Library of the Museum COMPARATIVE ZOOÛLOGY, AT HARYARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. Dounded bp private subscription, fn 1861. ee ee ee" e" ee" en No: 20 Sd (Bu Dr VE ISEZ Mar SE /s53] MAG No Au URI (ne ANNALES DES SCIENCES NATURELLES SIXIÈME SÉRIE ZOOLOGIE PALEONTOLOGIE COMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE MM. H. er ALPH. MILNE EDWARDS TOME VI PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE DE PARIS Boulevard Saint-Germain, en face de l'École de médecine 1871 DO am? D tr Aie A NET TEEN f à ai LA à: ga Wu 1 DU sun (F7 s Al dla i' | pi ci ei ï ñ PUS Fes P7 bs ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ZLOOLOGIE PALÉONTOLOGIE PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, % APPLICATION DE LA MÉTHODE GRAPHIQUE DU MÉCANISME DE LA DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX Par M. S. ARLOING. INTRODUCTION. Anatomistes, physiologistes et médecins ont apporté leur tribut à l'étude de la question que nous abordons. Le mécanisme de la déglutition a donné lieu à un grand nombre décrits; mais, malgré tant d'efforts, 1l est loin d’être parfaitement connu. À l’appui de cette assertion, nous citerons les divergences des auteurs sur plusieurs des actes de la déglutition, diver- gences qui se poursuivent jusque dans les plus récents travaux. Cette question appelait donc de nouvelles études, nous les avons entreprises. Toutefois, éclairé par l'expérience de nos devanciers, nous avons voulu employer des procédés plus sûrs que ceux qu'ils avaient suivis, et qui, entre des mains incon- testablement toutes très-habiles, avaient conduit à des résultats très-différents. Avant d'exposer la méthode expérimentale que nous avons adoptée, racontons brièvement les phases diverses qu’a par- courues l’étude de la déglutition. Tout d’abord c’est par l'anatomie et l’observation de soi- même que l’on chercha à expliquer le mécanisme de la déglu- tition. De la position et des attaches des muscles de la langue, du voile du palais, du pharynx et de l’œsophage, on concluait à l’action que ces muscles pouvaient exercer sur le bol ali- mentaire. Ce procédé fut suivi par les anatomistes et Les physiologistes ANN. SC. NAT., JUILLET 1877. VI. À. — ART. N° 1. 2 S. ARLOING. du siècle dernier : Bæcler (1705), Walther (1737), Albinus Sigfridius (Historiæ musculorum, 1734), Schulze (1737), Albi- nus Fridericus (De deglutitione, 1740), Boerhaave et Haller. I fut adopté aussi par la plupart des physiologistes de la pre- mière moitié de ce siècle, à commencer par Sandifort, Bichat, Gerdy, Dzondi, Bidder, Bérard, etc., etc. Maus 1! était défec- tueux, parce qu'il laissait une trop large part aux considérations théoriques ainsi qu’à l’imagination des auteurs. Il est vrai que l’expérimentation vint de bonne heure s’as- socier à l'anatomie pour corroborer ou modifier les raisonne- ments basés sur l'observation directe de la nature vivante. Haller parle déjà d'expériences entreprises par Ferrem (1741) sur la fermeture de la glotte pendant la déglutition. Mais, à part ce fait isolé, il faut arriver jusqu'à Magendie pour voir lexpé- rimentation prendre une large part dans la détermination du rèle de l’épiglotte, de la glotte, de l'œsophage, etc., pendant la déglutition. C’est encore par des vivisections que Longet, MM. CI. Bernard, Wild, Chauveau, Schiff, Fiaux, s’attachèrent aussi à démontrer, soit le rôle des organes de la déglutition, soit la source nerveuse d’où ces organes ürent le principe de leur sensibilité et de leurs mouvements. L’expérimentation prit une autre forme entre les mams de Maissiat et de Debrou. Opérant sur eux-mêmes, ces auteurs cherchèrent à se rendre compte de l’état des pressions qui règnent dans l’appareilnaso-pharyngien (Maissiat), ou du mou- vement des parois pharyngiennes (Bebrou), par lexploration des cavités nasales avec des appareils simples (#anomètre, stylet mobile) dont les mdications étaient visibles au dehors. Depuis qu'elle s'était débarrassée du joug des raisonnements purement anatomiques, l'étude de la déglutition avait fait un grand pas. Elle gagna encore en accueillant les faits cliniques, sorte d'expériences préparées accidentellement sur l'Homme, observés par Mercklin, Th. Bonnet, Pelletan, Larrey, Perev, Reichel, Rudolphi, Louis, Kobelt, etc. Jusqu'en 1861, les physiologistes employèrent seulement les moyens que nous venons d'indiquer pour démêler les phé- ARTICLE N° {. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 3 nomènes de la déglutition. À cette date, M. Moura eut l’idée d'appliquer le laryngoscope à létude de la déglutition pha- ryngienne. H fut suivi dans cette voie par M. Guinier et par M. Krishaber. Au premier abord on pourrait croire que l’autolaryngoscopie dût permettre de découvrir tous les secrets de la déglutition. Malheureusement il n’en est rien. Le laryngoscope ne peut lever toutes les difficultés, parce que, pour voir dans la cavité pharyngienne déglutissant, il faut maintenir la bouche ouverte, et qu'il y a loi de la déglutition opérée dans ces conditions à la déglutition normale, qui entraine toujours l’occlusion dela cavité buccale. Au surplus, la laryngoscopie ne donne que des rensei- gnements limités. Si elle permet de suivre le trajet des bols colorés avec des produits dont la teinte laisse une trace durable sur les muqueuses, elle ne nous dit rien sur les pressions qui règnent dans les voies respiratoires et les premières voies digestives pendant les déglutitions, rien non plus sur la marche du bol alimentaire dans l’æsophage. Du reste, le promoteur de l’autolaryngoscopie a été obligé de déclarer, à la fin de lun de ses mémoires, que la plus grande partie du méçanisme de la déglutition reste toujours en question. Eu résumé, les procédés usités jusqu'à ce jour pour découvrir le mécanisme de la déglutition se sont montrés souvent insuf- fisants et n’ont donné que des résultats mcertains. Nous étions donc autorisé à chercher un moyen d'étude qui n'aurait pas les inconvénients des précédents, et qui, de plus, fournirait des indications que les autres étaient incapables de donner. La méthode graphique nous à paru satisfaire à ces desideratu. En effet, les actes nombreux, mécaniques ou physiques, qui, par leur enchainement, constituent la déglutition, se pas- sent dans des cavités où 1l est impossible de plonger le regard sans modifier les conditions de la fonction, et la plupart avec une rapidité presque vertigineuse qui laisse l’observateur dans une grande perplexité. La méthode graphique, qui permet d’ap- précier les modifications qui se passent dans une cavité en explo- rant seulement son entrée, ou en portant sans inconvénient des 4 S. ARLOING. ampoules élastiques dans sa profondeur ; la méthode graphique, qui laisse une trace persistante des moindres phénomènes, qui permet de juger de la durée, de l’énergie, de la simultanéité ou de la succession d’actes associés, surmonte les difficultés de l’expérimentation et présente de grands avantages pour étucier la déglutition. L'Homme a été un de nos sujets d’expérience ; mais comme il était impossible de procéder sur lui à toutes les explorations qui étaient nécessaires, force a été de recourir aux animaux. Le Bœuf et le Chien reçurent nos appareils; mais la timidité de ces espèces nous les fit abandonner pour le Cheval. Cet animal est d'ordinaire tellement indifférent qu'en face de l’expérimentateur et en dépit des plaies qu'il peut avoir et des appareils qui obstruent plus ou moims ses voies digestives, il mange et boit avec avidité, pourvu qu'il ait faim et soif et qu'on lui donne des aliments appétissants. Sans les qualités de ce sujet dont nous disposions facilement, 1l nous eût été certainement impossible de pousser nos recherches bien loin. Nous le recommanderons donc tout particuhèrement aux per- sonnes qui voudraient nous suivre ou contrôler nos résultats. Quant aux appareils qui nous ont servi, nous en dirons fort peu de chose, attendu qu'ils n’offrent rien de particulier. L’en- registreur universel, avec un système de tambours à levier éeri- vant, formaient la partie indicatrice de notre instrumentation ; des ampoules élastiques montéessurdestiges rigides ou flexibles, ou même, dans quelques cas, de simples trocarts introduits dans les cavités digestives ou respiratoires, en constituaient la partie exploratrice. Nous avons aussi enregistré la respiration avec le prneumographe primitif ou perfectionné de M. Marey (1). (1) Les résultats que nous avons obtenus par l'application de cette méthode sur l'Homme et les animaux ont été résumés dans des notes insérées aux Comptes rendus de l’Académie des sciences (2 novembre 1874 et. 24 mai 1875). À la même époque, M. Carlet eut aussi l’idée de se servir des appareils enre- gistreurs pour étudier la déglutition bucco-pharvngienne ; mais 1l expérimenta seulement sur lui-même, et se contenta d'enregistrer les pressions de la cavité buccale et les déplacements du larynx. ARTICLE N° Î. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. D Pour compléter notre travail, nous y avons ajouté des expé- riences sur la déglutition des Oiseaux, faites selon des procédés analogues. PREMIÈRE PARTIE. MÉCANISME DE LA DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES. CHAPITRE PREMIER. DIVISIONS DE LA DÉGLUTITION. — DÉGLUTITIONS ISOLÉES ET DÉGLUTITIONS ASSOCIÉES. SA Dans le but de faciliter l'étude de la déglutition, les auteurs se sont attachés à la diviser en périodes ou temps distincts. La plupart, s'inspirant du trajet que suivent les aliments, ont divisé cette fonction en trois temps : 1° femps buccal; ® temps pharyngien ; 3° temps æsophagien. Mais si presque tous les physiologistes sont d'accord sur le nombre des temps, ils sont loin de s'entendre sur les limites de chacun d'eux. Ainsi, dans le premier temps, Albinus, Gerdy, Maissiat, Bérard, Longet, Müller, ete., conduisent les aliments jusqu’à l’isthme du gosier, en avant du voile du palais, tandis que Haller, Magendie, Dzondi, Ghaussier, Adelon, lesconduisent au delà de cette cloison. Il est évident que, pour ces auteurs, le deuxième temps ne commence pas au même instant ; quant au moment où 1l se terminera pour faire place au froisième, on ne s'accorde pas davantage : les uns le faisant se terminer avec l'entrée des aliments dans l’œsophage ; les autres avec l’intro- duetion de ceux-e1 à une profondeur variable dans ce conduit. En 1866, dans un mémoire Sur l'acte de la déglutition, M. Moura chercha à faire prévaloir une division en deux temps. Pour lui, cet acte ne commence qu’au moment où les organes destinés à opérer le transport du bol de la bouche à l'estomac se mettent en mouvement. Par conséquent, laissant de côté la préparation du bol sur le dos de la langue, il fait commencer 6 S. ARLOING. le premier temps à l'arrivée des aliments dans l’arrière-bouche, le second à l'entrée des aliments dans l’œsophage. Cette division nous paraît préférable à l’ancienne. En effet, pourquoi considérer l’arrangement des aliments sur le dos de la langue comme un acte de la déglutition? À ce compte, la déglutition des boissons aurait un temps de moins que celle des solides. Nous savons bien que, dans quelques cas, la formation du bol est un temps préparatoire de la déglutition : ainsi il arrive que la mastication se suspende et que la langue, les joues procèdent au rassemblement des particules éparses dans la bouche avant la déglutition ; mais, le plus souvent, cette opé- ration se fait sans suspension de la mastication. Nous crovons done rationnel de regarder la formation du bol comme la fin de la mastication. De plus, nous jugeons inutile de séparer le passage du bol à travers le fond de la bouche du passage à travers le pharynx. Il faut bien savoir que la vraie déglutition, celle qui s’'accomplit fatalement dès qu’elle a commencé, pendant laquelle la respi- ration se modifie, ne débute réellement que lorsque le dos de la langue, fortement appliqué contre la voûte palatine, ne peut s’en détacher avant que le bol ait disparu dans l’œsophage. Or, dans ce moment, le fond de la bouche se confond avec le pha- rynx; les aliments se trouvent à l’entrée d’une cavité bornée, en haut, par la voûte palatine et le velum staphylin ; en arrière, par la paroi postérieure du pharynx; en bas, par le dos de la langue, la face supérieure de lépiglotte et l’origine de l’œso- phage, cavité qu'ils franchiront avec une très-grande rapidité. En conséquence, nous diviserons la déglutition en deux temps seulement : un premier, où bucco-pharyngien, caractérisé par l'ascension du larynx et le passage des aliments du fond de la bouche à l'entrée de l’œæsophage ; un second, ou temps æsopha- gien, débutant avec la chute du larynx. S 2. Jusqu'à ce jour, les physiologistes ont pris le soin de distin- guer la déglutition des solides de la déglutition des liquides et ARTICLE N° {. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. / des boissons, et ils nous ont appris que ces deux sortes de déglu- titions s’opéraient d’après des modes à peine différents. Nous n’adoptons pas cette distinction, car nous prouverons plus loi que la déglutition de la salive ou d’une gorgée de liquide s’accomplit de la même manière que celle d’un bol de pain. Si donc le mécanisme de la déglutition présente des diffé- rences, celles-ci ne reposent pas sur l’état physique des bols, mais bien sur le mode d’après lequel les déglutitions succèdent les unes aux autres. Ces différences apparaissent lorsque les sorgées de boissons sont abondantes et se suivent pour ains; dire sans interruption. En nous basant sur ce fait, nous décri- vons des déglutitions isolées et des déglutitions associées, à la place des déglutitions de solides et des déglutitions de boissons. Après ces détails préliminaires, entrons dans le cœur de notre sujet. Étudions les deux temps de la déglutition dans les principaux Mammifères terrestres. CHAPITRE IL. PREMIER TEMPS, OU TEMPS BUCCO-PHARYNGIEN, DE LA DÉGLUTITION DES MAMMIFÈRES. On sait ce que nous entendons par temps bucco-pharyngien. Nous ne nous arrèterons pas à justifier de nouveau notre divi- sion ; bornons-nous à dire que nous examinerons cette pre- mière partie de la déglutition dans deux articles, comprenant, l’un le mécanisme des déglutitions isolées, l’autre le méca- nisme des déglutitions associées. $ 1. — Déglutitions isolées. L'Homme et les animaux font des déglutitions isolées lors- qu'ils imgèrent des aliments solides ou demi-liquides, lorsqu'ils avalent la salive sécrétée pendant l’abstinence, et quand ils prennent des boissons gorgée par gorgée. Dans ces trois circonstances, aliments, boissons ou salive rassemblés sur le dos de la langue, en avant de l’épiglotte, dans les points nettement déterminés par les examens laryn- 8 S. ARLOING. goscopiques, sont brusquement et rapidement entrainés à l’en- trée de l’œsophage dès que l’excitation spéciale, qui devient le point de départ des réflexes de la déglutition, s’est fait sentir. Nous n’avons pas l'intention d’insister sur la sensation parti- eulière du besoin de déglutir; nous nous oceuperons immé- diatement des agents de la déglutition bucco-pharyngienne. Quels sont ces agents dont l'influence fait disparaître le bol de la cavité bucco-pharyngienne ? La plupart des physiologistes ne font intervenir que la con- traction des muscles, c’est-à-dire un agent d'ordre mécanique. Maissiat, au contraire, expliqua la déglutition par l'intervention d'agents purement physiques. Pour lui, la contraction des muscles de l'appareil laryngo-pharyngien n'avait pas d’autre but que de produire un vide que les aliments venaient aussitôt remplir. Haller s'était montré moins exclusif, car il regardait les muscles de la langue, du pharynx, etc., comme des agents importants, et faisait jouer aussi un rôle notable à la dilatation de l’arrière-bouche, et, par conséquent, aux agents physiques. Récemment, M. Guinier à exposé une opinion qui, sans être très-nette, peut néanmoins se ranger à côté de celle de Haller. Quant à nous, nous croyons que les agents mécaniques et physiques concourent à la déglutition. On connaîtra au fur et à mesure les motifs qui servent de base à notre opinion. Nous espérons prouver que si Maissiat a eu tort de se séparer trop nettement du plus grand nombre des physiologistes, il a mis en évidence des faits incontestablement vrais, et qu’en élaguant de sa théorie ce qu’elle contient d’excessif, on peut, avec elle, compléter heureusement les théories mécaniques. Nous aurons donc à décrire des phénomènes mécaniques et des phénomènes physiques. Les premiers sont ou extérieurs (mouvements des mâchoires, déplacement du larynx, mouve- ments respiratoires), ou intérieurs (mouvements de la langue, du voile du palais, du pharynx, de la glotte et du diaphragme). Les seconds sont tous intérieurs ; ils consistent en des chan- gements de pression qui s’établissent, soit dans l'appareil res- piratoire, soit dans la cavité bucco-pharyngienne. ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 9 I. Du mécanisme des déglutitions isolées bucco-pharyn- giennes. — Nos prédécesseurs nous ont appris que, pendant le premier temps de la déglutition, la mâchoire inférieure se maintient au contact de la supérieure ; que la langue s'applique sur la voûte palatine, que le larynx se porte en haut et en avant en changeant légèrement de direction ; que le voile du palais se soulève, que le pharynx se raccourcit et va pour ainsi dire au devant du bol; que la glotte se ferme, que l’épiglotte s’abaisse, et que les constricteurs, pressant le bol d'avant en arrière, poussent brusquement celui-ci vers le fond du pharynx. Le début de tous ces actes réflexes est indiqué par l’ascension du larynx ; la fin, par la chute de cet organe, par une certaine aspiration qui se fait sentir Jusqu'à l’orifice des fosses nasales, le repos de la langue, la liberté des mâchoires; en un mot, par le retour de toutes les pièces de l'appareil pharyngo-laryngien à leur position primitive. Tels seraient, brièvement énumérés, les actes qui se super- posent ou se succèdent dans le premier temps de la déglutition. Nous allons les examiner en particulier, tout en glissant rapide- ment sur ceux qui ne soulèvent aucune contestation entre phy- siologistes, et en insistant davantage sur ceux qui laissent encore un champ libre à la discussion ou qui n'avaient pas été signalés avant nos recherches. À. Du rapprochement des mâchoires. — Tous les auteurs ont signalé le rapprochement des mâchoires comme l'acte Initial de la déglutition. Son but est de fixer le maxillaire, qui doit offrir un point d'appui immobile aux muscles élevateurs du larynx, génio-hyoïdiens, mylo-hyoïdiens et digastriques, et de permettre à la langue de s'appliquer avec facilité contre la voûte palatine. 11 ne faut pas croire, ainsi que certaines théories physiques tendraient à le faire admettre, que le rapprochement des mâchoires est destiné à parfaire l’occlusion de la bouche, car la déglutition s’accomplit très-bien en dépit de l’écartement des lèvres et même des mâchoires. La difficulté à déglutir est d'autant plus grande, que l’écartement des mâchoires est plus considérable et le maxillaire plus mobile. Si le maxillare est 10 S. ARLOING. peu écarté, et surtout s’il est maintenu en situation fixe (condi- tions réalisées par l'introduction entre les ineisives d’un corps résistant, tel qu’un crayon ou le manche d’un canif), on réussit à avaler à peu près aussi bien que dans les conditions nor- males. Durant cette petite expérience, on sent très-bien que la difficulté que l’on éprouve à déglutir provient d’une certaine gêne à étaler la langue sur la voûte palatine. IT est évident que l'élévation et l’immobilisation de la mâchoire inférieure font disparaître cette difficulté. M. Colin pense que le rapprochement des mâchoires et l’arrêt de la mastication appartiennent seulement aux animaux qui, ainsi que les carnivores, avalent de gros morceaux et en une seule fois tout ce qu'ils ont dans la bouche. Nous nous sommes assuré, par l’expérimentation, que l’arrèt de la mastication avait lieu aussi chez le Cheval. En plaçant une ampoule élastique entre le masséter et la peau de la joue, une autre sous la gorge, pour enregistrer la mastication et les dé- placements du larynx, on obtient les tracés ci-joints (fig. À) : M nous donne les mouvements de mas- . tication indiqués par di deux accidents : lun RE (e) produit par l’écar- Re mächoires ; ee l'ascension du larynx au début d'une déglutition }’autre (c) par la con- traction du masséter. L est le graphique fourni par l’ampoule sous-laryngienne, sur lequel on voit la courbe df indiquant l’ascension et la chute du larynx. Or, en comparant ces deux tracés, on s’aperçoit que la pression dans l’ampoule massétérine reste à peu près unifor- mément à Son minimum pendant toute la durée (df) dela déglu- tion bucco-pharyngienne. D'où l’on peut conclure : 1° que la mastication se suspend, chez les Herbivores, pendant le premier ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 11 temps des déglutitions isolées; 2° que la mâchoire inférieure est rapprochée de la supérieure par l’élasticité et la toncité du muscle masséter et des autres muscles rapprocheurs. Le muscle temporal, exploré de la même manière, nous a donné des résul- tats semblables. Si les bols sont peu volumineux, les masséters se contractent pendant la déglutition. Nous avons constaté ce fait sur les ani- maux, et il suffit de s’observer soi-même, d'appliquer atten- tivement la main sur la joue ou la tempe au moment d’une déglutition pour le vérifier. On comprendra aisément cette dif- férence, si l’on songe que les muscles qui agissent dans la déglutition bucco-pharvngienne doivent trouver sur la mû- choire inférieure un point d'appui d'autant plus solide, qu'ils éprouvent plus de difficulté à remplir leur rôle, c’est-à-dire à entrainer les parcelles alimentaires. B. Ascension du larynx. — La translation du larynx de bas en haut et de haut en bas est une des manifestations extérieures les plus frappantes de la déglutition. On ne saurait être en désaccord sur son existence ; mais il n’en est pas de même sur l'instant où elle s’accomplit. Pour les auteurs classiques, l’ascension du laryax est un phénomène qui coïncide avec le début du deuxième temps. «Les mâchoires étant fixées, dit Haller, les digastriques, les génio-hyoidiens et les génio-glosses firent le larynx en haut et le renversent. » C’est done immédiatement après la fermeture de la bouche que Haller place ascension du larynx. Magendie a professé cette opinion, car on lit dans sa Physiologie la des- cription suivante : «Le bol alimentaire n’a pas plutôt touché le pharynx que tout entre en mouvement : d’abord le pharynx se contracte... ; d’un autre côté, et toujours dans le même instant, la base de la lanque, l'os hyoïde, le larynx, sont élevés et portés en avant ». Pour Gerdy, Dzondi, Maissiat et Longet, le soulèvement de l’hyoïde, de la base de la langue et du larynx est simultané avec la contraction des muscles du voile du palais et du pharynx. M. Carlet pense au contraire que l’ascension du larynx ne 19 S. ARLOING. s’accomplit pas au début de la déglutition. « Tout au début de la déglutition, dit-il dans une note récente (1), avant que le larynx ait commencé son mouvement ascensionnel et même que le bol alimentaire ait cheminé dans la cavité buccale, un abaissement de pression à lieu dans la cavité pharyngienne. » Nous ne pouvons pas nous ranger à cette opinion. En effet, l’abaissement de pression dont parle M. Carlet ne se conçoit que par un déplacement du voile du palais ou un agran- dissement du pharynx, dont les muscles viennent se fixer sur le larynx. Par conséquent, la plus petite modification de l'appareil pharyngien se fera sentir sur le larynx. De plus, comme la diminution de pression dont parle M. Carlet ne peut se produire qu'à la condition que le pharynx soit isolé de la partie antérieure de la bouche, 1l faut pour cela que la langue s'applique contre la voûte palatime. Or, ce mouvement étant produit par des muscles qui élèvent l’hyoïde, ceux-ci élèveront forcément le larynx. Outre ces considérations purement théoriques, nous allégue- rons les graphiques des mouvements du larynx et des pressions intrabuceales. Il ne faut pas oublier qu'il y a deux périodes dans le déplace- ment du larynx : 1° ascension lente et insignifiante de tout l’appareil laryngien coïneidant avee l’application de la langue sur le plafond de la bouche ; % introduction brusque du larynx dans la fourche hyoïdienne coïncidant avec le début de la déglutition du bol. Ge dernier mouvement est le seul qu’il im- porte de considérer en ce moment. Cela étant établi, si l’on applique sous la gorge une ampoule de caoutchouc à parois assez épaisses pour qu’elle se maintienne toujours au contact de la région laryngienne, et si l’on mtroduit une autre ampoule dans le fond de la bouche, aussi loin que (1) La communication de M. Carlet est parvenue à l’Académie des sciences le même jour que notre première note. Voy. Comptes rendus de l’Académie des sciences, 2 novembre 1874, Sur le mécanisme de la déglutition (Garlet), et Application de la méthode graphique à l'étude de quelques points de la déglu- tition (Arloing). ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 13 possible, sans provoquer toutefois des efforts de vomissement, on obtient des tracés comme ceux-ci (fig. 2) : B indique les pressions que subit lampoule à l’intérieur de la bouche ; L, les mouvements du thyroïde. En examinant ces deux tracés, on constate que l’ampoule qui représente le bol commence à être Compri- mée par la langue, en c; cette compression atteint brusquement son maxi- mum, et c’est à l'instant où elle y arrive que lon voit se produire une pre- mère diminution de pres- sion (4) dans la bouche, et la brusque ascension du “x on eane A ENS el dé ER lAR larynx (&). Nous en con- MNT clurons done que l’ascension du larynx commence en même temps que le déplacement du voile du palais, alors que la langue est fortement appliquée contre cette cloison et la voûte palatine. | | : Ultérieurement, nous entourerons nos conclusions de preuves plus nombreuses (voy. Pression dans l’isthme du gosier et les cavilés nasales). Ici nous tenions simplement à bien préciser l'instant où s'opère le déplacement du larynx, car cet acte devient la cléf de la déglutition tout entière. Nous craignons que notre désaccord avec M. Carlet ne provienne de l’intervention de la respiration dans son tracé de la pression Intrapharyn- gienne. On ne peut réussir à se débarrasser de l’influence de la respiration qu'en expérimentant sur les animaux. GC. Rôle de la langue, du voile du palais et de l’isthme du gosier. — Lorsque la langue s’est étalée sur le palais, Le bol est séparé de la partie antérieure de la bouche et situé à l’entrée d’une gouttière aplatie, limitée en arrière par le palais et le velum staphylin, en bas par l’isthme du gosier, en avant par la langue. Le bol doit parcourir cette gouttière qui, au moment décisif, s’allonge en arrière jusqu’à l’origine de l’œsophage. Ce 14 S. ARLOING. moment est celui de la véritable intervention de la langue, du voile du palais et de l’isthme. Quelle est la part qui revient à chacun de ces organes? Tout le monde admet que la langue se gonfle, s'applique d'avant en arrière sur la voûte palatine et comprime le bol. Mais on est loin de s'entendre sur le rôle du voile. Les physio- logistes, sur ce point, se partagent en trois camps : les uns, avec Albinus, Haller, Sandifort, Gerdy, Dzondi, Müller, ete, pensent que le voile se tend et s’abaisse sous l’influence de ses piliers, presse le bol contre la langue et le projette dans le fond du pharynx. Une imposante majorité, ayant à sa tête Valsalva, Boerhaave, Bichat, Magendie, Chaussier, Maissiat, Debrou, admet l’élévation primitive et active du voile, qui ainsi prolon- gerait la voûte palatine jusqu’à la paroi postérieure du pharynx. Viennent maintenant les physiologistes qui professent une opi- nion en quelque sorte éclectique, tels que Bérard, Longet, Oré et ceux qui, tout er: admettant le soulèvement du voile, croient, à l'exemple de Brachet, à un soulèvement passif dont l'agent serait le bol alimentaire. | Quant à l’isthme du gosier, son rôle doit changer singulière- ment, selon le jeu que l’on attribue au voile du palais. Si l’on admet le soulèvement primitif du voile, l’isthme doit primitive- ment s’agrandir, puis se resserrer sur le bol et en arrière du bol. Si l’on pense, avec Gerdy, Dzondi, que le voile, tendu par ses piliers qui se rapprochent, s’abaisse sur le bol, l’isthme doit se fermer et interrompre toute communication entre la bouche et le pharynx. Cette disposition de listhme plaide fort peu, on le devine, en faveur de la théorie de l’abaissement. Pour trouver la vérité au milieu de ces idées contradictoires, il vaut mieux supprimer toute discussion et s’adresser tout de suite à l’expérimentation. On sait déjà que Maissiat, en fixant un petit manomètre dans une narine, que Debrou et Menière, en introduisant un stylet sur le plancher des cavités nasales, ont observé le sou- lèvement du voile du palais au début de la déglutition. Les cas cliniques de Bidder, Kobelt, Maisonneuve, ont permis de ARTICLE N° Î. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 15 constater ce fait de visu. Nous avons cherché à étudier plus complétement le phénomène en explorant simultanément avec des appareils graphiques le fond de la bouche et l’entrée des cavités nasales de l'Homme, la base de la langue et le voile, les cavités nasales et la partie supérieure du pharynx du Cheval, en plaçant les sujets dans des conditions presque physiologiques. En se reportant au tracé B (fig. 2), on voit que l’ampoule placée dans la bouche de l'Homme est constamment pressée de c en f, c’est-à-dire depuis l'application de la langue sur le palais jusqu’à la chute du larynx; mais la pression qu'elle supporte éprouve plusieurs diminutions, dont la principale se produit en d. Gelle-e1 est due au soulèvement du voile du palais. On peut le démontrer en prenant en même temps un tracé des pressions iIntrabuccales et un tracé de la pression des cavités nasales. Nous enregistrons cette der- nière au moyen d'un nez de plomb dont les bords flexibles se mou- lent exactement sur la lèvre supérieure, les joues et la racine du nez, et dont la cavité communique avec un tambour à levier. Par ce moyen on oblent les graphiques de la figure 3. La courbe B, fournie par une ampoule élas- LE tique engagée dans la Fe. 2 sien DU En a bouche (1), indique que le bol commence par être comprimé énergiquement (de (1) L'ampoule élastique est préférable au tube rigide introduit au fond de la bouche, attendu que ce tube non dépressible ne peut donner que les pressions négatives. j 16 S. ARLOING. & à b); qu'à ce moment une diminution de pression (be) s’éta- bit au-dessous de lui, puis qu'il subit une série de com- F iG. 4. — Tndiquant les relations qm existent entre les changements de pression dans l'isthme du gosier, B ; dans le pharynx, P; dans les cavités nasales, N (Cheval). spressions et d’aspirations (4, e) jusqu'en /, où survient le relà- chement de la région. Si on la compare à la courbe de la pres- sion dans les cavités nasales N, on s'aperçoit que la pression s’é- lève dans les narines (b'c') pen- dant qu'elle baisse au fond de la bouche (be), puis qu’elle diminue (cf) pendant qu'elle monte, tout en éprouvant des oseillations, à l’intérieur de la bouche (cf). Nous avons mesuré les change- ments de la pression des cavités nasales. Pour cela, nous avons fait communiquer la cavité de uotre nez de plomb avec un ma- nomètre enregistreur, c’est-à-dire que nous avons reproduit avec quelques perfectionnements lex- périence de Maissiat. En opérant unsi, nous avons observé que l'augmentation de la pression fai- sait équilibre à 1 ou 2 millimètres de mercure, et la diminution à 8 ou 9 millimètres. En expérimentant sur le Che- val, nous avons obtenu les gra- phiques de la figure 4 : B répond à une ampoule élastique, montée sur un tube rigide, engagée entre la base de la langue et la face antérieure du voile du palais, en passant à travers la membrane hyo-thyroïdienne. P est fourni par une ampoule montée de la même manière, introduite dans les cavités nasales ARTICLT, N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 17 Jusque sur la face postérieure du voile du palais. N indique la pression des cavités nasales, grâce à un tube métallique im- planté sur le méat supérieur et mis en communication avec un tambour à levier. En étudiant ces trois courbes on voit : 1° qu’en a la pression s’abaisse légèrement en avant du voile, et qu'au même instant elle s'élève en arrière de cette même cloison (a) et dans les cavités nasales (a) ; 2° qu’à la suite de cette dépression, l’ampoule de l’isthme et celle du pharynx sont vivement comprimées, tandis que la pression baisse dans les cavités nasales. | Nous croyons pouvoir conclure de ces résultats : 1° que le voile du palais se soulève pendant que la languegpresse les ali- ments contre la voûte palatine, et qu’en se soulevant pour aller à la rencontre du pharynx, 1l détermine au devant du bol une sorte d'aspiration qui doit contribuer à faire glisser celui-ci vers l’æsophage; 2° que le voile, toujours soulevé, est ramené en avant et en bas par la contraction des parois pha- ryngiennes, et qu'en s’opposant à la langue, qui se vousse de plus en plus, il force le bol à prendre le chemin de l’arrière- bouche. Dans cette interprétation de nos tracés, nous nous trou- vons d'accord avec M. Carlet, car ce physiologiste admet éga- lement l’existence d’une aspiration produite par le soulèvement du voile. Nous nous trouvons d'accord aussi avec M. Moura et avec M. Fiaux (1). Ce dernier a vu directement sur le Chien, par l’ablation des sus-nasaux, le voile se soulever, faire gros dos et fermer la cavité naso-pharyngienne. Il nous parait donc démontré, par les raisonnements ana- tomiques, les examens laryngoscopiques, les faits cliniques et l’expérimentation, que le voile du palais se soulève au début de la déglutition et ferme l’espace compris entre la voûte osseuse palatine et la paroi spinale du pharynx. Reste à savoir s’il se soulève activement ou passivement. Pour nous, le voile est soulevé activement, car il change de position, quels que soient (1) Theses de lu Faculté de médecine de Paris, août 1875. ANN. SC. NAT., JUILLET 1877. VI. 2. — ART. N° {. 18 S. ARLOING.. le volume et la consistance du bol. De plus, si le soulèvement était passif, notre ampoule qui représente le bol devrait être constamment comprimée. Or, ily a un instant où cette ampoule accuse une diminution de pression. Comment cette diminution pourrait-elle se produire, si le voile ne quittait pas la surface du bol? Le voile est donc soulevé par les muscles péristaphylins internes, tendus par les péristaphylins externes, aidés par les pharyngo-staphylins ou muscles des piliers postérieurs, dont la contraction élève en même temps le pharynx. Cette manière d'envisager le rôle du velum staphylinum dif- fère complétement de l’opinion d’'Albinus et de Gerdy. Elle réfute du même coup la théorie de Pabaissement primitif du voile et la théorie dite du rideau, dans laquelle les piliers, se contractant, marcheraient à la rencontre l’un de l’autre, de manière à ne laisser entre la bouche et le pharynx qu’une fente de plus en plus étroite et à la fin linéaire. Le soulèvement du voile du palais, très-court dans la déglu- tition, peut être prolongé ou provoqué à volonté et rendre des services à la thérapeutique (douches de Weber, douches de Politzer). Dans tous les cas, le mécanisme est le même. Il résulte de ce qui précède, qu'a un moment donné, le pharynx est divisé plus ou moins obliquement selon les espèces, en deux parties : l’une, supérieure ou nasale, qui habituellement s'agrandit peu à peu de haut en bas pendant que la déglutition pharyngienne s’accomplit; autre, mférieure, qui diminue dans le même sens. Ces phénomènes modifient listhme du gosier. En effet, lorsque le voile est au repos, listhme est limité en haut par le bord inférieur de la cloison staphyline, sur les côtés, par l'espace compris entre les piliers antérieurs et postérieurs. Lorsque le voile se soulève, il oscille autour de son bord supérieur, et sa face inférieure, devenant horizontale ou fortement oblique, con- vertit l’isthme en un canal dont 1l forme la voûte et dont les piliers constituent les parois latérales. C’est dans ce canal nou- veau et temporaire que s’engage le bol, Il y est énergiquement ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 19 comprimé entre le voile, tendu par les péristaphylins externes et les piliers postérieurs, et la base de la langue qui est attirée en arrière et en haut par les piliers antérieurs (muscles glosso- staphylins), dont l’insertion fixe est sur le voile préalablement relevé. On voit donc que listhme du gosier se transforme, qu'il s’ef- face en quelque sorte pour faire partie du canal bueco-pha- ryngo-staphylin dans lequel cheminent les aliments. Aussi est-ce une raison de plus pour que nous rejetions la séparation que plusieurs auteurs voulurent établir entre le passage du bol à travers le fond de la bouche et le passage à travers l’isthme du gosier. La méthode graphique nous a livré les faits que nous venons d'exposer sur le rôle de la langue, du voile et de l’isthme du sosier. Elle a tranché l’indécision dans laquelle nous nous trou- vions en face de la plupart des opinions dissidentes des physio- logistes. Mais quelques opinions particulières ont échappé jus- qu'à présent à notre examen. Telle est celle de Maissiat, qui veut que le bol, élevé au-dessus du pharynx par l’action com- binée de la base de la langue et du voile, tombe dans l’arrière- bouche par le fait du vide qui s’y produit. Nous verrons bientôt ce qu'il faut penser de la théorie de Maissiat. Telle est encore l'hypothèse de M. Moura dans laquelle l’au- teur admet bien le soulèvement du voile, mais prétend que le bol n’est pas habituellement comprimé par la langue contre le voile. Celui-ci passerait dans le pharynx parce que la base de la langue agirait sur lui à la manière d’un piston. Nous nous inscrivons contre cette hypothèse, attendu que M. Moura est à peu près la seule personne qui ait pu avaler des bols imprégnés d'encre sans se noircir la face antérieure du voile du palais, et que sur les animaux, chez lesquels la déglutition est absolument dépourvue d'artifice, les ampoules que l’on place entre la base de la langue et la face antérieure du voile sont toujours très-fortement aplaties (voy. fig. 4). Devrons-nous admettre encore avec M. Moura que le voile du palais est plus ou moins utile à la déglutition suivant les 20 S. ARLOING. espèces: par exemple, qu’il soit indispensable à l'Homme, indif- férent au Chien ? Non. De ce qu'un Chien sans voile n1 pihiers parvient quelquefois à déglutir seulement avec un peu de dif- ficulté les gros morceaux sans que #2 aliments, mi boissons reviennent par les fosses nasales (4), faut-il conclure à Pinuti- lité du voile ? S'il en était ainsi, nous pourrions répondre qu’il est également inutile à l'Homme, puisqu'il est notoire que par suite de l'habitude et de l'éducation des organes, des personnes mangent assez facilement avec de larges perforations du voile du palais, sans que les aliments ou les liquides sortent par le nez. D'ailleurs, si le voile du palais est utile à l'Homme, chez qui il est réduit à de minimes dimensions, 1l nous paraît juste de proclamer son utilité dans les espèces où il présente plus d’étendue, comme dans l’espèce canine. Le voile du palais de l'Homme est pourvu d’un appendice médian, la luelte, sur le rôle duquel on à émis des idées fort différentes. Quelques physiologistes sont allés jusqu’à attribuer à la luette une sorte d'intelligence qui lui permettrait d'apprécier le degré de mastication nécessaire pour une bonne déglutition. Nous ne supposons pas que la luette doive jouer un rôle spécial dans la déglutition. S'il en était autrement, elle existe- rait chez tous les grands Mammifères terrestres, dont la déglu- tition s'opère d'après le même mécanisme que chez l'Homme. Peut-être que le rôle de la luette pourrait se déduire de la nature de cet organe ? Si l’on compare le voile du palais de l'Homme à celui des Carnassiers, des Solipèdes et des Rumi- nants, on s'aperçoit que la luette est le reste d’une double échancrure faite dans la partie inférieure du voile ; elle répète, sur les parties molles qui concourent à séparer les voies diges- tives des voies respiratoires, l’épine nasale qui existe sur les parties osseuses. Que faudrait-il faire pour convertir le voile du palais de l'Homme en un voile de palais du Chien ? Simplement en étendre les parties latérales jusqu’au sommet de la luette. La luette est donc bien le reste d’un organe légèrement atrophié, (1) Mémoire sur l'acte de la déglutition, p. 13. ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 91 et comme tel, elle doit remplir les mêmes usages que l'organe tout entier. Elle concourra donc, dans la mesure du possible, à séparer l’arrière-bouche de la cavité naso-pharyngienne. D. Pharynx. — Le rôle du pharynx comme agent mécanique de propulsion du bol avait été très-bien décrit déjà par les Albinus, Hewermann, Haller, Sandifort. Magendie, et surtout Gerdy et Dzondi ont ajouté aux descriptions de leurs devanciers quelques détails importants admis à peu près par tous les phy- siologistes. Dès que le voile du palais se soulève, on sait que le pharynx se raccourcit sous linfluence des muscles releveurs du larynx, les génio-hyoidiens, mylo-hyoidiens, stylo-hyoidiens, hyo-thyroi- dhens, auxquels il faut ajouter une paire de muscles propres du pharynx, les s{ylo-pharyngiens. Dans ce premier mouvement, le pharynx va en quelque sorte au-devant du bol, le reçoit, puis l'entraine par l’action non interrompue des constricteurs. D’a- près Gerdy, « ceux-ci se contractent, embrassent le voile par sa face supérieure et son bord libre, puis le compriment de haut en bas, et l’entrainent dans ce dernier sens avec le bol qui est au-dessous. Dans ce mouvement, le pharynx tend à avaler le voile, et l’avalerait si celui-ci n’était solidement fixé à la voûte osseuse. » Cette Interprétation du rèle mécanique du pharynx, tirée principalement de l'anatomie et de l’observation de soi-même, fut acceptée par quelques-uns, vivement critiquée par d’autres. Pour notre compte, nous la trouvons exacte. En effet, les am- poules que nous avons introduites sur les animaux, entre la face postérieure du voile et la paroi spinale du pharynx, en passant à travers les cavités nasales, ont toujours été vivement compri- mées pendant la déglutition; preuve que le pharynx se con- tracte sur le voile. De plus, nous eûmes plus d’une fois à souf- frir de sa tendance à avaler le voile avec les aliments, car quel- ques-unes de nos ampoules furent arrachées de leur sonde et entrainées dans l’œsophage. En face de ces contre-temps de l’expérimentation, on devine ce qu’il adviendrait du voile s'il n’était pas plus solidement fixé que nos ampoules. 30 S. ARLOING. Mais est-ce là tout le rèle du pharynx dans la déglutition ? La contraction de ses muscles est-elle l’unique force qui fasse glis- ser le bol vers l’œsophage ? Haller admet une dilatation du pharynx au deuxième temps : «Les mêmes causes qui élèvent le larynx, écrivait Haller, ne peuvent pas ne pas tirer aussi le pharynx en haut; or, tiré en haut, il se dilate, d’autant plus que le larynx, éloigné des ver- tèbres et porté en avant, augmente cet espace, dont une dimen- sion est la distance des vertèbres du cou à la paroi anté- rieure du pharynx, et encore la langue avec sa racine, étant portée un peu en avant, augmente la cavité du pharynx (1). » Et plus loin : « Les ptérygo-pharyngiens, et de concert les buccmateurs, les mylo-pharyngiens et les glosso-pharyngiens, appliquent le pharynx contre la langue qui résiste, en même temps qu’un sac rendu plus ample attend le bol derrière le larynx. » Cette assertion du célèbre Haller ne paraît pas avoir beau- coup frappé les physiologistes qui vinrent immédiatement après lui, car elle ne fut reprise qu’en 1838 par Maissiat, qui en a exagéré l’nportance (2). « Une conséquence évidente du transport en avant de l’os hyoïde et du larynx, dit Maissiat, c’est lPampliation du pharvnx derrière eux : il devra donc s’y faire ventouse. » Pourvu qu'il ne puisse être satisfait à cette ventouse que par le haut, où est le bol, l’auteur s'explique la déglutition pharyngienne : «Ainsi l’atmosphère me suffit, ajoute-t-il, et je ne puis accepter plus grande force, force active de contraction des piliers postérieurs du voile. » Telles sont les paroles de Maissiat. Pour lui, on le voit, la descente du bol dans le pharynx est la conséquence physique de la dilatation de cet organe. En 1865, M. Guinier, s’exerçant à déglutir un bol captif, s’aperçut : 1° que la déglutition du bol n’était complète qu'à la condition € d'emmagasiner préalablement une longueur assez grande de lien dans la bouche »; et 2 que « quelque (1) Éléments de physiologie, t. IV, pv; (2) Thèse de médecine. Paris, 1828. ARTICLE NS Î. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 93 promptitude avec laquelle il retirait ce bol alimentaire solide et captif, 1l était déja profondément engagé à plus d’un déci- mètre dans l’œsophage (1). » M. Guinier conclut de ces faits, qu'au moment de la déglutition, l’œsophage s’entr'ouvre, agit sur le bol alimentaire à la manière d’une ventouse et l’aspire brusquement de façon à l’entraîner instantanément jusqu’à une certaine profondeur. Cette courte analyse suffit pour démontrer que M. Guinier partage à peu près l'opinion de Maissiat. Aussi se trompe-t-il quand il eroit « que cet acte d'aspiration de l’œsophage agissant sur le bol à la manière d’une ventouse, dans l’acte normal de la déglutition, n’a été signalé par aucun physiologiste (2). » La dilatation d’un point du pharynx, ou l'influence qu’elle peut exercer sur le bol a été combattue par Debrou, Bérard, Longet, Moura. Pourtant cette dilatation existe et son influence est réelle. Nous avons mis lune et l’autre en évidence par le procédé suivant. Après avoir pratiqué sur le Cheval une œsophagotomie au lieu d'élection, on introduit de bas en haut, dans l’œsophage, une sonde assez rigide munie à son extrémité supérieure d’un doigt de gant moyennement distendu par des fragments d’é- ponge. On s’arrête quand on sent la résistance considérable qu’opposent à la sonde les piliers postérieurs du voile du palais, qui viennent se réunir en arcade au-dessus de l’entrée de l’œso- phage. Lorsque ampoule est placée dans de bonnes conditions, elle fournit à chaque déglutition un tracé semblable à celui que l’on voit en O (fig. 5). [ci l'animal mâche de l’avoine; aussi les mou- vements de mastication se traduisent-ils par les courbes #, m. En d, survient une déglutition ; le tracé s’abaisse brusquement au-dessous du zéro, puis remonte assez rapidement au niveau primitif, qu'il dépasse même beaucoup, pour revenir enfin au zéro où l’on voit réapparaître les mouvements de mastication 4 LL m', m'. (1) Voy. Gazette hebdomadaire, 1865, p. 436. (2) Guinier, Étude sur le gargarisme laryngien, p. 73. Montpellier, 1868 924 S. ARLOING. Il est donc évident, d’après ce tracé, qu’une ampoule située au fond du pharynx, à l'entrée de l’œsophage, se trouve tout à coup au milieu d’une cavité dont les parois cessent de la com- F1G. 5. — Monirant les rapports entre les mouvements du Jarynx L, et les pressions à l’entrée de l’œsophageO; F dans la partie moyenne du pharynx P; dans les cavités : nasales N (Cheval). primer, c’est-à-dire au milieu d’une cavité qui s'agrandit. Si l’on compare le tracé O aux tracés L, P et N (fig. 5j, qui ont été pris en même temps, on constate que la dilatation du pharynx (d) débute avec l’ascension du larynx (a), le soulèvement du voile du palais (d) et le refoulement de l’air dans les cavités nasales (d”). D'où l’on peut conclure : 1° que l'aspiration pha- ryngienne (d) se fait sentir pendant que le pharvnx se raccoureit, que le thy- roïde entre dans la four- che hyoïdienne, et que le voile du palais soulevé at- teint la paroi postérieure du pharynx; 2 qu’elle dure autant que la com- pression de l'air dans les cavités nasales, et qu’elle cesse quand Île larynx opère sa descente. On peut se rendre compte de tactu de l’exis- tence et du siége de cette dilatation en essayant d'introduire le doigt dans le pharynx par une plaie faite à l’œsophage. Dans l’intervalle des déglutitions, tous les efforts seront à peu près infructueux; la pointe du doigt, étroitement pincée entre ARTICLE N° f. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 95 le larynx et la voûte de l'anneau œsophagien, vient s’arrêter contre les piliers postérieurs du voile du palais. Mais l’animal fait-il une déglutition, on se sent tout à coup à Paise, et le doigt glisse brusquement vers la cavité pharyngienne, d’où il ne tarde pas à être chassé lorsque les constricteurs entrent en action. Maintenant que nous avons mis en évidence la dilatation du fond de l’arrière-bouche et l’aspiration qu’elle doit produire, nous pouvons examiner l'opinion de M. Carlet sur le vide de Maissiat. Ce physiologiste reconnait une diminution de la pres- sion intrapharyngienne pendant les déglutitions, mais il ne eroit pas, avec Maissiat, qu'elle soit due au pharynx; il en place la cause dans le soulèvement du voile, et par conséquent le siége entre la base de la langue et le voile du palais. On peut faire à cette manière de voir une grave objection, étant connu le procédé expérimental de l’auteur. En effet, M. Carlet se con- tente d'explorer la cavité buccale. Or, peut-il savoir si la dimi- nution de pression qu’il enregistre au moment de la déglutition a son point de départ dans le fond de la bouche, dans Pisthme du gosier ou dans le pharynx. Évidemment non. Quant à nous, après avoir placé des ampoules x loco, nous avons observé deux aspirations successives : une première, faible, qui se pro- duit entre la base de la langue et le voile; une deuxième, beau- coup plus forte, qui commence à l'instant où la première va atteindre son maximum et dont le siége est au fond du pharynx, ou mieux à l’origine de læsophage. Nous admettrons donc, avec Haller, Maissiat et M. Guimier une aspiration pharyngienne dont les agents sont les museles chargés de soulever le pharynx, de faire basculer le larynx en avant et en haut, et de produire le gonflement de la base de la langue, auxquels il faut ajouter une certaine dépression intra- thoracique, que nous étudierons bientôt. Mais est-ce à dire que nous Considérions l'aspiration pharyngienne comme l'agent unique du passage du bol dans l’œsophage, à l'exemple de Maissiat et peut-être de M. Guinier ? Non. La théorie exclusive et exagérée de Maissiat tendrait à nier l'utilité des constricteurs 26 S. ARLOING. du pharynx. Or, l'expérience à démontré que la section des pneumogastriques au-dessus du plexus gangliforme de Willis apporte les difficultés les plusgrandes à la déglutition. De plus, nous n’ignorons pas que les muscles du pharynx et du voile du palais peuvent, au besoin, se passer de l'intervention de la pression atmosphérique. Debrou a montré que l’on pouvait déglutir après avoir hermétiquement fermé la bouche et les narines. Nous avons répété cette expérience plusieurs fois; nous l'avons même réalisée sur les animaux, après avoir pratiqué une trachéotomie, et la déglutition à paru se faire sans difficulté. Pourtant, sur l'Homme, l’occlusion de la bouche et des narines west pas toujours absolument sans inconvénient. Lorsque le bol est très-fluide, on sent quelquefois des parcelles alimen- taires se projeter dans les cavités nasales au moment où le voile du palais se détache de la parot postérieure du pharynx. Nous croyons done sage de regarder l’aspiration pharyn- gienne comme un adjuvant des organes contractiles qui agissent directement sur le bol, adjuvant précieux qui attire le bol, règle sa descente et ajoute à la rapidité de sa marche. E. Rôle de l'appareil respiratoire. — Les auteurs sont dans l'habitude de rattacher à la description du temps pharyngien de la déglutition l'examen de la question suivante : Comment le bol alimentaire, en traversant le pharynx, évite-t-1l les cavités nasales et l’entrée des voies respiratoires ? La première partie de cette question a été jugée mcidemment à propos du voile du palais. Nous avons démontré que cet organe, activement tendu, touchait le pharyax par son bord posté- rieur, que le pharynx lui-même l’embrassait étroitement : 1l n’en faut pas davantage pour empêcher au bol de prendre la voie des cavités nasales. Quant à la deuxième partie, elle nous arrêtera davantage. D'ailleurs, loin de nous borner, comme nos devanciers, à étudier seulement le rôle du larynx, nous porte- rons aussi notre attention sur les parties profondes de l’appareil respiratoire. Gette étude sera l’un des points les plus neufs de notre travail. Nous commencerons par elle, car dans lordre d’évolution.des phénomènes de la déglutition, ceux qui ont leur ARTICLE N° f. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 27 point de départ dans le thorax précèdent les modifications qui ont leur siége au larynx. 1° Dépression aintrathoracique. — Dans une note assez récente sur le mécanisme de la rumination (1), M. Toussaint a déerit des relations fort intéressantes entre le jeu du thorax et la réjection des aliments. À part ce travail, il ne parait pas que les rapports de la respiration avec les premiers actes digestifs aient jamais attiré sérieusement l'attention. Pourtant ceux qu'il entretient avec la déglutition sont fort remarquables. Voici par quelle circonstance nous avons été amené à les étudier. Un jour, nous avions fait une trachéotomie sur un Che- val. Reconduit à l'écurie, celui-ci se mit à manger comme d'habitude, seulement il faisait entendre à chaque déglutitionun bruit sec que nous attribuâmes tout de suite à un abaïissement brusque de la pression intrathoracique qui entrainait l’intro- duction de Pair extérieur dans l'arbre trachéo-bronchique. Pour juger la valeur de cette hypothèse, nous plongeñmes un trocart dans la trachée d’un autre Cheval; nous fimes commu- niquer la canule avec un tambour à levier, et nous constatämes que le levier du tambour s’abaissait brusquement à chaque déglutition. L'existence d’une dépression trachéo-bronchique étant imdé- niable, il fallait déterminer les agents de ce phénomène, l’in- stant précis où ilse produit, et l’mfluence qu’il peut avoir dans la déglutition pharyngienne. a. La chute de la pression imtrabronchique qui accompagne la-déglutition n’est pas due à un mouvement imspiratoire ordi- nalre ; car si l’on cherche à enregistrer les déplacements de Pair dans la trachée à l’aide de lappareil qui a été construit par M. Toussaint, sur le principe de l’hémodromographe Chau- veau (2), on s'aperçoit que l'air qui remplit l'appareil respira- toire est en repos absolu. Elle se produit donc après l’occlusion (1) Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 août 1874. (2) Application de la méthode graphique à la détermination du mécanisme de la réjection dans la rumination (Archives de physiologie normale et pathologique, mars-avril 1875). 28 S. ARLOING. du canal pharyngo-laryngien, soit par la dilatation de la partie supérieure de la trachée au moment de l’ascension du larynx, soit par la dilatation du thorax. La première de ces causes peut être vite écartée, car s’il est vrai que la dépression trachéale coïncide avec ascension du larynx, l’on s'aperçoit aussi qu’elle diminue de bas en haut. De plus, si on isole la partie supérieure de la trachée de telle sorte qu’elle ne communique qu'avec le pharynx, on constate que la pression y augmente, tandis qu’elle diminue du côté de la poitrine. Il faut donc se rattacher à la seconde hypothèse. Si l’on enregistre simultanément la pression intra-trachéale (T), les mouvements du thorax (P) et del’abdomen (F) à Paide de ceintures pneumographiques et les déplacements du dia- phragme (D), en introduisant une ampoule élastique entre le cæcum du Cheval et cette cloison contractile, on obtient les graphiques de la figure 6. En jetant les yeux sur ces tracés, on observe qu'au mo- ment d’une déglutition (d), toutes les courbes sont modi- fiées. Parmi les modifications, celle qui frappe le plus appar- lient à la pression trachéale qui subit une brusque et forte FRE | diminution. Au même instant TS vements de côtes P, du flanc É, el du dia- AU COntraire, SC soulève, et le diaphragme se contracte; d’où l'on peut conclure que la dépression trachéo-bronchique reconnait pour cause une dilatation de la cavité thoracique dont l’agent presque exclusif, chez le Cheval, est le diaphragme. Dans le Chien et Homme, les parois costales prennent une part plus importante à la production de ce phénomène. ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 29 b. Si l’on rapproche les tracés de la pression intra-trachéale et de la pression dans les cavités nasales (F, N, fig. 7), on voit que la pression baisse dans la trachée pendant qu'elle s'élève dans les cavités nasales (d, d); ce qui prouve que la dépres- sion thoraco-diaphragmatique coïncide avec le début de la déglutition, c’est-à-dire avec las- cension du larynx, le soulèvement et la tension du voile du palais. On constate même, expérimentale- ment, qu'elle débute avant la fer- meture de la glotte, car ses effets se font sentir un court instant sur l'air du vestibule laryngien et du pharynx (voy. fig. 8). Quant à sa durée, elle est égale à celle de la contraction du pharynx : la dépres- sion thoracique cesse lorsque cet organe est sur le point d'entrer en relächement. Fig. 7. — Montrant les relations de la C. Maintenant que nous sommes dépression thoracique T, et de la pression dans les cavités nasales N (Cheval). fixés sur les causes et la durée de la dépression thoraco-diaphragmatique, nous pouvons exa- miner son influence sur la déglutition pharyngienne. Elle nous paraît fort importante, car elle facilite la déglutition en fixant le fond du pharynx et en raréfiant air au-devant des bols, et pro- tége les voies respiratoires en assurant l’ocelusion du larynx. La dépression thoracique fixe le fond du pharynx par l’intermé- diaire de l’œsophage. Effectivement, ce conduit est jeté comme un lien du pharynx au diaphragme; si ce dernier se contracte, l’œsophage sera tendu, tirera sur le fond de l’arrière-bouche et l’empêchera de suivre le larynx dans son mouvement de bas- cule. Par conséquent, au moment où le larynx est porté en avant et en haut, l'entrée de l’œsophage, soumise à l'action de deux forces opposées, se dilate nécessairement et appelle le bol à son intérieur. L’immobilisation relative de l’arrière- bouche à paru aussi très-importante à Schiff, car ce physiolo- 30 | S. ARLOING. giste a remarqué que si l'on élève le larynx sans fixer le pha- rynx, la glotte reste entr'ouverte. ® Fonctions du larynx. — Le larynx fait partie du plancher de la cavité traversée par le bol. Il est néanmoins protégé, contre l'introduction des aliments, par la position qu'il prend au moment d’une déglutition et par locclusion de la glotte. Les auteurs admettent que, en se soulevant, le larynx s’abrite sous le plan incliné formé par la base de la langue qui se gonfle de plus en plus au fur et à mesure que s’'accomplit le mouve- ment de déglutition. [ls admettent aussi que l’épiglotte se ren- verse sur l’entrée du larynx, et que les lèvres de la glotte se rap- prochent de manière à achever la séparation des voies digestives et des voies respiratoires. Nous n'avons rien à objecter à ce mécanisme; toutefois nous devons examiner si Les actes que l’on déerit sont simultanés ou successifs, et si tous ont une égale importance. «. Haller, Magendie, Maissiat, Longet, etc., ont cru que la olotte se fermait au début du deuxième temps. Cette opinion n’est pas rigoureusement exacte. Si l’on enregistre en même temps : la pression Imtra-tra- chéale T, d'après le procédé connu; la pression vestibulaire, en plongeant un trocart à travers le cartilage thyroïde dans l’angle formé par la veine faciale et la racine temporale de la jugulaire, et la pression intrapharvngienne en engageant profondément une ampoule dans le pharynx en passant par les cavités nasales, on obtient trois tracés superposés, dont l'étude est fort instruc- tive (voy. fig. 8). Dans l'intervalle de deux déglutitions, les courbes qui donnent la pression Intra-trachéale (T) et intralaryngienne (L) subissent des modifications identiques. Survient une déglutition : on voit aussitôt une brusque dépression trachéale (a), et celle-ci se fait sentir sur le tracé du vestibule (a') et même sur l’ampoule pha- ryngienne (4). Donc, à ce moment-là, la glotte et l’orifice supérieur du larynx sont encore entr'ouverts. Si le vide thora- cique n’est pas immédiatement comblé, c’est parce que le pha- rynx est absolument clos, d’un côté, par le voile du palais qui ARTICLE N° Î. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÉRES ET LES OISEAUX. 91 s’est soulevé; de l’autre, par la langue, qui est étalée sur la voûte palatine. En conséquence, la dépression thoracique pourra contribuer à raréfier Pair du fond du pharynx et à attirer le bol dans cette région. La béance de la glotte, au début de la déglutition, est une circonstance favorable à la production d’un vide pharyngien. Il est certain que si Maissiat avait connu ce fait, 11 n'aurait pas réclamé si expressément l’ocelusion immédiate de la glotte pour asseoir sa théorie de l'aspiration pharyngienne. FIG. 8. — Rapports entre Ja pression intra-trachéale T, la pression dans le vestibule laryngien L, et la pression dans le fond du pharynx P (Cheval). b. Nous venons de prouver que le larynx est encore entr’ouvert au commencement de la dépression thoracique qui signale, on le sait, le début d’une déglutition. Il faut chercher maintenant à quel instant et de quelle manière s'établit son ocelusion. Si l'on jette les yeux sur le tracé L (fig. 8), on s'aperçoit que 39 S. ARLOING. la plume qui répond au vestibule laryngien reste horizontale de g en o, après s'être abaissée sous l’influence de la dépression thoraco-diaphragmatique 4. La pression reste donc uniforme dans le vestibule, tandis qu’elle se modifie dans les cavités voi- sines, ce qui implique l’occlusion parfaite du vestibule du larynx. Nous avons mesuré, sur le Cheval, le temps quis’écoule entre le début d’une déglutition et la fermeture de la glotte. Nous l'avons trouvé égal à 3/37 de seconde en moyenne. Il est certain que l’occlusion du larynx commence avec l'ascension de cet organe ; mais elle n’est complète qu'au moment où le bol arrive au-dessus des voies respiratoires. Nous ne parlerons pas des muscles qui déterminent l’ocelu- sion du larynx. Nous rappellerons seulement que Haller, Ma- sendie, Maissiat, Longet, ont pensé que la glotte se fermait d’abord passivement sous l’influence des muscles du pharynx, puis activement par la contraction de ses propres muscles. Le dernier de ces physiologistes a irréfutablement démontré, par la section des nerfs laryngés, que les agents qui peuvent fermer la glotte dans la déglutition ne sont pas forcément les mêmes que ceux qui entrent en jeu dans la respiration et la phonation. Nous insisterons, au contraire, sur le rèle des parties qui ferment la cavité du larynx à ses deux extrémités. Presque tous les physiologistes croient que l'entrée du larynx se ferme par les aryténoïdes et les cordes vocales supérieures, qui se rapprochent du plan médian, et par l’épiglotte, qui se renverse en arrière sur l’orifice préalablement rétréci. Quelques- uns ont pensé que l’épiglotte ne se renversait pas quand les bols étaient fluides, et d’autres, que l’épiglotte ne fermait Jamaus hermétiquement l'entrée du larynx. À propos de la première dissidence, nous pouvons affirmer que nous avons constaté maintes fois, par le toucher ou à l’aide des appareils enregistreurs, que l’épiglotte se renverse toujours, quel que soit l’état physique des bols déglutis. Quant à la seconde, M. Moura s'appuie sur des faits expéri- mentaux pour avancer que l’épiglotte laisse passer des liquides. ARTICLE N° f. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 33 Après avoir introduit entre l’hyoïde et le thyroïde d’un Chien de taille moyenne «un trocart, de manière à faire pénétrer l'extrémité de sa canule au-dessus des replis sus-glottiques », M. Moura versa de l’eau dans la gueule de l'animal, et vit, à chaque déglutition, une gouttelette sortir brusquement avec des bulles d’air par l’orifice externe. Dans une autre expérience, il relia l'extrémité extérieure de la canule à un manomètre avec un tube de caoutchouc; aussitôt que le Chien buvait, on voyait la colonne mercurielle s'élever à 7 et 8 millimètres dans la branche graduée. Nous objecterons, à la première expérience de M. Moura, une trop grande incertitude sur le point où aboutissait l’extré- mité de la canule. Peut-être que celle-ci était engagée trop profondément vers le pharynx et empêchait l’épiglotte de s’abaisser sur l'entrée du larynx. Au surplus, M. Moura recon- nait lui-même que l'introduction du trocart est difficile sur le Chien, et qu'on n’est pas toujours sùr du lieu où aboutit l’instru- ment. En expérimentant sur des animaux plus volumineux, et par conséquent dans de meilleures conditions, nous avons con- staté qu’à un certain moment, le vestibule est toujours absolu- ment clos (voy. go, fig. 8). A la seconde expérience de M. Moura, nous répondrons qu'elle ne s'applique pas au fait qu'il a voulu démontrer. En effet, rien ne prouve que l'élévation de la colonne manométrique soit due à l’introduction des boissons dans le vestibule. L’aug- mentation de la pression dans cette cavité pourrait être due à une autre cause. Du reste, à supposer que la conclusion de M. Moura soit exacte, elle ne s’appliquerait pas à la déglutition des solides. Nous devions donc soumettre l’assertion de M. Moura à un contrôle expérimental rigoureux. Le vestibule laryngien, étant placé entre la trachée et le larynx, peut être modifié par des causes qui procèdent de haut en bas et de bas en haut. Si l’on veut bien étudier les modifi- cations qui se passent dans le vestibule sous l'influence du pha- rynx seulement, il faut mettre de côté l'influence du thorax. ANN. SC. NAT., JUILLET 1877. VI. 9. — ART. N° 1. 34 | S. ARLOING. Pour y arriver, nous avons institué l'expérience suivante : On fait une large trachéotomie au üers supérieur du cou d’un cheval; un tube cylindrique de métal, fermé à son fond par une plaque munie d’une pette tubulure, est fixé solidement et étroitement dans le segment supérieur de la trachée. L'animal respire aisément par l'ouverture faite à la trachée, mais les changements de la pression intrathoracique ne peuvent se faire sentir sur l'air du vestibule. Cela étant, on met en communi- cation, avec des tambours à levier, la cavité du vestibule laryngien et celle du segment supérieur de la trachée. On obtient alors les graphiques de la figure 9, au moment d’une déglutition. Le tracé L indique les chan- gements de la pression intra- laryngienne, et le tracé T, les changements de la pression in- tra-trachéale. On s'aperçoit qu'au moment d’une dégluti- on, la pression s'élève brus- quement dans les deux cavités (d, g); bientôt la pression cesse de s’accroitre; les plumes re- tombent même légèrement (ce qui tient à la vitesse acquise par les leviers et à l’élasticité F1G. 9. — L, pression dans le vestibule laryn- gien, T, pression dans la partie supérieure du caoutchouc des tambours), de la trachée. restent ensuite un instant au même niveau (go), puis s’abaissent rapidement jusqu'au dessous du zéro. Si l’on compare ces tracés à ceux de la figure 8, on constate que l’isolement de la parte supérieure de la trachée a eu pour effet de convertir, dans le vestibule laryngien, une pression négative (4'7, fig. 8) en une pression positive (dg, fig. 9), beaucoup plus prononcée. Par conséquent, ARTICLE N° f: DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 35 dans le cas où la trachée est libre, la pression qui règne dans le larynx au début d’une déglutition est égale à la différence qui existe entre une dépression qui procède du thorax et une compression de l'air, qui procède au contraire de haut en bas. Dans le Cheval, cette différence est négative ; mais, à la rigueur, on comprend, par l'expérience qui vient d’être exposée, que M. Moura ait observé une augmentation de la pression dans le larynx du Chien. Où nous nous séparons absolument de M. Moura, c’est sur la cause de cette augmentation. Est-elle produite, comme :l le pense, par l'introduction de Fair du pharynx et d’une partie du bol dans le larynx au moment où les aliments sont poussés dans l’æsophage? Évidemment non, puisque à l'instant où les aliments passent au-dessus du larynx, celui-ci est absolument clos, ainsi que le prouvent les lignes horizontales yo dans les tracés de la figure 8 et de la figure 9. Il nous est donc impossible d'admettre, avec M. Moura, que le vestibule communique avec le pharynx pendant le passage du bol au-dessus des voies respiratoires. D'ailleurs, qu’arri- verait-1] à la fin d'une déglutition, si les aliments s’engageaient si facilement dans le vestibule? On conçoit que le Chien serait constamment menacé de suffocation lorsque les cordes vocales ‘s'écarteraient l’une de l’autre. Or, cet accident n’est pas plus fréquent sur le Chien que sur les autres espèces. L'expérience de M. Moura à donc dù pécher par quelque côté. Dans tous les. cas, elle était mcomplète, car elle ne donnait aucun renscigne- ment sur les rapports qui existent entre la marche du bol et Ja compression de l’air dans le larynx. L’occlusion du larynx par le rapprochement des cordes vocales ne fait aucun doute pour personne. Le tracé L, fig. 8, démontre que la fermeture de la glotte est parfaite, puisqu'elle soustrait complétement la cavité du larynx à l'influence du thorax. Mais on n’est plus d'accord sur son importance. La fermeture de la glotte a été considérée, tantôt comme un acte Capital dans la déglutition, tantôt comme un acte simple- ment uüle et dont l’absence n’entraine pas fatalement l’intro- duction des aliments dans les voies respiratoires. 30 S. ARLOING.. Pour Magendie, l’occlusion de la glotte aurait un haut degré d'importance, car « c’est la raison pour laquelle aucune parcelle d’aliment ne s’introduit dans le larynx au moment où l’on avale (1) ». Maissiat a accepté sans réserve l’opimion de Ma- gendie; au reste, le rapprochement des cordes vocales lui paraissait nécessaire « pour qu'il ne soit pas satisfait au vide (indispensable dans sa théorie) qui tend à s'établir dans le pha- rynx, par l’air de la trachée » (2):xP. Bérard a nié que la régu- larité de la déglutition soit due à la contraction de la glotte. Pour qu'il en soit ainsi, dit-il, « 1l faudrait que cette ouverture oceupèt l'extrémité supérieure du larynx. Or, elle est située au-dessous de la partie moyenne, et surmontée d’une cavité dans laquelle les aliments ne descendent certainement pas lors- qu'ils ont franchi l’isthme du gosier. La contraction de la glotte n’en est pas moins, pour Bérard, un phénomène important à constater, car c’est par elle que la nature met obstacle à l'in- troduction des aliments dans la trachée, lorsqu'ils se sont acci- dentellement introduits dans le larynx » (3). Longet, à son tour, n’a pas cru à l’absolue nécessité de l’occlusion de la glotte, car sur deux Moutons et deux Chiens, des aliments solides, enfoncés assez avant, furent facilement déglutis, sans jamais tomber dans la trachée, malgré l’écartement artificiel des lèvres de la glotte ; il en fut de mème des liquides versés dans la bouche de ces animaux (4). Les tracés de la pression intralaryngienne que nous avons déja étudiés nous permettent de partager, sans hésitation, l'opinion de Bérard et de Longet. Nous avons vu que, dans les conditions ordinaires, le vestibule larvngien est exactement séparé du pharynx. Peu importe alors que la glotte soit ouverte ou fermée, l’entrée de la trachée n’en sera pas moins protégée contre les parcelles alimentaires. Ces dernières expériences de Longet furent opposées, bien (1) Précis de physiologie, 1. I, p. 66. (2) Thèse citée, p. 66. (3) Addition aux éléments de physiologie de Richerand, 10° édit., t. 1, p. 232. (4) Traile de physiologie, 2 édit., t. I, p. 110. ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 97 à tort, à la théorie de Maissiat. En effet, puisque le larynx est fermé sans l'intervention des cordes vocales, 1l ne peut être satisfait au vide pharyngien par l'air de la trachée, lorsqu'on entretient la béance de la glotte. Au demeurant, avec les con- naissances que nous avons aujourd'hui sur le rôle du thorax dans la déglutition, si la béance de la glotte devait exercer quelque influence sur le vide pharyngien, elle serait plutôt favorable que nuisible. En résumé, plusieurs parties de l'appareil respiratoire con- courent à l’exécution des déglutitions isolées. Les côtes, et surtout le diaphragme, déterminent, en se soulevant, une tension de l’œsophage favorable à la dilatation du fond de l'ar- rière-bouche et à l’occlusion passive du larynx ; ils déterminent aussi cette dépression trachéo-bronchique qui, après avoir con- tribué à raréfier l'air du pharynx, maintient les lèvres de la olotte appliquées l’une contre l’autre et tend à attirer en bas l’épiglotte et les aryténoïdes. Lorsque la déglutition est nor- male, éette aspiration ne constitue jamais un danger, car elle cesse d’agir sur les aliments lorsqu'ils arrivent au-dessus de l'entrée du larynx. Elle agirait comme une force attractive qui se déroberait aussitôt que le corps qu’elle a appelé arrive jus- qu'à elle. Les agents chargés de supprimer tout à coup l’action du thorax sont : lescordes vocales supérieures ; les aryténoïdes et l’épiglotte, qui se rapprochent de plus en plus au fur et à me- sure que le larynx se soulève, et les lèvres de la glotte, qui se comportent de la même manière, et qui, à un moment donné, isolent la trachée du pharynx. FE. Relächement du pharynxæ. — Lorsque le bol s’est engagé dans l’origine de l’œsophage, les muscles qui s'étaient con- tractés cessent d'agir : la langue entre en repos, le larynx revient à sa position naturelle; le pharynx, qui s'était raccourci et resserré, reprend ses diamètres habituels ; le voile du palais, relâché, quitte la paroi postérieure de l’arrière-bouche ; l’épi- glotte se redresse, le vestibule laryngien et la glotte s’en- trouvrent. Tels sont les phénomènes qui débutent au même 38 | S. ARLOING. instant, comme par le jeu d’une détente, à la fin des déglu- titions pharyngiennes isolées. Le retour brusque du pharynx à ses dimensions premières est le phénomène qui domine cet ensemble. Il s’accuse par l'aspiration qu'il exerce sur l'air des cavités voisines qui se trouvent tout à coup en communication avec l’arrière-bouche. Cette aspiration se fait sentir sur une ampoule intrapharyn- gienne (voy. P, fig. 8); elle se propage, en bas au vestibule laryngien (voy. L, of, fig. 8), en haut aux cavités nasales (voy. N, fig. 4 et 5), au fond de la bouche, et jusqu’à l'oreille moyenne, ainsi que nous l'avons constaté en enregistrant sur le Cheval la pression qui règne dans les poches gutturales. L'influence du retour du pharynx à ses dimensions premières ne se fait sentir sur l’air des cavités nasales qu'à la condi- ion que le pharynx ait cessé d’embrasser le bord inférieur et la face postérieure du voile du palais. La sépa- ration de ces deux organes se fait plus ou moins brus- quement et plus ou moins nettement. Si elle est brusque et rapide, l’as- piration pharyngienne s’a. Joute à la dépression qui s'établit dans les cavités nasales pendant la des- cente du voile et la con- FiG. 10. — «, b, ce, différentes formes de la pression dans les cavités nasales de l'Homme pendant les dé- traction du pharynx. On glutitions. obüent alors une pression négative continue, comme on le voit en & et b (fig. 10), où l’on à enregistré la pression des cavités nasales de l'Homme. Si, au contraire, elle est moins brusque et moins nette, l’as- piration ne suivra pas immédiatement la descente du voile : aussi le tracé que l’on obtiendra sera entrecoupé par un sou- bresaut (voy. €, fig. 10). Il résulte, de ce que nous venons de dire, que la fin de la ARTICLE N° f. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 39 déglutition coïncide avec une deuxième aspiration pharyn- sienne. Celle-ci est consécutive au passage du bol, et elle sera d'autant plus grande, que le pharynx aura éprouvé plus de dif- ficulté à agir sur les matières à avaler. C’est elle que Maissiat mettait en évidence en fixant un petit manomètre sur une narine. Par conséquent cet auteur se trompait en lui attribuant la descente du bol dans l’æsophage. Les déductions de Maissiat étaient donc mauvaises; mais le fait qu'il avançait était vrai. Nous avons démontré plus haut que le fond du pharynx se dilate réellement au début de la déglutition. G. Durée des périodes de la déglutition bucco-pharyngienne. — Tous les phénomènes que nous avons décrits constituent, par leur association, la déglutition buceo-pharyngienne isolée. Étudiés avec les moyens que nous avons employés, on acquiert la certitude qu'ils sont : les uns, de l’ordre physique ; les autres, de l’ordre mécanique. Si l’on étudie leur enchainement, on parvient à distinguer, dans la déglutition bucco-pharyngienne isolée, trois périodes. Elles sont indiquées sur le tracé du vesti- bule laryngien (L, fig. 8). La première (ag) correspond à l’as- piration trachéale, à la dilatation du pharynx et au passage du bol du fond de la bouche jusqu’au-dessus du larynx ; la seconde (go) répond à l’occlusion de la glotte et du vestibule laryngien, à l’activité des constricteurs et au passage du bol au devant du larynx ; la troisième (of) coïncide avec la chute du larynx, l'allongement du pharynx et l’ouverture de la glotte. La moyenne de plusieurs expériences nous a donné quinze trente-septièmes de seconde pour la durée d’une déglutition isolée. Les trois périodes se partagent ce très-court instant d’après les chiffres 3, 9, 3; de sorte que le temps qui s'écoule entre l’occlusion et l'ouverture de la glotte, temps qui exprime la durée réelle de la déglutition, est en moyenne un quart de seconde. Ce serait donc pendant un quart de seconde seulement que la respiration serait suspendue à chaque déglutition. Mais, comme ce quart de seconde est occupé par une forte dépres- sion thoraco-diaphragmatique, il s'ensuit que les parois thora- ciques ne sont jamais au repos pendant les déglutitions isolées. 40 S. ARLOING. $ 2. — Déglutitions associées, Nous avons dit ailleurs ce que nous entendions par déglu - titions associées, et nous avons montré qu'elles ne pouvaient s'exercer que sur les substances liquides. I. Historique. — Les physiologistes établissent tous, dans l'étude de la déglutition, une division basée sur l’état liquide ou solide des substances alimentaires ; mais ils disent fort peu de chose sur les différences que l’état physique des bols entraine dans le mécanisme de la fonction. Quelques-uns sont même absolument muets sur ces différences. Il en est cependant un certain nombre qui ont exprimé leur opinion sur ce sujet. Tel est Magendie, qui pense que nous avalons les liquides par le même mécanisme que les aliments solides. « Mais, ajoute-t-1l, comme les boissons glissent plus aisément à la surface de la membrane muqueuse du palais, de la langue, du pharynx, etc.; comme elles cèdent sans difficulté à la moindre pression, et qu’elles présentent toujours les qualités requises pour traverser le pharynx, elles sont, en général, avalées avee moins de diffi- culté que les aliments solides. Je ne sais pourquoi l'opinion contraire est généralement répandue (1).» Tels sont aussi les auteurs du Dictionnaire de médecine (2), qui, après avoir exposé le mécanisme de la déglutition des solides d’après Gerdy, disent que « les aliments liquides et les boissons sont introduits dans l’œsophage par un mécanisme absolument semblable. Il est à remarquer, toutefois, ajoutent-ils, que le peu de cohésion de leurs parties, qui favorise d’un côté leur passage, néces- site de l’autre une précision et une exactitude plus grandes dans les mouvements de la déglutition pour qu'ils ne s’éloignent pas de la route qu'ils doivent suivre. » Citons encore Longet, qui, après avoir écrit dans la première édition de son livre que l’épiglotte restait dressée pendant la déglutition des boissons, et que ces liquides suivaient les rigoles qui se trouvent sur les côtés de l’orifice supérieur du larynx, (1) Précis élémentuire de physiologie, t. IX. (2) Dictionnaire de médecine, 1835, article DIGESTION. ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. #1 reconnait qu'il s'était trompé, car il a fait disparaître ce passage des éditions ultérieures. D’autres, enfin, parmi lesquels se trouve M. G. Colin, annoncent de très-légères différences que l’on cherche ensuite vainement dans la description détaillée qu'ils donnent de la déglutition des boissons. En résumé, on observe dans les écrits des physiologistes une indécision qui s'explique, à notre avis, par l'importance qu’ils attachaient à l’état physique des bols plutôt qu’au mode selon lequel les déglutitions se succèdent. La question méritait donc d’être reprise avec soin. En l'étudiant de nouveau, nous avons observé des différences dont la cause appartient à association et à la rapidité des déglutitions. IT. Du mécanisme des déglutitions associées bucco-pharyn- giennes. — Dans ce paragraphe, nous nous bornerons à com- parer le mécanisme des déglutitions associées à celui des déglu- ütions isolées. Nous suivrons, par conséquent, le même ordre que dans l’article précédent. | À. Mouvements des mächoires. — La déglutition des boissons peut débuter à n'importe quelle période d’un mouvement res- piratoire, tandis que les déglutilions isolées coïncident à peu près toujours avec la fin de l'inspiration. Dès le commencement des déglutitions associées, les mà- choires se placent dans un état d’écartement moyen, qu'elles : exagèrent un peu à l'introduction de chaque nouvelle gorgée. On se rend compte de ces mouvements en introduisant une ampoule élastique entre le masséter et la peau. Cette ampoule fournit le tracé de la figure 11, sur lequel les minima s'élèvent F1G. 11. — Tracé des mouvements des mâchoires dans les déglutitions associées. immédiatement au-dessus de zéro et s’y maintiennent jusqu'à la fin (/) de la déglutition des boissons à gorgées successives. En outre, la courbe s’élève deux fois à chaque déglutition : une 49 S. ARLOING. première fois (e) sous l’influence de l’écartement des mâchoires ; une deuxième fois (c) sous l’influence de la contraction et du sonflement du masséter, qui compriment légèrement l’ampoule exploratrice. . Le caractère principal du jeu des mâchoires dans les déglu- titions associées consiste donc dans la persistance de lécarte- ment moyen des maxillaires. On conçoit aisément, du reste, la nécessité de cet écartement moyen et de sa légère exagération à chaque déglutition, car il faut que les boissons puissent entrer et trouver une place dans la bouche. Quant à la légère con- traction des masséters, qui accompagne les mouvements de déglutition, elle a pour but de fixer la mâchoire inférieure, afin que les muscles élévateurs du larynx puissent trouver sur elle un point d'appui solide. Il est digne de remarque que la contraction des masséters atteint son maximum lorsque l’animal déglutit les gouttes de liquide qui s’amassent au fond de la bouche à la fin de la préhension des boissons, comme on le voit en €, fig. 11. Ge fait vient à l'appui de l’une de nos asser- tions antérieures, à savoir : que les bols petits et fluides de- mandent, pour être déglutis, une somme d'efforts plus consi- dérable que les bols plus volumineux et d’une consistance moyenne. B. Ascension du larynx. — Elle s’opère par le même méca- nisme et au même instant que dans le cas des déglutitions isolées. Toutefois on constate que le larynx {end à se fixer dans une position intermédiaire entre la plus basse et la plus élevée, et qu'il exécute autour de cette position moyenne des mouve- ments d’ascension et de descente. Sur un tracé des déplace- ments du larynx, on observe que les #inima déterminent une courbe convexe qui s'élève tant que le sujet boit avec précipi- tation, et décroit ensuite, au fur et à mesure que les gorgées s’éloignent les unes des autres. La rapidité avec laquelle les gorgées se succèdent ne permet pas au larynx d'accomplir toute sa course à chaque déglutition. C. Rôle de lu langue, du voile du palais et de l’isthme du gosier. — Nous avons déterminé le rèle de ces organes en ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 43 explorant le fond de la bouche et les cavités nasales, sur l'Homme ; l’isthme du gosier, le pharynx et les cavités nasales, sur le Cheval. 1° Homime.— L'Homme prend habituellement ses boissons par deux modes différents : elles arrivent dans la bouche par le jeu de la langue qui fait office de piston (exemple : lorsque nous buvons avec une pipette ou dans un verre presque vide) ; ou bien elles sont comme versées dans la bouche sous la forme d’une nappe liquide étendue du récipient au fond de la cavité buccale (exemple : lorsque nous buvons d’un trait dans un verre exactement rempli, en renversant un peu la tête). Dans le premier cas, les tracés de la pression qui règne dans le fond de la bouche et dans les cavités nasales res- semblent beaucoup à ceux que lon obtient pendant les déglu- titions isolées. Il faut signaler pourtant, sur le tracé du fond de la bouche, une légère courbe positive entre le passage de deux gorgées. Elle correspond à l’aceumulation graduelle des boissons dans la cavité buccale, sous Pinfluence de la langue qui manœuvre comme un piston. Le jeu du voile du palais et de l’isthme n'offre rien de particulier. Dans le second cas, on observe que la pression des cavités nasales s'élève légèrement au début, puis reste uniforme jusqu’à ce que le mode de déglutition soit modifié. Le tracé manométrique de la figure 12 montre les change- ments que subit la pression des cavités nasales dans l’un et l’autre mode. Pic. 12. — Tracé de la pression dans les cavités nasales de l'Homme pendant les déglutitions associées. Après avoir mis en communication lintérieur de noire appareil explorateur (nez de plomb) avec la cavité d’un tam- bour à levier, si l’on boit rapidement dans un verre exacte- ment rempli, le tracé N s'élève immédiatement en 4 et se main- 4% S. ARLOING. tient à ce niveau jusqu’en b. À ce moment, le niveau du liquide s'étant notablement abaissé dans le verre, les déglutitions s’éloignent les unes des autres ; aussitôt le graphique présente une suite d’oscillations dans lesquelles les pressions négatives l’emportent sur les pressions positives. Ce résultat nous dé- montre que, dans la déglutition des boissons d’un seul trait, le voile du palais se soulève et se fixe dans cette position, tan- dis que dans la déglutition suivant l’autre mode, le voile oscille comme dans les déglutitions isolées, sans toutefois s’abaisser autant. 9% Cheval. — Get animal prend toujours ses boissons par pompement ; aussi les déglutitions associées se font-elles chez lui d’après le premier mode que nous avons reconnu dans notre espèce. Si l’on prend, sur le Cheval, le tracé de la pression des cavités nasales, on constate qu'à chaque gorgée, la pression s'élève et s’abaisse dans ces cavités ; Ce qui prouve que le voile du palais se soulève et s’abaisse alter- nativement à chacune des déglutitions associées. Si l’on enregistre les changements de pression qui se produisent dans l'isthme du gosier, on ob- tient des courbes comme celles de la figure 13. On remarque, Sur ces tracés, Fe UE Aonnence par se dilater légèrement à l’arrivée d’une gorgée de liquide («, a’). La dilatation est produite par le soulèvement du voile du palais, comme dans les déglutitions isolées. Les quelques différences que l’on ob- serve, dans le cas particulier qui nous occupe, portent sur les caractères du resserrement de l’isthme qui suit la dilatation, ARTICLE N° f. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 49 et sur l’accumulation du liquide qui se fait au fond de la bouche dans l'intervalle des déglutitions. Le resserrement s'opère d’une façon soutenue, comme l’indique la forme des sommets des courbes abc et a'b'e', probablement dans le but d'empêcher le reflux des boissons vers la bouche. Quant à l’ac- cumulation des boissons entre la base de la langue et la face antérieure du voile, elle est prouvée par les courbes d et d', qui accusent une compression de l’ampoule exploratrice. En résumé, le rôle de l’isthme du gosier, de la langue et du voile du palais est plus ou moins modifié dans la déglutition des liquides; les modi- fications ne sont jamais déterminées exclusive- ment par l’état physique des bols. D. Pharynx. =— Gé- néralement Île passage des boissons dans cel organe se fait en deux lemps, ou, pour mieux dire, les liquides éprou- vent dans cet organe deux impulsions succes- sives. Une ampoule in- troduite dans le pharynx pendant une série de déglutitions associées donne le graphique ci- joint (P, fig. 14). Chaque courbe de déglutition se compose de deux par- ties r et r’. On peut en ee on a j Cheval P, pendant les déglutitions associées. inférer que le liquide dans lequel est plongée l’ampoule exploratrice subit deux com- pressions successives. Si l’on compare le tracé du pharynx à celui de l’isthme, on s'aperçoit que la première impulsion (7) A6 | S. ARLOING. est communiquée au liquide par le resserrement de l’isthme, et la seconde (r') par l’action des constricteurs du pharynx. Quelquefois les deux temps sont moins accusés ; la première ascension, brusque dans le tracé ci-joint, peut être remplacée par une courbe graduellement ascendante. Ce caractère dénote que, dans certains cas, l’isthme agit sur les liquides avec plus de lenteur. La progression du bol en deux temps appartient aussi aux déglutitions isolées; mais, comme elle est imcomparablement plus accentuée dans les déglutitions associées, nous n’hésitons pas à en faire l’un des caractères différentiels de ces dernières. Ajoutons que la fin des contractions pharyngiennes dans les déglutitions associées n’est pas suivie de l'aspiration parfois très-marquée que l’on observe sur le tracé des déglutitions isolées. Cette différence tient à ce que le pharynx ne rentre pas complétement en repos après le passage de chaque ondée. Ce n’est pas tout. Si l’on introduit une ampoule élastique dans la région moyenne du pharynx, on verra, comme dans le & F1G. 15, — Montrant que la pression s'élève graduellement dans le pharynx pendant une série de céglulitions associces. tracé figure 15, qu’elle restera comprimée pendant toute la _durée de la préhension des boissons. Ainsi, sur notre tracé, on voit la courbe P s'élever brusquement en «, au moment de la prennère déglutition, et ses minima rester toujours au-dessus de zéro, jusqu’à ce que l'animal cesse de boire, en 4. Dès lors la courbe s’abaisse graduellement, pendant que l'animal avale, en b et D’, les gouttes de liquide qui sont restées dans sa bouche. ARTICLE N° f. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 47 Si l’on place l’ampoule dans l’arrière-fond du pharynx, on obtiendra au contraire un tracé dont les minima S'abaisseront au fur et à mesure que le nombre des déglutitions associées deviendra plus considérable. Le tracé 0 (fig. 16) a été obtenu dans ces conditions. F16. 16. — Montrant que la pression baisse à l'origine de l’œsophage pendant une série de déglutitions sssociées. En rapprochant les tracés 15 et 16, on acquiert la certitude que, pendant les déglutitions associées, le pharynx se place dans un état de constriction et de raccourcissement moyen, qui augmente à chaque déglutition ; tandis que la partie initiale de l’œæsophage se dilate peu à peu, tout en présentant, à Parrivée d’une nouvelle ondée, une nouvelle dilatation (e,c',e”) qui s'ajoute à la dilatation permanente. Ces deux phénomènes appartiennent aux déglutitions asso- ciées. Ils sont la conséquence l’un de l’autre, et tous les deux la conséquence de la rapidité avec laquelle les déglutitions se succèdent. En effet, les déglutitions se succèdent à de très- courts intervalles, les organes pharyngo-laryngiens n’ont pas le temps de revenir, après chaque gorgée, dans leur position de repos. Les muscles qui raccoureissent le pharynx et qui élèvent le voile du palais et le larynx doivent donc rester dans un état de contraction moyenne. Or, ces muscles sont précisément ceux qui resserrent le pharynx et qui dilatent l’origine de lœso- phage. Par conséquent il est rationnel de voir coexister ces phénomènes. Quoi qu'il en soit, les modifications du pharynx sont très- 48 | S. ARLOING. favorables à la prompte disparition des hquides, car ceux-ci arrivent dans des organes préparés tout à la fois à les recevoir et à les chasser dans l’œsophage. E. Rôle de l'appareil respiratoire. — Presque tous les au- teurs sont muets sur le jeu de l’appareil respiratoire dans les déglutitions associées. Disons toutefois que tous ont fait une exception en faveur de l’épiglotte, sur le compte de laquelle ils s'étendent avec complaisance. Nous ne reproduirons pas les nombreuses discussions qui éclatèrent à propos de ce cartilage. Les effets de la déformation ou des ulcérations de cet organe appartiennent plutôt à la pa- thologie qu'à la physiologie. Au surplus, lépiglotte était très- difficile à explorer à l’aide de la méthode expérimentale que nous avions adoptée. Nous parlerons donc principalement du Jeu du thorax. 1° Cavité thoracique. — À notre connaissance, M. Colin est le seul auteur qui ait parlé des mouvements du thorax pendant la déglutition des boissons. Il s'exprime en ces termes « Lorsque les liquides sont déglutis en quantité un peu consi- dérable, ils passent sous forme d’ondées par-dessus lorifice du larynx incliné antérieurement et fermé, ondées qui se succèdent rapidement, et dans les intervalles desquelles la glotte s'ouvre pour donner passage à l'air inspiré ou expiré (1). » Il est vrai que, dans la plupart des cas, la respiration con- tinue de s’accomplir pendant la déglutition des boissons ; mais parfois elle est suspendue. Nous avons observé cet arrêt sur l'Homme, quand il boit d’un trait avec une grande rapidité, et sur le Cheval, quand il prend ses boissons avec une avidité extraordinaire, ou lorsqu'il est gêné par la présence d’un corps étranger dans le vestibule laryngien. En enregistrant les mouvements du thorax, on obtient, dans les cas où la respiration n’est pas suspendue, des courbes très- curieuses dont on voit un spécimen sur la figure 17. Ces courbes ont moins d'amplitude et plus de longueur que celles des respi- (1) Trailé de physiologie, 2° édition. ARTICLE N° fÎ. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 49 rations ordinaires, ce qui démontre que, durant les déglutitions associées, les mouvements respiratoires sont plus lents et moins étendus qu'à l’état ordinaire (1) ; en outre, elles sont hérissées de soubresauts en nombre égal à celui des déglutitions. JA #7. à pue : È A ; F1G. 17. — Mouvements respiratoires thoraciques pendant les déglutitions associées. Pour déterminer la nature des soubresauts qui hérissent les courbes respiratoires, il faut enregistrer les mouvements du thorax sur un cylindre qui tourne avec une assez grande vitesse (axe moyen ou rapide de l’enregistreur universel), et comparer les tracés avec ceux du flanc et de la pression intra-trachéale. FIG. 18. — P, mouvements du thorax; T, pression intra-trachéale pendant les déglutitions associées (Cheval). Si l’on étudie les tracés simultanés du thorax P et de la trachée T (fig. 18), on constate que la pression intra-trachéale subit à chaque déglutition (d, d', d”') une chute brusque et de (1) Au début de la préhension des boissons, la durée des mouvements respi- ratoires augmente pendant que leur amplitude diminue ; à la fin, surtout si la préhension des boissons a été longue, on observe le contraire : la durée diminue, l’amplitude augmente. ANN. SC. NAT., JUILLET 1877. VI. 4. =VART:N2 1. 90 S. ARLOING. courte durée, tandis que les parois thoraciques entrent en expi- ration ; de sorte qu'il est impossible d'attribuer la dépression intra-trachéale à l’action des parois costales. Mais si l’on étudie de la même manière les tracés du flanc (F) et de la trachée (T, fig. 19), on s'aperçoit qu'il y a parallélisme entre les dépres- Fig. 19. — F, mouvements du flanc; T, pression intra-trachéale pendant les déglutitions associées (Cheval). sions (d, d', d'') et les mouvements de l'abdomen. D'où :l faut conclure que les modifications des courbes costales et tra- chéales sont dues à l'influence d’un organe qui agit en même temps sur les viscères abdominaux. Cet organe ne peut être que le diaphragme, qui, en se contractant, produit une forte dépression thoracique et presse sur la masse intestinale. En résumé, le thorax agit de la même façon dans les déglu- titions isolées et dans les déglutitions associées. Toutefois, pen- dant les déglutitions associées, son imtervention revient plusieurs fois, et indifféremment, dans l’inspiration et l’expiration. Aussi ces fréquentes dépressions thoraciques, accompagnées de la fermeture de la glotte, impriment-elles aux parois costales et abdominales des ébranlements très-multipliés. Il est mutile de dire que la contraction du diaphragme exerce ici la même influence que dans les-déglutitions isolées. 2 Larynx. — Nous avons fort peu à dire sur le jeu de cet organe, qui reste toujours le même. Ainsi, pendant les déglu- titions associées, le vestibule laryngien et la glotte se ferment, le larynx tout entier se transporte sous la base de la langue, ARTICLE N° . DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 91 l’épiglotte se renverse pour laisser passer au-dessus d’elle les ondées de boissons. Une seule différence un peu importante s’observe dans les déglutitions associées, nous voulons parler de la rapidité des oscillations de l’épiglotte. Elle est telle, que l'air qui a été refoulé dans le vestibule au moment d’une déglu- ütion n’a pas le temps de se mettre en équilibre de pression avec l’air du pharynx avant l’arrivée de la déglutition suivante. Cette particularité devient très-visible si l’on isole la partie supérieure de la trachée et si on la fait communiquer avec un tambour enregistreur. Pendant la déglutition des boissons on voit le levier décrire une série de courbes très-brusques dont les minima vont graduellement en s’élevant au-dessus de zéro, preuve que l’air est comprimé dans le vestibule et la trachée. Lorsque la trachée est libre, la compression de l’air est insen- sible, parce que le mouvement respiratoire, qui se continue entre chaque déglutition, rétablit aussitôt l'équilibre dans la cavité du larynx. F. Relächement du pharynx. — Après le passage d’une ondée, l'appareil laryngo-pharyngien tend à reprendre sa posi- tion de repos. Mais, comme nous avons montré ailleurs que le larynx reste à demi-soulevé et le pharynx à demi-contracté pen- dant la préhension des boissons, il en résulte que le pharynx ne s’allonge que d’une très-petite quantité après chaque déglu- tition associée. Le pharynx ne se relâche réellement qu’à la fin de la préhension des boissons. Il résulte de ce fait que l'aspiration pharyngienne qui accom- pagne les déglutitions isolées est à peine sensible après chacune des déglutitions associées. Nous avons terminé notre étude comparative du mécanisme de la déglutition bucco-pharyngienne, et nous croyons avoir démontré qu'il se modifie, tout simplement lorsque les liquides sont déglutis par gorgées très-rapprochées les unes des autres. 59 S. ARLOING. CHAPITRE TI. DEUXIÈME TEMPS OU TEMPS ŒSOPHAGIEN DE LA DÉGLUTITION DES MAMMIFÈRES. Lorsqu'on parcourt les écrits des physiologistes sur la déglu- tition, on s'aperçoit que le {emps œsophagien a été beaucoup moins étudié que le précédent. Les auteurs justifient leur laco- nisme en invoquant tantôt la simplicité du rôle du conduit œsophagien, tantôt la difficulté d'examiner cet organe dans toute sa longueur. Ce n’est pas à dire que l’on sache rien sur la physiologie de l’'œsophage. Longet, CI. Bernard, Traube, Chauveau, se sont attachés à faire connaître les nerfs sensitifs et moteurs de l’œso- phage sur plusieurs Mammifères et plusieurs Oiseaux. Wild, Chauveau, Mosso, ont décrit le péristaltisme des mouvements œsophagiens. Mais, comme agent de la déglutition, nous pou- vons affirmer que l'étude de l’œæsophage a été simplement ébau- chée par Hallé, Magendie, et plus récemment par Schiff (1). Des recherches ayant pour but d'étendre nos connaissances sur le mécanisme de la déglutition œsophagienne étaient donc nécessaires. Nous les avons poursuivies en mettant à profit la méthode graphique, qui devait précisément parer à la difficulté, qu'ont signalée plusieurs physiologistes, d'examiner l’œsophage dans toute sa longueur. Une ampoule promenée dans ce conduit nous dispense de le découvrir et de produire dans l’économie des désordres considérables. Le muscle œsophagien n’ayant pas encore été étudié avec les procédés que nous nous proposions de mettre en usage, nous avons dû commencer par enregistrer la secousse et la contrac- tion artificielles ou physiologiques de cet organe. L'étude de l’'œsophage comme muscle n'appartient pas entièrement au sujet que nous traitons 1Ci; aussi nous contenterons-nous d'en résumer les points qui serviront à éclairer plus tard le (1) Leçons sur la physiologie de la digestion, t. T, p. 349 et seq. ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 93 mécanisme de la déglutition. Nous agirons de même pour quelques recherches anatomiques que nous avons entreprises sur la couche musculaire de l’origme de l’æsophage. Ces questions préliminaires doivent être connues du lecteur. Quand nous les aurons exposées, nous examinerons le rôle de l’œsophage dans les déglutitions isolées et dans les déglutitions associées. (5 $ 1°. — Disposition anatomique et contraction de l’œsophage. Les recherches anatomiques ont été poursuivies sur les Soli- pèdes, le Chien et l'Homme; les recherches physiologiques, sur les animaux seulement. I. Disposition anatomique. — Le plus grand nombre de nos expériences ayant été faites sur les Solipèdes, nous parlerons d’abord de ces animaux. | 1° Solipèdes. — On emploie souvent le mot enfundibulum lorsqu'on parle de l’origine du conduit œsophagien. Cependant cette épithète ne donne pas une idée exacte de la disposition in- térieure de cette région. Si l’on introduit le doigt au fond du pharynx, et si l’on tente de pénétrer dans l’œsophage, on ren- contre au-dessus du bec d’aiguière des aryténoïdes un obstacle difficile à vamcre. Ce dernier consiste en un cordon, étendu d’une articulation crico-thyroïdienne à l’autre, qui embrasse étroitement la face postéro-supérieure du larynx. Quand le doigt est parvenu à s’insinuer au-dessous de ce cordon, il se sent à l’aise dans une cavité qui, toutefois, ne tarde pas à se rétrécir insensiblement pour se confondre avec le conduit œsophagien. Si l’on ouvre un pharynx durci par l’action de l'acide azotique étendu, on constate qu’au niveau où le doigt rencontrait un obstacle, existent les piliers postérieurs du voile du palais dont la saillie va en augmentant de haut en bas. Après avoir longé les replis ary-épiglottiques, ces piliers contournent les aryténoïdes et se confondent sur la ligne médiane au-dessus de ces carti- lages. En avant des piliers, on voit une cavité urcéoliforme qui est continuée par celle de l’œsophage. Envisagé à l’intérieur, le pharynx semble avoir pour limite 54 ) S. ARLOING. inférieure les piliers du voile du palais. L'examen de la surface extérieure de l’organe mène aussi à cette conclusion. La base du triangle que figure l’aponévrose pharyngée indique la sépa- ration du pharynx et de l’æsophage. En conséquence, chez les Solipèdes, l’æsophage commence par une petite cavité urcéoliforme dont l'entrée, hormis le temps d’une déglutition, est fortement déprimée d’arrière en avant. Les muscles de cette région offrent des dispositions intéres- santes sur lesquelles on ne s’est pas assez appesanti. Nous n'avons rien à dire d'important sur les constricleurs supérieur et moyen du pharynx. Le faisceau supérieur (fhyro- pharyngien) du constricteur inférieur possède deux séries de fibres : les fibres antérieures se dirigent en dedans et en haut et vont s'attacher sur le bord du triangle fibreux qui occupe une partie de la face postérieure du pharynx; les fibres posté- rieures se dirigent en bas et en arrière et se fixent sur le cor- don fibreux qui sépare le pharynx de l’æsophage. Grâce à cette disposition, le thyro-pharyngien est un constricteur pur et simple du pharvnx par ses fibres antérieures, et un constricteur et un releveur de l'entrée de l’œsophage par ses fibres posté- rieures (fig. 20, 5). Le second faisceau (crico-pharyngien, 5’) du constricteur inférieur est encore plus remarquable. Il se compose de deux portions en partie superposées. La portion superficielle, la plus forte, est formée de fibres dirigées de bas en haut et d’arrière en avant, qui viennent s’attacher sur le cordon fibreux déjà décrit, en face des fibres postérieures du thyro-pharyngien. La portion profonde se dirige transversalement vers le bord du renflement initial de l'œsophage, où elle se divise en deux ban- delettes qui passent, l’une au-dessus, l’autre au-dessous de ce renflement en marchant à la rencontre de celles du faisceau opposé. Cette portion est disposée autour de l’origine de l’æso- phage à peu près comme le muscle de Wilson autour de la portion pelvienne de l’urèthre. Par ses fibres superficielles, le crico-pharyngqien complète l’action du faisceau profond du thyro-pharyngien ; par sa portion profonde, il comprime la dila- ARTICLE N° f. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. D tation urcéolhiforme de lœsophage. Nous proposons d'appeler cette dernière (fig. 20, 6) crico-æsophagien transversal. La couche musculaire de l’origine de l’œsophage est renforcée par trois paires de faisceaux longitudinaux. Aïnsi : 1° deux faisceaux supérieurs partent de la base de l’aponévrose pharyn- E.VERMORCKEN.SC F1G. 20. — Face postérieure du pharynx et de l’origine de l’œsophage du Cheval : T, trachée; t, corps thyroïde; 0, œæsophage; e, e, trompes d’Eustache coupées près de leur terminaison sur le pharynx; 4, musele ptérygo-pharyngien ou constricteur supérieur ; 2, 2, muscles stylo-pharyngiens ; 3, grande branche de l’hyoïde; 4, hyo-pharyngien ou constricteur moyen; 5, thyro-pharyngien ou faisceau thyroïdien du constricteur inférieur ; 5’, crico-pharyngien ou faisceau cricoïdien du constricteur infé- rieur; 6, crico-œsophagien; 7, muscle œæsophagien longitudinal supérieur ; 8, origine de l’œsophage ; ° 9, muscle crico-aryténoïdien postérieur. gée, s’accolent l’un à l’autre sur une longueur de 1 à 2 centi- mètres, s’éloignent ensuite en décrivant une courbe à convexité externe, et se perdent enfin sur l’œsophage où leurs fibres sont rectilignes ou spiroïdes (fig. 20, 7); 2° deux autres faisceaux latéraux, plus petits, procèdent des angles postérieurs du thyroïde et s’épuisent sur la face antérieure de l’œsophage; 96 | S. ARLOING. 3° enfin les deux aryténo-pharyngiens (mieux nommés aryléno- æsophagiens), qui partent du bord inférieur des aryténoïdes et s’étalent en éventail sur la face antérieure de l'œsophage. Tels sont les muscles qui font partie de l'extrémité inférieure du pharynx et de l’origine de lœsophage (fig. 20). Nous ver- rons bientôt leur rôle dans la déglutition. do Chien. — Sur le Chien, les piliers postérieurs du voile ne contournent pas les cartilages aryténoides; l'anneau qu'ils forment est interrompu, de chaque côté, dans sa partie moyenne; ils sont représentés en arrière, au-dessus de l'entrée de l’æso- phage par un cordon muqueux et glandulaire. L'entrée de l’œæsophage est, par suite, moins nettement délimitée que dans les Solipèdes ; mais l’appareil musculaire de cette région rappelle celui du Cheval. 3° Honime. — Chez l'Homme, les limites intérieures du pharynx et de l’œsophage ont disparu, car les piliers postérieurs du voile du palais sont déjà affaissés lorsqu'ils arrivent en face des replis ary-épiglottiques. De simples rides de la muqueuse indiquent tout au plus l’entrée du canal œsophagien. À lexté- rieur on saisit mieux l’origine de cet organe. En effet, les muscles affectent une disposition analogue à celle que nous avons décrite dans le Chien et le Cheval. Le faisceau profond du constricteur inférieur (crico-æsophagien où œsophagien de Winslow et Santorini), notamment, ressemble à celui des Soli- pèdes. Le bord supérieur de ce faisceau indique les limites inférieures du pharynx, car, à notre avis, ce faisceau doit être rattaché à l’œsophage. Cruveilhier (1) se plait à faire remarquer que les constricteurs du pharynx sont imbriqués de haut en bas et de dehors en dedans pour faciliter la progression du bol alimentaire et éviter l'engouement des voies digestives. Or, ce faisceau du crico-pharyngien se comporte autrement, 1l est engagé sous le faisceau qui le précède. Ne faut-il pas voir dans cette disposition un argument qui vient s'ajouter à ceux que nous avons déjà produits dans le but de démontrer que cet (1) Splanchnologie, p. 105. ARTICLE N°’ Î. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 97 organe appartient plutôt au système musculaire de ‘tes qu’à celui du pharynx? En attendant le moment où nous appliquerons les connais- sances anatomiques qui précèdent au mécanisme de la dégluti- tion œsophagienne, nous ferons remarquer que la disposition des muscles de l’origine de l’œsophage est semblable, au fond, chez l'Homme, les Carnassiers et les Solipèdes. Nous ferons encore ressortir que l'étude à laquelle nous nous sommes livré confirme les observations faites par Guvier depuis longtemps sur le développement des piliers postérieurs du voile du palais. Le développement de ces organes paraît lié effectivement à l’at- titude quadrupédale et à la direction horizontale ou oblique de bas en haut des premières voies digestives. IT. Contraction de l’œsophage. — Nous avons enregistré les secousses et le tétanos artificiels de l’œsophage; mais il est plus important pour nous de connaître la forme de la contraction physiologique ou spontanée, afin de pouvoir apprécier les courbes que fournit une ampoule engagée dans l’œsophage, lorsque l’animal déglutit des aliments solides ou des boissons. Nous avons étudié cette contraction dans sa forme, dans sa durée, dans son mode de translation. À. Forme et durée de la contraction. — Pour prendre un tracé de la contraction spontanée de l’œsophage, on ouvre cet organe et l’on y introduit, du côté de la tête ou du côté de l’es- tomac, une sonde analogue à la sonde cardiographique. On met la sonde en communication avec un tambour à levier indica- teur. Puis on provoque des déglutitions en excitant le fond de la bouche, après avoir provoqué la sécrétion d’une très-petite quantité de salive. 1° On voit sur la figure ci-jointe quelques exemples de con- tractions spontanées de la partie rouge de l’œsophage. Toutes les courbes se font remarquer par la durée de la période de res- serrement et par la brièveté relative de la période de relàche- ment. Le tableau suivant peut donner une idée de la durée de ces deux périodes. Elle est représentée en millimètres comptés sur la ligne des abscisses. 58 | S. ARLOING. Resserrement. Relächement,. Contraction totale. 0m,017 0,013 0",030 0,018 0",012 0,030 0",019 0,017 0,036 Comme le cylindre sur lequel s’inscrivaient les courbes dont nous iIndiquons la durée tournait avec une vitesse de 0",049 16 par seconde, cette durée était de © de seconde pour la con- 241 traction totale, de + de seconde pour la période de resserre- ment, et de + pour celle de relâchement. La contraction spontanée de l’œæsophage a done pour carac- tère principal d’être relativement lente à atteindre son maxi- mum. Il faut dire aussi que le resser- rement du conduit s'opère en deux temps : dans le pre- : mier 1l est brusque, dans le second il s’a- chève avec lenteur. Le resserrement augmente toujours jusqu’à l’instant où il est remplacé par un relächement de la tunique charnue. FE ee Ge Go Gr ed ie use Par conséquent, les courbes seront brus- quement ascendantes à leur origine, surbaissées, mais jamais horizontales, vers leur sommet (voy. fig. 21). 2° Les tracés des contractions de la partie blanche diffèrent des premiers par plus de longueur et moins d'amplitude. En plaçant plusieurs fois la même ampoule, tantôt vers le tiers supé- rieur du cou, tantôt au delà du cœur, sur un animal donné, on obtiendra une série de tracés qui donneront une idée suffisante des caractères de la contraction dans les deux régions prinei- pales de l’œsophäge. On peut en juger par les tracés de la ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 99 figure 22. L’amplitude de la contraction de la partie blanche (ec) égale tout au plus les : de l’amplitude des courbes de la partie rouge (r). Quant à la durée de la contraction de la partie blanche, elle est environ quatre fois plus grande que celle de la partie rouge. Elle va, du reste, légèrement en augmen- tant au fur et à mesure que l’on se rapproche du cardia. Au voisinage du diaphragme elle est en moyenne de trois se- condes. B. Translation de la contraction. — La con- traction spontanée de lœsophage est péristal- tique. 4° Wild, Chauveau, Mosso, ont constaté sur der ainangs dont fa e rte En en CHE partie rouge de lœso- TPE (Enregistreur, universel, axe phage était mise à nue, que l’onde contractée cheminait le long de cet organe, bien que le bol qui l'avait provoquée fût sorti par une plaie faite en arrière du pharynx (1). Chauveau a vu, en outre, que la contraction œsophagienne était solidaire de la contraction pharyngienne. « Si, dit-il, après avoir mis à nu et incisé longitudinalement l’œsophage, on y pousse artificiellement un bol alimentaire quelconque, ce bol reste immobile dans l’æsophage inerte, et n’est entrainé qu’autant qu’une déglutition pharyngienne spon- tanée ou provoquée vient à s’accomplir régulièrement (2). » (1) Wild, Ueber die peristaltische Bewégung des OEsophagus, ete., in Zeit- schrift f. rat. Med. h. von Henle und Pfeufer, 1846. — Mosso, Ricerche speri- inentali sui movimenti dell esofago, in Giornale della R. Accad. di medicina di Torino. (2) Chauveau, Journal de médecine vétérinaire de Lyon, 1864, p. 258. 60 S. ARLOING. Nous avons vérifié l’exactitude de ces faits à l’aide de la méthode graphique et sans découvrir l’œsophage sur toute sa longueur. Cette méthode nous a permis de compléter nos connaissances sur la translation de la contraction dans la partie blanche. Nous avons observé que l’onde péristaltique ne tarde pas à s’éteindre au delà du cœur, si un bol ne descend pas dans cette partie de l’æsophage. Tout près du cardia, la contraction est toujours provoquée par le contact d’un bol alimentaire avec la mu- queuse. 2 Il est intéressant et utile (nous le verrons plus tard) de déterminer la vitesse de propagation de l'onde péristaltique dans la partie rouge et dans la partie blanche de l’œsophage. Ce calcul n’a jamais été fait. Magendie avait remarqué que le bol mettait quelquefois deux ou trois minutes avant d'arriver à l’estomac, après avoir fait une ou plusieurs stations plus ou moins longues. Mais ce fait, observé depuis par tous les physio- logistes, ne peut renseigner exactement sur la marche de la contraction œsophagienne. La translation de l’onde péristal- tique est tout autre que la marche du bol; car il peut arriver que le bol ne soit entrainé jusqu’à l'estomac qu'après une série de contractions péristaltiques. Le moyen que nous avons employé pour calculer la vitesse de l’onde péristaltique est très-simple. Voici sur quelle base il repose : Supposons deux ampoules dépressibles placées à une distance rigoureusement déterminée. Supposons que l’une et l’autre soient reliées par un tube de caoutchouc de même longueur à un tambour à levier qui inscrit les changements de pression qu'elles subissent sur un cylindre enfumé tournant avec une vitesse connue. Si l’on presse au même instant sur les deux ampoules, les deux leviers écriront simultanément une ligne ascendante. Si, au contraire, on presse successivement sur les deux ampoules, les leviers inscriront l’un après l’autre une ligne ascendante, et la distance qui séparera le début de leurs ascensions, prise sur la ligne des abscisses, représentera le temps qui se sera écoulé entre la dépression d’une ampoule et celle de ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÉRES ET LES OISEAUX. (61 l’autre. A l’aide d’un calcul facile on pourra évaluer ce temps. Et si la cause qui agit sur les deux ampoules est unique, on connaîtra ainsi le temps qu'elle aura mis à se transporter d’une ampoule à l’autre. Ce qui revient à déterminer le quatrième terme de la pro- portion suivante : | & Pi d 1 dans laquelle v représente la vitesse du cylindre enregistreur dans l’unité de temps; d, la distance qui sépare le pied des courbes ascendantes tracées sur le cylindre par les deux leviers; *, la distance qui sépare les deux ampoules; æ, la vitesse de translation de la force qui a déprimé succes- sivement ces deux dernières. D’où l’on tire : Pour appliquer ce principe au cas présent, nous avons intro- duit dans l’œsophage, par une plaie pratiquée vers le ters inférieur du cou, une sonde à double courant munie de deux ampoules distantes de 0",142. Celles-ci étaient reliées à deux tambours à levier par des tubes de caoutchouc absolument égaux. Le cylindre enregistreur tournait avec une vitesse uni- forme de 0",007 ou de 0",042 par seconde. Les sondes étant engagées dans la portion cervicale de lPœso- phage, nous avons obtenu des graphiques sur lesquels la dis- tance qui séparait le pied des courbes ascensionnelles à été de07,055, 0°,097 et 0",023. Si l’on remplace les lettres par leur valeur dans la formule vè LE OU obtient : 42 x 142 dans le premier cas, æ— Su 108,47 42 X 142 dans le second cas, Fi smer 2214 dre 49 X 142 2 dans le troisième cas, x — De sg 259,59 23 62 S. ARLOING. c’est-à-dire, pour la vitesse moyenne de propagation de l’onde péristaltique dans la partie rouge de l’œsophage, 0",200 par seconde. Si l’on enfonce les sondes au delà du cœur, on s'aperçoit que la vitesse n’est pas la même dans tous les points du conduit. Cette variabilité de la vitesse est due au mélange dans des pro- portionsinconnues de fibres striées et de fibres musculaireslisses entre le cœur et le diaphragme. Aussi est-il difficile de donner un chiffre indiquant la vitesse moyenne de l'onde péristaltique dans la partie blanche de l’œsophage. Néanmoins, en nous basant sur un bon nombre d'observations, nous avons trouvé que 0",050 donnaient une idée suffisamment exacte de la vitesse de l’onde par seconde. D’après ces chiffres, si l’on admet que la longueur totale de l’'œsophage du cheval est de 4°,20 à 1",30 en moyenne, se répartissant ainsi : 0,20 à 0",25 pour la partie blanche, 1 mètre à 1°,05 pour la partie rouge, on voit que la contraction qui part du pharynx arrivera au cardia au bout de dix secondes. Ces résultats ont été obtenus sur le Cheval. Pour les appli- quer à d’autres animaux, il faudra tenir compte de la nature de la tunique charnue de l’œsophage, qui peut être rouge jus- qu'à sa terminaison, et de la longueur du conduit. Mais ces réserves étant faites, on peut les appliquer à nos principaux Mammifères terrestres. $ 2. — Déglutitions œsophagiennes isolées. Les auteurs sont extrêmement brefs sur leur compte. Ils se bornent à montrer l’œsophage saisissant les bols poussés dans sa partie initiale et les portant jusqu’à l’estomac par les con- tractions péristaltiques de sa couche charnue. Ils signalent encore l’influence favorable de la laxité de la muqueuse œso- phagienne, de la salive, du mueus et de la respiration sur la marche du bol. Mais ils restent muets sur le mécanisme de l'introduction du bol dans l’origine du conduit et sur le phé- nomène qui devient comme le signal de la contraction péri- ARTICLE N° Î. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 63 staltique. Nous avons d’abord envisagé la question à ce point de vue. 1° Nous savons que l'entrée de l’œæsophage, limitée par les piliers postérieurs du voile du palais ou les parties qui en occu- pent la place, et le plan postérieur des aryténoïdes, se dilate au premier temps de la déglutition et que le bol s’y engage sous l’in- fluence de l'aspiration qui résulte de cette dilatation et de la compression qu'il éprouve de la part des parois pharyngiennes. Une fois introduit dans l’origine de l’œsophage, nous consta- tons sur nos tracés (voy. fig. 5) qu'il y est vivement pressé. Comment se fait-1l que, sous l’influence de cette compression, il prenne plutôt le chemin de l’œsophage que celui du pharynx? Avec les notions anatomiques que nous avons exposées, on explique aisément la marche du bol alimentaire. Par suite du raccourcissement du pharynx et du mouvement du larynx, le bol s’est engagé au-dessous des piliers posté- rieurs du voile du palais ou, en leur absence, au-dessous du faisceau superficiel du muscle crico-pharyngien. Quand le pharynx se relâche, le crico-pharyngien entre en contraction et tend, grâce à la direction de ses fibres, à appliquer le contour postérieur de l'entrée de lœsophage contre la face correspon- dante du larynx. Ce premier mouvement ferme le fond du pharynx et rend le retour du bol dans cet organe absolument impossible. En outre, comme le crico-pharyngien tire sur la paroi postérieure du pharynx, il l’entraine de haut en bas, en rasant la face externe des aryténoïdes, et en poussant le bol dans une région plus profonde de l’œsophage. Tel serait, d’après nous, le mécanisme de l’emprisonnement du bol dans la partie supérieure du conduit œæsophagien. 2° L'action du crico-pharyngien devient le signal de la con- traction des crico- et aryÿténo-æsophagiens longitudinaux et crico- œsophagiens transversaux. Geux-là attirent l’œsophage au- devant du bol, tandis que ceux-ci resserrent le canal, comme le musele de Wilson resserre l’urèthre, et poussent le bol de haut en bas. L'action des muscles que nous venons d'indiquer entraine, à son tour, celle des plans charnus du reste de 64 S. ARLOING. l’œsophage, et le bol est ainsi promené de la bouche à les- tomac. 3° En étudiant de très-près la contraction de l’æsophage dans les déglutitions isolées, nous avons remarqué que son intensité variait dans certaines conditions. Ainsi, lorsque le bol est volu- mineux, peu où mal insalivé, la contraction est à son maximum d'intensité. Les graphiques qu’elle fournit s’allongent beau- coup, et parfois même ils sont modifiés par l’action des mus- cles de l’encolure qui fléchissent et étendent brusquement la tête pour lui venir en aide. Dans les mêmes conditions, le bol s'arrête facilement dans un point du parcours, et l’on voit les contractions se succéder avec tant de rapidité pour vamcre l'obstacle, qu’elles se surajoutent et finissent par donner un graphique très-compliqué et de longue durée. La contraction de l’œsophage présente aussi une grande énergie dans le cas opposé. Lorsque le bol est très-petit, l’œso- phage est en quelque sorte obligé d'arriver à son maximum de resserrement pour atteindre le bol et agir efficacement sur lui. On peut s'assurer par l'observation de soi-même que dans ces conditions, le pharynx éprouve beaucoup de peine à saisir et à pousser le bol. L’œæsophage éprouve les mêmes difficultés. Nous tirerons de ces faits une conséquence pratique. Lors- qu'il y aura intérêt à ménager la sensibilité de l’œsophage, il faudra faire ingérer des bols mi-fluides et d’un volume moyen plutôt que des bols très-petits. $ 3. — Déglutitions œsophagiennes associées. Jusqu'à ce jour, on a admis que l’œsophage agit de la même manière dans la déglutition des boissons et des solides. Dans les déglutitions isolées, la contraction ondulatoire mar- cherait avec lenteur; dans les déglutitions associées, elle mar- cherait avec une grande rapidité, « comme on peut s’en con- vaincre, dit Müller, chez un Cheval qui boit». Nous avouerons que le changement brusque et considérable de la vitesse de la contraction péristaltique qui résulte de cette croyance a faitnaître dans notre esprit des soupçons sur liden- ARTICLE N° Î. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 69 tité du rôle de l’œsophage. Nous avons comparé les courbes fourmies par les déglutitions isolées et par les déglutitions associées, et nous espérons prouver irréfutablement qu’elles diffèrent foncièrement les unes des autres. 1° Si l’on fait boire un Cheval après avoir introduit des ampoules dans la portion cervicale de son œsophage, on obtient des courbes qui diffèrent beau- coup de celles de la contrac- tion spontanée péristaltique. On en voit des exemples sur la figure 23 : À et A’ répondent à deux ampoules distantes de 0,142, dont les changements de pression s'inscrivent sur un cylindre qui tourne avec une vitesse de 0",042 par seconde, pendant que lanimal ingère 115 gorgées de boisson par minute. En comparant ces tra- cés à ceux des déglutitions 1s0- lées, on aperçoit immédiate- ment une différence considé- rable dans la forme et l’ampli- tude de leurs oscillations. D'où l’on peut conclure que si l’œso- phage est actif pendant les dé- olutitions associées, son activité Fig. 23. — À, À’, (racis de Ja prrüe rouge est évidemment particulière el de l’œsophage pris à 0,142 de distance l’un de l’autre pendant les déglutitions associées. toute autre que pendant les déglutitions isolées. Nous allons plus loin, nous affirmons que l’æsophage remplit purement et simplement le rôle d’un tube élastique durant la déglutition des boissons à gorgées rappro- chées et associées. Cette assertion étonnera peut-être le lecteur; aussi allons- nous l’appuyer de plusieurs ordres de preuves. «. Chauveau et Wild ont démontré que l’un des principaux ANN. SC. NAT., AOÛT 1877. VI. D ART. N° 1, 66 S. ARLOING. caractères de la contraction œsophagienne est le péristaltisme. La contraction, une fois établie à l’origine de l’œsophage, che- mine tout le long de l’organe, malgré la sortie du bol qui l'avait produite. Ce caractère va nous servir de critérium pour déter- miner la signification des courbes des tracés A et A’ (fig. 23). Si ces courbes sont produites par des contractions, elles pour- ront être recueillies sur tous les points de la partie rouge de l’æsophage, même au niveau de ceux qui ne seront pas traver- sés par des boissons. Pour en juger, nous avons établi l’expé- rience suivante : On découvre l’œsophage d’un Cheval vers le milieu du cou; on incise la tunique charnue ; on lie la mem- brane muqueuse, et l’on pratique une fistule au-dessus et au- dessous de la ligature. Par ces fistules, on introduit une am- poule exploratrice vers la tête, c’est-à-dire dans la partie de l’'œsophage qui sera parcourue par les boissons, une autre vers l’entrée de la poitrme, en dehors de l’action de celles-ci. FIG. 24. — À, tracé d'une ampoule placée sur le trajet du 1iquide ; À’, tracé d’une ampoule placée en dehors de l’action du liquide. La première ampoule donne le tracé A; la seconde, le tracé A’, fig. 24. En À, on voit les trois dernières dégluti- tions que fait l’animal avant qu’on lui retire les boissons. On constate sur ces tracés que la première ampoule seule est modifiée pendant la déglutition des boissons, tandis qu'elles le sont toutes deux successivement (d, d'), quand le sujet, ayant cessé de boire, fait une déglutition isolée pour se débarrasser ARTICLE N° Î. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. (67 des gouttes de liquide qui humectent sa bouche. Les courbes d'et d' accusent une véritable contraction qui s’est transmise au delà de la ligature de la muqueuse. Les trois premières, au contraire, de À à d, n’étant pas répétées sur le tracé À”, ne sont donc pas causées par de véritables contractions. b. Gette conclusion est encore étayée par des considérations tirées de la vitesse de l’onde péristaltique. Nous avons vu plus haut qu'un bol solide ou liquide qui serait conduit à l’estomac par la contraction de l’œsophage mettrait dix secondes pour arriver à son but, chez le Cheval. Cette lenteur est incompatible avec la rapidité des déglutitions associées, rapidité dont on se rend compte en jetant les yeux sur la gouttière jugulaire gauche du Cheval qui prend des bois- sons avec avidité. [l ne faut pas oublier qu'un animal de cette espèce peut déglutir de 90 à 115 gorgées de boisson par minute ; que chaque gorgée, pesant environ 200 grammes, forme, dans l’'œsophage distendu, une colonne de 0",15 de longueur; de sorte que cet organe serait rempli d’un bout à l’autre avec moins de dix gorgées et en moins de cmq secondes. De plus, si chacune des gorgées était accompagnée par une contraction péristaltique, en cinq secondes l’œsophage serait contracté dans toute sa longueur, et l’animal serait obligé de suspendre à tout instant la préhension des boissons pour attendre la désobstruction et le relâchement de ce conduit. Or, habituellement, on n’observe pas d’obstruction de lœso- phage ni de suspension de la fonction (1). Par conséquent, 1l est impossible que cet organe agisse dans les déglutitions asso- ciées de la même manière que dans les déglutitions isolées. Tout fait présager que l’œsophage reste inerte. c. Mais on pourrait objecter que la contraction de l’æso- . (1) Pourtant l'encombrement de l’œsophage survient quelquefois lorsque nous buvons avec trop de rapidité. Tout le monde a ressenti, dans la région parotido-pharyngienne et tout le long de l’œsophage, la douleur qu’il déter- mine. Ce petit accident tient à ce que le liquide ne peut plus s'engager dans l'œsophage obstrué ; celui-ci presse alors sur le voile du palais et exerce une traction douloureuse sur l’insertion céphalique du pharynx, sur les trompes d'Eustache et les parois œsophagiennes. 68 S. ARLOING. phage ne fait que changer de caractères pendant les dégluti- tions associées. Serait-il impossible d'admettre, par exemple, qu’elle s’arrêtât brusquement là où le liquide cesserait de circuler, et en outre qu’elle püt prendre à ce moment une vitesse beaucoup plus grande. Nous avons entrepris des expé- riences dont les résultats renversent cette objection. Voici sur quel principe elles sont basées : Toute partie musculaire qui se contracte présente un gonflement proportionnel à l’inten- sité de sa contraction. Partant de ce fait, si l’on saïsit la tunique charnue de l’œsophage entre les mors d’une fine pince myo- graphique, le tambour de cette pince sera déprimé toutes les fois que l’æsophage se contractera. Et si l’on explore en même temps l’intérieur du conduit à l’aide d’une ampoule élastique, on aura un moyen sûr d'apprécier la nature des courbes que fournira cette dernière. Pour juger la question pendante, il fallait donc appli- quer ce procédé ex- périmental dans les deux sortes de dé- olutitions. Commençons par les déglutitions iso- lées. Si l’on provo- que une déglutition de salive, après avoir 16. 95. — Montrant les rapports qui existeut entre contraction ENgagÉé une ampoule a tee na does phique saisissant la tunique charnue en face de l’ampouie. sophage et saisi la tunique charnue dans une pince myographique, à la hauteur de l’ampoule, on obtient les tracés reproduits dans la figure 95. Le tracé O répond à l’ampoule; P, à la pince. On constate ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 69 qu'au moment où le bol parvient au niveau de l’ampoule, le tracé de celle-ci s'élève légèrement, parce qu’elle est comprimée par le bol qui s’insmue entre sa surface et les parois de l’œso- phage, tandis que le tracé de la pince s’abaisse parce que lœso- phage se dilate légèrement sous l'influence de la même cause. On s'aperçoit ensuite que les deux courbes s'élèvent simultané- ment, la première sous l'influence du resserrement de l’œso- phage, la seconde sous l’influence du gonflement de la tunique charnue. Les particularités de la courbe P sont bien plus sen- sibles lors qu’on les recueille sur un cylindre qui tourne moins rapidement, et lorsqu'on fait dé- elutir des bols plus volumineux et plus consistants. Dans l'expérience qui a donné les tracés de la figure 26, l’ani- mal avalait de l’avome. À répond à une ampoule introduite dans la partie supérieure du pharynx et dont le rôle est d'indiquer simple- meuf esdélubtions; pe 4eune eee nn. Dico AD QUE QUES APE ee en em on tunique charnue de lPœsophage vers le milieu du cou. Quand lanimal fait une déglutition d, on voit le tracé de la pince s’abaisser notablement (d'), puis s’élever et présenter tous les caractères qui décèlent une con- traction. Il n’est donc pas douteux que pendant les dégluti- tions isolées, l’œsophage, qui se laisse distendre par l'arrivée du bol, se contracte réellement sur lui pour le pousser plus loin. Que se passe-t-il dans les déglutitions associées ? Si l’on recueille le tracé d’une ampoule placée dans l’œso- phage et celui d’une pince myographique saisissant la tunique charnue à la même hauteur sur un Cheval qui boit avec avidité, on obtient des courbes comme celles que nous mettons sous les yeux du lecteur dans la figure 27. Tant que l’animal boit avec rapidité, l’ampoule engagée dans 70 S. ARLOING. l’œsophage fournit le tracé O (1), sur lequel le passage de chaque gorgée est indiqué par une ascension brusque (d) suivie d’une courbe légèrement surbaissée. En même temps le tracé de la pince P s’abaisse, et ses maxima restent constamment au- dessous de zéro. Ge caractère démontre que, durant le passage des boissons, l’œsophage prend un diamètre plus grand qu’à l’état de repos. Toutefois le tracé P présente au-dessous du zéro F1G. 27. — Représentant les modifications de la tunique charnue de l’œsophage pendant les déglutitions associces ct isolées, —— O, tracé d'une ampoule située sur le trajet du liquide (partie rouge); P, tracé d’une pince myographique saisissant la Lunique charnue en face de l’ampoule précédente (Cheval), une série d’ascensions et de descentes. Si on les examine atten- tivement, on constate que les descentes sont brusques et coïnei- dent avec l'entrée d’une gorgée de boissons dans l’œsophage, et que les ascensions sont lentes et s’accomplissent pendant que les gorgées s’écoulent dans une région plus inférieure. Ces acci- dents traduisent donc tout simplement les modifications physi- ques que le passage des ondées imprime aux parois de l’œso- phage. Ils sont d’ailleurs bien lom de ressembler à ceux qui résultent d’une contraction. On peut s’en convaincre en les comparant à la courbe 2° que l’on obtient lorsque l’animal fait (1) Dans cette expérience, l’ampoule avait peu de sensibilité dans le sens transversal. ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 71 une déglutition isolée. pour se débarrasser des gouttelettes de boissons qui restent dans sa bouche quand il cesse de boire. Les courbes O de la figure 26 et À des figures 22 et 93 ne sont donc pas déterminées par des contractions de l'œæsophage. Leur production est subordonnée au passage des boissons. On peut le prouver par l’expérience suivante : On ouvre l’œsophage vers le milieu du cou ; on engage une ampoule vers la tête, une autre vers la poitrine; on place une pince myographique en face de chaque ampoule, puis on fait boire l'animal. Si les boissons sortent par la plaie œsophagienne, l’ampoule et la pince supé- rieures seules seront modifiées ; si l’on rapproche avec soin les lèvres de la plaie, de manière à faire descendre les boissons Jus- qu’à l’estomac, l’ampoule et la pince inférieures donneront des tracés identiques à ceux de l’ampoule et de la pince supé- rieures. Nous ajouterons qu'après avoir supprimé l’action de la tuni- que charnue sur l’ampoule par une excision incomplète de cette tunique en face de celle-ci, on obtient des tracés qui conser- vent néanmoins les caractères ordinaires. Ainsi nous croyons avoir surabondamment démontré par le raisonnement et par l’expérimentation que l’œsophage se con- tente de remplir le rôle d’un conduit élastique pendant les dé- glutitions associées. Si les gorgées de liquide descendent avec tant de rapidité vers l’estomac, c’est sous l'influence du pha- rynx qui, par ses contractions brusques et énergiques, injecte les boissons dans l’œsophage. On peut d’ailleurs en acquérir la preuve en examinant les tracés de la pression intrapharyn- gienne et intra-æsophagienne. Ces tracés, en effet, se ressem- blent exactement ; tous les éléments de l’un se retrouvent dans l’autre. Il est donc juste de conclure que la cause qui mo- difie la pression intra-æsophagienne a son point de départ dans le pharynx. | d. La direction du cou n’exerce aucune influence sur le mécanisme de la déglutition æsophagienne. Que le Cheval puise ses boissons au niveau du sol ou à la hauteur de sa tête, les tracés de l’œsophage ne changent pas. Quand l’animal boit la 72) S. ARLOING. tête basse, on note simplement une chute du tracé œæsophagien lorsqu'il relève l’encolure, parce que l’æsophage à ce moment cesse d’être allongé et reprend en diamètre ce qu’il perd en lon- gueur. C'est done à tort que Rullier écrivait que si le Cheval parvient à boire dans un ruisseau, 1l le doit à la très-robuste organisation de son œsophage (Dict. de méd., 1835). Mais si l’œsophage n’est pour rien dans cette aptitude des Quadrupèdes à boire la tête basse, 1l n’en est peut-être pas ainsi de la disposition des piliers postérieurs du voile du palais et des muscles qui entourent le fond du pharynx. Ces piliers et ces muscles retiennent le bol dans l’œsophage lorsqu'il y a été introduit, et l’empèchent de retomber dans le pharynx sous l'influence de la pesanteur. Nous aurions enregistré l’action de ces piliers, s’il eùt été possible de maintenir une ampoule dans l'entrée de l’œsophage; mais celle-e1 détermine immé- diatement une déglutition qui la porte en arrière. Néan- moins le toucher, que tout le monde peut répéter aisément, a suffi pour nous convaincre que les piliers et les erico-pha- ryngiens et crico-æsophagiens remplissent le rûle que nous leur attribuons. Lorsque les piliers font défaut, la déglutition des boissons de bas en haut est plus difficile. C’est ce que nous éprouvons quand nous voulons boire la tête en bas, comme certains bateleurs. Nous parvenons à vaincre les difficultés que nous rencontrons, par un léger renversement de la tête, et surtout par l’action du crico-æsophagien, qui possède encore, chez l'Homme, une force assez considérable. e. La forme des graphiques de la partie rouge de l’œsophage offre d'assez nombreuses variétés. On en voit des exemples sur les quelques figures que nous avons produites. Les variétés dont nous parlons n’ont pas une grande importance. Elles tien- nent à l’élasticité plus ou moins grande des ampoules explora- trices, à celle des tambours à levier et au degré de liberté des leviers eux-mêmes. Les physiologistes qui se servent des appa- reils enregistreurs savent tous l’influence que ces causes peuvent exercer sur amplitude et la forme des courbes. Si ampoule ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 75 manque d’élasticité, quelques détails pourront disparaitre; si elle en a beaucoup plus dans un sens que dans l’autre, certaines parties du tracé prendront une grande importance au détriment des autres. Nous devons aussravertir les personnes qui voudraient répéter nos expériences que les animaux eux-mêmes peuvent être la cause de quelques modifications dans les tracés. Ainsi, certains Chevaux avalent leurs boissons en deux temps bien marqués; cette division se fait sentir très-manifestement sur les tracés du pharynx et sur ceux de l’œæsophage. Ilen est d’autres qui, gênés par les appareils qu'ils portent et inquiétés par les personnes qui les entourent, promènent leurs regards sur tous les points du laboratoire et boivent avec lenteur et défiance. Dans ce cas, les courbes sont longues, sans ampli- tude et hérissées de nombreux accidents. Lorsque les appareils sont très-sen- sibles et placés dans de bonnes condi- tions sur un sujet qui boit franchement, la courbe d’une déglutition prise dans une série assez longue de déglutitions associées présente la forme qui est re- produite ici en O (fig. 28). Cette courbe, que nous regardons comme type, est formée par trois élé- ments : &, b, €, qui n'ont pas la même valeur dans le tracé. Le premier élé- ment «@ est dû à la brusque introduc- pic. 98. — 0, pression intra tion d’une nouvelle gorgée de boisson ons 0, ampoule pinete < dans une plaie de l’œsophage. dans l’œsophage et à la traction que Ô l'ascension du larynx exerce sur ce conduit. Get accident se répète, à l’exclusion des deux autres, sur le tracé 0”, qui est fourni par une ampoule engagée entre les lèvres de la plaie faite à l’œsophage pour l'introduction de l’ampoule qui a donné la courbe O. On le recueille aussi quelquefois en engageant une ampoule dans l’œæsophage, du côté de la poitrine, par con- séquent en dehors de l’action du liquide. Ces deux derniers faits 74 S, ARLOING. démontrent que l'accident & doit recevoir l'interprétation que nous avons donnée. L'introduction d’une nouvelle quantité de liquide dans un tube à parois élastiques et déjà plein imprime au contenu un mouvement ondulatoire qui se traduit sur la courbe par l’élé- ment b. On remarque que ce deuxième élément de la courbe augmente d'amplitude au fur et à mesure que les gorgées de boissons s’éloignent davantage les unes des autres ou que l’am- poule est rapprochée de plus en plus de la plaie par laquelle s’échappent les liquides. Or, on sait que ces conditions sont celles qui favorisent les mouvements ondulatoires dans les liquides qui circulent à l’intérieur de canaux élastiques. Si l’on augmente la tension dans l’œsophage, en s’opposant au libre écoulement des boissons, l’amplitude de la courbe » diminue très-notablement. Enfin, le troisième élément c, le plus prononcé, est dû au passage d’un flot de boisson entre l’ampoule et les parois de l’œsophage. Son amplitude sera donc en raison directe du volume des gorgées et en raison inverse de la vitesse des dé- glutitions. Or, on remarque précisément que, dans une longue suite de déglutitions, l'amplitude de l’élément ç diminue au fur et à mesure que la satiété arrive, tandis que sa durée augmente dans le même sens. : Nous sommes fixés maintenant sur la signification des trois parties du tracé d’une déglutition associée. Avec ces données, il sera toujours possible d'interpréter les variétés que l’on observera et de remonter à leurs causes. Passons au rôle de la portion intrathoracique de l’œsophage. 2 La portion intrathoracique du conduit œsophagien est rouge dans toute sa longueur, ou bien les fibres musculaires lisses viennent s'associer aux fibres striées, à partir du cœur, dans une proportion variable suivant les espèces. Quelquefois cette proportion est assez forte pour faire donner à cette por- tion le nom de portion blanche de l’œsophage. Parmi nos grands Quadrupèdes, le Bœuf offre un exemple de la première disposi- tion, le Gheval un exemple de la seconde. ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 79 «. Quand l’œsophage est rouge jusqu’au cardia, sa deuxième portion agit comme la première, c’est-h-dire qu’elle reste inerte pendant les déglutitions associées. b. Quand la portion thoracique présente une forte proportion de fibres musculaires lisses et que son diamètre va sans cesse en diminuant jusqu’au cardia, où 1l peut admettre tout au plus une plume à écrire, elle se comporte d’une manière très- remarquable. Deux cas peuvent se présenter : ou bien les boissons s’échap- pent de l’æsophage par une plaie pratiquée à la base du cou, ou bien elles cheminent jusqu’à l’estomac. Dans le premier cas, la partie blanche de l’œsophage n’accuse pas de modifications. Ge fait, du reste, ne doit pas nous sur- prendre, puisque, règle générale, la partie blanche ne se con- tracte que si les bols arrivent jusqu’à elle. Dans le deuxième cas, cette partie de l’œsophage donne des tracés très-curieux dont nous présentons deux exemples dans la figure 29, A et A”. FrG. 29. — Représentant les modifications À, A’ de la partie blanche de l'œsophage du Cheval pendant les déglutitions associées. Sur ces tracés, on constate : 1° que la pression s’abaisse gra- duellement dans l’œsophage depuis le moment où l’animal commence à boire (b) jusqu’à l'instant (r) où l’on retire le seau qui renferme ses boissons ; ® qu’à partir du moment où le sujet cesse de boire, la pression revient peu à peu à son état primitif; 3° que parfois le tracé s’abaisse et s'élève, comme on le voit en À, sans présenter le moindre accident, de telle sorte que l’on ne se douterait pas, en le voyant, que les liquides ont été injec- tés dans cette partie de l’œsophage; tandis que d’autres fois le tracé est, comme en À’, hérissé de courbes en nombre égal à 6 4 S. ARLOING. celui des gorgées avalées et dont la forme rappelle, avec une atténuation des caractères, celle des graphiques de la partie rouge. Il ya, sur ces tracés, un caractère qui domine tous les autres, c’est la chute qu’ils présentent tant que l’animal avale ses bois- sons. Cette chute peut être plus ou moins considérable, mais , elle ne manque jamais sur le Cheval. Elle s'opère régulièrement, sans soubresaut, en dehors de l’influence du thorax; aussi devons-nous en chercher la cause dans l’æsophage même. Nous croyons que la partie blanche de cet organe se dilate peu à peu dès que l’animal se met à boire, afin de livrer passage aux nom- breuses gorgées de liquide que le pharynx imjecte dans la por- tion cervicale. Gette dilatation nous paraît nécessaire chez les animaux solipèdes, car sans elle la terminaison de l’œsophage serait incapable de débiter la quantité de liquide qui est admise par la portion cervicale, et le canal tout entier ne tarderait pas à être encombré par les boissons. Si les frottements ont épuisé en route l'impulsion que les gorgées ont reçue du pharynx, et si l’ampoule exploratrice est peu sensible, on ne trouvera pas sur le graphique la trace du passage de chaque ondée ; si les conditions sont différentes, le graphique portera au contraire des traces du passage de toutes les gorgées. Nous avons remarqué d’ailleurs que l’amplitude des courbes produites par le passage des ondées diminuait au fur et à mesure qu’on enfonçait l’ampoule plus près du cardia, c’est- à-dire au fur et à mesure qu'on rapprochait l’ampoule explora- trice d’un point où les frottements qu'éprouve le liquide sont plus considérables. Après la dernière déglutition d’une longue série, la portion blanche de l’'æsophage reprend son rôle ordinaire. Elle se res- serre péristaltiquement sur la dernière gorgée, ainsi que sur les quelques gouttes que l’animal déglutit pour achever de débar- rasser sa bouche des boissons qui y sont restées. Tel serait le mécanisme des déglutitions œsophagiennes asso- ciées. Nous voudrions le compléter par une étude sur la nature de la dilatation que nous avons signalée ; mais nous ne sommes ARTICLE N° Î. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 77 pas en mesure d'aborder cette question. Nous la réserverons pour un travail ultérieur où l’œsophage sera étudié comme muscle. Au surplus, elle n’est pas essentielle dans le sujet que nous traitons aujourd'hui. 3 La descente des aliments et des boissons dans la portion thoracique de l’œsophage est favorisée par le jeu de l’appareil respiratoire. Nous avons expliqué plus haut l'influence qu’exerce la dépres- sion thoraco-diaphragmatique qui coïineide avec le début des déglutitions isolées ou associées. Nous voulons parler mainte- nant de l'influence que les mouvements respiratoires exercent sur la portion intrathoracique de l’œsophage. M. Goubaux a montré que les changements de pression qui s’établissent dans le thorax se font sentir sur l’œæsophage. I fixa un tube de verre à demi plein d’eau sur l’œsophage du Cheval, à la base du cou, et s’aperçut que le hquide baissait dans le tube pendant l’inspiration et s’y élevait pendant l’expiration. Si nous revenons sur ce fait, c’est pour compléter notre programme et mettre sous les yeux du lecteur des tracés qui en rendent lexis- tence indiscutable. En plaçant un pneumographe autour de la poitrine et une 16. 30. — Montrant l'influence que la respiration exerce sur la portion thoracique de l’œsophage. — O. tracé d’une ampoule engagée cans la portion thoracique de l’œsophage; T, tracé pneumogra- phique (Cheval). ampoule dans la partie thoracique de l’œsophage, on obtient des tracés analogues à ceux de la figure 30. La courbe O répond à l’ampoule œsophagienne ; la courbe T, au pneumographe. On constate, en les examinant, qu’elles s'élèvent et s’abaissent 78 S. ARLOING. simultanément. D'où l’on peut conclure que les substances qui seront renfermées dans l’œsophage éprouveront une suite de compressions et de décompressions qui favoriseront leur des- cente vers l'estomac. L'influence des mouvements respiratoires est d'autant plus grande que les parois de l’œsophage sont plus minces et plus souples. Par conséquent, elle sera plus importante chez le Bœuf que chez le Cheval, et, sur ce dernier, elle diminuera d’avant en arrière. CONCLUSIONS. Arrivé à la fin de la partie principale de notre tâche, nous devons jeter un coup d’œil rétrospectif sur ce travail et résumer les faits principaux qu’il renferme. Il nous a été impossible de faire sur l'Homme toutes les expé- riences que nous avons instituées pour étudier le mécanisme de la déglutition des Mammifères. Néanmoins nous croyons que les résultats que nous avons obtenus sont applicables à notre espèce. Il y a dans les fonctions un enchaînement et une subordina- tion incontestable des actes qui les constituent. Par consé- quent, si quelques-uns des phénomènes principaux de la dé- glutition sont communs à l'Homme et aux animaux, il nous parait certain que tous les autres seront identiques. Or il y a un acte qui appartient à l'Homme et à nos Mammifères domesti- ques : la dépression thoracique qui accompagne invariablement toutes les déglutitions. Get acte domine la fonction par son im- portance et par l’importance des organes qui l’exécutent. Aussi croyons-nous que tous les actes de la déglutition sont les mêmes dans l'Homme et les Mammifères qui nous ont servi à pour- suivre nos expériences. Nous croyons aussi que nos résultats s'appliquent à tous les Mammifères terrestres. Nous ne pouvons nous faire à l’idée qu’une légère différence dans la forme et les dimensions d’un organe entraine un profond changement dans une fonction. Par ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 79 exemple, M. Moura a distingué sur l'Homme emq types d’épi- glottes; faudrait-il admettre que la déglutition s’'accomplit, chez l'Homme, d’après cinq modes différents? Nous ne le pen- sons pas. Or il n’y a pas plus de différence entre l’épiglotte des Mammifères domestiques qu'il n’y en a entre les cinq types humains. Pour ce motif, nous croyons que le mécanisme de la déglutition ne change pas d’une espèce à l’autre. Quant aux principaux résultats auxquels nos expériences nous ont conduit, ils sont résumés dans les propositions sui- vantes : 4° La déglutition se divise seulement en deux temps : temps bucco-pharyngien et temps œsophagien. 2% On doit distinguer des déglutitions isolées et des dégluti- tions associées à la place des déglutitions de solides et des déglutitions de liquides. 3° Dans le premier temps, les aliments s'engagent dans l'œsophage sous l'influence d'agents mécaniques et physiques. : 4 L'appareil respiratoire intervient au début des dégluti- tions pour favoriser la dilatation du fond de l’arrière-bouche, la raréfaction de l’air du pharynx et l’occlusion de la glotte. 9° Le larynx ne se ferme pas au début d’une déglutition. Quand il est fermé, toutes communications se trouvent inter- ceptées entre le pharynx et le vestibule. 6° Les contractions du pharynx sont à leur maximum quand les bols sont ou très-petits ou très-volumineux. 7° Pendant les déglutitions associées, le pharynx se place dans un état moyen de raccourcissement autour duquel il pré- sente une série de relàâchements et de contractions. 8° Pendant les mêmes déglutitions, la respiration est simple- ment entrecoupée par une- suite de dépressions thoraciques accompagnées chacune par une ocelusion du larynx. 9° L’œsophage ne se contracte pas pendant les déglutitions associées. 10° Quand cet organe possède une partie blanche, il se dilate peu à peu, au delà du cœur, durant le passage des boissons. 80 S. ARLOING. SECONDE PARTIE. MÉCANISME DE LA DÉGLUTITION CHEZ LES OISEAUX GRANIVORES. On ne trouve pas, dans les auteurs, des données précises sur le mécanisme de la déglutition chez les Oiseaux. Les ouvrages d'anatomie comparée renferment de simples vues théoriques émises à propos de la description des organes de la digestion. Les traités de zoologie ne fournissent pas d’au- tres matériaux , et les traités de physiologie comparée ne pré- sentent rien qui soit très-rigoureux. Dugès se borne à dire «que les Oiseaux ont souvent, autour de la glotte, des denti- cules ou papilles demi-cornées, dirigées en arrière et propres à faciliter la descente des aliments ». Il ajoute toutefois cque la glotte se ferme alors hermétiquement, de même que dans les Repules, et quelquefois elle offre un rudiment d’épiglotte » (Physiol., t. HT, p. 347). M. Colin fait remarquer que «la déglutition est lente, en sénéral, chez les Oiseaux qui ont un œsophage à parois minces, bien que très-dilatables, et il termine en disant qu’ celle s'ac- compagne de secousses vives de la tête et même de tout le corps chez les Rapaces » (Physiol., t. F', p. 631). Cette pénurie de matériaux rendait notre étude plus longue, car nous devions examiner la fonction dans toutes ses parties ; mais elle rendait notre tâche plus facile, puisque nous n’étions pas astreimt à discuter des opinions parfois très-différentes, et à les soumettre au contrôle de l’expérimentation. I fallait d'abord faire le choix des Oiseaux sur lesquels nous étudierions la déglutition. Ce choix était forcément très-limité. Nous nous sommes arrêté de préférence sur le Goq; car, outre la facilité avec laquelle on se procure les animaux de cette espèce, leur caractère doux, leur habitude de vivre autour de nous, en font de bons sujets d'expérience. Nous. avons dit ailleurs que ces qualités n'étaient pas indifférentes à une bonne étude graphique de la déglutition. ARTICLE N° f. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 01 CHAPITRE PREMIER. DISPOSITION DES ORGANES DE LA DÉGLUTITION. Chez les Oiseaux granivores, elle se fait remarquer par sa grande simplicité. La bouche, dépourvue de lèvres et de dents, communique largement avec l’arrière-bouche. Il n’y à pas d’isthme ni de voile du palais. La langue est sagittée, revètue d’un épithélium corné, et munie, à la base, de plusieurs papilles, longues, dirigées en arrière. Elle jouit d’une très-erande mobilité. L’arrière-bouche présente, en haut, lorifice guttural des cavités nasales, fente longitudinale divisée à son fond par le bord inférieur du vomer. La muqueuse de cette région possède quatre ou cinq rangées transversales de papilles récurrentes dont le développement augmente d'avant en arrière. Le reste du plafond de larrière-bouche, jusqu'à linsertion des parois pharyngiennes sur la base du crâne, est garni de papilles éparses, mais toujours récurrentes. L’orifice des cavités nasales est entouré d’une épaisse couche de glandules reposant sur des fibres musculaires dont la contraction peut fermer cet orifice à un moment donné. À l'extrémité inférieure de l’arrière-bouche, on trouve une autre fente, l’entrée du larynx, qui est dépourvue d’épiglotte. Elle est percée au milieu d’une saillie triangulaire, à base pos- térieure formée par le larynx. La base de cette saillie, figurant une sorte de talon transversal, est garnie de fortes papilles récurrentes. La muqueuse de l’arrière-bouche est doublée extérieure- ment de deux plans de fibres musculaires dont la contraction raccourcit les deux diamètres de l'organe. Ajoutons que les muscles coniques de l’os hyoïde et le mylo-hyoïdien s’attachent sur les parois du pharynx, et peuvent, comme le dit Cuvier (Anat. comp., t. IV, p. 610), leur imprimer des secousses. L’æsophage est, à son origine, à peine distinct de la cavité ANN. SC. NAT., AOUT 1877. VI. 6. — ART. N° 1. 02 S. ARLOING. pharyngienne. Il présente un calibre relativement énorme et une grande dilatabilité. Trois nerfs rampent à la surface de la région pharyngo- laryngienne et de l’œsophage. Ce sont : le glosso-pharyngien, le vague et l’'hypoglosse. Le glosso-pharynqien émet une branche qui se rend dans la région sous-hyoïdienne et descend ensuite le long du pharynx et de l’æsophage, après avoir reçu toutefois une branche ana- stomotique du nerf vague. À la hauteur de la bifurcation de la carotide primitive, le glosso-pharyngien fournit un rameau flexueux qui se dirige vers le larynx -supérieur en mêlant ses ramuscules terminaux à ceux d’une branche de l’hypoglosse. Nous appellerons ce rameau nerf pharyngo-larynqien. X est sensilif. Le nerf vague abandonne, dans la région sous-hyoïdienne, un filet qui s’anastomose immédiatement avec le glosso-pha- ryngien. Si l’on poursuit ce filet, on constate qu'il entre dans la formation du rameau pharyngo-laryngien que nous avons déerit plus haut. L’Aypoglosse croise, en se dirigeant en avant, le vague et le glosso-pharyngien. Après avoir franchi ce dernier, il marche parallèlement au rameau pharyngo-laryngien dont 1l est séparé par un vaisseau veineux, et va se terminer avec lui dans le larynx supérieur. Avant de gagner le larynx, il fournit un ramuscule qui monte vers la langue, où 1l se perd. CHAPITRE IT. DIVISIONS DE LA DÉGLUTITION. Les quelques lignes d'anatomie qui précèdent ont simple- ment pour but de rappeler ou de signaler certaines dispositions organiques dont la connaissance peut aider à l'étude expéri- mentale de la déglutition. La libre communication de la bouche avec larrière-bouche, coïncidant avec l’absence de voile du palais et d’isthme du sosier, est Ja disposition qui frappe le plus au premier abord. ARTICLE N° f. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 83 Elle entraine une grande simplicité dans Pacte de la déglutition. Il est impossible ici de distinguer le passage du bol à travers le pharynx du passage à travers le fond de la bouche. Aussi devient-il inutile de discuter, à propos des Oiseaux, sur les divisions en trois temps que plusieurs auleurs ont adoptées pour les Mammifères. La déglutition s’accomplira done en deux temps, l’un bucco- pharyngien, Vautre æsophagien. Nous les étudierons successi- vement, comme dans la première parte de ce travail; mais leur étude sera plus courte qu'elle ne l’a été pour les Mammi- fères, car 1l n’y à pas lieu de distinguer, chez les Oiseaux, des déglutitions isolées et des déglutitions associées, attendu que ces animaux avalent les aliments et les boissons par un mode toujours identique. CHAPITRE HT. PREMIER TEMPS OÙ TEMPS BUCCO-PHARYNGIEN. On peut chercher à démèler les actes de la déglutition bucco- pharyngienne de visu, ou bien à laide des appareils gra- phiques. K der. Par le procédé ordinaire des vivisections, on acquiert des notions assez nombreuses sur cette partie de la déglutition. On peut en effet observer les mouvements de lappareil hyoïdien, du pharyux et du larynx, à l’aide d’une imcision faite à la peau ; on peut même voir ce qui se passe à l’intérieur de la bouche, en ouvrant le pharynx, tout en respectant les vaisseaux et les nerfs de la région. Quand un sujet est préparé pour faire une observation, 1l faut provoquer des déglutitions en poussant des bols au fond de sa bouche. Il est rare qu'il prenne spontanément de la nourri- ture. Lorsqu'on détermine de véritables déglutitions, voici ce que l’on observe : La bouche se ferme, le larynx monte et descend rapidement, à cinq, Six, sept où huit reprises, entre les branches du maxil- 84 S. ARLOING. laire inférieur ; le pharynx se raccourcit et s’atlonge un même nombre de fois; on voit ensuite l’origme de l’œsophage se dilater au-devant du bol, puis s’en emparer et le pousser vers un point plus éloigné. Les déglutitions que l’on provoque en instllant quelques gouttes d’eau dans la concavité de la mandibule inférieure présentent le même mécanisme. Nous avons pourtant noté une dilatation de l’origine de lœsophage un peu moins consi- dérable que dans la déglutition des solides. Si l’on imcise longitudinalement les parois du pharynx et si l’on écarte les lèvres de la plaie, on aperçoit distinctement le fond de la bouche et l’entrée du larynx, et lœil suit la phase bucco-pharyngienne des déglutitions. On remarque, à chacune d'elles : 1° que la langue monte et s’abaisse plusieurs fois avec une grande rapidité ; 2° que le larynx, d’abord caché au fond de l’arrière-bouche, se montre plusieurs fois au niveau de la plaie; 3° que la glotte se ferme pendant ces déplacements ; # que le bol descend, accompagné de mucosités spumeuses. Tels sont les mouvements que l’on observe à l'extérieur et à l’intérieur de la bouche et de l’arrière-bouche. Reste à faire connaître la manière dont ils entrainent les bols dans Pœso- phage. Pour la clarté de cette description, nous diviserons le chemin parcouru par Île bol en deux étapes : la première s'étendant depuis l'entrée de la bouche jusqu’en arrière de l’orifice interne des narines; la seconde, depuis ce point jusqu’à l'entrée de l’œsophage. Dans la première étape, la langue est le véritable agent de la descente du bol. Par ses mouvements de propulsion et de rétropulsion, elle presse le bol contre les papilles récurrentes de la voûte palatine et l'amène rapidement à portée des longs prolongements cornés de sa base. Ceux-ci le saisissent dans un mouvement de propulsion de la langue et l’entrainent en arrière lorsque la langue revient à sa position première. Dans la seconde étape, le rôle principal revient au larynx. ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 89 Le bord postérieur de cet organe, disposé sous la forme d’une sorte de talon hérissé de papilles, s'élève, s'applique contre la voûte du pharynx et refoule en arrière, au moment où il re- tombe vers son point de départ, toutes les particules qui s’in- simuent entre ses papilles et les parois pharyngiennes. Ces mouvements, se reproduisant plusieurs fois avec rapidité, par- viennent bien vite à faire passer les aliments dans l’œsophage. Il est possible d'étudier, en quelque sorte à loisir, les phé- nomènes que nous déerivons en excitant le rameau pharyngo- laryngien qui rampe sur le plan latéral du larynx. Si l'excitation dure un certain temps, on fixe, pour ainsi dire, la langue et le larynx dans la position qu’ils prennent pendant la dégluti- tion. Si l’on rapproche les excitations, ces organes montent et descendent à chacune d'elles, comme ils le font dans la déglu- tition spontanée, et entraînent un bol vers l’œsophage par ces mouvements artificiellement provoqués. K 2. Pour rester fidèle à notre programme, nous devions con- trôler par la méthode graphique les faits que l’observation directe nous avait révélés, et étudier les relations que la respi- ration entretient avec la déglutition. A. Dans l'étude graphique de la déglutition bucco-pharyn- gienne et œsophagienne, nous ne pouvions pas espérer agir sur le Poulet comme sur le Cheval, c’est-à-dire placer des ampoules ou des tubes dans les cavités parcourues par les alimenis. Il n’y aurait pas eu place pour les appareils explorateurs et pour les bols alimentaires. Nous avons pensé que nous atteindrions notre but en faisant avaler aux sujets d'expérience un bol arti- ficiel, creux, élastique, tendant toujours à prendre sa forme naturelle, dont la cavité communiquerait à l’aide d’un tube fin et souple avec un tambour à levier. Une petite tetine de gomme, imperforée à sa grosse extré- mité, nous a servi de bol; nous l’avons attachée à un tube de caoutchouc assez fin pour qu'il pût permettre à l’ampoule de 86 S. ARLOING. descendre dans le pharynx et lœsophage, sans gêner notable- ment les mouvements de la langue et des mandibules. Un fil solide, long de 30 à 40 centimètres, était fixé sur l’ampoule et devait servir à la retirer des profondeurs de l’æsophage après chaque déglutition. Tel est le petit appareil que nous avons employé pour recueillir l’action des parois du pharynx et de l’œsophage sur le bol alimentaire. Si l’on entr’ouvre avec précaution les mandibules d’un Poulet convenablement maintenu, et si lon engage le bol artificiel au fond de la bouche, on réussit de temps en temps à provoquer une véritable déglutition. Dans ce cas, la petite vessie de caout- chouc est entrainée vers l’œsophage, et le tube qui la rattache à l'appareil enregistreur disparaît peu à peu dans la bouche. Le tracé que l’on obtient débute toujours par une série de pelites courbes positives d’une très-courte durée, ainsi qu'on en juge sur la figure ci-jointe, en D, où elles sont tellement rapprochées, qu'elles se touchent presque toutes. Ge tracé a été recueilli sur un cylindre qui déroulait seulement 0",007 de papier par seconde. Re et Ne CE LE 0 En portant la vitesse du cylindre à 0",042 par seconde, on écarte les courbes les unes des autres, et les tracés que lon obtient sont plus faciles à étudier. Nous en présentons quelques exemples (fig. 31, K et K’). ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 87 On dirait, en jetant les yeux sur ces tracés, que le bol est soumis, dans la cavité pharyngienne, à une série de pressions positives suivies chacune d’une pression négative ; ce qui ferai croire à un resserrement et à une dilatation alternatifs de l’ar- rière-bouche. Mais il ne faut tenir aucun compte de la partie négative des courbes, car elle est due à l’élasticité de la mem- brane du tambour enregistreur dont le levier revient brus- quement vers le zéro. En conséquence, les tracés démontrent que le bol est amené dans l’œsophage par les pressions suc- cessives qu'il subit de haut en bas et d'avant en arrière. Nous avons expliqué précédemment le mécanisme de ces pressions, nous n’y reviendrons pas. Ajoutons seulement que ces pressions déterminent la descente du bol, grâce à l’action directrice des papilles récurrentes qui garnissent la voûte palatine, la base de la langue et le bord postérieur du larynx. En résumé, les agents de la déglutition bueco-pharyngienne, chez les Oiseaux, sont exclusivement mécaniques, tandis qu’ils sont mécaniques et physiques chez les Mammifères. Quant aux causes qui empêchent aux aliments de pénétrer dans les fosses nasales et dans le larynx, il faut citer : 4° l’action des muscles et des papilles qui entourent l’orifice guttural des cavités nasales, qui remplace celle du voile du palais ; 2° l’oc- clusion de la glotte, et un acte respiratoire important sur lequel nous allons insister, qui remplacent l’ocelusion du vestibule laryngien par l’épiglotte et les cordes vocales, et le mouvement de projection du larynx sous la base de la langue constatés dans les Mammifères. B. Si l’on explore l’appareil respiratoire à l’aide de petites ceintures pneumographiques et de tubes introduits dans la trachée, on obtient des graphiques dont l’examen démontre : 1° Que les déglutitions se font rarement dans le cours d’une inspiration, à moins que l’expérimentateur ne contraigne lani- mal à déglutir pendant ce mouvement. Elles ont lieu surtout au commencement des expirations, assez souvent aussi à la fin (voy. fig. 32). 2 Qu’à chaque déglutition la glotte se ferme, la pression 88 S. ARLOING. intrathoracique s'élève, pendant que le thorax et l'abdomen se mettent en expiration. En étudiant de près la courbe de la pression intrapulmonaire T (fig. 32), on s'aperçoit que la pression s’accroit brusquement au début d’une déglutition, et se maintient élevée, tout en éprouvant quelques variations insignifiantes, jusqu'à l'établissement de la déglutition œso- phagienne. L’accroissement est considérable quand le bol est volumineux et entraîne des efforts de déglutition ; il est beau- coup moindre quand le bol est petit et facile à avaler. Lorsque FIG. 32.— Montrant les modifications simultanées de l'appareil respira- toire et de l'appareil hyo-laryngien pendant la déglutition,chezle Poulet. —1ct2:T, pression intrapulmo- naire; P, tracé des mouvements des côtes (respiration) ; À, tracé des mouvements de l'abdomen ; H, déplacement de l’hyoïde pendant une déglutition d. Dans la série n° 1, la déglutilion s'est prodnite vers la fin d’une inspiration; Ja déglutition a été labor:ense. Dans la série n° 2, elle est survenue à Ja fin d’une expi- ration ; elle a été relativement ès facile. les sujets avalaient les miettes de pain ou les gouttelettes de boisson qui leur restaient dans la bouche après des déglutitions provoquées, la courbe s'élevait à peine au-dessus des maxima ordinaires. Dans tous les cas, les accidents qui hérissent ces courbes sont dus aux mouvements d’ascension et de descente du larynx et de la trachée; leur nombre est égal à celui des mouvements de l'appareil hyoïdien qui furent nécessaires pour déterminer l'introduction du bol dans l’œsophage. La courbe des mouvements du thorax P montre que les côtes ARTICLE N° f. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 89 s’affaissent si l’animal est en inspiration au moment où 1l dé- olutit, et qu’elles restent en expiration si elles sont déjà dans cette position. Quand les déglutitions sont spontanées et les bols peu volumineux, la poitrine se met en expiration simple ; mais quand les déglutitions sont laborieuses, le sommet de la courbe expiratoire dépasse notablement celui des expirations ordinaires : dans ce cas, il y a done plus qu’un simple relàche- ment des muscles inspirateurs. Quelles que’soient leur amplitude et leur durée, les courbes expiratoires ne présentent jamais les ressauts des courbes de la pression intrapulmonaire. Nous voyons, dans ce fait, la preuve que ces ressauts ont simplement leur source dans les déplacements brusques du larynx et de la trachée, Le tracé À, recueilli sur l'abdomen, démontre que les parois abdominales s’affaissent, comme les parois! thoraciques, pen- dant les déglutitions. On se rappelle que, chez les Mammifères, la pression intra- thoracique diminue, tandis que le flanc se soulève et que les côtes s’abaissent; d’où nous avions conclu à une brusque et rapide dépression d’origine diaphragmatique. Ici il se produit un véritable effort d’une assez longue durée. Par conséquent, l'intervention de l'appareil respiratoire dans la déglutition dif- fère totalement chez les Oiseaux et chez les Mammifères. Ces différences s’expliqueraient, d’après nous, assez facile- ment. On avait cru, et plusieurs anatomistes croient encore, que les papilles récurrentes qui hérissent plus ou moins le pourtour de la glotte suppléaient l’épiglotte absente chez les Oiseaux et protégeaient les voies aériennes contre les parcelles alimen- taires. Mais Duvernoy fait remarquer, dans les Leçons d’ana- tomie comparée de G. Cuvier, que « tant de variations dans leur existence et leurs proportions relatives, ainsi que dans leur con- sistance, prouvent qu'elles ne remplacent pas l’épiglotte, et qu’il faut chercher dans d’autres crconstances organiques les moyens départis aux Oiseaux pour donner aux substances qu'ils avalent la direction convenable et les détourner du conduit de 90 S. ARLOING. la respiration ». Nous pensons que l'expiration qui accompagne toute déglutition est bien faite pour remplacer les « circon- stances organiques » autres que la présence des papilles récur- rentes qui doivent détourner du conduit respiratoire les sub- stances qu’avalent les Oiseaux. Car ce mouvement rejettera au dehors de la trachée toutes les parcelles qui auraient franchi la glotte, malgré son ocelusion. Quant à la durée de cet effort, elle s'explique par la manière dont le bol descend dans le pha- rynx. Au lieu de descendre sous l’influence d’une contraction synergique des muscles hyo-laryngiens, Ninguaux et pharyngiens, comme chez les Mammifères, le bol est poussé par les frotte- ments répétés de la langue et du larynx contre le palais et le pharynx. Or, quelle que soit la rapidité avec laquelle s’'exécutent ces frottements, ils demandent toujours beaucoup plus de temps pour s’accomplir que la contraction convulsive de Pappareil pharyngo-laryngien des Mammifères. CHAPITRE IV, DEUXIÈME TEMPS OU TEMPS ŒSOPHAGIEN. En découvrant la portion cervicale de l’œsophage, on peut étudier de visu les mouvements de cet organe pendant la dé- olutition. On constate qu’à l’arrivée d’un bol liquide ou solide, l’origine du canal œsophagien se dilate sur une longueur de 1 centi- mètre à 1 £ centimètre, puis se rétrécit en arrière du pharynx de façon à pousser les aliments vers le jabot. Ce mouvement péristaltique diffère peu de celui que l'on observe chez les Mammifères. Toutefois il se fait remarquer par la grande dila- tation que l’œsophage présente successivement et de proche en proche, en avant de l’onde contractée, et par la lenteur avec laquelle cette dernière descend le long du conduit. Si l’on imeise les parois œsophagiennes, on s'aperçoit que les aliments sont accompagnés d’un mueus fortement spumeux, et que les gaz qui lui donnent ce caractère remontent très-fré- ARTICLE N° 1. DÉGLUTITION CHEZ LES MAMMIFÈRES ET LES OISEAUX. 9! quemment du Jabot vers la bouche à la suite de quelques déglutitions. Les tracés confirment ces observations. Recueillie en un point quelconque de la région cervicale, à l’aide d’une petite ampoule mtroduite dans l’organe, la con- traction de l’œsophage de l’Oiseau se distingue de celle de l’œsophage des Mammifères par sa lenteur, et par conséquent sa durée, et par la grande différence qui existe entre la durée du resserrement et celle du relâchement. La première est en- viron huit fois plus longue que la deuxième. Enfin, on constate, en faisant avaler notre petit bol artificiel, que les aliments sont conduits dans le jabot par une série de contractions qui viennent agir successivement sur eux. Le tracé ci-joimt (fig. 33) a été obtenu de cette façon. Te D nn de mr ne nn On y voit, à la suite des ascensions brusques D, qui sont le résultat de la compression du bol artificiel par la langue et le larvox, une longue série de courbes commençant en 0, qui sont dues à l’action péristaltique de l’œsophage. On observe habituellement que le bol est plus fortement comprimé à son entrée dans l’œsophage qu’à l’intérieur de la bouche et du pharynx. Tantôt le maximum de la compression se maintient pendant toute la durée de la déglutition ; tantôt elle diminue après le début de l’acte. Nous n’avons pu saisir la cause de cette différence. CONCLUSIONS. Nous résumerons dans les conclusions suivantes les faits principaux qui sont renfermés dans la deuxième partie de notre mémoire : 99 | S. ARLOING. 4° Chez les Oiseaux, la déglutition se divise naturellement en deux temps. 9% Toutes les déglutitions s’exécutent toujours d’après le même mode. 3° Dans le premier temps, les aliments sont poussés dans l’œsophage par des agents exclusivement mécaniques. 4 L'appareil respiratoire se met en expiration pendant la déglutition bucco-pharyngienne, et vient en aide à l'occlusion du larynx, pour empêcher l’introduction des aliments dans la trachée. 5° L’expiration est d'autant plus forte que la déglutition du bol est plus difficile. 6° La contraction péristaltique de l’œsophage est beaucoup plus lente que dans les Mammifères. BIBLIOGRAPHIE. Outre les traités classiques d'anatomie et de physiologie humaines et com- pareées, voyez : BOERHAAVE. — Institut. medicæ, 1708. BæcLer. — Historiæ instrumentorum deglutitiomis, etc., etc. Strasbourg, 1705. ALBINUS (Sig.). — Historiæ musculorum, 1734. WVALTHER (A.). — Dissert. de deglutitione. Leipzig, 1735. 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ARLOING. — Application de la méthode graphique à l’étude du mécanisme de Ja déglutition (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 2 novembre 1874). ARLOING. Deuxième Note (Comptes rendus, 24 mai 1875). HISTOIRE DES CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES Par M. J. R. BOURGUIGNAT (|). H. Les espèces de ce groupe, auxquelles je donne le nom de Pyrénuiques, sont toutes spéciales à la chaine des Pyrénées ou à leurs dépendances, à l’exception toutefois de deux Clausilies, dont l’une, la pumicata, étend son aire jusque dans l'Hérault, et dont l’autre, la druidica, n’est connue que des régions de la Bretagne. Ce dernier fait ne peut en rien changer l’appella- tion de pyrénaiques que j'attribue à ces Clausilies, attendu que l’on sait qu’il existe dans nos départements bretons un assez grand nombre d'espèces du nord de l'Espagne ou des Basses-Pyrénées, qui, sous l'influence marine, se sont pro- pagées le long des côtes océaniques jusque dans ce pays. CLAUSILIA FAGOTIANA. Cette espèce, que je dédie à M. Paul Fagot, de Villefranche, habite au Frechet-d’Aure (Hautes-Pyrénées). Je la connais éga- lement des environs de Baréges (Hautes-Pyrénées). Les échan- tillons de Baréges sont un peu moins forts que ceux du Frechet, qui sont de la plus belle taille. Comme force et comme gran- deur, il y a peu de différence entre les échantillons de cette localité et la ventricosa du nord de la France. C’est peut-être la grande taille de cette espèce qui est la cause que bien des (1) Voy. tome IV, art. n° 4, et tome V, art. n° 4. ANN. SC. NAT. — ART. N° 2. 2 3. R. BOURGUIGNAT. auteurs ont signalé la ventricosa sur un grand nombre de points des Pyrénées. Testa parum rimata, elongato-fusiformi, sat tumida, parum nitente, solidula, subpellucida, rubigimoso-cornea, passim prope suturam rare albo-strigillata, eleganter (supremi lævi- gati except) costulata (costæ regulares, validæ, fere rectæ, sat distantes, circa suturam validiores ac in ultimo prope apertu- ram lamellosæ ; lamellæ strictæ, productæ, albidæ) ; — spira elongata, regulariter attenuata; apice corneo, lævigato, obtuso, mamillato; — anfractibus 12, convexiuscublis, regulariter cre- scentibus, sutura (in tribus ultimis albo-filosa) sat profunda separatis; ultimo subtumidulo, vix impressiusculo, basi sulcato ac valide carimato-cristato (crista valida, arcuatim pro- ducta, sat conferte costulata, marginem attingens) ; — aper- tura vertical, piriformi, superne angulata (sinulus pro- fundus), intus ad basin remote canaliculata ac in marge externo intus albo-callosa (callus margini parallelus, remotus, mediocris, ad partem inferiorem crassior), plicata, scilicet : a. parietales duæ, quarum superior marginalis, stricta, pro- ducta, cum spirali conjuncta, inferior remota, ascendens, parum producta, antice tuberculosa aut aliquando subbifur- cata; D. plica subcolumellaris immersa, parum conspicua ; ce. palatalis unica, supera, profunda, ultra lunellam prolongata ; d. Tlunella erassa, brevis, fere recta, exterius vix apparens ; — peristomate continuo, soluto, albido, crassiusculo, expansius- eulo ac reflexiusculo. Haut., 15 millim.; diam., 4 millim. Var. B. MINOR. — Plus délicate dans son ensemble (haut. 1% mullim.; diam. 3 millim.); costulations un peu moins - fortes; ouverture plus piriforme-oblongue. — Vallée du pic du Ger, au-dessus des Eaux-Bonnes (Basses-Pyrénées). — Environs de Baréges (Hautes-Pyrénées). ARTICLE N° Ÿ CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 9 CLAUSILIA SAINT-SIMONIS. Bois de Lheris, près de Bigorre, et environs de Lourdes (Hautes-Pyrénées). — Cierp, dans la vallée de Luchon (Haute- Garonne), d’où je l'ai reçue confondue avec des Clausilia niqgricans. | Testa rimata, cylindrico-elongata, leviter subfusiformi, parum tumidula, solida, parum nitente, subpellueida, fusco- rubiginosa, passim prope suturam rare albo-strigillata, vali- dissime (supremi 2 lævigati excepti) striata (striæ lamellosæ, robustæ, productæ, regulares, vix obliquæ, fere rectæ, sat distantes, in ultimo albidæ, validiores ac magis distantes) ; — spira elongata, regulariter attenuata; apice mamillato, obtuso, lævigato, pallidiore, nitidissimo ; —anfractibus 19, con- vexiusculis, regulariter crescentibus, sutura sat impressa sepa- ratis ; ultimo externe ad partem superiorem impressiusculo, ad partem inferiorem tumido-subgibboso, ac ad basin sulcato_ et carinato-cristato (crista valida, lamellata, producta, arcuata, usque ad peripheriam descendens); — apertura vix obliqua, oblongo vel ovato-subpiriformi, castanea, inferne inter lamel- lam inferam call et plicam subcolumellarem profunde cana- liculata, superne angulata (sinulus angustus), intus profunde in margine externo callosa (callus crassus inferne plica valida (lamellam palatalem inferam simulans) crassa, elongata, ele- ganter præditus), plicata, scilicet : «. parietales duæ, quarum Superior marginalis, stricta, cum spirali conjuneta , inferior profunda, robusta, antice sæpe biramosa, ac minutissimam lamellam usque ad peripheriam mittens ; 4. plica subcolumel- laris valida, conspicua; €. palatalis unica, supera, remotis- sima ; d. plica interlamellaris unica ; e. lunella valida, parum arcuata, exterius vix apparens ; — peristomate continuo, soluto, albido, expanso ac reflexiusculo. Haut., 12-13 mullim.; diam. 2 © millim. Var. MINOR. — Coquille un peu plus petite, ressemblant à ANN. SC. NAT., AOUT 1877. VI. 7. ——VART. N° 2. 4 J. R. BOURGUIGNAT. premuère vue à la #igricans. — Montagne d’Arri, près de Gierp (Haute-Garonne). Cette espèce se distingue facilement de la précédente par sa coquille plus petite, moins ventrue, moins fortement costulée ; par son dernier tour pourvu à sa base d’une forte gibbosité séparée de la crête cervicale par un profond sillon (chez la Fago- tiana, cette gibbosité n’est pas sensible) ; par sa callosité pala- tale se prolongeant à son extrémité inférieure sous la forme d’une lamelle ; par sa deuxième pariétale plus épaisse, plus saillante, birameuse en avant et projetant jusqu'à la périphérie un petit pli lamelliforme, ete. CLAUSILIA BUXORUM. Vallée de l’Ariége entre Tarascon et Ussat-les-Bams, au pied des broussailles du côté de la caverne de Lombrives. — Peu abondante. Testa rimata, elongato-fusiformi, in medio tumidula, superne inferneque attenuata, solhidula, non nitente, fusco- cornea, Circa suturam et in ultimo (præsertim prope apertu- ram) subcæsio-albidula, costulata (costæ in medianis anfrac- tibus crassæ, regulares, sat distantes, subobsoletæ, sicut eva- nidæ, in penultimo confertiores, sat strictæ et productæ, in ultimo in lamellis foliaceis, strictissimis, tremulis, elegan- lissime erectæ); — spira elongata, attenualo-acumimata ; apice mamillato, obtuso, nitidissimo, corneo, lævigato; — anfractibus 13 (supremi convexi, ultimi vix convexiusculi sed superne crea suturam leviter subtumiduli), lente erescentibus, sutura sat impressa et subfusco-filosa separatis ; ultimo mediocri, angustato, externe impressiuseulo, ad basin sulcato ac bicristato (crista supera gibbosa, erista rimalis arcuata, valida, producta, marginem attingens) ; — apertura leviter obliqua, ovato-piriformi, castanea, superne angulata (sinulus profundus, angustus, erectus), intus In margine externo sub- callosa (callus remotus, superne tuberculatus, mediane evani- dus, inferne lamellam palatalem simulans), plicata, scilicet : ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. D «. parietales duæ, quarum superior marginalis, stricta, pro- ducta, cum spirali conjuncta, inferior remota, parum conspi- eua, antice bifurcata; 4. plica subcolumellaris immersa, obli- que modo conspicua; €.- palatalis unica, supera, ultra lunellam paululum prolongata ; d. lunella aperta, subarcuata, exterius parum apparens; — peristomate continuo, soluto, castaneo, expansiusculo ac reflexiusculo ; margine externo ad basin simistrorsus dilatato, margine columellari superne con- VeXO. ! millim. Haut., 143 millim. ; diam. 2 Cette Clausilie, une des plus belles espèces françaises, ne peut être confondue avec aucune que je connaisse. CLAUSILIA BERTRONICA. CLAUSILIA BERTRONICA, P. Fagot, in sched., 1875. Environs d’Aulus (Ariége). Testa breviter rimata, elongata, cylindrica, regulariter sub- acumimata, sohda, non nitente, fusco vel corneo-rubiginosa, subtilissime (excepti 3 aut 4 supremi lævigati) striatula (striæ exiguæ, confertissimæ, circa suturam in ultimis albo-filosam ac in ulüimo prope aperturam validiores); spira elongata, lente ac regulariter subacumimata ; apice lævigato, pallidiore, obtuso ; — anfractibus 12, convexiuseulis, lente crescentibus. sutura sat impressa separatis; ultimo externe ad insertio- nem labri tumidulo, infra impressiusculo, ad partem inferio- rem subgibboso ac ad basin carinato-cristato (crista valida, producta, arcuata, peripheriam attingens); — apertura ver- ticali, transverse oblique oblonga, castaneo-albida, superne angulata (sinulus profundus, sinistrorsus versus), inferne pro- funde subeanaliculata, intus in margine externo subcallosa (callus crassiuseulus, inferne lamelliformis, lamellam palata- lem inferam simulans), plicata, scilicet : — «. parietales duæ, quarum superior crassa vix producta, cum spirali conjuncta, inferior profunda, vix conspicua, antice lamellam exIguam 6 J. R. BOURGUIGNAT. mittens ; b. plica subeolumellaris omnino immersa, non con- spicua; €. plica palatalis unica, supera; 4. lunella parum arcuata, exterius non apparens; €. plicæ interlamellares nullæ; — peristomate continuo, parum soluto, sat erasso, expansiusculo ac vix reflexiusculo. Haut., 19 nullim.; diam., 8 millim. Cette Clausihe est facilement reconnaissable à son ouverture oblique de gauche à droite. CLAUSILIA ABIETINA. CLAUSILIA ABIETINA, Dupuy, Hist. Moll. de France, 1° fase., 1850, p. 558, pl XVI, fig. 9 (médiocre). Cette Clausilie, assez mal définie dans l'ouvrage de notre ami l’abbé Dupuy, a été mentionnée seulement en ces termes : « Diffère de la dubia par sa taille beaucoup plus petite et par le pli transversal inférieur du palais plus marqué que dans la Clausilie douteuse, quoique celle-ci, plus grande, düt, ce me semble, l’avoir plus fortement accusé. — Haut., 10-12 millim. ; diam. 25 millim. » Or, la dubia (1) des Pyrénées (Claus. gallica) ne possède pas de pli transversal inférieur dans l’intérieur du palais. D’après la figure 5 (pl. xvu) de l'ouvrage de l'abbé Dupuy, l’abietina, contrairement à la phrase descriptive, ne montre aucun callus palatal et pas le momdre pli transversal intérieur ; tandis que le dessinateur a orné la dubia (fig. 7) d’un beau pli transversal punctiforme. Il y a imcontestablement erreur. De l’étude de cette phrase descriptive et de l'examen de cette figure 5, 1l résulte que les caractères de cette abietina seraient : une taille de 40 à 12 millim., sur un diamètre de 9 a92 millim.; un test médiocrement striolé; une ouverture avec un pli transversal à la base; enfin, une pariétale inférieure (1) La vraie dubia de Draparnaud est une espèce pupoide du Dauphiné ; elle n'existe pas dans les Pyrénées (voy. ci-après à l'espèce dubia). La dubia des Pyrénées citée par l’abbé Dupuy est notre CL. gallica. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. ÿ) très-enfoncée, très-ascendante (d’après la figure 5), presque immergée à l’instar de celle de la pyrenaica. M. l'abbé Dupuy signale son espèce comme très-abondante dans la vallée de Cauterets, notamment aux alentours de la cascade du Gerisaye et vers le pont d'Espagne. Or, en appliquant aux nombreux échantillons que Jai recueillis dans ces mêmes localités les signes distinctfs que je viens de mentionner, j'ai pu, je crois, rétablir cette espèce. J’adopte donc le nom de Clausilia abietina (1) pour une espèce caractérisée par : Testa rimata, cylindrico-elongata, parum tumidula, regula- riter attenuata, solidula, parum nitente, subpellucida, sæpe erosa, corneo vel fusco-rubiginosa, rare subalbido-strigillata, argute striatula (striæ in ultimo vix validiores) ; — spira elon- gata, regulariter subattenuata ; apice mamillato, obtuso, lævi- gato ; — anfractibus 11, convexiusculis (supremi 2 lævigati, cæteri striatuli), regulariter crescentibus, sutura impressa separatis; ultimo externe subimpressiusculo, ad partem imfe- riorem tumidulo ac ad basin carinato-cristato (crista arcuata, sat producta, ad peripheriam subevanescens); — apertura leviter obliqua, ovato-piriformi, inferne profunde canalicu- lata, intus in margine externo callosa (callus albidulus, su- perne crassus, in medio fere evanidus, inferne lamellam pala- talem plus minusve robustam simulans), plicata, scilicet : a. parietales duæ, quarum superior marginalis stricta, Cum spirali conjuncta, inferior remota, valde ascendens, postice bifurcata; D. plica subcolumellaris immersa, modo oblique conspicua ; c. plica palatalis unica, supera; d. lunella arcuata valida, exterius non apparens; e. plica interlamellaris unica, minutissima, sæpe obsoleta ; — peristomate continuo, parum soluto, albido, expansiusculo ac subreflexiusculo. Haut., 11 millim. ; diam., 2 ! mullim. Cette Clausilie habite sur le tronc des Hêtres et des Sapins, (1) Je pense que sous le nom d’abietina l'abbé Dupuy a dû confondre l’abie- tina, la Saint-Simonis, la pumicata, et peut-être d’autres formes. 8 J. R. BOURGUIGNAT. ainsi que sur les rochers humides, dans presque toute la vallée de Cauterets, depuis cette ville jusqu'au pont d'Espagne. Elle vit également aux environs de Baréges, des Eaux-Bonnes, ainsi que dans la vallée du Lys, près de Luchon. L'abietina ne peut être confondue ni avec la Fagotiana, ni avec les buxorum et Bertronica. L'espèce qui pourrait être comparée à elle est la Suint-Simonis ; mais on la distinguera de la Saint-Simonis à sa taille un peu plus petite, plus fluette, à sesstriations fines, délicates (celles de la Saint-Simonis, fortes, écartées, régulières, presque droites, ressemblent à de petites côtes, surtout celles du dernier tour, qui sont de vraies la- melles) ; à son sommet un peu moins mamelonné; à son dernier tour moins fortement impressionné vers la partie supérieure et pourvu à la base d’une arête cervicale plus délicate, moins large et moins saillante ; à son ouverture un peu plus allongée ; surtout à sa pariétale inférieure très-remontante, très-1mmergée et peu saillante. Celle de la Saint-Simonis, moins ascendante, très-robuste, non bifurquée en arrière, comme celle de l’abie- tina, birameuse au contraire en avant, s'étend en travers de l'ouverture. CLAUSILIA CAPELLARUM. Dans les anfractuosités des rochers, sous les détritus et sous les buissons, aux environs du Mas d’Azil (Ariége). Testa non rimata, fusiformi, oblongo-elongata, superne acu- minata, in medio leviter tumidula, nitente solidula, sæpe erosa et inquinata, fusco-nigrescente, argutissime striatula (striæ sæpe luteolæ, confertæ, sat obliquæ, debiles sicut obsoletæ) ; — spira elongata, regulariter acuminata; apice exiguo, lævi- gato, pallidiore, acutiusculo ; — anfractibus 11, convexiuseulis, lente crescentibus, sutura parum impressa separatis; ultimo externe convexo, ad partem inferiorem sulcato, et ad basin cristato (crista brevis, sublævigata, margini columellari paral- lela, parum producta, ac peripheriam fere attingens) ; — aper- tura vix obliqua, subrotundato-ovata, castanea, superne vix ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 9 subangulata (sinulus apertus, parum profundus), intus in mar- gine externo callosa (callus sat remotus iMmargini parallelus, superne obsoletus, mediane crassior, inferne lamelläm pala- talem simulans), plicata, sciicet : «&. parietales duæ, quarum superior marginalis stricta, debilis, cum spirali conjuneta, inferior remota, parum conspicua, antice subtubereulosa ; b. plica subcolumellaris immersa; €. palatalis üna supera, exigua, lunellam attingens ; d. lunella recta, exterius parum apparens ; — peristomate non soluto, adpresso, vix continuo, incrassato, castaneo, expanso ac vix reflexiusculo ; — margine columellari recto. Haut., 12 millim.; diam., 2 ; millim. Par son mode de striation, cette Clausilie se distingue faci- lement des Fagotiana, Saint-Simonis, buxorum et Bertronica, qui sont toutes plus ou moins fortement costulées. Quant à l'abietina, la capellarun se sépare nettement de celle-ci par sa coquille plus fusiforme, par sa spire plus acuminée, par son sommet exigu et non mamelonné, par son dernier tour pourvu à sa base d’une toute petite crête parallèle au bord columel- laure, etc. Enfin, la capellarum se distingue notamment de toutes les Clausilies de ce groupe par son manque de fente om- bilicale et par son péristome non détaché, mais appliqué sur lavant-dernier tour. CLAUSILIA FUXUMICA. Environs de Foix (Ariége). Testa rimata (rima inferne punctiformis), elongato-cylin- drica, mediocriter acuminata, nitida, subpellucida, solidula, fusco-rubiginosa, striatula (striæ sat regulares, rectæ, parum productæ, sicut obsoletæ, in ultimo validiores ac prope aper- turam lamellosæ; lamellæ strictæ, subalbidæ); — spira elongata, regulariter ac parum acuminata; — apice obtuso, mitido, lævigato, pallidiore ; — anfractibus 13, convexiusculis (in ultimis vix convexiusculi ac superne circa suturam subtu- 10 J. R. BOURGUIGNAT. miduli), lente crescentibus, sutura sat impressa separatis ; ultimo externe subimpressiusculo, infra obsolete subgibboso ac ad basin subsulcato et valide carinato-cristato (crista arcuata, producta, striata (non lamellosa), marginem attingens) ; — apertura leviter obliqua, piriformi, castanea, superne acute angulata (snulus profundus, angustus, suberectus), intus im margine externo callosa (callus subparallelus, remotus, superne tuberculosus, inferne lamellam palatalem simulans), plicata, scilicet : &. parietales duæ, quarum superior margimalis, stricta, albida, cum spirali conjuncta, inferior exigua, sat profunda, postice biramosa; D. plica subcolumellaris immersa, modo oblique vix conspicua; c. palatalis unica, supera, ultra lunel- lam prolongata ; d. lunella valida, erassa, patula, plicam pala- talem non attingens; e. plica interlamellaris unica, puncti- formis; — peristomate continuo, soluto, subcastaneo-albido, expansiusculo ac reflexiusculo. Haut., 1% millim.; diam., 2 : millim. Cette Clausilie, remarquable par sa forme allongée-cylin- drique, par son test simplement striolé, ne peut être confondue avec aucune de celles que je viens de publier, comme on peut s’en convaincre par les caractères signalés dans cette diagnose. CLAUSILIA MAMILLATA. Environs de Foix (Ariége). Testa rimata, fusiformi-cylindrica, subtumidula, sat elon- gata, nitida, subpellucida, fusco-rubiginosa, rare cirea suturam passim albo-strigillata, argutissime (supremi 3 lævigati excepti) striatula (striæ debiles, rectæ, regulares, sicut evanidæ, in ultimo validiores et lamellosæ , lamellæ sat distantes) ; — spira regulariter acuminata, superne valide mamillata ; apice mamil- lato, obtuso, Iævigato; — anfractibus 12 (supremi convexo- rotundati, ultimi convexiuscuh), lente crescentibus, sutura impressa separatis; ultimo externe subimpressiusculo, ad basin leviter sulcato ac bicristato (crista supera parvula, obso- ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 41 leta, ante marginem evanescens; crista infera (aut rimalis) valida, arcuata, producta, striata, marginem attingens) ; — apertura verticali, intus pallide castanea, suboblique oblonga, superne angulata (smulus profundus, angustus), inferne obso- lete subangulata, intus im margime externo callosa (callus paral- lelus, mediocris, inferne lamellam palatalem simulans), plicata, scilicet : «. parietales duæ, quarum superior marginalis exigua, cum sprali conjuncta; inferior remota, antice mediocris, postice robusta; b. plica subcolumellaris immersa, inconspi- ua ; 6. palatalis unica supera, ultra lunellam non prolongata ; d. lunella crassa, aperta, vix arcuata, plicam palatalem attin- gens et exterius apparens ; e. plica interlamellaris unica me- diana exigua ; — peristomate contimuo, parum soluto, albido, reflexiusculo. Haut., 19 millim.; diam. 2 : millim. Cette Clausilie ressemble, à première vue, à la fuxumica, dont elle possède le brillant et à peu près le même mode de striation, mais elle s’en distingue notamment par sa coquille moins allongée-cylindrique, mais plus ventrue-fusiforme ; par son dernier tour différent, etc., mais surtout par ses trois tours supérieurs excessivement globuleux-mamelonnés, qui font res- sembler cette espèce à une Clausilie couronnée par une petite boule. CLAUSILIA PEREXILIS. CLAUSILIA PEREXILIS, P. Fagot, mss., 1875. Environs de Foix (Ariége). Testa rimata (rima inferne perforato-punctiformis), elon- gato-cylindrica, regulariter subacuminata, nitida, subpellu- cida, fusco-rubiginosa, argutissime (supremi lævigati excepti) striatula (striæ confertissimæ, debiles, leviter undulatæ, im ultimis validiores ac subtessellatæ, in ultimo lamellosæ) ; — spira elongata, regulariter acuminata; apice nitidissimo, pallidiore, lævigato, obtuso ac leviter mamillato ; — anfrac- 19 J. R. BOURGUIGNAT. tibus 11-12 (supremi convexi, ultimi convexiusculi), lente cre- scentibus, sutura sat impressa separatis; ultimo valde soluto, externe convexiuseulo, ad basin leviter sulcato ac valide cari- nalo-cristato (crista robusta, producta, striatula, subarcuata, marginem attingens) ; — apertura vertical, piriformi, Casta- nea, superne angulata (smulus amplus, profundus, erectus), inferne intus subcanaliculata, intus in margine externo callosa (callus superne albido-tubereulosus, dentiformis, mediane evanidus, inferne lamellam validissimam candidamque simu- lans), plicata, scilicet : «. parietales duæ sat approximatæ, quarum superior marginalis, stricta, producta, cum spirali conjuncta; inferior remota, postice robusta; b. plica subco- lumellaris immersa, modo obliqua, vix conspicua ; €. palatalis unica, supera, ultra lunellam valde prolongata; d. lunella crassa, fere recta, palatalem vix attingens, exterius leviter ap- parens ; e. plica interlamellaris minutissima, sicut evanida ; — peristomate continuo, valde soluto, late expanso ac re- flexiusculo. Haut., 10 nullim.; diam., 2 millim. La Cl. perexilis, la plus petite des Clausilies de ce groupe, est surtout remarquable par son dernier tour très-détaché. CLAUSILIA PYRENAICA (1). CLAUSILIA PYRENAICA, Charpentier, mss., 1840. CLAUSILIA RUGOSA var. PYRENAICA, Charpentier, in Journ. Conch., 1852, t. UT, p. 391, et À. Schmidt, Europ. Claus., 1857, p. 45, fig. 107 et 203. Cette espèce a été, selon moi, considérée à tort comme une variété de la rugosa, Clausilie dont je ne connais pas un seul représentant dans la chaine des Pyrénées. La pyrenaica à été découverte en 1835 par notre ami feu Jean de Charpentier, aux environs de Vic-Dessos (Ariége) ; depuis, elle a été recueillie (1) Non Clausilia pyrenaica (sans description, Boubée, in Bull. Moll. zooph., p. 11, n° 17, et Boubée, in Bull. hist. nat. de Frünce (MoLLUSQUES), p. 9, n° 17, 1833, qui est le Pupa pyrenaica de Michaud (Compl. à Drap., 1831). ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 13 dans un grand nombre de localités ariégeoises, notamment aux alentours d’Aulus, par M. P. Fagot. Testa rimata (rima inferne subperforato-punetiformis), elon- gato-cylindrica, vix tumidula, regulariter subacuminata, soli- dula, non nitente, sæpius limo inquinata, rubigimoso-nigre- scente, rare subalbidulo-strigillata, striatula (striæ debiles, confertissimæ, parum regulares, leviter undulatæ (in ultimo validiores, ac magis distantes), ac, in ultimis, striolis spiralibus minutissimis sub lente obscure tessellatæ) ; — spira elongata, regulariter parum acuminata ; apice lævigato, obtuse, leviter mamillato ; — anfractibus 12, convexiusculis (supremi 2 Kevi- gati, cæteri striatuli), regulariter lenteque crescentibus, sutura sat impressa separatis; ultimo externe subtumidulo, ad basin subsulcato ac eristato (crista arcuata, mediocris, marginem attingens) ; — apertura fere verticali, exacte oblonga, intus castanea, superne angulata (sinulus profundus, sat amplus), inferne profunde canaliculata, ac in margine externo intus subeallosa (callus superus), plicata, scilicet : 4. parietales duæ, quarum superior marginalis, exigua, valde stricta, cum spirali conjuncta, inferior fere omnino immersa, modo oblique con- spieua ; b. plica subcolumellaris immersa, fere inconspicua ; e. plica palatalis unica, supera, remota, ultra lunellam prolon- gata ; d. lunella crassa, vix areuata, exterius non apparens ; — peristomate continuo, parum soluto, albido-castaneo, expan- siusculo ac leviter subreflexo. Haut., 13 millim.; diam., 2 # millim. Var. B. GARBETICA. — Même taille que le type, mais en dif- férant par une ouverture presque arrondie et par l’absence presque absolue de callosité palatale. — Environs d’Aulus. Var. C. MINOR. — Coquille plus petite (haut. 41 millim.), plus ventrue; spire plus fortement acuminée, onze tours ; ou- verture et denticulation semblables au type. Aulus, Monta- gagne, près de la Bastide de Sérou (Ariége). 14 J. R. BOURGUIGNAT. CLAUSILIA AURIGERANA. CLAUSILIA AURIGERANA, P. Fagot, Moll. haute vall. d'Aulus, 1875. Environs d’Aulus (Ariége). Testa rimata, fusiformi, superne attenuato-acuminata, me- diane tumida, inferne attenuato-subcoarctata, solidula, non nitente, fere semper erosa (tum lævigata) aut limo inquinata, fusco-mgrescente aut fusco-corneo argute striatula (striæ re- oulares, sat confertæ, rectæ, in ultimo validiores ac magis distantes) ; — spira regulariter valide acuminata ; apice exiguo, acutiusculo, lævigato, pallidiore ; — anfractibus 11 (supremi subconvexiusculi, ultimi planulati), regulariter erescentibus, sutura inter supremos subimpressa, inter ultimos lineari sepa- ratis; ultimo externe convexiusculo, ad basin leviter sulcato ac cristato (crista arcuata, sat producta, fere semper erosa, marginem attingens) ; — apertura vertical, piriformi, albido- cornea, superne angulata (smulus profundus, amplus), inferne obscure subcanaliculata, intus in margine externo ad partem superiorem callosa (callus exiguus), plicata, scilicet : «. parie- tales duæ, quarum superior marginalis, producta, cum spirali conjuneta, inferior profunda, sat immersa, postice robusta ; b. plica subcolumellaris immersa, modo oblique parum con- spicua ; €. palatalis unica, supera, valida, ultra lunellam leviter prolongata ; d. lunella patula, arcuata, exterius non apparens ; — peristomate continuo, paululum soluto, crassiusculo, leviter expanso. Haut., 11-11 5 millim.; diam., 2 + millim. Var. B. mMagor. — Coquille plus grande (haut. 15 : mill., diam. 3 millim.); stries un peu plus fortes et plus écartées, surtout sur le dernier tour. — Environs d’Aulus. CLAUSILIA DRUIDICA. CLAUSILIA DRUIDICA, Bourguignat, Malac. Bretagne, 1860, p. 105 et 135, pl. 2, fig. 3-6. Sous les pierres à l’abbaye de Daoulas, près de Châteaulin, ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 15 et aux alentours de Saint-Mare, près de Brest (Finistère). Cette Clausilie, qui parait particulière à la Bretagne, a été trouvée néanmoins (un échantillon) dans les savards d’Argentol, près de Jaulgonne (Aisne) (1), où elle est très-rare. Je crois devoir donner une diagnose nouvelle de cette Clau- silie, parce que je reconnais que ma première description laisse un peu à désirer. Testa rimata, cylindrico-fusiformi, leviter tumida, nitida, subpellueida, corneo vel fusco-rubiginosa, rare passim albo- strigillata, eleganter (supremi 3 lævigati excepti) striato-costu- lata (costæ validæ, crassæ (cirea suturam validiores), rectæ exacte regulares ac distantes, præsertim in ultimo prope aper- turam ; intervallum costarum valide punetulatum, sicut mal- leatum); — spira sat velociter acuminata; apice nitido, corneo, levigato, obtuso, mamillato ; — anfractibus 13, con- vexiusculis, lente crescentibus, sutura sat impressa separatis ; ultimo externe impressiusculo, ad partem inferiorem sub- cristato-gibboso, et ad basin acute carinato-eristato (crista valida, producta, areuata, peripheriam attingens) ; — apertura leviter obliqua, oblongo-piriformi, subeastanea, superne (sinu- lus angustus) inferneque subangulata, intus ad basin canali- culata et in margine externo callosa (callus remotus, subparal- lelus, crassiusculus, inferne lamelliformis, lamellam palatalem simulans), plicata, scilicet : «. parietales duæ, quarum superior marginalis, stricta, mediocris, Cum spirali conjuneta , inferior profunda, sat immersa, valide ascendens ac postice bifurcata ; b. plica subcolumellaris immersa, parum conspicua ; c. phica palatalis unica, supera, ultra lunellam prolongata ; d. lunella arcuata, exterius vix apparens ; e. plhicæ interlamellares nullæ ; — peristomate continuo, soluto, albido, sat expanso ac parum reflexiusculo. Haut., 14 millim.; diam., 3 millim. Var. B. Lævior. — Coquille un peu plus petite et moins for- (4) Lallemant et Servain, Catal. Moll. envir. de Jaulgonne, 1869, p. 26. 16 | J. R. BOURGUIGNAT. tement striée. — Dinan, dans la vallée de la Rance, en allant du viaduc de cette ville au village de Lehon. J'avais, dans ma description primitive, signalé à tort deux plis palataux, parce que j'avais pris pour un pli palatal la cal- losité lamelliforme inférieure du callus du bord externe. CLAUSILIA PUMICATA. CLAUSILIA PUMICATA, Paladilhe, Descr. de quelques nouv. espèces de Moll., etc., in Ann. sc. nat. de Paris, 6° série, 1875, t. IL, pl. 21, fig. 7-8. Colline basaltique de Mougno, près de Lieuran-Cabrières (Hérault). Je crois devoir donner une description nouvelle de cette espèce, d’après deux échantillons que je tiens de la libéralité de l’auteur. Testa breviter profundeque rimata, elongato-cylimdrica, re- oulariter acuminata, solidula, sat opaca, rubigmoso-nigrescente vel corneo-rubiginosa, sæpe erosa, circa suturam passim obscure subalbido-strigillata, argute (supremi lævigati excepti) striatula (striæ minutssimæ, confertissimæ, regulares, leviter subundulato-obliquæ, eirca suturam paululum validiores) ; — spira elongala, regulariter acuminata; apice obtusiusculo, lævigato, pallidiore ; — anfractibus 12, subconvexiusculis, valde lente crescentibus, sutura sat impressa separatis; ultimo externe impressiusculo, ad partem inferiorem subgibboso ac ad basin leviter sulcato et valide carinato-cristato (crista valida, crassa, producta, arcuata, marginem attingens) ; — apertura leviter obliqua, ovata, rufula, superne angulata (sinulus vix profundus, exiguus), inferne intus subcanaliculata, intus im margine externo callosa (callus remotus, superne sat crassus, in medio evanidus, inferne lamelliformis, lamellam palatalem simulans), plicata, scilicet : «&. parietales duæ, quarum superior marginalis, Sstricla, exigua, Cum spirali conjuncta, inferior remota, sat immersa, postice robusta, antice biramosa ; b. plica subcolumellaris immersa, modo oblique conspicua; e. plica palatalis unica, supera, ultra lunellam paululum prolongata ; ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 07 d. lunella aperte arcuata, exterius vix apparens ; €. plica inter- lamellaris unica, minutissima ; — peristomate continuo, soluto, rufulo-subalbidulo, expanso ac sat reflexo. Haut., 12 millim.; diam., 2 + millim. Var. B. saxoruu. — Clausilia saxorum, Bourguignat, in sched. 