la respiration des racines (MM. Knop (4), Saike- wicz (9), Vesque (6)), des tubercules (MM. Nobbe (7), Heintz (8) Van Tieghem et G. Bonnier (9), etc.), des plantes parasites sans chlorophylle, telles que les Orobanches (Lo- ry (10)) ou les Monotropa (Drude (11)), des graines germant (1) Mémoires, p. 169 et 185, Bruxelles, 1837. (2) Grundzüge der Anatomie and Physiologie, p. 86, 1851. (3) Ann. sc. nat., 3° série, t. XV, p. 5, 1850. — Ibid., t. XVI, p. 271, 1851 (4) Ann. d. Chem. und Pharm., t. CXXIX, p. 287, 18064. @) Bot.Jahresb., 18TT, p. 723. (6) Ann. sc. nat., 6° série, t. IV, 1877. (7) Versuchstat., 1865, t. VII, p. 451. (8) Bot. Jahresb., 1873, p. 358. (9) Bull. Soc. bot. de France, 12 mars 1880, p. 83. (10) Ann. sc. nat., 3° série, L. VIIL, p. 161, 1847. (11) Biologie von Monotropa, 1873, p. 97. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 213 (Wiesner (1), Sachser (2), Bœhm (3), Dehérain et Landrin (4), Detmer (5), Godlewski (6), etc.), soit encore dans l’étude des bourgeons, des fleurs ou des fruits (Askenasy (7), Borodine (8), Frémy (9), Cahours (10), etc.). Enfin, nous terminons ce trop rapide aperçu des travaux publiés sur la respiration en rappelant les importantes expériences de M. Boussingault (11), où l’analyse élémentaire est venue confirmer d’une manière précise ies résultats obtenus par les méthodes gazométriques. En résumé, la définition même de la respiration ainsi que la généralité de ce phénomène pour tous les tissus résultent de l’ensemble des recherches que nous venons d’énumérer : la respiration est l'absorption d'oxygène accompagnée d’un dégagement d'acide carbonique. 2 Influence de lu température. — L'accroissement de la respiration avec la température a été constaté par de Saus- sure et par Garreau, mais ils n'avaient pas observé régulière. ment la marche du phénomène aux températures successives. Cest M. Félix de Fauconpret (19) qui a fait pour la première fois une étude attentive et suivie de la respiration des plantes, à ce point de vue. En employant un appareil à renouvellement d'air continu, et en étudiant, à l’obscurité, la respiration de branches ou de (1) Sitzb. d. Wien. Akad., t. LXIV, Abth. [, p. 415, 1872. (2) Keimung von Pisum sativum, 1872, p. 30. (3) Sitzb. d. Wien. Akad., t. LXVIHIT. (4) Ann. sc. nat., 3° série, t. XIX, p. 358. (5) Keümung d. ülhab. Samen, p. 85, 1875, et Vergleich. Physiol. der Ke: mungs Processes, p. 261, 1880. (6) Beiträge sur Kenntniss der Pflanzenathmungy.—Jahr. de Pringsherm, . XIE, Abth. 3. (7) Versuchstat., 1875, t. XVIIL, p. 277. (8) Sur la respiration des plantes, 1875, et Bot. Jahresb., p. 922, 1876. (9) Comptes rendus, t. LV, p. 656. (10) Zd., t. LVITE, p. 1206, etc. (11) Ann. sc. nat., 5° série, t. [, 1864. (12) Recherches sur la respiration des végétaux. — Comptes rendus, 15 février 1864, et mss. inéd. — 214 G. HBONNIER ET L. MANGEN. plantes entières appartenant aux espèces les plus différentes, il à montré. à la suite d'expériences poursuivies pendant dix années, que la respiration augmente régulièrement avec la température. La marche du dégagement d'acide carbonique en fonction de la température peut s'exprimer par la formule empirique Q= A + C 6°. M. de Fauconpret à constaté aussi que, chez plusieurs es- pèces, il y a encore une activité respiratoire à zéro et même à des températures inférieures. M. Rischavi (1) a obtenu pour les plantes en germination les mêmes résultats que les précédents. M. Pedersen (2) en étudiant aussi des germinations. M. Askenasy (3) en opérant sur les bourgeons, MM. Dehéram et Moissan (4) en exami- ant la respiration des feuilles de Pinus Pinaster, ont aussi vérifié les résultats que M. de Fauconpret avait trouvés au- dessous de zéro. . MM. Wolkotfet Mayer (5), dans un important mémoire sur la respiration, ont constaté l’augmentation régulière de lin- tensité respiratoire avec la température, en mesurant Pabsorp- ion d'oxygène. Leur méthode d’expérimentation consistait à étudier des plantes où souvent des portions de plantes dans une atmosphère confinée. Les plantes élaient en présence d'une dissolution de soude caustique qui absorbait Pacide carbonique à mesure qu'il se produisait. La différence de pres- sion produite par absorption d'oxygène, lPacide carbonique étant éliminé par la soude, indiquait la quantité d'oxygène absorbée. | Pour la plupart des végétaux étudiés par les différents expé- rimentateurs que nous venons de citer, la courbe d’accroisse- ment de l'intensité respiratoire avec la température à une (1) Bot. Jahresb., 1877, p. 781. (2) Comptes rendus des travaux du laboratoire de Carlsberg, Copenhague, 1878, p. 26. (3) Loc. cit. (4) Ann. se. nal., 1874, 5° série, t&. XIX, p. 329. (©) Landwirthschaft. Jahrb., 1874, t. HE, p. 481. Voy. aussi Mayer, Ver- suchstat, 1876, € XIX, p. 510. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 215 forme parabolique, mais s’écartant fort peu d’une ligne droite. Aussi s’est-on demandé sil n’y avait aucune tem- pérature oplimum pour a fonction respiratoire, Comme MM. Wolkoff et Mayer ainsi que M. Rischavi signalent un abaissement léger de la courbe avant la température qui tue la plante, on à pu supposer que cet ophimum, S'il existait, serait très voisin de la température maxima où la plante vit encore (1). Mais il est à remarquer que les auteurs que nous venons de citer signalent déjà une altération dans les tissus du végétal soumis à l'expérience, pour la période qui correspond au moment où la courbe s'abaisse (2). MM. Dehérain et Moissan (3), et aussi M. Moissan dans un mémoire ultérieur (4), ont également vérifié Paccroissement de la respiration par la température. Ils ont, en outre, énoncé cette loi que le rapport = de l'acide carbonique émis à l'oxy- gène absorbé est variable avec la température. Il serait plus petit que lunité pour les températures basses et plus grand, au contraire, pour les températures élevées. Mais on peut faire remarquer (voy. plus loin, page 247) qu’en prolongeant pendant trop longtemps le séjour des plantes dans l'air confiné, on n étudie plus la respiration normale. Au bout d’un certain temps, quand presque tout lPoxygène est consommé, 1l se révèle le phénomène de la fermentation propre (5), et l'acide carbonique est dégagé en grande quantité sans qu'il y ait absorption d'oxygène. Si l’on fait ensuite l'analyse des gaz, on à un résultat com- plexe dépendant de deux phénomènes successifs : la respi- ration normale et la fermentation propre. On trouve alors (1) Voy. Pfeffer, Pflanzenphysiologie, 1, p. 375. (2) Wolkoff et Mayer, loc. cit. (3) Loc. cit. (4) Sur Les volumes d'oxygène absorbé et d'acide carbonique émis dans la respiration végétale (Ann. sc. nut., 6° série). (5) Ce phénomène de résistance à lasphyxie a été étudié avec soin par MM. Lechartier et Bellamy (C. R., 1869, p. 466), par M. Pasteur (Etudes sur la bière, 1870, p. 26) Voy. aussi : de Luca (Ann. sc. nal., 18TS, 6° série, t. VI, p202). 216 G. BONNIER EF L. MANGIX. beaucoup plus d'acide carbonique émis qu'il n’y en aurait dans la respiration normale, et la valeur du rapport © se trouve modifiée par la prolongation de lexpérience. Or, comme le temps que dure la respiration normale dans Pair confiné est d'autant plus petit que la température est plus élevée, on conçoit qu'on ail souvent pu trouver pour — une valeur trop grande en augmentant la température de Pair confiné. C’est, en effet, ce qui semble résulter des tableaux d'expériences, pour un certain nombre de cas cités dans ces mémoires. Ainsi, dans le travail de MM. Dehérain et Moissan, le tableau 5 contient quinze expériences sur vingt-six pour lesquelles tout l'oxygène de l’atmosphère avait été con- sommé (1), c’est-à-dire pour lesquelles la respiration normale avait été très altérée. 3° Influence de la pression. — M. Paul Bert (2) à étudié. comme l’on sait, l'influence de la pression de l’oxygène sur la respiration des végétaux. Au-dessous d’une certaine valeur, l'intensité du phénomène respiratoire se trouve diminuée. M. Godlewski (3), en opérant sur les graines germant, à fait voir que, dans des limites très étendues, lorsqu'il reste encore % ns : Co? HE une quantité notable d'oxygène, le rapport — est indépendant de la pression. 4 Jnfluence de la lumière. — Aucune recherche complète donnant des résultats bien nets n’a été entreprise au sujet de l'influence de la lumière sur la respiration. M. Morot (4) a trouvé, pour les plantes éuolées, que la lu- mière directe du soleil et la lumière diffuse produisaient un dégagement d'acide carbonique plutôt un peu plus intense qu'à l'obscurité, mais la température ne semble pas avoir été (1) Loc. cit., p. 342. (2) La pression barométrique . (3) Loc. cit. (4) Ann. sc. nat., 3° série, 1850, €. IT, p. 206. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 217 maintenue rigoureusement constante dans ces expériences faites, d’ailleurs, à un autre point de vue. MM. Wolkoff et Mayer (1) n’ont pas réussi à mettre en évidence une influence de la lumière sur la respiration et les résultats des expé- riences de M. Cahours (2) ou de M. Drude (3) sur cette ques- tion ne sont pas très posiufs. M. Borodine, qui a constaté que dans l’obscurilé au bout d’un temps prolongé (4) les branches avaient une respiration moins intense, suppose que cela tient à ce que l’activité vitale générale de la plante s’est trouvée ralentie par lPabsence de lumière. Enfin M. Pau- chon (5) a publié un travail relatif à Pinfluence de la lumière sur la respiration des graines où sont consignées des expé- riences, parmi lesquelles l’auteur en cite un certain nombre comme douteuses ou contradictoires. [l en conclut cependant que la lumière favorise la respiration. Mais dans ces expé- riences, la température est loin d’avoir été maintenue con- stante et la disposition même de l'appareil rend les résultats peu précis. En résumé, on n’est arrivé à aucune conclusion générale, rigoureusement démontrée, au sujet de linfluence de la lumière. 5° Étude du rapport =. — Ainsi que l’a si justement fait remarquer M. Paul Bert (6), l'étude du rapport © et de ses valeurs dans certaines circonstances, formation ou destruc- tion de réserves, etc., n’intéresse pas seulement la respiration, mais aussi la nutrition même des tissus. De Saussure (7), en étudiant la respiration de plusieurs espèces de plantes très différentes (Quercus, Æsculus, Robin, (41) Loc. cit. (2\ Loc. cit. (3) Loc. cit. (4) Botan. Jahresb., 1876, p. 920. (5) Recherches sur le rôle de la lumière dans la germination, 1880. (6) Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, 4870, p. 499. (1) Recherches chimiques sur la végétation, p. 61. 218 G. BONNIER ET L. MANGEN. Sedum reflexum, ete.), a trouvé que le rapport = était plus petit que l’unité. C’est aussi ce qu'il a observé pour un certain nombre de graines germant(Vicia Faba, ete.) (l), ainsique l'ont vérifié MM. Oudemanns et Rauwenhoff (2) et d’autres auteurs. M. Godlewski (3), dans un récent et important mémoire sur la respiration que nous avons déjà cité, trouve également que le rapport — est plus petit que lunité dans la germination des graines oléagineuses. Il a aussi étudié la valeur de ce rapport pendant la formation de ces réserves, c’est-à-dire au moment de la maturation des mêmes graines oléagineuses (Ricin, Pavot, etc.); 1l a trouvé alors que est plus grand que Punité (4). D'autres valeurs de — ont été déterminées dans plusieurs circonstances par divers physiologistes : M. Detmer (5) en a fait une étude détaillée par deux méthodes différentes et la trouvé souvent plus petit que Punité. M. Boussingault (6) la déterminé comme égal à 4 dans plusieurs circonstances, en employant la méthode de l’analvse élémentaire. D’autres ex- périences faites par cette même méthode d'analyse ont vérifié les résullats donnés par la méthode gazométrique, montrant le rapport © comme plus petit que l'unité dans beaucoup de cas (Fleury (7), Laskowsky (8), Dehérain et Landrin (9), ete.). (1) Mém. Soc. de phys. de Geneve, 1833. (2) Linnæa, 1. XIV, 2% livraison, 1859, p. 213-232. (3) Loc. ci. _. C0? RERE . (4) Des valeurs différentes du rapport pour la respiration chez les ani- 0 maux ont été aussi trouvées dans des circonstances physiologiques différentes. C’est ainsi que Sezelkow l’a trouvé notablement plus petit chez un animal dont les membres sont mis en contraction tétanique et que MM. Regnault et Reiseit ont signalé ee comme plus petit que lunité, chez les mammifères, pendant Phibernation. | (o) Loc. cit., p. 70. (6) Loc. cit. (7) Ann. de chim. et de phys., 1865, 5° série, t. IV. p. 47. (S) Versuchstat, 1874, t. XVIL, p. 235. (9) Ann. sc. nal., 1874, 5° série, t. XIX, p. 304. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 219 On comprend de quelle importance serait une étude géné- rale de ce rapport et de lx comparaison de ses valeurs dans les divers actes physiologiques, car tantôt la respiration apparait -omme une assimilation d'oxygène, tantôt comme une élimi- nation de carbone. Respiration des Champignons. — Après avoir passé en revue les principales recherches qui ont été faites sur la res- piration des végétaux en général, mentionnons les quelques travaux qui ont été publiés sur la respiration des Cham- pignons. De Humboldt (1) à le premier donné quelques indications sur Ja respiration des Champignons. Il à fait remarquer que des Agarics, au soleil où à lobscurité, donnaient dans une atmosphère close, au bout d’un certain temps, un dégagement d'hydrogène. De Saussure (2) à constaté, pour plusieurs espèces de Champignons, FPabsorption régulière d'oxygène et l'émission corrélative d'acide carbonique. Le dégagement d'hydrogène, signalé pour la première fois par de Humboldt pour des Champignons placés dans l'air, a été observé pour des Champignons immergés (Sphæria et Peziza) par de Gandolle (3); mais ici, 1 s'agissait évidemment d’une attaque des tissus, à l'abri de oxygène, parle Bacillus Amylo- bacter, avec producüon d'acide carbonique et d'hydrogène par la fermentation butyrique. Ge fait est facile à constater expérimentalement. Grischow (4), en opérant sur l’Amnanila muscaria et V'Agu- ricus rosaceus, à constaté pour la respiration du premier une ee . ; TEE #.,-C0: diminution du volume gazeux (c’est-à-dire que le rapport + (1) Flora fribergensis, 1793, et aussi Aphorismen an. d. chem. phys. d. Pflantzen, 1194, p. 122. (2) Loc. cil., 1804. (3) ÆElore française, t. I. (%) Physikalisch-chemische Untersuchugen über die Athmungen des Gewächse, 1819, p.161. 290 G. BONNIER ET L. MANGIX. était plus petit que 1). Pour les deux espèces citées il a trouvé à la fin de l’expérience un peu d'hydrogène. Les expériences de Marcet (1) sur la respiration des Cham- pignons sont plus nombreuses que les précédentes ; mais elles ont fourni des résultats assez variables, ce qui tient aux condi- tons différentes dans lesquelles cet observateur s’est placé. En mettant les Champignons sous l’eau, il a trouvé naturel- lement un dégagement d'hydrogène au bout d’un certain temps, et le premier, il énonça que ce fait tient à une décom- position accidentelle (nous venons de voir que c’est en effet la fermentation butyrique). Dans les expériences de Marceet faites en plaçant les Cham- pignons dans Pair normal et lorsque le temps n’était pas trop prolongé, ou constatait l'absorption d'oxygène, l'émission d'acide carbonique et l’on ne trouvait aucun dégagement d’hy- drogène. Quant au dégagement ou à l'absorption d’azote, les résultats sont également très variables dans ces expériences. Ajoutons que la respiration a été étudiée aussi pour divers Champignons par M. Garreau (2). Les circonstances dans lesquelles se produit l'hydrogène ont été mises en évidence et complètement déterminées dans le très remarquable travail de M. Müntz sur la physiologie des Champignons (3). M. Müntz a démontré que, dans la respira- tion normale, les Champignons n’exhalent jamais d’hydro- gène. C’est seulement lorsque, en vase clos, toute trace d’oxy- gène a disparu que les Champignons (et uniquement ceux qui renferment de la mannite) dégagent à la fois de l'acide car- bonique et de l'hydrogène. Il se produit alors, pour les Gham- pignons, le phénomène de fermentation propre signalé par MM. Lechartier et Bellamy : les Champignons résistent à las- phyxie en décomposant les matières sucrées qu'ils renferment. (1) Ann. de chim. et de phys., % série, t. XI, p. 318, 1829. — Biblioth. univ. de Genève,t. LVIE p. 393, 1854. (2) Loc. cit., 1851. (3) Recherches sur les fonctions des Champignons (Ann. de chim. el de phys., 1876, 5° série, t. VII), voy. p. 67. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS 991 amd sud M. Müntz semble admettre, pour les Champignons, que le rapport _ doit être égal à l'unité, mais il ne cite aucune expérience précise à cet égard (1). On voit, par cet aperçu historique, que la respiration des Champignons a encore été très peu étudiée. On ne sait rien de positif au sujet de linfluence qu’exercent la température, la lumière ou la pression sur ce phénomène, et l’étude même des échanges gazeux dans des conditions déterminées n’a pas été faite avec soin. Il résulte seulement des travaux que nous venons de citer que le dégagement d'hydrogène qu’on avait observé en certains cas dans la respiration des Champignons, ne se produit jamais pendant leur respiration normale. Il MÉTHODES EMPLOYÉES. — DESCRIPTION DÉS APPAREILS Dans nos recherches sur la respiration des Champignons, nous avons employé deux méthodes différentes : dans la pre- mière, les Champignons étaient placés au milieu d’une atmo- sphère limitée : c’est la méthode de Pair confiné; dans la se- conde, les gaz exhalés par les Champignons étaient constam- ment entrainés par un courant d'air : C’est la méthode à renouvellement d'air continu. 1° MÉTHODE DE L'AIR CONFINÉ. — Cette méthode consiste à placer les plantes à étudier dans une atmosphère limitée, puis à analyser l’air au commencement et à la fin du séjour des plantes dans cet espace confiné. On verra plus loin (page 237) la critique de cette méthode d’expérimentation et les précautions que nous avons prises pour éliminer les causes d'erreur qu’elle comporte. (1) M. Detmer (Lehrbuch der Pflanzenphysiologie, 1883) dit également que Co? er fe . 1 cn ÿ est égal à Punité pour les Champignons. Il ajoute que la respi- ration de ces végétaux est aussi active à la lumière qu'à l’obscurité. le rapport Gi. HBŒONNERIES HA H,. NMANGEN. 19 22 1. Appareil à cloche. — L'appareil dont nous nous sommes servi (PI. 17, fig. 1) se compose d’une cloche à douille rodée À qui repose sur une plaque de verre également ro- dée p. La douille de cette cloche est fermée par un bouchon qui livre passage à un thermomètre / ainsi qu'à deux tubes «et b, qui S'y engagent chacun par leur branche vertücale. L'un de ces tubes, 4, S'arrête au niveau du bouchon, Pautre, b, descend jusqu'au bas de la cloche. C’est dans cette cloche que lon place les Champignons à étudier, et, à côté d'eux, un flacon / contenant de l’eau pour saturer l’atmosphère, eu quantité trop faible pour introduire une erreur appréciable par la dissolution de l'acide car- bonique. On peut disposer à volonté autour de la cloche une caisse B en carton où en bois noirei, de manière à soustraire les objets en expérience à l’action de la lumière. Le tube 4 communique d’une part en 4, avec un mano- mètre à air libre M qui permet de déterminer à chaque instant la pression intérieure, et, d'autre part, ce même tube commu- en 4, avec une éprouvellte F disposée comme un flacon laveur. Un robinet 7 permet de supprimer ou d'établir la communi- cation de la cloche avec le flacon laveur. Le tube 4 communique, d’une part, en /: avec un aspi- rateur $, et, d'autre part, en D: avec un appareil P, des- né à extraire les gaz qui ont séjourné sur les Champignons et que nous appellerons wppareil à prises. On peut, en fermant le robinet x, supprimer la communication avec l'aspirateur $. Cette disposition permet done, comme on le voit, de faire passer dans la cloche un courant d'air saturé d'humidité qui circule dans le sens indiqué par les flèches, ou, en fermant les robinets » et, de transformer la capacité de la cloche en un espace confiné. L'appareil à prises P se compose de deux ampoules Let /, mises en communication l’une avec l’autre par un tube de caoutchouc qui les transforme en un vase communiquant. L'ampoule ? est terminée par un robinet à trois voies R, et RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 9993 par son intermédirese continue avec le tube 4 b, ou avec un tube abducteur d dont l’extrémité est placée sous une éprouvelte pleine de mercure. Les ampoules contiennent une quantité de mercure plus grande que celle qui est suffisante pour remplir lune d'elles. Quand le robinet à trois voies est dans la position n° 4, l’ampoule / communique avec la cloche, et Pon peut, en dé- plaçant l’'ampoule /, introduire en £ Pair qui a séjourné sur les Champignons ou le refouler dans la eloche. Cette opéra- tion, plusieurs fois répétée, a l'avantage de mélanger inti- mement les gaz de l'atmosphère confinée, y compris ceux qui se trouvent Intercalés entre les filaments des Champignons. Quand le robinet occupe la position n° 2, on peut refouler dans léprouvette c l'air qu'on vient d'extraire de Fappareil. Enfin, lorsque le robinet occupe la position n° 3, toute com- municaton est interceptée entre l’ampoule, la cloche et le tube abducteur. Telle est la disposition générale adoptée. Avant d'indiquer la manière de conduire une expérience, ou doit S'assurer de la fermeture hermétique de l'appareil. Fermeture hermétique de l'appareil. — Les Champignons élant préalablement pesés, on les introduit sous la cloche après avoir enduit les bords rodés de celle-ci d'une mince couche de suif, Une légère pression exercée sur la cloche éta- blt l’adhérence parfaite avec la plaque de verre dépolie. Pour assurer la fermeture, on enduit la base de la cloche d’une couche de cire molle puis de mastie Golaz ou de bitume de Judée. Les tubes dont se compose lappareil sont réunis par des caoutchoues, et ceux-ci, ainsi que le bouchon, sont en- duits d’une solution bouillante de gélatine glycérinée qui, après refroidissement, {orme un vernis imperméable. Les robi- nets de verre sont graissés avec un mélange de suif et d’es- sence de térébenthine. Ces précautions indispensables prises, on s'assure que appareil Uent en produisant dans la cloche, au moyen des ampoules / et l', une raréfaction de Pair. On voit aussitôt le 994 €. EBONNERES HA L. MANGIEN. manomètre M accuser, par la différence des niveaux, une diminution de pression. Si cette différence de niveaux reste constante pendant quelques minutes, l'appareil est herméti- quement clos et l’on peut commencer les expériences. D’ail- leurs, pour être absolument certain qu'aucune fuite ne s’est produite pendant lexpérience, on peut calculer d’après le ré- sultat des analyses et des observations barométriques quelle doit être la différence des niveaux dans les deux branches du manomètre à la fin de l'expérience, et vérifier qu'on obtient ainsi le nombre observé au cathétomètre. Ajoutons que dans certaines séries d'expériences où 1l n'était pas nécessaire de se servir du manomètre, l'appareil à été légèrement simplifié de manière à obtenir pour la cloche une fermeture au mercure. Les Champignons étant placés (PL. 20, fig. 11) sur du liège, dans la cloche GC ou dans une éprouvette, celle-ci était plongée dans du mercure qui con- tenait un cristallisoir B etrecouvert d’une légère couche d'eau. 2. Conduite d'une expérience avec l'appareil à cloche. — Elle comprend les opérations suivantes : 1° Lavage de l’appareil; 2° Extraction d’une partie de l’air initial et mesure du volume de lPespace confiné; 3° Extraction de l'air final. 1° Lavage de l'appareil. — Le lavage de l’appareil consiste à faire circuler, autour des Champignons, de l'air normal en quaatité suffisante pour renouveler complètement l'atmosphère qui occupe la cloche. On obtient ce résultat en ouvrant les robinets » ec, l'aspi- rateur S produit un courant d'air qui ne pénètre dans la cloche qu'après avoir barbotté dans le flacon laveur contenant de l’eau ; on lave ordinairement en faisant circuler dans la cloche un volume d’air égal à six ou dix fois sa capacité. Ce lavage est absolument indispensable, car il a pour but de placer les plantes étudiées dans des conditions initiales RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 225 identiques pour les diverses expériences que l’on veut com- parer. 2% Extraction de l'air initial et mesure du volume de l'espace confiné. — Le lavage étant terminé, on ferme les robinets 7 et r', et on s'assure que les niveaux du mercure dans les deux branches sont à la mème hauteur, ce qui indique que Pair confiné possède la pression atmosphérique. Puis on place le robinet R dans la position n° À, et en abais- sant l’ampoule / on introduit en / une partie de Pair de la cloche; cet air est ensuite refoulé dans l’éprouvette c en pla- çant le robinet dans la position n° 2 et en soulevant /. On à ainsi extrait de la cloche une portion de Pair qui sy trouvait, et la pression intérieure à diminué. On évalue la di- minution de pression en mesurant la distance verticale des niveaux du mercure dans le manomètre au moyen d’un cathé- tomètre. Il ne reste plus qu’à mesurer le volume de l’espace confiné. On emploie la méthode du voluménomètre de Regnault, dont voici le principe : Soit æ le volume qu’on veut mesurer. On extrait de ce volume inconnu un volume v mesuré à la pression atmosphé- rique H, et on note la pression du gaz restant au moyen du manomètre : soit — X' la différence des niveaux du mercure dans le manomètre. Le volume gazeux x se trouve donc après l'extraction du volume v, à la pression H — (4 — h"). D'après ces données, en appliquant la loi de Mariotte, on obtient le volume inconnu par la formule suivante : TX Fpr Voici, comme exemple, l’une des nombreuses mesures de volume que nous avons dù faire : La cloche renfermait 185 grammes d’Agarics à la tempé- rature de 12 degrés, et la pression de latmosphère était alors de 779°°,30. Après l'extraction, par l'appareil à prise, d'un volume de Ge série, Bor. T. XVII (Cahier n° 4)3. 15 226 G@. BONNEER ET IL. MANGIN. 47,70, mesuré à 12 degrés et à la pression 779,30, la diffé- rence des niveaux du mercure dans le manomètre était de 460,95. La capacité de la cloche, y compris celle destubes jusqu'aux robinets, était donc : 119.2 æ = 47,10 X De —= 804, En répétant la même opération à différents instants de la même journée, nous avons trouvé des volumes oscillant entre 797 et 804, ce qui fait, pour l'évaluation du volume total, une erreur maxima inférieure au centième de ce volume. 3° Extraction de l'air final. — Quand les Champignons ont séjourné dans la cloche pendant un temps suffisant, on note la pression intérieure, représentée par la pression atmosphérique diminuée de la différence des niveaux 4, — h.,, du mercure dans les branches du manomètre. Gette mesure permet de constater l’importance de labsorption gazeuse qui se produit toujours dans nos expériences. On note aussi en même temps la température de l'atmosphère de la cloche. Puis on fait une prise d’air comme précédemment, on place le robinet R dans la position n° 4,et, en soulevant ou en abais- sant un certain nombre de fois l’ampoule /”, on brasse l'air de la cloche pour mélanger les gaz qui entourent les Champignons et ceux qui sont emprisonnés dans les tissus. Ge brassage est indispensable au moment de chaque prise, aussi bien pour une prise d'air initiale que pour une prise d'air finale. Quand il est terminé, on refoule Pair qui a péné- tré dans l’ampoule / sous l’éprouvette « en plaçant le robinet dans la position n° 2. Au moment de cette prise on note d’ailleurs, comme pour la prise d'air mitiale, la température intérieure et la pression, de manière à pouvoir déterminer encore le volume de Pair confiné, comme il à été dit plus haut. Ainsi qu'on le voit, la disposition que nous avons adoptée pour nos appareils permet, d’une part, de placer les Champi- RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 297 onons dans des conditions identiques au début de chaque expérience, et, d'autre part, d'extraire les gaz qui entourent les Champignons après avoir, par un lavage préalable, intime- ment mélangé ces gaz. 3. Appareil à étuve. — L'emploi d’une cloche pour y placer les plantes en expérience ne convient que dans les observations faites à la température ordinaire quand cette température demeure stationnaire. Lorsqu'il s’agit d'étudier la respiration à des températures variables, on doit placer le récipient dans une étuve à eau (PI. 18, fig. 3), munie d’un thermo-régulateur #7. On se sert d’un manchon de verre V fermé à la partie supé- rieure par un bouchon disposé comme le bouchon de la douille dans la cloche précédemment décrite. La partie infé- rieure du manchon reste ouverte et permet d'introduire dans celui-ci un poids connu de Champignons. Ces plantes sont supportées par un petit diaphragme en liège et placé à 2 ou 3 centimètres du bord inférieur du manchon. On ferme l'appareil en plongeant la partie inférieure du manchon dans une soucoupe s qui contient, à l’état de fusion, du mastic Golaz. Au bout de quelque temps le mastic, en se solidifiant, ferme hermétiquement le manchon. On place alors le tout dans l’étuve, et les tubes sont agencés comme dans l'appareil géné- ral précédemment décrit. 4. Analyse des gaz. — Nous avons employé, pour l’analyse des gaz, la méthode volumétrique, seule applicable pour le procédé des prises d'air dans l’atmosphère confinée. Le volume initial étant déterminé, on introduit de la potasse pour absorber l'acide carbonique et l’on ajoute ensuite de acide pyrogallique pour absorber l’oxygène. Les lectures successives faites sur la cuve à mercure donnaient, après l’action de la potasse, l'absorption due à acide carbonique ; après l'acide pyrogal- lique l'absorption due à l’oxygène. L’azote a été déterminé par différence. 228 &. BONNE DT L. MANGIENX. 1° Emploi des éprouvettes qraduées. — Nous avons employé d’abord des éprouvettes de 50 centimètres cubes graduées au dixième de centimètre cube. Les lectures étaient faites sur la cuve à mercure et toujours à la même température et à la même pression. Nous avons négligé les corrections dues à la présence sur le mercure d’une colonne d’eau, de potasse ou d'acide pyrogal- lique; cette colonne de liquide, qui ne dépassait pas 1 cen- timètre, introduisait une erreur maxima de 3 dans l’évalua- tion du volume total, erreur inférieure à celle qui était due au mode de graduation des éprouvettes, et par conséquent négligeable. L'emploi de ce procédé d’analvse offre plusieurs inconvé- nients : il exige d’abord, pour donner quelque précision, un volume gazeux assez considérable (50 centimètres cubes au moins). En outre, la totalité de la prise des gaz de l'atmosphère confinée est analysée en une seule fois, et l’on n’a aucun moyen de contrôler les analyses. 2% Appareil à analyses. — Pour remédier à ces inconvé- nients, nous nous sommes servi d'un appareil à analyse qui rappelle celui qu'a imaginé M. Leclerc, dont la deséription a été envoyée à l'Académie des sciences. Nous avons apporté d'importantes modifications à cet ap- pareil, dans le but de supprimer les causes d'erreur dues aux variations de pression et pour rendre les manipulations plus faciles. Tel que nous l'avons installé, l'appareil à analyse (PI. 47, fig. 2) se compose d’abord d’un premier tube «b horizontal, capillaire, ou tube musureuwr, qui possède un diamètre inté- rieur maximum de { millimètre : ce tube est partagé en divi- sions d’égal volume, et sur une longueur de 80 centimètres environ, il comprend 800 divisions; puis d’un second tube cd également horizontal, mais de diamètre un peu plus grand que le tube mesureur, qui forme le fube à absorption dans lequel on introduit les réactifs. Entre ces deux tubes se trouve un robinet à trois voies R, RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 299 dont la branche verticale £ vient se terminer au milieu d’une cuvette # contenant du mercure. Les deux tubes, mesureur et à absorption, sont terminés du côté opposé au robinet par deux petites ampoules ff! et par l'intermédiaire de tubes en caoutchouc, ils communiquent chacun avec une allonge / ou /'. Ges allonges sont mobiles le long d’un support, dans le sens vertical, et celle /’ qui est adaptée au tube mesureur est munie d’une po nte p destinée à maintenir la pression constante pendant la durée des me- sures. L° Fonctionnement de l'appareil. — L'appareil étant rempli de mercure et le robinet à trois voies étant fermé dans la position n° 3, on place une petite éprouvette contenant le gaz à analyser sur la cuvette k, de façon que:le tube abdueteur # plonge dans l'atmosphère de l’éprouvette. On place alors le robinet dans la position n° 1 et l’on abaisse lallonge /. Une partie de l'air contenu dans léprouvette est ainsi introduite dans le tube à absorption. On met alors le robinet dans la position n° 2, et, en dé- plaçant convenablement l’allonge /, l'air que contient le tube à absorption est chassé dans le tube mesureur. On s’arrange, par quelques tâtonnements, de manière que la colonne d’air emprisonnée entre deux colonnes de mercure ne dépasse pas la longueur du tube calibré. Nous employons habituelle- ment une colonne d’air occupant six à sept cents divisions de ce tube. On abaisse alors la pointe jusqu’au contact du mercure, puis on lit le nombre de divisions occupées par la colonne gazeuse, le robinel étant fermé pendant cette partie de lopération. Le volume imitial est ainsi obtenu. Laissant le gaz dans le tube mesureur, il faut introduire de la potasse dans le tube à absorption. Pour cela, on engage sur le tube { de la cuvette, en k!, un réservoir »# contenant une solution concentrée de potasse. Ce réservoir est terminé à sa partie inférieure par un tube de caoutchouc qui est fermé au moyen d’une pince de Mohr. 230 G. BONRIER ET L. MANGIN. On place le robmet dans la position n° 4 et on abaisse l’am- poule /; il suffit de desserrer la pince pour introduire dans le tube à absorption la solution de potasse. On chasse ensuite cette solution dans le réservoir #2, et l’on place le robinet dans la position n° ? lorsque l’appareil est de nouveau rempli de mercure. En déplaçant convenablement l’ampoule /, tout le gaz laissé dans le tube mesureur passe dans le tube à absorption; là, sous linfluence de la potasse qui mouille les parois, l'acide carbonique est absorbé. On refoule alors le gaz dans le tube mesureur, On ferme le robinet, et, après avoir placé le niveau du mercure dans l’allonge /’, à la hauteur de la pointe p, on lit le volume gazeux. Deux lectures suffisent pour évaluer l'absorption due à l’acide carbonique. Il ne reste plus qu'à évaluer le volume de l'oxygène. Pour cela on introduit dans le tube à absorption une solution d’acide pyrogallique et de potasse, en opérant exactement comme pour la potasse seule, et on détermine absorption d'oxygène en transportant le gaz absorbant dans le tube à absorption. Une dernière lecture permet de mesurer l'oxygène absorbé et l'azote restant. Voici, à Utre d'exemple, lune des analyses d’air que nous avons faites pour essayer l’appareil : Volume initial. {re lécture .: ;.. 