RE TT Le DE eue Es cena M nr - dur À y sl er ls 2 + . F É VA È # vs ER » AE l'E ER a AR d'A à 45 , he PA nt |) AAA C2 M /\y WP A : # e 2 SAN VANZ TM » 5 PARLES LA AAA 2 AR A A 4 s LEE, tue 4 NO " sus sæ ÉTREUARE AE ù D A 2 AE ie M7 2 gt ar v L'ART D L M. mel, ik ee we Se ON Nr Sr = j LAC HSE La P XP NT ATURELLES HUITIÈME SÉRIE . DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET TOSSILES ne - PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE PH. VAN TIEGHEM Je C ahier : commence on ur ce ÉDITEURS | 0, BOULEVARD SAINT-GERMAIN : 3 fe Le : . ob | en janvier 1900. les 7. Sciences naturelles paraissent par cahiers mensuels. AUITIÈME SÉRIE BOTANIQUE Publiée sous la direction de M. Pa. VAN TIEGREM L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d’environ 400 pages, avec les planches et les figures dans le texte correspondant aux mémoires. Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans Lintervalle d'une année. | Les tomes I à X sont complets. ZOOLOGIE Publiée sous la direction de M. A. MiLNE-EDwaARDps. L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 409 pages, avec les planches correspondant aux mémoires. | Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle d’une année. Les tomes I à IX sont complets. Prix de l'abonnement à 2 volumes : Paris : 30 francs. — Départements et Union postale : 32 francs. ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES Dirigées, pour la partie géologique, par M. HéBErT, et pour la partie paléontologique, par M. A. MïiNE-EpWwaARDS. Tomes I à XXII (1879 à 1891). Chaque volume .......... 15 fr. Cette publication est désormais confondue avec celle des Annales des Sciences naturelles. Prix des collections. PREMIÈRE SÉRIE (Zoologie et Botanique réunies), 30 vol. (Rare). DEUXIÈME SÉRIE (1834-1843). Chaque partie 20 vol. 250 fr. TROISIÈME SÉRIE (1844-1853). Chaque partie 20 vol. 950 fr. QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. CINQUIÈME SÉRIE (1864-1874). Chaque partie 20 vol. 250 fr. SIXIÈME SÉRIE (1875 à 1884). Chaque partie 20 vol. 250 fr. SEPTIÈME SÉRIE (1885 à 1894). Chaque partie 20 vol. 300 fr. | GéoLocit, 22 volumes Cu FU on 330 fr. ANNALES SCIENCES NATURELLES HUITIÈME SÉRIE BOTANIQUE ANNALES SCIENCES NATURELLES HUITIÈME SÉRIE BOTANIQUE COMPRENANT L’'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. PH. VAN TIEGHEM TOME XI MASSON ET Cx, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain 1900 Ki le FTMRe nie A LD Te INFLUENCE DE DIVERS MILIEUX CHIMIQUES SUR QUELQUES CHAMPIGNONS DU GROUPE DES DÉMATIÉES Par M. Louis PLANCHON. INTRODUCTION Les solutions chimiques ou pharmaceutiques, conservées quelque temps dans les laboratoires, contiennent souvent des végétations d'aspect nuageux ou floconneux, blanches ou diversement colorées, mais d'ordinaire de teinte bru- nâtre. Ces flocons ou ces dépôts fragmentés existent même dans des solutions toxiques. Les premiers observateurs n'avaient vu dans ces productions que le résultat d’altérations chimi- ques. Pour les eaux distillées, par exemple, ils pensaient qu'on avait affaire à une transformation de l'essence en mucilage. A plusieurs reprises, ces végétations anormales ont attiré l'attention, et la nature organisée en a bientôt _été démontrée. Soubeiran (1) dit nettement dans son traité de pharmacie que ce sont « des globules organisés qui sem- blent être des végétaux mycodermiques dont les germes ont très probablement l’air pour véhicule ». D’autres (Bia- (4) Soubeiran, Traité de pharmacie Éd., 1875, t. II, p. 300. ANN. SC. NAT. BOT. XI, 4 2 LOUIS PLANCHON. soletto (1), etc.), y avaient vu des algues. La végétation des liqueurs arsenicales fut nommée par Brébisson Hygrocrocis arsenicus ; Marchand, qui l’étudia de 1875 à 1878, y reconnut par ses cultures un champignon du groupe des Dématiées, et en donna la description détaillée (2). Depuis lors on a rapporté ces plantes à des genres ou à des espèces diverses, mais tantôt en considérant toutes les végétations comme des formes d’une seule espèce, tantôt inversement en attri- buant à chaque solution chimique. une espèce particu- lière (3). Ni l’une ni l’autre de ces deux opinions extrèmes ne pou- vait être exacte. L'idée de rapporter à des espèces ou à des genres particuliers les formes parfois étranges, en tout cas très diverses, que l'on rencontre dans ces conditions, doit être absolument abandonnée. Il est vrai que les aspects variés qu'une même espèce prend sous l'influence d'un milieu chimique souvent énergique, comme les solutions arsenicales ou cupriques, s'écartent parfois si complètement du type primitif, que les premiers observateurs devaient sans hésiter y voir des végétaux nouveaux. Mais depuis lors les recherches sur le polymorphisme des champignons et surtout la méthode si féconde des cultures en milieux sté- rilisés ont montré, dans ces formes absolument différentes d'aspect, des états successifs, nécessaires ou non, du même végétal. Déjà dans la nature, nous voyons ces êtres, essentiellement plastiques, modifier la forme de leur appa- reil végétalif et même leur mode de fructification, en s'adap- tant aux conditions extérieures où ils se trouvent. A fortiori, lorsque le changement du substratum sera profond, (1) Biasoletto, Di algune Alghe microscopiche. Trieste, 1832. (2) Marchand, Organisation et nature de l’Hygrocrocis arsenicus (CG. R. Acad. des Sc., 11 nov. 18:18). Fig. in Botanique cryptogamique. (3) Voy ez encore sur ce sujet parmi les publications les plus récentes : Barnouvin, Organismes des hydrolats et des solutés (Thèse de Pharm. supér., Paris, 1896). — Guéguen, Recherches sur les organismes mycéliens des solu- tions pharmaceutiques. Études biologiques sur le Penicillium glaucum (Bull. Soc. mycol. de France, 1898-1899). — Beauverie, Hygrocrocis et Penicillium glaucum (Bull. de la Soc. bot. de Lyon, 11 mai 1899). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 3 les changements correspondants seront plus évidents. L'étude de ces plantes, placées ainsi dans des conditions anormales, peut tenter les chercheurs à bien des égards. Le praticien ou le chimiste, par exemple, trouveront cer- tainement dans des recherches sur les liquides, avant et après le développement du champignon, le sujet de travaux de haut intérêt. Mais à côté de l’action du champignon sur le milieu, 1l ÿ a l'action du milieu sur le champignon, et il m'a semblé que l'étude botanique de quelques espèces sou- mises à des influences déterminées, pouvait offrir de l'intérêt et peut-être donner la solution de certains pro- blèmes morphologiques. Il m'a paru que ce polymorphisme, si souvent signalé, méritait d'être vu d’un peu plus près, et qu'il serait utile d'appliquer les méthodes scientifiques actuelles aux recher- ches sur ce groupe singulier de végétaux. Non pas que ces méthodes n’eussent déjà été utilisées dans ce sens, mais les observations n'ayant jamais porté que sur des points de détail, des conclusions plus générales sortiraient sans doute d’un travail d'ensemble. En outre, certaines espèces pourraient se rencontrer chemin faisant, dont l'étude spéciale serait utilement approfondie. Poussé dans cette voie par M. Gaston Bonnier, à qui le sujet paraissait devoir être fécond, aidé des excellents et judicieux conseils de M. Matruchot, dont la compétence en ces matières a été largement mise à profit par moi, j'ai poursuivi pendant plus de deux années mes recherches sur ce sujet (1). La morphologie pure n’est d’ailleurs pas le seul point de vue auquel je me suis placé. J'ai trouvé aussi l’occasion d’élucider quelques points concernant soit la structure, soit le mode de développement, soit la valeur morphologique (1) Ces recherches ont été faites en partie dans le laboratoire de bota- nique de la Sorbonne, en partie à l’École supérieure de pharmacie de Montpellier. Pour ces expériences multiples, longues et minutieuses, M. O. Blaulus, préparateur à cette École, n’a cessé de m'apporter son aide intelligente et dévouée. C’est pour moi un devoir et un plaisir de l’en remercier ICI. 4 LOUIS PLANCHON. des organes végétatifs ou reproducteurs, de saisir divers termes de passage entre des éléments paraissant d'ordi- naire très distincts, de constater de singuliers phéno- mènes de convergence entre des espèces fort éloignées et cultivées sur un même milieu, etc., etc. Tous ces faits trouveront place, soit dans les résultats généraux, soit dans l'étude détaillée de quelques espèces. : Ce travail se divise donc naturellement en deux parties : 1° PARTIE GÉNÉRALE : exposé de la méthode suivie, résul- tats, conclusions générales de l'étude des groupes. 2° PARTIE SPÉCIALE : étude d’un groupe de DÉMATIÉES plus particulièrement intéressantes, et se rapprochant par des modifications analogues bien que spéciales à chacune d'elles. L'action générale de chaque milieu sur l’ensemble des champignons en expérience sera résumée ensuite dans un chapitre spécial. PARTIE GÉNÉRALE Il est évident que les flacons des laboratoires ou des pharmacies, ouverts à tout instant sans aucune précaution de stérilisation ou d’asepsie et contenant des solutions faites au moyen d’eau non bouillie, doivent être ensemencés par les germes contenus soit dans l'eau elle-même, soit dans l’air ambiant; or les plus fréquents de ces germes sont aussi les plus résistants : 1l fallait donc s'attendre, en commencant l'étude de ces organismes, à rencontrer les moisissures les plus communes ; l'intérêt de ces recherches devait résider moins dans la connaissance de cette flore spéciale, que dans l'étude des modifications morphologiques dues aux agents chimiques, et dans l'examen des changements que la forme normale de développement, de reproduction, et d'évolution biologique d’une espèce donnée, pouvait éprouver dans ces conditions. La détermination précise de toutes les espèces trouvées n’a pas été faite. J’indiquerai cependant plus loin les genres que j'ai rencontrés le plus souvent dans mes recherches; cette énumération rapide montrera à la fois la variété et la banalité des champignons observés. 1. -— MÉTHODE GÉNÉRALE Le but poursuivi a été de pousser au maximum la varia- bilité naturelle de certaines espèces, et de chercher si des formes en apparence très analogues ne proviendraient pas d'espèces différentes, tandis qu'une même plante prendrait les aspects les plus variés. () LOUIS PLANCHON. Une première série d'opérations, et nonla moins longue, a consisté à séparer, par des procédés analogues à ceux de la bactériologie, les divers organismes vivant dans des solu- tions déterminées, et à les obtenir à l’état de culture pure sur un milieu donné, toujours le même. Puis, parmi ces espèces, une vingtaine, appartenant à à des groupes divers de moisissures, les unes très communes, d'autres plus rares, ontété choisies et semées dans une pre- mière série de milieux : leurs modifications extérieures et microscopiques ont été notées au bout de quelques jours, puis au bout d’un temps assez long (six à huit mois). Enfin, l'étude plus approfondie encore etl’ensemencement dans une nouvelle série de milieux ont été faits sur quatre espèces, plus aptes que les autres à varier dans les condi- tions ci-dessus indiquées, et appartenant au même groupe de champignons. J'ai pu dès lors, sur ce nombre restreint, étudier de plus près les questions de dose, de concentra- tion, faire agir des milieux nouveaux, contrôler et déve- lopper par ces recherches spécialisées les résultats acquis déjà par l'étude générale des vingt espèces primitivement choisies. Il fallait aussi, et surtout, établir un contrôle rigoureuse- ment scientifique et inattaquable : les formes obtenues étant très diverses, 1l importait de s’assurer toujours, pour chaque tube en expérience, que la forme qu'il contenait appartenait bien au champignon primitif. Pour cela j'ai choisi dès le début un milieu, toujours le même, préparé dans des conditions toujours identiques et servant à toutes les manipulations destinées à obtenir des cultures pures. Le mode de végétation spécial à ce milieu, noté avec soin pour chaque espèce, sert dès lors de type. Avec cette culture se fait l'ensemencement sur les milieux. Puis, on sème sur le même »wheu-type un fragment de la moisissure obtenue et la culture ne doit être considérée comme pure, la forme observée ne doit être décrite comme une forme authentique du champignon que lorsque cette INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 7 culture-contrôle s'est montrée identique à la culture-type. Le cercle évolutif étant ainsi fermé par le retour au point de départ, il semble que l’on puisse sans crainte se montrer affirmatif, Une exception à cette règle peut cependant se présenter. Parfois, en effet, les milieux modifient assez la vitalité du champignon, pour que celui-ci, après avoir subi leur action, ne donne plus sur le milieu-type la culture-type, mais une culture différente (abondance ou absence de fructi- fication, etc.). Dans ce cas, 1l convient de faire plusieurs cultures successives : l’on revient peu à peu au point de départ (1). Telle est la méthode générale de travail adoptée. Mais, avant d'en indiquer les résultats, il est nécessaire de donner quelques détails sur la technique emplovée, en suivant une à une les opérations résumées ci-dessus. IT. —— TECHNIQUE Î. —- LIQUIDES ÉTUDIÉS Lorsqu'on examine les flacons des laboratoires ou des pharmacies, on est frappé du nombre des solutions même toxiques envahies par des moisissures d'aspect varié, immergées ou flottantes, élalées à la surface ou en dépôt au fond, adhérentes à la paroi au-dessus ou au-dessous du liquide, ou en membranes d'épaisseur diverse. La couleur en est ordinairement brunâtre, rougeâtre ou verdâtre plus ou moins foncée, ailleurs tout à fait blanche, et alors soit opaque, soit presque transparente. L'ensemble est le plus souvent filamenteux, enchevêtré, mais d’autres (1) Le cas est cependant plus rare qu’on ne le pense généralement. Voir, pour la nécessité des cultures successives, pour revenir à un type donné, les observations de M. J. Ray sur le Sterigmatocystis bicolor. (Ray, Variations des Champignons inférieurs sous l'influence du milieu, Rev. gén. de Botan., 1897). ô LOUIS PLANCHON. fois granuleux et plus où moins pulvérulent, d’autres fois encore comme gélatineux (1). Les semis d'origine ont été faits avec des liquides quel- conques pris un peu au hasard, à Montpellier ou à Paris dans les laboratoires de l'École de pharmacie, chez des pharmaciens ou chez des particuliers. La composition de ces liquides était des plus variées : eaux distillées (2), acides (3), sels de potassium (4), de sodium (5) ou autres (6), sels doubles ou mélangés (7), solutions nutritives de com- position connue (8), corps spéciaux (9), etc., en tout environ une centaine de solutions diverses, choisies parmi celles dont les végétations variaient le plus d'aspect extérieur. 2. -— SÉPARATION DES ESPÈCES a. — Milieu-type. — Le moyen le plus pratique pour obtenir des cultures pures à été l’emploi de la pomme de terre acide comme substratum. Cette pomme de terre sera aussi le milieu-type auquel il faudra revenir pour contrôler l'exactitude des observations. (1) Il faut noter aussi que certains liquides, en apparence limpides, con- tiennent des spores incapables de germer en ce milieu, mais vivantes et qui, transportées sur un substratum nutritif, se développent rapidement. On retrouvera ce fait à propos des cultures en milieux stérilisés. (2) De menthe, de tilleul, de mélisse, de cannelle, de fleurs d'oranger. de niaouli, de spilanthes fusca. de valériane, de roses. (3) Citrique, tartrique, borique, glycérophosphorique, gallique, cafétan- nique. (4) Bromure, azotite, oxalate neutre, ferrocyanure, sulfate, liqueur de Fowler. * (5) Bromure, iodure, chlorure, hyposulfite, arséniate, carbonate, acétate, tartrate, glycérophosphate, phosphate acide, liqueur de Pearson. (6) Chlorure d’'ammonium, molybdate d'ammonium, tartrate, sulfate de magnésium, chromale de strontium, glycérophosphate, lactophosphate, bi- phosphate de calcium, sulfate d'aluminium, chlorure de baryum, etc. (7) Alun, sulfate d'ammoniaque et de fer, tartrate de sodium et sulfate de plomb, glycérine avec sulfate de baryum, chlorhyÿdrate de cocaïne et acide borique, sirop de morphine avec acétate d'ammoniaque. (8) Eau glycérinée, glucose, sucre interverti, mannite, dextrine, gomme arabique. (9) Gaïacol, créosole. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 9 Évidemment la constitution chimique d'un pareil milieu n'est pas fixe (saison, grosseur, variété). Mais il faut un milieu solide ; or les milieux solides ont une constitution presque toujours variable, et ceux que l’on emploie d’ordi- naire en bactériologie (gélatine, gélose, etc.), sont ici moins bons comme substratum, surtout si la culture doit se pro- longer. La pomme de terre offre plusieurs avantages : La préparation et la stérilisation en sont faciles. Elle constitue un bon milieu nutritif qui plaît à presque toutes les espèces. Elle permet la séparation facile des colonies ou des mycé- liums qui se distinguent bien sur sa couleur et s’enlèvent lacilement grâce à sa consistance. Elle donne au fond du tube où elle a été stérilisée un liquide, nutritif aussi, et où l'espèce étudiée, prend des caractères particuliers. _ Elle se conserve assez longtemps sans se dessécher si on a soin de capuchonner le tube. b. — Préparation du milieu-type.— Les pommes de terre coupées sont immergées pendant vingt minutes (ou une demi-heure au plus) dans de l’eau disuillée acidulée avec 1 p. 100 d'acide sulfurique (1). La préparation ultérieure et l’'ensemencement se font comme pour les cultures bactériologiques (2). Le semis devra _ être fait en plusieurs tubes et avec des parties diverses de la végétation (surtout si elles diffèrent d'aspect, de couleur, (1) Une proportion plus forte d'acide ou une immersion trop prolongée altèrent la pomme de terre, et les champignons se développent mal. Dans les conditions indiquées, au contraire, la végétation se fait très bien et l'acidité du milieu entrave ou empêche le développement des bactéries qui __abondent dans tous les liquides essayés et envahissent rapidement les pommes de terre préparées par la méthode ordinaire, s'opposant au déve- loppement du champignon ou le modifiant profondément dans son aspect et même dans ses caractères intimes. Le procédé n'est d’ailleurs pas nouveau. (2) Les cultures en boîtes de Pétri, peuvent être utiles, mais sont moins pratiques dans le cas particulier, 10 LOUIS PLANCHON. de situation, etc.). Conserver toujours un peu de la moisis- sure primitive. c. — Purification des cultures. — Le semis se développe plus ou moins vite : vingt-quatre heures suffisent souvent ; parfois un temps beaucoup plus long est nécessaire. Les bactéries sont très rares grâce à l'acidité de la pomme de terre. Quant aux algues que l’on dit fréquentes dans les solu- tons, le mode de culture semble les éliminer complètement. Les différences dans la rapidité de développement des champignons obligent à ne pas abandonner trop vite les cultures primitives. Dès qu'une végétation apparaît, on la transporte dans un autre tube identique. Il faut ordinaire- ment de nombreux semis pour l'obtenir vraiment pure, et, sur ce point très important, on doit se méfier beaucoup des apparences. Une culture peut paraître pure parce qu'une espèce à pris rapidement l’avance sur les autres, mais plus tard, souvent plusieurs jours après, d’autres champignons ou même certaines bactéries (dont la multiplication n'a été que retardée par l'acide) se montrent cà et là, ou restent plus ou moins dissimulés sous la végétation et sont transportés avec elle dans tous les semis. Très souvent les cultures primitives conservées donnent au bout de quelque temps des espèces jusqu'à ce moment invisibles. La liste des organismes provenant ainsi d’une même solution peut être assez longue : 7 ou 8 quelquefois; c’est cependant l'exception. Une cause d'erreur assez fréquente est le développement sur la même pomme de terre de plu- sieurs formes d'une même espèce : la continuité des élé- ments, mise surtout en lumière par les cultures en cellule, permet d'établir l'identité. On conservera donc pendant quelque temps la culture primitive sous peine de ne voir qu'une partie des plantes contenues dans la solution. Cette séparation des espèces est très longue et très minutieuse, mais absolument essentielle, car la pureté de la culture estla base même de tout le travail. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 11 Dès qu’une espèce paraît bien pure, on note avec soin les caractères qu'elle à sur ce milieu-type, auquel on devra revenir plus tard. 3. — CULTURES SUR MILIEUX STÉRILES Une série d'opérations commence alors ; il faut : 1° Choisir les milieux de culture. 2° Les préparer. 3° Ensemencer ces milieux purs et stérilisés. 4° Les mettre dans les meilleures conditions pour le développement des semis. 5° S'assurer que la végétation obtenue appartient bien à l'espèce semée. a. — Choix des milieux. — Ceux-ci devaient être : nom- breux pour augmenter les chances de variation ; très diffé- rents les uns des autres pour la même raison ; les mêmes pour chaque espèce essavée afin d’avoir des résultats com- parables ; absolument stériles pour n'avoir que l'espèce typique ; faciles à ensemencer, à examiner et à conserver purs après l'usage. Les semis ont été faits sur environ 80 milieux dif- férents : Les uns so/ides : pomme de terre (milleu-type), carotte, fragments de bois de peuplier blane, gélose nutritive (avec peptone et chlorure de sodium suivant la formule ordinaire employée en bactériologie), gélatine nutritive (mêmes observations), moût de bière gélatiné (employé avec succès par Laurent et autres pour les cultures de cham- pignons). Les autres /iquides, comprenant : 1° Des solutions identiques à celles d’où J'étais parti, pour me rapprocher le plus possible des conditions normales. 2° Des solutions de substances à réactions très diffé- rentes, telles par exemple que la soude à 1 p. 100 et l'acide sulfurique faible (1 p. 100). 12 LOUIS PLANCHON. 3° Des substances de composition voisine, mais différant par un point, la proportion de base par exemple (acide gly- cérophosphorique et glycérophosphates mono et disodique). 4° Des sels assez nombreux de Ia même base (sodium). 5° Des liquides très riches en substances nutritives (bouillon peptonisé), d'autres très pauvres (eau distillée). 6° Des substances toxiques (arséniate de sodium). 1° Des alcaloïdes (quinine). 8° Des substances complexes (liquide de Raulin). 9° Des substances spéciales (gomme, dextrine, etc., ete.) Une première série de solutions ou milieux solides (une cinquantaine) comprend : Pommes de terre, carottes, bois, gélose, gélatine, moût gélatiné. Bouillon, mannite (5 p. 100), sucre interverti, eau olyvcérinée (10 p. 100), gomme fsolution assez épaisse), dextrine (10 p. 100), eau distillée pure. Eaux distillées de cannelle, mélisse, menthe, oranger, rose, tilleul. Acides borique (5 p. 100), citrique (1), gallique (1 p. 100), sulfurique (1 p. 100), tartrique, glycérophosphorique (5 p. 100). | | Soude {1 p. 100). Glycérophosphates mono et disodique (5 p. 100), biphos- phate de calcium, lactophosphate de calcium, phosphate acide de sodium (5 p. 100). Liquide de Raulin. | Chlorure (5 p. 100), bromure (5 p. 100), iodure (5 p: 100), ”arséniate (1 p. 100), carbonate, acétaie de sodium. Arsénite (1 p. 100), ferrocvanure de potassium, alun. Chlorure d’ammonium (5 p. 100), sulfate de magnésium, chlorure de baryum. | (4) Les solutions dont la proportion n'est pas indiquée sont des solutions de laboratoire variant de 5 à 10 p. 100, et dans lesquelles des moisissures s'étaient développées et avaient servi aux semis d’origines. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 12 Sulfate de quinine {1 p. 100), chlorhydrate de cocaïne (1: p. 100). Créosote (0,50 p. 100), garacol (0,50 p. 100). Plus tard, les quatre espèces choisies pour une étude plus approfondie ont été ensemencées sur une nouvelle série de milieux : 1° Milieux solides (pommes de terre, bois, fragments d'éponge), imprégnés par macération de liquides ayant donné les résultats les plus intéressants (acide gallique, acétate de sodium, glycérophosphate monosodique, man- nite, etc.). 2° Quelques solutions à des doses diverses pour étudier l'action de la viscosité plus ou moins grande ou de la pro- portion de substance minérale. 3° Quelques milieux nouveaux, Voisins par leur composi- tion ou leur fonction chimique de ceux que la première expérience avait montrés intéressants. On a ainsi constitué les milieux suivants (une quaran- taine) : acétate de sodium à 1! à 5 et à 10 p. 100, soude à 0,25 et à 0,50 p. 100, acide gallique à 0,50 p. 100 et à 1 p. 100, dextrine à 5 et à 20 p. 100, mannite à 1. à 5 et à 10 p. 100. Acide pyrogallique à 1 p. 100, tannin à 1 p. 100, acide picrique à demi-saturation, liqueur de Fowler normale, à demi-dose et à dose double d’arsénite de potassium, sucrate de chaux à saturation, urée (2 p. 100), glucose (5 p. 100). gomme à 3 consistances, eau distillée de cannelle ordinaire et étendue de moitié. Avec quelques-unes de ces solutions et avec le glycéro- phosphate monosodique, on a de plus imprégné, par macé- ration, 3 substances solides : pommes de terre, bois, éponge. | : b. — Préparation des milieux. — Elle est des plus simples. Les cultures sont faites en tubes à essais, assez grands, bouchés au coton et stérilisés à l’autoclave si le milieu le permet. S'il y a danger d'’altération, on emploie les chauffages successifs à 70°. En tout cas, 1l est bon de 14 LOUIS PLANCHON. conserver longtemps les tubes avant l'usage, car le déve- loppement des organismes peut être très lent dans les milieux chimiques. c. — Ensemencement. — Il n'offre d'ordinaire aucune difficulté. Toutes les précautions seront pÈRES comme pour les cultures bactériologiques. Quel que soit le nombre de tubes à ensemencer, il faut que l'opération soit faite en une fois et avec le même tube. On peut d’ailleurs, quand on à un semis à faire, ensemencer d'abord une boîte de Pétri, qui donnera, sur une large surface, une quantité suffisante du champignon. d. — Gonservation des semis. — Elle doit être longue. Il est vrai que diverses espèces se multiplient assez vite, et qu'il est bon de ne jamais perdre de vue les semis. Mais cela est vrai, surtout pour les cultures sur milieux nutritifs ou spécialement favorables: sur d’autres, au contraire, le champignon végète très lentement, et l’on doit attendre plusieurs semaines ou même plusieurs mois. On évitera les excès de sécheresse ou d'humidité, et en hiver on laissera à l'étuve à 27 ou 28°. %, —— SEMIS DE CONTROLE C’est la dernière opération. On à vu plus haut qu'elle consistait à semer un fragment de la culture de chaque tube sur le milieu-type, c'est-à-dire sur une pomme de terre acide, sur laquelle doivent se retrouver, apres un temps variable, les caractères de la culfure-type. Ce dernier point une fois acquis, on est autorisé à considérer la forme décrite, comme appartenaut bien au champignon étudié : tant qu'il reste douteux ou manque, on ne doit tenir aucun compte de la culture suspecte. | Le semis de contrôle et même lexamen microscopique doivent être faits, alors même que le tube de culture semble ne contenir que de petits fragments du semis primitif, ou même à peu près rien. En effet, l'étude microscopique INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 15 mettra souvent en évidence, soit un commencement de développement arrêté, soit un aspect spécial du mycélium ou des spores, soit des formes de résistance (enkystement, cutinisation, ete.) souvent très intéressantes; le semis de contrôle montrera si les spores, longtemps plongées dans le milieu étudié, ont pu, sans s y développer, y conserver leur vitalité, en restant à l’état de vie latente. Je reviendrai plus loin sur ce point. 5. — CULTURES EN CELLULES Les résultats obtenus et sur lesquels je vais insister, doivent être complétés sur quelques points : l’on peut employer pour cela les cultures en cellule sur des milieux très divers, dont les premières observations ont montré l'action. C'est une méthode qui donne en général d’excel- lents résultats. Mais en l'espèce, l'utilité en est res- treinte. En effet, le champignon, cultivé dans une simple goutte- lette du liquide en sort d'ordinaire très rapidement, et perd aussitôt dans l’air bien des caractères qu'il avait pendant la submersion. Ainsi, un mycélium stérile a des formes enkystées lorsqu'il est plongé dans une solution d'acide sallique par exemple, et se développera en filaments fruc- tifères si on le cultive en cellule dans une goutte de cette même solution. Il faut donc, sans négliger cette méthode importante, la soumettre toujours à un contrôle sévère. Un excellent milieu pour eultiver en cellule, est l'eau qu'on prend au fond d'un tube où un fragment de pomme de terre a été stérilisé à l’autoclave. Tous les champignons expérimentés s’y sont très bien développés. C'est ce liquide qui sera désigné plus brièvement sous le nom d'eau de pomme de terre. 16 LOUIS PLANCHON. LIL -— RÉSULTATS GÉNÉRAUX f. —— PRINCIPAUX GENRES OBTENUS La fréquence de certaines espèces est remarquable; elle était d’ailleurs prévue : tout champignon susceptible de vivre ou de se développer dans l’eau, et doué d'une grande force de résistance aux agents chimiques devra dominer dans cette liste : or c'est justement le cas des moisissures vulgaires. Je n'ai point ici le désir de donner même une idée de la flore mycologique des solutions chimiques : cette flore doit d’ailleurs varier avec les pays, avec les germes de l’air. Voici cependant les genres principaux observés çà et là, et souvent sans détermination spécifique. Le Penicillium glaucum (soit le type ordinaire, soit la forme crustaceum) est de beaucoup l'espèce la plus fréquente. Sur une centaine de solutions ensemencées, Je l’ai obtenue plus de soixante fois. Cette fréquence que j'avais déjà notée (1) a été signalée de nouveau par M. Guéguen (2), qui s’est livré récemment à des recherches sur les organismes mycéliens des solutions pharmaceutiques. Il à conclu que les Hygrocrocis se rattachent à deux où trois genres très répandus et le plus souvent au Penicillium glaucum dontil a fait l'étude spéciale. Il croit que ces Âygrocrocis sont formés par l’associaüon du Penicillium glaucum et d’un Hormodendron, qui prédominent l’un ou l’autre sur tel ou tel milieu. L'auteur, dans de nombreuses recherches, n’a trouvé, en dehors des deux espèces ci-dessus, que : deux fois des Mucorinées, deux à trois fois des levures, deux fois des genres voisins du Peniculium (Aspergillus et Sterigmato- (4) Sur la fréquence du Penicillium glaucum Link dans les liquides chimiques et pharmaceutiques altérés (Journ. de Pharmacie et de Chimie, 1898, t. I, Den). (2) Guéguen, Recherches sur les organismes mycéliens des solutions pharma- ceutiques. Etudes biologiques sur le Penicillium glaucum (Bull. de la Soc. mycol. de France, 1898-1899). