eee CET frwell EL - Me ANNALES DES SCIENCES NATURELLES SIXIÈME SÉRIE BOTANIQUE PARIS, — IMPRIMERIE DE FE. MARTINEU, RUL MIGNON, Ÿ ANNALES DES SCIENCES NATURELLES SIXIÈME SÉRIE BOTANIQUE COMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES PIBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MM. AD. BRONGNIART ET Jj. DECAISNE PARIS LIBRAIRIE DE G. MASSON PLACE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE 1575 ANNALES DES SCIENCES NATURELLES OBSERVATIONS SUR LES BULBRES DES LIS Par M. P. DUCHARTRE. (Deuxième mémoire relatif au sous-genre Cardiocrinum Endl.) Mon premier travail sur les bulbes des Lis, qui à paru dans les Annales des sciences naturelles en 4872 (5° série, XVI, 4879, p. 326-396, pl. 15-17), était relatif au Lilium Thomsonianun Lindl. (L. roseum Wall. ; Fritillaria macrophylla D. Don, Ba- ker), c’est-à-dire à la petite section ou petit sous-genre Nofho- hrion Wall., qui a pour type cette élégante espèce. Celui que je publie aujourd’hui porte sur une autre section du genre Lilüuwm qui à été formée par Endlicher (Genera, 1836, n° 1098, p. 441) sous le nom de Cardiocrinum, et dont le nom indique le carac- tère le plus saillant par lequel il se distingue, celui d’avoir de grandes feuilles en cœur, longuement pétiolées. Cette section ou sous-genre ne renferme, à ma connaissance, que deux espèces, le Lilium giganteum Wall. et le L. cordifolium Thunb. Ce sont de grandes et belles plantes à fleurs blanches. La première jus- üfie son nom spécifique par sa haute taille, qui arrive jusqu’à 3 mètres, et elle croit naturellement au milieu des forêts, dans 6 HP. HUCERAE FER. les parties centrales de la chaîne de l'fimalaya, notamment dans le Népaul, à l'altitude de 1500-3000 mètres. La seconde est d'environ moitié moins haute. Elle parait se trouver uniquement au Japon, disséminée dans toute l'étendue de cet empire, et jusque dans l'archipel des Kuriles, dans les bois et forêts hu- mides, à l'altitude de 430-200 mètres, sans s'y montrer abon- dante sur aucun point, Celle-ci est appelée par les Japonais Syire, ou mieux Sjéroi et Osjéroi, d'après Kæmpfer (Amæn. exot., p. 870); Gawa-juri, Uba-juri où Ouba-juri, d'après d’autres auteurs. Le sous-genre Cardiocrinum EndE. à été adopté par Kunth, par M. de Cannart d'Hamale (Monogr. histor. et litter. des Las, 4870), etc. Même, avant d’être désigné sous son nom actuel, 1} avait été regardé comme un genre à part, sous là dénomimation de Saussurea par Salisbury (Trans. of the Linn. Soc., VITE, p. 41), qui, à la vérité, n’accordait pas à la circonscription des genres une aussi grande étendue que la généralité des bota- nistes. M.J.-G. Baker, dans son Synopsis de tous les Lis connus (voy. Gard. Chron. du 15 avril 4874, p. 497), avait rattaché purement et simplement à la section Eulirion Endi. les Lilium giganteum Wall. et cordifolium Thunb., qu'il réunissait sous le nom commun de L. cordifotium Thunb., en déclarant que ce ne sont à ses yeux que deux « races géographiques où sous- espèces ». Mais plus tard, dans son Mémoire (1874) sur len- semble des Tulipées (Journ. of the Linn. Soc., XIX), il a rétabli ce sous-genre, qu'il n’admettait pas auparavant. Je con- sidérerai, dans le présent travail, le sous-genre Cardiocrinum End. (1) comme suffisamment caractérisé pour être maintenu, et les Lolium giganteum Wall. et cordifolium Thunb. comme formant deux espèces distinctes et séparées. Avant d'exposer les résultats de mes observations sur les Lis de la section des Gardiocrinum, je crois devoir faire connaitre le motif pour lequel le mémoire actuel ne succède au précédent qu'après un intervalle de plus de deux années. Ce motif consiste (1) M. K. Koch écrit ce mot Cardiocrinon, conformément à l’étymologie grecque. OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS, 7 dans les difficultés considérables que j'ai rencontrées pour me procurer les sujets des observations qui en ont fourmi Îles élé- ments. Ces difficultés ne me sont point personnelles ; peut-être même d’autres en eussent-ils éprouvé de plus grandes encore, car mes honorables correspondants sont venus à mon aide avec une obligeance telle que je ne saurais leur en adresser de trop vifs remerciments. Tenant à suivre la formation de la bulbe dans toutes ses phases, je devais remonter à l’origine mème de la végétation des plantes: je devais, par conséquent, prendre pour point de départ la graine mûre avec la capsule qui la contient, en observer ensuite la germination, suivre pas à pas le déve- loppement de la jeune plante, et m'’efforcer d'assister ainsi à l'apparition successive des parties qui composent cette bulbe; je devais enfin accompagner la croissance de celle-ci jusqu’à son état adulte, qui seul la rend capable de développer une tige ter- minée par desfleurs, et après celles-ci par des fruits, Par là devait se trouver accompli le cycle entier de la végétation de la plante. J’ai pu réaliser ce plan, sans y laisser, je crois, de lacune notable pour le Lilium giganteum Wall., qui sera le principal objet du présent écrit. Pour cette espèce, c’est à M. À. Rivière, l’habile et obligeant jardinier-chef du palais du Luxembourg, que j'ai dù les sujets de mes études, Germinations à différents degrés de développement ; jeunes plantes plus ou moins avancées ; oignons adultes, et même préludant à la formation de leur haute tige florifère ; pieds formés en fleurs ou mürissant leurs capsules, j'ai tout trouvé dans les serres et les jardins du Luxembourg, où, depuis plusieurs années, ce beau Lis est cultivé avec succès et multiplié de semis sans difficulté. J'ai été beaucoup moins heureux pour le Lilium cordifolium Thunb. Cette espèce, peu commune dans son pays natal, est tout au moins extrêmement rare dans les jardins de l'Europe. Elle était mdiquée dans le catalogue pour 1870 de Pétablisse- ment horticole de Laurentius avec la note Selten ! (rare). Au- jourd’hui cet établissement n'existe plus. Je ne la vois mention- née sur aucun catalogue des établissements d’'horticulture les plus riches en espèces de Lis, tels que ceux de MM. Van Houtte, 8 P. DUCHARTRE. en Belgique ; Krelage, en Hollande; Will. Bull, en Angle- terre, ete. Elle ne figure pas davantage sur la liste de Lis japo- nais que possède et vend M. Teutschel (de Colchester), qui à un correspondant spécial à Voko-Hama (M. Kramer). Enfin, dans le catalogue, en date de 4874, des plantes rares cultivées dans son jardin, dont il à bien voulu m'envoyer un exemplaire, M. Max Leichtlin, qui, on le sait, possède la collection de Lis la plus riche qui existe aujourd'hui, n'a pas non plus inscrit le L. cordifolium Thunb. parmi les nombreuses espèces de ce genre qu'il a pu réunir jusqu'à ce Jour. Fest cependant à ma connaissance que cet amateur distingué en élève un grand nom- bre de jeunes pieds obtenus par lui de semis. Ia eu même la cénérosité de disposer en ma faveur, au printemps de 1873, de deux de ces très-jeunes pieds, que j'ai pu ainsi dessiner et exa- miner en détail. Quant à loignon adulte, cet obligeant corres- pondant, ne pouvant lui-même n'en communiquer un exem - plaire, a bien voulu en faire rechercher un chez les horticulteurs et amateurs anglais qui collectionnent des Lis; mais ses démar- ches n'ont pas eu le moindre succès. Fajouterai que même lher- bier du Muséum d'histoire naturelle de Paris ne renferme qu'un seul échantillon see de Lilium cordifoliun Thunb., que léti- quette indique comme spontané et comme ayant été donné par Blume. On verra cependant dans ce mémoire la figure et la descripüon d’un oignon adulte et d’un caïeu de la très-rare espèce dont il s’agit en ce moment. L'un et Fautre se sont trouvés dans ma propre collection de Lis,et me sont venus directement du Japon de la manière suivante : Au mois de janvier 1875, M"° veuve Krætzer nr'a fait don, avec une générosité pour laquelle je lui offre ici de vifs remer- ciments, d'une série de treize bulbes de Lis en bon état, que lui avait envoyés M. Em. Krætzer, son fils, chancelier du consulat de France à Yoko-Hama, au Japon. Sur la liste de ces plantes, il s’en trouvait une inscrite sous le n° 3, et avec le nom japonais d'Ouba-youri (ou plutôt juri), auquel était jointe la note : «Petit, blanc; rare. » Jai rappelé plus haut (page 6) que ce OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 9 nom d'Ouba-juri est l'un de ceux que porte au Japon le Lilium cordifoliun Thunb. Pendant l'été de 1873, cet oignon a produit une rosette de six feuilles cordiformes, mais plus petites que celles du Lilium cordifolium type, et en différant encore à cer- tains égards, de manière à constituer peut-être une forme réduite de lespèce. Malheureusement, au lieu de fleurir dans les conditions normales, il n’a donné que fort tard, en décem- bre 1873, une tige rabougrie, mal formée, qui portait une seule fleur monstrueuse. C’est l’ensemble du pied fleuri dans ces conditions anormales que représente la figure 28. En retirant cet oignon de terre pour l’examiner et le dessiner, j'ai trouvé, au niveau de sa base, le caïeu que représente la figure 29. Dans l'espoir que le développement d’une tige si imparfaite n’amène- rait pas la mort de la bulbe mère, ou du moins qu'il pouvait exister un ou plusieurs caïieux à Paisselle de ses écailles, j'ai cru devoir la respecter pour la replanter, et j'ai dès lors renoncé a en faire la dissection (E). J’ajouterai qu'il n’a semblé utile de ne pas laisser isolées les observations que j'avais pu faire sur la germination et le premier développement du Liluun giganteum. Jai pensé qu'il y avait intérêt à soumettre comparativement au même examen le plus grand nombre possible d'espèces de Lis, étudiées aussi pendant les premiers temps de leur développement, les faits publiés jus- qu'à ce Jour, à cet égard, étant aussi peu nombreux que possible. Je n’en vois aucun, en effet, dans Fouvrage de M. Thilo Irmisch sur les tubercules et les bulbes des Monocotylédones (2), et le seul ouvrage qui, à ma connaissance, fournisse une donnée de ce genre, est celui de M. Schleiden (Grundzüge der wissensch. Bot., 3° édit., 1849), qui renferme (2° part., p. 244, fig. 154 A,B,C) trois figures relatives au premier développement du Lilium pu- milum Red., non accompagnées d'un texte descriptif. Afin de me procurer les matériaux nécessaires pour ces recherches, je me (1) Get oignon est mort en 1874, comme s’il avait donné une floraison nor- male, et le caïeu lui-même n’a pas fardé à périr. (2) M. Van Tieghem a décrit, au point de vue anatomique, la germination du Lilium Martagon L. (Ann. des sc. nat., 5° sér., 1871, X1n, p. 128). 40 P, HUCRIABHE. suis adressé à mes honorables e£ coniplaisants correspondants ; avec son obligeance habituelle, M. Max Leichthin à bien voulu m'envoyer de son jardin de Baden-Baden, le 1"avril 1873, quel- ques germinaltions des Lélium cordifolium, Thunbergianum, tenuifoliun et callosum; et, de son côté, M. Krelage a eu la complaisance de m’expédier de Haarlem, le 17 mai suivant, quelques jeunes pieds de semis des Lélium auratum Lindl. et Srovitzianum Fisch. et Lall. Pai pu ainsi constater, dans la pre- mière formation de loignon de sept espèces de Lis, quelques particularités qui, je l’espère, ne paraitront pas entièrement dénuées d'intérêt (4). LIiLiUM GIGANTEUM Wall. Le Lili giganteum Wall. (L. cordifolium Don non Thunb.) est la plus grande espèce du genre auquel 1 appartient. If a été décrit et figuré pour la première fois par Wallich, en 1824, dans son Tentamen Flore nepalensis illustrate (p. 21-99, pl. 12-13). Plus récemment, le Botanical Magazine en a donné aussi la description avec une figure coloriée (pl. 4673, en 1859), qui à été reproduite dans la Flore des serres (VIT, p. 59), dans le Jardin fleuriste (avec quelques changements dans les fleurs : IV, p. 409-410), etc. Moï-mèême j'en ai présenté, d'après la plante vivante, une description, que j'ai tâché de faire à peu près complète, dans mes Observations sur le genre Lis (voy. Journ. de lu Soc. centr. d'hortic. de France, ® série, 1870, IV, p.546). (1) Depuis une année environ que ceci a été écrit, J'ai pu examiner des pieds plus où moins jeunes d'espèces plus nombreuses dont j'ai du la communication, pour quelques-unes, à M. Max Leichtlin, pour la plupart, à M. Elwes, de Ciren- cester (Angleterre), savant et très-zélé liviographe, qui va publier une splen- dide monographie iconographique du genre Liliun. J'ai pu moi-même obtenir un certain nombre de germinations au laboratoire de botanique de la Faculté des sciences. Je ne crois pas devoir tenir compte, dans le présent mémoire, de ces nouvelles observations. Je me bornerai à dire que les espèces sur lesquelles elles ont porté sont les suivantes : Lilium Browni Br., californicum, can- didumn L., carniolicum Bernh., carolinianum Michx, chalcedonicum L., colum- bianui Hans., Humboldtit Roezl et Leichti., monadelphum Bieb., pardalinum Kell., polyphyllum D. Don., speciosum Thunb., spectabile Salisb., Washing- tonianun Ke. (Note ajoutée pendant l'impression.) OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 11 Je n'ai done pas à m'occuper ici des caractères qui le distinguent ; sa rusticité presque absolue, et la facihté avec laquelle on le mulüplie au moyen de ses caieux et aussi de ses graines, jointes à ses fortes proportions, à la beauté de ses grandes feuilles en cœur, à la grandeur et à la bonne odeur de ses fleurs, Pont fait rechercher dans les jardins, oùil n’est plus très-rare, sans toute- fois y être, à beaucoup près, aussi répandu qu'il mériterait de l'être. L'expérience qu’on a pu acquérir déjà dans la culture de cette plante à montré cette particularité presque certainement unique dans le genre Lilium, qu’il végète beaucoup mieux quand sa grosse bulbe est enfoncée en terre par sa partie inférieure seu- lement que quand elle est complétement enterrée. Il y à même, à cet égard, une différence remarquable entre cette espèce m- dienne et le Lélium cordifolium Thunb., du Japon : d’après ce que m'a appris M. Max Leichtlin, d’après son expérience per- sonnelle, celui-ci végète mal, et ne donne que des tiges plus ou moins imparfaites si son oignon n’est tout à fait enterré, comme pour les autres espèces du même genre. Bulbe adulte ne devant pas fleurir dans l'année. — La bulbe du Lilium giganteum Wall., arrivée à l’état adulte, est très- grosse, turbinée, peu serrée. Celle que la figure À représente réduite de moitié, quoique bien formée, n’égalait pas encore en volume celles des pieds très-vigoureux et disposés à fleurir dans l'année. Je la prendrai néanmoins pour premier sujet d'étude, d'abord parce qu’elle se trouvait dans Pétat le plus propre à faire connaître l’organisation générale de cette partie fonda- mentale chez lespèce dont il s’agit ici, et ensuite parce que j'aurai à comparer l’organisation de Poignon bien formé, mais ne devant pas fleurir, avec celle de l’oignon qui va développer dans l’année sa tige florifère. \ Considéré au milieu du mois de mai, moment où il a été des- siné et disséqué, cet oignon avait développé à peu près complé- tement cinq grandes feuilles normales, cordiformes, qui n’ont pu être indiquées sur la figure À que par la partie inférieure de leur pétiole (f°,f°,f°,f",1?). C’étaient là tous les produits visibles extérieurement de la végétation de l’année. Les bases de ces cinq 12 BP. DUCHAR'TERE. feuilles étaient embrassées par dix grandes écailles plus externes, se subdivisant en deux catégories de cinq chacune, et, d’un autre coté, elles embrassaient et cachaïent elles-mêmes un gros bour- seon central formé de feuilles en voie de développement qui s’en- veloppaient étroitement lune Pautre. Examimons de plus près ces divers ordres de formations. Les grandes écailles charnues qui forment toute la partie externe de l’oignon du Lilian giganteum Wall. se distinguent ici en cinq externes, offrant à leur extrémité supérieure une grande cicatrice, et cmq internes, dont le sommet encore intact se pro- longe plus ou moims longuement en pointe. Les premières ne sont évidemment pas autre chose que les basés fortement ampli- fiées et épaissies de cinq feuilles normales, dont la production avait été le premier et le plus énergique effort de la végétation précédente ; les dernières ont été le résultat de cette même vé- gétation, à une époque plus avancée de l'année, c’est-h-dire lors- qu’elle avait déjà beaucoup perdu de sa puissance : de là leurs portions limbaire et pétiolaire ne se sont pas développées, ou ont été à peine indiquées; de là aussi ces feuilles très-imparfaites sont restées simplement à l’état d’écailles nourricières. Les écailles externes, partie vaginale des feuilles développées normalement pendant l'année précédente (4, 2, 3, 4, fig. 4), sont brunes, à fond verdâtre, dans la plus grande partie de leur surface, d’une teinte beaucoup plus claire et jaunâtre dans leur portion basilare, desséchées et plus où moins désorganisées à leur extrémité supérieure. La substance en est charnue, épaisse, mais, à cette époque de l’année, assez ramollie pour qu’elle eède facilement sous la pression du doigt, malgré leur turges- cence apparente. Nous verrons plus loin que, dans les premiers moments de la période végétative, elles sont non-seulement plus fermes, mais encore très-dures. Leur largeur est telle, que les deux plus externes (À, 2, fig. 4) embrassent à elles deux un peu plus que la circonférence entière de l'oignon ; le bord gauche de lune (1, fig. 1) recouvrant sensiblement le bord droit de l’autre (2, fig. 1), tandis que les deux autres bords se juxtaposent à leur parte inférieure. Les trois autres écailles sont un peu moins OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 15 élargies dans le bas. Quant à leur disposition, elle est spiralée- quinconciale, comme le montre la figure 4, sur laquelle la série des chiffres qui les désignent (1, 2, 3, #, fig. À) indique cet ordre ; cette série se compléterait par une cmquième écaille, située en arrière et un peu à droite, qu'on ne peut voir sur le dessin, en raison de sa situation. Ce même ordre, qui avait pré- sidé à la succession du développement des cinq feuilles, se recon- nait encore à l'inégalité de leur cicatrice terminale, les deux in- ternes dans le quinconce (4, 5) étant notablement plus étroites, et offrant un prolongement terminal bien marqué, mais à peu près sec, qui résulte de la destruction plus tardive de deux pétioles plus grêles. Quant aux écailles internes ou écailles nourricières, elles se montrent membraneuses, minces, déjà plus où moins désorga- nisées et déchirées longitudinalement à leur partie mférieure ; il est donc évident qu'elles ont été épuisées par la végétation actuelle, à laquelle elles ont fourni les substances nutritives qui étaient déposées dans leur tissu. Leur extrémité supérieure s’étend en un prolongement aigu, lancéolé, qui constitue une membrane scarieuse, assez longue déjà pour 4", un peu plus large et plus longue d'environ 0°,02 pour la cinquième, qui n’est pas visible sur la figure À, et qui devrait être désignée par 4". Ces deux dernières écailles sont notablement plus étroites que les trois qui se trouvent plus en dehors, et qui égalent à peu près en largeur les écailles épaisses et charnues sous lesquelles on les trouve. L'ordre de situation est le mème pour ces écailles nourricières que pour les emq externes, c’est-à-dire qu'il est quinconcial. On voit, d’après ce qui précède, que, dans chacun des deux cycles d’écailles dus à la végétation antérieure, la largeur va en décroissant, de l'extérieur vers l’intérieur, dans le sens de Pordre spiral d'insertion, tandis que lallongement relatif procède en sens inverse. La végétation actuelle à produit, au moment présent, em grandes feuilles en cœur, munies chacune d’un long et gros pé- hole. La partie inférieure de ces pétioles est reproduite sur la 14 BP. HE CRE AUFERE. figure À, et, à leur centre, on y voit en / le petit limbe enroulé sur lui-même de la feuille (f, fig. 3) destinée à ne prendre qu’un faible accroissement, dont la gaine amplifiée forme l'enveloppe du bourgeon central. Comme le montre là série des lettres qui désignent les cinq feuilles arrivées maintenant à leurs dimen- sions à peu près définitives (', ff 5, fig. 4), l’ordre de situa- tion de ces organes est quinconcial comme celui des écailles, et les proportions relatives de ces feuilles sont en parfait accord avec ce que nous avons vu plus haut sur ces mêmes écailles : ainsi les trois qui se trouvent le plus à l'extérieur (/°,/°,/9) offrent un pétole très-épais, fortement élargi dans sa portion inférieure, de manière à devoir laisser, quand il se détruira lui-même, une grande et épaisse écaille charnue, terminée par une large cica- trice. La quatrième et la éinquième (/°,f, fig. 4} offrent au con- traire un pétiole beaucoup plus grêle, qui surmonte une dila- tation basilaire moins considérable. On voit donc dès cet instant qu'il y aura une complète identité de proportions relatives et de situation entre les écailles externes de la végétation antérieure et celles qui survivront à la végétation actuelle. Cette identité se retrouve encore entre les écailles nourri- cières de la végétation précédente et celles que forme en ce mo- ment la végétation actuelle. En effet, si nous examimons de près la masse qui existe au cœur mème de l'oignon, et que J'ai déjà appelée, pour abréger, le bourgeon central, nous verrons qu'il ne peut en provenir de feuille normale, à limbe en cœur, et que, par suite, il n’en restera que des écailles semblables aux écailles nourricières de la précédente végétation. Au moment actuel, la plus développée de ces petites feuilles centrales est celle qui, par sa gaine allongée et fortement élargie (7, fig. 3), enveloppe en- lièrement toutes les parties plus jeunes et plus internes. Celle-ci est surmontée d’un limbe caractérisé ({), mais de faibles dimien- sions, qui s’accroitra fort peu et n'aura qu'une courte existence. La deuxième feuille de ce bourgeon central élève à la hauteur de e (fig. 3) l'extrémité de son limbe rudimentaire, qui est ré- duit au point de ne constituer qu'une peüte lanière, longue seu- lement de 0",01, et déjà sphacélée, de manière à prouver que sa OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 45 croissance est arrêtée. Sous celle-ci, on en trouve une troisième, longue de 0",03, et dont le sommet est également sphacélé ; enfin on ne voit pas le moindre indice de prolongement limbaire à l'extrémité de la quatrième, qui n’excède pas 0",04 en lon- eueur; ni de la cinquième, qui est longue de0",003 seulement ; ni de la sixième, qui mesure à peine 0",0015 de longueur, et qui abrite extrémité de Paxe fondamental plane où même légère- ment déprimée. La végétation de l’année présente ne donnera done que cinq ou six feuilles centrales, sans limbe, ou n’en offrant qu'un rudiment plus ou moins imparfait, et qui resteront finalement à l’état d’écailles nourricières. Ainsi les produits de la végétation actuelle seront en tout semblables à ceux de la végétation précédente. La situation relative des jeunes écailles nourricières est ana- logue, comme le montre la coupe transversale (fig. 4) menée tout au bas du bourgeon central, à Parrangement quinconcial, sans être devenue encore rigoureusementidentique avec lur. On pourrait dire qu’il constitue, au moment présent, une sorte de transition entre la disposition distique et le quinconce ; mais il ne me semble pas douteux que tout vestige de l'ordre disque ne doive promptement disparaitre, à mesure que ces organes encore fort jeunes avanceront dans leur croissance. Sur cette figure 4, la série des chiffres #, 2, 3, #, 5, 6, indique ces organes foliaires destinés à devenir des écailles nourricières et se re- couvrant l’un l’autre de dehors en dedans. En résumé, l'oignon adulte du Lilium gigunteum Wall, qui vient d'être décrit, a donné annuellement et deux fois de suite dix productions foliaires, dont les cmq premières en date, étant le résultat de la végétation dans sa période de grande activité, sont devenues des feuilles parfaites, de dimensions considéra- bles, tandis que les cinq autres, opérant leur croissance au déclim de la force végétative, n’ont développé que leur portion vagimale, avec ou sans indice de limbe. Les premières ont laissé après elles les grandes écailles externes à cicatrice terminale, les der- nières sont devenues ou deviendront les écailles nourricières destinées à s'épuiser les premières par Île fait de la végétation 16 P. DUCHARTRE. suivante. Ce nombre de dix productions foliaires se subdivisant en deux catégories successives de cinq chacune n’est pas absolu : à cet égard, Pâge et la vigueur des pieds exercent une grande influence ; mais je crois que c’est une moyenne en dessus et en dessous de laquelle les oignons formés ne doivent offrir que des oscillations assez faibles. L'axe fondamental qui sert de Support commun à toutes les parties constitutives de l'oignon adulte acquiert, chez le Lilou giganteum Wall., plus de développement que dans la généralité des autres espèces du même genre. En outre, comme on le voit sur sa coupe longitudinale (fig. 3), 1l offre cette particularité qu'il semble composé de deux parties superposées que séparait, sur le sujet examiné, une figne transversale, simple section d’un plan horizontal. Ces portions superpostes ont pris une crois- sance en rapport avec les progrès de làge : ainsi la supérieure (fig. 3), à laquelle s’attachaient les écailles (sg.) et les feuilles {insérées en d) actuellement existantes, est beaucoup plus haute et plus large que linférieure (b) qui la précédée. Gelle-c1, à son tour, est tronquée inférieurement par leffet de la destruc- ton de la partie axile qui avait été encore antérieure en date. Cette destruction par le bas, corrélative d’un allongement gra- duel par Le haut, est un fait trop connu chez les végétaux mono- cotylédonés pour qu'il soit nécessaire d’y insister. C'est aussi selon lordre habituel chez les végétaux mono- cotylés, c’est-à-dire de bas en haut, que se produisent les racines qui L.ent toutes leur origine de axe fondamental. Les figures det3 montrent ce développement successif. Il est facile de comprendre, à la vue de la dernière, que ceux de ces organes qui nourrissaient la bulbe jeune ont déjà disparu avec la portion de Paxe qui a dù être inférieure à la troncature actuelle ; d’un autre côté, la première montre des racines très-Jeunes et encore plus où moins courtes (r, r,?", fig. 4), qui sont nées si haut sur l'axe, que, pour se faire jour au dehors, elles ont dù traverser la substance même des écailles. Ces racines jeunes, formant comme le prélude de la végétation prochaine, ont en général une moindre épaisseur que celles (ra, ra, fig. À) qui ont fourmi OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 17 au développement des parties actuellement existantes; elles sont encore simples, blanchâtres, terminées par une pilorhize jaunâtre, tandis que leurs ainées portent de nombreuses radi- celles et ont une couleur jaune brunâtre. Bulbe adulte se disposant à fleurir.— La bulbe complétement adulte, déjà pendant lhiver et dès son entrée hâtive en végé- tation, indique d’ordinaire par des signes appréciables à l’ex- térieur si elle doit développer dans l’année sa tige florifère. Ces signes sont : À° l'émission d’un cône central fortement proémi- nent, formé par plusieurs des écailles nourricières de l’année précédente qui se sont aliongées d'autant plus qu’elles étaient plus internes, en devenant vertes et foliacées ; 2° l'apparition d’une vraie couronne de gros caieux déjà en végétation, autour de la base de loignon lui-même. I ne faut ceperidant pas prendre ces signes comme annonçant tonjetren une iproghaine floraison. à Une forte bulbe arrivée à cet état est ne entière et réduite à la moitié de ses proportions réelles, sur la figure 8. Elle m'a été donnée généreusement par M. A. Rivière, le 4 fé- vrier 4874. L'examen que j'en ai fait, et dontje vais résumer les résultats, m'a montré que le prélude de la floraison était accom- pagné de modifications notables dans sa constitution intérieure, et que dès lors elle offrait des différences cmarquées avec celle que je viens de décrire. Cet oignon complétement adulte était très- s-fort et ne mesurait pas moins de0",24 de tour. Son cône foliacé central, formé;par la superposition des écailles nourricières internes considéra- blement développées en longueur, bien que ne laissant pas voir encore le sommet des feuilles cordiformes, dépassait déjà de 0",035 l'extrémité de l’écaille la plus longue. De sa partie infé- rieure partait une énorme masse de racines qui remplissait à peu près le pot, large de 0",95, dans lequel la plante était cul- tivée. Ges racines étaient peu inégales en grosseur, épaisses de 0",003-0°,00%, chargées d’une grande quantité de radicelles ramifiées elles-mêmes. Les écailles externes ou à grande cicatrice terminale, c’est- 6e série, BoT. T, IL (Cahier n° 1). ? 2 1 BP, HICFIARMERE. à-dire ayant formé la gaine épaissie de feuilles normales pen- dant la végétation précédente, sont au nombre de six et occu- pent deux tours de spire à fort peu près complets. La substance en est très-épaisse et très-ferme, dure même (1). Leurs bords sont fortement amincis. Comme le montre la figure 8, elles sont d'autant plus élargies transversalement et plus courtes qu’elles sont plus externes, que leur cicatrice terminale est plus grande; en d’autres termes qu’elles supportaient, lan dernier, un pétiole plus épais et une feuille plus grande. Leur face externe est brun foncé dans la portion de son étendue qui était à décou- vert; mais ce brun est comme superposé à un fond général vert, qui devient d'autant plus apparent que l’écaille est plus mterne. D'un autre côté, la portion non découverte de cette surface étant verte ou verdâtre, 1l s'ensuit que les portions brune et verte de cette même surface sont étendues en raison inverse l’une de l’autre. Quant à la face interne de ces écailles, elle est verdâtre dans leur portion supérieure, sur un tiers à une moitié de leur hauteur, blanche dans le bas avec une transition assez rapide entre ces deux teintes. La spire se continue sans interruption des écailles externes marquées d’une grande cicatrice terminale, c’est-à-dire foli- fères, aux écailles internes, sans cicatrice terminale, c’est-à-dire nourricières ; néanmoins, comme dans l'oignon précédemment déerit, il y a un saut des: plus brusques et absence complète de transition entre ces deux catégories d’écailles. En effet, comme on le voit sur la figure 8, à la dernière écaille externe 6, que termine une forte cicatrice, qui par conséquent a été la portion basilaire d’une grande feuille normale cordiforme, succède immédiatement, dans l’ordre spiral, la première écaille nour- ricière @', qu'on voit surmontée uniquement d’une petite pointe longue d'environ 0",04 et déjà sèche, très-imparfait indice de (1) L’écaille 4, dans sa partie la plus renflée, est épaisse de 0,015 ; 2 et 3 atteignent 0",02 dans leur plus grande épaisseur ; la diminution d'épaisseur est faible pour 4, plus marquée pour 5; enfin, l’écaille 6, quoique notablement plus étroite et plus allongée, garde encore 0,01 d'épaisseur, un peu au-dessus du milieu de sa hauteur. OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 19 ja portion non vaginale de la feuille. Ce rudiment lui-même fait à peu près défaut et se réduit à une petite ponte terminale sur les écailles nourricières 4", a"; il manque enfin complétement sur les suivantes. Le brunissement de la face externe et l’épais- seur du tissu décroissent avec la même rapidité. La première écaille nourricière 4’ n’est brunie sur fond vert très-apparent que dans son tiers supérieur; &" n'offre cette mème couleur, due visiblement à des points bruns rapprochés, que vers sa pointe même et un peu plus bas sur sa ligne médiane ; 4" ne montre qu'un léger glacis brun sur fond vert, à sa pointe ; enfin à partir de 4" toute trace de brun a disparu, et le vert à envahi la surface entière des écailles. L’épaississement du üssu de ces écailles diminuant à mesure que se restreint l'étendue de la coloration brune, lépaisseur maximum de «a! est encore de 0®,008 ; celle de a" n’est déjà que de 0",005, et seulement sur une bande médiane; a" est à peu près entièrement foliacée, avec une épaisseur maximum de 0",0095 sur sa ligne médiane et seulement vers le haut; 4" n’a plus que son extrémité en pointe sensiblement épaissie ; enfin 4° commence [a série des écailles nourricières qui sont devenues minces et foliacées dans toute leur étendue. En même temps qu’elles sont devenues vertes et foliacées, les écailles nourricières internes se sont allongées de plus en plus, et cet allongement notable s’est produit brusquement entre av et ay. C'est done à parür de cette même écaille nourricière a, toute foliacée et simplement apiculée sur son extrémité su- périeure arrondie, qu'a commencé de s'exercer énergiquement l'influence de la végétation actuelle, qui devait amener, j'ai lieu de le croire, la production d’une tige florifère (1). Sous (1) Les écailles nourricières internes (gaines) devenues foliacées ont les di- mensions suivantes : a (qui est postérieure) a 0,078 de long sur 0",037 de largeur à la base; a* mesure 0",092 en longueur, 0",038 en largeur à Ja base ; a"=—0",102 de long, 0",032 à sa base, qui est sa partie la plus large ; at = 0,115 de long, et sa plus grande largeur, qui se trouve vers son milieu, = 0,033, tandis que sa base même n’a que 0",028 ; enfin, av" est longue de 0,123, large de 0",032 vers son milieu, de 0,028 à sa base. Gette dernière est notablement épaissie et plus ferme sur une bande longitudinale médiane, qui lui forme comme une ébauche de côte. 20 2. HUCEMAER TEE. cette influence il s’est produit une différence importante entre l'oignon déjà gros mais ne devant pas fleurir dans l’année, comme celui que représente la figure 1 et celui dont il s’agit en ce moment (fig. 8), qui prélude af développement de sa tige flo- rifère : cette différence consiste en ce que, dans le premier, les écailles nourricières sont peu nombreuses et conservent une configuration peu différente de celle des écailles externes, puis- qu’elles se terminent seulement par un petit appendice mem- braneux et scarieux, tandis que, dans le dermer, ces mêmes écailles nourricières sont plus nombreuses, que les quatre pre- mières d’entre elles conservent seules la configuration et l’'appa- rence d’écailles triangulaires et pointues, et que toutes les autres prennent un accroissement d'autant plus grand qu'elles sont situées plus près du centre, tout en devenant fohiacées et en modifiant leur contour général. En effet, de triangulaires que sont les premières, qui s’attachent par une large base au-dessus de laquelle elles se rétrécissent jusqu'au sommet, on les voit passer successivement à une forme d’abord en courroie, puis oblongue avec une base sensiblement rétrécie. Nous allons aussi constater qu'une autre modification plus essentielle encore se produit dans les parties plus internes de ce mème oignon. En effet, si l’on enlève les écailles externes (de 4 à 6) et les écailles nourricières (de a! à a", fig. 8), on met à nu la masse centrale constituée par une série de feuilles normales, à limbe en cœur et à gros pétiole encore court, qui se recouvrent lune Pautre, et qui ne devaient pas tarder, en continuant de croître et de s’allonger, à se montrer librement au dehors. Il n’y a pas la moindre transition entre la plus interne des écailles nourri- cières et la plus externe des feuilles normales : la première est constituée par une gaine foliaire passée à létat d'expansion membraneuse verte, un peu épaissie vers le bas, sur sa ligne médiane ; la dermière a un limbe déjà grand, cordiforme, forte- ment nervé, parcouru par une très-grosse Côte médiane, avec un pétiole très-épais et court. La base de cette feuille, qui, dans la marche normale des choses, devrait devenir une grande et épaisse écaille à cicatrice terminale, n’est ici que faiblement dilatée. OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 94 Sous cette feuille il s’en trouve une assez nombreuse série d’au- tres également normales, c’est-à-dire cordiformes et péliolées, s’enroulant en cornet les unes autour des autres, et diminuant de grandeur, lentement pour celles qui se trouvent vers l’exté- rieur du faisceau, beaucoup plus rapidement pour celles qui se rapprochent du centre (4). C’est la huitième de ces feuilles nor- males que représente, de grandeur naturelle, la figure 8 À, telle qu’elle se trouvait disposée et placée au sommet de l’axe fon- damental dont la section longitudimale à été faite un peu en avant de son plan moyen. La comparaison des figures 8 A et 3 montre que l’axe fondamental ne diffère en rien d’ essentiel dans les deux eas. Il est de même tronqué à sa partie inférieure, con- formé supérieurement en un gros tronc de cène qui est plus large que la portion sous-jacente; celle-ci est non-seulement tronquée, mais encore un peu excavée dans le bas : c’est, avec les racines qui partent de sa surface latérale, tout ce qui reste des produits de la végétation antérieure à la formation des écailles actuellement existantes. C’est sur la portion supérieure et la plus large de l’axe fon- damental que s’attachent les écailles des deux sortes qui consti- tuent en majeure partie l’oignon actuel. Les feuilles normales, non visibles encore à l'extérieur, s’attachent sur la troncature de cette même partie de l’axe, au centre de laquelle on voit (fig. 8 A) que se trouve la huitième feuille (/$) enroulée autour de quelques autres plus jeunes encore. La série des figures 8 À, 8B, 8C, 8 D, 8 E montre la succession de toutes (D) Voici les dimensions des huit premières de ces feuilles numérotées de l'extérieur vers l’intérieur du faisceau. La 17° — 0",122 de longueur; son limbe — 0",011, du sommet au bout de l’une des deux oreillettes basilaires, 0",007 de largeur ; son pétiole — 0",038 de longueur, 0",023 de largeur à lin- sertion, 0",006 d'épaisseur peu au-dessus de sa base. La 2° — 0",120 de lon- gueur totale; 0",103 pour le limbe, en long, 0",072 en large ; 0",034 pour le pétiole. La 3° = 0,105, avec limbe de On, 092 sur 0,065 ; 0",027 pour le pétiole. La 4° = 0",083, avec limbe de 0",078 sur 0",054; 0,018 pour le pétiole. La 5° — 0",070, avec limbe de 0,065 sur 0",043 ; 0",012 pour le pétiole. La 6° — 0",052, avec limbe de 0,049 sur 0,035; 0",010 pour le pétiole. La 7e — 0,035, avec limbe de 0,033 sur 0",022 ; 0",007 pour le pétiole. La 8° = 0,020, avec limbe de 0",018 ; 0",004 pour le pétole. = 22 P. DUCEHANRTERE. ces feuilles et leur disposition relative ; on voit, en les comparant Pune avec l’autre, que la huitième (/*) s’enroule autour du faisceau entier, que la neuvième (/°) est ployée en deux sur sa Côte médiane, avec ses deux bords simplement infléchis, et que dans la cavité, qu’elle embr asse ainsi (cette cavité se montre ouverte sur la figure 8 C par une coupe longitudinale) se trouve logée une dixième feuille (/) ployée de même et beaucoup plus petite. Celle-ci est la dernière de celles qui ont assez des- siné leurs parties pour qu’on y reconnaisse sans peine un limbe en cœur fortement nervé, muni d'une épaisse côte médiane, qui continue directement un gros et court pétiole ; cette dixième feuille n’a cependant que 0",005 de longueur totale. Quant aux trois derniers de ces organes ot la dissection n'ait fait recon- naître au centre de ce bourgeon terminal, ils n’ont pas encore distingué leur limbe et leur pétiole : la moins jeune (/"), dont la longueur totale n’est guère que de 0",001, forme une émi- nence à peu près conique, canaliculée à son côté interne; la douzième et la treizième (/?, f®) sont à l’état de mamelons dont le dernier (/*) vient seulement d'émerger du sommet végétatif de laxe. Je ne doute pas que ces trois dernières productions de l’axe ne fussent destinées à revêtir bientôt et successivement les caractères de feuilles normales, puisque la tige florifère n'en porte pas d’autres et n'offre rien qui rappelle des écailles nourricières. En outre, comme on le voit sur la figure 5, le nombre des feuilles qui s’attachent à la base de la tige florifère et qui finissent par y laisser la longue et étroite cicatrice de leur insertion, correspond à celui de ces organes que nous venons de voir déjà formés dans l'oignon adulte près de monter à fleurs, selon lexpression habituelle des jardiniers ; il ne reste done plus à naître que les feuilles qui proviendront de la tige à mesure qu'elle-mêmese développera et qui s’échelonneront sur ses côtés à des intervalles plus ou moins longs. Môme dans le nombre des jeunes feuilles déjà existantes que je viens de décrire, quelques- unes seront entrainées par la tige, pendant sa croissance en hau- teur, et finiront par se trouver à un niveau plus ou moins élevé au-dessus du sol. : OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 23 En résumé, chez le Lili giganteum Wall., les produits de la végétation qui aboutit au développement des fleurs diffèrent. essentiellement, quant à leur nombre et à leur nature, de ceux des végétations antérieures : celles-ci donnent toutes un certain nombre de productions foliaires qui se divisent nettement et sans transition en deux catégories : 4° feuilles normales dont la gaine considérablement épaissie restera sous la forme d’écalles exter- nes à large cicatrice terminale ; 2° écailles nourricières dans les- quelles il n'existe qu'une portion vaginale médiocrement épaissie et non surmontée de limbe n1 de pétiole, ou n’en portant qu'un faible rudiment; celle-là ne produit exclusivement que des feuilles normales, sans écailles nourricières, et ces feuilles ne développent point leur portion basilaire en écailles charnues, de sorte que, à la fin de leur existence, elles tombent tout entières sans rien laisser qui les rappelle ni qui en ait fait partie. En outre, cette même végétation florifère commence, si FPon peut ainsi parler, à exercer son influence dès la fin de la période végétative précédente ; elle détermine la production d’un nom- bre d’écailles nourricières plus grand que celui des feuilles nor- males de la même période ; elle maintient fraîches et vivantes la plupart de ces écailles nourricières (les internes) et en détermine le développement en expansions foliacées, tandis que, dans les périodes végétatives non florifères, ces mêmes écailles nourri- cières, remplissant le rôle qui leur a valu leur dénomination, s’'épuisent d'assez bonne heure pour aider à la formation de feuilles nouvelles et ne tardent pas à se désorganiser. Production des caïieux chez le Lihium giganteum Wall. — Pendant le cours du développement qui doit le mettre en état de fleurir, l'oignon de ee Lis donne naissance successivement à des caïeux qui doivent lui survivre et qui permettent de multi- plier la plante plus rapidement que par la voie des semis. Ces caïeux naissent à l’aisselle des écailles de la bulbe. Comme celles-ci sont reportées en dehors à mesure que laccroisse- ment se fait par le centre, qu’elles dépérissent pour disparaître finalement dans le cours de la période végétative qui suit celle pendant laquelle elles se sont formées, les caïeux suivent 24 P. DIUCHARTRE. nécessairement la même marche; après la destruction des écailles à l’aisselle desquelles ils sont nés, 1ls se trouvent placés autour de la base de la bulbe mère ou un peu plus bas, en cercle plus ou moins irrégulier, et ils se montrent plus ou moins déve- loppés selon qu’ils sont nés plus ou moins tôt. Ainsi la base d’un pied de Zilium'qiganteum qui a fleuri etfructifié est accompagné d’une couronne de caïeux dont certains ont déjà un fort volume, et dont le nombre total est en moyenne de six ou sept. Ge nombre s'élève à une dizaine pour les pieds très-vigoureux ; il descend à quatre ou cinq pour ceux qui ont végété faiblement. Cette origine et cette sorte d'expulsion graduelle des caïeux se retrou- vent chez la plupart'des espèces de Lis; mais le Lis gigantesque offre, à cet égard, une richesse de production et une régularité de développement supérieures à ce qu’on voit dans la généralité de ses congénères. J'ai dit que les caïeux naissent à laisselle des écailles de la bulbe ; je n’en ai vu qu’à celle d’écailles externes, c’est-à-dire qui avaient survécu à des feuilles normales. Je dois faire obser- ver que je prends ici le mot d’aisselle dans un sens très-large et comme désignant la largeur entière de l’angle formé par l’écaille avec l'axe. En effet, prenons pour exemple ce que m’a offert l’oignon adulte représenté par la figure 8. L’écaille 3 cachait deux caïeux situés, non devant sa ligne médiane, c’est- à-dire à son aisselle proprement dite, mais devant ses deux côtés et tout près de ses bords. fs étaient fort inégaux de grandeur : celui de droite, que représente grossi la figure 9, n’était encore long que de 0",019, tandis que celui de gauche, que j'ai dessiné de grandeur naturelle sur la figure 40, avait déjà le double de cette longueur ou 0",02%; mais les caractères gériéraux de leur structure et leur forme étaient les mêmes. Le plus saillant de ces caractères, c’est que chacun d'eux avait une enveloppe externe incomplète, formée d’une préfeuille ployée en carène, de manière à présenter un côté interne un peu plus large que le côté externe, et prolongée en bec à son extrémité supé- rieure. La figure 11, qui représente la coupe menée vers le milieu du premier de ces deux caïeux (fig. 9), montre, sur une OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 95 section transversale, la situation relative de la préfeuille et des deux feuilles les plus développées ou les plus externes de ce bourgeon qui n’a pas encore l'apparence par laquelle se distin- guent habituellement les caïeux. Les deux préfeuilles avaient leur ouverture en regard, par conséquent tournées vers la gauche pour le caieu de droite, à droite pour le caïeu de gauche, et ces deux ouvertures laissaient plus ou moins apparentes à extérieur de petites feuilles nor- males, à limbe en cœur fortement nervé, pourvues d’un gros et court pétiole. C’est ce que montrent les deux figures 9 et 10. Les deux caïeux dont je parle étaient fortement comprimés du dehors au dedans de loignon mère ; leur face externe, appli- quée contre l’écaiile mère, était plane, tandis que l’interne était convexe, surtout sur sa ligne médiane et vers Le bas, sa convexité occupant une fossetie correspondante, qui pour cela était creu- sée dans la base des écailles plus intérieures de loignon. Ailleurs la préfeuille occupe une position plus décidément interne, par conséquent plus normale, et s’adosse tout à fait contre l’axe. C’est ce que montre, par exemple, la coupe transversale (fig. 7) d’un caïeu que m'a offert l'oignon représenté par la figure 1, et dans lequel, l’époque à laquelle la coupe a été faite étant plus avancée (10 mai), toutes les parties qui le formaient, tant la préfeuille pr que les écailles plus internes «,b,e, avaient déjà pris une grande épaisseur. Quant à l’organisation interne des deux caïeux que je viens de décrire, elle était la même dans l’un et l’autre, avec cette seule différence que le plus avancé offrait dans la cavité de la pré- feuille quatre petites feuilles normales, ayant le limbe en cœur fortement nervé; ployé en long sur sa grosse côte et un court pétole fort épais, tandis que le plus petit n’offrait que trois de ces feuilles. Dans l’un et l’autre, immédiatement en dedans de la plus jeune feuille, se trouvaient : 4° un organe foliare très-jeune, en simple prolongement oblong et canaliculé à sa face interne, qui me semble devoir être une écaille nourricière presque naissante; 2 un très-petit mamelon central hémi- sphérique, dernière production du point végétatif, dans lequel 26 PP, HUCRRAMR TEE. je présume qu'on doit voir une deuxième écaille nourricière naissante. Outre ces deux caïeux de formation récente, et les seuls qu'eùt donnés la dernière: période végétative, oignon adulte que représente tout entier la figure 8 en avait produit plusieurs d'une origine fort antérieure, puisque la destruction des écailles à l’aisselle desquelles ils étaient nés les avait laissés libres, et que, par l'effet de leur âge, ils avaient acquis un volume beau- coup plus fort. Les plus avancés d’entre eux n'avaient pas moins de # à 5 centimètres de long. C’est un caïeu de ce genre que reproduit, de grandeur naturelle, la figure 6. On voit que la plus grande partie de sa masse est formée par deux écailles externes fort épaisses, À, 2, au sommet desquelles une large cicatrice montre que chacune d'elles se prolongeait d’abord en une feuille normale aujourd’hui détruite. Plus intérieurement que ces deux épaisses écailles, on remarque l’extrémité supé- rieure de trois écailles nourricières a, a", a", dont les dimen- sions en tout sens sont beaucoup plus faibles. Enfin un état intermédiaire, entre celui des deux jeunes caïeux (fig. 9, fig. 10) et du gros caïeu (fig. 6), est représenté par la figure 2. Comme on le voit en e, fig. 4, la croissance de la bulbe mère avait repoussé ce caïeu jusqu’en dehors de l’écaille la plus externe 4, et pendant ce temps ce caïeu lui-même avait développé son unique feuille normale composée d’un petit limbe en cœur longuement pétiolé. La figure 2 montre ce caïeu isolé, et lon voit qu'il est de forme ovoide-oblongue, peu renflé, con- stitué par la portion vaginale de sa feuille fortement épaissie ; il présente comme centre un axe assez allongé (a), encore entier, c’est-à-dire n'ayant pas eu le temps de se désorganiser à sa partie inférieure, qui, par suite, est arrondie et non tronquée ; cet axe fondamental est resté à découvert par l'effet de la destruction des écailles qu'il avait portées dans le cours de sa précédente période végétative, et parce qu'il n’a émis encore que quatre racines jeunes et grêles. La coupe longitudinale (fig. 2 A) et la coupe transversale (fig. 2 B) montrent quesonrenfiement ovoide- oblong est presque entièrement formé par la portion inférieure OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 27 ou vaginale de sa feuille unique qui s’est considérablement épais- sie, et dont les bords amincis circonscrivent un fort petit tube où sont logés deux nouveaux organes foliaires 4', a”, destinés, selon toute apparence. à devenir deux écailles nourricières. Ainsi ce jeune caieu a déjà perdu sa préfeuille, et les pre- mières petites feuilles qu'il offrait quand il était à l'état de bour- geon axillaire. D'un autre côté, 1l a pris nettement les carac- tères d’un oignon en voie de formation, et pour cela la base de sa feuille unique (1) s’est fortement épaissie à sa base, de ma- mère à devoir laisser, après la destruction de son limbe et de son pétiole, une épaisse écaille à cicatrice terminale, qui recou- vrira des écailles nourricières peu nombreuses. La production successive de ces deux sortes d’écailles qui doivent constituer oignon du Lilium giganteum Wall. est donc déjà effectuée ; elle se produira pour chacune des périodes végétatives suivantes, avec cette seule différence que ces deux sortes de formations fohaires, feuilles normales laissant d’épaisses écailles à cicatrice, et écailles nourricières moins épaisses, deviendront lune et l’autre graduellement plus nombreuses, jusqu'à ce que l'oignon soit tout à fait adulte et en état de fleurir. On peut donc suivre la série de ces accroissements en observant la succession des états que représentent les figures 9, 10, 7, 2, 6, 1 et 8. Floraison et fructification du Lilium giganteum Wall. — J'ai montré, dans ce qui précède, lPoignon adulte préludant à la formation de la haute et forte tige que doit terminer l’inflores- cence. Le fait capital que J'ai signalé, c’est que la végétation, au lieu de présenter les alternatives d'énergie et de ralentissement qui, dans chacune des périodes antérieures, avaient amené la production, dans une même année, d’une série de feuilles nor- males et d’une série d’écailles sans limbe, c’est-à-dire nourri- cières, reste continue, et conserve toute son énergie Jusqu'à ce que son axe fondamental se prolonge en tige; que, par consé- quent, elle donne naissance à un nombre de feuilles normales plus grand que de coutume, sans rien produire qui rappelle les (1) Je crois que plus de vigueur dans le caïeu peut amener la formation d’une deuxième feuille normale, pendant cette même période végétative. 28 P. PUCHARTERE. écailles nourricières, pour lesquelles il n’existe plus de raison d’être. Les feuilles, qu'un exemple décrit en détail m'a mon- trées, au nombre de 13, dès le commencement de février, restent rapprochées en touffe, et ne s’écartent que fort peu lune de Pautre dans leur imsertion sur le bas de la tige. La figure 5, qui représente la base d’une tige fructifère réduite de moitié, montre la situation relative de la plupart de ces feuilles mdi- quée par les cicatrices étroites et longuement étendues dans le sens transversal, que chacune d'elles à laissée en tombant. Mais à mesure qu’elles se trouvent placées plus près du centre d’ac- croissement, les feuilles sont entrainées de plus en plus haut, et par conséquent s’écartent de plus en plus lune de Pautre à la surface de la tige, qui s'élève pour atteindre finalement jusqu’à 2 et 3 mètres de hauteur. On voit sur la figure 5 que les cica- trices e,c laissent entre elles ? ou 3 millimètres seulement d’in- tervalle; c' s’écarte déja davantage; €” se trouve à plus d’un centimètre au-dessus de c'; enfin, la feuille supérieure à c"se trouvait assez éloignée de celle-ci pour qu’elle n'ait pu entrer dans les limites de cette figure. Les feuilles qui s’attachent tout au bas et sur le tiers inférieur de la tige ont un grand limbe en cœur porté sur un long et épais péüole; à mesure qu’elles se trouvent placées plus haut, elles deviennent moins grandes, et leur pétiole se raccoureit; enfin, les plus voisines des fleurs ne forment plus qu’un petit Embe tout membraneux et vert, ovale-lancéolé ou oblong-lancéolé, acu- miné, faiblement rétréci vers sa base et sessile. Ainsi, sur un pied médiocrement vigoureux, dont ies feuilles normales avaient un limbe long de0",25, large de 0",017, et un pétiole plus long que le limbe, la feuille la plus rapprochée des fleurs n’était plus qu'une lame longue de 0",075, large de 0",0928 vers le milieu de sa longueur, de 0,014 dans sa partie inférieure évidemment vaginale, que parcouraient plusieurs nervures d'abord paral- lèles et plus haut divergentes. La tige du Lis gigantesque justifie, par ses fortes proportions, la dénomination spécifique qui a été donnée à cette belle espèce. Avec une hauteur de4",50 à 2 mètres, en moyenne, elle acquiert OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 29 une épaisseur de 3 à centimètres dans sa partie inférieure. Elle acquiert même un diamètre un peu plus fort à sa base propre- ment dite, c’est-à-dire dans sa portion qui porte les grandes feuilles inférieures, rapprochées en touffe, qu’on qualifie habi- tuellement de radicales. Les deux figures 5 et 5 À représentent la partie inférieure de la tige d’un pied de vigueur au plus moyenne, qui avait déjà müri complétement ses fruits; cette tige était morte et sèche, fistuleuse, à parois épaisses dans le bas, beaucoup plus minces un peu plus haut. En comparant les figures 5 et 5 À avec la figure 8 À, on peut se rendre compte des changements que la production de cette tige avait déterminés dans la partie basilaire de la plante. L’oignon qui préludait sim- plement à la production de sa tige florifère (fig. 8 A), montrait son axe fondamental formé de deux portions superposées. L’in- férieure (aa), plus étroite, tronquée à sa base, et commençant même à se creuser par désorganisation graduelle de sa substance interne, portait des racines nombreuses (rrr) encore vivantes, mais dont l’activité diminuait déjà notablement: c'était la por- ton la plus vieille de eet axe. La partie supérieure (ab), ou la plus jeune, portait non-seulement les écailles de oignon actuel, mais encore les feuilles déjà formées, quoique non visibles encore à l'extérieur, et le bourgeon terminal que cette figure montre en place. À la base même de cette partie s'était produit un étage de racines (r'")jeunes, et non parvenues encore à leur longueur dé- fimtive. De son côté, la tige fructifère (fig. 5 et5 À) nous montre la portion Imférieure (4) de l’axe fondamental non-seulement morte depuis longtemps, mais encore désorganisée et creuse in- térieurement (a, fig. 5 À), avec les racines (rr) qui s’y attachent tout à fait sèches et racornies. Il est évident, au premier coup d'œil, que cette portion mférieure de l'axe n’a concouru en rien à la production de la tige florifère. C’est donc la portion supé- rieure (ab, fig. 8) qui a été Pagent essentiel de cette production. Ses racines basilaires (r',fig. 8 A), et d’autres nées postérieure- ment entre les écailles mêmes de l'oignon adulte (r'r', fig. 5 et 5 À),ont absorbé les matières nécessaires à ce grand accrois- sement ; leur grosseur considérable montre quelle à été leur s1) WP. HUCEHIAER'TERN. puissance. Gomme on le voit par la coupe longitudinale du bas de la tige fructifère (fig. 5 A), la désorganisation des tissus in- ternes a fini par gagner même cette portion supérieure de Paxe fondamental, et a creusé à son centre une sorte de petit tube conique, qui établit une communication entre la grande cavité intérieure de la tige et l'extérieur. Toutefois, en travers de la grande cavité tubuleuse de la tige et à sa base, on voit une sorte de plancher celluleux (p, fig. 5 À), seul reste de la masse cellu- laire centrale qui à disparu pour laisser la tige fistuleuse. Ce diaphragme est analogue à ceux qu'on voit fréquemment chez d’autres Monocotylédones à tige fistuleuse, notamment chez le Roseau (Arundo Donax L.). À la fleur que je n'ai pas à décrire ici, Payant déjà décrite en détail dans mes Observations sur le genre Lis (Journ. de la Soc. centr. d’'hortie., 2 série, IV, 4870, p. 547, et p. 62 du tirage à part), succède une grosse capsule ovoïde, apiculée au sommet, rétrécie à la base en une sorte de pédicule ou en podogyne (fig. 12), de couleur roussàtre claire, et dont les parois sont sèches, médiocrement fermes à leur maturité complète, qui n'arrive d'ordinaire qu’en décembre ou à la fin de novembre, sur les pieds cultivés. Comme le montre la coupe transversale de cette capsule (fig. 19 À), les parois en sont minces; le con- tour en est arrondi, relevé seulement de trois crêtes longitudi- nales sur les lignes où se fera la déhiscence loculicide, c’est-à-dire dans le sens de la côte médiane des carpelles, ainsi que de trois légères côtes arrondies situées sur trois lignes qui correspondent aux cloisons internes, par conséquent au milleu des valves que sépare la déhiscence. La fleur était penchée de mamière à se tenir horizontalement ; le fruit qui lui succède se relève peu à peu par lelfet d'une ar- cure brusque qui se forme tout à la base du podogyne (en 4, fig. 412), et immédiatement au-dessus de la cicatrice annulaire qu'a laissée Pinsertion des organes floraux plus externes, I est évident que cette arcure, dont la conséquence est le redresse- ment du fruit, bien qu'il soit notablement plus lourd que la fleur, est due à un excès d’allongement, et par suite de tension OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 31 dans le côté de ce prolongement carpique qui était inférieur dans la fleur. L’inégalité de longueur entre les deux côtés oppo- sés du podogyne est des plus apparentes, puisque, ainsi qu’on peut le reconnaître sur la figure 19%, l’un est au moins deux fois plus long que l’autre. Je n’insisterai pas davantage sur le fait de ce redressement qu'on observe chez tous les Lis à fleur penchée ou pendante, et dont je me suis déjà occupé ailleurs. Je ferai seulement observer que, dans la plupart des espèces de Lis, il est dû à une courbure qui se produit, après la floraison, dans la partie supérieure du pédoncule, tandis qu’on vient de voir que, dans le Lis gigantesque, cette courbure s'opère dans la partie inférieure rétrécie en podogyne du fruit lui-même. La déhiscence loculicide de la capsule du Lilium giganteum Wall. s'opère par déchirure de la côte médiane des trois car- pelles, et les fentes longitudinales qui en résultent sont toujours faiblement béantes, même plus ou moins fermées par le rap- prochement ou l’adhérence des déchirures de la substance de celte côte qui faisait saillie plus fortement à Fintérieur qu’à l'extérieur du fruit ; 1l résulte de là que les graines ne peuvent s'échapper, et n’ont pas d'autre issue, pour se disséminer au dehors, que la large ouverture produite au sommet par un fort écartement de l’extrémité supérieure des trois valves. Cet état est durable; 1l n'avait nullement changé, au bout de plusieurs mois de dessiceation, dans la capsule que représente la figure 12. C'est donc uniquement par Pouverture terminale de la capsule que peuvent s'échapper les graines, et, comme cette ouverture est dirigée tout à fait en haut, 1l faut nécessairement, pour que la dissémination s'opère, ou que la tige fructifère soit fortement balancée par les vents, ou plus sùrement encore que cette tige fructifère sèche et morte, dernier produit et seul reste de la plante, soit brisée et renversée sur le sol. Quel est l’espace de temps nécessaire pour qu'un caïeu de- vienne un oignon assez fort pour fleurir et frucüfier? Les jar- diniers que j'ai consultés à ce sujet m'ont assuré qu'il suffisait en général de quatre années ; mais comme le caïeu, qu'ils pren- nent pour point de départ, avait eu déjà une année au moins O0 32 f. MDUCHIANHERNE. d'existence avant de se montrer hibrement en dehors de loignon, Je crois pouvoir admettre que cet espace est généralement de cmq années. L'espace de temps doit être un peu plus long pour qu'un pied venu de graine arrive à fleurir. L'expérience acquise par M. À. Rivière, jardinier-chef du Luxembourg, lui aappris qu'il s'écoule au moins six années entre la germination et la fructification. Les graines sont nombreuses dans la capsule du Lilium giganteum. Ainsi que chez la généralité des Liliacées, elles sont superposées en deux files longitudinales et parallèles dans cha- eune des trois loges ; elles sont fort minces, et l’amande des plus grandes d’entre elles à tout au plus 0"*,7 d'épaisseur dans son point le plus renflé. Jai trouvé 0°,055 de longueur aux loges, dont toute l'étendue était occupée par les graines exacte- ment empilées dans la capsule que représente la figure 49, et j'ai compté 70 graines sur 0°,035 de cette hauteur; la pile en- üère devait donc comprendre 410 graines, ce qui donnerait 660 graines pour les six loges de cette capsule. L’inflorescence de ce Lis réunit, en moyenne, huit ou dix fleurs (4) sur les pieds dont la végétation a été convenable ; si une capsule succède à chaque fleur, chaque pied pourra donner 5060 à 6000 graines, parfois même un nombre beaucoup plus fort. L'espèce dont il s’agit ici est donc richement dotée au point de sa reproduction par voie de semis naturels ou artificiels. Comme on le voit par:les figures 43 et 13 B, la ’graine du Lalium giganteun Wall, arrivée à sa maturité parfaite, est triangulaire, à côtés presque rectilignes ou faiblement convexes, et avec trois angles émoussés ; son côté le plus arqué est celui qui forme la base du triangle. Sur un échantillon bien déve- loppé, je trouve 0",0195 de hauteur au triangle sur 0",0115 de largeur à la base. Ces dimensions diminuent beaucoup pour les graines qui occupent les deux extrémités fortement rétrécies de chaque loge. (1) La culture donne souvent des pieds de Lis gigantesques assez vigoureux pour que leur inflorescence réunisse un plus grand nombre de fleurs, Le maximum que je connaisse a été fourni par un pied de cette espèce qui, cultivé par M. Chau- vière, à Pantin, près Paris, a donié 32 fleurs. . OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 99 La plus grande partie de la surface de cette graine est formée par sa large aile périphérique (4) en membrane très-minece, mais un peu épaissie au bord même, translucide, blanche, très-légère- ment roussâtre, lustrée, marquée de faibles stries qui rayonnent tout autour du noyau (x). Deux lignes brunes se distinguent aisément dans la largeur de cette aile, surtout quand on lexa- mine par transparence. L'une (c.m., fig. 13) aboutit à celle (4) des extrémités du hile (4°) qui se trouve au fond de lespèce de chevron rentrant situé au sommet tronqué du triangle : c’est le canal micropylaire qui va s’élargissant visiblement dans sa por- on basilaire adjacente au noyau de la graine. L'autre est le raphé (r), qui, partant du hile, tout près du micropyle, aboutit à la chalaze (ch), et s’y termine en pointe, sans attemdre lextré- mité du bord rectiligne du noyau; lanatropie de Povule qui est devenu semence n’a done pas été rigoureusement complète. Le raphé, né tout à côté du micropyle, s'éloigne d’abord du canal micropylaire en décrivantun arc très-ouvert, à convexité externe ; il s'infléchit ensuite vers le bord rectiligne du noyau, auquel il reste dès lors parallèle en le suivant à une faible distance. Il est à remarquer qu'il y à aussi une distance appréciable entre la terminaison du raphé et le bord même du noyau, et que celui-ci offre en général un léger enfoncement au-dessus du niveau de cette terminaison, comme on le remarque sur la figure 43. Le noyau de cette graine, c’est-à-dire sa portion céntrale et sensiblement plus épaisse (»), est coloré en roux brunâtre, très- finement granuleux à sa surface ; son contour général, notable- ment différent de celui de l'aile, et par conséquent de la grame entière, est presque exactement un demi-cerele, dont le bord que longe le raphé forme le diamètre, et se trouve parallèle au bord adjacent de laile. Sous le spermoderme mince qui en constitue l’enveloppe se trouve un volumineux albumen charnu et ferme, blanc, au milieu duquel, tout près de l'extrémité mi- cropylaire, l'embryon (e) est facile à observer par transparence. Sur un grand nombre de ces graines, j'ai vu l'embryon occupant la position dans laquelle le montrent les figures 13 et 13 B, c’est-à-dire à peu près à égale distance des deux boräs de la 6e série, Bor. T. IT (Cahier n° 1). 8 0) 34 8, HDECRSRR ME. masse albumineuse (al, fig. 13 B), dont une lame mince couvre son extrémité radiculaire ; mais, dans quelques cas aussi, 1l s’est montré placé comme sur la figure 43 À, par conséquent fort rapproché du bord externe où demi-circulaire de l'albumen. L’embryon (fig. 43 C) est très-petit, ovoïde, avec le bout ra- diculaire (r) un peu pointu, et l'extrémité du cotylédon (cf) très- obtuse, presque tronquée. I est faiblement arqué dans sa lon- gueur, et comprimé dans le mème sens (e, fig. 43) que la graine entière. La gemmule (g) y est située un peu au-dessus du milieu de la longueur totale, montrant ainsi que le cotylédon (de g en cé) est un peu plus court que la portion axile (de y en r). Si l'on compare cette description et les figures 13, 13 À, 13 B, 43 C de la graine du Lilium giganteum Wall, avec la description et les figures données par Gærtner de la graine du L. cordifolium Thunb. (Gæriner, De Fruct., I, p. 484, tab. cLxxIx, sub nom. Hemerocallis cordata), on remarquera entre les deux une très-grande ressemblance, en même temps que deux différences que je crois ne pouvoir tenir qu'à une inexactitude du dessinateur parfaitement explicabie à l’époque déjaéloignée (1791) à laquelle le deuxième volume de l'ouvrage du célèbre carpologiste allemand a vu le jour. La première diffé- rence est offerte par le canal micropylaire, que quatre figures de Gærtner, en & et b, représentent comme une simple ligne très-fine * la seconde et la plus saillante résulte de la direction et de la terminaison données au raphé, qui, d’après le texte et les figures, viendrait aboutir au-dessous du milieu du bord droit du noyau, soit pour s’y terminer (fig. b, 1. c.), soit pour s’en écarter ensuite en décrivant vers l'extérieur un arc, même for- tement prolongé (sur là figure supérieure à droite, en «) (?). J’aieutoutrécemmentoccasion d'observer une certaine quantité de graines de £. cordifolium Thunb., que j'ai dues à M. À. Ri- vière, à qui M. Sisley fils venait de les envoyer du Japon. J'ai (1) Le texte de Gaertner dit, dans la description de la graine : € Margo tenuis- » simus, latissimus, membranaceus, aureo splendens, transparens, a basi versus » nucleum duabus lineis opacis notatus, quarum altera à funiculo umbilieali » rectiuscula, altera vero sigmoidea, et ad albuminis latus flexa. » OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 39 reconnu ainsi que le raphé s'y termine bien en ligne droite, comme chez le L. giganteum, et non pas en are, comme l’im- diquent les figures de Gærtner. J'ai remarqué aussi dans ces graines quelques faibles différences qui permettent de les dis- ünguer de celles du Lis gigantesque : 4° laile est plus grande, surtout relativement au noyau, dont toutes les dimensions sont sensiblement moindres (4); 2° la partie de Paile qui encadre le bord convexe du noyau est beaucoup plus large que celle qui en longe le bord rectiligne (dans la proportion de 5 millimètres et demi à 5 et demi). Germination et premier développement du Lihium gigan- teum. — La germination s'opère, chez le Lilium giyanteum Wall, comme chez la plupart des Lis, avec beaucoup d’inéga- lité. Dans deux terrines où le semis de nombreuses graines de cette espèce avait été fait au Luxembourg pendant lhiver, aussitôt après que le fruit eut atteint sa complète maturité, on a vu le plus grand nombre des germinations se faire au printemps suivant, même pendant l'été et jusqu'au commencement de l'automne ; les autres graines n’ont levé que la seconde année, et ont ainsi laissé jusqu’à dix-huit mois entre le moment du semis et celui de la germination. Le premier changement subi par la graine germante consiste dans l’allongemént de lembryon, qui se rapproche en même temps du bord demi-cireulaire du noyau. Cet allongement porte essentiellement, comme chez un grand nombre de Monocotylé- dones, sur le cotylédon ; il a le double effet d’en reporter la base en dehors du spermoderme, et de lui faire occuper une place beaucoup plus considérable au milieu de la substance de Palbu- men. La portion du cotylédon ainsi allongé qui reste enfermée dans la cavité du tégument séminal, étant bientôt plus longue que le plus grand diamètre de cette cavité, prend une forte courbure, et constitue finalement une demi-circonférence (1) Le noyau à 6 millimètres de longueur sur 4 millimètres de largeur chez le L. gganteum ; 5 millimètres sur 3, chez le L. cordifolium, dans des graines longues de 0",012 et à fort peu près aussi larges chez la première de ces espèces, longues de 0",0145 et larges de 0",0125 chez la dernière. 30 D. HUCERABTE. parallèle à celle du bord spermodermique lui-même et presque adjacente à celui-ci. La figure 44 montre une germination en- tière très-jeune, dans laquelle la portion incluse du cotylédon est arrivée à l’état que je viens d'indiquer. Comme cette portion incluse du cotylédon a gagné en épaisseur amsi qu'en longueur, et qu’en même temps la substance de lalbumen à été presque entièrement absorbée pour servir à ce premier accroissement de l'embryon, il en résulte que lenoyau (x) de cette graine pré- sente, sur chacune de ses deux grandes faces, une forte proé- minence en demi-cercle (c/), due à ce que le spermoderme se moule sur le limbe élargi du cotylédon qu'il couvre entièrement. Pendant ce temps, l'aile de la graine, plus ou moins désorga- nisée, s’est détachée du noyau, qui est resté seul. L’extrémité radiculaire, la ügelle et la portion mférieure du cotylédon se sont fait jour en même temps à travers la base du canal micropylaire; la gemmule (y) s’est ainsi trouvée reportée en dehors de la graine ; enfin, la radicule s’allongeant elle-même, l'ensemble de la petite plante naissante est bientôt arrivé à l’état que représente la figure 44. Dans cet état très-jeune, la portion incluse du cotylédon est un peu plus longue que sa portion inférieure émergée ; mais l'accroissement basifuge amène bientôt un renversement dans ces proportions relatives ; la radicule s’allonge quelque peu en mème temps, et la jeune plante ne tarde pas à devenir telle que la montre la figure 15. Alors son cotylédon déjà long {er, fig. 49), n'a plus que son extrémité coiffée par le spermoderme (x), et, au delà de son milieu, il forme un crochet brusque dont leftet est d'en reporter vers le bas l'extrémité incluse. Au niveau de la gemmule (g) il n'existe pas encore de renflement appréciable. Enfin, après un court espace de temps, le crochet s'ouvre nota- blement, le tégument séminal tombe, et la jeune plante s'offre aux yeux lelle que la montre la figure 16. Dans cet état, la radicule présente déjà quelquefois (comme dans Pexemple figuré) un commencement de ramification ; le cotvlédon laisse distinguer, au premier coup d'œil, sa portion inférieure, vaginale et pétiolure (ct), blanchàtre, cylmdrique, OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 37 et son limbe (ef) vert, linéaire-lancéolé, aigu au sommet, aplati mais encore épais, comme on le voit par sa coupe transversale (fig. 16 À) ; enfin, à un peu plus d’un millimètre de hauteur au-dessus du collet qu'indique un changement de couleur, on remarque, même à l’œil nu, un léger épaississement (7) qui cor- respond à la place occupée par la gemmule. La portion eylin- drique qui se trouve entre la base de la radicule et la gemmule est la tigelle ou l’axe hypocotylé. Le point le plus important à examiner dans ce très-jeune pied de Lilium giganteum Wall. est relatif à la gemmule et aux parties adjacentes. Au devant d'elle se trouve la fente gem- mulaire, très-peu apparente, que montre, vue de face, la figure 16 B. Elle correspond à un léger épaississement de l’axe, dont on à une idée en comparant la coupe transversale menée un peu plus bas (16 C) à celle (16 D) qui à été menée par cette fente même. En outre, ces mêmes figures montrent que la fente ue forme en réalité, à l'extérieur, qu’une simple fossette, ses deux bords arrondis se trouvant en contact l’un avec l’autre. C’est au fond de cette même fente que correspond le mamelon gemmulaire (y) représenté en place sur la figure 16 E, après qu'un léger tiraillement à eu un peu écarté les deux bords qui le cachaient entièrement en s'appliquant sur lui. Une fois que le cotylédon s’est tout à fait dégagé du tégument séminal, il s’accroit fortement; son limbe participe surtout à cette croissance qui en augmente rapidement la longueur et beaucoup moins la largeur (fig. 17 B). Au contraire, la radicule croit très-peu ou même pas du tout ; elle brunit plus ou moins, et montre par là qu’elle n’a plus qu'une assez faible énergie vitale. La jeune plante arrive ainsi à l’état que représentent les figures 47 et 18. Elle est alors parvenue à la seconde période de son développement, pour laquelle des caractères très-nets résultent, d’un côté, de la première apparition d’une ou deux racines adventives au bas de la tigelle, de l'autre, de la première indication d’un oignon naissant. La première formation de racines adventives est toujours fort limitée, ce qui s'explique parce que ces organes seront unique- 38 P, MUCHARMERE. ment transitoires et n'auront même qu'une courte durée. Je n'ai jamais vu qu'un, où plus rarement deux de ces organes que je pourrais nommer racines adventives primordiales, ou de pre- mière génération. La figure 48 représente le cas le plus fréquent, celui des jeunes plantes à une seule racine adventive primor- diale (7); la figure 47 en montre, de grandeur naturelle, un pied à deux racines opposées (7° +"). Ge que ces organes offrent de plus remarquable, c’est la situation constamment la même où ils naissent; toujours, en effet, ils apparaissent immédiate- ment au-dessus du collet («, fig. 48), c’est-à-dire qu'ils naissent de la base même de la tigelle ou axe hypocotylé. Quant à la première indication d'un oi£non qui est déjà très- appréciable à Pœil nu (y, fig. 17), elle coïncide avec un avance- ment notable dans fa formation de la gemmule, et elle résulte essentiellement de la croissance rapide en épaisseur que com- mence à prendre fa gaine cotylédonaire. Les deux coupes trans- versales menées travers la jeune plante qui à fourni la figure 18, comparées entre elles, montrent : 4° que si la tigelle, dont l'extrémité supérieure à donné la coupe reproduite par la figure T8 À, est surmontée presque brusquement d’une bulbe naissante, cela tient à ce que la base du cotylédon ou sa portion vaginale, tout en élargissant ses deux bords (4, #), qui se sont superposés pour fermer exactement la cavité où est enfermée la gemmule, à surtout fortement épaissi tout le reste de sa sub- stance et est devenue ainsi le renflement prononcé qui constitue la bulbe naissante ; 2° la figure 48 B offre, dans la petite cavité qu'entourent les bords superposés de la gaine cotylédonaire, la coupe transversale d’une petite feuille bien formée (/), opposée au Cotylédon Tui-même et profondément canaliculée à sa face supérieure, qui regarde celui-ci. Cette seconde période du développement des jeunes pieds de Lilèum giganteum est suivie d'une troisième tout aussi nette- ment caractérisée par l'apparition d’un second ordre de racines adventives issues de la base même de l'oignon naissant. Cette troisième et dernière période comprendra toute la suite de l'existence de la plante et de la formation de sa bulbe. OBSERVATIONS SUR LES BULPES DES LIS. 39 Îl est essentiel de bien préciser la nature de cette base du Jeune oignon. J'ai dit un peu plus haut que le petit renflement qui constitue celui-ci est essentiellement formé par la gaine cotylédonaire épaissie ; mais cette gaine elle-même repose sur l'extrémité supérieure de la tigelle ou axe hypocotylé, qui s’est notablement élargie pour la porter, et qui se continue cirecte- ment avec elle. Cette dilatation de l'axe est et sera le support commun de toutes les formations foliaires qui se produiront successivement pour constituer une bulbe de plus en plus volu- mineuse ; elle est le commencement même de l'axe fondamental vulgairement nommé plateau de loignon, ou mieux encore, elle est cet axe lui-même jeune et peu développé en raison de sa jeunesse. C’est du bas de cette portion supérieure et dilatée de VPaxe que naissent les premières racines adventives de deuxième génération qu'on peut qualifier de définitives, puisque toutes celles qu'aura désormais la plante seront du même ordre et naîtront également de Paxe fondamental, de plus en plus haut sur Celui-e1, d’après la marche normale du développement chez les Monocotylédones. Les figures 19 et 19 À montrent un jeune pied de Lilium giganteum au début de sa troisième période, lorsque commence à se développer sa première racine adventive de deuxième géné- ration (r°). La figure 19 est spécialement destinée à présenter simultanément Les trois générations successives de racines que réunit ce très-jeune individu. On y voit en effet : 1° la radicule (r) encore entière, mais brunie et visiblement racornie ; 2° la ra- cine adventive passagère (r) ou de première génération, qui était née au bas de la tigelle, et qui, dans cet exemple, s'était peu allongée ; 3° la première racine adventive de deuxième généra- tion (7°), encore presque naissante et ne faisant que faiblement saillie. Le point duquel sort celle-ci n’est ni symétrique, relati- vement au jeune olgnon, ni toujours le mème. Dans le sujet représenté par la figure 49, on voit, en 19 À, que ce point se trouve du côté qu’occupe la fente cotylédonaire, mais qu’il est rejeté asymétriquement un peu vers la gauche; ailleurs il est encore plus asymétrique. Môme la première racine défini- 40 P. DUCHARTRE. tive peut naître du côté opposé à la fente cotylédonaire, c’est-à- dire au bas du dos du cotylédon, comme on le voit sur la figure 49 FH, qui à été fournie par un autre pied du même âge, ou tant soit peu plus jeune que le sujet des figures 19 et 49 À. La figure 19 I fait voir, sur une coupe longitudinale du même jeune pied, qu'à l’intérieur de la partie supérieure et dilatée de la ügelle, le faisceau fibro-vasculaire central, qui est encore unique, se divise en deux branches très-inégales, dont la plus forte se porte (à droite) dans le cotylédon (ct), tandis que la plus courte et la plus faible reste axile et se rend vers la pre- mière feuille (7), encore unique, fort jeune et complétement enfermée dans la gaine cotylédonaire. Cette ramification est, en réalité, la continuation directe du faisceau de la tigelle, c’est-à- dire le tronc fibro-vasculaire qui donnera successivement autant de rameaux qu'il naitra de feuilles au sommet de l'axe, comme on peut le voir déjà sur la figure 20 À, dans laquelle, à une seconde feuille /*, se rend un second rameau fibro-vaseulaire. La série des coupes transversales 19 B, 149 C, 19 D, 19E, 19 F,19 G, est destinée à faire connaître, comparativement avec la coupe longitudinale 19 H, l'organisation de l'oignon naissant à l'origine même de la troisième période du développement de la jeune plante. On voit (fig. 19 B) que la tigelle est rigoureu- sement cylindrique, et qu’elle présente, à son centre, un seul faisceau fibro-vasculaire. Tout le reste du tissu de cette tigelle est cellulaire, et les cellules à parois minces, mtimement unies, dont il est composé, ont leur maximum de largeur vers le milieu du rayon de la coupe transversale. Le diamètre de cette jeune tige est de 0",007. Dès le niveau où prend naissance la jeune race (7, fig. 19 G), ce diamètre augmente sensiblement ; tout au bas de la fente cotylédonaire, là où elle se prolonge en un simple sillon superficiel (fig. 19 D), il a presque doublé, etil ne lui reste plus qu’à augmenter encore faiblement un peu plus haut. La gemmule n’a produit encore qu’une seule feuille (/) fort petite, puisqu'elle n’a au plus que 0",001 de longueur totale, opposée au cotylédon et entièrement cachée par les bords dilatés OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. A1 de la gaine de celui-ci, qui, pour cela, se superposent lun à l’autre (fig. 19 E, 19 K, 19 G). Cette première feuille de la jeune plante se dégage obliquement de l'axe ; aussi, comme on le voit par les figures 19 F, 19 KE, sa face dorsale est-elle déjà tout à fait hibre à un niveau où sa face mterne ou ventrale est encore continue avec le tissu de l’axe. La gouttière profonde dont est creusée sa face interne (fig. 19 E, 19 H, 49 F) n’atteint pas son sommet (fig. 19 G). Dès linstant où une racine adventive est née de la base du jeune oignon, la nutrition de la jeune plante commence à re- poser essentiellement, puis bientôt exclusivement sur elle ; aussi prend-eile un accroissement rapide, tandis que non-seulement la radicule, mais encore la racine adventive née au bas de la tigelle brunissent, se racormissent, c’est-à-dire tendent à se détruire. C’est ce que montre la figure 20. En outre, pendant le même temps, ilestné de l'axe une nouvelle feuille (f?, fig. 20 A) qui se trouve cachée au fond de la gaine de la première. Celle-cr (f") elle-même à grandi et à même dessiné un faible rudiment cylndrique de Himbe à l'extrémité de sa longue portion infé- rieure qui constitue une gaine bien caractérisée ; néanmoins elle n’attemt pas encore le haut de la cavité circonscrite par la gaine cotylédonaire, et, par suite, rien au dehors n’en indique l'existence. Il faut encore un nouveau progrès dans le développement de la jeune plante pour que le sommet de cette première feuille commence à se montrer au dehors (fig. 21, 21 A, 24 B), ct alors le petit oignon qui la renferme a déjà suffisamment grossi pour former un renflement basilaire très-notable et blanc. Ses dimensions, pour le sujet que représente, de grandeur natu- relle, la figure 21, étaient de 0",007 de hauteur sur 0",003 en- viron d'épaisseur maximum. Sur ce même individu, une deuxième racine adventive était née à la base du petit oignon ; la première feuille (/") s'était accrue sensiblement, mais la deuxième (/?) n'avait eu qu’une croissance à peine appréciable. L'état le plus avancé que j'aie pu observer pendant la pre- mière année de la végétation du Lilüun giganteum Wall. est 42 m, HPRCHIAR'NERE. celui que représente, de grandeur naturelle, la figure 22. La seule différence qu’on remarque, à l'extérieur, sur le Jeune pied que reproduit cette figure, quand on le compare avec le sujet de la figure 21, c’est que son petit oignon à grossi en tous sens, s’est principalement renflé (0,008 de longueur sur 0",00% d’é- paisseur). C’est surtout que la première feuille (/”) y fait forte- ment saillie au dehors de Pouverture de la gaine ctslédo aire, Le progrès a été tout aussi marqué intérieurement, et une * coupe longitudinale (fig. 22 B) montre qu'il s’y est produit une troisième feuille (/*), enfermée dans la gaine de la seconde (7°), comme celle-ci lPétait, à son tour, dans la gaine de la pre- mière (/). Néanmoins il n'existe, en général, qu'une seule ra- cine adventive (7°), née de la base du petit oignon; la tigelle (4) existe encore, de même que la radicule (r) et la racine adven- tive de première génération (7); mais ces deux derniers organes sont morts, plus ou moins secs, et ne peuvent tarder à dispa- raitre. La végétation du Lilium giganteum, pendant la première année, ne donne pas, que je sache, d’autres parties que celles que je viens d'indiquer. À la fin de cette période, la jeune plante ne montre, hors du sol, que le re développé en longue feuille séminale, avec son limbe vert, linéaire-lancéolé (et”, fig. 22) et son long prolongement pé cylindrique (cé), de couleur plus pâle et blanchâtre. Aussi les personnes qui ont fait germer cette espèce de Lis m'ont-elles affirmé que cette espèce ne donne, pendant la première année, qu'une seule feuille entièrement différente, par son limbe long et fort étroit, de celles qui se montreront plus tard. Cette feuille, unique en apparence, à limbe long et linéaire, est la feuille séminale. Mais on vient de voir qu'il se produit, en réalité, trois feuilles (outre la feuille séminale) pendant cette première année; seulement ON à VU aussi que, de ces organes, un seul montre son extrémité en saillie hors du jeune oignon, sans s'élever hors de terre, et que les deux autres sont cachés dans la cavité que forme la gaine du premier ; 1l n’est donc nullement étonnant qu’ils soient tous les trois restés inaperçus. Une autre particularité qui peut OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 43 faire méconnaitre ces trois organes foliaires, c’est qu'ils ne ver- dissent pas, restent épais, creusés profondément en gouttière ; en un mot, qu'ils constituent l’analogue de trois écailles nour- ricières. L'année même de la germination a done pour unique effet de développer le cotylédon en feuille séminale et d'amener la production de trois écailles nourricières. Dès lors celles-ci précèdent toute formation de feuilles normales. Examiné après la reprise de sa végétation, dans la deuxième année de son existence, le jeune Lilüun giganteum offre des dit- férences notables, comparativement à la constitution qu'il nous a montrée à la fin de sa première année. Ces différences sont les suivantes : 1° La radicule, la tigelle, et par conséquent la ou les racines adventives qui s'étaient produites à la base de celle-ci, ont complétement disparu : c’est ce qu’on peut voir sur v la série des figures 23,23 À,2%, 24 À,24B et25, quireprésentent (rois jeunes individus arrivés à leur seconde année et de forces inégales. 2° L’axe présente, à son extrémité inférieure, une troneature qui est la conséquence naturelle de la destruction de la tigelle dans toute l'étendue de sa portion libre et cylin- drique. Sa portion qui a seule persisté est celle que nous avons déjà vue élargie de manière à servir de base commune à l’épaisse gaine du cotylédon, ainsi qu'aux trois petites formations foliares sans limbe emboitées l’une dans Pautre, ou premières écailles nourricières, à la formation successive desquelles nous avons assisté. Gette troncature inférieure de l’axe est visible, en &, sur les figures 23 À, 24 À. Nous savons déjà que désormais cette troncature deviendra de plus en plus large, Paxe fondamental prenant d'autant plus d'épaisseur que la bulbe elle-même s’ac- croitra davantage, et se désorganisant dans sa partie inférieure à mesure qu'il végète avec plus de force à son extrémité supé- rieure. Les figures 3, 8 A, 9 À, nous ont déjà montré divers degrés successifs de cette désorganisation, qui n’est du reste que la reproduction de ce qu'on voit habituellement chez les Monocotylédones. 3° La jeune plante développe, pendant sa seconde année, et pour la première fois, une feuille normale, pétiolée, pourvue d’un limbe qui est rarement ovale-lancéolé 44 P. DUCHARTRE. (fig. 23), d'ordinaire nettement cordiforme (fig. 25). Sur de nombreux sujets, j'ai toujours vu cette feuille normale rester unique pendant la deuxième année (1). Son pétiole, canaliculé en dessus, est embrassé à sa base par les gaines incomplètes, plus ou moins charnues et blanchâtres dans leur portion mférieure, en général devenues foliacées et vertes dans leur portion supé- rieure (au moins l’interne), que forment les trois écailles nour- ricières de la première année. Enfin, celles-ct, à leur tour, sont embrassées par la gaine cotylédonaire (ct), qui, selon le moment de Pannée où l’on considère la jeune plante, et aussi sans doute selon le plus ou moins de vigueur de celle-ci, se montre encore épaisse et charnue (cf, fig. 25) ou sèche et plus ou moins désor- ganisée (cé, fig. 23, 24). [est bon de ne pas oublier que, pen- dant la première année, le Lilium giganteum n'avait pas déve- loppé de feuille normale, le limbe linéaire-lancéolé de la feuille séminale en ayant tenu lieu, jusqu'à un certain point. Ainsi, dès la deuxième année, le jeune oignon est constitué comme nous avons vu qu'il l’est à l’état adulte, car son axe fondamental, tronqué inférieurement, produit, pendant cette deuxième période végétative, une feuille normale, et ensuite trois où quatre organes foliaires imparfaits, qui restent à Pétat d’écailles nourricières. Cette succession d'organes foliures, les uns normaux et complets, formés en premier lieu, pendant le premier et le plus énergique effort de la végétation, les autres incomplets où constituant des écailles nourricières, formés plus tardivement que les premiers, se montrera désormais chaque année, sans autre différence que celle du nombre et des dimen- sions, qui, on le conçoit sans peine, iront en croissant graduelle- ment jusqu'à ce que l'oignon soit parvenu à son état adulte. Enfin, dans la généralité des cas, la sixième année amènera la floraison de la plante et sa fructification, qui, ayant lieu sur une tige terminale, détermineront sa mort. Mais, nous savons aussi que des caïeux axillaires, s'étant produits quand la plante appro- chait de son état adulte, ont eu le temps de prendre force pen- (1) De jeunes pieds analogues, qui m'ont été envoyés par M. Max Leichtlin en 1875, m'ont présenté deux feuilles normales développées. OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 45 dant la ou les dernières années de la croissance de Poignon, et qu'ils survivront à celui-ci au nombre de 6-10, constituant pour elle un moyen de multiplication commode et un peu plus rapide que le semis. Par là se trouvera complété le cycle de la végétation de la orande et belle espèce monocarpique à l’histoire de laquelle est particulièrement consacrée la présente note. LILIUM CORDIFOLIUM Thunb. Comme je l'ai dit plus haut, je n'ai eu relativement à cette espèce japonaise, qui est d’une extrème rareté dans les jardins d'Europe, que des matériaux incomplets, dont j'ai dû la plus orande et la plus précieuse partie à mon excellent correspon- dant et ami, M. Max Leichtlin, de Baden-Baden; néanmoins ces matériaux, tout mcomplets qu'ils étaient, m'ont fourni une donnée qui me semble avoir de l'importance relativement à la spécification de cette espèce. Le Liléun cordifoliun à ëté signalé sous ce nom comme espèce distincte et séparée par Thunberg, en 1794, dans le vo- lume If des Transactions de la Société Linnéenne de Londres (p. 332). Auparavant, dans son Flora japonica, ce botaniste l'avait mentionné sous le nom d’Hemerocallis cordata. Plus tard, en 1814, dans son mémoire intitulé : Examen Liliorum Japonicorum, qui parut dans le volume HT des Mémoires de l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, À donna une description médiocrement détaillée de cette même espèce qu'il s'était contenté de caractériser en la publiant, dix-sept années auparavant, par les seuls mots : « Foliis cordatis. » Le Lilium cordifoliun Thunb. a été admis comme espèce légitime par tous les botanistes jusqu’à M. .-G. Baker, qui, dans un travail important publié en 1871 etimtitulé : À new Synopsis of all the known Lilies (Gard. Chronic, neuf articles : 28 jan- vier, 18 février, 15 avril, 3 juin, 15 juillet, 12 août, 9 septem- bre, 14 octobre, 4 novembre et 23 décembre 1874), a réuni cette plante japonaise au L. giganteum Wall, de Pinde, comme 46 EP, HUCERAER TER. simple sous-espèce, sous la dénomination commune de L. cor- difolium Thunb. À ses yeux, cette espèce unique correspondrait aux deux sous-espèces : L. cordifolium, subsp. giganteum (L. giganteum Wall.), dont il a été question jusqu'à présent dans la présente note, et le L. cordifolium, subsp. cordifolium propre (L. cordifoliumn Thunb., Linn. Trans., Il, p. 332), dont il s'agit en ce moment. Après avoir présenté comparativement (loc. cit., p. 479) le relevé des caractères par lesquels Kunth et Zuccarini distinguent l'espèce de l'Himalaya de celle du Japon, M. Baker ajoute : © En comparant les échantillons que » j'ai maintenant sous les yeux, je trouve que les feuilles et les » pétioles des deux se correspondent absolument chez Pune et » l’autre, tant sur le haut que sur le bas de la tige, et que le » sinus est arrondi au fond, tant dans la plante japonaise que » dans celle de l'Himalaya. D'après une note de M. Wilford, qui » se trouve dans l’herbier de Kew, la première attemt 5 ou » 4 pieds (0°,915-1",2920) de hauteur. Les fleurs sont disposées » en grappe dans la plante du Japon tout comme dans celle de » l'Himalava; elles arrivent au nombre de huit sur un échan- » tillon spontané que j'ai sous les veux, et elles sont arrangées » et pédonculées absolument de la même manière. Je ne trouve » non plus aucune différence dans les bractées. Je n'ai pas eu » occasion de voir de bons exemplaires du fruit de la forme » japonaise, mais Je doute fort qu'il offre trois carènes nette- » ment marquées (4). La seule différence positive que je puisse » découvrir entre les deux consiste en ce que les segments du » périanthe de la forme japonaise sont uniformément plus » étroits, variant de 6 à 9 lignes (0°,0195 à 0",019) de largeur » dans leur portion la plus large, eten ce que les anthères y sont » plus courtes et plus épaisses. Les fleurs de la forme japonaise » que j'ai maintenant sous les yeux varient de #4 à 6 pouces » (0",101 à 0,159) de longueur. F’exprime le vœu que quel- » qu'un élève, Pun à côté de Pautre, des pieds de la plante du (1) Ces trois cuènes ou lignes longitudinales saillantes sont néttement indiquées sur la figure de la capsule du Éülium cordifolium Thunb, qui se trouve dans le Flora japonica de Siehold et Zuccarini, pl. 13. OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 47 » Japon et de celle de l'Himalaya, et nous dise ensuite quelles » sont les différences qu'il aura remarquées entre les deux dans » ces conditions. » Au reste, bien qu'il eût ainsi motivé sa manière de voir tou- chant laréunion des deux Lis dont il s’agit en ce moment, et qu'il leût encore exprimée dans un travail en date de 1873 (A clussi- fed synonymie Last of all the known Lilies, dans the Journ. of the Roy. Hort. Soc. of London, nouv. série, IV, 1873, p. 40), M. Baker ne l’a pas moins abandonnée dans son dernier travail publié en 4874 (Revision of the Genera and Species of Tulipeeæ dans {he Journ. of the Linn. Soc., Botany, XIX), dans lequel il est revenu à lopinion de la généralité des botanistes. Contrairement à l’opimon exposée par M. J.-G. Baker dans son Synopsis, j'ai la conviction qu'il existe entre le Lilium gigan- teum Wall., de l'Himalaya, et le L. cordifolium Thunb., du Japon, avec une ressemblance générale, des différences de détail assez nombreuses et assez prononcées pour qu'on ne puisse voir dans ces deux plantes de simples formes d’un même type spéci- fique. Tel est aussi l'avis que n'a exprimé, dans une de ses let- tres, M. Max Leichtlin, qui, dans son jardin situé d’abord à Carlsruhe, a fait ce que désirait le savant botaniste anglais, c'est-à-dire a cultivé simultanément ces deux Lis. Ces deux plantes sont de taille différente, la tige du Lilium giganteum étant plus haute, assez souvent même deux fois plus élevée que celle du L. cordifolium; elle est aussi, on le conçoit sans peine, beaucoup plus épaisse. D'un autre côté, cette tige est plus abondamment, surtout plus régulièrement feuillée, les feuilles étant assez également réparties sur sa lon- gueur et diminuant graduellement de dimensions en même temps que leur pétiole se raccourcit, à mesure qu’elles se trou- vent plus haut; elles finissent ainsi par être sessiles etleur forme se modifie pour devenir ovale-lancéolée. Dans le L. cordifolium, au contraire, le bas de la tige reste nu sur une grande longueur, et plus haut se trouve un groupe de 3-4 grandes feuilles rappro- chées presque en faux verticille, comme on le voit très-bien sur la planche 15, vol. I du Flora japonica de Siebold et Zuccarini : 18 D, HUCHIAR TER. il en résulte pour la plante entière un aspect tout différent de celui de la précédente. En outre les feuilles supérieures, en petit nombre, sont très-écartées, toujours en cœur et longuement pé- tolées, quoique beaucoup plus petites que les autres; ajoutons que, tandis que les feuilles du Lilou giganteum sont d’un beau vert gai dès leur première apparition, soit sur la plante jeune, soit quand elles sortent du bourgeon central, celles du L. cordi- folèum sont toujours euivrées pendant leur Jeunesse, grâce à la présence dans les cellules de leur épiderme d’un liquide rouge qui disparait plus tard. Les fleurs du L. cordifolium sont géné- ralement moins nombreuses que celles du L. giganteum, moins ouvertes, avec les folioles du périanthe plus étroites; elles sont embrassées à leur base par une grande bractée ployée en nacelle el persistante, tandis que celles du Lis gigantesque sont pour- vues de deux petites bractées linéaires, dont une est latérale; elles exhalent une odeur très-forte que M. Max Leichtlin m'a dit ètre absolument celle du Waxillaria Harrissonie Lindl. (Bifrenaria Harrissoniæ Reich. f.). Enfin, malgré le doute exprimé à ce sujet par M. J.