RUN HA Vi] ‘ dir ANNE \ AA \ ; à AN x «en AA | LORIE 1 À \ ' ae tnt) dat ( l h } | NET AH} \ \ 1 ve 4 k \ AT? k \ An RNA EDR ROLE TE ÿ ‘ | ‘ \ DEN k MANU À | ‘ i \'. k 14 THEN | r , \ ; 1 | j Î Ne ] j ’ (  3! { HA « ‘ | | (l | î 2 J | L4 ' | j î MA l y . I sh FN HAN if CHE jar CCE ut AAA HU (n AE qu ï TER OT flute ns à ï ni if NA NNEnS An Hs ÿ ANS k l j} is nt \ | Wal ‘ } LA AO LOTUS 4: (1 ( n hu RU y HAUTES D} À! À 1} | NE RME A VRIMTMA CNE 5 =. N | Alex, Agassiz Library of tbe Museum OF COMPARATIVE ZOOÜLOGY, AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. Doundeu bn private subscription, (n 1861. Deposited by ALEX. AGASSIZ. No. 03 Fe fi TA 7 5 NP RE js NUS ni. ‘4 Dit Nu ANS " T1 ptet 4 De ! ANNALES DES SCIENCES NAFURELLES SIXIÈME SÉRIE ZLOOLOGIE PALÉONTOLOGIE PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2 ANNALES DES SCIENCES NATURELLES SIXIÈME SÉRIE ZAOOLOGIE PALEONTOLOGIE COMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATIO ET L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE MM. H. er ALPH. MILNE EDWARDS TOME III PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE DE PARIS PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE 4876 PPT AA HALIAG UM. 4€ sin ean gt fan LTIPELEN ÉAITA GUN - ana 0 44 4 “4 #4: ar NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES Par MI. J. D. CATTA, Professeur d'histoire naturelle au lycée de Marseille. L'étude de la distribution géographique des êtres doit, de nos jours, occuper une large place dans les sciences biolo- giques. Aucune des grandes questions philosophiques que l’histoire naturelle soulève et qu’elle résoudra, comme nous pouvons le prévoir, aucun de ces problèmes intéressants ne saurait être agité sans le secours de la géographie botanique et de la géographie zoologique. Mais cette dernière branche de nos connaissances est pauvre de résultats acquis; elle est pauvre surtout en ce qui concerne les animaux marins. C’est cependant dans ce domaine inépuisable qu'ont germé les découvertes les plus fécondes de ces derniers temps. C’est la connaissance ap- profondie des animaux marins et de leurs diverses conditions d'existence qui nous permettra d'établir les mductions les plus certaines, qui apportera aux théories modernes les arguments les plus probants. Après l’état ancien des faunes et des flores, tel que nous le révèlent les études géologiques, lun des facteurs les plus im- portants de la distribution géographique des espèces est certai- nement leur mode de dispersion. Ce fait, si simple à première vue, de l'existence d’une forme animale en tel lieu de la terre et non en tel autre, n’est certainement pas dépourvu de causes. Arriver à la connaissance de ces causes, toujours fort complexes, c’est trouver le moyen de remonter plus tard jusqu’au centre d'apparition de la forme considérée, au foyer d’où elle à rayonné ANN. SC, NAT., JANVIER 1876. I, À. — ART. N° 1. 2 J. D. CATTA. dans tous les sens sur la surface terrestre. C’est, par conséquent, contribuer à reconstruire l’histoire du développement de la vie sur la terre. | Il est certain que presque tous les êtres vivants possèdent une tendance qui les pousse Incessamment à se répandre sur le plus grand espace possible. La lutte pour Pexistence oblige les individus à se déplacer, de mème qu’elle les amène à s'associer. La physionomie biologique d'une contrée dépend essentielle- ment de l'équilibre de ces tendances à l’envahissement ; que cet équilibre vienne à être rompu, et la faune et la flore du pays changeront. Pour satisfaire à ce besoin de déplacement tous les moyens sont bons. Dans le Règne végétal, les procédés de dispersions sont souvent fixés par des caractères organiques particuliers que l’on retrouve dans la graine, et dont la fanulle des Gomposées nous offre surtout des exemples bien connus de tout le monde. Dans le Règne animal, les formes pélagiennes des larves de certains animaux, très-sédentaires quand ils sont adultes, ont une raison d’être tout à fait analogue. [1 suffira de citer les jeunes si vagabonds des Échinides, de tant de Mol- lusques et de Crustacés. Mais ces modes de dissémination, devenus véritablement organiques et fonctionnels, ne sont pas les seuls suivis. Il est d’autres procédés de transport purement accidentels encore irréguliers et que certaines espèces sont en voie de s'approprier par des modifications adaptatives. Parmi eux il faut certainement placer en première ligne les différentes actions que l'Homme exerce sur tout ce qui Penvironne. Les botanistes ont souvent constaté l'apparition brusque dans une contrée donnée d’une ou de plusieurs plantes exotiques que l'industrie humaine y avait introduites d’une façon accidentelle et inconsciente. Pour se faire une idée de la variété des causes qui peuvent agir sous l'influence de l'Homme, dans les migrations de végétaux, et pour comprendre toute Pimportance de ces mi- rations, 1l suffit de parcourir les catalogues des espèces étran- gères enregistrées dans la Forule exotique des environs de Marseille de Grenier, et dans le Flora Juvenalis de Godron ARTICLE N° 1. NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 3 (Naney, 1854). Il y a quelques jours à peine M. Marion recueil- lait aussi, au Lazaret de l’ile Pomègue, un pied de Mesem- brianthemum crystallinuin Lin. Cette plante pousse dans les sables des bords de la mer au cap de Bonne-Espérance, aux Canaries, et aux environs d'Athènes; or l'emplacement sur lequel elle croissait à Pomègues était encore Jonché de débris d'os qu’un bateau en quarantaine, venant de Benghazy (Tripo- litane), avait provisoirement débarqués en ce lieu, puis qu'il avait rembarqués il y a deux ans. Pour le Règne animal, de pareilles observations n’ont jamais fait l’objet d'un travail spécial. On à seulement enregistré d’une façon tout à fait incidente quelques cas rares et isolés que l’on ne saurait réunir qu'en parcourant minutieusement les traités particuliers de zoologie. L’un des faits de ce genre les mieux connus est l’immense dissémination qui s’est faite, grâce à l'Homme, des différentes espèces du genre Rat, et surtout du Rat surmulot (Mus decumanus). Le Dreissenia polymorpha, parmi les Mollusques, doit à la même cause les singulières allures qu'il a prises brusquement dans les eaux de l’Europe occidentale. Enfin, dans ces derniers temps, les échinologues ont pu recueillir, dans la Méditerranée, l’Acrocladia mamillata, Agass. (1), auquel le percement de listhme de Suez a permis de passer de la mer Rouge dans nos eaux. Un curieux exemple de dispersion à pu être, il y a deux ans, observé avec exactitude à Marseille, et les résultats de létude de ce cas particulier sont consignés dans la présente note. Dans un de ses cours d’hiver de l’année 4873, M. Marion mettait sous les yeux de son auditoire un nombre assez considé- rable de Crustacés vivants, dont quelques-uns étaient tout à fait exotiques. [ls avaient été recueillis sur la coque du trois-mâts de fer, Karikal, entré depuis quelques jours dans le port de Marseille. Ce navire arrivait de Pondichéry; il avait doublé le cap de Bonne-Espérance, et sa traversée avait duré fort long- >) temps. Ayant précisément tenu la mer pendant la saison la (1) Heterocentrotus mamallatus de Brandt. AY mA 4 | J. D. CATTA. plus rigoureuse de l’année, il avait eu de violentes tempêtes à essuyer. Des Anatifes avaient, selon l'habitude connue de ces Cirri- pèdes, fixé la base de leur pied contre les flancs du navire, et cela assez solidement pour qu’en les enlevant, il fût nécessaire d’arracher des miettes de la couche de peinture qui protége les plaques de fer. Elles étaient disséminées parmi de nombreuses Algues appartenant au genre Bryopsis, qui tapissaient égale- ment la paroi externe du bateau, et cette petite forêt d'êtres vivants était peuplée de Crustacés plus élevés en organisation. Mon excellent maître et ami, M. Marion, a mis complaisam- ment tous ces animaux à ma disposition, et les ressources du laboratoire des hautes études, installé à la Faculté des sciences de Marseille, m'ont permis d'utiliser ces matériaux. Voici la liste des espèces qui se trouvaient ainsi associées. En regard de chacune d’elles j’ai cru devoir citer sa distri- bution géographique rapportée avec autant d’exactitude que possible : PACHYGRAPSUS ADVENA (n. sp.). NAUTILOGRAPSUS MINUTUS : Océan Atlantique et mers de l’Inde (Milne Edwards, Ann. des sc. nat., 1853, 8 série, t. XX, p. 174). — Mer Noire (Bacua. Vapanune, Marepiaabr 4aa @ayubr epuaro s10p4. p. 70). — Mer des Sargasses (Challenger, teste Gervais, Journ. de zool., 1874, n° 2, t. I, p- 1958). PLAGuSIA sQuAMosA : Mer Rouge (Milne Edwards, Ann. des sc. nat., 1853, 3 série, t. XX, p. 179).— Côtes de Natal (Krauss, Die Südafr. Crust., p. 42). — Iles Canaries (C. Heller, Die Crust. der Südl. Europa, p. 314). — Océan Indien (id., ibid., p. 326). — Cuba, Brésil (Martens, Ueber Cub. Crust., in Arch. für Naturg., 1872, erste Heft, p. 112). PLAGUSIA TOMENTOSA : Afrique du Sud (Kraup, Die Südl. Crust., p. 42). — Nouvelle-Galles du Sud (Australie), Chili (W. Hess, Decap. Krebse Ost. Ausir., in Arch. für Naturg., 1865, zweites Heft, p. 154). IDOTEA TRICUSPIDATA : Mer Caspienne (teste Cerniawski, Mater. ad zoogr. Pont. comp. p. 67). — Mer Noire (Marcussen, Zur Fauna des Schwart- zen Meeres, in Arch. für Naturg., 1867, viertes Heft, p. 360). — Médi- terranée, côtes d'Angleterre (Sp. Bate and Westw., Brit. sessil-eyed Crust., vol. Il, p. 379). — Adriatique (teste Sp. Bate). — Mer Rouge (Savigny, teste Sp. Bate). AMPHITHOE PENICILLATA : Naples, Adriatique, Marseille (voy. p. 27). ARTICLE N° f. NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. D ProBoLIUM PoLYPRION : Naples, Adriatique (voy. p. 15). CONCHODERMA VIRGATUM : Dans toutes les mers. Lepas Hrzzu : Dans toutes les mers. L’Idotea tricuspidata et le Nautilograpsus minutus n'étaient représentés, dans cette association, que par un seul mdividu ; le Pachygrapsus advena et l'Amphithoe penicillata, par deux ; le Probolium Polyprion par trois. Quant aux Anatifes, elles étaient très-nombreuses, et le Lepas Hillii dominait de beau- coup. Il en était de même pour les Plagusies, parmi lesquelles la Plagusia squamosa abondait surtout; on pouvait certaine- ment en compter des centaines. Ce sont ces derniers Brachyures qui ont vécu le plus longtemps dans les bocaux du laboratoire. Une semaine après qu’ils avaient été recueillis, on les voyait encore se cramponner les uns aux autres et ne former qu’un seul peloton vivant. Cette habi- tude n’est certainement pas sans rapport avec le mode d'existence que ces êtres avaient dû mener jusqu'alors. Tous ces Crustacés avaient donc résisté pendant très-long- temps aux variations de milieu les plus diverses, à des variations qui avaient porté non-seulement sur la température des eaux, mais aussi sur leur composition. C’est ainsi qu'ils avaient pu vivre plusieurs jours de suite dans les liquides rien moins que clairs du vieux port. Des faits de cette nature, dont il serait d’ailleurs facile de répéter souvent l'observation sur nos côtes (1), sont certaine- ment destinés à modifier nos idées sur la résistance vitale de certaines espèces animales. (1) Un cas tout à fait analogue s'était produit, quelque temps auparavant, pour un autre trois-mâts, le Tamaris, venant aussi de l’Inde et ayant tenu six mois la mer ; mais les Crustacés aperçus n’ont pu être recueillis. On a seulement ramassé quelques Spio fuliginosus, Annélide que Claparède avait trouvée jadis dans le golfe de Naples, et qui doit vivre dans le vieux port de Marseille. M. Marion publiera d’ailleurs bientôt un travail d'ensemble sur la distribution des animaux dans les différentes régions du golfe, et l’on pourra constater, non sans étonnement, que tel de nos ports, dont les eaux sont recouvertes de gout- telettes de pétrole à la surface, renferment sur les boues de leur fond une population des plus variées de Vers, de Mollusques et de Crustacés. 6 J. D. CATTA. L'étude de la distribution géographique des espèces énumé- rées plus haut est des plus instructives; la plupart d’entre elles occupent une aire des plus étendues, et certainement rien n’est plus logique que des animaux aux mœurs errantes, à résistance vitale énergique, soient plus répandus que bien d’autres dans toutes les mers. Aussi rien n'empêche de les considérer comme des formes en voie d'expansion, comme des formes qui tendent à jouer un rôle de plus en plus important dans les faunes de tous les pays. Ces réflexions sont surtout vraies en ce qui con- cerne le Dreissenia polymorpha qui, du bassin de la mer Noire, s’est répandu dans les parties les plus occidentales de PEu- rope, et en ce qui concerne l’Acrocladia mamillata, que lon a successivement rencontré aux îles Sandwich, à Manille, à l’île Viti, à Maurice, à Bourbon, aux Seychelles, aux Molu- ques, à Timor, à la Nouvelle-Calédomie, sur les côtes de Siam, dans la mer Rouge, et enfin, comme il est dit plus haut, dans la Méditerranée. L'observation actuelle, tout isolée qu’elle est, nous montre combien 1l est nécessaire, dans les études zoologiques, telles qu'on les entend aujourd’hui, de tenir compte de pareilles causes de modifications des faunes, surtout si lon songe que ces causes agissent d’une façon constante depuis que l'Homme a pris possession de la surface des mers. Il n’est pas moins intéressant de trouver parmi ces animaux erratiques un Crustacé supérieur encore inconnu (1) que l’on rencontrera sans doute dans des conditions biologiques ana- logues, et dont il devient nécessaire de connaître lhabitat, situé peut-être sur les côtes des mers mdiennes. J'ai cru devoir décrire ce Grapsoïde avec autant de précision que possible, et consacrer quelques pages à l'étude des espèces les plus intéressantes qui lui étaient associées. (1) Voyez, pour un fait du même genre : P. Roux, Crustacés de la Méditerr., à l'article Lygiu exotica. Cet Isopode nouveau parait être arrivé à Marseille dans la cale d’un bateau venant de Cayenne, ARTICLE N° {, NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 7 PACHYGRAPSUS ADVENA (n. Sp.). (Pl 17e 16) Les deux petits Grapsoiïdes auxquels je donne le nom de P. advena m'ont embarrassé quelque temps. Peu soucieux de créer des espèces nouvelles, j'ai voulu, avant d'admettre l’exis- tence de celle-ci, m’entourer de toutes les garanties nécessaires. Les collections carcinologiques qui existent à Marseille ne me permettant pas d'établir une comparaison fructueuse, j'ai dù me décider à envoyer mes Crustacés au Muséum. Je dois à Pobli- seance de mon excellent ami, M. le docteur Brocchi, qui a bien voulu les soumettre à l'examen de M. À. Milne Edwards, Pas- surance que j'avais réellement affaire à une espèce non repré- sentée dans les collections du Musénm de Paris. Voici d’ailleurs quelle avait été la cause de mes hésitations. M. Milne Edwards (1) établit l'existence d’un Leptograpsus du Brésil, qu'il désigne sous le nom de rugulosus, et dont la des- cription convient assez bien aux deux individus qui m'occupent. Cette description peut, en effet, se résumer ainsi : Garapace rétrécie en arrière, armée de deux dents marginales, striee en travers. Mains lisses; méropodites armés d'épines sous-lermi- nales à toutes les pattes ; front ne s’unissant pas au lobe sous- orbitaire interne et laissant la tigelle antennaire se prolonger librement dans la fosse orbitaire. On peut constater aisément la concordance de ces caractères avec ceux du P. advena. Mais, d’un autre côté, ce L. rugulosus, dont je ne connais d'alleurs aucune représentation, doit posséder, comme tous : les Lepiograpsus, un hectomérognathite plus long que large, tandis que chez le P. advena c’est le contraire qui a lieu. Cette particularité m'amena à rechercher si la dénomination générique de Leptograpsus pouvait convenir aux Crustacés que (1) Observat. sur la classif. des Crustacés (Ann. des sc nat., 1853, 3° série, t. XX, p. 172). o) J. D. CATTA. j'avais à étudier. Stimpson (1), comme on le sait, a rétabh le sous-cenre Pachygrapsus, qu'il a tiré en partie du genre P. de Randall, et il y a fait rentrer quelques-uns des Leptograpsus de M. Milne Edwards. Heller (2) reproduit partiellement cette classification en lappliquant uniquement aux animaux des” mers du sud de l'Europe. Il expose en même temps les carac- tères différentiels de Leptograpsus et Pachygrapsus, caractères qui sont certainement assez peu saillants, et qui peuvent en définitive, se résumer ainsi : Pacayerapsus. — Dent externe du premier article du pédoncule de lan- tenne externe au moins aussi longue que la dent suborbitale interne; hectomérognathite plus large que long. LeproGrAPsus. — Dent externe du premier article du pédoncule de l’an- tenne externe plus courte que la dent suborhbitale interne ; hectoméro- gnathite aussi large que long. Ces deux divisions correspondent d’ailleurs assez exactement aux deux sections que déjà M. Milne Edwards établissait en 1853 dans son genre Leptograpsus, savoir : celle dont les espèces ont trois dents marginales à la carapace, et celle dont les espèces ont deux dents seulement. On voit par là combien est minime la somme des caractères différentiels de ces deux coupes génériques, dont Je ne saurais d’ailleurs discuter ici la valeur. Je me bornerai seulement à faire remarquer que les deux Grapsoïdes décrits plus bas rentrent évidemment dans la subdivision des Pachygrapsus, tout en con- servant des rapports très-intimes avec Leptograpsus rugulosus. Le Pachygrapsus advena est d’un brun rouge clair. Sa cara- pace est très-légèrement bombée, elle se rétrécit msensiblement en arrière, et ses bords sont arrondis ; au milieu existe une dé- pression transversale, linéaire, très-peu accentuée. La région frontale présente des bosselures assez sensibles; elles sont au nombre de quatre, à peu près égales entre elles, et séparées par des sillons antéro-postérieurs ; celles du milieu sont les plus pro- (4) Stimpson, Prodr. Anim. in exped. ad Oc. Pacif.…., p. 47 (Proceed. of the Acad. of Philad., 1838). (2) Die Crust. des Südlichen Europa, p. 110, ARTICLE N° {, NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 9 noncées et les plus étendues. Dans le fond de la rainure qui sépare ces deux dernières, il existe un petit renflement longitu- dinal bien visible à la loupe. Le bord frontal est légèrement smueux et finement granulé ; ces granulations, délicates et régulières, se retrouvent sur la marge de toutes les lames saillantes de la carapace. Gelle-cr est finement striée dans toutes ses parties et parait comme cha- grinée. Une ligne plus accentuée que toutes les autres continue pour ainsi dire l’échancrure produite par la naissance de la deuxième dent latérale ; partant du bord externe du corps, elle se dirige vers l’axe médian à la rencontre de la ligne opposée. La connaissance morphologique des espèces ne saurait être assez approfondie ; il devient en effet chaque jour plus néces- saire d'apprécier avec exactitude la somme des caractères qui les différencient les uns des autres : aussi ai-je pensé qu'une description détaillée des appendices buccaux ne serait pas 1ci déplacée. La #andibule (1), dont la longueur ne dépasse pas 4 milli- mètres, est composée de trois pièces qui peuvent être facilement comparées aux parties constitutives de tout autre appendice buccal, et envisagées comme les homologues d’un endognathe, d’un mésognathe et d’un exognathe. Le mésognathe est l'organe principal : il est blanc, chitineux et fort; il présente la forme d’une cuiller dont le manche s’allonge, s'amineit et se creuse en gouttière en se tordant sur lui-même de dehors en dedans; à sa face inférieure ce manche se bombe fortement et se con- tinue par un léger étranglement avec la tête de l’organe. Celle-ci est concave à sa face supérieure et convexe à sa face inférieure. Les bords de cette espèce de godet décrivent une sorte de quadrilatère (2) très-irrégulier ; ils sont épais et saillants. Le côté postérieur ne se continue pas avec le côté externe, de manière qu’à leur point d’intersection le godet est légèrement échancré ; mais ce bord postérieur, qui se relève un peu en haut, se con (1) PL 1, fig. 44, 19. (2) PL 1, fig. 19. 40 3. D. CATIA. tinue en arrière avec la valve supérieure de la gouttière du manche. On aperçoit, sur la naissance de eette valve, une petite cavité hémisphérique (1) destinée à l'articulation de tout l’ap- pendice avec le cadre buccal. Le bord interne de la cavité vient se juxtaposer au bord correspondant de la mandibule opposée, pour constituer l'appareil de la mastication. L'evognathite est triarticulé, épais et presque aussi long que le manche du meésognathite; 1 s’insère sur un pet renflement du bord externe de ce dernier organe, au-dessus duquel il est ordinairement replié : son premier article est court et nu; le second est orné d'assez longs poils barbelés sur ses deux faces; le troisième ne porte ces ornements que sur une partie de ses bords, et en dehors où peut en apercevoir une rangée qui sont courts et ouverts au sommet. L'endoynathite est composé d’une mince petite lamelle transparente, à peu près c.rculaire, ornée, sur son bord, d’une simple rangée de poils sétiformes dont les plus antérieurs sont les plus longs. Cette lamelle est soutenue par un petit axe chitineux qui la parcourt selon son plus grand dia- mètre, et qui se rattache à la face supérieure du mésognathite. Des membranes très-fines et transparentes accompagnent cet axe et vont se perdre dans la cavité du manche de la pièce prin- cipale. L’exognathite ainsi retenu vient s'appliquer, par sa face externe, contre le même organe, du côté opposé. I est facile de le voir dans cette position en écartant légèrement lun de l’autre les deux bords contigus des mésognathites. Le premier siagonopode (2) se compose de trois pièces lamel- laires (3) qu'il est encore possible de considérer comme Îles homologues des parties qui constituent les appendices suivants. L'endognathite (4), convexe en dedans, concave en dehors, va (Bleue (2) J'ai adopté dans cette description, pour la dénomination des appendices de la bouche, les termes mis en usage pour la désignation des mêmes organes chez les Amphipodes. Cette nomenclature m'a paru plus simple et plus eupho- nique que les autres. Elle a de plus l'avantage de consacrer une homologi réelle. (3) PI. 1, fig. 1e. (4) PI: 4, fig. 4e, c. ARTICLE N° Î. NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 11 en s’amincissant vers le sommet; ses faces et ses bords sont garnis de poils plumeux très-serrés les uns contre les autres ; son extrémité antérieure, qui se rétrécit assez brusquement en même temps qu’elle s’épaissit un peu, porte en dedans un bou- quet de très-longs poils barbelés; en avant et en dehors, un faisceau de cinq ou six aiguillons très-longs et très-forts. Sous un puissant grossissement, ces aiguillons se montrent très-finement dentelés. Le #ésognathite (1) est allongé, et son extrémité anté- rieure, légèrement élargie, s'infléchit en dedans; à sa partie antérieure le bord externe de la pièce est garni de poils simples ; à sa partie postérieure le bord interne porte des poils barbelés assez disséminés. Toute la portion élargie de l'organe est cou- verte de poinçons qui deviennent de plus en plus longs et de plus en plus nombreux à mesure que l’on s'approche du bord antérieur, en sorte que cette région offre l'aspect d’une véritable carde. L’evognathite (2) est biarticulé; la pièce basilare, en- tièrement lamelleuse, offre en avant une courbure un peu saillante garnie d’une simple rangée de poils très-longs, dont les uns sont sétacés, les autres finement barbelés. La seconde lame s’imfléchit en haut et en dedans et se termine par un ren- flement ovoide dirigé en arrière, au sommet duquel existent toujours deux fortes soies légèrement recourbées. Au point où l’article se coude, on aperçoit un bouquet de poils simples ou plumeux généralement courts. Le deuxième siagonopode (3) ne dépasse pas 9 millimètres dans sa plus grande longueur ; lexognathite (4) en est la pièce la plus grande, comme cela arrive toujours pour eet appendice. Il consiste en une large lame très-mince, coneave à sa face supé- rieure et bordée sur presque tout son pourtour par une frange de poils plumeux très-courts. Le mode d'insertion de ces orne- ments diffère quelque peu de ce que l’on rencontre d'ordinaire. En effet, au lieu de s'implanter sur un petit bouton basilaire, (CORÉEN: CPP MEN CNT (O)PL fete (4) PI. 1, fig. 4f, d. 19 JF. D. CATTA. ces poils se continuent directement avec le bord libre de la lame (1). On voit à leur naissance, et creusée dans leur axe, une cavité plus claire que le reste de l’organe, conique, assez petite et ne se continuant pas avec la grande cavité centrale placée plus haut. Au-dessous de cette cavité, dans l'épaisseur même de la lame, on distingue une petite masse hyaline, de nature nerveuse ou glandulaire, munie d’un petit prolongement qui se dirige vers la racine du poil. Sur les deux faces de cette lame sont répandus de rares piquants que l’on ne saurait aper- cevoir, ainsi que les détails précédents, qu’à l’aide des plus forts grossissements. Le #eésognathite (2) est très-réduit. I] consiste en une simple petite tige cylindro-conique faiblement arquée en dedans et complétement nue. Elle repose sur une base élargie, lamelleuse en dehors, où elle porte quelques poils plumeux très-courts. L’endognathite (3) est assez complexe; il comprend trois pièces distinctes. La plus externe est la plus grande; elle est étroite et comme pédicellée en arrière; en avant elle est large, arrondie, déjetée en dedans, et fendue en deux languettes inégales. Tout son bord convexe est garni de longs poils plu- meux assez espacés d’abord, mais devenant plus courts et plus serrés sur le bout des-deux languettes. La pièce médiane est petite, cylindrique et cachée entre les deux autres; son bout se termine par un pinceau de longs poils minces. La pièce interne (4) est de forme assez singulière : élargie en son milieu, elle s’amineit brusquement vers les deux extrémités, et, des deux petites tiges qui en résultent, l’une va s'implanter sur le corps de Pappendice, l’autre est libre, arquée en dedans et couronnée par une forte touffe de longs poils plumeux. Des poils de même genre, encore plus longs, s’insèrent à sa base sur les faces mêmes et sur le bord convexe de la pièce. Le troisième siugonopode (5) mesure environ 6 millimètres COMPIMNNOELrE (CAT BMENTTANTANTE COOP à CON fo der (DB EEE ARTICLE N° 1, NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 13 dans sa plus grande largeur et 4 dans sa plus grande longueur : c’est l’appendice buccal le plus complet de tous. Il parait être fixé sur le cadre par une forte dent conique (1) semi-transpa- rente, chitineuse, que l’on aperçoit à son angle inféro-externe, à côté d’une profonde échancrure. Un peu en avant de la base de cette dent s’implantent deux épignathes (2). Le plus grand, ou appendice flabelliforme, est presque aussi étendu que toutes les autres pièces réunies. Il est large à la base, puis il se rétrécit brusquement en un long ruban garni de poils sur l’un de ses bords seulement. Ces poils, ainsi que ceux qui sont disséminés sur d’autres parties de la pièce, sont excessivement longs, et la plupart barbelés seulement au sommet. L'autre épignathe est beaucoup plus réduit. Il consiste uniquement en une assez longue bandelette transparente garnie de très-longs poils sur tous ses bords. L’exognathite (3) n'offre rien de bien particulier : c’est la plus grande pièce de lPappendice; elle est à peu près nue; une touffe de poils plumeux particulièrement épais existe à la nais- sance du flagellum. Ce dernier organe est composé de huit arti- eles, dont le premier, plus grand que les autres, est garni de petites pointes sur son bord externe. Le mésognathite (4), allongé d'arrière en avant, se termine par un bord légèrement échancré et garni de pointes très-aiguês, dont les unes sont plus longues que les autres, les plus courtes étant de beaucoup les plus abon- dantes. Le bord externe est pour ainsi dire dédoublé, de sorte que lon y voit une excavation longitudinale. Dans la partie la plus élargie de cette cavité on trouve une petite bande chitineuse transversale qui parait le subdiviser en deux portions. Le bord interne de ce mésognathite, garni d’une simple rangée de poils, est fortement échanceré vers la moitié de sa longueur, de sorte que la pièce parait comme étranglée en ce point. A cet étran- glement correspond, sur la face supérieure, une lamelle elli- UE Me de, d. ChPIEHrERE ef. (Pl 1848077: (4) PI. 1, fig. 15, h. 14 J. D. CATTA. psoidale, dirigée obliquement de dehors en dedans. Elle est d’or- dinaire repliée vers la région basilaire de lappendice, et, pour voir son point d'insertion et sa forme, 1l faut la redresser comme dans la figure. Elle est garnie, sur ses bords libres, d’une cou- ronne touffue de poils barbelés d'autant plus longs qu’ils sont situés plus loin des points d'insertion de la lame qui les porte. L'exognathite (1) est composé de deux pièces; sa lame basi- laire est quadrilatérale ; son bord antérieur est replié en haut et en arrière comme celui d’une feuille qui se voile. Les poils qui garnissent son bord interne sont cylindriques, courts, ouverts au sommet et fortement barbelés; tous les autres sont plus longs et également plumeux ; 1ls sont surtout abondants sur la face convexe de la portion réfléchie. L'autre lame est simple, plate, à contours arrondis, très-rétrécie à sa base. Elle est garnie, sur ses bords et ses deux faces, de longs poils simple- ment eiliés à leur extrémuté. Le quatrième siagonopode (2) diffère peu de ce qu'il est chez les autres Grapsoïides. Son exognathate est très-large et porte une lame chtineuse saillante dirigée en dedans et mume de forts poils barbelés sur tout son bord libre. Des ornements ana- logues sont distribués sur la marge externe de la pièce, où 1 existe aussi une rangée d'assez forts piquants. Le flagellum est court, assez épais, et semblable à celui qui a été décrit pour le troisième siagonopode. Le mésognathite est composé de cinq articles, dont la largeur va en diminuant de la base au sommet. Les deux premiers sont garnis de forts poils plumeux en dedans ; sur les faces latérales du second et du troisième existe une rangée de courts piquants ; des poils sétacés sont distribués en rangées régulières sur les deux derniers; enfin le sommet du quatrième porte un bouquet de fort longs piquants. Le cinquième siugonopode (3) est important à cause des caractères génériques que lon a tirés de l’étude de son méro- gnathite. Cette pièce est beaucoup plus large que longue ; elle (GO JE PATEEN ENS (2) PL. 4, fig. 1h. CPLM Ur ARTICLE N° {: NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 19 est arrondie en dehors, et présente en dedans une forte saillie garnie de poils assez courts et minces. Dans ses autres parties l’'appendice n'offre rien de bien particulier. Premier peréiopoa. ou pince (4). La forme de cette patte est assez remarquable : toutes les pièces qui la constituent sont trapües et renflées. Le dactyle est à peu près cylindrique, légè- rement recourbé et finement dentelé à son bord palmaire. Le propode est fortement renflé et élargi ; son apophyse, semblable au dactyle, offre, sur son bord palmaire, des granulations iné- sales plus accentuées que celles de l'article précédent. Le carpe, qui est aussi très-convexe, est mum de deux fortes pointes sur son bord supérieur. Le #eros, fortement bombé en dehors et en arrière, est armé, sur son bord antérieur et interne, d’une rangée de quatre ou cinq dents, dont les plus externes sont les plus petites. Le deuxième peréiopode est moims aplati que les trois sui- vants, et presque aussi court que le cinquième (2). Ce dernier est fortement élargi de mamière à constituer presque une rame. Chacune de ces quatre pattes porte, au #eros, deux dents sub- terminales assez prononcées ; chez toutes, le dactyle est plus ou moins trapu, et garni d'un véritable bouquet de fortes griffes, de même que tous les articles sont hérissés d'assez longs poils roides, PROBOLIUM POLYPRION. (AE aies) Proporium PoLyprion, Costa, Rend. della Reale Accad. delle sc. di Nay. (Mem. pel., 1853, tav. IL fig. 3). PROBOLIUM MEGACHELES, Heller, Amph. des Adriat. Meeres, p. 13, taf. IL, fig. 1. Je n’ai pu observer vivants les trois mdividus qui représen- taient cette espèce. Deux d’entre eux sont même en assez mau- vais état. Le corps (3), sans les antennes, mesure 3 millimètres, Sa (4) PL 1, fig. 1. (2) PL 1, fig. do. (3) PL 2, fig. 1. 16 JS. D. CATTA. coloration générale, après un séjour assez prolongé dans l'alcool, est d’un jaune très-clair. Des taches de couleur de rouille, assez régulières, sont distribuées sur les différentes pièces chitineuses, telles que les anneaux du corps, les coxa, eic. Le céphalon porte sur son bord antérieur une pointe mousse qui s’avance faiblement entre les deux antennes supérieures ; plus bas, une saillie un peu plus accentuée, placée entre l’an- teune supérieure et l'antenne inférieure ; enfin, en haut et en bas de cette saillie, des échancrures dont l’inférieure est la plu large, et au fond desquelles s’insèrent les deux appendices céphaliques. Les deux premiers anneaux du pereion sont très-courts ; les trois autres, beaucoup plus longs, augmentent progressivement de dimensions. Les anneaux du pleon v’offrent rien de bien particulier. Il ne m'a pas été possible de préciser d’une façon suffisamment nette les rapports de ces articles du corps avec les membres correspondants. | Je regrette d'autant plus cette lacune, qu’en parcourant, dans l'ouvrage de Sp. Bate et Westwood, les dessins des divers Pro- boliun (Montaqgua), 1 est aisé de reconnaître entre eux d’assez orandes différences dans la région eaudale. Ces particularités pourraient, à coup sûr, être utilement employées dans la dia- gnose des espèces. Le telson (1) continue la courbe du dos de l'animal; il est deux fois plus long que large, et il va en se rétrécissant d'avant en arrière. Son bord postérieur s’arrondit sur les côtés, où 1l se continue sans interruption avec les bords latéraux. Sur la ligne médiane on voit une pointe mousse assez saillante qui termine la pièce. Sur chaque bord latéral existent trois petites épines dirigées en arrière et en bas; on trouve à leur suite une série de poils cylindriques très-petits, flexibles et logés chacun dans une légère échancrure marginale. Quelques taches pigmen- taires, assez larges, sont disséminées dans la région centrale de l'organe. () 12; fs. 12: ARTICLT, NQ {. NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 17 L’œil est noir, rond et petit; il est enchâssé dans le céphalon, immédiatement en arrière de la saillie latérale. Les antennes se ressemblent exactement chez les trois indi- vidus, et chez tous celle d'en bas est légèrement plus longue que celle d’en haut. Le premier article du pédoncule de l’antenne supérieure est plus long que les suivants et légèrement renflé vers le milieu, de manière à rappeler la forme d’un petit barillet. Son bord antérieur porte, en bas, une forte épine dirigée en avant. Le second, un peu plus court que le précédent, plus évasé en avant, est garni, sur son bord antérieur, d’une rangée de poils très- minces. Le troisième est de beaucoup plus court que le précé- dent. fl est à peine plus long que les anneaux du flagellum, avec lesquels il est facile de le confondre. Ce flagellum est simple, deux fois plus long que le pédoncule; il compte de 20 à 25 articles, dont la longueur va en augmentant à mesure qu'on marche vers l'extrémité de l'organe, tandis que leur dia- mètre diminue. Chacun d’eux est garni, sur son bord antérieur, d’une couronne de poils très-minces et assez longs. Le premier article du pédoncule de l'antenne inférieure est court, fortement élargi à la base, et il remplit à lui seul l’échan- crure inférieure du céphalon; les suivants sont tous de beau- coup plus étroits; le second n’a que la moitié de la longueur du troisième; celui-ci se trouve dans le même rapport avec le quatrième. Ce dermier ainsi que le cmquième, presque égale- ment longs, sont plus minces vers le milieu qu’à leurs deux bouts, de sorte que lPappendice prend, dans cette région, un aspect noueux. Le flagellum est composé d’anneaux dont la longueur dimimue à mesure que la largeur augmente en allant vers le bout de l'antenne. Des bouquets de poils courts et fins sont répandus sur la surface des pièces du pédoncule et sur le bord antérieur des articles de toute l’antenne. Ces ornements sont d'autant plus longs qu'ils se trouvent plus près du bout de l'organe. | En comparant entre eux les deux appendices céphaliques, on voit que le plus long, celui d’en bas, atteint environ 2 milli- ANN. SC. NAT., JANVIER 1876. IL. 2. — ART. N° 48 3. H. CATTA. mètres ; que le pédoncule de l’antenne supérieure égale en lonoueur les quatre premiers articles réumis du pédoncule in- férieur; que le flagellum supérieur est plus long et beaucoup plus grêle que celui d’en bas, ce dernier étant singulièrement épais et robuste. ) Les #andibules (4) sont deux appendices presque aussi larges que longs, légèrement étalés à leur point d'insertion, dépourvus de palpe, mais d’une structure assez compliquée et différant l’un de l’autre par quelques particularités de détail. Ils sont constitués par deux lames qui se rencontrent sur le bord con- vexe de l'organe en faisant entre elles un angle très-aigu. L'une de ces lames est simple, et porte, chez une #mandibule, six fortes dents inégalement développées ; chez l’autre, une quinzaine de saillies, dont six seulement sont grosses et inégales. L'autre lame porte une plaque écailleuse petite, et finement crénelée chez une mandibule, très-large et très-fortement dentée chez l'autre, puis deux fortes dents spiniformes denticulées sur leur bord concave. Du pied de ces deux épines on voit partir un bouquet de poils très-fins, et en contournant la lame, sept nou- velles dents spiniformes, longues et courbes, crénelées sur leur bord concave, et dont la longueur diminue progressivement. Le premier siagonopode (2) est formé de trois pièces : un pédoneule très-large en haut (3), dont le bord imterne, con- vexe, est tangent au bord correspondant de l’appendice opposé. Cette pièce basilaire se termine, en bas et en dehors, par une saillie très-volumineuse, arrondie et surmontée d’un long poil cylindrique. Les autres articles du siagonopode sont attachés (DPI RENTE (2) PI. 2, fig. 4e. (3) Afin que les termes supérieur, inférieur, antérieur, postérieur puissent dans tous les cas désigner des parties homologues, il est bon d'adopter une règle générale s'appliquant à tous les appendices, quellé que soit la position dans laquelle les tient habituellement tel ou tel Amphipode. Je supposerai done toujours, dans mes descriptions, l'animal placé horizontalement, la ligne dorsale en haut, les antennes étendues en avant et le pleon en arrière, tous les membres pendant verticalement au-dessous du corps et tous les artieles de ces membres placés dans l’extension. ARTICLE N° 1 NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 19 tous deux sur ce pédoncule. Ils sont done situés, l’un en dehors, l’autre en dedans. Celui qui occupe cette dernière position consiste en une lame arrondie à son bord inférieur, très-courte, et sur laquelle on n’aperçoit que trois poils cylindriques de peu de longueur. La pièce externe est beaucoup plus grande; elle est concave en dedans, convexe en dehors; de ce côté, elle porte une rangée de sept poils cylindriques assez longs, groupés surtout vers le bout inférieur. [ls sont exactement disposés de la même façon sur l'organe du eôté opposé. Le deuxième siagonopode (4) est tout à fait analogue au pre- mier. Son pédoncule est quadrilatère et s’élargit vers le haut, Il porte aussi deux articles disposés comme dans le membre précédent. La pièce interne est renflée, ovoide et assez courte. Elle est remarquable par les ornements qui garnissent son extrémité inférieure : ce sont cinq fortes lames triangulaires, dont deux surtout très-larges. Elles sont toutes denticulées sur le tiers inférieur de leur bord interne ; une sixième lame triangua lare très-large, très-courte et non dentelée, est située en dedans des premières ; à son point d'insertion se trouve un fort poil cylindrique, le seul que lon découvre sur cette partie du deuxième siagonopode. Un peu plus haut sont alignés quelques poils courts et excessivement minces. La pièce externe est rectangulaire, deux fois plus longue que la précédente. Son bord externe est rectiligne en bas et brusquement renflé vers le haut. Son bord interne au contraire, à sa partie supérieure, offre une légère concavité en rapport avec la courbure de l’ar- cle précédent. Le bord inférieur est assez irrégulièrement découpé, et il est garni, ainsi qu'une partie du bord interne, d'une rangée de gros poils cylindriques. À la face antérieure il existe un organe de même nature, isolé, et d’une longueur exceptionnelle. Le premier et le deuxième sitgonopode sont insérés très-près jun de lautre, le bord externe de l’un étant très-étroitement embrassé par le bord interne de l’autre. Les deux pédoneule $ (A) PI. 2, fig. £ 90 J. D. CAMTA. paraissent ainsi n’en former qu'un seul, et 1l n’est pas très-aisé de les séparer. Le troisième siagonopode (1) rappelle, comme chez la plupart des Amphipodes, la forme générale d’une patte : le dactyle est très-long et très-robuste. Son bord postérieur est rectiligne sur une très-faible longueur, puis il s’excave brusquement en se dirigeant vers la pointe de l’organe. Sur une partie de ce bord et sur la portion des faces latérales qui l’approchent sont répandus de nombreux poils très-ténus. Le propode est ovoïde et aussi long que le dactyle. Il est orné de trois longs poils à l'angle antéro-inférieur et de trois autres à l’angle opposé; l’un de ces derniers est d’une épaisseur exceptionnelle et il est bar- belé au sommet. À leur base et sur les faces latérales de lar- ticle sont groupés quelques poils sétacés analogues à ceux que nous avons déjà trouvés sur le dactyle et parmi lesquels sont cachées deux ou trois fortes et courtes épines. Les autres anneaux sont Courts et parsemés de poils peu nombreux sur leurs faces et sur leurs bords. L’ischium seul est très-long et complétement abrité, ainsi que le basos, en dedans du coxa. Le quatrième siagonopode (2) est grêle, et il disparait à peu près entièrement derrière le coxa du cinquième. Le dactyle égale en longueur la plus grande largeur du membre. Il n’est fortement recourbé en arrière que vers son extrémité inférieure. [l a son bord antérieur orné de longs poils minces qui paraissent disposés par paires le long de la ligne médiane. Il a son bord postérieur très-finement denticulé vers la moitié supérieure de sa longueur, garni, plus bas, de quatre ou cinq poils très-courts, et terminé, vers la pointe de l'article, par une échancrure dans le fond de laquelle sont logés deux poils très-minces. Enfin il a son bord supérieur incomplétement articulé avec le propode, de sorte que la portion hbre fait, dans la flexion, une forte saillie en avant. Le propode est la pièce la plus considérable de l’appendice ; il est deux fois aussi long que large et de forme trapézoïde. Le (1) PI. 2, fig. 15. (2) PI. 2, fig. 1h. ARTICLE NO. fe NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 21 bord antérieur est le plus long de tous et légèrement recourhé. Sur le bord inférieur on peut distinguer deux régions : l’une, horizontale, articulée avec le dactyle, plus large que ce dernier, de façon à faire saillie en avant de lui, et couronnée, de ce côté, d’un bouquet de longs poils minces ; Pautre, inclinée, beaucoup plus longue que la précédente, faisant face au bord concave du dactyle fléchi, très-finement crénelée et terminée en bas par une forte apophyse en forme de dent. Sur le bord postérieur on ne relève qu'une légère concavité vers le milieu et deux ren- flements aux extrémités, celui d’en bas plus accentué que celui d'en haut. Sur les faces latérales on trouve de très-longs poils échelonnés deux par deux le long du bord antérieur. Quelques- uns sont distribués vers la portion inférieure de l’article, et parmi ceux-C1 1l en est qui sont très-courts, tandis que quelques- uns sont convertis en véritables piquants. Le carpe est en forme d’entonnoir renversé sur le sommet du propode et assez pro- fondément échancré en arrière. La partie la plus reculée du bord imférieur est garnie de longs poils dont la plupart sont barbelés. Le meros est très-large en haut, où il embrasse le sommet du carpe; en arrière de ce point il se prolonge vers le bas en une forte saillie cylindro-conique, qui constitue à elle seule la presque totalité de l’article, et qui devient très-visible quand on l’écarte du carpe, contre le bord postérieur duquel elle est ordinairement appliquée. De forts poils simples sont groupés au bout de cette grosse apophyse; quelques-uns se retrouvent en arrière où l’on distingue encore une brosse de petites soies minces et courtes. L'’ischium et le basos n’offrent rien de bien important. Le dernier de ces organes est très-long et presque aussi large que le propode, parallèlement auquel il vient se placer dans la flexion. Le cinquième siugonopode (1) est l’un des appendices dont la forme est la plus caractéristique. Il est très-grand, surtout en Comparaison du membre précédent. Celui de droite (2) dif- fère de celui de gauche ; chez ce dernier en effet le dactyle, au (PL 2, fig. fi. (2) PI. 9, fig. 4ÿ. 22 J. D. CATTA. lieu d'atteindre dans la flexion le bord supérieur du propode, égale tout au plus les deux tiers de la longueur de ce dermier article et en même temps il offre une courbure beaucoup plus prononcée. Pour l’un comme pour Pautre membre, le ductyle, assez gros, est renflé à son point d'articulation avec le propode. Il est, comme dans le quatrième siagonopode, échancré à sa pointe et parsemé de rares poils minces sur ses faces, tandis que d’autres, beaucoup plus courts et plus ténus, sont alignés sur la partie inférieure du bord concave. Le propode est la pièce la plus volumineuse. Trois fois plus long que large, plus étroit en bas qu’en haut et légèrement arqué, il présente une forte con- vexité en avant, une légère concavité en arrière. À l'angle postéro-inférieur on aperçoit une forte apophyse, terminée en pointe aiguë, et précédée d’une autre saillie de même nature, mais plus large, plus courte et plus obtuse. Le bord supérieur ne s'articule pas tout entier avec le carpe, aussi Pangle postéro- supérieur forme-t-il un mamelon volumineux. Une brosse très- serrée de poils exceptionnellement longs et minces embrasse tout le bord postérieur en empiétant sur les faces latérales. Quelques rares poils plus gros sont disséminés sur ces mêmes faces ; d’autres, beaucoup plus fins, se montrent vers le bas de l’article. Le carpe est tout à fait semblable à celui du quatrième siagonopode ; ses dimensions relatives sont seulement beaucoup plus faibles. Il en est de même du #eros. Ajoutons cependant qu’au bout de la grosse saillie que forme cet article, 1l existe une petite dépression en forme de godet qui parait destmée à rece- voir le renflement correspondant du propode dans la flexion. Les bords de ce creux sont nus, excepté en arrière, où l’on aperçoit une courte et forte épine. Sur le bord postérieur de ce meros existent des échancrures équidistantes, du fond desquelles partent des poils sétacés. L'ischium est peu volumineux. Son bord antérieur se renfle en bosse, comme cela se voit pour les peréiopodes. Le busos est très-long. Sur son bord antérieur on distingue très-nettement des poils de sensibilité spéciale. Ils sont logés dans une échancrure assez profonde ; 1ls sont minces et courts, et, à l’aide d’un puissant grossissement, on peut re- ARTICLE N° 1. NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 23 connaître qu'il existe à leur base un petit ganglion hyalin auquel aboutit un filet nerveux. Le coxa, largement développé, comme chez toutes les espèces du genre, est arrondi en avant et en bas, et garni, sur tout son pourtour, d’une rangée de poils équi- distants tout à fait analogues à ceux du basos. Les mêmes par- ticularités se montrent sur les coxa des deux appendices qui suivent. Les peréiopodes se ressemblent assez entre eux. Le premier est plus long que le second, et celui-ci que les suivants; le troisième est le plus court de tous. Ils sont inégalement forts et les deux derniers le sont plus que tous les autres. Le premier et le second peréiopode (À) ont : le dactyle nu; le propode long, grêle et arqué, avec le bord postérieur concave garni de poils courts, minces et équidistants; le carpe en forme de cornet recourbé et orné de poils délicats sur son bord infé- rieur et sur son bord concave; le meros semblable au carpe, mais plus grand, coudé au sommet et portant à l'angle inféro- antérieur une forte saillie triangulaire terminée par un piquant ; l’ischium court et renflé en avant, comme celui du cinquième siagonopode ; le basos enfin très-long et grêle, avec des poils {ins sur tout son pourtour. _ Le troisième peréiopode n’a rien de remarquable, si ce n’est que le basos ressemble à ceux du premier et du deuxième, et non à ceux du quatrième et du cinquième. Le quatrième et le cinquième peréiopode diffèrent des deux premiers par le meros, dont la saillie triangulaire (ici dirigée en arrière) prend un développement beaucoup plus considérable et dont le bord convexe est orné de forts piquants. Il diffère aussi de tous ceux qui précèdent par le basos, plus court que chez les appendices précédents, mais doué d’une organisation très-caractéristique. On y distingue en effet une portion anté- rieure cylindrique assez épaisse, renfermant le fléchisseur et l’extenseur de l’ischium, et une portion postérieure consistant en une lame chitineuse très-mince. Elle continue le plan de la (1) PI. 9, fig. 4k. 24 J. D. CATTA. face externe de l’arucle; elle est arrondie sur son bord libre qu'interrompent des échancrures nombreuses avec des poils de sensibilité spéciale, tout à fail analogues à ceux que l’on remarque sur les coxa et sur d’autres parties lamellaires du squelette. Ses taches pigmentaires sont aussi disséminées dans son épaisseur comme sur d'autres pièces de même nature. Ajoutons que, sur le bord antérieur du propode et du carpe on aperçoit de forts piquants au lieu de poils minces, comme dans les deux premiers peréiopodes. Les pléopodes des trois premières paires n’offrent rien de bien remarquable. Ils sont biramés; leur pédoncuie, assez court, se prolonge en arrière en une mince marge écailleuse et fournie en avant d’une série de forts poils ccurbes. Chacune des deux rames est formée par sept anneaux portant à leur bout inférieur deux longs poils dont l’extrémité seule est barbelée. Le premier uropode (quatrième pléopode) (1) est constitué par un pédoncule au-dessous duquel sont suspendues deux lames cultriformes plus courtes. Le pédoncule est remarquable par la, plaque chitineuse mince qui interrompt sa face externe et qui se dirige obliquement en arrière en parcourant l’artiele en diagonale. Le bord Libre de cette lame est garni de cinq fortes épines assez régulièrement alignées. Le bord inférieur de Por- gane est couronné de piquants longs et robustes dont le nombre et la position peuvent varier. Les appendices cultriformes sont légèrement inégaux dans leurs dimensions et leurs contours. Chacun d'eux porte, vers le milieu de son bord postérieur, deux fortes épines dirigées en bas. Le deuxième wropode (cinquième pléopode) (2) ressemble assez exactement au précédent ; 1l est seulement plus court; la lame cultriforme interne ne porte qu’un seul piquant ; elle est moins courbe et moins longue que sa compagne, tandis qu’elle la dépassait dans le membre précédent. Le troisième uropode (sixième pléopode) (3) est plus gros et () "Pl 2; is 45: (DPI ed (ÉNAPNTEEMNE ARTICLE N° 1. NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 95 plus long que les deux autres. Comme dans tous les Amphipodes de ce type, il n’est point biramé. On y compte quatre articles bien nettement déterminés. Le dactyle, épais, coudé en avant, se termine en ponte mousse, tandis que sa partie supérieure est renflée. Presque tout son bord postérieur, du côté de la pointe, est denté en scie. Le propode, à peu près cylindrique, est couronné, à son bout, de trois poinçons émoussés, les plus eros et les plus forts de toute la région caudale. L’artiele que l'on peut assimiler au carpe, dans cet uropode, est cylindrique comme le précédent, mais deux fois plus long. Il est muni de deux piquants acérés sur son bord inférieur, et de trois gros poinçons sur son bord postérieur, L'article qui précède est com- plétement inerme. Telle est, dans ses traits les plus importants, la physionomie générale du Probolium Polyprion. L'histoire bibliographique de cet Amphipode offre quelque intérêt. Rappelons tout d’abord que les genres Probolun (Gosta) et Montagua (Sp. Bate) (1) sont synonymes. Heller (2) a rétabli les droits de l’auteur italien, et Sp. Bate et Westwood ont enre- gistré le fait dans le supplément joint à leur ouvrage (3). J'ai cru devoir réunir sous la même dénomination spécifique les Crustacés observés par Costa et par Heller. Eu égard à l’au- torité de l’éminent naturaliste autrichien, qui d’ailleurs con- naissait bien les travaux de Costa quand il a créé son P. mega- cheles, il est indispensable d’insister quelque peu sur les raisons qui m'ont imposé cette identification. Il n’est point difficile de reconnaitre, à l’aide des dessins souvent trop fantaisistes glissés par Salv. Galyo dans les Ricerche d'Ach. Costa, que l’animal décrit plus haut et celui qu'a étudié le professeur du musée de Naples ne représentent qu'une seule et même espèce. En effet, la forme générale du corps est la même, la taille à peu près égale, les antennes d’une ressem- (1) Sp. Bate, Cat. of Amph. of Brit. Mus., p. 54, et Sp. Bate and Westw., Brit. sess.-eyed Crust., vol. [, p. 53. CiBoc cit, pu (3) Sp. Bate and Westw, loc. cit., vol, I, p. 527. 26 3. D. CATTA. blance frappante jusque dans toutes leurs dimensions relatives. Le cinquième siagonopode (1) paraît différer légèrement dans ses détails. Remarquons cependant que, dans la figure de Costa, le meros et le carpe ont été confondus l’un avec l’autre, ce que l’on peut reconnaître par la présence du basos et de lischium; qui sont nettement caractérisés. Si l’on corrige cette erreur du dessinateur, la physionomie de cet appendice si caractéristique reparait clairement, surtout en observant l'animal sous un faible grossissement. On remarque seulement, sur le bord postérieur de l'organe, de nombreuses crénelures, lesquelles n'existent point, à la même place, chez la femelle (2). Notons aussi que la confusion du #meros et du carpe se reproduit ici comme pour le mâle. Enfin, le #roisième uropode du P. Polyprion de Costa est bifurqué, tandis que le ielson manque complétement (3). I suffit d'indiquer ces der- mères divergences, qui, si elles étaient vraies, devraient com- plétement bouleverser la caractéristique et les affinités du genre Probolium. Heller (4) a eru devoir désigner sous le nom de P. megacheles l’'Amphipode qu’il a observé dans lAdriatique. À vrai dire, la représentation incomplète qu'il en donne ne rappelle que d’assez loin celle de Costa, mais au moins est-elle fidèle? C’est là ce que lon est forcé de mettre en doute; car en lisant la description, spécialement pour ce qui regarde les antennes, on trouve tout autre chose que ce qui est dessiné. Il est certain qu'ici encore la pensée de l’auteur a été trahie par le crayon peu clairvoyant d’un autre Calyo, le dessinateur lithographe Heitzmann. D’ail- leurs, malgré la singularité des formes attribuées au P. mega- cheles, on ne saurait découvrir un seul caractère nettement accusé qui lui soit spécial. La particularité à laquelle fait allu- sion l’épithète de megacheles se retrouve tout aussi accentuée chez l’'Amphipode des côtes de Naples. (1) PI. 2, fig. di, et Costa, loc. cit. fig, 3b. (2) Costa, loc. cit., fig. 3e, (3) L'auteur le décrit comme double dans son texte, p. 200. (4) Heller, loc. cit. ARTICLE N° {. NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 27 En outre l’auteur autrichien insiste sur la présence de longs poils serrés (langen Haaren dicht) sur le bord postérieur du propode, chez le müle, tandis que dans l'espèce de Costa cette région serait complétement nue. C’est à cela que se réduit toute la différence entre ces deux formes animales. Mais, dans la figure de Calvo, que faut-1l penser de la nudité de ce bord du propode du emquième siagonopode? Et, quand cette repré- sentation serait exacte, comment distinguera-t-on les femelles du P. Polyprion de celles du P. megacheles ? Finalement, si l’on compare la description qui précède avec celle de Heller, on reconnait entre elles la conformité la plus absolue. Je ne fais que signaler ce qui à rapport aux antennes, au troisième, et surtout au émquième siagonopode. [n’est pas jusqu’à l’échancrure de la pointe du dactyle qui ne soit décrite, sans toutefois être figurée, dans l'ouvrage autrichien. Ainsi donc P. Polyprion (Costa) et P. megacheles (Heller) ne sauraient être distingués lun de l’autre. [ls ne sauraient, mi l'un ni l’autre, être séparés des Crustacés que J'ai étudiés. Tous ces animaux doivent donc être réunis sous la dénomination com- mune de P. Polyprion. AMPHITHOE PENICILLATA. (AR NTENTE) AMPHITHOE PENICILLATA, Costa, Rend. della Reale Accad. delle sc. di Napoli (Mem. pel., 1853, p. 174, tav. I, fig. 9). — Sp. Bate, Cat. Crust. Amph. Brit. Mus., p. 249. — Heller, Amph. des Adriat. Meeres, p. 49, taf. Il, fig. 8. ANPHITHOE DESARESTI, Cat. Crust. Amph,. Brit. Mus., p. 238, pl. 41, fig. 8. J'ai pu recueillir deux individus de cette espèce; je les ai successivement comparés à PA. Desmaresti de Sp. Bate, puis à VA. pemcillata de Costa et de Heller, et j'ai de la sorte acquis la conviction que ces deux désignations spécifiques con- venaient entièrement à la même forme animale. Ea lecture attentive des descriptions données par les trois auteurs que je viens de citer permet de reconnaître que la dis- 28 3. D. CATTA. tinction entre À. penicillata et À. Desmaresti n’est basée que sur la différence de longueur des antennes supérieures. Ces appendices sont aussi longs que la moitié du corps chez A. Desmaresti, tandis qu'ils atteignent (Heller) ou dépassent (Costa) la longueur de l'animal tout entier chez À. pemicillata. Or les figures données par l’auteur autrichien et par l’auteur italien ne remplissent nullement les conditions mdiquées par eux; dans chacune d'elles les antennes sont de beaucoup plus courtes que le corps; mais en outre, à supposer que les dessins soient inexacts, peut-on établir deux types spécifiques distincts sur une base aussi instable ? Des deux individus que j'ai sous les yeux, et qui se ressemblent d’ailleurs à tous égards, l’un porte des antennes plus courtes que l’autre, et c’est l'individu le plus orand qui réalise cette condition. Parmi les organes dont la forme caractérise essentiellement cet Amphipode, il faut surtout citer le cmquième siagonopode ; aussi est-il nécessaire de représenter et de décrire aussi fidèle- ment que possible les principaux articles de cet appendice. Le dactyle est surtout remarquable par les particularités de son bord postérieur. Gette région est complétement lisse vers l'extrémité inférieure -de Particle, de sorte que ce dernier se termine par une pointe très-aigué ; elle est aussi très-lisse vers le haut, où la pièce est légèrement renflée. Vers le milieu au contraire ce bord est armé de deux rangées latérales et paral-- lèles de dents très-longues et très-pointues, qui sont oblique- ment dirigées en bas. Sous l'objectif, la dent d’un côté se projette exactement sur celle de l'autre, de sorte qu'il est très- difficile de reconnaître qu’il en existe deux. De rares poils cylindriques assez courts sont disséminés entre les dents de ce double peigne. Le propode est de forme ovale et son bord inférieur très-1rré- gulier. On y peut distinguer trois échancrures qui augmentent d’étendue et de profondeur en allant d'avant en arrière, et qui sont délimitées par quatre saillies plus ou moins prononcées. Parmi ces échancrures, la troisième est surtout remarquable ; elle remonte jusqu’à moitié de la longueur de l’article, et son ARTICLE N° {. NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 99 bord antérieur est beaucoup plus long que son bord postérieur. La quatrième saillie, qui délimite en arrière cette échancrure si caractéristique, est longue et robuste ; son extrémité est assez mousse, et le dactyle vient buter contre elle dans la flexion; dans l’extension forcée, la troisième saillie devient très-visible. Cette particularité se devine en examinant avec soin la figure de Costa (1). Des deux autres saillies, l’une, très-obtuse, se projette sur la face latérale de la griffe; l’autre, très-arrondie, déborde en avant l'articulation de cette pièce. La distribution des ornements sur le propode mérite d’être décrite avec une certaine précision. Sur le bord antérieur on compte une dou- zaine de rangées de trois à six poils chacune, échelonnées transversalement à des distances à peu près égales. Costa et Sp. Bate paraissent avoir mieux vu cette disposition que l’émi- nent carcinologue de Vienne. Ces poils, irrégulièrement bar- belés, sont très-longs, surtout ceux de la région médiane. Ils forment, en s’entremèlant dans leurs courbes élégantes, un pinceau très-large et très-touffu, qui atteint jusqu’à l'extrémité même du dactyle. Sur le bord postérieur on aperçoit des rangées de poils analogues, échelonnées cependant avec moins de régu- larité ; mais, sur chacune des faces latérales se montrent inva- riablement quatre rangs de trois longs poils toujours alignés dans le même ordre. Enfin la grande échancrure du bord infé- rieur est aussi bordée de poils, les uns très-longs, les autres beaucoup plus courts ; ils deviennent surtout nombreux sur les deux saillies qui la délimitent. Le carpe offre en arrière une éminence très-prononcée, en forme de mamelon, au sommet de laquelle est creusée une dépression en godet très-nettement accusée. La marge de cette excavation est couronnée de forts poils plumeux. D’autres poils analogues à ceux du propode sont distribués sur le bord inférieur de l’article. Quelques-uns de ces détails sont indiqués dans les figures de Costa et de Sp. Bate. Je ne pousserai pas plus loi la description de l’A. penicil- (1) Costa, loc. cit., fig. 9 D, 30 JS. D. CATTA. lata; je pense avoir assez mis en lumière son identité avec l'A. Desmaresti. En mème temps j'ai essayé de fixer aussi exactement qu'il m'a été possible la diagnose de cette forme animale. IDOTEA TRICUSPIDATA. I n’est peut-être pas inutile de consacrer quelques lignes à la description de cette Idotée. Les espèces à caractères instables, qui sont représentées par des variétés nombreuses, offrent souvent la synonymie la plus compliquée, mais n’en doivent pas moins attirer toute attention du naturaliste. L'intérêt qui s'attache à leur étude s'explique aisément par ce fait qu’on peut les regarder comme des types en voie de diversification. Les formes que lon regarde aujour- d'hui comme des variétés, et que l’on réunit sous la désignation spécifique commune d’fdotea tricuspidata, ont été souvent con- sidérées par les auteurs comme des espèces distinctes. Peut-être sera-t-on amené par la suite à rétablir sur de nouvelles bases quelques-unes de ces distinctions, et alors les matériaux nêces- saires à l’histoire du groupe ne seront pas à dédaigner. L'animal que j'ai sous les yeux mesure environ 0",092 de lon- gueur. La coloration générale du corps est gris brun, mais sur ce fond sont disséminées de petites taches blanchâtres qui donnent au Crustacé un aspect plus clair. Une bande blanche uniforme court sur le dos, le long de la ligne médiane, et va en s’élargissant en arrière. Les plaques éprmériennes sont bordées de blanc, et ces bordures réunies offrent, de chaque côté du corps, l’aspect d’une ligne blanche parallèle à celle du dos. Ges plaques épimériennes sont plus grandes que chez le type repré- senté dans l'ouvrage de Sp. Bate et Westwood (1). Elles sont en outre retroussées sur leur bord libre, de façon à former une petite concavité à leur face supérieure. Enfin leur angle postéro- inférieur se prolonge en une pointe beaucoup plus saillante que dans aucun exemplaire représenté par les auteurs. (1) Sp: and Westw., Brit. sess.-eyed. Grust., vol. IF, p. 379 ARTICLE N° 1. NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 31 Quelques particularités sont aussi à noter dans la forme géné- rale du corps. Il est relativement plus allongé, partant moins ovoide que celui de l’Isopode dessiné par Sp. Bate et Westwood. Le dernier segment caudal, au lieu d’être terminé en pointe sur la ligne médiane, est au contraire légèrement échancré. Enfin les antennes inférieures diffèrent légèrement de celles qu'ont figurées les auteurs. C’est dans le pédoncule que résident ces quelques modifications de détail. Le premier article est régulier, arrondi en forme de petit tonneau et très-court; le second est cylindrique, légèrement rétréei vers le milieu, deux fois plus long et beaucoup plus mince que le précédent; le troi- sième, semblable au second, est deux fois plus long que lui et muni à son extrémité d’un très-fort piquant. Le quatrième anneau est grêle, aussi long que le deuxième et le troisième réunis, et son bord antérieur, légèrement renflé, est parfaite- ment régulier, tandis que chez les deux autres ce même bord est assez profondément échancré. S'il m'était donné de retrouver, fixés chez un très-grand nombre d'individus, les caractères que je viens de passer rapi- dement en revue, je n’hésiterais pas à admettre l'existence, sinon d’une espèce distincte, du moins d’une race parfaitement déterminée dans le groupe assez confus des {dotea tricuspidata. Les autres Crustacés qui faisaient partie de cette association ont été en général assez bien décrits pour qu'il soit superflu d'apporter ici quelques traits de plus à leur diagnose. Ajoutons, en terminant, que les femelles de Plagusies avaient, pour la plupart, une grande quantité d'œufs sous l'abdomen. Il est hors de doute que bon nombre de larves ont pu être disséminées sur la route, et que les jeunes ont dù s’acelimater là où les con- ditions biologiques ont été trouvées bonnes. Il est donc à souhaiter que des observations analogues à celle qui est con- signée dans ce travail soient notées avec soin, On arrivera ainsi à se faire une idée exacte des troubles, quelque minimes qu'ils soient, que de pareils apports peuvent introduire dans une région. Ces connaissances sont indispensables afin même de ne 39 J. D. CANTA. Si pas attribuer à ces apports des faits qui doivent s'expliquer autrement. Ainsi, lorsque dans la Méditerranée on rencontre des animaux à facies exotique, comme le Cardium hians, le Venus effossa, le Mitra zonata, le Dolium galea, etc., on ne saurait admettre pour eux un transport quelconque du sud au nord; les données géologiques obligent, au contraire, à les considérer comme les derniers restes d’une faune ancienne, faune à caractère plus tropical, dont la migration vers le sud a commencé dès la période tertiaire. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 1. Fig. 1. PACHYGRAPSUS ADVENA. — ab, la plus grande largeur de la carapace. 1’. Région frontale droite montrant les rapports de l’antenne externe avec la dent sous-orbitaire interne. 1d. Mandibule gauche vue par sa face inférieure : a'b!, sa plus grande longueur ; bc’, sa plus grande largeur; b, mesognathite. L'exognathite, . a, et l’endognathite, c, sont écartés quelque peu de leur position na- turelle. 4d’. La portion antérieure du mésognathite de la mandibule gauche, vue par en haut. On distingue la cavité creusée dans cette région, et, en arrière, une cavité beaucoup plus petite, hémisphérique, destinée à lar- ticulation de l’appendice avec le cadre buccal. 4e, Premier siagonopode gauche : a, sa plus grande largeur ; b, sa plus grande longueur ; c, endognathite ; d, mésognathite ; e, premier article de l’exognatite ; f, deuxième article de la même pièce. 1f, Deuxieme siagonopode gauche : ab, sa plus grande largeur; bc, sa plus grande longueur ; d, exognathite ; g, mésognathite; ef, endogna- thite. 1f. Lambeau marginal pris sur l’exognathite du deuxième siagonopode, et vu sous un très-fort grossissement. On reconnaît la constitution parti- culière de la frange qui borde cette pièce. Ag. Troisième siagonopode droit : ab, sa plus grande longueur; be, sa plus grande largeur; d, dent chitineuse de la base; ef, epignathes ; g, exognathites ; h, mésognathites. La lame ellipsoïdale qui orne la face supérieure est redressée en haut et en avant, de façon à découvrir son point d'attache ; à, endognathite. 1h. Quatrième siagonopode. li. Cinquieme siagonopode. À 10. Cinquième peréiopode. ARTICLE N9 {. NOTE SUR QUELQUES CRUSTACÉS ERRATIQUES. 95 PLANCHE 9. Fig. 1. Probolium Polyprion. — Toutes les figures qui se rapportent à cette espèce sont très-fortement grossies. 1d, 14°. Les mandibules droite et gauche vues par leur face nterne, 1e. Premier siagonopode gauche vu par sa face interne. 1f. Deuxième siagonopode du même côté, vu par la même face. — Ces trois derniers appendices sont vus sous le même grossissement. 15. Troisième siagonopode gauche beaucoup moins grossi. 1h, Quatrième sixgonopode gauche vu dans la flexion, et beaucoup plus grossi que le précédent. li. Cinquième siagonopode gauche vu par sa face exlerne, et moins grossi que le précédent. 1ÿ. Cinquième siagonopode droit vu par la même face que le précédent, et rapproché de lui pour montrer les inégalités des dactyles. — Le gros- sissement est le même. AK, Premier pereipode droit. 1°. Cinquième perieopode gauche vu par sa face interne. 15. Premier uropode droit vu par sa face externe. 1t. Deuxième uropode gauche vu par sa face externe. 1Y. Troisième uropode moins grossi que les précédents. 12. Telson vu par en haut et très-grossi. Fig. À. Amphithoe penicillata. — Portion terminale du cinquième siago- nopode. CORRE ANN. SC. NAT., JANVIER 1876 II, 3. — ART. N° fÎ. NOTE LA DÉCOUVERTE D'UNE DENT DE RHINOCÉROS FOSSILE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE Par M. F. FILHOL. Durant un court séjour que j'ai fait l’année dernière à la Nouvelle-Calédonie, j'ai eu l’occasion de visiter un assez grand nombre de collections réuaies par les soins de divers résidents de la colonie. Je dois signaler en particulier celle qui a été formée par M. E. Bonsignorio, aide commissaire de la marine, En examinant les spécimens de fossiles qu'il avait pu réunir, j'ai été immédiatement frappé de la présence, au milieu d'eux, d’une première prémolaire supérieure de Rhinocéros. Cette dent avait été trouvée dans la vallée du Diahot, par des mineurs qui creusalent le sol pour y chercher de l'or. Extérieurement cette dent présente tous les signes d’une complète fossilisation. Au point de vue de ses caractères, elle doit être rapportée à un animal presque complétement semblable au Rhinocéros de Sumatra. Les différences qu’elle offre ne peuvent pas être con- sidérées comme spécifiques. C’est bien évidemment une dent fossile. Elle n’a pas été apportée par la mer, car elle n’est pas roulée. A-t-elle été transportée là par des marins ou par des explorateurs venus d’autres pays, et qui l’auraient égarée ? Cela ne me paraît pas probable. Toujours est-il que cette découverte doit fixer l'attention pour les recherches futures, ear elle vient à l'appui de ce que Îles phénomènes géologiques indiquent comme ayant dù se passer à la fin de la période tertiaire, et au commencement du quaternaire, au point de vue de la sépa- ration de la Nouvelle-Calédonie des grandes terres situées au nord. On est cependant obligé d’être très-réservé sur les con- ciusions que l’on peut tirer de la présence d’un seul échantillon trouvé dans des circonstances mal connues. ARTICLE N° 2. RECHERCHES SUR LES PREMIÈRES PHASES DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES Par M. Gaston MOQUIN-TANDON. L'histoire du développement des Batraciens anoures a été depuis longtemps l’objet des recherches des naturalistes. Déjà, au xvi° siècle, Leeuwenhoek (1) découvrait la transformation du Têtard en Grenouille, et, plus tard, Swammerdam (2), Roesel (3), Spallanzani (4), décrivaient à leur tour les prin- cipales métamorphoses que ces animaux subissent dans le cours de leur évolution. Mais leurs descriptions, quelque fidèles et quelque précises d’ailleurs qu’elles soient, ne portant que sur quelques-uns des traits les plus saillants du développement, laissent par conséquent de nombreuses lacunes et ne sont point suffisantes pour nous donner une idée un peu complète de l’en- semble des phénomènes génésiques que présente successivement Vamimal avant d'arriver à l’âge adulte. Les premières modifi- cations de l'œuf surtout ont été complétement méconnues par les anciens auteurs, peut-être, comme le fait remarquer de Baer, parce qu'ils n’ont guère utilisé dans leurs recherches que la (1) Leeuwenhoek, Arcana naturæ detecta, vol. 1, epistola Lxv, p. 154; 1722 (1868). (2) Swammerdam, Biblia naturæ, sive Historia Insectorum, vol. 11, p. 794, pl. 48. Leydæ, 1738. (3) Roesel von Rosenhof, Historia naturalis Ranarum nostratium. Nürnberg, 1758. (4) Spallanzani, Expériences pour servir à l’histoire de la génération des animaux et des plantes. Genève, 1785. ANN. SC. NAT. — ART. N° 3. 2 G. MOQUIN-FANDON. Grenouille rousse, la plus commune dans les pays du nord, la plus facile à se procurer pendant la saison des amours, mais dont les œufs, recouverts d’un pigment brun noirâtre foncé, rendent beaucoup plus difficile l'observation des phénomènes du fractionnement ; peut-être aussi parce que, sous l'influence d'idées préconçues, 1ls se sont laissé entraîner par leur imagi- nation au delà de la simple réalité des faits. L'histoire des sciences naturelles offre, du reste, de nombreux exemples de découvertes poursuivies avec opimiâtreté, et qui échappèrent pourtant aux meilleurs observateurs, uniquement parce que leur esprit, dominé trop souvent par des notions à priori, en cher- chait partout, dans les phénomènes qui s’offraient à eux, la réalisation. N'est-ce pas en effet la grosseur de l’œuf des Mam- mifères, alors que l’on s’imaginait qu'il était d’une petitesse infinie, qui fut cause que, malgré leurs patientes et minutieuses investigations, Haller et Kuhlmann ne purent arriver à le découvrir ? Ces remarques ne s'appliquent pas à Roesel, dont l’ouvrage est un modèle de elarté et de fidélité dans les descriptions, et qui, quoique vieux de plus d’un siècle, est encore consulté avec fruit par tous ceux qui se livrent à l'étude des Batraciens de nos pays. Roesel s’est efforcé, en effet, de rendre avec exactitude ce qu'il voyait, plutôt que de représenter toutes les phases du déve- loppement de l’embryon. Quant à Spallanzami, auquel 1l faut rapporter la première observation du fractionnement, imbu des théories de la préformation du germe dont il était un défenseur ardent, non-seulement il méconnaît toute l'importance et le véritable caractère de ces premiers phénomènes évolutifs, mais encore 1l ne leur accorde que peu d'attention. Dans son ouvrage sur l’histoire de la génération des animaux, après avoir démontré par des expériences précises que la fécondation ne s’opère pas dans le corps de la femelle, mais en dehors d'elle, au moyen de la semence que le mâle verse sur les œufs à mesure qu’ils sont pondus, quelques lignes plus bas, décrivant les œufs, il dit : « Ils ressemblent à de petits globes noirs qui paraissent ronds à l'œil nu et avec une lentille faible ; mais si on les observe avec ARTICLE N° 9. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 3 une forte lentille, on les voit sillonnés de quatre sillons qui se coupent à angles droits comme la peau à demi ouverte des châ- taignes et des marrons (1). » La figure 11 de la planche 9, à la- quelle il renvoie, ne laisse aucun doute qu’il ne s'agisse ici de cette période de la segmentation où la masse vitelline est divisée en quatre par les deux premiers cercles méridiens. Mais il ajoute plus loin : « Voilà ce que l'œil peut observer pour la forme et la composition de ces œufs, soit avant, soit après la fécondation, soit qu'on les tire des ovaires ou de l’utérus, soit lorsqu'ils ont été imprégnés ou non de la liqueur séminale. » Il faut arriver aux mémorables travaux de MM. Prévost et Dumas pour trouver une bonne description de ces premiers phénomènes, et pour les voir interprétés sous leur véritable jour. Le mérite de ces recherches ne consiste pas seulement dans la découverte de faits nouveaux importants, mais surtout dans les conséquences considérables que ces savants auteurs savent en tirer. En effet, quoiqu'ils crussent encore devoir admettre que le spermatozoïde constitue l’ébauche du système nerveux du jeune animal, 1l n’en est pas moins vrai qu’en montrant comment, sous linfluence de la substance fécon- dante, l’œuf devient le siége de divisions répétées qui abou- tissent en définitive à la production des divers éléments dont sont formés les organes de l'embryon, ils fournirent à la théorie de l’épigenèse une preuve des plus convaincantes. À partir de ce moment, les travaux se succédèrent rapidement dans la voie si brillamment maugurée par MM. Prévost et Dumas, rectifiant et complétant les recherches antérieures, enrichis- sant nos connaissances de notions précieuses. Cependant l’histoire du développement des Batraciens, de même que les autres branches des sciences naturelles, devait bientôt subir une transformation nouvelle, sous l’influence des nombreux progrès que le microscope et la technique microscopique ont accomplis dans ces dernières années. On s'était jusqu'ici contenté d'observer le développement des divers appareils du (1) Spallanzani, ibid., p. 36. 4 G&. MOQUIN-TANDON. corps, mais cela ne suffisait plus; et de même que l’on était arrivé à reconnaitre que tous les organes, quels qu'ils fussent, étaient formés à leur tour par des unités plus simples dont les diverses combinaisons donnaient naissance aux différents tissus, on voulut aussi étudier le mode d’origine de ces éléments dans l'œuf, ainsi que les rapports qu’ils présentent entre eux dans le cours de l’évolution embryonnaire pour arriver à constituer les appareils organiques. En un mot, on se mit à étudier l’em- bryologie au point de vue histologique. Les procédés jusqu'alors employés n'avaient guère permis que de se rendre compte des modifications extérieures que lœuf subit; mais, quant à la dis- position intérieure que les diverses parties élémentaires qui le constituent affectent successivement entre elles aux différentes périodes du développement embryonnaire, elle était fort mal connue, et c’est ce qui explique les opinions si contradictoires qui ont régné pendant longtemps sur le nombre, l’arrangement, et surtout sur l’origine des feuillets du blastoderme. M. Siricker (1), le premier, eut l’idée d'appliquer à l'étude de l’évolution des Batraciens la méthode des coupes micros- copiques. Il fit dureir par des moyens appropriés des œufs et des embryons de Crapaud à différents âges, pratiqua sur eux, à l’aide du rasoir, des coupes dans des directions variées, et en comparant entre elles les diverses images qu’elles lui four- nissaient sous le microscope, il put ainsi se former une idée exacte des transformations successives que subit l’embryon dès le début du travail génésique. De nombreux auteurs ont employé à leur tour la même méthode, mais les conclusions auxquelles ils sont arrivés diffèrent beaucoup pour quelques- uns d’entre eux; aussi nous a-t-il paru qu’il ne serait pas sans utilité de reprendre à notre tour les mêmes recherches sur les mêmes animaux, et de voir ce qu’il y a de fondé dans les assertions des uns et des autres. Avant d'exposer les résultats auxquels nous avons été con- duit, il est cependant nécessaire de jeter un coup d'œil rapide (1) S: Stricker, Untersuchungen über die ersten Anlagen in Batrachiereiern (Zeitschr. für wiss. Zool., vol. XI, p. 315, pl. xxvi). ARTICLE N° 3. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 5 sur les travaux de nos devanciers, d'autant plus que nul ouvrage français ne contient un exposé historique un peu complet de Ja question qui nous occupe. Après les ouvrages anciens que nous avons mentionnés, le premier travail important qui ait été publié est celui de MM. Prévost et Dumas (1). Dans leur deuxième mémoire sur la génération, publié en 4824, ils reprennent les recherches de Spallanzani sur la fécondation des Grenouilles ; prouvent, de la manière la plus irréfutable et par des expériences répétées, que la fécondation est due à la rencontre de lélément mâle et de l'élément femelle, et découvrent enfin et décrivent minutieuse- ment les phénomènes du fractionnement déjà entrevus par ce savant naturaliste. [ls sont moins heureux dans leur exposition des phases ultérieures de l’évolution; ils parlent en effet d’une eicatricule qui doit servir de siége au développement du fœtus, et dont leurs observations leur prouvent l'identité avec la cica- iricule de l’œuf des Oiseaux. Quant aux cavités intérieures de l'embryon et aux feuillets du blastoderme, il n’en est nulle part question. Nous avons fait ressortir plus haut l’importance géné- rale de ce mémoire, point de départ de tous les travaux mo- dernes sur le développement des Batraciens, aussi n’y insiste- rons-nous pas 1C1. Un anatomiste italien, Mauro Rusconi, doit partager avec MM. Prévost et Dumas le mérite d’avoir donné la première des- cription du fractionnement de l’œuf. En effet, en 1826, dans un travail sur la Grenouille verte (2), travail terminé depuis quatre ans déjà, nous trouvons les premiers phénomènes géné- siques exposés avec détail et illustrés par de bonnes figures. L’auteur insiste en outre sur la coloration des différentes parties de la surface extérieure de l'œuf; il montre comment la colo- ration brune, limitée d’abord à l'hémisphère supérieur, s'étend peu à peu sur toute la périphérie, et comment la partie blanche (1) Prévost et Dumas, Deuxième Mémoire sur la génération (Ann. sc. nat., 1824, vol. IT, p. 100). (2) Mauro Rusconi, Développement de la Grenouille commune, {re partie (la seule qui à paru). Milan, 1826. 6) G. MOQUIN-TANDON. du pôle inférieur, qui se confondait msensiblement sur ses bords par des nuances intermédiaires avec la teinte foncée du pôle supérieur, se trouve plus tard nettement délimitée, entourée par un sillon falciforme, dont les deux extrémités se recourbent de plus en plus, s’allongent, et finissent par se rejoindre de manière à former un cercle complet. Ce cerele se rétrécit peu à peu et se réduit à une simple fente qui n’est autre que l’anus. Le maitre de l’embryologie moderne, lillustre de Baer (1), poussé par le désir de vérifier les faits mis en lumière par MM. Prévost et Dumas, et qui avaient eu un si grand retentisse- ment dans le monde scientifique, étudia à son tour le dévelop- pement de la Grenouille brune. Il décrivit les phénomènes de la segmentation, et distingua plusieurs périodes caractérisées par l’apparence extérieure de l’œuf, qui ressemble d’abord à une Mûre des haies, puis à une framboise, prend ensuite l'aspect chagriné, et enfin l'aspect d’une espèce de grès très-fin, avant de redevenir complétement lisse. Il observa encore dans l'œuf un pôle supérieur ou obseur, un pôle clair ou inférieur, un axe, des sillons perpendiculaires ou méridiens, un sillon équatorial, des sillons parallèles. Faisant ensuite remarquer que les rapports essentiels du fractionnement ont échappé à MM. Prévost et Dumas aussi bien qu’à Rusconi, en ce sens que ces auteurs se sont uniquement bornés, dans leurs descriptions, à ce que leur montrait l’examen superficiel de l'œuf, il fit un pas de plus dans la connaissance intime de ces phénomènes, en montrant les changements corrélatifs qui s’opèrent dans lin- térieur de la masse vitelline. C’est ainsi qu’en divisant des œufs préalablement durcis, il arrive à découvrir dans l'hémisphère supérieur une cavité elliptique à laquelle on a depuis attribué son nom, et que l’on peut appeler aussi, avec Remak, la cavité de segmentation. Mais il se trompa quelque peu dans la manière dont il dépeignit son origine. Suivant lui, au point correspondant au pôle obscur, se trouve un petit enfoncement (Kesmpunct, (4) K. E. von Baer, Die Metamorphose des Eïes der Buatrachier vor der Erscheinung des Embryo und Folgerungen aus ihr für die Theorie der Erzen- gung (Müller’s Archiv, 1834, p. 481, pl. xn. TICLE N° 3. 1 DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. Keimloch) qui conduit, au moyen d’un étroit canal, dans une cavité située plus profondément, et probablement produite par la disparition de la vésicule germinative (cavité nucléuire). Le Keimloch s'efface dès le début de la segmentation ; le canal ne tarde pas non plus à disparaître, après avoir joué un rôle dans ces premiers phénomènes, car l’aspect géométrique des pre- mières sphères de segmentation dépend de ce que ces divisions ont un point de départ commun dans le Kesmloch et un axe commun représenté par le canal. Quant à la cavité, elle s'agrandit, prend une forme plus ou moins ronde, et occupe le tiers supérieur de l'œuf. Plus tard, quand les sphérules vitel- lines se sont divisées de plus en plus et sont devenues si petites qu'elles ne sont plus perceptibles à l'œil nu et que l'œuf à pris en conséquence un aspect lisse, le germe se sépare du jaune. Une sorte de bourrelet de forme ovale fait peu à peu saillie à la surface de l'œuf et le circonscrit très-nettement, tandis que dans l’intérieur on voit déjà dans la masse vitelline qui forme le dème de la cavité une couche supérieure dans laquelle se mon- trera la première ébauche des organes de l'embryon. On peut même, dès cette époque, distinguer dans le germe deux couches qui deviendront de plus en plus marquées, et dont l’inférieure est formée d'éléments plus grossiers; de telle sorte que lon retrouve ici une disposition des feuillets du blastoderme qui rappelle ce que l’on voit chez les Oiseaux, c’est-à-dire qu'il existe une couche animale et une couche végétative correspon- dant, l’une au feuillet séreux, l’autre aux feuillets muqueux et vasculaire de Pander (1). Quant à la cavité qu’il a découverte, quelle est la signification qu'il faut lui attribuer, que devient-elle? Sur ce point, de Baer est fort peu explicite. Nous trouvons, en revanche, les explica- tions les plus précises et les plus nettes dans un nouveau travail publié peu après par Rusconi. Le. savant italien, piqué au vif des critiques dont ses pre- mières recherches avaient été l’objet de la part de de Baer, (1) Baer, ‘bid., p. 220, 8 G. MOQUIN-TANDON. adressa au professeur Weber deux lettres dans lesquelles il discute et repousse le reproche qui lui était fait d’avoir laissé de nombreuses lacunes dans son mémoire sur le développement de la Grenouille commune, et il termine en exposant les résultats des nouvelles observations qu’il a instituées, non plus seulement cette fois sur la Grenouille verte, mais aussi sur la Grenouille rousse (1). Il est intéressant de les examiner d’un peu près, car nous verrons plus loin que l’erreur qu’il commet dans l’appré- ciation de la découverte de de Baer a conduit Remak et les auteurs qui ont écrit après lui sur le même sujet à lui attribuer des idées erronées sur le mode d’origme des cavités de l'œuf. Il n'a point vu le Kesmloch, ni le canal, pas plus que la cavité nucléaire. À mesure que la segmentation progresse, la portion brune de l’œuf gagne sur la portion claire; bientôt apparaît, vers le pôle inférieur, ce sillon recourbé qu'il a déjà décrit dans son premier mémoire, et qui, en s'étendant de plus en plus, finit par circonscrire un petit disque blanchâtre qui tranche sur la couleur brune du reste de la périphérie. Si, à cette époque, on coupe l'œuf perpendiculairement de manière à diviser ce sillon en deux portions égales, « on voit que dans l’intérieur la substance grise, qui, au commencement, était bornée à l’hé- misphère supérieur, s’est étendue sur un côté du vitellus jusqu’à ce sillon ou anus, et que la cavité en demu-lune de de Baer a suivi ce mouvement de la substance grise, de telle sorte qu’elle n’est plus située dans la partie supérieure, mais sur le côté; en outre il y a dans la substance blanche une vaste cavité elliptique qui est séparée de la cavité en demi-lune par une mince couche. De Baer n’a pas vu cette cavité elliptique. » Et plus loin : « L’anus se rétrécit, devient une simple fente ; dans l’intérieur du vitellus la cavité elliptique a complétement disparu, et la cavité en demi-lune est devenue plus grande et présente une forme toute différente (2). » Enfin, en terminant, il combat avec force l’idée (1) M. Rusconi, Erwiederung auf einige kritische Bemerkungen des Hern von Baer über Rusconÿs Entwickelungsgeschichte des Froscheies (Müllers Archiv, 1836, p. 205). (2) Ibid., p. 220. ARTICLE N° 3. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 9 de de Baer d’assimiler l'œuf d’une Grenouille à celui d’un Oiseau au point de vue du développement, et montre qu'il ne se forme pas de cicatricule comme dans ce dernier cas, par séparation du reste du vitellus, mais qu’au contraire l'œuf tout entier repré- sente le germe. Il ne parait pas que de Baer ait eu connaissance de ce dernier travail de Rusconi, car dans son grand ouvrage d’embryologie on ne peut, comme le remarque Remak, reconnaitre avec cer- titude, d’après son exposition du plan de développement des Batraciens, s’il admet un germe distinct du vitellus ; et tandis que d’un autre côté il fait ressortir la concordance étroite entre les Poissons et les Batraciens, il semble cependant avoir reconnu que la partie inférieure blanchâtre de l’œuf de la Grenouille fournit l’'ébauche du tube digestif. Plus loin 11 mentionne encore la division du germe en deux couches, l’une animale, l’autre végétative, sans s'expliquer autrement sur la signification qu'il leur attribue (1). Reichert (2), dans son exposition des phénomènes du déve- loppement des Vertébrés, ne s'occupe point des premières modi- fications de l’œuf fécondé, et commence la description des phé- nomènes génésiques à partir du moment où la segmentation est accomplie. D’accord avec Rusconi, il n’admet point de dis- tinction entre le germe et le vitellus chez les Batraciens, et réfute la soi-disant concordance du plan de développement de ces animaux avec celui des Oiseaux. La première trace de l’or- ganisation de l'œuf divisé en cellules est, d’après lui, une mem- brane d’enveloppe (Umnhüllungshaut), destinée à disparaitre, et qui ne prend aucune part au développement de l'embryon. Les organes ont pour lieu d’origine trois autres couches cellulaires qui viennent s'appliquer successivement l’une contre l’autre, et de telle sorte que les divers systèmes organiques apparaissent les uns après les autres : d’abord le système nerveux central, (1) E. von Baer, Ueber Entwickelungsgeschichte der Thiere. Beobachtung und Reflexion, 2° partie, p. 205 et 288, note. Künigsberg, 1837. (2) Reichert, Das Entwickelungsleben im Wirbelthierreiche, p. 8 à 85. Berlin, 1840. 40 &. MOQ@UIN-TANDON. puis les systèmes cutané, musculaire, osseux, etc., enfin l’ap- pareil digestif avec ses glandes annexes. La segmentation fut envisagée, dans ses résultats, d’une ma- nière plus exacte qu’on ne l’avait fait jusqu'alors, par Berg- mann (1). Il chercha à se rendre compte du but de cette division de l'œuf en sphérules de plus en plus petites. Il discuta et rejeta les vues de Schwann, alors toutes-puissantes dans la science, et arriva, comme conclusion de ses recherches, à formuler ce principe important que le fractionnement de l'œuf des Batra- ciens est un acte préalable, nécessaire à la genèse des cellules. Quant à Reichert (2), qui, dans son grand ouvrage, avait laissé de côté la question de la segmentation, 1l en fait le sujet d’un mémoire publié la même année que celui de Bergmann ; il reconnait aussi que c'est à ce phénomène qu'il faut rapporter l’origine des cellules embryonnaires, mais 1l lui donne une sionification toute différente. « Le fractionnement du jaune de l'œuf des Batraciens n’est pas autre chose, dit-1l, que la pro- duction successive de cellules mères, emboîtées les unes dans les autres, et dont le résultat final est la formation de ces simples cellules vitellines d’où doivent dériver les cellules de l'organisme tout entier. » Et plus loin, en note : « La transformation des cellules mères en cellules vitellines n’a lieu complétement pen- dant le développement de l'embryon que dans la couche du germe et la couche corticale (3). » En 1849, M. Karl Vogt (4) publia un nt dH travail sur l'embryogénie du Crapaud accoucheur. [1 montre que la seg- mentation présente, chez ce Batracien, des caractères tout par- ticuliers : elle est, dès les premières phases, irrégulière, et ne s’étend jamais au pôle inférieur de l’œuf, qui reste complétement lisse; mais en même temps il méconnait la signification de ce (1) Bergmann, Die Zerklüftung und Zellenbildung im Froschdotter (Miüller's Archiv, 1841, p. 98. (2) B. Reichert, Ueber den Furchungsprocess der Batrachiereier (ibid., p. 523). (3) Ibid., p. 540 et note. (4) K. Vogt, Untersuchungen über die Entwickelungsgeschichte der Geburt- shelferkrôte. Solothurn, 1840. ARTICLE N° 3. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 11 phénomène pour la formation des cellules, et essaye de remettre en honneur l’ancienne idée d’un germe distinct du vitellus, déjà combattue par Reichert. Voici comment il s'exprime à cet égard : « Pouvons-nous, en présence d’une pareille origine des cellules embryonnares, admettre que chez les Batraciens elles se forment directement aux dépens du vitellus? Assurément non. Que la couche corticale prenne une part active à la constitution de l'embryon, on ne peut le nier, mais il est pourtant une autre condition dont il faut aussi tenir compte. L’impulsion qui pré- side à la naissance de toutes ces formations primitives part des cellules originaires de la tache germinative, et la couche cor- ticale ne fait, en quelque sorte, que la réaliser. C’est là ce qui donne au vitellus des Batraciens une signification plus élevée qu'à celui des Salmones. Mais une fois la première ébauche de l'embryon apparue, le vitellus n’est plus, comme l’a si justement montré Schwann, qu’une réserve alimentaire douée d’une vita- lité propre ; il n’est jamais le siége de la genèse immédiate des cellules embryonnaires, et ses éléments ne contribuent à la for- mation de ces dernières qu’en perdant leur autonomie (1). » Avec Remak (2) nos connaissances sur l’embryologie des Baitraciens firent rapidement des progrès considérables. Dans diverses publications, et en particulier dans un ouvrage fonda- mental, 1l développe et appuie sur des observations nombreuses et répétées les idées de Rusconi et de de Baer sur les consé- quences de la segmentation et sur son importance dans la con- stitution de l'embryon, idées que l'influence prépondérante de Schwann avait fait délaisser de la plupart des naturalistes, malgré les efforts de Bergmann. Il indique avec précision quel est le véritable caractère et le rhythme de ce phénomène, et décrit aussi avec soin les cavités de l'œuf. Il donne le nom de (1) K. Vogt, ‘bid., p. 39. (2) R. Remak, Ueber den Rhythmus der Furchungen im Froscheie (Müller's Archiv, 1851, p. 495). — Idem, Note sur le développement des animaux verte - bres om)!?s rendus, 1852, vol. XXXV, n° 11). — Idem, Untersuchungen über die Entwickelungsgeschichte der Wirbelthiere, p. 9 et 10, et p. 144. Berlin, 1855. 