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 17 cystis). Pour lui « le Penicillium glaucum associé à un Hormo- dendron semble se développer dans les solutions à l’exclu- sion presque complète des moisissures voisines », Cette conclusion me paraît trop absolue : si le Penicillium glaucum est de beaucoup le champignon le plus commun dans ces conditions, ainsi que Je l’ai montré moi-même, si le Cladosporium herbarum (ou la forme qui est l'Hormo- dendron de M. Guéguen) est assez fréquent aussi, la flore des solutés n’en reste pas moins très riche, et l’on augmen- terait facilement la liste des espèces en multipliant les cul- tures. Le Penicillium a été obtenu des liquides les plus variés. Il se développe très vite dans les cultures et on lv croirait souvent seul, si l’on jetait le tube aussitôt après déter- mination. De plus, tandis que d’autres moisissures sont souvent spécialisées géographiquement, le Penicillium se présente abondamment toujours et partout (1). Les Aspergillus et Sterigmalocystis viennent ensuite. Les cultures les ont donnés une trentaine de fois. Il est vrai qu 1c1 les espèces sont bien plus variées. Le S'erigmatocystis nigræ s'est présenté à lui seul une dizaine de fois. Le S. nidulans semble assez fréquent aussi. Le groupe des Dématiées est l’un des mieux représentés: Cladosporium, Dematiun, Alternaria, Macrosporium et genres voisins, Ceratostoma, etc., abondent dans les solu- tions. Ils y prennent des formes très variables et constituent un sujet d'étude intéressant, à cause de leur plasticité. La _ partie spéciale de ce travail leur sera consacrée. Les formes-levures se montrent très fréquemment. Les unes ovales ou arrondies, végètenten levures quel que soit le milieu, les autres apparaissent comme des formes spéciales d'espèces connues et ne tardent pas, soit sur d'autre milieux, (1) Il paraît tout à fait ubiquiste. En effet, c’est lui que m'a donné une eau distillée de niaouli préparée en Nouvelle-Calédonie, el qui n'avait pas été débouchée en France; c'était une forme corémiée très fréquente de ce champignon, et tout à fait identique à nos Penicillium européens. ANN: SC. NAT. BOT. XI, 2 si 18 LOUIS PLANCHON. soit sur la pomme de terre même, à se transformer en Alternaria, en Dematium pullulans, etc. (1), ou à donner de petits sclérotes durs et résistants. En tout easil est à remar- quer que plusieurs champignons prennent fréquemment cet aspect lorsqu'on les cullive sur pomme de terre au sortir des milieux chimiques. Je reviendrai plus tard sur ces formes-levures. | Les Cephalosporium roses ou blancs ont été trouvés une dizaine de fois : ils constituent une des plus fréquentes moisissures des solutions. Viennent ensuite, observés encore plusieurs fois, des Verticillium, des Fusarium, des Mucor (ii est à remarquer que le /?hizopus nigricans ne s’est jamais trouvé spontané- ment), des Oospora intéressants (dont l'un a la propriété de bleuir fortement la pomme de terre sur laquelle on le cultive et où il prend l'aspect d’une sorte de dépôt crayeux), le Fri- choderma viride, le Cephalothecium roseum, V'Acrostalagmus cinnabarinus, etc., etc. Enfin quelques genres n'ont été rencontrés qu'une fois : Chætomium, Bothriotrichum, Spicaria, Amblyosporium (?) ; quelques moisissures n'ont offert aucune fructification permettant une détermination générique. | Il est évident que si les semis étaient multipliés encore, on obtiendrait non seulement les genres ci-dessus qui reste- raient sans doute les plus fréquents, mais beaucoup d'autres. Il eut été intéressant de noter quelques faits généraux au sujet de l’origine de ces champignons et de voir, par exemple, si les végétations des liquides à réaction acide ou des solutions de telle ou telle base, donnaient plus souvent certaines espèces. Il ne semble pas qu'on puisse dégager aucune règle à cet égard : la même plante provient des milieux les plus variés. Ce qui peut être plutôt vérifié, c'est (1) De Bary, Lœw, Cuboni, Brefeld, etc., etc., ont signalé des formes- levures chez des champignons appartenant aux groupes les plus divers (Hyphomycètes, Ustilaginées, Basidiomycètes, etc.). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES, 19 que le même champignon se retrouve dans la plupart des solutions d'un même laboratoire : c'était d'ailleurs chose à prévoir (1). 2, — ESPÈCES ÉTUDIÉES C’est dans cette liste encore très incomplète qu'ont été prises, un peu dans chaque groupe, une vingtaine d'espèces sur lesquelles ont été faites les observations générales. Ces vingt espèces sont : Deux À/fernaria, l’un donnant des pycnides, l’autre non ; Cladosporium herbarum Link, Dematium pullulans de Bary {on verra plus loin qu'il y a lieu de séparer ces deux espèces), un autre Dematium, un Ceratostoma très analogue au C. caulcola Fuck., mais donnant des pycnides et non des périthèces, deux formes-levures roses, deux formes-levures blanches, une forme-levure brune, Penicillium glaucum Link (variété donnant très abondamment des selérotes), Sterigma- tocystis rnigra N. Tiegh., Srerigmatocystis nidulans, Cepha- losporium roseum Oud., Trichoderma wride Pers., Cephalos- thecium roseum Corda, Acrostalagmus cinnabarinus Corda, un Oospora, un Mucor. _ Une deuxième série de cultures à été faite ensuite. mais seulement avec les quatre premières espèces de cette liste. On a vu, en effet, que de toutes les moisissures en expérience, les Dématiées se sont montrées les plus aptes à varier. C'était donc sur elles que devait porter l'étude plus approfondie que je me proposais de faire. Les espèces en étaient d’ail- leurs peu nombreuses, mais il semblait qu'elles fussent parmi les plus fréquentes dans les solutions. J'ai donc étudié : 1° Un A/fernaria donnant comme modes de reproduction des formes-levures, des pycnides, des spores en massif. Je (1) Ainsi la forme-levure du Dematium pullulans s’est rencontrée dans plusieurs flacons du laboratoire de M. le professeur Villiers, et, à une exception près, n’a été retrouvée que là. D’autres, au contraire, se sont montrées fréquentes quelle que fût l’origine du liquide, en dehors même du Penicillium. 20 LOUIS PLANCHON. n'ai trouvé nulle part la description de cette espèce pour laquelle je propose le nom d° A/ernaria polymorpha en raison de la multiplicité des formes qu’elle peut présenter. 2° Un Affernaria distinct du premier, à spores en mas- sif plus différenciées, mais ne présentant à peu près aucun autre mode de reproduction. Cette espèce est assez plas- tique pour pouvoir être désignée sous le nom d'A. varians. Ces noms n’ont l’autre prétention que de faciliter la des- cription, et les plantes se rattachent évidemment à des espèces d’Ascomycètes qui sans doute seront plus tard déter- minées. | 3° Le Cladosporium herbarum Link, c’est-à-dire la plus vulgaire des Dématiées et peut-être la plus étudiée. Mais cette espèce a été très diversement comprise par les auteurs, etle mode de culture auquel elle a été soumise ici peut per- mettre de se faire une opinion sur sa valeur et sur sa variabilité. 4° Le Dematium pullulans de Bary, autre espèce dont les limites et même l'existence sont très disceutées. Le poly- morphisme de cette plante, sa fréquence au milieu d’autres champignons l’a fait souvent confondre avec des espèces voisines. Il était donc important d'éclaireir quelques points de son histoire. 3. — VITALITÉ ET DÉVELOPPEMENT DES CULTURES Avant d'entrer dans l'étude des formes et des variations microscopiques, il faut jeter un coup d'œil d'ensemble sur les cultures et voir comment elles se sont comportées. Les constatations ont été faites après six mois. Quatre cas peuvent se présenter : 1° Le semis n'a pas poussé et a péri (1) ; 2° Le semis n’a pas poussé, mais n'a pas péri ; 3° Le semis à poussé, puis a péri; (4) Les résultats négatifs pouvant être accidentels et Lenir à un défaut dans l’opération, il faut toujours renouveler l’expérience. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 2 4° Le semis a poussé et n'a pas péri; 1° Cas. — Rien n apparaît d&ns le tube ensemencé et le semis de contrôle ne donne rien. Quelques milieux se sont montrés tout à fait rebelles à certaines espèces. Ainsi, l’eau distillée de cannelle, certains acides (glycérophosphorique, sulfurique, borique, salicy- lique, etc.), la soude à 1 p. 100, l’alun, la liqueur de Fowler. En général, les champignons qui poussent dans ces milieux ne tardent pas à y périr. Mais les exceptions sont nombreuses. 2° Gas. —- Bien plus rare que le premier. Le champi- gnon ne se développe pas ; le tube paraît ne rien contenir ou à peu près: mais, au semis de contrôle, l'espèce se montre avec tous ses caractères. Le semis primitif s'est donc conservé vivant sans germer ni proliférer : on le retrouve intact au microscope. Cette conservation de la vitalité n’esi pas toujours en rapport avec une forte cutinisation : cer- taines levures la possèdent. Elle est importante, car elle peut expliquer des résultats en apparence contradictoires. En effet, la méthode qui consiste à prélever dans les flacons d'origine des fragments du végétal, à les semer aseptique- ment sur milieux stériles, à déterminer les espèces obte- nues et à leur attribuer la production des filaments observés dans le liquide, est évidemment sujette à caution ; il se peut très bien que les filaments nageant dans la solution aient perdu à la longue leur vitalité (Voy. 3° cas), tandis que des spores non développées et peu visibles, mais vivantes, sont l'origine réelle de la végétation obtenue. Le système suivi iei et qui consiste à porter dans les milieux chimiques stériles des espèces pures en contrôlant les résultats par un semis qui doit reproduire le premier, semble donner au contraire une certitude absolue. Une dizaine de milieux ont présenté ce phénomène pour une, deux, ou plus rarement, trois espèces. Ainsi, le 772- choderma viride s’est conservé dans le phosphate acide et l’arséniate de soude, le chlorure de baryum, les alcaloïdes; 22 LOUIS PLANCHON. le Sterigmatocystis nidulans, dans l’acide gallique, l’alun, la quinine, etce., etc., le Cephdlothecium roseum, le Cladospo- rium herbarum, V'Acrostalagmus, le Ceratostoma, etc., se sont aussi conservés dans quelques rares milieux. 8° Gas. — Le tube contient une végétation parfois très abondante, mais le semis de contrôle reste stérile (1). Le tait est assez fréquent. (Je rappelle que les essais de con- trôle ont été faits après six mois.) C'est le cas de l'eau de cannelle et de la liqueur de Fowler pour tous les semis qui ont poussé dans ces liquides. C'est le cas ordinaire pour la soude à 1 p. 100, l'acide glycérophosphorique, l'acide bori- que, l’iodure de sodium, etc. C’est Le cas fréquent aussi pourle Cladosporium dans les milieux acides, pour le Dematium dans les milieux alcalins. Au microscope, on peut souvent constater des signes de dégénérescence (huile, granulations, renflements mycéliens, elc.). 4° Cas. — La végétation typique est reproduite par le milieu de contrôle. En comparant les résultats d'ensemble, on est frappé de la prédominance énorme de ce dernier cas sur les autres, en dehors même des milieux vraiment nutri- tüifs, et la conclusion s'impose que la plupart des champi- gnons inférieurs ont une aptitude merveilleuse à se plier aux conditions d'évolution les plus mauvaises. Il est vrai que beaucoup de corps chimiques sont utilisables par les plantes et entrent, par exemple, dans la constitution des engrais, mais ce n’est pas le cas général et l’on se demande comment ces végétaux peuvent se contenter d'aussi maigre nourriture. Îl en est qui, ne pouvant se développer dans le milieu même, trop défavorable, ont poussé sur les parois du verre, hors de l’eau, n'ayant évidemment pour se nour- rir que la vapeur d’eau qui remplit le tube, et plus d'une fois la fructification s’est faite dans ces conditions. L’eau distillée pure rentre tout à fait dans le 4° cas. En dehors des levures que je ne considère pas ici, J’ai semé dans l’eau (41) Renouveler l'épreuve pour les mêmes motifs que ci-dessus. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 23 14 espèces dont aucune n'a péri (sauf à ja longue le C'/ados- porium). Toutes les eaux distillées ont agi de même, sauf celle de cannelle ; le bromure de sodium à 5p. 100 n'a laissé mourir aucune espèce : le chlorure est dans le même cas. Des corps paraissant peu utiles ou nuisibles ‘{créosote, gaïacol, ferrocyanure de potassium, sulfate de magnésium, alcaloïdes, etc.) ont donné des résultats positifs au semis de contrôle pour presque toutes les espèces (1). On trouve évidemment de grandes différences dans la vigueur des végétations et dans l'aspect de la culture. Sans doute, à côté de flocons luxuriants se trouvent des termes de passage avec la seconde catégorie : mais, en somme, la plante a poussé et résisté. Dans certains cas, elle s’est défen- due en épaississant ses parois, en constituant des formes de résistance, cutinisées ou non. Aïlleurs, sa vigueur naturelle a suffi. Parfois, elle a pu gagner la surface du liquide et y fructifier abondamment. D'autres fois, enfin, l'influence du milieu se fait sentir en empêchant toute fructification. D'une façon très générale, les végétations immergées sont souvent stériles, et 1l est intéressant de constater, en jetant un coup d'œil sur le relevé des cultures dépourvues de tout organe de reproduction, que presque tous les milieux ont présenté des cas, ou au moins un cas de ce genre. Il semble cependant que certains liquides s'opposent plus que d’autres à la production de spores ou d'organes de repro- duction, tout en permettant à la plante de pousser. De ce nombre sont, par exemple, le ferrocvanure de potassium et quelques eaux distillées. Il est des milieux qui semblent s'opposer à la cutinisa- tion et chez lesquelsle mycélium, ordinairement coloré, reste plus ou moins blanc. Le ferrocyanure de potassium, le (4) Chose assez singulière, les milieux nutritifs riches comme la gélose, la gélatine, etc., semblent quelquefois conserver moins longtemps la vita- 5 Ù , D lité de certaines espèces qui s’y sont d'abord très bien développées. La dessication de la surface peut être pour beaucoup dans ce fait, mais il se peut aussi que l'épuisement rapide par une végétation d'abord vigoureuse en soit cause en partie. 24 LOUIS PLANCHON. chlorure de baryum, le phosphate acide de sodium, beaucoup d'eaux distillées et certains milieux nutritifs (gélose, géla- tine, bouillon, etc.) ont cette propriété à des degrés divers. Mais l’action générale et spéciale de chaque milieu ou groupe de-milieux fera l’objet d’un chapitre à part. 4. —- ACTION GÉNÉRALE DES MILIEUX EMPLOYÉS Pour éviter d'inutiles répétitions, cette étude sera faite après la partie spéciale, comme une sorte de résumé por- tant non seulement sur le groupe des Dématiées, mais sur l’ensemble des champignons mis en expérience. D. —— VARIATIONS GÉNÉRALES DES CHAMPIGNONS ÉTUDIÉS Les champignons inférieurs subissent dans les milieux chimiques de nombreuses modifications (1) qui seront étu- diées avec soin pour quelques espèces dans la partie spéciale. On doit se borner ici à une vue d'ensemble sur les causes de la variation et les modifications générales que subissent soit la plante entière (gélification, eutinisation, etc.), soit l'appareil végétatf, soit enfin l'appareil reproducteur. : a. — Causes de variation. — Les modifications tiennent ici à plusieurs causes : À. — Immersion dans un liquide et par conséquent : 1° Action de l’eau: | 2° Manque d'oxygène. (1) L'influence des milieux, du substratum sur la plupart des caractères de certains champignons, a été souvent mise en évidence : récemment encore M. Ray, en étudiant à ce point de vue, sur des milieux nutritifs, le Sterigmatocystis qu’il décrit sous le nom de bicolor, a montré que les carac- tères dont se servent les mycologues peuvent disparaître tous : dimen- sions, coloration, forme, etc., etc. Les spores sont restées identiques. (J. Ray, Variations des Champignons inférieurs sous l'influence du milieu(Rev. gén. de bot., 1897). — De son côté, M. Wasserzug avait obtenu sur un Fusoma des modifications complètes, même sur les spores (taille, forme, nombre des cellules, etc.). (Wasserzug, liecherches morphologiques el physio- logiques sur un Hyphomycète (Ann. de l’Inst. Pasteur, 1888.) INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 25 B. — Action générale des éléments dissous qui peuvent Cure 1° Nutritifs : 2° Toxiques ; 3° Insuffisants pour maintenir la vie: 4° Neutres, acides ou basiques. C. — Actions physiques diverses : 1° Éclairage ; 2° Température ; 3° Agitation (1), etc. Immersion. — Une seule de ces diverses causes suffirait à expliquer les changements morphologiques. Ainsi 1l existe des champignons aérobies et anaérobies et l’on sait que, déjà chez les levüres, la privation d'oxygène amène des changements profonds. Des formes mycéliennes bizarres, des modifications dans la position ou l'aspect des conidies se produisent dans ces conditions. Mais la part d'influence de chaque cause est souvent difficile à délimiter. La végé- tation en filaments moniliformes par exemple, parfois attribuée à l'immersion, s’est produite dans certains liquides seulement, en sorte qu'il est peut-être difficile d'admettre, comme on l'a fait, une forme aquicole pour chaque espèce, el moins encore une forme aguicole générale pour les cham- pignons d’un même groupe. La vraie forme aquicole est celle que prendrait le champignon dans l’eau pure bien aérée. Dans les solutions, l’action du milieu s'ajoute toujours plus ou moins à celle de l'immersion et de la privation d'oxygène. On peut cependant faire une distinction à cet égard, en comparant dans un même tube de culture les parties #7mer- _gées dans le liquide {flocons ou dépôt), et les parties &ner- gées, s'élalant à la surface ou s’élevant le long des parois. Les deux subissent l’action de la substance dissoute, les pre- mières sont soumises en plus à l'influence de l'immersion et de la vie sans air. Il est fréquent que des différences se (1) J. Ray, loc. cit. 26 LOUIS PLANCHON. montrent alors nettement, soit dans l'appareil végétatif qui, immergé, devient d'ordinaire plus pâle, plus rameux, plus plus toruleux, soit dans l'appareil reproducteur qui diminue d'importance ou même disparaît, et peut en tout cas perdre ses caractères normaux. Les /ormes immergées sont souvent les plus intéressantes, parce qu'elles s'éloignent davantage du type normal et parce qu'elles constituent le point de départ de cette étude : en effet, dans les laboratoires, les liquides envahis sont sou- ventagités, pris et remis en place, filtrés dès qu'ils s’altèrent; les spores s’y développent donc plutôt dans le liquide, car les filaments ne peuvent s’étaler librement à la surface. Si le semis est spontané, le nombre des spores qui se développent dans un flacon est faible, et les végétations sou- vent peu importantes. Dans les expériences, au contraire, on sème dans une quantité très restreinte de liquide {(quel- ques grammes) une quantité de spores forcément très grande. Je n'ai pas à insister ici sur l'importance de la richesse du milieu en matières nutritives, importance capitale pour tous les végétaux. Les champignons ne sauraient faire exception. Les expériences à cet égard sont démonstratives et datent déjà de loin. Le travail classique de Raulin (1) sur le Sterigmalocystis nigra (Aspergillus niger), a montré que la moindre modification dans la composition du milieu se traduit par un changement important dans la vigueur du végétal. Les substances dites foxiques n’ont pas toujours la même action sur les plantes que sur les animaux. L'étude de la toxicité des liquides employés se trouvera résumée dans le chapitre final sur l’action générale des milieux. Il en est de même de la question de l'acidité. Enfin l'influence des agents physiques divers (éclairage, température, agitation, etc.) n’a pas été étudiée ici, toutes (1) J. Raulin, Études chimiques sur la végétation (Ann. des Sc. nat., 5° sér., vol. XI, 1869). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 27 si les cultures ayant été faites parallèlement et dans des condi- tions physiques identiques. Variation par succession de génération. — I} arrive assez souvent qu'une espèce longtemps cultivée perd ses carac- tères primitifs. Si l’on sème sur le milieu-type une végé- tation directement tirée des solutions, on obtient par exemple une forme-levure que l’on isole et que l'on cultive ensuite sur divers milieux. Il peut arriver que le semis de contrôle donne des flocons mycéliens blancs mêlés à la levure primitive, et qu'on prend pour une impureté, jus- qu à ce qu'une série d'expériences et de constatations mon- trent qu'ils appartiennent bien à la même plante. D'’autrefois, on fait sur pomme de terre type une série de semis successifs de la même espèce, et les derniers diffèrent sensiblement des premiers, soit pour le mode où l'abon- dance de la reproduction, soit pour l'aspect de l'appareil végétatif. C’est là un fait assez souvent signalé, et expliqué de facons différentes (1). Quelques générations suffisent alors pour rendre au végétal son allure primitive. Rien ne peut surprendre dans ce fait, d'ailleurs assez rare : un milieu capable de modifier un champignon au degré que l’on verra, peut aussi évidemment agir sur son évolution ultérieure. Variation par changement de milieu. — Une autre cause est le passage brusque d’un milieu pauvre à un milieu riche, passage qui pousse souvent le champignon à développer son mycélium aux dépens de l'appareil fructifère. C'est ce qu'a démontré de Seynes (2) à propos du Penicillum glaucum à spores roses que Trabut (3) avait trouvé dans le sulfate de cuivre. L’aptitude de ce champignon à former des conidies est très diminuée, non par l’action spéciale du (1) J. Ray, loc. cit. (2) J. de Seynes, Résultats de la culture du Penicillium cupricum Trabut (Bull. de la Soc. bot. de France, séances du 12 juillet et du 26 juillet 1895). (3) Trabut, Sur un Penicillium végétant dans des solutions concentrées de sulfate de cuivre (Bull. de la Soc. bot. de France, addit., séance du 14 déc. 1894, vol. de 1895, p. 33). 28 LOUIS PLANCHON. cuivre, Mais par ce passage immédiat dans un milieu de culture très riche, donnant aux phénomènes végétatifs une impulsion vigoureuse aux dépens de la reproduction. Je dois dire cependant que ces faits incontestables m'ont paru exceptionnels. Pour la vérification des expériences, J à toujours fait ce que j'ai appelé plus haut le semis de contrôle; j'ai donc porté sur le même substratum riche, la même espèce provenant des milieux les plus divers, et je dois dire que presque toujours les résultats ont été compa- rables. Pour chaque espèce j'ai eu parfois une grande diver- sité dans la vigueur du développement, quelques divergences aussi dans la rapidité d'évolution, très peu de différences profondes portant sur les organes de reproduction. Mais je parle 1e1 surtout des Dématiées que j'ai suivies de plus près et je n’entends pas généraliser. : Dose; durée des cultures. — S'appelle l'attention sur l’importance de deux éléments dans les expériences qui font le sujet de ce travail : 4° la question de la dose, du degré de Ja solution ; 2° la question de {emps. Si l'on ne se met pas à cet égard dans des conditions identiques, on risque d'obtenir des résultats déconcertants. Voici par exemple la culture de l'A /ernaria polymorpha dans les solutions d’acé- tate de sodium. Ce milieu n’est pas seulement pauvre, 1l est aussi véritablement nuisible. À dose faible (1 p. 100) il donne pourtant une végétation abondante, très normale, avec pycnides noires, innombrables stylospores, nombreuses spores en massif, filaments réguliers, etc. Mais dès qu’on augmente le degré de la solution {5 p. 100, 10 p. 100), les pycnides disparaissent, la plupart des filaments deviennent toruleux, stériles, laissant sortir leur sphère centrale hors de la eulicule; l’aspect est en un mot tout à fait différent. Voyons celte même espèce sur gomme : après un ou deux mois, les éléments divers qu’on rencontre (pycnides, etc.) sont très pâles, non cutinisés : pas trace d’A/{ernaria ; re- voyons le même tube après six mois : la préparation est riche en formes diverses de mycélium durable. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 29 Les exemples pourraient être multipliés : il suffit d’indi- quer la nécessité de se mettre toujours dans des conditions identiques. Aussi dans les résultats obtenus n’ai-je con- sidéré que les cultures âgées, ayant eu le temps de prendre sur les milieux leurs caractères définitifs. Les modifications du champignon s'expliquent donc fort bien. Elles portent sur des points très divers spécialement sur la forme des éléments (surtout végétatifs), leur cutini- sation plus ou moins forte, l'épaisseur de la membrane, la gélification, la couleur, les dimensions, la nature du contenu, l'apparition des nouvelles formes reproductrices ou la dispa- rition aes formes caractéristiques de l’espèce, l'enkys- tement ou la fragmentation du mycélium, la formation de levures, de fumago, ete. Donner sur les espèces spéciale- ment étudiées le détail de ces modifications, sera l’objet même de ce travail. Quelques faits généraux doivent seuls ici arrêter un instant l'attention. b. — Plasticité de certaines espèces. — La variabilité s’est montrée très différente suivantles groupes. Il faut rappe- ler que le milieu est surtout en cause ici et queles conditions physiques souvent si actives, de température, d'éclairage, d’agitation, etc., ont été laissées de côté. Dans les condi- tions spéciales de ce travail, les Mucédinées ont montré en général une grande fixité; les différences restent souvent minimes ; d’ailleurs bien des espèces ne se développent pas du tout dans nombre de milieux. Les Dématiées au contraire ont fait preuve à la fois d’une forte résistance aux agents chimiques et d’une grande facilité d'adaptation au milieu. C'est leur plasticité même qui m'a décidé à diriger de leur côté des recherches qui primitivement s’adressaient aux végétations quelconques des solutions et des hydrolats. Cette plasticité se fait sentir pour la moindre variation quelquefois. Sur pomme de terre, le Dematium pullulans donnera une levure ou un /umago suivant que le tube sera ou non recouvert d’un capuchon 30 LOUIS PLANCHON. de caoutchouc, ete. Quelquefois même on ne pourra que constater les faits sans leur trouver une explication plau- sible. Ce même Demnatium pullulans par exemple donne sur les eaux distillées en général des filaments cutinisés ou non, avec ou sans chlamydospores : sur l'eau distillée d'oranger, on ne trouve absolument que des levures grossies, ovales, souvent colorées, jamais unies en filaments. Il est inutile de mulliplier ici des exemples que l’on trouvera plus loin. ce. — Multiplicité ou spécialisation des formes sur un même milieu. — Certains milieux de culture, le milieu-type par exemple (pomme de terre) et d’une façon générale les mi- lieux fortements nutritifs (glycérophosphates, moût, etc.) . voient les champignons prendre sur eux des formes mul- tiples, simultanées ou successives. À ce point de vue l'étude d'une Dématiée dans une culture ancienne sur pomme de terre est fort intéressante. On y trouve l'espèce, sinon sous tous ses aspects, du moins avec des caractères très divers, que l’on peut revoir séparément sur d’autres milieux. Le- vures, fumago, conidies aériennes, chlamydospores, mycé- lium coloré on incolore, mycélium durable, passages fré- quents, non seulement d’une forme mycélienne à l’autre, mais de l'appareil végétatif à l'appareil reproducteur, etc., tout cela peut parfois être embrassé d'un coup d'œil dans une même préparation. On en trouvera de nombreux exemples. D’autres milieux au contraire semblent spécialiser les formes et impriment alors à l’espèce un cachet tout parti- culier. Ici la multiplication en levure se fera seule; là toutes les cellules se cutiniseront fortement, ailleurs le mycélium restera indéfiniment stérile et incolore ; tel milieu donnera la fructification typique du champignon dans la nature : tel autre modifiera le nombre, la forme ou la disposition des spores, elc. Il s'ensuit des différences d'aspect parfois si profondes que l’on supposerait facilement avoir fait fausse route et avoir affaire à une autre espèce accidentellement substituée, si cette forme, ici localisée, ne se retrouvait sur INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 31 les milieux à formes multiples, et si le semis de contrôle ne venait donner une certitude rigoureuse à l'observation, en ramenant constamment au type d’origine. d. — Convergence. — Cette spécialisation des formes, et la divergence qui en résulte, est peut-être moins curieuse encore que le caractère inverse de convergence offert par certains milieux pour des espèces différentes. Voici par exemple plusieurs espèces cultivées dans une solution d'acide gallique. Chez toutes, le contenu cellulaire se colore; la membrane s’épaissit fortement sans que la cutinisation augmente d'ordinaire ; les cellules ont une tendance à se séparer, ou à former de petits groupes d'aspect fumagoïde; la végétation, d'ailleurs peu abondante, reste presque tou- jours au fond du tube sous forme d’un dépôt granuleux ou très peu cohérent; enfin aucun organe reproducteur ne se montre.Si bien qu à l'examen microscopique même, il devient très difficile de reconnaître à quelle espèce on a affaire. D'ailleurs en dehors des Dématiées, d’autres champignons de groupes très divers prennent aussi cette forme spéciale. Ainsi le Sierigmatocyslis nidulans la présente dans ce milieu (1). En étudiant plus loin les aspects que prennent les Déma- tiées, des exemples de cette convergence de caractère se montreront : les formes fumagoïdes, les formes toru- leuses, les formes fragmentées, etc.; se retrouvent souvent chez des espèces diverses, immergées dans un même milieu. L'étude générale qui sera faite à la fin sur l’action des miiieux employés mettra aussi en évidence plusieurs de ces faits intéressants. (1) Les Mucédinées cependant sont en général moins modifiées. Dans les solutions de tannin qu’ils transforment d’ailleurs en acide gallique, le Peni- cillium glaucum et le Sterigmatocystis nigra se développent en un mycélium ordinaire, non enkysté. (Van Tieghem, Recherches pour servir à l’histoire phy- siologique des Mucédinées. Fermentation gallique (Ann. des Sc. nat., 5° série, tVIIL, p:240:) ss DA LOUIS PLANCHON. 60. — VARIATIONS DE L APPAREIL VÉGÉTATIF. Les variations obtenues ont porté principalement sur les organes végétatifs : mises dans des conditions anormales, les plantes se sont défendues par la formation de chlamw- dospores, par la cutinisation des parois et les modifications du mycélium, sa transformation en mycélium durable, en spores en massif, elc., c'est-à-dire en somme par la pro- duction d'organes reproducteurs dérivés directement du mycélium. a. — Modification de la paroi cellulaire. — Bien que je n’étudie pas ici la structure cellulaire intime des diverses espèces, Je dois parler de la membrane, car elle est profon- dément liée à la morphologie générale. Les deux modifiea- tions principales qui se produisent, sont la gélification et la cutinisation, qui peuvent porter aussi bien sur l'appareil végétatif que sur les spores. Elles sont surtout importantes chez les Dématiées. En outre les renflements mycéliens, l’abondance de la matière grasse, les fragmentations myeé- liennes, etc., sont aussi des faits généraux à examiner sommairement. La formation des chlamydospores peut aussi trouver place dans l'étude de l'appareil végétatif. Cutinisation. — La: formation d’une enveloppe dure et colorée est un caractère général de toutes les Dématiées. Mais ce caractère est sujet à de grandes variations. Le mycélium, sous l'influence de certains milieux (ferrocyanure par exemple) peut rester blanc dans son ensemble : des régions incolores persistent parfois entre des parties cutint- sées. Toutes les cellules enfin peuvent subir une subérifica- tion plus ou moins profonde et présenter à cet égard tous les passages. En général la cutinisation est en rapport d’une part avec l’émersion et d'autre part avec l’âge du filament, mais il est inexact que le séjour dans un liquide empêche tout à fait cette cutiriisation et qu'un temps très long soittoujours INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 33 nécessaire. Le milieu joue ici un grand rôle pour hâter ou pour retarder le phénomène. Parfois la cutinisation est extrême, la paroi complètement noire et inextensible et, dans certains groupes, les éléments sont tout à fait indis- tincts. La coloration des membranes au début de la cuti- nisation est à peine grisâtre, puis gris verdâtre, brune et enfin noire. Souvent les cellules se gonflent avant de se cutiniser. L’enveloppe peut rester simple, mais si la cutinisation devient forte, des zones s y montrent et souvent, comme on va le voir, la région moyenne tend à se transformer en mucilage. Ce qui frappe aussi dans ces espèces, c’est l’iné- galité de la cutinisation dans les diverses cellules d’un même filament, certains éléments étant destinés plus spé- cialement à défendre l'espèce contre le milieu et constituant ainsi des formes de résistance. _ Gélification. — La gélification de la paroi cellulaire, si fréquente dans la nature, semble, dans certaines conditions du moins, être un fait assez général chez les champignons. Dans les milieux d’origine, dans les flacons de laboratoire, les filaments sont parfois d'une viscosité extrême ; le même fait se rencontre dans les cultures pures. Dans le groupe des Dématiées le mucilage abonde. On voit par exemple les stylospores sortir des pycnides dans une masse mucilagi- neuse, elc. Cette gélificalion de la paroi cellulaire est aussi un moyen de défense contre le milieu. On la rencontre chez les cel- lules non cutinisées, souvent entourées d'une mince zone translucide, colorable par les réactifs. On la retrouve chez les cellules légèrement cutinisées. Elle se produit aussi, même si la cutinisation est très accentuée, mais alors c’est la zone sous-cuticulaire qui se gélifie et qui se répand au dehors, soit par les pores ou les fissures de la euticule, soit par de larges fentes produites par l'éclatement de l'enveloppe externe. Dans les cas extrêmes qui répondent à un état de dépérissement de la plante, les filaments apparaissent ANN. SC. NAT. BOT. XI, 9 34 LOUIS PLANCHON. comme entourés d’une épaisse atmosphère mucilagineuse un peu colorée (PI. [, fig. 8), et si les cellules voisines émettent abondamment aussi leur mucilage, il se forme des nappes gélatineuses, jaunâtres, cohérentes d’ailleurs et bien limitées et sur lesquelles sont étalés les filaments, ou sont piquées les cellules isolées (PI IV, fig. 15). Il arrive aussi que, la cuticule extérieure se laissant un peu distendre autour d'une courte série ou d’un petit groupe de cellules, on aperçoit par transparence 2 ou 3, quelquefois 4 cellules arrondies au milieu d’une enveloppe commune ayant vague- ment l’aspect d’une asque, sans que, bien entendu, aucun rapprochement vienne ici à l’esprit. C'est d’ailleurs une apparence rare, car cet état est passager : la cuticule se rompt bientôt et s'étale dans la préparation. Or, on rencontre dans les flacons des solutions chimiques des sortes de cellules brunâtres volumineuses et comme vidées, qui ne sont probablement pas autre chose que ces enveloppes de mycélium durable ou de grosses cellules, dont le contenu s’est échappé. On y trouve aussi çà et là des fragments membraneux bruns, sans structure et très irré- guliers de forme et de dimensions. En observant ce qui se passe dans les cultures en voie de gélification, on a lieu de penser que ce sont des débris de la cuticule qui recouvrait les cellules cutinisées d’un filament : cette cuticule s’est fendue sous l'effort de la gélification et les fragments s’en sont étalés en lame mince et brune. Dans certaines prépa- rations, on voit très bien le filament pluricellulaire étendu encore au-dessus d’une lame de ce genre. b.