1865. Coquille un peu moins régulièrement cylindrique-acuminée, mais un tant soit peu fusiforme, érosée de la même façon. — Bois de l’Héris, près de Bigorre. — Environs de Baréges et de Saint-Sauveur ; environs des Eaux-Bonnes. Je ne connais qu’une Clausilie de ce groupe. Chez cette espèce, les tours, d’abord serrés vers le sommet, se développent avec rapidité vers l'ouverture ; la lunelle, exces- sivement petite, arquée en forme de €, occupe seulement la moitié de la hauteur du dernier tour; enfin, le pli spiral n’est pas continu avec la pariétale supérieure, bien que ce pli touche ou semble toucher cette pariétale. Cette lamelle, en effet, se contourne à droite à son extrémité ; c'est contre ce contour que vient buter le ph spiral. Comme forme extérieure, cette Clau- silie a de grandes similitudes de ressemblance avec la Clausilia thibetana du centre asiatique, espèce publiée par notre ami fe le professeur Deshayes, dans les bulletins des Nouvelles Archives du Muséum, 1872 et 1875. CLAUSILIA YLORA. Dans les bois au-dessus du couvent de la Grande-Chartreuse (Isère). — Espèce peu commune. Testa leviter rimata, exacte oblongo-fusiformi, solhidula, opaca, fusco-cornea aut leviter corneo-rubiginosa, circa sutu- ram pruinosa, in supremis sæpe erosa, eleganter striata (striæ .confertæ, exiguæ, regulares, in ultimo subinterruptæ ac sicut malleato-tessellatæ) ; — spira regulariter acuminata; apice 18 __ J. R. BOURGUIGNAT. exiguo ; — anfractibus 12, subconvexiusculis, in ultimis rapide crescentibus, sutura sat impressa separatis; ultimo mayore, leviter ascendente, externe convexiusculo, ad basin subsulcato ac valide cristato (crista lævigata, valida, usque ad peripheriam descendens) ; — apertura verticali, oblonga, albidula, intus im margine externo subcallosa, superne angulata (sinulus pro- fundus), inferne intus canaliculata (canalis ad peristoma eva- nescens), plicata, scilicet : 4. parietales duæ, quarum superior marginalis, stricta, valde producta, inferior exigua, valde re- mota, postice bifurcata, antice tuberculosa ; D. plica subcolu- mellaris valida, conspicua, usque ad peristoma fere descendens ; c. phiea spiralis, ad extremitatem parietalis superæ attingens, cum illa non conjuncta; d. palatalis unica, supera, remota, lamelliformis, ultra lunellam non prolongata; e. lunella valde arcuata, brevis, exterius leviter apparens ; — peristomate albido, soluto, continuo, incrassatulo, vix expansiusculo. Haut., 15 millim.; diam., 3 millim. Les Clausilies de cette série, au nombre de huit, sont toutes des espèces généralement ventrues, de forme obèse, à test peu brillant, souvent érosé, plus ou moins fortement strié, presque toujours strigillé de linéoles blanches ou jaunacées. CLAUSILIA DUBIA. CLAUSILIA DUBIA, Draparnaud, Hist. Moll. de France, 1805, p. 70, pl. 1v, fig. 10. — Non Clausilia dubia de presque tous les auteurs sans exception. Cette espèce de Draparnaud n’a jamais, selon moi, été connue. Il existe dans les collections, ou l’on a décrit dans les ou- vrages, sous le nom erroné de dubiu, plusieurs espèces, notam- ment ma Clausilia gallica, dont je donnerai ci-après les ca- ractères. La dubia de Draparnaud est une petite espèce pupoïde assez ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 19 ventrue, pourvue d’un très-fort callus palatal qui rétréeit la gorge de l’ouverture. Voici, du reste, la description de cette Clausilie, de notons qui, Je crois, n’a jamais été bien comprise. « Testa cornea, fusca, striata; apertura ovata; columella bilamella, fauce subcoaretata. — Coquille un peu plus petite que la précédente (la solida), plus luisante, un peu plus ventrue, moins effilée vers le sommet, qui est aussi moins obtus; elle est striée. Sa couleur est d’un brun châtain foncé. Spire de 9 à 10 tours un peu bombés ; suture un peu profonde. Ouverture ovale, rétrécie supérieurement, garnie à la columelle de deux lames blanchâtres ; inférieurement, sur le bord latéral, il v a un autre pli transversal blanchâtre qui, avec les deux lames de la columelle, rétrécit un peu la gorge ou le fond de l’ouverture. Fente ombilicale, éminence dorsale et sillon adjacent très-pro- noncés. — Habite... » D’après cette description, on voit que la dubia possède une «coquille plus petite que la précédente ». La précédente est la CL. solidu, qui atteint au plus 13 à 14 millim. Or, la dubia doit donc être inférieure à 13 ou 14 millim.; la figure de cette espèce (pl. 1v, fig. S) accuse en effet 12 millimètres de hauteur sur 3 , millim. de diamètre. Une Clausilie mesurant 3 5: millimètres de diamètre sur 12 millim. de hauteur est nécessairement caractérisée par une forme pupoide très-prononcée. Aussi Draparnaud ajoute immédiatement Çun peu plus ventrue que la solida », ee qui est juste. Les deux lames blanchâtres sont les deux pariétales supé- rieure et inférieure. Le « pli transversal blanchâtre du bord latéral » est le callus palatal, callus fort épais qui rétrécit la gorge. Ce ecallus est, du reste, exactement représenté à la figure 40. En somme, d'après les caractères reconnus par Draparnaud, cette Clausilie me semble se rapprocher de la C/. Dupuyana, dont elle me paraît différer notamment : par sa coquille plus petite; par sa fente ombihicale plus profonde; par des tours ANN. SC. NAT., AOUT 1877. VI. 8. — ART. N° 2. 20 J. R. BOURGUIGNAT. plus convexes ; par une suture plus prononcée; par une ouver- ture ovale non piriforme, ni aussi rétrécie-anguleuse à sa partie supérieure. Chez la Dupuyana, de même que chez la dubia, « Véminence dorsale (crête cervicale) et le sillon adjacent sont aussi pro- noncés » chez l’une que chez l’autre. Cette espèce, à laquelle Draparnaud a attribué le nom de dubia parce qu’il ignorait sa provenance, vit dans les forêts dauphinoises du Vercors et du Devoluy. Il est probable que les échantillons de Draparnaud ont été recueillis aux environs de Crest, dans les alluvions de la Drôme. On sait en effet que le savant auteur de la première Malacologqie française à passé plusieurs étés dans cette petite ville du Dauphiné. Var. B. : CL. VOSGESIACA. Je rapporte sous ce nom à la dubia de Draparnaud, jusqu'à plus ample informé, car il m'a été impossible de me procurer cette variété, une forme intéressante recueillie au sommet du Honeck (hautes Vosges), à 1250 mètres environ d’élévation, sur le tronc moussu des vieux Sapins. Cette variété est signalée en ces termes (Énum. des Moll. terr. fluv. viv. France contin., 1855, p. 47) : « Cette variété n’a que 11 à 12 mullim. de haut sur 3 5 mul. de large. L'ouverture est moins grande et moins allongée ; mais ce qui rend cette variété particulièrement remarquable, c’est sa forme pupoide. Elle est courte, ramassée et ventrue dès le quatrième ou le cinquième tour; cependant le sommet n’est pas obtus. Son ensemble est plutôt celui d'un Pupa que d’une Clausilie. » CLAUSILIA DuPuYANA. Cette Clausilie, que je dédie à notre cher ami l’abbé Dupuy, l’auteur de la meilleure Malacologie française, depuis celle de Draparnaud, habite dans les forêts de la Grande-Chartreuse, entre le couvent et le col de Bovinant (Isère). Testa vix rimata, ventrosa, pupæformi ac fusiforni, soda, ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 21 opaca, fusco-cornea, sæpe passim erosa, argute striata; — spira sat breviter acuminata, ad supremos leviter styliformi; apice lævigato, obtusiusculo ; — anfractibus 11, convexiusculis, sutura parum impressa separatis; ultimo externe convexius- culo, ad basin sulcato ae valide cristato (erista lævigata, robusta, producta, usque ad peripheriam descendens) ; — apertura fere vertical, albida, paululum exigua, piriformi, superne acute angulata (sinulus profundus, erectus), mferne rotundata, intus in margine externo valide albido-callosa (faux callo palatali valde coarctata) ; ac, basi intus canaliculata, plicata, scilicet : «4. parietales duæ, quarum superior marginalis stricta, cum spi- rali conjuncta, inferior crassa, profunda, valde immersa, postice bifurcata; b. plica subcolumellaris conspicua ; ec. plicæ palatales et interlamellares nullæ ; d. lunella fere recta, non areuata, exterlus non apparens; — peristomate continuo, leviter soluto, albido, incrassatulo ac parum expanso. Haut., 15-14 millim.; diam., 3 5-4 millim. Var. B. MacraNæxIS. — Cette variété diffère du type par une ouverture un peu plus ample, par quelques striations légèrement strigiliées et par un petit pli palatal supérieur très- enfoncé, peu visible. — Avec le type, dans les mêmes localités. CLAUSILIA GALLICA. Cette espèce est celle que notre ami l’abbé Dupuy, et avec lui presque tous les malacologistes, ont considérée comme la dubia de Draparnaud. J’attribue à cette Clausilie le nom de gallica, parce que cette coquille me parait, à cause de sa grande abondance dans notre pays, une forme essentiellement française. On la rencontre dans les lieux frais et boisés des contrées montueuses, notamment dans les Pyrénées, aux environs de Baréges, de Cauterets, aux bois de l'Héris près de Bigorre, dans la vallée du Lys près de Luchon, au-dessus des Eaux-Bonnes, dans le vallon du pic du Gers, etc. Dans les Alpes, aux environs de la Grande-Chartreuse, au mont Genis et dans un assez grand 96) J. R. BOURGUIGNAT. nombre de localités de la Savoie. Cette espèce habite également dans le Jura et dans les Vosges. En dehors de ces régions je la connais encore de Salignac (Haute-Loire) et des forêts de la Côte-d'Or. Elle n’existe pas dans l’ouest et le nord-ouest de la France (1). Testa rimata, cylindrico-subfusiformi, sclidula, subpellu- eida, nitida, fusco-cornea vel sæpius rubiginosa, sæpe corrosa, argute striata (striæ regulares, parum distantes (prope apertu- ram confertiores), leviter obliquæ, subundulatæ, sæpe ramosæ ac passim circa suturam rare albo-strigillatæ ; intervallum striarum in ultimo subpunctulatum) ; — spira regulariter sub- attenuata; apice lævigato, corneo, obtusiusculo ; — anfracti- bus 11, vix convexiusculis, sutura sat impressa separatis ; ultimo externe tumidulo, basi sulcato et carinato (carina valida, usque ad peripheriam descendens) ; — apertura vix obliqua, oblongo-piriformi, superne angulata (sinulus profundus, sat angustus), inferne intus canaliculata, intus in margine externo profunde albido-callosa (callus margimi subparallelus), plicata, scilicet : &. parietales duæ, quarum superior stricta, cum spirali conjuncta, inferior profunda, sicut compressa, valde ascen- dens, antice gibbosa; 4. plica subcolumellaris immersa, modo oblique paululum conspicua ; €. phica palatalis unica, supera, exigua, lamelliformis, ultra lunellam leviter prolongata ; d. lu- nella aperta, subarcuata, exterius vix apparens ; e. phicæ inter- lamellares nullæ ; — peristomate continuo, paululum soluto, albido, expansiusculo. Haut., 13-14 millim.; diam., 3 millim. Var. B. cRINAGCRIA. — Coquille un tant soit peu plus fluette ; ouverture canaliculée jusqu'à la périphérie. — Val du Lys, près de Luchon. (1) Cette Clausilie habite également en Suisse, où je l'ai recueillie; elle se rencontre encore dans quelques localités allemandes, je l'ai même recue du Danemark. Malgré tout, cette espèce est peu abondante dans ces pays, où elle est remplacée par des formes voisines et distinctes, comme les Clausilia spe- ciosa, vindobonensis, Schlechtii, obsoleta, transylvanica, etc. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 93 Var. C. EURYSTOMIA. — Ouverture plus large, subovale- arrondie. — Environs de Baréges. Var. D. STHENAROPLEURA. — Coquille sillonnée de stries plus fortes, plus écartées, ressemblant à des côtes. — Le Jura, la Savoie et la Suisse. Var. E. EusTILBA. — Coquille plus grêle (haut. 12 millim., diam. 2 ; millim.), à stries très-fines, très-serrées, peu sen- sibles ; intervalle des stries du dernier tour bien pontillé ; der- nier tour moins renflé ; ouverture assez fortement canaliculée. — Dent du Chat, près du lac du Bourget. Cette variété existe également en Suisse. Var. K. GERETICA. — Dernier -tour offrant, au-dessus du sillon basilaire qui longe la carène cervicale, un renflement subanguleux qui simule une seconde carène. — Environs de la ete du Cerisaye, près de Cauterets (Hautes-Pyrénées). Var. G. BIGORRIENSIS. — Clausilia bigorriensis, Bourguignat, in sched., 1860. Petite variété (haut. 10 3 millim. diam. 2 { millim.) à bouche d’une belle teinte marron, entourée d’un péristome fort épais et évasé ; spire assez brusquement atténuée ; sommet un peu moins obtus. ès de Bigorre. Notre ami l'abbé Dupuy a signalé à sa dubia (notre gallica) trois plis palataux, un supérieur et deux Imférieurs. J’avoue fran- chement que je n’ai jamais pu découvrir les deux plis inférieurs. MM. A. Schmidt et L. Pfeiffer accusent, de leur côté, deux plis palataux, un supérieur et un inférieur, mais ce dernier pli, qui manque chez notre gallica, se montre chez l’obsoleta, la Schlechti, etc., espèces que ces auteurs ont réunies sous lap- pellation commune de dubia. La description de ces malacolo- gistes, envisagée au point de vue de cette réunion, est donc conforme à la vérité. CLAUSILIA FARINESIANA. CLAUSILIA FARINESIANA, P. Fagot, in litt. Cette espèce, dédiée au plus érudit, jusqu’à ce jour, des 2% J. R. BOURGUIGNAT. malacologistes de Perpignan, M. Farines, vit aux environs de Prats-de-Mollo, dans les Pyrénées-Orientales. Cette Clausilie a été envoyée de cette localité, tantôt sous le nom de ventricosa, tantôt sous celui de dubiu, et même, ce qui est fort, sous Pap- pellation de laminata. Testa rimata, paululum pupoidea, ventroso-subfusiformi, solida, opacula, mitidula, fusco-rubigimosa, rare albo-strigil- lata, eleganter (supremi 2 lævigati excepti) striata (striæ passim irregulares, sat distantes, fere rectæ, cirea suturam validiores, prope aperturam confertiores; intervallum stria- rum in ultimis subpunctulatum) ; — spira parum elongata, sat valide attenuata; apice lævigato, pallidiore, obtuso, mamil- lato; — anfractibus 11, convexiuseulis, sutura sat impressa ac sicut albo-filosa separatis; ultimo prope insertionem labri tumidulo, ad peripheriam impressiusculo, ad partem infe- riorem tumido ac ad basin g1bboso-cristato (crista brevis, valida, gibboso-producta, parum striatula, ante peripheriam evane- scens) , — apertura leviter obliqua, oblonga, superne valide angulata (smulus profundus, angustus), inferne intus profunde canaliculata, intus in margine externo profunde albo-callosa (callus margini parallelus, mferne crassior), plicata, scilicet : a. parietales duæ, quarum superior margimalis, stricta, pro- ducta, eum spirali conjuncta, inferior remota, parum con- spicua, antice subtuberculosa; 4. plica subcolumellaris fere immersa, oblique modo conspicua; €, plica palatalis unica, supera, lamelliformis, valida, ultra lunellam prolongata; d. lu- nella brevis, crassa, parum arcuata, exterius vix apparens ac plicam palatalem non attingens; e. plicæ interlamellares nullæ ; — peristomate continuo, sat soluto, valido, albido, in- crassato, expansiusculo et reflexiuseulo. Haut., 13 nullim.; diam., 3 millim. CLAUSILIA NANSOUTYANA. Bois des montagnes au-dessus de Baréges, dans les Hautes- Pyrénées. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 95 Testa subrimata, ventroso-fusiformi, solidula, opaca, atro- rubiginosa, sæpe passim corrosa, elegantissime substriatula (striæ confertissimæ, exiguæ, modo sub lente conspicuæ) ; — spira regulariter ac sat breviter attenuata, in supremis paulu- lum styliformi ; apice nitido, lævigato, acutiusculo ; — anfrac- tibus 10 convexiusculis, sutura parum impressa separatis : ultimo externe convexiuseulo, ad basin valide eristato (erista lævigata, valida, producta, usque ad peripheriam fere descen- dens) ; — apertura vix obliqua, oblonga (simulus superior pro- fundus, apertus), intus albidula ace subeanaliculata, plicata, scilicet : 4. parietales duæ, quarum superior marginalis, cum spirali conjuncta , inferior valde ascendens, remota ac parum conspicua ; D. plica subcolumellaris immersa, inconspicua ; e. plica palatalis unica, supera, elongata; d. lunella medio- criter arcuata, externe non apparens ; e. plicæ interlamellares nullæ; — peristomate albido, continuo, paululum soluto, incrassatulo ac mediocriter expansiusculo. Haut., 42 millim.; diam., 3 ; millim. Cette espèce, dédiée au général Nansouty, se distingue faci- lement de toutes celles de cette série par son test presque lisse, orné de très-fines striations excessivement serrées les unes contre les autres, et visibles seulement à la loupe. CLAUSILIA ENNYCHIA. Bois des montagnes au nord de Toulon et au-dessus des gorges d’Ollioules (Var). Testa rimata, pupæformi, ventricoso-subfusiformi, solidula, opaca, rubigimoso-cornea, eleganter striatula (striæ exiguæ , in supremis (duobus summi exceptis) leviter validiores ac pau- lulum magis distantes, in medianis confertissimæ, modo sub lente conspicuæ, et in ultimo sicut in supremis) ; — spira atte- nuata; apice corneo, lævigato, obtuso, sat mamillato ; — an- fractibus 10, vix convexiusculis, circa suturam parum impres- sam subtumidulis; ultimo externe impresso, ad partem 26 | J. R. BOURGUIGNAT. inferiorem subcristato, ac ad basin cristato (crista sat valida, usque ad peripheriam descendens) ; — apertura fere verticali, oblonga, intus castanea, plicata, scilicet : 4. parietales duæ marginales, quarum superior stricta, exigua, Cum spirali con- juneta, inferior parvula, usque ad peristoma attingens; 4. plica subcolumellaris immersa, vix perspicua; €. plicæ palatales duæ, quarum una supera elongata , altera infera, validissima, callosa, parum remota; d. lunella vix arcuata, exterius non apparens; €. plicæ interlamellares duæ, quarum inferior validior; — peristomate continuo, vix soluto, incrassatulo ac expansiuseulo. Haut., 40 millim.; diam., 3 millim. Cette Clausilie, de petite taille, relativement ventrue, se distinguera facilement des autres de cette série par sa palatale inférieure excessivement robuste, et par son mode de striation tout à fait particulier. CLAUSILIA OBTUSA. CLAUSILIA OBTUSA, C. Pfeiffer, Naturg. deutschland und süssw. Moll., 1821, t. [, p. 65, pl. 3, fig. 33-34. Cette espèce, fort peu connue, réunie tantôt à la rigricans, tantôt à la rugosa, quelquefois même à la parvula, est une Clausilie bien caractérisée, voisine de la gallica, dont elle est, pour ainsi dire, un diminutif. — L’obtusa est surtout abon- dante dans le nord de la France; elle est rare dans le midi. — Je ne la connais pas de la Provence ; mais je sais qu’elle existe dans les Pyrénées, d’où je l'ai reçue sous le nom de rigricans var. r'upeslris. Je possède l’obtusa des environs de Metz (Moselle), de Nancy (Meurthe), de Jaulgonne (Aisne), du bois du Buisson-Rond, dans la forêt d'Orient (Aube), où elle est excessivement abon- dante ; de Fontainebleau (Seine-et-Marne); des bois de Meudon, près Paris (Seine-et-Oise), où elle est peu commune; de Rennes, de Cancale (Ille-et-Vilaine), de Saint-Nazaire (Loire- ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. DATI Inférieure), de Bressuire, de Fontenay-le-Comte (Vendée), et enfin de Taulhac, près du Puy en Velay. L’obtusa existe en Belgique, en Angleterre, en Suisse et en Allemagne. Voici les caractères de cette espèce, d’après des échantillons des environs de Cassel étiquetés par C. Pfeiffer, et identiques à ceux de notre pays. Testa breviter rimata, fusiformi, tumidula, obtusa, parum nitente, sæpe passim erosa, corneo-nigrescente aut rubiginoso- cornea, passim luteolo-strigillata, argute striatula (striæ dis- tinctæ, regulares, leviter undulatæ, in ultimo validiores ac paululum magis distantes; intervallum striarum in ultimis obscure submalleatum) ; — spira obtusa, regulariter atte- nuata ; apice obtuso, lævigato; — anfractibus 11, convexius- culis, regulariter ac sat lente crescentibus, sutura sat impressa separatis; ultimo externe sub-impressiusculo, inferne sub- g1bboso (g1bbus plus minusve validus) ac ad basin leviter sul- cato et carinato-cristato (crista sat valida, arcuata, margmem attingens) ; — apertura fere verticali, ovata, superne angulata (sinulus profundus, suberectus), intus in margine externo cal- losa (callus remotus, margin parallelus validus, crassus, fau- cem angustans, inferne lamellam palatalem simulans), plicata, scilicet : &. parietales duæ, quarum superior marginalis, exigua, cum spirali conjuncta, inferior remota, postice robusta, antice debilis, sæpissime lamellam minutissimam mittens; 4. plica subcolumellaris remota, parum conspicua; €. plica palatalis unica, supera, ultra lunellam vix prolongata; d. lunella valde patula, fere recta, exterius rare apparens ; e. plica interlamel- laris unica (aliquando 2), mediana, sæpe evanida ; — peristo- male continuo, fere adpresso, incrassatulo ac expansiusculo ; margine externo superne prope sinulum leviter sinuato. Haut., 10-12 millim. ; diam., 3 millim. Var. B. ruPEsTRIS. — Coquille différant du type par une ouverture un peu plus allongée ; par le callus du bord externe moins épais, presque obsolète à sa partie supérieure, seulement 28 J. R, BOURGUIGNAT. nettement accusé à sa partie inférieure par une callosité res- semblant à une lamelle palatale, Pas de plis interlamel- laires, — Environs d’Ax (Ariége). — Bois de Meudon, près de Paris, Var, G. VENTROSA, — Coquille ressemblant à la variété pré- cédente, mais plus obèse et plus ventrue. — Bois de Meudon, près de Paris, CLAUSILIA REBOUDI, CLAUSILIA REBOUDIT, Dupuy, Hist, Moll. de France, 4° fasc,, 1850, p. 356, pl, XVI, fig, 3-4, Cette espèce, véritable miniature de l'obfusa, ne dépasse guère 8 millim, — Je ne connais la Reboudi que des environs de Saint-Marcellin (Isère). — J'ai cependant recueilli dans la forêt d'Orient (Aube) quelques échantillons que je considère comme une variété #ajor de cette Clausilie. Ces échantillons ont 9 millim. de haut, sur 2 + de diamètre. Je renvoie, pour les caractères de cette espèce, à la descrip- tion de notre ami l’abbé Dupuy. K. Les Clausilies de cette série sont celles que je regarde comme dépendantes du groupe de la xigricans. Je ne connais de notre pays que les six espèces suivantes : CLAUSILIA CRUCIATA. CLAUSILIA CRUCIATA, Studer, Syst. Verz. der schw. Conch., 1820, p. 20; Char- pentier, Cat. Moll. Suissè, 1837, p. 17, pl. 2, fig. 9, et A. Schmidt, Europ. Claus., 1837, p. 49, fig. 116, 117 et 207. Cette espèce a été signalée par plusieurs auteurs dans la chaine du Jura. Bien que je n’aie pu parvenir à me procurer cette Clausilie de notre pays, je l'indique néanmoins parce que je pense qu'elle doit y vivre. En revanche, la cruciata est assez abondante en Suisse, notamment sur les rochers calcaires ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES, 20 des bains de Louëche dans le Valais (Charpentier), et aux environs de Coire, dans les Grisons, où j'ai recueilli de magni- fiques échantillons de cette espèce. Testa breviter rimata, cylindrico-fusiformi, sat tumida, sub- pellucida, fusco-rubigmosa, eleganter (excepti supremi levi- gati) costulato-striata (striæe lamellosæ, regulares, fere rectæ, sæpe passim albidulo-strigillatæ, valde distantes, in ultimo sæpe ramosæ); — spira sat attenuato-acuminata, ad apicem leviter substyliformi; apice lævigato, corneo, obtusiuseulo, paululum mamillato ; — anfractibus 11, convexiuseulis (supremi lente crescentes), sutura sat impressa separatis; ultimo externe ad insertionem labri tumidulo, medio impressiusculo, ad partem inferiorem subcristato-gibhoso ae ad basin valide carinato-cristato (crista valida, producta, arcuata, periphe- riam attingens) ; — apertura fere verticali, ovato-subpiriformi, intus subcastanea, inferne profunde canaliculata, intus im * margine externo subcallosa (callus mediocris, superne obsole- tus, medio crassus, inferne lamelliformis, lamellam palatalem simulans), plicata, scilicet : 4. parietales duæ, quarum superior margimalis, valde producta, stricta, cum spirali conjuncta, inferior valida, arcuatim contorto-ascendens, postice bifurcata, antice biramosa ac in lamellas exiguas prolongata; 4. plica subcolumellaris valida, profunda, parum conspicua; €. plica palatalis unica, supera, lamelliformis; 4. lunella exigua, parum arcuata; €. plicæ interlamellares sæpe obsoletæ; — peristomate continuo, parum soluto, expansiusculo, vix reflexiusculo. … Haut., 14 millim. ; diam... 2 ; millim. A. Schmidt, et L. Pfeiffer, d’après cet auteur, donnent à cette Clausilie un sommet un peu aigu. Pour moi, le sommet me parait plutôt obtus qu'aigu. La palatale inférieure signalée par cet auteur est le pli inférieur lamelliforme de la callosité du bord externe. Var. B. TRIPLICATA. — Clausilia triplicata, Hartmann, m A. Schmidt, Europ. Claus., 1857, p. 49, fig. 118-191, et 208. 30 J. R. BOURGUIGNAT. Cette variété a été indiquée aux environs d’Aix-les-Bains, en Savoie, par M. A. Mousson (Bemerk. ueber die naturl. Verh. die Thermen von Aix, in Neue Denkschr. der allgem. schuw. Naturw., 1847, VIL, p. 46). La friplicata ne se distingue guère de la cruciata que par une taille un peu plus forte, un peu plus renflée, et par ses stria- tions plus serrées et plus fines vers Pouverture. Chez la cru- ciata, les striations du dernier tour sont presque aussi fortes et aussi écartées que sur les autres. Quant aux denticulations de son ouverture, jy remarque à peine des différences. CLAUSILIA MICRATRACTA. Forèt des Éparres, de l’autre côté du Grandsom, entre la Grande-Chartreuse et Saint-Pierre d’Entremont (Isère). Testa profunde rimata, exigua, exacte fusiformi, superne . inferneque attenuata, mediane tumidula, non nitente, subpel- lucida, cornea, in ultimo rubella, fere semper omnino erosa (tum lævigata), rare passim integra, tum argutissime striatula ; — spira elongata, regulariter acuminato-attenuata; apice obtusiusculo ; — anfractibus 12 (supremi convexiusculi, cæter1 planulati), lente crescentibus, sutura inter supremos impressa, inter ultimos lineari separatis; ultimo angustato, externe superne impressiusculo, ad partem inferiorem gibboso et subter sulcato ac ad basin valide carinato-cristato (crista valida, pro- ducta, subarcuata, marginem attingens) ; — apertura verticali, oblonga, castanea, superne angulata (sinulus profundus, erec- tus), inferne profunde canaliculata, intus in margine externo callosa (callus crassus, fauce angustans, superne tuberculatus, inferne plicam robustam elongatamque simulans), phicata, scili- cet: &. parietales duæ, quarum superior marginalis, valida, pro- ducta, cum spiraliconjuncta, inferior valde remota, parum con- spicua, postice robusta, sed antice fereevanida ; b. plica subcolu- mellaris immersa, inconspieua ; €. plica palatalis unica, valde supera, prope suturam fere prorepens ac ultra lunellam pro- ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET. FOSSILES. 31 longata ; d. lunella exigua, fere recta, exterius non apparen s; — peristomate conlinuo, valde soluto, expansiuseulo. Haut., 9 millim.; diam., 2 millim. Cette charmante petite espèce ne peut être confondue avec aucune de ce groupe. CLAUSILIA GRACILIS. CLAUSILIA GRACILIS, G. Pfeiffer, Naturg. deutschland und süssw. Moll., 1821, t. I, p. 65, pl. 3, fig. 32. Il existe dans les ouvrages trois sortes de Clausilia gracilis. Ces trois espèces ont été tantôt confondues ensemble, tantôt réunies à d’autres formes, soit en bloc, soit séparément; en sorte que lon ne sait plus ce que les auteurs modernes enten- dent par gracilis. Or, lorsqu'on se reporte aux ouvrages originaux, on reconnait : 1° Une Cl. gracilis établie par GC. Pfeiffer en 1821, qui paraît particulière à l'Allemagne du nord et du centre, ainsi qu'au nord de notre pays et de la Belgique. 2° Une autre C{. gracilis éditée par Rossmässler en 1838. 3° Enfin d’autres C{. gracilis mentionnées par les malaco- logistes français, et qui ne me paraissent qu'une forme un peu plus grêle de la parvula (À). D’après les règles de l’antériorité, le nom de gracilis doit rester à l'espèce de G. Pfeiffer. Quant à l’espèce de Ross- mässler, son nom doit être changé: j’adopte pour elle lappella- tion de corynodes de Held. J’aurais préféré pour cette Clausilie le nom de saæatilis, proposé par Hartmann. Malheureusement ce nom ne peut être adopté, parce qu'il existe une saxatilis différente éditée par L. Pfeiffer en 1846. La Clausilia gracilis de C. Pfeiffer (1821) est peu répandue en France. Je ne la connais guère que de quatre ou eimq loca- (1) Je ne mentionne pas une Clausilia gracilis de Gray, parce que celle-ci a été reconnue pour une Cylindrelle de la Jamaïque. 32 J. R. BOURGUIGNAT. lités, notamment des environs de Nancy (Meurthe), et de onns (Aisne). Cette espèce, voisine de la migricuns par l'ensemble de ses caractères, paraît néanmoins, par sa tulle et par sa forme, très-rapprochée de notre gallica, dont elle semble, à première vue, un diminutif. Elle se distingue de cette Clausilie par sa coquille plus cylindrique, moins ventrue, plus fluette et 1 plus délicate (diam. 2 + millim.), tout en étant presque aussi allongée (haut. 12-13 millim.); par son test moms épais sillonné de stries moins obliques et relativement plus fortes ; _par l'intervalle des striations plus pomtillées ; par son sommet très-obtus et nettement mamelonné; par son ouverture plus piriforme, plus rétrécie dans le haut et plus élargie à la base ; surtout par sa pariétale inférieure entièrement immergée et à peine percepüble. La gracilis offre un certain nombre de variétés, parmi lesquelles je citerai : Var. B. APIOSTOMA. — Ouverture piriforme, très-allongée ; coquille un peu plus ventrue. — Environs de Nancy. Var. C. GLYcA. — Ouverture subpiriforme, presque arrondie ; coquille moins allongée, moins fluette, plus ventrue. — Mont- béliard. Var. D. Mixor.— Semblable au type, mais plus petite dans toutes ses proportions; ouverture un tant soit peu plus large. — Jaulgonne. CLAUSILIA NIGRICANS. Turbo NIGRICANS, Pulteney, Catal. Birds, Shells, etc., of Dorseishire, in Hut- chin’s History, 1199, et 1813, 2° édit., p. 48. CLAUSILIA NIGRICANS, A. Schmidt, Die krit. grupp. der Europ. Claus., 1857, p. 47, fig. 110-114 et 204-205. Je n'indique pas dans la synonymie les auteurs anglais, parce que, selon moi, pas un seul conchyliologiste de ce pays, y compris Jeffreys, n’a connu la vraie vigricans de Pulteney. Le seul malacologiste qui a donné une bonne description et d'excellentes figures de cette Clausilie est Adolf Schmidt. Je ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 99 renvoie pour la connaissance de cette espèce au travail de cet auteur. Dans notre pays, la nigricans est surtout abondante dans le Nord et le Centre, elle est moins commune dans le Midi. Elle parait manquer dans le Dauphiné, la région méridionale des Alpes, la Provence, enfin dans toute la zone littorale de Nice à Narbonne, où elle est remplacée par d’autres formes que Je ferai connaitre. Je possède le type de cette espèce de Quimper, de Cancale près Saint-Malo, de Rennes, de Metz, de Jaulgonne (Aisne), de Troyes, de Dijon, de Vichy, de Gusset (Allier), de Fonte- nay-le-Comte (Vendée), du Puy en Velay, de Privas, d’Aix- les-Bains, de Toulouse, etc. Dans les Pyrénées, où cette Clausilie est peu répandue, je la connais néanmoins des environs de Biarritz, de Salut et de l’'Héris près de Bigorre, de Baréges, d’Arri et d’Estenos près de Cierp, du val du Lys près de Luchon, de Foix, enfin d’un bois de Chênes près d’Amélie-les-Bains. Ses variétés Les plus intéressantes sont : Var. B. SEPTENTRIONALIS, A. Schmidt, Europ.Claus., 1857, p. 47, fig. 115 et 206. — Coquille plus courte, plus ventrue, ordinairement un peu moins fortement striolée (haut. 8 à millim., diam. 2 ? millim.). — Troyes, Fontenay-le-Comte. Var. C. grASA. Moquin-Tandon, Host. Moll. France, 1855, Il, p.334. — Un peu moins striée et un peu moins renflée. — Toulouse. Var. D. Gracizis (Clausilia gracilis des auteurs français). — Coquille un peu plus grêle. — Ça et là avec le type; un peu partout. CLAUSILIA RUGOSA. PcPpA RUGOSA (excel. var. B et CG), Draparnaud, Tabl. Moll., 1801, p. 63. CLAUSILIA RUGOSA (excel. var. B), Draparnaud, Hist. Moll. de France, 1805, p. 73, pl. IV, fig. 19-20. Cette Clausilie a de tout temps été méconnue par les 34 | J. R. BOURGUIGNAT. auteurs, qui ont confondu avec elle presque toutes les formes voisines de la #igricans, de la crenulata, ete. Draparnaud lui-même, lorsqu'il a établi sa rugosa, a adjoint à son espèce la migricans du Nord. Ainsi, dans son Tableau des Mollusques, 18OT, il attribue à sa rugosa des stries élevées, 12 à 13 tours, et 1l la signale sur les murs. Or ces murs sont ceux de la ville qu'il habitait, ceux de Montpellier. Cela est d'autant plus vrai, qu'à sa variété B, qu'il caractérise par une coquille plus petite, noirâtre, à stries moins marquées, à 9 ou 10 tours, 1l la mentionne par ces deux lettres F.S., c’est-à-dire, de la France septentrionale. Il y à donc, dans la rugosa de Draparnaud, deux formes distinctes : une à stries élevées, à 12 ou 13 tours, vivant sur les murs de Montpellier, et une autre du Nord (F.S$.), plus pe- tte, noirâtre, à stries moins marquées, possédant seulement à 10 tours. L'une est la vraie rugosa, l’autre (la var. B) la migricans, dont je viens de parler. Dans son ouvrage posthume de 1805, Draparnaud à fait la même confusion. La description se rapporte à la rugosa, la var. B. à la nigricans. Voici la description de Draparnaud, description qui mérite d’être reproduite : «Testa fusiformi, gracili, brunnea, striata ; columella bila- mellata; peristomate soluto, productoque. — Coquille grêle, fusiforme, marquée de séries élevées, brune, un peu transpa- rente ; 120 13 fours. Ouverture ovale, rétrécie supérieurement ; columelle garnie de deux plis. La gorge est un peu rétrécie par un léger bourrelet enfoncé, placé sur le bord latéral; péristome détaché de la spire et avancé, blanchâtre, un peu évasé et réfléchi; éminence dorsale assez saillante. Le sillon qui se trouve à côté de cette éminence fait saillie en dedans de lou- verture et y produit un troisième pli enfoncé. L’osselet élastique est un peu roulé en oublie. » D’après la figure 19, la taille de la rugosa atteint en hauteur 1% millim., et en diamètre 2 ? millim. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 39 Une espèce de 14 millim. de haut sur 2 4 millim. de dia- mètre dénote une coquille grêle et très-allongée. Les 12 à 13 tours indiquent une croissance spirale excessivement lente. J'ai recueilli sur les murs de clôture des environs de Mont- pellier la rugosa de Draparnaud ; elle y est peu commune. Je dois ajouter que j'ai vainement recherché cette Clausilie ail- leurs (1), et qu'il m’a été impossible de la retrouver. Je crois donc que la rugosa, dont je vais donner les caractères, est une forme spéciale aux alentours de Montpellier. On ne peut, je pense, m’objecter que je ne connais pas les espèces de la faune française. Chacun doit savoir, au contraire, que je possède la collection la plus nombreuse d'espèces, non-seulement de France, mais encore de l’Europe. Cette notice prodromique des Clausilies, que je publie en ce moment, a été faite, pour donner un exemple de la richesse de ma collection, après examen de plus de 12500 échantillons français provenant de près de 900 localités différentes de notre pays. Testa breviter rimata, cylindrica, elongata, subpellucida, mtidula, brunneo-rubiginosa, eleganter (supremi 2 lævigati excepti) costulato-striata (striæ strictæ, productæ, regu- lares, fere rectæ, valde distantes, passim rare albo-strigillatæ ac in ultimis prope suturam validiores); — spira elongata, parum acumimata; apice mitido, pallidiore, lævigato, obtuso; — anfractibus 12-13, convexiuseulis (ultimi circa suturam tu- midul), lente arcteque crescentibus, sutura sat impressa sepa- rats, ultimo sicut bicristato ac inter cristas sulcato (an- fractus prope insertionem tumidulus, medio impressiusculus, infra cristato-gibhosus ac ad basin valide carinato-cristatus (erista valida producta, ad peripheriam arcuatim descendens), inter cristas sulcatus (sulcus non peripheriam attingens) ; — apertura vix obliqua, oblongo-piriformi, subeastanea, superne angustata et angulata (sinulus angustus, profundus, sub- erectus), inferne intus canaliculata, intus in margine externo (1) Notre ami Moitessier (Hist. malac. de l'Hérault, 1868, p. 39) l’a encore trouvée à la Valette, près de Montpellier. ANN. SC. NAT., SEPTEMBRE 1877. VI 9. — ART. N° 2. 36 | J. R. BOURGUIGNAT. fusco-callosa (callus superne subtuberculatus, inferne lamelli- formis, lamellam palatalem imferam simulans), plicata. sciheet : «. parietales duæ sat approximatæ, quarum superior margi- nalis stricta, cum spirali conjuneta , inferior remota. robusta, contorto-ascendens ; b. plica subcolumellaris immersa. modo oblique conspieua; €. plica palatalis unica, supera, ultra lunellam prolongata ; d. lunella valida, vix areuata, exterius vix apparens ; 2. plicæ interlamellares nulle; — peristomate continuo, sat soluto, albidulo, expansiuseulo ac vix reflexius- eulo. Haut., 13-14 mullim.; diam., 23 millim. Les caractères que Je viens de signaler à la Clausilie des murs de Montpellier sont bien ceux de la rugosa de Draparnaud. Ainsi la columelle garnie de deux plis, ce sont les deux pa- riétales ; le léger bourrelet enfoncé qui rétréeit l'ouverture est la callosité palatale du bord externe ; l’éminence dorsale est la carène cervicale de la base du dernier tour; le troisième pli enfoncé du bas de l'ouverture est la callosité lamelliforme nférieure du callus palatal, etc. CLAUSILIA VELAVIANA. Environs du Puy en Velay (Haute-Loire). Testa rimata, cylindrica, elongato-attenuata, crassiuscula, nitidula, subrubigimoso-cornea, ad summum pallidiore, ele- ganter (supremi 3 kevigati excepti) costulata (costulæ crassulæ, distantes, rectæ, regulares, in convexitate medianorum an- fractuum obsoletæ, sicut evanidæ ; in ultino validiores, pro- duetæ, strictæ, lamelliformes); — spira elongata, obtusa, leviter attenuato-acuminata; apice valido, obtuso, sicut ma- millato, nitidissimo; — anfractibus 11 + convexiusculis, superne crea suturam tumidulis, lente crescentibus, sutura sat impressa separatis; ultüimo bicristato ac imter cristas sulcato (scilicet, anfractus prope Imsertionem tumidus ; medio impressus, infra cristatus (crista non peripheriam attingens) ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 37 ac ad basin valide cristato-carinatus (crista rimalis validissima, arcuata, usque ad marginem descendens), inter eristas suleatus (suleus brevis) ; — apertura vix obliqua, piriformi, subalbida, superne angustala ac angulata (sinulus profundus, angustus), inferne intus profunde canaliculata, intus in margine externo bicallosa (callus superus subtuberculoso-lamelliformis , callus inferus lamellam palatalem inferam simulans), plicata, seilicet : «. parietales duæ approximatæ, equaliter productæ, quarum superior marginalis, stricta, cum spirali conjuneta, inferior remota, crassior; D. plica subcolumellaris immersa, modo oblique conspicua; €. plica palatalis unica, supera, profunda, ultra lunellam prolongata; d. lunella mediocris, patula, exte- rius non apparens ; 0. plicæ interlamellarés nullæ; — peristo- mate continuo, soluto, expanso ac undique reflexo. Haut., 9 millim.; diam., 2 millim. Cette espèce se distingue de la rwgosa par ses costulations moins distantes, plus fubles; par son test non strigillé; par ses tours renflés, surtout à leur partie supérieure vers la région suturale ; par sa spire moins acuminée et plus obtuse ; par son ouverture moins large ; par son callus palatal supérieur infini- ment plus développé, etc.; enfin, par sa coquille bien plus petite et plus délicate. L. Les espèces de cette série semblent particulières à la Pro- vence, ainsi qu'au Dauphiné; une d'elles remonte jusqu’à Nantua, où elle vit dans la région montueuse des environs de cette ville. Ces Clausilies sont presque toujours recouvertes de saletés ou de parties terreuses ; elles habitent dans les anfrac- tuosités des rochers et ne craignent pas les ardeurs du soleil. CLAUSILIA PLEURASTHENA. Gorges d’Ollioules, près de Toulon (var.). Festa rimata (rima sicut perforata), elongata, cylindriea, 38 J. R. BOURGUIGNAT. parum acuminala, fere semper inquinata, sat solida, mitidis- sima, fusco-rubiginosa, rare circa suturam passim albo-strigil- lata, costulato-striata (costulæ (supremi lævigati excepti) sat validæ, regulares, distantes, obliquæ ac subundulatæ ; in me- dianis subobsoletæ ; in ultimo productæ, strictæ, confertiores) ; — spira elongata, leviter subacumimata, ad summum obtusa ; apice pallidiore, nitidissimo, obtuso, lævissimo; — anfrac- tibus 11-12, subconvexiuseulis (aut planulatis et modo circa suturam tumidulis), lente crescentibus, sutura fere lineari sepa- ratis; ultimo prope insertionem tumidulo, medio impres- siusculo, infra gibboso ac ad basin valide carmato-cristato (crista valida, areuata, peripheriam attingens), inter eristam et gibbum suleato (sulcus brevis) ; apertura fere verticali, oblongo-piriformi, castanea, superne angulata (simulus patu- lus), inferne intus profunde subcanaliculata, intus in margime externo leviter callosa (callus superus obsoletus, inferus lamel- liformis, lamellam palatalem simulans), plicata, scilicet a. parietales duæ mediocres, quarum superior marginalis, stricta, cum spirali conjuneta, inferior remota, contorta ac valde ascendens; D. plica subcolumellaris immersa, modo oblique conspicua; €. plica palatalis unica, supera, remoita , ultra lunellam prolongata; 4. lunella arcuata, exterius vix apparens ; e. plicæ interlamellares nulle ; — peristomate con- ünuo, sat soluto, expanso ac undique reflexiusculo. Haut., 10-19 millim.; diam., 2 : millim. CLAUSILIA ARROSTA. Sur les rochers, aux environs d'Entrevaux (Basses-Alpes) ; rochers au-dessus de Brianconnet; eluse de Saint-Auban, dans les anfractuosités (Alpes-Maritimes). Testa breviter rimata, elongata, eylindrica, mediocriter acu- minata, sæpissime inquinata, pellucida, nitidissima, rubiginoso- cornea, lævigata (sicut malleata) et cirea suturam modo striato- radiatula ac in ultimo prope aperturam argutissime striatula ; — spira elongata, leviter acuminata, ad summum obtusa ; ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 39 apice pallidiore, lævissimo, obtuso ; — anfractibus 12-15, con- vexiusculis, aut fere planulatis, lente crescentibus, sutura parum impressa separatis, ultimo leviter in medio subim- pressiusculo, infra subgibboso ac ad basin carinato-cristato (crista valida, arcuata, peripheriam attimgens) ; — apertura fere verticali, ovata, castanea, superne angulata (sinulus pro- fundus, angustus, erectus), intus in margine externo superne subcallosa, inferne lamellosa (lamella arcuata, valida. palata- lem inferam simulans), plicata, seiicet : &. parietales duæ, quarum superior marginalis, stricta, cum spirali conjuneta , inferior remota, contorta, crassa, antice sicut obtrita ; b. plica subeolumellaris immersa, oblique vix conspicua ; e. plhica pala- talis supera, unica, ultra lunellam valde prolongata ; d. lunella litteræ S consimilis, exterius parum apparens ; e. plicæ inter- lamellares nullæ ; — peristomate continuo, soluto, expanso ac reflexiuseulo. Haut., 41 3 mullim.; diam., 23 mullim. Les échantillons de Briançconnet et de la cluse de Saint-Auban sont généralement un peu plus petits que ceux d’Entrevaux. Je considère ces derniers comme formant le type de cette belle espèce. CLAUSILIA NANTUACINA. Sous les pierres, dans les anfractuosités des rochers de la oorge en amont de Nantua, et sur les bords du lac Silan, dans les détritus rejetés par les eaux (Aïn). Testa rimata, cylindrica, aliquando subfusiformi, sæpissime inquinata, mitida, subpellueida, corneo-fulva ac plerumque zonula atro-suturali eleganter circumeincta, argutissime stria- tula (in ultimo prope aperturam striæ validiores, strictæ, sat distantes) et sub validissimo lente in ultimis spiraliter elegan- tissime subsulcata; — spira regulariter subacuminata aut leviter attenuata, ad summum obtusa ; apice nitidissimo, palli- diore, lævigato, submamillato, obtusissimo; — anfractibus 12-15, 40 J. R. BOURGUIGNAT. (supremi convexiusculi, cæteri planulati), lente crescentibus, sutura lineari separatis; ultimo externe medio subimpres- siusculo, infra gibboso, ac ad basin carinato-eristato (crista valida, arcuata, peripheriam attingens) et inter cristam et cibbum sulcato (suleus brevis, sat profundus) ; — apertura verticali, oblonga, subcastanea, superne angulata (smulus profundus, angustus, erectus), inferne intus profunde cana- liculata, intus in margine externo callosa (callus superus tuber- culosus, inferus lamelliformis, validissimus, arcuatus, lamel- lam palatalem simulans), phcata, scilicet : 4. parietales du, quarum superior marginalis, strictissima, valde producta, cum spirali (plica spiralis vix conspicua, sicut evanida) conjuncta , inferior remota, crassa, contorta, antice compressa; 4. plhica subcolumellaris immersa, oblique vix conspicua, sed exterius super cristam rimalem in albido apparens; €. plica palatalis unica, supera, remotissima, ultra lunellam valde prolongata ; d. lunella arcuata, patula, exterius apparens; e. plicæ inter- lamellares nullæ ; — peristomate continuo, soluto, expansius- eulo ac reflexiusculo. Haut., 10 millim.; diam., 2 millim. Chez cette Clausilie. le pli palatal se prolonge au delà de la lunelle, autant en arrière qu'en avant, si ce n’est même un peu plus. M. Les espèces comprises dans ce groupe se composent de Clau- silies ordinairement costulées, toujours cylindriques, grêles, allongées comme des aiguilles et pourvues d’une ou de deux arêtes cervicales excessivement prononcées. Elles paraissent affectionner les contrées montueuses et méridionales de la France. Une seule vit dans le Dauphiné. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 41 CLAUSILIA CRENULATA. CLAUSILIA CRENULATA (1), Pusso, Hist. nat. Eur. merid., 1826, t. IV, p. 86, et Bourguignat, Et. syn. Moll. Alp.-Marit., 1861, p. 48, pl. 1, fig. 12 (2) (seulement). Cette espèce a été découverte par Risso, dans la haute région du bassin du Paillon, à Braus, Brovis au delà de l’Escarenne, où elle vit sous les pierres, près des sources. Je l’ai recueillie dans la vallée de Gairos, près de Saorgio (Alpes-Maritimes). Cette Clausilie est peu commune et moins abondante que lIsseli de Villa, qui vit dans les mêmes localités et que l’on a prise pour elle. La crenulata est sillonnée (sauf sur les trois premiers tours qui sont lisses) par des costulations distantes, régulières, lamel- lées, qui deviennent, sur les tours médians, plus serrées, plus délicates, pour redevenir enfin, sur les deux derniers, plus fortes, plus larges, et surtout plus écartées les unes des autres. Les costulations plus saillantes vers la suture font paraitre celle-ci comme crénelée ; de là son nom de crenulata. Tours au nombre de 12 à 43, faiblement convexes ; dernier tour pourvu de deux arêtes séparées par un sillon ; arête supé- rieure moins forte que l’inférieure, qui est arquée, élevée, et qui s'étend jusqu’au péristome. Ouverture ovale-allongée, anguleuse en haut, subcanaliculée en bas; callosité palatale presque nulle à sa partie supérieure, mais représentée à sa partie inférieure par une lamelle ressemblant à une palatale. Un pli palatal supérieur se terminant à la lunelle, qui est très-ouverte; pariétale inférieure enfoncée, plus forte que la supérieure, qui est marginale, très-comprimée, et qui se réunit au pli spiral. Haut., 12 millim.; diam., 9 À millim. (1) Non Clausilia crenulata de Rossmässler, 1836, qui est la Clausiliathamno- phila, Bourguignat, Ét. syn. Moll. Alp.-Marit., 1861, p. 50. (2) C'est par erreur que la figure 11 de cet ouvrage à été signalée comme représentant l'ouverture de cette espèce. 49 J. R. BOURGUIGNAT, CLAUSILIA MOITESSIERI. CLAUSILIA CRENULATA (pars) (1), Moitessier, Hist. malac. de l'Hérault, 1868, p. 38. Cette belle espèce, que je me fais un plaisir d'appeler Mor- tessieri, pour rappeler le nom de notre regretté ami Prosper- Antome Moitessier, habite aux environs de Saint-Gely du Feseq, au nord de Montpellier (Hérault). Testa profunde rimata, elongata, gracili, cylindrica, leviter subfusiformi, subacuminata, crassiuscula, non nitente, corneo- nigrescente, ad summum pallidiore, eleganter (supremi lævi- gati excepti) costulata (costulæ validæ, crassæ, lamellosæ, distantes, plus minusve regulares) ; — spira elongata, regula- riter subacuminata, ad summum mamillata; apice pallide corneo, nitidissimo, lævissimo, obtuso ac mamillato ; — an- fractibus 13-14 (supremi convexiuseuli, cæteri planulati), lente crescentibus, sutura parum impressa aut aliquando sublineari ac subcrenulata separatis; ultimo soluto, externe medio impressiuseulo, ad partem inferiorem gibboso ac sulcato et ad basin acute carinato-cristato (crista valida, arcuata, marginem attingens) ; — apertura fere vertical, piriformi, castanea, su- perne angulata (sinulus profundus, angustus), inferne suban- ogulata et intus profunde canaliculata ; intus im margine externo bicallosa (callus superus, mediocris, tuberculosus, callus in- ferus lamelliformis, lamellam palatalem imferam simulans), plicata, scilicet : «. parietales duæ,' approximatæ, medioeres, quarum superior marginalis, stricta, cum spirali conjuncta , inferior remota, non ascendens, antice descendens ; #. plica subcolumellaris immersa, modo oblique vix conspicua; €. plica palatalis unica, supera, ultra lunellam prolongata ; d. lunella subarcuata, valde patula, exterius vix apparens; — peristo- mate soluto, continuo, expanso ac reflexiusculo; margine externo sinuato. Haut., 13 millim.; diam., 2 millim. (1) Les crenulata de la provenance de Lieuran-Cabrières (Hérault) doivent se rapporter à la CL. pumicata du docteur Paladilhe. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 43 CLAUSILIA ISSELI. CLAuSILIA ISsseLr, Villa, in Bullelt. malacol. Ital., 1868, t. 1, p. 37, pl. », fig. 1-4. Espèce abondante dans les gorges de la route de Tende, notamment à Santa-Clara, dans la vallée de Cairos, de Fontan et à la Giandola (Alpes-Maritimes). En Italie, elle a été recueillie en grand nombre dans les défilés des Alpes liguriennes, entre Roccabruna et Voltri, par notre ami le marquis Doria, le savant directeur des Annali del Museo civico di storia naturale di Genova. Cette Clausilie, que Villa à cru, par erreur, semblable à la vraie crenulata de Risso, se distingue de celle-ci : par ses costu- lations plus fines, moins larges et surtout plus serrées, notam- ment sur les derniers tours : chez la crenulata, les costulations, sur les deux derniers tours, sont fortes, très-distantes les unes des autres, au point que deux costulations occupent le même espace que trois chez l’Isseli; de plus, les costulations de l’Isseli ne donnent pas à la suture une apparence crénelée, (caractère de la crenulata); par son sommet un peu moins ma- melonné ; par son dernier tour offrant à sa base une forte arête cervicale et ne présentant seulement au-dessus de celle-ci qu'une légère gibbosité allongée en forme d’arèête, tandis que chez la crenulata cette gibbosité, bien plus accentuée, séparée de l’autre par un sillon prononcé, ressemble à une seconde arête cervi- cale; par le sinus supérieur de l’ouverture plus profond et moins ouvert que celui de la crenulata; par sa seconde pariétale moins forte et plus enfoncée, etc. CLAUSILIA MACEANA. CLAUSILIA MACEANA, Bourguignat, Descr. esp. nouv. Moll. terr. Alp.-Marit., 18069, p. 12, et in Soc. sc. nat. de Cannes, 1870, t. I, p. 52. Gorges de la Roya, entre la Giandola, Fontan et Saint- Dalmas (Alpes-Maritimes), où elle vit dans les anfractuosités des rochers. 4% J. R. BOURGUIGNAT. Je renvoie à la description pour la connaissance de cette espèce. J’ajouterat seulement que des trois plis palataux si- onalés, le pli supérieur seul est palatal ; les deux autres (imitant des plis palataux) sont les plis de la callosité du bord externe. Cette Clausilie, très-allongée, à peine acuminée, presque complétement cylindrique, possède deux arêtes cervicales parallèles. CLAUSILIA AUBINIANA. CLAUSILIA AUBINIANA, Bourguignat, Descr. esp. nouv. Moll. ter. Alp.-Marit., 1869, p. 13, et in Mém. Soc. nat. de Cannes, 1870, t. I, p. 53. Sous les détritus, dans les anfractuosités des rochers du bois de Châtaigniers au-dessous de Saorgio (Alpes-Maritimes), à droite de la route du col de Tende. Cette singulière espèce, allongée, grêle comme une aiguille, tout à fait cylindrique, presque aussi grosse à son sommet qu'à sa base, est sillonnée de costulations écartées en forme de lamelles saillantes analogues (ex petit) à celles des scalaria. Un seul pli palatal très-enfoncé, peu distinct, et une seule callosité palato-inférieure, en regard du pli subcolumellaire, faisant fonction de seconde palatale. Ouverture contractée, an- ouleuse en haut, en bas et à la partie médiane du bord externe, CLAUSILIA PENCHINATI. Dans les anfractuosités des rochers boisés au-dessus de Banyuls-sur-mer (Pyrénées-Orientales), où elle est rare; très- abondante en Catalogne, notamment aux alentours de Gerone, et surtout aux environs de Sarria, près de Barcelone, où elle a été recueillie par le professeur Gourquin. Testa profunde rimata, gracili, elongata, cylindrica, vix tumidula, subpellucida, corneo-rubigimosa, passim albo-stri- oillata, eleganter (supremi 3 lævigati excepti) striato-costu- lata (striæ strictæ, produetæ, exacte regulares, sat distantes ; intervalla striarum in ultimis punctulata) ; — spira elongata, regulariter subacuminata ; apice obtuso, manullato,, corneo, ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 45 lævigato, nitidissimo ; — anfractibus 12-13, convexiusculis, lente crescentibus, sutura sat impressa separatis; ultimo externe prope inserlionem tumido, medio impressiusculo, ad partem inferiorem obsolete suberistato, ac ad basin valide carinato-cristato (crista producta, robusta, arcuata, periphe- rlam attingens); — apertura leviter obliqua, oblongo-piriformi, castanea, superne inferneque subangulata, ad basin profunde canaliculata (canalis peripheriam fere attingens), intus in mar- eine externo eleganter bicallosa (callus superus remotus, vali- dissimus, crassus, bituberculatus , callus inferus lamelliformis, robustus, subarcuatus), plicata, scilicet : &. parietales duæ, quarum superior marginalis, stricta, cum spirali conjuncta, inferior remota, crassa, Contorto-ascendens ; b. plica subcolu- mellaris valida, sabimmersa ; ç. plica palatalis unica, supera, remota, ultra lunellam valde prolongata ; d. lunella reeta, vix arcuata, exterius non apparens; — peristomate continuo, soluto, expansiuseulo ae vix reflexiuseulo. out éemilln diam, 2millum: Var. B. oRoPHILA. — Tubérosité supérieure de la callosité. moins prononcée, — Environs de Saint-Sauveur (Hautes- Pyrénées); jardin de l’établissement Pereire, à Amélie-les- Bains (Pyrénées-Orientales). — Rare, Cette belle espèce est dédiée à notre ami Penchinat, de Port- Vendres. CLAUSILIA BELONIDEA. Anfractuosités des rochers à Sassenage, près de Grenoble (Isère). Testa rimato-perforata, gracih, elongata, cylindrica, sub- acumimata, nitida, subpellucida, rubiginosa, argutissime (su- premi 3 lævigati excepti) striatula (striæ tenuissimæ, confertis- simæ, in ultimo validiores ac leviter lamelliformes) ; — spira elongata, subacuminata, ad summum substyliformi ac pau- lulum mamillata ; apice obtuso, sabmamillato, pallidiore, læ- vissimo ; — anfractibus 13, vix convexiuseulis, lente crescen- 46 3. R. BOURGUIGNAT. übus, sutura mediocriter impressa separatis ; ultimo soluto, externe medio impressiusculo, ad partem inferiorem suberi- stato, ac ad basin carinato-eristato (erista valida, producta. areuata, peripheriam attingens); — apertura vertical, piri- formi, oblonga, ad partem infero-exteriorem sinistrorse dila- tata, subcastanea, superne angulata (smulus angustus, pro- fundus, erectus), intus inferne canaliculata, intus in margine externo callosa (callus superus tuberculatus, callus imferus valide lamelliformis, plicam palatalem imferam simulans), pli- cata, scilicet : &. parietales duæ, quarum superior marginalis, stricta, valde producta, cum spirali conjuneta , inferior remo- tissima, callosa, antice descendens ; #. plica subcolumellaris immersa, Vix Conspicua; €. plica palatalis unica, supera, valida, ultra lunellam prolongata ; d. lunella arcuata, litteræ C consimilis ; — peristomate soluto, continuo, candido, expanso ac reflexiusculo ; — columella intus recta. Haut., 9 £millim.; diam., 2 millim. Ne J'arrive enfin au dernier groupe des Clausilies vivantes de notre pays. Ge groupe est celui de la parvula. CLAUSILIA ATROSUTURALIS. Vieux murs à Cohons, près de Langres (Haute-Marne), où se trouve le type de cette intéressante espèce; environs de Troyes (Aube) et d’'Angy (Oise). Testa brevissime rimata, oblongo-elongata et tumido-fusi- formi, nitidissima, subpellucida, rubiginoso-nigrescente ac circa suturam atra zonula circumeincta, lævigata et sub vali- dissimo lente obsolete subradiatula, in ultimo striatula; — spira attenuata, ad summum mamillata; apice lævissimo obtuso ; — anfractibus 12 (supremi convexiusculi, cæteri fere planulati), lente crescentibus, sutura fere lineari submargi- nataque et atro-cireumeincta separatis ; ultimo externe medio ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 47 inpresso, ad basin bicristato ac sulcato (cristæ parallelæ, quarum superior marginem non attingens et inferior rimalis, arcuata, validior, producta, usque ad peripheriam descen- dens) ; — apertura fere verticali, subrotundata, castanea, su- perne angulata (sinulus angustus, vix profundus), inferne rotundata, intus in margine externo callosa (callus superus, latus, tuberculosus, callusinferus remotus, lamelliformis, pli- cam palatalem simulans), plicata, scilicet : 4. parietales duæ meciocres, quarum superior marginalis, stricta, cum spirali conjuncta, inferior remotissima, Callosa; D. plica subcolu- mellaris immersa, vix conspicua; €. plica palatalis unica, supera, ultra lunellam prolongata; 4. lunella plicam palatalem non atüngens, inferne uneinata et dimidiæ G consimilis, exte- rius apparens ; — peristomate continuo, soluto, subcastaneo, albido, expansiuseulo ac reflexiuseulo. Haut., 94-10 millim.; diam... 2 ? millim. CLAUSILIA DILOPHIA. CLAUSILIA DILOPHIA, J. Mabille, in sched., 1874. Environs de Troyes (Aube); vieux murs à Cohons, près de Langres (Haute-Marne) ; environs d’Angy (Oise) ; montée de la Quarantaine à Lyon ; environs d’Aix-les-Bains. Testa rimata, elongata, fusiformi, regulariter attenuata, niti- issima, pellucida, nigrescente-rubiginosa, sublævigata aut sub validissimo lente obsolete radiatula, in ultimo striatula; — spira regulariter attenuata, ad saummum leviter submamillata ; apice lævissimo, pallidiore, obtuso ; — anfractibus 12 (supremi convexi, cæterl vix convexiusculi), lente crescentibus, sutura fere semper albo-filosa separatis; ultimo bicristato aut postice sicut tricristato (cristæ parallelæ, scilicet, una superior obso- leta prope insertionem, altera sat producta ad partem infe- riorem, et ultima rimalis, arcuata, producta, ad basin ac peripheriam attingens) in medio impresso (aliquando planu- lato-recto), inter cristas inferiores sulcato ; — apertura verti- 48 J. R. BOURGUIGNAT. cali, sinistrorsus sat provecla, oblonga, subcastanea, superne angulata (sinulus parum profundus, exiguus), inferne intus profunde canaliculata, intus in margine externo bicallosa (cal- lus superus tuberculosus, callus inferus lamelliformis, pheam palatalem simulans), phicata, salicet : 4. parietales duæ qua- rum superior marginalis, sat valida, stricta, cum spirali con- juncta, inferior remotisshma, calloso-contorta ; 4. plica subco- lumellaris immersa, vix conspieua; €. plica palatalis unica, supera, ultra lunellam mediocriter prolongaia ; d. Tlunella su- perne sieut succisa, dimidiæ GC consimilis, imferne cum plica subcolumeïilaris conjuneta, exterius apparens ; — peristomate soluto, continuo, subalbidulo, expansiuseulo ae reflexiusculo. Haut... 10 millun.; diam., 2 +? millun. CLAUSILIA GIRATHROA. Environs de Troyes (Aube). — Peu abondante. Festa profunde rimata, elongata, cylindrico-subfusiformi, non mitente, subpellucida, antice pumicata, cmereo-cornea, sublævigata aut sub validissimo lente substriatula (siriæe in ultimo vix validiores) ; — spira elongata, regulariter subacu- minala ; apice kevigato, pallidiore, obtusiusculo ; anfractibus 15, convexiusculis, confertissime crescentibus, sutura sat impressa separatis; ultimo circa peripheriam leviter subcoarctato, externe medio convexiuseulo, retro ad partem inferiorem sub- oibboso ac ad basin carinato-cristato (crista areuata, producta, peripheriam attingens) ; — apertura leviter obliqua, oblonga, subcastanea, superne angulata (sinulus apertus, parum pro- fundus), inferne intus profunde canaliculata, intus in margine externo bicallosa (callus superus tuberculosus, callus imferus lainelliformis, plicam palatalem simulans), plicata, scilicet : «. parietales duæ mediocres, quarum superior marginalis, stricta, cum spirali conjuneta, inferior remotissima, antice depressa ; b. plica subcolumellaris immersa, vix conspicua ; c. plica palatalis unica, supera, ultra lunellam prolongata ; dd. Junella arcuata, exterius non apparens ; — peristomate con- ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 49 üinuo, sat soluto, crassiusculo, subalbido, expansiusculo ac reflexiusculo. Haut., 9 mullun.; diam., 2 nullim. CLAUSILIA PARVULA. HELIX PARVULA, Studer, Faunul. Helvet., in Coxe, Trav. Switz., 1789, t. IT, p. 431. CLAUSELIA PARVULA, Studer, Kurz. Verzeichn., 1820, p. 89. Cette espèce habite presque toute la France, sous les détritus au pied des vieux murs, dans les fentes des murailles ou sous les mousses. Elle est cependant beaucoup plus abondante dans le nord et dans l’est qu'au centre et dans l’ouest. Elle manque même dans certaines régions, comme les Pyrénées par exemple, les Alpes-Maritimes, la Provence. Je l'ai reçue néanmoins des environs de la Sainte-Baume, dans le Var. Je possède la parvula de Troyes (Aube), d’Angy (Oise), de Jaulgonne (Aisne), de Cohons (Haute-Marne), de Fontenay- le-Comte (Vendée), d’Aix-les-Bains (Savoie), de la Grande- Chartreuse et de Sassenage (Isère), de la montée de la Qua- rantane à Lyon (Rhône), du rocher de Saint-Michel au Puy en Velay (Haute-Loire), etc. Le type de la parvula se trouve en Suisse, où il est très- répandu. Il existe çà et là en notre pays une forme un peu plus grêle de cette espèce, qui a reçu des auteurs français le nom de gracilis. A. Schnudt (£uwrop. Claus., etc.) a donné une bonne des- cription et d'excellentes figures de la parvula. CLAUSILIA CORYNODES. ULAUSILIA CORYNODES, Held, in sched. ULAUSILIA GRACILIS (1), Rossmässler, Iconogr., VIL 1858, fig. 489, et A. — Schmidt, Europ. Claus., 1857, p. 55, fig, 134-155 et 214. e èce, parfaitement décrite et figurée dans le travai Cette espèce, parfaitement décrite et figurée dans le travail (1) Non gracilis de C. Pfeiffer, 1821, et des auteurs français. 90 | JS. R. BOURGUIGNAT. de À. Schmidt, est peu abondante en France. Je ne la connais suère que de la Grande-Chartreuse, de Sassenage, près de Gre- noble, et d’Aix-les-Bains. Elle est très-répandue en Suisse, d’où Je la possède d’un certain nombre de localités. Je crois devoir avertir que la C{. gracilis citée dans les ouvrages des malacologistes français n’est pas cette espèce, mais simplement une forme un peu plus grèle de la parvulu. CLAUSILIA TETTELBACHIANA. CLAUSILIA TETTELBACHIANA, Rossmässler, Iconogr., VI, 1838, fig. 470. Cette Clausilie, qui n’était connue encore que des provinces autrichiennes et bavaroises, vit dans notre pays. Je la connais des environs de Troyes et de Bar-sur-Aube (Aube), du bois d'Argentol, près Jaulgonne (Aisne), de Fontenay-le-Comte (Vendée), enfin d’Aix-les-Bains, en Savoie. Les échantillons de ces localités sont identiques en tous points à ceux typiques que J'ai reçus d'Autriche. Je renvoie, pour la connaissance de cette espèce, à l’ouvrage de À. Schmidt (Europ. Claus. 1857, p. 35, fig. 80-85 et 199), où cette Clausilie qui, à première vue, ressemble à une parvula très-ventrue et plus obtuse, est bien décrite et parfaitement figurée. CLAUSILIA COMPANYOI. CLAUSILIA NANA (1), Kuster (Chemnitz, 2 édit.), Gatt. Claus., 1850? p. 156, . pl. 17, fig. 27-29 (médiocres), et L. Pfeiffer, Monogr. Hel. viv., 1859, t. IV, Dome CLAUSILIA COMPANYOI, Bourguignat, in sched., 1868. Cette petite espèce, que je dédie à notre regretté anu Louis Companvo, vit aux environs de Perpignan (Pyrénées-Orien- tales). / Testa punctiformi-rimata, minima, oblongo-fusiformi, sat (4) Non Cl. nana, de Parreyss, in Anton, Verzeichn. der Conch., 1839, p. 45, qui est une espèce différente. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 91 attenuata, nitida, pellueida, rufescenti-cornea, elegantissime (supremi lævigati excepti) radiatulo-subcostulata (costulæ tenuissimæ, regulares confertæ, circa suturam validiores ac passim rare albo-strigillatæ ; in ultimo prope aperturam costu- lato-lamellosæ) ; — spira attenuata, ad summum mamillata : apice pallidiore, nitidissimo, lævissimo, obtuso ; — anfractibus 9-10, convexiuseulis, regulariter crescentibus, sutura sat impressa ac leviter submarginata separatis; ultimo externe medio subimpressiusculo, ad basin late suleato (suleus latus, parum profundus) et obtuse carinato-cristato (crista obtusa, parum producta, arcuata, peripheriam attingens) ; — apertura fere vertical, prriformi, subcastanea, superne angulata (sinulus patulus, parum profundus), inferne intus profunde canalicu- lata, intus in margine externo bicallosa (callus superus eva- nidus, callus inferus lamelliformis, plicam palatalem inferam simulans), pheata, scilicet : 4. parietales duæ, quarum supe- rior marginalis stricta, cum spirali conjuncta; inferior remo- tissima, lamellosa, antice ad basin tubereulosa ; 4. plica subeo- lumellaris subimmersa, leviter conspicua; €. plica palatalis unica, supera, ultra lunellam prolongata; d. lunella litteræ S paululum consimilis, inferne præsertim curvata; — peristo- mate continuo, soluto, albido, expanso ac reflexiusculo. Haut., ? muillim.; diam., 2 millim. CLAUSILIA EUMICRA. CLAUSILIA EUMICRA, J. Mabille, in sched., 1875. Cette très-petite Clausilie (haut. 7 millim., diam. 2 millim.) est répandue cà et là dans le nord de la France. Je la possède des environs de Troyes et de Bar-sur-Aube. Il ne faut pas confondre cette espèce avec la Clausilia minima de CG. Pfeiffer, 1821, coquille qui n’est autre chose que la parvula de Studer, ainsi que j'ai pu m'en convaincre. L’eumcra de Mabille, dont ce malacologiste se réserve de publier prochainement la diagnose, à peu près de la forme et de la taille de la Companyoi de Perpignan, se distingue aisé- ANN. SC. NAT., SEPTEMBRE 18117. VI. 10. — ART. N° 2. 92 3. R. BOURGUIGNAT. ment de celle-ci à son test peu brillant, presque terne ; à sa coquille presque lisse ; à sa spire atténuée-obtuse ; à son ouver- ture ovalaire ; à sa suture non marginée; à ses plis aperturaux différents, etc. CLAUSILIA MICROLENA. ULAUSILIA MICROLENA, Bourguignat, in sched., 1868. Cette espèce vit sous les pierres, dans les campagnes entre Prades et Perpignan (Pyrénées-Orientales). Testa breviter rimata, minima, ventrosa, tumido-fusiformi, sat breviter attenuata, non nitente, subpellueida, rubiginoso- migrescente, sublævigata aut sub validissimo lente argutissime substriatula, in ultimo modo striata (striæ prope aperturam subevanidæ) ; — spira valide attenuata; apice lævigato, obtu- siusculo ; — anfractübus 9, convexiuseulis, lente crescentibus, sutura sat impressa separals ; ultimo externe medio subim- pressiuseulo, ad basin sulcato (suleus medioeris) et obtuse carinato-cristato (crista arcuata, peripheriam attingens); — apertura verticali, subrotundata, fulva, superne angulata (sinulus patulus, parum profundus), inferne rotundata, intus in margine externo callosa (callus superne tuberculosus, inferne lamellformis, lamellam palatalem simulans), plieata, scilicet : 4. parletales duæ mediocres, quarum superior margi- ualis, Stricta, cum spirali conjuncta, inferior remota, lamel- losa; D. plica subeolumellaris vix conspicua; c. plica palatalis unica, supera, ultra iunellam prolongata ; d. lunella arcuata, litteræ CG consimilis; — peristomate parum soluto, sicut adpresso, continuo, albido, vix expansiusculo ac leviter re- flexiusculo. Haut., 6 =millim. ; diam., 2 + nullim. Cette Clausilie se distingue très-facilement des deux précé- dentes à sa forme ventrue-globuleuse, ressemblant à une petite boule allongée. — C’est la plus petite (haut. 6 2 millim.) des Clausilies de notre pays. — Elle est peu commune. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES. DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 93 Telles sont les Clausilies qui vivent en France (L). J'aurais pu, si Je l’avais voulu, augmenter leur nombre déjà considérable d’une dizaine encore. Mais j'ai mieux aimé ne signaler que celles dont j'étais parfaitement sûr ; d'autant plus que parmi les espèces, intentionnellement passées sous silence, quelques-unes étaient représentées dans ma collection par un trop petit nombre d'échantillons. J'ai pris le plus grand som dans la comparaison de nos Clausilies avec leurs analogues d'Italie, de Suisse ou d’Alle- magne. J’espérais retrouver en France quelques-unes des formes décrites par les auteurs étrangers; mais je dois. avouer qu'avec la meilleure volonté, 1l m'a été impossible d’assimiler, sauf un petit nombre, les Clausilies françaises à aucune de celles de ces pays. J'ai constaté au contraire que la France, de mème que chacune de ces contrées, possédait des formes spéciales et par- üiculières très-faciles à distinguer avec un peu d'étude. Var (1) J'ai laissé de côté plusieurs espèces inconnues, étrangères où mal dé- crites, Savoir : 4° Clausilia foliacea, Faure-Biguet, in Férussac, Tabl. syst., 1821, n° 534, p. 63, espèce signalée sans description et sans indication de loealités de France. 2 Clausiliu dozolis, espèce mentionnée (sans caractères) du Var, par Duval- Jouve. 9° Clausilia minuta de Dupuy, citée sans diagnose à la page 4 du catalogue de vente du marchand Parreyss, de Vienne. 4° Clausilia corrugala, Draparnaud, Hist. Moll , 1805, p. 70, pl. 4, fig. 11-12, espèce non de France, mais de l'ile de Milo (Clausilia Draparnaldi de Beck, 1839). o Clausilia Braunii de Charpentier, signalée par Puton (Moll. Vosg., 1847, p. 44, n°9) dans les Vosges et en Alsace. Cette espèce n’a encore été constatée qu'aux environs d'Heidelberg. 6° Enfin, Clausilia Marcelia de Risso (Hist. nat. Eur. mérid., 1826, t. IV, p. 86). En 1861, j'ai rapporté (Étude syn. Moll Alp.-Marit., p. 50) cette mar- celia à la nigricans, d’après les échantillons de la collection de Risso. Or, depuis, après étude de la diagnose de Risso, je reste convaincu que ce phar- macien niçois, tout en collant une nigricans dans sa collection, a fait sa des- cription d'après une autre espèce que je ne connais pas. Ainsi, J'ai remarqué dans la description la phrase suivante qui ne peut convenir à la nigricans : « Testa angusta supra ABRUPTE ACUMINATA. » J'avoue que je ne sais à quelle espèce rapporter cette coquille, qui est abruple acuminala, et que Risso signale sous les cailloux des montagnes des environs de Nice, 94 | J. R. BOURGUIGNAT. reconnu de plus que j'aurais commis de grandes erreurs, si j'avais voulu me laisser emporter par un désir trop grand de réunion. J'ai évité, comme on a dû en faire la remarque, de donner les rapports des Clausilies françaises avec les plus voisines des pays étrangers. Si Je ne l’ai pas fait en ce mémoire, déjà trop étendu, je compte le faire dans un travail à part, où j'ai l’in- tention, en outre, de montrer la filiation de chacune de nos espèces, depuis notre pays jusqu'au plateau central de l'Asie, en suivant l’évolution des espèces au fur et à mesure qu’elles se sont avancées d'Orient en Occident, d’après les lois de l’acclhimatation. J'arrive maintenant aux Clausilies fossiles. Elles commencent à apparaître dans l’éocène, et elles se continuent dans toutes les autres couches tertiaires, Jusque dans les plus récents dépôts, pour atteimdre de nos jours leur maximumde dévelop- pement. À. — PÉRIODE ÉOCENE. CLAUSILIA CONTORTA. CLAUSILIA CONTORTA, Boissy, in Mém. Soc. géol. de France (2° série), 1848, t. III, p. 278, pl. 5, fig. 24. — Deshayes, Descr. anun. sans vert., 1864, t. IL, p. 867, pl. 56, fig. 40-42. Terrain lacustre inférieur de Rillv-la-Montagne, près de Reims (1). CLAUSILIA JONCHERYENSIS. CLAUSILIA JONCHERYENSIS, Deshayes, Descr. anim. sans vert. du bassin de Paris, 1864, t. Il, p. 868, pl. 57, fig. 4-6. Sables inférieurs de Jonchery. (1) Je ne donne pas les caractères des Clausilies fossiles publiées. Je prie les malacologistes de se reporter aux ouvrages que je signale. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 59 CLAUSILIA EDpMoxpr. CLAUSILIA STRANGULATA (1), Boissy, in Bull. Soc. géol. de France (2° série), 1S20 AL IN pd; CLAUSILIA EDMoNDr, Boissy, in Mém. Soc. géol. de France (2° série), 1848, t. IV, p. 278, pl. 5, fig. 25, et Deshayes, Descr. anim. sans vert. du bassin de Paris, 1864, t. IL, p. 868, pl. 56, fig. 43-44. Terrain lacustre inférieur de Rilly-la-Montagne. CLAUSILIA NOVIGENTIENSIS. CLAUSILIA NOVIGENTIENSIS, Deshayes, Descr. anim. sans vert. du bassin de Paris, 1864, t. Il, p. 870, pl. 57, fig. 15-16. Côte de Saint-Parres, près de Nogent-sur-Seime (Aube). B. — PERIODE MIOCÈNE. CLAUSILIA ARTICULATA. CLAUSILIA ARTICULATA, Sandberger, Conch. Mainz. tert. (8° fasc.), 1863, p. 393, pl. 35, fig. 15. Calcaire d’eau douce de la vallée du Rhin. CLAUSILIA BULIMOÏDES. CLAUSILIA BULIMOIDES, A. Braun, Deutsch. naturf. Versamm., 1842, p. 149, et Thomæ, Foss. Conch. tert., 1845, p. 149, pl. 1v, fig. 6. Coquille obèse-ventrue, à spire conique très-acuminée. — Calcaire d'eau douce de la vallée du Rhin. CLAUSILIA BULIMIFORMIS. CLAUSILIA BULIMIFORMIS, Sandherger, Conch. Mainz. tert. (2° fasc.), 1858, p. 62, pl. 5, fig. 20, 20 A et 20 B (excel. fig. 20 OC). Espèce différente de la C{. bulimoides. Coquille plus grande, plus régulièrement fusiforme, cylindrique. Spire non conique, mais obtuse, etc. — Calcaire d’eau douce de la vallée du Rhin. (1) Non Clausilia strangulata de Férussac, 1821, espèce vivante de Syrie. 56 J. R. BOURGUIGNAT. CEAUSILIA ARCHÆA. CLAUSILIA BULIMIFORMIS, Var. MINOR, Sandberger, loc. supr. cit., pl. 5, fig. 20 C seulement. Espèce plus petite que les deux précédentes. Coquille obèse- ventrue, à spire brièvement atténuée et très-obtuse. — Des calcaires d'eau douce de la vallée du Rhin. C. — PÉRIODE PLIOCÈNE. CLAUSILIA LORYI. CLAUSILIA Loryi, Michaud, Descr. Cog. foss. Hauterive, 1862, p. 14, pl. 5, fig. 19. Des marnes de Hauterive (Drôme). CLAUSILIA BAUDONI. CLAUSILIA BAUDONI, Michaud, loc. supr. cit., 1862, p. 15, pi. 3, fig. 17. Même localité, et marne lacustre des environs de Mont- pellier. CLAUSILIA MICHELOTTI. CLAUSILIA MicHELoTTI, Michaud, loc. supr. cit., 1862, p. 16, pl. 3, fig. 20. Même localité. CLAUSILIA FISCHERI. CLAUSILIA FiscHERI, Michaud, loc. supr. cit., 1862, p. 17, pl. 5, fig. 18. Même localité, et marne lacustre des environs de Mont- pellier. D. — PÉRIODE QUATERNAIRE. CLAUSILIA (ADUELIANA. Tranchée du chemin de fer, au cap Vieille, entre Roque- P q brune et Monaco (Alpes-Maritimes). Elle a été recueillie en ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 57 compagnie de l’Helix Pareliana; elle appartient donc à la phase la plus ancienne du quaternaire, à la phase éozoïque. Testa minutissime rimata, fusiformi, sat nitente, olim cornca, obscure substriatula ; — spira acuminato-turrita : apice obtusiusculo; — anfractibus 10-19, leviter convexius. culis, lente crescentibus, sutura sat impressa separatis ; ultimo compresso, sat valide striatulo ac basi prope rimam carimato (carina brevis, paululum tuberculosa, ad aperturam evanescens) ; — apertura transverse coarctata, superne infer- neque subangulata et oblique oblonga, plicata, scilicet : a. parietales duæ, quarum una supera marginalis, exigua. striata, altera infera validior, flexuosa ; 4. plica subcolumel- laris immersa; c. palatales duæ, quarum supera tenuis et profunda, et altera infera validior, remota ; — peristomate continuo, parum Incrassato ac vix reflexiusculo. Haut., 18 millim; diam., 5 millim. Cette Clausilie, du groupe de la /aminata, se distingue de celle-ci : par son dernier tour comprimé en arrière et presque aplati (celui de la /aminatla est convexe) ; par son arête cervi- cale bien prononcée (chez la laminata 1 n'existe, à la place de l’arète, qu'une petite tubérosité); par son ouverture plus étroite, anguleuse en haut et en bas, d’une forme oblongue obliquement inclinée de gauche à droite, à l’instar de celle de la plagiostoma ; par son péristome à peine encrassé, fort peu évasé, enfin par ses plis palataux, etc. CLAUSILIA BIZARELLINA. Couche argileuse de la tranchée de la Bizarelle, entre Eza et Monaco (Alpes-Maritimes). — Cette espèce date de la pre- mière phase (éozoique) de la période quaternaire. Testa rimata, subfusitormi-elongata, argutissime striatulo- costulata (costæ in ultimo validiores); — spira acuminato- elongata ac regulariter altenuata; apice minuto ; — anfrac- tibus 12-14, planiusculis vel leviter convexiusculis, sutura fere 58 | J. R. BOURGUIGNAT. lineari separatis; ultimo ad basin bicarimato (carinæ paral- lelæ, quarum carina rimalis validior) ; — apertura vertical, ovata, superne angulata, plicata, scilicet : &. parietales duæ, quarum una supera marginalis stricta et mediocris, altera infera exigua, remota; b. plica subcolumellaris vix distincta ; e. palatales nullæ ; — peristomate soluto, continuo, subimceras- sato ac leviter expanso. Haut., 1#millim.; diam., 3 millim. Cette Clausilie appartient au groupe de la crenulata. CLAUSILIA JOINVILLENSIS. CLAUSILIA JOINVILLENSIS, Bourguignat, Moll. terr. fluv. env. de Paris à l’époque quaternaire, in Belgrand, la Seine, 1869, p. 8, pl. 3, fig. 12-15. Alluvions des hauts niveaux (phase trizoïque) de Joinville- le-Pont, près de Vincennes. A cette espèce se termine la liste des Clausilies qui mé sont connues à l’état fossile. Je n'ai pas admis parmi les Clausilies : 1° La Clausilia campanica de Michelin, m Wém. Soc. agric. Aube, 1852, p. 209, et de Deshayes, Descr. anim. sans vert. du bassin de Paris, HW, 1864, p. 869, pl. 57, fig. 7-9, parce qu’elle appartient, selon moi, au genre Baliu (1). ®% La Clausilia Rouxi de Noulet, Mém. Coq. foss. sud-ouest de la France, 1868, p. 65 (Bulimus Rouxi junior Noulet, in Roux, Géol. du bassin de l’Agout, 1859, p. 29, et Noulet, Étude sur le bassin de l'Agout, 1863, p. 19), des calcaires éocènes de l’Ariège et du Tarn, parce que je n’ai pu, d’après la description, parvenir à me faire une idée de ses caractères. 3° Enfin, les divers débris de Clausilies vivantes signalées, sans description, dans une multitude de catalogues; débris recueillis dans les alluvions quaternaires de nos fleuves et de nos (1) Pour les caractères de ce genre, voyez ma Monographie du genre Bala, in Bourguignat, Amén. Malac., 1857, t. II, p. 66. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. D9 rivières, parce que je n’ai pu contrôler l'exactitude des déter- minations. Quant à toutes les autres espèces classées sous les noms de Clausilin, espèces dont je n’ai pas encore dit un mot, elles font . partie de mon nouveau genre Milne-Edwardsix. TIT MILNE-ED WAR DSIA. Les espèces de ce nouveau genre, que je dédie à notre ami M. le professeur Alphonse Milne Edwards, ont été jusqu'à ce jour rangées tantôt parmi les Clausilies, tantôt parmi Îles Bulimes. D’autres fois elles ont été regardées comme des Pupa ou assimilées à des Mégaspires. Les Milne-Edwardsia sont en effet des coquilles qui, tout en ressemblant à première vue à de gigantesques Clausilies, ne sont en réalité ni des Clausilies, n1 des Mégaspires, et encore moins des Bulimes ou des Pupa. Elles sont caractérisées par une coquille sénestre, de grande taille, cylindroïde, très-faiblement fusiforme, plutôt conique- acuminée, à sommet plus ou moins obtus. Les tours sont très- nombreux, à croissance lente, régulière. L'ouverture ovalaire ou semi-ovale, à péristome continu, se distingue par un pli pariétal plus ou moins accentué (suivant les espèces), et par une coLu- MELLE ORNÉE DE DEUX PLIS ÉGAUX, PARALLÈLES, QUI SE CONTINUENT, EN SUIVANT LES CONTOURS DE L’AXE, JUSQU'AU SOMMET. Ces plis ressemblent exactement à ceux des Mégaspires. Ce caractère, qui sépare nettement les Milne-Edwardsia des Clau- silies, est très-important. Les espèces de ce nouveau genre possèdent, de même que les Clausilies et les Mégaspires (1), un clausilium. C’est le docteur (1) Les Megaspira sont des espèces (actuellement vivantes dans l’Amérique du Sud, notamment au Brésil caractérisées par une coquille dextre très-allongée, cylindroïde, très-régulièrement convexe, possédant une très-longue spire, 60 | J. R. BOURGUIGNAT. Paladilhe (1) qui est parvenu à le constater chez une espèce, la Terveri. Les Milne-Ediwardsia se composent d’un groupe de coquilles fossiles entièrement éteintes, et dont il n'existe plus d’analogues dans la faune vivante. Elles ont été constatées dans le miocène . et le pliocène. Elles semblent spéciales au midi de la France. On ne les rencontre, en effet, que dans les couches tertiaires des bassins de la Garonne, de l’Adour et de l'Hérault. MILNE-EDWARDSIA TERVERI, CLAUSILIA TERVERI, Michaud, Cog. foss. Hauterive, 1855, p. 13, pl. 4, fig. 6. Espèce assez abondante dans les couches pliocènes lacustres de Hauterive (Drome). obtuse au sommet, et des tours très-nombreux à croissance lente et régulière, L'ouverture, oblongue ou demi-ovalaire, n’a ni plis palataux, ni plis pariétaux, mais est pourvue d’une columelle droite, cylindrique, ornée de deux ou trois plis égaux parallèles, qui remontent et qui se poursuivent, toujours parallèlement, Jusqu'au sommet de l’axe spiral. Ces plis sont analogues à ceux qui distinguent les Mitres, les Volutes, les Pyramidelles, etc. Les Megaspira sont encore caractérisées par une sorte de lame proéminente qui, de la base de la columelle, parcourt le dernier tour et se prolonge dans l'intérieur jusqu'au sommet de la spire. Cette lame, par sa position près de Ja columelle et par sa proéminence, produit une gouttière intérieure profonde dans laquelle se loge l’appendice caudiforme d’un clausilium attaché à la columelle, exactement comme celui des Clausilies. Ce caractère important des Mégaspires, caractère qui avait échappé à la sagacité des auteurs, à été reconnu par le savant professeur Deshaves, en 1864. On ne connait, en France, que deux vraies Mégaspires fossiles ; elles pro- viennent des couches éocènes du bassin de la Seine. 1° La Megaspira exarata, Deshayes, 1864 (Pyramidella exarata, Michaud, 1838 ; — Megaspira rillyensis, Boissv, 1848) ; 2 Et la Megaspira elongata, LDeshayes, 1864 (Pupa elongata, Melleville, 1843; — Pyramidella elonyata, d'Orbigny, 1850). Quant à la Melania tenuicustata de Matheron (Cat. corps org. foss. Bouches- du-Rhône, 1842, p. 218, pl. 36, fig. 19-22), que Pictet (Traité de paléontologie, 1855, t. IT, p. 29) croit être une Mégaspire, il n’y a rien de certain à ce sujet. Pour la Clausilia Larteti, que Pictet (loc. supr. cit.) regarde également comme une Mégaspire, c’est au contraire une espèce de Milne-Edwardsia. (Voyez, pour la synonymie des espèces vivantes de Megaspira, au tome II de mes Ameniles malacoloyiques, p. 81 ) (1) Élude Coq. foss. des marnes pliocènes des environs de Montpellier, 1873, p.42: ARTICLE N° 2, CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 61 Cette coquille, la plus grande de ce genre, atteint 80 à 90 millim. en hauteur et 20 à 25 millim. en diamètre. La columelle est ornée de deux plis ob'iques qui s’enroulent parallèlement à l'intérieur de laxe. « Ces plis, dit Michaud (loc. supr. cit.), rappellent assez exactement ceux des pyra- midelles, tant par leur position que par leur mode d’obli- quité. » Le pli pariétal est peu marqué. Néanmoins il est visible. C’est sur un échantillon de cette espèce que le docteur Paladilhe a constaté la présence d’une lame calcaire faisant fonction de clausilium. MILNE-EDWARDSIA MAXIMA. CLAUSILIA MAXIMA, Grateloup, Tabl. Coq. foss. tert. Dax, in Bull. d'hist. nat. Soc. Linn. de Bordeaux, 827, t. W, p. 97, et Mem. Cog. foss. tert. Adour, in Act. Soc. Linn. de Bordeaux, 1838, t. X, p. 117, pl. 4, fig. 17, et Conch. foss. tert. du bassin de l'Adour, 1840, t. I (Univalves), pl. 1 (Des Moll. foss. de Dax), fig. 20. Pupa mAxIMA, d'Orbigny, Prodr. paléont., 1855, t. INT, p. 29. Couches des faluns jaunes de Mendillot, à Saint-Paul, dans le département des Landes, où le docteur Grateloup n’a pu recueillir qu'un seul échantillon incomplet. Cet échantillon ne possède que les trois derniers tours. L’ou- verture, ovalaire, rétrécie, anguleuse à sa partie supérieure, est caractérisée : 1° par un pli pariétal très-accentué; 2° par deux plis columellaires égaux, parallèles, «contournés en spirale », dit Grateloup. Le diamètre maximum de cet échantillon est de 47 milli- mètres ; si la coquille était intacte, 1l est à présumer qu’elle attemdrait au moins 60 millimètres de hauteur. Sous le nom de #axima, le docteur Noulet (1) confond, il est facile de le voir rien que par les localités citées, avec la vraie #axima des faluns de Mendillot, les Milne-Edwardsia (1) Mém. Coq. foss. du Sud-Ouest (1° édit., 1854), p. 91, et (2° édit., 1868) p. 292. 69 J. R. BOURGUIGNAT. Lartetiet Barreri, des couches calcaires de Sansan, et, sans aucun doute, d’autres espèces non décrites qui se trouvent dans les argiles grises à Valentine (faute-Garonne), à Ornezan, ainsi que dans les sables de Laymont (Gers), etc. MiLNE-EpwaArpsiA DESHAYESI. CLAUSILIA MAXIMA (1), Deshayes, in Mag. zool., 1° année, 1830, p. 15, pl. 15, fig. 1-2. Cette espèce, que je crois différente de la Clausilia maxima de Grateloup, est ainsi caractérisée par M. Deshayes : « Cette coquille est allongée, turriculée, ventrue dans le milieu, pointue au sommet, un peu atténuée vers l’ouverture, mais généralement étroite et subulée. La spire, qui est tron- quée au sommet, est composée de douze tours, et, sans cette troncature, ils auraient été au moins au nombre de 18 ou de 19. [ls sont aplatis, substriés dans leur longueur et séparés par une suture simple et superficielle. L'ouverture, qui termine le dernier tour, est allongée, évasée à la base, rétrécie au som- met; elle est oblique à l’axe de la coquille; son bord droit est simple ; le bord gauche se relève dans toute sa longueur, il est sinueux et lamelleux; la columelle est chargée de trois gros plis obliques, dont le supérieur (pli pariétal) est le plus saillant. » Cette coquille, que notre regretté ami M. Deshayes signale des faluns de Mendillot, près de Dax, à 53 millimètres de lon- gueur sur 9 millimètres et demi de diamètre. Cette nouvelle espèce diffère de la maxima de Grateloup, par son diamètre presque moitié moindre, par son ouverture plus étroite, moins dilatée surtout à sa base, plus anguleuse à son sommet, et paraissant plus portée en dehors (l’ouverture de la maxima est bien dans l’axe de la coquille); par son pli pariétal plus fort et plus proéminent; par sa columelle arquée et non droite comme celle de la maxima. (1) Non Cl. maxima de Grateloup. ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 63 MiLNE-EDWARDSIA SINISTRORSA. BULIMUS SINISTRORSUS, Marcel de Serres, Mém. terr. de transport et tertiaire . mis à decouvert lors des fondations du palais de justice de Montpellier, in Acad. sc. lettr. de Montpellier, 1854, t. I. Gette espèce, excessivement mal décrite (1), est identique à celle que le docteur Paladilhe à recueillie dans les marnes lacustres pliocènes de Montpellier (2), et qu'il a rapportée à la Clausilia maxima de Grateloup. Je ne puis admettre, l'avenir me donnera raison, j'en suis cerlain, qu'une espèce miocène du bassin de l'Adour puisse se retrouver semblable, avec une climatologie différente, à l’époque pliocène, dans un autre bassin, celui du Lez. MiL\xe-EDWARDSIA LARTETr. ULAUSILIA LARTETI, Dupuy, Descr. Coq. terr. foss. Sansan, in Journ. Conch., 1850, t. I, p. 306, pl. 15, fig. 4. Couches miocènes des calcaires compactes de Sansan (Gers). Testa simistrorsa, subrimata, subcylindrico-conoidea, tenuiter regulariterque striata, sæpius truncata ; — spira elon- gala, turrito-subacurminata ;. apice obtuso, lævigato; — an- fractibus 12-14 (sed sæpius 5-7 propter truncaturam), pla- musculis, lente ac paulatim crescentibus, sutura fere lineari ac bene distincta separatis; ultimo vix mayore, subtus rotun- dalo;, — apertura leviter obliqua, ovato-piriformi, superne angulata, inferne rotundata, tribus lamellis munita, scilicet: a. parietalis unica in medio convexitatis penultimi; 4. colu- mellares duæ (quarum supera validior, infera remota, parum conspicua) parallelæ ac in columella usque ad apicem ascen- dentes; — peristomate obtuso, crassulo, vix dilatato, continuo, ac leviter (e penultimo) soluto. Haut., 50-55 millim. ; diam., 11-12 millim. (1) « Voici cette description : Testa sinistrorsa, cylindrico-lurriia, longi- tudinaliter et tenuissime striata; anfract. T. — Long. 45 millim. » (2) Étude Coq. foss. marn. plioc. Montp., 1873, p. 11. 64 J. R. BOURGUIGNAT. MILNE-EDWARDSIA BARRERI. Couche des calcaires compactes de Sansan (Gers). Testa sinistrorsa, subrimata, fusiformi ac subcylindrico ventricosa, regulariter valideque striata ac in ultimo prope aperturam costulata; — spira fusiformi, acuminata, sæpius truncata ; apice obtuso et lævigato; — anfractibus 14 (sæpius 9 propter truncaturam), convexiuseulis, lente crescentibus, sutura fimbriata, fere lineari ac bene distincta separatis: ultimo vix maJore, convexo, subtus rotundato ac prope rimam subangulato; — apertura obliqua, ovato-piriformi, tribus lamellis munita, scilicet : 4. parietalis unica in medio con- vexitatis penultini; D. columellares duæ, æquales, parallelæ, in columella usque ad apicem ascendentes; — peristomate obtusiusculo, crassulo, vix dilatato, continuo ac soluto. Haut., 45-50 mil. ; diam., 10-11 millim. Cette espèce, que je me fais un. plaisir de dédier à madame Édouard Lartet, née Barrère, se distingue de la Larteli par sa taille plus petite; par son test plus fortement strié, notamment sur le dernier tour et vers la suture (puisque celle-c1 est den- telée) ; par sa forme renflée à sa partie médiane (fusiforme), et non conique turriculée, comme la Lartelr; par ses tours non plans, mais un peu convexes ; par son accroissement plus lent, par son dernier tour convexe, subanguleux vers la fente ombi- licale; par son ouverture plus oblique et moins large; par ses deux plis columellaires égaux, également visibles (chez la Larteti, le ph columellaire inférieur est plus rentrant) ; par son péristome un tant soit peu moins épais et moins encrassé, etc. Quant aux Bulimus lævo-lonqus (Boubée), subcylindricus (Matheron), etc. que dans le premier moment j'avais cru des Milne-Edwardsia, j'ai pu acquérir la certitude, par suite d'une étude approfondie, que ces espèces ne pouvaient rentrer dans ce genre eLencore moins dans celui des Bulimus. Aussi ai-je ARTICLE N° 2. CLAUSILIES DE FRANCE VIVANTES ET FOSSILES. 69 créé pour ces fossiles une nouvelle coupe générique, sous le nom de FiLHoziA (1), en l'honneur de nos amis MM. E. Filhol, directeur de l’École de médecine de Toulouse. et Henri Filhol fils, le savant explorateur de l’île Campbell et de la Nouvelle- Zélarde. NOTE COMPLÉMENTAIRE. Depuis l’époque où j'ai composé cette Histoire des Clausilies françaises, jusqu'à celle où je revois la dernière épreuve, 1l a été signalé plusieurs espèces nouvelles et diverses indications inté- ressantes de localités. Je crois nécessaire de faire connaitre ces espèces et ces Indi- cations, pour rendre aussi complet que possible ce mémoire sur les Glausilies de notre pays. Ainsi : 1° La Clausilia hispanica, décrite en juillet 1876 (p. 26), dans mes Species novissine Molluscorum in Europæo systemati delectæw, a été découverte dernièrement dans les Pyrénées- Orientales, aux environs de Prats-de-Mollo. 2 Notre ami le conseiller Letourneux vient de sionaler (Catal. Moll. des environs de Lamalou, in Rev. et Mag. 20ol., 1877) une forme nouvelle, sous l'appellation de Clausilin la- malouensis. Gelte même espèce a été retrouvée tout récemment par M. Pons d'Hauterive aux environs d'Estaing (Aveyron). Seulement les échantillons d'Estaing sont un peu moins forte- ment striés que ceux de Lamalou. 3° M. Paul Fagot, de Villefranche, a décrit (Cat. Moll. petites Pyrénées de la Haute-Garonne, 1877, p. 11), une Clausilie sous le nom d’Andreana. Gelte espèce, qui vit à Martres (Haute- Garonne), est identique à la variété minor de ma Clausilia Saint-Simonis. 4° La Clausilia laminata, inconnue des Pyrénées, a été (1) Sous presse, la Monographie du nouveau genre Filholia, in-8°, avec une planche. 66 | J. R. BOURGUIGNAT. découverte dans cette chaine de montagnes : 1° par MM. Fagot et Nansouty (Moll. Hautes-Pyrénées, 1875, p. 15), aux envi- rons de Bigorre, à la région moyenne (1500 à 1500 mètres d’alt.) des Hêtres; 2 par M. de Saint-Simon (Moll. Pyrénées de la Haute-Gar., 1875, p. 15), ainsi que par M. P. Fagot (Cat. Mol. petites Pyr., 1877, p. 10), à la montagne de Cagire. 9° La Clausilia nana de Kuster, signalée à Montpezat dans la Haute-Garonne, par M. P. Fagot (Cat. Moll. petites Pyrén., 1877, p.12), n’est pas la nana de Kuster, mais bien la parvula de Studer, espèce que Je ne connaissais pas des Pyrénées. 6° La Clausilia micratracta de la Grande-Chartreuse, décrite dans ce mémoire, vient d’être découverte par M. Pons d'Hau- terive aux environs d'Estaing, dans l'Aveyron. 7° Enfin, M. P. Fagot (Moll. rég. Toulouse, 1875, p. 19) a mentionné à la Clausilia nigricans une variété spéciale à la région pyrénéenne, sous le nom de var. meridionalis. ARTICLE N° 9. MÉMOIRE SUR L'EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES Par M. Jules BARROIS. Le but de ce travail est de donner d’une manière aussi com- plète que possible la série régulière du développement normal du groupe des Némertes. Jusqu'ici lembryologie des différents types est loin d’avoir mené à des résultats concordants : les seules analogies qu’on à pu découvrir entre eux concernent de vagues rapports de formes larvaires que personne n’a encore cherché à contrôler par létude suivie des phénomènes internes; il est indispensable, avant de songer à établir en détail la marche régulière de Pembryogénie, de soumettre au contrôle d'observations nouvelles la réalité du lien théorique établi jus- qu'ici entre les différentes formes, afin de le détruire, ou de lui donner une base plus certaine, d’après la connaissance des phénomènes internes. Gette étude constituera la première partie du travail, la recherche du eyele embryonnaire. La marche générale une fois bien connue, il devient générale- ment facile d'en déduire tout de suite la série complète du déve- loppement. Mais chez les Némertes nous rencontrons encore une difficulté : la structure du Némerte, telle que nous arri- vons à l’établir par lembryogénie, s'écarte en plusieurs points essentiels de Porganisation admise chez Padulte ; il est indis- pensable, avant de rien conclure, d'étudier en détail ces parties discordantes. C'est ce qui nous oblige à ajouter au travail une seconde partie : l’étude du plan de structure du Némerte adulte. Dans cette partie nous détermimons avec plus de soin les points d'organisation dont Pembryogénie nous a révélé l’importance, D] ANN. SC. NAT., SEPTEMBRE 1871. VI. 11. — ART. N° 3. 9 J. BARROIS. et nous réduisons, par la comparaison des formes principales, l'organisme tout entier à un type idéal plus simple, facile- ment comparable avec les embryons. Ce n’est qu’à la suite de ces deux parties : 4° cyele embryon- naire ; 2 plan de structure, que nous nous occupons d'établir la série complète d’embryogénie avec les conclusions qui en sont la suite. Chacune des deux parties précédemment mdi- quées comprend, outre les conclusions’ partielles spéciales à chacune d'elles, la première, l’étude des types d’embryogénie : 4° Pilidium et type de Desor; ® développement direct et Planule ; la seconde : 1° l'étude de la paroi du corps, et 2° celle des cavités internes. À la première nous avons ajouté un his- torique des travaux relatifs à l’embryogémie. Mes recherches ont eu lieu sur les côtes de la Manche : à Roscoff, Wimereux et Saint-Waast; j'ai été guidé dans cette dermière localité par les beaux travaux de MM. de Quatrefages et Milne Edwards : ce dernier surtout n'a donné, pour l'exploration de la localité, d'excellents conseils qui m'y ont été d’un précieux secours. PREMIÈRE PARTIE. DU CYCLE EMBRYONNAIRE. HISTORIQUE. BIBLIOGRAPHIE. 1847. — J. MüLLer, Archiv. für Anat. und Physiol., p. 159, pl. 7. 1848. — DEsoR, Archiv. für Anat. und Physiol., p. 511, ou Boston Journal of Nattnst vol VEND le 1851. — Buscx, Beobachtungen über Anat. und Entwickel. wirbelloser Thiere. 1851. — Max SCHULTZE, Beiträge zur Naturgeschichte der Turbellarien, p. 60, pl. 6. 1853. — Max SCHULTZE, Zeitschrift für wissensch. Zoologie, vol. IV, p. 179. 1854. — GEGENPAUR, Zeitschrift für wissensch. Zoologie, voi. V, p. 345. 4854. — 3. MuLLER, Archiv. für Anat. und Physiol., p. 75-78, pl. 4. 1858. — KrouN, Archiv. für Anat. und Physiol., p. 293. 1858. — LEuckaRT et PAGENSTECHER, Archiv. für Anat. und Physiol. 1861. — VAN BENEDEN, Mém. Acad. de Belgique, t. XXXIL. 1862. — KEFERSTEIN, Zeitschrift für wissensch. Zoologie, t, XXII, fascicule 1. ARTICLE N° à. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 3 1863. — CLAPAREDE, Beobachtungen über Anatomie und Entwickel. wirbelloser Thiere. 1870. — UryanIN, Reischnetschnie (Turbellaria) Sevastopoliskoï bouxti (Moscou). 1870. — METSCHNIKOFF, Mém. Acad. de Saint-Pétersbourg, 7° série, t. XIV. 1873. —— Rurscurt, Archiv. für Naturgeschichte, 39° année, 3e livraison. 1873-74. — Mac-INrosx, Ray Society. 1874. — MaRION, Annales des sciences naturelles, 5° série, t. XVII, et Hautes Études, AD. CE 1874. — Dreck, Jenaïsche Zeitschrift, vol. VII, p. 500. 1874. — HuprecHT, Aanteekeningen over de Anat. Hist. und Ontwickkelings- geschiedenis van eenige Nemertinen. Je renvoie au début de l'étude de chacune des formes, pour l'examen détaillé des opimons des auteurs sur les faits détaillés du développement; je me bornerat ici à jeter un coup d'œil d'ensemble sur les divers travaux, en résumant à la fin l’état _ actuel des connaissances à ce sujet. J. Müller, 1847. — Le fait le plus ancien que l’on puisse trouver sur le sujet qui nous occupe est la découverte du Pilidium : ce fut J. Müller qui en donna le premier une des- cription. Il reconnut très-bien sa nature de larve et en fit con- naître la structure exacte; mais son travail, ne déterminant pas les relations de cette forme, ne touche en réalité que d’une manière indirecte au développement du groupe des Némertes. Peu après, Siebold (1) émettait l'opinion que le Pilidium n’était qu’une larve d'Échinoderme. Desor, 1848. — Les premières notions positives nous sont donc fournies seulement par le travail de Desor sur l’embryo- génie du Borlasia obscura. D’après cet auteur, la segmenta- tion donne naissance à une Morula; on voit ensuite apparaître dans cette Morula deux, puis trois zones concentriques; au bout d’un mois, la plus externe de ces zones tombe et met en liberté un jeune Némerte composé essentiellement des deux zones internes. Desor commet de fortes erreurs, rectifiées plus tard par Max Schultze, sur la correspondance des organes lar- vares avec ceux de l’adulte, mais sa description se distingue de celles de ses successeurs par un fait essentiel dont on doit lui (1) Compte rendu des travaux de 1847, dans Archiv für Naturgeschichte, 1850, t. IE, p. 407. k 3. BARROIS. savoir gré, la description de la formation du Némerte à la suite de l'apparition des trois zones concentriques. Busch, 1854. — T1 cherche à reconnaître la nature des Pil1- dium : il voit ces larves perdre leurs appendices et se concentrer en une sphère irrégulièrement ciliée, dans laquelle les organes internes sont en dégénérescence. La présence, peu après la dis- parition de ces sphères, de larves d’Échinodermes dans le même bocal, suggéra de nouveau à Busch (quoique d’une manière très-dubitative) l’idée d’un rapprochement du Pihidium au groupe des Échinodermes. À côté de cette tentative infructueuse basée tout entière sur des stades anormaux, le travail de Busch contient certains faits utiles à la science, par exemple : 1° la découverte (à tort attri- buée à Müller) des plaques discoides du Pihidium qu'il désigne sous le nom de okrformige Kürper, et 2 la description de lAlar- dus caudatus trouvé en même temps que le Pélidium, et dont 1l figure les organes latéraux et la queue segmentée. Max Schultze, 1851 (Tetrastemma obscurum). — Ne com- mence sa description que sur de jeunes Némertes déjà tout formés, qu'il décrit avec soin en étudiant surtout la formation des stylets. — Malgré l'absence complète des stades antérieurs, Max Schultze reconnait que le développement est sans métua- morphose, et l’oppose comme mode plus simple au développe- ment décrit par Desor. 