19 G. MOQLIN-FANDON. cavité de segmentation à celle que de Baer a découverte le pre- mier dans l'hémisphère supérieur ; il montre qu’elle ne provient pas de la cavité nucléaire, comme le prétendait ce dernier, mais qu’elle a pour origine cette petite lacune que les premières sphères de segmentation laissent entre elles dans l’intérieur de la masse vitelline, au point de rencontre des différents cercles méridiens avec le cercle équatorial. Lorsque la division du jaune en sphérules touche à sa fin, elle présente tantôt une forme cir- culaire, tantôt une forme ovale ou elliptique, et occupe tout le tiers supérieur de l'œuf, Quant à la cavité viscérale, qui s'agrandit plus tard aux dépens de la cavité de de Baer, elle se forme par simple invagination de la couche périphérique au fond du sillon de Rusconi. Voici, d’ailleurs, la description que Remak donne de ce mode de formation : Le développement débute par Pappa- rition d’un sillon en forme de faux, situé vers le pôle inférieur à environ 30 ou 40 degrés de l'équateur, et parallèlement à Fur. Le fond de ce sillon représente un petit cul-de-sac, d’abord peu marqué, limité en dehors par l’écorce brune de l'œuf, et en dedans par la masse vitelline blanchâtre. Sa paroi externe se termine vers le bas par un bord libre, légèrement épaissi, dans lequel on peut apercevoir, quand on se place dans des condi- tions favorables, trois couches : une extérieure et une moyenne, composées de petites cellules qui se continuent avec les lames cellulaires du dôme de la cavité de segmentation, et une inté- rieure à grosses cellules blanches qui se relient aux éléments du plancher de la même cavité. Sur le bord, la couche brune externe et la couche blanche interne passent insensiblement de l'une à l’autre et entourent l’extrémité de la couche moyenne. Îl se développe ainsi, sur la limite du plancher et du dôme, une sorte d'écran aplati en continuité avec les couches cellulaires de ce dernier, qui glisse sur la surface inférieure de l’œuf sans y adhérer, de manière à former avec elle une cavité terminée en cul-de-sac. Telle est l’origine de la cavité de Rusconi ou cavité viscérale, dont l'ouverture en forme de fente est formée par un des bords de l'anus de Rusconi en voie de développement. Elle s'agrandit ensuite de deux manières : l’écran continue à ARTICLE N° 9. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 13 s’avancer vers le pôle inférieur, tandis que le fond de la cavité gagne sur le haut en s’étendant aux dépens de la cavité de de Baer, dont elle n’est plus séparée que par une mince cloison verticale. Pendant ce temps, le sillon falciforme est devenu un cercle que limite nettement un disque de grosses cellules blanches. Du côté opposé à la cavité viscérale se développe par le même mécanisme un autre petit cul-de-sac, auquel convient le nom de cavité anale ; il ne S'agrandit pas et conserve son étendue primitive, tandis que le sillon circulaire est rétrécr eraduellement de manière à ne plus former qu’une fente étroite. Enfin il communique avec la cavité viscérale qu'il vient com- pléter. La cavité de de Baer est encore présente, mais dans l’espace de quelques heures elle est entièrement refoulée par l'extrémité céphalique de la cavité de Rusconi, qui prend une extension de plus en plus grande, et finalement disparait com- plétement. On distingue dès lors facilement sur la paroi dorsale trois feuillets : l'extérieur (feuillet sensoriel), formé d’une couche superficielle brune de petites cellules et plus profondément d’une couche blanche épaisse ; le feuillet moyen (moteur) est compose de petites cellules d'aspect grisätre; enfin le feuillet interne (érophique) consiste en grosses cellules blanches qui forment, du côté ventral, une masse arrondie que les embryologistes ont désignée sous le nom de vitellus central ou de noyau vitellin (Dotterkern). Vers l'extrémité céphalique, de mème que sur les flancs, le vitellus central se continue sans interruption avec la couche cellulaire unique qui constitue le feuillet interne. Les phénomènes ultérieurs du développement montrent que cet amas de cellules correspond au feuillet trophique des Vertébrés supérieurs ; aussi Remak propose-t-il de lui donner le nom de germe glandulaire (Drüsenkeim). Remak a donc vu, comme Rusconi, les deux cavités que présente l'œuf de la Grenouille pendant son développement, mais les deux auteurs semblent, au premier abord, être entièrement en désaccord sur la signi- fication qu'il convient de leur donner. En effet, Remak, qui s’est assuré, par l'observation des phases successives de lévo- lution, que la cavité elliptique de de Baer s’atrophie, tandis que 14 G. MOQUIN-TANDON. la seconde s'agrandit et se transforme en tube digestif, s'étonne que Rusconi, qui les a parfaitement décrites toutes les deux, qui a montré que le bouchon de cellules blanchâtres entouré par le sillon falciforme devient l’anus, fasse disparaitre la cavité en demi-lune, et laisse subsister la cavité de de Baer comme ébauche du tube digestif. La contradiction entre Ruscont et Remak n’est qu'apparente, comme l’a bien montré Golubew (1). On voit, en effet, en comparant attentivement les deseriptions et les dessins de ces naturalistes, qu'ils professent les mêmes opinions. Tous les deux désignent sous le même nom de cavité elliptique la cavité qui doit disparaitre, et sous celui de cavité en demi-lune celle qui doit persister. Ge qui a donné lieu à ce désaccord apparent, c’est d’abord une erreur de Rusconi, et secondement une confusion de la part de Remak. Rusconi con- sidère à tort comme la cavité de de Baer la cavité en demi-lune qui est située sur le côté, immédiatement au-dessous de l’'ébauche des organes centraux de l'embryon, et explique leur change- ment de position par un mouvement de la substance grise qui l'entoure, vers le bas. Cette cavité en denu-lune n’est nullement celle qui a été décrite par de Baer, mais la cavité nouvelle que Rusconi a été le premier à voir; tandis que la cavité elliptique qu'il croit avoir découverte est précisément celle à laquelle doit s'appliquer la description de de Baer. Remak, de son côté, trompé par cette erreur du savant italien, désigne comme la cavité elliptique, suivant Rusconi, cette cavité qui est située sous l'embryon, tandis que, en fait, ce dernier lui donnait le nom de cavité en demi-lune, tout en en attribuant à tort la dé- couverte à de Baer. Ecker, dans la deuxième édition des Icones physiologicæ de R. Wagner (2), consacre une planche à représenter les diverses phases du développement de la Grenouille rousse. L’explication dont il accompagne ses figures n’est que le résumé de ce que les (4) A. Golubew, Beiträge zur Entwickelungsgeschichte der Batrachier, in Rolett’s Untersuchungen aus dem Institut für Physiologie in Graz, 1870, 1 Hefñt, p. 88. (2) A. Ecker, Icones physiologice, 1851-1859, pl. xx. ARTICLE N° 9. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 15 travaux antérieurs avaient fait connaitre, et n’ajoute rien de nouveau à nos Connaissances. On n’y trouve non plus aucun détail sur les cavités de l'œuf, ni sur la formation des feuillets embryonnaires. M. Stricker, nous l'avons vu plus haut, est le premier qui ait introduit la méthode des coupes microscopiques dans l’étude de l’embryologie des Batraciens. Il publia en 18692, dans le Journal de zoologie de MM. Siebold et Kôlliker, un mémoire qui con- tient les principaux résultats auxquels il était parvenu à l’aide de ces nouveaux procédés (4). D'accord avec Rusconi et Remak sur l'existence et le rèle des cavités de l'œuf, il n’envisage pas de la même manière que ce dernier le mode d’origine de la cavité viscérale. Suivant lui, il n’y a point mvagination, mais simplement séparation des cellules du Keëmhügel de celles de la masse centrale, séparation qui débute par la formation du sillon falciforme. Il admet aussi qu'une parte des cellules du plancher viennent sur le côté dorsal s'appliquer contre la paroi du dôme ; que la fente se continue dans leur intérieur et les divise en deux lames, dont l’une, composée en général de trois couches de cellules, donnera les feuillets moteur et trophique, et dont l’autre séparera la cavité viscérale de celle de de Baer. Plus tard cette fente s'agrandit, s’élargit surtout vers le haut aux dépens de la cavité de segmentation ; se complète enfin quand le bouchon d’'Ecker s’est détaché de la masse centrale par ladjonction de la cavité anale et constitue lébauche du tube digestif ou cavité de Rusconi. Quant aux feuillets du blastoderme, la couche prin- cipale (Hauptschicht) se divise en deux pour former le feuillet corné proprement dit et le feuillet nerveux, auxquels viendront, dans la suite, se joindre les feuillets moteur et trophique formés par les cellules du plancher. Plus tard, de nouvelles observations faites dans le but de vérifier les assertions que venait d'émettre Max Schultze, qui considérait le fractionnement comme un acte résultant de la contraction du vitellus, comme un phénomène de la vitalité (1) S. Stricker, loc. cit. ANN. SC. NAT., JANVIER 1870. I, 4, — ART, N° 3. 16 G. MOQUIN-TANDON. propre du protoplasma (1), le conduisirent à la découverte de ce fait important, que les sphères de segmentation sont douées de mouvements amiboïdes ; et il explique par cette propriété les mouvements qu'exécutent les cellules du plancher de la cavité de segmentation pour venir s'appliquer contre le ddme du côté dorsal et y constituer les deux feuillets internes (2). Les travaux des embryologistes que nous venons de passer en revue avaient porté, soit sur la Grenouille verte ou rousse, soit sur le Crapaud commun. Un anatomiste belge distingué, dans un mémoire (3) couronné par l’Académie des sciences de Bel- gique, a pris pour objet de ses études le Pélobate brun, et, tout en rejetant la théorie de Remak comme ne s’accordant pas avec les faits, il émet une autre hypothèse d’après laquelle la partie inférieure de la fente qui précède la naissance de la cavité viscé- rale serait formée par une incurvation en dedans de la couche externe de l’œuf, c’est-à-dire du feuillet corné ; au-dessus de l'équateur elle devrait sa prolongation à ce qu’en cet endroit les cellules de la masse centrale prendraient de proche en proche les mêmes caractères que les cellules de la portion incurvée du feuillet externe. Tel serait le mode d’origine du troisième feuillet ou feuillet moteur, qui différerait ainsi dans les deux hémisphères de l’œuf. De plus, M. Van Bambeke admet que la couche de cellules qui revêt intérieurement le dôme de la cavité de segmentation existe déjà dès la formation de cette cavité, et n’est point due à un dépôt ultérieur des cellules du plancher. Quant au quatrième feuillet ou feuillet trophique, il aurait son origine dans une ou deux rangées de cellules qui, une fois la cavité viscérale formée, «viennent, à partir de l’hémi- sphère supérieur, se Juxtaposer à sa paroi interne ». (4) Max Schultze, Observationes nonnullæ de ovorum Ranarum segmenta- tone. Bonnæ, 1863. (2) S. Stricker, Mittheilungen ueber die selbsistündigen Bewegungen em- bryonaler Zellen (Sitzungsb. der Wiener Akad., 1864, vol. XLIX.) — Idem, Handbuch der Lehre von den Geweben, vol. I, p. 1193, Leipzig, 1872. (3) Van Bambeke, Recherches sur le developpement du Pélobate brun (Mém. couronnés Acad. de Belgique, 1868, vol. XXXIV). ARTICLE N° 3, DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. FA M. Goette (1), privat-docent à l'université de Strasbourg, dans la description qu'il donne des phénomènes du développe- ment du Bombinator igneus, se rattache essentiellement à la manière de voir de Remak. Il résume ainsi ses recherches : La première différenciation morphologique de l'œuf du Bombinator igneus consiste dans l’apparition d’une cavité dans la sphère vitelline jusqu'alors solide ; une portion de sa paroi s’invagine, s'applique sur celle qui lui fait face, et cause la disparition de la cavité primitive ; l'ouverture de cette invagination se ferme, et il se forme ainsi deux sphères blastodermiques, concentriques, adhérentes dans tous leurs points. L’extérieure est le feuillet sensoriel, lintérieure se partage en feuillet moyen et feuillet trophique, qui s’épaissit sur une de ses faces (noyau vitellin) et perd ainsi la forme sphérique. Cette description est accom- pagnée de nombreuses figures (fig. 1-11) d’ailleurs entièrement schématiques. Il diffère de Remak en ce que, au lieu de consi- dérer le toit de la cavité de segmentation comme contenant à la fois les feuillets moyen et supérieur, il n’en fait provenir que ce dernier feuillet, et rapporte l’origine du feuillet moteur aux cellules blanches du vitellus (2). Un élève de Reichert, M. Dônitz, qui s’est donné l’ingrate mission de remettre en honneur celles des théories de son maitre qui sont depuis longtemps abandonnées par l'immense majorité des naturalistes, s’est occupé à son tour du dévelop- pement des Batraciens. Il a publié en 1869 un mémoire sur le feuillet sensoriel de Remak, où l’on rencontre, à côté de gros- sières erreurs, les vues les plus singulières (3). Il commence par essayer de démontrer que les sphères vitellines résultant du fractionnement possèdent une membrane; que la cavité de segmentation n'existe point dans l’œuf vivant, qu’elle est un (1) A. Goette, Untersuchungen ueber die Entwickelung des Bombinator igneus (Arch. für mikroskopische Anat., 1869, vol. V, p. 90, pl. vi). (2) Depuis que ces lignes sont écrites, j'ai vu, dans le catalogue d’une librairie allemande, que M. Goette a publié tout récemment un grand ouvrage sur le développement de ce même animal ; malheureusement il m'a été impossible d’en prendre connaissance, aucune bibliothèque de Paris ne le possédant encore. (5) Dôünitz, Ueber das Remaksche Sinnesblatt (Arch. für Anat. und Physiol., 1809, p. 600). 18 G. MOQUIN-TANDON. produit artificiel dû au mode de préparation, et qu'elle n’a par conséquent aucun rôle à remplir dans les phénomènes du dé- veloppement. Il admet par contre comme ayant une importance essentielle une autre cavité (cavité de sécrétion primitive), qui se développe lorsque la première ébauche de l’embryon, la membrane enveloppante, apparaît au pôle supérieur, et qui n’est évidemment pas autre chose que la cavité de segmentation, comme il ressort de ses propres paroles. Il dit en effet, à la page 608 : « Les cellules situées au-dessous de cette couche extérieure (membrane enveloppante) conservent leur forme irrégulière et leur faible pigmentation. Elles sont si lâchement unies, qu’il se forme au milieu d'elles par écartement une cavité à contours irréguliers due à l’accumulation de plus en plus considérable d'un liquide. L’étendue de cette cavité est recon- naissable extérieurement au pôle obscur par un bouclier cir- culaire limité par un sillon sinueux et peu marqué. Le bouclier, en s'étendant d’un côté jusqu’au bord de la membrane enve- loppante, jusqu’à cette partie que l’on a appelée l’'ombilic de l'œuf, indique le développement progressif de la cavité, que l’on doit considérer comme une cavité d'excrétion provisoire, et qui disparaît bientôt, comme l’a montré dans ces derniers temps Goette. » M. Dônitz n’admet pas que la cavité viscérale prenne naissance au fond du sillon de Rusconi, soit par invagination, soit par séparation. D’après lui, elle se forme au milieu du vitellus blanc. Immédiatement au-dessous de l’ébauche de la corde dorsale se trouve une couche de grosses cellules, et en dedans une cavité qui se distingue de la cavité d’excrétion en ce que ses parois sont formées de grosses cellules régulièrement disposées. L'apparition d'ouvertures de communication avec l'extérieur en avant et en arrière est la conséquence d’un phé- nomène de résorption, car 1l n'existe pas plus pour la bouche que pour l’anus d'ouverture primitive. Quant à la question de savoir si le tube digestif naît aux dépens de la cavité d’excrétion ou indépendamment d'elle, M. Dômitz n’a pu la résoudre, quoiqu'il incline à penser que la seconde supposition soit la plus vraisemblable. ARTICLE N° 9. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 9 M. Golubew (1) estun des derniersauteurs quise soient occupés de l’embryogénie des Batraciens. Il a discuté avec soin les tra- vaux de Ruscont et de Remak, et montré par la comparaison attentive des textes et des dessins que la prétendue contradiction qui existerait dans la manière de voir de ces deux naturalistes n’est qu'apparente, et repose en définitive sur une erreur d’ap- préciation de la part de l’un d'eux, et sur une confusion de la part de l’autre. Il a repris aussi les recherches de M. Stricker sur le Crapaud commun ; de même que lui, il repousse l’hypo- thèse de l’invagination comme mode de formation de la cavité viscérale, mais donne une autre explication du phénomène. D’après M. Golubew la séparation des cellules qui part du fond du sillon de Rusconi disparaît bientôt. Il a observé aussi que les éléments du plancher de la cavité de segmentation s’appliquent contre le dôme pour former les feuillets moyen et inférieur; il ne eroit point qu'il y ait là un phénomène d’émigration de ces cellules grâce à leurs mouvements amiboïdes, et rapporte ce fait à la multiphication de ces mêmes cellules, principalement du côté dorsal, multiplication qui aurait pour résultat d’opérer au sein de la masse ainsi en voie de développement de légères dé- chirures qui se réunissent pour produire la fente longitudinale, origine de la cavité de Rusconi. Enfin, tout récemment ces vues ont été combattues par M. Romiti, qui s’est efforcé de démontrer que le mouvement des cellules du plancher le long du dôme était actif et non point passif, comme l’admet M. Golubew; que la fente, première ori- gine de la cavité viscérale, une fois apparue, ne s’efface pas, mais continue au contraire à s’agrandir; et enfin que les cellules périphériques du bouchon d’Ecker ne prennent point part à la formation du bourrelet circulaire qui borde en dehors le sillon de Rusconi. Tels sont résumés, aussi succinctement que possible, les divers travaux auxquels a donné lieu l'étude du développement des Batraciens anoures. Nous voyons en somme que si les au- (1) Golubew, loc. cit., p. 87. 20 -_ _G. MOQUIN-TANDONX. teurs les plus récents sont d'accord sur l’ensemble des phéno- mènes génésiques, il est cependant des questions d’une impor- tance capitale, telles que celle de la formation de la cavité viscérale, et celle de l’origine des feuillets moyen et externe qui lui est connexe, sur lesquelles règnent les opinions les plus divergentes. Les uns, avec Remak et Goette, admettent l’inva- gination de la couche corticale et du bouchon d’Ecker; les autres, Stricker, Romiti, croient qu'il n’y à point invagination, mais émigration des cellules du plancher et formation d’une fente dans leur intérieur, opinion que partage en partie Golubew. Enfin un quatrième, M. Van Bambeke, professe une manière de voir intermédiaire : 1l adopte l’imvagination pour l'hémisphère inférieur de l’œuf, et la séparation simple des cellules dans l'hémisphère supérieur. À quoi faut-il attribuer ces divergences si considérables entre des observateurs aussi distingués? Elles sont dues, croyons-nous, à deux causes : en premier lieu, au procédé d'investigation employé, parfois insuffisant, comme c’est le cas pour Remak; et secondement, à ce qu'aucun des auteurs que nous venons de citer, sauf ce dernier, n’a étendu ses observations à des espèces différentes. Remak n’a jamais fait de coupes microscopiques; il n’a pu, par conséquent, se rendre compte d’une manière exacte des rapports Intimes des différents éléments de l'œuf. 11 décrit ce qu'il a vu à Pœil nu ou à l’aide de la’loupe; ses dessins et ses descriptions nous montrent que chez les Grenouilles les phénomènes sont essen- tiellement les mêmes que ceux qui se présentent chez le Cra- paud commun examiné par les mêmes procédés. MM. Siricker, Golubew, Romiti, ont pris pourobjet de leurs études les œufs du Crapaud (1), M. Van Bambeke ceux du Pélobate brun, et enfin M. Goette ceux du Bombinator igneus. Pour arriver à recon- naître si réellement il existe des différences aussi marquées dans les premières phases du développement d'animaux appartenant à des genres si voisins sous tous les rapports, il était done né- cessaire d'entreprendre de nouvelles recherches comparatives (1) G. Romiti, Zur Entwickelung von Bufo cinereus (Zeëitschr. für wissensch. Zool., 1873, vol. XXIIE, p. 431, pl. xxv, fig. 1 et 2). ARTICLE N° 5. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 21 sur ces diverses espèces. C’est ce que nous avons fait pour le Crapaud commun et le Pélobate brun. Quant au Bombinator, il est très-rare aux environs de Paris, et 1l ne m’a pas été pos- sible de me procurer de ses œufs. Toutefois, quelque regrettable que soit cette lacune dans mon travail, elle est moins impor- tante qu'il ne semble au premier abord : si l’on se reporte aux descriptions et aux dessins de M. Goette, on voit en effet que le Bombinator, de même que la Grenouille, offre avec le Cra- paud commun les analogies les plus intimes dans son dévelop- pement ; aussi les différences, si elles existent, ne peuvent-elles être que très-légères. Un mot maintenant sur la méthode de recherche employée. Il est essentiel tout d’abord d’avoir des œufs fécondés fraiche- ment, afin de pouvoir suivre les premiers phénomènes du travail génésique. La manière la plus simple de se les procurer, c’est de surveiller, dès les premiers beaux jours du printemps, les mares que l’on sait être fréquentées par les Batraciens pendant la période des amours. La durée de l’accouplement est de plusieurs jours pour la plupart des espèces; aussi est-il facile de sur- prendre ces animaux accouplés et en train de pondre. On est sûr alors que la fécondation vient d’avoir lieu. On recueille avec précaution les œufs réunis en cordons ou en masses glo- buleuses, suivant les genres, et arrivé chez soi on les divise par petits paquets que l’on mét séparément dans des cuvettes ou des vases de verre plats. Il faut avoir soin de changer l’eau au moins une fois par jour et de tenir les récipients en pleine lumière, mais loin du soleil, et autant que possible à une tem- pérature qui ne soit pas trop élevée, car la chaleur a pour ré- sultat d'activer singulièrement le développement, et empêche par conséquent d’en étudier toutes les phases à loisir. L’enve- loppe gélatineuse de ces œufs est complétement transparente, aussi permet-elle de les observer directement au microscope avec de faibles grossissements à la lumière réfléchie ; 1l suffit pour cela de mettre deux ou trois œufs avec un peu d’eau dans une petite capsule de cristal ou dans un verre de montre et de les porter sur la platine du microscope. On peut ainsi observer 99 G. MOQUINV-TANDOX. tous les phénomènes de la segmentation, la formation succes- sive des différents sillons, la rotation de l'embryon dans l'œuf, et en un mot toutes les transformations extérieures. À ce mode d'investigation il faut joindre aussi l’étude de coupes microsco- piques pratiquées dans différentes directions sur des œufs ou des embryons à divers degrés de développement et préalablement durcis. Il ne sera pas inutile de décrire avec quelques détails la manière de procéder, qui du reste, à quelques modifications près, n’est autre que celle de Stricker (1), parce que les œufs des Batraciens, par la structure très-délicate et lumion extrè- mement lâche des éléments qui les constituent, sont certaine- ment un des objets dont il est le plus difficile d'obtenir de bonnes coupes, et que, comme le fait remarquer avec raison Rosenberg (2), des ouvrages, d’ailleurs estimables, mdiquent des procédés très-défectueux appliqués dans le cas qui nous occupe. Le liquide le plus favorable pour dureir les œufs, et qui doit être préféré aux autres réactifs du même genre, tels que l'alcool, la liqueur de Müller, ete., est acide chromique. Pour obtenir de bons résultats, pour éviter les insuccès, 1l faut em- ployer des solutions exactement dosées, n1 trop faibles, parce qu’elles provoquent un commencement de macération, n1 trop concentrées, parce qu’elles peuvent déformer les éléments et faire naître entre eux des déchirures ou des lacunes artfi- cielles. Après quelques tâtonnements, je suisarrivé à reconnaitre que la meilleure manière de procéder était la suivante : Les œufs sont plongés par petits paquets dans une solution relativement abondante d'acide chromique à 3 pour 1000, que lon a soin de changer toutes les vingt-quatre heures, et que l’on remplace au bout de trois jours par une solution piusconcentrée 5 pour 1000; ils y restent encore trois ou quatre jours, après quoi on les (1) Voyez Stricker, Untersuchungen ueber die Entwickelung des Kopfes der Batrachier (Müller’s Archiv, 1867, p. 53). — Idem, Handbuch der Lehre von den Geweben, vol. I, p. 21. (2) Al. Rosenberg, Untersuchungen ueber die Entwickelung der Teleostier Niere, p. 38. Dorpat, 1867, ARTICLE N° 9, DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. DS laisse quelques heures dans l’eau pure, afin d'enlever Pacide chromique qui ne s’est point fixé. Sous l’influence prolongée de l’acide, l'enveloppe gélatineuse s’est dissoute en partie, et il est facile, en secouant le flacon ou en s’aidant d’aiguilles, d'en débarrasser complétement les œufs. Dans cet état, les œufs peuvent être transportés dans la glycérme, où ils se conservent des mois entiers, si l’on ne veut pas s’en servir immédiatement; dans le cas contraire, on les met dans une solution ammoniacale faible de carmin, qu'on laisse agir pen- dant une vingtaine d'heures; on les lave ensuite dans de l’eau distillée aiguisée de quelques gouttes d'acide acétique. On n'obtient jamais, il est vrai, de belles colorations, comme, par exemple, avec des embryons de Poissons; cependant le carmin est utile, parce qu'il permet de mieux distinguer les noyaux et les contours des cellules. Il s’agit maintenant d’en- lever l’eau qui imbibe les œufs, parce qu’elle ne se mêle pot avec l’huile de clous de girofle que lon emploie pour les éclaircir. C’est à quoi on arrive très-simplement en les mettant quelques instants dans de l'alcool faible, puis dans de l’alcool absolu. Pour pratiquer des coupes sur des œufs ainsi préparés, on les enferme dans un mélange chaud de cire vierge et d'huile d'olive dont on a combiné les proportions de telle sorte que la masse ait sensiblement la même densité que l’œuf lui-même. Les coupes sont faites à main levée avec un rasoir qu'on à som d’humecter largement d'alcool. Un point essentiel à observer, si l’on ne veut pas risquer d’abimer les préparations que l’on a réussi à mener à bien jusque-là, c’est, au lieu de se servir du pinceau où d’une aiguille pour les transporter sur la lame de verre, de les faire flotter directement du rasoir sur cette lame en ajoutant quelques gouttes d'alcool. L'alcool enlevé avec du papier à filtre est remplacé par une goutte d'huile de clous de oirofle. La préparation ainsi obtenue peut être conservée pen- dant quelques jours, pourvu qu'on la tienne à l'abri de la pous- sière. Si l’on veut définitivement la garder, il faut essuyer huile de clous de girofle et y ajouter de la résine de dammar dissoute dans du chloroforme et de la térébenthine, et appliquer sur le 24 G. MOQUIN-TANDOX. tout un verre mince en ayant soin d'interposer un petit morceau de papier très-mince percé d’une fenêtre, pour empêcher que le poids du verre n’écrase et ne déchire la préparation. Quand les œufs sont déjà un peu avancés dans leur dévelop- pement et que les cavités commencent à se former dans leur intérieur, 1l faut, après les avoir durcis et avant de les inclure, en retrancher sous l’eau, avec un scalpel triangulaire ou une aiguille à cataracte, un segment parallèle au plan suivant lequel on veut faire les coupes. Cela est nécessaire pour deux raisons : d’abord parce que l'œuf est entièrement sphérique, et que dès lors il serait à peu près impossible de le fixer exactement dans la masse d’inclusion dans la position qu’on veut lui donner; et secondement parce que la masse doit pénétrer dans les diffé- rentes cavités, afin de maintenir leurs parois, qui sont très- minces, et qui sans cela se briseraient et deviendraient friables sous le rasoir. Ajoutons encore, comme l’mdique Stricker, que le sillon de Rusconi et le bouchon d’Ecker servent de guide pour savoir dans quel sens 1l faut porter le scalpel. Les premières modifications que présente l’œuf du Crapaud commun, quand il commence à se développer, consistent dans l'apparition des sillons de segmentation. Depuis les travaux de Prévost et Dumas et de Rusconi, rectifiés et complétés par Remak et surtout par Max Schultze, le caractère et le rhythme de ces phénomènes primordiaux sont parfaitement connus. Ce que ces savants naturalistes, et en particulier ce dernier, ont observé sur la Grenouille s'applique également au Crapaud ; il est donc inutile de décrire minutieusement la segmentation chez ce dernier animal, puisque ce serait en somme rééditer des descriptions déjà très-bien faites ; aussi je ne m'occuperai que de quelques points secondaires qui ne sont pas encore établis avec la même certitude. IL est certain tout d’abord que lorsque l’œuf est pondu, la vésicule germinative a disparu complétement. Sa membrane s’est-elle rompue, et son contenu s'est-il écoulé du reste du vitellus, comme le pensent la plupart des auteurs, ou bien a-t-elle été expulsée au dehors par un mécanisme analogue à ARTICLE N° 3. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 925 celui que Oellacher a décrit pour l'œuf des Truites (1) ? Cest ce que je ne puis décider; toujours est-il que dans l'œuf pondu on n’en trouve plus aucune trace. Si, à l'exemple de Stricker, on capture des Crapauds accouplés et que l’on examine les œufs qu'ils viennent immédiatement de pondre comparativement avec ceux que contient encore l'abdomen de la femelle, on voit que les premiers n’offrent jamais de vésicule germinative, tandis que la plupart des autres en ont une parfaitement distincte ; et le fait que parmi les derniers on en rencontre quelques-uns qui en sont déjà dépourvus montre, comme l’a d'ailleurs vu Van Bambeke chez le Pélobate, que la fécondation n’est point la cause de la disparition de ce noyau cellulaire, qui tient proba- blement à ce qu'il est arrivé au terme de son existence, après avoir fini le rôle encore obscur qui lui est assigné dans l’évo- lution de l'œuf. Mais, si la vésicule germinative disparaît, on trouve cependant dans les œufs du Crapaud, quelques heures après la fécondation, une cavité sphérique occupant exactement la mème place dans l'hémisphère supérieur, et qui n’est autre que la cavité nu- cléaire décrite par de Baer. Admise par Newport, Ecker et Remak, elle a été niée par Rusconi, qui n’a pu la voir; de son côté, M. Van Bambeke assure que chez le Pélobate elle dispa- rait dans l’œuf ovarien en même temps que la vésicule germi- native. Il est certain que chez le Crapaud elle existe, et qu’elle joue un rôle dans la formation de la cavité de segmentation, comme l’a soutenu de Baer. Quant au canal partant de la fovea germinativa, et qui viendrait y aboutir, qu’il prétend avoir vu, et que Newport, après lui, dit avoir observé, j'avoue, comme M. Van Bambeke, que je n'ai pu parvenir à l’apercevoir, pas plus sur des coupes verticales que sur des coupes horizontales ; or il semble pourtant que, s’il existe réellement, on doit en constater facilement la présence. La fovea germinativa n’est du reste elle-même qu’une petite dépression très-peu profonde; aussi me paraît-il difficile d'admettre l'opinion de Max Schultze, (1) J. Oellacher, Beiträge zur Geschichte des Keimbläschens im Wirbel- thiereie (Archiv für mikrosk. Anat., vol. VIIL p. t). 26 &. MOQUIN-TANDON. qui la considère comme le micropyle, d'autant plus que M. Van Bambeke a décrit récemment sur des œufs de Batraciens uro- dèles des trous, qu’il appelle {rous vitellins, disposés sans ordre apparent, et qui seraient les véritables ouvertures par lesquelles les spermatozoïdes pénètrent dans l’imtérieur de l'élément fe- melle (1). Quoi qu'il en soit, si l’on observe attentivement la for- mation du premier sillon de segmentation, on le voit apparaître, comme l’ont bien indiqué Prévost et Dumas, sur les bouts de la fovea germinativa, si elle existe encore à cette époque, ou bien, si elle s’est effacée, au point qu’elle occupait auparavant. Une coupe faite perpendiculairement à ce premier sillon montre qu'il s'étend jusqu’à la cavité nucléaire, dont 1l divise en deux la voûte, et des coupes successives sur des œufs plus avancés mettent hors de doute que la cavité nucléaire est bien l’origme de la cavité de segmentation, cavité qui se trouve élargie plus tard par ce fait que, en ce point, les angles des sphères vitellines produits par l’entrecroisement des premiers cercles méridiens et du cercle équatorial s’'émoussent et s’arrondissent. Reichert, qui, le premier, en 1840, avait reconnu que les par- ticules résultant de la segmentation devaient être considérées comme de véritables cellules embryonnaires, admettait autour de ces premiers éléments une membrane anhiste qui, sous lin- fluence de l’eau, se soulevait en certains points, formait de petites protubérances distinctes par leur indice de réfraction du corps cellulaire, et qu'il attribuait à un phénomène de diffusion. Selon Remak, la membrane vitelline prend part à la segmentation, s’enfonce dans les sillons, et vient constituer autour de chaque cellule une enveloppe propre. Nous verrons plus loin que cette théorie est de prime abord battue en brèche par ce fait que le Pélobate ne possède point de membrane vitelline, et qu'il ne peut par conséquent être question chez lui de membrane péné- trant entre les dernières sphères de fractionnement pour les recouvrir. Chez le Crapaud commun, où elle existe très-mani- festement, il est cependant facile de prouver qu’elle sert seu- (4) Van Bambeke, Sur les trous vitellins que présentent les œufs fécondés des Amphibiens (Bull. Acad. de Belgique, 1870, p. 58). ARTICLE N° 3. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 97 lement d’enveloppe générale à l’œuf et qu’elle ne prend aucune espèce de part aux phénomènes évolutifs. Si l’on observe en effet au microscope, avec un grossissement de 15 à 25 diamètres, des œufs qui viennent d’être pondus et fécondés, on s'aperçoit qu'il y à entre la masse noirâtre du vitellus, qui montre ici un double contour très-net, un espace clair. On voit naître sous ses yeux les premiers méridiens du fractionnement, et l’on s’as- sure que lorsqu'ils atteignent les parties latérales de l’œuf et appa- raissent de profil comme une petite encoche dans sa masse, que la membrane passe au-dessus de cette encoche comme un pont, sans même s’infléchir le moins du monde. On voit aussi, en se servant de la lumière directe du soleil, que la couronne de plis (Faltenkranz de Reichert) n’est pas seulement limitée à l’en- droit où doit se former un sillon, mais qu'elle s'étend sur une portion plus ou moins grande de la surface de l'œuf, tandis que le reste est complétement lisse. [l semble difficile de rapporter ces stries irrégulières et passagères à un pincement de la mem- brane intérieure, surtout en présence de ce fait que cette der- mère n’adhère pas à l’œuf, mais en est séparée par un espace qui, quoique très-petit, est nettement appréciable au micro- scope; enfin si l’on met sur l'œuf un verre mince et que l’on emploie un fort grossissement, le fractionnement continue à s'effectuer sans que l’on aperçoive la membrane y prendre la moindre part. De ces phénomènes il est encore permis de tirer la conclusion que la division de la masse vitelline est due, comme le pensait Max Schultze, à une sorte de rétraction du vitellus, à une contraction du protoplasma autour de certains centres, opinion qu'avait jadis défendue Coste. Un autre fait des plus importants que fait reconnaître l’obser- vation microscopique des œufs vivants, c’est la propriété que présentent leurs éléments de se mouvoir, de présenter des mou- vements amiboiïdes (1). Pour s’en assurer, il suffit de débarrasser un œuf de Crapaud, dont la segmentation est déjà avancée, de son enveloppe gélatineuse, et de le déposer avec précaution sur (1) Voyez Stricker, Millheilungen, etc. 28 ‘ G. MOQUIN-TANDON. une lame de verre. On porte rapidement la préparation sur la platine du microscope, sans verre mince, et en employant la chambre humide afin d'empêcher que la dessiccation ne sur- vienne trop vite. On observe alors que les éléments plus ou moins isolés au sein d’un liquide albumineux affectent les formes les plus diverses. Si l’on en fixe un attentivement, on le voit émettre sur son contour un ou plusieurs prolongements quitantôt peuvent se diviser, tantôt et plus souvent rentrent dans l’intérieur pour reparaître sur un autre point ; la masse entière change de forme, grâce à ces mouvements protoplasmiques. Bref il présente des phénomènes analogues, quoique plus lents, à ceux qui se manifestent dans les globules blancs du sang à l’état vivant. On peut, pour se rendre mieux compte des diverses modifications qu'offre successivement le même élément dans sa forme, dessiner à la craie sur la table ses contours toutes les trois ou quatre minutes, et comparer entre elles les figures ainsi obtenues. Il faut avoir soin de ne pas confondre ces mouvements amiboïdes avec les mouvements purement passifs produits par le liquide vecteur, ou bien avec des excroissances sarcodiques qui, une fois émises, ne rentrent plus dans le corps delacellule, et qui sont un signe certain qu'elle a cessé de vivre. Ces phéno- mènes sont encore plus nets dans les cellules du germe de la Truite. Décrits d’abord par Stricker et Weil, ils ont été depuis observés par Romiti et Waldever (1), qui ignoraient les travaux de ces premiers naturalistes. Je rappellerai aussi que Pere- meschko et Klein (2), en s’aidant de la platine échauffante, prétendent avoir été témoins de faits analogues dans le germe du Poulet; mais je dois dire que M. le professeur Ranvier, qui a fait plusieurs fois des recherches dans ce but sur la cicatricule du Poulet, n’a jamais réussi à voir de véritables mouvements amiboïdes. En ce qui touche ce dernier animal, je n’ai jamais été à même de répéter les observations de ces différents embryo- (1) Waldever, Jahresbericht für das Jahr 1872, p. 82. (2) Peremeschko, Ueber die Bildung der Keimblätter im Hühnerei (Sitzungs- berichte der Wiener Akad., vol. XXXVIL, mars 1868). — Klein, Das mittlere Keimblatt, etc. (ibid., vol. LXIIT, mars 1871). ARTICLE N° 3. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 29 logistes, mais je puis affirmer que chez les Batraciens et chez les Truites ces phénomènes se présentent, et qu'en particulier chez ces dernières ils sont faciles à voir quand on prend les pré- cautions nécessaires. J'ai cru devoir insister sur cette question des mouvements amiboïdes, car, nous le verrons plus loin, la constatation de leur existence a une grande importance lorsqu'il s’agit de se rendre compte de la formation des deux feuillets du blastoderme. On a jusqu'ici généralement considéré limprégnation de l’ovule par le sperme comme la condition préalable nécessaire et indispensable au développement du germe des Vertébrés. On admettait comme un axiome que, sans fécondation, le fraction- nement du vitellus n'avait point lieu; de telle sorte que les femelles séparées du mâle ne pouvaient jamais produire que des œufs inféconds destinés à périr sans présenter aucune trace de phénomènes évolutifs. Cependant des observations déjà an- ciennes, faites de divers côtés, dont lesnaturalistes ne semblent pas avoir tenu un compte suffisant, et sur lesquelles Oellacher a récemment attiré l'attention, ont montré que ces idées sont trop absolues, que la règle générale souffre dans plusieurs cas de remarquables exceptions, et que des œufs de Vertébrés peuvent, dans certaines circonstances, offrir un commencement de développement incontestable. Les premiers exemples de ce genre sont rapportés par Bischoff (1). Plus tard R. Leuckart (2), dans le Dictionnaire de physiologie de R. Wagner, en fait égale- ment mention. Ces deux auteurs parlent en quelques courtes lignes d'observations de développement en dehors de la fécon- dation faites sur des œufs de Grenouilles grises, sans donner de détails précis, sans indiquer quels sont les auteurs de ces obser- vations, et si eux-mêmes en ont été témoins ; [l ressort cependant de lettres qu’ils ont écrites plus tard à Oellacher, en réponse à (1) Bischoff, Mémoire sur la maturation et la chute périodique de l'œuf de l'Homme et des Mammifères indépendamment de la fécondation (Ann. sc. nat., 1844, 3° sér., vol. IL, p. 135), — Theorie der Befruchtung und ueber die Rolle welche die Spermatozoiden dabei spielen (Muller’s Archiv, 1847, p. 435). (2) Leuckart, article ZRUGUNG in Handwôrterbuch der Physiologie, 1853, p. 958. 30 | G. MOQUIN-TANDON. une demande de ce dernier, qu'ils ont eu aussi l’occasion de voir ces phénomènes. Un heureux hasard m'a permis d'observer des faits analogues. J'avais pris aux environs de Paris, vers la fin de mars, une Grenouille verte femelle, et je l'avais conservée chez moi dans un grand vase plein d’eau et dont le fond, disposé en pente et couvert de cailloux, venait émerger au-dessus de la sur- face sur un des côtés, afin de permettre à l’animal de se reposer quand il était fatigué de nager. J'avais eu soin aussi de lui donner de la nourriture en abondance. Dans le courant du mois de juillet suivant (le 17), la Grenouille, dont l'abdomen s'était considérablement distendu, pondit une certaine quantité d'œufs. C’est dans quelques-uns de ces œufs qui n’avaient point été fécondés, puisque la femelle avait été séquestrée longtemps avant qu'ils arrivassent à maturité, et qu'elle n’avait pu, pendant sa captivité, avoir aucun rapport avec le mâle, que J'ai observé les premières phases de la segmentation. Jai vu se former nette- ment, d’après le rhythme ordinaire, d’abord les deux grands cercles méridiens, puis le cercle équatorial, qui débutaient comme d'habitude par l'apparition de la couronne de plis. Mais à partir de la naissance du quatrième cercle méridien, parfois même avant, le fractionnement prend un caractère d’irrégula- rité très-marqué : les sphères vitellines se multiplient sans ordre, sans qu’il soit possible de reconnaître les sillons auxquels elles doivent leur origine ; elles sont de grosseur très-mmégale et se montrent aussi bien dans l'hémisphère supérieur que dans l'inférieur ; enfin le phénomène se produit plus rapidement que dans les œufs fécondés et se développant sous la même tempé- rature. Un petit nombre d’œufs seulement présentent ces phases évolutives ; la plupart meurent en effet sans montrer aucun signe de développement. Gependant ces phénomènes s'arrêtent bientôt, les sphères de segmentation se désagrégent, et la masse tout entière prend un aspect grisätre laiteux et tombe en décom- position. Tantôt la mort arrive après la division en deux, en quatre, tantôt dans une période plus avancée ; mais jamais l'œuf ne va au delà de cette phase qui est caractérisée par l'aspect framboisé; jamais il ne se forme de sillon de Ruscomi. Il eût )] ARTICLE N° 9. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 31 été Intéressant de faire des coupes sur ces œufs et d'étudier quels changements s'étaient produits dans leur intérieur; c’est ce que j'avais l’mtention de faire, et j'en avais mis, dans ce but, un certam nombre à durcir dans l'acide chromique : malheu- reusement est survenu un accident quine m'a pas permis, à mon grand regret, de réaliser mon projet. Quelque incomplète qu'elle soit, mon observation est cependant intéressante, ear elle établit d’une manière irréfutable que les œufs non im- prégnés de sperme sont susceptibles, dans certaines conditions qui ne nous sont pas connues, de subir un commencement de développement, puisque les circonstances dans lesquelles elle a été faite exclut toute possibilité d’une fécondation préalable: Si nous la rapprochons des faits de mème genre observés par Bischoff chez la Truie, par Hensen chez la Lapine, par Burnett et Agassiz chez les Poissons, et surtout de ce fait remarquable nus hors de doute par Oellacher (1), que dans les Poules tenues loin du Coq, les œufs non fécondés subissent dans l’intérieur de l’oviducte la segmentation, 1l nous sera permis de conclure avec ce dernier auteur que les œufs des Vertébrés peuvent aussi pré- senter les phénomènes de la parthénogenèse. Cette conclusion, qui semble très-hardie au premier abord, paraîtra, croyons- nous, suffisamment jusufiée si l’on considère que d’une manière générale le développement d’un œuf par parthénogenèse ne pré- sente aucune différence essentielle avec le développement d’un œuf fécondé ; que, de plus, le mode suivant lequel s'opère la segmentation est identiquement le même dans les œufs fécondés ou non; et que si dans le premier cas le phénomène a lieu d’une manière plus irrégulière, si dans les observations que l’on a faites jusqu'ici l'activité vitale s’étemt bientôt et ne va pas jusqu’à une différenciation en tissus et en organes, on ne peut cependant en tirer logiquement la conséquence qu’il y a une opposition radicale entre ces deux ordres de faits évolutifs, ni exclure à priori la possibilité que ces œufs, placés dans des con- (1) Oellacher, Die Veränderungen des unbefruchteten Keimes der Hühnereies im Eileiter und bei Bebrütungsversuchen (Zeïtschr. für wiss. Zool., vol. XXII, p. 181). ANN. SC. NAT., FEVRIER 1876. LE 0, = ANT, N° 5 32 &. MOQUIN-TANDON. ditions plus favorables, ne poursuivent leur développement el ne puissent donner naissance à un nouvel animal. Si l’on broie un œuf préalablement durei, et qui présente à l’intérieur cet aspect particulier auquel de Baer a donné le nom d'aspect chagriné, on voit que ses éléments encore très-gros-. siers, surtout vers le bas, laissent entre eux, dans l'hémisphère supérieur, une petite cavité irrégulière arrondie, en général elliptique, et quelque peu aplatie. Une coupe (1) d’un œuf sem- blable faite perpendiculairement et suivant l’axe montre que les sphères vitellines résultant de la segmentation ont une forme et une grosseur très-différentes dans les diverses parties de l’œuf. Le dôme de cette petite cavité, qui n’est autre que la cavité de segmentation ou de de Baer, et dont nous avons in- diqué plus haut lorigme, est composé de cellules plus petites, plus ténues, qui changent de caractère sur les côtés et pré- sentent insensiblement toutes les transitions jusqu'aux grosses cellules plus claires qui forment le plancher de la cavité, et qui, tout à fait vers le bas, ont souvent des dimensions relativement considérables. Tous ces éléments sont irréguliers et polyédriques par pression réciproque ; 1ls ont un noyau arrondi plus ou moins distinct, parfois deux,-autour duquel sont disposés des corpus- cules brillants, d'autant plus petits que la cellule elle-même résulte d’une division de plus en plus répétée. Des œufs plus avancés dans leur développementnous montrent que la cavité de de Baer s’est agrandie, que la coloration brune de la couche périphérique, d’abord limitée aux alentours du pôle supérieur, s’est étendue graduellement ; le fractionnement des cellules a progressé, et en même temps on voit que celles qui sont situées le plus extérieurement sur le toit de la cavité de de Baer commencent à se disposer manifestement en une seule couche et à prendre en mème temps la forme cubique. (4) Selon la remarque de Max Schultze, les œufs fécondés et nageant librement dans l’eau prennent une position invariable : le pôle brun tourné vers le haut, le pôle blanc vers le bas. Quand nous parlons de coupes verticales, horizon- tales, etc., nous indiquons par là que ces coupes affectent cette direction par rapport à l’œuf supposé placé tel qu’il est lorsqu'il est abandonné à lui-même: ARTICLE N° 39. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 33 Sur un œuf plus âgé, c’est-à-dire sur lequel la coloration brune a atteint ou même dépassé l'équateur, ces premiers phénomènes évolutfs nous paraïtront encore plus marqués. La cavité de segmentation occupe mamtenant le tiers environ de l’œuf; elle est transversale et elliptique; son toit est représenté par l'écorce de l’œuf formé, en ce point, de emq où six couches de cellules dont l’extérieure, déjà différenciée, est disposée régulièrement et constitue l’ébauche du feuillet corné. Sur les côtés, au delà de l'équateur, ces cellules du dôme perdent leur caractère et se confondent peu à peu avec les cellules blanches du plancher. Beaucoup moms avancées dans leur développement, surtout à la partie tout à fait inférieure et au centre, celles-ci sur les côtés se relient msensiblement aux éléments plus foncés et non encore complétement modifiés qui continuent la portion supé- rieure de lécorce de l’œuf, écorce dans laquelle il n'existe pas encore de feuillets blastodermiques isolables, et où lon observe seulement à la périphérie une tendance à la différenciation. Cest à elle que Stricker applique le nom de couche principale (Hauptschicht). Notons encore à cette époque une particularité bien décrite par ce même auteur, que plus les cellules sont an- clennes, moins les corpuscules brillants qui les remplissent ont éprouvé de modifications, moins leur forme géométrique pri- mordiale s’est altérée. C’est là un fait important qui permet, lorsque deux cellules contiguës contiennent des corpuscules d'aspect différent; d’en déduire avec certitude que primitivement elles n'étaient pas placées côte à côte. Arrivée à ce degré de développement la cavité de segmentation à acquis ses plus grandes dimensions ; à partir de ce moment, elle va décroitre et finir par disparaitre complétement, gräce à Papparition de plu- imeaux phénomènes, dont lexplication à donné heu à des diffé- rences d'opinions très-considérables de fa part des embryolo- oistés qui les ont observés. Voici du reste ce que l’étude d’une série de coupes nous révèle à ce sujet. Le plancher de la cavité, qui jusqu'alors était à peu près horizontal, se relève sur tout son pourtour, et particulièrement sur le côté qui correspondra au côté dorsal du futur animal. On voit ses cellules, plus petites 34 &. MOQUIN-TANDON. en ce point qu’au centre, s’accumuler et venir lentement ramper et s'appliquer le long du dôme. Déjà Remak avait signalé en passant ce fait, mais sans pouvoir se rendre compte de la ma- uière dont il s’opérait, et sans y attacher aucune importance (1). Stricker (2), qui l’a le premier bien observé, en donne la des- cription suivante, qui est de tous points exacte : « Les cellules qui formaient une couche horizontale limitant vers le bas la cavité de segmentation se meuvent petit à petit le long de la face interne du toit et s’y fixent intimement. Si l’on vient à briser l'écorce de l'œuf pour la considérer du côté interne, on la trouve, dans le point où ce dépôt cellulaire s’est déjà opéré, épaissie par de grosses cellules dont laspect rappelle celui d'une mo- saïque ; on peut se convaincre en même temps que cela n'a pas lieu sur toute l’étendue du toit, mais seulement sur une de ses moitiés latérales, que, pour abréger, je désignerai sous le nom de moitié dorsale. Cette masse cellulaire a un bord convexe tourné vers le haut, dont les extrémités rejoignent le plancher de la cavité. » Une coupe perpendiculaire montre que le dôme est formé au point correspondant de deux couches très-diffé- rentes : l’extérieure, que nous connaissons déjà sous le nom de couche principale, et intérieure, qui est composée de grosses cellules bourrées de gros corpuscules vitellins. Le changement de place de ces cellules est un fait certain qu'il est facile de constater sur des coupes microscopiques. Quant au mécanisme suivant lequel il s'effectue, pendant longtemps 1l était difficile de s’en rendre compte; mais la découverte que Stricker a faite des mouvements amiboïdes des cellules embryonnaires a permis de rattacher à cette propriété ce singulier phénomène. Qui- conque, en effet, a vu sur le porte-objet du microscope comment ces organites se meuvent, quiconque a observé des phénomènes analogues manifestés par divers éléments du corps, tels que, par exemple, la diapédèse des globules blancs, et l’émigration des globules rouges, ne s’étonnera pas que les cellules du plan- cher de la cavité de segmentation puissent, dans l’espace de (1) Voyez Remak, Untersuchungen, etc., p 140. (2) Stricker, Untersuchungen, etc , p 317. ARTICLE N° 9. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 39 quelques jours, quitter leur position horizontale pour venir s’appliquer verticalement contre le dôme. Cet amas de cellules continue à progresser, et vient, en défi- nitive, sur le côté opposé de la paroi, c’est-à-dire le côté ventral, se réunir à d’autres cellules du plancher qui, par un mécanisme semblable, s’avancent à sa rencontre. De telle sorte qu’en fin de compte, la cavité de Baer se trouve entourée, aussi bien en haut qu'en bas, par des éléments du noyau vitellin. Pendant que cect a lieu, on observe d’autres phénomènes concomtants à la périphérie de l'œuf, vers le pôle inférieur. La division des sphères de segmentation en sphérules de plus en plus petites, et la coloration brune qui l'accompagne et qui la décèle tout d’abord à l'œil nu, a fait des progrès rapides, particulièrement sur le côté dorsal ; elle a dépassé depuis longtemps l'équateur, mais, arrivée vers le bas, elle se trouve subitement arrêtée par l'apparition du sillon faleiforme ou de Ruscont, dont la concavité est tournée vers le pôle inférieur, et dont les deux extrémités, en se réunissant, forment une circonférence complète, qui limite bien nettement un petit disque blanchâtre (bouchon d'Ecker) du reste de l'œuf maintenant entièrement sombre. Avant que le cercle se ferme, on voit naître une fente d’abord petite, mais qui s'agrandit successivement, qui part du fond du sillon, s'étend le long du bord dorsal de l'œuf en séparant Îles cellules petites et brunes de la masse centrale du vitellus. Arrivée au niveau du plancher, cette fente ne s'arrête point, elle se prolonge au milieu des cellules qui sont venues se fixer sur la voûte, les partageant en deux couches, lune épaisse, adhérant à la couche principale (Hauptschicht), Vautre plus mince, n'ayant guère qu'une ou deux cellules d'épaisseur. Plus tard cette dernière couche fait ventre dans la cavité de segmentation, qu’elle diminue d'autant, et transforme la fente primitive en une nouvelle cavité, la cavité viscérale ou de Rusconi. Stricker, et avec lui Van Bambeke, admettent que, vis-à-vis du sillon de Rusconi, apparaît un autre sillon courbe, et que le cercle se com plète par la jonction des extrémités de ces croissants deux à deux. Pas plus que M. Golubew, je n'ai vu, ni chez le Crapaud, ni chez 36 G. MOQUIN-TANDON. le Pélobaie, ce dernier sillon. Peut-être son existence dans cer- tains cas, et son absence dans d’autres, sont-elles dues à des dif- férences individuelles. Quoi qu'il en soit, au point où le cerele vient à se fermer, se produit également une fente analogue à celle qui a donné naissance à la cavité viscérale. Elle est peu étendue, s'arrête bientôt dans son développement, et forme un petit cul-de-sac que Remak a désigné sous le nom de cavité anale, séparé de la cavité viscérale par le bouchon d’Ecker. Cependant l’anus de Rusconi se rétrécit, et le bouchon devient de plus en plus petit; enfin il arrive un moment où aucune cel- lule blanche n’apparaît plus au dehors, et où l'anus est réduit à une simple fente, un simple point à peine visible à Poil nu; la cavité viscérale a augmenté de dimension et la masse vitelline centrale se soulève, entraînant avec elle le bouchon, qui n’est plus représenté que par quelques petites cellules qui se présen- tent parfois encore quelque temps à l’orifice intérieur évasé de l'anus, La cavité anale communique alors largement avec la cavité de Rusconi, dont elle forme le complément. Telle est la marche que suivent les phénomènes évolutifs dans le Crapaud dès le début du développement embryonnaire, et telle qu’elle résulte pour nous de l'étude attentive à laquelle nous nous sommes livré, aussi bien sur des œufs entiers observés à la loupe que sur des séries de coupes microscopiques prati- quées dans divers sens. À quelques légères différences près, nous avons observé les mêmes faits que MM. Stricker et Romiti. Cependant, comme nous l'avons vu plus haut, ces phénomènes ont reçu, de la part de quelques observateurs, une interpré- tation tout autre, sur laquelle il nous faut revenir. Le premier point que nous ayons à discuter est celui-ci : La cavité viscérale a-t-elle véritablement pour origine, comme nous l’avons déerit, une simple fente, ou bien faut-il admettre, avec Remak et M. Goette, qu'elle est produite par invagination? L'examen des coupes microscopiques ne parait nullement favorable à cette dernière manière de voir; en effet, nous observons que les deux parois de la fente sont en contact l’une avec l’autre, sinueuses et ne présentent point cet aspect si régulier que lon voit chez ARTICLE N° o. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. a les Invertébrés, où les exemples d’invagination sont très-fré- quents. De plus, jamais le fond de cette fente ne se termine en cul-de-sac légèrement arrondi, mais au contraire ressemble plutôt à une fissure qui se produit de proche en proche entre les éléments, et il est assez fréquent de la voir s'arrêter entre deux cellules dont elle écarte les extrémités imférieures, tandis que leur partie supérieure reste encore en contact intime. fl faudrait de plus admettre qu'il s’opère, par le progrès de la mul- tipication des cellules, une sorte de glissement de la couche externe; or C'est ce qui, manifestement, n’a pas lieu, et l’on peut se convaincre, tout au contraire, que les différentes cellules se multiplient sur place, et que ce phénomène, plus rapide dans les couches périphériques, diminue d'intensité à mesure que l’on se rapproche du centre. On semble aussi avoir oublié que cette production de cellules nouvelles aux dépens des anciennes ne peut avoir par elle-même pour ré- sultat un agrandissement de l’œuf. Tant que l’œufn’a pas encore subi ses premières transformations, tant que le jeune embryon ne nage pas librement dans le liquide ambiant, 1l ne puise pas au dehors les matériaux nécessaires à son développement ; il les trouve tout formés dans ces nombreux corpuscules brillants dont sont bourrées ses cellules, et qui constituent pour lui un véritable vitellus nutritif. La gangue gélatineuse qui l'entoure ne lui sert que d’enveloppe protectrice, et ne prend nullement part soit directement, soit indirectement, à sa formation. Si, avant son éclosion on le voit grossir, c’est uniquement parce qu'apparaissent bientôt des cavités dans son intérieur, et non point par accroissement de sa masse, qui, tout en se divisant en particules de plus en plus ténues, contient cependant la même quantité de matière. À l'appui de sa manière de voir, Remak cite deux faits : la blancheur des parois de la fente et l'aspect lisse de ses éléments. Quant à ce qui se rapporte à la blancheur, l’éminent embryologiste s’est évidemment trompé; car, si l’une des parois, la plus interne, constituée par les éléments du noyau vitellin, est blanche, il n’en est nullement ainsi de l’autre, qui est toujours formée au contraire de cellules brunes. Que les parois 38 G. MOQUEX-TANDONX. soient lisses, cela n’est pas non plus aussi apparent que le pense Remak, et dans tous les cas, dès le début de la formation de la fente, on voit nettement, avec un grossissement un peu fort, que les éléments font plus ou moins saillie dans son intérieur et lui donnent un aspect plus ou moins sinueux. Enfin un autre argu- ment que l’on peut encore invoquer contre ces vues, c’est que, pour admettre l'invagination, 1l faudrait supposer que la masse des cellules du plancher qui viennent, sur le côté dorsal, s'appliquer contre le dôme, sont repoussées par l’extrémité de l’invagination jusqu’à ce qu'elles aient regagné le plancher du côté opposé, tandis qu’il est facile de s'assurer au contraire que la soi-disant invagination se continue dans son intérieur. M. Golubew a émis, de son côté, une opimion différente. La fente, selon lui, ne s'étend jamais bien lom, elle disparait bientôt ; d'autre part, une série de petites déchirures produites par les mouvements auxquels donne lieu la multiplication des cellules se transforment en une nouvelle fente d’où dérive la cavité viscé- rale. Je ne puis m'expliquer cette singulière méprise qu’en supposant que l’auteur aura eu sous les yeux des coupes faites obliquement par rapport à l'axe; cela est d'autant plus plausible, qu'il arrive fréquemment que, malgré toute l'attention qu’on y met, on obtient des coupes quine sont pas parallèles à Paxe, ou que, si elles le sont, en sont trop éloignées et ne rencontrent par conséquent pas la fente, ou n’en rencontrent seulement qu’une partie. Car il est facile de voir, sur des préparations faites verticalement et perpendiculairement au sillon de Rusconi, que la fente, une fois apparue, ne disparait pas. Ilest vrai qu’elle ne se transforme pas immédiatement en cavité viscérale, qu’elle continue au contraire à s’allonger, et que ses parois sont souvent tellement rapprochées, qu’elles restent en contact l’une avec l’autre dans presque toute leur étendue ; mais elles sont toujours nettement apparentes, de telle sorte qu’un examen même super- ficiel ne permet pas de les méconnaitre. M. Golubew prétend encore que le transport des cellules le long du dôme est un phénomène purement passif qui à sa cause dans l'augmentation de volume due à la multiplication des cellules. Nous avons déjà ARTICLE N° 9. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 39 vu ce qu'il faut penser d’une semblable manière de voir; mais, en admettant même que la division progressive eût pour résultat un semblable accroissement de la masse primitive, ilresterait à expli- quer pourquoi les cellules s'accumulent verticalement sur la péri- phérie du plancher, au lieu de s’'amasser en couche plusou moins uniforme et horizontale sur toute son étendue, où elles n’au- raient point à lutter contre l’action de la pesanteur. Enfin, M. Romiti fait remarquer, avec raison, que lorsque les cellules viennent s'appliquer contre le dôme, les plus petites d'entre elles, c’est-à-dire les plus extérieures, y adhèrent fortement, subissent sur place des modifications successives, et entrent dans la composition des feuillets du blastoderme, tandis que les cel- lules plus grosses, placées plus en dedans et sur le bord libre, n’affectent encore, pour ainsi dire, qu’une structure indiffé- rente. Si donc on parle d’un déplacement passif de cellules, il ne s’agit évidemment que de ces derniers éléments, puisque les plus extérieurs concourent déjà, dans les points où 1ls se sont fixés, à former l’ébauche de l'embryon. Il ne peut done être question d’un transport de la masse tout entière, mais seulement de sa couche interne, et l’on ne s’explique pas comment la divi- sion seule des éléments du plancher pourrait forcer une portion d’entre eux à s'élever verticalement jusqu’à la paroi supérieure. Une dernière hypothèse de M. Golubew ne nous paraît pas plus heureuse que celle que nous venons de discuter et repose sur une fausse interprétation des coupes microscopiques : c’est celle qui lui sert à expliquer l’atrophie et la disparition du bou- chon d’Ecker. Selon lui, les éléments blancs se segmentent plus rapidement vers la périphérie, deviennent bruns et se confon- dent successivement avec les bourrelets qui limitent l'anus de Rusconi ; il ajoute en outre que ce fractionnement cellulaire a lieu beaucoup plus lentement au voisinage immédiat du pôle, de sorte que, dans la profondeur, les éléments du bouchon se sont déjà transformés en petites cellules, tandis qu'au pôle même il existe encore un petit amas de gros éléments blancs, qui se divisent plus tard, mais qui quelquefois restent station- naires et finissent par être expulsés au dehors. A cela on peut 40 G. MOQUEN-TANDON. répondre qu'il est certain que le sillon de Rusconi établit une ligne de démarcation des plus tranchées entre la partie brune et la partie blanche de l'œuf, et que, si on le voit se rétrécir progres- sivement, ce n'est pas par l’adjonction successive de couches concentriques à sa partie Interne, mais tout simplement parce que le bourrelet, qui le limite à l’intérieur, devient de plus en plus étroit. C'est une continuation de ce même phénomène que nous avons vu débuter au pôle supérieur, pour s'étendre de là sur toute la surface de l’œuf, en vertu duquel les cellules se mul- tiplient par division de proche en proche en même temps qu’elles revêtent une teinte foncée ; ce qui le prouve encore, c’est que le bouchon n’est que très-légèrement comprimé par le bourrelet et ne contracte jamais d’adhérence avec lui. Il est également inexact de dire que les éléments du bouchon vers le haut sont déjà transformés en petites cellules brunes, tandis que, vers le bas, ils sont à peine modifiés. La figure 5, à laquelle M. Golubew renvoie, explique l’erreur dans laquelle il est tombé. M. Golubew croit en effet avoir représenté une coupe perpendiculaire passant par l’axe de l’œuf; la coupe est faite, il est vrai, suivant un plan perpendiculaire, mais à une certaine distance de l’axe, de telle sorte qu'au lieu de passer par le centre du bouchon déjà consi- dérablement rapetissé à cette époque, elle ne le rencontre que sur sa circonférence. Les cellules brunes, que M. Golubew croit appartenir à la partie supérieure du bouchon, ne sont autre chose que les éléments du bourrelet, tandis que les cellules plus inférieures, grosses et blanches, seules en font partie. Gela est facile à comprendre, si l'on se rappelle que le bouchon n’est jamais parfaitement cylindrique, mais qu'il représente plutôt un tronc de cône dont la plus large base est tournée vers le bas et dont la plus étroite vient se rattacher à la masse vitel- line centrale. Je puis être d'autant plus affirmatif à cet égard, que, en pratiquant des séries de coupes parallèles sur le bou- chon tout entier, je retrouvais toujours sur les premières et les dernières, c’est-à-dire sur celles qui rencontraient la circonfé- rence, exactement les mêmes dispositions que M. Golubew. Revenons maintenant aux œufs de Crapaud au point où nous ARTICLE N° 9. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. LA les avons laissés, et voyons comment se forment les différents feuillets du blastoderme. Nous avons vu d’abord que, lorsque la cavité de segmentation était entièrement développée, le toit était constitué par quatre ou six couches de cellules brunes (Hauptschicht), dont la plus extérieure tendait déjà à prendre des caractères spéciaux. Plus tard ces différences s’accentuent, et l’on aperçoit nettement au pôle supérieur une couche super- ficielle de cellules cubiques régulières que l’on peut séparer des éléments sous-jacents par la macération etle durcissement dans l'alcool, et qui est le feuillet épidermique ou corné, l’analogue de ce que Reïchert appelait la membrane enveloppante, avec cette différence qu’elle ne sert pas seulement, comme 1l le vou- lait, d’enveloppe protectrice, mais entre aussi dans la consti- tution de l’embryon. C’est le feuillet du blastoderme le plus externe et le premier formé. Le deuxième feuillet prend naissance dans les cellules les plus internes de la Hauptschicht; formé d’abord par quatre ou cinq couches de cellules, il s’amincit bientôt à l’époque où viennent s'appliquer à sa surface les éléments du plancher. Épaissi sur le côté dorsal en un point qui correspond à lébauche de la partie céphalique du système nerveux, il diminue peu à peu d'épaisseur dans tous les sens, et est réduit parfois à une seule couche de cellules souvent assez difficiles à distinguer nette- ment. M. Stricker lui a donné le nom de feuillet nerveux. Le troisième et le quatrième feuillet ont une origine commune dans ces éléments du plancher qui viennent se fixer contre le dôme de la cavité de segmentation. Nous avons vu que la fente se continuait dans l'intérieur de cette masse cellulaire et la divisait en deux parties, l’une qui sert de séparation entre la cavité de de Baer et la cavité viscérale, l'autre, plus épaisse, qui s’accole imtimement à la Hauptschicht. C’est justement de cette portion que dérivent les deux feuillets en question. Une couche interne, à cellules plus grosses, plus allongées, disposées sur un rang, sur une coupe transversale, constitue le feuillet trophique, tandis que le reste se différencie à son tour, accuse des carac- tères communs et représente le /ewillet moteur, le plus épais, le plus considérable de tous, surtout au niveau des bourrelets. Le #2 &. MOQUIN-TANDONX. feuillet trophique se relie du côté ventral avec la masse du noyau vitellin, qui montre encore, dans son intérieur, les derniers ves- tiges de la cavité de segmentation, et dont les gros éléments se modifient peu à peu sur les bords de manière à former, avec lui, un tout continu. Après avoir ainsi exposé le mode de développement embryon- naire des Crapauds communs, la question qui se présente natu- rellement à l'esprit, est celle de savoir si ce type d'évolution est particulier à ces animaux seulement, ou bien s’il se représente chez les autres espèces de Batraciens anoures. Pour la Grenouille verte et la Grenouille rousse, ainsi que pour la Rainette, jai pu me convaincre que les phénomènes évolutifs sont essentiellement les mêmes, que l'apparition des diverses cavités, la formation et la composition des feuillets du blastoderme offrent à peine quel- ques légères différences. Il en est de même du Bombinator igneus, si l’on se rapporte aux dessins qu’a publiés M. Goette, et qui combattent même, comme le fait remarquer M. Golubew, la théorie de l’invagination, que l’auteur admet sans discussion, sur l'autorité de Remak. Le Pélobate seul nousoffrirait, d’après M. Van Bambeke, le seul naturaliste qui se soit occupé de son embryogénie, un mode de développement qui s’éloignerait sen- siblement de celui que nous avons observé chez le Crapaud commun. Frappé de ces dissemblances sur des animaux ayant des affi- nités aussi étroites, j'ai voulu me rendre compte par moi-même de la réalité des faits décrits par M. Van Bambeke, et je dois direîque tout d’abord mes recherches me semblèrent confirmer les siennes. Ge n’est que plus tard que l’étude comparative d’un plus grand nombre de préparations faites sur des œufs de diffé- rents âges me fit revenir de mon erreur, et me montra que quel- ques légères différences, qui sautent aux veux, semblent, au premier abord, masquer le caractère général des phénomènes, qui suivent dans leur marche essentiellement le même type que chez les Bufo. Les dissemblances consisteraient, d’après M. Van Bambeke, dans le mode de formation de la cavité viscérale, et par consé- quent aussi des deux feuillets internes du blastoderme, et dans ARTICLE N° 5. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 43 la structure primitive du dôme de la cavité de segmentation. Nous allons donc passer en revue ces différents phénomènes, et décrire successivement ce que nous avons observé. Prenons un œuf sur lequel la segmentation n’est pas encore très-avancée, qui présente à l'extérieur laspect d’une mûre des bois, et examinons au microscope une coupe perpendi- culaire passant à peu près par les deux pôles. Nous consta- tons que l'œuf est une masse solide ne présentant encore ni cavité ni solution de continuité d'aucune sorte; les éléments qui le composent sont plus petits dans l'hémisphère supérieur, aplatüs et polyédriques par pression réciproque; dans lhé- misphère inférieur, ils sont beaucoup plus gros, plus irré- souliers, et présentent parfois deux et même trois noyaux. La seule particularité digne de remarque, c’est que déjà au pôle brun les éléments les plus superficiels ont une tendance ma- nifeste à prendre une forme plus régulière et à se disposer en couche. Allons plus loin, et soumettons au même examen une coupe analogue, mais pratiquée sur un œuf plus avancé et caractérisé par l'aspect chagriné de sa partie obscure. Le fractionnement a déjà fait de rapides progrès, et l’on peut déjà apercevoir dans l’hémisphère supérieur la cavité de segmen- tation. Elle n’a point 101 la forme arrondie ou elliptique qu’elle offre chez les Ranu et les Bufo; c'est plutôt à cette époque une fente recourbée, peu large, dont la direction générale est à peu près parallèle à la surface de l'œuf, qu’une véritable cavité. Elle est limitée en haut par l’écorce de l’œuf formée ici de deux couches dont l’extérieure, constituée par une seule rangée de cellules brunes, prismatiques, qui dans la coupe précédente tendaient à prendre une disposition régulière, est déjà nette- ment différenciée et n’est autre que le feuillet corné; la couche inférieure, plus épaisse (deux à quatre cellules), est composée de cellules arrondies plus pâles et disposées sans ordre. Quant au plancher, 1l est représenté par la masse centrale du vitellus ou noyau vitellin, dont les éléments très-gros, très-irréguliers, très en retard dans leur segmentation, offrent avec ceux du dème un contraste frappant. À mesure que le fractionnement progresse, des coupes faites 2/7 __G, MOQUEN-TANDON. sur des œufs d’un âge correspondant montrent que la couche extérieure se différencie de plus en plus, en mème temps que ses éléments deviennent plus petits et prennent plus nettement la forme cylindrique, et finit par franchir l'équateur et gagner le pèle inférieur. La couche plus pèle qui la revêt intérieure- ment fait les mêmes progrès ; mais tandis qu’au point corres- pondant au pôle obscur, ses cellules s'organisent en couche simple bien distincte, sur les côtés la segmentation s’exerçant avec activité sur un plus grand nombre des éléments de la masse centrale, elles constituent des masses latérales, allongées et irrégulières, qui augmentent d'épaisseur à mesure qu'elles se rapprochent du pôle clair. Cette description est tout à fait en contradiction avec celle de M. Van Bambeke, qui admet encore une autre couche à la partie interne du dûme. Voici en effet ce qu'il dit à ce sujet (1) : « La cavité de de Baer occupe à peu près tout l'hémisphère supé- rieur, quand celui-ci, dépassant l'équateur, commence à envahir l'hémisphère inférieur clair; ce que l’on peut regarder comme le premier indice des couches embryonnaires forme le ddme de cette cavité, tandis que la masse vitelline en constitue le fond. Les cellules du dôme, à lexception de la couche interne, sont plus petites, plus foncées en couleur et ainsi nettement dis- tinctes des cellules centrales, comme 1 sera dit en parlant des feuillets embryonnaires ; déjà alors une rangée de cellules est bien délimitée à la périphérie : c’est la membrane enveloppante ; de plus, contrairement à Popinion de M. le docteur Stricker, jai vu certainement une couche de cellules vitellines tapisser la face interne du dôme. On se le rappelle, la segmentation com- mence toujours sur l’hémisphère supérieur, Pinférieur ne fait en quelque sorte que le copier, et ce processus est toujours plus rapide dans la partie située au-dessus de léquateur; or, le point de départ du phénomène, c’estlamulüplication de cellules foncées du dème, multiplication qu'on peut considérer comme la suite de la segmentation, les cellules de l'hémisphère pâle restant à peu près stationnaires : en effet, cette prolifération (1) Voyez loc. cit, p. 24. ARTICLE N° 9. DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 45 cellulaire a pour résultat une incurvation de la couche péri- phérique qui glisse sur elle-même, et de cette manière donne naissance aux bourrelets. » La preuve que cette prolifération a bien lieu au contraire sur place et n’est pas due à une imcur- vaton de la couche périphérique, comme ladmet M. Van Bambeke, c’est que l’on voit que les masses latérales, loin d’être nettement délimitées, sont au contraire à cette époque intime- ment umies au reste de Pœuf, et que les cellules qui les bor- dent en dedans présentent encore une partie des caractères des cellules centrales. Ge sont ces masses latérales qui, jomtes à une formation ultérieure de nouvelles cellules, viennent consti- tuer autour du bouchon d’Ecker les bourrelets. Plus tard cette couche se différenciera encore davantage, gardera une épaisseur variable dans les diverses parties de l'œuf, et formera le feuillet nérveux. Plus loin M. Van Bambeke complète ainsi sa manière de voir : « Il résulte de lPincurvation que Je viens de décrire, qu’à l'endroit de l'équateur, les cellules réfléchies du feuillet externe se confondant avec les cellules vitellines qui tapissent la voûte de la cavité de la segmentation, on voit alors ces dernières se modifier de proche en proche et revêtir les mêmes ca- ractères que celles de la portion meurvée du feuillet externe lui-même; le feuillet complet qui en résulte a done une origine différente dans les deux hémisphères de Pœuf. » Il est évident que les recherches de M. Van Bambeke présen- tent 101 une lacune, et que c’est faute d’avoir observé les états intermédiaires, qu'il admet que les cellules vitellines revêtent dès l’origine le toit de la cavité de de Baer, et que les feuillets interne et moyen affectent un mode de production différent au-dessus et au-dessous de léquateur. Voici en effet ce que l’on peut constater lorsqu'on à som de suivre pas à pas le développement de l'œuf. Pendant que les phénomènes que nous avons décrits plus haut se passent, la cavité de segmentation s’est agrandie, son bord sphérique atteint presque l'équateur. À partir de ce moment, elle com- mence à perdre sa forme de quartier de lune; la périphérie du plancher se relève le long du dôme, que ses cellules vien- nent peu à peu recouvrir complétement, de sorte que la cavité 46 G&. MOQUIN-TANDON. de segmentation se trouve alors entourée de tous côtés par les éléments de la masse centrale. Cependant la segmentation a attemt ses déiines limites à la périphérie; le sillon de Rusconi se développe, et ses deux extrémités, en se rejoignant plus tard, limitent le bou- chon d'Ecker, dont le blanc laiteux tranche sur la couleur brun foncé du reste de l'œuf. C’est alors que débute la forma- tion de la cavité viscérale. Vers le milieu du croissant du sillon de Rusconi, on voit, sur une coupe faite suivant le méridien de l'œuf, une légère séparation se faire entre les grosses cel- lules qui constituent le bouchon et les cellules plus petites et brunes qui forment le bourrelet; cette fente contourne le bour- relet, et se dirige en haut et en dehors presque parallèlement à l'écorce de l’œuf; un peu plus tard, quand le sillon de Rusconi forme une circonférence, apparaît du côté opposé une fente absolument semblable. Ces fentes gagnent peu en hauteur; vers le bas elles se rapprochent de plus en plus lune de l’autre, à mesure que le bouchon d'Ecker devient plus petit; aussi, quand celui-ci n’est plus représenté que par une ou deux grosses cellules allongées, resserrées entre le bourrelet, les deux fentes ont la forme d’un Y, dont l’une des branches, plus courte et plus épaisse est constituée par leur partie inférieure réunie au bou- chon, tandis que leur partie supérieure en représente les deux branches divergentes. Quelques heures plus tard les bourrelets arrivent presque à se toucher; la masse centrale se soulève, entrainant avec elle ce qui reste du bouchon, et il naît ainsi une cavité transversale qui est la réunion de la cavité de Ruscomt et de la cavité anale de Remak. Les cellules de la masse centrale ont à cette époque recouvert complétement le dôme de la cavité de segmentation, et celle-ci, repoussée alors vers le centre, ne se trouve séparée que par deux rangées de cellules de la cavité viscérale. Dès ce moment cette dernière augmente rapidement, tandis que la partie qui correspond à la cavité anale de Remak reste stationnaire ; la portion opposée se dirige vers le pôle supé- rieur, presque parallèlement à l’écorce de l'œuf, en se frayant un passage à Lravers les cellules de la masse centrale, dont elle rejette une partie contre les deux feuillets externes déjà formés. ARTICLE N° 9: DU DÉVELOPPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 47 La cavité de segmentation diminue et finit par disparaître ; l'œuf augmente en diamètre et ne présente plus dès lors qu’une vaste cavité, dans laquelle la masse centrale, très-réduite, forme une petite éminence à la face ventrale près de la saillie qui re- présente le bourrelet du bouchon d’Ecker, maintenant oblitéré. Nous retrouvons dans le Pélobate brun le même nombre de feuillets du blastoderme, organisés de la même manière que dans le Crapaud. En effet, la couche principale a commencé dès le développement de la cavité de segmentation à se diviser en une couche externe simple ou feuillet corné, et une cou- che imterne plus épaisse, qui revêt des caractères spéciaux et qui se transforme en /ewllet nerveux. Enfin après l’émi- oration d'une partie des éléments du plancher de la cavité de de Baer sur la face interne du dôme et l’apparition d’une fente dans leur intérieur, on voit les cellules rejetées vers la périphérie se différencier à leur tour, la couche interne com- posée de deux à trois rangées de cellules devient le fewillet moteur, tandis que la couche externe, formée comme la couche épidermique d’un seul rang de cellules, constitue le feuillet trophique. À la partie ventrale, ce feuillet se confond avec le reste du noyau vitellin. Si nous comparons maintenant les premières phases du dé- veloppement chez le Pélobate et chez le Crapaud commun, nous voyons que dans les deux cas elles sont identiques dans leur traits prmcipaux et que les légères différences qu’elles pré- sentent portent sur les points suivants : La forme de la cavité de segmentation ; La formation plus précoce du feuillet corné ; Le développement plus tardif, par rapport à la formation du sillon de Rusconi, de la cavité viscérale ; Le mouvement de translation vers le pèle supérieur des cel- lules du plancher de la cavité de segmentation, qui progressent aussi rapidement sur le côté ventral que sur le côté dorsal ; La disposition du bouchon d’Ecker qui a lieu chez le Pélobate dès le commencement du développement de la cavité viscérale, tandis que chez les Bufo on ne l’observe que vers la fin de cette période. ANN, SC. NAT., JANVIER 1876, IL, 0, — ART, N9 9, 62 4 G. MOQUIN-TANDON. En somme, et pour nous résumer, nous voyons que dans les Batraciens anoures (Grenouilles, Grapauds, Pélobates), en même temps que la segmentation progresse, se forme dans lhémi- sphère supérieur une cavité qui peut revôtir des formes diffé- rentes, c’est la cavité de segmentation ou de de Baer, que la différenciation de l'écorce de lPœuf ou couche principale com- mence plus ou moins de bonne heure au pôle obscur et donne d'abord naissance à un premier feuillet, le feuillet corné, également isolable chez les poissons osseux, et qui chez les oiseaux et les mammifères a son homologue dans la couche superficielle du feuillet sensoriel. Concurremment avec ces phénomènes se produit sur le côté dorsal vers le pôle clair, un sillon dont les extrémités se recourbent de manière à former une circonférence complète et constitue lanus de Rusconi qui entoure un disque blanc en continuité avec le noyau vitellin (bouchon d’Ecker). Au point d’origine de ce sillon et au point de jonction de ses deux extrémités, prennent naissance deux fentes, dont l’une peu profonde ne tarde pas à s'arrêter dans son développement et forme un petit cul-de-sac, cavité anale de Remak, et dont l’autre, située du côté dorsal, chemune le long de l'écorce de l'œuf qu’elle sépare du noyau vitellin ; arrivée au niveau de l'équateur, elle rencontre un amas de cellules qui, parties des bords du plancher de la cavité de segmentation, sont venues tapisser la voûte, grâce aux propriétés qu’elles possèdent de manifester des mouvements amiboïdes; elle se contimue dans son épaisseur, ses parois s’éloignent l’une de Pautre, et ainsi se trouve formée la cavité viscérale. En même temps les cellules qui se sont accolées au dôme se partagent en deux lamelles qui complètent les feuillets du blastoderme. La cavité de segmentation refoulée par la cavité de Rusconi, et entourée maintenant de toutes parts par les éléments du noyau vitellim, ne tarde pas à disparaître; quant à l’anus il s’est de plus en plus rétréci, et finit par s’effacer complétement tantôt vers le début de la formation de la cavité viscérale (Pélobate), tantôt au contraire vers la fin de son développement. La masse cen- trale est soulevée vers le haut, et la communication est dès lors largement établie entre les cavités viscérale et anale. | ARTICLE N° 9. DU DÉVELOYPEMENT DES BATRACIENS ANOURES. 49 Arrivé à cette période de son évolution, l'œuf change de forme, s’allonge et présente à l'extérieur la première ébauche de ses différents organes ; il se meut dans l’intérieur de la gangue gélatineuse qui l’entoure, grâce aux cils vibratiles très-fins dont il est recouvert. Au bout de quelques jours, on voit le jeune embryon capable déjà de se suffire à lui-même rompre ses enve- loppes, nager hbrement dans le liquide ambiant, et puiser désormais dans le monde extérieur les matériaux nécessaires à ses métamorphoses ultérieures. EXPLICATION DES PLANCHES. Lettres qui ont lu même signification dans toutes les figures. À, pôle supérieur ou obscur. B, pôle inférieur ou clair. C, côté dorsal. D, côté ventral. E, cavité de segmentation ou de de Baer. F, cavité viscérale ou de Rusconi. G, fente dorsale qui précède la formation de la cavité de Rusconi. H, fente ventrale qui précède la formation de la cavité anale. I, cavité anale ou de Remak. K, bouchon vitellin ou d’Ecker. L, sillon de Rusconi. M, anus de Rusconi. N, noyau vitellin. O, cloison de séparation entre la cavité de segmentation et la cavité viscérale. P, plancher de la cavité de segmentation. V, voûte de la cavité de segmentation. . W, bourrelets. a, couche principale ou Hauptschicht. b, feuillet corné. c, feuillet nerveux, d, épaississement du feuillet nerveux correspondant à la portion céphalique du système nerveux, m, feuillet moteur. 0, feuillet trophique. Toutes les coupes sont faites verticalement et suivant un plan passant par les deux pôles, ou un plan qui leur est parallèle. PLANCHE 1. Fig. 1. Coupe d’un œuf de Crapaud commun perpendiculairement au sillon de usconi, au fond duquel la fente dorsale commence à se montrer. Les éléments du plancher sont déjà venus, surtout du côté dorsal, s'appliquer contre la voûte. 90 G. MOQUIN-TANDON. Fig. 2. Crapaud commun. La fente dorsale a gagné en étendue et s'avance entre la masse des éléments du plancher, qui est venue tapisser le dôme. La fente ventrale a aussi fait son apparition, et le bouchon d’Ecker se trouve maintenant complétement délimité. Fig. 3. Crapaud commun. Les cellules du plancher ont recouvert complétement la voûte de la cavité de segmentation. Les parois de la fente dorsale se sont écartées pour former la cavité viscérale, et la cavité de de Baer, rejetée sur le côté, commence à diminuer. La cavité anale s’est aussi développée. On peut maintenant distinguer le feuillet corné, le feuillet nerveux et le feuillet trophique qui, le long du côté dorsal est différencié du reste des cellules qui consiituent le feuillet moteur. Fig. 4. Crapaud commun. Développement plus avancé. Le bouchon d’Ecker n'existe plus ; l’anus de Rusconi est réduit à une simple fente; la cavité anale et la cavité viscérale communiquent largement ; la cavité de segmentation renfermée dans le noyau vitellin est devenu beaucoup plus petite, et les feuillets du blastoderme se sont nettement différenciés. Fig. 5. Pélobate brun. Coupe d’un œuf avant l’apparition de la cavité de de Baer. Les cellules les plus superficielles du côté du pôle supérieur tendent à s'organiser en une couche simple. Fig. 6. Pélobate. Coupe d’un œuf où la cavité de segmentation apparaît sous la forme d’une large fente recourbée. La couche cornée est plus nettement dis- tincte par sa disposition et par la forme régulièrement cubique de ses éléments. PLANCHE 9. Toutes les figures de cette planche représentent des coupes faites sur des œufs de Pélobate. Fig. 1. Coupe verticale de l'hémisphère supérieur pour montrer l’émigation des cellules du plancher sur les parois de la voûte de la cavité de segmentation, aussi bien du côté ventral que du côté dorsal. La couche périphérique est divisée en deux feuillets qui, au point correspondant au pôle, sont formés chacun d’un seul rang de cellules. Fig. 2. Œuf plus avancé montrant la formation des deux fentes ventrale et dor- sale. Les cellules émigrées du plancher sont prêtes à se rejoindre sur le dôme. La cavité de segmentation est déjà considérablement réduite. Fig. 3. Les cellules du plancher ont complétement entouré la cavité de segmen- tation ; le noyau vitellin s’est soulevé vers le haut, entraînant avec lui les quelques cellules qui subsistent encore du bouchon d’Ecker. Les deux cavités anale et viscérale, à peu près de même dimension, communiquent entre elles. Fig. 4, 5, 6. Coupes perpendiculaires faites sur le même œuf et suivant des plans parallèles, à des distances différentes de l’axe, montrant le développement considérable qu'a pris la cavité viscérale, qui entoure maintenant, sauf d’un seul côté, le noyau vitellin dans lequel on aperçoit encore les vestiges de la cavité de segmentation. Les .quatre feuillets du blastoderme sont nettement différenciés, et le feuillet nerveux présente, en un de ses points, comme dans les Bufo, un épaississement correspondant à la partie céphalique du système nerveux. ARTICLE N° 9. RECHERCHES SUR L'ALLANTOIDE ET LE CHORION DE QUELQUES MAMMIFERES Par M. 4. DAsTRE. AVANT-PROPOS. L’embryon des Vertébrés vit d’une vie extérieure et en quel- que sorte excentrique. Ses principaux organes sont en dehors de son corps, dans ce que lon a appelé les annexes fœtales. La physiologie de la vie embryonnaire à done pour objet, ou tout au moins pour préambule, l'étude de ces annexes. C’est pour rassembler les notions éparses que l’on possède à ce sujet et pour les étendre davantage que nous avons entrepris ce travail. Nous avons dù le borner à l’étude de deux de ces annexes, l’'allantoide et le chorion, négligeant les deux autres, l’ammios et la vésicule ombilicale ; Vamnios, parce que les admirables recherches de Baër nous ont appris du premier coup presque tout ce que le physiologiste a besom d'en savoir; la vésicule ombilicale, parce qu’elle joue un rôle effacé et extrèmement éphémère dans la vie des Vertébrés les plus élevés en organi- sation. Nous avons limité nos recherches aux Mammifères, et, parmi eux, nous avons choisi comme type les Ruminants, en ayant soin, toutes les fois que cela nous à été possible, d'établir des comparaisons avec les animaux des autres ordres. PREMIÈRE PARTIE. VÉSICULE ALLANTOIDE. Î. — ANIMAUX CHEZ LESQUELS L’ALLANTOIÏDE EXISTE: Ds LL 4 La vésicule allantoide est l’un des organes annexes de l'em- bryon. Galien parait l'avoir connue. C’est lui qui le prenner à ANN: SC, NAT. — ART, N° 4. 2 A. DASTEREL. employé le nom (œ\havroedns) sous lequel elle est encore dé- signée. Elle existe chez les Vertébrés et seulement dans les classes des Mammifères, des Oiseaux et des Reptiles; elle fait défaut dans les deux autres classes, c’est-à-dire chez les Batra- ciens et les Poissons. Le nom d’Allantoïdiens et d’Anullan- toïdiens, donnés par M. Milne Edwards à ces deux groupes, rap- pellent cette particularité distinctive. On a cherché récemment à atténuer la valeur absolue du caractère fourni par la présence ou l'absence de lallantoïde. Selon quelques observateurs, des animaux, considérés jusqu'ici comme dépourvus d’allantoïde, présenteraient cet organe à l’état rudimentaire. On sait que la poche allantoïdienne subit à une certaine époque, chez les Vertébrés du premier sous-embran- chement, un étranglement au niveau de l’orifice ombilical ; par là, elle se trouve divisée en trois portions, une dilatation extra- fœtale qui est l’'allantoide proprement dite, une dilatation intra- fœtale qui forme la vessie urinaire et un canal rétréei qui fait communiquer ces deux cavités, l’ouraque. Il est mamifeste que la partie extra-fœtale n'existe pas chez les Batraciens et les Poissons qui se développent à découvert dans l’intérieur de la membrane vitelline ; ‘au contraire, la portion intra-embryon- naire, qui est l’antécédent de l’organe tout entier, et qui après la naissance en demeure le vestige ou la partie permanente, aurait son homologue chez les Poissons. Vogt (1) le premier, a signalé, chez certains poissons, une dilatation vésiculeuse qu’il n’hésite pas à considérer comme un rudiment d’allantoïde. Cette interprétation est appuyée sur deux arguments : l’identité des connexions de cette poche et de l’allantoïde, et l’analogie de leur situation. La poche observée par Vogt et qui avait échappé à l’attention de ses prédécesseurs, von Baër et Rathke, est en effet, comme la vessie urinaire, en rapport avec l’urêthre, dont elle constitue une sorte de diverticulum, et en second lieu ce diverticule occupe précisément la région la plus inférieure du conduit. À la vérité l’on n’aperçoit point sur la dilatation en (1) Vogt, Embryologie des Salmonés. Neuchâtel, 1842. ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 3 question le réseau sanguin que les vaisseaux ombilicaux ré- pandent ordinairement sur l’allantoide. Mais cette objection élevée par Reichert contre l'interprétation de Vogt est dénuée de valeur, si l’on considère, comme M. Claparède en fait la re- marque, que la vascularisation caractérise seulement la portion extra-pelvienne de l’allantoïde. D'ailleurs nos observations sur la structure de cette membrane, dont il sera rendu compte plus loin, tendent, comme on le verra, à restreindre la signification de cette couche vasculaire. Le fait signalé par Vogt à été confirmé par Lereboullet (1). Parlant du corps de Wolff, il s'exprime ainsi : « En arrière, le » tube excréteur forme une dilatation ovoïde très-distincte dans » la Perche et dans le Brochet, qui existe sans doute aussi dans » la Truite, quoique je ne l’ai pas observée, et dont M. Vogt a » constaté la présence dans la Palée. » C. Kupfer (2) a donné une attention particulière à l’examen de la question. En étudiant le développement des Spinachia (Épinoches de mer) et des Gobius, Kupfer à vu dans l'épaisseur du blastoderme, entre l'extrémité de la chorde dorsale et le trou vitellaire, une vésicule dont les rapports de position ne tardent pas à changer. D'abord dirigée en dehors, elle est bientôt refoulée vers l’intérieur du vitellus par l’envahissement de la chorde dorsale. La surface interne de cette poche membra- neuse est tapissée d’un épithélium plat à éléments réguliers. Elle serait le point de départ de l’uretère, confondu iei avec le conduit de Wolff; elle constituerait le premier état de la vessie urinaire. Ces observations laissent encore un large champ à l’interpré- tation. [1 ne faut pas se dissimiler, en effet, qu’elles sont en contradiction avec la description donnée depuis Remak de l’ap- (1) Lerehoullet, Recherches d’embryologie comparée (Ann. des sc. nat., 4° série, t.:XIX, p. 26). (2) G. Kupfer, Untersuchungen, etc., Recherches sur le développement du système génito-urinaire. — Schultze’s Archiv für mikrosk. Anatomie, t.T, p. 233, t. Il, p. 473. — Beobachtungen.…, Observations sur le développement des Pois- sons osseux, 1869, t. IV, p. 209. 4 A. DASTRE. parition de lallantoïde chez le Poulet. Le désaccord porte sur deux points principaux : d’abord sur la forme primitive de l'organe allantoïdien qui est une masse pleine, selon Remak, creusée au contraire selon Kupfer; en second lieu, sur les con- nexions de ce bourgeon avec l'intestin qui lui enverrait un diverticule, suivant Remak, tandis que, d’après la description de Kupfer, il posséderait dès le début une indépendance com- plète par rapport au tube intestinal. Ajoutons qu’'Œllacher n’a pas trouvé la confirmation de ces faits en étudiant les Salmones. Néanmoins, l'accueil qu'ils ont reçu de quelques zoologistes nous obligeait à les mentionner. C’est ainsi que Huxley (1), dans sa diagnose des Ichthyopsidés (Batraciens et Poissons) s’'ex- prime en ces termes : « L’embryon n’a pas d’amnios et à peine un rudiment d'alantoïde. » En tous cas, il importait de signaler l'état de la question, et la possibilité ‘bre solution qui ferait disparaitre une des barrières élevées par les premiers embryolo- oistes entre les deux sous-embranchements des Vertébrés. Quant à notre travail particulier, 1l n’embrasse point l'étude de l’allantoïde dans tous les animaux qui la possèdent à l'état distinct ou à l’état rudimentaire, mais seulement dans les Mam- mifères et plus spécialement chez les Ruminants, les Pachy- dermes et les Rongeurs. JT. —— ORIGINE DE L'ALLANTOÏDE. L'origine de l’allantoïde est un des points les plus controver- sés de son histoire. Un très-orand nombre de recherches ont eu pour objet d’éclaireir cette question obscure. C’est particulière- ment sur l'embryon du poulet qu'ont porté les investigations. Aucun autre animal ne présente pour cette étude d'aussi orandes facilités; les procédés de Pincubation artificielle et naturelle permettant pour ainsi dire la continuité de l’observa- tion. Chez les Mammifères, au contraire, l'observation est sou- mise au hasard et presque fatalement discontinue. C’est la (1) Huxley, Lectures on the Elements of Comparative Anatomy, édit. franç., 1879, p. 117. ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. o raison pour laquelle ces animaux ont fourni peu de lumières dans la controverse qui s’est élevée à propos des premiers déve- loppements de l’allantoïde. On a toujours conelu de POiseau au Mammauifère. Trois opinions ont été émises au sujet de l'origine de l’allan- toïde. On l’a fait naître : 1° de la portion terminale de l'intestin ; 2% des corps de Wolff; 3’ directement des parois de la cavité pelvienne par une expansion du feuillet moyen du blastoderme unie au feuillet interne. ME. De ces trois opinions, les deux premières avaient perdu tout crédit dans ces dernières années : la seule qui subsistât depuis les travaux de Remak consistait à regarder l’allantoïde comme une production des parois pelviennes. Nous ne citerons donc les deux premières que pour mémoire. 410 4° De Baër pensait que lallantoïde était une produetion née par bourgeonnement de la paroi antérieure du rectum. Rathke et Valentin acceptèrent cette façon de voir. Pour eux lallan- toïde apparait « comme une exsertion creuse de la portion ter- » minale, en train de se développer, du tube intestinal (4). » Si l’on se demande sur quels fondements était établie cette théorie de Baër, on ne trouve qu’un fait, qui n’a rien de décisif. Il s’agit des rapports que l’allantoïde naissante affecte avec lin- testin. À une certaine époque du développement la communi- cation de l’allantoide avec l'intestin terminal est de toute évi- dence : tous les embryogénistes l'ont observée. Mais ce fait n’est d'aucun poids pour résoudre le problème de lorigme, la com- munication entre deux cavités n’exigeant pas nécessairement qu'elles soient nées l’une et l’autre. 2° Reichert (2) à considéré l’allantoïde (chez le Poulet) comme une dépendance des corps de Wolff, apparaissant à l'extrémité de ces organes embryonnaires et communiquant avec leur conduit excréteur. Cependant cette interprétation est proposée avec de telles restrictions que Kôlliker en la ceriti- (1) Bischoff, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, 1843, p. 128 2) Reichert, Entwickelung's, p. (86. (e) A. DASTRE. quant (1) reconnaît que Reichert ne s’est point compromis d’une façon catégorique à ce sujet. Quant aux fondements de cette opinion, ils consistent uni- quement dans l’observation de la continuité qui existe à une époque reculée entre la cavité de l’allantoïde et les conduits de Wolff. Reichert a vu cette communication chez le Poulet. Bischoff l’a retrouvée chezle Lapin, dès le moment où l’allantoïde a pris nettement la forme vésiculeuse; 1l l’a vue toute formée, mais il avoue ne pouvoir dire comment elle a pris naissance. Ces deux théories si faiblement étayées tombent devant le fait observé par Coste (2) et constaté par Bischoff chez l'embryon du Lapin, à savoir que les premiers linéaments de l’allantoïde sont distincts à une époque où 1l n'existe encore rien de la por- tion terminale de l'intestin et où le microscope ne permet de découvrir aucune trace des corps de Wolff. 3° L’allantoïde ne peut donc naître de l’un ou Pautre de ces organes, intestin et corps de Wolff, puisque son apparition noce la leur. Il ne reste plus qu’une origine possible, la paroi pelvienne, dont lallantoïde sortirait par un processus que Remak décrit avec détail de la manière suivante : Le feuillet moyen du:blastoderme se dédouble en deux lames qui se séparent l’une de l’autre à la périphérie du corps de l'embryon. L’une de ces lames, la plus externe, appelée lame cutanée du feuillet moyen (Hautplatte) va former la couche fibreuse de l’amnios; l’autre, lame fibro-intestinale (Darmfaser- blatt), se continue sur le conduit vitellin et la vésicule ombi- licale. C’est au point où ces lames, accolées jusque-là pour former la paroi pelvienne, commencent à se séparer, que se montre le rudiment allantoïdien. Quoiqu'il apparaisse dans une région où les deux lames sont encore bien rapprochées et dans le voi- sinage du point où elles se confondent, cependant il est possible de s'assurer que c’est la lame cutanée (Hautplatte) qui fournit (4) A. Külliker, Entwickelungsgeschichte des Menschen und der hôheren Thiere, p. 107. Leipzig, 1861. (2) Coste, Embryogénie comparée, p. 141. Paris, 1837, ARTICLE N° 4, F ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. Î à la formation nouvelle. Celle-ci se montre comme un double mamelon plein, dirigé vers l’intérieur de la cavité blastoder- mique. Tel est le premier état. Mais bientôt ces deux mamelons se confondent en un bour- geon unique qui contracte des rapports avec la lame fibro-intes- tinale. C'est à ce moment que le feuillet interne ou glandu- laire pousse un diverticulum, un repli aveugle, dans le bourgeon allantoïdien encore solide et plein. La néoformation organique à pris dès lors la forme vésiculeuse et se trouve en communication avec l'intestin. La croissance continue, les pa- rois s’'amimcissent ; l’allantoïde est définitivement constituée. Külliker (1), dans son Traité du développement, qui est l’ou- vrage le plus complet, quoique déjà un peu ancien, que lon possède sur la matière, accepte entièrement les conclusions de Remak. Néanmoins, 1l fait ressortir tout ce qu’il y a de sin- gulier et de remarquable dans cette marche évolutive ; il insiste, en premier lieu, sur la séparation si complète de l’allantoïde d'avec la paroi pelvienne qui lui a donné naissance ; en second lieu, sur l'établissement d’une connexion nouvelle et tout à fait provisoire avec le rectum qui vient creuser le bourgeon solide et lui cède un revêtement épithélial. C’est là, en effet, un mode embryogénique tout à fait excep- tionnel. Si, par exemple, on compare l’allantoïde à la vésicule ombilicale, formations homologues selon les auteurs, puisque l’une et l’autre sont constituées par l’épanouissement de la lame fibro-intestinale du feuillet blastodermique moyen unie au feuillet interne ; on voit que pour aboutir à ce résultat commun les deux organes suivraient un processus bien différent; direct dans le cas de la vésicule ombilicale, très-détourné, indirect dansle cas de l’allantoide. Depuis l’année 1861, où Külliker acceptait la théorie de Remak comme l'expression de faits sur la réalité desquels on ne saurait élever de doutes, des recherches nouvelles ont été jugées nécessaires. Avant de se rallier définitivement à l’opinion (1) Külliker, op. cit., 1861, p. 108. 8 A. DASTRE. de Remak, les embryogénistes ont exigé un complément d’in- formations et de vérifications. | Dobrynin (1)sous la direction de Schenk a portéses investiga- tions sur les premiers développements du Poulet, qui avait été précisément l’objet des observations de Remak. L'auteur est amené à contredire la théorie régnante sur deux points essen- tiels : d'abord, au lieu de constituer une masse primitivement solide et pleme, l’allantoïde serait creusée dès le début : elle serait formée par un repli du feuillet intestino-glandulaire, à un moment où celui-ci n’a pas encore affronté ses bords pour clore l'intestin terminal. On ne manquera pas de rapprocher cette manière de voir de celle que Coste (2) a anciennement exprimée, lorsqu'il considérait que « l’allantoïde est un cul-de- » sac de la vésicule blastodermique ». Le second point sur lequel Dobrynin se trouve en désaccord avec Remak, est relatif à la duplicité originelle du rudiment al- lantoïdien. Dobrynin a vu le repli allantoïdien unique et impair dès le début. Ce repli est d’abord dirigé de bas en haut; plus tard, lorsque la portion terminale de l’intestin affecte la forme d’un cul-de-sae, le repli se dirige d'avant en arrière et semble, suivant la comparaison de His, une seconde branche du trone intestinal. | Dans un travail plus récent, Gasser (3) admet également la formation de l’allantoide aux dépens d’un repli du feuillet imtes- tmo-glandulaire. En cela, 1l se trouve en accord avec Dobrynm et les autres contradicteurs de Remak : mais il s’en sépare en ce qu'il accepte, conformément à ses observations, le fait de la duplicité primitive de l’allantoide, qu'il a vu apparaitre sous l'aspect de deux tubérosités séparées au début, mais bientôt après confondues en un corps impair et médian. Enfin, un observateur qui appartient à cette même école des (?) P. V. Dobrynin, Ueber die erste Anlage der Allantois (Wiener Acad. Sitzungsber. Juli 1871). (2) Coste, Embryogenie comparée, p. 141. (3) E. Gasser, Ueber Entwickelung der Allantoïs, der Müllerschen Gänye und des Afters. (Centralblait, 1874, p. 852. Francfürt, 1874). ARTICLE N° 4. ALLANTOIÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 9 embryogénistes de Vienne, Olivetti (1), a dans un travail spécial confirmé les assertions de Dobrynin et de Gasser et conclu que l’allantoïde se montre comme une cavité creusée, dès le second jour de l’incubation chez le Poulet. En résumé, l'explication de Remak à Jjoui d'une faveur uni- verselle parmi les embryogénistes, jusqu’au moment encore tout récent où s’est fait jour un principe général, qui se trou- vait contredit par le mode de développement attribué à l’allan- toide. Ce prmeipe embryogénique, cette loi du développement d’abord entrevue par Pander, a été énoncée par His (Faltemwurf der Keimsheibe) (2). « Le développement du corps et de chacun » de ses organes à toujours pour origine un repli de la mem- » brane blastodermique ou de ses feuillets. » Les recherches dont nous venons de parler aboutissent à la vérification de cette loi, qui, si elle n’a point contribué à les inspirer, fixe au moins leur signification et leur portée. Nous acceptons ce qu'il y a de commun dans tous ces résul- tats : c’est-à-dire la formation primitive de l’allantoïde au moyen d’un replh blastodermique. La théorie de Remak, réformée sur ce point, doit être considérée comme lexpression de la vérité dans ses autres parties. Nous figurons (voy. pl. 3) schémati- quement, d’après les dessins de Schenk et Dobrynm, et les résultats de nos propres observations, le développement et l’évolution de l’allantoide dans les premiers temps de la vie fœtale. JIT, — DISPOSITION DE L'ALLANTOÏDE : EN GÉNÉRAL, CHEZ LES RUMINANTS, CHEZ LES AUTRES MAMMIFÈRES. L'allantoide une fois formée croît rapidement et fait de très- bonne heure saillie hors du corps de Pembryon. À sa surface extérne rampent les artères ombilicales ou allantoïdiennes, divisions de l’aorte descendante qui subsisteront après la nais- (1) M. Olivetti, Ein Beitrag zur Kenntniss der Allantoïsbildung (Wiener me- dicin. Jahrb., 1874, p. 447). (2) His, Ueber die Aufgaben und Zielpunkte der Wissenschaftlichen Ana- tomie. Leipzig, 1872. 10 A. DASTRE. sance à l’état de branches des hypogastriques. Par l’accrois- sement des lames viscérales, l’ombilic se trouve bientôt con- stitué ; la vésicule offre alors un étranglement qui correspond au rétrécissement ombilical. Elle présente une partie intra- fœtale qui devient ultérieurement la vessie urinaire ; une cavité extra-fœtale, l’allantoide proprement dite, un canal plus ou moins étroit, l’ouraque, qui les fait communiquer. Ce canal, dont les limites ne sont pas bien précisées, entre dans la con- stitution du cordon ombilical. À une époque plus ou moins avancée du développement, 1l devient imperméable, et, dans les derniers temps de la vie fœtale, il est transformé en un cordon ligamenteux. L'allantoide proprement dite suit une évolution morpholo- gique qui est différente chez les différents ordres des Mammi- fères, et qui doit être étudiée à part pour chacun d’eux. Gette étude a été faite d’une manière trop complète par les embryo- gémistes pour qu'il soit utile d'y reveniriei. Nous en rappellerons seulement le résultat le plus général. On a expliqué la configu- ration et l’évolution morphologique de la vésicule allantoïde par la configuration et l’évolution d’un autre organe embryonnaire, le placenta. La forme de l’allantoïde serait déterminée par celle du placenta ; ou, pour parler plus exactement, ces deux formes se correspondraient exactement. Bischoff (1), en 1843, exprimait clairement cette pensée dans le passage suivant : «Le mode du contact (entre le système vasculaire de la mère » et celui de l'embryon), la forme de la matrice et celle de l’œuf » paraissent être les causes déterminantes de la configuration et » de la durée de cette vésicule. Ce que ce mode de contact offre » de particulier dans l’œuf des Ruminants et des Pachydermes » correspond parfaitement au grand développement de l’allan- » toïde et à sa distension par une plus grande quantité de liquide. » Le même accord peut être démontré chez les Carnassiers, les » Rongeurs, et enfin l'Homme, entre le développement de l’al- (1) Bischoff, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, 1843, p. 501. ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 1 » lantoïde et le mode de formation et de développement du » placenta. » M. Milne Edwards (1) avait bien saisi la dépendance morpho- logique de ces deux organes embryonnaires, l’allantoïde et le placenta, comme cela apparaît dans le mémoire où l’éminent naturaliste appliquait, l’un des premiers, la notion embryogé- nique à la classification. La liaison des deux organes, implicitement ou explicitement reconnue depuis par tous les auteurs, pourrait être exprimée par la formule suivante : « L’allantoïde est un sac membraneux, en forme de cône, dont le sommet est à l’ombilic fœtal, et qui a pour base l’aire du placenta. » Cette conception, universellement admise pendant longtemps, ne saurait cependant être érigée en lot absolue. Elle est sujette à des exceptions. L’allantoïde de l’Éléphant, pour ne prendre qu'un exemple, s'étend au delà des limites restreintes du pla- centa : elle tapisse le chorion bien en dehors de la bande ou zone placentaire. Lorsque l’on cherche à définir le placenta histologiquement on le voit souvent s'étendre et se continuer, comme cela a lieu chez les Rongeurs, au delà de ses limites apparentes, et ne plus correspondre à la base de l’allantoide. La dépendance morphologique de l’allantoïde et du placenta à done seulement la valeur d’une loi de tendance, d’une loi limite, sans rigueur absolue. Le placenta ne correspond pas uniquement à la base de lal- lantoïde, et, dans quelques cas (Rongeurs), il semble qu'on doive admettre l’existence d’un placenta ombilical à côté du placenta allantoiïdien. Outre la forme de l’allantoïde, qui est la condition principale, des conditions d'importance secondaire exercent aussi leur imfluence sur la forme du placenta. € La » forme du placenta, dit H. Hollard (1), est une résultante, » et trois facteurs concourent à la déterminer : le chorion, l’al- » lantoïde et la muqueuse utérine. Le chorion fournit ce qu'on » peut appeler la matière première du placenta fœtal, les villo- (1) Milne Edwards, Considérations sur quelques principes relatifs à la classi- lication naturelle des Animaux (Ann. des sc. nal., 3° série, Zoo, 1844, t. N). 12 A. DASTRE. » sités ; la seconde donne les vaisseaux qui complètent lorga- » nisation de celles-ci, font des villosités les éléments d’un » placenta et rehent ces éléments entre eux; enfin, l’utérus » fournit à ces derniers non pas seulement une surface d'attache, » mais un placenta maternel. » Les vues exprimées dans ce passage ont été suggérées aux zoologistes par quelques difficultés résultant de l'application des caractères ürés du placenta à la classification des Mammi- fères. Nous ne faisons que rappeler, par exemple, les inconvé- nients d'un rapprochement entre les Ruminants et les Édentés, entre le Daman et les Carnivores, et la position intermédiaire entre les Carnivores et les Pachydermes que la forme du pla- centa assigne à l'Éléphant, qui s’écarte par ses autres caractères de l’un et de l’autre groupe. Quelques-unes de ces difficultés disparaitraient, d’ailleurs, si l’on substituait à la considération des formes placentaires la considération des formes allan- toïdiennes, qui ne sont pas équivalentes. Nos observations nous conduisent à nier la théorie régnante qui fait intervenir une membrane allantoïdienne dans la consti- tution du chorion. L’allantoide, comme nous le verrons, fournit seulement à l'enveloppe de l’œuf des vaisseaux sans support membraneux continu; ceux-ci, par un développement centri- fuge que nous décrirons plus loin, s'étendent à des régions de l'enveloppe de l'œuf qui ne sont pas et n’ont jamais été en rap- port direct avec l’allantoïde. Cette indépendance, existant dans une certaine mesure entre l’allantoide et ce que l’on appelait la couche des vaisseaux allantoïdiens, explique les écarts entre la forme du placenta et celle même de l’allantoide. Elle explique qu'une même forme placentaire puisse changer de significa- tion, et que, par exemple, un placenta zonaire représentant toute l’allantoïde, comme c’est le cas chez les Carnivores, se distingue d’un autre placenta zonaire qui, tel que celui de l’'Éléphant, n’occupe qu’une partie de la surface correspondant à l’allantoïde (2). iQ (1) H. Hollard, Recherches sur le placenta des Rongeurs (Ann. des sc. nat. 4 série, 1863, &. XIX, p. 225). (2) H. Hollard, loc. cit. ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 13 Allantoïde chez le Mouton. — Vers le quinzième jour après la fécondation, on commence à apercevoir dans l’œuf le premier rudiment de l'embryon. L’œuf est composé, à cette époque, de la membrane vitelline et de la membrane blastodermique; 1l occupe toute la cavité de l'utérus, aussi bien de la corne où 1l s’est arrêté primitivement que de l’autre corne utérine qu'il a ensuite envahie. En un point de la membrane blastodermique apparaît, sous forme d’un nuage ou d’une tache circulaire, le rudiment embryonnaire. Ce point, selon la très-juste remarque de Coste à laquelle nous n’avons pas trouvé d'exception, cor- respond à la ligne vasculaire où mésométrique de la matrice. C’est après seize jours et quinze heures, alors que l’embryon a une longueur de 5 millimètres, que la vésicule allantoïde se laisse apercevoir distinctement. Au dix-septième jour, la vésicule a pris l'aspect d’un sac allongé, bicorne, disposé transversale- ment par rapport à l’axe de l’embryon. Coste (1), dont nous W’avons pu que vérifier la très-exacte description, la compare, pour donner une idée de sa forme, à une ancre de navire enfoncée par sa tige dans l’ombilic embryonnaire. Cette tige, creusée en entonnoir, forme ce que nous avons appelé linfundibulum de l’allantoïde, auquel fait suite le conduit de l’ouraque. Au dix- huitième jour, l'ancre allantoïdienne a pivoté sur sa tige : la ligne des bras, d’abord perpendiculaire à l'axe de la corne uté- rine, lui devient parallèle ; le bord concave est en rapport avec le bord externe ou mésométrique de la matrice. À partir de ce moment, la forme ni la disposition de l’organe n’éprouvent plus de changement; seules, les dimensions varieront et iront en s’accroissant très-rapidement. À la fin de la troisième semaine, l'embryon a une longueur d'environ 8 millimètres ; la membrane ammiotique est très-rap- prochée du corps embryonnaire ; la cavité de l’ammios renferme une très-faible quantité de liquide. La petite masse formée par l'embryon coiffé de l’amnios se trouve interposée entre la mem- brane extérieure de l’œuf, ou membrane vitelline, et l’allan- (1) Coste, Embryogénie comparée. Ovologie de la Brebis, p. 436. ANN. SC, NAT., OCTOBRE 1870. I, 7, — ART. N° 4. 14 A. DASTRE. toide; elle sépare donc dans une étendue restremte ces deux membranes qui, sur tous les autres points, sont contiguës. Dans le courant de la quatrième semaine (1) (longueur du fœtus, 8 à 22 millimètres), l’allantoïde a envahi toute la cavité de l’œuf et doublé la membrane extérieure dans tous les ponts, sauf dans la région amniotique. C’est à ce moment que Coste décrit une disposition qui ne paraît pas avoir de réalité. « Vers le vingt-cinquième ou vingt- » sixième jour, dit-il, on voit cette double voûte (que l'embryon »se creuse dans lallantoïde) se fermer derrière l'embryon » comme une bourse, en un point que M. Dutrochet à désigné » sous le nom de point de conjonction. Ainsi, l'embryon de la » Brebis se trouve recouvert par son allantoïde, comme nous » verrons que celui du Lapin l’est par sa vésicule ombilicale. » Cette description ne correspond à aucun fait; elle est en con- tradiction avec l'observation directe ; elle cit ait, en second lieu, cette conséquence que . devrait avoir sur sa face externe le même revêtement que l’allantoïde possède à sa face interne, ce qui n’est pas vrai. La disposition décrite par Dutro- chet et par Coste a été acceptée seulement à cause de son accord avec une conception théorique de la formation du chorion, dont nous aurons plus loin à démontrer linexactitude. Nous avons observé précisément plusieurs de ces fœtus, dont la longueur varie entre 1 et 2 centimètres. En opérant avec les précautions convenables, embryon étant immergé dans le liquide allantoïdien provenant d’un fœtus plus avancé, on peut arriver à faire passer de l'air dans la poche allantoïdienne. Ge procédé d’insufflation permet de connaitre la forme et les limites de l’allantoide. En chassant l’air légèrement par la pression d’un pinceau dans les parties voisines de la région amniotique, on n’aperçoit ni le point de conjonction de Dutro- chet, ni rien qui ressemble à un ombilie allantoidien. La membrane a dès lors la forme qu’elle conservera pendant toute (1) A partir de ce moment nous avons apprécié Pâge du fœtus par sa longueur, en acceptant les données du tableau de Gurlt, reproduit dans l'ouvrage de Colin, Traité de physiologie comparée des animaux, 1873. ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 19 la durée de la vie embryonnaire : sa disposition ne varie pas, et, dans la région qui correspond au corps de Pembryon, l’am- nos est directement accolé au chorion, sans imterposition d’un double feuillet allantoïdien, comme lexigerait la description précédente. Il n’y a pas, en un mot, contrairement aux pro- pres paroles de Coste (1), « de feuillet allantoïdien qui reste libre pour envelopper l'embryon en se réfléchissant sur lui de toute part ». La question des rapports de lallantoïde avee le chorion, en particulier à l'extrémité des cornes, sera examinée en détail un peu plus loin et nous fournira l’occasion de faire connaître la nature de l’accolement qui se produit entre ces membranes. Disons, dès à présent, que la séparation en devient de plus en plus facile, et qu’elle ne présente plus aucune espèce de diffi- culté à partir de la cmquième semaine, lorsque le fœtus à une longueur de 2 à 3 centimètres, à la condition toutefois que l’on ait insufflé la cavité allantoidienne après en avoir fait écouler le contenu. On peut, en détruisant les tractus d’un tissu con- jonctif muqueux, isoler l’allantoïde de l’amnios comme on l’a isolée du chorion. Allantoïide chez le Porc. — La disposition générale et la forme de l’allantoïde sont les mêmes que chez les Ruminants ; la seule particularité que nous ayons à signaler est relative aux rapports qu'affectent les membranes allantoïdiennes chez les fœtus d’une même portée. La gestation gémellaire est fréquente chez la Brebis ; dans ce cas, les deux allantoïdes se rencontrent, s’ados- sent d'une manière plus ou moins complète, mais cette union n’altère pas la structure de la membrane, ni son aspect. Le développement de chaque sac est seulement moins considérable du côté où se fait la rencontre, c’est-à-dire vers le point de con- jonction des deux branches de l'utérus ; la corne allantoïdienne ne présente alors ni le collet rétréci, ni la forme effilée, qui lui sont habituels. Chez la Truie, Putérus gravide loge toujours plusieurs fœtus : (1j Coste, op. cit., p. 445. 16 A. DASTRE. il n’est pas rare d’en trouver huit dans chaque corne utérme. L’allantoide, gênée dans son développement, affecte alors une disposition irrégulière à ses extrémités : de chaque côté elle se met en rapport avec l’allantoide du fœtus voisin. Le contact a lieu, non par la partie la plus externe et la plus atténuée du sac, mais par une région dont la position n'ayant rien de constant ne saurait être prévue. Dans ce point, la poche allan- toïdienne présente un diverticule en doigt de gant, une sorte d'appendice cæcal, entièrement comparable au cul-de-sac par lequel se termine l’allantoïde des Ruminants. À ce diverticule correspond précisément un diverticule pareil de l’allantoïde voisine. Les deux sacs s’accolent : dans ce conflit, l’un d'eux refoule l’autre, le retourne comme un doigt de gant, ets”y invagine. Les membranes, amsi enchevêtrées, forment une sorte de cordon membraneux, flétri et mortifié, qui relie chaque fœtus au suivant. La simple msufflation suffit à détruire l’imva- gination et à révéler la nature de la disposition anatomique que nous venons de décrire. À côté de ce cul-de-sac principal on en trouve souvent un autre, moins développé, quelquefois mème tout à fait rudimentaire; c’est un ilot de la surface externe de l'œuf où le,chorion et les vaisseaux ombilicaux se sont atrophiés, et qui se trouve par là ramené à la même struc- ture que le diverticule principal et que la corne allantoidienne des Ruminants. La zone de l'utérus qui entoure le cordon de communication se distingue, par son aspect, des zones qui sont en rapport avec _les parties vivantes et vascularisées de l'œuf : les glandes mu- queuses utérines y sont développées et sécrètent un mucus abondant qui enrobe le cordon. Allantoïde chez le Lapin. — Cuvier (1), Baër et Coste ont été les premiers à reconnaitre l'existence de l’allantoïde chez les Rongeurs, et spécialement chez le Lapin ; seulement Cuvier a pensé que son développement s’arrêtait de très-bonne heure et qu’elle ne dépassait que de très-peu le niveau de l’ombilic. (1) Cuvier, Mémoires du Muséum, vol. HT. ARTICLE N° 4, ALLANTOÏIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 17 Coste (1) en a examiné avec soin l’évolution : les détails qu'il a donnés ont été confirmés par Bischoff (2). Vers la fin du huitième jour de la gestation, ou au commen- cement du neuvième, selon la deseription de Coste, on voit apparaitre, vers l’extrémité caudale de l'embryon, un renfle- ment pédiculé, d’un volume très-restremt, couvert d’un lacis vasculaire. Quelques heures après son apparition, lallantoïde se dévie vers le côté droit de l'embryon; l'extrémité se dirige vers la membrane vitelline et se met en rapport avec elle dans la région qui correspond à la ligne mésométrique : la place du contact est indiquée antérieurement au moment où 1l à lieu par la disposition particulière qu'affectent les villosités. Le placenta occupera précisément le disque qu’elles dessinent d'avance. Le fond du sac allantoïdien s’étend au-dessous du placenta composé de deux ou trois lobes ou cotylédons, quelquefois da- vantage. Vers la fin de la gestation, c’est-à-dire vers le trentième jour, on peut encore apercevoir la membrane allantoïdienne parfaitement isolée, étendue comme un pont dans l’intervalle des lobes placentares. C’est là qu'il la faut étudier, ou bien encore à son point de réflexion. Partout ailleurs son isolement est difficile ou impossible : dans la portion pédiculée les vais- seaux ombilicaux dépriment sa surface, s’en enveloppent plus ou moims complétement de manière à former des espèces de replis mésentériques. La poche allantoïdienne forme à ce mo- ment une sorte de cavité virtuelle qui ne contient point de liquide. Chez le Gobaye la disposition de l’allantoïde est la même que chez le Lapin. IV. — STRUCTURE DE L’ALLANTOIDE EN GÉNÉRAL. Historique. — La structure de lallantoïde à été plutôt déduite de considérations théoriques que fondée sur des observations directes. Suivant l’origine que les auteurs lui attribuaient, ils imaginaient une composition appropriée. (1) Coste, Embryogénie comparée : Ovologie du Lapin, p. 4069. (2) Bischoff, Histoire du développement de l'œuf du Lapin, p. 684. LS A. DASTRE. Baër, faisant naître l’allantoïde de l'intestin, ne pouvait pas imaginer que cet organe se formât aux dépens du canal intestinal d'autre façon que les organes de mème origine, comme le foie et les poumons (1). Il a donc attribué à la membrane allantoïde la même consti- tution histologique qu’à la paroi mtestinale. Selon lui, elle pos- sède « deux feuillets : l’un externe, vasculaire ; l’autre interne, » dépourvu de vaisseaux ; celui-là est la continuation du feuillet » vasculaire de la vésicule blastodermique ; celui-ci du feuillet » végétatif où muqueux de cette vésicule ». Bischolf (2) a essayé de donner une consécration expérimentale à cette supposition purement théorique de Baër. «Je fus longtemps, ditAl, sans » pouvoir distinguer les deux feuillets Pun de autre ; mais jai. » fini par me convaincre, sur un très-petit fœtus de Vache, que » la portion de l’allantoïde qui ne S'unit pas avec le chorion » offre réellement deux feuillets, dont l’externe porte les vais- » SEAUX. » Dès que l'application au chorion a eu lieu, et pendant » qu’elle s'effectue, ce feuillet disparait, et Pon ne peut plus le » séparer du chorion qui, par là (chez les pachydermes), devient » très-riche en vaisseaux et s’épaissit notablement. » Mais nous verrons qu'il n’y à point de feuillet vasculaire proprement dit venant s'appliquer au chorion, d'autre part, le feuillet mu- queux de lallantoide, prétendue continuation du feuillet in- terne du blastoderme, s’en distingue par ses caractères mor- phologiques; il existe, en un mot, une différence importante et originelle entre la structure du revêtement intestinal et celle du revêtement allantoïdien. C’est également d'après l’idée qu'il se formait du développe- ment de l’allantoide aux dépens de la membrane blastodermique tout entière que Coste a décrit trois couches à l’allantoïde : une couche externe en continuité avec la peau de l'embryon; une couche interne en continuité avec la couche intestinale, et enfin, une couche vasculaire intermédiaire aux deux précédentes, (1) Kôlliker, Entwickelungsgeschichte, p. 107. (2) Bischolf, op. cit., p. 131. ARTICLE N° 4, ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 19 Nous verrons ce qu'il faut penser de cette histologie à priori. | Plus récemment la structure de Pallantoide a donné lieu à des travaux particuliers. Cependant les études histologiques, par exemple celles de de Gasser et de Dobrymin, ont été faites surtout chez le Poulet, et ordinairement bornées aux premières phases du développement. Comme on vient de Le voir par l’examen critique des opinions émises au sujet de l’allantoïde, on s’est peu préoccupé jusqu'à présent de sa structure. Les investigations des histologistes, si minutieuses à propos de tous les autres organes de ladulte ou même de l'embryon, ont négligé ce terrain. Nous avons essayé de combler cette lacune. Nous avons employé à l'étude de lallantoide les méthodes nouvelles dont l'application a eu pour résultat de modifier si profondément les opinions des histologistes sur quelques tissus, en particulier sur les mem- branes. Un travail de ce genre était devenu nécessaire ; il per- mettra plus tard à la physiologie d'aborder fructueusement le problème de la vie fœtale. De ce travail nous avons essayé de déduire ce qu’il est convenu d'appeler la signification de l'organe, c’est-à-dire d'indiquer le rang et la formule qui lui conviennent parmi les membranes telles qu’on les classe actuel- lement. Nous prendrons pour base de notre description l’allantoïde des Ruminants (Mouton, Veau), eh lui comparant, quand il y aura lieu, lallantoide des autres Mamnufères. Nous ferons res- sortir les conséquences de ces études au point de vue des théories du développement, du rôle physiologique des organes et des principes de l’histologie générale. Pour faciliter la compréhension des résultats auxquels nous sommes parvenus, nous les exposerons dans un ordre métho- dique, de la manière suivante. Nous décrirons : 4° La face interne de la membrane, ou face libre, baignée par le liquide allantoïdien. 2° La fuce externe, en rapport avec le chorion, qui se moule sur elle dans une grande partie de son étendue, en rapport 20 A. DASTRE. aussi avec l’amnios, qui lui est adossé, et qui la sépare du chorion. À propos de la face externe de l’allantoide et de ses rapports avec les organes voisins, nous examinerons le tissu conjonctf par le moyen duquel s’établissent ces rapports. 3° Les pôles de l'allantoide, ou extrémités par lesquelles la vésicule se termine dans les cornes utérines. 4 Le pédicule de l’allantoïde : ses connexions avec l’ouraque et la vessie urinaire. 4° Surface interne ou libre du sac allantoïdien. Aspect général. — L’allantoïde ouverte et développée se pré- sente sous l’aspect d’une membrane parfaitement lisse. Cette surface rappelle tout à fait, à la vue et au toucher, le poli des séreuses; elle est partout continue, et sans orifice apparent, sauf celui qui fait suite à l’infundibulum et conduit dans la cavité vésicale de l’embryon : elle est humectée par le liquide allantoïdien. Le poli de cette surface interne est dù à un épithélium. Pour en prendre une bonne idée, on doit employer la méthode de l'imprégnation d'argent. Méthode d'observation. — On insuffle le sac allantoïdien par l’une des cornes. Lorsqu'il est distendu 1l devient extrêmement facile à séparer du chorion qui le revêt. On peut alors introduire dans la portion du sac que l’on veut étudier et que l’on com- prend entre deux ligatures, la solution de nitrate d'argent à L. Il est préférable, cependant, d’inciser immédiatement l’allantoïde, puis d’étaler et de tendre sur l'ouverture d'un vase ou d’une capsule la partie que l’on veut soumettre à l'examen. On lave rapidement à l’eau distillée pour enlever les éléments du liquide allantoïdien déposés à la surface, après quoi on laisse tomber goutte à goutte, au moyen d’une pipette, le réactif argentique. On expose la membrane pendant quelques secondes à la lumière directe. On lave de nouveau à l’eau distillée pour enlever l'excès du réactif. La membrane ainsi traitée est prête pour l'examen; cepen- ARTICLE N° 4, ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 91 dant, si l’on veut rendre plus visibles les noyaux des cellules de l’épithélium, on portera la membrane dans la solution d’héma- toxyline : on l’y laissera séjourner un temps variable de quelques minutes à une heure ; on la soumettra à un nouveau lavage ; on l’étalera sur la plaque de verre ; on l’examinera alors dans la glycérine. Dans le cas où l’on voudrait avoir une préparation plus facile à conserver, on plongera dans l'alcool dilué, puis absolu, et enfin dans l’essence de térébenthine bien rectifiée, la préparation sortant de l’hématoxyline : on l’étalera sur la plaque et on la couvrira avec le baume du Canada, sur lequel on dépo- sera la lame de verre mince. Si nous décrivons ce procédé, qui est d’un usage courant dans les laboratoires d’histologie, c’est pour éviter le reproche adressé aux zoologistes de ne pas indiquer les moyens qui leur ont servi à apercevoir les faits qu’ils ont découverts, et par là d’en rendre la vérification plus laborieuse. Forme. — Préparée comme nous l'avons dit, la membrane allantoïdienne laisse voir un élégant et fin réseau de lignes noires . qui établissent la limite des cellules épithéliales. Cet épithélium est à une seule couche; on s’en assure facilement en faisant varier le plan focal. La forme de ces cellules diffère beaucoup de l’une à l’autre : leurs lignes de séparation sont presque tou- jours droites ; elles représentent un dallage formé de polygones ayant, suivant les cas, quatre, six ou huit côtés. Étendue. — De même que leur forme, l'étendue de ces cel- lules est très-variable ; il est fréquent d’en rencontrer de con- tiguës dont les surfaces sont dans le rapport de un à trois quatre, et même davantage. Disposition. — Quant à la disposition de ces éléments les uns par rapport aux autres, elle ne paraït avoir rien de régulier. Elle peut cependant suggérer deux remarques qui ont leur im- portance. On voit, de place en place, des cellules disposées avec ordre autour d’un point central d’où elles semblent rayonner : au centre du cercle il y a, d’autres fois, une lacune ou une plaque noirâtre, ou enfin une cellule plus petite. Ces figures rayonnées nous paraissent se rapporter à ce que les auteurs ont to 9 A. DASTREI. décrit sous le nom de s{omates ou de pores des séreuses, et qu'ils considèrent comme mettant en communication transitoire ou permanente les cavités séreuses avec le système lymphatique. lei, autour de l’allantoide, les vaisseaux lymphatiques font défaut : la communication, si elle existe, ne peut donc se faire qu'avec le tissu conjonctif qui double la face externe du sac allantoïdien. En étudiant plus lom ce tissu conjonctif, nous verrons qu'il renferme un très-grand nombre d'éléments sem- blables aux cellules Iymphatiques, c’est-à-dire de cellules mi- gratrices. [ nous sera permis de signaler incidemment l'accord de ces observations avec la théorie nouvelle qui affirme l’iden- tité du tissu séreux avec le tissu conjonctif. Noyaux. — La seconde remarque relative à la disposition du revêtement épithélial, c’est que, de place en place, une grande cellule allongée apparait entourée d’éléments plus petits dans leurs dimensions et plus réguliers dans leur forme. Les préparations colorées montrent, à l’intérieur de Pélément ainsi agrandi, deux et souvent trois noyaux. Ceux-ci offrent assez fréquemment des formes étranglées qui indiquent une division en train de s’effectuer. Quant aux autres éléments de lépithélium, ils possèdent or- dinairement un ou deux noyaux. Évolution. — On sait que la durée de la gestation chez la Brebis est de vingt et une semaines, c’est-à-dire de cinq mois, à deux ou trois jours près. Au point de vue du développement du fœtus celte durée a été partagée en (1) sept périodes : la première comprend les deux premières semaines (fœtus plus petit que 2%%,2) ; la seconde comprend les troisième et quatrième (fœtus plus petit que 10 mullim.) ; la troisième comprend la cinquième et la sixième semaines; la quatrième correspond aux septième et huitième semaines (fœtus << 9% millim.) ; la cinquième correspond aux neuvième, dixième et onzième (fœtus << 162 mullun.); la sixième comprend les douzième, treizième, quatorzième, quinzième, seizième, dix-septième et dix-huitième (1) Gurlt, voy. F. Leyh, Anatomie des animaux domestiques, p. 566. Paris, 1870, ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 23 semaines (fœtus < 325 millim.); la septième comprend les trois dernières semaines de la gestation, dix-neuvième, vingtième et vingt et umième (fœtus <7 490 nullim.). Les caractères que nous venons d'indiquer se constatent net- tement chez l'embryon du Mouton à partir de la cinquième période. Chez les sujets plus jeunes les éléments cellulaires sont moins aplatis; ils ne présentent pas aussi distinctement la forme typique de l’endothélium. En second lieu, ces éléments prennent, sous l’action du sérum 1iodé, une coloration d’un brun assez foncé. L'interprétation de ces faits sera donnée quand nous aurons exposé les particularités relatives aux Poreins. Pachydermes. — Chez le Porc, la réduction du sel d'argent est moins accusée que dans les préparations de lallantoïde des Ruminants (Agneau et Veau). Cependant les limites des cellules sont encore bien marquées et formées de lignes droites. Ces cellules sont beaucoup plus petites que chez les Ruminants ; elles possèdent un noyau non nucléolé, rarement deux; elles ont une épaisseur appréciable, ce dont on peut s'assurer en les examinant à plat avec un objectif à plan focal bien délimité que l’on relève et que l’on abaisse successivement, ou mieux encore en soumettant à l'étude des coupes de la membrane. Pour préparer ces coupes on plonge une portion de la mem- _ brane fraichement séparée dans le hquide de Müller, après avoir eu la précaution de la tendre sur un cadre de hége ; après un ou deux jours de macération, on la retire pour la placer dans une solution épaisse de gomme, après quoi on la laisse séjourner dans l'alcool. En comprenant la membrane ainsi préparée entre deux demi-cylindres de moelle de sureau on peut en faire des coupes qui se prêtent à l’examen microsco- pique. On voit alors que le revêtement cellulaire à une épaisseur sensible et s'éloigne conséquemment du type des cellules plates proprement dites. Les éléments de ce revêtement renferment un protoplasma abondant qui remplit la cellule. Le contenu de ces cellules offre une autre particularité. On y rencontre, d’une manière régulière et constante, tantôt une 924 A. DASTRE., seule, tantôt deux granulations arrondies et brillantes : leur dimension est de 1 à 2 w. Elles ne font jamais défaut. Leur nature nous est restée inconnue, car elles résistent à tous les réactifs qui auraient pu nous renseigner à cet égard ; en effet, elles ne se colorent point par le carmin et ne se détruisent point par l'acide acétique, à la façon du protoplasma nucléaire (nucléine ?) ; elles ne se colorent point par le bleu de quinoléme, à la façon des graisses; elles ne brunissent point par l’iode, comme le fait la matière glycogène. Lorsque l’on traite la membrane allantoïde du Pore par le sérum fortement iodé, elle prend une teinte d’un rouge vineux faible qui passe, au bout d’un instant, au brun acajou. Examinée après ce traitement, elle montre les cellules colorées en brun dans toute leur étendue, sauf le noyau et la granulation réfrac- taire dont nous venons de parler. Elles sont séparées les unes des autres par des lignes marginales imcolores correspondant probablement à une membrane cellulaire. La conclusion de ces observations, c’est que le revêtement cellulaire de l’allantoïde du Porc offre à tous les âges de la vie fœtale les caractères que les Ruminants présentent seulement au début. Il est constitué par un épithélium aplati à une seule couche. Chez le Porc, plus encore que chez le Veau et le Mou- ton, ce revêtement reste longtemps composé d'éléments jeunes, assez riches en protoplasma ; il n’acquiert que vers la fin de la sestation les caractères morphologiques de l’endothélium pro- prement dit. Peut-on voir un rapport entre la jeunesse persis- tante de ces éléments chez le fœtus du Pore et la rapidité du développement de cet animal ? La durée de la gestation est de 70 jours; elle est terminée à une époque où le fœtus du Mouton a encore à parcourir la moitié de son évolution, et le fœtus de la Vache les trois quarts de la sienne. Ce serait là une explication purement finaliste, c’est-à-dire sans lien immédiat avec le fait auquel elle s’applique. Comparaison du revêtement allantoidien avec le revêtement amniotique. — Au sujet du revêtement cellulaire de Pallantoïde nous ferons encore deux remarques : l’une sur la réaction qu'il ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 29 présente avec le réactif iodé; l’autre sur la signification em- bryogénique donnée au mot endothélium. C1. Bernard (1) a découvert la nature et donné la signification des plaques et villosités que l’on observe à la surface interne de l’amnios chez les Ruminants. Ces plaques sont formées par des cellules glycogéniques : elles brunissent et noircissent mème complétement par le réactif 1odé. Chez le Mouton, au début du développement, l’épithélium allantoïdien se colore également dans toutes ses cellules. L’épithélium amniotique, au contraire, ne se colore point, sauf dans les villosités ou plaques. Ces productions sont for- mées de cellules différentes de celles qui les avoisinent ; on voit à leur base une couronne nette de cellules glycogé- niques qui deviennent absolument noires sous l’action du réactif, tandis que la bordure de cellules endothéliales con- tiguës reste absolument incolore. Ainsi le revêtement amnio- tique proprement dit ne se colore pas et n’est pas glycogénique ; L'endothélhiuu allantoïdien se colore; c’est là une différence qui doit être signalée au point de vue de la comparaison entre l’'ammios et l’allantoïde. Chez le Porc, la différence est encore plus frappante, car l’amnios ne présente aucune espèce de production glycogénique ou brunissant par liode, tandis que ce caractère est net pour l’allantoïde. En Pabsence d'autre contrôle, la coloration par l’iode ne nous permet pas à elle seule d'affirmer la présence du glycogène dans l’allantoïde. Il est seulement vraisemblable que cette substance existe à l’état diffus dans les cellules. Si la question était résolue positivement elle apporterait une bien curieuse confirmation à la loi établie par CI. Bernard, et qui lie le dépôt de matière glycogène dans les annexes de l’em- bryvon à la distribution des vaisseaux allantoïdiens. Quoi qu'il en soit, nous présentons ce caractère comme un moyen micro- chimique qui permettrait à la rigueur, à l’histologiste, de se reconnaitre au milieu des débris des enveloppes fœtales. (1) CI. Bernard, Comptes rendus de l'Académie des sciences. 26 A. DASTRE. On sait que His, Rindfleisch et Thiersch ont établi une dis- üncüon profonde entre tous lés épithéliums d’une part, et, d'autre part, la väriété lamellaire à une seule couche, appelée endothélium, qui tapisse les séreuses et les vaisseaux. His (1) classe les épithéliums proprement dits (cylindrique, à cils vibratils, pavimenteux..., etc.) dans la même catégorie que les tissus nerveux et musculaire, sous le nom de tissus archi- blastiques ou primitifs. Les endothéliums forment, avec les tissus conjonclifs, un groupe tout à fait distinct : les {issus parablastiques ou accessoires. Si l’on adopte les vues de His on devra conclure que le revè- tement allantoïdien a son origine dans le parablaste, ou, ce qui revient au même, dans le feuillet moyen du blastoderme. La question de l’origime de l’allantoide, qui a soulevé tant de con- troverses, serait ainsi résolue. Mais la loi de His, qui assimile les endothéliums aux tissus conjoncüls et les fait provenir de la même origine, subit des exceptions. Ranvier (2) a fait remarquer que tous les épithéliums nés du feuillet moyen ne sont pas toujours réduits à une seule couche ; exemple : l’épithélium stratifié des franges synoviales. D'autre part, 1l y aurait peut-être un endothélium, celui des alvéoles pulmonaires, qui ne proviendrait pas du feuillet moyen ; il est probable, en effet, mais non certain, que cet endothélium provient du feuillet interne. Robin (3) oppose d’autres argu- ments : 1l contredit tout rapport de fihation entre les tissus con- jonctifs et le revétement des cavités closes, et rejette le nom d’endothélium, Quoi qu'il en soit, si le principe de His ne peut prétendre au caractère absolu d’une loi, on ne peut nier qu'il ne soit l'expression la plus générale des faits. Il fournit, sinon une certitude, au moins une forte présomption relativement à l’origine blastodermique des revêtements endothébaux. Pour ce qui concerne l’allantoïde, cette présomption prend d'autant (4) W. His, Unsere Kôrperform.…., in-8°. Leipzig, 1875. (2) Ranvier, Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. Épr- THÉLIUM. (3) Robin, Anatomie el physiologie cellulaires, 1873, p. 301. ARTICLE N° 4, ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 27 plus de valeur qu’elle est corroborée par beaucoup d’autres considérations. Laissant de côté la question de l’origine, nous définirons, à la suite de Ranvier, lendothélium par ses carac- tères morphologiques. Cellules plates formant une seule couche, tandis que les épithéliums sont formés de couches superposées : ces cellules ne sont pas séparables les unes des autres; leur ensemble forme une plaque dont les subdivisions sont marquées par une ligne sans épaisseur sensible (ciment intercellulare). Dans les épithéliums proprement dits, les cellules sont épaisses, séparables, écartées par une bande marginale appréciable. Le réactif argentique se fixe sur le eument et non sur la cellule : dans les épithéliums il colore tout l’élément. Le liquide de Müller colore difficilement ou pas du tout lPendothélium, tandis qu'il colore les épithéliums. Les endothéliums ne paraissent pas soumis à la mue, à la rénovation continuelle des épithéliums. Ils laissent transsuder le sérum sanguin, la sérine, tandis que l’on ne trouve pas d’albumine dans les cavités épithéliales. Des glandes viennent s'ouvrir sur toutes les surfaces épithéliales, jamais sur les endothéliums. C’est en nous fondant sur cet ensemble de caractères que nous apprécions la signification du revêtement allantoïdien. En résumé, et comme conclusion des observations précé- dentes, nous dirons que : Le revêtement cellulaire de la face interne de l’allantoïde possède tous les caractères de l'épithélium plat à une seule couche, dit endothélium, tel qu’on le rencontre sur la surface libre des membranes séreuses. 2% Surface externe de l’allantoïde; couche externe ou vasculaire des auteurs, Difficultés de la délimitation. — Chez les Ruminants, la sur- face externe de l’allantoïde, bien différente en cela de la surface interne, n’est nulle part limitée nettement : elle adhère au chorion qui la recouvre sur la plus grande partie de son étendue, et à l’amnios qui contracte des rapports avec elle dans les autres points. Ces adhérences sont si faibles que le moindre effort peut les rompre. I! faut, pour cela, faire écouler le liquide allan- toidien par une ouverture pratiquée au niveau des cornes, et 28 A. DASTRE. distendre, par une insufflation assez forte, le sac membraneux ainsi vidé. On décolle alors, par de légères tractions, la lame choriale ; on la sépare, et au-dessous d’elle apparaît la surface externe de l’allantoïde. | Cette délimitation, on le voit, est le résultat d’un artfice de dissection : elle est purement anatomique, dans le sens ancien- nement attribué à ce mot; elle n’est point histologique. Une membrane est bien limitée histologiquement lorsqu'elle présente un revêtement cellulaire continu. [ci il n’y a point de revêtement cellulaire. Au moment où l’on exécute la séparation de l’allan- toide d'avec le chorion et l’amnios on voit des lames et des cloisons obliquement étendues entre ces organes. Les lames en question (pl. 4, fig. 3) qui apparaissent à l’œil nu comme de vé- ritables brides membraneuses n’ont qu’une existence illusoire et résultent simplement du mode de dissection. Étant donnée dans un point quelconque de l'organisme une masse de tissu con- Jonctif muqueux, on peut, en la distendant avec des pinces, lui fare prendre de nulle manières l'aspect membraniforme. Cest précisément le cas 1c1. La direction de ces cloisons artificielles est déterminée par le trajet des vaisseaux ombilicaux qui sil- lonnent la gangue conjonctive interposée entre les anneaux de l'embryon. Deux troncs principaux (artère et veine ombilicale) s’étendent du pédicule à l'extrémité de chaque corne de lallan- toïde en suivant son bord concave ou mésométrique. Ces vais- seaux principaux et leurs branches rampent dans le tissu con- Jonctifmuqueux dont nous parlons, et dirigent leurs terminaisons vers la face profonde du chorion. Chez les Ruminants, auxquels cette description s'applique plus particulièrement, un certain nombre de branches vascu- laires, comprises d’abord dans le tissu muqueux interposé à l’allantoïde et à l’amnios font corps, après un court trajet, avec cette dernière membrane, sy ramifient et s’y terminent. Méthode d'exumen. — Lorsqu'on veut étudier ce tissu con- joncüif, et qu’on détache dans une région quelconque des an- nexes un lambeau comprenant les deux membranes, si l’on suspend ce lambeau par une de ses extrémités on voit le tissu ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 29 interposé glisser en totalité et se rassembler à l’autre extrémité sous forme d’une boule d’une transparence parfaite ayant la consistance de la gelée. L'aspect de cette masse rappelle, avec la plus grande exactitude, l'humeur vitrée de l'œil. Elle est d'autant plus abondante que le fœtus est plus Jeune. Éléments du tissu. — On excise une portion de cette gelée qui, recueillie sur une lame de verre, s’y laisse tendre et étaler facilement. On l’examine après l’avoir colorée avec le picro-car- imnate d'ammoniaque ou avec le réactif iodé. Le tissu se montre alors composé de fibres déliées, réunies en faisceaux entrecroisés et des éléments cellulaires du tissu conjonctif muqueux, e’est-à- dire de cellules étoilées à prolongements protoplasmiques et de nombreuses cellules arrondies présentant un ou plusieurs noyaux. Tous ces éléments sont noyés dans une masse liquide de consistance muqueuse, coagulable par l'alcool absolu et par les acides minéraux. Disposition de ces éléments. — Ces fibres et ces celluies se trouvent mélangées dans un ordre déterminé. Pour apprécier leur disposition, on peut durcir par le séjour dans l'acide chro- mique la double membrane et en faire des coupes. Il est préfé- rable cependant de la laisser quelques heures seulement dans une solution faible d'acide chromique : le tissu interposé prend alors une consistance telle qu’en séparant le chorion de l’allan- toide il reste en grande partie adhérent à cette dernière mem- brane. Cette particularité permet d'étudier les rapports du tissu muqueux avec le tissu conjonetif propre à l’allantoïde. On voit partir de cette dermière des faisceaux dont l'extrémité opposée est libre; d’autres fois les faisceaux issus de la membrane re- tournent s’y insérer après un trajet de longueur variable. Aux deux points d'insertion le faisceau est renflé ; les fibres qui le composent divergent dans tous les sens et vont s’entrecroiser avec celles de la membrane. On voit, au voisinage immédiat de la membrane, le tissu muqueux passer à un degré plus élevé d'organisation et repré- senter une ébauche du tissu conjonctif réticulé. En effet, les faisceaux unis dans une partie de leur trajet se séparent et s'ac- ANN. SC. NAT., FÉVRIER 1876. Lil. 8, — ART, N° 4. 3 A. HAS'TEN. croissent par l’adjonction d’autres faisceaux. Les éléments cel- lulaires fixes ou cellules étoilées s'appliquent sur ces faisceaux par groupes de trois ou quatre. On voit, entre les faisceaux, des cellules (migratrices) arrondies, associées en plus où moins grand nombre; les noyaux de ces cellules présentent des traces d’une division commençante (noyaux en bissac, etc.). Dans les points où se rencontrent des vaisseaux, le tissu con- jonctif se condense autour de leur paroi et les accompagne de ses éléments fibres et cellules. Pachydermes. — Chez le Pore, on observe les mêmes parti- cularités que nous venons de décrire à propos du Mouton et du Veau. La seule remarque à ajouter est relative à l’existence, dans les cellules arrondies qui représentent les éléments migra- teurs du tissu conjoncüf, de ces mêmes granulations brillantes que nous avons signalées dans le revêtement ailantoïdien. Nous répétons ici que emploi des réactifs appropriés, acide osmique, bleu de quinoléme, éther, etc., établit sans nul doute que ces granulations ne sont point de nature graisseuse. Le fait méritait d'autant plus d'attention que les anatomistes ont signalé la dégénérescence graisseuse précoce que subit dans l'espèce hu- maine un tissu (le magma réticulé) que l’on peut considérer comme le représentant de celui qui fait Pobjet de notre étude actuelle. Conclusion. — Les détails précédents s'accordent avec ce que l’on connait de la structure de la gelée de Wharton. La plus simple observation démontre, d’ailleurs, la continuité ana- tomique du tissu muqueux dans le cordon ombilical autour du pédicule allantoïdien et en dehors du cordon entre lallantoïde, le chorion et l’amnios. L’assimilation entre ces deux parties est donc tout à fait légitime, et nous devons conclure que : Le tissu interposé à l’allantoïde, à l'amnios et au chorion est la continuation du tissu conjonchif muqueux du cordon om- bilical. À mesure que ce tissu est examiné plus près de ces mem- branes il semble passer à un degré plus élevé d'organisation ; c’est ainsi qu'il devient trabéculaire, réticuié, puis qu'enfin, ARTICLE N° 4. ALLANTOÏIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÉRES, 91 dans la couche la plus profonde qui sert de support à l’endo- thélium allantoiïdien il affecte la forme d’une lame textile. Interprétation ancienne. — C’est à cet ensemble de lames celluleuses et de vaisseaux qu’on à donné le nom de feuillet vas- culaire ou feuillet externe de lallantoïde. Cette désignation et l’idée qu'elle exprime nous semblent fautives. Au sens his- tologique du mot, il est impossible de prendre pour une mem- brane une lame de tissu qui n’est point limitée par un revè- tement cellulaire ; la confusion est tout aussi impossible en se bornant au sens anatomique, puisque le feuillet ne serait isolable qu'artificiellement à sa face interne et pas du tout à sa face externe. La plupart des auteurs qui tiennent pour l'existence de ce feuillet vasculaire de lallantoïde ont été obligés de cher- cher dans le développement embryogénique la justification de leur manière de voir. Ils ont dit que le feuillet vasculaire externe était une production précoce qui venait de très-bonne heure s’accoler à la membrane vitelline pour conduire les vaisseaux placentaires, et qui cessait à partir de ce moment d’être iso- lable. Mais cet ingénieux mécanisme n’a jamais été saisi sur le fait : on l’a imaginé; le feuillet n’a jamais été vu; on n’a Jamais observé sa séparation du plan sous-jacent, ni son accole- ment à la membrane vitelline, de sorte que, dans la réalité, l'his- toire du développement ne fournit pas de meilleurs arguments en faveur de son existence que l’étude de la structure actuelle. La seule raison d’être d’une pareille hypothèse est, à ce qu'il nous semble, qu'elle fait comprendre le développement des vaisseaux : au début, les terminaisons de l'aorte abdominale (vaisseaux ombilicaux) forment un réseau à la surface de la formation allantoïdienne ; plus tard ces vaisseaux arrivent dans les villosités choriales. Le dédoublement supposé explique bien le transport des vaisseaux, et 1l fait image en montrant le feuillet externe servant de véhicule pour ce transport. Maïs c'est là son plus clair avantage. Les faits nous semblent commander une autre interpré= tation. Interprétation nouvelle, -- Le tissu conjoncüf daus lequel 39 A. DASFEE. cheminent les vaisseaux ombilicaux n’est pas une dépendance exclusive de l’allantoïde : il n’en est pas le feuillet externe. De même que la gelée de Wharton ne doit pas être considérée comme le revêtement du pédicule allantoïdien, mais comme une gangue commune à tous les éléments du cordon ; de même le tissu qui lui fait suite peut être regardé comine dépendant, à ütre à peu près égal, de tous les organes enfermés dans la eavité vitelline. Chez les Ruminants et les Pachydermes (Por- cins), ce tissu enveloppe l’amnios, l’allantoide, les restes de la vésicule ombilicale, et double le chorion. Nous l’appellerons vissu muqueux interannexiel. se forme sur place aux dépens du blastoderme : on ne peut pas admettre qu'il ait émigré de l'embryon et qu’il ait été transporté par l’allantoide, car on le trouve dans toute la cavité de l’œuf à l’époque ou l’allantoide ne la remplit pas encore complétement. Ce üssu consiste en une ganoue fluide, transparente, à consistance de gelée, pos- sédant tous les caractères du tissu à forme typique décrit par Virchow dans le cordon ombilical et dans la chambre posté- rieure de l’œil sous le nom de tissu conjonctif muqueux. Sa charpente est constituée par un réticulum de fibres conjonc- tives d'autant plus abondantes que l’on considère un fœtus plus avancé : ce réseau est plus serré, plus condensé dans le voisi- nage immédiat des annexes, plus rare et plus lâche dans leur intervalle. Les fibres sont recouvertes de cellules plates à pro- longements et à noyaux vésiculeux; dans les mailles sont dis- tribuées en petit nombre des cellules embryonnaires analogues aux cellules ymphatiques migratrices (globules blancs). Ce tissu se confond insensiblement, au niveau du cordon ombilical, avec la gélatine de Wharton qui lui est identique. Les figures données par Renaut (1) dans son travail sur le cordon ombilical conviennent parfaitement à représenter la structure du tissu interannexiel. On sait d’ailleurs que la gelée de Wharton est en continuité avec le péritoine pariétal (2) c’est- (1) Renaut, Note sur le tissu muqueux du cordon ombilical (Archives de physiologie, 1872). (2) Schenk, Lerbuch der vergleichenden Embryologie, p.158. Wien., 1874. ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 93 à-dire avec la partie commune des lames latérales qui viennent se confondre dans la masse des vertèbres primitives (Urwirbel- masse, feuillet moyen). Il résulte de ces explications que le tissu muqueux interannexiel doit être considéré comme le prolon- sement hors de l'embryon du feuillet moyen, origme commune de tous les tissus conjonctifs. Ainsi, le feuillet moyen du blastoderme n’est pas limité au corps du fœtus ; il s'étend en dehors de celui-ci entre les annexes. Chez les Ruminants cette partie extra-fœtale du feuillet moyen n’est pas divisée en deux couches ou lames, comme la partie intra-fœtale : la séparation s'arrête à l’origine du cordon ombilical, c’est-à-dire aux limites de la cavité pleuro-péritonéale formée par l’écartement des deux lames (Hautmuskelplatt, Darmfaserblatt). Le feuillet interne du blastoderme se continue dans la xésicule ombilicale, le feuillet externe dans le chorion ; ious les auteurs sont d'accord sur ces faits. On voit donc que la division en trois feuillets est applicable aux tissus extra- fœætaux comme aux tissus fœtaux eux-mêmes; les feuillets blas- todermiques ne s'arrêtent pas à l’ombilie de lembryon, 1ls se continuent dans les annexes. Les observations que nous avons recueillies tendent par con- séquent à cette conclusion nouvelle: Les feuillets du blastoderme se continuent au delà du corps du fœtus. L'intérêt d’une telle vue n'échappera point au lecteur : elle établit en effet lhomo- logie des parties intra- et extra-fætales, et fournit une règle pré- cieuse pour leur comparaison. Rongeurs. — Les Rongeurs présentent une disposition qu'il importe de signaler. La vésicule allantoïde est très-réduite et forme en quelque sorte une cavité virtuelle. Il existe un espace libre entre les organes qui sont logés à l’intérieur de l’enveloppe vitelline sans la remplir. Get espace qui, chez les Ruminants et les Pachydermes, est très-restreint et d’ailleurs comblé par le tissu conjonctif muqueux interposé, 1c1 est considérable et rempli par un véritable liquide séreux ; nous y avons constaté, comme Külliker l’a mdiqué (1), la présence de l’albumine caracté- (1) Külliker, Entwickelungsgeschichte, p. 16%. 34 A, DASTRE. ristique de tous les liquides séreux, et, de plus, la présence du sucre de glycose en grande abondance. Ce liquide extra-allan- toïdien est donc très-analogue au liquide intra-allantoïdien des autres Mammifères. On n’a point donné de nom à la cavité qui le renferme; nous proposons, pour cette séreuse supplémen-_ taire, le nom de cœlome externe. Pour Cuvier (1) c'était la cavité même de la vésicule ombilicale. Mais Cuvier et les auteurs de son époque se sont mépris sur la signification de l'œuf des Rongeurs. Ils considéraient la vési- culeombilicale comme une membrane double recouvrant d’une part l’ammnios et doublant de l’autre le chorion, présentant par conséquent une voûte choriale ou externe et une voüte immé- diatement appliquée à l’ammios : ces deux parties se conti- nueraient l’une avec l’autre par le faisceau vasculaire omphalo- mésentérique ; celui-ci, au sorür de lombilic, percerait la voûte fœtale et traverserait l’espace qui la sépare de la voüte externe ou choriale. L’explication de Guvier n’a pas été confirmée par les auteurs qui ont étudié après lui le développement des Rongeurs. Déjà de son temps Hochstetter et Emmert regardaient la vésicule ombilicale comme un sac aplati dorit les deux parois seraient accolées entre elles et au chorion au lieu d’être écartées et dis- tantes comme le voulait Cuvier. Bischoff a démontré la réalité de cette disposition. L'observation nous a appris que cette cavité est tapissée par un revêtement endothélial qui peut être imprégné au moyen du nitrate d'argent, et qui nous à paru (cobaye) analogue à celui de Pallantoïde. Ce revêtement existe à la face interne du chorion et se continue sur la face externe de l’ammios et du cordon de la vésicule ombilicale. C’est particulièrement sur la face interne du chorion qu'il est facile à observer. La com- paraison avec l’endothélium allantoïdien est difficile, car on sait que la cavité allantoïdienne est extrêmement réduite; les vaisseaux ombilicaux la dépriment et s’en enveloppent : on ne trouve la membrane libre que dans un point où elle n’est pas (1) Cuvier, Mémoires du Muséum, vol. UE, p. 114, 1816. ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 99 facilement accessible, c’est-à-dire au pourtour du gâteau pla- centaire, ou dans lintervalle des lobes placentaires, quand il y en à plusieurs. Elle passe en effet, alors, à la manière d’un pont, de l’un à l’autre. La conclusion de cet examen est que : les membranes amniotique, allantoïdienne, choriale, qui, chez les Ruminants et les Pachydermes ne présentent qu'un seul revêtement cellulaire, en présentent deux chez les Rongeurs : l’un externe, l’autre interne. L'existence de la cavité séreuse et des revêtements externes particuliers aux Rongeurs rompent en apparence les homo- logies entre l’œuf de ces animaux et celui des Ruminants. Il importe donc à l’'embryogénie comparée que ces particularités reçoivent une interprétation, qu'elles soient appréciées dans leur valeur morphologique. Or, la sigmification que nous avons donnée plus haut au tissu conjonctif muqueux des annexes nous permet de ramener au mème type ces deux.formes en appa- rence si différentes de la cavité vitelline des Rongeurs et des Ruminants. Il nous suffit d'imaginer, ce qui est d’ailleurs tout à fait conforme aux règles de l’histologie générale, que le tissu conjonctif qui, chez les Ruminants, relie les annexes de l’em- bryon, se condense davantage autour des organes contenus dans l'enveloppe vitelline, chez les Rongeurs, et que se raréfiant au centre, il se creuse d’une cavité séreuse, le cælome externe. 93° Membrane allantoïdienne ; stroma. Le revêtement cellulaire interne du sac allantoïdien est sup- porté par un stroma du tissu conjonctif lamellaire ou mem- braneux. On peut étudier cette couche membraniforme de deux ma- mères, en l’examinant de champ ou sur des coupes. Méthode d'examen. — Pour l’examiner de champ, on sépare la membrane des parties voisines, amnios, et chorion : on les colorera avec le picro-carminate d’ammoniaque, puis on léta- lera sur la plaque de verre, la face interne étant tournée vers le bas, la face externe regardant en haut. On pourra alors observer la préparation dans le glycécine avec un objectif à 36 A, DESTRE, plan local bien déterminé et juger ainsi de l’ordre de stratifica- tion des éléments constitutifs. En second lieu, prenant un lambeau de membrane adhérent au chorion, on le fera durcir par les procédés connus, après l'avoir bien tendu ; puis on en pratiquera des coupes. Ainsi préparée, l’allantoide montre trois plans d'éléments cellulaires séparés par deux plans au moins de fibres fines rapprochées les unes des autres et réunis par une substance unissante. Les trois plans cellulaires sont formés d'éléments différents. C’est d’abord le revêtement cellulaire interne ou endothélium, continu, à noyaux régulièrement espacés; il a été étudié précédemment. En second lieu, un plan de cellules aplaties, isolées les unes des autres, formant en conséquence un revêtement discontinu. Les noyaux de ces cellules sont ellip- tiques et entourés d’une zone granuleuse. Enfin, en dernier lieu, vers la face externe de la membrane, on rencontre un réseau de cellules étoilées à prolongements pro- toplasmiques en connexion avec les minces faisceaux du tissu conjonctif qui constituent le feuillet vasculaire de l’allantoïde. Quant aux deux plans de fibres, le premier, qui constitue le stroma proprement dit, estréparti à laface profonde entre les cel- lules endothéliales. Le second appartient àlaface externe : ilest mêlé aux cellules étoilées et sert à établir, comme nous l'avons vu, les rapports entre l’allantoide et les membranes voisines. Les coupes montrent ces éléments disposés dans l’ordre sui- vant de superposition : 1° Le revêtement épithélial interne au contact avec le liquide allantoïdien. 2 Le stroma de fibrilles conjonctives. 3° La couche de cellules plates. 4 Le tissu conjonctif de la face externe, fibres et réseau de cellules étoilées. 4° Cornes de l’allantoïde. Chez les Ruminants, l’allantoïde a, comme nous savons, la forme d’un sac qui va s’atténuant à ses deux extrémités. Ces ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 37 terminaisons eflilées en pointe se logent vers le sommet des cornes de l’utérus et portent le nom de cornes ou pôles de l’allantoïde. Elles setrouvent en rapport avec une masse de substance jaunâtre, adhésive, filante, d'aspect et de consistance muqueuse qui occupe le fond des cornes utérimes et obstrue l’'orifice des trompes. Si l’on examine l’œuf entouré de ses membranes, on constate un brusque changement d’aspect au niveau de ses extrémités. Le chorion, qui forme le revêtement extérieur de l'œuf, semble s'arrêter brusquement à quelque distance des extrémités suivant un ligne circulaire qui con- stitue une sorte d’étranglement ou de collet. Au delà de ce collet, la membrane allantoïdienne paraît être à nu; il est géné- ralement admis qu’à ce niveau le cul-de-sac allantoïdien « perce le chorion et vient se mettre en contact immédiat avec la mu- » queuse utérine (1) ». Cette opinion, généralement adoptée, n’est pas exacte. Elle s'appuie seulement sur une observation superficielle. Lorsqu'on examine, en effet, un fœtus du mouton ou de veau, dans la 4° ou la 5° période deson développement ou encore au delà, on voitle réseau vasculaire du chorions’arrêter brusque- ment au collet dont nous avons parlé. L’injection colorée pous- sée par une artère ombilicale montre que les vaisseaux éprouvent une réflexion véritable à ce niveau : ils forment des anses ana- stomotiques allongées suivant l’axe du sac allantoïdien. La mem- brane choriale présente une adhérence intime avec la mem- brane allantoide : par là se trouve constituée une sorte de gout- tière dans l’épaisseur de laquelle le tissu conjonctif interposé aux deux membranes devient fort abondant. Pour juger la question de savoir comment les membranes de l’œuf se comportent dans ces points extrèmes, il est néces- saire d'examiner des fœtus peu avancés dans leur développe- ment, pendant la seconde période de la gestation par exemple. À cette époque reculée de la vie embryonnaire, l’allantoïde et le chorion ne présentent ni soudure ni étranglement analogue (1) Colin, Traité de physiologie comparée, t. IT, p. 821. Paris, 1873. 38 A. DASTRE. au collet qu'on observera plus tard. Les deux membranes glis- sent lune sur l’autre et sont séparables dans toute leur éten- due. Le chorion est vasculaire jusqu’à son extrémité, et celle-ci, dans Île fond de la corne utérine, n’est encore recouverte que par une couche peu abondante de mucosités. On peut, en prenant pour sujets d'observation des fœtus d'âge successivement croissant, voir se former des adhérences de plus en plus intimes entre les portions terminales des deux membranes : dans les points où cet accolement s’accentue davantage le chorion se flétrit : on passe ainsi par gradations à la disposition définitive, sans jamais observer de déchirure de la membrane choriale livrant passage au prolongement allan- toïdien. L'examen histologique donne la clef du véritable mécanisme par lequel se produit la transformation des cornes allantoïdien- nes. Au niveau du collet, un tissu fibreux dense unit les deux membranes choriale et allantoïdienne de manière à rendre à peu près impossible leur séparation ; mais au delà de ce point rétréct, il est toujours possible et quelquefois facile, d'isoler deux couches distinctes, l’une profonde, non vasculaire qui est la continuation évidente du stroma allantoïdien, l'autre super- ficielle. Celle-ci contient des vaisseaux atrophiés, en partie oblitérés, renflés de distance en distance et contenant des glo- bules du sang mortifiés, mais encore très-reconnaissables ; les vaisseaux presque entièrement réduits à des cordons fibreux sont en rapport de continuité avec le réseau vasculaire qui s’épanouit en deçà du collet; mais il ne sont nullement per- méables, et l'injection ne dépasse jamais l’étranglement fibreux. La membrane qui les supporte et les relie est la membrane même du chorion; mais le tissu fibreux du collet, en étranglant les vaisseaux, à amené l'atrophie des éléments choriaux les plus délicats, c’est-à-dire des éléments cellulaires. On trouve en effet dans la matière muqueuse qui enveloppe la corne allantoïdienne, des éléments épithéliaux atrophiés identiques à ceux du chorion, des noyaux et des débris cellulaires. I y à donc une véritable mortification qui atteint toutes les parties à ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 39 la suite des vaisseaux; le revêtement interne de l’allantoïde n°y échappe pas plus que le revêtement externe du chorion : les cellules ont changé de caractère : elles sont devenues granuleu ses : souvent les noyaux font défaut et le ciment intercel- lulaire ne réduit plus le nitrate d'argent. Ces observations jugent la question de savoir si l’allantoide est susceptible de se montrer à nu hors de l’œuf et de venir directement au contact des organes maternels. Les choses ne se passent jamais de cette manière. Ce n’est point, selon l'opinion des auteurs, l’allantoïde qui, par un phénomène mécanique, ferait éclater l'extrémité du chorion et se dégagerait en faisant hernie hors de son ouverture. Il y a là un processus atrophique qui porte sur l’ensemble des deux membranes à partir d’une ligne circulaire déterminée. Ce processus est consécutif à l’obli- tération complète des vaisseaux qui se produit à ce niveau. Chez le Porc, les cornes allantoïdiennes présentent une dis- position et des particularités très-analogues et par conséquent inutiles à décrire de nouveau. Nous rappellerons seulement que leur situation sur le sac allantoïdien est susceptible d'éprouver quelques variations. Elles ne font pas toujours suite à la portion la plus rétrécie du sac; le plus souvent, elles sont disposées au voisinage de cette portion dans une direction inclinée par rap- port à l’axe de l'œuf. Autour du collet, le chorion est aminci, ses vaisseaux sont écartés, comme si le développement exubé- rant du sac allantoïdien avait distendu mécaniquement lenve- loppe qui le recouvre. Néanmoins il n’y a d’atrophie et de mor- tification qu’à partir d’un collet nettement limité. Nous avons déjà signalé plus haut l'existence assez fréquente d’un ou deux ilots supplémentaires également frappés d’atrophie et circon- serits par une ligne assez nette. La théorie qui avait cours jusqu'à présent attribuait à une origine mécanique un effet qui reconnait pour cause un pro- cessus nutritif particulier. Elle supposait que le maximum de l'effort exercé par l’allantoïde sur le chorion qui la contient a lieu vers les pôles de l'œuf. Gette explication doit être modifiée, comme nous l'avons dit. Elle était d’ailleurs en contradiction 40 A. DASTRE. avec d’autres faits qui montrent lPaccolement des deux mem- branes souvent moins intime aux extrémités de l’œuf que dans sa partie moyenne. Turner (1) a montré que chez les Gétacés (dont les annexes fœtales offrent les plus grandes analogies avec celles des Ruminants et des Pachydermes) la vésicule allantoïde persiste comme un sac élargi qui s'étend vers les deux pôles de l’œuf, mais sans en atteindre les extrémités. Nous-même nous avons observé un fœtus de mouton à la deuxième période du développement chez lequel la membrane allantoïde n’atteignait pas l'extrémité de la corne choriale, tan- dis que, sur tous les autres points elle était très-rapprochée de cette enveloppe externe de l'œuf et lui semblait intimement unie. 5° Pédicule de l’allantoïde. Dispositions générales. — La cavité de l’allantoïde se conti- nue, au moins pendant la plus grande partie de la vie intra- utérine, avec la cavité vésicale. La communication est établie par un canal dont la partie externe, évasée chez les Rumi- nants et les Pachydermes, constitue l’enfundibulum. Ge canal occupe la parte centrale du cordon ombihical; il est en rapport en avant avec le pédicule flétri de la vésicule ombilicale (con- duit vitello-intestimal) et sur les côtés avec les vaisseaux ombi- licaux et omphalo-mésentériques. Il est entouré par la gelée de Wharton. Son calibre diminue en approchant de la paroi abdominale où il offre son plus petit diamètre. Il se prolonge de l’autre côté de cette paroi pour attemdre le sommet de la vessie dans laquelle 1! débouche par une ouverture à peu près aussiétroite qu'au niveau de l’ombilic. Entre ces deux points rétrécis, 1l offre un léger renflement et porte le nom d’ouraque (urachus). Le pédicule de lallantoïde comprend ces deux parties, l’ouraque et l’infundibulum. Dans son trajet intra-abdominal, le pédicule est cotoyé de chaque côté par les artères ombilicales : les veines, comme on le sait, remontent (1) Turner, De la placentation des Cétacés comparée à celle des autres Mam- mifères (Journal de zoologie de Gervais, t. I). ATTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. #1 immédiatement vers le foie, dès qu'elles ont franchi l’orifice ombilical, sans affecter de rapports avec l’ouraque. Portion externe : Infundibulum. — Des deux portions du pédicule, lexterne ou infundibulum présente les mêmes rapports et la même structure que le sac allantoïdien. Un seul point nous semble mériter mention. L’infundibulum est entouré d’un lacis vasculaire très-fin et serré qui l'accompagne dans toute l'étendue du cordon ombilical. La présence de ce réseau vasculaire est d'autant plus intéressante à noter que partout ailleurs lallantoïde ne possède pas de capillaires, les vaisseaux ombilicaux se terminant presque exclusivement dans le chorion, sauf les branches qui, chez les Ruminants, se rami- fient dans lamnios. Chez un Veau arrivé à la dernière période de la gestation, le réseau était extrèmement développé; il remontait jusqu'au point de réflexion de l’amnios; mais il était facile de constater, en séparant cette dernière membrane, qu'il ne lui était point destiné et qu'il épuisait ses ramifications dans les organes du cordon ombilcal. Une autre raison nous engage à signaler cette disposition. C’est l’opinion exprimée par Kôlliker (1), à propos du cordon ombilical dans l'espèce humaine : «En dehors des gros troncs vasculaires, qui possèdent, » d’après une remarque que J'ai faite depuis longtemps, une » couche musculaire exceptionnellement développée, le cordon » ombilical ne possède pas de vaisseaux propres et spécialement » aucun capillaire; ceci prouve que, dans des circonstances » particulières, les gros vaisseaux sont eux aussi capables de » fournir les matériaux nécessaires à la nutrition et à l’accrois- » sement des parties. Parmi ces circonstances, il faut com- » prendre la mollesse et la perméabilité toutes particulières de » la paroi des vaisseaux ombilicaux. » On voit, d’après cela, que les embryons des Ruminants et des Pachydermes offrent, au point de vue de la vaseularité du cordon, une différence avec l'embryon humain. (1) Kôlliker, Entwickelungsgeschichte des Menschen und der hôheren Thiere, p. 192. Leipzig, 1861. 49 A. DASTRE. Ouraque. — L'ouraque est un conduit musculo-membra- neux qui se continue avec la vessie sans changement essentiel de structure. | Si l’on observe des fœtus de Mouton au commencement de la cinquième période de la gestation, c’est-à-dire vers le nulieu de la vie embryonnaire (âge dix semaines, longeur 42 centi- mètres), on voit l’ouraque présenter très-nettement la constitu- tion histologique de la vessie ; à la surface imterne un revête- ment épithélial à plusieurs couches : au-dessous une lame conjonctive entourée elle-même d’une couche musculeuse formée de fibres-cellules disposées circulairement; au point d'insertion de l’ouraque sur la vessie, cette couche musculeuse se continue avec celle de l’organe. Notons enfin qu'aux deux points rétrécis, c’est-à-dire au niveau de l’ombilie, et au sommet de la vessie il n’existe pas de valvules. Continuité de l’allantoide avec l’ouraque et la vessie. — À l’époque du développement que nous examinons, c’est-à-dire à la période moyenne de la vie intra-utérine, la plupart des tissus embryonnaires sont nettement différenciés et présentent les caractères principaux des tissus définitifs. D'autre part, les annexes fœtales sont en plein épanouissement. Le moment est donc favorable pour saisir les rapports de lembryon et des annexes. En particulier, on peut se demander comment s’éta- blit la continuité de l’allantoïde avec la vessie urinaire. Le stroma allantoïdien, sans changer de constitution, s’épais- sit pour passer sur l’infundibulum et l’ouraque. À cette lame conjonctive se surajoutent au niveau de l’ombilic des fibres musculaires disposées annulairement : ce revêtement se com- plète par l’adjonction de nouvelles couches, en arrivant à la vessie. Mais dans l'étude des rapports qu’affectent ces organes qui se font suite, P’allantoide, la vessie, le point le plus intéressant est relatif à la continuité des revêtements épithéliaux de la face interne. Dans un important travail sur les revêtements muqueux, ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÉRES. 43 Debove (1) a signalé au-dessous de lépithélium des membranes muqueuses en général et notamment de la muqueuse vésicale, un endothélium immédiatement sous-jacentformant une couche continue. Nous nous sommes demandé si cet endothélium vésical ne serait pas la continuation et le vestige de l’endothé- lum allantoidien. Nous avons employé les méthodes recom- mandées par l’auteur pour mettre en évidence la superposi- tion des couches cellulaires. Chez un embryon de Mouton, le pédicule de lallantoïde et la vessie qui lui fait suite sont disséqués, séparés des parties voi- simes, ouverts el étalés sur une plaque de liége. On opère une première imprégnation d'argent en employant les précautions convenables. L’argentation décèle la présence sur le pédicule et sur la vessie d’une couche continue d’endothélium présen- tant très-sensiblement les mêmes caractères qu’à la surface interne de l’allantoïde. Seulement, les grandes lignes du réseau argentique ne sont pas les seules qui sillonnent le champ du microscope ; de distance en distance on voit des groupes de figures semblables et beaucoup plus petites, comblant l’espace correspondant à une grande cellule qui fait défaut. Si l’on soumet la membrane vésicale à une deuxième impré- gnation et qu'on l’examine de nouveau après lavage à l’eau distillée, on voit le réseau des. petites cellules s'étendre d’un ilot à l’autre et devenir continu; le réseau des grandes cellules a disparu par places. Ces résultats démontrent que la couche des grandes cellules plates est superficielle, tandis que la couche des petites cellules est plus profonde. Si l’on examine la préparation avec un objectif fort, à grand angle d’ouver- ture, on peut se convaincre qu'il en est véritablement ainsi et que la couche endothéliale est superficielle. Il nous a été impossible d’imprégner Jamais au-dessous de l’épithélium à petites cellules aucun autre épithélium distinct. Nous avons multiplié les imprégnations, en regardant chaque (1) Debove, Mémoire sur la couche endotheliale sous-épithéliale des mem- branes muqueuses (Travaux du laboratoire d'histologie du Collège de France, 1874, p. 15). 4% A. DASTRE. fois la préparation par transparence et nous avons été assez loin pour déceler l’épithélium des vaisseaux superficiels de la muqueuse, sans parvenir à rencontrer un second endothélium sous-jacent cette fois aux strates formées par la couche des petites cellules. Ces observations nous permettent de conclure que : le revé- tement cellulaire endothélial de l’allantoide se continue avec une couche endothéliale située à la surface de la vessie et preé- sentunt les mêmes caractères de forme, de dimensions et d'ar- rangement des cellules. Au-dessous de ce revètement continu s'étend lépithélium ordinaire stratifié. L'existence de cet endothélium allantoïdien superposé à l’épi- thélium de la muqueuse offre un véritable intérêt. La nature endothélale du revêtement allantoïdien à été éta- blie précédemment sur trop de preuves pour que l’on puisse con- server des doutes à cet égard. D'autre part, nous venons de voir que pendant la vie intra-utérine ce revêtement endothéhal de grandes cellules plates se continue et se prolonge sur la surface de la vessie sans offrir de changement. Il semble done que la communication de la muqueuse vésicale et de la séreuse allan- toïdienne, au lieu de se faire par continuité, se fasse par super- position. Après la naissance, cette couche persiste sans modifi- cation de forme n1 de position, comme un vestige du revêtement allantoïdien primitif. Quelque interprétation que l’on veuille donner à ces faits, et lors même que lon admettrait pour les épithéliums le métamorphisme le plus étendu, on ne peut mer qu'ils ne servent à éclairer les connexions origmelles des deux viscères, Intestin et vessie. Cet endothélium sus-jacent à la muqueuse de la vessie, nous l’opposons à l’endothélium décrit par Debove dans les voies respiratoires et dans le tube digestif, celui-ci étant sous-Jacent au revêtement muqueux. Il y a là, tout au mois, une distimc- on morphologique entre les muqueuses vésicale et intestinale, qui, à un moment de la vie intra-utérine, ont pourtant commu- niqué hbrement l’une avec l’autre. ARTICLE N°-4, ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 45 V. — LIQUIDE DE L'ALLANTOÏDE. Historique. — La vésicule allantoïde contient un liquide dont l’étude a préoccupé un grand nombre de chimustes et de physiologistes. Mais cette étude n’a point été dirigée d’une ma- nière méthodique ; les auteurs ont seulement signalé quelques points particuliers de son histoire. La première analyse que l’on possède des liquides fœtaux est due à Vauquelin et Buniva (1). Les recherches de ces chi- mistes ont porté sur un mélange des eaux de l’allantoide et de l’amnios et non pas sur un liquide déterminé et isolé avec som. Ïls découvrirent, en opérant sur un tel mélange fourmi par un fœtus de vache, la substance que l’on appelle l’allantoine et qu'eux-mêrmes désignèrent sous le nom d'acide amniolique, parce qu’ils croyaient opérer sur du liquide amniotique pur. Un peu plus tard, en 1817, Dulong et Labillardière (2) eurent l’occasion d’analvser le liquide allantoïdien, cette fois bien isolé, provenant d’un fœtus de vache au septième mois de la gestation. L'examen chimique entrepris en dehors de toute vue per- sonnelle de la part de Dulong et de son préparateur, et sur une sollicitation étrangère, ne devait pas fournir de résultats bien nouveaux. Les auteurs de l’analyse trouvent les substances suivantes : Urée, Huile colorante, Benzoate de soude, Carbonates terreux et alcalins, Chlorure de sodium, Sulfate de soude. Ils ne signalent pas la présence de l'acide ammiotique (allan- toine). (4) Buniva et Vauquelin, Mémoire sur l'eau de l'amnios de Femme et de Vache (Ann. de chim., 1799, t. XIII, p. 269). () Dulong et Labillardière, Des fluides contenus dans les membranes qui servent d’enveloppes au fœtus (Journ. gen. de méd., 1817, t. LAIII). ANN. SC. NAT., MARS 1876. IT. 9. — ART. N° 4. 46 A. DASTRE. Bientôt après (1821), Lassaigne (1) reprenait la question et cette fois en y apportant le soin et l'esprit de critique nécessaires. Il signalait dans lallantoïde de la vache de lalbumimne, de l’osmazome (?), du mucus, du lactate de soude, du chlorhy- drate d’ammoniaque, du chlorure de sodium, du sulfate de soude, des phosphates de soude, de chaux et de magnésie. Enfin, et c’est là le point qui nous intéresse spécialement, Lassaigne retrouve la substance particulière découverte par Vauquelin et Buniva : il constate qu’elle fait défaut dans l’eau de l’amnios et lui impose en conséquence le nom d'acide allan- toique. À partir de ce moment, l'acide allantoique est considéré comme une substance caractéristique du liquide allantoïdien. Son appellatation seule est changée; Wôhler et Liebig substi- tuent au nom d'acide allantoïque celui d'allantoine qui a été conservé. Un second élément du liquide allantoïdien mériteunemention particulière. C’est le sucre de glycose qui mtervient dans sa composition pour une part notable. La présence de la glycose a été signalée en 1850 par CL. Bernard (2) et retrouvée par tous les observateurs qui ont suivi, Stas, Schlossherger, Ma- jewski (3). On doit à ce dermer observateur l'étude la plus complète et la mieux coordonnée qui ait été faite des liquides foœtaux, sans toutefois que son travail signale quelque fait ab- solument nouveau. En résumé, le liquide allantoïdien contient des substances salines parmi lesquelles le chlorure de sodium est en proportions notables. Les substances salines n’offrent pas actuellement un intérêt physiologique bien vif. Ce sont les mêmes, aux propor- tions près, que l’on rencontre dans tous les liquides organiques, (4) Lassaigne, Nouvelles recherches sur la composition des eaux dé l'allan- ioïde et de l’amnios de la Vache (Ann. de phys. et de chim., 1821, t: XVII, p. 295). (2) C1. Bernard, Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1850, t: XXXÏ, p. 699. (3) Majewski, Dissertatio Inauguralis. Dorpat, 1858; (Jaurn. prat. chem., LAVE p-100) ARTICLE N° 4, ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 47 Au contraire, en dehors des matières minérales, il y a quatre corps dont la présence dans le liquide allantoïdien peut fournir des renseignements précieux sur les mécanismes de la vie fœtale. Ce sont l’albumine, le sucre, l’urée et ses dérivés, l’al- lantoïne. Nous les examinerons en indiquant les quelques renseigne- ments que nous ont fournis nos recherches. Liquide allantoidien : quantité. — La quantité du liquide contenu dans la vésicule allantoïde est variable. Cette variation dépend de diverses circonstances parmi lesquelles l’âge du fœtus est l’une des plus importantes. On peut avancer, d’une ma- nière générale, que la quantité absolue de ce liquide va en aug- mentant pendant toute la durée de la vie fœtale chez les Rumi- nants. Quant à la manière dont varient les proportions de ce liquide par rapport au poids du fœtus, on peut distinguer trois pé- riodes : Dans une première période, qui, chez le Mouton, se termine vers la sixième semaine du développement, la quantité du liquide allantoïdien est considérable, relativement au poids du fœtus (proportion >> 10/1). Ex. : Fætus. Longueur, 2°,7. Poids, 3 grammes. Liquide allantoïdien, 60 gramm. Âge, environ 39 JOUrs. Dans une seconde période, qui se termine vers la fin du qua- trième mois, la proportion du liquide allantoïdien s’abaisse graduellement (de 8/1 à 4/1) (nombres de Colin). Enfin, dans la troisième période qui comprend le dernier mois de la gesta- tion, le poids du fœtus est supérieur au poids du liquide allan- toidien. Ces nombres n’ont rien d’absolu; ils conviennent seulement à représenter le sens général des variations. Coloration. — Pendant les premiers temps de la gestation, le liquide est incolore et transparent. Il prend ensuite et succes- sivement une temte ambrée, puis jaune qui se fonce de plus 48 A. DASTRE. en plus, au moins chez les Ruminants. En même temps, la liqueur se trouble légèrement : des granulations diverses, des globules blancs, des débris cellulaires y flottent librement; ces matières se précipitent sous l'influence d’un repos pro- longé. Réaction. — La réacüon est toujours alcalme. Densité. — La densité varie. Chez le Mouton nous l'avons trouvée de 4,010 vers le milieu de la vie embryonnaire, de 4,020 vers la dix-septième semame, c’est-à-dire vers la fin de la gestation. | Propriété émulsive. — Nous avons reconnu au liquide allan- toïdien une propriété remarquable qui pourrait présenter une signification physiologique de quelque importance. Le liquide allantoïdien jouit à un haut degré de la propriété d'émulsionner les graisses. Son pouvoir émulsif est comparable à celui du suc pancreatique artificiel. Il faut, pour constater cette propriété, prendre un fœtus de Mouton à la période moyenne de son développement. Une petite portion du liquide est muse dans le fond d’un tube de verre : on verse de l'huile qui surnage sans se mêler à la couche du fond. On porte le tout à la température de 40 degrés, voisine de celle de l’organisme, pendant quelques instants. On agite. Le mé- lange se prend en une masse tellement consistanteque l’on peut retourner le tube sans que le contenu s'écoule. L’émulsion est persistante. Si l’on répète comparativement l’épreuve avec le liquide am- motique, on n observe rien de pareil. L’émulsion n’est n1 con- sistante, ni persistante. On peut se demander à quelle circonstance le liquide allan- toïdien doit cette propriété. On opère sur un liquide filtré, par conséquent dépourvu de la plus grande partie du mucus qu'il pourrait contenir, d’ailleurs, la présence même de la mucine est très-contestable. On neutralise la liqueur qui était alcaline avec quelques gouttes d'acide acétique ou chlorhydrique. On étend le liquide avec une petite quantité d’eau, de manière à abaisser sa densité. La faculté émulsive subsiste après ces ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 49 épreuves et ne doit conséquemment pas être attribuée au mu- eus, ni à l’alcalinité. Mais si l’on vient à chauffer pendant quelques minutes le tube à la température de 80 à 90 degrés : la propriété émulsive a disparu. Cette épreuve nous avait amené à conclure que la pro- priété en question était attachée à l’existence d’une substance albuminoïde, coagulable par la chaleur, à la façon des fer- ments solubles. Nous avons cherché à isoler ce ferment sup- posé, par la méthode de Wittich, mais sans y réussir. Le fait subsiste donc, sans toutefois qu'on puisse le rattacher à la théorie des ferments digestifs autrement que par le frêle lien de l’hypothèse. Quoi qu’il en soit, on observe que le pouvoir émulsif va en dimmuant à mesure que le développement avance et qu’il disparaît du liquide allantoïdien lorsqu'il apparaît dans le pancréas. On pourrait être tenté d'interpréter cette corrélation autre- ment que comme une simple coïncidence, et d'y voir une sub- stitution de fonctions. Nous croyons qu'il y aurait quelque imprudence à conclure ainsi. Deux raisons nous retiennent. La première, c’est que nous n’avons pas réussi à isoler le ferment; la seconde, c’est que l’émulsion des matières grasses ne s’ac- compagnant point ici de la saponification de ces substances, on pourrait la rapporter à l’action physique des substances albu- minoides mélangées au liquide. En conséquence, la faculté émulsive nous apparaîtra jusqu’à nouvel ordre comme une par- ticularité de l’histoire physique et non de l’histoire physiolo- gique du liquide allantoïdien. Composition chimique : 1° Albumine. — Depuis le premier moment jusqu’à la fin de l’incubation, chez tous les animaux sur lesquels ont porté nos expériences, nous avons trouvé de Valbumine dans le liquide allantoïdien : l’ébullition amène une coagulation plus ou moins abondante. Ce fait n’a rien de nouveau : nous avons vu que Lassaigne le signalait dès 1821; sa signification sera appréciée tout à l'heure. En revanche, et c’est le point sur lequel nous appelons l'at- 50 A. DASTRE. tention, le liquide amniotique ne renferme point d’albumine. Si l’on a ouvert l’utérus avec précaution, sans le soumettre à des pressions exagérées, si l’on opère sur des animaux tout récem- ment sacrifiés, et qu'on retire le liquide amniotique par aspira- tion, on constate qu'il ne fournit pas de coagulum sous l’action de la chaleur aidée des acides. Lorsqu'on s’écarte un peu de ces conditions, que lon s'expose par conséquent à détruire le revêtement épithélial de l’amnios, alors on observe un trouble extrèmement léger, mais jamais de coagulum. Nous tenons donc pour certain le résultat suivant : Leliquide allantoïdien renferme toujours de l’albumine, le liquide amnio- tique n’en renferme pas durant les premiers âges du dévelop- pement ; à peine en offre-t-1l des traces à la fin de là gestation. Le fait est très-facile à vérifier chez les Ruminants. Aussi sommes-nous surpris de trouver des assertions contraires chez le plus grand nombre des auteurs, et de voir Majewski en parti- culier doser l’alburnine dans le hiquide ammiotique du Mouton et ne point la signaler dans le liquide allantoidien ! La valeur de ce résultat n’échappera pas au lecteur qui vou- dra se souvenir que la présence de l’albumine est caractéris- tique de toutes les sérosités véritables (1). Les cellules endo- théliales des séreuses jouissent de cette propriété refusée aux cellules épithéliales de laisser transsuder le sérum sanguin. On trouve donc dans les cavités séreuses la sérine et les phosphates. Ce sont précisément les deux ordres de substances que nous rencontrons dans le sac allantoïdien et qui font défaut ou n'existent qu'à l’état de traces dans le sac amniotique des Ruminants. 