— Sortie des cellules hors de la cuticule.— Cet éelate- ment de la membrane extérieure cuticulaire m’amène à par- ler d’un curieux phénomène qui s’est produit dans les quatre Dématiées étudiées. C'est la sortie du globule cellulaire hors de sa cuticule qu'il abandonne comme une coque vide. Le fait se rencontre quelquefois pour les spores en massif mais surtout pour les cellules diverses gonflées du mycélium cutinisé et tout spécialement pour les formes fumagoïdes. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 39 On voit la paroi de ces éléments présenter une fente cuticu- laire, souvent irrégulière ou sinueuse, à travers laquelle un petit globule blanc plus ou moins sphérique vient faire hernie (PI. 1, fig. 10, etc.) et sort peu à peu, quelquefois complètement, d'autres fois à moitié, en conservant sur un de ses points des traces, des fragments de l'enveloppe cutinisée. À première vue on croirait à un commencement de germination des spores en massif ou à un début de ra- mification du mycélium cutinisé : mais ces globules herniés s'arrondissent et ne se développent pas en filament, à ce moment du moins. On pourrait croire aussi, tout d’abord, à la sortie de gros globules graisseux comme il s’en forme si souvent dans les cellules de ces champignons à végétation anormale. Mais les caractères microscopiques et les réac- tons indiquent ici du protoplasma et on distinguera tou- jours ces petits globules aux caractères suivants : Double contour très net; — granulations intérieures abondantes ; — dimensions en rapport exact avec la cellule d’où ils sortent; — possibilité de germer; — quelquefois commencement de cutinisation de l’enveloppe. D'ailleurs l'huile existe souvent à côté dans la prépara- tion, et peut imprégner le globule lui-même. L'influence du milieu de culture sur cette sortie des cel- lules hors de leur enveloppe externe est considérable : chez les espèces qui présentent ce phénomène, 1l s’observe fréquemment dans les mêmes solutions et souvent sur des liquides épais, visqueux, comme la gomme ou la dextrine, en sorte qu'il pourrait y avoir ici une raison physique à l'éclatement de la cuticule. Mais cette raison n'est pas la seule. C'est là un mode un peu spécial de reproduction (1). I doit : (1) M. de Seynes a décrit à plusieurs reprises des formations de conidies endogènes chez divers champignons (Recherches pour servir à l’histoire natu- relle des végétaux inférieurs, fascic. 2 et 3). Mais ces corps se forment à l'intérieur de la membrane cellulaire, et ne sont pas limités par une partie de cette membrane elle-même. En outre, il n'est pas question de cellules cutinisées. 36 LOUIS PLANCHON. être rapproché de la germination des kystes et des chlamy- dospores. Mais tandis que dans ceux-ci, la cellule germe simplement à travers une fente plus ou moins grande de la cuticule, iei l’expulsion du globule central est complète d'ordinaire, et celui-ci débarrassé de son enveloppe (qui tantôt est fragmentée en morceaux plus ou moins volumi- neux, d’autres fois reste dans le liquide comme une sorte de ballon vidé), ne germera que plus tard et lentement. Le globule cellulaire est entouré d’une membrane épaisse à double contour, blanc ou peu coloré, net; ilreste sphérique, le milieu étant épuisé. Rarement j ai vu un début de germi- nation (PI. IV, fig. 8). Dans les milieux favorables, cette germination se fait, mais beaucoup plus lentement que celle des autres éléments (levures, conidies, ete.) De plus, ces sphères apparaissent parfois comme légèrement cutinisées et avec tous les passages dans certains milieux; l’on hésite parfois pour savoir si l’on aperçoit une cellule fumagoïde ou un globule déjà sorti. Il semble donc que l’on ait affaire ici, non à une sorte de germination spéciale, mais à un mode de conservation et de multiplication de l'espèce. La cellule, mise dans des condi- tions défavorables, s’enkyste et s’entoure d’une enveloppe rigide ; mais elle continue à grossir et ne peut le faire qu’en rompant cette enveloppe. Elle sort donc, laissant cette coque ou ses débris dans le liquide, entourée d’une membrane à la fois épaisse et souple, qu'elle distend; ne pouvant germer à cause de l'épuisement du milieu, elle enveloppe cette mem- brane d’une nouvelle cuticule dont elle pourra plus tard se débarrasser de nouveau. On remarquera que cette sortie du globule central est en rapport avec une grande épaisseur ou une grande dureté de l'enveloppe, mais aucunement avec les dimensions de la cellule. Il faut rappeler que j'ai constaté le fait, avec quelques légères et rares modifications, dans les quatre Dématiées que j'ai étudiées. Il paraît donc assez général et n’en est que plus intéressant. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 31 Considéré au point de vue mécanique, le phénomène paraît dû à deux causes : d’une part le gonflement protoplas- mique (la celiule qui sort étant toujours bien sphérique, à membrane très distendue par la pression intérieure) — et d'autre part la gélification de la région moyenne de la mem- brane, qui par sa pression contribue à faire éclater la cuti- cule, et par sa consistance demi-liquide et visqueuse provoque et facilite l'expulsion du globule central. La gélification apparaît donc ici comme un moyen de déhiscence. Les réactifs peuvent mettre cette gélification en évidence. Je dois encore ajouter que le phénomène se produit quel- quefois, même chez des cellules non cutinisées : ainsi pour le Demalium pullulans dans l'acide gallique. Mais ces cellules sont en tout cas enkystées dans une membrane très épaisse et l'explication reste la même (PI. IV, fig. 9). c.— Fumago. Formes fumagoïdes.— Le nom de fumago sert à désigner d'une façon un peu vague les productions uoirâtres qui se développent dans certaines conditions sur les feuilles des arbres et tout spécialement sur celles que recouvrent la miellée ou les sécrétions sucrées des pucerons ou des cochenilles. Au point de vue botanique il y a là des types distincts : la forme jf'umago est certainement un aspect de convergence de plusieurs champignons, aspect dà à l’iden- tité des conditions (dessiccation, lumière, substratum sucré). Je n'ai point l'intention d'étudier ce groupe complexe, mais seulement de démontrer que les Dématiées examinées ici prennent souvent cette forme et arrivent ainsi à se ressembler, quoique très nettement distinctes. Toutes les espèces que J'ai étudiées m'ont présenté des formes fuma- goïdes. Zopf, Laurent, Berlèse, entre autres, ontobtenu des formes de ce genre par des cultures sur milieux variés. Certaines de ces cellules fumagoïdes peuvent être consi- dérées comme des chlamydospores, car elles se forment par isolement et séparation d'articles moycéliens après fort enkystement. D'autres, de même origine absolument, restent _au contraire unies en filament. 38 __ LOUIS PLANCHON. Si l'on donne au mot fumago le sens large qui doit être le sien, on peut y comprendre toutes les végétations dont l'aspect à l'œil nu est granuleux, souvent pulvérulent, la couleur brun foncé ou noire, et qui, au microscope, ont ce caractère commun d’être en cellules isolées ou d'ordinaire en petits groupes cellulaires plus ou moins globuleux, rare- ment allongés en courtes files, à parois cutinisées, fort épaisses ; il est très fréquent de voir ces cellules divisées, cloisonnées suivant deux plans, ou même suivant les trois directions de l’espace. | L'aspect fumagoïde peut être produit de trois façons : 1° Par cutinisation directe des levures ou des conidies qui grossissent et noircissent après s'être multiphiées (pl. IV, fig. 6); 2° Par végétation spéciale des éléments germant, quels qu'ils soient : division dans un ou deux plans, cutinisation et arrêt. Ce sont là les vraies formes fumagoïdes : quelques filaments courts s'y mêlent parfois, bientôt arrêtés dans leur croissance (PI. IV, fig. 12); 3° Par cutinisation de filaments ou de parties de fila- ments. Ici on passe à la ch/amydospore ainsi qu'on l’a vu. Ces éléments se forment d'ordinaire en petits groupes : on voit donc que le résultat est le même, mais l’origine complètement différente. Du reste, soit dans des espèces distinctes, soil dans les mêmes espèces, l'aspect des formes fumagoïdes en milieux divers change totalement, et le mot ne sert 1c1 que pour désigner un aspect général à la culture, pouvant coexister avec des caractères intimes tout à fait différents. Si certaines espèces comme le Dematium pullulans ont une plus grande tendance à former des végétations fuma- goides, 1l est aussi des milieux qui semblent y contribuer plus souvent que d’autres: ainsi l'acide gallique, l'acide glycéro-phosphorique, le liquide de Raulin. Mais il est très difficile de généraliser et la plupart des liquides peuvent produire des formes de ce genre INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES 39 d.— Chlamydospores.— Les cellules enkystées amènent à la chlamydospore. Dans les Dématiées qui viennent d’être plus spécialement considérées, l'étude des chlamydospores est intéressante, parce que les passages sont nombreux. Prenons le Demalium pullulans par exemple. Voici des cellules colorées sur le trajet de filaments blancs (eau dis- tillée). Ces cellules plus ou moins brunes destinées à germer lorsque les conditions deviendront favorables, et qui s’isolent par résorption des filaments blancs, sont évidem- ment des cklamydospores. Voici d'autre part un filament complètement cutinisé et dont les cellules n’ont pas modifié leur forme, ou très peu : c’est là du mycélium dur ordi- naire. Or, entre ces deux extrêmes, les végétations étudiées offrent tous les termes, non seulement par comparaison de l’une à l’autre, mais par le rapprochement des régions de la même culture ; souvent même, dans une préparation unique, tous les passages se trouvent et l’on éprouve grande diffi- culté à tracer une limite nette entre les organes végétatifs et reproducteurs, limite que je ne pourrai pas tracer davan- tage pour les spores en massif des A/{ernaria, pour les conidies en chapelet des C/adosporium, où pour les pycnides dont je ferai bientôt l’histoire. Tout cela est du mycélium dont l’évolution, dont la différenciation vers l’organe repro- ducteur spécialisé peut être suivie pas à pas. Dans l'espèce, la chlamydospore est, par définition du mycélium, et chez les Démaüées en particulier, ce lerme est à peu près synonyme de cellule mycélhienne enkystée. Ainsi considéré, c'est un mode très général de reproduction. Envisageons maintenant, non plus les seules Dématiées, mais l’ensemble des champignons mis en expérience. La chlamydospore nous apparaîtra encore comme un mode de reproduction à la fois très fréquent et très varié. Les Mucorinées rencontrées ont montré leurs chlamydospores typiques très abondamment. Dansune espèce de Mucor, elles offraient quelques particularités. Ce Mucor à été trouvé trois fois dans les cultures (eau distillée de cannelle, eau 40 LOUIS PLANCHON. distillée de valériane et un liquide indéterminé). Les chla- mydospores étaient si abondantes, et cela dans à peu près tous les milieux, que souvent le protoplasma se condensait en deux ou trois sphères au lieu d’une, dans une commune enveloppe. Cette espèce forme des spores de ce genre jusque dans l’intérieur de la columelle : la plupart des columelles des sporanges, bien visibles après la dispersion des spores, contiennent deux ou trois, quelquefois quatre amas proto- plasmiques, bien limités par une membrane fine, indépen- dante el entourés, comme enveloppe commune, par la paroi de la columelle. Le Trichoderma viride, V'Acrostalagmus cinnabarinus, elc., etc., ont aussi offert des chlamydospores fréquentes. | e.— Renilements mycéliens — Souvent, dans les condi- lions anormales auxquelles il est soumis, le mycélium pré- sente des renflements sur certaines de ses cellules. Ces dilatations, très différentes, soit des chlamydospores, soit des cellules ordinaires enkystées ou dilatées par leur con- tenu, sont vides ou à peu près, ont une paroi légèrement épaissie et incolore et portent le plus souvent sur une partie seulement de la cellule, en sorte que les cloisons intercellulaires ne limitent pas le renflement à ses deux extrémités. Ces renflements sont un signe de dégénéres- cence pour le mycélium : on les rencontre souvent dans les végétations anciennes à la surface des milieux nutritifs épuisés (gélose, gélatine, bouillon, etc.), et souvent aussi dans les végélations immergées. Ils peuvent d’ailleurs, avoir des formes variées, tantôt irrégulières, tantôt en série et fréquemment en chapelets de cellules claviformes, une extrémité de la cellule étant plus renflée que l'autre. De Seynes (1) attribue aux dilatations qu'il a vues se former sur le Peracillium crustaceum, le rôle de flotteurs, et celle explication ingénieuse paraît très vraisemblable dans le cas qu’il a décrit. Les cellules peuvent prendre (1) De Seynes, Expériences physiologiques sur le Penicillium glaucum (in Soc. bot. de France, 9 fév. 1872, p. 107). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 41 la forme sphérique ou en tonnelet, parce que le mycélium tend à se fragmenter en articles distincts, et que cette tendance se traduit dans quelques cas par un simple gon- flement de la partie moyenne des cellules. Ce ne sont plus là de vrais renflements mycéliens, c’est plutôt un pas- sage à un véritable mode de reproduction, comparable à la formation de chlamydospores ou d’oïdies. f. — Matière grasse. — La matière grasse abonde dans les moisissures des cultures ou des liquides primitifs. Elle est d'ordinaire en rapport avec une végétation défectueuse. De Sevynes (1) a montré à propos du protoplasma sub- mergé du Penicillium glaucum que des gouttelettes d'huile régulièrement alignées dans les filaments cellulaires indi- quaient une dégénérescence. Dans la plupart des cas, il semble bien en être ainsi. Mais la matière grasse n’est pas toujours en gouttelettes fines ; elle se rencontre aussi en amas plus volumineux, qui finissent souvent par s'échapper et se répandre dans Île liquide sous forme de corps arrondis réfringents. Toutes les espèces peuvent ainsi donner de la matière grasse en abondance. Cette huile est incolore, et rougit par l'orca- nette. Il n’est pas rare de voir la gouttelette huileuse avoir des dimensions telles que la cellule modifie sa forme et devient tout à fait sphérique, où même qu'il se produit des mycéliums moniliformes par succession de cellules arrondies. 7. — VARIATIONS DE L'APPAREIL REPRODUCTEUR. On observe aussi des variations de l'appareil conidien, variations dans le nombre, la forme, la disposition des conidies, leur couleur et leurs dimensions, ainsi qu'on en verra de nombreux exemples. Des observations analogues ont été faites souvent. Pour n’en citer qu'une, je rappelle (1) De Seynes, loc. cit. 42 LOUIS PLANCHON. que le Penicillium qglaucum peut offrir des spores roses, et que d’autres formes grises ou incolores ont été indiquées par divers observateurs pour ce champignon normalement vert. On trouvera diverses modifications de ce genre chez les Dématiées. Une des espèces a donné d’abondantes pycnides ; j'ai obtenu aussi des selérotes de Penicillhium et des formations analogues chez d’autres espèces. Mais jamais, sauf pour des Aspergillus, aucun périthèce na évolué. Il est toujours difficile d'obtenir la forme parfaite des Ascomycètes, et d’ailleurs, je ne me suis pas mis dans Îles conditions nécessaires pour avoir chance de succès, car le but poursuivi était différent. Frappé cependant de l'aspect que prenaient certaines cultures en cellule d’un A/fernarra, et qui semblait indiquer une tendance à la formation de périthèces, j'ai tenté d'obtenir ceux-ci en cultivant les Dématiées sur des milieux solides, nutritifs (pomme de terre), peu riches (bois) ou inertes (éponge), imprégnés par macération des liquides où j'avais observé cette ten- dance (mannite, glycéro-phosphate monosodique, acide gal- lique, dextrine, etc.). Malgré la prolongation de l'expérience, ces milieux, qui d’ailleurs se sont montrés favorables et ont fourni d’autres résultats intéressants consignés plus loin dans ce travail, n’ont donné ni périthèces, n1 corps quelconques faisant prévoir leur formation. 8. — FORMES-LEVURES. Je dois signaler encore un fait intéressant : c’est le nombre considérable de formes-levures que l’on rencontre dans ces conditions. Dans les flacons de certains labora- toires surtout, on trouve très souvent cette forme spéciale. Pour certaines espèces, ce n’est là qu'un mode de multi- plication rapide, et si l’on change les conditions de la vie, on voit ces levures modifier promptement leur forme et passer à l’état de filaments mycéliens, pourvus ou non INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 43 d'organes reproducteurs. De ce nombre est par exemple une forme-levure que jétudierai plus loin, et qui donne très facilement de remarquables pyenides : de ce nombre aussi la forme-levure étudiée par Laurent, et que j'exami- nerai avec le Dematium pullulans. Mais en réalité, ce ne sont point là de vraies levures, pas même des formes- levures, mais plutôt des spores à comparer soit aux stylos- pores des pycnides, soit aux conidies. Ces fausses levures de Dématiées sont très souvent aptes à se cutiniser, parfois après division en deux ou même en trois, et à constituer ainsi des ÆAypnospores. Elles n'amènent aucune fermenta- tion. Leur forme est allongée, leur couleur en masse est blanc jaunâtre, quelquefois rouge. Mais les solutés et eaux distillées donnent d'autres formes-levures intéressantes, dont je ne poursuivrai pas l'étude dans ce travail, parce qu'elles se sont montrées très peu aptes à varier. Ce ne sont point non plus de vraies levures, puisqu'elles n'amènent pas de fermenta- tion, et n'ont d’ailleurs aucun des caractères des Saccha- romycètes : mais elles ne semblent pourtant faire partie du cycle d'aucun champignon connu, car malgré toutes les varialions dans le substratum, je n'ai pu obtenir le moindre changement dans la forme ; tout au plus chez deux ou trois d’entre elles s'est-il fait une ou deux fois des sortes de sclérotes stériles, ou quelques filaments peu consistants. Ces levures sont fréquentes : leur forme est souvent arrondie, tout à fait sphérique, plus rarement ovoïde ou allongée en bâtonnet; elles se multiplient avec une grande rapidité soit sur les lamelles des cellules, soit dans les tubes où elles forment un épais dépôt. Chez quelques-unes, la taille varie beaucoup. Chez d’autres elle est régulière. La couleur en est aussi très différente vue en masse (blanc crème, jaune, brune, rose ou rouge vif). Dans la plupart des milieux chimiques elles se déve- loppent mal ou même pas du tout. Sur les milieux nutritifs solides, elles prennent à s'y méprendre l'aspect de certaines 44 LOUIS PLANCHON. végélations bactériennes et l'examen microscopique est nécessaire pour les distinguer. L'une de celles que j'ai trouvées le plus souvent végète en petits mamelons saillants, tantôt comparables à des grains de semoule, tantôt rappelant l'aspect de certaines cochenilles hémisphériques qui seraient appliquées sur la pomme de terre par leur face plane. D'autres s'étendent en une couche humide qui envahit rapidement toute la surface de la pomme de terre. La plupart, lorsque la des- siccation arrive, pâlissent et prennent un aspect crétacé blanchâtre. Aucune d’elles ne paraît amener de fermentation. Les dimensions, la tendance à s’agencer quelquefois en filaments, ne permettent pas la confusion avec des bac- téries. C’est une étude spéciale à faire, étude que j'ai laissée momentanément de côté : maissje ne pouvais pas passer sous silence ces curieux champignons si fréquents dans les milieux chimiques. IV. — RÉSUMÉ DE LA PARTIE GÉNÉRALE Les végétalions des solutions chimiques et pharmaceu- tiques sont dues aux germes le plus ordinairement répan- dus dans l'air et dans l’eau (p. 5). Les genres et les espèces obtenus en cultivant ces végé- tations sont très variés (p. 16). L'espèce de beaucoup la plus commune est le Penicillium glaucum. Les Dématiées sont aussi très fréquentes. Les formes-cevures se rencontrent très souvent (p.16). Cultivées dans les milieux chimiques variés, les espèces étudiées se comportent diversement (p. 20) : 1° Aucune végétation n'a lieu : les germes meurent ; 2° Le développement se fait : puis la plante meurt ; 9” Le développement n'a pas lieu, mais la vitalité est conservée longtemps: 4° Le développement se fait : la vitalité se conserve. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 45 Le milieu nutritif solide le plus favorable pour l’ensemble des cultures est la pomme de terre acidifiée par un séjour de un quart d'heure dans une solution à 1 p. 100 d'acide sulfurique. C'est le rifieu-tyne, terme de comparaison pour les semis dits de contrôle, destinés à prouver que les formes obtenues appartiennent bien à l'espèce étudiée (pp. 8, 14). Les milieux nutritifs solides (gélose, etc.) donnent des végétations vigoureuses, mais la surface s’épuise assez vite et la vitalité des cultures n’est pas très longue (p. 23). Les milieux chimiques agissent très diversement (voir à la fin). Beaucoup d'espèces se contentent des milieux les plus pauvres. L'eau distillée suffit dans bien des cas au premier développement tout au moins (p. 22). Les causes de la variation sont multiples : immersion (action de l’eau, absence d’air); action des éléments dissous (nutritifs, toxiques, insuffisants, ete.) ; actions physiques (éclairage, température, agitation, etc.) (p. 2#). « _ L'immersion amène d'ordinaire des modifications dans la coloration, la forme et la fertilité des filaments (p. 25). La succession des générations peut amener des change- ments dans les caractères, ainsi que la culture : suivant qu'une espèce aura séjourné dans un milieu ou dans un autre, elle pourra prendre ensuite sur le milieu type des caractères différents. Le fait est cependant beaucoup plus rare qu'on ne l’a cru (p. 27). La dose employée est de grande importance : la plante peut conserver ses caractères normaux dans une solution faible, et prendre son aspect anormal, caractéristique du milieu, dès que la proportion s'élève (A lternaria polymorpha dans l’acétate de soude par exemple) (p. 28). Le temps est aussi un facteur essentiel, les caractères définitifs (formes fumagoïdes, formation de chlamydospores, mycélium durable, etc.,etc.)\,nesemontrantsouvent qu'après plusieurs mois. Il faut toujours comparer des cultures de même âge (p. 28). 46 LOUIS PLANCHON. La tendance à la variation esttrès différentesuivantlesgrou- pes. Les Dématiées sont particulièrement plastiques (p.29). Un même milieu peut montrer soit une grande multipli- cité de formes, simultanées ou successives, soit au con- traire une spécialisation de ces formes, amenant souvent des phénomènes de convergence (p. 30). Les variations portentsurtoutsur l'appareil végétatif(p.32). La cutinisation offre des degrés très divers. Elle peut manquer totalement (ferrocyanure, etc.), être très diminuée (eaux distillées, etc.), se localiser sur quelques cellules (eas fréquent) ; augmenter fortement (dextrine, etc.) (p. 32). Dans les cas extrêmes, la membrane des Dématiées se montre formée de trois zones : interne (normale), — moyenne (gélifiée), — externe (cutinisée) (p. 33). La gélification est fréquente ; elle peut être très in- fluencée par le milieu et souvent fort augmentée (dextrine), au point d'englober les cellules, isolées ou non, dans une masse gélatineuse formant une véritable zooglée (p. 33). C'est la zone moyenne qui se gélifie dans la membrane des cellules fortement cutinisées. Le mucilage gonflé fait souvent éclater la cuticule (p. 33). Le gonflement simultané du protoplasma cellulaire et du mucilage amène fréquemment, après la rupture de la cuti- cule, soit sur les cellules des spores en massif, soit plus souvent dans les cellules cutinisées du thalle, la sortie de la cellule elle-même entourée de la zone interne de sa mem- brane, hors de la cuticule (p.34). Cette cellule dégagée peut germer, quoique rarement et : péniblement, dans le milieu épuisé. Le plus souvent elle tend à se cutiniser de nouveau. C'est une sorte de mue (p. 35). Le phénomène se produit avec plus ou moins de fré- quence sur toutes les Dématiées étudiées. Il semble donc assez général (p. 36). Certains milieux en favorisent la production (dextrine, | glycérophosphates, etc.) (p. 35). il se produit aussi dans des cellules non cutinisées mais ne cars INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 47 enkystées dans des parois très épaissies (acide gallique, etc.) (po) Des formes fumagoïdes, parfois identiques aux vrais Fumago, se rencontrent chez toutes les espèces étudiées (Do Elles sont spécialement abondantes chez le Dematium pullulans (p. 38). Beaucoup de ces formes passent à la chlamydospore (p.37). L'aspect fumagoïde peut être produit sur la même espèce : a. — Par cutinisation directe des levures ou des conidies. b. — Par végétation coufte, et division dans deux plans (Fumago). ©. — Par cutinisation de parties filamenteuses ou de cel- lules dans les filaments (chlamydospores) (p. 38). _ Certains milieux favorisent beaucoup le développement de formes fumagoïdes (acide glycérophosphorique, acide gallique, liquide de Raulin, etc.) (p. 38). Les chlamydospores sous diverses formes sont très fré- quentes dans les végétations en liquides chimiques (p. 39). On peut rencontrer tous les passages entre l'article mycé- lien et la chlamydospore (p. 39). Les renflements mycéliens, d’aspects divers, s’observent souvent chez ces espèces, en particulier dans les formes _ immergées, et surtout dans quelques milieux (p. 40). Les fragmentations du mycélium, eutinisé ou non, se produisent très fréquemment (oïdies, etc.) (p. #1). Les formes-levures se montrent très souvent dans les végétations des solutés. Les unes sont des stades d'évolu- tion de certains champignons (Dematium pullulans, Alter- naria polymorpha), les autres sont des formes fixes se repro- duisant uniquement en levures sphériques ou oblongues, colorées ou non, quel que soit le milieu employé (p. 42). Ces formes-levures n’amènent pas de fermentation (p. 43). PARTIE SPÉCIALE ALTERNARIA POLYMORPHA TL — ORIGINE DE LA CULTURE Cette espèce est une des plus intéressantes. Elle appar- tient sans doute au cyele évolutif de quelque Sphériacée, et n'est pas sans analogie par quelques-unes de ses formes avec les pycnides décrites par Bauke (1) chez le Cucurbitaria elongata. Mais elle en diffère par bien des points, et comme jusqu'ici je n'ai pu obtenir de périthèces, je la désigne sous le nom d’A/fernaria polymorpha qui indique son extrême variabilité. L'espèce doit être assez répandue dans la nature, car je l’ai rencontrée plusieurs fois : dans les liquides qui l'ont fournie (2) on ne trouve guère comme pouvant lui être rapportés, au milieu de végétations variées, que des frag- ments appartenant au mycélium de résistance étudié plus loin (3). Mais sur la pomme de terre qui sert au semis, (1) Bauke, Beiträge zur Kenntniss der Pycniden (Nov. act. cæs. Leop. Carol. deutsch. Akad. der Naturf. Halle 38, n° 5). (2) Eau distillée de tilleul prise à l'hôpital Laennec; bromure de potas- sinm d’un laboratoire de l'Ecole supérieure de Pharmacie de Paris; azotite de potassium du même laboratoire. (3) J'ai eu quelque peine à obtenir cette espèce pure ; d’abord mélangée à du Penicillium glaucum, elle entraînait toujours avec elle quelques spores de ce champignon, encombrant entre tous. Mais cela m'a permis d’autre part d'observer queiques faits de concurrence vitale que des expériences faciles à réaliser ont mis plus nettement en lumière. Dans les cultures de Peni- cillium, j'avais vu souvent ce champignon prendre un aspect tout spécial; sise Month ec ait ris éd dti INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES 49 la première forme développée est une sorte de levure, d’abord rose dans l'ensemble, puis noire et d'aspect fuma- goïde qui sert de point de départ à toutes les cultures. II. — RÉSISTANCE AUX MILIEUX Cette espèce est une de celles qui poussent le mieux sur les milieux les plus variés. Six d’entre eux seulement l'ont tuée (résultat négatif au semis de contrôle). Il est remar- quable que trois de ces milieux sont des acides {glycéro- phosphorique, tartrique, sulfurique.). Les 3 autres sont des milieux réfractaires à la plupart des espèces (soude, liqueur de Fowler, eau distillée de cannelle). La végétation n’a été faible que sur sept milieux et parmi eux l'acide citrique, l'acide gallique, le phosphate acide de sodium (1); la réaction acide est donc ici une des causes d'insuccès. Dans quelques rares milieux, le semis n'a donné qu'un étalé en lame mince, crustacé, très dur, de couleur grise ou légèrement brune, très rarement bordé de blanc, mais jamais vert, à pénicilles grêles, il semblait appartenir à une tout autre espèce: mais les végétations sur l’eau du fond du tube avaient l'aspect normal; il y avait là simplement lutte par mélange avec la forme-levure rose de l’Alternaria étudié ici. Si sur une même pomme de terre on met les deux plantes en concur- rence, on peut vérifier les faits suivants : _ A. — $i le Penicillium a poussé d’abord avec tous ses caractères, il mo- difie bientôt sa belle apparence, devient vert pâle, puis gris, puis noi- rätre. B. — Si c'est la levure qui s’est développée abondamment d’abord, le Penicillium s'étend superficiellement au-dessus d’elle sans pouvoir, semble- t-il, s’enfoncer au travers; il a l’aspect d’une membrane blanchâtre, rosée même (la levure apparaissant par transparence), mince, adhérente, difficile à enlever, et n’offrant que des pinceaux très grêles, très pâles, à deux ou trois rameaux au plus, avec spores pen nombreuses, non vertes ; quelque- fois même il est tout à fait stérile. Suivant le moment du semis et l’abon- dance de la forme-levure, on trouve tous les intermédiaires dans cet arrêt de développement. En somme, dans cette lutte, le Penicillium parait souffrir plus que son concurrent. Il arrive cependant qu’à la fin il prend le dessus et s'étend alors avec des caractères presque normaux. (1) Les autres sont : eau glycérinée, arséniate de sodium, iodure de so- dium, ferrocyanure de potassium, ANN. SC. NAT. BOT. XI, À 90 LOUIS PLANCHON. mycélium assez abondant, mais stérile : e’est Le cas de l’acide borique, du ferrocyanure de potassium et du chlorure de baryum. Ce mycélium est resté incolore et filamenteux d'ordinaire, toruleux et spécial dans le ferrocyanure. Sur les autres milieux la végétation est abondante et le mycélium fructifère. II, -- ASPECT GÉNÉRAL DES