627,5 — 991,5 — 106,0 div. 2 ‘lecture ...:.::. 459,0 — 53,0 — 406,0 div. Volume après l'action du pyrogallate de potasse. re Jecture ....... 539,5 — 918,0 — 321,5 div. 2% Jecture . ...… . 476,0 — 154,5 = 391,5 div. L'air introduit dans l'appareil contient donc, pour un vo- lume de quatre cent six divisions : RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 231 Ce résultat donne pour la composition en centièmes de Pair analysé : Ce résultat est suffisament précis, car on sait que la com- position de l’air fixée par M. Dumas est, en volumes : Oxygène...... - 20,8 AZote : 7... 19,2 D'ailleurs une précision aussi grande n’est même pas né- cessaire pour les recherches dont nous nous occupons dans ce mémoire. À ce propos, la cause d'erreur due au dégagement d’une très petite quantité d'oxyde de carbone par l'acide pyrogallique s’est toujours montrée inférieure à l’erreur maxima de nos expériences de contrôle. Il est important de remarquer que le volume d’air analysé est à peine égal à 1/2 centimètre cube et que la durée de l'analyse ne dépasse pas quinze minutes. 2 Précautions à prendre dans le maniement de l'appareil ; lavage à l'acide. — Cet appareil présente, on le voit, des avan- tages considérables pour la précision et la rapidité des ana- lyses ; mais son emploi exige quelques précautions, quand on a plusieurs analyses successives à faire. En effet, après la lecture successive des volumes absorbés par la potasse et l'acide pyrogallique, les parois des tubes sont mouillées par ces réacufs, et un lavage complet est Indispen- sable. Nous employons pour ce lavage de l’eau acidulée par l'acide sulfurique et teinte en rouge par du tournesol. Cette eau est introduite au moyen d'un réservoir # muni d’une pince en caoutchouc, comme pour lintroduction de la potasse. On la fait circuler dans les tubes à absorption et mesureur jusqu’au moment où la coloration rouge du tour- nesol persiste dans tout l’appareil. 3° Causes d'erreur dues à la présence de la potasse dans le robinet. — X] est important, lorsque le robinet à trois voies et les tubes sont remplis d’eau acidulée, de tourner plusieurs fois 232 G. EBGNNERE KT KE, WANGIN. le robinet autour de son axe pour neutraliser les traces de potasse qui pourraient rester à la surface du robinet. En né- gligeant cette précaution, on s'expose à lire des volumes imi- taux trop petits. 4° Causes d'erreurs dues à la présence d'acide pyrogallique. — Le lavage à l’acide neutralise la potasse et suspend l’action absorbante de acide pyrogallique. Pour enlever les dernières traces de ce réactif, 1l faudrait un lavage prolongé à l’eau pure ou faiblement acidulée. Si ce lavage est mcomplet, on commet une erreur dans le volume d'acide carbonique absorbé, parce que les traces d'acide pyrogallique qui restent, au contact de la potasse qu'on mitroduit après la lecture du volume initial, absorbent une petite quantité d'oxygène qui est comptée comme acide carbonique. Dans ces conditions on mesure un volume d'acide carbonique trop fort, et un volume d'oxygène trop faible. Voici un exemple qui montre les erreurs que l’on peut com- metre: Onintroduit une masse d’air, dépouillée d'acide carbonique, après avoir fait une analyse qui à laissé, même après deux lavages, des traces d'acide pyrogallique. Le volume initial est: Lee Min sn 115;5 Après l’action de la potasse............. 712,5 Après l’action du pyrogallate de potasse... 565,5 On trouve donc dans l’air analysé : Acide carbonique...... où Oxyoénen re PEECPErE 145,0 NAZOLCr eee RENE 565,5 3 sur l'évaluation du On commet donc une erreur de volume d'oxygène qui est compté comme acide carbonique. Pour éviter cette cause d’erreur, on peut, au lieu de répéter les lavages à l’eau acidulée, faire à part les analyses d'acide carbonique et les analyses d’oxygène. On fait successivement les analyses d'acide carbonique, puis on fait ensuite les ana- lyses d'acide pyrogallique. On peut abréger la durée des RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 233 lavages en employant un lavage à l’eau acidulée et à l’eau pure, mais on doit temdre l'acide et Peau avec le tournesol, et ne commencer les analyses que si le liquide est uniformément rouge. En résumé, pour faire une analyse, il faut d’abord laver une première fois à l’eau bien acidulée et rougie par le tournesol, puis laver une seconde fois à l’eau très faiblement acidulée. C’est après ces deux lavages qu’on procède comme il a été dit plus haut (1). Nous pouvons citer un exemple des erreurs que l’on commet quand on laisse des traces de potasse dans le robimet. Une masse d’air altéré par la respiration du mycélium d'Agaricus melleus, étant introduite dans l'appareil, a donné les volumes suivants quand on la promené dans le tube mesureur et le tube à absorption : 1eLC: On constate que le volume lu diminue peu à peu par suite de Pabsorption d’une partie de acide carbonique qu’ilrenfermait, et au bout d’un certain temps seulement, il devient constant. Si l’on prend soin de neutraliser toute la potasse contenue dans le robinet, le volume initial est constant, comme le démontrent les mesures suivantes : 663,5 663,0 663,0 663,0 663,5 663,0 663,0 (1) Nous avons récemment modifié l'appareil à analyses en supprimant le robinet à trois voies, en ne nous servant que d’un seul tube capillaire et en simplifiant le lavage de l'appareil. 934 G. BONNIER KA EL. MANGIN. Nous connaissons maintenant les appareils employés et la méthode d'analyse des gaz; 1l reste à faire connaître une expé- rience type. 5. Marche d’une expérience : expérience du 8 février 1883. — Agaricus campestris. Des Agarics étant placés dans le manchon de l'appareil à étuve, on lave au moyen d’un courant d'air produit par Paspi- rateur. À neuf heures quarante-cinq minutes on ferme les robinets qui établissent le courant d’air et on procède aux opérations suivantes : 1° Brassage de l'air du manchon au moyen de l'appareil à prises ; 2° Prise d'air recueillie dans une éprouvette placée sur le mercure; 3° Lecture de la différence des niveaux dans le manomètre h-h'; 4° Lecture de la pression extérieure K. o° Lecture de la température 1. À onze heures quarante-cimq minutes, après deux heures de séjour à l'obscurité : 4° On lit le manomètre avant de faire la prise; 2 On brasse l'air du manchon ; 3° Prise d'air, lecture du manomètre après la prise : hi-h:; 4 Lecture de la température \'; o° Lecture de la pression atmosphérique W'. On procède ensuite à l’analvse des éprouvettes contenant Pair wutal et l'air final. On obtient alors les données sui- vantes : A Air aimtialens.-Lote = 120,0 me crCecie H —756mm,95 RME. tan h — Onm 60 Fe LME S sierellere h! — 30m ,40. Volume de l’espace confiné — 1130cc,00. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 239 Composition de Pair : Volume initial..............,.. —45%,5 CO? — 0,0 Aprés'la potasse.: 7... 45% MPTOUMMO NN)" 98 Après le pyrogallate de potasse... — 36,2 H — 36,2 B. — Air final......... tu—1900 A Rp An H'—= 750%P 95 LA HAT a Ra —A49m,00 I ELA CE. .. he —1067",24. Volume de l’espace confiné — 112635. Composition de Pair : Volume initial................ —\114,710 CO? — 1,85 Après la potasse............... — 12,85 d’où .0 —12,25 Après le pyrogallate de potasse. — 60,60 Az — 60,60 D’après les données qui précèdent, le manchon qui contient les Champignons renferme au début les gaz suivants, après la G) D > première prise : Acide carbonique... 0,00 Oxygène... sus. 226,30 A ZO LOVE ne ee ce 861,70 Après un séjour de deux heures dans ce milieu, les Ghampi- gnons ont modifié l'air de la façon suivante, quand latmo- sphère est ramenée à la pression du début : Acide earbonique................. 26,00 OXYSENE M RAR PE e eee e mon i 172,50 Azote...... ESS EN PNA CAL SERA PE IREUIN R ES À BEN 858,52 En comparant cette composition de l'air final à celle de Pair tions suivantes : Acide carbonique en plus....................... 26,0 Oxvodne.en moins ue ete aan - aa 54,0 Azote en moins.......... Sas D RENE JD On remarquera que l’expérience montre une déperdition d'azote, mais cette déperdition est de même grandeur que les erreurs dues à la mesure des volumes. Comme d’ailleurs l'azote est tantôt en moins tantôt en plus, 92306 G. BONNIER ET EL. MANGEN. on peut admettre que, dans les conditions de la respiration normale, l'azote ne varie pas sensiblement. On trouvera, du reste, plus loin (page 261) les recherches faites au sujet de l'azote. 2° MÉTHODE A RENOUVELLEMENT D’AIR CONTINU. — Dans cette méthode, les Champignons sont au milieu d’une atmo- sphère dont la pression ne varie pas et où l'air est constamment renouvelé. 1. Description de Pappareil. — Les Champignons, avec leur substratum naturel, sont placés sous une cloche à douille identique à celle qui a été décrite dans lPappareil à cloche (voy. page 222), ou dans un récipient ce, dont la température intérieure était donnée par un thermomètre sensible #. L'air atmosphérique, entré par le tube à, est dépouillé de toute trace d'acide carbonique en traversant le flacon à po- tasse p et traverse un compteur de précision G donnant en litres ou fractions de litre le volume d'air ayant passé dans appareil pendant un temps donné. En même temps, l'air se sature d’eau en traversant le compteur. L'air aimsi dépouillé d'acide carbonique, saturé d'humidité et compté en volume à chaque instant, arrive aux Champignons par le tube 4. Mèlé à l’acide carbonique exhalé par la respiration, il sort ensuite par le tube e qui le conduit à travers une dissolution de ba- ryte titrée dont un volume connu à été placé dans le tube coudé TT’. Les gaz arrivent par la petite branche T, forment une suite de bulles qui cheminent et crèvent successivement dans la grande branche inclinée T' où se produit le précipité de carbonate de baryte; une ampoule placée à la suite du tube empèche les bulles de se former plus loin. Au delà, se trouvent placés des flacons témoins f et f'renfermant chacun une quantité connue de baryte titrée. L'aspirateur sert à pro- voquer le courant d’air constant qui traverse l'appareil. On pouvait ainsi faire une expérience en laissant les Gham- RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 237 pignons à la lumière diffuse ou les plaçant à l'obscurité au moyen d’une enveloppe en carton noirel recouvrant le réei- pient c. Des expériences croisées, établies avec les mêmes Champignons, ont été faites de cette manière à la lumière et à l'obseurité : pour les mêmes conditions de température d'état hygrométrique, pour la même durée et pour le même volume d’air passé. 2. Méthode d'analyse. — Par ce procédé nous avions changé, non seulement la méthode d’'expérimentation, mais aussi le procédé d'analyse : au lieu de doser l’acide carbo- nique par la méthode volumétrique, nous employions l’ana- lyse par les liqueurs titrées. La liqueur titrée de baryte était conservée à l’abri de l'acide carbonique de Pair, comme l'indique la tigure 9 (PI. 49). On connaissait le poids du carbonate de baryte précipité après une opéralion de la manière suivante : Le liquide renfermé dans letube TT était filtré, puis versé dans le verre v (PI. 19, fig. 10) au-dessous d’une burette ren- fermant de l'acide chlorhydrique titré, On faisait alors couler goutte à goutte l'acide jusqu’à ce que de la teinture d’hélian- thine ajoutée préalablement au liquide du verre v passät du jaune au rose. On avait ainsi par différence le poids d'acide carbonique produit par les Champignons. ll EXPÉRIENCES DE CONTRÔLE. LIMITE DES ERREURS DE MESURE. Avant de se servir pour nos recherches des appareils que nous venons de décrire, il était nécessaire de voir quels résul- tats donne leur emploi, lorsqu'on opère plusieurs fois de suite dans des conditions aussi identiques que possible. Les varia- tions des mesures faites dans de semblables circonstances montrent quel est le degré de précision de la méthode, et l'écart maximum entre deux mesures successives fournit la valeur de l’erreur pour lemploi d'un appareil. 238 G. BONNIER HET L. MANGEN. D'autre part, il fallait chercher si des Champignons de la même espèce donnent, à poids égal, des résultats identiques dans des circonstances identiques, s'assurer de quelle manière la respiration d’un même Champignon varie avec l’âge du vé- gétal, et, par suite, jusqu’à quel point on peut comparer deux expériences faites, avec les mêmes Champignons, à des époques SUCCESSIVES. Enfin, dans un grand nombre de cas, 1l était utile, comme nous l'avons déja dit, d'étudier les Champignons placés sur leur substratum naturel, croissant et se développant d’une manière absolument normale. Quelle était alors l'influence du substratum sur la respiration ? C’est encore ce qu'il fallait reconnaitre. En outre, ce substratum ou les Champignons en expérience eux-mêmes peuvent renfermer d’autres végétaux saprophytes ou parasites, et il était indispensable de vérifier par des expériences de contrôle que les échanges de gaz entre ces êtres et Le milieu extérieur n'avaient pas d'influence sen- sible, ou, mieux encore, opérer dans les conditions où ces vé- gétaux ne se développent pas. Nous allons donc citer les expériences de contrèle faites dans les conditions identiques : 1° Avec les mêmes Champignons ; 2° Avec des poids égaux de Champignons de même espèce ; 3° Avec les mêmes individus d’âges différents ; 4° Avec et sans le substratum ; o° Avec et sans les autres végétaux qui peuvent se dévelop- per dans l'appareil. | 1° Expériences dans des conditions identiques avec les mêmes Champignons. Ces essais ont été faits avec les espèces suivantes : Agaricus campestris, Agaricus velutipes, Agaricus conchatus, Polyporus versicolor et Dedalea quercina (À). Les résultats sont inscrits en détail sur le tableau n° LE. (1) Voy. pour cette dernière espèce le tableau n° VIF, série n° 29, page 267. 239 ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. RESPIRATION ‘O0F à GG 2P 1uerPA 047 =QUOIS A] ‘aan =CS HIB,[ 0P sup sale} 9J9 quo Saouoriodxo $a9 Sapnog — YG8 CGR "IVILINI ZV9 na ANNTOA “DIJON "007 UN O4 ATUOSAV D HANH9AXO Cr er. DO O Ée da : 22: imos(n | "s21504 ‘(oçeur sud apuos oun) La QJATG] CALE U ) 29 c > ) ENT 7 , oN O2 OuLe Cu] + nimasq( de Wa snNADÜY | neop uopoueur e proaeddy MoN Géo O‘oLT C7 % “2SUJJIP 2191un *s24$04 * (sostad 1Èe 0‘oLr C7 1@ “osnjip a4ormunf (-wnasno14Dby | Xnap) oyoop + raeddy °9 oN 6% 091 CC **:"9)n95{( "SN]DY9 ‘(sastid 0'£ 0‘oCT Co ‘'*"opamosq{Q (-u09 Sna4DPY | Xnop) oy90p0 € poseddy CEN pe 2 « tt *:9J1An980 ‘sad * (sasrad ÿ & 0 GI & SU [ L ze 00 Ge °::"9)1n9${0 |) Joasnotnfy | xnap) oo € jroavddy 7° oN ‘9 COLI CO IZ °°" "9)1m9sq{() *40909?$ * (sasrad L‘9 COLE (ET ‘‘''opmosqQ (-t2a sn1todfoq | Xnep) ouyoop e poaeddy 0 0N \ 0‘6 C‘o6G CET °° :*9)n9$(4() Y°G C'06% (Or) °°°:"9}40S{0 RATES ‘(sasrad xnap) GG G6G (on ":"9punosq{ (-w00 snnuDÔy | nvop uoqouen ve jroaeddy 2e oN 0‘6 C6 Cu 2 RARES ON) RO‘L 0 ‘CZ O8 TI :‘9Jm9sq( "S119$04 * (sasrad YO°L 0067 O£ur ‘‘oHanos{O )-4W99 snor1DÔY | xnop) eoanjo ve jroaeddy ‘FoN £ = E S = 6 = EE 2 2e S ES. 2 à *LNANAUIVIPA,A “AONAIUAAXA NI EL a D 5 5 "HAOTANA TAUVAIAV 2 À SÉS 5 DE SNOILIANON H0H4SA ER Er Q un “SNON9IANVHO SAENAN SAT HAOd SHNÜILNAGI SNOJILIONON SAG SNYA H'IOULNON 44 SHONAIUHAXH — oN OVATIVL 240 G. BONNIER ET L. MANGIN. On voit que les expériences faites avec l'appareil à étuve sont celles qui donnent erreur la moins grande, lorsqu'on a fait deux prises d’air, l'une sur Pair initial, l’autre sur Pair final. On trouve, en effet (série n° 1), dans deux expériences suc- cessives faites avec les mêmes individus d’Agaricus campestris, pour le mème volume d’air initial mesuré par la méthode du voluménomètre, pour la même température maintenue con- stante par l’étuve à régulateur, pour le même état hygromé- trique, les deux expériences étant faites à l'obscurité et ayant chacune une durée de une heure et demie : {expériences Acide carbonique dégagé pour 100. Oxygène absorbé pour 106 1,04 10,61 2 expérience : Acide carbonique dégagé pour 100. Oxygène absorbé pour 100. 7,03 10,45 Dans les opérations de contrôle faites avec l'appareil à cloche où les Champignons étaient en bon état de développement, en faisant une prise mitiale et une prise finale, les séries 2, 3, 4, 5 et 6 montrent que lerreur maxima ne dépasse jamais un demi-centième du volume total. Dans la série 6, la lumière diffuse se trouvait avoir tout à fait la même intensité pour les deux expériences nécessaires, mais ce m'est pas le cas ordi- naire ; aussi les meilleures épreuves de contrôle sont-elles celles qui ont été maintenues à l’obscurité. Les expériences de la série 7 (tableau n°1) ont été faites sans première prise dans Pair initial, mais après lavage assez long. On voit que l'erreur peut atteindre presque un dixième. Elle serait même plus forte encore si le lavage initial n’était pas prolongé. Au point de vue des analyses de gaz, nous avons vu que esi en se servant de l'appareil à tube capillaire décrit plus haut, que les erreurs, pour le même gaz, sont les moins grandes. Il résulte de cette étude de contrôle que le meilleur appa- reil à employer est l'appareil à étuve, avec analyses de gaz par RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 241 l'appareil à tube capillaire. Mais, dans les autres cas, connais- sant les limites d'erreur, nous pouvons tenir compte de toutes les variations observées lorsqu'elles dépassent notablement l'erreur maxima de l'expérience de contrôle, et nous rejet- terons toutes les autres expériences. 2 Expériences faites avec des poids éqaux de Champignons le même espèce. On opère souvent, en physiologie, en prenant pour des expé- riences comparatives, des poids égaux de la même espèce ou de mêmes tissus. Dans toutes ces comparaisons, on fait alors abstraction des caractères individuels et l’on suppose que deux poids égaux de tissus semblables et de même âge ont la même activité dans les mêmes conditions extérieures. Ceci peut être vrai pour certains tissus bien déterminés, lorsque l’âge est facile à constater, mais encore faut-il le véri- fier par une expérience directe avant d'adopter cette manière de procéder. Pour les Champignons, dont nous avons ici à nous occuper, il est bien difficile de prendre des poids égaux de végétaux du même âge. L'expérience prouve qu’en cherchant à définir Pâge, soit par la rupture de la volva, soit par la dissémination des spores, chez un Agaric, on obtient, pour des poids égaux de Champi- gnons en apparence semblables et placés dans des conditions identiques, des résultats très différents. Pour d’autres Cham- pignons il serait encore plus difficile de trouver un point de repère qui permit de semblables comparaisons. Le tableau n°11 montre, par les séries d'expériences 8 et 9, que des poids égaux d'individus différents, aussi identiques que possible, peuvent donner, pour la respiration, des résul- tats trop dissemblables pour qu'on puisse employer cette mé- thode. Ge série, BorT. T. XVII (Cahier n° 4). 16 249 &. IBORNNENE HE EH. RANGER. TABLEAU N° II. -— DIVERSES EXPÉRIENCES D'ESSAI ET DE CONTRÔLE. en (=) ë E 5 ESPÈCES CONDITIONS = Le = 5 : = TEMPÉRATURE. NE soumises à l’expérience. EX PÉRIMENTALES. = ee S \ Deux lots de poids ju , N°8. | Agaricus cam- égaux (500%) en 16°,0 2,8 DESITISS ere ï apparence sem T | blables..… 21. 16°,0 3,9 | Deux lots de poids | ah | N°9. | Polyporus versi- | égaux (6001) en ke 170,5 4,1 color ..... ... j apparence sem- | où hiables..:®r | ‘ 4795 1,8 1° 491 grammes pe pe- LUS PT EN MEMNURENE 2h 170,5 6,0 N°10.| Agaricus cam- ) 2° 494 grammes } DESUTIS so + champignons plus | grands, de mème | âge que les précé- 3 AAdents ie ee. 2h 17°,0 5,1 RNnEntE ( (à | 110:0 1159) À à lames non vi- : à Pee G Ah 02) iN°1i.| Agaricus caimn- | SIDIeS ee res l I 17,0 1,8 ’ 270 / / mn + pestris........ } Les mêmes, 4 jours | 4 17,5 3,2 après, à lames. \ découver tes AT AN 180,0 3,9 fi | DUO { Polypores et bois sur lesquels ils N°12. | Polyporus versi- \ croissent ....... BL 16°,0 4,2 COLOT ATEN Le même bois dont les Polypores ont | élé enlevés..... 9! 160,0 0,3 | Agaric et fumier Noi3.| Agaricus cam | yCÉlien EE 2h 170,0 5,8 DESTRIS ENT e ee Fumer avec my- céllum sans Îles | pieds d’Agaries.. D 179,0 0,4 RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 943 TABLEAU N° II. — DIVERSES EXPÉRIENCES D'ESSAI ET DE CONTRÔLE a ematt chanmnnnss on à nb hiogibiibagencan eo pe OT TT | SN 5 D : = Site e £ ESPÈCE EME NES (En à CONDITIONS. ec e os & | 5 s | le A :& | soumise à l'expérience. #4 = PESNNENS S 5 £ © © Culture pure. .... 190020580443 04" 450 0 f/ D 1. COM 1 \ ? NU puce URes nt Culture envahie par RS Se l les ferments.. 18 | 11,501 3,40 | 2,60! 1,3 N. B. — Toutes ces expériences ont été faites à l'obscurité et dans de l'air saturé d’humidités. On pourrait essayer de noter l’âge réel des Champignons en les observant sur une culture. C’est ce qui a été fait pour le hampignon de couche qu’on a cultivé en cave; de jeunes pieds, au moment de leur formation sur le mycélium, ont été notés avec soin. Tous étant arrivés à un certain développement, nous en avons fait deux lots de poids égaux : Ceux du premier lot avaient, en moyenne, des chapeaux de % centimètres de diamètre et étaient élevés de 6 centimètres. Leur poids était de 49% grammes. Ceux du second lot avaient en moyenne des chapeaux de 6 centimètres 5 de diamètre et élaient un peu plus élevés que les précédents; ils pesaient également 49% grammes. On voit par le tableau n° IF, série 10, que les Champignons du premier lot ont respiré plus fortement que les seconds, dans les mêmes conditions. On ne peut donc comparer entre eux ni des poids égaux de Champignons en apparence semblables, ni des poids égaux de Champignons de même âge réel. C’est pour cela que nous avons établi toutes nos expériences en opérant toujours, pour les comparaisons à faire, sur les mêmes individus, successivement. Il reste à s'assurer jusqu’à quelle lnmnite de temps on peut opérer successivement avec les mêmes Champignons en voie de développement, car l'intensité de la respiration varie avec le temps, c'est-à-dire avec l’âge du mème Champignon. 24% G. BONNEDER E4 L. WMANGIN. 3° Expériences fuites avec les mêmes individus d'äges diffe- rents. En opérant avec les mêmes Imdividus, pendant la même journée, on à pu voir par les résultats du tableau n° Fqu'on obtenait sensiblement les mêmes résultats, lorsque les condi- tions extérieures ne varient pas. Ilne faut pas prolonger ces expériences successives au delà d’une certaine limite. Les expériences de la série 14, faites sur le même groupe de Champignons de couche, se développant normalement sur leur substratum, à quatre jours de distance, montrent, en eflet, quelle différence énorme on observe pour l'intensité de l’exhalaison d’acide carbonique. Ilest à remar- quer que dans les premières expériences, les Champignons jeunes n'avaient pas encore leurs lames ouvertes, tandis que dans les secondes ils s'étaient beaucoup développés et éta- laient, après cet intervalle de quatre Jours, leurs chapeaux montrant leurs lames à découvert. Il résulte de ces mesures qu'il ne faut comparer les mêmes individus que dans une même journée et en croisant toujours les expériences. % Expériences de contrôle relatives au substratum des Champignons. Nous avons dit que dans un très grand nombre d’expé- riences, les Champignons étaient étudiés en voie de dévelop- pement sur leur substratum normal. Il y a lieu de rechercher si entre ce subtratum et Pair qui l'entoure, il ne se produit aucun échange gazeux, Imdépendamment de la respiration du Champignon qui y croit. Pour les Champignons qui se développent sur le bois (Poly- porus, Dedalea, Aguricus melleus, ete.), il est facile de s’en procurer des échantillons assez purs, envahissant seuls le bois qui leur sert de nourriture. D'ailleurs, au sujet de ces Champignons, des expériences de contrôle ont été faites de la manière suivante. Après une expérience faite sur du bois portant des Polypores, par RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 243 exemple, on a enlevé complètement au couteau tous les Cham- pignons, et avec ce bois dépouillé de Champignons, l'opération a été reprise pendant le même temps, dans les mêmes condi- tions. Le bois couvert de Polypores avait donné 4,2 pour 100 d’acide carbonique dégagé; sans Polypores, il ne donne plus que 0,3 pour 100 d’acide carbonique (1). On comprend, du reste, qu'il peut y avoir encore un faible dégagement d’acide carbonique, par le mycélium qui demeurait dans le bois. Une branche morte, analogue à celle où étaient les Polypores mais n’en portant pas, n’a révélé pendant le même temps aucun échange de gaz appréciable. Des vérifications semblables ont été opérées pour le Cham- pignon de couche naissant sur le fumier. On pourrait eroire, au premier abord, que ce substratum va être ici une impor- tante cause d'erreur. Lorsque la culture est en bonne voie et que les Agarics ont bien pris sur toute la meule cette erreur est inappréciable. Le fumier tout entier envahi par le mycé- um du Champignon de couche ne contient que très peu d’im- puretés susceplibles de troubler le phénomène des échanges gazeux. C’est ce que prouvent les expériences de contrôle de la série 13 (tableau n° IT, p. 242). Le substratum seul après l’enlèvement des pieds d’Agarie ne fournit qu’une quan- té d'acide carbonique inférieure à l’erreur maxima de l'appareil. D'ailleurs, des recherches sur le mycélium d’Aga- ricus campestris cultivé sur un substratum analogue ont exigé desexpériences très longtemps prolongées pour qu’on obtienne un échange de gaz sensible. C’est donc bien aux appareils sporifères (pied et chapeau) qu’il faut rapporter les échanges gazeux mesurés dans ces recherches, et nous pouvons en con- clure que : Dans les conditions où nous avons opéré, le substratum n'a pas d'influence sensible. (i) Voy. tableau n° II, série n° 12. 246 &. BBONMENES MA EL. NANGIN. D° Erpériences de contrôle relatives aux autres végétaux qui peuvent se développer dans Pappareil. Pour les dernières expériences que nous venons de citer on voit que les recherches ont été faites dans des conditions où d’autres végétaux ne venaient pas se développer dans le substratum. Lorsqu'on fait des cultures de Mucorimées, cette condition est de la plus grande importance : il faut opérer sur cultures pures, sur un substratum privé de germes par un chauffage préalable et en ne laissant rentrer l'air qu’au travers du coton roussti. On voit quelle est l'importance de ces précautions pour les expériences de la série 44 (lableau n° ff, page 243). Des cultures de Phycomyces nitens envahies par divers orga- nismes jouant le rôle de ferments au milieu du pain qui ser- vait de substratum, ont donné, pendant un temps plus court, beaucoup plus d'acide carbonique que la culture pure. De plus, comme les ferments dégagent de l'acide carbonique (et quelquefois de l’hydrogène) sans absorber d'oxygène, la me- sure du rapport des volumes de gaz par la respiration de la Mucorinée devient impossible. Dans quelques expériences faites sur des Basidiomycètes ce sont au contraire les Mucorinées qui, se développant en para- site sur le Champignon, sont venues troubler l'étude du phéno- mène respiratoire; on n’a tenu compte que des expériences où les Champignons observés étaient en voie de développe- ment normal ét sans parasites. En somme, quelle que soit l'espèce étudiée, on doit s'assurer autant que possible qu’on opère sur une cullure pure, et rejeter toutes les expériences où la présence d’un parasite ou d’un ferment dans le substratum est constatée. Nous voyons par ces diverses expériences d'essai et de con- trèle quelles sont les meilleures conditions où lon doit placer les Champignons pour étudier la variation de la respiration sous l'influence d’une cause isolée : Il faut avoir une culture pure, susceptible d’être maintenue en voie de développement normal pendant toute lexistence RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 247 les Champignons; il est nécessaire d’opérer sur les mêmes individus de la mème espèce, sans jamais comparer entre elles les expériences d’un jour à l’autre et en croisant, autant que cela est possible, les expériences successives. IV ÉTUDE DE L'ATMOSPHÈRE CONFINÉE. Nous avons déjà dit quels imconvénients peut présenter la méthode qui consiste à étudier la respiration dans une atmo- sphère limitée. Lorsque le séjour des végétaux dans Pair con- finé se prolonge, la respiration normale finit par disparaitre, mais, comme on l’a vu plus haut, les végétaux ne meurent pas ; la respiration ordinaire est remplacée par un autre phéno- mène : La plante, en transformant ses réserves sucrées par une sorte de fermentation propre, dégage de l'acide carbonique ou un mélange d'hydrogène et d'acide carbonique, et peut ainsi résister à l’asphyxie pendant un temps souvent très long. Quel est donc le moment précis, dans des conditions déterminées, où la respiration normale fait place à ce phéno- mène de fermentation propre? Où faudra-t-il s'arrêter dans une expérience ? Nous devions aussi nous demander si, dans une atmo- sphère limitée, la respiration normale à lieu dans la première partie de l’expérience comme à l'air libre? Telles sont les premières questions que nous avons à nous poser avant d'entreprendre les recherches sur la respiration par la première des méthodes que nous avons indiquées plus haut. Pour cela, nous allons examiner successivement : 4° Les variations de pression pendant le séjour prolongé des Champignons dans Pair confiné ; 2° La composition des gaz de l'atmosphère limitée, à divers moments SUCCeSSIÉS ; 248 G. DONNIHR DA L. RANGIR. 3° L'étude des échanges gazeux pendant la période de res- piration normale. i° Variations de pression pendant le séjour prolongé des Champignons dans l'air confiné. — Nous avons répété un cer- tain nombre de fois lexpérience suivante : Des Champignons (Polypores ou Agarics) étant placés dans une atmosphère limitée V (PI. 18, fig. 4), on mettait en communication l’espace qui les renfermait, d’une part avec un manomètre à air hibre M et, d'autre part, avec un robinet à trois voiles pouvant communiquer avec un appareil à prises et avec un aspirateur. L'appareil étant mis en expérience, après un lavage préalable par un courant d'air au travers de l’espace V, on notait à intervalles égaux : 1° la différence de pression donnée par le manomètre, au moyen d’un cathéto- mètre; 2° la température intérieure donnée par le thermo- mètre {; 3° la pression barométrique donnée par un baro- mètre de Fortin, 4 la température extérieure donnée par un second thermomètre. On pouvait amsi mesurer, à des intervalles déterminés, les pressions successives ramenées à la même température et en faisant les corrections relatives à la variation de la pression atmosphérique. La courbe À représente ainsi les différences entre la pres- sion normale de 760 millimètres et la pression intérieure, ramenées à 15 degrés, lorsqu'on laisse des Champignons (Agarieus campestris) dans une atmosphère limitée, pendant un temps prolongé. ; On voit que la courbe commence par s’abaisser suivant une ligne droite au début, puis qu’elle se relève moins rapidement, vient couper l'axe des abcisses et continue à s’élever ensuite indéfiniment. Ainsi la différence de pression commence par être négative, il y a absorption régulière, puis après une période de transition, 1l y à au contraire un accroissement continu de la pression. 249 ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. RESPIRATION “LOT) oaneoduo owout vj à soguouuet 979 JUO SUOISSOAd SOL SOMOL *SAMQUUIIIIUT (OL À DPUOUUET DINONPIKO UOISSOA EL 0048 AMOLHIUT UOISSOI EL 9p SOIUOIOIP SL AUUOP 0quN09 ET — "oouyuoo axoydsoue oun suep s247soduma snoruvby, op pBuoçoud anofos af quepuod uorssoad op suoneneA — ‘j 44107) SOI & Ÿ £ TT YO EE . ONGLES IPN Pu LU | uorSsa1d p LT 250 G. BONNEER MT EL. MANGEN. Les courbes 2 et 3 indiquent avec plus de détail les varia- tions de pression au début. On voit que toutes Les courbes ont la même forme générale ; Zeures MAT 22834567; 8 9 xv2z à la température ‘de 12. RC DETTE SL 10 & © COURBE 2. — Variations initiales de la pression dans une atmosphère limitée pendant le séjour de l’Agaricus cainpestris chacune d'elles présente une partie droite (om, courbe 2 ; om’, courbe 3) indiquant une diminution de pression proportion- nelle au temps. Ensuite vient une partie sinueuse (#4, courbe 2; mn', courbe 3) vers le commencement de laquelle RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 9251 se trouve le minimum de pression. Enfin, la dernière partie de la courbe (#p, n'p') se relève en une ligne droite indi- ) quant une augmentation de pression régulière. \ QU 22 8 4 5 6 7 8 gronŸ 12e 4 F 67 8 9 m7 CourRBE. 3 — Variations initiales de pression dans une atmosphère limitée, pendant le séjour de l’Agaricus campestris à la température de 22e, zu À S N S D LS Q Lo S w NI N EU NE SE SRE EST RS Em CON © Tic À Q À à S à. S'HGUISTIRERT ART SRI TETE tés MDN NE QU 4 ie KE 4 LG © SSS & KR Sn En somme, en comparant les courbes 1, 2 et 3, on voit que la marche du phénomène peut se diviser en trois périodes se suivant toujours de la même manière : 1. Diminution réqulière de pression (absorption) ; tO Qt [Re] &. BONNIER EF L. MANGIN. . Période de transition ; . Augmentation réqulière de pression. C9 19 Al Pour bien comprendre à quels phénomènes sont dus ces divers changements de pression successifs il est nécessaire de faire l’analyse des gaz, à divers moments. 2 Composition des qaz de l'atmosphère limitée, à divers mo- ments successifs. — Etudions la composition des gaz de l’at- mosphère confinée pendant ces trois périodes. 