-G. Baker, l'existence de trois lignes saillantes sur chaque valve de la capsule du L. cordifoliun est trop formellement indiquée par le texte et la figure du Flora japonica de Siebold et Zuccarini pour qu'on ne doive pas y voir un caractère différentiel incontestable. A ces marques distinctives qui me semblent autoriser déjà suffisamment la séparation des Lilium giganteum Wall. et L. cordifolium Thunb., observation de la plante jeune va me permettre d'en ajouter une autre d’une haute valeur. Première formation de l'oignon du Lailium ecordifolium Thunb. — Dans lhistoire que Jai donnée du premier développement du Lilèum giganteum, jai montré que cette plante produit suc- cessivement, pendant la première année de son existence : l° une radicule qui prend peu d’accroissement, qui ne se ra- mifie pas ou à peu près pas, et qui devient promptement inactive pour se détruire à la fin de cette première période végétative ; 2° une ügelle cylindrique d'une longueur assez faible mais néan- moins très-appréciable (environ 3 tillim.), au bas de laquelle OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. () on voit naître bientôt une ou deux radicelles temporaires ; 3° des racines de deuxième génération ou définitives, qui prennent leur origine à la base du jeune oignon. Jai montré aussi que la ra- dicule, la tigelle (sauf sa portion supérieure élargie en axe fon- damental auquel s’attachent toutes les parties du Jeune oignon) et la oules radicelles de première génération ont compléte- ment disparu quand commence la deuxième période végétative. Ces faits sont invariables et dès lors caractéristiques. Rien de semblable n’a lieu chez le Lilium cordifolium. La comparaison des figures 25 et 26, qui représentent deux jeunes pieds de deuxième année, la première de la plante indienne, la seconde de la plante Japonaise, suffit pour faire reconnaitre combien est grande la différence entre les deux espèces. En effet on voit par la figure 26 (dont je dois le sujet à M. Max Leichtlin) que la radicule du L. cordifolèun (r), au lieu de brunir, sécher et mourir avant la fin de la prenmère année, puis de disparaître avant la reprise de la végétation, non-seulement est restée vivante, mais encore s’est considérablement allon- o6e, s'est ramifiée, a gagné fortement en épaisseur; qu’elle est par conséquent restée active même quand la première feuille normale de cette jeune plante était déja développée. Par une conséquence naturelle, comme cette radicule qui ressemble parfaitement à un pivot de Dicotylédone, coopère encore à la nutrition de la jeune plante, les racines définitives (7, 7°), ne sont nées jusqu'à ce moment qu'en ‘petit nombre à la base du jeune oignon. D'un autre côté, la ügelle cylindrique et assez longue du Lis gigantesque ne se montre pas chez le L. cordifolium; elle est tout au plus représentée par une courte portion en tronc de cône (4, fig. 26 À), qui se continue mférieurement avec la base du long cône radiculare et qui supérieurement va former l'axe fondamental du jeune oignon. La longue durée de la radieuie et la persistance de son acti- vité expliquent absence complète de ces racines transitoires que nous avons vues chez le Lis gigantesque, nées à la base même de lPaxe hypocotylé, racines qui ont évidemment pour Ge série, BoT. T. Il (Cahier n° 1). 4 1 oÙ BP. HEAR ARABE. fonction de nourrir momentanément la jeune plante quand fa faculté absorbante de la radicule commence à décroître nota- blement et avant qu'aient commencé de se produire à la base de l'oignon lui-même les racines définitives. On voit en effet, par la figure 26 et surtout par la coupe longitudinale 26 À, que les trois seules radicelles que possède, outre son pivot, le jeune pied figuré, ont pris toutes également naissance à la base de l'oignon et ne sont donc bien réellement que des racines défi- nitives. Cette différence tranchée dans la marche du développement des jeunes pieds chez les Lin giganteum Wall. et cordifolum Thunb. est, à mes yeux, un caractère distinctif de la plus grande valeur, qui, joint aux diversés particularités déjà mises en relief plus haut, me semble rendre entièrement inadnussible la réunion de ces deux plantes. Quant à Porganisation du petit oignon du Lilium cordifolium à sa deuxième année, le plus jeune que j'ai pu examiner pour cette espèce, elle rappelle à peu près entièrement celle que j'a signalée chez le L. giganteum de mème âge. On sera frappé de la ressemblance entre les deux si l’on compare la figure 25, pour le premier, avec les figures 26,26 À, pour le second. Dans l’une et l'autre, si ef est la gaine cotylédonaire encore fraiche et turges- cente, elle embrasse des écailles nourricières quelque peu pro- longées vers Le haut en lames foliacées, qui entourent le bas du pétiole de la feuille normale (f); 11 y a trois écailles nourricières (a',a",a", fig. 25) dans le jeune pied de L. giganteum, tandis qu’on n’en voit que deux (a', a", fig. 26, 26 A) dans celui du L. cordifolium; mais j'ai peine à croire que cette différence de nombre soit absolue; d’ailleurs n'ayant eu sous les yeux, pour cette espèce, que deux pieds de même âge, je n’oserai rien affirmer à cet égard, bien qu'ils fussent entièrement semblables entre eux. À la base même du pétole de l'unique feuille normale (), et au sommet de Paxe, existait Pébauche d’nn second organe fo- paire (f”) ; lanalogie, appuyée d’ailleurs par l’état de cetorgane uaissant, me porte à penser que c'était là Fébauche de la pre- OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. o1 mière d'entre les écailles nourricières qui devaient se produire pendant la deuxième période végétative. Gette détermination est confirmée par l'examen de la figure 27. Celle-ci représente un Jeune pied que j'avais planté au printemps de 4873, à l'âge et dans Pétat de celui que reproduit la figure 26, et qui, avant végété avec vigueur pendant toute la belle saison, était arrivé à former l’oignon que représente cette figure. Sa feuille nor- male avait pris un développement remarquable, mais elle était restée unique. La base de son pétiole s'était fortement épaissie pendant ce temps, de manière à constituer finalement la plus grande partie du volume de ce jeune oignon. Elle était em- brassée extérieurement par la plus interne des écailles nour- ricières antérieures (@', &') devenue mince, sèche et plus ou moins déchirée; elle embrassait à son tour, dans la cavité de sa gaine, une nouvelle écaille nourricière (b) qui n'avait pas même dégagé sa sommité, et qui sans doute enveloppait, de son côté, d’autres écailles plus jeunes ; mais je n'ai pas cru, vu l’extrème rareté de cette espèce, devoir sacrifier l’espérance de voir cette jeune bulbe arriver plus tard à l'état adulte, et cela dans le seul but de constater un fait aussi secondaire que le nombre des écailles nourricières qui peuvent être produites pendant la deuxième année. Oignon adulte et caieu du Lilhum cordifolium Thunb. — J'ai dit, au commencement de cette note, que, parmi 13 oignons de Lis japonais qui m'avaient été généreusement donnés, l'hiver dernier, par M"° veuve Kraetzer, 1l s'en est trouvé un inscrit sous le nom d'Ouba-youri où juri, que porte, au dapon, le Lilium cordifolium Thunb. Au printemps de 4873, cet oignon, qui paraissait en bon état, a produit une touffe de six feuilles cortiformes, mais plus petites que celles du L. cordifolium type, moins lisses à leur surface, et plus profondément échancrées en cœur à leur base. Serait-ce là une variété de l'espèce, ou bien ces différences tiendraient-elles à ce que cette plante, ayant souffert pendant le transport du Japon à Paris, la végétation en aurait été plus ou moins altérée ? Gette dernière supposition me semble la plus probable, pour deux motifs : 4° Une bulbe 02 d. RDA €'AR ER SAR. semblable et de la même origine avant été cultivée dans une serre tempérée du Luxembourg, avec le som et Phabileté qu'on pouvait attendre des excellents jardiniers de ce grand établisse- ment de l'Etat, a été la seule qui ait péri sur vingt-six d'espèces et variétés différentes. 2° L’échantillon qui m'avait 616 donné, ayant été tenu en pot, en plein air, dans mon jardin, à Meudon, a commencé à montrer, à la fin de Pété, les préludes de sa flo- raison. Transporté à Paris, et placé dans une serre tempérée, au Luxembourg, il état devenu, au commencement de dé- cembre 4873, tel que le représente tout entier, et de grandeur naturelle, la figure 28. I avait produit une tige et une fleur tout à fait rabougries et monstrueuses,. Cette üge terminale ne dépassait pas 4-5 centimètres de lon- oueur totale. Elle ne portait qu'un petit nombre de feuilles très-réduites et linéaires. Enfin elle se terminait par un pistil peu développé, mais offrant un ovaire à nombreux ovules en deux files par loge, un style et un stigmate distincts qu’entou- raient plusieurs folioles vertes, linéaires, produites par une transformation fohacée de l'androcée et du périanthe. Je n'ose formuler aucune conclusion, quant aux caractères de l'oignon adulte et normal du Llium cordifoliun, en me basant sur Pétat dans lequel j'ai trouvé les parties constitutives de celui qui a produit une pareille monstruosité ; je me bornerai donc à faire observer qu'il était mcomparablement plus peut que la bulbe aduite du Lilüum giganteum ; que ses six écailles externes, au sommet desquelles se trouvaient, soit une cicatrice laissée par la destruction des feuilles en cœur (4, 5), soit mème quel- ques restes du péliole de ces feuilles (4, 2, 6), étaient de cou- leur plus elure, jaune brunâtre et non brunes dans leur portion supérieure, beaucoup moms épaisses, et plus allongées, rela- tivement à leur largeur. La comparaison de la figure 28 avec la figure 8 fait ressortir nettement ces différences. Jajouterai que trois des écailles nourricières (at, 4, am) se montrent, sur la figure, prolongées supérieurement en une lame mince, lan- céolée, très-aiguë, c’est-à-dire différente, pour la forme, de celle qui résulte du développement des écalles correspondantes chez OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 93 le Liliun giganteum (voy. at, av, ai, av, avi, fig, 8). Je me borne à signaler ces particularités sans y insister. À la base de l'oignon j'ai trouvé, en le retirant de terre pour lexaminer et le dessiner, le caïeu que représente la figure 29. Évidemment il offre une différence prononcée avec ceux que produit de même le L. giganteum, tel, par exemple, que le sujet de la figure 6, et cela, soit quant à ses dimensions, soit quant à la dissemblance des écailles externes (4, 2, fig. 6; 4,9, fig. 29) ; mais, comme pour l’oignon même qui lui avait donné naissance, je me borne à indiquer cette différence, sans y insister, n'étant nullement certain que ce fût là un état normal. Au total, et bien que mes observations sur le Lilium cordi- folium Thunb. aient été fort incomplètes, faute de matériaux, je crois que tout montre, dans cette plante japonaise, contraire- ment à la première opinion de M. J.-G. Baker, un type spéci- fique disunet du L. giganteum Wall., et non pas une simple sous-espèce d’un type dans lequel ce dernier rentrerait au même titre. GERMINATION ET PREMIER DÉVELOPPEMENT DE QUELQUES ESPÈCES DE LIS. La description que j'ai donnée des premiers développements chez les Lilèum giganteum Wall. et cordifolium Thunb. montre que ces plantes, tout en restant soumises à la grande loi d’après laquelle les végétaux qui forment lembranchement des Mono- cotylédones ne produisent, en germant, qu’une radicule ou pivot purement temporaire, offrent néanmoins entre elles, malgré l’analogie de leurs caractères définitifs, une différence des plus prononcées, quant à la durée de cette radicule : chez, la première de ces espèces, elle ne reste vivante et active que deux ou trois mois à peine, et jusqu’à ce que son rôle puisse être rempli par une première génération de racines adventives nées au bas de la tigelle : aussi ne prend-elle qu'un fuble déve- loppement; en outre, elle se détruit et disparait peu après qu'une seconde génération de racines adventives a pris naissance D 2. HUCRIAMRITERN. au bas de la bulbe qui se forme, et à fourni à la jeune plante ses organes définitifs pour l'absorption des sucs nourriciers dans le sol ; il n’en reste plus vestige à la reprise de la végétation. Au contraire, chez la dernière de ces deux espèces, la radicule a une durée beaucoup plus longue, et arrive ainsi à constituer un long pivot plus ou moins ramifié, que nous avons vu encore vivant et actif pendant la deuxième année de l'existence de la plante, lorsque déjà celle-ci avait émis Punique feuille normale à laquelle elle doive alors donner naissance. Je présume que ce doit être vers la fin de cette seconde période végétative que, les racines adventives étant devenues assez nombreuses à la base du jeune oignon pour fournir à elles seules à la nutrition de la plante, la radicule doit mourir, puis se détruire bientôt après. Malheureusement jai manqué complétement de matériaux pour vérifier ce qu'il peut y avoir de fondé dans cette supposition. J'ai pensé qu'il y aurait intérêt à savoir, sur le plus grand nombre possible d'espèces du même genre, quelles sont celles qui se comportent de lune ou de Fautre de ces deux manières, et de reconnaitre en mème temps si la marche des premiers développements qui amène la formation du jeune oignon n’est pas sujette à varier. Malheureusement, dans l'état actuel de la culture des Lis, le semis est fort peu employé en vue de multi- plier ces belles plantes ; on trouve habituellement plus com- mode el moins fong, pour obtenir des pieds capables de fleurir, de recourir aux caïeux que certaines espèces produisent assez abondamment, où bien à la plantation en sol très-léger d’écailles prises, à une époque avancée de l’année, à l’extérieur d'oignons adultes. On sait que ces écailles, dont on a préalablement laissé sécher, pendant quelques jours, la surface arrachée, peuvent, sous l’influence de la terre humide et de la chaleur, donner naissance, en un point quelconque de leur base, à un petit bourgeon advenüif qui s'organise en caïieu. Quelques espèces de Lis, particulièrement les Lis californiens, le Lilium aura- lun, etc., se multiphent facilement par ce procédé. Geite production de caïeux adventifs à la base des écailles a lieu fréquemment, et parfois avec une remarquable abon- OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 99 dance, sur les oignons dont lPaxe fondamental à pourri. Les écailles ainsi détachées, et qui souvent commencent à s’altérer elles-mêmes, deviennent ie point de départ de ces formations nouvelles, comme si, pourrait-on dire, la plante se pressait de former des descendants avant de périr. L'une des principales difficultés que rencontre la multipli- cation des Lis par la voie du semis résulte de la rareté de leurs fruits dans les jardins. Sans parler du Lilium candidum, dont la fructification ne se voit que très-rarement, beaucoup d’autres espèces ne nouent leur fruit qu'à la suite d’une fécondation arüficielle, ou dans des circonstances toutes particulières que l'expérience peut seule faire connaître. C’est ainsi, par exemple, que M. Max Leichilin a reconnu comme un moyen certain pour amener Ja formation de capsules sur le Lilium Brown (qu’on voit habituellement stérile), le transport à lombre de ses pieds fleuris, dès le commencement de leur floraison. Les graines de Lis semées en serre ou en bâche, vers la fin de l'automne ou au commencement de l'hiver, lèvent en général au printemps suivant. La germination en est plus lente, et n’a lieu d'ordinaire qu'au bout d’un an, quand le semis des mêmesespèces est fait à l'air bre. Souvent, dans un même semis, on voit de grandes inégalités, comme je Pai dit plus haut pour le Lis gigan- tesque, et, d’un autre côté, cette Inégalitése montre aussi d’une espèce à l’autre. Voici, à ce sujet, des renseignements imstructifs qui m'ont été donnés par M. Max Leichtlin, d’après son expé- rience personnelle, dans une lettre en date du 23 mars 1873 : «Les graines de toutes les espèces de Lis à rhisome (L. cana- » dense, superbum, etc.) restent une année en terre sans ger- » mer; elles ne lèvent que pendant Pannée qui suit celle du » semis. Les Lilium Szovitzianun Fisch. et Lall. (L. colchicum » Stev.), monadelphum Bieb., espèces du Caucase, germent au » bout de deux mois. Leur cotylédon ne se développe pas de » manière à s'élever hors du sol (4) ; mais il forme néanmoins » une petite écaille, et, la seconde année, on voit apparaître (1) [en est de même chez quelques autres espèces, notamment L. speciosum Thunb. et L. polyphyllum, Royb. 96 P. DUCHARTRE. » une feuille qui est comme un intermédiaire entre le cotylédon » et les véritables feuilles normales. Beaucoup d'espèces qui for- » ment de grosses bulbes ne germent que la seconde année ; » quelques-unes cependant le font dès la prenuère. Toutes les » espèces à vie courte, comme les L. {enmifolüon, punilum, pul- » chelluin, concolor, Goridion, etc.,germentdans espace de quel- » ques semaines, et, après leur cotylédon, développé en feuille » séminale, on voit apparaître bien vite trois ou quatre feuilles. » Parmi les pieds de L. tenuifolium qu'on obtient de semis, il » s’en trouve qui fleurissent pendant leur seconde année. » Dans les conditions défavorables que je viens d'indiquer rela- tivement à la pratique des semis de Lis, il ne m'était pas pos- sible de réunir des matériaux suffisants pour une histoire suivie des premiers développements, chez un nombre tant soit peu considérable d'espèces de ce genre. Toutefois, lobligeance de M. Max Leichtlin et de M. Krelage m'a permis de faire quelques observations de cet ordre sur les Lilium auratun Lindl., callo- sun Zucc., Srovitzianum Fiseh. et Lallem., fenuifolium Fisch., Thunbergianun Rœm.et Schult. (ou plutôt L. elegans Thunb.). En y joignant le L. giganteum Wall., dont j'ai pu suivre la for- mation sans laisser, je crois, de lacune notable dans son his- toire, et le L. cordifolium Thunb., dont j'ai déjà parlé, on à un total de sept espèces sur lesquelles j'ai pu recueillir des données dont la publication ne sera peut-être pas mutile. Pespère pou- voir remplir plus tard ce cadre dans lequel je suis réduit à ne tracer en ce moment que des liméaments épars. Sur les cinq espèces dont j'ai à parler maintenant, trois m'ont été envoyées en échantillons arrivés à leur seconde année de végétation. Ce sont : les Lélium auratum Lindi., callosum Zucc., et Szovitzianum Kisch. et Lall. Pour les deux autres, c'est-à-dire les L. tenuifolium et Thunbergianum Roœm. et Sch., je n'ai eu sous les veux que des pieds très-jeunes, arrachés peu de temps après leur germination. Comme ces derniers ap- partiennent à la catégorie des espèces à développement rapide, leur état très-jeune était celui qu'il importait le plus d'observer, puisqu'il permettait de constater combien est prompte chez elles a OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 57 la production de feuilles normales remplaçant les premières écailles nourricières des espèces plus grosses et plus lentes dans leur croissance, que nous avons vues se produire chez les deux plantes dont il est principalement question dans ce mémoire. Parmi les trois premières de ces plantes, deux sont analogues au Liltum giganteum quant à Pabsence de radicule, dès Fa fin de la première année. Ge sont : les L. auratuin et Srovitzicnum ; la troisième ressemble au £. cordifoliun pour la permanence et l'accroissement considérable de sa radicule, qui devient un long pivot sur les pieds arrivés à la deuxième année de leur végétation : c’est le L. callosum Zucc. Lilium auratuin Lindi. — La figure 30 représente, de gran- deur naturelle, un pied de Lilium auratun Lindl., que je crois, sans en être absolument certain, être entré, depuis peu de temps, dans sa seconde période végétative, et la figure 30 À en montre le jeune oignon assez grossi pour qu'on en distingue les différentes parties. Get oignon est encore très-petit et fort simple d'organisation : il n'offre, en effet, qu'une feuille verte (7°), à limbe lancéolé, dont le long et grèle pétiole se renfle très-forte- ment à sa base pour en former presque tout le volume. Gette épaisse gaine foliaire est embrassée, du côté de sa fente, par une sorte de membrane sèche (4) qui doit être un reste de la végétation antérieure, et qui ne tardera pas à disparaitre. Par le haut de l'ouverture de la gaine de la feuille, on voit la faible saillie que fait lesommet d’une deuxième feuille (/?), qui bientôt a s’allonger fortement au dehors. Enfin, de la base du même oignon part une seule racine (7°), tandis quelaradiculea disparu. La coupe longitudinale (fig. 30 B) apprend qu'au fond de la jeune feuille en gouttière (/?), il existe déjà deux autres très- petites productions foliaires, /, f°, celle-ci tout à fait naissante. Un autre pied de Lilium auratum un peu plus avancé est reproduit par la figure 314. Dans celui-ci, la feuille qui, sur la igure 30 À ne montrait que son extrémité, en /?, s’est considé- rablement allongée et possède maintenant un limbe linéaire- lancéolé à l’extrémité d’un long pétiole grèle. La coupe longi- tudinale (fig. 31 À) permet de reconnaitre que la gaine /* de D8 BP. HEC ANRT. la feuille la plus jeune est presque aussi épaisse que celle de la feuille la plus âgée f*; que /* a sensiblement grandi; mais que f* ne fait encore, au centre de toute cette formation, qu’une saillie à peine visible. On voit aussi, en comparant entre elles les figures 30 et 34, d'abord que la gaine flétrie &, qui existe sur la première, a disparu sur l'oignon que représente la se- conde ; ensuite, que le développement d’une seconde racine adventive (r”) a eu lieu pendant que la deuxième feuille (/°) s’allongeait hors de la gaine de la première feuille (7). Tout incomplètes que sont ces observations sur le jeune Lilium auratum, elles montrent cependant deux faits dont je n'ai pas vu l’analogue chez les deux espèces du sous-genre Cur- diocrinuwm, et qui semblent mériter d’être mis en lumière : 4° La production de feuilles complètes, dans cet état Jeune de la plante, n’est pas restremte comme chez les deux espèces pré- cédemment examinées, puisqu'il en existe déjà deux sur le sujet de la figure 34, et qu'il semble, à l'examen de la figure 31 À, qu'une troisième (f*) aurait pu se faire bientôt jour au de- hors, comme ses deux ainées. 2° La constitution des deux seuls jeunes pieds que j'aie pu examiner parait montrer qu'il n'ya pas eu antérieurement d'écaille nourricière, et qu'il ne s’en formera probablement pas non plus pendant la période végélative actuelle. Lilium Siovitzianum Fisch. et Lail. — Je n'ai eu entre les mains, pour le £ilèum Szovitzianum Fiseh. et Lall., que le sujet (9 à sa seconde année que représente la figure 32 ; mais Pexamen de cette jeune plante entière et de sa coupe longitudimale (fig. 32 À) suffit pour faire reconnaître : 1° Que tout vestige de la radicule à déjà disparu, laissant laxe fondamental («,f, fig. 32 À) tronqué à son extrémité inférieure, et que la jeune plante n’a que des racines adventives, s',r'. 2 Qu'il ne reste plus de là première végétation qu'une portion de gaine dessé- chée, «, pour laquelle il me sembie impossible, en lPabsence de toute donnée sur l’état antérieur de la jeune plante, de savoir si elle à fait partie du cotylédon, ou d'une écaille nourricière formée plus tardivement; toutefois, cette dernière supposition OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. ) me paraît être la plus vraisemblable. 3° Qu'il ne s'est produit qu'une seule feuille, j, à limbe vert, de consistance assez ferme, fortement nervé, oblong-lancéolé, se rétrécissant graduelle- ment, à sa partie inférieure, en un pétiole qui surmonte une gaine fortement épaissie. # Qu'après cette feuille unique, il ne se produit plus, pendant fa deuxième année, que des écailles nourricières, dont l’une (a') est déjà grande, et aussi épaisse ou même un peu plus épaisse que la gaine de la feuille f, et dont trois autres de plus en plus petites, visibles seulement sur une coupe longitudinale (fig. 32 À, «°,a°,a), se recouvrent l’une l'autre. I y a donc, pour la formation de loignon de deux ans, chez le Lilium Srovitzianum, analogie avec le L. giganteum, dissem blance prononcée avec le L. auratuin. Lilèum callosum Zuce. — C'est au contraire au type du Lilium cordifolium Thunb. que se rattache le L. callosum Zuec. IL suffit de jeter les veux sur la figure 35, qui représente un pied de cette espèce, pendant la seconde année de son existence, pour être frappé du développement considérable qu'a pris la radicule (7), qui non-seulement s’est beaucoup allongée, mais encore à donné cinq ramifications, dontune, la plus haute, s’est subdivisée à son tour. Gette radicule offre une particularité qu’on voit nettement sur la figure 35 À, et qui consiste en ce qu’elle est comme ondulée transversalement à sa surface. La tigelle n’est représentée, dans sa portion libre, que par le tronc de cùne court et libre (4, fig. 35 À, 85 B), qui se trouve placé entre la base du pivotet celle du petitoignon. Quant à cet oignon lui-même, 1l est essentiellement constitué par deux écailles épaisses et charnues, à peu près en regard lune de Pautre (4,9), dont lexterne, 4, présente à son extrémité une petite cicatrice, et dont linterne, 2, est beaucoup plus grande et plus épaisse que la première. Je crois que ces deux parties ne peuvent être que deux écailles nourricières, restes de la végétation de la pre- mière année. Plus intérieurement se trouvent deux feuilles vertes, dont l’une (3, fig. 35, 35 A et 35 B) ne forme qu'une courte lame ployée en gouttière, dont le sommet dépasse à peine 60 P. DUCHANRTFERE. l’écaille 2; elle me semble ne pouvoir être autre chose qu’une écaile nourricière qui, sous l'influence de la végétation actuelle, est devenue foliacée en s’allongeant, comme j'ai montré que cela se passe chez le Liu giganteum. La situation de cet organe est assez étrange, puisqu'elle est placée presque au devant de l'écaille 2, seulement un peu de côté; mais elle est évidemment postérieure en date à Pécaille 2 qui embrasse entièrement, et antérieure à la feuille #, dont elle entoure la base avec sa portion inférieure élargie et engainante. Gette dernière feuille elle-même est longue, linéaire, fablement élargie vers son extrémité supé- rieure en un himbe lancéolé, et devant sa base, au sommet de l'axe, se montre une production foliare nouvelle (5, fig. 35 B, 30 CO), qui n'a pas plus d’un demi-millimètre de longueur. L'absence de tout intermédiure entre cet organe foliaire nais- sant, et la longue feuille # qui est en ce moment tout à fait dé- veloppée, me semble autoriser à penser qu'il ne se formera plus de feuille verte pendant là deuxième année, mais seulement de nouvelles écailles nourricières, dont il est impossible de savoir le nombre par avance et sans examen de sujets plus avancés. En somme, la formation de oignon, chez le Lilium callosum, résulte d’une productionalternative de feuilles vertes et d’'écailles nourricières, comme chez les L. giganteum, cordifolium et Szo- vilzianum. Gelte espèce ressemble, en outre, au L. cordifolium pour là longue durée et le grand développement de sa radieule ou pivot; enfin elle se rattache aux deux dernières de ces espèces, et diffère de la première par l'extrème brièveté de la portion libre de sa tigelle, et par Pabsence de racines adventives imtermé- diaires d'âge et de situation entre la radicule elle-même et les racines adventives définitives. Les Lilium tenuifolium Kisch. et Thunbergianum Rœm. et Sch. appartiennent lun et autre au tvpe des Lis à développe- ment rapide, s’accusant, dès la première année, par la produc- tion hâtive de feuilles vertes normales, indépendamment de leur cotylédon, qui est devenu lui-même une longue feuille séminale. Je suis porté à croire, bien que je n’aie pas eu les moyens de OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 61 n'en assurer par l'observation, que leur radicule ne doit pas se maintenir Jusqu'à la seconde année. Lilèum tenuifolium Fisch. — Un pied de L. tenuifolium est représenté entier et de grandeur naturelle par la figure 36, tel qu'il était peu de temps après sa germination. La radicule (r) en est simple et peu développée; Le cotylédon à déjà produit un limbe long et linéaire (ce); une portion brunâtre (a), longuede 2 à 3 millimètres, sépare ce limbe, qui est tout entier d’un vert intense, de la portion inférieure où pétiolaire qui est restée blanche. Ge défaut de coloration du quart mférieur de la feuille séminale amène un contraste marqué avec la feuille /', qui est verte à partir du pot où elle sort de la gaine cotylédonaire. C'est cettegaine (ct), fortementépaissie, quiconsütueessentielle- ment le petit oignon naissant. Entière et continue à sa base, elle est, comme toujours, fendue plus haut longitudimalement, et elle superpose ses deux bords dilatés jusqu’à sa partie supé- rieure, où elle laisse une petite ouverture qui donne passage à la feuille /'. Cette disposition est indiquée par les figures 36 À, qui représente l’oignon entier grossi, 36 D, qui montre une section transversale de la gaine‘ cotylédonaire (c{), dans sa por- ton entière; et 36 E, sur laquelle on voit la même gaine, cou- pée transversalement un peu plus haut, avee ses deux bords su- perposés l’un à l’autre. À la base du petit oignon et sous la fente cotylédonaire vient d’apparaitre la première racine adventive (7), sous la forme d’un mamelon encore peu proéminent. Cette appa- rition hàâtive d’une racine définitive semble indiquer que la ra- dicule n'aura pas une longue durée. La feuille verte /" n’est encore qu'mcomplétement déve- loppée, et elle se fait voir seule à Pextérieur de Poignon nais- sant; mais une coupe longitudinale (fig. 36 B) montre que sa portion inférieure, non-seulement engainante, mais encore dila- tée en deux oreillettes basilares (fig 36 C), embrasse une autre formation foliaire presque naissante, arrondie-convexe à sa face dorsale, profondément creusée en gouttière à sa face interne ou ventrale (f, fig. 36 D, 36 E), qui n’a pas encore un demi-milli- mètre de longueur. Les coupes transversales menées à travers la 62 P. DPUGREARS TIRE. feuille /'et la production nouvelle qu'embrasse sa base ont le mème contour, et présentent de même, à leur intérieur, trois faisceaux fibro-vasculaires disposés de Fa mème manière; je crois done pouvoir admettre que ces deux organes sont de la même nature, et que, par conséquent, /* est, comme /", une feuille qui doit venir faire également saillie en dehors du petit oignon, dans le courant de la première année, probablement même après un espace de temps peu prolongé. Cest au reste ce que prouve l'observation de l'espèce suivante. Lili Thunbergianum Rœm. et Sch. — Pour le Lilium Fhunbergianum, j'ai eu sous les yeux un échantillon tellement jeune, que, comme on je voit par la figure 33, l'extrémité de son cotylédon, en train de devenir une longue feuille séminale, était encore logée dans la cavité du tégument séminal sp. La radi- cule » de cette petite plante était courte et simple. La fente geminulaire se trouvait au niveau du point 4; en menant une section transversale par ce point, j'ai obtenu le sujet de la figure 33 À, par laquelle on voit que, déjà dans cette extrême Jeunesse, la plante renferme sa première feuille (/") bien formée, dans la petite cavité que circonserivent les bords rapprochés de la gaine cotylédonaure. Aussi ne faut-il que fort peu de temps pour qu'elle arrive à l’état que représente la figure 34. Alors le cotylédon est devenu une longue feuille séminale verte sur Les trois quarts de sa longueur, dans laquelle on distingue un limbe linéaire-lancéolé (ef), rétréci graduellement dans le bas en un pétiole blane, qui surmonte à son tour une gaine également blanche, renflée de manière à constituer un petit oignon. En même temps laradicule à plus que doublé de longueur, et s’est même ramifiée; et lon voit, d'un autre côté, qu'une racine adventive (r”, fig. 34 A) à déjà pris naissance à la base de la petite bulbe, à peu près au-dessous de la fente cotylédonaire. Enfin, la première feuille /° fait assez longuement saillie en dehors du jeune oignon. Le nombre, la situation et la nature des parties, sont abso- iument identiques pour le Létium Fhunbergianum, à V'état que montre la figure 3%, et pour le £. enuifolium, sujet de la OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LS. 65 figure 36. On peut s’en convaincre en comparant la figure de l'oignon grossi 34 À à 36 À, sa coupe longitudinale 34 B avec 36 B, et même la base de la feuille cachant une autre feuille naissante et canaliculée f*. Je n'ai donc pas à répéter ce que Je viens de dire au sujet de cette dernière espèce. De plus, cette parfaite simulitude, sous tous les rapports, montre que l’âge du jeune L. Thunbergianum, représenté par la figure 34, est le même que celui du jeune £. fenuifolium qui a été le sujet de la figure 36. La marche du développement est donc absolument semblable chez ces deux espèces, et elles appartiennent égale- ment l’une et l’autre à un type bien distinct de ceux dans les- quels rentrent les cinq premières espèces dont il a été question dans ce travail, et ce type est essentiellement caractérisé par la production de feuilles vertes immédiatement après la germina- Hon, ainsi que par lPabsence d’écailles nourricières pendant la Jeunesse des plantes. N'ayant pas eu occasion d'observer des pieds de cette plante arrivés à leur seconde année, je ne puis dire quand commencent à se produire les écailles nourricières qui doivent entrer dans la constitution des bulbes plus ou moins voisines de l’état adulte.-fe crois qu'elles doivent commencer à se produire vers la seconde année. La germination des Lis n’a pas été, que je sache, étudiée avec tant soit peu de soin jusqu'à ce jour. Tout ce que je connais, comme méritant d'être cité à ce sujet, sous Le rapport morpho- logique, est dû à M. J. Schleiden. À la page 214, 9° partie de ses Grundzige der wissenschaftlichen Botanik [3° édit. (4)], ce botaniste donne, sous le n° 154 À, B, O, trois figures de la ger- mination du £alaum pumilum, dont lune estla représentation d’un Jeune pied dans lequel la feuille séminale a sa partie supérieure encore recourbée et fogée dans la graine, tandis que les deux au- tres consistent en une coupe longitudinale et une coupe transver- (1) Ge qui a été publié comme une 4° édition de cet ouvrage étant une simple spéculation de librairie et ne consistant qu’en une réimpression de la troisième, sans le moindre changement, je evois que c’est cette dernière qu'en doit toujours citer. | 04 BP. DUCBEAN'MERN. sale du même sujet. nr'est fort difficile de penser que ces figu- res sont rigoureusement exactes. La première, correspondant au plus à Pâge du sujet de ma figure 33, montre déjà une radicule longue de 0",026, et un oignon qui ne mesurerait pas moins de 3 millimètres 1/4 d'épaisseur, et cela pour une espèce inférieure en rapidité de développement au L. Thunbergianwn. Or, chez celui-ci, malgré la rapidité de sa croissance, le petit oignon (ig. 3%) attemt à peme 0",002 d'épaisseur, lorsque sa première feuille est déjà fortement sallante, e’est-à-dire quand il est arrivé à un état beaucoup plus avancé. Je crains dès lors que le savant allemand n'ait réuni, par inadvertance, sur cette seule figure, le haut d’un sujet très-jeune et le bas d’un autre plus âgé. Les deux autres figures (154 B et C) confirment cette supposi- on, et d'ailleurs elles me semblent être plutôt des schema que des reproductions rigoureuses. Dans le texte correspondant, on ne fit pas un seul mot de description, et Fon ne voit que le nom du Liloum pumilun imtercalé entre ceux de quelques autres Lilacées, dont M. Schleiden dit avoir observé et suivi les pre- miers développements. Quoique forcément incomplètes pour six espèces de Lis sur sept dont jai pu examiner Pétat jeune, les observations précé- dentes me semblent montrer suffisamment qu'il existe, dans ce beau genre de Liliacées, une diversité remarquable quant au prenner développement des plantes et quant à la formation ini- uale de leurs bulbes. Time semble utile de résumer ici les prin- cipaux d’entre les faits ci-dessus exposés, qui mettent en évi- dence cette diversité à laquelle on ne s'attendrait guère dans un groupe générique qu'on ne peut s'empêcher de regarder comme naturel. 1° Parmi les différentes espèces de Lis, la germination et le développement sont rapides chez les unes, plus ou moins lents au contraire chez les autres. Les premières sont en général des plantes de proportions assez faibles, qui arrivent à leur floraison trois ou quatre années au plus après le semis, quelquefois même plus tôt (Lim tenuifolium L., Thunbergianum) ; les dernières sont des plantes plus grandes, dont l'oignon est plus volumi- ‘ OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 69 neux, dont la floraison est plus tardive (L. giganteuwm, cordifo- lèun, auratum, etc.). Les graines des premières lèventau bout de quelques semaines; celles des dernières ne lèvent le plus sou- vent qu'au bout d'une année, parfois aussi de deux années après le semis. 2° Les Lis à germination et croissance rapides produisent, pendant la première année, trois ou quatre feuilles normales, outre leur feuille séminale. Au contraire, ceux à germination et croissance plus lentes ne montrent hors du sol, pendant cette même année, que leur feuille séminale; leur première feuille normale n'apparait que la seconde année, pendant laquelle elle reste généralement unique; rarement (L. auratum) la jeune plante développe deux ou trois feuilles normales dans le cours de la seconde année. Il parait même, d’après un renseignement qu'a bien voulu me communiquer M. Max Leichtlim, que, chez les L. monadelphun Bieb. et Szovitziamumm pendant la première année, « le cotylédon ne se développe pas de manière à s'élever hors du sol, mais forme néanmoins une petite écaille » (4). 3° Chez tous les Lis, la radicule se développe, à la germina- tion, en un pivot bien caractérisé; mais tandis que, chez la plu- part, l'activité et même l'existence de ce pivot sont circonscrites dans l’espace de la première année (L. giganteum, L. auratum, L. Srovitzianum, L. tenuifolium, L. Thunbergianum), la se- conde année amène pour lui, chez quelques autres, une conti- nuation d'activité et un développement considérable (L. cordi- folium, L. callosum). Cette importante dissemblance physio- logique peut se montrer chez deux espèces très-voisines par tous leurs autres caractères : tels sont le L. giganteum et le L. cordifolium. 4° Dans la grande majorité des Lis, la ügelle ne se développe pas sensiblement à la suite de la germination ; cependant, chez le L. giganteum, elle forme un axe hypocotylé qui atteint envi- ron 0",005 de longueur dans sa portion libre. 5° Cette dernière espèce est aussi la seule chez laquelle j'aie (1) J'ai reconnu, cette année, que quelques autres espèces, notamment Lilium speciosum Thunb. et L. polyphyllum Royle, sont dans le même cas. Ge série, Bor. T. IT (Cahier n° 2). ? 6) 66 BP. DUCHAR TER. vu se produire successivement deux générations de racines adventives : la première naissant du bas de l'axe hypocotylé, et devant disparaître avec lui; la seconde se formant à la base du petit oignon qui vient d’apparaître, et devant se multiplier ra pi- dement à mesure que celui-ci fait des progrès. Dans les autres espèces dont la tigelle reste rudimentaire, la première de ces deux générations manque nécessairement. 6° La première apparition de l'oignon est toujours due au dé- veloppement notable en épaisseur que prend la portion vaginale du cotylédon devenu feuille séminale; elle a lieu peu de temps après que cette feuille séminale s'est dégagée du spermoderme qui en coiffait l'extrémité. 7e La gaine cotylédonaire persiste pendant toute là première année, et même, dans les grandes espèces, elle reste fraiche pendant une partie plus ou moins longue de la seconde année. Pendant toute cette durée, c’est son accroissement qui contri- bue le plus à l'augmentation graduelle de volume du jeune oignon. 1 8 Les parties internes auxquelles la gemmule donne nais- sance ne concourent d'abord que pour une faible part au gros- sissement de l'oignon; mais quand la gaine cotylédonaire s’est épuisée et flétrie pour disparaitre peu après, elles constituent essentiellement l'oignon, et, devenant rapidement de plus en plus nombreuses, se montrent sous les deux apparences de feuilles et d’écailles nourricières; elles le rendent de plus en plus volumineux jusqu'à ce qu'il produise une tige forifère. Quand cette tige est due au bourgeon qui termine Paxe de la bulbe, celle-ci meurt après sa fructification, et peut dès lors être dite monocarpienne. Mais quand elle provient d'un bour- geon latéral ou axillaire, et qu’elle constitue ainsi une ramifica- tion de l’axe fondamental, il peut s'en produire successivement plusieurs, d'année en année; la bulbe se conserve donc pendant plusieurs floraisons consécutives, et Pon peut dès lors la qualifier de polycarpienne. ES | OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. (9 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE Î. Lilium giganteum Wall. Fig. 1. Oignon à peu près adulte, mais ne devant pas fleurir dans l’année. —r4,r@, racines plus où moins àgées, qui ont servi pour la végétation actuelle ; r,r, racines jeunes qui se sont fait jour à travers la base des écailles externes, parfois même assez haut, comme r'. 1, 2, 3, 4, grandes écailles externes, à cicatrice terminale, qui sont visibles de ce côté de loignon ; a', au, at, an, quatre des cinq écailles nourricières ; ft, f?, f3, ff, f5, partie inférieure du pétiole des cinq grandes feuilles normales ; {, limbe très-réduit et enroulé sur lui-même de la feuille qui forme l'enveloppe du bourgeon central ; €, feuille longuement pétiolée d’un caïeu arrivé à sa deuxième année et déjà extérieur à l'oignon; c', place où se trouvait un deuxième caïeu à l’aisselle de l’écaille 1, mais près du bord de celle-ci. pat Kig. 2. Portion inférieure du caïeu, dont la feuille est désignée par € sur la figure 1. a, extrémité inférieure tronquée de son axe fondamental. À, section longitudinale de la moitié inférieure du petit oignon de ce caïeu ; 1,1, gaine fortement épaissie de la feuille unique; a, a", les deux écailles nourricières enfermées sous cette gaine ; r, r, racines; «, l'axe. B, section transversale du même caïeu, Mèmes lettres. PLANCHE 2. Lilium giganteum Wall. Fig. 3. Section longitudinale passant un peu en avant du plan médian de l'oignon fig. 1, de manière à montrer le bourgeon central au sommet de l'axe fondamental. — b, c, les deux parties superposées de cet axe : b, la plus an- cienne ; €, la plus jeune ; 4, ligne brunâtre qui, dans cet exemple, séparait ces deux parties; sg, portion de la surface de P’axe qui portait les écailles ; d, d, portion de ce même axe où s’inséraient les cinq feuilles ; Ÿ, gaine de la feuille imparfaite qui constitue l'enveloppe du bourgeon central ; /, son limbe ; e, niveau où se termine la deuxième feuille imparfaite ou écaille nourricière sous-jacente. Fig. 4. Section transversale du bourgeon central menée à sa base. — Les chiffres 1, 2,3, 4, 5, 6, correspondent à la série des parties qu’il comprend, en allant de dehors en dedans. Fig. 5. Base d'une tige qui a fleuri et qui a müri ses capsules. — 7,7,7, racines mortes et sèches ; r', r', racines vivantes pendant le développement de la tige florifère ; 4, portion de l’axe désorganisée et creuse à l’intérieur; €, €, €, ci- catrices laissées par les feuilles inférieures dites radicales, serrées sur une courte étendue de la tige ; €’, c”, cicatrices de feuilles caulinaires de plus en plus espacées. À, coupe longitudinale de la même base de tige. Mèmes lettres. p, dia- phragme celluleux intérieur 68 B. IUCHIAHTERE. Fig. 6. Caïeu déjà fort, tout entier, vu de côté. — 1, 2, grandes écailles externes très-épaisses, à large cicatrice terminale ; &, a", a“, écailles nourricières. Fig. 7. Section transversale d’un caïeu assez gros, quoique encore enfermé entre les écailles d’un oignon. — ax, l'axe général indiqué sur la figure pour en montrer l’orientation : pr, préfeuille adossée à l'axe ; 4, b, ec, d, écailles plus internes. PLANCHE 3. Fig. 8. Oignon entier, tout à fait adulte et préludant à sa floraison, dessiné à due grandeur naturelle. — 1, 2, 3, 4, 6, celles des six écailles externes où à cicatrice qui sont visibles sur la figure ; &, a“, a, av, avr, av", QU, écailles nourricières dont on voit que les quatre plus internes se sont déjà beaucoup allongées et sont devenues foliacées. A, section longitudinale du mème oignon après l'enlèvement des écailles et des feuilles. On a laissé en place le petit bourgeon central, enveloppé d’une feuille normale encore fort petite f8 : #,r,r, racines ; 2", 7", racines supérieures, actuellement en pleine activité; aa, portion inférieure et vieille de l'axe ; ab, portion plus jeune du même, portant les parties qui forment FE actuel près de fleurir. B, C, D, E, série des feuilles comprises dans le bourgeon central. Elles se suivent en se recouvrant lune l’autre dans l’ordre des numéros f?, f10, {A LCR [15° Fig. 9. Caïeu situé à Paisselle et près du bord droit de lécaille 1, fig. 8. I est vu par sa face externe. — pr, Le feuille ; f1, feuille normale la plus externe. B, la feuille la plus interne (3°) de ce eaïeu, dont le limbe a été enlevé en partie pour mettre à découvert les deux productions foliaires les plus jeunes de ce caïeu. C, ces deux mêmes productions foliaires les plus jeunes vues de manière à montrer que la plus développée des deux est canaliculée à sa face interne. Fig. 10. Un autre caïeu plus développé qui se trouvait dans la même aisselle, mais vers le bord gauche de Pécaille 1, fig. 8. — Mèmes lettres. Fig. 11. Coupe transversale menée vers le milieu de la hauteur du caïeu fig. 9, pour montrer la situation relative de la préfeuille pr et des deux feuilles Les plus externes. PLANCHE 4. Fig. 12. Capsule entière après sa déhiscence. — à, portion du ;podogyne qui s’est arquée brusquement pour ia redresser ; b, cicatrice laissée par la chute des pièces du périanthe. À, section transversale de la capsule menée vers le milieu de sa longueur. Fig. 13. Graine müre vue contre le jour pour en faire distinguer les parties As — hh, hie; ra, raphé; ch, chalaze; cm, canal micropyluire; ax, aile ; R, noyau; €, embryon. À, noyau d’une graine dont embryon était placé de côté. Mêmes lettres. OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 69 B, section transversale d’une graine mûre passant par l’embryon e, pour le montrer en place au milieu de l’albumen al; aa, portion de l'aile. C, embryon isolé : r, radicale; ct, sommet du cotylédon; g, place de la gemmule. Fig. 14. Germination très-jeune. — nn, noyau ; ct, limbe du cotylédon enfermé dans le tégument séminal et courbé en demi-cerele ; r, radicule ; g, niveau où se trouve intérieurement la gemmule (1). Fig. 15. Germination un peu plus avancée. — Mêmes lettres. Fig. 16. Germination dont le cotylédon s’est entièrement dégagé de la graine ; celle-c1 est tombée. — r, g, comme précédemment; ct, portion pétiolaire du cotylédon devenu feuille séminale ; c{', son limbe. À, coupe transversale du limbe de la feuille séminale du même. B, portion de la même germination vue par la fente gemmulaire. C, coupe transversale de la tigelle au-dessous du niveau de la gemmule. D, coupe transversale passant par le milieu de la fente cotylédonaire. E, portion de la même coupe dans laquelle un léger tiraillement a écarté les bords de la fente pour mettre en vue le mamelon gemmulaire Mig. 17. Jeune plante sensiblement accrue, sur laquelle deux une de première génération 7”, r’, naissent au bas de la tigelle. A, portion de la même, grossie pour mieux en montrer les parties ainsi que la fente gemmulaire g. B, coupe transversale du limbe de la feuille séminale, pour montrer qu'il s’est élargi et relativement aminci, PLANCHE D. Fig. 18. Jeune plante du même âge que celle de la figure 17, mais n’ayant émis qu'une racine, 2”, au bas de sa tigelle. — «, niveau où commence la radicule r. À, coupe transversale de la tigelle immédiatement au-dessous de la fente cotylédonaire où gemmulaire. B, coupe de la même passant vers le bas de la fente cotylédonaire. Elle fait voir que les deux bords, b, D’, de la gaine du cotylédon, en se super- posant, cireonscrivent une cavité intérieure qui renferme un jeune organe foliaire f’. Fig. 19. Jeune plante un peu plus avancée, sur laquelle une racine de deuxième génération ou définitive, r'”, naît à la base du petit oignon. La radicule r et la racine de première génération r' ont bruni, et la première s’est visiblement racornie. À, le petit oignon de la même, assez grossi pour bien montrer la fente cotylédonaire fe, et surtout la situation un peu latérale de la racine naissante 7° (1) Sur toutes les figures de jeunes pieds de Lis que réunissent les planches de ce te j'ai supprimé les poils radicaux qui, dans ces végétaux, se sont toujours montrés à moi sous de trés-faibles dimensions, 70 P. DEUCHARTRE. B, CG, D, E, K, G, coupes transversales de la même, menées lune au-dessus de Pautre, à partir de la portion cylindrique de la tigelle (19 B) jusqu'au sommet de la feuille (19 G), f!, cette feuille gemmulaire qui est repré- sentée entière sur la figure 19 F, vue de manière à laisser voir sa face interne canaliculée. H, coupe longitudmale d’un petit oignon à fort peu près du même âge, montrant en place la feuille gemmulaire ff, ainsi que la racine nais- sante r”. Fig. 20. Jeune plante sensiblement plus avancée, dans laquelle la radicule r et la racine de première génération 7! sont racornies, brunes et mortes, tandis que la racine de deuxième génération 7” à pris beaucoup de développement ; t, tigelle ou axe hypocotylé. À, section longitudinale de cette jeune plante montrant qu'une deuxième feuille, f2, est maintenant enfermée dans la gaine de la première, f!, qui elle-même se trouve entièrement cachée dans la cavité de la gaine cotylédonaire. Fig. 21. Jeune plante assez avancée pour que son oignon, assez gros déjà, laisse voir le sommet de la première feuille, ft, sortant par le haut de la fente coiylédonaire. À, l’oignon de la même, grossi pour en mieux montrer les diverses parties. Mèmes lettres. B, coupe longitudinale du même oignon, montrant la disposition relative des deux feuilles ff, f?. PLANCHE (6. Fig. 22. Jeune plante vers fa fin de sa première période végétative, montrant la première feuille, f4, qui fait fortement saillie en dehors de la fente cotylé- donaire. — Mèmes lettres. À, oignon de la même, grossi pour en faire mieux voir les détails. B, coupe longitudinale du même oignon, montrant qu'il existe maintenant trois feuilles, ff, f?, f3, emboitées lune dans lautre et embrassées à leur tour par la gaine cotylédonaire ct, fortement épaissie. Fig. 23, 24, 25. Jeunes pieds de Lilium giganteum Wall à la deuxième année, Fig. 25. Pied de deux ans, qui a produit une feuille à limbe ovale-lancéolé f. — Dans cette figure et les cinq suivantes, cé indique ce qui reste de la gaine du cotylédon, et les lettres b, ce, d, e désignent les formations foliaires sui- vantes, qui sont ou seront des écailles nourricières ; f, la feuille à limbe vert. À, coupe longitudinale du même, destinée surtout à montrer les écailles d, e, déjà formées et cachées dans la gaine de la feuille f. Fig. 24. Autre pied plus jeune que le précédent, dont la feuille commence à sortir. A, section longitudinale du même. B, base de la jeune feuille du même, pour montrer la nouvelle formation folure e, qui semble naître de cette base, tandis qu'elle part en réalité d'un petit prolongement de Paxe que continue Le pétiole de la jeune feuille. = ANT & c Q Ç C F7 OBSERVATIONS SUR LES BULBES DES LIS. 1 Fig. 25. Jeune pied à sa deuxième année, vigoureux, et montrant une feuille à limbe cordiforme bien développé. — ct, gaine cotylédonaire ; 4’, &x, ar, écailles nourricières de la première année, dont les deux dernières sont devenues de plus en plus foliacées. Lilium cordifolium Thunb. Fig. 26. Jeune pied entier, à sa deuxième année, ayant une feuille cordiforme longuement pétiolée, et offrant encore la gaine du cotylédon ct, avec deux écailles nourricières at, at; r, radicule développée en long et fort pivot ; r/!, racines nées à la base du petit oignon. À, coupe longitudinale du même. Mèmes lettres. B, base de la. feuille f, assez grossie pour montrer la nouvelle formation foliaire, future écaille nourricière f1, qui est enfermée dans la gaine de la feuille f. PLANCHE 71. Fig. 27. Oignon d’un jeune pied vigoureux, à la fin de sa deuxième année. — a! ,a!',restes secs et lacérés de Pécaille nourricière interne analogue à celle qui portait la même lettre sur la figure 26; f, pétiole de la feuille produite pendant la deuxième année, qui s’est fortement épaissi à sa base ; D, écaille nourricière nouvelle qui semble remplir la cavité de la gaine de f. Fig. 28. Pied tout entier, qui n’a développé qu'une tige rabougrie, surmontée d’une fleur monsirueuse. — 1, 2, 4, 5, 6, cinq des six écailles externes de l'oignon portant encore quelques restes de la feuille normale, dont elles sont la portion basilaire ; @&r, a, ai, écailles nourricières. Fig. 29. Caïeu produit par le pied précédent. —1, 2, ses deux écailles externes, x à petite cicatrice terminale ; al, an, deux écailles nourricières. Liium auratum Lindi. Fig. 30. Petit pied à sa deuxième année. A, petit pied à sa deuxième année, grossi : &, reste desséché de la gaine d’une production foire antérieure ; fl, première feuille renflée et épaissie à sa base de manière à former un petit oignon; f?, sommet d’une deuxième feuille qui commence à se faire jour en dehors de cet oignon. B, coupe longitudinale du même, montrant que le centre du jeune oignon présente deux autres feuilles très-jeunes, f#, ff, celle-ci naissante. Fig. 91. Pied un peu plus avancé, qui a sa deuxième feuille f2 fortement sail- lante, à limbe linéaire-lancéolé : +”, r", deux racines adventives. A, coupe longitudinale de loignon du même, montrant que f* a pris un accroissement assez notable. Lilium Szovitzianum Fisch. et Lall. Fig. 32. Jeune pied entier, à sa deuxième année, — Le petit oignon est accom- pagné extérieurement dun reste, &, d’une écaille nourricière de la première année. Il présente une feuille verte f, dont la base est fortement épaissie, et restera plus tard en grande écaille à cicatrice terminale : ?/, #/, racines défi- nitives, les seules qui existent maintenant ; 4ï, écaille nourricière épaisse. 79 P. DUCHARTEX. À, coupe longitudinale de cet oignon, montrant que, en dedans de l'écaille nourricière @!, 1l en existe trois autres de plus en plus petites, 42, aë, af, celle-ci naissante. Lilium Thunbergianum Roem. et Sch. Fig. 33. Très-jeune pied en germination. — L’extrémité du cotylédon ct est encore logée dans le spermoderme, sp:7, radicule ; &, niveau de la gemmule. À, coupe transversale du même, menée au niveau 4 de la figure 33. On voit que, dans la cavité de Ia gaîne du cotylédon ct, la gemmule a produit une feuille f!, bien formée et canaliculée. PLANCHE 8. Fig. 34. Jeune pied un peu plus avancé du même Lis. — Le cotylédon est devenu une longue feuille séminale, renflée quelque peu à sa base, cé, en un très- petit oignon, et dont le Himbe vert, ct’, est linéaire-lancéolé, La première feuille, ft, fait déjà fortement saillie hors de la gaine cotylédonaire : 7, radi- cule un peu ramiiée. A, le petit oignon du même pied, assez grossi pour montrer la première racine adventive naissante en ?/. B, coupe longitudinale du même, laissant voir une deuxième feuille, ?, à Ja base de f*. Mèmes lettres pour le reste. C, centre de l'oignon, plus fortement grossi pour faire voir la situation de la feuille très-jeune, f?. Lilium callosum Zucc. Fig. 35. Jeune piedà sa deuxième année. —+, radicule développée en long pivot et rameuse; ?#/, r”, racines adventives basilaires; 1, 2, écailles épaisses, blanches ; 3, écaille développée supérieurement en une petite lame foliacée, verte ; 4, feuille verte bien développée. A, même oignon, grossi pour en mieux montrer les parties, surtout la radi- eule, r, marquée d’anneaux proéminents transversaux. B, coupe longitudinale du même, pour découvrir à son centre une feuille naissante, 5, qui se voit mieux encore sur la figure 85 C. Lilium tenuifolium Fisch. Fig. 36. Jeune pied, qui laisse sortir assez longuement une feuille verte, f1, hors de la gaine renflée en un petit oignon, cf, de sa feuille séminale. —_ al, limbe de celle-ci ;'«, portion brunâtre séparant ce limbe vert du’pétiole blanc ; #, radicule. A, le même, grossi pour montrer la racine adventive basilaire naissante 7". Mèmes lettres. B, coupe longitudinale du même, montrant, au centre, une feuille nais- sante, f?, qui est représehtée à part, en place, sur la figure 36 C. D, E, coupes transversales du jeune oignon passant par la petite feuille, 2. La première passe au bas de la gaine cotylédonaire, encore entière à ce niveau; la deuxième passe un peu plus haut, à un niveau où les deux bords de la gaine cotylédonaire s'appliquent largement Pun sur l'autre VARIATION DÉSORDONNÉE DES PLANTES HYBRIDES ET DÉDUCTIONS QU:ON PEUT EN TIRER Par ÆH Ch. RAUNEMEN. I y a quelques années déjà, j'ai signalé à diverses reprises la variabilité des plantes hybrides, à partir de la deuxième géné- ration, quand ces plantes sont fécondées par leur propre pollen. Des observations plus récentes de divers expérimentateurs ont confirmé ce fait, qui paraît, sinon absolument universel, du moins très-général, puisqu'on n’y connait jusqu'ici qu'une seule exception, celle de l'Ægilops speltwformis, hybride du Blé et de PÆgilops ovata, resté tel, après plus de vingt générations, qu'il l'était à la première (1). Voici un nouvel exemple de cette variabilité que j'ai appelée désordonnée, parce qu'elle semble n'être assujettie à aucune règle. En 1874, j'ai trouvé un individu hybride du Lactuca virosa et de la grosse variété de la Laitue commune, connue sous le nom de Laitue de Batavia. Get hybride était si parfaitement intermédiaire entre les deux espèces, toutes deux cultivées à proximité l’une de l’autre, qu'il eût été difficile de dire de laquelle elle se rapprochait le plus. Les deux espèces sont cepen- dant fort. tranchées. Quelques mots suffiront pour mettre en relief leurs caractères différentiels les plus saillants. Le Lactuca virosa est une forte plante indigène et sauvage, dont la tige, quoique annuelle, devient un peu ligneuse et s'élève droite, presque sans se ramifier, si ce n’est dans l’inflorescence, à 1v,60, 2 mètres et quelquefois davantage. C’est à peu près le (1) Cette exception n'existe même pas. L’Ægilops spellæformis est considéré aujourd'hui, avec raison, comme espèce légitime et non comme hybride (voy. Jordan, Ann. sc. nat, 4° série, 1856, t. IV, p. 295, — et Espèces affines, p. 8, etc. 1873). (Réd.) 74 €. NAUDIEN. double de la tulle qu'attemnt ordmairement lPespèce cultivée. Ses feuilles sont planes, roides, plus ou moins laciniées ou lobées, quelque peu glaucescentes, denticulées-spinuleuses sur leur contour, et toujours pourvues, sur la nervure médiane, à la face mférieure, d’une rangée de poils roides et presque spines- cents, qui suffiraient à eux seuls pour faire reconnaitre Pespèce au simple toucher. La plante cultivée, parfaitement glabre dans toutes ses parties, n'offre rien de semblable. Ses feuilles sont d'ailleurs beaucoup plus larges, plus molles, souvent cloquées et marbrées de taches rousses ou brunâtres. Dans la race dont il est question ici, elles chevauchent les unes sur les autres, de manière à former ce qu'on appelle une Laitue pommee. L’hybride de première génération fut très-fertile, et de ses graines naquirent une multitude de jeunes plantes, très-variées de figure, où s’entremèêlaient à tous les degrés les caractères des deux espèces. On n’en conserva que vingt, qui furent transplan- tées sur une planche à part, pour en faciliter observation et la comparaison avec les espèces parentes. Je r'entrerai pas dans le détail de leur description. I me suf- fra de dire que ces vingt plantes reproduisaient, dans leur en- semble, tous les phénomènes de la variation la plus désordonnée. Quelques-unes différaient à peme de ta Laitue de Batavia, tout en conservant sur quelques points des empreintes manifestes de Pespèce sauvage, par exemple cette ligne de poils spinescents qui hérissent, chez elle, le dessous de la nervure médiane; d’au- tres reproduisaient, presque trait pour trait, le L. virasa, mais avec des feuilles dont la nervure était totalement inerme. I y en avait chez lesquelles la tendance à pommer était prononcée ; d’autres dont les feuilles, laciniées et spinuleuses, commençaient à se cloquer et à se marbrer de taches brunes comme dans la race cultivée. Mèmes variations dans le développement et la consistance de la tige, qui, chez quelques-unes, atteignait à 2 mètres, tandis que chez d’autres elle arrivait à peine au quart de cette hauteur. En somme, 1l n'existait pas deux mdividus vraiment semblables dans cette collection de vingt plantes hybrides de deuxième génération, et je suis convaineu que, la VARIATION DÉSORDONNÉE DES PLANTES HYBRIDES. 79 collection eùt-elle été dix fois plus nombreuse, le résultat aurait encore été le même. Un pot essentiel à faire ressortir ici, c’est que, dans cet enchevêtrement des caractères des deux espèces différentes, on ne voit rien apparaitre de nouveau, rien qui n’appartienne à une ou à l’autre. La variation, si désordonnée qu’elle soit, se meut entre des Hmites qu'elle ne franchit pas. Les deux natures spécifiques sont en lutte dans l’hybride, auquel chacune apporte son contingent ; mais de ce conflit ne sortent pas réellement des formes nouvelles : ce qui se produit n'est jamais qu’un amal- game de formes déjà existantes dans les types producteurs. I semble cependant que, si quelque chose pouvait faire dévier Pes- pèce de la ligne de son évolution, ce serait le trouble apporté dans son organisme par son union forcée à une autre ; mais il n'en est rien : l’hybride n’est qu’un composé de pièces emprun- iées, une sorte de mosaïque vivante dont chaque parcelle, dis- cernable ou non, est revendiquée par lune où par Pautre des espèces productrices. Je ne connais rien qui témoigne mieux de la ténacité des formes spécifiques que cette persistance à se reproduire dans ces organismes artificiels qui doivent leur exis- tence à une violence faite à la nature. Cette tendance des espèces, et j'ajoute des races, si l’on tient à regarder les races comme autre chose que de vraies espèces, cetie tendance à persévérer dans une série indéfinie de généra- tions, et malgré tous les obstacles, est assurément un des faits les plus considérables du monde organique, et ce fait se rat- tache mdubitablement à une cause qui lui est proportionnée en importance. Tous les biologistes sont d'accord ici pour pro- clamer la puissance de lhérédité, et même, quand une modifi- cation notable apparait dans la lignée d’une espèce bien définie, là plupart inclinent, et je crois avec raison, à y voir l’imfluence d’un ancêtre plus ou moins éloigné, dont le pouvoir, dissimulé jusque-fà et tenu en échec par une cause inconnue, s'est mani- festé tout à coup sur quelque membre de sa postérité. C’est l'atavisme proprement dit, qui n'est qu'un cas particulier de lhérédité, et qui pourrait bien être, ainsi que je le dirai plus 76 €. NAUIEN. loin, la cause la plus essentielle et La plus habituelle de la varia- bilité, dans les espèces sujettes à varier. Mais d’où vient l'hérédité et qu'est-elle? Pour répondre à . cette question, 1l nous faut remonter aux lois mêmes qui régis- sent le mouvement. Selon moi, le mouvement est toujours le passage d’un équilibre à un autre, et toujours aussi il se fait dans le sens de la moindre résistance. Îl en résulte qu’une fois qu'il a commencé à suivre une certaine direction, il tend à y persévérer, parce qu'il élargit sa voie et en aplanit de plus en plus les obstacles. En d’autres termes, la direction suivie par le mouvement devient d'autant plus fixe, elle résiste d'autant mieux à tout effort qui tendrait à la changer, que son commen- cement date de plus loin. Qu'il s'agisse du mouvement de grandes masses ou de celui de simples molécules, la loi est la même et les phénomènes se ressemblent. Dans l’ordre phy- siologique, dans Pordre psychique et moral lui-même, nous retrouvons lPapplication de cette loi du mouvement. Tout le monde sait comment naissent les habitudes; comment, par la répétition des mêmes actes, elles prennent de la force et finis- sent trop souvent par commander à la volonté, par devenir, en un mot, une seconde nature. C’est qu'ici aussi la voie s’élargit et les obstacles s’aplanissent. L’hérédité physiologique n’est, à mes yeux du moins, qu'une habitude invétérée dans une série plus ou moins longue de générations, habitude devenue d’au- tant plus irrésistible, d'autant plus fatale, que sont plus nom- breuses les générations d’ascendants qui Font transmise à leur postérité. | Le mouvement n’est pas la vie, mais il est une des conditions premières de la vie, qui ne se conçoit pas sans lui, à tel point qu’on peut dire que tout acte vital, physiologique ou psychique, est corrélatif de quelque mouvement. La reproduction des êtres organisés, comme toutes leurs autres fonctions, est intimement liée à des mouvements moléculaires; et puisque ces mouve- ments ne peuvent échapper à la loi de la moindre résistance, ils doivent, pour chaque espèce, suivre des directions détermi- nées, caractéristiques de cette espèce et d'autant plus invaria- VARIATION DÉSORDONNÉE DES PLANTES HYBRIDES. 77 bles, qu’elle vieillit davantage, c’est-à-dire que ie nombre des ascendants devient plus grand et que Fhérédité creuse plus profondément le sillon dans lequel lespèce doit évoluer pour passer d’une génération à l’autre. Nous ne connaissons que deux types de reproduction : celui où il suffit d’un seul individu pour donner naissance à une pos- térité (reproduction scissipare, gemmipare, etc.), et celui où le concours de deux individus est nécessaire. Les deux règnes organiques offrent de nombreux exemples du premier mode ; mais le second, c’est-à-dire la reproduction binaire, est beau- coup plus général, on pourrait dire universel, car nous le voyons usité presque dans tous les cas où un seul individu peut rigoureusement reproduire et multiplier son espèce. Mème dans ce mode le plus simple, où chaque mdividu n’est que la continuation d'un seul premier ancêtre, le mouvement évolutif, suivant toujours la même direction dans la série des individus successifs, pourrait encore, à la longue, devenir assez ferme pour résister aux influences extérieures qui tendraient à le mo- difier ; mais par la génération binaire 1l acquiert une bien autre force pour persévérer dans la même voie. Considérons, par exemple, un individu actuellement vivant : cet individu a un père et une mère, de même espèce que lui, qui ont tous deux concouru à sa formation et dont il totalise Les hérédités. Ce père et cette mère ont eu de même leurs parents, qui, à leur tour, sont issus, toujours par génération binaire, de parents sem- blables à eux, et ainsi de suite en remontant jusqu’au commen- cement des choses. L'individu considéré recueille donc les influences d’un nombre d’ancèêtres incalculable, nombre qui s’accroit, en remontant dans le passé, suivant fa progression géométrique = 2 : 4: 8 : 16 : 32 : ... : n, c’est-à-dire suivant la série indéfinie des puissances de 2 (2, 2°, 9°, 2°,..., 92); et ceci mène à supposer avec grande vraisemblance que la plupart des espèces, smon toutes, ont commencé par un nombre fort grand d'individus analogues de structure, sortis d’un même protorganisme, et dont les-alliances entrecroisées de mille maunères ont déterminé le sens dans lequel leur postérité devait 78 €. NAUDEX. évoluer. La reproduction binaire a pu se réduire, dans le prin- cipe, à une simple conjugaison d'organismes hermaphrodites ou même asexués; mas, par le perfectionnement croissant de la division du travail physiologique, les individus se sont gra- duellement différenciés en mâles et en femelles, et la r'epro- duction binaire sexuelle est devenue la règle, sans cependant faire totalement disparaitre les autres modes de transmission de la vie. On objectera peut-être que, dans les cas de monœcie et d'hermaphroditisme chez les plantes, la reproduction sexuelle est effectuée par un seul mdividu, et que Le principe émis ci- dessus cesse de trouver son application ; mais je répondrai que lobjection repose sur une fausse apparence. Le mot éndividu inplique Pindivisibilité de lêtre, et toute plante qui n’est pas réduite à une simple cellule, comme par exemple le Protococcus, n'est pas un individu dans le sens vrai du mot, mais un agrégat d'individus associés, d’après certains modes, en un système plus ou moins complexe où chacun d'eux à son rôle propre à remplir. La plante, telle qu'on Pentend ordinairement, n’est, à vrai dire, que l'intégrale d’un nombre immense d'organismes presque infiniment petits: C’est la cellule, l'élément anato- nique, qui est ici le véritable mdividu, et dans la vaste associa- on de ces cellules-individus il s’en trouve toujours de privi- légiées, qui sont exclusivement affectées à la reproduction de lagrégat vivant, et auxquelles sont dévolus les rôles de mâle et de femelle. Une plante phanérogame, et même la plupart des Cryptogames, peuvent rigoureusement être assimilées, sous ce rapport, à une ruche, qui forme de même un tout nécessaire à la vie des mdividualités dont elle sé compose, et parmi les- quelles aussi un petit nombre seulement, douées de sexualité, sont chargées du soin de conserver Pespèce. Ainsi, même chez les plantes hermaphrodites, la reproduction sexuelle est binaire tout autant que si les sexes étaient portés par des pieds dif- lérents. Si lon veut réfléchir à la somme d’hérédités qui pèsent sur chaque individu actuellement vivant; si l’on caleule ce que doit VARIATION DÉSORDONNÉE DES PLANTES HYBRIDES. 79 être l'énergie de tant de millions d’ancêtres de même origine et de mème structure qui tendent à la maintenir dans le courant évolutif suivi jusque-là, non-seulement on comprendra la per- sistance des formes spécifiques, mais on sentira en même temps combien il est peu probable qu’elles puissent jamais sortir d’un lit si profondément creusé pour entrer dans un autre et revêtir de nouvelles figures. Cette persistance dans une voie où leur évolution ne rencontre plus d'obstacles à pour conséquence immédiate l’économie de la force, c’est-à-dire de la vitalité inême des espèces, qui ne pourraient changer qu’en dépensant une somme de force assez grande pour neutraliser l'énorme puissance avec laquelle tant d’hérédités accumulées les en- trainent. Cet effort est-il possible ? Jusqu'ici l'expérience à dit non. Dans tous les cas la transformation des espèces aurait pour conséquence inévitable, ou la réduction du volume des indi- vidus, ou le raccourcissement de leur vie, ou Pabréviation de la durée des espèces, ou même toutes ces décadences à la fois. On invoque les influences du milieu pour appuyer cette hypo- thèse, et l’on oublie que la vitalité des organismes est inhérente à eux-mêmes, qu'ils ne la tirent pont du milieu inorganique, et que s'ils se modifient, s'ils s’assouplissent pour se mettre d'accord avec les exigences de ce milieu, tout l'effort est de leur côté. Au surplus, le mieu, c’est-à-dire la totalité des condi- tions extérieures auxquelles les organismes se sont accommodés, tend lui-même à l'équilibre dans toutes les directions, et, par là, perd de plus en plus de son pouvoir. Sans doute bien des espèces sont sujettes à varier; mais ces variations, dont on s’exagère si volontiers l'importance, et qui sont toujours plus superficielles que profondes, peuvent s'expliquer par de tout autres causes que des influences de milieu. La variation désor.- donnée des postérités hybrides ou métisses semble nous mettre sur la voie, et elle nous conduit à rattacher avec infiniment plus de probabilité les variations des espèces proprement dites à des influences ancestrales qu'a des actions accidentelles. L'expérience des cultivateurs appuie cette manière de voir. Cest, par exemple, un fait très-constant dans là pratique agri- 80 ©. NAUIIN. cole et horticole, que, dans les semis de graines de même espèce et de même provenance, les conditions extérieures étant iden- liques pour toutes el agissant avec la même intensité, il ne se trouve jamais qu'un nombre fort restreint d'individus, un ou deux tout au plus sur quelques centaines ou même sur quelques milliers, qui présentent des modifications sensibles, et encore ces modifications ne se font-elles pas dans le même sens sur tous les individus modifiés, ainsi que cela devrait arriver si le mileu était la cause directe de cette altération. Dans aucun cas Où n'a vu Jusqu'ici varier de la même manière, je ne.dis pas la majorité des plantes d’un même semis, mais seulement une notable minorité, quelles qu’aient été les circonstances exté- rieures. Lors donc que nous voyons varier sans aucune règle, par le semis de leurs graines, des plantes assujetties depuis un temps immémorial à la culture, telles, par exemple, que la Vigne et la plupart de nos arbres fruitiers, tout nous-porte à penser qu’elles le doivent à des croisements, probablement fort anciens et peut-être antérieurs à toute domestication, entre des espèces voisines, et que leur inconstance, d’une génération à l’autre, est simplement un fait d’atavisme. La même probabilité d'origme s'applique à ces groupes de plantes restées sauvages (les Rosiers entre autres), où les variétés sont si nombreuses, si peu tranchées el si peu fixes, que leur distribution en espèces et leur nomenclature ont toujours été la pierre d’achoppement des classificateurs. Le lien n'apparait si étroit entre le maintien des formes spé- cifiques et la génération binaire, que je ne puis me défendre de regarder ces deux faits capitaux du monde organique comme étant entre eux dans le rapport de l'effet à la cause. Je vais inème plus loin, et je dis sans hésiter que c’est à cet admirable artufice d’une génération qui exige le concours de deux êtres semblables ou analogues que les espèces doivent leur origine. Les groupes vraiment spécifiques et capables de transmettre leur physionomie commune et leurs caractères essentiels à une postérité ont commencé, selon moi, le jour où la nature est entrée dans Père de là sexualité. Jusque-là les formes pouvaient VARIATION DÉSORDONNÉE DES PLANTES HYBRIDES. O1 être indécises, mobiles, vacillantes sous l’influence des acci- dents extérieurs; mais, une fois la sexualité établie, l’hérédité n’a pu manquer de produire ses effeis avec l’énergie croissante dont nous avons parlé plus haut, doublant son pouvoir à chaque génération, et rendant de moins en moins possibles ces trans- formations où une nouvelle école s'efforce de trouver l’origine des espèces. Sans doute les structures analogues dérivent d’une source commune, mais ce point de départ est antérieur à la sexualité, et il faut le chercher dans ces protorganismes qui, dans mes idées, ont marqué le début de la vie sur ce globe. La doctrine du transformisme est, au fond, la négation de l’héré- dité, et elle laisse sans explication valable le phénomène, aussi universel qu'étrange, de la reproduction binaire. Elle implique même, dans une certaine mesure, que les lois qui régissent l’évolution des êtres vivants sont subordonnées à tous les hasards du monde extérieur, par conséquent transitoires et incertaines. Pour moi, je ne puis croire que le monde organisé aille à l’aven- ture. Comme tous les phénomènes, 1l procède de quelque chose d’antérieur ; il a eu son point de départ, il aura son point d’ar- rivée, où il se soudera vraisemblablement à quelque nouveau mode de la vie, et, dans cet intervalle, il est mené par des lois, plus complexes peut-être, mais certainement aussi déterminées et aussi fixes que celles de la nature inorganique et qui l’em- pêchent de s’égarer dans linutile. La science, sans doute, ne soulèvera jamais le voile qui nous cache ce commencement et cette fin; mais si, par ses recherches persévérantes dans toutes les voies ouvertes à l'esprit humain, elle parvient à éliminer les hypothèses impossibles, pour ne laisser place qu’à celles que la raison peut avouer, ce sera encore une suffisante rémunération de ses efforts. 6e série, Bot. T. I (Cahier n° 2). 2 : MÉMOIRE L'ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE Par RE. JSulicm VESQUE. Le faisceau fibro-vasculaire de la tige des Dicotylédonées est ordinairement composé de deux parties : le bois à l'intérieur et le liber à l'extérieur. Les faisceaux sont disposés en cerele au milieu d’un tissu parenchymateux qui les environne toutes parts, et qui porte le nom de parenchyme fondamental. Le liber et le bois des faisceaux sont séparés par une couche d’un tissu très-délicat, dont les longues cellules ont le pouvoir de se diviser, et de former ainsi à l’intérieur de nouveaux élé- ments ligneux, à l'extérieur de nouveaux éléments libériens ; ce tissu porte le nom de cambium, et il se transmet d’un faisceau au faisceau voisin, à travers le parenchyme fondamental, dans lequel 1! interpose le nombre de cellules suffisant pour que ce tissu puisse suivre l’extension des faisceaux. La partie du pa- renchyme fondamental en dehors du liber s'appelle lécorce primaire, celle qui se trouve à lintérieur des faisceaux est la moelle, et les lames parenchymateuses qui rejoignent la moelle à l’écorce primaire sont les rayons médullaires pri- maires. Les couches secondaires des faisceaux se divisent à leur tour radialement par des rayons médullaires secondaires. On appelle l'écorce, dans les Dicotylédonées, toute la somme de tissus situés en dehors du cylindre cambial. L’écorce se com- pose donc : 4° de l’épiderme, qui recouvre le tout; 2° de l’écorce primaire tout entière ; 3 d’une partie de tous les rayons médul- ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 89 laires primaires; #4 de la partie libérienne des faisceaux fibro- vasculaires extérieure au cambium. Ce mémoire se divise ainsi naturellement de la mamière sui- vante : HisroriQue. INTRODUCTION. CuapirRE PREMIER. — L’épiderme. Épiderme persistant. CHapiTRe Il. — L’écorce primaire. L Définition. IL. Structure générale. IT. Étude des éléments qui la composent. . Cellules parenchymateuses. Cellules de collenchyme. Cellules eristalligènes. Cellules laticifères. Cellules seléreuses. Cellules à tannin. Fibres (libriformes). Lacunes à gomme. Glandes résiniferes et oléifères. IV. De différentes modifications que subit l'écorce primaire par les progrès de l’âge. La gaine protectrice. Annexe à l'écorce primaire : les rayons médullkures primaires. REpHEUOwE CHAPITRE IF. — Le liber en général; sa position. Liber situé ailleurs que dans l'écorce. CuapirRe IV. —- Le liber extérieur. 1. Définition. Il. Ses éléments. À 1. Fibres libériennes. À 2. Cellules grillagées, À 3. Parenchyme libérien, À 4. Cellules cristalligènes libériennes. B 1-2. Laticifères et cellules sécrétrices de diverse nature, B 3. Glandes résiniféres et oléiféres du liber. B 4. Lacunes à gomme, G 1. Sclérification. G 2, Parenchyme et prosenchyme corné. Annexe au liber : rayons médullaires secondaires. S4 3. VES@UR. CHapltRE V. — La décortication. I. Absence de décortication. IT. Le suber. IE. Sa formation. IV. Anatomie du suber. V. Sa position. VI. Péridermes secondaires, rhytidome. HISTORIQUE. Malpighi (Anatome plantarum, Londini, 1686) distinguait dans l’écoree une euticule (épiderme), une couche d’utricules vertes, des fibres formant des réseaux superposés, séparés par des couches d’un parenchyme semblable à la couche verte, et des rangées de cellules allongées dans le sens radial, et traver- sant les mailles des réseaux libériens. I pensait que les écailles mortes, qu'on trouve sur Îles vieux trones, étaient dues à la rupture de la cuticule, à la mort et à la dessiccation de la couche utriculaire placée au-dessous. Nehemiah Grew (the Anatomy of Plants, London, 1689) divise l'écorce en deux parties, « the skin » (épiderme) et «the main body ». L’épiderme est composé de petites cellules qui meurent, et disparaissent à un certain âge ; il est souvent ren- forcé par des fibres lignifiées ou des vaisseaux longitudimaux, auxquels s'ajoutent quelquefois des fibres transversales. Le main body consiste en deux parties : le parenchyme et les vaisseaux. Le parenchyme résulte de l'union d’une quantité innombrable de cellules (b/adders) semblables à celles de l'épiderme, mais plus grandes et plus rondes. Les vaisseaux placés toujours à la partie interne de l’écorce contiennent du suc, et sont réunis de manière à constituer des réseaux. Duhamel (la Physique des arbres, Paris, 1798) divise l'écorce en trois parties : lépiderme, l’enveloppe cellulaire et les couches corticales. L’épiderme est une membrane mince, sèche et aride, qui recouvre l'écorce aussi bien que les feuilles, les fleurs et les fruits. Îl est tantôt simple, comme sur les jeunes rameaux, tantôt muliple, comme sur le Bouleau. Sur les vieux troncs, il ne se ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 89 trouve plus que par lambeaux morts et desséchés, à cause de accroissement en diamètre du tronc que l’épiderme ne-peut pas suivre. Îl confondait évidemment sous ce nom le véritable épiderme, qui recouvre les jeunes rameaux et les couches péri- dermiques qui le remplacent plus tard. Quant à l'anatomie de cette partie de l'écorce, Duhamel à de la peine à croire qu’elle consiste en utricules, comme le pensaient Malpighi et Grew; mais il la croit plutôt formée par une simple membrane. Puba- mel appelle enveloppe cellulaire la couche verte succulente qui se trouve au-dessous de l’épiderme ; il dit qu’elle est composée de cellules, et que son tissu.est semblable à celui de la moelle; elle sert à prévenir le desséchement des parties qu’elle recouvre et à réparer l’épiderme. Les couches corticales se composent : 1° de vaisseaux lymphatiques réunis en fibres, dont l’ensemble forme les réseaux libériens ; 2° de tissu cellulaire remplissant les mailles des réseaux de fibres, et s'étendant du bois à enveloppe cellulaire ; 3° de vaisseaux propres, parmi lesquels il compte les vaisseaux qui portent encore ce nom, et les glandes résinifères allongées. Hill (the Construction of Timber, Lond., 4774) trouve l'épi- derme semblable au parenchyme; il croit qu'il en est une pro- duction occasionnée par le racornissement que Pair opère en le desséchant. Pour Senebier (Physiologie végétale, Genève), l’'épiderme est une membrane fine, qui recouvre déjà le germe avant qu’il soit fécondé, et qui ne fait que s'étendre pendant que la plante croit; 1l admet comme Duhamel, et contrairement à ce que pensaient Malpighi et Grew, que sa dilatabilité était mcompa- tible avec la structure utriculaire qu'admettaient ces deux auteurs. Link ne distingue pas l’épiderme des couches plus profondes; il dit que la partie extérieure de l'enveloppe herbacée se des- sèche, et forme une croûte brune qui se divise et tombe. Lreviranus distingue : 1° l'enveloppe herbacée, dont la ran- gée extérieure constitue l’épiderme; 2° le liber ; 3° une couche voisine de l’aubier qui se transforme en aubier. 86 S. VES@UR. Du Petit-Thouars (Essais sur la végétation, 5° essai, 1809) trouve sur une branche de Tilleul ou de Marronmier un épi- derme consistant en une peau membraneuse et sèche; puis le parenchyme qui s'enlève facilement, et laisse voir une couche sèche, blanche, formée de petits grains. Ge lissu se transforme en parenchyme qui remplace l'ancien; celui-ci se dessèche, et forme une nouvelle couche d'épiderme. Mais ces phénomènes de transformation ne s’observent bien que sur ces plantes; dans d’autres arbres où lPon peut encore les rencontrer, ils sont cependant déjà déguisés. Sprengel (Von dem Bau und der Natur der Gewäüchse) dis- üngue le véritable épiderme des parties herbacées de l'épiderme sec, grisâtre, qui recouvre les branches âgées. Mirbel, dans ses Eléments de physiologie végétale et de bota- nique qui ont paru en 1815, décrit dans l’écorce des arbres : 4° Une enveloppe herbacée, tissu cellulaire plus ou moins ré- gulier, à cellules remplies d’une matière résineuse plus ou moins verte ; cette enveloppe herbacée se dessèche, se fend, s’use à la superficie, et se renouvelle mtérieurement. 2° Les couches cor- ticales formées de plusieurs réseaux de cellules allongées super- posées les uns aux autres ; elles sont produites par les couches les plus extérieures du Hiber. 5° Le liber. [est pour ainsi dire une herbe vivace, qui revèt la superficie du corps ligneux des arbres et arbrisseaux dicotylédons. Fest formé d’un plexus de cellules allongées, dont les mterstices sont remplis de tissu cel- lulare; macéré quelque temps dans l’eau, il se divise en lames réticulaires, semblables aux couches corticales : c’est le liber qui forme le bois. De Candolle (Organographie végétale, Paris, 1827). Les couches corticales dont l’ensemble forme le Hber sont constam- ment repoussées vers l'extérieur, finissent par se fendiller, mourir, et se charbonner plus ou moins à lextérieur. L’enve- loppe cellulaire est une sorte de moelle extérieure; quand elle ne peut pas sullire à l'accroissement, elle se rompt longitudi- nalement, et forme ainsi les gerçures de l’écorce. Le liége est une enveloppe cellulaire sèche et flexible ; dans le Platane, elle ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 87 est mince, roide et friable ; quand elle est tombée, il s’en déve- loppe une autre qui tombe à son tour. La cuticule proprement dite (épiderme) meurt ordmairement à un âge très-peu avancé; elle devient d’abord un peu opaque, puis se dessèche ou s’exfolie, ou se fendille. La pellicule, qui recouvre ensuite les branches dès la seconde ou troisième année, présente un aspect différent; cette membrane, ou épi- derme proprement dit, est formée (d’après Malpighi) par les couches externes de l’enveloppe cellulaire. Il s’est engagé, à propos de la transformation du lber en bois, une discussion entre Mirbel et Du Petit-Thouars, Knight, Treviranus, Keiser et De Candolle. Dans un mémoire sur lori- gine du liber et du bois, présenté à l'Académie en 4897, Mirbel reconnait son erreur en proclamant que « jamais le liber ne devient bois, mais qu'il existe entre le bois et l’écorce une eou- che régénératrice ou cambium qui, du côté du bois, se trans- forme en aubier et du côté de l’écorce en liber. » Dans l’article Écorce du Cours complet d'agriculture ou Dic- tionnaire (Pourrat, Paris, 1835), Mirbel divise l'écorce en trois parties : l’épiderme, Penveloppe herbacée et les couches corti- cales. Les utricules extérieures, toujours unies entre elles, se pressent les unes contre les autres dans la direction du centre à la circonférence, et se teignent de couleurs foncées. Les agents extérieurs occasionnent la chute de ces parties, et, à mesure qu'elles tombent, l'enveloppe herbacée se régénère à l'intérieur. Ici se termine pour ainsi dire la première période de l’his- toire de nos connaissances sur l’écorce. Si nous jetons un coup d'œil rétrospectif sur toute cette période, nous voyons qu’en gé- néral ces auteurs ont confondu le véritable épiderme avec le liége, et en partie avec le rhytidome ; ce n’est qu'après les recherches de Rudolphi sur l’épiderme, qu’on à reconnu la différence qu'il ya entre ces deux organes. Quant au suber et au rhytidome, on les prenait pour la partie desséchée de l'enveloppe cellulaire. L'histoire. du liber ou « des couches corticales » n’a pas encore commencé; on n’y voyait que des réseaux de fibres superposés et séparés par des couches minces de parenchyme. 88 J. VESQUR. La deuxième période commence par un travail extrêmement important de Hugo Mohl (Untersuchungen über den Bau und die Entwickelung des Korkes und der Borke auf der Rinde der baum- artigen Dicotylen. Diss., 1836 (4); Verm. Schriften, 1846). L'auteur démontre dans ce mémoire que la formation des écailles à la surface de l'écorce n’est pas occasionnée par une simple dessiccation des couches extérieures de l'écorce ; mais qu’elle repose sur le développement nouveau de certaines couches eel- lulaires qui forment tantôt elles-mêmes les écailles, et tantôt séparent du reste de l’écorce des plaques qui ne tardent pas à mourir et à tomber. Dans le premier cas, il y a du liége; dans le second, du rhytidome (Borke). M. Hanstein (Untersuchungen über den Bau und die Ent- wickelung der Baumrinde, Berlin, 1853), entrant dans la voie ouverte par Mohl, décrit le périderme et le rhytidome pour un certain nombre de plantes ; il distingue deux espèces de rhyti- domes : le rhytidome écailleux (Schuppenborke) et le rhytidome annulaire (Ringelborke). L'étude détaillée de ce tissu nouveau, qui a reçu le nom de suber, nous la devons à Schacht, et surtout à M. Sanio (Ba und Entwickelung des Korks, in Jahrb. f. wiss. Bot., W; Ana- lyse critique de ce mémoire, par M. Rauwenhoff, Ann. des se. nat., D° sér.,t. XII, p. 347). Dans la troisième période, attention des anatomistes s’est dirigée vers une autre partie de l’écorce, vers le liber, par la découverte d’un nouvel élément anatomique. La cellule grilla- gée, observée en 1853 par M. Hartig, qui décrit avec som la structure des cloisons transversales de cellules dans les Cucur- bita. Mohl décrit succinctement ces mêmes organes chez un certain nombre de plantes (Æinige Andeutungen über den Bau des Bastes, im Bot. Zeil., 1855, p. 873). MM. Hanstein (Die Milchsaftgefasse, ete.) et Nægeli ont de nouveau étudié les cloisons transversales des cellules orillagées du Cucurbita, et abordent aussi l’étude du parenchyme hbérien. Enfin, dans (1) Annales des sciences naturelles, 2 série, t. IX, p. 290. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 89 ces derniers temps, plusieurs auteurs, comme MM. G. Kraus et Briosi, ont cherché à expliquer le rle de ces organes, qui pa- raissent être d’une importance extrême. Un grand nombre d'auteurs se sont occupés des autres parties de l'écorce. Je me borne à les citer 1c1; dans le courant de ce mémoire, j'aurai l’occasion de parler de leurs travaux : ce sont MM. Caspary, Rosanoff, Van Tieghem, Trécul, Karsten, Gris et d’autres encore. CHAPITRE PREMIER. L'ÉPIDERME. Depuis qu’on à poursuivi la formation de l’épiderme jusque sur le pomt de végétation, il est devenu très-facile de définir cette enveloppe. Le point de végétation des Phanérogames est recouvert d’une assise de cellules qui perdent aussitôt le pou- voir de se diviser tangentiellement, à de rares exceptions près; les plus intéressantes ont été étudiées par M. Pfizer dans un travail spécial publié dans les Jahrbücher für wiss. Bot., t. VIII. Toutes les divisions qui s’y opèrent sont normales à la surface ; ces cellules se réunissent solidement en une membrane continue, percée seulement par les stomates : c’est lépiderme. Mais comme l'étude de l’épiderme appartient plutôt à l'histoire de la feuille qu’à celle de la tige, je serai bref sur tous les carac- tères généraux de lPépiderme, et je ne m’arrêterai qu'à ceux qui sont propres à l’épiderme de la tige. L’épiderme est recouvert extérieurement d’une mince mem- brane de matière bien différente de la cellulose; elle se dissout dans la potasse caustique, tandis qu'elle résiste à lPacide sul- furique; la cellulose donne précisément les réactions oppo- sées. Cette mince membrane a reçu le nom de cuticule propre- ment dite. Les parois cellulaires de l’épiderme sont généralement très-Inégalement épaissies ; la paroi externe l’est presque tou- jours beaucoup plus que toutes les autres ; les parois latérales sont souvent épaissies dans leur partie externe, et cet épaissis- sement peut diminuer insensiblement vers Fintérieur, ou bien 90 3. VESQUE. s'arrêter net à une distance plus ou moins grande de la surface externe. Je ne reviens pas sur la struciure intime des parois cel- lulaires épidermiques, et notamment de la paroi externe, si sou- vent décrites par un grand nombre d'auteurs; j’ajouterai seule- ment que les couches cellulosiennes extérieures subissent une modification importante. Composées d’abord de cellulose, elles perdent bientôt les réactions caractéristiques de cette espèce chimique : le bleuissement par liode et l'acide sulfurique ou par le chloroiodure de zinc, la solubilité dans le réactif cui- vrique de Schweitzer, directement ou après un traitement con- venable, etc.; mais liode et l'acide sulfurique les colorent en jaune, exactement comme la cuticule proprement dite. Cette modification a été appelée, à tort ou à raison, euficularisation, et l’on a identifié la nouvelle matière produite avec celle qui constitue la vraie cuticule. Ces deux matières sont-elles vraiment les mêmes? L'analyse n'a pu nous lapprendre Jusqu'à présent, à cause de la difficulté msurmontable de séparer la vraie cuticule des couches cuticularisées en quantité suffisante pour permettre l'analyse. Quoi qu'il en soit, la substance particulière qui existe dans les couches cuticularisées parait être identique avec celle du liége, d'après des recherches très-récentes de M. Fremy, et elle est différente de la substance que cet éminent chimiste appelle vasculose, et qui existe dans le bois. L'ensemble de la vraie cuticule et des couches cuticularisées se détache tout d’une pièce par la macération dans l’eau ou par certains traitements chimiques; c’est la cuticule, découverte par M. Ad. Brongmiart. Si Mohl a montré que la cuticule de M. Brongniart est com- posée de deux parties différentes, il n’en est pas moins vrai que la découverte de la cuticule, comme membrane continue exté- rieure, appartient à M. Ad. Brongniart. Les couches cuticularisées contiennent presque toujours des matières étrangères : résines, cires (celles-ci peuvent souvent laisser un enduit de forme variable sur Pépiderme) (1), plus (1) Voyez A. de Bary, Bot. Zeït., 1871, p. 128 et suiv. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 91 rarement des matières colorantes. Celles de Jacquinia smarag- dina, par exemple, sont imprégnées d’une belle matière colo- rante rouge carmin, La coloration jaune est moins rare, mais aussi plus difficile à constater. La cuticularisation des couches cellulosiennes peut se res- tremdre aux couches extérieures des parois externes ; mais très- souvent aussi elle pénètre à une profondeur variable entre les parois latérales ; de sorte que la cuticule, détachée par la macé- ration, présente très-nettement la disposition des cellules, et pourrait tromper Poœil imexpérimenté, en simulant un tissu cel- lulaire. Dans un certain nombre de cas, comme, par exemple, dans Cerinthe major, les couches d’épaississement ne sont pen- dant longtemps composées que de cellulose pure, malgré leur développement considérable; elles ressemblent par leur aspect aux épaississements du tissu connu sous le nom de collenchyme, et le chloroiodure de zinc les colore en bleu, tandis qu'il colore en jaune la vraie cuticule; ce n’est que vers l’époque de la flo- raison que l’allération commence par les cloisons latérales. La cuticularisation peut aller plus loin et embrasser à la fois toutes les parois des cellules épidermiques, les parois internes comprises, comme dans lPépiderme très-persistant du Cluytia pulehella, qui présente peut-être là une véritable subérification sans formation de périderme? Je ne suis pas éloigné de le croire, et en partant de ce fait, je serai conduit à considérer la euticula- risation en général comme identique avec la subérification; la subérification n'appartiendrait plus alors en propre à un tissu de formation nouvelle, mais ne serait qu’un phénomène secon- daire qui peut se présenter dans des {issus de nature morpho- logique très-différente (1). Pour plus de détails sur cette ques- ion, voyez les chapitres Suber et Gaine protectrice. Quant à sa durée, l’'épiderme peut être cadue où persistant. Dans limmense majorité des plantes ligneuses, 1l est caduc ; très-près du sommet de la plante commence un travail secon- daire à une profondeur variable dans l'écorce : c’est la forma- (1) Voyez A. Barthélemy, De la respiration des plantes (Ann. des sc. nat., oe série, t. IX, p. 290). 92 J. VESQUE. tion du périderme. Très-souvent le périderme prend naissance dans la rangée de cellules située immédiatement au-dessous de l’épiderme ; dans tous les cas, quand le périderme se subérifie et se transforme en liége, la communication physiologique entre l’épiderme et les tissus vivants de l'écorce estrompue, et celui-ci est envahi par une altération chimique considérable et meurt ; souvent il se remplit d'une matière colorante rouge, qu’on trouve aussi dans le suber même. Au bout d’un temps plus ou moins long, lépiderme tombe, soit entièrement avec une partie du suber, soit en partie seulement, par la rupture des eloisons laté- rales. Une fois sorties de l'état de méristème, les cellules épi- dermiques caduques perdent le pouvoir dese diviser ; leur forme, d’abord isodiamétrique, s’altère par laccroissement prépondé- rant de quelques-unes de leurs cloisons : les cellules sont alors allongées dans une direction parallèle à Faxe, et ensuite, si elles vivent assez longtemps, la partie de la plante qu’elles recouvrent ne s’allongeant plus, mais s’épaississant rapidement, leur dia- mètre transversal s'étend, de manière à leur rendre la forme isodiamétrique, ou même à la dépasser en leur donnant une forme allongée transversalement. Test important de noter que nous avons affaire ici à un véritable accroissement des parois cellulaires, et non pas à une extension passive de ces parois. La forme qu’on observe le plus souvent sur nos arbres est la forme allongée verticalement; le périderme s'organise de si bonne heure, qu’il coupe court à tout changement ultérieur. Je citerai seulement le Chène, le Frêne, le Mürier, F'Érable champôtre, le Bouleau, le Coudrier, ete. Elles sont isodiamétriques dans le Peuplier, par exemple. Épiderme persistant. — Dans un certain nombre de cas qui doivent être considérés comme des exceptions, lépiderme ne tombe pas d'aussi bonne heure; pendant longtemps 1l ne se forme pas de périderme, ou 1l ne s’en développe même pas du tout. Toutes les tiges qui sont dans ce cas se distinguent par leur surface unie, verte, de même aspect sur toute leur longueur. On a souvent cité comme un caractère essentiel de l’épiderme ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 93 son accroissement par simple extension des parois existantes, sans formation de parois nouvelles. Schacht avait rendu attentif à des divisions tardives dans Pépiderme du Gui, et il avait indi- qué la relation qui doit exister entre cette circonstance et la durée de l’épiderme. Dans une thèse récente de M. R. Müller (1), l’auteur ne nie pas ce fait, mais 1l cherche à en atténuer la portée en disant que les deux cellules sœurs ne sont pas plus grandes ensemble que les cellules voisines ; en effet, l'accroissement des cellules-filles ne peut pas être plus fort que celui des cellules voisines, à moins que toutes les cellules épidermiques se divisent à la fois, ce qui n'est que rarement le cas. Dans Pedilanthus Houlletianus, où toutes les cellules ou presque toutes se divisent, la longueur des cellules-mères est proportionnelle au nombre des cellules- filles auxquelles elles donnent naissance (pl. 9, fig. 1). Évidem- ment les divisions ne servent qu'à ramener les dimensions des cellules à des grandeurs plus convenables pour laccomplis- sement des fonctions vitales des cellules ; toutefois les jeunes cellules grandissent peu à peu, à mesure que les cellules voisines s'étendent et se divisent à leur tour. Ces faits ne sont pas très-rares, et partout l’épiderme persis- tant est caractérisé par la division de ses cellules. Avant d’en exposer quelques exemples, je dois faire observer que l'extension des cellules épidermiques sans division doit avoir pour effet d'agrandir l’ostiole des stomates ; et, dans tous les cas, que les cellules épidermiques se divisent d’ailleurs ou qu’elles ne se divisent pas, il doit y avoir dans le système stomatique une disposition particulière destinée à contre-balancer cet effet. M. Strasburger (2) a décrit cette disposition des stomates, sans lui attribuer une signification physiologique, et il dis- lingue deux cas : 1° les cellules qui accompagnent les stomates sont des cellules-filles d'un ordre variable des cellules-mères primordiales des stomates; 2° ces cellules sont des cellules- filles des cellules épidermiques voismes des stomates. Quelle (1) R. Müller, Die Rinde unserer Laubhôlzer. Breslau, 1875. (2) Jahrb. für wissensch. Bot., IV. 94 J. VESQUE. que soit l’origine de ces cellules, elles sont généralement très- aplaties dans le sens du rayon partant du centre du stomate, et elles peuvent suivre pendant longtemps l'accroissement en épaisseur de la tige, sans prendre une forme trop allongée que la nature semble éviter pour des cellules épidermiques. Les Cactées étudiées par M. Strasburger sont un excellent exemple. Je reviens à l'épiderme persistant avec divisions cellulaires, et je citerai d'abord le Leycesteria formosa (Caprifoliacée), dont l’épiderme est doué d’une vitalité remarquable, et peut diviser ses cellules à un âge très-avancé (pl. 9, fig. 2); les parois laté- rales des vieilles cellules épidermiques sont marquées d’un épais- sissement réticulé très-élégant, et le fond des places faibles de la paroi est très-finement criblé, comme cela arrive souvent dans les cellules de l'écorce primaire et de la moelle. J'ignore si la rangée de cellules incolores qui se trouve au- dessous de l’épiderme appartient à celui-ci, ou si elle doit être considérée comme représentant le collenchyme. Le Ptelea tri- foliata (Zanthoxylée) est dans le même cas, mais à uû degré moins avancé. Dans le Russelia juncea, pl. 9, fig. 3 et 4 (Scrofulariée), la per- sistance extrème de l’épiderme est accompagnée de particula- rités anatomiques plus marquées encore. D'abord,sans compter quelques irrégularités, ses cellules se divisent tangentiellement en deux rangées superposées qui sont de même nature, et con- liennent dans un grand nombre de leurs cellules un suc violet ; ensuite les cellules épidermiques subissent un grand nombre de divisions horizontales ou irrégulières, surtout dans le voisinage des stomates. Dans le Pedilanthus Houlletianus (Euphorbiacée), l’épiderme est extrêmement persistant, et toutes ses cellules se divisent par une, deux ou trois cloisons. Dans le Péelea trifoliata, les cellules épidermiques, d’une durée remarquable, sont assez fortement épaissies en dehors et jusqu’au tiers des parois latérales; elles se divisent pendant longtemps par des parois verticales en deux cellules, quelque- fois en trois par des parois inclinées. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 95 Remarquons enfin que les plantes qui présentent cette parti- cularité appartiennent à des groupes très-différents. Il n'entre pas dans mon programme de m'étendre longue- ment sur les caractères de l’épiderme qui sont importants dans la classification. Tout le monde connait l'importance des poils dans la détermination des espèces, ete., et même comme carac- tère de famille. Nous verrons plus tard que l’épiderme, au lieu de mourir, peut devenir lui-même le siége d’une formation nouvelle : le périderme. CHAPITRE IL. L'ÉCORCE PRIMAIRE. EL. — L’écorce primaire n’est autre chose que cette partie du üssu fondamental qui se trouve en dehors des faisceaux fibro- vasculaires ; en d’autres termes, elle est la partie corticale ex- terne du tissu fondamental qu’on sépare, quand on mène à tra- vers toute l'écorce une surface tangente à tous les faisceaux. Mais il ne faut pas considérer cette définition comme rigou- reusement exacte; elle ne permet pas de séparer nettement l'écorce primaire des grands rayons médullaires ; l'embarras devient bien plus grand encore quand on a affaire soit à une simple décurrence des faisceaux foliaires (quelques Gomposées), soit à des tiges de structure anormale, comme celles de cer- taines Sapindacées, dans lesquelles il y a deux rangées de fais- ceaux (Nægeli), ou des faisceaux secondaires nés dans le tissu parenchymateux même de l'écorce primaire (Netto). J'adopte lexpression d € écorce primaire », universellement répandue en Allemagne, parce qu’elle établit franchement l’op- position à l cécorce secondaire » ou « liber », et qu'elle ne pré- juge en rien ni sa structure, m1 son rôle. L’écorce primaire cor- respond exactement à l'enveloppe verte de Duhamel; il nya donc aucun malentendu possible, et quand Je me servirait d’expres- sions semblables à celles-ci « couche verte, couche herbacée », je n’entends nullement faire des noms propres,mais je veux sim= plement dire que telle partie de l'écorce primaire contient de la 96 3. VESQUE. chlorophylle, ou qu’elle consiste en cellules parenchymateuses à parois minces, et chargées de chlorophylle ; il importe de ne pas considérer ces expressions comme équivalentes à l'enveloppe verte de Duhamel. L’écorce primaire, comme l'indique le nom, est de formation primaire, C'est-à-dire qu’elle est le produit de la transformation directe d'une partie du méristème terminal. Par la différencia- tion très-hâtive des faisceaux fibro-vasculaires (encore paren- chymateux), la partie externe du parenchyme du point végétatif est séparée de la partie interne médullaire, et c’est cette partie externe désignée dans cet état embryonnaire sous le nom de périblème, qui devient directement Pécorce primaire. Dans les plantes vertes, l'écorce primaire contient généralement, dans au moins une de ses parties, de la chlorophylle, et lon peut la considérer comme un organe d’assimilation et de respiration semblable aux feuilles, et destiné dans beaucoup de cas à rem- placer celles-ci pendant toute la durée de la plante (cladodes), ou pendant la mauvaise saison. Il parait cependant qu'il y a quelques singulières exceptions: dans une Rubiacée, le Phyllis Nobla, l'écorce primaire, quoique très-développée et composée extérieurement d'un tissu faiblement collenchymateux et mté- rieurement de très-grandes cellules incolores, le tout entre- mêlé de quelques cellules à raphides, ne renferme que quelques rares grains de chlorophylle dans les cellules placées tout à fait à la limite du hber : quand on cherche plus profondément la cause de la coloration verte de la tige, on trouve dans la moeile, à deux ou quatre assises des trachées, une zone composée de deux à quatre assises de grandes cellules semblables aux autres cellules de la moelle, mais chargées d’une grande quantité de chloro- phylle ; il existe également un peu de chlorophylle en très-petits grains dans les rayons médullaires au niveau des trachées. Bien- tôt il se forme, comme dans un grand nombre de Rubiacées, une lame de périderme entre l'écorce primaire et le liber ; le bois devient trop opaque pour lasser passer la lumière, et la chloro- phylle disparaît de la moelle; mais il s'en forme alors dans les couches externes du liber mou Gil n’y a pas de fibres libériennes dans cette plante). Un phénomène semblable s’observe dans le ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 97 Putoria calabrica, dont la structure anatomique ressemble d’ailleurs beaucoup à celle du Phyllis. Aux fonctions assimilatrices de l'écorce primaire viennent s'en ajouter d'autres bien évidentes : ce sont celles de pro- tection, et c’est en tenant compte de ces deux fonctions si différentes qu’il nous sera facile de bien comprendre la struc- ture de l'écorce primaire. I. — L'écorce primaire est essentiellement parenchymateuse dans toutes ses parties ; les vaisseaux lui font toujours défaut, et les éléments prosenchymateux qui s’y trouvent sont toujours en assez petit nombre pour ne pas être considérés comme les élé- ments principaux. Parmi ces éléments, je compte également les vaisseaux ou cellules laticifères de l'écorce primaire, qu’on ren- :ontre dans un certain nombre de fanulles telles que les Chico- racées, les Apocynées, Les Asclépiadées, les Euphorbiacées, ete., et qui se terminent en pote à leurs extrémités (1). Certains éléments, qui ne sont pas très-rares dans l'écorce primaire, res- semblent de tout point aux fibres libériennes (fibres libriformes), sans qu'ilsoit possible de découvriraucune relation avec le Liber. Ce cas se présente surtout dans les écorces primaires très-per- sistantes, comme dans Hexacentris (Acanthacée), chez le Russe- lia juncea, pl. 9, fig. 4 f (Scrofularmée), ete.; à un degré beau- coup moindre dans les écorces primaires caduques, comme par exemple chez le Lavandula vera, dont le collenchyme, qui sou- tient les côtes des jeunes tiges, est souvent renforcé par quelques fibres, mais dont toute l’écorce primaire tombe par suite du dé- veloppement d’un périderme au-dessous des fibres libériennes. Doit-on considérer ces organites comme de véritables fibres libé- riennes? Je pense que, dans un grand nombre de cas, on a sim- plement affaire à des cellules scléreuses douées d’un accroisse- ment propre, excessif, qui leur permet de s’insinuer entre les cellules voisines, de se mouler en quelque sorte dans les inter- suces laissés par ces cellules. Lorsque les cellules de lécorce (4) G. David, Ucber die Milchzellen der Euphorbiaceen, Moreen, Apocyneen, Asclepiadeen. Breslau, 1872. 6e série, Bor. T, IL (Cahier n° 2). 3 7 98 3. VESQUE. primaire sont toutes orientées dans une direction verticale, comme cela arrive si fréquemment, la cellule seléreuse doit prendre la forme allongée prosenchymateuse des fibres Hhé- riennes, et lorsqu'en même temps le diamètre de cette cellule reste le même sur toute la longueur, la ressemblanee est par- faite. Dans l'écorce primaire du Fagræa littoralis (Loganiacée), on trouve des cellules scléreuses qui montrent d’une manière très-nette comment ces pseudo-fibres peuvent se développer; les nombreuses cellules scléreuses, un peu plus larges que les cellules avoisinantes, donnent naissance à de longs processus très-épaissis qui s'engagent dans les méats intercellulaires, et simuleraient parfaitement des fibres hbériennes, si la partie renflée et irrégulière de ces cellules ne dévoilait leur véritable nature. Peu importe du reste que ces cellules allongées et épaissies ressemblent plus ou moins parfaitement à des fibres libériennes; elles ne peuvent porter ce nom, que lorsqu'elles appartiennent de fait au liber, ou se rencontrent à une place où l'on peut s'attendre à trouver cette partie du faisceau fibro- vasculaire (1). Ce n’est pas lei la place de parler d’un cercle continu de fibres plus où moins bien caractérisées qu’on trouve à une certaine distance du liber, au milieu de lécorce primaire d’un assez grand nombre de plantes, et notamment des Cucurbitacées, Nyctaginées, Amarantacées. Ge sont là de véritables fibres libé- riennes qui procèdent de Panneau cambial, comme l’a montré M. Sanio (2). IE. — Les différents éléments isolés ou réunis en tissus qu’on peut rencontrer dans l'écorce primaire sont : toujours réunis en ( À. Les cellules parenchymateuses. tissus. B. Les cellules du collenchyme. Organites simples C. Les cellules cristalligènes. D. Les cellules laticifères. E. Les cellules scléreuses. F. Les cellules à tannin. G. Les fibres. isolés, ou plus rare- ment réunis en tissus. (1) Allusion aux fibres libériennes médullaires des Protéacées (voy. plus loin). () Bot. Zeit., 1865, p. 165 et suiv. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 99 Les organes composés sont : Organites }. H. Les lacunes à gomme. composés j HE I. Les glandes résinifères et oléifères. A. Les cellules parenchymateuses : parenchyme de l'écorce primaire, L'aspect, la structure et le rôle physiologique du parenchyme de Pécorce primaire varient avec sa durée et la composition plus ou moins compliquée de toute l'écorce primaire. Une conception philosophique dont il n’est pas assez souven question en physiologie végétale, malgré le bonheur avec lequel elle a été appliquée à la physiologie animale, est la division du travail. Abstraction faite des sécrétions et des excrétions, qui ne sont presque jamais propres à l’écorce primaire, celle-ci a deux rôles à jouer: le rôle de feuille (assimilation, etc.) et le rôle d’un organe protecteur. Dans le cas le plus simple, l'écorce primaire est à la fois assimilatrice et protectrice dans toute son épaisseur ; ses cellules parenchymateuses, peu épaissies, plus ou moins lâchement unies, renferment de la chlorophylle, et la quantité de matière verte qu’on trouve dans chaque cellule paraît être en rapport avec la quantité de lumière qu’elle reçoit, et dépend par conséquent de la profondeur à laquelle elle est située. Le développement de l'écorce primaire est très-variable, et varie de deux à quatre assises de cellules chez les Ewphrasia et Odontites, où elle est la plus réduite, à la masse énorme des Cactées. J'appelle écorce primaire homogène l'écorce primaire com- posée de cette seule espèce de tissu. L’écorce primaire homogène est toujours parenchymateuse ; elle est herbacée, sauf dans les quelques cas où la plante ne renferme pas de chlorophylle. L’écorce primaire homogène peut contenir des éléments quelconques non réunis en tissus, sans cesser pour cela de por- ter ce nom : cellules cristalligènes, cellules scléreuses, fibres, laticifères, que ces éléments soient également répartis ou can- tonnés dans certaines régions de l'écorce primaire, pourvu qu’ils ne soient pas réunis en tissus continus. 100 J. VESQUE. Ainsi, par exemple, un grand nombre d’écorces primaires renferment une multitude de cellules scléreuses isolées, sans cesser pour cela d’être homogènes, tandis que l'écorce primaire de l’Hiræa Houlletiina (Malpighiacée) est hétérogène, parce qu'elle présente à l'extérieur, sous le liége, une couche continue de cellules scléreuses réunies en tissu. Dans l'écorce primaire homogène, la configuration des cel- lules est rarement exactement la mème dans toutes les parties : à lextérieur, les cellules sont généralement cylindro-prisma- tiques, allongées verticalement, et laissent entre elles des méats, dont la direction générale est aussi verticale ; à Fintérieur, les cellules se rapprochent plus d’une forme isodiamétrique, et les méats sont plus grands et plus irréguliers. Très-souvent les rangées extérieures de cellules s’épaississent un peu, surtout dans les angles ; on n’y trouve plus de méats intercellulaires ; la place qui correspond à ces méats est occu- pée par de la cellulose qui passe à l’état d’un mucilage qui ne se colore plus en bleu par le chloroïiodure de zinc. Ge tissu est évidemment un passage au collenchyme ; 1l passe insensiblement au tissu herbacé sous-jacent, tandis que le collenchyme véritable est nettement délimité vers l’intérieur. Je désigne cette modifi- cation du tissu herbacé sous le nom de féssu collenchymatoïde. Je dirai, par exemple, que l'écorce primaire de l’Olivier est ho- mogène, un peu collenchymatoïde en dehors. L’écorce primaire purement homogène n’est pas très-rare; nous la trouvons dans un assez grand nombre de plantes herbacées annuelles, et, parmi les plantes ligneuses, dans un grand nombre d'espèces dont l'écorce primaire est, soit très-faible, soit très-développée, char- nue, soit très-caduque (Hakea, Banksia, Bischoffia, Malpighia, Galphimia, Heteropterys, Bunchosia, Citrus, Cheiranithus, Pterospermum, plusieurs Primulacées, Théophrastées, etc.) ; elle est légèrement collenchymatoide en dehors dans les Oléi- nées, dans Jacquinia, lex, Daphne, etc. Quand l'écorce primaire est destinée à tomber de bonne heure, elle cesse bientôt de s’accroitre; ses cellules s'étendent, mais il n’y à guère de divisions nouvelles. Il en est tout autrement ANATOMIE CUMPARÉE DE L'ÉCORCE. 101 lorsqu'elle persiste longtemps ; les cellules primitivement iso- diamétriques s’allongent tangentiellement, surtout dans la région interne, puis elles se divisent ensuite par des cloisons radiales où plus rarement irrégulières (Chirita chinensis, Gyr- tandracée;, Jacaranda micrantha, Bignoniacée); je n’ai que rarement observé des divisions tangentielles de nature à aug- menter le nombre d'assises de cellules de l'écorce primaire ; quand lécorce primaire s’aceroit en épaisseur, c’est générale- ment par l’apposition de couches nouvelles provenant de la zone phellogène. En mème temps que les cellules de l'écorce primaire se divi- sent, leurs parois primitives s’épaississent, et se couvrent de ponctuations tantôt simples, arrondies ou allongées, tantôt de structure plus compliquée; les bandes épaissies, réticulées, divisent la face de la cellule en une multitude de petites places faibles, elles-mêmes criblées d’une infinité de petites ponc- tualions d’une finesse extrême, et qui ont souvent la forme d’un losange. La configuration de ces ponctuations dépend beaucoup des méats intercellulaires ; quand ceux-ci sont très- grands, les cellules ne se touchent que par de petites surfaces, et celles-ci sont naturellement seules couvertes de ces ponc- tuations. Trop souvent ces ponctuations, qui sont extrêmement fré- quentes dans Pécorce primaire, dans la moelle, dans le paren- chyme ligneux, dans les fibres substitutives du bois, dans le pa- renchyme libérien et même dans l’épiderme (1), ont été prises pour des ponctuations grillagées, ou dotées improprement de ce nom, qui à depuis longtemps une signification parfaitement définie. M. Borscow les décrit sous le nom de cellules parenchy- mateuses grillagées dans l'écorce primaire du Geropegia (2). Nous verrons plus loin les idées de M. Hanstein sur le paren- chyme libérien. Comme exemple de division dans l'écorce primaire, je puis citer encore une fois le Leycesteria, dont les cellules sont mar- (1) Leycesteria. (2) Jahrb. für wiss. Bot., VIH. 102 J. VESQUE. quées en même temps de très-belles ponctuations composées- criblées. Un assez grand nombre de Rubiacées sont dans le même cas, et il est important de noter ici en même temps la place qu'occupe le périderme primaire : le Sipanea carnea a de très- belles ponctuations criblées; l’écorce primaire est entièrement vivace, et le périderme se développe dans lépiderme. L’Ixora coccinea mérite une attention toute particulière : l'écorce pri- maire y est homogène, très-développée; sa moitié externe est caduque ; et il se développe un périderme à larges cellules au milieu de l'écorce primaire; enfin d'énormes agglomérations de cristaux d'oxalate de chaux viennent se déposer en dehors du périderme, et tombent avec la lame corticale condamnée. Dans toute la moitié interne de l’écorce primaire, on voit alors s’éta- blir une multitude de cloisons radiales, et la couche phellogène elle-même est obligée, pour suivre cette extension croissante, de diviser ses cellules par des cloisons radiales, circonstance qui donne à cette zone un aspect tout à fait insolite. Parmi nos arbres, le Platane présente de nombreuses divisions radiales dans l'écorce primaire et dans les rayons médullaires. On pour- rait enfin citer un très-grand nombre de plantes, dont l’écorce primaire persiste. I suffit de mentionner enfin deux modes de structure de l'écorce primaire qui se rencontrent dans des plantes appar- tenant à des familles très-différentes : dans lun, la carnosité, l'écorce primaire est simplement parenchymateuse, mais elle présente un développement excessif : par exemple, chez le Kleinia, les Stapeliu, les Gactées, les Euphorbia ; dans Pautre, qui appartient aux plantes aquatiques, Pécorce primaire est très-lacuneuse, et renferme souvent ces cellules scléreuses ramifiées, si connues dans les Nymphæa, Villarsia nymphoides, Minyanthes trifoliata (sans cellules scléreuses), Gratiola offi- cinalis (avec une assise de cellules qui représente le collen- chyme), Stemodia chilensis. On comprend facilement que lécorce primaire homogène, avec sa structure si simple, ne peut que très-imparfaitement remplir ses fonctions de protection. Dans le plus grand nombre ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 103 de plantes, l'écorce primaire se divise en deux couches, dont l’une, destinée à la protection, porte à son état de développe- ment parfait le nom de collenchyme, et dont l’autre, composée de parenchyme plus délicat, sert spécialement à lassimi- lation. B. Le collenchyme. Le collenchyme est un tissu qui a pour caractère essentiel l’épaississement des arêtes longitudinales des cellules; sur la coupe transversale, on voit les parois latérales minces et des masses volumineuses dans les angles, à la place ordinaire des méats intercellulaires. Les épaississements du collenchyme ne sont jamais lignifiés; le chloroiodure de zinc ne les colore pas en jaune; l’aniline, additionnée d’un peu d’acide sulfurique, ne les teint pas (1); la partie interne (par rapport aux cellules) est formée de cellulose, et se colore en bleu par les réactifs ordinaires de cette matière (acide sulfurique et iode, chloro- iodure de zinc); mais la coloration bleue s’affaiblit peu à peu vers la partie centrale, mitoyenne de lépaississement. Cette mo- dification de la cellulose ne saurait être regardée que comme une espèce de gummification ; elle est très-fréquente, et ne fait guère défaut toutes les fois qu’un tissu cellulaire s’épaissit sans se lignifier. Ï n’y a pas de limite nette entre le collenchyme et le tissu collenchymatoïde dont il a été question précédemment, et je crois très-commode, pour la description, de laisser un peu de vague dans la délimitation de ces expressions. Sur la coupe longitudinale, on voit que les cellules sont beau- coup plus hautes que larges; leurs parois transversales sont minces, et on les prendrait volontiers pour des fibres libériennes, si l’on pouvait découvrir dans ce tissu les extrémités pointues des fibres. Dans la Garance (Rubia tinctorum), on trouve à la place du (1) Burgerstein, Unters. über d. Vorkommen und die Entstehung des Holz- sioffes in den Geweben d. Pflanzen (Sitzungsb. der Kais. Akad. d. Wiss., 1874, t. LXX, p. 345). 104 3. VHS@QUE. coflenchyme, immédiatement au-dessous de l’épiderme, un üussu très-nettement prosenchymateux ; les parois latérales sont uniformément épaissies, et portent de petites ponctuations en forme de boutonnières verticales ; quelques-unes de ces cellules contiennent de très-petits cristaux en forme de bâtonnets. Le même caractère se retrouve, quoique moins net et moins con- stant, dans le Nonnea nigricans, dont le collenchyme est séparé de lépiderme par une faible couche herbacée. Quant au collenchyme proprement dit, on peut le diviser en deux types : le collenchyme concave, moins développé, où la cavité imterne des cellules reste sensiblement cylindrique, et où l’épaississement ne fait qu'occuper pour ainsi dire la place des méats intercellulaires, qu’on est habitué à trouver entre les cel- lules arrondies, et le collenchyme convexe des Solanées, des Mal- vacées, etc., où l’épaississement forme, vers l’intérieur de la cellule, une salle arrondie semblable à une colonne engagée. Sauf ces quelques formes qui ne sont que des états de déve- loppement différents du même tissu, on observe peu de variation dans le collenchyme. Quelquefois, dans le collenchyme concave, toutes les parois ne sont pas également épaissies, et les parois tangentielles l’emportent de beaucoup sur les parois radiales : par exemple, dans Tournefortia heliotropioides. Dans le Volka- meria inermis, on voit se former à l’intérieur de certaines cel- lules collenchymateuses un épaississement secondaire qui finit par remplir presque complétement la cavité cellulaire, et donne à ces cellules la fausse apparence de fibres libériennes. Les méats intercellulaires sont rares dans le collenchyme, mais On en trouve quelquefois dans les Solanées, surtout dans les Scopoliu, dans les Composées (Eupatorium adenophorum). Souvent les cellules du collenchyme renferment des liquides colorés rouges où violets (Eupatorium adenophorum, Ligeria canlescens). Souvent elles renferment des cristaux d’oxalate de chaux, et dans les Acanthacées, les cystolithes bien connus, en forme de fuseaux allongés, imprégnés de carbonate de chaux (Ruellia). Le collenchyme est rarement continu; le plus souvent il est ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 105 interrompu de distance en distance, et les interstices sont occu- pés par du-parenchyme. Dans la plupart des plantes herbacées, dont la tige est anguleuse ou cannelée (Labiées, Ombellifères), les côtes sont soutenues par des faisceaux isolés de collenchyme. La place ordinaire du collenchyme est immédiatement au- dessous de l’épiderme; maisil y a des plantes où il est séparé de l’épiderme par une couche de tissu herbacé : par exemple, dans les Malvacées, dans quelques Acanthacées (Ruellia varians), dans quelques Asclépiadées où le collenchyme est assez faible (Asclepias Cornuti). Rien n’est plus variable que l'épaisseur de cette couche : de- puis les plus beaux exemples fournis par les Malvacées jusqu’à celui d’une seule membrane mitoyenne collenchymateuse con- cave, on trouve tous les états intermédiaires. Cet état très- dégradé du collenchyme se montre très-nettement dans plu- sieurs Valérianées (Valerianella pteropoda, Fedia, Valerianc sambucifolia), et Dipsacées (1) (Scabiosa Knautia), dans quel- ques Rubiacées (Spermacoce tenuior, Asperulu), dans les Nie- remberqua frutescens (Solanée), Nemophila phacelioides, Linaria purpurea, Plantago afra, Verbena bonariensis, Turritis qla- bra, Sisymbrium Sophiu. Les plantes dont le collenchyme est le plus développé sont les Malvacées, qui présentent un collenchyme convexe ou con- cave, les Solanées, beaucoup de Composées, Gesnériacées, Labiées, Acanthacées, etc. Le collenchyme concave est très-fréquent ; on le trouve dans la jeune écorce de presque tous nos arbres : Chène, Bouleau. Au point de vue physiologique, le collenchyme parfaitement dé- veloppé ne doit pas renfermer de chlorophylle. C’est en effet ce qui arrive souvent; mais bien des fois aussi les cellules sont bourrées de cette matière verte : la transparence parfaite de ce (1) Ge qui prouve que cet épaississement doit être considéré comme du collen- chyme, c’est qu'il est en continuité directe avec le collenchyme parfaitement développé qu’on trouve dans les côtes de la tige, et qu'il manque dans les plantes de la même famille lorsque le collenchyme manque dans les angles de la tige, comme on peut s’en convaincre dans le Plectritis brachystemon. 106 F. VESQUEX. tissu permet à la chlorophyile de se développer librement dans le parenchyme situé au-dessous. C'est ici qu'il convient de dire quelques mots de la disposi- tion ou de l’arrangement de ces deux formes de tissu avec leurs modifications. Il serait téméraire de vouloir établir une classification rigou- reuse dans les formes d’écorces primaires, avant d’en avoir étudié un nombre bien plus considérable que je n’ai pu le faire jusqu'ici (environ cinq cents genres) ; aussi je ne veux qu’énu- mérer ici quelques-unes des formes les plus remarquables : 1° 11 a été question plus haut de l'écorce primaire homogène, ainsi que 2 De l'écorce primaire composée d’un tissu collenchyma- toïde ou d’un collenchyme en dehors et de parenchyme en de- dans. 3° La différenciation du parenchyme lui-même en deux cou- ches : une extérieure très-verte et une intérieure à cellules plus larges, contenant peu ou point de chlorophylle, permet d'établir un troisième type, dont les exemples ne sont pas rares (Petunia). 4 Le collenchyme peut venir se surajouter extérieurement aux deux couches parenchymateuses, de sorte que nous avons : a. Collenchyme. b. Tissu herbacé vert à petites cellules. ec. Tissu décoloré à grandes cellules, très-beau dans le Cap- sicum bicolor. o° L’exception dont il a été question déjà, et qui appartient en particulier à un grand nombre de Malvoïdées, et exception- nellement ailleurs : par exemple, Sarracha, Lycopersicum escu- lentum, Anisodus luridus, Datura Stramonium, Vestia lycioides. a. Tissu parenchymateux vert. b. Collenchyme. c. Tissu parenchymateux à grandes cellules pâles. 6° La complication peut aller plus loin, comme on le voit dans les Morées (Broussonelia), où l’on trouve : a. Tissu collenchymatoïde presque Imcolore, b. Tissu de petites cellules chargées de chlorophylle, ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 107 e. Collenchyme très-développé presque incolore. d. Parenchyme lâche à grandes cellules presque imcolores. 7° Enfin il faut mentionner une série de formes qui rappro- chent la structure de l’écorce primaire de celle de la feuille, en ce qu'il y a un issu vert très-méatique, qui rappelle soit le pa- renchyme en palissades de la face supérieure, soit le parenchyme spongieux de la face mférieure des feuilles. Ces structures compliquées se rencontrent surtout dans les écorces primaires vivaces. Je ne puis mieux faire que d’en expo- ser un Certain nombre d'exemples. a. Dans le Jasminum fruticans, Vépiderme, recouvert d’une forte cuticule, est percé d’un grand nombre de stomates qui font une légère saillie à la surface ; au-dessous de l’épiderme, il y à une assise de cellules contenant très-peu de chlorophylle, presque incolores, interrompue au-dessous des stomates : cette assise représente le collenchyme. Dans les côtes dont la tige est relevée, elle s’hypertrophie, prend tous les caractères d’un véri- table collenchyme, et s'enrichit d’un certain nombre de fibres semblables aux fibres libériennes. Au-dessous de cette couche, il y a un tissu exactement semblable au parenchyme en palis- sades de la face supérieure des feuilles, très-serré, gorgé de chlorophylle; dans les chambres sous-stomatiques, les cellules se détachent lesunes des autres, ets’avancent librement, comme des poils, dans la cavité aérienne. Ce tissu compte trois à cinq assises de cellules. Dans la partie interne de l'écorce primaire, celles-ci prennent peu à peu une forme plus arrondie, et s’allon- gent ensuile dans la direction tangentielle, en laissant des méats entre elles, mais en perdant une grande partie de leur chloro- phylle. b. Il existe une disposition à peu près semblable dans le Ley- cesteria formosa, mais ici la couche en palissades est moins nette; les files de cellules sont plus lâchement unies, et Pordre primitif se trouble de plus en plus par l'accroissement tan- gentiel de cette écorce primaire vivace. c. Parmi les Asclépiadées, l’Arauja sericofera nous fournit un autre exemple de cette nature : au-dessous de l’épiderme, on 108 JS. VHSQUR. trouve deux assises de cellules complétementincolores, presque tabulaires à un âge un peu avancé; puis deux assises de cellules placées bout à bout perpendiculairement à la surface, et laissant entre elles de vastes méats ; enfin une couche plus où moins forte de parenchyme composé de cellules un peu allongées ver- ticalement, et renfermant de l’'amidon. d. Dans le Carissa Arduini, l'écorce primaire est de longue durée : le périderme se développe dans lépiderme. La couche extérieure de l'écorce primaire consiste en petites cellules sen- siblement isodiamétriques, gorgées de chlorophylle, et disposées assez nettement comme le tissu en palissades d’un grand nombre de feuilles. Le reste consiste en cellules beaucoup plus grandes, allongées tangentieilement, et susceptibles de se diviser par des cloisons radiales. C’est vers le milieu de lécorce primaire que se trouvent la plupart des laticifères. e. Dans le Nieremberqia frutescens, on trouve au-dessous de la membrane mitoyenne collenchymateuse, située entre l’épi- derme et l’assise sous-jacente, une couche spongieuse méatique parfaitement caractérisée. Appendices aux tissus de l'écorce primaire. 4. La gaine protectrice du faisceau fibro-vasculaire (gaine Casparienne, Gefüssbuendelscheide, Schultzscheide). — On dé- signe sous ces noms une couche de tissu composée le plus sou- vent d’une seule assise de cellules, qui appartient au parenchyme fondamental, et qui entoure étroitement les faisceaux fibro-vas- culaires ; les parois longitudinales, radiales et transversales sont marquées dans le jeune âge d’une série de plissements réguliers ; quelquefois elles s’épaississent et se lignifient, et la couche mérite alors pleinement le nom de gaine protectrice que M. Caspary lui a donné. D’après cet auteur (1), Schultz-Schulizenstein est le premier qui ait mentionné la gaine protectrice (2); il la considérait (1) Caspary, Die Hydrillen (Jahrb. für wiss. Bot., 1858). (2) Cyclose, 1841, p. 246. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 109 comme composée de fibres libériennes, ce que n’admet point M. Caspary, qui la regarde comme essentiellement formée par du parenchyme, et la distingue parfaitement de la zone fibreuse qu’on trouve dans la jeune tige des Sapindacées (Urvillea fer- ruginea), des Chénopodées (Basella rubra), des Gucurbitacées, Papavéracées, Berbéridées, Balsaminées, etc. Dans un travail plus récent (1), le même auteur confirme ces résultats, et indique, comme signe caractéristique, les plisse- ments particuliers des parois longitudinales latérales. M. Sanio (2) s'applique avec beaucoup de soin à séparer la vraie gaine protectrice de la couche de prosenchyme de nature libérienne dont avait déjà parlé M. Caspary. La gaine protectrice est surtout développée dans les Crypto- games vasculaires et dans les Monocotylédonées ; dans ces plan- tes, elle s’épaissit et se lignifiesouvent. Dans les Dicotylédonées, son importance est beaucoup moindre : elle s’épaissit rarement ; le plus souvent, elle n’est plus visible sur la plante adulte, et ces plissements si caractéristiques des parois longitudinales et transversales s’effacent mème de très-bonne heure. Ainsi restreinte, la gaine protectrice se trouve surtout dans les plantes herbacées de plusieurs familles, telles que les Campanulacées, Lobéliacées, Valérianées, Dipsacées, quelques Rubiacées, Gentianées, Gesnériacées, Scrofularinées, Acantha- cées, Plantaginées, Labiées, Éricacées, etc., ete. Elle se distingue par le diamètre de ses cellules et par l'aspect particulier des parois cellulaires ; les plissements disparaissent bientôt; très-rarement les parois cellulaires s’épaississent et se lignifient. Dans une Valérianée, le Plectritis brachystemon par exem- ple, on trouve, correspondant aux arêtes de la tige, de gros fais- ceaux de fibres libériennes; entre ces faisceaux, la gaine est composée de grandes cellules, environ trois fois plus hautes que (1) R. Caspary, Bemerkungen über die Schultzscheide, etc. (Jahrb. für wiss. Bot., 1865, p. 101). (2) Sanio, Einige Bemerkungen in Betreff meiner über Gefässbündelbildun geäusserten Ansichten (Bot. Zeit., 1865, p. 165). 110 J. VESQUE. larges, terminées par des cloisons horizontales, et assez épais- sies et lignifiées. Généralement la gaine des Dicotylédonées ne consiste qu’en une seule rangée de cellules; elle est un peu plus compliquée (une à deux rangées) chez le Valerianella sambucifolia, et quelques Composées, ete. Vers la fin de la période de végétation, les parois cellulaires de la gaine se subérifient souvent, soit en totalité (Valérianées, Campanulacées), soit sur les parois latérales supérieures et infé- rieures seulement, ou même sur une bande étroite de ces parois correspondant aux plissements (Linaria purpurea, Scoparia, Siachys, Leonitis Leonurus, Phlomis duleis), et quelques autres Labiées (Plantago amplexicaulis, Lœfflinqu, Tidæa gigantea). Je ne crois pas devoir considérer ce phénomène comme une lignification, à cause de la ténuité des parois cellulaires et de l'interruption de la circulation entre le liber et lécorce pri- maire (À). La seule indication très-indirecte de la subérification de la gaine que j'aie pu trouver appartient à M. Van Tieghem (Canaux sécréteurs des plantes, dans Ann. des sc. nat., 1" série, 1872, t. XVI, p. 1192) : « Par les progrès de l’âge, leur paroi, qui demeure mince, » acquiert souvent des reflets irisés analogues à ceux qui carac- » térisent les assises subéreuses..……. » (Il s’agit du Tugetes patula}. Je considère ce mot, prononcé par M. Van Tieghem, comme un appui solide à mon opinion. Cette subérification paraît être assez généralement répandue, et la gaine protectrice ressemble beaucoup par ses effets à la zone de périderme que nous voyons s'établir à la base de l’écorce primaire d’un très-grand nombre de plantes. Je ne saurais décider avec certitude si Paltération chimique des parois cellulaires de la gaine protectrice est une véritable subérification ou non; car le nouveau réactif de M. Wiesner, le sulfate d’aniline colore non-seulement les parties lignifiées, (i) Voyez Note préliminaire sur le rôle de la gaine protectrice dans les Dico- tylédonées herbacées (Comptes rendus, t. LXXXT, p. 418). ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 111 mais aussi des tissus qui sont certainement d’une autre nature, comme des. cellules mortes par exemple. Il colore généralemen la gaine, et teint également le liége ordinaire au commence- ment de la réaction, ensuite il laltère profondément (1). Il est certain que cette zone elle-même si faible ne peut constituer un organe de protection efficace ; l’altération de ces cellules entraine une rupture dans la communication physio- logique entre le liber et l'écorce primaire, et enfin la mort de celle-ci. L’écorce primaire, organe d’assimilation, a fini de jouer son rôle; en eflet, si elle continuait à végéter dans Par- rière-saison, elle ne serait qu’une charge pour la plante : le phénomène qu’elle nous offre est donc parfaitement comparable à celui de la chute des feuilles. soul ny a que peu de chose à dire sur les cellules cristalli- gènes réunies en issus. Un bel exemple de cette nature nous est offert par POchna mozambicensis : au-dessous de l’épiderme, on voit une assise de cellules contenant un peu de chlorophylle ; puis vient une assise de cellules cristalligènes renfermant chacune une agglo- mération de cristaux d’oxalate de chaux; tout le reste de la cavité est rempli par de la cellulose qui empâte complétement le cristal. À un âge avancé,une multitude de plantes déposent des ceris- taux d’oxalate de chaux dans presque toutes les cellules d’une zone de l’écorce primaire ; mais ces cellules ne sont pas primi- tivement destinées à ne produire que de l’oxalate de chaux; elles sont empruntées pour cette nouvelle fonction, après avoir accompli des rôles tout différents. 3. Les mêmes observations s'appliquent aux cellules scle- reuses réunies en tissus. J'ai déjà cité plus haut l’Hiræa Houlle- (1) Mais j'ignore si j’emploie ce réactif, du reste excellent, comme le fait M. Wiesner. J'ajoute une petite goutte d’aniline pure à l’eau de la préparation, et j'opère grossièrement le mélange; ensuite j’y fais couler une quantité suffi- sante d'acide sulfurique pour qu'il ne reste pas de liquide huileux. S'il y a pré- cipité, un peu d’eau l’enlève facilement: 1142 JS. VES@UE. hana; quand le suber est bien développé, une zone plus ou moins forte de l’écorce primaire siluée au-dessous se sclérifie. C. Les cellules cristalligènes. Les cristaux qu'on rencontre dans l’écorce primaire (et dans le Liber) des Dicotylédonées sont toujours de l’ovalate de chaux, sauf les masses cellulosiques incrustées de carbonate de chaux connues sous le nom de cystolithes, et qu’on observe dans les Urticacées et dans les Acanthacées. Après les nombreux travaux sur les cristaux des végétaux, et après ma propre note (1) sur le même sujet, et que j'ai fait suivre d'un aperçu historique, il est inutile de revenir sur les découvertes successives qui sont venues enrichir l’anatomie comparée de ces petits organes. Les quelques notions générales que je vais exposer relative- mentaux cellules cristalligènes‘ de l'écorce primaire s'appliquent également à celles de la moelle et à celles du liber; il me sera permis de m'appuver sur des faits tirés de l'anatomie de l’une et de l’autre de ces parties de la plante. Les cristaux d’oxalate de chaux sont extrêmement répandus dans les végétaux. Dans ceux où loxalate de chaux manque à l’état solide, 1l y a lieu de le chercher à l’état de dissolution dans une matière quelconque, et probablement dans l’albu- mine. N’a-t-on pas observé que le Mercurialis annua, qui ne renferme pas de cristaux d’oxalate de chaux à l’état normal, en présente des quantités notables dans le parenchyme hypertro- phié qui entoure les cellules attaquées par le Synchytrium Mercurialis ? En présence d'un phénomène aussi répandu, s’il n’est pas général, il faut croire que lPoxalate de chaux est le produit mu- tile d’une réaction extrêmement importante dont la nature et le but nous échappent complétement jusqu’à ce jour. Quelques auteurs, et notamment M. À. Emmerling (2), (4) Ann. des sc. nat., 5° série, t. XIX, p. 300. @) Beiträge zur Kenniniss der chemischen Vorgänge in der Pflanze, À. Emmerling. Landuw. Vers.-Stat., 1874, t. XVI, p. 164. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. F15 pensent que les sels calcaires jouent un rôle important dans la formation des matières albuminoïdes. L'auteur que je viens de citer part, dans sa théorie, de l’azotate de chaux : la chaux serait précipitée par un oxalate soluble ou par Pacide oxalique libre, et l’acide azotique subirait des décompositions pour de- venir le point de départ des matières albuminoïdes. Mais tout ceci n’est que supposition. L’oxalate de chaux est un produit inutile, une exerétion; il reste là où 1l à été déposé ; jamais 1l ne se redissout, et les cel- lules qui en contiennent une quantité, même relativement fable, sont perdues pour toute autre fonction ; elles deviennent exclusivement sécrétrices d’oxalate de chaux, et finissent par mourir. Dans un certain nombre de cas, cependant, cette divi- sion du travail ne s'établit pas, et la même cellule renferme de la chlorophylle, de amidon et de loxalate de chaux, mais ce dernier en petite quantité. On sait qu'il existe des cristaux aci- culaires ou en forme de croix très-ténues dans les Spirogyres et dans quelques Mucorinées (4); dans les Phanérogames, les cristaux si connus sous le nom d’enveloppes de lettres, se for- ment souvent dans des cellules qui ne sont pas spécialement cristalligènes. | S'il est bien établi dans notre esprit que loxalate de chaux est un produit inutile, nous ne serons pas étonnés de le voir tomber avec les feuilles mortes, avec les plaques rhytidoma- tiques ; de voir les cellules cristalligènes, ainsi que les cellules scléreuses et Les fibres libériennes Le sont quelquefois, éliminées de l’économie végétale par une production subéreuse locale, comme le serait un corps étranger. Tous ces faits, sauf le der- nier, qui ne parait être qu’accidentel, et que je n'ai pas vu se produire régulièrement dans une espèce déterminée, sont géné- raux, et il est inutile d’en citer des exemples. Tout le monde sait que les feuilles mortes sont extrèmement riches en cendres, et ces cendres proviennent précisément de l’oxalate de chaux accumulé dans ces organes. (1) Van Tieghem, Ann. des sc. nat., 6° série, t. E. Ge série, Bot. T. Il (Cahier n° 2). # 8 114 3. VHSQUE, Toutes les parties de la tige peuvent renfermer de l’oxalate de chaux, la moelle, le bois, le liber, Pécorce primaire ; Mais c’est de préférence dans le parenchyme fondamental (moelle, rayons médullaires, écorce primaire) qu'on le trouve. Îl est très-fréquent dans le liber, où il occupe des cellules particu- lières morphologiquement disünctes des autres; il est plus rare dans le parenchyme ligneux (Clusia). Une loi générale se dégage d’un très-grand nombre d’obser- vations ; la voici : « L'oxalate de ehau se dépose avec ue sorte de prédilection dans les cellules où dans les membranes cellulaires qui, par leur position où par certaines aliérations chüniques, ont perdu de leur utilité pour la vie générale de la plante. » Je cite quelques-unes des observations les plus démonstra- tives : dans le liber de l’If on trouve de très-petits cristaux dans la membrane mitoyenne (matière intercellulaire) située entre deux fibres à peine épaissies (1). Les cellules scléreuses ramifiées du tissu fondamental du Welwitschia mirabilis sont couvertes de petits cristaux clino- rhombiques diversement modifiés d'oxalate de chaux ; la cuticule de la même plante renferme une multitude de très-petits Cris- taux. Ni la cuticule, ni les fibres libériennes, ni les cellules scléreuses, ne servent beaucoup à la transmission des matériaux élaborés. Dans les Dicotylédonées, les faits de ce genré sonttrès- rares, mais il en existe pourtant : dans la moelle du Kadsura japonica (Schizandrée) (pl. 9, fig. 5 À et B), il y a un certain nombre de cellules scléreuses allongées verticalement en forme de fibres très-épaissies ; leur surface est couverte de cristaux d’oxalate de chaux, qui sont enfoncés dans la pâte cellulosique. Les faces accolées de deux de ces cellules ne présentent jamais de cristaux; ce sont évidemment les cellules parenchymateuses voisines qui sécrètent l’oxalate de chaux et le déposent sur ce cellules épaissies qui ne servent pas à la circulation des matière élaborées. S S (1) Comte Solms-Laubach, Bot. Zeit., 1871, pl. Vi. — C. Eg: Bertrand, Ann. des sc. nat, t. XX, pl. 5, fig. 4. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 115 Très-souvent l’oxalate de chaux se dépose dans des cellules qui doivent se sclérifier plus tard; le cristal fait alors corps avec la masse cellulosique compacte (Bouleau, Ochna mozam- bicensis). Plus souvent encore les utricules voisines de cellules très- épaissies se chargent de cristaux: ce phénomène se rencontre dans l’écorce primaire, au voisinage des sclérites, dans le liber, le long des fibres libériennes (Ghène). Je viens de eiter le seul exemple que j'aie trouvé de eristaux dans la membrane cellulaire d’une plante dicotylédonée, le Kadsura. Dans l'immense majorité des cas, les cristaux se trouvent franchement dans la cavité cellulaire. Quand on dissout le cristal en ajoutant de Pacide chlorhydrique à la préparation, il reste généralement une très-mince pellicule cellulosienne qui enveloppait étroitement le cristal et en reproduit la forme. Dans bien des cas, tout le reste de la cellule est rempli par une ma- üère de nature cellulosique : tel est le cas d’un grand nombre de cellules à raphides, par exemple (Vigne), matière souvent gonflable et qui détermine lévacuation des raphides quand on ajoute de l’eau à la préparation, ainsi que l’a montré Furpin. Dans ces derniers temps, diverses opinions ont été émises au sujet de la formation de cette mème pellicule cellulosienne ; mais cette question mérite une nouvelle étude. Les uns pensent en effet que le cristal se dépose primtivement dans l'épaisseur de la paroi cellulaire, et refoule, en grossissant, la partie interne de cette membrane vers l’intérieur de la cellule, en restant lié à la paroi par un pédicule qui s'amineit de plus en plus et finit par se rompre; d’autres croient au contraire que la cellulose se dépose sur le eristal hibre dès le premier abord, Ge sont pré- cisément les mêmes idées qui se sont fait jour dans l'explication de Ja gaine cellulosienne qui entoure les hypha de quelques Champignons à l’intérieur des cellules de la plante nourricière. Si quelques faits exceptionnels paraissent appuyer la première de ces opinions, ce sont les cristaux liés à la paroi cellulaire par des prolongements cellulosiens. 116 SF. VESQUE. Tout récemment encore M. Stoll (4) a décrit un fait sem- blable dans les Hibiscus. M. Rosanoff l'avait déjà signalé dans Kerria japonica (2), chez lequel la moelle renferme des agglo- mérations de eristaux maintenues en place par une forte colonne cellulosienne verticale ; les colonnes des cellules superposées se Juxtaposent elles-mêmes bout à bout. Remarquons que le cristal est attaché à la paroi, non pas par un pédicule, mais par deux, circonstance défavorable à la première des opinions susdites. Fai eu le bonheur d'observer la même disposition à un degré beau- coup plus avancé. Dans la moelle de Aigellaria africana (Bixi- née), on trouve (pl. 9, fig. 6) un grand nombre d’agglomérations cristallines ; plus on se rapproche de Paxe de la tige, moins les cristaux sont volumineux, relativement aux dimensions des cel- lules. Il arrive souvent que le cristal est maintenu en un point quelconque de la cellule par deux à six pédicules et davan- tage; le plus souvent ces pédicules sont plus gros du côté du cristal ; ils s'amincissent graduellement jusqu'à Fa paroi cellu- lire, et sy terminent par un petit bouton qui n’adhère que très-peu à la paroi et S'en détache très-facilement. Plus rare- ment on voit des pédicules de tout point semblables partir de la paroi cellulaire et se terminer par un bouton du côté du cristal. Parfois Le cristal reste accolé à la paroi cellulaire, et au lieu de pédicules traversant hbrement Fa cavité cellulaire, on trouve des brides à moitié engagées comparables à ees brides qui retiennent les valvules du cœur. Tous ces faits, on le voit, sont loin de parler pour la formation du cristal dans là paroi cellulaire ; mais ils ne suffisent pas non plus pour démontrer la théorie contraire. Je dois avertir Les observateurs qui voudraient voir eux-mêmes ces élégantes masses cristallines, qu'on est obligé souvent d’examimer plusieurs préparations avant dy réussir; ces petits pédicules sont du reste très-fins, et il faut s’armer, pour les voir, d’un grossissement d'au moins 300 dia- mètres. (1) D. Rud. Stoll, Ucber die Büdung des Kallus bei Siecklingen (Bot. Zeit., 1874, pl. 12, fig. 9). (2) S. Rosanoff, Bot. Zeit., 1865, p. 329. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 117 Les cristaux se forment souvent autour d’un noyau étranger, qui reste visible au centre du cristal, comme on peut le voir avec une netteté remarquable dans l'écorce primaire de l'A belia rupestris et du Ptelea trifoliata. Cristaux dans des cellules non spécialement cristalligènes. — 1° Un des plus beaux faits de ce genre se rencontre dans la partie interne de l'écorce primaire du Fagræa litioralis (Loga- niacée); beaucoup de cellules parenchymateuses, qui renferment encore le nucléus avec un nucléole brillant et un nombre plus ou moins considérable de grains de chlorophylle, se chargent en même temps d’une multitude de petites aiguilles eristallines tantôt dispersées sans ordre dans la cavité cellulaire, tantôt obscurément réunies en paquet, tantôt rayonnant autour d’un centre. 2° Dans les Gesnériacées, les Bignoniacées et quelques autres familles voisines, on trouve fréquemment les cristaux particu- liers de ces plantes accompagnés de chlorophylle. 3° Dans le Scoparia dulcis, le Buddleia globosu, ete., presque toutes les cellules de lécorce primaire contiennent, à côté de leur chlorophylle, des cristaux prismatiques allongés diverse- ment modifiés. 4 L'Hyoscyamus albus, qui fait exception sous ce rapport parmi les Solanées, présente, dans lécorce primaire et dans la moelle, au mieu de cellules qui ne sont pas spécialement cristalligènes, de petits cristaux octaédriques où modifiés d’une manière régulière. En somme, c’est là une imperfection rare chez les Dicotylé- donées ; car ordinairement les cristaux se forment dans des cel- lules particulières. Cristaux dans des cellules spécialement cristalligènes. — Les cellules de l'écorce primaire qui renferment des cristaux peuvent conserver la même forme que toutes les cellules qui les envi- ronnent; mais il arrive souvent, surtout quand ces cristaux sont aciculaires, que les cellules s’allongent dans un sens 418 J. VESQUE. déterminé, ordmairement verticalement, ou, quand elles ren- ferment d’autres masses cristallines très-volumineuses, qu'elles augmentent simplement de volume tout en restant semblables à elles-mêmes. Il ne me reste plus qu’à étudier la forme des cristaux, et à montrer la relation qui existe entre cette forme et les affinités naturelles; en d’autres termes, à faire voir qu'il y a une cer- taine constance de formes cristallines entre les plantes d’une même famille ou d’une même classe. Celle de loxalate de chaux est peut-être un des caractères anatomiques les plus constants. Je n'ai pas la prétention de donner un aperçu com- plet des différentes formes cristallines qu'on trouve dans Îles principaux groupes de végétaux dicotylédonés ; mais Je vais en prendre quelques-uns et citer un exemple destiné à mon- trer la constance de ces formes dans un groupe naturel de plantes. Peu importe dans quel ordre je les étudierai : 4. Cristaux pulvérulents. 2. Raphides. 3. Agolomérations. 4. Cristaux clinorhombiques simples à faces planes. 9. Cristaux elinorhombiques à faces creuses. 6. Cristaux maclés de diverses manières. 7. Formes variées indéterminées. Quand une forme cristalline est très-constante dans un groupe naturel, et surtout quand elle ne se présente que très-rare- ment ailleurs, 1l n’y à aucun inconvénient à lui donner ie nom de ce groupe; de cette manière, on arrive, avec un peu de mémoire, à se représenter immédiatement la forme dont il s’agit. 4° Cristaux pulvérulents. — On à souvent parlé, et tout ré- cemment encore, d'oxalate de chaux amorphe dans les plantes, et notamment dans les Sambucus. Mais n'est-il pas plus pro- bable que cette poussière soit formée par de petits fragments cristallins irréguliers ? | ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 4149 C’est dans la classe des Solanées que Poxalate de chaux se présente le plus nettement à l’état pulvérulent. Cependant, au moyen de forts grossissements, on voit que cette poussière n’est pas amorphe, mais que les grains ont généralement une forme triangulaire (tétraédrique) plus ou moins régulière, qui s’ac- corde très-mal avec ce qu’on sait sur la cristallisation de ce sel, et qu'on ne peut malheureusement pas songer à déterminer rigoureusement. On trouve cette poussière cristalline dans l’écorce primaire, dans la moelle et dans le liber. aurai à montrer plus tard que les cellules libériennes destinées à sécréter de loxalate de chaux ont une tendance à se diviser en autant de compartiments qu'il y a de cristaux. Il est évident que quand il s’agit d’une poussière, cette division ne peut s’opérer, et que c’est ainsi que les cellules cristalligènes libériennes ont conservé leur forme prosenchymateuse primitive. Les Cestrinées partagent avec les Solanées ce caractère cristallin. D'un autre côté, il y a quelques exceptions remar- quables parmi les Solanées : j'ai déjà cité la Jusquiame; les genres Fabiana et Nieremberqia sont probablement dépourvus de cristaux. Dans le Nicandra physalodes 1 n’y à pas de pous- sière cristalline, mais de gros cristaux simples dans le liber mou, etc. On observe de petits cristaux tétraédriques (?) d’une netteté remarquable dans Vesfia lycioides (écorce primaire et liber), Lycium barbarum (iber), Sarracha (écorce primaire), Lycoper- sicum esculentum (Liber), Capsicum, Solandra hirsuta, Brug- mansia candida, Anisodus luridus, Atropa Belladona, Solanum, Scopolia, ete. 2 Raphides. — De Candolle a donné le nom de raphides à des cristaux en forme d’aiguilles réunis parallèlement en un paquet unique. [Il importe, pour la description, de ne pas donner ce nom à tous les cristaux aciculaires; nous verrons bientôt que les familles des Gesnériacées, Bignoniacées, Acan- thacées (Thunbergiées), ete., et mème des Scrofularinées, des CGampanulacées et des Composées, possèdent des eristaux 120 . 3. VESQUE. tabulaires particuliers qui s’amincissent souvent jusqu'à la forme aciculaire (Bignoniacées, Collandra aurea, nitens, Columnea, ete.). Comme on l’a observé depuis longtemps pour lAgave ame ricana, le suc de ces plantes produit sur la peau une espèce d’urtication plus ou moins persistante, due aux piqüres produites par ces cristaux. Les vrais raphides ne sont pas très-fréquents chez les Dicoty- lédonées ; cependant on en trouve de très-beaux dans les orands rayons médullaires de fa Vigne (Vifis vinifera) ; mais ils deviennent presque caractéristiques pour une grande partie de la famille des Rubiacées. On les rencontre dans l'écorce primaire et le liber. Dans beaucoup de cas, les cellules à raphides prennent un développement énorme relativement à celui des cellules voisines : par exemple dans le Liber mou du Bouvardia Jacquini, où elles dépassent souvent trois à quatre fois le diamètre des cellules parenchymateuses libériennes. On trouve des raphides dans les genres suivants : Rubia, Asperula, Crucianella, Phyllis, Sipanea, Bouvardia, Putoria, Hamelia, Psychotria, Diodia, ete. Les genres Coprosma, Gardenia, Rondeletia, Pavetta, Ixora, possèdent d’autres formes cristallines ; enfin il y a des Rubiacées dans lesquelles je n'ai pas trouvé de cristaux. 3 Agqlomérations de cristaux. — La forme agglomérée est, sans contredit, la plus fréquente, et en même temps la moims caractéristique des formes cristallines. On lobserve très-fré- quemment mêlée à des eristaux simples clinorhombiques ou concurremment avec ces derniers dans la mème plante, mais dans une autre partie de la plante; 1l ne faut donc pas être étonné de rencontrer dans la même famille, tantôt des agglomé- rations, tantôt des eristaux simples. Cependant les aggloméra- tions sont assez constantes dans la famille des Caprifoliacées, sauf dans les Sambucus, qui diffèrent, du reste, des autres Ca- prifoliacées par plusieurs caractères anatomiques qui semblent les rapprocher davantage des Araliacées. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 121 4 Cristaux clinorhombiques simples à faces planes. — Les mêmes observations s'appliquent aux cristaux clinorhombiques plans ou diversement modifiés. [ls sont très-beaux dans la Vigne, dans les Müriers, le Bouleau, le Chêne, le Platane, l'écorce primaire des Aurantiacées, Melianthus major (énormes), et dans le Pittosporum Mayir. 5° Cristaux clinorhombiques simples à faces creuses. — Ces cristaux, qui ne sont pas très-rares dans un certain nombre de plantes, deviennent très-caractéristiques pour les Clusracées ainsi que pour les Hypéricimées (Ancistrolobus), et rattachent ces familles aux Ternstræmiacées, où on les trouve cependant déjà mêlés avec des agglomérations ou des macles (Visnea), ou même déjà remplacés d’une manière complète (raphides) dans le liber de Sarauja macrophylla. 6° Cristaux maclés de diverses manières. — a. Dans quelques Apocynées et Asclépiadées on trouve, dans le liber, des cristaux d’une forme bien étonnante, un peu variable il est vrai, mais souvent d’une régularité parfaite. Dans le Laurier-rose (Nerium Oleander), où ils sont les mieux conformés, ils paraissent être composés d’un double tronc de pyramide central et de deux autres troncs de pyramide accolés aux troncatures du précé- dent par leurs propres troneatures. Ces eristaux ne sont pas purs, mais ordinairement mélangés à des formes plus irrégu- lières, quoique de même nature, et à des eristaux clinorhom- biques simples. Dans les autres Apocynées, ils sont bien moins développés (Allamanda verticillata, Cerbera Manghas) ; très- maclés, ou tout à fait remplacés par des eristaux simples (Ta- bernæmontana), où agglomérés (Beaumontia). Parmi les Asclé- piadées, le Periploca græca reproduit cette forme mieux qu’au- cune Apocynée; mais dans la plupart des Asclépiadées elle est également remplacée par d'autres formes cristallines. b. Ilexiste un grand nombre de formes cristallines maclées, qui sont plus ou moins bien cantonnées dans le liber mou. Les plus singulières sont, par exemple, celles de lOrme, de quelques 199 3. VESQUE. Éricacées, celles de quelques Euphorbiacées (Bischoffia), d’Amy- ris marilima. Mais comme il serait difficile de décrire toutes ces formes sans de nombreuses figures, je me borne à quelques exemples. 7 Formes variées indéterminées. — Pour montrer jusqu'où peut aller la complication des formes cristallines de loxalate de chaux, et en même temps leur constance, qui ne le cède en rien à celle qu’on admire tant, et avec raison, dans beaucoup de minéraux de composition complexe, je citerai seulement une Sapindacée, le Dodonæa triquetra, dont le liber renferme de nombreux cristaux d’une forme très-bizarre. Je m'arrête pour ne pas allonger outre mesure cette des- cription en posant une question qui se présente naturellement à l'esprit. À quoi faut-il : attribuer 4° la variété de formes dans des plantes différentes? 2 leur constance dans la même plante, et surtout dans des espèces distinctes appartenant à une même famille naturelle? J'ai montré dernièrement l'influence de la nature chimique du milieu sur la forme cristalline de l’oxalate de chaux. I est évident que cette influence doit se faire sentir ici; car rien n'est plus constant dans une même famille que les produits immédiats particuliers qu’on y rencontre, et l’on sait queles propriétés mé- dicales d’une plante appartiennent très-souvent à un grand nombre ou même à toutes les plantes de la même famille. Outre cette influence du milieu, il y en a sans doute d’autres encore qui prennent leur source dans Porganisation intime du végétal, et qui nous échappent complétement jusqu'ici ; la cris- tallisation de l’oxalate de chaux en est l’expression immédiate, et elle mérite, par conséquent, d’être étudiée avec un soin extrême, non-seulement au point de vue descriptif, mais au point de vue physique et chimique. La place des cellules cristalligènes dans l’écorce primaire varie beaucoup; cependant elles ont une tendance marquée, comme, du reste, presque toutes les cellules sécrétrices, à se disposer en files verticales (cellules à tannin). C’est en effet dans ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 193 la région interne, voisine du liber, que loxalate de chaux se dépose de préférence ; mais cette règle est Lrès-souvent troublée par la loi empirique, que J'ai ettée plus haut (dépôt dans le voisinage ou à l’intérieur des cellules scléreuses, en dehors d’un périderme naissant, etc.). A l’aide de ces deux règles qui ressortent clairement d’une multitude d'observations, on se rend facilement compte de la plupart des dispositions qu’on peut rencontrer. Ainsi, par exemple, supposons que nous ayons affaire à une écorce primaire homogène très-développée, voici quelle sera la distribution des principaux matériaux : Épiderme ; Parenchyme à petites cellules cylindriques légèrement allon- gées verticalement, gorgées de chlorophylle dont la quantité diminue de l'extérieur vers l'intérieur. Ce parenchyme passe à un parenchyme à cellules plus larges, isodiamétriques ou allongées tangentiellement, contenant de l’amidon, ou privées d’un contenu solide, entremêlées d’un nombre croissant de cellules cristalligènes. Plus tard certaines cellules se sclérifient, et les autres cel- lules, voisines des parties dures, perdent aussitôt leur chloro- phylle-ou leur amidon, et se chargent d’oxalate de chaux. Absence de cristaux. — Beaucoup de plantes, et notamment des plantes herbacées, manquent de cristaux, ou n’en produi- sent que de très-petites quantités (Campanulacées, Compo- sées, etc.). D. Les cellules laticifères. Tout le monde connait la constance de ces petits organes dans un même groupe naturel, qui n’ont pas été de ma part l'objet de recherches particulières, attendu que le mémoire de M. G. David (1) est si parfait, qu’il dispense à peu près com- plétement. de l'étude des cellules laticifères de l'écorce pri- maire, Get auteur les considère dans les Euphorbiacées, les (1) Ueber die Müchzellen der Euphorbiaceen, ete. Breslau, 1872. 124 3. VESQUE. Morées, les Apocynées, les Asclépiadées, comme des cellules appartenant au parenchyme fondamental, douées d’un accrois- sement propre très-considérable, qui les oblige à s’insinuer dans les interstices laissés par les autres cellules. On ne peut pas se dissimuler qu'il existe dans ce cas une analogie très- grande entre ces cellules et les fibres pseudo-libériennes qu’on trouve si souvent répandues dans le parenchyme fondamental, et que l'opinion de Schacht, qui considérait les vaisseaux lati- cifères comme des fibres hbériennes, se trouve ainsi en quel- que sorte confirmée. Dans tout ce que J'ai vu des cellules laticifères de l'écorce primaire, je n'ai pas rencontré un seul cas qui ne confirme pleinement les résultats obtenus par M. David. Il ne s’agit plus que de les étendre, si cela est possible, aux lati- cifères du liber mou, comme nous le verrons plus loin. Je ne comprends pas sous le nom de laticifères les canaux sécréteurs des Guttifères, des Ombellifères, etc.; ce sont des glandes résinifères ou oléifères privées de membranes propres (1). Mais il faut rapprocher des cellules laticifères un certain nombre de cellules sécrétrices privées de ce pouvoir particulier d’exten- sion (Hartigsea, Méliacée), et chargées de matières d’une nature voisine de celle du latex. Avec cette nouvelle manière de voir, la limite qui séparait les laticifères des autres cellules sécré- trices tend à s’effacer de plus en plus ; la nature du produit sé- crèté seule, et peut-être cet accroissement mdividuel particulier que les fibres pseudo-libériennes et mème les cellules sclé- reuses partagent avec les laticifères, deviennent les caractères essentiels de ces organites. La position des cellules laticifères varie peu; elles se trouvent surtout dans la partie interne, voi- sine du liber de écorce primaire. E. Les cellules scléreuses. Les cellules seléreuses sont primitivement parenchyma- teuses ; leurs parois se lignifient et s’épaississent d’une manière caractéristique. La lignification est tout à fait essentielle, et (1) Comparez les travaux de MM. À. Trécul, Hanstein. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 125 peut déjà distinguer des cellules dont les parois sont à peine épaissies, non loin du point de végétation. Suivant que lépais- sissement est plus ou moins fort, 1l y a de simples ponetuations arrondies, ou des canalicules simples ou rameux. L’épaississe- ment peut aller jusqu'à l’oblitération complète de la cavité cel- lulaire ; c’est à une belle preuve de l'accroissement par intus- susception de la membrane cellulaire elle-même; les cellules scléreuses peuvent être en même temps eristalligènes, comme il a été dit plus haut. Quant à leur accroissement, il faut dis- tinguer deux cas : 1° les cellules scléreuses conservent leur volume primitif, et ne se distinguent des cellules parenchyma- teuses voisines que par l’épaisseur de leurs parois; 2° les cel- lules scléreuses sont douées d’un accroissement propre compa- rable à celui des fibres libériennes et des faticifères. Les exemples du premier cas sont les plus fréquents ; il en est presque toujours ainsi quand les cellules scléreuses sont en petit nombre, et que le parenchyme est assez consistant. Pour ne choisir que des exemples très-frappants, observons la coupe transversale de l'écorce primaire du Brunsfelsia americana, nous verrons à la limite du liber une couche continue de cellules scléreuses à peu près cubiques, entremêlées d’autres cellules (fibres hbé- riennes”?), environ deux fois plus longues, également épaissies et canaliculées ; plus en dehors, et accompagnant les fibres Hbé- riennes qui sont disposées assez loin du liber mou au milieu du tissu cortical primaire, et plus extérieurement encore, fran- chement au milieu de l'écorce primaire, on trouve des groupes irréguliers de cellules sclérifiées, dont le volume ne dépasse pas celui des cellules parenchymateuses voisines. Dans les Magno- lia, le Volkameria, elc., nous trouvons des cellules scléreuses ramifiées de mille manières, insérant leurs prolongements dans les méats intercellulaires que laissent entre elles les cellules voisines. Les cellules scléreuses n’épaississent pas toujours également toutes leurs parois ; il arrive quelquefois que certaines d’entre elles s’épaississent seules, tandis que les autres restent minces. C’est un fait que nous rencontrerons très-souvent dans le suber, 196 3. VESQUE. mais qui est beaucoup plus rare pour les cellules scléreuses du tissu fondamental. Dans l'écorce primaire d’Æschynanthus grandiflorus (Gyrtan- dracée), on trouvé par-ci par-lh des groupes de cellules sclé- reuses d’un aspect tout particulier, avec les parois internes et latérales seules épaissies ; tout au contact du hiber mou, il y a une assise continue de ces cellules scléreuses qui représente peut-être la gaine protectrice. Les cellules scléreuses sont isolées ou réunies en groupes (sclérites). C’est très-souvent à l'entrée des grands rayons mé- dullaires, au niveau des fibres libériennes primaires, que les premières apparaissent; elles forment alors avec les fibres un eylindre complétement fermé, très-solide, qui sert de gaine au liber mou (Oléinées, Amentacées, Acérinées). D’autres fois, elles apparaissent au contact des fibres Hibériennes, sur un point quelconque (Paulownia, Protéacées). Enfin on les voit se déve- lopper d'abord très-irrégulièrement dans toutes les parties de écorce primaire; rarement elles sont réunies en zones con- tinues. Les cellules qui nous occupent sont le plus souvent, si ce n’est toujours, de formation essentiellement secondaire, c’est- à-dire qu'avant de se sclérifier, elles ont joué un autre rôle. La sclérification intervient comme un agent puissant dans les modi- fications que subit l'écorce par les progrès de l’âge. L’écorce primaire, ainsi que le liber, et quelquefois même certaines cel- lules épidermiques (Hfibiseus syriacus), se garnit d’un nombre croissant de aclérites disséminés dans toute son épaisseur, etces sclérites en augmentent considérablement la dureté, la résis- tance au choc, à l'usure, aux instruments tranchants et à la pu- tréfaction. Rôle physiologique des cellules scléreuses. — Deux opinions très-différentes ont été émises au sujet du rôle physiologique des cellules scléreuses : 4° M. 3. D. Hooker leur attribue simplement un rôle de pro- iection ou plutôt de soutien (squelette). ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 197 2° M. Buch (Î) n’admet cette opinion que pour quelques plantes, et M. CGohn (2) ne les considère que comme des maga- sins de cellulose supérflue. D'après mes observations, je dois admettre complétement l'opinion formulée par M. Hooker : Les cellules scléreuses servent à protéger des parties délicates lorsqu'elles sont très-nombreuses, et surtout lorsqu'elles sont réunies en issus; mais elles peuvent servir de soutien lors- qu'elles sont moins nombreuses. Je résume aussi brièvement que possible les arguments que je crois pouvoir opposer à lopinion de M. Cohn : 4. On n’a jamais observé la dissolution des parois des cellules scléreuses de la tige. 2. Dans un très-grand nombre de cas, les cellules scléreuses sont disposées de telle manière à l'entrée des rayons médullaires, qu'elles forment avec les fibres libériennes un eylindre solide continu. 3. La sclérification, comme phénomène secondaire, s'opère très-souvent, dans le liber, par couches parallèles disposées évi- demment de manière à protéger des parties molles situées entre elles (voy. Liber). 4. Quelquefois les cellules seléreuses sont entourées d’un tissu subéreux, preuve qu’elles ne doivent plus se redissoudre, et que leurs canalicules ne servent qu'à l'accroissement, mais non à la corrosion. 9. Les tiges qui possèdent un collenchyme bien développé présentent rarement beaucoup de cellules scléreuses. F. Les cellules à tannin (3). La forme des cellules à tannin ne se distingue pas de celle des parenchymateuses ; leur contenu est généralement très- (1) Ueber Sclerenchymzellen. (2) Rud. Müller, Die Rinde unserer Laubhôtzer. Breslau, 1875, p. 34. (3) M. A. Trécul, De.la gomme et du tannin dans le Gonocephalus nau- cleiflorus (G. R., t. LXVE, p. 575; Ann. des sc. nat., 5° série, €. IX, p. 274). — Du tannin dans les Légumineuses (Ann. des sc. nat., 5° série, {. IV, p. 378). Dans ce travail important, M. Trécul prouve l'existence, pour les Légumineuses, 128 3. VESQUE. légèrement jaunâtre, et surtout plus réfrmgent que le con- tenu des cellules voisines. Au contact des alcalis (potasse, ammoniaque), 1l se trouble et brunit (sans doute en absorbant de l’oxygène) ; les sels de fer le colorent souvent, mais non tou- jours, en bleu noirâtre ; mais le réactif dont l'emploi mérite la préférence, est celui qu'ndique M. Samio. En effet, tous ceux que je viens de nommer produisent dans les cellules un Hiquide qui coule et salit les cellules voisines, de manière à troubler la netteté de l’image. M. Sanio recommande le bichromate de potasse, dans lequel on fait macérer les parties de plantes qu’on veut étudier ; 11 se produit alors dans les cellules un précipité rouge brun qui se prend en masse, et se coupe très-bien sans se désagréger. Les cellules à tannin peuvent se trouver dans toutes les par- lies de écorce, écorce primaire ethber. Dans l'écorce primaire, elles sont généralement disposées par files verticales, de préfé- rence dans les régions externes. Malgré Îles travaux importants dont les cellules ont été l’objet de Ha part de plusieurs auteurs (MM. Karsten, Trécul, Wigand), leur histoire et leur rôle sont encore fort obscurs; les difficultés qu'on rencontre dans cette étude doivent être attribuées en grande partie à l’imperfection des méthodes chimiques pour là détermination du tannin et des COrpS VOISINS. G. Les fibres. J'ai eu déjà plusieurs fois l’occasion de parler de ces fibres isolées ou réunies en groupes, qu'on trouve dans Pécorce pri- maire d'un assez grand nombre de plantes, et qui ont absolu- ment l'aspect de fibres libériennes, sans qu’on puisse trouver une relation morphologique avec les vraies fibres Hibériennes. Je les ai plusieurs fois désignées sous le nom de fibres pseudo- libériennes (Russelia, Hexacentris, plusieurs Labiées, Scrofula- rinées, etc.). de cellules à tannin : 1° intra-libériennes ; 2 une ou deux séries sur chacun des côtés des faisceaux du liber, ou encore éparses, ou groupées sous les fais- ceaux de fibres libériennes. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 129 Il suffit d'ajouter qu'il ne faut pas confondre ces fibres avec les vraies fibres libériennes qu’on trouve quelquefois assez loin du hHber mou, au milieu du tissu de écorce primaire, soit iso- lées, soit réunies en paquets ou en faisceaux, soit enfin dispo- sées en une zone plus ou moins éloignée du hiber mou (Cucur- bitacées, ete.). H. Les lacunes à gomme. Nous avons vu une espèce de gummufication s'établir dans la membrane primaire et les couches d’épaississement moyennes des parois cellulaires; de cette simple altération d’une partie de 11 membrane à la transformation chimique de la cellule en- üère, et par conséquent à la formation de lacunes remplies de gomme, il n'y à qu'un pas à faire. Les travaux de MM. Wigandt, A.B. Frank et Trécul nous ont appris à différencier morphologi- quement les lacunes et les glandes résimfères : dans les lacunes à gomme, la destruction des cellules est essentielle, quoique précédée d’une sécrétion de gomme (1); dans les glandes rési- nifères, au contraire, si elle existe, elle n’est que consécutive ; les glandes résimifères sont primitivement des méats inter- cellulaires, tandis que les lacunes à gomme sont des cavernes causées par la destruction de cellules. Les lacunes à gomme nesontpastrès-fréquentes dans l'écorce ; c’est dans quelques Malvoïdées qu'on les observe le mieux. Ce sont des espaces allongés verticalement, bordés par des utricules qui ne diffèrent en rien des cellules parenchymateuses voisines, et dont la membrane tournée vers la lacune est le plus souvent en voie de transformation évidente. Souvent on voit des couches hyalines, gonflées, reproduire encore, mais en grand, la stratifi- (1) Tout récemment encore, à propos d’une note de M. J. Chatin sur les glandes des Rutacées, Aurantiacées, Diosmées, M. Trécul à soutenu, et je crois victorieusement, son opinion d’après laquelle la formation des lacunes à gomme commencerait toujours par une sécrétion de matière gommeuse dans la cellule même, qui se confond ensuite, contenu et contenant, en une seule masse. La dis- tinction entre glande à gonune et glande résinifère ou oléifère ne devient im- possible que dans le cas d’une glande unicellulaire, à moins d'examiner chimi- quement le contenu. (Voy. Comptes rendus, t. LXXAT, p. 904, et t. LAVE, p. 575.) 6e série, BOT. T. Il (Cahier n° 3). 1 J 150 J. VESQUE. cation de la membrane cellulosienne. De telles préparations ne laissent aucun doute sur l’origine de la gomme dans ces plantes. Outre les Malvacéeset les familles voismes, le Bischoffia java- nica (Euphorbiacée) présente le même phénomène. Ilest inutile de faire observer que toute la gomme des plantes ne se produit pas de cette manière. I n'existe rien de semblable dans bien des Malvacées qui sont néanmoins très-mucila- gineuses, et la gomme de nos Amygdalées peut se produire d’une manière toute différente, d’après une étude récente de M. Prillieux (1). Voyez, pour les lacunes à gomme du hber, le cha pitre Liber. I. Les glandes résinifères et oléifères. Les glandes résinifères et oléifères canaliformes qui se trou- vent dans le tissu fondamental se rattachent d'ordinaire très- nettement aux faisceaux fibro-vasculaires, comme la très-bien démontré M. Van Tieghem pour un grand nombre de plantes. Leur structure est très-netle et très-constante : une, deux ou plusieurs assises de cellules, différentes par leur forme des cel- lules parenchymateuses voisines, sont disposées autour d'un méat intercellulaire où elles déversent le produit de sécrétion (Guttifères, Ombellifères, Composées). À ces glandes canaliformes serattachentlesglandessphériques particulières, sans relation avec les faisceaux fibro-vasculaires, souvent décrites, accompagnées de destruction de cellules, des Aurantiacées, Rutacées, Diosmées (2), Amyris (3). Il ne m'appartient pas de faire Phistoire de tous ces organes, maisil fallait les nommer, à cause de leur position dans Pécorce primaire et de leur constance, qui fait de leur présence ou de leur absence un caractère anatomique des plus importants. (1) Annales des sciences naturelles, 6° série, t. T1, p. 176. (2) Voyez, pour la formation de ces glandes, la note de M. 7. Chatin (Comptes rendus, t. LXXXI, p. 502). (3) Van Tieghem, loc. cit. — À, Engler, Studien über die Verwandischaft. d, Rutaceæ, etc. (Bot. Zeit., 1874). ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 131 IV. De différentes modifications que subit l'écorce primaire par les progrès de l’âge. Parmi les modifications qui peuvent se produire spontané- ment (c’est-à-dire sous l'influence d’un périderme situé plus profondément), il faut citer, outre la selérification, un aplatis- sement des cellules accompagné d’une espèce d’accolement des parois cellulaires, avec oblitération plus où moins complète des cavités cellulaires, suivie ou non d’épaississement, et qui peut conduire à la formation de masses cellulosiennes com- pactes très-volumineuses. M. Wigandt a donné à des formations semblables le nom malheureux de prosenchyme corné, nom que je transformerai simplement, quand il y aura lieu, en celui de parenchyme corné, qui s'accorde mieux avec la forme des cellules. Ce phénomène se produit souvent avec une netteté parfaite dans les plantes herbacées, dont la gaine protectrice: se subé- rifie, Ainsi, dans le Gentiana asclepiadea, les deux assises exté- rieures de lécorce primaire conservent leur forme primitive ; mais les cellules des deux ou trois rangées qui viennent ensuite s’aplatissent; leurs parois s’épaississent et s’accolent, de ma- mère à former sur la coupe transversale une trainée cellulo- sienne marquée de distance en distance de petites fentes ou de petites lignes, derniers vestiges des cavités cellulaires. Gette masse cellulosienne est séparée de la gaine Casparienne par une seule rangée de cellules. Nous verrons que ce phénomène assez rare, quand il n’est pas provoqué par une cause quelconque, comme le ralentisse- ment dans la circulation par l'établissement d’un périderme ou la compression exercée par d’autres parties douées d’un acerois- sement très-vif, se présente souvent dans le rhytidome, et ne manque pas non plus dans le liber mou, où il acquiert souvent une grande importance. Annexe à Pécorce primaire, — Les rayons médullares, qui appartiennent au üissu fondamental, ou les grands rayons, pré- 132 3. VESQUE. sentent une structure conforme à celle de l'écorce primaire. Dans la partie externe, les cellules sont même souvent rangées régulièrement et disposées transversalement; elles peuvent se diviser comme celles de l'écorce primaire, et écarter ainsi les faisceaux libériens ; dans la partie interne, leurs cellules se diri- gent radialement (à moins que la partie parenchymateuse de la tige l'emporte de beaucoup sur la partie fibro-vasculaire) et ne se divisent pas. La hauteur des rayons médullaires primaires dépend du par- cours des faisceaux eux-mêmes, et par conséquent, jusqu'à un certain point, de la production des feuilles sur l'axe. y a un certain nombre de plantes où ils s'étendent sans interruption d'un nœud à l’autre, et où les fibres libériennes primaures sont parallèles. Tantôt les cellules restent minces ou s’épaississent toutes d’une manière uniforme; lantôt certains groupes de cellules se selérifient. La sclérification se fait de préférence au niveau des premières fibres libériennes, et les parties dures forment alors avec les fibres un cercle solide autour des tissus intérieurs. Les cellules des rayons médullaires contiennent, comme celles de l'écorce primaire, de la chlorophylle, de Famidon, des cristaux, et souvent du tannin. La forme des rayons médullaires primaires est sensiblement supplémentaire de celle des faisceaux libériens. Quand CEUX-CI présentent une section triangulaire avec un angle dirigé en dehors, les rayons médullaires ont une section triangulaire avec un côté tourné en dehors (Malvoidées). La forme peut varier jusqu'à une disposition à peu près inverse, et je pense qu’elle n’est pas sans importance pour la botanique descriptive. CHAPITRE HE. LE LIBER. LE. — Sous le nom de liber on entendait simplement autrefois l’ensemble des fibres Hibériennes, souvent disposées par cou- ches alternant avec du parenchyme, et imitant par conséquent ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 133 les feuillets d'un livre. Le parenchyme lui-même, déjà aperçu par Malpighi, n’a été considéré longtemps que comme du paren- chyme semblable à celui de l'écorce primaire (parenchyme me- dullaire de Dutrochet) ; ee n’est en effet qu'après la belle décou- verte de Th. Hartig que cette partie de l'écorce a attiré sérieu- sement Pattention des botanistes. Ge fut en 1853 que Hartig découvrit dans le hiber un nouvel élément auquel il donna le nom de « cellule grillagée ». FE décrivit avec soin les cloisons transversales de ces cellules dans Cucurbita, et montra, déjà à cette époque, que ces cloisons sont percées, fait qui à été tour à tour nié et affirmé, et qui est aujourd'hui acquis à la science. Les cellules grillagées de Cucurbita ont été étudiées de nouveau par MM. Hanstem et Nægeli, mais rien d’essentiel n’a été ajouté aux travaux de Hartig. H. von Mol à publié dans le Botanische Zeitung (1) une courte note dans laquelle il expose ses obser- vations sur les cellules grillagées ; mais cette note, malheureu- sement trop sucemete, est le seul travail comparé que nous pos- sédions sur ces organes. Voyant avec quelle constance ils se trouvent dans toutes les plantes dicotylées, on n’a pas manqué de les considérer comme très-importants, et dès lors le mot de « liber » à été appliqué à tout le système de fibres et de parenchyme. IH. — Le faisceau fibro-vasculaire se compose d’un système ligneux et d’un système libérien ; chacun de ces systèmes n’est défini que par la nature de ses éléments. Les éléments du système ligneux sont lignifiés, et leurs membranes cellulaires se colorent en jaune par l'acide sulfurique et liode, tandis qu'ils ne se colo- rent en bleu par les mêmes réactifs qu'après l'oxydation de la matière particulière qui les imprègne (? vasculose, KFremy) par un réactif approprié, Facide chromique, par exemple; elles se colorent en jaune par l’aniline additionnée d'un peu d'acide sul- furique (2). Ces éléments ne contiennent que très-peu de matières albuminoïdes, tandis que les éléments du système libérien en sont remplis; une partie au moins des éléments du liber ren- (1) Mobl, Einige Andeutungen über den Bau des Bastes (Bot. Zeil., 1855). (2) Wiesner, Sitzungsb. d. k. k. Akad. d. Wiss. Vienne, 1874. 134 JS. VESQUE. ferme un abondant protoplasma qui ne parait pas servir unique- ment à la vie et au développement individuels de ces cellules, mais qui doit jouer un rèle important dans la vie de toute la plante : on sait déjà que c’est cette partie de la tige qui est le siége de la circulation de la séve élaborée. Les éléments du liber ne sont que rarement ligmifiés (fibres Hibériennes), leurs mem- branes présentent nettement la réaction de là cellulose. La meilleure manière de reconnaitre ces deux systèmes, c’est de se familiariser avec l'aspect des éléments qui les composent : vaisseaux, fibres ligneuses, parenchyme ligneux d’un côté, et cellules grillagées, parenchyme libérien et fibres hbériennes, de l'autre. L'élément tout à fait caractéristique du système libérien est la cellule grillagée, et là où cet élément manqueilne faut parler de liber qu'avec une extrême réserve, et surtout n'appliquer ce mot à des tissus situés ailleurs qu'à la place ordmaire du Hber que quand il y a des raisons sérieuses pour le faire (voy. les Protéacées). I peut paraitre étrange, au premier abord, de ne pas trouver ici les définitions ordinaires du liber telles que celle-ci : partie corticale du faisceau fibro-vasculaire, où partie du faisceau fibro-vasculaure située en dehors de lanneau cambial. Très- souvent ces définitions sont exactes ; mais, dans un grand nombre de familles, on trouve du liber ailleurs qu'à la place désignée comme caractère unique du liber : il faut donc y renoncer. Bien des faits de ce genre sont déjà connus, mais ils n’ont jamais été réunis, et jai eu le bonheur d'en ajouter un certain nombre de nouveaux. Pour éviter les malentendus, il faut dire qu'il ne sera pas question, dans le présent mémoire, des faisceaux hbres (eauli- naires, Sétmmeigene Strænge) qui existent dans un assez grand nombre de Dicotylées, et qui ont été l'objet d’un mémoire imté- ressant de M. Samio (1). LE. — Dans les Dicotylées 11 y a toujours du liber en dehors du faisceau fibro-vasculaire : c’est Le cas considéré généralement (1) Ueber endogene Gefässbündelbildung, ete. (Bot. Zeit., 186%). ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 135 comme la règle. Mais il peut y avoir du liber à l’intérieur du faisceau dans la partie connue sous le nom d’étui médullaire, entre les trachées et la moelle; 11 peut même y en avoir au milieu du bois, complétement noyé au milieu du tissu lignifié du faisceau fibro-vasculaire. Unger cite déjà comme exceptions quelques plantes qui pos- sedent du liber à l’intérieur du bois. Mohl parle des faisceaux libériens qui se trouvent à la face interne du bois chez les Asclépiadées, les Gucurbitacées, etc. M. Dippel décrit et figure le tissu libérien intérieur qu’on trouve dans le Cucurbita. Dans la plupart des ouvrages élémentaires, il n’en est pas question, ou ce fait n’est indiqué que par quelques mots, à l’ex- ception de la structure trop frappante des lianes appartenant à plusieurs familles (Bignoniacées, Ménispermacées, ete.). L'idée de réunir et de lier entre eux, si c’est possible, ces dif- férents cas anormaux est donc parfaitement justifiée, et le pre- mier résultat de ce travail a été de montrer que ce mode de structure n’est pas aussi exceptionnel qu’on pourrait le penser d’abord; non-seulement il se trouve dans un nombre très-con- sidérable de familles, mais il offre des variations anatomiques dignes d’être décrites en détail. L'étude du hber dans un très-grand nombre de plantes permet de poser comme loi : 4° Que le liber extérieur existe toujours à l’état de dévelop- pement parfait de la tige. 2° Que le liber intérieur n’est jamais gualitativement plus développé que le liber extérieur, c’est-à-dire que si, par exemple, le Hiber extérieur est dépourvu de fibres libériennes, le liber in- térieur n’en possède jamais. Quantitativement, le hber mtérieur peut être beaucoup plus développé que le Liber extérieur, mais il ne possède jamais une espèce d'éléments de plus. EV.— Pour bien faire comprendre ce qui va suivre, il est mdis- pensable de dire quelques mots sur le mode de formation et d'accroissement du liber. D'abord il peut être primaire, c’est- à-dire résulter de la transformation directe des éléments du 436 J. VESQUE. procambium : il peut être secondaire et provenir d’un cam- bium dont les cellules, en se divisant, en augmentent Fépais- seur. Quelle que soit au surplus sa provenance, remarquons que le tissu Hibérien peut se comporter de deux manières diffé- rentes : @. quitter aussitôt l’état méristématique et prendre et conserver une forme définitive sans se mulüplier ; 4. conserver, au moins pendant quelque temps, le pouvoir de diviser soit toutes ses cellules, soit quelques-unes d’entre elles seulement; dans le premier cas, l'accroissement, s'il existe, se fait par apposition de nouveaux éléments dans une direction déterminée ; dans le second, par extension de toute la masse du tissu, ou par énter- calation de petits ilots de tissu libérien nouveau. V. — Voici maintenant les différentes positions que peut occuper le liber dans une tige dicotylédonée, réunies dans un tableau synoptique qui servira de guide dans la série de des- criptions monographiques que j'aurai à tracer. I Le Liber peut être primaire et rester (A. Extérieur par rapport au bois. en contact avec un cambium qui en augmente l'épaisseur, et qui est : \B. Intérieur par rapport au bois. / I. Le Liber peut être primaire et privé { À. Par intercalation. de toute relation avec un véritable | B. Par un faux cambium (1) de cambiuin : il s'accroît alors : formation postérieure. HI. Le Liber est primaire ou secondaire : ! À. Se produire une seule fois. il se trouve à la face interne, ligneuse, du cambium. La partie du tissu libérien formé est bientôt recouverte de bois. Ce phénomène } B. S: reproduire à des intervalles peut : \ plus où moins réguliers. Quelques schémas, pour faciliter l'intelligence de cet exposé un peu abstrait à force d’être suceimcet, ne seront pas superflus. Je les marque par les mêmes signes que dans le tableau ei- dessus : (1) Voyez les descriptions. I A. I B. II B. IT A. II B. Clematis. Tecoma. || Solanum. Lycium. || Goodenia. \Hexacentris À RE AGE RES RE DAS EUR écorce écorce écorce écorce écorce écorce primaire primaire primaire primaire primaire primaire liber liber lber hiber liber lhiber cambium cambium cambium cambium cambium cambium bois bois bois bois bois bois liber ; faux : cambium : Liber 4 6 cambium bois moelle liber hber hber hber bois bois moelle moelle moelle moelle moelle Ï A. Le faisceau procambial se différencie extérieurement en liber primaire, intérieurement en bois primaire ; la couche située entre ces deux parties conserve indéfiniment le pouvoir de diviser ses cellules et de développer extérieurement du liber secondaire, mtérieurement du bois secondaire. Cette disposition, qui est de beaucoup la plus fréquente, sera décrite avec les éléments du liber. J B. Le faisceau renferme du liber primaire en deux points différents : à l’extérieur et à l’intérieur ; entre les deux se trouve le bois séparé de part et d'autre du liber par une zone de cam- bium. En 186%, M. Sanio (1) à exprimé, dans une courte note, son étonnement de la structure d'un jeune rameau de Tecomu radicans. Dans le rameau d’un à deux ans, la section de létui médul- laire, dont la vraie place est marquée par les trachées, est cir- culaire, tandis que la section de la moelle est ellipüque, et que © (4) Bot. Zeit., 1864, p. 61. 138 J. VAOSQUE. les deux espaces en forme de croissant que laissent entre elles ces deux sections sont occupés par du bois secondaire extérieu- rement accolé au bois primaire, et par du fiber du côté de la moelle : ce liber et ce bois sont séparés par un véritable eam- bium acüf des deux côtés, formant constamment ainsi du bois extérieurement, et du liber intérieurement. Les grands rayons médullaires traversent ces tissus et s’allongent par activité du cambium (interfasciculaire) pour aller rejoindre la moelle. Le bois secondaire intérieur est composé, en partant des tra- chées du bois primaire, de parenchyme ligneux finement ponc- tué, entremèlé de quelques fibres et de gros vaisseaux ponc- tués aréolés ; puis vient une série de vaisseaux plus étroits dont les articles plus allongés sont séparés par des cloisons obliques percées d’un trou circulaire où elliptique; les parois de ces vaisseaux sont marquées de ponctuations aréolées et d’une fine spirale, ou d’une fine spirale seule. Le cambium est formé, comme toujours, par des cellules très-allongées, de même lon- sueur que les articles des vaisseaux; les cellules grillagées du liber intérieur appartiennent au type désigné sous le nom de tubes cribreux; leurs cloisons transversales si caractéristiques sont très-développées, et leur longueur correspond exactement à celle des cellules cambiales. I est évident que ce cambium enfermé dans un épais cylindre de bois ne peut rester actif indéfiniment; c’est donc dans les premières années qu'il faut observer cette particularité ana- tomique. On n’a pas trouvé d'autre exemple de cette anomalie curieuse, qui paraît même être unique dans la famille des Bignoniacées. Mais il ne faut pas confondre ce vrai cambium intérieur avec une couche également génératrice qui se trouve à la mème place dans un assez grand nombre de plantes, et que je désigne sous le nom de faux cambium; outre que ce dernier n’est pas pri- maire, mais de formation postérieure, il n’est jamais qu'unila- téral et ne produit pas de bois à sa face externe. IT A. Le liber est primaire; 1 n'est point en contact avec ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 139 un vrai conbium qui en augmente l'épaisseur par apposttion en formant en même temps du bois de l'autre côte. — Le liber exté- rieur appartenant à l’écorce n’est jamais dans ce cas ; 1l s'accroît toujours à sa face interne par Pactivité du cambium propre- ment dit. Pour mettre un peu d'ordre dans l'exposition des exemples qui appartiennent à ce type, je distinguerai plusieurs cas, sui- vant la complexité plus où moins grande du liber intérieur. a. Le liber intérieur peut être composé de cellules grillagées, de parenchyme et de fibres libériennes. b. Il ne renferme que des cellules grillagées et du paren- chyme. ce. Il peut ne renfermer que des fibres libériennes (?). d. [ne consiste qu'en parenchyme (?). C'est dans les familles des Cestrinées et des Solanées que nous trouvons le liber intérieur le plus complexe. Parmi les pre- mières, le Cestrum aurantiacum et le Tochroma tubiflora peuvent servir d'exemple. Nous trouvons là, à la face interne du bois, des faisceaux volumineux de liber mou susceptible d’accroisse- ment par division de ses cellules ; ces divisions se font quelque- fois assez régulièrement, et alors le Hiber passe au type décrit en [I B. Le liber mou est composé de parenchyme et de tubes cribreux très-larges. Du côté de la moelle, il est protégé par de nombreux paquets de fibres Hbériennes épaissies et ponctuées. Dans llochroma, le Hber mou intérieur est plus nettement ra- massé en petits faisceaux séparés par du parenchyme médul- laire ; la disposition des éléments semble encore indiquer la manière dont ils se sont primitivement divisés. Intérieurement ce liber est accompagné de fibres isolées ou de petits paquets d'une à six fibres très-volumineuses, épaissies au pont d’obli- térer leurs cavités cellulaires et ponctuées canaliculées. L'Habrothanmus fasciculatus ne diffère, quant au Liber inté- rieur, de ces deux genres que par la rareté des fibres Hibériennes, qui sont presque toujours isolées, mais souvent accompagnées de cellules médullares scléreuses. Dans la famille des Solanées, le liber intérieur est extrème- 140 H. VESQUE. ment développé et souvent accompagné de fibres en nombre bien plus considérable que les fibres Hibértennes extérieures ; mais, conformément à ce qui à été dit plus haut, on ne ren- contre jamais ces organes dans la moelle quand 1ls n'existent _ pas dans l'écorce. Ordinairement le liber intérieur n’est pas tout à fait accolé au bois, mais il reste entre ces deux parties un peu de tissu médullaire, sauf dans les genres si particuliers sous d’autres rapports, Nieremberqia et Fabiana, et dans le Petunia violacea, qui ont un faible Hiber mou intérieur accolé à étui médullare. Le Hiber mou prend généralement la forme de petits ilots, dont la section dépasse rarement celle d’une cellule mé- dullaire, etaccompagnés de quelques fibres Hbériennes (Datura, Hyoscyamus, Physalis, Atropa (4), Anisodus, Solandra evinia, Brugmansia, Solanum, etc.), ordinairement très-nombreuses, disséminées fort om dans la moelle (Anisodus luridus), et par- fois plus épaissies que celles du liber extérieur (Scopolia orien- talis). Mais assez souvent il n°y à pas de fibres dans le Hiber intérieur (Nieremberqia, Fabiana, Nicotiana, Lycopersicum esculentum (toujours ?), Petunia violacea. En somme, toutes les Cestrinées et toutes les Solanées que jai étudiées m'ont présenté un Hber intérieur dont le déve- loppement rivalise avec celui du liber extérieur, et 1l serait intéressant d'étudier le rôle de ce fiber intérieur sur des plantes vivantes. On observe un fiber intérieur tout aussi compliqué, accom- pagné de fibres Hbériennes, dans d’autres familles, telles que les Nolanées (Nolana prostrata), caractère qui lie cette famille à celle des Solanées, dont elle se rapproche encore par ce sable tétraédrique (?) dont 1l à été question plus haut. Si nous passons maintenant à la structure plus simple sans fibres, il faut citer des exemples tirés d’un grand nombre de familles. Dans la tige des Gucurbitacées on trouve dix faisceaux fibro- vasculaires : cinq gros, et cinq petits placés plus en dehors (1) Dippel, Das Mikroskop, p. 146. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 141 alternant avec les premiers; chacun de ces faisceaux présente à sa face interne (tournée vers la moelle) un peu de tissu Hbé- rien composé de cellules grillagées (tubes cribreux) semblables à celles du Hber extérieur et du parenchyme. Ge liber est d’ori- gine primaire, mais bientôt on voit apparaitre des cloisons lon- gitudinales qui divisent les cellules primitives, de sorte que toute la masse libérienne s’accroit dans tous les sens. Dans les genres où la tige devient fistuleuse (Cucurbita) ce phénomène n’a pas d'autre conséquence anatomique que de rétrécir quelque peu la cavité médullaire; mais il en est tout autrement dans le Bryonia dioica (pl. 10, fig. 1). Quand on observe la tige de cette plante au printemps, on trouve une moelle énorme, à grandes cellules cylindro-prismatiques; mais en automne la moelle a complétement disparu, sans que, pour cela, la Uige soit devenue fistuleuse. Le liber intérieur des grands faisceaux s’est accru par la division de ses éléments, au point de remplir compléte- ment l’espace qu'aurait laissé la moelle résorbée; ces cinq faisceaux hibériens se soudent à leur rencontre et ne sont plus séparés que par des masses, ou plutôt de petits murs cellulo- siens, espèce de tissu corné produit peut-être par des cellules aplaties et modifiées d’une manière particulière. Dans les Borraginées, le liber intérieur, s’il existe, ressemble à celui des Solanées, qui ne possèdent pas de fibres; mais, en sénéral, 1l tend à disparaitre dans cette famille. Très-volumi- neux et disposé par faisceaux dans le Grabowskya boerhaavie- folia, À parait faire défaut aux autres Tournelortiées; chez le Borrago officinalis,ilest souvent assez développé et s'avance en forme de coin dans la moelle; dans quelques autres genres (Nonnea, Symphytun), est très-faible, mais on y trouve encore des tubes cribreux ; dans beaucoup d’autres, enfin, 1l se dégrade de plus en plus, et sa place n’est plus mdiquée que par un peu de parenchyme séveux que toutes ces transitions si nettes pour- raient faire considérer comme du parenchyme libérien: celui-ci manque lui-même dans plusieurs genres (Tournefortia, Helio- tropuun), où l'on trouve à sa place du parenchyme médullaire très-6 pass. 149 J. VESQUE. Dans les Convolvulacées, le Hiber intérieur est extrêmement développé; 11 se compose de tubes cribreux et de cellules gril- lagées. Dans le Dichondra repens et le Falkia repens, il est énorme, disposé en deux paquets, collenchymatoïde par parties et semblable au liber extérieur de ces plantes. Les autres genres possèdent un lber intérieur tout aussi considérable, toujours dépourvu de fibres Hbériennes ; les tubes cribreux y sont sou- vent plus visibles que dans le liber extérieur (Calystegia, Gon- voloulus, Ipomea, Quamoclit, Calonyction, Pharbitis pur- pure). Dans les Loganiacées (Fagræa littoralis), le liber intérieur offre les mêmes caractères ; 1l est composé de parenchyme libé- rien, de tubes ertbreux très-larges et très-visibles, qui s’avancent assez loin duns la moelle. Dans les Apocynées il existe toujours du liber mou intérieur, semblable de tout point au liber mou extérieur; son volume dépasse quelquefois celui du Bber extérieur (Apocynum vene- Lun). Tantôt il est disposé très-nettement en faisceaux (Beau- montia grandiflora, Vinea major), tantôt it forme une couche continue (sonia salicifolie, Tabernænontanaamygdalifolie), ou il remplit des dépressions laissées par le bois primaire (A lyxia Forsteri). n'est pas rare de rencontrer, dans le liber intérieur de cette famille, des supports particuliers servant à la protec- on des parties délicates : ainsi, dans le Cerbera Manghar, on trouve, entre le hber intérieur et la moelle, une multitude de cellules eristalligènes qui renferment des cristaux de même forme que le Hiber extérieur (voy. p. 194), et les cellules s’'apla- üssent par endroits de manière à former une sorte de paren- chyme corné qui sert évidemment à soutenir ce faisceau sailant. Rien ne distingue les Asclépiadées des Apocynées sous le rap- port du liber intérieur. Dans 'Hoya carnosa, 1 est beaucoup plus développé que le liber extérieur, et il est protégé contre la moelle par un parenchyme corné souvent très-fort. El en est de même du Séephanotis flaribunda (Structure plus irrégulière). L'accroissement se fait de la même manière, par la division ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 145 de toutes les cellules sans distinction ; mais, de même que dans les familles précédentes, il v à souvent un faux cambium dont j'aurai à parler bientôt. Au sujet de Pétude du liber intérieur, je citerai encore les Asclepias, Marsdenia, Arauja, Metaplexis, Periploca, Stapelia. Dans les Gentianées 1! y a un liber intérieur très-imtéressant. Dans le Gentiana asclepiudea, le biber mou intérieur est très- développé et consiste en tubes eribreux et en parenchyme; il est divisé en petits faisceaux par du tissu médullaire très-épaissi, au milieu duquel il forme de petits ilots. Il parait être plus im- portant que le über extérieur, qui devient collenchymatoïde. Dans l'Erythræa Centaurium, le Hber extérieur est également très-faible, tandis que l’intérieur l'emporte de beaucoup et se trouve contigu aux trachées, et présente, dans son tissu, de petits foyers de multiplication cellulaire très-nets. Dans ie Véllarsia nymphoides, il existe, au delà des trachées, un peu de parenchyme séveux très-différent du tissu fonda- mental, et auquel on peut appliquer ce qui a été dit à propos des Borraginées, et cela avec d'autant plus de vraisemblance, que le liber mou extérieur contourne fréquemment le faisceau de ma- mère à rejomdre précisément ce parenchyme séveux. Cependant je n’y ai pas découvert de tubes cribreux. Le Minyanthes trifoliata est dans le même cas. Ici ce n’est pas seulement du parenchyme séveux qu’on y trouve, mais aussi des fibres libériennes très-épaissies, absolument identiques avec les fibres libériennes extérieures et disposées en are autour de la partie interne du faisceau fibro-vasculaire. Ces fibres ne peuvent pas se confondre avec les éléments ligneux, qui ne sont presque pas Épaissis. Parmi les Serofularimées, je n'ai trouvé de véritable liber inté- rieur que dans le Brunsjelsia americana, où 11 se réduit à des faisceaux de hiber mou accolés au bois renfermant des tubes cribreux et du parenchyme libérien ponctué. Dans tous les autres oenres très-nombreux que j'ai étudiés, il n’y à autour des tras chées, qu'un peu de parenchyme cambiforme. Les Acanthacées présentent de très-grandes différences au 144 3. VESQUE. point de vue anatomique. Sans parler des Thunbergiées, qui sont si particulières, il n’y a pas en général de Hiber intérieur, sauf dans quelques rares espèces, telles que le Barleria cristata, où il est très-développé et forme une zone continue collenchyma- toide. Dans l'Acanthus spinosus, le cercle ligneux extérieur n’a rien de particulier; il ne possède que rarement quelques groupes de liber intérieur; mais plus vers le centre il y a, au nulieu de l’entre-nœud, quatre gros faisceaux fibro-vaseulaires tournant leurs trachées vers Pextérieur et formant du liber vers lin- térieur, à Paide d’un cambium situé entre le liber et le bois, et qui ne s'étend pas au delà des faisceaux. Ceux-ci possèdent sou- vent des paquets de liber mou dans le voisinage de leurs tra- chées ; entre ces faisceaux intérieurs et le cercle ligneux exté- rieur, il y a parfois d’autres faisceaux plus petits, confondant leurs trachées avec les premiers et tournant leur lhber vers l'extérieur. Les Euphorbiacées ne possèdent généralement pas de hber intérieur, mais il est très-développé dans le genre Croton (GC. punctatum, Tiglum). Jai déjà cité les Borraginées pour le parenchyme cambiforme qui entoure les trachées ; l'existence de ce parenchyme est très- répandue, et il n’est autre chose que du procambium passé à l'état permanent sans changer de nature ; dans quelques cas, comme Je crois Favoir montré, on pourrait le considérer comme du liber mou rudimentaire. On le voit souvent soutenu par du parenchyme corné comme, par exemple, dans le Melianthurs major (À). J'ai cité également les fibres libériennes mtérieures du Minyanthes trifoliata. L'argument le plus solde qui parle en faveur de cette manière de voir est la comparaison de ce genre aux autres Gentianées. On trouve une disposition semblable dans un assez grand nombre de plantes, mais à je n’ose pas me (1) Depuis la remise du manuscrit, j'ai observé une remarquable transforma- tion de ces éléments cambiformes en éléments ligneux. Cette observation con- firme la réserve avec laquelle je me prononce pour la nature libérienne de ce parenchyme, ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 145 prononcer âussi catégoriquement, et 1l serait peut-être prudent de ne pas définir de cette mamère les fibres qui donnent souvent au faisceau l'apparence d’un faisceau monocotylédoné (plusieurs Composées, Lappa). Dans les Protéacées (Hakea, Banksia), 11 existe, à l’angle interne des gros faisceaux, une ou plusieurs fibres très-diflérentes des éléments du bois, mais absolument semblables aux fibres libériennes et aussi précoces que celles-er. Elles prennent un fort développement dans la feuille, et c’est sur elles que repose le système de cellules épaissies qui con- stitue le squelette si curieux des feuilles de ces plantes. Sont-ce de véritables fibres Hibériennes ? IE B. Le liber de formation primaire s’accroit par un faux cambiun de formation postérieure. — Supposons que, dans le Hiber intérieur tel que je viens de le décrire, les cloisons nouvelles, au lieu d’être disposées très-rrégulièrement et de diviser indifféremment toutes les cellules du liber, s’orientent tangentiellement et se cantonnent de préférence dans la région externe de manière à déterminer un accroissement franchement centripète, nous aurons un tissu qui ressemblera beaucoup à un cambium, mais qui s'en distinguera par son origine, par l'irrégularité de ses fonctions et par son activité uniforme des deux côtés ou même tout à fait unilatérale ; on observe dans la nature tous les passages entre la multiplication irrégulière des éléments libériens et la formation de ce faux cambium; dans beaucoup des plantes citées plus haut il n’est pas rare de voir les divisions s’opérer parallèlement, et si je sépare ces deux cas, ce n'est pas pour établir une division scientifique, mais uniquement pour faciliter la description de tous ces faits. C'est dans les Solanées que nous trouvons les plus beaux exemples de cette nature. Dans le Lycium barbarum, le Hber intérieur ne renferme pas de fibres, mais il est très-volumineux, etil s’accroit de l'extérieur vers l’intérieur par un faux cambium bien caractérisé. Dans le Capsicum bicolor, le hber intérieur est beaucoup plus fort que le liber extérieur ; 1l est soutenu par quelques groupes de fibres placées à ses angles intérieurs, et se multiplie quelquefois par un faux cambium assez net et 6° série, Bor, T, Il (Cahier n° 3). ? 10 146 JS. VESQUE. souvent très-abondant. Dans le Solandre hirsuta, le faux cam- bium est parfaitement caractérisé ; à la limite interne du liber intérieur se trouvent d'innombrables fibres Hbériennes très- fortes, très-grosses, disposées généralement en petits paquets ordinairement ailongés dans le sens radial. Dans le Cynanchum monspeliacum et le Cerbera Manghus, j'ai constaté la même particularité : dans cette dernière plante surtout, eette zone génératrice est très-nette, et les divisions tangentielles donnent constamment naissance, de part et d'autre, à des éléments libériens; le faux cambium traverse les rayons médullaires, comme le fait le vrai cambium à l'extérieur. HN A. Le liber primaire où secondaire se trouve à la face interne ligneuse du bois, et ne se produit qu'une fois. — Dans le Goodenia ovata (pl. 40, fig. 4), on trouve dans la jeune tige un certain nombre de faisceaux disposés en cercle; mais bientôt cing de ces faisceaux s’enfoncent de manière à toucher, par l'extrémité de leur liber, à la face interne du eambium qui passe par-dessus tout ce faisceau en conservant ses propriétés ordi- naires, c’est-à-dire en formant du bois à sa face interne; le bois recouvre bientôt complétement le liber, qu’on retrouve fina- lement tout près des trachées, non loin de l'axe de la tige; il est composé de cellules grillagées et de parenchyme. Comme il n'existe que des fibres libériennes primaires, 1l en résulte que les faisceaux qui ont du liber près des trachées n’ont pas de fibres libériennes en dehors du liber extérieur. HE B. Le liber est primaire ou secondaire ; il se br'ouve à la face interne ligneuse du cumbium; il se reproduit à des inter- valles plus où moins réguliers. — Bans une Gentianée, le Chi- ronia linoides (pl. 40, fig. 3 et 4), on trouve à la face interne du bois quelques faisceaux de liber coniposés de cellules grilla- gées et de parenchyme, et dont toute la section ne dépasse pas celle d’une cellule médullaire. Le bois secondaire commence par des fibres; plus tard, il se forme un mélange de fibres et de vaisseaux ; entre ces deux zones, on trouve de distance en dis- tance de petits faisceaux de cellules à parois minces, cellulo- siennes, et de cellules grillagées de structure complexe, avec des ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 147 cloisons transversales obliques, marquées de trois ou quatre ponctuations grillagées superposées ; à en juger d’après les états les plus jeunes, plusieurs de ces éléments appartiennent à une mème cellule mère, qui s’est divisée par des eloisons fongitudi- nales en deux ou plusieurs parties inégales. Les systèmes des cellules sœurs correspondent exactement à la section des élé- ments ligneux voisins, et ne troublent nullement la régularité de structure du bois. Plus en dehors, par exemple à quatre ou six rangées de fibres de la première zone, le mème phénomène se reproduit, de sorte que tout le bois est parsemé de petits ilots de Liber, disposés suivant plusieurs zones concentriques. Il existe dans les Acanthacées plusieurs exemples de cette nature. Dans Hexacentris coccinea (pl. T1, fig. 2), on observe environ seize lames rayonnantes aliant de Pécorce jusqu'au bois primaire, et composées de couches alternantes de bois et de liber ; ces couches libériennes novées au milieu du bois sont chacune bien plus puissantes que le Liber extérieur ; elles sont composées de cellules grillagées et de parenchyme ; les rangées de cellules qui touchent au bois renferment celte même ma- üère granuleuse qui est connue dans les Bignoniacées, au con- act des lames Hbériennes et du bois. Dans le Thunberqia grandiflora, la structure de la tige est très-semblable à celle d'Hexacentris, sauf le nombre des lames. Îl se forme d’abord du Hiber comme dans Hexacentris : Pactvité du cambium est très-exaltée en deux endroits opposés, puis elle déeroit, et finit en mourant aux extrémités du diamètre perpen- diculaire au prenuer. D'abord le cambium engendre du liber, puis, à une certaine distance, à Pextérieur, du cambium, le tissu se différencie suivant une zone et devient du bois; mais le cambium situé au-dessous s'éteint, et il Sen développe un autre à la face externe du bois nouvellement formé, et ainsi de suite (4). Note sur effet physiologique de la position intérieure du liber . — La position intérieure du Hber a certainement pour premier (1) La formation de ces couches alternantes de bois et de liher mérite d’être étudiée avec soin. Je n'ai pas consacré à cette étude le temps qu’elle exige. 148 J. VESQUE. effet de protéger très-efficacement cette partie si importante de la tige. Nous voyons dans presque toutes les plantes ligneuses grimpantes, qu'on réunit sous le nom de Lianes, une disposition particuhère du hiber, qui contrebalance le danger qui découle de la longueur et de la faiblesse de ces tiges : on sait que la rup- ture du Hber en un point quelconque entraine la mort de outes les parties situées plus bas (Bignoniacées, Thunbergiées, Ménispermacées). Un exemple montrera qu'il v a véritablement, à ce pot de vue, une relation biologique entre la structure et la forme de la tige. Les Thunbergia sont des plantes grimpantes, et possèdent la structure que Je viens de décrire. Le Meyenia erecta, qui ne doit être considéré que comme un Thunberqia droit, n’a rien de semblable; sa tige est parfaitement normale. Parmi les plantes qui possèdent un hber intérieur, 11 y en a beaucoup de grimpantes, sarmenteuses, ete., comme Solanum Dulcamara, Lycium barbarum, Vinca, beaucoup d’Aselépia- dées, les Convolvulacées, les Cucurbitacées. On connait cependant beaucoup de plantes grimpantes ou sarmenteuses qui sont dépourvues de liber mtérieur, comme, par exemple, les Clématites, les Ampélidées, les Gélastrinées, les Aristoloches, etc. CHAPITRE IV. LE LIBER EXTÉRIEUR. LE. — Quand il ne s’agit que du hiber qui occupe la place ordi- naire, nous avons affaire à la partie du faisceau fibro-vasculaire située en dehors du cambium. La région externe du faisceau procambial se transforme directement en un tissu permanent, qui n'est autre chose que le fiber primaire; de même que sa partie interne se transforme directement en bois primaire, la région située entre ces deux parties extrèmes conserve indéfini- ment la propriété de diviser ses cellules, et d’engendrer en de- hors du liber secondaire, en dedans du bois secondaire. Les él6- ments libériens primaires qui apparaissent d’abord sont les fibres libériennes, quand elles doivent exister ; mais il se forme en __ ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 149 outre du parenchyme; quant aux cellules grillagées, elles n’exis- tent que rarement dans le Hiber primaire. Il se passe très-fré- quemment dans la formation du liber primaire un phénomène particulier dont l'explication n’est pas encore très-nette, quoi- que plusieurs auteurs s’en soient occupés avec beaucoup de soin. À l’état adulte, on trouve souvent les fibres hibériennes avancées jusqu'au milieu de l'écorce primaire et séparées par conséquent du liber mou par un tissu tout à fait semblable à celui de Pécorce primaire. On peut concevoir que dans certains cas où cette disposition n'est pas très-exagérée, les éléments d'origine procambiale puissent prendre la forme des cellules appartenant au tissu fondamental ; mais cette opinion devient inadmissible quand ce tissu est très-volumineux, et il est pro- bable qu’une partie de la zone génératrice, ou des faisceaux procambiaux, se sépare de la partie interne, et se dirige plus en dehors en subissant diverses modifications. Cela est notamment le cas dans les tiges qui possèdent, à une certaine distance du liber, une zone complète ou presque complète de fibres Hbé- riennes, Cas qui à été mentionné plus haut à propos de la gaine protectrice. ; La tendance du parenchyme libérien primaire à prendre la forme plus ou moins exacte des cellules de l'écorce primaire ressort nettement des exemples fréquents, où l’on observe sur la coupe transversale un passage insensible de l’une de ces parties à l’autre; l'illusion devient encore plus complète quand les fibres libériennes font défaut; mais généralement la eoupe radiale montre une démareation beaucoup plus visible, à cause de la longueur des éléments libériens. D'un autre côté, il arrive tout aussi fréquemment que le pas- sage de l'écorce primaire au liber, même en l'absence des fibres libériennes, se fasse très-brusquement. Ilest évident que, lors- qu'il y à une gaine Casparienne, la délimitation est toujours très-nelte; il en est de même quand il doit se former plus tard un périderme entre le liber et l’écorce primaire. IF à là, en un mot, bien des combinaisons, dont-on pourra d'autant mieux tirer part pour les diagnoses, que ces caractères sont d’une constance 190 J. VESQUE. remarquable dans le même groupe de plantes, Jen cite quel- ques-unes des plus importantes : 4. Anneau fibreux à une certaine distance du her mou, et séparé de celui-ci par un parenchyme semblable à celui de l'écorce primaire (Gueurbitacées, Berberis, Aristolochiées, ete.). 9. Fibres libériennes primaires séparées du liber secondaire par du parenchyme cortical primaire : «. Le parenchyme cortical primaire est séparé du iber par une ligne de démarcation nette. b. ya entre ces deux parties un passage insensible. 3. Démarcation nette entre l'écorce primaire et le hber : a. Avec des fibres. b. Sans fibres. 4. Passage insensible de l'écorce primaire au liber mou sans fibres. Voilà, si je ne me trompe, toutes les combinaisons théorique- ment possibles, et toutes existent dans la nature. I. — Maintenant que la place du Hber est bien détermmée, nous pouvons aborder l'étude des éléments qui le composent, Nous avons à distinguer avant tout les éléments essentielle- ment libériens, qui ne se trouvent nulle part ailleurs avec ces mêmes caractères : ce sont les fibres libériennes, les cellules crillagées, les cellules parenchymateuses Hibériennes, les cel- Jules cristalligènes. Viennent ensuite des organes composés où des éléments sé- créteurs qui ne sont pour ainsi dire qu'accidentels dans le liber: ce sont les laticifères, les cellules sécrétrices ordinaires, les glandes résinifères et les lacunes à gomme. Enfin, pour terminer cette étude anatomique, nous aurons à passer en revue les transformations que subissent les éléments du liber par les progrès de Page. Je résume cette division dans un tableau synoptique : ae protection..... Fibres Hibériennes. FÉERIES grillagées. | de nutrition. .....4 Parenchyme libérien. Cellules cristalligènes. A. Eléments essentiellement libériens : ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 151 Laticifères. NSimpless..rRe Cellules sécrétrices de di- B. Organes accidentels a eriT Du Glandes résinifères ou COMPOSÉS ,,,...,. oléifères. Lacunes à gomme. Sclérification. Parenchyme (prosenchyme) corné. C. Transformations que subissent les éléments du liber. A 1. Les fibres libériennes. Les fibres libériennes sont de longues cellules atténuées aux deux bouts, rarement un peu rameuses (Asclépiadées), qui peu- vent être primaires ou secondaires. Lorsqu'elles sont primaires, elles se forment déjà à une époque où Fentre-nœud est encore très-court, et pendant l'allongement elles s'aceroissent dans la même mesure. En outre, elles peuvent probablement s’accroitre plus activement en insinuant leurs extrémités entre les cellules voisines. Les fibres libériennes secondaires ont primitivement la longueur des cellules du cambium, et possèdent la propriété de s’accroitre d’une manière indépendante; il en résulte que les fibres Hibériennes primaires sont généralement plus longues que les fibres libériennes secondaires. Ilexiste cependant un certain nombre de plantes, que j'aurai à citer plus tard pour la régularité de leur liber, chez lesquelles la faculté de s’accroitre d’une manière indépendante est très- limitée dans les fibres libériennes, mais où ces éléments, st on ne les voyait pas sortir en première intention d'une cellule cambiale, pourraient être confondus avec des cellules scléreuses, par exemple dans une multitude de Gomposées (Sénécionidées et Eupatoriées), dans bien des Labiées, etc. Pour citer un exemple, nous voyons dans 'Artemisia camphorata que la ten- dance à l'accroissement indépendant est à peine marquée par de petites pointes aux deux extrémités des fibres. On a souvent pensé, et Schacht la décrit avec som dans Île Carica Papaya, que les fibres Hibériennes sont dues à la fusion des cellules, si toutefois elles ne sont pas des cellules simples. Quant à moi, je n’ai observé aucun cas de fusion de cellules. Le volume des fibres libériennes varie beaucoup; leur lon- 152 3. VESQUE, gueur est souvent très-grande, la largeur varie moins. Dans les Caprifoliacées (Lonicérées), où jai observé les plus larges, elle est d'environ 0"",13 (Leycesteria formosa).Les fibres Hbériennes épaississent leurs parois, qui apparaissent nettement stratifiées ; mais les transformations chimiques qu’elles subissent varient d'une espèce à l’autre : tantôt elles restent cellulosiennes, mal- oré l'épaississement (Linum); tantôt elles se lignifient compléte- ment (Phormiun) ou incomplétement (Cannabis), et c’est sur les différentes colorations que donnent Fiode et acide sulfu- rique que M. Vétillard a fondé un procédé d'analyse fort précis. Souvent on observe des réactions très-simgulières, comme, par exemple, une coloration: violette par l'acide chlorhydrique (1), rendue plus prompte par l'emploi simultané de Pacide phé- nique. Les fibres libériennes de beaucoup d’Apoeynées et d’As- clépiadées sont alternativement renflées et rétrécies. Les parois sont marquées de petites ponctuations arrondies ou en forme de fentes obliques (disposées suivant des spirales) ; ces ponetuations sont éparses, sans ordre, où elles sont disposées dans un certain ordre, sur les faces antérieures et postérieures par exemple (Vüts). Quant à la structure intime des parois, 11 faut citer les fibres marquées de stries spiralées dans les deux sens, dans les Apocy- nées et les Asclépiadées, dans le Leycesteria, le Linnæa borealis ; à ces stries obliques s'ajoutent quelquefois de fines stries trans- versales (Apocynum Venetum). I arrive dans quelques cas que les fibres libériennes, au lieu d’avoir une cavité continue, se cloisonnent, par exemple, dans la Vigne, etc. Les caractères tirés de la présence ou de Pabsence et de Par- rangement des fibres Hibériennes sont très-constants. Les voici : A. Absence des fibres libériennes. — La plupart des Valéria- nées et des Dipsacées, bien des Composées; la plupart des Cam- (1) Gertains bois donnent la même réaction : par exemple dans les Conifères, Salix, Populus, Prunus, etc. D’après M. Tangl, elle est due à la coniférime (GI6H208 EL 2 Aq). M. A. Wigand (Bot. Zeil., 1862, p. 122) considère cette matière comme voisine du tannin, et l'appelle € cyanogène ». M, R. Müller (Flora, 187%, p. 399) la prend pour un glycoside azoté. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 153 panulacées, les Lobéliacées ; la plupart des Rubiacées, des Loga- niacées, des Gentianées, des Zvgophyllées, Polémoniactes, etc. B. {n'y a que des fibres libériennes primaires. — x. Elles sont disposées isolément ou en petits groupes irréguliers (plu- sieurs pour un faisceau), comme dans la plupart des plantes her- bacées qui renferment des fibres hbériennes (les Solanées, Celastrus, ete.), ou en un seul faisceau pour chaque faisceau fibro-vasculaire (Vitex, Théophrastées, Betula, beaucoup de Composées, ete.). 6. Elles forment une zone aplatie à la lmite du liber (les Térébinthacées, Bursera, quelques Éricacées) . C. Il y «a des fibres libériennes primaires et secondaires. — Les fibres libériennes sont disposées par zones régulières alter- nant avec du liber mou (Lyonia, Vitis, Malvacées, Tiliacées, Méliacées, Fontanesia, ete.), ou par groupes eux-mêmes dispo- sés par zones (Sapotées, Bignoniacées, Chêne, Peuplier, etc.). Enfin les fibres libériennes secondaires peuvent être irrégu- lièrement mêlées aux éléments du liber mou, et, chose étrange, cette disposition coïncide souvent avec la résistance extrème des fibres libériennes [Morées (Broussonetia), Daphne, Coleonem«, Eriostemon). Ce ne sont pas là toutes les dispositions possibles ; la section du faisceau de fibres hibériennes primaires peut présenter des configurations diverses qu'il est mutile d'énumérer et, mais qui sonttrès-constantes dans la même espèce : par exemple un crois- sant concave vers l'intérieur (Glematis), une ellipse ou une forme de biscuit à grand diamètre radial, etc. Tous les caractères des fibres libériennes indiquent que ce sont des organes de protection. Dans un travail récent, on les considère comme les organes destinés à protéger la plante contre les effets nuisibles de la traction, et auteur s'appuie sur ce que les fibres libériennes s'arrêtent à chacun des nœuds des tiges articulées, ainsi que M. Decaisne l’a reconnu depuis longtemps chez le Gui (1). (1) J. Decaisne, Mémoire sur le développement du pollen, de lovule, et sur la structure des tiges du Gui, 1839, pl. HI. 154 3. VESQUE. [Il est assez rare que les fibres Hihériennes renferment des ma- tériaux utilisables (amidon) ; le plus souvent, quand il y à un contenu visible, c’est une matière colorante. Dans certains cas cependant il n'est pas douteux qu’elles ne servent à la transmis- sion des sucs, comme dans la Vigne, par exemple. Quelquefois elles sont même à peine épaissies, quoique lignifiées (Goleo- ñnema). D'autres fois la mortification opère bien vite, et Pon voit souvent les fibres libériennes éliminées de Péconomie par un périderme qui se forme autour du faisceau de fibres (Argama africana, Sapotée) (D). Enfin, quand les fibres libériennes manquent, nous les voyons souvent remplacées par un tissu très-solide d'une autre nature (liber mou collenchymatoide, prosenchyme corné), que nous décrirons bientôt. À 2. Les cellules grillagées. Il existe, dans le liber, deux éléments différents destinés à effectuer le transport des matériaux élaborés : ce sont les cel- lules grillagées et les cellules parenchymateuses. Ces dernières peuvent remplacer les cellules grillagées d’une manière com- plète dans le jeune âge. En effet, j'ai dit plus haut que le hber primaire ne renferme généralement pas de cellules grillagées, et M. Th. Hartig (2) pense que le tissu cribreux est déjà capable de conduire les principes élaborés quand il est encore à état cambial; il la prouvé en annelant incomplétement un rameau, et en préservant la plaie de la dessiecation par un manchon de verre. Î faut conclure de cette observation, qu'entre un tissu cambiforme ou parenchymateux délicat (mème permanent) (3), sans perforation, et un issu cribreux très-développé, il y à une similitude parfaite de fonctions, et que la seule différence réside dans lintensité du phénomène. Dans les plantes placées plus bas sur Péchelle végétale, la distinction de ces deux élé- ments, cellules grillagées et parenchyme Hbérien, est beaucoup moins nette : dans les Gryptogames vasculaires il n’y a pas de (1) Ce phénomène n'est probablement pas constant. (2) Bot. Zeit., 1863, p. 287. (3) Voyez le liber intérieur purement parenchymateux. Ce tissu peut sans doute jouer le rôle du liber d’une manière plus ou moins parfaite. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 155 cellules grillagées ; dans les Monocotylées, elles sont à peine ébauchées et se distinguent mal dans ce tissu cambiforme auquel Mohl avait donné le nom de tissu conducteur. Dans les Gymnospermes enfin, elles ont un caractère d’infériorité ma- nifeste; les cloisons transversales, si compliquées et si impor- lantes dans les Picotylées, font défaut dans les Gymnospermes, quine présentent que des cellules atténuées aux deux bouts. Dans toutes les Dicotylées observées ad hoc, j'ai trouvé des cellules grillagées, éléments qui se distingnent des cellules pa- renchymateuses par leur structure anatomique et par une diffé- rence assez visible dans les fonctions physiologiques: les cellules parenchymateuses servent généralement, en hiver, à emmaga- simer de Pamidon, tandis que les cellules grillagées n’en ren- ferment que des quantités minimes (1). Après avoir établi cette distinetion importante et montré la parenté évidente de ces deux éléments, je puis passer à la des- cripüon des cellules grillagées. M. Hanstein (2) compare les cellules grillagées aux cellules laticifères. Ce rapprochement, explicable à l'époque où le mé. moire de M. Hamstein à ét6 publié, ne Fest plus maintenant; il ny à absolument aucune analogie entre ces deux organites, et S'il faut rapprocher les laticifères de quelque autre élé- ment, ce sera, Comme le fait M. David (3), des cellules sclé- reuses. Selon toutes les apparences, les laticifères sont des cel- lules sécrétrices qui ne servent nullement au transport des matériaux élaborés, et le latex qu'elles séerètent est comparable à la résine produite dans les cellules résinifères de PAbies peclinala. Les cellules grillagées sont des éléments essentiellement libé- riens, morphologiquement équivalents aux fibres libériennes, c’est-à-dire procédant des cellules cambiales sans division secon- daire et caractérisées par la structure particulière de leurs eloi- sons transversales. (1) G. Briosi, Bot. Zeit., 1874. — Mohl, Einige And., etc. @) Uber die Milchz. und d. verwandten Org. der Rinde. (3) Loc. cit., R. Müller, Die Rinde unserer Laubhôlzer, p. 12. 156 J. VESQUE. A l’état parfait, ces cloisons se sont toujours montrées percées d’un certain nombre de petits trous, de sorte que toutes ces cellules superposées sont en communication. Jusqu'où s'étend cette communication? Je ne saurais le dire, mais j'ai de fortes raisons pour croire qu'elle ne va pas au delà des nœuds. Le fait de la perforation de ces cloisons a été observé depuis longtemps; mais, sur lautorité de H. von Mohl, 1l à été repoussé par la plupart des botanistes. I faut avouer, en effet, qu'avec les idées reçues sur la vie de la cellule, l'était difficile d'admettre une libre communication entre une série de cellules vivantes remplies de plasma. La démonstration de la perforation s’est toujours faite sur les Cucurbitacées, dont les cellules grillagées sont en effet énormes. Pour reconnaitre cette perforation, on traite la coupe radiale par l'acide sulfurique et liode; la cellulose se colore en bleu, puis elle se dissout, tandis que le protoplasma se colore en jaune brun ; on voit alors de minces filaments passant à travers la membrane horizontale relier entre eux les deux contenus protoplasmiques. M. Briosi (1), qui s’est récemment occupé avec beaucoup de soin de cette question, constate la perfora- tion partout où il l’a cherchée. Jai voulu à mon tour m'en rendre compte, et je suis arrivé à la même conclusion. Mais au lieu d'acide sulfurique et d’iode, je me suis généralement servi de chloroiodure de zinc, qui conserve la cellulose en la colorant en bleu. L'une des faces, ou les deux faces de la cloison transversale sont recouvertes d’une masse incolore souvent très-épaisse, étroitement appliquée sur le réseau cellulosien perforé de ma- nière à dépasser les bords des perforations, qui se trouvent ainsi rétrécies ; dans les perforations mêmes, les deux masses supé- rieure et inférieure (pl. 9, fig. 7 B,C) se rejoignent etnelaissent, pour le passage du plasma, qu'un étroit canalicule. Quand on fait une coupe horizontale (ce qui n’est pas chose facile) à tra- vers toute cette masse dans le Broussonelit papyrifera, et qu'on (1) Briosi, loc. cit. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 157 la traite par le chloroïodure de ze, on voit le réseau cellulosien à larges mailles se colorer en bleu (pl.9, fig. 7 B), et au milieu de chaque maille un point jaune représente la section du fila- ment protoplasmique. Sur une coupe oblique, dans le liber de la même plante, on voit facilement le réseau traversé par les fins prolongements (pl. 9, fig. 7 A) de la masse protoplas- mique située au-dessous. Quelle est cette matière ? Aucun réacüf ne la colore ; elle est insoluble dans l’eau, gonflable et soluble dans les alcalis, très- réfringente : c’est elle qui empêche de voir les grillages ; il faut alors traiter la coupe par la potasse caustique. Sa consistance est cornée, au moins à un certain âge. Les premiers auteurs l'ont prise pour un épaississement cellulosien ; on peut objecter à cette manière de voir qu’elle ne donne, à aucun âge, les réac- lions caractéristiques de cette matière. M. Nægeli admet que c’est une sécrétion, et je me range tout à fait de son côté. Il n’est pas rare de la trouver hypertrophiée dans le Cucurbita Pepo. Elle remplit alors presque toute la cavité cellulaire sans adhérer aux parois latérales ; aucune trace de stratification n’est visible ; la matière en est dure, cornée, et se coupe au couteau, en for- mant des zones caractéristiques semblables à celles que donne le caoutchouc coupé avec un couteau qu'on a préalablement trempé dans l’eau. Cela n’indique-t-il pas que cette matière est élastique ? Ses propriétés physiques et chimiques se résument donc ainsi : matière de consistance cornée, élastique, très-réfrin- gente, hyaline, sans structure ; imsoluble dans l’eau, gonflable et soluble dans la potasse; incolore dans le chloroiodure de zine et dans l'acide sulfurique et l’iode. Les botanistes allemands ont fini par adopter, pour ces singulières plaques, le nom de «plaques des eribles » (Siebplatten), expression qui ne peut pas se traduire en français. M. Hanstein les appelle « plaques cal- leuses »; mais il serait préférable de leur donner un nom qui n’indiquàt que leur position, sans tenir compte de leur forme, trop variable, ou de leur nature encore mal connue. Voyons maintenant, pour insister un peu sur cette question 158 JF. VESQUE. importante, de quelle manière les deux cellules superposées sont séparées dans le cas le plus distinct. Au milieu se trouve la cloison cellulosienne, dont il ne reste qu'un réseau à mailles plus ou moins larges (pl. 9, fig. 7 À, B) ; surles deux faces de ce grillage s'appliquent les deux plaques mcolores (pl 9, fig. 7 C), qui ne laissent, pour chaque maille, qu'un trou très-fin, et en remplissent elles-mêmes le reste, en se soudant entre elles. Les protoplasmas des deux cellules se relient à travers ces trous ; immédiatement au contact de a plaque calleuse. ils changent un peu de consistance ; ils dureissent, et il n’est pas rare de les y voir constituer de véritables membranes protoplasmiques à double contour. Jamais 1 n'existe de perforation avant que la plaque calieuse soit formée, mais celle-er ne dure pas imdéfini- mept; au bout d'un temps plus ou moins long, elle parait se résorber, et alors, à mon avis, la cellule grillagée à fini de jouer son rôle: elle fait partie du squelette libérien, soit en se selé- vifiant, soit en s'aplatssant et en formant du prosenchyme corne. J'ai observé exactement de la mème façon les cloisons gril- lagées plus compliquées de beaucoup d'autres plantes, celles du Chène, par exemple, et je suis arrivé exactement aux mêmes résultats. Les parois longitudinales Tatérales (tournées vers Les rayons médullaires), ou rarement les parois antéro-postérieures, sont également pourvues de ponctuations orillagées recouvertes de plaques calleuses; je n'ai jamais trouvé la membrane cel- lulosienne perforée en ces endroits, et aucun auteur, à ma connaissance, n'avance un fait semblable. Quelle peut être maintenant le rôle de ces eloisons perforées garnies d'un appareil si compliqué? Autrefois, et jusqu'à Hugo Mohl inclusivement, on n'avait pas remarqué la petite quantité d'amidon qui se trouve dans ces éléments, et l'on avait cru trouver x un eritérium absolu pour séparer les cellules grillaz oées du parenchyme libérien ; on avait 616 amené ainsi à les regarder comme Îes organes de transport des matières albu- minoides, transport mécanique direct où transport par diffu- Sion : mais, sur Ce point, les avis étaient partagés. Depuis la ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 159 découverte de amidon dans les cellules grillagées (4), on s’est beaucoup occupé de cette question importante; cependant il faut avant tout que je dise à quel état Pamidon s'y trouve. Quand on traite une cellule grillagée par l’eau iodée, on voit généralement, aux deux extrémités, ou à une extrémité seule- ment, le contenu se colorer en bleu, comme s’il y avait de lempois d’amidon ; généralement de très-forts grossissements permettent de voir des granules d’une finesse extrême ; mais il arrive assez fréquemment qu'on observe des grains plus gros, et quelquefois sensiblement plus gros que les perforations. Néanmoins MM. Kraus et Briosi, et avec eux beaucoup de botanistes, croient devoir admettre le passage direct et régulier des grains damidon solides d’une cellule à l'autre. Après s'être assuré que l’amidon des cellules grillagées du péuole de Sparmannia africana (Tiliacée) occupe la partie su- périeure des cellules grillagées au-dessous des cloisons trans- versales, M. Kraus l’a retrouvé dans la partie inférieure des cellules, au-dessus des cloisons transversales, après avoir pressé re le pétole entre les doigts. Notons que la position de l’amidon dans les cellules grillagées n’est pas constante, et que M. Kraus en a sans doute déterminé la position sur un pétiole autre que celui qu'il a écrasé entre les doigts. En tout cas, cette expé- rence indirecte est trop imparfaite pour résoudre une question aussi importante ; il faudrait observer directement le passage d'un grain danidon à travers les pores. M. Briosi croit avoir vu une fois un grain d'amnidon engagé dans un pore; mais cet auteur lui-même ajoute peu d'importance à cette observation, et c'est surtout par d’autres considérations que M. Briosi arrive finale- ment à admettre la circulation des grains d'amidon. Voici enfin les raisons que j'ai à opposer à cette doctrine : 1° Je n'ai jamais vw, et personne n'a jamais vw un grain d’amidon solide passer d’une cellule dans une autre à travers les cloisons transversales normalement conformées des cellules grillagées. (1) Briosi, loc. cit. 160 3. VESQUE. 2 Quelquefois ces grains sont plus gros que les perforations des plaques calleuses (Villarsia). 3 S'il y a véritablement circulation d'amidon solide, pour- quoi ne la voit-on pas? L'influence du rasoir ne peut pas Pavoir arrêtée d’une manière si absolue, puisqu'elle n'empêche pas les mouvements du protoplasma. 4 Si ces ouvertures existent pour laisser passer des corps solides, pourquoi sont-elles si fines ; tandis que celles des vais- seaux ponctués du bois, beaucoup plus grandes, ne laissent passer que des liquides”? elles pourraient être beaucoup plus crandes sans que les cloisons refusassent de soutenir parfai- tement le protoplasma. »° Siles cellules grillagées sont des organes de transmis- sion d'amidon, pourquoi en renferment-elles si peu, qu'on est resté plusieurs années sans voir ce phénomène ? 6° Cette théorie ne rend aucun compte des plaques cal- leuses, qui ne seraient au contraire qu'un véritable empèche- ment. 7° On sait, depuis Th. Hartig, que le tissu cambiforme rem- place très-bien les cellules grillagées. Les tubes cribreux des Monocotylées ne sont peut-être pas percés, el il n°y en à pas dans les Cryptogames vasculaires, ce qui n'empêche pas ces plantes dattemdre de grandes dimen- SIOns. Ces raisons, qu'on pourrait multiplier encore, me font croire, jusqu'à nouvel ordre, que les cellules grillagées n’effectuent nullement le transport d’amidon solide, mais que cette petite quantité d'amidon s'y est développée de la mème manière que dans toutes les cellules parenchymateuses, et qu'elle se con- somme sur place, probablement pour les besoins de la respira- tion, qui doit être très-active dans ces petits organes, à cause du travail énorme qui sv fait. Je pense que la transmission des matériaux élaborés s'opère 1c1, comme partout ailleurs, par diffusion physiologique, et qu'il n°y a mème pas de mouvement de protoplasma d'une cellule à Pautre. Les plaques calleuses me semblent être des organes d'absorption puissants, et les ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 161 connexions protoplasmiques me paraissent devoir servir à un travail absolument inconnu jusqu'à ce jour. Différentes formes de cellules grillagées. — On peut distin- ouer, parmi les cellules grillagées, deux formes assez bien sé- parées, savoir : celles dont les parois transversales sont sensible- ment horizontales ou peu obliques et marquées d’un seul erible uniforme, et les cellules dont les parois transversales sont plus ou moins obliques et marquées de plusieurs ponctuations gril- lagées, régulièrement superposées comme les ponetuations d’un vaisseau scalariforme, et dont chacune a ses plaques calleuses (pl. 9, fig. 8). La premuère de ces formes à reçu plus spécra - lement le nom de tube cribreux, la seconde celui de cellule grillagée proprement dite. Les tubes cribreux sont souvent dépourvus de ponctuations grillagées sur les parois longitudimales, mais les exceptions à cette règle, si règle 1l y a, ne manquent pas et se présentent tout de suite dans la plante où ils ont été découverts. Cependant, lorsque les ponctuations latérales existent, elles revêtent un autre caractère que dans les cellules grillagées proprement dites ; elles sont arrondies et isolées, tandis que les cellules gril- lagées ont presque toujours leurs parois couvertes de ponctua- tions grillagées triangulaires ou transversalement rhomboïdes, qui laissent entre elles des interstices réticulés avec une élégance surprenante. Dans tous les cas, les grillages où cribles laté- raux sont infiniment plus fins que ceux des parois transver- sales (1), et quand 1l existe des ponctuations criblées sur les faces longitudinales antérieures et postérieures, elles se pla- cent, par leur finesse, entre les deux autres (exceptionnellement dans le Bouleau). Le tube cribreux typique existe dans les plantes herbacées. Quand on examine le Hiber extérieur ou intérieur d’une plante herbacée quelconque (on peut recommander de préférence les Cucurbitacées, les Convolvulacées, les Solanées, etc.), on (1) Mohl, Loc. cit. 6e série, BoT. T. IT (Cahier n° 3). 3 11 162 J. VESQUE. voit avant tout les cloisons transversales avec leurs plaques calleuses très-épaisses dessinant de petits traits transversaux ; ces cellules cribreuses sont exactement superposées et forment un tube interrompu à intervalles réguliers par ces cloisons percées; ces dernières dépassent généralement la largeur moyenne des cellules, de sorte que le tube est renflé aux arti- culations. Quand on traite la coupe par un réactif qui contracte le protoplasma, on voit nettement que Putricule primordiale reste distendue sur les plaques calleuses, tandis qu’elle s’affaisse et se rétrécit au milieu. Les variations que présente celte forme des cellules grillagées sont très-faibles et peu nombreuses ; nous les trouvons ainsi conformées dans presque toutes les plantes herbacées, à quelque famille qu'elles appartiennent. I n'y a cependant pas une séparation très-nette entre ces deux formes, car on trouve des grillages transversaux simples dans des cellules grillagées dont les parois longitudinales ont tous les caractères des formes les plus compliquées, et en gé- néral les tubes cribreux des plantes ligneuses, et surtout des arbres (Olémées, Morées, Faqus), se distinguent par leurs formes massives et leurs grillages très-largement réticulés, qui ressem- bient souvent à de véritables réseaux suspendus au travers de la cellule (Morées) et par lobliquité des cloisons. La cloison transversale des tubes cribreux est rarement plane ; elle est généralement concave, et la concavité est sou- vent tournée vers le haut. Avant de citer des exemples, remarquons que la forme des cellules grillagées parait dépendre de plusieurs points différents, qui sont d'abord, la tulle de la plante : les grandes plantes ont souvent, mais pas toujours, des cellules grillagées plus compliquées que les plantes de petite taille; les plantes vivaces ont des formes plus compliquées que les annuelles, les plantes lisneuses que les herbacées ; l’affinité, quoique subordonnée à la première cause, ne manque pas d'exercer une certaine influence ; enfin il y a des causes qui m'échappent compléte- ment, et qui me semblent être des bizarreries. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 163 Pour montrer l'influence de la taille, ete., je n'ai qu'à rap- peler que les plantes herbacées n'ont que la forme la plus simple, les tubes cribreux (Gampanulacées, Composées, Sola- nées, Convolvulacées, Labiées, etc., etc.). Les Asclépiadées nous fournissent un exemple très-mstructif: dans les espèces ligneuses, telles que le Periploca greca, ete., les cellules grillagées sont très-développées ; les parois trans- versales, très-obliques , sont marquées de 3-5 grandes ponctua- tions grillagées superposées; les parois latérales sont littéra- lement couvertes de grandes ponctuations criblées arrondies et divisées en segments de formes variables par des bandes unies. Dans lAsclepias Cornuti, dont la tige est annuelle, les cellules grillagées sont très-simples; les parois transversales sont horizontales ou légèrement inclinées, un peu concaves, marquées d’une seule ponctuation grillagée couverte d’une plaque calleuse très-développée; elles renferment un nombre assez considérable de granules d’amidon. Le Marsdenia erecta vient se placer, pour la forme de ses cellules grillagées, entre les deux; dans cette plante on trouve des cellules grillagées à cloisons transversales obliques marquées d’un ou de plusieurs grillages superposés (1-3). Dans le Chi- ronia linoides, de la famille des Gentianées, J'ai également trouvé côte à côte des cellules grillagées simples et compliquées à 3-4 grillages superposés. Dans l’Ailantus glandulosa, qui est un grand arbre, ce sont de très-simples tubes cribreux; les plaques calleuses sont hémi- sphériques, de manière que les deux plaques qui appartiennent à la même cloison transversale forment une sphère très-réfrin- gente coupée en deux par le grillage. Dans les Caprifoliacées, moins les Sambucus, elles sont assez simples : 2-4 grillages superposés sur les cloisons transversales obliques, et ces cellules sont souvent mêlées à des tubes cribreux à cloisons obliques (Leycesteria). Dans le Diervilla japonica, 1 ne parait y avoir que des tubes cribreux à cloisons horizontales ou plus où moins obliques ; les plaques calleuses y sont souvent extrêmement développées, aussi hautes que les cellules sont larges. 164 J. VESQUE. Dans l'Ekebergia capensis, les cellules grillagées sont com- pliquées ; dans le Carapa touloucana, elles sont ordinairement simples; dans l'Evonymus europæus. elles sonttrès-compliquées (7-15 grillages superposés !. Dans Celastrus scandens, elles sont simples ; dans le Vitis vinifera, elles sont compliquées ; dans le Cissus orientalis, elles sont simples ; dans POlea et Fontanesin, elles sont simples. Dans le Citrus Aurantium, elles sont tantôt simples, tantôt composées ; dans le Fagus, elles sont simples ; dans les Quercus, elles sont composées ; dans les Morées elles sont simples. Ces exemples suffisent pour montrer combien la forme de ces éléments varie sous l'influence des diverses causes con- nues où inconnues. Les formes les plus complexes se rencontrent dans les Ara- acces, les Célastrinées, les Sambucées ; viennent ensuite beau- coup de nos arbres : le Chêne, le Peuplier, le Bouleau, le Poirier, le Tilleul, les Bignoniacées, la Vigne, le Platane, etc. Formation et accroissement. — Jai échoué jusqu'ici dans l'étude de la formation des ponctuations grillagées, et je doute qu'il v ait là des choses importantes à découvrir. Les cloisons transversales grillagées sont Les parois transversales primitives du üssu cambial (1). L'inclimaison plus où moins grande (les parois transversales des cellules cambiales sont déjà obliques) de ces cloisons dépend souvent en grande partie des rayons médullares; quand ceux-e1 sont larges relativement à leur hauteur, les cellules grillagées superposées décrivent des courbes onduleuses autour du parenchyme des rayons médullares, et (1) Il y a peut-être des exceptions où une cloison formée plus tard prend les mêmes caractères. On voit souvent dans le Broussonetia papyrifera des segments tellement courts, qu’on à de la peine à croire que la cellule à pu se déformer à ce point. Il n'est pas impossible, et peut-être même pas très-rare, que les cellules gril- lagées ne se caractérisent qu'après la division longitudinale de la cellule qui doit les former. Cependant ce n’est pas le cas ordinaire. Quand il y a des divisions secondaires dans le jeune liber, on distingue nettement des cellules grillagées sur la coupe transversale par leur fort diamètre, comme cela se voit d’une manière très-caractéristique dans le Cinchona, et à un degré moins marqué dans presque toutes les plantes à liber irrégulier. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 165 elles sont séparées par des cloisons très-obliques et même ver- ticales, mais il n’en est pas toujours ainsi : dans la Vigne, par exemple, les cloisons sont presque verticales, et les rayons mé- dullaires ont la même épaisseur sur toute la hauteur. Au jeune âge elles sont presque horizontales, les cellules grillagées ont toutes la même hauteur, et les plaques calleuses se juxtapo- sent si exactement, qu'elles simulent des planchers non inter- rompus très-étendus et régulièrement superposés : c’est ce qu'on voit facilement quand on fait une coupe tangentielle dans le voisinage du cambium sur un jeune rameau de Saule (Salix viminalis). Gette régularité peut persister, comme par exemple dans les nombreuses plantes dont le liber est très-régulier : Artemisia et genres voisins, Lavandula, Gheiranthus, ete. Dans le Clematis Vitalba, la régularité est si grande, qu'on aperçoit, à l'œil nu, sur une coupe radiale, des lignes blanches horizontales qui ne sont autre chose que l’ensemble des gril- lages juxtaposés à ‘la même hauteur. Dans la plupart des cas il arrive cependant que les éléments libériens doués d’un accroissement imdépendant glissent et s’in- simuent les uns entre les autres de manière à troubler tout à fait cet ordre. Il ne reste qu'un mot à dire sur la structure des parois lon- gitudinales des cellules grillagées : presque toujours elles sont homogènes; quelquefois elles sont très-nettement striées trans- versalement, comme dans le Chêne (Quercus pedunculata, pl. 9, fig. 8); d’autres fois on observe, dans épaisseur de leurs parois, des nodules qui se colorent par le chloroiodure en bleu plus intense que le reste de la paroi (Robinia Pseudoacacia). Distribution des cellules grillagées dans le liber. — Le hber primaire manque presque toujours de cellules grillagées. Quand il n’y à pas de fibres libériennes secondaires, les cellules gril- lagées sont le plus souvent uniformément mélangées aux cel- lules parenchymateuses. Quand le liber est divisé en zones par des fibres libériennes secondaires, elles sont très-fréquemment cantonnées dans la région mterne de chaque zone. 166 J. VESQUE. Pour les modifications que subit le tissu grillagé, voyez Sclérification et Prosenchyme corne. A 9. Le parenchyme libérien. Les cellules parenchymateuses libériennes secondaires sont toujours le résultat de la division transversale des cellules cam- bixles ; elles sont donc pour le liber ce que le parenchyme ligneux est pour le bois (1). Quant à la formation du parenchyme Hbérien, il faut distin- ouer deux formes de Hber : 4° Le diber régulier. — Les cellules du cambium se divisent d’une manière invariable pour former le parenchyme libérien ; elles restent mdivises pour former les cellules grillagées et les fibres; une fois sorties du cambium, elles ne se divisent plus, et s'il n'intervient pas une cause d’une autre nature, on voit sur la coupe transversale les éléments rangés avec beaucoup d'ordre en files radiales. | En faisant une coupe radiale dans le hiber mou du Clematis Vitalba, on voit des cellules grillagées de la même hauteur que les cellules cambiales, à grillages simples obliques, pourvues quelquefois de grands eribles latéraux arrondis. À côté de ces éléments, deux cellules parenchymateuses, qui ont exactement la moitié de la hauteur des cellules grillagées, se superposent avec une régularité pariaite; toutes les cloisons secondaires qui se sont formées divisent les cellules cambiales en deux parties égales superposées. Parmi les Composées, nous retrouvons cette structure dans les Sénécionidées (Kleinia, Artemisia, Pyrethrum, Verbesinu, Helianthus, ete.) et dans les Eupatoriacées. Les cellules cam- biales, les cellules cribreuses etles fibres Hbériennes secondaires (quand il y en a), ont la même longueur; les cellules parenchy- mateuses sont deux fois plus courtes. Un grand nombre de Labiées sont dans le même cas. 2 Le liber irrégulier. — L'irrégularité du Hber tent presque (1) Comparez A. B. Frank, Bot. Zeit., 1864, p. 388. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 167 toujours à deux causes différentes, mais concomitantes : d’a- bord les cellules cambiales, en se divisant transversalement pour donner naissance aux cellules parenchymateuses, ne suivent aucune lo! régulière. Dans la Vigne, qui peut servir de passage du type régulier au type irrégulier, par absence des divisions secondaires, les gril- lages, les terminaisons des fibres libériennes secondaires et des systèmes de cellules parenchymateuses (cloisons transversales primitives), sont bien encore situés au même niveau, mais pour former le parenchyme, la cellule cambiale s’est divisée en un nombre variable de compartiments. La deuxième cause est la division longitudinale et transversale des éléments déjà sortis du cambium ; ces divisions secondaires troublent l’ordre des cellules, et en s’ajoutant à l’irrégularité de la division des cellules cambiales, elles forment le liber le plus irrégulier possible. M. Frank (1), le premier, à sérieusement rendu attentif à ces phénomènes dans le Chêne. Pans le jeune liber, on reconnait très-bien encore les systèmes de cellules qui correspondent à la section d’une cellule cambiale, grâce à l’ordre avec lequel ces éléments sont disposés. La cellule primitive se divise le plus souvent par des cloisons longitudinales obliques sur un plan radial, et qui en enlèvent pour ainsi dire les angles ; il y en a dans la mème cellule une, deux ou plus. Toutes ne subissent pas ces divisions secondaires. Dans les Morées, certaines cellules, situées à deux ou trois assises du cambium, se divisent, par des parois longitudinales courbes, en deux, trois, quatre, éinq et même six cellules, et ces petits foyers de multiplication donnent au jeune liber de ces plantes un aspect tout à fait caractéristique. D'abord les cloisons secondaires se distinguent par leur délicatesse ; mais cette par- ticularité s’efface bientôt, et l’on ne peut plus retrouver l’ordre primitif. C’est la formation de ces cloisons secondaires qui con- stitue ce que j'ai appelé plus haut l'accroissement par intercala- tion. par opposition à l'accroissement régulier, par un cambium. (1) Loc. cit. 168 J. VESQUE. Dans le liber si régulier des lames qui s'enfoncent dans le bois des Bignoniacées, comme dans le Fridericiu speciosa, par exemple, l’ordre dans la disposition des éléments ne se trouble pas facilement ; les éléments libériens sont disposés en files radiales très-nettes, et les divisions secondaires se trahissent jusque dans les zones les plus anciennes du liber. Les exemples de liber irrégulier ne manquent pas, c’est le cas le plus fréquent; mais je ne puis n'empêcher d’en citer encore un où ce genre de formation arrive à une complication extrème : c’est le Cinchona officinalis. Le liber commence brusquement sans fibres primaires (4). Le liber mou possède une structure extrèmement remarquable par l'abondance des foyers de multiplication secondaire. Les rayons médullaires se- condaires sont très-nombreux ; leurs cellules conservent la lar- geur des cellules cambiales, etils laissent entre eux encore deux rangées radiales de cellules appartenant au véritable liber mou. Les tubes cribreux restent très-larges ; mais les cellules qui doivent former du parenchyme libérien se divisent par des cloi- sons sensiblement longitudinales, tangentielles, radiales ou obliques, en un grand nombre, jusqu'à huit ou même dix cel- lules, de manière à former un üssu d’un aspect tout particulier. hauteur, une fraction constante de la cellule cambiale ou de la cellule grillagée), Clematis, Artemisia. La cellule parenchymateuse représente une fraction variable de la hauteur de la cellule cambiale, et ce caractère Ro RM est accompagné de divi-[n’est pas accompagné de di- sions secondaires dans| visions secondaires dans le jeune liber. le jeune liber. Type intermédiaire entre le liber régulier et le hiber irrégulier. La cellule parenchymeteuse représente, par sa ‘régulier. | \ Liber secondaire \irrégulier. (1) Beaucoup d'auteurs ont pris pour des fibres libériennes les cellules sclé- reuses, qui peuvent en effet s’en rapprocher par leur aspect, mais dont un examen attentif découvre la véritable nature. Les cellules scléreuses sont de nature essentiellement secondaire ; le jeune liber du Cinchona officinalis ne renferme aucune trace d'éléments épaissis, tandis que la vieille écorce du com- ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 169 Caractères extérieurs des cellules parenchymateuses libe- riennes. —.Les parois antérieures et postérieures, c’est-à-dire tangentielles, sont lisses ; les parois transversales sont simple- ment ponctuées ou réticulées ; mais les parois latérales, tournées vers les rayons médullaires, sont toujours ponctuées, même quand les parois sont très-minees. Ces ponctuations ne sont ce- pendant pas toujours très-visibles, ce qui tient à ce que leurs bords ne sont pas nettement arrètés, et qu’elles ne constituent que des places amincies qui se perdent insensiblement sur les bords. Sur la coupe tangentielle, on voit alors les parois des cellules parenchymateuses sous la forme de lignes alternative- ment renflées et amincies (Fraxinus, Ulnus, Acer, Paulowni«, Vins, Nerium, Daphne, etc., etc.). Nous pouvons distinguer dans ces ponctuations deux types assez nets : a. Les ponctuations sont allongées transversalement, cou- vrent une grande partie de la largeur des cellules, et se super- posent avec la régularité des vaisseaux scalariformes ; elles sont d'autant plus marquées et plus profondes, que les cellules sont plus épaissies. En se dégradant, elles ne forment plus qu’une file verticale de ponctuations arrondies, souvent très-marquées comme dans l'Olivier, par exemple. b. Les ponctuations sont arrondies, disposées en une file ver- cale plus ou moins régulière, et divisées en petits quartiers par des bandes unies plus ou moins nombreuses et rétieulées. Dans le Chêne, le Peuplier, etc., nous trouvons des parois merce contient une multitude d'éléments épaissis atténués aux deux bouts, et que la plupart, et peut-être tous les auteurs qui se sont occupés de la structure de cette écorce, désignent sous le nom de fibres libériennes. Dans l’Exostemma floribunda, qui est voisin des Cinchona, 11 existe des fibres libériennes primaires; elles sont très-longues, plus ou moins régulièrement cylindriques, très-épaissies, sans ponctuations, ou à peu près. Un peu plus pro- fondément, au milieu du liber mou, on trouve bientôt des cellules scléreuses, d'abord de même longueur que les cellules libériennes voisines, mais qui ne tardent pas à se prolonger en haut et en bas en une pointe irrégulière qui se glisse entre les cellules voisines. Ces cellules scléreuses ont un diamètre bien supérieur à celui des fibres libériennes ; elles sont polygonales, et leurs parois sont traversées par de très-nombreux canalicules. Le Cinchona est exactement dans le même cas, sauf l’absence des fibres libériennes. 170 J. VESQUE. marquées en moyenne de trois grandes ponctuations cireu- laires, divisées en deux ou quatre ou en un plus grand nombre de quartiers, quelquefois d'apparence grillagée (Peuplier). Sont-ce ces cellules que M. Hanstem appelle Siebparenchymn? Ces ponctuations manquent toujours de plaques calleuses. Souvent elles paraissent uniformes quand on les regarde ? un faible grossissement; mais en les grossissant davantage, on reconnait qu'elles sont très-finement eriblées (Daphne collina, ete.). Quand on traite une coupe tangentielle par la potasse, on trouve souvent (dans le Broussonetia, par exemple) les cellules parenchymateuses séparées par des espaces arrondis, clairs, et ne se touchant plus que par des prolongements à la manière des cellules étoilées si connues du Sagittaria. En regardant ces acci- dents sur une coupe radiale, on découvre des cercles à double contour correspondant aux ponctuations. Je crois devoir consi- dérer cette apparence comme la conséquence du ramollissement et d’un gonflement de la partie mitoyenne des parois épaisses de ces cellules. Peut-être ce phénomène, qui est certainement très-fréquent dans le liber mou, n'est-il pas étranger à cette matière inter- cellulaire cambiale (matière moyenne de M. Samio) ; je n'ai pas pu me former une opinion à cet égard; du reste, des savants comme MM. Sanio (1) et Dippel (2) ne sont pas d'accord à ce sujet. Les cellules parenchymateuses libériennes se trouvent tantôt intimement mélangées aux cellules grillagées, tantôt réunies en grand nombre dans la région externe des zones, tandis que les cellules grillagéesoccupent alors de préférence la région interne. A 4. Les cellules cristalligènes libériennes. J'ai exposé, à propos des cellules cristalligènes de l’écorce primaire, les principaux faits relatifs aux cristaux mêmes du (1) Sanio, Anat. d. gemeinen Kiefer (Jahrb. für wiss. Bot., t. IX, Flora, 1874, p. 549). (2) Dippel, Bemerkungen, etc. (Flora, 1854, p. 266). ANATOMIE COMPARÉE DE L’ÉCORCE. 171 liber ; il ne me reste donc plus ici qu'à m'occuper de la mor- phologie de-ces organites. Les cellules cristalligènes libériennes sont plus souvent dis- posées en files verticales limitées, et généralement terminées en haut et en bas par des cellules pointues ; une file semblable correspond par sa hauteur à une cellule cambiale. Quelquefois les cloisons transversales qui divisent celle-ci ne se sont pas développées, et alors la cellule ressemble à une fibre à parois minces ; d’autres fois le mode de division est plus compliqué, et ces variations, assez rares, ne sont pas dépourvues d’un cer- tain intérêt, et méritent, je crois, d’être citées en peu de mots. La nature tend àisoler les cristaux; la cellule primitive se divise en autant de compartiments qu'elle doit renfermer de cristaux, de sorte que chaque cristal simple ou composé se trouve isolé dans une cellule. 4. Le cas le plus simple est celui où la cellule cambiale n’est pas cloisonnée ; la cellule cristalligène à la forme d’une fibre non épaissie. Cette singularité ne s’observe que dans les plantes où l’oxalate de chaux est à l’état de poussière ou de très-petits cristaux, comme dans les Solanées. 2. Le cas le plus fréquent est le cloisonnement de la longue cellule primitive en un grand nombre de petits compartiments sensiblement cubiques. Chacune de ces cellules filles ren- ferme généralement un cristal; les deux terminales de ce système sont pointues, et dénotent clairement lorigme de ces éléments. Cette forme de cellules cristalligènes à été mainte fois décrite et figurée ; on lobserve notamment avec une grande facilité dans le Chêne, le Peuplier, ete. Je puis me dispenser d'y insister en renvoyant à quelques-uns des ouvrages dans les- quels il en est question (1). 3. Le mode de division de la cellule cambiale peut être plus compliqué. Dans quelques Malpighiacées, comme l Hirea Houl- letiana (pl. 9, fig. 9), on est frappé, en observant la coupe trans- versale du liber, par la disposition régulière deux à deux des (1) Schacht, Der Baum, p. 215, 217, 219, ete. — Frank, Bot. Zeit., loc. cit. 172 3. VESQUE. cellules cristalligènes : pour les former, la cellule cambiale s’est cloisonnée non-seulement par des parois horizontales, mais chacune des nouvelles cellules, sauf les 1-3 cellules termi- nales, s’est divisée par une paroi verticale radiale en deux cel- lules juxtaposées tangentiellement ; chaque petite cellule cubique renferme une agglomération cristalline. Tout le système de cel- lules sœurs conserve exactement sa forme prosenchymateuse primitive, et, qui plus est, ses parois paraissent alternativement minces et épaisses sur la Coupe tangentielle, comme j'ai eu l'occasion dele dire des cellules parenchymateuses. Les cloisons secondaires restent souvent très-fines, et il faut quelquefois dis- soudre les cristaux dans lacide chlorhydrique pour les voir. Le même cas se présente d'une manière plus irrégulière dans le Plerocephalus parnassicus. Les cellules eristalligènes libé- riennes résultent du cloisonnement horizontal d'une cellule cambiale en une douzaine de compartiments, dont chacun ren- ferme un petit oursin d'oxalate de chaux; souvent il y à aussi division longitudinale radiale, tangentielle ou même oblique, par rapport aux rayons médullaires. Elles se groupent assez nettement en files verticales, radiales et tangentielles, de sorte qu'elles forment sur la coupe transversale des stries radiales et concentriques, visibles même à l'œil nu sous forme de lignes blanches, et des stries verticales sur la coupe longitu- dinale. Les cellules cristalligènes ainsi que les autres éléments du liber de cette plante paraissent striés en deux sens obliques et opposés, grâce aux très-pelites ponctuations en forme de losange dont ils sont couverts. Dans le Coprosma lucida (Rubiacée) (pl. 9, fig. 10), les cel- lules cristalligènes libériennes arrivent au comble de la compli- cation. Sur la coupe transversale, on reconnait que la coupe de la cellule primitive est divisée en quatre à six compartiments par des lignes très-déliées, et que chacun de ces compartiments renferme un cristal de forme irrégulière. Sur la coupe longitu- dinale, soit radiale, soit tangentielle, on ne voit d'abord qu'une longue cellule pointue aux deux extrémités, étroitement remplie de cristaux irréguliers, si bien entassés les uns sur les autres, ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 173 qu'on à quelquefois de la peine à découvrir des interstices entre eux ; tous les cristaux sont séparés les uns des autres par des membranes qui persistent, quand on les dissout dans un acide. Ces membranes ne sont pas très-minces, et, comme elles se moulent exactement sur les cristaux, elles sont très- irrégulières. [m'a été impossible de découvrir l'ordre des divi- sions successives ; les divisions longitudinales paraissent être les plus régulières. J'ai été fort surpris de ne pouvoir colorer en bleu par le chloroïodure de zinc, mi les parois secondaires, ni les parois primaires de ces cellules ; le tout s’est coloré en jaune, et a fourni une mage extrèmement nette et caractéristique, après la dissolution des cristaux. Dans l'intérêt de la morpho- logie de la cellule, l’étude approfondie de ce mode de division mériterait d'être reprise. Quant à la distribution des cellules cristalligènes, J'aurai les mêmes observations à faire que pour celles de Pécorce primaire. Lorsqu'il y a des éléments durs dans le Hiber, comme des fibres ou des cellules scléreuses, loxalate de chaux se dépose de pré- férence autour de ces masses imperméables. Rien n’est plus net que cette disposition dans le Chène, le long des fibres qui se reproduisent par zones régulières, accom- pagnées de longues files atténuées aux deux extrémités de cel- lules cubiques ou plus larges que hautes, on les voit garnies chacune d’un très-beau cristal prismatique oblique, entier ou diversement modifié. L'Orme offre à peu près la mème distri- bution, mais à un degré moindre. Quand les éléments durs manquent dans le hber, la réparti üon des cellules cristalligènes est en général assez uniforme. Enfin, dans quelques plantes, comme dans la Vigne par exem- ple, les cristaux se disposent régulièrement entre le liber et Les orands rayons; mais ces cristaux appartiennent au tissu fonda- mental et non au liber. Cette circonstance me parait être une confirmation pour la loi que j'ai cru pouvoir poser plus haut. 174 J. VESQUE. Biet 2. Laticiféres et cellules sécrétrices de diverse nature dans le Liber. Les laticifères réellement libériens paraissent être relative- ment rares. La plupart de ces éléments ont été reconnus comme appartenant au tissu fondamental, et lorsqu'ils se transmettent dans le faisceau fibro-vasculaire, ils ne paraissent devoir ètre considérés que comme une dépendance du tissu fonda- mental (1). Cependant 1l est facile de se convainere de la présence des latcifères dans le liber mou des Campanulacces e& des Lobélia- cées, ainsi que dans celui des Morées, qui en possèdent aussi dans l’écorce primaire. Le travail st important de M. David ne s'étend pas sur cette question, et dans les Morées cet auteur ne dit pas un mot des laticifères du Hber. 11 y à done là encore un point intéressant à élucider. Je ne me suis pas occupé spécialement de la présence et de la distribution des cellules à tannin dans le liber (2). Ilest certain qu'il peut s’en trouver. M. Trécul les décrit en effet dans un assez grand nombre de Légumineuses (3). Le mode de disposition de ces organes sécréteurs, ainsi que d’autres cellules de nature analogue, est souvent lié à la division du liber en couches: ainsi, par exemple, dans le Carapa touloucana (Méliacée), des cellules sécrétrices particulières (tannin”?) accompagnent d’une manière constante les zones de fibres, et se transmettent même d’un faisceau à Pautre par les rayons médullaires, dont les cel- lules peuvent sécréter la mème matière. Les cellules sécrétrices du liber restent souvent indivises et correspondent à la cellule cambiale (Hartigsea spectabilis). (1) Voyez Hanstein, Die Müchsaftg., — G. David, loc. cit. (2) Trécul, Comptes rendus, 1865 ; Ann. des sc. nat., t. IV, p. 578: (3) La haison que j'établis ici, pour ainsi dire sans intention, est en quelque sorte légitime depuis que M. Trécul a montré qu'il y a quelquefois mélange de latex et de tannin. (Trécul, loc. cil., p. 381.) ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 179 B 3. Glandes résinifères et oléifères du liber (1). Les idées générales sur ces glandes ont été exposées dans le chapitre de l'Écorce primaire; 4 suffit donc d'ajouter ce qui est relatif à la place de ces organes dans le liber. Dans les cas les plus simples 1l'existe une glande résinifère ou oléifère dans l'écorce primaire, mais en rapport manifeste avec les faisceaux fibro-vasculaires (2) ; de sorte que chacune de ces glandes est située à l'extérieur d’un faisceau Hbérien. Lorsqu'il y à des fibres libériennes, c’est à l’extérieur de celles-ci que se trouve la glande. Tel est le cas dans beaucoup de Composées, les Pittosporées, etc. Dans une multitude de plantes on trouve des glandes résini- fères disposées bien franchement dans le Hber. Dans les Térébinthinées, par exemple, le iber est générale- ment limité à l'extérieur par des fibres Hibériennes disposées suivant des ares ou cintres, et c’est à l’intérieur de chacun de ces arcs que se trouve une grosse glande résmifère. Dans le Pistacia vera, Les fibres Hbériennes sont assez nom- breuses et se rangent en éroissant autour des faisceaux, entre lesquels il ne reste que des passages larges de quelques cellules seulement ; les cellules des rayons médullaires placées entre Les extrémités des croissants se sclérifient. Dans la partie extérieure du liber mou, comprise dans le croissant fibreux, se trouve géné- ralement une glande résinifère d’un développement tout à fait extraordinaire. Les petites cellules sécrétrices qui entourent le méat résinifère se multiphent énormément par des divisions tangentielles, et restent rangées en files rayonnantes autour du méat ; les cellules imtérieures se détruisent peu à peu ; on (1) Je compte, parmi ces glandes, les anciens laticifères des Clusiacées, On bellifères, Térébinthacées, Araliacées, que M. Trécul a montré être privés de membranes, contrairement à M. Hanstein. ss (2) Le rapport qui existe entre certaines glandes oléifères (Composées) et les faisceaux peut être un simple rapport de position, sans qu'il y ait une véritable relation en ces deux parties. — Voyez, à ce sujet, Van Tieghem, Canaux sécré- teurs, ele. (Ann. des sc. nat., 5° série, t. XVI, p. 116). Cet auteur montre que, dans cette famille, les glandes oléifères dépendent de la gaine protectrice, 176 J. VESQUE. voit de petits lambeaux de parois cellulaires faire saillie à l'in- térieur de la glande. Cette disposition, très-constante dans la fanulle des Térébimthacées (Comocladia, Mangifera, Spondias), se rencontre encore dans quelques Burséracées (Bursera qum- mifera non Amnyris) (1). En tout cas, ces grosses glandes peuvent être suivies d’ana- logues plus petites disposées par zones dans le liber mou: ainsi, dans le Lierre, on en trouve des zones concentriques régulières. [en est de même dans plusieurs Méliacées. Dans l'Ekeberqia capensis, on trouve, en dehors de chaque faisceau hbérien : une grosse glande ; ensuite deux zones de fibres alternant avec du liber mou; puis une zone de liber mou renfermant une zone de petites glandes, quatre zones de fibres alternant avec du hber mou, une zone de Hber mou renfermant des glandes; enfin trois zones de fibres, une zone de glandes, trois zones de fibres, une zone de glandes ; et ainsi de suite, bien entendu avec des variations de nombre. Dans une infinité autres plantes, de petites glandes sont distribuées sans ordre apparent dans le liber mou (Hypéricinées) . Les caractères trés de la présence et de la disposition de ces glandes sont très-importants au point de vue de l'anatomie comparée, parce qu'ils sont d’une constance presque absolue. B. 4, Lacunes à gomme. Les lacunes à gomme sont très-rares dans le Liber: ce- pendant je les ai observées dans les Schizandrées (Sphæro- Senna propinquiun, Kadsura japonica). Dans le Sphero- lemme, par exemple, on voit au-dessous des fibres d’un même faisceau une grande lacune dépassant environ 4-6 fois le dia- mètre moyen des cellules environnantes. Ces lacunes, qui peuvent même toucher les fibres par une de leurs faces, sont remplies d’une matière gommeuse très-nettement stratifiée , ais je n'ai pu assister à leur formation. (1) Van Tieghem, Canaux sécréteurs des plantes (An. sc. nat., 5° sér., XVÉ p.472). ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 477 GC. Nous passons maintenant aux transformations secondaires que peuvent subir les éléments du liber, savoir, la sclérification et la transformation en prosenchyme corné. C 1. La sclérification. Dans les plantes qui doivent parcourir une longue suite d’an- nées, telles que les arbres, la selérification des éléments libé- riens joue un rôle extrêmement important ; elle se fait le plus souvent d'une manière si régulière, qu’il devient évident que ces épaississements ne s’opèrent pas en vue de débarrasser simple- ment la plante de la cellulose superflue. Au lieu de chercher à suivre un ordre systématique dans un phénomène si varié, Je vais exposer un certain nombre d'exemples les plus frappants; J'aurai en même temps l’occasion de m'étendre un peu sur la disposition si intéressante et si variée des éléments libériens. Le Bouleau (Betula alba).— À la imite externe des faisceaux fibro-vasculaires sont placés des groupes de fibres Hbériennes qui ne présentent rien de remarquable quant à leur structure : ce sont là les seules fibres qui se trouvent dans l'écorce du Bouleau. Le tissu situé immédiatement au-dessous des fibres ressemble beaucoup au parenchyme de l'écorce primaire et contient, comme ce dermer, une certame quantté de chloro- phylle. Le hber mou du faisceau fibro-vasculaire est traversé par de petits rayons médullaures secondaires peu visibles sur une coupe transversale, mais tranchant nettement sur le tissu environnant par la forme de leurs cellules sur la coupe longitu- dinale tangentielle. Le hiber mou est composé de cellules gril- lagées de structure compliquée et de cellules parenchymateuses. Celles-e1 sont lisses sur leurs parois antérieures et postérieures, et portent sur leurs parois latérales quelques grandes ponctua- üons simples ou divisées. Leur contenu est une matière gra- nuleuse assez opaque, et, en hiver, de l’amidon. Les cellules parenchymateuses du liber paraissent conserver pendant long- temps le pouvoir de se diviser longitudinalement; elles des- sinent, dans le liber, des zones concentriques d’une certaine 6° série, BoT. T. II (Cahier n° 3). # 12 478 3. VESQUE. épaisseur, qui, avec les rayons médullaires qu’elles coupent à angle droit ou obliquement, divisent le liber en rectangles ou en parallélogrammes. Le tissu ainsi circonserit est composé lui-même de cellules parenchymateuses et de cellules grillagées disposées sans ordre appréciable. Les parois transversales des cellules grillagées sont fortement inclinées, le plus souvent vers les rayons médullaires, et portent un nombre variable (en moyenne huit) de ponctuations allongées horizontales, pa- rallèles, et laissant par conséquent, sur la paroi, un épaissis- sement scalariforme. Ges ponetuations, très-nettement gril- lagées, sont recouvertes de plaques calleuses sur les deux faces. Les parois antérieures et postérieures, c’est-à-dire celles qui sont tournées vers le bois et vers l'écorce primaire, sont couvertes de réticulations dont les interstices sont grillagés avec une finesse extrême. Les parois latérales sont souvent lisses, mais souvent aussi elles portent des grillages moims ténus que les derniers, mais plus fins que les grillages transversaux. Les cristaux sont relativement rares dans le liber du Bouleau. Quand une zone libérienne est arrivée à un certain âge, ses éléments subissent une transformation remarquable ; ils s’'épais- sissent graduellement jusqu’à perdre complétement leurs ca- vités ; la paroi cellulaire est alors percée d’un grand nombre de canalicules rayonnants droits et marqués, à l'extérieur, d’une infinité de ponctuations arrondies. Quelques-unes des cellules parenchymateuses se remplissent en outre de gros cristaux pris- matiques rhomboïdaux, qui sont, pour ainsi dire, empâtés dans la masse cellulosienne. Cette sclénification du tissu libérien commence à l'intérieur des petits rectangles ; les cellules gril- lagées subissent le mème sort que les cellules parenchyma- teuses; elles portent encore leurs grillages terminaux alors qu'elles sont transformées en une masse solide, Ge sont les cel- lules parenchymateuses placées entre les zones qui résistent le plus longtemps à cette dégénérescence. n’est pas rare de trouver des rectangles complétement sclé- rifiés déjà dans la deuxième zone libérienne ; mais inversement 1 n'est pas rare non plus qu’une aire libérienne très-âgée reste ANATOMIE COMPARÉE DE L ÉCORCE. 179 parfaitement intacte au milieu d’un tissu complétement durci, et les aires sont le plus souvent disposées par zones concen- triques sans que cette loi soit d’une géncralité absolue. Tout à fait à l'extérieur 1l y a ainsi des lames de üssu hbérien parfaite- ment vivant enclavées entre des masses sclérifiées d’une épais- seur notable et ne communiquant que peu avec fe reste du Hiber vivant; les rayons médullaires secondaires se conservent à FPétat vivant dans les parties les plus âgées de l’écorce et traversent souvent des masses scléreuses très-volumineuses sans changer d'aspect. Nous voyons done que tous les éléments du Bber peuvent se sclérifier, les cellules grillagées comme les autres, et dans le Bouleau ce sont précisément les cellules grillagées qui subissent les premières cette modification. Quelques auteurs, comme Schacht (4), Hartig (2), 4. Cha- lon (3), supposent que les cellules grillagées peuvent se trans- former en fibres libériennes; mais Schacht émet des doutes à ce sujet. Ces auteurs ont peut-être observé des faits analogues à ceux que je viens d'exposer. En tout cas, ces éléments ne peuvent être considérés comme des fibres Hhériennes; ce sont des cel- lules scléreuses. Le Bouleau est un exemple qui montre la sclérification au plus haut degré; dans la plupart de nos grands arbres ce phé- nomène n'arrive pas à cette intensité, et même dans bien des cas la sclérification est tout à fait insignifiante. Au lieu d’être dispersées dans tout le liber, les cellules des- tinées à se selérifier sont rigoureusement disposées suivant des zones parallèles, et protégent ainsi, à la manière des fibres libériennes, les lames de tissu mou qui les séparent. Cette selérification régulière est ordinairement liée à la formation du périderme, dont il sera question dans le chapitre suivant (Dodonæa, Serissa). Quelquefois il se forme, à la limite du (1) Schacht, Der Baum, 1860, p. 209. (2) Hartug, Bot. Zeil., 1853 et 1854. (3) Chalon, Mém. sur l’anat. comp. de l'écorce. 180 SJ. VESQUE. liber, une zone de cellules scléreuses qui appartiennent en partie à l'écorce primaire, en partie au liber (Brunfelsia americant) . C 2. Parenchyme et prosenchyme corné (1). Comme premier degré de cette transformation je citerai le lber collenchymatoïde, qui se distingue par des épaississements analogues à ceux que nous avons étudiés dans l'écorce pri- maire, épaississements réduits souvent au remplissage des petits espaces triangulaires (méats) que laissent si souvent les cellules entre elles. C’est là un phénomène extrèmement fréquent dans le liber, et cet état collenchymatoide est peut-être un des carac- tères qui permettent le mieux de reconnaitre le tissu libérien sur une coupe transversale. Dans une multitude de plantes Fa section des éléments libériens est arrondie sans qu'il y ait de méats entre les cellules (Ghène, Vigne, etc.); dans d’autres cas il y à une tendance très-marquée, surtout dans les régions exté- rieures plus âgées, à la formation d’épaississements semblables à ceux du collenchyme (Dipsacus sylvestris, Rhododendron ponticun, Bryonia dioica, hber intérieur). Les tissus de cette nature sont quelquefois rigoureusement localisés dans la région externe du faisceau hbérien, et forment, en l'absence des fibres libériennes, un faisceau résistant qui les remplace très-bien : tel est le cas du Melianthus major. Si nous passons maintenant au prosenchyme corné propre- (4) Le nom de prosenchyme corne est dù à M. Wigand, Ueber die Desorga- nisalion der Pflanzenzselle (Jahrb. für wiss. Bot., t.I). M. Oudemans a réclamé la priorité (Bot. Zeil., 1862, p. 43) ; il avait décrit ce tissu dans ses Aante- cheningen op. de Pharmacop. Neerlandica. C'est M. Rauwenhoff (Ann. des sc. nat., t. XI, p. 862) qui en donne la véritable explication. Comme un phé- nomène de même nature se présente aussi bien dans le parenchyme que dans les éléments prosenchymateux, j'ai étendu cette expression en distinguant le parenchyme corne et le prosenchyme corné. I ne faut pas confondre alors ce parenchyme corné avec le parenchyme très-épaissi de lalbumen de Phytelephas, par exemple. Ce ne sont pas là, du reste, de véritables noms propres, et il faut s’habituer à expliquer chaque fois très-nettement de quelle espèce de tissu on veut parler. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 181 ment dit, nous voyons que ce singulier tissu peut tantôt rem- placer les fibres libériennes, tantôt les accompagner. Dans le Hakea saligna, les fibres libériennes sont réunies en petits faisceaux disposés obscurément en trois ou quatre zones parallèles ; les faisceaux primaires s’avancent fort loin dans l'écorce primaire ; les faisceaux secondaires, surtout ceux des zones internes, sont accompagnés de prosenchyme corné très- développé transformé par places en une masse cellulosienne compacte, dans laquelle on ne reconnait que quelques lignes très-fines, traces des anciennes cavités cellulaires. Ces masses compactes suivent la direction des zones, et en dedans des fibres il y à une épaisseur de cinq à dix assises de cellules, dans laquelle il n°y à que quelques cavités cellulaires. Dans le Houx ({lex Aquifolium), les petits faisceaux de fibres lhibériennes primaires sont séparés du hber mou par trois ou quatre assises de cellules semblables à celles de l'écorce pri- maire ; à la limite externe du véritable liber mou on voit une trainée compacte de cellulose qui correspond à environ quatre assises de cellules dont les cavités n’apparaissent que sous forme de petites lignes. Dans l’Oranger (Citrus Aurantium), 11 ne se forme de fibres libériennes qu’une ou deux fois dans la parte ancienne du liber ; tout le reste du faisceau hbérien cunéiforme, divisé par de nombreux rayons médullaires secondaires, n’est soutenu que par du prosenchyme corné très-développé par zones, et dans lequel ne persiste qu'un petit nombre de cavités cellulaires. Le hber intérieur de lHoya carnosa est protégé vers la moelle par une épaisseur de trois à huit rangées de cellules aplaties et épaissies. Il en est de même, à un degré moins avancé, dans un grand nombre d'autres plantes (voy. chap. I). Dans le Cissus orientalis, les fibres libériennes sont accom- pagnées d’un prosenchyme corné assez développé. Dans le Xleinia nertifolia, le sommet du faisceau hbérien est marqué par une masse compacte de cellulose creusée de quelques rares cavités cellulaires et marquée de très-fines lignes irrégu- lièrement onduleuses. 182 J. VESQUE. Enfin, dans quelques cas, tout le liber est formé par du prosenchyme corné! (1). J'ai observé ce fait dans un Heliun- thenum (pilosum ?). Dans le Pittosporum May, tout le faisceau hbérien, dont le sommet est marqué par une forte glande résinifère, consiste en une masse cellulosienne compacte dans laquelle on reconnaît les files radiales de cellules à des lignes d’une réfringence dif- férente; quelques rares cavités cellulaires aplaties dirigées tangentiellement (normales aux premières lignes) constituent les restes du tissu cellulaire. Gette singulière dégénérescence se continue jusqu'au cambium. Annexe au liber. Le liber est presque toujours divisé par les rayons médul- lares secondaires. La forme, la largeur, la hauteur et le par- cours de ces rayons varie à l’infini; quelquefois, mais rarement, ils sont parallèles et parcourent tout l’entrenœud de bas en haut, et cela quand les rayons médullaires primaires sont dans le même cas (Vigne, Laurier-rose, etc.). Le plus souvent ils ont, sur la coupe tangentielle, la forme de faisceaux, et les éléments libériens décrivent entre eux des courbes onduleuses. Dans le sens radial les rayons médullaires secondaires peuvent être rectilhignes ou onduleux (Chêne). Les éléments qui les con- stituent sont toujours des cellules parenchymateuses qui se distinguent en général facilement du üssu libérien adjacent par leur contenu (chlorophylle, ete.). CHAPITRE V. LA DÉCORTICATION. EL. — La plupart des plantes herbacées restent recouvertes de leur épiderme jusqu’à la fin de la période de végétation ; dans certains cas cependant on voit apparaître déjà au commence- ment de la deuxième moitié de la belle saison, soit une alté- (1) Serait-ce un cas pathologique ? ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 183 rauon chimique dans un tissu déterminé déjà existant (voy. plus haut), soit un tissu de nouvelle formation comme ceux que J'aurai bientôt à décrire. Dans la majorité des plantes ligneuses l’épiderme cède de si bonne heure la place à un autre tissu pro- tecteur bien plus efficace, qu'il est souvent difficile d’en observer la première phase. Dans les plantes herbacées, au contraire, quand un tissu analogue doit se former, il n'apparait que beau- coup plus tard, et l’épiderme est plus durable. IL. — Le tissu nouveau qui s'organise subit généralement une modification chimique particulière ; la cellulose est masquée par une autre substance soluble dans la potasse caustique, insoluble dans l'acide sulfurique, se colorant en jaune et non en bleu par l'acide sulfurique et l’iode ou par le chloroiodure de zinc : on à donné à cette transformation chimique le nom de subérification. Quand on traite ce tissu par l'acide azotique, on donne naissance à de lPacide subérique. Outre ces réactions microchimiques, d’autres réactions plus importantes, qui tombent dans le domaine de la chimie pure, révèlent une ma- tière particulière voisine de la cutose et distincte de la vasculose (Fremy). M. Wiesner a du reste récemment recommandé un réactif qui peut servir à distinguer, au microscope, ces deux matières l’une de l’autre : c’est l’aniline, à laquelle on ajoute un peu d'acide sulfurique; ce réactif colore la vasculose et ne colore pas les tissus subérifiés (1). Outre cette matière qui pénètre les parois cellulaires, on con- state la présence d’autres substances, et notamment de matières grasses ou résineuses solubles dans Péther, même en l'absence de toute glande proprement dite (Bouleau) ; il ne faut donc pas s'attendre à trouver chimiquement les mêmes principes immé- diats dans ce tissu pris dans des plantes différentes. Quoi qu’il en soit, la présence de la première de ces matières est absolu- ment caractéristique. (1) Il ne faut pas perdre de vue que ce réactif est purement empirique, et qu'il ne saurait décider dans les cas importants ; le suber est lui-même tellement incrusté ou pénétré de matières encore inconnues, qu'il serait imprudent de chercher dans une réaction négative un critérium absolu. 184 3. VESQUE. On donne le nom de suber au tissu de formation nouvelle qui subit la subérification, lequel est destiné à remplacer l'épi- derme dans ses principales fonctions. La formation du suber a été l’objet de nombreux travaux, et en me dispensant de remonter très-haut, je puis dire que son histoire a été fixée par les travaux de MM. Mohl, Hanstein, Nægeli et Sanio. Une rangée de cellules prédestinées à ce nou- veau travail devient le siége d’une multiplication cellulaire très-active; elles se divisent par des cloisons tangentielles ; Pune des cellules-filles se divise à son tour, et ainsi de suite, suivant des lois définies, pour chaque espèce, comme nous le verrons bientôt. Tout le système ressemble donc complétement à une zone génératrice, et il a reçu de M. Nægeli le nom de zone phellogène (psAAès, liége). La subérification commence non loin de la zone phellogène ; maus les très-jeunes cellules consistent en cellulose. J'ai déjà parlé de certains cas où j'ai cru voir la subérification envahir des tissus autres que ce suber (gaine protectrice); j'ai mème exprimé l'opinion que la cuticularisation est identique avec la subérification, et qu’elle ne doit être considérée que comme un cas parlicuber de celle-ci. En effet, dans quelques plantes (sous-arbrisseaux de la famille des Labiées), telles que la Lavande, il se forme, au-dessous des fibres libé- riennes, un phellogène qui engendre une faible couche de suber; toutes les parties situées en dehors de ce tissu meurent et tombent. Quand on observe plus tard la coupe transversale de l'écorce de la même plante, on ne trouve plus de couche phellogène aussi complexe. Les éléments Hbériens, arrivés à une certaine distance du cambium, se divisent transversalement de manière à donner des tronçons à peu près isodiamétriques ; leurs parois brunissent, et tout le tissu présente les principaux caractères du vrai suber. Par une coupe tangentielle à travers ce tissu on reconnait facilement, non-seulement la forme des éléments libériens, mais aussi les rayons médullares. Est-ce que la zone où s’opèrent ces divisions transversales doit être considérée comme une zone phellogène? C’est ce que je ne veux ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 185 pas décider (1). Dans une foule de circonstances (voy. plus loin), des divisions transversales semblables précèdent la forma- tion du véritable phellogène. Il y a lieu de rechercher si cette anomalie, observée dans le Lavandula vera et dans quelques plantes voisines, se retrouve dans d’autres plantes qui forment un liber régulier, car ces divisions transversales semblent sou- vent se rattacher au mode de formation des éléments libériens. Quand une lame de suber doit se former dans le Liber du Clematis Vitalba, on voit que les divisions se font de telle manière que les cellules sont finalement deux fois moins hautes que les cellules parenchymateuses libériennes, et quatre fois plus courtes que les cellules grillagées. IT. — Revenons à la formation du véritable suber. M. Sanio, dans un travail très-approfondi (2), montre d’abord que ce tissu provient d'une zone génératrice ; ensuite il étudie les divisions qui s’opèrent dans cette zone, et il en distingue une série de modes basés sur la place qu’occupe la cellule-mère des générations successives. [l appelle suber centrifuge, celui où la cellule-mère de (7 + 1)°" génération est située à l'extérieur ; suber centripète, celui où la cellule-mère nouvelle est située à l'intérieur de la cellule sœur non prolifère de n°" géné- ration ; 1] distingue ensuite trois formations intermédiaires qui sont caractérisées par des changements périodiques dans l’ordre des divisions : ce sont les modes centripète intermédiaire, cen- trifuge intermédiaire, centripète réciproque (3). (1) Je ne suis pas éloigné de croire que la subérification est une transforma- tion (?) chimique destinée à communiquer aux parois cellulaires une résistance extrême aux agents extérieurs, et qui peut se présenter dans des tissus très- variés. La cuticule, les cellules épidermiques entièrement subérifiées (?) de Cluytia, la gaine protectrice subérifiée (?) d’un grand nombre de Dicotylédonées, les tissus plus compliqués de différente nature subérifiés jusqu’au véritable suber, me semblent être une chaine non interrompue de faits de plus en plus com- plexes, commençant par des emprunts physiologiques : cuticule subérifiée, cellules épidermiques subérifiées, ete., et se terminant par la création d’un tissu nouveau : le périderme. (2) Bau und Entwickelung des Korks (Jahrb. für wiss. Bot., t. W) (3) Dans un excellent mémoire inséré dans les Annales des sciences naturelles (0° série, t. AIT, p. 547), M. Rauwenhoff explique les découvertes de M. Sanio d'une manière qui ne laisse rien à désirer. Je puis donc me dispenser d'y insister beaucoup. 186 J. VESQUE. D'accord en cela avec M. Rauwenhoff (1), je suis d'avis que les caractères qui distinguent ces trois types intermédiaires ne suffisent pas, et sont trop difficiles à constater pour être intro- duits comme des caractères distinctifs dans l'anatomie compa- rée. D'ailleurs, d’après M. Sanio même, ils ne sont pas très- constants. Dans certains cas rares, les divisions s’opèrent quelquefois d'une manière si irrégulière, qu'il est impossible de parler d’une véritable zone phellogène. Dans l’Ixora coccinea, le périderme se forme au milieu de Pécorce primaire; deux phénomènes con- comitants se troublent réciproquement. Dans toute la partie interne de l’écorce primaire qui doit persister, il s'opère une multitude de divisions radiales, particulièrement fréquentes dans les assises externes qui représentent le phellogène; elles y sont accompagnées de divisions tangentielles ou obliques 1rré- gulières. Dans le Dipsacus sylvestris, la zone phellogène est également très-irrégulière; toutes ses cellules ne se divisent même pas. Mais ce qui est infiniment plus important, c’est la distinction des deux premiers types centripète et centrifuge pris ensemble, et des types intermédiaires, car les résultats de ces deux modes sont tout à fait différents. Lorsque la formation du suber appartient à lun des types centrifuge ou centripète, il ne se forme du suber que d’un côté de la zone phellogène : le phellogène est unilatéral ; mais lors- qu'elle appartient à l'un des types mtermédiures, il se forme des tissus nouveaux des deux côtés du phellogène, qui est alors bilatéral (2). Mais ce n’est qu'à lextérieur de la zone phel- (1) Ann. des sc. nat., 1"° série, €. XI. (2) Pour éviter les confusions, je rapproche cette classification plus simple de celle de M. Sanio : Mode centripète. Phellogène unilatéral........ Mode centrifuge. Mode centripète intermédiaire. Phellogène bilatéral. ....... Mode centrifuge intermédiaire. Mode centripète réciproque. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 187 logène que ce tissu se subérifie ; celui qui se trouve à la face in- terne reste eellulosien ; 1lse remplit de chlorophylle, etse charge du rôle de l’écorce primaire, dont il augmente ainsi l'épaisseur ou qu'il remplace tout à fait. Les auteurs allemands désignent ces cellules sous le nom de Korkrindenzellen (cellules cortico- subéreuses) ; elles constituent une espèce d’écorce primaire d'emprunt, ou une enveloppe verte secondaire, liée par sa for- mation au suber, mais absolument différente de celui-ci par ses caractères chimiques et physiologiques (#). Les nombreux exem- ples que j'aurai à citer à une autre occasion me dispensent de m'arrêter davantage sur ces faits intéressants, et Je puis passer à l'anatomie du suber proprement dit. IV.— Anatomie du suber.— V'origme même du suber, à une époque où tous les organes de la plante ont acquis leurs dimen- sions définitives, imprime à ce tissu un caractère qui permet toujours de le distinguer facilement ; les cellules sont, ou prismatiques rectangulaires, plus hautes (hauteur radiale) que larges, ou moins hautes que larges, tabulaires ; leurs cloisons tangentielles sont autant que possible carrées; elles sont ordi- (1) J'aurais voulu doter l'anatomie comparée d’un mot convenable pour dé- signer ce {issu si important et si fréquent; j'y renonce de peur d'embrouiller les choses au lieu de les éclaircir. La méthode vraiment scientifique consisterait à désigner, par un terme unique, le produit de la zone phellogène, de quelque nature qu'il soit. Situé à l'extérieur, et subérifié, il constituerait alors ce qu'on appelle vulgairement le liége ; situé à l’intérieur, il serait composé de ces cel- lules cortico-subéreuses. Suber. Périderme subérifié. Périderme. Phellogène. Cellules cortico-subéreuses. ne herbacé. Malheureusement tous les mots grecs et latins sont employés pêle-mêle, le plus souvent sans discernement ou comme synonymes (liége, suber, ose, ghaës, Corleæ, etc.). Peut-être pourrait-on appeler périderme, en général, le produit de la zone phellogène, de quelque nature qu’il soit, et distinguer un périderme subérifié (suber) et un périderme herbacé (cellules cortico-subé- reuses); mais je ne me reconnais pas une autorité suffisante pour imposer ces nouvelles expressions. 188 J. VESQUE. narement rangées en files radiales régulières, qui permettent de reconnaitre toutes les cellules-filles sorties successivement d'une même série de cellules-mères. Comme la multiplication se fait en général avec la mème activité sur tous les points du phellogène, et que l'accroissement des cellules est uniforme, celles-ci sont également disposées en rangées tangentielles. Les parois des cellules subéreuses peuvent rester très-minces : lorsqu'elles sont de forme tabulaire, elles restent alors dans cet état (Grabowskya Boerhaaviæfolia) ; lorsqu'elles sont cubiques ou plus hautes encore, les parois latérales, et quelquefois les parois tangentielles aussi, se plissent d’une manière caractéris- tique, et deviennent ondulées (Chène, Lonicera, Diervilla, Olea, Vitex) ; souvent elles sont complétement aplaties, de manière à ne plus laisser reconnaitre les parois latérales (Celastrus, Cistus). Les parois cellulaires peuvent s’épaissir d’une manière ré- gulière, de sorte que les cellules ne peuvent plus perdre leur forme (Morées, Vitis). Enfin, dans un grand nombre de cas, la face supérieure (oberseitige Verdickung) (D) ou la face inférieure (#nterseitige Verd.)seule s’épaissit, etcet épaississement, souvent très-nette- ment secondaire etchimiquement différent de la paroï primaire, gagne plus ou moins les parois latérales, où 11 les laisse complé- tement intactes. Nous avons un exemple très-remarquable de ce dernier cas dans le Brunfelsia americana; toutes les parties tangentielles sont épaissies (épaississement direct de la paroi), et comme elles sont rigoureusement contiguës, elles forment de petits murs solides parallèles, écartés par les cloisons latérales, qui restent très-minces. Généralement c’est la paroi interne des cellules qui s'épais- sit : l’épaississement se continue en mourant sur les parois laté- rales ; il constitue une espèce de godet de structure stratifiée et souvent percé de canalicules. Il n’est pas rare qu'il soit assez distinet de la paroi primaire pour s’en détacher (2) (Pla- (1) Sanio, loc. cit. (2) C'est là un des plus beaux exemples d’un épaississement secondaire du genre de ceux dont parle M. Sanio dans son récent travail : Analomie der gemeinen Kiefer (Jahrb. für wiss. Bot., t. IX). ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 189 tanus occidentalis, Thea viridis, Malpighia punicifolia, Ron- deletia) ; assez souvent, les parois latérales et intérieures, et même une partie des parois extérieures, sont épaissies de manière à donner à la cavité cellulaire une forme bizarre (Camellia). L’épaississement extérieur est beaucoup plus rare. Il se pré- sente d’une manière admirable dans le Coprosma lucida, où les cellules subéreuses ont la forme de certaines cellules épider- miques ; les parois extérieures sont cintrées et épaissies ; l'épais- sissement descend sur les parois latérales, et se termine assez brusquement vers le tiers inférieur de ces parois, qui sont mar- quées de longues ponetuations parallèles, normales, à la surface de la plante. Dans le Coleonema album (Diosmée), on trouve au-dessous de l’épiderme un périderme volumineux formé par des cellules tabulaires, dont la paroi externe se couvre d’une plaque très- réfringente, qui se colore en jaune par le chloroiodure de zinc ; cet épaississement présente une structure stratifiée, et donne la croix de polarisation; il n’est pas traversé par des canalicules. Après un traitement par l'acide chromique, le chloroiodure le colore en bleu. | Le suber de Diosma ericoides est dans le même cas, ainsi que plusieurs autres Diosmées. Nous trouvons un autre exemple dans le Triphasia trifoliata. Enfin les cellules subéreuses peuvent être fortement épaissies dans toutes leurs parties. Telles sont celles qu'on trouve dispo- sées par couches dans le suber de l’Hiræa Houlletian«. Le suber peut être composé des mêmes éléments dans toutes ses parties (homogène), ou bien il est formé par des couches alternantes de cellules différentes. Un des exemples les plus connus de ce genre est le suber du Bouleau, qui consiste en couches alternantes de cellules à parois minces remplies d'air et de cellules plus épaissies tabulaires. Dans le Coprosma lucida que je viens de citer, les cellules épaissies sont accompagnées de zones de cellules plus minces. Dans le Clusia flava, les cel- lules subéreuses minces alternent avec une assise de cellules 190 3. VESQUE. comprises entre deux cloisons tangentielles très-épaissies et remplies d’une matière rouge (1). Les parois cellulaires du suber sont incolores, légèrement jaunes ou brunes, quelquefois vertes (Morées). Le contenu est le plus souvent de lair; quelquefois, quand les cellules sont encore très-Jeunes, des matières colorantes violettes ou roses, rarement des gouttelettes graisseuses (Morina longifolia), mais très-souvent une matière colorante rouge brun, qui apparait non moins souvent dans d’autres parties végétales mortes. Anatonne des cellules cortico-subéreuses. — Les cellules cor- tico-subéreuses varient peu; elles sont presque toujours rigou- reusement alignées en files radiales et tangentielles comme les cellules subéreuses ; leurs parois restent cellulosiennes; dans quelques cas, 1l se forme entre elles des méats intercellulaires (Rubiacées) qui troublent un peu l'ordre primitif. Les cellules cortico-subéreuses sont très-fréquentes, mais il est rare qu'elles acquièrent une grande importance; je revien- drai sur leur formation. V.— La place où se forme le premier suber varie beaucoup ; il est suivi ou non de nouvelles lames de ce tissu, et sous ce rapport il faut distinguer des plantes qui ne forment de suber qu'une seule fois : un suber primaire ou périderme primaire per- sistant, et celles qui développent successivement plusieurs lames de ce tissu à des profondeurs croissantes (suber ou péri- derme secondaire, tertiaire, etc.). Il est inutile d'ajouter que les tissus situés en dehors du suber meurent et se dessèchent après avoir cédé à la plante qui les porte Les matières qui peuvent lui être utiles. Ges couches, ou plaques mortes, ont reçu de Mohl Cellules tabulaires. (1) [ Parois | Cellules aplaties avec parois minces. onduleuses. 4 C d es. Suber homogène. Lellules häutes Paroi inférieure épaissie. RE Paroi supéri ipaissi | épaissies. } périeure épaissie. Épaississement uniforme. Suber hétérogène. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 191 le nom de rhytidome (Borke). Cette distinction n’a toutefois que peu d'importance au point de vue de la classification, car on trouve sous ce rapport des différences non-seulement dans les espèces du même genre, mais aussi dans les variétés d’une même espèce. Le Quercus suber possède un périderme primaire persis- tant; le Quercus pedunculata et les autres Chênes forment du rhytüidome ; l'Ulmnus campestris var. pyramidalis forme du rhy- üdome ; l'Ulnus campestris var. suberosa à un périderme pri- maire persistant. Mais ce qui est beaucoup plus important, c’est la place qu'oc- cupe le périderme primaire, suivi ou non d’autres péridermes. Le périderme primaire peut se développer : 4° Dans l’épiderme ; 2° Dans la rangée de cellules situées immédiatement au-des- sous de l’épiderme ; 3° À une profondeur quelconque dans l’écorce primaire ; 4° Immédiatement en dehors des fibres libériennes, ou entre le liber mou et l'écorce primaire, quand les fibres font défaut ; 9° Immédiatement au-dessous des fibres libériennes pri- maires. Je vais exposer quelques exemples de chacun de ces diffé- rents cas (1). Il y a cependant quelquefois des différences notables sous ce rapport. Ainsi, dans la famille des Rubiacées, le périderme pri- maire se développe dans lépiderme même chez les Sipanea car- nea, Exostemma floribunda, Cephalanthus occidentulis ; immé- diatement au-dessous dans un assez grand nombre de genres, parmi lesquels je citerai Pinchneya pubens, Rondeletia odorata, Burchellia capensis, Gardenia florida, CGhinchona officinalis, Coprosma lucida (pas toujours ?) ; à une faible profondeur assez variable dans le Pavetta indica ; à peu de distance des fibres Hbé- riennes dans le Coffea arabica ; au milieu dans l’Ixora coccinea. (1) M. Sanio a cité un certain nombre de plantes pour chacun de ces cas. Parmi les exemples qui suivent, on n’en trouvera qu'un petit nombre que cet observateur a déjà indiquées. 192 J. VESQUE. Il prend naissance immédiatement au contact des fibres ou à la limite du lHber et de écorce primaire, dans les Pæœderia fœtida, Leptodermis lanceolata, Phyllis Nobla, Putoria calabrica, Bou- vardia Jacquini, Serissa fœtida. Dans le dernier cas, 1l se forme souvent une grande épaisseur de cellules cortico-subéreuses qui remplacent etsimulent l'écorce primaire, d'autant plus parfaite- ment que les cellules se disjoignent, laissent des méats entre elles, et se dérangent plus ou moins de leur position régulière, par exemple chez les Leptodermis lanceolata, Serissa fœtidu. Je ne crois pas que cette variété dans la famille des Rubiacées puisse atténuer la valeur de la position du périderme primaire comme caractère de famille; c’est une famille reconnue très- hétérogène. Dans la famille des Caprifoliacées, telle qu’elle est généralement adoptée aujourd'hui, on observe dans la position du périderme primaire une différence qui coïncide avec d’autres caractères anatomiques et avec la division en deux tribus : les Lonicérées et les Sambucées. Les Lonicérées développent le péiderme primaire au-dessous des fibres Hbériennes primaures, les Sambucées immédiatement au-dessous de l’épiderme. Parmi les Apocynées, les Tabernæmontana amyqdalifolin , Carissa Arduin, Nertun Oleander, développent le périderme primaire dans lépiderme; chez les Cerbera Manghas, Alyria Forsteri, Allamanda verticillata, Beaumontia grandiflora, dans la rangée de cellules situées immédiatement au-dessous de lépi- derme. Dans les Asclépiadées, la même différence se fait sentir : les Periploca græca, Asclepias mexicana, ete., développent le suber dans l’épiderme ; mais chez les Cynanchum monspeliacum, Hoya carnosa, Stephanots floribunda, Marsdema erecta, c'est dans la rangée de cellules situées au-dessous de lépiderme. Dans les quatre genres de Cestrinées étudiés, tous (Géstrum, Habro- thamnus, lochroma) ont le périderme primaire sous Pépiderme, sauf les Vestia lycioides, qui le développent dans l'épiderme. Chez les Solanées, des différences semblables se font sentir, et dans quelques genres (Solanum, Nieremberqia) on trouve encore cette formation si curieuse du périderme dans lPépiderme. Chez la plupart des Bignoniacées, le périderme parait se former au- ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 193 dessous de l’épiderme. Dans l'Amphilophium Mutisu, les pre- miers faisceaux libériens (dépourvus de liber mou) sont éliminés par un périderme local, dont les bords s'appuient de tous côtés sur l’épiderme, et le tissu subéreux est assez abondant pour rem- plir les vides laissés par la chute des eschares. Dans l'Hexacentris coccineu, le périderme primaire enlève également les fibres exté- rieures qui soutiennent lépiderme. Dans les Verbénacées, sauf dans les Vo/kameria et Lantana, le périderme se formeau-dessous de l’épiderme (Vitex incisa, Agnus-castus, Ægiphila martini- censis, Spielmannia africana, Stachytarpheta mutabilis, Gytha- reæylon Barba-Jovis, ete.). Dans le Lantana alba, il a, en face des quatre arêtes couvertes d’aiguillons, de gros paquets de fibres libériennes, et, entre ceux-ci, les autres fibres sont dis- posées par très-pelits groupes ; le périderme primaire s'établit au-dessous des fibres, et fait tomber à la fois tout ce qui est en dehors, de sorte que la tige devient Inerme. Dans le Volkameriu inermis, le périderme se forme au-dessous des fausses fibres extérieures. Dans un certain nombre de Labiées ligneuses, le périderme primaire se forme au-dessous des fibres Hhériennes (Lavandula, Rosmarinus), tandis que dans d’autres il se forme sous l’épiderme (Plectranthus fruticosus, Leonotis). Dans le Plantago afra, le périderme est très-particulier ; les cellules épidermiques sont très-petites, et au-dessous se trouve généralement une seconde rangée de cellules de même gran- deur que les premières ; la membrane mitoyenne entre ces deux assises est colienchymatoïde; puis viennent une ou deux rangées de cellules inmcolores ou contenant un liquide carminé : c’est dans la plus interne de ces rangées que prend naissance le périderme, qui engendre vers l’intérieur des cellules cortico- subéreuses; Le reste de l'écorce primaire est homogène herbacé. Le Plantago Lwfflingii développe son périderme primaire au-dessous des fibres libériennes. Dans les Épacridées et les Éricacées, le périderme primaire parait toujours se former au-dessous des fibres Hbériennes primaires (dans tous les genres étudiés : Æpacris, Leucothoe, Kalimia, Clethra, Azalea, Ledum, Zenobia, Macleania, Psam- 6° série, BoT. T. IT (Cahier n° 4). 1 15 194 3. VESQUE. mesia, Lyonia, Arctostaphylos, Andromeda, Rhododendron) (V) . Dans les Vaccinüum, le périderme se forme immédiatement au-dessous de lépiderme. Dans les Oléinées, il se développe au-dessous de Pépiderme, sauf dans le Forsythia viridissima, où 1 prend naissance dans l’'épiderme. Dans les Hypéricinées, il va une différence assez significative entre les Hyperieum avec leur périderme au-dessous de Pépi- derme, et l'Ancistrolobus pulchellus, qui possède au-dessous des fibres libériennes primaires un périderme à cloisons internes épaissies, comme dans les Ternstræmiacées, qui ne sont cepen- dant pas très-constantes elles-mêmes sous ce rapport ; tandis que Thea et Gamellia présentent ce périderme épaisst au-dessous des fibres, le Visnea mocanera et le Ternstrænuia brevipes ont un périderme à parois onduleuses au-dessous de Pépiderme. Les Euphorbiacées ont le périderme primaire au-dessous de l’'épiderme. Je clos cette énumération trop longue par quelques exemples réduits aux noms des plantes pour les dispositions les plus rares. Dans l’épiderme, outre les cas cités plus haut : Séaphyleu, quelques Célastrimées. Au-dessous du collenchyme : Phlomis fruticosa. À deux assises environ du liber : Mehianthus major. En dehors des fibres libériennes et en contact avec elles : Diplacus punieus, Rhytidophython Plumieranm. Entre le liber et l'écorce primaire en l'absence de fibres : Dipsacus, Gephalaria, Galceolaria rugosu. Au-dessous des fibres libériennes primaires : Buddleia qlo- bosa, Gesneria elongata (2), Eranthemum spinosum (Acanth.), Fagonia cretica (Zygoph.). (1) Arth. Gris l'avait déjà reconnu pour un certain nombre d'espèces en 1872 (Comptes rendus, 1872, p. 875). (2) Immédiatément au-dessous de lépiderme il peut s'établit un peu de périderme revêtant le caractère de productions subéreuses locales, mais le véritable périderme primaire régulier se développe au-dessous des fibres libé- viennes. ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 195 Il me sera permis de passer sous silence quelques-uns de nos arbres, qui ne forment qu’un seul périderme et conservent ainsi une écorce à peu près lisse, au moms pendant la plus grande parte de leur existence; les travaux si importants de MM. Hugo Mohl et Hanstein me dispensent d'en parler. VI. — Le périderme primaire, tel que nous venons de l’étu- dier, est souvent suivi, à une profondeur variable, d’une série de péridermes qui enlèvent successivement plusieurs lames de rhytidome. Depuis MM. Hugo Mohl et Hanstem on distingue : 1° Le rhytidome annulaire (Ringelborke), compris entre deux lames de périderme concentriques. 2 Le rhytidome écailleux, compris entre des lames de péri- derme dont les bords s'appuient sur un périderme précédent. La formation du périderme primaure au-dessous des fibres hibériennes primaires indique le rhytüidome annulaire, surtout lorsque les fibres libériennes secondaires sont disposées en zones (1). a. Rhytidome annulaire. — Je ne veux pas revenir encore une fois, après M. Hanstein, sur les beaux exemples qui ont servi à établir ce type : la Vigne, la Clématite, etc.; je me bor- nerai à décrire quelques-uns de ceux qui se recommandent encore par d’autres qualités. Lyonia paniculata (pl. 10, fig. 5).— Le liber de cette Éricacée consiste en couches alternantes de fibres et de liber mou. Les couches de fibres sont fortes de une à trois assises; celles de liber mou de six assises de cellules en moyenne; les cellules des pelts rayons médullures se sclérifient au niveau des fibres libériennes. Le périderme primiure se forme au-dessous des fibres libériennes primaires; puis vient une succession de péri- dermes qui ne laissent entre eux qu'une, deux ou trois assises (4) L'étude du rhytidome des plantes exotiques ne peut ètre qu'incomplète, parce que, d’un côté, les plantes cultivées en serre sont trop précieuses pour être sacrifiées, et que, d’un autre côté, les échantillons des herbiers sont presque ioujours beaucoup trop jeunes. Cette étude ne peut donc se fane que dans des circonstances exceptionnelles : c’est une raison pour ne laisser échapper aucune occasion de ce genre. 196 J. VESQUE. d'éléments hbériens et divisent une seule couche Hbérienne, par exemple, en cinq lames de rhytidome. Dans le Coprosma lucida, le périderme (nŸ"° + 4) se forme quelquefois dans la rangée de cellules située immédiatement au-dessous du périderme 2°", de sorte que le rhytidome est réduit à une seule membrane cellulaire. Les cellules cortico-subéreuses peuvent enfin jouer un rôle très-important dans la décortication. La famille des Rubracées uous en fournit des exemples très-frappants. Dans le Serissa faætida, Vépiderme de Pécorce primaire, composée d’un collen- chyme (2-3 assises) et d’un üssu lâche, tombe par la formation du périderme primaire qui se forme à la limite du hber au- dessus des fibres libériennes. Celles-ci sont en petit nombre, et ilne s’en forme pas de secondaires ; elles manquent même sur de grandes étendues. Le fiber mou est très-épaissi et consiste en cellules parenchymateuses fortement ponetuées sur les faces latérales, et en tubes cribreux de structure très-simple. I se forme ensuite plusieurs lames successives de péridermes secon- daires, fournissant chacune à l'intérieur une couche épaisse de quatre assises et plus de cellules cortico-subéreuses qui laissent entre elles de petits méats; la partie externe du Hiber mou se selérifie, et le périderme suivant s'établit au-dessous de la zone selérifiée, de sorte que chaque fume rhytidomatique est formée par une couche de cellules cortico-subéreuses et une couche scléreuse; les cellules cortico-subéreuses remplacent chaque fois l'écorce primaire. Le rhytidome écailleux de nos arbres a été décrit avec un som extrême par les deux observateurs allemands que j'ai déjà ertés plusieurs fois, MM. Mohl et Hanstein ; dans quelques cas seule- ment les cellules cortico-subéreuses me paraissent avoir été un peu négligées. Ainsi, on sait que la surface fraichement dé- pouillée de l'écorce du Platanus occidentalis est d'un vert jau- nâtre très-clair; peu à peu elle devient d’un vert plus foncé grisâtre, et enfin, quand les cellules meurent par suite de la formation d'un nouveau périderme, elle devient brune. M. Hansteim dit que la couleur verte de l’écorce provient de ANATOMIE COMPARÉE DE L'ÉCORCE. 197 la coloration verte des cellules du périderme : c’est, en effet, ce qui à lieu au commencement; mais il se forme bientôt, à l'intérieur du suber, des cellules cortico-subéreuses rangées régulièrement en files radiales et tangentielles; la production du suber proprement dit cesse avant que l’autre commence, et l’activité du phellogène parait passer ici du type centripète au type centrifuge. EXPLICATION DES PLANCHES. Dans toutes les figures : ep. signifie épiderme ; e. pr. écorce primaire ; f. fibre ; . L. fibre libérienne ; {. m. liber mou; c. cambium ; b. bois; v. p. vaisseau &) D ? 2 ponctué ; p. &. parenchyme ligneux ; tr. trachée ; v. g. vaisseau grillagé ou tube cribreux ; pd. périderme ; rh. rhytidome. PLANCHE 9. Fig. 1. Épiderme de la tige de Pedilanthus Houlletianus. Presque toutes les cellules se divisent par une, deux, ou même trois cloisons. — st., stomate. Fig. 2. Épiderme de la tige de Leycesteria formosa (pris à la base de la tige). Division de quelques cellules épidermiques par de fines cloisons dirigées dans plusieurs directions (a). Fig. 3. Épiderme de la tige de Russelia juncea. Divisions secondaires nom- breuses (a). , Fig. 4. Coupe longitudinale radiale de l’épiderme de Russelia juncea. Les cel- lules épidermiques se divisent également par des cloisons tangentielles en deux cellules superposées. Fig. 5. A. Cellules scléreuses de la moelle de Kadsura japonica, sur la coupe longitudinale. Les parois de ces cellules renferment des cristaux d’oxalate de chaux. B. Idem. Coupe transversale. Fig. 6. Cellule cristalligène de la moelle de Kigellaria africana. Le cristal est tenu en place par des prolongements cellulosiens terminés par un petit bouton. Fig. 7. Cloisons transversales des cellules grillagées de Broussonetia papy- rifera. A. Coupe oblique. Réseau cellulosien traversé par les filaments proto- plasmiques. B. Coupe horizontale à travers la cloison (fendue par le couteau). Au centre de chaque maille on aperçoit la coupe du filament protoplasmique. C. Coupe verticale. On voit le réseau cellulosien recouvert de chaque côté par une masse incolore, qui est elle-même traversée par les filaments protoplasmiques, 198 J. VESQUE. Fig. 8. Cellule grillagée striée du Quercus pedunculata. Fig. 9. Cellule cristalligène du liber mou de l'Hirwa Houlletiana. Coupe tan- gentielle. La cellule se divise transversalsment et longitudinalement en un système de compartiments dont chacun renferme un petit oursin d’oxalate de chaux. Fig. 10. Cellules cristalligènes du liber du Coprosma lucida, irrégulièrement divisées. Les cristaux ont été dissous dans l’acide chlorhydrique, et les cavités reproduisent exactement les formes des cristaux. PLANCHE 10. Fig. 1. Coupe transversale de la partie interne du faisceau fibro-vasculaire du Goodenia ovale. Fig. 2. Coupe transversale du liber intérieur de lOchroma tubiflora. Fig. 3. Coupe transversale du bois avec un faisceau libérien du Chironia linoides. Fig. 4. Idem. Coupe radiale. Fig. 5. Coupe transversale de Pécorce du Lyonia paniculata. PLANCHE 11. Fig. 1. Coupe transversale de la partie centrale de la tige du Bryonia dioica, en automne. Fig. 2. Coupe transversale de l'écorce et de la partie externe d’une des lames alternativement ligneuses et libériennes de la tige de l'Hexacentris coccinea. ÉTUDES HISTOLOGIQUES ET HISTOGÉNIQUES LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES ET QUELQUES PRODUCTIONS ANALOGUES Par M. JOANNES CHATIN. L'histoire des organes sécréteurs mérite d’être comptée au nombre des questions le plus souvent étudiées et, faut-il l'avouer, le plus incomplétement connues de la physiologie végétale. À diverses époques, des travaux, souvent considé- rables, ont été publiés sur ce sujet, et cependant, à part quel- ques détails organographiques groupés dans de nombreux essais de classification, la science ne possède actuellement que des notions bien imparfaites sur le rôle et la structure de ces organes. L’excuse des botanistes qui ont consacré leurs soins à l'étude des glandes se trouve dans la multiplicité et Pétendue mêmes des questions qui s’y rattachent. Presque tous, en effet, ont voulu les examiner dans leur ensemble, et dès le début de leurs recherches se sont trouvés en présence d’une telle variété de formes extérieures, qu'ils ont dù presque constamment accorder à celles-ci la meilleure partie de leurs observations, au détriment de l’anatomie et de la physiologie ainsi sacrifices à la morphologie. Ces considérations m'ont amené à penser qu'il y aurait peut- être quelque intérêt à reprendre l'étude des organes sécréteurs au point de vue de leur constitution intime, dans l’espoir que les notions ainsi fournies sur la structure des glandes végétales 200 JS. CHATIN. pourraient permettre d'en aborder un jour l'étude physiologique avec quelques éléments de succès, et de combler ainsi peut-être une des plus regrettables lacunes de l’histoire des plantes, car nous ne savons actuellement quelle valeur précise attribuer à ces termes de «glandes » et de « sécrétions végétales », que nous devrons peut-être rapporter un jour à de simples phéno- mènes d'absorption élective (4). Je comptais, à mon tour, examiner successivement les dif- férents organes indiqués comme glandulaires ; mais dès le début de mes recherches j'ai dû me convainere que je tomberais in- fulhiblement dans le même écueil que mes devanciers st je ne limitais mes observations à certains types bien définis. Jai donc dù me borner présentement à l'étude des glandes foliares et de quelques productions analogues qui seront seules décrites dans cette note. Plusieurs motifs n'ont guidé dans le choix de ces glandes foliaires qui, sous différents noms (2), ont été depuis longtemps signalées dans un grand nombre de végétaux : situées dans une partie du végétal dont la structure demeure assez constante, il devait être plus aisé de suivre les progrès de leur différen- clation; puis ces glandes ont généralement une constitution assez simple dans leur ensemble pour qu’on püt aisément dis- tinguer les principaux détails de leur structure; enfin il était presque toujours aisé de pouvoir observer les feuilles aux diverses époques de leur développement, et cette dernière condition était indispensable pour pouvoir poursuivre ces recherches selon la méthode que j'avais cru devoir adopter et dont 1l me reste à indiquer le principe. () Voy. CI. Bernard, De La physiologie générale, p. 284. Paris, 1872. (2) Glandes vésiculaires (Guettard, Mémoires de l’Académie des sciences, 1745): glandes de chair (Schrenk, Von den Nebengefussen der Pflanzen und ihrem Nutzen, Malle, 1794); glandes déprimées (Link, Philos. Bot., t. I), glandes intérieures composées (Meyen, Ueber die Secretions Organe der Pflanzen, Berlin, 4837) ; glandes intérieures (X. Martinet, Organes de sécretion des végé- taux, in Ann. des sc. nat., BoT., Paris, 1872). — On sait que De Candolle et Auguste de Saint-Hilaire refusaient à ces organes le nom de glandes, et les con- sidéraient comme de simples réservoirs d’huile essentielle, ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 201 Les recherches dont je résume ici les principaux résultats ayant eu pour objet l’étude d’un groupe d'organes sécréteurs considérés dans leurs éléments constituants, jai pensé que pour être assuré d’omettre le moins de faits qu'il me serait possible, il convenait d'examiner ceux-ci non-seulement dans les carac- tères spéciaux qui les distinguent à l’état parfait, mais encore, et surtout, dans les différentes périodes de leur développement. De nombreux exemples militaient d'ailleurs en faveur d’une semblable méthode, et chacun sait quels progrès considérables elle à permis de réaliser dans l’histoire des organes repro- ducteurs, etc. Je me suis donc efforcé d'aller constamment du simple au composé, cherchant toujours à examiner les éléments dès que leur différenciation commençait à se manifester d’une manière appréciable. Nul n'ignore les difficultés que comportent les recherches histologiques, quels soins elles exigent dans leurs détails, avec quelles précautions il convient d’en mterpréter les résultats. Les efforts les plus laborieux et les plus incessants ne suffisent pas toujours à leur garantir le succès, aussi me crois-Je autorisé à réclamer quelque indulgence pour les imperfections qui pourront se remarquer dans cette note. CITRUS AURANTIUM. (PI. 19, fig. 1-45.) Les nombreux travaux publiés sur la famille des Aurantiacées, ou, plus particulièrement, sur le genre Citrus, nous ont fourni de précieux détails sur la nature des glandes du fruit des Orangers, des Citronniers, ete. (1); mais les glandes foliaires qui existent chez ces mêmes végétaux ont été généralement beau- coup moins étudiées, et je ne crois pouvoir choisir un meilleur type pour commencer l'étude des différents organes de sécrétion qu'il m'a été donné d'examiner. Il est d’ailleurs facile de se procurer des feuilles de Citrus Aurantium à différents âges, et (1) Risso et Pioteau, Hist. fam. Orangers, t. I, p. 24. — Martinet, Org. secrét. (Ann. se. nal., 5° série, 1872, vol. XIV, p. 91, etc.). 202 J. CHATIN. chacun pourra vérifier aisément, et par son observation per- sonnelle, les faits que je vais résumer 1er. Sur une très-Jeune feuille d'Oranger, feuille mesurant 5 mil- limètres en longueur, on constate qu'au point où se formera la olande, une cellule du mésophylle prend un développement spécial : d’abord sensiblement polyédrique, elle s’arrondit peu à peu, et revêt ainsi une forme assez régulièrement ovoide; en même temps la chlorophylle en disparait peu à peu, et dès cette époque, pourtant encore bien peu avancée, on peut très- nettement distinguer cette première ébauche de la glande foliare (4). Peu après que se sont produits les phénomènes que je viens de décrire, on voit apparaître une cloison qui divise en deux utricules la cellule primordiale de la glande ; cette division se répète de façon à consütuer un ensemble de quatre cellules à parois minces, à contour sinueux, et que leur teinte pale fait aisément distinguer des éléments voisins (2). La glande existe donc déja, non plus représentée par une cellule unique, mais par un tissu propre, et cependant la feuille qui la porte mesure à peine un centimètre de longueur. Ge détail suffit à montrer combien il est indispensable de remonter aux premiers âges, si l’on veut se faire une idée suffisamment exacte de la structure et du développement de ces parties. Souvent, dès cette époque, on voit apparaitre, dans l’intérieur des cellules glandulaires, de petites gouttelettes oléagmeuses, et, dans quelques cas, d'ailleurs fort rares chez le Citrus Aurantium, la glande s'arrête à cet état quadricelulaire. Mais, en général, la division cellulaire se poursuit, et lon voit ainsi la glande comprendre successivement 8, 16, 32,..., 7 cellules. L’organe est alors arrivé à son état parfait (3) : au pot de vue anatomique, il a atteint son complet développement; au point de vue physiologique, ses éléments ont également fonctionné selon le rôle qui leur était assigné, et les gouttelettes oléorési- (4) PI. 12, fig. 1 c. (2) PI. 12, fig. 41. (3) PI. 42 fig. LV. ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 203 neuses qu'ils renferment, et qui présentent leurs réactions caractéristiques, montrent que le produit de sécrétion s’y est convenablement élaboré. Il ne reste donc plus qu’à mettre ce produit en hberté; une nouvelle série de phénomènes va assurer ce dernier acte de la vie de la glande. Les cellules du centre de l'organe ne tardent pas à se rompre, leurs parois disparaissent, et durant un certain temps la glande n’est plus composée que de quelques assises de cellules péri- phériques riches en globules oléagimeux et circonserivant une cavité centrale dans laquelle se rassemblent ceux de ces mêmes globules que la résorption cellulaire met successivement en liberté (1). Gette résorption s'étend d’ailleurs aux éléments périphériques, et bientôt la place où s'était formée la glande, où elle a vécu et fonctionné, n’est plus représentée que par ce réservoir rempli d'huile essentielle. La feuille mesure alors de 3 à 4 centimètres de longueur. Telle est l’évolution d’une glande folhiaire du Citrus Auran- lium, considérée isolément et suivie dans les modifications subies par les éléments propres de la glande. Si, se plaçant à un autre point de vue, on se propose d'étudier le développe- ment comparé des différentes glandes portées sur une même feuille, on constatera quelques nouvelles particularités entre lesquelles je signalerai les suivantes. Les glandes du bord de la feuille se développent les premières, et forment ainsi, à cet appendice, une sorte de cadre marginal facile à distinguer lorsqu'on regarde la feuille par transparence. Combinant cette observation avec les notions fournies précédemment, on peut aisément s'expliquer comment, sur une même feuille, les glandes de la périphérie auront déjà subi une résorption à peu près totale, tandis que les glandes situées vers le milieu de la feuille seront encore constituées par une masse cellulaire con- tünue, et dont les éléments seront plus ou moins riches en gra- nules oléagimeux. Sur une feuille observée à un état encore moins avancé, les premières pourront ainsi être constituées par (1) PI. 49, fig. 4v. 20% J. CHATIN. huit cellules, tandis que les glandes du centre seront encore uni- cellulaires, ete. Enfin, au point de vue des rapports qui peuvent exister entre la glande et les autres tissus de la feuille, signalons son voisinage très-fréquent des faisceaux fibro-vasculaires ou de leurs divisions, disposition que nous retrouverons dans la généralité des glandes foliaires, et dont il y aura lieu de recher- cher la signification fonctionnelle lorsqu'on cherchera à établir le rèle physiologique de ces organes. HYPERICUM PERFORATUM. (PL. 49, fig. 4-45.) Les glandes du Millepertuis, si souvent étudiées au point de vue taximomique (1), présentent, lorsqu'on les examine dans leur structure et leur développement, les mêmes caractères généraux que les glandes foliaires précédemment étudiées. C'est vers le milieu du mésophylle, à peu près à égale distance des deux épidermes, que se montre généralement la première cel- lule de la glande ; elle ne tarde pas à se diviser, et bientôt on à sous les yeux une glande composée de quatre cellules (2). I con- vient de remarquer que loléorésine apparait ici beaucoup plus tôt que dans certaines plantes précédemment étudiées, et sou- vent, dès les premiers âges de l'organe, on en voit quelques gouttelettes (3). La glande ne comprend d’ailleurs jamais un bien grand nombre de cellules, et ces dernières ne tardent pas à se résorber du centre vers la périphérie (4) ; on voit ainsi se (1) On sait qu’à l'exemple de Lamarck, plusieurs botanistes modernes ont eu recours aux caractères fournis par les glandes des Hypericum pour établir une division méthodique entre ses nombreuses espèces (Ventenat, Jard. de Cels, 98° tableau; A. Richard, Tentamen Floræ abyssinicæ, t. 1, p. 95, ete.). — Plus récemment, M. le professeur Clos a repris l’étude de ces glandes considérées sous le rapport taxinomique, et l’a poursuivie dans ses principaux détails (D. Clos, Des glandes dans le genre HyYPeRICUM, in Acad. des sc., inscriptions el belles-lettres de Toulouse, 6° série, 1868, t. VE, p. 257). (2) PI. 12, fig. 4, 4. (3) Ibid. (4) PI. 12, fig. 41, ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 205 former de bonne heure le petit réservoir à huile essentielle (1). Chacun sait avec quelle abondance ces petites lacunes se ren- contrent dans la feuille du Millepertuis, auquel elles ont valu son nom vulgaire; rarement les gouttelettes oléorésineuses y demeurent séparées, et presque toujours elles s’y rassemblent en globules assez volumineux (2) et de teinte variable. RUTA ANGUSTIFOLIA. (PL. 19, fig. 2-2.) Dans plusieurs espèces du genre Ruta, on observe des glandes foliaires riches en huile essentielle de couleur jaune verdàtre ; mais les éléments sécréteurs ne sont pas limités à ces parties de la plante, et l’on observe parfois, sur la tige et les rameaux, des productions qui, par leur structure et leur développement, méritent d'en être rapprochées. Le Ruta angustifolia est parti- culièrement remarquable à ce point de vue, et sa richesse en glandes foliaires, pétiolaires et caulinaires n'a déterminé à le prendre comme sujet des études dont je vais résumer les con- clusions principales. 1. Glandes foliaires. — Ges glandes présentent dans leur développement les mêmes caractères généraux que nous a ré- vélés l'examen des glandes foliaires de lOranger (3), suivies aux différentes périodes de leur développement. D'abord uni- cellulaires, elles arrivent rapidement à constituer un ensemble cellulaire continu (4) ; mais les choses demeurent peu dans cet état : les cloisons des cellules centrales se déchirent, dispa- raissent, et bientôt il ne reste plus, à la place qu’elles occu- paient, qu'un vide rempli de granules oléorésimeux (5). Glandes des pétioles, des rameaux et des tiges. — Sur une Jeune tige mesurant 2 à 3 nullimètres de diamètre, on peut (1) PI. 12, fig. 4, Av. (2) Ibid. (3) Il faut toutefois noter que la résorption cellulaire s'effectue plus prompte- ment que chez le Citrus Aurantium. (4) PI. 12, fig. 2. (5) PL 12, fig. 21. 206 J. CHATIN. aisément constater, en s'aidant d'un faible grossissement (25/1), qu'en certains endroits sa surface se trouve comme soulevée de dedans en dehors; si lon pratique une coupe transversale pas- sant par un de ces points, et qu'on l'observe sous un grossisse- ment de 300 à 500 diamètres, on constatera qu'il y existe une production interne qui, par son développement et sa structure, se rattache étroitement aux glandes qui viennent d’être décrites dans la feuille. D'abord, à peine indiquée par une cellule qui a subi la diffé- renciation indiquée plus haut, cette production se trouve bientôt représentée par une masse plus ou moins nombreuse de cellules qui pressent les cellules épidermiques vers l'extérieur et déter- minent ainsi la saillie qui vient d’être mentionnée (1). Bientôt les cellules du centre disparaissent, et grâce aux progrès de cette résorption utricukure, on voit bientôt le centre de la glande occupé par une lacune riche en oléorésine (2). Il convient de noter que, sur les pétioles et les rameaux, comme sur les feuilles, les cellules glandulaires se trouvent à peu près constamment séparées des éléments épidermiques par une assise de cellules généralement chlorophylliennes. D10SMA ALBA. (PL. 12, fig. 3-39.) Un certain nombre de Diosmées sont employées en thérapeu- tique en raison des nombreuses glandes oléifères dont sont par- semées leurs feuilles : tels sont les Barosma crenata, crenu- lata, serratifolin et betulina, que les Hottentots employaient sous le nom de « Bucco où Buchu », et qui, depuis un certain nombre d'années, ont pris place dans notre matière médicale (3). Aussi ai-je pensé qu'il y aurait intérêt à ne pas laisser ce groupe en dehors des études que je résume ici ; les circonstances m'ont obligé malheureusement à limiter mes recherches au PDiosna (4) PL 12, fig. Dur. (2) PI. 192, fig. 2iv. (3) G. Planchon, Trailé pratique de la détermination des drogues simples d'origine végétale. Paris, 1874, t. 1, p. 161, fig. 77 et suiv. ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 207 alba, dont les glandes foliaires m'ont présenté les caractères suivants. Dans les diverses espèces de Barosma que j'énumérais plus haut, les plus volumineuses des glandes foliaires se trouvent vers le bord de la feuille; chez le Diosma alba, c'est au con- traure sur les flancs de la nervure médiane que ces productions acquièrent le plus grand développement; quant à leur évolu- tion et à leur structure, elles sont entièrement comparables à ce que nous avons vu dans les types précédents. En un point du parenchyme se différencie la cellule primor- diale, puis des divisions successives amènent la glande à former un ensemble cellulaire de plus en plus complexe (1). Mais 11 convient de remarquer que cet ensemble est lom d'atteindre le degré de complication qui nous à été offert chez diverses plantes ; bien souvent les glandes foliaires du Diosma ne dépas- sent pas le nombre de huit cellules, parfois même elles s’ar- rêtent au chiffre de quatre cellules. Mais leur fin dernière est exactement comparable à ce qu'elle est dans la totalité des plantes étudiées ici, et c’est toujours grâce à une résorption cellulaire progressive que l’oléorésine se trouve mise en liberté. Dans le Diosma alba, c'est encore presque constamment auprès des nervures qu'on rencontre les glandes foliaires, et les coupes pratiquées à travers la feuille montrent ainsi ces pro- ductions dans le voisinage des faisceaux fibro-vasculaires (2). TÉRÉBINTHACÉES, SCHINUS MOLLE. (PI. 13.) Dans le Schinus Molle, les feuilles présentent une compli- cation remarquable dans le nombre et la nature de leurs organes sécréteurs ; aux glandes proprement dites se trouvent annexés de véritables canaux oléifères, et ces productions s’observant (4) PI. 12, fig. 3, %, 3. (2) PI. 19, fig. 31, ur, 30. 208 J. CHATIN. sur le pétiole aussi bien que dans le limbe, et se retrouvant également dans la tige, je crois devoir les étudier dans ces diverses parties. 1. Glandes foliaires. — Dans l'épaisseur du mésophylle, gé- Ce) néralement dans le parenchyme rameux ou arrondi, se forment des glandes qui se développent selon le mode mdiqué précé- demment : mème multiphcation cellulaire suivie de la même résorption progressive (Î); mais ces glandes n’entrent que pour une fable part dans là production de l'huile essentielle que contiennent ces feuilles, et qui se forme principalement dans les canaux oléorésimifères. 2. Canaux oléorésinifères. — Ces canaux s'observant non- seulement sur les feuilles (2), mais encore dans les rameaux, les pétioles et les tiges, 1l'est préférable de les étudier, au point de vue histologique, dans ces dernières parties où Pon peut mieux suivre les progrès de leur développement. Au point où se formera un de ces canaux, on voit S'opérer une mulüplication cellulaire analogue à celle qui a été signalée dans les glandes foliares (3); les cellules ainsi différenciées augmentent rapide- ment en nombre et en volume; de bonne heure les plus cen- trales se désagrégent, etforment ainsi une cavité Intérieure dans laquelle se rassemblent des gouttelettes d'huile essentielle (4). Mais ces phénomènes ne se sont pas limités à une faible épais- seur comme dans les glandes ordinaires ; 1ls se sont au con- traire répétés sur une assez longue étendue, et sur la coupe verticale on voit ainsi se former un canal rempli d'huile essen- lielle et limité par des cellules spéciales mesurant alors 0,02 en diamètre (9). A mesure que la tige grandit, la résorption de ces cellules s'effectue plus complétement, et de bonne heure on ne voit plus, sur la tige ou le pétiole, que des canaux remplis d'huile (A) PI 13, fig. 1 et fr. (@) PI. 13, fig. 1nc, €. (3) PI: 413 fig. 2, 2E (4) PI. 13, fig. 21, Zur, Av. (5) PI. 13, fig. 21 4 ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 209 essentielle et dont les utricules ont disparu plus ou moins com- plétement (1). On voit que selon qu’on étudiera ces canaux aux différentes périodes de leur développement, on pourra aisément constater l’existence de leurs cellules propres, ou au contraire ne plus trouver trace de ces éléments, et admettre ainsi des hypothèses bien différentes pour expliquer leur origime et leur mode de formation. MYRTACÉES. MYRTUS COMMUNIS. (PL. 44, fig. 1-45.) Les feuilles du Myrtus communis présentent des glandes inté- rieures assez nombreuses, et dont l’étude histologique et histo- génique révèle des particularités analogues à celles qui ont été indiquées pour les plantes étudiées précédemment : une cellule, généralement située dans le parenchyme müriforme, marque de bonne heure le point où apparaîtra la glande (2); une multiplication par division s’opérant, on a bientôt sous les veux une glande formée de 2, puis de 4 cellules (3); celles-ci aug- mentent encore en nombre, tandis que les globules oléorési- neux se montrent dans leur intérieur (4). Enfin, la glande étant parvenue à son état de complet développement, les cellules cen- trales se désagrégent et disparaissent (5); les autres persistent encore durant quelque temps, puis se rompent, mettant en liberté l’oléorésine qu’elles renfermaient, et la glande n’est plus dès lors représentée que par une lacune plus ou moins grande, généralement arrondie et renfermant un certain nombre de globules d'huile essentielle (6). Les glandes foliaires du Wyrtus convmunis se développent généralement dans le voisinage des nervures; une assise de cellules chlorophylliennes les sépare presque constamment (1) PL 13, fig. 31, 41, Au, — Ce produit de sécrétion est employé par les me- decins péruviens sous le nom de résine du Molle. — (2) PI. 14, fig. 1. — (3) PI. 14, fig. 4. — (4) PI. 14, fig. 11. — (5) PI. 14, fig. 11, — (6) PI. 14, fig. LV. 6e série, Bot. T. I (Gahier n° 4). ? {4 910 3. CHAN. de l’épiderme (1). Au sujet des relations qui peuvent exister entre la glande et les éléments voisins, je ferai remarquer que, dans les Myrtus comme dans diverses autres plantes, la for- mation de l'organe sécréteur semble exercer une action moci- ficatrice sur les cellules ambiantes; souvent celles-er offrent une apparence spéciale dans Pétat de leur paroi où de leur contenu ; parfois aussi leur forme semble se modifier, et, de la sorte, elles paraissent former comme un revôtement propre à l'organe glandulaire (2). EUCALYPTUS RESDONI. (PI. 14, fig. 2-67.) On sait que les feuilles des différentes espèces du genre Æwed- lyptus sont généralement riches en glandes, produisant huile essentielle qui détermine les différents usages de ces plantes. Ces organes sécréteurs ne sont d’ailleurs pas toujours Timités aux feuilles, et, dans certaines espèces, on relrouve, sur les pétioles, les rameaux ou les tiges, des productions analogues. L'Eucalyptus Resdoni Muell. est smguhèrement remarquable sous ce rapport, aussi ai-je cru devoir nr'attacher tout Spécla- lement à en étudier les diverses glandes. 1. Glundes folinires. — D'une cellule placée à quelque dis- tance de l'épiderme, mais rarement en contiguité avec ce der- nier (3), procède, par une différenciation semblable à celle qui a été signalée précédemment, une glande composée SUCCESSIVE- ment de 2, #,.…..,ncellules (4). Les gouttelettes d'huile essentielle apparaissent bientôt; puis la résorption cellulaire s'opère, lus- cant une cavité dans laquelle se rassemblent ces gouttelettes (5). Le développement de la glande se présente done 1e1 avec les mêmes caractères que dans les plantes étudiées précédemment; inais je dois faire remarquer combien est prompte la formation de l'oléorésine : parfois la glande n’est encore formée que de 9) PA 44, fig. 14 do, dr, ft, Lv, —(2) PL 14, fig. tu, =: (3) PL: 14, fig. 2. 22 (4) PL 44, fig. 21, 20, 2. (5) PL. 14, big. 2. ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 211 deux cellules, lorsque s'y montrent les premiers de ces bules (1). 9. Glandes caulinaires. — À la surface de la tige et des rameaux de lEucalyptus Resdoni on voit des sortes d’excrois- sances verruqueuses rougeàtres et mesurant de un à plusieurs millimètres de diamètre sur un individu haut de 1",50, et le plus grand que j'aie pu observer, À première vue, on serait tenté de les rapprocher des lenticelles ou des autres productions ana- logues, tandis que ce sont en réalité de véritables glandes, comme le montrent l'examen de leur structure et l’étude de leur développement. glo- Si l’on pratique une coupe transversale passant par ure de ces excroissances, et qu'on Fexamine sous un grossissement de 300 à 400 diamètres, on constate qu’elle consiste simplement en une cavité renfermant de nombreuses gouttelettes oléorési- neuses. Sur une semblable section transversale cette lacune se présente comme arrondie, et sur la coupe longitudinale on con- state qu’elle ne s'étend pas de façon à représenter un canal; en résumé, ses dimensions sontsensiblement égales dans ces deux directions, et sa forme semble correspondre assez bien à celle d’un ellipsoide. Comment se forme ce réservoir? Les. détails suivants vont nous montrer les phases principales de son développement. Si l’on examine une très-Jeune tige à son extrémité terminale, c’est-à-dire vers le point où lon peut être assuré de trouver les tissus les plus jeunes et les moins différenciés, on voit une cel- lule grandir, se décolorer et revêtir tous les caractères que nous avons reconnus à la cellule primordiale des glandes foliaires (2) ; cette cellule se divise bientôt selon le mode habituel, et la tige estencore peu développée, qu'on voit les glandes soulever Pépi- derme et déterminer ainsi des saillies extérieures fort appré- ciables (3). On constate que ces glandes comprennent alo:s un nombre assez considérable de cellules propres et renferment déjà quelques granules oléorésineux (4). Puis les saillies s'ac- (1) PI. 14, fig. 20, — (2) PI. 14, fig. 30 — (3) PI, 14, fig, 4. — (4) PL 14, lie. 4 212 J. CHAN. centuent davantage (1), tandis que les cellules propres augmen- tent en nombre et en volume, et que les globules oléorésimeux grossissent rapidement (2). La tige grandit encore, et ses saillies glandulaires deviennent de plus en plus volumineuses (3) ; les cellules propres se sont en orande partie résorbées, et l'huile essentielle se rassemble dans la cavité que nous signalions au début de cette description et que nous retrouvons avec les caractères indiqués plus haut, soit que nous considérions la coupe transversale (4), ou que nous éxaminions au contraire la coupe longitudinale (5). D'une façon générale, ces productions verrucoïdes de VE. Resdoni sont d'autant moins développées que le rameau est plus jeune ; elles sont très-nombreuses sur les pétioles, particularité que l’on peut rapprocher de leur situation dans le limbe foliure, où on les rencontre toujours dans le voisinage des nervures. On voit donc qu'ici, conformément aux observations de M. Trécul, le pétiole se montre formé par une portion de l'axe se déviant complétement non-seulement avec ses tissus éssentiels, mais aussi avec ses productions seeondaires. EUCALYPTUS GLOBULUS. (PI. 44, fig. 7-70.) Chez cette espèce, dont les feuilles sont si fréquemment employées dans la thérapeutique contemporaine, en raison de l’'abondante sécrétion de leurs glandes intérieures, on voit ces organes présenter dans leur développement des caractères ana- logues à ceux que nous avons reconnus chez lÆ. Resdoni (6). Quant aux glandes caulinaires, j'ai pu les observer fréquem- ment sur de jeunes Imdividus hauts de 1 à 2 mètres. Ces pro- ductions se constituaient de la mème manière que dans l'espèce précédemment indiquée, mais leur volume était moindre, et (1) PI. 14, fig. 5. — (2) PL. 14, fig. 54 — (3) PL. 14, fig. 6. — (4) PI. 144, üig. 61 — (5) PI, 14, fig. 61. — (6) PI. 14, fig. 7, 7. ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 213 jamais je ne leur ai trouvé la coloration rougeâtre qui permet de les reconnaitre si aisément chez l'Eucalyptus Resdoni. EUCALYPTUS CORIACEA. — ÉUCALYPTUS COCCIFERA. Ayant eu à ma disposition de très-jeunes individus de ces espèces, récemment donnés par le Muséum d'histoire naturelle à l'École supérieure de pharmacie, chez tous j'ai pu constater la présence de glandes caulinaires en tout comparables à celles des Æ. Resdoni et Globulus; elles présentaient, avec la plus grande netteté, la coloration rouge que j'ai signalée dans le premier de ces deux types. PSIDIUM MONTANUM. (PI. 45, fig. 14.) Le Psidium montanum, comme certaines espèces de Ruta, de Schinus et d'Eucalyptus, offre une grande abondance d’or- ganes sécréteurs ; en dehors des glandes foliaires, 11 existe en effet des productions réparties à la surface des rameaux et des tiges, productions que les observations histologiques et histogé- niques obligent à ranger, comme dans ces plantes, parmi les organes glandulaires. 1. Glandes foliaires. — D'abord unicellulaires, elles ne tardent pas à comprendre # cellules (1); puis le nombre de leurs éléments augmente rapidement, et la glande arrive presque constamment au contact de lépiderme (2) ; la résorption cellu- laure s’y produit du centre à la périphérie, selon le mode in- diqué, et bientôt on ne voit plus qu’une cavité renfermant des globules, généralement assez volumineux, d'oléorésine (3). 2. Productions glandulaires de la tige et des rameaux. — Lorsqu'on examine une tige ou un rameau de Psidium mon- tamum, on constate qu'en certains points l’épiderme semble comme repoussé de dedans en dehors; une coupe pratiquée (A) PI. 15, fig. 1. — (2) PI. 15, fig. 41, 4u. — (3) PI. 15, fig. dun. 214 3. CHAN. à travers Pune de ces productions verruqueuses la montre comme réduite à une cavité oléorésimifère ; mais, si Pon suit le développement de cette partie, on voit qu'il est entièrement comparable à celui d'une glande foliare : même multiplication de cellules par division, même production d’oléorésine dans l'intérieur de ces éléments; puis, enfin, mème destruction de ces cellules rendant libres les gouttelettes oléagineuses et pro- duisant ainsi l'apparence signalée plus haut (4). LAURINÉES. (PI. 15, fig. 2-4.) Dans les Laurinées, et particulièrement dans les Laurus, nous voyons les glandes foliaires se constituer selon le mode général indiqué pour les plantes précédemment étudiées, mais offrir parfois des particularités remarquables et qui semblent rapprocher ces parties du type lacunaire, auquel certains obser- vateurs semblent enclins à rapporter la plupart des glandes végétales. Quelques exemples tirés des Laurus nobilis, L. Cam- phora et L. Benzoin, vont d’ailleurs expliquer cette proposition, en même temps qu'ils mettront en évidence les divers détails du développement de ces parties. 1. L. nobilis. — Le mésophyile comprend, comme dans la plupart des Dicotylédones, deux formes bien distinctes de paren- chymes : le parenchyme rameux et le parenchyme mûriforme ou en palissade. Or, c’est presque constamment dans le premier que se forment ici les glandes foliaires. Une des cellules de ce parenchyme prend un développement particulier et acquiert la forme d’un ovoïde allongé (2); la chlo- rophyile en disparait progressivement, et l’on ne tarde pas à y observer des gouttelettes oléagineuses. Ces phénomènes ne se limitent généralement pas à une seule cellule, mais se repro- duisent, au contraire, soit dans la cellule immédiatement voi- sine, soit dans d’autres utricules peu éloignés (3). Les parois (A) PL 15, fig. 4v. — (2) PL 45, fig. 2, cet er. — (3) PI. 15, fig. 2. ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 215 cellulaires, ou, dans ce dernier cas, les éléments Interposés, né tardent pas‘à disparaitre, et lon n’a bientôt plus qu'une sorte de lacune remplie d'huile essentielle (4). 2. L. Benzoin. — Les phénomènes qui viennent d’être décrits dans le L. nobilis se retrouvent sensiblement dans leurs traits généraux chez le L. Benzoin, mais les cellules du parenchyme rameux y concourent plus souvent à la formation des glandes foliaires (2) ; en outre, Pabsence de tissu cellulaire est parfois moins complète, et l’on peut ainsi voir des cellules en palissade réduites aux deux tiers de leur volume habituel, sans pourtant disparaître complétement (3). Dans cette espèce, d’ailleurs, comme dans les autres types voisins, 1! semble que les phéno- mênes qui se passent dans la cellule sécrétante aient un reten- üssement spécial sur les éléments voisins, retentissement qui amène chez ceux-ci diverses modifications : parfois, comme nous venons de le voir, il en amène la résorption ; dans d’autres cas 11 y détermine la rétraction partielle: de la paroi, la con- traction du protoplasma, ou bien encore des changements de forme qui feraient croire à l'existence d'une sorte de revêtement cellulaire ainsi constitué à la glande par les éléments voisins; mais le fait est loin d’être constant, et ce n’est que bien rarement, on le conçoit, que ces phénomènes se traduiront par des modi- fications morphologiques absolument comparables. 3. L. Camphora (4). — Dans le Laurus Camphora, nous voyons encore les glandes foliaires se développer de la même manière que chez les deux espèces précédentes, et lon remarque que les deux types de parenchyme y prennent également part à la formation de ces organes, qu'on retrouve ainsi à divers niveaux dans l'épaisseur du parenchyme foliaire. La formation des cellules sécrétantes détermine d’ailleurs les mêmes modifi- cations dans les éléments voisins. Ges détails montrent que les Laurinées constituent un type remarquable au point de vue du développement et de la consti- (1) PI. 45, fig. o D n 1 (4) PL 15, fig. 4, Q, Qu, Or, — (9) PI. 45, fie. 3. — (3) PL. 45, fig. 3. — / / 11, ail, 216 3. CHATIX. tution de leurs glandes foliaires, puisqu'elles nous offrent, au lieu de ces organes à structure compliquée et formés souvent par un véritable tissu propre, des glandes unicellulaires ; l’or- gane sécréteur semble donc s’y arrêter, d'une manière perma- nente, à la forme qui, chez les autres plantes étudiées, caracté- rise son premier état de développement. Cette particularité semble devoir s'observer également dans divers groupes voisins, car les « vésicules à essence », étudiées à leur état de complet développement par M. Claude Verne dans diverses Monimiacées (Peumnus Boldus, Hedycaria dentata, etc), offrent une assez grande ressemblance avec les glandes des Laurus pour qu’on soit porté à admettre que leur mode de formation soit dù au mème phénomène (1). CONCLUSIONS. Les résultats fournis par l’examen histologique et histogé- nique des glandes foliaires peuvent se résumer dans les propo- sitions suivantes : I. Dans les différentes familles étudiées, c’est constamment dans le mésophylle que se forment les glandes foliaires inté- rieures. IL. Primitivement unicellulaires, ces glandes ne tardent pas à être le siége d’une multiplication par division, qui, dans la plupart des cas, augmente rapidement le nombre de ses élé- ments propres (2). (1) CL Verne, Étude sur le Boldo (Thèse à l'École supérieure de pharmacie de Paris, 1874, p. 13, fig. 1-2). (2) Ce mode de formation et de fonctionnement des glandes foliaires inté- rieures offre la plus grande analogie avec les phénomènes qui déterminent la production de la gomme sécrétée, et dont nous connaissons aujourd’hui les moindres détails, grâce aux recherches de M. Trécul. Dans les plantes qui ren- ferment de semblables matières gommeuses, on observe, en effet, « qu’il y a » formation de cellules spéciales, sécrétion de plasma gommeux qui vitet végéte à la » façon du plasma des cellules ordinaires, et ensuite liquéfaction de ces cellules. » Le mucilage remplit alors une cavité provenant de la destruction des cellules » gommeuses initiales. » (Voy. Trécul, l’Institut, 1862, p. 314 et suiv.; Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 1868, t. LXVI, p. 575, et 1875, t, LXXXI, p. 504-505). — Se plaçant à un autre point de vue, on pourrait rechercher ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 217 III. Les produits de sécrétion se forment dans les cellules glandulaires ainsi différenciées. IV. Lorsque la glande à atteint son état parfait, on voit s’y produire des phénomènes de résorption cellulaire qui s'étendent du centre vers la périphérie, et déterminent ainsi la formation d’un réservoir dans lequel s’amasse le produit élaboré par les cellules glandulaires. V. Les glandes foliaires se rencontrent le plus souvent dans le voisinage des faisceaux fibro-vaseulaires ou de leurs divisions. VI, Dans certaines des plantes étudiées (Eucalyptus, Psidium montanum, Ruta anqustifolia, ete.), des glandes complétement semblables aux précédentes, soit dans leur développement, soit dans leur structure ou leurs produits, se forment sur les pétioles, les rameaux ou les tiges; parfois même (Schinus Molle) 1l se forme ainsi de véritables canaux sécréteurs. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 192. CITRUS AURANTIUM. — RUTA ANGUSTIFOLIA. — DIOSMA ALBA. — HYPERICUM PERFORATUM. Fig. 1-1V. Citrus Aurantium. 1. Première phase de la formation d’une glande foliaire : la cellule primor- diale c se différenciant des éléments voisins. fret fn, Le tissu glandulaire se forme par division. quelles analogies ou quelles dissemblances ces productions présentent avec les glandes animales ? Mais de telles conclusions ne sauraient être formulées que lorsque nous connaîtrons plus complétement l’histoire anatomique et physiologique des organes sécréteurs des plantes ; aussi ne peut-on même les indiquer actuelle- ment qu'en faisant les plus expresses réserves. Non-seulement il est indispensable que nous examinions ces divers organes dans leur développement et leur struc- ture, mais 1] faut également que nous apprenions à connaître mieux qu'on ne l’a fait jusqu'à présent, la composition immédiate et anatomique de leurs pro- duits; que nous recherchions si, dans toutes les glandes, ceux-ci s'élaborent de la même manière; quelles conditions président à l’apport de leurs éléments constitutifs, etc. Ceci revient à déterminer les caractères et les relations de l'agent et de l’acte sécréteurs; mais on sent que nous ne pourrons y parvenir qu’en entreprenant de nombreuses recherches dirigées selon les vrais principes de la physiologie générale : gardons-nous donc, jusqu'à ce moment, de géné- ralisations et de comparaisons qui seraient sans profit pour la science. 218 JB. CHATEN. iv. Les cellules glandulaires augmentent en nombre, en même temps les premières gouttelettes oléorésineuses apparaissent dans leur intérieur ; ep. S, épiderme supérieur ; ep. à, épiderme inférieur; g, glande foliaire ; fv, faisceau fibro-vasculaire. IV. La glande arrivée à son état parfait a déjà subi presque totalement la résorption cellulaire à laquelle est due la formation d’un vide central v dans lequel se voient de nombreux granules oléorésineux ; €, cellules de la glande non encore disparues; les autres lettres correspondent aux mêmes üssus qu'en 111, Fig. 2-20, Ruta angustifolia. 2. Coupe d’une feuille montrant une glande foliaire g à l’état parfait et con- stituée par un ensemble glandulaire continu. 21, Coupe d’une feuille dans laquelle on voit une glande g dont les ‘cellules conslituantes ont totalement disparu, laissant seulement un vide rempli d’oléorésine. 2r. Coupe d’une jeune tige de grosseur naturelle en a, grossie 23 fois en b; g, production soulevant l’épiderme et dont la nature glandulaire se trouve établie par les figures suivantes. Au. Coupe d’une jeune tige montrant la même production constituée par un groupe de cellules oléorésineuses : ep, épiderme ; 24, enveloppe herba- o m, moel Av. Tige plus âgée et dans laquelle la glande se trouve réduite, par résorption oO cée; g, glande; pa, parenchyme cortical ; fo, faisceau fibro-vasculaire ; cellulaire progressive, à une lacune dans laquelle on voit plusieurs gra- nules oléorésineux ; les mêmes lettres correspondent aux mêmes tissus. Fig. a, b, €, 3-31v. Diosma albu. a, Coupe horizontale du limbe passant par les deux séries de glandes (g g) situées sur les côtés de Ja nervure médiane (n). b, Coupe horizontale passant par les deux séries de glandes (g° g') qui suivent les bords du limbe. ce, Coupe oblique passant par une des séries glandulaires (g) voisines de Ia uervure médiane, et par une des séries marginales (g°). 3, 91, g0, Glande foliaire vue à différentes périodes de la mulüplication de ses éléments. gti, Glande dont les cellules sont en partie résorbées ; un grand nombre de gouttelettes oléorésineuses se voient dans la cavité ainsi formée. 31. Glande dont la résorption est presque totale. Fig. 4-4. Hypericum perforaltum. 4, 41. Premiers états d’une glande foliaire dont les cellules renferment cepen- dant déjà quelques gouttelettes oléorésimeuses. Au. Gliunde commencant à subir la résorption cellulaire et offrant déjà un vide central avec oléorésine. Ar, Glande réduite à une cavité avec nombreuses petites gouttelettes oléoré- sineuses. Av. Glande observée vers la même période, mais où loléorésine s'est ras: semblée en un seul globule volumineux. ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 219 ml. PLANCHE 139. SCHINUS MOLLE. Fig. 1. Coupe montrant une glande foliaire dans laquelle subsistent encore quelques cellules périphériques. 17. Glande foliaire ayant subi une résorption totale de ses éléments ; de nom- breux globules oléorésineux se voient dans le réservoir ainsi formé. ir, Coupe du limbe foliaire : n, nervure principale ; n!, nervures secondaires ; €, C, canaux oléorésinifères. Fig. 2-2V. Développement d’un canal oléorésinifère. 2, 21. Premières périodes de la formation des cellules propres. 21, Une cavité centrale se produit. An, De nombreuses gouttelettes d'huile essentielle se rassemblent dans cette cavité. Av, Coupe transversale d’un canal oléorésinifère encore limité par ses cellules propres. 2v. Coupe longitudinale du canal précédent. Fig. 3-91, Jeune tige. 3. Coupe transversale, de grandeur naturelle en a, grossie en b : €, €, canaux oléorésinifères. 31. Coupe d’un de ces canaux ayant subi presque totalement la résorption cellulaire. Fig. À, 4-41, Pétiole commun. A. Coupe longitudinale : €, €, canaux oléorésiniferes. 4. Coupe transversale d’un segment de À, de grandeur naturelle en 4, grossie 24 fois en b : €, c, canaux oléorésiniféres. At, Segment de 4 montrant un canal (c) dont les cellules propres sont en voie de résorption. 4, Coupe longitudinale de 41; c, canal oléorésinifére. PLANCHE 14. MYRTUS COMMUNIS. — EUCALYPTUS RESDONI, — EUCALYPTUS GLOBULUS, Fig. 1-1. Myrtus communis. 1. Premier état d’une glande foliaire encore unicellulaire. 1. Glande prise à un état plus avancé et formée de quatre cellules. It, Glande formée de plusieurs cellules renfermant de l’oléorésine, et dont quelques-unes commencent à présenter une dissociation de leurs parois. | lun, Le phénomène qui commençait à s’'ébaucher en 11 s'étant accentué davan- | (age, un vide en est résulté ; dans cette lacune s’amassent les gouttelettes oléorésineuses,. Av. Glande ayant subi en totalité la résorption cellulaire. 220 J. CHATIN. Fig. 2-61. Eucalyptus Resdoni. 2-21V, Feuille. 2. Premier état, unicellulaire, d’une glande foliaire (observé sur une feuille longue de 2 millimètres). 2, Glande foliaire constituée par deux cellules (sur une feuille de 3,5). 21, Glande comprenant également deux cellules, mais renfermant déjà de l’oléorésine. Qu. Glande à l'état multicellulaire (feuille de 8 millimètres). Av. Glande dont il ne reste plus que quelques cellules périphériques, cer- taines de ces dernières se trouvent en contact immédiat avec l’épiderme (feuille de 5 centimètres). Fig. 3-91. Tige. 3. Jeune tige observée à son extrémité, de grosseur naturelle en a, grossie en b. 3. Segment de 3 : g, cellule dont procédera la production glandulaire. 311, Coupe longitudinale du canal figurée en àr. Fig. 4. Jeune tige observée au-dessous des premières feuilles, de grandeur naturelle en a, grossie en b : g, productions glandulaires commençant à soulever l’épiderme. 4. Segment grossi de 4: g, une des productions glandularres comprenant déjà plusieurs cellules avec de petits granules d'huile essentielle. Fig. 5. Tige plus âgée, de grandeur naturelle en &, grossie en b : g, productions glandulaires. o!. Segment de 5; la glande comprend un grand nombre de cellules dans lesquelles se remarquent des globules oiéorésineux de volume variable. Fig. 6-61, Tige offrant des productions glandulaires ayant subi toute leur évolution. 6. Coupe de cette tige, de grosseur naturelle en à, grossie en b : 4, glande soulevant l’épiderme. 61. Coupe longitudinale de 6 : g, glande dont presque toutes les cellules ont disparu ; m, moelle avec fibres épaisses. 6. Coupe longitudinale de 6 : g, glande ; m, moelle avec fibres épaisses (f). Fig. 7-71. Eucalyptus Globulus (feuille). 1. Glande foliaire multicellulaire et ne présentant que de petites granulations d'oléorésine. 71, Glande dans laquelle une lacune L s’est déjà formée. 7, Glande ayant subi une résorption totale. PLANCHE 15. PSIDIUM MONTANUM. — LAURUS NOBILIS. — LAURUS BENZOIN. — LAURUS , CAMPHORA. Fig. 1-11. Psidium montanum. 1. Glande foliaire constituée par un petit nombre de cellules encore dépour- vues d’oléorésine. ÉTUDES SUR LES GLANDES FOLIAIRES INTÉRIEURES. 291 1. Glande comprenant un plus grand nombre de cellules dans l’intérieur desquelles se voient quelques granules oléorésineux. 1, Glande dont il ne reste plus que trois cellules périphériques, les autres ayant disparu pour former la lacune centrale dans laquelle se voient de nombreux granules d’oléorésine. 17, Coupe d’une jeune tige, de grosseur naturelle en a, grossie en b: g, Saillies soulevant l’épiderme ; m, moelle dans laquelle se voient des fibres épaisses. : 11. Section très-grossie d’une partie de la tige, passant par l’une des pro- ductions g, indiquées en ln. Cette production, de nature glanduleuse, ne possède plus qu’un petit nombre de ses cellules propres ; de nombreuses gouttelettes d’oléorésine se voient dans la cavité ainsi formée : m, moelle avec cellules scléreuses, sel. Fig. 2-21, Laurus nobilis. 2. Feuille dans laquelle deux cellules € et c’ ont pris un accroissement exceptionnel, et présentent, dans leur intérieur, plusieurs gouttelettes d'huile essentielle. 21, Les cellules intermédiaires à c et c’ ayant disparu devant les progrès de leur développement, il en résulte une cavité dans laquelle se voient des gouttelettes d'huile essentielle. 211 et 211, Feuilles plus âgées et dans lesquelles on voit des lacunes oléorési- nifères ayant une origine analogue, et situées, soit dans le parenchyme rameux, soit dans le parenchyme müriforme. Fig. 3-31. Laurus Benzoin. Feuilles à lacunes oléorésinifères. Fig. 4-41, Laurus Camphora. 4 et 41. Cellules oléorésinifères distinctes et séparées. Au, Feuille plus âgée et offrant des lacunes oléorésinifères provenant de la réunion de semblables cellules. DE L'INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION (DEUXIÈME MÉMOIRE) Par NI. Ch. CONTEJEAN, Professeur à la Faculté des sciences de Poitiers. Après avoir réfuté, dans un premier travail (1), les prin- cipaux arguments invoqués à l'appui de la théorie de Thurmann, je m'efforce de prouver que Pinfluence chimique du terrain sur la répartition naturelle des végétaux dans les sols de diverse composition, l'emporte de beaucoup sur Finfluence purement physique qu'il peut exercer. Je distingue, en conséquence, une flore maritime, fixée par le sel marin, et une flore terrestre, repoussée par cette substance. La flore terrestre comprend, à son tour, les plantes calcicoles, fixées par le carbonate de chaux, les culcifuges, repoussées par cette substance, et les indifférentes, qui ne sont ni attirées ni repoussées par le calcaire, et qui prospèrent dans toute espèce de terrain non salé. Faisant ensuite la part de linfluence physique, je distingue, dans la flore maritime et dans chacun des trois groupes dont se compose la flore terrestre, des plantes rérophiles (2), amies de la séche- resse, et des plantes Æygrophiles, qui recherchent les sois humides et profonds. Ces dernières sont appelées péliques, pPsaummiques où pélopsanmiques, suivant qu'elles préfèrent l'ar- aile, le sable où qu'elles s’accommodent également de lun ou de Pautre de ces milieux. N'ayant pu disposer, dans les Annales, que d'un espace fort (1) De l'influence du Lerrain sur la végétation (Ann. des se. nat., BOTANIQUE, 5° série, &. XX, p. 266). (2) Cette nomenclature est empruntée à Thurmann. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 223 linité, j'ai dù m'en tenir à ces premiers résultats, et me borner à une exposition sommaire de la théorie; indiquant à la fin du mémoire les lacunes à combler, signalant les points sur lesquels devaient se porter les investigations, et conviant les botanistes à la solution de problèmes qui doivent les intéresser tous. Je suis heureux d'annoncer que j'ai partout rencontré l'assistance d'ajouter que je me suis beaucoup aidé moi-même, et que mes explora- tons ont été, pour ainsi dire, incessantes, pendant toute la durée de la campagne botanique de 1875. Tous ces efforts réunis ont produit des documents d’une grande valeur, qui m'ont aidé à compléter la théorie, à la rectifier dans quelques détails et à l’asseoir sur des bases que je regarde désormais la plus bienveillante. Qu'il me soit également permis comme inébranlables. S'il n'a pas été satisfait à tous les desi- derata exprimés à la fin du premier mémoire, la plupart des problèmes ont reçu une solution si complète, et les faits nou- veaux sont tellement significatifs, que les rares questions à élucider ont perdu toute leur importance, et peuvent être négligées sans le moindre inconvénient. Le moment est donc venu de compléter, je dirai presque d'achever mon œuvre. Autant que possible je classerai les matières de la même façon que dans mon premier travail, dont il est mdispensable de prendre d'abord connaissance, attendu qu'on y trouvera l'exposition méthodique de ma théorie. Je suppose donc le lec- teur parfaitement au courant de ladite théorie, et dans les lignes qui vont suivre Je ne m'occuperai que des faits nouveaux et des sujets qui n’ont pas été traités en premier lieu. À, V7) FAITS DÉMONTRANT LA PRÉPONDÉRANCE DE L'ACTION CHIMIQUE DU TERRAIN. 1° Grès et sables de Fontainebleau. — Aueun renseignement ne m'est parvenu à cet égard ; mais les observations déjà con- nues montrent que les plantes calcicoles sont groupées sur les orès calcifères, effervescents avec les acides. Sans doute Îles plantes calcifuges ne se rencontrent que sur les grès exclusi- 224 C. CONTEJEAN. vement siliceux, quel que soit, d'ailleurs, l’état d’agrégation de ces derniers. D’après M. Planchon (1), dans la célèbre localité du Mal de Henri IV, où l’on trouve : Helianthemum Fumnanu, Onons Columne, Pnula hirta, Cynanchum Vincetoxicum , Carex humilis, Sessleria cærulea et d’autres calcicoles, le car- bonate de chaux est € dissimulé dans une couche très-mince de silice ». On sat d'ailleurs que, sur une foule de points, le grès de Fontainebleau renferme du calcaire mtimement mé- langé; et J'ai pu m'assurer que plusieurs spécimens, choisis dans les collections de la Faculté des sciences de Poitiers, pro- duisent une vive effervescence quand on vient à les toucher avec l'acide chlorhydrique. Je ne puis cependant beaucoup insister, parce qu'il y aurait à déterminer avec plus de soin les condi- tions du gisement des calcicoles et des calcifuges; néanmoins, quoique mes souvenirs soient déjà loimtains (1862), je me rap- pelle avoir vu, sur le grès massif aussi bien que sur la roche sableuse et désagrégée : Helianthemum quttatum, Sarothamnus scoparius, Filago montana, Jasione montana, Erica cinerea, Calluna vulgaris, Aira flexuosa, À. caryophyllea, À. præcox, et beaucoup d’autres caractéristiques de la silice, toutes hygro- philes, d’après Thurmann. Or, ces plantes ne pourraient être fixées sur le grès compacte et dysgéogène par l’action mécanique du terrain. 2% Basalte de l'Auvergne. — M. Martial Lamotte m'écrit, en date du 28 septembre 1875 : «Le basalte intact, fraichement brisé, ne fait point effer- » vescence avec les acides; la surface exposée à l’action de l'air » depuis longtemps se couvre d’une croûte blanchâtre, qui » fait parfois un peu d’effervescence. » Dans les localités où le basalte sort directement du granit, > la terre formée sur la nappe basaltique et mélangée de débris » de basalte, fait très-légèrement effervescence. » Le basalte décomposé des coteaux de la Limagne, les tufs (1) Bulletin de la Société botanique de France, 1854, t. Ier, p. 254. >) >) ) » » » » INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 225 basaltiques, sont effervescents; mais, dans ces stations, les roches sont toujours mélangées avec du calcaire tertiaire, sur lequel repose la coulée. » Les plantes calcicoles habitent les champs basaltiques, par conséquent là où le basalte est décomposé, ou du moins divisé en minces fragments; peu végètent dans les fentes de la roche compacte (Lactuca ramosissima, Teucrium Chamedrys). Les Helianthemum pulverulentum, H. Fumana, Astragalus mons- » pessulanus, Goronilla minima, Trinia vulgaris, croissent sur » » » LL ŸY ŸY » GS ŸY les débris basaltiques certainement mélangés à une propor- üon quelconque de calcaire. Dans certains endroits peu élevés, où le basalte ne repose pas sur le calcaire, mais bien sur le granit (commune de Saint-Jacques d’Ambur), le Fro- ment est cultivé sur les terres qui le recouvrent, comme dans les sols calcaires ; cette culture cesse à la limite du basalte, et celle du Seigle la remplace. » Les véritables plantes calcifuges sont rares sur le basalte compacte ou altéré des coteaux; cependant le Sarothamnus et le Châtaignier croissent çà et là. Les espèces indifférentes y abondent.. En général, tous les terrains volcaniques sont dans le même cas que le basalte. Dans la montagne, la végé- tation des trachytes, des phonolites, des basaltes, des laves modernes, est celle de la silice. Les laves modernes, les pouzzolanes, la domite de la chaine des monts Dore, sont couvertes de plantes silicicoles; mais si les laves ont coulé sur le calcaire de la Limagne, la terre végétale qui s’est formée à leur surface fait alors effervescence ; les plantes calcicoles s’y établissent, et, à mesure que la lave avance sur le calcaire, les silicicoles disparaissent. La coulée de Gravenoire, à sa sortie du granit, est couverte de Châtaigniers et de plantes de la silice, parmi lesquelles domine le Galeopsis ochroleuca; vers Beaumont et au delà, les espèces calcicoles remplacent les silicicoles, et le Galeopsis disparait. » Provenant d’un observateur aussi habile et aussi compétent, ces renseignements, d'ailleurs très-complets, sont extrèmement précieux. [est facile maintenant d'expliquer la neutralité que 6e série, Bor. T. II (Cahier n° 4). 3 15 296 d'. CONTEJEAN. Lecoq (1) attribuait au basalte. On voit clairement, en effet, que les calcicoles ne se rencontrent que sur la roche altérée et calcitère, et que leur nombre augmente en raison de la quantité de chaux dont elle est chargée. Au contraire, les calcifuges ne se trouvent que sur le basalte intact, qui ne fait pomteflervescence avec les acides. Très-vraisemblablement les pieds isolés de Suro- hamnus et de Châtaignier qu'on observe çà et là au nulieu de la flore calcicole, s’attachent à la roche compacte, ou tout au moins à la roche non effervescente. Il est naturel que les laves feldspathiques, les trachytes, les phonolites, qui ne renferment point de silicate de chaux, et dont la décomposition ne saurait, par conséquent, donner naissance à du calcaire, ne tolèrent que la flore calcifuge; mais il est remarquable que cette végéta- tion soit peu à peu remplacée par celle de la chaux, au fur et à mesure que la roche s'est-chargée de calcaire en coulant sur le terrain lacustre de la Limagne. Ainsi se trouvent réalisées mes prévisions; ainsi est résolu, mais dans le sens de l'influence chimique du sol, un des pro- blèmes les plus difficiles et les plus embarrassants. Les plantes calcifuges (hygrophiles) ne se rencontrent que sur le basalte non caleifère, roche éminemment compacte et dysgéogène, et les calcicoles (xérophiles) s'attachent, de préférence, au basalte calcifère et désagrégé, qui devient alors remarquablement eu- oéogène. Or, la théorie de Thurmann enseigne précisément le contraire. 3 Tufs du Jura. — D'après M. Lucien Quélet (lettre du 29 juillet 4875), la forule bryologique des terrains exclusi- vement siliceux du pied des Vosges (grès bigarré, grès rouge, crauwacke, schistes ardoisiers, porphyres, syénite, etc.) diffère de celle des calcaires et des tufs du Jura, au point que leurs espèces s’'exclient d'une manière presque absolue. Entre autres Mousses silicicoles recueillies à Ghagey (Haute-Saône), mon savant ami signale : Gysnestomumn rostellatun, Weissia fugur, (1) Études sur la géographie botanique de l'Europe, etc, LH, p. 49 Paris, 1854. INFLUENCE DU. TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 297 W. crispula, Dicranella squarrosa, Trichostonum convoluture, Didymodon cylindricus, Grinmia ovata, Gr. montana, Gr. fu- nalis, Hedwigia ciliata, Bryum alpin, Brachythectum albi- cans, Br. plumosum, Hyprum engyrium, Andræa petrophile, À. rupestris, ete.; et sur les tufs de Roches et de Blamont (Doubs), il mdique : Systegimm crispum, Gymnostomum cal- careum, G. tortile, Cynodontiunr polycarpum, Eucladium ver- hcillatum, Trichostonum crispulum, Barbula jallax, Griminia orbicularis, Bryum Funchi, Bartrania Œderi, Philonotis calcarea, Pseudoleskea catenulata, Orthothecium intricatun, O. rufescens, Hypnum conmnutatum, Seligeria tristicha, etc. Éminemment poreux, friables et souvent désagrégés à une grande profondeur, les tufs du Jura constituent un sol eugéo- gène par excellence. Habituellement ruisselants de Peau des cascades qui les à formés, ils offrent, aux espèces hygrophiles, des stations aussi humides que les terrains siliceux les plus détritiques, et cependant leur flore est celle du calcaire juras- sique compacte. Les plantes phanérogamnes dont ils sont recou- verts appartiennent au groupe des caleicoles. Une fois de plus, la doctrine de l'influence physique du terrain se trouve complé- tement en défaut. | FAITS DÉMONTRANT L'ACTION RÉPULSIVE DU CALCAIRE SUR LES PLANTES CALCIFUGES. La théorie de Thurmann me paraissant suffisamment réfutée, Je n'ai plus à n’occuper que de la manière dont s'exerce Paction chimique du terrain. Mais je puis encore simplifier ma tâche ; car il est permis de regarder l'influence attractive du chlorure de sodium sur les plantes de la flore maritime et son action répulsive sur celles de la flore terrestre, de mème que Finfluence attracuve du carbonate de chaux sur les espèces caleicoles, comme des vérités désormais acquises à la serence. Je me bor- nerai done à discuter les points litigieux, et, en particulier, les faits relatifs à l'action répulsive du calcaure sur les plantes salcifuges. 2928 €. CONTEJEAN. A cet égard, on ne saurait trop multiplier les preuves. Le plus souvent, en effet, les contrastes entre la flore du calcaire et celle de la silice peuvent légitimement s'interpréter de deux manières opposées et contradictoires. Toutes les fois qu'on éta- blit la comparaison entre deux terrains, dont l’un est exclusi- vement calcaire et l’autre exclusivement siliceux, rien ne peut indiquer si les espèces calcifuges sont fixées dans leurs stations respectives par amour de la silice où par horreur du calcaire. Il faut done s'attacher exclusivement aux contrastes, qui n’admettent qu'une seule interprétation, et le nombre en est fort limité. Aux faits cités dans mon premier mémoire, jajou- terai néanmoins les suivants : 4e Grès de Fontainebleau et basaltes de l'Auvergne. — Les deux exemples relatifs à ces localités font double emploi; car, S'ils témoignent contre la théorie de l'influence physique du sol, on peut tout aussi bien les invoquer en faveur de l'hypothèse de l'action répulsive du calcaire. Dans les deux contrées, en effet, nous n'avons pas à considérer deux sols différents : à Fontamne- bleau comme en Auvergne il n’y a qu’un seul et même terrain, essentiellement siliceux, ne tolérant les plantes du calcaire que lorsqu'il se charge de carbonate de chaux, et les admettant en nombre d'autant plus considérable, qu'il renferme davantage de cette substance. Ce dernier point me semble nettement établi, au moins pour les basaltes et les laves de l'Auvergne. Mais, sur ces mèmes sols, la flore du calcaire exclut celle de 1 silice. Je ne vois pas qu’on puisse expliquer cet antagonisme autrement que par lhypothèse d’une action nuisible et répulsive exercée par le carbonate de chaux, la roche ne contenant aucun autre principe auquel on soit en droit d'attribuer une influence quelconque. [n’est pas possible de prétendre que, sur ces ter- rains, la silice fixe les plantes de la silice et la chaux les plantes du calcaire, puisque ce minéral ne s'introduit habituellement que pour la proportion de quelques centièmes dans le sol sili- ceux. Autant vaut dire que la silice n’exerce aucune influence, si son action peut se trouver masquée et annulée par celle d’une quantité de chaux si minime. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 229 ® Ligourite de la Haute-Vienne. — « Le terrain porphy- » rique désagrégé, peu substantiel, d’un brun rougeâtre, connu » sous le nom de ligourite, et traversé en divers sens par les » poétiques rivières la Roselle, la Briance et la Ligoure, pré- » sente une singularité remarquable : on ne rencontre, sur la » vaste étendue qui comprend plusieurs communes ou portions » de communes, ni l’Ajone, ni la Bruyère, ni la Fougère (P{eris aquilina), plantes si généralement répandues dans nos con- » trées.. Les Châtaigniers, du reste peu nombreux, y ont un » aspect languissant.. Ge sol friable et léger convient aux » Genista sagittalis, Potentilla verna, Sagina apetala, Epilo- » büum lanceolatum, Avena tenuis, et généralement à toutes les » espèces des terrains friables et légers. » Dans les explications verbales qu'il a bien voulu me donner, M. Lamy de la Cha- pelle, auteur des lignes qui précèdent (1), n'hésite pas à attri- buer à la chaux le contraste st remarquable dont 1l est question. La ligourite, en effet, est un porphyre amphibolifère qui pro- duit du calcaire en se décomposant, par suite de la transfor- mation, en carbonate, du silicate de chaux de lamphibole, et sans doute aussi du feldspath. Jai pu d'ailleurs constater, sur des échantillons de M. Lamy, que la roche altérée fait une vive effervescence avec les acides, qui n’agissent point sur la roche intacte. Cet exemple me parait encore plus significatif que les précé- dents. Saufle Genista sagittalis, pour une cause ou pour une autre, et sans doute en raison de la grande distance qui sépare la ligourite de toute contrée calcaire, les plantes de la chaux n'ont pu s’y installer. Il est aisé de voir, en effet, que la flore des affleurements de la Haute-Vienne ne se compose que des plantes imdifférentes répandues dans tout le plateau Central. Mais les espèces de la silice font également défaut. La répulsion est done manifeste; on ne peut l’attribuer qu'au calcaire. Ÿ 3° Sables maritimes. — La flore terrestre envahit les sables (1) Plantes aquatiques de la Haute-Vienne, ete, par M. E. Lamy, p. 8. moges, 1808. 230 €. CONTEJMAN. maritimes suffisamment éloignés des rivages pour se trouver complétement à l'abri de l’eau salée. S'ils ne sont pas abso- lument privés de sel, ces terrains n’en renferment plus qu'une quantité infiniment petite. Les plantes qui les recouvrent, appartiennent, en immense majorité, à la catégorie des calci- coles ou des indifférentes ; les premières évidemment fixées dans les stations de cette nature par la chaux provenant des débris de Mollusques marins, et sans doute aussi, comme le pense M. Gubler (4), fournie directement par l'eau de la mer, Mais les dunes sont quelquefois occupées par la flore de la silice. Je soupçonnai que le calcaire avait alors disparu, dissous à la longue par Pinfiltration des eaux pluviales, qui entrainent tou- jours quelque peu d'acide carbonique. Ge qui donnait à cette hypothèse une très-grande apparence de probabilité, c'est que les pluies exercent une action analogue, quand elles s'msmuent dans les calcaires désagrégés qui recouvrent la roche compacte sous-jacente. Dans les tranchées des carrières oxfordiennes et calloviennes des environs de Poitiers, on peut suivre aisément les progrès des infiltrations, qui finissent par abandonner leur calcaire, sous la forme de farine fossile ou de concrétions pulvé- rulentes, à une profondeur de À à 3 décimètres. Ges concrétions dessinentune zone blanche à peu près continue, dont épaisseur atteint plusieurs décimètres dans les lieux où affluent les eaux pluviales. Il était donc probable que quelque chose d’analogue devait se passer dans les dunes éloignées du rivage, et sur les- quelles les vents ne pouve aient plus entasser de nouveau sable coquillier. Mais ce m'était là qu'une simple présomption. Les recherches auxquelles je me suis livré ont mis ce fait hors de doute. Aux Sables-d'Olonne, le sol géologique est du gneiss, et la flore terrestre est calcifuge. Mais elle ne se compose plus que de plantes indifférentes et de calcicoles sur les sables voisins du littoral, où les acides produisent une vive effervescence. À quel- (1) De la mer considérée comme source de calcaire pour les Ar du littoral, par M. Adolphe Gubler (Bull. de li Soc. bot. de France, 1861, t. VIT, P. 431). INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 251 ques kilomètres au sud-est de la ville, aussitôt qu'on a dépassé la maison forestière en suivant le rivage, on arrive à une prairie humide qui s'étend jusqu’au hameau de la Pironmère. Là pullulent, dans un sol composé de terre de Bruyère fortement chargée d'un sable maritime purement siliceux : Helianthemum quitatum, Polygala depressa, Ulex europæus, Genista anglica, Ornithopus perpusillus, Tormen- tilla erecta, Hydrocotyle vulgaris, Cirstum anglicun, Cal- luna vulgaris, Erica cinerea, E. scoparia, Rumex Acetosella, Schœnus nigricans, Aira canescens, Pleris aquilina, ete. La plupart de ces espèces envahissent les petites dunes du voisi- nage, dont le sable n’est point effervescent ; mais il n°y a que les plus accommodantes, telles que Sinapis Cheiranthus, Jasione montana, Schœnus nigricans, Aira canescens, plus rarement Pieris aqguilina, qui s’aventurent quelque peu dans la zone où lacide commence à déceler la présence du calcaire. Sans aller si loin, on peut voir que les sables où se rencontre en grande abondance le Rumex Acetosella, dans le voisinage du sémaphore, ne font point effervescence avec les acides. Le bois de Pins de la Garenne, à Fouras (Charente-Inférieure), est établi sur d'anciennes dunes fort rapprochées du rivage. Sous le couvert des Pins, le sable prend une teinte grise assez marquée. L'examen microscopique (auquel il est bon d'avoir souvent recours) montre que les petits grains de quartz sont alors mélangés à des parcelles de terreau noir. Sur ce point, le sol ne produit aucune effervescence avec les acides. Mais à me- sure qu'on se rapproche des dunes plus découvertes qui bordent la côte, le sable devient plus blanc et plus calcaire. On voit bientôt disparaitre toute la flore silicicole, et notamment les Cistus salvifolius, Helianthemum quitatum, Ulex europæus, Cirsium anglicum, Erica scoparia, qui abondent dans la forêt. Moins difficile sur le choix du milieu, PAtra canescens pénètre dans la zone calcaire etne s'arrête qu'à la limite où les plantes de la flore maritime annoncent la présence du chlorure de sodium; le Pteris aquilina S'aventure également dans la même zone, mais 1 nv est plus représenté que par des individus isolés © 39 C. CONTEJEAN. et rabougris, contrastant vivement avec les magnifiques spéci- mens qu'on rencontre en abondance sous les Pins. C'est peut-être dans la région des dunes d’Arvert (Charente- Inférieure) que les contrastes sont les plus nombreux et les plus faciles à saisir. Si l’on pénètre dans la forêt par la Baraque, en suivant le chemin à chariots qui passe devant l'habitation Lecoq (si hospitalière à l'étranger qui s’aventure dans ces solitudes !) on marche constamment dans le sable très-meuble et très-fin des anciennes dunes. Dans la première partie du trajet, c’est- à-dire sur un parcours d'environ 2 kilomètres, le sol de la forêt ne fait pas effervescence avec les acides. On y trouve, en extrême abondance : Cistus salvifolius, Helianthemum quttatum, Ulex europœus, Sarothamnus scoparius, Jasione montana, Calluna vulgaris, Erica cinerea, E. scoparia, Polypodium vulqare, Pteris aquilina, etc. À la distance d’un kilomètre de la mer, ou à peu près, toutes ces plantes disparaissent brusquement, et alors il est facile de constater que le sable renferme du calcaire. Je pourrais encore eiter un grand nombre de faits analogues, mais ce qui précède doit suffire pour jusüfier l'exactitude des conclusions que j'avais prématurément tirées de l'étude des sables maritimes. [ci encore les choses ne sauraient être inter- prétées de deux manières différentes. C'est le même sol, c’est le même sable quartzeux, partout d’une grande pureté et d’une grande homogénéité, qui admet ou qui repousse les plantes de la silice, suivant qu'il se charge plus ou moins de calcaire. 4 Culture du Chätaignier. — Ge bel arbre ne peut croitre que dans les terrains privés de chaux ; aussi est-il regardé, avec raison, comme une des meilleures caractéristiques des sols siliceux, quelle qu’en soit d’ailleurs la nature géologique. Dans le plateau Central de la France, on le rencontre presque mdiffé- remment sur le gneiss et les schistes cristallins, le granit, Îles divers porphyres, les roches volcaniques, les schistes ardoisiers, les grès quartzeux ou feldspathiques, le sable pur ou mêlé d’ar- gile et d'oxyde de fer, le diluvium limoneux ou caillouteux, les alluvions sablonneuses ou argileuses ; en un mot, il prospère sur INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 233 toute espèce de sol, à condition qu’on n’y trouve point de cal- caire. Dès que ce minéral commence à paraître, le Chàtaignier ne se montre plus que fort disséminé; il devient chétif et cesse de produire si la proportion de calcaire augmente, et lorsqu'elle dépasse certaines limites, la culture en devient impossible. D'après M. Chatin (1), « si le Châtaignier peut encore être » cultivé dans une terre contenant de 4 à 2 centièmes de chaux, » il se refuse à croître, au moins d’une facon rémunératrice, » quand la proportion de la chaux atteint à environ 3 cen- » tièmes. » Ces chiffres doivent inspirer toute confiance, car 1ls sont déduits d'analyses de terrains variés, provenant de localités souvent fort éloignées les unes des autres. On voit aussi que M. Chatin proclame, au moins implicitement, l’action nuisible du calcaire, puisqu'il reconnait qu'une très-fuible proportion de chaux empêche la culture du Châtaignier. De ce qui précède on peut tirer des conclusions d’une impor- tance décisive en faveur de ma théorie. S'il est permis d’ad- mettre, à la rigueur, qu'une action directe de la silice fixe le Châtaignier sur le sol siliceux, on ne voit pas d'autre substance que la chaux qui puisse l'en expulser. Beaucoup d'observations, beaucoup d'analyses de terrains montrent que la silice peut se trouver associée à toute espèce de minéral (alumine, oxydes mé- talliques, etc.), dans les proportions les plus variables, sans qu'elle cesse, pour autant, de nourrir le Châtaignier et son cortège habituel de calcifuges, qui ne se retirent que devant la chaux. Bien plus, les mêmes analyses nous portent à douter fortement de l'influence de la silice. La terre à Ghâtaigniers du Poitou est une argile très-fine, chargée de fer, mais ne conte- nant que peu de sable quartzeux ; elle produit les arbres les plus magnifiques. À la Vente-du-Désert (2), le sol, que M. Chatin Cest porté à admettre comme type de bonne terre à Châtai- » gniers », renferme à peine 13 centièmes de silice, contre environ 83 centièmes d'argile et d’alumine et 1,20 de peroxyde de fer. N’est-il pas évident que, si la terre à Châtaigniers avait (4) Bulletin de la Société botanique de France, 1870, t. XVIT, p. 195. (2) Loc. cit., p. 196. 234 L. CONTEJEAN. partout là mème composition, on dirait que cet arbre recherche l'argile et non la silice? À mon sens, il ne recherche ni Pune ni l'autre : comme toutes les ealcifuges, le Ghàtaignier se propage dans les sols où il se trouve à l'abri des effets nuisibles de la chaux, quelle que soit d'ailleurs la nature du milieu. Le plus souvent, il est vrai, la silice y abonde; mais c’est là une circon- stance en quelque sorte fortuite, et les choses se passent de même quand d'autres substances neutres deviennent prédomi- nantes. 5° Jardins botaniques. — Les faits qui précèdent me parais- sent démontrer, dune manière irréfutable, l'action répulsive de la chaux. Néanmoins, comme on ne saurait trop accumuler les preuves, je veux encore appeler Pattention sur les enseigne- ments, d'importance capitale, fournis par les expériences de culture. Il est impossible d'installer les calcifuges exclusives dans les jardins établis sur un sol calcaire où sur un sol qui renferme du calcaire. À Lamothe-Sainte-Héraye (Deux-Sèvres), M. Richard a vainement essayé de cultiver P'Ulex europæœus, VErica cinerea et le Calluna vulgaris : semis répétés, plantations réitérées, rien n'a réussi, malgré les plus grands soins. Des Erica cinerex. transplantés avec la motte, n'ont pas prospéré davantage. Dans le jardin botanique de Poitiers, on ne peut conserver les Saro- thamnus scoparius, Genista anglica, GCalluna vulgaris, Erica cinerea, E. Tetralix, E. scoparia, ete., qu'en les renouvelant presque chaque année ; encore prend-on la précaution d'entourer les pieds d'argile et de terre siliceuse. Dans une pelouse de ce jardin abondait, au printemps dernier, PAnthovanthum Puel, mais tous les spécimens se distinguaient, de fort loin, à leur tente d'un jaune presque blanc et à leur aspect chétif, Ge gazon avait été semé. Au jardin botanique de Rochefort, même insuccès : les Ulexnanus, Sarothamnus scoparins, Erica cinere«, E. scoparia, sont languissants et décolorés, et doivent être I1ICES- samment renouvelés. Il en est sans doute ainsi partout où la terre renferme une certaine quantité de chaux. Au contraire, INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 239 à Limoges, les mêmes plantes se cultivent avec la plus grande facilité, et les jardimiers-fleuristes entretiennent et propagent dans la terre ordimaire les Erica. les Azalea et les autres sihici- coles, qui exigent ailleurs la terre de Bruyère. Mais, à Limoges, le sol est exclusivement granitique, tandis qu'à Poitiers la terre de l’école de botanique, prise dans la plate-bande au Saro- thamnus, renferme 29,21 de carbonate calcaire, soit 16,36 de chaux ; et à Rochefort. recueillie dans les mêmes conditions, la terre renferme 13,88 de carbonate, représentant 7,77 de chaux. Ce n’est donc pas le changement de conditions et d’habitudes, c’est la chaux, uniquement la chaux, qui exclut de certains jar- dins les plantes de la silice. Je dois beaucoup insister sur les expériences de culture, et beaucoup les recommander aux botanistes qui peuvent disposer d'un terrain convenable. Il est évident que st un Erica, un Sarothamnus, d'abord prospère en terre de Bruyère ou en terre siliceuse ordinaire, se décolore et dépérit dès qu'on introduit dans le sol du calcaire pulvérulent, on doit attribuer ce résultat à la chaux surajoutée. Et si les mêmes plantes demeurent vertes et vigoureuses, lorsqu'on vient à remplacer le calcaire par Par- pile, les oxydes métalliques et les autres minéraux mertes qui se rencontrent dans tous les terrains, on peut hardiment conclure que la chaux seule est nuisible aux plantes de la silice. La me parait être la vraie solution. A QUEL DEGRÉ SE MONTRENT EXCLUSIVES LES PLANTES DES DIVERSES CATÉGORIES. 