2° Allantoine (GH°Az'0$). — L’allantoine est-elle un prin- cipe caractéristique du liquide allantoïdien ? Cette substance a été découverte, comme nous l’avons vu, dans le liquide allantoïdien du Veau. On ne l’a signalée depuis chez aucun autre animal. Lassaigne insiste Spécialement sur son absence chez la Jument. Chez le Mouton, en employant la (4) La seule exception est présentée par le liquide cérébro-spimal. ARTICLE N° 4, ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 91 méthode connue, qui consiste à profiter de la faible solubilité dans l’eau froide (+) de la sibétsve que l’on cherche, à la faire cristalliser, après décoloration, dans de l’eau légère- ment acidulée, nous ne sommes pas arrivé à rencontrer ses cristaux prismatiques caractéristiques. Ge résultat négatif aurait peut-être besoin d'être répété, en opérant sur dé plus grandes quantités de liquides que celles que nous réservions à ces re- cherches. S'il ne nous est pas permis de conclure en toute rigueur qu'il n'ya point d’allantoïne dans le liquide allantoïdien des Moutons, au moins pouvons-nous affirmer qu'il n'y en a que des quantités extrêmement faibles. L'existence de lallantoïne n'offre donc pas le caractère de énéralité que l’on pouvait attendre : c’est un produit spécial. . Cette substance est purément excrémentitieile. Elle appar- tient au groupe de l’urée. Elle parait être, suivant Pelouze (1), «une espèce particulière de sel dans lequel l’urée préexisterait »toute formée, et dont elle se séparerait facilement, sous la » condition de fournir à la matière à laquelle elle se trouve » unie les éléments d’une certainé quantité d’eau ». Liebig Pa considérée comme un urate durée plus de l’eau. Cette manière d'exprimer sa composition qui offre peut-être des inconvénients aux yeux des chimistes, à l'avantage de représenter au physiolo- giste sa genèse organique par une oxydalion dés matières albu- minoides moins avancée que celle qui produit l’ürée Quoi qu'il en soit, Wôhler (2) a trouvé (en pan nt de cétte idée inexacte que le liquide allantoïdien est l’ürime du foet œtus) ce fait important, au point de vue physiologique, que cv ne du jeune veau, après la naissance et tant que dure le Ts ation lactée, était riche en allantoïine : elle en contient plusieurs drarnmes par litre. 3° Urée.— Tous les auteurs ont signalé là présence de lurte à la fois dans le liquide allantoïdien et dañs le liquide amnio- tique : Dulong et Labillardière en 1817; Rées en 1859; Wôhler en 1845 ; J. Regnauld en 1850; Schlosshétéet en 185 1; Mi (1) Pelouze, Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1849, t. XV, p. 479. (2) Wôhler, Ann. der Cliem. und Pharim., 1849, t. LXX, p. 229. g 5) A. DASTRE. jewsky, enfin, ont démontré son existence, ou même tenté son dosage. On constate, lorsqu'on reprend par l'alcool les résidus de l’évaporation de ces liquides, que les cristaux de chlorure de sodium, au lieu de cristalliser en cubes ou en trémies, affectent la forme octaédrique, ce qui est une présomption pour l’exis- tence de l’urée. Les procédés connus, eristallisation du nitrate, de l’oxalate d’urée, transforment facilement cette présomption en certitude. Nous nous sommes assuré que l’urée existait en très-faibles proportions, et que l’on peut accepter les nombres donnés par Majewsky, et qui fixent la quantité d’urée, chez des fœtus jeunes (Mouton et Veau), de 2 à 6 pour 1000 : l'excès est en faveur du liquide allantoïdien. Nous n’avons pas trouvé d'acide urique en appliquant la réaction de la murexide non plus qu’en essayant la préparation directe. Interprétation des résultats précédents. — Les résultats pré- cédents doivent être interprétés au point de vue du rôle et de la fonction de l’allantoïde. On a soutenu autrefois que lallantoide (Harnsack) était le réservoir de l'urine du fœtus. Bischoff et les auteurs de cette période n’eurent point de peine à démontrer l’exagération dont était empreinte une telle opinion. Il suffisait de mettre en regard du faible développement des corps de Wolff et de la petite quantité de leur sécrétion, en admettant qu'il s’en fasse une, la quantité considérable du liquide allantoïdien. Bischoff (1) reconnait donc que le liquide allantoïdien a une autre source que les organes urinaires du fœtus : c’est, pour lui, un produit de la mère. Il admet que la présence de la petite quantité d'urine fœtale qui s’y trouve est un phénomène plutôt accidentel qu’essentiel, et qui ne rend nullement compte de la destination réelle de la vésicule. On peut dire que cette opinion de Bischoff est celle qui a : cours universellement ; nous devons l’examiner à la lumière des faits précédents. Est-il vrai que l'urine pénètre réellement de la cavité de la (1) Bischoff, Traité du développement, etc., p. 501. ARTI ce 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. D vessie dans le sac allantoïdien? On à répondu affirmativement à cette question en s'appuyant sur deux ordres de preuves : d'abord la communication entre lallantoïde et la vessie à travers l’ouraque, communication qui reste hbre jusqu'aux derniers temps de la vie fœtale; en second lieu, l'existence dans le liquide allantoïdien des produits exerémentitiels : urée chez le Mouton, allantoine chez le Veau. Mais on sait que toutes les sérosités renferment de l’urée, et quelques-unes en proportion comparable à celle que l’on trouve dans le liquide allantoïdien. Il y en à dans le sang, la lymphe, les humeurs aqueuse et vitrée, dans le liquide cérébro-spinal. Jl n’y a donc rien d'étonnant à ce qu'une des principales cavités séreuses, l’allantoide, en renferme une quantité susceptible d’être dosée. D'ailleurs il serait difficile d'imaginer qu’à la emquième semaine de la vie fœtale les corps de Wolff du Mouton aient déjà fonctionné assez énergiquement pour produire les =, soit 30 centigrammes, que Majewsky a trouvés à cette époque. Ainsi, la petite quantité de produits excrémentitiels trouvés dans Pailan- toïde n’a pas nécessairement son origine dans les organes uri- naires du fœtus. La communication à travers l’ouraque n’est peut-être pas, d’ailleurs, aussi facile qu’on serait tenté de le croire : la torsion du cordon ombilical lui crée un obstacle sérieux. Un fait que nous avons observé viendrait à l'appui de cette manière de voir. Un fœtus de Mouton, à la treizième se- maine environ (long. 30°,5, poids 1100 gr.), nous a fourni plus d’un demi-centimètre cube (0,55) de liquide urmaire. Ge liquide ne renfermait point d’albumine, tandis que le liquide allantoïdien en contenait notablement. À moins d'imaginer une disposition mécanique qui permettrait le passage de la vessie dans l’allantoïde et empêcherait la communication dans le sens inverse, on est obligé d'admettre que, dans le cas actuel, les liquides urinaire et allantoïdien n'étaient pas mélangés. Et cependant l’ouraque était perméable à l'injection arüficielle, après déroulement du cordon, et l'examen anatomique ne mon- trait ni valvule, ni repli susceptible de déterminer le sens des communications entre les deux cavités. [=D]. 0 LL A. DASTRE. En résumé, on doit considérer comme mal étayée la théorie qui veut faire de l’allantoïde le réservoir accidentel de la sécré- tion des corps de Wolff ou des reins. Exvcrétion urique chez le fœtus. — Mais une seconde question plus générale domine celle du rôle excrémentitiel de l’allan- toïde. V a-t-ùl une excrétion durée chez le fœtus? Quel en est l’organe, si elle existe? Les physiologisies commencent à peine à pénétrer les mys- tères de la nutrition chez l'animal adulte : la nutrition du fœtus, de l’être en voie de formation est entourée d’une obscurité pro- fonde. Aussi peut-on faire provisoirement les deux suppositions contraires : qu'il y à où qu'il n’y a point une éxcrétion urique chez le fœtus. Nous devons examiner à ces deux points de vüe les conséquences des faits précédemment exposés. 4° Dans le premier cas, qui est peut-être le plus probable, l'organe excréteur doit être le chorion et spécialement le pla- centa. Chez l’être développé l’excrétion urinaire a pour rôle de dé- barrasser l'organisme de l’urée et des produits analogues : acides urique, hippurique, allantoïne, etc., qui dérivent d’une oxyda- tion plus ou moins complète des matériaux azotés de lorga- nisme. La raison de l’excrétion urinaire réside, par conséquent, dans le phénomène nutritif qui leur donne naissañce, dans la combustion désassimilatrice des tissus. Le problème revient donc à savoir si cette combustion est un phénomène de la vie adulte seulement, ou s’il appartient à la vie fœtale. CI. Bernard (1) à posé la question et l’a discutée avec uñe orande ampleur de vues. Dans la nutrition il distingue deux ordres de phénomènes : les phénomènes de destruction orga- nique, qui correspondent au fonctionnement des organes; les phénomènes de préparation ou d'élaboration organique. Ces phénomènes fonctionnels et nutritifs constituent les deux phases du travail physiologique. Les phénomènes fonctionnels, qui ont pour conséquence (1) Cl. Bernard, Lecons orales du Muséum, 1875; Considérations sur le rapport des phénomenes fonctionnels et nutritifs. ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 99 lusure où la destruction des parties, ont pour mécanisme ordi- naire la combustion, l’oxydation de leur substance. On pourrait ranger parmi eux les phénomènes qui donnent naissance à l’urée et aux produits excrémentitiels urinaires. Or, en l’absence de toute donnée expérimentale contraire, il est permis de regarder les phénomènes fonctionnels (ou d’oxy- dation) comme à peu près nuls, chez le fœtus. La vie fœtale, dans ses premières périodes au moins, ne comprend qu'une face de la nutrition : elle n’est composée que des phénomènes nutritifs. C'est une élaboration silenciense et cachée qui pré- pare les matériaux qui devront être ultérieurement oxydés et dépensés dans les mamifestations fonctionnelles et saisissables de l’activité vitale. S'il en est ainsi, la production d’urée et des substances simi- laires doit être très-peu considérable chez le fœtus. On peut croire que les quatre ou six millièmes que l’on a trouvés dans le liquide allantoïdien représentent bien tout ce qui s’en forme pendant les premiers temps de la vie fœtale. Il n’est pas besoin d’un organe d'élimination : les matières excrémentitielles vont, par transsudation, se rassembler dans les grandes collections liquides des annexes. Si, au contraire, l'hypothèse est inexacte, la conséquence n’est pas moins intéressante. S'il est mexact que les combustions géné- ratrices de l’urée caractérisent les seuls phénomènes qui n'aient point lieu chez le fœtus, c’est-à-dire les phénomènes fonction- nels, alors on ne comprendrait pas que la quantité en füt si petite. Si l’urée et ses analogues se produisent dans les phéno- mènes d’accroissement et d'entretien nutritif si actifs chez Pem- bryon, il n’est pas admissible qu’un tel travail, prolongé pendant toute la vie fœtale, aboutisse à la formation de quelques centi- grammes, ou même de quelques grammes de substance, Il faut, dans ce cas, que les matières uriques qui ne se retrouvent point dans le fœtus soient reprises par la mère. Le chorion et le placenta sont des organes urinaires. Nous avons entrepris des recherches pour soumettre lune et autre hypothèse à l'épreuve expérimentale et pour décider 56 A. DASTRE. entre elles. Ces expériences, dont les occasions sont rares et les difficultés nombreuses, consistent à analyser comparativement chez les Mammifères le sang de la veine et de l'artère utérine, celui de l'artère et de la veine ombilicale au double point de vue des gaz du sang et des matières excrémentitielles. Lorsqu'on cherche dans les auteurs les faits relatifs à ces questions, on n’en trouve aucun qui y soit directement appli- cable. En rapportant la production durée à 4 kilogr. du corps on voit qu'en remontant vers la vie fœtale cette production va continuellement en augmentant. Pour la période de vingt-quatre heures, on trouve dans l'espèce humaine : ACTE A AL RE SCENE SARA ES Re TS À Osr,5 Adolescent HSM ANS) er CE EE CCC CCE CPE O7",6 Entanti(été AHVans) FERA APEC Er PA Nr EREE Osr,8 DES EN CNE) PERS SR 0I0e oo ob à à 0 da do do. 0 00 de 17. (1) Mais les mdications s'arrêtent là et ne nous conduisent pas jusqu'à la vie fœtale. La progression va-t-elle en continuant? Il semble qu'il n’en soit rien, car d’après Robin et Verdeil (1) l'urine des enfants en bas âge ne contient pas sensiblement d’urée. Les expériences que nous avons entreprises nous paraissent seules en état de lever les doutes et de trancher la question de la sécrétion urinaire chez le fœtus. 4 Du sucre dans le liquide allantoidien. — CI. Bernard a démontré que le sucre de glycose, élément indispensable à l'existence de ladulte, remplissait un rôle essentiel dans le développement fœtal. On peut dire, sans exagération, que l'embryon vit dans une solution de sucre. Le liquide allan- toïdien, le liquide amniotique, en sont chargés. Cl. Bernard a également signalé son existence dans le liquide qui distend le sac urinaire : divers observateurs l’ont retrouvé dans le contenu de l’estomac. (1) Uhle, Wiener medic. Wochenschr., 1859. (2) Robin et Verdeil, Traité de chimie anatomique et physiologique, 1853, t. IE, p. 500. ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 97 Nous nous sommes proposé de suivre ses variations aux dif- férents âges dans le liquide allantoïdien et de les comparer aux variations du liquide amniotique. Nous avons employé la mé- thode de dosage indiquée par M. CI. Bernard (1). On se débar- rasse des matières albuminoïdes au moyen du sulfate de soude, et l’on fait usage de la liqueur titrée de Peligot. Nous avons opéré uniquement sur des fœtus de Mouton placés autant que possible dans des conditions comparables. La méthode d'analyse ne serait pas applicable sans modification au fœtus de Veau : en effet, au contact des liqueurs alcalines bouillantes l’allantoine fournit de l’acide oxalique et de l’ammoniaque. Cette dernière substance masque la réaction cuprique. Le tableau suivant rend compte de nos expériences. Nous y joignons les quelques rares déterminations de ce genre que nous ayons rencontrées dans les auteurs : Quantités de sucre du liquide allantoïdien et du liquide amniotique aux différentes époques de la gestation (Mouton). FŒTUS DE MOUTON. LIQUIDE ALLANTOIDIEN LIQUIDE AMNIOTIQUE Age. Longueur. Poids. glycose pour 1000. glycose pour 1000. 4° semaine. 255 297 2,6 il 9° semaine. » » 2,4 0,6 (Majewsky) 6° semaine. 6°,9 165" 2,6 M 1° semaine. » » 4,4 1 (Majewsky) 8° semaine. . 411°,5 719" » 1 9 semaine. 14° 110" 2,8 0,7 40° semaine. 16° 1783" 2,0 0,6 11e semaine. 205,5 32097 2,8 153 12 semaine. 27 7919 3 1 13° semaine. 28 10405 dd 2,0 442 semaine. 30,5 11009 ol JC) 17e semaine. 31 20109 2,9 3 (”*) () Urine recueillie, 0,55 de sucre ; pas d’albumine. (‘*) Densité du liquide allantoïdien, 1,02; densité {du liquide ammiotique, 1,01. — Dans l’estomac on trouve 75 grammes de liquide contenant 1 pour 1000 de glucose. Ce tableau montre que.la teneur du liquide allantoïdien en sucre varie peu dans le cours de la gestation. Nous voyons, au (1) CI. Bernard, Revue scientifique, 1874, n° 19. 08 A. DASTRE. contraire, la proportion de sucre augmenter d’une manière con- ünue dans le liquide ammiotique, si bien que vers la fin du quatrième mois elle est le triple de ce qu'elle était à la fin du premier. La fixité de composition du liquide allantoïidien vient à l'appui de notre opinion que ce liquide est une sérosité, et que l'accumulation de la sécrétion urinaire ne joue qu'un rôle à peu près nul dans sa constitution. VI, — SIGNIFICATION GÉNÉRALE DE L'ALLANTOÏDE. Les faits exposés dans cette étude forment les éléments d’une monographie de lallantoïde. Les conelusions partielles qu'ils comportent ont été exposées chemin faisant. Permettent-ils une conclusion générale, c’est-à-dire une con- ception complète de l’allantoïde, de sa signification, de son ori- gine, de son rôle? L'observateur doit toujours craindre, en répondant trop affir- mativement à des questions si controversées, de compromettre l'exactitude des faits par l'incertitude des interprétations. Nous obéissons, cette réserve mdiquée, à la nécessité scientifique qui oblige à synthétiser les résultats de détail dans une vue d’en- semble. 4° Signification. — L'allantoïde est une séreuse. Sa structure, les qualités de son contenu, ses connexions le démontrent. u Sa structure est celle des séreuses. x Son revêtement pré- sente les caractères morphologiques et chimiques des endothé- liums. Il est formé d’une couche unique d’écailles minces; celles-ci ne s’imprègnent point dans leur masse mais se colorent à leurs limites sous l’action du réactif argentique; elles ne sont point sujettes à la mue habituelle aux éprihéliums ; elles ne s’in- fléchissent pont pour tapisser des tubes glandulaires, ce qui est le cas des épithéliums muqueux ; elles laissent transsuder le sérum sanguin. 8 Son stroma est formé d’une membrane à fibres parallèles à surface régulière peu vasculaire. ‘ Sa surface externe est doublée d’un tissu conjonctif lâche ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 99 analogue au üssu cellulaire sous-séreux, riche en vaisseaux. Ce tissu conjonctf est en continuité, par la gelée de Wharton, avec le üssu fibreux du péritoime pariétal, c’est-à-dire de la grande séreuse de l'embryon. Le liquide allantoïdien a la composition des sérosités; comme elles, 1l renferme de l’albumine (sérme), et une petite proportion de matériaux excrémentitiels. Que l’allantoïde soit une séreuse, cela avait été dit, mais non démontré. Les auteurs détruisaient leur propre hypothèse en acceptant des résultats inconciliables avec elle. fls admettaient deux, ou encore trois couches dans cette formation, dont une couche externe, vasculaire et séparable, qui était considérée comme la plus importante. Chez les animaux à placentation limitée, discoide ou zonaire, 1l fallait ajouter à ces couches une nouvelle couche externe, cellulaire, dont l'apparition n'était pas expliquée ; nous avons ratiaché (par notre théorie du cœ- lome) cette particularité à la loi générale de la formation des séreuses. On ne savait point comment la séreuse allantoïdienne s’abou- chait avec la muqueuse vésicale ; on devait supposer qu'il y avait continuité entre les deux revêtements, tandis qu'il y a super- position. On admettait que l’excrétion urinaire contribuait pour une bonne part à la constitution du liquide allantoïdien, et, en tous cas, que les produits excrémentitiels qu’il renferme venaient de cette origine, ce qui n’est nullement avéré, comme nous l'avons montré dans notre discussion. 20 Origine et évolution. — Le feuillet moyen du blastoderme et le feuillet interne sont les origines de l’allantoïde, d'après tous les embryogénistes. La question est de savoir quelle part revient à chacune de ces assises dans la constitution de la vési- cule à ses débuts; quelle part leur revient dans la suite de son évolution. L'intervention du feuillet moyen dans la constitution de l’al- lantoïde est certaine et claire. H fournit le stroma sous-jacent à l’endothélum. La part du feuillet interne est obscure. On peut admetire, avec les observateurs récents, Remak, Külliker, 60 A. DASTRE. Schenk, Dobrynin, Gasser, Olivetti, qu'au début il constitue le revêtement cellulaire interne. Mais, que devient-il plus tard? Pouvons-nous reconnaitre cet épithélium imtestinal cylin- drique dans les cellules endothéliales que nous avons décrites et qui offrent des caractères tout différents ? Jusqu’à ce qu’une constatation directe ait nettement établi que l’épithélium in- testino-glandulaire est bien l’antécédent de l’endothélium allan- toïdien, nous serons peu disposés à accepter l’idée d’un chan- sement aussi radical. L'histoire de l’embryogémie nous fourmit, à la vérité, selon la remarque de Kôlliker, des exemples d’un métamorphisme bien profond, et la diversité des formes histo- logiques ne prouve pas nécessairement la diversité des origines. Mais 1c1 trop de raisons plaident contre l'identité du revêtement allantoïdien et du revêtement intestinal. C'est d’abord la différence des formes cellulaires, puis la différence de leurs caractères qui sont ici ceux des séreuses, là ceux des muqueuses; enfin, la superposition découverte par nous du revêtement allantoïdien au revêtement vésical, lequel pourrait être plus vraisemblablement rattaché à l’épithélium intestinal. Le dernier argument nous est fourni par la compa- raison de l’endothélium intra-allantoïdien avec l’endothélium extra-allantoïdien, dans le cas où il y a un cœlome. L'identité de ces revêtements est une présomption de leur identité d’origine; l’un et l’autre proviendraient du feuillet moyen. Le rôle du feuillet intestino-glandulaire dans l’évolution de l’allantoide a été tout au moins exagéré : ce qu’on en a dit doit être reporté au feuillet moyen, au tissu conjonctif énter-an- nexiel qui est le prolongement de ce feuillet moyen (Urwirtel- masse). La vésicule allantoïde, au moins dans sa partie extra- fœtale, nous apparaitra comme une cavité creusée dans ce tissu et transformée en séreuse, selon la loi qui préside ordinairement à la formation des séreuses adventives, des bourses muqueuses, etc. Dans la partie intra-fœtale (vessie) it restera à élucider les rapports de cette séreuse avec la couche intestinale. Chez les Mammifères à placenta limité ce tissu interstiuel, très-raréfié déjà, pourrait se creuser entre l’allantoïde et les ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. (61 autres organes extra-embryonnaires, se condenser à leur surface et constituer par le même mécanisme que précédemment, la pseudo-séreuse que nous avons appelée le cœlome externe (voy. pl. 40, fig. 1). La loi de His, qui est sujette à tant d’excep- tions, recevrait au moins confirmation dans ce cas : l’endo- thélium naîtrait bien du feuillet moyen. Nous ne voulons pas transformer en certitude les probabi- lités de la théorie que nous exposons ici; nous n'oublions pas que la saine critique scientifique interdit d'attribuer aux inter- prétations, même les plus vraisemblables, l'autorité qui n’ap- partient qu'aux faits. l Rôle. — Quant au rôle de l’allantoïde, 1l ne sera bien apprécié que lorsque la physiologie de la vie fœtale sera plus avancée. On peut dire d’une façon générale que cette vésicule a les fonctions des séreuses, et d’une manière particulière qu’elle remplit, pour la vascularisation du placenta, le rôle mécanique de support ou de conducteur que tous les auteurs lui ont tou- jours reconnu. SECONDE PARTIE. LE CHORION. Ï. — DÉFINITION. Le chorion est l'enveloppe externe de l’œuf renfermant tout à la fois le fœtus et ses annexes. Ce nom a été introduit dans la science par Galien. La forme du sac chorial est celle même de l'utérus sur lequel il se moule exactement, chez les femelles à gestation simple. Chez les femelles dont l’utérus loge plusieurs fœtus, chacun d’eux a un chorion indépendant, qui, dans la plupart des cas, offre seulement des rapports de contiguité avec les chorions voisins. La configuration générale de ces chorions multiples est celle d’un sac ovoide. Le chorion subit dans certaines de ses parties des modifica- tions anatomiques qui le transforment en un organe nouveau, le placenta fœtal. C’est par le chorion et le placenta fœtal que ANN. SC. NAT., MARS 1876 ll. 10. — ART. N° 4. 62 A. DASTRE. s’établissent les relations entre l’embryon et l'utérus; c’est par à que le jeune animal puise les matériaux de sa nutrition et en rejette les déchets dans l’organisme maternel. Le rôle que jouent ces organes dans l’accomplissement de la vie embryon- naire est donc considérable : cette importance explique l’atten- tion particulière dont le chorion a été l’objet de la part des ana- tomistes ; elle justifie la nécessité du travail que nous avons entrepris pour en élucider la composition histologique. LL — ORIGINE: Les anatomistes font intervenir dans la constitution du cho- rion trois éléments : la tunique vitelline primitive, le feuillet externe du blastoderme, la couche externe ou vasculaire de Vallantoïde. L'accord cesse dès qu'il s’agit de savoir comment ces trois couches participent à la formation de l’enveloppe choriale. Les uns admettent qu'elles coexistent superposées dans le chorion définitif : les autres, avec Coste, qu’elles s’y succèdent. Il ya par conséquent, selon Coste (1), trois chorions successifs : le chorion primaire composé de la tunique vitelline garnie de houppes villeuses; plus tard le chorion secondaire formé aux dépens du feuillet blastodermique externe; enfin un chorion tertiaire ou définitif constitué aux dépens de la couche périphé- rique de lallantoïde. Milne Edwards (2) rendant compte de la théorie de Coste, d’après laquelle il y aurait substitution et non coexistence des éléments choriaux, s'exprime ainsi : « La question me parait difficile à décider pour ce qui est » relatif à la tunique viteiline; mais, d’après ce que l’on voit > dans l’œuf de certains Mammifères, les Rumimants par exem- » ple, je pense que la tunique blastodermique au moins est une » des parties constitutives du chorion définitif. » Cette mamière de voir est entièrement justifiée par nos obser- (1) Coste, Histoire du développement, t. I, p. 82. (2) Milne Edwards, Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée, 1810, t. IX, p. 480. ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 63 vations. Le tissu conjonctif, auquel on a donné le nom impropre de couche externe de lallantoïide, ne fait que doubler le revé- tement cellulaire du chorion défimitif et ne saurait en aucune façon lui donner naissance; il ne peut avoir par conséquent qu'une part accessoire et non exclusive dans la formation de Penveloppe choriale. La même observation s’applique aux Pachydermes. Chez les Rongeurs, le rôle de Pallantoide dans la formation du chorion est encore plus effacé, sauf pour la partie de celui-ci qui se transforme en placenta ; l’explica- tion donnée pour les Ruminants n’est plus applicable, puisque l’allantoïde n’est en contact avec le chorion que ‘sur une petite étendue : il semble que les homologies soient rompues. Mais la considération du tissu conjonctif interannexiel (voy. plus haut) nous amène à faire rentrer ce cas et celui des autres ani- maux à placenta limité, carnivores, insectivores, primates, dans la même règle générale ; c’est toujours le même tissu conjonciüif, continuation du feuillet moyen, qui forme le stroma du cho- rion ; que ce tissu paraisse plus dépendantde l’allantoïde comme chez les Rumimants, ou qu’il paraisse plus dépendant de la vési- cule ombilicale comme chez les Rongeurs ou les Carnivores, ce sont là de simples particularités qui n’en alièrent ni l’origine, ni la signification. Il est bien certain qu'au moins en ce qui concerne le troi- sième chorion, la théorie de Coste est inexacte. La couche allan- toïdienne (pour employer le langage courant) ne se substitue point aux couches précédentes, elle s’y superpose. Pour les deux premiers chorions la difficulté est plus grande. Le second fait-il disparaître le premier? Les faits actuellement connus obligent à admettre cette substitution. Mais avant de parler des rapports réciproques de ces deux couches, il importe d’être éclairé sur leur origine et leur signification individuelles. La première enveloppe de l'œuf est la {unique vitelline. Ce nom de tunique vitelline ne désigne point, comme on le pour- rait croire, la même enveloppe extérieure qui limite l’ovule non fécondé et que l’on déerit autour du vitellus sous le nom de membrane vitelline. Si celle-ci entre dans sa composition, il y 64 A. DASTRE. intervient aussi bien d’autres éléments. Les embryogénistes ont fait de grands efforts pour fixer la nature de ces éléments et leur provenance. On ne devra pas s'étonner de la poursuite à laquelle donnent lieu ces problèmes de détail qui naissent à chaque instant sous les pas de l'observateur : leur importance est amplifiée par l'éloignement de la période vitale à laquelle ils se rapportent, et l’on peut dire avec raison qu’il n’y a point de petites questions à propos de l’ovogenèse. Certains auteurs considèrent donc la tunique vitelline comme formée de l’épithélium des glandes utriculaires de l'utérus qui s’est accolé à l’ovule : d’autres la considèrent comme le pro- duit de lépithélium qui entoure l’ovule dans la vésicule de de Graaf. Ed. Van Beneden (1) distingue la membrane vitelline ovulaire, du premier chorion de l’œuf arrivé à maturité : la membrane vitelline est l'enveloppe de l’œuf primordial, for- mée par sohdification de son protoplasma; le chorion est une membrane anhiste sécrétée par les cellules épithéliales de l'ovaire ou de l’oviducte autour de l'œuf mûr et fécondé. Le second chorion (substitué au premier) a pour origine la membrane subzonale ou séreuse, c’est-à-dire la portion du feuil- let externe du blastoderme qui ne participe ni à la formation de l’amnios, ni à celle du revêtement cutané de lPembryon. Le feuillet externe comprend en effet trois régions : l’une qui revêt l'embryon ; ila seconde qui forme l’amnios proprement dit; la troisième qui se détache des précédentes pour venir s’accoler à la membrane externe de l’œuf, a été appelée improprement membrane séreuse (Seræse Hülle, subzonal Membrane) et con- stitue le second chorion. C’est Baer qui a fait connaître le mode de formation de l'am- nios et l’évolution du feuillet blastodermique externe ; cette dé- couverte est le résultat « d’une des observations les plus sub- » tiles et en même temps les plus importantes de toute l’em- » bryologie, car seule elle donne la clef de la constitution de » l'œuf. Cette unique découverte, ajoute Bischoff, suffirait pour (4) E. Van Beneden, Recherches sur la composition et la signification de l'œuf. Bruxelles, 1870. ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 65 » Jui mériter une place parmi les meilleurs observateurs, quand > bien mème elle n’aurait pas été surpassée, chez lui, par d’au- » tres plus importantes encore (1). » Comment est composée cette membrane séreuse ? Pour Baër, 1l n’y avait aucun doute : le feuillet externe seul par- ticipait à la formation de l’amnios et conséquemment à celle de la membrane séreuse que nous appellerons désormais chorion secondaire. Mais, depuis lors, on a constaté que le feuillet externe n’était pas seul engagé dans le repli qui produit l’am- nos : il est accompagné par la lame externe du feuillet moyen, lame musculo-cutanée (Hautmuskelplatte). Remak, lepremier, a signalé cette disposition; il a vu dans la paroi amniotique quelques fibres musculaires qui témoignaient de la présence de cette lame musculo-cutanée et qui expliquaient les con- tractions de l’amnios observées chez le Poulet par Baër, et étudiées depuis par Remak, Vulpian et Külliker. Le feuillet moyen qui participe par sa lame externe à la constitution de la membrane amniotique, s’arrête-t-il aux limites de cette membrane, à l’ombilic amniotique, ou bien se prolonge-t-il dans le chorion ‘secondaire (Seræse Hülle ?) Kôlli- liker (2) prétend que la lame musculo-cutanée ne s’étend que sur l’amnios proprement dit et que le chorion secondaire est uniquement formé par le feuillet externe du blastoderme ou feuillet corné. Schenk (3) a récemment repris l’étude de cette question. Il fait apercevoir une difficulté de l’explication de Remak; en effet, nulle part dans l'embryon la lame musculo-cutanée ne se transforme en tissu conjoncüf, et 1l devient dès lors improbable qu’en dehors de l'embryon elle donne naissance au tissu con- jonctif des parois de l’amnios. Schenk lève cette difficulté en montrant qu'il existe dans la paroi amniotique une troisième couche qui n’avait point été signalée avant lui, c’est le prolon- (1) Bischoff, Traité du développement, p. 670. (2) Kôlliker, Entwickelungsgeschichte, ete., p. 104. (3) Schenk, Lehrbuch der vergleichenden Embryologie, p.151. Wien., 1871. 66 A. DASTRE. sement de la partie indivise du feuillet moyen (Urwirbel masse), source de tous les tissus conjonctifs. La constitution du chorion secondaire qui fait suite à la membrane amniotique est-elle la même? Si Schenk ne répond pas directement à cette question, les figures qu’il donne y répon- dent implicitement (fig. 78 et 79, p. 154 et 155). Elles mon- irent le prolongement des éléments essentiels de l’amnios dans la portion réfléchie, c’est-à-dire dans le chorion secondaire. On doit donc admettre, contrairement à Kolliker, que, dans cette membrane, le tissu conjonctif du feuillet moyen (Uruwirbel masse) est représenté. Cette conelusion est importante à nôtre point de vue; elle justifie notre conception du tissu conjonctif interannexiel, d’après laquelle ce tissu, au lieu d’être une dépendance exclu- sive de l’allantoïde, pourrait être rattaché aussi bien aux autres annexes, et aurait, quelle que soit sa situation, pour origine constante le tissu conjonctif de l’Urwirbelmasse. D’après cela, le chorion secondaire passerait graduellement vers sa couche interne ou profonde, au tissu interannexiel de même nature et de même origine que lui. Ce tissu conjonctif muqueux est celui que les auteurs ont rattaché comme couche à l’allantoide et qui forme le chorion tertiaire de Coste. Le développement de la vésicule allantoïde ne ferait que renforcer et condenser ce tissu. La discussion critique à laquelle nous venons de nous livrer aboutit, on le voit, à une conception large et compréhensive des rapports des annexes, de leur structure, de leur continuité avec les tissus fœtaux, conception qui est en accord avec les observations des auteurs les plus récents et qui nous a été sug- gérée par nos propres résultats. En particulier, nous résumerons nos connaissances sur l’ori- gine du chorion de la manière suivante : Le chorion primitif est le produit (confondu avec la mem- brane vitelline) des cellules épithéliales de lovaire ou de l’ovi- ducte déposé autour de l’œuf mûr et fécondé. Le chorion secondaire est formé par la parte du feuillet ARFICLE N° À. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 07 externe du blastoderme qui ne participe point à la constitution de l’ammios, ce fewilet étant doublé par un tissu conjonctif peu abondant, prolongement du feuillet moyen (partie indivise, Urwirbelimasse). Ge üssu conjonctif est identique à celui que les auteurs appellent le feuillet externe ou vasculaire de l’allan- toïde. Il y a continuité histogénétique entre eux. Le développe- ment du sac allantoïdien ne fait que renforcer cette couche et en permettre l’abondante vaseularisation. 17 y a donc pas de troisième chorion, ou chorion allantoïdien. Quant à la question de savoir si le chorion secondaire coexiste avec le chorion pri maire ou le fait disparaître, nous accepterons, avec Reichert et Kolliker, cette dernière opinion. Ge remplacement d’une membrane par une autre fait évanouir toutes les difficultés que soulève l’idée de leur transformation. On sait que le premier _chorion est anhiste, tandis que le second est épithélial (Chien). S'il n'y avait pas substitution de l’un à l’autre on ne compren- drait point par quel métamorphisme les villosités du chorion primaire, prolongements homogènes d’une membrane elle- même anhiste, pourraient se transformer sur place en amas cellulaires et vascularisés, comme le sont les villosités du cho- rion secondaire et définitif. Il résulte de là que des trois chorions admis par les anciens auteurs, il n’y en a qu'un seul qui subsiste, c’est le chorion secondaire. C’est à lui, par conséquent, que se rapportera notre description. III. — DISPOSITIONS ANATOMIQUES DU CHORION CHEZ LES DIFFÉRENTS ANIMAUX. Il ya, d’après ce que nous avons dit, chez les Mammifères, deux chorions successifs : l’un éphémère, l’autre définitif. Ils présentent, dans les différents ordres, des caractères que nous devons étudier isolément, pour les comparer ensuite. 1° Ruminants. — Le chorion primaire ne peut être observé que sur des fœtus très-jeunes. La formation de l’amnios, phé- nomène (rès-précoce, comme l’on sait, est le signal de sa dispa- rition. Au vingtième jour, sa résorption est complète c” l’embryon du Mouton. 68 A. DASTRE. Si on l’observe, en temps convenable, on aperçoit deux par- ticularités qui distinguent ce chorion primaire de celui de quelques autres animaux, tels que les Carnivores et les Ron- geurs. Sa surface est à nu; elle n’est pas recouverte de cette couche albumineuse épaisse qui entoure l'œuf du Lapin et qui Jui fournit peut-être des matériaux pour son premier dévelop- pement. On pourrait dire encore, dans un autre sens, que ce chorion est nu, glabre ou chauve (chorion lœve). Il n'offre pas les prolongements villeux, anhistes, qui forment les villosités primaires à la surface de l’œuf du Lapin et du Chien. L'histoire de cette membrane transitoire est contenue dans ces quelques mots. Le chorion définitif offre au contraire une très-crande im- portance et comporte des renseignements plus développés. Si l’on ouvre un utérus de Brebis gravide, on constate que le ehorion n’adhère pas à la muqueuse maternelle; il s’en sépare avec la plus grande facilité, sauf de place en place, où des excroissances appelées caroncules placentaires ou cotyle- dons fœtaux entrent en connexion avec des excroissances corres- pondantes de la muqueuse utérine ou cotylédons maternels. Lorsque l’animal vient d’être sacrifié et surtout lorsqu'il est dans une période avancée de la gestation, les tractions exercées entre les deux membranes sont impuissantes à en amener la séparation sans rupture. Si l’on attend quelques heures ou une journée le dégagement des deux espèces de cotylédons devient possible sans déchirure. Il est d'autant plus facile, toutes choses égales d’ailleurs, que l’âge du fœtus est moins avancé : et chez les plus jeunes, il est aussi aisé que s’il y avait simple accole- ment et non point pénétration réciproque des tissus cotylé- donaires. Lorsqu’on opère la séparation, on s'assure qu’il y avait une sorte d’intromission du cotylédon fœtal dans le cotylédon ma- ternel : les houppes ou les touffes villeuses de celui-e1 sortent des cryptes alvéolaires du cotylédon utérin, comme le doigt se dégage du gant qui le recouvrait ou, selon la comparaison de M. Weber, comme le sabre sort du fourreau. Après que l’isole- ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 609 ment est achevé, les orifices de ces cryptes utérins restent béants : d'autre part, le chorion est complétement séparé et on peut en faire l'étude. Le chorion apparait comme un sac fusiforme, bicorne, un peu infléehi pour s'adapter à la formede l'utérus, et dans lequel on peut distinguer deux parties : les cotylédons, là membrane qui leur est interposée et qui les supporte. Chez le Mouton, les cotylédons sont des masses arrondies, convexes, tomenteuses. Chez le fœtus de Vache, ces masses sont au contraire creusées en forme de coupe, concaves. Leur con- stitution sera étudiée plus loin, à propos du placenta fœtal : nous dirons seulement qu'ils résultent de l'assemblage d’une multitude d'arbuscules ou de touifes villeuses : on peut s’assu- rer de cette composition en examinant un cotylédon flottant dans l’eau ou dans un liquide conservateur. Le nombre de ces appendices est assez variable d’une espèce à l’autre : il y en a une soixantaine environ chez le Mouton. Chez la Biche, Harvey n’en a compté que cinq. Ils sont distribués sans régularité : cependant, on peut admettre qu’ils forment sensiblement quatre séries linéaires étendues à la surface de l'œuf d’un pôle à l’autre. Ils sont plus pressés et plus nombreux vers les extrémités que dans la partie moyenne : ils font défaut dans le voisinage des pôles, vers les points qui terminent l’œuf où l’on croyait, avant nos observations, que le chorion était percé pour donner passage à l’allantoide. La disposition des cotylédons dépend moins de quelque condition inhérente au fœtus que de conditions particulières à la mère : leur place sur le chorion est déterminée par la position des cotylédons maternels à la surface de l'utérus, car ceux-ci préexistent et survivent à la gestation. Nous verrons en effet que le chorion présente dans un très-grand nombre de points les dispositions vasculaires et autres qui sont essentielles pour la formation des cotylédons : mais ces préparatifs n’aboutissent, pour ainsi par- ler, que dans les parties qui correspondent à des cotylédons utérins ; partout ailleurs, ils avortent. Dans l’intervalle des cotylédons, le chorion se montre comme 70 A. DASTRE, une membrane opaque; sa couleur grisâtre tire sur le rouge, dans les points et les circonstances où la vascularisation est abondante. Gette membrane se montre sillonnée de très- nombreux canaux sanguins dont les uns se rendent aux coty- lédons tandis que les autres se perdent et se ramifient dans la membrane mème. Elle n’est point unie et lisse : elle offre un aspect légèrement tomenteux et présente des accidents de sur- face que nous devons faire connaitre. L’apparence varie d’ail- leurs suivant l’époque du développement et ces variations cor- respondent à l’évolution de certains éléments. Chez les fœtus très-jeunes, la membrane est nettement villeuse et opaque : les cotylédons ne sont point encore visibles; mais leur place est indiquée par une formation rudimentaire développée dans lépaisseur du chorion. Ge sont des îlots ou mieux des archipels formés de petites élevures blanchâtres parsemées sur un espace circulaire ou elliptique qui dessine la base du futur cotylédon. Dans les interstices laissés libres entre ces petites ponctuations circulent et se ramifient des vaisseaux sanguins très-ténus, mais déjà très-nombreux. Un peu plus tard, vers la septième semaine de la gestation, les cotylédons fœtaux sont suffisamment développés pour recou- vrir et cacher cette sorte de substruction préalable. Mais dans le nombre il y en a de moins avancés et l’on peut, pour ainsi dire, observer tous les degrés de passage entre ces cotylédons rudi- mentaires et ceux qui sont constitués. Le chorion présente dans leur voisinage immédiat un aspect particulier : une espèce de zone blanchâtre formée de petits îlots de même nature que les précédents entoure leur base d'implantation. Chez des fœtus plus avancés (huitième semaine) on voit les éléments de cette couronne se continuer avec un réseau délicat offrant le même aspect et s'étendant entre les cotylédons. Vers la quinzième semaine, ce réseau est dans tout son épanouissemeut. Lorsque Von ouvre lutérus, ou qu'on l’observe par transparence, on aperçoit à travers sa paroi cette espèce de réticulum à mailles larges, d’un blanc mat, qui se détache admirablement sur le fond général. Nous n'avons pas connaissance qu’on ait ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 74 signalé ce réseau ou qu’on lui ait accordé d'importance. Îl mérite pourtant une grande attention, en raison du rôle Imté- ressant qu'il parait jouer dans la nutrition du fœtus. Nous l'avons appelé réseau des plaques choriales. Il sera examiné plus loin. En dehors de ce réseau remarquable, on aperçoit encore, à l’œil nu, sur la surface du chorion, une très-mince pellicule blanchâtre, opalescente, découpée en mailles assez régulières laissant dans leurs intervalles des lacunes arrondies. Chez le Veau, cette pellicule a une légère teinte jaunâtre. Les lacunes qu’elle présente correspondraient aux orifices des glandes de l'utérus dont elle-même serait une dépendance. Ercolani (1) prétend en effet que cette pellicule ne serait autre chose que la caduque, dont les anatomistes n’admettent point Vexistence chez les Ruminants. Seulement cette caduque, au lieu d’adhérer, comme la caduque humaine, à la surface in- terne de l'utérus, adhérerait au chorion. Nous ne ferons plus qu’une seule remarque, c’est que le chorion possède essentiellement la même constitution dans toutes ses parties, aussi bien dans la portion qui esten contact avec le sac allantoïdien que dans celle qui se trouve en rapport avec l’amnios. 2 Pachydermes. — Le chorion des Pachydermes se diffé- rencie de celui des Ruminants par un caractère très-apparent ; il ne présente point de cotylédons ou de placentas fœtaux délimités. Les choses se passent de la mème manière chez les Solipèdes, les Chameaux, les Dromadaires, les Lamas et les Cétacés. Ces animaux constituent le groupe des Mammifères à placenta villeux ou diffus. L'aspect de la membrane choriale diffère aussi de ce qu'il est chez les Ruminants. Elle est épaisse, de couleur rosée, formée d'un üssu qui a l’aspect des tissus infiltrés de l’œdème. On éprouve les plus grandes difficultés à séparer cette membrane des organes qu’elle enclôt, l’amnios, lallantoïde : sa friabilité (1) Ercolani, Mémoire sur les glandes utriculaires de l'utérus, trad. franc., p. 90. Alger, 1869. 79 A. DASTRE. est telle qu’elle se rompt et se détache par lambeaux dans les points où on la saisit. La séparation devient tout à fait impos- sible vers les extrémités du sac choral. Dans cette région, le chorion change d'aspect, il cesse d’être aussi épais : il se réduit à une couche vasculaire mince qui semble distendue par le déve- loppement exubérant de l’allantoïde sous-jacente. En somme, la première finspection révèle déjà dans le cho- rion trois zones différentes : une zone médiane, équatoriale, constituant une membrane épaisse, hypertrophiée, qui est sans doute la partie la plus active physiologiquement comme elle est est la plus développée anatomiquement; au delà et de part et d'autre, une zone mal délimitée d’avec la précédente, moins épaisse, dans laquelle les vaisseaux sont plus écartés et le tissu moins abondant et moins infiltré ; au delà, enfin, les cornes du chorion où la membrane est atrophiée, et constitue des som- mets morts. Cette division se trouve encore confirmée par le mode de distribution des plaques choriales. Nous avons trouvé ces pla- ques chez le Pore aussi bien que chez le Mouton ou le Veau. Cependant elles sont moins évidentes : le contraste est moims net entre les mailles du réseau où elles sont peu condensées et les lacunes où elles font défaut : leur disposition a plus d’uni- formité et leur couche mince est dissimulée par l’épaisseur du stroma chorial. En abandonnant à la dessiccation un lambeau de chorion préalablement étendu, on voit les plaques se montrer manifestement, surtout si l’on a eu soin de prendre un fœtus à la période où cette production est dans son entier dévelop- pement, c’est-à-dire vers le milieu de la vie fœtale. Les pla- ques choriales existent donc ici; mais ce que nous voulons faire remarquer, c’est leur disposition : la couche à peu près conti- nue qu’elles forment occupe particulièrement la zone moyenne à l’exclusion des zones extrêmes. L'étude de la structure fournira une confirmation des vues précédentes, d’après lesquelles il yauraït dans le chorion même du Porc un partie spécialisée, formant ceinture autour du fœtus. On verrait poindre, pour ainsi dire, chez cet animal, qui ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 79 est un des types des Mammifères à placenta diffus, une disposi- tion qui s’accentuera chez l'Éléphant, dont le placenta est presque entièrement zonaire, et qui attemdra son complet épa- nouissement chez les carnivores. Nous avons pensé qu'il y avait intérêt à signaler le fait, au point de vue zootaxique ; 1l tend en effet à effacer ou au moins à atiénuer les différences embryo- géniques signalées entre des animaux assez voisins : en second lieu, il restreint l'importance des caractères placentaires en montrant la continuité des transitions entre les uns et les autres. En ouvrant l’utérus d’une truie, on s'assure que le chorion n’y adhère nullement, au moins pendant la première moitié de la gestation. Ilse produit une adhérence légère dans la seconde moitié de la vie fœtale. Get état de choses pourrait s'expliquer par le développement plus avancé des villositéschoriales. Erco- lani (1) l'interprète comme une présomption de plus en faveur de l'existence de la néoformation utérine qu'il à décou- verte chez tous les Mammifères et qui servirait, selon lui, à loger les villosités choriales. En détachant les deux membranes vers la fin de la gestation, on voit en effet le chorion se décoller comme si les villosités qu’il présente sortaient d’orifices corres-- pondants de la couche tomenteuse de formation nouvelle déve- loppée à la surface de l'utérus. Ajoutons enfin que chez la Truie en gestation on trouve, quelque temps après la mort, une assez grande quantité de ce liquide, interposé entre le chorion et l’utérus, que les auteurs ont appelé le lait utérin, et auquel on a attribué le rôle princi- pal dans la nutrition du fœtus. 3° Rongeurs. — Chez le Lapin, le chorion primaire offre une particularité dont nous avons fait mention ailleurs. I fait corps avec une épaisse couche d’albumine amassée pendant le trajet à travers la trompe. Bischoff, qui a observé un grand nombre d'œufs à cette époque reculée de leur évolution, dit que cette masse albumineuse possède une texture stratifiée ; elle est (4) Ercolani, Mémoire sur les glandes utriculuires de l'utérus et l'organe glanduluire de néoformation, trad. franc., p. 38. Alger, 1869. 74 A. PHASE, de consistance gélatineuse, élastique, et forme autour de l'œuf une coque véritable quoique mal délimitée extérieurement (1). C’est là sans doute un trait particulier, mais sans grande im- portance différentielle, car on trouve chez d’autres animaux, chez la Truie et Brebis par exemple, une couche d’albumine autour de l'œuf. Baër même avait noté ce dernier fait. La dis- position présentée par l'œuf du Lapin n’a donc de remarquable que son degré plus marqué. Bientôt (vers le sixième jour) cette couche tend à se liquéfier et à disparaitre; la surface de l’œuf offre alors des villosités disposées par groupes irréguliers et épars : chacune d’elles présente des bords garnis de dentelures arrondies. On n’y découvre ni cellules, ni noyaux de cellules : elles sont formées d’une masse transparente, légèrement gra- nuleuse. Bischoff les a représentées dans son atlas (pl. 9, fig. 42 D). Cette absence de structure est, comme nous savons, le trait général des villosités primaires. Le chorion secondaire ou définitif est complétement formé vers le dixième jour. Lorsque ayant ouvert la paroi utérme on en écarte les bords, de rnanière a observer l’œuf en place, on aperçoit à sa surface une membrane qui n'appartient pas en réalité au fœtus quoiqu’elle le recouvre. Ce sont les strates superficielles de la muqueuse uiérine séparées de leur support et adhérentes à l’œuf. Elles s’en détachent du reste très-facile- ment et permettent d’apercevoir alors le chorion véritable. Celui-ci apparait à l'œil nu comme une membrane lisse, transparente et très-mince : un espace arrondi, réservé sur son étendue, ayant la figure d’une sorte de Champignon lobé, con- stitue le placenta fœtal et adhère mtimement au placenta ma- ternel ; celui-ci est plus petit, débordé et comme logé dans le précédent. Le chorion supporte ce placenta fœtal, de configura- tion discoïde comme chez les Primates, les Insectivores et les Cheiroptères, mais séparé ici le plus souvent en deux ou trois lobes. En dehors de cet espace, se développe la membrane choriale (4) Bischoff, Traité du développement, p. 608. ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 79 proprement dite ou, en d’autres termes, la portion du chorion qui ne répond pas à l’allantoïde. Cette membrane paraît vas- culaire dans une partie de son étendue ou quelquefois dans toute son étendue. À quelles branches sanguines est due cette vascularité? ce n'est point aux vaisseaux allantoïdiens, puisque eeux-ci sont limités au placenta ; c’est aux vaisseaux omphalo-mésentériques, c'est-à-dire aux vaisseaux de la vésicule ombilicale ou de la première circulation qui persistent ici, tandis qu’ils disparais- sent prématurément avec la vésicule elle-même, chez les Pa- chydermes et les Ruminants. Le fait de la persistance de la vési- cule ombilicale, ou mieux de la persistance de ses vaisseaux chez les Rongeurs est bien connu depuis les recherches de Bischoff. Si nous le rappelons ici, c’est en vue de ses consé- quences et non pas de sa nouveauté. L’artère omphalo-mésen- térique qui conduit le sang dans le département vasculaire et la veine omphalo-mésentérique qui l’en ramène se réunissent en un cordon commun; celui-ci se détache du cordon ombilical proprement dit, à quelque distance de l’ombilie. Il semble au premier abord que cette branche nouvelle soit une simple divi- sion du tronc principal; mais on s'aperçoit bien vite qu’elle en est mdépendante et que leur relation consiste en un simple ac- colement. Nous avons réussi, chez un Cobaye parvenu au der- mer terme de la vie fœtale, à pousser une injection par l'artère mésentérique prise dans l'embryon ; la masse colorée a pénétré dans tout le réseau chorial qui s’est montré extrêmement riche et favorable à l’examen micresecopique. L’injection directe prouve donc à défaut de l'observation con- tinue que ces vaisseaux choriaux sont ceux de la vésicule ombi- licale et qu'ils forment un système d'irrigation sanguine très-im- portant, système dont le rôle physiologique doit être en rapport avec le développement anatomique; enfin, elle manifeste l'indépendance de la circulation placentaire et de la circula- tion choriale. L’injection se limite en effet à un gros vaisseau veineux qui entoure le placenta circulairement, sans lui en- voyer aucune branche : c’est le sinus terminal (sinus termi- 76 A, DASTRE. nalis de la première circulation) ; il s’alimente dans les ramifi- cations de l'artère de même nom. C’est donc bien la vésicule ombilicale qui double le chorion et lui fournit des vaisseaux. Le cordon que nous avons mentionné plus haut est constitué par ces vaisseaux unis aux restes du conduit vitello-intestinal oblitéré. La vésicule elle-même est vidée : on admet que ses deux parois accolées se sont confon- dues avec le chorion en une membrane unique. Si l’on considère que la vésicule ombilicale a disparu par accolement de ses parois et par résorption de son contenu, tandis que ses vaisseaux omphalo-mésentériques prenaient au contraire une extension exubérante, il devient clair que le chorion est seul intéressé à leur conservation et à leur fonc- tonnement. La manière dont se fait l’accolement exigerait quelques éclaircissements nouveaux. Ce serait un utile complément au travail de Bischoff sur le développement del’œuf du Lapin (1843) et du Cochon d'Inde (1852) et à celui de Reichert sur le même sujet (1861). Il serait particulièrement intéressant pour nous de constater qu'il ya un tissu conjonctif appréciable au-dessous de l’épithélium chorial-avant que la vésicule ombilicale vienne s’y appliquer et de suivre la continuité de ce tissu avec le tissu allantoïdien ou interannexiel. Il s’agirait en second lieu de véri- fier que des deux parois accolées de la vésicule ombilicale celle qui vient doubler le chorion est dépourvue de vaisseaux, ceux-ci se distribuant, comme on l’a dit, exclusivement à la face qui regarde vers l'embryon etnullement à celle qui touche le chorion. Dans le cours de nos recherches, nous evons eu l’occasion d'observer, conformément à la donnée précédente, que les vais- seaux sont le plus abondants vers la profondeur de la mem- brane et qu'il existe entre eux et le revêtement cellulaire une mince assise périvasculaire de tissu conjonctif. La connais- sance du processus par lequel se fait Punion des membranes expliquerait en mème temps pourquoi il n’y a point de commu- nication entre les vaisseaux utéro-placentaires et omphalo-mé- sentériques. ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 77 En examinant la structure du chorion, plus loin, nous au- rons l’occasion de revenir sur ces détails. 4 Carnivores. — Nous dirons peu de chose des dispositions générales du chorion chez les Carnivores. L’œuf de la Chienne et des Carnassiers en général est, à cause de ses dimensions, le plus facile à reconnaître dans l’ovaire. Cest grâce à cette condition favorable que Baër, en 1827, put le découvrir et par là faire rentrer les animaux les plus élevés, les Mammifères, dans la condition qui est celle de toute l’animalité et que Harvey exprimait dans son aphorisme célèbre : Orne vivum ex ovo. On ne s’étonnera pas que l'œuf du Chien soit devenu, à la suite de cette importante découverte, l’objet de recherches répétées. Nous mentionnerons celles de Baër, Sharpey, Coste, E. H. Weber et Bishoff. L'œuf, fécondé, mobile dans les trompes et dans l’utérus jusqu’au quinzième jour environ, a conservé sa forme sphé- rique. Il est entouré d’un couche albumineuse moins condensée que celle des Rongeurs. À partir de ce moment, il commence à prendre une forme ellipsoidale et montre les villosités homo- oènes du chorion primaire. Au vingtième jour environ, l’adhé- rence est complète. Les villosités primaires sont étendues sur toute la surface de l'œuf. Bientôt le chorion primaire se résorbe, d’après Reichert et Kôllker. Le chorion secondaire apparait, par suite du déve- loppement de l’ammios. Dès la première apparition, si nous en croyons Kôlliker (1), le sac chorial est chauve vers les deux pôles, et les villosités nouvelles, cellulaires, sont concentrées dans une zone annulaire qui entoure l'œuf. C’est le premier rudiment du placenta, qui ici nous apparaît sous une forme nouvelle, celle d’une ceinture (placenta zonaire). Cette zone correspondra précisément au contact de la vésicule allantoïde avec le chorion. Nous n'avons pas réussi à vérifier si réellement à cette époque (1) Kôliker, Entwickelungsgeschichte, p. 161. ANN. SC. NAT., MARS 1876. I, Î1, — ART, N° 4, 18 A. DASTRE. précoce où les villosités secondaires apparaissent, elles sont déjà distribuées en ceinture, ou bien si cette disposition est un phénomène plus tardif résultant du développement de lallan- toide à la suite duquel les villosités se conserveraient suivant la ligne équatoriale et s’atrophieraient aux pôles. L'occasion de vérifier ce fait est extrèmement rare; il faut saisir une période très- fugace et d’ailleurs de date irrégulière. L'intérêt de cette observation serait pourtant considérable au point de vue de l'appréciation des rapports entre l’allantoïde et le placenta. Si en effet celui-ci est dessiné d'avance, les vaisseaux allantoïdiens n'interviennent point dans le tracé de sa forme, mais seulement dans l’achèvement de sa structure. La dépendance du placenta et de l’allantoïde ne serait donc pas aussi absolue que les pre- miers embryogénistes lPavaient pensé. Nous aurions ainsi une confirmation nouvelle d’une pensée que nous exprimions au début de cette étude. C’est précisément à cause du prix que lon peut attacher à cette conclusion que nous croyons nécessaire d'en mettre la démonstration à l'abri de tout reproche. Nos propres observations ne sont pas suffisantes ; la phrase de Kôlliker, quoi- que affirmative, n'indique pas assez une recherche dirigée spé- cialement vers la vérification de ce fait, pour qu'il soit possible de s’en contenter et de conclure (1). À partir du vingt-quatrième jour et jusqu’à la fin de la ges- tation, le chorion du Chien apparaît comme une membrane lisse et mince, transparente, non vasculaire, à laquelle vient s'appliquer la vésicule ombilicale qui persiste chez ces ami- maux. Les dispositions et les rapports anatomiques du chorion étant connus, nous passons maintenant à l'étude de sa structure. Il importe de faire ici une observation. Le chorion, comme nous l'avons vu, comprend deux parties : le placenta, la partie extra- (1) Bischoff ne semble pas favorable à cette manière de voir. Il pense que les villosités sont primitivement distribuées sur toute la surface, sauf l'extrémité des pôles, et que la forme de ceinture résulte de l’accroissement rapide de ces extrémités, tandis que le milieu marche avec moins de rapidité; mais nous savons que Bischoff peut avoir confondu les villosités primaires avec les villosités définitives (voy. Bischoff, op. cit., p. 195). ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 79 placentare. Nous examinerons ces deux parties chez les Ru- minants, chez les Pachydermes et chez les Rongeurs : nous ajouterons au contraire peu de lumières à ce que l’on sait du placenta des Carnassiers. IV. — STRUCTURE DU CHORION. Nous suivrons, pour l’étude du chorion, la même marche que dans la description de Pallantoïde. Nous en examinerons les détails dans l’ordre suivant : 1° Surface externe du chorion constituée par un revêtement épithélial particulier en rapport avec la muqueuse utérine. 2 Surface interne reliée à l’allantoïde par un tissu con- jonctif muqueux décrit à propos de cette dernière membrane. 3° Stroma du chorion ou membrane propre. Nous examinerons, à ce propos, des productions non encore signalées, et que nous appellerons les plaques choriales. Nous dirons un mot des hippomanes. 4 Vaisseaux, artères, veines, capillaires. 1° SURFACE EXTERNE DU CHORION. — Chez les Ruminants, le chorion, étudié dans l'intervalle des cotylédons, se montre comme une membrane bien limitée extérieurement et sépa- rable de la muqueuse utérine, mal limitée au contraire vers l’intérieur, où elle se continue avec le tissu allantoïdien. La surface externe est formée d'un revêtement cellulaire que nous examinerons dissocié en ses éléments, puis en place et tel qu'il se présente sur une coupe de la membrane. Méthode d'examen. — La dissociation peut se faire dans le mtrate d'argent en solution très-diluée ou dans l'alcool À, sui- vant la méthode indiquée par Ranvier (1). Pour obtenir les éléments du chorion bien isolés, à l'abri de tout mélange avec les éléments des membranes voisines, on peut employer le pro- cédé suivant : On comprend une portion du sac choral entre deux ligatures : on détache les parties voisines en les coupant très-près des (1) Ranvicr, De l'emploi de l'alcool dilué en histologie (Arch. phys., 1870). S0 A. DASTRE. deux fils. On plonge rapidement le sac dans l’eau pour débar- rasser la surface des matières qui pourraient la souiller, ou bien on l’introduit directement dans le liquide dissociant et on lv laisse séjourner quelques heures. En agitant la préparation de temps en temps, des lambeaux de lépithélium se détachent, que l’on achève de dissocier sur la lame de verre dans une goutte de la solution colorante. Éléments. — Chez le Mouton, les éléments que l’on observe sont des cellules de forme polyédrique, plus allongées dans le sens de leur implantation sur le stroma chorial. Leurs dimen- sions sont variables entre des limites peu étendues. Chacune présente un, et quelquefois deux noyaux très-apparents et nucléolés. Ces cellules possèdent une membrane d’enveloppe dont on apprécie très-bien l’existence au moyen du nitrate d'argent en solution très-faible. On trouve mélangés à ces éléments une autre espèce de cel- lules différentes, par leurs formes et leurs dimensions, des pré- cédentes. Celles-ci sont beaucoup plus volumineuses, ovoides, à noyaux multiples, beaucoup moins abondantes que les pre- mières, et remplissent par conséquent un rôle accessoire dans la constitution du revêtement. ConTENU. — Ge qui doit nous intéresser dans ces éléments, c’est la nature de leur contenu. Graisse. — {ls renferment des matières grasses en grande abondance, à toute époque du développement. Les matières orasses y sont distribuées en granulations : celles-ci sont quel- quefois très-fines, d’autres fois elles sont rassemblées en petites souttelettes déposées dans le protoplasma de la cellule et formant couronne autour du noyau. La nature de ces granulations est démontrée par les caractères suivants : leur forte réfringence, la coloration brune foncée que leur donne l'acide osmique avant que ce réacüf colore aucun autre élément, la temte bleu foncé qu’elles prennent dans le bleu de quinoléime. Sous l'influence du réactif 1odé les éléments du chorion se colorent en jaune, mais sans présenter la teinte foncée acajou, ARTICLE, N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 81 caractéristique de la matière glycogène. Il n’y a donc point de glycogène à la surface du chorion. M. CI. Bernard à montré qu'elle n'existait pas davantage dans les cotylédons placentaires. Ce fait constitue le placenta des Ruminants à l’état d'exception par rapport à celui des autres animaux : Rongeurs, Carni- vores, etc. La matière glycogène qui ne fait défaut chez aucun mammifère en voie de développement ne manque pas chez le Ruminant; seulement elle est distribuée d’une facon diffé- rente; comme nous l’avons vu, elle se trouve à la surface de l'amnios dans les plaques qui tapissent irrégulièrement cette membrane. Pätonnets. — On trouve encore dans les cellules du chorion une autre espèce d'éléments : ce sont des baguettes cristallines ou bâtonnets. Ces aiguilles eristallines, extrêmement fines (épaisseur À p), ne sont pas réparties indifféremment dans toutes les cellules du revêtement. Elles sont particulièrement abondantes dans les cellules correspondantes à cette couche d’un blanc Jjaunâtre qui, chez le Mouton, s'étend comme un vernis sur la surface du chorion en formant des mailles régu- lieres. Devons-nous voir dans cette couche la pellicule jaunâtre qu Ercolani considère comme le débris de la caduque utérine entrainée avec le chorion? L'examen histologique ne permet point cette mterprétation pour le revêtement superficiel dont nous parlons ; celui-er, en effet, se montre essentiellement com- posé des mêmes cellules qui se rencontrent dans les autres points. La seule différence consiste dans la plus grande abon- dance des bâtonnets cristallins. Ces bâtonnets sont associés en faisceau ou isolés : souvent ils occupent toute la cellule. Ils sont moms abondants dans le chorion du Veau : chez ce dernier, par contre, le pigment jaunâtre qui colore la pellicule est en plus grande quantité. Il est à noter que l’on trouve aussi chez le Veau, entre le chorion et le placenta. des concrétions souvent très-nombreuses, sous forme de grains obstruant les follicules utérins. Les réactions micro-chimiques ne nous ont rien appris de la nature des bâtonnets ou des grains, D'autre part, on ne peut 89 A. DASTRE. isoler une quantité de ces matériaux suffisante pour en tenter essai chimique. Nous ne pouvons, par conséquent, faire autre chose que d’en signaler l'existence. Il faut cependant indiquer un des résultats négatifs auxquels nous sommes parvenu. Guidé par certaines idées préconçues, nous avons cherché si les bâtonnets ne seraient point formés par des urates ou de l'acide urique. Nous avons recueilli, après raclage, une certaine quantité d’épithélium sur lequel nous avons essayé la réaction de la murexide. L'épreuve à été négative. Nous ne quitterons pas ce sujet sans faire observer que les cellules à bâtonnets temtées en Jaune qui forment la couche réticulée sont dans un rapport évident de configuration avec la muqueuse utérine et les ouvertures de ces follicules. Conclusion. — Tels sont les résultats que nous a donnés l'étude des éléments isolés du chorion chez le Mouton et le Veau. Ils nous amènent en premier lieu à une conclusion diffé- rente de celle de Winkler cité par Schenk (1). « Le chorion, dit » cet auteur, présente essentiellement la même structure que » l’amnios. On trouve à sa surface un épithélium plat à plu- » sieurs couches. » L’épithélium du chorion, polyédrique, allongé dans le sens de son implantation, ne correspond nul- lement à l’épithélium amniotique pour sa forme ; encore moins Jui ressemble-t-il par la nature du contenu cellulaire. En second lieu, nous avons insisté sur la présence de la oraisse. Or ce n’est pas seulement dans les cellules choriales que la graisse a fait élection; on rencontre des granulations grais- seuses très-fines jusque dans les cellules de la paroi des petits vaisseaux, et cela, nous le répétons, pendant toute la durée de la vie embryonnaire. On a signalé (2), au moment de la nais- sance, dans les viscères de l’homme et des mammifères, une abondante diffusion de granulations graisseuses : cet état grais- seux décroit ensuite rapidement. Natalis Guillot (3) a trouvé une quantité moyenne de 12 pour 100 de graisse dans les pou- (1) Schenk, Lehrbuch der vergleichenden Embryologie, p. 161. Wien, 1874. (2) J. Parot, Arch. de phys., 1871-72, p. 45. (3) Natalis Guillot, Comptes rendus de l' Acad. des sc., juillet 1847. ARTICLE N° 4, ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 83 mons de lenfant qui n’a point encore respiré; après quelques heures ce chiffre tombe à 6 pour 100 et Sy maintient toute la vie. On ignore à quel moment de la vie intra-utérine cette sorte de stéatose diffuse débute dans le corps de l'embryon. L’obser- vation précédente nous montre qu’elle se manifeste déjà dans le chorion à une époque très-reculée, alors que les fonctions nutri- tives sont presque entièrement dévolues aux annexes fœtales. La présence des matières grasses dans le chorion à Pétat de granulations, de gouttelettes, et jamais en amas considérables, jamais sous la forme de cellules adipeuses, montre que ces sub- stances ne sont pas là en dépôt, mais en voie de mouvement nutritif continu. On pourrai comparer les cellules épithéliales du chorion ainsi chargées de granules graisseux à celles du revé- tement de l'intestin pendant la digestion. Pachydermes. — Chez le Porc, les éléments qui composent le revêtement épithélial du chorion ont une forme mieux caractérisée : ce sont des cellules cylindriques implantées perpendiculairement sur la surface et y formant en général une seule couche continue. Elles se terminent Inférieurement par une facette plane, et non par une pointe mousse, comme cela arrive pour les éléments de Pépithélium improprement appelé cylindrique, et qui est bien plutôt cylindro-conique. Jei la forme cylindrique est bien accusée. L’extrémité supérieure de ces cellules présente une sorte de crête mousse, une élevure qui dépasse la ligne régulière du revêtement. C’est une partie modifiée ; elle ne se colore point par le carmin, tandis que le noyau se teinte fortement en rouge et le protoplasma en rose clair. Les cellules choriales du Porc présentent aussi en certains points des granulations graisseuses, mais nous n’y avons point rencontré les bâtonnets si fréquents chez le Mouton, ni les gra- nulations pigmentaires abondantes chez le Veau. Rongeurs. — On doit distinguer, dans le chorion des Ron- geurs, deux régions d’étendue inégale : l'une est tapissée inté- rieurement par la vésicule ombilicale, et vascularisée par les artères et les veines omphalo-mésentériques; Pautre est en 84 4. DASTHN, dehors de la vésicule ombilicale et ne reçoit pomt de vaisseaux. La limite entre les deux est établie par le sinus ternanalis : leur superficie est très-différente, selon les cas. Tantôt le chorion sus-ombilical couvre tout le champ et ne laisse qu’une bande étroite pour la partie non vascularisée ; tantôt, au contraire, il ne forme qu'une aire arrondie et limitée au milieu de la mem- brane non vasculaire. Le revêtement de ces deux parties est différent. La partie non vascularisée comprise entre le bord du placenta et le sinus terminalis présente des éléments très-analogues à ceux du Porc ou des Ruminants. Ils sont disposés en une seule couche. Leur forme est, chez le Gobaye, celle de cellules cylin- driques, peu allongées, offrant un prolongement hbre du côté de la muqueuse utérine. Dans la partie sus-ombilicale Le revêtement épithélial change d'aspect. Chez le Lapin il est velouté, et cette apparence est due à des prolongements villeux qui s'élèvent de la surface. Ces vil- losités sont formées par la réunion d’un certain nombre de cel- lules pédiculées qui rayonnent en éventail d’un point d’implan- tation commun. Les cellules en question, arrondies et élargies à leur extrémité libre, s'atténuent et adhèrent les unes aux autres par leur extrémité apointie, de manière à constituer une sorte de bouquet, ou de pinceau conique. Elles possèdent un ou deux noyaux nucléolés. Il n’est pas rare de trouver dans le voisinage de celles-ci, détachés et flottants, d’autres éléments ayant essen- tiellement la même forme, peut-être la même origine, mais dif- férents par leur aplatissement et leurs nombreux noyaux. Pour déduire les conclusions que comporte cet examen il nous faut anticiper sur notre plan d'exposition et rappeler la disposition générale du placenta fœtal. Le placenta fœtal des Lapins est composé de deux ou plu- sieurs lobes ou cotylédons contigus. Eschricht pensait que chacun de ces lobes résultait de laccolement d’une multitude de plis membraneux enchevêtrés. Hollard et les observateurs récents ont reconnu que les lobes placentaires étaient, en réalité, formés par des faisceaux coniques à sommet inférieur ; ces fais- ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 89 ceaux ont pour éléments « des villosités d’une forme parfaite- » ment simple, c’est-à-dire sans ramifications, semblables à de » petites lanières attachées au chorion (1) ». Nous voyons ainsi la forme et arrangement des villosités placentaires offrir la plus grande analogie avec la forme et l’ar- rangement des villosités choriales précédemment décrites. On pourrait morphologiquement considérer celles-ci comme le pre- mier degré de celles-là. La seule différence consiste en ce que les villosités choriales sont monocellulaires, tandis que les villosités placentaires sont pluricellulaires et vascularisées. On pourrait d'ailleurs atténuer encore cette différence en faisant remarquer qu'il y a une sorte d'adaptation entre la forme monocellulaire et l'absence des vaisseaux. La membrane qui supporte les houppes cellulaires dont nous avons parlé ne renferme point de vaisseaux superficiels. Geux que l’on observe sont profonds et proviennent de la paroi interne de la vésicule ombilicale ; la paroi externe, celle qui double directement le chorion, n’est pas. vasculaire, selon la remarque de Bischoff, de Külliker et de H. Weber. Plus tard, lorsque les trois lames sont confondues en une couche unique, cette particularité n’est plus observable. Ce processus ne modifie en rien le rôle physiologique de la mem- brane au point de vue des échanges qu’elle peut permettre ; mais 1l explique que les vaisseaux ne pénètrent point dans les villosités choriales, et par conséquent rend compte, jusqu’à un certain point, de leur structure anatomique différente de celle des villosités placentaires. Ces détails nous semblent jeter une vive clarté sur le rèle de la membrane choriale extra-placentaire. On à déjà soupçonné que la partie sus-ombilicale du chorion des Rongeurs devait servir à des échanges nutritifs entre le fœtus et la mère, et con- situer à côté du placenta allantoïdien une sorte de placenta omphalo-mésentérique ou ombilical, complémentaire du pre- imier. L'idée d'attribuer au chorion des Rongeurs le rôle d’un pla- (1) H. Hollard, Recherches sur le placenta des Rongeurs (Ann. des sc. nal., 4° série, 1863, t. XIX; p. 227). 86 A. DASTRE. centa n’est pas entièrement nouvelle. Elle n'avait toutefois en sa faveur que deux probabilités; nous sommes allé plus loin dans la voie de la démonstration en apportant un troisième ar- eument qui n'est pas le moins concluant. Une première pré- somption était fournie par abondante vascularisation de la membrane en dedans de l'enceinte du sinus terminal, vascu- larisation qui lui assigne un rôle dans la nutrition de l'embryon. En second lieu, des anatomistes nombreux, Hollard, 1865, Ercolani, 41869, etc., ont remarquéen dehors de la surface pla- centaire de lPutérus, c’est-à-dire en regard du chorion sus- ombilical, le rudiment des dispositions anatomiques qui ont leur complet développement dans le placenta maternel. La mu- queuse forme en ces points des plis nombreux dont la struc- ture est la même, au degré près, que celle des follicules pla- centaires. La présence des villosités que nous signalons sur le chorion et leur analogie avec les villosités placentaires constitue un troisième ordre de preuves quivient forüfier les précédentes. En tout cas, on y trouvera peut-être, au point de vue zootaxi- que, les éléments d’une distinction entre les diverses espèces d'animaux à placentation discoïde : les uns possédant seulement le placenta allantoïdier, les autres ayant en outre une sorte de placenta ombilical. V. —— SURFACE INTERNE DU CHORION. Le chorion, chez les Ruminants et les Pachydermes, confine par sa face interne à lallantoide. L'étude de cette face a donc été faite lorsque nous avons décrit la structure de la membrane allantoïdienne. Chez les Rongeurs, la face interne du chorion est en rapport avec la vésicule ombilicale qui fait corps avec elle dans la plus grande partie de son étendue. Dans les autres points elle est en rapport avec la cavité du cœlome externe dont nous avons également parlé. Il serait inutile de reproduire des faits déjà signalés. Nous devons done passer immédiatement à la description de la mem- brane choriale étudiée non plus sur ses faces, mais dans son épaisseur. ARTICLE N° 4, ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES 87 VI. — MEMBRANE CHORIALE; STROMA DU CHORION. Méthode d'examen. — La structure de la membrane choriale doit être étudiée sur des coupes. On étale un lambeau de la membrane sur un cadre de liège : on le plonge dans une solution d'acide picrique, ou mieux encore dans le liquide de Müller, si l’on tient à bien voir, en même temps que le stroma, ses rapports avec l'épithélium. - Après quelque temps de séjour dans les liquides précédents, la membrane est mise dans la solution de gomme; puis enfin, dans l'alcool, où on la laisse durcir. On peut la soumettre alors à des coupes bien perpendiculaires à sa surface et en pratiquer l'examen. La coupe montre un tissu conjonctif composé de faisceaux de fibres disposés dans des plans sensiblement parallèles à la surface. Ces faisceaux, bien que plus volumineux et disposés sur une épaisseur beaucoup plus grande que dans lallantoide, constituent une membrane beaucoup moins résistante, qu'on déchire facilement à l’aide d’une légère traction, mème sur les pièces durcies. La trame, en effet, est loin d’être serrée : elle ne forme pas au-dessous de l’épithélium une couche mem- braneuse continue, mais seulement un feutrage plus où moins condensé. Vers la profondeur, les faisceaux se contmuent et se prolongent avec le tissu conjonctif muqueux qui sépare le cho- rion de Pallantoïde et qui a été étudié à propos de cette der- nière membrane. La face la plus superficielle de la membrane choriale, sous- jacente au revêtement épithélial, n’est point lisse et unie. Entre les groupes de fibres sont interposées des cellules étoilées, aplaties généralement dans des plans parallèles à la surface, séparées les unes des autres par des faisceaux fibreux. Ces cel- lules de tissu conjonctif sont superposées en plusieurs assises. PLAQUES CHORIALES. — C’est dans l’épaisseur du stroma cho- rial que se trouvent distribuées les plaques blanchâtres en ré- seau, dont nous avons signalé l’existence. Leur nature, leur évolution, leur abondance, leur assignent un rôle important ss A. DASTRE. dans les phénomènes de la vie fœtale. Nous devons nous y arrêter. Nature. — Pour apprécier la nature et la situation de ces productions, il importe de les étudier sur un fœtus de Mouton arrivé à la période moyenne de son développement, de la dou- zième à la dix-septième semaine, alors que la longueur de l’em- bryon varie entre 16 et 32 centimètres. À ce moment le réseau des plaques choriales a atteint le point culminant de son évo- lution : elles sont dans leur plem épanouissement ; elles ne vont point tarder à entrer dans la période de régression; chez le fœtus à terme on n’en trouvera plus de traces. Ces plaques choriales, au premier abord, semblent super- ficielles. Ge n’est là qu’une apparence. On s’assure facilement qu’elles n’ont aucun rapport avec l’épithélium superficiel : on peut enlever celui-ci en balavant la surface du chorion avec le pinceau, après l'avoir laissé séjourner dans un liquide disso- ciateur, tel que l'alcool. Le réseau des plaques, loin d’être altéré par cette préparation, apparait plus clairement. Il est distribué dans l'épaisseur du tissu conjonctif qui forme le stroma de la membrane. La matière de ces plaques est disposée en amas granuleux. Les particules dont elles sont composées n'affectent pas de formes régulières ; leur volume est aussi variable que leur con- figuration. Pour en fixer la nature nous avons eu recours aux différents réactifs micro-chimiques. Ni l'alcool, ni l’éther, ni l’eau, ni la oglyvcérine ne les attaquent : l’action de ces diverses substances ne parait pas en diminuer sensiblement le volume ou en altérer la forme. Cette épreuve exclut les corps gras, l’urée, et tous les sels solubles. L’acide chlorhydrique les fait immédiatement disparaître sans résidu et sans effervescence ; par là se trouvent exelus également l'acide urique, les urates et les carbonates. Ces dépôts sont formés de phosphates terreux et presque exclusivement de phosphate de chaux. Voici sur quels caractères nous fondons notre assertion : La membrane choriale étant isolée, séparée de l’allantoïde, ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 89 débarrassée par le raclage ou par l’action du pmeeau de son épithéllum superficiel, est étalée et tendue sur un cadre. Elle est lavée dans un courant d’eau longtemps continué ; on la laisse séjourner dans l’alcoo!l et dans l’éther, si l’on croit nécessaire de la débarrasser plus complétement de la petite proportion de substances étrangères que ces deux menstrues peuvent en- trainer. La membrane bien lavée est alors mise en contact, à froid, avec une petite quantité d'acide chlorhydrique fort. La sub- stance des plaques est dissoute : elles disparaissent presque immédiatement. Le liquide est recueilli : on y ajoute l’eau aiguisée d'acide chlorhydrique qui sert à compléter le lavage. On filtre, afin de séparer la petite quantité de débris orga- niques qui peuvent avoir été entraînés. C’est sur cette solution filtrée que va désormais porter la recherche : On sature le liquide avec de lammoniaque. Dès que la neu- tralisation est obtenue, on voit se former dans la liqueur un dépôt floconneux qui se rassemble, par le repos, au fond du vase. On recueille ce dépôt sur un filtre ; on le lave de manière à le débarrasser complétement de l’ammoniaque en excès. On le dessèche, et l’on obtient ainsi une poudre blanche en quan- tiié suffisante pour se prêter aux vérifications chimiques. Un fœtus de Mouton de 28 centimètres nous a fourni plus d’un oramme de substance. On prend une petite quantité de la substance solide, on la dissout dans l’acide chlorhydrique en quantité aussi faible que possible. La potasse, la soude, l’ammoniaque, donnent des flocons d’un précipité gélatineux qui ne se redissout point dans un excès d’alcali (phosphate de chaux). On ajoute un excès d’acétate de soude dans la solution chlor- hydrique; on verse ensuite une très-petite quantité de per- chlorure de fer. On obtient un précipité jaunâtre gélatineux (phosphate de peroxyde de fer) qui disparait si l’on ajoute du perchlorure de fer en excès ou de ammoniaque. 90 A, DASÆTRE. Toutes ces réactions appartiennent au phosphate tribasique de chaux. Enfin, et cette fois la réaction est caractéristique des phos- phates, on prend une petite quantité de la poudre blanchâtre obtenue, on la dissout dans l’acide azotique : on ajoute quelques centimètres cubes d’une solution de molybdate d’ammoniaque dans l'acide azotique. Il se produit immédiatement une colo- ration d’un jaune vif qui va s’accentuant et qui s'accompagne d’un dépôt pulvérulent si lon chauffe le tube à réaction à la flanme de la lampe à alcool. L'existence de la chaux est mise en évidence de la manière suivante : On prend la solution chlorhydrique de la substance, on ajoute un excès d’acétate de soude, on verse de l’oxalate de potasse et l’on observe un précipité blanc cristallin d’oxalate de chaux, présentant la forme octaédrique caractéristique. Les épreuves précédentes nous permettent de conclure que le dépôt des plaques choriales est principalement constitué par du phosphate de chaux tribasique, c’est-à-dire par le phosphate des os. On y trouve également une petite quantité de phosphate de magnésie. En effet, lorsque dans la liqueur précédente on a ajouté l’oxalate de potasse goutte à goutte, de mamière à ne pas en introduire un excès, et qu'on a séparé l’oxalate de chaux sur un filtre, l’ammoniaque versée dans le filtratum donne encore un léger trouble. En somme, la matière des plaques choriales est la matière même des os, sauf le carbonate de chaux qui n’y existe pas où qui s’y trouve en faibles proportions. Cette particularité ne diminue point la valeur de notre conclusion. Nous rappellerons, en effet, ce que Milne Edwards (1) a écrit à propos de la consti- tution des os : « Ge sel (le carbonate de chaux) ne paraît remplir qu'un rèle » très-secondaire dans la constitution des os. Il est en faible » proportion chez les jeunes individus, ainsi que dans les parties » osseuses de nouvelle formation, et 1l devient plus abondant (1) Milne Edwards, Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée, 1874, t. Xyp. 2h17. ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 91 » avec les progrès de l’âge ; la quantité relative en est aussi plus » grande dans les os spongieux que dans le tissu osseux com- » pacte. Il y a même quelques raisons de croire que le carbonate » calcaire est un produit exerémentitiel provenant de la décom- » position du phosphate basique de chaux par Pacide carbonique » des liquides de l’économie animale, plutôt qu’une des parties » constitutives essentielles du tissu osseux. » | Distribution. — La substance osseuse, ou du moins phos- phatée, n’est jamais contenue dans les éléments cellulaires de la membrane. Elle est déposée dans les interstices des éléments, entre les fibres qui s’écartent pour loger ces amas granuleux. Cette disposition se constate facilement sur une coupe mince du chorion simplement durei dans l’alcool : les grains sont ras- semblés en groupes, qui, sur la coupe, présentent une dispo- sition elliptique allongée. Les éléments cellulaires appliqués sur les faisceaux du tissu conjonctif n'offrent jamais avec les amas granuleux que des rapports de contact. Cette observation est d'accord avec ce que l’on sait des dépôts de phosphate qui se produisent dans le tissu ostéoïde des Mammifères et le trans- forment en tissu osseux. Les éléments cellulaires, les cellules étoilées, sont toujours respectées par le dépôt calcique : celui-ci n’envahit que la substance fondamentale. L’arrangement en réseau que présentent de bonne heure ces plaques blanchâtres sur la membrane choriale étalée est une particularité de leur histoire dont nous avons dû chercher l’ex- plication. Doit-on attribuer à quelque condition de l'appareil circulatoire cette configuration si spéciale du dépôt? I ne nous a point paru qu'il en fùt ainsi. En examinant une membrane choriale injectée où les plaques sont à un degré convenable de développement, on s'assure facilement que le réseau des taches blanchâtres ne correspond nullement au réseau sanguin artériel ou veineux. Nous nous sommes demandé s'il n°y aurait pas alors dans le tissu conjoncetif un système de lacunes ou de canaux particuliers analogues à des lymphatiques et préparés d'avance pour le dépôt des phosphates terreux. Nous devons dire que ni les coupes 92 A. DASTRE. faites sur la membrane durcie, ni les tentatives d’injections in- terstitielles dans le tissu n’autorisent à conserver cette suppo- sition. Nous sommes convaincu qu'il s’agit là d’un simple dépôt effectué, sans appareil particulier, entre les éléments fibreux du chorion. Évolution des plaques. — Nous avons dit que les plaques choriales ne présentaient pas un égal développement à toutes les périodes de la vie fœtale. Rares au début, absentes à la fin, c’est à une période intermédiaire, mais déjà voisine de la nais- sance, que leur production attemt son point culminant. Elles présentent, en conséquence, une évolution liée de quelque manière à l'accroissement de l'embryon ; la connaissance de ce rapport projeterait sans doute une certaine lumière sur des phénomènes obseurs de la nutrition de l'embryon. Le premier rudiment des plaques choriales se montre aus- sitôt qu'apparaissent sur le chorion les vestiges des futurs coty- lédons fœtaux. Les embryons du Mouton peuvent avoir alors une longueur de 10 mullim. à 30 mullim.; leur âge est de quatre à six semaines. À ce moment on voit se dessiner nettement sur la surface du chorion des espaces circulaires distingués des parties voisines par un dépôt de granulations blanchâtres légè- rement saillantes, régulièrement allongées, entre lesquelles courent des vaisseaux sanguins nombreux et bien développés. Ces masses granuleuses ont été observées par des anatomistes, mais sans qu'ils en connussent la nature ou la signification. Panizza (1) parlant de l'emplacement des futurs cotylédons fœtaux de la Vache, s'exprime ainsi : « En ces points, le chorion » devient plus opaque et parsemé de petites sallies ou granula- » tions blanchâtres et molles plus ou moins développées, selon » l’âge de l'embryon. Observés à la loupe, ces espaces se » montrent plus ou moins allongés et transparents ; 1ls sont les » rudiments des cotylédons du fœtus. » Pour nous, ces con- crétions blanchâtres ne sont autre chose que les premiers débuts de la formation des plaques choriales; en suivant pas à pas (1) Pamizza, Sopra l'uteio gravido di alcuni Mammiferi, p. 15. Milano, 1866, ARTICLE N° 4, ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 93 leurs modifications on en acquiert la preuve. On remarquera, sans aucun doute, ce rapport singulier topographique et chro- nologique entre l'apparition des dépôts phosphatés et celle des villosités des cotylédons. Lorsque les cotylédons sont plus avancés en organisation on voit les granulations phosphatées former autour de leur base une auréole ou une couronne, dont les éléments radiaires se continuent avec un réseau de même nature caché par la masse cotylédonaire. Plus tard le développement exubérant du coty- lédon dissimule le dépôt du chorion sous-jacent ; mais il suffit de soulever le pédicule pour apercevoir le dépôt disposé tout autour du point d'implantation et semblant se perdre dans la substance même du placenta. Mais déjà à ce moment le réseau n'est plus limité aux cotylédons ou à leur voisinage : rayonnant de ces centres, il a envahi les intervalles qui les séparent. On aperçoit ses travées, ses lacunes et ses mailles dans la plus grande partie de la surface du chorion. Ses caractères sont fixés : au degré près, le dépôt chorial est déjà ce qu'il. sera plus tard. Le plus grand développement du réseau phosphaté cor- respond à peu près à la sixième période de la vie embryonnaire, de la quatorzième à la dix-septième semaine. Arrivée à ce summum, la production décline très-rapidement : en peu de jours elle diminue ; il n’en reste plus de traces au terme de la gestation. Il est intéressant de noter que ce dépôt des matières osseuses disparaît du chorion au moment même où le travail d'ossification devient lé plus actif dans le squelette de l’em- bryon, et où, par conséquent, ces matières peuvent trouver leur emploi. Rôle physiologique. — L'étude précédente nous montre que les plaques choriales constituent une sorte de réserve ou s’accu- mulent les substances phosphatées en attendant le moment de leur utilisation dans l'organisme fœtal. On peut croire que dans le fait de la disparition de ces substances du chorion et de leur apparition simultanée dans l'appareil squeleitique 1l n’y à pas seulement une simple coïncidence. Nous sommes bien plutôt ANN. SC. NAT., MARS 1876 I. 12,1 — ART, N° 4. 