1. Période de l'absorption régulière. — Si lon fait une prise dans Pair confiné pendant cette première période, on trouve toujours qu'il reste une quantité notable d'oxygène dans l'atmosphère. C’est ce que prouve, par exemple, le résultat suivant : Acide carbonique............. 116,72 100:de gaz renferment Oxygène :....:.............% 4,80 ( AZOTE MR remains SEueset 83c,50 D'ailleurs, on peut constater la généralité de ce fait en jetant un coup d'œil sur les différents tableaux de résultats joints à ce mémoire. En outre, le rapport du volume de l’acide carbonique émis à celui de l’oxygène absorbé est toujours plus petit pendant celte période, ce qui explique l'absorption, tandis que la quantité d'azote ne varie pas. Nous verrons plus loin que Île rapport Test constant pendant cette phase de lexpérience, ce que démontre d’ailleurs la courbe qui présente la forme d’une ligne droite, indiquant ainsi une absorption proportion- nelle au temps pour des conditions extérieures invariables. 2. Période de transition. — On trouvera (tableau n° II) des résultats d'analyses relatives à cette période (série n° 15‘et 16). La prise d'air, par exemple, pour la série n° 16, courbe 3, a été faite un peu après le minimum de pression, au moment *2HpPUUNUP PANJES AE 2p SUP Jo 9)HN9S(O,[ L SOJIVT 979 JUO SoouoHsxo $S99 Sono, — ‘{f ‘N à IL‘0 8'08 S'y 0 ‘007 mod ‘007 mod :09 AATVOSEY a9VOU :09 “AUNLVAHANGL “(aquosqe 359 ou9$ -AXO [ Jn0)) Sono ozuImêi) o0T ‘LY oN ‘AaUNG “IUT *ANIANO9D HIV'I 4Q ACQOLE — “III .N QACIAIGELI | G9'G8 | 000 | GEST | LO'TSL | 8Y'Lr | 9676 | 87'Lr | 00‘OLL | 0‘ | ‘(E sue ‘2 04) sauna :d9s-J501A € e € . TLE |S8Y saade are p 2Suq 9L'GS | LE | OS'OT | 0681 | 8Y'LY | 0G'L6 | 0L‘67 | GE'ELL | GG | ‘°° "7" "(6 eqinon ‘Q:Aoa) uorssoid 9p } ‘OT oN tnUuIUru of Sgade 60 | OS‘LE | OC'OT ‘jaenb un sommoy | S104 Sade are p 2SH1q &6'6L | 80‘0G 00‘06L « « € OTELL | 066 | ‘°°°: ENIUr av | | G3'98 | 10‘0 9L‘Gy | Ge‘L6L | 0797 | 70707 | Y9°1a | co‘azr | 0er |" """""Jaenb un | soanay xnop-oquenb | O7°T | 6S'£ , ; : À : -UI) S9ade Are p 9S11q | 97 98 | LYT Le‘cr | 88‘e08 | 7e 97 | 08‘cor | 960 | O086LL | 0er | "7" 7" eqinoo \ ‘p ‘Âoa) uoissaid }-e7 çN 9P UWNUIUIU 9] ‘ ‘ ‘ saade ‘soinoy jnou 650 | LY0G | 166} soude arep ostq &6°6L | 80‘08 | 000 | 00‘008 « « € OFOSL | Or | ‘°° """Temturuv / "99 “ut "UU “UUtu “WU [æ] ê _ = Se ‘sy ‘4 5 ©] _e 8 2Y ( 09 = E Ro ARILUREN: 9J10AnO E Z 0. ë S ES = © ñ = | oqouvig | ououeig Ê "AASATYNV 5 2 «09 | £7 | &s 25 | 558 | —— — ] AUAHASONILV 5 = FS PE > ” S S | auranonvwarsxva 5 cu = NOILISOdINON Gi © lauaouax na unazavu F 3 ÔY v sadiuno Snot 4} s? 10q * 5 GS} = spi al Sau ue ‘Jnqep ne ‘ 254 G. BONNIER ET EL. MANGIN. qui correspond au point à marqué sur la courbe; l'analyse montre que la proportion des gaz est alors : Acide carhonique...... ........ 10,50 ADD Oxygène. US. Msn. 3,14 MAZOLO en eee ae en 80,76 Ainsi, pendant cette période, 1l reste encore un peu d’oxy- sène, mais l'acide carbonique se dégage en quantité relative- ment plusgrande. La respiration normale est troublée. Le rap- port + n’est plus constant, et à l'absorption succède une aug- mentation de pression. 3. Période d'augmentation régulière de la pression. — Les dernières analyses des séries 15 et 16 (tableau n° HD) et de la série 49 du même tableau, de même que la première expérience de la série 19 (tableau n° IV) sur le Polyporus versicolor, la série 20 du même tableau sur lAgaricus velu- tipes, et la série 21 sur le Dedalea quercina, se rapportent à cette période. TABLEAU N° IV. — ÉTUDE DE L'AIR CONFINÉ (suite). Appareil à étuve, obscurité, air saturé. 2 2 Es 2 a S TE = = Si: BE % Ne) E - “a See B£ a BE. ler TE Æ © ESPECES ETUDIEÉES. A à = SNS D+ © Z 3 D 2 ne | a © 2 T7TVE (RS Q & 2 AL Bi > 0 Le F3 Æ © SE | El _ a [æ) A = = à ( N° 48. | Telephora tremelloides.. | An De 1200 51e 176 7 | 2) 99,0 1 2,0 | 0,65 ) 0,5 6 2,5 63 141,30 | 90,5 20 » » N° 19. | Polyporus ver- ( jeune .. | 15,30 | 17,5 | 15,8 | 20,0 | 0,8 sicolor..... tplusâgé. | 14, » | 16°,0 | 14,0 | 19,8 | 0,7 N°20. | Agaricus velulipes..... | 15h: | 149,0 | 17,2 | 20,1 | 0,8 No»21r | Dœdalea quercina ..... | 21, D | 39,0 0 RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 259 On trouve toujours que l'oxygène est totalement absorbé. C'est à peine si, dans les premiers temps de cette période d'augmentation de pression, on peut encore constater des traces d'oxygène. C’est ce qu'indique le résultat suivant, pris parmi les pré- cédents et correspondant au point € de la courbe 3, après vingti-sept heures : H'Oxpaenes nee an enr 0,00 traces. 100% de gaz renferment : Acide carbonique. ..... 15%,35 \ NZOLE RE hear Mecibus eue Rose 85,65 M. Müntz (4) a montré que c’est pendant cette période, et seulement lorsque tout loxygène à disparu, que les Champi- gnons qui renferment de la mannite dégagent de l'hydrogène en même temps que de l’acide carbonique, ce qui est dù à la fermentation mannitique. C'est, en effet, pendant cette période qu'a leu régulière- ment ce phénomène de fermentation propre étudié par MM. Le- chartier et Bellamy sur les fruits sucrés. La présence de l’alcoo! ou des éthers dérivés, formés aux dépens des sucres pendant ceite période, est facile à constater à l’odeur lors- qu'on ouvre le récipient renfermant les Champignons. En résumé, {outes les expériences qui seront assez prolongées pour empicter sur la seconde ou la troisième période devront être rejelées, parce que la respiration se trouve alors compliquée d’un phénomène spécial de résistance à lasphyxie que nous n'avons pas pour but d'étudier dans ce mémoire. Reste à examiner si, pendant la première période, nous avons bien réellement affaire à la respiration normale. 3° Étude des échanges gazeux pendant la période de respira- tion normale. — 1 résulte des nombreuses analyses que nous avons faites que, pendant la première période, il n°y a entre les Champignons et le milieu extérieur aucun échange sensible d'azote ni d'hydrogène. (1) Loc. cit. 256 &. BONNERR ET L, MANGIX. Il y a toujours absorption d'oxygène et émission d’acide car- bonique. En outre, qu’on fasse une prise de gaz au début de cette pé- riode, peu après la mise en train, qu'on fasse une prise au milieu où qu’on fasse une prise à la fin (au moment où va commencer la période de transition), le rapport reste inva- riable; nous verrons même qu'il ne varie pas avec la tempé- rature (voy. p. 270). Pendant eette période, le rapport du vo- fume de l’acide carbonique émis au volume d'oxygène dégagé reste encore Invariable, quel que soit le volume des Cham- pignons par rapport au volume gazeux, pour les mêmes espèces de Champignons. Citons, parmi les résultats inscrits dans nos tableaux d’expé- riences (1), les déterminations suivantes du rapport ©. Pour l’Agaricus campestris on a : Commencement ) de ja période | 1° Après {4 d'heure de séjour à 170,0 cri 0,57 M AN2 | 2 Après 3 heures de séjour à 16°,0 — 0,59 MNilieu:#erien C0? | 3° Après 3 heures de séjour à 16°,0 MIE 0,58 2 : Pre CO? | 4° Après 3 heures !/4 de séjour à 22°,0 D = 0,59 HINOEDAEER DAT C0? | 5° Après 9 heures de séjour à 12°,0 0 — 0,59 Go’ — constante 2 0,6 0 Pour le Polyporus versicolor on à : - | pa ARHENEENENt NT Après 5 heures de séjour à 17°,0 eos —0;70 de la période O0 NT \ : fe : GO Milieu. 41401 2 Après 22 heures de séjour à 11°,0 To 0,68 N2 CO es 0) 0 —=0, 12 DNS Srabadone 3° Après 195 heures de séjour à 17,5 CO D — constante — 0,7 (1) Voy. tableaux n° I, HI et XI. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 9257 Ces résultats, qui ont été trouvés aussi pour l’Agaricus ve- lutipes (tableau VID, le Dædalea quercina, le Telephora tre- melloides, etc., sont de la plus grande importance pour légi- timer la méthode que nous avons employée. En effet, même en se limitant à la première période, la seule où ne se produise pas le phénomène de fermentation propre, on peut faire à la méthode de l'atmosphère limitée deux ob- Jjections; ces objections sont détruites par les résultats que nous venons de citer, comme nous allons le démontrer. En premier lieu, on à fait remarquer que la méthode gazo- métrique avait pour défaut principal que les gaz contenus et souvent condensés dans les tissus du végétal pouvaient être mis en liberté à mesure que l’oxygène est absorbé et venir troubler le phénomène respiratoire. Cette première objection perd déjà de sa valeur lorsqu'on emploie l’appareil que nous avons décrit, car, par le brassage, avec les variations de pression qu’on détermine avant chaque prise, on doit nécessairement produire un mélange des gaz de l'atmosphère et de ceux que contiennent les tissus, en sorte qu'après deux prises ainsi brassées dont on détermine seule- ment les différences, l’erreur due aux gaz internes doit sensi- blement disparaître; mais quand bien même on trouverait cette réponse à l’objection insuffisante, 1l résulte clairement de la constance du rapport + que l'erreur due aux gaz ren- fermés au début dans les tissus, est rendue négligeable par notre manière d'opérer, sans quoi le rapport = devrait évi- demment varier, et pendant le commencement de la première période, la courbe des différences de pressions n'aurait pas la forme d’une droite. Or, il résulte de mesures précises faites dès le début au cathétomètre, de deux minutes en deux minutes, que la diminution de pression est rigoureusement proportionnelle au temps. D’après ce que nous avons dit sur les échanges gazeux, la constance du rapport se trouve ainsi vérifiée par ces mesures, l’objection en question n’est donc pas à considérer. 6° série, BorT. T. XVII (Cahier n° 5)1. 17 258 G. BONNEER ET L. MANGEN. On a dit aussi (1) que l’acide carbonique s’accumulant peu à peu dans l’atmosphère limitée pouvait devenir toxique pour la plante et nuire par sa présence au phénomène respiratoire normal. Gela est vrai à partir d’une certaine limite, qui est précisément le début de la deuxième période, ou période de transition. Nous avons vu plus haut, par les analyses citées, que les dernières portions de l’oxygène sont difficilement absorbées; par suite, dans la période de transition, le phé- nomène respiratoire normal est troublé par la présence d’une grande quantité d'acide carbonique. Mais avant ce moment, avant le début de la période de tran- sition, l'acide carbonique est-il en quantité assez grande dans l'atmosphère étudiée pour troubler la respiration ? En aucune façon, et c’est encore d’une part la constance du rapport ! d'autre part la régularité de la courbe pendant cette période qui en sont les preuves. 4 Conclusions. — Il résulte évidemment de cette étude détaillée que nous avons faite des modifications qu’éprouve l'atmosphère confinée pendant la respiration, que les expé- riences sur la respiration normale doivent toujours être limitées à la première période dont le terme aura dù être déterminé à l'avance, pour des conditions données. Si l’on procède toujours ainsi, sans laisser l’expérience du- rer assez longtemps pour entrer dans la seconde ou la troi- sième période dont nous venons de parler, {a méthode adoptée permet d'étudier la respiration normale. | D'ailleurs 1l est inutile que l'expérience soit prolongée pen- dant toute la période mitiale. Nous avons toujours cherché à renouveler lair le plus souvent possible dans nos expériences successives, et l’atmosphère limitée n’était close que pendant le temps nécessaire pour que les modifications produites dans la composition des gaz soient faciles à mesurer. (4) Voy. De Saussure, Recherches chimiques sur la végétation, p. 27, 1804. RESPIRATION ET, TRANSPIRATION. DES. CHAMPIGNONS. 299 V ÉTUDE DE LA RESPIRATION, DANS LES MÊMES CONDITIONS, CHEZ LES DIVERSES ESPÈCES DE CHAMPIGNONS. Les espèces de Champignons que nous avons mises en expé- rience appartiennent aux genres les plus différents des Basi- diomycètes; nous. avons aussi étudié quelques espèces de Trémellinées et de Mucorimées. L'une des espèces le plus souvent étudiées est le Champi- gnon de couche, dont nous avions installé des cultures dans une cave et qu'on pouvait ainsi prendre à tous les états de développement, ou transporter, avec une partie du mycélium et de son substratum, dans l'appareil à eloche. Là, les Agaries pouvaient, dans l'air renouvelé par l'aspirateur, accomplir leur développement total comme à l’état normal. Beaucoup d’autres espèces, telles que l’Agaricus velutipes, le Dædalea quercina, le Trametes suaveolens, elc., étaient placées dans l’appareil avec le bois sur lequel s'étaient déve: Zloppées ces espèces. Nous avons vu plus haut comment on s’assurait par des expériences de contrôle que le substratum est sans influence sur le phénomène. Quant aux Mucorinées, on en étudiait des cultures pures sur du pain ou sur des sub- stances sucrées préalablement chauffées. Examinons quelle est l’intensité de la respiration chez ces diverses espèces, et Nav quelle est, pour chacune d’ elles, la valeur du rapport © : 1° Intensité de la respiration. — Autant qu'il est possible d'en juger par les expériences faites, les espèces étudiées se succèdent dans l’ordre suivant, au point de vue de l’intensité de la respiration : : Phycomyces nitens Kunze. Bhizopus nigricans Khr. Agaricus velutipes Gurt. 260 G. BONNIER ET L. MANGIN. Agaricus conchatus Bull. Agaricus campestris L. Trametes suaveolens Fr. Polyporus versicolor Fr. Dœdalea quercina P. Exidia glandulosa Fr. Mais ce ne peut être là qu'une indication montrant que, pour un même poids, les Mucorinées respirent plus pendant le même temps et dans les mêmes conditions que les Agarics, ceux-ci plus que les Polypores et ces derniers plus que les Trémellinées. Il est, on le comprend, bien difficile de comparer rigou- reusement des espèces différentes, puisque nous avons vu que l'intensité de la respiration varie beaucoup avec l’âge et même d’un individu à un autre individu de la même espèce. Nous aurons des indications plus nettes en comparant des co? valeurs du rapport =. 4° Valeurs du rapport —. — Sauf pour les Mucorinées, nous avons toujours trouvé que le rapport du volume de l’acide carbonique émis au volume de l’oxygène absorbé est plus petit que l’unité. Ainsi, à! y a oxydation du tissu des Champignons par le fait de la respiration, puisque la quantité d'oxygène absorbée est toujours supérieure à celle que renferme l’acide carbonique émis. Nous avons constaté que, pour toutes les espèces, le rap- port ne varie pas avec la pression (L) ; comme nous verrons aussi, Ce rapport ne varie pas avec la température, nous pou- vons donc donner, d’une manière générale, sa valeur appro- chée pour quelques-unes des espèces étudiées. (1) Rappelons (Historique, p. 216 et 218) que M. Godlewski, dans l’étude des graines oléagineuses en germination, a obtenu des résultats analogues. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 2601 CO? L TABLEAU N° V. — VALEURS DU RAPPORT oi POUR LES DIVERSES ESPÈCES. : : Co: ESPÈCES ÉTUPIÉES. VALEUR DE 01 Telephora tremelloides Agaricus campestris 0,54 à 0,59 Agaricus velutipes Environ : 0,6 Exidia glandulosa 0,7 Polyporus versicolor 0,56 à 0,75 Dedalea quercina 0,7 à 0,8 DRUCOMUCESNITENS. NN eee eee laeiiarercreretele .. | Environ: 1 Pour le mycélilum d’Agaricus campestris développé sur le fumier et l’envahissant complètement, il a fallu prolonger longtemps l'expérience pour obtenir un échange de gaz facile- ment dosable, il en a été de même pour le mycélium d’Agari- cus melleus. Nos expériences sur ces mycéliums ne sont pas assez nombreuses pour nous permettre d'indiquer iciles valeurs du rapport He 2 Absorption ou dégagement d'azote. — Avant de poursuivre nos expériences concernant l'influence exercée par les condi- tions extérieures sur les échanges gazeux que présentent les Champignons, nous avons dû rechercher si dans la respiration normale il y a un dégagement ou une absorption d’azote. Le tableau n° VI donne les résultats d'expériences préli- minaires faites avec le Dædalea quercina et V’Agaricus cam- pestris séjournant dans une atmosphère dont le volume avait été mesuré de façon à connaître, avant et après l’expérience, la quantité absolue de gaz qu’elle renfermait. L'examen des chiffres inscrits sur ce tableau montre que l'azote s’est rencontré, tantôt en plus, tantôt en moins, dans l'atmosphère entourant les Champignons; les quantités de ce gaz sont, d’ailleurs, en valeur absolue, de même grandeur que les erreurs commises sur l'évaluation du volume total. 269 G. BONNIER KT IL. MANGIN. TABLEAU N° VI. à $ E z à BE ESPÈCES 2 ÉS.| 222 ie CE | x = DE Des DÉGAGÉS OBSERVATIONS. a ÉTUDIÉES,. 13 NEA a un ou on 4 & Æ = = < à É = 5 Se ABSORBÉS. A = [tee © a 2 2 A A à Les Champignons ont 14,46 9, 50 de 80, 54 séjourné 2 heures dans 245,92 196,54 | — 119,38 l'atmosphère ; on trouve 3 901,74 | 904,93 | + 3 ,19 TE d’azote en plus, No 92. Dœædalea L quercina. À à 25,58 | 216,12 | + 190,54 Re à 210, 95 4, 78 = 206, 15 On trouve environ ET F: 092130 | MEME" E=6,17. |/0R MORE % 3,50 | 24,10 | + 20,60 . 220,00 167, 10 52,90 On trouve as d'azote 859,90, |; 854,801 —:,5,140 .7rmoins. Agaricus Nes, |: °9 campestr is. Les. I ; 0° es 1ampignons on 0, 00 16,00 A 16, 00 séjourné 2 heures 25 dans a 131,50 97,50 | — 0,34 rite d on trouve Az | 545,80 | 546,95 | + 1,10 dE —— d'azote en plus. | NoTa. — Le volume gazeux est, à la fin de chaque expérience, diminué de Ja quantité de gaz extraite de l'appareil pour connaître la composition initiale de l'atmosphère entourant les Champignons. Ces expériences ne tranchent pas la question d’une façon décisive, mais elles nous ont donné une forte présomption en faveur de l’absence de dégagement ou de l’absorption de l’azote. Pour changer cette présomption en certitude, nous avons repris les expériences en les conduisant d’une autre manière. On a vu plus haut que pendant le séjour des Champignons dans une atmosphère confinée, on observe toujours une dimi- nution de volume correspondant à une absorption d'oxygène plus grande que le volume d'acide carbonique dégagé dans le même temps. Cette diminution de volume se traduit dans Pap- RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 263 pareil par une diminution de pression, que l’on peut évaluer au moyen du manomètre. D'autre part, l’analyse des gaz, avant et après l’expérience, nous permet de calculer, sans connaître le volume de l'air, la diminution de volume et par suite la diminution de pression qu’aurait dû subir l'atmosphère gazeuse, en admettant que le volume de l’azote n’ait pas varié. D’après cela, si la température et la pression n’ont pas varié pendant une expérience, on pourra trouver deux choses : ou bien la diminution de pression lue sur le manomètre et la dimi- nution de pression calculée d’après l’analyse des gaz seront égales, ce qui démontrera qu'il n’y a pas absorption ou déga- gement d'azote ; ou bien ces deux diminutions de pression seront différentes, et l'écart existant donnera la valeur en cen- tièmes du gaz azote dégagé ou absorbé. Les résultats de plusieurs séries d'expériences ont confirmé la première alternative, et par suite nous ont montré qu’il n’y a pas de dégagement ni d'absorption d’azote. Nous mentionnerons, à titre de démonstration, les deux expériences suivantes : Expérience n° À. 120 grammes d’Agaricus campestris ont été placés dans une atmosphère de 570 centimètres cubes. Au début de l’expérience, la pression intérieure était............. 743mm 54 Alain de l'expérience (37/49 après) Mn Nue. tua ie 729mm,08 Par suite, la diminution de pression causée par l’absorption des gaz égale 23"" 46, La composition centésimale de l'air était, au début : CO — 0,43 O — 20,47 K = 79,09. A la fin, elle est devenue : CO = 4,71 O0 —13,75 K— 81,53. 264 G. BONNIER ET L. MANGIN. Si nous supposons que le volume de lazote soit resté con- stant, la proportion d’azote que nous constatons à la fin de l'expérience aurait dû correspondre à : 0,44 d’acide carbonique, 21,10 d'oxygène ; comme il existe réellement : 4,26 d'acide carbonique, 13,75 d'oxygène. Il en résulte que, pendant la durée de lexpérience, les Champignons ont dégagé 4,26 pour 100 d’acide carbonique, et qu’ils ont absorbé, dans le même temps, 7,35 d'oxygène. Il y a donc une diminution de volume égale à 3,09 du volume total. Cette diminution de volume correspondrait à une dimi- nution de pression égale à : 3,09 X 769 100 — 929270. Or, cette diminution de pression est sensiblement égale à la diminution de 23"",46 que nous avons directement mesurée au moyen du manomètre; par suite, la supposition que nous avons faite, en admettant le volume de l’azote constant, se trouve démontrée. Expérience n° 2. 420 grammes d’Agaricus campestris placés dans une atmo- sphère de 21130 ont séjourné 1 heure à la température de 14 degrés et à la pression de 760", qui sont restées constantes. Pression intérieure au début de l'expérience. ......... done 752mm,4 Pression intérieure à la‘fin de l'expérience. 1. ..2402, 20 URe T49mu,8 La diminution de pression, causée par l'absorption des gaz, est donc 2,6. La composition centésimale de l’air était, au début : CO?— 0,42 O0 — 18,92 K = 80,65 RASPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 269 Elle est devenue, à la fin de l’expérience : CO?— 0,84 O— 18,22 K — 80,93. Si le volume de l’azote est resté constant, la proportion de ce gaz, que nous trouvons à la fin, aurait dû correspondre à : 0,42 d’acide carbonique, 18,98 d'oxygène; comme il existe réellement : 0,84 d'acide carbonique, 18,22 d'oxygène. Il en résulte que les Champignons ont dégagé 0,42 pour 100 d’acide carbonique, et qu’ils ont absorbé en même temps 0,76 pour 100 d’oxygène. Par suite, la diminution de volume égale 0,34 pour 100, et la diminution de pression correspon- dante égale 0,34 X 760 Topemane LU: Cette diminution caleulée est égale à la diminution de pres- sion lue sur le manomètre. Nous sommes donc en droit de déduire de ces expériences que pendant la respiration normale, il n’y a pas d'absorption ou de dégagement d'azote. 3° Conclusions. — Par ce que nous avons dit dans le cha- pitre précédent, nous pouvons conclure que chez tous les Champignons étudiés (Basidiomycètes et Trémellinées) : 4e La respiration normale est une absorption d'oxygène et une exhalaison d'acide carbonique. ®° Il n'y a ni dégagement ni absorption d'azote. 3° Il n'y a pas dégagement d'hydrogène. 4 Le rapport du volume de l'acide carbonique émis au volume d'oxygène absorbé est plus petit que l'unité. Il y a donc oxyda- tion des Champignons par la respiration. C0? . . ‘ 5° Le rapport — est invariuble avec la pression. 266 G. BONNIER ET L, MANGIN. VI INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE SUR LA RESPIRATION. Nous avons vu, dans la partie historique, que l’on avait déjà fait de nombreuses recherches sur l'accroissement de la respi- ration avec la température. Ges recherches n’ont pas été faites sur les Champignons, et il était nécessaire, à cet égard, de vérifier les résultats acquis pour les plantes supérieures. Ne füt-ce que pour savoir dans quelles limites il faut maintenir là température constante dans les autres expériences, 11 était utile de faire cette étude. Examinons d’abord comment varie, avec la température, l'intensité du dégagement d'acide carbonique et de l’absorp- tion d'oxygène. Nous verrons ensuite quelles sont les varia- tons du rapport =. 1° Variations de l'intensité du dégagement d'acide carbonique avec la température. — Le tableau d'expériences n° VIT donne COÛT dégagé o COURBES n° 4. — Variations du dégagement d'acide carbonique avec la température. les résultats de cette variation pour le Polyporus versicolor, les Agaricus campestris el velutipes, ainsi que pour le Dædalea = quercina. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 267 TABLEAU N° VIT. — VARIATIONS DE LA RESPIRATION AVEC LA TEMPÉRATURE. d CNRS = MES A Z AE D ST £ “a = à : ; ; A. € = a © E & £ ESPÈCES ÉTUDIÉES. Es E 2)< IL'ÉtS Go? "4 2 À ‘a = a AE "0 nr 5 AR & En APTE = À 0 £ eee be ps A Er 1» 10° 1,87 » » è LE : ÿ 10» 150 3,138 » » N° 2%. | Polyporus versicolor.... 4 jn , 950 6,22 . 1h 9p° 9,58 » » | | 4» 11° 1,691 2,8 0,6 : ; . di 490 2,14 |: 4,6 0,6 N°95. | Agaricus velutipes..…. 2 ’ Fe ÿ P Ms | 27 | 247) 16 | 06 ab 55 34° 5,97| 9,8 | 0,6 | ; N° 9 ñ . tn 9h > 9° 4,5 » » ° 26. "icu pestris... D D Agaricus campestris 9ù 30 | 16,5 . : 045 | 40° | 92,1 » » No 27. | Agaricus velutipes..... 0h45 220 5,5 8,6 0,6 Lonss | 98 | 856 : 128 | 0:6 | | | In » 35° 2,0 » No 28. | Dœdalea quercina...... 11» 410 2,8 » 1 » 54° 5,2 » » , si MES ee | No 29. Dœdalea quercina (expé- AUD 38°,79 6,0 » » rience de contrôle)... ) 2h » | 39,00! 6,0 » » N. B. — Toutes ces expériences ont été faites avec l'appareil à éluve, à l'obscurité et dans l'air saturé. 6 ep LÉ G ORE Ou voit que le dégagement d'acide carbonique s’accroil , © © régulièrement avec la température. Les courbes n° 4 qui repré- sentent graphiquement les résultats pour trois des espèces étudiées, montrent que l'accroissement d'intensité est à peu près proportionnel à l'accroissement de température (1). (1) Ces courbes pourraient être représentées par la formule empirique donnée par M. F. de Fauconpret Q == à + cl (loc. cil.). 9268 G. BONNIER ET L. MANGIN. On s’est souvent demandé si, un peu avant que la plante ne soit tuée par une température très élevée, on ne rencon- trerait pas un optimum d'intensité pour le dégagement d’acide carbonique. Pour voir si cet optimum existe, nous avons successivement élevé la température de l’étuve jusqu’aux dernières limites permettant la vie du végétal. Nous n’avons pas trouvé d’opti- mum. Le Champignon qui nous a paru résister le plus longtemps aux températures élevées, le Dædalea quercina (1), dégageait encore, à 41 degrés, 2,8 pour 100 d’acide carbonique en une heure dans les conditions de l’expérience, et porté à 55 degrés, il en dégage 5,2 pour 100 dans les mêmes conditions. Ramenés à la température initiale des expériences (35 de- grés), les mêmes Dæedalea qui avaient été portés à 55 degrés dégageaient de nouveau 2 pour 100 d’acide carbonique comme au début. [1 n’y a abaissement dans l’accroissement d’intensité respi- ratoire avec la température que lorsque la plante est altérée. En ce cas, les Champignons ramenés à la température initiale dégagent moins d'acide carbonique qu’au début. Nous devons conclure, de ce qui précède, qu’il #’y a pas d'optimum. 2 Variation de l'absorption d'oxygène avec la température. — Par les quelques résultats relatifs à l’Agaricus velutipes, on voit que les variations de l’absorption de l’oxygène avec la température suivent exactement la même marche que celles du dégagement d'acide carbonique. La courbe 5 montre ces résultats pour l’Agaricus velutipes. Là encore, comme dans toutes les expériences qui précèdent, nous voyons la liaison de ces deux phénomènes et nous trou- vons dans ces études une nouvelle justification du maintien du mot respiration qu'on cherche souvent à rejeter maintenant en physiologie végétale. (4) Voy. tableau n° VIE, série 28. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 269 3° Étude du rapport ©.—Nous avons vu, dans la partie histo- rique, que, d’après MM. Dehérain et Moissan et surtout d’après le second mémoire de ce dernier auteur, le rapport + pour les plantes supérieures, serait plus petit que 1 aux basses tempé- 0 30° ADD 30° do Top Cours 5. — Variations de l'absorption d'oxygène avec la température, ratures, et au contraire plus grand que À aux températures élevées. Nous avons cherché, à propos des Champignons, si l’on n’observait pas de semblables variations du rapport © avec la température. Nous avons trouvé, au contraire, que ce rapport est sensiblement constant pour une même espèce, quelle que soit la température. Même en portant certains Champignons aux plus hautes températures qu'il puissent supporter, nous avons toujours trouvé que le rapport © restait plus petit que l'unité. Voici, d’ailleurs, quelques résultats relatifs au Dedalea quercina : De 13 à 15 degrés... 0,78 Ph Dee, PAPA TGS 5 ANR ON PARUS. ON, 0:16 (UORREPTS ns EGP Dana 8 Gourmet 080 L'orbPE constante, De 27 à 33 degrés... ..... 0,83 Mais, pour obtenir ce résultat, il faut avoir soin, bien 270 G. BONNIER ET L. MANGIN. entendu, de rester dans la première période de temps, la pé- riode de la respiration normale, Or, comme l'intensité de la respiration augmente rapidement avec la température, on comprend que pour une température élevée, on atteint bien vite la période de transition pendant laquelle l'absorption d'oxygène diminue rapidement tandis que l'émission d'acide carbonique reste constante (1). Ainsi dans la série d'expé- riences qui précède, un essai de détermination de Te fait à 39,5 dans les mêmes conditions a donné pour ce rapport la valeur 0,92; mais ce nombre est à rejeter, car on constatait, par la faible proportion d'oxygène restant dans l’atmosphère, que la durée de expérience avait dépassé celle de la période de respiration normale. Les résultats relatifs à l’Agaricus velutipes (voy. tableau n° VII) donnent pour des températures variant de 11 à 34 de- TABLEAU N° VII bis. CO? x CONSTANCE DU RAPPORT 0: AUX DIFFERENTES TEMPERATURES. Agaricus campestris (120 grammes dans 2 litres 140 d'air). RÉSIDU | RÉSIDU VOLUME après après l'action l'action INITIAL de là potasse C0? pour 400. O pour 100 CO? DÉGAGÉ. 0 ABSORBÉ. exprimés en divisions de l'appareil à analyse. 18 À 708... 705 |: 0,42| 18,92 | 80,65 19 7 14 | 7135 | 707,5 084! 1822 | 80.92 $ 012] 0,76 2,16 | 7,25 5,60 | 9,88 990 | 741 |707 | 607 | 458| 13:49 | 81.90 35 | 718 | 707,5 | 568,5 | 12461 19:35 | 79:17 280.,| 733,5 11:730,5 | 5 0,41 | 20,24 on -96.| 728 | 676 04. :| 7,141 140,3 au | N. B. — Ces expériences ont été faites à l’obscurité, dans une atmosphère saturée. (4) En examinant les résultats du tableau n° II (séries 15 et 16) on voit en effet que pour le même poids d'organes, dans le même volume d’air, la période de respiration normale a duré neuf heures, à 12 degrés, et seulement trois heures çun quart, à 22, degrés. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 271 grés le nombre 0,6, sensiblement constant, pour la valeur de Fe On trouvera des résultats analogues dans le tableau n° VIT bis pour l’Agaricus campestris. 4 Conclusions. — Nous pouvons déduire des expériences précédentes les résultats suivants : 4° Le dégagement d'acide carbonique et l'absorption d'oxy- gène augmentent régulièrement avec la température, toutes les autres conditions étant égales d’ailleurs ; 2 Iln’y a pas, pour lu respiration, de température optimum ; 3 Le rapport de l'acide carbonique déqagé à l'oxygène absorbé ne varie pas sensiblement avec la dempérature, pour les mêmes Champignons. VII INFLUENCE DE L'ÉTAT HYGROMÉTRIQUE SUR LA RESPIRATION. Nous avons dit, dans la partie historique, que l’on n’a pas étudié, à notre connaissance, l’influence de l’état hygromé- trique de l'air sur la respiration des végétaux. [l'est cepen- dant très utile de faire cette recherche, non seulement pour l'intérêt qu'elle peut présenter par elle-même, mais aussi pour voir si la constance de l’état hygrométrique est une con- dition importante dans les autres recherches sur la respiration. 1° Méthode employée. — I est presque impossible de main- tenir des Champignons dans une atmosphère limitée possédant un état hygrométrique déterminé et constant, car, par la trans- piration des Champignons, la quantité de vapeur d’eau con- tenue dans l'air augmente rapidement. Aussi avons-nous em- ployé le procédé suivant : Du chlorure de calcium est placé dans l’atmosphère confinée avec un hygromètre Monnier (1) et un thermomètre. Les mor- (1) La régularité de la marche de cet appareil avait été préalahlement véri- fiée en le comparant à un appareil Regnault. Sur la figure 5 (PL 18), on a représenté un hygromètre de De Saussure, qui a été aussi employé. 979 G. BONNIER ET L. MANGIN. ceaux de chlorure de calcium sont recouverts par une toile métallique (PI. 18, fig. 5j. Lorsque l'appareil a été ainsi fermé, on laisse l'air se dessécher jusqu’à un certain degré, 17 par exemple, qui est déterminé, pour l'espèce étudiée, par des expériences préalables. Ce degré étant atteint, on ouvre l'appareil, on introduit un poids connu de Champignons placés sur la toile métallique, on referme hermétiquement et l’on fait une première prise de gaz, par le procédé ordinaire. Puis on ferme le robinet, l’appa- reil étant maintenu à l’obscurité et à température constante. Pendant que l'expérience est en train, l'aiguille de l’hygromètre se meut très lentement, en indiquant successivement les degrés 18, 19, etc. Lorsque l'expérience a duré pendant un temps déterminé, on note le degré de l'hygromètre (70 par exemple), on fait une nouvelle prise de gaz, puis on remet l'expérience en train, sans ouvrir l'appareil; après un lavage par un courant d'air, on fait une troisième prise de gaz, puis l'appareil fermé replacé à l’obscurité est toujours maintenu à la même température et laissé en expérience pendant le même temps que la première fois. Au bout de ce temps, on note le degré de l’hygromètre et l’on fait une dernière prise de gaz. On à ainsi, en examinant la différence de composition des deux premières prises, les résultats relatifs à la transpiration dans l’air relativement sec (ici l'hygromètre marquait de 17 à 70 degrés). Par la différence de composition des deux der- nières prises, on a les résultats relatifs à la respiration dans l'air humide (ici l’hygromètre marquait de 70 à 75 degrés). 