4° Flore maritime. — Elle occupe exclusivement les terrains salés, et principalement le rivage des mers, où elle dessine une zone dont là largeur varie en raison du relief de la contrée. Mais cette zone maritime peut se décomposer à son tour en un cer tain nombre de bandes parallèles au rivage et parallèles entre elles, suivant que l'élément salin existe en plus ou moins grande quan- tité dans le sol. En général, ces bandes sont d'autant plus nettes, 236 €. CONTÉJEANX. qu'elles se rapprochent davantage de la mer, ou, en d’autres termes, que le terrain devient plus salé. Au fur et à mesure qu’on avance dans l’intérieur du pays, on les voit se confondre à leurs lisières de contact, en sorte que la démarcation ne peut s'établir entre elles que d’une manière générale et approxima- tive. Il est enfin bien difficile de désigner exactement le lieu où s'arrête la flore maritime et où commence la flore terrestre, qui se pénètrent et se fusionnent plus où moins sur leurs extrêmes limites. Il n’est pas beaucoup plus aisé de détermimer le nombre précis des bandes parallèles dont se compose la zone maritime. Ce nombre varie d’ailleurs suivant les circonstances locales, la flore maritime s'étendant à plusieurs kilomètres dans l’intérieur des terres le long des basses plages, et se trouvant concentrée dans une étroite lisière si la côte s'élève rapidement en colline. Toutes les zones se trouvent alors superposées, et se fondent les unes dans les autres. Si la mer est bordée par une falaise à pie, il n’y a pas de zone maritime horizontale, les végétaux caracté- ristiques ne pouvant s'attacher qu'aux parois verticales de la roche. I faut ajouter que les plantes d’une zone déterminée sont fréquemment introduites par l’industrie humaine fort loin de leur station naturelle : amsi, les marais salants amènent dans l'intérieur les plantes maritimes les plus exclusives. Malgré les réserves que Je suis obligé de faire en raison mème de la diffi- culté du sujet, j'mdiquerai néanmoins le résultat de mes obser- vations sur nos côtes du Sud-Ouest, le long des plages basses qui s'étendent entre l'embouchure de lAdour et celle de la Sèvre Niortaise, ainsi que dans les îles de Ré et d’Oleron. On distingue d’abord une première zone, marine presque autant que maritime, et recouverte chaque jour par le flot. Quand le fond est argileux, argilo-sableux et mème rocheux, elle nourrit une flore particulière, caractérisée par le Spartina stricta, les Salicornia et d'autres Chénopodiées; sil est sa- bleux ou caillouteux, elle demeure stérile, le sol mobile et incessamment remanié par les vagues n'offrant point d'assise fixe à la végétation. C’est la zone des vases, Immédiatement en INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 237 retrait commence une deuxième bande, qui reçoit encore toute l’écume des «eaux, et qui occupe la plage proprement dite. D'habitude, c’est la plus étroite. Généralement sableuse, cail- louteuse ou rocheuse, elle se confond avec la suivante à la ren- contre des premières dunes et des pelouses envahies par l'Ephedra distachya. On pourrait l’appeler zone des plages et des rochers. On y rencontre, en grande abondance : Cakile marihima, Arenaria peploides, Crithmum maritimum, Salsola Kali, Atriplex crassifolia, Triticum junceum, et une foule d’autres espèces regardées comme plantes maritimes par excel- lence. Beaucoup plus large que les deux premières réunies, une troisième zone commence aux gazons à Ephedra, et s'étend fort avant dans les terres, quand le sol reste bas et horizontal. C’est la zone des dunes et des prairies. Elle n'existe point si le terrain s'élève brusquement au-dessus des eaux, ne fùt-ce que de quelques mètres. On voit en effet la flore terrestre s’avancer, presque sans mélange, jusqu’au bord des falaises du Boulonnais et de la Normandie, et même des petits escarpements de gneiss de la Vendée et des falaises déprimées de lAunis. Dans cette zone, le sol est presque dessalé; néanmoins le chlorure de sodium ne fait pas absolument défaut, car 1l est entrainé fort loin dans l’intérieur des terres par les vents humides qui soufflent du large. Les plantes caractéristiques sont : Silene Otites, S. Portensis, Dianthus gallicus, Althæa officinalis, Astragalus Bayonensis, Bupleurum tenuissimum, Centaurea aspera, Ery- thræa spicata, et beaucoup d’autres qui se retrouvent souvent dans l’intérieur des contments, et dont la plupart recherchent les conditions climatériques des régions maritimes encore plus que l'élément salin. Je dois me contenter de signaler ces trois zones principales; mais on pourrait mdiquer une foule d’autres nuances, et, par exemple, subdiviser la zone des dunes, où, comme il est naturel, les plantes maritimes se montrent plus nombreuses au contact de la plage que sur la lisière de la flore terrestre. Ces plantes sont tellement délicates sur le choix du milieu, qu'il est facile r de reconnaitre, à la seule inspection du tapis végétal, si le ter- 238 €. CONFTEJEAN. rain est plus ou moins salé. Ainsi, le Spartina striclæ envahit de ses gazons serrés les vases recouvertes chaque jour par le flot, et ne se trouve que là. C’est donc une espèce marme autant que maritime ; elle établit le passage entre la flore des rivages et celle du fond des mers, où vivent encore quelques Phanéro- games, telles que le Zostera marina et le Posidonia Caulini. Au contact du Spartina, mais un peu en arrière du côté du rivage, prospèrent les Salicornia herbacea, S: fruticos«, Aster Tripo- lium, Glyceria maritime, Arenaria marginata, Ghenopodium marilimum, etc, souvent recouverts par les hautes marées et recherchant les milieux imprégnés de sel. Une troisième nuance est indiquée par les Afriplex portulacoides, Triglochin mart- Lnum, Salsola Soda, Tnula crithmoides, Suæda fruticosa, Plan- Lago (maritima) Wulfini, Hordeum maritimum, qui recherchent aussi les vases fréquemment baignées par Peau salée, mais qui peuvent s'installer sur les plages sablonneuses et sur les rochers “où ne parvient plus que Pécume des vagues pendant les grosses mers. Ces espèces, qui appartiennent encore à la zone des vases, pénètrent donc quelquefois dans celles des plages et des rochers, où pullulent : Matthiola sinuata, Cakile maritima, Arenari peploides, Medicago marina, Erynquen maritinaon, Crélanun maritimumn, Statice Dodartii, Polygonum maritèmum. Beta ma- rilima, Atriplex crassifolia, Salsola Kali, Triticum junceu, Euphorbia Peplis, E. Paralias, E. portlandica, Psamma are- naria, Gal arenartum, Linaria thymifolia, ete. Les quatre dernières, toutefois, empiètent largement sur la zone des dunes, où s’aventurent plus ou moins toutes les caractéristiques de la zone des plages, dont aucune ne pénètre dans la région des vases. Dès qu'on aborde les premières dunes et les pelouses à Ephedra, on voit apparaitre: Cynanchum acutum, Crepis bulbosa, Ephedra distachya, Linaria arenaria, Artemisia marti- tima, Atriplex littoralis, Garex extensa, GC. arenaria, Kæleria ulbescens, Festuca arenaria, Silene Otites, S. conica, Artemisia campestris, Vulpia bromoides, ete. Les quatre dernières sont des plantes terrestres, qui recherchent cependant le elimat, et, peut- être, Pair salin des côtes de l'Océan; plusieurs, notamment INFLUENCE DU-TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 239 Cynanchum acutum, Linaria arenaria, Arlemisiæ maritime. Vulpia bromoides, se rencontrent dans la zone précédente, La région des-dunes produit encore, dans les lieux plus éloignés de la plage : Pinus Pinaster, Tamarix anglica, Silene Portensis. S. Thorei, Dianthus gallicus, Pancratinnrmaritimun, Astragatus Bayonensis, Medicago littoralis, Artemisia Absinthinm, Cen- laurea aspera, Helichrysum Stœchas, Plantago arenaria, ete., les trois derniers faisant également partie de la flore terrestre. Les prairies engagées dans la même zone nourrissent : Al{hæa officinalis, Sonchus marilimus, Scirpus maritinus, Apium gru- veolens, Bupleurum tenuissümum, Erythreaspicata, Helminthia echoides, Trifolèum maritimum, FT. resupinatum, fris spu- rit, etc., qui, presque tous, peuvent être revendiqués par la flore terrestre, dont le voisinage est annoncé par les Lepidium ruderale, Senebiera pinnatifida, Snyrnium Olusatrum, Silybun Marian, Erythræa pulchelle, Chlora imperfoliata, Chenopo- du ambrosioides, Myrica Gale, Scirpus Holoschœnus, Carex mitida, etc. Si les végétaux terrestres abondent dans la zone des dunes et des prairies, je ne connais guère que les Scirpus maritimes, Se. Roth, Potamogeton pectinatus, Atriplex hastata, et, à un moindre degré, Atriplex patula, qui s'aventurent sur les limites des vases. Fort restremt est également le nombre des plantes terrestres qui habitent les plages et les rochers de la deuxième zone; à peine ai-je à citer : Glaucium luteum, Tribulus ter- restris, Eryngium campestre, Erodium Gicutarium, Polygonum aviculare, Ecbalium Elaterium, Vulpia bromoides, Sonchus maritimus, Artemisia Absinthium, Thrincia hirta, Matricaria inodora, Senecio vulyaris, S. viscosus, Sonchus asper, Lotus siliquosus, Bronmus mollis, Loliun perenne. Si beaucoup pullu- lent au point qu’on doit les regarder comme absolument indif- férentes entre la flore terrestre et la flore maritime, lÆrodium se distingue, de fort loin, à labondante villosité blanchâtre dont 1l est recouvert, et le Matricaria, à l'aspect sombre et lui- sant de ses feuilles, qui deviennent plus épaisses et plus char- nues. Un grand nombre des végétaux terrestres de la troisième 240 C. CONFEJEAN. zone se reconnaissent de même à leur villosité exceptionnelle, à leur temte glauque et à l'épaisseur de leurs feuilles. Je citerat, par exemple : Raphanus Raphanistrum, Plantago lanceolata, P. Coronopus, Herniaria glabra, Passerina annua, Lotus cor- niculatus, L. siliquosus, Jasione montana, Samolus Valerandi, PBromus mollis, Lolium perenne, ete. En résumé, une trentaine d'espèces de la flore terrestre S'aventurent dans les deux pre- mières zones salées. Je ne parle pas de la troisième, où le sel fait presque défaut, et où la plupart des plantes continentales peuvent S'acchimater. Le chlorure de sodium repousse de même les plantes maritimes habituelles de la troisième zone, dont un très-petit nombre réussissent à s'installer dans la deuxième, et dont aucune ne parvient jusqu'à la première, où lon ne voit que par exception quelque espèce des plages ou des rochers. Les expériences de M. Péligot, rapportées dans mon premier mémoire (1), Imdiquent encore € qu'un très-petit nombre des » plantes de la flore terrestre peuvent tolérer une quantité de » soude, variable pour chaque espèce, mais toujours extrè- » mement fable en comparaison de celle qu’absorbent les » plantes maritimes. Dans les terrains salés qu’on livre à la » culture, les végétaux terrestres dépérissent, sans absorber de » chlorure de sodium ; et ces terrains ne deviennent productifs » qu'après avoir été dessalés par les pluies. La Pomme de terre » et les rares espèces qu’on peut cultiver dans les sables mari- » times ne contiennent jamais de soude. » De tout ce qui précède on doit conclure que le sel marin repousse avec la plus grande énergie les végétaux auxquels il n'est pas indispensable, et, en particulier, ceux qui appartiennent à la flore terrestre. Ce premier point établi, nous avons à rechercher si le même minéral fixe avec une pareille énergie la flore maritime, puis à reconnaitre à quel degré les espèces qui la composent peuvent se passer de soude, et, par conséquent, se mêler avec celles de la flore terrestre. Mais nous nous heurtons tout d'abord contre (1) Loc. cit., p. 294 (note). INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 241 une difficulté eu apparence imsurmontable. Il est presque impossible de savoir exactement où cesse d’agir le sel entraîné par l'atmosphère et où commence en réalité la flore purement terrestre. Nous devons ensuite éliminer l’influence de la station et celle de Pétat physique du sol, les espèces psammiques les moins exclusives de la flore maritime accompagnant les sables et les dunes aussi loin que s’avancent ces dernières dans l'intérieur du pays. Il y a lieu également de faire la part du climat, attendu que les plantes méridionales qui n’ont pas besoin de beaucoup de chaleur pour accomplir toutes les phases de la végétation, mais qui redoutent le froid des hivers, rencon- trent les conditions les plus favorables sur nos côtes de lPOuest, où elles dépassent de plusieurs degrés la latitude à laquelle elles s'arrêtent dans l’intérieur des continents. C’est ainsi qu’on peut cultiver en Bretagne, et même dans la presqu’ile de la Manche, lArbousier, le Laurier, le Chêne vert, le Liége, le Myrte et beau- coup d'arbres quine supportent pas les hivers de Lyon. Ilest donc quelquefois fort embarrassant de décider si telle espèce est bien maritime. Mais les inconvénients que je signale peuvent être en grande partie évités, st, au lieu de chercher à saisir une ligne de démarcation, qui n'existe pas, entre la flore terrestre et la flore maritime, on se contente de mettre hors de cause la troisième zone, où au moins la lisière continentale de cette zone, véri- table terrain neutre sur lequel se donnent rendez-vous les espèces des deux flores. [T faut également éviter de faire entrer en ligne de compte certaines plantes, telles que Corrigiola littoralis, Glaucium luteum, Sonchus maritimus, Helninthia echioides, Snvyrnium Olusatrum, etc, dont le caractère mari- time n’est pas nettement établi. Ges précautions observées, la comparaison entre la flore terrestre et la flore maritime devient facile, et l’on voit tout de suite que les représentants de celle-ci ne sont pas plus répandus dans l’intérieur du pays que les plantes terrestres dans les deux premières zones littorales. Le dépouillement des flores locales de la France indique au plus une vingtaine d'espèces maritimes installées à demeure fixe dans l’intérieur, loin des marais salants; et l’on sait que la 6° série, Bot. T. II (Cahier n° 4). 4 16 249 €. CONFEJEAN. plupart de celles qui se développent accidentellement à une certaine distance des côtes ne se maintiennent pas. Sans insister davantage sur tous ces faits, je n'hésite pas à affirmer que la flore maritime n'empiète pus plus sur les limites de lu flore terrestre, que celle-ci n’envahit le domaine de lx flore maritine. Si nous nous en tenons à ces premières apparences, il peut sembler que la puissance attractive du chlorure de sodium pour les plantes marithnes égale sa puissance répulsive à Pendroit des plantes terrestres. Mais nous devons essayer de dégager le problème des éléments qui contribuent à Pobscurcir. importe notamment d'éliminer les influences de la nature physique du sol, de la station et de la concurrence vitale, qui agissent quel- quelois de manière à contrebalancer et même à annihiler l’action du sel marin. Les expériences de culture me paraissent conduire au but que nous nous proposons d'atteindre, toutes les espèces des plates-bandes se trouvant dans les mêmes con- ditions de terrain, de station et de climat, et aucune n'ayant à redouter les empiétements de ses voisines. Je dois avertir, toutefois, que ces expériences, telles qu'on les pratique généralement dans les jardins botaniques, sont rarement iréprochables, à notre point de vue. Le plus souvent on se propose uniquement de conserver les plantes étrangères, en employant toutes les précautions imaginables. On à donc soin d’arroser les espèces maritimes avec de Peau salée. Cette pratique, qui date d'assez loin {1}, n’est pas suivie au jardin botanique de Rochelort, où Pon se contente de Peau du bassin central, également distribuée aux plantes de la flore terrestre. D'ordinaire cette eau n'est point salée; mais comme elle provient de la Charente, et qu'on ne la preud pas toujours au moment favorable du jusant, elle renferme quelquefois 50 centigrammes (1) Linné écrivait le 22 novembre 1759 : « Hoc anno, post tot annorum labo- » riosa tentamina, demum obtinui fructificationem Nitrariæ Schoberi, quæ in » Flora Sibirica Gmelini, {omo secundo, ad finem, sub Osyride proposita est; » cujus florem nullus in Europa viderit, ficet in onnubus hortis occurrat; nec » ego obtinuissem nisi adjecissem ei sal culinare. » (Lettres inédites de Linne, recueillies par M. le baron d'Hombres-Firmas. Alais, 1860, p. 246.) | | | | | INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 245 ou même un gramme de sel par Btre. D'un autre côté, plusieurs espèces sont'plantées dans du sable maritime introduit, à cet eftet, dans les plates-bandes. M. le professeur Peyremol, de qui je tiens tous ces renseignements, me cite comine étant éul- tivés ou ayant été cultivés à l’école de botanique de Rochefort : Sulicornia fruticosa, Suædü fruticosa, Atriplex Halinus, À: por- tulacoides, Salsola Soda, Arenaria peploides, À. imarÿinuta, Hordeum maritimum, Erynqium maritimum, Grithmumn müri- Lèmun, Frankenia levis, Gonvoloulus Soldunella, Armerit muri- tma, Artemisit maritima, Crambe hispanica, Gochlearia offici- nalis, Statice eximia, S: elata, S. marilima, S: monopetalu, Ephedra distachya. Toutes ces espèces, sauf l'Hordeum et les Arenaria, qui sont semés, proviennent de pieds transplantés. Celles dont les feuilles sont Charnues, par exemple le Grithmum, les Salsola, arrivent rapidement à les avoir plus minces et plus petites ; mais elles conservent presque toutes leur saveur salée. Le Spartina stricta et mème lAster Tripolium semblent tout à fait réfractaires à la culture. Le savant directeur du jardin botanique ajoute qu’à Rochefort l'air est tellement salin, que les efflorescences des murailles humides sont de carbonate de soude et non d’azotate de chaux. Quoique fort précieux et fort instructfs à certams égards, les résultats obtenus dans de pareilles conditions, et à une si faible distance du Httoral, ne paraitront pas, aux yeux de beaucoup de personnes, absolument exempts de critique ; aussi ai-je songé à me renseigner auprès des directeurs des établissements continentaux. En raison de la proximité de la côte, le jardin de Montpel- lier n’est sans doute pas complétement soustrait à l’influence maritime; néanmoins les cultures sy opèrent dans de bonnes conditions, puisque les plantes ne sont jamais arrosées avec de Peau salée. On y entretient les espèces suivantes, qui per- sistent depuis longtemps : Matéhiolu sinuata, Malcolma lit- lore, Alyssum maritimum, Cakile maritima, Arenaria medix, Linum maritimum, Grimm maritimmun, Erypnqjium mari Lomum, Crucianella maritima, Anthenns maritima, Cynan- chum acutum, Convoloulus Soldanella, Statice Limonium, 244 €. CONTEJEAN. S. duriuscula, S. echioides, Plantago Gornuti, Atriplex portu- lacoides, Suæda fruticosa, Salsolu Kali, S. Soda, Polygonum maritimum, Euphorbia Paralias, E. pubescens, Juncus mari- timus, J. acutus. Au contraire, on n'a jamais pu y introduire les Salicornia, VInula crithmoides et le Diotis candidissimu. Quelques espèces à feuilles charnues les ont plus minces et plus petites. (Renseignements fournis par M. Ch. Martins, directeur.) On cultive ou l’on a cultivé à Lyon 35 ou 40 espèces maritimes, la plupart exclusives ou presque exclusives (Watthiola, Cakile, Frankenix, Statice, Suæeda, Salsola, ete.). Toutes sont arrosées avec de l'eau douce ordinaire et n’en souffrent nullement; cependant les Soudes et les autres Chénopodées reçoivent de l’eau salée pendant les mois les plus chauds. (Renseignements fournis par M. E. Faivre, directeur.) Sur le catalogue des plantes cultivées au jardim de Grenoble, on distingue un nombre à peu près pareil d'espèces maritimes, la plupart également exclusives ou presque exclusives. Toutes prospèrent sans être jamais arrosées d’eau salée. (Renseigne- ments fournis par M. J.-B. Verlot, jardinier en chef.) A Toulouse, on n’a jamais employé que l’eau douce ordi- naire. L'Aster Tripolium réussit rarement; il en est de même du Diotis candidissima et du Convolvulus Soldunellu. Le Medi- cage marina se maintient assez bien. Les Sulsola Tragus, S. Kali, Chenopodiun maritimum, Eryngüum maritümun, Scilla maritima et les Tamarix fleurissent habituellement. Le Frankenia pulverulenta se reproduit spontanément. Tous les Stalice (sinuata, bellidifolia, latifolia, Limonium, monopetulu) se portent à ravir el fleurissent très-bien, de même que Îles Atriplex portulacoides, Suædu fruticosa, S. altissima, Salsola brevifolia, Camphorosma monspeliaca, Kochia scoparix, K.pro- strate. (Renseignements fournis par M. Clos, directeur.) Je dois ajouter que le Grambe marilima. où Chou marin, se cultive en grand dans certains pays. À plus forte raison en est-il de mème du Beta maritima, qu'on s'accorde à regarder comme la souche de la Betterave. Le Cochlearia officinalis occupe sou- INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 245 vent une place dans nos potagers; le Matthiola incana, le Mal- colnia maritima, les Tamarix et beaucoup de Statice font l’'ornement de nos jardins. Tous les faits qui précèdent montrent clairement que, si quatre ou cinq espèces exclusives sont absolument rebelles à la culture, les autres s’en accommodent, le plus souvent, sans éprouver aucune modification. Beaucoup même prospèrent d’une manière surprenante, en cela comparables aux végétaux terrestres, qui se développent dans le sol riche et meuble des plates-bandes, au point qu'on éprouve parfois de la difficulté à les reconnaitre. À Rochefort, les Znula crithinoides, Beta ma- ritima, Statice monopetala, Sueda fruticosa, Salsola Soda, ete., sont de la plus magnifique venue; à Toulouse, les Statice « se portent à ravir ». Ilest bon de remarquer que toutes les espèces dont il a été question sont des plantes maritimes par excellence, et qu’elles appartiennent aux deux zones les plus salées ; d’où lon peut inférer que celles de la troisième zone supporteraient encore mieux la culture. Toutes ces plantes ou presque toutes fleurissent, etil est à supposer que la plupart fructifient. Je n’ose pourtant affirmer absolument ce dernier point, n'ayant pu faire par moi-même qu’un très-petit nombre d'observations. J'ai vu cependant, en diverses circonstances, fructifier dans la terre ordinaire les Tamarix anglica, T. africana, Malcolmia maritima, Matthiola incana, Inulacrithnoides, Euphorbia Port- landica, E. Paralias, Erynqium maritinum, Hordeum mariti- num, Cochlearia danica. Les graines de certaines espèces, fortui- tement disséminées dans l’intérieur du pays, germent souvent et produisent des individus vigoureux. Cest aimsi que M. Nouel a trouvé de très-beaux spécimens du Salsola Kali dansles sables de la Loire, à Orléans. Jai vu moi-même, le long du chemin de fer de la Vendée et à plus de 60 kilomètres de la mer, de superbes pieds d'Erynqium maritimum, d'Euphorbix Portlan- dica, de Glaucium luteum et Euphorbia Paralias dans le sable apporté du voisinage de l'Océan, mais, assurément, dessalé. Un pied de Cakile maritima à levé dans mon jardin, à Poitiers, où l’on avait jeté diverses graines. Parmi les plantes de la querre 246 €. CONFESEAN. observées dans la même ville, ainsi qu'à Châtellerault, en 1871, se faisaient remarquer de nombreux spécimens de FHordeum mariimum, dont j'ai rencontré naguère des pieds extrème- ment toutfus à la gare des Lourdines, près de Poitiers. De tout ce qui précède on peut conclure que le sel marin n'est pas absolument indispensable à la plupart des plantes maritines, où, tout au moins, que la plupart des plantes muri- times peuvent accomplir toutes les phases de leur végétation dans un milieu où le sel marin n'entre pus en plus forte proportion que dans la terre ordinaire. Mais, s'il en est ainsi, pourquoi la flore maritime ne s'avance- t-elle pas dans Fintérieur des continents, pour se mêler plus intinmementavec la flore terrestre? La réponse est facile : ce sont les circonstances extérieures, au moins autant que Pabsence de sel marin, qui produisent cet état de choses, [ne faut pas oublier, en effet, que les essais de naturalisation ne réussissent presque jamais, quoiqu'on les entoure des plus grandes précau- tions, et qu'on choisisse toujours les espèces qui semblent le mieux convenir aux terrains où l’on se propose de les acchimater, Depuis la découverte de FAmérique, un grand nombre de plantes des États-Unis sont cultivées dans les jardins de l'Eu- rope tempérée, où elles rencontrent, à peu de chose près, leur climat natal; cependant, quoique plusieurs aient réussi à s'installer ça et là, on ne peut citer que trois plantes améri- caines, savoir, l’ÆErigeron canadensis, et, à un momdre degré, l'ŒÆnothere biennis ei V'Amarantus retroflexus, qui aient mé- rité les lettres de grande naturalisation (4). Deux seulement, (it) Les Sencbiera pinnatifidu, Heliolropium Curassavicum, Phylotacca decandra, Chenopodium arbrosioides, sont plus où moins répandus sur nos côtes méridionales et occidentales ; le Galinsoga parviflora abonde autour de Berlin, et le Mimulus luteus auteur de Strasbourg ; plusieurs Aster, plusieurs Solidago se voient sur divers points ; Pflysanthes gratioloides occupe les prairies humides des environs de Nantes et d'Angers, et l'Elodex canadensis expulse les Polamogeton des eaux de la France centrale. Mais ce sont là des faits locaux, toutes ces espèces ne paraissant point envahissantes, sauf peut-être le Galinsoga, l'Ilysanthes et l'Elodeu, dont il serait néanmoins téméraire de préjuger les destinées. La réussite des acclimatations semble dépendre aussi du tempé- rament particulier de chaque espèce : le Statice Eimontum etFHordeum mari- INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 247 l’Agave americana etle Cactus Opuntia, se sont complétement acchimatées dans PEurope méridionale. C’est à peme si Mougeot a pu introduire une ou deux Saxifrages alpestres dans les Hautes Vosges, où elles ne gagnent point de terrain. Des innom- brables semis effectués dans le Jura bernois par M. Vernier, ancien directeur du jardin botanique de Porentruy, il ne subsiste, à ma connaissance, qu'une seule espèce : le Corydalis lutea. Mes semis n’ont pas réussi davantage aux environs de Montbéliard. Les plantes exotiques qui s'étaient montrées en si grand nombre dans tous les lieux où campèrent nos troupes pendant la guerre malheureuse de 1870, ont partout disparu, après avoir fait naître, chez certains agronomes, des espérances que les événements n'ont point jusufiées. Une seule exceptée (Melilotus sulcata), les 50 ou 60 plantes de la querre que j'ai observées à Poitiers, dans Le pré du jardin de Blossac, n’ont pas laissé de traces, quoiqu'il y en eùt plusieurs qui sont indigènes de la contrée; notamment : Rapistrum rugosum , Lepidium ruderale , Medicago Gerardi, Linum anqustifolium, Malva Nicæensis, Amarantus retrofiexus, Helminthia echioides. C’est donc uniquement le genre de station qui n’a pas convenu à ces dernières. C’est également la station, puis le climat et la concurrence vitale (1), qui opposent des obstacles msurmon- linum, plantes de la première zone, se rencontrent beaucoup plus souvent loin de la mer que la plupart des espèces de la deuxième zone. (1) La concurrence vitale me paraît jouer le rôle le plus important; c'est elle, à mon avis, qui empêche le plus efficacement la prise de possession du sol par les plantes étrangères. Toutes les invasions dont j'ai été le témoin, et notamment celle des plantes de la querre (à Poitiers, à Besançon et ailleurs), se sont effectuées sur la terre dénudée, où les nouveaux venus, trouvant le champ libre, ont pu s'installer à leur aise. Tous ou presque tous (par exemple les Trifolium, les Medicago, les Melilotus, Y'Hordeuin marilimum) ont par- faitement fructifié en 1871 ; cependant, l'année suivante, l’ancien tapis végétal s’est reconstitué, et les envahisseurs ont succombé dans la fuite. Je dois encore faire observer que la concurrence vitale, ou, pour employer le langage de M. Darwin, la lutte pour l'existence, n’est point un élément auto- nome, une cause sui generis, agissant directement, ainsi que peut le faire, par exemple, le elimat ou l’état physique du sol. Elle n'est que la résultante et la traduction au dehors d’une foule de causes directes, qui s'unissent et se coalisent pour produire ensemble les effets qu'il est plus commode d'attribuer en bloe au 248 €. CONTEJEAN. tables aux tentatives de naturalisation Îles mieux coneues. Notons qu'il ne s’agit 1er que de plantes terrestres à acelimater dans des terrains non salés. À plus forte raison, les mêmes ob- stacles viennent-ils opposer à limtroduction des espèces ma- ritimes au milieu de la flore continentale. C’est à eux qu’on doit, assurément, attribuer, en grande partie, la séparation de la flore maritime et de la flore terrestre. Puisqu'il est bien prouvé que le sel marin, en certaine quantité, n’est pas absolument indispensable à la première, et que, d’un autre côté, les expé- riences de M. Peligot, amsi que beaucoup de faits de dispersion, témoignent de la répugnance absolue des plantes terrestres pour les milieux salés, on arrive à cette conclusion finale : Le sel marin repousse les plantes terrestres plus énergiquement qu'il ne peut fixer et attirer les plantes maritimes. Il serait intéressant de connaître la quantité de soude néces- saire pour expulser les plantes terrestres, et celle qui suffit pour fixer les plantes maritimes dans les zones salées. Malheureuse- ment aucune expérience n'a été faite à cet égard sur les végétaux spontanés. On peut affirmer, toutefois, que la plupart des espèces maritimes se contentent d’une quantité d’alcali extrêmement petite. Du sable pris à Fouras, dans le haut de la plage, ne nr'a donné, à l'analyse quantitative, que des traces de chlorure de sodium, quoique la flamme du chalumeau accusat fort nettement la présence de la soude. Ge sable était assez rapproché de la mer pour renfermer encore 20,15 de carbonate de chaux; 11 nourrit les Cakile maritima, Erynqium maritimum, Gonvolvulus Soldu- nella, Salsola Kali, Triticum junceum, et autres plantes qui savent extraire une notable proportion de soude d’un milieu presque dessalé dans les circonstances ordinaires, mais qui peut se charger de sel quand les tempêtes y projettent l’écume des vagues. Quoique les plates-bandes du jardin botanique de combat pour lexistence. Si une espèce ne peut soutenir la lutte avec ses voi- sines, c’est évidemment parce qu’elle est moiïas robuste, où moins prolifique, ou plus frileuse, ou plus délicate sur le choix du milieu et de lalimen- tation, ete., etc. La concurrence vitale n'est donc que l'expression des qualités ou des défauts provenant de la nature intime, de l'organisation particulière de chaque espèce. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 249 Rochefort soient arrosées avec de Peau parfois un peu salée, la terre végétale prise au pied du Sarothamnus scoparius, au mois d'août 1879, n’accusait, pour ainsi dire, aucune trace de soude au chalumeau à gaz; toutes les espèces maritimes que j'y ai vues à la même époque étaient de la plus belle venue. Sans rien oser conclure d'observations aussi peu nombreuses, je me sens néanmoins porté à supposer que les plantes maritimes se contentent, en général, d’une quantité de soude insuffisante à expulser les plantes terrestres. 2 Flore terrestre. — Elle occupe la vaste superficie des terres fermes, à l’exception des zones maritimes et des lieux où existent des sources et des inflorescences salines. Je n'ose affirmer qu’elle soit fixée par la potasse, comme la flore des rivages est fixée par la soude, puisque la plupart des espèces maritimes renferment également de la potasse. Comme cet alcali se trouve en aussi forte proportion dans le sol maritime que dans le sol ordinaire, 1l est plus naturel de conclure que la flore terrestre est éloignée du Httoral par le chlorure de sodium. Cette hypothèse, dont je crois avoir démontré l’exactitude, n’est d’ailleurs point inconciliable avec celle d’une influence directe de la potasse sur les plantes des milieux dessalés. Quand bien même on admettrait exclusivement cette der- nière, il ne faudrait pas S'attendre à trouver les plantes terres- tresparquées dans des régionscomparables aux zones maritimes, puisque la potasse assimilable n'existe qu'en quantité presque infinitésimale, et à peu près pareille, dans tous les sols. Aussi les contrastes qu’on peut observer dans la flore terrestre proviennent-ils d’une autre cause. Je n'ai pas hésité à Îles attribuer à la chaux, sans tenir compte de la silice, de Ia potasse, de l’alumine, des oxydes métalliques et de toutes les substances que je regarde comme neutres ou inertes. Mais ce n’estque dans des circonstances exceptionnelles (basaltes de l'Auvergne, dunes maritimes) que la chaux se mélange peu à peu avec des miné- raux d’une autre nature; presque toujours le sol calcaire suc- cède brusquement au sol siliceux, de façon que les flores contrastent vivement et sans se mêler en aucune manière. [ne 250 €. CONTEJEAN. s’agit pas ici, bien entendu, des plantes indifférentes qui se ren- contrent sur toute espèce de terrain. Le problème se réduit done à examiner à quel degré sont exclusives les caleicoles et les calcifuges. Il est bon de faire remarquer auparavant que l'influence du sel marin est plus générale que celle de la chaux. Parmi les 4700 espèces (nombres ronds) portées dans les listes de classe- ment qui vont suivre, 146 sont maritimes et 1550 sont ter- restres. De ces dernières, 150 au plus s'aventurent dans les zones salées, et peuvent être regardées comme indifférentes à l’action de la soude. Ge n’est pas le dixième des plantes cata- loguées. Au contraire, sur les 1550 espèces terrestres, 780, c’est-à-dire plus de moitié, se montrent absolument mdifférentes à l'action de la chaux. I semble donc que linfluence des deux bases soit en raison de la solubilité de leurs sels. Gela ne veut pas dire, toutefois, que, lorsqu'elle agit, la chaux n'ait pas une éner- gie égale à celle de la soude. Je dois ajouter que mes listes de classement, renfermant, sans aucun choix, les espèces que j'ai rencontrées dans mes herborisations, représentent fidèlement l'état moyen de la végétation dans l'Europe tempérée. Je reviens à la flore terrestre. Nous avons, dis-je, à rechercher à quel degré se montrent exclusives les calcicoles et Les calci- fuges. A l'égard des premières, il est assez difficile de se prononcer tout d’abord, attendu qu'elles n’ont pas été suffisamment étu- diées à notre point de vue. Je pourrais même ajouter qu'elles n'ont pas été suffisamment recensées. La plupart des flores et des catalogues, ne comprenant que des régions fort limitées, dont l'étendue dépasse rarement celle d'un département, 11 peut arriver etil arrive que beaucoup de plantes cantonnées sur le calcaire, dans tes lieux où elles ne rencontrent pas d'autre roche dysgéogène à leur disposition, se trouvent désignées comme calcicoles, lorsqu'elles sont indifférentes en réalité. Le botamiste confiné dans la région des Vosges et du Jura septentrional n'hésiterait pas à regarder comme des caractéristiques exclu- sives de la chaux les Rosa pünpinellifolia, Ruscus aculeatus, INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 251 Cynanchum Vincetoxicum, Buxus sempervirens, Seseli monta- run, et beaucoup d’autres espèces que jai moi-même autrefois considérées comme telles. Mais ses idées se modifieront singu- lèrement sil vient à explorer des contrées plus chaudes et moins humides. En société des Ulex, des Sarothamnus, des Erica et de toute la population de la silice, le Rosa pimpinelli- folia et le Ruscus aculeatus pullulent à tel point dans le sable quartzeux pur de la forêt d’Arvert, que je n'hésite pas à les déclarer mdifférentes. Ce sont des xérophiles qui se plaisent partout où elles rencontrent [a sécheresse, dans le sable aussi bien que sur le calcaire. Je dirai presque la mème chose du Cynanchum, qui est fort abondant, et d’une assez belle venue, dans le sable siliceux pur de la forêt de Châtellerault, et dont j'ai recueilli de magnifiques spécimens sur Les rochers grani- tiques du lit de la Vienne, à lHe-Jourdan. Le Seseli montanum recouvre de même les granits massifs de Ligugé, près de Poi- tiers, et le Buxus occupe, dans le plateau Central et les Pvré- nées, toute espèce de station dysgéogène. Pour énumérer exactement toutes les plantes calcicoles, il faut donc choisir un champ d’études extrèmement vaste; aussi ne doit-on puiser qu'avec circonspection dans la plupart des catalogues. Ces réserves faites, je dirai que la flore du calcaire peut sem- bler, au premier aperçu, moins exclusive que celle de la silice, puisqu'on la trouve installée sur les porphyres, les basaltes, les dolérites, certaines laves, certains grès, certains sables, aussi bien que sur le calcaire pur. Mais on reconnait bientôt que les apparences ont été prises pour la réalité, et que toutes ces roches contiennent une proportion notable de carbonate de chaux, qui provient de la décomposition de quelque minéral constitutif ou qui se trouve mécaniquement interposé. Cependant, même en tenant compte de ce qui précède, il me semble que les calcicoles sont moins exclusives que les calcifuges. Je n'hésite donc pas à modifier quelque peu l'opinion que j'avais émise à cet égard dans mon premier mémoire. Toutefois je m'exprime avec une certaine réserve, attendu que je puis uniquement spéculer sur les iaits de contraste recueillis pendant mes herborisations, 2952 €. CONTEJEAN. tandis que la solution complète et rigoureuse du problème exigerait des expériences de culture qui n’ont point encore été entreprises. En tout état de choses voici quelques-uns de ces faits : Sur les plateaux jurassiques du Poitou et d’autres contrées, la flore de la silice S'avance au milieu de celle du calcaire aussi loin que s'étendent les lambeaux diluviens. Les moindres trai- nées, les plus minces nappes de transport, n’eussent-elles que quelques centimètres d'épaisseur, sont occupées par les plantes calcifuges. Comme exemples je citerai les coteaux boisés et rocalleux qui s'étendent des deux côtés de la nouvelle route de Poitiers à Gencais, aux abords de la tranchée du chemin defer ; puis les plateaux arides et dénudés qui bordent la voie ferrée d'Angoulême à Limoges au delà de la station du Quéroy. On y trouve les Ulex, Sarothamnus, Galluna, Erica, ete., installés au milieu des Helleborus fœtidus, Gytisus supinus, Globularia vulgaris, Teucrium montanum, T. Chamædrys, Hippocrepis comosa, Helianthemum pulverulentum, H. sahicifolium, ete. Ce n'est pas un mélange, c’est une véritable promiscuité, les plantes du calcaire étant souvent enracmées côte à côte avec celles de la silice, dans un diluvium qui ne fait aucune efferves- cence avec les acides. [est vrai que la roche calcaire se trouve en contact presque immédiat; mais je me suis assuré que beau- coup d'individus appartenant aux espèces calcicoles se conten- tent du milieu qui nourrit les calcifuges. Mèmes observations dans les pâtures rocailleuses des environs de Vanzay (Deux- Sèvres), si improprement appelées, au moins dans leur état actuel, forêt de Chevet : les Teucrium montanum, Globularia vulgaris, Polygala calcarea, Chrysocoma Linosyris, ete., qui pullulent dans cette localité, suivent fidèlement lesaffleurements calcaires ; mais on les rencontre aussi, par exception, sur des lambeaux argileux qui ne font point effervescence. Cette plus large tolérance des calcicoles se remarque dans une foule d’autres circonstances, et nous aide à expliquer la présence plus ou moins accidentelle de certaines espèces, médiocrement exclusives, sur des roches qui ne renferment, pour ainsi dire, =] INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 253 point de calcaire, telles que basalte compacte, sable quartzeux et mème granit. Tous ces exemples, et une infinité d’autres analogues, que chacun à pu recueillir, témoignent, si je ne me trompe, d’une certaine facilité d’'habitudes, qui doit faire regarder les plantes de la chaux comme moins exigeantes que celles de la silice. Elles rencontrent d’ailleurs partout un peu de chaux; et 1l est possible qu'une quantité de ce minéral, impuissante à expulser les plantes de la silice, suffise pour entretenir la vie de certaines calcicoles. Ces dernières ressembleraient alors aux plantes mari- ümes, dont la plupart accomplissent toutes les phases de leur végétation dans nos Jardins botaniques, où elles doivent se con- tenter de linfime proportion de chlorure de sodium qui existe dans le sol. Les calcifuges paraissent infiniment plus exclusives. Le Genèt à balais, les Ajoncs, les Bruyères, le Châtaignier, ete., tolèrent au plus quelques centièmes de chaux. Dès que cette base se montre, on les voit disparaitre. Dans tous les lieux où existe la promiseuité dont je viens de parler, ce sont les caleicoles qui deviennent accommodantes : aucun pied de Bruyère ou d’Ajone ne prend naissance sur un point où les acides décèlent la pré- sence du calcaire. Aux extrèmes limites des charriages diluviens, et lorsqu'ils se trouvent réduits à une pellicule de quelques cen- tüimètres d'épaisseur, les calcifuges qui peuvent y exister d’aven- ture restent chétives et rabougries, et leur teinte pàle trahit insuffisance de la chlorophylle. Les espèces réellement carac- téristiques de la flore calcifuge n’empiètent donc jamais sur le domaine de la flore caleicole, tandis que la réciproque est moins rigoureusement exacle. Il y à cependant des circonstances où l’on pourrait être mduit eu erreur, si l’on s’en rapportait aux apparences; et c’est 1e1 le leu de répondre à l’une des questions formulées de la manière suivante dans mon premier mémoire : « Rechercher S'il se pré- » sente des cas où la flore calcifuge, et en particulier le Saro- » thamnus, existe dans un sol renfermant du calcaire. » Oui, il s’en présente; mais j'ai hâte de déclarer que la théorie 254 C. CONTEJEAN. de l'influence chimique n’en reçoit aucune atteinte. fai choisi le Sarothannus, parce que cet arbuste est l’une des ealcifuges les plus exclusives, sinon la plus exclusive de toutes; parce qu'il pullule partout où on le rencontre ; enfin, parce que son port, extrèmement remarquable, le fait aisément distinguer, mème dans les saisons où ses innombrables fleurs jaunes n’atti- rent point les regards. En Touraine, dans le Poitou, l'Angou- mois, la Saintonge et ailleurs, on le voit assez souvent sur le calcaire Jurassique ou crétacé dans les tranchées des routes et des chemins de fer. Au pied de l’arbuste, le sol fait une vive effervescence avec les acides, de sorte que le Sarothamnus peut sembler enraciné dans le calcaire désagrégé et pulvérulent. Mais si lon enlève la couche superficielle, imcessamment renou- velée par les éboulis et les parcelles qui tombent du haut de la tranchée, on voit toujours qu'ila pris racine dans un lambeau de diluvium, également précipité du haut, et accidentellement fixé dans quelque cavité. Ce sont, par conséquent, des graines ou de très-jeunes pieds développés dans un milieu d’abord privé de caleare. Dès que la plante à gagné quelque vigueur, elle continue à végéter, et même à prospérer, si le lambeau diluvien fui fournit un asile convenable. Dans le cas contraire (et c’est le plus habituel), Les racines de Parbuste finissent par plonger dans le éalcaire ; ou bien encore là couche recouvrant le lambeau diluvien devient assez épaisse pour que Peau pluviale se charge d’une certaine quantité de chaux: alors la plante languit et se décolore. Mêmes résultats en ce qui concerne les Ajones et les Bruyères : mes observations, à cet égard, sont extrêmement nombreuses. On peut voir des choses analogues dans les sables maritimes. Le long de la plage qui borde au sud le pertuis de Mau- musson, entre les bains de Ronces et la Pointe des Espagnols, les Pins s’avancent jusqu'au contact du rivage, qu'ils dominent de quelques mètres ; de sorte que le sable coquillier, n'ayant plus accès depuis longtemps, le Sarothamnus, V'Ulex europæœus, le Pieris aquilina et d'autres calcifuges peuvents’avancer jusqu'au bord de la mer. A l'issue de la forêt, du côté de la Pointe, les e- INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 259 dépressions qui se trouvent en arrière des premières dunes sont encore parsemées de nombreux buissons d’'Ulex et de Saro- éhamnus, les uns prospères et vigoureux, les autres chétifs et décolorés. Presque toujours le sable fait effervescence au pied des uns et des autres; mais, toutes les fois que j'ai eu la patience de creuser à une profondeur suffisante, j'ai vu que effervescence diminuait, et qu'elle finissait par devenir très-peu de chose. Iime parait donc probable que toutes ces plantes, qui datent au moims d’une dizaine d'années, ont pris racine dans un sable siliceux pur, quis’est ensuite trouvé recouvert de sable coquillier enlevé par les vents aux dunes littorales. Pour quiconque à eu occasion d'étudier la singulière mobilité des sables maritimes et Pirrégularité de leurs allures, cette hypothèse n'a rien que de vraisemblable. Ce n’est done que par une sorte d'artifice que les caractéristiques de la silice peuvent se trouver acciden- tellement au mieu du calcaire; jamais elles ne Sy propagent naturellement, jamais je ne les y ai vues dans les conditions normales. Tout en confirmant mes assertions relatives à l'intolérance des calcifuges exclusives, ces faits paraissent indiquer que plu- sieurs savent se plier aux circonstances, et S'habituer quelque peu à un sol ennemi, mais seulement à un certain âge, et lors- qu'elles ont acquis une certaine vigueur. S'il en est ainsi, on pourrait les comparer aux Conifères exotiques et à beaucoup de plantes délicates, qu'on préserve du froid tant qu'elles ne sont pas assez robustes pour braver la rigueur de nos hivers. Mais iei encore il y aurait des expériences à faire. Considérée d'une manière générale, la flore caleifuge éprouve pour la chaux une répugnance comparable à celle de la flore terrestre pour le sel marin. Mais toutes les calcifuges ne se montrent pas également difficiles ; et l’on pourraitindiquer, dans la flore de la silice, des nuances presque aussi nombreuses que dans la flore maritime. Ainsi, le Genêt à balais (Sarothamnus), les Bruyères, les Ajoncs (surtout FUlex nanus), le Châtaignier et beaucoup d’autres espèces, ne peuvent être cultivés dans une terre qui renferme, à ce qu'il m'a paru, plus de 2 à 3 cen- 256 €. CONFTEJEAN. üèmes de chaux. L'espèce la moins exclusive du groupe me semble être P£rica scoparia. Le Rumex Acetosella et la Digitale pourpre tolèrent un peu plus de calcaire; on cultive celle-c1 dans les jardins de Montbéliard et de Poitiers, où le Genèêt ne peut s'installer. À l'état spontané, elle est cependant moins accommodante que le Jasione montana, le Pteris aqguilin«, l'Aira canescens, et d'autres espèces assez fréquentes dans les sables maritimes effervescents. Une nouvelle nuance est indi- quée par les Sinapis Cheiranthus, Cotyledon Umbilicus, Vulpia Pseudo-Myuros, qui pullulent sur le granit, mais qu’on trouve également, beaucoup moins nombreux et moins sociaux, il est vrai, sur les murs et les débris purement calcaires. Enfin on ose à peine affirmer que les Raphanus Raphanistrum, Genista pilosa, Polypodium vulqare, soient plutôt calcifuges qu'in- différents. Il y aurait maintenant à déterminer la quantité de chaux nécessaire pour fixer les calcicoles et celle qui suffit pour repousser les calcifuges. Malheureusement les observations et les expériences ne sont pas plus nombreuses à propos de la chaux qu'à propos de la soude. Fai cité plusieurs faits de dispersion montrant que beaucoup de caleicoles vivent et se multiplient à côté des calcifuges, dans des milieux qui ne font point effervescence avec les acides. Or j'ai pu reconnaitre, par un certain nombre d'expériences, que la terre végétale peut contenir jusqu'à 2 et même 3 centièmes de carbonate calcaire, représentant un peu plus d’un centième de chaux, sans qu'il se produise, à froid, une effervescence sensible. Une quantité de chaux encore plus minime suffit aux Vicia lutea, Cynanchum Vinceloxicum, Gonvallarie Polygonatum de la forêt de Châtel- lerault, où la terre, prise au pied du Cynanchum, ne renferme, pour 100 parties, que 0,17 de calcaire, soit 0,09 de chaux. Mais ce sont là des faits isolés, desquels il serait téméraire de rien déduire, en attendant que des expériences de culture sur la plupart des ealcicoles, depuis les plus exclusives jusqu'aux plus accommodantes, nous aient complétement renseignés! La même réserve s'impose de droit, si l’on veut essayer d’in- INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 257 diquer la quantité de chaux qui suffit pour exclure les calei- fuges. Il est certain que cette quantité varie suivant les espèces, comme varie également la proportion de chaux dont se conten- tent les calcicoles des diverses catégories. Il est probable néan- moins que les calcifuges les plus exclusives (Ulex, Erica, Sarothamnus, ete.) ne tolèrent pas plus de 2 à 3 centièmes de chaux, au maximum. J'ai dit que M. Chatn estime cette quan- üté à 5 centièmes pour Je Ghâtaignier. Les expériences de culture du jardin de Rochefort prouvent que la proportion de 7,77 est trop forte pour le Sarothamnus, qui S'accommode néanmoins de la proportion de #,959 trouvée dans Le diluvium de Colombier- Fontaine (Doubs). Mais, dans cette dernière localité, il n'arrive jamais à une grande taille, et, quoiqu'il fleurisse et fructfie très-bien, 11 contraste vivement, par son humble attitude, avec les individus si élancés et si robustes des collines sous-vos- oiennes les plus voisines. Je serais donc porté à admettre que le Sarothamnus peut tolérer, au plus, 2 centièmes de chaux. Et s'il était permis de conclure de probabilités qui demandent à être confirmées par un plus grand nombre de faits, j'ajou- terais : il faut moins de chaux pour fixer la plupart des calei- coles que pour repousser les caleifuges. | À propos de ce qui précède, je dois faire observer que l'essai du terrain à l'acide n’en est pas moins un excellent procédé pour reconnaitre, non pas si le sol renferme ou non du calcaire, absolument parlant, mais s'il en contient une proportion qui repousse les calcifuges ou qui leur permette de s'installer. A la vérité, les calcaires fortement chargés de magnésie ou de silice intimement mélangée, ne font pas effervescence à froid ; mais 1l me semble que Ja chaux masquée par ces deux substances n’est pas plus soluble dans l'eau d'infiltration chargée d'acide carbo- nique que dans l'acide chlorhydrique où Pacide azotique, bien autrement puissants. Dans ces conditions, le calcaire se com- porte comme un Corps inerte et non assimulable; et ce n’est que la quantité en surplus (quand elle existe) accusée par l'effer- vescence de la roche, qui parait réellement active. Ces derniers faits, il est vrai, demandent à ètre vérifiés. 6° série, Bot. T. Il (Cahier n° 5). ! 17 258 €. CONTEJEAN. En résumé, il existe une grande ressemblance entre l'action de la chaux et celle de lu soude, quoique la première soit moms générale et ne s'exerce que sur un nombre de végétaux beau- coup plus restreint : les deux bases fixent chacune des plantes particulières ; elles en repoussent d'autres; leur force d'attraction est moindre que leur force de répulsion. On pourrait dire, en outre : ilest probable que les pluntes maritimes et les culcicoles se contentent d'une quantité de soude et de chaux insuffisante pour repousser les plantes terrestres et les culcifuges. Gomme corollaire, et pour compléter la similitude, on pourrait ajouter, enfin, que les calcicoles sontimoïns nombreuses que tes calcifuges, de même que les plantes maritimes sont moins nombreuses que les plantes terrestres. Getie dernière proposition est démontrée par les listes dont il a été question, et qui mentionnent 344 cal- cicoles contre 455 calcifuges, et 140 plantes maritimes contre 4400 plantes terrestres, repoussées par le sel marin. & 4. SI L'INFLUENCE DU TERRAIN S'EXERCE ÉGALEMENT SUR LES PLANTES DE TOUTES LES FAMILLES. _ Je n'hésite pas à répondre par l’affirmative. Cette influence me paraissant suffisamment établie en ce qui concerne les plantes vasculaires phanérogames et cryplogames, je n'ai plus à m'occuper que des plantes cellulaires. Les Mousses et les Hépatiques obéissent à la lot commune. [ya déjà longtemps que M. Schimper et d’autres botanistes ont distingué des Mousses calcicoles et des silicicoles. Les obser- vations si précises de M. Quélet rapportées plus haut, celles de M. l’abbé Boulay (1), de M. F. Renauld (2), de M. Lamy (8) et (4) De la distribution géographique des Mousses dans les Vosges et le Jura (Bull. de la Soc. bot. de France, 1871, t. XVIII, p. 213). (2) Aperçu phytostatique sur le département de la Haute-Saône, ete., p. 25 ef Suiv., ef p. 999 ef sul. Vesoul, 1873. (3) Mousses et Hépatiques du département de la Haute-Vienne, p. 32. Paris, 1875. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 259 de beaucoup d’autres observateurs achèvent de mettre ce fait hors de doute. Les Lichens se montrent aussi exclusifs, sinon davantage. M. Weddell (1) divise ces petits végétaux en silicicoles, silici- coles calcifuges, calcivores, calcicoles et omnicoles, ces derniers correspondant aux plantes indifférentes. Il attribue à une action nuisible de la chaux la répulsion exercée par le calcaire sur Les silicicoles calcifuges, et 1l regarde les roches siliceuses comme un milieu inerte et sans influence, servant de refuge à ces der- mères. C’est donc absolument la théorie que je soutiens moi- même (2). Quoique le savant botaniste se borne à un simple énoncé, avec listes de plantes à lPappui, je n'ai pas besoin d'insister sur la grande importance de ses conclusions. St le même Lichen, et, à plus forte raison, si un groupe nombreux de Lichens habite indifféremment les roches siliceuses privées de calcaire et l’écorce des arbres, comme celle-ci ne peut leur fournir de la silice, il est bien évident que la plante y cherche uniquement un support; d’où lon peut imférer que la roche siliceuse ne lui sert pas d’une autre manière, et d’où Fon peut conclure à la neutralité de la silice. Le problème se complique singulièrement, à la vérité, dès qu'il s’agit des plantes vascu- laires, enracinées, comme on le sait, dans des milieux de com- position variée, où elles puisent la plus grande partie de leur alimentation. C’est ce qu'a bien compris M. Weddell, qui s’ex- prime de la manière suivante dans un mémoire récent (3) où il est plus explicite : (1) Sur le rôle du substratum dans la distribution des Lichens saxicoles (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, 19 mai 1873, t. LXXVI, p. 1247. — Les Lichens du massif granitique de Liguge au point de vue de lu théorie minéralogique (bull. de la Soc. bot. de France, 1873, t. XX, p. 149). (2) Une revendication de priorité ayant été portée devant l’Académie des sciences (14 juin 1875), je crois devoir rappeler qu'en 1858 M. Parisot indiquait et cherchait à expliquer l’action nuisible de la chaux sur les plantes de Ja silice ; qu'en 4870 M. Chalin signalait cette action sur le Châtaignier ; enfin, qu'en 1875 M. Weddell regardait, en outre, les roches siliceuses comme un milieu neutre, servant de refuge aux Lichens qui ne peuvent s'installer sur les roches calcaires. (3) Les substralum neutres (Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, 2 août 1875, t LXXXI, p. 211). 260 d'. CONTESEAN. « Qu'il me soit permis. de faire remarquer que si je suis » parvenu à des résultats aussi simples et susceptibles d'une » définition aussi précise, c’est surtout aux conditions offertes » par mon champ d’études (le substratum des Lichens) que j'en » suis redevable. Au lieu de plantes pourvues d'un système » complexe d'organes souterrains, au lieu de sols variant » presque à l'infini par leur composition chimique aussi bien » que par leurs conditions physiques, et à chaque élément des- » quels j'aurais été tenté d'attribuer une part quelconque dans » le résultat général, je me suis trouvé n'avoir affure qu'à des » plantes chez lesquelles le système radiculaire est réduit à sa » plus simple expression, à des substratum consistant en élé- » ments minéralogiques le plus souvent isolés, à des conditions » physiques enfin dont il était facile de faire abstraction com- » plète. Ce n’est pas tout; à côté de ces substratum minéraux, » représentés par un bloc de grès, par exemple, ou de calcaire » jurassique, s’en présentaient d’autres, appartenant au règne » organique : des écorces, de la mousse végétante, etc., servant » parfois de soutien aux mêmes végétaux que ceux qui étaient » fixés sur les rochers voisins, et pouvant ainsi me donner la » mesure de l'importance que je devais attribuer à la compo- » sition chimique du substratum minéral. Or, c’est cette consta- » tation, maintes fois réitérée, que j'ai pu faire, dans les con- » ditions signalées, de la prédilection absolue de certains Lichens » pour les roches calcaires, d’une part, et, d'autre part, de lin- » différence montrée par un grand nombre de ces végétaux pour » la nature siliceuse ou organique du substratum, qui m'a » amené à reconnaitre l'existence de substratum neutres; Com- » prenant, je le répète, tous ceux, tant minéraux qu'organiques, » dans lesquels l'élément calcaire fait absolument défaut, ou se » trouve assez dissimulé pour cesser d’être nuisible. » On voit donc que les Lichens obéissent rigoureusement aux mêmes lois que les plantes vasculaires. Si la théorie de M. Schwendener repose sur des fondements colides, et s’il est vrai, comme je me sens disposé à l’admettre, que les Lichens ne sont que des Champignons ascomycètes para- INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 261 sites sur des Aloues, on comprendra plus aisément que les Champignons eux-mêmes n’échappent point à Pinffuence chi- mique du terrain, quoique les neuf dixièmes de ces végétaux naissent directement de substances organiques à tous les degrés de décomposition. Ne m'étant jamais occupé de la recherche et de la détermination des plantes cellulaires, et me trouvant incapable de me former une opinion par moi-même, je me suis adressé à un observateur dont on ne contestera ni le savoir ni la compétence. M. L. Quélet (lettre du 24 septembre 1875) est porté à admettre l’influence du terrain sur la dispersion natu- relle des Champignons ; et les réserves qu'il se croit obligé de faire, et dont je m’empresse de fui donner acte, proviennent uniquement de ce qu'il a travaillé isolément, et de ce qu'il n’a pu comparer que les Vosges et le Jura. M. Quélet mdique comme calcicoles : Lepiota Friesi, Tricholema Frinus, Tr. personatus, Clitocybe Amarella, Collybia juranus, Psalliota angustus, Tno- cybe corydalinus, Hygrophorus penarius, Russula Sardonia, Boletus Satanas, Polyporus Montagnei, Telephora atro-citrine, Lycoperdon velatum, Scleroderma verrucosum, Hysterangium clathroides, Tuber mesentericun, T. rapcodorum, Genea spheæ- rica, Morchella semilibera; et comme silicicoles : Anmanila Elie, Tricholema Columbetitu, Clitocybe Hirneolus, Collybia distortus, Naucoria escharoides, Stropharia luteonitens, Corti- nartus violaceus, Gomphidius roseus, Lactarius turpis, L. viridis, L. rufus, Russula Xerampelina, Gantharellus Friesii, C. umbo- natus, Boletus cyanescens, Polyporus cristulatus, P. pes-Gapre, Telephora terrestris, Lycoperdon montanum, Scleroderma vul- gare, Rhyzopogon luteolus, Rhizina undulata, Gyromitra escu- lenta, Onotica splendens. En ce qui concerne les Algues d’eau douce, je n'ose encore rien affirmer, n'ayant pu me procurer des renseignements d’une précision suffisante. M. Sirodot, à qui je me suis adressé en dernier lieu, a cru devoir observer la mème réserve, attendu que ses travaux n'ont porté que sur les Algues d’une parte de la Bretagne, où le calcaire n’est représenté que par quelques lambeaux insignifiants. Néanmoins Le savant doven de la Faculté 262 €. CONTESEAN. de Rennes a distingué des Batrachospermes qui lui semblent confinés dans des cantons déterminés : « Ainsi, les grès, les » schistes et surtout la région tourbeuse ont des espèces spé- » ciales. » (Lettre du 9 novembre 1875.) Si des influences qui paraissent d'ordre purement physique peuvent établir de pareils contrastes, 1l est permis de supposer que l’action chimique du terrain, qui se traduit par des diversités extrêmement sensibles dans la nature des substances que les eaux douees tiennent en dissolution, en produit de beaucoup plus significatifs. Mais je ne puis émettre qu'une simple hypothèse, et je n'insisterai pas davantage, ne voulant point affirmer ce que je ne sais pas. C’est donc en laissant provisoirement les Algues hors de cause, que je conclurai : L'onfluence chimique du terrain s'étend également à toutes les familles végétales. e $ 5. ACTION PARTICULIÈRE DES COMPOSÉS MINÉRAUX. Nous avons maintenant à étudier, au point de vue de la dis- persion des végétaux, l’action des substances minérales les plus répandues. Mais, avant d'entrer en matière, Je dois mdiquer, au préalable, les résultats généraux qu'on peut déduire de Pana- lyse chimique des plantes et des terrains. Malheureusement, dans l’état actuel des recherches, la chimie n’a point encore fourni les renseignements qu’on est en droit de lui demander, et qu'elle Livrera certainement quelque jour, de concert avec la physiologie. Des milliers d'analyses de plantes ont été publiées ; mais la plupart sont anciennes et souvent imparfates. Beau- coup ne portent que sur des espèces cultivées, et ne peuvent guère être utilisées dans ce travail. À plus forte raison en est-il de mème de toutes celles où la nature du terrain ne se trouve pas indiquée. Malgré tout ce qu’elles laissent à désirer, 1l est cependant possible de tirer quelques lois générales de len- semble d’un grand nombre d'analyses que je ne reproduirai pas ici, mais qui sont dues, en grande partie, à MM. Malaguti et INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 265 Durocher, au mémoire desquels (1) je renvoie le lecteur. Voici les principales conclusions auxquelles on arrive : 4. Quelle que soit la nature du terrain, le sol renferme tou- jours, ne füt-ce qu'en proportion infinitésimale, les éléments inorganiques nécessaires à la vie des plantes. — Cela résulte encore moins de Panalyse directe des terrains, que de celle des cendres végétales, où lon trouve constamment la silice, la potasse, la chaux, la magnésie, ie fer, le soufre, le phosphore, et quelquefois la soude, la lithine et d’autres substances moins répandues. 2. Sur toute espèce de terrain, les plantes s'assimilent, en quantité suffisante, les éléments qui leur sont indispensables, quelque minime qu'en soil la proportion dans le sol. — Cette proposition est une espèce d’axiome, qui n'a besoin d'autre démonstration que la présence de la végétation sur tous les sols. On peut donc comparer les plantes à des appareils d’ana- lyse d’une délicatesse extrême, qui savent isoler des principes difficiles à obtenir autrement. 3. Sur le même terrain, la quantité de principes inorgani- ques assimilés par les végétaux varie suivant les familles, les espèces, el, probablement, suivant les individus. — Cela résulte de l’ensemble des analyses, où Pon ne voit certainement jamais deux plantes différentes accuser la même teneur en silice, en potasse, en phosphore, etc. 4. Pour chaque espèce, la quantité des principes assimilés peut également varier suivant la nature du sol, la même plante absorbant, en général, mais sans sortir de certaines limites, une proportion d'autant plus forte d'un minéral déterminé, que ce mi- néral existe en plus grande abondance dans le terrain. — Ainsi, pour ne parler que de la chaux, les analyses de huit espèces diffé- rentes ont donné à MM. Malaguti et Durocher une quantité de cette base variant de 34,83 à 22,09, suivant que les plantes avaient été cueillies sur un sol calcaire où sur un sol privé de (1) Recherches sur la répartition des élémenis inorganiques dans les prin- cipales familles du Règne végétal (Ann. de chimie et dephysique, 3° série, 1858, t. LIV, et Ann. sc. nat., 4° série, RoT., t. IX, p. 229). 264 €. CONAEJEANX. chaux. Dans le Brassica Napus, l'écart s’est élevé de 43,60 à 19,48; dansle Dactylis glomerata, n'était que de 6,24 à 4,692. D. En général, les plantes des terrains seen sont dus riches en silice et en alcali que celles des terrains calcaires, les- quelles sont, à leur tour, plus riches en chaux. — Cela résulte de l’ensemble des analyses. En général, les calcifuges renferment plus de silice et d'al- cali, el moins de chaux que les calcicoles et les indifférentes. — Cela résulte également de l'ensemble des analyses. Il y à néan- moins beaucoup d’exceptions. Ainsi, d’après les chimistes pré- cédemment cités, les Ulex nanus, Asterocarpus Clusii, Luzula mavima, Polygonum Fagopyrun, qui sont des caleifuges exclusives, ne contiennent respectivement que 10,17, 7,59, 5,46, 3,29 de silice; tandis que les Agrimonia odorata, Sedum album, Clinopodiun vulgare, Onobrychis sativa, qui sont indif- férentes ou calcicoles, en renferment 29,07, 22,88, 20,60 et 15,50, D’autres analyses (1) donnent 8,50 de silice pour le Chà- taignier et 5,50 pour le Bouleau, plantes essentiellement calci- fuges, tandis que le Sapin, qui appartient à la catégorie des indifférentes, en contient 43,00; elles indiquent 48,80 de chaux dans les cendres du Prunus Mahaleb, caleicole exclusive, tan- dis que le Châtaignier en renferme 51,10, et le Bouleau, 52,920. J'ajouterai que beaucoup de Graminées, et notamment les céréales, absorbent une énorme quantité de silice, qui est à peu près la même sur toute espèce de sol. On voit que l'analyse des cendres végétales fournit, en géné- ral, des résultats conformes aux prévisions, mais, qu'en somme elle n'apprend rien de bien nouveau. Toutes les plantes ou presque toutes renfermant les mèmes principes minéraux, 1l nv a entre elles que des différences du plus au moins, diffé- rences, en général, peu sensibles. De nombreux faits exception- nels montrent que ces différences ont Hu tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, suivant le terrain, Pespèce et même lin- dividu. Jamais on ne voit quelque principe essentiel (chaux, (1) Dictionnaire d'analyses chimiques, etc, par d.-H. Henry Violette et P.-J. Archambault. Paris, 1860. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 265 potasse, phosphore, azote, etc.) faire absolument défaut. Il ne serait done pas sage de conclure toujours de la présence et même de labondance de telle substance dans les cendres d’une plante, à une affinité particulière de Fa plante pour cette sub- stance, et encore bien moins, à une préférence marquée pour le sol qui la renferme. De lanalyse des végétaux on peut dé- duire quelques lois générales, mais il n’est permis de lui accor- der aucun crédit dans chaque cas particulier. L'analyse des terrains conduit-elle à des résultats mieux définis ? Le dernier mot de la science serait, évidemment, la connaissance exacte de la quantité de chaux, de soude, de potasse, etc., qui convient à chaque espèce; et c’est l'analyse chimique des différents sols, aussi bien que les expériences de culture dans des milieux de composition déterminée, qui nous renseignera définitivement à cet égard. Encore moins ai-je besoin de dire que, dans le genre d’études qui nous occupe, 1l faut toujours connaitre exactement la nature chimique des terrains sur lesquels on spécule. Appliquée à l’étude du sol, la chimie est donc appelée à rendre les plus grands services on doit la regarder comme un auxihaire absolument indispen- sable. Mais, pas plus que les analyses de cendres, celles des terrains ne peuvent nous renseigner directement sur l’influence spéciale de chacun des principes minéraux qui concourent, isolément ou simultanément, à produire les faits de dispersion dont nous sommes les témoins, et dont nous nous efforçons de découvrir la cause. Autre chose, en effet, est de connaitre la proportion de ces principes dans un terrain quelconque, et autre chose d'en déterminer la portion immédiatement assi- milable par les végétaux. Or, c’est cette dernière seulement qu'il faut prendre en considération, attendu que les matières non assimilables, quelle qu'en soit l'abondance, ne peuvent exercer aucune action physiologique sur une plante dans Pin- térieur de laquelle elles ne pénètrent point. Mais rien n’est plus difficile que d'établir Pexacte proportion des principes asshmi- lables. Pour ne parler que de la silice, on sait que la simple lévigation n’en décèle aucune trace, même dans les sols 266 C. CONTEJEAN. quartzeux ou feldspathiques. Dès qu’on fait agir un acide, les silicates terreux et alcalins sont plus ou moins attaqués, et Pon obtient, à l'état naissant, une quantité de silice assimilable qui varie, dans des limites assez étendues, suivant la nature de l'acide, son degré de concentration, la durée de Pexpérience, etc. Par conséquent, nous ne savons pas du fout ce qui se passe dans le sol, où il n’y a guère que Faction infiniment lente et infiniment peu énergique de l'acide carbonique et de certains acides végétaux qui puisse mettre en liberté la silice à l'état naissant. Môme incertitude en ce qui concerne la potasse, dont la proportion indiquée par les réactifs varie également suivant la nature et le degré de concentration de l'acide employé. Ilen est encore presque de même de la chaux, et, dans une certaine mesure, de la magnésie, du carbonate et du protoxyde de fer. A la vérité, tout le calcaire d’un terrain peut se dissoudre, à la longue, dans Peau pluviale chargée d'acide carbonique; mais la proportion de chaux disponible dans un moment donné varie certainement en raison du régime des pluies, et de la quantité d'acide carbonique dégagée dans le sol par la décom- position des parties souterraines des végétaux et des autres ma- tières organiques que le terrain peut renfermer. On voit à quel point est compliqué le problème dont je n’envisage ici que cer- tains aspects. Les analyses assez nombreuses que j'ai effectuées ou qui ont été effectuées devant moi (f), et sur lesquelles j'aurai à revenir, me laissent dans la conviction que là plupart des principes minéraux immédiatement assinilables n'existent qu’à l’état de traces dans le sol, et, qu'en tout cas, le dosage en est impraticable. Avee Funique secours de là chimie, il est donc actuellement impossible d'apprécier influence directe et isolée de chacun d’eux; aussi, sans négliger les renseignements que cette science est en état de fournir, prendrai-je surtout pour guides l'observation directe et la discussion des faits de con- traste signalés par les botauistes. (4) Ces analyses ont été faites sous mes yeux, et avec le plus grand soin, au laboratoire de la Faculté des sciences de Poitiers, par M. À. Guitteau, à qui je suis heureux de témoigner ici toute ma gratitude. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 267 Je puis maintenant aborder mon sujet, et essayer de déter- miner l'influence spéciale des minéraux les plus répandus dans le sol. 1. Soude. La double action de cet alcali (attractive sur la flore maritime et répulsive sur la flore terrestre) n'étant mise en doute par personne, ce n’est que pour mémoire que je mentionne 161 la soude, qui est presque toujours absorbée à létat de chlorure de sodium, et dont le rôle physiologique est encore mconnu. 2. Chaux. Je crois avoir suffisamment établi que la chaux exerce égale- ment une double influence : d’une part, elle attire les espèces calcicoles, et, d'autre part, elle repousse les silicicoles. On sait d’ailleurs qu’elle est presque toujours absorbée par les plantes à l’état de bicarbonate soluble, lequel provient de l’action, sur le carbonate neutre, des eaux qui s’infiltrent dans le sol, et qui entrainent toujours avec elles un peu d'acide carbonique. Tout d’abord je dois confesser qu’on ne sait pas encore com- ment la chaux exerce sa double influence. L'action attractive de ce minéral sur les plantes calcicoles n'ayant jamais été contestée par les partisans de la théorie de l'influence chi- mique du terrain, personne n’a songé à en rendre compte. À ma connaissance, M. Parisot est le seul botaniste qui ait cher- ché à expliquer l'influence contraire. Admettant la théorie de Liebig sur les substitutions des bases entre elles en propor- tions définies, mon savant ami (1) pense que les plantes des terrains siiceux ne peuvent s'installer sur le calcaire, parce que le carbonate de chaux, en formant des sels insolubles avec les acides organiques renfermés dans les végétaux, déplace en to- talité ou en partie les alcalis dont ces plantes ont besoi, et peut modifier ou même entraver leurs fonctions d’assimilation. Cette hypothèse est à la fois ingénieuse et vraisemblable ; (1) Notice sur la flore des environs de Belfort (Mém. de la Soc. d’émul. du Doubs (Besancon), 1858, 3° série, t. III, p. 76 et suiv.). 268 L. CONFEJEAN. mais on doit regretter que son auteur se contente de l’énoncer, sans lappuyer d'aucune preuve, et qu'il ne désigne pas les acides combinés aux alcalis et déplacés par la chaux qui sem- blent particuliers aux silicicoles. D'ailleurs la doctrine de Liebig peut soulever des objections. Dans les genres les plus naturels, où les espèces sont extrêmement voisines, et où il est à supposer que les acides organiques sont les mêmes, les unes s’attachent au calcaire et les autres à la silice. F’indiquerai, par exemple, le genre Rumex, dont la section Acetosa ne ren- ferme que des plantes au suc fortement acide. L'une de ces dernières (Rumex Acetosella L.) ne vit que sur la silice, dont elle est une des meilleures caractéristiques; une autre (Rumezx scutalus L.) s'attache presque exclusivement au calcaire ; d’au- tres enfin (Rumex Acelosa L.. R. ifolius AN.) sont absolu- ment indiflérentes, et prospèrent également sur le calcaire et sur la silice. Mon objection n'est d'ailleurs qu'une simple hypo- thèse, émise sous toutes réserves, en attendant que la chimie vienne la confirmer ou la démentir. De mon côté, et en n'en tenant à mes propres observations, j'ai pu constater maintes fois, et sur des centaines, je dirai presque des milliers de spécimens, que l'influence délétère de la chaux se trahit constamment à la décoloration des parties vertes. Les progrès de cette décoloration n'ont toujours paru proportionnels à la quantité de calcaire renfermée dans le sol. Sur les plateaux arides de lAngoumois et du Poitou, dans les tranchées des routes et des chemins de fer; en un mot, partout où le Sarothamnus, les Ules, les Erica ont été accidentellement introduits au milieu du calcaire, les individus en souffrance se distinguent immédiatement à leur teinte jaunâtre. Les An- hovanthnn Pucilii du jwrdin de Poitiers, dont ila été question, étaient blancs et presque décolorés. Dans tous les autres cas, et lorsque le malaise provient de Faridité du sol, de l'insuf- fisance des engrais, de lexcès du froid ou de la chaleur, de lésions et de blessures, les plantes demeurent vertes, quelque malingres et chétives qu’elles puissent devenir. Les espèces maritimes qui souffrent de là culture en terre ordinaire, et INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 269 dont les feuilles perdent leur épaisseur, continuent néanmoins de sécréter la matière verte avec la même abondance. Je n’hé- site donc pas à affirmer que la chaux nuit aux calcifuges en entravant la production de la chlorophylle; ou tout au moins, que la souffrance se manifeste par la décoloration des individus. Mais il y aurait à expliquer pourquoi la chaux ne produit pas les mêmes effets sur les calcicoles, les indifférentes et même les calcifuges qui ne sont pas exclusives : nouveau problème du ressort de la chimie et de fa physiologie. Kn attendant la solu- tion, je n'irai pas plus avant dans la voie périlleuse des con- jectures. 3. Silice. Absolument imsoluble dans les conditions ordinaires, fa silice ne peut être absorbée qu'à l'état naissant. Elle provient alors de la décomposition d'un silicate, sous l'influence de l'acide car- bonique de l'air où d’un acide végétal, qui se substitue à l'acide silicique. Les sulfures alcalins rendent également soluble la silice; mais nous n'avons pas à nous en occuper ici, attendu qu'on ne les trouve que rarement dans le sol, Sur les terrains calcaires, les choses se passent autrement. En présence d’un sel de chaux soluble (et c’est ici le bicarbonate), les silicates alcalins se transforment en un silicate de chaux, toujours un peu soluble à l’état naissant, et qui le devient très-sensiblement si le sol contient des sels ammoniacaux, ce qui arrive presque toujours. C'est donc principalement à Pétat de silicate de chaux, que les plantes du calcaire paraissent devoir absorber la silice; néan- moins ce sont les roches feldspathiques qui fournissent prin- cipalement la silice assimilable. Il est donc naturel qu’elles aturent les plantes silicicoles, dans le cas où leur feldspath ne renferme pas de chaux. En effet, les gneiss et les schistes cris- tallins, le granit, les laves trachytiques, certains porphyres, en un mot toutes Les roches où le feldspath est à base de potasse ou de soude, semblent le milieu de prédilection des calcifuges. Mais est-ce bien la silice qui les fixe sur ces roches? Les ana- lyses suivantes (toutes effectuées par M. Guitteau, sauf la der- 270 €. CONTRJEAN. nière) de terrains exclusivement occupés par la flore calcifuge, montrent que la quantité absolue de silice est au moins indiffé- rente aux sihicicoles. Le n° 4 désigne le sable d’alluvion de la forêt de Châtellerault ; le n° 2, le diluvium à Sarothamnus des plateaux de Colombier-Fontaine (Doubs) ; le n° 3, le diluvium rouge des environs de Montbéliard ; le n° #4, l'argile tertiaire de Coulombiers (Vienne); le n° 5, la terre à Châtaigniers de la Vente-du-Désert (Seine-et-Oise), analysée par M.Chatin, Comme il est tout à fait inutile d'indiquer les quantités d’alumine, de silice et d’alcalis rendues solubles par les réactifs, nous avons toujours caleiné la matière, et nous n’en donnons que la teneur en silice (sable quartzeux), en argile, en carbonate de chaux et en sesquioxyde de fer. N° 1. N°32” N° 3. N° 4. N° 5. SICE SEE eee Li 92,38 86,63 75,31 45,70 12,80 Alumine AMAR ANRT: 4,98 4,68 18,75 53,57 80,70 Carbonate de chaux...... 0,17 2,84 0,66 0,73 traces Sesquioxyde de fer...... 2,47 9,89 5,98 traces 1,20 Eau et matière organique. » ) ) » 3,90 Matière sèche... .... 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 On voit que du n°? au n°5 la silice diminue graduellement, au point que le sol de la Vente-du-Désert en contient à peine 45 centièmes, tandis que l'argile augmente en proportion im- verse. Absolument parlant, ce n’est done pas la silice qui fixe les calcifages; et il est bien évident (ainsi que je lai déjà fait remarquer) que, si le terrain à flore calcifuge avait partout la composition de celui de la Vente-du-Désert, on ne parlerait pas de plantes de la silice : 1} n°y aurait que des plantes de lalu- mine. On ne saurait admettre davantage que l'abondance de la silice assimilable fixe la flore calcifuge sur les roches feldspa- thiques, puisque la même flore se rencontre également, à l'ex- clusion de toute autre, sur des roches formées d'acide silicique absolument pur ou presque pur, telles que quartzites du Dorat (Haute-Vienne), sables de Fontainebleau, sable des dunes maritimes (4), ete., où la silice soluble ne peut exister qu'à (4) Le quartzite du Dorat est de la silice laiteuse absolument pure ; le sable INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 271 l’état de traces presque insaisissables. Et comme les plantes du calcaire-(entre autres les céréales) renferment souvent une forte proportion de silice, 1} devient évident que, dans tous les milieux, les végétaux en trouvent la quantité nécessaire. Il semble dès lors indifférent que le sol en renferme plus ou moins, du moment qu'il en accuse quelques traces, puisque Pa- bondance de ce minéral ne saurait en augmenter la solubifité. On arrive ainsi à douter fortement que les roches quartzeuses puissent attirer plus que d’autres une catégorie de plantes auxquelles elles ne sauraient fournir une alimentation plus riche en silice. Ce qui doit encore augmenter notre circonspec- tion, c’est que, justement en raison de son insolubilité, cette cote ne joue qu'un rôle passif, puisqu'elle sert, tout au plus, à consolider certains tissus. Son importance D oaetol gique est donc loin d’égaler celle de la potasse, de la chaux, du fer, du phosphore, etc. Pour ma part, je considère la silice comme un milieu inerte, servant de refuge aux plantes expul- sées par la chaux, et pouvant être remplacée par toute autre substance neutre, et même par des matières végétales, telles que la tourbe. Néanmoins, commeje veux rester dans les limites de Pimpartialité la plus rigoureuse, je dois faire connaitre les présomptions qu'on pourrait interpréter en faveur d’une influence attractive et directe de la silice. Il y a d’abord l’assentiment presque unanime. L'idée que la silice fixe les plantes silicicoles, comme la Pa fixe les calei- coles, est si naturelle, qu’elle s’impose tout &’abord. Dans les nombreuses localités où des lambeaux diluviens, recouvrant le calcaire, introduisent la flore de la silice au milieu même de celle de la chaux, il est bien difficile de se refuser à admettre que les calcifuges et les calcicoles sont ainsi rapprochées parce qu’elles trouvent, de part et d'autre, leur minéral de prédilec- tion. L’excessive abondance numérique des Genèêts, des Ajones, des Bruyères, du Pferis aquilina sur les terrains siliceux, dont maritime de l’Aunis, quand il ne contient pas de calcaire, n'est guère que du sable siliceux. Celui de Fouras nous a donné : sable siliceux, 79,51 ; carbonate de chaux, 20,15 ; alumine et oxyde de fer, 0,34; chlorure de sodium, traces. D D 27: L. CONTHENAN. ils accompagnent les moindres affleurements jusque dans Île cœur des régions calcaires, nous porte également à penser que la silice, ou tout autre principe renfermé seulement dans le sol siliceux, exerce sur ces végétaux une attraction puissante. Mais ce sont là de simples conJectures, en faveur desquelles il n'existe d'autres preuves que le consensus omnium: et on con- viendra que la preuve laisse à désirer. N'oublions pas que Galilée à eu raison à jui seul contre tout le monde. On à cité des faits plus précis. Dans le département de l'Hé- rault, notamment à Saint-Guilhem-le-Désert et x Murviel, le Châtaignier croit sur un ealcaire à Pet € ee » ment parsemé de nombreux nodules siliceux » (4). Ne soup- Gonnant point l’action répulsive du calcaire, D . “a à a la silice contenue dans la roche ce fait de géographie botanique. «Les Châtaigniers, dit-il, ne peuvent se passer de silice, et. » ils ne végètent bien que là où l'on trouve en abondance cette » dernière... Quelle que soit d'ailleurs la nature des roches » au milieu desquelles il (le Châtaignier) s'élève, il trouve tou- » Jours la silice à portée de ses nombreuses racines partout » où nous l'avons observé, » Les exemples que je cite sont bien, en effet, de nature à faire supposer que cet arbre va chercher la ne dont il a besoin, jusque dans le milieu d’une roche calcaire. Eh bien, je doute fort qu'il en soit ainsi. Dunal ajoute qu'à Saint-Guilhem, les nodules, «en se délitant, » forment le sable siliceux nécessaire aux Châtaigniers ». A Murviel, bien que les arbres sortent du calcaire même, M. Paul de Rouville à vu que les débris entrainés par les eaux des mêmes nodules siliceux, fournissent aux racines du Châtaignier la silice dont elles ont besoin. C’est donc plutôt dans la silice que dans le calcaire que sont enracinés les Châtaigniers ; et je serais extrêmement surpris que des analyses décelassent plus de 3 où 4 centièmes de chaux dans le milieu inème qui convient à ces arbres. Jusqu'à plus ample informé, je erois devoir récu- ser la valeur des faits que je viens de citer. (1) De l'influence minéralogique du so! sur la végétation, par Félix Dunal Mém. de l'Acud. de Montpellier, section des sciences, {, Ier, p. 174). pe G INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 273 M. Ferdinand Renauld, auteur d’un excellent Aperçu phyto- statique sur les plantes de la Haute-Saône (1), n'écrit, en date du 28 mai dermer : © M. B... a trouvé le Grimnua tri- » chophylla, espèce essentiellement silicicole, sur une roche » calcaréo-siliceuse ; les radicelles de la plante correspondaient » à de petits grains quartzeux noyés dans le carbonate de » chaux. » Ge fait est extrêmement significatif. Mais 1} faudrait étudier les relations intimes de la roche et de la plante; voir si les racmes de celle-ci rencontrent intentionnellement ou for- tuitement les grains quartzeux; si elles y cherchent un ali- ment ou un support; si le Grimmia est une silicicole absolu- ment exclusive, et, avant tout, si le calcaire lui-même n’est pas tellement chargé de silice, qu'il ne produise plus aucune effervescence avec les acides. Ce dernier point est fort impor- tant à élucider. M. Renauld à reconnu depuis que le fait brut ne peut être invoqué dans une discussion sérieuse. En attendant que mon jeune ami Fait complétement expliqué, je ne puis davantage en tenir compte. S'il était bien établi que la silice renfermée dans les roches calcaires ne püt jamais être absorbée qu'à l’état de silicate de chaux (toujours un peu soluble au moment de sa formation), on pourrait tirer de ce fait un nouvel argument en faveur de l'hypothèse d’une action directe de la silice. Il semblerait alors naturel d'admettre que les calcifuges sont repoussées des sols calcaires parce qu’elles ne peuvent absorber Le silicate de chaux, et qu’elles sont attirées par les sols siliceux parce qu’elles n’yren- contrent que l'acide silicique. Au contraire, les calcicoles évi- teraient les sols quartzeux ou feldspathiques parce qu’elles ne peuvent s’assimiler Pacide silicique; elles recherchemient les sols calcaires parce qu’elles n’y trouvent que le silicate dè chaux. De cette façon, le milieu calcaire fixerait certaines plantes, non en raison de la chaux qu’il contient, mais parce que la silice assimilable s’y trouve à un état particulier, convenable au oroupe de plantes que j'ai appelées calcicoles. De même, le (i) Vesoul, 1875. 6° série, BoT. T. Il (Cahier n° 5). ? 18 274 €. CONFEJSEAN. milieu siliceux fixerait d’autres plantes (les calcifuges), non parce que le calcaire leur est nuisible, mais parce qu'elles ne trouvent que sur le sol quartzeux ou feldspathique Pacide sili- cique soluble, dont l'assimilation est pour elles une condition d'existence. Du caleaire, le rèle actif serait done transporté à la silice. On pourrait, à la vérité, se contenter d’un moyen terme, et imaginer que les calcifuges recherchent sur les roches siliceuses lacide silicique, et que les calcicoles recherchent à la fois la chaux et le silicate de chaux sur les roches calcaires. A ces objections, qui m'ont été adressées, je répondrai : S’il est jamais bien démontré que, sur les sols calcaires, la silice ne se trouve absorbée qu'à l’état de silicate de chaux, une fois introduit dans lPorganisme ce sel n’agit point en tant que silicate; il se décompose de façon que Pacide sili- cique devient libre, et que la chaux peut entrer dans de nou- velles combinaisons. Gela me parait évident pour les Equise- dun, qui offrent les mêmes granulations d'acide silicique, qu'ils aient végété sur le calcaire ou dans tout autre milieu. Îlme parait également incontestable que le chaume des Graminées recèle toujours la silice dans le mème état, et que, par exemple, celle qui est assimilée par un Dactylis glomerata du calcaire, ne se trouve pas dans d’autres conditions physiques et chi- miques que la silice d’un Dactylis cuealli sur le granit. Et ainsi desuite pour les autres familles. Mais je vais plus lom, et je dis : toutes les fois que le silicate de chaux se trouve décom- posé après son absorption (et je tiens le fait pour certain chez les Equisetun), la plante est fixée sur le calcaire par la chaux du silicate, devenue libre, et non par la silice. — Il est bien en- tendu que je me place un instant au point de vue de mon con- tradicteur. — Si, en effet, nous imaginons que l'acide silicique, devenu libre de son côté, agisse pour son propre compte, 1l ne saurait se comporter autrement que celui qui provient de la décomposition des silicates alcalins des sols feldspathiques, et doit empêcher la plante de s'installer sur le calcaire. Mais comme elle y prospère, il faut que cet acide n’exerce aucune In- fluence, où que son influence soit primée par celle de la chaux. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 279 C’est donc la chaux qui fixe la végétation des terrains calcaires. J’ajouterai partout où les calcicoles se trouvent enracinées à côté des calcifuges, dans un même sol (par exemple dans le diluvium de certaines localités du Poitou), la silice assimilable s'offre évidemment sous le même état aux unes et aux autres. Mais j'ai hâte de sortir des subtilités et des hypothèses. fi existe une catégorie de plantes repoussées par la chaux, sans que la silice les attire autrement qu’en leur offrant un asile. Je veux parler des Lichens que M. Weddell a nommés silicicotes- calcifuges, et qui habitent exclusivement et indifféremment les roches siliceuses privées de chaux et Pécorce des arbres. Fest bien évident que ces lichens fuient la chaux; mais il est égale- ment manifeste qu'ils ne se trouvent fixés par aucune influence directe de la silice, puisqu'ils prospèrent aussi bien sur un support de nature entièrement végétale. L'état sous lequel la silice du sol peut être absorbée par les lichens calcifuges n’exerce done aucune influence sur leur dispersion. Voilà tout ce que j'ai trouvé de plus concluant en faveur d’une action directe de ce minéral. N'ayant aucun parti pris de résistance, je ne veux pas nier systématiquement cette action, mais Je n’entends l’admettre qu'à bon escient. Et comme mon seul but est la découverte de la vérité, j'avoue que je ne serais nullement contrarié de voir triompher lhypothèse que je combats en ce moment. Si, en effet, 1l est jamais démontré que l'influence attractive de la silice vient en aide à l'influence répul- sive de la chaux pour fixer avec plus d'énergie les calcifuges et Les caleicoles dans leurs cantonnements respectifs, la théorie de l'influence chimique du terrain ne s’en trouve que plus soli- dement établie. 4. Potasse. S'il est vrai, amsi que l’a expérimenté M. Nobbe sur certams Polygonum, que la potasse soit indispensable à Ta constitution de la chlorophylle et de Pamidon, on doit regarder ce minéral comme un des éléments les plus essentieis des végétaux. Extrè- mement soluble par ellesmème, la potasse existe en grande 976 L. CONTEJHAN. abondance, à l’état de silicate insoluble, dans toutes les roches feldspathiques; mais comme elle est absorbée à l’état de carbo- nate, et que ce dernier sel se produit lentement, et toujours en quantité fort minime, on ne peut pas dire que les roches feldspathiques se trouvent avantagées sur toutes les autres, ni qu'elles soient plus riches en potasse disponible et assimilable. Les cendres végétales en renferment constamment; aussi doit- on admettre qu'il en est de cet alcali comme de la silice : que, dans toute espèce de sol, la potasse assimilable se rencontre à peu près en égale proportion, et que les plantes en trouvent partout suffisamment, Nous sommes ainsi conduits à lui re- luser toute imfluence spéciale sur la dispersion spontanée des végétaux. Cependant, comme les plantes de la silice accusent, en géné- ral, la plus forte teneur en potasse, plusieurs auteurs ont pensé que cette base contribuait à fixer les calcifuges sur les roches feldspathiques, de même que la chaux fixe les calcicoles sur les roches calcaires. Gette idée fut émise, notamment, par Nérée Boubée (1), à la séance de la Société géologique de France, où Thurmann faisait la première exposition publique de sa théorie. Elle serait plausible si les plantes de la silice S’attachaient exclu- sivement aux roches feldspathiques. Mais on les rencontre, aussi abondantes et aussi sociales, sur les roches quartzeuses absolu- ment pures, où l’on comprend à peine qu’elles puissent trouver de la potasse. Les plantes du calcaire en renferment souvent une forte proportion. Jusqu'à présent rien ne prouve donc que cet aleali exerce, sur la dispersion végétale, l'influence qu’on a voulu fui attribuer. o. Magnésie. Comme la chaux, la magnésie est surtout assimilée à l'état de bicarbonate, ce dernier provenant de la réaction, sur le carbonate neutre, des eaux chargées d'acide carbonique. Elle entre souvent pour près de moitié dans la composition des dolomies, qui sont des carbonates doubles de chaux et de (4) Bulletin de la Société géologique de France, 1847, 2e série, t. IV, p. 575. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 217 magnésie, et se rencontre, en moindre proportion, il est vrai, dans la plupart des roches calcaires. C’est donc une des sub- stances minérales les plus répandues. Néanmoins, sauf de rares exceptions, les eaux douces n’en renferment qu'une quantité infiniment petite, eu égard au calcaire qu'elles peuvent dis- soudre. Les cendres des végétaux n’en contiennent générale- ment que des traces. J'ai sous les veux les chiffres de 46 ana- lyses de plantes diverses (4), où la proportion de magnésie varie du dixième au cmquantième de celle de la chaux. La magnésie ne semble done pas jouer un rèle physiologique important. On lui a néanmoins attribué une certaine influence sur la disper- sion des espèces végétales, et plusieurs botanistes ont désigné les plantes qui recherchent les sois dolomitiques. C’est ainsi que M. Planchon (2) indique les Arenaria hispida, Æthionema saxatile, Arenaria tetraquetra, Kernera saxatilis, comme « aussi spéciales à la dolomie », dans la région qu'il a choisie pour champ d’études, «que le Châtaignier, la Digitale » pourprée, l’Anarrhinum bellidifolium, le Sarothamnus sco- » parius, l'Adenocarpus cebennensis, et bien d’autres encore, le » sont aux terrains siliceux. » Ces espèces € manquent aux eal- » caires purs aussi bien qu'aux terrains siliceux. » M. Planchon indique ensuite, mais sous certaines réserves, comme caracté- ristiques moins exclusives de la dolomie, les espèces suivantes, € qui pourraient bien habiter ailleurs des terrains non magné- » siens » : Daphne alpina, Rhamnus alpinus, Bupleurum frutico- sum, Globularia Alypum, Draba airoides, Tberis saxatilis, Potentilla caulescens, Aquileqia viscosa, Phyteuma Scheuchzert, Hieracium amplexicaule, Chrysanthemun graminifolüum, Hie- ractum saxatile, Campanula speciosa, Erinus alpinus, Afa- manta cretensis, Sedum anopetalum, Aster alpinus, Poa alpina var. baldensis, Pinus Salzmanni, Lavandula vera, Pimpinella Tragium, Poa serotina, ces deux dernières, également signalées par Dunal comme plantes de la dolomie. (1) Dictionnaire des analyses chimiques (déjà cité) de MM. Violette et Archambault. (2) Sur la végétation spéciale des dolomies dans les départements du Gard et de l'Hérault (Bull. de la Soc. bot. de France, 1854, {. T, p. 218). 278 C. CONTEJEAN. On ne peut qu'approuver M. Planchon d’être resté dans une grande réserve en ce qui concerne la longue liste qui précède. Toutes les espèces qui en font partie habitent ailleurs, en effet, des milieux non magnésiens, et la plupart sont des calcicoles exclusives. Ainsi les Daphne alpina, Rhamnus alpinus, Draba aizoides, Tberis saxatilis, Hieracium amplexicaule, Erinus alpinus, Athamanta cretensis, Aster alpinus, pullulent sur les crêts coralliens et oolithiques du Jura; le Sedum anopetalum est une des meilleures caractéristiques des roches calcaires, dans le Poitou; le Chrysanthemum graminifoliun se plaît au pied des escarpements crétacés des chaumes de Crage, à Angoulême, et le Lavandula vera couvre la montagne calcaire de Rosemont, près de Besançon. Fort commun à Montbéliard dans les allu- vions siliceuses de la vallée de PAllan, le Poa serotina semble un peu calcifuge ; enfin le Globularia À lypum se rencontre à peu près partout dans les pays méditerranéens. Je ne parlerai pas des autres espèces, que je n'ai jamais eu occasion d'observer à l’état spontané, mais qui, évidemment, ne sont pas exclusive- ment cantonnées sur les dolomies du midi de la France. Quant aux plantes données comme absolument spéciales au terrain magnésien, je dirai que le Kernera saxatilis et V'Æthionema aæatile sont fort répandus sur le calcaire Jurassique, et que ’Arenaria tetraquetra pullule sur les rochers calcaires de cer- taines localités des Pyrénées, notamment à Peña blanca, où en ai cueilli de magnifiques échantillons. Je nvabstiendrai à endroit de lPArenaria hispida, que je n'ai jamais vu; mais j'ajouterai que la dolomie du Poitou, dont la flore est celle du calcaire, ne donne asile à aucune plante spéciale, et qu’il en est de même de la dolomie du promontoire de Nice, dont la végéta- üon ne m'a paru se distinguer en rien de celle du reste de la contrée. Ayant observé sur le monticule dolomitique de Fressac (Gard) le Cistus salvifolius, €espèce d'ordinaire très-caractéristique » de la siliee », M. Planchon incline à penser que la dolomie peut quelquefois tolérer certaines calcifuges. Cela ne me semble point improbable, si la roche est fortement magnésienne, sur- e ÿ 1 i INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 279 tout dans le cas où elle renfermerait de la silice. On sait en effet que les dolomies ne produisent, à froid, que peu d’effervescence avec les acides. Quand la roche est très-compacte, et que la magnésie abonde, l’effervescence se réduit à rien. Si la dolomie vient, en outre, à se charger de beaucoup de silice intimement interposée, elle se trouve dans les mêmes conditions que cer- tains bancs de Pinfra-lias du Poitou, qui ne font point efferves- cence ; de manière que la dissolution par les eaux pluviales du carbonate de chaux et du éarbonate de magnésie est au moins problématique. La chaux se trouvant ainsi dissimulée et annu- lée, on comprend que la dolomie devienne un terrain neutre, qui accueille les calcifuges les moms exclusives. Mais ce sont là de simples conjectures. De tout ce qui précède, on peut conclure que, dans les cas où les roches dolomitiques exercent une influence réelle sur la dis- persion des plantes, cette influence ne se distingue pas de celle de la chaux. Mais comme il n'existe point de roche magnésienne qui ne soit fortement chargée de calcaire, on ne peut discerner l'action particulière de la magnésie ; soit qu’elle se trouve dissi- mulée par celle de la chaux si elle a lieu dans le même sens, soit qu’elle se trouve annihilée par cette dernière si elle s'exerce en sens contraire, soit enfin qu'elle n'existe pas. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est qu'il n’y à pas de plantes de la magnésie, et que par conséquent cette base n’exerce aucune action sensible et apparente sur la dispersion naturelle des végétaux. 6. Fer. Indispensable à la constitution de Ia chlorophylle, le fer doit se rencontrer dans toutes les plantes vertes. Il ne s’y trouve cependant qu’en proportion bien minime, son poids dépassant rarement le centième de celui des autres minéraux contenus dans les cendres. On admet qu’il est absorbé à l’état de chlo- rure, de sulfate, mais surtout de bicarbonate, On sait enfin qu'il existe dans tous les terrains, et que les plantes savent en extraire partout la quantité dont elles ont besoin, Mais exerce-{-1! quelque influence sur la dispersion végétale? 280 €. CONTESEAN. D’après M. Planchon (1) «il serait, à la rigueur, possible que » le fer, en raison de son abondance dans certains terrains, et » de son action bien connue sur les végétaux, déterminât, sur » quelques points, la présence de plantes particulières. » Et il rapporte une observation d'Auguste de Saint-Hilaire, qui n’a trouvé les Remijia du Brésil que dans des localités où le fer existe en proportions notables dans le sol. Mais, ajoute avec grande raison M. Planchon, Cilresterait à vérifier si le fait est » général pour toutes les espèces de Remajia (celles de la Guyane » et de la Nouvelle-Grenade aussi bien que celles du Brésil) et » à voir si c’est en réalité le fer auquel on doit attribuer la coin- » cidence signalée par Aug. de Saint-Hilaire. » On ne saurait mieux dire. M. Auguste Le Jolis, auteur d'importants travaux de géogra- phie botanique, intervient à son tour dans le débat (2). D’après M. Vieillard, qui a exploré durant de longues années la Nouvelle- Calédonie, sans s'être aucunement précecupé de l'influence du terrain, la végétation du sol ferrugmeux « diffère d’une » façon nettement tranchée de celle des terrams non ferrugi- » neux, et cela dans les mêmes parages, dans des stations iden- » tiques au point de vue de la géographie et de la météorologie. » Ainsi, à Kanala, la végétation des montagnes qui bordent les » deux côtés de la baie et Himitent à l’ouest l’étroite vallée de ce » nom, contraste d’une manière frappante avec celle que lon » rencontre sur la chaîne qui ferme à l’est la mème vallée. Les » montagnes de l’est sont formées, comme toute la partie sud » de l'ile, par des serpentines et autres roches silicéo-magné- » siennes, mais au-dessus de ces roches on trouve épaisses » couches dargile rouge qui renferment une très-grande quan- » tité de fer carbonaté et oxydulé, et dans certains endroits le » sol est même entièrement couvert de ce minéral; tandis que » la chaine de l’ouest, qui, dans plusieurs endroits, présente » bien encore des gisements d'argile rouge, est complétement (1) Loc. cit., p. 220 (note). Q) De l'influence chimique des terrains sur la dispersion des plantes, 2° édit., p. 21 (note). Paris, 1861. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 281 » dépourvue de minerais de fer.Parmi les plantes que l’on ren- » contre dans les terrains riches en fer, M. Vieillard m'a cité » les Dammara ovata, Eutassa intermedia, Dacrydium caledo- » nicum, le Dubouzetia, les Montrouziera, les Hibbertia, un » Oxalis ligneux, un Drosera, les Grevillea eœul et Gillivrayi, » plusieurs Stenocarpus, un Scævola, huit Leucopogon, un Dra- » cophyllum, plusieurs Myrtées, deux Orchidées arborescentes. » Ces mêmes plantes se rencontrent sur les autres points de Pile » où existent des terrains ferrugimeux, et la flore de tous ces » terrains est identique. » Assurément, cet imposant défilé de plantes ferrugineuses est de nature à impressionner notre esprit. Cependant je deman- derai si c’est bien au fer qu'on doit attribuer les contrastes sionalés par M. Vieillard. Ce qui peut justifier mon scepti- cisme provisoire, c’est que les plantes dont M. Le Jolis donne la liste ne se trouvent pas sur les argiles rouges disséminées dans la chaine de l’ouest. Mais ces argiles ne sont rougies que par le fer; etil importe peu, ce me semble, que la substance ferrugineuse se trouve en plus ou moins grande abondance, du moment que le terrain en renferme beaucoup plus que les eaux d'infiltration ne peuvent en dissoudre. On ne voit done pas en quoi le minerai qui recouvre le sol peut augmenter la teneur en fer des eaux pluviales absorbées par la végétation. Je dois ajouter que je n'ai jamais observé une seule espèce particulière aux affleurements ferrugineux. Les vastes gise- ments de Laissey, de Deluz et autres localités des environs de Besançon, où le sesquioxyde de fer grenu constitue, presque à l’état de pureté, une assise de plus de # mètres d'épaisseur ; les affieurements analogues de Dampjoux, près de Pont-de- Roide, et ceux de Chamesol (Doubs), où de très-petits grains d'hydroxyde de fer sont abondamment disséminés dans un ht de calcaire argileux, ne m'ont paru couverts que des plantes ordinaires des montagnes jurassiques environnantes. Mèmes con- clusions en ce qui regarde les importantes minières de fer en grains du val de Delémont (Jura bernois) et des environs de Montbéliard, à cette différence près que les plantes de la silice et les indifférentes s'installent sur les argiles et les sables sidé- 282 €. CONTEJEAN. rolithiques où le calcaire fait défaut. C’est ce qu'ont également observé M. Thiout et M. K. Renauld (1) dans les minières de la Haute-Saône. À Montbéliard les gisements ont été rema- nés par les courants diluviens, qui ont éparpillé le fer sur tou- tes les collines du pays bas, de telle façon qu'il est presque impossible de ramasser une poignée de terre où l’on ne trouve une certaine quantité de grains. Le fer entre également pour une part notable dans là composition des limons sidérolithiques et des argiles diluviennes, d’un rouge intense, si abondamment répandus dans toute la contrée; eh bien, je n'ai pas trouvé une seule espèce qui me semblàt particulière à ces terrains. Dans les minières installées sur les roches jurassiques, la flore est calcicole; sur le diluvium ferrugineux, elle est calcifuge. Le fer n’exerce done aucune influence attractive ou répulsive, puisqu'il ne modifie en rien la végétation, et qu'il ne fixe au- cune espèce. Je n'ai également remarqué aucune plante spé- ciale autour des sources ferrugineuses de l'Auvergne. Mas, pourrait-on objecter, il estnaturel que les argilesrouges de la Nouvelle-Calédonie et les affleurements ferrugineux de la Franche-Comté et du Jura bernois ne fixent point une flore spé- ciale, attendu que le fer s’y trouve à Pétat de sesquioxyde, tandis qu'i doit passer à l’état de bicarbonate de protoxyde pour devenir assimilable. Voilà pourquoi les plantes ferrugineuses signalées par M. Vieillard sont cantonnées dans les endroits où les argiles rouges contiennent des rognons de protoxyde et de carbonate de fer, et ne se trouvent que là. Je répondrai que partout où le sol renferme du sesquioxyde de fer, ce minéral est promptement réduit, par les matières organiques, en un protoxyde qui ne tarde pas à se trouver dissous, à l'état de bicarbonate, par les eaux d'infiltration chargées d'acide car- bonique. [est même facile de distinguer, à la teinte du sol, les endroits où la transformation du sesquioxyde rouge en protoxvde noir s'opère avec le plus d'énergie. J’ajouterai qu'en Auvergne (1) Aperçu phylostatique sur le département de la Haute-Saône, elc., p. 57. Vesoul, 1873. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 283 le fer se trouve à l’état de bicarbonate dans les-eaux des sources. Mes conclusions finales ne seront point modifiées : je ne veux pas nier systématiquement toute action du fer (non plus que toute action de la silice, de la potasseet de la magnésie) ; mais, pour l’admettre, j'attends qu’elle soit démontrée. 7. Azote, phosphore. - Je me sens porté à regarder comme analogue l’influence de ces deux corps simples, que la chimie a classés dans la même famille. L’azote est un élément constitutif du protoplasma et de lalbumime; 1l entre dans la composition des alcaloïdes végé- taux; au point de vue de la physiologie, son importance est capi- tale. Le phosphore se rencontre également dans tous les végé- taux; il est aussi constant dans les matières albuminoïdes que la potasse dans la chlorophylle; quoique peu connu, son rôle physiologique parait aussi fort important. L’azote est d’ailleurs absorbé à l’état de nitrate et de sels ammoniacaux, et le phosphore, à l’état de phosphate. En raison mème de leur indispensable utilité, ces deux sub- stances ne semblent point exercer une influence particulière sur la dispersion des espèces végétales, puisqu'elles sont éga- lement nécessaires à toutes. Les affleurements de phosphate calcaire sont tellement limités, qu'il serait bien imprudent de désigner des plantes qui leur fussent particulières; aussi per- sonne n’a Jamais cité de plantes des sols phosphatés. Je dirais presque la même chose des sols azotés, si je ne craignais de blesser le sentiment commun, et de me mettre en contradiction avec moi-même, ayant proclamé leur action spéciale en maintes circonstances. Mais, toutes réflexions faites, il me parait que cette action ressemble tout à fait à celle du phosphore, et que les produits azotés agissent plutôt comme amendement, comme engrais, que de toute autre manière. L’azote et le phosphore rendent la végétation plus luxuriante; mais la grande prospé- rité des individus peut se constater sur les plantes de toutes les catégories, les fumures et les amendements phosphatés profi- 284 €. CONTESEANX. tant également aux calcicoles, aux calcifuges, aux indifférentes, et nullement à une classe particulière de privilégiés. Les botanistes distinguent néanmoins les plantes des lieux azotés; etilest certain que les Urtica, les Parietaria, plusieurs Poly- gonum, Atriplex, Chenopodinum, ete., se plaisent dans les cours des fermes, autour des mares, au pied des murs et dans tous les lieux riches en nitrate de chaux et en carbonate d’ammo- niaque. Mais il y a peut-être là, en grande partie, une mfluence de station. L’Ortie et la Pariétaire eroissent également au pied des rochers, et tous les Polygonum, Atriplex, Chenopodium, se rencontrent au milieu des champs, dans les prairies, les ter- rains vagues, au bord des eaux, en un mot, partout où le sol devient sablonneux ou argilo-sableux. Comparables aux espèces qui accompagnent obstinément les champs de céréales, ces plantes abandonnent volontiers leurs stations naturelles” pour des stations arüficielles qui leur conviennent davantage. Mais iln’ya rien de plus. Pour tous les végétaux, l'habitation des milieux azotés et phosphatés est une question de bien-être; leur installation dans un milieu salin ou calcaire est une ques- tion de vie ou de mort. 8. Argile. L'argile pure est un silicate d'alumine. Elle ne parait exercer aucune action chimique directe, Palumine n'étant jamais ou presque jamais absorbée par les végétaux, quoique, par sa dé- composition, elle puisse donner naissance à de la silice soluble. Mais son influence physique est très-grande, Pargile formant des sols tenaces, absolument imperméables, souvent imondés, qui contrastent vivement avec les sols perméables en grand, toujours arides et superficiels, constitués par les roches cal- caires, et avec les sols profonds, meubles et absorbants, for- més par le sable. Parfaitement pure, elle ne se couvre d’au- cune végétation; mais dès qu'elle prend moins de consistance par son mélange avec d’autres minéraux, elle admet les espèces péliques calcicoles ou calcifuges, avec une grande mayorité d’indifférentes, selon que la substance mélangée renferme ou INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 285 non du calcaire. En d’autres termes, on ne connaît aucune plante chimiquement fixée ou repoussée par largile, comme il y en à qui sont fixées ou repoussées par le sel marin et par le calcaire; mais, dans toutes les catégories établies au point de vue chnnique, les espèces appelées péliques par Thurmann se tiennent de préférence sur l’argile, de même que les espèces psammiques s’attachent au sable. 9. Gypse. Le gypse ou sulfate de chaux est fort répandu dans les terrains de sédiment; mais il offre rarement, au mois en France, des affleurements de quelque étendue, et c’est pres- que toujours dans les entrailles de la terre qu'il faut aller le chercher. Comme il se trouve habituellement mélangé avec des marnes et avec du carbonate de chaux, on ne peut aisément reconnaitre si la flore des sols gypseux est celle du gypse ou celle du calcaire. Jadopterais volontiers cette dernière hypo- thèse, n'ayant jamais observé que la végétation calcicole ou indifférente dans les gisements des environs de Paris. J’ineline donc à penser que l’action du gypse ne se distingue pas de celle du calcaire; néanmoins je ne donne cette opinion que sous toutes réserves, n’osant me permettre de trancher une ques- ton sur laquelle je ne suis pas suffisamment édifié. Le soufre, auquel on attribue un rôle physiologique assez important, puisqu'il parait être un des éléments constitutifs de l'albumine, et qu’on le retrouve dans beaucoup d'huiles essen- telles, est fourni par les sulfates, et, presque toujours, par le sulfate de chaux, dont la base, devenue libre, peut entrer dans les mêmes combinaisons organiques que la chaux provenant du bicarbonate : raison de plus pour assigner un rôle pareil au gypse et au calcaire. Mais cette solution, comme la plupart de celles qui précèdent, ne sera définitive qu'à la suite d’expé- riences de culture, et de recherches chimiques et physiologi- ques, qui doivent être désormais le but de tous les naturalistes engagés dans notre voie. LS GO © €. CONTEJEAN. S 6. INFLUENCE PHYSIQUE DU TERRAIN. Je rappellera que cette influence dépend de causes parement physiques, et, en particulier, du mode de désagrégation des roches, d'où résultent les différences qu’on observe dans la profondeur, là mobilité, la ténacité, la perméabilité du sol végétal, et, ce qui est encore plus important, dans son état de sécheresse où d'humidité. Toujours et partout subordonnée à l'influence chimique, elle entre cependant pour beaucoup dans les contrastes de végétation, et Pon distingue aisément les plantes des rochers, celles du sable et celles de argile, quelle que soit d’ailleurs la base active (soude ou chaux) qui domine dans le sol. J'ai montré que cette action peut masquer l'in- fluence chimique du terrair, et qu'on à souvent regardé comme calcicoles des plantes qui, dans une circonscription donnée, ne pouvaient trouver que sur les roches calcaires les _ conditions de sécheresse dont elles ont besoin. Quoique les catégories établies avec une si remarquable saga- cité par mon illustre maitre et ami J. Thurmann soient assez nombreuses pour comprendre toutes les espèces qu'il a pu obser- ver dans son champ d’études, relativement restreint, elles me paraissent msuffisantes si on veut les appliquer à la flore des con- trées méridionales. Thurmann avait bien reconnu que les roches eugéogèues admettent des espèces de plus en plus xérophiles, à mesure que le climat devient plas chaud; mais il n'avait pu pré- venir le cas où le sable pur serait assez sec pour offrir un milieu convenable à certaines xérophiles, etilne regardait comme telles que les plantes du calcaire ou des roches éruptives compactes et massives. On peutobserver pourtant, dans le midi dela France, un assez bon nombre de xérophiles sur le sable pur, siliceux ou dolomitique. Je citerai entre autres : Sinapis Cheiranthus, Tur- ris glabra, Arabis arenosa, Cistus salvifolius, Helianthe- nou guttatum, 1. vulgare, H. pulverulentum, Dianthus Car- husiunorum, Arenaria controversa, Geranuum sanguine, INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 287 Prunus spinosa, Potentilla verna, Rosa pimpinetlifoliu, Aspe- rula cynanchica, Cynanchum Vincetoxicum , Thesium humi- fusum, Daphne Gnidium, Euphorbia Cyparissias, Epipactis atrorubens, Ruscus aculeatus, Convallaria Polygonatum, Garex mitida, Kaæleria setacea, etc. I est done nécessaire de distin- guer les xérophiles des rochers de celles des sables, et je me vois obligé de créer un mot nouveau pour désigner les pre- mières. Je proposerai de les appeler lithiques (du grec A906, pierre). La nomenclature de Thurmann se trouve alors modifiée de la manière suivante : \ Lithiques (des rochers). | Psammiques (du sable). { Lithiques (des rochers). hygrophiles (anuies de l'humidité) ? Péliques (de l'argile). Psammiques (du sable). xérophiles (amies de la sécheresse) Plantes De même que Thurmann à établi des espèces pélopsanmiques (de l'argile et du sable), on pourrait distinguer des espèces litho- psammiques, des litho-péliques, des psammo-lithiques, ete., en inscrivant en premier lieu celui des deux milieux qui semble le plus habituel. Mais il me répugne extrèmement de surchar- ger la nomenclature sans une absolue nécessité. Kay INFLUENCE DE LA STATION. Il est tellement difficile de définir ce qu'on entend par le mot station, que, faute de pouvoir y parvenir, je préfère m'expliquer au moyen d'exemples. Chacun sait que les plantes affectent des oroupements particuliers, absolument imdépendants du climat, de la composition chimique et de l’état physique du sol. La cause de ces groupements est alors la station. Ainsi, il y a @es plantes des rocailles, des pelouses, des prairies, des moissons, des haies et des broussailles, des forêts, des marécages, des eaux stagnantes, des eaux courantes, etc. Chacun de ces mots désigne une station particulière; ou, en d’autres termes, les rocailles, les pelouses, les prairies, les forêts, etc., constituent autant de stations différentes. On voit que la station est la résul- EAN _ 288 €. CONFEHJEAN. tante des éléments les plus divers, tous de l’ordre physique ; notamment la fraicheur ou la chaleur vive, l'obscurité ou la lumière, l'ombre ou linsolation, la sécheresse ou l'humidité de l'air et du sol, l'abri contre les vents, la pluie, la neige, les gelées ou Pexposition aux mêmes agents physiques, ete, ete. Dans l’état actuel des observations, il y aurait presque de la témérité à essaver de faire la part de chacun de ces facteurs ; aussi me contenterai-je d'ajouter que l'influence de la station ne vient qu'en dernier ordre, étant primée par celles du climat, de la nature chimique et de l’état physique du sol. Chacun a pu remarquer, en effet, que la plupart des végétaux se mon- trent assez Indifférents sur le choix de la station. Beaucoup ha- bitent à la fois les rochers, les vieux murs, les toits de chaume, les pelouses arides; d’autres se rencontrent également dans les prairies, les forêts, les cultures et mème les marécages. On sait que les Renoncules de la section Batrachiun, les Hippuris, les Myriophyllum, Ve Polygonum amphibiun, et beaucoup de plantes des eaux vives ou des eaux dormantes, continuent de vivre dans les fossés complétement desséchés, et que plusieurs d’entre elles, notamment le Polygonum, Hydrocotyle vulgaris, le Lattorella lacustris, croissent également dans l’eau ou sur là terre sèche. Mais il est inutile d’insister davantage sur des faits bien connus de tous les herborisateurs. Ç 8. CLASSEMENT DES ESPÈCES LES PLUS RÉPANDUES, D'APRÈS LA NATURE CHIMIQUE DU TERRAIN QU'ELLES PRÉFÈRENT. Le dernier mot de la géographie botanique appliquée à l'étude particulière de l'influence du terrain, serait un classe- ment méthodique etrigoureux de toutes les espèces d’une région déterminée, d’après la nature chimique et l'état physique du milieu qu’elles prétèrent. Je ne me dissimule en aucune ma- nière les difficultés de l’entreprise, et si je ne recule point devant elles, c’est que je tiens à compléter mon œuvre autant que possible, et à consigner quelque part le résultat de longues INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 289 et patientes recherches. Mais je n’ose donner comme arrêtées et définitives les listes qui vont suivre. Il est certain, au con- traire, que plusieurs espèces devront changer de place; que des calcifuges ou des calcicoles seront reconnues comme indiffé- rentes, et que certaines Imdifférentes entreront dans les rangs des calcicoles et des calcifuges. Ces utiles remaniements, je les appelle de tous mes vœux. Loin de redouter la critique, je ne demande qu’à profiter de ses enseignements, et J'accepterai avec reconnaissance les rectfications que voudront bien m'’a- dresser les botanistes. Quoique les nuances soient partout fort nombreuses, ainsi que je l'ai montré pour les plantes maritimes et pour les calei- fuges, il me semble impradent d'établir plus de trois subdivi- sions dans chacun des groupes de premier ordre : je distingue seulement des espèces exclusives, d’autres qui le sont moins, d’autres enfin qui sont presque indifférentes. Autant que possible J'ai voulu tenir compte de l'influence physique du terrain; mais je n’ai pas jugé utile de descendre jusqu'au délail des stations. Pour ne pas compliquer les listes par des subdivisions trop nombreuses, j'ai simplement indiqué, à la suite du nom de chaque espèce, l’état physique du sol qu’elle préfère, dans les cas où la préférence est bien marquée, au moyen des abréviations suivantes : X.. xérophile; DS-icee psammique ; H... hygrophile; ps. lithique et psammique ; l... lithique; p-ps. pélique et psammique ; p….…. pélique ; ps-l.. psammique et lithique, etc. I. Maritimes exclusives ou presque exclusives, ne se rencontrant qu’acci- dentellement en dehors des deux premières zones littorales, et dont la plupart ne peuvent se propager spontanément dans un sol privé de sel. Malcolmia littorea R. Br. ps. M. maritima R. Br. ps.-l. Matthiola incana R. Br. ps-l. M. sinuata R. Br. ps. Cochlearia anglica L. C. danica L. Cakile maritima L. ps. Silene maritima With.S. Thorei Duf. ps. Arenaria peploides L. ps. A. marginata D.C. H. p.-ps. A. marina Roth. ps.-p. Les Frankenia L. Medicago marina L. ps. Eryngium maritinmum L. ps. Grithmum mari- üoum LE. l.-ps., un peu X. Galium arenarium Lois: X. ps. Aster Tripo- lium L. #1. p. Inula crithmoides H. p.-ps. Artemisia maritima L. Diotis 6° série, Bot. T. II (Cahier n° 5). 3 19 290 d. CONTESEAN. candidissima Desf. Gonvolvulus Soldanella L. ps. maria Lœselii Schweigg. ps. L. arenaria DC. ps. Glaux maritima L. H. p.-ps. Plantago subulata L. X. 1. P. maritima L. H. p.-l. Armeria ruscionensis De Gir. X. {. Statice Limoniun L. H. p.S. ovalifolia Poir. X. {. S. Dodartit De Gir. un peu p. S. occidentalis Lloyd. td. S. Iychnidifolia De Gir. id. Atriplex crassifolia CG. A. M. ps. À. portulacoides L. H. p.-ps. À. littoralis L. Beta maritima L. Salsola Kali L. ps. S. Soda L. H.p.-ps. Salicornia herbacea L. H: p.S. fru- ticosa L. H.p., un peu ps. Chenopodium fruticosum L. H. p.-ps. Ch. ma- ritimum L. H.p.,unpeu ps. Polygonum maritimum L. ps.,un peu X. Eu- phorbia pinea L. X. 1. E. Peplis L. ps. E. portlandiea L. E. Paralias L. ps. Ephedra distachya L. ps. Les Ruppia L. A. Triglochin maritimum L. 1. p. Juncus maritimus L. H. p.-ps.J. acutus L. id. Phleum arenarium L. X. ps. Psamma arenaria Rœm. Sch. ps. un peu À. Agrosis pungens Schreb. ps. Polypogon littoralis Sm. P.maritimus L. P. monspeliensis Desf. p.-ps. un peu H. Glyceria maritima M. K. H. p.-ps. G. festucælormis Heyn. G. distans Wahl. G. procumbens Sm. Poa loliacea Huds. ps. Spartina stricta Roth. H. p.S. alterniflora Lois. id. Elymus arenarius L. ps. un peu X. Triticum junceum L. id. Lepturus incurvatus Frin. Hordeum maritimum L. H. un peu p. Asplenium marmuim LE IT. Maritimes moins exclusives, se lenant en général en dehors des deux premières zones littorales, sans cependant s'éloigner jamais beaucoup des rivages, mais se propageant souvent dans des sols à peine salés el même tout à fait privés de sel. Alyssum maritimum L. X. {.-ps. Crambe maritima L. Gochlearia offici- nalis L. Silene Portensis L. X. ps. Dianthus arenarius L. ps. D. gallicus Pers. X. ps. Linum maritimum L. Erodium maritimum Sm. Medicago littoralis Rhode ps. Astragalus arenarius L. ps. A. bayonensis Lois. X. ps. Tamarix gallica L. ps. T. anglica Webb. id. T. africana Poir. id. Daucus maritimus Lam. D. gummifer L. X. L. Buphthalmum maritimum L. Crepis Suffreniana Lloyd. ps. C. bulbosa Cass. id. Hieracium eriophorum St-Am, X. ps. Cynanchum acutum L. X. ps.-l. Erythræa Chloodes Gr. Godr. F7. E. spicata Pers. H. p. E. maritima Pers. id. Omphalodes littoralis Lehm. ps. Coris monspeliensis L. L. thymifolia DC. ps. Passerina hirsuta L. Armeria maritima Willd. ps. Atriplex Halimus L. Salix arenaria L. ps.-[. Pinus ma- ritima Lam. ps. Pancratium maritimum L. ps. Carex arenaria L. ps. Kœleria albescens DC. X. ps. Lepturus filiformis Trin. HI. Maritimes presque indifférentes, se rencontrant aussi souvent dans l'intérieur des terres que dans les régions littorales, et dont la plupart semblent fixées dans le voisinage de la mer par l'influence des conditions climatériques et stationnelles, plutôt que par un besoin réel de sel marin. Glaucium luteum Scop. ps. Lepidium ruderale L. Alyssum campestre L. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 291 ps. Senebiera pinnatifida DC. Silene Otites Sm. ps. Althæa officinalis L. H. p. Tribulus terrestris L. ps. Medicago denticulata Wild. ps. Trifolium maritimum Huds. un peu p.T.resupinatum L. un peu p. Lotus edulis L. Echallium Elaterium Rich. #n peu ps. Bupleurum tenuissimum L. un peu p. Apium graveolens L. H. p.-ps. Smyrnium Olusatrum L, Artemisia Absinthium L. un peu ps. À campestris L. ps. Silybum Marianum Gærtn. un peu p. H. Centaurea aspera L. ps. Helminthia echioides Gærtn. 4. Tragopogon porri- folius L. Sonchus maritimus L. 4. p.-ps. Chlora imperfoliata L. f. H. un peu p. Convolvulus lineatus L. XL. Bartsia viscosa L. Phytolacca decan- dra L. Chenopodium ambrosicides L. Camphorosma monspeliaca L. Rumex Bucephalophorus L. un peu ps. Myrica Gale L. A, ps. Smilax aspera L. X, L. Iris spuria L. Les Zannicheliia L. Juncus Gerardi Lois. Scirpus maritimus L. H.5S. Rothii Hopp. A. p.-ps. S. Holoschænus L. ps. un peu H. Carex divisa Huds, Vulpia bromoides Rchb. ps. IV. Calcicoles exclusives ou presque exclusives, ne se rencontrant jamais qu'accidentellement, et sans s'y propager, sur les terrains assez pauvres en calcaire pour ne produire à froid aucune effervescence avec les acides, Thalictrum majus Jacq. X. {4 Arabis alpina EL. L. un peu H. Draba ai- zoides L. X. {. Kernera saxatilis Rehb. X. {. Tberis intermedia Guers. X. I, saxatilis L. X./, Thlaspi montanum L. X, {. Helianthemum pulverulen- tum DC, X. L.-ps. H. Fumana Mill X. 7. Polygala calcarea Schultz. un peu p. Arenaria controversa Boiss. X. {.-ps. Mœhringia muscosa L. A. !. Linum suffruticosum L. X. un peu p. L. Loreyi Jord. X./. Geranium tuberosum L. un peu ps: Ononis Natrix L. un peu ps.-p. O. striata Gouan. X. [. O0. Co- lumnæ Al. X. {. Astragalus monspessulanus L. X. {. Orobus vernus L. X. Coronilla Emerus L. X. GC. montana Scop. X. {. C. vaginalis Lam. X. 1. C. minima L. X. Hippocrepis comosa L. X. !. Prunus Mahaleb L. X. !. Spiræa obovata Willd. X. {. Sedum anopetalum DC. X. /. Athamanta cretensis L. X. 4. Trinia vulgaris DG. X. {. Valeriana montana L. un peu H. p. Tus- silago Farfara L. H. p. Aster Amellus L. X, Artemisia camphorata Wild. X. 1. Achillea nobilis L. X.{. Inula montana L. X. Carduncellus mitissimus DC. X. {. C. monspeliensis AIL. id. Hieracium glaucum AI. X. {. H. glabra- tu Hoppe. X. !. H. villosum L. X. 7. H, amplexicaule L, X, /. H. Jacquini Vill. X. {. Androsace lactea L. X.{. Gentiana Cruciata L. X. G. acaulis L. X. Erinus alpinus L. X. 4. Phlomis Lychnitis L. X. Teucrium montanum L. X. T. pyrenaicum L, X.Globularia vulgaris L. X. Daphne alpina L. XL. Euphorbia Gerardiana Jacq. Xl, aussi un peu ps. Aceras Anthropophora R. Br. X. Carex alba Scop. X. CG. gynobasis Vill. X. /. G. humilis Leyss. X. L.-ps. G. ornithopoda Willd. id. CG. tenuis Host. id. Sessleria eærulea Ard. X. {. Lasiagrostis Galamagrostis Link. X. {. ef un peu ps. Koœleria se- lacea Pers. X, /.-ps. Melica ciliata L. (et toutes ses formes) X. { 299 €. CONFRISRAX. V. Calcicoles moins exclusives, pouvant se propager sur les terrains où la présence du calcaire n’est pas décelée par les acides, mais alors plus rares et souvent moins vigoureuses que sur le calcaire. Thalictrum aquilegifolium L. un peu H. Adonis autumnalis L. un peu ps. À. æstivalis L. id. À flammea Jacq. id. Ranuneulus gramineus L. un peu X. R. lanuginosus L. un peu H. Helleborus fœtidus L. X. Nigella arvensis L. un peu ps. Rœmeria hybrida ? DC. id. Hypecoum pendulum ? L. id. Fumaria Vaillant Rehb. F. parviflora Lam. Sisymbriumtenuifolium L. un peu ps. Ery- simum orientale R. Br. Arabis Turrita L. Alyssum montanum L. X. /.-ps. Iberisamara L. un peu ps. Thlaspi perfoliatum L. id. Hutchinsia petræa R. Br. L.-ps. Helianthemum salicifolium Pers. X. H. canum Dun. X. /. Silene nocti- flora L. un peu ps. Saponaria ocymoides L. X. {. ef un peu ps. Dianthus cæ- sius Sm. À. {. Linum narbonense L. X, {. Malva Alcea L. Hypericum hirsutum L. Acer opulifolium Vill. X. Cytisus Laburnum L. X. C. supinus L. X. Ono- nis minutissima L. X. {. Anthylhis Vulneraria L. X. Trifolium rubens L. X. Vicia peregrina L. Cotoneaster tomentosa Lindl. X. £. Orlaya grandiflora Hoffm. un peu ps. Caucalis latifolia L. id. Bifora testiculata Hoffm. id. Laserpitium Siler L. X, 1. L. pruthenicum L. Bunium Bulbocastanum L. un peu ps. Falcaria Rivini Host. 14. Chrysocoma Linosyris L. X. Bellidias- trum Michelii Cass. un peu H. Conyza squarrosa L. X. !. Micropus erectus L. X. Carduus defloratus L. X.{. Lactuca virosa L. L. Scariola L. L. saligna L. L. Chondrillæflora Bor. L. perennis L. X. Campanula glomerata L. X. Primula Auricula L. X. !. Androsace maxima L. unpeups. Gonvolvulus Can- tabrica L. X.{. Lithospermum purpureo-cæruleum L. un peu p. L. officinale L. X. Physalis Alkekengi L. Veronica urticæfolia L. Digitalis lutea L. X. Calamintha officinalis Mœnch. X. C. Nepeta Link. X. Galeopsis Ladanum L. Stachys Heraclea AL. X. S. annua L.un peu ps. Prunella hyssopifolia L. X. Teucrium Chamædrys L. X. Globularia cordifolia L. X. L. Rumex scutatus L. X. {. Euphorbia verrucosa L. Buxus sempervirens X. {. Scilla bifolia L. Cephalanthera rubra Rich. X. !. un peu ps. Epipactis atrorubens Hotfm. X. L.-ps. Ophrys muscifera Huds. X. Luzula flavescens Gaud. Carex tomen- tosa L. p. C. sempervirens Vill. X. Phleum Bœhmeri Wib. X. Echinaria capitata Desf. un peu ps. Andropogon Ischæmum L. X. Stipa pennata L. X. l. Ceterach officinarum Willd. X. {. Polypodium calcareum Sm. X. 1. Cystopteris montana Link. Asplenium Halleri DC. £ A. viride Huds. VI. Calcicoles presque indifférentes, cependant plus nombreuses sur le sol calcaire. Ranunculus alpestris L. R.montanus Wild. X,R. parviflorus L. un peu ps. Nigella hispanica L. Berberis vulgaris L. X. Sinapis incana L. X. ps. Chei- ranthus Cheiri L. X. L. Arabis hirsuta Scop. X. L.-ps. Dentaria pinnata L. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 293 D. digitata Lam. Sisymbrium vimineum L. S. murale L. un peu ps. Lu- naria rediviva L. Alyssum calycinum L. X. ps. À. campestre L. id. Draba muralis L. Myagrum perfoliatum L. un peu ps. Neslia paniculata Desv. 1d. Isatis tinctoria L. l.-ps. Biscutella lævigata L. X. L. Thlaspi arvense L. Lepi- dium graminifolium L. X. { -ps. Calepina Corvini Desv. Viola alba Bess. X. Polygala comosa Schk. Saponaria Vaccaria L. Dianthus silvestris Wulf. X. L. Holosteum umbellatum L. ps. Cerastium arvense L. un peu X. Linum strictum L. X. L. corymbulosum Rehb. X. L. tenuifolium L. X. Althæa hirsuta L. un peu ps. Acer monspessulanum L. Rhamnus Alaternus L. X.{. Genista sagittalis L. X. /. Cytisus capitatus Jacq. X. Medicaga falcata L. X. un peu ps. M. orbicularis AI. Trifolium medium L. T. scabrum L. X. Vicia lutea L. un peu ps. V. dumetorum L. X. V. varia Host. Orobus niger L. X. Coronilla varia L. un peu ps. CG. scorpioides K. Fragaria collina Ehrh. X. Epilobium Dodonæi Vill. Polyenemum arvense L. ps. Sedum album L. X. {. Saxifraga rotundifolia L. un peu H. S. Aizoon Jacq. X. !. S. Cotyledon L. id. S. longifolia Lap. td. S. media Gouan id. Caucalis daucoides L. un peups. Torilis helvetica Gm. td. T. hete- rophylla Guss. X. Peucedanum Cervaria Lap. un peu p. Heracleum alpi- num L. Seseli Libanotis K. Fœniculum officinale All. X. Bupleurum rotundifolium L. B. protractum Link. B. aristatum Bartl. X. [. B. falcatum L. X. un peu p. Ptychotis heterophylla K. X. Anthriseus vulgaris Pers. un peu ps. Chærophyllum aureum L. X. Astrantia major L. Eryngium campestre L.ps. Cornus mas L. X. Sambucus Ebulus L. un peu H. Lonicera alpigena L. X. Rubia peregrina L. Galium tricorne With. un peu ps. G. glaucum L. G. corrudæfolium Vill. X. !. G. silvatieum L. un peu p. Asperula arvensis L. un peu ps. Crucianella angustifolia L. id. Cacalia alpina Jacq. Tussilago alpina L. T. Petasites L. H. p. Senecio erucifolius L. Artemisia Absinthium L. un peu ps. {Inula squarrosa L. X. Filago spathulata Guss. un peu ps. Centaurea amara L. X. C. aspera L. ps. C. Crupina L. X. !. Leuzea conifera DC. X. Carlina vulgaris L. X. G. acaulis L. X. Xeranthemum cylindraceum Sm. X. Picris hieracioides L. X. Podospermum laciniatum DC. Tragopogon major Jacq. un peu ps. Crepis pulchra L. Hieracium præaltum Vill Phy- teuma orbiculare L. X. Specularia hybrida À. DC. un peu ps. Gynanchum Vincetoxicum R. Br. X./.-ys. Ghlora perfoliata L. Gentiana verna L. G. ger- manica L. X.G. ciliata L. un peu p. Anchusa italica Retz. un peu ps. Pulmonaria angustifolia L. un peu X. Myosotis silvatica Hoffm. un peu H. Echinospermum Lappula Lehm. un peu ps. Cynoglossum pictum Aït. id. Heliotropium europæum L. id. Verbascum Lychnitis L. X. Linaria Cym- balaria Mill. /. un peu H. Veronica prostrata L. X, V. Teucrium L. X. Eu- phrasia lutea L. X. !. Melampyrum arvense L. Lavandula Spica L. X. LE. Ros- marinus officinalis L. un peu X. Salvia Sclarea L. S. glutinosa L. S. Ver- benaca L. Melittis Melissophyllum L. X. Stachys recta L. X. Ajuga Cha- næpiiys Schreb. un peu ps.-p. Teucrium Botrys L. un pewps. Teucrium au- 294 €. CONTEJEAN. reum Sehreb. X. T. Polium L. X. Polyenemum arvense L. ps. Rumex aqua- ticus? L. H. Polygonum Bellardi AI. Daphne Mezereum L. Passerina annua Spreng: ps. Aristolochia Clematitis L. Euphorbia platyphylla L. E. falcata L. Mercurialis perennis L. Salix incana Schrk. H.S. grandifolia Ser. $. reti- culata L. X. 1. $S. retusa L. id. Alnus incana DC. À. Juniperus communis EL. X. Tulipa silvestris L. Anthericum Liliago L. X. {. Convallaria Polygo- natum L. Tamus communis L. Gladiolus segetum Gawl. Orchis hireina Crtz. X. O. pyramidalis L. X. un peu p.-ps. Ophrys apifera Huds. X. 0. arachnites Rich. X.0. aranifera Huds. X. Carex glauea Scop. p. CG. montana L. X. C. di- gitata L. X. CG. nitida Host. X. ps. Phleum asperum Jacq. X. P. alpinum L. Avena pratensis L. X. Vulpia ciliata Link. un peu ps. Bromus squarrosus L. X. Triticum vulgare Vill. Nardurus tenellus Rehb. ps. Asplenium Ruta- muraria L. d. VII. JIndifférentes. Clematis Vitabla L. X. Thalictrum flavum L. A. p.-ps. Anemone Pulsa- tilla L. X. L.-ps. A. alpina L. A. nemorosa L. A. ranunculoides L. A. nar- cissiflora L. A. Hepatica L. Ranunculus aquatilis L. H. R. fluitans L. A. R. aconitifolius L. Æ. «un peu p. R. platanifolius L. R. Flammula L. H. R. Lingua L. H. R. auricomus L. un peu X.R. acris L. R. nemorosus DC. un peu X.R. chærophyllos L. X.R.arvensis L. R. Ficaria L. un peu H. Caltha palustris L. Æ. Trollius europæus L. Isopyrum thalictroides L. Aquilegia vulgaris L. un peu X. Delphinium Consolida L. D. Ajacis L. Aconitum Ly- coctonum L. un peu H. À. Napellus L. Actæa spicata L. un peu H. Nym- phæa alba L. 4. Nuphar Juteum Sm. H. Papaver Rhœas L.P. dubium L. Papaver Argemone L. un peu ps. P. hybridum L. id. Chelidonium majus L. Fumaria officinalis L. Sinapis arvensis L. Barbarea vulgaris R. Br. un peu H. Sisymbrium pinnatifidum DC. $. officinale L. S. supinum L. un peu ps. S. Columnæ Jacq. S. Alliaria Scop. un peu H. Nasturtium officinale KR. Br. H. Turritis glabra L. X. L.-ps. Arabis Thaliana L. ps. À. arenosa Scop. L.-ps. Cardamine pratensis L. un peu H. GC. amara L. H. C. impatiens L. un peu ps. G. resedifolia L. Dentaria bulbifera L. Draba verna L. Thlaspi Bursa-pastoris L. Lepidium campestre R. Br. un peu ps. Senebiera Coro- nopus Poir. un peu H. Helianthemum vulgare L. XL aussi un peu ps. Viola hirta L. X. V. odorata L. V. silvatica K. Reseda lutea L. un peu ps. R. Luteola L. Parnassia palustris L. 1. p.-ps. Polygala amara Jacq. un peu H. p. Silene inflata Sm. un peu ps. Lychnis diurna Sibth. Silene nutans L. X. 1. Lychnis Flos-Cuculi L. un peu H. Agrostemma Githago L. Sapo- naria officinalis L. un peu H. Dianthus monspessulanus L. D. Carthusiano- rum L. X.L., plus rarement ps. Sagina procumbens L. H. p. S. nodosa Fenzl. H. ps. Arenaria tenuifolia L. wn peu ps. À. serpyllifolia L. td. A. trinervia L. un peu H. Stellaria media L. S. graminea L. Cerastium viscosum L. C. brachypetalum L. G. semidecandrum EL. X. un peu ps. C. glu- INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 295 ünosum Fries. Linum catharticum EL. Malva silvestris L. M. rotundifolia L. Geranium silvatieum L. G. sanguineum L, X. £-ps. G. columbinum L., G. dissectum L. un peu ps. G. pyrenaicum L. un peu H. G. molle L. un peu ps. G. pusillum L. id. G. lucidum L. L. un peu H. G. Robertianum L. Erodium ciconium Willd. E. cicutarium L'Hér. un peu ps. Hypericum per- foratum L. H. quadrangulum L. un peu H. H. montanum L. X. Acer Pseudo- platanus L. À. platanoides L. A. campestre L. Impatiens Noli-tangere L. H. Oxalis Acetosella L. un peu H. Coriaria myrtifolia L. Evonymus europæus L. Rhamnus eathartieus L. un peu X. R. alpina L. X. {. Genista tinctoria L. Ononis spinosa L. un peu ps. O. arvensis Lam. Medieago Lupulina L. M, minima L. un peu ps. M. maculata Wild. M. Gerardi Willd. Melilotus offi- cinalis Lam. M. macrorhiza Pers. un peu H. M. parviflora Desf. M. sulcata Desf. Trifolium augustifolium L. X. un peu ps. T. pratense L. T.ochroleucum L. X.T.montanum L. un peu X.T. alpinum L. T. repens L.T.filiforme L. À. , un peu ps. T. parisiense DC. Lotus siliquosus L. A. L. corniculatus L. Astra- galusglyeyphyllos EL. Vicia sativa L. V.'angustifolia L. V. sepium L. V. Cracea L. Lathyrus Aphaca L. L. Nissolia L. L. hirsutus L. un peu ps. L. silvestris L. L. tuberosus L. p. L. pratensis L. un peu H. L. sphæricus Retz. L. an- gulatus L. Onobrychis sativa Lam. X. Prunus spinosa L. X. L:-ps.P. avium L. Spiræa Filipendula L. un peu X. ps.S. Ulmaria L. H.S. Aruncus L. Dryas octopetala L. Geum urbanum L. G. rivale L. H. p.-ps. Potentiila Fragariastrum Ehrh. un peu X. P. micrantha Ram. id. P. splendens Ram. un peu ps. P. verna L. X. L., aussi ps. P. alpestris Hall. f. X. /. P. aurea L. X. 1. P. reptans L. un peu IT. ps. P. Anserina L. un peu H. ps.-p. Kra- garia vesca L. K. elatior Ehrh. an peu X. Rubus saxatilis L. R. cæsius L. un peu H.R. fructicosus L. (et La plupart de ses innombrables formes). Rosa pimpinellifolia DC. X. L.-ps. R. arvensis Huds. un peu H. KR. alpina L. R. rubrifolia Vill. R. canina L. R. tomentosa Sm. Agrimonia Eupatoria L. Poterium Sanguisorba EL. X. Alchemiila alpina L. À. vulgaris L. un peu H. À. arvensis Scop. ps. Mespilus germaniea L. Cratægus Oxyacantha L. CG. monogyna Jacq. Cotoneaster vulgaris Lindi, X. {. Pirus communis L. P. 1 Malus L. Sorbus domestica L. S. aucuparia L. S. scandica Fries. X. S. Aria Crtz. X. S. torminalis L. Aronia rotundifolia Pers. X. EL Kpilobium tetra- gonum L. H. E. t'igonum Schrk. E. montanum L. E. parviflorum Schreb. HE. hirsutum L. H. E. spicatum Lam. Circæa Lutetiana L. un peu H. C. alpina L. id. Myriophyllum verticillatum L. H. Hippuris vulgaris L, A. Ceratophyllum demersum L. H. Lythrum Salicaria L. un peu H. p. Myrtus communis L. X. Bryonia dioica L. Portulaca oleracea L. ps. Herniaria glabra L. ps. Seleranthus annuus L. ps. Sedum Telephium L.un peu ps.S. rubens L. id. S. acre L. X. L. aussi ps. S. sexangulare L. id. S. reflexum L. id. S. Cepæa L. un peu ps. Sempervivum tectorum L. X./. Ribes Uva-crispa L. X. R. alpinum L. R. petræum Wulf. X. Saxifraga aizoides L. un peu I. S. tridactylites L. X. un peu ps. Daucus Carota L. un peu ps. Torilis An- 296 €. CONFTESEAN. thriscus Gm. Laserpitium latifolium L. Angelica silvestris L. H. Pastinaca sativa L. Heracleum Sphondylium EL. Silans pratensis Bess. un peu IT. Seseli montanum L. X./. Æïhusa Cynapium L. Œnanthe Phellandrium Lam. H. Bupleurum longifolium L. Sium angustifolium L. 4.$. nodiflorum L. H. Pimpinella magna L. un peu H. P. Saxifraga L. un peu X. Carum Carvi L. Ægopodium Podagraria L. un peu H. Ammi majus L. À. Visnaga L. Petroselinum segetum K. Scandix Pecten-Veneris L. Anthriscus silves- tris Hoffm. Chærophyllum hirsutum L. un peu H. Ch. temulum L. un peu H. Conium maculatum L. un peu ps. Sanicula europæa L. un peu H. Hedera Helix L. Cornus sanguinea L. AdoxaMoschatellina L. un peu H. Sambucus nigra L. S. racemosa L. Viburnum Lantana L. V. Opulus L. Lonicera Periclymenum L. L. Xylosteum L. Galium Cruciata L. G. rotundifolium L. G. verum L. un peu X. G. Mollugo L. G. silvaticum L. G. palustre L. H. G. Aparine L. Asperula odorata L. un peu H. À. cynanchica LE. X. L.-ps. Sherardia arvensis L. un peu ps. Valeriana officinalis L. un peu H. Vale- rianella olitoria Poll. un peu ps. V. carinata Lois. V. Auricula DC. V. den- tata. K. V. eriocarpa Desv. V. coronata DC. Dipsacus silvestris L. D. laci- niatus L. D. pilosus L. un peu H. Scabiosa arvensis L. S. silvatica L. S. Columbaria L. X. Eupatorium cannabinum L. H. Cacalia albifrons L. un peu H. Tussilago alpina L. id. Krigeron canadensis L. un peu ps. E. acris L. X. L.-ps. Bellis perennis L. Senecio vulgaris L.S. Jacobæa L. S. nemoren- sis L. Artemisia vulgaris L. un peu ps. Chrysanthemum Leucanthemum L. C. Parthenium Pers. un peu ps. G. segetum L. CG. Myconis L. Matricaria Chamomilla L. M. inodora L. Anthemis Cotula L. A. altissima L. A. tinc- toria L. Achillea Millefolium L. un peu X. À. Plarmica L. H. Bidens tripar- tita L. Æ. B. cernua L. H. Inula Helenium L. un peu H. Inula salicina L. X. Ï. hirta L. I. Britanica L. H. EL. graveolens Desf. L. dysenterica L. A. p. He- lichrysum Stæchas DC. X. Gnaphalium silvatieum L. Calendula arvensis L. un peu ps. Galactites tomentosa Moœnch un peu X. Silybum Marianum Gærtn. Onopordon Acanthium LE. un peu ps. Cirsium lanceolatum Scop. C. eriophorum Scop. ©. monspessulanum AI. C. oleraceum Scop. H. C. rivulare Link. H. p. G. acaule Al. un peu X. G. arvense Scop. Car- duus tenuiflorus Gurt. C. Personata Jacq. H. C. crispus L. C. nutans L. un peu ps. Gentaurea Jacea L. C. montana L. G. Cyanus L. wn peu ps. CG. Scabiosa L. un peu X. CG. Calcitrapa L. un peu ps. C. solstitialis L. Kentrophyllum lanatum DC. un peu X. Carlina corymbosa L. un peu X. C. acanthifolia All. Les trois Lappa Tournef. Catanance cærulea L. X, Cichorium [ntybus L. Lapsana communis L. Hypochæris radicata L. Leon- todon autumnalis L. L. hastilis L. Tragopogon pratensis L.T. orientalis. L. Chondrilla juncea L. ps. Taraxacum officinale Wigg. un peu H. Lactuca muralis Fres. 24. Prenanthes purpurea L. Sonchus tenerrimus L. S. olera- ceus L. S. asper L. S. arvensis L. un peu ps. S. alpinus L. Pterotheca ne- mausensis Cass. Crepis taraxacifolia Thuil. C. setosa Hall. f. un peu X. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 297 CG. fœtida L. X. un peu ps. G. biennis L. C. virens L. un peu ps. C. succisæ- folia Tausch. Hieracium Pilosella L. H. Auricula L. H. murorum L. H. sil- vaticum Lam. Campanula latifolia L. C. Trachelium L. C. rapuneuloides L. GC. Rapuneulus L. un peu ps. G. Erinus L. X. C. rotundifolia L. C. pusilla Héenck. un peu H. CG. persicifolia L. un peu X. Arbutus Uva-ursi L. Rho- dodendron ferrugineum L. Pirola rotundifolia L. un peu H. P. minor L. id. P. secunda L. P. uniflora L. Hotionia palustris L. H. Primula grandiflora Lam. P. officinalis Jacq. P. elatior Jacq. Lysimachia vulgaris L. H.L, num- mularia L. un peu H. p. Anagallis arvensis L. un peu ps. KFraxinus excelsior L. Phillyrea angustifolia L. X. P. media L. X. Ligustrum vulgare L. un peu X. Vinca minor L. V. major L. Erythræa Centaurium L. ur peu p. Gen- tiana lutea L. G. campestris L. Convolvulus sepium L. CG. arvensis L. Bo- rago officinalis L. un peu ps. Symphytum officinale L. A. S. tuberosum L. un peu H. Lithospermum arvense L. un peu ps. Echium Italiceum L. E. vul- gare L. E. plantagineum L. Pulmonaria officinalis L. Myosotis palustris Vith. H. M. hispida Schl. un peu ps. M. intermedia Link. id. Cynoglossum officinale L. un peu ps. GC. montanum Lam. Lycium barbarum L. Solanum Dulcamara L. un peu H. Atropa Belladona L. Datura Stramonium L. ps. Hyoscyamus niger L. id. H. albus L. Verbascum Thapsus L. V. thapsiforme Schrad. V. sinuatum L. wn peu X. V. pulverulentum Vill. un peu X. V.ni- grum L. Scrofularia nodosa L. un peu HS. aquatica L. A. S. Hoppi K. X. Antirrhinum majus L. X. A. Asarina L. un peu H. Linaria spuria Mill. ps.-p. L. Elatine Desf. id. L. grieca Chav. un peu p. L. vulgaris Mœnch. L. supina Desf. ps. L. minor Desf. Veronica Chamædrys L. V. Bec- cabunga L. H. V. Anagallis L. H. V. spicata L. X. ps. V. montana L. V. of- ficinalis L. V. arvensis L. V. præcox L. un peu ps. V. Buxbaumii Ten. V. agrestis L. V. hederæfolia L. Digitalis grandiflora AI. X. Euphrasia officinalis L. E. Odontites L. E. serotina Lam. KE. Jauberliana Bor. Rhinan- thus major Ehrh. R. minor Ehrh. Melampyrum nemorosum L. un peu H. M. silvaticum L. Mentha rotundifolia L. H. un peu p. M. silvestris L. id. Lycopus europæus L. H. Origanum vulgare L. un peu X. Thymus Serpyl- lum L. id. Satureia hortensis L. un peu ps.S. montana L. X. 4 Calamintha alpina Lam. CG. Acinos Clarv. un peu ps. Clinopodium vulgare L. un peu X. Salvia officinalis L. S. pratensis L. Nepeta Cataria L. Glechoma hederacea L. un peu H. Lamium amplexicaule L. ps. L. incisam Willd. un peu ps. L. purpureum L. id. L. maculatum L. un peu H. L. album L. id. Leonurus Cardiaca L. Galeopsis Galeobdolon L. G. Tetrahit L. Stachys germanica L. un peu ps. S. alpina L. S. silvatica L. un peu H. S. palustris L. IT. Beto- nica officinalis L. Ballota fœtida Lam. Phlomis Herba-venti L. Sideritis romana L. un peu ps. Marrubium vulgare L. id. Scutellaria galericulata L. H. Prunella vulgaris L. P. alba Pall. X.P. grandiflora Mœnch. X. Ajuga reptans L. un peu H. p. A. genevensis L. ps. Teucrium Scordium L. A. p. T. Scorodonia [. un peu X. Verbena officinalis L. Plantago major L. 998 €. CONTEJEAN. P. media L. P. lanceolata L. P. Coronopus L. P. Lagopus L. P. Gynops L. un peu ps. Amarantus Blitum L. un peu H. À. retroflexus E. ps. À: albus L. À. prostratus Balb. Atriplex hastata L. un peu . p.-ps. À. patula L. id. Ghenopodium Botrys L. C. Vulvaria L. un peu ps. CG. album L. id. C. opu- lifolium Schrad. id. CG. murale L. C. glaucum L. Æ. p.-ps. CG. rubrum id. G. Bonus-Henricus L. un peu H. Ramex pulcher EL. À. obtusifolius DC. un peu H. R. conglomeratus Murr. 4. R. nemorosus Schrad. R. erispus L. R. arifolius AI. R. Acetosa L. Polygonum Bistorta L. Æ. p. P. viviparum E. P. amphibium LE. 4. p. P. lapathifolium L. un peu HT: P: Persicaria L:'14: P. Hydropiper L. H. P. mite Schrk. id. P. avi- culare L. P. dumetorum L. P. Convolvulus L. Daphne Laureola L. D. Cneo- rum L. X, 7. Thesium alpinum LE. X. T. pratense Khrh. id. T. humi- fusum DC. id. Osyris alba. L. un peu X. Asarum europæum L. un peu H. Euphorbia Helioscopia L. E. pilosa L. E. duleis L. E. Esula L. E. serrata L. E. Cyparissias L. X. L.-ps. KE. exigua L. un peu ps. E. Peplus L. E. amyg- daloides L. E. Characias L. X. Mereurialis annua L. Ulmus campestris L. Les Urtica L. Parietaria officinalis L. Humulus Lupulus L. Fagus silva- tica L. Quereus Robur L. (la variété Q. pubescens Wild. X.). Q. Ilex L. X. Q. coccifera L. Corylus Avellana L. cite Betulus EL. Salix pentandra L. H.S. fragilis L. id. S. alba L. id. S. amygdalina L. id. S. purpurea L. id. S. viminalis L. id. S. Caprea L. S. repens L. Æ. ps. S. cinera L. A. p. Populus Tremula L. un peu H. P. nigra L. id. Alnus glutinosa L. H. Abies pectinata DC. A. excelsa D.C. Taxus baccata L. Alisma Plantago L. F1. Sagittaria sagittæfolia L. id. Butomus umbeilatus L. H. p. Colchicum au- umnale L. Veratrum album L. Fritillaria Meleagris L. H. Lilium Martagon L. Ornithogalum Pyrenaicum EL. O. umbellatum L. un peu ps. Gagea ar- vensis Schult. id. Allium vineale L. À. sphærocephalum L. un peu ps. À. ursinum L. un peu H. À. oleraceum L. Endymion nutans Dum. un peu H. Muscari racemosum DC. un peu ps. Anthericum ramosum L. X. Paris qua- drifolia L. an peu H. Ruseus aculeatus L. X. /£.-ps. Streptopus amplexifolius DC. Convallaria multiflora L.G. maialis L. Maianthemum bifolium DG. un peu H. Asparagus acutifolius L. Crocus vernus L. Iris Germanica L. X, I. I. pseudo-Acorus L. H. E. fœtidissima L. un peu X.T. graminea L. Leu- coium vernum L. Nareissus pseudo-Narcissus L. N. poeticus L. N.Tazetta L. Spiranthes autumnalis Rich. un peu p. Gephalanthera ensifolia Rich. un peu X. C. lancifolia Murr. Epipactis latifolia AL. wn peu H.E. palustris Crtz. Hp. E. ovata Crtz. un peu H. p.Serapias longipetala Poll. S. Lingua L. Orchis Morio L. O. ustulata L. un peu ps. O. Simia L. X, 0. militaris L. X. O. e Jacq. O. globosa L. O0. mascula L. 0. bifolia L. O0. chlorantha Cust. 0. Conopsea L. O. odoratissima L. O. viridis Crtz. un peu H. 0. al- bida su O. nigra L. Ophrys Scolopax Cav. Hydrocharis Morsus-ranæ L. H. Triglochin palustre L. H. p.-ps. Potamogeton nutans L. A7. P. fluitans Roth. H. P. rufescens Schrad. H. P. lucens L. H. P. perfoliatus L. H. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 299 P. crispus L. A. P. pusillus L. 1. P. densus L. 1. P. pectinatus L. FF. Naïas major Roth. 1. Tous les Lemna L. 4. Arum maculatum L. A. italicum Mill. A. Arisarum L. Acorus Calarmus L. H. p. Typha latifolia L. H. T. an- gustifolia L. H. Sparganium ramosum L. H. Juncus glaucus Ehrh. JL p. J. lamprocarpus Ehrh. ÆH. p.-ps. J. obtusiflorus Ehrh. id. J. compressus Jacq. Æ. ps. J. bufonius L. Æ. p.-ps. Luzula pilosa Willd. L. Korsteri DC. un peu X. EL. campestris DC. Scirpus silvaticus L. Æ. ps.-p. S. compressus Pers. H. p. S. Holoschænus L. #n peu ps.S. lacustris L. H.$. palustris L. H.p.-ps. Garex Davalliana Sm. H. p. G. muricata L. un peu X. C. stricta Good. A. G. acuta EL. H. C. præcox Jacq. X. C. silvatica Huds. CG. depau- perata Good. un peu X.C. flava L. H. p. CG. Mairei Coss. Germ. id. CG. pa- ludosa Good. Æ. C. riparia Curt. H. Leersia oryzoides Soland. 1. Phalaris arundinacea L. 7. Anthoxanthum odoratum L. Crypsis alopecuroides Schrad. H. p.-ps. G. schænoides Lam. id. G. aculeata Aït, id. Phleum pratense L. Alopecurus pratensis L. un peu H. A. agrestis L. A. geniculatus L. un peu H. A. utriculatus Pers. Setaria glauca Beauv. un peu ps. $. viridis Beauv. id. S. verticillata Beauv. id. Gynodon Dactylon Pers. X. ps. Phrag- mites communis Trin. H. Calamagrostis Epigeios Roth. GC. montana DC. Agrostis stolonifera L. #n peu IH. À. Spica-venti Le un peu ps. À. interrupta L. id. Gastridium lendigerum Gaudin un peu ps. Milium effusum L. Aira cæspitosa L. Avena barbata Brot. X. A. fatua L. À. pubescens L. A. ela- tior L. A. flavescens L. Hoïcus lanatus L. Kæleria cristata Pers. un peu X. K. phleoides Pers. Glyceria aquatica Presl. H. p. G. fluitans R. Br. H. G. plicata Fries. Æ. G. spectabilis M. K. A. Poa annua L. P. nemoralis L. P. alpina L. P. bulbosa L. wn peu ps. P. compressa L. id. P. pratensis L. Briza media L. un peu X. Melica nutans L. M. uniflora Retz. Dactylis glomerata L. Cynosurus eristatus. L. G. echinatus L. un peu ps. Festuca rigida Kunth. F, ovina L. X. K. heterophylla Lam. wn peu H. K. silvatica Vill. id. F. arundinacea Schreb. Æ. F. pratensis L. F. gigantea Vill. Bromus sterilis L. un peu X. B. maximus Desf. id. B. madritensis L. id. B. asper L. B. erectus Huds. X. B. secalinus L. B. arvensis L. un peu ps. B. commu- tatus Schrad. B. mollis L. Hordeum murinum L. H. secalinum Schreb. un peu I. Elymus europæus L. Brachypodium silvatieum R. Sch. B. pinnatum Beauv. un peu X. B. ramosum R. Sch. X. Lolium perenne L. L. italieum Br. L.multiflorum Lam. L.temulentum L. Gaudinia fragilis Beauv. un peu ps. Equisetum arvense L. p. E. Telmateia Ehrh. H. p. E. hyemale L. H. Lyco- podium Selago L. wn peu H. L. annotinum L. Botrychium Lunaria Sw. un peu X. Ophioglossum vulgatum L. un peu H. Polypodium Phegopteris L. id. P. Dryopteris L. id. Aspidium Lonchitis Sw. id. À. aculeatum Doell. id. Polystichum Filix-mas Roth. P. spinulosum DC. Cystopteris fragilis Bernh. L. Asplenium Filix-fœmina Bernh. A. Trichomanes L. !. Scolopendrium officinarum Sm. un peu H. 1. Adiantum Capillus-Veneris L. H. 1. 300 €. CONTEJSEAN. VITE. Calcifuges presque indiflérentes, cependant plus nombreuses sur les sols privés de calcaire. Raphanus Raphanistrum L. ps. Erysimum cheiranthoides L. un peu ps. Sisymbrium [rio L. ps. S. Sophia L. id. Nasturtium silvestre R. Br. A. ps. N. amphibium R. Br. id. N. palustre DC. id. Cardamine hirsuta L. Alys- sum incanum L. ps. Thlaspi alpestre L. Rapistrum rugosum AI, ps. Cistus monspeliensis L. X. l. Viola tricolor £. (la plupart de ses nombreuses races). Polygala vulgaris L. Silene conica L. ps. S. gallica L. id. Lychnis vespertina Sibth. un peu ps. L. Viscaria L. Dianthus prolifer L. Stellaria Holostea L. S. nemorum L. 4. Malachium aquaticum Fries A. Linum gal- licum L. L. angustifolium L. Malva moschata L. Geranium phæum L. Ero- dium romanum Willd. Hypericum tetrapterum L. Æ. ex Aquifolium L. Rhamnus Frangula L. un peu H. Spartium junceum L. Genista pilosa L. G. Scorpius DC. Melilotus alba Desr. Trifolium arvense L. ps. T. striatum L. T. elegans Savi H. p. T. procumbens L. ps. T. agrarium L. Lotus uligi- nosus Murr. H. Vicia Cassubica L. Lathyrus Clymenum L. Prunus Padus L. un peu H. Epilobium roseum Schreb. H. Œnothera biennis L. un peu ps.Circæa intermedia Ehrh. un peu A. Isnardia palustris L. H. Myrio- phyllum spicatum L. A. Polycarpum tetraphyllum L. ps. Sedum Rhodiola DC. I. S. elegans Lej. Sempervivum montanum L. X./.S.arachuoideum L. X. L. Saxifraga granulata L. Chrysosplenium alternifolium L. H. Peuce- danum parisiense DC. P. Oreoselinum Mœnch un peu ps. H. Œnanthe fistu- losa L. H. Œ. peucedanifolia Mænch. un peu H. Sium latifolium L. H. Sison Amomum L. un peu IT. Valeriana dioica L. Æ. Scabiosa Suecisa L. A. p. Solidago Virga-aurea L. Senecio viscosus L. ps. S. aquaticus Huds. H. p. S. paludosus L. 1. Tanacetum vulgare L. un peu ps. Anthemis nobilis L. un peu H. p. A. mixta L. A. arvensis L. Inula Pulicaria E. H. ps.-p. Gna- phalium uliginosum L. p.-ps. Gnaphalium dioicum L.un peu ps. Evax pyg- mæa Pers. Cirsium palustre Scop. H. ps.-p. GC. bulbosum DC. Serratula tinctoria L. Tolpis barbata Willd. Rhagadioïus stellatus DC. Scorzonera humilis L. H. p. Crepis paludosa Mœnch. 4. Hieracium boreale Fries. H. umbellatum L. Scolymus bispanicus L. X, Xanthium Strumarium L. un peu ps. X. macrocarpum DC. id. X. spinosum L. id. Phyteuma hemisphæ- ricum L. P. spicatum EL. Campanula patula L. Vaccinium Vitis-idæa L. Pri- mula farinosa L. Æ. p. Androsace carnea L. X. !. Lysimachia nemorum LE. Linum stellatum L. un peu ps. Trientalis europæa L. Erythræa pulchella Horn. un peu H. p. Menyanthes trifoliata L. FH. Anchusa officinalis L. ps. Asperugo procumbens L. un peu ps. Solanum nigrum L.id. Verbascum Blattaria L. un peu H. p. Scrofularia canina L. ps. un peu H. Linaria striata DC. Gratiola officinalis L. A. Veronica serpyllifolia L. un peu H. p. V.triphyllos L. ps. Melampyrum ceristatum L. un peu X. ps. Lavandula INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 301 Stæchas L. Mentha Pulegium L. Æ. ps.-p. Plantago arenaria W. K. ps. Amarantus silvestris Desf. un peu ps. Chenopodium polyspermum L. ps. C. hybridum L. id. C. urbicum L. Rumex palustris Sm. H. Euphorbia stricta L. un peu ps. E. hyberna L. Quercus Toza Bosc. un peu H. Q. Su- ber L. Salix aurita L. H. p.-ps. S. herbacea L. Populus alba L. H. P. ca- nescens 5m. id. Scilla autumnalis L. ps. Serapias cordigera L. Orchis laxiflora Lam. H. O. sambucina L. O. latifohia L. Æ. p.-ps. O. maculata L. un peu H. p. Zannichellia palustris L. H. Naïas minor AIL. id. Sparganium simplex Hud. H. p. Juncus conglomeratus L. H. p.-ps. 3. effusus L. id. J. silvaticus Reich. id. Luzula nivea DC. Schœnus nigricans L. H. ps. Cyperus longus L. A. ps.-p. C. fuscus L. 24. G. flavescens L. id. Cladium Mariscus R. Br. id. Les Eriophorum L. ps. Scirpus setaceus L. À. ps.-p. S. aci- cularis L. H. p. Carex disticha Huds. Æ. p.-ps. C. vulpina L. id. C. panicu- lata L. id. G. paradoxa Willd. id. C. leporina L. id. CG. pallescens L. un peu H. p. G. panicea L. H. OC. Œderi Retz. Æ. p.-ps. C. biformis Schulz id. G. ampullacea Good. H. C. vesicaria L. àd. C. hirta L. id. Alopecurus bul- bosus L. Cenchrus racemosus L. ps. Panicum Crus-galli L. id. P.sanguinale L. id. Sorghum alepense Pers. id. Agrostis vulgaris With. Aiïra multi- culmis Dum. w#n peu ps. Poa fertilis Host. un peu H. Eragrostis megasta- chya Link. ps. E. pilosa Beauv. id. Briza minor L. un peu ps. Molinia cærulea Mœnch. H. Festuca rubra L. un peu ps. Bromus tectorum L. ps. Ægilops ovata L. id. Equisetum silvatieum L. un peu H. KE. palustre L. H. E. limosum L. 24. Lycopodium elavatum L.un peu H. Polypodium vulgare L. un peu H. 1. Asplenium Adiantum-nigrum L. Blechnum Spicant Roth. H. ps. IX. Calcifuges plus exclusives, pouvant se propager sur les terrains où la présence du calcaire est décelée par les acides, mais alors plus rares et souvent moins vigoureuses que sur les sols privés de calcaire. Ranunculus tripartitus DC. H. p. R. Philonotis Ehrh. R. sceleratus L. H. Sinapis Cheiranthus K. ps. Barbarea præcox R. Br. Cistus salvifolius L. X. ps. Helianthemum umbellatum L. H. guttatum Mill. ps. Gypsophila mu- ralis L. id. Dianthus Armeria L. D. superbus L. H. Silene Armeria L. Sa- gina apetala L. ps.-p. Arenaria rubra L.ps. Stellaria uliginosa Murr. Æ. ps. Spergula arvensis L. ps. Hypericum humifusum L. ps.-p. H. pulchrum L. id. Oxalis corniculata L. ps. Genistagermaniea L. Lupinus reticulatus Desv. ps. Trifolium subterraneum L. Lotus tenuifolius Rechb. JL. p. Vicia lathy- roides L. Comarum palustre L. H. ps. Agrimonia odorata Mill. un peu H. Sanguisorba officinalis L. H. Epilobium palustre L. H. E. virgatum Fries. H. Trapa natans L. A. Lythrum Hyssopifolia L. H. p.-ps. L. bibracteatum Salzm. id. Herniaria hirsuta L. ps. Cotyledon Umbilicus L. X. 4. Chryso- splenium oppositifolium L. JT. Peucedauuru palustre Mœnch. 4. Meum Atha- 902 €. CONTEJEAN. mantieum Jaeq. Œnanthe pimpinelloides L. Œ. Lachenalii Gm. À. Galium vernumScop. G. boreale L. #.G. uliginosum L. H. Doronieum plantagineum L. D. austriacum Jacq. Arnica montana L. Senecio silvaticus L. ps. Gna- phalium Juteo-album L. p.-ps. Filago germanica L. un peu ps. F. gallica L. id. Centaurea nigra L. Thrincia hirta Roth. ps.-p. Leontodon pyrenaicus Gouan. Andryala sinuata L. wn peu ps. Jasione montana L. id. Phyteuma nigrum Sim. Vaccinium Myrtillus L. un peu H. Krica arborea L. Pirola umbellata L. un peu ps. Pinguicula vulgaris L. 1. p. Tous les Utricularia L. A, Centunculus minimus L. H.p. Samolus Valerandi L. H. p.-ps. Ana- gallis tenella L. id. Gentiana Pneumonanthe L. H. Swertia perennis L. A. ps. Myosotis versicolor Pers. ps. Anarrhinum bellidifolium Desf. un peu X. Anûürrhinum Orontium L. ps. Linaria Pelliceriana DG. id. Veronica scu- tellata L. Æ. V. verna L. ps. Digitalis purpurea L. un peu l.-ps. Pedicularis palustris L. H, P. silvatica L. un peu H. P. Sceptrum-Carolinum L. 4. ps. Stachys arvensis L. ps. Rumex maritimus L. #.p. R. Hydrolapathum Huds. Æ#. p.-ps. À. Acetosella L. X. ps. Polygonum Fagopyrum L. un peu ps. P. tataricum L. id. P. minus Huds. Euphorbia angulata Jacq. Betula alba L. B. pubescens Ehrh. . Myrica Gale L. H. ps. Pinus silvestris L. ps. Alisma ranuneculoides L. Æ. À. Damasonium L. H. Asphodelus albus L. un peu ps. lris sibirica L. JF. Spiranthes æstivalis Rich. Æ. Potamogeton gramineus L. èd. P, acutifolius Link. 44. P. obtusifolius M. K. td. P. oblon- gus Viv. id. P. trichoides Cham. id. Calla palustris L. H. p.-ps. Sparga- nium patans L. H. Juncus pygmæus Thuil. Æ. p. J. capitatus Weig. ps. Luzula silvatica Gaud. L. albida DC. LE, multiflora Lej. Scirpus fluitans L. H. p.S. mulücaulis Sm. . ps.-p. Rhynchospora alba Vabl. A. ps. Garex pulicaris L. H. ps. G. fœtida AU. Æ. C. Schreberi Schrk ps. C. brizoides L. p.-ps. C. teretiuscula Good. 77. C. maxima Scop. H. p.-ps. CG. polyrhiza Wallr. C. frigida AI. CG. pseudo-Gyperus L, ÆH. C. filiformis L. 4. Cha- magrostis minima Borkh. ps. Alopecurus fulvus Sm. A. p. Agroslis ca- nina L, A. Aïra canescens L. X. ps. Holcus mollis L. un peu ps. Poa sudetica Hæencke. Vulpia pseudo-Myuros Soy, W. ps. Secale cereale L. Polystichum Oreopteris DC. un peu H. P. Thelypteris Roth. AH. Pteris aquilina. L. X. Calcifuges exclusives où presque exclusives, ne se rencontrant jamais qu'accidentellement, et sans S'y propager, et ne pouvantôtre cultivées, pour la plupart, sur les terrains qui renferment assez de calcaire pour produire à froid une effervescence avec les acides. Ranuneulus hederaceus L. H, R. nodiflorus L. Æ. Corydalis claviculata DC. HE. 1. Nasturtium pyrenaieum R. Br. ps. Teesdalia nudicaulis R. Br. ps. T. Lepidium DC. 24. Lepidium heterophyllum Benth. ps.-p. Viola palustris L. A, ps. V. pratensis M. K. un pou ps. Asterocarpus Clusii Gay. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 303 X. ps. Tous les Drosera L. FH. ps. Polygala depressa Wendr. un peu ps. Silene rupestris L. X. {. Sagina subulata Wimm. ps. Mœnchia erecta K. Elatine hexandra DC. Æ. p. &. Alsinastrum L. id. Linum Radiola L. p.-ps. Geranium palustre L. Æ. Hypericum Elodes L. . p.-ps. Ulex europæus L. Ü. nanus Sm. un peu H.p. U. provincialis Lois. Sarothamnus scoparius K. un peu ps. Genista purgans DC. G. anglica L. Adenocarpus complica- tus Gay. Trifolium spadiceum L. Grobus tuberosus L. Ornithopus ebra- cteatus Brot. ps. O. compressus L. id. O. perpusillus L. id. Potentilla argentea L. Myriophyllum alterniflorum DC. Æ. Peplis Portula L. Æ. p. Mon- tia rivularis Gm. H.M. minor Gm. ps. Hlecebrum verlicillatum L. un peu H. ps. Corrigiola littoralis L. ps. Seleranthus perennis L, ps.-{. Tillæa mus- cosa L. ps. Bulliardia Vaillant DC. A. ps. Sedum annuum L. {.-ps.S. vil- losum L. S. pentandrum Bor. Saxifraga stellaris L. Æ. S. Hirculus £. H. ps. Selinum Carvifolium L. un peu H. ps. Œnanthe crocata L. H. Carum verticilatum K. Æ. p.-ps. Bunium denudatum DC. ps. Helosciadium inun- datum K, #, Cicuta virosa L. H. ps. Hydrocotyle vulgaris L. H. ps. Ga- lium saxatile L. Valeriana tripteris L. un peu H. Senecio Adonidifolius Lois. Helichrysum arenarium DG. ps. Filago arvensis L. un peu ps. F. minima Fries id. Cirsium anglieum Lob. H. p. Arnoseris pusilla Gaertn. ps. Hypochæris glabra L. id. Sonchus Plumieri L. un peu H. Lo- belia urens L. p.-ps. Jasione perennis Lam. Campanula hederacea L. FH. Vaccinium uliginosum L. H. ps. V. Oxycoccos L. id. Andromeda calyeu- lata L. id. À. polifolia L. id. Ledum palustre L. id. Calluna vulgaris Salish. Erica vagans L. E. ciliaris L. un peu I. E. Tetralix L. id. E. cinerea L. E. scoparia L. Lysimachia thyrsiflora L. H. p. Cicendia filiformis Del. H. p.-ps. G. pusilla Grisb. id. Lindernia pyxidaria AI H. p.-ps. Veronica acinifolia L. p.-ps. Limosella aquatica L. H. p. Galeopsis ochroleuca Lam. Seutellaria minor L. F.p. Littorella lacustris L. Æ. ps. Empetrum nigrum L. un peu H. Castanea vulgaris Lam. Alisma natans L. H. Anthericum ossi- fragum L. 4. Juncus supinus Mœnch. H. ps.-p. J. squarrosus L. H. ps. J. Tenageia L. f. H. p.-ps. Luzula spadicea DC. Scirpus cæspitosus L. H. ps. S. ovatus Roth. H. p.-ps. Garex dioica L. H. ps. C. pauciflora Lightf. id. C. chordorhiza Ehrh. id. CG. Heleonastes Ehrh. id. C. elongata L. rd. C. canescens L. id. G. remota L. p.-ps. G. eyperoides L. id. C. limosa L. H. ps.-p. G. pilulifera L. ps.-p. Anthoxanthum Puellii Lec. Lam. ps. Aira caryophyllea L. id. À. præcox L. id. À. flexuosa L. Triodia decumbens Beauv. H. ps.-p. Vulpia sciuroides Gm. ps. Nardurus Lachenalii Godr. ps. Nardus stricta L. ps.-p. Pilularia globulifera L. A. Isoetes lacustris L. 1. L. tenuissima Bor. 4. Lycopodium inundatum L. #. ps. L. complanatum L. Osmunda regalis L. Asplenium lanceolatum Huds. {. À. septentrionale Sm. X. 1. À. Breynii Retz. td. 904 C. CONTEJEAN. ç 9. RÉSUMÉ. Dans lintérèt du lecteur comme dans celui de l’auteur, je résumerai de la manière suivante la doctrine exposée dans mes deux mémoires. 1. La distribution naturelle des végétaux à la surface du globe dépend surtout de la température (1), du terrain et de la station. 2. Les principaux facteurs de la température sont la latitude et l'altitude. Sur tout le globe et à tous les niveaux, les plantes dessinent des zones climatériques correspondant généralement aux isothermes. 3. Le terrain agit en raison de sa composition chimique et de son état physique, quelle que soit d’ailleurs sa nature géo- logique. 4. L'influence chimique l'emporte sur l'influence physique. 9. La première à pour causes certains minéraux solubles que renferme le sol, et, en particulier, le chlorure de sodium et le carbonate de chaux. 6. La soude et la chaux attirent certaines plantes auxquelles elles sont nécessaires; elles en repoussent d'autres auxquelles elles sont nuisibles, et qui ne trouvent de refuge que dans les nulieux privés de soude et de calcaire. 7. [ya donc une fore maritime, fixée par le chlorure de sodium, et une flore lerrestre, repoussée par la même sub- stance. Cette dernière flore se compose : de plantes calcicoles, fixées par le carbonate de chaux, de calcifuges, repoussées par cette substance; et d’indifférentes, qui ne sont ni attirées ni (1) Considérant les faits de dispersion à un point de vue très-général, je ne mentionne pas ici les autres circonstances du climat; notamment les écarts extrêmes de la température, l'étendue de la période de végétation, le régime des pluies, et beaucoup d’autres particularités qui exercent une grande influence sur l'emplacement et la délimitation de l'aire occupée par chaque espèce à la surface du globe. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 305 repoussées par lé calcaire, et qui végètent dans toute espèce de milieu non salé. 8. L'influence chimique du terrain s'étend également à toutes les familles végétales. 9. Les plantes de la flore maritime sont disposées par zones parallèles le long des rivages et des affleurements salins. 10. Ces zones indiquent à peu près la proportion de sel con- tenue dans le sol; cette proportion est d'autant plus forte qu'on se rapproche davantage de la mer, en sorte que les plantes se montrent, en général, d'autant plus exclusives qu’elles habitent une zone plus voisime du rivage. 11. Au fur et à mesure que le terrain se dessale dans linté- rieur du pays, la flore maritime se confond avec la flore ter- restre, de façon qu'il n'existe point de démareation bien tran- chée entre l’une et l’autre. 12. Néanmoims, abstraction faite de la lisière de con- tact, la flore maritime n’empiète pas sur la flore terrestre, et celle-ci n’envahit pas le domaine de la première. 13. La répulsion exercée par le chlorure de sodium sur les plantes terrestres est plus grande que Patiraction qu il peut exercer sur les plantes maritimes. 14. Son influence est plus générale que celle du calcaire, puisqu'elle se manifeste sur les neuf dixièmes au moins des végétaux d’une contrée, tandis que l'influence du calcaire se remarque à peine sur la moitié des espèces terrestres. 15. Néanmoins la répulsion exercée par le carbonate de chaux sur les calcifuges, est aussi forte que celle du chlorure de sodium sur la flore terrestre 16. Le calcaire repousse les calcifuges plus énergiquement qu'il n’attire les calcicoles. 17. Les plantes de la flore terrestre ne sont point disposées par zones à la surface des continents : presque toujours la roche calcaire rencontre immédiatement une autre roche privée de chaux, et le contraste entre les flores est brusque et sans tran- sition. 18. Dans plusieurs circonstances, il semble que les calci- 6° série, Bot. T. IF (Cahier n° 5). # 20 306 ©. CONTEJEAN. fuges qui se sont développées dans un milieu privé de calcaire s’accommodent ensuite d’une certaine quantité de chaux, lors- qu’elles ont acquis de la vigueur. On peut les comparer aux plantes exotiques délicates, qu'il faut avant tout préserver du froid. 49. En résumt, il existe une grande resser.blance eutre l’action de la chaux et de la soude : les deux bases fixent cha- eune des plantes particulières; elles en x poussent d’autres ; leur force d'attraction est moindre que leur force de répulsion. ILest probable que les plantes maritimes et les calcicoles se con- tentent d’une quantité de soude et de chaux insuffisante pour repousser les plantes terrestres et les calcifuges. Enfin, les cal- eicoles sont moins nombreuses que les calcifuges, de même que les plantes maritimes sont moins nombreuses que les plantes terrestres. 90. On ne sait pas exactement de quelle manière s'exerce l'action chimique de la soude. 94. On ne sait pas beaucoup mieux pourquoi la chaux re- pousse les calcifuges : tout ce qu'on peut affirmer, c’est qu’elle leur nuit en entravant la production de la chlorophylle. 29. Rien ne prouve que la silice exerce la moindre influence chimique : jusqu'à plus ample informé, on doit la considérer comme un milieu neutre et inerte, servant de refuge aux plantes expulsées par la chaux. 93. Quoique la potasse soit indispensable aux plantes terres- tres, el sans doute aussi aux plantes maritimes, elle ne paraii exercer aucune influence appréciable sur leur dispersion spon- tanée, attendu qu’elle n'existe, à l'état assinilable, qu'en quan- tité extrêmement petite, qui est à peu près la mème dans tous les sols. 2%. On ne peut admettre davantage qu’elle fixe la flore ter- restre, comme la soude fixe la flore maritime, puisqu'elle se trouve également dans les terrains salés du littoral. C'est donc bien le chlorure de sodium qui repousse la première. 95. La magnésie ne parait exercer aucune action par elle- mème. INFLUENCE DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION. 307 26. Les oxydes de fer paraissent également inertes, quoique leur base joue un rèle physiologique important. 27. Absolument essentiels au point de vue de la vie végé- tale, l'azote et le phosphore ne paraissent agir que comme amendements, augmentant la vigueur des individus de toutes les catégories. 28. L’aroile n’exerce aucune action chimique ; son imfluence est purement physique. 29. Encore peu connue, l'action possible du gypse, au point de vue de la dispersion des espèces, ne se distingue sans doute pas de celle du calcaire 30. L'influence physique du terrain dépend essentiellement du mode de désagrégation des roches; d’où résultent les diffé- rences que présente le sol sous le rapport de la sécheresse ou de l'humidité, de la profondeur, de la mobilité, de la ténacité, de la perméabilité, etc. 31. Eu égard à cette influence, on divise les plantes en xéro- philes, ou amies de la sécheresse, et en Aygrophiles, où amies de l'humidité. Les premières occupent généralement les terrains secs, perméables en grand et peu profonds ; les secondes, les terrains humides, meubles et profonds. Les unes et les autres sont appelées lithiques, péliques où psammiques, selon qu’elles habitent les rochers, l'argile où le sable. Absolument insen- sibles à l'influence physique du terrain, un grand nombre d’es- pèces peuvent être qualifiées d’endifférentes, de même qu’il y a des indifférentes à l'influence chimique. 392. Dans la flore maritime comme dans la flore terrestre, et parmi les calcicoles, les calcifuges et les indifférentes au point de vue chimique, on disungue des xérophiles, des hygrophiles et des indifiérentes au point de vue physique. 33. La station est la résultante d'éléments fort variés, tous d'ordre physique, tels que fraicheur ou insolation, obscurité ou lumière, sécheresse ou humidité de l'air, abri contre le vent, la pluie, etc. Son mfluence ne vient qu’en dernier ordre. M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET ESQUISSE BIOGRAPHIQUE Par R£. Ed. BORNET. Le 10 mai 1875 mourait à Nice, à l’âge de cinquante-huit ans, un homme de bien, un savant éminent, dont la perte n’est pas seulement déplorée dans un cercle restreint de parents et d'amis, mais qu'ont ressentie également tous ceux qui, dans le monde entier, s'intéressent à la sciénce des végétaux. M. Thuret avait quitté sa résidence d'Antibes quelques heures auparavant, dans un bon état de santé apparente. Saisi, dans l'après-midi, d’un malaise soudain, il s’est éteint brusquement, au moment où les soins qui hui étaient prodigués faisaient espérer que cette subite indisposition avait entièrement disparu. Lié avec M. Gustave Thuret de la plus étroite amitié, com- pagnon inséparable de sa vie pendant vingt-trois années, ayant reçu de sa confiance la mission de publier et de continuer ses recherches, j'ai le devoir de tracer une esquisse de la vie et des travaux d'un maitre dont lexistence à été si bien remplie. Heureux si la notice suivante rappelait aux siens et à ses amis les principaux traits de celui qu'ils ont perdu, et faisait naître chez ceux dont il n’est connu que par ses œuvres quelque chose des sentiments d'affection et de respect que son caractère inspi- rait à tous ceux qui étaient en rapport avec lui. I M. Gustave-Adolphe Thuret appartient à une famille pro- testante française, qui se réfugia en Hollande lors de la révo- cation de l’édit de Nantes. Dans cette nouvelle patrie, la pro- nonciation primitive du nom de famille éprouva une légère M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 309 modification. Le # final se fit sentir comme si le mot eût été écrit Thurett, et c’est ainsi qu'il se prononce encore. Gustave Thuret naquit à Paris le 23 mai 1817, jour anni- versaire de la naissance de Linné. Il était le troisième fils d'Fsaac Thuret, consul général des Pays-Bas en France. Des cinq enfants qu'eut son père, il fut le seul dont les goûts se portèrent vers les sciences naturelles. Sa mère, M°"° Jacoba Henrietta van der Paedevoort, créole hollandaise élevée en Angleterre, est restée, dans le souvenir de ceux qui la con- nurent, comme un type achevé de bonté, de grâce et de dis- tinction. M"°Thuret inspira une vive affection à ses enfants, et exerça sur eux une influence profonde et durable. Bien des années après qu'ils eurent perdu leur mère, la vivacité de leurs sentiments pour elle ne s’était point affaiblies ils aimaient à rap- peler ses goûts, ses opinions, ses jugements, et s’en faisaient une sorte de règle pour motiver et diriger les leurs. C’est sous la surveillance immédiate de sa mère, dans la maison pater- nelle, que le jeune Gustave reçut son éducation première et fit ses études classiques. Celles-ci furent dirigées par M. Froment, qui, après avoir été un précepteur aussi habile que “ours est resté l’ami de l’élève confié à ses soins. Les parents de M. Gustave Thuret habitaient tantôt Paris, tantôt la campagne, à Rentilly, près de Lagny ( Sétnetet Marne)! Leur maison, une des premières où se rémtroduisirent lélé- gance et le confort, qui avaient presque entièrement disparu de la France pendant la Révolution, fut longtemps fréquentée par une foule d'hommes distingués dans Padministration, la poli- tique et les arts. M. G. Thuret grandit dans ce milieu, et il en conserva un vif souvenir. La fréquentation de ces esprits d'élite ne fut pas sans influence sur sa jeune intelligence. Cest sans doute alors qu'il acquit l'habitude d'apprécier les hommes et les choses en se plaçant toujours à un point de vue élevé, dégagé d’étroitesse et de parti pris. Reçu bachelier ès lettres en 1835, il suivit ensuite les cours de l’École de droit, et obtint, en 1838, le diplôme de licencié. Pendant la durée de ses études il fit, avec sa famille, diverses 310 HD. HORBNEX. excursions en Suisse, en Jtalie, en Allemagne, en Hollande. et voyagea seul pendant quatre mois, de juillet à novembre 4835, dans les iles Britanniques, dont il visita tous les comtés. M. Thuret parlait alors l'anglais avec une grande facilité. C'était la langue qu'il avait apprise la première, et dont il se servait avec sa mère. Î] était déjà assez grand quand le français lui fut enseigné et devint sa langue usuelle. Plus tard il étudia l’alle- mand ; mais, quoiqu'il le lüt aisément, il n’était en état ni de le parler, ni de l'écrire. Les classiques et le droit n’absorbèrent pas tellement son temps qu'il ne lui en restât assez pour s'occuper de musique avec ardeur. Pendant plusieurs années il en fit une étude sé- rieuse sous la direction de Zimmermann. La musique le conduisit à l’histoire naturelle. Il s'était lié à Paris avec un jeune homme de son âge, mélomane comme lui, M. Alexandre de Villers. Pendant l'hiver, les deux amis allaient ensemble au Conservatoire, à l'Opéra italien, et jouaient à quatre mains les symphonies de Beethoven et les composi- tions de Schubert. L'été venu, on se séparait, mais non sans que M. de Villers fût invité à venir passer quelques jours à la campagne. En 1837, M. de Villers, qui s’intéressait à Ia botanique, eut Pidée d'aller à Rentilly en herborisant. HE fit la route à pied, ramassant en chemin les plantes qu’il n'avait point encore récoltées. La boite verte et Paccoutrement du botaniste excitèrent le rire et la curiosité de M. Thuret, qui voulut savoir à quoi s’amusait son ami. Celui-ci vida sa boite, et, tirant de sa poche la Flore parisienne de Bautier, se mit à analyser les fleurs d’une plante grimpante qu’il venait de prendre sur des buissons poudreux près de Torey. De question en question il arriva au nom de Bryonia. Ce fut là le point de départ. M. Thuret voulut aussi déterminer des plantes. On alla chaque jour cueillir tout ce qui était en fleur, soit dans le pare de Rentilly, soit dans la forêt d'Armainvilliers, et bientôt M. Thuret fut aussi habile que son maitre. L'année suivante, M. de Villers fit plusieurs séjours à Ren- tlly, et lon reprit les herborisations. La Flore française de De M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 311 Candolle était venue s'ajouter à la Flore de Bautier. Mais, malgr ce supplément de ressources, et en dépit des longues discussions que soulevait chaque question un peu difficile, on n’arrivait pas toujours à une détermination satisfaisante. Alors M. de Villers soumettait les échantillons douteux à M. Decaisne, qu'il avait connu aux herborisations de M. de Jussieu. Parfois on avait la satisfaction d’avoir trouvé juste, mais plus souvent encore on avait fait fausse route, faute d’une connaissance suffisante de l’organographie et de la terminologie végétales. Voulant obtenir des résultats plus complets et plus réguliers, M. Thuret, revenu à Paris à l'entrée de l'hiver, pria M. Decaisne de fui donner des leçons de botanique. Le disciple était digne du maître ; au bout de quelques mois il fut en état de travailler seul. M. Decaisne S’occupait alors de ses recherches sur la classification des Algues, et il en entretenait son élève. Justement convaincu que la con- naissance approfondie de la fructification pouvait seule fournir les bases d’une classification de ces plantes, il lui montrait combien les données que l’on possédait alors étaient imsuffi- santes, combien il restait de lacunes à combler, de questions à résoudre. La semence tombait sur un terrain qui devait rendre au centuple ce qui lui était confié. Les progrès de M. Thuret furent rapides; bientôt 11 eut la réputation d'homme sérieux et de travailleur, et se vit accueilli avec empressement par M. A. de Jussieu, M. Ad. Brongniart, le docteur Léveillé, qui Pencourageaient et le poussaient vers l’étude approfondie de la botanique. Des lettres de cette époque montrent combien était _ grand Pintérèt excité par ce jeune homme que sa position semblait destiner à une vie mondaine, peut-être désœuvrée et inutile ; on lui savait gré de ses goûts laborieux, on s’entre- tenait de son avenir, et l’on se disait parfois que si le temps des Réaumur, des Duhamel, des Lavoisier était passé, il ne l'était peut-être pas sans retour. Après avoir suivi en 1839 les herborisations dirigées par M. À. de Jussieu, M. Thuret fit un premier voyage à Constan- tinople, pendant l'hiver de 1839 à 1840. Il accompagnait l’am- bassadeur de France, M. de Pontois, ami particulier de sa 312 ED. BORNE, famille, qui avait pour lui une très-vive affection. La saison n'était pas favorable à la récolte des plantes; néanmoins la botanique ne fut pas tout à fait négligée, et M. Thuret rapporta de son voyage quelques Algues du Bosphore. L'année 1840, qu'il passa à Lyon avec sa famille, fut très- activement a Il herborisa avec MM. Jordan, Seringe et Timeroy; fit de la géologie avec M. Fournet, de la peinture avec Saint-Jean, et inaugura la série de ses recherches micro- scopiques par la découverte des organes locomoteurs des anthé- rozoides des Char«. Le mémoire où ce fait est annoncé n’a que quelques pages; le fait en lui-même n'a pas une très-grande importance et n’a plus maintenant l'attrait de la nouveauté ; mais, comme cette observation à ouvert le chemin et marqué la direction que M. Thuret devait suivre dans ses recherches ultérieures, j’in- diquerai brièvement l’état de la question au moment où 1l s'en est occupé. D'admirables travaux exécutés par Hedwig à la fin du siècle dermer avaient définitivement établi que les Mousses, les Hépa- tiques et les Chara possèdent, de mème que les végétaux supé- rieurs, deux sortes d'organes servant à la fructification : les uns qui se changent en fruits ; les autres (anthères, anthéridies) qui n’ont qu'une courte durée, se flétrissent au bout de quelque temps et disparaissent sans s’accroitre. De ces derniers organes Hedwig avait vu sortir un sue visqueux qui diffluait peu à peu dans l'eau où il s'était épanché. Moins heureux que son pré- curseur Schmidel, il n'avait point observé que le contenu de Panthère, quand on l’examine dans de bonnes conditions de maturité, se disperse activement, comme le ferait une nuée d'Infusoires. L’eût-il aperçu, du reste, l'insuffisance des instru- ments d'optique de son époque ne He aurai pas permis d'en déterminer la cause. Ce motif fit que Nees d’Esenbeck, et après lui Bischoff, ne réussirent pas, un quart de siècle plus tard, à distinguer exactement la forme des innombrables corpuscules qu'ils voyaient fourmiller dans le liquide sorti des anthères des Sphaguum et des Chara. Ce fut seulement vers le temps où | M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. : “348 Bischoff écrivait, c’est-à-dire aux environs de 1830, que les mi- croscopes commencèrent à acquérir une puissance et des qua- _lités suffisantes pour que lPon pût aborder et élucider une foule de détails que les naturalistes n'avaient fait qu’entrevoir Jusqu'a- lors. Parmi les conquêtes qui signalèrent ce perfectionnement, la connaissance du fait curieux qu’il existe chez certaines plantes des êtres ayant la plus grande analogie avec les animalcules spermatiques des animaux, n’est pas assurément une des moins remarquables. La découverte fut faite en 183% par F. Unger, en Allemagne, et par G. Varley, en Angleterre. Le premier vit sortir de l’anthère müre d’un Sphagnum des corpuscules mo- biles, roulés en spire lâche, qui nageaient dans l’eau avec viva- cité. De son côté, Varley constata que les animalcules du Chara sont formés d'une spire rigide, dont l'extrémité antérieure semble fouetter le liquide ambiant, et qu'à beaucoup d’entre eux est fixé un long filament presque invisible, qui se montre agité d’un mouvement ondulatoire rapide. Peu de chose restait à faire pour que l’on connût d’une manière définitive la structure de ces pelits corps; mais le dernier pas ne fut franchi ni par Unger, ni par Meyen, qui publièrent tous deux des recherches sur ce set en 1838, et qui ne réussirent même pas à faire aussi nettement que l'observateur anglais la distinction du corps et de l’appendice flagelliforme. Vint alors M. Thuret, qui donna, pour les Chara, une description exacte de ces animaleules. Il reconnut qu'ils sont composés d’un corps filiforme roulé en tire- bouchon, formant de trois à cinq tours de spire, et qu'un peu en arrière de l’extrémité antérieure de la spire partent deux soies d’une ténuité excessive que l’animalcule agite sans cesse avec une grande rapidité. Ge fut lui encore qui, trois ans plus tard, enseigna que les anthérozoïdes des Mousses et des Hépa- tiques présentent le même type que ceux des Chara, et sont également pourvus de deux cils locomoteurs. Au mois d'octobre 1840, il retourna à Constantinople, en qualité d’attaché à l'ambassade de France. Pendant ses loisirs il visita les environs de Constantinople, Brousse, le mont Olympe, ete, et fit une collection de plantes, parmi lesquelles 314 ED ORNE. M. Boissier reconnut quelques espèces nouvelles. Deux de ces nouveautés, le Fumaria Thureti et un Iris voisin du graminea, furent dédiées à celui qui les avait découvertes. Ayant obtenu un congé à l’expiration de sa première année de séjour à Constantinople, il partit le 15 octobre 1841, avec son collègue et ami, le comte Aymard de Beauvoir, afin de visiter la Syrie et l'Égypte. L'excursion en Syrie n'était pas alors aussi facile qu’elle l'est à présent. Malgré des difficultés assez sérieuses qui n'étaient point faites pour arrèter des jeunes gens de vingt-quatre ans, on réussit à parcourir à souhait cette terre si riche en souvenirs. Jusque dans ses dernières années, M. Thuret aimait à raconter les impressions et les mcidents d'un voyage qu'il ne fit pourtant pas jusqu’au bout dans de bonnes conditions de santé. L'inséeurité d’un passage à franchir avait contraint les voyageurs à se séparer de ieur bagage et de leur tente. Quelques nuits passées en plein air lui donnèrent une fièvre intermittente tenace, dont il ne fut délivré qu'après s'être embarqué pour gagner l'Égypte. À Thèbes, il tomba de nouveau gravement malade. Ses compagnons de voyage le ra- menaient au Caire dans un état qui faisait craindre pour sa vie, lorsqu'ils rencontrèrent un médecin anglais, dont l'intervention opportune réussit à écarter tout danger. Mais M. Thuret état bien faible pour aller immédiatement reprendre son poste à l'ambassade, et, comme on pouvait déjà prévoir que M. de Pon- tois, à qui les graves événements qui venaient de se passer en Orient avaient fait une situation difficile, ne tarderait pas à être rappelé, # se décida à revenir en France. Il eut alors le désir d’entrer au Conseil d’État, et fit quelques tentatives pour être nommé auditeur. Ses démarches demeu- rèrent heureusement sans succès. Nul doute qu'il n’eût porté au Conseil d'État ses qualités natives d'intelligence, de justesse d'esprit et de persévérance au travail; mais il n’est pas égale- ment certain qu'il eût fourni une carrière aussi féconde en ré- sultats que celle qu'il a parcourue dans fa science. Nous pouvons mesurer, par ce qu'il à fait, combien il serait regrettable qu'il eûùt suivi une autre voie. M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 315 Fixé désormais dans la maison paternelle pour un témps indéterminé, 11 imstalla à Renülly un laboratoire pour les obser- vations microscopiques, et choisit pour principal objet de ses études les Champignons et les Algues. On savait depuis longtemps qu’il existe chez certaines Algues des spores douées de mouvement spontané, et que ces zoospores, ainsi qu’on les a nommées depuis, après s'être échappées de la cellule où elles ont pris naissance, vaguent un certain temps dans l’eau, se fixent, serment, et donnent une nouvelle plante semblable à celle qui les a produites. On savait en outre que Les zoospores ont une forme ovoide ou turbinée, et que l’extrémité amincie, le rostre, dépourvue de matière colorante, est dirigée en avant pendant la course ; mais on n'avait pu reconnaitre par quel moyen ces spores nagent dans le liquide. La découverte des cils moteurs des anthérozoïdes des Chara, que M. Thuret avait faite deux ans auparavant, le conduisit naturellement à chercher si les zoospores n'avaient point des organes locomo- teurs de même nature. Un petit ruisseau qui traversait le pare de Renülly lui fournit des matériaux d'étude, etil eut la satis- faction d'observer, pendant hiver de 1849-43, les zoospores de plusieurs espèces de Conferves, et de reconnaitre qu'elles sont en effet pourvues de cils moteurs. E vit que le nombre et la dis- position des cils varie dans les différents genres. Tantôt le rostre porte seulement deux ou quatre cils; tantôt il en porte une cou- ronne complète; tantôt enfin la zoospore est entièrement revêtue cle cils assez courts, dont la vibration détermine le mouvement en avant, comme cela a lieu pour les Vaucheria. Ue n’est pas lui, toutefois, qui signala là premier ces organes dans les Vaucheria; il avait été précédé par Unger. Mais on lut doit d’avoir appelé l’attention sur les curieux phénomènes d’écarte- ment et de rapprochement de la chlorophylle, qui préparent la formation de la cloison par laquelle le sporange se sépare du reste du filament. I fut aussi le premier à faire connaitre Ja propriété que possède le protoplasma des Vaucheria de eica- triser ses blessures. « Quand un des filaments a subi des lésions à plusieurs places, on voit la matière verte se cerner peu à-peu 316 ED. BORNET. entre chacun des endroits lésés, et le filament se diviser ainsi en plusieurs petits fragments qui forment autant d'individus distincts. » Le protoplasma dont est formée la zoospore a la même faculté. « Quelquefois la spore se coupe en deux au moment de la sortie, et donne ainsi naissance à deux spores plus petites que les autres et susceptibles de germer comme elles. » Saisissant immédiatement l’importance que les zoospores devaient avoir pour la distribution systématique des Algues, M. Thuret se fit, pendant plusieurs années, une sorte de spé- cialité de leur recherche. Il reconnut que « la reproduction des Algues par le moyen de zoospores est un phénomène beaucoup plus général qu’on ne l'avait cru jusqu'alors. Loin d’être borné à un groupe d’Algues inférieures, ce phénomène se retrouve dans un grand nombre d’Algues Olivacées, c’est-à-dire dans des plantes beaucoup plus élevées en organisation, et dont quelques-unes (les Laminarites) ne sont guère moins remar- quables par la complication de leur structure que par leurs dimensions gigantesques » (G. Thuret). On ne le rencontre pas, au contraire, dans toutes les Algues inférieures qu'on mettait, avant lui, parmi les Zoosporées, ni dans un assez grand nombre d’Algues marines qu’on rangeait parmi les Olivacées. Les Nostocs, par exemple, dont M. Thuret décrivit en 1844 le mode de reproduction, n’ont point de zoospores. Ces plantes se composent de filaments en chapelet logés dans une masse mucilagmeuse. Les grains du chapelet sont d’un vert bleuâtre. De distance en distance sont intercalés des globules plus volu- mineux et de teinte plus claire. Lorsque la plante est parvenue à tout son développement, la pellicule extérieure se crève et laisse échapper la gelée verte qui se compose de mucilage et de chapelets. Ceux-ci se répandent dans l’eau d'autant plus facile- ment, qu'ils sont doués, à cette époque, d’un mouvement de reptation lent, mais bien sensible ; puis ils se divisent en nom- breux fragments qui deviennent immobiles, grossissent, s’en- tourent d’une gaine mucilagineuse transparente, et forment chacun un nouveau Nostoc. Quant aux globules clairs, auxquels M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 317 on avait attribué les fonctions d’organes reproducteurs, ils se décomposent-avec le mucilage. Pendant bien des années, cette observation fut la seule donnée précise que l’on eût sur la ma- nière dont se reproduisent les Algues du groupe nombreux auquel le genre Nostoc appartient. C’est également en 1844 que MM. Decaisne et Thuret étu- dièrent les anthérozoïdes et les spores des Fucus. Les auteurs précédents avaient trouvé et décrit, dans les conceptacles de ces plantes, deux sortes de corps reproducteurs : de grosses spores brunes, et des organes bien distincts de ces spores, que De la Pylaie avait désignés sous le nom de #icrophytes. Pour les algo- logues les plus récents et les plus autorisés, ces microphytes constituaient un second mode de reproduction, une double forme de fructification, comme il s’en rencontre dans les Algues du groupe des Floridées. L'examen répété des Fucus que l’on apporte sur le marché de Paris avait conduit M. Thuret à penser que les microphytes étaient bien plus vraisemblablement des anthéridies analogues à celles des Mousses et des Chara. L’ex- trème petitesse des corpuscules mobiles qu’il en voyait sortir, la disposition de leurs cils, la simplicité de leur organisation, l’im- possibilité où il se trouvait d’en obtenir la germination, lui faisaient grandement douter que ces petits corps fussent des sporidies. Mais, avant d'adopter une opinion si contraire aux idées reçues, il fallait se transporter au bord de la mer pour avoir constamment des échantillons frais à sa disposition. Craignant de trop présumer de ses forces en entreprenant seul l'étude d’un sujet aussi délicat, il.pria M. Decaisne, qui avait l'habitude des travaux à la mer, de se joindre à lui dans cette première excursion, et tous deux se rendirent à Arromanche, Sur la côte de Normandie. Leur voyage eut pour résultat la con- naissance précise des anthérozoïdes des Fucus serratus, vesicu- losus, nodosus et canaliculatus ; la détermination de la mo- noiïcité et de la dioicité des Fucus; la constatation du fait, à peine entrevu jusqu'alors, que le contenu sporangial des Fucus, d’abord indivis, se partage après sa sortie en deux, quatre ou huit spores; et enfin, comme conséquence, la répartition de ces 318. | EH. BORNE. quatre espèces en trois genres non moins distincts par lés ca ractères de ka fructification que par ceux de la végétation. Les relations amicales qui unissaient M. le docteur 4. D. Hookër et. Thurct commencèrent à cette époque. M. Hooker était du nombre des botanistes auxquels MM. Decaisne et Thuret moÿtrèrent, à Paris, la plupart des faits qui précèdent. . -Jusqu'alors on n’avait observé la reproduction par zoospores que dàns les Conferves et dans quelques genres voisins. En 1845, dans une rapide excursion que MM. Decaisne et Thuret firent de nouveau sur le littoral de la Manche, ils constatèrent la pré- sence de zoospores dans le Chorda Filum. L'analogie des organes de fructification de cette plante avec ceux d’autres Algues ma- rines rendait très-vraisemblable que le même fait se retrouverait dans d’autres espèces. Pour s’en assurer, M. Thuret, accom- pagné de M. Riocreux, entreprit, l'année suivante, deux exeur- sions au bord de la mer : l’une à Cherbourg, l’autre à Samt- Vaast la Hougue. Dans la première, il trouva les z0oospores d'une dizaine d’Algues Olivacées appartenant à des types assez divers; dans la seconde, il constata l'existence d’une double fructification, où plutôt d’une double forme de sporanges chez les Algues Olivacées qui se reproduisent par zoospores. Indépendamment de ces observations sur les plantes marines, M. Thuret poursuivait ses recherches sur les Algues d’eau douce et sur les anthéridies des Cryptogames. Le mémoire qui résu- mait ces divers travaux fut présenté à l’Académie des scrences pour le concours de 1847. Ïl était accompagné d'un atlas de magnifiques dessins de M. Riocreux, qui reproduisaient les détails les plus délicats des plantes étudiées avec une exactitude et une perfection qu'il ne semble pas possible de surpasser. Trois ans plus tard, sur ün rapport favorable de M. de Jussieu, ce mémoire obtint lé grand prix des sciences naturelles. Ce concours fut aussi brillant que fécond en résultats. Un excellent travail de MM. Derbès et Solier, sur le même sujet, fut égale ment récompensé par l'institut. La conformité d'études et la coniraternité dans les distinctions académiques établirent entre M. Derbès et M. Thuret des relations tout à fait cordiales, et M. GUSTAVE=ADOLPHE THURET. 319 lorsque M. Thuret se rendit à Marseille pour étudier quelques Aloues méditerranéennes, 11 trouva dans son concurrent le guide le plus empressé à lui faciliter ses recherches. En 1849, M. Thuret quitta Rentlly et vint s'établir à Ver- sailles avec sa famille. Les troubles politiques de cette époque, les ennuis inséparables d’un changement de domicile et d’une installation nouvelle, ne lui permirent pas de continuer régu- lièrement ses expéditions maritimes. Elles furent interrompues jusqu'en 1851. Dans l'intervalle, M. Thuret publia une note sur les anthéridies des Fougères et des Equisetum. S'il ne fut pas le premier qui observa les organes locomoteurs des anthéro- zoïces des Fougères, c’est à lui du moins qu’on en doit les pre- mières figures exactes; mais 1l fut le premier à faire connaitre les anthéridies et les anthérozoïdes des Prèles. De même que chez les Fougères, les anthéridies des Prèles se développent sur la plante en germination, sur des individus qui comptent à peine quelques semaines d'existence, et leurs organes locemoteurs consistent en un faisceau de poils courts, nombreux, formant une espèce de crête qui émane de la partie antérieure du corps. Pendant ces quelques années 1l s’occupa de phanérogamie plus activement qu'autrefois. Comme il était alors tout près de Paris, il suivait fréquemment les herborisations de M. de Jussieu. Il faisait en outre, presque chaque semaine, avec quelques amis, et surtout avec MM. de Boucheman et de Schœænefeld, des courses d'exploration dans les localités qui se trouvent en dehors des lignes ordinaires des herborisations publiques. En hiver, les promenades n'étaient pas suspendues, mais elles changeaient de but; on s'occupait de la récolte des Mousses, des Hépatiques et des Champignons. : Arromanche, Cherbourg, Saint-Vaast là Hougue et Barfleur, que M. Thuret avait visités jusqu'alors, étaient, sans excéption, des localités normandes. Lorsqu'il reprit ses excursions marie times, il résolut d'aller en Bretagne. Il choisit le Croisic et Belle-fle en mer, où il devait avoir pour compagnon de courses son ami M. J. Lloyd, qui connaissait à fond ces localités. M. Thuret revint enchanté des belles plantes qu’il avait trouvées, 320 ED. BORNET. et dont il avait préparé des échantillons splendides. Mais le cahier de notes s'était enrichi d’un moins grand nombre d’ana- Iyses et de dessins que d'habitude. A Belle-Ile, où le séjour fut le plus long, les localités sont assez éloignées, d'accès malaisé, et l'heure de la basse mer n’est pas très-commode pour le travail. Plus d’une fois, lorsque M. Thuret rentrait au logis à une où deux heures de après-midi par le soleil d'août, après une course de quelques heures dans les falaises et entre les rochers, 1l n'était guère en état de faire des dissections un peu délicates. Il avait en outre éprouvé la nécessité d'apprendre à mieux connaitre les Algues marines au point de vue spécifique, et il S'eflorçat de donner une part égale à cette étude et à ses recherches habituelles. Ce n’était pas toutefois un but facile à attemdre dans des excursions temporaires. L'obligation d’oc- cuper sans Interruption les heures de M. Riocreux, qui ne pou- vait quitter Paris que pour un temps très-limité, le désir de compléter et d'étendre des observations antérieures, ne lui lais- saient pas des loisirs suffisants. C’est alors qu'il forma le projet d'un établissement permanent au bord de la mer, où il pourrait toute l’année, aisément et sans précipitation, étudier les Algues à son gré. Ce projet put être réalisé l'année suivante. M. Thuret quitta Versailles, prit un appartement à Paris, où il kussa le gros de ses livres et de ses collections, et alla se fixer à Cherbourg avec l’herbier et la bibliothèque algologiques. IT était accompagné de M. Ed. Bornet, son aide depuis quelques mois déjà. Tous deux se mirent au travail sans reläche. On ne laissait point passer de marée sans aller trois ou quatre fois à la mer. On ne se contentait pas de ramasser les Algues jetées à la côte; pour les avoir bien fraiches, on entrait dans l’eau et on les cueillait à la main. En hiver, quand le vent souffle avec une violence étourdissante et met en pièces les plantes au moment où on les sort de l’eau, les herborisations à la mer ne sont pas toujours pleines de charmes. Quelquefois les mains et les jambes étaient douloureusement roidies par le froid, mais on avait le plaisir de trouver des espèces qu'on ne connaissait pas encore, et de con- M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 321 stater que quelques-unes de celles qui passaient pour rares l’étaient simplement parce qu’on les cherchait hors de saison. Au retour, les Algues étaient déposées dans de grands vases remplis d’eau de mer. M. Thuret examinait un à un tous les échantillons, vérifiait leur état, leur fructification; mettait à part ceux qui devaient être préparés, choisissait les fragments qu'il voulait conserver dans l'alcool et disposait ses expériences. Ainsi passaient sous ses veux un nombre considérable d’échan- üllons de chaque espèce, et il avait une telle habitude de voir les Algues au microscope, qu'il en reconnaissait les moindres fragments avec une sûreté merveilleuse. Peu de mois après son arrivée à Cherbourg, M. Thuret don- nait la première démonstration directe de la sexualité des Cryptogames. Sans doute l’hypothèse d’une fécondation dans ces plantes ne manquait pas de vraisemblance. La présence des anthérozoïdes dans les diverses familles de ce groupe de végé- taux, la coïncidence de leur apparition avec le développement de l'organe femelle en fruit; le fait signalé par Hedwig et souvent vérifié après lui, que dans les Mousses dioiques, c’est-à-dire où les deux organes sont portés sur des individus séparés, le fruit ne se développe que lorsque les individus munis d’anthéridies croissent dans le voisinage des individus femelles, n'étaient point des arguments sans valeur à l'appui de cette manière de voir. Mais l’observation directe et immédiate pouvait seule en donner la démonstration incontestable. Le dioïcité de certaines espèces de Fucus, la facihté qui en résulte de se procurer des anthérozoïides et des spores dans un état de pureté absolue, fournissaient les éléments d’une expérience tout à fait propre à établir, dans le cas où elle s’exercerait sur la spore, la réalité de l’action fécondante des anthérozoïdes. Cette expérience se présentait dégagée de toute complication qui pût en obscureir le résultat, car deux cellules seulement se trouvaient en pré- sence : la cellule mâle et la cellule femelle. Elle pouvait en outre être répétée aussi souvent qu'on le voulait, sur des mil- DS de spores, aussi bien que sur quelques-unes. Aussitôt que les Fucus furent dans l’état favorable, M. Thuret ne manqua 6° série, BorT. T. Hi (Cahier n° 6). 