94 A. DASTRE. tenté d’y voir une corrélation nécessaire et comme la preuve du déplacement de la substance d’abord accumulée dans le chorion et ensuite déposée dans le tissu osseux. Baër (1), parlant de la membrane du chorion, s'exprime en ves termes : « Elle correspond, dit-1l, à la tunique corticale ou » testacée, ou membrane de la coquille des Oiseaux. » Il faudrait aller plus loin, et dire qu’elle correspond en outre à la coquille même qui entoure l'œuf de ces animaux et lui constitue non- seulement un moyen de protection, mais encore une réserve de substances nécessaires au développement (2). On pourrait rapprocher le phénomène que nous signalons 1e1 de celui qui s’observe chez les Écrevisses au moment de la mue. On trouve à cette époque, d’abord dans la parotï, puis dans la cavité de l’estomac de ces animaux, des masses dures impro- prement appelées yeux d’écrevisse; ces masses sont de nature calcaire (carbonate et phosphate) ; elles disparaissent rapide- ment à mesure que la nouvelle carapace se consolide et se calcifie. Mais le phénomène est plus général encore. Depuis quelques années, dans ses belles études sur la nutrition, CL. Bernard (3) a insisté sur le rôle des réserves. Il a montré que les maté- riaux qui doivent servir à des échanges nutritifs rapides s’en- treposent, s’emmagasinent pour ainsi dire dans certains or- ganes pour être disponibles au moment convenable. Pendant les périodes les plus actives du développement, chez les plantes (1) Baer, Epistola de ovi Mammalium et hominis genesi, p. 5. Lipsiæ, 1827. (2) Prévost et Morin (J. de pharm., 1846) admettent que pendant l’incuba- tion le poids de la coquille et de la membrane restent constants et par consé- quent que leur rôle se borne à celui d’enveloppes. Mais d’autres auteurs à l'avis desquels nous nous rangeons ont observé que le poids de la coquille de l'œuf de Poule diminue pendant l’incubation. Le transport de phosphates que cette dimi- nution semble indiquer serait facile à concevoir, si l’on se rappelle que ces phosphates terreux sont solubles dans les liquides chargés d'acide carbonique : le sang qui vient de respirer dans les vaisseaux allantoïdiens au contact de la coquille étant chargé d'acide carbonique se trouve en effet dans les conditions convenables pour opérer ce transport. (3) C1. Bernard, Cours de physiologie générale du Muséum (Revue scientifique, 4873, p. 537): ARTICLE N° À. ALLANTOIÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 95 comme chez les animaux, le même fait se produit ; sa généralité l'élève donc au rang d’une loi importante. Ainsi en est-il pour la graisse, pour le sucre de cannes, pour la matière glycogène, pour l’amidon, qui sont accumulés et mis en réserve pendant une période d'élaboration ou de préparation organique. Plus tard, l’économie puise dans les réserves qu’elle s’est ména- gées lorsqu'elle est obligée de fournir à un travail énergique ou à des dépenses qui ne seraient point compensées par des recettes équivalentes, comme cela arrive au moment du déve: loppement des organes embryonnaires, au moment de la mue chez les animaux, pendant l’hibernation, au moment de la ger- mination des graines, au moment de la floraison et de la fructi- fication des plantes bisannuelles ou dicarpiennes. . D’après ce que nous venons de voir il faudrait ajouter à la liste des substances susceptibles d’être entreposées en vue d’une utilisation ultérieure les matériaux de l’ossification chez les Ruminants. Stroma et plaques choriales des Pachydermes. — Les détails que nous venons de fournir ont été observés sur les fœtus des Ruminants : Mouton et Veau. Les mêmes faits se représentent presque sans modification chez les Pachydermes. On retrouve dans le chorion du Porc les mêmes dépôts calcaires que dans celui des Ruminants : ils subissent la même évolution. Les dif- férences sont relatives à des détails sans importance. L'aspect du dépôt chorial est plus irrégulier : les mailles et les lacunes du réseau sont moins bien limitées. Les granulations sont plus volumimeuses ; elles forment une couche située plus profon- dément dans l'épaisseur du chorion; elles s’amassent même souvent aux limites de la membrane choriale dans le tissu conjonctif interposé à l’allantoide ; elles v forment des dépôts épais quelquefois de À et 2 millimètres, sous forme de trainées blanchâtres à la lumière réfléchie, opaques pour les rayons transmis. Dans quelques circonstances, la matière phosphatée se réunit en masse limitée, englobée par un amas de la sub- stance muqueuse conjonctive sous-jacente du chorion. De cette manière se trouvent consüutués des corps mdépendants que l’on 96 A. DASTRE. peut appeler hippomanes, par analogie avec ceux que l’on dé- signe sous ce nom chez le fœtus du Cheval et de la Vache. Ces corps flottent entre les deux membranes choriale et allan- toidienne ; quelquefois on les trouve à l’intérieur même de cette dernière membrane dans lesliquide allantoïdien. Dans ce cas, l'observation que nous venons de faire peut servir à nous révéler leur origine; elle prouve en effet que, quelquefois, sinon tou- jours, ces productions se sont formées dans le chorion vers sa couche la plus profonde, et qu’elles ont pénétré dans la cavité séreuse allantoïdienne de la même manière que les corps étrangers des articulations pénètrent dans les séreuses articu- laires, chez l’homme. Le stroma du chorion est également ae chez le Porc et chez les Ruminants. La membrane est beaucoup plus épaisse, et cependant beaucoup moins résistante que celle du Mouton ou du Veau. Examinée à des périodes correspondantes de l’évolution fœtale, elle se montre constituée par un tissu conjonctif plus infiltré, plus jeune, moins avancé en organi- sation ; les fibres y sont moins abondantes, et les éléments cel- lulaires, en revanche, y existent en grande quantité. Ces élé- ments sont riches en protoplasma : ce sont des cellules étoilées du tissu conjonctif, mélangées à des cellules arrondies (cellules migratrices). Les vaisseaux ne présentent rien de particulier; ils se com- portent comme chez les Ruminants ; ils pénètrent la membrane par sa face profonde et forment un riche réseau capillaire presque immédiatement sous-jacent à l’épithélium superficiel. Nous reviendrons sur leur disposition en décrivant les villosités. Rongeurs, Carnivores. — 11 y aurait à rechercher, dans le oroupe des Rongeurs et dans celui des Carnivores, par quoi se trouve représenté l’appareil des plaques choriales. Il est vrai- semblable que la fonction que remplissent ces dépôts dans le chorion des Ruminants et des Pachydermes est exercée d’une manière plus ou moins analogue ; ce point reste à préciser. Hippomanes. — On désigne sous ce nom des concrétions qui se présentent habituellement dans le liquide allantoïdien des ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 97 Solipèdes et des Ruminants. Ces concrétions forment des disques plus ou moins arrondis, de couleur jaunâtre ou bru- nâtre, de consistance gélatineuse. Le plus souvent on n’en trouve qu'un seul; d’autres fois l’hippomane principal est accompagné d’hippomanes plus petits. [l est rare d’en trouver chez le Mouton; leur présence est au contraire de règle chez les fœtus de Veau et de Jument. On a cherché à se rendre compte de l’origine de ces corps. Des anatomistes, K. Lecoq (1), Bourgelat, ont observé chez le Cheval des corps analogues à ceux du liquide allantoïdien, pé- diculés, situés entre le chorion et l’allantoïde. Si, comme cela est supposable, ces corps sont identiques aux hippomanes flot- tants, l’origine de ceux-ci deviendrait claire ; ils se formeraient dans le tissu conjonctif muqueux interposé à l’allantoïde et au chorion, et s’introduiraient ultérieurement dans la cavité allan- toidienne, à la facon des corps étrangers dans les synoviales articulaires. L'observation que nous avons faite de l'existence d’une masse analogue à un hippomane, entre le chorion et l’allantoïde, chez un fœtus de Pore, corrobore notre opimon. Cette observation nous montrait le dépôt phosphaté chorial servant pour ainsi dire de noyau à l’hippomane; d’après cela, il serait impossible d'admettre, comme le propose F. Lecoq, que ces productions se développent entre Putérus et le pla- centa. [ n’y aurait place que pour notre hypothèse. Il est possible, d'autre part, que ces corps aient des origmes différentes et soient de diverses natures. Leur étude n’offre pas d'intérêt, et nous ne les mentionnons ici que pour mémoire. VIT. — VAISSEAUX, ARTÈRES, VEINES, CAPILLAIRES. Le chorion possède un réseau vasculaire extrèmement riche. Ce réseau vasculaire a pour origine les vaisseaux ombilieaux, mieux appelés allantoïdiens ; chez les Ruminants et les Pachy- dermes il s'étend à toute la surface du chorion; chez les Ron- geurs et les Carnivores il est restreint au placenta. Enfin, nous (1) Chauveau, Traité d'anatomie comparée des animaux domestiques, 1855, p 807. 98 A. DASTRE. savons que chez ces derniers animaux les vaisseaux de la vési- cule ombilicale, vaisseaux omphalo-mésentériques, viennent doubler la membrane choriale. Au point de vue physiologique, cette disposition équivaut à un second mode de vascularisation de la membrane ; mais, anatomiquement, la confusion n’est pas possible. Le réseau vasculaire en question est une dépendance de la vésicule ombilicale, et non pas de la membrane choriale ; celle-ci en est désintéressée et n’affecte avec les vaisseaux que des rapports de voisinage. Nous n'avons done à examiner que le système des vaisseaux allantoïdiens, les seuls qui entrent réellement dans la structure du chorion. Les dispositions angéiologiques devront être étudiées dans la partie placentaire et dans la partie extra-placentaire de la mem- brane. | Troncs vasculaires. — Ve réseau vasculaire du chorion est alimenté par les artères ombilicales. Elles naissent de la partie inférieure de l’aorte commune en un point qui plus tard sera le point d’émergence des artères hypogastriques. Elles se di- rigent à droite et à gauche du plan médian de l'embryon, longent la vessie urinaire, l’ouraque, se continuent dans le cordon ombilical et se séparent au sortir de ce cordon au niveau de l'infundibulum allantoïdieu pour se rendre, chez les Rumi- nants, aux deux cornes de l’allantoïde en longeant le côté con- cave ou mésométrique de cette annexe. Coste, Bischoff et beaucoup d’autres embryologistes ont im- sisté sur le phénomène de rotation qu'éprouvait le sac allan- toïdien dans les premiers temps du développement. D'abord transversal, il est bientôt dirigé suivant l’axe de l’embryon. La disposition des artères ombilicales reste comme un témom de cette rotation. Ces vaisseaux, en effet, qui occupent les côtés droit et gauche du pédicule de l’allantoïde, en arrivant à lin- fundibulum, se dirigent l’un en avant, l’autre en arrière. Les artères ombilicales qui portent le sang au chorion sont accompagnées, dans leur trajet, des deux veines ombilicales qui l'en ramènent. Celles-ci, en pénétrant dans le corps de lem- ARTICLE N° 4, ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES.- 99 bryon, se comportent différemment, suivant l’époque du déve- loppement que l’on considère. Elles se réunissent en un tronc commun, veine azygos ombilicale. À une époque avancée la branche droite du tronc, ou veine ombilicale droite, s’oblitère et disparait ; quant au tronc lui-même, veine azygos ombilicale, il communique plus ou moins largement avec la veine omphalo- mésentérique, origine de la veine porte future et des veines hépatiques. Il envoie directement à la veine cave inférieure un rameau qui est le conduit veineux d'Arantius. En un mot, les vemes ombilicales se déchargent ou directe- ment, ou par l'intermédiaire du foie, dans la veine cave in- férieure. | Les vaisseaux ombilicaux cheminent dans le tissu conjonctif muqueux interposé aux annexes et que nous avons étudié en temps et lieu. Les troncs principaux sont accolés au bord con- cave ou mésométrique ; ils envoient des rameaux qui, après un certain nombre de divisions alternes, s’anastomosent sur le côté convexe entourant ainsi la corne allantoïdienne d’un cerele vasculaire. Artérioles. — De ce cerele vasculaire partent les troncs des dernières artérioles qui vont former le réseau capillaire. Ces artérioles se distinguent à première vue par leur direction tout à fait rectiligne, leur long trajet avant d’arriver à leur point de terminaison, et leur calibre tellement étroit qu'il est souvent inférieur à celui des capillaires qui en naissent. Leur structure n'offre rien de particulier à signaler. Leur surface interne est tapissée d’un endothélium que nous avons rendu évident en poussant dans les vaisseaux une solution faible de nitrate d’ar- gent : leur surface externe est recouverte d’une couche de cellules plates du tissu conjonctif formant un revêtement dis- continu. Capillaires, taches vasculaires. — Les capillaires forment un réseau à mailles irrégulièrement polyédriques. En certains points ils présentent des sortes de bourgeons vasculaires ayant la forme d’un cône allongé. L’injection pénètre dans ces appen- dices et rend manifeste leur perméabilité et leur nature de 100 4. DASTRE. diverticules du tronc vasculaire. Le diamètre des capillaires est très-variable; il est fréquent d'en rencontrer deux de calibre à peu près égal qui sont réunis par un troisième beaucoup plus ténu, sans doute de formation plus récente. Ces Inégalités tien- nent à l’état de développement continu dans lequel se trouve la membrane choriale, comme le fœtus lui-même. De distance en distance la figure du réseau se modifie et donne lieu à une dis- position remarquables. En examinant le membrane à un fable grossissement ou simplement à la loupe, on aperçoit des taches. rouges sur la membrane injectée. Nous leur assignerons le nom de taches vasculaires. Les taches vasculaires ont une limite plus ou moins nette, marquée par un vaisseau qui embrasse l'aire de la tache en tracant autour d'elle un cercle irrégulier ou mcomplet. À lin- térieur de cette enceinte les mailles du réseau deviennent étroites, pressées, nombreuses, tandis qu’en dehors elles sont beaucoup plus larges et plus rares (voy. pl. IX, fig. 1). C'est le contraste entre ces deux parties inégalement vascularisées qui donne l'illusion d’une tache ou d’un dépôt. Mais ce n’est pas seulement le développement des mailles vasculaires qui distingue l’espace de la tache de l’espace envi- ronnant. Leur forme est différente aussi. Les mailles sont allon- gées suivant la circonférence, étroites dans le sens du ravon. Par leur juxtaposition, elles semblent former des cercles concen- triques. On y remarque, comme dans le reste du réseau, des pointes appendiculaires (pl. 9, fig. 1 D) qui témoignent d'un développement nouveau en train de s'effectuer. À chacun de ces groupes vasculaires vient aboutir une artère, quelquefois deux ou plusieurs. L’artère, en les abordant, s’in- fléchit souvent autour d'eux pour les circonserire. De la tache vasculaire partent une ou plusieurs veines que lon reconnait à leur diamètre de beaucoup supérieur à celui de l'artère affé- rente et des plus gros capillaires interposés. Au moment où la veine va se dégager du réseau elle recueille un très-grand nombre d’affluents capillaires, ce qui la fait ressembler à un pivot de racine garni de son chevelu; elle va ensuite rejomdre un ra- ARTICLE N°4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. {O1 meau veineux qui ne correspond pas toujours à l'artère affé- rente. C’est donc la veine, plutôt que l'artère, qui forme l'axe et conume le support de la tache vasculaire, et la partie veineuse du système offre un plus grand déveloprement que lu partie arté- rielle. La distribution des ‘taches vasculaires mérite d’être remar- quée. On les voit apparaître dans les points d'élection des vil- losités choriales ; elles existent sur l'emplacement des futurs cotylédons, au moment où ceux-ci ne sont pas encore dessinés. Elles en précèdent et en préparent le développement. En gé- néral, on peut dire qu’elles répondent à la base d'implantation des groupes villeux exubérants. Lorsque les villosités com- mencent à saillir notablement au-dessus de la surface, on voit le réseau de la tache, jusque-là étalé sur un plan, se développer en hauteur, et former comme une corbeille, à la place du erible plat qu’il constituait auparavant. IL faut donc reconnaitre que le système vasculaire des vil- losités leur préexiste en quelque sorte; 11 se prépare sur un plan au-dessus duquel il s’'élèvera quand la villosité elle-même deviendra de plus en plus saillante. Les taches vasculaires sont très-nombreuses ; considérées 1is0- lément elles ne se distimguent en rien les unes des autres : celles qui occupent l’emplacement des cotylédons futurs sont pareilles à celles qui sont situées dans leurs intervalles. La formation cotylédonaire n'est done pas autre chose que l’exagération, en certains points, d’une disposition qui est représentée sur toute la surface du chorion. Développement des vaisseaux. — Le chorion est, comme le fœtus lui-même, dans un état continu d’accroissement. Aucune autre membrane ne semble offrir des conditions plus favorables pour l’étude de l’évolution histologique. Il y a done intérêt à rechercher comment se développent les vaisseaux dans un or- gane où 1ls jouent un rôle si considérable. Kôllker (1) et, plus tard, Ranvier (2) ont nettement formulé (1) Külliker, Éléments d'histologie, trad. franc., 2 édit., 1868, p. 816. (2) Ranvier, Travaux du Laboratoire d'histologie du Gollége de France, 1874, p- 148. 109 A. DASTRE, ce principe que le développement primitif des vaisseaux san- ouins devait être distingué de leur expansion ou de leur accrois- sement. C’est par ces deux procédés : formation de toutes pièces, extension du réseau formé, que s'accroît le système vas- culaire. Les deux procédés s'appliquent d’ailleurs en dehors de la vie fœtale. La formation primitive des vaisseaux n’est pas restreinte à l'embryon. Ranvier l’a étudiée d’une manière complète dans l’épiploon des Lapins, deux à huit semaines après la naissance. Nous avons suivi l'extension ou l’aceroissement des vaisseaux du chorion aux différentes périodes. L'étude du développement primitif ne nous à pas offert la même facilité. Sur des em- bryons de Mouton de 8 à 10 millimètres de longueur, âgés par conséquent de une à quatre semaines, le chorion est déjà vas- cularisé dans la plus grande partie de son étendue. Il n’est plus guère possible, par conséquent, d'examiner autre chose que l’accroissement des vaisseaux déjà formés. Sur des fœtus de Mouton, de 1 à 3 centimètres de longueur, le réseau vasculaire. du chorion a envahi toute la membrane et la couverte de mailles assez serrées. [1 y a cependant quelques places où 1l est encore Imachevé. Ces espaces sont généralement circonserits par une anse vasculaire. De la concavité de ce canal sanguin partent des prolongements dirigés vers le centre de ilot, où le sang doit être conduit. Les prolongements en question sont formés d’une masse pleine; ils apparaissent comme des bourgeons; d’autres fois, à un degré d'évolution plus avancé, ces bourgeons sont creusés et se montrent comme de petits tubes cylindriques terminés par une pointe effilée. Les pointes de ces bourgeons (pl. 9, fig. 1 D) s'affrontent, s’'ac- colent, entrent en communication, et forment ainsi un réseau à travées étranglées dans lequel le sang pénètre et circule. On constate donc très-simplement ici le mode d’accroissement vas- culaire observé pour la première fois par Golubew (1865), et qui parait être général. Pour se rendre compte de la nature de ces bourgeons et observer leurs rapports et leurs formes, nous avons employé les ARTICLE N° 4. | ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 105 procédés connus. Un segment insufflé de la corne allantoïdienne, revêtu de son chorion, est abandonné pendant quelques heures dans l’alcool (); on chasse l’épithélum au moyen du pinceau ; on passe la préparation dans Peau distillée, puis on l’immerge pendant vingt minutes dans une solution très-étendue de chlo- rure d'or (=) ; on l’expose ensuite à la lumière directe en le maintenant dans l’eau distillée légèrement acidulée par l'acide acétique. La membrane est découpée en fragments que Pon examine dans la glycérine. Les parties vasculaires ont pris une coloration rougeâtre qui permet de constater les détails de leur structure. Les bour- geons présentent des formes très-variées : comme les éléments de l’endothélium interne, ils sont colorés par la réduction du sel aurique ; leurs éléments sont granuleux. On doit, en consé- quence, regarder ces branches bourgeonnantes comme résultant de l’expansion du protoplasma des cellules qui revètent la paroi interne des vaisseaux voisins. Les prolongements, en forme de bourgeons effilés, se montrent non-seulement dans les espaces lacuneux où nous venons de les décrire et où leur observation est très-facile, mais encore dans toute l'étendue du chorion dont le système vasculaire est con- stamment en voie d’accroissement. Partout lextension de lap- pareil sanguin s'opère par le même mécanisme. L’accroisse- ment se fait par l’inosculation de deux bourgeons, d’abord pleins, ensuite tubulés, partis de deux points opposés de l’en- ceinte vasculaire préexistante. NIIT. — SIGNIFICATION DU CHORION EXTRA-PLACENTAIRE. Nous avons terminé l’examen du chorion extra-placentaire. Cette étude nous permet de nous former une idée exacte de la structure de cette membrane et d'en apprécier la signification. Tous les détails que nous possédons concordent pour nous montrer dans le chorion wne membrane intermédiaire. par sa structure, à la peau et aux muqueuses. Elle participe de la peau : par la nature de son stroma con- jonctif, et par l'origine histogénétique commune de ce chorion 104 A. DASTRE, conjonctif et du chorion cutané; par le mode d'implantation de l’épithélium qui se fait sans interposition de basement où de revêtement endothélial intermédiaire; enfin, comme nous le verrons bientôt par l’existence de villosités comparables aux papilles vasculaires du derme. Elle participe des muqueuses par la nature de son épithélium cylindrique, et par le rèle que ce revêtement remplit dans la nutrition du fœtus. Nous allons voir que le placenta (partie spécialisée du cho- rion) présente essentiellement la mème structure, et que, par conséquent, les mêmes conclusions anatomiques et physiolo- giques lui sont applicables. IX. — CHORION PLACENTAIRE; PLACENTA FŒTAL. Disposition. — À une époque reculée du développement on voit s'élever de la surface externe du chorion les productions spéciales appelées villosités. Ces productions, d’abord réguliè- rement disséminées sur toute l'étendue de la membrane, se réunissent bientôt en amas ou en groupes différemment agencés, qui prennent le nom de placenta fœtal. La forme typique et élémentaire du placenta fæœtal est donc la villosité. Le mode de groupement des villosités constituantes règle la forme du placenta fœtal ; il affecte des formes différentes chez les différents animaux. Ces formes peuvent se ramener à trois types principaux : le plus simple estle placenta diffus, ou disse- miné, ou villeux, qui s’observe chez les Pachydermes, les Soli- pèdes et les Cétacés; le second type est celui du placenta multiple ou cotylédonnaire, qui appartient aux Ruminants ; le troisième type est celui du placenta unique où limité, qui offre deux va- riétés : la variété discoïde, placenta discoide, existe chez les Primates, les Chéiroptères, les Insectivores et les Rongeurs ; la variété en ceinture, placenta zonaire, est observée chez les Car- nivores, les Proboscidiens et les Hyracoïdes. Outre ces formes principales, on observe quelques dispositions accessoires qui font la transition entre celles-ci : on trouvera dans l’ouvrage de ARTICLE N° 4. ALLANTOIDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 109 Milne Edwards des renseignements circonstanciés à ce sujet (1). Des deux groupes dans lesquels se décompose la classe des Mammifères, à savoir les Monodelphiens et les Didelphiens, les premiers seuls sont considérés, depuis les observations de R. Owen (1834), comme possédant un placenta. On les a dé- signés par le nom de M. placentariés (Placentalia). Les Didel- phiens, Marsupiaux et Monotrèmes, sont considérés comme ne présentant point d'appareil de ce genre. De là le nom de 7. èm- placentariés (lmplacentalia), sous lequel on les désigne souvent. Il est nécessaire de faire remarquer que la question exigerait un complément d’études. Il faudrait examiner à nouveau, avec les procédés histologiques actuellement en usage, le chorion de ces anImaux. Au placenta fœtal correspond, du côté de la muqueuse uté- rine, une production analogue qui entre en connexion intime avec la première. C’est Le placenta maternel où utérin. C’est à l’ensemble de ces deux productions appartenant l’une à la mère, l’autre au fœtus, étroitement umies entre elles, que Realdo Colombo, le premier (1559), a appliqué le nom de pla- centa. Fabrice d’Aquapendente (1604) et Wharton (1659) distinguèrent dans cette masse commune, dans cette « chair urbiculaire » les deux parties superposées qui la constituent. Le placenta maternel a été l’objet d’un nombre immense de travaux dont nous n'avons pas à exposer ici les résultats. Nous rappellerons seulement que la forme typique du placenta mater- nel est celle d’un follicule glandulaire simple dans la cavité du- quel pénétrerait la villosité choriale, type du placenta fœtal. Dans un remarquable travail publié en 1869, Ercolani a essayé d'établir que ces follicules glandulaires simples, forme élémen- taire du placenta utérin, ne devaient pas être confondus, comme on l’avait fait jusqu'alors, avec les glandes utriculaires qui exis- tent d’une manière permanente dans épaisseur de la muqueuse utérine. [ls seraient, au contraire, une production transitoire, (1) Milne Edwards, Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée, 1870, {IX p. 592 et Suis. 106 A. DASTRE. une néoformation provoquée par la fécondation et limitée pour sa durée à la durée même de la gestation. Quel que soit l’intérêt de ces faits, 1ls doivent rester en dehors de nos études. Nous devons nous borner à l'examen du placenta foœetal. Pachydermes. — La forme la plus simple du placenta fœtal est celle que nous présentent les Pachydermes ; c’est le placenta diffus, dissémine ou villeux. La surface du chorion, chez le Porc, peut être divisée en trois zones : une médiane très-étendue, vasculaire et villeuse ; de part et d'autre de celle-ci, une ceinture ou zone vasculaire, mais non villeuse; enfin, à chaque pôle de l'œuf, une région terminale dépourvue à la fois de vaisseaux et de villosités. Cette division entrevue par Baër n'a pas été jusqu'à présent l’objet d’une attention suffisante; il est cependant facile d'observer que les villosités, nombreuses et pressées dans la région moyenne du chorion, deviennent plus rares à mesure qu’on se rapproche des extrémités, et disparaissent bientôt complétement. En même temps le stroma chorial s’amincit, mais les vaisseaux persistent jusqu’à une ligne circulaire qui correspond au collet fibreux de la corne allantoïdienne chez les Ruminants ; au niveau de cette ligne, les vaisseaux forment des anses terminales en rebroussant chemin; au delà, dans la corne choriale, ils ont disparu par atrophie, et la membrane flétrie et mortifiée forme, en se plissant sur elle-même, une sorte de cordon fibreux qui rele le fœtus aux fœtus voisins. Cette observation concorde avec celles que nous avons pré- sentées plus haut en parlant des plaques choriales des Pachy- dermes ; elle concourt avec celles-ei à montrer, dans le chorion du Porc, un commencement de spécialisation du placenta sui- vant une ceinture circulaire ou une zone. On pourrait voir là le commencement de la disposition qui s’accentue chez l’Élé- phant et qui sert de transition à celle que l’on observe chez les Carnivores. Quoi qu’il en soit de la forme de cette partie spécialisée, sac ou zone, ses homologies ont été comprises très -anciennement. ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 107 On a reconnu, depuis Fabrice d’Aquapendente, que les villo- sités du chorion des Solipèdes et des Pachydermes représen- taient le placenta fœtal de ces animaux, diffus et disséminé au lieu d'être rassemblé en une masse limitée. Villosités. — La constitution des villosités est essentielle- ment la même chez tous les animaux. La description que nous en donnons est donc applicable non-seulement aux Pachyder- mes, mais encore aux autres types ordéniques. Chez le Porc, cette étude offre plus de facilité, parce que la forme est moins compliquée et les dimensions moins considérables. Méthode d'examen. — La structure doit être étudiée sur des coupes. La meilleure méthode de préparation consiste à faire durcir la membrane dans le liquide de Müller, la gomme et Valcool. On peut alors, en préparant des tranches minces, voir nettement les rapports de l’épithélium avec le stroma conjonctif de la membrane. Nous avons dit que les couches les plus superficielles du stroma chorial se distinguaient pas la présence de nombreuses cellules du tissu conjonctif et par l'existence d’un réseau vascu- laire abondant. De distance en distance, à des intervalles sensi- blement réguliers, on voit s'élever des prolongements de ce tissu qui soulèvent le revêtement épithélal : ces élevures sont pro- duites par le redressement des faisceaux conjonctifs : elles pré- sentent une hauteur variable et sont terminées par une exiré- mité arrondie et un peu renflée. On doit les comparer non pas à des colonnes cylindriques, mais à des replis lamelleux dressés sur la surface du chorion. Le revêtement est formé par un épithélium à éléments eylin- driques, implantés perpendiculairement sur la membrane : il en suit les contours, franchit chacune des élevures en recouvrant ses deux faces et se poursuit sans discontimuité avec l’épithé- l'um intervilleux. Ces lames, ainsi revêtues d’épithélium, séparées par des sil- lons peu profonds, parcourent la surface du chorion en déeri- vant des flexuosités qui rappellent Faspect des crreonvolutions cérébrales ; une étude plus attentive convainc bientôt l’observa- 108 A. DASTRE. teur que la disposition est plus régulière qu'elle ne parait au premier abord. Il suffit d'examiner la membrane à un faible grossissement pour s'assurer que les replis villeux sont groupés radiairement de manière à former des étoiles à branches flexueuses. Souvent repliées sur elles-mêmes ou couchées sur le chorion, elles présentent des saillies et des dentelures qui forment de véritables villosités secondaires. Les vaisseaux provenant du chorion s'élèvent dans ces lames villeuses et y affectent la disposition réticulée déjà dé- crite sous le nom de taches vasculaires à propos de la structure du chorion. Le réseau est presque immédiatement sous-jacent à l’épithélium ; il y a seulement mterposition d’un tissu périvas- culaire peu abondant. Nous n’avons pas trouvé au-dessous de lPépithélium cylin- drique des villosités pas plus qu’au-dessous de Pépithélium identique du chorion, la couche de cellules plates qui existe dans les muqueuses et que Jassinskv (1) a décrite dans les vil- losités. Nous devons donc repousser l’existence d’une couche endo- théliale sous-jacente à l’épithélium cylindrique. Nos observa- tions sur ce point sont d’accord avec celles de Ghrobak (cité par Schenk) qui n’a pas non plus observé cette couche. Ce détail offre de l'intérêt au point de vue de la signification anatomique du chorion et du placenta. La présence d’un endothélium sous- épithélial aurait identifié, sous le rapport histologique, le cho- rion placentaire à une véritable muqueuse, telle que la mu- queuse intestinale. | On remarque, disséminée à la surface du chorion chez les Porcs, des ponctuations hyalines, brillantes, transparentes, qui tranchent par leur aspect vitreux sur l’opacité relative du reste de la membrane. Ces ponctuations arrondies ou lenticulaires présentent À à 2 millimètres de long sur 1 millimètre de large. Elles sont très-évidentes, et c’est pour ainsi dire le prenuer objet qui frappe la vue lorsque l’on considère attentivement la mem- (1) Jassinsky, Zur Lehre über d. Structur der Placenta (Virchow’s Archi, octobre 1867). | ARTICLE N° 4, ALLANTOIDE ET CHORION DÉ QUELQUES MAMMIFÈRES. 109 brane choriale de ces animaux. Un examen un peu plus appro- fondi montre que ces taches correspondent à des dépressions de la surface. Nous nous sommes assuré qu’elles résultent d’une disposition particulière des villosités. Les prolongements vil- leux sont interrompus à leur niveau : ils s'arrêtent sur le pour- tour de la tache. Celle-ci (éache chauve) est alors simplement recouverte par l’épithélium. L’éclat de la membrane en ce point s'explique par l’absence des replis villeux, qui lui donnent en d’autres points un aspect terne. Ces replis villeux sont disposés radiairement autour des taches chauves et glabres. De plus, si l’on examine la structure du support chorial en ce point, on voit que le tissu conjonctif y est plus mou; il ren- ferme moins de faisceaux fibreux et un plus grand nombre d'éléments cellulares riches en protoplasma. Cependant les villosités ne font pas entièrement défaut dans cet espace : on en voit s'élever quelques-unes du fond du cratère, mais elles sont peu nombreuses et peu développées. C’est probablement à cette disposition incomplétement con- nue que se rapportent les renseignements fournis par les au- teurs à propos des villosités placentaires des Pachydermes. « Les villosités, dit Milne Edwards (1), ne sont pas disséminées » d’une manière complétement uniforme sur le chorion; quel- » ques-uns de ces appendices sont groupés en petites touffes, » disposition qui rappelle celle des cotylédons des Ruminants » proprement dits. » De même Colin (2), parlant des villosités choriales, s’exprime en ces termes : « Chez le Porc, elles » se rassemblent déjà en petites touffes entre lesquelles les > autres papilles sont plus clair-semées, comme pour marquer » la transition entre le placenta régulièrement disséminé et le » placenta aggloméré des Ruminants à cornes ou à bois. » En réalité, la disposition des villosités chez les Pachydermes n'a pas de ressemblance avec leur mode de groupement chez les Ruminants, et par conséquent on ne peut tirer de ce caractère (1) Milne Edwards, Leçons sur la physiologie, etc., 1870, t. IX, p. 562. (2) Colin, Traité de physiologie comparée des animaux, t. 11, p. 824. Paris, 1873. ANN. SC. NAT., AVRIL 1876. IL. 13, — ART. N° 4. 110 A. DASTRE. aucun nouveau prétexte de rapprocher ces deux ordres de Mam- mifères. Si l’on devait chercher des analogies de ce genre, on les trouverait plutôt, comme cela doit être, entre les Pachy- derraes d’une part, et les Jumentés et les Gétacés d'autre part. La disposition des villosités en replis rayonnants à partir d'un centre chauve ou glabre, très-marquée chez le Porc où les centres stellaires sont très-nombreux, se retrouve à l’état de vestige chez le Chéval : le chorion du Cheval présente en effet trois cen- tres glabres analogues en regard des trois orifices utérins. Chez les Cétacés, Rolleston (1), en 1866, reconnaissait les deux points stellaires correspondant aux orifices des trompes. Il est à propos de remarquer, afin de réduire à leur juste valeur les caractères fournis par lé mode de distribution des villosités, que M. A. Milne Edwards a rencontré chez les Lémuriens une disposition analogue à celle que nous venons d'indiquer, il à vu des centres stellaires glabres qui ne correspondaient nullement aux orifices utérins. De telles remarques sont bien faites pour nous donner une idée du polymorphisme dés organes placentaires, et des nom- breuses transitions qui existent entre leurs formes typiques. Ruminants. — Le ÿroupement des villosités présente un degré de complication de plus chez les Ruminants. I forme des masses cotylédonaires multiples. Les cotylédons sont des amas de villôsités réunies par leur base. Il faut étudier la disposition générale des éléments vil- leux, puis leur structure. Disposition générale. — Là disposition générale des villo- sités cotylédonaires reproduit celle des ramifications vascu- laires du réseau allantoïdien. Les dernières subdivisions vil- leuses (véllosités élémentaires) Sont implantées sur le tronc qui les supporte comme des branches alternes sur la tige d’un vé- gétal. La forme typique est une arborescence peu compliquée. Chez le Mouton, les villosités sont des feuilles aplatiés ; chez le Bœuf, ce sont des filaments : dans l’un et l’autre cas, la dispo- (4) Rolleston, Trans. Zool. Soc., 1866. . ARTICLE N° 4.. ALLANTOIÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 411 sition de ces villosités élémentaires sur lé tronc qui les porte rappelle [a figure d’une inflorescence en grappe. Le mode de division des vaisseaux est le même dans le prolongement villeux et dans l'épaisseur du chorion ; seulement, au lieu d’avoir lieu dans un plan, 1l a lieu dans l’espace : c’est le type de la division alterne. La masse cotylédonaire reçoit une ou plusieurs bran- ches des rameaux artériels qui passent dans le voisinage. Ces troncs isolés s'élèvent dans le cotylédon, fournissent des bran- ches elles-mêmes plus où moins ramifiées qui aboutissent enfin à un réseau capillaire par lequel l'artère se trouve mise en communication avec une veine qui suit le même trajet en sens inversé. Ces divisions vasculaires supportent un revête- ment épithélial qui entoure comme un doigt de gant l’extrémité terminale du réseau, descend entre lés troncs, et se prolonge sur leur base : l'intervalle entre les vaisseaux et l’épithélium est comblé par le tissu conjonctif. | Structure.— Le revêtement épithélial ést à une seule couche. Là, pas plus que chez les Pachydermes, nous n'avons retrouvé les deux couches indiquées par Jassinsky, ou les couches plus nombreuses imaginées par d’autres auteurs. L’épithélium est cylindrique, comme le revêtement chorial avec lequel il se con- tue ; il est cependant un peu plus plat, mais en restant encore bien loin de la forme pavimenteuse indiquée par quelques au- teurs, dans le dessem évident de trouver une analogie avec l’épi- thélium de l’amnios. Les vaisseaux sont extérieurement tapissés d’une couche de cellules aplaties (perithelium d'Eberth). Le tissu conjonctif est composé de cellules étoilées en grand nombre; les cellules rondes sont très-rares; des fibres extré- mement fines cloisonnent irrégulièrement la cavité villeuse. Rapports des éléments. — Quels sont les rapports de ces élé- ments, épithélium, vaisseaux, tissu conjonctif? Les vaisseaux forment l’axe et comme le squelette de la villosité. L’épithé- lium la limite extérieurement. L’ épithélium DOUS à pau/shpe porté par une membrane extrêmement mince, qui ne s’accuse guère que par ses plis sur des villosités ssoci Les et examinées dans le réactif iodé. Cette membrane est peut-être la lame 419 A. DASTRE. homogène que Goodsir et Schrüder van der Kolk (1) ont décrite dans le placenta humain comme immédiatement appliquée sur le tissu des villosités, et dont Schenk nie l’existence; ce serait simplement comme le produit artificiel du mode de préparation. La face interne de cette membrane (basement) est doublée par places de fibres de üssu conjonctif qui, de là, s'étendent dans toutes les directions en cloisonnant l’intérieur de la villo- sité et supportant les cellules du tissu conjonctif. Le cotylédon offre toujours à sa base une dépression infun- dibuliforme d’autant plus apparente qu’il offre un volume plus considérable. La lame allantoïdienne passe directement sans pénétration et sans replis, à la façon d’un pont, d’un bord à l’autre de cette cavité, et en ferme par conséquent l’orifice élargi. Le chorion se comporte done comme s'il était déprimé et repoussé par le développement des vaisseaux axiles au mo- ment de la production de la villosité ; l’écartement du chorion ainsi enfoncé et de l’allantoïde raréfie le tissu conjonctif inter- posé (tissu allantoïdien, interannexiel) ; l'intervalle des deux membranes se trouve transformé en une sorte de cavité 1rrégu- lièrement cloisonnée par un tissu muqueux infiltré. Vérilable nature de la villosité. — Cette observation nous fait comprendre la véritable nature des villosités, et nous amène à une conception plus exacte que celles qui ont été pro- posées jusqu'ici. Nous voyons que les villosités ne sont point de simples constructions élevées sur une assise régulière par le développement exubérant du tissu chorial. Elles résultent d'un processus tout différent. La villosité n'est pas un bourgeon; c’est un repli. Les choses se passent comme sil y avait plisse- ment du chorion, enfoncement et refoulement de la membrane par la poussée des vaisseaux en voie d’aceroissement. Nos études sur le placenta des Rongeurs (Lapin, Cobaye) ou des Garnivores nous amènent aux mêmes conclusions générales. À côté de ces traits communs de structure offerts par toutes les villosités, il faut signaler leurs différences. Ces différences (1) Schenk, Lehrbuch der vergleichenden Embryologie, p. 162. ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 113 sont relatives à leur mode de groupement et à leur forme. Elles n’ont pas, quoi qu'on ait dit, de véritable importance et ne se prêtent pas à l’établissement de catégories bien tranchées entre les divers animaux. Pour ce qui est du #ode de groupement, nous avons vu que les types Les plus éloignés en apparence offraient des transitions. Le placenta diffus du Porc tend à la forme zonaire ; le placenta discoïde des Rongeurs tendrait à la forme diffuse, si l’on veut admettre l’assmilation des villosités choriales aux villosités pla- centaires. Le placenta des Lémuriens aurait un trait commun avec celui des Solipèdes et des Pachydermes, dans l'existence des centres glabres d’où rayonnent les lames villeuses. La forme des villosités a semblé fournir des caractères plus _nets. Elles sont plus ou moins saillantes et plus ou moins ar- borescentes chez les différents animaux. De là une conséquence physiologique importante : les villosités simples se dégageront facilement de la muqueuse utérine au moment de la parturi- lion ; elles n’entraîneront pas dans leur chute l’arrachement d'une portion de cette membrane (caduque) ; il n’y aura pas d'hémorrhagie utérine. Au contraire il y aura entraînement d’une membrane caduque, et flux hémorrhagique chez les ani- maux (Hématogénètes) où la villosité a une forme ramifiée. On pourrait, d’une façon générale, énoncer cette loi : « La forme de la villosité se complique, son allongement se prononce d'autant plus, que le placenta se concentre et se limite plus étroitement. » Chez les Pachydermes, les Solipèdes et les Cétacés qui ont un placenta diffus, les villosités sont courtes et simples. Nous avons vu qu'elles formaient des lames dentelées présentant d'ordinaire un petit nombre de découpures. Chez les Ruminants dont le placenta se condense sous la forme cotylédonaire, les villosités sont plus saillantes, et forment déjà des arborescences. Il n’y a pas de caduque véritable : l'épi- thélium utérin seul serait décidu. Chez les Carnivores à placenta zonaire, la complication et la saillie s’accentuent encore davantage. Il y a une caduque. Quoique ces exemples semblent vérifier la loi que nous avons 114 A. DASTRE. énoncée plus haut, celle-ci ne doit pas usurper une autorité qu’elle ne mérite pas; en effet, les Rongeurs, dont le placenta est discoïde, c’est-à-dire relativement plus concentré que celui des Carnivores, ont des villosités dont la forme est plus simple. En résumé, on ne peut tirer aucun caractère précis ou exact de la forme des villosités. Dans la série des animaux, leur complication ne croit pas comme celle du placenta, Chez un même animal leur forme n’est pas constante. Nous voyons chez le Porc des villosités filiformes, d’autres en lamelles dentelées. Eschricht a trouvé sur le chorion du Phoque des villosités sim- ples et d’autres très-ramifiées, quelques-unes arborescentes. Enfin des espèces voisines, le Chat, le Chien, par exemple, offrent des degrés de complication très-différents, X. — SIGNIFICATION ANATOMIQUE DU PLACENTA FŒTAL. Le placenta fœtal, qu'il soit diffus ou cotylédonaire ou limité, doit toujours être considéré comme résultant du plisse- ment ou de la dépression de la membrane choriale. On pourrait dire, en employant le langage ancien plus imagé que rigoureux, que sa production est un arüfice employé par la nature pour multiplier et amplifier l'étendue du chorion. L’arrangement de ces replis, leur multiplicité ou leur complication morpholo- gique plus ou moins considérable, ne changent en rien sa nature essentielle. Le placenta fœtal « pour forme typique et élémen- taire un repli du chorion. Ce que nous avons dit de la signification anatomique du chorion s'applique donc au placenta. C’est une membrane qui participe à la fois de la nature de la peau et des muqueuses. II semble seulement qu'il y ait un degré de spécialisation plus avancé dans la partie placentaire que dans la partie extra-pla- ceutaire. Le chorion des villosités placentaires aurait, par suite de l'existence du basement, un trait de ressemblance de plus avec les véritables muqueuses des glandes ou de l'intestin: En résumé, le placenta fœtal est formé par le plissement d'une membrane analoque aux muqueuses telles que la muqueuse intestinale. ARTICLE N° 4 ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUEËQUES MAMMIFÈRES. 415 XI. — RÔLE PHYSIOLOGIQUE DU PLACENTA FŒTAL. La physiologie du placenta n’a pas été abordée directement. Elle était encore jusqu’à ces dernières années fondée, comme l'ancienne physiologie galénique, sur les déductions de l’ana- tomie. L'apparition du mémoire de Claude Bernard sur « une » nouvelle fonction du placenta » a inauguré une ère nouvelle, et introduit une méthode dont l'avenir révélera la fécondité. On a fait observer (1) que les opinions qui divisaient les anciens et qui divisent encore les modernes sur le rôle du pla- centa se réduisent à deux. La première de ces hypothèses con- siste à admettre le passage direct du sang maternel dans le fœtus, qui se comporterait et se nourrirait comme tout autre organe. À la vérité, la formule de cette opinion a un peu varié pour s’harmoniseraux progrès de l’anatomie et dela physiologie: Tandis que Fabrice d’Acquapendente (2) croyait au passage du sang en totalité, à plein canal, de utérus dans l'embryon, les modernes ont admis le passage pour la partie liquide seulement, pour le plasma sanguin. Le placenta ne serait autre chose qu’un instrument convenablement organisé pour permettre cette transfusion. C’est la seule modification qu’ait éprouvée l’opi- nion des anciens. Elle était rendue obligatoire par la découverte de ce fait, aujourd’hui incontesté, qu’il n'y a pas d’abouche: ment direct entre les vaisseaux de AE et ceux ‘de Ja mère, qu'il y a simple accolement. cui La seconde hypothèse a été formulée par Haller (3) dans ten apophthegme : | | In Ruminantibus manfestum fit matrem inter et fœtum non sanquinis sed lactis esse commercinmm. 3 Ce n’est plus le sang maternel qui nourrit le fœtus, c’est un lait, c’est-à-dire une sécrétion de‘la mère. Le placenta maternel “est une mamelle, c’est-à-dire une glande sécrétant une humeur que Needham (1667) appelait lait utérin, que Vieussens con- fondait avec le lait véritable, que Duverney (1835) et Eschricht (1) Ercolani, ap, cit,, p. 67. (2) Fabrice d’Acquapendente, De formato fœtu, 1604, p. 39. (3) Haller, Elementa Physiologiæ, t. VIT, p. 296. Bernæ, 1766. 416 A. DASTRE. (1837) ont considérée comme l’humeur des glandes utriculaires, que Prévost et Morin, Schlossberger en 1855, Spiegelberg et Gamgee en 1864, ont isolée et Fuslae Dans cette manière de voir à laquelle Ercolani, en 1869, a essayé d'apporter une con- sécration anatomique, le rôle du placenta fœtal est tout indi- qué : c’est un instrument d'absorption pour le liquide nourri- cier sécrété par la mère. Tel était l’état de la question, lorsque Cl. Bernard, en décou- vrant dans le placenta des Rongeurs une réserve de matière glycogène qui disparait par la suite du développement, montra que le problème n’est pas même bien posé. Nous aussi, en sui- vant de loin un tel exemple et en reconnaissant une réserve dela substance des os dans les cotylédons des Ruminants, nous con- firmons cette critique. Il ne s’agit pas de décider si le placenta fœtal est le filtre du sang maternel, ou si c’est l’instrument d’ab- sorption d’une sorte de lait maternel. Il faut savoir si, en dehors de la filtration ou de l’absorption communes à toutes les mem- branes, il n’a pas encore un autre rôle : s’il élabore quelque produit qu'il entreposerait dans son tissu comme la matière glycogène ou le phosphate; s’il modifie les substances (sang ou sécrétion) qui lui viennent de la mère par une sorte de diges- tion ou de respiration ; s’il les rejette par quelque sécrétion. Il reste en un mot à en faire l’étude tout entière. Cette étude, nous l’avons commencée. À propos de la diges- tion placentaire, nous n’avons qu’un fait bien insuffisant en- core : nous avons signalé la présence de la graisse dans les cel- lules choriales sous la forme même qu’elle affecte lorsque dans la digestion elle traverse l’épithélium intestinal. De plus, nous avons signalé, mais sans en exagérer l’importance, la propriété émulsive du liquide allantoïdien, propriété émulsive qui se re- trouve dans l’infusion des cotylédons. Quant à la respiration ou à l’excrétion placentaire, nous : avons commencé des expériences dont les résultats devront être fructueux, bien que lents à obtenir. Nous avons entrepris les analyses comparatives du sang dans l’artère et la veine utérine, dans l’artère et la veine ombilicale, au double point de vue des gaz et de l’urée. Une seule expérience exigeant non-seulement ARTICLE N° 4. ALLANTOÏDE ET CHORION DE QUELQUES MAMMIFÈRES. 117 la vivisection, mais le sacrifice d’un animal de grande taille en pleine gestation, on s’expliquera que nous ne puissions pas encore donner de résultats. Nous ferons de nos observations l’objet d’un mémoire de physiologie sur la nutrition du fœtus, nous contentant dans celui-ci de l'étude anatomique, anté- cédent obligatoire de toute recherche physiologique. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 71. Fig. 1. Revêtement de l’allantoïde chez un fœtus de Mouton de 14 centimètres de longueur ; imprégnation par le nitrate d'argent ; coloration par le carmin rendant visibles les noyaux. Fig. 2. Revêtement endothélial de l’allantoïde chez un fœtus de Mouton plus avancé ; imprégnation d’argent, stomales. Fig. 3. Le même ; fœtus très-avancé (long. 25 centim.). Fig. 4. Revêtement de l’allantoïde du Porc; stomates ; globules blancs dans les stomates. Fig. 5. Éléments de la membrane allantoïde et du tissu conjonctif sous-séreux de cetre membrane. Mouton très-jeune (long. 10 centim., gross. 250/1). PLANCHE 8. Fig. 4. Revêtement endothélial du chorion du Cobaye tapissant la face profonde de la vésicule ombilicale aplatie du côté de la cavité lymphatique du cœlome externe. Ce revêtement, à la surface externe de l’amnios et de l’allantoïde, a les mêmes caractères attribués à l’endothélium des vaisseaux lymphatiques (gross. 250/1). Fig. 2. Coupe transversale du chorion de l’amnios et du tissu interposé chez le Porc. La préparation montre la disposition des villosités (gross. 100/1). Fig. 3. Éléments du revêtement cellulaire du chorion du Porc; préparation extemporanée ; sérum iodé (gross. 250/1). Fig. 4. Éléments du revêtement cellulaire épithélial du chorion du Lapin, sur la face externe, au point où le chorion est doublé par la vésicule ombilicale. Fig. 5. Plaque choriale d’un fœtus de Porc (long. 14 centim.). Fig. 6. Plaque choriale d’un fœtus de Mouton (long. 14 centim.). Fig. 7. Plaque choriale d’un fœtus de Mouton (long. 17 centim.). PLANCHE 9. Fig. 1. Tache vasculaire correspondant à une villosité. a, artère, v, veine. Mailles étroites, allongées, à disposition concentrique, de la tache, entou- rées des mailles larges, polygonales du réseau général. On voit, en des points d, les bourgeons d’accroissement des vaisseaux (gross. 480/1). 418 A. DASTRE. Pig. 2. Figure schématique destinée à montrer les rapports histogéniques des annexes avec l'embryon au début du développement. __ Vo, vésicule ombilicale tapissée par le feuillet interne I. * AT, allantoïde naissante limitée en dehors par le bourrelet allantoïdien B. - Æ, cavité intestinale. Fe, feuillet externe du blastoderme, qui, après avoir recouvert le corps em bryonnaire, se réfléchit pour former le repli amniotique. Pp, cœlome, ou cavité pleuro-péritonéale formée par le dédoublement, avec condensation du feuillet moyen dont une lame fibro-intestinale f et une lame musculo-cutanée mc. Ch 2, chorion secondaire ou définitif formé par l'accolement du feuillet externe (serôse Hulle) et du feuillet musculo-cutané prolongé. M, feuillet moyen du hlastoderme, K, chorion primaire. La continuité des parties est indiquée par la continuité des traits, Fig, 3. État plus développé. L’amnios commence à se clore, Mêmes Rire que précédemment. Fig. 4. État plus développé chez les Ruminants. Les lettres ont la même signi- fication que précédemment. C, cœlome rempli parle tissuinterannexiel, continuation indivise du feuillet moyen. Pp, cavité pleuro-péritonéale séparée du cœlome au niveau de l’ombilic. La figure montre le revêtement interne de lallantoïde r passant sur la muqueuse de la vessie w. O0, ombilic amniotique. … PLANCHE 10, Fig. 1. Figure schématique de l’œuf chez les Rongeurs. Le tissu conjonctif interannexiel s’est condensé autour des annexes, et a laissé libre la cavité du cœlome externe c occupée par un liquide séreux. St, coupe du sinus terminal. Am, cavité amniotique. Fig. 2. Enveloppes de l’œuf de la Brebis (9°-10° semaine de la gestation). K, chorion. Al, allantoïde. 1, cornes de l’allantoïde. ao, artère ombilicale avec ses branches qui viennent se rendre aux coty- lédons €. n, collet où les vaisseaux se réfléchissent en formant des anses, vo, veine ombilicale dont on a représenté seulement le tronc. Am, amnios. v. am, vaisseaux ombilicaux réfléchis sur l'amnios. Fig. 3. Tissu muqueux interposé à l’allantoïde et à l’amnios pour montrer la fausse apparence de membrane qu’il affecte lorsqu'il est tiré avec des pinces. ARTICLE N° 4. DESCRIPTION CRUSTACÉS RARES OÙ NOUVEAUX DES COTES DE FRANCE Par M, HESSE, (Vingt-cmquième article.) Description du Pagurus misanthropus ; son ontogénie, sa physiologie et sa biologie.— Description d’une larve trouvée mêlée à celles de ce Crustacé. — Observations concernant les Pagurus Ulidianus et Prideauxii. La tribu des Paguriens, à laquelle appartient le Crustacé que je vais décrire, ne renferme qu’un petit nombre d'espèces ; mais les individus qui en font partie sont tellement considé- rables, qu’on les rencontre en abondance dans toutes les par- ties du globe, A l’époque déjà éloignée où M. Milne Edwards publiait son Histoire naturelle des Crustacés (1), il n’en déerivait que trente espèces pour tous les pays : la France y était comprise pour onze; l'Angleterre, d’après un ouvrage récemment édité par M. Thomas Bell (2), en compte dix; je n’en ai trouvé que cmq en Bretagne, mais je me suis peu occupé, jusqu’à ce jour, de ces Crustacés. Il est donc probable qu'ils sont aussi nombreux sur nos côtes, qui sont plus méridionales, que sur celles de la Grande-Bretagne; et en effet le Pagure que je déeris en est déjà une preuve, puisqu'il n’existe pas dans ce pays et qu'il habite le nôtre. Enfin, M. le docteur Fischer, dans un mémoire * (1) Histoire naturelle des Crustaces, 1837, 1. Il, p. 215-2306. (2) À History of the British sessile-eyed Crustaced, p. 169-187 et 372-378. ANN. SC. NAT, — ART, N° 5, | 2 HESSE. inséré dans les Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, en compte huit espèces (1) qui habitent les côtes sud-ouest de la France. Comme on le verra par les observations que je donne ci- après, les Paguriens sont des Crustacés excessivement intéres- sants à étudier, à raison de leur étrange manière de vivre, qui tient à leur conformation particulière, qui a nécessairement modifié, chez eux, les habitudes généralement en usage chez les autres Crustacés. Il est en effet bien curieux de voir que, par une étrange combinaison, ils semblent réunir deux organi- sations particulières qui paraissent appartenir à des êtres diffé- rents. Ainsi la partie antérieure de leur corps est évidemment celle des Crustacés, tandis que la région abdominale serait com- plétement celle des Mollusques , si son extrémité n’était ter- minée par une paire d’appendices articulés. Néanmoins la conformation de celle-ci est tellement semblable à celle des Mollusques, et elle s’adapte si parfaitement aux formes des coquilles, qu’on dirait qu’elles sont destinées à l'avance à être habitées par ces Crustacés. J'aurais voulu suivre le Pagure misanthrope dans toutes les phases de ses transformations, mais je ne l’ai pas pu, et mon travail, sous ce rapport, présente une lacune qui s'étend du premier état embryonnaire à celui d’adulte; je ne pense pas, du reste, que les métamorphoses que subit l'embryon, après celles que j’ai décrites, puissent être très-nombreuses, car il a déjà, tel qu’il est, à peu près les formes de l'adulte. Quoi qu'il en soit, j'espère néanmoins que mes observations pourront présenter quelque intérêt, en ce sens surtout qu’elles feront connaître des faits entièrement nouveaux qui serviront à donner une idée des mœurs encore inconnues de ces Crus- tacés. (1) Crustacés podophthalmiens et Cirripèdes du departement de la Gironde et des côtes du sud-ouest de la France, 1872 (Savy, éditeur à Paris). ARTICLE N° 5, CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 3 $ 4er. ONTOGÉNIE. De la ponte, de l'incubation et de l’éclosion des œufs. L'époque de la reproduction chez le Paqure misanthrope, ainsi que chez les autres Crustacés de son espèce, commence, suivant l’état de la température, au mois de mars et se continue jusqu’en septembre; l’incubation dure environ trente à qua- rante jours, mais j'ignore si, dans cet intervalle, les mêmes femelles font plusieurs pontes, ce dont je doute. Les œufs sont pondus en grande abondance ; ils forment une énorme grappe qui est toujours placée à la gauche de l’abdo- men, c’est-à-dire du côté opposé à l’axe que forme la spire de la coquille, disposition qui n’a pas été prise au hasard, mais qui a pour effet de procurer plus d'espace et d'éviter les frottements, qui sont beaucoup moindres de ce côté que de l’autre. Les ligaments qui maintiennent les œufs (1) sont membra- neux, plats et très-solides. Ils sont généralement fixés sur les fausses pattes abdominales, et forment à leur base un tronc, duquel partent de nombreuses branches qui émettent des ramules qui tous se terminent par des radicelles en forme de crampons (2) qui saisissent isolément chaque œuf et les main- tiennent à leur place à la manière de pédoncules. Cette masse d’œufs semble pourvue d’une sensibilité ner- veuse qui se communique de proche en proche, en procédant de la base au sommet, et réciproquement du sommet à la base, dans un sens inverse ; mais ce mouvement, qui est très-sensible pour l’ensemble, l’est moins en détail, et est probablement dà aux fausses pattes abdominales et à leurs ramuscules pectinés - sur lesquels les œufs sont fixés (3). Les œufs fraîchement pondus sont d’une couleur chocolat très-foncée et presque noire; elle devient ensuite plus claire et (1) PI. 6, fig. 4, 5 et 6. (2) PI. 6, fig. 4. (3) PI. 5, fig. 30 et 31. À HESSE. $ passe au rouge brun (1). Alors on commence à apercevoir que l'enveloppe, qui était entièrement remplie par l'embryon, pré- sente, vers un de ses pôles, un limbe plus clair, qui petit à petit s'agrandit et laisse voir un espace vide. Un peu plus tard on voit que le bord supérieur de la masse vitelline présente des découpures qui proviennent d’expansions charnues qui annon- cent un commencement d'organisation; bientôt apparaissent les points oculaires, qui sont encore diffus, mais leur délimita- tion est bien arrêtée, et la cornée se montre avec les divisions de ses nombreuses facettes hexagonales (2). Le développement se poursuit. L’embryon prend des couleurs variées, noires, Jaunes, rouges, qui indiquent assez exactement la présence des viscères; on peut aussi constater dès lors les, contractions du cœur. Les diverses parties du corps se des- sinent ; le thorax est très-distinct de l’abdomen, qui est re- ployé sous le corps de manière que son extrémité inférieure _atteigne l’extrémité supérieure de la tête ; on peut compter les divisions de l'abdomen et distinguer tous les membres exté- rieurs. Enfin, embryon est complet, et bientôt il rompt l’enve- loppe de- l'œuf dans lequel 1l était renfermé et en sort par une large ouverture (3). Il ne fait pas cependant, je pense, un usage immédiat de sa liberté; Je suis persuadé qu'il reste encore quelque temps sous la protection de sa mère, renfermé avec elle dans la coquille qu’elle habite : car, chaque fois que j'ai recueilli ces Crustacés, je n’apercevais pas, dans les premiers instants, dans la vase où je les plaçais, qu'il y eût d’embryons; mais, le lendemain ou le surlendemain, j'en voyais un certain nombre gisant au fond ou s’exerçant à nager, ce qui prouve qu'ils étaient encore dans la coquille habitée par leur mère au moment où je les avais recueillis. . (4) PL 6, fig. 5. ” (2) PL. 6, fig. 6. (2) PL. 5, fig. 4, 2 et 3. ARTICLE N£ 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 5 ç 2. PREMIÈRE PHASE EMBRYONNAIRE. À leur sortie de l'œuf (1), les embryons du Misanthrope n’ont que 4 nullimètres de longueur; leur tête est relativement très- grosse et leurs membres sont turgescents. Vus du côté du dos, la tête présente, latéralement, deux énormes globes oculaires séparés entre eux par une faible dis- tance qui forme une large échancrure du côté du bord frontal et une semblable à la base de la tête (2). . Au milieu de l’échancrure supérieure se voit un appendice frontal, plat, conique, de moyenne grandeur, légèrement recourbé vers la face inférieure. _ Les yeux sont sessiles, où du moins le pédoncule sur lequel ils sont fixés est tellement court, que l’on peut les considérer comme adhérents à la tête; mais ils sont si saillants et si bom- bés, qu'ils ont, par le fait, les avantages des veux pédonculés. La surface de la cornée est lisse, et l’on aperçoit, à raison de sa transparence, une agglomération de stemmates juxtaposés, dirigés dans tous les sens d’une manière divergente, de sorte qu'ils embrassent l’espace et peuvent ainsi voir dans toutes les directions. Les tubes optiques ont une forme hexagonale: ils sont accolés les uns contre les autres de façon que chaque facette, s’adap- tant à celle qui lui est contiguë, occupe, comme dans les alvéoles d’une ruche, le plus de place possible dans l’espace le plus limité. \ Au centre et en dessous on voit aussi un énorme cristallin réposant sur la masse vitrée qui est en contact avec le nerf optique, qui lui-même est logé dans le pédoncule oculaire. Les yeux (3), vus de face, sont ovales ; l’extrémité antérieure (OP PretS. (2) PL. 5, fig. 2. (8)P1: 5, fig. 1. 6 | HESSE. se termine en pointe arrondie, mais celle de l’autre pôle est plus aiguë. La carapace (1) est cylindrique, un peu plus étroite à ses deux extrémités ; le bord inférieur, qui est légèrement échancré au milieu, finit en pointe de chaque côté. . On aperçoit par transparence, au milieu du corps et à la base de la tête, l’appareil digestif, qui n’a encore qu’un faible volume ; il est suivi du canal intestinal, qu se rend directement à l’anus (9). Le cœur (3) est également placé un peu plus bas et sur la ligne médiane ; il est aussi d’un faible volume et de forme sphé- rique. Il paraît rayé transversalement de stries très-rappro- chées et parallèles, et ses contractions précipitées paraissent être stimulées par les mouvements fébriles des branchies ; 1l est suivi du tube aortique, qui est placé au-dessus du tube imtes- tinal et en suit la direction, mais qu’il n’accompagne qu'aux deux tiers de son parcours. Les branchies sont extrêmement petites, plates et transpa- rentes ; elles ont la forme de raquettes ; elles sont doubles sur un même pédoncule; elles sont placées près de la base du thorax (4). L’abdomen succède au thorax. Il est assez gros et assez Lie il est divisé en six articles qui sont tous à peu près de la même taille, sauf le dernier, qui est le plus long et est spatuliforme, terminé en queue d’aronde (5). Les deux lames divergentes qui la terminent sont armées, à leur bord inférieur, de cinq épines assez fortes, un peu arquées, dont les pointes . tournées vers le centre, et extérieurement d’une petite épine plus courte en crochet. Vu, en dessous, on aperçoit de chaque côté de la tête une . paire de pattes-mâchoires externes très-grandes, dont la branche (1) PL 5, fig. 2 et 3. (2) PL. 5, fig. 2. (LP 5 0202) (4) PI. 5, fig. 12. (6) PL. 5, fig. 1, 2, 3 et 13. ARTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 7 interne, qui est étroite, cylindrique et articulée, se termine par une touffe de poils; la branche externe est très-large et très- plate. Un peu au-dessous, on aperçoit l’orifice buccal (1), qui est précédé de la mâchoire supérieure, laquelle est conique ; son bord supérieur est échancré et arrondi. On voit latéralement plusieurs mandibules denticulées dont les plus larges recouvrent le cadre buccal; le labre inférieur est long et multiarticulé. Immédiatement après se trouve une paire de pattes anté- rieures (2) armées de pinces d’une grosseur médiocre, et un peu plus bas d’autres pattes cylindriques et multiarticulées AI qui paraissent destinées à compléter les fonctions de pattes- mâchoires. Ces pattes sont suivies de deux autres paires de pattes nata- toires (5) qui sont composées d’un article fémoral très-fort et irès-long qui donne attache à deux appendices, dont l’un, celui de dessus, est large et plat et formé de trois articles ; l’autre, plus court et cylindrique, est composé de cinq articles. Ces deux paires de pattes sont reliées entre elles par une forte ner- vure qui traverse horizontalement le thorax et dont les extré- mités vont aboutir à la base fémorale de ces pattes (3). Enfin on voit, près du bord inférieur du thorax et de chaque côté, une petite patte cylindrique recourbée en crochet et divisée en cmq articles (4). Je n’ai rien à ajouter à ce que J'ai dit de l’abdomen en décri- vant sa face supérieure, si ce n’est que l’on voit plus distincte- ment les petits appendices denticulés et aigus qui se trouvent au bord supérieur de chaque anneau. | Coloration. — Le corps est blanc, mais couvert d’une multi- tude de petits points rouges qui, lorsqu'ils sont vus sans gros- sissement, le font paraître d’une couleur rougeâtre ; mais l’ap- pendice frontal est jaune. Il en est de même des lobes du foie (1) PL. 5, fig. 3, 7, 9 et 10. (2) PI. 5, fig8: (S)MEl 16, fige (4) PL. 5, fig. 6. ANN. SC. NAT., AVRIL 1876 II, 14. — ART. N° 9. ) | HESSE, Les yeux sont d’un beau vert d’émeraude, mais à la-troisième mue ils deviennent noirs, et les couleurs de la carapace sont moins vives et plus fondues; on commence aussi à voir sur le corps quelques petites taches d’un vert métallique brillant que l’on retrouve bien plus apparentes sur l’adulte. $ 3. DESCRIPTION DU PAGURE MISANTHROPE A L'ÉTAT ADULTE (1). Il n’est peut-être pas de Crustacés qui, dans l’état actuel des choses, présentent autant de difficultés pour en déterminer les espèces, que les Paguriens. Si l'on s’en rapporte, en effet, aux ouvrages qui s’en sont occupés et qui cependant sont, à Juste titre, très-estimés, on voit que les descriptions qu’ils en ont don- nées sont ou trop laconiques, ou que les caractères sur lesquels on s'appuie pour les distinguer sont difficiles à saisir sans hési- tation ; et enfin, chose singulière, on constate que les planches de ces mêmes ouvrages sont, en ce qui concerne ces Crustacés, bien inférieures à celles qui représentent les autres espèces. Tout semblé donc concourir à augmenter les difficultés, déjà assez grandes, que présente cette ingrate besogne. Aussi en est-il résulté de nombreuses erreurs et de fausses détermina- tions qui ont été cause que l’on a donné des noms différents à des individus qui pourtant étaient de la même espèce. Je n’ai pas, il s’en faut, la prétention de remédier compléte- ment au mal que je signale ; il me semble cependant qu'il y aurait un moyen facile de simplifier, dans certaine mesure, cet état de choses, en opérant des divisions qui paraissent se pré- senter d’elles-mêmes, en raison de caractères évidents qu'offre GOMBISS > io 124; SYNONYME : Pagurus misanthropus, Risso, Hist. nat. de l’Europe mérid., t. V, p. 41; Roux, Crust. de la Méditerr., pl. 14, fig. 1; Edwards, Hist. nat. des Crust., t. XI, p. 298 ; Heller, Die Crust. des Sudl. Eur., p. 177, pl. 5, fig. 16-18 (clibanarius). — Pagurus oculatus, Edwards, Hist. nat. des Crust., t. XI, p. 226 (non Pagurus oculatus, Fabricius). — Crustacés podophihalmaires et Cirri- pèdes du département de la Gironde et des côtes du sud-ouest de la France, par le docteur G. Fischer, p. 13, n° 37. ARTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 9 la conformation des pattes antérieures, dont les mains sont généralement de grosseur inégale et dont les plus fortes sont placées tantôt à droite, tantôt à gauche, ou bien sont de dimen- sions égales ou presque égales. Pour donner une idée de ce que je propose, j'ai arrangé dans cet ordre, et placé dans le tableau ci-dessous, les Pagures que l’on rencontre sur les côtes de France et d'Angleterre, et qui formeraient, d’après ce système, quatre catégories que voici : | P. Bernhardus. . : P. Prideauxtii. de longueur et de gros- | à droite. P_ Hinämani seur très-inégales, Ja | ee patte la plus forte étant , P. Thompson Pagures dont les HIACÉC RCE ET PRES à gauche. P. Dillwynii. attes antérieu- ie P k - .( de longueur et de gros- P. Cuanensis. res et Lies mains D , © ] PU anus SORT re es PSE SR dE OiLE. è , { la patte la plus forte P. lœvis. étant placée 00000200 P. Forbesii. de longueur et de grosseur égales.. P. misanthropus. À l’aide de ces quatre catégories, je crois qu’il serait facile d'y comprendre toutes les espèces qui appartiennent à cette tribu, d'autant que ces divisions n’empècheraient pas d'y joindre, au besoin, tous les caractères distinctifs complémen- taires qu'il paraïtrait utile d'y ajouter. Voici maintenant la description du Pagure misanthrope adulte. Caractères spécifiques. Taille de 30 à 40 millimètres chez l’adulte. Pattes anté- rieures de la même longueur et d'égale grosseur, mais couvertes de petits tubercules granuleux entremêlés de poils rares et courts. Pinces‘échancrées au milieu et ne se touchant que par leur extrémité. Pédoncule oculaire très-long et très-grêle ; cornée ne présentant qu’une légère échancrure, celle-ci atter- gnant au sommet des antennes internes et les parties pédoncu- laires externes. Dent rostriforme du thorax à peine Imdiquée. Thorax très-plat, garni à son bord inférieur d’une bordure lanu- gineuse très-fournie qui en suit le contour, Pattes ambula- 10 HISSE. toires d’une grandeur et d’une grosseur médiocres, le dernier article court et terminé par une petite griffe pointue qui paraît articulée. Abdomen contourné sur lui-même et terminé par une paire d’appendices doubles et articulés, de moyenne gros- seur. Quatre fausses pattes tentaculaires placées latéralement et à égale distance sur le côté gauche de cette partie du corps. Description. La taille du Pagure misanthrope est, chez les mâles, qui sont toujours plus grands que les femelles, de 30 à 40 millimètres. Ils sont aussi plus vigoureux, et leurs couleurs sont beaucoup plus éclatantes que celles de la femelle et des jeunes. Toutes les pattes sont d’une longueur et d’une grosseur mé- diocres ; celles de la première paire sont de la même taille et de la mème grosseur ; leurs mains sont petites, ovales, plates, cou- vertes de, nombreux tubercules granuleux rangés assez confu- sément sur deux ou trois lignes et qui sont entremèêlés de poils rares et courts (1). Les deux mandibules qui forment les pinces des mains sont échancerées au centre, de manière à ne se toucher que par leur extrémité, qui est légèrement incurvée et élargie, et peut, en s'appliquant l’une contre l’autre, leur permettre de saisir les objets comme avec une tenaille (2). L'article suivant est très-court et couvert aussi, comme le précédent, de granulations qui sont rangées sur une même ligne formant au milieu une sorte de crête saillante. | L'article fémoral est large et plat, les autres sont très-courts. Les pattes ambulatoires de la première paire sont les plus longues, et, comme les premières, composées de cinq articles dont le basilaire est le plus court. : Le fémoral est large et assez court, l’avant-dernier et le der- mier sont les plus longs; celui-ci est terminé par une petite griffe pointue qui semble articulée (3), et ne pas être, comme (1) PI. 5, fig. 14, 28 et 29. (2) PL. 5, fig. 28. (3) PL 5, fig. 26. ARTICLE N° 9. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. AP dans le Bernhardus et le Prideauxii, la continuation du der- mer article. Les pattes ambulatoires de la troisième paire r'es- semblent exactement aux précédentes; elles sont seulement un peu plus courtes que celles-ci, et c’est à leur base que l’on aper- çoit l’orifice vaginal (1). La quatrième paire de pattes est la plus courte; elle est plate et élargie à son extrémité ; elle est placée horizontalement et légèrement recourbée en crochet. Son dernier article est ter- miné par une forte griffe incurvée, au-dessous de laquelle se trouve une large protubérance ovalaire hérissée de petites pointes aiguës ; les quatre autres articles sont très-gros et très- courts (2). La cinquième paire de pattes est beaucoup plus longue et _ plus grêle que la précédente; elle est placée à la base du tho- rax ; elle est recourbée de manière à venir s’appuyer contre les parties latérales du thorax ; elle est composée de cinq articles à peu près de la même grandeur, mais le dernier, qui est le plus petit, se termine par une pince didactyle accompagnée d’une plaque granuleuse garnie de longs poils divergents reployés en crochets à leur extrémité (3). Enfin, l’avant-dernier article, l'abdomen, présente de chaque côté deux appendices (4), dont celui de droite est le plus fort; il est composé d’un article basilaire très-court, qui donne attache à une lame plate, étroite à sa base et élargie à son extrémité en forme de rame, et est bordée de poils à sa partie supérieure. Au pied de celle-ci, on voit encore deux petits appendices, plats aussi, formés de deux petites lames didactyles. L’appendice de gauche a la même forme, mais il est plus petit. Ils ont, des deux côtés, leurs pointes dirigées en haut, vers la tête. On aperçoit également, du côté gauche de l’abdomen, de (4) PL 5, fig. 25. (2) PI. 5, fig. 32. (2) PL. 5, fig. 33 et 27. (4) PI. 5, fig. 34. 12 HESSE. fausses pattes dont la base, qui est large et plate, est fixée sur un écusson ou plaque membraneuse, plutôt que cornée, qui occupe le milieu de la ligne dorsale de cette partie du corps (1) et va en s’atténuant sur les côtés. Ces fausses pattes sont, comme les écussons auxquels elles sont attachées, au nombre de quatre, espacées et placées égale distance sur cette partie du corps. Elles sont composées de deux tiges bifurquées multiarticulées, très-grêles et très- longues et couvertes de poils pennés. Ces fausses pattes existent aussi chez les mâles comme chez les femelles; elles varient de longueur; elles ont quelquefois la forme ovale, et alors elles sont assez courtes, mais les poils sont toujours très-longs et pennés (2). La partie antérieure du corps (3), qui comprend le céphalo- thorax, est moins longue que ne Pest l'abdomen. Elle est divisée par des lignes légèrement creuses qui en délimitent les diverses parties ; elles forment en haut et au milieu un carré qui com- prend la région stomacale. Le bord antérieur ou frontal ne pré- sente pas sur la ligne médiane d’angle sallant, de manière à former un rostre. Fl est au contraire légèrement arrondi et va en s’abaissant de chaque côté. Au milieu et au-dessous de cette portion du thorax, on aper- çoit un petit espace triangulaire dont la pointe est dirigée en bas, qui comprend la région cardiaque; enfin des deux côtés de celle-ci on voit un autre compartiment formant un triangle aigu dont la base est arrondie, sous lequel sont placées les régions hépatiques et branchiales. La base du thorax, qui forme au milieu une forte échan- crure, est bordée d’une bande de poils lanugineux qui en suit les contours et remonte de chaque eôté jusqu'à la base des pattes ambulatoires (4). L’abdomen est, comme je lai dit, grand et tuméfié; 1l est (1) PI. 5, fig. 14, 30 et 31 (CRTC (3) Pl big" (4) PL 5, fig. 1%: ARTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 45 formé de sept anneaux qui sont peu distincts ; il est recouvert d’une peau membraneuse assez résistante, renforcée de dis- tance en distance par quatre plaques plus épaisses, formant écusson, qui servent de bases aux fausses pattes abdominales que j'ai Her ites. L’avant-dernier anneau est couvert d’un test corné très- solide, sur lequel s'appuient, de chaque côté, les appendices placés à l'extrémité de l'abdomen. Le dernier anneau est recou- vert aussi d’un test semblable. Il est recourbé en dedans, de manière à former un erochet et à aider dans leur action Îles appendices latéraux qui sont fixés à l’anneau précédent (1). Au milieu du bord frontal et de chaque côté, on aperçoit les pédoncules oculaires, qui sont divergents et à la base desquels se trouvent deux petits prolongements plats et triangulaires. Les tubes qui portent les veux sont très-longs et très-étroits ; ils sont un peu plus larges à la base et au sommet qu’au milieu. La cornée (2) est également plus large que le pédoncule ; elle porte une légère échancrure latérale, et son sommet atteint la base du filet articulé des antennes mternes. Examinée sur une dépouille provenant de la mue d’un de ces Crustacés, la cornée, soumise au microscope, était d’une trans- parence complète qui permettait de constater qu’elle était com- posée de cornéules arrondies, serrées l’une contre Pautre et | alignées de manière à former des lignes parallèles et contiguës, qui, dans leur ensemble, avaient une ressemblance parfaite avec l'extrémité d’un dé à coudre, avec cette différence toute- fois, que les points contigus, au lieu d’être en creux, étaient en relief (3). C'est aussi grâce à la nécessité de la mue, qui est commune à tous les Crustacés, que j'ai pu, sur une de leurs dépouilles, me procurer ces admirables détails des organes buccaux qui se trouvent à l’orifice de l’œsophage, et qui, bien certamement, (A) PL. 5, fig. 34. (2) PL, 5, fig. 20 et 21. (3) PL. 5, fig. 21. 14 HESSE. sans cette circonstance, auraient échappé à toute investigation anatomique (1). Les antennes internes sont placées entre les tubes oculaires. Elles sont formées de trois articles, dont deux à peu près de la même longueur, et le dernier, qui est le plus court, est arrondi et sert de base à deux filets articulés, dont le plus long en a dix et le plus court huit, qui sont garnis de longues soies formant panache (2). Les antennes externes sont insérées en dehors des internes. Elles sont très-longues et formées, à leur base (3), de deux larges articles gros et courts, dont le deuxième, qui est denticulé, porte un petit appendice étroit et court. | Cet article est suivi d’un autre qui sert de base au pédoncule qui supporte la tige des antennes, qui est très-longue et formée de trente-cinq à quarante articles. En dessous, on aperçoit l'ouverture buccale, laquelle est entourée de trois paires de pattes-mâchoires à peu près sem- blables. La branche inférieure (4) est composée de cinq ou six arti- cles, et le palpe est large, plat à sa base et terminé par un appen- dice multiarticulé. Les autres pattes-mâchoires diffèrent peu de celle-ci. Les mâchoires (5) sont minces, très-plates et denticulées ; elles sont garnies aussi, à leurs bords internes, de poils très- serrés. Elles recouvrent les mandibules, qui sont extrêmement ro- bustes, plates, scutiformes, et peuvent servir à broyer les ali- ments qui offriraient de la résistance (6). Au-dessous de celles-ci sont encore un certain nombre d’or- ganes d’une ténuité et d’une délicatesse extrême, dont J'ai déjà (1) PI. 5, fig. 26, 27, 28, 29 et 30. (@) P1:5, fig. 23. (3) PI. 5, fig. 24. (4) PI. 5, fig. 15 et 16. (5) PI. 6, fig. 10, 31 et 33. (6) PL. 5, fig. 19, 18 et 17. ARTICLE N° 5, CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 15 parlé, qui garmissent l’entrée de l’œsophage, et sont destinés à retenir et diriger les objets qui doivent y être introduits (1). Le sternum n'offre ici rien de particulier, si ce n’est que dans cette, espèce il est abondamment recouvert de cette villo- sité qui entoure la base du thorax (2). Coloration. — Toutes les pattes sont d’une couleur brune verdâtre foncée. Les mains des pattes antérieures sont aussi de cette couleur; mais les nombreuses aspérités dont elles sont couvertes sont d’un bleu clair, et les extrémités de leurs pinces sont noires. Le dernier article des pattes ambulatoires est bleu rayé de rouge, et la griffe qui les termine est noire (3). Les antennes internes et externes sont rouges. Le pédicule oculaire est aussi de cette dernière couleur, mais la cornée est d’un noir profond tacheté de petits points d’un blanc pur (4). La région thoracique varie beaucoup de couleur; elle est généralement d’un gris verdâtre pour la partie antérieure, qui présente au milieu feu petits points noirs arrondis ayant l'as- pect d’yeux (5). La partie inférieure est de couleur variée. Les lobes qui sont de chaque côté sont parcourus verticalement par des raies brunes très-fines, ressemblant aux nervures des ailes de Lépi- doptères, entre lesquelles on aperçoit de petites taches Jaunes ou blanches. La bande de poils lanugineux qui entoure la base du thorax et qui remonte de chaque côté est d’un roux ardent (6). (4) PL 6, fig. 26, 27, 98, 29 et 30. () PI. 5, fig. 14. (2) PL 5, fig. 26. (4) PL. 5, fig. 20. (5) Il ne faudrait pas beaucoup de frais d'imagination, pour ceux surtout qui ont trouvé que le corcelet du Sphinx Atropos avait du rapport avec une tête de mort, pour établir une comparaison semblable, à raison des deux points noirs que l’on voit placés à la partie antérieure du thorax du Pagurus misanthropus et des échancrures qui sont en dessous et qui simulent une sorte de nez. En étendant cette comparaison aux parties inférieures et latérales de cette portion du corps, on leur trouverait aussi une ressemblance très-grande avec les ailes d’un papillon sortant de sa chrysalide, au moment où elles ne sont pas encore US (6) PI. 5, fig. 14, et pl. 6, fig. 32. 16 HESSE. L’abdomen varie aussi considérablement de couleur. IT ést ordinairement d’un bleu foncé tacheté de petits points blancs, et cette couleur bleue, par des nuances claires et plus foncées, forme des bandes verticales qui vont de la base à Fextrémité inférieure du thorax. Ces bandes sont interrompues, à quatre endroits, par les écussons qui servent de points d'attache aux pédicules des fausses pattes abdominales, et dont la coloration, qui est jaune rougeûtre, tranche sur le fond. | L’abdomen se termine par deux anneaux qui sont recouverts par une enveloppe cornée très-dure, de couleur blanche, qui est aussi celle des fausses pattes latérales qui y sont fixées. Sur lavant-dernier anneau, qui forme un carré divisé en deux par- ties égales, on voit au milieu de chacune une tache brune arrondie. Les petites lames plates qui sont à la base des pédoncules oculaires sont tachetées d’un bleu brillant ; il en est de même des pattes-mâchoires, qui sont également parsemées de petites taches de la même couleur. Habitat. — Très-nombreux dans certaines localités et exces- sivement rare dans d’autres; habite de préférence la mer ouverte et les côtes rocailleuses battues par les flots. Grimpe avec facilité, à l’aide de ses griffes pointues, au haut des roches découvertes par la mer, et se cache dans les Fucus et sous les pierres, particulièrement celles du schiste ardoisier, où on le rencontre avec les Porcellana platycheles longicornis, et les Galatea squamifera, strigosa et nexa, qui recherchent aussi les mêmes parages. Rare à la pointe du Château, à l'entrée du port de Brest, mais très-commun sur les rochers et sous les pierres qui cou- vrent et découvrent à la marée, près de l’aiguade des Quatre- Pompes, en rade de Brest, où 1l vit à l'exclusion des autres espèces de Pagures. Je ne l’ai rencontré que dans ces deux loca- lités et nulle part ailleurs. ARTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 17 8 4. PHYSIOLOGIE. Une des choses qui frappent le plus imagination lorsqu'on examine la larve du Pagure misanthrope, c’est, sans contredit, le développement excessif et le perfectionnement remarquable qu'ont reçus les organes de la vision. Dans quel but en ont-ils été dotés? C’est évidemment pour donner à ces jeunes Crustacés les moyens d’apercevoir de loin et dans toutes les directions leurs ennemis, et aussi les objets, infiniment petits, dontils font leur nourriture ; conditions essen- tielles sans lesquelles, malgré leur grande fécondité, les Crus- tacés de leur espèce ne tarderaient pas à disparaître. Leurs yeux étant sessiles, et, par suite immobiles, il faut que par la perfection de leur organisation ils suppléent aux Incon- vénients que présentent leur fixité; aussi leur cornée est-elle formée d’une multitude considérable de cornéules qui, dirigées dans tous les sens, leur permettent de voir de tous les côtés à la fois. Lorsque ces petits Crustacés nagent, on voit que le poids rela- tivement considérable de ces organes exerce une influence re- marquable sur leur stabilité. Comme ils n’ont, pour se maintenir dans une position horizontale, que les deux paires de pattes natatoires, qui sont d’une longueur et d’une grosseur médiocre, on aperçoit le corps cherchant à maintenir son équilibre, balan- çant, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, comme un navire mal lesté, roulant d’un bord sur l’autre. Dans ces oscillations, les yeux apparaissent quelquefois seuls, quelquefois à demi-cou- verts lun par l’autre, ce qui produit un singulier effet, surtout à raison de la transparence qui permet de les voir l’un à travers l'autre. Ces yeux, qui sont nécessairement une des parties les plus utiles pour l’embryon, sont protégés, contre les chocs violents qui pourraient résulter d’une impulsion trop énergique, par un 18 HESSE. pédicule rostral solide, et formant une sorte d’éperon qui peut aussi leur servir d'arme offensive et défensive. Dans cette espèce cependant, cet appendice a des proportions modérées ; mais il n’en est pas de même de la larve que j'ai représentée dans la planche n° 2, chez laquelle il dépasse le bord frontal d’une longueur considérable, ainsi que cela se voit chez d’autres embryons de Crustacés, tels que les Zoés.. Je l'ai également rencontré chez un individu qui avait cependant les yeux pédiculés, et qui conséquemment pouvait, en les dirigeant dans un sens opposé au mouvement, éviter les inconvénients qui peuvent se présenter pour des yeux qui sont immobilisés. Du reste les embryons de ces Crustacés ne sont pas les seuls chez lesquels on constate la présence d’une disposition sem- blable; elle existe également chez les adultes, et particulière- ment chez les Palémoniens (1), dont le front est formé d’une lame acérée et dentelée en scie, qui, avec le concours des antennes, est destinée à protéger les yeux de tout contact nui- sible (2); mais on ne la rencontre pas chez les larves de Cirri- pèdes, qui n’ont qu’un œil très-petit et placé au milieu de la carapace, conséquemment à l'abri de tout danger. La manière de nager de ces Crustacés justifie parfaitement toutes les précautions qui ont été prises pour garantir leurs yeux des chocs dangereux auxquels ils sont exposés. | Ainsi que Je lai dit, les pattes latérales ne sont, en quelque sorte, destinées qu'à maintenir le corps en équilibre ; mais l’im- pulsion principale vient de l'abdomen, qui non-seulement sert (1) On trouve des appendices de ce genre, quoique un peu moins longs, et qui sont probablement destinés aux mêmes usages, chez les Erichthieus (Histoire naturelle des Crustacés, 1. 1, p. 499, pl. 98, fig. 10) et chez les Alimiens (t. IL, p. 505, pl. 10, fig. 12-18 du même ouvrage), qui, très-vraisemblablement, ne sont aussi que des larves de Crustacés pélagiens, à en juger par leurs autres organes. (2) Les yeux sont, chez les Crustacés, des organes qui sont doués d’une extrême sensibilité et qui persiste encore après qu’elle a disparu des autres parties du corps; aussi les pêcheurs, qui connaissent cette particularité, s’en servent-ils pour prouver aux acheteurs que les Homards et les Langoustes qu’ils leur vendent sont encore en vie, et pressent-ils à cet effet, entre leurs doigts, les pédoncules oculaires de ceux-ci. ARTICLE N° 5. * CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 19 à le diriger, mais encore lui imprime un mouvement rapide en se contractant et se détendant brusquement comme un ressort. Les pattes fonctionnent donc comme des rames, et l’abdomen sert de gouvernail et en même temps de propulseur. Il emploie en outre l'extrémité de cette partie de son corps à nettoyer les pattes-mâchoires et les autres ippendices qui environnent la bouche, lorsque cela est nécessaire, ce qui arrive encore assez souvent. Elles partagent du reste ce soin avec les pattes nata- toires, qui remplissent les mêmes fonctions. Les embryons nagent à reculons, agitent avec une extrême vivacité leurs pattes biramées en produisant une sorte de trépidation. Les parties latérales de la carapace s’écartent du- rant la natation d’une manière considérable et donnent au Crus- tacé suspendu dans l’eau l’apparence d’avoir une paire d’ailes ou de nageoires; et cet accroissement de volume doit néces- sairement faciliter le mouvement des branchies et servir, en augmentant la largeur du thorax, à le maintenir plus facilement en équilibre en contre-balançant l’action des yeux, dont le poids le fait se pencher tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. L'organisation imtérieure de ces embryons n’offre rien de par- üculier et qui soit digne d’être signalé. L’estomac est d’une assez grande capacité et le tube digestif parcourt verticalement le corps dans toute son étendue. Les lobes du foie sont très- volumineux, et l’appareil cardiaque est enveloppé d’une mem- brane épaisse dont les contractions vives et répétées se propa- gent dans le tube aortique qui suit en partie le trajet du canal intestinal au-dessus duquel il est placé. La carapace qui recouvre la larve dont j'ai donné le dessin dans la planche 6 (1) permettant, à raison de sa plus grande transparence, de mieux apercevoir les viscères qu’elle contient, j'en ai profité pour soumettre à un fort grossissement du micro- scope l’appareil cardiaque. Le cœur a la forme d’un écusson présentant à sa partie anté- rieure une sorte de cou au milieu duquel paraît exister une ouverture. Celle-ci est environnée de plusieurs plis qui, en se (1) PL. 6, fig. 1, 2 et 3. 20 MESSE. prolongeant latéralement, forment une anse de chaque côté (1). Le péricarde est membraneux et françé ; il est traversé inté- rieurement par des brides musculaires qui se croisent oblique- ment et sont destinées probablement à favoriser les contrac- tions de cet organe. On aperçoit en dehors de cette première enveloppe, et à une certaine distance de celle-ci, une autre qui par son éloignement permet aux oscillations de se produire plus facilement (2) dans cet espace. | Toutes les autres observations que j'ai faites à l’occasion de la larve du Misanthrope sont applicables à celle-c1, et c’est à raison de cette similitude et parce que je l’ai rencontrée dans la même localité et à la même époque, que je lai fait figurer avec elle. Peut-être est-ce celle du Pagurus Bernhardus, dont j'ai trouvé aussi dans les mêmes parages les jeunes, qui, selon moi, ont été à tort décrits, comme je l'ai déjà dit, sous le nom d'Ulidianus. | Relativement au Pagure misanthrope adulte, je n'ai rien à ajouter à la description détaillée que j'en ai donnée. I sera toujours facile de le distinguer de ses congénères, à la longueur et à la gracihité de ses pédoncules oculaires, dont la cornée, d’un noir profond, est poin'illée de blane ; à la grosseur et à la lon- gueur égale des mains de ses pattes antérieures, et à leurs pinces, dont les mâchoires s'appliquent au bout l’une contre l’autre, à la manière de tenailles ; et enfin à cette bande de poils duveteux qui entoure la base du thorax. Il existe encore un caractère qui lui est particulier : c’est que les deux paires de pattes ambu- latoires sont terminées par une griffe spéciale, qui conséquem- ment ne fait pas partie de ce dernier article. & 5. BIOLOGIE. Que deviennent les larves des Pagures et, je puis dire, celles de la plupart des Crustacés, à leur sortie de Pœuf, lorsqu'elles (1) PL. 6, fig. 18. (2) PL. 6, fig. 18. ARTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 21 sont livrées à leurs propres ressources et qu’elles errent à l’aven- ture, obligées de pourvoir à leur existence et d'éviter les dangers qui les menacent de toute part? Que leur arrive-t-1l au moment où, pour me servir d'expressions aujourd’hui en vogue, et qui, du reste, expriment parfaitement la situation des choses, elles vont commencer leur combat pour l'existence ? La réponse à cette question, qui se fera probablement long- temps attendre pour beaucoup d’autres espèces, me semble moins difficile à faire en ce qui concerne les Pagures, et parti- culièrement celui dont je m'occupe. Ainsi que je l’ai déjà fait observer, les embryons ayant le plus grand intérêt à se placer le plus promptement possible dans les conditions de l'adulte, une de leurs premières préoccupations doit certainement être, à raison de l'extrême vulnérabilité de leur abdomen, de chercher à le mettre à l’abri. Il paraît donc vraisemblable qu’aussitôt que leurs forces le leur permettent, ils se mettent en quête de coquilles qui puissent par leur poids et leur dimension leur convenir (1). La découverte que j'ai faite de jeunes Bernards qui n’a- vaient que à à 6 millimètres de longueur, tandis que dans l’état adulte ils en mesurent au moins 440, donne une idée suffi- sante de la manière dont les choses doivent s’accomplir, et des nombreuses mutations qu'ils subissent à mesure que leurs dimensions augmentent et les forcent à quitter un local devenu trop restreint. pour s’en procurer un autre plus spacieux. Cest probablement une des raisons qui font qu’on les trouve toujours réunis en grand nombre, afin de pouvoir opérer plus facilement entre eux les mutations de leurs coquilles ; il est vraisemblable aussi que le besoin des rapprochements sexuels y est également pour quelque chose. (1) L'abbé Delille, qui était plus habile versificateur que naturaliste, a fait, dans le poëme qu’il a publié sur les Trois Règnes de la nature, des vers qui n'étaient pas destinés aux Pagures, mais qui néanmoins me paraissent pouvoir leur être parfaitement appliqués : « Un autre, moins heureux, sous un toit emprunté « Est contraint de cacher sa triste nudité, « Et contre ses rivaux dispute sa coquille. » HESSE. Les Misunthropes se rencontrent très-rarement ailleurs que dans certaines localités dont ils semblent avoir la possession exclusive : ce sont des plages rocheuses, sans sable et surtout sans vase, couvertes de pierres plates, de schistes ardoisiers, sous lesquels ils se cachent. Mais, chose singulière, on en aperçoit toujours quelques-uns qui sont placés à découvert et sur des points éminents, comme s'ils étaient en vigie pour veiller à la sûreté des autres; et effectivement, lorsque l’on rencontre de ces sentinelles, on peut être assuré qu’un groupe n’est pas loin, et en relevant les pierres voisines, il est rare qu’on n’en trouve pas un grand nombre. | Ils sont très-agiles, et, à l’aide de leurs griffes, qui sont très- pointues, ils escaladent facilement les roches, et, à la manière des Cénobites, ils s'élèvent à une certaine hauteur. Ils s’écartent à une certaine distance de la limite ordinaire du flot (15 à 20 mètres), de sorte qu'ils restent souvent assez longtemps à découvert durant l'intervalle que la mer met à monter et à descendre, exposés ainsi à l’air froid ou chaud, et souvent à l’ardeur du soleil, qui, à certaines saisons, est très- élevée. Pour ceux qui sont cachés sous les pierres et sous les Fucus, cette température n’a pas de grands inconvénients ; mais il ne doit pas en être de même pour ceux qui n’ont pas cet abri. Cependant ils se tiennent toujours placés de manière à avoir l’ouverture de leur coquille tournée en l'air, de sorte que l’on pourrait croire qu’elle est mhabitée ; car le Pagure se tient dans une immobilité complète et est caché au fond, et c’est à peine si, en y regardant de près, on aperçoit le bout de ses pattes. Cette manière de placer leurs coquilles, la bouche dirigée en haut et de l’exposer ainsi au froid, ou à l’ardeur du soleil m'avait semblé, au premier aperçu, irrationnelle et contraire aux intérêts de celui qui s'y trouve renfermé ; mais, en y réfléchissant, j’ai vu qu'il avait raison, et qu’il donnait au contraire une preuve de ce bon sens et de ce jugement qu’on rencontre fréquemment chez les êtres les plus infimes. En effet, en plaçant la coquille de cette manière, il conserve ARTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 23 au fond toute l’eau qui s’y trouve; tandis qu’en la tournant autrement, elle s’échapperait immédiatement par l'ouverture de la bouche, et alors ses branchies resteraient à sec et ne pour- raient plus fonctionner. Le Pagure qui est pourvu d’une coquille la défend à outrance, avec un courage et une ténacité extraordinaires. [Il la quitte volontairement avec une grande facilité, lorsque la chose lui convient ou est nécessaire : mais on essayerait en vain de l’en ürer de force; 1l se laisserait plutôt mutiler et arracher succes- sivement tous ses membres, voire même son abdomen, sans lâcher prise; et, sous ce rapport, la paire de crochets qui ter- mine cette partie du corps est merveilleusement disposée pour faciliter cette résistance. [ls ont donc bien l’instimet de leur situation et apprécient les avantages qu’elle peut leur procurer; ils savent qu’ils sont à l’abri des agressions du dehors, et qu'il leur est loisible de s’aventurer dans des entreprises hasardeuses et de s'attaquer à des forces bien supérieures et à des antago- mistes dont 1ls deviendraient indubitablement la proie, s'ils n'avaient pas le moyen de se dérober à leurs coups. Lorsque le Pagure, tenu en captivité, est depuis longtemps privé de nourriture et qu'il n’a plus la force de trainer après lui sa coquille, il abandonne souvent pour aller plus facilement à la recherche de ses aliments (1) ; mais c’est une démarche péril- leuse pour lu, surtout s’il a d’autres compagnons renfermés avec lui. Il risque. en effet, de trouver à son retour la place prise, et, bien plus encore, d’être dévoré par ceux qui sont restés chez eux et qui, n'ayant pas à redouter d’agressions exté- rieures, peuvent l’attaquer impunément; et, comme ils sont extrêmement voraces, 1ls ont bientôt fait disparaitre les restes de leur infortunée victime. | Les faits que je vais consigner ci-après, et qui me semblent présenter quelque mtérêt, prouvéraient au besoin l’importance que les Pagures attachent à se procurer ou à conserver un asile lorsqu'ils en possèdent un. (1) J'ai déjà fait des observations du même genre dans un mémoire que j'ai publié, en 1859, dans-les Annales des sciences, 4° série, t. XVI, p. 106. ANN. SC. NAT., AVRIL 1876. IL: 19, — ART, N° 5. 