CULTURES L'aspect général des cultures varie naturellement beau- coup. Lorsque la levure a simplement proliféré un peu ou a noirei sans se développer en mycélium filamenteux, il se fait au fond du tube un dépôt léger, dissocié, blanc (ferro- cyanure), rougeâtre (acide citrique) ou noir (acide gallique), que l'agitation met en suspension. Le cas est tout à fait exceptionnel. D'ordinaire la levure se développe, donne des filaments plus ou moins abondants qui forment un voile léger ou un flocon nuageux, et tantôt flottent dans le liquide, tantôt tombent au fond, tantôt s’élalent à la surface. Sou- vent aussi, lorsque la culture estabondante, les ramifications mycéliennes s'étendent sur la paroi du tube et viennent former hors du liquide des pyenides ou du mycélium durable. Le voile superficiel peut être assez épais pour permettre de renverser le tube. L'aspect et la consistance sont souvent célatineux (gélification des parois cellulaires). La couleur des végétations varie depuis le mycélium absolument incolore ou blanchâtre, jusqu'à la teinte grise, brune, noir verdâtre ou noir foncé. On obtient parfois une membrane noire, épaisse (glycéro-phosphate, gomme, man- nite, dextrine, etc.). Ordinairement des filaments grisâtres forment le centre de la végétation et s'entourent d’une sorte d’auréole blanche ; ou bien la teinte est plus ou moins rosée, rarement jaunâtre (quinine); souvent aussi des granulations noirâtres ou roses (gomme) piquent çà et là la membrane blanche ou des ponctuations noires, fines, s’attachent sur les parois du tube, entourées ou non d'une légère bordure INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 51 mycélienne blanche. Enfin les flocons peuvent être nom- breux, petits et comme dissociés. Plus rarement la végéta- tion est complètement émergée, ne se développant que hors du liquide nuisible, qui lui donne seulement l’humi- dité nécessaire à la vie. IV. — CULTURE SUR LE MILIEU-TYPE En semant sur pomme de terre acide un fragment de la moisissure primitive, on voit dès le deuxième jour {au mi- lieu d’autres champignons), des taches roses d'aspect bactérien : c'est là une /orme-levure, végétant en levure, mais pouvant donner un mycélium. Ces taches s'étendent, deviennent granuleuses, chagri- nées, humides : le bord de la culture change bientôt de couleur: jaunâtre, fauve, ou un peu verdâtre, puis peu à peu plus foncé ou même noir ; les granulations qu'il offre s'étendent sur la paroi du tube. Au microscope, toutes ces ponctuations se montrent comme des pycnides dont la cou- leur est successivement blanche, rosée, jaune, puis brune. Des sétylospores abondantes sont dès lors mêlées aux formes- levures. La teinte noire qui gagne peu à peu en surface est due à la cutinisation tardive des stylospores ou des levures elles-mêmes. Bientôt la culture tout entière tend à devenir d’un noir verdâtre sur divers points: cette teinte est due à la forma- tion d’un mycélium cutinisé durable dont les formes infé- rieures sont de simples cellules peu modifiées et les formes supérieures des spores en massif de Macrosporium ou d'A lternaria. En même temps, ou peu après (1), la surface de la culture (1) Il est à remarquer que sur les premières cultures, faites il y a environ un an et demi, j'obtenais toujours les granulations roses dès le début et longtemps seules. La coloration verdâtre ou noire arrivait ensuile, et enfin, beaucoup plus tard, et non toujours, se montraient les parties de mycélium tomenteux gris, vert ou noir. Actuellement le tomentum se déve- 52 LOUIS PLANCHON. se recouvre d’un tomentum gris blanc ou verdâtre, sous lequel on retrouve longtemps la teinte rouge ou brunâtre primitive. Ce tomentum est un mycélium stérile abondant, incolore ou faiblement coloré, et présentant quelquefois des formes assez variées. Au bout de quelques jours l’ensemble est noir verdâtre, avec des parties rosées, à la fois granuleux et tomenteux. On y trouve alors réunies toutes les formes énumérées. (Pl; fis:3). Au-dessus de l’eau, s'étale, souvent dès le début, une membrane, rosée à la surface, blanche dans les régions immergées, formant bientôt un voile épais et adhérent, et conservant très longtemps ces caractères : c'est [à un mycé- lium avec des pycnides à divers états. On peut donc trouver ici des pycnides : 1° Dans toute la surface rose, sous les levures ; 2° Au bord des cultures (points jaunes, bruns ou noirs) ; 3° Sur le tube même, surtout dans la partie étranglée (réseau mycélien visible à la loupe entre ces pycnides) ; 4° Sur le voile mycélien du liquide. Enfin, plus tard, si la dessiccation arrive, le substratum se racornit peu à peu, sans que se montre aucun corps nou- veau. Quelle que soit l’origine du semis, le type reste le même sauf quelques variations de détail (rapidité ou abondance du développement, etc.). Dans la culture sur pomme de terre acide, on trouve donc au bout de quelque temps des formes nombreuses et très diverses pour une seule espèce. C’est un cas très général ; loppe presque toujours simultanément ou peu après, sans que la raison m'en paraisse évidente. Du reste, divers observateurs (Brefeld, etc.) ont noté fréquemment que des champignons végétant parfois en levures, atténuent par des géné- ralions successives cette production de levures, et la remplacent par une végétation mycélienne de plus en plus nette. C'est ainsi que les premières générations de certains Ustilago peuvent seules infecter les Graminées par leurs formes-levures, les suivantes en étant incapables. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 53 toutes les espèces cultivées sur ce milieu ont montré un remarquable polymorphisme. On peut suivre ces divers éléments et démontrer qu'ils appartiennent bien à la même espèce. En semant une quelconque des formes énumérées (mycé- lium stérile, forme-levure, stylospores, mycélium durable, Alternaria, Fumago, etc.), on obtient toujours sur pomme de terre acide, la levure rose tout d’abord, quelles que soient les précautions prises pour ne semer jamais qu'un des éléments. La levure rose est seule au début, puis toujours suivie de l'apparition des pycnides. On passe donc de lune à l’autre et réciproquement. Il en est de même pour les taches noires qui, semées, reproduisent les végétations rosées : celles-ci noircissent ensuite; la levure rose épaissit sa membrane et la eutinise par une sorte d’enkystement, précédé parfois de la produc- tion d’un court filament. Tous les passages sont visibles. Enfin tous les doutes peuvent être levés par les cultures en cellule qui permettent de suivre le développement des diverses parties. V. — GERMINATION ET DÉVELOPPEMENT Î. — CULTURE EN CELLULE SUR EAU DE POMME DE TERRE _ a.—Forme-levure.— Elle offre des dimensions très varia- bles. depuis 2 jusqu'à 12. Forme plus variable encore, ovoïde, sphérique, cylindrique, atténuéeàäuneouaux deux extrémités ; souvent munie d’un ou de deux bourgeons, tantôt arrondis, prêts à se détacher, tantôt formant le début du mycélium futur. Souvent aussi une cloison divise la cellule en deux. Un double contour se montre surtout sur les formes arron- dies volumineuses. Chaque cellule de levure est entourée par une mince auréole réfringente et transparente de muci- lage. Cutinisation ordinairement nulle, au moins au début. 9 4 LOUIS PLANCHON. Pour suivre le développement de ces formes-levures en cellule, il est nécessaire de les prélever sur une culture très jeune, avant l'apparition © des premières cnides. D P PY 0 Ÿ \Ù K Ô 0 S Plus tard elles sont lou- ei © © : Rè 7 jours mêlées d’abondantes JDN D | \ styvlospores qui d’ailleurs ) = germent d’une façon très TO ES a S analogue. 2 6 ee D b. — Germination. — Surune goutte del’eau prise Fuclte. Levure à dronstétaeto ee Hu +0 d'un tite AnUe pomme de terre stérilisé, la germination est très rapide. On observe alors : 1° Gonflement de la levure; 2° Apparition d’une zone claire assez large autour de la levure : 3° Premier étranglement avec scission en deux cellules (non constant); 4° Formation d’un petit filament quelquefois moniliforme ; 5° Allongement en un filament régulier, continu et bientôt ramifié. Généralement la germination se fait par les deux extré- mités de la levure en même temps, ou bien le tube germi- natif se bifurque immédiatement au sortir de la cellule et donne deux branches très divergentes. Exceptionnellement il peut y avoir trois ou quatre branches. La cellule primitive reste souvent reconnaisable : 1° A sa forme plus ou moins arrondie ; 2° À son double contour plus net; 3° Asa position fréquente en dehors dela ligne du mycélium. Mais ce ne sont pas là des caractères absolus. Dans les levures et les filaments, grosses gouttelettes réfringentes. (4) Toutes les figures de ce travail sont dessinées à la chambre claire et au même grossissement d'environ 600 diamètres. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. D) La germination est d'ailleurs souvent inégale. Les levures ne poussent pas toutes ensemble, il est probable qu'il y a pour la germination une maturité nécessaire. Enfin sur divers milieux spéciaux, la germination ne se fait pas de la même manière; les premières cellules monili- formes peuvent être très fortement arrondies, sphériques ou, au contraire, immédiatement allongées en un filament délicat, etc., etc. Les levures cutinisées germent de même, mais beaucoup plus lentement. Les filaments qui partent de la levure initiale s'étendent beaucoup et se ramifient. Ils ont une remarquable tendance à sanastomoser, point à noter, non seulement pour na reconnaître l'espèce, mais pour expliquer l'aspect que prennent parfois les pyc- nides. c. — Développement des pycnides. — Il parait diffé- rent suivant les cas. Les pyc- nides immergées des mem- branes mycéliennes de l’eau __ lX de pommede terre, par exem- ra ple, se forment par eloison- Se nement d’une cellule et for- it mation d’un massif cellulaire qui s'organise et se creuse plus tard sans que les fila- ments voisins participent en rien à sa production. Dans les cultures sur gélatine, au contraire, des filaments partent de la pycnide et l’entourentsouvent, bien que celle-ci soit en somme formée par un filament axile (flg. 2). L'examen de l’eau contenue dansle fond des tubes de culture de pomme de terre montre clairement déjà un mode inté- ressant de développement des pycnides : c’est la formation Fig. 2. — Culture sur gélatine. Formation des pycnides. ‘56 LOUIS PLANCHON. directe aux dépens d’une cellule de levure. On peut voir tous les passages permettant d'affirmer la chose. Une cellule de levure se gonfle et s'arrondit jusqu'à devenir tout à fait . sphérique. Un filament en part d’un côté ou même des deux côtés. La cellule initiale reste bien visible, grossissant encore, souvent déjà divisée en deux par une cloison trans- versale ou oblique. Dès lors, la pyenide se différencie. Tandis que les filaments mycéliens s’allongent assez lente- ment, le massif du centre se forme : d’abord quatre à huit cellules assez grandes, puis peu à peu par division irré- gulière un corps cellulaire, ordinairement tout à fait incolore, quelquefois légère- ment cutinisé, dont les cel- lules sont petites et polygo- nales, et laissent apercevoir déjà par transparence des granulations qui sont des stylospores (fig. 3). Les l Fig. 3. — Développement des pycnides filaments vont en dimi- immergées (eau du fond des tubes de . x a ) nuant de diamètre de chaque côté. Nulle part je n'ai vu d'ouverture à la pycnide, mais la préparation est remplie de cellules singulièrement semblables à des stvlospores. Une fois développées, ces pycnides sont parfois un peu confuses et mal limitées. Dans cerlains cas même, la formation pycnidaire ne se borne pas là : la division en massif continue même sur les branches qui partent du centre et peut se prolonger assez loin, en sorte que l’on a sous les yeux un véritable réseau de pycnides, avec des parties plus ou moins renflées, mais pro- venant loujours d’un centre initial qui est la levure semée. Le tout est incolore ou rarement coloré ; cependant il arrive qu'après la division en quelques cellules assez grosses, la INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 57 cutinisation se fait; on formes macrosporioïdes analogie à retenir entre les pyenides et le mycé- lium durable que je rapprocherai plus loin. Du reste, des bran- ches entières de mycé- lium ont parfois une tendance à se diviser dans d’autres direc- tions que le sens trans- se croirait alors en face d’une des développées le long d’un filament : Fig. 4. — Branche mycélienne immergée (eau de pomme de terre). Tendance à la formation de pycnides. 3 versal : 1l s'ensuit des aspects spéciaux de mycélium qui sont probablement une étape vers la formation des pycnides (fig. 4.) Vérifions ces faits par la culture en cel- lule. Après la première germination et l’allon- gement en un ou deux filaments, la cellule in1- tiale renflée se cloisonne et forme un petit mas- sif, d'abord composé de quelques éléments assez gros, puis subdivisé en petites cellules polygo- nales, fines. Mais ces cellules bourgeonnent ici plus ou moins et de- viennent le point de départ de filaments peu \ C U 7 N \ Fig. 5: — Culture en cellule sur eau de pomme de terre. — Groupe cellulaire ten- dant à la formation des pycnides : a, pre- mière observation; D, cinq heures après; ce, douze heures après ; d, vingt heures après. nombreux qui s’anastomosent entre eux, ou avec des branches mycéliennes voisines. Ces branches paraissent souvent provenir de filaments étrangers qui se Jetteraient - D8 LOUIS PLANCHON. sur la pycnide ; mais en réalité, c’est elle qui les produit. Au bout de quelque temps des filaments assez nombreux peuvent ramper autour de la pycnide et en renforcer la paroi, mais il ne semble pas que ce soit là un phénomène essentiel, car le nombre et la disposition de ces filaments varient beaucoup. Quelque temps après, les pycenides commencent à se former d’une façon très analogue sur divers points des fila- ments, par division d'une cellule unique ou d’un petit Fig. 6. — Culture en cellule sur eau de pomme de terre. — Formation des pycnides: a, première observation ; b, douze heures après; c, vingt-quatre heures après ; d, quarante heures après. nombre de cellules. Peu de filaments annexes (fig. 5, 6). Ces pycnides du mycélium peuvent être nombreuses et former des séries. Cela est rare dans les cultures en cellule. Toutes les pycnides ne s'ouvrent pas; la plupart cepen- dant émettent des stylospores. Si le milieu n’est pas épuisé, celles-ci germent aussitôt. Leur germination est semblable à celle des formes-levures. Ce mode de développement ne diffère en somme que fort peu de ceux qu'ont décrits Bauke (1) pour les pycnides et (1) Bauke, Beiträge zur Kenntniss der Pycniden (Nova acta der cœæs. Leop. Car. deutsch. Akad. d. Naturf. Halle 38, n° 5). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 09 Van Tieghem (1) pour une spermogonie. Van Tieghem a montré aussi chez les CAælomium (2), que les périthèces présentent, suivant la nature du milieu nutritif, les deux modes de développement, complet et simplifié, enveloppé ou non enveloppé, que Bauke indique pour les pyenides des Cucurbhitaria. Il importe de noter ici : 1° La possibilité du développement direct aux dépens de la cellule semée : 2° L'absence parfois tout à fait complète de tout revête- ment d’origine extérieure ; 3° Le bourgeonnement des cellules de la pycenide même, dont les filaments vont au devant des filaments voisins : 4 L'action de l'immersion paraissant simplifier le déve- loppement. d.— Stylospores. — Les stylospores formées dans les pvc- nides sont fort petites (5 à 7 u sur 2 à 3 à la sortie), mais elles grossissent très rapidement {cinq heures après 8 à 9 v sur 4 ou 5), et deviennent alors un peu granuleuses et analogues à des levures. La distinction peut devenir difficile lorsque les deux éléments sont mélangés, mais les stylospores sont toutes semblables, plus ou moins cylindriques, tandis que les levures sont assez inégales de dimensions, ordinaire- ment plus allongées que les stylospores, plus renflées aussi, à double contour plus net. Les stylospores, une fois sorties de la pyenide dans la petite masse gélatineuse qui les accompagne, se divisent souvent en deux (rarement trois) par une ou deux cloi- sons transversales, soit en conservant leur forme ovoïde, soit en s'étranglant légèrement au niveau des cloisons. En outre, si les conditions ne sont pas favorables à leur germi- nation immédiate, elles se colorent en se cutinisant assez (1) Van Tieghem. Sur le développement de quelques Ascomycètes, 3° partie : ES d'une Spermogonie (Bull. de la Soc. bot. de France, 1877, p. 203). (2) Van Tieghem, Nouvelles observations sur le développement du périthèce des Chælomium (Bull. de la Soc. bot. de France, 1876, p. 364). - 60 LOUIS PLANCHON. fortement, et contribuent ainsi pour leur part au noircisse- ment des cullures. La coloration varie dans d’assez larges limites : elle est généralement foncée, car la cutinisation est rapide. Ces stylospores cutinisées forment autour des pyenides anciennes des amas quelquefois très volumineux englobés dans une masse mucilagineuse générale. Lorsque les stylospores vont germer, elles deviennent à peu près sphériques (vingt-quatre heures), atteignent 8 à 9 w sur 7 à 8 et donnent un à trois filaments. Souvent une cellule plus grosse se sépare à la base de ceux-ci. Puis le développement se fait comme s’il s'agissait d’une forme- levure. ; Les cultures en cellule un peu anciennes (une douzaine de jours) montrent le champignon bien développé, et permettent de constater la continuité entre les divers modes de fructi- fication : les levures d’où l’on est parti, — les pycnides formées (surtout abondantes dans les parties centrales de la culture et émettant par leur ouverture des quantités de stylospores en amas, agglomérées dans une masse gélati- neuse), — ces mêmes stylospores déjà plus ou moins forte- ment cutinisées, — le mycélium durable protéiforme (en cellules intercalaires, filaments plus ou moins longs, bou- quets irréguliers, formes Macrosporium, Alternaria irré- guliers, etc., etc.). Tout cela dans la gouttelette d’eau de pomme de terre servant de milieu de culture, et surtout vers les régions excentriques. Enfin de véritables A/{ernaria différenciés, en files régulières et se montrant d'ordinaire hors du liquide, mais toujours en continuité avec le mycé- lium blanc, ramifié, qui réunit toutes ces formes et en démontre la commune origine. Certains groupes de cellules cutinisées peu adhérentes ou même se séparant les unes des autres, constituent fré- quemment aussi des paquets tout à fait analogues à des Fumago, ce qui donne une nouvelle forme végétative que l'on retrouvera d’ailleurs plus nette et plus intéressante INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 61 encore dans les cultures sur certains milieux spéciaux. En somme, quand on sème en cellule sur eau de pomme de terre des formes-levures de cet A/fernaria, elles se com- portent très diversement : Les unes grossissent et constituent simplement la spore initiale d'un filament qui s’allonge et se ramifie. D’autres donnent un massif par division, grossissent, épaississent leurs parois, se cutinisent fortement, émettent aussi des bourgeons, forment en somme une sorte de Macrosporium initial. D'autres se divisent également en un massif, mais à cellules plus petites, moins vite et moins fortement cuti- nisées et qui, bientôt, laisse échapper des stylospores. Ce sont des pycnides initiales d'où sont aussi partis deux ou trois filaments ramifiés fortement. On voit ainsi que la spore en massif peut être considérée comme un stade d'arrêt dans le développement des pycnides. C’est un point qui sera étu- dié plus loin. Enfin, la levure peut aussi végéter en levure (chose assez rare en cellule), ou se gonfler simplement et rester alors sta- tionnaire sans que la raison de ces différences apparaisse nettement. Quel que soit le groupe initial, dont l'origine primordiale est toujours, on le voit, une cellule de levure, les filaments mycéliens peuvent porter divers ordres d'organes : autres pycnides qui se développent de loin en loin, formes ma- crosporioïdes, A/fernaria, etc. 2. — CULTURE EN CELLULE SUR MILIEUX DIVERS Les cultures en cellules ont été tentées sur divers autres milieux. J’en citerai seulement deux ou trois. Culture sur gomme. — Germination rapide. Un ou deux prolongements simples contenant des granulations très visibles : parfois aspect d’une sorte de spermatozoïde. Puis ramification ; filaments très longs par rapport au diamètre. 62 LOUIS PLANCHON. La forme-levure initiale gonflée contient une grosse goutte- lette centrale et ne devient granuleuse qu'après avoir germé. Elle peut rester simple ou se cloisonner une ou deux fois et se colorer ou encore se diviser soit en files, soit ordi- nairement en groupes. En même temps, les ramifications se ren- flent sur divers points en formes macrosporioides et alternarioïdes variées. Le groupe central, procé- dant de la cellule de semis est le plus souvent très foncé, formé de quelques cellules seulement, plus ou moins sphériques; aspect d’un gros Fumago plutôt que d’un Macrosporium, mais d’un Fumago d'où partirait un long mycélium Fig. 7. — Culture en cellule sur (ig- Le OuéRue Une : de solution de gomme. Transforma- STOUPES semblent avoir une Re Ne ‘% tendance à former des pycnides; il y a même (rarement) quelques pycnides nettes, mais non formation de stylospores. Culilure sur dextrine. — Rameaux analogues à ceux de la gomme; mais quelques différences. Les pyenides se forment ici plus nettement et aboutissent à l'émission de stylospores. En outre, le mycélium sporiforme est plusrare, encore qu'assez abondant ; surtout les amas initiaux, formés par la levure primitive, ne sont plus que rarement fumagoïdes et se rapprochent davantage des formes macrosporioïdes. Mais c'est une question de nuances et de proportions et, en somme, les deux cultures se ressemblent beaucoup (fig. 8). Les ramifications, très nombreuses, se terminent d'’ordi- naire par une forme macrosporioiïde. Culiure sur acétate de sodium. — Elle permet d'observer facilement la transformation directe des formes-levures en COrps macrosporioïdes. On voit d’abord les levures se gon- INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 63 fler un peu, se diviser en deux ou trois cellules, s’allon- ger en un filament assez long, puis ramifié. Le plus souvent, 1l y a deux ou trois cellules arrondies à la file avant d'arriver à la forme cylindrique : puis l’accrois- sement en longueur s'arrête, les cellules se cutinisent peu à peu assez fortement, mais en même temps se à \ Fig. 8. — Culture en cellule sur dextrine. — Fig. 9. — Culture en cellule sur Massif cellulaire provenant de la levure acétate de sodium: a, semis; 6, primitive (le massif central est cutinisé). vingt-quatre heures; c, trente heures ; d, un mois. multiplient et se séparent à mesure les unes des autres, en sorte quil est rare de les voir par files de trois ou plus; elles sont d'ordinaire ou simples ou divisées en deux par une cloison. Il est à remarquer qu'à ce moment ces élé- ments en amas autour des cellules de levure initiales cutinisées aussi, sont absolument identiques aux stylospores que l’on voit dans les cultures anciennes sur pomme de terre. Ces cellules septées peuvent continuer à se multiplier ainsi. Mais la levure initiale d'où part le filament:a subi souvent une transformation : la division s’est faite dans plusieurs sens et la cutinisation s'est accentuée jusqu à la coloration brun foncé, presque noir. On a alors un massif - 64 LOUIS PLANCHON. cellulaire offrant la disposition des formes macrosporioïdes et développé directement aux dépens de la levure initiale (fig. 9). Si le massif formé ne comprend que quelques cellules sans régularité et si le filament est très court, on arrive à un aspect fumagoide. La sortie des éléments cellulaires hors de l'enveloppe cuticulaire, si remarquable dans les cultures sur acétate de sodium en tube (PI. I, fig.10), est 1e1 assezrare, maiselleexiste cependant. Le mucilage abonde etforme sous les cellules une sorte de membrane amorphe, trèslégèrement Leintée de brun. On remarquera que ce mode de végétation est dû absolu- ment au milieu, car sur cette même cellule de culture, on trouve, soit dans l’eau du fond, soit sur les bords de la lamelle en dehors de l’acétate de sodium, les formes ordi- naires de végétation (pycnides, Macrosporium, Alter- naraselc.) AL ie 10e VI. — MODIFICATIONS MORPHOLOGIQUES DANS LES DIVERS MILIEUX 1. — MILIEUX A VÉGÉTATION POLYMORPHE La pomme de terre nous a montré un polymorphisme extrème de l'espèce sur les cultures anciennes : levures roses, levures cutinisées, pycnides et stylospores cutinisées ou non, formes macrosporioïdes et alternarioïdes, À /ernaria typiques, formes fumagoïdes, le tout sur un mycélium plus ou moins vite coloré. Ce polymorphisme se retrouve dans quelques milieux, tandis que d’autres spécialisent ces aspects ou en présen- tent même de nouveaux. Toutes les eaux distillées (sauf celle de cannelle) ont offert des formes très variées : aspects divers du mycélium durable (sauf les Fumago), pycnides, levures, etc. Cependant, la cutinisation s’est montrée très faible dans l’eau distillée T. XL NS 9 3 et4 . ANNALES | Séienens vernis HUITIÈME SERIE … BOTANIQUE vaxkrome LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION | DES VÉGÉTAUX IVANTS ET FOSSILES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. PH. VAN TIEGHEM «tou varuu . on PARIS | MASSON ET Ce ÉDITEURS |LIBRAIRES DE 'L'ACADÉMIE DE MÉDECINE Me TE NUL ODS BOULEVARD SAINT-GERMAIN 1900 .. Panis, 30 FR. — DÉPARTEMENTS ET ÉTRANGER, 32 FR. er à été publié en février 1900. les des Sciences naturelles paraissent par cahiers mensuels. | HULTIÈME SÉRIE | BOTANIQUE : Publiée sous la direction de M. Bu: Van TiRGNEN ï ee | L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 400 pages, : ne avec les planches et les figures: dans le texte. di Cu aux. mémoires. 1e ; es Ces volumes paraissent en plusieurs fascioules dans l'intervalle. d'une. année. | | or ee Les tomes J à X sont complets, ; ZOOLOGIE One, | Publiée : sous Le direction de M. A. MHNE- EDWARDS. L'abonnement est fait pour. 9 volumes, chacun d’ environ 400 pages, . 5 avec les planches correspondant aux mémoires" | nu Ces volumes paraissent en nat fascicules dans l'intervalle | d'une annéé. A . Les tomes I à IX sont complets. Le Ho rue - He Prix de. M où à 2 volumes : < Fe : | Paris : 30 francs. — Départements et Union postale : : 32 Trans. A Le “ ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES | Fi . Dirigées, pour la partie géologique, par M. HÉBERT, et pour la partie paléontologique, par M. A. MIEnE- Ps Tomes I à XXII (1879 à 1891). Chaque volume . or de Ho JE Cette publication est désormais confondue avec celle des Annales . ie des Sciences naturelles. Riot Cote se | Prix des collections. PREMIÈRE ‘sé (Zoologie et Botanique réunies), 30 vol. (Rare). ne DEUXIÈME SÉRIE (1834-1843). Chaque partie 20 vol. 250 fr. TROISIÈME SÉRIE (1844-1853). Chaque partie 20 vol. : 950 fr. QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. CINQUIÈME SÉRIE (1864-1874). Chaque partie 20 vol. 250 fr. ” ce SIXIÈME SÉRIE (1875 à. 1884). Chaque partie 20 vol. Sfr 6 SEPTIÈME SÉRIE (1885 à 4894). PIAQUE partie 20 vol. - 300 fr. de GÉOLOGIE, 22, volumes. 7,42 NT ER COS RS INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES, 65 de mélisse, chez laquelle les pycnides et le mycélium sont restés presque incolores ; quelques formes Macrosporium Y représentent seules le mycélium de résistance. L'eau distillée elle-même donne une végétation très polymorphe, ainsi que les glycérophosphates, qu'ils soient mono ou disodiques (on remarquera que ni l'acide glycéro- phosphorique, ni la soude n'ont rien donné). Le sul- fate de magnésium, le chlorure de sodium, le gaïacol, le sul- _fate de quinine, le chlorhydrate de cocaïne, la gomme, la dextrine, rentrent dans la même catégorie, avec quelques différences en plus ou en moins. Les milieux nutritifs solides (gélose, gélatine, moût géla- tiné) n ont, au contraire, donné que du mycélium incolore avec quelques pycnides, qui ont même manqué dans certaines cultures. Les formes de mycélium durable ont fait complètement défaut sur ces milieux ainsi que sur le bouil- lon, le liquide de Raulin, le phosphate acide, l’iodure, l’arséniate de sodium, la liqueur de Fowler, l’alun ; chez d’autres, elles ne sont représentées que par des Fumago (acides citrique et gallique). (PI. I, fig. 12,13.) Examinons maintenant les modifications que cette espèce _a pu subir dans les divers milieux, en groupant les faits autour de chaque forme principale du champignon. 2. — FORMES-LEVURES Les levures du semis se retrouvent très souvent dans les liquides, même après un temps assez long. Cette conservation des formes-levures dans certains milieux défavorables est très remarquable. Malgré la finesse de leurs parois, malgré leur peu de résistance vitale, ces levures, après avoir un peu grossi el tenté parfois de germer, conservent leur aspect, même longtemps après leur mort. Dans l'acide sulfurique à 1 p. 100, dans l'acide tar- trique, dans la soude, ete., etc., ces formes-levures (ou ces ANN. SC. NAT, BOT. LE 66 LOUIS PLANCHON. stylospores, car on a peut-être semé les deux) ont fini par périr et n’ont rien donné au semis de contrôle. Mais en examinant le liquide du fond du tube, on les retrouve en apparence intactes dans la plupart de ces milieux. La végétation en levure se fait, semble-t-il, principalement dans les liquides (sauf sur la pomme de terre). Aussi, dans telle culture (bromure de sodium) les préparations du fond en offrent en quantité, celles de la surface en sont tout à fait dépourvues. 3. — PYCNIDES Les pycnides ont manqué souvent (1). D’autres fois, elles ont été les seuls organes reproducteurs (2). Elles se prêtent mal à une description générale, à cause de leur variabilité même : Elles diffèrent en effet : 1° Par la dimension. — 1 y a là d'abord une question d'âge, Mais si, dans une même préparalion, on compare les pycnides de même coloration, noirâtre par exemple, on voit que les dimensions varient depuis 20 w sur 30 jusqu’à 250 w sur 350 et même plus, avec tous les termes entre ces extrêmes. Il est donc tout à fait impossible de séparer des espèces par ce caractère. Dans la plupart des milieux il en est de même. 2° Par la forme.— Souvent arrondies, presque sphériques, ordinairement un peu oblongues, parfois assez irrégulières, surtout lorsqu'elles sont en séries ou dans les termes de passages entre elles et les spores en massifs. Il ne semble pas que le milieu ait une grande action sur cette forme qui varie souvent dans la même préparation. 3° Par la déhiscence. — La présence ou l'absence d'un (1) Mannite, eau glycérinée, série des acides, phosphate acide de sodium, iodure de sodium, liqueur de Fowler, alun, créosote, cocaïne, et tous les milieux à végétation stérile. (2) Gélose, moût gélatiné, bouillon, liquide de Raulin. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. | 67 goulot coloré ou non, paraît en général chose importante dans l'étude des pycnides. [ci l’orifice unique (ordinairement) ou double, s'établit fréquemment sans aucune saillie ; d’autres fois, le col est des plus nets : on en trouve parfois deux, Jamais trois. Les orifices peuvent d’ailleurs être très apparents sans qu'il y ait de col. Celui-ci peut être représenté aussi par quelques cellules transparentes et dressées, mais très déli- cates et sans consistance, ou bien il existe une petite cou- ronne beaucoup plus nette, légèrement teintée si la pyenide est incolore, plus foncée si elle est colorée. Dans les cul- tures sur les eaux distillées, les pyenides sont en général très pâles, quelquefois tout à fait blanches, et les orifices ordinairement bien visibles. D’autres fois, aucune saillie, mais les cellules sont arran- gées en cercle autour d'un point où se fera l'ouverture pycnidaire. Une légère coloration jaune peut aussi entou- rer ces points sur des pycnides blanches. Enfin, l'aspect est souvent tout à fait uniforme et rien n'indique le point de la future déhiscence. 