1 21 392 ED. HBOBNEUT. pas de faire cette expérience. Elle réussit à souhait. Les spores et les anthérozoïdes conservés à part se décomposaient sans germer ; les réunissait-on dans un même vase, ou mieux dans une même goutte d’eau sous le microscope, on voyait les an- thérozoïdes s'attacher aux spores, et la germination commençait bientôt après. Le résultat était constant et invariable. M. Thuret revint sur ce sujet en 1855 et en 1857, afin de donner des figures et en ajoutant de nouveaux détails. [montra notamment que l’action des anthérozoïdes est presque instan- tanée. Six à huit minutes après le contact, les spores sont déjà entourées d’une membrane qui, au bout d’une heure, se colore en bleu par les réactifs de la cellulose. Lorsque, dans les expériences précédentes, on mélangeait des spores et des anthérozoïdes appartenant à deux espèces dif- férentes de Fucus, la fécondation n'avait pas lieu, sauf pourtant dans le cas où les spores du Fucus vesiculosus recevaient les an- thérozoïides du F. serratus. On obtenait alors constamment un certain nombre de germinations. C'était là encore la première preuve directe que l’on eût de l'existence d'une fécondation hybride chez les Cryptogames. Fort des résultats qu'il avait obtenus chez les Fucus, encou- ragé par les découvertes que MM. Pringsheim, Cohn et de Bary avaient faites dans les Algues imférieures, plus favorables parfois que les Fucus pour l'étude des relations précises qui s’établissent entre les anthérozoïdes et la cellule fécondée, M. Thuret se mit à chercher les anthérozoïdes dans les groupes d’Algues où on ne les connaissait pas encore, et s’efforça de déterminer le mode d'action des corps fécondants dans les groupes où ces organes étaient connus. Il trouva des anthérozoïdes semblables à ceux des Fucus dans deux genres de Phéosporées : le Cutleria et le Tilopteris. Un voyage à Marseille lui fournit l’occasion d'étudier les anthéridies des Dictyota; enfin, 1l augmenta beaucoup le nombre des espèces et des genres de Floridées, dont les anthé- ridies furent connues. Mais, dans toutes ces plantes, la méthode qui avait si bien réussi chez les Fucus ne jeta aucun jour sur la manière dont s'opère la fécondation ; les spores germent égale- M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 393 ment, qu’elles aient ou non le contact des corpuscules mâles. Dans un mémoire spécial publié en 1865, M. Thuret exposa tout ce qu’il savait alors de précis sur cette question. A l’ex- ception des Floridées, dont l’histoire est maintenant connue, l’état de nos connaissances n’a pas beaucoup progressé depuis cette époque. M. Thuret a bien, il est vrai, observé les anthéro- zoïdes de deux espèces d’'Ectocarpus, ce qui porte à trois le nombre des genres de Phéosporées où l’on a constaté l'existence de ces organes, mais on ne sait pas encore où et quand s'exerce leur action. On n’est pas plus avancé pour les Dictyota. La santé de M. Thuret avait commencé à s’altérer un an à peine après son arrivée à Gherbourg. L’asthme et les douleurs rhumatismales dont il souffrait, acquirent peu à peu une telle intensité, qu'il fut contraint d'aller passer dans le midi l'hiver de 1856. Il demeura à Cannes de novembre à mai. Comme il s'était trouvé notablement soulagé, 1l profita de son séjour en Provence pour visiter le littoral et chercher une localité où il pourrait se fixer définitivement dans le cas où sa santé l’exigerait. Admirablement située entre le golfe Jouan et le golfe de Nice, ayant une vue splendide sur la chaine de montagnes qui sépare la France du Piémont, entourée d’une côte rocheuse assez riche en Algues, la presqu'ile d'Antibes lui parut répondre à toutes les exigences. Il en visita les divers points, et, parmi beaucoup d’endroits presque également beaux, aucun ne lui plut davan- tage que celui qui devint sa résidence une année plus tard. A cette époque, cette partie de la côte était lo d’être peuplée eomme elle l’est à présent. Le cap d'Antibes ne renfermait que des habitations rurales et quelques maisons de campagne des- servies par un chemin à peine accessible aux voitures. Cette solitude était un attrait de plus. M. Thuret est le premier étran- ger qui se soit établi au cap d'Antibes, et pendant longtemps il n’eut point d’imitateur. Très-peu de temps avant son départ pour le Midi, M. Thuret eut l’occasion de faire la première observation connue de la ger- mination des spores des Nostochinées. Ayant repris cette question quand il fut rentré à Cherbourg, 1l eut le plaisir de vérifier le 324 HE. BORNE. fait dans deux espèces de Cylindrospermum, et constata que les spores desséchées depuis plusieurs années germent aussi bien, sinon mieux, que les spores fraiches, pourvu qu’elles soient parfaitement mûres. Il avait ainsi, à treize ans d'intervalle, dé- couvert les deux modes de reproduction propres aux Nosto- chinées. Ce fut le dernier travail qu’il fit à Cherbourg. L’altération croissante de sa santé ne lui permettant plus de rester en Nor- mandie, 1l fit l'acquisition de sa propriété d'Antibes et s’y rendit à la fin de 1857. La propriété se composait de deux champs, cultivés en Blé et en Vignes, qu’entourait une bordure d’Oliviers. Dans le plus grand se trouvait une maison d'exploitation et une très-petite villa, où l’on empila les livres et l’herbier. Tout était à faire, et l’on s’y employa avec activité. Le tracé du jardin, l’un des mieux réussis qu’on puisse voir dans cette partie de la France, est presque entièrement l’œuvre de M. Thuret. Pendant qu’on exécutait les travaux préparatoires, M. Thuret visitait les jardins des environs. Çà et là, et surtout à Nice, où nous étions dirigés par M. l'abbé Montolivo, le très-obligeant bibliothécaire de la ville de Nice, botaniste et amateur zélé d'horticulture, se trouvaient de beaux exemplaires de plantes exotiques intéressantes. Quelques amateurs commençaient à introduire des nouveautés, à faire des essais d’acclimatation, suivant l'expression consacrée ; mais ces essais étaient encore trop récents et trop peu étendus pour qu’on pût en tirer des indications bien utiles. Les pépinières locales étaient peu nom- breuses, très-pauvres, et ne fournissaient pas les éléments d’une plantation un peu étendue en végétaux variés. Force fut donc de recourir aux semis. Dès que le sol fut préparé, on le sema en Chênes verts, en Pins d'Alep et en Pins parasols. Les végé- taux plus délicats qu’on avait pu se procurer, ceux qu’on élevait sur place de graines reçues du Jardin des plantes de Paris, du Jardin du Hamma, près d'Alger, et de divers marchands, étaient placés dans les intervalles. Pendant trois ans le résultat fut déplorable et bien fait pour décourager des horticulteurs no- vices. Sur ce sol découvert les plantes, même robustes, gelaient M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 329 l'hiver, séchaient l'été, et étaient battues du vent en toute saison. Le terrain, en pente rapide, était raviné par les pluies. Un système de rigoles et de coupures horizontales remédia vite à ce dernier inconvénient; les premiers disparurent de même aussitôt que les Pins et les Chênes furent assez élevés pour fournir un peu d’abri. Dès lors la végétation marcha avec une grande rapidité. Bientôt les Acacia australiens, les Eucalyptus, les Pittosporum, les Lauriers, les Photinia, etc., eurent pris un tel développement, qu’il semblait à peine croyable qu’en un temps aussi court la transformation d’un sol dénudé en un jardin touffu püt être aussi complète. Au début, l'expérience nous manquait, et nous n’étions pas suffisamment guidés par les renseignements contenus dans les livres courants, généralement écrits pour des conditions clima- tériques trop différentes de celles de la Provence. Les espèces de culture facile dans les pépinières et dans les serres ne sont pas toujours celles qui réussissent le mieux en pleine terre. Une autre difficulté était à vaincre. Les plantes dites d’orangerie, dont le succès était le plus assuré, n'étaient plus en vogue au moment où M. Thuret entreprit son jardin. On ne trouvait plus chez les marchands ces collections d'espèces d'Australie, du cap de Bonne-Espérance et des Canaries, qui avaient été intro- duites à la fin du siècle dernier, et qui sont figurées en si grand nombre dans les premiers volumes du Botanical Magazine, dans les ouvrages de Sweet, de Bonpland et de Ventenat. On imagine difficilement combien il fallut de temps et de peine pour rassembler, loin des grands centres horticoles, en les glanant pour ainsi dire un à un dans les catalogues, les trois mille végétaux ligneux, toujours verts et fleurissant entre sep- tembre et juin, qu'a renfermés le jardin de M. Thuret. Du reste, ce chiffre est loin de représenter le nombre des espèces essayées. On excluait, bien entendu, les plantes des contrées très-chaudes et très-froides, ceiles des pays humides, et l’on choisissait autant que possible celles qui sont originaires de régions sèches et tempérées. Cependant le nombre des échecs était presque aussi grand que celui des succès. 326 ED. BORNET. C’est par l'intermédiaire des jardins botaniques que M. Thuret se procura les plantes qu’il ne trouvait pas dans le commerce. Sous ce rapport, l’aide la plus large lui vint du Jardin des plantes de Paris. M. Decaisne, son maître en horticulture comme il l'avait été en botanique, lui accordait le plus précieux concours. [l partageait avec lui les graines et les plantes dont il pouvait disposer, recevant en retour, pour le jardin qu'il dirige, les plantes, graines et échantillons qui pouvaient être utiles au Muséum. Outre les végétaux ligneux qui composaient le fonds du jardin, M. Thuret avait rassemblé dans ses cultures des collections assez étendues de Mesembrianthemum, de Stapelia, d'Iris, de Narcisses, de Scilla. 11 possédait aussi une assez nombreuse série d’Aloe et d’Agave, dont il composait, en les entremêlant de diverses plantes grasses, des massifs du plus étrange aspect. Botaniste en même temps qu’horticulteur, il tenait à ce que ses plantes fussent bien nommées. Il cultivait les plantes indigènes, dont l'étude est difficile ou n’est possible que sur le vivant, et faisait des expériences propres à l’éclairer sur divers points douteux de botanique ou d’horticulture. [l s’assura notamment que plusieurs variétés d'Orangers : la Mandarine, le Chinois et diverses sortes d’oranges douces, se reproduisent fidèlement par le semis; que plusieurs des formes végétales désignées sous le nom d'espèces Jordaniennes se maintiennent pures pendant plusieurs générations, mais aussi que de simples variétés de couleur, nées accidentellement dans un semis, se comportent de la même manière. Les registres des semis et des plantations étaient soigneuse- ment tenus par M. Thuret. Grâce à l'exactitude avec laquelle il dressait l’état civil, si je puis dire ainsi, de chacun des indi- vidus du jardm, nous avions fréquemment l’occasion de con- stater la production d’hybrides spontanés entre les espèces de divers genres. Les Pittosporum, Polygala, Callistemon, Passi- flora, Acacia, Stapelia, Armeria, Statice, Narcisses, Aloe, Scilla, fournissaient tous les ans des exemples de ces unions illégitimes. M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 397 Le sous-bois des massifs d'arbres était formé de buissons de Cistes. Ces Cistes, au nombre de plusieurs milliers, provenaient de fécondations artificielles. Toutes les formes représentées dans les Cistinées de Sweet, les Cistus corbariensis, cyprius, longi- folius, purpureus, ete., ont été reproduites ainsi. Dans un carré spécial étaient groupés les spécimens plus particulièrement destinés à l’étude. À l'exception des travaux manuels, M. Thuret et son aide s’occupaient de tous les détails du jardin. La lecture des cata- logues, les semis, les étiquettes, la récolte et l’épluchage des graines, la vérification des collections, l'inventaire annuel des plantes existantes, le choix des places, la surveillance des plan- tations, le tracé des allées, se faisaient par eux ou sous leurs yeux. Heureux quand un hiver exceptionnellement rude ou un été trop sec ne faisaient pas perdre en quelques jours le fruit de tant de travail et de fatigue ! Le jardin renferme de beaux exemplaires d'Eucalyptus, d’Acacia, de Banksia, Hakea, Grevillea, Yucca, Jubæa, Cha- merops, et de diverses Conifères, parmi lesquelles l'Araucaria Bidwillii, le Pinus canariensis et le Cupressus macrocarpa sont déjà d’une force remarquable. Peut-être voit-on ailleurs de plus grands individus de ces plantes, mais ce qui ne se rencontre probablement dans aucun autre lieu, c’est la profusion d’Ané- mones qui émaillent les pelouses au printemps. On ne saurait se représenter, sans lavoir vu, la richesse et la gaieté de ces tapis où sont mêlées toutes les nuances comprises entre le violet foncé, le rouge pourpre, l'orange et le blanc. Pour entretenir cette abondante floraison, on faisait chaque année de grands semis de l'Anemone coronaria, et surtout de l’hortensis, qui est beaucoup moins robuste. Les jeunes plantes, mises en pleine terre la seconde année, étaient assez fortes l’année sui- vante pour être transportées à leur place définitive. La beauté et l'intérêt du jardin, la difficulté avec laquelle on en obtenait l'entrée, lui avaient acquis une réputation très- étendue. M. Thuret, qui fuyait les simples promeneurs, faisait les honneurs de sa propriété avec une bonne grâce et une affa- 328 ED. BORNET. bilité parfaites aux amateurs ses confrères, aux jardiniers, et à toute personne qui s’intéressait aux plantes. Parmi les bota- nistes qu'il a eu le plaisir de recevoir et de promener dans son jardin, je citerai, mdépendamment de MM. Decaisne, D. Han- bury, Naudin et Planchon, qui lui ont fait l'amitié de demeurer dans sa maison ; MM. Bentham, Boissier, A. de Candolle, Duchartre, Engelmann, Asa Gray, J. D. Hooker, Martins, Mas- ters, Weddell, ete., qui n’ont pu s'arrêter chez lui qu’en passant. Je ne quitterai point le jardin sans rappeler les expériences sur la conservation des graines dans l’eau de mer, que M. Thuret a faites sur la demande de M. Alph. de Candolle. Il a vu que cer- taines graines, placées dans des flacons d’eau de mer, sont encore capables de germer après trois années d'immersion ; observation intéressante et importante, car elle rend possible d'admettre que, dans certains cas, les graines peuvent être transportées à d'immenses distances par les courants marins sans perdre leur faculté de germer. La maison fut terminée en 1861. Elle se compose de deux ailes un peu inégales réunies par un corps de logis central. C’est un cottage à volets verts, à toits saillants couverts de tuiles rouges, entouré d’une épaisse garniture de Rosiers, de Cléma- tites, de Passiflores, de Bignones, de Bougainvillea. Le rez-de- chaussée de l'aile principale était entièrement occupé par une galerie contenant les herbiers, des livres et des tables de travail. Des casiers chargés de plantes et de livres, des portraits d'amis botanistes, des échantillons de plantes marines, un curieux autographe de Napoléon Bonaparte remerciant l’Académie des sciences de l’avoir nommé parmi ses membres, en formaient l’ameublement et la décoration. C’était le lieu de travail en commun, le lieu de réunion de la maison; un peu sévère et étrange peut-être pour qui n’y entrait qu’en passant, mais plein de charme, de doux et fortifiants souvenirs pour ceux qui ont vécu dans ce milieu sérieux et calme, et de la vie morale et intellectuelle que M. Thuret.répandait autour de lui. Dans le corps de logis central, qui est en retraite sur les ailes, se trou- M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 329 vait, du côté. du nord, une autre partie de la bibliothèque et la table du microscope. De lhabitation on jouit d’un des plus beaux spectacles qui se puissent rencontrer. Au nord-est le terrain descend en pente rapide vers le golfe de Nice. Par-dessus les pelouses et les massifs du jardin qu'aucune clôture apparente ne sépare des champs voisins, et que dominent les hautes cimes des Euca- lyptus, l'œil découvre le Fort-Carré et la ville d'Antibes, dont la silhouette pittoresque se découpe sur les flots bleus de la baie des Anges. Une forêt d’Oliviers et de Pins relie le rivage . aux contre-forts des Alpes; au-dessus brille la longue ligne neigeuse des Alpes-Maritimes. Un site des lacs de Suisse, avec la végétation, la lumière et la couleur du Midi. On lira sans doute avec intérêt la page suivante, où se trouve si bien peinte l’impression qu’une promenade dans le jardin de M. Thuret a produite sur un visiteur illustre, un des auteurs préférés de M. Thuret, l’un des rares écrivains français que l’on sent être véritablement touchés des choses de la nature et qui jouissent réellement de ses beautés. « Je fus frappé de cette sorte de stupeur où la grandeur des choses extérieures nous jette, en parcourant un jardin admira- blement situé et admirablement composé, à la pointe d'Antibes. C’est, sous ces deux rapports, le plus beau jardin que j’aie vu de ma vie. Placé sur une longue langue de terre entre deux golfes, il offre un groupement onduleux d'arbres de toutes formes et de toutes nuances qui se sont assez élevés pour cacher les premiers plans du paysage environnant. Tous les noms de ces arbres exotiques, étranges ou superbes, car le créateur de cette oasis est un horticulteur savant et passionné, je te les cacherai, pour une foule de raisons : la première est que je ne les sais pas. Je ne me risquerai pas à te nommer une seule des merveilles végétales de l'Australie et autres lieux fantastiques que M. Thuret a su faire prospérer dans son enclos; mais, ce dont je peux te donner l’idée, c’est du spectacle que présente le vaste bocage où toutes les couleurs et toutes les formes de Ja végétation encadrent, comme en un frais vallon, des pelouses 330 ED. BORNET. étoilées de corolles radieuses et encadrées de buissons chargés de merveilleuses fleurs. La villa est petite et charmante sous sa tapisserie de Bignones et de Jasmins de toutes nuances et de tous pays; mais c’est du pied de cette villa, au sommet de la pelouse qui marque le renflement du petit promontoire, et qui, par je ne sais quel prodige de culture, est verte et touffue, que l’on est ravi par la soudaine apparition de la mer bleue et des grandes Alpes blanches émergeant tout à coup au-dessus de la cime des arbres. On est dans un Éden qui semble nager au sein de l’immensité. Rien, absolument rien entre cette immensité sublime et les feuillages qui vous ferment l'horizon de la côte, cachant ses pentes arides, ses constructions tristes, ses mille détails prosaïques; rien entre les gazons, les fleurs, les branches formant un petit paysage exquis, frais, embaumé, et la nappe d'azur de la mer servant de fond transparent à toute cette ver- dure, et puis au-dessus de la mer, sans que le dessin de la côte éloignée puisse être saisi, ces fantastiques palais de neiges éter- nelles qui découpent leurs sommets éclatants dans le bleu pur du ciel. Je ne chercherai pas de mots excentriques et peu usités pour te représenter cette magie. Les mots qui frappent Pesprit obscurcissent les images que l’on veut présenter réellement à la vision de l'esprit. Figure-toi done que tu es dans un charmant vallon arrondi au fond comme une corbeille, et que tu vois surgir de l’horizon boisé la Méditerranée servant de base à la chaine des Alpes. Impossible de te préoccuper de la distance considérable qui sépare ton premier horizon du dernier. Il semble que ce puissant lointain l'appartienne, et que toute cette formidable perspective se confonde sans transition avec l’étroit espace que tes pas vont franchir, car tu es tenté de l’élancer à la limite de ton vallon pour mieux voir. Ne le fais pas, ce serait beau encore, mais d'un beau réaliste, tu perdrais le ravissement de cet aspect composé de trois choses immaculées : la végé- tation, la mer, les glaciers. Le sol, cette chose dure qui porte tant de choses tristes, est noyé ici pour les yeux sous le revête- ment splendide des choses les plus pures. On peut se persuader qu'on est entré dans le paradis des poëtes..….. Pas une plante M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 331 qui souffre, pas un arbre mutilé, pas une fortification, pas une enceinte, pas une cabane, pas une barqne, aucun souvenir de l'effort humain, de l’humaine misère ni de l’humaine défiance. Les arbres de tous les climats semblent Sêtre donné rendez-vous d'eux-mêmes sur ce tertre privilégié pour l’enfermer dans une fraiche couronne, et ne laisser apparaître à ceux qui habitent que les régions supérieures où semblent régner l’incommen- surable et l’inaccessible (1). » De 1860 à 1863 M. Thuret revisa toutes ses Algues de Cherbourg, afin de répondre aux questions que lui adressait M. Le Jolis, engagé depuis un certain temps dans un travail sur les plantes marines de cette localité. Durant cette période, M. Thuret ne pouvait s’occuper de micrographie que d’une manière tout à fait intermittente. Le temps qu’il donnait à son jardin n’était pas la seule cause de ces interruptions. Aux accès d'asthme, qui étaient encore fréquents, quoiqu'ils le fussent moins qu’en Normandie, étaient venus s'ajouter des bourdon- nements d'oreilles qui lui rendaient le travail assidu presque impossible. Il se rendit pourtant à Saint-Vaast en 1863, mais il put à peine commencer l'étude d’une question très-intéressante, la fécondation des Floridées, qui l'avait longtemps préoccupé, et qui venait de faire, nous semblait-il, un grand pas vers sa solution. Depuis que le mémoire de M. Nægeli sur les Céra- miacées était parvenu à Antibes, c’est-à-dire pendant l'hiver 1862-1863, nous connaissions enfin un organe qui, selon toute apparence, était lié à la reproduction sexuelle des Floridées. Dans son mémoire, M. Nægeli avait décrit, sous le nom d’ap- pareil trichophorique, un petit corps celluleux surmonté d’un poil, qui précède le développement du cystocarpe de plusieurs Céramiacées dont le fruit mür présente une organisation diffé- rente. Ce que nous aperçümes dans un premier examen nous laissa convaincus qu’un organe qui se montrait avec les mêmes caractères essentiels dans des genres assez éloignés d’ailleurs, était bien l’organe femelle des Floridées, si vainement cherché (1) George Sand, Lettres d'un voyageur (Revue des deux mondes, livraison du 15 juillet 1868, p. 480). 339 ED. BORNET. jusqu'alors. Il fut dès lors arrêté que la première excursion maritime serait dévolue à l'étude approfondie de cet organe, et à la recherche des rapports qui s’établissent entre lui et les corpuscules issus des anthéridies. Ce projet ne put être exécuté que trois ans plus tard. Revenu très-souffrant à Antibes, M. Thuret fut pris, au commencement de 1864, d’une atroce maladie de peau qui le tint au lit pendant trois longs mois, com- plétement privé de l'usage des pieds et des mains. Grâce à l’ha- bileté dévouée du docteur Gurney et à la sollicitude attentive d'un ami qui ne le quitta pas d’une heure, et de qui seul il vou- lait recevoir les soins que réclamaient sa maladie et son impuis- sance, il sortit enfin de tout péril. Cette maladie fut comme un effort de la nature pour rejeter au dehors les éléments morbides qui troublaient depuis tant d'années l'existence de M. Thuret. Les bourdonnements d'oreilles ne se firent plus sentir ; l'asthme disparut entièrement et ne revint plus dans la suite, même pendant les séjours assez prolongés que nous fimes plus tard au bord de Océan. En somme, après cette crise, la santé de M. Thuret fut beaucoup meilleure et plus régulière qu’elle n’était auparavant. Il en profita le plus tôt possible pour achever les recherches si malheureusement interrompues. Nous retournàmes à Saint- Vaast en 1866, et, quelques jours après notre arrivée, nous constatàmes de la façon la plus nette la copulation des corpus- cules mâles avec le poil de Pappareil trichophorique, preuve décisive du rôle que remplissent ces organes. La découverte de ce nouveau type de fécondation a comblé une lacune considé- rable de l’histoire des Algues. Elle à de plus définitivement résolu, en faveur du fruit capsulaire, la question jusqu'alors indécise de la prédominance théorique des tétraspores et du cystocarpe, et justifié la préférence que M. J. G. Agardh avait accordée à ce dernier fruit dans sa classification des Flori- dées. Les années suivantes, M. Thuret visita Biarritz et Guéthary, dans le golfe de Gascogne, Saint-Malo, Vannes et le Croisie, sur jé côtes de Bretagne. Les résultats obtenus dans ces excursions M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 333 n'ayant pas été publiés, je mentionnerai quelques-uns des plus intéressants. À Biarritz, où nous fimes deux séjours, en 1868 et en 1870, nous eûmes l’occasion de suivre le développement du fruit de quelques rares Floridées, et d'étudier, au point de vue spéci- fique, les Polysiphonia et les Gelidium, dont les espèces sont nombreuses dans cette localité. Ce ne fut pas sans étonnement que nous recueillimes deux Polysiphonia non encore signalés sur cette côte, quoiqu'ils y soient abondants, complétement identiques à des espèces rapportées d'Australie par Harvey. Les Gelidium nous réservaient une autre surprise. Personne n’avait remarqué que, dans une des formes les plus communes du Gelidium corneum, l’organisation du cystocarpe n’est pas la même que dans les formes voisines, et ne diffère en rien de celle qu'on attribue au genre australien Pterocladia. Un des buts de l’excursion de Saint-Malo fut l'étude des Rivulariées. L'examen des échantillons d’herbier nous avait donné la conviction que la quantité considérable d'espèces dé- crites et figurées par M. Kützing se réduisent, en réalité, à un très-petitnombre de formes véritablement distinctes. Il s'agissait d'en avoir la confirmation sur le vivant. Nous leûmes pleine et entière. D'autre part, les recherches de laide de M. Thuret sur les gonidies des Lichens, en nous forçant à voir combien nous savions peu de chose sur la manière dont se reproduisent les Nostochinées, nous imposaient la tâche de faire une étude immédiate de cette question. Nous ne réussimes pas aussi vite que nous l’avions espéré. Renvoyant toujours à la fin l’examen des Calothrix et des Rivulaires qui nous semblaient moins alté- rables que les autres Algues, nous laissions par cela même échapper le moment d'assister à la formation et à la dispersion des hormogonies. Ce fut seulement lorsque nous soumimes à l'observation immédiate les Nostochinées fraîchement rappor- tées de la mer, que nous vimes le contenu coloré des filaments de ces plantes se segmenter en tronçons qui sortent de la gaine, rampent dans l’eau comme les chapelets de Nostocs en voie de reproduction, se fixent, et ne tardent pas à s’accroître en un 334 ED. BORNET. nouveau filament. Parfois la dissémination se fait en telle abon- dance et avec une telle activité, que nous eùmes quelque con- fusion de ne pas l'avoir aperçue plus tôt. La vulgarité du Dudresnaya coccinea sur la côte de Saint-Malo nous permit de constater dans cette plante un mode de fécon- dation fort compliqué. La formation du fruit est précédée de trois copulations successives. En allant au Croisic, M. Thuret avait l'intention de com- pléter par létude du Rivularia bullala ses observations sur la reproduction des Nostochinées marines. Il se proposait aussi d'achever des recherches commencées vingt ans auparavant sur le Polyides rotundus. — Le Rivuluria bullata parcourt toute son évolution en trois ou quatre mois. Cette plante apparaît en juin, atteint son maximum de développement en juillet, août, et l’on n’en trouve plus que de très-rares exemplaires après le mois d'octobre. Il était évident qu’à l’un des moments qui pré- cèdent cette disparition, devait se placer un procédé quelconque de reproduction, En suivant jour par jour cette Rivulaire, qui est très-commune sur les rochers élevés battus par le flot et que l'on peut attendre à toute marée, M. Thuret vit que les fila- ments dont elle est formée se résolvent entièrement en hormo- gonies, qui se dispersent sur les corps environnants au moment où la mer est haute. Ces hormogonies se fixent, germent, et ne tardent pas à constituer une Rivulaire microscopique qui attend jusqu’à l’année suivante l’époque favorable à son développe- ment. — Lorsqu'il avait étudié le Polyides rotundus à Cher- bourg, M. Thuret avait remarqué une particularité assez curieuse dont il n'avait pas réussi à se rendre compte alors. Les anthé- ridies se montrent en septembre, et ce n’est que deux mois plus tard, en décembre et janvier, que les spongioles contiennent des fruits mûrs. L’explication de cette singularité réside dans ce fait que le Polyides est pourvu d’un appareil d’imprégnation entièrement semblable à celui des Dudresnaya. Une fois l’im- pulsion donnée à un petit nombre d'appareils trichophoriques par la soudure des corpuscules mâles avec le trichogÿne, 1l nait de ces appareils un réseau de tubes fécondants qui rampent M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 339 entre les filaments de la spongiole et déterminent l’accroisse- ment d’un nombre indéfini de cellules femelles. Cette végétation dure pendant des semaines, aussi longtemps qu’il se forme de nouveaux fruits. M Thuret se proposait de visiter Brest en 1874. Au moment de partir, 1l fut arrêté par l’apparition de quelques traces de la maladie dont 1l avait souffert dix ans auparavant. N'ayant pas la permission de marcher dans l’eau de mer, comme il le faisait d'habitude, il se rendit à Cherbourg avec l’intention de borner ses recherches aux plantes des quais et des fossés qu'il pouvait atteindre à pied sec. Entre autres observations nouvelles faites dans cette excursion, je citerai la reproduction par zoospores et la germination d’un Monostroma marin, reproduction et germi- nation qui diffèrent nettement de celles des Ulves. Dans les Ulves, les zoospores sortent de la cellule où elles sont nées par une ouverture qui se fait dans une des parois latérales. Après leur sortie, la fronde est décolorée, mais le tissu celluleux qui la compose demeure entier sous l'apparence d’un réseau à mailles polygonales. Il n’en est pas ainsi dans les Monostroma. La sub- stance intercellulaire qui he les cellules se dissout, les cellules mères se désagrégent et sont complétement libres et flottantes quand les zoospores s’en échappent. Il n’a guère été question jusqu'ici que des excursions ma- ritimes faites par M. Thuret. C'est que, en effet, 11 s’attachait plus particulièrement à l’étude des plantes marimes, qui ne sont facilement accessibles qu’à un petit nombre de naturalistes. Les Algues d’eau douce se trouvent partout et sont souvent l’objet de travaux de haute valeur, Mais, quoiqu'il ne leur donnât pas une aussi grande part de son temps, il était loin de les négliger. L’essai de classification des Nostochinées, qu'il rédigeait quelques semaines avant sa mort, le prouverait au besoin. Afin de compléter l'énumération des travaux de M. Thuret, je mentionnerai encore deux opuscules qu'il à consacrés à l'examen de quelques détails, et qui sont, pour ce motif, de moindre importance pour la science en général. Dans une note 330 ÆED. BORNE. sur la synonymie des Ulva Lactuca et latissima L., il montra (que les auteurs récents appliquent le nom linnéen d’'U. Lactuca à une espèce qui ne peut pas être celle de Linné. De cette attri- bution erronée résulte la conséquence inadmissible que Linné n'aurait pas connu l’Ulve la plus commune, la plus ancienne- ment connue des Algues marimes, et que, par contre, il aurait décrit une espèce beaucoup plus rare, que personne ne con- naissait de son temps et que personne n’a connue après lui, jusqu’à ce qu’elle ait été retrouvée par Agardh et par Greville. À la fin de ce travail 1l donne la description d’un nouveau genre de la tribu des Ulvacées, le Monostroma. La double fructification, qui est si fréquente chez les Flori- dées, est loin d’avoir été observée dans toutes les espèces. Il arrive parfois que celle-là fait défaut, qui est la plus importante dans le système de classification que l’on emploie. Pour opérer le classement des plantes imparfaitement connues, on se guide sur les analogies qu’elles offrent avec celles qui le sont mieux; mais la découverte du fruit manquant ne vient pas toujours con- firmer les rapprochements qui semblaient les plus naturels et les mieux justifiés. C’est ce que M. Thuret, dans sa note sur un nouveau genre d'Algues de la famille des Floridées, a fait voir pour le Griffithsia secundiflora. Gette plante présente une si grande ressemblance de port avec les autres espèces de Grif- fithsia, elle s'en rapproche tellement par sa structure, par la disposition des tétraspores et des anthéridies, qu'il serait impos- sible de l'en séparer si l’on se bornait à l'étude de ces organes. Mais, au contraire, la réunion ne peut être maintenue si l’on examine le fruit capsulaire. M. Thuret eut donc à retirer le G. secundiflora du genre où on l'avait mis jusqu'alors, et il en fit le type d’un genre nouveau qu’il nomma Bornetia. Il fit en outre, à la Société des sciences naturelles de Cher- bourg, des communications sur la fructification du Desmarestia viridis, sur quelques Algues marines nouvelles, et sur les anthéridies d’une Hépatique, le Fegatella conica. Dans cette plante, M. Thuret vit que le contenu des anthéridies est pro- jeté avec assez de force pour atteindre une hauteur de trois M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 337 centimètres, et que le mouvement des anthérozoïdes pouvait se prolonger pendant deux jours, quand la température était peu élevée. Cette émission à distance du contenu des anthéridies rend moins difficile de comprendre comment les anthérozoïdes peuvent venir en contact avec les archégones dans une plante comme le Fegatella, où les conceptacles mâles et femelles se trouvent sur des frondes séparées. Indépendamment des services que M. Thuret a rendus à la science des Algues par ses publications, 1l lui a été utile d’une manière indirecte, mais non moins efficace, en suscitant de bons travaux et en répandant l'esprit de méthode et d’obser- vation rigoureuse qu’il possédait à un si haut degré. C’est sous son impulsion que M. A. Le Jolis, son ami et le compagnon de ses herborisations, a entrepris ses recherches surles Laminaires, sur la nomenclature des Algues, sur les Ulves, et a publié sa liste des Algues marines de Cherbourg, excellent catalogue dont le mérite est hautement reconnu par ceux qui ont eu l’oc- casion d’en faire usage. À diverses époques M. Thuret eut le plaisir de servir de guide à de jeunes botanistes étrangers qui vinrent l’entretenir de sujets relatifs aux Algues et lui demander ses conseils. M. L. Radikofer, de Munich, est le premier en date. A l’époque où il vint à Cherbourg, M. Thuret, alors occupé de quelques recher- ches sur la parthénogenèse, put lui montrer les curieux résul- tats de la culture, dans une chambre close, de pieds femelles de Mercurialis annua. Les capsules qui nouent dans ces condi- tions sont surmontées de deux grands stigmates plumeux qui restent frais et semblent même continuer à croître jusqu’à la maturité. M. L. Kny, MM. Famintzin et Voronine, MM. Farlow, Janczewsky et Rostafinski, qui ont demeuré plusieurs semaines à Antibes, n'ont pas cessé de témoigner qu'ils conservent pré- cieusement le souvenir des heures qu’ils ont passées dans l’in- timité de M. Thuret (1). (1) Voyez les articles nécrologiques sur M. Thuret, qui ont été publiés par M. Rostafinski dans le Botanische Zeitung du 50 juillet 1875, et par M. le pro- fesseur L. Kny dans le Flora du 11 août 1875. 6° série, BoT. T. Il (Cahier n° 6). 2 22 330 “ ER, HORS, CPI J'ai essayé de résumer, dans les pages précédentes, la vie et les travaux de. M. Thuret; je voudrais . maintenant quels étaient sa nature, son esprit, ses goûts, ses habitudes et ses méthodes de travail. M. Thuret était de grande taille. Il avait les cheveux blonds et 1x barbe de même couleur. Sa tête était remarquabtement développée; ses yeux, d'un bleu clür, étaient saillants et bien quverts: La paupière mférieure présentait, à la base de Forbite, un gonflement assez prononcé. Le regard était ferme ét frane, ordinairement un peu voilé, mais s’animant vite sous l’in- fluence des sentiments et ee pensées qui se succédaient dans son esprit, et les reflétant avec vivacité. Lorsqu'on avait passé quelques heures avec M: Fhurct, il n'était plus possible d'ou- blier ce regard-st doux, si aff fable. et-en même temps si mtelli- gent, relevé parfois d'une poin Le de bonhomie malicieuse. Mais il fallait du temps pour qu'on le vit sous son véritable jour. Avee des inconnus, son abord-semblait froid et un peu hautain, ainsi qu'il arrive souventatix personnes tinudes et très-réservées Sa démarche, comme tous ses mouvements, était tranquille, mais. sans lenteur. Ses manières étaiént simples ;° de mème aussi son Hingage et toutes ses habitudés. Nullement recherché dans sa mise, il avait pourtant dé sa personne un son attentif qui a fait dire de-lui, dans une des chansons qui égayaient autrefois les RU de M. de Jussieu : « Et, jusqu’à se crotter, il fait tout proprement, » » 2 l Sous plus d’un rapport Son caractère rappelait celui de len- faut. De Fénfant il avait la générosité, là confiance, la bonté naïve et spontanée. Par contre, il en avait aussi quelques-uns des travers. Mais quand ceux-ci se montraient, ils étaient vite réprimés par la volonté de l'homme fait qui-savait se connaitre et se vaincre. Très-réservé, très-prudent; hésitant à prendre parti avant d’avoir pu rassembler et classer ses idées, M. Thuret M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 339 n'avait là pleme posséssion de lui-même que chez lui et entouré de personnes connues. F était sobre de paroles, s'exprimait elairérnent ét facilement, et savait très-bien écouter. Sa con: versation, jariais banale, montrait vite qu’il avait des connais: sances aussi solides que variées, un rare jugément, une grande élévation de éœur et d'esprit, des sentiments délicats ét raffinés, joints it beaucoup d’'affabihité et à un fonds inépuisable de bien- veillanee. En dehors des sujets ordinaires de ses études, il s’en tretenait de préférence des questions de méthode, d'esthétique, de morale, de religion et de philosophie politique. Enclin par nature à accueillir avec sympathie les travaux d'autrui, il les appréciait généralement avec une grande bien: veillance. [ls Jui plaisaient surtout quand il était évident que Fauteur avait apporté à son œuvre le temps, le soin ét la peine néce essaires. Et quand il rencontrait parfois « cette union d'une sagacité Supérieure et d’une probité parfaite qui ne sont pas Hioins sais Fune que Fautre au savant digne de ce nom » (l), il en éprouvait une véritable jouissance. Il avait au contraire une profonde aversion pour la négligence ét Finexac- ütude, et tenait pour certain que, dans les sciences, légèreté et défaut de conscience sont à peu près synonvmes. « C’est une chose étrange, répétait-il avec M. L: de Viel-Castel (2), que linfinimient petit nombre des hommes, même les plus sensés, les plus désintéressés, je ne dis pas qui pratiquent, mais qui comprénnent le respect complet, absolu de la vérité, qui S'en réndent un compte bien exact. » fl en était presque douloureu- sement frappé, tant était haute l’idée qu'il se faisait de la science. € La science, cét instinct désintéressé, div, qui, ne se ratta- (1) Ch. de Rémusat, Un musée chrétien à Roïie (Revue des deux mondes, livraison du 15 juin 1863, p. 876). - Lorsque, dans sés lectures, M. Thuret rencontrait une phrase, un passage qui exprimaient à son entière satisfaction ses propres opinions, il lui arrivait parfois de les transcrire dans un cahier intitulé : Collectanea, auquel il avait donné pour épigraphé : Ta ävo gpcverse, uù +4 Ent re qns (Col. I, 2) : « Attachez- vous aux choses d'én haut, non À celles de la terre. » Catte citation, de même que celles qui Sont faites plus loin, sont extraites de ce cahier. (2) L'esprit moderne dans l'histoire (Revue des deux mondes, hvraison d 15 décembre 1865, p. 1029). 340 ED. RSGURNE". chant à rien de charnel, à lui seul nous révélerait notre écla- tante origine ! la science, qui nous détache du monde extérieur, nous distrait de nous-mêmes, nous dégage des liens de la ma- tière, et nous transporte, du milieu des réalités souillées, dans la pure atmosphère de l’idée ! la science, un des attributs de la Divinité, un des traits de son empreinte dans l’homme (1). » M. Thuret portait dans ses recherches et ses appréciations un esprit remarquablement dégagé de préoccupations théo- riques. Sans doute il n’observait pas au hasard. Le choix des sujets d'étude, la manière de les aborder et de les mener à bien étaient déterminés par des hypothèses plus ou moins plausibles ; mais 1l n’attachait à ces conceptions qu’une valeur purement provisoire, n’y voyait qu'un simple instrument de recherches qui devait être constamment modifié par les résultats de l’ob- servation. Quoiqu'il sût à merveille combien il est difficile de faire une bonne observation, de bien conduire une expérience, il trouvait plus difficile encore d’en apprécier exactement la portée. N’at- tribuer à chaque détail que sa valeur précise, ne tirer de l’en- semble que les seules conséquences qui en découlent naturelle- ment, lui paraissait le grand obstacle à surmonter. C’est qu’en effet, « dans des sujets aussi complexes que le sont les phéno- mènes physiologiques, les causes d'erreur ne résident pas seu- lement dans la difficulté des expériences, mais elles ont leur source dans la trop grande facilité avec laquelle on cherche à généraliser une observation même bien faite et très-exacte » (2). S'il admettait, avec Arago (3) que « la découverte d’un seul fait, bien décrit, bien apprécié, est incontestablement dans la sciencé un pas en avant, tandis que des théories ingénieuses, séduisantes et accueillies avec un enthousiasme presque gé- néral, ont été fréquemment des pas en arrière », il ne repoussait (1) Vinet, Discours sur quelques sujets religieux, 5° édition, p. 59. (2) Claude Bernard, Recherches expérimentales sur les nerfs du grand sym- pathique (Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, 1862. t LV, p. 231). (3) Astronomie populaire, t. 1°, p. 461. M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 341 pourtant pas indistinctement et sans examen toutes les tenta- tives de généralisation, même un peu hâtives. Il suivait avec intérêt les hypothèses qui s'efforcent de relier les faits détachés, et qui prétendent à expliquer le monde où nous vivons. Mais :1l voulait que l’on donnât et que l’on prit ces hypothèses pour ce qu’elles valent. Il était convaincu que « des assertions tran- chantes, là où le doute devrait accompagner chaque parole, nuisent essentiellement aux progrès des sciences » (1), et trou- vait « qu'il est plus conforme à la raison d'attendre dans l’igno- rance que d'accueillir une explication hypothétique à tout prix » (2). N’élevons pas la science à la hauteur du roman, disait-il en modifiant légèrement un mot connu, à un défenseur enthousiaste de théories un peu trop aventureuses. Observateur consciencieux à lextrème, il consacrait aux moindres détails les soins les plus minutieux. [l aimait à revenir fréquemment sur le même sujet, à vérifier les observations déjà faites, et ne se lassait pas de reprendre certaines expériences. Il craignait moins de n'avoir pas bien vu que d’avoir laissé échapper quelque détail important. Car, disait-il, il n’est pas malaisé de trouver ce qu’on cherche, mais il l’est beaucoup de remarquer ce qu'on ne cherche pas. [Il avait aussi coutume de dire qu’on trouve tout ce qu’on cherche, entendant par là qu’on atteint toujours un but poursuivi avec ténacité, bien qu’il arrive souvent que le résultat ne soit pas celui qu’on avait prévu ou souhaité. Toutes les branches de la botanique ne l’attiraient pas égale- ment. Celles où l'observation et l'expérience ne sont pas domi- nantes, chez lesquelles linterprétation individuelle, les consi- dérations théoriques, géométriques ont une part égale ou su- périeure à l’observation même, ne satisfaisaient pas son esprit peu porté vers les choses abstraites. Les recherches physiolo- giques, la vie dans ses manifestations les plus intimes l’inté- ressaient avant tout. Mais, association assez rare parmi les (1) Arago, Œuvres complètes, t. IV : Notice sur le tonnerre, p. 286. (2) Charles Secrétan, La nouveauté métaphysique, 2° article (Revue chrétienne, numéro du 5 octobre 1872, p. 607). 342 ED. BORNET. naturalistes, 1l avait en même temps un goût très-vif pour l'étude systématique et le classement des végétaux. Démêler sous des apparences souvent trompeuses les affinités réelles des plantes, constituer des groupes naturels bien limités, observer la série des modifications qu'un type, un appareil, un organe présentent dans un groupe végétal, étaient autant de points sur lesquels son attention était sans cesse portée, et qu'il Jugeait dignes d’accuper les esprits les plus éminents. Aussi regrettait-1l le discrédit immérité qui s'attache depuis quelques années aux travaux de pure classification. C’est qu'il ne voyait pas seule- ment dans les classifications un moyen plus ou moins commode de nommer une plante, mais en même temps un résumé de l’état de nos connaissances à un moment donné, et en quelque sorte La fin de la science. En effet, les classifications ne seront complètes et achevées que lorsque l’organisation, là biologie, Les rapports multiples qui ent entre eux tous les êtres seront parfaitement connus. Il n'était étranger à aucune des parties de la eryptogamie ; mais ses préférences étaient pour les familles dont les types génériques sont variés, ef qui nécessitent en outre l'étude de la plante vivante, La simple comparaison des organes tout faits, dont on s’est contenté jusqu'à présent dans certaines familles, y'avait pour lui aueun attrait. C’est pourquoi les Hépatiques lui plaisaient mieux que les Mousses, les Champignons plus que les Lichens. De là aussi sa prédilection pour les Algues, vaste assemblage de formes très-dissemblables, depuis les plus simples jusqu'aux plus compliquées, qu'on ne saurait bien con- naître si on ne les observe pas vivantes; qui présentent en outre le double avantage qu'on ne les sort pas de leur mieu pour les soumettre à l’étude, et que chez elles les phénomènes vitaux, souvent directement observables, n’exigent pas ces dissections laborieuses qui les troublent presque foujours ailleurs dans une certaine mesure, Quoique M. Thuret ait vu énormément et qu'il sùt beaucoup de choses, il a relativement peu publié; aussi la majeure partie des résultats de son travail a-t-elle disparu avec.lui. La re- M. GUSTAVE-APOLPHE M'HURET. 348 cherche de la perfection poussée un point peut-être excessif en est la principale cause. Cette exigence de son esprit ne Jul aurait pas permis de publier des travaux d'ensemble oû Pon est forcé d'aborder des sujets que Pon connaît peu ou mal. H n’était à Paise qu’en traitant une question spéciale qu pouvait limiter à son gré, de sorte que toutes les parties lui en fussent fanui- lières. Trouvant malaisé d'exprimer sa pensée avee précision: il écrivait lentement, péniblement, et: prenait peu de notes. Lorsqu'il rédigeait un mémoire, il recommençait presque tons jours au moment même ses observations antérieures, et ne décrivait les objets dont il ne res les uen ment sous les yeux. Sachant bien que le longs mémoires ne sont: pas lis: il S ref forçait de donner à ses publications la forme la plus bréer pos- sible, et il en retranchait à dessein tous les développements qui ne lui paraissaient pas absolument mdispensables.-Une obser- vation mentionnée en quelques lignes Jui avait souvent coûté plusieurs mois de recherches. Il se donnait beaucoup de peine pour bien her ses idées, et pour les-présenter sons une forme qui en rendit l'intelligence faeiie à un lecteur attentif. Son style, sobre et-clair, comme ses uen est un modèle d’ Epos sition scientifique. = 5 = M. Thuret fut en relations: avec. presque: ous dos algologuas etun grand nombre de botanistes de son temps; mais, à très= peu d’exceptions près, ces relations se bornèrent à léchange de quelques lettres. Écrire était pour lui un fardeau qu’il ne soulevait n1 volontiers ni fréquemment. Dans sa jeunesse, M. Thuret s'était exercé au deecire et à fa peinture. [reçut en outre, à -Lyon,-quelques leçons de-Saint- Jean, lhabile peintre de fleurs. Mais, quoiqu'il possédât un sen- timent très-vif el très-juste de la forme et de la couleur, 1} n'arriva pas à vaincre une certaine lourdeur de main qui lui rendait l’exécution pénible et imparfaite. Cette exécution mal- aisée mise à part, il reproduisait les objets avee beaucoup de vérité. La planche 41 de ses Recherches sur les organes loco- moteurs des Alques, les planches 417, 18, 19, 99 et 9 de ses 344 ED. BORNET. Recherches sur les 2oospores des Alques et les anthéridies des Cryplogames, en sont la preuve. Tous ceux qui ont étudié les Algues vivantes, les Algues ma- rines surtout, savent que l'aspect et la disposition de la chro- mule se modifient rapidement sous le microscope. Souvent, après que la préparation a séjourné quelques minutes dans la goutte d’eau, la matière colorante commence à se déplacer, le contenu cellulaire se concentre; les cloisons, d’abord très- minces et à peine visibles, s'épaississent, les spores s’entourent d'un limbe transparent qui n'existait pas d’abord. M. Thuret était constamment en garde contre ces altérations, et, comme il tenait à représenter l’état normal des objets, il se procurait presque chaque jour des matériaux frais, et renouvelait fré- quemment les préparations. C’est grâce à cette minutieuse attention que ses analyses d’Algues, quoique aussi claires que des figures schématiques, ont une apparence de vérité et de vie qu'on ne rencontre pas souvent ailleurs. Lorsque M. Thuret se fut acquis le concours de M. Riocreux, il ne dessina plus que rarement. [1 cessa même complétement de dessiner quand il eut un aide qui se chargea de ce soin. Mais il regrettait souvent d’avoir pris ce parti. La nécessité d'observer avec attention, pour les bien rendre, les plus petits détails des objets que l’on copie, apprend plus rapidement à les bien con- naître, et 1l est certains phénomènes fugaces ou très-lents qui ne peuvent guère être aperçus pour la première fois, si lon n’a pas le même objet sous les yeux pendant un certain temps. Dès ses premières excursions au bord de FOcéan, M. Thuret s'était proposé de publier, sous le nom d'Études phycologiques, une série de planches Im-folio destinées à illustrer les points les plus intéressants de l’histoire des Algues. Un grand nombre de dessins dus au pinceau de M. Riocreux ont été préparés dans ce but à Saint-Vaast, à Belle-Ile et à Cherbourg. De ces dessins ont été tirées les figures qui accompagnent le mé- moire de M. Thuret sur les zoospores des Algues et les anthé- ridies des Cryptogames. En présence de Ja difficulté d'obtenir la reproduction de dessins aussi parfaits, et de l'extrême lenteur M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 345 qui en était la conséquence, M. Thuret renonça depuis long- temps à continuer un ouvrage conçu sur le plan qu'il avait primitivement adopté. Bien qu’il eût en portefeuille des maté- riaux pour un nombre de planches plus considérable, 11 Timita à cinquante le nombre de celles qu'il publierait dans les con- ditions premières. Quarante-deux sont déja gravées; deux manquent encore pour qu'un premier fascicule de vingt-cinq soit rendu public. Pour faire suite à ce recueil, M. Thuret commenca, dans ces dernières années, la préparation d’une seconde série de planches plus simplement exécutées que les précédentes, et qu’on pou- vait, par suite, obtenir beaucoup plus rapidement. Ces notes algologiques devaient être publiées sous les noms réunis de MM. Bornet et Thuret; mais, afin que la liberté et la respon- sabilité de chacun des collaborateurs fussent complètes, 1l avait été convenu que le texte accompagnant chaque planche serait signé par celui des deux qui l'aurait plus particulièrement ré- digé. La première livraison des Notes algologiques paraîtra aussitôt que les articles que M. Thuret s'était réservé d'écrire auront pu être faits ou complétés par son collaborateur. Il est regrettable que la difficulté de faire graver ses planches ait empèché M. Thuret de publier un grand nombre de dessins qu'il avait dans ses cartons. Si les graveurs habiles eussent été moins rares, et qu'il eût été facile d'obtenir dans un délai assez court la reproduction de ces dessins, nous aurions eu une belle suite de planches consacrées à l'illustration des Cladophora, des Ectocarpus, des Callithamnion et des Polysiphonia. Ges genres d'Algues, dont l'étude est difficile parce que les espèces qu'ils renferment sont nombreuses et très-voisines les unes des autres, avaient la préférence de M. Thuret, et il avait eu, à plusieurs reprises, l’intention d’en faire des monogra- phies. Pour les Ectocarpus, le projet a reçu un commencement de réalisation; les principales espèces ont été représentées par M. Riocreux, par de charmants dessins que la lithographie, à défaut de la gravure, a été impuissante à rendre. Les premières recherches de M. Thuret furent faites avec le 346 ED. BORNE. grand microscope de Ch. Chevalier. Plus fard, vers 1844 11 Fi substitua de microscope et les lentilles d'Oberhäuser, avec les- quelles il à travaillé presque exclusivement Jusqu'à sa mort. El est juste de faire remarquer quel habile parti M. Fhuret a su immédiatement tirer de son instrument pour les observations les plus délicates. Les figures qu'il a jadis données des zoospores et des anthérozoïdes, du nombre et de la disposition des cils moteurs de ces corps, sont d’une si grande fidélité, que depuis trente ans on n'a vu ni mieux ni autrement, malgré les per- fectionnements apportés aux instruments d'optique. (est-que M. Thuret était très-attentif à n’observer que dans de bonnes conditions, et qu'il avait méthodiquement, dès le début, déter- miné les circonstances les plus favorables à l’obtention d’excel- lentes images. La manière d'éclairer le mieroscope était, selon lui, tout aussi importante que la qualité des lentilles, et il ap” portait à cet éclairage un soin tout particulier. Il travaillait dans une chambre éclairée d’un seul côté, pre- nant jour sur le nord ou le nord-nord-est. Au moyen de rideaux, il atténuait la lumière générale jusqu'au point où il pouvait non-seulement voir très-aisément les objets dont if se servait, mais encore passer d’une pièce de Pappartement à Vautre sans que Pœil en éprouvât le moindre trouble. La table portant les microscopes était placée à trois ou quatre mètres de la fenêtre. Un écran vertical disposé en arrière des microscopes défendait les yeux contre la lumière directe. Enfin, il dirigeait Le miroir sur un point du ciel rapproché autant que possible de horizon. Dans ces conditions les images acquièrent une pureté, une lransparence, une netteté de contours qui ne sont pas faciles à obtenir autrement, semble-t-il; ear M. Thuret est resté à peu près sans rival et n’a point été dépassé pour les observations microscopiques fines et délicates. — L'auteur d’un traité sur le microscope, H. Schacht, écrivait en 4859 à M. Thuret, qu'après avoir passé des journées à étudier les anthérozoïdes de diverses Muséinées, il était certain que ces anthérozoïdes n’ont pas deux cils, mais que le corps se termine par un prolongement flagelli- forme unique. Schacht ajoutait qu'il employait une excellente M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 347 lentille d'Oberhäuser, «la meilleure qui füt sortie des mains de cet habile opticien », L'instrument étant le mème de part et d'autre, les observateurs également exeréés, le maniement de léclairage explique seul la différence des résultats. Les préparations qu'il examinait étaient toujours exécutées avec soin et recommencées jusqu'à ce qu'elles fussent complé- tement satisfaisantes. Il se servait du microscope de dissection dOberhäuser, dont la stabilité, Pampleur de champ, l’abon- dance de lumière, la longueur de foyer, la facilité avec laquelle on en modifie le grossissement, font, pour les Algues du moins, un instrument incomparable. I employait peu le scalpel et pré- férait les aiguilles et les ciseaux, qui lui permettaient de pré- parer les objets dans l’eau et sous le microscope, ce dont il s’acquittait avec une grande sûreté de main. - M. Thuret S'occupait seul du rangement de l'herbier lgos logique ; il avait abandonné au conservateur de son herbier le soin des autres collections. Dans les recherches concernant les Algues, le travail était presque toujours fait en commun. En général, l’un de nous faisait un examen préparatoire de la ques: tion ou de l’objet à étudier, et, lorsqu'il avait rassemblé des matériaux suffisants, il les soumettait à son collaborateur. Si l'accord ne s'établissait pas immédiatement, si quelque point restait obscur ou indécis, on recommençait de nouvelles prépa rations que l’on examipait, el dont on discutait chaque détail jusqu’à ce que toute divergence sur le fait eùt disparu. Puis, pendant que son aide dessinait les objets étudiés, M. Thuret revisait l’ensemble du travail, faisait les recherches littéraires, et disposait sur des lamelles de mica les objets qui venaient d'être examinés, afin de les avoir tout prèts pour des observa- tons ultérieures. En composant son herbier et sa bibliothèque, M. Thuret eut toujours en vue Putilité immédiate, Il cédait rarement au simple désir de se compléter qui pousse les collectionneurs à s'encom- brer de matériaux et de documents qui ne leur serviront jamais. [ savait trop bien que l'abondance des matériaux, quand elle dépasse une certaine mesure, gêne et ralentit le travail au lieu 348 ED. BORNET. de le faciliter. Le fonds de son herbier est formé par ses propres récoltes, dont les exemplaires sont généralement très-beaux, et par des exsiccata dont il faisait l’acquisition lorsqu'ils pouvaient servir à ses études. Son herbier algologique, qui comprend près de cent paquets volumineux, est surtout intéressant par le nombre et la beauté des échantillons récoltés sur les côtes de France. Chaque espèce est généralement représentée par une longue suite d’exem- plaires pris à différents états. Convaincu que l'étude sur Île vivant est encore la seule base sérieuse de la science des Algues, il s’attachait avant tout à bien connaître les plantes de nos côtes, et ne donnait qu’une faible et passagère attention aux Algues exotiques. Par le même motif, il faisait très-peu d'échanges. Aussi cet herbier est-il comparativement peu riche en Algues étrangères à la France, et surtout en Algues extra- européennes. La majeure partie de ces dernières provient du voyage de Harvey, et de lPherbier de Bory de Saint-Vincent, dont M. Thuret s'était rendu acquéreur. A l’herbier proprement dit s’ajoutent la plupart des exsiccata publiés, ainsi qu’une col- lection d’Algues dans l'alcool, comprenant plus de 700 nu- méros. Certaines Algues se conservent très-bien ainsi et four- nissent à tout moment des matériaux d'étude comparables aux échantillons frais. Après les Algues, ce sont les Lichens qui sont le mieux repré- sentés parmi les Cryptogames. Les Lichens de Bory de Saint- Vincent qu'avait achetés M. Thuret constituent une collection nombreuse et intéressante de laquelle M. Nylander écrivait, en 1857, quelque temps après en avoir terminé l'examen : « Je viens d'arriver de Londres... L'herbier de Kew n’est pas aussi riche en Lichens que celui de M. Thuret. » Il s’est, depuis, augmenté des Lichenes Helvetici de Schærer et Hepp, ainsi que de la collection de l’Erbario crittogamico italiano. L'herbier phanérogamique se compose principalement de plantes de France et de la région méditerranéenne. Il renferme les collections de Huguenin, les exsiccata de Schultz et de Billot, les plantes d'Espagne de Bourgeau, diverses collections faites M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 349 en Algérie, les plantes d'Orient de Balansa, l’Herbarium nor- male de Heldreich, les plantes de Sicile de Huet du Pavillon et de Todaro, celles de Corse par Soleirol, Mabille, etc. La plus grande partie des espèces exotiques qui ont fleuri dans le jardin d'Antibes ont été séchées et conservées. Les plantes du département des Alpes-Maritimes constituent un herbier spécial. Quand M. Thuret et son aide arrivèrent dans le Midi, ils employèrent une partie de leurs loisirs à se familia- riser avec la flore de la nouvelle région qu'ils habitaient, Ils firent, dans ce but, de fréquentes herborisations dans les envi- rons d'Antibes et de Nice, presque toujours en compagnie de M. l’abbé Montolivo, qui avait une grande expérience de la contrée et de sa végétation. Ils parcoururent l’Esterel, les vallées du Var et de la Vésubie, et explorèrent à deux reprises les Alpes de Tende ainsi que le val Pesio, près de Coni. La liste des espèces ainsi recueillies entre 1858 et 1865 fournit à M. Ardoino les principaux éléments de sa Flore des Alpes-Maritimes. Grâce aux dons des botanistes qui ont parcouru le département depuis cette époque, la collection de M. Thuret à eontinué à s'enrichir d’un certain nombre de plantes nouvellement trouvées, et c’est probablement la plus complète qui existe en ce moment des végétaux de ce coin de la Provence, si riche et encore si peu connu. La bibliothèque scientifique était destinée à répondre à un double but : l'étude des Algues et la détermination des plantes cultivées dans le jardin. Indépendamment des ouvrages fonda- mentaux qui forment le fonds de toute bibliothèque algologique, M. Thuret avait rassemblé une quantité considérable de bro- chures relatives aux Algues, de tirages à part, d'ouvrages de cryptogamie ou de botanique générale, qui contiennent des do- cuments sur ces végétaux. Quant à la bibliothèque destinée à la phanérogamie horticole, elle comprend une série de grands ouvrages à planches qui, avec le Prodromus de De Candolle, les Annales et le Repertorium de Walpers, les Flores d'Australie et du cap de Bonne-Espérante, sont indispensables à l'étude des végétaux cultivés dans les jardins de la Provence. 350 DB. BBOUNE. M. Thuret n'avait pas seulement le goût des collections d'his- loire naturelle, il avait aussi celui des autographés. Pendant quinzé ans il en avait rassemblé une intéressante collection ; mais lorsqu'il eut aéquis la certitude que beaucoup de pièces fausses, presque impossibles à distinguer des documents au- thentiques étaient dé plus en plus fréquemment mises en cireu- lation, il vendit son cabinét, ét ne conserva que les autographes de botanistes, dont les lettres, moins recherchées, ne téntent pas les faussaires. Cette dernière colléction, qu'il n'a léguée avec ses livres ét ses herbiers, contient des lettres dé plusieurs centaines de botanistes. Parmi les pièces les plus anciéennes'et les plus belles, je citérai les atitographes d'Aldrovandi, de Boer- haave, dé Bocconé, dé Gæsalpin, dé Clusius, dé Dillen, de Plunmier, de Tournefort, été. ete: M. Thurét était membre dé la Société des sciéncés natu- relles de Cherbourg (1852) et de la Société botanique de France (4854). TH fut nommé correspondant de l’Institut (Acaz démie dés sciences), le 9 juin 1857, par 26 voix contre 17 don- üées à M. H. Lécoq, de Clermont-Ferrand. À un premier tour de scrutin M: Thuret n'avait obtenu qu’une voix de plus que son concurrent. H Gtait en outre correspondant dé Académie dés scierices de Berlin (41869); mémbre étranger dé la Société Linnéernne de Londres (1869) ; membre honoraire de la Société botanique d'Édimbourg (1871) ; inembre éorréspondant de la Société botanique des Pays-Bas (1874). On sait que l’Institut décerne tous les deux ans € un prix de 20 000 francs, attribué tour à tour à l'œuvre ou à Fa découverte kt plus propre à honorer où à sérvir le pays,’ qui se Sérd pro: duite pendant les dix dernières années dans Pordré spécial des travatx que représenté chacune des cinq Académies de lue stitut ». En 1865, M: Thuret fut l'un dés candidats choisis par l'Académie des scietices. Deux autres concurrents, MM. Wurtz ot Dupuy dé Eome étaient en présence, Au premier tour de seratin, les voit se partagèrent presque également: au sécond' tour, M. Dupuy de Loime fut éliminé, mais il n'y eut point dé majorité. Ce fut Séulement au troisième tour, et d’uné seule M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 351 voix, què M. Wurtz l'emporta. En 4875 M. Thuret était encore, sans qu'il le sût, le candidat de la section de botanique, et paraissait devoir être celui de PAcadémié des sciences tout entière. Nulle autre candidature n'étant opposée à la sienne, est à peu près certain que l'institut Paurait élu à l'unanimité, sileût vécu quelques semaines de plus. C’eùt été un juste Honneur rendu à un homme «€ dont les travaux offrent un tel éaräctère d'exactitude et de précision qu'aucun n'a Jamais été contesté » ({), qui est une des gioires de Fa science française, et dont le souvenir vivra aussi longtemps que les hommes s’in- téresseront à l’histoire des végétaux. -1M. Decaisne avait donné lé nom de Thwetia à une belle et curieuse Floridée, dont les feuilles, seinblables à celles de nos Chênes pour la forme et la grandeur, sünt constituées par un élégant réseau à jour. Malheureusement M. F. Agardh à réconnu que le Thuretia ne diffère pas assez du genre Dictyirus établi antérieurement par Borÿ, et qu'il né Peut être mainténu. Sant Ne montrer en M. Thuret que le naturaliste serait le repré- senter d’une manière trop incomplète. Patriote ardent et esprit sincèrement religieux, il donnait une grande part de ses pensées à la France, à. ses affaires, à ses destinées, en même temps qu'il suivait avec un vif intérêt le mouvement ecclésiastique et reli- oieux dont les églises chrétiennes sont agitées depuis quelques années. Il portait dans ces deux sortes d'idées un esprit fran- chement libéral, plein de droiture, de elairvoyance et de modé- ration ; mais il était nettement hostile à tous.les partis pris, à tous les excès, à tous les despotismes, « détestant également les orthodoxes en politique et les ortliodoxes-en religion, vrais sectaires qui ne connaissent plus ni équité ni morale lorsqu'il s’aoit de leur dada favori, qui ne songent qu'à réaliser leurs (1) Duchartre, Journalide la Societé centrale d'horticulture de Franec duuiéro de mai 1875, p. 270. 302 ED. EBONNET. théories, et qui détruiraient la France et l’Église jusqu’au bout pour y parvenir. » (G. Thuret, Lettres.) Ayant fait son éducation politique sous le gouvernement de Juillet, il s'était imbu des principes de la monarchie constitu- tionnelle, forme de gouvernement qu'il regardait comme la plus parfaite que les hommes eussent imaginée. Le soudain renver- sement de cette monarchie par ceux mèmes qui auraient dù en être les plus ardents défenseurs le troubla profondément. Il jugea qu’un peuple assez dépourvu desprit politique pour n'avoir pu supporter un régime où tout progrès, tout change- ment était possible par le jeu régulier des institutions, que diri- geaient un habile souverain et une réunion d'hommes aussi émi- nents qu'il y en eut Jamais en aucun temps et en aucun pays, était désormais vouê à l’anarchie et au despotisme. Les indivi- dus échappent souvent aux conséquences de leurs fautes; les peuples, presque Jamais. Bien loin de s’épuiser au moment même où les fautes se produisent, ces conséquences pèsent sur l'avenir pendant une longue série d’années et déterminent la suite des événements d’une manière presque fatale. M. Thuret vit donc se dérouler sans surprise, d’abord avec des appréhen- sions de plus en plus vives, puis dans de douloureuses et pa- triotiques angoisses, les événements qui se sont succédé depuis 1848, mquiet de l’avenir encore plus que du présent, et se de- mandant si un peuple aussi bien doué que le nôtre, qui possède de si sérieuses qualités, n’acquerra pas enfin celles dont il est trop dépourvu et sans lesquelles aucun gouvernement libéral et durable ne sera possible. Il ne désespérait pas cependant, persuadé qu'il était que linaptitude des Français à diriger eux- mêmes leurs affaires tient en grande partie à ce qu’on n’a guère cherché jusqu'à présent à faire leur éducation sur ce point. Voyez, disait-1l, le peuple anglais. « Habitué à gérer toutes ses affaires intérieures par lui-même, 1l est bien plus prompt à com- prendre les situations politiques que le peuple français, tenu en tutelle depuis des siècles par Padministration la plus absolue, la plus oppressive, la moins intelligente des droits des citoyens, qui ait jamais existé. Malgré la vivacité de ses conceptions, le M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 353 bon sens natif dont elle est douée et dont sa littérature et son histoire offrent tant de preuves, la nation française, faute d’ex- périence pratique des affaires publiques, est d'autant plus facile à égarer et à jeter dans l’opposition, qu’en attaquant le gouver- nement, elle croit prendre sa revanche sur les torts de l’admi- mistration despotique qui la blesse et l’exaspère dans tous les actes de sa vie politique et privée... (1)» « Par la liberté seule les hommes seront des hommes, des êtres susceptibles de vertu et de perfectionnement ; sans elle leur caractère se dégradera… Toutes les formes de gouvernement ne sont pas sans doute éga- lement propres à la liberté ; mais toutes peuvent en recevoir les premiers éléments, et contribuer ainsi, du moins pour un temps, à l’éducation des peuples... La science politique est encore trop incertaine... pour que le changement d’une forme contre une autre mérite d’être acheté au prix d’une révolution (2).» La direction qu'a suivie le cours de notre histoire, ces alternatives d’agitations, de licence et de dictature, la difficulté que nous éprouvons à faire notre apprentissage politique, tout cela M. Thuret l’attribuait sans hésiter au parti que la France a pris contre la Réforme du xvr° siècle. « Cette révolution religieuse était la forme de la liberté au sortir du moyen âge, et ceux qui n’ont pu conquérir cette liberté ont été jusqu’à ce jour impuis- sants à en établir une autre (3). » M. Thuret avait reçu, par les soins de M. Ath. Coquerel père, une éducation religieuse forte et libérale. Il fut toute sa vie fermement attaché au christianisme et à la foi protestante. Plus que les autres formes du christianisme, le protestantisme lui paraissait propre à développer les côtés élevés de la nature hu- maine, à donner satisfaction à toutes les énergies, en permettant à chaque homme, ou plutôt en lui imposant l'obligation de chercher la vérité avec conscience, selon sa nature, son intelli- (1) Ch. AI. Campan, Troisième article sur William Pitt (Indépendance belge du 16 septembre 1862). (2) Sismondi, Histoire des républiques italiennes (introduct., post-scriptum) (3) Edgar Quinet, Marnix de Sainte-Aldegonde (Revue des deux mondes livraison du 1° juin 1854, p. 995). 6e série, Bor. T. Il (Cahier n° 6). 3 23 304 EI. BORNE. gence et sa perception individuelle de l'idéal et de l'infini. La variété des croyances qui résulte du libre examen ne l’effrayait pas ; il pensait au contraire que si l’union entre chrétiens est jamais possible, elle sortira de la diversité et non de l’uniformité des dogmes. Il lisait avec assiduité la Bible, et plus particulièrement l'Évangile, « ce livre divin, le seul nécessaire à un chrétien, et le plus nécessaire de tous à quiconque même ne le serait pas, qui n’a besoin que d’être médité pour porter dans l’âme l'amour de son auteur et la volonté d'accomplir ses préceptes. Jamais la vertu n’a parlé un si doux langage ; jamais la plus profonde sagesse ne s’est exprimée avec tant d'énergie et de simplicité. On n’en quitte point la lecture sans se sentir meilleur qu’au- paravant (1).» Les écrits de Channing, certains passages des œuvres de J. $. Rousseau, et notamment les Lettres écrites de la montagne, expriment avec assez de fidélité la manière dont M. Thuret concevait le christianisme. L’extrait suivant, que Je prends également dans ses Collectanca, à, sous ce rapport, presque la valeur d’une profession de foi. « Nous reconnaissons l'autorité de Jésus-Christ parce que notre intelligence acquiesce à ses préceptes et nous en découvre la sublimité. Elle nous dit qu'il convient aux hommes de suivre ces préceptes, mais qu'il était au-dessus d'eux de les trouver. Nous admeitons la révélation comme émanée de lesprit de Dieu, sans en savoir la manière, et sans nous tourmenter pour la découvrir. Ainsi, reconnaissant dans l'Évangile l'autorité divine, nous croyons Jésus-Christ revêtu de cette autorité ; nous reconnaissons une vertu plus qu'humaine dans sa conduite et une sagesse plus qu'humaine dans ses leçons. Voilà ce qui est bien décidé pour nous... Nous admettons tous les enseigne- ments qu'a donnés Jésus-Christ. L’utilité, la nécessité de la plupart de ces enseignements nous frappe, et nous tâchons de nous y conformer. Quelques-uns ne sont pas à notre portée ; (1) Réponse de JT. J. Rousseau au roi de Pologne sur la réfutation faite par ce prince de son Discours sur les sciences et les arts (édit. Lefèvre, 1819, pr 00) EAU M. GUSTAVE-ADOLUHE THURET. 355 ils ont été donnés sans doute pour des esprits plus intelligents que nous. Nous ne croyons pas avoir atteint les limites de la raison humaine, et les hommes plus pénétrants ont besoin de préceptes plus élevés. » Beaucoup de choses dans l'Évangile passent notre raison et même la choquent; nous ne les rejetons pourtant pas. Con- vaincus de la faiblesse de notre entendement, nous savons res- pecter ce que nous ne pouvons concevoir, quand l’association de ce que nous concevons nous le fait juger supérieur à nos lumières. Tout ce qui nous est nécessaire à savoir pour être saints nous paraît clair dans l'Évangile ; qu'avons-nous besoin d'entendre le reste (1)? » Si, comme on le voit, il n’était pas disposé à nier tout ce qu’il ne pouvait expliquer ni comprendre, il ne consentait pourtant pas à admettre ce qui est contraire à la raison ou aux faits avérés. Mais chez lui, comme chez beaucoup de personnes, cette répugnance à prendre au pied de la lettre certains pas- sages des Livres saints € n'avait rien de commun avec ce qu’on appelait autrefois le Hbertinage et les débauches d'esprit ; elle provenait uniquement de la nécessité où est notre siècle d’ac- corder sa foi avec sa raison. Notre siècle ne recule pas devant l'extraordinaire, encore moins devant ke divin; mais il recule devant limpossible (2). » 1 Perpétuellement en garde contre l'esprit de parti, qui ne sait ou ne veut apercevoir qu'un côté des questions, 1l se faisait une obligation de se tenir au courant des opinions opposées, et l’on voyait sur sa table des livres et des journaux appartenant aux nuances les plus diverses. Sachant bien «qu'en religion, comme en tout le reste, l’absolu ne convient pas à la nature humaine, et que les plus conséquents ne sont pas toujours les plus raison- nables » (3), il ne s’était inféodé à aucun système théologique. (1):3.-J. Rousseau, Lettres écrites de la Montagne, première partie, lettre I'° (édit. Lefèvre, 1820, €. X, p. 191 et suiv.). (2) Emile Burnouf, la Science des religions (Revue des deux mondes, livraison du 1° décembre 1864, p. 543). (3) G. de Rémusat, De la théologie critique (Revue des deux mondes, livraison du 1° janvier 1862, p. 110). 356 HD. FORNET. Les affirmations dogmatiques lui étaient d'autant plus suspectes qu’elles se montraient plus nettes et plus tranchantes. Il leur reprochait d’engendrer « la confiance présomptueuse dans nos propres idées et l'intolérance envers les idées des autres, deux des plus dangereuses maladies de l'intelligence et de la société humaines (1). » Les spéculations audacieuses des théologiens lui semblaient bien souvent blasphématoires. « Telle était pour lui la hauteur, et pour ainsi dire la délicatesse de la vérité de Dieu, que le langage humain n’y peut toucher sans la blesser par quelque endroit (2). » [Il ne croyait pas qu'il fût besoin de métaphysique aussi subtile pour porter l'esprit et le cœur vers les choses élevées, pour développer la conscience, le sens moral, l'effort vers le bien et le vrai, la pratique du devoir et de la charité. € Faut-il être si savant pour savoir aimer Dieu et pour se renoncer pour l'amour de lui? Vous savez beaucoup plus de bien que vous n’en faites. Vous avez beaucoup moins besoin d'acquérir de nouvelles lumières que de mettre en pratique celles que vous avez déjà reçues (3). » Il ne faisait pas grand état de la nature humaine. Avoir à lutter sans cesse et péniblement contre ses tendances égoistes, se sentir impuissant à faire ce qu’on approuve, tandis que l’on fait ce que l’on condamne, lui paraissait profondément humi- liant. Aussi les sermonnaires et les moralistes, qui présentent le tableau le moins flatteur du cœur humain, étaient ceux qu'il goûtait le plus. Ge sentiment d'humilité non affectée était d’au- tant plus remarquable que le penchant au bien semblait une disposition instinctive chez M. Thuret, tant il le faisait simple- ment et spontanément. M. Thuret ne séparait pas la pratique de la théorie. Pos- sesseur d’une large aisance, 11 faisait le plus noble usage de sa fortune. IT vivait d’une manière simple et retirée, mais sans (1) Guizot, Méditations sur l’état actuel de la religion chrétienne, n° 7, p. 337. (2) Bossuet, Avertissements aux protestants, sixième et dernier averlisse- ment, première partie, XXXVIIL. (3) Fénelon, Lettres spirituelles, édition de Silvestre de Sacy, t. I*', p. 408, lettre LXXII. M. GUSTAVE-ADOLPHE THURET. 397 austérité, consacrant à ses travaux une grande part de son revenu. [1 donnait beaucoup, était charitable avec discerne- ment, généreux sans prodigalité, et se préoccupait sans cesse de procurer à ceux qui l’entouraient le bien-être et la sécurité. Non-seulement il contribuait largement à soulager les misères apparentes et publiques, mais il était toujours prêt à venir en aide à toute infortune qui arrivait à sa connaissance. Il était heureux de faire le bien. «II semble », disait une personne cha- ritable qui s’adressait quelquefois à M. Thuret pour en obtenir le concours, «il semble que ce soit un service que nous lui ren- dons en appelant son attention sur une bonne œuvre à faire, et qu'ilsoitnotre obligé. » Je pourrais citer plus d’un trait de géné- rosité, plus d’un secours dont l’origine n’a pas été connue de celui qui en a été l’objet; mais la réserve et le silence dont M. Thuret entourait ses dons ne me permettent pas d’insister- Pour moi toutefois qui ai plus que personne éprouvé les effets de la munificence de M. Thuret, je ne saurais hésiter à en té- moigner hautement, et je ne puis lui être assez reconnaissant de la grâce délicate avec laquelle 1! savait présenter et faire agréer ses bienfaits. Quoique M. Thuret ait en grande partie échappé aux aspé- rités de l’existence humaine et qu’il pût être compté au nombre des heureux de la terre, il ne tenait pas à la vie. Que de fois il souhaita d’être retiré d’un monde où sa nature était trop souvent froissée ! Il n’était n1 pessimiste ni d'humeur chagrine, mais il possédait à un haut degré cette sensibilité mquiète qui prévoit et multiplie les douleurs auxquelles tout homme est sujet. Faut-il croire cependant qu’une vie si complétement consacrée au travail et au devoir, si sainte, pourrai-je dire, n’ait pas été sans douceur? Le passage suivant, que M. Thuret à transcrit dans ses Collectanea quelques jours seulement avant sa mort, s’applique si bien à lui-même, qu'il semble être l'affirmation d’une expérience personnelle. « Je pensais maintenant que le seul moyen d’attemdre le bonheur, c’est de n’en pas faire le but de l’existence. Geux-là seuls sont heureux qui ont l’esprit tendu vers quelque autre objet que leur propre bonheur, vers le bon- 358 ED. BORNET. heur d'autrui, le progrès de Phumanitt, quelque fin idéale et désintéressée.… Pour être heureux, 1l faut s’oublier. Cette préoc- cupation de son propre bonheur, cette analyse inquiète qui le fouille, le pèse, le met constamment en question, ce souci débi- litant de soi-même, qui n’est au fond que de l’égoisme, abou- tissent à l'impuissance et au rongement. S’oublier, renoncer à soi, se donner à quelque but élevé, perdre sa vie, par exemple, au service de la vérité, de la justice, de l’humanité, c’est le moyen de trouver spontanément le bonheur, de le respirer sim- plement comme l'air (1). » Je n’ajouterai rien à ces paroles. Qu'il me soit seulement permis d'exprimer 1ci toute ma reconnaissance pour les témoi- gnages de regrets et de sympathie que J'ai reçus à l’occasion de l'événement funeste qui m’ôtait le meilleur dés amis, qui frap- pait d’une manière non moins cruelle sa famille, dont il était aimé tendrement, et qui a été ressenti par les habitants d’An- tibes à l’égal d’une calamité publique (2). LISTE DES PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES DE M. G: THURET. Note sur l’anthère du Chara ét les animalcules qu’elle renfermé. Broch. in-8e, 8 pages, 4 planches (extrait des Annales des sciences naturelles, 2° série, 1840, t. XIV, p. 65, pl. 8-8). Recherches sur les organes locomoteurs des spores des Algues, Broch. in-8, p. 266-267, 6 planches en partie coloriées (ibid., 2 série, 1843, t. XIX, p. 266, pl. 10-15). Note sur le mode de reproduction du Nostoc verrucosum. Broch. in-8e, p: 319-393, 1 planche (ibid., 3° série, 1844, 1. IF, pl. 9). (1) Jolin Stuart Mill, cité par M. L. Rey, Revue chrétienne, livraison du 5 avril 1875, p. 215. (2) Parmi les formes souvent touchantes qu'a revêtues l'expression des regrets causés dans la population d'Antibes par la mort dé M. Thuret, il en est une qui mérite vraiment d’être conservée. Le jardin de M, Thuret était le refuge d’une quantité de rossignols qui nichaient dans ses buissons. Une paysanne passant sur le chemin entendit chanter un de ces oiseaux : War, canto! canto! lui dit-elle, mai t'entendé plu (Va! tu peux chanter et chanter, il n’est plus là pour t’entendre). M. GUSTAVE=ADOLPHE THURET. 309 Recherches sus les anthéridies et les spores dé quelques Fuchs, par MM. J. Decaisne et G. Thuret. Broch. in-8°, 10 pages, 2 planches (ibid:, 8° série, 1845, t. I, p. 5-15, pl. 1-2). — (Présentées à l’Académie des sciences, séance du 11 novembre 1844.) Note sur les zoospores des-Algues. Brocn. in-12, 7 pages (extrait du tome XHÏ, n° 11 des Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 1846). Note sur les zoospores des Algues olivacées. Broch. in-12, 7 pages (ibid., t. XV, no 2, 1847). Note sur les anthéridies des Fougères. Broch. in-8°, p. 5-11, 4 planches en partie coloriées (extrait des Annales des sciences naturelles, 3° série, 1849, t. XI, p. 5-11, pl. 2-5). Recherches sur les zoospores des Algues et les anthéridies des Cryptogames. Broch. in-8°, 93 pages, pl. 16-31 et pl. 1-5 (ibid., 3° série, 1850, t. XIV, p. 214, pl. 16-31 ; et 3° série, 1851, t. XVI, p. 5-39, pl. 1-15). Note sur la fécondation des Fucacées (Comptes rendus des séances de l'Académi des sciences, t. XXVE, p. 745, séance du 25 avril 1853). Broch. in-8°, 9 pages (extrait des Mémoires de la Société des sciences naturelles de Cherbourg, 1853, t. I, p. 161). Sur la fructification du Desmarestia viridis (ibid., p. 343). Note sur la synonymie des Ulva Lactuca et latissima L., suivie de quelques remarques sur la tribu des Ulvacées. Broch. in-8°, 16 pages (ibid. 1854, CRIEUp 17) Description d’Algues nouvelles décauvertes aux environs de Cherbourg (ibid., p. 387). Note sur un nouveau genre d’Algues de la famille des Floridées. Broch. in-8, 8 pages, 2 planches (ibid. 1855, €. IT, p. 155). Recherches sur la fécondation des Fucacées et les anthéridies des Algues. Broch. in-8, {r° partie, 22 pages, 4 planches ; 2° partie, p. 23-46, 8 planches (extrait des Annales des sciences naturelles, 4° série, 1855, t. IE, p. 197-214, pl. 12-15 ; et t. IX, p. 5-28, pl. 2-4). Sur les anthéridies du Fegatella conica (Mémoires de la Société des sciences naturelles de Cherbourg, 1856, t. IV, p. 216). Deuxième note sur la fécondation des Fucacées. Broch. in-8°, 15 pages, 1 planche (Gbid- 1857, 1. V, p. 1). Observation sur la reproduction de quelques Nostochinées. Broch. in-8°, 16 pages, 3 planches (ibid, p. 19). Note sur la fécondation des Floridées, par MM. Ed. Bornet et G. Thuret. Broch. in-8°, p. 257-262 (ibid. 1866, 1. XIT, p. 257-262). — (Présentée à Académie des sciences, séance du 10 septembre 1866.) Recherches sur la fécondation des Floridées. Broch. in-8°, 32 pages, 3 planches (extrait des Annales des sciences naturelles, 5° série, 1867, t. VII, p. 136-166, pl. 11-13). 360 ED. BORNET, Essai de classification des Nostochinées. Broch. in-8°, 11 pages (ébid., 6° série, t. I, p. 372-382). En préparation : Études phycologiques, 50 planches in-folio gravées sur cuivre. Notes algologiques, par MM. Ed. Bornet et G. Thuret. SUR LE DÉVELOPPEMENT DU FRUIT DES COPRINS ET LA PRÉTENDUE SEXUALITÉ DES BASIDIOMYCÈTES Par M. Ph. VAN TIEGHEM. J'ai eu l’honneur de communiquer à l’Académie (séance du 8 fé- vrier 1875) le principal résultat d’une série de recherches sur la repro- duction des Coprins, poursuivies par voie de cultures cellulaires mono- spores de novembre 1873 à juillet 1874 ; je le rappelle brièvement. Certains mycéliums portent des bouquets de baguettes se désarticulant en bâtonnets, et tous mes efforts pour faire germer ces bâtonnets étaient demeurés inutiles. D’autres mycéliums produisent des ampoules en général terminées par une courte papille, et j'avais toujours vu ces ampoules livrées à elles-mêmes se vider et dépérir. Mais si l’on dépose les bâtonnets sur les ampoules, quelques-uns se fixent sur elles, notamment aux papilles terminales avec lesquelles ils s’anastomosent en se vidant. Après quoi lampoule se divise en trois; les deux cellules inférieures poussent des branches latérales recourbées et rameuses qui s'appliquent l’une contre l’autre en recouvrant la cellule terminale, et l’ensemble forme bientôt un petit tubercule. Faute de nourriture, ces petits tubercules n’ont pas conti- nué à se développer dans ces cultures cellulaires ; mais d’autres observa- tions, tirées de cultures en grand et sur porte-objet découvert, ont prouvé qu’ils sont les débuts d’autant de fruits basidiosporés. De ces faits in- contestables, j'ai cru pouvoir conclure à une fécondation exercée par le bâtonnet (organe mâle, pollinide) sur l’ampoule (organe femelle, carpo- gone), fécondation qui serait la cause déterminante de la formation du fruit. Longtemps retardée par Le désir de répéter les expériences et de mener à meilleure fin ces difficiles cultures, cette brève communication m'était imposée à ce moment par la publication, en Allemagne, d’un travail de M. Reess sur le même sujet, où l’auteur, étudiant aussi un Coprin, est arrivé de son côté par une voie un peu différente à une conclusion ana- logue. Depuis lors, et à la suite de nouvelles recherches, M. Reess a con- firmé mes observations et a admis les rectifications que j'avais apportées à son premier travail (4). D’un autre côté, M. Kirchner sur le C. ephemerus, (1) Pringsheim's Jahrbücher, 1875, t. X, p. 198. 362 PE. VAN MIRGEHINNE. et tout récemment M. Eidam sur les Agaricus coprophilus, fascicularis et mutabilis, sont venus y ajouter des preuves nouvelies (4). IL m'a semblé cependant que la sexualité des Basidiomycètes ne serait définilivement démontrée que si l'on parvenait, 4 LA suite d’une féconda- tion expérimentale contrôlée par des cultures de comparaison et de contre- épreuve, à produire en cellule non pas seulement un petit tubercule, mais un fruit parfaitement mûr. C'est dans ce but que j'ai entrepris, en août et septembre derniers, une nouvelle série de cultures cellulaires de diverses espèces du genre Coprin. L'objet en vue a été atteint, en ce sens que d’une spore primitive j'ai réussi à obtenir en cellule le fruit bien conformé et mür de plusieurs Coprins, avec faculté d'étudier sur place l’origine de son développement, Mais en mème temps les faits nouveaux qu'il m'a été donné d'observer m'ont conduit à interpréter tout autrement les résultats de mes premières expériences, et j'ai le devoir de faire disparaitre au plus tt, sans attendre la publication de mon mémoire détaillé et des figures qui l’accompagnent, une erreur que j'ai contribué à accréditer: J'ai obtenu, en effet, la germination indépendante des bâtonnets des Coprins (G, plicatilis et stercorarius). Ces organes ne sont done pas des corpuseules fécondateurs mâles (spermaties ou pollinides), mais une espèce particulière de spores, éminemment altérables et éphémères, des conidies. En second lieu, j'ai vu le fruit des Coprins (G: plicatilis, radiatus et filiformis) naître, se développer et mürir en cellule, sur un myeélium où il ne s'était produit aucun bâtonnet, et dans des conditions où aucun bà- tonnet n'avait été amené, ni n'avait pu s’introduire du dehors, Gomme on n'observe d’ailleurs, à l'origine de son développement, aucune copula- ion de filaments à laquelle on puisse reconnaitre le caractère d’un acte fécondateur, il parait bien que le fruit des Goprins se forme sans fécon- dation. Reste à donner aux faits exposés dans mon premier travail leur véri- table sigüification, L’incapacité de germer attribuéé alors aux bâtonnets n'est qu'un argument négatif, qui tombe aujourd'hui devant leur gerrmina- tion constatée. Elle à lieu en cellule dans la décoction de crottin et sy opère, suivant les conditions, d’une manière différente, Si l’on sème dans la goutte nutritive un petit nombre de bâtonnets, on les voit, dès Les pre- mières heures, se gonfler et devenir ovales, ou même sphériques ; après celle nutrition préalable, ils poussent un tube mycélien vigoureux bientôt ramifié, à branches anastomosées, Deux jours après le semis, le mycélium ainsi formé a déjà produit de nouveaux bouquets de baguettes, qui com= mencent à se désarticuler en bätonnets. C’est la germination normalé. Semées en grand nombre, de manière à se trouver rapprochées dans la (1) Botanische Zeitung, 1% octobre et 5 novembre 1875. DÉVELOPPEMENT DU FRUIT DES COPRINS. 363 goutte nutritive, les conidies ne grossissent pas sensiblement, mais émet- tent perpendicuiairement à leur axe un tube très-étroit. D'un bâtonnet à l’autre ces petits tubes s’anastomosent en forme d’'H ou de lignes brisées plus ou moins compliquées, et les choses en restent là. Portés dans une goutte où se développe déjà le mycélium d’un Goprin de même espèce, les bâtonnets se comportent d’une manière analogue. Sans grossir, partout où ils avoisinent une branche mycélienne, ils envoient vers elle un tube étroit qui s’y anastomose; ils font corps désormais avec elle et paraissent n’en être que des appendices. Si, au point considéré, la branche se trouve en partie épuisée, Les bàtonnets y déversent leur protoplasma en se vidant, et il en résulte pour elle üne reprise d'activité proportionnelle at nombre dés corpuscules qui s’y sont ainsi copulés. Enfin, si, dans une pareille cul- ture cellulaire en voie de développement plus avancé, on projelie dés bâtônnets sur les aipoules unicellulaires, premiers états des fructifica- tions, c’est-à-dire si l’on se place précisément dans les conditions des pré- mières expériences, la même copulation à lieu. Le sommet de l’ampoule, ordinairement prolongé en bouton, en étant la partie la plus jéuné et la plus molle, c’est là que la fixation des bätonnets et leur anastomose se produisent de préférence, et parfois même exclusivement. Si, én outre, l'expérience est faite au moment où l’ampoule, creusée de grandes va- cuoles, commence à s’épuiser faute d’aliment, on voit les bâtonnets y déverser leur protoplasma et s’y vider. Elle reprend alors une activité nou- velle, traduite au dehors par son éloisonnement et la ramification des cel- lules inférieures, toutes conséquences qui ne se manifestent pas dans les ampoules voisines privées de cet appoint de protoplasma. Ces diverses copulations dé bâtonnéts, nous le savons maintenant, Sont des phénomènes d'ordre végétatif, des débuts de germination dans des conditions où la germination normale ne peut pas s’accomplir, avec mani- festation de la propriété générale d’anastomose et de greffe que possèdent à ün haut degré toutes les cellules de ces plantés. Mais on voit aussi que dans des ciréohstances spéciales, notamment dans lé dernier cas que je viens de rappeler, ces greffes de bâtonnets germants peuvent revêtir, à s’y méprendre, les apparences de l'acte fééondateur lé mieux caractérisé. A voir ainsi la théorie de la sexualité des Basidiomyéètes, basée cepen- dant sur les faits en apparence lés plûs démonstratifs, ne pas résister à une étude plus approfondie, on sé demande s’il n’en serait pas de même pour les Ascomycètes, et si les preuves dé la sexualité des Chämpigions de cet ordre ont bien toute la solidité qu’on leur attribue. Cétte étude fera l’objet d'une prochaine communication. SUR LE DÉVELOPPEMENT DU FRUIT DES CHÆTOMIUM ET LA PRÉTENDUE SEXUALITÉ DES ASCOM\CÈTES Par M. Ph. VAN TIEGHEM. J'ai suivi le premier développement du fruit des Chætomium et des vrais Sordaria, par la méthode des cultures cellulaires, qui permet d’observer un même périthèce à ses divers états. La spore des Chætomium germe en cellule dans le moût de bière, le jus d'orange, ete., et y développe un mycélium anastomosé en une multitude de points, qui, dès le septième jour et sans former de conidies, commence à frucüfier. A cet effet, sur un filament ordinaire naît une branche de même grosseur, qui s’enroule aussitôt en spirale serrée et cesse de s’al longer après avoir fait environ deux tours. La spire ne laisse pas de cavité au centre, et, comme ses tours se croisent, elle forme une petite pelote sessile : c’est le carpogone. De sa partie inférieure nait bientôt un rameau plus grêle qui rampe sur la pelote en se dirigeant vers son sommet. Avant de l'avoir atteint le plus souvent, il se ramifie dans le plan tangent et ses ramuscules enlacent le carpogone à la surface duquel ils se divisent à leur tour. Tous ces rameaux de divers ordres, étroitement appliqués sur la spire, mais ne paraissant en aucun point anastomosés avec elle, se sou- dent, se cloisonnent et recouvrent enfin d’une assise cellulaire continue la partie supérieure du carpogone qui pendant ce temps s’est elle-même cloi- sonnée. Dès lors le jeune périthèce est constitué, et c’est par le dévelop- pement indépendant de ses deux parties, la spire centrale et le tégument, qu'il s’'achemine peu à peu vers la maturité. La spire, en effet, bourgeonne plus tard pour former l’ensemble des asques : c’est l’ascogone. Le tégu- ment, s’accroissant tout de suite en épaisseur, multiplie ses assises, pro- longe au dehors certaines de ses cellules périphériques pour former les longs poils auxquels ce genre doit son nom, et finalement produit la paroi du fruit et ses dépendances : c’est le périascogone. Je laisse de côté les crampons rameux qui, pendant la formation du périthèce et déjà quand le carpogone commence seulement à s’enrouler, prennent naissance à sa base même et de chaque côté sur la branche qui le porte; anastomosés entre eux et avec les filaments du mycélium, ils fixent et nourrissent le fruit. Parmi les très-instructifs arrêts de dévelop- pement que l’on rencontre dans les cultures, je dois aussi me borner à en citer un seul. Plusieurs fois j'ai vu un rameau, émané de la base du car- DÉVELOPPEMENT DU FRUIT DES CHÆTOMIUM. 309 pogone non encore enveloppé, s’anastomoser avec lui; or, précisément dans aucun de ces cas le carpogone n’a continué à se développer. Il semble donc que, lorsque, en vertu d’une propriété générale possédée par toutes les cellules de la plante, le carpogone vient à se copuler avec un rameau voisin, il se trouve par cela même stérilisé, ramené à l’état végétatif, et que l’une des fonctions du tégument est précisément de le protéger contre de tels accidents. Sauf la présence des conidies et l’absence des poils caractéristiques, les choses se passent dans les Sordaria (S. setosa et coprophila) comme dans les Chætomium, ce qui confirme les récentes observations de M. Gilkinet, faites sur un genre voisin (Hypocopra), mais brièvement étendues à un vrai Sordaria (S. minuta). Grâce aux beaux travaux de M. de Bary (1863-1870) et aux Mémoires de MM. Woronine (1866-1870), Tulasne (1867), Jancezewski (1871), Baranetzki (1872), Brefeld (1874) et Gilkinet (1874), on connait aujour- d’hui le développement du périthèce de plusieurs Ascomycètes. Dégagé de toute interprétation théorique, il se rattache à deux types, suivant que le carpogone, presque toujours plus ou moins enroulé en spirale, est simple ou double, formé d’une seule branche spécialisée ou de deux branches semblables en contact intime dans toute leur étendue. Dans les deux cas, le carpogone bourgeonne à sa base, et ses rameaux et ramuscules, étroite- ment appliqués sur lui, couvrent bientôt sa région supérieure (ascogone) d’un tégument continu (périascogone) qui a partout la même valeur mor- phologique et physiologique. La différence est que l’ascogone est simple dans le premier type, double dans le second. Aux Ascomycètes monocar- pogonés appartiennent les Eurotium, Hypocopra, Ascobolus, Peziza et aussi, comme on l’a vu plus haut, les Chætomium et Sordaria. Aux Asco- mycètes dicarpogonés se rattachent les Penicillium, Erysiphe, Podosphæra et Gymnoascus, ces trois derniers genres avec une organisation dégradée. Dans les Erysiphe en effet, où les asques sont peu nombreux, et dans les Podosphera, où il n’y en a qu’un seul, l’une des deux branches de l’asco- gone demeure stérile; la même chose a lieu dans le Gymnoascus, où en outre le légument est rudimentaire, ce qui annonce la présence d'Asco- mycètes à ascogone entièrement nu. S'il en existe de tels dans le premier type, et le Saccharomyces parait en être l’exemple le plus dégradé, leur exacte connaissance sera décisive dans la question théorique que nous devons maintenant aborder. M. de Bary a cru pouvoir interpréter les faits observés par lui, comme établissant la sexualité des Ascomycètes, et ceite théorie, admise et con- firmée par tous les auteurs qui ont suivi, est aujourd’hui classique. Elle n’est pourtant rien moins que démontrée. Mon Mémoire la discutera dans les divers cas particuliers ; je dois me borner ici à montrer en peu de mots combien peu elle est conforme aux faits. Remarquons d’abord que l’inter- 366 PH. VAN TENGEIINNUE. prétation diffère suivant qu'il s’agit de l’un ou de l’autre des types distin- gués plus haut. Dans le premier, le carpogone simple est femelle; les rameaux formateurs du tégument, tous ensemble ou seulement le premier d’entre eux, sont mâles (pollinades), bien qu'ils continuent ensuite à se développer pour devenir partie intégrante du fruit, ee qui est absolument contraire à l’idée qu'on doit se faire d’un organe mâle. Leur contact intime avec le carpogone est une fécondation dont lascogone est le résultat, et cela en dehors de toute preuve directe, sans même qu’à la suite de ce contact 1l s'opère le moindre changement intérieur dans les deux corps en présence (1). Dans le second type, les rameaux générateurs du tégu- ment, bien qu'ayant la même origine que dans le premier et les mêmes relations avec ce qu'ils recouvrent, ne sont plus mâles, mais simplement protecteurs. C’est l’une des deux branches enveloppées qui est mâle (polli- node), l’autre femelle (earpogone), et Le fait seul de leur contact est donné, sans autre preuve, pour une fécondation. Cependant, si les deux branches sont semblables au début et bourgeonnent toutes deux plus tard pour pro- duire les asques (Penicillium), il est clair qu’une pareille interprétation n'a pas de sens. Lorsque, pareilles encore au début, l’une d’elles demeure stérile plus tard (Gymnoascus), mais surtout quand la stérilité s’accuse en elle dès l’origine par une forme spéciale (Erysiphe, Podosphæra), il peut paraître séduisant de regarder comme mâle cette branche stérile; mais en réalité, comme-on la vu plus haut, on se trouve alors en présence d’or- ganismes dégradés, et cette stérilité s'explique par de tout autres causes. En résumé, du rapprochement au contact où même de la soudure de deux des parties constitutives du jeune fruit, il ne parait pas légitime de conclure, en dehors de toute aulre preuve, à une action de l’une sur l’autre, à une fécondation. (1) Îlest vrai que, dans l'Eurotium, M. de Bary a quelquefois constaté une anastomose entre le carpogone et le premier-né des rameaux qui le couvrent; mais il n’a pas montré que cette copulation est nécessaire au développement uliérieur du fruit, qu'elle n’est pas une anastomose accidentelle et d'ordre végétatif; bien plus, il n’est pas certain qu’elle n'empêche pas le périthèce de se développer, comme nous avons vu plus haut que eela arrive ehez les Chœæto- mium. Le sens qu'il faut attacher à Ja copulation du Pyronema confluens est encore plus obscur, puisque M. Tulasne déclare expressément qu'après leur anastomose, (les deux cellules conjuguées se flétrissent et se vident ». D'une façon générale, dans des plantes dont toutes les cellules végétatives peuvent s’anastomoser, il n’est pas légitime de regarder une anastomose frappant le car- pogone comme une fécondation, à moius de montrer en même temps que cette .copulation est nécessaire et qu'elle est accompagnée des phénomènes qui carac- térisent partout ailleurs la véritable fécondation. FIN DU DEUXIÈME VOLUME. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. DRGANGAES APPENER, ANATONIAE AA ASIN SHC ER VÉGEÉTAELRS, Observations sur les bulbes des Lis, par M. DUCHARTRE. +. , Variation désordonnée des plantes hybrides, et déduction qu’on peut en DIRORRDAR MEN SUDINS ace 0 Re ee 2 ent Mémoire sur l'anatomie de l'écorce, par M. Julien VESQUE. Études histologiques et histogéniques sur les glandes foliaires intérieures et quelques produetions analogues, par M. CHAN. Sur le développement du fruit des Coprins et la prétendue sexualité des Basidiomycètes, par M. Ph. VAN TIEGHEM. OURS ; Sur le développement du fruit des Chætomium et la prétendue sexualité des Ascomycètes, par M. Ph. VAN TIEGHEM. MLORES DA GiOGER AIPEEN HOHANEQUE. De l'influence du terrain sur la végétation, par M. Ch. CONTEJEAN. RÉELANGES. M. Gustave-Adolphe Thuret : esquisse biographique, par M. Ed. Borwer. Qt 36! 364 TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. BorNeT (Ed.).—M.Gustave-Adolphe Thuret : esquisse biographique. CHATIN (J.).— Etudes histologiques et histogéniques sur les glandes foliaires intérieures et quelques 308 productions analogues. . . . . . 19€ CONTEJEAN (Ch.). — De l'influence du terrain sur la végétation. . . 222 DUCHARTRE (P.). — Observations sur les bulbes des Lis. . . . . . NAUDIN (Ch.). — Variation désor- donnée des plantes hybrides, et déduction qu’on en peut tirer. . VAN TIEGHEM (Ph.). — Sur le déve- loppement du fruit des Coprins et la prétendue sexualité des Basidiomycètes — Sur le développement du fruit du Chætomium et la prétendue sexualité des Ascomycètes. . . . VESQUE (J.). — Mémoire sur l’ana- tomie de Pécorce . . . . . . .. 73 361 364 TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planches 1-8. Bulbes des Lis. — 9-11. Anatomie comparée de l'écorce. — 19. Cibrus Aurantium, Diosma alba, etc. — 13. Schinus Molle. — 14. Myrtus communis, Eucalyptus, etc. — 15. Psidium montanum, Laurus nobilis, etc. FIN DES TABLES. PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2 Bot. Tome 2. PI. 1. Ann. des Screnc.nat. 6€ Serie. OR GE fe g TT 4, 2 LE La] Delahaye hth Jp Becquet, Paris. Bulbestdestlus. P.D. delt 2 Pot.Tome 2,.PI. 2. Ana. des Screnc.nat. 6° Serre. Delah aye lith. Paris. Imp Becquet Bulbes des I PD. del! Se Ann. des Screnc.nat. EE Serre. NS mp. Bec quet; Paris. Bulbes des Pise Dot Tome s PL A. FC J Delahaye hth. Pot.Tome 2.PI. 6. Ânn. des Scienc.nat. 6° Serre. D elahaye hth. mp Becquet, Paris. P.D. del® Pulbestdes Tres Bot. Tome 2. PL. 8. Ann. des Scienc.nat. 6! Serie. Delah aye Hth Imp.Becquet, Parts. Bulbes des his. PD del É ’ e A t , s. Le Le SLA ; SE ! . : : s É à ü PRIE EU RE ë; < 4 Bar Ko É Ann. des Sezene; rat 6° J'érte. Bot, Tome 2,71 9. Re TR a — JV. del, Analorie comparee de L'£eorce- . Pare np. À Salmon, rVelle Estrapade. 15, Ann. des Seine. nal, 6° S'erte. ; 1 Co OUR VOL hf O6 où D HDIO)= Or ere ea 0 Dr LD © < C\\] 1% Dore es ON 00 ÿ ( 02 e SES + O CONTES "SSSR Ÿ / 7e | T = (@ \N JO El c O0 OO PC Cr À Of L 00 0 ( b. CT le . 272 AT AM ODA CE EE AE 25 Dr De NII SA Ce TE « ®) ou" } d QUO nn Po Le 1 DEN DE LR A Ar, Nes ) TV. del, ; l'ierre se. 7 A{natonie Comparer de l'Acorcee: imp. À, S'alnon,r. fouille Fist vapra de, 25 L'arur Ann, des Jecene., nat, 6 S'erce. Pot, lome 2,21 11. ot É \ v. à Co À) \ ù