2% MESSE. Si, dans le but d'examiner un Pagure avec plus de facilité, vous rompez sa coquille et qu’il existe encore quelques tours de spire, il s’en empare avec empressement, et bien qu'il ne soit qu'insuffisamment abrité, 1l sy maintient néanmoins jusqu'à ce qu'il trouve mieux, préférant encore le peu qui lui reste à la privation complète d’une demeure. Si au contraire c'est l'extrémité postérieure qui manque et que les premiers tours des spires existent encore, on le voit y introduire néanmoins son abdomen, qu'il enroule autour de ces débris, et l’on peut examiner facilement le fonctionnement des deux paires de crochets qui terminent cette parte du corps qu'il agite dans le vide, essayant, par suite de l'habitude, de saisir des objets qui n’existent plus. Enfin, si l’on brise plus ou moins plusieurs coquilles, de manière à les rendre difficilement habitables, ceux qui pos- sèdent encore ces ruines ne se font pas longtemps illusion sur leur position, et vous les voyez parcourir avec inquiétude et précipitation le vase dans lequel ils sont renfermés pour cher- cher à améliorer leur situation. Si un Pagure qui est mal logé en aperçoit un autre qui passe à côté de lui, il s’élance avec rapidité sur celui-ci, saisit sa coquille avec ses pattes ambulatoires, et l’attire brusquement à lui, de manière à lui imprimer de fortes secousses, qui sont si violentes, que l’on entend distinctement le bruit répété occa- sionné par le choc des deux coquilles, Si l'individu appréhendé est en état de se défendre, si sur- tout il a conservé l'extrémité de sa coquille intacte, 1l résiste facilement à cette agression, etson antagoniste, appréciant aussi l'inutilité de son attaque, finit par le laisser aller. Mais il arrive quelquefois qu'un autre mdividu intervient pendant le combat et joint ses ellorts à ceux de l’agresseur'; de sorte que celui qui est attaqué ainsi par des forces supérieures, effraÿé de se voir en but à une agression aussi violente, prend peur et se sauve. Dans ce cas, le vainqueur s'empare du nouveau domicile, à moins qu’il ne soit inférieur au sien; ce qu'il apprécie immé- ARTICLE N° 0. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 25 diâtement, ét alors il conserve celui qu’il avait antérieurement, ne trouvant pas de bénéfice à le quitter. Les Pagures paraissent avoir une grande habitude de ces appréciations, et cela doit être, à raison des mutations fré- quentes auxquelles ils doivent être contraints par suite de leurs accroisséments. Voici un fait assez curieux, dont j'ai été témoin, qui en donne la préuve. | Ayant conservé pendant un temps assez long, sans leur don- ner de nourriture, un certain nombre de Pagures misanthropes, je m’aperçus qu'il y en avait un de mort, et peu après j'en vis un autre, qui était très-vivant et logé dans une coquille beau: coup plus petite, s'approcher, saisir avec ses pinces les pattes et les antennes de celui qui était mort et chercher avec de très- grands efforts à l’extraire de sa coquille. Ce fut une assez longue et pénible besogne, d'autant plus difficile que lassiette qui contenait ces Crustacés étant de porcelaine, était lisse et glis- santé et n'offrait pas de point d'appui à celui-ci, qui souvent perdait pied, Enfin il finit par extraire complétement lé mort de sa coquille, et il quitta immédiatement la sienne pour s’y loger. Cette opération se fit avec une extrème adresse, et il fallut encore un certain coup d'œil à celui qui l’exécutait pour appré- cier la capacité de cette nouvelle coquille et juger qu’elle lui conviendrait mieux pour l'habiter que celle qu’il quittait. Je fus témoin, un autre jour, d’une autre manière de démé- nager qui n’est hi moins ingénieuse, ni moins éxpéditive, eme ployée par un individu qui, se trouvant trop à l’étroit chez lui, voulait se pr'ocurér un logement plus convenable et expulser de sa coquille un Pagure qui, comme dans l’autre cas, y était mort. Pour arriver à ce but, il commença, après avoir quitté sa coquille, par profiter du vide que laissait, paï suite de son affaissement, le Crustacé mort entre sa surface dorsale et la paroi intérieure de la coquille, pour y introduire le plus pro: fondément possible l’extrémité inférieure de son abdomen; de sorte qu’en regardant cette Superposition, à laquelle j'étais bien 26 BAESSE. loin de m’attendre, je fus surpris de voir par le fait deux Crusta- cés placés l’un au-dessus de l’autre dans le même réduit. Mais la chose ne tarda pas à s'expliquer. Le Pagure vivant com- mença, à grands coups deses tenailles, par arracher les œufs du mort, dont les grappes formaient un volume considérable ; puis il procéda au dépècement de son thorax, et, pour aller plus vite en besogne, 1l choisit précisément et avec intelligence l’en- droit de sa jonction avec l'abdomen, qui est le plus étroit, et con- séquemment où la séparation était le plus facile à faire. En un instant ce travail fut accompli, et toute la partie antérieure du corps fut éliminée et projetée au loin. Restait à se débarrasser de l'abdomen; mais cette opération était beaucoup plus com- pliquée que l’autre, attendu qu'il était engagé dans les tours de la spire de la coquille et maintenu par les crochets qui ter- minent le corps. Pour le moment, il se contenta de la refouler au fond de la coquille par trois ou quatre contractions brusques, agissant comme un refouloir enfonçcant une bourre dans le canon d’une arme à feu. Mais bientôt voulant en finir et se débarrasser com- plétement de ce qui le gênait, 1l tit descendre son abdomen jus- qu'au fond de la coquille, et saisissant ces objets avec les cro- chets qui le terminent, il les fit remonter successivement jusqu’à son ouverture, et les ayant expulsés, 1l se trouva bientôt en pos- session d’un domicile qui était plus à sa convenance que celui qu'il venait de quitter, et dont 1l avait probablement apprécié les avantages avant d'entreprendre cette opération. J'aurais bien désiré, pour compléter cette étude, avoir pu assister à l’accouplement des Pagures, et savoir si, pour accom- plir cet acte, ils sortent ou non de leurs coquilles; je n’ai pas obtenu cette satisfaction, et c’est tout au plus si j'ai pu voir les préludes de ce rapprochement sexuel. Il m'est arrivé bien souvent, dans le but d'étudier les mœurs de ces Crustacés, et notamment celle du Misanthrope, d’en réunir un certain nombre dans une assiette. Aussitôt que j'y versais de l’eau de mer, ils se présentaient à l’entrée de leur coquille et ils se mettaient en mouvement, parcouraient avec une grande ARTICLE N° 9. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 97 activité toute l'étendue du vase qui les contenait. Ils se heur- taient et se culbutaient, et cependant, au milieu du bruit occa- sionné par le frottement de leurs coquilles sur le fond de l’as- siette, j'entendais distinctement un bruit à part, provenant de petits coups secs et répétés, à des intervalles égaux et rappro- chés, qui me semblaient provenir de deux coquilles qui s’entre- choquaient. | Fixant alors mon attention sur ce point, j’aperçus l'habitant d’une coquille un peu plus forte que les autres, qui avait saisi de ses deux paires de pattes ambulatoires une autre coquille d’une dimension plus faible, et ayant placé l’ouverture en face de celle de l’autre, occasionnait le bruit que j'avais entendu, en l’'attirant alternativement contre sa coquille et en la repoussant ensuite. | Continuant mes observations, je vis que le mâle, avant de pénétrer dans le domicile de la femelle, frappait discrètement et à petits coups sur le bord de sa coquille, comme pour la pré- venir de sa visite, inclinant à cet effet les extrémités des pinces de ses premières pattes, de manière à s’en servir comme d’un marteau. Ces coups légers n'avaient plus la violence et ne pro- duisaient plus le bruit oécasionné par les chocs dont j'ai parlé ; ils se renouvelaient toutés les deux ou trois secondes. D'abord la femelle, par prudence probablement, se tenait confinée au fond de sa coquille, laissant apercevoir tout au plus l'extrémité de ses pattes; mais peu à peu elle s’enhardissait et sortait lentement ; enfin on lui voyait toute la partie antérieure du corps, elle étendait mème ses pinces sur le bord marginal de sa coquille ; elle paraissait tout à fait rassurée. Pendant ce temps ke mâle, sans doute pour ne pas lef- frayer, tenait prudemment ses pattes antérieures en arrière et dans une positron verticale et inoffensive ; il ne s’en ser- vait que pour en frapper légèrement les bords de la coquille ou pour en toucher ou en mordiller légèrement les pattes de la femelle. Ce manége dure des heures entières et probablement même des journées; mais souvent ce tête-à-tête est brusquement inter- 28 | HESSE. rompu par les secousses que leur impriment les allants et les venants, ou par des indiscrets ou des compétiteurs. Au moindre bruit, au moindre choc, la femelle disparaît immédiatement, comme dans une trappe, mais le mâle reste bravement à son poste sans lâcher prise. Il tenait étroitement serrée contre la sienne la coquille de la femelle, et employait, pour écarter ou combattre, ses rivaux ses pattes ambulatoires inoccupées, et à l’aide des griffes pointues dont elles sont armées leur faisait souvent de cruelles blessures. - Cette lutte pour la possession de la femelle dure quelquefois très-longtemps, et se fait, de part et d'autre, avec une adresse et un courage remarquables. Les rivaux tâchent toujours de pouvoir introduire le bout de leurs griffes dans l’ouverture de la bouche de la coquille, parce qu’alors elles sont prises et ne glissent pas. Le possesseur, de son côté, cherche au contraire à leur dérober cette ouverture en retournant la coquille et en ne leur présentant que la partie opposée qui est arrondie, et sur laquelle les griffes ne peuvent se maintenir. Finalement le vain- queur est, comme cela arrive toujours, le plus fort ou le plus adroit et surtout celui qui réunit ces deux qualités, Tous ces combats, on le comprend bien, ne doivent pas avoir lieu aussi fréquemment dans la vie habituelle, et lorsque, dissé- minés dans un grand espace où ils sont séparés les uns des autres, ils peuvent se cacher; mais lorsqu'ils sont accumulés dans un petit espace, ils deviennent inévitables. Voulant m'assurer si les individus que je croyais être mâles et femelles étaient bien de ce sexe, je brisai leur coquille, et J'eus la satisfaction de voir que je ne m'étais pas trompé. Le mâle était bien un mâle, facile à reconnaître par sa taille plus forte et la vivacité plus grande de ses couleurs ; la femelle avait des œufs dans un état d’incubation assez avancé : je ne comprenais donc pas la nécessité de l'intervention du mâle dans cette cir- constance, à moins que dans les Crustacés, comme pour beau- coup d’autres êtres, les mâles ne dévorent leur progéniture, Sans avoir été témoin de l’accouplement de ces Crustacés, on peut, je crois, admettre sans difficulté que les manœuvres que ARTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 99 je viens de décrire en sont le prélude; les coups secs et préci- pités résultant du choc des coquilles sont, dans des circon- stances différentes, ou des sommations, ou des intimidations employées pour les faire évacuer leur domicile, ou un appel dirigé dans un autre but. En somme, il me parait très-probable, d’après ce que je viens de dire, que l’accouplement ou la fécondation des Pagures s’ac- complit sans que pour cela ils aient besoin de quitter leur coquille ; ils se contentent de mettre l'ouverture de celle-ci en face l’une de l’autre et de faire sortir la partie antérieure de leurs corps de manière que les organes de la génération soient en contact ; et comme ils sont placés, chez la femelle, à la base de la troisième patie thoracique, ils peuvent parfaitement accomplir cet acte sans que pour cela ils soient obligés de s’ex- poser à quelque danger. Enfin je terminerai en faisant remarquer que, par exception, les Paqures misanthropes et Prideauæii sont, à ma connaissance, les seuls qui soient affranchis du eruel impôt que les Jsapodes sédentaires et les Peltogastres prélèvent sur eux, A quoi doi- vent-ils ce privilége? Peut-être est-ce, pour le Misanthrope, à. la bordure lanugineuse qui entoure son thorax et qui arrête au passage les embryons qui voudraient pénétrer dans sa coquille (1). On pourrait aussi peut-être, pour le Prideauxtr, penser que l’Actinie qui environne l'ouverture de sa coquille lui rend le même service, $ 6. DESCRIPTION D'UNE AUTRE LARVE DE CRUSTACÉ QUE J'AI. TROUVÉE MÊLÉE A CELLES DU PAGURE MISANTHROPE, J'ai trouvé mêlée aux larves du Pagure misanthrope celle dont je donne ci-après la description et la figure. J'aurais pu croire d’abord, si je n’avais eu de nombreux moyens de véri- fication, qu’elle était la première phase des transformations (1) Je dois cependant faire une exception à ce que je dis, à l’occasion du Sunariste des Pagures, dont il n’est pas exempt ; mais celui-ci, dans quel terme vitil avec son cohabitant ? C’est ce que je ne puis précisément dire. 30 HESSE. subies par le Misanthrope, d'autant qu’il y a entre ces deux embryons certains points de ressemblance, et que l’état de méta- morphose de celle-ci me paraissait moins avancé que celui de l’autre ; mais, comme J'ai suivi avec soin tous les changements qu'ils subissent depuis leur éclosion jusqu’à leur premier état larvaire, je ne saurais avoir de doute à cet égard. La larve en question (1) a la tête très-grosse ; elle n’a que 4 à 5 millimètres de long. Le corps allongé est plus étroit au milieu qu'à ses deux extrémités. La partie inférieure de la cara- pace est échancrée au centre et se termine en pointe de chaque côté. Le bord frontal est précédé d’un long appendice étroit, pointu et légèrement arqué et relevé; sa base est appuyée sur un prolongement arrondi et saillant qui est échancré latérale- ment. Les yeux (2) sont très-cros et presque pédiculés ; 1ls ont de si grands rapports de conformation avec ceux de la larve du Pagure misanthrope, qu’il me semble superflu d’en donner une nouvelle description. Comme dans l’autre espèce, l’estomac est placé sur la ligne médiane à la base de la tête, et un peu plus bas on voit de chaque côté le foie, qui est assez volumineux (5). Le cœur (4) vient ensuite : il est sphérique et a la forme d’une cupule présentant une ouverture centrale circulaire interrompue par une lacune à sa partie antérieure; il est suivi du tube aor- tique, qui est relativement très-gros et va en s’élargissant jus- qu’au bord supérieur de l’avant-dernier anneau abdomimal; puis il se rétrécit, et son extrémité inférieure vient atteindre le bord supérieur du dernier anneau. Cette extrémité inférieure a la propriété de se contracter, de manière à exercer une pression sur cette partie du tube aor- tique et de faire refluer le sang vers le cœur. (1) PI. 6, fig. 1, 2 et 3. (2) PL 6, fig. 7. (3) PI. 6, fig. 1 et 2. (4) PI. 6, fig. 1, 2 et 19. ARTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 31 L’abdomen (1) est, comme dans l’autre espèce, formé de six articles ; mais ceux-ci sont plus allongés et ils ont leurs bords denticulés ; l'extrémité du dernier anneau est également plate et terminée par deux lames échanerées au milieu et arrondies à leur bord, qui est armé de six longues épmes divergentes, dont celle du milieu, qui est la plus forte, est pennée. En dessous (2) on aperçoit, de chaque côté de la tête et du prolongement frontal, une paire d'antennes cylindriques arti- culées et, un peu plus bas, deux paires de pattes-mâchoires externes dont le bord interne est incurvé, denticulé et comme palmé. Un peu au-dessous du bord frontal et sur la ligne médiane, on aperçoit l’orifice buccal (3), qui est entouré en haut par la mâchoire supérieure, laquelle présente trois découpures sur les côtés, et au bord inférieur on voit des mandibules plates et denticulées ; et enfin au-dessous se trouve une paire de pattes- mâchoires externe, qui est longue et armée de pointes aiguës. Les pattes antérieures thoraciques (4) viennent ensuite; elles sont terminées à leur extrémité supérieure par une paire de pinces de grosseur moyenne ayant ses mandibules assez faibles. Les pattes antérieures varient de forme, suivant leur état de développement. Il y en a qui ont les mandibules très-courtes et comme tronquées à leur extrémité, et portant au-dessus du bord supérieur un appendice digitiforme mobile (5). D’autres, au contraire, ont les mandibules grêles et allon- gées. Au-dessous de la bouche, on aperçoit les branchies, dispo- sées, de chaque côté, en éventail ; elles sont formées de six digi- tations (6). Chaque division est composée d’une lame plate et spatuli- (4) PL. 6, fig. 1, 2, 3, 20, 21 et 23. @) PL 6, fig. 3 et 7. (2) PL. 6, fig. 3 et 9. (4) PI. 6, fig. 18. (5) PL 6, fig. 14. (6) PI. 6, fig. 3, 16 et 17. 32 HESSE. forme, également digitée à son bord supérieur et couverte de poils très-fins. Plus bas se trouvent deux paires de pattes natatoires (1), composées, comme dans l’autre espèce, d’un article fémoral qui donne attache à deux appendices, dont l’un, plus court et plus large, est composé de deux articles dont le dernier est le plus petit et est terminé par des pointes divergentes ; l’autre contient cinq ou six articles qui vont en diminuant de lon- eueur et de grosseur, en allant de la base au sommet; le deuxième article porte deux pointes pectinées. Enfin, à la base de ces pattes, on aperçoit une paire de fausses pattes qui sont courtes et cylindriques, composées de deux ou trois anneaux (2). L'abdomen n'offre rien en dessous que je n’aie décrit en dessus. | | Coloration. — La carapace, qui est parfaitement transpa- rente, laisse apercevoir tous les viscères à travers son enveloppe, ainsi que leur coloration. Les yeux sont d’un beau vert d'émeraude, avec une large tache noire, la prunelle au milieu ; les lobes du foie sont de cou- leur jaunâtre, ainsi que Île tube aortique ; le cœur est blanc. \. 67. OBSERVATIONS SUR LE Pagurus Ulidianus, Thompson. Le but principal de ce mémoire étant de faire connaître les métamorphoses que subissent les embryons du Pagure misan- thrape avant qu'ils aient attemt l’état adulte, j'ai dû m'imgénier pour me procurer des individus qui fussent dans ces conditions transitoires. À cet effet, j'ai cherché parmi les coquilles qu'ils habitent ordimairement celles qui étaient les plus petites ; mais celles que Jai pu me procurer étaient encore beaucoup trop srandes, puisqu'elles avaient 4 à 5 millimètres, et que les em- bryons que j'ai décrits n’avaient tout au plus que le tiers ou le (1) PI. 6, fig. 3 et 13. () PI. 6, fig. 3 et 12. ARTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 33 quart de cette taille. [ m'a donc fallu renoncer, pour le moment, à combler cette lacune et attendre des circonstances plus favo- rables Cependant, en examinant ces petits Pagures, ma surprise fut extrême en voyant qu'ils n'avaient aucun rapport, même très- éloigné, avec les adultes de l’espèce que je cherchais, et qui cependant me semblaient habiter exclusivement cette localité; En effet, les pédoncules oculaires de ceux-ci, au lieu d’être grèles, étaient gros et courts, et la cornée, au lieu d’être d’un noir profond, ponetuée de blanc et sans échancrure apparente, était taillée en biseau, et d’un gris pâle, avec une seule tache noire au milieu. Les pinces des pattes antérieures, au lieu d’être échancrées au milieu et de ne s'appliquer l’une contre l’autre qu'à leur extrémité, étaient au contraire en contact dans toute l'étendue de leur tranchant; enfin, le dernier article des pattes ambulatoires, au lieu d’être extrêmement court et très-mince, était très-long et très-arqué. En outre, je constatai, sur la partie fémorale de ces pattes, la présence caractéristique des squames colorées en rouge brun que l’on voit sur les pattes et au même endroit chez le Pagurus Bernhardus. De plus, je reconnus aussi, sur tout le corps, cette teinte métallique cuivrée que l’on ne voit que sur les individus de cette espèce. | Cette rencontre fortuite me rappela la remarque semblable faite par M. Bell, au sujet du Paqurus Ulidianus. En effet, M. Bell, dans la description qu'il en donne, dit que cette très-petite espèce ressemble tellement au P. Bernhardus qu'il est difficile, « au premier abord, de le distinguer, particu- » lièrement à la torsion des pattes ambulatoires, lesquelles, dans » cette dernière espèce, ne sont pas apparentes dans ces très- » jeunes individus (1). » Effectivement, les caractères généraux, qui sont très-saillants chez les adultes, ne peuvent l'être au (4) « À very small species, so nearly resembling the young of P. Bernhardus, » that it Îs diffieult at first sight to distinguish them, especially as the contortion » of the terminal joint of the ambulatory legs in the latter is not evident in very » young individuals. The hand, however, in the present species, is more elangate, » its sides more nearly parallel, and the granulations on its surface more even. » 34 RESSE. même degré dans le jeune âge : les mains des pattes antérieures sont, en effet, plus étroitement parallèles et leurs pinces plus allongées; les granulations dont elles sont couvertes ne sont pas aussi apparentes que chez les individus qui ont acquis tout leur développement; les derniers articles des pattes ambulatoires de la deuxième et troisième paire, quoique très-longs et très- arqués, ne sont pas non plus aussi tordus qu’ils le sont dans les adultes. | Comme les figures qui ont été données de ces Crustacés m'ont semblé faites sur des individus conservés dans l’alcool, et que, conséquemment, il avait été impossible de tenir compte de leur coloration, qui est cependant des plus agréables, et peut servir, dans une certaine mesure, à les faire reconnaitre et distinguer des autres espèces, j'ai cru devoir combler cette lacune en la mentionnant Ici. Je dois rappeler que ma description est faite sur des individus qui n’ont que cinq millimètres de longueur, tandis que l’adulte en acquiert de cent quarante à cent soixante ! ce qui n'empêche que l’on ne trouve encore des caractères de ressemblance qui sont très-saisissables. | Coloration. — Les antennes externes sont de couleur rous- sàtre, les internes sont d’un beau jaune orangé ; les pédoneules oculaires sont verdâtres, et l'œil est grisàtre avec un point noir au milieu. L’extrémité des pinces des pattes antérieures est blanc rosé; les pattes ambulatoires sont, alternativement, annelées de vert elair et de brun rouge ; chaque articulation présente une large bande jaune soufre ; le dernier article est rougeñtre, et les squames qui sont à la base des pattes sont de cette dernière cou- leur. Le thorax est verdâtre, pointillé de blanc; 1l en est de même de l'abdomen, qui est d’une couleur brune vineuse. Ces Crustacés, à l’état jeune, sont d’une vivacité et d’une timi- dité extrêmes ; ils marchent avec beaucoup de légèreté et de rapidité, malgré le poids de leur coquille. Ils paraissent redouter toutes choses et même les individus de leur espèce; car au moindre bruit ou au moindre choc, on les voit se retirer préci- AUTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 39 pitamment au fond de leur retraite, d’où ils ne sortent qu'après un certain temps et avec une extrême circonspection. D’après ce qui précède, je crois que le Pagurus Ulidianus n'est qu'un Bernhardus à l’état jeune, et que conséquemment il devra disparaitre de la nomenclature de ces Crustacés (1). RES OBSERVATIONS SUR LE Pagurus Prideauxi. Je n'aurai probablement pas, d'ici longtemps, l’occasion de m'occuper des Pagures; je veux donc profiter de l’occasion qui se présente pour faire connaître quelques observations que j'ai faites sur le Prideauxii, à raison de cette singulière particu- larité qui fait qu’on le rencontre continuellement associé, ou, pour me servir d’une expression anglaise, en connexion avec l’Achine tachetée (2). On a remarqué en effet, et je l’ai constaté aussi, que la coquille que choisit ce Crustacé sert toujours de point d'appui, ou de fixation, à une Actinie qui semble rechercher cette posi- tion qu’elle paraît préférer à toutes les autres. Cette remarque a été faite depuis longtemps par plusieurs naturalistes anglais, et aussi, sur les côtes de France, par M. Dugès et probablement par beaucoup d’autres que je ne connais pas. Je ne veux donc qu’affirmer une fois de plus l'existence réelle de cette singulière union, et tàcher, si Je le puis, d'expliquer d’une manière naturelle une chose à laquelle on a donné une appréciation toute sentimentale. (4) C’est ici le cas de faire ressortir l’avantage ou même la nécessité, qu’il y a pour tous les Crustacés en général et pour les Pagures en particulier, de men- tionner exactement la taille de ceux que l’on décrit, attendu qu'il est à peu près certain qu’en dehors de certaines dimensions, on n’a affaire qu’à des individus qui n’ont pas encore atteint les dimensions de l’adulte, et que, dans ces condi- tions, on s’expose, en prenant pour définitif un état qui n’est que transitoire, à commettre des doubles emplois. Ainsi, d’après ce principe, il est à présumer que tous les Pagures qui sont au-dessous de 2 centimètres et demi à 3 centi- mètres ne sont pas des Crustacés adultes. (2) À History of the British Stalk-eyed Crustacea, by Thomas Bell, p. 176 et 177. 36 HÉSSE. Ce n’est pas que je veuille en rien refuser, même aux ani- maux les plus infimes, un certain degré d'intelligence : ils en donnent continuellement des preuves irrécusables ; mais je crois qu'ils ne s’en servent que dans un but exclusif, et c’est aller un peu trop loin que de leur prêter des sentiments d’un ordre aussi élevé. Je n'ai pas pu étudier les Prideauxi dès leurs débuts em- bryonnaires, mais Cependant je les ai vus lorsqu'ils n'avaient encore qu'une petite dimension, 3 à 4 centimètres de longueur, et déjà à cette époque leur coquille était pourvue d'une Actinie. Comment expliquer ce fait étrange, et faut-il l’attribuer au hasard ou à une combinaison préméditée ? Si l’on entend par préméditation une volonté préconçue et exécutée par suite d’une entente mutuelle, il me semble qu’à priori, la chose n’est pas admissible. Il faudrait en effet sup- poser que les parties intéressées aient pu calculer à l'avance le bénéfice d’une semblable association, et Je ne erois pas que leur intelligence puisse aller jusque-là. Je supposerais plutôt que c'est le hasard qui préside à cette réunion, et J'admettrais qu'une fois établie, chacun s'applique à en trer tout le béné- fice possible, dans son intérèt exelusif et sans se préoccuper le moins du monde de celui de son partenaire. Que cette assocra- ton profite à chacun d’eux, je puis le croire, mais je n’admets pas que ce soit l’effet d’une combinaison calculée surtout dans un but de bienveillance réciproque. Ï me semble plus naturel de penser qu'un Prideauxii en quête d’un logement puisse rencontrer une coquille sur laquelle se trouve déjà établie une Actinie; que celle-ci, sentant son appui se mouvoir, avertie par les chocs et les frottements répétés qu'elle est dans une position dangereuse, se déplace peu à peu, et arrive, en évitant ces inconvénients, à se fixer autour de la bouche de la coquille, qui est la partie la moins exposée à ces contacts nuisibles, Si, au contraire, le Pagure n’a pu se procurer qu’une co- quille dépourvue d’Actinie, 11 y a de grandes probabilités qu'il ne restera pas longtemps dans cet état de pénurie, à raison du ARTICLE N° 5. CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. M nombre considérable de ces animaux qui cherchent, avec autant de som que dactivité, une base solide sur laquelle ils puissent se fixer. Il n’est donc pas étonnant qu'à défaut de rochers, ils s’attachent indistinctement sur tous les corps qui leur présentent ces conditions, et sous ce rapport les coquilles semblent les réunir, puisqu'ils en font choix (4). D'un autre côté, les Pagures n’ont pas un moins grand intérèt à trouver une coquille où ils puissent se mettre à l'abri; on voit donc qu'une nécessité réciproque, mais parfaitement distincte, les attire imstinctivement l’un vers l’autre sans cependant qu’ils aient le même but. D'un autre côté, il est nécessaire de faire remarquer que le Prideauxii n’est pas le seul Pagure sur la demeure duquel on les trouve établies ; il est bien rare que les autres espèces n’en aient pas aussi, notamment le Pagure Bernard, qui en a presque toujours au moins une et quelquefois plusieurs, dont le poids et le volume sont considérables, et qui prennent des proportions tellement considérables, qu’elles envahissent com- plétement la coquille. Cependant, malgré cette proximité de cohabitation, je ne pense pas que celui allatum est, duplo minus fere communi Rubeta..…., ventre ex fusco albicante, » oculis aureolis.. Alibi nullas aut rarissimas haberi aiunt : vocem eis argutis- >» simam esse, quæ tubæ aut campanæ instar audiatur etiam ex longinquo : » degere ipsas non in aquosis sed in aridis louis. Vere vocem suam emittere et » æstate...; autumno et hyeme non audiri. » (b) On croit également à tort dans la science, d’après un texte peu explicite de Roesel, que les Pélobates n’accouchent que d'un cordon. Cependant ils pes- sèdent, comme les autres Amphibies, deux ovaires et deux oviductes également développés ! Aussi ai-je pris soin de vérifier le fait, que j'ai trouvé inexact. Les Pélobates accouchent de deux cordons, comme les Crapauds. Mais, tandis que l’Alyte et les Crapauds versent à la fois au dehors le produit de leurs ovaires sous forme de deux chapelets ou de deux cordons parallèles, les Pélobates les émettent l’un aprés l’autre, parce qu’ils sont trop gros pour pouvoir sortir en même temps, à quelques heures et même à quelques semaines d'intervalle, suivant la chaleur. Le part des Grenouilles offre ce trait éloigné de ressemblance, qu’elles dé chargent aussi un utérus avant l’autre. Leur frai, par suite du séjour dans ces poches, s'agglomère le plus souvent en deux masses ou pelotes ; et si un abais sement de température les surprend après lémission de la première, il n’est pas rare qu’elles gardent l’autre enfermée quelques jours encore dans le deuxième utérus. ARTICLE N° 7. MŒURS ET ACCOUCHEMENT DE L'ALYTES OBSTETRICANS. 49 Voici le tableau des passes et du chargement tel que je l’ai crayonné sur les lieux pendant l'accouchement : Couple n° 1. Observé le 93 juillet 1873, sur les neuf heures du soir. re série ? passes. — Jai vu l’ac- couplement se former, et cette série est bien la 1"; mais je n'ai pu en compter les mouve- ments. 2 série : 57 passes. Duel. id. 4° id. 44 id. NO 11. Ces passes s’exécutent si vite, que jai peine à les CNT id compter : Les JE CORNE 4 premières Sud Sid m'échappent toujours, et pour en éta- blir lenombre exact, il faut ajouter ce chiffre au total. Ad un id, SRE TNT A id nor ide. | + 60 passes, pour les 4 pre- mières négligées. + 70 passes, pour la 1"° série | que je n'ai pu comp- ter. Cela fait 1190 mouvements dontchaque passe exécute la moitié ; mais si l’on y joint les mouvements des doigts, il faut porter ce nombre au double, soit 2380 passes des doigts et des orteils, La pause après l’accouchement et linmprégnation dure, montre en main, huit minutes. Couple n° 2. Observé le 24 juillet 1873, sur les neuf heures du soir, 1e série : 65 passes. PAT ONCE CUT ARId NC CS IE SEE PATENT CT ST de MODE: Ce MG. MTS AC 9 den Ge: HEC L SON. 4460 id. 162-5 id. 1 TRE Cd a IC, RE 14 id. 069 id. 15 TdmTerMb al 16 NE ei de 17e, 160. ECM Sid de toi SA 2Dbeid el wide SE ML" 20 6, —+ 70 passes, pour les 3 ou 4 premières négligées. —+ 28 passes, pour 7 ou 8 es- sais de à ou 4 passes chacun. Cela fait 1294 mouvements des orteils, dont chaque passe exécute la moitié ; et si l’on y joint les mouvements des doigts, il faut porter ce nombre au double, soit 2588 passes des doigts et des orteils. Le grand repos dure huit minutes. 50 A. DE L'ISLE. CHARGEMENT DES CHAPELETS. Couple n° 1 observe le 23 juillet 1873. Couple n° 2 observé le 24 juillet 1873. 2 mouvements plongeants, 2 écarts, 2 plongements, 2 écarts. Long repos. plongement, écart, écart très-grand, mouvements plongeants, écarts. Repos. 2 écarts, 1 mouvement plongeant, 3 écarts. Repos. Le mâle détache un bras du cou de la femelle. 2 écarts, 2 écarts. Il se retourne sur la femelle qu'il lâche des deux bras. 1 mouvement plongeant, écart, 1 mouvement plongeant. Séparé de la femelle. 2 écarts. Il se sépare et s'éloigne de la femelle, | 4 écart. Il chante. 3 écarts. COTON NN = Ce qui fait 11 mouvements plongeants et 24 écarts. 2 mouvements plongeants, D écarts, 1 mouvement plongeant, à écarts. Long repos. 3 écarts, 1 mouvement plongeant, 4 écarts, 1 mouvement plongeant, 2 écarts. Repos. Seconde émission de se- mence; on aperçoit les œufs humides et un large espace mouillé en dessous. 6 écarts, 4 écarts, 1 mouvement plongeant, 2 écarts. Sur les reins de la femelle. 3 écarts. Repos. 2 petits écarts. 5 écarts. Le mâle quitte tout d’un coup, passe par-dessus la tête de la femelle, puis s’écarte. Ce qui fait 39 écarts et 6 mouvements plongeants ou pénétrants dans la masse des œufs. Voici une autre table des passes crayonnée pendant l’accouchement, le 23 mars 1874, de sept heures et demie à huit heures vingt minutes : Couple n° 3. 2e 9 série : 13 passes. C’est la 2° que j'ai vue; mais les passes étant com- mencées quand je surpris le couple, je ne puis dire au juste laquelle c’est. Sd OU E PR AC MONET à 5e id. 103 id. PLANTE Te ïd 4104 id Sd OT GE de 02 MAL 10 id HO d. Cela donne 792 passes et 884 pour les dix séries, en prenant la moyenne. ARTICLE N° 7, MŒURS ET ACCOUCHEMENT DE L'ALYTES OBSTETRICANS. o1 Mais en supposant, comme il est probable, qu’il y ait eu une quinzaine de séries, le nombre des passes a dù s'élever à 1344, et à 2688 en y ajoutant les mouve- ments des doigts. Le grand repos après la ponte dure, montre en main, quatorze minutes, pen- dant lequel a lieu une première émission de semence. CS Fe 19 = — 2 = RO ee Chargement des chapelets du même couple n° 3. entortillement ou 2, ou 3 écarts. Repos. 2° émission de semence. écart, entortillement des deux pattes à la fois, écart, entortillement des deux pattes, écarts. Tremblement du mäle et 3° émission de semence. écart grand et prononcé, écarts, “écart, écart, petit écart, écarts, écart, 1 2 4 2 1 entortillement des deux pattes, écarts. Repos. écart très-grand et soutenu, écarts. Repos. Le mâle a quitté le cou et s’est placé de travers. petits écarts sur la femelle, écart. Un des fils-tubes est encore engagé dans le cloaque de la femelle. écart, écart. Cela fait 4 ou 5 mouvements plon- geants des deux pattes à la fois, et 28 écarts. RECHERCHES CORPS BIRÉFRINGENTS DE L'ŒUF DES OVIPARES Par ME. A4. DASTRE. But de ce travail. — Le vitellus de l'œuf des Oiseaux, des Reptiles, des Poissons osseux, et probablement de beaucoup d’autres animaux, renferme des corpuscules microscopiques dont la nature et les propriétés ont depuis quelques années fixé l'attention des physiologistes. Ces corpuscules, le plus sou- vent sphériques, présentent de la façon la plus nette les earac- tères optiques de lamidon végétal: examinés au microscope polarisant, les nicols étant à l’extinction, ils laissent apercevoir une croix brillante se détachant sur le fond obseur de la prépa- ration, etse déplaçant à mesure que lon fait tourner analyseur. Le présent travail a pour objet de déterminer la nature de ces granulations et les circonstances qui les font apparaitre. L'existence des corps polarisants de l’œuf est en soi-même un fait qui mérite attention. La description anatomique de l'œuf ne saurait être considérée comme complète tant que l’on n'aurait pas fixé la nature de ces corps, leur mode de formation et leur structure. La physiologie n’est pas moins intéressée que l'anatomie à la solution du problème, et cela pour deux raisons : d'abord à cause des lumières qu’une connaissance exacte pour- rait projeter sur la fonction si mal connue de la nutrition de l'embryon, et en second lieu, il faut bien le dire, à cause des erreurs qui ont eu cours à ce sujet. État de la question. — M. Dareste, en 1866, aperçut le pre- mier ces granules biréfringents dans le jaune de l’œuf de Poule. Il n’hésita pas à les considérer comme un véritable amidon animal, ne différant à aucun titre de l’amidon des plantes : il ANN. SC. NAT. — ART. N° 8. DES CORPS BIRÉFRINGENTS DE L'ŒUF DES OVIPARES. 9 fondait son hypothèse de l'identité des deux substances sur l'identité prétendue de leurs caractères chimiques et physiques, Les expériences de l’auteur furent présentées à l’Académie des sciences dans une série de notes ou de lectures publiées dans - les Comptes rendus de 1866 à 1879 (1). Dans les dernières communications, M, Dareste signalait l'existence de ces mêmes granulations caractéristiques dans la matière fécondante des animaux, ou plus exactement, dans les cellules qui tapissent la paroi interne des canaux séminifères des Oiseaux. Parmi les Reptiles, la Tortue d’eau douce donna lieu à une généralisation encore plus étendue; les mêmes cor- puseules se retrouvèrent en effet dans l’œuf, dans la vésicule ombilicale, dans le foie, dans les capsules surrénales, La généralité du fait en élargissait la portée et en agrandis- sait la signification. Sur ce point du moins l'auteur ne se mé- prenait pas, et il avait raison de faire ressortir les conséquences qu'eùt entrainées sa découverte, si elle eût été exacte. C'était d’abord une relation nouvelle entre la physiologie des animaux et celle des plantes : une analogie inattendue, d’une part entre les éléments femelles de la reproduction dans les deux règnes, œuf et graine; d'autre part entre les éléments mâles, pollen et spermatozoïdes. Enfin, ces résultats venaient modifier la théorie générale de la glycogénie que depuis vingt ans M. CI. Bernard édifiait avec tant de sûreté et de méthode : la présence de l’a- midon dans les testicules et dans les capsules surrénales appor- tait un argument aux anatomistes qui avalent prétendu sans preuves que la production amvylacée chez l’animal adulte, au lieu d’être localisée dans le foie, était diffuse dans les organes. Une découverte de cet ordre, qui introduisait tant d'idées nouvelles et contredisait tant d'idées acquises, aurait eu besoin d'être solidement établie. I n’en a rien été : en dehors du fait unique de l'existence des corpuseules polarisants, aucun autre, parmi tous ceux qui ont été avancés, n’a pu résister à la cri: tique expérimentale. (1) Dareste, Comptes rendus de l'Académie des sciences : 19 31 décembre 1866 ; 2° 1er juin 1868 ; 3° 26 juin 1871 ; 40 8 janvier 1872 ; 59 15 juillet 1872. 3 A. DASTRE. M. CI. Bernard a prouvé qu’il n’y a ni glycogène, ni amidon en quantité appréciable dans l'œuf de Poule, non plus que dans les testicules ou les capsules surrénales des animaux adultes. Pour ce qui concerne plus spécialement l'œuf de Poule, auquel nous bornerons notre étude, l’éminent physiologiste a montré que la question était facile à décider par les moyens chimiques. On ne peut retirer (et ici nous citons presque textuellement), ni du blanc ni du jaune de l’œuf, en employant la coction ou les traitements convenables, aucune substance amylacée capable de se transformer en dextrine et en glycose. Pour apprécier la valeur des procédés mis en œuvre, on peut faire la contre- épreuve : on peut ajouter une très-petite quantité d’amidon au jaune d’œuf, et s’assurer qu’on le retrouve facilement : s’il y en avait à l’état normal, on le décèlerait également. Avant la fécondation, il n'existe dans l'œuf qu’un seul foyer de matière glycogénique d’une étendue infime : c’est la cicatricule, qui, comme le germe de l’œuf d’insecte, renferme quelques Sr ane de glycogène. On peut dire qu'il n’y a en somme qu’une seule cellule Slycogénique; en dehors de ce foyer pri- mitif si restreint, on n’en retrouve nulle part ailleurs. Pendant l’incubation, les cellules spéciales qui contiennent la matière glycogène se multiplient et s’accroissent à partir de la eicatricule. Chez le Poulet, au huitième jour du développement, la membrane blastodermique contient des proportions consi- dérables de glycogène. Mais ces granulations n’ont aucun rap- port avec les corpuseules décrits par M. Dareste, disséminés dans tout le vitellus et préexistant à l’incubation. Après ces observations de M. CI. Bernard, le doute n’était plus possible : les corpuscules biréfringents, quelquefois si abondants au milieu du vitellus, n'étaient point de l’amidon; leur nature restait à déterminer. On savait ce qu'ils n’étaient pas, on ne savait pas ce qu'ils étaient. M. Ranvier pensa que ces corps pouvaient être de la leucine; quelques histologistes partagèrent cette manière de voir. « J'ai, dit M. CI. Bernard (1), (1) CI. Bernard, Identité du glycogène animal et de l'amidan végétal (Revue scientifique, 9 novembre 1872, p. 445). ARTICLE N° 8. DES CORPS BIRÉFRINGENTS DE L'ŒUF DES OVIPARES. 4 » prié M. Ranvier, mon collaborateur au Collége de France, » de vouloir bien étudier cette question intéressante. M. Ran- » vier, après avoir examiné cette matière avec Île soin et » l’habileté qu'il met dans ces sortes de recherches, est ar- » rivé à cette conclusion, que les corps polarisants qui existent » toujours dans le jaune d'œuf, soit à l’état ordinaire, soit à » l’état d’incubation, n’ont aucunement les caractères micro- » chimiques des grains d’amidon. Ces corps disparaissent par » l’addition de l’eau, de l'alcool, de l’éther, caractères qui n’ap- » partiennent point au grain d’amidon. Par ces propriétés et par » d’autres considérations encore, M. Ranvier rapproche ces » corps polarisants du jaune de l'œuf, de corps analogues » qu'on rencontre souvent dans des kystes de rétention du foie, » du poumon, et que l’on a l’habitude de considérer comme de >» la leucine. » M. Balbiani est arrivé aux mêmes conclusions; il a re- trouvé des corps identiques ou analogues aux corps polarisants de l’œuf, non-seulement dans le foie, mais dans d’autres tissus embryonnaires, et il a reconnu que les caractères de ces éléments les distinguaient parfaitement de la matière glycogène. Il faut ajouter que l'identité d'éléments de ce genre ne saurait être déduite de l’analogie de quelques réactions microchimi- ques souvent Infidèles, et moins encore de l'identité des carac- tères optiques. Toutes les substances de l'organisme, à peu près, sont doublement réfringentes, et par conséquent susceptibles de donner la croix de polarisation lorsqu'elles sont disposées en ainas symétriques par rapport à un axe. Tel était l’état de la question à l’époque où ce travail fut entrepris. H s’agissait de compléter la démonstration si bien commencée de la différence de nature entre l’amidon etles corps polarisants de l'œuf; 1l s'agissait de fixer leur composition chi- mique et leurs propriétés, et de déduire les conséquences que cette étude comporterait. Manière d'obtenir les corps polarisants de l'œuf. — Les œufs frais contiennent une quantité variable, mais le plus souvent 6) A, HASTERE. très-minime, de cés corpuscules biréfringents. On peut faire un assez grand nombre de préparations microscopiques sans en rencontrer un seul. Si d'autre part on veut bien réfléchir aux dimensions microscopiques de ces éléments, dont le diamètre moyen est de 15 p., on comprendra sur quelle faible proportion de la substance inconnue on avait le droit de compter après qu'on aurait réussi à l’isoler. D'ailleurs l’isolement de ces cor- puscules, qu'on ne pouvait apercevoir qu'à l’aide du micros- cope, était impossible à réaliser mécaniquement : et l'emploi des moyens chimiques semblait interdit par cette considération que les substances qui faisaient disparaitre les corpuscules dissolvaient en mème temps quelques-uns des matériaux con- stituants de l'œuf. Il est vrai que dans l'œuf en incubation les corpuscules sont plus nombreux ; mais la matière glycogène devenant alors très- abondante, on ne peut profiter de cet avantage relatif dans des expériences qui ont précisément pour but de distinguer du gly- cogène la matière que l’on veut isoler. Outre que la recherche était rendue difficile par les obstacles précédents, elle était en même temps détournée de sa solution, et pour ainsi dire dévoyée. En effet, la substance dont il fallait fixer la nature n’existant qu’en proportions intimes, on était tenté d'éliminer à priori tous les corps qui se rencontrent abondamment dans l'œuf, De ce nombre est la lécithine, qui représente en poids près du dixième du vitellus: or, comme nous le verrons, c’est précisément la lécithine qui constitue la matière des corps biréfringents. Le premier résultat à atteindre était d'obtenir la substance en quantité notable. Il était possible que la matière des corps polarisants ne füt pas aussi rare qu’elle paraissait l'être, il était même possible qu’elle füt abondamment répartie dans l’œuf, mais sous un état physique tel, qu'elle ne pût se manifester optiquement dans la lumière polarisée, Si lon remonte aux conditions physiques de ces manifestations lumineuses, on trouve des observations de Brewster, de Sénarmont et de Valenün (de Berne) qui autorisent des suppositions de ce genre, ARTICLE N° 8. DES CORPS BIRÉFRINGENTS DE-L'ŒUF DES OVIPARES. 6 Brewster (1) a vu que beaucoup de corps organiques qui à l’état frais ne présentent point la double réfraction, peuvent l’acquérir par la dessiccation, et le physicien anglais attribue cette propriété aux changements d’élasticité déterminés dans la masse par le départ de l’eau qui se fait mégalement aux différentes profon- deuts. Valentin (2), de son côté, a observé que la croix de pola- risation offerte par le cristallin prenait une intensité tout à Fait remarquable lorsque cet organe se dessèche : ce n’est qu’au moment où la perte de liquide est déjà considérable qu'appa- raissent les cercles isochromatiques ; des expériences particu- lières établissent d’ailleurs que la dessiccation n’a fait querendre plus apparente la double réfraction. Ces observations et d’au- tres de même nature m’engagèrent à recourir à la dessiccation lente pour essayer de rendre plus apparents où plus nombreux les corps biréfringents de l'œuf. L’artifice eut un plein succès. L’œuf desséché dans l’étuve à 45 degrés devient pulvérulent dans la partie centrale qui correspond au vitellus, et huileux à la périphérie : l'huile pénètre et colore la partie albummeuse. Si l’on prend une petite portion du jaune, qu’on la dissocie sur la plaque de verre dans une goutte de glycérine, on peut, en exa- minant la préparation avec le microscope polarisant, apercevoir ün très-grand nombre de corpuscules polarisants. Ces corps sont ceux mêmes qu'a observés M. Dareste et qui font l’objet du débat, car, en suivant les progrès de la dessiccation, on voit le nombre des corps augmenter sans que les autres caractères éprouvent de modifications : ceux qui sont nouvellement formés ne différent en rien de ceux qui existaient au début, dans l’état frais. Les mêmes faits ont été constatés sur des œufs de Tortue et des œufs de Caméléon que mon ami Georges Pouchet avait eu l’obligeance de me donner au mois de février 1879. Des expériences directes ont fourni plus tard la contre- épreuve de l’observation précédente. Si l’on prend la lécithine (mélangée de cérébrine) qui forme la substance des corps bi- (1) Brewster, Philosoph. Tr'ans., 1815-1816. (2) Valentin, Græfe’s Archiv für Ophthalm., Bd. IV, 1858, p. 228. 7 A. DAS'HIRE:. réfringents et qu’on l’agite avec de l’eau albumineuse, la sub- stance gonfle et perd en partie les caractères optiques : elle les recouvre lorsque l’eau s’est évaporée. | L'influence de la dessiccation sur l’apparition des corps pola- risants était mise ainsi en pleine évidence. C'était vraisembla- blement cette condition physique, et non pas une condition phy- siologique, comme l'avait cru M. Dareste, qui présidait aux oscillations que l’on observait durant le cours du développe- ment, dans la proportion des corps polarisants. M. Dareste avait en effet observé ces variations, et dans le mémoire qu'il lisait à l’Académie des sciences le 26 juin 1871, il distinguait « l’apparition successive de plusieurs générations toutes sem- » blables de granules amylacés ». Ces générations étaient au nombre de quatre : … 4° La première génération avait pour siége l'ovaire. Elle était formée par des granulations aecolées à la surface interne de la membrane de l’ovule. 9 La seconde génération apparaîtrait dans les globules vitellins : elle comprend les granulations les plus volumineuses (diamètre 25 L.), que nous étudions précisément en ce moment. 8 La troisième génération se produirait pendant l’incubation dans les cellules du feuillet muqueux du blastoderme, et plus tard dans les cellules des appendices vitellins. 4° Enfin la quatrième génération correspondrait à l’appari- tion dans le foie de granules extrêmement petits, qui seraient ceux-là mêmes qu'asignalés M. CI. Bernard. Une telle généalogie des corpuscules lécithiques ne saurait être maintenue ; la réalité est bien plus simple. On sait que l’œuf de Poule subit, du com- mencement à la fin de l’incubation, une perte d’eau qui donne la véritable explication de ces phénomènes. Le seul point réel, c’est-à-dire indépendant de toute interprétation, c’est l’aug- mentation continue des corps biréfringents du commencement à la fin de l’incubation; la vésicule ombilicale ne renferme presque rien autre chose au moment de léclosion ou dans les premiers jours qui lui succèdent, alors qu’elle disparait lente- ment par résorplion. Quant au foie de Pembryon ou du jeune ARTICLE N° 8. | DES CORPS BIRÉFRINGENTS DE L'ŒUF DES OVIPARES. 8 animal, 1l nous a toujours présenté des corpuscules extrème- ment volumineux et ne ressemblant en rien aux véritables gra- nulations glycogéniques. Ajoutons que la présence de ces cor- puscules n’a rien d’imattendu pour les physiologistes qui savent que l’on a, depuis quelques années, signalé et même dosé la lécithme dans la sécrétion du foie. En résumé, la dessiccation nous fournissait un excellent moyen d'obtenir en quantité suffisante la matière à examiner ; mais en même temps qu'elle mettait ce moyen entre nos mains, elle nous apprenait à nous en passer. Sachant en effet que les corps biréfringents ne sont qu’un état physique particulier d’une substance qui existe abondamment dans l'œuf, on pouvait rechercher directement cette substance sous son état diffus sans se restreindre à ses concrétions biréfringentes. C'est là ce que je fis de concert avec M. Morat. Examen successif des différentes substances contenues dans l'œuf. — Tout d'abord nous écartämes Phypothèse que les corps polarisants de l’œuf pourraient être de la leucine. Outre que les rapports de cette substance avec l’albumine et les albu- minoides, dont elle est un produit de dédoublement ou de destruction, rendaient peu vraisemblable son existence dans l'œuf frais, une autre raison excluait à priori cette substance, à savoir, l’abondance des corps polarisants dans l’œuf des- séché. Une telle proportion de leucine n'aurait pas échappé aux chimistes qui, pour faire l'analyse de l'œuf, commencent précisément par le soumettre à la dessiccation. Or aucune analyse n’en fait mention. Cependant, en raison du peu d'autorité qu'ont pour nous les raisonnements à priori, mème les meilleurs, nous voulümes soumettre à lépreuve expérimentale l'hypothèse de la nature leucique des corps de œuf. Nous préparämes de la leucine en assez grande quantité et aussi pure que possible ; nous lavons obtenue sous les deux états, en boules et en lames cristallines, cette dermière forme correspondant au maximum de pureté. Dans un cas n1 dans l’autre nous n’avons reconnu de propriété optique comparable à celle des corps biréfringents de l’œuf; ANN. SC. NAT., MAI 1876. II. 20. — ART. N° S$. 9 A. DASTRE. le plus souvent, lorsque la leucine est en boules, elle est opaque pour la lumière transmise. Le résultat est tout aussi négatif avec les composés leuciques, par exemple le chlorhydrate. Les corps analogues à la leucime, les amides de la série grasse, furent soumis aussi à l’examen. La tyrosine fut préparée et examinée dans la lumière polarisée. Quoique biréfringente, comme la leucine, elle n'offre pas le caractère de la croix. Corps gras et dérivés. — La cholestérine, puis les corps gras et leurs dérivés furent ensuite sounus à l’épreuve. L’oléme, la margarine, la stéarme, la palmitine et la cétine dissoutes n’ont pas donné lieu à des observations qui soient à mentionner, au moins pour le but que nous poursuivons en ce moment. Les acides gras méritent d’être signalés. L’acide marga- rique et, à un moindre degré, les acides oléique et stéarique forment des groupements microscopiques de cristaux diver- geant à partir d’un point central, et souvent d’une façon très- régulière. Ges boules cristallines réalisent les conditions phy- siques nécessaires à la production des croix de polarisation, à savoir, la disposition de particules biréfringentes symétri- quement distribuées autour d’un point ou d’un axe. De faut, on voit apparaitre la eroix de polarisation, mais elle présente une constitution qui rend impossible la confusion avec les corps de l’œuf. Les branches de la croix, au lieu de former un champ uniformément brillant, sont sillonnés de traits radiés obscurs; en un mot, on distingue parfaitement les houppes d’aiguilles cristallines dont le groupement a produit le phé- nomène. L'aspect est assez caractérisé pour qu'on puisse le faire servir, dans l'analyse chimique qualitative, à la reconnais- sance des acides gras. Mais il v a des combinaisons des acides gras, qui présentent le phénomène tout aussi distinctement que les corpuscules de l’œuf. Le savon d’oléate de soude est dans ce cas. Que l’on neutralise l'acide oléique ou que l’on saponifie l’oléine pure avec la soude, on obtient une masse olutineuse qui, dissociée dans la glycérine et examinée au microscope polarisant, fournit des croix très-nettement des- sinées. ARTICLE N° &. DES CORPS BIRÉFRINGENTS DE L'ŒUF DES OVIPARES. 10 On peut dès lors se demander si les corps biréfringents de l'œuf sont formés par un savon de ce genre, par exemple par l’oléate de soude. L’abondance des corps gras de l'œuf permet une telle supposition. Le jaune ou vitellus contient en effet, en moyenne, d'après les analyses de Gobley (1), une proportion de 21,30 pour 100 de margarine et d’oléine; d'autre part il contient aussi une petite proportion de soude plus ou moins énergiquement engagée dans des combinaisons. Les éléments du composé polarisant existent donc, et l’on est fondé à recher- cher sile composé lui-même n’existerait pas, et s'il ne formerait pas précisément la matière des corpuscules polarisants. L'expérience répond négativement. Les analyses de l'œuf frais ont bien fourni une proportion considérable de margarine et d’oléine, mais jamais d'acides gras hibres où de savons. Gobley _a particulièrement insisté sur ce point, qui était capital pour ses recherches. En second lieu, les bases alcalines ne sont pas libres, mais combinées avec des acides énergiques, chlorhy- drique, sulfurique; de plus, leur quantité est extrèmement fable en comparaison descorps gras à saponifier, etinsignifiante en Comparaison des corps polarisants à la constitution desquels elles devraient participer. À la vérité, certains traitements et l’incubation elle-même peuvent faire apparaître dans l’œuf une proportion notable d'acides gras, stéarique, margarique et phospho-glycérique. Mais c’est par la destruction d’une combinaison naturelle, la léer- thine, dans laquelle ces corps sont engagés, et d’où ils sortent sans être neutralisés. Cette lécithine, véritable savon de choline, est d’ailleurs susceptible de fournir par elle-même, comme nous le verrons, les corpuscules biréfringents les plus remar- quables. | La conclusion de ces faits et de la longue discussion À la- quelle nous venons de nous livrer est que les corps gras ne peuvent, pas plus que l’amidon ou la leucine, être invoqués pour expliquer les corps polarisants de l'œuf. Certains savons, (1) Gobley, Journal de pharmacie el de chimie F3], & AU, p. (2. 11 A. DASTRE. les oléates entre autres, conviendraient parfaitement à en rendre compte; nous pensons même que quelques eorpuscules pola- risants peuvent avoir cette composition, mais dans les conditions normales c’est le très-petit nombre. La grande masse des cor- puscules, sinon la totalité, est formée d’une autre matière dont nous devons poursuivre la détermination. | Parmi les matériaux de l'œuf, 1l ne reste plus que deux oroupes à examiner : d'abord les matières albuminoïdes, qui donnent lieu à des observations intéressantes ; en second lieu, les matières grasses phosphorées, lécithine et cérébrine, qui contiendront la solution du problème. Matières albuininoïides. — Le jaune d'œuf renferme une variété d’albumine qui a reçu le nom de wiftelline, une peute quantité d'albumine véritable et des traces de caséime. La vitel- line seule est en proportions suffisantes pour être dosée : le jaune d'œuf de Poule en contient 15,76 pour 100 (moyenne), d’après Gobley; l'œuf de Carpe en renferme 44 pour 400; les œufs de Tortue contiennent une substance identique (para- vitelline). Toutes ces substances sont certainement biréfrmgentes. Biot a découvert, comme on sait, que l’albumine était lévogvre, et depuis lors plusieurs auteurs ont mesuré son pouvoir rotatoire. Néanmoins, lorsque ces substances sont pures, elles ne pré- sentent pas des groupements tels, qu’elles puissent manifester la croix de polarisation : la dessiccation ne détermine pas des figures régulières. Les conditions changent dès que les albumines sont unies aux bases ou aux sels alcalimo-terreux. M. Harting (d’'Utrecht) (1) a observé qu'en mélangeant suivant des procédés particuhers le carbonate de chaux à l’albumine, on obtenait des corpuscules ou calcosphérites, qui seraient formés d’une combinaison des deux substances (calcoglobuline); ces corps présentent des zones concentriques, et manifestent de la façon la plus nette la croix de polarisation. La gélatine, le sang, ont donné matière (1) Harting, Reckerches de morphologie synthétique. Amsterdam, 1872 ARTICLE N° 8. DES CORPS BIRÉFRINGENTS DE L'ŒUF DES OVIPARES. 12 à des observations de la même nature. De notre côté et avant d'avoir connaissance des mémoires de M. Harting, nous étions arrivés à des résultats analogues. M. Morat, ayant mélangé à une masse de vitellus quelques centimètres cubes d’une solution concentrée de baryte, rencontra le lendemain, dans la profon- deur et surtout à la surface du mélange, un nombre immense de corpuscules polarisants plus petits que ceux de Pœuf et de forme moins régulièrement sphérique. L’albumine d'œuf bien pure, traitée de la même manière, nous a donné des corps d’une régularité parfaite, présentant les croix avec les anneaux 1s0- chromatiques et les couleurs de la polarisation lamellaire. La vitelline, la sérine, dans les mêmes conditions, se comportent de la même manière. Toutes les substances albumimoïdes ou même collagènes (gélatine, osséine), mélangées à la solution de baryte, se recouvrent d’une pellicule exclusivement formée de ces sphérules polarisantes. D’autres bases que la baryte et la chaux, d’autres sels que les carbonates, présentent, au degré près, les mêmes phénomènes. Ce n’est pas ici le lieu de rapporter en détail les expériences que nous avons faites à ce sujet et les conclusions qu'elles comportent; il n’est besoin que d'en re- tenir une seule, à savoir, qu’un grand nombre, sinon la totalité des substances azotées de l’organisme, peuvent, sous l’imfluence des sels alcalino-terreux, fournir des corpuscules biréfrmgents analogues à ceux dont nous poursuivons actuellement l'étude. Arrivés à ce point de notre travail, nous voyons que la face de la question a complétement changé. Le problème est, pour ainsi dire, renversé : il semblait difficile, au début, de trouver une substance de l'œuf qui offrit le phénomène de la eroix; maintenant, au contraire, il serait difficile d’en trouver une qui ne le présentät point. L'embarras est de choisir parmi ces matières celle qui entre véritablement dans la composition des corpuscules décrits, et d'éliminer les autres. Or, Pélimi- nation est facile ; les composés alcalino-terreux de la vitelline et des autres albuminoïdes sont insolubles dans Palcool et dans l'éther, et ce fait à lui seul suffit à les distinguer des granu- lations dont nous cherchons la nature. Nous parvenons ainsi, 15 A. DASTRE. par voie d'élimination successive, à n'avoir plus de ressource que dans les corps gras phosphorés de œuf, où nous devrons trouver la clef du problème. Mais, avant d'aborder cette nouvelle étude, nous devons faire une observation relativement aux causes de l'erreur où sont tombées quelques personnes en confondant les corpuseules vitellins avec l’amidon. Le fondement de cette méprise, c’est la supposition, formellement exprimée d’ailleurs, que les carac- tères optiques de lamidon «n’ont, jusqu’à présent, été constatés » que dans cette substance, parmi les substances non cristal- » lines ». On connaît au contraire un très-grand nombre de corps dans ce cas; les Mstologistes et les zoologistes connais- saient les belles préparations de croix que l’on obtient avec la cornée et le cristallin des Poissons, avec les coupes transver- sales des os, ete. On trouverait, d’ailleurs, un catalogue très- étendu de ces substances dans louvrage spécial (1) publié en 4861 par G. Valentin (de Berne) sur l'Etude des tissus végétaux el animaux au moyen de la lumière polarisée. Nous comprenons moins le résultat de « l’opération déei- sive » (2) qui à consisté à transformer ce prétendu amidon en olycose ; peut-être faut-1l imeriminer la complication même de cette opération. En effet, pour isoler les corpuscules, M. Dareste lave le vitellus à l’éther rapidement, « afin d'éviter la coagu- lation de la vitelline » ; puis lavage à l’eau ; puis traitement par l'acide acétique « pendant trois mois ». Après ces trois mois, le dépôt est lavé, bouilli, séparé par décantation et non par filtra- tion, « pour éviter la matière saccharifiable des filtres de papier». Telle est la substance qui, après traitement convenable, a réduit «sensiblement » la liqueur de Fehling. La réduction opérée dans des circonstances si particulières s’expliquerait par trop de raisons, sans invoquer l’amidon, pour que l’on soit dispensé de la considérer comme décisive. La croix de polarisation est une particularité physique pou- (1) Valentin, Die Untersuchungen der Pflanzen-und der Thiergewele in polarisirten Lichte. Leipzig, 1861. (2) Dareste, Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1°* juin 1868. ARTICLE N° 8. DES CORPS BIRÉFRINGENTS DE L'ŒUF DES OVIPARES. 14 vant appartenir à trop de substances pour en caractériser au- cune. Elle indique une structure, non une nature déterminée : c’est Ja preuve (la substance étant biréfringente) de la disposition moléculaire symétrique autour d’un axe ou d’un point, et non pas seulement d’une disposition en couches concentriques, comme semblent le croire quelques micrographes. Un corps monoréfringent composé de couches concentriques ne donne- rait pas le caractère. Néanmoins, malgré ces restrictions, lors- qu'on sait d'avance quelques conditions plus particulières de son apparition, cet attribut peut fournir des renseignements utiles à l'analyse ; 1l donne des indications de la même nature, sinon de la même valeur que les formes eristallines. Corps gras phosphores de l'œuf. — Les substances qu'il nous reste à passer en revue sont la lécithine et la cérébrine, qui existent en proportions notables dans les œufs. Le jaune d'œuf de Poule desséché renferme environ 20 pour 400 de lécithine et un peu moins de À pour 100 de cérébrine ; à l’état frais, les proportions trouvées par Gobley sont les suivantes : Œuf de Poule, vitellus.... Lécithine.... 8,43 p. 100. Cérébrine.... 0,30 Œumde Carpe LE PC Lécithine.... 3,04 Cérébrine.... 0,20 Nous dirons quelques mots de ces deux substances. La cérébrine (matière grasse blanche, cérébrote de Couerbe, acide cérébrique de Fremy) se présente en grains blancs ou en plaques eireuses. Sa composition, d’après Gobley, serait ex- primée par les nombres suivants : G — 66,85, H — 10,89, Az — 2,29, 0 = 20,04. Elle ne contiendrait point de soufre ; le phosphore n’y existerait qu’à l’état de traces ou comme im- pureté provenant d’une petite quantité de lécithime qui est tou- jours mélangée à la cérébrine. Elle est soluble à chaud dans l'alcool à 85 degrés ; elle se pré- cipite à froid. Ge caractère lui est commun avec la lécithine, dont elle se distingue d’ailleurs en ce que sa combustion ne donne pas un charbon acide, et, en second lieu, en ce qu’elle n’est point soluble dans l’éther et les huiles volatiles. 45 A. DASTRE. La cérébrine est en petite quantité dans l’œuf (=). De plus elle est très-fortement retenue par la lécithine. Elle ne pourrait entrer dans la constitution des corpuscules biréfringents que comme élément -accessoire de la lécithine. Nous sommes donc amené à envisager maintenant cette dernière substance. La lécithine (de Aéx9cc, jaune d'œuf) a été découverte et nommée par Gobley en 1846. Cette substance, extrêmement remarquable par ses propriétés chimiques, ne l’est pas moins par ses propriétés physiologiques. Chimiquement, c’est un savon de cholime, c’est-à-dire une combinaison entre la base appelée choline, d’une part; et, d'autre part, l’acide phosphoglycérique et les acides gras oléique, margarique, stéarique. Cette sub- stance est susceptible de se saponifier comme les corps gras et dans les mêmes circonstances, en donnant les acides gras, la glycérime et la choline. Cette dernière est une substance azotée découverte en 1861 par Strecker dans la bile, et identique à la névrine signalée par Liebreich en 1866 dans le cerveau; Bayer, en 1867, a fixé sa composition, et Würtz, bientôt après, l’a 1 par synthèse. Il ne serait pas opportun de retracer ici l’histoire chimique de la lécithine. Cette substance de l'organisme, à la fois azotée et phosphorée, est comme un trait d'union entre les deux croupes de corps que les physiologistes désignent par les noms d'éléments plastiques et éléments respiratoires. Outre cette con- sidération, son abondance et sa diffusion dans l’organisme peuvent faire préjuger son importance. Elle existe dans le vi- tellus de l’œuf chez les Ovipares; elle constitue 5 pour 400 du poids ‘lu cerveau; on la retrouve comme élément constituant des neris: elle existe dans le sang, la bile, dans un grand nombre de produits normaux et pathologiques, dans le lait (Bouchardat), dans le sperme, dans la laitance des Carpes, chez les Méduses, ies Astéries, les Actinies, les Oursins. M: Morat et moi avons préparé la lécithine par le procédé de Gobley, soit au moyen de l'œuf de Poule, soit au moyen du cerveau. La lécithine obtenue au moyen de l’œuf de Poule retient toujours avec opimâtreté une petite quantité de céré- ARTICLE N° 8. DES CORPS BIRÉFRINGENTS DE L'ŒUF DES OVIPARES. 16 brine et de phosphates de chaux et de magnésie. La lécithine se gonfle par l’action de l’eau ; est soluble à chaud dans lalcool à 89 degrés, d’où elle se précipite par le refroidissement; elle est également soluble dans léther (variété dipaimitique) et dans les huiles volatiles. Les recherches de Hoppe-Seyler, Strecker, Petrowski et Diakonow tendent à faire admettre l’exis- tence de plusieurs variétés de lécithine : la lécithine dioléique (C“HS6AzPh0”?), qui se dépose par l’action prolongée d’un froid de 45 degrés sur la solution alcoolique du jaune d'œuf déjà épuisé par léther ; la lécithine distéarique (G®HP°AzPhO?), qu'on obtient par évaporation du résidu précédent ; la lécithine dipal- mitique (CH#AZzPh0O”), qui est la plus soluble dans Péther. Nous devons à l’obligeance de M. Ch. Tellier, directeur de l'usine frigorifique d'Auteuil, d’avoir pu préparer des quantités convenables de ces produits. Les lécithines sortent toujours de leurs dissolutions alcoo- liques et éthérées à l’état de dépôt floconneux, amorphe en apparence, mais en réalité formé de sphéroïdes à structure très- régulière et présentant le caractère optique de la croix. Lors- qu’on les examine dans la glycérme avec le microscope pola- risant, les nicols étant à l'extinction, on voit la surface tout entière du champ parsemée de croix brillantes. On peut redis- soudre la substance ; toujours en se déposant, elle reprendra la propriété optique si remarquable que nous signalons. Cette observation nouvelle fournit un moyen commode de constater, dans beaucoup de cas, l'existence de la lécithine sans être obligé de recourir à l'analyse élémentaire, toujours pénible et souvent impossible lorsque l’on dispose de trop fables quan- tités de substance pour pouvoir la purifier. La détermination optique devra être complétée par la constatation du caractère de solubilité : outre la lécithine, nous ne connaissons pas actuel- lement d'autre corps que l’oléate de soude qui donne la croix de polarisation et soit soluble dans l'alcool chaud et dans l’éther. En tout cas, une troisième épreuve, aussi facile que les précé- dentes, pourra donner la certitude : on brülera la substance sur une lame de platine, et l’on constatera la présence, dans le cas 17 A. DASTRE. | de la lécithine, d’un charbon rendu acide par lacide phos- phorique. J'ai employé ces règles pour la détermination de la lécithine dans la dégénérescence graisseuse ou pour la recherche dans les plantes, et pour l’étude de ses mutations dans l'organisme. Ce travail est encore en cours d’exécution. La structure des corpuscules lécithiques, dont la régularité est attestée par Papparition de la croix de polarisation, mérite de fixer l'attention; comme elle se produit en dehors de toute activité vitale toutes les fois que la substance se dépose de ses solutions, elle prouve que les matières organiques peuvent prendre, sous la seule influence des forces moléculaires, des formes très-régulières et presque aussi remarquables que les formes cristallines proprement dites, ou solides géométriques à faces planes. M. Harting, de son côté, a réalisé artificiellement un grand nombre de formes régulières (calcosphérites, otolithes, mam- milles de la coque de l'œuf des Oiseaux) qu’on pouvait croire le résultat de Pactivité cellulaire animale. Le même auteur a réalisé des corps analogues aux sclérodermites des Aleyonaires, aux coccolithes, discolithes et cyatholithes décrits par Huxley, 0. Schmidt et Carter. En présence de ces faits, n’y a-t-il pas lieu de se demander st le Règne végétal n'offrirait pas des cas analogues, et si la structure du grain d’amidon, par exemple, au lieu de supposer une activité cellulaire ou vitale, ne serait pas simplement un groupement moiéculaire de la matière amylacée. Si nous jetons maintenant un regard en arrière, nous voyons que, de toutes les substances de l’œuf, une seule, la lécithine, (la cérébrine étant exclue à cause de sa faible proportion, =), présente tous les caractères des corps biréfringents de l'œuf caractères physiques et caractères optiques ; de sorte qu’en rai- sonnant par voie d'exclusion, c’est à elle qu'’appartiennent les corps déerits par M. Dareste, que l’on aperçoit primitivement dans le vitellus. L'examen direct viendra donner le dernier sceau à notre ARTICLE N° @. DES CORPS BIRÉFRINGENTS DE L'ŒUF DES OVIPARES. 18 démonstration. Si l’on isole toutes les substances qui, par leur mélange, constituent le vitellus, et qu'on les observe compara- tivement dans la lumière polarisée, la lécithine seule fournira les croix de polarisation. Le traitement que nous faisons subir à la matière du jaune diffère peu de celui qu'ont mis en usage les chimistes Gobley, Hoppe-Seyler, Diakonow, pour leurs analyses. Voici en quoi 1l consiste : Étant donnés plusieurs vitellus, on les lave à l’éther jusqu’à ce que la liqueur cesse de se colorer. On à ainsi deux parts : une solution éthérée À, un résidu B. La solution éthérée À, soumise àl’évaporation, laisse séparer deux matières : l’une, «, visqueuseetconsistante ; l’autre, b, huileuse et liquide, surnagée par des cristaux de cholestérme. On rend la séparation aussi complète que possible en décantant d’abord, puis en filtrant à chaud à travers une toile très-fine ; enfin, en comprimant la matière à travers plusieurs doubles de papier à filtre. On a, en résumé, par ces opérations, Phuile d'œuf b formée de marga- rine et d’oléme, et la cholestérine, et, d'autre part, la matière visqueuse &, presque exclusivement formée de lécithine. À la matière visqueuse se trouvent incorporées cependant la céré- brine, des matières colorantes, et quelques substances que l’on peut extraire par l’alcool à froid (matières extractives). Le résidu B est traité par Palcool à chaud, qui enlève les lécithines dioléique et distéarique ; puis par l’eau, qui enlève les sels solubles; puis par l’eau légèrement aiguisée d’acide chlor- hydrique, qui enlève les phosphates. La vitelline reste comme résidu. Tous ces produits retirés du vitellus par les dissolvants sont examinés dans la lumière polarisée. Les lécithines seules mani- festent le caractère de la croix de polarisation. De cette double série d'épreuves et de contre-épreuves res- sort, avec clarté, la conclusion que Les corpuscules biréfrmgents des œufs des Oiseaux, des Reptiles et des Poissons sont formés, non d’amidon animal, non plus que de leucine, mais de lécithine. PUBLICATIONS NOUVELLES. Archives du Muséum d'histoire naturelle de Lyon. Grand in-4°, GIE Ce recueil, commencé en 1872, compte aujourd’hui 6 livraisons, et forme un beau volume contenant 335 pages de texte et 38 planches. Oa y trouve les mémoires suivants : 1° Etudes sur la station préhistorique de Solutré, par MM. Ducrot et Lortet; 2° Notes sur les brèches osseuses des environs de Bastia, par M. Locar d; 30 Étude sur le Lagomys corsicanus de Bastia, par M. Lortet: 4 Études paléontologiques dans le bassin du Rhône, période quaternaire, par MM. Lortet et Chantre; 5° Recherches sur les végétaux fossiles de Meximieux, par MM. de Saporta et Marion, précédées d’une Introduction stratigraphique, par M. Falsan. Il est à espérer que la ville de Lyon con- tinuera activement une publication si bien commencée. Matériaux pour l'histoire des temps quaternaires, par M. Gaupry. In-4°. Le premier fascicule de cet ouvrage vient de paraitre et contient: 1° un chapitre d'introduction ; 2° une étude approfondie des fossiles trouvés dans la grotte de Sainte-Suzanne, dans le département de la Mayenne; 3° un mémoire sur la grotte de Louverné, située dans le voisinage de la caverne précédemment nommée; 3° un mot sur les ossements fossiles pro- venant d’une grotte située dans la vallée de l’Erve et désignée sous le nom de Cave à Margot. Ces recherches sur les fossiles quaternaires de la Mayenne sont accompagnées de 11 planches. Traité élémentaire d'emtomoïiogie, Par M. Maurice GiraRp. Le premier volume de cet ouvrage, publié en 1873, contient une [ntro- duction à l'étude des Insectes et l’histoire des Coléoptères. La première partie du second volume Sens de paraître ; elle est consacrée aux Ortho- ptères et aux Névroptères ; elle estaccompagnée de 8 planches, et se com- pose de près de 600 pages de texte. Nous rappellerons que ce traité élémen- taire a été l’objet d’une récompense honorifique de la part de la Société centrale d'agriculture de France. Étude sur le genre Mystriosaurus, par M. WinkLeR, conservateur du Musée Teyler, à Harlem. Ce mémoire constitue la première livraison du quatrième volume des Archives du musée Teyler, et contient la deseription de deux exemplaires nouveaux du genre Mystriosaurus, ainsi qu'un exposé de l’état actuel de nos connaissances relatives à ces grands Crocodiliens de la période la- sique. Le travail de M. Winkler est accompagné de belles planches et, quoique publié en Hollande, est rédigé en français, circonstance qui sera certainement très-agréable à la plupart des lecteurs des Annales. ANN, SC. NAT. — ART. N° 9 MÉMOIRE LES BROSSES COPULATRICES DES BATRACIENS ANOURES Par M. N. LATASTE, J'appelle brosses copulatrices, plaques d'accouplement, ex- croissances érotiques, les protubérances qui se développent, au moment du rut, sur les membres antérieurs et même sur d’autres parties du corps de la plupart des Batraciens anoures mâles, occupant de préférence le tubercule palmaire prin- cipal (1) et les faces interne et supérieure du pouce. On a depuis longtemps signalé ces singuliers organes, des- tinés sans doute à faciliter Padhérence du mâle sur la femelle, quand celui-là la saisit aux aisselles ou aux lombes, suivant l'espèce, et se cramponne sur son dos, attendant la sortie des œufs pour les féconder au passage. Ces protubérances dispa- raissent après les amours, pour se montrer de nouveau l’année suivante. Mon intention n’est pas de décrire ici leur structure; je ne veux que faire ressortir, en me servant comme exemple de nos Anoures d'Europe, les secours que lon pourra tirer de l'examen de ces parties pour la discussion des espèces douteuses. L'Europe possède quatorze espèces de Batraciens anoures, distribuées comme suit : (1) J'emploie ici la désignation adoptée par Fatio (Faune des Vertébrés de la Suisse, vol. IF, Reptiles el Batraciens, passim). Dugès (Rech. sur l'osteol. et la myol. des Batrac., p.70) à d’ailleurs démontré que ce tubercule palmaire représentait en réalité une phalange du pouce, le doigt généralement désigné sous ce nom devenant le deuxième métacarpien ou lindex. ANN. SC. NAT. — ART. N° 10. 19 EF. LATASTE, PHANÉROGLOSSES. FAMILLES. GENRES. ESPÈCES. HYLÆFORMES, Dum. et Bibr.. Hyra, Laur........ H. viridis, Laur. | R. fusca, Roesel.' \ R. oxyrrhina, Steenstr. } R. agilis, Thomas. . viridis, Roesel. . pictus, Otth. RuNANTAurEr ere R R DiscogLossus, Otth.. D RANIFORMES, Dum. et Bibr.. BOmBINATOR, Merr... B. igneus, Merr. PeLopvyres, Fitz.... P. punctalus, Daud. AIMTES AWVagl ee ere A. obstetricans, Laur.' P. fuscus, Laur. P. cultripes, Cuvier. B. vulgaris, Laur. B. Calamita, Laur. B. viridis, Laur. | PELOBATES, Wagl... | BUFONIFORMES, Dum. et Bibr. Buro, Laur........ Duméril et Bibron comptaient trois espèces de moins : les Rana oxyrrhine et agilis n'ayant pas encore été publiés quand parut l’Ærpétologie générale; et les caractères distinctifs des Bufo viridis et Calamita, qu'ils confondaient en une seule espèce, ayant été méconnus par eux. M. de l’isle du Dréneuf, au contraire, en compte une de plus : le fRwna viridis meri- dionalis (4); mais, malgré lPautorité de cet auteur, je ne puis voir dans cette prétendue espèce qu'une simple variété de la Grenouille verte commune. Sur ces quatorze espèces, quatre : les Hyla viridis, Alytes obstetricans, Pelobates fuscus et P. cultripes, ne possèdent pas de brosses copulatrices. La Rainette n'en avait pas besoim, les pelotes visqueuses qui terminent ses doigts lui rendant avec avantage les mêmes services. On sait que seul, parmi nos Anoures, l’Alyte ne fait pas sa ponte à l’eau, mais que le mâle garde ses œufs, beaucoup (1) Lettre particulière à M. des Moulins, président de la Société Linnéenne de Bordeaux, 10 mars 1874. — Spallanzani (Exp. pour servir à l'hist. de la geénér., trad. Sennebier, Genève, 1875, p. 4) distingue également la Grenouille verte sur laquelle il a expérimenté de celle qu'a décrite et représentée Rossel. ARTICLE N° 10. BROSSES COPULATRICES DES BATRACIENS ANOURES. 3 plus gros et moins nembreux que ceux des autres espèces, atta- chés en chapelet autour de ses cuisses, Jusqu'à ce que les tètards, bien développés, puissent être portés dans une mare voisine et se mettre à nager au sortir de leur prison. Ce fait et l'absence de brosses copulatrices chez le mâle me donnent à penser que celui-ci ne se cramponne pas solidement à sa femelle, et que cette union est toujours de très-courte durée. J'aurais même révoqué en doute l’accouplement de cette espèce, n'en ayant Jamais été témoin, alors que je recueillais par les belles nuits d'été quantité de ces Anoures, si je n’avais connu l'observation si explieite de Demours (1). Quant aux Pélobates, les mâles présentent, à la face supé- rieure du bras, un épaississement glandulaire de la peau, mais pas la momdre papille faisant saillie à la surface. Ce sont, si lon veut, des excroissances érotiques, puisqu'elles se déve- loppent chez le mâle seul, et seulement au moment de l'amour, mais inparfaites, puisque des deux parties qui composent nor- malement ces excroissances, les papilles et les glandes, elles ne possèdent que les glandes. Malgré toute ma bonne volonté et de nombreuses démarches, je n'ai pu me procurer les brosses du Bufo viridis (2). Je n’exa- minerai donc ici que les neuf espèces restantes. À l'œil nu, on s'aperçoit déjà que l'aspect et la position des brosses copulatrices varient chez les différentes espèces. Dans le genre Rana, elles sont assez exactement limitées au (1) Histoire de l’Académie royale des sciences, 1741, p. 98, et 1778, p. 13. — Je ne connaissais pas alors le mémoire de de l'Isle sur l’Alyte accoucheur et son mode d’accouplement (Ann. sc. nat., 1873). De nouvelles observations de cet auteur sur le même sujet ont été publiées depuis dans ma Faune herpé- tologique de lu Gironde (Act. Soc. Linn. de Bordeaux, t. XXX). (2) Je dois remercier M. Thomas de l’empressement qu'il a mis à m'adresser le seul échantillon qu’il possédàt de cette espèce. Malheureusement le mauvais état de conservation de cet animal ne m'a pas permis d’en tirer parti. — J'offre aussi mes remerciments à M. Vaillant, qui a gracieusement mis à ma dispo- sition les bocaux du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Par malheur encore je n'ai pu trouver dans celte riche collection aucun Bufo véridis mâle muni de ses plaques d’accouplement. Il n’en a pas été de même pour le Discoglosse, et c’est à M. Vaillant que je dois d’avoir pu étudier cette espèce. 4 F,. LATASTE. tubercule palmaire principal, qu’elles recouvrent à peu près entièrement, et aux faces interne et supérieure du pouce. Chez le Rana fusca, où elles se montrent très-développées, erosses, noires, chagrinées, elles:s’étendent sur les trois pha- langes du pouce. Fatio même en a vu des traces « sur le doigt voisin, sur l’avant-bras, ou encore vers l'épaule » (2). Chez le Rana oxyrrhina (1), elles sont presque aussi déve- loppées que chez l'espèce précédente, et ont à peu près le même aspect. Elles sont beaucoup plus petites, presque lisses, et grisâtres chez le Rana agilis (3). Enfin, chez le Rana viridis, elles sont assez grosses, d’un gris noirâtre, et très-finement chagrinées. Léur position et leur aspect varient beaucoup plus chez les autres Raniformes. Chez le Discoglossus pictus, elles paraissent assez grosses, cornées, très-noires, chagrinées. Elles couvrent le tubercule palmaire principal, les faces interne et supérieure du pouce, la face interne du deuxième doigt. Des papilles noires et cornées, semblables à celles qui composent les brosses copulatrices, se montrent, pressées les unes contre les autres, sur le pourtour de la mâchoire inférieure et y forment une large bande brune. On en voit d’autres isolées sous la gorge et la poitrine, sur tout l’avant-bras, sur le bord interne de la cuisse, sur toute la face supérieure de la jambe, sur les faces supérieure ct interne des tarses, et jusque sur le pied; enfin, au pourtour de lanus et jusqu’à la région lombaire. C’est l’espèce qui possède le plus erand nombre de ces papilles. Les brosses copulatrices du Bombinator igneus sont beau- coup moins apparentes, à cause de leur ressemblance avec les taches bleues de la peau de cette espèce. Elles avaient échappé (1) Fatio, loc. cit., p. 924. (2) Je prie M. Fatio d’agréer mes remerciments, car c’est à lui que je dois les Oxyrrhines qui n’ont servi pour ce travail. (3) Thomas a fait représenter les brosses copulatrices des Rana fusca et agilis (Ann. des sc. nut., 4° série, Z00L., t. IV, pl. 7, fig. 7 ct 3). ARTICLE N° 10. BROSSES COPULATRICES DES BATRACIENS ANOURES. si) à noesel. Elles sont d'un gris bleu, et se trouvent peu saillantes, nais assez larges, sur Favant-bras, sur le tubercule palmaire prmeipal, et aussi sur les deux premiers doigts. Enfin, chez le Pelodytes punctatus elles sont brunes, cornées, presque lisses, et au nombre de cinq paires. Il y en a une sur la poitrine, près de l’insertion du bras, une autre sous le bras, üne troisième sous l’avant-bras, enfin une autre à la face supérieure de chacun des deux premiers doigts. Il n’v en a pas sur le tubercule palmaire. De plus, cette espèce présente sou- vent, comme le Discoglosse, quoique à un moins haut degré, des papilles, réunies en plaques, sur le pourtour de la mâchoire inférieure ; isolées, rares, éloignées les unes des autres, sur plusieurs autres parties du corps. Chez les Bufo, les plaques d’accouplement sont peu sail- Jantes, noires ou brunes, dures. Elles couvrent le tubercule palmaire, ainsi que les deux premières phalanges, et même un peu les troisièmes, des deux premiers doigts. Leur aspect, à l'œil nu, est le même chez les Crapauds commun et Calamite. L'examen superficiel que nous venons de faire de ces organes nous montre déjà qu'on peut en tirer parti dans la détermi- nation des espèces. C'est ce qu'a déjà fait Thomas quand il a spécifiquement distingué son Rana agilis du Rana fusca, Roesel, avec lequel on lavait confondu jusqu'alors (1). Mais, si nous prenons le microscope, nous allons obtenir des résultats bien plus satisfaisants. Voici le procédé que J'ai suivi. Après avoir détaché avec des ciseaux le pouce et la partie du carpe recouverts des brosses copulatrices, je les fais décalcifier dans l’acide picrique, je les dureis par la gomme et l’alcoo!, puis j'en fais des coupes per- pendiculaires à laxe du doigt. On peut se contenter aussi de détacher, avec des ciseaux et des pinces, la peau à examiner, et la dureir par un séjour de quelques heures dans lalcoo! concentré, avant de la couper. Examinons à un fable grossissement une de ces coupes, (1) Loc. cit., p. 376, et figures déjà citées. ANN. SC. NAT JUIN 1870. Hi, 21, — ART. N° 10. 6 | K. LATASTE. colorée au picrocarminate d’ammoniaque, et placée dans la elycérine. Négligeons les parties internes, el suivons la peau dans son contour. Nous la verrons S’épaissir considérablement dans la partie de sa circonférence qui correspond à la fpéiaue d secauplemens Là où elle n’est point épaissie, elle présente sa nc normale : la couche épidermique et les deux couches du derme ; la supérieure, très-mince, renfermant les vaisseaux et les cel- lules pigmentaires ; et la profonde, bien plus épaisse, à fibres concentriques très-serrées, reliées entre elles, de distance en distance, par d’autres faisceaux de fibres perpendiculaires aux premières. De loin en loin, dans l’épaisseur du derme, sont logées de petites glandes muqueuses semblables à celles qui criblent partout la peau des Batraciens. Mais, aux points qui correspondent aux plaques d’accouple- ment, cette structure se modifie. Le derme, au lieu des petites landes précédentes, loge dans son épaisseur, et sur un, deux, ou même trois rangs, d'énormes glandes muqueuses dont la structure, quoique variant un peu avec les espèces, n’a pas à nous occuper ici. Ge sont ces énormes glandes qui, refoulant les faisceaux conjonctifs, donnent à la peau son épaisseur en cet endroit; et les protubérances érotiques sont d'autant plus sail- lantes que ces glandes sont plus développées. . En outre le derme émet, vers sa surface épidermique, quan- té de petites papilles, vascularisées ou non, sur lesquelles se moule l’épiderme ; de sorte que la peau, lisse tout à lheure, se présente actuellement toute hérissée d’aspérités. C’est sur la forme de ces papilles, constante dans une même espèce, variable d’une espèce à l’autre, que nous allons porter notre attention. Néanmoins je crois bon de remarquer en passant que les glandes doivent jouer un plus grand rôle que les papilles dans les rapports sexuels des Batraciens anoures, car les glandes se développent avant les papilles, et persistent plus longtemps ; elles occupent une plus grande partie de Ja peau, le bourrelet qu elles forment débordant dans tous les sens au delà des ARTICLE N° 10. BROSSES COPULATRICES DES BATRACIENS ANOURES. 4 papilles; enfin, nous savons que deux espèces, les Pélobutes brun et cultripède, possèdent les glandes sans trace de papilles. Je disais tout à l'heure que l’épiderme se moulait sur les papilles dermiques. Il ne faut pas croire cependant qu'on retrouverait dans les papilles dermiques les différences de forme que présentent les papilles recouvertes de leur épiderme ; nous allons voir au contraire que l’aspect caractéristique de ces papilles est produit par la forme des cellules épithéliales vers la surface libre. En effet, si, avant de passer en revue les papilles des diffé- rentes espèces, on jette un coup d'œil d'ensemble sur les dessins qui les représentent, on est tout de suite frappé d’une différence profonde qui sépare tous les Raniformes de nos deux Bufoniformes. Tandis que le contour extérieur d’une papille est à peu près lisse chez les premiers, il est fortement crénelé chez les autres. Cette différence d'aspect tient à une différence dans la forme de l'élément épidermique. Les cellules épider- miques ne montrent cette divergence que vers la surface exté- rieure, quand elles se dégagent de toute pression réciproque, et sans doute aussi à mesure qu'elles vieillissent. Elles se déve- loppent surtout en hauteur, et deviennent anguleuses chez les Crapauds; tandis qu’elles s’élargissent et demeurent arrondies chez les Raniformes. Examimons maintenant le genre Rand. Nous trouvons, chez le Rana fusca (fig. 1), de grandes pa- pilles coniques et pointues, à contours à peu près lisses. Elles mesurent de 150 à 200 y (1) de longueur sur 100 à 150 y. de largeur. Les cellules épidermiques, très-grandes, se sont dis- posées vers la surface en deux ou trois couches concentriques qui représentent la partie cornée de l’épiderme. Les papilles du Rana oxyrrhina (fig. 2) sont aussi voisines que possible des précédentes. Un peu plus petites, elles ne me- surent que 70 à 100 y de long sur 80 à 100 y de large. Elles sont aussi Un peu MOINS AIgUËS. (1) D Oum 001 ; S F. LATASTE. Passant au Rana agilis (fig. 3), nous trouvons un change- ment considérable. Les papilles sont très-petites, tout à fait obtuses, surbaissées. Elles n’ont que 20 à 50 y de long sur 50 à 80 p de large. La cellule épidermique est us plus petite, plus saillante, quoique toujours très-arrondie. On ne distingue plus qu'une seule couche cornée, à peu près Imcolore, tandis que les couches homologues étaient sensiblement pigmentées chez les deux espèces précédentes. Enfin, chez le Rana viridis (fig. 4), les papilles, quoique toujours petites, se relèvent un peu et prennent une forme cylindro-conique, à sommet fortement arrondi. La cellule épi- dermique, un peu plus grande que précédemment, toujours très-arrondie, saillit fortement à l'extérieur. On ne distingue EU seule couche cornée. Longueur des papilles, 40 à 60 w, largeur, 30 à 50 y Chez nos ne nn. Raniformes, les papilles ne diffèrent guère que par la taille d’une espèce à l’autre. Elles ont aussi une certaine ressemblance avec celles du Rana fusca. Gepen- dant la couche cornée parait plus épaisse, et est beaucoup plus pigmentée chez les premières. Toujours coniques, les papilles sont droites et obtuses.chez le Discoglosse (1), récourbées et pointues chez les Sonneur et Pélodyte. Voici leurs dimensions : Discoglossus pictus (fig. 5), longueur 120 à 160 y, largeur 80 à 150 y. Bombinator igneus (fig. 6), — 60à 80m, — 60ùà 90p. Pelodytes punctatus (fig. 7), — 30ù 40, — 50m. Nous avons déjà vu en quoi nos Crapauds différaient des Raniformes. Ils diffèrent aussi entre eux, d’abord par la forme des papilles, plus grandes et pointues chez le Bufo vulgaris, plus petites et très-largement arrondies au sommet chez le Bufo Calamita; puis par la forme des cellules épidermiques, plus (1) Chez ie Discoglosse on voit nettement des anses vasculaires pénétrer dans les papilles, tandis que chez la Grenouille verte, malgré l'injection bien réussie des vaisseaux, on n’aperçoit rien de semblable. Je n'ai pas recherché quelles espèces se rapprochaient, sous ce rapport, du Discoglosse, quelles espèces de la Grenouille verte. ARTICLE N° 10. BROSSES COPULATRICES DES BATRACIENS ANOURES. 