4° Par la couleur. — Très variable suivant l’âge et le milieu. Chez certaines pycnides, qui paraissent d’ailleurs ne pas s'ouvrir el rester à l’état d’un massif cellulaire à développe- ment arrêté, les cellules sont incolores sur le trajet d’un filament immergé, les parois cellulaires sont minces et les cellules elles-mêmes nombreuses et petites. Émergées, elles subissent une cutinisation tantôt rapide, tantôt, et ordinai- rement, plus lente, et passent par diverses teintes : jaune clair, jaune brun, brun cannelle, brun foncé, noirâtre (1). (1) Si la cutinisation des filaments se fait dans des milieux où elle n’a pas lieu d'ordinaire, c’est au contact des éléments reproducteurs. Dans ce cas les pycnides et surtout les formes nettes du mycélium durable (Macrospo- ium ou Alternaria) sont portées sur des ramifications mycéliennes toujours cutinisées, mais qui, souvent, perdent leur cutine à une certaine distance de la pycnide ou de la spore. Le pédoncule des pycnides, lorsqu'il est visible, est toujours plus cutinisé qu’elles-mêmes. Enfin, il est très fréquent que les formes diverses de mycélium durable soient plus abondantes, plus ser- rées autour des pyenides. 68 LOUIS PLANCHON. Cette coloration peut être uniforme : souvent, elle est accentuée suivant un cercle ou deux, au centre: desquels se fera l'ouverture de la pycnide, ou sur le col pycnidaire, s'il existe, ce qui est loin d'être la règle. La cutinisation com- plète se voit sur les vieilles cultures (pomme de terre) où les pyenides deviennent à la fin d’un noir foncé et tout à fait opaques (PI. [, fig. 3 et 11). 5° Par le nombre. — Sur la culture type, elles sont innom- brables et se multiplient à l'infini dès le début. Leur forma- tion semble s'arrêter au moment où commence à s'établir le mycélium durable sous ses diverses formes. Dans les cultures en liquides chimiques l'abondance varie beaucoup : on a vu qu'elles faisaient parfois complètement défaut, même lorsque la végétation générale était vigoureuse (créosote, alun, etc.). Chez d’autres, on en trouve çà et là quelques- unes (arséniate de sodium). Chez d’autres enfin elles abondent et constituent la forme la plus ordinaire de reproduetion (Hiquide de Raulin). Le nombre n'est d’ailleurs pas en rap- port avec la coloration ; elles sont souvent très abondantes et à peu près incolores (bouillon, eau distillée de mélisse). 6° Par la structure. — Sans parler des formes de passage, si curieuses, entre les pycenides et les spores en massif (PI. I, fig. 2), on peut constater que certaines pycnides sont constituées par des cellules assez grosses et à parois relativement épaisses. D’autres, au contraire, surtout parmi les moins colorées, sont formées de cellules beaucoup plus petites, à parois délicates et fines. Il ne s’agit pas, bien entendu, de deux sortes de pycnides, mais de différences que les intermédiaires effacent; pour ce caractère comme pour les autres, on peut observer tous les passages. Seulement, le milieu joue un rôle impor- tant, car les pycnides des deux ordres ne se trouvent guère dans le même liquide, et les passages se rencontrent dans des milieux différents. L’immersion et l'émersion sont aussi de grande importance, non seulement pour l’aspect, mais aussi pour le mode de formation des pyenides. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 69 1° Pur la nelteté du contour. — La plupart des pyenides, surtout celles qui remplacent un ou plusieurs articles de mycélium durable, sont nettement limitées. D’autres, à cellules plus petites, peu colorées d’ordinaire,sont beaucoup moins bien indiquées et leur circonférence extérieure s’es- tompe. Chez d’autres entin, le contour s’efface peu à peu, la paroi semble se dissocier sous forme de granulations, et l'on trouve dans la préparation des groupes de stylospores en paquets plus ou moins colorés, mais peu nets, dépourvus de paroi pycenidaire commune. 8° Par l’origine. — Les unes naissent directement aux dépens de la forme-levure ou de la stylospore semée, les autres se développent sur le trajet des filaments. Les deux types existent d’ailleurs dans la même préparation. 9° Par le développement — Les unes sont simplement for- mées par un massif cellulaire provenant de la division d’une cellule primitive, les autres donnent naissance à des fila- ments en nombre variable qui les entourent plus ou moins. 10° Par le groupement. — Ordinairement chaque pycnide est indépendante et isolée. On à vu cependant qu'il pouvait se former des séries de pyenides, soit par transformation des rameaux rayonnants autour de la pycnide centrale, soit par renflements successifs sur un même rameau. Mais les rapports peuvent être plus intimes encore. Dans les mem- branes du fond des tubes de pomme de terre, les pyenides s'unissent parfois en groupes ; 3, 4, 5 pycnides forment ainsi une masse assez mal limitée d’ailleurs, dans laquelle des cercles cellulaires indiquent chacune des pycenides, et où une enveloppe commune entoure le tout. Peut-être ces groupes se forment-ils ici par accolement et fusion de pyc- nides primitivement en séries (ainsi qu'on l’a vu pour leur formation), puis arrivant au contact et s’entourant d'une zone commune de cellules. Il ne semble pas que ce soient là les pycnides composées de Bauke (1). Mais celles-ci ne paraissent (1) Bauke, loc. cit. 10 LOUIS PLANCHON. pas avoir une entité bien réelle, car elles ne se forment que dans certaines conditions, et sont simples dans la nature. Cette distinction des pycnides en simples et composées laisse donc beaucoup à désirer. 11° Par la fertilité. — Certaines formes de pyenides pa- raissent demeurer stériles. D'abord celles qui se développent dans l’eau de pomme de terre {membranes immergées) restent blanches, irrégulières, sont formées aux dépens de la levure initiale ou du mycélium qui en part, et ne s'ouvrent pas; mais,même à la surface, dans certainsliquides (glycérophosphate disodique), il se forme des sphères ré- gulières, pluricellulaires, nettement limitées, à cellules polyédriques, qui se cutinisent fortement sans s'ouvrir, gardant à part cela tous les caractères des pyenides. Dans le sulfate de magnésium, il en est de même, mais la cutini- sation est faible et les pycnides, nettement développées par division d’une forme-levure, restent à l’état de massif cellu- laire légèrement jaunâtre. | %. —— APPAREIL MYCÉLIEN a. — CGutinisation. — Le mycélium ordinaire est formé de filaments d’abord fins, allongés, incolores, qui bientôt se cutimisent, soit par places soit en totalité, et passent, comme on l’a vu, aux formes de mycélium durable. Sur la pomme de terre, la cutinisation ne dépasse pas un certain degré. Mais si l’on fait varier le liquide de culture, on obtient des modifications correspondantes. Dans la même culture, les préparations des parties immergées montrent abondance de filaments blancs et offrent des régions de mycélium durable peu différencié, des files de cellules sur un rang par exemple, ou des amas fumagoïdes simples, tandis qu’à la surface du même liquide les formes se compliquent de plus en plus et que, dans l’ensemble, l'aspect est tout à fait différent (glycérophosphate de sodium). Il arrive aussi que la cutinisation ne se fait pas du tout et INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 71 que le mycélium reste entièrement blanc (phosphate acide de sodium, acide borique, etc., etc.) ou presque entièrement (chlorure de baryum), et dans ce cas il est d'ordinaire stérile ou à peu près ; ou au contraire la cutinisation est totale au bout de quelque temps (diverses végétations fuma- goïdes, sulfate de quinine, dextrine, etc., etc.) Les parties du mycélium qui portent des spores en massif sont toujours cutinisées au voisinage de celles-ci. Mais il se peut qu'un mycélium cutinisé soit stérile (acétate de soude à 10 p. 100). Souvent il reste des cellules blanches entre les régions colorées. b. — Mucilage. — Sortie des cellules hors de la cuti- cule.— Le mucilage abonde dans certaines cultures. On a vu que les stylospores sortaient des pycnides au milieu d’une atmosphère mucilagineuse. Pour ne pas revenir sur les faits déjà indiqués dans les généralités, il suffit de rappeler la fré- quence de la gélification dans les membranes, de dire que les cultures dans la quinine, la gomme, en donnent de bons exemples et d'ajouter que le phénomène si spécial de la sortie des cellules hors de la cuticule, s’observe aussi dans cette espèce. L'on peut prendre comme exemple la culture dans l’acétate de soude à 10 p. 100. Dans cette solution un peu concentrée le mycélium prend un aspect particulier ; les éléments colorés sont alternativement cylindriques ou sphériques, parfois irréguliers, mais jamais de formes ma- crosporioïdes ou alternarioïdes ; jamais non plus on ne voit de pyenides n1 d'amas de cellules en Fumago (PIE, fig. 10). Articles sphériques, en série ou séparés par un ou plu- sieurs segments allongés; coloration brun clair, violacée. Dans cette préparation, on peut suivre pas à pas la sortie des éléments incolores hors de l'enveloppe brune. Celle-ci se fend sur un point, tout spécialement chez les cellules sphériques, la petite sphère blanche apparaît et sort peu à peu, puis s’entoure d’une membrane assez épaisse, à double contour et d’une auréole de mucilage qui peut quelquefois devenir très large. En même temps, elle s'emplit de granu- 12 LOUIS PLANCHON. lations et de gouttelettes graisseuses très abondantes. Le protoplasma se divise souvent en deux parties. La germi- nation de ces petites sphères dans le liquide paraît rare, mais je l'ai vue cependant. | D. — VARIATIONS DU THALLE La couleur n’est pas le seul caractère qui se modifie dans le mycélium de cette espèce. Les articles normaux sont allongés et cylindriques, sans caractéristique nette, rappe- lant, quand ils sont cutinisés, les filaments de C/adosporium. Mais souvent les articles de ce mycélium deviennent gros et courts, presque isodiamétriques parfois (milieux nutritifs solides artificiels ; lactophosphate, glycérophosphates, iodure, arséniate de sodium; eréosote, etc.) ou allongés mais renflés en biscuit aux extrémités, et articulés par simple contact (cas fréquent), ou irrégulièrement arrondis (bouillon, alun, lacto et glycérophosphate, iodure de so- dium, etc.), ou enfin devenant franchement toruleux (lactophosphate de calcium, acétate, chlorure, bromure de sodium, chlorure d'ammonium, ferrocyanure de potassium, alun), en totalité ou par places. Dans quelques préparations (gélose, bouillon), certains articles mycéliens volumineux ont une tendance à se séparer les uns des autres et sont très faiblement articulés, constituant des sortes d'oïdies incolores; dans d’autres, la séparation s'effectue plus ou moins complètement, mais après cuti- nisation, et l'on arrive à la végétation fumagoïde déjà indiquée. Les cellules mycéliennes peuvent encore s’en- kyster ou prendre des formes de dégénérescence. Voyons, avant d'aller plus loin, quelques exemples de ces diverses formes. a. — Mycélium stérile. — Souvent banal. Il est plus in- téressant dans le ferrocyanure de potassium. La culture est absolument stérile, en voile superficiel blanchôtre ; filaments toruleux qui vont en diminuant de diamètre et formés de INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 13 cellules ovoïdes ou arrondies, articulées, très distinctes : Les extrémités s’effilent et les éléments y deviennent cvylin- driques (fig. 10). Le centre de la végétation est un amas 1 2 Fig. 10. — Culture dans le ferrocyanure de potassium. assez peu volumineux, enchevêtrement de filaments prove- nant tous d’un groupe de cellules initiales. Cultivée en cellule sur ce milieu, la levure se gonfle, puis germe, et les premiers articles sont toruleux : mais bientôt le filament s’allonge, se ramifie en restant très fin et cylindrique ; il donne, près ou loin du centre, des formes macrosporioïdes et surtout alternarioïdes. Mais 1c1 les filaments émergent hors de la gouttelette. La végétation immergée est donc seule stérile. b. — Renflements mycéliens. Fragmentation du mycé- Hum. — Dans les vieilles cultures d'A lernaria polymorpha sur pomme de terre, des régions entières du mycélium voient leurs cellules se renfler, s’entourer d’un double con- tour très nel, rester pendant quelque temps unies en chai- nettes plus ou moins longues et enfin se séparer en pelites sphères assez souvent déformées et un peu irrégulières, isolées ou par petits groupes. C’est la cellule entière qui grossit et se sépare : ce sont sans doute des sortes d'oïdies 14 LOUIS PLANCHON. plutôt que de simples renflements,bien que le contenu semble peu vivant. Dans les cultures sur gélose, gélatine et autres milieux Fig. 11. — Culture ancienne sur pomme Fig. 12. — Culture ancienne sur de terre. Fragmentation du mycé- pomme de terre. Fragmentation du lium. mycélium. nutritifs les renflements mycéliens abondent au bout de quelque temps au point de remplir complètement la pré- paration. Ici le renflement porte rarement sur la totalité de la cellule mais tantôt sur une extrémité tantôt sur les deux. La cellule est alors en massue ou en biscuit : la première forme est fréquente : le renflement se produit d'abord à une extrémité; puis gagne de proche en proche : en même temps la paroi cellulaire s’épaissit dans la partie renflée, et l’épaississement gagne peu à peu toute la cellule qui, dès lors, se détache souvent du filament mycélien. Dans les milieux ci-dessus le mycélium ne se cutinise pas, mais dans d’autres les articles mycéliens gros et courts ont tendance à la fois à la cutinisation et à la séparation. On arrive ainsi à la forme fumagoïde : les articles du filament se séparent par groupes, par files de deux ou de quelques cellules, ous égrènent isolément ee Poeme ne aussi la cutinisation n'arrive qu'ensuite sur des articles déjà séparés, analogues aux oïdies, mais plus petits, un peu déformés souvent, et toujours à double contour fin et net. D'autres fois enfin, quelques cellules seulement, dans un cordon cellulaire, peuvent s’arrondir, se cutiniser, QE INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 1 se séparer. On arrive à la chlamydospore (PI. 1, fig. 4). ce. — Oïdies. — Le mode de propagation par des articles terminaux de filaments blancs détachés et à membrane épaisse paraît assez fréquent chez cette espèce. En voici quelques exemples : Dans la solution de créosote, la grande masse est un mycélium blanc, fin, cylindrique, stérile, mais avec régions toruleuses (articles renflés sur tout ou partie de leur longueur). Très souvent ces articles (tout petits) se détachent à l'extrémité et germent dans la préparation même. I y a là comme une sorte de sporulation. Suivons cette déhiscence dans la solution d'a/un: on voit une cellule présenter 2 ou 3 étranglements, d’abord sans vraie membrane de séparation, puis celle-ci appa- raît nette comme une ligne noire; cette ligne est ensuite remplacée par une zone mucilagineuse réfringente el transparente ; les 2 cellules ne sont plus reliées que par une région de mucilage épais qui pourra plus tard se dissocier. La cellule ainsi formée grandit et se divise par S\ $ EN Q Q Q Fig. 13. — Culture dans lalun. Séparation Fig. 14. — Culture dans des cellules par gélification. l’arséniate de sodium. une cloison non gélifiée en 2 ou 3 cellules entourées d’un mucilage commun (fig. 13). Dans l’arséniate de sodium, la végétation est très peu active : on trouve de vagues et rares amas (pycnides irrégulières) des filaments blancs, allongés, à cellules très inégales, sou- vent renflées et volumineuses, et à double contour {fig. 1%). A l'extrémité des filaments ces cellules ressemblent à de 16 LOUIS PLANCHON. grosses spores, elles se détachent isolément ou par files de 2 ou 3 et plus, soit par chute de l'extrémité d’un filament, soit par désagrégation d’un filament toruleux. Elles ressemblent alors beaucoup à certaines cellules gonflées vues dans l’acide olycérophosphorique : ilsemble même que certains éléments aient tendance à émettre leur contenu. d. — Formes fumagoïdes et enkystées. — Parfois la forme fumagoïde est prise par les stylospores et par les levures elles-mêmes, qui donnent, par une multiplication limitée, par enkystement ou par cutinisation plus ou moins forte, des aspects de ce genre. D’autres fois, sous l'influence de certains milieux de culture, c’est tout le mycélium qui semble ainsi s’enkyster par petits groupes. C’est là essen- tiellement une forme de résistance permettant à la plante d'attendre longtemps des circonstances favorables. Dans l'espèce qui nous oceupe cette forme est relativement rare ; on en peut pourtant citer quelques exemples : Acide citrique. Petits grumeaux de cellules arrondies, un peu irrégulièrement, assez serrées et de couleur inégale- ment foncée depuis le blanc sale jusqu’au brun, le tout ter- miné par un petit appendice de 4 ou 5 cellules en série, partant d’un point quelconque du petit paquet irrégulier (One) Acide gallique. W donne toujours des végétations très spé- ciales : de vagues pyenides foncées se montrent dans les parties sombres, mais la grande masse de cette culture est formée par des stylospores et des formes-levure, ovales, na- viculaires, verdâtres ou même rougeâtres, à contenu granu- leux, coloré fortement. Beaucoup ont végété en levure, ou se sont divisées en 2 ou 3 par un commencement de germi- nation bientôt arrêté. Chacun des éléments a conservé sa forme : les stylospores ont un double contour et la pa- roi en est peu ou pas épaissie : mais chaque cellule est en- tourée d’une auréole de mucilage qui l'isole après bour- geonnement. Les formes-levures grossissent, deviennent rondes, leur paroi s’épaissit beaucoup sans se cutiniser, la INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. mors membrane externe se rompt souvent et la cellule fait plus ou moins saillie au dehors (PL. [,fig. 13). 1 y a là un remarquable phénomène de convergence avec ce quisera vu à propos du Dematium pullulans dont les formes-levures subissent cette même modification. Toutes ces spores ou levures étant sé- parées ou à peu près et la cutinisation très faible, ce n’est pas là une forme Fumago proprement dite, mais une sorte d’enkystement. Les filaments mycéliens sont fort rares et courts. Aucune forme de mycélium durable. Il est intéressant de constater que le éannin donne un aspect tout à fait analogue : grand nombre de stylospores, grosses cellules enkystées, granuleuses. L'ensemble forme un dépôt brunâtre. Un enkystement du même ordre, mais avec cutinisation, légère, s’est fait sur les pommes de terre imprégnées de la solution d’acétate de soude à 1 p. 100. Dans le /actophosphate de calcium, les filaments qui de- viennent rapidement bruns, sont ordinairement formés d’ar- ticles renflés en biscuit, mais de nombreuses cellules inter- calaires, isolées ou en série, arrondies ou ovales, plus fortement cutinisées que les autres, se montrent çà et là au milieu des filaments, se multiplient plus abondamment vers la surface du liquide et constituent de petits amas à élé- ments dissociés ou faiblement unis. Cest encore là une forme plus ou moins fumagoïde qui, à première vue, a l’air d'une pycnide noire. Les formes différenciées de mycélium durable n’existent pas; tendance tout au plus sur quelques points. oo OG; = © Dans l'acide glycérophosphorique, SO" 2 : milieu d'ordinaire très défavorable, © Où la germination ne s’est pas faite et 6e (e la levure s'est simplement enkystée : | cellules assez volumineuses (3-10 b. à double contour net, contenant des granulations ou des corps brillants, ayantsouvent, au premier coup d'œil, l'apparence de gros leucocytes et tout à fait inco- Fig. 15. — Culture dans l’acide glycérophosphorique. 78 LOUIS PLANCHON. lores. Quelques-unes alignées par 2 ou 3, ou même plus (com- mencement de germination qui s'arrête bientôt.) Dans le li- quide, des fragments blanchâtres amorphes sont des formes- levures dégénérées et en voie de disparition. Quelques-unes sont restées intactes en apparence. Cetenkystement doit être assez lent, car dans les essais de culture en cellule, je n'ai pu l'obtenir. J’ai vu seulement la levure semée se gonfler peu à peu, puis rester stationnaire et tendre à dégénérer. Les contours s’en effacent très lentement. Il est probable que, dans le flacon d'acide glycérophosphorique, la plupart des germes de cette espèce périssent; quelques-uns seu- lement ont pu résister et s'enkyster (1). Sur quelques cellules se voit le phénomène curieux de la sortie du contenu. La paroi du kyste se rompt et une petite sphère en sort. Cela explique l'existence, çà et là, de quelques enveloppes de kystes vides. Il semble que la paroi d’en- kystement se reforme très vite autour du globule sorti. e. — Mycélium durable et spores en massif. — J'arrive maintenant à une forme de mycélium durable, que l’on peut appeler « reproduetrice ». Voici, par des modifica- tions successives, les cellules mycéliennes sphériques ou renflées, leur division, leurs séries, leur groupement, leurs amas de plus en plus réguliers, et voici enfin les spores en massif. Nous sortons du mycélium proprement dit (PI. I, fig. 5, 7, 14). Le nom de mycélium durable à été donné aux di- verses cellules mycéliennes qui se cutinisent pour cons- tituer des formes de résistance. L'espèce qui nous occupe en ce moment, est certainement une des plus intéressantes pour l'étude de ces formes. | Si l’on examine les cultures sur pomme de terre un peu anciennes, datant par exemple de quelques jours, et sur- tout si l’on passe en revue quelques cultures typiques à cet égard (eau glycérinée, gaïacol, etc.), on verra qu’une (1) Du reste la vitalité est ici perdue et le semis de contrôle n’a rien donné. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 19 ligne de démarcation entre le mycélium et la spore est impossible à tracer, surtout pour les formes immergées. Sur le trajet d’un filament mycélien blanc, stérile, une cel- lule semblable aux autres, cutinise sa paroi, sans modifier ni sa forme ni ses dimensions : c'est déjà du mycélium durable (en même temps que cest une chlamydospore), Ailleurs, on voit une file de spores d’Alternaria avec tous leurs caractères : c'est encore du mycélium durable ; entre ces deux extrêmes on peut observer tous les états. Le mycélium tout entier chez beaucoup de Dématices rentre done dans la définition du mycélium durable. a. — Culinisation uniforme. — Prenons pour exemple la solution de mannite à 10 p. 100 (1); c'est un bon substra- tum, mais sur la membrane noirâtre épaisse, à tomentum blanchâtre qui en recouvre bientôt la surface, on ne trouve aucune pycnide. Des filaments mycéliens, brun clair, fins et déliés, s’y rencontrent, comme aussi quelques Wacrospo- rium bien formés; mais ce qui caractérise cette culture, c'est la cutinisation spéciale de la majorité des filaments. Ceux-ci brunissent fortement, en entier, uniformément et sans modifier la forme de leurs cellules qui sont larges et courtes, carrées, ou même plus larges que longues ; les parois deviennent très épaisses et très foncées, l’ensemble a l'aspect d’un bâtonnet noir (PI. [, fig. 9). Cependant cette forme n'est pas toujours cylindrique : certaines parties renflées, parfois même formant un vague chapelet, indi- quent une tendance à la segmentation en groupe alter- narioïde : c’est un terme de passage très intéressant et très spécial. Mais 1° les parties rétrécies du filament le sont très peu, toujours aussi cutinisées que le reste, et 2° il (1) Il est intéressant d'ajouter que le temps et la dose jouent iei un rôle important. Dans les solutions faibles, on trouve quelques pycnides rondes, quelques formes de spores en massifs et des filaments à cellules courtes, mais le type décrit ne se rencontre que dans les solutions saturées et après un temps fort long. La solution à 10 p. 100, après un mois seule- ment, offre déjà de nombreux filaments qui se rapprochent de la description ci-dessus ; mais les séries d’Alternaria sont encore bien mieux séparées. 80 LOUIS PLANCHON. n’y à jamais (ou presque jamais) de division cellulaire dans un autre sens que le sens transversal. Les filaments caractéristiques de cette culture sont enchevêtrés et ramifiés, souvent une et plus rarement deux fois, à angle très ouvert, ordinairement à angle droit. Ils sont quelquefois en continuité avec des filaments plus fins, à cellules ordinaires, de forme et de cutinisation normales. Ce qui caractérise cette culture, en somme, c’est [la proportion de ces filaments, leur presque régularité et leur couleur foncée, car dans d’autres (eau distillée de fleurs d'oranger, par exemple), on trouve des formes analogues, mais moins foncées, moins nombreuses et plus irré- gulières. | B. — Forme Macrosporium. — Les cellules différenciées par leur renflement et leur cutinisation peuvent se trouver à l'extrémité de certains filaments et jouer, en s’en détachant, le rôle de spores ou de séries de spores, mais le plus sou- vent elles restent unies au filament, coloré ou non dans son ensemble. Il arrive aussi qu’une de ces cellules se divise par des cloi- sons en un corps ovoïde ou piriforme, en donnant un petit sroupe cellulaire de 2, 3 ou 4 cellules réunies (PI. [, fig.5) : ces petits corps peuvent n'avoir leurs éléments qu'en simple contact ou, au contraire, former par ler soudureun ensem- ble solide, régulier, divisé dans les 3 directions de l’espace. C’est alors une spore en massif qui, pour l’espèce qui nous occupe, se rapproche, dans sa forme la plus différenciée, du genre Macrosporium. Mais si certaines cultures por- tent uniquement des spores ainsi caractérisées, d’autres nous montrent des corps analogues, mais irréguliers, macrosporioïdes et établissent, pour toute la série, des termes de passage. Ces Macrosporium peuvent germer latéralement et la cutinisation gagne alors souvent les rameaux. Enfin, si la germination a lieu au sommet de la spore, on voit se former à la suite les unes des autres, et INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. SI suivant une direction centrifuge, une file, une série régu- lière et distincte qui constitue la fructification bien connue du genre A/ternaria, où bien des formes « alternarioïdes » conduisant à l’A/{ernaria typique. En réalité, dans cette espèce comme dans la suivante, le nom de Macrosporium est souvent inexact, et d'ordinaire ces Macrosporium sont des À /fernaria à éléments dissociés. y. — Forme Alternaria. — Les spores d’A/{ternaria typique sont toujours de gros éléments piriformes, de dimensions assez variées. D'abord de teinte vert brun, elles arrivent au brun foncé. La pointe, toujours plus claire, reste ordinai- rement verdâtre, quelquefois même à peu près incolore (spores terminales.) Le massif est pluricellulaire : aux deux extrémités une cellule non divisée longitudinalement : dans la région moyenne plusieurs cellules sur le même plan. Ces éléments sont assez fortement liés les uns aux autres, mais cepen- dant plus ou moins arrondis, à angles mousses sur les points de contact. Malgré la cutinisation forte, les cellules sont assez distinctes par transparence. L'insertion sur les filaments est d'ordinaire bien visible, mais l’attache est d'une grande fragilité. L'union des spores entre elles dans les files est également très faible. La pointe de chacune est en simple contact avec la base de la suivante. et le moindre choc fait cesser l’adhérence, d’où confusion fréquente avec d’autres espèces à spores isolées. Les filaments sporifères souvent irréguliers portent la trace de l'insertion des spores tombées et ressemblent bien à ceux des Macrosporium. Le dernier élément de la série porte généralement à son extrémité distale un léger renflement en bouton, verdâtre ou brun pâle, début de la formation de la spore suivante. Le développement de celle-ci est d’ailleurs très rapide, car entre ce petit bouton et la spore formée et cloisonrée, on ne trouve que de très rares intermédiaires ; la cutinisation marche aussi très vite, et la coloration de la dernière ANN. SC. NAT. BOT. IX, Ô 82 LOUIS PLANCHON. spore est presque toujours aussi foncée ou à peu près, que celle des autres. Les cultures en cellules montrent bien ces résultats. Le nombre des spores de la série est fort variable; quel- quefois 2 ou 3, souvent 12 ou 14. Le bouton terminal indique la dernière. La forme est toujours celle d’une poire, mais tantôt le col en est court et en contact immédiat avec la spore sui- vante {les éléments sont ainsi très rapprochés), tantôt ce col s’allonge davantage et les parties renflées sont plus séparées, la série restant toujours très régulière. Le milieu semble jouer un rôle dans cette dernière modification de forme; mais entre les extrêmes on trouve encore 1c1 tous les passages. Les dimensions de corps aussi polymorphes ne sauraient être données exactement, et c’est un des résultats des me- Fig. 16. — Culture sur fragment d'éponge imprégné d’acétate de sodium. Formes alternarioïides. sures prises, que l'impossibilité de baser des distinctions spécifiques sur ce caractère ; tout ce que je puis dire, c’est que la dimension de 20 y sur 10 est une moyenne fréquente. Semées en milieu humide, ces spores ne tardent pas à émettre des tubes filamenteux. Toutes les cellules sont sus- ceptibles de germer ainsi, mais d'ordinaire une à trois seulement poussent. Il est rare que ce soit la cellule termi- nale; celle-ci semble destinée à donner seulement une nou- velle spore semblable à la précédente. Cependant on voit parfois un filament mycélien terminer et prolonger une série (PI. 1, fig. 6). Dans les germinations, les premières cel- INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 83 lules formées sont, suivant le milieu, plus ou moins sphé- riques ou au contraire allongées. 0. — Formes de passage. — Peut-on, d’après cela, consi- dérer la forme A//ernaria vraie comme réellement distincte? Il est évident que c’est un type bien spécialisé du mrycé- lium durable. La forme générale allongée, piriforme, l’extré- mité plus claire, le développement sur des filaments dressés et ordinairement aériens (bien qu'on en puisse rencontrer dans le liquide même), la disposition en file dont les termes sont assez semblables, l'allongement centrifuge et terminal de cette série, tandis que la cutinisation des autres groupes cellulaires a lieu çà et [à et souvent d'avant en arrière, tout cela semble faire des A/ternaria une forme bien nette. Néanmoins, si l’on examine les termes de passage, la ligne de démarcation est difficile à tracer (1): exceptionnelle- ment des files d’A/fernaria se terminent aux deux extrémités par un filament mycélien; dans la même préparation, des séries de cellules sont renflées en une sorte de chapelet, mais dont les grains, au lieu d’être bien séparés, sont soudés par quelques éléments cutinisés; un même filament à demi plongé dans un liquide y donnera des formes irrégulières macrosporioïdes avec tous les termes déjà indiqués: plus loin il émerge et se continue en une file d’A/fernaria typique. En somme l'A/fernaria est un cas particulier du mycélium durable, devenu fixe et se mon- trant avec un ensemble de caractères dans certaines condi- tions. Mais ce n’est qu'une forme fixée, gardant ses homo- logies avec le mycélium durable et une homologie plus (4) Costantin, en étudiant l’Alfernaria tenuis, à pu voir que dans cer- taines conditions les files de spores étaient remplacées par une seule spore, dans laquelle les cloisons étaient toutes parallèles ; les spores terminales moins cloisonnées pouvaient être bi ou même unicellulaires (J. Costantin, Sur les variations des Allernaria et des Cladosporium (Rev. gén. de Bot., te D ne spores en massif isolées, prennent souvent l'aspect des Stempaylium ou des Mystrosporium. Le M. hispidum représenté par Harz (Einige neue Hyphomyceten, p. 44, tab. IV, fig. 3) présente même des formes alterna- rioïdes qui le rapprochent beaucoup de l'espèce ici décrite. 