1853, Nemertes olivacea. — À propos de cette espèce, 1l confirme la description donnée par Desor pour le B.obscuru, et ramène le mode à la métamorphose : le développement consiste, d'après lui, dans le développement d'embryons ciliés très-peu contractiles d’où sort à un moment donné un animal très-mobile qui possède tous les caractères d’un jeune Némertien. Cest, dit-il, « un mode particulier de métamorphose dont le premier anneau, la larve, ne dépasse pas le type embryonnaire. » Max Schultze établit mieux que son devancier les relations entre les parties du jeune Némerte et celles de Padulte ; mais il a le tort de ne voir dans les zones concentriques que lindi- cation des différents organes du jeune Némerte. « Je n'ai, dit-il, ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. ) » Jamais pu envisager de la même façon que Desor l’ensemble » des diverses couches concentriques dessinées par lui; je ne » puis voir dans leur alternance qu'une indication de la for- » mation des organes internes. » Plus haut, ilrapporte la couche moyenne aux cordons nerveux; la partie interne, plus sombre, au tube digestif, le reste à la peau. Le développement n’est donc, selon lui, qu'une apparition directe et sur place des diffé- rents organes. Gegenbaur, 1854. — Reconnait pour Le Pilidium la nature anormale des stades décrits par Busch, et met sur la voie du développement véritable par la description de deux Pilidium assez avancés, chez lesquels les cils s'étaient disposés en une frange cihaire comparable à celle des auriculaires. Ges Pilidium contenaient un Jeune Némerte imcomplétement formé, mais déjà reconnaissable. Gegenbaur se demande d’abord si cet animal inclus n’est pas un parasite, mais il finit par répondre d’une manière négative et le considère comme un animal de seconde génération greffé sur le premier. J. Müller, 1854. — Donne connaissance d’une lettre écrite par Krohn en 1851, et dans laquelle cet observateur déelare que lamas obscur situé autour de la bouche du Pilidium, et décrit par Müller dès 1847 comme n'étant qu'un simple épais- sissement labial (Wulst, der den Eingang in die Mundhohle umgiebl), représente en réalité un jeune Turbellarié en voie de formation qu'il suppose produit par génération alternante aux dépens du Pilidium. Müller fait ensuite suivre cette importante citation par trois observations qui la confirment et l’étendent. 1° Il annonce avoir souvent trouvé en 1851 ,avec Max Müller, de semblables Turbellariés dans l’intérieur du Pilidium et il en donne plusieurs figures. 2 L'étude plus attentive de ces Turbellariés lui a montré qu'ils se rapportaient au groupe des Némertes, et devaient être identifiés à lAlardus caudatus décrit par Busch en 1851. 3° L'examen des caractères de cette dernière espèce permet de la considérer comme une forme jeune du genre Wicrura d'Ehrenberg. 6 J. BARROIS Ainsi se trouvaient établies les relations complètes du Pi/h- dium ; mais, ajoute Müller, 1l importe, avant d'adopter la série ainsi établie, de bien en démontrer le point de départ, à savoir : que le Némerte est le produit du bourgeonnement du Pilidium Cette dernière assertion est encore douteuse ; 1l rappelle à ce sujet l’objection de parasitisme, et décrit à cette occasion, comme constituant un phénomène de développement étranger au Némerte, le nombre et la disposition exacte de ses quatre disques. Krohn, 1858. — 11 combat les derniers scrupules de Müller en faisant remarquer l'absence complète d'ouvertures pour l'introduction du parasite dans la cavité générale ; il signale de plus entre le Pilidium et le jeune Némerte la présence de con- nexions intimes ; fait remarquer, en troisième lieu, la grande concordance qui subsiste au sujet du cycle d’alternance entre le Pilidiumn et le type de Desor. Cette dernière observation est le point de départ de la réunion des différents types par le lien d’alternance. Max Schultze avait cru devoir rapporter le type de Desor, au point de vue de l’ensemble des phénomènes Imternes, au développement simple constaté par lui chez le Tetrastemma (développement direct); l’observation de Krohn montre que, d’un autre côté, la succession des formes embryonnaires est la même que celle du Pilidium. La déduction légitime à tirer de ces faits est d'admettre que le type de Desor est un intermé- diaire voisin des formes simples (Tetrastemma) par les phéno- mènes internes, et des formes complexes (Pilidium) par la suc- cession des formes externes. On en vient donc à établir entre les trois types la série suivante : Développement direct. | Type de Desor. | Pilidium. exprimant une simplification graduelle du cycle d’alternance du Pilidium au développement direct. Leuchkürt et Pagenstecher, 1858. — Retracent le processus ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 7 complet de formation du Némerte à l'intérieur du Pélidium et nous font connaître ces faits importants : 1° que l’évolution du Némerte à l'intérieur du Pilidium consiste, dans son ensemble, dans l’enveloppement du tube digestif par une plaque ventrale entourant la bouche; et 2° que c’est l’ensemble constitué par cette peau de seconde formation avec l'intestin du Pélidium qui constitue entièrement le jeune Némertien. Ces auteurs décrivent le développement d’une manière complète et nous donnent de bons renseignements sur la formation des différents organes (trompe, organes latéraux, système nerveux, etc.) ; ils signalent aussi la présence de l’amnios, mais sans rien pouvoir dire de sa formation. Le fait que le tube digestif du Pilidium passe au jeune Némerte les empêche d'adopter d’une manière complète les idées de Krohn sur l'alternance : ils aiment mieux voir dans ce mode d’embryogénie un phénomène mixte Intermédiare entre l'alternance et la métamorphose, quoique plus voisin de cette dernière et comparable à ce qui existe chez les Échino- dermes. En ce qui concerne l’origine de la plaque ventrale, ces auteurs restent muets; ils semblent la considérer comme déri- vant de deux espèces de bandes embryonnaires et paraissent n'avoir pas bien vu les deux paires de disques. Van Beneden, ASG4, Polia involuta. — Jusqu'en 1861 le Pilidium était la seule larve connue des Némertes; à cette époque, Van Beneden fit la découverte d’une nouvelle larve en forme de Planule et munie à son extrémité d’un plumet de cils. Cette découverte modifia encore la théorie du développe- ment. Van Beneden s’en $ert pour insister de nouveau sur Île cycle d’alternance ; il généralise la série admise par ses prédé- cesseurs, et admet que le développement consiste essentielle- ment dans l’évolution successive de deux formes distinctes : la larve et l'adulte, qui représentent, la première le Scolex, la se- conde le Proglottis. La Planula du Polia involuta représen- tait ainsi le cycle complet, mais avec une simplification de structure du Scoleæ. Get état de Scolex libre, mais moins com- pliqué que le Pilidium, se réunit ainsi au type de Desor (Scolex resté à l’état embryonnaire) pour former une seconde forme 8 | 3. BARROIS. intermédiaire entre les modes extrèmes (Pilidinm et développe- ment direct). À l'appui de cette idée, Van Beneden décrit chez son Polia une chute de la peau comparable à celle du type de Desor; ce dernier point, nié par Mac-[ntosh, est plus que con- testable. | Les phénomènes du développement interne du Polia invo- luta semblent être, d’après Van Beneden, un peu plus graduels que dans la description du développement direct donnée par Max Schultze. Après la segmentation, les sphères vitellines se condensent à la périphérie, tandis que la masse vitelline se retire au centre; puis a lieu l’éclosion : le blastoderme se déli- mile ensuite mieux pour former la peau, tandis que la masse vitelline, « qui à cédé toute sa quintessence pour la formation des tissus », se concentre en arrière pour former le tube digestüf. En résumé, la série complète des différents modes serait augmentée, d'après l’auteur belge, d’une forme nouvelle; elle acquiert dès lors la disposition suivante : Développement direct. TR." Type de Desor. Planula. | Pilidium. Le développement de la nouvelle forme (Planula) consis- terait surtout dans une séparation en portion interne et couche périphérique, la première donnant naissance au tube digestif, la seconde à la peau. Nemertes communis. — Le même auteur dit aussi quelques mots du développement de cette espèce (identique au Nemertes olivacea) ; mais ce qu'il dit à ce sujet mérite peu d'attention : il se borne à signaler la transformation du vitellus en embryon cilié, sans y insister d’une autre manière. Sa description est bonne tout au plus à confirmer l’idée émise par Max Schultze de la simplicité du développement du type de Desor. Keferstein, 1862, Prosoochmus Claparedii. — Claparède, 1863, id. — Uljanin, 1870, Borlasia vivipara, Polia aurita. — Nous donnent, surtout le premier, de bonnes descriptions du ARTICLE N° 9. * EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 9 Némerte récemment éclos, mais possédant déjà tous les carac- tères qui distinguent l'adulte; bien que faites avec soin, ces observations, commencées trop tard, ne nous apprennent rien en ce qui concerne les phénomènes de développement, et nous n’avons pas à nous en occuper plus longtemps. Seul, Claparède décrit des états moins âgés rencontrés dans la cavité du corps du Prosorochinus. La segmentation est totale et régulière, et donne directement naissance, après la Morula, à un jeune Némerte déjà tout formé. Bien que cette description soit très- superficielle, elle n’en constitue pas moins une confirmation importante du fait déjà entrevu par Max Schultze, de l'extrême simplicité de l’embryogénie dans le développement direct. Claparède est le premier qui semble avoir suivi, dans ce mode de développement, la série complète, et qui lait rapportée à la différenciation de la Morula. | Metschnikoff, 1870. — 1. Pilidiumn. — Décrit la formation du Pilidium aux dépens de l’œuf et découvre le rôle des dis- ques de Müller; il suit leur formation par invagination de l’exoderme de la Gastrula, et leur soudure les uns aux autres pour donner naissance à la plaque ventrale; il découvre aussi l'origine de l’amnios formé par la lame externe des mêmes rudiments, et établit en somme l’ensemble du développement du Pilidium tel qu'on le conçoit encore aujourd’hui. De même que Leuckärt et Pagenstecher, Metschnikoff con- sidère le passage partiel du Pilidium au Némerte adulte comme un rapprochement vers la métamorphose; mais lévo- lution des disques qu'il rapproche ici des bourgeons internes (Brutkapsel des Cestods) constitue, d’après lui, un rapproche- ment important vers l’alternance dont les auteurs allemands n'avaient pu tenir compte. Sans quitter l'opinion de ces deux auteurs sur la nature mixte du phénomène, Metschnikoff le déclare plus voisin de l'alternance; de plus, au lieu de se contenter d’un rapprochement vague avec les Échinodermes, il établit, pour préciser la place qu'il lui assigne, le tableau suivant, qui explique, selon lui, le passage graduel de la méta- morphose à l’alternance : 10 J. RBARROIS. / 1. Transformation totale de la larve en adulte. Auriculañres. , \ 2. Destruction des organes de natation...... Pluteus. Métamorphose. à - AE E Destruction de toute une partie de la peau. ÆEchinides. 4. Destruction de la peau entière........... Pilidium. Alternance : 5. Destruction de l'organisme larvaire entier. Cestodes. Il demeure donc acquis que l’auteur russe voit dans les quatre disques des bourgeons internes, et s’en sert pour rap- procher le Pilidium plus de l'alternance que ne l’avaient fait Leuckärt et Pagenstecher. 2. Planula. — À ces belles études sur le Pilidium Metschni- koff ajoute quelques mots sur le développement de la Planula. Sa description, faite d’après un Tefrastemina mdéterminé, se rapproche assez de celle de Van Beneden; maïs, au lieu d’y avoir « refoulement à la périphérie des sphères vitellines et condensation au centre des éléments nutritifs », il y a strati- fication directe de la Morula en couche externe et masse interne. Metschnikoff n’a pas suivi le développement ultérieur. Butschli, 1876.—-Confirme les descriptions de Metschnikoff sur le rôle des disques et donne d’intéressants détails sur les processus détaillés de formation du Némerte (voyez plus loin). D’après lui comme d’après ses prédécesseurs, le développement consiste essentiellement dans la formation par bourgeonnement interne d’une peau nouvelle destinée à remplacer la peau pri- mitive du Pilidium . Mac-Intosh, 1873-1874 : Lineus Gesserensis, Amphiporus lactifloreus, Nemertes carcinophila, Tetrastemma dorsalis, Cephalothrix linearis. — I étudie tous les types, excepté le Pilidium ; nous allons voir ses conclusions sur chacun d'eux. 1. Développement direct. — N donne de très-bonnes figures du développement, qui peuvent être d’une grande utilité pour montrer les différents aspects de différenciation de la Morula ; les phénomènes sont retracés d’une manière infiniment plus détaillée, très-supérieure à celle de ses prédécesseurs, mais la conception du développement reste cependant la même : après les premières divisions, les sphères glissent les unes sur les autres de manière à donner naissance à une masse solide qui se différencie. ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 11 2. Type de Desor. — Après la Morula, semblable à celle du développement direct, s'écoule un long espace de temps pen- dant lequel Mac-Intosh ne décrit aucun phénomène; cette période se termine par la chute de la peau et la sortie du jeune Némerte. D’après sa description, le type de Desor se rapporte entièrement, pour les phénomènes internes, à la différenciation de la Morula. : 3. Planula. — S’écarte un peu de Van Beneden et de Metschnikoff par la ressemblance plus grande qu’il semble admettre entre ce mode d’embryogénie et le développement direct : beaucoup de ces larves ciliées ne différeraient que peu, d'après ses figures, de la Worula (Tetrastemima dorsalis, Cepha- lothrix linearis), et la différenciation de ces Morula en Némertes adultes se ferait tout à fait de la même manière que dans le développement direct. Quelques-unes de ses figures semblent - aussi indiquer, comme dans les descriptions de Metschnikoff et Van Beneden, une division avant l'apparition des autres parties, en couche externe (cutaneous texture), et portion interne (opaque, granular matter) ; mais ces deux parties constituent beaucoup moins, d’après ses figures, des couches bien dis- ünctes dont on puisse suivre l’évolution séparée, que des alter- nances de coloration dues à la marche même de la différen- ciation. Le peu de développement du texte sur ce sujet rend fort difficile appréciation exacte des idées de l’auteur; néanmoins il me semble ressortir clairement de ses descriptions et de ses dessins, que l’embryogénie est fondamentalement la même que celle du développement direct : la seule différence est que la différenciation histologique, au lieu de s'effectuer simultané- ment dans toute la masse, peut commencer par laisser appa- raître d’une manière plus distincte d’abord la peau externe, puis le tube digestif. En somme, la conclusion du travail de Mac-Intosh est de ramener trois types d’embryogénie au type schématique simple de différenciation de la Morula. Ce développement simple paraît être la règle chez les Némertiens, et le Pilidium est un cas exceptionnel sans autre exemple dans le groupe ; les gradua- 10 J. BARROIS. tions successives que l’on a établies entre les différentes formes embryonnaires ne se retrouvent donc plus en ce’ qui concerne les phénomènes internes, mais les trois derniers types se ramè- nent à un seul, tandis que le Pilidium demeure isolé. Marion, 1874. — Donne une bonne figure d’un jeune Né- merte éclos du Borlasia Keferstenii. Dieck, 1874, Cephalothrix Galateæ. — Décrit la Planula et donne une embryogénie complète de cette espèce ; sa deserip- tion ressemble beaucoup à celle de Van Beneden : les cellules de la Worula vont former à la surface une couche continue, tandis qu’il reste au centre une masse plus obscure qui se con- centre en arrière pour former l'intestin. La larve éclôt à cette période, et acquiert graduellement la structure complète d’un Némerte adulte. La couche périphérique donne naissance à la peau. Dieck signale aussi une chute de la peau, mais sans autres . preuves n1 meilleures figures que Van Beneden pour le Polia ; il termine en donnant une phylogénie qui n’est que la répé- htion, sous une forme plus neuve, du cycle établi par Van Beneden (1). Un fait imtéressant annoncé dans ce travail mérite cependant une mention spéciale : c’est la présence, à un stade de la Morula, d’une dépression profonde rappelant l’invagination du tube digestif du Pilidium. Hubrecht. — Get état de Morula portant en un de ses points une dépression profonde est une indication de la forme Gas- (1) Dieck ne paraît pas avoir eu connaissance du travail de l’auteur belge. Sa phylogénie ne diffère de celle de ce dernier que par l'intervention d’un caractère nouveau, la présence ou l'absence de cavité du corps ; mais je ne puis ajouter foi à ce caractère, car l'absence de cavité du corps, très-douteuse aujourd’hui mème chez les Turbellariés les plus inférieurs, n'existe certes jamais chez aucun Némertien. Je dois de plus prémunir ici contre une erreur qui pourrait, si elle était propagée, jeter dans ce sujet une grande confusion : Dieck place le Pilidium parmi les Enopla. Or, il est depuis longtemps parfaite- ment prouvé que cette forme larvaire est exclusive aux Anopla. Cela résulte des observations de J. Müller, Metschnikoff, et même Leuckärt et Pagenstecher, car le mot Borlasie dont se servent ces derniers désignait, à l’époque où ils l’em- ployaient, un type d’Anopla et non d'Enopla. ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 13 trula. Hubrecht la retrouvé la même année chez une forme voisine du Borlasia olhivaceu; mais ni lui ni Dieck ne sui- vent le rôle de cette Gastrula dans l’embryogéuie, et les ren- seignements sur sa structure exacte font Lout à fait défaut dans leurs descriptions. Pour Dieck, elle constitue un stade transi- toire, dernier reste de l’état de Pélidèum, mais n’a pas d’in- fluence sur la marche générale du développement. Hubrecht (dont la Gastrula me semble, comme on le verra plus tard, devoir se rapporter au Pilidium) ne l’a pas suivi au delà. RésuuEé. — 1. Polidéun (J. Müller, 1847). — Déterminé, à la suite des travaux de J. Müller (1847-1854), Busch (1851), Gegenbaur (1854 et Krohn (1858), comme forme larvaire du oroupe des Némertes, il est étudié, au point de vue des phéno- mènes internes, par Leuekärtet Pagenstecher (1858), Metschni- koff (1870) et Butschli (1873), qui découvrent les phénomènes complexes du développement et le ramènent à la formation par bourgeonnement interne d’une peau nouvelle destinée à remplacer la peau du Scolex. Le cycle général est, après dis- cussion, rapporté à l'alternance. | 2. Type de Desor.— Desor (1848) fait connaitre la chute de la peau et décrit la présence de trois zones concentriques. — Max Schultze (1853) ramène le développement interne à la for. mation directe du Némerte par différenciation de la Morula. — Krohn (1858) fait remarquer lanalogie des phénomènes ex- ternes avec ceux du Pilidiun.— Nan Beneden (1861) et Mac- Intosh (1873) confirment l’assertion de Max Schultze sur la simplicité du développement interne. 3. Développement direct (Max Schultze, 1891). — Décrit par Max Schultze, et ensuite (1863) plus complétement par Claparède comme consistant dans la différenciation directe de la Morula. — En 1862, 1870 et 1874, description d'embryons par Kefer- stein, Uljanin et Marion. — En 1874, étude détaullée du déve- loppement par Mac-Intosh, qui confirme sa grande simplicité et donne de bons dessins des aspects graduels de différenciation de la Morula. Les rapports établis, d’une part par Max Schultze entre le développement simple et les phénomènes internes du 14 À 3. BARROIS. type de Desor, de l’autre entre les formes embryonnaires de ce dernier type et le Pilidium, permettent de considérer le type de Desor comme un intermédiaire auquel s’ajoutera bientôt la Planula (Nan Beneden), de manière à former la série suivante basée sur l’alternance : Développement direct. Type de Desor. | Pilidium (1). Planula. 4. Planula (Nan Beneden, 1861). — Regardée par Van Be- neden (1861), et plus récemment par Dieck (1874), comme constituant un Scolex (Pilidium) simplifié, qu'ils placent à côté du type de Desor, entre les deux modes extrêmes. Pour les phénomènes internes, Metschnikoff (1570) voit une stratification directe de la Morula en deux portions concen- triques dont il ne suit pas l’évolution ultérieure. Van Beneden et Dieck décrivent une différenciation en couche périphérique qui devient la peau, et en masse Interne qui se concentre en arrière pour former l’intestin. Bien que différant un peu pour la forme, leur description ne s'éloigne, en réalité, en rien de la différenciation directe de la Morula. Mac-Intosh, qui parait avoir mieux suivi les couches musculaires, la ramène com- plétement à ce mode si simple. | 5. Enfin, des Gastrula ont été signalées, mais dans des con- (1) Ce cycle, qui fait du Pilidium la forme primitive du groupe des Némertes, a donné lieu à diverses tentatives de comparaison avec les groupes voisins : l’une des plus remarquables est celle de Schneider (Untersuchungen über Plathelminthen, 1873). Cet auteur compare le Pilidium à une Planaire adulte ; il s'appuie, pour cela, sur la disposition de la trompe de ces animaux. D’après lui, la peau d’une Planaire adulte (1), la peau qui tapisse le vestibule qui con- tient la trompe (2), le feuillet externe de la trompe (3), enfin son feuillet interne avec l'intestin (4), sont respectivement homologues à la peau du Pülidium (1), à l’amnios (2), à la couche des disques (3) et à l'intestin (4). On s’est servi aussi de la ressemblance du Pilidium avec les larves d’Échinodermes, de Bala- noglossus et de certains Annélides pour conclure à un rapprochement direct entre ces groupes ; on à aussi souvent comparé la Planula aux larves d’Anné- lides. Nous reviendrons plus tard sur ces rapprochements, ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 15 ditions encore trop imparfaites, pour permettre de rien conclure de nouveau. Un fait à remarquer dans ces divers travaux, c’est l’absence complète, dans les trois derniers modes, de tout phénomène interne autre qu'une simple différenciation de la Morula. On à bien cherché, Desor pour le Borlasia obscura, Van Beneden et Dieck pour la Planula, à trouver une marche plus graduelle ; ils y ont décrit la présence de zones successives, au lieu d’une différenciation brusque de tout Pensemble. Mais, outre que le mode qu'ils tendent à établir fait encore partie de la différen- ciation de la Morula, ces zones délimitées par eux d’une ma- mère trop vague ont été attribuées par tous les autres auteurs à des différences de coloration produites par la différenciation de la peau, de lintestin et des cordons nerveux, ce qui identifie ce processus à celui de la différenciation immédiate des organes. Cette présence exclusive chez les trois derniers types, d’un développement extrêmement simple, par différenciation directe de la Morula, ne peut se concilier avec la série si complexe des phénomènes internes du Pilidium. Ge dernier paraît donc une forme toute spéciale égarée au milieu d’un mode général d’une orande simplicité, et qui ne peut offrir avec les autres! types aucun élément de comparaison. Le lien sériaire si bien établi entre les quatre formes sur la seule inspection des phénomènes externes ne peut se soutenir du moment que l’on passe aux phé- nomènes Internes ; à côté du cycle basé sur le lien d’alternance et exprimé par la série Développement direct. —————““— "1 I Type de Desor. Planula. | Pilidium. on se trouve obligé d'admettre un mode de développement général extrèmement simple basé sur la différenciation directe de la Morula et comprenant les trois dernières formes; tandis qu’au contraire le Pifidiun demeure isolé, présentant une série anormale de phénomènes complexes et formant, au milieu d’un 16 J. BARROIS. cycle général très-simple, un cas aberrant comparable aux formes les plus différenciées. Tel était l’état de la question quand je fis paraître, en 1874, une communication à l’Académie, dans laquelle je décrivais un intermédiaire entre ces deux modes : J’annonçai que le type de Desor, regardé jusqu'ici comme faisant partie du mode le plus simple, n'avait été placé dans cette division que par suite de l'insuffisance des observations, et qu'il présentait, bien que sous une forme plus simple, les mêmes phénomènes de déve- loppement interne que le Pilidium (évolution des disques, ete.). Cette découverte des phénomènes internes restreints jusque-là au Pilidium, chez un type rangé dans le cas ordinaire de diffé- renclation de la Worula, montrait la possibilité de la réunion entre les deux, et faisait par cela mème disparaitre en partie l’aspect anormal du Pilidium. Néanmoins cette réunion n’était encore, par ce fait, que très-grossièrement indiquée, et le déve- loppement demeurait encore scndé en deux divisions bien tran- chées : 1° les tvpes à phénomènes internes plus complexes (Pilidium, type de Desor) ; 2 les types chez lesquels la simpli- cité demeurait constante (développement direct, Planula). Reste à étudier avec plus de détail ces deux divisions, de façon à tâcher d'arriver à une réunion plus complète : e’est ce que nous allons essayer de faire. PILIDIUM ET TYPE DE DESOR. 1. PiLipiun. 1848 à 1858, J. Müller, Busch, Gegenbaur, Krohn. 1858, Leuckärt et Pagenstecher. 1870, Metschnikoff. 1873, Butschli. Avant d'entreprendre nos descriptions, nous devons étudier plusieurs points spéciaux pour lesquels les auteurs sont en désaccord, et dont nous n'avons pu parler dans lPhistorique général. Ainsi que nous l'avons dit dans ce qui précède, les recherches ARTICLE N° 9, EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 17 jusqu’à l’année 1858 apprirent très-peu de chose sur le déve- loppement interne du Polidium ; cependant, dès l’année 1854, Busch avait signalé les corps vésiculaires (ohrformige Kürper) désignés plus tard sous le nom de disques (Napfen), et dont J. Müller fit connaitre avec soi, en 1854, le nombre et la dis- position exacte. Le rôle de ces rudiments demeura meconnu pendant longtemps encore, et ce fut Metschnikoff qui découvrit leur rèle dans la formation de la peau. Leuchürt et Pagenstecher (1). — Ils prennent pour point de départ de leurs observations un stade dans lequel les rudiments du Némerte ne sont encore représentés que par deux bandes cellulaires (Keimstreifen) situées du côté ventral et placées symétriquement à droite et à gauche de l'intestin : de chaque côté de l’œsophage se trouvaient, au même stade, deux organes ‘vésiculaires qui semblaient dérivés d’un bourgeonnement de ses parois. En suivant le cours du développement, les auteurs virent les deux bandes ventrales se réunir pour constituer une plaque ventrale, et cette dermère, s'étendant graduellement vers le haut en contournant l’intestin, finissait par envelopper les organes internes et former un sac continu qui devenait la peau du Némerte futur; ils suivirent en outre le développe- ment des deux poches situées de chaque côté de l’æsophage et les reconnurent comme les rudiments des organes latéraux ; ils virent se former l’imvagination de la peau qui donne nais- sance à la trompe, et constatèrent la naissance des ganghons nerveux sous forme d’un épaississement de la peau du Némerte à la partie antérieure des organes latéraux; enfin, ils décou- vrirent que tout autour du corps du jeune Némerte se distin- euait, à l’intérieur de la peau du Pilidium, une seconde mem- brane plus mince, destinée à être entraînée avec elle dans la chute, et qui fut désignée sous le nom d’amnios. La série des figures qui accompagnent leur mémoire nous rend parfaitement compte de l’environnement graduel des organes Internes par les deux bandes embryonnaires, et c’est là, sans contredit, le (1) Muller's Archiv, 1858. ANN. SC. NAT., SEPTEMBRE 1877. VI. 12, ——= ART. N° 3. 18 J. BARROIS. résultat le plus important de tout leur travail. Mais quelle est l’origine de ces bandes cellulaires? Là se trouve une lacune que ces deux auteurs n’ont pas pu combler : les plus jeunes exemplaires qu'ils ont pu étudier présentaient, selon eux, une seule paire de rudiments arrondis, qu'ils rapportent aux organes latéraux, dont la naissance serait ainsi antérieure à celle des rudiments de la peau du Némerte. Metschnikoff.—Les recherches de Metschnikoff (1), quivinrent ensuite, furent, comme nous l’a dit l’auteur lui-même, entre- prises dans le but de rechercher Porigine des bandes embryon- naires décrites par Leuckärt et Pagenstecher. Ses recherches, confirmées depuis par celles de Butschli, nous donnent sur la question : une solution complète ; il montra que la plaque ven- trale décrite par les auteurs résultait de la soudure de quatre rudiments, dont il reconnut l'identité avec les plaques discoides vues la première fois par Busch et décrites plus tard avec som par Joh. Müller. On put, à partir de cette découverte impor- tante, considérer le développement du Némerte à l’intérieur du Pilidium comme résultant, dans son ensemble, de l’environne- ment des organes internes par quatre bourgeons nés de la peau du Pilidium, et qui arrivent graduellement à se souder entre eux pour donner naissance à un revêtement continu qui envi- ronne complétement les organes internes. À côté de ce résultat fondamental, Metschnikoff nous fournit aussi quelques ren- seignements d’une importance moindre : il reconnaît que l’am- nios résulte, comme la peau du Némerte, de la confluence des quatre disques ; les vésicules aplaties qui constituent ces dis- ques offrent une paroi interne tournée en dedans, et une paroi externe tournée en dehors. C’est la paroi interne seule qui, par son accroissement, donne naissance à la peau du Némerte; la paroi externe produit, de la même façon, l’amnios. La des- cription de la formation du Pilidium à partir de l’œuf est encore (1) Metschnikoff, Studien über die Entuwrckelung der Echinodermen und Nemertinen (Mémoires de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, T° série, 4870. t. XIV). ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 19 un. résultat dù au même auteur : Metschmikoff démontre, d’après des matériaux fournis par Kowalevsky, que le Pilidium dérive directement du stade Gastrula produit par invagination de la blastosphère. Telle est l’histoire générale du développement du Pilidium ; mais, à côté de ces résultats aujourd’hui incontestés, et qui semblent définitivement acquis à la science, s’en trouvent d’autres qui sont encore douteux, et sur lesquels nous devons nous appesantr avec plus de som. De ce nombre sont surtout deux points très-importants : l’origine de la musculature du Némerte adulte, et le #0de d'évolution des organes latéraux. Ces deux points, auxquels J'accorde, comme on le verra par la suite, une importance fondamentale, ont été étudiés par les auteurs qui précèdent d’une manière incomplète et souvent erronée ; l’analogie, Je dirai presque l’identité, qui existe entre les phénomènes observés par moi chez le Lineus obscurus et le développement du Pilidium me permet, bien que je n’aie pu étudier de Pilidium, de juger ici en connaissance de cause et d'indiquer les vues que je crois les meilleures. 1. Formation des muscles. — D’après Leuckärt et Pagenste- cher, la peau formée par l’accroissement de la plaque ventrale est d’abord composée d’une couche unique et se différencie ensuite en enveloppes musculaire et épithéliale. Metschnikoff parait être d’un avis contraire : cet auteur indique, au com- mencement de l’évolution des quatre disques, une différen- cation de leur paroi interne (celle qui formera la peau du Némerte) en deux couches ou feuillets : une, interne, qui reste plus mince et constituera la paroi musculaire du corps ; l’autre, externe, qui demeure plus épaisse et devient l’épiderme. Plus loin il revient encore sur la même question, et ajoute : « En ce qui concerne la paroi musculaire, Jai pu me convaincre, à diverses reprises, qu’elle dérive directement du feuillet interne des rudiments du jeune Némerte. » Enfin, dans l’énumération finale de ses résultats, 1l revient encore sur le même sujet, et dit : « Die vier aus einem Theïle der Hauteinstülpungen entstan- » denen Scheiben, welche den künftigen Keimstreif repräsen- 20 | 3. BARROIS. »tiren, erschemen aus zwei Blättern zusammengesetzt. Von » diesen bildet das äussere Blatt ausser der Epidermis, noch » das centrale Nervensystem, während das innere, dünnere » Blatt zum Muskelschlauche wird (1). » Il est impossible de se montrer plus affirmatif. Butschli (2) ne trouve jamais la paroi interne des quatre disques composée de deux couches, mais 1! décrit de bonne heure, appliquées contre la paroi épaisse de chacun de ces rudiments, un petit nombre de cellules étoilées de la même espèce que celles qu’on rencontre en grand nombre dans la cavité générale, mais dont 1} n'indique pas la provenance. Pour Butschli comme pour Metschnikoff, cet amas constitue le point de départ de la musculature. Dans la suite du développement, ces amas prennent un accroissement assez considérable, en même temps qu'il s’amasse autour de lintesin des cellules semblables ; la réunion de ces dernières avec celles qui tapissent la face interne des disques constitue, lors de l’environnement complet des organes internes, un feuillet moyen d’où dérive la museculature. En ce qui concerne le fait de la présence à la partie interne des disques de deux feuillets distincts, mes observations s’écartent peu de celles des deux auteurs précédents ; elles se rattachent plutôt, pour le détail, à celles de Metschmikoff. Jai constamment vu, en effet, la paroi interne de ces disques éprouver, chez le Lineus obscurus, un commencement de dégé- nérescence graisseuse qui produit un amas de globules graisseux représentant sans doute le feuillet mterne des auteurs précé- dents. La formation de deux feuillets à la face interne de chacun des disques me semble donc plutôt due à une délamination, comme le dit Metschnikoff, qu'à une accumulation d'éléments étrangers, comme Île dit Butschhi. Néanmoins je dois dire que ces globules graisseux ne restent pas disposés en couche con- (1) Metschnikoff, Mém. Acad. de Suint-Pétersbourg, 1870, p. 57. (2) Butschli, Einige Bemerkungen über Metamorphose des Pilidium (Archiv für Nalurgeschichte, 59% année, 5° livraison, p. 266). ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 21 tinue, mais se disséminent irrégulièrement dans la cavité du COrpS. En ce qui concerne le point sur lequel les deux auteurs pré- cédents semblent se trouver d'accord, la destinée ultérieure de ces deux feuillets, je m'écarte d’une manière beaucoup plus notable ; mon opinion ne se rattache n1 à leur manière de voir, ni aux vues opposées de Leuckärt, Pagenstecher et Desor (Nemertes obscura), d’après lesquels la différenciation en couches ne se ferait qu'après la soudure complète des quatre disques. Je suis convaincu que chacun de ces auteurs n’a vu, en réalité, qu’une moitié des phénomènes ; je les ai tous deux retrouvés successivement chez le Lineus obscurus. ya d’abord, comme le disent les premiers auteurs, séparation de la paroi interne des quatre disques en deux couches distinctes; en- suite, ainsi que le disent les seconds auteurs, différenciation de la couche externe en éléments musculaires et épithéliaux. Cette vue est confirmée, du reste, par lexamen des travaux mêmes de Metschnikoff et Butschli : tous deux, bien que sou- tenant que le feuillet externe ne donne naissance qu’à l’épithé- um, figurent cette couche comme ayant une épaisseur très- considérable. Butschli la figure même, sans rien dire sur ce fait dans le texte, comme divisée, chez le jeune Némerte, en deux couches distinctes, et Metschnikoff déclare que vers la fin de la réunion des quatre disques, « le feuillet externe augmente beaucoup en épaisseur, tandis que linterne n’est plus qu'un amas de cellules arrondies traversé par la trompe ». Ge dernier fait de dégénérescence graisseuse de la couche interne prouve bien l'identité de ce fewllet avec la couche graisseuse (gl, fig. 23, pl. 2) du Laneus obscurus. Nous voyons, par ces espèces de contradictions, que toute la différence tient à une erreur d'interprétation ainsi qu’au peu d'attention qu'ils ont accordé à l'étude du Némerte éclos, plutôt qu’à une différence réelle. Le fait de la présence de trois couches au lieu de deux nous empêche d'ajouter aux deux feuillets de la face interne de chaque disque la même signification que Metschnikoff et Butschli. Des trois couches, c’est la moyenne, celle qui résulte 220 J. BARROIS. de la différenciation de la couche épaisse des disques en élé- ments musculaires, qui est de beaucoup la plus importante ; c’est elle qui constitue la partie essentielle (quoique non la totalité) de la musculature ; en dehors elle est bordée par l’en- veloppe épithéliale, en dedans elle se trouve superposée aux éléments graisseux de la couche interne. Les observations de Butschli sont très-mstructives en ce qui a rapport au rôle des éléments de cette couche interne; elles nous montrent qu'ils sont destinés à former une mince couche musculaire comprise entre la couche importante et le tube digestif, et qui con- stitue très-probablement le réticulum connectif de la cavité du corps. Je conclurai donc en regardant le feuillet interne des disques comme représentant le reticulum connectif dans lequel se développeront plus tard les organes cireulatoires, et le feuillet externe comme représentant l’épithélium, plus le tube muscu- laire de la paroi du corps. La formation des organes latéraux a été suivie avec som par Leuckärt et Pagenstecher; ces auteurs les ont vus naître sous forme de deux vésicules arrondies adhérentes aux parois de l’œsophage et dont la cavité centrale, fortement ciliée, était mise plus tard en communication avec l'extérieur par un canal cilié partant de l’extrémité inférieure des fentes céphaliques. Leuckärt et Pagenstecher nous donnent à ce propos d’excel- lentes figures ; leur description est demeurée la meilleure que nous possédions encore aujourd'hui, mais ils n’indiquent pas comment les organes latéraux se détachent de l’œsophage. Metschnikoff a assisté à la naissance des organes latéraux aux dépens de Pœsophage; 1l les à vus naïtre peu après les quatre disques, sous forme de deux petites vésicules placées symétriquement. Leur destinée ultérieure est décrite de la même manière, mais moins complétement que dans le travail de Leuckärt et Pagenstecher; il indique aussi le canal cilié, mais sans pouvoir dire s’il constitue bien la communication de l'organe latéral avec Pextérieur. Butschli seul à élevé des doutes sur la naissance des organes latéraux aux dépens de lœsophage; mais, comme ces doutes ARTICLE N° 8. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 93 reposent sur de simples aspects, et qu'il avoue lui-même n’avoir pas suivi leur formation, sa manière de voir n’a que peu de valeur contre les assertions précises de ses devanciers. Il arrive du reste, chez certaines espèces, comme je l’ai vu à propos du Lineus obscurus, que les organes latéraux, au lieu de se mettre en communication avec l’extérieur par un long canal cihé, s mettent en communication par un tube court et largement ouvert au dehors : le Pilidium étudié par Butschli semble se rapporter à ce dernier cas; or, dans ces circonstances, on obtient des aspects (voy. fig. 38, pl. 3) qui feraient certainement croire à une formation di l'organe latéral par invagination de la peau. Les doutes de Butschli reposent sur l’observation d’aspects analogues; or on verra plus loin, sur le Lineus obscu- rus, que, dans ce dernier cas, les organes latéraux n’en déri- vent pas moins de lœsophage. Un fait plus intéressant, découvert par Butschli à propos de cette même question, est la présence de deux poches ciliées distinctes des organes latéraux et situées, chez le jeune Némerte, à l’endroit où se trouvait l’æsophage du Pilidium. Ces poches cihées, dont la signification semblait très-obseure, me paraissent analogues à deux taches blanches qui existent, au même stade et à la même place, dans le jeune Némerte du Lineus obscurus, et qui correspondent au point d'insertion des organes latéraux à la paroi de Pœsophage. Chez le Lineus, les organes latéraux restent pendant longtemps en communication avec cet organe par deux courts pédoncules ; à l’époque de la chute de la peau de la larve, l’œsophage est complétement emporté avec cette membrane ; 1} n’en reste que les deux points d'insertion des organes latéraux, qui apparaissent alors comme deux taches blanches : ce sont ces deux taches blanches, seules restes, com- pris à l’intérieur du jeune Némertien, de l’'œsophage primitif, qui vont s’accroitre pour se souder l’un à Pautre et former un épaississement qui devient le point de départ de lœsophage définitif. Chez le Pilidinm, V'œsophage est toujours fortement cilié ; la transparence des tissus rend le mouvement de ces cils très- 94 J. BARROIS. apparents. I n’y a absolument rien d'étonnant que les restes de l’œsophage qui, dans le Lineus, se présentaient sous forme de deux taches blanches, apparaissent ici sous forme de deux poches ciliées. Résumé. — À la suite des observations de Busch, J. Müller, Leuckärt et Pagenstecher, Metschmkoffet Butschli, on estarrivé à savoir d’une manière positive que l’évolution du Poilidiun consistait dans la confluence, autour du tube digestif, de quatre doubles disques nés de l’exoderme, et formant par leur réunion deux membranes concentriques (amnios qui tombe avec la peau du Pilidium et peau du Némerte). En ce qui concerne la formation des différentes parties du jeune Némertien (musculature, organes latéraux, système ner- veux), rien de positif. 1° ORGANES LATÉRAUX. — Leuchürt et Pagenstecher. — D'abord adhérents seulement à l’œsophage, ils se mettent plus tard en communication, par un canal, avec l'extérieur; ces auteurs n’indiquent pas la suite du développement. Metschnikoff. — Ms naissent de lœsophage et se prolongent plus tard en un long canal cilié dirigé vers le dehors, mais dont le parcours n’est pas suivi Jusqu'au bout. Butschli. — Met en doute la naissance aux dépens de lœæso- phage, et décrit à l’éclosion la présence, outre les organes laté- raux, de deux poches ciliées suspendues à l’æsophage. D’après moi, les organes latéraux naissent de l’æsophage, comme le dit Metschmikoff, et se mettent ensuite en relation avec l'extérieur, comme le disent Leuckärt et Pagenstecher. Les poches ciliées décrites par Butschli, de chaque côté de l’œsophage, ne constituent pas des organes spéciaux, mais n'indiquent que les points d'insertion des organes latéraux à à la paroi de lPœsophage. ®% Muscres. — Desor, Leuckürt et Pagenstecher. — La di- vision de la peau du Némerte en couche musculaire et couche épithéliale se fait tard et par simple délamimation en deux couches à l’époque de la destruction du Pilidium. Meischnikoff, Butschli. — La division se fait de bonne heure, ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 95 di très-peu après la naissance des disques ; ces derniers montrent très-tôt leur lame interne composée de deux couches, dont l’externe, plus épaisse, formera l’épithélium, et l’interne, plus mince, la couche musculaire (Hautmuskelschlauch) . Pour Metschnikoff, la couche interne est formée par délami- nation de la lame interne des disques ; elle se compose de cel- lules arrondies graisseuses et disposées en une couche qui passe directement à la couche musculaire. Pour Butschli, elle résulte d’une accumulation irrégulière des corpuscules étoilés de la cavité du corps; 1l se produit des amas analogues de ces cor- puseules le long de l'intestin ; la museulature résulte de Punion de tous ces amas en couche continue après lunion des disques. D’après moi, les deux modes (1° Desor, Leuckärt et Pagen- stecher ; 2 Metschnikoff et Butschli} existent en même temps; il y à division de la couche interne des disques peu après leur formation, et nouvelle scission de la plus externe des deux cou- ches ainsi produite à l’époque de la destruction du Pihidium. La seission qui s'opère au moment de la sortie du jeune Némerte a pour but la division de la couche externe (que Metschnikoff et Butschli rapportent tout entière à l’épithélilum) en épiderme et couche musculaire de la peau (Hautmuskelschlauch). Les éléments de la couche Imterne des disques, que J'ai vus dériver, comme Metschnikoff, de délamination, se disséminent ensuite, comme le dit Butschli, irrégulièrement dans la cavité du corps, et constituent, d’après mot, le reficulum connectif; 1 v a ainsi deux délaminations successives, la première divisant les disques en reticuluin connectif et couche cutanée, la seconde divisant la couche cutanée en épiderme et muscles de la paroi du corps. 3° SYSTÈME NERVEUX. — La fausse interprétation donnée par Metschnikoff à la couche cutanée doit faire concevoir des doutes très-sérieux sur la réalité du fait qu’il indique de la naissance des masses ganglionnaires aux dépens de l’épithélium ; comme il y a erreur dans la détermination de ce dernier, il est naturel de penser que l'erreur se répète pour le système ner- veux. Tout ce que nous pouvons conclure des observations de 26 3. BARROIS. l’auteur russe, est que les ganglions dérivent du feuillet cutané, ce qui revient au cas déjà décrit par Leuckärt et Pagenstecher. Le système nerveux chez les Némertiens à Pilidiwm ne dérive- rait donc point du feuillet externe, mais simplement du méso- derme (1), et la formation des masses ganglionnaires ne diffé- rerait, Chez ce même type, de ce que l’on a dans les modes plus simples, que par ce fait que chez le premier ils bour- geonnent aux dépens du mésoderme, tandis que chez les seconds il y a différenciation directe de la masse. 9. TyPpE DE DESORr. 1. Historique. Desor, 1848, Borlasia obscura. Max Schultze, 1853, Nemertes olivacea. Van Beneden, 1861, Nemertes communis. Mac-Intosh, 1873, Lineus Gesserensis. Huübrecht, 1874, Borlasia olivacea. Nous avons déjà vu que, contrairement au Pihidium, le type de Desor avait été ramené par les derniers auteurs à une grande simplicité en ce qui concernait les phénomènes internes. Le premier qui se soit occupé de la question, Desor est le seul qui ait fait quelques tentatives pour distinguer dans l'œuf diffé- rents feuillets; néanmoins, d’après lui, Pembryogémie prend pour point de départ une simple Morula; l'œuf se convertit après une segmentation irrégulière en une masse pleine de cellules à éléments de plus en plus petits, et qui au quator- zième jour devient ciliée sur toute sa périphérie : le développe- ment, dans son ensemble, consiste dans la différenciation de cette Morula ciée. On voit d’abord apparaitre un peu au- dessous du centre de l’œuf une tache claire en forme de fer à cheval; puis la masse cellulaire qui compose l'œuf se divise en deux couches nettement séparées, l’externe plus transparente, l’'interne chargée au contraire de matières nutritives et qui (1) Nous verrons en effet, plus loin, que ce feuillet externe représente le mésoderme. ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 97 forme un noyau opaque au centre de l’œuf. Quelques jours plus tard on constate par compression lapparition entre Îles deux précédentes d’une troisième couche d’une couleur plus claire que les autres et dont l’auteur n'indique pas la prove- nance. Tel était l’état de l’œuf, quand, dit Desor, un nouveau phé- nomène est venu tout à coup jeter une lumière imprévue sur le développement teut entier, et me faire saisir en un clin d'œil la signification de ces diverses couches : la plus externe se détruit, tombe en diffluence, et 1l en sort un animal semblable à un jeune Turbellarié dont la peau est constituée par la couche moyenne, transparente, et dont l’intérieur est rempli par le noyau opaque qui formait la masse interne de l’œuf. Dans le jeune Némerte ainsi formé, Desor figure ensuite la différenciation de la couche externe en deux parties distinctes, lépithélium et les muscles; il indique aussi la trompe d’une manière fort nette, et donne de tous ces stades de bonnes figures parfaitement reconnaissables. Une de ses erreurs capi- tales consiste en ce qu'il prend la trompe (dérivée d’après lui de la tache en forme de croissant mentionnée plus haut) pour un tube digestif, et la masse graisseuse qui doit constituer le tube digestif pour un amas de vitellus nutritif destiné à être résorbé sans donner naissance à aucun organe. Malgré ces erreurs, 1l est juste de reconnaitre que Desor avait, dès l’année 1848, indiqué et noté avec un grand soin la présence chez ce type de trois feuillets distincts, fait capital qui ne fut pas éga- lement compris par ses successeurs. Max Schulize. — Max Schultze (1), en effet, tout en recti- fiant les vues de Desor sur lirrégularité de la segmentation, la destinée réelle de la tache claire en fer à cheval (ouverture buccale), la signification de la trompe et la destinée de l’amas graisseux, tombe dans d’autres erreurs pour linterpré- tation de la couche moyenne décrite par Desor; 1l la considère comme représentant les cordons nerveux, et parallélise d’une (1) Max Schultze, Nemertes olivacea (Zoologische Skissen, dans Zeitschrift für wissensch Zoologie, 1853, Bd IV, p. 179). 28 J. BARROIS. manière complète le développement au mode direct observé par lui chez le Tetrastemma. Dans une note complémentaire publiée dans le même travail, Max Schultze revient ensuite sur sa première opinion : il déclare avoir vu le fait, qui lui avait d’abord échappé, du changement de peau, et n'hésite plus dès lors à voir, dans le développement du Nerñertes olivacea, un mode spécial d’em- bryogénie qu'il rapproche sans hésiter de. la métamorphose ; la correction qu'il donne n’est cependant que partielle, il semble maintenir le mode de développement qu'il venait de décrire, et dit en toutes lettres que «€ la transformation s’effec- tue sans que les embryons présentent d’autres changements qu'une séparation plus complète d’une membrane externe ». Au lieu de chercher, comme son prédécesseur, à se rendre compte de la formation du Némerte par une série de délami- nations successives, par la production de feuillets concentri- ques dont il fallait suivre l’évolution, Max Schultze semble en revenir à une différenciation directe, et sur place, de tous les organes : pour lui, le développement du Nemertes olivacea est un développement analogue à celui du Tefrastemma, dans lequel, à un moment donné, se sépare une membrane externe. Van Beneden (1) prétend avoir vu se développer des embryons dans le corps même de la mère. Ce fait, qui n’est pas rare chez d’autres espèces, même à sexes séparés (Polia carcinophila), n’a pas été revu depuis chez le Lineus obsceurus, et je doute de son existence dans ce cas spécial. Van Beneden ne s'occupe de ces embryons que d’une manière très-rapide ; 1l ne doit être cité ici que pour mémoire : d'après lui, la vésicule germimative disparait, le vitellus s'organise, et l’on voit bientôt les embryons couverts de cils vibratiles et prenant une forme plus ou moins allongée. L'auteur belge ne parle, ni de la segmentation, ni de la chute de la membrane périphérique ; les quelques mots qu’il nous dit ne permettent pas de rattacher son développement à autre chose qu'à une simple différenciation de la Morula. (1) Van Beneden, Mémoires de l'Académie de Bruxelles, 1861, t. XXXII. ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 29 Mac-lntosh (1) a suivi d’une manière complète la marche entière des phénomènes, et ses vues se rapprochent de celles de Max Schultze : « La segmentation, dit-il, mène dès le sixième ou septième jour à une Morula, dans laquelle on dis- üngue bientôt, comme lindique Desor, une tache claire et des granules libres contenus dans l’intérieur : bientôt, par suite des progrès de la segmentation, les sphères vitellines deviennent très-petites, l'œuf reprend sa forme arrondie et se couvre de cils vibratiles (19° jour). Il s'écoule alors un mois sans aucun changement; à la fin de cette époque, une légère compression montre le Némerte tout formé à l’intérieur de là peau qui le renferme. » Tous les phénomènes semblent se borner, d’après cette description, à de simples modifications dans la disposition des granules vitellins au milieu de l'œuf; les éléments nutritifs se rendent au centre, la périphérie s’é- claureit, et dessine bientôt l’ensemble des organes du jeune Némerte ; enfin sa partie superficielle se détache pour former la membrane caduque. Le tout se réduit, comme semble égale- ment le penser Max Schultze, à une différenciation directe de lu Morula; les figures que donne Mac-Intosh confirment, comme son texte, cette manière de voir. En résumé, tous les auteurs s'accordent à considérer la Morula comme point de départ du développement; le seul point en question réside dans le mode de différenciation de cette Morula. Desor tend à y voir une séparation en feuillets disünets, dont naîtront ensuite les divers organes. Ce mode d'embryogénie présentait aimsi une marche spéciale, plus instructive au point de vue de la formation des organes que le développement direct; mais cette vue est contredite par tous ses successeurs, qui décrivent ces phénomènes comme consis- tant dans là différenciation directe et simultanée de tous les organes, et rapportent complétement, au point de vue de la for- mation du Némerte, celte embryogénie au {ype si simple du développement direct. SAT ) A D CARE ) ) ) LE ) ŸT (1) Mac-Intosh, À Monogr'aph of the British Annelids, Part 1 : Nemerteans (Ray Society, ann. 1873 et 1874). 30 | J. BARROIS. Hubrecht.— La description d'Hubrecht s’écarte de toutes celles de ses prédécesseurs par l’éclosion prématurée de la Morula, qui se transforme en larve du type de la Planula. Cette larve porte en un de ses points un enfoncement pareil à celui de la Morula du Cephalothrix (Dieck), que Hubrecht rapporte à la Gastrula. Nous avons évidemment ici un type différent de ceux qui précèdent, et dont il n’est guère possible de déterminer la nature avant de nouvelles observations ; néan- moins on doit supposer, s’il n’y à pas erreur de détermination, qu'il s’agit 1er d’un mode voisin un peu moins simplifié, et dans lequel l'état de Polidium, disparu comme larve dans les cas précédents, existerait encore ici en liberté. La figure de Hubrecht, qui place le plumet ciliaire au pôle opposé à la dépression, est assez favorable à cette manière de voir. 2. Embryologie du Lineus obscurus. Les différents types sur lesquels a été étudié le mode de développement quinous occupe ont été réunis par Mac-[ntosh en deux espèces disunctes : les Lineus sanguineus et Gesse- sensis. L'espèce que J'ai étudiée à Wimereux, et sur laquelle a été faite l’embryologie qui va suivre, possède très-nettement les caractères de ces deux espèces, et 1l est impossible de la rapporter plutôt à l’une qu’à l’autre. La plupart des exemplaires de cette localité appartiennent au type du Lineus Gesserensis, mais 1} en est aussi dans le nombre qui présentent la colora- tion caractéristique du sanguineus : ces deux espèces se trou- vent du reste toujours associées, et l’on observe entre elles tous les passages possibles. Jai pu également les observer dans d’autres localités, et ai constaté leur présence tout le long des côtes de la Manche, depuis Ostende jusqu’à Brest (à Ostende, Wimereux, Sant-Waast et Roscoff). En certains points, le Lineus Gesserensis, Si commun à Wimereux, devient beaucoup plus rare que le sanguineus, ce dernier constitue alors la forme la plus répandue; mais jamais il ne m'est arrivé de ne trouver en un point que des sanquineus, où que des Gesserensis dans un ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 31 autre; toujours J'ai rencontré ces deux espèces associées etaccom- pagnées de nombreux types intermédiaires. Ces circonstances m’obligent à réunir en une seule ces deux espèces distinguées par Pauteur anglais, et j'adopte pour cette espèce unique le nom d'obscurus déjà donné à la même espèce par Desor, et qui me semble avoir des droits à la priorité à cause du nom donné par Pallas (Species Lumbrici marini tota atra). Les L. sangui- neus et Gesserensis sont deux variétés principales à côté des- quelles on en rencontre beaucoup d’autres passant au noir, au jaune, mais en général moins bien caractérisées. Une des formes les plus communes sous laquelle se trouve le Lineus obscurus est celle d’un Némerte blanchâtre de petite taille, qui abonde toujours dans les endroits habités par cette espèce ; ces individus sont, comme j'ai pu n’en assurer par l'observation directe, des jeunes nés l'hiver précédent et sur lesquels le dépôt de pigment ne s’est pas encore effectué. Le temps nécessaire au développement du Lineus obscurus est extrêmement variable : la température en modifie beaucoup la durée; aussi serait-1l tout à fait illusoire de décrire jour par jour la marche des phénomènes. Je me bornerai done, comme mes devanciers, à indiquer l’époque approximative des prin- cipaux stades. J’ajouterai seulement ici que le développement est, chez cette espèce, excessivement lent; il s'écoule ordinai- rement deux mois entiers entre la ponte et la formation tout à fait complète du jeune Némerte; le passage d’un stade à un autre exige environ deux heures dans les premiers temps de développement (segmentation). Lors de la formation des prin- cipaux feuillets, on ne constate plus de changements appré- cables que de jour en jour; enfin, après la formation de la Gastrula, 11 suffit, pour continuer à suivre la marche graduelle, sans crainte-de laisser passer aucun stade, d'examiner l’em- bryon toutes les quarante-huit heures. | Pour suivre le développement avec plus de facilité, nous en diviserons l'étude en deux périodes : 4° développement de l'embryon ; 2 développement de adulte. 5) J. BARROIS. Première période : développement de l’embryon. À. Feuillets primitifs. — La ponte du Lineus obscurus, le mode de formation du cordon gélatineux dans lequel sont con- tenus les œufs du Némerte, enfin la sortie de ces œufs à travers la double série d’orifices placés de chaque côté du corps, ont déjà été décrits avec trop de som pour qu'il soit bien utile d'y revenir 101; Je me bornerai à ajouter une simple confirmation aux descriptions si complètes qu'en a données Max Schultze. La coque, qui existe d’une manière certaine avant la ponte chez quelques espèces (Amphiporus lactifloreus), m'a également paru toute formée dans le corps du Lineus obscurus, et je la crois produite par la sécrétion de l’épithélium qui tapisse les chambres génitales. Chacun des paquets d’un ou plusieurs œufs contenus dans le cordon de mucus correspond ainsi au contenu d’une de ces chambres. La fécondation avait déjà été étudiée par Van Beneden, mais cet observateur ne semble lavoir observée que d’une manière artificielle : € Elle doit, dit-1l, avoir lieu pendant la ponte ou » immédiatement après, lorsque les œufs flottent dans une » atmosphère de spermatozoïdes : des œufs mis en contact avec » des spermatozoïdes sont enveloppés par ceux-ci en quelques » secondes et se couvrent d'un nuage de filaments féconda- » teurs. » Je me suis efforcé de saisir la marche naturelle du phénomène, et voici ce que J'ai observé. Un mâle se réunit oénéralement à une femelle pour sécréter le cordon muqueux qui enveloppe les œufs; puis, chaque individu décharge au milieu de la masse glareuse le produit génital dont 1l est por- teur, le mâle avant la femelle. Quand on prend un cordon immédiatement après la ponte, avant même que la femelle it eu le temps de s'en dégager, on constate qu'en certains points de la masse glaireuse se trouvent des amas de spermatozoïdes : un petit nombre seulement de ces filaments fécondateurs réussit à se dégager de la masse visqueuse pour pénétrer jus- qu’à l'œuf, le reste y demeure emprisonné ; ils y forment par leur réunion des trainées plus ou moins compactes dont les 9 ARTICLE N° ». EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 39 mouvements se ralentissent et cessent rapidement. Les sper- matozoides qui ont réussi à pénétrer Jusqu'à l'œuf s’aperçoivent à cette époque, renfermés dans le liquide qui remplit la coque, où on les voit encore s’agiter pendant très-longtemps. Ces spermatozoïdes sont fusiformes, mais l’une de leurs extrémités est moins effilée que l’autre : en examinant avec attention les coques qui contiennent des spermatozoïdes, on voit qu’à côté d'un grand nombre qui continuent à se mouvoir librement, quelques-uns se sont fixés au vitellus par leur extrémité la moins effilée et font subir à leur extrémité libre un mouvement oscillatoire. Ce mouvement dure environ deux heures, après quoi les spermatozoïdes se flétrissent et disparaissent sans laisser de traces. Je ne puis dire de quelle façon ils réussissent à pénétrer à l’intérieur de la coque. Ce mode d’adhérence d’un petit nombre de spermatozoïdes à l’œuf s'accorde assez bien avec les observations de Hertwig (1) sur le Toxopneustes, et de Ed. Van Beneden sur le Lapin (2); malheureusement j'ai dù négliger la partie la plus intéressante du phénomène, l’opacité de l’œuf ne m’ayant pas permis d’étu- dier d’une manière suivie les modifications mternes qui corres- pondent à l'acte de la fécondation. Examinés après la sortie du corps de la mère, les œufs (fig. 1, pl. 4) m'ont paru posséder à peu près la même structure que celle qu'ils avaient dans son intérieur; le vitellus est formé d'un protoplasma transparent dans lequel sont plongés en grande quantité des granules vitellins. La vésicule germimative est transparente et sans tache germinative; mais au lieu d’être située comme avant la ponte, au milieu de l’œuf, elle occupe une position un peu excentrique : Pécartement du centre aug- mente de plus en plus dans les stades qui suivent; la vésicule serminative finit par venir se placer à la périphérie (fig. 2, pl. 1), (1) Oscar Hertwig, Beiträge zur Kenntniss der Bildung, Befruchtung und Theilung des thierischen Eïes, dans Gegenbaur Morphologischea Jahrbuch, 1875, t. I, fasc. 3, p. 348. | (2) Ed. Van Beneden, Maturation de l'œuf, fécondation et premiers phéno- mènes du developpement embryonnaire des Mammifères (Bull. Acad. Belgique, PSE lolo te NE nt): ANN. SC. NAT., OCTOBRE 1877. VI. 13. — ART. N° 3. 34 J. BARROIS. | où elle éprouve rapidement une réduction considérable et dis- paraît bientôt sans laisser de traces. Pendant les vingt-quatre heures qui suivent la ponte, on voit l'œuf présenter de lents mouvements amæboïdes qui en altèrent légèrement le contour extérieur; puis commence la segmen- tation. Contrairement aux assertions de Desor, déjà rectifiées par Max Schultze, cette dernière s'effectue avec régularité ; les stades 2, 4 et 8 se produisent comme de coutume par deux plans méridiens perpendiculaires lun à l’autre et coupés par un plan équatorial : les deux premiers divisent la sphère vitelline en quatre côtes égales, et le troisième divise chacune de ces côtes en deux moitiés semblables qui restent super- posées immédiatement lune à l’autre. Examiné avec soin peu après la segmentation en huit sphères vitellines, Pœuf se montre composé de deux moitiés semblables séparées l’une de l’autre par l'équateur, et exacte- ment superposées lune à l’autre (pl. 1, fig. 3). Mais cette coïn- cidence entre les deux portions n’est pas de longue durée : si l’on reprend l’œuf environ une heure après le stade (fig. 3), on constate qu'il y a eu un déplacement; 1l n’y a plus correspon- dance entre les éléments cellulaires et les sillons de séparation, mais chacune des moitiés semble occuper par rapport à l’autre une position arbitraire. Ge changement est dû à une rotation l’une sur l’autre de ces deux parties : cette rotation continue jusqu’à ce que les sphères vitellines de l’une soient venues se superposer aux sillons de séparation de l’autre; les cellules de chacune d’elles s’engrènent alors dans les intervalles qui leur correspondent, et l’on obtient un stade (fig. #) dans lequel les cellules de chaque moitié alternent régulièrement avec celles de l’autre et où l’équateur est représenté par une ligne brisée. Ce stade est produit par une rotation de 45 degrés de l’une des portions de l'œuf sur Pautre portion. Ce n’est que lorsque lalternance s’est définitivement pro- duite (fig. 4) que commence la nouvelle segmentation qui don- nera naissance au stade 16. J'ai réussi à saisir sur le fait l'acte de la nouvelle segmen- 9 ARTICLE N° 0. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 30 tation; Je lai représenté dans les deux figures 5 et 61 des planches 4 et 5. Chacune des cellules se segmente par un nouveau plan parallèle au plan équatorial en deux cellules super- posées ; Pœæuf se compose alors de huit séries de deux cellules engrenées les unes dans les autres, de la même manière que l’étaient auparavant les huit cellules simples. La figure 5, pl. 4, fera bien saisir la marche de la segmentation : on voit que les cellules nouvellèment produites correspondent aux deux groupes de quatre qui occuperont chaque pôle de l'œuf. Dansla figure 64 (pl. 5), les cellules laissées en blanc appartiennent à la moitié supérieure de lœuf; celles colorées en noir, à l’inférieure. L'œul est vu de trois quarts et par le pôle supérieur; les quatre cellules en croix qui occupent ee pôle y sont toutes visibles. À partir du stade 16, les cellules qui forment chacune des rangées de deux continuent à se segmenter dans le sens transversal et glissent ensuite les unes sur les autres de façon à vemr alterner entre elles. Le stade le plus voisin du stade 16 que j'aie pu observer chez l’espèce qui nous occupe est représenté fig. 6, pl. 1. On voit à chacun des pôles un groupe de quatre cellules disposées en croix, et, entre ces deux groupes, une large zone composée de cellules qui alternent entre elles : les deux groupes de quatre cellules correspondent évidemment aux deux groupes de quatre cellules qui déjà, au stade précédent (fig. 61, pl. 5), occupaient chaque pôle. La zone à cellules alternantes correspond aux huit cellules situées au stade 16, entre les quatre de chaque extrémité. Le passage d’un stade à l’autre, ainsi que la disposition plus précise des cellules du stade (fig. 6), ne m'est pas bien connu pour cette espèce; Je lai étudié avec plus de détail à propos de l’Amw- phiporus lachfloreus. Ce qui vient d’être dit suffit néanmoins pour montrer l'identité des phénomènes chez les deux espèces. En même temps que les sphères vitellines viennent se dis- poser, comme 1l vient d’être dit, à la surface de l’œuf, s’ef- fectuent à son intérieur des modifications non moins impor- tantes. L’acide acétique facilite beaucoup l'étude de ces phénomènes ; 1l donne aux œufs une grande transparence, et 36 J. BARROIS. c’est au moyen de ce réactif que j'ai pu étudier en détail, à ce stade et à ceux qui suivent, les divers phénomènes d’embryo- génie que n'avaient pu aborder mes prédécesseurs. Examiné par transparence après addition d'acide acétique, le stade 8 de la figure 3 (pl. 1) montre que les sphères vitellines n’arrivent pas vers le centre en contact immédiat, mais qu’elles com- prennent entre elles une petite cavité. Cette cavité est le pre- mier rudiment de la cavité de segmentation ; elle persiste dans les jours suivants sans changer sensiblement ses faibles dimen- sions, mais prend dans la suite un développement beaucoup plus rapide ; le huitième jour, elle forme une spacieuse cavité (fig. 10) autour de laquelle les sphères vitellines constituent une simple membrane blastodermique ; l'accroissement graduel de cette cavité et la diminution qui l'accompagne des sphères vitellines en longueur occasionnent une série d’aspeets dont les figures 7, 8, 9 et 10 donneront une idée. Au début (fig. 7), la cavité est petite, les cellules qui l'entourent sont grandes et très-allongées ; l’œuf à l’aspect d’une sphère pleme à cellules disposées radiairement autour d’un point central. La figure 8 nous montre la cavité déjà un peu plus grande et les cellules moins allongées ; la figure 9 constitue un état Intermédiaire ; enfin, au stade fig. 10, l’œuf n’est plus une masse solide, c’est une vésicule à paroi formée d’un seul rang de cellules : c’est le stade connu sous le nom de Blastulu. Cette Blastula est à l’origine parfaitement sphérique ; mais elle prend bientôt une forme allongée, puis elle se déprime d’un côté, et une grande portion de sa paroi s’invagine à l’in- térieur : on arrive au stade de la Gastrula. La cavité de segmen- tation est réduite à une simple fente, future cavité générale du Némerte; la cavité d’invagimation devient le tube digestif. L'ouverture d’invagination, d’abord largement ouverte (fig. 14), se referme ensuite graduellement (fig. 12 et 13), et l’œufreprend bientôt (fig. 13) l'aspect régulièrement arrondi qu'il avait avant l'invagination. Rien de tout cela ne s’écarte du processus, déjà tant de foisdécrit, du mode de formation typique de la Gastrula, et il me semble inutile d’y insister davantage. Une chose néan- RTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 37 moins doit être notée avec plus de soin : l’invagination qui donne naissance au tube digestif ne se dirige pas, dans lin- térieur de l’œuf, concentriquement à la paroi, comme c’est le cas ordinaire, mais se trouve au contraire incurvée d’un côté ; elle est dirigée obliquement dans l’intérieur de la Blastula, et donne naissance, dès le début, à une poche dont la cavité se trouve entièrement rejetée d’un seul côté de l’ouverture buc- cale (fig. 13). Gette particularité, en apparence de faible im- portance, est le point de départ de la structure bilatérale; on peut dès cet instant distinguer dans l’embryon une face dorsale et une face ventrale, une partie antérieure et une partie posté- rieure : la première, située tout entière en avant de la bouche et ne contenant aucune portion du tube digestif, le prosto- mium ; la seconde, située derrière l’ouverture buccale et con- tenant le tube digestif tout entier, le metastomium. C’est au même stade qu’il faut remonter pour saisir le premier indice de différenciation du tube digestif en æsophage et en intestin : dès le stade fig. 13, le tube digestif se trouve composé d’une portion renflée (f) située tout entière dans la partie posté- rieure de l'embryon, et d’une portion étranglée (æ) qui va de cette portion à l'ouverture buccale : cette dernière est destinée à former l’æsophage. L'achèvement complet de la Gastrula ainsi constituée et portant déjà les traces évidentes de la division en face dorsale et face ventrale, région prostomiale et métastomiale, æsophage et intestin (fig. 13), marque la fin de la première période de développement. Nous y avons trouvé successivement trois stades fondamentaux : la sphère à cellules radiaires, la Blastula, et la Gastrula. insiste sur le premier de ces trois états plus qu’on a coutume de le faire, pour des raisons dont on se rendra compte plus loin à propos des autres modes de développement du groupe. B. Développement des disques. — À peine la Gastrula se trouve-t-elle produite, que commence la série de phénomènes qui donnera naissance au feuillet moyen. Si l’on examine de face un embryon arrivé au stade fig. 13, on voit (fig. 14) que 38 J. BARROIS. l’œuf présente, à cette époque, une forme arrondie ; au pourtour se voient les deux feuillets primitifs end, ex, séparés par la fente de la cavité générale es, au centre la cavité digestive C D, enfin au dedans de cette dernière l’ouverture buccale B. Bientôt après l’achèvement de la Gastrula, cet aspect commence à se modifier. L’œuf change un peu sa forme : son contour, d’ar- rondi, devient pentagonal (fig. 15), puis les quatre côtés anté- rieurs du pentagone commencent à s’enfoncer en dedans (pl. 2, fig. 19), et il se forme ainsi quatre dépressions situées comme lPindique la figure 19. D'abord largement ouvertes, ces dépres- sions ne tardent pas à être recouvertes par l’aceroissement des bords qui les limitent; les portions d’exoderme qui constituaient Je fond de ces dépressions se trouvent ainsi refoulées dans lin- térieur de l’œuf, où elles constituent quatre lames cellulaires dont nous suivrons tout à l’heure la destinée. Tout cela se rap- proche beaucoup, au premier coup d’œil, de la formation des quatre poches latérales du Pilidium par mvagination. Néan- moins le processus que nous rencontrons chez le £ineus s’écarte de linvagination proprement dite d’une mamière assez importante pour qu'il soit nécessaire d'y insister ici avec quelques détails. Dans Pinvagination véritable, le pourtour, d’abord largement ouvert, de la dépression primitive se ré- trécit ensuite avec régularité par le simple rapprochement des bords de cette dépression; sur toute la circonférence de cette dernière, l’exoderme se soulève en constituant un bour- relet saillant composé de deux lames cellulaires adossées l’une à l’autre. C’est par le développement centripète de ce bourrelet saillant que s'effectue la fermeture de l’ouverture d’invagi- nation; chacune des deux lames cellulaires qui le constituent devient, après cette fermeture, un feuillet continu qui s'étend sans interruption au-dessus de ce qui était auparavant le fond de la dépression : le feuillet supérieur vient former la conti- nuation de l’exoderme au-dessus de la vésicule imvaginée ; Pin- férieur constitue la paroi supérieure de cette vésicule, la portion qui, chez le Pilidium, formera l’amnios. Chez notre Lineus, le bourrelet saillant qui se soulève sur le ARTICLE N° 9, EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 39 pourtour de la dépression ne se développe plus avec la même régularité que nous venons de décrire : deux modifications concernant, 1° le mode de fermeture, 2° la structure du bourrelet saillant qui s'étend au-dessus de la dépression, viennent altérer la marche des phénomènes : 1° Les bords des dépressions ne se soulèvent plus d’une manière uniforme sur toute la circonférence, mais ne donnent naissance au bourrelet saillant que sur l’une de leurs moitiés. Le bourrelet a ici la forme d’un demi-cerele qui entoure la dépression d’un seul côté (fig. 19), et c’est par l’extension pro- oressive de ce demi-cercle tout autour de chaque dépression que s’effectuera sa fermeture complète. Les figures 16, 17, 18 représentent des coupes transversales à travers les dépressions antérieures à différents stades de leur fermeture. Les figures 19, 90, 21 sont des vues de face de l'œuf aux mêmes stades. Dans la paire antérieure, l’environnement de chaque dé- pression par le demi-cercle que constitue le bourrelet se fait d’une manière assez régulière ; les deux extrémités de ce demi- cercle s’incurvent l’une vers l’autre en fer à cheval, à peu près avec la même rapidité, l'ouverture d’invagination se rétrécit sans changement de forme bien notable : elle se présente sous l'aspect d’un demi-cercle qui se rétrécit de plus en plus (fig. 19, 20, 21), jusqu’à occlusion complète. La paire postérieure se referme avec moins de régularité : au lieu de s’incurver l’une vers l’autre, les extrémités de chacun des arcs de cercle qui forment le bourrelet se recourbent tous deux dans une même direction (en dedans); leur marche parallèle rend impossible leur rencontre au-dessus de l’ouver- ture de la dépression, aussi n'est-ce pas par ce processus que se fait la fermeture de cette dernière. Les extrémités inférieures de chacun des ares, incurvées toutes deux vers le dedans, ne tardent pas (fig. 20) à se rejoindre l’une à Pautre sur la ligne médiane, de manière à former par leur réunion une ligne continue cr qui forme la lèvre supérieure commune des dépres- sions postérieures; les extrémités supérieures des mêmes arcs contournent vers le haut chacune des dépressions et s’ac- 40 ; $. BARROIS. croissent vers le bas sur toute leur longueur, pour arriver enfin à rejoindre sur la ligne médiane celle du côté opposé : elles forment aimsi une seconde ligne continue, opposée à la pre- mière cr, et qui constitue la lèvre inférieure commune des deux dépressions. La figure 19 représente l'extrémité supé- rieure du bourrelet saillant en train de contourner l'extrémité correspondante de la dépression; la figure 20 la montre au moment où elle s’est déjà prolongée d’une manière assez no- table sur son pourtour externe. Au stade (fig. 21) ce processus est achevé; la lèvre externe est venue se juxtaposer à la lèvre interne, réduisant louverture de chaque dépression à une simple fente. Cette différence dans le mode de fermeture des deux paires de dépressions influe sur leur forme d’une manière assez importante : les postérieures sont allongées comme le représentent les figures 21, 22; les antérieures sont arrondies. 2° La seconde modification, plus importante que celle qui soncerne le mode d’extension du bourrelet saillant autour de l'ouverture, a rapport à la structure de ce bourrelet. Au début, le bourrelet résulte d’un soulèvement des bords de la dépression; 1l est donc composé de deux lames cellulaires adossées l’une à l’autre. Cette structure se reconnait dans les premiers stades et même dans les premiers moments de l’ac- croissement au-dessus de la dépression (fig. 16 et 17 cr) ; mais bientôt elle disparait, et l’on ne retrouve plus au-dessus de la cavité qu'une seule lame cellulaire (fig. 18 er). Le feuillet supérieur du bourrelet n’entraine plus dans son développement le feuillet qui tapisse sa face interne; mais, par suite de son accroissement beaucoup plus rapide, il se détache de ce feuillet inférieur, chevauche au-dessus de lui, et s’étend seul au-dessus de la dépression. Un processus en tout point semblable a déjà été décrit par Kowalewsky (1) à propos de la formation du feuillet moyen de l'Hydrophile ; il a pour résultat la disparition de l’une des deux lames situées au-dessus du fond de la dé- pression. La plaque cellulaire invaginée n’est plus recouverte, (1) Kowalewsky, Embryologische Studien an Wurmer und Arthropoden (Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, T° série, t. VD. ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. AA chez le Lineus obscurus, que par lexoderme; le feuillet qui tapissait la face Imterne de cette portion de l’exoderme manque ici d’une manière complète : ce feuillet, chez le Pilidium, for- mait l’amnios; son absence, dans le cas actuel, peut nous faire prévoir dès à présent la disparition de cette membrane, et c’est en effet ce qui a lieu. La constatation des différents faits que nous venons de dé- crire exige, pour donner un degré suffisant de certitude, une étude mnterrompue du développement. L’œuf n'offre pendant ces stades, à l'observateur, aucun point de repère d’une obser- vation facile auquel on puisse réussir à se guider d’une manière certaine ; aussi n'est-ce qu'après de longues études que je suis parvenu à me faire une idée complète des phénomènes. Rien n’est plus facile à constater que la présence des invaginations, mais rien n’est, par contre, plus difficile à déterminer que leur nombre et leur disposition exacte. Le moyen d'observation a été, comme dans les stades précédents, l'emploi de l’acide acétique, après lequel je faisais agir quelquefois le carmin. Pendant ces différents changements, l’œuf a graduelle- ment perdu la forme régulièrement sphérique qu’il possédait jusqu'alors ; 1l s’est allongé et aplati (comparez les figures 13 et 31), et ce changement de forme a amené des modifications dans les vues de face représentées (fig. 14 à 21). L’œsophage et la bouche, au lieu de se projeter sur la poche arrondie qui forme l’intestin, se projettent en dehors, et apparaissent par suite d’une manière distincte dans les figures 20 et 21. Dans la dernière, l'œsophage se présente sous forme d’une portion plus étroite, située à la partie antérieure, et l’ensemble du tube digestif, au lieu d’apparaître simplement comme une masse arrondie (fig. 14, 15, 17), sy montre avec ses deux divisions. Cet aspect, ne l’oublions pas, n’est dù en aucune façon à une modification de structure, mais à un simple changement de forme qui amène sur deux plans différents des parties qui se projetaient l’une sur l’autre dans les vues de face; la division en œsophage et en estomac résulte du mode de formation même de la Gastrula : elle est déjà indiquée au stade (fig. 13). 49 J. BARROIS. Cest à peu près à l’époque de la fermeture des dépressions latérales qu’apparaît le revêtement général de cils vibratiles (fig. 21), et que l’émbryon commence à tourner à l’intérieur de lPœuf. Examiné immédiatement après la fermeture des dépressions latérales, l’œuf ne présente encore qu’une étroite cavité du corps ; les feuillets primitifs sont encore directement accolés l’un contre l’autre, et les nouvelles parties formées par l’exo- derme (disques) n'apparaissent que difficilement comme or- ganes internes au milieu de la masse compacte (fig. 21) qui résulte de laccolement de ces différentes parties. Mais bientôt (fig. 22) la cavité générale prend un accroissement rapide, l'embryon s’éclaircit d’une manière notable, et l’on aperçoit alors, au milieu de l’espace vide laissé entre la peau et le tube digestif, ces portions apparaître sous forme de lames cellulaires qui correspondent exactement aux disques de Müller. La destinée ultérieure de ces rudiments est assez difficile à suivre. Bien que nous présentant, par l'acide acétique, une netteté assez grande, les embryons de Lineus obscurus sont bien loin cependant de nous offrir une transparence qui approche de celle que l’on rencontre chez les animaux nageurs, comme le Pilidium. Les divers processus qui, chez ce dernier, apparaissent sans trop d'efforts, ne peuvent se suivre ici qu'avec les plus grandes difficultés : les deux disques antérieurs sont, en ce qui concerne le simple fait de leur présence, d’une constatation facile ; ils se montrent de profil, isolés sur le fond transparent de la cavité générale, et apparaissent comme deux lames cellu- laires très-nettes qui occupent de chaque côté la partie anté- rieure du corps de l'embryon; leur situation, exceptionnelle- ment favorable pour l'observation, les fait distinguer sans difficulté. Il est également aisé de suivre leur évolution gra- duelle toujours de profil ; mais les choses changent de face quand il s’agit de se rendre compte de leur accroissement total : autant leur accroissement en longueur est facile à suivre sur les vues de profil, autant est difficile leur accroissement en largeur; vues de face à travers l’exoderme, tandis qu’elles se ARTICLE N° à, EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 48 projettent sur le fond opaque constitué par Pæœsophage, les lames cellulaires qui constituent ces disques sont à peine visibles, et ce n’est qu'avec la plus grande persévérance qu’on peut arriver à distinguer leurs limites. Les disques postérieurs placés au-dessous du tube digestif et projetés tout entiers sur le fond opaque formé par cet organe sont, même en ce qui concerne leur simple consta- tation, extrêmement difficiles à apercevoir, et pendant long- temps je ne réussissais à les découvrir qu'à partir du moment (fig. 27) où, à la suite de leur accroissement, ils arrivent à déborder l'intestin et à apparaitre de profil de chaque côté. Ce n'est qu'après de longues observations infructueuses que je suis arrivé, à l’aide du carmin employé après l’acide acétique, à voir d’une manière constante ces disques posté- rieurs, dont jai même pu, dans plusieurs préparations heu- reuses, tracer les limites avec préeision. Une série de recherches poursuivies sans interruplion pendant deux hivers m'a enfin permis de me rendre compte d’une manière assez complète de l'accroissement des quatre disques : les figures 22 à 35 repré- sentent la série des aspects que je suis parvenu à voir d’une manière bien nette. La figure 22 représente l'embryon au mo- ment où les parties formées aux dépens des dépressions laté- rales commencent, comme je l'ai dit, à apparaître à l’intérieur sous forme de plaques discoïdes (disques de Müller); les figures 25-24, 25-96, 27-98 et 29-30 montrent les stades suc- cessifs de laccroissement de ces quatre disques vus alterna- tivement des côtés dorsal et ventral. Au stade 23-24, les plaques antérieures n’ont déjà plus, dans les vues de profil, la forme de demi-vésicules suspendues à l’exoderme, mais apparaissent au contraire comme deux larges bandes cellulaires qui s'étendent sur toute la moitié antérieure du corps de Pembryon jusqu'à la ligne de séparation de l’æso- phage et de lintestin; leur cavité d’invagination (fig. 23 et 24 ci) apparaît sous l’aspect d’une fente allongée située entre l’exo- derme et la lame cellulaire du disque. En ajoutant une goutte de carmin à l'embryon déjà traité par l’acide acétique, on voit 44 J. BARROIS. (fig. 23) que chacun des disques se prolonge du côté ventral en deux lames qui viennent recouvrir les organes situés dans cette partie du corps, mais je n’ai pu distinguer le point précis où s’arrêtalent ces lames. Les disques antérieurs ne se pro- longent pas encore (fig. 24) du côté dorsal. Les disques postérieurs se sont, comme les-autres, agrandis d’une manière assez considérable et recouvrent maintenant l'intestin en très-orande partie (fig. 23) ; ils se sont fortement accrus du côté Interne, se sont rapprochés tous deux de la ligne médiane et ne demeurent plus séparés l’un de l’autre que par un espace très-peu étendu. Du côté externe l’accroissement a été moins considérable, leurs limites extrèmes sont simple- ment un peu plus avancées vers la partie antérieure ; du côté dorsal (fig. 24) on n’aperçoit encore aucune trace des disques postérieurs encore complétement cachés par l’intestin. Outre les changements de dimension des quatre plaques dis- coïdes que nous venons de décrire, le stade des figures 23-24 nous offre encore quelques petites modifications : l’œsophage et l'intestin, qui, bien que distincts, passaient jusqu'ici insen- siblement de l’un à l’autre, se trouvent maintenant séparés par l'apparition d’un étranglement (fig. 23), qui les délimite l’un de l’autre d’une manière précise; la bouche s’élargit un peu, et change l’aspect arrondi qu'elle possédait jusqu'alors pour prendre la forme-élargie représentée dans les figures 93 et 24; enfin, et ceci est plus important, les cellules qui composent les quatre disques subissent à leur partie interne une dégénéres- _cence, et donnent naissance à un amas de globules graisseux (gl) qui demeurent quelque temps accumulés à la partie im- terne de chacun des disques, mais se disséminent ensuite irré- gulièrement dans la cavité générale. Cette délamination en couche graisseuse interne et couche cellulaire externe, qui demeure la partie essentielle des disques, correspond à la déla- mination décrite par Metschnikoff, ainsi qu'à l’accumulation des cellules étoilées décrite par Butschhi. Ces globules de graisse me semblent destinés à donner naissance au reticulum connectif, et la délamination des disques que nous observons ARTICLE N° 8. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 45 à cette époque correspond, pour moi, à une division en reli- culum connectif représenté par les globules, et couche stratifiée qui formera plus tard le tube musculaire de la paroi du corps. Nous reviendrons d’ailleurs plus loin sur ce sujet important. Le stade qui suit celui que nous venons de décrire (fig. 25-96) est caractérisé par un développement plus avancé des quatre disques : les deux antérieurs se sont rejoints du côté ventral ; les deux lignes qui en indiquaient la limite postérieure, et que nous n'avions pu suivre précédemment que d’une manière in- complète, peuvent maintenant se suivre jusqu'à leur rencontre ; elles forment, par leur réunion (fig. 25), un arc à convexité dirigée du côté postérieur, et qui passe derrière lPouverture buccale, juste au-dessous de la ligne de séparation de l’œso- phage et de l'intestin : toute la partie antérieure du corps de l'embryon est maintenant recouverte, sur la partie ventrale, d’une lame continue située directement au-dessous de l’exo- derme. Je n’ai jamais pu réussir à voir la ligne de soudure com- plète des deux disques antérieurs, néanmoins les traces de réunion que nous venons de constater à leur extrémité posté- rieure se rencontrent de la même façon à leur extrémité opposée. Si nous regardons ces lames vues de profil, sur les bords de l'embryon, nous voyons que depuis le stade précédent elles se sont encore allongées vers l'extrémité antérieure, se sont recourbées l’une vers l’autre en contournant cette extrémité, et sont venues, comme on peut le voir par la figure, se souder l’une à l’autre d’une manière intime. Malgré cette soudure, qui montre que les deux plaques ont dù se rejoindre sur toute leur étendue, on constate qu’ells n’ont pas encore perdu leur adhérence primitive avec l’exoderme, de sorte que les deux cavités d’invagination (c2), réduites maintenant à de simples fentes, sont encore maintenues distinctes l’une de l’autre. Dès le moment où la soudure s’est effectuée, et avant même que les disques aient quitté leur adhérence avec l’exoderme, la lame cellulaire issue de la réunion des disques antérieurs commence à émettre au point de soudure un bourgeon très- pet (fig. 25 fr) qui formera la trompe. La trompe ne nait plus A6 | J. BARROIS. ici, comme chez le Pilidium, sous forme d’une mvagination aux dépens de la partie antérieure du Némerte futur; elle naît à la même place sous forme d’un bourgeon solide qui donne d’abord naissance à un cordon cellulaire pleim. La cavité de la trompe n'apparaît que plus tard au milieu de ce tube solide. Les disques postérieurs ont éprouvé cette fois un accroisse- ment tout à fait différent de celui que nous avions constaté au stade précédent : ils se sont surtout accrus vers la partie anté- rieure de l’embryon, et ne paraissent pas s'être rapprochés davantage l’un de Pautre qu'ils ne l’étaient déjà. Par contre, l’espace qui les séparait de la paire antérieure, maintenant réunie en une plaque impaire, a considérablement diminué : au stade (fig. 25-26) la face ventrale parait recouverte déjà presque tout entière par les lames cellulaires dérivées de lac- croissement des quatre disques; les points non recouverts forment une figure en forme d'y qu’on reconnaîtra facilement à la seule inspection de la figure 25. Du côté dorsal (fig. 26) on ne constate encore aucune extension des lames cellulaires ; on voit seulement que les disques postérieurs commencent à déborder lintestin et à apparaître sur les bords. La soudure des disques antérieurs sur la ligne médiane modifie beaucoup l'aspect de cette portion de l'embryon : au lieu d’être occupée par deux plaques cellulaires, elle se trouve formée d’une couche continue qui commence à s’arrondir d’une manière régulière ; au même stade, les globules graisseux (g?) de la cavité générale paraissent plus nombreux, l’ouverture buccale devient plus large et se recourbe de plus en plus en fer à cheval. Les différentes modifications que nous constatons au stade suivant (fig. 27-28) se réduisent, en somme, à une simple exa- cération des changements déjà produits : les plaques posté- rieures (fig. 27) sont encore un peu plus voisines que précé- demment, elles se sont surtout rapprochées de la plaque antérieure impaire ; elles n’en sont, maintenant, pas plus éloi- onées qu'elles ne le sont l’une de Pautre, et les trois branches de l’y ont toutes la même largeur. La cloison qui séparait encore les deux cavités d’invagination des disques antérieurs commence ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 47 à se détacher nettement de lexoderme, et les deux cavités ci se réunissent en une seule, en même temps que la plaque anté- rieure perd de plus en plus les traces de sa division primitive en deux parties. Au même stade, l'œsophage a pris la forme représentée (fig. 27), et qui parait se reproduire constamment à cette même époque ; la bouche s’est réduite à une fente transverse d’un aspect caractéristique (fig. 27) et qui parait être le terme ultime de l'élargissement en fer à cheval dont nous avons parlé. Ces aspects successifs de l’ouverture buccale sont d’une con- statation assez délicate : la plus petite cause suffit en effet pour en altérer la forme d’une manière notable, et j'ai souvent vu, par simple effet de la contractilité des tissus, cette ouverture se rétrécir et se dilater comme dans les figures 27 et 25, suivant le degré de concentration du réactif employé. Malgré cette cir- constance qui doit nous empêcher d’attacher à ce fait une im- portance trop grande, la succession des aspects des figures 23-97 m'a paru se reproduire avec assez de constance sur les embryons frais pour m'engager à accorder à ce sujet une attention sou- tenue. Leur étude attentive, jointe à celle desstades qui suivent immédiatement, m'a amené à penser qu'ils résultent de la formation de l’épaississement lubial; les degrés successifs de rétrécissement jusqu'au stade (fig. 27) correspondent à l’ex- tension sur le pourtour de la bouche de la soudure qui s'effectue entre les deux disques antérieurs. En environnant ainsi l’ouver- ture buccale, la plaque antérieure impaire contracte une adhé- rence Intime avec l’œsophage à son point de jonction avec l’exoderme, et ainsi se forme un épaississement (correspondant au point de soudure de l’œsophage, de l’exoderme et de la couche des disques) qui se circonscrit de plus en plus nette- mentdans les stades qui suivent (fig. 28 à 30), et finit par donner naissance à deux bourrelets arrondis qui, au stade 34, forment autour de la bouche deux lèvres épaisses. Les disques postérieurs ont, au stade 27-28, débordé de toutes parts au delà de l’intestin, et sont maintenant parfaite- ment visibles sur toute l’étroite portion de cavité générale com- 48 | J. BARROIS. prise entre l’exoderme et la partie renflée du tube digestif. La plaque antérieure apparaît aussi avec netteté ; jointe aux deux postérieures, elle parait constituer une plaque unique visible en entier (fig. 28) du côté dorsal. La même figure 28 montre aussi l’état de la trompe et de l’amas graisseux à cette même époque : la trompe s’est accrue vers le bas, elle se présente toujours sous forme d’un cordon cellulaire plein encore assez court ; amas graisseux (gl) est devenu de plus en plus important. Les figures 29-30 représentent le dernier stade de la réumion des quatre disques. La bouche a repris sa forme en fer à cheval, seulement ses bords sont épaissis ; la réunion des plaques cel- lulaires en une grande lame ventrale se trouve effectuée d’une manière complète (fig. 29), mais les bords seuls de ces plaques se sont réunis ; ils sont encore adhérents à l’exoderme et con- tinuent à maintenir visible, par cette adhérence, une trace en forme d'y qui représente le dernier vestige de la réunion; les cavités d’invagination (c?) de ces trois plaques ne sont pas encore réunies en une seule. Le changement le plus important de ce même stade est l'extension rapide, vers la partie dorsale, de la lame ventrale continue qui vient de se former. Nous avons vu que jusqu'ici l'accroissement des plaques dérivées des disques s'était limité au côté ventral. Au stade actuel, l’'empiétement du côté dorsal commence à s'effectuer avec une grande rapidité : la lame continue qui, dès le stade fig. 28, avait atteint les limites de la face ventrale, éprouve du côté opposé un accroissement considérable ; toute sa portion postérieure s’incurve au-dessus de l'intestin et gagne vers le haut en se recourbant au-dessus de lui : elle recouvre ainsi d’arrière en avant toute la partie dorsale. Les parties latérales suivent le même processus (fig. 30). Bientôt la plus grande partie de la surface se trouve recouverte, et 1l ne reste plus (fig. 33) qu'une lacune circu- laire située un peu en avant du corps de l'embryon et qui sera bouchée par un simple rapprochement graduel des bords qui le imitent. La figure 30 montre ce processus du côté dorsal ; la figure 33, de profil. ARTICLE N° o. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 49 Pendant que s’effectuaient ces différents phénomènes d’ac- croissement des disques, de formation de la masse graisseuse qui remplit la cavité du corps, et d'apparition de l’épaississe- ment labial, la partie renflée du tube digestif éprouvait égale- ment des modifications. Au début (fig. 19, 24, 26, etc.), sa cavité interne était demeurée bien nette, etla paroi se composait toujours d’unerangée bien circonserite de cellules cyhindriques; mais bientôt les cellules de cette paroi s’accroissent en longueur et pénètrent peu à peu jusqu'au centre de la cavité qu’elles limitaient. Cette dernière se trouve réduite presque à rien; Les cellules qui l'entourent ont pris la forme (fig. 28-29) de longues cellules radiaires dont les limites se perdent en approchant du centre; un peu plus tard (fig. 34) on les voit subir, vers leur partie Interne, une dégénérescence qui donne naissance à un amas de globules graisseux (ge). À côté des descriptions qui précèdent et qui nous rendent compte des différents phénomènes internes, j'ai figuré (fig. 15, 31-32, 35, 40-41) un certain nombre d’embryons vus de profil et destinés à donner une idée des aspects d'ensemble que pré- sente l’embryon aux différentes époques de son évolution. Ces figures ont été dessinées de manière à rendre aussi exactement que possible la forme et l’aspect général que présente l'œuf aux différentes époques ; je les ai obtenues en immobilisant les em- bryons à l’aide de quelques traces d'acide acétique et en les maintenant dans la position voulue sous le microscope à laide d'une aiguille à dilacérer. Les figures 31, 32 et 35 font partie de la période que nous venons de décrire : la première corres- pond au stade de la figure 20 ; la seconde, à celui des figures 25-26 ; enfin, la troisième, à celui des figures 29-30. On peut voir, d'après la figure 31, que embryon arrivé au stade fig. 20 ne diffère guère de la Gastrula, en ce qui concerne la forme générale, que par un simple allongement, comme nous lavons du reste expliqué plus haut. Dans les stades qui suivent (fig. 32-53), l'embryon continue toujours à s’allonger et à s’aplatir, mais sans changer d'aspect d’une manière sensible ; un étranglement apparaît aussi à peu près au milieu du corps, ANN. SC. NAT., OCTOBRE 1877. VI. T4. — ART. N°9. 90 3. BARROIS. de façon à séparer l'embryon en deux parties (antérieure et postérieure). Les figures 40 et 41 correspondent à des stades qui nous sont encore inconnus : la première au stade fig. 34, et la seconde au stade fig. 37. La figure 40 nous montre qu'entre les deux stades fig. 50 et 3%, il se produit un aplatissement assez considérable ; la figure 41 nous fait voir la partie posté- rieure primitivement arrondie, s’allongeant de manière à donner à l’ensemble du corps un aspect verniforme. Cette série de figures, beaucoup plus propre que les vues de face à nous donner une idée de l’ensemble des phénomènes, montre que chez le Lineus obscurus 1 Y a passage graduel de la Gastrula arrondie (fig. 13) à l'aspect vermiforme (fig. #1), sans qu’elle paraisse éprouver à l'extérieur de changement plus notable : c’est, contrairement aux phénomènes internes qui rappellent le Pilidium, une marche de développement qui se rattache tout à fait au développement direct. C. Évolution des feuillets. — Jusqu'à ce moment l’exoderme a conservé les caractères qu'il possédait d’abord; mais, à partir de la réunion complète des plaques discoïdes, 1l diminue d’épais- seur et ne semble bientôt plus constituer qu’une simple mem- brane de revêtement. Tous les stades que nous allons maintenant passer en revue présentent comme partie essentielle l’épaisse couche continue qui dérive des disques ; au dehors se trouve le revêtement formé par l’exoderme, et au dedans le tube digestif et les organes internes. Le premier stade (fig. 34) nous présente un aplatissement assez considérable exprimé par les vues de profil (fig. 33-40), et qui change la forme de l’embryon de ma- nière à lui faire prendre sur les vues de face l'aspect arrondi représenté dans la figure 34. La cavité du corps s’est par suite aussiun peu élargie. La surface de la couche des disques présente encore la trace en y qui résulte du détachement encore incom- plet de l’exoderme et de la ligne de soudure des trois plaques ventrales. À la partie antérieure de cette même couchese trouve suspendue la trompe, qui gagne en longueur et en largeur et s’apprèle déjà à passer au-dessus de l'œsophage ; elle constitue toujours un cordon solide. L’épaississement labial, encore ARTICLE N° 8. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 51 vaguement Circonscrit au stade précédent (fig. 29), constitue maintenant une partie très-nette ; il se montre composé d’une lèvre supérieure en forme de fer à cheval, et d’une lèvre infé- rieure qui résulte de la soudure avec l’exoderme de presque toute l'extrémité inférieure de la plaque antérieure (fig. 34). La portion renflée du tube digestif a accentué les modifications commencées déjà à l’époque précédente ; toutes les cellules de sa paroi paraissent se prolonger vaguement jusqu'au centre, où la dégénérescence de leur portion interne a déja commencé à donner naissance à un petit amas de globules graisseux (gé). Enfin si, à ce stade, on examine avec attention les parties qui entourent lœsophage, on verra que cet organe porte deux vésicules symétriques, arrondies (ol), qui représentent deux bourgeons, futurs rudiments des organes latéraux. Plongés au milieu de la masse graisseuse qui remplit la cavité générale, ces bourgeons sont difficiles à apercevoir, et ce n’est qu'après le léger accroissement de cette cavité qu’on remarque au stade fig. 34 qu’ils deviennent bien visibles. Je ne puis déter- miner au Juste le moment précis de leur apparition, qui sans doute précède la soudure complète des quatre disques; mais je ne conserve aucun doute sur leur provenance directe de l’'æsophage : les stades fig. 34 et 35 les montrent adhérents encore, par leur extrémité elfilée, à sa portion dorsale, tandis que leur cavité Interne et la parot qui l'entoure passent encore directement à la cavité et à la paroi de l’œsophage. Par l’autre extrémité, ces organes sont arrondis et suspendus librement dans la cavité générale. Au stade suivant (fig. 35), la trace en y a complétement dis- paru, et la couche des disques apparait sous l’aspect d’un feuillet uniforme complétement séparé des pañties voisines; on con- timue néanmoins toujours à distinguer sur les côtés (fig. 35) les portions dérivées des paires de disques antérieure et postérieure ; l'embryon à éprouvé un changement de forme, il est devenu allongé, et a pris dans son ensemble un aspect piriforme. L’in- testin a également pris part à ce changement; il se trouve, comme tout le reste, aminci vers sa partie postérieure, tandis 59 J. BARROIS. qu’à son intérieur la masse centrale (g2) fournie par la dégéné- rescence de la partie interne des cellules de la paroi se trouve déjà augmentée. Les bourgeons formateurs des organes latéraux se sont fortement allongés ; 1ls arrivent presque déjà au contact de la couche des disques, mais n’ont pas encore commencé à y adhérer. Rien n’est encore changé dans les connexions que nous leur avons décrites au stade précédent ; ils figurent encore deux masses suspendues librement par leur extrémité renflée dans la cavité générale, et adhérentes par leur portion effilée à la partie dorsale de l’œsophage; néanmoims la cavité du pédoncule qui les reliait à cet organe s’est oblitérée, et, au lieu d’y avoir, comme auparavant, passage complet des parois d’une partie à l’autre, 11 n°y a plus maintenant que simple adhérence. Pendant les stades qui suivent, jusqu’à celui représenté pl. 3, fig. 36, 1l y a simple continuation des mêmes phéno- mènes : l'embryon s’accroit encore en longueur et diminue en largeur ; la trompe s’allonge graduellement au-dessus de lœso- phage, et l’'amas graisseux de la partie centrale du tube digestif s’accroit de plus en plus. Arrivé à l’état représenté fig. 36, on commence à constater des phénomènes nouveaux : la formation des fentes céphaliques et la soudure des organes latéraux avec la couche des disques. Outre les mêmes processus d’allongement qui continuent toujours, tout en restreignant proportionnellement la cavité du corps, le stade fig. 36 nous montre de plus une nouvelle modi- fication de forme qui vraisemblablement correspond à la for- mation des fentes céphaliques; de chaque côté de la partie antérieure apparait une dépression, sensible surtout par le changement de forme qu’elle produit dans l’ensemble de l’em- bryon, qui devient pentagonal (fig. 36). Get aspect ne peut, comme cela arrive plus tard (fig. 43), être attribué ici à la contractilité; force est donc d’y voir un processus de for- mation d’organe : les stades suivants confirment cette manière de voir. Nous voyons qu'à partir du moment où la transpa- rence, devenue plus grande (fig. 42), permet de contrôler la présence ou l'absence des fentes céphaliques, ces dernières 9 ARTICLE N° ». EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 53 se montrent déja complétement formées (quoique moins profondes que plus tard). I faut donc admettre qu’elles prennent naissance avant les phénomènes de différenciation des tissus, et dès lors on ne peut douter que les figures 36-37 ne se rappor- tent à leur formation. Les organes latéraux, qui ont continué à s’accroitre de plus en plus, sont venus, au stade fig. 36, se souder à la couche des disques ; leur extrémité renflée, auparavant libre au milieu de la cavité du corps, s’est différenciée peu à peu de la portion rétrécie qui la reliait avec l'æsophage : elle consiste maintenant en une vésicule avec cavité close de toutes parts (fig. 36 ol), et dont la paroi est venue se souder à la couche des disques juste au point de réunion des paires de disques antérieure et postérieure. La portion plus étroite, dont nous avions déjà, au stade précédent, constaté le rétrécissement, s’est définitivement transformée en un cordon plein (fun) qui continue de relier la vésicule à l’œsophage. Ainsi disposés, les organes latéraux forment une cloison complète dont les points d’adhérence donnent lieu à une division des plus remarquables. Par leur adhérence à l’œsophage juste au-dessus de la bouche, ils sé- parent nettement les portions situées en avant et en arrière de cet orifice, et délimitent maintenant d’une manière précise les deux parties du corps auparavant confondues : le prostomium et le metastomium; par leur adhérence au feuillet moyen, ils séparent les parties dérivées des disques antérieurs de celles qui proviennent des postérieurs, et l’on obtient ainsiune division de l’embryon tout entier en cavité prostomiale (ep) limitée par la membrane dérivée des disques antérieurs (D P), et en cavité métastomiale (cm) limitée par la membrane dérivée des disques postérieurs (DM). La première (cavité prostomiale) est spacieuse et ne contient que la trompe. La seconde (cavité métastomiale) renferme le tube digestif; elle se trouve réduite à une simple fente, sauf au point de jonction de l'intestin et de l’œsophage, où elle forme une légère cavité triangulaire (cé) limitée en avant par les organes latéraux. Cette portion constitue la partie la 54 RES 3. BARROIS. plus étendue de la cavité métastomiale, elle est très-constante : nous la désignerons sous le nom de partie triangulaire de la cavité métastomiale. Nous voyons ici qu'en même temps que les organes latéraux viennent délimiter d’une manière plus nette les cavités prostomiale et métastomiale, ils divisent la paroi en portions correspondantes à chacune de ces divisions (lames prostomiales et métastomiales), et que ces dernières corres- pondent précisément aux deux paires de disques. Nous avons déjà vu, à propos du développement étudié de profil (fig. 31 à 33, 40-41), que l'embryon présente de bonne heure une division en partie céphalique (eap) etpartie postérieure (ter), qui, au stade fig. #1, s’allonge de manière à produire l'aspect vermiforme. La division qu’on voit s'effectuer ainsi graduelle- ment sur les vues d'ensemble n'apparaît que plus tard, et d’une manière assez brusque sur les vues de face. Jusqu’au stade fig. 37, l'embryon a toujours, à quelques petites modifications près, conservé un aspect à peu près arrondi, dans lequel on ne pouvait distinguer aucune division. Au stade fig. 37, il n’en est plus de même : la division en portion céphalique courte et mas- sive, et en partie postérieure à forme rubanée, si caractéristique de l'adulte, s’y est efectuée; l’animal a pris l'aspect vermi- forme, et ressemble déjà à un jeune Némerte (fig. 37 et 41). Le rétrécissement graduel, dont nous avons constaté l'appa- rition à partir du stade fig. 34, est arrivé à son maximum ; il a transformé la partie postérieure en un tube étroit, allongé, dans lequel la paroi du corps est étroitement appliquée contre l'intestin ; la partie antérieure, moins modifiée, se présente au contraire sous l’aspect d’un renflement assez étendu en forme de fer de lance (fig. 37). Ces deux divisions répondent exacte- ment aux parties prostomiale et métastomiale; elles se font sentir d’une manière très-frappante sur le feuillet moyen : la portion dérivée des disques postérieurs s’est allongée et amincie de manière à former le long tube étiré qui constitue, comme nous l’avons vu, la partie postérieure ; celle qui vient au con- traire des disques antérieurs, s'épaissit tout autour de la cavité du prostomium pour former le renflement dont nous ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 55 avons parlé. Les deux grandes divisions de la couche des disques (disques antérieurs et postérieurs) qui, au stade fig. 35, se dis- tinguaient encore par des traces de soudure, au stade 36 par la délimitation opérée au moyen des organes latéraux, arrivent done jusqu’à la transformation en jeune Némerte sans cesser d’être bien distinctes. Au stade fig. 37, chacune d'elles com- mence à se développer dans un sens spécial : Pantérieure (dis- ques antérieurs) s’épaissit pour donner naissance à un feuillet très-épais qui entoure le prostomium (lames prostomiales) ; la postérieure s’amincit pour former la lame mince qui limite la partie métastomiale (lames métastomiales). Les organes latéraux se montrent encore au même stade, sous forme de deux cordons situés entre les deux grandes divi- sions de la couche des disques et adhérents à l’œsophage; le rétrécissement de la cavité du corps, qui accumule autour d'eux tous les globules graisseux et réduit la portion triangu- laire (ct) elle-même de la cavité métastomiale à une simple fente, rend l'étude plus détaillée de ces organes à ce stade extrèmement difficile. En résumé, le stade représenté dans la figure 37 offre déjà l’aspect d’un jeune Némerte dont l’exoderme est devenu l’épithélium, tandis qu’à la division en renflement céphalique et en corps allongé vermiforme correspond une division tout à fait caractéristique du feuillet moyeu formée par la soudure, en un point commun, des trois paires de rudiments qui le con- stituent (disques antérieurs, disques postérieurs, organes laté- raux). Get état constitue le dernier stade qui ait rapport aux phénomènes de formation des organes; tous ceux-e1 se sont effectués avant qu’on aperçoive encore de traces d’alternance. L’embryogénie consiste, dans son ensemble, dans l’évolution directe du jeune Némerte par évolution de trois feuillets em- bryonnaires, comme nous l’avons décrit. D. Apparition des phénomènes d’alternance. —- Avec la diffé- rencialion histologique (fig. 38, 39, 42) commence une nou- velle série de phénomènes : l’exoderme, qui jusqu'alors avait conservé les caractères d’un feuillet épithélial, commence à 56 J. BARROIS. s’écarter du feuillet sous-jacent ; en peu detemps il s’en éloigne à un tel point, que bientôtilne paraît plus constituer qu’une espèce de sac qui renferme l’ensemble formé par [a réunion des deux feuillets internes : les figures 38, 39 et 42 nous montrent ce changement. À la figure 39, la séparation est déja complète; la surface de l’ancien feuillet moyen (couche des disques) s’est de plus différenciée en épithélium et porte un revêtement de cils vibratiles. Au stade 42, l'embryon a repris lPaspect si connu, chez le Pilidiwm, d’une nourrice (ancien exoderme) contenant dans son intérieur un animal de seconde généra- tion ; un peu plus tard, la membrane externe se détruit pour mettre l'animal en liberté. Pendant que s’effectuait ce changement de peau, les diffé- rents organes à la formation desquels nous avons assisté ont continué à se développer; la trompe s’est encore allongée, et l’on constate dans les organes latéraux de nouveaux change- ments. Rien, comme le montre la figure 58, n’est sensiblement modifié en ce qui à rapport à la disposition générale de la figure 36, mais la cavité interne de chaque vésicule est venue se mettre en communication avec l'extérieur par une large ouverture ; 1l en résulte que ses parois semblent passer directe- ment à celles de la couche des disques, et que les organes latéraux semblent tout à fait produits par une mvagination de ce feuillet. C’est un aspect analogue à celui déjà déerit par Butschli chez le Pilidium, et qui lui avait fait croire à une véritable im- vagination ; nous avons vu qu'il n’en était rien. Quelque temps après cet état, les parois des mêmes vésicules se renflent en une masse sphérique pleine et massive (fig. 39, 42), suspendue à la couche des disques, et qui demeure toujours reliée à lœso- phage par un cordon plein (fun). Les figures 39 et 42 nous montrent l'aspect que présentent ces masses ; au stade fig. 49, on voit par transparence le point d'insertion (4) des cordons à la paroi de l’œsophage. Pendant la même époque l'embryon s’aceroit et continue à éprouver des modifications dans sa forme générale. La portion céphalique perd l’aspect en fer de lance qu'elle possédait au ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 57 stade précédent. Les deux dépressions latérales signalées na- guère disparaissent, et la tête reprend son aspect arrondi (fig. 38). Chacune des deux moitiés de l’embryon commence alors à se renfler : l’antérieure par augmentation en épaisseur des lames prostomiales ; la postérieure par accroissement du tube digestif (fig. 39 et 42), tandis qu'au contraire la partie moyenne, au niveau des organes latéraux, reste inaltérée. [l en résulte que bientôt l'embryon (fig. 42) parait composé de deux portions d’égal volume, toutes deux fortement renflées et sépa- rées l’une de l’autre par un étranglement. L’accroissement du tube digestif surtout est considérable ; par suite, le tube étroit qui, au stade fig. 37, constituait la région métastomiale, arrive graduellement, sans se raccourcir, à être distendu par lac- croissement en volume des parties internes, de façon à pré- senter de nouveau une forme arrondie. Au stade fig. 39 on voit bien laccroissement de la partie céphalique et l’épaississement de toute la portion de la couche des disques (lames prostomiales) qui en forme la paroi; la divi- sion du corps en deux parties renflées d’égal volume, et sépa- rées par l’étranglement placé au niveau des organes latéraux, se trouve exprimée avec le plus de netteté vers le stade fig. 42. Ces divers changements se constatent par l’étude directe, sans réactifs : l’acide acétique, qui, jusqu'à ce moment, nous avait rendu de si grands services, perd dès le début de la diffé- renciation histologique presque tout son effet; il devient im- puissant à éclaircir les œufs. Le mieux, à partir du stade fig. 37, est d'examiner l’embryon par simple compression et sans réactif, ou, si l’on aime mieux, avec une faible quantité de gly- cérine très-diluée. Un mélange d'acides acétique et azotique en proportions égales rend les éléments cellulaires plus nets; joint à la compression, il peut rendre pour l’étude des processus de différenciation histologique de très-bons services. L'observation directe, sans compression, d’embryons qu’on laisse tomber len- tement en diffluence est également instructive ; mais, quel que soit le moyen employé, il est nécessaire, dans tous les cas, de commencer par sortir l’embryon de lacoquequientoure les œufs. 58 J. BARROIS. La différenciation histologique s'effectue sur toute la masse de l'embryon; mais c’est surtout la couche des disques, com- posée d’un seul rang de longues cellules cylindriques, qui éprouve les changements les plus remarquables. Examiné au stade fig. 42, l’exoderme présente des traces visibles de dégénérescence : on ne distingue plus les limites des cellules; dans chacune d'elles 1l s’est accumulé une grande quantité de globules graisseux, et l’ensemble de cette couche parait constitué d’une substance homogène remplie d’une quantité de globules graisseux. Une goutte de chlorure d’or, ou mieux de nitrate d'argent, qu’on fait agir après avoir passé l'embryon à l’eau douce, fait apparaître d’une manière très- nette le contour des cellules ; au lieu de se présenter, comme au début du développement, sous une forme cylindrique allongée, elles apparaissent comme de larges cellules plates remplies d’une quantité de globules graisseux (fig. 42). La dégénérescence graisseuse du tube digestif, déjà com- mencée aux stades précédents, a pris, avec le processus général de différenciation, une nouvelle activité : du centre elle a gagné la périphérie; la paroi tout entière se résout rapidement en olobules graisseux (fig. 39), et bientôt on n’a plus dans l’in- testin qu'une masse graisseuse (gi) qui remplit toute la cavité métastomiale : c’est par l’augmentation et la prolifération de ces globules graisseux que s'effectue l'accroissement du tube digestif, et, par suite, de toute la région métastonuale dont nous avons parlé. Chose curieuse, ces globules ne paraissent pas irrégulièrement disséminés au milieu de lanimal, mais restent très-distincts de ceux qui proviennent des quatre disques (gl) ; ils demeurent limités à l’espace occupé aupara- vant par le tube digestif, et sont séparés de la portion triangu- laire de la cavité métastomiale par une menibrane mince peu visible à l'observation directe, mais qui les empêche de s’épan- cher au dehors de la cavité qui les renferme. Get amas graisseux constitue la partie dont se formera plus tard le tube digestif. À ce propos, nous avons à constater un rapprochement qui n’est pas sans intérêt : chez le Pilidium, le tube digestif de la ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 59 larve passe immédiatement, d’après les descriptions de tous les auteurs, au tube digestif du Némerte adulte. Dans le dévelop- pement simple, 1l y a apparition directe d’une masse graisseuse qui remplit toute la cavité centrale de l'embryon, et aux dépens de laquelle se différencie le tube digestif. Le Lineus obscurus constitue l’intermédiaire entre ces deux processus; son tube digestif est identique, dans les premiers temps du développe- ment, avec celui du Pilidium, et possède des parois propres parfaitement bien circonscrites; puis il éntre en dégénérescence et fournit une masse graisseuse identique à celle du développe- ment par différenciation de la Morula. La première partie de ce développement se rapporte au premier type d’embryogénie (Pihdium), tandis que la dernière se rapporte au second. Il y a production d’une masse graisseuse et différenciation de cette masse graisseuse en tube digestif; mais au heu de se produire d’une manière directe aux dépens de l’œuf, cette masse se pro- duit par dégénérescence d’un tube digestif d’abord nettement circonscrit. Les éléments provenant de ce développement rétro- grade ne se mélangent pas avec les autres globules graisseux de la cavité du corps, de sorte que l'intestin définitif est, malgré tout, exclusivement formé d'éléments endodermiques. Ce fait constitue un point de liaison qui n’est certes pas sans impor- tance entre le développement complexe du Pilidium et le déve- loppement simple des autres Némertes. La différenciation de la couche des disques s’observe bien à l’aide du mélange d'acides acétique et azotique. Si, peu après le stade fig. 37, on vient à examiner un embryon après addition d'une goutte de ce mélange, on constate que les cellules qui constituent l’épaisse paroi de ce feuillet ne présentent plus, comme auparavant, des contours bien nets; elles se ramol- lissent, deviennent ondulées (fig. 38), et chaque cellule prend un aspect plus ou moins variqueux (fig. 38) : il semble qu’elles s'apprêtent à tomber en morceaux. Bientôt, en effet, on les voit se résoudre en un assez grand nombre de petits frag- ments; ces fragments, assez mous et irréguliers, demeu- rent d’abord placés bout à bout, et conservent ainsi un 60 J. BARROIS. moment leur orientation primitive; ils constituent, par leur réunion, des éléments cylindriques qui ont encore la forme des cellules primitives. Mais bientôt cette orientation primitive disparait, les fragments perdent leur aspect irrégulier : ils s’arrondissent, changent de nature, prennent un aspect plus réfringent, puis glissent les uns sur les autres de manière à pro- duire une disposition irrégulière, une espèce de blastème (fig. 39) composé d’une grande quantité de petits globules réfringents Jjuxtaposés au hasard. Seuls, les fragments qui se trouvaient placés à la surface conservent les rapports qu’ils possédaient au début ; ils continuent à former (fig. 39) une membrane con- tinue composée de petits éléments régulièrement juxtaposés (fig. 39 ep) et qui constituent l’épithélium définitif du Némerte futur. C’est aux dépens de la masse de globules disposés sans ordre qui forme la partie essentielle des disques que se différencie le tissu musculaire; les petits éléments disposés sans ordre qui proviennent du morcellement des cellules cylindriques se disposent bientôt en longues trainées continues, et c’est de leur union suivant cette direction nouvelle que résultent les fibres musculaires. À cette orientation nouvelle des éléments qui formaient cette portion du feuillet (me) correspond un nouveau changement dans la composition chimique de ces éléments : de globules inertes, réfringents, qu'ils étaient d’abord, ils se convertissent en éléments contractiles très- transparents. Par suite de ce changement de composition, la masse tout entière de la couche (me) s’éclaireit en peu de temps d’une manière notable, et l’on obtient bientôt l’aspect représenté figure 42 et suivantes, dans lesquelles les parties musculaires se distinguent très-nettement, par leur grande transparence, de l’épithélium superficiel, qui conserve beau- coup mieux son caractère primitif. Le tout se réduit, en somme, à ia suite du morcellement des cellules de la figure 38, à un changement dans l’orientation des fragments. C’est dès le début de la formation de l’épithélium définitif (fig. 39) que commence à apparaître, à la surface de la couche ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. GI des disques, le revêtement général de cils vibratiles qui passera au Némérte ; C’est aussi l’époque où l’exoderme primitif com- mence à acquérir une indépendance très-apparente et à prendre les caractères d’un sac renfermant dans son intérieur un animal de seconde génération. Le revêtement de cils vibratiles qui se forme à la surface de la couche des disques diffère de celui que possède l’exoderme par la longueur un peu plus grande et par la direction des cils ; oblique par rapport à la paroi chezle jeune Némerte, au lieu de lui être perpendiculaire, comme chez l'embryon (fig. 42); leurs mouvements paraissent aussi plus ondulés dans le premier cas que dans le second. E. Rapports et différences de cette première partie. — Ainsi qu'il a été dit dès le début de ce travail, cette embryogénie dif- fère de toutes les autres par un point essentiel : la persistance des phénomènes de développement interne du Pélidium ; sauf ce point essentiel, lembryogénie est exactement la même que celle souvent décrite par mes prédécesseurs. Les phénomènes externes ne nous offrent, bien que j'aie cherché à en retracer la marche d’une manière plus graduelle (fig. 31 à 33, 40-41), rien qui s’écarte d’une manière sensible des faits déjà connus, et, de même que tous mes prédécesseurs, je m’accorde à ra- mener le type de Desor à un Pilidium simplifie. Mais cette persistance des phénomènes internes modifie tout à fait interprétation du développement. La grande simplicité du développement interne et la formation du jeune Némnerte par différenciation directe de la Morula mdiquaient, dans cet ordre de phénomènes, l'existence d’une simplification beaucoup plus grande encore que celle qui frappait l’état du Pihidium. Des deux ordres de phénomènes embryogéniques, le second, celui qui avait rapport à l’état du scolex, était, malgré la ré- duction éprouvée, encore moins modifié que ne l'était le pre- mier. On vit done, et avec raison, dans le développement du type de Desor, une simplification totale de l’embryogénie, et l’on considéra la chute de la peau comme un dermier reste de l’état du scolex qui apparait dès lors comme le dernier vestige, comme le fait essentiel demeuré seul constant au milieu de la 62 J. BARROIS. disparition des autres phénomènes, et constitue un précieux indice pour la réunion au cycle normal. La persistance complète chez le type de Desor des phéno- mènes internes qu'on y croyait absents bouleverse compléte- ment cette manière de voir. Du moment que l’ensemble des phénomènes internes qu’on crovait disparus d’une manière complète persiste en entier, il devient impossible de rapporter plus longtemps la réduction constatée chez le Pilidium à une cause étrangère, à la somplification totale du développement s’exercant seulement en dernier lieu sur l’état du scolex, mais on est forcé de l’attribuer directement à elle-même et à sa propre inconstance. Ainsi l’état du Pélidium, réputé d’abord comme le plus constant et le dernier atteint dans la simpli- fication de lembryogénie, devient, par le seul fait de la per- sistance des phénomènes internes, le plus et même le seul variable; aussi devons-nous lui ôter toute son importance et ne plus le considérer que comme constituant un fait accessoire du développement, subordonné, comme on le verra plus loin, à un autre ensemble de phénomènes essentiels basés sur le eyele constant des phénomènes internes, et dont l'état du Polidium ne doit être regardé que comme une aberration. Cette assertion, que les faits relatifs à l’état du Polidium sont non-seulement les premiers, mais les seuls atteints dans la simplification qui produit le type de Desor, est bien confirmée par l’examen critique des modifications constatées dans ce qui précède; Poœil le plus serupuleux ne peut trouver entre Île développement précédemment donné et le Pilidium plus des trois différences que j'énumère ici, et qui les résument toutes d'une mamière complète : 1° Absence de forme larvaire ; 2 Aspect des embryons; 3° Structure des disques et absence d’amnios. 1. Nous avons vu que le développement s’effectuait en entier à l’intérieur de l’œuf, et que l'embryon ne sortait qu’à l’état de Némerte. 9. Cette absence de larve cause des différences dans l’aspect ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 63 général du développement : les embryons n’ont plus l’aspect si remarquable du Pilidium, mais conservent pendant toute la durée du développement une apparence très-simple, excessive- ment opaque, et qui, jusqu'à l’éclosion, ne diffère de l'œuf que par un simple changement de forme qui fait passer l'embryon très-graduellement de la forme arrondie à celle de jeune Némerte (Hg. 13, 31 à 33, 40-41). L'absence de la spacieuse cavité du corps du Pilidium empêche les quatre disques de s’écarter de lexoderme pour venir s'appliquer contre l’intestin en formant avec Jui un novau obscur qui parait distinct du sac enveloppant formé par l'exoderme, et produit l'aspect des deux formes em- boitées (nourrice et Némerte). Iei la couche des disques, res- serrée dans l’étroite cavité du corps, reste, jusqu’à l’époque de la chute de la peau, à égale distance des deux feuillets primi- üfs, de sorte que jusqu'à la sortie du jeune Némerte, l'embryon a, à l’intérieur (fig. 22 à 37) comme à l'extérieur (fig. 31 à 33, 40-41), l'aspect d’une forme simple à trois feuillets : l’endo- derme,. lexoderme, et le mésoderme formé par les disques dont l’évolution semble tendre à la formation directe du jeune Némerte, 3. Les deux paires de dépressions latérales, au lieu de se transformer en vésicules aplaties qui, par leur réunion, donnent naissance à deux couches répondant à chacune des faces de la vésicule (peau etammnios), se détachent à l’état de lames simples qui, par leur réunion, ne forment plus qu'une seule couche. De ces trois différences qui résument toutes celles que nous avons pu trouver chez le type de Desor (1), les deux premières se rapportent, au premier coup d'œil, au fait de la disparition de l'état larvaire ; 1l est facile de montrer qu'il en est de même pour la troisième. Ray Lankester (2) a déjà attiré l'attention sur l’in- fluence des conditions physiques dans le remplacement lun par l’autre (si fréquent dans tout le règne animal) des deux (1) J’en excepte la dégénérescence du tube digestif comme ne changeant rien à la marche du développement, puisqu'il se reforme après des mêmes éléments. (2) Ray Lankester, On the primutive cell-layers of the Embryon, etc. (Annals and Mag. of Nat. Hist., 4° série, 1873, vol. XI, p. 321). 64 3. BARROIS. processus d’invagination (Pilidium) et de délamination (type de Desor). Or, il est évident que, parmi ces conditions phy- siques, nulle ne peut avoir d'influence plus grande que la dis- position réciproque des différents feuillets. La présence, sous une lame cellulaire uniforme, d’une cavité spacieuse (Pilidium) tend naturellement à produire l’invagination, tandis que l’ac- colement immédiat des différents feuillets (type de Desor) doit tendre à la restremdre dans une égale mesure. Nous voyons que le développement de la cavité du corps et l’écartement des deux feuillets primitifs sont sous la dépendance de l’état lar- vaire. Il est donc naturel de conclure aussi que la formation des plaques discoïdes par invagination ou délamination se trouve également sous la même dépendance, de même que la présence ou l’absence d’amnios qui en est la suite. Nous pouvons donc conclure que dans les phénomènes essen- tiels d’embryogénie, ceux-là seuls sont modifiés qui ont des relations avec l’état larvaire (Polidium); les autres restent inaltérés. | Deuxième période : développement de l'adulte. À. Sortie du Némerte. — Le passage du stade représenté fie. 42, dans lequel le Némerte, formé de deux parties égales, est encore adhérent au sac exodermique qui l’enveloppe de toutes parts, au stade de la figure 45, dans lequel on voit déjà le jeune Némerte, à partie postérieure beaucoup plus allongée, se mouvoir librement autour de la masse glaireuse qu'il s'efforce de quitter, est difficile à suivre à cause de son extrème rapidité. Il arrive souvent, quand on prend un paquet d'œufs voisins de l’éclosion, de trouver en même temps des embryons arrivés à l'état de la figure 42, à côté de jeunes Némertes éclos et déjà semblables à ceux de la figure 45. Néanmoins les intermédiaires entre les deux stades sont extrêmement rares : il semble que le jeune Némerte passe immédiatement de l’un à l’autre, et c'est qu'en effet la grande rapidité avec laquelle s’effectue cette transformation la rend difficile à saisir d’une manière graduelle. J'ai cependant réussi, en partie par la rencontre heureuse de ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 65 quelques rares états de passage, en partie en provoquant moi- même artificiellement, à l’aide d’aiguilles à dilacérer, la chute de la peau, à me rendre compte de la marche insensible des phénomènes. Je ramène le passage de l’un à l’autre à deux faits principaux : la formation de l’œsophage définitif, et le passage de l’état ovale-arrondi à l’état rubané. Formation de l'œsophage définitif. — L’épaississement labial formé aux stades précédents par la soudure de la couche des disques à l’exoderme et à l’œsophage réduit d’une manière considérable la longueur de ce dernier organe; il ne constitue plus, à partir du stade fig. 34, qu’une portion très-courte à laquelle s’attachent les cordons latéraux (fun). L’épaississe- ment labial intimement adhérent à l'ancien exoderme est entraîné dans la chute de cette membrane, et il ne reste plus de l’œso- phage primitif que la partie (4) à laquelle s’attachaient les deux cordonssohdes des organes latéraux; c’est cette portion (4) qui, en s’accroissant de nouveau, donnera naissance à l’œsophage défimtif (fig. 44 æ). Si, au stade fig. 42, on regarde l’embryon sans réactif et sous une légère pression, on voit apparaître les deux points d'insertion des cordons cellulaires fun sousforme de deux taches blanches (4) placées symétriquement de chaque côté de la ligne médiane. Après la chute de lexoderme, soit naturelle, soit produite artificiellement à l’aide d’aiguilles, on constate que ces taches blanches n’ont pas disparu, mais qu’elles ont persisté à la même place. Bientôt après on les voit prendre de l’accroissement, se rapprocher l’une de l'autre, et finir par se réunir (fig. 44) sur la ligne médiane, en une seule tache blanche située à la partie antérieure de lamas graisseux qui doit former l'intestin. C’est cette tache blanche dérivée direc- tement de l’œsophage primitif qui s’accroit ensuite, et se creuse d’une cavité centrale pour donner naissance à l’œsophage défi- nitif : elle conserve encore, même après la formation en son milieu (fig. 45) de la nouvelle ouverture buccale, ses relations primitives avec les organes latéraux, et jusqu’au stade fig. 45 le rudiment solide du nouvel æsophage demeure relié à ces organes de la même manière que l’ancien. ANN. SC. NAT., OCTOBRE 1877. VI. 19. — ART. N° 3. 66 J. BARROIS. Accroissement du tube digestif. — VL’accroissement géné- ral du tube digestif et la multiplication des globules graisseux qui le constituent (déjà constaté dans ce qui précède), ne s’effec- tuent jamais avec tant de rapidité qu’au moment précis où à lieu la chute de la peau. Si l’on examine un jeune Némerte peu de temps après sa sortie de l'œuf, on constate que dans la partie postérieure (fig. #4) l’amas se trouve composé de gros glo- bules graisseux qui renferment dans leur intérieur une quan- tité de globules plus petits ; plus en avant, ces gros globules sont remplacés par un nombre beaucoup plus grand de globules moins volumineux, serrés les uns contre les autres, mais qui n’en contiennent plus d’autres dans leur intérieur : ces derniers proviennent de la destruction des gros globules mettant en li- berté les petits qu'ils renfermaient. Il semble qu’à ce stade les globules graisseux sont le siége, par formation endogène, d’une multiplication rapide. Cette multiplication si active arrive en très-peu de temps à distendre la partie postérieure d’une manière considérable : cette dernière, qui, au siade figure 42, avait un volume à peu près égal à celui de la partie céphalique, com- mence maintenant à la dépasser de taille; elle figure une masse fortement renflée qui fait au-dessus du corps de l'embryon une saillie considérable (fig. 44). Ce développement rapide de la partie postérieure réduit bien- tôt la portion céphalique, qui auparavant constituait la moi- tié du corps du Némerte (fig. 43), à n’en plus former qu’une pe- tite portion, et c’est ce changement qui cause la modification essentielle qu'on remarque dans l'aspect général du Némerte entre les figures 42-43 et les suivantes. Le passage de la forme arrondie à la forme rubanée ne consiste plus, après cet accroisse- ment de l'extrémité postérieure (fig. 44), qu’en un simple chan- sement de forme placé sous la dépendance complète de l’animal et qui résulte simplement de sa contractilité. Les figures 44 et 45 représentent toutes deux l'embryon au même stade : 44 à l’état de retrait, 45 à l’état d'extension. La figure 43 repré- sente l’embryon du stade 42, mais débarrassé de la membrane caduque qui l’environne : le changement de forme qu’on re- ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 67 marque dans la partie céphalique est dû également aux mou- vements du Némerte. B. Perfectionnement graduel du jeune Némerte. — La série des perfectionnements graduels postérieurs à l’éclosion, et par lesquels le Némerte passe de l’aspect représenté figure 44 à celui qu’il possède au terme de son évolution (fig. 50), est assez com- plexe. Pour en simplifier l'étude, nous examinerons isolément le développement de chacun des systèmes d'organes les plus im- portants ; nous commencerons par l'étude de la musculature, qui constitue le point essentiel que nous ayons à traiter, et que nous reprendrons tout d’abord au point où nous l’avons laissée, c'est-à-dire au moment où le feuillet moyen, complétement formé, se trouvait divisé en trois portions distinctes (lames pro- stomiales et métastomiales, organes latéraux), réunies en deux points communs et correspondant à trois rudiments distincts dès le début : les disques antérieurs et postérieurs, nés de l’exo- derme, les organes latéraux nés de l’endoderme. Après l'étude de cette partie essentielle de l’embryologie, nous examinerons : 2° la différenciation de l’épithélium définitif; 3° la différen- cation du tube digestif ; 4° la formation du réticulum connectif de la cavité générale. Évolution de la musculature. — Dans toutes les descriptions données jusqu'à ce Jour chez le Pilidium, on a négligé d’une ma- mère complète l’étude des phénomènes qui suivent l’éclosion, et la sortie du Némerte du corps de sa nourrice. Une fois dé- montré que la couche des disques était destinée à former la peau, on à admis simplementsans autre examen (quand encore on ne la rapportait pas à une simple couche épithéliale) qu'il y avait renflement dhrect de sa partie antérieure en masse cépha- lique (Leuckärt et Pagenstecher), tandis que le reste restait à l’état d'une couche umiforme (Hautmuskelschlauch) ; 1 n°y à, d’après cela, aucun fait bien saillant dans l’étude de la formation de la paroi musculaire, et lon comprend sans peine le peu d’im- portance que l’on à Jusqu'ici attribué à cet objet. Mes observations m'amènent, à ce sujet, à ces conclusions tout à fait différentes. Nous avons vu en effet, que la couche des 68 J. BARROIS. disques ne constituait pas une couche uniforme, mais était di- visée par les organes latéraux en lames prostomiales et méta- stomiales correspondant chacune à une paire de disques. Plus tard, à l’époque de la chute de l’exoderme, cette disposition n’est nullement troublée ; nous voyons en effet (voy. pl. 3) qu'il n’y à pas du tout remplacement complet de la peau caduque par la couche des disques (Metschnikoff), n1 même scission de cette dernière en deux parties d’égale valeur (Leuckärt et Pa- senstecher), dont l’interne se renfle à la partie antérieure, mais qu'il se différencie sur toute sa surface une mince couche épider- mique, qui est seule employée au remplacement de lexoderme caduc, tandis que sa presque totalité demeure sans subir de modifications, et conserve la division caractéristique en lames prostomiales et métastomiales. Ces deux parties dérivées, comme nous l'avons dit, des deux paires de disques, subissent chacune, à partir du stade figure 36, une évolution dans un sens spécial, et cette évolution n’estnullement troublée par les phénomènes de chute de la peau du Pilidium, mais continue au contraire sans interruption depuis le stade figure 36 jusqu’à la formation du Némerte complet: c’est cette évolution, qui n’est en somme que la suite, jusqu'ici complétement inconnue, du développement des plaques discoïides, qu'il reste à retracer, et c’est cette étude que nous allons exposer ici sous le nom de developpement de la musculature. Examinée au stade figure 36, la couche des disques est en- core uniforme dans toute son étendue, et ses deux parties con- stituantes, les lames prostomiales et métastomiales, possèdent à très-peu de chose près la même épaisseur. Mais cette ressem- blance n’est pas de longue durée : les lames prostomiales s’ac- croissent en effet bientôt beaucoup en épaisseur (fig. 37, 58 et 39), tandis qu'au contraire les lames métastomiales s’'amin- cissent par suite de l'allongement de la partie postérieure pré- eédemment constaté. Jusqu'à l'achèvement de la différenciation des tissus, l’ensemble constitué par les lames prostomiales con- ünue à former un feuillet continu sans séparation en moitiés de droite et de gauche, et qui tapisse d’une manière uniforme toute (a) ARTICLE N° o. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 69 la portion antérieure. Mais au stade qui suit cette différencia- tion (fig. 42), il n’en est plus de même : 1l s’y produit un rétrécis- sement général de la partie céphalique ; les moitiés de droite et de gauche de embryon se rapprochent l’une de l’autre de manière à rétrécir la cavité qu'elles comprennent et à accuser d’une manière beaucoup plus visible la structure bilatérale de cette partie ; l’épaisse membrane qui himitait la cavité du prosto- mium se trouve par suite divisée en deux parties symétriques, qui, dans les vues de profil, paraissent constituer deux masses musculaires fortement renflées situées à droite et à gauche de la tête, et venant se rejomdre (fig. 42) à la partie antérieure par deux extrémités effilées, entre lesquelles se prolonge la cavité du prostomium. Ge nouvel aspect de deux masses légèrement ren- flées convergeant chacune (fig. 43) vers le sommet du corps, et qui succède à celui d’un arc continu régulièrement arrondi (fig. 39), ne correspond en réalité à aucune différence dans la structure de cette région, qui continue à être bordée par une épaisse couche continue qui entoure le prostomium : la seule modification réelle qui ait été produite est que cette couche continue a passé de la forme de dôme arrondi de la figure 39 à la forme acuminée de la figure 43. Néanmoins, comme dans les vues de face, nous ne voyons que les parties latérales (de profil) de cette couche, et que ses parties latérales paraissent former deux moitiés distinctes (fig. 43), nous pouvons, à partir du stade figure 42, considérer les lames prostomiales comme formées de deux moitiés symétriques qu'on peut, si lon veut, considérer comme représentant chacune l’un des deux disques antérieurs. Ces deux lames ont pris la structure musculaire, et chacune des parties dérivées des disques se trouve dès lors transformée en une plaque musculaire. Au début de leur formation (fig. 42), les extrémités anté- rieures de chacune des deux lames prostomiales viennent sim- plement se Juxtaposer à la partie antérieure sans se confondre entre elles (fig. 42), et le point d'insertion de la trompe située en ce lieu ne se trouve séparé de la surface du corps que par une faible étendue; mais bientôt ces masses prostomiales com 70 J. BRARROIS. mencent à se souder entre elles à la partie antérieure, de ma- mère à former par leur réunion une masse commune impaire située entre la surface du corps et le point d'insertion de la trompe (fig. 42, #4 mi). Ces deux processus : 1° rapprochement des parois de droite et de gauche du corps du Némerte, et 2° soudure des masses prostomiales en une masse impaire #4 (1) située au devant du point d'insertion apparent (2) de la trompe, continuent sans interruption pendant tous les stades qui suivent. Le premier cause le rétrécissement graduel du Némerte entier et le fait passer, de l'aspect renflé qu'il possède encore au stade #5, à l’aspeet plus allongé qu'il à acquis à la fin du développement (fig. 50) ; le même processus a également pour suite naturelle la diminution en largeur des différentes cavités, eten particulier de la cavité du prostomium. La série des figures 39 à 50 nous montre le rétrécissement progressif de cette cavité : dans la figure 39 elle est plus large que longue; au stade fig. 49, elle est devenue subitement plus longue que large, et a, comme nous l’avons vu, changé sa forme arrondie en une forme angu- leuse ; aux stades figure 43, 44, 45, il en est de même. Un peu plus tard (fig. 46 et 47) nous constatons une nouvelle dimmu- tion de largeur; ce rétrécissement est même devenu très-con- sidérable : de plus, nous voyons que le cordon solide (fun) qui (1) Ge processus correspond, en réalité, à une augmentation en épaisseur du tissu des lames prostomiales sur toute la périphérie, par suite duquel cette portion de la cavité du prostomium acquiert un volume presque nul (fig. 53). Ces légères corrections sont nécessaires pour déduire, des aspects représentés, les phénomènes réels; mais, comme elles sont faciles à faire, et que les vues d’en- semble sont surtout nécessaires pour bien saisir la suite du développement, je continuerai à parler des faits visibles dans les vues de face comme si elles expri- maient la marche normale ; le lecteur suppléera aisément à ce qui manquera, en pensant que les différents feuillets représentés en coupe optique font, en réalité, tout le tour de la tête. (2) Je fais cette restriction parce que la formation de l’épaississement impair en ‘#1 est dù, en réalité, non à une réunion des lames prostomiales au devant du point d'insertion réel de la trompe (situé au sommet du corps), mais à la soudure de la couche continue qui forme ces lames à sa paroi sur une étendue qui for- mera plus tard la portion indévaginable de la trompe. Le point d'insertion appa- rent de la trompe correspond à l’extrémité inférieure de cette soudure, ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 71 reliait les renflements latéraux (o/) à l’œsophage s’est atrophiéet a disparu, de sorte que cette cavité de prostomium, maintenant longue et étroite, se trouve réunie avec la portion triangulaire (tr) de la cavité métastomiale : les figures 48 et 49 nous la montrent encore de plus en plus étroite ; enfinau stade figure 50 elle se trouve réduite à une simple fente. La masse musculaire impaire (4) formée par la soudure des deux masses céphaliques s’accroît graduellement jusqu’au stade figure 46 : à ce stade on la retrouve déjà beaucoup plus déve- loppée, et de plus on constate que deux points oculiformes se sont formés à sa surface. Ces deux points oculiformes consistent dans un dépôt de granules pigmentaires à la surface, mais dans la substance même de la couche musculaire; ils sont d’abord seulement vaguement indiqués, mais deviennent peu après très- apparents. Les figures 48, 49 et 50 nous montrent cette masse musculaire de plus en plus développée; on la retrouve chez l'adulte (fig. 52), où elle a encore les mêmes caractères et forme la masse antérieure compacte (masse céphalique) à la base de laquelle vient s’insérer la trompe. Par suite du rapprochement graduel des parois latérales du corps du Némerte, les deux lames prostomiales ont changé leur position oblique par rapportà la ligne médiane (fig. 39-45), pour prendre de chaque côté de la cavité étroite du prostomium une position verticale (fig. #7 à 50); en même temps elles se sont également accrues en épaisseur, et ont ainsi concouru pour une certaine part au rétrécissement de cette cavité. Cependant le rapprochement des masses prostomiales et leur accroissement en épaisseur ne sont pas les seuls processus qui concourent à ce but ; il se forme de plus à leur partie interne un épaississement de second ordre (ms), qui prend également une part très-active à la diminution en largeur de la cavité. Cet épaississement spécial prend pour origine le point d'insertion de la trompe ; 1l naît tout autour de ce point (fig. 45) et gagne ensuite d’une manière très- graduelle vers le bas, jusqu’à la rencontre (fig. 47 à 50) du point d'insertion des organes latéraux. La figure 53 est une coupe théorique à ce stade du milieu de la cavité du prostomium ; 79 J. BARROIS. tout autour se trouve l’épaisse couche continue des lames prostomiales (DP). Au dedans de cette dernière, la portion (ms) portant des hachures Indique l’épaississement de second ordre dont nous venons de parler ; au centre se trouve enfin le reste de la cavité du prostomium (cp). Get épaississement secondaire ne se propage pas de haut en bas d’une manière uniforme; ses deux extrémités se prolongent tout d’abord avec une beau- coup plus grande que sa partiemoyenne : au stade fig. 46, elles ont déjà atteint le point d'insertion des organes latéraux, tandis qu'au contraire la partie moyenne est encore très-voisine du point de naissance (1). Il en résulte que le bord inférieur de cet épaississement forme une ligne fortement concave; dans la suite, les deux extrémités déjà parvenues au point d'insertion des organes latéraux restent stationnaires, tandis qu’au con- traire la portion moyenne s’aceroit vers le bas. Ce processus rétablit peu à peu la régularité; la concavité du bord inférieur diminue peu à peu pour se rapprocher de la ligne droite: aux stades 49 et 50, la portion moyenne a atteint le même niveau que les extrémités; l’épaississement a gagné sur toute l'étendue des masses prostomiales, et son bord inférieur forme une ligne droite située à la partie mférieure de ces masses entre les points d'insertion des organes latéraux (fig. 50). Quelle est la signification de cet épaississement? On pour- rait se demander s’il n’a aucun rapport avec la formation des masses ganglionnaires du système nerveux; ces masses se for- ment en effet sur les bords de la cavité du prostomium, Juste à la place où nous avons vu naïtre l’épaississement, et le fait énoncé par Leuckärt et Pagenstecher, que les masses gan- glionnaires bourgeonnent chez le Pilidium aux dépens des parois qui limitent la portion céphalique, semble donner de la vraisemblance à cette manière de voir; néanmoins je ne crois pas pouvoir laccepter. L'étude directe de la formation du sys- tème nerveux central chez notre Lineus nous montre qu'il ne se forme pas ici par bourgeonnement, mais qu'il résulte sim- (1) En d’autres termes (en tenant compte du phénomène complet), l’épaissis- sement arrive plus rapidement à son maximum en haut qu’en bas. ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 73 plement d’une différenciation qui s'effectue dans l’épaisseur des masses prostomiales : les figures 47 à 50 nous montrent son apparition d’abord vaguement indiquée et comme diffuse ; il se circonscrit de mieux en mieux à mesure qu'on avance dans le développement, et apparait au stade figure 50 d’une manière bien nette. Le mode de formation de cet épaississement ne res- semble d’ailleurs en rien à ce que pourrait produire le bour- geonnement de deux masses ganglionnaires; il semble appa- raître sous forme d’une mince couche continue qui naît d'abord sur tout le pourtour du point d'insertion de la trompe, c’est-à- dire à la partie antérieure de la cavité du prostomium, et gagne ensuite graduellement sur tout le pourtour des lames prosto- miales jusqu'à leur extrémité inférieure. La seule interpré- tation qui me semble raisonnable est d'admettre dans ce pro- cessus une Continuation en arrière du processus de soudure des lames prostomiales en une seule portion, telle que nous le voyons pour la formation de la masse musculaire impaire (si). Ce serait peut-être le même phénomène qui, d’abord confiné en avant du point d'insertion de la trompe, s’étendrait ensuite au delà jusqu'aux organes latéraux, c’est-à-dire tout le long des lames prostomales. | Enfin l’évolution des lames prostomiales à partir du stade figure 39 se résume en ces mots : tendance à la fusion en une masse cohérente d’un faible volume comparativement au reste du corps (fig. 52), et qui constitue la masse céphalique du Némerte adulte, supposée jusqu'ici comme simplement produite par renflement direct (sans signification morphologique) d’un tube musculo-dermique continu. Ce processus, favorisé par le rétrécissement général du corps du Némerte, est produit en somme par l'accroissement en épaisseur des parties dérivées des disques antérieurs (lames prostomiales) et consiste : 1° dans leur soudure en une masse impaire située au devant de la trompe; 2° dans leur épaississement direct, et 3° la forma- tion à leur intérieur d’un épaississement secondaire, conti- nuation probable du processus de soudure de deux lames en une seule. 74 | J. BARROIS. Les parties qui dérivent des disques postérieurs (lames métastomiales) subissent une évolution beaucoup moins com- pliquée. Nous avons vu plus haut que, tandis que les lames prostomiales s’accroissaient en épaisseur, les autres s’amincis- saient par suite de l'allongement de la région postérieure (fig. 37). Get amincissement s’accentue encore bien davantage à l’époque de l'accroissement du tube digestif et du renflement de toute la partie postérieure (fig. 42 à 45), et elles en viennent bientôt à constituer une mince membrane uniforme qui tapisse tout le corps au-dessous de l’œsophage; elle suit l’accroisse- ment du corps en un long cordon rubané, et finit par constituer elle-même un long tube rubané de dimensions démesurées par rapport aux lames prostomiales soudées en une masse cépha- lique compacte, qu’elles égalaient pourtant primitivement en volume (fig. 45 à 52). C’est aux dépens d’une portion du tissu de ces lames métastomiales quese différencient les cordons ner- veux, exactement de la même manière que nous avons vu les masses ganglionnaires se différencier aux dépens du tissu des lames prostomiales ; ils y apparaissent à la même époque vers les stades figures 45, #7 : je ne les ai pas représentés pour sim- plifier les figures. La formation du système nerveux central par différenciation directe du tissu des masses prostomiales me semble constituer, comme le développement du tube digestif, un nouveau rappro- chement partiel vers le développement simple. La présence, chez un type qui se rapporte en définitive au Pilidium, de faits analogues à ceux du développement simple, a de l'importance pour relier entre eux ces deux modes si différents, et il n’est pas inutile de les mentionner avec soi. Épithélium. — Après avoir décrit l’évolution de la couche musculaire, passons à l’étude de lépithélium. La couche cellulaire continue dont nous avons vu, à l’époque de la différen- ciation, la production directe aux dépens de la partie externe des grandes cellules cylindriques de la couche des disques (fig. 39 ep), ne conserve pas longtemps la disposition primitive à éléments étroitement serrés les uns contre les autres; les ARTICLE N° 5, EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 75 portions de cellules qui la constituent sécrètent bientôt entre elles une substance intercellulaire très-abondante, elles s'écar- tent les unes des autres et se réduisent en même temps à des dimensions plus étroites (fig. 42). Au stade figure 45, la couche cellulaire qu’elles constituent ne présente plus l’aspect épithé- lial, mais paraît composée d’une couche amorphe au milieu de laquelle sont disséminés en grande quantité de petits corpus- cules en forme de bâtonnets réfringents qui dérivent des cellules du stade figure 39. Les figures 45, 46, représentent sur les bords l'aspect que présente cette couche vue de profil : on y voit la disposition en bâtonnets des éléments cellulaires; à la partie antérieure de lanimal, j'ai dessiné dans ces figures, ainsi que dans les suivantes, l'aspect que présentent ces élé- ments vus de face. Dans les stades qui suivent, ces éléments cellulaires éprou- vent au bout de peu de temps des changements inverses de ceux qui précèdent ; ils s’accroissent, s'emplissent d’un proto- plasma transparent, et changent rapidement leur aspect de bâtonnets pour prendre celui de grandes cellules disposées comme l'indique la figure 50, et ‘qui constituent les grandes cellules à glaires de la peau du Némerte. Ce processus se suit d’une manière graduelle : entre les éléments en forme de bâton- nets et Les cellules à glaires caractéristiques (fig. 50), se trou- vent une foule d’intermédiaires qui établissent le passage d’une manière très-nette. Un moyen, qui n’est du reste pas sans avan- tages, pour reconnaître l’identité de ces éléments, est l’addi- tion d’une goutte d'acide acétique : ce réactif éclaircit les éléments cellulaires et obscureit au contraire la substance intercellulaire; cette dernière apparaît nettement sous forme d’un réseau régulier qui comprend des mailles occupées par les cellules (fig. 54). L'aspect toujours identique de ce réseau rend très-frappante l'identité des éléments cellulaires qui en rem- plissent les mailles. Cette description nous montre que les cellules à glaires de la peau des Némertes sont les véritables éléments constitutifs de la couche superficielle; elles ne forment pas, comme Pont dit 76 J. BARROIS. quelques d'auteurs, des cellules sécrétantes spéciales dissémi- nées au milieu d’une couche à structure propre; elles repré- sentent l’épithélium, et la couche au milieu de laquelle elles sont plongées est une couche anhiste qui résulte de leur sécré- tion: la provenance directe des cellules à glaires des sphères de segmentation se constate du reste avec la même netteté pour le développement simple (voy. Amphiporus lactifloreus). Le mode de formation de cet épithélium définiüf, et la pré- sence dans le cours du développement de stades où la substance intercellulaire joue le rèle prédominant (fig. 45-46), peuvent nous servir de guide pour l'explication de certains épidermes anormaux,comme celui du£aneus longissinus. Le développement exagéré de cette couche imtercellulaire à une certaine époque de l’évolution rend assez vraisemblable l'hypothèse de la formation de parties spéciales uniquement à ses dépens. Dans les cas ordi- naires, la substance intercellulaire ne s'étend pas au delà de la région des bâtonnets, et quand ceux-c1 s’accroissent pour donner naissance aux cellules à glaires, elle se trouve de nouveau com- plétement réduite et restreinte aux étroits espaces qui restent situés entre ces derniers; mais on conçoit très-bien que cette substance intercellulaire puisse, à l’époque de son développe- ment maximum, aller jusqu’à se prolonger au-dessous de la région des bâtonnets. Cette portion inférieure aux éléments cellulaires n’éprouve plus la réduction qui correspond à l’ac- croissement en cellules à glaires, et ainsi se conçoit très-bien la production d’une seconde couche sarcodique plus ou moins épaisse à la base de la couche épithéliale. Cette couche peut éprouver une division en fibrilles, des vacuoles peuvent se former dans sonintérieur ; et ainsi se produiraient des couches analogues à la couche connective, de structure si bizarre, qu’on remarque à la base du mince épithélium du Lineus longissimus. Sans rien prouver encore, puisque ce qui précède ne repose que sur une conception idéale, cette vue me semble au moims montrer la possibilité de rattacher, au point de vue morphologique, cette couche connective à l’épiderme. Tube digestif. — Avant d’entrer dans la description du mode ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 77 de différenciation du tube digestif aux dépens de la masse grais- seuse qui remplit la portion postérieure du corps, il est indis- pensable de donner quelques détails sur la structure histologique de sa paroi chez l'adulte. Examinée dans des coupes faites d’après le procédé de Stricker, et rendues transparentes par l’es- sence de girofle ou la glycérine, la paroi du tube digestif se mon- tre très-distinctement composée chez l'adulte de cellules min- ces, allongées (fig. 135, 136, etc.), serrées les unes contre les autres, de manière à former un épithélium ; ces cellules sont formées d’un protoplasme transparent qui contient dans son in- térieur une grande quantité de granules opaques. Ces derniers semblent jouer un grand rôle dans la digestion ; on en trouve ordinairement aussi une grande quantité flottant librement dans la cavité du tube digesüf : je les désignerai sous le nom de gra- nules hépatiques. Sur les coupes on voit presque toujours très- bien la division de l’épaisse paroi de l’intestin en cellules sépa- rées; mais sur les vues de face de l'animal vivant étudié par transparence, 1l n’en est pas de même : les granules hépatiques. sont tellement abondants, qu'ils font disparaitre d’une manière complète les limites de différentes cellules de la paroï ; et cette dernière parait composée seulement d’une masse amorphe de parenchyme brunâtre formée uniquement de granules hépati- ques. C’est cette masse que certains auteurs semblent avoir hé- sité à considérer comme formant réellement la paroi épithéliale du tube digestif, et que Marion (1) a désignée sous le nom de couche hépatique. C’est cet aspect caractéristique de couche hépatique qui se présente généralement sous les yeux de l’ob- servateur dans l'observation par transparence des embryons (fig. 49, 50, 51) aussi bien que des adultes (fig. 52}; néanmoins il est des cas où la division de cette couche hépatique en eeliules séparées, si nette dans les coupes, devient aussi visible à l’ob- servation directe : ces cas sont très-précieux pour l'étude de la différenciation du tube digestif chez les embryons, et c’est pour- quoi j y insiste ici avec quelque détail. La grande abondance (1) Marion, Annales des sciences naturelles. 78 J. BARROIS. des granules hépatiques correspond à un état de grande activité physiologique. Lorsqu'on retient le Némerte en captivité pendant assez longtemps, ou même qu'on se borne à ramasser des exem- plaires peu de temps après la ponte et à une époque où ils sont épuisés par la formation des produits généraux, on constate que ces granules hépatiques sont en général beaucoup moins abondants : au lieu d’être disséminés et de remplir compléte- ment l’intérieur des cellules (fig. 98 C), on remarque qu'ils se réduisent, en se concentrant vers le centre de ces cellules, en un petit nombre de corpuscules plus volumineux (fig. 98 B) ; et si le dépérissement est poussé assez loin, on voit qu'ils finis- sent par se réunir en une seule concrétion d'aspect irrégulier (fig. 98 À), qui parait située au centre dela cellule : ces dernières ne se composent plus dès lors que d’un contenu clair et trans- parent, contenant au milieu une grosse concrétion. Rien n’em- pêche plus alors de reconnaître à l'observation directe, avec un peu d'attention, leslimites des différentes cellules entre elles, et . la répartition régulière des concrétions suffit d’ailleurs à elle seule pour montrer la division de la paroi de l'intestin en élé- ments séparés. Le tube digestif possède une structure tout à fait identique à celle qu'on remarque chez la plupart des Rhabdo- cèles (1) et présente un aspect qu'on ne peut mieux comparer qu’à celui du tissu de l’organe de Bojanus dés Gastéropodes. Il devient très-facile, dans ce cas, de voir, même à l'observation directe, la structure épithéliale du tube digestif; etcomme le fait se présente aussi pour les embryons, nous avons là une ressource précieuse pour suivre les derniers phénomènes de son déve- loppement. Malgré les anciennes erreurs, sans cesse reproduites (2) sur. la formation du tube digestif, il n’est plus permis aujourd'hui (1) Voy. Max Schultze, Beiträge zur Naturg. der Turbellarien, et Hallez, Observations sur le Prostomium lineare (Archives de zoologie experimentule, t. Il, p. 599). (2) Voy. Dieck, Jenaische Zeischrift, 1874, vol. VII, p. 514, où l’auteur semble encore considérer la masse graisseuse comme destinée à être résorbée, tandis que le tube digestif se forme plus haut sous forme d’une bande pâle (cette dernière n’est vraisemblablement que la gaine de la trompe). ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 79 de révoquer en doute la différenciation directe de la masse graisseuse qui remplit le corps en paroi de l'intestin. Gette différenciation se fait de la même manière chez tous les Né- imertes, et consiste dans son ensemble en trois processus : 1° assemblage des globules en couche continue venant tapisser la paroi du corps ; 2° apparition d’un protoplasme transparent entre ces globules ; 5° division de la couche sarcodique ainsi formée en éléments cellulaires, tandis que les globules grais- seux qu'elle contient se fragmentent en granules hépatiques ; enfin séparation de la couche ainsi formée de la paroi du corps. L’assemblage des globules graisseux en couche continue dirèctement accolée à la paroi du corps se voit dès le stade fig. 45, presque aussitôt après la sortie de la peau larvaire ; au lieu d'être comme précédemment de taille inégale, et disséminés au hasard dans la cavité du corps, ils viennent se condenser à la périphérie en une couche continue ; un petit nombre seule- ment des globules graisseux demeure situé dans la cavité : ceux- là restent compris dans l’intérieur de la couche qui formera l'intestin et finissent par être expulsés sous forme de méco- nium. Au début, les globules graisseux qui constituent cette couche sont étroitement serrés les uns contre les autres ; mais bien- tôt on remarque l’apparition entre eux d’un protoplasme trans- parent qui les écarte les uns des autres (fig. 46, 47, 48, etc.) et donne à l’ensemble de la couche la structure d’une lame de protoplasme continue tapissant directement la paroi du corps, et contenant dans son intérieur des globules graisseux. Je ne puis déterminer d’une manière exacte quelle est l’origine de ce protoplasme; quoi qu’il en soit, il est certain que nous avons ici affaire à un processus tout à fait analogue à celui que Kowa- lewsky a décrit et figuré dans ses excellentes coupes à proposde l’'Euaxes (1); la différenciation générale de la masse graisseuse des Némertes en tube digestif se ramène en somme à ce même processus. (1) Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, 1° série, 1871, t. XVI. 80 J. BARROIS. Dans les stades qui suivent, le protoplasme augmente d’une manière graduelle, et en même temps les globules graisseux se divisent en éléments de plus en plus petits (fig. 47 à 50) qui de- meurent empâtés dans la couche de protoplasme et finissent par former les granules hépatiques (fig. 50). Dans les cas ordi- naires (fig. 45 à 50), on ne voit pas d’autres changements que ceux qui viennent d’être dits, et la séparation de la couche ainsi formée d'avec la paroi musculaire du corps (fig. 51) se fait avant qu'on ait pu distinguer aucun autre phénomène que celui du morcellement de plus en plus avancé des globules graisseux en granules hépatiques ; mais si l’on examine des embryons placés dans des conditions moins avantageuses (1), et dont le dévelop- pement n’a pu s'effectuer d’une manière aussi rapide, on peut suivre, à partir du stade fig. 48, à l’aide de la distribution des globules graisseux déjà très-petits, la différenciation graduelle de la couche sarcodique en éléments cellulaires. On voit en effet ces globules graisseux se concentrer, à mesure que la différenciation s'achève, en amas différents, régulièrement espacés, et qui don- neront chacun naissance à une des concrétions dont nous avons parlé. On voit de cette façon qu'il se fait, avant le morcellement complet des globules graisseux en granules hépatiques, une di- vision de la couche sarcodique, d’abord continue, en champs séparés contenant chacun un certain nombre de granules, et que ce n’est qu'après ce phénomène important qui constitue la différenciation de lépithélium que se fait la séparation de la paroi du corps. — Ce dernier phénomène de séparation nous indique la fin du processus de différenciation de la masse graisseuse ; il se reforme dès lors, par prolongation de la cavité métastomiale, réduite un moment à ses deux portions trian- gulaires, une nouvelle cavité générale définitive, et en même (1) Cette réanion en concrétions hépatiques ne paraît pas se faire avec la même facilité chez toutes les espèces ; elle constitue le cas général chez l’Am- phiporus lactifloreus (fig. 95), mais n'apparaît que rarement chez le Lineus obscurus. Elle peut néanmoins se produire chez toutes les espèces, et je lai aussi, quoique plus rarement, rencontrée chez cette dernière : cette différence tient probablement à la plus ou moins grande facilité avec laquelle les diffé- rentes espèces supportent la captivité. ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 81 temps la couche dérivée de globules graisseux passe à létat d’une véritable paroi propre qui constitue l’ensemble du tube digestif définitif. Pendant que le tube digestif proprement dit se différencie de l’amas oraisseux, le renflement blanchâtre qui représente l’œso- phage (fig. 46, 0e) s’accroit également avec rapidité : les figures 47, 48, nous montrent son accroissement graduel. Il se creuse bientôt d’une cavité, tandis que sa paroi se différencie également en une coucheépithéliale formée de grosses cellules réfringentes faciles à distinguer sur les embryons : au stade figure 49, il constitue déjà une poche assez volumineuse ; au stade figure 50, il à acquis tous les caractères qu'il possède chez l'adulte. La bouche apparait de très-bonne heure (fig. 45) ; elle s'agrandit ensuite, et acquiert graduellement (fig. 49-50) l'aspect d’une large ouverture très-visible au dehors, qu’elle possède chez l'adulte. Reticulum connectif. — Nous avons déjà vu, dans la première partie du développement, quelle était l’origine probable des fibres connectives du reticulum ; nous avons montré que la dé- lamination, observée par Metschnikoff, du feuillet interne des disques en deux couches distinctes, ne pouvait être rapportée à la différenciation en feuillets musculaire et épithélial, mais que la portion délamimée se réduisait de bonne heure en éléments isolés (graisseux dans le Pélidium de Metschnikolf et le type de Desor), dissémimés au milieu de la cavité du corps, et que nous ne pouvions comparer plus justement qu'aux cellules étoilées déerites par Butschli comme se rejoignant en une couche con- ünue formée à l’intérieur même de la cavité du corps, et que nous avons rapportée au reticulum. L’extrème simplification d’embryogénie, que nous présente déjà le Lineus obscurus rend ici très-difficile le contrèle de ces vues sur la destinée de ces éléments; néanmoins il est de fait que c’est à peu près à l’époque de la disparition des globules graisseux ainsi pro- duits, c’est-à-dire un peu après l’éclosion du Némerte, que se voit la première apparition des fibres connectives du reticu- lum ; 11 n°y à par conséquent, chez le Lineus obscurus, rien que ANN. SC. NAT., OCTOBRE 1877. VI. 16. — ART. N° 3. 82 J. BARROIS. de favorable à l'opinion précédemment émise, que la première dilamination des plaques discoïdes correspond à une division en couche cutanée et reticulum. Le premier phénomène qui mdique la présence des fibres con- nectives qui tapissent plus tard les cavités internes est l’appari- tion sur tout le pourtour de la cavité du prostomium (fig. 45-44) d’une couche connective très-mince et qui échappe aisé- ment aux regards. Cette couche se voit surtout en profitant des mouvements produits à l’intérieur du corps par le refoulement du liquide qui remplit toutes les cavités ; elie n’est que peu dis- tante de la paroi musculaire et constitue la portion antérieure de la gaine de la trompe. Plus en arrière, on trouve que la portion antérieure de la masse graisseuse est aussi limitée par une mem- brane semblable, qui paraît entourer de tous les côtés la masse blanche médiane qui forme l’æsophage, et empêche l’amas de globules graisseux de s’épancher au dehors. En résumé, on voit apparaître, vers le stade fig. #4, une couche continue de tissu connectif, qui tapisse tout le système des cavités laissées libres au devant de la masse graisseuse qui formera lintestin; cette couche forme d’abord la gaine de la trompe, ensuite une mem- brane située au devant de cette masse graisseuse et qui l’em- pèche de s’épancher dans la cavité du prostomium. Ces deux parties sont d’abord restreintes à la partie antérieure; mais plus tard la trompe, en s’accroissant vers la partie postérieure, entraine avec elle la gaine qui lentoure, traverse ou refoule dans son accroissement la cloison connective qui limite les glo- bules, et pénètre dans la masse qui constitue ces dermiers (fie. 45, 46, 47, 48, etc.). L'étude des embryons examinés à ce stade (fig. 45, 46) paraît montrer la trompe située librement au milieu des globules ; mais l'observation plus attentive montre qu'elle en est séparée par la couche connective (gaine de la trompe) qu’elle à entrainée dans son accroissement. Cette der- nière constitue autour d'elle un tube qui apparait très-bien sous forme d’une trainée blanche, lorsque le liquide se trouve refoulé dans son intérieur ; la gaine de la trompe parait donc se former primitivement au moyen d’une couche continue de ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 83 reticulum, qui se forme tout autour de la cavité du prosto- mium et est ensuite entrainé vers la partie postérieure. Cette formation directe d’une couche connective sur tout le pourtour des cavités libres constitue un premier ensemble de phénomènes relatif à la formation du retiéulum; la séparation du tube digestif de la paroi du corps, quenous avons vue s’effec- tuer après la différenciation de la masse graisseuse, constitue pour ainsi dire un second processus, qui produit tout le reste du reticulum. La paroi de l'intestin ne se sépare pas de la couche musculaire, au point de ne plus présenter avec elle aucune adhérence, mais elle demeure encore en relation avec elle par un système complet de fibres rayonnantes. Ces fibres constituent la portion du reticulum qui traverse chez. l’adulte tout Pespace compris entre la peau et l'intestin ; c’est le reticu- lum de la cavité générale disposé d’abord irrégulièrement (fig. 135 et 178), mais qui plus tard se condense en couche continue, qui subit à son tour des différenciations dont nous aurons l'occasion de parier dans la suite. Nous pouvons sup- poser que ce reticulum provient en réalité des globules des disques, qui paraissent, aux stadis fig. 37, 42, pénétrer pro- fondément entre la couche musculaire et le tube digestif; ces globules resteraient enfermés à peu près à cette place, et don- neraient ensuite directement naissance aux fibres connectives. Nous pourrions de la sorte ramener encore l’ensemble tout entier du reticulum à une différenciation des globules des disques (1). C. Accroissement du Némerte. — Arrivé au stade de la figure 50, l'embryon a atteint, à très-peu de chose près, le terme ulüme du développement, mais il est loin encore d’avoir (4) Rien ne prouve, il est vrai, qu'au lieu d’en être ainsi, il n’y ait pas for. mation directe des fibres aux dépens de la paroi du corps ; néanmoins la dispo- sition générale des globules des disques, et leur disparitioü, qui coïncide avec la formation du reticulum, me font encore pencher pour la première opinion. Les deux modes ne sont, du reste, pas inconciliables, et il pourrait se faire que, chez certaines espèces, le reticulum se forme entre la paroi et les globules venus se disposer contre elle : la première fournissant les éléments figurés ; la seconde servant au développement de ces éléments. 84 J. BARROIS. acquis l'aspect du Némerte adulte : 1l se présente sous forme d’un très-petit Ver blanc, grèle, et qui, à œil nu, n'offre pas une taille sensiblement plus grande que celle de l'œuf, dont 1l ne parait différer (A et B de la figure 55) que par son aspect allongé. En examinant lés adultes qu’on ramasse sur la plage, on constate qu'il existe, outre les deux variétés (sanguineus et gesserensis) que présente le Némerte adulte (fig. 55 F), une grande quantité de Némertes beaucoup plus petts, dans les- quels le pigment ne s’est pas encore bien développé et qui sont encore de couleur blanchâtre (fig. 55 E). Entre ces deux états E et F se trouvent en très-grand nombre tous les passages possibles. Les Némertes à l’état E sont des exemplaires plus jeunes ; ils ont néanmoins acquis leur organisation complète, et sont susceptibles, aussi bien que ceux de lPétat F, de se repro- duire. J’en ai également obtenu des œufs; leur embryologie est tout à fait la même, mais est moins commode à suivre à cause du volume un peu moins grand des œufs. Entre les états À, B obtenus au moyen des pontes, et les états E, F, obtenus par l'examen des adultes sur la plage, il est fort difficile de trouver des intermédiaires : malgré les recherches les plus attentives au bord de la mer, je n’ai jamais pu réussir à trouver d'état antérieur à l’état E; d’un autre côté, les jeunes Némertes arrivés à l’état B (stade fig. 50) ne se développent sénéralement plus en captivité. Arrivés à ce stade, ils meurent par centaines et disparaissent bientôt d’une manière complète. Une seule fois j'ai réussi à conserver quelques embryons au delà de ce stade ; les quelques exemplaires que J'ai vus continuer leur développement ont néanmoins suffi pour me fournir les états intermédiaires qui me manquaient et pour me permettre d'achever complétement l’étude de lembryologie du Lineus obscurus. Le moyen qui n’a réussi pour obtenir ces stades in- termédiaires est de placer dans les meilleures conditions pos- sibles une très-grande quantité d'œufs de Lineus. La plupart des jeunes Némertes meurent, comme d'habitude, après le stade fig. 50; mais, sur le nombre, quelques-uns arrivent à ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 89 dépasser cet état critique et continuent ensuite à subir un déve- loppement régulier. J'avais, au milieu de février, placé dans un assez grand volume d’eau de mer (4 à 5 litres) une tren- tame de paquets d'œufs de Lineus. Quand je revins, vers le milieu de mai, visiter le vase dans lequel ils étaient placés, je constatai que, malgré la disparition du plus grand nombre des Némertes, quelques-uns avaient résisté, et se trouvaient en ce moment à des stades intermédiaires (G, D) entre les états que j'avais obtenus par l’embryologie (A, B) et ceux que je trouvais au bord de la mer (E, F). Placés sous le microscope, les jeunes Némertes à Pétat C ne me présentèrent aucune différence sensible avec ceux du stade fig. 50 : les points oculiformes étaient encore au nombre de deux, et la cavité générale n’avait pas changé; on constatait seulement un commencement de division du tube digestif en parties alternativement étroites et renflées, analogue à celle que nous avons représentée figure 96; mais là se bornaient tous les changements. Le stade D, au contraire, était très-instructif ; on pouvait déjà reconnaître son identité avec l’état E. Le Né- merte commençait à acquérir autour du système nerveux des traces du pigment rougeûtre dans lequel Hubrecht a reconnu la présence de l’hæmoglobine (1) ; de plus, les deux points oculi- formes n'étaient plus, comme précédemment, nettement cir- conscrits, mais étaient devenus diffus; à leur place on constatait sur les bords de la tête de nouvelles taches pigmentaires encore vagues et disposées irrégulièrement (fig. 51). Ce stade constitue évidemment le passage de l’état caractérisé (fig. 50) par la pré- sence de deux gros points oculiformes à l’état caractérisé (fig. 59) par la présence de deux rangées de petites taches pigmentaires disposées de chaque côté de la tête. Le dernier changement, celui qui présente le plus d'intérêt, est relatif à la disposition de la cavité générale ; nous y remarquons le cloisonnement de cette cavité par suite des différenciations du tube digestif. Les portions renflées dont nous avions constaté apparition au stade précédent se sont accusées de plus en plus et sont venues se (1) Hubrecht, Niederländisches Archiv für Zoologie,, 1874-75 Bd II, p. 99. 86 J. BARROIS. souder à la paroi du corps; la cavité générale se trouve ainsi divisée en compartiments séparés qui correspondent aux rétré- cissements du tube digestif (fig. 51): ce sont les chambres géni- tales. Les portions renflées du tube digestif ne se présentent pas sous forme d’un soulèvement annulaire continu venant se souder sur Loute son étendue à la paroi du corps; trois places au niveau desquelles la soudure avec la paroi du corps ne s’ef- fectue pas, trois vides produits sans doute par le mouvement du liquide d’un bout à l’autre du corps, restent ménagés entre l'intestin et cette paroi; ils font communiquer entre elles les chambres génitales et constituent les vaisseaux longitudinaux dont la place se trouve indiquée sur nos figures de coupes. Les fibres enlacées qui traversaient irrégulièrement la cavité géné- rale viennent, à la suite de ce cloisonnement, se condenser en une couche cohérente autour de chacune de ces chambres et de ces vaisseaux, qui se trouvent ainsi circonscrits d’une ma- nière plus nette. Les glandes génitales et vaisseaux longitu- dinaux ne constituent donc pas des organes spéciaux, mais ne sont que des portions cloisonnées, communiquant entre elles, de cavité du corps, et le long desquelles le reticuium, d’abord irrégulièrement disséminé, est venu se condenser en une couche cohérente. C’est aux dépens de la paroi connective ainsi déposée tout autour de la portion de cavité du corps qui a donné naissance aux chambres génitales que se développeront les produits géni- taux. On les voit apparaitre chez l’adulte sous forme de lam- beaux d’épithélium (fig. 154 et 155) formés aux dépens de la paroi connective, et dont les éléments sont destinés à donner naissance, par développement ultérieur, aux œufs et aux cellules mères des spermatozoïdes. Nous avons vu déjà que ce reticulum aux dépens duquel naît l’épithélium génital paraissait provenir en entier de la couche des disques, qui elle-même dérive tou- jours directement de lexoderme. Il me parait donc difficile d'admettre pour les Némertes la théorie de Van Beneden sur la naissance différente des deux sortes de produits; tous deux me semblent plutôt dériver iei du feuillet externe. ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 81 A cette division en cæcums du tube digestif correspond, chez les Némertiens, une véritable division en zoonites; leur répé- tion constante à la suite les uns des autres, celle des poches génitales et des pores de sortie qui leur correspondent, justifient parfaitement l'opinion qui tend à regarder ces animaux comme constituant une colonie au même titre que les Annélides ou que les Cestodes. Néanmoins cette comparaison ne peut se main- tenir qu’au sens physiologique; elle est complétement fausse si l’on veut en tirer, comme on l’a déjà fait, des préuves d’une relation morphologique avec les Annélides. Gette métamérisation qui explique le volume parfois si allongé que peut acquérir la portion postérieure du corps des Némertes n’a rien de commun avec le processus de scission, mais se rattache au contraire, d’une manière intime, à la rami- fication du tube digestif et à la disposition dendrocèle des Pla- nariés régularisée chez les Némertiens. La division en zoonites chez ces animaux à une signification morphologique tout autre que dans le cas typique, rattaché Jusqu'ici aux phénomènes de SCISSION. La structure de l’adulte (comparez les figures 51 et 52) ne diffère pas de celle du stadefig. 51. La circulation s'établit d’une manière normale très-peu après ce stade à travers le système de cavités cloisonnées dont nous venons de décrire le mode de formation. Les chambres génitales restent en communication avec les troncs longitudinaux et constituent, chez l'adulte, les vaisseaux transverses (fig. 52). C’est aussi seulement au stade 52 que commence à se former l’épithélium génital dont certaines cellules se transforment directement en produits génitaux, tandis que les autres paraissent destinées à former les coques qu’on trouve chez plusieurs espèces. Les ouvertures de sortie se forment en même temps par de petites invaginations de la peau, qui correspondent peut-être, comme le pense Gegenbaur, à l’état primitif des organes segmentaires. D. Rapports et différences. — Ainsi que nous Pavons vu dans ce qui précède, la couche des disques semble avoir été géné- ralement mal ou incomplétement comprise par les auteurs; 88 J. BARROIS. seuls Leuckärt et Pagenstecher ont clairement indiqué sa divi- sion en deux strates, l’une épithéliale et l’autre musculaire. Néanmoins, même pour les auteurs qui ont le mieux observé ce phénomène, la couche des disques n’en restait pas moins, quelle que füt sa complexité de structure, un simple tégument, une simple peau de formation secondaire destinée à prendre la place de la peau primitive. Jamais on n’a cessé pendant un seul instant de considérer la couche des disques comme correspon- dant dans $a totalité à la peau du Pifidium, et le développement consistant, dans son ensemble, dans la formation par bour- econnement interne d’un tégument définitif au-dessous du premier. Malgré l’opinion unanime de tous les auteurs, je suis obligé de venir critiquer pour la première fois cette manière de voir ; il me semble impossible, d’après mes observations, de main- tenir plus longtemps la correspondance de la couche des disques tout entière avec la peau du Pilidium. Pour moi, la seule partie qui corresponde à cette peau est la mince couche épithéliale qui se sépare, pendant la différenciation des tissus, de toute la surface de la couche des disques; la presque totalité de cette dernière passe sans changement de l'embryon (fig. 37) au jeune Némerte (fig. 43), où elle continue de former un feuillet très- épais à disposition caractéristique (organes latéraux, lames prostomiales et métastomiales), situé entre les deux feuillets épithéliaux. Personne ne songera, en jetant les veux sur les figures 37 et 43, à maintenir la correspondance des deux cou- ches me etep de la figure 43 avec la couche ex de la figure 37, mais on sera porté, au premier coup d'œil, à rapporter la couche ex de la figure 37 à la couche ep de la figure 43, et la couche DP-DM de la figure 37 à la couche #e de la figure 43. Le remplacement de la peau du Pilidium ne consiste en aucune façon dans la formation de la couche des disques, mais seulement dans la différenciation de l’épithélium ep (fig. #3). Du moment que l’évolution des plaques discoïdes n’a pas pour objet la formation d’une peau nouvelle, leur rôle véritable nous reste à découvrir. Bien qu'il y ait dans l’embryogénie une ARTICLE N° 5, Ù EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 89 époque à laquelle les disques sont confondus en une peau continue, nous avons, en signalant la coïncidence du point de soudure des organes latéraux avec la ligne de rencontre des deux paires de disques, montré que ces deux paires correspon- daient exactement aux cavités prostomiale et métastomiale, et ce fait nous a permis de suivre, sous le nom de lames prosto- miales et métastomiales, leur destinée complète jusqu’à l'état adulte. Nous avons vu ainsi que les disques antérieurs forment la masse musculaire de la tête du Némerte (masse céphalique), tandis que les postérieurs s’accroissent pour former le long tube musculaire qui constitue la presque totalité du corps du Né- merte. La division primitive de chacune de ces deux parties (renflement céphalique et tube musculaire du corps) en deux portions symétriques (disques) se trouve à son tour rappelée chez l'adulte par la structure bilatérale du groupe des Né- mertes : ainsi, les quatre disques correspondent à quatre divi- sions essentielles de la musculature persistantes pendant toute la vie du Némerte adulte. Une telle concordance ne peut s’ex- pliquer qu’en admettant entre ces parties des liaisons intimes ; nous devons admettre que ces disques sont en réalité les rudi- ments des quatre portions essentielles de la musculature (les deux renflements céphaliques, masses céphaliques , et les deux moitiés symétriques du tube musculaire du corps, lames cuta- nées), et que le développement consiste, dans son ensemble, dans le simple rapprochement de ces quatre rudiments. Nous avons déjà vu dans la première partie du développement que la naissance des disques par invagination, et par suite leur aspect de bourgeons internes, n’était qu'une conséquence de l’état larvaire ; elle cesse par disparition de ce dernier, et tend à revenir à la séparation d’un simple épaississement directement forméaux dépens del’exoderme:l’évolution des disquesse ramène dès lors à la naissance directe d’un mésoderme par des épais- sissements exodermiques correspondant aux quatre divisions de la musculature. Nous sommes ainsi ramenés, avec addition d'importants détails, à l’idée déjà exprimée à la suite de la première partie du développement : que l’embryogénie du Pili- 90 | J. BARROIS. dium consiste dans l’évolution d’une forme unique à trois feuillets embryonnaires, et dont la couche des disques forme le mésoderme, tandis que l’état même de Pilidium n’est qu'un état larvaire sans aucune importance, qui résulte simplement d’un développement adaptatif produit à la suite d’une éclosion prématurée de la Gastrula, et constituant une simple aberration du développement normal qui repose sur l’évolution du méso- derme; la chute de la peau du Pilidium correspond à la chute de l’épithélium normal (exoderme) pour le remplacer ; la sur- face du feuillet moyen se différencie en une mince couche épi- théliale produite par adaptation, par suite de l'absence d’épi- thélium normal, mais à la production de laquelle la couche des disques n’a aucune part originelle; l’amnios lui-même doit être placé au nombre des parties issues du développement adaptatif qui a produit le Pilidium. Résumé. A. Feuillets primitifs (fig. 1 à 15). — 1. L’œuf présente une segmentation caractéristique étudiée en détail et qui représente le mode de segmentation typique de la blastula. La cavité cen- trale apparaît au stade 8, mais conserve longtemps de faibles dimensions, de sorte qu'on obtient d’abord un stade à longues cellules radiaires disposées régulièrement autour d’une très- faible cavité ceutrale (fig. 7-8). 2. À ce stade succède la blastula par accroissement de la cavité el réduction des longues cellules radiaires en simples éléments épithéliaux rangés en feuillet continu (fig. 9-10). 3. L’invagination de la gastrula se dirige obliquement à l’intérieur de l’œuf, de sorte que l’endoderme se trouve dès le début rejeté entièrement d’un côté de l'ouverture d’invagi- nation (fig. 11, 12, 13). L’embryon ne possède jamais de struc- ture rayonnée (symétrique par rapport à un axe passant par les pôles oral et aboral), mais présente dès le début une incur- vation d’un côté qui donne lieu à la structure bilatérale, avec indication des faces dorsale et ventrale, ainsi que d’une portion prostomiale (au devant de la bouche) et métastomiale (en ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 91 arrière de la bouche et contenant tout l'intestin). L’œsophage est aussi indiqué dès ce stade par le rétrécissement qui résulte de la fermeture de la gastrula. Dans la suite ces particularités s’'accentuent et deviennent plus nettes (fig. 19 à 23), mais leur première apparition date du début même de linvagination de la gastrula. B. Développement des Pique (fig. 16 à 33). — 1. À peine la gastrula est-elle formée, que commence le processus qui don- nera naissance aux plaques discoïdes. Ces disques se forment à la même place et de la même façon que chez le Pilidium, mais les Invaginations, au lieu de se fermer par rapprochement régulier du repli de la peau qui en forme les bords, se ferment par accroissement d’une lame simple au-dessus de leur ouver- ture ; de sorte qu’au lieu de se produire des vésicules dont l’'aplatissement donnera naissance à des doubles disques (d’où formation de deux couches : peau du Némerte et amnios), il se forme d'emblée quatre disques simples (d’où l'absence d’amnios). 2. Peu après la fermeture des imvaginations, la cavité du corps s'agrandit un peu, et l’on voit apparaître dans son inté- rieur les plaques discoides toutes formées (fig. 22). Ces der- nières commencent à s’accroitre pour se souder, comme chez le Pilidium, en une couche unique entourant l'intestin. La soudure se fait tout à fait dans le même ordre : 1° soudure des deux disques antérieurs; 2° soudure des quatre disques en une plaque ventràle; 3° extension de cette plaque du côté dorsal. Le processus le plus remarquable de cette période con- siste dans la délamination des disques en deux couches : l’in- térieure, composée de globules graisseux gl qui se disséminent dans la cavité du corps et qui représentent le reticulum eon- nectf, l’externe, qui formera la peau du Némerte. La trompe apparail à cette époque sous forme d’un bourgeon solide (et non d’un tube né par invagination, comme dans le Pilidium) né au point de réunion des disques antérieurs, et dont Pac- croissement se fait dans la suite par allongement graduel avec formation d’une cavité centrale qui crève à l’extérieur. La for- 99 J. BARROIS. mation de l’épaississement labial par soudure de la couche des disques au pourtour de la bouche se fait aussi à cette même époque. C. Évolution des feuillets (fig. 34 à A1). — À peine la couche des disques s’est-elle réunie en feuillet continu, qu’on voit faire saillie, des parois de l’æsephage, deux vésicules o/ qui for- ment les organes latéraux; ces vésicules s’'accroissent vers le dehors et se détachent bientôt de l’æsophage, auquel elles ne restent plus réunies que par un cordon solide fun (fig. 36). Un peu plus tard on les voit se souder à la couche des disques, au point de réunion des paires antérieure etpostérieure (fig. 36-37), et former ainsi une eloison qui divise la cavité du corps en portion correspondant au prostomium, qui se trouve limité par les disques antérieurs (lames céphaliques ou prostomiales), et portion correspondant au metastomium limité par les disques postérieurs (lames cutanées où métastomiales). Grâce à cette position des organes latéraux, on peut suivre jusqu’à l’adulte la destinée des disques. 2. En même temps l'embryon, qui s’est d’abord aplati en s’élargissant (fig. 34), prend l’aspect vermiforme (fig. 37) par allongement graduel de la partie postérieure, tandis que la partie située en avant prend une forme en fer de lance par suite de la formation des fentes céphaliques (fig. 37). L’em- bryon a déjà alors l'aspect d’un jeune Némerte (fig. 37) dont l'intestin, la musculature et l’épiderme seraient formés par l’endoderme, la couche des disques et l’exoderme. Les figures de profil (13, 30-39, 40-41) expriment bien le caractère simple du développement jusqu’à cette époque. D. Apparition des phénomènes d'alternance (fig. 38, 39, 49). — C’est alors seulement qu'apparaissent les phénomènes d’al- ternance : l’exoderme cesse de demeurer appliqué contre la couche des disques ; il s’en écarte et se transforme en un vaste sac qui renferme tout le reste de l'embryon (fig. 42). En même temps la couche des disques éprouve une différenciation histo- logique (fig. 38, 39) à la suite de laquelle une mince couche épidermique se forme à sa surface, tandis que sa presque tota- ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 93 lité passe directement à la musculature du jeune Némertien et conserve une grande épaisseur, ainsi que la division caracté- ristique en lames prostomiales (disques antérieurs) et lames métastomiales (disques postérieurs) séparées par les organes latéraux qui se sont renflés en deux masses arrondies suspen- dues à la peau et toujours reliées à l’œæsophage par des cordons solides. À la même époque, l’endoderme qui, depuis longtemps, a commencé à éprouver des dégénérescences à sa partie centrale (fig. 34-37), se transforme entièrement, sauf l’œsophage, en une masse cohérente de globules graisseux qui, en s’accroissant par multiplication rapide de ces globules, cause le renflement de toute la partie postérieure auparavant amincie (fig. 37) et qui reprend un volume égal à celui de la tête (fig. 49). À. Sortie du Némerte (fig. 42 à 45). — Après la chute de l’exoderme, qui tombe en entrainant l’épaississement labial, l'œæsophage n’est plus visible que par les points d'insertion (4) des deux cordons (fun) à sa paroi (fig. 43). Ces derniers appa- raissent sous forme de deux taches blanches (4) (correspondant aux deux poches ciliées de Butschli) qu’on voit bientôt s'étendre et se souder en une seule (fig. #4) dont l’accroissement ultérieur forme l’œæsophage définitif. Pendant cette période, lamas de globules graisseux du tube digestif continue à s’accroitre et à se renfler, de sorte que la partie métastomiale commence à dépasser l’antérieure en volume (voy. fig. 44, dans le retrait, et 45, dans l'extension). B. Perfectionnement du jeune Némerte. — Quatre choses à étudier : évolution de la musculature, différenciation de l’épithélium, tube digestif, reticulum connectüf. Musculature. — Réunion des lames prostomiales en une masse continue : 1° par soudure en une portion pleine impaire (mi), située tout entière au devant de la trompe (épaississement impair) ; 2° par épaississement (#5) d'apparition plus tardive, se prolongeant graduellement jusqu’à la base des organes laté- raux (épaississement secondaire). Pendant ce temps, les lames métastomiales s’amincissent et s'étendent en un tube muscu- laire mince et allongé. 94 3. BARROIS. Épithélium. — Apparition d’une abondante substance inter- cellulaire avec réduction des éléments cellulaires en corpus- cules semblables à des bâtonnets, puis renflement de ces bâtonnets en cellules à glaires. Tube digestif. — Les globules graisseux (qui sont restés depuis la dégénérescence sans se mélanger avec ceux qui for- meront le reticulum) vont s'arranger à la périphérie en une couche continue qui tapisse immédiatement la couche muscu- laire, puis du protoplasme apparait entre les éléments graisseux ainsi assemblés ; le reste consiste dans un morcellement des oelobules graisseux en granules hépatiques, tandis que le proto- plasme qui les retient unis se différencie en un véritable épi- thélium. L’intestin acquiert ainsi, par un processus analogue à celui que Kowalewsky a décrit chez l'Euaxes, une nouvelle paroi propre qui, après formation complète, s’écarte de nouveau de la paroi du corps, laissant ainsi réapparaitre la cavité géné- rale un moment disparue. Reticulum. — Les portions triangulaires de cavité métasto- miale qui, avant la chute de la peau, s’étendaient vers je bas, le long de l'intestin, se trouvent réduites à leur plus mince volume vers le stade fig. 44 par l'accroissement de la masse graisseuse du tube digestif. Les globules graisseux de la cavité du corps se trouvent tous refoulés (excepté les plus postérieurs, qui ont pu peut-être se confondre avec ceux de l’intestin) vers la partie antérieure, où 1ls commencent à se rendre à la périphérie pour former le reticulum. Une mince membrane connective se forme de cette façon sur tout le pourtour de la cavité du prostomium, et on la voit bientôt, à mesure que les globules graisseux dimi- nuent en nombre, apparaître d’une manière plus distincte de la paroi; elle constitue la gaine de la trompe et accompagne cet organe dans son accroissement vers la partie postérieure. Une autre membrane de structure analogue s’est formée, à l’époque de la chute de la peau, à la partie antérieure du tube digestif et empêche les globules graisseux qui le constituent de s’épancher au dehors dans la cavité générale. Enfin, à l’époque où l'intestin définitif s’écarte de la peau, une troisième portion ARTICLE N° 9, EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 95 de reticulum se forme entre les deux; on pourrait peut-être faire remonter cette dernière aux globules graisseux qui, aux stades 39 et 42, occupaient les portions les plus postérieures des cavités triangulaires, et qui, à l’époque de la dégénéres- cence complète du tube digestif, ne se distinguent plus de l’amas graisseux formé par l’intestin et appliqué directement à la paroi du corps. C. Accroissement du Némerte. — Les deux états (fig. 55) G et D, obtenus à grand'peine en sacrifiant un grand nombre d'œufs, m'ont fourni le passage entre les embryons les plus dé- veloppés qu’on ait ordinairement (fig. 55, B) et les plus jeunes qu’on puisse rencontrer sur la plage (fig. 55, E). L'état C ne se distingue du précédent (B) que par l'apparition de la division de l'intestin en cxcums réguliers. Dans l’état D, les deux points oculiformes commencent à disparaître pour faire place à deux rangées de points situés de chaque côté; de plus, les cæcums du tube digestif se sont accrus au point de venir se souder à la paroi du corps, divisant ainsi la cavité générale en chambres séparées (chambres génitales) communiquant entre elles par {rois espaces ménagés entre chacun des cæcums et la paroi du corps, et qui, par leur réunion, forment les trois vaisseaux lon- gitudinaux. La cavité générale est ainsi cloisonnée en un système complexe de cavités toutes communiquant entre elles, et autour desquelles le reticulum vient se disposer en couche continue. 3. CONCLUSION. Nous voyons, pour résumer en quelques mots tout ce qui pré- ÉEULE | 1° Pour le Pilidium. — Qu'il y a toujours, après la soudure des plaques discoïdes, une division de la couche ainsi formée en couches musculaire et épithéliale, et que c’est à tort que l’on avait confondu cette division avec une autre’ qui à lieu plus tôt. 2 Pour le type de Desor. — 1° Que l’état larvaire est le seul modifié, etque par conséquent il devient impossible de lui con- server plus longtemps son importance fondamentale. 96 | J. BARROIS. 3° Que, dans la division de la couche des disques qui s’ef- fectue chez les deux types, après soudure complète des quatre rudiments, l’externe seule (épithéliale) est employée au rem- placement de la peau caduque, l’interne continuant à former un feuillet très-épais compris entre les deux couches épithé- liales de la peau et de l’intestin. Ces faits établis, nous avons étudié avec plus de détail quelle était la nature de ce second feuillet dérivé de la division de la couche des disques : nous avons reconnu qu’il conservait, pendant toute la durée du développement, lépaisseur et la division caractéristique de la couche des disques (lames prostomiales et métastomiales séparées par les organes laté- raux), et finissait enfin par donner naissance à la musculature complète de l'adulte avec ses grandes divisions (masse cépha- lique et tube musculaire du corps), dont nous avons montré la formation graduelle aux dépens des deux paires de disques. Ces rapports remarquables entre les grandes divisions de la muscu- lature de l'adulte et les plaques discoïdes nous ont forcé d’ad- mettre que le feuillet mterne de la couche des disques repré- sente en réalité un véritable mésoderme formé des radiments de la musculature (lames prostomiales et métastomiales), et que le développement du Némerte dans son ensemble consiste dans la naissance et le rapprochement de ces quatre rudiments. Le développement régulier de ce premier mode d’embryogémie, qui comprend le Pilidium et le {ype de Desor, est donc un et direct, et se compose, dans ses grands traits, des phases sui- vantes : 1° formation de deux feuillets primitifs (gastrula) ; 2° formation aux dépens de lexoderme d’un feuillet moyen com- posé de quatre rudiments caractéristiques, et 3° rapprochement de ces quatre rudiments pour former les parties essentielles de la musculature. ; Seulement, la présence des états larvaires (nous avons vu que le Pilidium devrait être réduit à cette simple signification) vient troubler la régularité d’un mode si simple : l’éclosion pré- maturée de la gastrula est suivie d’un développement adaptatif qui produit une quantité de complications accessoires et obscur- ARTICLE NS 9. | EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 97 cit beaucoup la suite naturelle des phénomènes normaux. Parmi ces circonstances perturbatrices résultant de l’état lar- vaire, 1l faut compter : 1° l'aspect spécial que prend la gastrula transformée en Pilidiur, avec sa transparence, ses franges ci- liaires, ses lobes natatoires, et sa spacieuse cavité du corps ; 2° le mode de naissance des disques par invagination, leur aspect de bourgeons internes, suite de l’écartement forcé de l’exo- derme, et l’aspect caractéristique qui en résulte, de deux formes alternantes emboitées l’une dans l’autre ; enfin, la présence d’un amnios, résultat immédiat de la formation des disques par inva- gination ; 3° la chute de l’exoderme primiuf, trop différencié pour venir, après le retour au cycle normal, se réappliquer con- tre le mésoderme, et la différenciation, qui en est la suite, de la surface du feuillet moyen en une mince couche épithéliale, pro- duite également par simple adaptation et destinée à remplacer l’épithélium normal (exoderme) qui a disparu. DÉVELOPPEMENT DIRECT ET PLANULA. 1. DÉVELOPPEMENT DIRECT. 1. Historique. Tetrastemma obscurum, Max Schultze, 1851. Prosorhochmus Claparedii, Keferstein, 1862; Claparède, 1803. Borlasia vivipara, Uljanin, 1870. Ainphiporus lactifloreus, Mac-Intosh, 1873. Borlasia Kefersteinii, Marion, 1874. Les premiers observateurs qui s’occupèrent de ce mode de développement ne purent fournir à son sujet que des renseigne- ments extrêmement mcomplets: Max Schultze et Keferstein, qui, les premiers, eurent à étudier une embryogénie de ce genre, trouvèrent les Némertes remplis d'embryons déjà parvenus à une période avancée du développement, mais ne contenant plus aucun œuf. Max Schultze. —- Figure deux embryons : le premier pos- sède déjà tous les caractères de Padulte; le second ne présente encore, suivant Pauteur, qu’une différenciation en enveloppe ANN. SC. NAT., NOVEMBRE 1877. VI. 17. — ART. N° 3. 