9 grandes et élargies à leur extrémité chez le dernier, plus petites et à peu près cylindriques chez le premier. Dimensions : Bufo vulgaris (ig. 8), longueur 100 à 150 , largeur 80 à 150 . Bufo Calamita (fig. 9), — 60 à S0Ou, — T0u. En résumé, chaque espèce d’Anoure à une forme de papilles assez distincte et assez constante pour que, étant donnée une préparation de brosses copulatrices, on puisse déterminer sûre- ment l'espèce qui l’a fournie. Il y a done là un bon caractère spécifique. Bien plus, les modifications qui affectent la forme des papilles paraissent souvent résumer en elles l’ensemble des modifications qui ont affecté l’animal entier ; de sorte que, étant données les papilles d’une série d'espèces, on peut, dans de petites limites, ranger chacune de ces espèces à sa place dans l'échelle z0ol0- gique. Dans le genre ana, par exemple, nous placerions l'oxyrrhine aussi près que possible de la rousse, mais bien lom de l’agile. Enfin, non-seulement nous rencontrons, dans la forme des papilles, des caractères spécifiques constants et bien gradués ; nous y trouvons encore des caractères d’un ordre supérieur, témoin les différences profondes qui séparent, sous ce rapport, la famille des Raniformes de celle des Bufoniformes. M. A. de lIsle ayant eu l’obligeance de me remettre, ces vacances, un pouce calleux de Bu/fo viridis 5, jai pu combler la lacune que j'avais dû laisser dans ce travail. En jetant les yeux sur la figure 40 qui représente les papilles de cette espèce, on s’assurera que les conclusions données ci-dessus se trouvent de tout point confirmées. En effet, les cellules épidermiques de la surface, saillantes et anguleuses, montrent bien que nous avons affaire à un Bufoniforme ; et les différences de taille et de forme qui existent entre ces cellules ou les papilles qui les sup- portent, et les parties analogues de Bufo vulgaris où Calamitu, nous font savoir que lindividu étudié appartient à une espèce 10 F. LATASTE. différente de ces deux dernières. Longueur des papilles, 108 y, largeur, 190 p. EXPLICATION DE LA PLANCHE 11. (Lettres communes à toutes les figures :) c, couche cornée de l’épiderme. m, couche muqueuse. d, derme. p, chromoblastes ou cellules à pigment. , glandes cutanées. v, vaisseaux sanguins injectés à la gélatine colorée. Fig. 1. Rana fusca, Roesel. Fig. 2. Rana oxyrrhina, Steenstrup. Fig. 3. Rana agilis, Thomas. Fig. 4. Rana viridis, Roesel. . Discoglossus pictus, Otth. . Bombinator igneus, Laurenti. . Pelodytes punctatus, Daudin. . Bufo vulgaris, Laurenti. a js uQ OO IT D x . Bufo Calamita, Laurenti. Fig. 10. Bufo viridis, Laurenti. C’est à tort, et d’après une imperfection du dessin, que le graveur a introduit des figures ovales dans la couche muqueusé des Discoglossus pictus et Bombi- nator igneus. ARTICLE N° 10. MÉMOIRE L'EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGEN DE LA MANCHE Par M. Charles BARROIS. INTRODUCTION. Les Éponges si communes sur nos Côtes s’y montrent avec des variations étonnantes de forme et de couleur ; cette diversité si frappante des Éponges adultes semble égalée par la variété de leurs larves. La véritable structure et le développement de ces larves a déjà donné lieu à de bien nombreuses opinions contradictoires. | L’embryologie des éponges calcaires semblait une question vidée en 1872, quand parut la monographie des Calcispongiaires de Haeckel ; l'importance cependant de cette embryologie, point de départ de la fameuse Gastræx Theorie, engagea plusieurs naturalistes à s’en occuper de nouveau. Après tous ces travaux, on doit eucore reconnaitre la vérité de cette phrase écrite en 1816 par Savigny (1) : « L'existence des Polypes est encore » douteuse à l'égard des Éponges, quoiqued’illustresnaturalistes » aient tenté de l’établir par des raisonnements présentés avec » beaucoup d'art, mais qui ne sauraient balancer le témoignage » des sens. » Je n’ai pas à parler des brillantes généralisations de lillustre professeur d’Iéna, je dois seulement constater qu’au- cune de ses observations sur l’embryogénie des Éponges n’a encore été confirmée. Les travaux de Metschnikoff, 0. Schmidt, Franz Eilhard Schulze, différant entre eux sur plusieurs points, s'accordent tous pour contredire les dessins de Haeckel. Mes études m'ont amené à partager leur manière de voir. (1) Savigny, Animaux sans vertèbres, p. 23. ANN. SO NAT: — ART. N°11 19 €. BARROIS. C'est sur les côtes de France que j'ai fait mes recherches sur les Éponges: j'en ai ramassé sur les rivages de la Bretagne, de la Normandie et du Pas-de-Calais; j'ai dù toutefois renoncer à faire actuellement la faune spongiologique de ces côtes. Oscar Schmidt, qui a étudié si longtemps ces amimaux, disait en 1875, des Éponges dont il décrivait l’embryogénie (1) : «Sie » sind so Characterlos, dass ich unmæglich die Arten bestim- » men oder machen kann. » Cette difficulté de la spécification des Éponges n’est que trop réelle. Je m’occuperai donc seule- ment dans ce travail du développement de quelques espèces que j'ai pu déterminer avec précision : ce ne sera qu’une faible contribution à l’histoire générale de ce groupe ; J'espère toute- fois que les résultats consignés ici seront des matériaux utili- sables pour l’histoire réelle du développement des Éponges. C’est en juin que les produits génitaux de la plupart des Éponges de la Manche commencent à mürir; j'ai étudié l’em- bryologie des Éponges calcaires en juin et juillet 1874 à Wime- reux (Boulonnais), au laboratoire de zoologie dirigé par le pro- fesseur Giard; je me suis occupé de l’embryologie des Éponges siliceuses en juin et juillet 1875, à Saint-Vaast de la Hougune (Cotentin), localité célèbre pour les zoologistes depuis les tra- vaux de M. Milne Edwards, le premier des naturalistes français qui ait établi son laboratoire au bord de la mer, et qui ait ainsi, dès 1826, donné un nouvel essor aux études morphologiques. Je n'ai plus étudié les Éponges depuis mon séjour à Saint- Vaast en juillet 1875. C’est en novembre de cette même année que paraissait le travail d’Oscar Schmidt, en décembre celui de Franz Eilhard Schulze ; mes observations avaient donc été faites tout à fait indépendamment des leurs. Les observations que je publie ont porté sur des espèces et des genres bien diffé- rents de ceux qui ont été étudiés par les zoologistes allemands; elles sont cependant souvent d'accord entre elles, notamment avec celles de F. E. Schulze. Dans ce cas mes recherches, sans prétendre à la priorité, sont cependant plus qu'une simple (1) 0. Schmidt, Zeitschr. für wissens. Zool., Bd. XXV, suppl. 1875, p. 134. ARTICLE N° 11, EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 3 confirmation de résultats connus; les faits vus ainsi de la même façon par des observateurs indépendants me semblent bien éta- blis, mais pour d’autres phases du développement nos observa- tions ne concordent pas, et ces divergences n’en sont alors que plus frappantes. R HISTORIQUE. Les Éponges présentent plusieurs modes de reproduction; lun d'eux s'effectue au moyen de larves libres : c’est le seul dont je m’occuperai dans ce travail. Les larves libres des Éponges furent découvertes en 1825 par Robert Grant (1); elles ont été décrites d’une façon très-exacte par M. H. Milne Edwards (2), dans son grand traité sur l'anatomie et la physiologie comparée des animaux : « Lorsque ces singuliers Zoophytes (les Éponges) » sont à l’état de larve et qu'ils jouissent de la faculté de changer » de place, ils sont de forme ovoide ; toute la substance de leur » corps est d’une consistance gélatimeuse, et la surface exté- » rieure en est couverte de cils vibratiles qui, animés d’un » mouvement rapide, flagellent pour amsi dire le liquide » ambiant, el déterminent, suivant l’intensité de leur action, » le déplacement de l’imdividu ou des courants dans l’eau où » celui-ci est plongé. » Avant Robert Grant, les naturalistes s'étaient surtout occu- pés de la place à assigner aux Éponges dans la nature. Spallan- zani, Sprengel, Oken, Ehrenberg, en faisaient des plantes; Ellis, Pallas, Lamarck, les considéraient comme des animaux plus ou moins voisins des Polypes. Robert Grant fixa définiti- vement leur place dans le règne animal. Les discussions n'étaient pas closes. MM. Carter, Clarke, Lieberkühn, s’accordèrent pour rapprocher les Éponges des Protozoaires, Radiolaires, Rhizopodes (Amibes), ou Infusoires (1) Robert Grant, Observations and Experiments où the Structure and Func- tions of the Sponge (Edinburgh Phil. Journ., 1825, vol. XI, p. 9% et 545; 1826, vol. XIV, p. 113 et 336 ; 1827, vol. II, p. 121). (2) H. Milne Edwards, Leçons sur l'anatomie et la physiologie comparee des animaux, t. W, p. 2. % €. BARROIS. flagellés. R. Grant, Johnston, Oscar Schmidt, Bowerbank, * voyaient une classe à part isolée. Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire, Leuckaert, M. Milne Edwards, plaçaient les Éponges à côté des Zoophytes. Cette manière de voir, reprise par M. Micklucho- Maclay et présentée avec art par Haeckel, à fait récemment de grands progrès : lembryogénie lui à donné un appui im- portant. Je m'oceuperai seulement ici des travaux d’embryogénie. Grant avait ouvert la voie ; après lui, les œufs des Spongilles furent signalés par MM. Raspail (1), Dutrochet (2), P. Ger- vais (3), Bory de Saint-Vincent (4). Meyen (5) décrivit les gemmules et leurs amphidisques. Il n'a pas toutefois reconnu leur rôle, et se demande ce qu’elles deviennent : peut-être produisent-elles un Polvpe ? _G. Johnston (6) dit que chez les Éponges à certaines époques de l’année, il se produit des êtres infusoriformes, cillés en avant ; ils se fixent et forment des Éponges. L. Laurent, dans le Voyage de la Bonite (1844), a donné une description monographique très-détallée du développement de la Spongille; les trois mémoires qu'il a publiés sur ce sujet ont été rarement cités par les nombreux savants étrangers qui ont décrit après lui des observations qu'il avait été le premier à faire (7). D’après Laurent, la Spongille présente quatre modes de reproduction; 1l figure des larves libres, dont je m'occuperai J (1) Raspail, Expériences de chimie microscopique (Mém. Soc. hist. nat. de Paris, t. IV, juin 1827). @) Dutrochet, Observations sur la Spongille rameuse (Ann. sc. nat., t. AV, octobre 1828). (3) P. Gervais, Lettre sur les Éponges d’eau douce adressée à l'Académie, octobre 1835. (4) Bory de Saint-Vincent, Dictionnaire pittoresque d'histoire naturelle, art. SPONGILLE. : (5) Meyen, Beiträge zur nüh. Kenntn. uns. Süsswasserschwammes (Müller's Archiv., 1839, S. 83). (6) G. Johnston, Hist. of. Brit. Sponges and Lithophytes. Edinburgh, 1842, p. 190. (7) L. Laurent, Voyage autour du monde sur la Bonite, Z00PHYTOLOGIE. Paris, 1844, chez Arthus Bertrand. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. ) seulement ici. Il a déterminé la fixation de ces larves, en les laissant se dessécher sur son porte-objet; elles se fixaient alors par leur partie antérieure. Les larves fixées sont formées par une masse glutineuse spiculifère, recouverte par une membrane mince amuboide, prolongée en un tuyau par lequel sortent les fèces; entre ces deux couches est une lacune où s’accumule le liquide qui entre et qui sort. M. Carter (1) décrivit les embryons des Spongilles des Indes orientales ; il vit les corbeilles vibratiles des jeunes Éponges fixées, ainsi que le tuyau singulier au bout duquel est parfois ouvert l’oscule de ces animaux. Je reviendrai plus loin sur les travaux de M. Carter. Lieberkühn (2) à d’abord porté ses recherches sur deux des types les plus communs, sur la petite Spongille d’eau douce, qui appartient à la division des Siliceuses, et sur l’Éponge ordinaire, Euspongia, qui fait partie du groupe des Cornées. Ces espèces, comme les autres Éponges de ce groupe des Siliceuses, ont un développement bien plus difficile à comprendre que celui des Éponges calcaires : c’est ce que Lieberkühn reconnait implici- tement dans ses Contributions à l'anatomie des Calcispongiaires (1865), ouvrage dans lequel il cherche à appliquer aux Éponges en général les faits que lui ont révélés les Éponges calcaires (loc. cit., p. 743). Les Calcispongiaires, d’après lui (3), ont des embryons dont le diamètre varie de 0"",01 à 0"%,05; leur forme est sphérique ou ovalaire ; ils présentent en leur milieu un pont sombre qui devient par compression une cavité allongée. La largeur de cette cavité égale le tiers de la largeur totale de l’embryon; elle contient habituellement une masse de débris granuleux, brû- nâtres. Ces embryons sont recouverts de longs cils vibratiles au moyen desquels ils s’agitent vivement dans l’eau. Jusqu'à cette époque on ne distingue pas de cellules à la (1) H. J. Carter, Notes on the spec. Struct. and. anim. of the freshwater Sponges in the tanks of Bombay (Annals and Mag. of Nat. Hist., 1828, p. 505). (2) Lieberkübn, Mäller’'s Archiv., 1856, p. 1, 399, 496; 1857, p. 370. () Lieberkühn, Archio. für Anat. und Physiol., 1859, p. 379. 6 C. BARROIS. surface du corps, il n’y à que des granules réfringents isolés. Quand on abaisse l’objectif, on reconnait des formations cellu- laires arrondies, puis en dessous une masse brune centrale, et au delà des stries radiaires. Chez beaucoup d’embryons, il n°y a que la partie du corps dirigée vers Pavant qui soit couverte de flagellums, présente le creux central et les stries rayonnantes; leur partie postérieure, au contraire, n’a rien de tout cela, et n’est qu’un amas confus de formations irrégulières dans lequel on ne peut même distinguer de noyaux. Peut-être ces embryons sont-ils en train de se décomposer; 1l se peut qu’à l’état normal les stries radiaires soient des rangées de cellules qui constituent le corps de l'animal, et que la cavité remplie de débris corres- ponde à la grande cavité du corps qui, chez l'animal adulte, débouche dans Poscule. Les larves libres des Éponges siliceuses (1) (Spongilles) ont, d’après Lieberkühn, une forme ovale et pointue en avant; leur grandeur varie suivant les individus. La partie antérieure est transparente, la postérieure blanche ; elles sont uniformément couvertes de petits cils vibratiles portés par une couche épithé- liale. Sous cette couche épithéliale se trouve la couche corticale ; elle est plus épaisse que la première : c’est une masse géla- ineuse avec granules graisseux qui semblent dispersés irrégu- lièrement; elle a des mouvements amiboïdes. Gette couche corticale recouvre la masse médullaire, qui est un sphéroïde remplissant l’intérieur de la larve; sa surface est revêtue d’une couche muqueuse, son intérieur est très-variable, Elle est formée par une masse gélatineuse avec granules fins et corpus- cules graisseux ; c’est elle qui contient les spicules. Ces larves libres (2) perdent au bout d’un certain temps leurs flagellums, les spicules apparaissent sous la substance corticale. La larve se fixe alors, elle pousse un gros prolongement ereux. Ce prolongement, d’abord transparent, se remplit bientôt de gra- (1) Lieberkühn, Beiräge zur Entwick. d. Spongillen (Müller's Archiv., 1856, p. 1). (2) Lieberkühn, Zur Entwickelungsgeschichte der Spongillen (Nachtrag) (Müller’s Archiv., 1856, p. 399, Taf. 15). ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 7 nules ; il y en a ensuite un autre. La substance corticale, à cette époque, ne repose plus sur la substance médullaire : lÉponge entière ressemble à une grosse Amibe qui contiendrait des gra- nules et des spieules en son intérieur. Si la substance corticale existe encore maintenant, ce n’est plus qu'une membrane fine, élastique, qu'on ne peut isoler. La couche externe est mince, amboïde et creusée de vacuoles. Plus tard les spicules pren- nent la disposition régulière qu'ils affectent chez les Éponges adultes. M. Oscar Schmidt (1) publia ses premières observations sur l’embryogénie des Calcispongiaires en 1866; elles portent sur Dunstervillia corcyrensis (Sycandra Humboldii, H.). L’embryon a une forme ellipsoide; sa moitié antérieure, la plus grande, est revêtue de cils vibratiles ; sa partie postérieure est formée par des éléments plus grands qui ressemblent à des cellules; sa partie centrale est remplie par une masse brune, finement gra- nuleuse. Plus tard la partie postérieure s’arrondit, une cavité se creuse au centre de la larve, puis s'ouvre à sa partie anté- rieure; cette bouche à une forme allongée. Koelliker (2), dans les Zcones hstiologicæ figure des œufs d’'Éponges, il les place sous lendoderme de l'adulte; il n’a pas suivi leur développement. En 1868, M. Micklucho-Maclay (3), de Saint-Pétersbourg, décrivit brièvement l'embryon de Guancha blanca (Ascetta blanca, H.), dans l’étude intéressante qu'il consacra à cette Éponge calcaire. Les embryons se trouvent dans la cavité diges- üve ; ils présentent une coloration brune en leur centre, et sont recouverts de longs cils vibratiles ; ils sortent par la bouche (oseule) de l'Éponge mère. Les larves libres sont ovoides, ren- ferment un contenu brunâtre, et une couche corticale claire, laquelle est revêtue elle-même d’une fine enveloppe. M. Micklu- cho-Maclay ne dit pas grand’chose de la structure histologique de la couche corticale ; elle lui paraît formée de très-grosses (1) O. Schmidt, Adriat. Spongien, 2 suppl., 1866, p. 5, fig. 0. (2) Kôlliker, Icones histiologicæ. Leipzig, 1864, pl. 8, fig. 3; pl. 9, fig. 9, 19. (3) Micklucho-Maclay, Lenaische Zeitschrift. 1868, p. 226. 8 €. BARROIS. cellules. En appuyant sur le verre, on déchire lenveloppe externe et la couche transparente corticale ; on fait ainsi sortir le contenu cellulaire brunâtre ; dans ces cellules 1l n°y à rien qui ressemble à un spicule. Les jours suivants, plusieurs embryons étaient fixés au vase, tandis que d’autres nageaent encore dans l’eau. Quelques-uns de ceux qui s'étaient fixés - avaient déjà perdu leur enveloppe eiliée, et leur forme avait changé ; mais ces embryons périrent les jours suivants... Tou- tefois les jeunes Guancha n’ont pas encore de bouche diffé- renciée à cette époque; leur bouche, comme chez les autres Éponges, n'apparait que plus tard. M. Willemoes-Suhm (1) a figuré comme embryon d'Éponge calcaire une larve qui ne parait pas appartenir à ce groupe d'animaux. En 1872 parut le grand travail de Haeckel sur les Calcispon- giaires. Avec ce livre, l’histoire des Éponges entre dans une phase nouvelle. Une vive lumière semblait répandue sur ce sujet obseur et embrouillé; lamonographie des Calcispongiaires est une œuvre d'art, mais l’imagmation y à trop souvent pris la place de Pobservation scientifique froide et sévère. Haeckel décrit les larves de quatre espèces d'Éponges calcaires; mais comme, d’après lui, la marche du développement dans ses cir- constances essentielles est identique chez les différentes Éponges calcaires, il faut surtout considérer ses conclusions (p. 34, 216). L'œuf se segmente d’un façon totale et régulière ; il ne se forme pas de cavité de segmentation; au stade 8, sept cellules entou- rent une cellule centrale ; ce n’est qu'après le stade 16 qu’appa- rait le premier plan équatorial de segmentation. La continua- tion du fractionnement produit finalement un corps simple sphérique ou allongé, solide, composé de petites cellules arron- dies toutes semblables entre elles (Morula). Alors se forme au milieu de cet amas cellulaire une cavité centrale (der Magen, l'estomac) ; les cellules qui l'entourent sont arrondies, maus les cellules qui forment la surface deviennent étroites et prisma- (1) Willemoes-Suhm, Zeischr. für wissens. Zool., 1871, Bd. XXI, Taf. 51, fig. 4. ARTICLE N° 11, EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 9 tiques ; elles se couvrent de cils vibratiles et l’embryon nage en larve libre (Planula) pendant un certain temps. Une des extrémités de cette larve s’amineit, disparait, et l'estomac s'ouvre ainsi au dehors : cette ouverture est l’oseule ou la bouche ; la Gastrula est formée. Cette Gastrula vit Hbrement pendant un temps plus ou moins long, puis elle tombe sur le sol et s’y fixe. Elle se fixe par le pôle de lPaxe de sa longueur opposé à son ouverture buccale, et par une surface aplatie ou pédonculée, qui, à partir de ce moment, formera la base de l'Éponge. Les cellules flagellées de l’exoderme rentrent leur flagellum et se soudent en syncytium ; les cellules de l’endo- derme qui jusque-là n'étaient pas ciliées, poussent maintenant un prolongement vibratile, et la surface stomacale sé trouve recouverte d'un épithélium flagellé : c’est le stade Ascula. La formation (les pores dans l’exoderme donne naissance à la forme Protospongia; la formation des spicules produit la forme Olyn- us. La disposition radiure des Sycon adultes dérive de l’'Olynthus par un bourgeonnement latéral. M. Ehas Metschmkoff (1) fut le premier à mettre en doute la réalité des descriptions de Haeckel. Il avait étudié Sycandra raphanus, et avait toujours trouvé les œufs et les embryons au dehors de l’endoderme ; une cavité de segmentation apparais- sait aussi, d’après lui, dans l'œuf, dès les premiers stades. Le résultat du fractionnement était de former un embryon arrondi, solide, cellulaire. M. Metschnikoff laisse de côté la question de la naissance des feuillets, qu’il n’a pu étudier suffisamment ; il décrit la larve libre formée de deux moitiés presque égales, l’une flagellée, l’autre dépourvue de cils vibratiles. Le premier résultat du développement est de faire disparaitre entièrement ensuite la cavité centrale, ce qui réduit notablement le volume de la partie flagellée. Les cellules arrondies, non ciliées, de la partie postérieure, se soudent maintenant en une masse com- pacte ; une seule rangée de ces grosses cellules fait exception, celle qui est immédiatement au contact des cellules flagellées. (1) Elias Metschmikoff, Zeitschr. für awissens. Zool., 1874, Bd. XXIV, DMesTaf 1 10 €. BARROIS. À ce stade, il arrive souvent que les larves se fixent déjà, mais il n’est pas rare pourtant qu’elles continuent encore un certain temps leur vie libre, ce qui n'arrête pas leur développement. Un des points les plus importants mis en lumière par M. Metsch- mikoff, c’est l'apparition des spicules dans la partie postérieure, sombre, brunâtre de l’embryon. Le fait principal de la méta- morphose consiste en ce que la moitié postérieure non cihiée de l'embryon produit la couche formatrice du squelette, tandis que la partie antérieure ciliée s’invagine à l’intérieur du corps de la larve et donne naissance à l’endoderme. La bouche qui résulte de cette invagination de la partie ciliée n’est que pro- visoire, elle disparait ensuite, et la jeune Éponge fixée pos- sède un corps clos de toutes parts, formé par un exoderme externe avec spicules et un endoderme interne flagellé. M. Metschnikoff (1) a donné une brève description de quelques embryons d’'Éponges siliceuses, ainsi qu'une figure de larve libre. La larve libre porte une couronne vibratile postérieure, qui entoure une lacune de lexoderme ; le reste de l’exoderme est cilié. Il décrit la métamorphose d’un Esperia : la couche épithéliale externe diminue au point de disparaître, de sorte qu’à une certaine époque la jeune Éponge paraît formée d'un amas parenchymateux irrégulier de cellules. Ce n’est que plus tard qu'apparaissent les corbeilles vibratiles sous forme de sphères fermées et n'ayant aucun rapport entre elles. M. Giard (2) a vu quelques stades intéressants d’un Hali- sarca de Roscoff; il n’en n’a pas suivi lembryogénie dans un travail qui avait pour objet les synascidies. Je reviendrai plus loin sur cette étude. Les travaux de M. H. J. Carter (3) sur les Éponges, dont j'ai déjà parlé plus haut, se sont succédé sans imterruption depuis 1848. Ces travaux sont difficiles à analyser. M. Carter divise en (4) Elias Metschnikoff, loc. cit. (en note). | (2) A. Giard, Archives de zoologie expérimentale, 1873, vol. IT, p. 481. (3) H. J. Carter, Description des embryons de Tethyes (Ann. and Mag. Nat. Hist., 1872, vol. IX, p. 409). — Development ofthemarine Sponges (Ann. and Mag. Nat. Hist., 4° sér., 1874, vol. XIV, p. 321, 389). ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 11 quatre périodes l’histoire du développement des Éponges. La première période s'étend depuis l'apparition de l’œuf jusqu’à la formation des deux premières sphères de segmentation ; la deuxième période va jusqu’à la fin de la segmentation ; la troi- sième période jusqu’à la fixation de l’embryon, et enfin la quatrième jusqu’au développement de l'Éponge adulte. M. Carter a étudié le Grantia compressa comme type de Calcispongiaire. Il admet les descriptions de Haeckel pour les deux premières périodes ; à la troisième période, l'embryon libre est formé de deux moitiés, l'antérieure ciliée, la postérieure à grosses cellules nues. Ces cellules de la partie postérieure sont des cellules enracinantes ; la parte antérieure est formée par une couche ectodermique ciliée et par un véritable ecto- derme, superposés. Lors de la quatrième période, lembryon fixé par ses cellules enracinantes est formé par deux couches, l’une externe, mince, l’autre interne, avec spicules, granules et corbeilles vibratiles. Les spicules à trois rayons naissent les premiers ; la jeune Éponge a une forme irrégulière, elle se contracte ensuite en forme de bourse. Les Halisarca lobularis et Halichondria simulans ont été également étudiés par M. Carter. Pendant les deux premières périodes, l'œuf est d'abord incolore ; puis 1l se segmente, et pousse ensuite ses flagellums. Hulisarca lobuluris n’a été ob- servé qu'à la troisième période : ces embryons sont alors entiè- rement cilés; les flagellums de la partie antérieure sont les plus longs ; quelques-uns ont montré une couche interne non ciliée. - L’Halichondria simulans, à la troisième période, est une masse homogène avec spicules, recouverte par un exoderme cilié. Une papille sans cils se forme en avant, et une accumu- lation d'éléments colorés et non ciliés à la partie postérieure ; elle est entourée d’une couronne de longs flagellums. Les spi- cules naissent toujours dans cette partie qui correspond aux cellules enracinantes des Éponges calcaires. La quatrième pé- riode montre la fixation de l'embryon par sa partie postérieure ; son exoderme s'étale, sa papille antérieure semble s’invaginer ANN. SC. NAT.S JUIN 1876. IL. 22, — ART. N° 11. 12 C. BARROIS. en bouche. Les spicules de la masse granuleuse interne se dis- posent en faisceaux. L’exoderme est mince, 1l formele tuyau de l'oscule; quand ce tuyau apparait, les corbeilles vibratiles sont formées. M. Oscar Schmidt (1) à publié récemment un travail sur l’'embryogénie des Éponges. D’après lui, on connait trop peu de choses à ce sujet, pour comparer les Éponges calcaires aux siliceuses, et même les Éponges calcaires entre elles (p. 138). Il décrit isolément quelques embryons, et arrive aux résultats suivants : Sycandra raphanus, H., et Sycandra, glabra H., au stade de larves libres, sont formés de deux parties, l’antérieure flagellée, la postérieure formée de pelotes granuleuses (Korner- ballen). {n’a pas vu comment ce stade se constituait; ces larves se fixent par leur partie postérieure, il ne les a pas suivies au delà. Ascelta clathrus. — La larve libre, de forme ovoide, est es- sentiellement formée par une couche régulière de cellules fla- gellées minces et longues. Haeckel avait décrit à l’intérieur de cette couche un revêtement de grosses cellules (Planogastrula). M. O. Schmidt nie lexistence de cette couche endodermique : d'après lui, iln’y a à l’intérieur dela rangée de cellules flagellées qu'un liquide dans lequel se trouve, vers l’une des extrémités de la larve, un amas cellulaire irrégulier. En dehors des cellules flagellées, 1l y a une cuticule avec granules de pigment vert. M. O. Schmidt décrit un stade antérieur à celui de la larve libre; 1l n’en diffère que par la forme des cellules constituantes, qui sont arrondies. Esperia sp.— Les embryons sont formés par des granules à contours nets plongés dans une masse visqueuse claire ou sombre et entourés par une membrane résistante. Le premier changement est l'apparition des spicules dans l'intérieur de cet embryon solide; ensuite il se forme une couche d’épithélium vibratile à sa surface. L’épithélium disparait à sa partie posté- rieure, les spicules s’y accumulent; la larve libre est ainsi (1) O. Senmidt, Zeilschr. für wissens. Zool., Bd. XXV, % suppl., novembre 1879/0427 ARTICLE N? 11, EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 413 formée. M. 0. Schmidt a vu ces larves se fixer par un de leurs = côtés, Amorphina sp. — La larve libre est uniformément ciliée, à sa partie médiane se trouvent les spicules. Gettelarve est formée par une couche externe de cellules flagellées, par une couche moyenne de cellules contractiles, fustformes, et par une masse interne parenchymateuse. Le développement de la larve amène les cellules flagellées de la partie postérieure à retirer leurs fla- sellums. La larve se fixe par un point latéral quelconque; elle est alors constituée par une masse centrale sombre avec spi- cules et une couche externe protoplasmatique née des cellules flagellées. Reniera sp. — Les larves libres sont ciliées et de couleur uniforme, les spieules apparaissent à leur partie médiane. Les oranules colorés s'accumulent ensuite à l’une des extrémités de la larve ; cette partie perd ses flagellums, mais non lépithélium qui les portait. La larve fixée est une masse solide formée par une couche externe claire, percée de pores, et une couche in- terne avec granules, spicules, cellules et corbeilles vibratiles. Les cavités du corps et l’oscule ne se forment que plus tard. M. Franz Eilhard Sehulze (4) à étudié d’une manière très- complète le Sycandra raphanus. Les œufs apparaissent dans le mésoderme et non dans lPendoderme; ia segmentation à été parfaitement suivie. Les sphères de segfnentation forment au stade 48 une boule creuse (Blastula). Après cette époque, huit cellules se différencient des autres, elles seront toujours recon- nassables et formeront l’endoderme. La larve Hbre est ainsi formée, c’est lAmplblastula cihé. La cavité de segmentation est très-réduite à cette époque ; les cellules de lendoderme ont pris un grand accroissement et forment la moitié de la larve. Plus tard cette moitié s’aplatit, puis s’invagine au dedans de Pexoderme et se fixe contre lui; elle oblitère ainsi la cavité de segmentation. À cette époque 1l y a donc une véritabie Gastrula ; elle se fixe par l’extrémité opposée à la bouche; les cellules (1) Franz Eilhard Schulze, Ueber den Bau und die Entwickelung von Syceandra raphanus, IL (Zeitschr. für wissens. Zool., 3° suppl., décembre 1875, p. 247). 14% C. BARROIS. prismatiques allongées de la larve forment lexoderme et se soudent en syneytium ; les grosses cellules de la larve forment l’endoderme, une couche gélatineuse, comprise entre elles, est le premier représentant du mésoderme. C'est de cette couche oélatineuse que semblent naître les premiers spicules, qui sont des aiguilles droites. Lorsque la larve s’est fixée, on peut en- core en distinguer la bouche pendant un certain temps, puis elle disparaît. Je passe; je devrai revenir souvent plus loin sur ce travail. Haeckel (1), dans un travail récent de généralisation, consa- cre une planche à l’embryogénie d’une Éponge très-simple sans spicules, qu'il appelle Gastrophysema (Squamulina scopula, Carter) ; elle présente d’une manière schématique la succession des formes qu'il considère comme primitives. On ne peut en- core apprécier ce travail, avant la publication d'observations détaillées à l'appui. La publication la plus récente que je connaisse sur l’em- bryogénie des Éponges date du 15 novembre 1875 ; elle est due à M. O. Schmidt (2), et analyse le travail de M. F. E. Schulze, dont les tirages à part avaient sans doute été donnés avant la Zeischrift de décembre. Pour M. 0. Schmidt, la Gustrula de M. F. E. Schulze est anormale; mais sa note ne contient pas d'observations nouvelles. CHAPITRE PREMIER. DÉVELOPPEMENT DES ÉPONGES CALCAIRES. J'étudierai dans des chapitres distincts l’embryogénie des Éponges calcaires, siliceuses et sans spicules; il n’est pas en- core possible actuellement de présenter d’une manière compa- rative les différentes phases connues du développement des animaux de ces groupes. Haeckel (3) le déclare dans un de ses (1) E. Haeckel, Die Gastrula und die Eïifurchung der Thiere (lenaische Zeitschr., August 1875, p. 61). (2) 0. Schmidt, Archiv. für mikrosk. Anatomie, Bd. XI. (3) E Haeckel, Die Gastrula und die Eïfurchung der Thiere (Ienaïsche Zeitschr., August 1875, p. 119). ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 19 derniers travaux (août 1875). « Bedarf die gesammte Ontogenie >» der Schwämme, wie O0. Schmidt auch selbst hervorhebt, » dringend neuer ausgedehnter Untersuchungen. » Je commencerai par les calcaires, qui ont été l’objet de re- cherches plus approfondies; je leur comparerai ensuite lesautres Éponges. L’embryogénie de la famille des Sycon, où Éponges calcaires à canaux radiaires, est actuellement de beaucoup la mieux étudiée; le développement des Éponges caleaires à ca- naux ramifiés (Leucon) n’est connu que par l’'embryogénie du _Leuculmis Echinus de Haeckel; on à des renseignements plus complets, bien que très-contradietoires sur les Ascon. Je ne pourrai rien ajouter à ce qu’on sait sur les Leucon ; je n'ai pu en trouver d’embryon, quoique jen aie cherché chez Leucandra nivea, H., si commun à Roscoff. J’étudierai d'abord les Sycon, et m'occuperai ensuite des Ascon. 1. SYCANDRA (GRANTIA) COMPRESSA, Haeck. À. Œufs. — Les œufs de Sycandra cofpressa ressemblent à ceux des autres Éponges calcaires, à ceux du S. raphanus déerits par F. E. Schulze, par exemple. Ge sont des cellules nues, sans membrane, généralement rondes ou ovales, mais présentant souvent des prolongements irréguliers, amiboïdes ; leur diamètre varie de 0"%,04 à 0%",05. — Ces œufs sont for- més par un protoplasme transparent, clair, chargé de granules à la partie centrale ; au milieu de ces granules, 1l y a une vési- cule germinative très-nette, avec un nucléole. Lorsqu'on observe un certain nombre d'œufs, on en remar- que parfois qui n’ont pas de vésicule germinative ; je les consi- dère, par analogie, comme les œufs arrivés à maturité. On ne peut malheureusement suivre la série du développement sur un _ même œuf; ces œufs sont intimement unis à l'organisme ma- ternel. I ne m'est jamais arrivé de voir se développer éeux que j'avais isolés en les dégageant avec soin sous le microscope ; je ne saurais done dire si la disparition de la vésicule ger- minative est chez les Éponges le premier effet de la féconda- 16 €. BARROIS. tion, ou si elle n’est que l'indice de la maturation complète de l'ovule (1). Certains œufs présentent deux noyaux, ce sont les noyaux des deux premières sphères de segmentation; les œufs plus jeunes à un seul noyau ne peuvent être facilement distingués des ovules avec leur vésicule germinative, on Les reconnaît tou- tefois par leur position dans l'Éponge mère. La présence de ces noyaux montre que les œufs ont commencé leur développe- ment, et que la fécondation s’est vraisemblablement opérée. II m'a été impossible d'observer des spermatozoïdes d'Éponges calcaires K. E. Schulze (décembre 1875) ne parle pas de spermatozoïdes. Micklucho-Maclay déclare n’en n'avoir jamais vu. Oscar Schmidt (novembre 1875) met même leur existence en doute : « Uber die geschlechtliche Fortpflanzung, wieder » ganz schwankend geworden bin (2). » Carter (juillet 1875), après avoir étudié les Éponges pendant vingt-cinq ans, dit : « I cannot say with certainty that T have yet seen the sperma- » tozoa of any Sponge (3).» Haeckel décrit des spermatozoïdes ; il représente même l'œuf du Sycortis quadranqulata pendant la fécondation (4). Dans son prodrome cependant il s’exprimait ainsi (5) : « Bien que j'aie examiné au microscope, avec le plus » grand soin, des centaines d’Éponges calcaires, je n’ai jamais » pu trouver, n1 chez les animaux de ce groupe, ni chez les au- » tres Spongiaires que j'ai observés, la moindre trace de lélé- » ment fécondateur mâle ou spermatozoïde.…… Les seules ob- » servations de zoospermes qui méritent quelque confiance, » bien qu’elles aient besoim d’être confirmées cependant, sont » celles de Lieberkühn sur la Spongille. » Il m'est difficile de considérer comme définitive la confirmation apportée plus tard (1) E. Van Beneden, La maturation de l'œuf (Bull. Acad. de Belgique, ® sér., 1875, t. XL). (2) O. Schmidt, Zeüschr. für wissens. Zool., Bd. XXV, suppl., p. 134. (3) H. J. Carter, Annals and Mag. Nat. Hist., vol. XVI, n° 91, juillet 1875, p. 26. (4) E. Haeckel, Die Kalkschwdmme, pl. 48, fig. 6. (5) E. Haeckel, Sur l'organisation des Éponges (Ienaische Zeitschr., t. N, 2e fascicule). ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 17 par Haeckel lui-même : les œufs du Sycortis ciliata que j'ai eu l'occasion d'étudier ne font pas librement saullie dans les tubes radiaires, 1ls sont profondément ensevelis dans la couche for- matrice du squelette de l'Éponge ; en admettant même la réa- lité de l'existence des spermatozoïdes, leur pénétration jusqu’à l’ovule resterait encore un problème à résoudre. Je dois donc m'occuper 1c1 de la position et du lieu de naissance des œufs chez les Éponges. B. Place des œufs chez le Sycon adulte. — Mes observations sont donc d'accord avec celles de Lieberkühn, Koelliker, Metschnikoff et Franz Etlhard Schulze, pour le lieu de naissance des ovules : ils apparaissent toujours sous l’endoderme ; il m’a été impossible d’y voir, avec Haeckel, le résultat immédiat d’une différenciauon de l’endoderme, c’est-à-dire la transformation des cellules flagellées. Quand on examine une coupe transversale à travers un Sycon, on voit au centre de cette coupe une cavité arrondie qui est la cavité intestinale (Haeckel), le cloaque (Bowerbank) ; autour de cette cavité rayonnent régulièrement, comme les septa des polypiers, des tubes creux («dial Tuben) souvent ouverts aux deux bouts. L’extrémité qui s'ouvre dans la cavité intestinale a été nommée extrémité gastrale, l'autre extrémité distrale.Ges tubes sont tapissés par une couche de cellules flagellées (endo- derme des naturalistes allemands, Spongozou de J. Clarék et de Carter), et recouverts par la couche formatrice du squelette (exæoderme de Haeckel, mésoderme de M. K. E. Schulze). Je conserverai à cette couche le nom de mésoderme employé par M. K.E. Schulze, à cause de l'existence au-dessus de ce feuillet du véritable exoderme. M. F. E. Schulze à décrit ce feuillet externe chez Sycandra raphanus ; je l'ai reconnu chez Sycandre compressa, où il forme un revêtement continu, interrompu seu- lement par les ouvertures gastrales et distrales des tubes ra- diaires. M. K. E. Schulze a donné une bonne figure de ce tissu (pl. 19, fig. 2) ; il est formé par une couche mince de cellules aplaties, polygonales, granuleuses au centre, où elles ont de plus un noyau arrondi. 18 |. C. BARROIS. Dans les coupes transversales que j’ai examinées à travers les Sycon dont les produits génitaux étaient mûrs, c’est toujours dans la substance gélatineuse du mésoderme que j'ai trouvé les ovules: ils offrent alors des prolongements amiboïdes irrégu- liers, ainsi qu'une vésicule germinative nette. J'ai encore ren- contré dans ce mésoderme les embryons plus ou moins déve- loppés, ainsi que les œufs où les noyaux embryonnaires ont remplacé la vésicule germinative; mais ils sont placés alors directement sous l’endoderme. Si les spermatozoïdes se déve- loppent dans des cellules de ’endoderme, comme le dit Haeckel, la fécondation des ovules voisins peut se comprendre facile- ment; mais c’est toutefois une observation qu’il serait important de revoir. C. Développement de l'embryon jusqu'à lu formation de la larve libre. — Les œufs qui présentent deux noyaux embryon- naires (fig. 2) ne restent pas longtemps dans cet état, 1ls se sub- divisent bientôt en deux parties sensiblement égales. Ces deux premières sphères de segmentation se subdivisent ensuite de nouveau, et forment ainsi le stade 4; à ce stade, 1l y a un indice de la cavité de segmentation, comme MM. Metschmkolff et F. E. Schulze l'ont remarqué (pl. 1, fig. 3). Le stade 8 succède au stade # par la division en deux parties de ces quatre cellules (fig. 4) : ces huit cellules sont dans un même plan ; on observe longtemps au centre la cavité de segmentation. Ce stade semble avoir une existence plus longue que les autres, car 1l est celui que l’on rencontre le plus fréquemment. Le sens du fractionnement change à cette époque; la division de ces huit premières cellules s'effectue suivant un plan perpendiculaire au premier: c’est un plan équatorial parallèle à l’endoderme des tubes radiaires (fig. 5 et 6); les 16 cellules ainsi formées montrent nettement leur noyau; la cavité de segmentation est toujours ouverte. Je n’ai pu observer le passage de ce stade 16 à la forme (fig. 7) où le fractionnement est terminé. J'ai observé cette forme (fig. 7) en place dans l’Éponge ; elle correspond à l'Amphiblastula de Haeckel. Je croyais que les cellules (D) opposées à l’'endoderme étaient les huit cellules du ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE: 19 plan inférieur du stade 16, tandis que les huit cellules du plan supérieur continuaient seules à se segmenter et formaient ainsi la plus grande partie de l'embryon. Mais l'accord entre les pre- miers stades du fractionnement de Sycandra compressa avec Sycandra raphanus, si bien étudié par K. E. Schulze, porte à croire que le développement continue à être le même; je me range donc très-facilement à la manière de voir de Schulze, pour qui ces cellules opposées à l’endoderme du tube radiaire ne sont formées qu’au stade suivant, 32. Deux plans parallèles au plan équatorial font passer l'œuf de Sycandra raphanus du stade 16 au stade 39 ; les huit cellules postérieures ainsi formées diffe- rent à partir ‘de ce moment, et bot toujours, des autres cel- lules de fractionnement. Quand la segmentation de l'œuf du Sycandra compressa est terminée, il est formé d’un nombre de cellules polyédriques que je n’ai pas su déterminer exactement, mais qui sont dispo- sées en une sphère creuse, fermée, à parois simples; les cellules opposées au tube radiaire sont distinctes des autres. Pappellerai ces cellules les cellules de la partie postérieure de l'embryon; les autres seront celles de la partie antérieure. Les cellules anté- rieures qui forment la plus grande partie de l'embryon s’allon- sent rapidement, elles deviennent minces et prismatiques; les cellules de la partie postérieure, au contraire, grossissent et s’arrondissent; elles se distinguent encore des premières par leur contenu granuleux, sombre ; le nombre de tous ces élé- ments cellulaires s'accroît toujours pendant ce temps. La grande cavité centrale est la cavité de segmentation. M. Franz Eilhard Schulze à reconnu ce stade chez Sycandra raphanus, À y serait toutefois rare (p. 271); il S'observe au contraire très-souvent chez Sycandra compressa, où je PFai trouvé tant à Wimereux qu'à Saint-Vaast (fig. 7) ; je l’ai égale- ment vu, comme je le dirai plus loin, chez d’autres Sycandra, ainsi que chez Sycortis ciliata, Ascandra contorta. C'est done un stade très-général du développement des Calcispongiaires ; il est comparable à la forme schématique Awmphiblastula de Haeckel. D’après F, E. Schulze, c’est à cet état que l'embryon 20 €. BARROIS. éclot, et qu'il mène la vie de larve libre; je ne puis ici partager son opinion : l'embryon passe auparavant par la phase Amphi- gastrula, après laquelle seulement 1l est mis généralement en liberté. Voici la suite du développement telle que je l’ai observée : Le nombre des grosses cellules sombres de la partie postérieure s’accroit considérablement, les cellules allongées de la partie antérieure se renflent en même temps en formant une sphère ; le volume de lembryon n’est cependant pas augmenté autant qu'on pourrait le eroire, car les grosses cellules s'invaginent alors à l’intérieur de cette sphère. On trouve tous les passages entre les Amphiblastula à partie postérieure convexe, pus devenant plate (fig. 8), puis de plus en plus concave jusqu’à doubler Pintérieur de la calotte antérieure (fig. 9). A cet état, l'embryon d'Éponge est comparable à l'Amphigastrula de Haeckel. Cette forme n’est pas rare chez Sycandra compressa, elle a été observée par O0. Schmidt, F. E. Schulze, chez Sycandra raphanus,; nos interprétations à ce sujet sont cependant bien différentes. O. Schmidt (4) dit en avoir vu de semblables à celles qui ont été dessinées par F. E. Schulze, et de beaucoup plus nettes encore ; 1l les considère HÉROS comme anormales ou illusoires. Les figures 18, 29, 98, 24, de F. E. Schulze, ide Sycandraraphanus, ne peuvent se . de cert (ain de mes dessins de Sycandra compressa ; je dois donc croire à la réalité de ce stade. Mais, tandis que pour Schulze ces Gastrula déri- vent de la larve libre, je les considère comme, destinées à donner naissance à ces ee ves. En effet, les embryons que l’on trouve dans l’intérieur de l'Éponge entre l’endoderme et le mésoderme sont toujours caractérisés par leur aplatissement dans le sens antéro-posté- rieur; cet aplatissement est dû à la compression exercée par l’endoderme : or les embryons à l’état de Gastrula m'ont toujours présenté cet aplatissement caractéristique. Il en est de même (1) O. Schmidt, Archiv. für mikrosk. Anat., Bd. XI, p. 551. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 91 de ceux qui ont été figurés par F. E. Schulze. Sans doute les embryons aplatis peuvent s'allonger en larves libres, puis s’apla- ür de nouveau en Gastrula, comme le veut K. E. Schulze; mais il faudrait que cela soit suivi directement pour être indiscu- table. fl n’en est pas ainsi, K. E. Schulze (1) dit seulement que ses Gastrula sont plus âgées que ses larves libres (Notorish aelte- ren) ; or, qu'appelle-t1l plus âgées? probablement les larves qui ont séjourné plus longtemps dans l’eau, après avoir quitté la mère. L'âge de ces larves ainsi entendu n’a aucune importance au point de vue de leur développement ; ce développement est réglé par les conditions où 1l s’accomplit, et nullement par le temps pendant lequel les larves vivent. J'ai plusieurs fois observé des larves nées le soir dans mes aquariums, com- plétement métamorphosées et développées le lendemain; au contraire, d’autres larves quelquefois sorties de la même Éponge que les précédentes ont vécu huit et jusqu’à quinze jours sans se métamorphoser Ces deux séries de larves étaient dans des vases différents; j'attribue les différences de leur évolution à ce qu’elles n'avaient pas rencontré des conditions aussi favorables des deux côtés. L'âge des larves libres ne peut permettre d’éta- blir des stades successifs dans leur développement. Je conclus done que le stade Gastrula des Éponges calcaires précède nor- malement le stade de larve hbre, parce que la forme de la Gas- trula est la même que celle de P'Amphiblastula, et que la larve libre présente une forme différente ; de plus, il ne m'est jamais arrivé de trouver la forme Gastrula dans les vases où j'avais isolé des bandes de larves libres nées naturellement, tandis que j'ai souvent observé cette forme en faisant des coupes à travers des Sycon mûrs que leurs embryons n'avaient pas encore aban- donnés (2). La Gastrula aplatie de Sycandra compressa dérive donc direc- (1) F. E. Schulze, Zeitschr. für wissens. Zool., Bd. XXV, p. 273. (2) On ne peut ajouter d'importance à la taille des embryons d'Éponges, elle m'a semblé très-variable pour un même stade et une même espèce. Les embryons que j'ai représentés ont en général les tailles moyennes. 929 €, BARMROEIS. tement de l'Amphiblastula aplatie ; elle continue son développe- ment sous l’endoderme, prend des proportions de plus en plus grandes, et par conséquent presse de plus en plus contre l’en- doderme : celui-ci finit par céder, se déchire en un pomt, et la partie antérieure de l'embryon fait hbrement saillie dans la cavité du tube radiaire. C’est alors que les cellules de cette partie poussent ces longs prolongemenis de protoplasma (fla- gellums) qui bientôt déterminent les mouvements de la larve. La figure 10 représente l'embryon à cette époque; on peut très- souvent observer ce stade, beaucoup plus commun que le pré- cédent. Cette Amphigastrula (fig. 9) n’est qu'un état très-transitoire, elle n’a qu'un intérèt secondaire; le stade important du déve- loppement des Calcispongiaires, stade général et caractéristique pour les Éponges, est la division de embryon en deux feuillets représentés par deux calottes superposées. Quand l'embryon est arrivé à l’état de la figure 10, la larve libre est en réalité constituée; l'extrémité des cellules longues se colore bientôt en brun, grâce à l’apparition de granules de cette couleur, le mouvement des flagellums devient de plus en plus actif; la partie antérieure flagellée fait alors tout entière saillie dansle tube radiaire de l'Éponge. L’embryon n’est plus attaché que par son extrémité postérieure à grosses cellules; celte union cesse bientôt, l'embryon est une larve libre qui quitte l’Éponge mère et commence une vie indépendante. La mise en liberté de Pembryon dépend de l’apparition des flagellums, elle n’a pas nécessairement lieu à une époque fixe du dévelop- pement. Quelquefois la Gastrula ne déchire pas Pendoderme du tube radiaire, et l’on trouve alors dans le mésoderme de l’Éponge mère des embryons déjà parvenus au stade de larve libre. F.-E. Schulze a même renconiré dans le mésoderme de la mère des larves avec spicules déjà développés; ce qui n’est arrivé également plusieurs fois. La larve libre diffère done de la Gastrula par son allonge- ment antéro-postérieur, par la réduction de la cavité de seg- mentation, par la disparition de la cavité d’invagination : chez ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 93 Sycandra compressa, cet intestin primitif (Magen) n’est donc qu’un organe embryonnaire transitoire. La larve libre ressemble plus à l'Amphiblastula qu'à la Gastrula; elle s’en distingue toutefois par sa forme, par la présence de flagellums à sa partie antérieure, le développement des grosses cellules à sa partie postérieure, et la réduction de la cavité de segmentation. D. Larve libre. — Le temps pendant lequel Sycandra com- pressa vit à l’état libre est un temps d'inactivité, de repos pour le développement de l'individu ; c’est au contraire le moment le plus important de la vie de l'espèce, puisqu'il détermine sa dis- sémination et son extension. Le seul changement que j'aie observé chez les larves libres que j'aie élevées, est le développement, l'accroissement des grosses cellules de la partie postérieure. La larve libre arrive très-rapidement à l’état qu'elle conservera le plus longtemps, celui où elle présente une forme ovoïde, et est composée de deux moitiés : la moitié antérieure, formée de longues cellules prismatiques, flagellées ; la moitié postérieure, formée de grosses cellules polygonales arrondies (fig. 12). A son centre est une tache brune ; elle est due aux granules brunâtres de l’extrémité des cellules allongées qui entourent la petite cavité de segmentation. Les cellules longues, étroites, prismatiques, de la partie an- térieure de la larve sont constituées par un protoplasma homo- gène ; 1l est clair et transparent près des flagellums à la partie externe de la larve; il est chargé de granules sombres à leur base vers la cavité centrale. C’est de ce côté que se trouve le noyau ; on observe assez souvent des vacuoles dans le proto- plasma de l’extrémité superficielle de la cellule. Les grosses cellules de la partie postérieure n’ont pas de parois propres ; elles sont opaques, remplies de granules assez gros, réfringents ; on y remarque ordinairement une vésicule claire avec noyau. J'y ai plusieurs fois rencontré d’autres vésicules (fig. 14) à paroi sombre, entourant une zone claire, au centre de laquelle est une masse granuleuse, irrégulière, sombre. Elles rappellent d’une façon frappante les éléments décrits par Kleinenberg sous le nom de pseudocelles chez l'Hydre. D'après Klemenberg, ce 24 €. BARROIS. ne sont pas des cellules, mais des productions intraeellulaires ayant des fonctions de réserve. Il les assimile morphologique- ment aux Dotterkugeln des œufs de Vertébrés ; elles semblent de plus parfois remplir les mêmes fonctions physiologiques. L’accroissement des grosses celluies de la partie postérieure de l'embryon se continue d’une façon ininterrompue ; bientôt cette partie postérieure devient plus volumimeuse que Panté- rieure. Les grosses cellules qui sont au contact des cellules fla- sellées forment une couronne régulière ; ce sont elles qui consti- tuaient la bouche de la Gustrula, elles restent toujours bien distinctes ; les grosses cellules qui sont derrière celles-ci ont un développement beaucoup plus irrégulier ; elles chevauchent les unes sur les autres, elles se soudent entre elles de différentes façons. Aussi finalement les larves libres se montrent subdivisées en trois parties : la partie antérieure, formée par les cellules fia- sellées longues et étroites ; la partie moyenne, quiest la couronne de grosses cellules ; la partie postérieure, formée par un amas confus de cellules de grosseurs diverses et parfois soudées entre elles (fig. 43). Metschnikoff avait parfaitement reconnu ce développement des grosses cellules, ainsi que leur soudure ; mais tandis que pour moi la diminution de volume de la partie antérieure n’est que relative, elle est réelle pour Metschmikoff. Il pense que la partie antérieure flagellée s'invagme dans la partie postérieure, et que son volume extérieur devient ainsi de plus en plus petit. Je n'ai jamais vu cette imvagination ; la dimi-: nution de volume de cette partie antérieure n’est qu'apparente et due à ce qu’on la compare à la moitié postérieure dont le | volume s’est accru. C'est habituellement à cette époque que les larves se fixent, et que la métamorphose s'accomplit; quelquefois, cependant, elles ne se fixent que plus tard, et leur développement a lieu néanmoins. Metschnikoff, qui avait déjà observé quelques-unes de ces larves, a montré que les spicules naissaïent alors dans leur partie postérieure non ciliée. E. Métamorphose. — Développement jusqu'à la forme Ascyssu. — La transformation des larves libres en Éponges fixées avec ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 29 pores, spicules, se fait très-rapidement. Il est done très- difficile de l’observer directement. Pour Haeckel, F. E. Schulze, la larve se fixe par sa partie antérieure ; pour O. Schmidt, Garter, Metschnikoff, elle se fixe par sa partie postérieure : je partage cette dernière manière de penser. Je n’ai pu voir une même larve se fixer sous mes yeux et me montrer la série complète de son développement, mais J'espère néanmoins que mes observations jetteront quelque jour sur ce sujet. Les larves libres, comme 0. Schmidt Pa remarqué, se reposent souvent sur leur partie postérieure ; leur adhérence par cette partie est alors parfois si grande, qu’il faut employer des aiguilles pour les détacher. Les larves libres qui ne trouvent pas en aquarium des conditions favorables de fixa- _ tion, s’attachent assez souvent, au bout de quelques jours, les unes aux autres ; la soudure, dans ce cas, m'a toujours paru se faure par la partie postérieure des grosses cellules. L’analogie avec les Éponges siliceuses et la suite du développement s’ac- cordent du reste pour montrer que c’est par cette partie posté- rieure que les larves s’attachent. À peine l’adhérence de la larve à la place qu'elle s’est choisie est-elle bien établie, que cette larve s’aplatt tout à coup; elle forme sur le corps où elle s’est attachée une petite croûte 1rré- oulière. Ge mouvement s'effectue en très-peu de temps; malgré des observations répétées, je n’ai jamais pu rencontrer de pas- sage entre ces deux états. L'’Éponge est maintenant composée de deux couches : Pinfé- rieure, formée par un protoplasma sombre avee granules et noyaux, et quelques grosses cellules arrondies à sa périphérie; Ja supérieure est beaucoup plus mince, transparente, et présente -des mouvements amboïdes. Cette couche externe pousse de tous côtés des prolongements irréguliers qui fixent sohdement la jeune Éponge; elle se creuse en mème temps de vacuoles et de pores irréguliers ; elle dérive de la moitié antérieure de la larve; la couche inféricure dérive des grosses cellules de la partie postérieure. Ce stade est de courte durée; la couche im- férieure se transforme en cellules : leur forme (fig. 14) rappelle 26 C. BARROIS. celle de la couche interstitielle de l'Hydre (1); elles ont un protoplasma épais et granuleux, ainsi qu’un noyau assez gros. La jeune Éponge n’a pas de bouche à cette période de son développement; c’est la période où les spicules apparaissent cénéralement. Les spicules apparaissent tantôt avant, tantôt après les pores ; Je ne crois pas qu'il y ait pour cela un ordre de succession fixe. La forme générale de ces jeunes Éponges est très-irrégulière et variable, ce qui est dû aux mouvements ami- boïdes de leur couche externe. La figure 15 montre une Éponge à cet âge ; la couche externe émet de tous côtés des pseudo- podes : ils sont formés par un protoplasme transparent; quand ces pseudopodes viennent à se rencontrer, ils se soudent et for- ment ainsi un renflement, où l’on peut alors distinguer des gra- nules. Souvent plusieurs de ces Éponges se réunissent par leurs pseudopodes ; quelquefois même toutes les Éponges que je gar- dais dans un même vase (parfois trente à quarante) se réu- nissaient ainsi entre elles, formant par conséquent une seule société, un cormus. Généralement cette soudure est limitée à l’exoderme et ne s'étend pas à la couche cellulaire interne ; chaque Éponge est reliée à ses voisines par deux ou trois stolons. Parfois cependant l’umion devient plus intime et les masses cellulaires elles-mêmes se réunissent; quand 1l en est ainsi, l'union entre ces individus est devenue indissoluble ; on peut toujours les reconnaitre dans la suite à la disposition irrégulière de leurs spicules. Plusieurs fois mes larves libres se sont fixées sur des lames de verre que j'avais mises dans l’aquarium. Si on les étudie au microscope alors qu’elles sont ainsi réunies en société et qu'on les y laisse se dessécher, on les voit d’abord retirer leurs pseudopodes, s’isoler ainsi, puis se concentrer en une petite sphère, qui me semble un véritable kyste, 1den- tique à ceux qui ont été décrits et figurés (pl. 10, fig. 27) par 0. Schmidt. Pendant ce mouvement de contraction, les spicules sont en majeure partie abandonnés sur la lame de verre où ils adhèrent; quelques-uns sont cependant entrainés et font alors saillie à la surface du kyste. (1) Comparez le processus décrit page 78 par Kleinenberg. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 27 Le développement normal de ces jeunes Éponges, lorsqu'on les laisse vivre librement dans un verre de montre, suit une marche identique à celle que je viens de décrire; elles passent ainsi de la forme figure 15 à la forme figure 16. Toutes les jeunes Éponges ne se réunissent pas ainsi en société ; mais toutes celles que j'ai observées et qui s'étaient ainsi soudées se sépa- raient toujours tôt ou tard, quand la soudure avait été limitée aux pseudopodes de leur couche externe. Les jeunes Éponges s’isolent donc, elles rétractent leurs pseudopodes, et leurs spi- cules, alignées dans la direction des pseudopodes, sont retirées par la contraction de l'Éponge dont le corps devient ainsi hérissé d’aiguilles; layeune Éponge acquiert de cette façon une forme sphérique irrégulière, elle diffère du kyste antérieurement décrit par la conservation de ses spicules. Lesspicules apparaissent quelquefois chez ces Éponges quand elles sont encore à l’état de larves libres, elles prennent alors naissance à la partie postérieure des larves ; mais le plus sou- vent elles n'apparaissent qu'après la métamorphose. Elles naïs- sent dans la couche cellulaire sombre, et ne pénètrent qu'après dans la couche transparente externe. Les spicules droites ou en bâton apparaissent les premières : ce fait a déjà été vu pour Sycandra. raphanus par Metschnikoff et F. E. Schulze; Je l'avais déjà annoncé (1) en 1874, d’une façon générale pour toutes les Éponges calcaires dont j'avais suivi le développe- ment ; M. Carter (2) est d’un avis opposé, mais son observation ayant été faite sur leseul embryon qu’il ait rencontré à ce stade, on ne saurait y ajouter grande importance. Toutes ces spicules droites ont la même disposition dans l’Éponge, c’est un détail mis en évidence par l’embryogénie de Sycandra compressa, où une des extrémités de ces spicules présente un renflement facilement reconnaissable. Quand la jeune Éponge est encore étalée et munie de pseudopodes, les extrémités renflées des spicules sont toujours dirigées vers sa périphérie ; elles sont tournées vers le dehors quand l Éponge (4) Association française pour l'avancement des sciences. Lille, 1874. (2) H. J. Carter, Ann. and. mag. nat. hist., 1874, 4° sér., vol. XIV, p. 592. ANN. SC. NAT#, JUIN 1876. Ill. 23. — ART. N° {{. 28 €. BARROIS. R s’est contractée en boule. À cette période quelques spicules à trois rayons sont déjà formées, mais elles sont en petit nombre et dispersées sans ordre; la surface de l’Éponge est, au con- traire, hérissée de spicules en aiguilles. A cette période de son développement, la jeune Éponge à done une forme arrondie ou ovoïde; elle est formée par deux couches concentriques, l’externe mince et transparente à tra- vers laquelle passent les spicules, linterne cellulaire et opaque danslaquelle les spicules naissent et sont enfoncées. Elle n’a pas de bouche ; c’est à ce moment que se creuse la cavité centrale, et qu'apparaissent les spicules à plusieurs rayons. Il y a donc un moment de lexistence de Sycandra compressa où cette Éponge est une Ascyssa, lypogastre (H.) et lipostome (H.). Les cavités de l’Éponge adulte n’ont pas plus de rapport avec la cavité de segmentation qu'avec la cavité d’invagimation de la larve ; l’oscule de l'adulte, qui ne se formera que plus tard, n’a pas non plus de rapports avec la bouche de la larve ; il n’y a donc aucune homologie entre l’oscule ou le cloaque des Épon- ges et la bouche des Zoophytes. Ce dernier stade de l'Éponge calcaire à été bien vu par Metschnikoff, mais 11 n'avait pas re- connu son mode de formation; F. E. Schulze et O. Schmidt n’ont pas eu l’occasion de l’étudier en détail. Les descriptions de Haeckel semblent plus imgénieuses que réelles, les Gastrula des espèces qu'il a étudiées se fixaient par leur partie antérieure, leur exoderme perdait ses flagellums, leur endoderme en acquérait (Ascula), la formation des pores produisait Protospongia et l'apparition des spicules produisait Olynthus. Les stades que j'ai observés sont difficilement com- parables à ces stades théoriques ; si on laisse de côté le mode de formation des formes décrites par Haeckel, le stade de Sycandra compressa que je viens de décrire (Ascyssa sans bouche) est comparable à son stade Chistolynthus (Olynthus sans bouche). F. Développement du Clistolynthus au Sycandra. — Je reviendrai plus loin, quand j'en aurai montré la généralité, sur l'intérêt que présente l'apparition des spicules en bâton avant ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 29 celle des spicules à plusieurs rayons. Celles-ci naissent, comme les premières, dans la couche cellulaire interne; d’abord dissé- minées au hasard, elles prennent une disposition régulière lors- que leur nombre commence à s’accroître. La figure 16 rendra facilement compte de cette disposition, ces spicules se dispo- sent par rangées, leurs bases étant tournées vers le haut, et leur rayon distal étant dirigé en bas vers la partie fixée de l’Éponge. Cette Éponge n’est plus arrondie, mais a acquis une forme cylindrique. C’est à cette époque que se forme l’oscule, ainsi que le sys- tème de canaux de l'Éponge. La jeune Sous à cette période de son développement, à acquis une telle épaisseur et contient tant de spicules qu'il est difficile de se rendre compte de sa structure. Le nombre des embryons que j'ai pu élever jusqu’à ce stade était du reste assez restreint, je ne pourrai done donner que des observations imcomplètes sur le passage du Chistolynthus au Sycandra. Ces stades du reste n’ont encore été étudiés ni décrits par aucun naturaliste. Haeckel donne, il est vrai, et avec beaucoup de elarté, le passage de ces deux formes l’une à l’autre, mais ce n’est là que exposition d’un développement hypothétique pos- sible et non le résultat d'observations. Selon lui (1), la fixation de la forme embryonnaire Olynthus, à donné naissance à la famille des Ascons, et son développement a produit les Sycons. Ce développement s’est fait par un bourgeonnement régulier sur toute la surface externe de l’Olynthus; la cavité centrale (intes- ün Haeckel) du Sycon est lOlynthus primaire, les tubes radiai- res sont les Olynthus secondaires nés par bourgeonnement, ils- conservent leur épithélium vibratile interne, ue que l’Olyn- thus primaire le perd. Mes figures 16 et 17 prouvent par l’embryogénie ce que Haec- kel avait deviné, que le Sycon passe par une phase de Clisto- lynthus (lg. 46) qui lui est commune avec les jeunes Ascons ; mais la formation de l’oscule de lOlynthus n’est pas primitive, (1) Die kalkschwämme, p. 348. 30 €. BARROIS. elle n’est qu’une formation secondaire postérieure au Clsto- lynthus. Le Clistolynthus des Ascandra S’ouvre au sommet par éruption et produit ainsi Poscule (fig. 22) ; j'ai rarement vu se former l'ouverture des Clistolynthus de Sycon, mais 1l m'a sem- blé qu'il se formait par une invagination véritable (fig. 17) ; j'ai remarqué souvent de jeunes Sycandra, Sycorhs, commen cant à ce stade äse creuser à leur partie supérieure. Cette inva- oination me semble d'autant plus probable qu’elle explique la présence, dans la cavité centrale des Sycons, de la couche à cellules plates d’exoderme qui a été observée par F. E. Schulze et par moi-même. La couche formatrice du squelette et des cellules vibratiles se trouve ainsi entourée de toutes parts par l’exoderme; je n'ai pu reconnaître le mode de formation ni l’arrangement des cel- lules vibratiles (1) qui tapissent les canaux radiaires des Sycons adultes, personne encore n’a fait d'observation à ce sujet; voici cependant comment je comprends le passage de POlynihus au Sycon. Les éléments qui doivent donner naissance aux cellules vibratiles se réunissent en amas homologues aux corbeilles vibratiles des Éponges siliceuses ; ces amas s’allongent, se creu- sent, se serrent les uns contre les autres, mais en restant toute- fois séparés par un revêtement de la couche formatrice du squelette; ils forment ainsi les tubes radiaires. Le revêtement de couche formatrice du squelette produit en même temps des spicules régulièrement disposées, puis se creuse de lacunes (intercanäle d'Haeckel) qui sont les véritables canaux (les canaux morphologiques) de l'Éponge. D’après moi, les tubes radiaires des Sycons sont respective- nm (1) J'ai représenté (fig. 6, 7, 9, 10, 18) quelques-unes des remarquables cel- lules qui constituent l’endoderme des éponges calcaires adultes; je me suis attaché, dans ces figures, à représenter les formes les plus diverses que j'aie pu observer. Ces formes sont, on le voit, très-variées ; elles ont été décrites avec trop de détails par Carter, J. Clarke, Haeckel, pour qu'il soit nécessaire que je doive y revenir encore. 0. Schmidt (Zeits., p. 130) dit n'avoir pas vu de collier bien développé, cela tient sans doute à la manière d'observer; il faut surtout le chercher sur des coupes très-fraîches mises dans de l’eau de mer bien pure et faites vivement dans des éponges nouvellement pêchées. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 91 ment homologues aux corbeilles vibratiles des Lencons et des Éponges siliceuses ; leurs intercanüle sont homologues aux canaux des Leucons, mais le grand développement des tubes radiaires a réduit les irtercanüle, et ces tubes remplissent en grande partie le rôle physiologique des canaux. On ne doit done pas considérer ce que Haeckel appelle l’oseule du Sycon comme homologue d'aucune des parties de l’Ascon adulte ou de l'embryon du Sycon; c’est une nouvelle formation. Le Sycon adulte n’est pas un polypier ; les rapports des tubes radiaires des Sycons adultes à l’Ascon jeune (fig. 29) ne sont que de simples analogies; si, malgré cela, on les com- pare entre eux avec Haeckel, la disposition des spicules montre que le pore externe (dermal) du tube de Sycon correspond à l'extrémité fixée du jeune Ascon, et que le pore interne (gastral) du tube correspond à son oscule. L’homologie des intercanaux des Sycons et des canaux des Leucons ainsi que celle deleurs pores internes et des oscules de ces derniers m'engage à reprendre pour les Sycons les déno- minations employées par Bowerbank (1) et admises déjà par M. Giard (2) : leurs pores internes (gastral) sont les oscules, leurs oscules, au sens de Haeckel, sont des eloaques communs. En adoptant la terminologie plus exacte proposée par Ehlers (3), dans sa note sur l’Aulorhipis, je considère la grande cavité centrale des Sycons adultes comme un Cæloma avec Cœælostoma et non comme un Wegacælon. La considération d’une des nom- breuses Éponges siliceuses en forme de coupe appuie cette ma- nière de voir; on n’appelle pas oscule le bord de ces coupes, mais on à donné ce nom aux trous ouverts dans la surface in- terne (Pseudogaster Haeck.) de cette coupe. Il doit en être de même chez les Sycons, qui sont des coupes à ouverture PESSeÉC. La comparaison faite récemment par F. E. Schulze (4) entre » (1) Bowerbank, Brit. spong., vol. IF, p. 17, 20, etc. (2) Giard, Association française pour l'avancement des sciences. Lille, 1874. (3) E. Ehlers, Zeils. [. wissens. zool., 1871, p. 540. (4) Franz Eïlhard Schulze, Zeits. f. wissens. zool., Bd. XXV, suppl., p. 256. 29. C. BARROIS. le tube radiaire du Sycandra raphanus et le polypier entier du Syculmis synapta ne porte en rien contre cette manière de voir. Les spicules en ancre de la base du Syculmis sont des productions des tubes radiaires qui constituent la base du Sy- culmis, je n’y attache pis d'importance pour l'orientation du ne entier. Les cellules vibratiles des Éponges calcaires adultes repré- sentent l’endoderme, elles naissent de cette même moitié de la larve qui formera le mésoderme ; ce feuillet moyen n’apparais- sant ordinairement qu'après les deux feuillets primitifs, F. E. Schulze (1) fait dériver ces cellules vibratiles de l’Éponge de l’endoderme de la larve, et 1l assimile au mésoderme une couche gélatineuse qui se formerait chez la larve entre les deux premiers feuillets, et où naïîtraient les spicules. Les spicules cependant naissent avant la formation de cette couche gélati- neuse, puisqu'on en trouve parfois dans les larves libres. Aussi j'ai pensé souvent que la couronne de grosses cellules de la partie médiane de la larve (fig. 13, M) qui se distinguent si net- tement des autres devait représenter le premier rudiment du mésoderme. [1 y a pour cela plusieurs raisons : 1° Quand la larve se fixe on reconnaît parfois (fig. 15 M) quelques cellules de cette couronne, elles occupent alors la place et donnent pro- bablement naissance à la couche gélatineuse de F. E. Schulze ; 2 les cellules qui constituent cette couronne sont précisément celles qui formaient la bouche de la Gastrula de Haeckel; or c’est la partie qui, chez les animaux plus élevés, est le point de départ de la formation du mésoderme (2). $ 2. SYCANDRA CORONATA, H. J'ai recueilli cette espèce à Saint-Vaast-la-Hougue, où elle est assez abondante. J’ai pu suivre son développement et y re- connaître lesmêmes phases que dans celui de S. compressa. Jai vu la segmentation totale.et régulière, la formation d’une gas- (1) Franz-Eilhard Schulze, Zeits. f. wissens. zool., Bd. XXV, suppl., p. 276. (2) Haeckel, Die gastrula I (Jenaische Zeits., 1875, p. 82). ARTICLE N° 11, EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 33 trula sous l’endoderme de la mère, la naissance d’une larve libre formée de deux moitiés différentes, la fixation, l'apparition des spicules en bâton avant celle des spicules à plusieurs rayons. Je ne crois pas nécessaire d'entrer de nouveau dans le détail des descriptions, je cite seulement cette espèce pour montrer que la marche du développement parait la même quant à ses traits essentiels dans le groupe des Sycandra. $ 3. SYCORTIS OU SYCANDRA CILIATA, H. L'espèce que je nomme ainsi est très-commune à Wimereux où Je l’ai étudiée; longtemps je l'ai appelée Sycortis ciliata : Les genres Sycorts et Sycandra de Haeckel ne diffèrent en effet que par leurs spicules, 1ls ont tous deux des spicules en bâton et des spicules à trois rayons semblablement disposées, mais les Sycandra ont de plus des spicules à quatre rayons tandis que les Sycortis en manquent. Or la plupart des S. ciliata de Wi- .mereux manquent de spicules à quatre rayons, ce sont donc des Sycortis ; il en est cependant qui m'ont présenté de ces spicules et qui sont des Sycandra : Haeckel (1) avait lui-même reconnu que le Sycandra ciliata présentait assez souvent une VARIÉTÉ CONNECTIVE, Sycortis ciliata. Gette variété est plus commune que le type à Wimereux. Le genre Sycortis a fourni à Haeckel (2) l’occasion de voir la fécondation, je n’y ai jamais vu de spermatozoïdes. Les ovules sont situés très-profondément dans le mésoderme, tout leur développement s’accomplit sous lendoderme. La segmentation s’accomplit comme celle des Sycandra précédents; les stades 2, 4 sont communs, le stade 8 présente une grande cavité de seg- mentation; les stades suivants sont un peu plus difficiles à re- connaître. À la fin de la segmentation, il y a une vésicule à parois formées par une seule rangée de grosses cellules polygo- nales arrondies; on y distingue déjà celles qui formeront la partie postérieure de la larve. Les cellules du blastoderme deviennent de plus en plus (1) Haeckel, Die kalkschwämme, partie spéciale, p. 297. (2) Haeckel, Die kalkschwämme, taf. 48, fig. 6. 3/4 €. BARROIS. distinctes les unes des autres; celles de la partie antérieure deviennent longues et minces, celles de la partie postérieure de- viennent grosses et s’arrondissent. Ces dernières s’invaginent ensuite dans la calotte creuse formée par les cellules longues, elles donnent ainsi naissance, comme chez les Sycandra, à une Amphigastrula à large bouche. L’accroissement et le dévelop- pement de toutes ces cellules fait sortir de nouveau lendo- derme, la cavité d’imvagination disparait ainsi, la cavité de seg- mentation est de plus en plus réduite par lallongement des cellules de l’exoderme; c’est alors que l'embryon brise ordi- nairement l’endoderme de l’éponge mère, pousse ses flagellums, etest prêt à vivre en larve hbre. La figure 18 représente un embryon lorsqu'il passe à la forme gastrula, on ne saurait alors le distinguer d’un Sycandra compressa du même âge; pour beaucoup d’embryons linvagination de la gastrula n'a qu'un commencement d'exécution, et la sortie des grosses cellules commence bien avant qu'elles ne se soient appliquées à la sur- face interne de la calotte d'exoderme. La figure 19 est une larve libre de Sycortis, elle est divisée en deux parties comme celle des Sycandra; la couronne des grosses cellules qui est au contact de l’exoderme, et qui repré- sente le premier indice du mésoderme, est aussi nette chez ces larves que chez les Sycandra. Je n’ai pas observé la fixation de ces larves. Quand elle est accomplie la jeune Éponge se montre- composée de deux cou- ches, une masse interne sombre granuleuse, et une couche superficielle transparente; je crois que la première est née de la partie postérieure, tandis que l’autre dérive de la partie antérieure de la larve. Au bout d’un certam temps la jeune Éponge se contracte et prend une forme cylindrique (fig. 20), _elle est hérissée de spicules en bâtons quand les spicules à plusieurs rayons commencent à se former. L'apparition des spicules en bâton avant celles à plusieurs rayons est donc un fait général pour les espèces dont J'ai suivi le développement. J'ai déjà attiré l'attention (1) en 1874 sur ce (1) Association française pour l'avancement des sciences. Lille, 1874. ARTICLE N° 11, EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 49 point qui ne manque pas d'importance au pont de vue des rapports des différents genres de Calcispongiaires entre eux. Les trois familles naturelles des Calcispongiares (Ascon, Sycon, Leucon) sont caractérisées par Fa disposition de leurs canaux, les seules divisions naturelles en genres reposent sur les spi- cules. Haeckel (1) a distingué dans chacune des trois familles naturelles sept genres basés sur les combinaisons diverses des spicules à un, trois et quatre rayons; les genres ainsi établis sont beaucoup mieux délimités que ceux des auteurs antérieurs. Mais quand Haeckel, pour prouver l’origine monophytlétique des Éponges calcaires, s'attache à établir que les spicules à trois rayons sont les formes primitives et que les autres en dérivent ou sont sans importance, 1l est difficile d'admettre encore ses idées. [dit (2) : « DieKalkschwämme, deren Skelet ganz aüssch- » liesslich oder doch zum grüssten Theile aus Stabnadeln » gebildet wird, sind mich sehr einfache und ursprüngliche, » sondern abgeleitete und theilweise zurückgebildete Formen.» On doit être porté au contraire à considérer comme très-snples el primitives les espèces à spicules en bâton, puisqu'elles repré- sentent un état embryonnaire par lequel passent toutes les Éponges calcaires (ou du moins toutes les espèces qui ont été, étudiées). Les spicules à trois rayons apparaissent done chez le Sycortis ciliata après les spicules en bâton; elles présentent bientôt une disposition régulière, leurs bases étant tournées vers le haut (ouverture du cloaque) de l'Éponge, et leur troisième rayon étant dirigé vers sa partie fixée. Le cloaque ne s'ouvre qu'alors, il est sans doute formé par invagination ; mais ce fait est d’une observation difficile, je n’ai vu que le commencement de ce processus. $ 4. ASCANDRA CONTORTA, H. Parmi les nombreux Ascons que j'ai recueillis sur les côtes de la Manche (Ascandra pinus, À. ciliata, A.reticulum, À. con- _ (1) Haeckel, Die kalkschwämme, p. 81. (2) Haeckel, Die kalkschwämme, p. 352. 36 C. BARROIS. torta, Ascetta coriacea, ete.), je n’ai observé que les embryons de Ascandra contorta à Wimereux; leur développement diffère peu de celui des Sycandra. Haeckel a dessiné les larves libres de Asculmis armatus et de Ascetta clathrus; pour lui la marche du développement est la même quantàses traits principaux chez tousles Calcispongiaires. 0. Schmidt, qui a étudié récemment la même Ascetta clathrus, donne de ces embryons une description qui en rend difficile la comparaison avec les embryons des autres Éponges. Les larves libres de Ascandra contorta, telles qu’on les voit lorsqu'elles nagent dans un aquarium où on a mis des éponges adultes dont les produits génitaux étaient mûrs, ressemblent entièrement à celles des Sycons précédemment déerits. Elles sont formées de deux parties presque égales ; l’antérieure fla- sellée, formée par des cellules longues, minces, prismatiques, avec protoplasma pâle, clair, compacte; la postérieure sans cils, formée de cellules arrondies, polyédriques, à protoplasma opaque, granuleux, avec globules graisseux. La partie posté- rieure est une masse homogène, l’antérieure présente en son centre une petite cavité, reste de la cavité de segmentation, elleestentourée par une auréole brunâtre due, comme chez les Sycons, aux granules colorés qui se trouvent à la base des cel- lules flagellées. En dilacérant des Ascandra contorta adultes, j'ai pu observer des embryons plus jeunes; il est difficile de se procurer ainsi les œufs en bon état, mais j'ai pu parfaitement reconnaitre le stade qui suit la Gastrula et précède la larve libre, celui où les grosses cellules endodermiques quittent la cavité de segmen- tation. La figure 21 représente un de ces embryons, la cavité d’invagination a disparu, la cavité de segmentation est encore très-spacieuse. Les granules bruns n'apparaissent pas en même temps à la base de toutes les cellules de la partie antérieure; il y a deux ou trois centres de formation, souvent symétriques ; ce n’est que plus tard que la coloration devient uniforme et géné- rale autour de cette cavité. Ces larves se sont fixées dans mes aquariums, elles ne diffè- ARTICLE N° 1. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 37 rent pas en réalité de celles des Sycons, et se fixent de la même façon. La figure 22 montre une de ces larves après la méta- morphose, cette jeune Éponge est déjà assez développée, elle diffère surtout des Sycons par la formation rapide de l’oscule qui s'ouvre directement au dehors ainsi que par la croissance beaucoup moindre en épaisseur et plus grande au contraire en longueur. Leur forme est celle d’un cylindre allongé, les spi- cules à trois rayons ont une disposition régulière facile à recon- naître : l’un de ces rayons est dirigé vers la partie fixée de l’Éponge, l'angle compris entre les deux autres est tourné vers l’oscule ; ces spicules à plusieurs rayons n’apparaissent qu'après les spicules en bâton. L’Ascandra à cet âge concorde bien avec la forme d’Olynthus d'Haeckel, mais il s’est formé d’une façon différente, et sans passer par des formes comparables à Ascula. $ 5. RÉSUMÉ DES CALCISPONGIAIRES. En me basant sur les résultats de l’observation des espèces pré- cédemment décrites, voici comment je comprends, en résumé, la marche du développement chez un grand nombre de Calei- spongiaires. L’œuf nait dans la couche formatrice du squelette, il est doué de mouvements amæboïdes et se rend sous l’endo- derme flagellé où il continue son développement ; je n’ai pu voir la fécondation. Le fractionnement est total et régulier, il se forme dès le stade 4 une cavité de segmentation qui sera reconnaissable jusqu’à l’époque dela métamorphose ; dans l'œuf segmenté on distingue déjà nettement les cellules qui donneront naissance aux feuillets différents de la larve. Les cellules du blastoderme (Amphiblastula) se différencient de plus en plus; les unes deviennent minces et longues et formeront la moitié antérieure de l'embryon; les autres arrondies et opaques, elles formeront sa moitié postérieure. Ces grosses cellules s’in- vaginent dans la calotte hémisphérique constituée par les cellules de la partie antérieure, c’estle stade Amphigastrula ; 1 s'accom- plit à l’intérieur de la mère pour les espèces que j'ai étudiées. Ce stade est très-transitoire, l'allongement des cellules de la partie antérieure réduit de plus en plus la cavité de segmenta- 30 _ €. BARROIS. tion, les grosses cellules s’accroissant de leur côté en sortent et constituent une masse compacte à la partie postérieure de la larve. La cavité d’invagination a done disparu, la cavité de seg- mentation est considérablement réduite; c’est à cette époque de sa formation que l’embryon déchire habituellement l’endo- derme de sa mère, pousse des flagellums sur sa moitié antérieure et devient une larve libre. Pendant que la larve vit en liberté, les grosses célilés de la partie postérieure prennent un grand accroissement ; celles qui forment son extrémité deviennent de moins en moins distinctes les unes des autres, celles qui sont au contact des cellules fla- gellées et qui appartenaient à la bouche de la Gasfrula forment une couronne régulière, qui est très-probablement le point de départ des produits mésodermiques. La larve se fixe par sa partie postérieure et se métamorphose rapidement en Éponge. Les deux feuillets principaux s’appli- quent intimement l’un contre l’autre et la jeune Éponge ne pré- sente plus de traces de cavité de segmentation ni d'imvagination ; les canaux de l’Éponge sont des formations nouvelles qui se creusent dans le mésoderme. La jeune Éponge est formée de deux couches : l’externe. claire, transparente, avec noyaux, à mouvements amœæboïdes, percée de pores et de vacuoles, est l’exoderme; l’interne, masse granuleuse, opaque, à cellules peu distinctes, représente l’ensemble de lendoderme et du mésoderme ; il est bien difficile d’y reconnaître ce qui appartient à chacun. Les spicules droites apparaissent les premières dans lÉponge, les spicules à plusieurs rayons ne se forment qu'après elles ; la jeune Éponge perd bientôt sa forme irrégulière, elle se contracte en un corps plus ou moins cylindrique hérissé de spicules _droites, et où les spicules à plusieurs rayons se disposent bientôt avec régularité. Ge n’est qu’alors que se forme l’oscule; les ouvertures qui portent ce nom dans les différentes fanulles d’Éponges ont des valeurs morphologiques bien différentes, elles sont des oscules véritables (pores efférents) ou des eloaques communs. ARTICLE N° di. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 99 Si l’on compare maintenant le résultat de mes recherches avec les descriptions précédemment publiées, on reconnaitra que je suis en désaccord avec elles sur plusieurs points. Ce que j'ai vu du fractionnement concorde entièrement et vient par conséquent confirmer ce qui en a été dit par Franz Eilhard Schulze ; mais, tandis que pour lui la Gastrula naît de la larve libre et produit directement l'Éponge en se fixant, ce stade n’est pour moi qu'une forme embryonnaire transitoire qui donne naissance à la larve libre. Celle-ci présente une évo- lution particulière dont K. E. Schulze s’est peu occupé. L'étude de cette larve m'a montré comme à Metschnikoff le développe- ment des grosses cellules de la partie postérieure, mais je n’ai pu les voir s'étendre sur la partie antérieure de l'embryon pour for- mer ainsi l’exoderme : elles donnent naissance, d'après moi, à l'endoderme et au mésoderme. Sienfin Je compare mes observa- tions à celles de Haeckel, je trouve dans les cinq espèces que j'ai étudiées un stade correspondant à son Amphigastrule, un stade correspondant à son Clstolynthus (abstraction faite de son mode de formation), mais je ne vois rien de comparable à sa Morula sohde, n1 à sa Planula à deux couches, ni à son Ascula, 1 à Protospongia où à Olynthus fixés par leur extrémité aborale. CHAPITRE IT. DÉVELOPPEMENT DES ÉPONGES SANS SPICULES, ET A SPICULES SILICEUSES. Les Éponges sans spicules et les Éponges siliceuses sont infi- niment moins connues sous tous les rapports que les Éponges calcaires. Elles ont donné lieu aux importants travaux de Bower- bank et d’Oscar Schmidt, ainsi qu’à de bien nombreuses études, mais il s’en faut encore de beaucoup que lon ait apporté dans ce groupe la même lumière que Haeckel à fait briller parmi les Calcispongiaires. Il est actuellement très-difficile de déterminer une Éponge siliceuse, et quand on en a reconnu plusieurs espèces, on ne sait comment les grouper. Le développement de ces Éponges à été beaucoup moins étudié que celui des Éponges calcaires ; la connaissance come 40 C. BARROIS. plète de leur embryogénie facilitera beaucoup leur classifica- tion, elle seule pourra sans doute montrer quels sont leurs rap- ports mutuels et la valeur des caractères qu’elles présentent. On ne peut classer les Éponges d’après leur forme extérieure, car cet aspect du polypier est entièrement dépendant des conditions extérieures ; la dureté ou le degré de consistance de la substance cornée varie aussi suivant les conditions d'ha- bitat, de profondeur où vivait l'Éponge, et non suivant l'espèce. Les fibres kératoïdes sur lesquelles Bowerbank a fondé sa classi- fication ne sont aussi que des caractères secondaires qui n’ap- paraissent que tard chez l'embryon et qui dépendent surtout de l’âge de l'Éponge. Les oscules varient suivant les conditions où vit l'Éponge. Tous les caractères précités étant, comme je le montrerai dans ce chapitre, immédiatement dépendants de l’âge et du milieu d'existence de l'Éponge ne peuvent être employés pour classer ces animaux en familles naturelles. Les caractères indé- pendants des agents extérieurs et d’une importance réellement capitale pour les différentes espèces, sont fournis par la dispo- sition de l’endoderme des Éponges et par les spicules. C’est leur emploi qui a valu sa supériorité à la classification des Calcispon- oiares de Haeckel. Si l’on essaie de classer d’après la disposition de leur endo- derme les principaux groupes d'Éponges actuellement re- connus, on arrive au tableau suivant : ÉPONGES ÉPONGES ÉPONGES à canaux entourés à canaux entourés de tubes radiaires de corbeilles vibratiles d’endoderme. d’endoderme. à canaux fapissés de cellules d’endoderme. Gastrophysema, Halisarca, Liebk. Haeckel. Fibrosponges. Pas de spicules. Spic. calcaires. .| Ascons, Haeck. Sycons, Haeck. | Leucons, Haeck. Halichondride, Spic. siliceuses..| Vitrea, Wiv. Th. |Corticata, O. Sch. ? ù Liebk. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. #1 Je considère cette classification en familles comme impar- faite et très-provisoire; en en attendant une meilleure basée sur l’embryogénie, je l’adopterai momentanément, car elle montre au moins quelques rapports naturels entre les diffé- rents groupes. Je vais étudier d’abord l’embryogénie des Éponges sans spicules (Myxospongiaires) et je passerai ensuite aux Éponges avec spicules (Silicispongiaires) ; j'ai réuni ces deux groupes d'Éponges dans ce même chapitre, paree qu’ils ont plus de rapports entre eux qu'avec les Galcispongiaires. PARTIE I. — ÉPONGES SANS SPICULES. Les Gastrophysema, les plus simples des Éponges, feront sans doute le sujet d’un prochain travail de Haeckel ; la planche qu'il a consacrée récemment (1) à leur embryogénie présente d’une façon très-nette tous les stades qu'il considère comme typiques , elle n’est malheureusement pas accompagnée de des- criptions détaillées. Je ne connais pas cette fanulle primitive de Myxospongiaires, mais les autres Éponges sans spicules, dont j'ai pu suivre le développement, présentent une évolution moins schématique. Les espèces dont j'ai pu étudier l’embryogénie se rapportent aux Halisarca et aux Gunumnina ; Oscar Schmidt a montré dans ses Éponges d'Alger que ces deux groupes avaient entre eux d’intimes rapports ; leur embryogénie cependant est assez diffé- rente : je les décrirai donc successivement. $ 1. HALISARCA. Les Halisarca des côtes de Normandie ont été décrites par Dujardin (2) en 1841, l'embryogénie de ces Éponges a été étudiée par M. Giard (3) et M. Carter (4). Jai trouvé à Saint- Vaast deux espèces d’Halisarea : V'Halisarca Dujardini, Johnst., (1) Die Gastrula (M Theile) (Jenaische Zeits., taf. VII, p. 61, août 1875). (2) F. Dujardin, Annales des sciences naturelles; et Histoire naturelle Zooph. infusoires. Paris, 1841. (3) A. Giard, Archives de zoologie expérimentale. (4) H.J. Carter, Ann. and mag. nat. hist. 49 €. HBARMOIS. blanche, incolore et l'Halisarca lobularis Sdt., rouge, violette ou brunâtre. Le corps de ces Éponges, gélatineux,amorphe; de consistance semi-cartilagimeuse, consiste en une masse sarcodique avec noyaux, traversée par des canaux ramifiés aux parois desquels sont attachées çà et là des corbeilles vibratiles: Il est recouvert par une mince couche cellulaire ciliée. Les corbeilles vibratiles sont assez souvent disposées en cercle autour des canaux, et rappellent ainsi la disposition radiaire des tubes vibratiles des SycOns. Cette manière d'envisager la structure des canaux des Hali- sarca, construits sur le même type que ceux des Leucons, diffère de la mamière de voir de Haeckel. Pour lui (1), ces canaux ra- mifiés se renflent en de nombreuses chambres vibratiles sphé- riques ou ellipsoïdes; l’anatomie m'empêche d'admettre 1ci cette idée, et il en est de même de l’embryogénie. Les Hali- sarca sont remplies en juillet d'œufs à tous les stades de déve- loppement ; ces œufs, gros et transparents, semblent bien plus faciles à étudier que ceux des Calcispongiaires, mais 1l y a ici une difficulté d’un autre genre, celle de la préparation. La mé- thode qui n'a réussi le mieux, et qui est très-facile pour étu- dier les Éponges calcaires, est d’y faire des coupes fines; ces Éponges se coupent bien, et on voit ainsi avec netteté les em- bryons en place. Les Éponges siliceuses et les Myxospongiaires se coupent au contraire très-mal, il faut les dilacérer. Les œufs des Myxospongiaires sont situés dans la matière sarcodique qui constitue la masse de l’Éponge, et n’ont pas de rapports avec Les chambres vibratiles ; cette matière sarcodique a à peu près la consistance du caoutchouc ; elle se durcit de plus en une sorte d’enveloppe autour des œufs, ce qui rend leur dégagement très- difficile. Quand on dilacère l’Éponge au hasard, les premières parties qui se déchirent sont les œufs; il faut donc la dilacérer avee soin sous le microscope; cette préparation est longue et difficile. Je Pai tentée bien souvent, mais Je ne lai réussie que (1) E. Haeckel, Die kalkschwämme, p. 455. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 43 quelquefois ; j'ai pu ainsi reconnaitre plusieurs stades du frac- tionnement , il m'a été impossible de le suivre d’une façon continue. [l arrive ordinairement que les œufs ainsi tiraillés en tous sens ne peuvent plus rien apprendre quand ils sont déga- gés ; souvent plusieurs des sphères de segmentation se brisent et se mêlent ensemble sans que l’œuf ait été déchiré. Ilest indis- pensable d'isoler ces œufs et de les retourner en tous sens pour pouvoir comprendre la disposition de leurs sphères de segmen- tation, leur forme étant ovoïde et non plus discoïde comme celle des œufs des Calcispongiaires. J'ai pu suivre le développement de Halisarca lobuluris et de Halisarca Dujardini je décrirai d'abord; la première, son em- bryogénie étant plus facile à cause de la taille de ses embryons qui est double de celle des embryons de Halisarca Dujardin. S 2. HALISARCA LOBULARIS, Sdt. À (1). Œuf. — Les œufs de cette espèce sont formés par du protoplasme un peu granuleux à sa partie centrale, hyalin à la périphérie, ils sont donc transparents ; ils ont une vésicule ger- minative très-grosse et un noyau bien visible. La figure 23 montre un de ces œufs; leur forme est généralement sphérique, mais 1l n’est pas rare d’en rencontrer avec des prolongements amæboïdes irréguliers. Je n'ai pu découvrir de spermatozoïdes, et ne sais si la vési- cule germinative disparaît avant le commencement du frac- tionnement. C. Développement de l'embryon. — La figure 24 représente l’œuf segmenté en deux parties, le plan qui les sépare n’est pas droit, mais presque toujours ondulé comme chez les Cténo- phores; c’est une préparation à lirrégularité du fractionne- ment qui semble appartenir à cette espèce. En effet, j'ai ren- contré si souvent le stade 3, que je crois qu il succède normalement au précédent. Le stade 4 est représenté figure 95, le stade 9 est assez fréquent, je n’y ai pas observé alors de cavité (1) Ces lettres indiquent les stades correspondants du développement des Éponges calcaires et des siliceuses. ANN. SC, NAT., JUIN 1876. LU, 24, — ART. N° 11. 44 C. BARROIS. de segmentation. Au stade 8, les œufs m'ont semblé formés par une couronne de six cellules fermée des deux côtés en haut et en bas par une cellule. Des stades qui m'ont semblé réels sont ceux où deux couronnes superposées de sept ou huit cellules chacune sont recouvertes des deux côtés par deux ou quatre cellules; on aurait ainsi les nombres 18 et 24. Au delà je nai plus essayé de compter davantage, l'œuf est une sphère dont le nombre des éléments constituants devient de plus en plus grand (fig. 26). Quelque vague que soit cette description de la segmentation de Halisarca lobularis, elle est cependant suffi- sante pour faire voir qu’elle diffère très-sensiblement de celles des Éponges calcaires, et qu’elle est beaucoup moins réculière. Ainsi il n’y a pas de cavité de segmentation au stade # chez Halisarca lobularis, alors qu’elle est indiquée chez Sycandru compressu ; la cavité de segmentation de H. lobularis n’est jamais ouverte au dehors, “ est, au contraire, ouverte des deux côtés et pendant très-longtemps chez les Éponges calcaires. Après le stade représenté par la figure 26, la segmentation continue son cours, et on arrive ainsi au stade de la figure 27 où l'embryon est une sphère creuse formée par une seule couche de très-petites cellules polygonales, arrondies. Ge stade à été figuré par M. Carter (loc. cit., fig. 10) et par M. Giard (Loc. cit. fig. 16). L’embryon, à cette époque, est encore plongé en cn dans la substance sarcodique du corps de l’Éponge mère, les cellules qui le constituent sont toutes semblables entre elles, on ne peut en distinguer de deux natures différentes aux deux pôles comme chez les Éponges calcaires (fig. 7). Le développement, à partir de cette période, prend une autre marche, les cellules du blastoderme ne semblent plus se mul- tiplier, elles s’allongent (fig. 29). L’embryon, à cette époque, est une sphère creuse formée par une couche de cellules allongées, prismatiques, toutes semblables entre elles; il correspond, à cette époque, à la forme Archiblustula de Haeckel. Les éléments qui le constituent ressemblent beaucoup aux cellules de la par- tie antérieure des embryons des Caleispongiaires, elles ne por- tent pas encore de flagellums. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 49 J'ai fait de fréquentes recherches parmi les embryons de cet âge pour voir s’il se produisait une invagination, s’il y avait une Gastrula comme chez les Éponges calcaires, comme chez les Gastrophysema. Tandis que les stades précédemment décrits, ainsi que ceux qui vont suivre, se sont présentés très-souvent à moi, 1l ne m'est arrivé qu'une seule fois d'observer une Archi- blastula avec invagination. Sa forme était celle de la Gastrophy- semua (fig. 118 de Haeckel), il ne m'est jamais arrivé de rien voir qui ressemblät aux figures 119 et 120 de Haeckel; quand je considère de plus le peu de différence qu'il y a entre l’Archi- blastulu que je viens de décrire, et la larve libre à laquelle je vais arriver, Je dois croire qu'il y a passage direct de ces deux formes l’uneà l’autre, etqu'il n'yapasdeGastrula chez Halisarca lobularis avant l’éclosion de la larve libre. Il est probable que unique individu que j'ai observé était anormal, sa forme pou- vait ètre due à une compression extérieure. Je parlérai plus loin des Gastrula qui ont été décrites sur des larves libres. D. Larve libre. — La larve libre ne se distingue par aucun caractère essentiel des Archiblastula précédentes. Si l’on dila- cère au hasard une Halisarca dont les produits génitaux sont mûrs on met ainsi en liberté de petites sphères creuses mobiles, qui ne différent des Archiblastula que par un revêtement de cils vibratiles ; on n’observe les Archblastula sans cils qu’en les dégageant soigneusement du milieu de la substance sarcodique de l'Éponge mère où elles adhèrent. La croissance seule de l’Archiblastula suffit pour expliquer simplement son passage à la forme de larve libre; en augmentant de volume, elle brise l'enveloppe gélatineuse qui Pentourait, elle se trouve alors en contact avec les courants d’eau extérieurs dont l’action déter- mine, comme chez les Calcispongiaires, apparition des cils, et l'embryon est devenu une larve libre. En même temps que ces changements s’accomplissent, le pigment se forme chez les embryons de Halhisarca lobularis ; 11 rappelle complétement par sa nature et sa position celui qui donne sa coloration brune à la partie centrale des larves d'Éponges calcaires. IL est formé par des granules rouge sombre, de grandeur assez variable, 46 €. BARROIS. très-nombreux à la partie Interne des cellules (centre de l'em- bryon) et diminuant progressivement en nombre vers leur par- tie extérieure (périphérie de lembryon) ; aussi là coloration sénérale de ces cellules parait rouge violacé à la partie interne, rose à la partie médiane et devient nulle à la partie périphéri- que. Ces différences de teinte ont pu induire en erreur et faire croire à la superposition de plusieurs feuillets que je n’ai jamais pu, pour ma part, observer. Lalarve libre de Halisarealobularis lorsqu'elle quitte l Éponge qui lui a donné naissance, est donc une sphère creuse formée par une seule couche de cellules flagellées minces, longues et colorées d’une manière assez intense à leur partie imterne (Archiblastula) ; on peut la comparer aux larves libres de Sycandra compressu. Les cellules qui constituent en entier la larve de Halisarca lobuluris sont identiques par leur forme, leur nature, leur coloration à celles de la partie antérieure des larves d'Éponges calcaires; ces larves n’ont pas de grosses cel- lules à leur partie postérieure comme celles des Éponges cal- caires, maisleur partie postérieure se distingue aussinettement de l’antérieure par ses flagellums, qui sont beaucoup plus courts. La suite du développement de Halisarca continuera à être facilement comparable à celui des Éponges calcaires ; on devra ainsi admettre que la larve libre de cette espèce correspond au stade qui suit la Gastrula chez les Caleispongiaires. On a, il est vrai, figuré des larves Hbres de Halisarca lobu- luris avec deux feuillets cellulaires emboités, je n'ai pu y voir que des différences de coloration d’une couche cellulaire unique. Les cellules de cette couche deviennent très-nettes quand on les traite par un mélange d'acide acétique et d'acide azotique, la figure 29 représente quelques-unes de ces cellules grossies 1000 fois. Jai dilacéré des larves ainsi traitées par des réactifs, je n’y ai pas vu de revêtement endodermique in- terne. La figure 12, planche XX de M. Carter, est très-nette et représente une Gastrula très-typique, mais comme la larve dessinée par M. Carter avait déjà, d’après lui (p. 399), vécu quinze jours en aquarium, je ne puis y ajouter grande impor- ARTICLE N° {1. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 47 tance. Il est, en effet, très-facile de conserver les larves en aquarium, le moment critique est celui de la métamorphose : quand les larves sont à une exposition favorable dans un aqua- rium et une eau propres, elles sont souvent toutes fixées et mé- tamorphosées un ou deux jours après leur naissance; quand, au contraire, elles ne se trouvent pas dans des conditions aussi heureuses, elles prolongent leur vie larvaire et quelquefois pen- dant bien longtemps. Les larves d’Éponges qui prolongent ainsi leur existence présentent pendant ce temps les modifications les plus étonnantes; elles montrent des bouches, des mvagina- tions et des replis de toutes sortes ; j'ai conservé des larves de ce genre presque pendant trois semaines, elles sont mortes, comme toutes celles que j'ai élevées, par suite du développe- ment de nombreuses plœæsconies, glaucomes, etc., dans les eaux où elles se trouvaient. La difficulté de lembryogénie des Éponges n’est pas d'observer les différents stades, mais bien de reconnaître la succession normale dans le nombre considérable de formes anormales que l’on rencontre; c’est une difficulté très-sérieuse. Le meilleur critérium est la rapidité du déve- loppement, celui qui s’accomplit le plus vite est celui qui pré- sente le moins de formes anormaies, c’est malheureusement le plus difficile à suivre. Je crois donc que lon ne doit pas ajou- ter d'importance à la Gastrula de larve libre, âgée de quinze jours, de M. Carter. Le seul changement normal que la larve de Halhsarca lo- bularis n'ait présenté pendant le temps de sa vie libre est le même que j'ai décrit chez les Éponges calcaires, c’est-à-dire l'accroissement de sa moitié postérieure. Les cellules de la partie postérieure de ces larves grossissent, elles forment des prismes dont la base et la hauteur sont plus grandes que celles des cellules nrismatiques de la partie antérieure. La figure 30 représente ce stade; ce processus se poursuit régulièrement pendant un certain temps, et on arrive ainsi au stade de la figure 31 ; la comparaison de ces figures montre bien les chan- gements accomplis. Le stade, figure 32, est produit par la con- tinuation de la même marche de développement, mais on arrive 48 €. BARROIS. ainsi à une larve bien différente de ce qu’elle était en naissant. Les principaux changements ont affecté les proportions rela- lives des deux moitiés de la larve, ainsi que leur composition histologique et leur coloration. Le volume de la partie posté- rieure n’est guère changé, mais elle est devenue une masse cel- lulaire compacte ; la partie antérieure, au contraire, a acquis un volume plus considérable, c’est une mince couche de cellu- les aplaties. La partie postérieure à une coloration rouge assez intense, la partie antérieure est bien décolorée, elle ne présente plus qu’une pâle teinte jaune rougeûtre. C'est à ce stade que S’accomplit normalement la fixation, la larve se transforme en Eponge. E. Métamorphose. — Je n'ai jamais vu la larve se fixer par l'une ou l’autre de ses extrémités, s’aplatir graduellement et montrer la formation des différents tissus de l'Éponge, cepen- dant la considération de quelques cas anormaux peut donner sur ce point des documents précieux et indiquer même, je crois, la marche réelle du développement post-larvaire. De même que nous avons vu chez les Éponges calcaires les spicules appa- raître quelquefois à la partie postérieure de la larve avant la fixation, ainsi il arrive que des organes de l’Éponge se montrent parfois chez la larve de {T. lobularis ; ils éclairent ainsi les rap- ports de ces deux formes. Ges organes sont les corbeilles vibra- iles ; quand la jeune Éponge est fixée, elles occupent sa partie inférieure et sont sous l’exoderme; quand elles se montrent chez la larve, elles apparaissent dans la partie rouge postérieure. Cest done par sa partie postérieure que la larve se fixe, sa partie antérieure forme le revêtement, lexoderme, de la jeune Éponge. Voici quelle est, d’après moi, la marche du développement pendant le passage de l’état de larve à celui de jeune Éponge fixée. La moitié antérieure à longs cils de la larve s’amineit et s'étend, elle s’appliquera plus tard sur la moitié postérieure quand celle-ci sera fixée, et formera ainsi Le revêtement cilié qui recouvre les Halisarca adultes. La moitié postérieure à grosses cellules prismatiques et à cils courts subit surtout des modifi- ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 49 cations histologiques ; les cellules prismatiques, par un proces- sus que je n'ai pas pu suivre, se changent en cellules à formes irrécuhères, et elles retirent en même tempsleur flagellum. J'ai représenté (fig. 33) quelques-unes de ces cellules prises sur une larve très-avancée, elles ont une forme polygonale arrondie, contiennent un noyau réfringent ainsi que de nombreux gra- nules sombres. s C'est pendant que ces changements s’accomplissent, que les larves se fixent ; la fixation se fait par leur partie postérieure qui se plisse d’une façon irrégulière et compliquée. J’ai cru long- temps que ces plis pouvaient déterminer la formation des cor- beilles vibratiles ou des canaux de l’Éponge, mais je n'ai pu cependant m'en assurer. Les corbeiïlles vibratiles se montrent toutes formées et tout à coup au milieu de la substance de la partie fixée qui est à l’état de sarcode, les canaux sont des cavités irrégulières qui s’y creusent plus tard. La figure 34 représente une jeune Éponge qui s’est fixée par sa partie postérieure où les corbeilles vibratiles sont déjà formées ; elle est vue de côté, la partie antérieure de la larve étant en haut. Cette partie antérieure encore reconnaissable et cilée dans la figure, commence déjà à s'étendre au-dessus de la partie fixée qu’elle va recouvrir. La figure 35 montre ce recou- vrement accompli, l'Éponge est vue de dessous ; la membrane externe est formée de petites cellules transparentes, polygo- nales, ciliées ; elle recouvre et s'applique sur la partie fixée où les corbeilles vibratiles sont disséminées dans une matière sarco- dique ; c’est entre ces corbeilles que se creusent les canaux 1rré- euliers. La coloration semble actuellement limitée aux cor- beilles vibratiles. Ces corbeilles vibratiles ont done apparu presque subitement chez Halisarca lobularis; j'a montré qu’elles provenaient de la partie postérieure de la larve, mais je n'ai pu voir la façon dont elles se forment. Ces organes ont déjà beaucoup occupé les na- turalistes qui ont étudié les Éponges, Lieberkühn (1) les décou- (1) Lieberkühn, Archiv. f. anat. physiol., 1856, p. 497; ibid., 1857, p. 382, 90 C. BARROIS. vrit, en 1856, chez la Spongille d’eau douce; il les décrivit comme des sphères creuses formées par une couche de cellules vibratiles dont les flagellums étaient tournés à l’intérieur de la sphère. Il étudia leur disposition, leurs rapports avec les ca- naux, et leurs ouvertures par lesquelles passaient les courants d’eau. Carter (1) les décrivit, en 1857, sous le nom de Ampullaceous sacs, elles représentaient pour lui les individua- lités de l’Éponge. D Schmidt (2) et Külliker (3) s’occupè- rent également des corbeilles vibratiles des Éponges siliceuses ; Haeckel (4) les découvrit chez les Calcispongiaires de la famille des Leucons. Les Leucons ont des canaux ramifiés ; ces canaux, chez les types les plus simples (Baumformiger, Netzfôrmiger Typus) sont, d’après Haeckel, uniformément tapissés par un revêtement de cellules ciliées endodermiques; chez les types les plus complexes (Traubenfürmiger, Blasenfürmiger Typus), le revêtement cellulaire se concentre en quelques points qui se renflent (corbeilles vibratiles), et il abandonne les autres parties des canaux. Pour Haeckel, les corbeilles vibratiles représentent donc un type spécial, variqueux, en grappe, du système gastro-vascu- laire, mais ce type, d’après lui: « Ist.…. keineswegs als der nor- » male und characteristiche Typus der gastrovascular Systems » der Spongien zu betrachten, sondern nur als ein einzelner, » und zwar als der am meisten differenzirte special-Fall in der » Ausbildung dieses Systems (5) ». Cette explication semble très-ingémieuse, elle plaît d'autant plus que ce type en grappe est surtout répandu dans la famille très-différenciée et géolo- giquement récente des Halichondrida. On peut, en effet, com- poser le tableau suivant : (1) H. J. Carter, Annals and. mag. nat. hist., 1857. (2) O. Schmidt, Adriat. Spongien, 1 suppl., 1864, p. 5. (3) Külliker, Icones Histiologicæ, 1 Heft, 1864, p. 66. (4) E. Haeckel, Die kalkschwämme, p. 224. (5) Haeckel, Die kalkschwämme, p. 231. ARTICLE N° 11. 91 EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. “onT 9p ‘1090 ‘900$ ‘stourg ‘y DPIAPUOYIUDI “UOINIT *D)090407 “Uoolis “Duashiydorsnr) “U09SY *DOUNA "TANLOV °6 D2D)197S DUILOIU Y *AUIVILUTL — ‘ELSY JOUMT FAIXXX 3° ‘DPI À "S9PNIIUUA À "ADVLTUO ‘(sarmords) ‘HndISSVUNL “TNDIPAOT “UUVT ‘00S ‘ LOU9SL SYLT ‘XI 1° ‘7 mil -UOUSODASY *"NHINOAUC "NHIUQTIS *HNÜISVIUL |'HUMIINOAUVI 49 56 ‘onDbag ‘hou ‘prop ‘na ‘onbeMoq ‘& — ‘YOST Joe ‘XX 3 * 1 Duodsoo1q ba ‘IDR ‘920$ ‘JDUUY ‘JON FL UT ‘200$ ‘1096 ‘UUNOÇ "J40N() ‘LES ‘} *SOSNANITIS ‘NO9NAT Hd, "SAVOIE / *SOSNYNIIS ‘NODXS Adi, *SAIIVI[RI : SUOÂEA 9 9p SUIOU e Sapnords à *NO9SY AZI, *SOSN99ITIS ) *SOITUITEO , suoÂtz 9 e Sapnords ‘NODSY Tdi, SOAIPITUI — | 92 C. BARROIS. Mais ce qui est connu du développement des corbeilles vibra- tiles fournit une objection si forte contre cette manière théo- rique de l'expliquer, qu'il paraît difficile de l’admettre. En effet, les corbeilles vibratiles apparaissent chez Halisarca lobu- laris, mdépendamment des canaux ; ceux-e1 ne se forment que plus tard comme des lacunes entre les corbeilles vibratiles ; on ne peut donc ici faire naître les corbeilles aux dépens des canaux. Pour Haeckel, il n’y aura peut-être ici qu’un exemple de cénogénie, d’hétérochronie. Pour moi, je considère la chose autrement. — L’embryogénie des Éponges sans spieules, aussi bien que celle des Éponges calcaires et que celle des Éponges siliceuses, montre que, comme je l’ai exposé déjà en décrivant les Sycandra (p. 30), il y a chez les Éponges deux systèmes de cavités morphologiquement différents : les CAVITÉS DE L’ENDO- DERME, appelées cavités des corbeilles vibratiles chez les Leucons et les Halicondrida, et canaux chez les Sycons; les CAVITÉS pu MÉSODERME appelées canaux chez les Leucons et les Halicon- drida, et intercanaux chez les Sycons. Haeckel reconnait l’exis- tence deces deux systèmes chez les Sycons (canaux, mtercanaux) ; il n'y en aurait plus qu'un seul d'après lui chez les Leucons (canaux), car ce qu'il y nomme intercanaux sont les cavités comprises entre les différents individus d’un polypier, elles ne sont en aucune façon homologues aux intercanaux des Sycons. L'indépendance originelle de ces deux systèmes chez les Leu- cons et chez les Sycons, telle que je la comprends, telle que je l'ai observée, me permet de pousser plus loin qu’Haeckel l’ho- mologie entre les deux groupes, et pour cette raison je repousse sa théorie, et crois devoir assimiler le tube radiaire à la corbeille vibratile (système des cavités de l’endoderme), lintercanal des Sycons au canal des Leucons et des Halichondrida (système des cavités du mésoderme). Les corbeilles vibratiles de Halisarca lobularis sont des sphères creuses, dont la paroi est formée par un seul rang de cellules ; ces cellules ont un flagellum dirigé vers l’intérieur de la sphère, elles contiennent un noyau très-net, ainsi que des granules ; la figure 36 les représente vues de face, par leurs ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. D3 bases. Chez l'adulte elles sont attachées aux parois des canaux ; je n'ai jamais pu constater les rapports indiqués par Haeckel (p. 234) entre ces corbeilles et les produits génitaux; les œufs naissent directement dans la matière sarcodique qui constitue le polypier de l'Éponge. Cette matière sarcodique, les produits génitaux et les cor- beilles vibratiles de Halisarca lobularis naissent donc de la moitié postérieure des larves; la moitié antérieure forme le re- vêtement cilié de ces Éponges (exoderme). Le développement des Éponges calcaires que j'ai étudié plus haut présentait abso- lument la même marche. Chez toutes les Éponges, le méso- derme est en connexion intime avec l’endoderme; chez les Caleispongiaires, comme je l'ai dit plus haut, et chez les . Éponges siliceuses, comme je le démontrerai plus loin, la cou- ronne des larves peut déjà être considérée comme le premier indice du mésoderme ; 1l est remarquable que les larves d’Ha- hisarca qui ne présentent pas de couronne, n'aient pas un mésoderme aussi différencié que celui des autres familles d’'Éponges ; il ne produit pas de spicules. EF. Développement de l Éponge fixée à l'Éponge adulte. — ne manque plus à la jeune Halisarca lobularis qu'un oscule pour être une Éponge adulte, son développement postérieur étant limité à l’accroissement des autres parties déjà existantes. La formation de l’oscule n’est ici qu'un phénomène d’une im- portance morphologique très-secondaire; un ou plusieurs des canaux irréguliers qui parcourent le corps de l'Éponge se pro- longent à travers l’exoderme et établissent ainsi une large com- munication (oseule) entre l’intérieur de l'Éponge et l'extérieur, $ 3. HALISARCA DUJARDINI, Cette espèce, dont j'ai suivi aussi le développement d’une façon continue, m'a montré identiquement la même succession de phénomènes que l’Halisarca lobularis. La taille de ces embryons est moitié momdre que celle des Halisarca lobularis, ils sont de plus toujours incolores ; aussi leur étude est-elle moins facile que celle des premiers ; elle n’apprend rien de plus. 54 C. BARROIS. Je représente, figure 37, un de ces embryons au même orossissement que Halisarca lobularis, figure 30, au moment où il commence sa vie de larve libre; il montre également que cette forme est constituée par un seul rang de cellules. $ 4. RÉSUMÉ DES HALISARCA. Les deux espèces d'Halisarca que J'ai étudiées m'ont donc montré les faits suivants. L’œuf naît dans la matière sarcodique qui constitue le polypier de l’Éponge, il n’a primitivement pas de rapports avec l’endoderme (corbeilles vibratiles) n1 avec l’exoderme ; je n’ai pu voir la fécondation. Le fractionnement est total, la cavité de segmentation qui n'apparaît qu’assez tard n’est jamais ouverte au dehors, cette cavité est reconnaissable jusqu'à l’époque de la métamorphose. Les cellules du blasto- derme (Blastula) ne commencent à se différencier que lorsque la larve mène une vie indépendante; cellesde la partie antérieure restent minces et transparentes, celles de la partie postérieure deviennent grosses et colorées, elles portent des flagellums beau- coup plus courts que les premières. Gette différenciation s’ac- centue de plus en plus pendant tout le temps de la vie en liberté de la larve. Les cellules. prismatiques de la partie postérieure se transforment en cellules irrégulières à contours peu distincts; c’est par cette partie que la fixation de la larve a lieu lorsque le moment de la métamorphose est arrivé. La jeune Éponge est formée de deux couches: l’externe, mince, cellulaire, ciiée, est l’exoderme ; l’interne, masse sarcodique avec corbeilles vibra- tiles, où se creusent des cavités qui formerontles canaux. Si l’on considère les corbeilles vibratiles comme les représentants de l’endoderme, et la masse sarcodique qui forme le corps de l’Éponge, et où naîtront les produits génitaux, comme le repré- sentant du mésoderme, je n’ai pas vu, je l'avoue, d'époque dans la vie de la larve où ces deux feuillets se montrent isolé- ment d’une manière distincte. Les oscules d’Halisarca lobularis ne se forment que très-tard, ils n’ont pas de rapports avec aucune partie déterminée de la larve. % Il me reste à comparer ce développement des Myxospon- ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 99 giaires avec celui des Éponges calcaires décrit dans le premier chapitre, ainsi que dans les travaux antérieurs. Si Je compare d’abord cette embryogénie à celle des Éponges calcaires (p.37), on voit que la segmentation des œufs de ces deux familles pré- sente des différences importantes tant dans la disposition de ces sphères que dans la succession des plans de segmentation. La cavité de segmentation diffère aussi dans ces deux groupes ; mais, maloré cela, le résultat final du fractionnement est le même des deux côtés, 1l détermine la formation d’une sphère creuse à un seul rang de cellules (Blastula).Je n'ai pas ren- contré, chez les Halisarca, le stade Gastrula.X] y a ici une hété- rochronie intéressante entre ces deux groupes ; la différencia- on des grosses cellules destinées à former la partie postérieure de la larve se manifeste dès les premiers stades du fractionne- ment chez les Éponges calcaires, elle ne se produit que pen- dant la vie en liberté de la larve chez les Éponges sans spicules. La division en deux couches des embryons se produit donc à des époques différentes, mais essentiellement de la même facon dans ces deux groupes. La partie antérieure de la larve forme l’exoderme chez les Éponges sans spicules comme chez les Éponges calcaires; toutes ces larves se fixent par leur partie postérieure, et cette partie donne naissance à des produits iden- tiques à ceux de l’endoderme et du mésoderme des animaux plus élevés. Si l’on compare ces observations à celles de MM. Haeckel, Gard, Carter, on voit que, bien concordantes pour la segmenta- tion, elles diffèrent davantage pour les stades suivants. Je ne puis faire cadrer mes descriptions avec les stades généraux de développement de Haeckel, la raison en est fondamentale : 7e ne retrouve pas avec lui dans l'Éponge adulte les ouvertures et les cavités de la larve. Les cavités des corbeilles vibratiles (cavités de l’endoderme), comme les cavités des canaux (cavités du mésoderme), sont des formations nouvelles qui ont lieu après la fixation ; je n’ai pu les faire dériver des cavités de segmen- tation ou d’imvagination de la larve. 10) €. BARROIS. K 5. ÉPONGES FIBREUSES. I y a un grand nombre d’Éponges sans spicules qui se distin- euent des Halisarca par la présence de fibres. Ces fibres sont parfois très-différenciées et présentent une composition chi- mique très-spéciale voisine de celle de la soie (1), mais parfois elles sont à peine distinctes du sarcode où elles se trouvent plongées. Cette famille est pauvrement représentée dans la Manche, elle est beaucoup mieux développée dans la Méditerranée; mais Duchassaing et Michelotti (2) ont montré que c'était dans les mers tropicales qu’elle présentait la plus grande richesse de formes. J’ai pu étudier les embryons de deux espèces que Je rapporte à cette famille. GUMMINA Ÿ MiMOSA, Gard : La première est cette Éponge de Wimereux décrite par M. Giard (3) sous le nom de Halisarca mimosa. Comme M. Giard l’a parfaitement dit, elle diffère beaucoup des Halisarea de Normandie par sa forme en plaques minces, par sa surface plane, et par sa consistance qui n’est pas semi-cartilagineuse comme celle des Halisarca; ses oscules sont bordés par un fin liseré rouge ; autour d'eux, on aperçoit des séries de lignes orangées. De plus, les embryons de cette espèce diffèrent tellement de ceux des autres espèces d’Ha- lisarea que je suis très-porté à voir entre ces Éponges plus qu’une différence spécifique. Cette Éponge se rapporte assez bien aux Gummineæ d'Oscar Schmidt; comme elles, elle ne présente au microscope qu'une gelée amorphe où nagent quelques cellules nucléées, et où se trouvent des amas de gra- nules ; comme elles, elle est extrèmement visqueuse. J'ai cher- ché à retrouver chez Gummina ? nmosa les fibres que la potasse caustique a fait voir à 0. Schmidt chez les véritables Gummina ; ce réactif a déterminé dans le sarcode de cette Éponge une (1) H. Milne Edwards, Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée des animaux, t. X, p. 102. (2) Duchassaing et Michelotti, Les Spongidires de la mer Caraïbe. (3) Giard, Archives de zoologie expérimentale, t. Il, n° 4, octobre 1875. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 97 apparence fibrillare, mais assez peu nette toutefois : Je ne puis donc considérer encore sa place comme fixée définitivement. Je n'ai observé que quelques stades du développement de cette espèce en juin 1874. Les œufs présentent une vésicule germinative très-nette et rappellent ceux des Éponges calcaires ; j'ai vu un œuf segmenté au stade #, ces deux premiers plans de segmentation sont, comme chez les Calcispongiaires, deux plans méridiens perpendiculaires entre eux. Je n’ai pas ren- contré d'œuf entièrement segmenté,‘et ne sais pas par suite à quelle période du développement commence la division de l'embryon en deux parties histologiquement différentes. Quand l'embryon est arrivé à l’état de larve libre, 11 ressemble plus à une larve d'Éponge calcaire qu’à une larve d'Halisarca, sa moitié antérieure est formée par de minces cellules prisma- _ tiques allongées, sa moitié postérieure par de grosses cellules arrondies. J’ai observé un stade qui me fait croire à l’existence de la Gastrula dans ce groupe comme chez les Éponges cal- caires. Il est figuré figure 38; les cellules de la partie postérieure sont, on le voit, nettement séparées à l'extérieur de celles de la partie antérieure ; mais au dedans, au centre de la partie anté- rieure malheureusement colorée par un pigment brun rougeûtre, on voyait de ces grosses cellules d’endoderme. Le développement de cette espèce me semble donc éton- namment voisin de celui des Éponges calcaires. Je n’ai pu étu- dier un nombre suffisant d’embryons pour suivre cette embryo- génie, ni pour ajouter une grande importance aux stades que Je viens d'indiquer. Verongia rosea, nov. sp. -— L'espèce que Je nomme ainsi est commune à Saint-Vaast, elle forme à la surface des pierres une mince couche peu consistante d’une belle couleur rose, et hérissée de papilles qui ne sont autre chose que les extrémités des fibres kératoïdes qui font saillie à la surface de l’Éponge. Il est sidifficile de reconnaître les espèces décrites par Bowerbank, que je ne puis être certain de ma détermination ; Je n'ai pas toutefois reconnu ce type dans sa monographie. Il sera toujours facile de retrouver cette espèce à Saint-Vaast où sa belle cou- D8 C. BARROIS. leur d’un rose vif, couleur de chair, la distingue nettement de toutes les autres Éponges que j’y ai recueillies. Elle appartient au groupe des Gacospongia d'Oscar Schmidt. Les corbeilles vibratiles de cette espèce se font remarquer par leur forme qui est très-allongée et ovoïde. Les œufs sont aros, opaques, d’un rosejaunâtre, et en sigrande quantité qu'ils forment en juillet un lit continu à la base de l’Éponge, sur la pierre où elle est attachée. On trouve de ces œufs à tous les stades de fractionnement; mais leur opacité rend bien difficile à suivre la marche de ce phénomène. Un fait intéressant du fractionnement que j'ai constaté d’une façon certaine, c’est la division des éléments de l’œuf en deux parties différentes, dès les premiers stades du fractionnement. La figure 39 représente un de ces œufs dont la segmentation n’est pas encore bien avancée, les grosses sphères de segmentation qui le constituent sont toutes de la même grandeur, mais leur coloration présente des différences importantes. Tandis que la plupart d’entre elles ont conservé la coloration rose jaunâtre des œufs plus jeunes, il en est quelques-unes situées à l’un des pôles de cet œuf qui présentent une coloration plus foncée et qui sont d’un rouge carminé. Ce pôle rouge se retroûve sur tous les œufs dontle fractionne- ment est plus avancé; quand ce processus est terminé et que l'œuf est formé par un grand nombre de très-petites cellules disposées en une seule couche (Blastula), les cellules rouges y forment une calotte très-distincte (Amphiblastula) . J'ai dilacéré des Verongia dont les produits génitaux étaient mürs, mais Je n’y ai jamais rencontré de Gasfrula proprement dite, je n’y ai pas vu d’embryons avec imvagination. Il semble se faire comme chez Halisarca un passage immédiat du blas- toderme à un rang de cellules (4mphiblastula) à la larve libre ; les cellules qui le constituent s’allongent en prismes, poussent un flagellum et la larve libre se trouve formée. Les plus jeunes larves que l’on rencontre (fig. 40) sont uni- formément recouvertes de cils vibratiles sur leur partie claire, leur calotte rouge en étant dépourvue; autour de cette calotte ARTICLE N° 1f. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 99 il y a une couronne de flagellums un peu plus longs, que l’on distingue de ceux de la partie antérieure de l'embryon. La figure 41 représente une larve libre plus âgée, le grand accrois- sement de volume indiqué par cette figure est sans importance, car on rencontre des larves de mème âge et de tailles très- différentes. Les changements importants amenés par le déve- loppement sont Paplatissement de la partie postérieure, l’allon- sement de la partie antérieure en une sorte de papilleet la différence de disposition des flagellums. La partie postérieure de l'embryon, c’est-à-dire sa calotte rouge s’aplatit, les cellules prismatiques qui la constituaient se plssent et semblent ainsi présager leur disparition (fig. 4}, en), les fiagellums courts qui entouraient cette partie s’allongent beaucoup et forment une grosse couronne très-remarquable. La partie antérieure de Pembryon s’allonge pendant ce temps en une sorte de papille, les flagellums qui la couvraient sont retirés et disparaissent entièrement. Je n'ai pas vu la fixation de cette espèce, et ne puis donc en décrire les différents processus. Le point capital fourni par l'embryogénie de la Verongia, c’est la preuve, l'établissement comme fait, d’une idée avancée déjà par Metschmikoff, que la tache colorée, nue, de la partie postérieure des embryons d’Éponges siliceuses est l’homologue de la moitié à grosses cel- lules des embryons d'Éponges calcaires : ces deux parties se forment en effet de la même façon pendant le fractionnement de l'œuf de Verongia et de Sycandru. PARTIE IT. — ÉPONGES SILICEUSES. Les Éponges siliceuses du groupe des Halichondrida sont les seules dont j'ai eu l’occasion d'étudier les embryons. C’est de beaucoup le groupe le mieux représenté sur nos côtes, 1l sy montre avec des variétés Imnombrables de forme, de couleur, de consistance, ete.; je crois que tous ceux qui étudieront ces Éponges, reconnaîtront avec moi que dans l'état actuel de la science et à l'exception de quelques types particuliers, elles sont indéterminables. ANN. SC. NAT: JUIN 1870. LT, 29, — ART. N° 11. 60 C. BARROIS. J'ai observé à Saint-Vaast, les embryons d’un assez grand nombre d'Halichondrida; ces Éponges qui avaient les formes et les couleurs les plus variées se rapportaient aux genres Hali- chondria Bowk (= Amorphina Sdt.), Isodyctia Bowk (= Re- niera Sdt.), Hymeniacidon Bowk(=Amorphinu, Suberites Sdt.). Dans l'impossibilité où je suis de donner des déterminations spécifiques sérieuses à toutes ces formes, je ne décrirai pas en détail les différents stades que chacune d'elles m’a montrés pen- dant son développement. Du reste tous les embryons des Ha- lichondrida que j'ai observés se ressemblent tous par leur richesse en éléments nutritifs et en pigment, ce qui les rend absolument opaques et par suite bien difficiles à étudier malgré leur énorme taille. Les embryogénies faites sur des types déterminés seulement génériquement, comme celles que Metschnikoff et 0. Schmidt ont publiées sur les Éponges siliceuses, présentent l'inconvénient de ne pouvoir être contrôlées assez facilement; aussi je crois préférable de laisser de côté pour le moment la plupart de mes dessins, et de décrire seulement deux espèces qui me semblent assez facilement reconnaissables. Ces deux types génériquement très-distinctssont: {sodyctia cinerea, Grant, var. rosea Bowk(1), et Desmacidon fruticosa Bowk (2); le premier appartient aux Reniera d'Oscar Schmidt; le second, aux Æsperia du même auteur. Mes descriptions gagneront ainsi en exactitude ce qu’elles perdront en généralité, Je dois dire toutefois que le dé- veloppement de toutes les Hulichondrida que j'ai étudiées ne m'a présenté que des différences msignifiantes. L'Isodyctia cinereæ, var. rosea est une espèce très-commune, | elle est ordinairement attachée aux pierres, Je l'ai étudiée à Wimereux ainsi qu'à Saint-Vaast; la Desmacidon fruticosa n’est pas rare à Samnt-Vaast où Je l’a étudiée, elle est fixée sur les (1) Isodyctia cinerea, Bowk, Grant, sp. (Brit. Spongiadæ, vol. If, p. 274; vol. HE, p. 121, pl. 48, fig. 1-5). — Je considère l’I. rosea comme une simple variété du type Cinerea de Grant ; elle est décrite par Bowerbank, vol. IL, p. 282 ; vol. IT, p. 126, pl. 49, fig. 12-14. (2) Desmacidon fruticosa, Bowk, Johnston, sp. (Brit. Spongiadæ, vol, IF, p. 345; vol. IL, p. 155, pl. 61). É ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. O1 algues qui découvrent à toutes les marées. Je vais exposer en même temps et d'une manière comparée l’embryogénie de ces deux espèces, elles différent peu et s’éclairent l’une l’autre. $ 1. ISODYCTIA ROSEA ET DESMACIDON FRUTICOSA. À.B. Position el composition des œufs. — Les œufs de ces espèces lorsqu'ils sont arrivés à maturité, sont de très-grande taille, jamais à aucun moment de leur développement je ne les ai vus en relation avec les corbeilles vibratiles, ils se trouvent toujours dans la couche formatrice du squelette, et les em- _bryons, lorsqu'ils sont muürs, sortent par les canaux irréguliers de l'Éponge. Je n'ai jamais assisté à la fécondation de ces œufs, ni rien vu qui ressemblât aux spermatozoides des Éponges dessinés par _ Haeckel (1) et par Eimer (2). J'ai toutefois observé chez cer- taines {sodychia des corps qui représentent peut-être un état jeune des éléments mâles. Je n'ai pu déterminer les Zsodyctia qui m'ont offert ces corps, elles sont blanches et remar- quables par leur peu de consistance, quand on les arrache elles sont visqueuses et filantes; si l’on examine au microscope les fils ainsi obtenus on voit qn'ils sont composés d’une matière gélatineuse, hyaline, anhiste, empâtant de distance en distance des amas sphériques de granules ou de grosses cellules. Je Les représente figure 42, on les assimilera au premier coup d'œil aux éléments vus par 0. Schmidt (3) chez une Reniera aquæ- ductus de Portochiave, et qu'il a appelés les € Kürnchenballen » (pelotes granuleuses). 0. Schmidt a vu les pelotes granuleuses, mais 1l n'a pas observé les cellules (fig. 42), l'examen de mes figures montre que ces pelotes dérivent des cellules. D’après 0. Schmidt, « ces pelotes n'avaient pas de rapports avec des for- mations cellulaires, elles étaient un produit immédiat du sar- code et ce groupement des granules était dù à la formation des courants et de cordes dans le sarcode ». Il les considère comme (1) E. Haeckel, Die kalkschwoämime, taf. XLVIIT, fig. 6. (2) Eimer, Archiv von Max Schulze, janvier 1872, p. 290. (3) O. Schmidt, 1* suppl., p. 3, pl. 1, fig. 12. 62 C. BARROIS. une partie constituante et plus ou moins essentielle de cette substance. Je ne puis fixer le rôle physiologique ni la valeur morpho- logique réelle de ces pelotes granuleuses, mais si on compare les grosses cellules qui leur donnent naissance aux cellules mères des spermatozoïdes de l’'Hydre (1), on devra reconnaitre qu'il esttrès-vraisemblable de comparer entre eux ces éléments. On sera encore plus porté à faire cette assimilation quand on aura vu combien il y a de ressemblances entre le développe- ment des Halichondrida et celui de l’'Hydre tel qu’il est donné par Klemenberg. Je n’ai pas toutefois observé la transformation . des granules de pelotes en véritables spermatozoïdes. Si ces cellules représentent les cellules mères des spermato- zoïdes des Isodyctia, 1l faudra admettre que les spermatozoïdes de ces animaux naissent aux dépens du même feuillet que les œufs. On ne les trouve pas en rapport avec les corbeilles vibra- tiles (endoderme), n1 avec le revêtement externe (exoderme) ; les coupes les montrent situés à l’intérieur des canaux de l'Éponge et passant d’un canal à l’autre à travers la substance formatrice du squelette. Quand elles sont ainsi en place, les pelotes granuleuses forment des cordons, elles sont juxtaposées et ne sont pas séparées par des fils hyalins; la disposition de ces cordons dans l’Éponge n'a semblé très-irrégulière. Ges pelotes, lorsqu'elles sont à l’état de cellule, ont un noyau oros et transparent; les fils hyalins qui les réunissent sont oluants et élastiques ; quand on dilacère une de ces Zsodyctiasur le porte-objet du microscope, la traction opérée par ces parties tendues sur le verre et qui s’allongent ou se détendent et se contractent, détermine assez souvent une torsion de ces fils avec des mouvements en spirale parfois assez vifs (fig. 42, B). Qu'on se représente une de ces cellules isolées comme celle de la figure 42, D, que j'ai dessinée à la chambre claire, et qu’on la compare ensuite aux corps découverts et décrits par Eimer (2) (1) Kleinenberg, Hydra, pl. 1, fig. 14, a, b. (2) Docteur Th. Eimer, Archiv f. mikrosk. Anat. de Max Schulze, vol. VIT, p. 281, janvier 1872. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 63 comme les cellules urticantes des Éponges, on arrivera à la _ conclusion que ces corps sont peu différents, notamment si on les compare aux états jeunes des corps figurés par Eimer. J’in- eline à y voir les cellules mères des spermatazoïdes; 0. Schmidt les considère comme des éléments constitutifs du sarcode; en somme, le rôle et la valeur de ces éléments est encore, Je dois le dire, une question en suspens. Quoi qu'il en soit de la fécondation des Éponges siliceuses, leurs œufs commencent bientôt à se développer ; le premier phé- nomène qui s’accomplit est l’apparition du pigment, puis se pro- duit la segmentation. Pendant que la segmentation continue son cours, le pigment devient de plus en plus abondant, etil en est de même des éléments nutritifs si répandus dans les œufs des Halichondrida. Avant de passer à la description du frac- tionnement, je dois dire quelques mots de ces différents élé- ments qui obscureissent à un si haut degré toute la suite du développement de ces espèces. Le pigment est à l’état de granules répandus uniformément dans l’œuf tout entier; la couleur du pigment de l’œuf des espèces que j'ai étudiées s’est toujours montré identique à la couleur de l'adulte. Cette dernière varie extrêmement dans une même espèce; l’Halichondrida panicea, si commune à Wimereux, m'a fourmi toutes les teintes et les nuances intermé- diaires entre le blanc, le jaune d’or et le vert sombre; la cou- leur de l’œuf présente ordinairement les mêmes variations. La position du pigment chez l'Éponge adulte ne semble pas fixe ; elle est cependant limitée le plus souvent aux corbeilles vibra- tiles ou autres cellules endodermiques, c’est surtout chez les les Éponges calcaires que cela se voit facilement ; ainsi l’Ascetta coriacea commune dans les prairies de Zostères à Saint-Vaast, où elle est ordinairement incolore, s’y rencontre parfois avec une coloration rouge brique, elle est toujours due à la présence de granules de cette couleur dans les cellules de lendoderme. Toutes ces cellules ne contiennent pas sur la mème Éponge des granules de pigment ; mais les cellules qui en contiennent n’en ont que de rouges, je n’ai pas rencontré dans ces cellules de granules qui ne fussent colorés. 6% €. BARROIS. Chezles Éponges siliceuses, après la segmentation, le pigment se rassemble à la partie centrale de lœuf et abandonne lexo- derme ; ce fait, rapproché de la place du pigment dans l’endo- derme de l’adulte, présente un certain intérêt. Il faut cependant reconnaître qu'il n’est pas général, ainsi les embryons d’Éponges calcaires ont leur exoderme coloré, quelques Éponges adultes ont écalement un exoderme coloré. On peut encore remarquer, en passant (1), que le pigment apparaît dans l’œuf des Hydres avant la segmentation comme chez les Éponges siliceuses. Les parties des œufs d’Halichondrida que je considère comme nutritives, sont des éléments arrondis à paroi sombre, entourant une zone claire au centre de laquelle est une masse sombre plus ou moins volumineuse (fig. 43) ; on les retrouve chez les Éponges siliceuses pendant tout le temps du développement embryon- naire, et jusqu’après la métamorphose; je n'ai pu suivre leur évolution, mais comme elles ne donnent naissance à aucune partie déterminée de la jeune Éponge, je les assimile, à cause de leur ressemblance, aux pseudocelles de l'Hydre de Kleinenberg, et crois qu’elles n’ont comme elles qu’un rôle nutritif. C. Développement de l'embryon jusawà la formation de la larve libre. — L'œuf des Éponges siliceuses se segmente d’abord en deux parties égales, comme le montre la figure 44 de Isodyc- ia rose, chacune d’elles contient un noyau. Un second plan perpendiculaire au premier produit le stade #, 1l n’y a pas d'abord de cavité de segmentation à cette époque, mais elle ne tarde pas à apparaître; la figure 45 est un œuf de cette même espèce au stade #, il montre que c’est à cette époque que cette cavité se forme chez Isodyctia rosea. Chez toutes les Éponges que j'ai étudiées, j'ai donc vu une cavité de segmentation au sens de Kowalewsky. Je ne puis dire jusqu'à quelle époque cette cavité existe chez les Halichondrida, Vopacité de ces œufs est telle qu’on ne pourrait l’apprendre que par des coupes, et je n’ai jamais (1) Kleinenberg, Hydra, p. 38. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 09 réussi cette préparation. L’opacité de ces œufs nécessite leur étude à la lumière réfichie, et je n’ai pas su non plus suivre la marche complète du fractionnement ; je représente un œuf de Isodyctia rosea (fig. 46), ainsi qu'un œuf de Desmacidon fruti- cosa (fig. 47) à des stades assez avancés, et tels que je les ai vus. Le fractionnement se poursuit au delà et on observe souvent des œufs composés par un très-grand nombre de petites cellules de fractionnement. À cette époque du développement, les œufs des deux espèces que j'étudie sont sphériques, ceux de Isodyctia rosea sont roses, ceux de Desmacidon fruticosa jaunes ; souvent, chez d’autres espèces que j'ai observées, ils présentent des formes diverses ovoïdes ou aplaties. Je ne puis comprendre ce que dit O. Schmidt au sujet de la ‘segmentation des Éponges siliceuses ; d’après lui (1): « Von » einem deutlichen Furchungsprocess kann man doch nicht » reden. » Ma description de la segmentation des Halichondrida est bien incomplète, mais elle suffit amplement pour montrer que ce processus présente essentiellement les mêmes caractères que chez les Éponges calcaires, où la segmentation est admise par tous les naturalistes. Pendant le cours de sa segmentation, l’œuf de Zsodyctia rosea s’est accru considérablement, son diamètre est doublé. Quand ce phénomène est terminé, les seuls changements que j'ai pu constater dans l’œuf sont des changements dans la disposition et par suite dans la nature des éléments qui le constituent. Le pigment qui semblait uniformément répandu dans cet œuf se concentre en un pôle où il dessine ainsi une petite calotte, d’un beau rouge chez [sodyctia rosea (fig. 48). Tout le reste de l’em- bryon conserve encore une coloration rose, mais bientôt les sranules de pigment ainsi que les matières qui s'y trouvent dis- séminées se concentrent vers le centre de l'embryon, en aban- donnant ainsi une zone périphérique qui devient par suite claire. Cette zone périphérique claire se montre formée de petites cel- lules à noyau et à protoplasme pâle; elles poussent bientôt des (1) O. Schmidt, Zeits. f. wissens. zool., 1875, p. 134. 66 €. BARROIS. flagellums et lembryon de Jsodyctia rosea commence alors sa vie libre. La masse centrale rose de Pembryon ainsi que la calotte rouge qui est postérieure dans la marche m'ont toujours semblé formées par une masse continue de plasma avec pseudo- celles, grains de pigment, granules et novaux cellulaires, glo- bules oras et albumineux; je considère cet ensemble comme le résultat de la désagrégation de toutes les cellules du germe; je n’y ai jamais reconnu d'élément cellulaire net. La calotte rouge qui est continue avec la partie rose centrale, n’en diffère que par la plus grande quantité des granules de pigment; elle ne porte jamais de cils vibratiles chez fsodyctia rosea, mais les fla- gellums qui entourent prennent rapidement un grand aceroisse- ment et lui formeront bientôt une couronne très-différenciée ; je n'ai pas pu m’assurer s’il y avait où non une cavité au milieu de la masse rose. Les flagellums de la couronne ont un mouve- ment propre de dehors en dedans, qui rappelle celui des cirrhes des Balanes. L’œuf de Desmacidon fruticosa se développe après sa seg- mentation d’une manière un peu différente de celui de Isodyctia rosea. Il présente d’abord une teinte jaune clair uniforme, la désagrégation des éléments cellulaires et la concentration des parties colorées et nutritives vers le centre de l'embryon, c’est- à-dire sa délamination, s’opèrent sans qu’il se forme en géné- ral de calotte colorée. L’embryon est ainsi formé à cette époque par une mince couche externe ciliée, qui enferme une masse interne plasmatique (Perigastrula). Les cellules du feuillet externe poussent des flagellums et la larve libre est formée. Ge n’est que pendant cette nouvelle phase de son existence qu’ap- parait en général la calotte postérieure jaune foncé des embryons de Desmacidon fruticosa, il y a cependant des exceptions et j'ai parfois vu des embryons munis de cette calotte comme ceux de Isodyctia rosea, avant de quitter l'Éponge mère. D. Larve libre. — La Desmacidon fruticosa est done habi- tuellement moins développée que {sodyctia rosea, lorsqu'elle arrive à l'état de larve libre; les premiers changements qui s’opèrent en elle ont pour effet de faire disparaitre cette diffé- ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. (67 rence. Le pigment disséminé dans la masse plasmatique interne _s’accumule au pôle postérieur de l'embryon et y détermine ainsi une Calotte comme chez Isodyctia rosea, mais d’un jaune brunâtre. Cette calotte atteint une plus grande étendue que dans la première espèce; souvent elle commence par un point, mais parfois elle a deux ou trois centres de formation qui se réu- nissent plus tard ou restent séparés. Il n’est pas rare de trouver dans les aquariums des embryons avec deux ou trois calottes colorées, mais ce doit être des formes anormales. Quand la calotte de la partie postérieure des larves de Desma- cidon frulicosa est formée, les cils vibratiles de cette partie se sont retirés et son revêtement cellulaire disparaît de même ; une couronne de longs flagellums se différencie autour de la calotte, et la larve de Desmacidon fruticosa à identiquement la struc- ture que J'ai précédemment décrite chez Isodyctia rosea. Le développement est essentiellement le même dans ces deux grouges d'Éponges siliceuses; il ne se distingue que par des hété- rochronies ; certains processus communs aux deux Éponges, se produisant à des moments différents du développement. Je n’ai pas vu chez les Éponges siliceuses d’invagination donnant naissance aux sphères creuses emboîïtées de la Gas- trula typique ; le mode de formation de la larve est différent de celui qui se produit chez les Éponges calcaires, mais son résul- tat est le même; des deux côtés, la larve est composée de deux feuillets superposés, séparés par une ligne qu’on peut considérer comme homologue de la bouche de la Gastrula. Chez les Hali- chondrida lexoderme est net, il est ouvert à la partie postérieure de la larve ; la bouche est indiquée par la couronne de flagel- lums, lendoderme est une masse de plasma solide qui remplit tout l’exoderme et communique directement avec le dehors par la bouche. Les larves libres d’Halichondrida ont déjà été décrites à plu- sieurs reprises; Lieberkühn, Carter, Laurent, Metschnikoff, O. Schmidt les ont étudiées déjà ; tous ont reconnu la masse colorée interne et la couche vibratile externe. Je me range à la manière de voir de Metschnikoff pour qui la calotte de la partie 68 €. BARROIS. postérieure est une saillie de la masse interne à travers une lacune de la couche externe. O. Schmidt nie ce fait, mais toutes les espèces que j'ai étudiées me l'ont montré; le déve- loppement de Verongia rosea m'a prouvé que sa calotte colorée postérieure était homologue de la moitié postérieure à grosses cellules des larves d'Éponges calcaires. En outre de ces deux parties constitutives des larves d’Éponges siiceuses que je viens de décrire, Lieberkühn et O. Schmidt ont reconnu chez elles une troisième couche ; elle se trouve comprise entre les deux précédentes. Lieberkühn la observée chez la Spongille, c’est sa « cortical Substanz » ; O. Schmidt l’a décrite chez une Amorphina, où elle serait composée de cellules contractiles, fusiformes et disposées transversalement ; je n’ai pas retrouvé cette couche moyenne sur les espèces que j'ai eues entre les mains. Je reviens à la deseripüon du développement de mes deux espèces de larves de Halichondrida : les Éponges calcaires et sans spicules n’ont guère présenté d'autre modification pendant le cours de leur vie larvaire que l’accroissement de leur partie postérieure, c’est un processus que lon retrouve chez ces Éponges siliceuses. Le Desmacidon fruticosa Va déja montré, il se continue pour cette espèce comme pour {sodyctia rosea, et détermine l’aceroissement de volume de ces larves. Get acerois- sement de volume de la masse interne qui n’est pas suivi par celui de la couche cellulaire externe, facilite, si elle ne explique pas la disparition de cette couche en de nouveaux points de la larve. Sur les larves qui se développent rapidement et qui me semblent normales, cette disparition de la couche ciliée se pro- duit à la partie antérieure où cette nouvelle saillie de la masse interne forme alors une saillie (fig. 50); mais chez les larves dont le développement en aquarium se fait plus lentement et que Je considère comme anormales, cet amincissement et cette disparition de l’exoderme se fait en un point quelconque de la larve, elle se produit quelquefois en plusieurs points différents. Ces productions de hernies de la masse interne ont de l’imtérèt au point de vue de la fixation ; jy reviendrai. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 69 Les larves des Éponges siliceuses s’accroissent donc comme celles des Éponges sans spicules pendant qu’elles vivent en liberté ; mais il se passe de plus chez elles à cette époque un phénomène qui ne se produit que beaucoup plus tard chez les Éponges calcaires. C’est toujours pendant qu’elles vivent en liberté que les spicules apparaissent, elles n'apparaissent, au contraire, qu'après la fixation chez les Calcispongiaires ; 1l est intéressant de rappeler, toutefois, que chez certames larves anormales d'Éponges calcaires, les spicules apparaissent avant la métamorphose, comme chez celles des Éponges siliceuses. La figure 49 montre que les spicules des Éponges siliceuses sont répandues dans toute la masse plasmatique interne; toutefois, quand on examine avec som un certain nombre de larves, on peut s'assurer que la région où elles sont plus nombreuses et qui me semble être par conséquent leur centre de formation est à la limite entre la calotte colorée et le reste de la larve, c’est-à-dire à la partie comparable à la bouche de la Gastrula : cette partie représentant le premier indice du mésoderme, les spicules paraissent donc être un produit mésodermique chez les Éponges siliceuses. Je crois, avec Carter, que les spicules ne naissent pas à la partie antérieure des larves ; elles ne naissent pas non plus à son extrémité postérieure, mais elles y pénètrent après leur formation, ce qui ne doit pas être difficile dans cette substance plasmatique continue. 0. Schmidt, Kælliker, Lieberkühn, Haeckel se sont déjà bien occupés du mode de formation des spicules, et la question de savoir si elles se forment oui ou non à l’intérieur de cellules a été souvent agitée. À l’époque où elles apparaissent chez les larves d'Éponges siliceuses, la couche interne ne m'a jamais présenté d’élément cellulaire reconnaissable, les amas de sar- code avec ou sans noyau qui s’attachent assez souvent aux spi- cules m'ont semblé accidentels, et n’ont pas à mes yeux la valeur d’une cellule : je ne crois pas que les spicules naissent dans des cellules. En général les spicules, quand elles apparaissent dans la larve, présentent la même forme que celles de l'adulte, leur taille seule est moindre; j'ai cependant rencontré parfois 70 C. BARROIS. chezles larves de Desmacidon fruticosa des spicules (fig. 55), qui semblaient recouvertes extérieurement de petits globules inso- lubles dans les réactifs ; cette observation m'a amené à recher- cher si les spicules ne pouvaient être des cristallites formés par ces globules? En effet, Vogelsang (1) a montré par de nom- breuses expériences que les globulites étaient la forme primitive sous laquelle se présente un corps eristallisable, se séparant d’un milieu résistant; le groupement de ces globulites est déterminé par la force de cristallisation du corps et la résistance du milieu extérieur qui agissent en sens contraire. Les granules calcaires des Myxomycètes décrits par De Bary (2), les globules siliceux des diatomacées décrits par Stodder (3) sont des ylobulites ; peut-on aussi considérer les spicules d’'Éponges comme des groupements de globulites, comme des longulites de Vogelsang? J'ai répété dans ce but les expériences de Harting (4) sur la production des formations calcaires dans les substances orga- niques, mais en employant des Éponges & comme milieu orga- nique. Il faut faire naître un précipité calcaire au milieu d’un liquide organique par la double décomposition d’un sel calcaire soluble et d’un carbonate alcalin, la rencontre et le mélange des solutions ne devant se faire que très-lentement. Pour arri- ver à ce résultat, Harting a décrit de nombreuses méthodes ; j'ai réussi d’une façon très-simple, ce qui est sans doute dû à la facilité avec laquelle ces productions prennent naissance chezles Éponges. Je mettais un certain nombre d’Éponges vivantes dans un vase, et les recouvrais d’eau de mer; je renversais ensuite sur ces Éponges deux éprouvettes contenant l’une du chlorure de calcium, l’autre du carbonate de potasse, et qui avaient été auparavant fermées au moyen de papier-parchemin végétal, serré par des rondelles de caoutchouc; je recouvrais ensuite le (1) H. Vogelsang, Sur les Cristallites (Archives Néerlandaises, vol. V, 1870, p. 456; vol. VI, 1871, p. 223 ; vol. VII, 1872, p. 38 et 385). (2) A. de Bary, Die Mycetozon, 2 aufl. Leipzig, 1864. (3) Stodder, American Naturalist., p. 701, n° 11, 1873. (4) P. Hartiug, Recherches de morphologie synthétique (Acad. des sciences Néerlandaises, vol. XIV, 1872). ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 71 vase, laissant les deux sels s’avancer lentement l’un vers l’autre. J'ai tenté cette expérience sur un grand nombre d'espèces d’Éponges ; le plus souvent elles se décomposent, entrent en putréfaction, et ne peuvent rien apprendre; l'espèce qui se prête le mieux à cette expérience et qui n'a ainsi fourni de belles formations calcaires est l'Hymeniacidon caruneula Bowk. Ces formations sont très-variées, elles sont identiques à celles qui ont été produites dans d’autres circonstances par Harting (1), il y a même de ces appareils si particuliers qu'il a appelés des conostats (pl. 2, fig. 1). J’ai obtenu ces formations au bout de trois semaines, C'est-à-dire beaucoup plus rapidement que Harting ; c’est donc un résultat de mes expériences que ces formations calcaires prennent naissance plus rapidement chez les Éponges que dans beaucoup d’autres substances organiques. C'est même le seul résultat de ces expériences, ear si on peut comparer les plus petits globulites calcaires artificiels (pl. 7, fig. 1, C) aux globulites qui formaient (dans un cas) les spicules des larves de Desmacidon fruticosa, on ne peut comparer entre eux les groupements de ces globulites qui sont excessivement différents, les spicules des Éponges étant des formations eylin- droïdes, creuses, composées par un grand nombre de minces lamelles concentriques, superposées, et de composition chi- mique variable. Le mode de naissance des spicules des Éponges nécessitera done encore de nouvelles recherches. E. Métamorphose. — Les larves libres des Isodyctia rosea et Desmacidon fruticosa sont arrivées à l’époque de leur fixation quand elles ont leurs spicules, une calotte colorée nue avec couronne de longs flagellums à leur partie postérieure, et une autre papille nue à leur partie antérieure. La fixation des Éponges siliceuses a déjà été étudiée par Lieberkühn, Laurent, Carter, 0. Schmidt; pour Carter, elle se fait par la partie posté- rieure ; pour O. Schmidt, elle se fait par un point quelconque de leur surface, et, pour Laurent, par la partie antérieure. La fixation se fait par la calotte nue de la partie postérieure (4) Harting, loc. cit., pl. 1, fig. 2, 3, 4 a, g; pl. 2, fig. L B, pl. 5, fig. 6, 7. * » 72 C. BARROIS. comme le dit M. Carter, assez souvent cependant elle se fait par la papille nue antérieure, et chez les larves ayant vécu longtemps en aquarium, elle se fait par une des saillies irrégulières de la masse plasmatique qui perce en plusieurs points l’exoderme de ces larves anormales : en règle générale, la larve se fixe par une partie quelconque de la masse interne fusant sulle hors de l'exoderme. Le Desmacidon fruticosa se fixe presque toujours par sa partie postérieure ; les figures 51 et52 en sont des exem- ples, la figure 50 est une larve âgée, sur le point de se fixer, et dont la partie postérieure est déjà Lei: ; l’Isodyctia rosea se fixe assez souvent par sa papille antérieure. La figure 54 repré- sente une jeune {sodyctia fixée de ce côté, elle montre à sa par- tie supérieure la calotte colorée de sa partie postérieure ; j'ai vu très-souvent des larves de cette fsodyctia fixées par le côté, comme celles représentées par O0. Schmidt; je les considére comme des larves anormales, ayant vécu longtemps en aqua- rium. Les larves que l’on élève en aquarium se soudent très- souvent entre elles, ces soudures se font toujours par les sallies de la couche interne que je viens de décrire, soit par les posté- rieures ou les antérieures; mais ce sont toujours les mêmes extrémités des embryons qui sont réumies entre elles. Quand deux embryons sont ainsi réunis bout à bout, 1ls ne peuvent plus ordinairement se diriger en avant, ils n’ont plus que des mouvements latéraux, 1ls roulent sur le côté; ils peuvent cependant vivre ainsi pendant bien longtemps : J'ai conservé de ces larves doubles qui se sont même métamorphosées et fixées dans mes aquariums. Quand la larve s’est fixée, elle s’aplatit graduellement, elle a bientôt ainsi une forme irrégulière et se montre formée de deux couches : l’inférieure, qui est une masse de protoplasme sombre, granuleux, avec spicules; la supérieure plus mince, transparente, contient des noyaux et des cellules irrégulières étoilées. La jeune Éponge n’a pas de bouche à cette période de son développement. F. Développement de la jeune Éponge n l'Éponge adulie. — La formation de lPoscule est un des points les plus importants ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 149 de l’embryogénie des Éponges siliceuses. Quand on élève un assez grand nombre de leurs larves, 1l y en a qui se fixent sur les parois du vase où elles sont placées, mais d’autres se fixent à la partie supérieure de la nappe liquide au contact de l'air. Si l’on examine ces dermières alors qu’elles sont métamorphosées, on trouve presque toujours que leur couche externe se prolonge en une sorte de tuyau creux qui peut attendre deux fois la lon- gueur de la jeune Éponge (fig. 54, #); il y a quelquefois plusieurs de ces tuyaux; ces organes ont d’abord été décrits par Laurent (1), puis ont été revus par Lieberkühn (2) et Carter (3), on s’est accordé à y reconnaitre les oscules. Les jeunes Éponges qui ne flottent pas, mais qui se sont fixées sur l’aquarium ne présentent que rarement cet organe; cette remarque m'avait amené à penser d’abord que c'était un organe d'adaptation destiné à soutenir en équilibre les jeunes Éponges qui se fixent à la surface de l’eau ou sur les petits corps flottants qui n’offrent que peu de stabilité. Je me suis toutefois assuré que cet organe existait aussi chez toutes les jeunes Éponges fixées sur les parois de l'aquarium, mais son existence y est beaucoup plus transitoire et de moins longue durée, ce qui explique pourquoi on l’observe moins souvent : c’est une nouvelle preuve de la plus grande rapidité du déve- loppement des larves qui se trouvent dans de bonnes condi- tons, et de la lenteur du développement des autres. Ces tuyaux creux sont habituellement fermés à leur extrémité, on en voit quelquefois qui sont ouverts, mais cela ne dure pas bien longtemps ; à peine sont-ils ouverts que la couche externe qui les forme et qui a des mouvements amæboïdes comme la couche externe des Éponges calcaires, se contracte, elle se retire, le tuyau s’affaisse ainsi sur l’Éponge, à la surface de laquelle se trouve alors le trou ouvertau haut du tuyau, c’est- à-dire l’oscule. L'oscule des Éponges siliceuses est donc un (1) L. Laurent, Voyage de la Bonite. Paris, 1844. (2) Lieberkühn, Müllers Archiv, 1856. (3) I J. Carter, Notes on the sponges.. of Bombay (Annals and mag. nut. hist., 1848, p. 505). 74 €. BARROIS. organe sans rapports avec les cavités de la larve; sa formation est déterminée par les fonctions qu'il devra remplir, l’eau absorbée par les pores de la jeune Éponge ne peut sortir assez rapidement par ces mêmes pores quand celle-ci se déve- loppe, elle s’accumule donc entre les deux couches de cette Éponge, soulève l’externe qu’elle allonge en tuyau; celui- ci s’ouvre enfin à son extrémité, et l’oscule est formé : l’eau sort librement par cette ouverture, et la couche externe n'étant plus distendue, se contracte et retourne s'appliquer de nouveau sur la couche inférieure de l’Éponge. L'oseule des Éponges ne peut donc être considéré comme homologne de la bouche des zoophytes véritables, ni comme base de Pindividualité de l’Éponge; j'arrive done, quoique par une voie bien différente à la manière de voir de Micklucho-Maciay (1), pour qui les oscules sont homotypes des pores. Les canaux de l'Éponge sont des lacunes qui se creusent dans la couche inférieure de l'Éponge fixée. Avant la for- mation de ces organes apparaissent les corbeilles vibratiles, elles se montrent tout à coup avant la formation de loscule et dès les premiers moments de la fixation, sous la forme de sphères fermées et n’ayant aucuns rapports entre elles; Je ne reviendrai pas sur la description de ces parties que j'ai donnée en détail en étudiant les Myxospongiaires. Les canaux, comme le montrent les figures 51 et 52, se creusent entre les corbeilles vibratiles, quelquefois ces corbeilles présentent une disposition radiaire autour des canaux, elles rappellent alors la constitu- tion des Sycons. L’Éponge arrivée à ce point de son développement possède toutes les parties de l’adulte, son volume seul croitra par la suite. Ici s'arrête donc l'étude de l’embryogénie de fsodyctia rosea, mais la Desmacidon fruticosa apprend encore quelque chose de plus. Dans le genre Desmacidon caractérisé par Bowerbank par son squelette fibreux avec spicules, les spicules sont renfermées dans des fibres kératoïdes au lieu d’être plongées (1) Micklucho-Maclay, Mémoires de l'Académie des sciences de Saint-Péters- bourg, T° sér., t. XV, n° 3, 1870. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 79 directement dans le parenchyme de l'Éponge; j'ai pu observer la naissance de ces fibres kératoïdes. Max Schulze (1), Max Muller (2), Micklucho-Maclay (3), ont déjà recherché le mode de formation de la matière cornée des Éponges, mais on n’a pas encore décrit son apparition chez les jeunes éponges. Quand les larves de Desmacidon fruticosa se fixent, elles contiennent des spicules, les fibres kératoïdes n’apparaissent qu'après la fixation, c'est-à-dire après les spicules. La figure 53 est une préparation d’une jeune Desmacidon fruticosa récem- ment fixée, elle montre l’exoderme vu de dessous, Pendoderme ayant été enlevé; cet exoderme est hyalin, il contient des gra- nules et des cellules étoilées, il se prolonge en cornets dont la pointe ouverte et dirigée en haut sur le dessin (4), laisse sortir quelques spieules. Ges cornets s’allongent de plus en plus, et deviennent ainsi des tubes; les spicules primitivement dissémi- nées au hasard dans la jeune Éponge, se disposent en files que les tubes, en se développant, viennent englober. On voit done que ces fibres kératoïdes naissent de l’exoderme, qu’elles pénè- trent ensuite dans la couche imférieure où elles recouvrent les spicules qui se réunissent en faisceaux. La structure de ces cor- nets ou fibres kératoïdes est primitivement la même que celle de l’exoderme, il convient donc plutôt de les faire naître aux dé- pens de cette couche, que de les faire dériver d’un durcissement de la couche inférieure commençant au contact de l’exoderme. L'apparition des fibres kératoïdes chez les autres Éponges cornées, se fait sans doute de la même façon que chez les Desmacudon; la formation de la matière cornée se poursuit ré- gulièrement pendant tout le cours de la vie de l’'Éponge. Le nombre et le degré de consistance de ces fibres dépend donc, en première ligne de l’âge de l'Éponge, les divisions des Épon- (1) Max Schulze, Die Hyalonemen, Bonn, 1860, p. 24, 55. (2) Max Muller, Archio fur Mikroskop. Anatomie, Bd I. (3) Micklucho-Maclay, Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, T° sér., PAXVE NS, LS TU: (4) En haut sur le dessin, et par conséquent dirigés en bas chez la jeune éponge vivante et fixée. ANN. SC. NAT., JUIN 1876. I. 26. — ART. N° 11. 76 C. BARBROIS. ges siliceuses basées sur ces caractères par 0. Schmidt (1) et Bowerbank, ne sont donc pas bien heureuses, comme Micklüucho- Maclay l’a déjà fait voir. $ 2. RÉSUMÉ DES HALICHONDRIDA.. Les Halichondrida présentent en dehors de leurs corbeilles vibratiles (endoderme) des œufs, et des cellules ou pelotes gra- nuleuses qui ont des rapports avec les cellules mères des sper- matozoides. Je n’ai pas vu cependant la fécondation. Le pig- ment et les pseudocelles apparaissent dans l'œuf avant la segmentation. e l’on compare le développement de ces Éponges avec celui des Éponges calcaires ou des Éponges sans spicules, on arrive aux conclusions suivantes : dans tous ces groupes il y a segmen- tation totale avec formation d’une cavité de segmentation, puis différenciation en deux parties des éléments cellulaires ainsi formés. Les uns se transforment en cellules longues, transpa- rentes, ciliées, et forment dans les trois groupes d’'Éponges la partie antérieure de l’embryon; les autres se transforment d’une façon plus complète, en grosses cellules chez les Galci- spongiaires, en cellules à courts flagellums chez les Myxospon- giaires, en un plasmodium continu chez les Halichondridu, mais dans les trois cas elles forment la partie postérieure de l'embryon. Chez les Halichondrida, cette partie postérieure est beaucoup plus développée que dans les groupes précédents, elle ne forme pas seulement la partie postérieure de l'embryon, mais remplit en entier son intérieur. Ces parties homologues des embryons d’Éponges naissent de façons différentes et à des stades différents du développement de ces animaux. Ainsi chez les Éponges fibreuses et chez les Éponges calcaires (je ne parle que des types étudiés par moi, et n’ai pas l’intention de géné- raliser), la formation de la partie postérieure de l’embryon est indiquée dès la segmentation, elle n'apparaît que bien plus tard chez les Myxospongiaires et les Éponges siliceuses; chez (1) O. Schmidt, Spongien des Adriatischen mecres, p. 82. ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 77 les Myxospongiaires, c’est une différenciation de la partie posté- rieure de la larve, chez les Éponges siliceuses elle naît par . délamination de la partie interne de la larve. Chez les Halichondrida, à la limite entre la calotte colorée postérieure et le reste de la larve, apparait une couronne de flagellums qui peut être comparée à la bouche de la Gastrula ; c'est la région de la formation des spicules. L’exoderme des larves d'Halichondrida ne forme qu'un mince revêtement cilié à la surface de la partie de la larve qui est en avant de la cou- ronne de flagellums ; pendant la vie à l’état hibre, la partie pos- térieure et interne (partie plasmatique) de la larve se développe comme dans les autres groupes d’Éponges, elle fait saillie hors de l’exoderme à la partie antérieure et quelquefois en d’autres points encore de la larve. C’est par une de ces saillies que la fixation se produit, les Desmacidon fruticosa se fixent, par la partie postérieure, les fsodyctia rosea le plus souvent par la partie antérieure. La jeune Éponge siliceuse fixée est formée de deux couches : externe, mince, cellulaire, est l’exoderme ; l’interne, masse sar- codique où se trouvent les spicules et où apparaissent bientôt les corbeilles vibratiles, peut être considérée comme le repré- sentant du mésoderme et de l’endoderme, partiellement con- fondus chez la larve. Les canaux de l’Éponge sont des cavités irrégulières qui se creusent entre les corbeilles vibratiles, les oscules n’ont de rapports avec aucune partie déterminée de la larve, ce sont des organes d'adaptation homotypes des pores. Les fibres kératoïdes dépendent de l’exoderme, elles se forment après la fixation de l’Éponge et bien après les spicules. CONCLUSIONS. Les observations consignées dans les pages précédentes ont eu pour objet l'étude du développement de quelques Éponges rangées dans les groupes les plus distincts de ces animaux; le résultat de ces observations a été la description de stades suc- cessifs comparables dans les différents groupes d’Éponges, mais 78 €. BARROIS. rentrant assez difficilement dans les cadres schématiques ne par Haeckel. Ce que j'ai vu du développement des Éponges, m'a amené à. cette conclusion que tous les groupes d’Éponges présentent Les môme processus essentiels du développement, mais que ces sla- des apparaissent dans ‘un ordre différent, et plus ou moins mo- difiés par diverses circonstances, dans les différents groupes. Ce mode général de développement, ou cyele primitif, que Je crois pouvoir déduire demes observations, ne me semble pas être une Gastrulafixéeen Hydraire et dont l’endoderme se ramifie en sys- tème gastro-vasculaire, mais une masse compacte composée de deux feuillets superposés, l'extérieur représentant l'exoderme, l'intérieur représentant la réunion des feuillets interne et moyen. Telle est, d’après moi la forme commune aux différentes fa- milles d'Éponges; je vais rappeler en quelques mots comment elles y sont arrivées, comment elles s’en éloignent. L'œuf des Éponges apparait dans la couche formatrice du squelette (mésoderme de F. E. Schulze), 1l présente d’abord les mêmes caractères dans les différents groupes ; mais la for- mation du pigment et des DORE S distingue bientôt celui des Éponges siliceuses. Je n’ai jamais vu la fécondation; la seg- mentation de l'œuf est totale et régulière, chaque groupe pré- sente des particularités dans la marche de ce phénomène, ce- pendant le résultat en est constant, 1l se produit une cavité de segmentation, et finalement une sphère généralement creuse. Cette sphère se différencie en deux parties chez toutes les Éponges, les éléments qui formeront l’exoderme, se dévelop- pent à un pôle, les éléments qui formeront les autres feuillets, se montrent au pôle opposé. Ge processus présente toutefois des hétérochronies intéressantes; tandis que la distinction est re- connaissable chez des Éponges calcaires et des Éponges fi- breuses dèsles premières périodes du fractionnement, elle ne se fait chez les Halisarea et les Halichondrida que lorsque lem- bryon arrive à l’état de larve libre. Quand la sphère est ainsi différenciée en deux moitiés histo- logiquement différentes, il se produit chez les Calcispongiaires ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 79 une invagination de l’une de ces moitiés dans celle qui repré- sente l’exoderme, ce n’est qu’un stade transitoire que jen’ai pas vu chez les autres familles d'Éponges. Il y à ensuite dévagina- tion dela Gustrula des Éponges calcaires; la limite entre les deux moitié de la sphère ainsi produite, correspond alors à l’ancienne bouche de la Gastrula. Cette partie est très-nettement distincte chez les larves libres des différentes familles; elle est repré- sentée par une couronne régulière de cellules chez les Éponges calcaires, parunecouronnede grands flagellums chez les Éponges fibreuses et les siliceuses, mais est moins distincte chez leslarves d'Halisarea. Gette couronne est, d’après moi, le point de départ de la formation des spicules, elle est le seul indice du mésoderme de la larve; elle a son plus grand développement chez les Éponges dont les produits mésodermiques sont les plus abondants (Éponges spiculées), elle est réduite chez les Éponges sans spicules (Halisarea). La formation des spicules fournit un nouvel exemple d'hétérochronie; elles se forment chez les Halichondrida avant la fixation, elles ne se forment qu'après chez les Calcispongiaires, c’est du moins l’état normal. La généralité de l’apparition des spicules à un rayon avant. celle des spicules à plusieurs rayons, a de l’importance pour l’histoire des genres. Les cellulesde la larve qui formeront l’exoderme de l’Éponge sont des cellules longues, transparentes, ciliées, elles forment dans les divers groupes la partie antérieure de l’embryon, les éléments quireprésentent les deux autres feuillets diffèrent plus entre eux, chez les Calcispongiaires, ce sont de grosses cellules arrondies; chez les Myxospongiaires, ce sont des cellules pris- matiques à courts flagellums; chez les Halichondrida, 11s sont réunis en un plasmodium continu. Chez ces dernières Éponges, ces feuillets sont produits par une délamination de la partie im- terne de la larve; dans les autres groupes, ils prennent nais- sance par la différenciation directe de la partie postérieure de la larve; mais dans les deux cas le résultat est le même, grâce à l'extension au dehors, vers la partie postérieure de la larve, de la masse des feuillets internes. 80 C. BARROIS. La fixation des larves à lieu par leur partie postérieure, c’est-à-dire par les feuillets qui forment normalement cette partie; à cette époque la jeune Éponge est dans les différents groupes une masse compacte composée de deux feuillets super- posés, l'extérieur représentant l’exoderme, l’intérieur repré- sentant la réunion des feuillets interne et moyen; les différents groupes ne sont alors distincts que par leurs spicules. La jeune Éponge fixée ne diffère de la larve que par sa forme aplatie et irrégulière. Le premier phénomène que présente le développement de celte jeune Éponge, est la séparation du feuillet inférieur en en- doderme et en mésoderme; ce phénomène se manifeste par l'apparition d'éléments endodermiques spéciaux cireonscrivant un système particulier de cavités. C’est le système des cavités endodermiques, le plus important de ces systèmes, au point de vue de la classification; 1l est représenté par les corbeilles vi- bratiles des Leucons et des Halichondrida, par les tubes radiai- res vibratiles des Sycons. Il se produit ensuite plusieurs autres systèmes de cavités chez Jes jeunes Éponges ; l’un d’eux que j'ai appelé système des ca- vités mésodermiques, est le système des canaux (Leucons) inter- canaux (Sycons), il est déterminé par la formation de vacuoles irrégulières qui se creusent dans le mésoderme entre les organes vibratiles. Un troisième système de cavités est celui auquel l'Éponge prend part tout entière, comme on en a des exemples dans les Sycons, Poterion, plusieurs Veluspa, et autres Éponges sili- ceuses en forme de coupe. Un quatrième système de cavités est celui qui est déterminé par les soudures imcomplètes des différents membres d’un polypier d’'Éponge. L'importance des caractères étant subordonnée à leur ordre d'apparition chez l'embryon, le caractère le plus important pour la classification naturelle des Éponges adultes est fourni par les spicules, la disposition des premiers systèmes de cavités vient après; puis se succèdent ensuite l’apparition des ouver- tures, l’arrangement des spicules et la formation des fibres. Je ARTICLE N° 11. EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. LA limite la dénomination d’oscules aux ouvertures des cavités du système mésodermique, ils sont homotypes des pores. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHES 12, 13, 14, 15 ET 16. Les dessins ont été faits à la chambre claire et avec le microscope de Hartnack Lettres communes à toutes les figures. ex, exoderme. c, cavité de segmentation. cb, corbeïlles vibratiles. sp, spicules. Fig. 1. Œuf de Sycandra compressa, avec la vésicule germinative. Obj. 8. Fig. 2. Œuf de Sycandra compressa, avec 2 noyaux embryonnaires. Obj. 8. Fig. 3. Œuf de Sycandra compressa, divisé en 4 cellules de segmentation. Obj. 8. Fig. 4. Œuf de Sycandra compressa, divisé en 8 cellules de segmeniation, Obj. 8. Fig. 5. Œuf de Sycandra compressa, divisé en 16 cellules de segmentation, et montrant le premier plan équatorial de segmentation. Obj. 8. Fig. 6. Œuf de Sycandra compressa au stade 8 en place dans l'éponge mère, et recouvert par l’endoderme : 0, œuf en place; , cellules flagellées de l’en- doderme de l’adulte. Obj. 8. Fig. 7. Œuf de Sycandra compressa segmenté et en place ; on voit la différen- ciation des éléments en deux parties : f, cellules flagellées de l’endoderme de l’adulte ; #s, mésoderme de l'adulte; p, partie antérieure claire ; d, partie postérieure opaque. Obj. 8. Fig. 8. Embryon de Sycandra compr'essa ; la différenciation des deux parties est plus accentuée : en, endoderme. Ob)j. 8. Fig. 9. Embryon de Sycandra compressa ; la moitié des grosses cellules s’inva- gine dans la cavité de segmentation ; je n’ai indiqué qu’un seul rang de ces cellules pour simplifier la figure : en, endoderme ; f, cellules flagellées de l’endoderme de l’adulte; ms, mésoderme de l’adulte ; in, cavité d'invagi- nation. Obj. 8. Fig. 10. Embryon de Sycandra compressa plus âgé en place; les grosses éel- lules sortent de la cavité de segmentation ; les cils vibratiles apparaissent. Les lettres employées sont les mêmes que celles de la figure 9. Obj. 8. Fig. 11. Pseudocelles. Obj. 8. 89 C. BARROIS. Fig. 12. Larve libre de Sycandra compressa quand elle vient d’éclore : em, en- doderme ; co, collier des cellules vibratiles. Obj. 8. Fig. 13. Larve libre de Sycandra compressa adulte, montrant l’accroissement de la partie postérieure et la formation de la couronne : #, couronne, pre- mier indice du mésoderme ; en, endoderme ; co, collier des cellules vibra- tiles. Obj. 8. Fig. 14. Cellules de la couche inférieure des jeunes Éponges fixées. Obj. 9. Fig. 15. Éponge de Sycandra compressa quand elle vient de se fixer, avec des pseudopodes et des restes des grosses cellules de la couronne, spicules en bâton : em, ensemble du mésoderme et de l’endoderme; ps, pseudopodes d’exoderme ; cv, cavité ; m, reste de la couronne. Obj. 5. Fig. 16. Sycandra compressa fixée, ovoïde, avec spicules à un et à trois rayons. Obj 5: Fig. 17. Sycandra compressa fixée, plus âgée que la précédente, montrant l’in- vagination buccale. Obj. 5. Fig. 18. Sycortis ciliata à l’état qui suit Gastrula quand l’embryon est sur le point de passer à l’état de larve libre : en, endoderme ; co, collier des cel- lules vibratiles ; f, cellules flagellées de l’endoderme de l’adulte ; ms, méso- derme de l’adulte. Ohj. 8. Fig. 19. Larve libre de Sycorts ciliata montrant nettement la couronne : en, endoderme ; %#, couronne, premier indice du mésoderme ; co, collier des cellules vibratiles. Obj. 8. Fig. 20. Jeune Sycortis ciliata avec spicules en bâton, quelques rares spicules à trois rayons, et invagination buccale. Obj. 5. Fig. 21. Ascandra contorta.à l’état d’embryon quand les grosses cellules sortent de la cavité de segmentation : en, endoderme ; m, couronne, premier indice du mésoderme ; co, collier des cellules vibratiles. Obj. 8. 2 2 ] Fig. 22. Ascandra contorta fixée, avec spicules et bouche. Obj. 5. Fig. 23. Œuf de Halisarca lobularis, avec vésicule germinative. Obj. 4. Fig. 24. Œuf id. segmenté en deux parties. Obj. 4. Fig. 25. Œuf : id. segmenté en quatre parties. Oh]. 4. Fig. 26. Œuf id. segmenté en un grand nombre de par- ties, toutes les sphères de segmentation étant semblables entre elles. Il y a une grande cavité de segmentation (c) : b, cellules du blastoderme. Obj. 4. Fig. 27. Œuf de Halisarca lobularis dont la segmentation est plus avancée : b, cellules du blastoderme. Obj. 4. | Fig. 28. Embryon de Halisarca lobularis dont les sphères de segmentation se sont très-allongées ; elles ne portent pas de flagellums : b, cellules allongées du blastoderme. Obj. 4. Fig. 29. Cellules de la larve libre traitées par un mélange d’acide azotique et d'acide acétique : ex, base des cellules ; co, collier de ces cellules. Obj. 9. Fig. 30. Larve libre de Halisarca lobularis ; les cellules de sa partie postérieure ARTICLE N° {1. ) EMBRYOLOGIE DE QUELQUES ÉPONGES DE LA MANCHE. 83 sont plus grosses et portent des flagellams plus courts que ceux de la partie antérieure : en, endoderme ; co, collier des cellules flagellées. Obj. 4. Fig. 91. Larve libre de Halisarca lobularis ; sa partie postérieure est plus dif- férenciée qu'au stade précédent : en, endoderme; co, collier des cellules flagellées. Oh 4. Fig. 32. Larve libre de Halisarca lobularis; les deux parties sont très-diffé- renciées : en, endoderme. Ob)j. 4. Fig. 33. Cellules de la partie postérieure de la larve. Obj. 9. Fig. 34. Jeune Halisarca lobularis fixée, avec corbeilles vibratiles à sa partie inférieure : ms, mésoderme ; ca, formation des canaux.-Obj. 4. Fig. 55. Jeune Halisarca lobularis fixée, plus âgée que la précédente, avec corbeilles vibratiles et canaux : #5, mésoderme ; ca, canaux. Obj. 4. Fig. 36. Cellules constifuantes de la corbeille vibratile; elles sont vues de dehors pour montrer le noyau. Obj. 9. Fig. 37. Larve libre de Halisarca Dujardini : en, endoderme. Obj. 4. Fig. 38. Larve jeune de Gummina? mimosa quand les grosses cellules de la partie postérieure sont imvaginées dans celles de la partie antérieure : en, en- doderme. Oh}. 5. Fig. 39. Œuf segmenté de Verongia rosea, où la division en deux parties est déjà indiquée : p, partie antérieure claire; d, partie postérieure opaque. Obj. 4. Fig. 40. Larve libre jeune de Verongia montrant la division en deux parties et la formation de la couronne : en, endoderme; co, couronne, premier indice du mésoderme. Obj. 4. Fig. 41. Larve libre de Verongia rosea plus âgée, montrant la papille anté- rieure (p) et la couronne postérieure plus développée (co); en, endoderme. OH 4 à Fig. 42. Cellules et pelotes granuleuses d’une Isodyctia indéterminée ; cellules mères des spermatozoïdes ? nématocystes d’Eimer ?. Obj. 8. B, cordon avec cellules; A, cordon où les cellules sont transformées en pelotes ; CG, cordon où les pelotes sont sans doute décomposées; D, une cellule isolée. Fig. 43. Pseudocelles d’Isodyctia rosea. Ohj. 8. Fig. 44. Œuf de Isodyctia rosea, segmenté au stade 2. Obj. 4. Fig. 45. Œuf id. segmenté au stade 4. Obj. 4. Fig. 46. Œuf de Desmacidon fruticosa, segmenté en plusieurs sphères. Obj. 4. Fig. 47. Œuf de Desmacidon fruticosa, segmenté en nombreuses sphères. Obj. 4. Fig. 48. Embryon de Isodyctia rosea sans cils, avec sa calotte rouge à la partie postérieure : p, partie antérieure claire; d, partie postérieure opaque. Obj. 4. Fig. 49. Embryon de Isodyctia rosea avec cis et spicules ; la délamination est 84 C. BARROIS. opérée : en, endoderme recouvert par l’exoderme; end, endoderme nu sans exoderme ; #%, couronne flagellée, premier indice du mésoderme. Obj. 4. Fig. 50. Larve de Desmacidon fruticosa, plus âgée que les précédentes, mon- tant la papille endodermique antérieure p : %#, couronne flagellée, premier indice du mésoderme ; en, endoderme recouvert par l’exoderme ; end, en- doderme nu sans exoderme. Obj. 4. É Fig. 51. Jeune éponge de Desmacidon fruticosa, fixée, vue de dessus, et mon- trant (tu) le tuyau de l’oscule : m, mésoderme; ca, cavité du mésoderme recouverte par l’exoderme. Obj. 2. Fig. 52. Jeune éponge de Desmacidon fruticosa, fixée, vue de dessous, mon- trant les corbeilles vibratiles et les canaux : m, mésoderme ; ça, formation des cavités ; f, fibres. Obj. 6. Fig. 53. Exoderme (l’'endoderme a été enlevé) de Desmacidon fruticosa jeune, vu de dessous et montrant la formation des cornets kératoïdes (f) qui em- pâtent les spicules sp. Obj. 5. Fig. 54. Jeune Isodyclia rosea, fixée par sa partie antérieure et montrant sa calotte en haut : mend, ensemble de l’endoderme et du mésoderme de la partie postérieure de l’embryon ; men, ensemble de l’endoderme et du méso- derme de la partie antérieure de embryon; p, pores. Obj. 4. Fig. 55. Naissance de quelques spicules de Desmacidon fruticosa. Obj. 9. ARTICLE N° 11. NOTE SUR QUELQUES REPTILES DU MEXIQUE Par M. F, BOCOURT. Cinq Alligators en peaux que le Muséum d'histoire natu- relle doit aux soins de M. Sumichrast proviennent de la vallée de Tonala, province du Chiapas. Ces animaux offrent, par leur provenance, un intérêt de géographie zoologique considérable, et doivent être considérés comme appartenant à une nouvelle variété de VAE. (Jacare) punctulatus de Spix. Jusqu'à présent les AUligatoridæ n'avaient été trouvés : les uns qu'aux États-Unis, les autres que dans les marécages ou les nombreux cours d’eau qui baïgnent la Guyane, le Brésil, le Pérou et FUraguay. Aussi devait-on supposer que lespace considérable qui sépare la première de ces contrées de celles situées dans la partie méridionale du continent américain n’était habité que par des Crocodiles. Mais, d’après cet envoi, 11 est à peu près certain que toute la région intertropicale nourrit également des Alligators. En tenant compte de la classification par J. Gray des Emydosauriens, Trans. z00l. Soc. London, 1869 (Synops. spec vecent Croc. or Emydosaus, p. 162), cette nouvelle variété appartiendrait à la section B du genre Jacaré, laquelle contient déjà, d’après ce naturaliste, quatre espèces, dont l’une, Jacare punclulatus, représente, par l’ensemble des caractères qui la constitue, le type de cette division. On peut reconnaître notre variété de l’espèce typique par Les particularités suivantes : 1° Museau un peu plus large et plus lisse ; la saillie osseuse qui relie les orbites s'arrête brusquement au-devant des veux ; ANN. SC. NAT. — ART. N° 12. 2 F. BOCOURT. 2° bouclier cervical composé de quatre écussons ainsi disposés sur trois exemplaires 2-4-2-9, sur un autre 3-4-9-9, enfin sur le cinquième 1-4-2-9, et non 4-4-9-9, comme cela se voit chez les spécimens du Muséum provenant de l'Amérique du Sud : 9 sur le dos on compte dix-neuf séries d’écussons jusqu’au niveau postérieur des cuisses, el treize à quatorze sur la pre- mière partie de la queue, une ou deux de plus que chez l'A. punctulatus ; 4° à la région la plus élargie du tronc on voit en dessus quelques séries transversales composées de huit écus- sons, rarement de dix; au dessous, au même niveau, on en compte quatorze, et par exception seize sur l’un des spécimens. Longueur totale du plus grand exemplaire, 1,35. Les taches brunes qui ornent les parties supérieures du corps ressemblent beaucoup à celles qui se voient chez les Jucare ocellata et longiscutata Gray (voy. loc. cit., pl. 33 et 34). Gomme nous l'avons dit, cette variété se rattache, par ses caractères généraux, au Jacare punctulatus ; cependant, comme on peut la distinguer de cette espèce par la disposition diffé- rente des écussons cervicaux, nous croyons, afin de rappeler son habitat, devoir lui donner le nom de A/!. (Jacure) Chia- parius. £ Voici quelques renseignements donnés par M. Sumichrast sur les mœurs de ces animaux : « Ces Alligators, appelés Hui- zizil par les Indiens, n’atteignent jamais une taille supérieure à celle du mâle adulte que je vous adresse. Ils ne vivent pas, comme les Crocodiles, dans les rivières ou les estuaires, mais dans les marécages et les cours d’eau de peu de courant; ils sont beaucoup plus vifs que ces derniers, plus irascibles; quand on bat l'eau pour les y découvrir, ils sortent de leur retraite et ne craignent pas de s'attaquer à leurs agresseurs. » SCELOPORUS MELANORHINUS n. Sp. Grande espèce appartenant au groupe des Scélopores à plaques sus-oculaires lisses, et n'ayant pas de collier scapulaire noir. Caractères. — Cavité préfrontale peu sensible; arètes angu- leuses du museau garnies chacune de deux scutelles en dos ARTICLE N° 12 NOTE SUR QUELQUES REPTILES DU MEXIQUE. 3 d'âne ; squames sus-oculaires très-dilatées en travers au nombre de quatre, et disposées sur un rang longitudinal ; plaque occi- pitale plus large que longue; bord antérieur de loreille mé- diocrement dentelé; écailles du dos grandes, rhomboïdales, non denticulées, mais surmontées d’une carène formant une forte poince en arrière ; six de ces écailles égalent la longueur de la tête, prise du bout du museau au bord postérieur de la plaque occipitale; celles du ventre sont de moitié moins grandes ; queue revêtue de scutelles plus petites que celles du tronc; dix-huit à vingt pores sous chacune des cuisses. On ne voit pas, chez le mâle, de grandes écailles plates placées derrière . l'anus. Coloration. — Le fond est d’une teinte d’ocre jaune nuancé de verdâtre et on y remarque sur les flancs, ainsi que sur les parties supérieures du corps, des taches brunes de différentes grandeurs : la première, très-foncée, recouvre entièrement le bout du museau, s'étend de chaque côté sur les lèvres, l'oreille, et se termine un peu en avant de larticulation du bras; la deuxième et la troisième, fort étroites, traversent l’une la région sus-oculaire, l’autre l’occiput ; ensuite, sur le cou, on en voit une autre à grandes dimensions et à contours latéraux coneaves. Chez les femelles on aperçoit quatre autres taches rhomboïdales qui parcourent la région médiodorsale du tronc ; les flancs et les membres sont rayés de brun; la gorge de gris. Les mâles ont les côtés du ventre teintés de bleu de cobalt ; cette belle couleur est également répandue sur la gorge, où elle se fond en avant avec la teinte noire du menton, près duquel on aperçoit une petite tache blanchâtre. Le Scel. melanorhinus est allié au Scel. spinosus par des caractères qui leur sont communs, mais on l’en distingue par les suivants : plaque occipitale plus courte ; écailles des régions supérieures du corps non denticulées; porés fémoraux au nombre de 18 à 20, et non de 10 seulement; absence de grandes squames plates placées derrière l'anus ; enfin, une co- loration tout à fait différente. Le Muséum possède quatre exemplaires de cette belle espèce, d F. BOCŒEUR. trois femelles et un mâle, recueillis dans l’isthme de Tchuan- tepec. Dans le même envoi se trouvaient deux spécimens du Scel. siniferus (Gope), petite espèce inconnue jusqu'à ce jour au Muséum de Paris, paraissant très-voisine du Scel. squamosus, décrit et figuré Moss. scient. Mex. et Amer. centr., p. 219, pl. 7 bis, fig. 7, et pl. T9, fig. 3. Nous pouvons dire mamte- nant que la principale différence que l’on rencontre entre ces deux espèces consiste en ce que la première a les arètes angu- leuses du museau garnies chacune de deux écailles, tandis que les mêmes régions ne sont protégées que par une seule écaille chez le Scel. squamosus. FIN DU TROISIÈME VOLUME. ARTICLE N° 12. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. Note sur quelques Crustacés erratiques, par M. CATTA. . . . ARTICLE N° Note sur la découverte d’une dent de Rhinocéros fossile à la Nouvelle-Calédonie, par M. H. FiLHor. ; ARTICLE Na Recherches sur les premières phases du ne A. des Batraciens anoures, par M. G. MoquiN-TaANDoN. DADPARTICÉE NS Recherches sur l’atlantoide et le chorion de mel Mammi- fères, par M. A. DASTRE. ST É 3 …_ . ARTICLE N° 4 Description des Crustacés rares ou nouveaux des ie de F rance (vingt-cinquième article), par M. Hesse. : : ARTICLE N° 9 Remarques sur le mémoire de M. Moquin-Tandon at aux applications de l’embryologie à la classification méth A des animaux, par M. GRAFF. . : ARTICLE N° 6 Mémoire sur Les mœurs ef l nome here ie l Aty js sir i- cans, par M. À. DE L'ISLE. : ARTICLE N° 7 Recherches sur les corps biréfringents ie l né ds Ovi ipares, DÉMNPADASTRE 60. TR ARTICLE N° 8 Publications nouvelles. : Se ARTICLE N° 9 Mémoire sur les brosses copulatriees es Paniers anoures par M. LATASTE. ARTICLE N° 10 Mémoire sur l’embryologie ie quelques Éponges dl l oeue, par M. Ch. BarRoIs. ARTICLE No {1 Note sur quelques Reptiles du Men par M “Bo OURT. ARTICLE N° {12 nn TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. ART. ART. BarRois. — Mémoire sur l’embryo- verte d’une dent de Rhinocéros Jlogie de TEA Eponges de la fossile de la Nouvelle-Calédonie. 2 Manehe 2. 11) GRAFE.— Remarques sur le mémoire Bocourr. — Note sur quelques Rep- de M. Moquin-Tandon relatif aux tiles du Mexique. : 12) applications de l’embryologie à la CATTA. — Note sur quelques Crus- classification méthodique des ani- {acés erratiques. : HÉBMHAUSEES 6 Dastre. — Recherches sur l’atlan- HESSE. — Description des Crustacés toïde et le chorion de ue rares ou nouveaux des côtes de Mammifères. 4! France (vingt-cinquième article). 5 —_ Recherches sur les Corps biré- |LATASTE. —_ Mémoire sur les brosses fringents de l’œuf des Ovipares. 8! copulatrices des Batraciens. . . 9 De L'ISLE. — Mémoire sur les mœurs MOQuiN-TANDON (G.) — Recherches et l'accouchement de MR ob- sur les premières phases du dé- stetricans. 1} veloppement des Patraciens. . . 3 Fiznoz (H.). — Note sur la décou- TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planche 1. Packygrapsus advæna. — ‘2. Probolium Polyprion, etc. LC Ce Développement des Batraciens anoures. — ‘9. Pagure Misañthrope. — ‘6. Larves de Pagures. "A — ‘78,9 et 10. Structure de l’atlantoïde et du chorion. . — ‘11. Brosses copulatrices des Batraciens anoures. — 12, 13, 14, 15 et 16. Embryologie des Éponges. FIN, DES TABLES. PARIS, — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2 DOC LOTENTIENTE € Jerte. np. A, Salnon,r VWedle Ærtrapase, 15. Laris. 2 Pachygrapsus Adb ere. DER Jesnce. nat. Ê +. Lootl, Tome 3, PL. 2, Ann. des Setence, nat, &° Serre. 1 LP Catta delin. 1 l’robolum l’olyprion. me Amphithoe L'erueillala. Imp. A. S'almon, r. Meile Lntrapade,15, Paris. Zoo, Zome 3, PL 3. Æ N. . CA À ,. ee, Ï 1) DAY G> ©) DD ©) C} VS roro) eue 000) DRE = HET Sa) E GES Ê NO») 2 DÉS CeXS Fous de a 1088 CD) LOTUS “ FER) ea Le ë PER Z A € SA "M ee @, pal AUS er . : TES) 20e us oo. - Tears ges = Éd RIT Dpt np, À, d'anen,r Welle Pstapade,15, arr. DeD elo ppernrent des D'alractens 4roures. a. NT #0) ; De fe Le (1 A f S SN ue ni ue p LA ; Zool. Tome 3. PL4. Ann. des Jecene. ral ET S'érce.. LS Fr CD. Developponent des Patractens anour ef. Imp. À. J'alnon,r Vredle Lrtapade, 18, l'arvs Ann, des Seznc.nat. 6° Serre. Doc T one SP ENDR [S LS ES) D) re A —1 | fl À 75 MINS ÿe agure nm «arnthrope Von A d'alnorr ie Prop at IP pre es ue re UND EEE LS Mental es ph D Re EEE Zool Tome 3. PL, 6. Larves de. Pagures. mp. A. J'amonr. Veille D'strapade, 16,1 arr , DU IE LI I IS ET M D et C2 Jeree EE. des Seine. nat. E° Jerce. Zool, Tome 3, PL, 77) | ff tructure de l'Alantoide.. Zool, Tome 3, PL, 81 à fLLe LA CRE F il A Vootilone SP, ab D Du nat be Jerez. À t \|i >: ER DS © / Ê À fl N ÿ Ÿ / Q 5, N à Ê Le NS È À | K & K à x £ nn. des Jezene, rat, 6° Serre. Lecil, Tome. + PET), Lagewre We, el Chorion, 77 Ann des J'ezcenc. nat, 6° J'erte., More DIT, 10 Herouard del. Lagewsre ve Brosses copudatrices des Palracins anoures F1 np. A, Salmon, r, Meile Frtrapade 18,14, RE ER An des J'ecnc.nat. Ê* J'erie- Zool Lormne 3 PL 12 Lagesrre We, À nôryo lo gte des Zponges : LD, Un, À Salmon Veille Lirtrepade, 16, arts. LS RE | à VOL LROMENTNLTTe ge®. (a des Zpo/ 27e al Eméryol nat. Ü JS erte: Cierne del. Barrois Inn, des J F- d ; » Ann des J'ecenc-rat Ê° J'érce. Zool, Tome 3, PL 14. 24 or. Ch. Barrorr del. | Lagesse se F mbryologte des Æporges, - Ann, des J'ecene. nat. 6 © Serre. Zoot Tome 3, PL 15. ie re g : Le LR, Barrois - del. Lagesre we: Enbryologe des Zponges à DA non el Tr Danintof DE. Zool. Lome 3, PL x. 2272 » » Ann. des SJ'etenc. nat. L° J S Ÿ à À à Les Zponges er L ce Z'mbri olo, l Date Due hcme Pookbinding Co. Inc. 2300 Summer Street Boston, Mess. 02210 WU" 3 2044 093 338 598 KKAP AUS ER al ANR pl U HU 2 " Î \ COR PU DEAN io note nf ENT CAT NE Le ne AN (HR ! ? ? CRPORORN ER IR ACTA CARD UE TAN AC ARR 1 rs L’Ù Ar mn AAA t taeit'ore ET ETS Es UE STI tie tt AAA AU t 1 "1 ve { ) Let A "il h: ON TAANE Fe 1 tie FA (3 es bre CRCHROAEN LAC i rx | i PRICE PE EL D OI 1 PER CALE RER ALLIE Gta ui À (! 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