84 LOUIS PLANCHON. lointaine avec les pyenides, ainsi quon Île verra. Il semble, d’après ce qui précède, que la formation des A/{ernaria typiques se fasse sur les filaments émergés surtout et que les parties immergées fournissent plutôt des formes « alternarioïdes » ou «macrosporioïdes ». Ainsi, dans Fig. 17. — Formes macrosporioïdes et alternarioïdes sur divers milieux (Bois, pomme de terre, gomme, etc.). une culture en cellule sur glycérophosphate disodique, ces dernières abondèrent dans la gouttelette pendante, mais la préparation étant restée assez longtemps dans la chambre humide, le champignon s’étendit, dépassa le couvre-objet et vint végéter au-dessus de lui, donnant alors des files parfaites d’A/{ernaria. Toutes ces formes de passage se rencontrent sur les cultures anciennes sur gomme. La cutinisation y est forte, moins cependant que dans la dextrine où elle est extrême. On peut trouver d’autres exemples de ces passages : dans la culture sur cocaïne, on a, avec le mycélium blanc, du INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 89 mycélium durable, mais surtout tous les passages entre le simple filament brun à cellules normales cutinisées, et les Macrosporium bien organisés, toujours très rares. La plupart des filaments ont une tendance à se renfler çà et là en spores en massif, mais les renflements portent rarement des divisions autres que la cloison trans- versale. Pour tout le reste (couleur, etc). ce sont des formes macrosporioïdes. BAL fs. 7.) | Dans la créosote on trouve parfois, à No l'origine des filaments mycéliens, des amas de cellules arrondies qui rappelle- Do raient les Macrosporium ou les Fumago pig. 18. — Culture dans s'ils étaient colorés : ils le sont en effet 9e solution de eréo- faiblement sur quelques points de la préparation : ordinairement ils restent blancs, spores en massif par la forme, non par la couleur (fig. 18). Je citerai encore un terme de passage intéressant : la culture dans le bromure de sodium offre des amas irrégu- liers et le plus souvent sphériques formés de cellules rondes agglomérées : il ne semble pas que ces corps qui ont toute l'allure et la forme des pycnides soient creux. Ce sont de simples agglomérations de cellules cutinisées, comme les filaments en “portent beaucoup par groupes ou par sé- rie de deux ou trois, et qui en somme se rapprochent du mycélium durable, dont elles ont tout à fait la couleur : mais les cellules ne sont pas agencées solidement entre elles comme celles d’un Macrosporium et sont en outre plus pe- tites. On trouve du reste à côté, des formes macrosporioïdes avec tous les passages ; ces corps ne sont ni des pycnides (pas de cavité, pas de stylospores), ni des Macrosporium (cellules arrondies, peu cohérentes), ni des Fumago (forme ordinairement régulière, amas placé en continuité sur les filaments), mais paraissent tenir à la fois de ces trois ordres d'éléments.C’est un terme de passage à noter. (PI. I, fig. 4.) 86 LOUIS PLANCHON. Au total les A/fernaria tout à fait typiques avec leur con- tour piriforme, leur extrémité peu colorée et à peine en con- tact avec la spore suivante formée par voie centrifuge, sont plutôt rares dans cette espèce. Les formes alternarioïdes voisines abondent au contraire dans certaines cültures (gly- cérophosphates de sodium). D’après tout ce qui précède, il est probable que la plu- part des Hyphomycètes ayant comme organe reproducteur la spore en massif (Papulaspora, Helicosporangium, etc.) doi- vent passer très facilement des uns aux autres et que la dis- tinction générique, en dehors des périthèces inconnus, est toute provisoire, conventionnelle et précaire. Les procédés de reproduction sont très semblables : ainsi d’après des re- cherches encore inédites de M. Em. Boulanger, on voit un Papulaspora donner, au bout de nombreuses générations, des spores en massif plus volumineuses que les autres, et bien- tôt après de vraies pycnides avec de grosses stylospores brunes. La formation de ces pycnides, au milieu des spores en massif est un point de contact très net avec l'espèce 1ei étudiée. 6. — CARACTÉRISTIQUE DES MILIEUX. La variabilité de ces formes mycéliennes cutinisées ou non, la facilité de leurs transformations, les termes multiples qui les relient, expliquent qu'il n’y ait rien d'absolu dans la caractéristique de la plupart des cultures. S'il est vrai que dans tel ou tel milieu le mycélium reste stérile; s'il est vrai que dans d’autres, on trouve des À /{ernaria typiques, qui font totalement défaut ailleurs; s’il est vrai que les pycnides ou les formes diverses de mycélium durable puis- sent caractériser assez bien tel milieu de culture, il n'est pas moins vrai : | 1° Que certains milieux (pomme de terre, par exemple) peuvent offrir en même temps ou successivement la plu- part des formes indiquées; INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 87 2° Que les milieux sont plutôt caractérisés par la prédo- minance d’une forme que par sa présence exclusive: 3° Qu'il est très rare que la végétation ou la reproduction soient uniformes. Il y a toujours (sauf le cas de stérilité complète du mycélium) modification en plusieurs sens des cellules du champignon, avec ou sans termes de passage entre les formes développées. Cette variété d'aspect s'explique par la nécessité de la lutte. Tous ces milieux {ou la plupart) sont en somme très défavorables aux champignons, qui doivent lutter pour la vie et qui prennent des formes défensives. Mais ces formes varient suivant le milieu. lei c’est un simple épaississement de la membrane, une sorte de renforcement de la protection ordinaire. Ailleurs 1l ÿY a modification dans la nature de cette membrane : c'est la cutinisation avec tous ses degrés et tous ses aspects. Ailleurs, enfin, les cellules modifient leur forme ou leurs rapports : elles deviennent plus ou moins sphériques, s'unissent en massifs volumineux, ou au contraire s'isolent, s’'émiettent de plus en plus et restent dans le liquide à l’état d’une sorte de levure enkystée, ou de sphères résistantes à double contour avec ou sans cutinisation, ou même à l’état de petits groupes isolés, d’un Fumago. La forme prise est naturellement celle qui résiste le mieux à l’action nuisible du liquide choisi. 7. — PYCNIDES ET MYCÉLIUM. I faut maintenant établir l’homologie très réelle entre les pycnides et les diverses formes du mycélium durable. Cette homologie, surtout pour les mycéliums immergés où les passages sont extrèmement nombreux, est très nette et repose sur les faits suivants : 1° I ya complète identité de situation sur le trajet des filaments mycéliens. Un groupe de cellules, on l'a vu, se dif- férencie pour former une spore en massif, ou une pycnide, tantôt à l'extrémité, lantôt latéralement, tantôt et plus sou- 88 LOUIS PLANCHON. vent en un point quelconque de la longueur du filament ; 2° Au début tout au moins de la formation, et surtout pour les pycnides immergées, le mode de développement est le même ; cellule unique donnant par cloisonnement un massif cellulaire. Il est vrai que chez la pycnide la division continue, les membranes cellulaires restent plus fines, le tissu de la paroi plus nettement organisé; mais c'est là le développe- ment ultérieur ; 3° La modification de la membrane cellulaire est la même : la cutinisation se produit dans les deux cas; elle est seule- ment d'une extrême rapidité dans les cellules des spores en massif, ordinairement très lente chez les pycnides qui ne brunissent qu'au bout de quelque temps. La production : de mucilage rap- proche encore ces deux modes de fruc- tification ; 4° Surtout on peut constater entre une spore en massif et une pycnide diffé- _ renciée, absolument tous Îles passages. (PI. I, fig. 2.) Dans une file d’A/{ernaria, par exemple, on voit une pycnide rem- plaçant l’une des spores en massif ; telle pycnide allon- gée présente à ses Fig. 19. — Culture ancienne sur pomme de terre. er ne pur \ Passage des pycnides au mycélium durable. deux extrémités où à l’une d'elles quel- ques cellules fortement cutinisées : c’est une spore de Macrosporium dont la partie centrale s’est renflée en pyc- nide ; la cutinisation peut s’affaiblir chez quelques spores, INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 89 augmenter chez quelques pycnides, et, dans certaines préparations, la distinction devient difficile (fig. 19). Plus tard, si le développement de la pycnide s'achève (ce qui n'est pas loujours le cas,semble-t-il), la paroi multiplie ses cellules et en diminue les dimensions, les stérigmates, les stylospores se forment, l'ouverture de la pyenide s'effectue et les deux organes diffèrent de plus en plus. On peut, en somme, passer par des transitions insen- sibles de la cellule mycélienne la plus simple à la pycnide la plus compliquée (1). VII. — RÉSUMÉ. L'espèce décrite sous le nom d’'A/ternaria polymorpha, est fréquente dans les solutions chimiques (p. 48). Elle résiste très bien à l’action de la plupart de ces mi- lieux, moins bien cependant aux milieux acides (p. 49). Elle se présente dans les cultures avec une grande variété d'aspect et de structure (p. 50). Sur le milieu-type, elle donne d’abord une végétation en levure rose, qui noircit bientôt en prenant l'aspect d'un Fumago,en même temps que se forment des pyenides (p.51). Sur les mêmes cultures anciennes, on trouve réunis sous des aspects très divers : levures roses, levures cutinisées, pycnides, stylospores incolores et cutinisées, mycélium durable, formes macrosporioïdes et alternarioïdes, A /{er- naria, formes fumagoïdes, avec tous les termes de passage (p. 60, 641. _ Les cultures en cellule peuvent, si elles sont prolongées, donner ces divers types (p. 60). Les filaments provenant des stylospores ou des levures s anastomosent très facilement (p. 55). (1) M. Cornu a d’ailleurs montré depuis longtemps déjà l’homologie qui existe entre les diverses spores, conidies, stylospores et spermaties. (M. Cornu, Reproduction des Ascomycètes : Stylospores et Spermaties (Ann.des Send. 0(SÉTIC, 1. 9, 1p 9). 90 LOUIS PLANCHON. Les pycnides se forment soit aux dépens de la cellule initiale semée, soit aux dépens d’une cellule quelconque d'un filament. Dans les liquides, les pycnides se développentsans l’inter- vention d’autres filaments que le filament primitif : une cellule se divise un grand nombre de fois et donne un massif cellulaire qui se creuse et émet rapidement des stylospores (p. 55). Dans la gélatine ou dans les parties aériennes des cul- tures précédentes, les pycnides se forment de la même façon, mais émettent aussi, dès le début, des filaments qui s’anastomosent bientôt avec les filaments voisins et entou- rent la pycnide d’un réseau toujours très lâche et parfois à peine indiqué (p. 55). Les formes variées de mycélium durable n’apparais- sent dans les cellules que beaucoup plus tard (p. 60). Des différences se montrent dans le mode de germina- ion et le premier développement quand on cultive en cel- lule sur des milieux variés (gomme, dextrine, acétate de sodium, etc.) (p. 61). La végétation en levure ne se fait que sur quelques rares milieux. Mais la vitalité se conserve assez souvent même en l'absence de tout développement (p. 65). À l’état d'activité, Les levures sont très variées de forme et de dimensions (p. 53). Les pycnides sont un mode très commun de nt tion, quelquefois le seul. Mais elles diffèrent beaucoup dans les divers milieux (p. 66) : a. Par les dimensions (qui varient dans les proportions de 1 à 10 et plus); b. Par la forme (arrondie, oblongue ou irrégulière); c. Par la déhiscence (orifice avec ou sans goulot, simple ou double; pycnides indéhiscentes). d. Par la couleur (blanche, jaune, brunâtre ou noirâtre), e. Par le nombre {indépendant des caractères précé- dents); INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 91 {. Par la structure (dimensions des cellules de la paroi); g. Par la netteté du contour (qui parfois s’estompe beau- Coup); k. Par l’origine (cellule initiale ou cellule d’un filament); i. Par le développement (massif cellulaire simple ou don- nant naissance à des filaments); j. Par le groupement (des pycnides se fusionnant quel- quefois en masses assez mal limitées) ; Æ. Par la fertilité (certaines formes de pycnides paraissent rester stériles). L'appareil mycélien présente aussi des variations nom- breuses (p. 70). La cutinisation peut manquer complètement (phosphate acide de soude) ou devenir totale {dextrine) ; parfois alter- nance de parties incolores et cutinisées (p. 70). _ Le mucilage abonde dans cette espèce (p. 71). La sortie de la cellule hors de la cuticule s’observe aussi (p. 71). La forme des articles mycéliens varie suivant le milieu ou dans le même milieu. Les filaments toruleux sont fré- quents (p. 72). La fragmentation du mycélium, cutinisé ou non, est fré- quente aussi : des oïdies (créosote, alun, arséniate de sodium, etc.), et des formes fumagoiïdes et enkystées (acides citrique, gallique, etc.), se produisent aussi dans divers Anilieux (pp. 13, 15, 76, etc.). Le mycélium durable est spécialement intéressant par les termes de passage qu'il présente : articles enkystés, filaments entièrement cutinisés, renflements isolés ou suc- cessifs, spores en massif se dégageant peu à peu, formes macrosporioïdes, enfin A/fernaria caractérisés (p. 78). Les types les plus nettement différenciés se trouvent dans les végétations émergées (p. 84). Des termes de passage se voient dans des milieux très divers (acétate de sodium, cocaïne, créosote, bromure de sodium, etc., etc.) (p. 83). 92 LOUIS PLANCHON. La plupart des Hyphomycètes à spores en massif doivent passer facilement de l’un à l’autre (p. 86). On trouve tous les passages : a. Entre l’article mycélien et la chlamydospore ; b. Entre l’article mycélien et la conidie ; c. Entre l’article mycélien et la spore en massif: d. Entre la spore en massif isolée (Macrosporium) et la file d’A/fernaria ; e. Entre la spore en massif et les pycnides. Les milieux sont plutôt caractérisés en général par la prédominance d’une forme que par une forme tout à fait exclusive (p. 86). Les pycnides peuvent être considérées, comme les homo- logues du mycélium durable et des spores en massif : la situation identique, le mode de développement, la modi- fication de la membrane cellulaire, les formes de passages nombreuses, etc., le montrent très nettement (p. 87). On peut passer par transition insensible, et en consi- dérant des milieux divers, de la cellule mycélienne la plus simple à la pycnide la plus compliquée (p. 89). ALTERNARIA VARIANS [. — ORIGINE DES CULTURES. La deuxième espèce d’A//ernaria que je me propose d'étudier, est certainement bien distincte de la pre- mière. Sans doute la variabilité de leur mycélium durable et les formes différenciées de leurs spores en massif les rapprochent; mais, soumise à des conditions identiques, jamais la seconde ne donne ni forme-levure, ni pycnides, ni par conséquent de stylospores. Il s'ensuit déjà que, semée sur le milieu type, elle s'y comportera tout diffé- remment, au moins au début, puisque les levures et les pycnides sont le premier stade de développement de l'A /- ternaria polymorpha. Cette espèce a été obtenue en semant la végétation d’une solution d’azotite de potassium (1) provenant d’un labora- toire de l’École supérieure de pharmacie de Paris. Déjà dans le flacon d’origine, on reconnaît bien les fila- ments d’un champignon du groupe des Dématiées, les uns incolores, plus ou moins nettement cloisonnés, d’autres ayant à l'extrémité ou sur leur trajet, une ou plusieurs cellules colorées et renflées, d’autres enfin formés d’arti- cles jaunâtres, réguliers ou non, en série continue ou interrompue. C’est là, certainement, le champignon obtenu par la culture. (4) Cette même solution a d’ailleurs fourni d’autres espèces : le Penicillium glaucum, une levure rose, une levure jaunâtre, une espèce de Bothriotri- chum (?) disparu avant détermination, etc. Dans le liquide, la végétation formait des flocons filamenteux, blanchâtres, ochracés par places. 94 LOUIS PLANCHON. II. — RÉSISTANCE AUX MILIEUX. L'espèce se développe bien dans la plupart des milieux, d’une façon moins générale toutefois que la première. C’est ainsi que dans une dizaine de liquides, elle n’a donné aucune végétation (1), et que dans une vingtaine (2), le développement a été faible; 15 à 18 (3) ont donné une moisissure vigoureuse. Certains milieux ont permis d’abord le développement du champignon ; mais celui-ci est mort au bout de peu de temps (4). Quelques liquides n’ont donné qu'un mvcélium absolu- ment stérile (5), c'est-à-dire dépourvu même des spores en massif plus ou moins différenciées qui constituent les seules formes reproductrices de ce champignon. Le groupe des eaux distillées s’est montré assez homo- gène: l'espèce a même végété dans l’eau de cannelle (faible- ment, il est vrai, et pas longtemps, car les semis de contrôle n ont rien donné). Les autres ont accusé une prédominance du mycélium incolore sur les filaments cutinisés; les spores en massif existent partout, mais peu nombreuses, rare- ment en série et surtout sous forme de Wacrosporium. Parfois le mycélium est presque stérile (eau distillée de mélisse). (1) Sucre interverti, acide glycérophosphorique, acide sulfurique, soude, biphosphate de calcium, acide borique, iodure de sodium, arséniate de sodium, alun. (2) Bois, gélose, gélatine, eau de cannelle, eau de menthe, eau distillée, acide citrique, acide gallique, lactophosphate de calcium, phosphate acide de sodium, bromure de sodium, carbonate de sodium, chlorure d’ammonium, liqueur de Fowler, chlorure de baryum, créosote, gaïacol, sulfate de quinine, chlorhydrate de cocaïne, etc. (3) Moüt gélatiné, mannite, bouillon, liquide de Raulin, eau glycérinée, eaux d'oranger, de roses, de tilleul, de mélisse ; glycérophosphates et acélate de sodium, sulfate de magnésium, gomme, dextrine, pomme de terre. (4) Gélose, gélatine, eau de cannelle, acide citrique, lactophosphate de calcium, chlorure d’ammonium, liqueur de Fowler, chlorure de baryum. (5) Moüût gélatiné, mannite, acides citrique et gallique, soude, chlorure et acétate de sodium, ferrocyanure de potassium, créosote, cocaïne. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 95 Les acides ont été très défavorables : le champignon n’y a rien donné, ou à faiblement végété. Sous ce rapport, cette espèce se rapproche de la première et de la troi- sième. IT. — ASPECT GÉNÉRAL DES CULTURES. L'aspect général des cultures un peu anciennes varie beaucoup. On a vu que chez certaines le semis ne se déve- loppe pas et que chez d’autres l'accroissement est insigni- fiant. Lorsque le milieu est au contraire très favorable, le champignon forme à la surface un voile qui dépasse parfois deux centimètres d'épaisseur, et dont la partie inférieure laisse flotter souvent des flocons dans le liquide. Le long des parois, la végétation émergée peut s’élèver assez haut, tantôt en filaments bien nets, tantôt sous forme d’une poussière grisätre. Dans la solution d'acide tartrique cette végétation émergée existe seule. La couleur de la moisissure peut être assez foncée : généralement grise ou brune, souvent blanchâtre et même blanche dans les parties stériles. Certains milieux ne four- nissent que des flocons blancs parfois très petits (1); chez d’autres, ces flocons ont une teinte grise (2), gris foncé (3), ou noirâtre (4), ou forment une grosse membrane noire (5), recouverte ou non d’un tomentum blanc. On voit que la cutinisation, plus ou moins grande, Joue ici un rôle évident et que l’on a tous les passages du blanc pur au noir. La gélatine et le moût gélatiné sont liquéfiés par le déve- loppement de ce champignon. (1) Lactophosphate de calcium, chlorure d’ammonium, chlorure de sodium, chlorure de baryum, soude à 0,25 et à 0,50, urée, liqueur de Fowler. | (2) Bromure de sodium, eaux distillées diverses. (3) Acétate de sodium. (4) Bois, glycérophosphate, bouillon. (5) Gomme, moût, eau glycérinée, dextrine, glucose, mannite. 96 LOUIS PLANCHON. IV. — CULTURE SUR LE MILIEU-TYPE. Semée sur pomme de terre dans les conditions normales, cette espèce se développe rapidement en une moisissure gris brunâtre ou verdâtre, entourée d’une atmosphère de filaments blancs, aranéeux, légers. Ce flocon s'agrandit et envahit bientôt toute la pomme de terre. Quelle que soit l'origine, l'aspect des semis de contrôle a toujours été le même. Le substratum se recouvre d’une laine courte, en petits flocons serrés, tantôt sur toute la surface, tantôt par places. La coloration de cette laine reste très rarement blanche ; elle varie du gris-noirâtre au gris-verdâtre. Lorsque la pomme de terre repose sur un tampon de coton, celui-ei est rapidement envahi et devient vert noi- râtre. Dans les vieilles cultures, le coton supérieur lui- même renferme aussi des filaments. Enfin le liquide inférieur contient une végétation super- ficielle abondante, souvent suffisante pour qu'on puisse renverser le tube. Cette épaisse membrane est quelquefois blanchâtre, le plus ordinairement colorée et marquée sur le bord d’un cercle plus foncé, noirûtre. Les parties tomenteuses, grises ou blanches, sont formées d’un mycélium stérile. Les parties verdâtres ou gris ver- dâtre montrent un mycélium portant des Macrosporium ou des formes macrosporioïdes. Les parties noires sont des amas de Macrosporium brun noir, détachés ordinairement des filaments et qui germent aussitôt sur le milieu, augmentant ainsi la végétation. Celle-ci est, en somme, assez homogène. Beaucoup de filaments sont très volumineux et contiennent de grosses gouttes d'huile (fig. 23, p. 101). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 97 V. — GERMINATION ET PREMIER DÉVELOPPEMENT SUR EAU DE POMME DE TERRE. Dans les cultures en cellules, le mycélium blane ou très légèrement cutinisé naît d'une spore en massif, rarement de la pointe, le plus souvent des cellules latérales; 1, 2, 3 filaments partent ainsi sous forme de tubes cylindriques Fig. 20. — Première germination d’une spore en Fig. 21. — Anastomoses dès massif et d’un fragment de mycélium durable le début de la germination. sur eau de pomme de terre. — Eau de pomme de terre. (fig. 20) bientôt ramifiés et s’anastomosent vite fig. 24, 22) en un réseau à larges mailles. Sur les branches mycéliennes naissent des spores en massif qui se prolongent en files d'Alternaria généralement bien régulières el très carac- térisées (fig. 22). La couleur en est grise ou gris brun, ou un peu verdâtre, tandis que la spore initiale est très foncée, brun rouge sombre, souvent plus petite que les nouvelles formées et comme réduite, tout en conservant sa forme (pl. Il, fig. 11). Par exception, les spores nouvelles sont quelquefois irrégulières et de forme anormale: en tout cas, toujours nettement articulées sur le mycélium. ANN. SC. NAT. BOT. XIE 98 LOUIS PLANCHON. Celui-ci très développé, rameux, anastomosé souvent, se ramifie sur certains points en formant une sorte de réseau où les rameaux sont plus épais et fréquemment anastomosés. Ce phénomène se retrouve dans la germina- tion sur plusieurs autres milieux (glycérophosphates, etc.) (PI. I, fig. 12). Ces filaments entrecroisés ont des ori- gines diverses; ils sont plus tortueux, plus irréguliers, plus Fig. 22. — Culture en cellule sur eau de pomme de terre, 3° jour. — Formation des files d’'Aléernaria. gris et un peu plus cutinisés que ceux d’où ils proviennent et que ceux qu'ils donnent eux-mêmes. J'ai fait aussi d'autres cultures en cellule, pour observer la germination dans quelques milieux intéressants (acide gallique, glycérophosphate monosodique, carbonate de calcium, mannite, eau distillée de menthe, ete., ete.). Les résultats en seront mieux placés après l'étude de la végéta- tion spéciale dans ces solutions. J’indique seulement ici que des essais de ce genre pourraient peut-être permettre d'obtenir des périthèces. En effet, les cultures en cellule, outre qu'elles ont offert des éclaircissements très nets sur certains points de struc- ture et de développement, ont aussi présenté (au moins INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 99 quelques-unes d’entre elles: mannite, glycérophos- phate, etc., etc.), un mode de végétation intéressant, bien qu 1l n’ait pu être suivi jusqu'au bout. Sur certains points du mycélium rameux sorti de la spore en massif, les branches se tordent en spirales irré- gulières, en une sorte de tire-bouchon dont l'aspect tranche nettement sur le reste du mycélium. Or, Zopf, dans sa mono- graphie des Chzætomium (1), indique des formations abso- lument identiques comme étant le début des périthèces. Il se pourrait donc que notre espèce eût une tendance, dans certains milieux, à former soit des périthèces, soit peut- être des pycnides, dont le mode de production serait tout différent de celui des pycnides de la première espèce; mais souvent pycnides et périthèces se développent dans la même espèce d'une façon identique (2). YL — MODIFICATIONS MORPHOLOGIQUES DE L'ESPÉCE. Ainsi que je l'ai dit, cette espèce, malgré les variétés des conditions auxquelles elle a été soumise, n’a donné aucune autre forme de reproduction que la spore en massif diffé- renciée en Macrosporium et Alternaria, ou les diverses formes de passage entre ces spores et le mycélium durable. En somme, ici le mycélium est le principal objet d’études; mais ses variations sont assez grandes etles types sur divers milieux assez nets, pour que l'examen en doive être fail avec soin. Fragmentation du mycélium, formation d'oïdies de types fumagoïdes, variation dans la cutinisation, dans (1) Zopf, Zur Entwickelungsgeschichte der Ascomyceten. Chætomium (Nov. act. der K. L. C. deutsch. Akad. der Naturf. Halle, 1881, XLII, n° 5). (2) Pour profiter de cette tendance à la formation de corps reproduc- teurs, j'ai pensé à employer des milieux solides, mais comme le liquide paraissait avoir ici une influence, j'ai imprégné de ces liquides (solution de mannite, glycérophosphate monosodique, eau distillée de menthe, etc.) divers milieux solides, les uns très nutritifs (pomme de terre), les autres peu {bois blanc), les autres, enfin, pas du tout (éponge). Les périthèces ne s'étaient pas développés au bout de plusieurs mois. 100 LOUIS PLANCHON. la forme des articles et dans leur contenu, modes spéciaux de génération de la spore en massif, phénomène par- ticulier de sortie de la cellule hors de son enveloppe extérieure cutinisée ou non, etc., ete.; ce sont [à autant de points qui devront être mis en relief et dont quelques-uns se montrent ici avec plus de netteté que pour la première espèce. Ils justifient, semble-t-il, la dénomina- tion d’A/fernaria varians, proposée pour cette plante, qui ne parait se rapporter à aucune de celles dont j'ai pu voir la description. Le mycélium subit donc des modifications profondes ; mais, dans leurs grandes lignes, elles peuvent être com- parées à celles de la première espèce. Îl est donc inutile d’v revenir longuement. Le rôle de l’ammersion par exemple, est ici très évident : dans la même culture (glvcérophos- phate monosodique) le fond contient des filaments stériles, la végétation émergée porte nombre de spores en massif avec passages très variés et filaments moniliformes divers. La gélification de la membrane se présente avec ses carac- tères ordinaires. Elle est fréquente, mais n’a rien de spé- cial. La sortie des éléments cellulaires, hors de la cuticule, se montre aussi (pl. IT, fig. 3), moins fréquente cependant que chez l’autre À lernaria(dextrine, glycérophosphate mono- sodique, etc.). Réduite au minimum dans quelques milieux (acétate de sodium, iodure de potassium, créosote, gaïa- col, etc.), la cufinisation se localise parfois sur les spores ou dans leur voisinage. D'autres fois, au contraire, elle envahit presque totalement la végétation (dextrine, surtout à 20 p. 100. On a vu que la dextrine augmente souvent la cutinisation). Dans la règle, les filaments bruns, plus ou moins foncés, sont mêlés aux parties blanches du mvy- célium. | a. —- Mycélium toruleux. — Renilements. — Le mycé- lium présente souvent des renflements, tantôt localisés, sur quelques points çà et là (pomme de terre, etc.) (fig. 23), ou sur certains filaments mêlés aux formes cylindriques (mannite INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMAÉTIES. 101 5 p. 100) (1) (pl. , fig. 7), tantôt généralisés, la végétation devenant tout à fait toruleuse {acétate de sodium). Ces ren- flements mycéliens sont parfois vides, parfois remplis d'huile. Fig. 23. — Renflements cellulaires divers. Culture sur pomme de terre. Le type du mycélium toruleux peut être fourni par l’acétate de sodium (pl. Il, fig. 2). lei tous les articles ou à peu près deviennent sphériques ou ovoïdes, de dimensions assez grandes. Le contenu est de l'huile qui gonfle peu à peu la cellule et apparaît dans l’intérieur sous forme de grosses gouttes réfringentes et homogènes. La sortie de ces goutte- lettes se fait de la façon spéciale qui a été décrite pour la sortie des cellules elles-mêmes hors de l'enveloppe, c’'est-à- dire que celle-ci se rompt largement, en laissant échapper un gros globule très riche en huile. Dans le liquide on ren- contre des gouttes d'huile de toutesdimensions, moins cepen- dant qu'il ne semblerait & priori. Quelques-uns de ces corps ainsi sortis des cellules ont encore des granulations proto- plasmiques ; mais l'absence de membrane, la grande réfrin- gence, la variabilité des dimensions, l'homogénéité générale, les réactions indiquent de l'huile et non du protoplasma. Certains filaments sont légèrement cutinisés. Cette végétation toruleuse se rencontre aussi bien dans les solutions faibles (1 p. 100) que dans les solutions fortes (10 p. 100); mais les parties colorées du mycé- lium restent régulièrement cylindriques dans les solu- tions faibles et tendent à devenir toruleuses aussi à mesure (4) Dans les solutions faibles ce caractère de la mannite disparaît à peu près complètement, surlout sur les filaments cutinisés. 102 LOUIS PLANCHON. que le titre de la solution augmente. Partout le mycélium est complètement stérile. Les cellules cutinisées laissent échapper comme les autres, suivant le procédé indiqué, des gouttelettes grasses souvent accompagnées d'une sortie partielle du protoplasma. D'ailleurs, si l’on fait germer la spore en massif en cellule dans une goutte de ce milieu, le caractère de la torulation apparaît dès le début (pl. IL, fig. 2); à ce moment il n'est pas dû à l'huile, car les cellules sont pleines de granulations protoplasmiques. Ces cellules sont courtes ou arrondies, for- tement granuleuses, bien séparées, les premières quelque- fois un peu cutinisées. Plus loin le filament devient cylin- drique et donne des spores en massif, mais il faut remarquer qu'alors il sort de la gouttelette de culture. Le caractère de stérilité de ce milieu se retrouve sur la pomme de terre imprégnée d'acétate de sodium, mais non sur le bois ni sur l’éponge, qui, dans les mêmes conditions, sont très riches en Macrosporium et formes intermédiaires au milieu des filaments caractéristiques. Les sphères qui sortent des spores en massif germent quelquefois sur place avant même d'être sorties complète- ment. La culture dans la solution de su/- fate de quinine est intéressante aussi à certains égards ; on y trouve d’as- sez nombreux filaments brun clair avec quelques spores en massif, rares, allongées et pâles ; mais l’ensemble de la végétation est formée de filaments blancs, à articles bien séparés, à paroi Fig. 24. — Culture dans externe gélifiée, à cellules ordinaire- a ns en er arrondies (fig. 24) : cette culture pourrait aussi être rapprochée du my- télium dissocié. Sur les cellules, plus ou moins ren- flées let: :qui s’effilent à mesure qu’elles s’éloignent du centre, se montrent de nombreux petits bourgeons ar- INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 103 rondis, point de départ de ramifications, ou pouvant pro- bablement se détacher de la cellule productrice par gélifi- cation ; ces bourgeons donnent une végétation nouvelle. Des gouttelettes d'huile se montrent dans les cellules, plus ou moins volumineuses suivant le diamètre de la cellule elle- même. La continuité de ce mycélium avec les filaments bruns nest que probable (1). Sur les milieux nutrilifs comme la gélose, la gélatine, etc, on a vu la facilité avec laquelle se forment les renflements mycéliens qui parfois remplissent la préparation et montrent toujours un double contour. Sur la gélatine, en particulier, le phénomène atteint même les Macrosporium. Ceux-ci tendent à se prolonger en Al{er- naria, mais les spores typiques se simplifient beaucoup et se réduisent à quelques rares cellules souvent même à uneseule. Parfois aussi le bourgeon grossit beaucoup sans se colorer et prend absolument l'aspect d’un renflement mycélien dont la cavité est d’abord en communication avec celle de la dernière cellule de la spore en massif, puis finit par s’en séparer. La spore brune se termine alors, soit directe- ment, soit par l'intermédiaire d’un col plus ou moins long (pl. IT, fig. 1), en une sorte de sphère à double contour net et réfringent. On trouve absolument tous les passages à cet égard : le renflement peut se diviser en deux, se colorer, passer enfin à la forme d’A/ternaria qui reste la règle. Sou- vent la spore productrice elle-même est plus simple el contient moins de cellules qu'à l'ordinaire. Enfin, certaines de ces spores prolongent leur pointe en un mycélium toru- leux ou articulé, qui constitue encore une forme de passage entre la spore en massif et le mycélium ordinaire. Le mycélium, a-t-il été dit, reste blanc dans quelques milieux. L'eau distillée de cannelle, liquide d'ordinaire défa- vorable, a donné ici un flocon blanchâtre aplati et quelques autres plus petits. Au microscope, on voit des filaments mycé- (1) Mais bien entendu le semis de contrôle a donné l'espèce pure. 104 LOUIS PLANCHON. liens blancs, quelquefois très gros, et dans ce cas chaque article à double contour bien marqué, brillant. Aux extré- mités 1l peut y avoir une légère cutinisation: les filaments portent de grands A/ernaria sans caractères spéciaux, de la forme longue et peu ou même pas colorés. Le fait le plus intéressant est la ramification de ce mycélium qui débute par la production latérale d’une petite sphère blanche tout à fait sporiforme (fig. 25). Mais cette pseudo- NE -— — D — Me Fig. 25. — Culture dans l’eau distillée de cannelle. spore s’allonge un peu d'ordinaire en donnant une deuxième cellule, puis un petit filament. Il semble, sans que Je puisse l’affirmer, que cette petite sphère peut se détacher, car j'en ai vu, quoique rarement, quelques-unes dans le liquide. Le même fait se retrouve dans l’eau distillée de menthe. On peut être plus affirmatif pour l’eau distillée de ülieul, qui fait le passage à la forme de mycélium dissocié. b. — Mycélium dissocié. — Oïdies. — Les articles du mycélium ont quelquefois une tendance à se séparer et à vivre d’une vie indépendante, soit isolément, soit par petits groupes. Ce sont là des formes qu'il convient de rappro- cher des oïdies (culture sur pomme de terre, acide tar- trique, etc.) (fig. 26 et 27). Dans l'eau distillée de tilleulle mycélium est incolore comme dans la plupart des eaux distillées; mais au lieu de rester cylindrique et régulier, il est toruleux par places; en outre, les articles ainsi renflés sont fort peu adhérents entre eux INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 105 et se séparent facilement : ils contiennent quelques granu- lations noirâtres et quelquefois des gouttelettes réfringentes, Fig. 26. — Culture sur pomme Fig. 27. — Culture dans la solu- de’terse. tion d’acide tartrique. mais sont susceptibles de pousser. C’est un mode de pro- pagation de l'espèce dans ce milieu où les spores en massif sont rares (fig. 28). Dans certaines cultures (bouillon culture ancienne), les filaments blancs deviennent plus ou moins toruleux et finissent par se segmenter en oïdies qui ger- ment sur place en longs filaments. Les spores en massif elles-mêmes fragmentent en oïdies leur fila- ment germinalif. Les articles en voie de sépara- tion forment parfois d'assez lon- gues chaînes dont les éléments ne sont unis que par la membrane moyenne gélifiée. Jamais ces oïdies n’offrent de coloration, sur ces milieux du moins. La végétation dans le carbonate de sodium est aussi très spéciale. Dans ce milieu, il se fait un dépôt blanchâtre gru- meleux, très divisé, qui donne dans l'acide lactique une vive effervescence. Mycélium blanc assez abondant, articulé ; branches quelquefois cutinisées à l'extrémité et portant des spores en massif peu colorées et allongées, ordinairement assez simples. Mais la grande masse de la végétation est constituée par des cellules arrondies, en général volumi- neuses, de dimensions pourtant variables. Ces cellules sont isolées, ou groupées par 2 à 3, provenant évidemment Fig. 28. — Culture dans l'eau distillée de tilleul. 