98 | 3. BARROIS. externe et masse centrale représentant le tube digestif. A la par- tie antérieure de ce dernier embryon, Max Schultze figure deux taches plus claires qu'il désigne comme représentant les gan- glions nerveux, et derrière ces deux taches un tube déjà assez gros qui constitue la trompe. Il est très-probable que ce second stade représente déjà lui-même un Némerte tout formé, dans le- quel Max Schultze n’a pas bien reconnu la disposition générale des différentes couches. Quoi qu'il en soit, Max Schultze a, mal- gré l'insuffisance de ces observations, parfaitement reconnu la simplicité de nature du développement : 1l insiste sur l’absence de métamorphose, et l’oppose même au mode de développement décrit par Desor. Keferstein. — Nous a donné de bonnes figures d’embryons de Prosorhochinus Claparedii. Rien de tout ce qu'il imdique ne peut donner lieu à des critiques sérieuses, et les différentes parties du jeune Némerte y sont représentées avec exactitude ; malheureu- sement, les stades qu'il nous donne sont, comme ceux de son prédécesseur, beaucoup trop avancés, ils n’ont déjà plus droit au nom d’embryons : ce sont de jeunes Némertes complétement formés. Ce fait rend ces observations d’une faible valeur au point de vue qui nous occupe. Uljanin. — Figure le système nerveux et la trompe à peu près de la même manière que Max Schultze : il ne parait pas avoir vu d’autres stades que ses devanciers. Ce sont des dessins de Max Schultze que ces figures se rapprochent le plus, cependant 1l a mieux distingué l'intestin de la couche musculaire de la paroi du corps. Claparède. — À été plus heureux que son devancier dans l'étude du développement du Prosorhochnus : les exemplaires qu’ila eus à sa disposition contenaient des œufs à tous les stades. A côté de jeunes Némertes analogues à ceux que Keferstein avait dessinés, Claparède en figure un à un stade moins avancé, et déclare avoir pu facilement suivre les états antérieurs. Malheu- reusement, cet observateur n’a pas cru devoir s'arrêter beaucoup sur cette embryologie; il indique dans son embryon les enve- loppes musculaires comme tube digesuf, et l’amas graisseux du 2] ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 99 tube digestif comme l’origine de la trompe; il se borne à dire que la segmentation est totale, et aboutit bientôt, «sans offrir du reste rien de remarquable » au stade qu'il représente. Maloré cette insuffisance dans la description, Claparède semble néan- moins être le premier qui ait décrit la marche entière du déve- loppement, ainsi que la formation du Némerte par simple diffé- renciation de la morula. Mac-Intosh. — Les observations de Mac-Intosh constituent sur les précédentes un progrès sensible, et ses descriptions sont sans contredit les meilleures que nous possédions jusqu'ici sur ce mode de développement. L'auteur anglais a suivi en détail chez l’Amphiporus lactifloreus la marche entière des phéno- mènes. La segmentation aboutit, dès le second jour, à une morula à petits éléments ; le sixième ou septième jour, cette morula devient ciliée, puis s'effectue dans sa masse un travail interne qui dure plusieurs Jours, sans modifications apparentes à l'extérieur. Si lon vient à comprimer sous le porte-objet un œuf vers le quinzième jour, on constate que la sphère ciliée n'offre plus la structure homogène qu’elle possédait d’abord. On y reconnait déja d’une manière vague les différents organes du jeune Némertien : au centre, un espace blanc qui figure la trompe; de chaque côté, des masses opaques de granules vitellins et deglobules graisseux; tout autour, une épaisse zone claire dans laquelle se formeront les cordons nerveux; enfin l’épithélium. ; Au quinzième jour a lieu l’éclosion; le reste du développe- ment consiste d’abord dans le changement de forme de la sphère ciliée, qui s’allonge et prend rapidement un aspect vermiforme, puis en une différenciation plus prononcée des organes inter- nes déjà existants. Toutes les figures qui accompagnent cette description sont excellentes, et expriment d’une manière exces- sivement exacte les différents aspects qu’on voit dans la nature : ellesnous montrent le Némerte naissant aux dépens de la morul d’une manière infiniment plus graduelle que les travaux des auteurs cités dans ce qui précède, et sont très-propres à donner une idée des différents aspects de ce mode de développement. 100 J. BARROIS. Murion.— Plus récemment enfin Marion a donné une bonne figure de l'embryon de Borlusia Kefersteimi : les jeunes Némertes qu'il figure ressemblent tout à fait à ceux décrits par Mac-Intosh, et permettent de rapporter avec sécurité l’em- bryon de cette espèce au développement direct. . Les observations dont je vais maintenant présenter l’exposé ont été entreprises dans le but d'assister d’une manière plus gra- duelle à la formation du jeune Némerte. Mac-[ntosh nous repré- sente bien l’aspect général du développement, mais sa deserip- tion ne rend compte d'aucun phénomène : je me suis attaché, dans ce développement, à suivre pas à pas la transformation de la morula en un jeune Némerte; pour cela Jai dû commencer, comme on le verra, à faire une étude détaillée de la morulu. 2. Embryogénie de l'Amphiporus lactifloreus. La grande difficulté que présente l’étude de PAmphiporus lactifloreus, comme du reste de tous les Némertes à développe- ment direct, est le manque absolu de transparence, et limpuis- sance des réactifs ordinaires à produire cette transparence : l’a- cide acétique et la plupart des agents éclaireissants, ou bien sont sans effet, ou bien éclaircissent tout d’une manière tellement uniforme, qu'il devient impossible de bien distinguer le contour des différentes parties. Ge sont sans doute ces difficultés qui ont été cause que lon s’est borné à retracer jusqu’ici les différents aspects du développement, sans chercher à se rendre compte de la suite continue des phénomènes. Moi-même J'ai passé une première série de recherches sans réussir à me rendre un compte suffisant de l’ensemble des phénomènes, et les résultats auxquels j'arrivais pour l'Amphiporus ne différaient guère de ceux de Mac- Intosh : ce résultat négatif me détermina à abandonner momen- tanément l'étude infructueuse des phénomènes internes, pour chercher à me rendre compte, en suivant la segmentation dans tous ses détails à la lumière réfléchie, de la structure exacte de la morula. F'étais arrivé à conclure de cette étude de la segmen- tation, qu'aucune des sphères vitellines ne quittait la surface de ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 401 l’œuf, et que par conséquent la morula ne pouvait être réelle- ment une masse pleme de cellules, résultant du glissement, les unes sur les autres, de sphères vitellines de forme arrondie, avec recouvrement de certaines d’entre elles par celles situées plus à la surface, lorsqu’enfin je trouvai un réactif quime permit de suivre en détail les phénomènesinternes dont j'avais jusque-là tenté inutilement l’étude. Un mélange en proportions conve- nables de carmin et de glycérine produit la transparence, et en même temps délimite les contours des différents éléments d’une manière satisfaisante ; seulement il importe d’user de ce réactif avec les plus grands ménagements : employée sans pré- cautions, la glycérine fait éprouver à l’œuf une déformation complète et l'observation devient impossible. On évite cet incon- vénient en la faisant agir d’une manière graduelle, diluée dans une assez grande quantité d’eau. Ordinairement je faisais agir successivement sur un œuf trois mélanges contenant de la glycé- _rine en proportions croissantes : le premier contenait un quart de glycérine pour trois quarts d’eau, le second la moitié, et le troisième trois quarts de glycérine ; le mélange était coloré par une dissolution de carmin. La quantité de earmin peut varier suivant les cas ; ordinairement, J'en ajoutais assez pour pro- duire une coloration vineuse. Si après avoir fait agir ce réactif à ses différents degrés pendant le temps voulu (quelques minutes dans chaque mélange), on pose l'œuf sur le porte-objet, et qu'on lui fasse subir une compression légère, on arrive à distinguer avec netteté sa structure interne. La marche que j'ai suivie dans l'étude de cette embryogémie m’oblige à en diviser la description en deux parties distinctes : la première partie aura surtout pour but l'étude des phénomènes externes, et aura rapport à la segmentation ; la seconde sera relative aux phénomènes internes. Je la diviserai en trois pé- riodes : 1° formation des feuillets ; 2 formation du Némerte ; 9° achèvement du Némerte. Les œufs de l’'Amphiporus lactifloreus sont pondus à l’état de gros paquets blancsirréguliers, dans lesquels les œufs sont agglu- tinés ensemble par un mucus peu abondant; chacun de ces œuts 102 J. BARROIS. possède deux enveloppes : une interne, extrêmement délicate; l’autre externe, résistante, et qui présente un double contour. On arrive aisément, avec l'habitude, à dégager successivement les œufs de leurs deux enveloppes, et cette précaution est même souvent nécessaire pour l’étude des stades difficiles du dévelop- pement. Je n’ai pas étudié le mode de formation de ces enve- loppes; tout ce que je puis dire, c’est qu'elles se trouvent toutes formées avant la ponte dans le corps de la mère. On observe généralement entre ces deux membranes un point d'adhérence déjà signalé par Mac-Intosh, et qui correspond peut-être à un micropyle ; néanmoins jé conserve les doutes que parait avoir Mac-Intosh à ce sujet. Les spermatozoïdes de lAm- phiporus ont une tête en forme de grain de millet, à laquelle fait suite un long filament mobile; je n'ai pas eu l’occasion d’obsérver la fécondation chez cette espèce. a. Segmentation : phénomènes externes. Examiné dans le corps de la mère, ou immédiatement après la ponte, l'œuf possède la structure représentée figure 56. Le protoplasme se compose, comme chez le Lineus, d’une matière liquide tenant en suspension des granules vitellins; mais 1ei la masse est moins visqueuse, les granules s’échappent plus faci- lement de la partie liquide quand on écrase l'œuf. La vésieule germinative 6 est grande, transparente, et contient dans son intérieur un amas de gros granules. Cet amas de granules, situé à la place de la tache de Wagner semble se retrouver dans l’œuf mûr des Némertes d’une manière très-constante : je lai vu chez presque toutes les espèces que j'ai eu Poccasion d’obsérver, et je m'étonne qu'aucun auteur n’en ait encore fait mention. La particularité la plus importante de l’œuf pondu de l’Amnphiporus, est la présence, tout autour du vitellus, d’une zone plus obscure (fig. 56, 57, 58, etc., 2), qui paraît assez brusquement délimitée de la masse plus pâle du vitellus sous- jacent ; cette zone s’observe d’une manière extrêmement con- stante : elle persiste dans l'œuf pendant très-longtemps, et se voit aussi bien par compression sur les œufs frais que sur les ARTICLE N° 0. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 103 œufs traités par le mélange de carmin et de glycérine. Sur ces dermers, elle se détache sous forme d’une zone plus sombre du reste du vitellus. Nous reviendrons, du reste, plus tard sur ce sujet. Si l’on reprend l'œuf quelques instants après la ponte, on constate que la vésicule germinative a soudainement disparu sans laisser de traces ; l’œuf possède, pour le reste, la même structure qu’au stade précédent. Mais il ne reste pas longtemps à cet état; il se reforme bientôt (fig. 57 0’) un petit noyau situé un peu au delà du centre, et qui ne possède plus aucun des caractères de la vésicule germinative. Ge petit noyau ne tarde pas à gagner la périphérie; là, 1] va se placer à la surface de l'œuf, s’y aplatit en formant une petite éminence conique très- transparente (fig. 58), qui émet les globules polaires. Ces glo- bules polaires semblent dérivés, chez l'Amphiporus, non de la vésicule germinative, mais d’une vésicule de seconde formation. Ces divers changements s'effectuent pendant les six premières heures; après ces phénomènes commence la segmentation. Une partie du protoplasme de œuf semble venir se condenser de nouveau au centre de la sphère vitelline : elle donne nais- sance à une place plus dense, qui se partage bientôt en deux pour donner naissance à deux nouveaux noyaux (fig. 59). Ces noyaux ne sont pas nettement délimités, mais se confondent par leur extrémité dirigée vers le dehors, avec le protoplasme qui les environne. Dans chacun d'eux on peut distinguer : 1° une tache réfringente qui apparait nettement sous forme d’un point blanc sur un fond obscur, et qui est dirigée vers le centre de l’œuf (fig. 59 p) ; 2° une portion plus obscure qui fait suite à cette tache (fig. 59 p/), et qui a à peu près une forme triangulaire. Cette portion triangulaire est beaucoup moins visible que la tache transparente à laquelle elle fait suite; en l’examinant avec attention, on voit qu'elle se confond, par son extrémité large dirigée vers le dehors, avec le protoplasme qui constitue l'œuf. On reconnaît 1e1 le même phénomène que celui déjà décrit par Kowalewsky, Fol, Œllacher, Auerbach, Strasburger, Hertwig, Butschli, Van Beneden, etc., à propos 104 | J. BARROIS. du mode de division des cellules et de la structure radiaire du protoplasme, chez un très-grand nombre de types du règne animal ; seulement ici on ne distingue pas l'aspect rayonné, et le passage insensible du noyau au protoplasme de l'œuf ne paraît indiqué que par les différences de coloration. Chose curieuse et qui mérite d'attirer l'attention, la zone périphérique obscure de l’œuf ne prend pas part à cette disposition du proto- plasme autour de chaque noyau; seule la partie interne de l'œuf prend part à ces mouvements: 1lsemble qu’elle soit seule active. La figure 59 et les suivantes représentent ces phéno- mèênes. Cette séparation du protoplasme en couche corticale et por- tion centrale n’est pas un fait isolé chez les Némertiens : Je Pai également retrouvée avec des caractères beaucoup plus nets encore chez le Tetrastemma dorsalis (fig. 107). Chez cette der- nière espèce, le fait apparaît même avec une telle netteté, qu’on croirait à la présence d’une vésicule germinative d’une taille colossale, occupant l'œuf presque entier, et réduisant tout le vitellus à une simple couche occupant la périphérie. Ce fait de la division du vitellus en deux couches concentri- ques doit être rapproché des faits analogues décrits chez les Cté- nophores par Kowalewsky (1), chez les Géryonides par H. Fol (2), et plus récemment par Ed. Van Beneden (3). Ce dernier a émis à ce propos une théorie d’une grande importance : il com- pare ces deux couches à l’endoplasme et à l’ectoplasme des Infusoires, et_en fait le point de départ de la gastrula. I] est bien difficile de juger aujourd’hui cette théorie. Le fait de la stratification en deux couches distinctes pourrait être aussi bien un fait spécial relatif aux phénomènes particuliers au groupe (4) qu’un fait général; néanmoims sa présence chez les Némertiens (1) Kowalewsky, Mém. Acad. de Saint-Pétersbourg, T° série, 1866, t. X, n°4. (2) H. Fol, Die erste Entwickelung des Geryonideneies. (3) Ed. Van Beneden, Contributions à l'histoire de la vésicule germinative (Bull. de l'Acad. de Belgique, n° 1, 2° série, t. XLI, janvier 1876). (4) C'est ainsi que, chez certaines Ascidies, la tunique se forme aux dépens d’une couche continue qui se détache du vitellus avant la segmentation. ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 4105 vient plutôt, en augmentant le nombre de cas analogues, ajouter une nouvelle probabilité à la théorie de Van Beneden. Peu après le stade fig. 59, la division déjà exprimée par les noyaux à l’intérieur de l’œufne tarde pas à se produire au dehors par l'apparition du premier sillon de segmentation; ce premier sillon coïncide toujours d’une manière précise avec le point de sortie des globules polaires. Peu après la division en deux sphères de segmentation, chacun des noyaux qui existent dès le stade fig. 59 s’isole de nouveau du protoplasme qui l’envi- ronne, et reparait sous forme d’une tache claire (fig. 60) com- parable au noyau déjà décrit dès le stade fig. 57. L'œuf reste pendant quelque temps à cet état, puis, environ deux heures après, commence la division en quatre sphères de segmentation; chacun des petits noyaux qui étaient restés au centre des sphères vitellines du stade fig. 60 commence à se fusionner de nouveau avec la masse de protoplasme qui lenvironne, et se divise alors en deux, pour reproduire dans chacune des sphères l’aspect déjà décrit dans la figure 59. La figure 76 re- présente dans la partie supérieure un état un peu plus avancé que dans cette dermière; la division a déjà commencé à s’y tra- duire au dehors par l'apparition du second sillon de segmen- tation. J’ai également observé des stades intermédiaires entre les états représentés dans les figures 76 et 60; ils m'ont paru concorder d’une manière assez complète avec les figures don- nées par Hertwig (1) à propos du Toxopneustes. J'ai retrouvé en particulier l'aspect figuré par cet auteur dans sa figure 26, pl. 13; mais comme l’œuf de l’Amphiporus est en définitive, à cause de sa grande opacité, un très-mauvais type pour létude de ces phénomènes, je ne me suis pas appesanti davantage sur ce sujet : le point essentiel est d’avoir reconnu dans ce groupe l'existence des phénomènes si bien étudiés dans ces derniers temps par Hertwig, Van Beneden et Butschli (2); les études (1) O. Hertwig, Gegenbaur Morphologische Jahrbuch, I* vol., 5° livraison. (2) Voyez l’important travail récemment publié par Butschli sur ces questions : Studien über die ersten Entwickelungsvorgange der Eizelle und Zelitheilung und die Conjugation der Infusorien. 106 J. BARROIS,. détaillées sont mieux placées chez des types plus favorables à l’observation. Je n’ai plus suivi le mode de division de la vésicule germi- native après le stade #, maïs il est probable qu’elle continue à s'effectuer de la même façon ; mes études ont porté plus parti- culièrement, à la suite de ce stade, sur la disposition des sphères de segmentation à la surface de l'œuf. Le stade 8 se produit régulièrement par la formation d’un sillon équatorial ; puis on voit s'effectuer la rotation de l’une des moitiés de l’œuf sur l’autre moitié; les cellules précédem- ment opposées viennent alterner entre elles, lés supérieures s’emboîtent dans les intervalles des inférieures, et l’on obtient l'aspect représenté figure 4, pl. 1 ; bientôt après, on voit (fig. 9) se détacher du sommet des sphères de chaque moitié une nouvelle cellule, et l’on passe ainsi au stade 16 (fig. 61). Ces divers changements ont déjà été décrits à propos du Lineus, et il est inutile d'y revenir ici plus longtemps; je passerai donc immédiatement à l’étude des états plus avancés que je n'avais pu suivre d’une mamière suffisante chez le Lineus. Nous avons vu dans ce dernier cas que le stade qui succédait au stade fig. 61 était caractérisé par la présence, entre les deux pôles de l’œuf, d’une épaisse zone de cellules disposées de manière à alterner régulièrement les unes avec les autres : à chaque pôle se trouvait, comme dans l’état précédent, un groupe de quatre cellules disposées en croix, et la cemture située entre les deux groupes, au lieu d’être composée, comme au stade fig. 61, de huit cellules pentagonales disposées alternativement en sens inverse, consistait en un nombre beaucoup plus grand de cel- lules hexagonales. Je n’avais pu me rendre compte de la ma- nière dont cette disposition dérivait de celle du stade 16. Jai été plus heureux chez l’Amphiporus ; J'ai pu constater qu'il se formait par l'apparition (fig. 62), dans chacune des cellules du stade 16, d’un nouveau sillon de segmentation parallèle à l'équateur de l’œuf : chacune de ces cellules se partage done en deux cellules superposées, et chacune des huit côtes dont l’œuf est formé se compose alors de quatre cellules; lestade ainsi ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 107 produit correspond exactement, comme on le verra du reste d’après la comparaison des figures, au stade déjà observé chez le Lineus. Le stade 32 est donc comparable à un stade 8 à cellules alternantes (pl. 1, fig. 4), dans lequel chacune des cel- lules serait remplacée par une série de quatre cellules; les huit côtes dont se compose l’œuf sont beaucoup plus allongées qu’au stade précédent, et la ligne brisée qui dérive du sillon équa- torial parcourt maintenant l'œuf dans presque toute sa lon- gueur. La comparaison des figures fera comprendre mieux que toute description ces divers phénomènes. Au stade 16, chacune des sphères de segmentation était, en raison de la dis- position même de l’ensemble, de forme pentagonale; mais au stade 32 il n’en est plus ainsi : seules les cellules placées à chacune des extrémités de chaque eôte ont conservé la forme pentaägonale, les autres sont hexagonales. Le stade 32 se com- pose de 16 cellules d’une espèce et de 16 de l'autre. Après le stade 32 (fig. 62), on constate lapparition d’un nouvel ordre de phénomènes : dans les différentes cellules qui composent ce stade, seules les cellules pentagonales, plus voi- sines des pôles, ont conservé une forme à peu près arrondie ; les autres, plus rapprochées de l’équateur se sont allongées dans le sens transversal. Cet allongement augmente à mesure que les segmentations parallèles à l’équateur deviennent plus nombreuses, et il en résulte que bientôt ces cellules étant trop élargies, se segmentent par ün sillon perpendiculaire à l’équa- teur pour produire deux nouvelles cellules juxtaposées. Cette nouvelle espèce de segmentation se fait d’abord sentir là où l'élargissement est le plus considérable, c’est-à-dire à égale distance entre les deux pôles au milieu de l’œuf, puis remonte insensiblement vers chacun de ces pôles. Les figures 63, 64 et 65, qui montrent chacune une même moitié de l’œuf vue de face par l’un des pôles, sont destinées à représenter tout ce processus; les cellules colorées en noir correspondent exactement à l’une des moitiés de l'œuf, les cellules laissées en blanc à l’autre moitié. Des 16 cellules représentées, quatre appartiennent au premier système de côtes, et quatre autres au second système 108 J. BARROIS. (comparez les figures 62 et 63); au centre se trouvent huit cellules pentagonales, et autour de celles-ci une couronne composée de 8 hexagonales alternantes : ces dernières mon- trent seules l'aspect allongé transversalement, bien visible sur la figure et dont nous avons parlé, et ce sont les seules qui se segmentent. La figure 64 nous montre cette segmentation. À peine produites, chacune des deux cellules juxtaposées qui remplacent la grande cellule allongée glissent l’une sur l’autre de manière à alterner ensemble : les figures 64 et 65 feront bien comprendre ce phénomène. Dès le moment où s’est réalisée cette nouvelle segmentation suivie de l'alternance, l'œuf à pris un aspect qui rappelle, à s’y méprendre, celui d’une #morula; des solides construits d’après ces principes, montrent le même aspect d’irrégularité que celle que présente la Morula. J'ai représenté dans la figure 66 une morula dessinée de manière à rendre le plus exactement que possible ce qui se voit sur la nature; la ressemblance est si frappante, que dans cette figure dessinée de manière à reproduire simplement l'aspect, on peut retrouver la concordance de cellules à une ou deux près. Les chiffres 1, 1, 2, 2 de ces deux figures mon- trent cette concordance. Sur la nature, les choses ne se passent pas aussi graduelle- ment que je viens de le décrire, mais le déplacement des cellules allongées dans le sens transversal et leur segmentation se font en mème temps; on ne rencontre Jamais le stade fig. 64, mais le passage se fait sans interruption entre les stades fig. 63 et 65. On rencontre souvent entre ces deux stades des œufs dans lesquels les cellules de l’équateur ont un aspect allongé dans un sens oblique, comme si deux des cellules (2, 2) du stade fig. 65 étaient encore reliées ensemble, tout en ayant ac- quis leur place définitive ; dans d’autres cellules, la segmenta- tion se fait plus vite, et ces variations sont pour beaucoup dans l'irrégularité apparente qu'on remarque à cette époque du développement. Les stades fig. 61 et 62 s’obtiennent ordinairement au bout de douze heures : pour observer les phénomènes qui suivent le ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 109 stade 32, 1l est mdispensable, sous peine d'observer pendant la nuit, de s'adresser à une autre ponte. Quand le stade fig. 65 s’est enfin produit, l’œuf continue à se segmenter en suivant simultanément les deux processus principaux que nous avons distingués : 1° multiplication des cellules dans le sens longitu- dinal au moyen de plans parallèles à l'équateur; 2 multipli- cation dans le sens transversal au moyen de la division des cellules allongées. Plus on avance, du reste, dans le développe- ment, plus lirrégularité se prononce; néanmoins ces deux processus continuent à constituer la tendance dominante qui préside à la marche de la segmentation. À côté du mode de groupement véritable tiré du mode de segmentation des cellules en huit séries régulièrement emboi- tées les unes dans les autres (fig. 62), on peut imaginer des arrangements fictifs basés sur de simples aspects présentés par l'œuf. De ce nombre est la disposition spiralée : cette dernière peut être utilisée avec avantage pour se faire une idée schéma- üque de la disposition des différentes cellules à la surface de la sphère; on peut, en se plaçant à ce point de vue, opposer cette disposition comme produite (fig. 75) par la rencontre de deux séries de plans spiralés dirigés en sens inverse, à la disposition que J'ai déjà déerite chez les Bryozoaires chilostomes (1) et formée par la rencontre de deux séries de plans droits perpen- diculares l’un à l’autre (fig. 75). Nous avons déjà vu que le Lineus obscurus présentait le même mode de segmentation que l’Amplhiporus; or le Lineus possède une blastosphère des plus typiques : le mode de segmentation précédemment déerit est donc le mode de segmentation de la blastosphère. Ce fait permettra de juger avec plus de précision qu'on n'aurait pu le faire, jusqu'à quel point les modes de développements analogues à celui des Bryozoaires chilostomes (Cténophores, ete.) s’écar tent du mode de formation typique de la gastrulu. Cette conception tout idéale des plans spiralés est surtout commode en ce qu'elle a l'avantage de rappeler, en même temps (1) Voy. Comptes rendus de l'Académie de Paris, août 1875. 110 | J. BARROIS. que l’arrangement des cellules à la surface, leur disposition à l’intérieur autour d’un point central : dans la blastosphère 1l n°y a que les sillons de segmentation qui soient parallèles ou per- pendiculaires à l'équateur; tous les plans de segmentation pas- sent pas le centre de l’œuf. Dans les Bryozoaires chilostomes, au contraire, les plans eux-mêmes sont tout entiers parallèles ou perpendiculaires à léquateur et ne passent pas tous par le centre de l’œuf. Il résulte de là deux dispositions toutes dif- férentes et quise trouvent exprimées d’une manière schématique par les conceptions des plans droits respectivement parallèles les uns aux autres et des deux séries de plans spiralés dirigés en sens contraire (fig. 74-75). Le mode de segmentation décrit par Van Beneden chez le Gammarus Locusta (1) se rapproche du se- cond mode (blastosphère typique) par le mode d'apparition des sillons de segmentation et la disposition des cellules à la sur- face; il s’en écarte par l'absence de rotation après le stade 8, et par le fait que les plans de segmentation sont tout entiers paral- lèles ou perpendiculaires à l'équateur : il peut donc, dans une certaine mesure, être considéré comme intermédiaire entre les deux modes. Néanmoins il ne faut pas perdre de vue que ce qui vient d’être dit constitue simplement un moyen d'exprimer sous une forme brève et frappante, les deux dispositions essentielles que présente la Blastosphère (blastosphère typique, fig. 74, et blus- losphère des Bryozoaires chilostomes, fig. 75), et nullement comme correspondant à quelque chose de réel : à ce point de vue, il faudrait combattre au contraire la disposition spiralée. Pringsheim (2) avait déjà décrit, à propos des végétaux, des cas dans lesquels la disposition spiralée des cellules de la tige ne correspondait nullement avec larrangement véritable déduit du mode de segmentation; mes observations sur le mode de formation de la blastosphère viennent appuyer cette manière de voir, et montrent un des exemples les plus frappants, et pro- (1) Ed. Van Beneden, Recherches sur le blastoderme des Crustacés. (2) Zur Morphologie der Salvinia natans (Jahrb. für aviss. Botanik, UE, 1563). o ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 111 bablement des plus généraux (1) qu'on puisse rencontrer, de disposition spiralée produite par segmentation de quatre séries alternantes, En ce qui concerne l’étude spéciale de l’embryologie des Némertiens, nous voyons que le mode de formation de la morula chez ces animaux modifie forcément l’idée qu’on doit se faire de ce stade. D’après les idées exprimées explicitement par Metschnikoff et Mac-Intosh, et admises implicitement par tous les auteurs, les éléments qui résultent de la segmentation s'arrondissent, glissent les uns sur les autres, et s’arrangent en une masse compacte dans laquelle certaines cellules occupent le centre, et d’autres la périphérie, sans qu'il y ait entre elles aucune limite nettement tranchée. La segmentation sans cesse répétée de ces premières sphères vitellines donne bientôt nais- sance à une masse cellulaire homogène qui est la morula : on aurait ainsi une véritable pénétration d'éléments cellulaires à l’intérieur de l’œuf, comme dans lépibolie, avec cette seule différence que les éléments invaginés, au lieu de former un feuillet spécial, ne sont pas distincts des cellules superfierelles. Mes observations montrent que chez les Némertes (et proba- blement dans le règne animal tout entier) 11 n’en est pas ainsi : les cellules qui composent le stade 8 forment les huit faces d’un oetaèdre, et le reste de la segmentation consiste simple- ment dans la division des faces de cet octaèdre. Il y a multipli- cation des faces du solide, mais jamais aucune de ces faces, ou des cellules qui en tiennent la place, ne quitte la surface pour s’enfoncer à l’intérieur; 1l ne peut y avoir par conséquent (et l'observation directe m'a confirmé ce résultat) aucune cellule incluse dans l’intérieur de l'œuf, si ce n’est par un processus de délamination, amenant la division en deux de toutes les cellules à la fois et produisant ainsi une perigastrula. Pour moi, l’ancien stade morula des Némertes correspond simplement à une blas- tosphère. Dernièrement, Van Beneden a ramené la #orula des (1) Presque toutes les fois qu’il se forme une sphère ou un corps ellipsoïde, comme un cône de Pin, etc,, aussi bien dans le règne végétal que dans le règne animal, la même disposition se reproduit. 112 | J. BARROIS. Mammifères (1) à l’épibolie ; il me semble douteux, en présence de ces faits, que des cas analogues à ceux que décrivent Metsch- nikoff et Mac-Intosh existent dans aucun groupe du règne animal, et il est probable que l’ancienne morula ainsi entendue ne se trouve en réalité jamais réalisée. Reprenons la segmentation au point où nous Pavions laissée. La continuation des phénomènes décrits amène bientôt la for- mation d’un nombre indéfini de cellules, et lon en arrive aux morula à éléments de plus en plus petits. Pendant longtemps on peut encore réussir avec de l'attention à découvrir (fig. 66, 67, 68) à chaque pôle quatre cellules en croix assez distinctes des autres, et entre ces deux groupes une série de plus en plus nombreuse de cellules alternantes ; enfin ces cellules disposées en croix finissent par se perdre elles-mêmes dans la quantité, et lon ne distingue plus alors qu'une multitude de cellules de plus en plus petites, étroitement serrées les unes contre les autres. La figure 67 représente l'état auquel est arrivé l'œuf après vingt-quatre heures. La première moitié du second jour est occupé tout entière par un processus d’une grande importance et dont les quatre figures 69, 70, 71, 72, nous représentent des états plus ou moins avancés. Il se forme à la surface de l’œuf une dépression peu étendue qui s’approfondit bientôt de plus en plus, et se transforme en une ouverture largement béante à contours irré- euliers et qui présente l'aspect figuré fig. 69 et 70. Cette imva- gination n'est jamais bien profonde; elle n’a qu'une fable étendue, et se reconnait sans aucun doute comme un reste de l’invagination si nette de la gastrula décrite chez le Lineus. Dieck et Hubrecht sont les seuls auteurs qui aient jamais fait mention d’une semblable invagination chez un type à dévelop- pement simple (Cephalothrix), Vaspect qu'ils figurent concorde assez bien avec celui que je représente, mais l'interprétation ainsi que la description de l’évolution intérieure de cette Imva- (4) Ed. Van Beneden, La maturation, la fécondation et les premières phases du développement embryonnaire des Mamainiferes, d'apres le Lapin (Bulletin de l'Académie de Belgique, 2° série, 1875, t. XL, n° 12). » ARTICLE N° 8. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 113 gination diffèrent d’une manière fondamentale. Hubrecht ne la suit pas au delà de sa formation. Dieck ne la considère que comme une simple invagination transitoire qui ne donne nais- sance à aucun des organes du Némerte futur ; selon lui, elle ne se referme pas, mais disparait en s’atténuant de plus en plus, Jusqu'à ce qu’elle soit venue se remettre au même niveau que le reste de la peau. D’après lui, cette Invagination est peut-être un reste de linvagination du Pilidium, mais elle ne joue plus le même rôle. Mes observations m'empêchent d'admettre cette manière de voir. Dans PAmphiporus, j'ai toujours vu linvagination se rétrécir peu à peu (fig. 71, 79) et finir (fig. 73) par se reter- mer au-dessus de la portion invaginée, ne laissant apparaître à l'extérieur qu'un point sombre (fig. 73) qui deviendra la bouche du Némerte futur. La série de figures déjà citée indique les états successifs présentés par la gastrula; la figure 71 montre la forme de l'œuf vu de profil à ce stade. Selon moi, limvagimation n'a qu'une faible étendue ; elle est très-peu pro- fonde et la portion Imvaginée ne peut être que très-petite, mais Je ne puis conserver de doutes relativement à son existence. Ces différents aspects que J'ai représentés (fig. 69 à 73) ne sont bien visibles qu’à la lumière réfléchie. On peut, pour rendre Pétude moins difficile, user du procédé déjà mis en usage pour la segmentation, et ajouter à l’eau dans laquelle se trouve placé l'œuf quelques traces de glycérine; cette der- mère, ajoutée en très-faible proportion, contracte légèrement les cellules et rend les interstices beaucoup plus nets. C’est là le moyen dont je me servais généralement pour étudier les phé- nomènes à la lumière réfléchie; l'addition de très-faibles quan- lités de glycérime ne peut avoir aucun résultat fâcheux. Néan- moins j'ai tenu à vérifier par lobservation directe sans réactifs, sur des œufs bien frais, tout ce que j'avais appris de cette façon; les résultats se sont toujours montrés parfaitement concor- dants. Tous les œufs que j'ai examinés entre la vingt-quatrième et la trente-sixième heure, quelle que fût la ponte à laquelle 1ls appartenaient, m'ont constamment montré cette invagimation ANN. SC. NAT., NOVEMBRE 1877. VI. AS ART. UNS 9. 114 J. BARROIS. avec les mêmes caractères, et Pon ne peut manquer de la revoir en se conformant exactement à ces indications de temps. Pendant que s’effectuait cette Invagination, l'œuf continuait à se seomenter, et les sphères vitellines devenaient graduelle- ment de plus en plus petites. Dans la seconde moitié du deuxième jour (fig. 73), elles étaient devenues assez petites pour présenter l'aspect d’un épithélium; l'œuf avait repris son aspect presque lisse et ressemblait déjà, à l'observation super- ficielle, à ce qu'il était au moment de la ponte : c'est à ce moment que j'ai vu apparaître les cils vibratiles, et la rotation commencer à l'intérieur de l'œuf. A la fin du second Jour, l’œuf s’est transformé en une sphère ciliée à paroi composée de petits éléments (fig. 73); les phéno- mènes qui s'effectuent ensuite à partir de ce stade concernent uniquement les parties internes ; Pœuf ne subit plus dans son aspect extérieur aucun changement et reste semblable au stade représenté figure 73. Vers le septième jour on commence à en voir changer visiblement la forme : 1l devient allongé, puis les mouvements cessent de s’opérer uniquement par lintermé- diaire des eils vibratiles; la substance du corps devient contrac- tile, et l'embryon commence à éprouver des mouvements amoæboïdes. Enfin le huitième jour, sans que l'embryon paraisse s'être aceru d’une manière sensible, on commence à recon- naître, à sa forme allongée, à ses mouvements de reptation, un jeune Némerte presque formé. Le neuvième Jour a lieu Péclo- sion. Cette dernière partie de la description est, comme on le voit, très-peu instructive : c’est qu’en effet, à partir du second jour, létude des phénomènes externes ne peut plus être d'aucun secours à l’embryologie ; nous n’insisterons donc pas davantage sur ce sujet, nous en viendrons tout de suite aux phénomènes internes. b. Formation des feuillets. L'étude de la segmentation vient de nous apprendre qu'aucun des éléments cellulaires de l'œuf ne quitte la surface, et que, par conséquent, nous ne devions pas nous attendre à trouver ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 415 dans son intérieur de sphères vitellines recouvertes, par celles de la périphérie; l’observation directe confirme ce résultat. L'étude par transparence au moyen du mélange de earmin et de glycérine nous montre que chacun des éléments dont nous avons dans ce qui précède étudié la disposition à la périphérie constitue la base d’une longue pyramide dont le sommet se trouve au centre de l’œuf; dès le stade huit (fig. 76), les cellules ont acquis cet aspect de pyramides vitellines, et les segmenta- tions ont, à partir de ce stade, pour unique effet, d'augmenter le nombre de ces pyramides. C’est par une suite naturelle de ce processus que se trouve produit laspect radiaire que j'ai représenté dans les diverses figures de la planche 6. Les trois figures 77, 78, 79, montrent des coupes optiques, faites d’après le procédé indiqué plus haut, des stades fig. 65, 67 et 68 de la planche précédente. On voit que toutes les cel- lules dont nous avons étudié la disposition à la périphérie ont leur sommet au centre, et que, bien loin de constituer, comme on l'avait cru Jusqu'ici, des masses pleines de cellules arrondies disposées au hasard, les œufs sont composés d’une seule couche de cellules allongées à disposition radiaire. Il arrive souvent qu'entre les trois stades (fig. 77, 78 et 79), on constate Pappa- rition, au point de réunion de toutes les cellules, d’une petite cavité centrale (fig. 78 cs). Cette cavité correspond évidem- “ment à la cavité centrale de la blastosphère, et il suffira de se reporter aux premiers stades du Lineus et même du Pilidium, pour rencontrer un état complétement identique. La figure 7, pl. 1, nous montre un stade du Lineus obscurus entièrement comparable à ceux que nous trouvons chez notre Amphiporus ; nous pouvons donc admettre lidentité dans le point de départ du développement. ; Les phénomènes qui suivent ne concordent plus de la même manière : tandis que, chez le Lineus, la cavité centrale située au point de convergence de toutes les cellules s’accroit rapi- dement et finit par devenir (pl. 1, fig. 9 et 40) une spacieuse cavité autour de laquelle les pyramides vitellines ne sont plus réduiles qu'a de petites cellules constituant par leur réunion 116 | J. BARROIS. une simple lame cellulaire, la même cavité demeure au con- traire, chez l'Amplhiporus, à l’état rudimentaire, et pendant ce temps il s'effectue un phénomène d’une autre nature : les cel- ‘ lules radiaires conservent leur volume primitif, mais leur partie interne se charge peu à peu d'éléments deutoplasmiques; la cavité de segmentation, qui d’abord a existé à l’état rudimen- taire, ne persiste jamais, mais se trouve rapidement comblée par ces éléments deutoplasmiques. Si l’on examine l’œuf un peu près au stade 8 (fig. 76), après lavoir traité par le mélange de carmin et de glycérine, on constate que les pyramides vitel- lines (fig. 76) possèdent encore dans leur partie interne un aspect homogène ; à la périphérie on distingue toujours l’enve- loppe plus sombre, qui, sous l’action du réacüuf, se détache souvent en une couche continue fortement colorée. Au dedans de cette enveloppe plus sombre la partie protoplasmique pro- prement dite des cellules contenant le noyau a encore un aspect parfaitement homogène. Au stade 32 (fig. 77), on commence à constater l’apparition du phénomène important : la parte interne des cellules radiaires éprouve graduellement un chan- sement de nature; elle se ramollit et devient plus pàle, les limites des pyramides vitellines se confondent entre elles, et il se forme ainsi une tache blanche d'aspect homogène, située au centre de l’œuf et provenant de la dégénérescence de la portion interne des cellules radiaires. Au stade suivant (fig. 78), cette modification est devenue très-visible, chaque cellule se montre distinctement composée de trois parties concentriques : l’ex- terne, plus obscure, qui fait partie de l'enveloppe obscure de l’œuf ; la moyenne, plus pàle, qui provient de la portion essen- telle, protoplasmique de la cellule; enfin Pinterne, qui présente un aspect blanchâtre, et provient de la modification de la précé- dente. En ajoutant au mélange de glycérine une assez forte pro- portion de teinture de carmim, on peut arriver à obtenir cet aspect sans que les noyaux cessent d'être visibles, et alors on constate qu'ils se trouvent situés dans la partie moyenne (fig. 78) de chacune des cellules. Cette structure des pyramides vitellines produit dans l’ensemble de l’œuf une alternance de ARTICLE N° 9, EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 117 zones de plus en plus foncées à mesure qu’on s’approche de la périphérie; la masse interne résultant de la dégénérescence de la portion interne des cellules radiaires apparait constamment comme une tache blanchâtre mes, dans laquelle ne se prolon- gent plus les lignes de séparation des pyramides entre elles, mais qui néanmoins n’est encore séparée de ces pyramides par aucune ligne de démarcation nettement tranchée. Au stade fig. 79, cette masse blanche interne a gagné en étendue, mais sans changer en rien ses différents caractères. Nous avons évi- demment ici un processus identique à celui qui a déjà été décrit tant de fois dans diverses classes du règne animal : c’est la periblastula de Hæckel, résultant, comme Van Beneden l’a si bien décrit chez les Crustacés (1), d’une accumulation des éléments deutoplasmiques à l’intérieur de l'œuf. Mais ici ces éléments deutoplasmiques ont un caractère tout à fait spécial : au lieu de se présenter, comme d’ordinaire, sous forme d’une masse opaque et réfringente de globules graisseux, facilement visible à travers les parties périphériques plus pâles, ils se pré- sentent au contraire sous forme d’une tache blanche extrême- ment homogène, et dans laquelle on ne peut même distinguer aucune granulation; elle forme la partie la moins opaque de l'œuf et se trouve recouverte par deux couches beaucoup plus obscures. Ge fait que les éléments sont de plus en plus opaques à mesure qu'on s'approche de la périphérie, diffère de ce qui se voit ordinairement, et entre pour beaucoup dans les grandes difficultés que présente l’étude de ces stades : le mélange de carmin et de glycérine fait cependant apparaître la masse interne avec netteté; on peut même l’isoler par compression, et alors elle se présente sous forme d’une masse assez consistante, légè- rement visqueuse, et qu'on ne peut mieux comparer, pour l’as- pect et la consistance, qu’au vitellus nutritif des jeunes Cépha- lopodes. Les quatre figures dont je viens de parler (fig. 76 à 79) re- présentent, sauf la dernière, des stades appartenant au premier (1) Ed. Van Beneden, Recherches sur le blastoderme des Crustaces. 118 JF. BARROES,. jour du développement : les deux premiers s’accomplissent pendant les douze premières heures, le troisième pendant les douze secondes, et le quatrième un peu après, au début du second jour. La figure 80 représente l’aspect que présente l'œuf vu par transparence à une époque un peu plus avancée de la première moitié du second jour : les cellules radiaires ont aug- menté en nombre; la masse blanche centrale à encore gagné en étendue ; enfin, la cavité de segmentation, dont on pouvait parfois, dans les stades qui précèdent (fig. 78), distinguer des traces, à maintenant disparu d’une manière complète par suite du développement de la masse deutoplasmique et de Pinvagination de la gastrula. Gette dernière, bien que toujours présente à ce stade, est difficile à voir en coupe optique; elle se manifeste néanmoins quelquefois par la présence d'éléments figurés spéciaux (fig. 80 end), visibles au milieu de la masse de deutoplasme, et qui représentent les cellules invaginées. Au début de lPinvagination de la gastrula, la portion mvagimée qui représente l’endoderme n’est d’abord visible, dans une coupe op- tique, que par les éléments cellulaires qui la composent (fig. 80); mais plus tard, à mesure que linvagination se crconscrit da- vantage, on commence à la distinguer de mieux en mieux sous forme d’une cavité à contours plus prononcés (fig. 81 end), et qui apparait comme une tache opaque au milieu de la substance plus pâle du deutoplasme, tandis qu’au contraire les éléments cellulaires qui en composent la paroi deviennent graduellement de moins en moins visibles. Vers le troisième jour, toute trace des éléments cellulaires endodermiques à disparu : ils se sont confondus avec le deutoplasme; seule la cavité d’invagination CD demeure encore visible, mais réduite à des dimensions extrême- ment petites, qui rappellent celles de la cavité de segmentation du stade fig. 78. Enfin, cette cavité disparaît elle-même, et l'embryon revient tout à fait à sa structure primitive, celle que représente la figure 79, avec couche externe et masse interne ; seulement la signification de cette dernière est entièrement changée. La figure 81 représente un œuf arrivé au stade de la figure 72: ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 119 les cellules radiaires sont maintenant, par suite de la multipli- cation cellulaire, devenues très-étroites, sans cesser de conserver leur forme allongée; leur ensemble prend davantage l’aspect d’une couche cellulaire d’une très-grande épaisseur ; enfin, la masse blanche interne, plus visible encore qu'aux stades pré- cédents, commence à prendre un aspect de plus en plus nette- ment circonscrit. Au troisième jour (fig. 82), on constate la séparation entre la masse de deutoplasme et les cellules ra- diaires par une ligne de démarcation plus nettement accusée ; l'œuf se compose alors d’une masse interne (fig. 82mes) ren- . fermant dans son milieu la petite cavité (G D), et d’une couche périphérique composée d’un grand nombre de cellules allon- gées, et possédant encore une épaisseur considérable. La zone obscure de l’œuf est toujours visible (fig. 89-83) et divise l’épaisse couche cellulaire périphérique en deux parties distinctes, mais elle commence déjà à devenir moins nette que précédemment et manifeste une tendance à la fusion complète avec la zone suivante; cette fusion s’accentue ensuite de plus en plus, et bientôt, à mesure que la couche cellulaire périphérique diminue en épaisseur, ces deux zones arrivent à se confondre en une seule. [1 arrive fréquemment, dans le cours de ces phénomènes, que les trois zones de l'œuf (enveloppe externe opaque, zone moyenne à noyaux, et masse blanche interne) n'apparaissent que successivement sous l'influence du réactif; souvent la zone périphérique se sépare d’abord, et la portion interne n’apparail que plus tard, quand le réactifa suffisamment pénétré dans l’in- térieur de l’œuf. Ces couches, qui s’isolent successivement, prennent, vers les stades 82 et 83, l’aspect d'autant de couches réellement distinctes, et feraient croire à la présence de véri- tables feuillets ; il importe de se prémunir contre ces chances d'erreurs et de bien veiller à laisser agir le réactif d’une ma- nière complète, avant de se livrer à l’observation. Les seules parties réellement nées par délamination ne sont en somme qu’au nombre de deux : le feuillet externe (exoderme, ex) et la masse interne de deutoplasme (mes). Il n’est pas sans intérêt de 120 J. BARROIS. faire la remarque que, bien qu'il y ait ici une véritable peri- gastrula dans le sens de Hæckel, la masse interne formée ne correspond pas du tout au feuillet interne (endoderme), mais bien plutôt au mésoderme. À côté des figures précédemment expliquées, dessinées la plupart à la chambre claire, et qui expriment les aspects que présente la nature, j'ai ajouté (fig. 88 à 91) des figures théo- riques destinées à bien faire comprendre la manière dont Je concois l’arrangement des feuillets dans l’embryologie de lAm- phiporus ; j'y ai négligé à dessein la zone opaque périphérique, qui n’a pas d'importance à ce point de vue. La figure 88 serait une coupe de profil de la gastrula des figures 69 à 72; la figure 89, la même gastrula, après pénétration complète des éléments superficiels au centre de Pœuf; enfin, la figure 90, le stade résultant de la fusion des éléments invagimés avec la masse de deutoplasme. La fente située dans les deux premières figures, au milieu de la masse blanche interne, indique la place où avait commencé à se former la cavité de segmentation. Un simple coup d'œil jeté sur ces figures suffira pour montrer la signification que l’on doit ajouter aux différentes parties Jus- qu'ici décrites : le tout se ramène à la gastrula par mvagi- nation, dont nous avons constaté la présence d’une manière bien nette. La masse de deutoplasme née par délamination de la couche externe sur tout son pourtour représente le feuillet moyen; l’épaisse couche épithéliale qui lPentoure, l’exoderme ; enfin, la petite portion invaginée, l’endoderme. Le feuillet moyen et l’endoderme, d’abord bien distincts, se confondent ensuite en une masse unique (fig. 83 et 90 M) qui occupe d’une manière complète tout le centre de Pœuf. L’embryon, arrivé à la fin de cette période, doit être considéré comme formé d’une couche périphérique, qui est lexoderme, et d’une masse interne, qui représente la réunion de lendo- derme et du mésoderme. Ce stade important indique la fin de la période de formation des feuillets. La masse mterne a con- servé, après sa fusion avec l’endoderme, les mêmes caractères ; elle est toujours remarquable par sa transparence et par son ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 121 homogénité parfaites. Lorsqu'on examine l’œuf à ce stade sous simple pression et sans réactifs, cette masse se laisse traverser en tous sens par l'œil de l’observateur, et l'œuf parait composé d’une épaisse couche de cellules allongées (exoderme) qui en- tourent un espace hyalin vaguement délimité. Seul, le mé- lange de carmin et de glycérine peut faire apparaitre cette masse interne avec netteté. c. Formation du Némerte. Les phénomènes qui, à partir du stade fig. 83, amènent la production du jeune Némerte, consistent simplement en une différenciation de la masse interne qu’accompagne l’amincis- sement graduel de la membrane exodermique. On ne tarde pas à découvrir, en examinant l'embryon à l’aide du mélange de carmin et de glycérine pendant les jours qui suivent la for- mation complète des feuillets, que cette masse interne, Jus- qu'ici parfaitement homogène, commence à éprouver des mo- difications : il se dépose vers le centre des granules opaques nés dans l’intérieur même du deutoplasme, et qui forment deux taches sombres au milieu de la masse blanche. Dans le cours du cinquième jour on obtient l'aspect représenté dans la figure 85. Le jour suivant (fig. 86), les granules opaques ont augmenté en nombre et se sont disposés de manière à esquisser déjà au milieu d’une masse encore complétement amorphe tous les traits principaux de l’organisation ; on remarque à la partie antérieure une tache obseure, et vers la partie posté- rieure deux trainées obscures allongées, qui séparent des par- ties latérales restées blanches un espace médian (4) qui deviendra la trompe. Jusqu'ici les modifications éprouvées par la masse centrale de deutoplasme ne consistent encore que dans la formation des granules opaques ; les différentes parties déjà indiquées dans la figure 86 par la disposition de ces granules ne subsistent pas encore à l’état d'organes bien circonscrits, mais l’ensemble consiste encore en une masse continue, semi-liquide, transpa- rente, au milieu de laquelle les granules graisseux ne font qu’in- 122 | J. RARROIS. diquer une disposition non encore réalisée. Le septième jour (fig. 87) parait plus spécialement employé à la division de cette masse blanche homogène en organes distincts ; elle vient pour ainsi dire se condenser autour de chacun des organes indiqués au stade précédent par la disposition des granules opaques, de façon à transformer chacun d’eux en une partie spéciale, dis- tincte des parties voisimes. Les granules opaques augmentent en grosseur et en quantité ; ils constituent bientôt à la partie posté- rieure du corps un amas considérable gé, qui entoure la trompe et donnera naissance au tube digestif; de plus, la tache sombre qu'ils constituaient à la partie antérieure est devenue plus nette et peut se reconnaitre avec certitude (fig. 87 cp). Les parties claires peuvent enfin se répartir en différents systèmes d'organes. En un mot, la masse blanche qui résultait de la fusion de lendoderme et du mésoderme s’est de nouveau diffé- renciée pendant les différents stades que nous venons de passer en revue, en éléments graisseux fortement opaques, destinés à former le tube digestif, et en éléments plus clairs qui donne- ront naissance à la musculature. Les deux feuillets un moment réunis se sont de nouveau séparés; les parties plus claires paraissent, au septième jour (fig. 87), composées de deux épaississements (7/) assez considérables placés entre les deux amas de granules opaques. Ces épaississements se prolongent en une mince couche tout le long de la paroi interne du feuillet épithélial ; derrière eux se trouve le tube renflé qui formera la trompe ({r). Ces mêmes parties claires, dont la disposition accuse déja, vers le septième Jour, la formation des différentes parties de la musculature, éprouvent à leur tour, pendant le huitième jour, de très-grands changements dans leur structure histologique : au milieu de la masse blanche homogène com- mencent à apparaitre (fig. 87) des noyaux qui bientôt s’accrois- sent, deviennent plus nombreux, s’entourent de protoplasme, et finissent (fig. 84) par transformer les portions primitivement homogènes en tissus formés d’une multitude de petites cellules réfringentes assez peu régulières et disposées sans ordre les unes à côté des autres, à peu près comme au stade fig. 39 de l’em- ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 193 bryologie du Lineus obscurus. Gette modification de structure donne aux différentes parties ainsi constituées un aspect plus opaque que précédemment: ce sont ces petites cellules, analo- oues à celles qui, chez le Lineus, résultaient du morcellement des cellules du blastoderme qui, en se réunissant entre elles et en changeant de nature, donneront naissance aux fibres musculaires. Il n’est pas douteux qu'à partir du stade fig. 85, ces différents éléments histologiques se forment directement aux dépens de la masse interne de protoplasme (1). Aussitôt que les organes d’abord vaguement indiqués par le dépôt des granules opaques ont commencé (fig. 87) à se con- denser en organes nettement circonscrits (sixième et septième jour), et que débute la différenciation Histologique que nous venons de décrire, commencent à apparaître au milieu de la masse protoplasmique qui constitue ces organes les granules pigmentaires qui donnent naissance aux points oculiformes : ils existent déjà très-fablement marqués au stade fig. 87. Les diverses parties de la museulature, dont nous avions déjà expli- qué la disposition générale au stade fig. 87, deviennent plus nettes après la différenciation histologique de leur tissu (fig. 84); les deux taches opaques formées par les granules opaques apparaissent distinctement (surtout la postérieure) comme deux cavités (ep et em) remplies de globules graisseux g2 et séparées par les deux renflements rf qui se prolongent en avant et en arrière en une lame mince qui constituera la couche muscu- laire de la paroi du corps et entoure les deux cavités ep et cm : au milieu des globules graisseux g2 de la partie postérieure se trouve la trompe, plus nettement délimitée qu'au stade précédent. L'apparition graduelle de ces différentes parties montre que la trompe et les deux renflements rf semblent constituer ei les parties essentielles de la musculature : ce sont celles qui appa- (1) Ainsi que je l’ai déjà dit dans ce qui précède, cette masse interne n'offre pas du tout les caractères ordinaires d’un amas de deutoplasme ; je ne l’ai sou- vent désignée ainsi, dans ce qui précède, que pour faire allusion à son mode de formation, © 124 J. BARROIS. raissent tout d’abord dans l’embrvologie. Un coup d'œil jeté sur les stades des figures 86 et 87 fera en outre reconnaitre sans difficulté chacune des cavités remplies de granules et de glo- bules graisseux, séparées lune de Pautre par les deux renfle- ments (rf), comme constituant : lantérieure (cp), la cavité prostomiale ; l'autre (em), la cavité métastomiale ; les renflements qui les séparent constituent une cloison analogue à celle que formaient, chez le Lineus, les organes latéraux réunis, d’une part à l’œsophage, et de l’autre à la peau. La suite du dévelop- pement apportera, du reste, à cet aperçu, d'importants com- pléments. La figure 84 (8° jour) représente le dernier stade avant l’éclo- sion. Nous avons déjà décrit, dans ce qui précède, la plupart des changements qui s’y sont produits. Ils consistent surtout dans l’aspect de mieux en mieux circonscrit des différents or- ganes, et dans la structure devenue cellulaire des portions qui formeront les parties musculaires ; la trompe y est déjà creusée d'une cavité, et de plus, la couche musculaire qui, au stade précédent (fig. 86), se trouvait réduite à de simples prolon- gements en avant et en arrière des renflements (r/), apparait maintenant sous forme d’une couche continue mieux cirecon- scrite que précédemment. Les points oculiformes sont aussi devenus beaucoup plus visibles. À mesure qu'on s'approche du stade représenté dans la figure 84, l’action du réactif devient (par suite de la différen- ciation histologique) de moins en moins utile : la masse interne, auparavant complétement transparente, s’est chargée, comme nous l'avons vu, d'éléments opaques ; ces derniers sont visibles à travers la couche externe, et il devient alors possible, entre le septième et le huitième jour, de distinguer quelque chose par simple compression. Mais, d’un autre côté, l’œuf commence à perdre l’aspect arrondi qu’il possédait jusqu'alors, etil devient indispensable, pour bien l’étudier, de le débarrasser des mem- branes anhistes qui l'entourent. Mes dernières figures ont toutes été faites sur des embryons ainsi dégagés. En même temps que s’effectuent ces phénomènes dans la ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 125 masse Interne du stade fig. 83, l'épaisse couche périphérique qui représente l’exoderme continue à s'amincir d'une manière oraduelle (fig. 83, 85, 86, 87) ; elle s'amoindrit de plus en plus à mesure que la masse interne gagne en importance : au stade fig. 84, elle n'apparait plus que comme une simple couche de revêtement recouvrant le Némerte formé à son intérieur, et prend déjà très-visiblement tous les caractères d’un épithéhum. Cet aspect s’accentue encore dans les stades qui suivent (fig. 92, 93); la couche de longues cellules radiaires, si épaisse encore fig. 82, est simplement destinée à fournir l'épiderme du Némerte. À mesure que cette couche entière perd en épaisseur, les deux zones claire et obscure qui la constituaient se fusionnent entre elles, et bientôt on n’en découvre plus aucune espèce de trace. Il arrive souvent que vers les stades fig. 86, 87, c’est-à- dire à l’époque où s'effectue cette fusion, on remarque un com- mencement de dégénérescence de fa parte superficielle de quelques-unes des cellules de la paroi; il se produit entre l’em- bryon et la membrane vitelline un amas d'éléments irréguliers, opaques, analogues à ceux que Dieck à décrits chez le Cephalo- thrix comme résultant de la segmentation du globule polaire. Il arrive parfois que cette dégénérescence se fait sur une surface assez étendue, et rappelle alors Jusqu'à un certam point le phé- nomène de la chute de la peau. On pourrait considérer ce phé- nomène conime lié à la disparition de la zone obscure externe . de l'œuf, et rapporter l’un et l’autre à un dernier reste de Fal- ternance ; néanmoins je ne puis n'arrèter à cette opinion. Bien que se présentant assez fréquemment, ce phénomène me semble être simplement pathologique. Un grand nombre d’embryons le présentent, il est vrai, sans que leur développement ultérieur en paraisse altéré; mais les embryons dont le développement est Le plus rapide, c’est-à-dire ceux chez lesquels 11 semble s’ef- fectuer avec la plus grande régularité, ne nous montrent jamais rien de semblable : la disparition de la division en deux zones s’y effectue simplement par fusion graduelle, accompagnant la diminution en épaisseur de la couche entière. Le fait essentiel de cette période de formation du Némerte 126 3. BARROIS. consiste surtout (fig. 91) dans la différenciation de la masse interne. L'ensemble du développement interne de l'œuf se résume donc à trois faits : 1° formation des trois feuillets (fig. 88 et 89) ; 2° fusion des feuillets Interne et moyen en une masse unique (fig. 90); 3° enfin, différenciation nouvelle de cette masse unique en éléments musculaires et en éléments oraisseux qui forment l'intestin (fig. 91). d. Achèvement du Némerte. L'époque que je viens d’assigner pour Péclosion du Némerte (8° jour) diffère sensiblement de celle mdiquée par Mac-[ntosh (19° au 14° jour); cela tient à ce que ce dermier a pris la moyenne, tandis que J'ai basé 1c1 ma description sur les exem- plaires dont le développement est le plus rapide. L'époque de la sortie de l’œuf varie en effet beaucoup pour les embryons d’une même ponte : le développement peut se faire avec plus ou moins de rapidité, la rupture de la membrane vitelline s’ef- fectuer plus ou moins vite, et sur une seule ponte on peut ordi- narement constater des éclosions pendant plusieurs jours (du 8° au 15° environ). On saura, pour l'étude des différents stades, que mes descriptions ont toujours eu rapport aux embryons dont le développement est le plus rapide. Peu de temps après l’éclosion, la masse de petites cellules qui constituait les rudiments de la musculature se différencie en éléments musculaires ; toute la masse s’éclaircit d'une ma-- nière sensible, et les tissus commencent à acquérir leur aspect définitif (fig. 92). Le stade fig. 92 constitue, comme les stades fig. 45, 44, 45 du Lineus obscurus, un Némerte déjà tout formé, avec éléments histologiques aptes à exercer leurs fonctions phy- siologiques, et qui n’a plus besoin, pour arriver à l’état adulte, que de subir un perfectionnement insensible de ses différentes parties. La structure du Némerte au stade fig. 92 est à peu près la même qu'au stade décrit fig. 84, mais les différentes parties y sont, par suite de l’achèvement de la différenciation histolo- oique, devenues beaucoup plus nettes. La tache sombre anté- ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 12% rieure se montre maintenant distinctement sous forme d’une large cavité ; la cavité céphalique ou prostomiale, et les parois musculaires du corps, se sont épaissies en avant de cette cavité, sous les points oculiformes, en deux petits renfle- ments DP (lames prostomiales), qui s'étendent de chaque côté jusqu'aux fossettes latérales (/?) récemment formées par imva- oimation de l’épithélium. À la partie postérieure se trouve la spacieuse cavité métastomiale remplie d’une masse compacte de globules graisseux (gi) destinés à donner naissance à l'intestin, et au milieu desquels se trouve suspendue la trompe fortement renflée : cette cavité métastomiale est limitée, sur tout son pourtour, par une mince paroi musculaire (lames métasto- iiales) ; enfin, entre les deux cavités (prostomiale et métasto- miale) se trouve l’épaisse cloison constituée par les deux ren- flements musculaires (rf) dont nous avons décrit la formation précoce, et qui portent déjà une seconde paire de points oculi- formes. En examinant avec attention, on constate déjà dès ce stade des traces d’une différenciation de cette épaisse cloison en différentes parties (ganglions nerveux, organes latéraux), mais ces divisions n’apparaissent avec netteté qu'au stade sui- vant. Latrompe, qui, dans toute la partie métastomiale, possède une largeur si considérable, diminue brusquement de volume en approchant de la cloison constituée par les renflements mus- culaires rf; elle se réduit à un mince filet qui pénètre dans cette cloison, traverse toute la cavité prostomiale, et va s’at- tacher à la partie antérieure de la tête, entre les deux petits renflements musculaires (D P). Cette disposition, maintenant fort nette, existait d’ailleurs également dans les stades qui pré- cèdent (fig. 86, 87, 84). La figure 93 nous montre le Némerte un peu plus avancé : il s’est accru et allongé, sa couche épithéhale a pris une épais- seur de plus en plus faible ; les deux cavités prostomiale et mé- tastomiale sont devenues de plus en plus visibles; la première est plus allongée qu’au stade précédent, et les deux petites masses musculaires (D P) qui la limitaient du côté antérieur se sont maintenant développées en deux renflements considérables 198 | J. BARROIS. dans lesquels on reconnait avec certitude les lames prosto- miales ; entre les deux se trouve le point d'attache de la trompe, qui s’insère maintenant par une large base (ps). Par suite du développement des masses prostomiales, ce point d'insertion se trouve maintenant plus écarté de la paroi du corps, et il s’est formé, comme chez le Lineus, une masse musculaire impaire (mi), résultant de la fusion des masses prostomiales, et qui reste percée, au centre, d'une ouverture pour le passage de la trompe. La cloison constituée par les renflements musculaires s’est nettement différenciée en ganglions nerveux (gn) situés à la partie postérieure, et en organes latéraux situés au devant du système nerveux. La portion métastomiale possède Îles mêmes caractères qu'au stade précédent : elle constitue tou- jours une spacieuse cavité remplie de globules graisseux, seule- ment la trompe a beaucoup diminué en largeur; elle s'est allongée dans une proportion correspondante, et ses parois ont commencé à se différencier. L’æsophage qui. au stade précédent, était complétement caché par elle, apparait nettement sous forme d’une tache blanche située directement sous les gan- glions. Nous retrouvons nettement, à partir de ce stade, toutes les grandes divisions de la musculature distinguées dans Pem- | bryologie du Lineus obseurus ; nous revoyons, au milieu, notre ancienne cloison consüituée par la réunion des organes latéraux avec l’œsophage (0/, æ) et séparant la cavité du corps en deux parties distinctes : la cavité prostomiale (ep), limitée de chaque côté par les lames prostomiales (D P), et la cavité métasto- miale (ex), limitée de chaque côté par les lames métastomiales (D M). Il y a dans l’ensemble identité complète; seulement les organes latéraux, au lieu de n'être, comme chez le Lineus, reliés avec l’æsophage que par un mince cordon intermédiaire, le sont de chaque côté par lépaisse masse ganglionnaire qui est venue se former en cet endroit. Au stade fig. 93, l’épithélium du Némerte à la même struc- ture que celle qu'il possédait au stade fig. 39 chez le Lineus obscurus, c’est-à-dire qu'il se compose d’une couche peu épaisse de petites cellules épithéliales étroitement serrées les unes ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 199 contre les autres. À partir de ce stade, ces cellules commencent à sécréter entre elles une substance hyaline; elles s’écartent les unes des autres, et l’épiderme ne paraît bientôt plus com- posé que d’une couche continue de matière transparente au milieu de laquelle se trouvent plongées, de distance en distance, des cellules grèles ayant l'apparence de bâtonnets ; en un mot, nous en revenons à l'aspect déjà décrit fig. 45 et 46 chez le Lineus obscurus. À partir de ce point, l’épiderme subit fes mêmes modifications que celles que nous lui avons déjà vues chez le type de Desor : les éléments cellulaires, réduits à l’aspect de simples bâtonnets, s’accroissent de nouveau; ils se gonflent, s’arrondissent, et finissent par constituer (fig. 96) les grosses cellules à glaire qui tapissent la peau du Némerte adulte. Ici, comme dans le premier cas, nous voyons que ces grosses cel- lules à glaire dérivent en droite ligne d’un feuillet d’abord net- tement épithélial (fig. 84), qui provient lui-même des cellules radiaires issues de la segmentation. À partir du moment où nous retrouvons (fig. 92, 93) d’une manière bien nette les grandes divisions de la musculature, telles que nous les avions distinguées chez le Lineus, nous leur voyons suivre dans les parties essentielles la même évolution que dans le premier cas : les stades représentés fig, 94, 95 et 96 nous permettent de suivre ces phénomènes d’une manière complète. Les lames prostomiales dont nous avons déjà con- staté la soudure en avant du point d'insertion de la trompe, pour former une masse musculaire impaire #1, comme chez le Lineus, présentent bientôt après à leur partie interne, tout, autour de ce même point d'insertion ps, un épaississement ms qui correspond aussi à l’épaississement secondaire du Lineus, et qui commence à restremdre d’une manière notable la cavité prostomiale. En mème temps que se développe ce renflement secondaire, le Némerte tout entier s’allonge et S'amincit; la cavité prostomiale, de large qu’elle était d’abord, devientallongée et se rétrécit de plus en plus, par suite du rapprochement l’une de l’autre de ses parois latérales, les lames prostomiales, qui viennent graduellement occuper de chaque côté une pesi-- ANN. SC. NAT., NOVEMBRE 1877. VI. 19. — ART. N° 5. 130 | JS. BARROIS. tion verticale (fig. 96) ; en même temps ces lames s’accroissent en volume ; de plus lépaississement secondaire s'étend rapi- dement sur toute leur surface interne jusqu'au point d’in- sertion des organes latéraux, et la cavité du prostonium se réduit rapidement, par suite de ces différents processus, à un espace restreint qui entoure la partie antérieure de la irompe. Bientôt on arrive à un stade (fig. 95) dans lequel ses dimensions sont à peu près réduites à l’état qu’elles pré- sentent chez les Anopla pendant toute la vie : la portion de cavité prostomiale comprise dans l’intérieur des lames pro- stomiales, et sur les côtés de laquelle se développent chez ces derniers les ganglions nerveux, se trouve presque réduite à l’état de fente parcourue au milieu par la trompe, ‘qui vient s'attacher à son extrémité antérieure. Le stade suivant nous exprime un état de différenciation extrème, qui ne se pré- sente jamais chez les Anopla : à force de se rapprocher de la ligne médiane occupée par la trompe, les deux lames pro- tomiales sont venues s'appliquer contre sa paroi, de ma- nière à faire disparaitre complétement les derniers restes de cavité prostomiale; la soudure en une seule masse com- pacte, d’abord exprimée seulement sur la partie située au devant de la trompe, #0, a fini par gagner complétement la partie postérieure, de sorte que les lames prostomiales ne composent bientôt plus (fig. 96 et 97) qu'une seule masse compacte (masse céphalique des Enopla) ; au stade fig. 96, on aperçoit encore le dernier reste de la cavité prostomiale sous forme d’une fente étroite située de chaque côté de la portion antérieure de la trompe (fig. 96 cp) ; un peu plus tard (fig. 97), cette séparation n’est plus visible, et il ne reste alors aucune trace de cette cavité. Les lames métastomiales ne subissent pas d’autres change- ments que ceux qui résultent naturellement du rétrécissement et de l’allongement du corps tout entier ; le tube musculaire qu'elles constituent, s’allonge graduellement en un long cordon rubané qui forme la paroi du corps du Némerte. Les autres chan- gements qui s’accomplissent dans la portion métastomiale sont ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 131 tous relatifs à la différenciation du tube digestif et à la formation du reticulum. Le tube digestif se différencie aux dépens de l’amas graisseux, de lamême manière que nous avons vu pour le Lineus : lesglo- bules viennent s'appliquer à la surface mterne de la paroi du corps en une couche continue; entre les différents éléments de cette couche apparait ensuite un protoplasme transparent, essentiellement actif: ce dernier se divisera ensuite en cellules épithéliales, tandis que les globules graisseux se résolvent en oranules hépatiques qui remplissent ces cellules ; enfin la paroi du tube digestif ainsi formé se détache (fig. 95) de la couche musculaire contre laquelle elle adhérait d'abord, et ainsi prend naissance la cavité générale définitive. Une petite différence existe cependant entre le mode de dif- férenciation du tube digestif chez l'Amphiporus et celui que nous avons décrit chez le Lineus : tandis que, dans le premier cas, la formation des concrétions hépatiques, régulièrement dis- posées, n’arrivait tout à fait que par exception, elle se présente extrèmement souvent, et semble presque être la règle chez l'Amphiporus. Les éléments graisseux semblent se transformer d’abord en concrétions qui, par leur disposition réeulière, don- . nent à l'ensemble de la couche l'aspect cellulaire si utile pour reconnaitre la véritable structure du tube digestif de l'embryon (fig. 95); ces concrétions se résolvent ensuite elles-mêmes en granules qui se disséminent dans toute la substance des cellules. Il arrive fréquemment qu'on retrouve chez ces embryons les mêmes états de passage entre les concrétions et les granules que ceux que nous avons déjà signalés chez l'adulte (fig. 98 À, B, C). La formation du reticulum consiste, comme chez le Lineus, en deux phénomènes essentiels : la formation de la gaine de la trompe, et celle des fibres qui traversent la cavité générale définitive : ces dernières se forment à l’époque à laquelle la paroi du tube digestif se détache de la couche musculaire du corps; elles sont d’abord disposées sans beaucoup d'ordre, mais pren- nent un arrangement régulier à la suite de la division du tube 132 | J. BARROIS. digestif en partes alternativement étroites et renflées (fig. 96). Je nai pu obtenir chez lAmphiporus les mêmes passages gra- duels jusqu'à ladulte, que ceux que j'ai décrits chez le Lineus; mais l'apparition dès le stade fig. 96 du processus essentiel (division du tube digestif en parties alternativement étroites et renflées) de cloisonnement de la cavité générale ne peut guère laisser de doute sur la grande analogie du reste des phénomènes chez ces deux types. La gaine de la trompe semble se former 1e1 directement dans Loute la région métastomiale, aux dépens de la masse graisseuse qui donne aussi naissance au tube digestif. Jusqu'au stade fig. 93 la trompe se trouve plongée directement au milieu de la masse de globules graisseux qui l’entourent de toutes parts; mais bientôt on constate que le Hiquide de la cavité du corps, refoulé vers la partie postérieure dans les mouvements de l'animal, forme autour d'elle une ligne blanchâtre :1l faut, à parir de cette époque, admettre l’existence d’une mince membrane séparant la trompe de la masse graisseuse. Cette membrane tubulaire se trouve entourée de toutes parts par l’amas graisseux, jusqu’au moment où les globules se disposent en couche continue; elle est alors rejetée tout entière sur la partie dorsale du futur tube digestif. La partie antérieure de la gaine de la trompe se forme dans là cavité prostomiale, également oceupée pendant assez longtemps chez lAmphiporus par des globules graisseux qui correspondent probablement aux olobules des disques gl du Lineus. Les figures 93 et 96 mon- trent les aspects de la gaine de la trompe aux différents stades : le fait le plus remarquable est absence, chez ce type, de la mince membrane située à la partie antérieure de Famas grais- seux du Lineus, et la formation brusque de la gaine tout autour de la trompe, au lieu d’une formation graduelle par aceroisse- ment de cet organe, refoulant devant lui la mince membrane dont nous avons parlé. Cette différence établit jusqu’à un cer- tain point le Lineus comme intermédiaire, à ce point de vue, entre le Pihideum et l'Amphiporus. L’œæsophage, que nous avons vu apparaitre, au stade fig. 93, ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 133 sous forme d’une tache blanche, acquiert peu à peu, pendant les stades qui suivent, sa structure histologique définitive : on le voit, vers la partie antérieure, se perdre au milieu de lépaisse cloison, et il est impossible chez l'embryon de le suivre jusqu’à l'ouverture buccale : l'étude de l'adulte nous apprend, comme l’a du reste très-bien dit Mac-Intosh, qu'il passe au-dessous de cette cloison pour venir déboucher dans une ouverture située plus en avant, dans la partie postérieure de la cavité prosto- miale (fig. 97). Il me reste encore, pour terminer l'étude de l'Amphiporus, à étudier d’une manière un peu plus spéciale la formation détaillée de la trompe, qui a toujours spécialement attiré l'attention chez les Enopla. Le premier auteur qui ait tenté de suivre le développement de l’armature de la trompe est Max Schultze : dans son embryo- logie du Tetrastemma obscurum, cet auteur consacre une partie spéciale à cette question ; malheureusement 1l ne commence ses observations qu'après la formation complète des sacs à stylets latéraux. Dans le plus jeune stade observé par lui, ces sacs se trouvaient déjà bien formés, tandis qu’au contraire, il n’existait encore, du stylet central, que son appareil basilaire, sous forme d’un amas sphérique de granules opaques; dans le stade suivant, cet amas de granules prenait graduellement la forme allongée qu'il possède chez l'adulte; en même temps, Max Schultze prétendit voir des stylets se détacher des sacs latéraux et venir se placer au sommet de cet appareil basilaire. L'auteur allemand considère done le stylet central comme résultant d’un déplacement des stylets latéraux; ces derniers sont donc des stylets de réserve, destinés à venir remplacer le stylet central: cette vue n'a pas été généralement adoptée. Du reste, cette évolution de l’appareil à stylets a été étudiée par Max Schultze d’une manière indépendante des tissus qui l’environnent, et sa description ne nous donne en réalité sur ce dernier sujet aucun renseignement précis. Mac-Intosh fait porter plus particulièrement ses études sur la régénération de la trompe dans les individus mutilés ; les 134 _J. BARROIS. figures qu'il nous donne sont aussi toutes postérieures à l’appa- riion des sacs à stylets latéraux. Il se trouve d'accord avec Max Schultze en ce fait important que les sacs latéraux se for- ment avant l'appareil central, mais 1l n’admet pas le déplace- ment des stylets latéraux vers la partie centrale : d’après lui, les premiers apparaissent dans deux sacs préalablement formés, et la première trace de l'appareil central est, comme le dit Max Schultze, une tache granuleuse qui représente Pappareil basi- laire du stylet central. Cet appareil basilaire communique avec la cavité de la portion antérieure dévagimable de la trompe par un étroit canal que Mac-[ntosh désigne comme le futur canal du stylet central; ce stylet résulterait, d’après cela, d’une simple chitinisation des parois de ce canal. Mac-[ntosh nous figure avec soin les différentes divisions et cavités de la trompe, malheureusement leur mode de formation lui a échappé; à l’époque où se trouvent formés les deux sacs latéraux, toutes ces cavités ont déjà acquis leurs dispositions définitives. J'ai cherché chez lAmplhiporus, à suivre la marche des phé- nomènes dès l’origine. Au début, avant la différenciation histo- logique (fig. 87), la trompe forme un tube plein à parois d’abord vaguement délimitées; aussitôt qu’elle commence à apparaitre sous forme d’un tube nettement circonserit (fig. 84), et que la masse homogène qui la formait commence à se dif- férencier en une masse compacte de petites cellules, on la voit se creuser d'une cavité centrale qui consiste surtout, au début dans la grande cavité de la portion dévaginable (fig. 846’). Dans la partie postérieure se trouve une seconde cavité (7°) beau- coup plus restreinte que la première, et qui communique avec elle par une portion tubulaire étroite; elle figure le rudiment commun des cavités du réservoir et de toute la portion glandu- laire de la trompe : entre ces deux portions se trouve déjà le renflement (arm) sur lequel se développera l’armature de la trompe. Une chose à noter est le faible volume de la partie pos- térieure de la trompe et de la cavité qu’elle contient (c?), surtout si on la compare au volume considérable de l’antérieure. La future portion dévaginable constitue, aux stades fig. 84 et 92, ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 135 la presque totalité de la trompe; le reste est réduit à la simple extrémité conique de la partie postérieure. Au stade fig. 92, sans que rien soit encore notablement changé dans la disposition que nous venons de décrire, on voit apparaître les premiers stylets dans le renflement (arm) inter- médiaire entre les deux cavités. Ces stylets ne m'ont pas paru se former de la même manière que chez les adultes. Chez l'adulte, et même chez l'embryon, après le stade fig. 99, chacun d'eux apparaît dans l’intérieur des sacs latéraux sous forme d’une petite ponte chitineuse née de la paroi d’une poche spé- ciale formée dans l’un des sacs latéraux; cette petite pointe s'accroît de plus en plus, finit par atteindre l'extrémité opposée de la poche qui la renferme et la perce au sommet; la mem- brane de la poche s’affaisse alors sur le stylet, qui s’est ainsi accru, et ne reste bientôt plus visible que par deux petites expansions membraneuses qu’on voit subsister un moment à la base. Les premiers stylets m'ont semblé apparaître d’une ma- mère toute différente : ils se produisent pendant la différencia- tion histologique sous l'aspect de simples aiguilles chitineuses (fig. 92) situées au milieu de la masse de tissu qui constitue le renflement (arm) ; 1ls se forment directement aux dépens de ce üssu, absolument de la même manière que les spicules qui apparaissent d'emblée aux dépens de la masse de tissu d’un embryon d’Éponge ; ce n’est que plus tard qu’une lacune prend naissance à la place occupée par chacun de ces amas de stylets pour constituer les deux sacs latéraux. Les stylets ainsi formés au stade fig. 92 sont difficiles à voir, ils échappent très-facilement à l'observateur au milieu du tissu opaque et granuleux qui les environne ; il est nécessaire, pour les apercevoir, de dégager la trompe et d'étudier cette dernière, ainsi isolée, à l’aide d’une compression graduelle.. À ce même stade, la cavité qui occupait la partie postérieure de la trompe commence à se prolonger vers le bas, de façon à s’accroitre en volume et à se diviser d’une manière plus dis- üncte en réservoir et en cavité de la portion glanduleuse ; cette division n'apparaît cependant avec netteté qu’au stade suivant. 136 J. BARROIS. La figure 93 correspond à peu près au stade auquel Max Schultze a commencé ses observations. On y voit nettement la division en réservoir et en cavité de la portion glanduleuse ; les facunes latérales sont apparues autour des stylets, et l’on voit au milieu le commencement de la tache obscure qui doit former l'appareil basilaire du stylet central. Ge dernier se forme aux dépens d’une masse du tissu qui s’avance dans Pétroite cavité tubulaire du centre, en même temps que les parois de la portion antérieure de la même cavité tubulaire sécrètent le stylet cen- tral. La comparaison des figures schématiques 99 À et B aidera à faire saisir ce processus. Au stade 99 À, qui correspond à l’em- bryon de la figure 84, le renflement sur lequel naîtra l’arma- ture se présente sous forme d’un simple renflement annulaire de la paroi de la trompe; la cavité centrale, restremte par ce développement exagéré de la paroi, a conservé la forme d’un tube droit reliant les deux cavités principales précédemment distinguées. Dans la figure B. on voit qu’au milieu, en b, le ren- flement annulaire s’est avancé dans l’intérieur de son canal central, dont le parcours est par suite devenu sinueux ; c’est dans cette portion à que se forme l’appareil basilaire, tandis que la portion antérieure du canal central sécrète le stylet qui vient se placer au sommet de cet appareil. Le reste du déve- loppement (fig. 94 à 96) est occupé par Paccroissement excessif de la courte portion conique située en arrière de Pépaississement de l’armature. Cette portion, d’abord si petite, se transforme irès-rapidement en une longue portion aussi importante comme volume, à la fin du développement, que la portion dévaginable ; cette dernière, de son côté, n’a subi qu’un accroissement beau- coup moins rapide (fig. 96). L’épaississement annulaire de la paroi de la trompe qui doit donner naissance à toute l’armature ne se forme donc pas directement à la place qu'il occupe chez l’adulte, c’est-à-dire en son milieu ; mais il apparait tout à fait à la partie postérieure et n'arrive à occuper la partie moyenne que par suite d’un développement excessif de cette partie postérieure. Ge fait ne permet pas, ce me semble, de considérer les portions glandu- ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 134 leuse et dévaginable de la trompe comme deux parties morpho- logiquement analogues; 1l faudrait peut-être admettre que la. première seule correspond à la trompe des Anopla, tandis que la seconde est de formation nouvelle. 3 Amphiporus splendidus, Keferst. Mac-Intosh a désigné sous le nom d’Amphiporus spectabilis une espèce caractérisée par l'alternance de bandes alternati- vement blanches et violettes. IT y réunit les deux espèces dé- crites par de Quatrefages et Kefersteim sous les noms de Gere- bratulus spectabilis et Borlasia splendida. Depuis, les travaux de Hubrecht (1) sont, ainsi que les recherches de Marion, venues établir d’une manière certaine l’existence du type sin- gulier découvert par de Quatrefages et caractérisé par la struc- ture si curieuse de Parmature de la trompe. Jai moi-même eu entre les mains quelques exemplaires de cette espèce, que M. Marion à eu la complaisance de me faire parvenir, et J'ai pu m'assurer qu'elle n'offrait, sauf la coloration, rien de commun avec l’espèce si abondant à Roscoff et à Saint-Waast, et désignée par Kefersteim sous le nom de Borlasia splendida. Cette dernière, qui ne s’écarte en rien des Enopla ordinaires, est la seule qui ait été vue par l’auteur anglais. Je crois devoir, à cause de l'existence d’un Drapanophorus spectabilis bien dis- tinct, en revenir, pour celte espèce, au nom de splendidus donné par Keferstein. L’Asmphiporus splendidus se trouve communément à Roscoff et à Saint-Waast ; 1l habite souvent en parasite dans les Ascidies simples (Ciona intestinalis, Ascidia sanguinolenta), et dépose ses œufs de mai à juin dans la cavité cloacale de ces Ascidies. C'est le Ciona intestinalis qu'il paraît habiter de préférence. Ses œufs sont de la grosseur de ceux de lAmphiporus lacti- foreus ; is se trouvent également agglutinés, par un mueus peu abondant, en des paquets irréguliers quiressemblent beaucoup à ceux de cette dernière espèce. Je n'ai pu suivre, sur les (1) Hubrecht, Untersuchungen, etc. (Niederlandisches Archiv für Zoologie, Bd IT, drittes Heft, 1875). 138 J. BARROIS. paquets d'œufs que j'ai recueillis, le développement avec le même détail que dans ce qui précède, néanmoins les stades que J'ai observés me permettent d'en reconnaitre l'identité complète avec ce genre d’embryologie. L'ensemble du développement suit exactement la même marche que chez l'Amphiporus lacti- floreus ; la segmentation donne naissance à une #orula qui, par différenciation graduelle, se transforme en jeune Némerte. Le premier stade, que j'ai pu examiner avec plus de détail (fig. 120), s’est montré identique au stade fig. 87 de lAmphi- porus lactifloreus : | y a1 reconnu la division en masse interne blanchâtre et en feuillet externe exodermique formé d’un seul rang de cellules allongées ; les deux renflements rf de la mus- culature s’y présentaient déjà d’une manière très-nette; la trompe était également visible; enfin, à la partie postérieure se voyait l’amas graisseux ge du tube digestif. Le stade suivant correspondait au stade 84 de l'Amphiporus lactifloreus ; les diverses divisions de la musculature y étaient devenues plus nettes (fig. 121), etse montraient déjà composées de cellules réfringentes analogues à celles de la figure 84. La trompe était creusée d’une cavité centrale; les deux renflements musculaires (rf) se prolongeaient de chaque côté en une mince lame musculaire appliquée sur tout le pourtour de l'enveloppe épithéliale ; enfin, l’amas graisseux yè du tube digestif s'était notablement accru, et la tache sombre qui indique la cavité prostomiale commençait déjà à devenir plus nette. Cest aussi à peu près à cette époque qu'apparaissent les points oculi- formes sous forme de taches encore vaguement indiquées. C'est très-peu de temps après le stade fig. 121 qu'a lieu l’éclosion ; la différenciation histologique s'achève d’une ma- nière complète, toute la musculature s’éclaircit et commence à se disposer d’une manière très-nette autour des deux systèmes de cavités. La figure 122 représente un Némerte peu de temps après l’éclosion : on y voit on ne peut plus nettement la cavité prostomiale ep bordée de chaque côté par les lames prostomiales D P, et derrière cette cavité l’épaisse cloison muscu- laire constituée par la réunion des deux renflements r/f; la partie ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 139 métastomiale est complétement remplie de globules graisseux et se trouve bordée, de chaque côté, par les lames métasto- miales DM ; à sa partie antérieure on voit l’œsophage (æ) sous forme d’une tache blanche déjà assez nette, et qui, en avant, semble s’enfoncer au-dessous de l’épaisse cloison rf. La trompe présente déjà des stylets latéraux, et on la voit, à parür de la cloison rf, se rétrécir en avant d’une manière subite; elle tra- verse ensuite, sous forme d’un mince filament, toute la cavité cp et vient s'attacher à la partie antérieure, entre les deux masses prostomiales. Dès ce stade, on commence déjà à voir une indication de la différenciation de la cloison rf en organes latéraux (ol) et en système nerveux (g»); on constate de plus la présence de quatre points oculiformes. À partir de ce stade, dans lequel les cavités apparaissent avec leur plus grande netteté, le Némerte se complète de la même manière que nous l’avons déerit pour lAmphiporus lactifloreus. C'est à peu près vers cette époque qu'apparaissent, tout le long du corps, les bandes pigmentaires qui donnent à l’adulte son aspect caractéristique. En même temps la partie postérieure de la trompe s’allonge, l’amas graisseux qui remplit la portion mé- tastomiale se différencie en intestin, et la cavité générale se forme avec la gaine de la trompe et tout le système des fibres connec- tives. J’ai représenté, dans la figure 193, la partie antérieure du Némerte peu après la différenciation de l’amas graisseux g2 en tube digestif, on y voit la différenciation complète de la cloison musculaire (rf) en système nerveux (x) et organes latéraux (ol). Vis-à-vis de ces derniers se sont accentuées les deux fossettes ciliées; enfin, la masse musculaire impaire #0, qui résulte de la soudure des lames prostomiales, a pris de lac- croissement, et de plus l’épaississement secondaire #s de ces mêmes masses s’est également développé comme d'habitude. La cavité prostomiale tout entière a en même temps éprouvé la réduction d'ensemble due au rétrécissement du corps de l'animal, et se trouve en voie de disparition déjà avancée. En un mot, après avoir retrouvé la division fondamentale en lames prostomiales, lames métastomiales et organes latéraux, 140 J. BARROIS. nous revoyons dans tous ses détails leur évolution caractéris- tique. Au même stade fig. 123 la gaine de la trompe se trouve déjà complétement formée ; enfin, de chaque côté, les cordons nerveux se sont différenciés dans lépaisseur des lames méta- stomiales. 4° Tetrastemma candidum, O. F. Müller. Le Tetrastemima candidum est une des espèces les plus com- munes de nos côtes; je l'ai trouvé en abondance sur tout le littoral de la Manche, depuis Roscoff jusqu’à Ostende; on l’obtient partout en grande quantité en laissant séjourner des paquets d’Algues, de Bryozoaires, ete , pendant quelque temps dans l’eau de mer. J'ai obtenu des pontes de Tetrastemma candidum à Roscoff, à la fin de mai. Les œufs pondus sont empâtés dans un petit amas glaireux de forme circulaire fortement adhérent aux corps sur lesquels il est déposé; l’ensemble du développement m'a paru le même que celui des deux espèces précédentes, et, règle générale, toutes les espèces d’'Enopla dont J'ai eu l’occasion d’avoir des œufs m'ont offert ce même mode d’embryologie. La figure 105 représente l'embryon peu de temps après l’éclosion : on y voit la musculature avec ses deux renflements rf, ainsi que la trompe, qui se présente encore sous forme d’un épais cordon plein ; enfin, on y distingue, de chaque côté des deux renfle- ments 7f, les cavités prostomiale ep et métastonmiale em, la seconde remplie des globules graisseux qui donneront nais- sance au tube digestif : c’est un stade qui répond au stade fig. 84 de l’Amphiporus lactifloreus. Toutes les grandes divisions de la musculature apparaissent ensuite, autour des deux cavités prostomiale et métastomiale, avec la même netteté que chez toutes les autres espèces. La figure 106 représente la tête de l'adulte : on y voit l’ancienne cloison rf divisée en organes latéraux 0/ et en masses ganglion- naires gn ; les lames prostomiales se sont soudées en une masse pleine #c, et la cavité prostomiale qu’elles comprenaient a ARTICLE N° 8. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. T4 complétement disparu ; tous les autres systèmes d'organes sont disposés identiquement comme chez l’Amphiporus. 9° Régénération de la tête du Lineus obscurus. C'est aussi au mode de développement direct que se rapporte le mieux la série de phénomènes que j'ai observés dans la régé- nération de la tête du Lineus obscurus. Mac-[ntosh a été le pre- mier qui ait annoncé que les fragments de son Lineus Gesserensis se complétaient pour former des animaux entiers ; j'ai pu répéter souvent ces observations et me convaincre de leur parfaite exactitude. Tous les fragments de cette espèce conservent, après la section, une grande vitalité; les parties détachées des plus gros exemplaires peuvent vivre en aquarium pendant plusieurs mois, mais n'arrivent généralement pas à se compléter : il faut, pour voir s'effectuer d’une manière normale la régénération, opérer sur de jeunes Némertes de Pétat E (fig. 55, pl. 4). Un fragment détaché d'un Némerte de grande tulle ne m'a pas offert, six semaines après Pexpérience, d'autre changement que la cicatrisation de l'extrémité coupée; les jeunes Némertes, au contraire, se complètent dans lPespace de quelques jours, et il est facile d'y suivre le phénomène entier de régénération. Mac-Intosh a déja dessiné avec exactitude Îles différents aspects que présente le Némerte pendant ce phénomène; 1l indique très-bien la cicatrisation et le renflement progressif de la partie cicatrisée en portion céphalique, mais ne nous donne aucun détail sur l'évolution des couches musculaires : c’est de ce pot important que je me suis plus spécialement oceupé à faire l’étude. Quand on coupe un jeune Némerte, l'enveloppe du corps éprouve, à l'endroit de la section, un brusque retrait : la couche tégumentaire se resserre en sphincter autour d’une ouverture centrale qui persiste, et par laquelle fait hernie le tube digestif ; au bout de peu de temps, les bords circulaires de cette ouver- ture se resserrent de plus en plus, se soudent complétement au-dessus de la partie tronquée du tube digestif, et bientôt l’en- 149 | J. BARROIS. veloppe musculo-dermique peut se suivre sans aucune discon- tinuité tout autour de l'extrémité qui avait été coupée. Le tube digestif, qui faisait hernie au travers de cette portion, reste, au commencement, adhérent vers le haut à cetie enveloppe mus- culo-dermique (fig. 100) ; mais bientôt la fente qui constitue la cavité générale se prolonge en ce pot et sépare l'extrémité terminée en cæcum du tube digestif, de la paroi du corps à laquelle il adhérait. La cicatrisation est alors complète, et l'extrémité antérieure, composée d’une paroi musculo-dermique continue, bien distincte de l'extrémité antérieure, terminée en cæcum du tube digestif, se trouve prête à subir des perfection- nements plus étendus. Le changement essentiel qui s'effectue ensuite réside en ce que la portion de cavité située vers l’extrémité commence à se renfler d’une manière considérable, de facon à constituer une vaste cavité de forme triangulaire (fig. 101 ep), de chaque côté de laquelle la couche musculaire de la paroi du corps se renfle d’une manière très-appréciable (fig. 101 rf). Par suite de la formation de cette cavité, l'extrémité arrondie du tube digestif ne se trouve plus séparée de la paroi du corps par une simple fente, mais par un espace d’une étendue déjà assez grande. I se forme ainsi, à la partie antérieure du corps, un espace bordé par une portion renflée de la couche musculaire, et qui ne con- tient plus aucune portion de l'intestin. Cet espace apparait, dès le début de sa formation, comme une portion plus claire que le reste du corps ; il commence très-vite à s’allonger sous forme d’une extrémité effilée (fig. 101) : c’est lui qui constitue le rudiment de la por tion céphalique. Environ deux jours après le stade de la ue 101, on con- state un nouveau changement d’une grande importance : les deux renflements musculaires qui, au stade précédent, entou- raient la cavité antérieure (fig. 101 rf), ont pris une extension très-considérable ; ils ont commencé à se souder, à la partie an- térieure, en une masse musculaire impaire #4 qui correspond à la masse musculaire impaire qui, chez l'adulte, porte les poinis oculiformes; de plus, les portions latérales, qui con- » ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 143 tinuent à circonscrire une spacieuse cavité, se trouvent mieux délinmitées de l'enveloppe musculaire générale du corps qu'au stade précédent; elles s’incurvent en dedans de manière à prendre, dans leur ensemble (fig. 102), la forme d’un fer à cheval. Enfin, une tache blanche, rudiment de lPœsophage futur, commence à apparaître (fig. 102 æ) à la partie anté- rieure, terminée en Cæcum, du tube digestif. Cet œsophage devient très-visible quelques jours après (fig. 105) ; 11 constitue alors un sac déjà percé d’une ouverture buccale, et qui n'a plus, pour arriver à l’état qu'il présente chez l'adulte, qu'à subir un simple phénomène d’accroisse- ment. Au même stade nous constatons de nouveaux change- ments dans les masses musculaires de la partie antérieure : le _renflement impair #à s’est accru de manière à rappeler déjà celui de ladulte, et à sa surface se sont différenciés deux points Hioue analogues à ceux qui existent chez l’em- bryon ; le recourbement des parties latérales en fer à cheval s’est accentué, ses deux extrémités sont venues adhérer (fig. 103) avec l’œsophage, et de plus elles commencent à se séparer, par un sillon nettement marqué, de la portion antérieure des renflements musculaires, et se montrent dès lors très-distinc- tement comme représentant les organes latéraux ; toutes deux prennent en même temps une forme arrondie. Dès ce stade, on peut reconnaitre avec certitude toutes les divisions essen- üelles de la musculature : la partie non modifiée de la paroi du corps constitue les lames métastomiales ; la portion renflée de la partie antérieure s’est différenciée en organes latéraux et en lames prostomiales DP qui, à partir de ce stade, suivent leur évolution ordinaire jusqu’à l’état adulte. À leur intérieur, on voit déjà se différencier les ganglions nerveux gx, et cela absolument de la même manière que nous Payne indiqué à propos de l’embryon. La spacieuse cavité que nous avions vue apparaitre dès le stade fig. 401 n’est autre chose que la cavité prostomiale, et la régénération de la tête du Lineus consiste par conséquent, pour l’ensemble, dans la formation d’une cavité prostomiale et 144 | J. BARROIS. dans le renflement de la paroi musculaire autour de cette cavité pour former deux épaississements d’où dérivent les lames prostomiales et les organes latéraux : ces dermiers, au lieu de naître de l’œsophage comme chez l'embryon, naissent directement de la couche musculaire. C’est seulement à l’époque où la structure du Némerte est ainsi indiquée dans tous ses traits essentiels qu'apparait Ja trompe. Malgré l'opinion expresse de Mac-Intosh, il m'est bien difficile de considérer cette dernière comme se formant aux dépens d’une invagimation graduelle de la peau; Je lai toujours vue apparaitre très-brusquement sous forme d’un cordon occu- pant dès sa naissance toute l’étendue de la cavité prosto- miale, et cela à une époque intermédiaire entre les deux stades 102 et 103. Cette apparition brusque, et en même temps la lenteur de laccroissement ultérieur de la trompe, ne me permettent pas de la considérer comme résultant de lacerois- sement graduel d’une invagination; je la considère comme se formant d'emblée avec les caractères qu’elle possède dans la figure 103 à l’état d’un tube plein qui bourgeonne sur toute la longueur de la paroi supérieure du prostomium : ce tube, peu visible tant qu'il est encore attaché à cette paroi, devient facile à voir dès qu'il s’en détache et présente alors lPaspect de la figure 103. Les fentes céphaliques sont également formées au stade fig. 103, et le Némerte n’a plus, pour acquérir sa struc- ture définitive, qu'a subir la dernière série de perfectionne- ments, identiques à ceux qui se produisent aux dépens de l'embryon. En résumé, le stade représenté dans la figure 103 répond exactement aux stades fig. 45, 46 de l’embryologie normale du Laineus obscurus ; le développement ultérieur est aussi le même, mais l’évolution antérieure est tout à fait différent. Au lieu de se former comme dans l’embryologie normale, par la confluence de trois rudiments, les divisions essen- tielles de la musculature se forment comme dans le dévelop- pement direct, par différenciation graduelle d’une couche musculaire autour des deux cavités (prostomiale et méta- ARTICLE N° à. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 145 stomiale) préalablement formées. L'aspect est cependant diffé- rent de celui des Enopla, à cause du changement de place des ganglions nerveux : d’un côté (Amphiporus), les deux renfle- mentsr/, dont l'apparition signale le début de la différenciation de la musculature, se trouvent intermédiaires entre les deux cavités qu'ils séparent dès l’origme d’une manière très-nette et s'étendent ensuite le long de la paroi du corps; de l’autre (Lineus), ils constituent simplement un épaississement de la paroi antérieure et ne viennent effectuer la séparation en deux cavités que plus tard, par suite du recourbement en fer à cheval. Cette différence, qui n’influe en rien sur la division fon- damentale en trois portions distinctes circonscrivant les deux cavités caractéristiques, n’a rapport qu'à la différence de struc- ture des adultes. 6° Résumé. 1. Amplhaiporus lactifloreus.—a.Segmentation.