2 Résultats. — Le tableau n° VIIT montre quels sont les résultats obtenus. Dans ces expériences, faites sur l’Agaricus campestris et le Polyporus versicolor, on voit que l’influence de l’état hygromé- trique de l'air sur la respiration est considérable. Ainsi chez le Polypore : L'hygromètre variant de 48 à 70 degrés, les Champignons RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 273 TABLEAU N° VII. — VARIATIONS DE LA RESPIRATION AVEC L'ÉTAT HYGROMÉTRIQUE DE L'AIR. DEGRÉS ESPÈCES ÉTUDIÉES. DE L'HYGROMÈTRE. D'EXPÉRIENCES. TEMPÉRATURE. C03 pour 100 DÉGAGÉ. Agaricus campestris.. Agaricus campestris... Polyporus versicolor .... ] 9,4 N. B. — Toutes ces expériences ont été faites à l'obscurité. — Les degrés indiqués pour l’hygromètre sont ceux de l'hygromètre Monnier. ont produit 2,6 pour 100 d'acide carbonique en deux heures, à 16 degrés, à l'obscurité. L'hygromètre variant de 70 à 80 degrés, les mêmes Cham- pignons ont produit 3,4 pour 100 d'acide carbonique en deux heures, à 16 degrés, à l'obscurité. Il sera donc essentiel, dans toutes les expériences sur la res- piration, de maintenir un état hygrométrique constant. Nous avons vu que le moyen le plus simple à employer pour cela était de placer les Champignons dans l'air saturé; c'est d'ail- leurs une des meilleures conditions de leur bon développement. D’après les expériences du tableau n° VITE, on voit, qu'au moins dans les limites de variations naturelles de l’état hygro- métrique, l'intensité de la respiration augmente avec l'état hygrométrique de l'air. 6° série, Bor. ©. XVIT (Cahier n° 5)2. LS 974 G. BONNIER ET L. MANGIN. VIII INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DIFFUSE SUR LA RESPIRATION. Aucun auteur n'a jusqu’à présent montré d’une manière positive quelle est l’influence de la lumière sur la respiration, toutes les autres conditions restant les mêmes. Les résultats variables et souvent contradictoires obtenus déjà dans les quelques essais expérimentaux entrepris, donnent à cette étude une importance spéciale. Aussi avons-nous multiplié les expériences sur ce sujet (voy. tableaux n° IX, X, XI, XI bis et XII). Les appareils que nous avons employés ont été décrits dans le chapitre IT : ce sont l'appareil à cloche, l'appareil à étuve munie d’une fenêtre et l'appareil à renouvellement d’air con- üunu. La condition la plus importante à maintenir constante était la température qui devait être mdiquée, non par le thermo- mètre de l’étuve, mais par un thermomètre sensible placé au milieu des Champignons; en outre, le réservoir du thermo- mètre recevait en même temps que les végétaux la lumière diffuse éclairant la fenêtre de l’étuve. D'ailleurs, lorsqu'il s’agit de la lumière diffuse, cette con- dition du maintien de la température à l’état constant est facile à obtenir. Les expériences comparées étaient donc faites à la même température, au même état hygrométrique (air saturé), à la même pression Initiale (pression atmosphérique), pendant le même temps. Les expériences ont toujours été faites sur les mêmes Champignons. On croisait les expériences, c’est-à-dire qu'on exposait alternativement les mêmes imdividus de la même espèce à l'obscurité et à la lumière diffuse, les autres conditions restant invariables. À° MÉTHODE DE L’AIR CONFINÉ. 4° Infiuence de la lumière diffuse sur le dégagement d'acide carbonique. — En opérant de la manière que nous venons RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 279 d'indiquer sur les espèces suivantes: Polyporus versicolor, Trametes suaveolens, Agaricus campestris, Agaricus velutipes, Agaricus conchatus, Telephora tremelloides, Phycomuces nitens, soit avec l'appareil à cloche, soit avec l’appareil à étuve, le résultat a toujours été le même. Le dégagement d'acide carbonique est moins grand, toute autre condition éqale d'ailleurs, à la lumière qu'à l'obscurité. Ce résultat a Loujours été le même dans les vingt-six séries d'expériences que nous avons faites à ce sujet, et dont les prin- cipales sont relatées sur les tableaux IX, X bis, et XI ci-joints. TABLEAU N° IX. — VARIATIONS DU DÉGAGEMENT D’ACIDE CARBONIQUE, SOUS L'INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DIFFUSE. 2 4 ë à CONDITIONS S |ES £ E ESPÈCES ÉTUDIÉES. & E ec BUS, a & A) * D'ÉCLAIREMENT. sl US a ! FS) = © Aa a | S A al N° 33. | Polyporus versicolor (appa- \ Lumière....... 132,5 | ! 4,2 reil à cloche).............. 1% » à Obscurité...... 1e 5A| 04,7 l Lumière intense | 17,5 A N° 34. | Polyporus versicolor (appa- où » À Lumière....... 169,5 2.3 MEIRA-CLOCNE) Li. sie è Obscurité...,... | 16°, | 950 | on , à Lumière....... Lo 1,0 Ne 35. | Agaricus velutipes (Appa- | * ” À Obscurité.…... jus | 426 rerlatcloche) en use Obseurité. ..... 12 3,2 { 8h »,2 Lumière....... 42° 2,0 | Obscurité...... 42° 3,4 N° 56. | Agaricus conchalus (appa- Obscurité...... 15° 3,0 à NellNATCIOCNe) LEA AREA au » À? Lumière....... 15° 1,3 Obscurité 1102 2,9 | | ; Volumeini- | gu3g { Lumière....... 10° 1,5 N° 37. | Agaricus cam- | üal—730% | * * } Obscurité. .... 10° 2,2 Mncirie : c ET co IS pestris (appa- Four Lumière....... | 12 ù reil à étuve).. None 90e | 3! » Obscurité..---1#10429 2,3 (enr da \ l Lumière....... 120 1,1 | | N. B. — Toutes ces expériences ont été faites dans une alimosphère saturée d'humidité. I EE POELE EE D PR DR SR ee 9276 G. HONNERR ET LL. MARGIN. Citons, par exemple, les quatre dernières expériences croi- sées de la série 42 (tableau X). TABLEAU N° X. — VARIATIONS DU DÉGAGEMENT D'ACIDE CARBONIQUE SOUS L'INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DIFFUSE (Suite). a 5 ENS 5 & D = En 4 È à CONDITIONS E E Æ = Ù TÉ CE c = RE APPAREILS EMPLOYÉS. E * CARE ET | E un & A a M Es 2 a & = = = A Fa [es] Se A E | N°s 91 - — 21 » | Lumière... S° Î 2} > C 8 pi Appareil à manchon d’eau 9 » | Obscurité.…. go 94 | { 21 » | Lumière ...... i° 1 39 | Appareil. à cloche (Agarics \ 2h15 | Lumière....... 170 3, croissant sur leur substra- ; 215 | Lumière....... 4510 5) UM)e eee mie l 2h15 | Obscurité..…... | 17 4 | 40 | Appareil à cloche (Agaricus ( 91, >| Eumières....:! 169,1 | 5,0 2 croissant sur leur substra- £ ti) ee NU DSP obseures cel ri = à = | | à | M | Appareil à cloche | ur: ç 2" » | Lumière intense | 17° 2,9 2 les mêmes Aca- Jour oh Obscurité 17° 28 ES (les mêmes Aga ) 21 D Dscurité..e... Î 0,0 à rics se déve- À AS Ç 2115 | Lumière intense | 17° 9, > loppant norma- L j 2°15 | Obscurité...……. 15° 4,2 ne lement sur leur | o, Ou Ho AP LuUMIEre Se -EE 17 4! substratum sont | * ? 9" » | Obseurité...... | 17° 9,1 étudiés à des Poe \ 9» Obscurité, ee. 1/M605 4,9 Jourssuccessifs} J t 3! » | Lumière....... 18° 3,0 | 0135.) Lurmère..":01lMi0 0 0:35 | Obscurité...... 180 (0 h QT 7 19 RATS 7 (nr PLumiEereree. 18° 7 12 | Appareil : dur. À A . ppareil à manchon d’ea ) 1h, ,»;"Obscurités. -::. 18° 9 1:57. Lumière. . ...: OS 8 \eTis | Obseurité. ..... | 18° 9 N.B. — Toutes ces expériences ont été faites dans une atmosphère saturée. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 277 TABLEAU N° XI. — VARIATIONS DE LA RESPIRATION À LA LUMIÈRE DIFFUSE. à NE Le ap Muedhéreobre 8 & é ; LA CONDITIONS = > “'& | = 2 Æ # | ESPÈCES ÉTUDIÉES. à e= = =, SL 5] CO! n à D'ÉCLAIREMENT. = el ee & 2 Ge Æ = © ou à = S Œl Z © SS 13.| Polyporus versi- ( Pumiereste. 45 104 | 5,2 » color (appareil à : Obscurité...... DS TEE 6,3 » cloche)... { Lumière intense | 18 » 12,5 | > 4,9 » | | N°44. Agaricus cam- | Lumière....... ER 92,1 4,0 |0,52 pestris (appareil Obscurité ARS RE 3h » | 16° 2,8 4,8 0,59 À dicloche)secre Obscurité..... 3h » | 46° 2,5 4,4 |0,58 Ü N°45.) Telephoratremel- ( Lumière....... loides (appareil à cloche)...... Obscurité?..... N°46.| Agaricus campes- { Lumière. ...... GES) LU lt 4,6 » tris (appareil à ? Obscurité...... gn y» | 1% » 4,1 » manchon d’eau). ( Lumière....... | 3h » | 120 » 4,4 » | —_—— N°4%.| Phycomyces ni- ( LENS RER UE Obscurité ..... 2h 30 3h » 6° 31 lp G° > De œ [Je] = & n T si = © ‘A = Le) N°49.1 Agaricus campestris (un 6 h. du matin à échantillon dans un vo- } 6h. du soir)... L22h MG am 62) "4,5 lume d'air relativement | Obseurité (de 6 h. | Lumière diffuse (de ERAN) eee: ce du soir à 6 h. du Matin) ie. D 12h \M6Gran480|1, 2,2 N. B. — Toutes ces expériences ont été faites dans une atmosphère saturée. 978 G. RONNIER ET EL. MANGIN. Elles sont relatives au Champignon de couche et ont été faites avec l’appareil à étuve, à la température constante de 18 degrés dans l'air saturé. Chaque expérience a duré une heure. On a trouvé dans ces conditions : Lumière diffuse.............. CO? 0/, dégagé — 7,3 VE DÉCURILE RAR Ne den ele Tee ce CU PL 9,7 Série n° 42. 0 “& ï 2 Lumière diffuse... Bree RE RENE TN OR AA 8,2 Obscurités 45.2 estate TRE 9,1 Parmi toutes ces expériences, nous signalerons celles de la série n° 41, qui ont été faites avec les mêmes Champignons munis d’un mycélium abondant sur le substratum. Ces Cham- pignons se sont développés entièrement dans l'appareil, sans altération ni mélange avec des moisissures ou des bactéries. Des expériences de contrôle ont démontré pour cette série, comme nous l'avons déjà dit (au chapitre IT), que le substra- tum n'avait par lui-même, ou par les organismes qu'il peut renfermer, aucune influence sensible sur le résultat des échanges gazeux. 2° Influence de la lumière diffuse sur l'absorption d'oxy- gène. — Les résultats relatifs à l’action de la lumière diffuse sur l’absorption de l'oxygène sont inscrits sur les tableaux n® XI et XI Us. On voit, au premier coup d'œil, qu'ils sont les mêmes que ceux relatifs au dégagement de l'acide carbonique. Citons, par exemple, les expériences suivantes faites sur le Polyporus versicolor à 17°,5, dans l’air saturé, pendant une heure chacune. ( Lumière diffuse. ...... Ne befs O °, absorbé — 5,2 Série n° 43. ? Obscurité................... RESTAMNENS ZAR 6,3 | Lumière diffuse intense................. MTS 4,5 Ainsi, comme dans les expériences que nous avons déjà citées, l'influence exercée sur le dégagement d’acide carbo- nique s'exerce de la même manière sur l'absorption d'oxygène. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 279 L’'absorption d'oxygène est moins grande, toute autre condi- tion égale d'ailleurs, à lu lumière qu'à Pobscurité. On peut remarquer, en outre, par les expériences des séries n® 44, 45, 47 et 48, où les dosages de l’acide carbonique et de l'oxygène ont été faits simultanément, que le rapport + ne semble pas modifié d’une manière importante par l'influence de la lumière. Nous nous proposons de faire sur cette question des recherches spéciales. TABLEAU Ne XI bis. — Agaricus campestris. — VARIATIONS DE LA RESPIRATION SOUS L'INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DIFFUSE. : RÉSID . 5 . RÉSIDU | ! re S = E VOLUME | après l'action S = S = e h m =] l'action du = s SZ 2 ss ÉCLAIRE- | à >| INITIAL de la pyrogal- = S » & 2 ec = potasse late 2 D 2 a ne MENT. = A de potasse & © Es < d=) A 2 a = N à S = Q < A ÉA Ê exprimés en divisions 5 & 2 de l'appareil à analyse. S o . 11° 736,5 | 735 584 | 0,20 |20,50 | 79,29 urité.| 2h NA G = 4 SO > 2Y } 96 Obscurite Mo,5 | 737,5 | 712 | 601 | 3,46/15,05|81,48$ 26 | 6,00 Fe 110 122 716 571 0,83 20,25 |78,91; mière..| 2} ” S ER CRE 21954 5 9/ Lumière. | 2 Mo 75 | 728,5 | 704 | 590 | 226 /15,67 181,96, 294 | 5,34 ? 2 . 11,5 | 740 734,5 582 0,74 [20,60 | 78,65 scurité.| 2h} CA Et 2 > 14 |ZU,OÙ LS, 9 9 | 5 7 Obseurité.| 254 À 506,5 | 6770 | 569 | 447 15,32 180,521 243 | 5,79 | | MÉTHODE DE L'AIR A RENOUVELLEMENT CONTINU. 90 Les résultats qui précèdent ont été obtenus par la méthode de l’atmosphère confinée. Quoique nous ayons opéré dans des conditions où la respiration normale n’est pas altérée (voyez page 258), il nous a paru utile, pour répondre à toutes les objections, de contrôler les résultats trouvés par une mé- thode toute différente. Pour cela, nous avons employé l’ap- pareil décrit plus haut (page 236), dans lequel les Champi- gnons sont entourés d'air constamment renouvelé. D'ailleurs, pour contrôler aussi le mode d’analyse des gaz, nous avons remplacé l’analyse volumétrique avec la potasse et lacide pyrogallique par le procédé des liqueurs litrées. L'acide car- 280 G. BONNIER ET L. MANGIN. bonique a été dosé par la baryte titrée qui permet d'apprécier le poids de ce gaz à 4 milligramme près. TABLEAU N° XIL. — VARIATIONS DU DÉGAGEMENT DE L’ACIDE CARBONIQUE SOUS L'INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DIFFUSE (appareil à courant d'air continu). Agaricus campestris. Z En SE = El ve el = = (E] 8 a n à En <= 2 E C CE CONDITIONS “ S S& A € nm = DURÉE oponss ec 2 & n à 2 5 à 2 D'ÉCLAIREMENT. =) = EI RE = © = 3 = A & en © 2 se < à PAAITS E 6 : 045 11,07 Obscurité.. 2:15. .1n.00 220,5 1451",95 Ne 50. | 300: ? 0"45 | 41107 | Lumière............. 93° 0 [385,60 Où 45 41,05 Obseurité..:.......2. 230,0 |446%,40 | 0 30 OUT Lumière ne rene 2705 |404%,70 dE 4 y 030 21,6 Lumière artist. 29,0 |398n 20 Net SOS EEE M obscure er 2 290 [41500 0! 30 21,6 Éumiéres see enr 300,0 {400,60 | Ne 50. SES 4h 217 Lumière...:........ 20°,0 |134",00 à 4» 21,6 Obseurité.....,....., 20,0 [147,00 He) 5!,8 Lumière 200,0 | 50,60 N° 53. » ( 2. 2 L4 APOLPO DANONE GS TOUS 2U0, 3 » D Obscurité. "ce 20°,0 G1m,60 | 4 : 21 30 61,6 Obscurité Reese 270,0 |459",90 N° 54. 68: 2h 30 61,1 Lumière :.... de 970,0 |103",90 | 2h 30 61,8 Obseurité............ 260,0 |445",40 | 2h» 91,05 ObSCurités nn 29,0 || 52m,80 N° 55 : 2h» 91,05 Lumière: sys re di. 220,5 | 3ÿm,60 : 2h » 91,09 Obseurité............ 2%,5 | 52,80 9h >» 91,05 Lumière peu intense. 220,5 | 46%,20 | | N° 56 4 31 » 11,8 Lumières. 2H SM 220,0 | 84,70 1 PAR) 11,8 Obscurité............ 220,0 | 641,50 | | se No 57 ÿ 4h 5 115,8 Obscuritér:teetrs 210,5 | 89,1 è 4h y» 11,8 LuUmMiére... >... 210,5 | 82",5 | RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 281 Le tableau n° XIT donne les résultats de huit séries d’expé- riences faites avec le Champignon de couche; ils confirment, on le voit, ceux qui ont été obtenus par la première méthode. Citons, notamment, les résultats suivants (série n° 55) : POIDS DE CO? Milligr. Poids d’acide carbonique dégagé dans les mêmes / Obseurité. ......... 52,8 conditions de durée, de renouvellement d’air Lumière........... 39,6 et de température par les mêmes Champi- ) Obscurité.......... 52,8 ACTES CAMES Létbo RAD ARR Lumière peu intense. 46,2 3. CONCLUSION. Nous pouvons déduire de ce qui précède la conclusion sui- vante : La lumière diffuse diminue l'intensité de la respiration des Champignons, toutes les autres conditions étant égales d'ail- leurs. Cette action retardatrice est plus ou moins énergique sui- vant l'intensité de la lumière diffuse, mais elle a été constatée dans tous les cas étudiés. IX INFLUENCE DE LA NATURE DES RADIATIONS SUR LA RESPIRATION. La lumière diffuse ayant, comme on vient de le démontrer, une action sur la respiration, il y a lieu de chercher st les diverses radiations influent de la même manière sur ce phé- nomène. Les quelques expériences par lesquelles nous avons tenté de résoudre cette question ont été faites suivant deux méthodes différentes, celle des écrans absorbants et celle du spectre. À. MÉTHODE DES ÉCRANS ABSORBANTS. 1° Bichromate de potasse et liquide cupro-ammoniacal. La figure 7, planche 19, représente l'appareil employé. Les Champignons soumis à l’expérience étaient placés dans un récipient à doubles parois. Entre ces parois, on versait le 289 G. BONNIER ET L. MANGIN. liquide coloré qui formait ainsi un manchon continu tout au- tour des Champignons, interceptant, pour une épaisseur déter- minée, certaines radiations lumineuses et laissant passer les autres. L'appareil double était fermé par un couvercle opaque et reposait sur une planche, de façon que toute la lumière dif- fuse qui parvenait aux végétaux avait traversé le liquide coloré. On sait que le spectre lumineux peut être décomposé en deux régions par des dissolutions de bichromate de potasse d’une part et d’azotite de cuivre dans l’ammoniaque d’autre part (liquide cupro-ammoniacal). TABLEAU N° XIII. — VARIATIONS DE LA RESPIRATION AVEC LA NATURE DES RADIATIONS (liquides colorés). | EEE LUMIÈRE ESPÈCES ÉTUDIÉES - PASSANT À TRAVERS LE : SÉRIE D'EXPÉRIENCES. DURÉE TEMPÉRATURE. C0? Pour 100 dégagé Ë Bichromate de potasse | 1" » | 17°,5 6,7 o À n _ 5 c ? ) N° 58. Fra Car Liquide cupro-ammo- US (: niacals…. .. [ti » | 47,5 | 8,6 | | Liquid ee an. . ( Liquide cupro-ammo- N° 59. Agatices car | niacalit ef. SELT MA 1% » | 160,0 1,33 DÉS Bichromate de potasse | 1" » | 16°,5 151 | Bich l j 0 6 sa LE ichromate de potasse | 1" » | 15°, 1, N°. 60. sr CAM Liquide cupro-ammo- re ne ou Dial AS) D ST | « | . : iquide -ainmo- Ne 61. | Agarious came | RS dan, |atoo | 2,8 Pestris...... Bichromate de potasse | 41 » | 150,0 2,1 P | : - to Dee Bichromate de potasse | 2h » | 21°,0 2,4 to x à . “ , , N° 6%. sue Ca | Liquide cupro-ammo- PRES DACAle, 0 DA ES, LENEE CEEE N. B. — Toutes ces expériences ont été faites avec l'appareil à manchon de liquide coloré et dans une atmosphère saturée d'humidité. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 283 La première région comprend lesradiations rouges et jaunes que laisse passer le bichromate de potasse. La seconde région comprend le vert, le bleu, lindigo et une partie du violet que laisse passer le liquide cupro-ammoniacal. Il est essentiel de s’assurer, par une expérience préalable, que le degré de concentration de la dissolution et l'épaisseur de liquide traversé sont tels que la radiation dont nous venons de parler traverse seule le liquide absorbant. Pour cela, on examine des liquides de divers degrés de concentration et on étudie, pour une épaisseur donnée, en les plaçant devant un spectre, les radiations qui traversent le liquide coloré Les résultats de ces expériences, qui sont inscrits sur le tableau n° XIII (séries 58, 59, 60, 61, 62), indiquent que la région bleue du spectre est plus favorable à la respiration que la région jaune (1). Ainsi les différentes radiations ont bien réellement une ac- tion différente sur la respiration, et tous les résultats acquis au sujet de linfluence de la nature des radiations sur lassi- milation chlorophyllienne sont sans doute à modifier parce que l’action inverse n’est pas constante. Il ressort de ces expé- rlences que : Les rayons lumineux les moins réfrangibles retardent Île phénomène respiratoire par rapport aux rayons lumineux les plus réfrangibles. 2 Etude de la respiration sous l'influence de la lumière qui « traversé une dissolution de chlorophylle. Dans d’autres séries d'expériences, nous avons remplacé les liquides absorbants par une dissolution alcoolique de chloro- phylle; le spectre de cette dissolution d’une concentration dé- terminée avait été étudié à l’avance. Pour chaque série d'expériences on comparait l’action de la lumière ayant traversé cette dissolution de chlorophylle : 1° à (1) M. Pringsheim (Loc. cit.) avait déjà mdiqué que les rayons bleus et vio- lets détruisaient le protoplasma plus rapidement que les autres, etil a attribué cette destruction plus rapide à une combustion due à un phénomène respira- toire intense. 284 G. BONNIER ET L. MANGIN. celle de la lumière ayant traversé l'alcool sans chlorophylle ; 2° à celle de l'obscurité. Les résultats sont indiqués dans le tableau n° XIV (séries 63, 64, 65). On voit que la lumière qui a traversé la dissolution de chlo- rophylle agit sensiblement comme l'obscurité. Dans la série n°65 on a croisé les expériences avec celles faites avec le bichromate de potasse, pour mettre en évidence l’action retardatrice des rayons lumineux les moins réfran- gibles. TABLEAU N° XIV. — VARIATIONS DE LA RESPIRATION AVEC LA LUMIÈRE AYANT TRAVERSE UNE DISSOLUTION DE CHLOROPHYLLE. SE D 4 A - S | 2 6 NUE CONDITIONS = ÉÈ a à e ESPÈCES ÉTUDIÉES. à = É = Ex ë ; D'ÉCLAIREMENT. = ÈS] à © & = = “a É (as Lumière à travers une dissolution alcoolique de chlorophylle 2: » | 21°,0 4,6 Vo 62 » r- Le OO Y | ST TS) > RAT Ta on » | 2005 | 425 RES: PR Lumière à travers l’al- cool (sans chloro- phylle}anse sut 9h » | 19,5 3,0 ERA , Lumière à travers l’al- cool (sans chloro- Sarl à phylle); rise. 2h. 1 189,5 212 N° G4. ne VE! Lumière à travers une PA A NS 35€ dissolution alcoolique de chlorophylle..... 2h » | 180,5 2,9 Obseurité........... Qhy 4805 8,4 . . . Dissolution alcoolique : de chlorophylle.... | 4 » | 17°,5 2,3 N° 65. Agaricus cam A TU RER LS) 175 929 pesiris : Bichromate de potasse | 1 » | 17°,0 1,4 Obseurité........... in » | 170,0 2,1 N. B. — Toutes ces expériences ont été faites avec l'appareil à manchon de liquide et dans une atmosphère saturée d'humidité. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 289 9. MÉTHODE DU SPECTRE. 1° Description de l'appareil. — Les résultats que l’on vient de voir, concernant l’influence exercée sur la respiration des Champignons par la lumière tamisée au moyen des liquides colorés, méritaient d’être confirmés par une autre méthode. Nous avons songé à employer le spectre solaire et, sans nous proposer une étude complète de la radiation que nous ré- servons pour un prochain mémoire, nous avons séparé le spectre en deux régions : l’une, peu réfrangible, comprenant les rayons rouge orangé et Jaune, correspondant à la lumière que laisse passer la solution de bichromate de potasse ; Pautre, très réfrangible, comprenant les rayons verts, bleus, indigo, et correspondant à la lumière teintée par le liquide cupro-am- moniacal. Voici la disposition que nous avons adoptée. Un héliostat immobilise, dans une chambre noire, un fais- ceau de lumière solaire. Ce faisceau tombe sur un écran E (PI. 18, fig. 6) portant un diaphragme à fente. La portion de ce faisceau qui traverse la fente tombe sur une lentille L. Un peu en avant du foyer principal de cette lentille se trouvent deux prismes en flint p et p' sur lesquels le faisceau lumineux contracté vient tomber; il traverse ces prismes préalablement placés dans la position du minimum de déviation et forme à la sortie du prisme p' un spectre très étalé. Au foyer conjugué du diaphragme se trouve un écran muni d’une fente mobile F par laquelle on peut laisser passer tout ou partie du spectre. Cet écran constitue l’une des faces d’une caisse B,en bois ou en carton noirci, qui renferme le récipient dans lequel on a placé les Champignons. La caisse repose ainsi que l'appareil à prises P sur une planchette dd qui peut se mouvoir sur deux rails au moyen de galets gg; cette disposition permet, quand on a fixé le spectre, de déplacer le chariot devant celui-êi et de faire pénétrer dans la caisse tels ou tels rayons lumineux. Le récipient dans lequel se trouvent placés les Champi- 286 G. BONNIER ET L. MANGIN. gnons se compose (PI. 18, fig. 6 bis) d’un tube de 5 centimètres de diamètre environ sur une longueur de 12 centimètres, égale à la hauteur du spectre. Ce tube est fermé à sa partie supérieure par un bouchon que traversent un thermomètre # et un tube étroit 4; sa partie inférieure est également fermée par un bouchon traversé par un tube b. On remplit ce tube d’un poids connu de Champignons, et après lavoir fermé on le place dans une étuve E qu’on peut maintenir, au moyen d’un courant d’eau, à une température constante, mesurée au moyen du thermomètre {'. À l'appareil que nous venons de décrire sont annexés les di- vers accessoires dont nous avons déjà parlé à propos de l’ap- pareil à cloche. Ge sont : un manomètre à air libre et un cathétomètre pour évaluer les différences de niveau; un aspirateur permettant de faire circuler dans le récipient con- tenant les Champignons un courant d'air qui est préalable- ment saturé d'humidité ; un flacon laveur contenant de l’eau. 2 Résultats. — Nous avons réalisé avec l'appareil précé- dent un certain nombre d'expériences pour connaître l’in- fluence qu’exercent, sur la respiration, les deux moitiés du spectre. TABLEAU N° XV. — VARIATIONS DE LA RESPIRATION AVEC LA NATURE DES RADIATIONS (méthode du spectre). Agaricus campestris. — Poids initial : 33 grammes. CONDITIONS ; 1 CO? pour 100 ; z DUREE. TEMPÉRATURE. F ee D'ÉCLAIREMENT. dégagé. D'EXPÉRIENCES. Jaune et rouge Une heure. Vert et bleu Une heure. SJaune et rouge Une heure. Vert et bleu Une heure. Obscurité. Une heure. 6Ge Vert et bleu Une heure. | RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 287 Agaricus campestris. — Poids initial : 33 grammes. CONDITIONS À É CO? Pour 100 FA DURÉE TEMPÉRATURE. 3 Ê D'ÉCLAIREMENT. dégagé. a es] a] CA rs] = C2 pe 4 a A Rouge et jaune Une heure. N° 67. $ Vert et bleu Une heure. Obscurité Une heure. Elles ont fourni des résultats concordants, et en consultant le tableau n° XV on voit qu'ils confirment ceux que nous avions obtenus par l’emploi des liquides colorés. Dans les expériences de la série n° 66, la quantité d'acide carbonique dégagée est en moyenne et pour une heure : Pour les rayons jaunes et rouges.............. 3,939 Pour les rayons bleus et verts............... 440,0) 3. CONCLUSIONS. Nous pouvons donc conclure des expériences faites par la méthode des liquides absorbants et par celle du spectre : 1° Les radiations de réfrangibilité différente ont une influence variable sur la respiration. 20 Les radiations les plus réfrangibles (vert et bleu) pro- duisent dans les mêmes conditions un dégagement d'acide car- bonique plus grand que les radiations les moins réfrangibles (jaune el rouge). 288 G. BONNIER ET L. MANGIN. DEUXIÈME PARTIE. TRANSPIRATION [. — INTRODUCTION. À notre connaissance, 1l n’a été publié aucun travail sur la transpiration des Champignons, Nous croyons cependant utile de rappeler en quelques mots les derniers résultats obtenus sur l'étude de la transpiration en général. L'influence de la lu- mière sur la transpiration à été examinée par un grand nom- bre d’auteurs (1). Dans le travail classique de M. Wiesner, le savant physiologiste viennois montre que la chlorophylle joue un rôle important dans la transpiration des plantes vertes. Il attribue même à l’absorption de la lumière par la chloro- phylle, et à la transformation des radiations lumineuses absor- bées en radiations calorifiques, l'effet de cette influence. Les expériences relatives à l'influence de la lumière sur la transpiration des végétaux sans chlorophylle ont, par suite, un grand intérêt. C'est pourquoi nous avons cru devoir en faire un grand nombre, et par plusieurs méthodes, sur diverses espèces de Champignons. | M. Dehérain à trouvé, dans les plantes étiolées, que la lumière à une influence favorable sur la transpiration, quoique bien moins énergique que lorsqu'on opère avec les plantes vertes. Mais dans les plantes étiolées, la chlorophylle se forme (1) Voy. Burgerstein, Ueber der Eïinfluss äusserer Bedingungen auf die Transpiration, 1876.— Daubeny, Phil: Trans., 1836, 1, p. 159. — Miquel, Ann. sc. nal., 1839, % série, €. I, p. 13. — Baranetzky, Bot. Zeit., 1872, p. 97. — Wiesner, Unters. über d. Einfluss des Lichtes und d. Strahl wärm, auf die Transpiration, 1876. Wien. Ak., t. 74, Abth. [. — Dehérain, Ann. sc. nal., 5° série, t. XIL, etc. — Vesque, Ann. sc. nat., 6° série, t. VE, p. 201. clerc, Sur La transpiration des végètaux (Ann. sc. nal., 1883). Le- RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 289 avec une extrême rapidité lorsqu’on les expose à la lumière solaire et il y a là une cause d'erreur qui disparaît lorsque l’on opère avec les Champignons. Nous avons aussi vérifié, pour ces végétaux sans chloro- phylle, l'influence favorable de l’accroissement de tempéra- ture et l'influence défavorable de l’augmentation dans l’état hygrométrique de l'air. D'ailleurs, chez les Champignons, la transpiration est une fonction très importante, à cause de l’énorme quantité d’eau qu'ils contiennent. On s’en rendra compte par l’exemple sui- vant : des échantillons d’Agaricus sulfureus, venant d’être cueillis, pesaient 665,930. Desséchés à l’étuve, ils ne pesaient plus que 75,188. Ils contenaient donc 88 pour 100 d'eau. C’est pour toutes ces raisons qu'il nous a semblé utile de nous occuper d’une fonction dont l’étude, chez ce grand groupe de végétaux, a été négligée par les physiologistes. Il. — MÉTHODES ET APPAREILS. Pour étudier la transpiration, nous avons employé deux méthodes. La première consiste à placer des Champignons dans un milieu à température constante et dont l’état hygrométrique est constant, en faisant varier les conditions d’éclairement et en évaluant, après chaque expérience de durée égale, la perte de poids due à la transpiration : c’est la méthode des pesces. La seconde méthode consiste à mesurer la quantité d’eau que les Champignons absorbent pour remplacer celle qu'ils ont transpirée : C’est la méthode d'absorption. ° MÉTHODE DES PESÉES. On prend un poids déterminé d’Agarics ou de Polypores et on les place dans un espace dont l’état hygrométrique est connu et dont la température est constante; au bout d’un temps plus ou moins long, une heure par exemple, on note la 6° série, Bor. T. XVIT (Cahier n° 5)*. 19 290 G. IBONNERES EU HE. REANGEN. perte de poids qu'ils ont subie; elle représente le poids de l’eau transpirée. On peut alors exposer les mèmes Champignons successivement à l’obscurité et à la lumière diffuse, et obtenir lies poids d’eau transpirée dans ces deux conditions. Quand on opère avec des Champignons détachés de leur substratum, la perte de poids due à la température diminue régulière- ment, toutes choses égales d’ailleurs, pour le même poids. Aussi, quand on veut connaître l’influence de l'obscurité et de la lumière sur ce phénomène, ne doit-on comparer entre elles que des expériences de courte durée, et croisées. D’ail- leurs, pour supprimer complètement cette cause d'erreur, nous avons opéré avec des Champignons encore fixés à leur substratum. Des fragments de bûches couvertes de Polypores étaient détachés pour servir à nos expériences, Le Champi- gnon de couche reposait sur le fumier où s'était produit son développement. Le procédé opératoire est toujours le même, mais une nouvelle cause d’erreur est introduite : le substratum, bois ou fumier, saturé d’eau, évapore une certaine quantité de ce liquide et vient troubler les résultats obtenus. Afin d'éliminer les perturbations dues à la transpiration du substratum, nous avons employé, avec l’Agaric, la disposition suivante (PI. 20, fig. 14) : la plante était avec le fumier con- tenant le mycélium, fixée dans un pot en terre vernissée; une plaque de verre coupée en deux moitiés venait le fermer hermétiquement en ne laissant passer que le pied de l’agaric ; on procédait alors comme il à été dit plus haut. Pour les Polypores fixés en grand nombre sur une bûche, nous avons recouvert le bois d’un enduit imperméable dans les endroits dépourvus de Polypores. Les vernis à l’essence de térébenthine ne nous ont donné aucun résultat, à cause des vapeurs d'essence qu'ils répandent pendant leur dessiceation, et qui nuisent à la plante. Nous avons été plus satisfait d’un vernis à la gélatine. D'ailleurs, il ne faut pas s’exagérer l’im- portance de cette évaporation du substratum ; c’est un simple phénomène physique qui est indépendant de l’éclairement et RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 291 qui constitue une constante dans les résultats fournis par la transpiration à la lumière et à l’obseurité. % MÉTHODE DE L'ABSORPTION. a. Polyporus et Telephora. — 1. Description de l’appa- reil. — La büche couverte des Polypores ou des Téléphores destinés aux expériences est percée (PL. 20, fie. 12) de deux trous : l’un latéral, où l'on engage un tube { fermé par un bouchon; l’autre inférieur, dans lequel s'engage le tube ba. L’extrémité à est munie d’un robinet à trois voies r qui se continue lui-même par un tube cd calibré. La branche verti- cale du robinet à trois voies communique par un tube en caoutchouc avec un flacon F contenant de l’eau et placé à un niveau plus élevé que la bûche. Le tube calibré doit être placé à la hauteur de la partie inférieure de la bûche pour éviter une pression d’eau dans l’appareil pendant la durée des expériences. 2. Montage de l'appareil. — On commence par vernir avec soin toute la surface de la büche dépourvue de Champi- onons; puis, en plaçant le robinet 7 dans la position n° 4, on fait arriver l’eau du flacon dans la büche en maintenant le tube £ ouvert. Gette opération a pour but d’imbiber uniformé- ment la bûche. L’imbibition est terminée quand l’eau s'écoule par le tube £. On ferme alors celui-ci et on s'assure qu'il n'existe aucune fuite d’eau. Puis on place le robinet dans la position n° ? pour remplir d’eau le tube calibré jusqu’à un niveau déterminé d'avance. En tournant le robinet dans la position n° 3, l’appareil est prêt à fonctionner. 3. Fonctionnement de l'appareil. — Avant de faire fonc- tionner l'appareil, on doit s’assurer que l’absorption d’eau que l’on constate dans le tube est due à la transpiration et non à l'imbibition ; pour cela, la bûche étant placée dans des con- ditions extérieures constantes, on doit à des intervalles très différents mesurer, pour des temps égaux, des absorplions égales. Nous avons toujours obtenu ce résultat au bout d’un 9299 G. BONNERR ET L. MANGIN. certain temps; c’est à ce moment seulement que nous avons commencé nos expériences. Voici comment elles étaient conduites : un écran noirci couvrant la bûche permettait de la placer dans lobseurité ; on notait l’absorption d’eau dans un temps donné (de cinq en cinq minutes par exemple). Puis, soulevant l'écran de façon à exposer les Polypores à la lumière diffuse, on notait pour le même temps l’absorption d’eau. Les expériences étaient croisées et on n’a tenu compte que de celles où la température extérieure et l’état hygrométrique étaient constants. De plus, on à toujours eu soin de ramener, pour chaque expérience à la lumière ou à l’obseurité, le niveau de l’eau à un même repère. b. Agarics. — L'appareil employé pour étudier l’eau absor- bée par les Agarices était semblable au précédent. Des échan- üillons volumineux d’Agaricus conchatus ont servi dans nos expériences. Le pied d’une de ces espèces était engagé dans un tube de verre conique & (PI. 20, fig. 13) et mastiqué soi- gneusement dans ce tube. Le tube « communique par sa pointe avec un tube coudé h qui se termine par un tube capillaire ed. Le Champignon étant rempli d’eau ainsi que les tubes, on réalise les expé- riences comme nous venons de l'indiquer pour les Polypores. III. — EXPÉRIENCES DE CONTRÔLE ET D'ESSAI. Pour donner aux résultats que nous avons obtenus au moyen des appareils précédents une grande précision, nous avons institué un certain nombre d'expériences d'essai et de con- trôle : 1° Étude de l’absorption comparée à la transpiration ; 2 Erreurs dues à l'évaporation ; 3 Influence de l'âge des Champignons et influence indivi- duelle ; RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 295 4° Influence de la température et de l’état hygrométrique de l’air ; 5° Limite d'erreur des appareils. 1° Étude de l'absorption comparée à la transpiration. — Les résultats de nos recherches sur la transpiration devant être confirmés par la méthode des pesées et la méthode d’absorp- tion, il était indispensable de s'assurer que la quantité d’eau absorbée est dans des conditions extérieures et intérieures constantes, toujours égale à la quantité d’eau perdue par trans- piration. A cet effet, nous avons disposé une büche garnie de Poly- pores, comme cela est indiqué en À (PI. 20, fig 12). Après avoir imbibé la bûche uniformément par l’eau, nous l'avons pesée et, en même temps, nous avons marqué le niveau de l’eau dans le tube calibré. Au bout d’un certain temps, la bûche a accusé une perte de poids due à l’eau transpirée, et le tube calibré nous a fourni la quantité d’eau absorbée. Nous avons trouvé que la quantité d’eau perdue par transpiration, au bout d’un certain temps, était égale à celle qu'il fallait introduire dans le tube calibré pour ramener l’eau de lap- pareil au niveau primitif. Quand l'égalité avait lieu entre le poids d’eau absorbée et le poids d’eau transpirée, la diminution de volume dans le tube capillaire était constante pour des conditions extérieures identiques. C’est touiours à partir de ce moment que nous avons commencé Îles expér:ences. Nous pouvons done conclure d’après cela que la méthode d'absorption et la méthode des pesées fourrssent aes résul- tats comparables pour l'étude de l'eau transpirée. 