106 LOUIS PLANCHON. les unes des autres. Plus rarement union en un filament. Dans la règle, sorte de végétation en levure, chaque cellule se séparant de la cellule-mère dès qu'elle est développée. Ce n’est pas un étranglement, mais un bourgeonnement (fig. 29). ON cu La germination en cellule de la spore @ e: o en massif sur ce milieu est très lente et © 0? & difficile, mais intéressante (pl. IL, fig. 8), à QC (? Il se forme quelques filaments courts, © blancs et très fortement moniliformes. © Au moment de la germination, la spore da en massif se gonfle beaucoup et éclate irrégulièrement. C’est un procédé ana- © 6 V6Q logue à celui de Facide gallique pl Al Fe ue = fig. 13); mais ici le milieu permet un | peu plus de développement et le contenu cellulaire ne se colore pas. c. — Formes fumagoides et enkystées.— Si la dissocia- lion du mycélium porte sur des cellules cutinisées, fortement colorées, ou si la division cellulaire aboutit à la formation de petits groupes de couleur foncée, on arrive aux formes fumagoïides, plus rares il est vrai dans cette espèce que dans d’autres, mais dont il est facile cependant de donner des exemples. | L'eau glycérinée contient peu ou pas de spores en massif, mais une masse de filaments enchevêtrés toruleux ou non, les uns colorés, les autres blancs avec souvent des cellules cutinisées intercalaires. Sur quelques points les cellules se multiplient : un massif irrégulier, quelquefois très petit, d'autrefois volumineux, se montre, formé de cellules arron- dies, blanc grisâtre ou brunes avec tous les passages. La végétation prend alors un aspect fumagoiïde (pl. IF, fig. 4). Dans la solution d'acide gallique à 1 p. 100, l’A/ternarid varians prend des caractères tout spéciaux (1). La spore en (1) L'aspect particulier de cette espèce dans les solutions d'acide gallique est spécial aux végétations immergées. Les corps solides imprégnés de la INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 107 massif peut pousser quelquefois en filaments: c’est très rare ; d'ordinaire elle donne des cellules qui, à peine for- mées, se divisent, le plus souvent en deux. En même temps, la paroi des cellules s'épaissit beaucoup sans se cutiniser et, comme l'acide gallique a coloré fortement le contenu proto- plasmique des cellules, celles-ci ont pris une teinte brune, un peu verdâtre ou noirâtre, et sont entourées d'un cercle peu ou pas coloré (pl. Il, fig. 13). L'ensemble a la forme générale d'un Fumago très particulier. Quelquefois les cel- lules ont germé avec peine en filaments courts; le plus sou- vent elles sont restées en groupes de dimensions variées. La forme est toujours plus ou moins arrondie ou ovoïde, sur- tout sur le bord des amas. Les cellules se séparent et don- nent ainsi à cette culture ses caractères distinctifs, savoir : Fragmentation du mycélium au fur et à mesure de sa formation. Epaississement de la membrane. Absence de cutinisation. Stérilité du mycélium. Grande différence de dimensions entre les cellules fuma- goïdes. Coloration noirâtre, brunâtre ou verdâtre, claire ou foncée du contenu cellulaire. Aspect général de Fumago. | Dans les solutions à 0,50 p. 100, les caractères restent les mêmes, mais avec une tendance plus grande au filament. Il était intéressant de faire germer les spores en cellule dans une goutte de solution d’acide gallique. Comme il fallait s’y attendre, le développement en est pénible. Lente- ment, une ou plusieurs des cellules de la spore poussent un petit bourgeon qui se renfle aussitôt en sphère (pl. I, fig. 13 &, à, c); quelquefois même la base s'étire en une ‘sorte de pédoncule transparent; souvent aussi l'exospore solution à 1 p. 100 donnent la forme ordinaire, à filaments colorés clado- sporioïdes, ou incolores, avec Macrosporium nombreux (bois) ou rares (pomme de terre). 108 LOUIS PLANCHON. éclate pour laisser sortir le contenu. Celui-ci ne s’allonge pas en filament, mais forme autour de la spore primitive de petites sphères incolores ou peu colorées, souvent assez nombreuses, qui se divisent en deux ou trois, rarement plus, puis dererient stationnaires. Plus tard, très lentement, ces sphères, dont la paroi est déjà épaissie et gélifiée, grossissent et forment les végétations fumagoïides décrites ci-dessus. C’est, en somme, un procédé analogue à la sortie de la cellule hors de l'enveloppe, suivie d’une courte germination ; il y a, en effet, division du protoplasma en plusieurs sphères, fragmentation qui se voit d’ailleurs déjà par transparence à l’intérieur des spores à parois minces. d. — Spores en massif. — Les spores en massif de cette espèce, obtenues sur pomme de terre, diffèrent de celles de l'A lternaria polymorpha. Variées de forme, comme elles il est vrai, elles sont néanmoins beaucoup plus régulières dans l’ensemble, plus différenciées, plus semblables à de vraies spores. Les formes intermédiaires entre elles et le mycélium durable sont bien plus rares. On ne les rencontre que dans quelques milieux (bouillon, eau glycérinée, glvcérophosphates mono et disodique),et encore ces passages sont-ils plutôt des anomalies peu fréquentes. La valeur morphologique de la spore est donc ici dégagée. J'ajoute que la forme Macros- porium, qui semble beaucoup plus fréquente que la forme Alternaria iype, est en réalité bien plus rare. Mais les articles d’À /{ernarña sont très faiblement unis entre eux, et facile- ment séparés au moindre contact : on ne les voit bien que dans les cultures en cellules et le montage de la préparation suffit d'ordinaire à transformer l'aspect. On remarquera que, comme chez les Cladosporium, la déhiscence de la série d’'Alernaria se fait naturellement au niveau de la spore la plus mûre, c’est-à-dire de la première formée. Or c'est celle qui est en contact avec le rameau, le développement étant centrifuge. Aussi dans sa chüûte, cette INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 109 spore entraine-t-elle toutes celles de la série et l’on en trouve à tous les états dans le liquide de la préparation. D'ailleurs, cette séparation des spores mûres doit se faire spontanément dans la culture. Dans ce cas, la spore séparée peut germer en filament, ou continuer à former une spore nouvelle, par une sorte de germination de la pointe, ana- logue à la germination latérale. Très souvent les préparations ne contiennent que des spores isolées ou des séries réduites à deux spores dont l’une est trop Jeune pour s'être séparée. On voit que l'articulation des spores entre elles est ici plus nette que dans l'espèce précédente : en outre, les dimen- sions des spores différenciées sont en général plus petites ; les cellules forment un massif plus homogène ; elles ne sont jamais arrondies et simplement accolées, comme il arrivait si souvent, mais séparées par des cloisons planes ou peu convexes; de plus, ces cloisons, tout en se cutinisant parfois très fortement, restent plus minces, plus fines et d'ordinaire moins colorées. La forme, ai-je dit, est toujours régulière et symétrique, sauf exceptions rares. Normalement, les spores sont piri- formes. Mais il est fréquent de les trouver à peu près sphé- riques, dans la même préparation, avec tous les termes de passage. Le nombre et La disposition des cellules qui les composent varient extrêmement : parfois deux éléments seulement, provenant d'une seule cellule ovoiïde coupée par une cloison transversale; d’autres fois trois, grâce à une deuxième cloison oblique allant de la première à la base de la spore (pl. IL, fig. 9). Quand celle-ci est complètement développée, elle a au moins quatre cellules en file ou en tétrade, mais souvent beaucoup plus. Parfois ces cellules sont rangées en une série renflée dans la partie moyenne; mais dans la règle, les éléments du centre sont coupés par une ou plusieurs cloisons obliques ou parallèles à l'axe. On sait que certains milieux semblent diminuer beaucoup la cutinisation, ainsi la plupart des eaux distillées ; mais les 110 LOUIS PLANCHON. spores en massif et les filaments qui les portent directe- tement sont toujours plus cutinisés que le reste. Dans certains cas (eau distillée de cannelle), on voit même des spores semblables aux autres par la forme, la dimension, le nombre des cellules et qui sont restées tout à fait incolores : c’est l'exception même dans ces milieux (fig. 25, page 104). L'extrémité du massif donne d'ordinaire une nouvelle spore d'A /fernaria; mais 1l arrive aussi qu'elle se prolonge en mycélium ou s’atténue peu à peu en un très long bec, géné- ralement peu coloré et souvent sinueux (pl. Il, fig. 10). Le fait se produit surtout dans les milieux à cutinisation faible (bouillon, gélatine, etc.). Les spores en massif bien différenciées sont portées sur des ramifications de mycélium soit à l'extrémité, soit laté- ralement : mais, même alors, elles semblent terminales et le rameau mycélien continue latéralement en sympode. Lors- qu’elles sont tombées (on a vu que dans ces conditions elles tiennent fort peu), elles laissent sur le mycélium une petite encoche, indice de leur insertion. L’axe ressemble plutôt à celui d'un Macrosporium qu'à ceux que l’on représente d’or- dinaire pour les A/ternaria. Le mycélium lui-même, surtout au voisinage des spores, est souvent cladosporioïde. Le nombre des spores varie aussi beaucoup. Quelquefois les différences sont assez singulières : ainsi la gomme demi- épaisse a donné une grande quantité de Macrosporium, alors qu'il v en a très peu dans la gomme étendue et pas du tout dans la gomme épaisse ; par contre, le développement des filaments blancs est en raison de la concentration. Les dimensions sont si variables qu'on n’en peut guère tirer de caractère. Toutefois, en ne comptant que les spores ayant pris leur taille définitive, on peut dire que les plus petites ont environ 10 v sur 8 et Les plus plus grandes 60 w sur 15 à 20 (pl. IE, fig. 3). Entre les extrêmes sont tous les termes, mais cependant les milieux contiennent rarement des spores très dissemblables et d'ordinaire il existe une certaine localisation des formes. On peut même admettre, INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 111 comme Je l’ai dit, l'existence de deux types : l’un court et foncé, le plus fréquent (pl. Il, fig. 9), l’autre long et pâle, caractérisant certaines cultures (acide borique, carbonate de sodium, liqueur de Fowler, etc.) (pl. IT, fig. 10). Ce se- cond type se distingue par : 1° La forme beaucoup plus allongée : 2° Les dimensions quelquefois triples ; 3° Les parois cellulaires plus minces ; 4° La couleur jaunâtre et non brune ; 5° Le nombre des cellules composantes beaucoup plus considérable. 6° Le prolongement du bec presque toujours très grand, tandis que dans la forme normale ce prolongement est d'ordinaire court, quelquefois nul. Les dimensions dans une même série sont souvent sensi- blement les mêmes, sauf pour la spore en voie de formation. Les exceptions ne sont pourtant pas rares, et il arrive surtout que la première spore formée est plus petite que la suivante (pl. I, fig. 11). Ces spores en massif arrivent très vite à maturité; les stades de développement sont fugitifs : on peut ua les voir dans les cultures jeunes. Dans la règle la cellule termi- nale d’une spore en massif émet un petit prolongement qui tout de suite devient sphérique et prend un double contour, puis, très rapidement aussi, grossit el se cutinise en même temps. On voit alors souvent une division transversale de cette cellule ovoïde déjà brun clair; puis allongement et division en trois, enfin élargissement de la base et subdi- vision ultérieure si ces phénomènes doivent avoir lieu. Généralement une spore ne commence à se former que lorsque celle qui la précède est presque müre. On trouve cépendant des exceptions et parfois deux ou trois spores se suivent sans être arrivées à maturité. Dans les cultures un peu anciennes la coloration de toute la série paraît 1den- tique, mais c’est que la formation s'est arrêtée et que la cutinisation s’est faite partout successivement. X 112 LOUIS PLANCHON. Au moment de leur formation, les spores ont souvent une teinte verdâtre qui persiste assez longtemps dans le dernier article. Puis elles foncent peu à peu jusqu'à devenir d'un brun noirâtre. Dans les cultures en cellule la spore initiale se distingue facilement des autres rien qu'à ce caractère (pl. Il, fig. 11). | On voit, d’après cela, qu'il n’est pas possible de baser, comme on le fait si souvent, une distinction spécifique entre les A/{ernaria ou les Macrosporium divers sur l’un de ces caractères, et que les dimensions et la forme en particulier sont loin d’avoir la valeur systématique qu'on leur prête. L'impossibilité de trouver un caractère fixe de classifi- cation dans l’appareil végétatif et dans les formes reproduc- trices qui en dérivent directement, est d'ailleurs une con- clusion générale de toutes ces recherches. VII. — SPORES EN MASSIF ET MYCÉLIUM DURABLE. De ce que les spores en massif sont ici beaucoup mieux différenciées et mieux fixées, s’ensuit-il qu'on ne peut les homologuer avec le mycélium durable ? Évidemment les passages moins nombreux rendent l'assimilation plus difti- cile. Cependant on trouve des spores articulées sur l’axe et se prolongeant en un filament mycélien cutinisé et parfois ramifié. (es spores pourraient être considérées comme des segments mycéliens différenciés, mais intercalaires au lieu d'être terminaux. Il faut toutefois remarquer que lorsque la spore se trouve ainsi placée, c’est toujours elle qui à produit le filament qui la prolonge. Jamais elle ne provient de Ia di- vision d'une cellule préexistante sur un filament déjà formé comme c'était le cas si fréquent des formes macrospo- rioides de l’A/ernaria polymorpha; la production du fila- ment qui prolonge la spore apparaît done plutôt comme une germination sur place. À ce point de vue la spore n’est jamais intercalaire INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES, 113 elle est seulement le point de départ d’une nouvelle végéta- tion qui reste fixée à l’an- cienne. | Néanmoins on peut trouver assez souvent ces termes de passage qui sont la règle dans la première espèce : ainsi sur le bois (fig. 30 et PI. IL, fig. 6), sur le glycérophosphate mono- sodique (PI. IL, fig. 3), sur l’eau glycérinée où la végétation forme une épaisse membrane noire à surface tomenteuse blanche, avec des filaments floconneux descendant jusqu’au fond du liquide. Cette dernière culture offre tantôt un mycé- Fig. 30. — Culture sur bois de peuplier, lium blanc dont certains articles se renflent en sphères inter- calaires ou latérales colorées : moins longues de cellules cutinisées simples; tan- tôtencore des amas irré- guliers ou peu réguliers de cellules brunes ma- crosporioides arrivant parfois au Macresporium type et même {très rare- ment toutefois) s’arran- geant en courtes files alternarioïdes (fig. 31). On peut constater çà et là, la sortie de la cellule hors de sa cuticule, ou plutôt une tendance à la tantôt des séries plus ou Fig. 31. — Culture dans l’eau glycéxinée. Formes de passage. sortie ; la cellule est alors gonflée, amincie, transparente, ce qui contribue beaucoup à donner l'aspect irrégulier aux ANN. SC. NAT. BOT. XI\ 5 114 | LOUIS PLANCHON. filaments, mais je n'ai vu nulle part dans les préparations, des sphères hors des cellules, comme dans d'autres milieux. On voit aussi très rarement les amas macrosporioïdes à leur place normale, articulés à l'extrémité des rameaux. Dans cette préparation, ni la taille, ni la forme, ni Île nombre des cellules, ni leur arrangement, ni leur situation ne sont donc caractéristiques, et la plante, bien qu'ayant des spores en massif, ne mérite plus guère la dénomination d’A/ternaria. VII. — RÉSUMÉ. Cette deuxième espèce est très distincte de la première (pr OS Elle est moins résistante aux milieux : la végétation en a été plus souvent faible ou nulle (p. 94). ‘ Les acides lui sont défavorables (p. 95). La cutinisation, et par conséquent la couleur des cultures, est très inégale suivant le milieu (p. 95). Mise à germer sur eau de pomme de terre, la spore en massif (forme normale de reproduction) donne rapidement des files d’A/fernaria. Le mycélium est très anastomosé, parfois tortueux sur plusieurs points, analogue aux débuts de périthèces obtenus par Zopf chez les Chætomium (p. 97). Sur le milieu-type, la moisissure estgris brun ou verdâtre, épaisse. Il s’y produit abondance de spores en Macrosporium ou de formes macrosporioïdes (p. 96). Le mycélium prend souvent des formes toruleuses (acétate de sodium, quinine, ete., ete.) (p. 100). Le mycélium se dissocie quelquefois en formant des sortes d'oïdies, ou même arrive à végéter presque en levure (carbonate de sodium) (p. 104). Si le mycélium est cutinisé, cette dissociation amènera la formation de formes fumagoïdes (eau glycérinée, acide gallique, etc.) (p. 106). La spore en massif est le seul mode de reproduction.Mais INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 115 elle varie de forme, de dimensions, d'aspect suivant le milieu et quelquefois dans le même milieu (p. 108). 11 semble donc difficile de baser sur les caractères de ces spores des distinctions spécifiques (p. 112). La forme Macrosporium semble n'être le plus souvent que la forme À lfernaria dissociée (p. 108). La différenciation des spores en massif est en général ici plus parfaite que dans l'espèce précédente (p. 108). En tenant compte des divers passages, 1l existe pourtant deux types principaux de spores en massif. L'un est beau- coup plus grand, plus allongé, moins cutinisé, plus jaunâtre, à cellules plus nombreuses, à pointe prolongée plus ou moins. L'autre présente les caractères inverses (p. 111). Les passages, quoique moins nombreux que dans l'espèce précédente, permettent d'homologuer les spores en massif et le mycélium durable (p. 112). CLADOSPORIUM HERBARUM Link. Répandu abondamment dans la nature sur toutes les parties des plantes mortes et sur beaucoup de plantes vivantes, le C/adosporium herbarum Link est une des Dématiées les plus communes sinon les mieux connues. Elle devait donc se trouver fréquemment dans les poussières de l’air, comme dans l’eau des solutions, et apparaître dans nombre de cultures. L'événement à montré qu'on le trouvait en effet très sou- vent dans ces conditions. C’est même une des rares espèces que l’on peut reconnaître à l'examen direct dela moisissure flottante ou du dépôt, grâce à la couleur et à la forme de ses spores et de ses articles dissociés (1). | Il était intéressant d'étudier à nouveau cette espèce si souvent décrite et cultivée, et de voir si les conditions spé- ciales adoptées ici ne permettraient pas, soit de découvrir de nouvelles formes dans une espèce naturellement plastique et polymorphe, soit de discuter les opinions émises sur son compte et certaines assimilations plus apparentes que réelles. I. — VALEUR ET LIMITES DE L'ESPÉCE. a. — Généralités. — On doit d’abord se demander si le Cladosporium existe en tant qu'espèce. En effet, dans un tra- vail de grand intérêt (2), Berlese exprime l'opinion que l’on (1) Du reste le champignon prend souvent, dans la solution même, un grand développement. Dans un flacon de bromure de potassium, il formait des végétations hémisphériques verdâtres d'environ 1 centimètre de dia- mètre, et d'aspect velouté. (2) A.-N. Berlese, Première contribution à l'étude de la morphologie et de la INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES, 117 a affaire à une forme commune à plusieurs Ascomycètes voisins, forme conidienne non distincte aux points de vue morphologique et biologique, mais faisant probablement partie de cycles différents. L'auteur base son opinion sur les faits suivants : Il a récolté parfois des C/adosporium différents du type (sur Arundo Donar par exemple) et donnant une forme Æormo- dendron distincte aussi de l’Hormodendron ordinaire. Il a pu obtenir, en cultivant un C/adosporium récolté sur des feuilles d'£vonymus, des pycnides qu'on peut rapporter au genre PAleospora, tandis que : — 1° de Janezewski a décou- vertque le Leptospheria tritici, le Septoria triticietun Phoma sont intimement en relation avec le Cladosporium. — 2° Pirotta, en cultivant des conidies de Cladosporium récoltées sur du houblon à obtenu des conceptacles du genre Phoma. — 3° Costantin (1) rapproche le Cladosporium des Alernaria el, par conséquent du Pleospora her- barum. Aussi Berlese ne croyant pas possible d’assimiler des choses si diverses, obtenues par les observateurs les plus compé- tents, est-il tenté de croire que chacun d'eux à eu entre les mains une forme conidienne différente, qu'il a rapportée au Cladosporium, mais que c’étaient là des aspects analogues de champignons distincts. Il est certain que beaucoup de Dématiées ont des formes cladosporioïdes, et l'hypothèse de Berlese n'a rien d’in- vraisemblable a priori. Mais ce n’est là, me semble-t-il, qu'une hypothèse dont la démonstration reste à faire, pour plusieurs raisons : 1° Berlese accepte, sur l’autorité incontestable de son auteur, l'assimilation que Costantin fait du Cladosporium et de l’A/ternaria. Mais l'opinion de cet auteur sur ce point biologie de Cladosporium et Dematium (Bull. Soc. mycol. de France, 1895, p. 34 à 14. (4) J. Costantin, Sur les variations des Alternaria et des Cladosporium (Rev. gén. de Bot., t. I). 118 | LOUIS PLANCHON. a été discutée et je ferai moi-même plus loin quelques réserves à ce sujet. 2° Pour de Janczewski, il est exact que, dans un premier travail (1), il a considéré Le C/adosporium herbarum comme appartenant au cycle évolutif des espèces citées (les sper- mogonies rentrant dans le genre Phoma, les pycenides dans le genre Septoria, et les périthèces représentant le Leptosphæria trinci de Passerini) ; il dit en effet que le Leplosphæria tritici est un vrai parasite, dont la forme conidienne, désignée jusqu’à présent sous le nom de C/ado- sporium herbarum, peut parfaitement vivre en saprophyte, se transformer en Aormodendron ou en Dematium et devenir une moisissure des plus communes. Mais l’année suivante (2) il a renoncé à cette assimilation et rapporté le C/ado- sporium herbarum au Spherella Tulasnei, nouvelle espèce décrite par lui. Dans un mémoire ultérieur (3) sur ce sujet, il dit textuellement du Septoria et du Phoma « avec le Sphærella Tulasnei elles n'ont rien de commun ». Il est vrai que le Cladosporium lui a donné le Sphærella tandis que Berlese en obtenait les pycnides du Phleospora, mais il se peut en effet que l'espèce fournisse, suivant les conditions d'existence, tantôt une forme pyenidaire, tantôt une forme ascoporée. 3° Enfin pour Pirotta, rien ne prouve, d’après ce qu'en dit Berlese, que son Phoma (sans doute le même que celui dont parle de Janczewski et qu'il considère comme un simple compagnon, mais compagnon très habituel du C/ados- porium) soit produit par le Cladosporium. I faut remarquer en effet que, dans le semis de conidies provenant des feuilles du houblon, Pirotta a obtenu des choses diverses tantôt l’Hormodendron ou le Cladosporium lui-même, tantôt (1) E. de Janczewski, Polymorphisme du Cladosporium herbarum (Bull. Acad. des Sc. de Cracovie, déc. 1892, d’après Rev. mycolog., 1893, p. #1). (2) Les périthèces du Cladosporium herbarum (Ibid., 1893, p. 271, d’après Rev. mycolog., 1894, p. 133). (3) Recherches sur le Cladosporium herbarum et ses compagnons habituels, sur les céréales, avec résumé français (Ibid., 1894). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 119 le Phoma, tantôt enfin le Dematium pullulans, que je démon- trerat, après Berlese lui-même, n'appartenir aucunement au Cladosporium. De cette discussion un peu longue, il résulte, que si l'hypothèse de plusieurs espèces réunies actuellement sous le nom de C{adosporium herbarum n'est pas à rejeter sans autre examen, elle doit être confirmée par d'autres preuves. En tout cas, la forme //ormodendron cladosporioides dont je vais avoir à parler, forme typique, me semble encore actuellement caractériser l'espèce. C'est au C/adosporium se présentant souvent sous cet aspect typique, qu'ont eu affaire Laurent, Costantin, Pirotta, et cest lui que j'ai eu moi-même comme sujet de mon étude. C'est à lui que l’on a attribué plusieurs fois les À /ter- naria et le Dematium prullulans ; je le considérerai donc comme une entité bien déterminée donnant comme phases Où aspects principaux : Une forme conidienne : Hormodendron cladosporioides de Saccardo. Une forme pvenidaire : Phleospora de Berlese. Une forme périthécienne : Sphærella Tulasnei de de Janczewski. b. — Caractère principal. — Dans la nature, le Cia- dosporium herbarum offre des caractères très variables. En général, lorsqu'il est bien développé, il forme des touffes hémisphériques verdâtres, d'où rayonnent des filaments assez raides, cloisonnés, bruns, ramifiés, terminés par des spores ou des chapelets de spores qui se confondent peu à peu avec les articles supérieurs des filaments ; ces spores sont uni ou pluri-cellulaires, et dans ce dernier cas plus allongées et àcloisons toujours parallèles. Ce passage insen- sible entre les articles mycéliens et les conidies avait été fort bien vu par Link quand il avait créé le genre Cladosporium, dont le nom indique ce caractère essentiel. Ces spores sont bien réellement des rameaux qui se modifient, se détachent, et sont aptes à germer. 120 LOUIS PLANCHON. c.