— L'étude par transparence de la morula de l'Amplhporus nous montre qu'elle ne se compose pas d’une masse pleine de sphères arron- dies assemblées en un amas compact, mais que chacun des éléments de la surface forme la base d’une longue cellule en forme de pyramide dont le sommet se trouve au centre de l'œuf. Cette prétendue morula n’est done autre chose que le stade à cellules radiaires qui précède la blastula et sur lequel nous avions insisté à dessein chez le Lineus (pl. T, fig. 7); la faible cavité centrale formée dès le stade 8 chez le Lineus (ca- vité de segmentation) peut se voir de même chez l’Amphiporus, mais elle conserve ici ses faibles dimensions et ne s’accroit Jamais en cavité étendue. L'étude de la disposition, à la surface de l'œuf, des cellules radiaires, nous montre qu’elles sont également disposées sui- vant.le mode caractéristique de la blastosphère ; Pat étudié 1ci à fond cette disposition, ce qui suit peut servir à caractériser le mode de segmentation de la Blastula. 1° Après le stade 8, il y a une rotation de 45 degrés à la suite de laquelle les quatre cellules de chaque moitié se mettent à ANN. SC. NAT., NOVEMBRE 1877. VI. 20. — ART. N° à. 146 3. BARROIS. alterner les unes avec les autres; l’œuf se compose alors de huit cellules engrenées les unes dans les autres (fig. 4). fi 2° Les deux stades qui suivent sont produits par segmenta- tion transversale de ces huit cellules : on obtient ainsi un stade 16 composé de huit rangées de deux cellules engrenées les unes dans les autres (fig. 61), puis un stade 32 composé de huit rangées de 4 disposées dé même (fig. 62). 3 Ces rangées se divisent ensuite de l’équateur au pôle dans le sens longitudinal, en même temps que les produits de la division se mettent à alterner (fig. 65). Quand, à la suite de ces segmentations successives dans les sens longitudinal et transversal, les cellules allongées de la morula se sont assez multipliées, on voit apparaître un enfon- cement (fig. 69) qui s’'approfondit et se referme (fig. 73) en donnant naissance à la gastrulu. b. Formation des feuillets. — 1° Dès la ponte, l'œuf de l’'Amphiporus présente une division en deux zones distinctes : l’interne, plus pâle, quisemble seule active dans les phénomènes de division cellulaire ; l’externe, plus foncée (couche corticale), qui paraît passive. Ces deux zones se retrouvent jusqu’à la for- mation du jeune Némerte : elles deviennent parfois très- visibles sous l’action du mélange de carmin et de glycé- rine, et 1l faut prendre garde alors de les prendre pour des feuillets. 2. La première trace de feuillets consiste dans un change- ment de nature de la partie interne des cellules radiaires : ce changement ne commence guère qu'au stade 32 (fig. 77) ; on voit les limites des différentes cellules se perdre vers le centre, et ces dernières se confondre en une masse plus päle Ce pro- cessus gagne de dedans en dehors, et bientôt une parte notable des cellules radiaires se trouve changée en une masse de deutoplasme qui remplit l’intérieur de l'œuf et représente le mésoderme. 3° Le second changement consiste dans la formation d’une dépression (surtout visible fig. 69 à 72, dans l’étude superfi- cielle de l’œuf à la lumière réfléchie), qui en peu de temps ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 147 s’approfondit et se ferme pour donner naïssance à la gastrula (fig. 69 à 73, 80 à 89). % Les cellules invaginées de cette Gastrula se confondent ensuite avec la masse centrale de deutoplasme, qui se sépare par une ligne nettement tranchée de la partie externe des cel- lules radiaires (fig. 82) ; on obtient alors un stade composé d’une masse interne résultant de la réunion des feuillets interne et moyen, et d’une couche externe représentant l’exoderme (fig. 83). c. Formation du Némerte. — La formation du Némerte aux dépens de ce stade s'effectue : 1° par l’amincissement de la couche externe, dont les deux zones se confondent graduelle- ment en une seule; 2° par séparation, dans la masse interne, des éléments endodermiques et mésodermiques un moment confondus. Cette séparation se fait par l'apparition, en certains points de la masse de deutoplasme, de granules opaques qui augmentent en nombre et se concentrent ensuite à la partie postérieure pour former l’amas graisseux gi (endoderme) dont dérive plus tard le tube digestif ; le reste de la masse interne, conservant les caractères de deutoplasme blanchâtre, donne de son côté, naissance à la musculature (mésoderme). — Dès le début, la distribution des granules opaques cause dans la masse interne du stade fig. 83 l'apparition de deux taches sombres, l’antérieure cp petite et d’abord peu visible (cavité prostomiale), la postérieure ex plus grande et en fer à cheval (cavité métastomiale); la portion inaltérée de deutoplasme blanchâtre comprise dans Pintérieur du fer à cheval représente la trompe, le reste la paroi musculaire du corps. Sitôt que cha- cune des portions ainsi indiquées s’est délimitée des parties voisines, on voit que cette dernière se compose de deux épais renflements (7/) séparant les deux cavités cp et em et se pro- longeant en haut et en bas en une mince couche qui entoure le corps. Lafigure 86 correspond à la simple indication, par sépara- tion de la masse interne en ses deux éléments, des différentes parties du Némerte futur, et ce n’est qu'au stade fig. 87 que ces parties se délimitent de manière à former des rudiments distincts. 148 | J. BARROIS. Achèvement du Némerte. — Aussitôt les différentes parties du nouveau mésoderme constituées à l’état de rudiments dis- tincts (fig. 85 etsuivantes), on voit s'effectuer la différenciation histologique, qui transforme le deutoplasme qui les forme en tissu musculaire ; en même temps, ces parties subissent leur développement ultérieur : la cloison rf se divise en masses ganglionnaires gn et organes latéraux 0/, et la mince couche continue qui entourait le corps, en lames prostomiales DP et métastomiales DM ; on retombe dans la division caractéristique de la musculature déjà signalée dans ce qui précède; les lames prostomiales se soudent ensuite en masse céphalique, mais cette masse céphalique, au lieu de correspondre simplement, comme chez les Anopla à l’épaississement impair mi, s'étend jusqu’à la base des lames tout entières. 9 et 3. Amphiporus splendidus, Tetrastemma candidum. — Éprouvent exactement la même évolution, spécialement en ce qui a rapport à l'existence de la division caractéristique du mé- soderme : 1° par formation de la cloison 7f prolongée de chaque côté en une couche uniforme; 2° par différenciation des parties externes de la cloison, en organes latéraux, et de la couche uni- forme en lames prostomiales situées devant et lames métasto- miales situées dernière. 4. Régénération du Lineus obscurus.— 1 se forme à la partie antérieure, entre la peau et le tube digestif, une spacieuse cavité sur les côtés de laquelle la couche musculaire se renfle en deux forts épaississements ; ces derniers sont les rudiments communs des ganglions nerveux, lames prostomiales, etorganes latéraux : on voit ainsi, en suivant celte différenciation progres- sive, se reproduire la division caractéristique de la museulature. Dans ce dernier mode comme dans le précédent, c’est la masse formée par la réunion des masses ganglionnaires, à une portion de la peau qui apparait tout d'abord, sous forme d’un épais renflement de la musculature; ce renflement 7f du Lineus est de méme nature que celui des Enopla, mais il y a dans leur disposition une dissemblance due à une différence de structure et que nous expliquerons plus tard. ARTICLE N° 3 EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 149 9, PLANULA. 1° Historique. Polia carcinophila, Van Beneden, 1861, et Mac-Intosh, 1873 (Mem. Acad. de Belgique, t. XXXII). Tetrastemma, Metschnikoff, 1870 (Mém. Acad. de Saint-Pétersbourg,T° série, t. XIV). Polia aurita, Uljanin, 1870 (Reisnetschnie, etc, Turbellaries de la baie de Sébastopol). Tetrastemma dorsale, Cephalothrix linearis, Mac-Intosh, 1873 (Ray Society, 1873-74). Cephalothrix Galateæ, Dieck, 1874 (Ienaische Zeitschrift, vol. VIE, 4° livr.). Borlasia olivacea? Hubrecht, 1874 (Aanteekeningen over de Anat. Hist. und Antwikkelingsgeschiedenis van eenige Nemertinen). Le développement de la larve planuliforme est assez variable ; les nombreux auteurs qui s’en sont occupés l’ont décrit d'une manière tout à fait différente. Dans l'aperçu qui va suivre, Je réunirai de préférence les descriptions qui se rapprochent le plus les unes des autres; j’abandonne cette fois l’ordre chro- nologique pour insister davantage sur les différentes conceptions du développement qui nous occupe. 4° Metschnikoff. — Get auteur ne nous donne, de l’embryo- logie du Tetrastemma, qu’une notice très-courte. D’après lui, les sphères vitellines s’arrondissent, glissent les unes sur les autres, et arrivent à donner naissance à une masse pleine de cellules ; la morula ainsi formée se divise en une masse interne et en une couche périphérique. D’après lui, la première cor- respond sans doute à l’endoderme, mais l’opacité de Pœuf Pa empêché de suivre sa destinée ultérieure. 2° Van Beneden. — D'après cet observateur, les phénomènes ne se passeraient pas tout à fait de cette façon : « Aussitôt après » la segmentation, dit-il, les sphères vitellines se condensent » à la périphérie, tandis qu’on voit la masse vitelline se res- » serrer au milieu du sac. » Après l’éclosion arrivent d’autres phénomènes : « La peau de la larve, qui n'est autre chose que » le blastoderme, devient de plus en plus distincte, tandis que 150 3. BARROIS. » la masse vitelline, qui a cédé toute sa quintessence pour la » formation des premiers tissus, se concentre en arrière et » accuse l’apparition d’une cavité digestive. » Bientôt après ces phénomènes apparaît la bouche, puis arrive le changement de peau qui représente le passage du scoleæ au proglottis. 3 Dieck. — La description de Dieck annonce un phénomène jusque-là inconnu dans les différents cas de développement simple : c’est la formation, dès les premiers stades de la segmen- tation, d’une dépression profonde qui persiste jusqu’à l’époque de l'apparition des cils vibratiles. Ce phénomène aurait une grande importance s’il se rapportait à la gastrula; mais, d’après l’auteur, cette dépression n’a aucunement pour but la formation du tube digesuif: d’après lui, elle indique simplement la face ventrale et disparait ensuite sans laisser de traces. L’endoderme se forme d’une manière complétement imdépendante et par accumulation de matières nutritives au centre de l'œuf. Selon lui, un moment avant l’éclosion, on reconnait (en partie par suite de l'aspect transparent de la périphérie, en partie par suite de la nature des mouvements de l'embryon) qu’il possède lastructure d’une sphère creuse; bientôt après, les mouvements deviennent plus étendus et indiquent la présence dans la paroi d'éléments musculaires, puis deux points oculiformes appa- raissent à la partie antérieure, et l'animal éclôt. Lorsque le Némerte est sorti de ses enveloppes, on peut l’exa- miner avec plus de soin, et l’on voit alors qu’à l’intérieur de la membrane qui en forme la paroi externe se trouve une masse opaque de globules nutritifs ; cette masse se concentre bientôt à la partie postérieure, tandis que l’antérieure s’éclaireit d’une manière notable. Enfin, une tache claire (1) apparaît au milieu de la masse graisseuse, c’est le premier Indice du tube digestif; cette tache claire s'agrandit peu à peu aux dépens de la masse de globules graisseux qui l’entoure, de façon à acquérir le vo- lume que possède plus tard le tube digestif. C’est à cette époque qu'a lieu le changement de peau; im- (4) Il paraît avoir pris la formation de la gaine de la trompe pour celle de la cavité digestive. ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 151 médiatement après s'effectue la formation de la bouche et de l'anus; la trompe naït sous forme d’une invagination qui sal- longe de plus en plus vers la partie postérieure. Bien qu’un peu plus complète, cette description de Dieck ne s’en rapporte pas moins d’une manière très-frappante à celle de Van Beneden. Des deux côtés il y a un blastoderme qui devient la peau, et une masse graisseuse qui se concentre à la parte postérieure de l'embryon ; la naissance des muscles n’est indiquée par aucun de ces deux auteurs ; cependant Dieck signale la présence d'éléments musculaires dans la paroi de la vésicule blastodermique : cette paroi serait un feuillet museulo- dermique. 4. Mac-Intosh. — Les observations de Mac-Intosh tendent à rapprocher le développement du type de Desor du développe- ment direct, d’une manière beaucoup plus intime que toutes celles des auteurs dont nous venons de parler. Nous avons déjà fait savoir quels sont, d’après cet auteur, les phénomènes prin- cipaux du développement de l’Amphiporus : ils consistent dans une différenciation de la morula. Au stade de la masse cellu- laire homogène succède un état dans lequel les tissus sont diffé- renciés en parties périphériques plus claires (cutaneous textures) qui expriment déjà, par leur disposition, la structure tout entière du Jeune Némerte (tube musculo-dermique avec son renflement céphalique), et en une portion plus sombre (opaque granular matter) qui occupe l’espace circonserit par les pre- mières et se trouve traversée par un cordon transparent : la trompe. À la partie antérieure de cette masse opaque se trouve ordinairement une tache blanchâtre qui est le rudiment de l’œsophage futur (région œsophagienne). Däns le premier type soumis à ses études, le Tetrastemma dorsale, Mac-Intosh décrit la larve libre comme n'’offrant au- cune apparence de couches distinctes. Pour lui, cette larve se compose d’une masse de tissu partout uniforme ; c’est une véri- table morula cihée, et les seules différences qu’elle présente avec la morula du développement direct, sont l’état libre et la présence d’un plumet ciliaire. De cette morula, le Némerte 159 | J. BARROIS. dérive de la même façon que dans le développement direct : si l’on regarde la larve quelques jours seulement après l’éclosion, on constate en même temps la disparition du plumet ciliaire, l'apparition des points oculiformes, et la différenciation de la masse homogène en culaneous textures et opaque granular matter ; la trompe et la région œsophagienne sont également visibles: le Némerte s’est formé brusquement par différen- ciation directe, et sur place, des différents tissus. Dans ses deux autres types, le Nemertes carcinophila et le Cephalothrix linearis, Mac-Intosh semble distinguer d’abord une enveloppe externe et une masse interne, mais sans paraitre ajouter à cette différenciation une grande importance. Dans le Nemertes carcinophila, 1 semble, selon lui, y avoir une dégéné- rescence des parties internes de la morula pour produire la masse opaque ; la périphérie conserve des caractères plus nette- ment cellulaires pour arriver à former plus tard, avec la région œsophagienne, l’ensemble des parties du Némerte adulte. L’au- teur est du reste très-bref à propos de cette espèce; 1l insiste surtout sur le fait de l’absence du phénomène de chute de la peau décrit par Van Beneden ; il est plus explicite à propos de l'espèce suivante. La larve du Cephalothrix linearis a, dans son ensemble ,une structure opaque et granuleuse, à l’exception de la périphérie, qui est plus transparente, ce qui indique un commencement de différenciation de la membrane cutanée; elle a une forme arrondie, et porte à la partie antérieure un plumet ciiaire. Bientôt l'embryon devient allongé, son plumet ciliaire se dé- truit peu à peu, et l’œsophage commence à apparaître sous forme d’une tache blanche à la partie antérieure; en même temps la division en membrane cutanée et opaque granular matter s'accentue de plus en plus: la première devient plus épaisse, surtout vers la région céphalique ; la seconde se réduit de plus en plus à la partie postérieure du corps, où elle se transforme en intestin; enfin, les points oculiformes font leur apparition, et l'embryon acquiert la tournure caractéristique d'un Némerte. La membrane cutanée, apparue d’abord sous ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 153 forme d’une zone plus claire à la périphérie, a graduellement gagné vers l’intérieur, de sorte que maintenant elle forme la presque totalité de l'enveloppe musculo-dermique du Némerte avec toutes ses particularités caractéristiques (renflement cépha- lique, etc.). La seule différence entre ce mode d’embryologie et celui de l’Amphiporus lactifloreus consiste en ce que, chez ce dernier, la différenciation en cufaneous textures et opaque granular matter se fait immédiatement sur place, tandis que chez le premier la différenciation semble commencer à la péri- phérie et s'étendre ensuite graduellement vers les parties cen- trales: telle est du moins la seule conception que puisse suggérer l'examen du travail de l’auteur anglais. D Uljanin. — Get auteur ne figure que l’embryon éclos de son Polia aurita; les différents organes y sont Imdiquésà peu près de la même façon que dans son Borlasia vivipara. Uljanin ne parait pas avoir suivi l’ensemble des phénomènes. Pour résumer en quelques mots ce qui vient d’être dit, nous voyons qu'il y à, au point de vue de l’évolution des feuillets, trois manières d'envisager le développement de la larve planu- liforme : 1° stratification des sphères vitellines en deux feuillets distincts (MetschnikofT) ; 2° refoulement des sphères vitellines à la périphérie (Van Beneden, Dieck) ; 3° différenciation directe du Némerte aux dépens de la #orula (Mac-Intosh). La troi- sième opinion est contraire à l’existence des feuillets embryon- naires ; les deux autres tendent à admettre l'existence de deux feuillets, mais aucune ne suit d’une manière suffisante leur évolution ultérieure, et surtout la naissance de la couche mus- culaire. Metschnikoff s'arrête avant d'aborder la question ; Van Beneden la passe complétement sous silence. Dieck seul en dit un mot : son texte et ses figures semblent conclure en faveur d’une différenciation des muscles aux dépens de la couche externe, mais il ne se prononce pas d’une manière catégorique. Jé n’ai pas eu l’occasion d'étudier de développement de larves planuliformes d’une manière aussi complète que dans les deux formes précédentes, néanmoins les phénomènes que j'ai découverts chez quelques types sont déjà suffisants pour 154 J. BARROIS. ajouter à nos connaissances sur l’évolution des feuillets et pour jeter quelque lumière sur la signification à accorder à ce der- fer mode d’embryogénie. 2° Embryologie du Tetrastemma dorsale, Abildg. (fig. 107 à 114). Mac-Intosh décrit les embryons de cette espèce comme se trouvant en essaims autour des adultes dans le commencement des mois de juillet et de septembre, mais il ne dit pas avoir obtenu d'œufs de ces animaux. Jai observé la ponte pendant les mois d'août et de septembre. Les Tetrastemma dorsale sont communs à Wimereux, sur les touffes de Bugula, qui, dans cette localité, tapissent toutes les pierres vers la fin de l’automne : il suffit, pour se les procurer en grande quantité, de laisser sé- Jjourner dans l’eau, pendant quelque temps, une certaine quan- té de ces oo. les Tefrastemima sortent en assez grand nombre, et l’on n’a plus qu’à les Het età les mettre à part pour l’observation. Isolés dans un vase spécial, les Tetrastemma dorsale pondent des œufs d’une taille très-petite et qui sont simplement entourés d’une légère couche de mucus; ils ne sont pas attachés les uns aux autres en forme de paquet, mais tombent isolément au fond du vase, où 1ls adhèrent légèrement au moyen de leur mince enveloppe de mucus. Il est facile de les aspirer à l’aide d’une pipette et de les porter ensuite sur le porte-objet. Le développement du Tetrastemma dorsale est extrêmement rapide et n’exige pas plus de neuf à dix heures. Les pontes ont très-constamment lieu à l’époque la plus chaude de la journée, vers trois ou quatre heures de l'après-midi, et les larves sortent alors de l’œuf vers le milieu de la nuit. Il est facile de voir s'effectuer sous ses yeux les différentes modifications ; on con- state des changements toutes les demi-heures. La ponte du Tetrastemma s'effectue, comme de coutume, par deux rangées d’orifices situées de chaque côté du corps. Je l'ai vue deux ou trois fois se faire sous mes yeux : elle se produit avec une grande rapidité et s’achève en moins d’une demi-mi- nute. L’éjaculation des spermatozoïdes se fait dans le liquide ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 155 à peu près en même temps que la ponte des œufs ; les sperma- tozoïdes se rendent à l'endroit où sont tombés les œufs. L’œuf du Tetrastemma est simplement entouré (fig. 107) d’une mince membrane vitelline. Regardé immédiatement après la ponte, presque à la sortie du corps de la mère, il présente de la manière la plus nette la division précédemment décrite chez l'Amphiporus en enveloppe obseure z et en masse interne plus pâle. Au centre de la masse interne se trouve un petit noyau 0/ analogue au noyau de seconde formation de lAmphiporus. Ce stade précède la fécondation. Si l’on reprend des œufs quelques minutes après, on constate qu'ils sont entourés d’une auréole de spermatozoïdes (fig. 108) fixés à la membrane vitel- line par leur partie postérieure, et agitant leur tête par un mou- vement oscillatoire. Je n’ai pu observer un seul spermatozoïde entre la membrane vitelline et le vitellus, et je ne sais d’ailleurs comment ils auraient pu réussir à s’y introduire ; il me semble néanmoins difficile d'admettre une fécondation à travers la membrane vitelline. Quoi qu'il en soit, l'aspect que je repré- sente n’est pas isolé dans le règne animal : Kowalewsky a déerit un cas semblable chez l’Ascidia intestinalis (1). Ces spermato- zoïides cessent leurs mouvements à peu près au bout d’une heure, mais ils continuent néanmoins à rester adhérents à la membrane vitelline, où on les observe pendant toute la durée du développement. Ces mêmes œufs, que nous trouvons environ un quart d'heure après la ponte entourés d’une auréole de spermatozoïdes, pré- sentent dans leur structure interne des changements notables : la petite vésicule germinative (fig. 107 0°) a disparu, et la couche corticale z s’est fondue avec la portion centrale plus claire de l'œuf; on ne voit plus entre eux (fig. 108) aucune ligne de dé- marcation nettement tranchée : l'œuf se compose d’un proto- plasme qui s’éclaireit graduellement vers la partie centrale. Peu après la fécondation, l’œuf commence à se segmenter: il se produit d’abord deux plans méridiens coupés par un plan (1) Kowalewsky, Mém. Acad. de Saint-Pétersbourg, 1866, vol. X, n° 15. 156 J. BARROIS. équatorial, et l’on arrive au stade 8 ordinaire, après lequel les cellules commencent à se diviser suivant le mode décrit chez la blastosphère. Environ sept heures après la ponte, les sphères vitellines sont déjà petites et nombreuses (fig. 109), mais je n’ai jamais pu voir de traces de linvagination décrite chez l’Am- phiporus. Iest fort probable que cette invagination, si étendue chez le Pilidium, si restreinte au contraire chez l’Amphiporus, a continué à s’amoindrir d’une manière graduelle jusqu’à dis- parition totale. Environ une heure après le stade de la figure 109, la surface de lPembryon se couvre de cils vibratiles et Pembryon se divise (fig. 110) en deux couches concentriques. C’est à peu près à cette époque qu'a lieu l’éclosion : la jeune larve perce l’enve- loppe de l’œuf, prend une forme allongée, acquiert un plumet chaire (fig. 111) et se met à nager au milieu du liquide. Si l’on regarde cette larve après compression, on voit très-bien la structure des deux couches qui la composent : l’externe (ex) est composée de grandes cellules plates à noyau, assez transpa- rentes ; l’interne M, d’une multitude depetites cellules également à noyau, disposées sans ordre, et formant une masse solide au milieu de l’embryon. Je ne suis pas du tout d'accord avec Mac- Intosh en ce qui concerne la structure de la larve; je la trouve, comme on voit, composée de deux feuillets extrêmement nets. Je n'ai malheureusement pu m’assurer, à cause de linsuffi- sance des ressources au bord de la mer, de la façon dont se produisait cet amas de petites cellules ; néanmoins 1] me semble plus que vraisemblable, d'après la manière dont s'effectue la segmentation, qu'elles résultent de la desquamation des cel- lules radiaires qui, au stade de la figure 109, composent encore l'embryon; les cellules de la périphérie dérivent directement de la portion externe de ces mêmes cellules. La larve, formée comme je viens de le décrire, vit quelques jours en nageant à la surface du vase, sans subir aucune modi- fication ; le développement a cessé pour faire place à une période d'activité physiologique qui correspond à la durée de la vie lar- vaire. Au bout de ce temps, les larves tombent au fond du vase ARTICLE N° 8. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 157 et commencent à éprouver la série des changements qui don- nera naissance au jeune Némertien; l'embryon s’allonge, ses mouvements se ralentissent, et au sein de sa masse interne M s'effectuent rapidement de très-grands changements. A la partie postérieure s’amassent, comme au milieu de la masse deuto- plasmique (M) de l’'Amphiporus,des granules opaques provenant de la dégénérescence des cellules de la masse interne; il se forme ainsi à la partie postérieure deux trainées (fig. 119 gi) de globules granulo-graisseux, tandis qu’à la partie antérieure apparait une tache sombre cp. Gette apparition des granules opaques divise la masse primitivement homogène en parties plus foncées (rudiments des cavités prostomiale et métasto- miale) et en parties plus claires qui dessinent déjà vaguement toute la musculature du Némerte futur. Ces dernières sont encore constituées par le reste des petites cellules de la masse interne, mais les caractères de ces cellules sont profondément modifiés : d'éléments cellulaires nettement circonscrits, avec noyau au centre, ellesse sont transformées en élémentsgranuleux fortement pressés les uns contre les autres et réunis par un protoplasme homogène, absolument comme au stade 87 de l'Amphiporus. La couche externe de la larve passe directement à l’épithé- hum du Némerte adulte; ses cellules se divisent, elles de- viennent moins larges et plus nombreuses, et prennent insen- siblement (fig. 112, 113, 114) les caractères qui distinguent l’épithélium du Némerte adulte. Par suite de ces différents changements, la larve allongée, encore munie de son plumet cire (fig. 112), montre déjà d’une manière vague tous les traits caractéristiques du jeune Némerte. On voit parfaitement les deux cavités (prostomiale et métastomiale), ainsi que l’épaississement (rf) qui les sépare ; tout autour se trouve la paroi musculaire, et au centre de l’amas granuleux de la partie postérieure, le cordon épais cr qui constitue la trompe. Quelques jours plus tard, la différenciation histologique s’est effectuée d’une manière complète ; l'amas granuleux de la partie 158 J. BARROIS. postérieure a fait place à une accumulation de globules grais- seux (fig. 113 gi), et les éléments granuleux plongés dans le protoplasme, qui constituaient les parties plus claires, se sont différenciés en fibres contractiles. L'ensemble de la musculature s’est, par suite, éclairer d’une manière très-sensible : la struc- ture générale, vaguement indiquée au stade précédent, est de- venue très-nette ; la cavité prostomiale ep est très-évidente ; de plus, on constate Papparition de quatre points oculiformes et la disparition du plumet ciliaire; la trompe s’est déjà creusée d’une cavité, et l’œsophage est visible sous forme d’une tache blanchâtre (fig. 113 æ). De ce dernier stade, remarquable surtout par la grande net- teté des cavités prostomiale et métastomiale, adulte dérive à la suite d’une série de perfectionnements identiques à ceux qui ont déjà été décrits à propos de l'Awphiporus. Le stade fig. 114 représente une partie de ces changements : la cloison (rf) qui séparait les deux cavités s’est différenciée en ganglions ner- veux gn et organes latéraux ol; au-dessus de ces derniers se trouve l’épaisse musculature de la tête produite par la sou- dure en une masse compacte des lames prostomiales D P ; derrière se trouvent les lames métastomiales. La cavité prosto- miale à disparu par suite du développement de la musculature céphalique ; la cavité métastomiale contient l'intestin, qui s’est différencié de la masse graisseuse, et la trompe déjà compléte- ment formée. Le long des lames musculaires de la paroi du corps se voient, comme d'habitude, de chaque côté, les cordons nerveux (cx), et, en dedans de ces derniers, la cavité générale (ec) produite par l’écartement du tube digestif de la paroi du corps. Le Tetrastenna dorsale est une des espèces où se voit le plus fréquemment la structure histologique si remarquable des parois de l’intestin déjà décrite à propos de PArphiporus, et que Je considère comme produite par la réunion en une grosse concrétion des granules hépatiques qui remplissent les cel- lules ; le lacis connectif de la cavité du corps parait également développé chez cette espèce : au-dessus du tube digestif se voit très-bien, au stade fig. 11%, la gaine de la trompe avec ses cor- ARTICLE N° 8. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 159 puscules cireulatoires. Par suite de la différenciation plus tar- dive des parties essentielles du jeune Némerte, la couche mus- culaire de la paroi du corps parait constamment, comme le montrent les figures, beaucoup plus épaisse 1ei que chez l'Am- phiporus ; néanmoins celte légère différence n’a rien d’impor- tant, elle disparait dans la suite du développement. Des trois types d'embryogénie distingués jusqu'ier par les divers auteurs (voyez l'historique), c’est certainement de celui de Metschnikoff que la description précédente se rapproche le plus. La larve ne consiste n1 en une masse pleme de cellules, comme le dit Mac-Intosh, n1 en une vésicule creuse renfermant dans son intérieur un amas granulo-graisseux (Van Beneden et Dieck); mais On y distingue une délamination directe en deux feuillets concentriques parfaitement distincts ; de plus, l'étude des phé- nomènes qui viennent après la larve montre que la masse interne donne naissance au fube digestif et à la musculature, tandis que le feuillet externe produit tout simpiement lépithé- lum de la peau. À côté du Tetrastemma dorsale, et dans les mêmes circon- stances, je trouvais constamment une seconde espèce qui s’en rapprochait à bien des égards : Le corps possédait la même forme arrondie, légèrement renflée à la partie postérieure, et qui con- traste avec la forme aplatie des autres Némertes ; la peau était marbrée comme celle du Tetrastemma dorsale, mais la teinte en était toujours beaucoup plus pâle; l’animal, au lieu d'être fortement taché de noir ou de brun, comme la première espèce, conservait dans son ensemble un aspect blanc grisätre, dans lequel les marbrures étaient à peine plus foncées que le reste du corps. Ce second Tetrastemma, que j'hésite à considérer comme une espèce distincte, possédait, pour tout le reste, des caractères identiques au dorsale : la ponte avait lieu à la même époque, mais les œufs, au lieu de n’être environnés que d’une mince membrane vitelline, se trouvaient en outre contenus dans l'intérieur d’une coque spacieuse ; de plus, les spermatozoïdes ne venaient plus adhérer à l'œuf comme dans le premier cas. Contrairement à ce qui avait lieu pour le Tetrastemma dor- 160 | J. RARROIS. sale, le développement ne s’effectuait chez cette variété que très-difficilement ; les œufs, régulièrement pondus et très-sains en apparence, pourrissaient néanmoins toujours au lieu de se développer. J’ai cependant réussi, en plaçant les Némertes dans une grande quantité d’eau, à voir s'effectuer le développement, et Je lai trouvé complétement identique à ce que J'ai décrit pour le Tetrastemma dorsale : la larve, produite également en moins de vingt-quatre heures, est identique, comme structure et comme destinée, à celle de la figure 111. Si le Tetrastemma en question méritait d’être considéré comme une espèce distincte, nous aurions ainsi deux exemples du mode de développement précédemment décrit. 3° Embryogénie du Polia carcinophila, Külliker (fig. 115 à 119). Les mœurs et le mode de vie de ce curieux parasite des Crabes ont déja été trop souvent et trop bien décrits pour qu'il soit nécessaire d'y revenir 1c1. J’ai trouvé immédiatement, en me conformant aux excellentes indications de mes prédéces- seurs, les œufs de ce Némerte logés dans des gaines transpa- rentes au nuilieu des œufs du Crabe qui les portait. Mes obser- vations, faites à Wimereux vers la fin d'avril, m'ont conduit à des résultats tout à fait différents de ceux auxquels était arrivé Van Beneden pour la même espèce : la larve, que l’au- teur belge assimile à une sphère creuse renfermant dans son intérieur un amas granulo-graisseux, est, selon moi, un Némerte déjà tout formé qui n’a absolument rien de comparable à une Planula, mais ressemble plutôt au jeune Némerte qui sort de l'œuf dans le mode de développement direct. Le développement de la larve en question suit du reste exac- tement la même marche générale que celle que nous avons décrite à propos de PAmphiporus lactifloreus. Les figures 115 et 116 montrent la différenciation graduelle de la musculature aux dépens d’une masse deutoplasmique blanche interne, et il ne peut être élevé aucune espèce de doute sur ce fait que le développement du Polia carcinophila doive être rangé dans le mode de développement direct; la seule différence consiste ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 161 en ce que le jeune Némerte, au lieu d'adopter immédiatement, au sortir de l’œuf, le mode de vie du Némerte adulte, se met à nager en liberté au milieu du liquide. Il se produit ainsi un véritable état larvaire, mais un état larvaire qui ne correspond plus, comme chez le Tetrastemma dorsale et le Pilidium, à un simple stade embryonnaire, mais tout au contraire à un jeune Némerte déjà tout formé (4). Une autre différence d’un plus haut intérêt m'a cependant paru exister aussi en ce qui concerne la disposition des feuillets, entre le mode de développement du Polha et celui de l'Am- phiporus lactifloreus. Tandis que chez le second la masse blanche deutoplasmique se séparait d’une manière bien nette de Pépi- thélium périphérique avant de commencer à se différencier en musculature, 11 m'a semblé que, tout au contraire, cette diffé- renciation se faisait chez le Polia avant séparation complète de la couche externe. Jai vu, en faisant agir le mélange de carmin et de glycérine sur des œufs avant l'apparition des cils vibra- tiles, les deux renflements (r/) déjà bien formés, mais se confon- dant insensiblement à leur périphérie avec le feuillet superficiel plus opaque (fig. 115). Il est possible que, sans nous écarter ici beaucoup de l’Amphiporus (dont le mode d'embryologie du Polia carcinophila est, dans tous les cas, très-voisin), nous ayons ici un cas moins abrégé dans lequel la musculature se différen- cierait directement aux dépens de la partie interne des cellules radiaires (fig. 77, etc.) avant la fusion de ces dernières en une masse compacte. J'aurais voulu résoudre cette question d’une manière catégorique; malheureusement mes observations avaient été entreprises un peu trop tard, tout à fait à la fin de l’époque de reproduction, et, quelque effort que j'aie pu tenter, il m'a été impossible de retrouver des œufs pendant les premiers stades de la segmentation. (1) Mac-Intosh, dont la description se rapproche déjà plus de la mienne que celle de Van Beneden, n'indique pas de trompe dans la larve éclose ; je ne puis attribuer cette différence qu'à une confusion : la trompe, en effet, est facile à rèconnaître chez les larves de cette espèce. Mac-[ntosh l’a prise pour la région œsophagienne, qu'il figure beaucoup plus étendue qu’elle n’est en réalité. ANN. SC. NAT., DÉCEMBRE 1877. VI. 21. — ART. N° 3. 162 | J. BARROIS. Quoi qu'il en soit de ces premiers stades de développement, les renflements (r/), dont nous avons constaté l’apparition au stade fig. 115, ne tardent pas à se détacher complétement de la couche périphérique, et à prendre la disposition ordinaire déjà décrite si souvent à propos du développement direet. La trompe, déjà vaguement indiquée au stade précédent (fr), devient plus nette, et l’on arrive à un stade (fig. 116) qui se trouve identique à celui de la figure 87 de lPAmphiporus. C’est à cette époque qu'’apparait le revêtement général de cils vibratiles, et que l'embryon, muni de son plumet ciliaire avec ses deux points oculiformes, quitte Pœuf pour aller nager au milieu du liquide. Cette jeune larve (fig. 117) présente, comme Je Pai dit, tous les caractères d’un Némerte déjà complétement formé : on y voit, à la partie antérieure, l’épaisse musculature qui dérive de la réunion des renflements #f. Derrière cette partie se voit la cavité métastomiale remplie d’une matière granulo-graisseuse et entourée des lames musculaires de la paroi du corps. Au milieu de cette masse médiane opaque se voit distinetement la trompe, dont on peut même, dès ce stade, distinguer la cavité centrale; on n’aperçoit encore, à cette époque, aucune trace d’armature. La cavité prostomiale n'apparait demême à ce stade,que comme une faible tache obseure située entre l'espace compris entre les deux yeux et le plumet ciliaire de la partie antérieure. Pour passer de la larve de la figure 117 à l’état adulte, 1l n°y a pas besoin d’autres modifications que celles qui s’effectuent à partir du stade fig. 84 de l'Amphiporus : la masse graisseuse g2 de la partie postérieure se différencie en tube digestif; la cavité prostomiale devient plus nette; enfin le système nerveux se forme au milieu de la cloison formée par la réunion des deux renfle- ments rf; un seul fait se trouve surajouté, c'est le passage de l’état nageant à l’état rampant, de l'aspect arrondi à lPaspect vermiforme. Je ne puis dire si Ce passage est accompagné, comme le disent Dieck et Van Beneden, d’un changement de peau, ou si, comme le dit Mac-Intosh, ce changement de peau n'y existe pas plus que chez le Tefrastemma dorsale et le AKTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 163 Cephalothrix linearis, mais je penche plutôt, dans cecas, pour la seconde opinion. La figure 118 représente l’état le plus avancé que j'aie pu trouver dans l’embryogénie de ce Némertien; j'ai conservé entre ce stade et celui qui précède, dans mes figures, les pro- portions relatives : on voit que l’animal à déjà subi un accrois- sement très-considérable ; le jeune Némerte représenté dans la figure 118 n'avait encore aucune trace de produits génitaux ; il se trouvait au milieu des œufs de Crabe, mais sans se tenir, comme l'adulte, renfermé dans un tube. Sur ces exemplaires, la cavité prostomiale était devenue très-nette et se trouvait limitée, de chaque côté, par les lames prostomiales DP très- nettement visibles. Les organes latéraux sont peu distincts chez cette espèce; néanmoins 1l existe, au stade fig. 118, au niveau de gn, une cloison très-nette qu’on reconnait aussi, suivant le cas ordinaire, comme étant le rudiment commun des organes latéraux et masses ganglionnaires, et qui rend, surtout à cette époque, parfaitement distincte la délimitation en lames prosto- miales et métastonales. La trompe a acquis les caractères qu’elle conserve chez l'adulte, mais elle ne possède plus, comme chez les autres types, d’enveloppe spéciale (gaîne de la trompe) et flotte librement dans la cavité du corps au-dessus de l’intestn. Le tube digestif apparait comme un tube allongé à parois propres ; la cavité générale est bien formée, et de plus on constate, comme nous l’avons déjà décrit à propos du Lineus obscurus, que la paroi de lintestin se trouve, de distance en distance, attachée à celle du corps, partageant la cavité géné- rale en un certain nombre de compartiments cg (chambres génitales) bordés par le lacis connecüf dont nous avons déjà si souvent parlé. La figure 119 représente la tête de l'adulte : les deux masses prostomiales DP s’ysont réunies, comme chezles autres espèces, en une masse cohérente, et l’on ne distingue plus guère de traces de la cavité prostomiale; les organes latéraux o/ sont à peine visibles, et la masse céphalique parait se continuer, sans ligne de démarcation nettement tranchée, avec les lames muscu- 164 J. BARROIS. laires de la paroi du corps. Les organes latéraux semblent, chez cette espèce, avoir éprouvé, comme la trompe, un dévelop- pement régressif; leur absence rend la division générale de la musculature moins nette que d'ordinaire, néanmoins elle ne peut donner lieu à aucune difficulté. La présence au stade118 des lames prostomiales, et lidentité de leur développement ultérieur avec ceque nous avons vu chez les autres Némertes, ne permet- tent pas de laisser subsister aueun doute à cet égard. En résumé, le développement du Polia carcinophila se rapproche beaucoup de celui des Némertes à développement direct ; ce fait peut donc, dans une certaine mesure, être utilisé pour la place à assigner à ce type curieux dans le groupe des Némertes. La plupart des observateurs ont été portés à faire de cette forme un type exceptionnel: Van Beneden et Mac-Intosh la rapprochent du Prorhynque; cette erreur, excusable à l’époque du premier de ces deux auteurs, est étrange de nos jours. On sait aujourd’hui, d’une manière, certaine que le Pro- rhynque n'a rien de commun avec les Némertes proprement dits : sa prétendue trompe n’est qu'un pénis, et non pas un organe spécial. Le Prorhynque doit être placé dans un groupe à part, à côté des Rhabdocæles et des Dendrocæles, dans les Turbellariés ; 11 n’a, avec les Némertiens, que des rapports éloignés dont nous nous occuperons plus loin. Le Polia car- cinophila n’a rien qui l’écarte des Némertes les plus typi- ques; tous les traits fondamentaux de son organisation sont basés sur le plan général d'organisation de ces animaux; les seules particularités qu'il présente (rétrogradation de la trompe et des organes latéraux, absence de gaine de la trompe, etc.) sont de simples modifications de détail dues au parasitisme ; il n’y à pas de doute qu’il faille considérer le Polia carcino- phila comme constituant un Ænopla des mieux caractérisés, simplement modifié par le parasitisme (1). (1) Ces faits d’amoindrissement de la trompe et des organes latéraux ne sont pas extrêmement rares parmi les Némertiens : il arrive souvent que les organes latéraux deviennent peu visibles ; d’un autre côté, on connait deux autres espèces, les Nemertes gracilis et Neesii, chez lesquelles la trompe est proportionnelle- 9 ARTICLE N° ». EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 465 4 Embryogénie du Cephalothrix linearis, Jens Rathke (fig. 124). J'ai obtenu des œufs de ce Némertien à Saint-Waast la Hougue pendant le mois de juillet. Des Cephalothrix que j'avais laissés pendant un certain temps dans un bocal me donnèrent des embryons; j'étais alors occupé à d’autres recherches, et je ne m'aperçus malheureusement de la ponte qu'après l’éclosion. Le stade à partir duquel j'ai commencé mes observations était déjà avancé (fig. 124) et correspondait au dernier que figure Mac-Intosh ; néanmoins jy ai encore rencontré quelques parti- cularités assez intéressantes et qui méritent de ne pas être passées sous silence. Le stade que j'ai représenté dans la figure 124 correspond à ceux qui, dans toutes les espèces précédentes, suivaient immé- diatement l’apparition de différents systèmes d'organes du jeune Némerte. La partie postérieure est occupée tout entière par un amas graisseux d’où naîtra l'intestin; tout autour, on voit la couche musculaire, mais cette dernièrene présente plus la même disposition que chez toutes Les espèces précédemment décrites : toute la partie antérieure de l’animal paraît occupée par une masse musculaire considérable qui porte deux gros yeux munis d’un cristallin, et de chaque côté, un peu au-dessous des yeux, un long poil roide (//) qui correspond à ce qui sera plus tard l'ouverture des organes latéraux. Il n’y a pas de trace de la cavité du prostomium ; les lames musculaires de la paroi du corps (fig. 124), au lieu de se réunir, comme les Enopla, en une épaisse cloison médiane, en avant de laquelle se trouvent d’autres masses musculaires (lames prostomiales), viennent sim- plement contourner en s’épaississant toute la partie antérieure du corps de l'animal. L’œsophage (æ) est situé en avant dela masse graisseuse, immédiatement au-dessous de la masse mus- culaire antérieure ; la trompe (fr), qui n'avait pas été vue par ment plus petite que chez les autres Némertes. Le nouveau genre Nemertes établi par Mac-Intosh sur ce fait me paraît peu naturel et basé sur un caractère uni- quement adaptatif, 166 3. BARROIS. Mac-Intosh, constitue un cordon plem, court et épais, situé au-dessus et en avant de l'œsophage, et qui est difficile à dis- tinguer au milieu de la masse musculaire, de mème couleur qui l'entoure de toutes parts: elle avait échappé à l’auteur anglais. Jusqu'ici aucune trace de la division en cavités prosto- miale et métastomiale ne parait exister ; mais en examimant avec attention, on voit que la trompe se trouve séparée de la masse épaisse de tissu musculaire qui l’environne par deux bandes obscures (cp) situées en avant de l'œsophage, et qui résultent de l'extension vers la partie antérieure de la cavité qui contient les globules graisseux. Cette cavité, située autour de la trompe, et en avant de la bouche, représente, selon moi, la première indication de la cavité du prostomium ; en suivant le reste du développement, on la voit s’allonger de plus en plus vers la partie antérieure (1) et passer en avant de l'ouverture (fl) des organes latéraux; plus tard c'est à son pourtour, au- dessus de ces mêmes organes latéraux, que se différencieront les masses ganglionnaires : en un mot, on la voit suivre exactement la même évolution que la cavité triangulaire (fig. 100 à 104 cp), que nous avons vue, dans la régénération de la tête du Lineus, se former en avant de lextrémité tronquée du tube digestif. A la suite de la différenciation du système ner- neux, elle se distingue d’une manière plus tranchée, par sa forme étroite, du reste de la cavité du corps, et l’on peut dès lors assigner, avec autant de certitude que partout ailleurs, la limite entre les cavités prostomiale et métastomiale ; la diffé- renciation des organes latéraux vient enfin séparer d’une manière plus nette les lames prostomiales et métastomiales. Ce développement constitue un second exemple du mode d'apparition des grandes divisions dela musculature, déjà indi- (1) Les organes latéraux du Cephalothrix linearis sont, en général, peu accusés ; c’est là ce qui fait que plusieurs auteurs les ont laissé passer inapercus et ont dessiné le Némerte comme en étant dépourvu ; je me suis assuré que c’était là une erreur : ces organes existent très-bien chez le Cephalothrix adulte et y présentent, avec le système nerveux, une disposition analogue à celle des Lineus. Q ARTICLE N° 09. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES, 167 qué à propos de la régénération de la tête du Lineus obscurus ; il nous faut admettre que dans le cas de formation de la mus- culature par différenciation graduelle, telle que nous l'avons vue dans tous les développements que nous venons d'étudier, il y à deux modes principaux, qui répondent aux grandes divi- sions des Enopla et des Anopla : dans le premier cas (Enopla), les masses principales, qui répondent au point de réunion des parties essentielles de la museulature, sont intermédiaires entre les deux eavités; dans le second (Anopla), elles sont tout entières situées en avant, ce qui fait que les cavités ne sont plus d’abord distinctes. Le développement ultérieur nous conduit du reste, de part et d'autre, au même résultat, et cette diffé- rence dans le mode de formation n’est, comme nous le ver- rons plus tard, due qu'à une différence de structure entre les deux divisions du groupe des Némertes; les figures 169 et 170 schématisent ces deux modes de différenciation. 5° Résumé. Tetrastemma dorsale (fig. 107 à 114). — A la ponte, l'œuf (fig. 107) présente, avec une netteté exceptionnelle, la division en zone corticale + plus sombre et protoplasme interne plus clair, contenant dans son intérieur un petit noyau 0’. Après la fixation des spermatozoïdes sur tout le pourtour (fig. 108), on constate la disparition de la vésieule et la fusion des deux zones de l’œuf. L’œuf commence ensuite à se segmenter pour produire le stade à cellules radiaires ; puis la partie interne des cellules radiaires se fragmente pour produire une quantité de petites cellules à noyau disposées irrégulièrement en une masse interne, tandis que leur partie externe demeure à la surface en un feuillet continu: c’est alors que l’embryon se couvre de cils, acquiert un plumet, et éclôt pour donner naissance à la larve libre (fig. 111). Cette larve hibre à la même structure que le stade fig. 83 de l’Amphiporus, seulement la masse M, qui représente les deux feuillets internes, est iei cellulaire ; de plus, 168 RAGE J. RBARROIS. elle se produit d’une manière directe, au lieu de résulter de la fusion de deux feuillets d’abord distincts. Après avoir vécu pendant quelque temps sans modifications, cette larve se transforme en Némerte de la même façon que le stade fig. 83 de l’Amphiporus: les éléments de la masse interne perdent leurs caractères franchement cellulaires, et se confondent en une masse de cellules granuleuses, au milieu de laquelle on voit apparaitre, comme précédemment pour l’Axphi- porus, des éléments plus opaques qui délimitent la trompe des parties plus externes, et correspondent à la séparation des deux feuillets internes (endoderme gi et mésoderme). Ces granules opaques indiquent bientôt, comme pour l’Amphiporus, deux cavités distinctes (cp et cm), la seconde remplie de globules graisseux gè dont naîtra l'intestin, et séparées l’une de l’autre par une partie plus renflée rf du tissu mésodermique. De ce renflement naissent ensuite, comme pour l’Amphiporus, les masses ganglionnaires et organes latéraux, tandis que le reste du feuillet mésodermique se différencie en lames prostomiales DP, qui s’épaississent pour combler la cavité ep, et lames métastomiales DM, qui s'amincissent pour former la paroi du COrps. Polia carcinophila (fig. 115 à 119). — Bien que je ne puisse pas retracer d’une manière complète les premiers stades du développement de cette espèce, il m'a semblé que le processus de dégénérescence des cellules radiaires était 1e1 remplacé par une délamimation directe en deux couches concentriques. En admettant, bien que je n’aie pu contrôler son existence, la pré- sence très-probable de la gastrula, ce type représenterait un mode moins modifié que l’Amphiporus lactifloreus, et devrait être placé comme intermédiaire entre ce dernier et le type de Desor. Quelle que soit du reste la marche de ces premiers phé- nomènes (au sujet desquels je ne puis rien dire que d’une manière très-dubitative), le développement ne tarde pas à en revenir au mode ordinaire : aussitôt après ces phénomènes, encore incertains, de formation des feuillets, l'embryon appa- raîit (fig. 116) avec la même structure qu’au stade 87 de ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 169 l'Amphiporus (eloison rf et couche continue), et le reste du développement s'effectue ensuite suivant le cas général. Le peu de netteté des organes latéraux rend la délimitation des lames prostomiale et métastomiale plus difficile ici que dans les cas ordinaires; néanmoins cette délimitation ne peut laisser aucun doute, surtout si l’on regarde la figure 118. La larve libre n’a pas la structure simple qu’on lui avait supposée ; mais représente (fig. 117) un jeune Némerte, déjà tout formé, qui ne diffère des Némertes ordinaires au moment de leur éclo- sion que par son genre de vie. Cephalothrix linearis (fig. 124). — La figure 124représente un stade qui correspond au stade fig. 112 du Tetrastemma dorsale : nous y voyons, comme partout ailleurs, le feuillet moyen constitué dans son ensemble par un épais renflement rf qui se prolonge en uné mince couche qui entoure le corps; mais au lieu d’être situé un peu près, au quart antérieur, de manière à diviser le corps en deux cavités (prostomiale et métastomiale), cerenflement se trouve situé tout à fait en avant, antérieurement à toutes les cavités internes (fig. 124). Une étude attentive, sur- tout dans les stades qui suivent, montre que ce renflement cor- respond complétement à celui que nous avons vu se former dans la régénération de la tête des Lineus obsurus. De même que dans le Lineus, ce renflement rf du Cephalothrix est exactement de même nature que celui rf des Enopla, et correspond comme lui au point de soudure des masses ganglionnaires à une portion de la peau; mais 1l présente aussi avec lui une dissemblance qui a sa source, comme nous l’avons dit, dans une différence de struc- ture entre les groupes des Anopla et des Enopla. La masse r/ du Cephalothrix et du Lineus représente, ainsi que l'indique le développement ultérieur, la masse formée par la réunion des ganglions aux organes latéraux et aux lames proslomiales, tandis que, chez les Enopla, elle représente la masse formée par leur réunion aux organes latéraux et lames métasto- miales. La division fondamentale en deux cavités n’en existe pas moins pour cela dans un cas comme dans l’autre, seulement elle est plus ou moins nettement exprimée. La comparaison des 170 3. BARROIS. figures schématiques 166, 167, 168 et 169, 170, fera bien comprendre les relations qui existent entre les deux modes : 166 exprime la structureidéale, avec lames prostomiales et mé- tastomiales, séparées l’une de l’autre par les organes latéraux ; 167 exprime la disposition schématique que j'attribue aux Enopla ; 168, aux Anopla dans les seconds (Anopla), les ganglions y étant situés entre les organes latéraux et les lames prostomiales, et dans les premiers (Ænopla) entre les organes latéraux et les lames métastomiales (c’est ce qui explique la différence de position de l’æsophage). Dans la formation de la musculature aux dépens de la masse interne du type de déve- loppement qui vient d’être décrit, c’est le rudiment commun des système nerveux, organes latéraux, et portion de la paroi près de laquelle il est placé, qui apparait tout d’abord sous forme d’un épais renflement ; or, il est aisé de voir que ce renflement n'occupera pas la même place chez les Anopla et les Enopla : chez les premiers, il sera antérieur aux deux systèmes de cavités, et correspondra au point de soudure des organes latéraux, masses ganglionnaires et lames prostomiales ; chez les seconds, il lui sera intermédiaire, et correspondra au point de soudure des organes latéraux, masses ganglionnaires ct lames métasto- miales. Ainsi on obtient les deux modes de différenciation représentés schématiquement (fig. 169-170) ,etquireprésentent, le premier le mode de différenciation des Anopla (Cephalo- thrix), le second des Enoplu. 3. CONCLUSION. Nous avons déjà montré, dans ce qui précède, que l’un des trois anciens types de développement simple (par différenciation directe de la #norula), le type de Desor, devait être réuni au Pilidium pour constituer avec lui un mode nouveau caractérisé par un ensemble de phénomènes très-constants, basé sur Pévo- lution des feuillets et auprès duquel les formes larvaires n’avaient qu’une importance extrêmement accessoire. La marche gra- duelle que nous avons suivie pour arriver à ce fait peut se retracer par trois propositions. Nous avons vu successivement : ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 171 1° Qu'il y avait entre le Pilidium et le type de Desor une identité générale plus grande qu’on ne le supposait. 2° Que cette identité était produite par un ensemble de phé- nomènes constants d’une importance essentielle. 3° Que l’état de scolex, sans influence aucune dans ses varia- tions sur cet ensemble fondamental, devait être dépouillé de toute sa valeur, et être réduit à un rang tout à fait accessoire. Cette marche générale, suivie une première fois pour les deux premiers types, peut aussi s'appliquer avec le même succès à l’étude complète des deux autres modes (développement direct et Planula). 1° Ce qui nous frappe d’abord dans la série des développe- ments qui viennent d’être retracés, c’est la grande analogie du développement direct et de la Planula. Ges deux types ne pré- sentent pas simplement une différenciation directe de la morulu, mais sont caractérisés, chacun de leur côté, par un ensemble de phénomènes parfaitement définis, et cet ensemble est le même pour tous les deux : au lieu done de constituer comme aupa- ravant, par leur réunion, un caput mortuum où les difiérents tvpes n'étaient assemblés que par des caractères purement négatifs, l’absence de tout phénomène de développement propre, ils forment maintenant une division très-bien circon- scrite et basée sur un ensemble de phénomènes parfaitement définis. 2° Cet ensemble de phénomènes si bien définis consistait, pour les deux premiers types, dans la série des faits de développe- ment interne. Nous rencontronsier un cycle différent, mais non moins constant, n1 moins bien caractérisé que celui que nous avions chez le Pilidium ; il constitue aussi une série invariable qui doit servir de base à notre second mode de développement, et consiste dans ses grands traits, dans la formation du stade à masse centrale (fig. 83) représentant la réunion des deux feuillets internes, et couche périphérique représentant lexo- derme, puis dans la différenciation de la masse centrale en ses deux éléments. 3° L'identité complète du développement interne dansles deux 179 J. BARROIS. derniers modes nous montre que les larves n’ontaucune influence sur la marche générale des phénomènes embryonnaires, qui restent les mêmes dans tous les cas. Ces larves sont au con- traire excessivement variables; elles existent dans le second cas (Plonula), et sont absentes dans le premier (développe- ment direct), et présentent de plus des variations de structure des plus étendues : nous devons donc admettre qu’elles n’ont aucune valeur, et ne possèdent pas de signification pour la marche générale de l’embryogénie. Ainsi, les deux derniers types d’embryogénie (développe- ment direct et Planula) constituent, de même que les deux pre- miers, un mode unique de développement, caractérisé par l’en- semble des phénomènes internes et dans lequel l’état larvaire perd toute son importance: Nous pouvons donc substituer à l’ancienne division en quatre formes distinctes : développement dhrect, Planula, type de Desor, Pilidium, une nouvelle divi- sion en deux modes développement direct et Planula, Pili- dun et type de Desor, basés uniquement sur les phénomènes internes. Le premier de ces deux modes nous est bien connu, nous l’avons étudié dans la première partie ; le second ne l’est encore que d’une manière générale. Il nous reste à létablir avec le même détail. Les phénomènes décrits chez lAmphiporus lactifloreus don- nent une idée très-Juste du second mode d’embryogénie. Il y a gastrula et dégénérescence de la partie interne de toutes les cellules qui bordent la cavité de segmentation pour former à l’in- térieur une masse continue qui est le mésoderme (fig. 79-80) ; l’endoderme se confond ensuite avec le mésoderme, et l’on arrive à un stade composé d’une masse centrale et d’une couche externe, la première représentant les deux feuillets internes (fig. 83). Le reste du développement consiste dans une séparation nouvelle de ces deux feuillets un moment confon- dus, puis dans la différenciation de chacune de ces deux par- tes : la première (endoderme) en une masse graisseuse gè qui devient l’intestin; la seconde en une lame continue, disposée autour de deux cavités ep et cm séparées par une cloison rÿ, ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 173 et qui se divise ensuite en lames prostomiales et métasto- miales qui suivent leur évolution ordinaire. Cette marche du développement, qui peut servir de type à tout le second mode, peut éprouver cependant des modifi- calions ; les phénomènes antérieurs au stade fig. 83 peuvent se présenter plus ou moins modifiés. Un cas de plus grande sim- plification nous est présenté par le Tetrastemma dorsale, où nous avons production directe de la masse interne M qui représente les deux feuillets (fig. 83), sans apparition préalable de chacun de ces deux feuillets à l’état distinct ; des cas de simplification moins grands que FAwmphiporus doivent aussi exister, et ce n’est qu’à leur aide qu’on peut espérer trouver des intermédiaires entre les deux modes d’embryogénie. Néan- moins Je n'ai pu en constater Jusqu'ici aucun avec certitude : le seul exemple observé par moi où il yaurait (peut-être?) quel- que chose d’analogue, est le Polia carcinophila, où nous avons déjà dit que le feuillet moyen ne nous avait pas paru subir une dégénérescence aussi étendue que dans le cas ordinaire; mais Je fais mes réserves sur ce dernier point. Quoi qu'il en soit, ces cas de simplification plus ou moins avancés se rattachent tous d’une manière étroite à la disposition de l’Amphiporus, qui, ainsi que nous l'avons dit, sert de type pour le second mode. D’autres variations d'un ordre différent se rencontrent dans les phénomènes ultérieurs à la formation des feuillets ; ces der- mers sont dus à la différence d'organisation qu’on rencontre chez les Anopla et les Enoplu. Nous avons vu qu’en règle géné- rale, un des premiers phénomènes dans l’arrangement du feuillet moyen issu de la différenciation de la masse interne, était l'apparition de l’épais renflement 7f formé par la réunion des masses ganglionnaires à une portion de la paroi; mais comme la place occupée par les masses ganglionnaires n’est pas la même dans les deux groupes, le renflement occupe aussi une place variable, et de là une différence d'aspect assez frappante dans les embryons : tandis que la division en deux cavités se montre vite distincte chez les Enopla, où le renflement rf est situé entre les deux,elle n’est guère visiblechezles Anopla, où ce 174 i J. BARROIS. même renflement est situé tout entier au devant des deux : cela n'empêche pas que bien que moins distincte, à cause de cette circonstance, la grande division en deux cavités n’en existe aussi bien dans le second cas que dans le premier, comme le mon- trent les figures 169-170, qui schématisent ces deux modes ; les cavités finissent du reste par devenir également distinctes dans ce type des Anopla, aussitôt que les organes latéraux sont différenciés. 4. ÉTABLISSEMENT DU CYCLE EMBRYONNAIRE. En résumé, nous arrivons, à la suite de cette étude sur lem- bryogénie des différents types, à substituer aux quatre anciens modes de développement basés sur les formes d’embryogénie (développement direct, Planulu, type de Desor, Pilidium) deux modes nouveaux basés sur les phénomènes de développement interne, et comprenant, le premier, le Pilidium et le type de Desor, le second le développement direct et la Planula. L'étude approfondie des différentes formes d’embryons nous a montré que le cycle n’était pas alternant, comme on l'avait cru, mais consistait dans la formation directe du Némerte ; les différentes formes transitoires, auxquelles on ajoutait jusqu'ici une si grande importance, ne sont que des /urves, et non des scolex. Nous avons montré que c'était à tort qu’on leur avait attribué un rôle fondamental dans le développement, et qu’elles n’en constituaient au contraire que des aberrations sans au- cune importance, ce qui nous à conduit à nier la réalité du cycle d'alternance. La grande diversité de structure de ces larves rendrait du reste impossible, même dans l'hypothèse de l'alternance, de les considérer pendant plus longtemps comme des simplifications graduelles d’une seule forme de scolex; elles n’ont en effet aucune analogie de structure, mais résul- tent du passage à l’état libre des stades embryogéniques les plus différents : le Pélidinm est une gustrula, la larve de Tetra- stemmu dorsale, un stade à masse interne (représentant les deux feuillets internes) et à couche externe, la larve de Polia un Némerte tout formé. ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 175 Cette concordance, qui nous fait défaut entre les quatre an- ciens modes distingués par les auteurs, se retrouve pleine et entière entre les deux modes nouveaux établis sur l'étude des phénomènes internes. Dans le premier mode comme dans le second, le développement prend pour point de départ une gas- trula (4), et consiste, dans son ensemble, dans la formation et le développement du feuillet moyen. Ge feuillet peut apparaitre de deux manières différentes : 1l peut se former par naissance, aux dépens de l’exoderme, de quatre épaississements (disques) qui se rejoignent ensuite pour former les lames prostomiales et métlastomiales, ou bien par délamimation directe en une masse interne de deutoplasme, qui se différencie ensuite d’une manière directe en lames prostomiales et métastoniales. La marche générale des phénomènes est done identique dans les deux cas, et consiste, dans ses grands traits, dans la naissance des quatre parties essentielles de la museulature aux dépens de lPexo- derme ; seulement il peut y avoir, soit formation directe de ces quatre rudiments, soit différenciation aux dépens d’une masse de deutoplasme produite tout d'abord. Ce sont ces deux cas qui, sans constituer de différence essentielle, forment les deux grands modes du développement. Nous pouvons done conclure, en substituant à l’ancien cycle d’alternance un eyele de dévelop- pement direct basé sur l’évolution générale des feuillets, et en particulier du mésoderme; le Polidium et toutes les autres formes ne sont que des aberrations expliquées dans ce qui pré- cède de ce mode unique et fondamental. SECONDE PARTIE. DU PLAN DE STRUCTURE. 1. CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES. Les résultats acquis en embryogénie n’ont pas seulement leur application dans l'établissement du cycle embryonnaire ; (1) Voyez, pour plus de détails, le mode de formation de cette gastrula dans les deux cas, et l'identité de la disposition des sphères à la surface de la blastula. 176 | J. BARROIS. ils nous conduisent aussi, au point de vue de la structure de l'adulte, à des conceptions qui s’écartent beaucoup, en des points essentiels, des idées acquises par la simple étude anatomique de ces animaux. Je me trouve surtout, en ce qui concerne la disposition des couches musculaires et du reticulum connect, amené à des vues complétement étrangères à celles actuelle- ment existantes. Les premières se trouvent en opposition avec les vues qui semblent généralement admises; les secondes, avec les idées dernièrement émises par Hubrecht, au sujet du cloisonnement de la cavité du corps. Le tableau suivant, où je place d’abord, pour chacune de ces questions, les opinions existantes, puis celle qui n'appartient, montre les différences qui existent à ce sujet. Paroi du corps : 1° Divisée en masse céphalique et tube musculaire, Séparés par les commissures du système nerveux (Auteurs). 2° Divisée en lames prostomiales et mélastomiales séparées par les organes latéraux. Cavité au corps : 1° Cloisonnée par des diaphragmes formés de reticulum (dis- sépiments) (Hubrecht). 2 Cloisonnée par les cæcums du tube digestif venant se sou- der à la paroi. Pour faire bien comprendre l'importance, au point de vue de l’organisation entière du Némerte, de l'adoption, dans chacun de ces cas, de l’une ou de l’autre des deux opinions, il est nécessaire d'entrer ici dans quelques détails. 1° Paroi du corps. — a. Dans la première, le corps est, dans son ensemble, formé d'un simple sac musculaire renflé par devant en masse céphalique, et ne comprenant dans toute son étendue qu'une seule cavité. La comparaison des différents types conduit naturellement, dans cette opinion, à comparer entre elles les masses céphaliques, les masses ganglionnaires, et les couches musculaires ; à où, comme dans les groupes des ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 177 Anopla et des Enopla, 1 y a dissemblance dans laspect de la tête. Cette dissemblance est naturellement attribuée à un dé- placement des organes latéraux, par rapport aux commissures nerveuses considérées comme constantes. On voit ainsi que chez les Anopla, les organes latéraux, d’antérieurs qu'ils étaient chez les Enopla (fig. 97), se sont portés en arrière, entraînant avec eux les ganglions supérieurs qui s’allongent vers le bas, et sont venus rétrécir la cavité du corps sur une notable étendue. La cavité plus étroite de la portion antérieure des Anopla n’est pas considérée comme étant distincte de la cavité qui vient ensuite. On rencontre d’ailleurs des types de passage chez lesquels les organes latéraux, supérieurs chez les £nopla et in- férieurs chez les Anopla, occupent une position intermédiaire ; mais un fait qui ne peut s’expliquer d’après cette théorie, est la position de l’œsophage, qui se trouve le plus éloigné de la région céphalique, précisément chez le type où l’on devrait, par suite de l’accroissement des ganglions vers le bas, s'attendre à le trouver le plus rapproché. b. Dans la seconde opinion, nous avons, outre le renflement céphalique, une division de la couche musculaire en deux parties distinctes séparées l’une de l’autre par les organes laté- raux, et comprenant chacune une cavité spéciale : la masse céphalique n’est que le produit de la soudure plus ou moins complète de la première de ces deux parties (lames prosto- miales) qui tendent à obstruer par leur épaississement la portion de cavité du corps qu’elles comprennent entre elles. Il suit de là qu'au lieu de rapporter la masse céphalique des Enopla (fig. 97), qui correspond à la fusion complète des lames prosto- miales, à celle des Anopla (fig. 104), qui correspond seulement à leur fusion partielle, on la rapportera à la totalité des lames prostomiales de ce dernier type; la cavité comprise entre les deux branches du système nerveux (fig. 10%) sera de même rapportée à la cavité prostomiale mcomplétement comblée. Au lieu d'admettre, comme dans le cas précédent, un change- ment de place des organes latéraux par rapport au système ner- veux, nous devrons admettre un changement de place du système ANN. SC. NAT., DÉCEMBRE 1877. VI. 22. — ART. N° :8. 178 3. BARROIS. nerveux par rapport aux organes latéraux considérés comme points fixes, et admettre qu’il se forme tantôt au-dessus (Anoplu); tantôt au-dessous (voy. fig. 166, 167, 168 : 166, type commun ; 167, Enopla; 168, Anoplu, ainsi queles figures 97 et 104). Cette seconde opinion a, sur la précédente, l'avantage d’expliquer la place de l’œsophage. 2° Cavités. — Nous avons vu que le cloisonnement de la cavité du corps pouvait se rapporter à deux causes différentes : aux cæcums, ou aux cloisons qui alternent avec eux. Chacune de ces opinions conduit également, en ce qui concerne le rôle du reticulum, à des vues très-différentes. a. La première opinion compare les cloisons connectives à des dissépiments maintenant en place le tube digestif et divi- sant, comme chez les Annélides, la cavité du corps en chambres séparées (zoonites), dont chacune contient un tronçon régulier de l'intestin, des cordons nerveux, et des tubes vasculaires ; chaque dissépiment porte aussi, en outre, les produits génitaux et les vaisseaux transverses. Le Némerte se ramène ainsi au plan général des Annélides (Hubrecht) (1), et le rôle du reticulum est la formation des dissépiments. b. Si, au contraire, on admet que le cloisonnement en chambres séparées soit produit par les cæcums du tube digestif soudés à la paroi, alors les cloisons connectives situées entre eux n'ont plus la signification que d’une simple couche de revé- tement, et l’on est amené à conclure, comme le montre aussi l’embryogénie, que le reticulum, au lieu de s'arranger directe- ment en cloisons resistantes, se condense simplement en une couche continue le long du système des cavités cloisonnées par les cæcums. Gette disposition du reticulum en couche continue tapissant la paroi des cavités internes représente un état de duf- férenciation (fig. 164) que l’on peut opposer, dans la représen- tation générale du cycle d'évolution du reticulum, à un premier Gtat qui existe aussi un peu plus tôt, caractérisé par la dispo- sition irrégulière du reticulum dans tout l’intérieur (fig. 163) ; (4) Hubrecht, Aanteekeningen over de Anatomie, etc., traduit en allemand ans Niederlandisches Archiv für Zoologie, Bd IT, p: 99. ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. AP il y aurait donc simple affaissement du reticulum contre la parol. Ces considérations montrent aisément l’intérèt qui s'attache, pour la connaissance de la structure du Némerte, à l'adoption de l’une ou de l’autre des opinions exposées ci-dessus pour chacune des deux questions dont nous venons de parler; aussi ne nous semble-t-il pas inutile, avant de passer aux conclusions générales, de chercher à contrôler les résultats embryogéniques par. une étude détaillée de la structure de l’adulte. Ce n'est pas que la substitution des vues que je propose, aux opinions anciennes, soit suffisamment prouvée par l’embryogénie : le rôle prépondérant des lames prostomiales et métastomales, et la formation de la masse céphalique par simple épaississement des premières, me semblent rendre impossible la conservation des idées anciennes; de même l’observation directe du cloison- nement par soudure des cæcums à la paroi du corps ne permet plus de regarder ce cloisonnement comme réellement produit par les cloisons connectives. Néanmoins, comme ces nouvelles données précédemment émises reposent uniquement sur l’em- bryogénie, on pourrait supposer que des divergences entre les deux opinions résultent de la voie suivie dans lobser- vation, et que l’étude du développement ne conduit pas aux mêmes résultats que celle de l’adulte. [ne me semble pas inu- tile de montrer qu'il n’en est rien, et qu’une étude attentive de l'anatomie conduit exactement aux mêmes résultats que ceux auxquels nous arrivons par l’embryogémie; cette étude nous permettra, du reste, d'étendre et de préciser les notions que nous venons d'acquérir, et fera disparaître tous les points dou- teux qui auraient pu subsister dans la substitution des aperçus nouveaux que je propose ici aux Conceptions anciennes basées sur lanatomie. J’étudierai successivement, dans ce qui va suivre, la paroi du corps et les cavités considérées chez l'adulte. 2. PAROI DU CORPS. Le meilleur moyen pour se rendre un compte exact de la disposition de la paroi du corps, est de la suivre sur une série 150 JS. BARROIS. de coupes transversales, depuis la portion du corps où elle affecte une disposition uniforme jusqu’à l'extrémité tout à fait antérieure, en suivant pas à pas ses complications graduelles. Cette méthode rend compte de la disposition d’une manière plus précise que lobservation directe, et nous permet en outre de tenir compte de la structure histologique de lenveloppe musculaire, chose qui échappe presque entièrement dans l'étude directe de l’animal vivant. On a, dans ces derniers temps, décrit avec grand soin une foule de petites dispositions spéciales, et l’on a négligé la question essentielle pour la dispo- sition générale, qui serait de suivre, dans tout leur parcours, les couches principales; nous tàcherons en même temps de combler cette lacune. 4. ANOPLA. Deux modifications essentielles sont surtout à signaler dans l'étude des complications successives de la paroi du corps chez les Anopla : 4° la réduction de la cavité du corps, d’abord con- tinue autour de l'intestin, à deux cavités arrondies séparées l’une de l’autre par une cloison verticale comprenant la gaine de la trompe (fig. 136 à 131); 2 lincurvation en dedans des deux couches internes, ainsi que des deux portions latérales des cavités du corps, qui se réduisent à une seule petite cavité située sur la ligne médiane à la place occupée d’abord par la cloison (fig. 131 à 127). Jusqu'au niveau de la coupe fig. 127, nous voyons le rétrécissement et la simplification graduelle des cavités internes, mais nous ne constatons entre ces cavités au- cune interruption ; la cavité étroite ce de la figure 127 commu- nique encore, comme le prouve, du reste, l’étude de l’animal vivant, avec le système complet de la figure 156, et l’on peut même encore [en rapportant la cavité inférieure ce aux deux systèmes de cavités latérales (troncs vasculaires et chambres génitales de chaque côté) qui se sont successivement soudées en une seule (fig. 135), puis de nouveau séparées (fig. 133), puis de nouveau réunies (fig. 127), et la gaine de la trompe au système de cavités médianes (vaisseau médian et gaine de la trompe)] ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 181 y retrouver des traces de la division en cavités médianes et laté- rales. Mais à partir du point fig. 197, il n’en est plus de même : à partir de ce point, la couche longitudinale se soude compléte- ment en un diaphragme continu, auquel vient s’insérer la trompe avec sa gaine, et qui limite par devant le véritable système de cavités du corps. Au delà de ce diaphragme on voit réapparaitre une cavité interne, ainsi que les deux couches musculaires internes ; mais cette cavité, invisible à l'observation directe, est étroite et se trouve exclue du système circulatoire ; elle est de plus disposée en sens inverse de la précédente (fig. 126, 127) et ne content plus, au lieu de la trompe et de sa gaine, qu'un tube unique, la portion non dévaginable de la trompe (fig. 125). Nous allons reprendre avec plus de détail chacune de ces trois modifications ; pour les Anopla comme pour les Enopla, nous étudierons successivement trois régions successives : 1° de l’in- testin aux organes latéraux; ® des organes latéraux au dia- phragme ; 3° extrémité antérieure. 1° De l'intestin aux organes latéraux (fig. 436 à 131). La figure 136 représente la disposition générale avant l’ap- parition des modifications, et telle qu’elle existe dans toute la partie postérieure du corps; la paroi se compose, comme chez tous les Anopla, d’une couche longitudinale externe extrème- ment épaisse, et divisée par le reticulum en champs séparés d’un aspect caractéristique. Cette couche forme la partie essen- tielle du tube musculaire; viennent ensuite deux couches internes : annulaire et longitudinale, plus minces, réunies, que l’externe toute seule. Dans la cavité comprise entre ces trois couches se trouvent l'intestin et la gaine de la trompe, le premier bouchant complétement cette cavité, excepté au niveau des vaisseaux longitudinaux et chambres génitales. La figure 156 laisse voir ces trois vaisseaux longitudimaux V. Dans la région œsophagienne (fig. 135-134), cette division en vaisseaux et chambres génitales a disparu par suite de l’absence des cæcums pour faire place à une cavité du corps continue, irrégulièrement parcourue par le reticulum, et faisant tout le 182 J. BARROIS. tour de l’œsophage, comme cela avait lieu pour l’intestin tout entier avant l'apparition des cæcums. Le vaisseau médian a été obstrué par soudure complète de la gaine de la trompe à la paroi de l’œsophage, et chacun des vaisseaux latéraux avec les chambres génitales s’est élargi en un demi-cercle continu qui s’est rejoint sur la ligne ventrale avec celui du côté opposé pour former la fente continue qui entoure l’œsophage. | Dans la région buccale (fig. 134), cette fente continue se trouve de nouveau divisée en deux parties latérales L par la soudure de l’œsophage à la paroi du corps sur le pourtour de la bouche. Ces deux parties latérales se retirent ensuite de plus en plus vers le haut, par suite de la soudure, à partir de la bouche, de la paroi du corps avec les parties latérales de lœsophage (fig. 132-133); les deux fentes semi-circulaires de la figure 134 se trouvent alors réduitesà deux arcs L, L, séparés par la gaîne de la trompe, et qui n’entourent plus lœsophage que par sa partie supérieure. À ce point, le reticulum, qui était resté jusqu'iei à l’état de fibres radiaires (1) isolées traversant séparément la cavité du corps (fig. 155-134), commence par se grouper (fig. 133) en faisceaux plus volumineux, et bientôt, au lieu de trouver la cavité du corps divisée par une multitude de petites fibrilles (fig. 135-134), nous ne la trouvons plus divisée, de chaque côté, que par deux ou trois gros faisceaux connectifs, Le point où ces fibres connectives s’amassent ainsi en plus erande quantité (fig. 133) est le pourtour de la gaine de la trompe, et surtout son point de réunion avec l’œsophage ; par suite de laccumulation en ce point des fibres connectives, la gaine de la trompe est graduellement entourée, puis soulevée de dessus l’œæsophage par le tissu connectif qui s’est amassé (1) On a envisagé de diverses façons l’arrangement de ces fibres : les uns (Hubrecht) les ont considérées comme traversant le corps en diagonale; les autres (Schneider) comme ayant une disposition dorso-ventrale. Je crois, pour ma part, que la disposition typique ‘est la disposition radiaire, qui, par ses variations, produit toutes les autres. Quand le corps s’aplatit, chaque fibre, demeurant perpendiculaire à la paroi, rencontre celle du côté opposé au lieu de rencontrer le centre, et c’est ce qui, selon moi, occasionne la disposition dorso ventrale. ARTICLE N° 3, EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 185 entre les deux (fig. 133) et qui y constitue une épaisse cloison c/. I résulte de là qu’au lieu d’être séparées l’une de l’autre par la gaine de la trompe directement adhérente à la paroi de l’œso- phage, les deux cavités latérales L ne le sont bientôt plus que par une épaisse cloison cl. Gette disposition persiste sans grands changements jusqu’à la disparition complète de l’'œsophage. À cette disparition, qui arrive à très-peu de distance au delà des figures 133-139, la couche musculaire longitudinale externe À vient, en augmen- tant graduellement d'épaisseur, prendre la place de cet organe, dont elle rappelle pendant assez longtemps la position, par l’arrangement plus ou moins circulaire que prennent en ce point ses fibres connectives (fig. 130 æ); en même temps les deux couches internes be que nous avons déjà vues venir se souder de chaque côté avec l’œsophage, tendent à continuer leur marche vers le dedans pour venir se réunir en un cerele complet au-dessus de cet espace naguère occupé par l’œso- phage, et entrainent avec elles les cordons nerveux qui se trouvent ainsi rapprochés de la face ventrale. Par suite de @es modifications, les deux cavités latérales L perdent leur forme d'arc de cercle pour devenir arrondies (fig. 131) ; la cloison c/ qui les séparait l’une de l’autre est de plus en plus forte et se trouve maintenant adhérente à la portion musculaire qui rem- place l’œsophage, de la même manière qu’elle l'était aupara- vant à la paroi de cet organe. Tout au contraire les faisceaux connectits qui subdivisaient (fig. 133-132) chacune de ces ca- vités latérales ont disparu, de sorte que la cloison demeure la seule partie qui représente encore le reticulum ; les deux cavités latérales de chaque côté L sont devenues libres et ont pris une forme arrondie. En résumé, on voit que ces premières modifications se ré- sument : 1° à l’empiétement, sur les portions internes, des couches musculaires de la paroi du corps, dont l’externe, A, s’épaissit et se rapproche de bas en haut de la ligne médiane, de manière à réduire la cavité centrale; 2° dans la dispa- rition du tube digestif et la réduction des cavités internes, dont 184 J. BARBROIS. les parties médianes (gaine de la trompe et vaisseau dorsal) se sont réduites, par le rétrécissement et obstruction complète du vaisseau dorsal, à une seule, la gaine de la trompe (1), et dont les parties latérales se sont restreintes à des demi-cercles continus, d’abord réunis en une seule fente entourant l’œso- phage (fig. 135), mais qui plus tard se rétrécissent en deux cavités arrondies L (fig. 134 à 131) séparées par la cloison cl. 20 Des organes latéraux au diaphragme (fig. 130 à 127). Cette dernière division en cavités latérales L et L disparait dans les coupes un peu plus antérieures; on voit, en effet, à très-peu de distance du point fig. 131, les deux cavités L et L brusquement comblées par l'apparition des organes latéraux dans leur mtérieur (fig. 130). La cavité du corps ne disparait pas pour cela d’une manière complète; en même temps que l'apparition des organes latéraux, on voit les fibres connectives de la cloison c/ s’écarter de nouveau, et former ainsi, à la base et sur les côtés de cette cloison, trois cavités (1,2-2), qui se fondent ensuite en une seule et représentent le dernier reste de la cavité du corps. Ges cavités s’accroissent en progressant en avant : 1] semble que les deux cavités latérales L, comblées par les organes latéraux, se retirent graduellement de dehors en dedans et viennent se réunir sur la ligne médiane, immédiate- ment au-dessous de la gaîne de la trompe, en une seule cavité qui écarte en divers points les fibres de la cloison cl (fig. 130 à 127 ce) ; à la fin (fig. 127), les dernières traces de la cloison disparaissent tout à fait, et l’on n’a plus qu’une cavité unique de très-faible dimension située au-dessous de la gaine de la trompe : on peut la considérer comme résultant de la réunion, sur la ligne médiane, des deux cavités L, avec lesquelles elle est en communication directe, comme le prouve le cours du (1) L'étude directe de lanimal vivant montre, d’après la marche des corpus- cules sanguins, que la gaine de la trompe communique avec les vaisseaux. Je crois que cette communication se fait par la partie postérieure, car il m’est arrivé, sur des coupes de la portion postérieure des Némertes, de ne plus trouver sur la ligne médiane qu’un seul tube au lieu de deux. ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 185 liquide sanguin. Nous pouvons ainsi, jusqu'au point fig. 127, retrouver la division générale en trois cavités (cavités médianes, représentées par la gaine de la trompe; cavités latérales, repré- sentées par la cavité cc). En même temps qu'a lieu cette concentration des deux eavités latérales, sur la ligne médiane, en une seule cavité qui vient écarter les fibres de la cloison c/, on voit les deux cordons ner- veux cn continuer à se rapprocher de la ligne médiane (fig. 130) jusqu’à leur soudure en ganglions inférieurs ge (fig. 129). En se rapprochant ainsi de la ligne médiane, les cordons nerveux refoulent devant eux les deux couches internes be, de sorte qu’à l’époque de l’apparition des masses ganglionnaires, la partie inférieure de ces deux couches internes se trouve renfermée entre les deux paires de ganglions gs et g2 (fig. 129-151) (1). Mais avant même que la soudure complète des cordons infé- rieurs ait amené les deux couches internes à se trouver com- prises entre les deux paires de ganglions, on voit ces couches éprouver une modification d’une grande importance : elles (1) Il arrive souvent, surtout chez certaines espèces, que, tandis que les cor- dons nerveux se rapprochent l’un de l’autre, les couches musculaires internes (surtout l’annulaire) semblent continuer à maintenir leur direction première (fig. 150) et paraissent traversées par les cordons nerveux, qui viendraient ainsi former les ganglions inférieurs au dedans et non au dehors de ces deux couches internes. C’est un aspect trompeur dû à une superposition de plan. Lorsque, comme chez certaines espèces (Lineus longissimus), l’inflexion des cordons ner- veux vers la ligne médiane est très-brusque , il arrive souvent qu’au lieu d’être coupés perpendiculairement à leur direction, ils sont compris dans la coupe sur une certaine portion de leur parcours (fig. 150); les couches qui leur sont internes, au lieu d’être vues de profil en dedans des cordons, se voient alors de face, au-dessus de ces mêmes cordons (fig. 150 bc), et c’est là ce qui induit en erreur. Quand on a la chance de rencontrer sur une même coupe (fig. 151) un cordon nerveux coupé obliquement, tandis que l’autre se trouve tranché perpen- diculairement à sa direction, on arrive à obtenir en même temps l'aspect trom- peur et l’aspect réel, comme dans la figure 151 : dans la partie gauche de cette figure, les fibres musculaires bc, coupées obliquement et vues sur une certaine partie de la surface, paraissent, comme dans Ja figure 150, venir entourer les ganglions mférieurs gi; mais dans la partie de droite, où elles sont coupées plus perpendiculairement à leur direction, on voit au contraire qu’elles restent com- prises entre les deux masses gs et ge L'étude de la direction de la couche annulaire sur les coupes longitudinales mêne aux mêmes conclusions. 186 | J. RARROIS. commencent, au niveau des organes latéraux (fig. 130), à s retirer graduellement des parties latérales et se concentrent en haut et en bas, sur la se médiane, en deux lambeaux. Ces derniers s’enfoncent ensuite en dedans en suivant les côtés de la gaïne de la trompe et finissent par se rejomdre, de façon à constituer en dedans des ganglions supérieurs (qui, à ce niveau ont succédé aux organes latéraux) une couche continue qui entoure le reste des cavités internes produites par l’écartement des fibres de la cloison. En résumé, les deux couches internes be subissent, le long des masses constituées par les organes laté- raux et les ganglions supérieurs, une espèce de glissement de dehors en dedans, à la suite duquel ces masses, d’abord internes à cette couche et situées en dedans de la cavité du corps, leur deviennent externes et sont situées comme les ganglions infé- rieurs tout à fait en dehors de cette cavité. Le point de passage de cette couche bc de dehors en dedans m'a semblé corres- pondre d’une manière exacte au point de jonction des organes latéraux aux ganglions supérieurs ; les organes latéraux sont donc encore compris en entier dans l’intérieur des deux couches internes, et par conséquent situés dans la cavité générale, tandis que les ganglions supérieurs leur sont au contraire tout à fait externes ; ils sont au dehors de la cavité du corps, et oc- cupent par rapport aux couches musculaires la même position que les cordons nerveux avant ou après leur soudure en gan- glions inférieurs (intermédiaire entre la couche longitudinale externe À etlesdeux couchesinternes be). Au niveau desfig. 129- 127, les deux paires de ganglions occupent toutes deux, par rapport aux couches, la même position, et forment par leur réunion une espèce de fer à cheval qui entoure les deux couches internes et se trouve entouré par la couche externe A. La cavité ce reste, avec la gaine de la trompe, directemententourée par les deux couches internes; elle présente encore pendant assez longtemps'une dernière trace k des fibres de la cloison qui la divisent (fig. 198) en trois parties distinctes (1,2-2) ; mais cette division finit, comme Je l’ai dit, par disparaître de ma- nière à donner naissance à une cavité unique (fig. 127). Dans ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 187 la figure 129, on voit les deux couches musculaires internes déjà assemblées en couche continue située en dedans des masses ganglionnaires, mais montrant encore en même temps, à gauche de la figure, des dernières traces de son ancienne direction. En résumé, nous voyons qu’à partir des organes latéraux, il y a eu concentration générale des différentes parties vers le milieu du corps : dès que les ganglions supérieurs ont com- mencé à paraître, les couches musculaires internes be, et la cavité du corps, ont manifesté leur tendance à venir occuper, vis-à-vis de ces ganglions, la même place qu’elles occupent dans tout le reste du corps par rapport aux cordons nerveux Cette modification à pour résultat de conserver la concordance entre la disposition des diverses parties du corps. Si l’on compare la figure 127 à la figure 136, on voit que de part et d'autre l’en- semble se compose : 1° de la couche longitudinale externe; 2° du système nerveux; 3° des deux couches internes ; 4° de la cavité du corps dans laquelle on distingue encore (fig. 127) les divisions médiane et latérales. 9° Extrémité antérieure (fig. 126 à 125), Malgré la réduction si considérable dont ont été l’objet ces diverses cavités, elles n’en demeurent pas moins jusqu’à l'extrémité en relations directes avec la gaine de la trompe, les vaisseaux et chambres génitales; mais à partir du point où finit le système nerveux, 1l n’en est plus de même: la couche longi- tudinale externe À, qui, sitôt la disparition des masses gan- glionnaires, se renfle pour remplir la place qu’elles occupaient (126), s'accroît à ce niveau au point de se souder en un dia- phragme continu qui bouche tout à fait la cavité centrale et auquel s’insère la trompe avec sa gaîne. Ce diaphragme met fin à la véritable cavité du corps physiologique (circulatoire) dont nous avons suivi les réductions successives. Les figu- res 127 et 126 sont deux coupes pratiquées, Pune (197) un peu en arrière, l’autre (126) un peu en avant de ce diaphragme : on voit qu'immédiatement après la soudure complète de la 188 | J. BARROIS. couche externe, la cavité du corps commence à réapparaitre, ainsi que les deux couches internes un moment supprimées: seulement la première est située en sens inverse de l’ancienne, au-dessus du tube de la trompe, au lieu d’être au-dessous, etx'a plus aucun rapportavec l'ensemble des cavités circulatoires, dont elle est séparée par le diaphragme; elle n’est pas visible par transparence à travers la masse céphalique vue dans lobserva- tion directe, et n’a plus en réalité d'autre signification physiolo- gique, que celle d’une simple lacune creusée au milieu de cette masse. Elle n’est plus parcourue par la trompe avec sa gaine, mais par un tube unique qui représente la portion non dévagi- nable de la trompe. La figure 173 représente, réunies sur une seule vue d'ensemble, les différentes particularités d’organi- sation que nous venons de décrire d’après l’étude des coupes. 2. ENOPLA. Comme chez les Anopla, nous pouvons diviser l’étude des modifications qu'éprouvent les couches dans leur parcours en trois points principaux : 1° de la région postérieure uniforme aux organes latéraux ; 2° des organes latéraux à la soudure en diaphragme ; 3° extrémité antérieure. Nous décrirons en même temps la chose chez un Ænopla typique et chez le Drepano- phorus, qui s’en écarte fort peu; nos différentes figures se re- porteront alors à peu près comme 1l suit : 4° De l'intestin aux organes latéraux (fig. 149 à 147 et 142 à 159). La différence entre les dispositions de la cavité du corps dans la région de l’œsophage et celle de Pintestin n’est pas aussi frappante dans ce second groupe que chez les Anopla que nous venons d'étudier : l'intestin, en effet, dans la majorité des cas (fig. 141 à 139), accompagne l’œsophage jusqu’à lappa- rition des masses ganglionnaires, et la division en chambres cénitales existe par conséquent sur tout le parcours. Du reste, là où il n’en est pas ainsi (Drepanophorus, 148 et147), on voit simplement les fibres connectives arrangées en cloisons dans la ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 189 % partie postérieure passer à une disposition irrégulière, mais jamais il n’y a soudure de la paroi musculaire avec l’œsophage, comme chez les Anopla. En résumé, dans lAmphiporus fet le Drepanophorus, la cavité du corps reste large et spacieuse, sans subir aucune autre modification que la destruction des cloisons connectives, qui se résolvent en fibres irrégulièrement disposées jusqu’au point d'apparition desorganes latéraux et de réunion des cordons nerveux en ganglions mférieurs. Chez tous les Enopla, la paroi du corps est, comme on sait, composée seulement d’une couche annulaire externe be et d’une longitudinale interne À (cette dernière beaucoup plus épaisse chez le Drepanophorus), contenant à leur intérieur les cordons nerveux cx, qui sont 1er situés librement dans la cavité du corps. Ges derniers étant ainsi affranchis de tous rapports avec les couches musculaires, leur réunion sur la ligne médiane en ganglions inférieurs n’amène plus aucune des complications que nous avons remarquées chez les Anopla ; les masses ganglionnaires apparaissent directement au milieu de la spacieuse cavité générale, etla seule particularité qu'elles y occasionnent, est le refoulement (Drepanophorus) des fibres connectives de droite et de gauche, ce qui produit au mi- lieu, entre l’œsophage et la trompe (fig. 145, 146), une espèce de cloison c/ plus ou moins comparable à celle des Anopla, et autour des ganglions (fig. 145-146) une couche connective plus ou moins cohérente, Je n'ai pas vu non plus chez les Enopla de réduction graduelle de cavité du corps jusqu’à la soudure complète de la paroi, formant le diaphragme qui lui sert de limite; elle conserve jusqu’au bout ses dimensions primitives, etse trouve brusquement séparée par le diaphragme des portions antérieures ; sa capacité n’est déterminée que par le volume des organes internes qui peuvent la combler d’une manière plus ou moins complète. 2° Des organes latéraux au diaphragme (fig. 146 à 144 et 138). Le phénomène le plus important chez les Enopla consiste dans la scission de la couche longitudinale en deux couches concentriques, qui s'effectue à parür des organes latéraux 190 J. BARROIS. (fig. 147 à 144 et 158 à 157). Chez le Drepanophorus, où ces organes sont situés très-bas et dépassent même un peu les gan- glions en dessous, cette division en deux couches commence de bonne heure et avant l’apparition des ganglions nerveux (fig. 147). Mais chez l’Amphiporus, où ils sont au contraire, comme chez la majorité des Ænopla, situés au devant des masses ganglionnaires, on ne voit la scission se faire que beau- coup plus tard, et à un point où l’on coupe déjà dans leur por- tion la plus large les ganglions nerveux (fig. 138). Dans les deux cas elle se fait au premier point d'apparition des organes latéraux. Ges deux lames À À de la couche longitudinale demeu- rent reliées entre elles par un lacis connectif qui forme entre deux un reticulum assez dense, et réunit l’ensemble en une masse cohérente ; à mesure qu’on s’avance dans la partie anté- rieure, cette division devient plus frappante, et les deux lames s’écartent de plus en plus l’une de l’autre, l’externe restant accolée contre la peau, l'nterne venant s'appliquer contre les ganglions. C’est cette séparation de la couche longitudmale en deux feuillets réunis par les fibres du reticulum, qui donne naissance dans ce groupe aux lames prostomiales et à la masse céphalique tout entière. La couche longitudinale interne des Enopla joue donc dans la division générale de la musculature du Némerte exactement le même rôle que l’épaisse couche lon- gitudinale externe des Anopla, dont elle paraît par suite être l’homologue. Cette homologie est d’ailleurs confirmée par Pé- paisseur de cette couche longitudinale interne chez le Drepa- nophorus, ainsi que par la position du système nerveux, qui, d’après cela, occuperait dans les deux groupes une position identique, situé de part et d'autre à la partie mterne de la couche principale À, considérée comme jouant le rôle essentiel dans la formation des grandes divisions de la museulature. fl m'a même semblé qu'il y avait en un certain point du feuillet interne de la couche longitudinale, après sa scission, une stra- tification en éléments plus complexes qui rappelleraient peut- être les deux couches plus internes be des Anopla (fig. 14%); mais ce fait que je n’ai pu voir que sur un exemplaire, à cause a ARTICLE N° o. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 191 du petit nombre que j'ai eu à ma disposition (1), aurait un grand besoin d’être étudié plus à fond; peut-être ne s'agit-il que d’une petite disposition spéciale sans aucune importance, peut-être même peu constante. 3° Extrémité antérieure (fig. 143 et 137). Quoi qu’il en soit, après s’être écarté pendant un certain temps du feuillet externe À, le feuillet interne À de la couche longitudinale finit par venir se souder au-dessus des masses ganglionnaires à la gaîne de la trompe (fig. 143-147) pour constituer, comme chez les Anopla, un diaphragme complet auquel viennent s’insérer la trompe avec sa gaine, et qui isole toute la portion postérieure de la cavité du corps de la portion antérieure comprise tout entière dans la masse céphalique, cette dernière ne renfermant plus, au lieu de la trompe et de sa gaine, qu'un tube unique r°, la portion non dévaginable de la trompe. La masse céphalique est ici constituée dans sa totalité par le reticulum qui unit l’un à l’autre les deux feuillets interne et externe de la couche longitudmale scindée en deux parties. La figure 144 représente l'extrémité des masses ganglionnaires du Drepanophorus; le feuillet interne de la couche longitudi- nale est déjà assez rapproché de la gaine de la trompe. Dans la figure 143, il s’y est soudé, et l’on ne voit plus dans l’étroite cavité centrale que la portion 4” non dévaginable de la trompe. La figure 137 représente de mème la masse céphalique de lAmphiporus constituée en entier par le reticulum qui s'étend entre les deux feuillets longitudinaux, et ne contenant qu'une étroite cavité remplie presque en entier par un tube qui est la portion non dévaginable de la trompe. 3. RÉSUMÉ. — CONCLUSION. Résumons en quelques mots les faits que nous venons d’ac- quérir par l’étude de chacun de ces types : pour cela, le mieux (1) Ces exemplaires m'ont été obligeamment envoyés par M. Marion, de Marseille, auquel je suis heureux d'adresser ici mes remerciments. 