2° Erreurs dues à lévaporation. — Nous avons dù nous préoccuper de montrer que l’eau absorbée et la perte de poids subie par les Champignons étaient dues à la transpiration de ces plantes, et non à une simple évaporation comparable à celle qui s'opère dans les corps poreux imprégnés d'humidité. 294 G. BONNIER ET L. MANGIN. Après avoir fait un grand nombre d'expériences avec une büche couverte de Polypores, dans les conditions les plus diverses, nous avons laissé périr les Champignons et nous avons repris avec la même büche les expériences sur l’absorp- üon d’eau. On trouve les résultats de ces expériences au tableau XVI, série n°70. L’absorption de l’eau a été, pour des temps égaux, la température et l’étai hygrométrique étant constants : Humiére cas 24,1 Obscurité......... 24,9 Éumiererse cree 24,0 On voit que, dans ces conditions, les Champignons étant morts nous présentent le phénomène de lévaporation mdé- pendant de l’éclairement; en effet, les mêmes plantes vivantes avaient donné, pour l’eau transpirée dans des temps égaux : Nous avons aussi employé une büche dépouillée de Cham- pignons, imbibée d’eau et disposée comme l’indique l'appareil de la figure 12, planche 20. Elle à fourni une quantité d’eau absorbée (tableau XVI, not) On voit par ces expériences que le phénomène dont nous avons entrepris l'étude est une fonction de la vie des plantes et disparait avec leur mort. 3° Influence de l'âge des Champignons et influence indivi- duelle. — 1. Influence individuelle. — 1 était intéressant de connaître si des poids de Champignons de ia même espèce exhalent des quantités d’eau proportionnelles à leurs poids respectifs. Voici les résultats d’une des expériences de contrôle que nous avons faites. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 295 Deux lots de Champignons pesant l’un : A: 1149r,97 B : 108,82 ont perdu, à l'obscurité, dans les mêmes conditions exté- rieures : A : 0,320 B : 05,150 Le rapport entre le poids total des Champignons et l’eau transpirée est alors : Lot A — 0,0028 Lot B— 0,0013 On voit donc qu'il n'existe, pour des individus différents placés dans des conditions extérieures identiques, aucune proportionnalité entre la quantité d’eau transpirée et le poids total. Ces expériences montrent qu'on ne peut employer pour étudier la transpiration des poids égaux d'individus différents, puisque les variations individuelles sont égales ou supérieures à celles que provoquent les changements survenus dans les conditions extérieures. 2. Influence de l’âge. — I reste à étudier l'influence de l’âge, pour connaître les variations que subit la transpiration chez un même individu aux différents instants de sa vie, et pour établir dans quelles limites nous pourrons comparer les expériences entreprises sur la transpiration. Voici les résultats d’un certain nombre d'expériences faites pour étudier lin- fluence de l’âge. Un poids de 494 grammes de Champignons (Agarics très jeunes) a perdu en deux heures, # grammes d’eau. Les mêmes Champignons àgés ont exhalé, dans Le même temps, 1 gramme d'eau. Dans une autre série d'expériences, nous avons obtenu les résultats suivants : 296 G. BONNIER ET L. MANGENX. à ; A DURÉE PERTE | TEMPÉRA- ÉTAT ESPECES ÉTUDIÉES. de : HYGROMWÉ- l'expérience, | PF POIDS. TURE. TRIQUE. Agarics jeunes (où l’on ne voit pas les lames)... 2h30 Gsr,00 17 Agarics âgés (chapeaux ÉLAlES) eee cer 2:30 ur, O0 17 Le Polyporus versicolor disposé pour mesurer l’absorption d’eau nous a donné les résultats suivants : re ceci: DURÉE ABSORP- | TEMPÉRA- ÉTAT ESPÈCES ÉTUDIÉES. de M HYGROMÉ- l'expérience. TION. TURE. TRIQUE. Polypores jeunes... ..... 0h15 269,7 18 69 Polypores âgés......... On 15 9gr,2 18° 71 On voit ainsi que l’âge des végétaux mis en expérience exerce une influence notable sur leur transpiration. Nous avons évité les causes d'erreur dues à cette influence, en ne comparant entre elles que des expériences de courte durée, et surtout des expériences croisées. 4 Influence de la température et de l'état hygrométrique de Pair. — Nous avons naturellement trouvé que la transpira- tion, toutes choses égales d’ailleurs, augmente, d’une part, avec la température, et que, d'autre part, elle augmente aussi à mesure que l’état hygrométrique diminue. Nous avons cherché à déterminer quelles sont les oscillations dans la température, et dans l’état hygrométriques qui n’ont pas d'influence sensible sur les résultats obtenus. Ces oscillations sont, au maximum, de 1 degré pour la température et de 0,05 pour l’état hygrométrique. 5 e | SR B à Re. CONDITIONS É mil & |az = £ ESPÈCES ÉTUDIÉES. ce tn D SE 2 = 5 € a £ An su haeno les | = n La = À F EN Re ë a | Obseurité ... | 419 | 35,5 17,2 | 69 | 2 ue, Obseurité.... 417 | 40,7 5,1 | 170,2 | 69 à Nous or GE A 1690 6 4 DS 7 |: 1703] 60 | PRO OU VS Obscurité.... 4037:)5212 5,8181701 "69 Obscurité.... 442 | 57,7 5,0 | 170,3 | 69 | | Ne Oscar... SSD 2 0,3 | 18,0 | 70 | N°69.| Agaricus campes- se 9h35 19 0 n | 70 | A D A Obscurité.... 10105 ee: 0,50 | 18,0 | 70 ge 1010 n n | Obscurité.... TOUTES 0,50 | 18231 70 | | 8130 1,0 | : umière..... AY: 2 D 0, ( 72 N°70.| Polyporus versico- Here 11930 | 25,1 PRO MER lor (les Champi- Ne 1135 DOS ro l100 “0 gnons sont dessé- Obscurité..… 029600 #74 18,0 ,|,72 ô ù 5% | 9h4 15 À À QHÉS COMRONS) ESS AT Sn AE 24,0 | 18,0 | 72 | Fe L o130 | Lumière..... { 2h90 RER Te 22,1 | 190,0 | 68 | N°71.| Morceau de bois... À 9h95 LR fl | Obscurité.... PET CEE 22,0 | 190,0 | 68 À | se FUN TAN I Obscurité.... 4136 4,0 } 3309 { 18,0 | 69 | N°72.| Trametes sua-\ ‘ \ Obscurité... 5106 | 38,0 IS OMG" veolens...... II Obseurité.... 5108 0,0 EYE {| 48,0 | 69 | * À Obscurité.... | 538 | 34,3 | °° | 180,0 | 69 | | | RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS, TABLEAU N° XVI. — EXPÉRIENCES D'ESSAI ET DE CONTROLE SUR LA TRANSPIRATION. 997 0° Limite d'erreurs des appareils. — I ne nous reste plus, pour terminer la critique des causes d'erreurs, qu'à indiquer le degré de précision fourni par nos appareils dans la mesure de l’eau transpirée. 298 G. BONNIER ET L. MANGIN. Le tableau n° XVI des séries n° 68, 69, 72, contient les résultats d'expériences entreprises avec les mêmes Champi- gnons dans des conditions extérieures constantes. On voit que l'écart existant entre les nombres qui mesurent labsorption d’eau, porte sur le deuxième ou le troisième chiffre de ces nombres, et n’est pas, en général, supérieur au vingtième de la quantité d’eau mesurée. IV.— INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LA TRANSPIRATION. Nous avons recherché quelle est l’influence de la lumière sur la transpiration : 1° Par la méthode de l'absorption; 2° Par la méthode des pesées. 1° Méthode de l'absorption. — Les Champignons étaient pla- cés dans les appareils indiqués, figures 19 et 143, planche 120. Ainsi qu'on peut en juger à l'examen des tableaux n° XVII et XVIIT, dans toutes les expériences, la lumière diffuse accé- lère la transpiration. Cette influence de la lumière et de l’obscurité n’est pas instantanée. On observe une période de transition qui démontre l'existence d’un phénomène d’induction. On peut s’en assurer par l'examen de la série n° 73 (tableau XVIT), avec le Trametes suaveolens exposé successivement à l'obscurité, à la lumière et enfin à l'obscurité. La moyenne des expériences est, par quart d'heure : Obscurité........ 3,0 Lumière.... .... 4,1 Obsecurité........ 3,0 mais après l’action de la lumière, quand on place les Champi- gnons à l'obscurité, l'absorption par quart d'heure, qui était à la lumière de 4%,1, devient à l’obscurité successivement 4,1, 4%,0, 3%,9 et enfin 3%,6 ; de sorte qu’au bout de moins d’une demi-heure d'exposition à l'obscurité, induction lumi- neuse à pris fin. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 299 TABLEAU N° XVIL — INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DIFFUSE SUR LA TRANSPIRATION. — (Appareil à absorplion.) a Z J ts eo] 2 e TE SP CONDITIONS = = 5: 6 5 # ESPÈCES ÉTUDIÉES D'ÉCLAIREMENT. = a = DS n à = < = 2 2 mn : & RE à 3 £ = [=] 104 À El | À Obscurité …. | Te 3.6 | 15,0 | 83 | 11:00 ST à û Moyenne Obscurité... 11045 3,6 | 5°,0 83 l par quart 1445 | à | Ra Obscurité …. 195 { 6 | 15°,0 | 82 SR En | 249 À oh Fo ( A N°73.| Trametes Obseur tele 2u5() : 3,6 | 15°,0 | 80 | 1 ; D [ 9h5() Î | suaveo 29 “o à l En sons | Lumière .... | 4895 \ 4,1 15°,0 18 À Jh ( 1 HE [1 Lumière... ni 4,1 | 159,0 | 77 | n00 À Me peu Obscurité..…. AD { 4,0 | 15,0 | 77 | Moyenne Bh{5 À t à { 9 2 Q Fo ( F7 } par Lans Obseurité.….…. } 5120 5,00 AE 0e —= 3,0. s ou | Obsecurité 6120 350011590170 | Ê Obseurité........... 3,9 | 16°,0 | 82 N°74.| Trametes suaveo- \ Lumière............ 3,8 | 16°,5 | 81 lens SR DA Obscurité....,.1..e 2 001-160,00 1181 Lumières. 1 Ji 3,8 | 160,5. | 81 miam nos LP LS LA NT ! \ | Obscuritérstmm tre 2,6 | 169,0 3 ] à = , D NOR ne ESEASUUE0, ji Lumiére re tiuee 2 MCAOMISSS FÉES ER ASE l Obseurité........... 2,7 | 46°,0 |-85 (ME | 9Q | Lumière dif- 2h38 0 4m | 7 fuse intense. | SAS 20 RENE Pr 9h 49 (D 1 = DIU ) D 4 Ÿ 0 m9 N°76.| Polyporus versico- Qbseurité,... 4219512443 0) 18°,0..1 73 LOT A RSA CE AS Lumière diff, { 4130 0 }) 18.0 |.74 peu intense. { 5"00 | 14 \ "? +, Ner5E0 DOS ÿ Obscurité... ; Dh: e 1e \ 189,0 | 74 | | 300 G. BONNIRR KA EL. MANGEN. TABLEAU N° XVIIL. — INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LA TRANSPIRATION (suite). 407 | 3 s Moyenne Obseurité.….. par quart di heure 26,7. 4»12 | 35,5 417 | 40,7 M Obseurité...…. 4192 | 464 à el a 2 | , , CONDITIONS el sal Aux En ES = [e] n S Entes 5 & ESPECES ETUDIEES. ENTER = S & _ = 2 ne = a k ee A É 5 5 = a a D So el a] =] En =] 2250 3,0 Pere 4 ose 9 Lumière. 1 9115 | 400 $ ? 47:38 | 6 3115 | 40,0 6,1 "o 9 € Moore Lumière. jt 9290 | 461 63 17 69 par quart : 9h95 59 4 6.3 ue 31,3. Bates SE ee Le 02 9 | c | Lumièr 9200 | 587 75 Aye: 6 | gn 35 | 65,2 r2 | & | N° 77.| Polypo - Lumière. .... 3h 40 713 6,1 [17,2 | 69 l rus ver - | (niveau remis à 230 Ho G sicolor E Obscurité.. 949 | 230 pu 114792) | 109 1,0 4h37 | 52,2 s Obscurité.... SASLSAISAISIESS OT CO =1 1 19 Ot 449 | 57,7 e PT I me ee LS 159,0 | 82 15,0 | 82 3140 4150 D! 50 LRIS eee Oscuotene TS LT, mn 3110 | 73,0 ACT Lumière..... \ N°78.| Agaricus campes- ! / »,9 1110 4,5 | Re sumière.. = ARTE o | N°79.| Trametes sua- pu 140 [185 10,0 | 15,5 171,5 veolens ..... nine 1° . 15e 613 | 18,0 | 7 LL 604 (a 1 al 1,1 / 60 0 9 Obscurité... 34 | 741 59,4 | 189,0 | 73 uses diffus 897 105 5566 te peu intense. } 1497 | 38,2 À ”°* 17,2 | 71 H NE HA 7 h9 à l 8 ! NoSO.| Polyporus versico- \ Obscurité.... | se oi 36,7 | 18,0 | 71 lor (individus très si SE 24] Anal 150 6° 50 2. Lumière diffuse ( ALES) + ses rate le 18,0 | 71 18,0 | 71 très intense. \ l Obscurité. .. | | 16,0 | 84 189,0 | 84 9140 31 50 4 50 N°81.| Agaricus conchatus. | _ ( 2h40 | 53,0 Lumière..... | de Obscurité.... | | | l \ | l | | \ al as sde ne 8 | 10,5 | 15,5 | 72 Obseurité.... ee 9,1 | 15,5 | 72 fe sn Fe CC | \ Le | | ( | | | gl { | À i N l \ À \ | À \ ) ) RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 901 2° Méthode des pesées. — Les résultats précédents, obtenus par la méthode de l'absorption, ont été vérifiés par la méthode des pesées. Citons, comme exemple, Pexpérience suivante, faite avec lAgaricus campestris disposé comme l'indique la figure 10 : MU ÉTAT HEURES. POIDS. PERTE. RAT uvano- | ATURE RIQUE. ” 12h15 175,800 } à F Lumière...... SAS Su 30 pour ce : Or 565 16e 87 5230 | 1785,020 ? ur r Obscurité............ ue a Eon si Uir,000 16° 57 10:45 47197,520$ © » Nous pouvons done conclure de ces expériences que : 4 Toutes choses égales d’ailleurs, /& transpiration des Champignons est accélérée par la lumière diffuse. % La lumière présente un phénomène d'induction sur la transpiration des Champignons. CONCLUSIONS GÉNÉRALES + Les recherches sur la respiration et la transpiration des appareils sporifères des Champignons, que nous venons d’ex- poser dans ce premier Mémoire, nous permettent de formuler les conclusions suivantes : RESPIRATION. 4° La respiration est augmentée par l’élévation de tempé- rature. Il n’y a pas d’optimum de température pour la respi- ration. 302 &. BONNIER EX L. MANGEN. 2° La lumière diffuse retarde l'intensité du phénomène respiratoire. 3° L'ensemble des radiations lumineuses les plus réfran- gibles est plus favorables à la respiration que l’ensemble des radiations les moins réfrangibles. 4°: La respiration augmente avec l’état hygrométrique de laur. &° La valeur du rapport + de l’acide carbonique émis à l'oxygène absorbé, variable avec les différentes espèces, est, en général, plus petite que lPunité. Il y à assimilation d’oxy- gène par les Champignons. 6° Pour une même espèce, le rapport = ne varie pas avec la pression. 7° Ce rapport est constant, quelle que soit la température. Il TRANSPIRATION. 4° La transpiration est augmentée par l'élévation de la tem- pérature. 2° La transpiration diminue quand l'état hygrométrique de l'air augmente. 3° La lumière diffuse augmente la transpiration des Cham pignons. ( EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 17. Fig. 1. Disposition générale de l'appareil servant à éludier la respiration. A, cloche contenant les plantes à étudier et reposant sur une plaque rodée pp. Lt, thermomètre. a, tube en T faisant communiquer la cloche en 42 avec un flacon F conte- nant de l’eau, et en &1 avec un manomètre à air libre HW. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS, 303 b, tube en T, faisant communiquer la cloche en b4 avec l'appareil à prises d'air P, en be avec l’aspirateur $, rr', robinets pouvant supprimer la communication de la cloche avec l’as- pirateur et le flacon laveur. P, appareil à prises d’air. R, robinet à trois voies permettant de faire communiquer l'appareil à prises avec la cloche À ou avec léprouvette €. 1, 2, 3, positions succes- sives du robinet. W', ampoules renfermant du mercure et permettant d'extraire Pair de la cloche pour le faire passer dans l’éprouvette c. Fig. 2. Appareil à analyser les gaz. ab, tube mesureur divisé en 800 parties d’égale capacité. cd, tube à absorption. | R, robinet à trois voies et ses positions successives 1, 2, 3. t, tube abducteur. k, cuvette contenant du mercure servant à introduire les gaz à analyser et les réactifs absorbants. Dans la figure d’ensemble, la cuvette est dis- posée pour l'introduction des gaz; en &' elle est disposée pour le lavage de l'appareil au moyen de l’eau acidulée contenue dans le tube 1. l, allonge servant à déplacer les gaz et les liquides dans l’appareil. l', allonge servant à établir une pression constante dans l’appareil au moyen de la pointe p. PLANCHE 18. Fig. 3. Etuve disposée pour éludier la respiration à des températures dif- férentes. — Elle est à double enveloppe, remplie d'eau et présente une fenêtre destinée à faire tomber la lumière sur les Champignons. m, thermo-régulateur. V, manchon contenant les Champignons. lt, thermomètre. a, b, tubes d'arrivée et de sortie de Pair, disposés comme dans la figure 1. s, Soucoupe contenant du mastic de fontainier et destinée à fermer le manchon, Fig. 4. Appareil pour étudier les variations de pression dans une atmosphere confinée où séjournent des Champignons. V, manchon renfermant les plantes. t, thermomètre. M, manomètre à air libre. Fig. 5. Disposition employée pour étudier l'influence de l'etat hygrométrique de l'air sur la respiration des Champignons. a, b, tubes d’arrivée et de sortie de l'air. &, thermomètre. H, hygromètre. K, morceaux de chlorure de calcium anhydre. 304 G&. BONNIER ET EL. MANGIN. Fig. 6. Disposition générale de l'appareil destiné à étudier l'influence des radiations lumineuses sur la respiration (méthode du spectre). E, Écran pourvu d’un diaphragme à fente. L, lentille convergente. pp', prismes de flint placés dans la position du minimum de déviation. B, caisse contenant les Champignons et recevant une partie des radiations par la fente F. Elle repose, ainsi que lappareil à prises P, sur une planchette d, qui roule sur des galets gg. sr", faisceau de lumière blanche. ri”, faisceau de lumière dispersée par le prisme. Fig. 6 bis. Détail de l'appareil précédent. — La figure montre le tube ren- fermant les Champignons placé dans une étuve à eau E. a, tube d'arrivée de Pair. b, tube de sortie de l'air, lt, thermomètre intérieur ; {’ thermomètre extérieur. PLANCHE 19. Fig. 7. Récipient destiné à l'étude des radiations (méthode des liquides colorés). v, v', deux vases emboîtés l'un dans lPautre. L'espace annulaire d qui les sépare contient du bichromate de potasse en dissolutiou ou du liquide de Schweitzer. Le récipient v’ contient les Champignons. t, thermomètre ; a b, tubes d'arrivée et de sortie des gaz. Mig. 8. Appareil à renouvellement d'air continu. P, flacon de potasse caustique purifiant l’air de son acide carbonique. G, compteur de précision destiné à évaluer le volume d’air traversant ’appareil. C', éprouvette renfermant les Champignons; l'air arrive par le tube b et s’échappe par le tube €; la température est donnée par le thermo- mètre d. TT", tube coudé renfermant une solution titrée d’eau de baryte destinée à retenir tout l'acide carbonique renfermé dans l'air qui a traversé les Champignons ; l’allonge L est destinée à recueillir les gouttelettes prove- nant de l'éclatement des bulles. [f', tubes témoins renfermant de l’eau de baryte. Le deraier tube f com- munique avec un aspirateur qui n'est pas représenté sur la figure. Fig. 9. Disposition employée pour conserver et oblenir une quantité connue d'eau de baryte. K, éprouvette renfermant de la potasse caustique. B, flacon renfermant de la liqueur titrée de baryte. b, burette graduée communiquant avec le réservoir à eau de baryte par un siphon, et avec l’extérieur par un tube à potasse #. Fig. 10. b, burette graduée renfermant lacide chlorhydrique titré destiné à saturer l’eau de baryte non carbonatée ; v, vase renfermant l’eau de baryte colorée par lhélianthine. RESPIRATION ET TRANSPIRATION DES CHAMPIGNONS. 9309 PLANCHE 20. Fig. 11. Récipient disposé pour étudier la respiration dans l'air confiné avec fermeture au mercure. C, vase renfermant les Champignons. B, cuvette contenant du mercure et une couche d’eau. t, thermomètre. a, b, tubes d’arrivée et de sortie de Pair. Fig. 12. Appareil destiné à étudier la transpiration (méthode de l'absorption). A, bûche couverte de Polypores. t, tube destiné à la sortie de l’air au moment de l’imbihition. ab, tube communiquant avec le tube calibré cd; ce dernier est divisé en parties d’égal volume. r, robinet à trois voies, relié au flacon F'et permettant d'introduire l’eau dans l’appareil. 1,2, 9, positions successives du robinet r. Fig. 13. Agaricus conchatus disposé comme l’appareil précédent pour l'étude de l’eau absorbée. Fig. 14. Champignon de couche, muni de son substratum, disposé pour mesurer la perte de poids due à la transpiration. Ge Série, Bot. T. XVIL (Cahier n° 9) #. 20 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE CORPS DES PLANTES Par M. T. CARUEEX. « Nous ne savons exactement le détail de rien; ce qui importe, ce sont leslignes générales, les grands faits résultants. » RENAN. L'histoire de la Botanique nous la montre, à sa première apparition comme science dans l’école d’Aristote, s’occupant des plantes à la fois sous tous les points de vue auxquels on les considérait alors, examinant en même temps leur structure, leur vie et leur usage pour les besoins de l’homme. Après une longue période d’immobilité dans cette phase qui s’étendit jusqu’à l'époque de la Renaissance, la Botanique reprit son élan et, depuis lors, multipliant sans cesse les objets de ses études, elle a été amenée à les considérer de plus en plus sous des faces distinctes et par là à se diviser comme en autant de sciences spéciales plus ou moins nettement séparées les unes des autres, ayant chacune son but et sa méthode propre pour l’atteindre. C’est ainsi que de nos jours l’art de décrire les vé- gétaux et de les classer, l'étude de leur distribution géogra- phique, l'examen des plantes fossiles, sont autant de branches distinctes de la Botanique, comme le sont l’histologie végétale, qui s'occupe de la structure élémentaire des plantes, la phy- siologie, qui étudie leurs fonctions, enfin, la morphologie végé- tale, dont le domaine embrasse tout ce qui se rapporte aux formes des plantes. Prise dans ce sens général, la Morphologie est donc, avant tout, l'étude des formes extérieures des corps végétaux. Elle les contemple dans leur ensemble, et en décrit les aspects variés ; elle les soumet à l'analyse, et se procure ainsi les élé- ments d'une comparaison réciproque de leurs parties ; elle en CORPS DES PLANTES. 307 suit les transformations successives tant normales qu’anor- males, totales ou partielles, depuis leur naissance jusqu’à leur développement complet et jusqu’à leur destruction ; par ces voies différentes, elle cherche et trouve des généralités à leur égard, ce qu’elle se plait à considérer comme des lois morpho- logiques ; elle se sert des connaissances acquises pour fournir des caractères à l’œuvre de la classification, et pour.préciser le langage des descriptions techniques ; elle aide enfin à abor- der les problèmes qui se rattachent à la succession des êtres végétaux, et à leur origine prochaine ou lointaine. La morphologie comprend donc les branches de la Botanique qu’on désigne ordinairement sous les noms d’organographie, organogénie, tératologie, morphologie, dans le sens plus res- treint de l’étude des parties homologues des plantes. La phy- tographie, ou description technique des plantes, en dépend directement. Par plusieurs côtés, elle se rattache intime- ment à l’histologie et à la physiologie. Ce qui, morphologique- ment parlant, est un membre d'un corps végétal, le plus souvent est aussi un organe, exerçant une fonction physiologique, et certaines questions, celles de développement par exemple, ou celles de l’origine et de la succession des formes imdividuelles, ne sont-elles pas aussi des questions physiologiques? Il y a des descriptions des formes extérieures qui ne seraient pas com- plètes sans l'indication de la structure intime, pour la gem- mule par exemple, ou pour le stigmate, et quant aux végétaux de la structure la plus simple, la simplicité même de leur organisation fait qu'en eux tout se confond, leur morphologie avec leur histologie. Cependant, malgré toutes les connexions plus où moins intimes de la morphologie avec d’autres bran- ches de la Botanique, il est toujours possible de la traiter séparément et de se placer à un point de vue plus spécialement morphologique pour considérer les faits que nous présente le règne végétal. La meilleure preuve c’est que, sous un nom ou sous un autre, sciemment Où sans en avoir Conscience, On à toujours fait de la morphologie indépendante. C’est qu’en Botanique comme dans toutes les sciences naturelles, il y a 308 T, CARUËEL. toujours eu deux méthodes pour l'étude. L'une consiste à prendre une plante ou un groupe de plantes, et tâcher de l’étudier à fond, sous tous ses aspects, en les éclairant les uns par les autres; l’autre méthode trace une limite à la nature des études, et tâche de gagner en étendue ce qu’elle perd en pro- fondeur. Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients ; toutes deux sont toujours possibles. Comme de toute autre science, le point de vue de la mor- phologie végétale a été souvent celui d’une théorie dominante à une certaine époque. Deux théories l'ont dominée successivement. La première en date est celle que développa Césalpin dans son ouvrage intitulé De plantis libri XVI, publié en 1583. Césalpin dis- tingua dans les plantes deux parties principales, d’un côté la racine, de l’autre le germe de tout le reste de la plante, placé au sommet de la racine; et 1l mit l’âme végétative au lieu de conjonction de la racine et du germe. La racine se compose, selon lui, de deux parties seulement, l'écorce et le corps ; tandis que la tige se compose de trois parties qui sont l'écorce en dehors, la moelle au centre, et entre les deux un corps qui, dans les arbres, devient le bois. Le germe est protégé par les feuilles, qui viennent de l'écorce. La moelle produit la graine, qui contient un cœur dont la racine et le germe doivent sortir et qui se trouve protégé par plusieurs enveloppes, en pre- mier lieu par le calice vert et provenant de l'écorce, ensuite par la fleur colorée produite plus en dedans, enfin par le fruit, lequel est recouvert d’un péricarpe charnu ou d’un autre corps équivalent, et toujours produit par l'écorce. Gette théorie, qu'on peut appeler la théorie du deploie- ment, puisqu'elle retrouve toutes les parties des plantes dans les trois portions qui constituent la tige, détachées l’une de l’autre et déployées séparément, a été acceptée pendant deux siècles, jusque vers Ja fin du dix-huitième siècle. Elle a été remplacée par la théorie des métamorphoses, qui fut esquissée enmè me temps par Wolff, dans la Theoria generationis , 1759, et par Linné, dans la Prolepsis plantarum, 1760, que CORPS DES PLANTES. 309 Goethe renouvela à la fin du siècle dernier, et que À. P. de Candolle à ampiement développée au commencement de notre siècle. Le principe fondamental de la théorie, c’est l’homolo- gie de toutes les parties appendiculaires, de telle sorte qu’élant toutes rapportées à la feuille commetype, elles en sont considérées comme des métamorphoses, et dans la plante, tout se réduit à la tige ou système stipital (y compris la racine primordiale), et à la feuille ou système appendiculaire. Un autre principe dominant, c’est la distribution régulière, symé- triquedes appendices, ce qu’on reconnait plus particulièrement dans la fleur, quand la symétrie n’est pas dérangée par des faits d’avortement, de dégénérescence ou de soudure. Les deux théories ne peuvent être appliquées qu'aux plantes cormophytes et ne tiennent aucun compte des autres. Même par rapport à celles-là, par suite de toutes les recherces mo- dernes, etsurtoutdes recherchesgénétiques, la doctrine actuelle a besoin d’être profondément modifiée, sinon dans ses prin- cipes, au moins dans leur explication et leur application. Actuellement, la morphologie végétale flotte entre des vues anciennes, devenues tout au moins insuffisantes, et des aper- çus nouveaux mais partiels, dus aux révélations des faits que la science enregistre chaque jour avec une profusion et une minutie aussi instructives que parfois accablantes. Il convient done, sous plus d’un rapport, de passer en revue et de chercher à coordonner les connaissances morphologi- ques que nous possédons aujourd’hui sur toutes les catégories de plantes, sans en exclure aucune, et en se plaçant au point de vue de la pure observation, en dehors de tout préconçu théorique. Tel à été le but d’un livre (1) qui, sous une forme succincte, a tâché de rassembler les principaux faits observés dans le domaine de la morphologie et de les grouper au moyen de généralisations synthétiques, fournies par la seule com- paraison réciproque des faits eux-mêmes : une comparaison qui permette de substituer aux idées particulières qu'ils (1) La Morfologia vegetale. Pise, 1878. 310 T. CARUEL. donnent des idées générales qui en résument plusieurs. C’est dire, en d’autres termes, que ce livre s’est inspiré des principes du plus pur positivisme ; non pas le positivisme étroit de cer- taines écoles modernes, mais le positivisme plus large d’un Galilée et de ses disciples de PAcadémie du Ciment, qui, dans le domaine des faits, ne reconnaît que des faits, mais qui re- connait en même temps lexistence d’un monde différent, idéal, de la pensée et du sentiment, uni par un lien mystérieux au monde matériel. Un semblable travail n’a pu se faire sans une adaptation convenable du langage scientifique, sans élaguer bien des termes que la synthèse rend mutiles, sans en modifier d’autres dans leur signification, et sans en créer quelques-uns de nou- veaux. Le langage scientifique est le reflet des idées d’une période, et ne peut faire autrement que changer avec elles. Chaque période est dans la nécessité, pour obtenir la clarté du discours scientifique, d’ôter encombrement des termes tech- niques reconnus superflus, de préciser la signification en l’élar- oissant ou la restreignant des termes qu’il lui convient de gar- der, de changer ceux qui ont été reconnus tout à fait inexacts, enfin d’en chercher de nouveaux là où le besoim s’en fait sentir. L’adapiation glossologique que réclame la période actuelle ne peut amener au reste que peu de changements en ce qui con- cerne les plantes supérieures, mais 1l en sera tout autrement pour les plantes inférieures, celles qu’on réunit d'ordinaire sous le nom de Gryptogames, dont la glossologie compliquée et dscordante appelle les plus grandes réformes. Pour rendre celles-e1 acceptables, 1l est bon qu'elles reposent sur les deux principes qui devraient être à la base de toute glossologie scien- tfique, et qu’on peut formuler ainsi : 4° appeler du même nom la même chose partout, dans quelque plante qu’elle se trouve; 2° ne pas appeler du même nom des choses différentes. À quoi l’on peut ajouter la distinction à faire soigneusement entre des appellations plus génériques et d’autres plus spécifiques, et une certaine réserve à ne pas trop multiplier celles-ci. Le bota- aiste auquel la connaissance spéciale des végétaux inférieurs CORPS DES PLANTES. 311 est peu familière, n’a que trop souvent l’occasion de déplorer l'obscurité dans laquelle semblent se complaire les cryptoga- mistes, et qui est due en partie à la masse de détails dont la plupart enveloppent l'exposition du moindre fait, et en partie, comme je viens de le dire, à la discordance de leur langage technique, qui rend difficiles à comparer les observations d’au- teurs différents. Je demanderai aux lecteurs des Annales la permission de reproduire, d’aprèsle livreitalien que je viens de rappeler, cer- taines considérations générales sur le corps des plantes; qui, une fois saisies, permettent d'aborder plus sûrement les ques- tions encore controversées dans le domaine de la morphologie végétale. Au milieu de toutes les transformations possibles de ce Protée qu’on appelle plante, cependant, si l’on considère atten- tivement ses parties, non pas dans leurs détails, mais dans leurs relations plus générales comme membres du corps de la plante, on s'aperçoit que ce corps, au milieu de toutes ses modifications, peut être toujours rapporté à l’un ou à Pautre de deux types fort différents. Dans l’un des deux, il est homogène pour tout ce qui est de ses formes extérieures, sans diversité notable d’une partie à une autre ; c’est le {halle (thallome des récents auteurs allemands). Dans l’autre type, au contraire, le corps se montre hétérogène, on y distingue facilement, d’une part, un stipe central (caulome des Allemands; plus gé- néralement on l'appelle axe, mais ce terme est incommode parce qu’il est trop générique), dont se détachent à la périphé- rie comme des appendices (phyllomes des Allemands) plus ou moins différents du stipe ; on peut appeler cette façon de corps un corme, en se servant d’un terme ancien, mais tombé hors d'usage dans les diverses significations qu'il a eues depuis Willdenow, et en le prenant au sens qui lui fut donné implici- tement par Endlicher, là où, dans sa classification, il parle de Cormophytes opposés aux Thallophytes. De sorte que toutes les Aloues, les Lichens, les mycéliums des Champignons, le pre- 312 T. CARUEL. mier état des Muscinées, ainsi que leur génération neutre, la génération sexuée des Fougères, les pollens, rentrent tous dans la série des thalles, tandis que les tiges et les branches avec leurs feuilles sont des cormes, de même que les bulbes et les bourgeons qui ont leurs appendices resserrés sur un stipe raccourci, les fleurs qui sont faites de même, les graines qui, très jeunes, présentent la conformation de certains bourgeons. La distinction entre le thalle et le corme est, en général, très marquée, mais non pas touJours, et par conséquent on ne peut pas la considérer comme absolue. Sans parler de beau- coup d’Algues, surtout des Floridées, où 1l existe déjà des diffé- rences sensibles quant à la grandeur ou à la forme entre les divisions périphériques et les parties centrales du thalle, le groupe des Muscinées offre de nombreux passages entre les deux façons d’être du corps végétal. Dans les genres Antho- ceros, Aneura, Pellia, etc., on a un thalle étendu en lame sur le sol, lobé, parfaitement semblable dans toutes ses parties, Dans les Metzgeria, dont le thalle à le même aspect, il pré- sente, sur sa ligne médiane et sur celle de ses lobes, une côte analogue à celle que l’on voit dans certaines Algues (Fucus, Halyseris, etc.). Dansles Aiella qui vivent sous l’eau, la côte y est aussi, mais au bord du thalle, et dans le 2. helicophylla elle fait office d’un stipe dressé, autour duquel tout le reste de la lame thallique se roule en hélice; celle-ci présente donc la même disposition qu'une série hélicoïdale de feuilles éparses autour d’une tige; tandis que dans toutes les autres espèces du genre, des lamelles isolées se détachent du côté opposé de la côte. Dans lAsterella hemisphærica, dans le Targionia hypo- phulla et dans beaucoup d’autres types voisins, le thalle rede- vient couché avec une côte médiane comme dans un Metzgeria, mais la côte est pourvue, en dessous, de deux séries de lamelles détachées, régulièrement imbriquées, équivalentes à des feuilles ; d’où il suit que dans ces plantes l’on à pour ainsi dire la combinaison du thalle avec le corme. Et d’un autre côté, si l’on parcourt la longue série des Jungermanniacées feuillues, on peut noter de telles gradations dans l’insertion des feuilles CORPS DES PLANTES. 