192 | J. BARROIS. est de se reporter aux figures 173 et 174 construites d’après les matériaux des planches 9 et 10, et qui les résument d’une manière complète. Anopla (fig. 173). — Dans cette figure se trouve représenté, en dedans de la couche principale À, et du systèmenerveux, len- semble formé par les deux couches Imternes, indiqué schémati- quement par une ligne noire : à l’intérieur J'ai représenté la disposition du reticulum par les espaces ménagés en blanc; la trompe et sa gaine sont indiquées par de fines lignes très- noires. Dans le bas de la figure, derrière la bouche, on voit de chaque côté une bande obscure cc qui représente la cavité du corps faisant encore le tour complet de l’œsophage ; sur ce dernier se voit un réseau de lignes blanches qui représentent les disposi- tions irrégulières du reticulum; un peu plus haut, on voit les deux cavités cc s’élargir en devenant graduellement plus super- ficielles, de manière à arriver à former les deux cavités laté- rales L, L. En même temps le réseau formé par le reticulum s’est réuni en une cloison e/ qui sépare l’une de l’autre ces deux cavités : au point où apparaissent les organes latéraux o/ nous voyons ces deux cavités L, L, pénétrer en dedans de la cloison c/ qui se trouve réduite aux trois lambeaux 4, k, h, et venir former en dedans les cavités 4, 2, 2, qui finissent par se réunir en une seule petite, derrière le diaphragme. La paroi du corps présente successivement les deux divisions essentielles dont nous avons parlé. La première, importante surtout au point de vue morphologique, et qui nous montre les deux couches internes be passant d’un côté à l’autre des organes latéraux, ces derniers demeurant ainsi compris dans l’intérieur de la cavité du corps, tandis qu’au contraire les masses gan- glionnaires viennent occuper entre les deux couches muscu- laires (A et be) la même position que les cordons nerveux. La seconde division, importante surtout pour la physiologie, montre la réunion de la couche À en diaphragme ps. auquel se soudent la trompe avec sa gaine, et qui limite en avant le sys- tème complexe des cavités cireulatoires dont se trouve exelue ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 193 la cavité ca située au devant, et qui renferme la portion non dévaginable de la trompe. Enopla (fig. 174). — La figure est plus simple à cause de la moindre complexité de structure; la seule chose véritable- ment bien digne de remarque est la scission, à partir des organes latéraux de la couche longitudinale, en deux feuillets qui s'écar- tent, en restant reliés par un reticulum assez abondant; le feuillet interne se soude ensuite au devant des ganglions en un diaphragme qui a le même rôle que celui des Anopla. Le lieu de séparation de la couche longitudinale en deux parties et le point de formation du diaphragme sont généralement peu dis- tiucts, à cause de leur proximité, chez les Enopla proprement dits (fig. 174), où la masse céphalique comprend toute la partie antérieure aux organes latéraux; ils sont plus faciles à dis- tinguer chez le Drepanophorus, qui, avec une disposition 1den- tique à celle des Enopla, présente les organes latéraux un peu plus en arrière. La figure nous montre, comme chez les Anoplu, les deux grandes divisions caractéristiques (organes latéraux et diaphragme) et permet de juger de leur disposition. Conclusion. — 1° Nous voyons par ce qui précède, qu’à côté de la séparation produite par le diaphragme, et qui correspond à l’ancienne division en #asse céphalique et tube musculaire, il y a bien réellement, en se basant seulement sur l’anatomie, une autre division indiquée chez les Anopla par l’incurvation en dedans des deux couches internes, et, chez les Enoplu, par la scission en deux de la couche longitudinale. Ce chan- sement qui, dans les deux groupes, coïncide avec les organes latéraux, répond évidemment à notre division en lames prosto- miales et métastomiales : 1l serait faux de croire que la seule division qui existe chez l’adulte dans là musculature, est celle en masse céphalique et lames cutanées; mais Pautre division en lanes prostomiales etmétastomiales sy retrouve exactement comme chez les embryons. 9e Une seconde conclusion d’une autre nature découle égale- ment de l’étude qui précède : jusqu'ici on avait toujours, dans la comparaison de la paroi du corps des Anopla et des Enopla. ANN. SC. NAT., DÉCEMBRE 1817. NI 292 HART. N° 9. 194 | JS. BARROIS. rapproché des couches des ÆEnopla l’ensemble des deux couches internes des Anoplu, avec lesquelles elles offrent en effet une ressemblance d'aspect qui frappe tout d’abord, et l’on avait admis que l’épaisse couche longitudinale des Anopla repré- sentait une couche spéciale à ce groupe, n'ayant pas de repré- sentant chez les Enopla. La position des cordons nerveux tantôt internes (Enopla), tantôt externes (Anopla), aux deux couches musculaires prétendues homologues, restait mexpliquée. L'idée que J'ai émise dans ce qui précède, de l’homologie de la couche longitudinale des Ænopla avec l’épaisse couche externe des Anopla, change complétement cette manière de voir : pour moi, ces deux couches sont les seules parties réelle- ment constantes; elles constituent dans chacun des deux grou- pes la partie essentielle de la musculature, et les autres couches ne représentent que des parties accessoires, variables suivant les groupes, et qui viennent tapisser de diverses façons la couche principale. Les deux couches internes bc des Anoplu et la couche annulaire externe bc des Enoplu sont des parties spéciales à chacun de ces groupes et n'ayant pas de représen- tants dans le groupe voisin. D’après cette manière de voir, 1l y a dans la position des cordons nerveux concordance parfaite ; ils sont toujours situés tminédiatement au-dessous de la couche musculaire principale de Ia paroi. 3. CAVITÉS. 1. APPARENCES VISIBLES À L'OBSERVATION DIRECTE. Les deux groupes des Anopla et des Enopla paraissent pré- senter au premier coup d'œil, en ce qui concerne la disposition de la région postérieure, des différences très-grandes. Si l’on examine par transparence un Æ£noplu en vie, on voit dans l’in- térieur un système de trois vaisseaux longitudinaux situés libre- ment dans une cavité générale bien nette et complétement distincte de la gaine de la trompe, qui contient dans son inté- rieur des corpuscules cireulatoires blancs et fusiformes. Dans les Anopla, on n’aperçoit plus, au contraire, nt troncs longitu- dinaux, ni cavité générale, mais seulement deux lacunes situées ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 195 à droite et à gauche de l'intestin et paraissant communiquer avec la gaine de la trompe par des canaux transverses au moyen desquels les corpuscules blancs passent de l’un à l’autre et voyagent ensuite dans toutes les parties du corps. Il semble, d’après cela, que chez les Enopla il y ait eu réduction de la cir- culation des corpuscules blancs, et formation dans l’intérieur de la cavité du corps d’un système circulatoire distinet composé de trois vaisseaux longitudinaux ; tandis qu’au contraire, chez les Anopla, 11 y aurait eu extension de la circulation de corpus- cules blancs et établissement, par communication de la gaine de la trompe avec la cavité du corps, d’un système complet de circulation lacunaire. Les coupes transversales des Anopla rectifient immédiate- ment cette manière de voir, etmontrent qu'il n’y a pas entre les Enopla et les Anopla de semblables différences, mais que chez les seconds, comme chez les premiers, il existe trois vaisseaux longitudinaux, un médian, Invisible à l’observation directe, et deux latéraux, qui ne sont que les deux espaces lacunaires de droite et de gauche du tube digestif. Ce fait a amené les auteurs à rétablir la concordance complète entre les deux groupes ; mais au leu de pousser jusqu'au bout l'étude des phénomènes. d'insister sur les caractères spéciaux incontestables que pré- sentent ces vaisseaux dans chacun des deux groupes, et de tâcher de déterminer à quoi correspondaient d’une manière exacte les troncs transversaux visibles dans l’observation directe, on s’est borné à rapprocher d'une manière hâtive le système formé par les troncs longitudinaux et vaisseaux transverses des Anopla du système formé par les trois vaisseaux longitudinaux des Enopla, et à déclarer l’ensemble des cavités circulatoires comme con- sistant essentiellement, chez les deux groupes, dans un système de trois vaisseaux longitudinaux ajouté de part et d'autre à la circulation des corpuscules blancs de la gaine de la trompe. 9. STRUCTURE RÉELLE DES ANOPLA. Anopla. — Ge sont les caractères distinetifs, trop négligés jusqu'ici, de cette région chez les Enopla et les Anopla, sur les- 196 J. BARROIS. quels il importe de revenir un moment. Les vaisseaux longitu- dinaux du second de ces deux groupes diffèrent en effet d’une manière essentielle de ceux du premier, en ce qu’ils bouchent d’une manière complète tout l’espace laissé ibre entre la paroi du corps et l'intestin (fig. 136 V) ; on ne peut par conséquent les regarder, ainsi que chez les Enopla, comme constituant de véritables vaisseaux à paroi propre, mais simplement comme des vides ménagés entre l’intestin et la peau, et bordés par un tissu propre plus ou moins différencié, mais non séparé de la paroi du corps (1). Ce premier fait établi, j'ai cherché ensuite à déterminer d’une manière exacte la nature et la position précise des vais- seaux transverses ; mais, quelque effort que J’aie pu tenter, c’est toujours en vain que j'ai cherché, dans les nombreuses coupes que j'ai cependant pratiquées dans tous les sens, quel- que chose qui püt être rapporté avec sécurité à des trones transverses; jamais je n’ai réussi à rencontrer de cavité dis- tincte de celles qui occupent les cloisons mtercæcales, et dans lesquelles se développent les produits génitaux. Il n'existe, du reste, dans aucun auteur une seule description précise de ces vaisseaux, qui ne semblent n'avoir encore été vus jusqu'ici qu'à l’état de cordons blanchâtres, produits chez lanimal vivant par le passage du liquide dans leur intérieur (2). Cette impos- sibilité de trouver des canaux de communication distincts de la (1) Ce tissu propre possède, il est vrai, une certaine complexité ; il se com- pose : 1° d’une couche de reticulum continue ; 2° d’une couche radiaire assez épaisse, à structure singulière (fig. 136, V); 3° d’une couche de petits éléments juxtaposés en épithélium, mais que je crois être les coupes des fibres musculaires longitudinales (fig. 136). Malgré cette complexité de structure, on ne peut regarder cette couche comme formant une membrane propre, car elle est intimement adhérente à la paroi du corps. (2) Seul, Mac-Intosh indique (Ray Society, 1873-74), dans une figure, deux cavités arrondies comme vaisseaux transverses (pl. 18, fig. 6); mais, d’après l'étude d’aspects analogues que j'ai également obtenus chez la même espèce (Lineus longissimus), il m'est impossible de donner à ces deux cavités la même signification : ce ne sont certainement, d’après moi, que de simples chambres génitales réduites à l’état de petites fcavités arrondies; elles occupent en effet exactement la même place, et sont presque toujours prolongées en fente qui pénètre entre les cæcums. ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 197 cavité des cloisons connectives m'a graduellement amené à croire que ces cloisons jouaient peut-être chez les Anopla le double rôle de chambres génitales et de vaisseaux transverses, et j'ai, par conséquent, été conduit à chercher s’il n'existait pas d’orifice de communication entre leur intérieur et la cavité des vaisseaux longitudinaux. Après plusieurs essais plus ou moins fructueux, J'ai réussi à obtenir quelques coupes qui m’ont montré cette communication d’une manière assez distincte; j'ai dessiné (fig. 156) une coupe latérale du Lineus obscurus, dans laquelle on voit bien la cavité des chambres génitales (déjà remplies de produits génitaux assez développés) communiquer librement avec l’intérieur du vaisseau latéral. La figure 157 est une coupe horizontale passant par l’un des deux vaisseaux ventraux du Lineus bilineatus (1) (coupe au niveau des deux vaisseaux de la figure 159) : elle montre que la paroi connective des cloisons transverses passe également à la couche externe de la paroi des vaisseaux ; on y voit les fibres connectives venir, au sortir des cloisons qu’elles constituent, s’étaler sur le vaisseau, de manière à former un revêtement à sa surface. Il importe néan- moins, pour bien constater la communication entre la cavité du vaisseau et les chambres, de mener la coupe bien au milieu du vaisseau ; car,'pour peu qu'elle ineline à droite ou à gauche, elle ne passe plus par le point de réunion, et les deux cavités semblent être distinctes, comme je l'ai représenté pour quel- ques-unes des chambres génitales, à la gauche de la figure 156. Ces deux coupes que j’ai représentées, jointes à quelques autres analogues, m'ont amené à admettre cette communication. Nous en arrivons done, pour les Anopla, à ces deux conclusions : (1) Chez cette espèce, les deux vaisseaux latéraux deviennent souvent ven- lraux; c’est là un fait qui n’est dû qu’à l’accroissement excessif de l'intestin qui déborde au-dessus des parties latérales. Chez un même exemplaire, les vais- seaux sont souvent (fig. 153 et 152) latéraux dans la région antérieure (fig. 153) et ventraux (fig. 152) dans la postérieure : ce fait nous montre le peu d'impor- tance qu'il faut ajouter au rapprochement de ces deux vaisseaux de la ligne médiane, dans lequel on a déjà voulu voir un passage au vaisseau ventral des Annélides. 198 | J. RBARROIS. 1° que les vaisseaux longitudinaux ne sont que de simples vides ménagés entre l'intestin et le tube digestif, et revêtus d’un tissu connecüf plus ou moins différencié; 2° qu’il n'existe pas de vaisseaux transverses spéciaux, mais que les conduits de com- munication entre les troncs vasculaires longitudinaux ne sont autres que les cavités des chambres génitales. Les coupes longitudinales (fig. 154, 155) nous montrent en outre qu'il y à adhérence intime des cæcums du tube digestif à la paroi du corps, et nous prouvent que, de même que les troncs longitudinaux, les chambres génitales ne sont chez les Anopla que de simples vides compris entre les différentes cloisons con- sécutives, et bordés aussi d’une couche connective qui, ainsi que nous venons dele voir, est continue avec celle des troncs vas- culaires. Nous sommes donc graduellement amenés à conclure que les différents vaisseaux des Anopla forment un système de cavités continues (tubes vasculaires et chambres génitales) limi- iées de toutes parts par l’intestin et la paroi du corps et revêtues dans toute leur longueur d’une couche uniforme de reticulum. Les rapports intimes de ce système de cavités cloisonnées avec la cavité générale primitivement continue nous sont d’ailleurs démontrés vers la région œsophagienne, où nous voyons gra- duellement le eloisonnement disparaître par suite de la réduc- tion des cæcums du tube digestif, et les chambres génitales et tubes vasculaires se confondre de nouveau en une seule cavité continue faisant tout le tour de l’œsophage, et dans laquelle le reticulum, auparavant condensé en une couche cohérente, a repris de nouveau la disposition irrégulière et disséminée. Nous sommes donc ramené, par l’étudeanatomique des Anopla, à une conclusion identique à celle de embryogénie, savoir : qu’il y a cloisonnement (1) par soudure des cæcums à la paroi du corps, d’une cavité d’abord continue, en trois troncs longi- tudinaux et chambres génitales, au pourtour desquelles le (1) Dans la partie postérieure, la gaîne de la trompe communique, chez les Anopla, avec le vaisseau médian, de sorte que tout le système de cavités com- munique jusqu’au diaphragme, qui en est la limite antérieure. ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 199 reticulum, d’abord disséminé, se range en une couche dense et cohérente. 3. STRUCTURE RÉELLE DES ENOPLA. Enopla. — Si maintenant nous passons au groupe des Enopla, nous voyons qu’il présente avec les dispositions précé- dentes trois différences fondamentales : 1° L’adhérence moins intime des cæcums du tube digestif à la paroi du corps sem- blant indiquer que, comme le pense Hubrecht, ces cloisons ne jouent plus dans la division en zoonites un rôle aussi impor- tant que chez les Anopla. ?° L'existence, au lieu de simples la- cunes, de vaisseaux à paroi propre, situés au milieu d’une cavité générale bien distincte, absente ou invisible chez les Anoplu, et formant un système vasculaire fermé. 3° La disparition des vais- seaux transverses, et la perte de la communication entre les troncs longitudinaux et les chambres génitales, qui, employées à la circulation chez les Anopla, ne servent plus ici qu’à la reproduction. Toutes ces différences reçoivent une explication facile et na- turelle, si l’on admet le fait d’un simple élargissement de la cavité générale par l’écartement du tube digestif de la paroi du corps, avec concentration de la couche connective d’abord appliquée contre cette dernière, autour des cavités vasculaires et génitales, de manière à former à chacune d’elles une paroi propre plus ou moins complexe et qui les divise en vaisseaux longitudinaux et glandes génitales distincts les uns des autres, et situés tous deux au milieu de la nouvelle cavité générale agrandie à la suite de l’écartement de la couche connective d’abord appli- quée contre la paroi. La disposition des Enopla viendrait compléter de cette façon le cycle d'évolution du reticulum connectif dont nous avons déjà retracé le début, d’abord à propos de lPembryogénie, ensuite à propos de létude des Anopla. Aux deux figures déjà connues 163 et 164, qui mon- trent le reticulum d’abord disséminé irrégulièrement dans la cavité du corps qu'il parcourt dans toute son étendue (cavité générale des embryons, et œsophage des Anopla), puis (fig. 164) 200 J. RARROIS. disposé en une couche continue tapissant la paroi du corps, et limitant la partie médiane des cavités, devenues libres de tout élément étranger (Anopla), nous pouvons jomdre maintenant une troisième figure (165) qui nous montre cette couche con- tinue se détachant de la paroi qu’elle tapisse pour venir former à l’intérieur du corps des organes spéciaux (vaisseaux et glan- des génitales) situés dans la cavité du corps définitive cv; une partie seulement de la cavité de segmentation passe, d’après cela, à la cavité générale définitive, la plus grande portion étant destinée à former les cavités des vaisseaux et des glandes génitales. Ce passage des parties limitées par Le reticulum à l’état d’or- ganes internes nettement clrconscrits ne peut cependant pas être pris à la lettre en ce qui concerne les chambres génitales, au même titre que pour les troncs vasculaires : les fibres du reti- culum qui en constituent la paroi conservent en effet leur adhé- rence primitive à la paroi du corps, de sorte qu’alors même que les cæcums de l'intestin s’en sont écartés, la couche connective des cloisons génitales continue encore à y adhérer. Chaque chambre génitale constitue de la sorte une double cloison non plus seulement appliquée, comme chez les Anopla, aux cæcums quilalimitaient, mais tendue au milieu de la cavité générale cv, qui existe ici à l’état distinct; elle est traversée par les troncs vasculaires longitudinaux qui parcourent le corps, et auxquels elle semble former une espèce de mésentère qui parait égale- ment servir de soutien au tube digestif. Ces circonstances ren- dent la disposition des ÆEnopla favorable à l’idée proposée par Hubrecht (cloisons génitales considérées comme dissépiments); mais comme cette disposition, dans son ensemble, dérive évi- demment, comme il vient d’être dit, de celle des Anopla, et que dans l'appréciation de la structure d’un animal, c’est nécessai- rement toujours à l’état le moins différencié qu'il nous fautrecou- rir, nous devons passer au-dessus de cette apparence pour nous rallier aux conclusions auxquelles nous à conduit l’étude des Anoplu. ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERIES. 201 4. RÉFUTATION DE LA THÉORIE DES DISSÉPIMENTS. — (CONCLUSION. Sans sortir d’ailleurs du groupe des Enopla, nous trou- vons à côté de ce point favorable une foule de raisons qui empé- chent d'adopter la théorie des dissépiments : il suffit en effet de jeter les yeux sur la coupe transversale d’un Némerte quel- conque, pour montrer que ces cloisons connectives n’offrent en aucune façon la disposition d’un diaphragme continu autour de l’intestin, mais celle de deux parties latérales séparées par le tube digestif et toujours essentiellement distinctes l’une de l’autre. L'étude des coupes menées parallèlement à la surface du Némerte (parallèles aux faces dorsale ou ventrale) nous montre de plus que ces diverses poches latérales ne sont nullement disposées par paires, de manière à constituer, au moins à peu près, des espèces de diaphragmes, mais qu’elles n’ont entre elles aucune relation nécessaire, et suivent simple- ment les irrégularités de ramification du tube digestif. Les coupes menées d’un seul côté du corps nous montrent de même qu'il n’y a pas du tout succession régulière de cloisons égales, comme semble l'indiquer la description de Hubrecht ; de sem- blables aspects de succession régulière s’obtiennent presque tou- jours dans les coupeslatérales, qui ne montrent que l’extrémité des diverses cloisons, et produisent par suite un aspect extrême- ment régulier. Maisiln’en est plus de même dans les coupes hori- zontales, quimontrent les cloisons dans toute leur étendue : dans ces dernières, on voit qu’il n’y a pas du tout alternance régulière de lamelles connectives toutes égales entre elles, mais qu’elles sont au contraire de toutes tailles et de toutes dimensions ; elles affectent Loujours une certaine irrégularité et occupent simple- ment les espaces variables laissés libres entre les vides produits par la ramification du tube digestif (voy. fig. 154 et 155). Mac- Intosh avait déjà bien indiqué (pl. 14, fig. 8, Ray Society, 1874) l’irrégularité de ces parties. Je me suis enfin convaineu par de nombreuses coupes que jamais ces cloisons ne sont à l’état de lames simples, mais se présentent, à leur état de plus grande réduction, sous forme de deux lames accolées l’une à l’autre ; 202 JS. BARROIS. les produits génitaux naissent sur ces lames par apparition de lambeaux d’épithélium (fig. 154 et 155) placés en certains points de la cloison (surtout dans le fond des différentes chambres). J'ai vu cet épithélium se former graduellement au moyen de saillies de plus en plus visibles de la surface de la couche connective; les figures 154et155 le représentent à deux états successifs, alors qu’il est déjà complétement apparu. Les produits génitaux se forment par accroissement de quelques- unes des cellules de cet épithélium, mais ne se détachent de la paroi qu'après avoir acquis un certain volume : les figures178, 179, représentent deux chambres à des degrés divers. La figure 156 montre les produits génitaux déjà très-différenciés, mais encore suspendus à la paroi. Au sujet de la question de l’origine de cet épithélium, je ne puis encore rien dire de bien précis (1). 4. ÉTABLISSEMENT DU PLAN DE STRUCTURE. 4° Le premier des points que nous ayons à faire remarquer, c’est la confirmation, d’après l’étude anatomique qui précède, des principaux résultats de lembryogénie : on retrouve en effet, même chez les adultes, outre la division indiquée par le dia- (1) Javais cru un moment que les petits éléments juxtaposés en épithéliums visibles à l’intérieur des vaisseaux des Anopla, sur les coupes transverses, repré- sentaient une couche épithéliale, et j'étais alors porté à rapporter l’épithélium des chambres génitales à un revêtement continu tapissant tout l’intérieur du sys- tème des cavités ; mais, comme ces éléments ne sont plus visibles dans les coupes longitudinales des mêmes vaisseaux, j'ai dû les rapporter plutôt à des coupes de fibres musculaires longitudinales, et renoncer par suite à ma première opinion. Une autre conception serait de regarder les lambeaux d’épithélium des chambres génitales (fig. 155) comme formés, suivant la théorie de Smitt, par le dépôt en ces points d’une couche de corpuscules blancs du liquide nourricier; mais leur mode de naissance, par soulèvement lent et graduel de la surface de la couche; m'empêche également d'adopter cette opinion. Je penche donc beaucoup à con- sidérer cet épithélium comme dérivant directement des cellules du tissu con- nectif qui constitue la paroi et comme résultant de la formation d’une espèce d’endothélium dont les cellules se renflent en certains points pour donner nais- sance aux lambeaux d’épithélium. Une étude très-détaillée, et que je n’ai pu entreprendre, de la structure histologique des cloisons connectives serait seule propre à résoudre celte question d’une manière satisfaisante. ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 203 phragme, en masses céphaliques et tube musculaire, une autre division, indiquée chez les Anopla par incurvation des deux couches internes, et chez les Enopla par scission de la couche longitudinale, et qui correspond d’une manière exacte à la division en lames prostomiales et métastomiales, séparées, comme chez l'embryon, par les organes latéraux. En ce qui concerne le rèle général du reticulum, nous avons vu de même par l'anatomie : 1° que l’état primitif était la dispo- sition irrégulière des fibres connectives (fig. 163) parcourant en tous sens la cavité du corps ; 2° que ces fibres se disposaient ensuite en une couche continue autour du système de cavités limité par les cæcums du tube digestif adhérents à la peau (fig. 164), et qu'enfin 3° cette couche s’écartait de nouveau de la paroi du corps chez les Enopla pour aller former à lin- térieur la paroi propre des organes internes (vaisseaux et glandes génitales) (fig. 165), fait à la suite duquel la cavité du corps définitive, réduite chez les Anopla à l’état de simple fente, reprend des dimensions qui la rendent bien distincte, tandis que la presque totalité de la cavité du corps primitive (cavité de segmentation) passe à la cavité des organes internes. Nous avons ainsi confirmé et étendu pour cette seconde partie les résultats acquis par l’embryogénie : nous voyons donc qu’il wexiste entre l’anatomie et le développement aucune discor- dance, et que les différences remarquées tout d’abord n’étaient dues qu’à l’imperfection des observations. Les figures 166, 167, 168, et 163, 164, 165 peuvent donc être prises définitivement comme exprimant, les premières la disposition de la paroi mus- culaire les secondes celle du reticulum dans tout le groupe des Némertes. 2° Un second résultat de l’étude anatomique est la compa- raison des couches musculaires des Anopla et des Enoplu, assise sur l’homologie de la couche longitudinale externe des Anopla avec la couche longitudinale unique des Enopla, et le fait plus important encore, qui en est la suite, de la constance de position * des masses ganglionnaires. Nous voyons en effet que, d’une ma- mière constante, le système nerveux se trouve situé immédiate- 204 l J. BARROIS. ment au-dessous de la couche essentielle de la musculature (longitudinale externe des Anopla, longitudinale des Enoplu), avec laquelle 11 semble présenter des relations invariables; à la partie interne des lames prostomiales formées par cette couche correspondent toujours les masses ganglionnaires, de la même manière qu'à celle des lames métastomiales correspondent dans le corps les cordons nerveux. Nous voyons, en outre, que ces mêmes ganglions se trouvent constammentsitués à la partie infé- rieure de la masse céphalique et derrière le diaphragme qui la limite, ou, en d’autres termes, immédiatement au-dessous du point de réunion des lames prostomiales en masse continue. Il n’est pas probable que ce dernier rapport soit dù au hasard, et, comme les masses ganglionnaires sont toujours situées librement à la partie mterne des lames prostomiales, il est na- turel de penser que c’est le renflement etla soudure de ces lames prostomiales en une masse impaire qui déterminent à leur tour un changement de place des ganglions nerveux qu’elles re- foulent devant elles. La variabilité de place du système nerveux que nous avons observée entreles Anopla etles Enopla (fig.167, 168) ne serait donc que la suite de la soudure des lames pro- stomiales, et dépendrait de la plus ou moins grande extension de cette soudure vers la partie postérieure : là où elle n’a lieu que sur la moitié de la longueur du prostomium, le système nerveux demeure compris à l’intérieur de cette partie, et situé en entier en avant de l’œsophage et des organes latéraux; mais là où elle a lieu au contraire sur toute l’étendue des lames prostomiales, le prostomium se trouve tout entier transformé en une masse solide, et le système nerveux est refoulé derrière, de manière à devenir postérieur aux organes latéraux et à l’ouverture buc- cale, située à peu près au même niveau que ces derniers. Ge second cas, de soudure complète des masses prostomiales, peut lui-même être assujetti à des variations moins importantes con- cernant la plus ou moins grande extension en arrière de la masse unique formée par cette soudure. C’est par ces variations secon- daires que s’expliquent (lorsque la masse unique est peu déve- : loppée) les cas de position latérale des organes latéraux par ARTICLE N° à. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 205 rapport aux ganglions, cités plus haut comme preuve en faveur de l’ancienne théorie. Nous pouvons done terminer par cette conclusion, que la différence de position des masses ganglionnaires chez les Ano- pla et les Enopla, qui, comme nous l’avons vu, cause la diffé- rence essentielle de structure entre les deux groupes (fig. 167, 168), ne doit pas être attribuée à un manque d'unité dans le lieu de formation de ce système important, mais à l’extension plus ou moins complète du processus de soudure des lames prostomiales ; les masses ganglionnaires occupent au contraire une position constante à la partie interne de ces lames pro- stomiales, et derrière le point de soudure en masse cépha- lique, ou, ce qui revient au même, à la partie antérieure de la cavité du corps (en considérant comme exclue de cette cavité la portion ca renfermée dans la masse céphalique). 3° Un dernier élément pour établir la comparaison d’une manière complète entre la tête des deux groupes nous est enfin fourni par étude que nous avons faite, en embryogénie, de la soudure graduelle des lames prostomiales et masse céphalique. Nous avons vu que, pas plus chez les Enopla que chez les Ano- pla, cette soudure ne seffectuait brusquement d’un bout à l'autre du prostomium, mais qu’elle se faisait pour ainsi dire en deux temps : le premier qui consiste dans la réunion directe en une masse impaire #2 (épaississement primitif); le second, dans la formation d’un épassissement secondaire #s, suivi chez les Ænopla du rapprochement et de la soudure directe du reste des lames prostomiales au tube de la trompe. L'état que l’on rencontre chez les Enopla correspond donc simplement à un état de développement ultérieur d’un mode général qui est le même dans les deux groupes ; bien que la masse céphalique paraisse former chez les Enopla une masse homogène, il nous est donc encore possible d'y distinguer, comme dans les Anopla, une division (fig. 174) en masse impaire #t et portion postérieure, dont la première seule représente l'équivalent morphologique exact de la masse céphalique des Anoplu. Les figures 173 et 174 expriment la structure comparée, 206 J. BARROIS. complète dans tous ses détails, des groupes des Anopla et des Enopla, déja donnée d’une manière schématique dans les figures 167et168 ; elles expriment avec ces figures 166, 167, 168, et les autres, 163, 164, 165, l’ensemble de l’organi- sation du groupe des Némertes. TROISIÈME PARTIE. ÉTABLISSEMENT DU CYCLE GÉNÉRAL. — CONCLUSION. Maintenant que nous avons achevé de dévoiler d’une manière complète, par l’étude détaillée des particularités de chaque type, la structure spéciale propre à chacun d’eux, il nous reste à rapprocher ces différents types et à les comparer à un point de vue plus général, en faisant abstraction de leurs caractères propres, afin d'en déduire un schéma général d’or- ganisation qui puisse représenter la structure primitive du oroupe des Némertes. Si nous jetons les yeux sur les deux figures 173 et 17%, nous voyons que, quelle quesoit la distance à laquelle s'étend la soudure des lames prostomiales en une masse unique, cette soudure a toujours pour résultat la formation à sa parte inférieure d'un diaphragme complet qui exclut du reste de la cavité du corps la cavité comprise dans la masse céphalique, qui peut par conséquent être considérée comme comblée. Nous avons vu que l’ensemble des couches de la parot pouvait se réduire dans les deux groupes à une couche unique longitudinale, tandis que les autres n'étaient que des différen- cations variables suivant les groupes, et dont nous devons 1c1 faire abstraction complète ; la paroi se réduira done, au point de vue du plan général d'organisation, à une couche longitudi- nale renflée à partir des organes latéraux en une masse pleine (fig. 177). Derrière ce renflement de la couche musculaire, et à la partie antérieure de la cavité du corps qu’elle limite, se trouvent les masses ganglionnaires, qui, ainsi que nous l’avons vu, occupent dans tous les groupes cette position constante : elles se prolongent sur les côtés en cordons nerveux, qui bordent la partie mince de la couche musculaire (avec laquelle nous ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 907 -avons établi ses rapports constants), de la même manière que les ganglions en bordent la partie épaisse. Nous avons doncainsi, succédant à une première zone externe constituée par une couche musculaire longitudinale (1) épaissie à partir des or- ganes latéraux, une seconde zone interne constituée par les cordons nerveux renflés également, à la portion antérieure, en masses ganglionnaires. Au dedans de ces deux zones se trouve la cavité du corps, dont la disposition la plus caractéristique semble être, comme nous l’avons vu, l’état de cloisonnement par le tube digestif en cavités médianes et cavités latérales, communiquant entre elles par les chambres génitales, et bor- dées sur tout le pourtour par le reticulum condensé en couche. La bouche est mvariablement située, comme nous l’avons vu, à peu près au même niveau que les organes latéraux, et se trouve par conséquent à la partie antérieure de la cavité interne. La figure 177 représente ce plan de structure général com- posé simplement : 1° d’une couche longitudinale portant les organes latéraux, et épaissie, à partir de leur niveau, en masse antérieure ; 2° système nerveux renflé en avant en ganglions; 3° cavité du corps avec son cloisonnement caractéristique, et limitée de toutes parts par la couche de reticulum : cet état peut être considéré comme représentant le Némerte arrivé à structure complète et comme formant le dernier stade de l’em- bryogénie. Un autre stade également caractéristique est celui, antérieur à la formation du système nerveux et au cloisonnement de la cavité du corps, dans lequel la couche longitudinale n’est pas encore renflée à la partie antérieure (lames prostomiales avant leur épaississement) et où le reticulum est encore à l’état dis- séminé dans la cavité. Cet état (fig. 176) correspond presque exactement à la figure 36 du Zaneus obscurus, dans laquelle le (1) Il ne faut pas confondre cet épaississement avec la masse céphalique des anciens auteurs, qui commençait simplement au système des commissures et à laquelle j'ai assigné aujourd’hui pour limites le diaphragme ps ; celui-ci cor- respond aux masses prostomiales arrivées au terme de leur évolution, qui est la soudure en une masse pleine, 208 | J. BARROIS. reticulum est représenté par les globules graisseux séparés . des disques. Enfin, le premier stade serait antérieur à l'apparition du mésoderme, et à sa division en reticulum et couche stratifiée (fig. 176) ; il consiste simplement dans la gastrula, mais dans la gastrula ayant déjà pris sa forme bilatérale, avec œsophage etintestin, et formation d’une volumineuse région prostomiale (fig. 175). Ces trois figures 175, 176, 177, expriment les trois états essentiels de l’évolution du groupe des Némertes et résu- ment complétement le cycle embryonnaire; elles doivent servir de conelusion à ce travail et représentent trois séries de phéno- mènes SUCCessifs : 1° Formation de la gastrula bilatérale à épaisse région pro- stomiale (fig. 175) ; ® formation de mésoderme, divisé en ret- culum irrégulier, et couche stratifiée délimitée par les organes latéraux en lames prostomiales et métastomiales (fig. 176) ; 3° épaississement des lames prostomiales en une masse unique ; formation du système nerveux sur tout le pourtour de l'espace ainsi limité; enfin cloisonnement, par ramification du tube digestif, de la cavité du corps tapissée par le reticulum disposé en couche. CONCLUSIONS. Relations générales du groupe des Némertes.— 1° Au premier coup d'œil, les relations des Némertes semblent être naturelle- ment avec les Turbellariés, et c’est ainsi que l'avaient entendu les premiers observateurs; mais les études plus approfondies semblent avoir amoindri cette opinion ancienne, et tendent de jour en jour à lui substituer une autre théorie qui rapproche les Némertes des Vers supérieurs et des Annélides. La forme Planule du groupe des Némertes a été rapprochée de la forme ordinaire des larves d’Annélides (Mac-Intosh), et le Polidium a été comparé à diverses reprises, soit aux formes larvaires des Échinodermes, soit aux larves pélagiques des Annélides et des Géphyriens. La présence d’un type tel que le Balanoglossus, res- semblant pour l'aspect à un Némerte, pour la structure à un (a) ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 209 Annélide ou mieux à un Géphyrien, et pour l’embryogénie aux Échinodermes (Tornaria), vient appuyer beaucoup cette manière de voir. Enfin on a cherché à diverses reprises à établir l’homo- logie entre les vaisseaux et nerfs latéraux des Némertes, et les vaisseaux et chaîne ganglionnaire ventraux des Annélides, et la théorie précédemment exposée de Hubrecht sur les cloisons gé- nitales considérées comme dissépiments vient donner une nou- velle importance à ces rapprochements basés sur l'anatomie. 2 Mes observations m’empêchent complétement d’accep- ter aucun de ces rapprochements. Nous voyons en effet, pour l’embryogénie, que les rapports signalés entre les formes lar- vaires n'ont absolument aucune importance : ils correspondent à de simples ressemblances adaptatives produites sur des types complétement différents, et qui n’ont aucune espèce de rapports avec le cycle normal de l’embryogénie; dépouillé de ses diffé- rents phénomènes perturbateurs, ce dernier ne ressemble plus en aucune façon à celui que nous connaissons chez les Vers supérieurs, mais s’en écarte au contraire d’une manière no- table. De même, en ce qui concerne l'anatomie, je ne me refuse pas du tout à admettre l’existence de quelques analogies entre les Némertes les plus différenciés (Enopla) et les Annélides, mais je nie que ces ressemblances puissent Jamais servir à con clure au rapprochement entre les deux groupes; elles ne peu vent indiquer qu’un simple parallélisme. D’après mes recher- ches, les Némertes et les Annélides sont construits suivant un plan essentiellement différent. Chez les uns (Annélides), le tout résulte de l’évolution directe d’une masse musculaire complexe (ligne primitive) divisée dès le début (fig. 172) en cavités séparées; chez les autres, la musculature ne se compose que d’une simple enveloppe, qui se renfle seulement à sa partie antérieure (masse prostomiale, d’où résultent ensuite les disques antérieurs), tandis qu’il existe un autre système, le reticulum, qui produit le cloisonnement des cavités du corps. Ainsi que j'ai cherché à l’exprimer pour chacun des deux types dans les figures 171 et 179, ils s’écartent dès la base d’une mamière essentielle, ANN. SC. NAT., DÉCEMBRE 1877. VI. 24. — ART. N° 3 210 J. BARROIS,. et présentent des traces d’une différence originelle, que tous les efforts de l'adaptation seraient impuissants à faire disparaitre. Ces deux faits de simplicité de la couche musculaire, et du rôle important du reticulum, qui tendent à nous montrer l’im- possibilité des relations sérieuses entre le groupe des Némertes et celui des Annélides, viennent au contraire fournir un appui important à leur réunion aux Turbellariés : dans tout le der- nier groupe, le caractère essentiel est l’existence constante de ces deux systèmes, le premier sous forme d’une mince couche continue, assez souvent renflée à la partie antérieure; le second (reticulum) sous forme de fibres radiaires qui remplissent en partie la cavité du corps et peuvent se condenser en membranes cohérentes pour former la paroi de certains organes internes (conduits génitaux) (1). L'état primitif paraît être, comme chez les Planaires, le dé- veloppement excessif du second système (reticulum), tandis que le second (couche musculaire longitudinale) se trouve réduit simplement à l’état de fibres isolées et en très-petit nombre (fig.158). Dans ce cas, on ne distingue pas à l'observation directe la cavité centrale de la paroi du corps, et l’animal entier parait composé d’une masse continue de parenchyme : c’est là ce qui donne l’aspect de Plathelminthe. Mais en s’avançant dans la série, on voit la couche musculaire devenir plus puissante; et chez presque tous les Rhabdoccæles, elle est devenue suffisam- ment épaisse pour se distinguer de la cavité qu’ellecomprend, et dès lors l’aspect de Plathelminthe est perdu en partie. Les Némertes nous offrent une différenciation analogue à celle des Rhabdocæles, mais poussée plus loin encore par augmenta- tion de la couche musculaire, et réduction du retieulum à un degré ultérieur. L'étude des Némertes les plus élevés (Eropla) nous montre mème que cette transformation peut acquérir 1e1 des limites très-avancées : le reticulum disparaît en entier dans lé dernier type (Enopla, fig. 163, Plathelminthe; fig. 165, (1) Les conduits génitaux des Planaires se montrent, dans les coupes, cori-= posés dans certaines parties, de reticulum encore continu avec celui qu remplit la cavité du corps. ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 211 Némathelminthe), et il y a véritable passage complet de l’état Plathelminthe à l’état complet de Némathelminthe (1) (pré- sence d'organes distincts flottant au milieu d’une cavité géné- rale complétement libre). Malgré cette extrême différenciation, nous voyons, en somme, que le processus fondamental ne diffère en rien de celui qui sépare les Rhabdocæles (aspect du Plathelminthe incomplet) des Dendrocæles (Plathelminthe complet), et que les Némertes doivent, pour la disposition et l’évolution générale du mésoderme, se rattacher d’une manière générale, tant pour l’anatomie que l’embryogénie, aux Furbel- lariés. Relations particulières. — Après avoir déterminé ces rela- tions générales, je me suis appliqué à chercher s’il n'existait pas des rapports plus particuliers avec certains types de Turbella- riés : mon attention a surtout été attirée par Les types qui nous offrent avec le plus de netteté les modifications de l’état Plathel- minthe qui les rapprochent de celles que j'ai indiquées chez les Némertiens. Mes études ont porté surtout sur le Sfénostome et sur le Prorhynque. Le Sténostome présente dans les renflements de la couche musculaire, à la portion antérieure, des caractères communs avec les Némertiens : on peut en effet, d’après la position des organes latéraux (fig. 162 ol), distinguer, comme chez les Némertes, une cavité antérieure cp dans laquelle m'a semblé déboucher ici le tube médian (système aquifère ?) (9) qui parcourt le corps, et qui serait peut-être l’homologue de la cavité prostomiale. Les masses ganglionnaires gn sont, comme chez les Ænopla, placées entre les organes latéraux et l’æso- phage, et forment ainsi une espèce de cloison qui sépare l’une de l’autre les deux cavités. Malheureusement la disposition de l'intestin, droit comme chez les Rabdocæles, et ne nous offrant (1) C'est ce passage complété par le cloisonnement des cavités du corps qui nous rend compte de la ressemblance vague avec les Annélides. En réalité, la ramification du tube digestif qui est le point de départ de ce cloisonnement, ne fait que constituer une analogie de plus avec les Turbellariés, (2) Je n'ai pu, malgré mes efforts, voir ce tube se recourber en anse et revenir en arrière, comme le dit Graff, mais il m'a toujours paru se terminer dans cette lacune. 9219 J. BARROIS,. aucune trace decæcums, ne confirme pas l’analogie. J’ai cherché si l'étude de la formation par bourgeonnement de la partie céphalique n’apprendrait rien qui püt avancer la question ; j'ai constaté qu'il naissait entre la couche musculaire et épithéliale trois épaississements (fig. 162, partie postérieure) : un médian, qui s'accroît simplement pour devenir l’œsophage, et deux laté- raux, qui se segmentent chacun en deux parties, dont la posté- rieure, gn, donne naissance aux ganglions nerveux, tandis que l’antérieure, DP, est le rudiment commun de l'organe latéral et de la masse musculaire de la tête (lame prostomiale ?). Ce mode a peut-être des analogies avec celui que nous avons décrit dans la régénération de la tête du Lineus: néanmoins il ne nous fournit rien de décisif. Le Prorhynque nous présente des analogies beaucoup plus remarquables. Les organes génitaux y présentent, il est vrai, une structure qui s’écarte beaucoup de celle des Némertes et se rat- tache à celle des Turbellariés proprement dits (Aproctes) ; mais, d’un autre côté, ces caratères négatifs sont contrebalancés par la disposition qu’affectent ces parties (pénis occupant la même position que la trompe des Némertes); d’un autre côté, noustrouvons dans la disposition générale de la museulature des rapports très-intimes : la couche musculaire s’y trouve renflée en avant des organes latéraux o/, une masse unique (en D P) qu'on peut comparer à la masse prostomiale des Némertes. Derrière ces mêmes organes 0! viennent, comme chez les Némertes, les masses ganglionnaires, puis l’æsophage; letube digestif porte de plus des cæcums commechez les Némertes, et présente une divi- sion quis’y ramène, en somme, d’une manière complète (cham- bres génitales contenant aussi des glandes) (testicules?). En somme, le Prorhynque nous présente à l’état adulte une dispo- sition générale de la musculature quise ramène tout à fait à celle qui sert de type au groupe des Némertes (fig. 177). J’ai voulu, pourm'assurer de la structure de la paroi du corps, essayer de faire quelques coupes ; sans pouvoir encore indiquer d’une manière détaillée sa disposition, je suis du moins arrivé à y constater la présence d’une couche très-singulière de fibres musculaires ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 213 longitudinales, composée de grosses fibres (fig. 159) disposées régulièrement en une seule rangée, et qui constitue la partie essentielle de cette paroi. Ce dernier fait vient donc encore à l'appui de l’analogie avec les Némertes, dont l’état primitif semble également être de posséder une couche longitudinale formant la partie essentielle de la musculature. Mais ce même animal qui, à l’état adulte, paraît présenter une dispostion si concordante avec celle qui distingue les Némertes (fig. 177), paraît posséder pendant l’état jeune une structure qui en diffère d’une manière très-grande et qui se rapproche, jusqu’à l'identité, de la disposition typique des Planaires. J'ai en effet, à diverses reprises, rencontré à Lille, pendant le mois d'avril, dans un fossé extrêmement abondant en Prorhynques, de petites Planaires d’une couleur blanchâtre, de taille identique à celle des Prorhynques, et dont la structure paraît offrir avec celle de ces derniers des rapports surprenants (fig. 160): ces Planaires possédaient une disposition générale des différents organes tout à fait identique à celle des Prorhynques ; à la partie antérieure se trouvait la trompe fr, encore dépourvue ici de stylets, et entourée à peu près à la même place que chez le Prorhynque de deux masses nerveuses y» portant chacune un petit point oculiforme. Derrière ces dernières venait un œso- phage (&) destructure identique à celui du Prorhynque, et suivi immèdiatement par un tube digestif divisé en cæcums avec une régularité telle que je n’en connais chez aucune autre Planaire et rappelant absolument la division en cæcums du Prorhynque et des Némertiens (1). Tout le long de la région occupée par ces cæcums, le reticulum se trouvait réduit à ne plus occuper que les parties externes ; mais en avant, dans la partie située au devant de l’œsophage, il constituait une masse solide oecu- pant la même position vis-à-vis de l’ensemble des organes (1) Depuis que ces lignes ont été écrites, j'ai eu connaissance, grâce à l’obli- geance de M. Horst, d’un type également très-voisin du Prorhynque trouvé par M. de Man dans la terre humide et décrit par lui sous le nom de Geocentro- phora sphyrocephala (Tijdschrift der Nederlandische dierkundige Vereeniging, 1875, p. 62). Seulement l’auteur paraît y rapprocher ce type plus des Rhabdo- cœles que des Dendrocæles. 214 | 3. BARROIS. internes que la masse musculaire antérieure du Prorhynque. Je n'ai pu malheureusement, par suite de la mort prématurée de toutes mes Planaires, très-difficiles à conserver en capti- vité, observer jusqu'ici la transformation de ces Planaires en Prorhynques ; mais je puis à peine douter qu'elle ait réellement lieu, et que ces Planaires constituent en réalité l’état jeune du Prorhynque avec lequel elles offrent de si frappantes analogies, S'il en était ainsi, il faudrait admettre que le Prorhynque passe successivement, dans son évolution, par les deux états successifs d’arrangement général de la museulature des Planaires et des Némertes. Ces deux états existent dejà théoriquement, comme nous l’avons vu (fig. 175-176) dans l’embryogénie des Némer- tes ; nous aurions donc chez le Prorhynque la succession réelle des états que nous ne trouverons plus qu’à l’état de traces dans le groupe des Némertes, et il faudrait admettre que le groupe des. Némertes dérive de la modification brusque (saisis- sable sur le fait chez le Prorhynque) de l'organisme Planaire. Cette conclusion établirait d’une manière décisive les affinités réelles des Némertes (comme faisant partie du groupe des Pla- naires), et résoudrait aussi affirmativement la question de savoir s’il nous est permis de chercher des homologies entre la trompe des Némertes et le pénis des Turbellariés, etc., homo- logies auxquelles il faudrait renoncer, si nous étions au con- traire arrivés, par le Sténostome, à un rapprochement avec les Proctucha. Pour terminer, résumons en quelques mots l’ensemble des conclusions des différentes parties. À. Cycle embryonnaire. — Nous avons remplacé les quatre types larvaires par deux types basés sur le développement interne, et avons montré que ces derniers pouvaient eux-mêmes se ramener à un seul caractérisé par le mode général d’évo- lution du mésoderme. Partout l’embryogénie dérive primitive- ment de la gastrula, mais le feuillet moyen qui se forme ensuite peut subir deux variations caractéristiques 4107] peut dès Île ARTICLE N° à. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 9215 début (Pilidium, type de Desor) montrer la division en ses quatre parties essentielles (disques) qui se concentrent ensuite autour des cavités qu’elles circonscrivent (cavités prostomiale et métastomiale) ; 2 il peut se former un feuillet continu autour des cavités apparues d’abord dans une masse amorphe, avec différenciation ultérieure des quatre rudiments autour de ces cavités. Mais quel que soit celui de ces processus qui se pré- sente, l’ensemble du développement n’en consiste pas moins, en règle générale : 1° dans la formation des trois feuillets ; 2° dans la division du feuillet moyen en lames prostomiales et métasto- miales (disques antérieurs et postérieurs), entourant chacun une cavité séparée l’une de l’autre par la bouche et les organes latéraux. Les formes scolex ne sont que des larves résultant du passage à l’étal libre de stades embryonnaires divers de ce mode com- mun de développement; elles ne constituent que des aberra- tions sans importance aucune de la série normale, et rien n'indique même que l’on puisse comparer ces perturbations entre elles. La forme Planula résulte du passage à l’état libre du stade 83 de l'Amphiporus, le Pilidium de la gastrula, et la larve de Polia du jeune Némerte tout formé. Nous avons vu, pour le cas du Pilidium, que ces aberrations, dues à létat larvaire, pouvaient aller jusqu'à produire la chute de lexo- derme, et, ce qui est plus remarquable, la formation (par modification du mode de formation des disques) d’une mem- brane provisoire : l’amnios. En somme, nous coneluons à la destruction complète de l’an- cien cycle, basé sur les formes externes, et nous en établissons un autre basé sur l’évolution complète du mésoderme : Metschnikoff n'avait pas reconnu la nature véritable des disques du Pilidium (rudiments de la musculature), et, de plus, il n'avait vu que la moitié de leur évolution. Nous voyons qu’à côté de cette première moitié (soudure en une couche continue) qui diffère suivant chacun de nos types d’embryogénie, les disques parcourent une seconde partie, identique cette fois dans tous les Némertes et qui consiste dans la soudure des disques antérieurs en une 216 J. BARROIS. masse compacte (masse prostomiale) et un allongement des disques postérieurs en long tube rubané. B. Plan de structure. — L'étude de l'adulte nous montre que la division caractéristique de la musculature (lames prosto- miales et métastomiales) continue à se retrouver, pendant toute la vie, sur une couche longitudinale qui constitue la partie essentielle de la paroi. Elle nous montre, en outre, que le sys- tème nerveux est toujours situé à la partie interne de cette couche essentielle, et que c’est l’extension plus ou mois grande de la soudure des lames prostomiales en masse céphalique qui détermine la position variable des masses ganglionnaires d’où dérivent les dispositions des Anopla et des Enopla (toutes les autres couches de la paroi du corps : deux couches internes des Anopla, couche annulaire des Enopla, ne sont que des cou- ches accessoires de revêtement, spéciales aux divers groupes). À l’intérieur de l’ensemble circonscrit par la couche longitu- dinale et le système nerveux se trouve la portion de cavité du corps qui n’a pas été obstruée par la soudure en une masse, des lames prostomiales; cette portion éprouve une division caractéristique en tubes vasculaires et chambres génitales bor- dées par le reticulum connectf qui, plus tard, se détachera de la couche musculaire pour former la paroi des vaisseaux et glandes génitales. C. Cycle complet. — En réunissant entre elles ces deux séries de conclusions, on voit que l’embryogénie peut se concevoir comme parcourant trois stades principaux : 4° Gastrula bilatérale (fig. 175). ® Gastrula, avec feuillet moyen né de l’exoderme et com- posé de deux rudiments principaux : 1° la couche musculaire, ici mince et uniforme ; 2° le reticulum, ici disséminé dans toute la cavité du corps, et représenté chez les embryons du Lineus obscurus par des globules graisseux (176). 3 La couche longitudinale s’est renflée en avant des orga- nes latéraux, en une masse solide; le système nerveux est apparu sur tout le pourtour interne de la couche ainsi compli- quée. La cavité interne s’est divisée en un système cloisonné tout ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 917 le long duquel le reticulum s’est appliqué en couche con- tinue (177). Ces trois états, qu’on voit successivement dans l'embryon du Némerte, paraissent exister d’une manière plus explicite chezle Prorhynque, où l’état 2 semble être représenté par une Planaire vivant en liberté (fig. 160). Les Némertes paraissent, d’après cet ensemble ,dérivés d'une modification brusque de l'organisme Pla- naire, etjustifient ainsi l'établissement d’homologies entre les or- ganes dans les deux groupes (trompe homologue du pénis, ete.). EXPLICATION DES PLANCHES. Lettres communes à toutes les figures. end, endoderme. eg exoderme. mes, mésoderme. DP, disques antérieurs ou lames prostomiales. DM, disques postérieurs ou lames métastomiales. mi, masse musculaire impaire formée par la soudure de la partie antérieure des lames prostomiales. ms, épaississement secondaire qui paraît se former d’une manière constante dans la portion postérieure des lames prostomiales. mc, masse céphalique (correspondant, chez les Anopla, à la masse impaire, et chez les Enopla, aux lames prostomiales entières), cp, cavité prostomiale. cm, cavité métastomiale. es, cavité de segmentation. CD, cavité digestive. ca, portion de la cavité prostomiale comprise dans l’intérieur de la masse impaire ni. B, bouche. æ, œsophage. I, intestin. gi, masse graisseuse qui donnera naissance à l'intestin. cæc, cæcums du tube digestif. cg, chambres génitales. tr, trompe. tr, sa portion indévaginable. s, Son point d'insertion réel, au sommet du corps. ps, son point d'insertion apparent, correspondant à sa soudure à la partie postérieure de la masse céphalique (soudée en ce point en un diaphragme continu). ol, organes latéraux. 218 J. BARROIS. fc, fentes céphaliques. fl, fossettes céphaliques. gn, masses ganglionnaires. cn, cordons nerveux. ep, épiderme. oc, points oculiformes. V, vaisseaux. vg, gaine de la trompe. rét, fibres du reticulum connectif, PLANCHE 1. Lineus obscurus (gross. 65 diam.). 0, vésicule germinative. D, membrane du fond des dépressions (destinée à former des disques). cr, lame exodermique qui s'étend au-dessus, ul ce S . Œuf après la ponte ; 0, vésicule germinative. - Z de Lo . Œuf un peu plus avancé ; la vésicule germinative a gagné la surface. Fig. 3. Stade 8 avant la rotation, avec cavité centrale déjà visible. Fig. 4. Stade 8 après la rotation; les quatre cellules de chaque moitié alternent en s’engrenant avec celles de l’autre moitié. Fig. 5. Segmentation en 16; l’extrémité de chacune des quatre cellules de chaque moitié se sépare pour former quatre cellules en croix occupant les pôles. Fig. 6. Stade 32: aspect général montrant, à chaque pôle, quatre cellules en croix, et entre les deux une épaisse zone de cellules alternantes. Fig. 7, 8. Premiers stades du développement de la blastula : les cellules de la paroi y sont encore très-grandes par rapport à la cavité qui occupe le centre, et l'œuf a la structure d’une sphère presque solide à éléments radiaires, Fig. 9. Cavité centrale plus grande, cellules moins allongées. Fig. 10. Blastosphère. Fig. 11. Commencement de la gastrula. Fig. 12. Stade plus avancé montrant, comme le précédent, la direction oblique de l’invagination. Fig. 13. Gastrula toute formée, vue de profil : l'intestin est déjà, par suite de la direction oblique de l’invagination, entièrement rejeté d’un seul côté de Ja bouche ; la gastrula possède la structure bilatérale, et l’on peut déjà y dis- tinguer deux portions distinctes, l’une située au devant de la bouche et ne renfermant aucune portion d’intestin (prostomium), l’autre située derrière et renfermant l’intestin entier (métastomium). Fig. 14. Même stade, vu de face. Fig. 15. La même, ayant pris la forme pentagonale, ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 919 Hhisio 17,18; “at transversales à travers les dépressions latérales des figures 19, 20, 21, pour montrer leur mode de fermeture : D indique la membrane du fond de ces dépressions, destinée à former les plaques dis- coïdes ; Cr est la lame cellulaire simple qui s’étale au-dessus pour fermer les dépressions. PLANCHE 2. Lineus obscurus (gross. 65 diam.). , dépressions latérales. gl, globules graisseux issus de la paroï des disques. Ÿ, trace en y de la soudure des disques postérieurs avec la plaque antérieure. cap, portion céphalique. ter, portion postérieure des embryons. Fig. 19. Enfoncement des quatre faces latérales du pentagone pour former les quatre dépressions des disques. Ftg. 20, 21. Stades de fermeture des quatre dépressions. On voit en outre le changement de forme général qui résulte de l’aplatissement graduel de la gastrula et qui amène l’œsophage et l'intestin d’abord projetés l’un sur l’autre dans les vues de face, sur des plans différents : les figures montrent la place exacte et le mode de fermeture différent des deux paires de disques. Fig. 22. Première apparition, sous l’aspect de quatre lames cellulaires, des dis- ques dans l’intérieur de la cavité du corps; les deux antérieurs se voient de profil, les deux autres de face. (Les figures qui suivent représentent l’accroissement des plaques discoïdes, vues alternativement du côté ventral et dorsal). Fig. 23, 24. Séparation plus nette de l’œsophage et de l’intestin, délamination de la portion interne des disques en globules graisseux. Fig. 25, 26. Soudure des disques antérieurs ;‘naissance de la trompe en ce point de soudure sous forme d’un bourgeon solide. Fig. 27, 28. Formation de la plaque ventrale et de l’épaississement labial par soudure de cette dernière au pourtour de la bouche. Fig. 29, 30. Extension de la plaque ventrale vers le dos. Fig. 31. Vue de profil, correspondant au stade fig. 20. Fig. 32. Idem, au stade fig. 25-26 et montrant de côté les mêmes phénomènes ; l’espace obscur du haut de la figure 33 correspond au dernier point de réunion des disques en couche continue. Fig, 33, Idem, au stade fig, 29-50. 2920 : J. BARROIS. PLANCHE 3, Lineus obscurus (gross. 57 diam.). ct, portion triangulaire de la cavité métastomiale, fun, cordons solides qui relient l’æsophage aux organes latéraux. hk, leurs points d'insertion à l’œsophage. me, feuillet interne (musculaire) de la couche des disques. Fig. 34. Naissance des organes latéraux : la couche des disques est entièrement formée, l'embryon s’aplatit encore et présente un aspect dilaté et arrondi; l'exoderme est devenu mince et l’endoderme commence à se résoudre, au centre, en éléments graisseux. A partir de ce stade jusqu'à l'achèvement complet, la couche des disques paraît constituer la partie essentielle de l'embryon. Fig. 35. Allongement de la partie inférieure de l'embryon qui, d’arrondi, devient piriforme, et accroissement des organes latéraux vers le dehors. Fig. 36. La partie antérieure de l'embryon se déprime de chaque côté pour donner naissance aux fentes céphaliques. Les organes latéraux sont venus se souder à Ja couche des disques, au point de réunion des deux paires l’une à l’autre. Fig. 37. L’allongement de la portion postérieure et la dépression des parties latérales de la portion antérieure ont transformé la première en un tube allongé et ont donné à la seconde une forme en fer de lance. On peut, dès ce stade, distinguer, desmême que dans les vues de face, la moitié antérieure (cap) de la moitié postérieure (ter); l'embryon a déjà pris, à ce stade, un aspect vermiforme ; la trompe s’est aussi beaucoup allongée. Fig. 38. Commencement de la différenciation histologique (cellules de la couche des disques devenues variqueuses). L’extrémité postérieure se renfle par accroissement du tube digestif et l'aspect vermiforme (fig. 37) se perd de nouveau. Fig. 39. Écartement de l’exoderme pour produire l’alternance ; différenciation de l’épiderme définitif à la/surface de la couche des disques ; le tissu de cette couche s’est réduit, au-dessous de cet épiderme, à un amas de globules irré- gulièrement disposés. Fig. 40. Stade fig. 34, vu de profil. Fig. 41. Stade fig. 37, vu de profil. Fig. 42. Jeune Némerte encore contenu dans l’ancien exoderme; le tube digestif est entièrement graisseux, la portion postérieure du corps s’est ren- flée de manière à prendre un volume égal à l’antérieure. Fig. 43. Jeune Némerte au moment de la sortie de la peau larvaire l’épaissis- sement labial a été emporté dans la chute de cette membrane; il ne reste plus, de l’œsophage primitif, que les points d'insertion k des organes laté vaux à sa paroi. ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 291 Fig. 44. Les points d'insertion se réunissent en un seul, qui est le rudiment de l’œsophage définitif. L’amas graisseux du tube digestif augmente par suite de la multiplication des globules et occasionne le renflement de toute la portion postérieure, dont le volume arrive bientôt ainsi à dépasser celui de la portion antérieure. PLANCHE 4. Lineus obscurus (gross. 50 diain.). Fig. 45. Même stade que dans la figure 44, mais dans l'extension. L’épiderme s’y présente sous la forme d’une couche anhiste où les éléments cellulaires affectent leur forme de bâtonnets ; les globules graisseux se sont disposés à la périphérie en couche continue. Fig. 46. Apparition d’un protoplasme transparent entre les globules graisseux du tube digestif. Les organes latéraux se séparent de l’æsophage ; l’épaissis- sement impair, formé par la réunion des lames prostomiales (disques anté- rieurs), a gagné en étendue, et l’épaississement secondaire de ces mêmes lames est déjà visible autour de la trompe : tout l’ensemble de l'animal a éprouvé un rétrécissement. Fig. 47,48. Continuation des mêmes processus. Le protoplasme apparu entre les globules disposés en couche, du tuhe digestif, se différencie en éléments cellulaires, tandis que les globules se divisent en même temps en granules hépatiques ; les lames prostomiales se concentrent de plus en plus, par rap- prochement graduel et extension des épaississements impair et secondaire en une masse solide. Fig. 49,50. La paroi du tube digestif, entièrement formée, apparait à l’état d'une couche cohérente qui se sépare tout à fait (fig. 50) de la paroi du corps ; 1] se forme ainsi une cavité générale en fer à cheval, qui fait, du côté ventral, le tour complet du tube digestif. La figure 50 correspond au dernier état que l’on puisse ordinairement suivre sur les Némertes obtenus par œufs. Les mêmes figures montrent là différenciation du reticulum qui a formé, entre autres choses, la gaine de la trompe, et des fibres unissant l'intestin à la paroi du corps. Fig. 51. Jeune Némerte de la grandeur D (fig. 55). La cavité générale continue en fer à cheval s’est divisée, par suite de l'apparition des cæcums du tube digestif, en troncs longitudinaux et chambres génitales; les deux points oculiformes de la partie antérieure commencent à disparaître pour faire place à deux rangées latérales. — Gross. 30 diam. Fig. 52. Némerte arrivé à l’état adulte. Il ne diffère de l’état fig. 51 qu’en c que les différentes divisions déjà existantes sont mieux accentuées. — Gross. 20 diam. Fig. 53. Schéma pour indiquer le mode d’épaississement des lames prosto- miales. Fig. 54. L'épiderme au stade fig. 45, traité par l'acide acétique. 999 | 3. BARROIS. Fig .55. Différents états de l’évolution, grandeur naturelle.— À, B, états obtenus à la suite de la ponte: A, œuf; B, jeune Némerte complet (stade fig. 50). — C, D, états mtermédiaires obtenus dans un développement exceptionnel- lement heureux et montrant le passage de l’état B à l’état E. —E, F, adultes tels qu’on les rencontre ordinairement sur la plage : F, état plus âgé avec pigment noir ; E, plus jeune, avant l'apparition du pigment. PLANCHE 9. Fig. 56 à 73. Amphiporus lactifloreus (gross. 80 diam.). o, vésicule germinative de l’œuf pondu. o', autre vésicule claire de seconde formation. p, portion centrale réfringente visible pendant la disposition radiaire. p', portion plus diffuse qui y fait suite. z, zone corticale obscure de l’œuf. Fig. 56. Œuf pondu montrant la vésicule germinative ainsi que la zone corticale obscure. Fig. 57. Trois heures après la ponte. La vésicule germinative, qui, quelques minutes après la ponte, avait disparu d’une manière complète, se trouve remplacée à cette époque par une autre vésicule beaucoup plus petite et ne contenant pas de tache germinative. Fig. 58. Vésicule de la figure précédente expulsée au dehors pour former les 8 5 P globules polaires. Fig. 59. Apparition, dans le protoplasme interne de l’œuf, des centres d’at- 5 PI ; traction. La figure montre déjà la division en deux effectuée sur les noyaux, qui se confondent par leur partie externe avec le protoplasme interne de l’œuf. Cette division ne s’est pas encore manifestée au dehors. Fig. 60. Stade 2 : les deux portions étoilées se sont concentrées en deux vési- cules semblables à celles de la figure 57. Fig. 61 à 66. Disposition des sphères de segmentation. Des stades 2 à 16 les phénomènes sont les mêmes que ceux déjà indiqués pour le Lineus obscurus. Fig, 61. Stade 16 (quatorze heures), produit par scission transverse des quatre cellules de chaque moitié. L’œuf se compose de huit séries de deux cellules engrenées alternativement les unes dans les autres (les éléments de chaque moitié sont, sur les figures, colorés d’une manière différente). Fig. 62. Stade 32 (vingt-quatre heures), produit par nouvelle scission transverse de chacune des seize cellules du stade précédent, L’œuf se compose de huit séries de quatre cellules; engrenées comme avant, les unes dans les autres. Fig. 63. Même stade, vu de face par l’un des pôles. Fig. 64, 65. Division, dans le sens longitudinal (fig. 64), des cellules les plus voisines de l’équateur, en deux parties .qui aussitôt se mettent à alterner entre elles (fig. 65): ARTICLE N° 3. EMBRYOLOGIE DES: NÉMERTES. 293 Fig. 66. Œuf au même stade, dessiné d’après nature aussi exactement que pos- sible pour montrer la grande concordance avec la figure explicative 65. Fig. 67. Les nouvelles segmentations longitudinales avec alternance continuent à se rapprocher graduellement des pôles; on à ainsi quatre cellules cen- trales entourées d’un nombre de plus en plus grand de cellules alternantes. Fig. 68. Stade plus avancé. Les éléments sont plus petits et la zone épaisse, située entre les deux pôles, des cellules alternantes est de plus en plus richeen éléments, mais les quatre cellules centrales sont encore visibles ; ces dernières pe tardent pas à perdre, par suite de la pression des cellules environnantes, leur disposition caractéristique, et dès lors on ne peut plus distinguer entre les cellules d’arrangement régulier. Fig. 69 à 71. Stade gastrula montrant l’approfondissement et la fermeture de la dépression que l’on voit se former à la surface de la morula. Au stade fig. 73, l'ouverture d’invagination n'apparaît plus que comme un point, et la surface de l’embryon se couvre de cils vibratiles (la figure 70 est un embryon de trente-six heures; la figure 72, de quarante-huit heures, et la figure 75 un embryon du troisième jour. Fig. 74-75. Schémas des deux modes fondamentaux de disposition des cellules dans la blastula. PLANCHE 0. Amphiporus lactifloreus (gross. 100 diam.). mes, masse de deutoplasme résultant de la dégénérescence de la partie interne des cellules radiaires. M, masse interne résultant de la fusion des deux feuillets internes. rf, venflement moyen de la musculature, Fig, 76. Stade 8 vu par transparence. Chacun des huit éléments dont se com- pose l’œuf a la forme d’une pyramide ayant son sommet au centre de l’œuf ; chacune de ces pyramides se compose d’une enveloppe corticale plus sombre et d’une partie interne contenant le noyau. Dans la partie supérieure de cette figure on voit les noyaux affectant l’aspect radiaire, tandis que dans la partie inférieure ils se sont condensés en vésicules claires. Fig. 77. Embryon du premier jour, stade fig. 65 vu par transparence. Les 48 cellules de ce stade sont encore disposées de la même manière que les 8 cellules du stade précédent ; elles constituent 48 pyramides avec sommet au centre ; la segmentation a; pendant toute sa durée, pour unique éffet l’aug- mentation en nombre de ces pyramides. Au stade actuel (48), on commence à voir leur partie centrale prendre une couleur plus pâle et se confondre graduellement avec celle des pyramides voisines ; ce processus correspond à une dégénérescence de la partie interne de ces cellules radiaires, elle a pour but la formation du mésoderme mes. Chacune des pyramides se compose dès lors de trois parties : 1° enveloppe corticale ; 2 portion blanche interne (deutoplasme); 3° portion protoplasmique moyenne contenant le noyau. 994 j J. BARROIS. Fig. 78. Embryon de vingt-quatre heures (stade fig. 67). Même aspect que pré- cédemment : la partie blanche centrale est encore très-réduite. Au point de convergence des cellules r'adiaires se voit une petite cavité de segmentation. Fig. 79. Embryon de trente heures (stade fig. 68). La substance blanche a augmenté beaucoup et a comblé, par son développement, la petite cavité de segmentation. Fig. 80. Trente-six heures (stade fig. 69). Fig. 81. Quarante-huit heures (stade fig. 72). — Fig. 82, troisième jour (stade fig. 73) : stades de la gaslrula. La substance blanche centrale s’augmente et devient plus netie à mesure que les cellules radiaires deviennent, par suite de la segmentation, plus nombreuses et plus minces. Au stade 82 elle se sépare de la partie externe des cellules par une ligne plus nette. Pendant ces trois stades on distingue souvent, au milieu de la substance blanche du centre, des éléments étrangers (fig. 80) ou des cavités (fig. 81-82) indiquant, soit la cavité digestive, soit les éléments de l’endoderme; l'embryon se compose alors de trois feuillets, et la couche blanche interne représente le mésoderme. Fig. 83. Quatrième jour. Les éléments endodermiques et mésodermiques se sont confondus en une seule masse bien distincte maintenant des cellules radiaires qui forment tout autour une couche très-épaisse. Fig. 85, 86. Différenciation nouvelle de la masse interne en ses deux feuillets (mésoderme, qui conserve d’abord l'aspect blanchâtre, et endoderme, qui apparaît dans la masse sous forme de granules opaques); la répartition des granules opaques indique, dès le début, la division en partie centrale (ér) et partie périphérique du mésoderme ; la première destinée à former la trompe, et la seconde le reste de la musculature. Fig. 87-84. Des noyaux apparaissent dans le mésoderme et déterminent la diffé- renciation de la masse amorphe qui le constitue en éléments cellulaires (84) destinés à former le tissu musculaire ; les différentes divisions indiquées pré- cédemment se sont circonscrites en organes dictincts : la trompe au milieu, et vers le haut les deux renflements rf, qui séparent les cavités prostomiale et métastomiale et se prolongent sur tout le pourtour en une mince couche continue. Les granules opaques se sont concentrés vers la partie postérieure, où ils forment, dans la cavité métastomiale, un amas graisseux déjà important. Pendant ces phénomènes de différenciation, l’exoderme s’est graduellement aminci (voy. fig. 85-88) et les deux zones qui le composaient (enveloppe cor- ticale et corps des cellules) se sont fondues en une seule. — Gross. 30 diam. Fig. 88 à 91. Vue schématique de l’ensemble du développement. 88. Gastrula avec ses trois feuillets. 89. Fusion de l’endoderme et du mésoderme. 90. Stade composé d’une masse centrale (réunion des deux feuillets in- ternes) et couche périphérique. 91. Différenciation de la masse interne en musculature et tube digestif. ARTICLE N° 9. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 995 PLANCHE 71. Fig. 92 à 99. — Amphiporus lactifloreus. Fig. 100 à 104. — Lineus obscurus. Fig. 105-106. — Tetrastemma candidum. ci, portion de cavité métastomiale qui est dans le refoulement en avant de la masse céphalique, qui précède toujours la sortie de la trompe, pénètre en avant des organes latéraux, et qu'il faut bien se garder de confondre avec la cavité prostomiale. arm, soulèvement annulaire destiné à former l’armature de la trompe. cl, cavité de la portion dévaginable de la trompe. c?, cavité de sa portion glanduleuse. tr', portion mince de la trompe, antérieure à la cloison rf. Fig. 92. La mince couche musculaire périphérique, d’abord continue, com- mence à se renfler autour de la cavité prostomiale en lames prostomiales ; la cloison moyenne rf se différencie en organes latéraux et masses gan- glionnaires. Fig. 93. Continuation du même processus. Les lames prostomiales se sont déjà accrues et soudées en avant en masse impaire. Fig. 94, 95. Différenciation du tube digesti (absolument comme chez le Lineus obscurus) et développement dans les lames prostomiales de l’épaississement secondaire. Fig. 96. Le tube digestif, qui s’est séparé de la paroi du corps, commence à montrer sa division en renflements successifs (cæcums) ; dans la tête on voit l’épaississement secondaire arriver à se souder complétement à la trompe, de manière à transformer toutes les lames prostomiales en une masse solide. Fig. 97. Tète d’adulte : les traces de la soudure de l’épaississement secondaire avec la trompe ne sont plus visibles, et les lames prostomiales ont fait entière- ment place à la masse céphalique. Jusqu'à la figure 96, ces figures montrent aussi le mode de formation graduel de la trompe. — Gross. 23 diam. Fig. 98. Structure du tube digestif : A, état normal. B, granules hépatiques réunis en quelques corpuseules moins nombreux. C, granules hépatiques réunis en une seule concrétion. Fig. 99. Développement schématique de la région des stylets. Fig. 100 à 104. Régénération de la tète du Lineus obscurus. — Gross. 35 diam. Fig. 100. Après cicatrisation complète, montrant la couche musculaire partout uniforme s'étendant sans interruption au-dessus de l'extrémité en cæcum du tube digestif. Fig. 101. Une cavité est apparue entre la couche musculaire et l’extrémité de l’intestin; sur le pourtour de cette cavité, la couche musculaire s’est renflée, en rf. Fig. 102. L'épaississement de la couche musculaire rf se divise en portion ANN. SC, NAT., DÉCEMBRE 4877. VI. 25, — ART, N° 3, 226 J. BARROIS. supérieure qui reste droite, et portion inférieure qui se recourbe en fer à cheval. A l'extrémité antérieure en cæcum du tube digestif apparait, du côté ventral, un épaississement spécial qui formera lœæsophage. Fig. 103. La partie restée droite du renflement musculaire (lames prostomiales) s’est soudée en masse impaire qui porte déjà les points oculiformes ; la por- tion en fer à cheval s’est mise en relation avec l’œsophage par ses extrémités qui forment les organes latéraux, tandis que sa portion supérieure se diffé- rencie en masses ganglhonnaires. Fig. 104. Tête d’adulte. — Gross. 25 diam. Fig. 105 et 106. — Tetrastemma candidum. Fig. 105. Stade correspondant à la figure 84 de A{mphiporus offrant le ren- flement rf du mésoderme qui sépare déja les cavités prostomiales et méta- stomiales — Gross. 80 diam. Fig. 106. Tête d’adulte. — Gross. 23 diam. PLANCHE Fig. 124. — Fig. 107 à 114. — Tetrastemma dorsale. Fig. 107. Œuf pondu. On voit la division en zone corticale et substance mterne ; cette dernière contient une vésicule claire 0/. Fig. 108. Œuf fécondé. La vésicule claire a disparu et la zone corticale se fusionne avec la substance interne. Tout autour de l’œuf se voient de nombreux spermatozoïdes fixés à la membrane vitelline par la portion effilée. Fi Fig. 110. Les cellules radiaires se sont divisées en une couche externe cellu- À 2 à laire et masse interne en dégénérescence qui apparaît (fig. 110) comme une masse sombre. ue . 109. Morula (stade à cellules radiaires). Fig. 111. Larve libre correspondant à la figure 85 de l’Amphiporus, avec couche externe représentant l’exoderme, et masse centrale représentant la réunion des deux feuillets internes ; mais ici la masse interne, au lieu d’être amorphe, se compose d'une multitude de cellules à noyaux plus petites que celles qui forment l’exoderme. Fig. 112. Différenciation de la larve en Némerte (correspond à la figure 86 de l'Amphiporus). Les petites cellules de la masse interne se sont ramollies de manière à constituer un tissu granuleux qui donne ensuite naissance aux fibres musculaires. La séparation des éléments endodermiques et mésodermiques est déjà ici effectuée, et l’on peut voir la division en deux cavités séparées l’une de l’autre par la cloison rf. ARTICLE N° 39. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 994 Fig. 113. Stade plus avancée. Le tissu du feuillet moyen s’est différencié en musculature, et les éléments endodermiques se sont accumulés dans la cavité métastomiale, Fig. 114. La différenciation de la cloison rf en organes latéraux et masse gan- glionnaire est effectuée, et la couche musculaire, auparavant renflée insen- siblement de bas en haut (fig. 115), a acquis la division en lames prostomiales et métastomiales. Le tube digestif est complétement formé. Fig. 115 à 119. — Polia carcinophila. Fig. 115. Première apparition des linéaments du jeune Némerte. Il semble qu'ici la production d’une masse de deutoplasme interne soit remplacée par la scission directe des cellules radiaires. Fig. 116. L’embryon a repris une structure identique à celle du stade 87 de V'Amphiporus. Fig. 117. Larve libre présentant, à peu de chose près, la structure complète du Némerte adulte. Le tube digestif est déjà en partie différencié ; la division en lames prostomiales et métastomiales y est aussi visible. Fig. 118. Jeune Némerte issu de la larve libre. Fig. 119. Tête d’adulte. Le peu de netteté des organes latéraux chez cette espèce rend difficile de retrouver chez l'adulte {la distinction des lames pro- stomiales et métastomiales. La figure 118 nous montre que cette division existe cependant encore avec une plus grande netteté à l’état plus jeune Fig. 120 à 123. — Amphiporus splendidus. Fig. 120. Stade correspondant à la figure 86 de l’'Amphiporus. Fig. 121. Stade correspondant à la figure 87 de l’Amphiporus. Fig. 122. Stade correspondant à la figure 92 de l'Amphiporus. La division en deux cavités limitées par les grandes divisions de la musculature (lames pro- stomiales et métastomiales, organes latéraux) y présente une netteté presque schématique. Fig. 123. Plus âgé. La cloison s’est plus complétement différenciée en organes latéraux et masses ganglionnaires. Dans la portion antérieure, l’épaississe- ment impair s’est déjà produit, mais la soudure complète de l’épaississe- ment secondaire n’est pas encore terminée. — Gross. 23 diam. Fig. 124. — Cephalothrix linearis. On y voit un rudiment commun des lames prostomiales, organes latéraux et masses ganglionnaires sous forme de renflements rf de la portion antérieure de la couche musculaire continue qui entoure le corps. La division en cavités prostomiales et métastomiales n’est pas, comme chez les Enopla, distincte dès ce stade, mais elle apparaît après la différenciation des deux masses rf. 298 | 3. RARROIS. PLANCHE 9. Fig. 125 à 132. — Lineus obscurus (gross. 45 diam.). Fig. 133 à 1936. — Lineus longissimus (gross. 20 diam.). Lettres communes relatives aux coupes. A, couche musculaire principale de deux groupes de Némertes. (longi- tudinale externe des Anopla, longitudinale des Enopla. pig, zone pigmentaire. gs, ganglions supérieurs. gi, ganglions inférieurs. cc, cavité générale. ca, portion de cavité prostomiale comprise en avant du diaphragme et contenant la portion indévaginable de la trompe. Lettres speciales aux Anopla. be, couches annulaire et longitudinale interne. bc', les mêmes, passées au dedans des masses ganglionnaires. L, cavités latérales provenant de la réduction au devant de la bouche dé la cavité du corps. cl, cloison résultant de la réunion du reticulum autour de la trompe. 1, cavité médiane de la cloison. 2, cavités latérales de la cloison. h, reste horizontal de la cloison maintenant distinctes ces trois cavités. Fig. 136. Coupe de la région postérieure du corps composée de ses trois couches (longitudinale externe, annulaire et longitudinale interne); cavité du corps divisée en vaisseaux et chambres génitales. Fig. 135. Région œsophagienne. La division en vaisseaux longitudinaux et chambres génitales à fait place à une cavité continue irréguliérement traversée de fibres connectives radiaires et entourant l’œsophage. Fig. 134. Coupe au niveau de la bouche. Même disposition. Fig. 133, 132. Coupes à l'extrémité antérieure de l’œsophage. Les deux couches internes viennent se souder à ses parois latérales en supprimant à ce niveau la cavité générale, qui se trouve réduite à la portion supérieure. Les fibres du reticulum, disposées d’abord (fig. 134, 135) en faisceaux isolés, se groupent en faisceaux plus volumineux; l’un de ces derniers entoure la gaîne de la trompe et la réunit à la paroi de l’œsophage en formant une épaisse cloison connective (cl). Fig. 131. Œsophage remplacé par une portion de couche musculaire externe, souvent caractérisée par l’arrangement circulaire du reticulum (fig. 130), et à laquelle la cloison continue à adhérer; cette dernière a augmenté encore en épaisseur, tandis que tous les autres faisceaux connectifs ont disparu des cavités latérales, transformées ainsi en cavités libres et arrondies L. Fig. 130. Apparition des organes latéraux dans chacune des deux cavités laté- rales. Les deux couches internes de la paroi commencent à s’interrompre sur les côtés pour se concentrer sur la ligne médiane, en même temps qu’on voit ARTICLE N° 5. EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 299 la cavité du corps réapparaître au milieu de la cloison. Au même point, les cordons nerveux commencent à se réunir en ganglions inférieurs. Fig. 129. Coupe au delà des organes latéraux. Les masses ganglionnaires sont bien visibles ; les deux couches internes se sont concentrées sur la ligne mé- diane en deux lambeaux qui pénètrent à l’intérieur des masses ganglionnaires pour venir reformer, à leur partie interne, une nouvelle couche continue. Fig. 128, 127. Même processus complétement achevé. Il est à remarquer que dans la dernière figure (127) la disposition générale, en ce qui concerne l’ordre de stratification relative des différentes couches, est encore la même que celle qui existait au début (136) : 1° couche longitudinale externe; 2% système nerveux; 5° deux couches internes; 4° cavité du corps renfer- mant la trompe et sa gaine. Cette concordance est due au passage qui s’est effectué à partir des organes latéraux des deux couches internes en dedans des ganglions. Fig. 126. Le dernier vestige de cavité du corps (formé par écartement graduel des fibres de la cloison) se trouve limité par la soudure de l’épaisse couche externe À en diaphragme continu, au delà duquel on voit réapparaître une autre cavité dirigée en sens opposé et qui n’a plus de rapport avec le système circulatoire. Fig. 125. Même disposition plus accentuée. La trompe et sa gaîne y sont rem- placées par un tube unique (portion non dévaginable de la trompe). PLANCHE 10. Fig. 137 à 142. — Amphiporus lactifloreus (gross. 45 diam.). Fig. 143 à 149. — Drepanophorus spectabilis (gross. 26 diam.). no, organe énigmatique (nerfs optiques ?) situé dans la partie céphalique du Drepanophorus. cv, Cavité générale de seconde formation. Fig. 149. Coupe dans la région postérieure du corps, montrant entre l'intestin et la paroi du corps la cavité générale qui contient les vaisseaux et se trouve divisée par les cloisons génitales en compartiments. Fig. 148. Région œsophagienne. Le reticulum qui formait les cloisons est dissé- miné dans la cavité générale. Fig. 147. Coupe à la partie postérieure des organes latéraux : on voit, à ce niveau, la couche musculaire longitudinale se diviser en deux feuillets. Fig. 146. Apparition des masses ganglionnaires refoulant les fibres du reti- culum en mince couche périphérique, et en partie médiane cl logeant l’in- testin et la gaine de la trompe. | Fig. 145, 14%. Coupes au devant de l'œsophage, montrant les deux feuillets unis par le reticulum, de la couche longitudinale, s’écartant de plus en plus de manière à former la masse céphalique. Fig. 143. Le feuillet interne de la couche longitudinale est venu, à la suite de la disparition des masses ganglionnaires, se souder à la gaîne de la trompe pour 930 J. BARROIS. constituer le diaphragme qui limite en arrière la masse céphalique. La cavité centrale c@ ne contient plus que la portion 4 non dévaginable de la trompe. Fig. 142. Coupe dans la région postérieure de l'Amphiporus. Fig. 141. Région œsophagienne. Fig. 140. Même région plus en avant, montrant la disparition graduelle de l'intestin. Fig. 139. Intestin presque disparu; œsophage très-développé et montrant à sa partie supérieure les vaisseaux et cordons nerveux passant au-dessus pour aller former l’anse céphalique et les ganglions inférieurs. Fig. 138. Coupe à la partie supérieure des ganglions (au niveau des organes latéraux), montrant la scission de la couche longitudinale en deux feuillets. Fig. 137. Coupe dans la masse céphalique, montrant sa composition aux dépens des deux feuillets de la couche longitudinale réunis entre eux par le réti- culum et circonserivant une cavité entièrement occupée par la portion non dévaginable de la trompe. PLANCHE 11. Fig. 150. Lineus longissimus. — Coupe de la région céphalique au point de réunion des cordons nerveux, pour montrer l’aspect de la couche annulaire refoulée en dedans au-dessus des cordons nerveux. — Gross. 16 diam. Fig. 151. Lineus bilineatus.— Coupe au même niveau, montrant le même aspect, en même temps que la disposition exacte visible dans la partie de droite, sur les couches coupées perpendiculairement à leur direction. — Gross. 21 diam. Fig. 152. Lineus bilineatus. — Coupe dans le milieu du corps montrant la position ventrale des deux vaisseaux latéraux. — Gross. 19 diam. Fig. 153. Lineus bilineatus. — Coupe un peu au-dessous de l’œsophage dans le même individu, montrant que la position normale des vaisseaux est bien laté- rale et que la position ventrale qu'elles occupent dans la région postérieure n’est due qu’à l’extension du tube digestif sur les côtés. — Gross. 18 diam. Fig. 154, 155. Lineus bilineatus. — Coupes horizontales (parallèles aux faces dorsale ou ventrale) montrant la division en chambres génitales déjà tapis- sées par places d’épithélium génital figuré à deux degrés de développement. — Gross. 35 diam. Fig. 156. Lineus obscurus. — Coupe latérale (parallèle aux faces latérales) mon- trant la communication des chambres génitales et des vaisseaux latéraux. — Gross. 50 diam. Fig. 157. Lineus bilineatus.-— Coupe horizontale passant par les vaisseaux ven- taux de la région postérieure (fig. 152) pour montrer la continuité de la paroi connective des chambres génitales avec la couche externe également con- nective des vaisseaux. — Gross. 48 diam. Fig. 158. Coupe de Planaire d’eau douce pour montrer le grand développement du reticulum et le faible développement de la couche musculaire principale, réduite à quelques fibres longitudinales éparses me ; pig, zone pigmentaire ; I, coupe des cæcums de l'intestin ; ép, épiderme ; ret, reticulum.—Gross. 19 diam. ARTICLE N° 3, EMBRYOLOGIE DES NÉMERTES. 931 Fig. 159. Coupe de la paroi du corps du Prorhynque pour montrer la couche longitudinale caractéristique qui en constitue la partie essentielle. — Gross. 120 diam. Fig. 160. Planaire d’eau douce appartenant vraisemblablement à l’état jeune du Prorhynque : dr, trompe ; æ, œsophage ; I, intestin ; gn, système nerveux. — Gross. 60 diam. Fig. 161. Partie antérieure du Prorhynque pour montrer la disposition géné- rale de la musculature : DP, masse musculaire de la tête; ol, organes late- aux ; Sp, poche à spermatozoïdes ; gl, glandes lu pénis. — Gross. 120 diam. Fig. 162. Partie antérieure et bourgeonnement du Stenostomum leucops, mon- irant la disposition générale de la musculature : gn, système nerveux ; ol, organes latéraux; DP, masses musculaires de la tête; cp, lacune de la tête; æ@, œsophage ; sph, calottes réfringentes placées en arrière du système nerveux. — Gross. 400 diam. PLANCHE 12. ig. 163 à 165. Schémas représentant les trois degrés successifs d'évolution du reticulum.— Fig. 163, disséminé irrégulièrement dans la cavité du corps qu'il comble en partie (état Plathelminthe, Planaires). — Fig. 164, refoulé en couche continue entourant le système des cavités internes. — Fig. 165, séparation de cette couche, des téguments, pour venir former une paroi propre autour des cavités qu’elle circonscrit et qui passent à celles des organes internes contenus dans une spacieuse cavité du corps (état Nomathelminthe). Fig. 166 à 168. Schémas pour résumer le cycle général d'embryogénie. — Fig. 66, forme primitive montrant la division en organes latéraux, lames prostomiales (disques antér.) et métastomiales (disques postér.). — Fig. 1068, masses gan- glionnaires formées au-dessus des organes latéraux (Anopla). — Fig. 169, masses ganglionnaires formées au-dessous (Enopla). Fig. 169, 170. Les deux modes essentiels de différenciation de la masse interne du développement direct. Dans le premier cas, le rudiment commun des organes latéraux et masses ganglionnaires (renflement rf) apparaît en avant d système des cavités (Anopla, fig. 170), qui semblent, dans ce cas, con- fondues en une seule. Dans le second (Enopla, fig. 169), ils apparaissent entre les deux et les délimitent ainsi de bonne heure d’une manière très-nette. Fig. 171, 172. Formes primitives comparées du groupe des Annélides et de: celui des Némertes : la première (fig. 171), avec couche musculaire simple- ment renflée en masse antérieure (disques antérieurs) et cavité du corps cloisonnée par les cæcums du tube digestif et le reticulum ; la seconde (fig. 172) présentant l’apparition directe dans le rudiment de la musculature (ligne pri- mitive) de cavités séparées : {p, ligne primitive s'étendant du côté dorsal. : Fig. 173,174. Figures d'ensemble destinées à résumer les coupes des planches 10 et 11. — Figure 173 montre les deux couches internes bc sous forme d’une ligne noire, le reticulum sous forme de trainées blanches (ret, cl, h). Toutes _ deux, ces figures nous montrent en même temps les deux divisions caracté< 252 J. BARROIS. ristiques causées par les organes latéraux et le diaphragme ps, et permettent de juger de leurs rapports divers. Les lignes numérotées indiquent le niveau des coupes des planches 9 et 10. Fig. 175, 176, 177. Schémas destinés à représenter le cycle du groupe des Némertes : 175, gastrula bilatérale; 176, même forme après apparition de fibres disséminées du reticulum et de la couche musculaire encore uniforme ; 177, la même, après renflement en avant des organes latéraux de la couche musculaire en masse antérieure, l’apparition du système nerveux sur toute sa face interne, et l’arrangement du reticulum en couches cohérentes autour du système des cavités du corps; 178-179, deux chambres gémtales à des degrés inégaux de développement. 1° Pendant que ce mémoire était sous presse, à paru un travail de M. Hoff- mann (Niederländisches Archiv. für Zoologie, 3° vol., 1877) sur l’embryologie du Tetrastemma varicolor, qui apparüent au type de la Planula : le dévelop- pement y est identique à celui du Tetrastemma dorsale décrit précédemment; M. Hoffmann a vu comme moi (voyez ma communication préliminaire de 1876) le fait important de la destinée de la masse centrale de la Planula, donnant naissance aux deux feuillets internes, et il signale de plus une disposition remarquable du mésoderme, formé au début d'une seule couche de longues cellules cylindriques. J'accepte volontiers son résultat, acquis à l’aide de coupes, de la naissance des masses ganglionnaires par prolifération des cellules de l’épiderme, mais ne puis me rallier de même à ce qu'il dit sur ia naissance de la trompe aux dépens de l'intestin. 2 Je dois en second lieu donner satisfaction à M. Hubrecht, qui, dans une communication privée postérieure à mon travail, m'a dit n'avoir pas voulu donner le sens que je pensais aux passages contestés dans ce qui précède : son intention n’était pas d'ajouter si grande importance à savoir, si la division en zoonites est produite par les cæcums ou par les cloisons; mais il n’a voulu qu'insister par là sur le fait de la métamérisation chez les Némertes. Son rap- prochement avec les Annélides n’a de même d’autre but que de signaler des relations générales avec la disposition annelée; nullement de prétendre à une affinité réelle entre les deux classes des Annélides et des Némertiens. Entendues dans ce sens, ses différentes assertions n’ont plus rien de contraire à mes opi- ‘ mons, et je ne puis qu'y donner mon adhésion complète. ARTICLE N° à, EXPÉRIENCES SUR LE DÉVELOPPEMENT RUBANAIRE DU CYSTICERQUE DE L'HOMME Par NE. ERMION. De plusieurs observations médicales, faites sur le vivant ou le cadavre, il résulte que l’homme peut, comme le pore, être complétement infesté de Cysticerques, devenir ladre, en un mot. Les Cysticerques de l’homme, signalés depuis tantôt un siècle, que plusieurs zoologistes ont examinés avec intérêt el que je viens d'étudier à nouveau, sont constitués essentiellement par deux tuniques concentriques : l’externe, plus épaisse, est formée d’un tissu conjonctif très-dense ; l’interne, d’une organisation plus simple, est hyaline; elle contient un liquide limpide et in- colore et elle ‘présente une ombilication blanchâtre. Ce point blane, qui fait une légère saillie à Pintérieur, est le scolex. Le scolex, long de 0°,005 à 0",007 quand il est compléte- ment dévaginé, offre à sa partie Imférieure des granulations assez nombreuses et des striations qui indiquent déjà la struc- ture annelée du ruban, et à son extrémité supérieure un ren- flement particulier. Gette extrémité est mumie de quatre ven- touses et d’une proboscide armée d’une double couronne de crochets. Le nombre des crochets varie de 28 à 32 ; une seule fois, sur près de 100 scolex observés, 1l m'est arrivé de compter Al crochets disposés assez régulièrement sur trois rangs. Ce fait isolé permet de considérer comme une anomalie ces scolex à trois couronnes de crochets que Meinland a mentionnés le premier et que Leuckart décrit volontiers comme une espèce spéciale, à laquelle il impose le nom d’Acanthotrias. Le Cysticerque de l’homme n’est-1l pas identique au Cysti- cerque du porc? Ce rapprochement, qui découle naturellement ANN. SC. NAT. — ART. N° À. ? REDON. de l'étude anatomique du scolex, a soulevé d’assez nombreuses controverses. Après des hésitations et des affirmations con- traires, le savant helminthologue Bertolus a lui-même reconnu que la discussion resterait pendante tant qu’on n'aurait que les scolex pour termes de comparaison, et qu’il était de toute néces- sité, pour mettre fin aux hypothèses, de mettre en regard les formes rubanaires. Or, en admettant que le Gysticerque de l’homme représente la deuxième phase du développement du Tœnia solium, l’état parfait, strobilaire, de ce parasite, sera obtenu dans les intestins de l’homme, mais là seulement, selon toute vraisemblance. I fallait donc ne point connaître le terme des transformations de la larve, où vouloir bien servir soi-même de milieu à son évolution. Aussi, après avoir examiné atten- tivement les travaux de Bertolus, après avoir reconnu moi- mème une ressemblance remarquable, sinon une identité absolue entre les Gysticerques de l’homme et ceux du pore, Je me suis décidé, d’après les conseils de MM. les professeurs Lortet et Chauveau, à ingérer, dans du lait tiède, quatre des kystes recueillis sur un cadavre échoué à l’amphithéâtre des hôpitaux de Lyon. En outre, comme ces Cysticerques pouvaient être ceux d’un Témia porté par un animal en relation fréquente avec l’homme; comme, d'autre part, si le Gysticerque de homme et le cysticerque du porc ne font qu’un, le même individu peut porter les deux états, cystique et rubanaire, du même Ento- zoaire, Je pris la précaution d’en faire avaler un certain nombre à des porcs et à des chiens à la mamelle. Des trois sujets mis en expérience, un seul, l’homme, a fourni le milieu favorable. Les porcs, nourris dans des conditions spéciales, ont suc- combé à de l’entérite, à des intervalles plus ou moins éloignés de l’époque de l’ingestion, sans que l’autopsie, faite avec le plus grand soin, nous révélàt des traces de parasite. Les chiens ne contenaient non plus aucune trace de Ver rubanaire. Enfin, moi-même, après trois mois et deux jours d'attente, … j'ai constaté la présence de cucurbitains dans mes selles. ARTICLE N° 4. DÉVELOPPEMENT RUBANAIRE DU CYSTICERQUE DE L'HOMME. 9 Au premier examen, M. le professeur Lortet, des plus au- torisés en helminthologie, croit pouvoir affirmer que les pro- glottis et les œufs appartiennent au Tœænia solium. Gette opinion a été bientôt confirmée par l'expulsion d’un strobile complet, qui sera déposé au musée de la Faculté de médecine de Lyon. Le résultat de ces recherches m'a semblé digne d’être soumis à l’Académie, puisque, d’une part, il met un terme à toute dis- cussion sur la nature et le développement du Gysticerque de l’homme, et que, d'autre part, il offre une exception frappante à cette grande loi du parasitisme à génération alternante, en apparence si absolue : le même parasite ne peut atteindre son développement complet dans le même individu ou chez deux individus de même espèce. P.S. — Depuis la rédaction de cette Note, de nouveaux symptômes gastriques et la présence de cucurbitains dans mes selles imdiquent que je suis encore porteur d’un ou de plusieurs parasites; ce qui n’a pas lieu d’étonner, puisque j'ai avalé quatre Cysticerques. FIN DU SIXIÈME VOLUME, TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS:CE VOLUME. Application de la méthode graphique à l'étude du mécanisme de la déglutition chez les Mammifères et les Oiseaux, par MA ARLOINGee tn de er SON PS RUE ne CA EDNG TIENNE Histoire des Clausilies de France vivantes et fossiles, par M. J. R: BOURGUIGNAT. . . : * "ARTICLE N° 2 Mémoire sur l’embryologie des Némertegt par M ÿ Danois, . ARTICLE'N° 9 Expériences sur le développement rubanaire du Cysticerque de lhomnne MpArAMAREDON ER CO RC EN CCE CR NC DE NU EEE TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS. ART. fs ART. ARLOING. — Application de la mé- BOURGUIGNAT. — Histoire des Clau- thode graphique à létude du silies de France vivantes et fos- mécanisme de la déglutition chez SCS É pe ch CE CEE 2 les Mammifères et les Oiseaux. . 1[REDON. — Expériences sur le déve- B e sur l’embryo- loppement rubanaire du Cysti- locierdesiNémertes "ro olAicerquede l'homme EEE TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planches 1 à 12. — Embryologie des Némertes. PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINE®Ÿ, RUE MIGNON, £ Ann, des Jeiene. nat C°Serce., Zoo, Tome &, FL 2, 2 rrre es nat del. Lmbryologie des Nemnerter np. A. S'aënon,r. Melle Lrkapade, 15 Larir, RAM LENT É ERNST FT va Zool. Zome 0, 10. Ann. des JS'eienre.nat. 6° Serre. TM 2 Parrour ad nat. del des Nemnerles . [ Lnori ologie np. À Salmon r. lille Ertrapade, 15, L'art, NL4 VIT fi nu TER dE , ] { CA 17 | es Seine, nat. C° J'erce. LODN TOUL OMT MINE D à L PA. Lmnbryolegte. des Nerrerles a Dr almon, r Veille Hytrapade,15, Partir, ne id À ï F RO à 2720 Ê. © DOOONL, » » Ann des S'ecene, nat, 6° S'érce. a verre au G nes = ren < PR TRE RS FU gr = 7 RE = RIT PIE Dre SIRET DR eee JT Barrois ad nat, del, des Nemertes . 2 LL np À. S'elnon r leille Lrtrapade.15, Pari, yolo a A s L { Ho y ÿ OM Rs er fe LENS (4 SENS RATES D i . Ann. des Serience. nat, 6° J'erte- Lool Lome E PL, T. 7 TTRLROÉNC TL De LI Lnbryologie De Nemertes. Lnp, À J'alnon,r liedle Lrtrarade,.15 L'art, Ann des Setenc: nat 6° J'erce. Zool Tome €. 11. Ga 7 Barrour ad nat. del. Znbryologie des We crerles Zp. À. J'alnonr Vieille Lrtrapade, 15, Paris, Zool, Tone. L' PL. 7 Ann der Scene nat 6 Serre TN TOR CAC NÉE ae Vertes d à D DS D Leman name HUDP me me Nr Ur & «92 mp. A Salmon r Veille Lrtrapade, 15. 2er. Linbri lo gte des Nenertesr k #1 pti bi 1e VE un ZLool. 1ome €, 71. | Ann. des J'euenc. nat 6° Sert Ÿ nt i à ess - RS LE N Ë = ES Pac É ru _ a) AKeUt Do 7 à UTP Fa CHER MONMEOCS à D TT MATE STARTER PES tn è N a 1e PR LE mnôrye lo Ju des Nemertes si A tro SR troll boulet Zap À Selnon, r Veille Litrapade, 15, Lars . Ann, des Jetnce. nel 6° Serre. ADO OT EN OT 7 + / FA AN À k : PERTE g Enbryologte des Nerertes. Lg, À, d'abnon,r Vieille Lrtrapade, 15, Lari, V4 ie ot : * AN AU mu LE rt LODONLOTRENCN PONT NE Eee RSC ) NU LUREN JE LS VS CESSE) HS 22 4 BAD 4 ONE Ua ZE S — TITRE D Si A (V2 \ A 14 D LAS À See Le ! nn [ L£nbryole te des Womertes , mp. À. J'ebnen,r Ville Hrérapade, 15, l'arvr. te D ere. des J'eicre. nat. 6 J'érte. 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