313 distiques, qu’en partant des Frullania où des Scapania qui les ont horizontales et en passant par d’autres plus ou moins obli- ques, on arrive à celles de la plupart des espèces qui les ont srandement obliques et presque verticales, et puis aux feuilles tout à fait verticales du Jungermania connivens où du J. turbi- nata, que l’on pourrait presque considérer comme des lobes d’un thalle divisé jusqu’à la côte. Enfin dans la curieuse Bryacée qu’on appelle Schistosteqa osmundacea, nousavons sur certaines tiges stériles des feuilles également verticales et, en outre, confluentes par leur base, de manière à former une seule lame continue lobée, qui complète par ce côté le pas- sage du corme au thalle. En parallèle avec les caulomes et les phyllomes, Nägeli a introduit dans l’école allemande le terme de {richomes, pour désigner une catégorie spéciale de corps épidermiques, à comparer aux poils qui se forment et sur le thalle et sur le stipe ou sur les appendices des cormes; telles seraient, par exemple, les cassides ou sporanges des Polypodiacées, les anthéridies et archégones des Mousses. Cependant il semble difficile de conserver, au moins dans un sens tranché et absolu, cette caté- gorie des trichomes, en présence des faits si nombreux qui s’y opposent. Des modifications graduelles font passer des cassides superficielles des Polypodiacées ou des Rhizocarpées, par celles des Équisétacées, des Lycopodiacées, des Marattiacées, des Isoétacées, à celles des Ophioglossacées, dans la composi- tion desquelles toute l'épaisseur de la lame foliaire est inté- ressée ; les anthéridies et les archégones, superficiels chez les Muscinées (à très peu d’exceptions près), sont plongés dans le tissu sous-jacent sur le prothalle des Prothallogames ; les sacs pollinigènes des Conifères proviennent de papilles à la surface des écailles des chatons mâles dans le Ceratozamia (Juranyi), et probablement dans les Gyprès et les Genévriers, tandis que dans les Pins et les Sapins, il est tout aussi probable qu’outre le tissu superficiel, une partie du tissu plus profond de l’écaille contribue à la formation du sac; enfin, on peut citer à l'appui des faits bien connus relatifs aux poils et aux aiguillons aux- 314 F. CARUERE. quels ont été comparées toutes ces productions, et qui, eux aussi, sont parfois simplement épidermiques, et parfois de provenance plus profonde, comme ceux des Roses, et par- fois encore ils embrassent tous les éléments histologiques des corps qui les produisent, comme ceux de la variété /erox du Houx. D'un autre côté, n°y a-t-il pas le fait si remarquable des poils du Begonia phyllomaniaca qui se transforment en bour- geons ? Ayant établi la distinction du thalle et du corme, il faudrait procéder séparément à l’examen des particularités de lun et de l’autre. Celles du thalle ne peuvent guère donner lieu qu’à des ob- servations de détail. Sa forme et ses divisions, l’aspect de sa surface, sa coloration, sa consistance, ses dimensions si va- riées, et qui embrassent les extrêmes de grandeur dans le règne végétal, la direction qu'il prend, le mode de son origine et de sa Croissance, sa durée enfin, sont autant de particularités qu'on trouve consignées dans les descriptions des espèces thallophytes, et résumées partiellement dans certains ouvrages qui traitent des grands groupes de ces plantes, quoiqu'elles soient généralement négligées dans les traités généraux. Jai essayé de les résumer plus complètement dans le deuxième chapitre de l'ouvrage cité plus haut, et auquel je me permets de renvoyer le lecteur. Ilen est de même des corps thalloïdes, si nombreux et de nature si variée, mais toujours de dimensions infimes, qui, servant de diverses manières à la reproduction, ont surtout été considérés Jusqu'ici sous le point de vue de leurs fonctions. Ge sont les sorédies des Lichens, les propagules des Muscinées, les spores de toutes sortes : schizospores, conidies portées sur des hyphes, et leurs analogues les spermaties, sporidies engen- drées dans des thèques, les zoospores qui en diffèrent par leur mobilité, et les oospores par leur origine sexuelle, sporules renfermées dans les urnes des Muscinées ou les cassides des Prothallogames, et puis les corps fécondateurs qu’on appelle pollens chez les Phanérogames, pollinides chez les Floridées, CORPS DES PLANTES. 319 phytozoïdes quand ils sont mobiles. On peut les considérer soit isolément, soit par rapport aux corps qui les produisent, et qui le plus souvent en sont pendant quelque temps les réci- pients. Les particularités du corme ont été envisagées tout autre- ment. Les cormophytes sont les plantes le plus en vue; long- temps on les a considérés comme les seuls vrais représentants de leur règne; c’est sur eux qu'ont été dirigées les recherches les plus suivies, à partir de leur état embryonnaire, recherches qui, du milieu ‘de la complication bien plus grande de leurs formes, ont fait ressortir certains types généraux, auxquels on a pu rattacher une multitude de modifications secondaires. C’est ainsi qu'on à pu étudier dans tous ses détails ce qu’on peut appeler le corme proprement dit, tant dans sa tige à nœuds écartés, que dans ses appendices foliaires, et surtout suivre Ceux-ci dans leurs nombreuses modifications, jusqu'aux sporophylles des Protnallogames, qui tout en gardant le ca- ractère végétatif des feuilles, revèêtent en partie celui de corps reproducteurs par suite de la formation de cassides sporifères à leur surface ou dans leur sein. Au corme ordinaire atmo- sphérique se rattache étroitement le rhizome souterrain. Le bulbe et le tubercule, leur intermédiaire le bulbe-tubercule, ainsi que le bourgeon, appartiennent à un autre type de corme, à nœuds très rapprochés. Les inflorescences et les infructes- cences reproduisent l’un et l’autre type, avee cette autre modi- fication des appendices qu’on désigne sous le nom de bractées. Le chaton marque le passage des inflorescences aux fleurs. Ce genre-c1 de corme, tant en reproduisant le type du bour- geon, s’en sépare nettement par la grande diversité de ses ap- pendices essentiels, étamines et pisuls, ainsi que par la singularité de son stipe (le thalame) si souvent arrêté dans son développement au centre, se creusant et faisant alors passer les appendices floraux de lPhypogynie à la périgynie, ou à l'épigynie, quand en outre il se ferme à son orifice et se trans- forme par là en gemmulaire infère. La gemmule, qui plus tard devient la graine, est encore un autre genre de corme, réduit 316 T. CARUEL. à la plus grande simplicité, mais d'autre part singulièrement compliqué par son mode de développement, qui le plus sou- vent est inéquilatère et rapproche son extrémité de sa base, et toujours essentiellement caractérisé par la production de l'oogone au sein de son stipe ou nucelle. À mon avis, l’oogemme des Characées offre les plus grandes analogies avec la gemmule des Phanérogames; mais je dois dire que ce n’est pas l'opinion générale. Tous ces différents genres de cormes ont été étudiés avec le plus grand soin. La morphologie descriptive en a marqué tous les détails, et quoique la science moderne ne possède aucun grand ouvrage qui les expose tous, on les trouve parsemés en profusion dans nombre de publications diverses. La morpho- logie comparée en a relevé et fait accepter les homologies, si ce n’est pour les gemmules, dont la nature essentielle est en- core méconnue par beaucoup de botanistes. La signification morphologique de certaines parties florales est également ma- tière à discussion, ainsi que celle d’autres corps végétaux; et l’on est loin d’être d'accord sur certains principes fondamen- taux, notamment sur l’importance des rapports entre la structure histologique des plantes et leurs formes extérieures. C’est pourquoi toute tentative pour fixer ces principes, et pour mettre au clair les faits morphologiques les plus généraux relatifs aux cormes, peut avoir son prix, et Je considère la solu- tion de ce problème comme le besoin le plus sérieux de la mor- phologie dans son état actuel. Je demanderai donc au lecteur de me suivre sur ce terrain, en abordant une étude générale du corme. À la pointe extrême de tout corme en voie de développement, et notamment au centre du bourgeon foliaire, au delà des der- niers appendices placés le plus haut sur le stipe, on aperçoit un très petit relief homogène en forme d’hémisphère ou de cône, le point de végétation ou cône végétatif comme on lap- pelle, parce qu’en végétant par le haut il produit continuelle- ment de nouvelles parties du corme, de sorte que, comme je l'ai proposé, on pourrait l’appeler plus brièvement le cormogène. CORPS DES PLANTES. 3417 La formation de nouvelles parties sur le cormogène est tou- jours latérale, et à une certaine distance de sa pointe, qui par conséquent reste toujours libre; à mesure que dans le bas il perd son homogénéité, il la maintient dans le haut en s’allon- geant toujours davantage. L'apparition de ces productions latérales a lieu d'ordinaire sous forme de protubérances 1s0- lées, à peine perceptibles d’abord sur la surface du cormo- gène, mais qui ensuite en grandissant et en se relevant prennent une figure moins indécise, celle de mamelons sail- lants, en mème temps qu’elles élargissent leur base d’inser- tion. [l est plus rare que ces productions apparaissent sous la forme d’un bourrelet continu, qui entoure toute la périphérie du cormogène, et qui en grandissant s’en détache davantage en façon de gaine. Quelle est la signification morphologique de ces productions latérales du cormogène? La première idée qui se présente, c’est que ce sont des membres périphériques du corps cor- moïde, en un mot ses appendices, destinés à revêtir ensuite par l'effet du développement les caractères de la feuille ou d’un équivalent morphologique de la feuille. C’est en effet ce qui arrive très souvent pour les protubérances isolées. Les bour- relets continus peuvent également devenir l'équivalent d’une gaine foliaire, comme c’est le cas pour la pérule des bourgeons axillaires de nos Orchidacées, et des bulbilles des A/lium, ou pour l’utricule qui renferme la fleur femelle des Carex, ou pour un tégument d’une gemmule quelconque. Mais souvent aussi la nature de ces bourrelets se manifeste non pas comme individuellement appendiculaire, mais comme plus complexe, puisqu'ils devront produire de leur bord plusieurs feuilles dans les Équisétacées (Hofmeister), cinq sépales dans les Primula- cées (Duchartre, Gasparrini), et ailleurs, trois styles dans les Joncacées (Payer) et dans d’autres plantes; dans ces cas, le bourrelet originaire représente une portion commune à tout un verticille d’appendices, c’est-à-dire une gaine commune à beaucoup de feuilles dans les Équisétacées, le tube du calice de cinq sépales dans les Primulacées, le gemmulaire d’un 318 T. CARUEL. gynécée de trois pistils dans les Joncacées. On assure que dans ces mêmes Primulacées, un bourrelet apparu dans la fleur après celui du calice, en arrive à se dédoubler au haut, en pétales extérieurement et en élamines intérieurement, montrant de la sorte qu'il a virtuellement réunis en soi Pan- drocée et la corolle. De même les protubérances isolées peuvent en se développant manifester une nature plus compli- quée que celle de simples appendices, et mème se comporter d’une façon analogue au cormogène, c’est-à-dire se scinder en portions hétérogènes, en produisant latéralement des appen- dices différents du stipe qui les porte. C’est ce qui à lieu très évidemment dans les jeunes plan- tules de Rhipsalis Cassytha étudiées par Irmisch. La base de leur tige émet de vrais rameaux, ceux-ci occupent alors la place des touffes d’épines qui sont la forme définitive ordi- naire des protubérances dans les Opuntiacées; ils doivent par conséquent en être considérés comme les équivalents dans un état plus avancé. On assure que dans une Muscinée, le Fossom- broma, le rameau latéral naît à la place d’une feuille (Leitgeb). Dans les Vignes, la production des protubérances est éparse, distique ; d'abord sur les sarments elles se développent toutes en feuilles, écartées les unes des autres ; ensuite avec une al- ternance presque constante elles se développent, l’une en feuille, et la suivante en corme rameux, qui peut être une panicule avec ses bractées et ses bourgeons floraux, ou bien étant privée de ceux-ci se trouver réduite à une vrille : c’est là selon moi Pexplication toute simple d’un état de choses qui a provoqué bien des discussions sur la structure monopodiale ou sympodiale de ces plantes. Dans beaucoup de Légumi- neuses (Amorphu, Cladrastis, etc.), dans les Poacées voisines du Blé, selon les observations de Hofmeister, dans les Tilleuls et dans plusieurs autres plantes, on a de même une inflo- rescence substituée à une feuille ou à une bractée, et représen- tant par conséquent un autre état de développement d’une même partie qui est la protubérance du corme. Dans celles du Pistacia Terebinthus, des Samolus, des Thesium, des Brassica- CORPS DES PLANTES. 319 cées, de beaucoup de Crassulacées, des Carex pour les épillets femelles, c’est un bourgeon floral, avec ou sans bractée annexe, qui représente la protubérance développée. Les écailles des chatons en sont aussi un autre état. Dans certains gynécées comme ceux des Anémones, elle produit le pistil avec la Sem- mule qu'il renferme ; dans les Primulacées elle se transforme en gemmule sur le spermophore. Enfin là où l’on a des feuilles implantées sur un coussinet, soit fortement prononcé et chargé de productions épineuses, comme dans le Groseillier à ma- quereau, ou certains Acacia (A. cornigera, ete.), soit réduit à un léger relief de la tige comme dans beaucoup de Conifères, celui-ci doit être considéré comme le résultat d’un degré mi- nime de différenciation dans la protubérance, en deçà duquel il n'y à plus lieu qu’à sa transformation totale en un appendice unique. I semble que ce soit une règle générale pour toutes ces pro- ductions latérales compliquées (qu’on peut inclure dans une même catégorie sous l’épithète de pulvinaires, en se rapportant aux coussinets dont 1l vient d’être question), que l'apparition de leur premier appendice soit du côté inférieur, ou si l’on veut extérieur où antérieur par rapport au stipe qui les porte : en d'autres termes, l'appendice est dans la position qu’oc- cupent les appendices habituels du stipe, et le reste du pulvi- naire semble être à son aisselle. C’est en effet ce que l'on a cru presque universellement ; on a supposé que l’appendice était produit directement par le cormogène, et que le reste du pul- vinaire provenait d’un bourgeon axillaire, et pour expliquer l'existence de leur base commune on à supposé une soudure du bourgeon et de l’appendice axillant. L'observation génétique démontre que les choses sont tout autrement, et qu'il n’existe bas de soudure de parties, mais leur production les unes des autres par le même procédé que l’on a dans tous les cormo- gènes, et qui peut se répéter dans leurs protubérances latérales, qui alors deviennent des cormogènes secondaires par suite de ce que l’on peut regarder comme un bourgeonnement précoce. On nue peut donc pas considérer d’une façon absolue les 320 T. CARUEL. productions du cormogène comme des appendices. J’ai pro- posé de les appeler apophyses, d'un nom familier en histoire naturelle, et qui en exprime exactement la nature, puisqu'il signifie excroissance. Les Allemands les appellent tantôt pri- mordies, tantôt émergences. Notons tout de suite que la texture histologique du cormo- gène est exclusivement cellulaire, d’un parenchyme uniforme, ou à pee différencié dans sa partie la plus superficielle, et il en est de même de ses apophyses. Ge n’est que plus tard qu'il se forme dans celles-ci des fibres, lesquelles dans lacte même de leur formation se mettent en relation avec celles qui existent déjà dans la partie la plus voisine du corme. Il est donc de toute vérité de dire que les différenciations morpho- logiques précèdent les différenciations histologiques dans le corme, et ne peuvent par conséquent être déterminées par celles-ci. Quand le cormogène se prolonge beaucoup au delà du lieu de production de la dernière apophyse, sa partie infé- rieure différencie ses tissus propres et organise ses fibres indé- pendamment de lapophyse suivante, qui paraîtra comme à l'ordinaire dans une plus grande proximité du sommet du cormogène el dans sa portion purement parenchymateuse ; c’est ce qu’on voit dans les tiges couchées de certaines Fou- gères, comme le Pieris aguilina ou divers Polypodes, quiavant de produire une nouvelle feuille se prolongent même de plu- sieurs centimètres au delà de la dernière. On a fait dans ces derniers temps Les recherches les plus minu- tieuses quant aux rapports possibles entre le mode et l’ordre d'apparition des apophyses, et les modifications histologiques qui ont lieu dans le cormogène, et notamment quant à la di- rection suivant laquelle se divisent celles de ses cellules qui font ensuite partie des apophyses elles-mêmes. Mais jusqu’à présent il ne paraît pas que ces recherches puissent donner lieu à aucune considération générale. Une fois les apophyses apparues sur la surface du cormo- vène, et ayant déterminé par cela même l’autonomie du stipe, apophyses et stipe continuent à se développer ensemble, mais CORPS DES PLANTES. 321 avec une inégalité qui est en général très marquée. C’est le stipe qui ordinairement reste en arrière, et par suite du déve- loppement prépondérant des apophyses il en résulte la forma- tion de ce genre de corme qu’on appelle bourgeon, bulbe, fleur ou gemmule. Pour la fleur, comme pour le bulbe et pour la gemmule, le corme reste tel qu'il s'était conformé au com- mencement; mais pour le bourgeon, ce n’est là qu’un état transitoire, qu'il abandonne tôt ou tard par suite du dévelop- pement plus grand que prend ensuite le stipe en comparaison du développement amoindri des apophyses ; d’où résultent la branche, le rhizome, le tubercule. Quand les apophyses, comme dans les Characées ou dans certains rhizomes de Fou- gères, surgissent à de longs intervalles, le corme ne revêt pas même transitoirement la forme de bourgeon. Il peut arriver que l’accroissement en longueur du cormo- gène, au lieu de continuer également pour tous les côtés de façon en maintenir en ligne droite la direction du corme, se fasse plus fort d’un côté que du côté opposé, et alors il en ré- sulte nécessairement une courbure plus ou moins marquée de tout le corps. C’est précisément ce qui arrive dans la plupart des gemmules. Dans celles qu'on appelle campylotropes des Brassicacées, des Dianthacées, etc., le développement inégal des deux côtés oblige le nucelle (ou stipe de la gemmule) à se courber en arc ou en hameçon, et le sommet organique de la semmule, indiqué par le micropyle, est porté en conséquence à côté de sa base ou hile. Dans celles dites anatropes, qui sont les plus nombreuses de toutes, l'inégalité de développement n’agit plus comme dans les précédentes sur toute la gem- mule, mais seulement sur sa partie inférieure, et il s'ensuit que la gemmule au lieu d’être simplement courbée est pour ainsi dire renversée, le micropyle est porté à côté du hile comme dans le cas précédent, mais le nucelle finit par rede- venir droit. En dehors des gemmules, 1l est relativement rare de voir d’autres sortes de corps recourbés ou renversés par suite d’un développement inégal dans leurs côtés. Cependant il y en a des Ge série, BorT. T. XVIT (Cahier n° 6)1. 21 229 T. CARUEL.. exemples dans les bourgeons axillaires de diverses plantes bulbeuses des genres Gagea, Gladiolus, Tulipa, où le bourgeon s’allonge tellement après s'être renversé, que son extrémité supérieure se trouve portée par une espèce de pied qui peut avoir jusqu’à 2 décimètres de longueur (Tulipa sylvestris). D’autres exemples sont fournis par les Colchiques, par toutes nos Orchidacées indigènes à racines tubéreuses, et par quelques Renoncules comme la commune Ficaire, toutes plantes chez qui cette même conformation des bourgeons axil- laires est compliquée par la production d’une énorme racine adventive qui s’en détache. Le gemmulaire infère du Cyno- crabe, le gynécée nu des Podocarpus présentent des faits ana- logues, qui à vrai dire sont excessivement rares dans les cormes floraux. La production de chaque apophyse détermine dans ie lieu correspondant du stipe une aire spéciale ou nœud, toute la portion étendue d’un nœud à l’autre formant alors un entre- nœud. Quand les entre-næœuds ne doivent pas rester très courts, mais acquérir une longueur plus ou moins grande, on observe que l’allongement s’en fait partout, tantôt avec une intensité égale sur toute lPétendue de l’entre-nœud, tantôt dans une proportion plus forte vers le bas, tantôt et plus souvent vers le haut (Fermond).Quoi qu'il en soit, cet allongement arrive à un terme, et ordinairement après un temps assez court ; passé ce temps, toute croissance ultérieure du stipe ne se fait plus que dans le sens de la largeur, et dans ce sens-là elle continue in- définiment, jusqu’à ce qu’elle soit arrêtée par la mort du stipe, ou par la nature même de ses tissus comme dans les troncs endogènes. Pour ce qui est de la croissance des nœuds, on a peu fait d'observations jusqu'ici; plus que comme des corps organisés, on les à considérés comme des plans géométriques correspon- dant à l'insertion des feuilles. Mais qu'il ne faille nullement les considérer de cette façon, c’est ce qu'on peut relever déjà de leur existence matérielle, à l’état de vraies nodosités sail- lantes dans beaucoup de végétaux; ensuite de l’insertion plus CORPS DES PLANTES. 393 ou moins oblique qui est fréquente pour les feuilles, par suite de quoi il y a une distance verticale assez considérable d’une extrémité à l’autre de leur base, et à vrai dire cette distance existe pour toutes les feuilles et correspond au moins à la gros- seur du pétiole ou du limbe foliaire; enfin, du mode de se com- porter soit de certains bourgeons, comme ceux du Laurier, qui, nés au nœud à une aisselle de feuille, s’en éloignent en- suite graduellement en se portant plus haut, soit de certaines inflorescences comme celles de la Tomate, qui, nées en oppo- sition directe à une feuille, perdent ensuite cette position pour se trouver placées ou plus haut ou plus bas : ce qui arrive tou- jours par un procédé d’allongement du nœud, qui suffit à expliquer comment tant de fleurs (dans les Sedum par exemple) et tant d’inflorescences (exemple : Asc/epias) se trouvent être extra-axillaires, sans correspondance directe avec une feuille ou une bractée. Il n’est donc pas irrationnel de regarder cer- taines tiges, celles des Gycadacées ou des Palmiers par exemple, comme constituées par une série de nœuds se suivant sans intervalles d’entre-nœuds. Tout stipe présente au commencement la direction recti- ligne et la forme relevée. Nous venons de voir comment la di- rection peut changer et le stipe se courber ou se renverser avec tout le corme dont il fait partie, par suite d’une inégalité laté- rale de développement. Il peut se faire aussi qu'il perde la forme relevée et se creuse pour ainsi dire, également par un développement Imégal dans son centre et à sa périphérie. Dans certaines inflorescences, et notamment dans celles des Fi- guiers, dans l’infructescence des £chinophora, et surtout dans beaucoup de fleurs, c’est-à-dire toutes celles dont l'insertion de leurs parties appendieulaires est dite périgyne ou épigyne, l'accroissement en longueur du stipe est bientôt distancé par son accroissement en largeur, et puis la portion centrale du très Jeune corme s’arrètant presque, et sa portion périphérique grandissant toujours davantage, on voit celle-ci se soulever tout à l’entour, et le stipe passer à une figure plus ou moins con- cave. Get arrêt de développement peut se manifester, non pas 324 T. CARUEL. au centre seulement au sommet organique du corme, mais dans différents points de sa surface, et il en résulte autant de fossettes dans le stipe ; telle est l’origine des alvéoles dans le réceptacle d’un Dorstenia et d’un Artocarpus, dans le thalame d’un Nelunbo ou des Monimiacées pour y loger les pistils, des Mélastomacées pour y loger les étamines, dans le spermo- phore des Cyclamen et autres Primulacées ; telle est aussi l'origine des loges de certains gemmulaires infères comme celui des Mesembrianthemum. Parfois l'arrêt de développement qui creuse un stipe au sommet se complique d’une inégalité laté- rale dans la croissance; c’est ce qu'on voit dans certains tha- lames, des Melianthus, des Tapeinotes, de l’'Heterotoma lobe- lioides, qui s’allonge d’un côté en emportant avec lui une portion du calice et de la corolle, ou dans celui des Pelur- gontum, dont une moitié se trouve bien au-dessous de l’autre moitié, et forme avec une portion du périanthe un tube sur un côté du pédicelle floral, ou encore dans celui des Capu- cines et des Vochysiacées, qui est creusé d’un côté en sac ou éperon. Je viens de rappeler que c’est surtout et presque exclusive- ment le stipe floral, ou thalame, qui se creuse de la sorte, et forme une cupule comme on l’a appelée. Un usage ancien vou- drait qu'on le rapporte au périanthe, et qu’on l'appelle selon les cas tube calicinal où tube périgonial, qu'il soit inséré sous le gynécée comme dans les Lythracées ou les Éléagnacées, ou dessus comme dans les Œnothera ou les Narcisses. Si à cette modification il s’en joint une autre spéciale des appendices floraux les plus internes, ceux du gynécée, qui se limitant à leur portion stylaire s'unissent pour fermer la bouche de la cupule, celle-ci produisant alors dans son intérieur les bour- geons qui plus tard deviendront les graines, se transforme par là en gemmulaire. C’est là l’origine manifeste et l’explica- tion toute simple du gemmulaire dit infère; qu'autrefois on expliquait par la supposition toute gratuite, d’une soudure sur les côtés entre un gynécée central et toutes les parties de la fleur situées en dehors de lui. CORPS DES PLANTES. 325 Depuis les temps d'A. L. de Jussieu les termes d’épigynie, de périgynie et d’hypogynie sont devenus familiers, après qu'il les eût proposés pour marquer la position relative du gy- nécée et des autres parties florales et en particulier des éta- mines. Le terme d’épigynie est tout à fait propre parce qu’il traduit le fait vrai; par contre l’hypogynie se confond avec la périgynie, à cause de l’extrème difficulté et souvent de l’im- possibilité d'établir une ligne de démarcation entre les deux modes d'insertion dans les thalames aplanis, qui sont le plus grand nombre, et c’est pourquoi quelques auteurs ont proposé de les réunir sous le nom d’amphigynie; mais peut-être vau- drait-il mieux faire usage des termes suivants en regard d’épi- gynie : épithalamie, épicalicie, épicorollie, épipérigonie. De la même manière que souvent tout le thalame est con- cave, une portion seulement peut prendre cette forme. La plupart des fleurs à corolle gamopétale portent les étamines insérées sur elle, ainsi qu’on à l’habitude de le dire, considérant comme une partie du tube corollin le corps tubuleux qui est au-dessous du lieu d'insertion des étamines, parce qu'il x la même apparence qu’au-dessus, bien qu'il doive être considéré plus justement comme la portion du thalame placée en dedans du calice, exhaussée et devenue concave. De même dans le Pœonia Moutan, le thalame se soulève entre l’androcée et le gynécée en un Corps Concave, et qui, façonné en guise d’outre, renferme ce dernier; la même chose a lieu dans beaucoup d’autres plantes (Agrumes, etc.), mais à un degré beaucoup moindre, il en résulte comme une écuelle placée sous le gyné- cée, ou même un simple bourrelet qui l’entoure à la base, ou comme autant d’écailles séparées. Un léger relief tout semblable du thalame peut exister, mais beaucoup moins fréquemment, entre la corolle et les étamines, comme dans le Réséda et autres plantes de la même famille. Des modifications ana- logues peuvent se rencontrer dans la partie supérieure des thalames, qui inférieurement sont transformés en gemmu- laires infères; ainsi dans les Astéracées, les Rubiacées, les Gesnéracées, etc. C’est l’usage de nos jours de décrire toutes 326 T. CARUEXEX. ces protubérances thalamiques sous le nom collectif de disques : nom peu approprié en vérité, car 1] donne l'idée d’une forme qui n’est pas habituelle dans la partie qu’on dé- signe ainsi, et il a outre cela l'inconvénient encore plus grand d’être appliqué également à n'importe quelle apparence un peu insolite dans le thalame, ainsi par exemple quand (Ævo- nymus, Jujubier, etc.) celui-ci se montre plus gonflé que d’ha- bitude, ou quand (Amandier, Rhamnus, etc.) sa face interne prend une consistance glanduleuse, et à n'importe quelle mo- dification semblable dans d’autres parties de la fleur, par exemple le gonflement basilaire des styles dans les Apiacées, qu'on qualifie aussi de disque épigyne. Si l'accroissement périphérique du stipe se fait dans des proportions partout égales, le stipe devra rester cylindrique ; s’il en est autrement, sa périphérie se relèvera en parties sail- lantes alternant avec d’autres parties déprimées. Ces saillies, qu’on observe fréquemment sur les tiges, prennent la forme de côtes longitudinales, qui sont toujours dans un rapport dé- terminé avec des feuilles isolées, ou avec tout une série de feuilles. Elles sont surtout très en relief dans les plantes cactoïdes, telles que : Cereus, Echinocactus, Euphorbes grasses, ete., chez qui elles sont même sujettes à se bifurquer au haut, et elles portent sur leur arête les touffes d’épines qui chez ces plantes sont des productions apophysales. On peut en observer aussi sur le stipe floral, notamment là où il s’est constitué en gemmulaire infère, soit sur sa face extérieure (Orchidacées, etc.), soit sur l’intérieure, où des côtes sem- blables, saillant dans la cavité gemmularienne, se couvrent de semmules et se transforment ainsi en spermophores (Gucurbi- tacées, Aristolochiacées), qui eux aussi ont des rapports dé- terminés de position avec les appendices stylaires. Ïl est facile d'établir une analogie entre les reliefs de la tige, et ceux que dans le thalame on réunit sous le nom de disque, et qui jadis on était porté à considérer plutôt comme des ap- pendices atrophiés. Cette autre analogie, que J'établis ici entre les côtes externes d’une tige cannelée, et les côtes internes CORPS DES PLANTES, 3927 d’un gemmulaire faisant office de spermophores, sera admise bien plus difficilement ; tellement on est encore, malgré toutes les démonstrations génétiques, sous l'empire de la théorie car- pellaire, qui voudrait que tout gynécée se composàt rien que d’un certain nombre de feuilles carpellaires, soudées ensemble pour former les gynécées complexes, et rentrant leurs bords pour former les vraies cloisons spermophores, soigneusement distinguées des fausses cloisons ayant quelque autre origine. Et pourtant, s’il est de toute évidence que dans une Renoncu- lacée ou une Alismacée les gemmules sont une dépendance de parties appendiculaires du gynécée, qu'ailleurs les cloisons du gemmulaire représentent les bords rentrants de ces mêmes parties appendiculaires, il est tout aussi clair que dans beau- coup de plantes, et toujours dans celles à gemmulaire infère, les spermophores, ne pouvant leur être rapportés, doivent être regardés comme des saillies de la partie stipitale de la fleur. La terminaison de la tige et des branches est souvent un bourgeon. Ailleurs elles se terminent en épmes, ou s'arrêtent comme tronquées (Garissa Arduina) ou épuisées. De même dans les rafles d’inflorescence, G. Morren a décrit un cas anor- mal des plus singuliers, d’un Gesnera dont le sommet de la tige s'était épanoui en une feuille colorée et bien plus grande que les feuilles ordinaires de la plante. La terminaison du tha- lame est en général imperceptible ; et est il rare qu’il se pro- longe au delà de ses dernières productions latérales, comme cela arrive pourtant dans les Nymphéacées, dans les fleurs sta- minifères des Chamcædorea selon Schleiden, dans celles de beaucoup de Cucurbitacées et d'Euphorbiacées, où l’on a l'ha- bitude de considérer cette partie terminale comme un rudi- ment de gynécée atrophié, mais tout à fait arbitrairement. Parfois, chez les Polygonacées par exemple, la terminaison du stipe thalamique est une gemmule. Ce qu'il y a de plus singu- lier sous ce rapport, c’est la structure des fleurs staminifères des genres Naias, Euphorbia, Pedilanthus, Anthostema, Cal- litriche, Gasuarina, Gyclanthera, chez qui le thalame se pro- longe directement dans l’étamime unique qui constitue l’an- 328 T. CARUEL. drocée de ces fleurs. Le style du Cynocrambe semble être une production centrale stipitale de l’anthogène. Une modification tout à fait exceptionnelle et des plus sin- gulières du thalame est celle qui fournit le gemmulaire infère des Rafflésiacées. Il est d'abord plein dans la très jeune fleur; plus tard 1l devient tout lacuneux dans son intérieur, et c’est sur les parois des lacunes intercellulaires que poussent enfin les gemmules (Solms). Ce genre de modification intérieure prépare à celle qu'on voit affecter le stipe des gemmules, le nucelle: je veux dire celle qui saisit une des cellules constituantes du nucelle, et la transforme en organe femelle, en oogone ou sac embryonnaire, apte à développer dans son sein les oosphères, soit vésicules embryonnaires, soit corpuscules chez les Conifères (1). On a cherché à établir une relation d’analogie entre les Pha- nérogames, surtout les Conifères, et les Prothallogames, en comparant les corpuscules, l’oogone et l’amande des premières, à l’archégone, la macrospore et le prothalle des secondes. Bien que ces analogies soient en grande faveur en Allemagne, il semblerait bien plus naturel d’en voir une entre e nucelle et l’archégone (ce qui entrainerait à l’analogie entre toute la gemmule et le prothalle, notamment quand il est très simple comme dans les /soëtes, etc.), fondée sur la considéra- tion que ce sont également des organismes cellulaires d’abord homogènes, dont une cellule, en se différenciant, se trans- forme en oogone. On peut aussi établir une comparaison entre l'organe femelle dans le régne végétal et celui des animaux. Chez ceux- ci l’œuf est une cellule spécialisée d’un corps cellulaire qui est (1) C'est AL. Braun qui reconnut dans les corpuscules de R. Brown les oosphères des autres Phanérogames, puisque ce sont eux qui, après avoir subi la fécondation, produisent le proembryon et puis l'embryon. La différence qu'il y a entre l'oogone de la généralité des Phanérogames et celui des Conifères consiste en une organisation plus avancée chez ces derniers, avec leurs oosphères revêtues d’une membrane et l’oogone rempli de parenchyme, c’est- à-dire dans un état auquel les autres Phanérogames n'arrivent qu'après la fécondation. CORPS DES PLANTES. 329 l'ovaire, avec sa paroi propre (membrane vitelline), son con- tenu (substance vitelline), un nucléus et un nucléole (vésicule ou tache germinative) : l'œuf correspond donc à l’oogone, la tache germinative à l’oosphère, et le reste de son contenu plasmique à lamande ; par conséquent l’ovaire correspond au nucelle. D’où l’on voit combien s'étaient fourvoyés les anciens anatomistes quand ils comparaient la graine végétale à l'œuf animal, et d’autres plus modernes qui appelèrent ovu/e la jeune graine, et ovaire son récipient, et combien eurent raison Endlicher et Schleiden quand ils proposèrent pour lovule le terme de gemmule, qui amène avec lui le terme correspondant de gemmulaire pour l'ovaire. Entre toutes les Phanérogames, les Viseacées et les Loran- thacées ont une gemmule toute spéciale. Les oogones sont des cellules de ce même stipe floral qui porte les pièces du périanthe (avec l’androcée, quand il existe) et plus intérieure- ment, les pistils réduits à leur portion stylaire. Ici donc, on peut dire que toute la fleur est une gemmule (et ensuite une graine), ayant son nucelle infère. Ge cas, jusqu'ici mal mter- prêté, correspond, jusqu’à un certain point, à celui des Gnéta- cées où précisément dans le genre Gnetum, l'oogone se forme dans le nucelle, au-dessous de l'insertion du gemmulaire, où le nucelle lui-même devient par conséquent semi-infère. La bifurcation, si commune dans les thalles, est très rare dans les stipes. Dans les seules Lycopodiacées et Sélaginella- cées, elle est universelle et évidente ; elle se retrouve dans quel- ques Fougères, ou selon Hofmeister, dans toutes. On la nie en général parmi les Phanérogames, mais quelques-uns lad- mettent, d’après les recherches de Kaufmann, dans les inflo- rescences de certaines Borraginacées. M. Clos estle seul à Pad- mettre d’une manière générale, sous le nom de partition, dans les inflorescences de Borraginacées, Brassicacées, Rosacées, Cistacées, Solanacées, etc., partout enfin où il existe des pédoncules et pédicelles extra-axillaires : mais ceux-ci s’ex- pliquent tout autrement si on les rapporte à la catégorie des pulvinaires que nous avons étudiée plus haut. 330 T. CARURE. Les productions pileuses, ou trichomes du stipe, se mon- trent habituellement après les apophyses; rarement, comme dans l'Ufricularia(Pringsheim), apparaissent-elles sur le cor- mogène avant sa différenciation en stipe et en apophyses ; elles peuvent se produire aussi beaucoup plus tard sur des parties vicillies, comme cela a lieu pour le chevelu si singu- lier qui se développe après la floraison sur les pédicelles sté- riles du Fustet (Rhus Cotinus). Elles peuvent prendre une dis- position régulière, ainsi que cela se voit pour les bandes de poils qui sont sur la tige du Mouron des oiseaux (Stellaria media), où pour celles qu, dans certaines Jungermanniacées (Plagiochila asplenioides, etc.), se substituent à une série de feuilles. Ges productions pileuses peuvent revêtir, outre la structure de poils proprement dits, d'épines, etc., celle de rhizines ou d’archégones et d’anthéridies, ceei dans les Musci- nées cormophytes. L'ordre dans lPapparition successive des apophyses sur le cormogène est en prévalence de bas en haut, c’est-à-dire dans une direction progressive ascendante. C’est ce qu’on peut con- sidérer comme la règle ; mais les exceptions ne manquent pas, surtout dans les fleurs, où il y a maint exemple de direction descendante régressive. Ainsi, le calice apparaît après la corolle et l’androcée dans les Dipsacacées (Duchartre), Valérianacées, Rubiacées (Payer) et Astéracées, — la corolle après landro- cée dans certains Hypericun et Tilleuls (Hofmeister), — les écailles périgoniales après l’androcée dans les Poacées trian- dres (Payer), — la corolle avec Pandrocée après le gynécée dans les Phaséolacées (Hofmeister),— le verticille extérieur d’étamines aprèsle verticille intérieur dans nombre de familles diplostémones comme (Géraniacées, Zygophyllacées, ete. (Hofmeister), —de même dans les Cuphea où, en outre, la corolle apparait après l’androcée (Kochne), — les étamines successivement plus externes après les internes dans l’andro- cée polystémone du Thé, des Gistes et du Caprier (Payer), — les étamines les plus internes après les pistils dans les Rosa- cées polystémones comme la Rose, la Ronce, etc., ou dans le CORPS DES PLANTES. 391 Grenadier (Hofmeister), — enfin, les gemmules sur le spermo- phore des Primulacées de haut en bas (Duchartre). Maisoutre les fleurs, nous avons une autre exception fournie par les Chênes, par le Châtaignier, par le Hêtre, dans leur imvolucre, dont les bractées internes, si manifestes lors de la fructescence, apparaissent après la formation des fleurs. Dans les gemmules enfin, c’est une règle sans exception que les téguments appa- raissent en direction descendante, c’est-à-dire Pextérieur après l’intérieur quandil y en a deux, et l’arille en dernier heu quand ce troisième tégument se forme. Les apophyses placées dans un même plan paraissent simul- tanément. Cependant il y a des exceptions : ainsi dans les ver- ticilles foliaires des Characées et du Salvinia étudiés par Pringsheim, l'apparition est successive, et il en est de même dans les calices en général et dans plusieurs périgones, et dans l’androcée de certaines Aizoacées et Polygonacées suivant Payer, où des apophyses nouvelles viennent s’interposer laté- ralement entre d’autres apparues antérieurement. Il est vrai que dans ces cas on pourait en inférer qu'il s’agit non pas de vrais, mais de faux verticilles. Dans la fleur papihionacée étudiée par Payer, les apophyses de tous les verticilles naissent de l'avant à l'arrière de la fleur, tandis que le contraire a heu dans les Résédacées où elles naissent de l’arrière à l'avant. Tout ce procédé d'apparition successive des apophyses sur le cormogène peut s'effectuer rapidement; 1l en est ainsi pour la formation de beaucoup de fleurs, peu de jours y suffisent. Ailleurs, il est beaucoup plus lent, par exemple dans le déve- loppement à peine perceptible des bourgeons dans nos climats depuis l’automne jusqu’au printemps. Il est excessivement lent dans certains cas spéciaux : ainsi, le rhizome de l'Ophioglos- sumvulgatumne donne qu'une feuille chaque année (AT. Braun), et la production en est aussi très lente dans les autres Ophio- glossacées. À part quelques rares exceptions, les apophyses se succèdent sur le cormogène à une distance verticale minime. L’écarte- ment horizontal de l’une à l’autre varie à l’extrème, non seu- 339 T. CARUEL. lement de plante à plante, mais sur là même plante et sur le même stipe, et ne semble être soumis qu'à une seule loi géné- rale, c’est que chaque apophyse successive tend à surgir dans l’espace libre correspondant au-dessus des deux apophyses précédentes. C’est la loi dite d’alternance, qui s'oppose à la superposition directe des apophyses, et qui préside à ce qu'on a appelé leur symétrie, c’est-à-dire à leur distribution sur le stipe. Elle ne-paraît souffrir que bien peu d’exceptions, si ce n'est dans la fleur. Je n’en connais qu’un avéré pour les feuilles, fourni par le Potamogeton densus, dont les feuilles opposées se superposent sur deux lignes. On a cité comme cas excep- tionnel d’appendices foliaires superposés sur une ligne unique d’un côté du stipe ceux des Ricciées, plantes thallophytes et en même temps folufères à leur face inférieure : sit ant est qu’on ne doive pas, avec M. Kny, refuser la qualité de feuilles aux petites lames qui revêtent cette face du thalle ; on aurait pu citer aussi les lames semblables du genre voisin Targionia, disposées sur deux lignes collatérales et opposées d’une ligne à l’autre. Dans les fleurs, on trouve assez fréquemment une autre dis- position substituée à l'alternance et qui en est précisément l'inverse, la contreposition(1), quand les membresde verticilles successifs sont placés vis-à-vis les uns des autres au lieu d’al- terner, comme dans les fleurs staminifères de la plupart des Urticacées qui consistent en deux verticilles contreposés. C’est ce qui a lieu plus spécialement pour les membres de l’andro- cée, par rapport au périanthe, comme dans la Vigne, dans les Primulacées, les Chénopodiacées, etc,, et quelquefois par rapport au gynécée, comme dans les Iridacées. Il faut pour: tant dire que ce cas, outre qu'il est le moins fréquent, n’arrive presque jamais pour plus de deux verticilles consécutifs, et que l’on regarde comme extraordinaire la fleur de Sabia qui a trois verticilles contreposés ; c’est pourquoi l’on considère la contreposition comme une exception à la règle de l’alternance, (4) On dit généralement opposition, mais celle-ci est proprement la dispo- sition sur deux côtés opposés d’un stipe. Payer disait superposition, terme qu’il faudrait réserver pour les cas de contreposition à des hauteurs différentes. CORPS DES PLANTES. 333 et l’on a cherché à l'expliquer en supposant, tantôt la dispari- tion par avortement d’un verticille intermédiaire qui aurait alterné avec les deux verticilles contreposés el rétabli ainsi l'alternance générale, tantôt la production par dédoublement des membres d’un verticille, de ceux qui se trouvent placés devant eux. Plus tard, nous pourrons rechercher la valeur de ces hypo- thèses ; cependant on peut faire, dès à présent, la réflexion qu'il n’y à, a priori, aucune nécessité organique pour lPalter- nance constante dans les verticilles d’une fleur, si l’on sup- pose chaque verticille produit par le rapprochement extrème de deux, auquel cas ces verticilles doublés seraient contreposés en succession et non point alternants. Ceci n’est point une supposition gratuite, comme le prouve l’exemple de la Ga- rance, qui, dans ses turions, présente d’abord des écailles opposées à chaque nœud et alternantes d’un nœud à Pautre, auxquelles succèdent des verticilles de quatre feuilles exacte- ment superposées d’un nœud à l’autre, et qui auraient été, par conséquent, contreposées dans le cas hypothétique du rappro- chement extrème des nœuds. Dans quelques cas, qui ne sont pas très rares, les verticilles prennent une disposition exactement intermédiaire entre l’al- ternance et la contreposition ; c’est ainsi que, dans le périanthe des Brassicacées, 1l y a deux sépales extérieurs, puis deux autres sépales intérieurs alternants avec les premiers, puis quatre pétales qui rendraient dimère tout le périanthe s'ils se suivaient dans le même ordre; mais comme ils forment un seul verticille ils se disposent obliquement de manière à croiser les quatre sépales et à alterner avec leurs deux verticilles en même temps; c’est ainsi encore que, dans les Potamogeton, l’androcée est de quatre élamines en deux verticilles alter- nants, puis viennent quatre pistils qui alternent avec les éta- mines, comme si celles-ci formaient un seul verticille. On a une autre déviation de la loi d’alternance dans les Asarum, par exemple, où deux verticilles trimères alternants du périgone sont suivis de trois verticilles hexamères de l’an- 334 T. CARUEE.. drocée et du gynécée, alternants entre eux, mais dont le pre- mier a ses membres successivement alternants et contre- posés aux pièces intérieures du périgone; ou bien encore, par exemple, dans le Cytinus, où un périgone tétramère est suivi d’un androcée ou d’un gynécée d’un seul verticille 6-mère ou 8-mêre. Par suite de l'alternance. les apophyses verticillées par deux (opposées) ou par plus de deux forment nécessairement le long du stipe des files verticales ou légèrement obliques, en nombre double des membres des verticilles, et qui vont par conséquent de quatre ou de six, nombres les plus fréquents, à un nombre très grand dans les Myriophyllum, V'Hippuris ou les Prèles. Les apophyses éparses (4) forment de même desfiles (elles sont fortement inclinées dans les Pandanus), dont le nombre dépend de l’écartement horizontal des apophyses, c’est-à-dire de leur arc de divergence. De là, en premier lieu, la disposition distique ou sur deux files opposées, avec l'arc de divergence égal à : de la circonférence du stipe ; très rarement a-t-on les deux files collatérales, e’est pourtant ce qu’on voit à la face inférieure du thalle du Lunularia pour ses lamelles foliaires, et pour de vraies feuilles à la face supérieure du rhizome rampant du Pilularia, des Marsilia, de diverses Fougères, telles que Pteris aquilina où Polypodium vulgare. Puis les dispositions éres- tique, tétrastique et ainsi de sutte, indiquées par des ares de divergence de +, ?, elc., de la circonférence, jusqu’à un maxi- mum jusqu'ici noté de cent quarante-quatre files, qui est, selon quelques observateurs, le nombre des rangées de brac- tées dans une inflorescence vigoureuse de Soleil, et jusqu'à un minimum de divergence de + à +, vérifié par Braun pour les bractées de lAcorus Calamus; mais ces petites diver- gences sont fort rares, et en général elles oscillent entre 5 et ;. Naturellement, la ligne imaginaire qui jomdrait, selon leur ordre de succession, les bases d'insertion des apophyses (1) On dit ordinairement alternes, mais ce terme ayant une autre significa- tion, celle dans laquelle nous l’avons employé jusqu'ici, ne peut pas servir à désigner aussi la disposition des apophyses solitaires à chaque nœud. CORPS DES PLANTES. 3939 éparses, décrirait autour du stipe une hélice ascensionnelle, dont un seul tour suffit pour ramener dans la position distique ou tristique une troisième ou une quatrième apophyse au- dessus d'une première prise pour point de départ, dont il faut ordinairement un nombre toujours croissant de tours pour obtenir le même résultat quand les files sont plus de trois ; et il est facile de voir que, dans tous les cas, l'arc de divergence sera indiqué précisément par une fraction dont le numérateur sera le nombre des tours de l’hélice pour aller d’une apophyse à celle qui lui est immédiatement superposée, et dont le déno- minateur sera le nombre des apophyses de la première à la dernière. Tels sont les résultats essentiels positifs de beaucoup d'é- tudes qu’on à faites sur ce sujet, après que G. 3. Schimper, Al. Braun et les frères Bravais eurent ouvert la voie avec leurs écrits classiques. Cependant les botanistes, non contents de cela, furent induits, par lPapparence mathématique que ce senre de recherches revêtait, grâce à ces lignes géométriques et à ces nombres, à s’en occuper comme de problèmes de mathématiques. Ils se préoccupèrent de chercher un angle de divergence moyen unique, et crurent lavoir trouvé dans l’angle de 137° 30° 28", irrationnel à la circonférence de 360 degrés. En examinant les fractiohs qui expriment les angles de divergence, ils virent qu’on pouvait en faire certaines séries bien connues, où chaque fraction successive résulte dans le numérateur et dans le dénominateur de l’addition des termes correspondants des deux fractions précédentes; les- quelles séries ayant une formule générale, chacun de ses membres se trouve être une autre expression d’une certaine fraction continue, ete. Et entrés dans cette voie, les botanistes y persévèrent en appliquant le caleul à une matière qui n’en est pas susceptible, puisque les faits naturels relatifs aux organismes ne se présentent Jamais avec la rigoureuse déter- mination qu'il faudrait pour cela. Ajoutons que cette oiseuse application des mathématiques est demeurée tout à fait stérile, n'ayant donné aucun résultat que l'observation n’eût 330 T. CARUEL. déjà fourni auparavant et qu'on ne puisse exprimer sans formules; c’est un résultat auquel on devait s'attendre, si l’on avait noté dès le début que la base de toutes ces manipu- lations de chiffres, c’est-à-dire les séries rappelées plus haut, est entièrement arbitraire. On a disputé pour savoir quelle est la disposition fondamen- tale des apophyses, si celles qui sont éparses doivent être con- sidérées telles par suite d’une dissolution, pour ainsi dire, d’un verticille, ou si les apophyses verticillées et opposées le sont par une espèce de fusion de nœuds. La vérité est qu’à un nœud il y à tantôt plus de deux enophyses équidistantes dans le même plan horizontal, tantôt deux, tantôt une seule unila- térale, sans que pour cela aucun de ces faits se manifeste comme dépendant d’un autre. Ajoutons que les feuilles fasci- culées des Mélèzes ou des Pins, les feuilles géminées de beau- coup de Solanacées, celles de certaines Conifères, comme le Thuia gigantea, où de l’Acacia verticillata, ayant l'apparence d’être verticillées, les faux verticilles, si fréquents dans les fleurs, et souvent si difficiles à distinguer des vrais, sont autant de faits qui démontrent les connexions intimes entre les divers modes de distribution des apophyses, démontrées également par leurs fréquents changements de distribution, soit nor- maux, soit anormaux, sur un même stipe. Les observations qui précèdent se rapportent à la symétrie des apophyses sur leur stipe ; et toutes les fois que ce stipe est isolé, elles ne peuvent en avoir d'autre. Mais quand il est en connexion avec un autre stipe dont il provient, ses apophyses ont une relation de position avec lui : ou elles lui sont ados- sées (contreposées), ou dans la position inverse (opposées), ou placées d’une façon intermédiaire, de côté; ce qu’on tra- duit généralement par les expressions de postérieures, anté- rieures et latérales. Les considérations de détail dans les- quelles on peut entrer à ce sujet sont des plus intéressantes, el trouvent leur application la plus importante dans l'étude de la symétrie florale. Des torsions (Fumariacées, Orchidacées, Trifolium resupi- CORPS DES PLANTES. 337 natum), des courbures (Violette, Erythrina) peuvent masquer cette symétrie. Une cause beaucoup plus fréquente, qui donne le même résultat, est l'inégalité de développement des membres d’un même verticille. Déjà on l’aperçoit dans les paires de feuilles de certaines plantes, telles que le Séellaria media, le Lychnis alba, des Rubiacées, des Acanthacées, des Mélastoma- cées; et c’est elle qui donne les fleurs dites rrégulières (ou zygomorphes par les Allemands), par opposition aux régulières (ou actinomorphes), qu’elles le soient en totalité dans tous leurs verticilles, ou dans quelques-uns seulement, avec le plus grand développement tout d’un même côté de la fleur, ou bien plus souvent de côtés opposés pour divers verticilles, tantôt de l'arrière à l'avant, tantôt latérale ou oblique. Pous- sée à l'extrême, cette inégalité amène l’atrophie et finalement l'avortement ou disparition totale de quelque membre. C’est ce qui a lieu, selon Irmisch, pour les feuilles du Cynocrambe, et indubitablement pour beaucoup d’appendices floraux, comme il est prouvé par l’analogie entre des plantes voisines, dont les unes ont une partie donnée de la fleur à l’état normal, d’autres l'ont atrophiée, d’autres n’ofirent plus rien que sa place vide. On acquiert ainsi la conviction que les Gorolliflores qui ont un androcée tétramère ou dimère dans une fleur pentamère, les Poacées à périanthe et à androcée réduits, l'Amorpha à corolle réduite, les Hibbertia à androcée unilatéral, sont dans cet état par suite d’un phénomène d’avortement. Dans ces cas et d’autres semblables, l'induction qu’on tire de l’analogie seule est logique et légitime; en d’autres termes, on déclare qu'une partie manque dans une fleur, pour la raison qu’elle se trouve présente dans une autre fleur ayant la même structure pour Lout le reste. L’induction est confirmée par des faits téra- tologiques qui ne sont pas rares, par exemple, celui de la cin- quième étamine qui reparaît dans les Linaires péloriées, ou celui des fris qui quelquefois développent les trois étamines habituellement absentes. Toutefois, quand on raisonne ainsi par analogie, on ne peut jamais procéder avec trop de pru- dence; car, 1l faut bien le dire, cette méthode de raisonne- 6° série, BoT. T. XVII (Cahier n° 6)2, 22 338 T. CARUEL. ment a conduit bien souvent à des conclusions peu Justifiables, par suite du désir qu'on a eu, dans l’étude des fleurs, de les ramener toutes à un petit nombre de plans de symétrie, ou même à un seul, ainsi qu'on peut s’en assurer en lisant les écrits de de Candolle, qui fut l’ardent avocat de la théorie des avortements, jusqu'aux écrits contemporains inspirés des mêmes idées. Le phénomène inverse de l’hypertrophie de quelque partie florale au point de la faire changer de nature et de masquer la symétrie, ainsi que cela se voit dans les Canna, est beaucoup plus rare. Très souvent, au contraire, ce résultat est donné par deux autres phénomènes, la division des apophyses flo- rales, et leur union, conséquences fréquentes de leur dévelop- pement. Un des résultats les plus habituels du développement des apophyses simples est leur division, quand, par suite d’une croissance inégale sur leurs bords, certaines parties devien- nent saillantes sur le reste et constituent des lobes plus ou moins prononcés. De là toutes les formes de feuilles lobées, jusqu'aux plus composées, ainsi que l’origine des vrais sti- pules; de là les divisions beaucoup plus rares des enveloppes florales, les paires d’étamines de l’Adoæa ou des Brassicacées, les étamines triples des Lauracées, les étamines multipliées des Agrumes (Payer), les styles subdivisés de plusieurs Euphor- biacées. Un procédé semblable peut dédoubler l’appendice, c'est-à-dire le partager entre deux plans parallèles; d’où viennent les ligules des Poacées, des Melianthus, des Pota- mogeton, de lHouttuynia, les portions fertiles des sporo- phylles des Ophioglossum, les écailles de la corolle de certaines Dianthacées et Borraginacées, ou du Laurier-rose, la couronne périgoniale des Narcisses et autres Amaryllidacées. Enfin, 1l peut se faire qu'il y ait division latérale et dédoublement en même temps, comme dans les pétales du Réséda, dans les éta- mines du Ricin (Payer), des Malvacées (Duchartre), des espèces d’Hypericum qui en ont un faisceau là où des congé- nères n’en ont qu’une seule. CORPS DES PLANTES. 339 L’inverse de ce phénomène est celui où deux ou un plus orand nombre d’apophyses, d’abord séparées, se montrent ensuite unies ensemble. On l’a désigné sous le nom de soudure, qui ayant été appliqué à des ordres de faits très différents, a besoin d’être mieux précisé et restreint à un seul. On peut dire qu'il y a une vraie soudure toutes les fois que deux parties qui ont existé séparément Jusqu'à un moment donné, contractent ensuite entre elles une adhérence au moyen d’un lien réciproque. Ainsi comprise, la soudure n’est pas chose fort commune. Il y en a pourtant des exemples : dans tous les pétales des Phyteuma, et dans les deux pétales inté- rieurs des Fumariacées soudés ensemble par leur sommet; dans les anthères de presque toutes les Astéracées et autres familles voisines, soudées par les côtés de manière à former un tube autour du style ; dans les anthères et en partie dans les filaments des Balsaminacées (Payer) ; dans les styles des Apo- cynum, des Vinca et autres Apocynacées, qui de deux devien- nent un seul, des Asclépiadacées dans leur extrémité stigma- tique, où il y a, en outre, soudure des anthères sur tout le contour du stigmate (Payer); dans les anthères et les stig- mates des Strelitzin, soudés avec deux pétales qui les enve- loppent; dans l’anthère des Naias, soudée avec le périgone intérieur (Magnus); dans les pistils des Rosacées pomifères, pressés au fond d’une cupule charnue et se soudant latérale- ment ensemble ; dans ceux des Hellébores et genres voisins, d’abord ouverts du côté intérieur et puis fermés par une sou- dure de leurs bords; dans les gemmules du Cynomorium et autres Balanophoracées, dont la surface se soude à la paroi de la cavité gemmularienne. Dans ces cas, la soudure peut être effectuée par une espèce de greffe par approche, qui fait que les tissus des parties soudées s'unissent intimement et se con- fondent, c’est ce qui a lieu pour les styles des Asclépiadacées et des Apocynacées ; mais il arrive plus souvent que la soudure est la conséquence d’une production de papilles saillantes sur les deux surfaces en contact, qui s’encastrent ensemble de l’une à l’autre et les font adhérer plus ou moins fortement, 340 T. CARUEL. étant aidéés quelquefois par la sécrétion d’un liquide visqueux, comme c’est le cas pour les anthères des Astéracées. Tout autre est le procédé qui préside à la formation de la plupart des calyces gamosépales, ou des coroiles gamopé- tales, ou des étamines monadelphes et autres parties sem- blables. Pour s’en rendre compte, que l’on observe une très jeune fleur de quelque Lamiacée. Sur le cormogène hémisphérique ndivis qui la représente tout d’abord, on verra apparaître successivement, et de l'arrière à l’avant, cinq apophyses pla- cées en cercle et distinctes les unes des autres, mais qui bientôt, élargissant leur base, se réunissent, on pourrait dire qu'il y a confluence entre elles, et il en résulte une base com- mune faite en anneau, qui ensuite en croissant, surtout par le bas, s’exhausse par degrés et devient un tube. C’est là précisé- ment le tube du calice, comme les apophyses primitives en sont les lobes. Lors de la première confluence de ceux-ci, cinq autres apophyses apparaissent sur le cormogène en alter- nance avec les lobes calicinaux, et ce sont les futurs lobes de la corolle, lesquels se réunissent ensuite par le même procédé d’élargissement basilaire, et 1ls marquent ainsi le commence- ment de la partie supérieure du tube corollin. Après l’appari- tion de la corolle à lieu celle des étamines et de la même manière ; mais celles-ci continuent à rester disjointes, seule- ment elles sont bientôt soulevées par la croissance de la base commune qu’elles ont avec la corolle, et qui finit par former la partie inférieure du tube corollin. En dernier lieu appa- raissent deux pistils, sous forme de bourrelets semi-lunaires placés l’un en face de l’autre, et de leur confluence résulte la formation du gynécée. Il est évident que le procédé que nous venons de décrire ne peut en aucune façon se comparer au précédent; ce n’est pas une soudure de parties préexistantes au complet, ce n’est pas même une soudure congénitale, comme on a voulu lappe- ler, pour dire qu'il s’agit de parties distinctes, mais unies ensemble en naissant, connées. Ge sont des parties d’abord CORPS DES PLANTES. 341 disjointes qui ensuite se réunissent par un procédé tout parti- culier de croissance par le bas, procédé qu'à défaut d’une appellation plus apte j'ai désigné par celle de concrescence. Il n’arrive pas toujours que la croissance soit si manifeste- ment basilaire. Dans quelques cas le temps de l’apparition des appendices sur le cormogène floral est tellement rapproché de celui de leur base commune, qu’on reste dans le doute pour déterminer lequel des deux faits est postérieur à l’autre, et il n’est pas surprenant que des observateurs très habiles aient décrit de deux manières différentes une même formation, par exemple celle de la corolle dans les genres Rubia et Globu- laria. Mais dans d’autres cas les appendices d’un verticille apparaissent véritablement connés, constituant un corps unique, un bourrelet continu, pour se montrer disjoints seu- lement plus tard, quand par l'effet d’un accroissement apical du bord supérieur de ce corps jusque-là unique, poindront des reliefs représentant autant d’appendices ; 1l'en est ainsi pour les gaines foliaires des Équisétacées, selon Hofmeister et Reess, pour certains gemmulaires, des Euphorbiacées par exemple, ou certains périanthes tel que celui du Cynocrambe. Donc soudure, concrescence, connation, sont trois phéno- mènes différents et qu'il ne faut pas confondre. L'union peut se faire entre parties semblables, ou entre parties dissemblables, d’un même verticille, ou de verticilles successifs. L'union collatérale est excessivement fréquente, on l’a déjà dans certaines feuilles opposées, des Chèvrefeuilles par exemple, dans les stipules du Coronilla scorpioides, de divers Astragalus, de la plupart des Rubiacées, ou dans les braclées des Euphorbes, des Astraulia; mais c’est surtout dans les verticilles floraux qu’elle se manifeste, et au plus haut degré dans le plus intérieur de tous, celui des pistils du gynécée, dont l’union si souvent complète en cache le nombre. Le calice d'un Scutellaria, ou l’androcée de beaucoup de Cucurbitacées, fournissent aussi des exemples de symétrie masquée par l'union. L'union entre deux verticilles consécu- üfs alternes tend à en porter les membres sur une même 349 T. CARUEL. ligne, d’où la réduction apparente des deux verticilles en un seul avec duplication du nombre de ses membres. C’est dans ces cas que se trouve précisément l’androcée de beaucoup de senres de Légumineuses, chez qui (à part les recherches génétiques) l'observation des étamines qui se présentent alter- nativement plus grandes et plus petites, ainsi que les com- paraisons avec les genres à étamines complètement disjomtes, peuvent seules faire reconnaitre la vraie symétrie des fleurs de ce groupe. Quand dans une fleur plusieurs des causes qui peuvent en masquer la symétrie concourent ensemble, la recherche de celle-ci est plus difficile et quelquefois problématique. Les Orchidacées, les Malvacées, les Brassicacées surtout en sont des exemples bien connus. Nous pouvons maintenant passer à l’examen plus particu- lier des apophyses simples, c’est-à-dire des appendices. Mais observons d’abord que les appendices et le stipe étant réellement les parties différenciées d’un même tout, le corme, il est naturel que la distinction entre elles ne soit pas toujours au même degré. Elle est ordinairement très mar- quée, qu'on la cherche dans les feuilles par opposition à la tige, ou dans les bractées d’une inflorescence par rapport à sa rafle, ou dans les appendices floraux, pétales, étamines, etc., par rapport au thalame qui les porte. Cependant, dans cer- tains cas, les différences apparaissent moindres, et d’autres fois elles sont tellement réduites qu’on reste dans le doute si réellement elles sont suffisantes pour faire considérer une plante comme cormophyte plutôt que comme thallophyte. Les Characées sont dans ce cas. Ce type si distinct de plantes aquatiques possède une tige filiforme qui porte aux nœuds un verticille de feuilles, qu'aujourd'hui, après les recherches d’AI. Braun, on considère comme telles parce qu'elles ont un développement défini et parce que c’est de leur aisselle que partent les branches, et pourtant par leur conformation extérieure, par leur structure interne, par la faculté qu'elles ont de produire elles-mêmes d’autres petites feuilles verticil- CORPS DES PLANTES. 343 lées aux nœuds qu’elles possèdent, et celles-ci d’autres encore, elles reproduisent les caractères de la tige, dont on ne les distinguait pas autrefois quand on regardait le corps de ces plantes comme un thalle comparable à celui de certaines Flo- ridées (Batrachospermum, Echinoceras, Polysiphonia, CGhon- driopsis, Spyridia, Acanthophora, etc.) qui ont des divisions plus petites placées en verticilles autour d’un stipe plus grand et auxquelles de bons observateurs n'hésitent même pas à appliquer le nom de feuilles. Le caractère adopté dans les Characées pour distinguer les feuilles de la tige, c’est-à-dire le développement défini dans les premières et indéfini dans la seconde, ailleurs se trouve être fautif. Beaucoup de tiges ont un développement défini, et le corme dont elles font partie ne peut croître au sommet que par la substitution successive de branches les unes aux autres, et certains Selaginella, le S. lœvigata par exemple, ont la tige indéfinie, mais avec les branches latérales définies et elles- mêmes ramifiées de manière à prendre l'apparence d’une feuille composée; et d’un autre côté les feuilles de certaines Fougères, comme Gleichenia, Mertensia, Lygodium, etc., ou de certaines Méliacées, comme Guarea et Trichilia, vont de avant si longtemps dans leur développement apical qu’on ne peut guère le qualifier de défini. Le caractère de la produc- tion des branches à leur aisselle est plus fautif encore pour distinguer les feuilles, parce que bien des fois les branches partent d’ailleurs; dans les Mousses par exemple, c’est la règle qu'elles soient extra-axillaires. La durée sert encore moins, car si en général la tige et ses répétitions, c’est-à-dire les branches, sont de longue durée, parfois, comme dans le Gyprès chauve de la Louisiane (Tazodium distichum), 11 y a des ra- milles qui, après une saison, tombent comme des feuilles ; celles du Castilloa elastica se comportent demème, et dans cer- taines Euphorbiacées à rameaux foliacés ceux-ci tombent, les branches persistantes étant produites par les bourgeons placés à leur aisselle (Lynch). Il n’est pas nécessaire de parler de la diversité de forme : déjà, dans les Characées mentionnées plus 344 T. CARUEL. haut, il n'existe pas de différence, et puis on connait trop les exemples de tiges et de branches ayant l’apparence folia- cée, dans la Raquette, le Houx-frelon, les Phyllocladus, les Xylophylla, le Polygonum platycladon, ete., chez qui l’on peut observer en outre que la disposition des fibres tend à s’assi- miler à celle des nervures des feuilles. Enfin, à l’instar des feuilles, il arrive assez souvent que deux côtés opposés d’un rameau présentent des propriétés différentes : les rhizomes horizontaux des Rhizocarpées et de plusieurs Fougères pro- duisent des feuilles seulement en dessus, les inflorescences qu’on appelle scorpioïdes n’ont des fleurs que d’un côté, il y a une diversité de productions foliaires sur les divers côtés des rameaux de Selaginella, de Jungermanniacées, de Coni- fères, etc., et enfin la différence est poussée à l'extrême dans les cladodes des Lemna. Done, sous tous ces rapports il manque un caractère de distinction absolue entre la tige et les feuilles, entre le stipe et les appendices dans le corme. Au reste, 1l est souvent ardu, pour ne pas dire impossible, de décider où dans un corme finit le stipe et commence l’ap- pendice. Si beaucoup de feuilles, par exemple, se détachent nettement de la tige parce qu'elles ont une base d'insertion étroite et bien définie, beaucoup d’autres ne sont pas faites ainsi; au contraire, dans le bas elles se confondent plutôt avec la tige, surtout si elles sont décurrentes, comme on dit, c'est-à-dire si avec leurs bords latéraux (Silphium, Sonchus, Polymnia, Scolymus, Verbesina alata et beaucoup d’autres Astéracées et plantes d’autres familles), ou avec toute la lar- geur de leur limbe (Podocarpus, ete.) elles descendent lon- guement sur la tige, faisant en sorte que leurs parties décur- rentes soient comme des ailes lui appartenant en propre (Acacia alata, Genista sagittalis, Lathyrus, etc.), ou qu'elle ait presque l'apparence d’être constituée par leur confluence. Notons en passant que ces décurrences, tantôt limitées à un entre-nœud ou portion d’entre-nœud, mais tantôt éten- dues à plusieurs entre-nœuds, et même jusqu’à la rencontre avec une autre décurrence placée dans la même ligne verti- CORPS DES PLANTES. 345 cale, suffisent pour démontrer l'erreur d’une théorie mor- phologique qui eut jadis son moment de vogue, celle de Gau- dichaud, qui proclamait lindividualité du phyton végétal constitué par un entre-nœud avec, sa feuille au sommet et sa racine (latente) à la base. Rien de plus instructif, au reste, pour éclaircir cette question que la comparaison des Conifères entre eux; 1l sy trouve d’une part, lAbies peclinata ou l'A. Pinsapo, ayant des feuilles parfaitement distinctes de la branche qui les porte, de l’autre part, l'A. excelsa, les Cyprès, les Thuias, les Libocedrus, ete., où l’on ne voit pas la bran- che parce qu’elle est toute recouverte, et même on peut dire constituée extérieurement par les décurrences des feuilles, et puis des exemples intermédiaires dans les Araucarias ou dans l'If. Parfois la connexion intime de l’appendice avec la por- tion du stipe placée sous lui n’est pas révélée aussi clairement par des proéminences externes, mais elle Pest par des lignes descendantes de poils (Cynocrambe, Stellariu media, ete.) qui correspondent aux feuilles ou aux espaces intermédiaires aux feuilles, ou bien par une simple différence de coloration du tissu, comme on peut l’observer dans certaines fleurs mons- trueuses prolfères de la Rose mousseuse, qui du centre se prolongent en une branche sur laquelle se trouvent disposés à diverses hauteurs d’abord des pétales et puis des feuilles, et de la base desuns et des autres 1l descend le long de la branche des bandes correspondantes pour la qualité du tissu, celles des feuilles étant vertes et mousseuses, celles des pétales déco- lorées et lisses. De même sur bien des thalames concaves, surtout s'ils constituent un gemmulaire infère, on aperçoit clairement les décurrences des appendices du périanthe pla- cés sur le bord, au pot qu'il en est résulté la persuasion générale qu'il s'agit de parties d’un même tout, tellement qu'on à considéré dans ce cas le thalame comme tube du calice ou du périgone, en y ajoutant la fiction d’une soudure à lintérieur avec le gemmulaire quand celui-ci est infère (voyez les Lythracées, les Œnothéracées, les Valérianacées les Campanulacées, etc.). 346 M. CARUEL. Ici revient la question de l’origine des spermophores. Les considérations que Je viens d'exposer sur le manque d’une distinction absolue entre le stipe et l’appendice aideront à la résoudre, si l’on veut bien se laisser guidér par les faits visibles et renoncer aux théories exclusives. Comme je l'ai déjà rap- pelé, l’origme des spermophores est multiple; tantôt ce sont des dépendances évidentes des pistils (Hellébores), ou la terminaison également évidente du thalame (Primulacées), et tantôt ils ont des relations telles qu’on doit les considérer presque comme des décurrences des pistils sur le tha- lame concave, à la façon des ailes ou des ‘côtes qui gar- nissent les tiges, ou bien ils participent de la nature du thalame et des pisüls d’une manière encore moins claire. Schleiden, peu persuadé de ce qui est pourtant un fait, avança dans le temps une théorie qui donnait à tous les spermophores sans exception une origine unique, süipitale; et pour expliquer les spermophores pariétaux, 11 avait dù recourir à la supposition gratuite d’une ramification du stipe avec soudure des rameaux aux bords des appendices pisüllaires. Payer, suivant la même voie, s’est beaucoup préoccupé, dans ses beaux travaux d’an- thogénèse, de la distinction entre la partie stipitale et la partie appendiculaire des gynécées : entreprise ardue et vaine, parce qu'ici le corme se prête moins qu'ailleurs à cette distinction de parties, et quand on veut l’établir ce n’est souvent.que tout à fait arbitrairement qu’on y parvient. Par exemple, certaines fleurs, des Aristolochia entre autres, quand elles sont très jeunes, se présentent faites en vase à bord entier, ensuite l'apparition d’un bourrelet transversal dans la partie inté- rieure du vase le divise en deux portions, l’une inférieure ou scemmulaire que l’on considère comme stipitale, l’autre supé- rieure ou périgone qu’on regarde comme appendiculaire, mais jusqu'alors e’étaient des parties d’un même tout, et même dans le périgone müri son tube se montre certainement plus semblable au gemmulaire qu’à la lame périgoniale. N'est-ce pas aussi une chose tout arbitraire que d'attribuer une nature appendiculaire au vase tout semblable qui s'élève tout d’une CORPS DES PLANTES. 347 pièce du thalame d’une Primulacée pour en former le gynécée, plutôt que de le reconnaître pour le thalame même qui s’est ainsi exhaussé à la façon d’un disque”? Une théorie toute opposée, soutenue dans ces derniers temps par Cramer et par Celakowski, attribue aux gemmules une origine uniformément appendiculaire. On doit porter sur elle le même jugement que sur la précédente. Elle aussi vio- lente les faits pour les plier aux exigences de vues absolues, exclusives, sans tenir compte de la grande flexibilité et de la faculté d'adaptation des organismes végétaux, et surtout en oubliant certains résultats majeurs de l'observation : dont l’un c’est que les gemmules sont des corps qui ont une analogie frappante avec les bourgeons, et comme ceux-ci peuvent naître partout on pouvait raisonnablement supposer d'avance que les gemmules aussi ne seraient pas limitées pour leur produc- tion à une seule catégorie de parties; et un autre résultat, c’est que le corps végétal qu'on appelle corme offre tous les degrés de distinction entre son stipe et ses appendices, même quand il est très développé, et que quand il est aussi contracté que la fleur et le gynécée la distinction entre ses parties doit tendre à s’effacer. L’argument qu’on à cru pouvoir tirer en faveur de la nature appendiculaire des gemmules, du fait de transformation anormale de celles-ci en feuilles ou parties de feuilles observé chez des Verbascum, chez des Primulacées, tombe devant la réflexion que toute apophyse du cormogène peut se développer, selon les cas, en appenaice simple ou en pulvinaire le type des bourgeons. Qu'ils proviennent directement du cormogène, ou secondai- rement de l’apophyse pulvinaire, les appendices, que Naudin en raison de leur manière de se produire a appelés processiles, après s'être montrés continuent à croitre dans tous les sens, jusqu'à ce qu'ils aient tôt ou tard atteint leur grandeur et leur forme définitives. Cependant ils ne croissent pas habituelle- ment d’une façon uniforme dans toute leur étendue, en conser- vant les mêmes proportions dans leurs parties : les uns croissent en prévalence vers le haut, les autres vers le bas ; 348 T. CARUEL. d’où résultent les deux types principaux d’accroissement des appendices, qu'on a appelés, lun basilaire (ou basipète), l’autre apical (ou basifuge où acropète), qui représentent à vrai dire deux extrêmes, entre lesquels il y a beaucoup d’inter- médiaires ainsi que diverses combinaisons de l’un avec l’autre. Le temps employé par un appendice pour atteindre toutes ses dimensions varie beaucoup; souvent il est court, quelque- fois au contraire il se compte par mois et même par années. La feuille du P{eris aquilina y met, dit-on, deux ou trois ans, celle du Botrychium Lunaria quatre ans (Sachs) ; certaines Méliacées de l'Amérique tropicale appartenant aux genres Guarea et Tri- chilia, à feuilles pinnées, développent si lentement leurs fo- lioles du bas vers le haut, que les inférieures sont déjà tombées quand les supérieures ne sont pas encore formées (Alexander) ; phénomène qu'on peut observer aussi, mais à un moindre degré, dans certains Berberis (Masters); certaines Fougères, comme Gleichema, Mertensia, Lygodium, ete., interrompent périodiquement la croissance apicale des feuilles, et puis la reprennent (Sachs). Ce qui a été déjà dit des apophyses en général s'applique aux appendices en particulier ; ils peuvent montrer les uns par rapport aux autres une inégalilé dans leur développement, et ce ne sont pas toujours ceux qui sont nés les premiers qui atteignent d’abord l’âge adulte. Dans les fleurs l'apparition des élamines est presque toujours postérieure à celle de la corolle, mais ensuite leur croissance est beaucoup plus rapide, à tel point qu’elles sont presque mûres quand la corolle est encore très en arrière, et ce n’est que peu avant la floraison que celle-ci rattrape la prévalence sur les étamines. Dans un même androcée, suivant les observations de M. Chatin, l’ordre de la maturation des élamines marqué par la déhiscence de leurs anthères est généralement identique avec celui de leur nais- sance, mais il peut aussi être inverse, ou bien imdépendant, comme dans les Azalées ou les Scrofulariacées où 1l procède de l'avant à l'arrière de la fleur. Par suite de leurs diverses manières de se développer, les CORPS DES PLANTES. 349 appendices prennent les formes les plus variées, et sont aptes aux fonctions les plus disparates, à tel point que leur ho- mologie fondamentale en est masquée. Cependant elle peut ressortir clairement même de l’examen comparatif des formes dernières, et faire connaître l’unité de l’appendice dans son extrême variabilité. C’est un sujet qui à été amplement traité par les anciens morphologues, qui en avaient fait pour ainsi dire toute la morphologie comparée. Leur démonstration, fondée sur les passages graduels à l’état normal entre toutes sortes d’appendices, s’appuyait en outre sur l'étude des formes anormales où monstruosités, qui font voir la possibilité de la transformation réelle des appendices les uns dans les autres, ou pour mieux dire le développement toujours possible d’une apophyse destinée à devenir normalement un appendice de nature déterminée, en appendice d’une autre nature. La dé- monstration a été complétée par l’étude génétique des appen- dices ; et c’est depuis longtemps une question close que celle de leur homologie. Au milieu des variations infinies des appendices, il est cer tains types qui se reproduisent plus fréquemment, et qu’à cause de cela on s’est habitué à regarder comme des formes normales, tandis que d’autres types plus insolites ont été con- sidérés comme des anomalies, voire même comme des dégé- nérescences. C’est ainsi que les épines, les vrilles, les écailles ont été qualifiées des dégénérescences de la feuille ; et qu’on a voulu voir le type de celle-ci dans la feuille composée de deux parties, pétiole et limbe, de sorte que la feuille composée d’une seule partie est décrite comme un limbe privé de son pétiole, et que des feuilles plus compliquées, celles des Me- penthes par exemple, ont été analysées pour voir ce qui en elles correspond au limbe et ce qui correspond au pétiole. Le terme de dégénérescence, ici employé malencontreusement, aurait une application plus juste s'il était réservé aux seuls états amoimdris d’un appendice où il ne peut remplir aucune des fonctions auxquelles il est appelé; c’est ainsi que les stami- nodes sont évidemment des dégénérescences des étamines. 390 T. CARUEL. Parmi les appendices qui peuvent être tantôt plus complets, et tantôt moins, on n’a pas fait assez attention aux pistils (4). On a toujours eu l'air de croire que, séparés ou réunis en gynécée gamopisullaire, ils devaient se composer d’un gem- mulaire et d’un style avec sa portion stigmatique. Cependant le gynécée des Conifères n’a autre chose que le gemmulaire, largement ouvert au sommet, les styles n'existent pas, ou bien il yen a à peine un Indice dans deux prolongements apicaux, dépourvus de portion stigmatique. Dans le genre des Saxi- frages, les pistils étant au nombre de deux, complets et unis par les gemmulaires dans quelques espèces qui ont le thalame aplani, dans d’autres espèces qui l’ont légèrement concave, la portion gemmularienne des pistils est réduite et supplémentée par la concavité même du thalame, dans d’autres enfin qui l'ont très concave les pistils sont réduits aux styles, élargis et conjoints par leur base pour fermer la bouche du thalame devenu gemmulaire infère. Et de la même manière 11 n’y a que des pistils incomplets, uniquement stylaires, dans toutes les fleurs à gemmulaire entièrement thalamique, c’est-à-dire in- fère. On a pourtant une exception à cette règle dans les Aristo- loches, où les pistils stylaires sont en outre anthérifères dans leur portion extérieure; fait singulier, qu’il ne faut pas con- fondre avec celui qui nous est offert par les Orchidacées, dont l'unique étamine et l'unique pisül se joignent par concrescence pour former le gynostème. Enfin les pistils sont très incomplets dans les fleurs mâles des Astéracées, chez qui ils sont réduits à l’état stylaire et dépourvus en outre de portion stigmatique ; ce sont là vraiment des pistillodes dégénérés. (1) Linné se servait indifféremment de ce terme pour désigner soit tout le gynécée, soit ses parties composantes quand elles sont disjointes. De nos jours, le nom de gynécée ayant prévalu pour le tout, il semblerait qu’on püt, en res- treignant le sens linnéen, faire usage du nom de pistil pour les parties que généralement on appelle carpelles. Mais les carpelles (ou plus grammaticale- ment carpidies) sont, à proprement parler, les parties qui constituent un fruit, ils correspondent, si l’on veut, aux pistils de la fleur, mais ce ne sont plus eux. C’est pourquoi, ne devant parler de carpidies qu’à propos de fruits, pour ne pas fabriquer un nom nouveau je me suis servi de celui de pistils dans le sens restreint que je viens d'indiquer. CORPS DES PLANTES. 391 Les appendices de diverses sortes qui se succèdent sur un même stipe passent quelquefois graduellement les uns dans les autres; d’autres fois le passage est brusque. Un cas peu fréquent est celui où des appendices plus ou moins différents alternent entre eux. Dans diverses Aracées (Philodendron, etc.) on a successivement une feuille avec pétiole et limbe, et une feuille constituée par la gaine seule ; et comme elles sont rap- prochées par paires, dans chaque paire la feuille engainante, qui est l’inférieure, simule une stipule, mais pour se con- vaincre qu'elle n’en est pas une 1l suffit d'observer sur les jeunes pousses les deux feuilles des paires d’abord semblables entre elles, et puis toujours plus dissemblables. Dans le genre fossile Annularia, y a alternativement un verticille de feuilles et un autre de sporophylles profondément modifiés. Dans le Libocedrus chilensis et autres Conifères, ou dans le Lycopo- dium complanatum, les rameaux comprimés montrent les feuilles placées sur leurs arêtes beaucoup plus grandes et d’une autre forme que celles placées sur leurs faces. Pareille- ment, les feuilles des Selaginella, tétrastiques sur une tige comprimée, sont beaucoup plus grandes dans les deux rangées latérales que dans les deux autres rangées qui sont parallèles sur une même face de la tige; et beaucoup de Jungermannia- cées à feuilles tristiques sur des tiges couchées, ont celles de la rangée qui est du côté inférieur de la tige plus petites et d’une forme différente de celles] des deux autres rangées. On pourrait aussi faire entrer dans cet ordre de faits celui des tiges et des branches à végétation indéfinie qui, après avoir produit une succession de feuilles, passent à l’approche de la saison morte à l’état de bourgeon à leur sommet, en y produi- sant des pérules, et puis quand elles rentrent en végétation elles produisent de nouveau des feuilles, et ainsi de suite. Dans les Cycadacées, qui ontides appendices étroitement im- briqués sur la tige, ceux-ci forment tantôt une couronne de grandes feuilles divisées, et tantôt un bourgeon de pérules réduites, qui se succèdent d'année en année el parfois sont entremèêlées. Ajoutons que quand ensuite la plante devient 302 T. CARUEL. florifère, au bourgeon ordinaire il se substitue un bourgeon floral, dont les appendices dans les plantes femelles du genre Cycas (toutes les Gycadacées sont dioïques) ont une analogie manifeste avec les pérules et les feuilles, seulement ils portent sur leurs bords les fleurs qui ont ici une structure des plus simples. Un fait des plus rares, c’est la diversité de nature entre les appendices d’un même verticille. Il existe déjà dans la fleur du genre Lopezia, et des Cannacées et Zingibéracées, où cer- taines pièces de l’androcée se transforment en pétales ; mais l'exemple plus saillant en est donné par les Sulwinia flot- tants sur l’eau, dont les feuilles étant par verticilles de trois, les sporocarpes ne se voient que sur celle qui est immergée, et modifiée au point qu’elle à l’aspect d’une racine dont elle exerce sans doute les fonctions. En revenant à notre point de départ dans cette étude géné- rale du corme, je rappellerai encore une fois la possibilité pour les apophyses du cormogène de se développer en cormes secondaires, à l’instar des bourgeons, de telle sorte que dans ces cas on pourrait presque les regarder comme des bourgeons précoces paraissant sur le stipe au temps où celui-ci se forme. Les vrais bourgeons sont de formation tardive, subsé- quente à celle du corps qui les produit. Leur origine première est une cellule ou un groupe de cellules, qui peut être super- ficiel ou interne. Il est superficiel dans les plantes cellulaires, ainsi qu'on peut le voir dans les bourgeons des Characées et dans ceux des Mousses qui surgissent sur leur prothalle, mais on l’observe aussi dans les plantes vasculaires; il en est ainsi habituellement pour ceux des Fougères (Hofmeister) et pour ceux qui sont produits par les sinus des feuilles de Bryophyl- lum où par lépiderme du Begonia phyllomaniaca en lieu ou place des poils. Cependant, chez les plantes vasculaires, l’ori- gine des bourgeons est presque toujours interne, et préci- sément dans le voisinage des fibres vasculaires ou du corps ligneux, avec lesquels ils se mettent en communication au CORPS DES PLANTES. 393 moyen de leur propre système vasculaire ; de sorte que, pour se montrer au dehors, les bourgeons doivent soulever d’abord et ensuite percer une portion du tissu placé au-dessus, ainsi que font les racines. La présence des bourgeons sur la tige à l’aisselle des feuilles est tellement habituelle qu’on s’est accoutumé à considérer ceux-là seulement comme les bourgeons normaux, et comme adventices tous les autres. Mais le fait est qu'un bourgeon peut apparaître en quelque lieu que ce soit d’une plante; on en voit sur le prothalle chez les Mousses, et occasionnelle- ment chez les Fougères (Farlow) ; sur les racines chez l'Orme, le Noyer et beaucoup d’autres plantes ligneuses, rarement chez les plantes herbacées; bien plus rarement sur les feuilles, cependant on les y voit à l’état normal chez plusieurs Aracées (Atherurus ternatus, Amorphophallus bulbifer), des Bégonias, le Malaxis paludosa, le Cresson commun et le Cardamine pra- tensis, quelques Utricularia, plusieurs Fougères (Asplenium furcatum et autres congénères, Ceratopteris), l'Allium ni- grum, le Streptocarpus (sur les embryophylles) et chez d’autres plantes encore, où 1ls sont situés à la base ou sur la surface de la lame foliaire ou dans les sinus des lobes, chez des espèces d’Isoetes où ils tiennent la place de cassides (Gœæbel) ; quelque- foisils sont sur le pétiole comme dansle Nephrodium Filix-mas, l’Asplenium Filix-femina, le Pleris aquilina (Sachs); d’une manière exceptionnelle, on peut trouver des bourgeons sur les feuilles du Chou et de la Tomate (Duchartre), sur celles du Bryophyllum tombées à terre, ou sur celles d’Agrumes et de beaucoup d’autres plantes, surtout de plantes grasses, mises artificiellement en terre dans le but d'obtenir une reproduction par bouture. Même sur des parties florales comme les gemmu- laires de diverses Opuntiacées et du singulier genre Petagnia des Apiacées, où des fleurs mâles se trouvent implantées sur le gemmulare de la fleur femelle, des bourgeons peuvent se montrer; et même sur des tissus internes mis à découvert, comme Knight en vit au dedans de pommes de terre coupées et de branches coupées de Crambe maritima,et comme les hor- Ge série, Bor. T. XVIT (Cahier n° 6)°. 23 354 T. CARUEL. ticulteurs s’en procurent au dedans des bulbes de Jacinthe en les coupant. Plusieurs plantes n’ont que des bourgeons extra- axillaires. La plupart des Mousses et des Prothallogames sont dans ce cas, ainsi que quelques rares Phanérogames comme le Testudinaria. Dans ce cas comme dans celui, beaucoup plus fréquent, où 1ls sont associés à des bourgeons axillaires, ils peuvent avoir un rapport déterminé avec les feuilles, et par conséquent une place constante; ainsi, dans les Eguisetum, ils sont au-dessous des feuilles, dans les Salvinia à côté. Mais c’est principalement pour les bourgeons floraux plutôt que pour les foliaires que cela a lieu dans ces inflorescences, qu’à cause de cette particularité lon considère en quelque sorte comme anormales, parce qu’elles se soustraient à la prétendue loi qui voudrait que les bourgeons normaux fussent axillaires, ainsi dans l’inflorescence de la Jusquiame, du Tilleul, des He- lianthemum, de beaucoup d’Asclépiadacées, Crassulacées, Borraginacées, etc. Pour expliquer leur prétendue anomalie, on à eu recours, comme je l'ai déjà rappelé, à des suppositions gratuites de soudure des stipes floraux, tantôt les uns avec les autres, tantôt avec la feuille ou bractée supposée axillante, sans aucun autre motif, sinon que l’on peut établir plus ou moins clairement un rapport constant de position entre ces différentes parties (Payer). Il nous reste à parler d’une production ordinaire des cormes, les racines. Non pas que les racines en soient une partie nécessaire ; en effet, certaines plantes cormophytes n’en possèdent jamais, ainsi le Salvinia et les Wolffia qui flottent sur les eaux, lEpipogon et le Corallorhiza, qui sont des Or- chidacées rhizomateuses vivant dans le terreau des bois de Sapins et de Hêtres : l'absence de racines dans ces plantes est en relation étroite avec leur mode de vie. L’embryon n’en pro- duit qu'au temps de sa germination, les bourgeons n’en ont pas ordinairement, ni les chatons et les fleurs, ni les gemmules ou les graines. Les racines peuvent donc être considérées comme des dépendances du corme, comme des parties acces- CORPS DES PLANTES. 399 soires sous le point de vue morphologique, quelle que soit leur importance physiologique. Le lieu habituel pour leur production est la tige, ce qui n'empêche pas d’autres lieux du corme de pouvoir produire les mêmes dépendances. Elles viennent de la base des feuilles, ainsi que cela a souvent lieu dans les Fougères (Nephrodium Filix-mas, Asplenium Filix-femina, etc.), ou de leur pointe, comme dans l’Asplenium rhizophyllum et le Woodwardia ra- dicans, ou de leur surface, ainsi dans le genre Mertensia selon Sachs, et aussi (mais non plus d’une façon normale) de la sur- face des feuilles embryonnaires, comme Irmisch la observé dans le genre Bunium et Masters dans le Mangifera. Des tis- sus internes mis accidentellement à découvert en donnent souvent, par exemple les troncs creusés des arbres. Les horti- culteurs tirent parti de tout cela pour faire des boutures avec des morceaux de feuilles d’Agrumes, de Bégonias, et en géné- ral des plantes grasses, et la chose à été essayée avec succès même sur des morceaux de fruits d’Opuntiacées (Baillon). Enfin un fait tout à fait normal, c’est la production des racines de la part d’autres racines, ce qui constitue leur ramifi- calion. Il est d'usage de distinguer d’entre toutes les racines celle qui, étant à l’état latent de radicule dans la pointe infé- rieure de la tigelle de l'embryon phanérogamique, en sort (ou du moins peut en sortir) avec la germination, en continuant nécessairement la direction de la tigelle et en formant avec celle-ci un même axe géométrique, et aussi organique si l’on veut, qu'on peut alors distinguer en deux portions, un Corps ascendant ou tige, et un corps descendant ou racine principale où pivol, ainsi qu'on à habitude de l'appeler pour le distin- ouer de toutes les autres racines, qu’on désigne sous le nom d’adventices. Du reste, 1l n’y a aucun autre caractère, excepté le lieu de départ, pour fortifier cette distinction, sur laquelle on à trop insisté. Les embryons dicotylédonés produisent un pivot plus facilement que les monocotylédonés ; mais les excep- lions ne manquent pas,le Ruscus aculeatus (P. Savi) et le Dat- 396 T. CARUEL. tier (Sachs) en sont parmi les monocotylédonés, le Nelum- bium (Schleiden), le Trapa (Barnéoud) et le Balsamina parmi les dicotylédonés; pourtant on doit observer à ce propos que, presque toujours, 1} y a un commencement de dévelop- pement du pivot là où plus tard on ne laperçoit presque plus : il s’est oblitéré et a été remplacé par les racines adventices sorties de la base de la tige au-dessus de lui. La racine qui sort de l'embryon des Prothallogames dans le flanc opposé à celui qui produit le premier appendice foliaire doit aussi être considérée comme un pivot. Les bases conjointes du pivot et de la tige se continuent de telle sorte l’une à l’autre, pour l'apparence extérieure comme pour la texture interne, que presque toujours 1l est impossible de préciser un plan de séparation entre elles : ce serait ce qu’on a nommé collet, auquel pendant longtemps on a atta- ché, par hommage à certains préconçus théoriques, la plus orande importance, comme au centre supposé de l’activité vi- tale dans les plantes. M.Clos a proposé d'étendre ce nom à tout le corps qui va des embryophylles au pivot évidemment tel, ce que les auteurs allemands appellent maintenant depuis Irmisch l’hypocotyle. Un fait que toutes les recherches modernes sur la genèse des racines ont mis bien au clair, c’est que leur origine est toujours intérieure, dans des tissus non superficiels, et cela non seulement pour les racines adventices et pour celles qui naissent les unes des autres, mais aussi pour le pivot qui pro- vient de extrémité de la tigelle embryonale, si Pon en excepte pourtant les Prothallogames. C’est pourquoi la distinction en exorhize et endorhize, que Richard appliquait au pivot, ne peut plus se soutenir. Cependant le lieu d’où partent les racines peut être plus ou moins profond. S'il est peu profond, la racine paraitra aisé- ment superficielle, comme en effet cela a lieu généralement dans les embryons phanérogamiques, chez qui pourtant il est indispensable qu’elle soit recouverte au moins par le tissu du suspenseur. Si elle part d’un lieu plus interne dans le tissu CORPS DÉS PLANTES. 397 dont elle tire son origine, et si celui-ci est suffisamment résis- tant, il arrivera que la racine, en le soulevant d’abord et en- suite en le perforant pour sortir, en restera entourée au lieu de sa sortie comme par une gaine qui a reçu le nom de coléo- rhize, et qui très évidente dans quelques plantes (Poacées, Canna, Trapa natans, etc.), moins dans d’autres, est souvent imperceptble. C’est surtout dans les Monocotylédones qu’elle est évidente et dans les Dicotylédones qu’elle l’est peu; pour- tant les exceptions à cette règle ne sont pas rares : d’un côté elles sont fournies par le Dattier par exemple, de l’autre par le Radis, la Capucine, le Trapa natans, la Balsamine, les £u- calyptus, etc. La première origine des racines est dans un amas cellulaire qui se spécialise dans le voisinage de quelque fibre vasculaire, soit à son flanc, soit à sa terminaison ou à celle de plusieurs fibres convergentes. Quand plus tard les vaisseaux s’y orga- misent, ceux-c1 procèdent de la base vers le sommet de la racine et continuent le système de la partie qui leur a donné naissance (Trécul). Un amas cellulaire terminal constitue la pilorhize, sous la protection de laquelle la racine pousse en avant, et en s’allongeant toujours par son extrémité grâce à la formation de tissu cellulaire nouveau dans l'endroit placé immédiatement sous la pilorhize. À une certaine distance de la pointe radicale, 1l se forme des poils (identiques avec les rh1- zines des thalles) à la surface; généralement ils disparaissent ensuite au bout de peu de temps, quelquefois, au contraire, ils persistent longuement, et cela surtout dans les plantes qui croissent dans un terrain sablonneux. à FIN DU TOME DIX-SEPTIÈME TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. ORGANOGRAPHIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALES. Recherches sur la structure et la division du noyau cellulaire chez les végétaux, par M: LIGUIGNAR DES 0 RAIN. cree Brie Sur le sucre que les graines cèdent à l’eau, par M. A. PERREY... Étude anatomique sur les Ombelliféres et sur les principales anomalies que présentent leurs organes végétatifs, par M. COURGHET........... Sur la conservation des Ferments alcooliques dans la nature, par M. L. BOUTROUX.—............. . Recherches sur la de ou et à transpiration des Ca par MM. G. Bonnie et L. MANGIN..... Considérations générales sur le corps des plantes, par M. CARUEL.. .... PALÉONTOLOGIE VÉGÉTALE. Nouvelles observations sur la Flore fossile de Mogi, dans le Japon méri- dional, par M. le marquis DE SAPORTA.......... CASE Re Sur quelques genres de Fougères fossiles nouvellement créés, par M. R. DÉIDRER «eee conte SOS DD ECO 000 CAB To TL Do 00 06H00 ADD OO TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. structure et la division du noyau cellulaire. MANGIN (L.). Voy. BONNIER. BonNiER (G.). Recherches sur la respiration et la transpiration des Champignons........... Bourroux (L.). Sur la conserva- PERREY (A.). Sur le sucre que les tion des Ferments alcooliques graines cèdent à l’eau....... dans la nature.:... rh. 144 | SAPORTA (marquis de). Nouvelles observations sur la Flore fos- 210 CARUEL. Considérations géné- rales sur le corps des plantes. 306! sile de Mogi, dans le Japon mé- CourcHer. Étude anatomique sur nidional eee tee Penn les Ombellifères et les prinei- ZeiLLer (R.). Sur quelques gen- pales anomalies que présentent res de Fougères nouvellement leurs organes végétatifs..... o HUILE bocosccootocoootonnbe . GuIGNARD (L.). Recherches sur la [Sx. TABLE DES PLANCHES Planches 1-5. — Structure et division du noyau cellulaire. — 6-9. — Plantes fossiles des Cinérites du Cantal. — 10-12. — Structure des Ombellifères. — 13-16. — Ferments alcooliques. — 17-20, — Respiration et transpiration des Champignons. FIN DES TABLES BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. des Jeience nat. 6° J'érie. Bot, Tome 17, PL, 1. : À RESTES on CGuignar'd del, l'ierre se J'trueture el divwion. du noyau. mp, Lemereier et C' Parur. Bot, Zlome 2 TAN ne, Léon Cuignard del, J'éuelure el division du noyau | RES | An, des Secene, nat, 6° J'erce. Bot, lome 17, PL, 3. de Lo 24 rs GR HUE FLN autten {| uw Cm 5 #7 GS] Léon Cu ynard del. Diviurion du noyau. Amp. Lemercer et CE Paris. dre des J'eiene. nat, 6° J'erte. féon Cuignard del, Pierre se Division du noyau. Le mp. /lemercter et CE Paris Ann. des J'ecene. nat, 6 Serre. Léon Guignard del, : , EUR, LP ÿ Hd J'éauclure el dvirton Znp,lemercter et L F | Al HN (||! qi Bot, Tome 27, RONEX, du noyau. Le vie » « aus, Pierre se. k Ann, des Seiene. De 6° Serre, Bot, Tome AO PACE se UN Rte ; RSS SA a de Jd'aporta ded, Pierre ve. Plantes Jostües des Cinérites du lantal. à Imp.Lemercer et CC Paris. Ann. des Serene. nat, 6° Serie. Bot, Tome 17, PL, VA va < 4 ; > PRE LA ee KK GS 7 / ; jee PA AL Un e LAS K} 5 S LL AYSLIDR SEE Me > RE RTE FD # l’lantes fossiles des Cinerites du Cantal. imp. Lemereier et CC! Parik Bot, Jome BP, PL, Ann, des Setence, nat, 6° J'érte. ee to VS 14 | = Sa KR ET. Re == = tue AR “5 A ue ER ne CRÉES à ee Aie ln Plantes fossiles des Cenerites dt lantal mp, Llemereiwr et CE Parts, D Ann. des Seienc, nat Ê° Série. Bot, Tome 17, PL, & Ë Ce ll SEXE Û RENTE N k ; ANGES D VX KE ERRN PASS _ de Saporta del, livre se, Plantes fossiles des Cinérites du Cantal, Imp.Lemereter et CE Paris, Bot. lome Ce PCNTO A ?) Les r D OK Ann, des J'etene. nat. Ê® J'érte, " \L) ÈS > y ECS Lee RS Jeanneft se, Ch. 4 _ Courchet del, Umbelliféres. Amp, Lemereter et CE Jar. Anatomie des DS y RS OR. AO CERSC De) C4 1 et [TS SZ, SC .] kQ Tease ie OTSON QC ET LS | > DAS Soc cer ES. 208 +00 4) Boë, Tome 17, PL, 11 2 l STE 29 7 SE NOTO? ANA AT SLR un à SR (Y 1 /SE20: À L Zi QUO ATOS | É Se Be 00 ST OC VO PS f D a, ra LC? (e ec OE @ f) ee 0 £ a" S Ter LÀ De cor CT ee: D À [1 à 02: x Jeannest Se. ME Ch. Lt imp, Lemereter et CE Zartr. Ann, des JSeuenc. nat, C © J'érte., Courchet del. Anatomie des Onmbelliferes, _ Ann, des Seience. nat, 6° Serre, “Bot, Tome 27, PL, 72: IDR Courechet del. MC Ch. Jeannert se. J'éucture des Ombedliferes. Imp.Lemercier et CL arur. # Tia) DNETRE # 1e + 4 Ann, des Sesenc. nat, 6° S'erce. Ann, des Seiene, nat, 6° SJ'ércre-., : Bol, 1orme 2 PEL, L, Boutroux del. HN Ch, /eannest re. lernments alcoo ques : mp. Lemercier et CC Paris | Arin, des S'eiene. nat, 6° J'erte. Bol, Tome 17/0 16, L. Boutroux del UM! Lh. Jecnnest vo. ferments alcooliques. Ann des J'etene, nat, LT J'érce. Bot, Tome 17,71. 16. © © Go) o® L'erments alcooliques, NET PISTES SP NP a FO) PRESS ES NON9ITNVE) SH NOLLVHIASAIN NN NN NN NN NN PIIDT UOUH , LES A 2 Ca ponbrag LAS LAS NN 5 @) "© © T'ON NNNKKKEKKKKKKKKKKKKKKNNNNEANKKKKKÇ NN EEE ANNEES ù \\ LA Z NNANSANNANNENS SSS SSKKKK,,,SSSKKIIKKKKKKK N SAM AANAANAANANNENENAANNN AANANANENANNANNENENNNNNNENNTENNNNEREENTENNEENNNNNNNUN ANAL ENENNEEENNEENENNN EN IN À N = Zn ÈS, = 00g 0 D) fr © | 7 1 D ESA \ | 7 (@) C1 Ÿ S \ | or | G 9 r z OS DL de LT QUO 090 , DIANVHO $ IH S4Q NOIIVH I4S 4 DA nn ml eZ D on = TG SD D7 LouNS "pe 5 ra rnbrag L RS du Lord A 1 DUO IL 30 ‘JU $ SNON9IANVHD SH NOILVUHIAS EM re YZZZ WWW MD ROLL MLD LL MOT EI 7 11 4 LL UL “6LTa SU J, ‘304 ce à pe li ___——— — n ” : BTS ‘ 2LA9S 39 CU 2U9D6 SIP “UT S N Ô N9IANVH ) S ÆQ N OI AY Id S NVYL 078077077077 1 EE “ur ad à AE) LL ILAL IN) LIL LLAAL AIS EIDS 1111 LUN LL D LU LL LL, LL LL 0 LD 4, LLLLLLDMW mme nn rentrer SSS ET SCENE 4e sp jh LV ae o+ QUES HET 41