— Parasitisme. — La variabilité de cette espèce, même sous sa forme conidienne, est très grande. Elle a été diver- sement expliquée et paraît en rapport avec le mode de vie. La multiplicité des formes que j'ai obtenues montre quil suffit de peu de chose pour amener des changements im- portants. Si donc la plante peut vivre dans la nature, tantôt en parasite, tantôt en saprophyte, on conçoit qu'elle doive se modifier suivant le cas. Or, c’est là l’opinion la plus acceptée aujourd'hui. Le parasitisme du C/adosporium a été fort discuté et l’élude de cette question ne m'’arrêtera pas, car elle sort tout à fait du cadre de ce travail. Les expériences de de Janezewski l’amènent à croire à un simple sapro- phytisme, opinion déjà émise par Kuhn et autres; Prillieux et Delacroix, entre autres observateurs, sont tentés d'y voir un parasite facultatif ou même un vrai parasite atlaquant les feuilles des pommiers, framboi- siers, etc. C'était aussi l'avis de Corda, Haberlandt, etc. Pour Berlese c’est un vrai parasite qui s'est merveilleuse- ment adapté à la vie saprophytique, sans perdre pourtant tout à fait la possibilité de redevenir parasite, ee qu'il doit faire de temps en temps ; et la multiplicité des formes qui lui fait présenter tous les stades entre les genres C/adotri- chum, Cladosporium et Diplococcium est due à ces différentes ne de développement: parasitisme, demi-parasi- tisme, saprophytisme. Je n'ai pas étudié la question. d. — Variétés. — La différence d'aspect dans la nature même à valu la création de plusieurs variétés dont ia plus connue est la forme appelée Hormodendron cladosporioides par Saccardo et que Frésénius avait décrite sous le nom de Penicillium cladosporioides. Le rapprochement de ces deux variétés, soupçonné par Tulasne, semble-t-il, a été fait à peu près en même temps par Laurent qui publia le premier ses résultats, et par Costantin. Lorsque ces deux types sont bien caractérisés, leur distinction est simple, mais les passages sont nombreux et l’on peut difficilement leur INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 121 donner même la valeur de formes. J'aurai l'occasion de revenir plus tard sur ce point intéressant et de bien montrer l'identité des deux plantes. Dans toutes les cultures faites, je suis parti comme pour les autres espèces étudiées, d’un semis pur, unique pour tous les milieux, c’est-à-dire en somme d’une seule spore; je laisse donc de côté ici la discussion sur les diverses formes : (repens de Frésénius, formes naines ou géantes, espèces diverses à caractères instables, ete.). Il semble à Costantin que les nombreuses espèces décrites (118 dans Saccardo) reposent souvent sur des caractères fragiles et qu'un travail de révision est nécessaire. En consta- tant l'extrême variabilité de la plante dans la nature et dans les cultures, en voyant par exemple la descendance d’une même spore présenter, comme dans les conditions choisies ici, les formes les plus diverses, stériles ou fertiles, et la plus grande variété de dimensions, on ne peut qu'approu- ver cette manière de voir. Autant il importe, lorsqu'on n'a pu saisir aucun passage réel et que les conditions identiques n’amènent pas des modifications identiques aussi, de distin- guer nettement des plantes bien autonomes, autant 1l faut chercher à simplifier une nomenclature inutilement chargée, en réunissant toutes les formes qui ne diffèrent que par des caractères futiles, instables, et que l’on peut pour ainsi dire faire varier à volonté. e. — Place dans la classification. — Je ne discuterai pas ici la classification de cette plante parmi les Ascomycètes. Je n'en ai pas obtenu de périthèces, ceux-ci ne se produisant que dans des conditions très différentes de celles où je me suis mis. Je rappellerai donc simplement (1) que le Cladosporiun a été longtemps considéré comme faisant partie du cycle évolutif du Pleospora herbarum (Tulasne, etc.), idée aban- donnée quand on vit que la forme conidienne du P/eospora était un A/{ernaria où un Macrosporium (Gibelli et Griffini, (1) Voyez pour cet historique, les mémoires cités de de Janczewski, Cos- tantin, Berlese, etc. 122 LOUIS PLANCHON. Bauke, Kohl, Mattirolo, etc.) et reprise sous une autre forme quand Costantin a cru devoir rapprocher le Cla- dosporium herbarum de l'Alternaria tenuis. Enfin de Janczewski, par des inoculations sur des plantes vivantes, a pu déterminer la production de sclérotes, puis de périthèces, et a reconnu en eux une espècé nouvelle qu’il a nommée Sphærella Tulasnei. La preuve de l’exacti- tude de ces résultats a été donnée par la culture des ascospores qui ont reproduit le Cladosporium, et cette déter- mination doit être considérée comme acquise. Je rappelle aussi que Berlese à vu dans des fouilles d'Evonymus un stroma ayant les caractères d’un selérote, et qui, en résorbant sa partie centrale et en organisant sa paroi, constitue une pycnide d’où sortent des spores bacil- laires. L'auteur ne semble pas avoir cherché à obtenir le Cladosporium, en semant ces stylospores, ce qui eut donné une démonstration parfaite. Néanmoins, malgré cette lacune, je ne doute pas que ces pycnides que Berlese rapporte à un Ph/eospora, ne soient réellement une forme du Cladosporium. (Cette identification, outre quelle est garantie par l'autorité scientifique de son auteur, paraît bien prouvée par la description et les dessins du mémoire, comme aussi par la situation de la pyenide au sein d’un stroma en continuité avec les filaments de l’Hormo- dendron. J'ai cependant tenté d'obtenir des périthèces par des cultures sur du bois, soit simplement humide, soit imprégné de diverses substances, peu favorables au champignon (acide gallique, acétate de sodium), ou au contraire, favorables (mannite, glycérophosphates, etc.), mais malgré sa durée, l'expérience ne m'a donné aucun résultat. Des coupes dans le bois ont montré que les filaments mycéliens du champi- gnon pénétraient dans les vaisseaux, et même dans la cavité des fibres ligneuses et les remplissaient presque com- plètement. On y voyait des filaments çà et Ià renflés, comme ceux qui constituent le coussinet caractéristique INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 123 extérieur, mais jamais de vrai sclérote et moins encore de périthèces. I. — ORIGINE DES CULTURES. Le point de départ de cette étude a été un Cladosporium herbarum obtenu par la culture d'un flocon blane, brunâtre par places, trouvé dans une solution de bromure de sodium provenant de l'hôpital Laënneec (1). D’autres milieux m'ont également donné cette espèce (lactophosphate de calcium), moins souvent cependant qu'il ne semblait probable & priori : mais la raison du fait est simple : le C/adosporium herbarum semé sur le milieu-type (pomme de terre acidulée) y pousse avec une grande lenteur (on verra que les acides ne lui sont pas favorables), et son développement est longtemps entravé par les espèces à végétation rapide. Les Penicillium, en particulier, ont recouvert toute la pomme deterre d’une couche verte épaisse, avant que le C/adosporium ait commencé sa multiplication, et jamais celui-ci n’est assez vigoureux pour dominer plus tard comme le font d'autres espèces. Des A spergillus, par exemple, ontune croissance moins rapide que le Perecillium glaucum, mais, lorsqu'ils sont mêlés à lui, on les voit souvent apparaître au bout de quelques jours sur un point, et lutter, non sans avantage, contre le premier occupant. lei rien de pareil : le C/adosporium ne soutient pas la lutte. J'ajoute qu'il ne la soutient pas non plus avec les bactéries toujours très nombreuses, et dont quelques espèces se développent malgré l'acidité du milieu. En un mot, j'ai tou- jours eu au début la plus grande difficulté à obtenir les cultures de C/adosporium à l’état de pureté, et je suis con- vaincu que, dans nombre d'expériences, ce champignon, (1) Cette même solution avait donné aussi : le lenicillium glaucum, un Cephalosporium dont l'étude n'a pas été continuée et un Oospora prenant sur la plupart des milieux un aspect crayeux blanchätre, et donnant à la pomme de terre, sur laquelle on le cultive, une coloration bleue intense. 12% LOUIS PLANCHON. dont je voyais les débris ou les spores à l'examen direct des solutions, m'a complètement échappé à cause de son développement tardif et de son infériorité dans la lutte. Dans les solutions il a souvent l'aspect d'un flocon brunâtre ou de petits flocons divisés et colorés (1,. Mais il est fréquent de le trouver aussi autour du bouchon des flacons, sous forme de petites granulations noirâtres. Au microscope ces granulations se montrent constituées par une masse serrée, homogène, de filaments courts, assez épais, analogues en somme (sauf la disposition en tétrades qui manque ici) à une germination de lumago. Si on sème en milieu favorable, ces filaments s’allongent et les articles prennent bientôt l'aspect et les denticulations caracté- ristiques du C/adosporium. II. — RÉSISTANCE AUX MILIEUX. Semé et cultivé à l’état de pureté sur le milieu-type, le champignon s’y développe, mais lentement. Malgré cette difficulté à pousser sur pomme de terre acide, l'espèce s’accommode très facilement de la plupart des milieux (2). Les résultats ont été tout à fait négatifs pour 6 milieux seulement : {acides citrique, sulfurique, tartrique; alun; chlorure d’ammonium; iodure de potassium), et très médiocres pour 9 autres (acide glycérophosphorique, acide borique, lactophosphate de calcium, chlorure de baryum, quinine, cocaïne, liqueur de Fowler, acétate de sodium, eau (1) I ne paraît pas douteux que l’Hygrocrocis arsenicus décrit et dessiné par Marchand (C. R., 11 nov. 1878 et fie. in Bot. crypt.) ne soit une forme immergée du Clad. herbarum. Quelques particularités de la figure peuvent faire hésiter un peu : les pinceaux dessinés se rapprochent plus des Penicillium vrais que des Hormodendron. Les sporangioles décrits et des corps spéciaux ne répondent à rien de ce que J'ai vu dans la liqueur de Fowler, et appartiennent peut-être à quelque champignon différent, mais l’ensemble du végétal représenté est bien le Cladosporium, modifié par l’im- mersion et le milieu. (2) M. Ménier l’a trouvé vivant en taches noires, sur de la gaze iodoformée (Journ. de Pharm,. et de Chim., 1891, t. I, p. 442). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 195 de cannelle). On voit qu'iei encore, les milieux à réaction acide se sont montrés défavorables ou réfractaires, et qu'avec les solutions d’alcaloïdes on n'a pas obtenu les résultats qu'on avait eus ailleurs. Il faut ajouter que l'acide gallique n’a donné de végétation que dans la région émergée du tube. L'acétate de sodium s'est montré particulièrement défavo- rable ; à 1 p. 100 l'accroissement est encore sensible, mais à 5 p. 100, et à fortiori à dose plus élevée, aucun déve- loppement ne se fait. La liqueur de Forwler n’est pas absolument funeste à cette espèce, mais peu s'en faut. Si l’on diminue la proportion normale d'arsénite de potassium, la plante pousse légère- ment. Si on l’augmente, au contraire, aucune végétation ne se produit. Le développement à été par contre assez abondant ou même très abondant dans presque tous les autres milieux. C’est donc là une espèce à adaptation facile dans les liquides les plus divers. Les semis de contrôle ont montré quelques résultats intéressants. L'espèce avait bien poussé sur le bouillon, la gélatine, lagélose, lesulfate de magnésium l’eaudistillée,etc., mais a bientôt perdu sa vitalité. Inversement, quelques liquides, comme l’alun ou le chlorure d’ammonium, qui semblaient ne rien contenir, ont conservé la vie des spores semées. IV. — ASPECT GÉNÉRAL DES CULTURES. Sur les milieux solides favorables, le champignon s'étend sous forme de masses épaisses, noires ou verdâtres, divisées ou confluentes, à bords très nets, saillants. Dans les divers milieux liquides l'aspect varie beaucoup plus. Chez ceux où la végétation est puissante, le champi- gnon vient former à la surface une membrane épaisse, verdâtre ou noirâtre (gomme, bouillon, gaïacol, man- nite, etc.). Assez souvent le liquide contient des flocons 126 LOUIS PLANCHON. brunâtres ([mélisse, bromure de sodium) ou gris noirâtre (glycérophosphates, eau pure et eaux distllées diverses, sulfate de magnésium, etc.), ou gris (chlorure de sodium), quelquefois même à peu près incolores (ferrocyanure de potassium). GE D'après la plupart des auteurs, le C/adosporium herbarum n'est pas du tout anaérobie, tandis que le Dematium en serait la forme aquatique. Il est vrai que lorsqu'il pousse abondamment, ce champignon forme d'ordinaire une épaisse membrane superficielle et pénètre peu dans le liquide sous-jacent. Mais les exceptions sont nombreuses : il est fréquent de voir sur le tube de culture de petits groupes étoilés à centre brun verdâtre, à filaments rayon- nants plus clairs, gris ou blancs et qui sont appliqués contre la paroi du verre au-dessous du niveau du liquide. Ils adhèrent d’ailleurs faiblement (eau glycérinée, glucose, acélate, phosphate acide, iodure, arséniate de sodium, etc.). Lorsque le tube n'est pas agité, ils doivent vivre là à peu près sans air. Souvent aussi des membranes superficielles finissent par tomber au fond si on agite le tube, ou même spontanément, et y végètent parfaitement sans rien perdre de leur vitalité. On a vu que des flocons ou des dépôts sont très fréquents : le liquide de Raulin, par exemple, contient une végétation dissociée en dépôt au fond du tube. Laurent, qui considère le Dematium pullulans comme une forme affaiblie et dégénérée du Cladosporium, pense que, sous l'influence de la lumière ou pour toute autre raison, le C{/a- dosporium acquiert la possibilité de vivre en anaérobie et même de germer dans le vide, et conclut que les types de dégénérescence du champignon sont mieux doués que le type originel. On verra plus loin que ces différences s’expli- quent bien mieux encore en admettant la distinction spéci- fique des deux champignons. En tout cas, la présence dans les cultures des végétations pariétales immergées, des flocons de couleur diverse dont 1l a été question plus haut, et du dépôt qui se forme dans le liquide de Raulin, indiquent INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 197 nettement que cette espèce peut vivre à l'abri du contact direct de l'air (1). Je rappelle ici que les semis de con- trôle ont permis d'affirmer pour tous ces milieux, qu'ils contenaient seulement l’espèce étudiée. V. — GERMINATION ET PREMIER DÉVELOPPEMENT SUR DIVERS MILIEUX. a. — Euu de pomme de terre. — Lorsqu'on sème en cellule sur couvre-objet quelques spores dans de l’eau de pomme de terre, on voit la germination commencer presque aussitôt, Les spores grossissent, tendent à devenir sphériques, et leur coloration pâlit beaucoup. Les fragments mycéliens qui les accompagnent dans le semis participent à ces modifications, mais en raison de leur différenciation : le mycélium carac- térisé pousse pourtant aussi, mais plus lentement, sans se gonfler d'abord, et en conservant sa couleur foncée. La germination se fait tantôt sur un point, tantôt aux deux extrémités, et le petit mamelon blanchâtre saillant, est entouré par une région très décolorée de l’exos- pore. Le plus souvent la première cellule s’allonge en un filament divisé, qui, dès le début, se termine par une spore arrondie ou ovoiïde, incolore. Cette première spore en donne bientôt une seconde par bourgeonnement apical (vingt- quatre heures), puis d'ordinaire une 3° se forme laté- ralement, à côté de la première, sur le sommet du filament sporifère, formant ainsi le début d’une ramifi- cation. La dernière cellule du filament a déjà alors deux pointes et a pris le caractère des articles du Cladosporium. Bientôt, si la végétation est vigoureuse, d’autres spores suivent les premières (quarante-huit heures) : la plus jeune est (oujours la spore terminale, le développement étant (4) Du reste, l'expression anaérobie, employée par les auteurs, n'est pas ici prise au sens absolu. Dans les liquides de ce genre, l’air est très dimi- nué, mais l'absence n’en est pas complète. Les anaérobies vrais sont for rares dans la nature. 128 LOUIS PLANCHON. centrifuge. En général, comme chez les A/{ernaria, cette spore terminale est sphérique d’abord, puis s’allonge quand la suivante se forme, mais les exceptions sont nombreuses (fie 02): A côté des filaments sporifères se montrent souvent des ramifications stériles. Le troisième jour, il est fréquent de voir les filaments s’allonger beaucoup et se terminer en Fig. 32. — Culture en cellule sur eau de pomme de terre : a, au bout de douze heures ; b, au bout de vingt-quatre heures; c, deux jour; d, trois jours. pointe, les spores formées sont rejetées sur le côté ou se détachent : ce phénomène paraît être en rapport avec la dessiccation progressive de la lamelle, et les filaments fins, stériles s'étendent surtout hors de la gouttelette liquide. Les spores détachées se cutinisent et prennent une teinte Jaune. En somme, la sporulation se fait suivant le type Cla- dosporium et la ramification n'arrive pas à la forme Hormo- dendron. Cette sporulation est rapide, presque au sortir de la spore primitive, qui reste simple et ne forme pas de massif. | Une fois cependant et sans que j'aie pu en trouver la rai- son, une culture faite dans des conditions identiques a ger- mé différemment : les conidies se sont gonflées très len- tement puis, vers le troisième jour, ont commencé à se diviser chacune en un petit groupe de cellules courtes et INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 129 colorées, sorte de massif central d’où partaient lentement des filaments trapus à larges cellules. Des spores se sont montrées aussi, mais plus tard (vers le sixième jour). Il y a tendance à la formation d’un tubercule central et le retard Fig. 33. — Germination anormale en cellule sur eau de pomme de terre. a, au bout de quatre jours ; b, cinq jours ; ce, six jours. de la germination paraît en rapport avec une cutinisation plus forte (fig. 33). B.— (rélatine nutritive.— La germination sur gélatine est analogue, mais diffère surtout par la production rapide de la forme Hormodendron, ainsi que Laurent (1) l’a déjà indi- qué. Les premiers stades se font comme sur l’eau de pomme de terre. Cependant les filaments sont plus trapus. La plupart d’entre eux se terminent vite par une spore, puis par un petit chapelet {deuxième Jour). Ensuite la ra- mification s'étend, les filaments s’allongent et diffèrent : les uns restent au sein de la gélatine et s’y terminent soit par des spores isolées, soit par de petits chapelets, soit enfin par de courtes ramifications cladosporiennes ; les autres sortent de la gouttelette et viennent donner au dehors, à l'air libre, des ramifications très nettes d'Aormodendron, à spores tantôt ovales, tantôt arrondies. Généralement, les branches qui portent des Æormodendron sont plus courtes que les autres (fig. 34). Du reste, on peut ici, comme dans (1) Laurent, Recherches sur le polymorphisme du Cladosporium herbarum (Ann. de l'Inst. Pasteur, t. IL, p. 558 à 566, et p. 581 à 603). ANN. SC. NAT. BOT. x 9 130 LOUIS PLANCHON. les cultures en tube, trouver des passages entre l’Aormo- dendron et la spore isolée. Les branches, stériles ou non, qui s'étendent dans la gélatine sont très ramifiées : la première Fig. 34. — Culture en cellule sur gélatine nutritive. a, un jour; b, deux jours; ce, trois jours ; d, quatre jours. cellule de chaque rameau est assez souvent renflée, mais ce caractère n'est pas absolu. Certaines cultures dans des conditions identiques se montrent plus abondamment et plus rapidement ramifiées : elles sont dans ce cas moins vite fructifères. On voit qu'iciencore la cellule semée donne des filaments, mais ne se divise pas en un massif cellulaire central. On voit aussi que le C/adosporium immergé peut vivre, se déve- lopper vigoureusement et fruclilier. Les spores émergées ne se montrent que plus tard. Berlese à décrit avec détails la formation des conidies de l’Hormodendron dans les cultures à goutte pendante. Il a montré que les filaments sortant de la gouttelette pren- nent au sommet une papille sphéroïdale, qui s’allonge ensuite et en forme à son tour une autre, souvent deux divergentes, donnant des chapelets décroissants. Dans les développements les plus favorisés par le milieu, INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 131 les conidiophores sont très régulièrement dichotomisés, les articles inférieurs longs et foncés, cloisonnés souvent, les supérieurs arrondis, petits, presque blancs. Ainsi que l’observe très bien Berlese, les articles les plus anciens, les plus mûrs, sont aussi les moins adhérents et se détachent, entraînant avec eux le reste de la file, qui se désarticule aussi (sauf cependant les derniers articles, non mûrs, qui peuvent rester réunis). Entre chaque conidie, Berlese décrit un isthme court que J'ai observé quelquefois (eau glycé- rinée, etc.), mais qui me semble exceptionnel. On remarquera que les Champi- gnons à spores en chapelet dont le développement est centrifuge (Æor- modendron, Alternaria, etc.) ont, au point de vue de la reproduction, un désavantage sur les espèces à chape- lets centripètes (Pericillium, Asper- gillus, ete.).Ceux-e1 ne laissent tom- ber que les conidies mûres, et amènent toutes les autres succes- sivement à maturité. Les Æormoden- dron, au contraire, se désarticulant à la base, les conidies supérieures sont incapables de germer, ainsi que le montrent bien les semis en cellules, et le conidiophore doit s’allonger après la chute pour donner une nou- velle génération conidienne. Co Gomme.—J'aiencore étudié la MR GE Pas germination de ces spores en cellule sur gomme. — 4, au bout sur un troisième milieu, la gomme naar “An Pont de en solution irès épaisse, visqueuse, milieu qui s'était montré favorable. La germination est ici toute différente. Dès le début, chaque spore émet un filament 132 LOUIS PLANCHON. très fin et stérile, qui d’abord s’allonge démesurément tout droit, sans se ramifier; les petits groupes de spores ont alors l'aspect de centres rayonnants (24 heures). Bientôt ramification abondante (fig. 35); des spores appa- raissent, presque toujours sur les filaments émergés et en ramification hormodendroïde, mais moins nombreuses que sur la gélatine. Mycélium très abondant et très rameux, mais fin, de même diamètre sur toute sa longueur ; nombreuses goutte- lettes d'huile donnant au filament un aspect spécial. Enfin, les cellules d’origine forment d'ordinaire un petit groupe central, qui ne se rencontre ni dans l’eau de pomme de terre, ni dans la gélatine, et qui pourrait être pris pour le début d'un tubercule; mais il ne se forme pas de tubercule réel. Chaque spore initiale est isolée. Il faut remarquer encore qu'ici les fructifications d’ÆAor- modendron sont portées à l'extrémité de filaments très allongés et très abondants, et que la brièveté de l'appareil végétatif n'est pas, comme on l’a dit, une caractéristique de l'Hormodendron cladosporioides. VI — CULTURE SUR LE MILIEU-TYPE Le Cladosporium herbarum trouve, sur ce milieu, des con- ditions défavorables. Il y pousse pourtant, mais avec une grande lenteur, et forme tantôt une masse unique, tantôt de petits coussinets séparés, d’un brun un peu verdâtre, presque noir. On à, d'ordinaire, beaucoup de peine à débar- rasser les cultures d’un tomentum grisâtre qui les recouvre complètement ou par places, et qui n’est autre qu'une Dématiée vivant, semble-t-il, en parasite sur le Cladospo- rium. La végétation est très nettement limitée, massive, quelquefois mamelonnée, non tomenteuse, à surface souvent un peu humide. Elle est dure, résistante, élastique, difficile à fragmenter avec le fil de platine. RE NE TS « 2 NE ET TOR EE I EE INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 133 Autour du champignon, la pomme de terre prend une teinte brunâtre. | J'ai dit que cette végétation était fort lente. Elle demande même, à l’étuve, plusieurs jours, et le temps nécessaire est en rapport avec l'acidité de la pomme de terre. Il semble qu'elle soit retardée plus encore lorsque le semis provient de certains milieux. En tout cas, il faut conserver longtemps les tubes de contrôle avant de décider qu'ils n'ont pas donné de résultat. Beaucoup n'ont poussé qu’au bout de huit ou dix jours. Dans l'eau du fond du tube, il se développe des flocons d'abord blanchâtres, puis bientôt de couleur foncée, noiï- râtre. Les caractères que présente cette culture au microscope Fig. 36. — Cladosporium herbarum, type et conidies isolés. — Culture sur pomme de terre. sont ceux du Cladosporium herbarum ordinaire. Le centre des végétations est constitué par un pelit tubercule assez dur, dont j'indiquerai plus loin le mode de formation par enche- vêtrement de filaments à cellules irrégulièrement arrondies 134 LOUIS PLANCHON. et brunes. De ce centre partent des rameaux raides, diver- gents, conidifères, avec les caractères ordinaires du C/ado- sporium (fig. 36). Les branches sporifères sont presque toujours dépouillées de leurs conidies par la manipulation, et l'aspect Hormo- dendron manque le plus souvent. La préparation est toujours remplie de conidies déta- chées à divers états et de formes variées, mais rarement pluricellulaires. La cutinisation est relativement faible. Les dimensions sont partout normales. VI. — MODIFICATIONS MORPHOLOGIQUES DE L'ESPÉCE Elles portent sur l'appareil végétatif, fertile ou non, pou- vant donner des formes fumagoïdes et des chlamydospores, et sur l’appareil conidien. 1. — MYCÉLIUM a. — Cutinisation. — Très variable, comme chez la plu- part des Dématiées, la cutinisation peut se montrer faible ou nulle dans quelques rares milieux (gélatine, ferroeyanure de potassium). Dans beaucoup d’autres, surtout au début de la végétation, des filaments blancs et cutinisés s’entrelacent, ou le même filament présente alternativement des régions incolores et colorées, ces dernières généralement à articles plus volumineux (bouillon) ; le cas est assez rare. Enfin, dans les filaments cutinisés eux-mèmes, de grandes différences se montrent. Certaines cultures ont une colora- tion homogène; chez d’autres, les articles terminaux ou intercalaires, plus fortement cutinisés, amènent au mycélium durable (glycérophosphate monosodique), ou à la chlamy- dospore (eau glycérinée, dextrine), ou encore à de véritables fumago (hquide de Raulin). En somme, la couleur varie du blanc au brun, mais, sauf INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 139 cas exceptionnel, la cutinisation est rapide et plutôt faible. Cependant, la coloration générale des cultures est souvent foncée, ainsi qu'on l’a vu, mais c'est là un aspect d’ensem- ble, et le microscope montre fréquemment des teintes plus pâles que chez les autres Dématiées étudiées. La couleur du semis est quelquefois modifiée (liqueur de Fowler); le semis (à peine développé d'ailleurs) que l’on retrouve dans l'eau distillée de cannelle est devenu jaune pâle. Dans le phosphate acide de sodium, la couleur est rougeâtre ; dans la dextrine, elle arrive jusqu au noir. b. — Mycélium normal. — Le mycélium cutinisé se pré- sente à l’étude sous deux formes principales : lune à fila- ments brun foncé, d’allure raide, divergeant en tous sens, anguleux : c’est le type ordinaire du C/adosporium herbarum, fréquent dans Îles parties émergées des cultures ; l’autre à filaments beaucoup plus souples, emmêlés, plus verdâtres, généralement plus fins. Ces deux types, bien séparés d’'or- dinaire, peuvent présenter des passages (bouillon, qui- nine, etc.) ou, bien plus rarement, se rencontrer ensemble dans la même culture (mannite, gomme). La seconde forme est à peu près la seule dans les eaux distillées, et en général dans les végétations immergées. Parfois aussi le mycélium forme un paquet très serré, (tubercules). Les articles mycéliens varient assez. Le type est l’article cylindrique (mannite, etc.) allongé, brun plus ou moins foncé, et portant à l'extrémité supérieure une petite saillie articulaire. Mais on voit très souvent, surtout dans les par- ties centrales, les articles se tasser, devenir courts, isodia- métriques, colorés ou non. Les solides nutritifs, l'eau de cannelle, l'iodure de sodium, bien d'autres encore, en ont offert des exemples. Cette forme ne paraît aucunement en rapport avec la vitalité de l'appareil végétatif. c. — Tubercules. — Sur la plupart des milieux, le C/ado- sporium herbarum forme de petits coussinets quelquefois volumineux, recouverts d’un feutrage de filaments saillants, 136 LOUIS PLANCHON. assez durs, et surtout très difficiles à dissocier, à cause de leur consistance élastique spéciale; ces coussinets sont constitués par des amas de cellules irrégulièrement arron- dies et de filaments fortement cutinisés. Les cellules sont agglomérées sans vraie soudure et ne constituent pas un sclérote; les filaments sont irréguliers aussi, contournés, et leurs éléments se renflent souvent cà et là à des intervalles rapprochés. C’est de cet amas assez informe, de ce tuber- cule hémisphérique, que partent les filaments vraiment cla- dosporioïdes, raides et droits, d’abord stériles, puis spori- fères, rayonnant autour de la masse centrale (PI. IE, fig. 6, 7, 11). Celle-ci, qui dérive probablement d’une seule spore primitive, varie dans ses dimensions depuis quelques cel- lules jusqu’à des masses très volumineuses. Cette disposition ne se rencontre pas seulement sur les corps émergés solides, comme la pomme de terre, mais aussi à la surface des liquides et dans les petits amas noir verdâtre étoilés, immergés, ap- pliqués souvent contre Les parois du tube. Ces sortes de tuber- cules sontinégalement serrés, et peuvent tantôt prendre pres- que l’aspect d'une sorte de sclérote, sans se souder toutefois; tantôt offrir un simple lacis de filaments irréguliers. Les cel- lules renflées peuvent aussi former des corps allongés, ovoides, sorte de mycélium durable qui simule une spore en massif, et peut donner l'illusion d'un élément d’A/ernaria ou de Macrosporium, bien que, pour ma part, je n’aie Jamais vu ces sortes de pseudo-spores se diviser autrement que suivant une seule direction perpendiculaire au grand axe (PI. IE, fig. 6, 11). Les parties émergées du mycélium prennent quelquefois aussi ceite apparence trompeuse. Ce sont là, sans nul doute, les corps décrits par de Jan- zewski (1) dans son étude du Cladosporium, et qu'il a obte- nus sur les filaments naissant des ascospores de son Spheærella Tulasnei (2). (1) De Janczewski, Recherches sur le Cladosporium herbarum et ses compa- gnons habituels sur les céréales (Bull. Acad. des Sc. de Cracovie, 1894). (2) Ce mycélium portait souvent des organes, d’abord terminaux, plus tard INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 137 Les cellules du tubercule sont généralement très riches en huile. Celle-c1 sort souvent des cellules et vient former dans la préparation des gouttelettes de toutes dimensions. Le nombre, la direction, les dimensions, la fertilité, la couleur même des filaments sporifères qui rayonnent autour de la masse centrale varient naturellement beau- coup suivant le milieu. d. — GChlamydospores. — Mais les filaments mycéliens _ne sont pas toujours homogènes; outre les cellules irrégu- lièrement renflées du tubercule, on trouve souvent des élé- ments cutinisés plus fortement que les autres, plus sphé- riques et plus volumineux, formant, en un mot, des sortes d'hétérocystes, épars çà et là ou en courtes séries. Cet enkystement peut se rencontrer dans des végétations très faibles mais le plus souvent dans des cultures beaucoup plus puissantes (mannite). Il est d'ordinaire assez tardif. Ces cellules peuvent être aussi considérées comme des cha- mydospores dont elles ont la fonction. Les filaments im- mergés dans l’eau glycérinée en montrent de nombreux exemples (PI. IT, fig. 3). lei, tout le mycélium est cutinisé, mais certaines cellules le sont beaucoup plus et finissent par s'isoler dans le liquide. On sait aussi que les parties immergées offrent souvent des cellules cutinisées séparées par des régions filamenteuses incolores (eau distillée, etc., etc.), qui dis- paraissent plus tard, laissant les cellules brunes comme forme de résistance. Ce sont là de vrais chlamydospores. Quelques cultures sont intéressantes à ce point de vue. intercalaires, dont la signification est, pour l’auteur, restée obscure. Ce sont des cellules renflées et divisées en plusieurs sens. En examinant les figures données, on est frappé de l'identité de ces corps avec certaines formes du mycélium durable que l’on a vues dans Le développement des deux Alterna- ria déjà décrits. C’est un renflement macrosporioide. Il joue probablement ici le rôle d’une forme de résistance du champignon, à moins que ce ne soit un début de sclérote. Les formes végétatives de tous ces champignons voi- sins sont évidemment très analogues. Il ne s'ensuit pas qu'on les doive identifier. — Voy. aussi des corps représentés par Brefeld chez des Dothidea (Brefeld, loc. cit., Heft X, tab. 9). 138 LOUIS PLANCHON. Dans les solutions de dextrine (PI. IE, fig. 6), le cham- pignon pousse très bien quoique assez lentement, et la végétation paraît en rapport avec la teneur en aliments, car elle est beaucoup plus vigoureuse dans la dextrine à 20 p. 100 que dans celle à 5 p. 100. Cette culture est importante. Au début, les tubercules sont bien développés et formés de filaments enchevêtrés, Fig. 37. — Végétation jeune sur dextrine à 20 p. 100. — a, filaments avec début de chlamydospores ; b, Hormodendron; c, filaments à cellules renflées ; d, gout- telettes d'huile. à cellules courtes, arrondies. De ce lacis central lâche par- tent des filaments verdêtres aussi, et très divers, les uns terminés par des inflorescences de C/adosporium, d'autres portant des sortes d’hétérocystes (futures chlamydospores) à l'extrémité, latéralement ou sur leur trajet, d’autres, enfin, ramifiés et stériles, à articles alternativement renflés et normaux (fig. 37). \ Dans la même solution, au bout de quelques mois, la INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 139 moisissure à poussé abondamment à la surface et sur les parois du tube dans le liquide. Les filaments offrent des chlamydospores espacées ou en séries, d’un brun foncé, à double contour bien marqué, presque noir, et qui peuvent s'isoler dans le liquide et y germer. La teinte générale des filaments est verdâtre. On peut suivre les modi- fications de ces chlamydospores, d'abord verdâtres aussi, et à cercle foncé, puis d'un brun rougeâtre, à enveloppe de plus en plus épaisse (PI. IIL fig. 10). Les cellules condensent quelquefois leur protoplasma en une sorte de petite masse verdâtre centrale. Les filaments sporifères sont raides, bruns, à spores pluricellulaires. Autour des filaments et surtout des parties les plus cuti- nisées se trouvent des granulations mucilagineuses et quel- quefois une sorte d'atmosphère de mucilage. De nombreuses conidies, isolées ou en courtes chaînettes, nagent dans le liquide. Elles proviennent des filaments rigides qui partent du tubercule : souvent elles sont groupées en bouquet à l'extrémité de ces filaments, mais se détachent avec facilité. La gomme, suivant sa viscosité, donne une végétation purement superficielle (gomme épaisse) ou accompagnée Fig. 38. — Végétation jeune sur gomme épaisse. — Début de tubercule. de quelques flocons dans le liquide {solution moyenne), ou des petites taches noires immergées sur la paroi du tube si fréquentes dans cette espèce (solution diluée). La forma- 140 LOUIS PLANCHON. tion des tubercules par l’enchevêtrement de filaments irré- gulièrement toruleux se voit très nettement, surtout dans la végétation de la gomme épaisse (fig. 38). Avec le temps se forment d'innombrables conidies et souvent des Aormoden- dron cladosporioides au bout de filaments assez longs. Dans nombre de milieux nutritifs en cultures anciennes (bouillon, etc.), les filaments incolores se renflent aussi de loin en loin et se cutinisent. Mais je dois cependant faire remarquer la rareté relative des chlamydospores, si fré- quentes chez d’autres espèces, et que l’on retrouvera plus abondantes encore dans celle qui reste à étudier. Les renflements mycéliens se rencontrent quelquefois dans les liquides à végétation défectueuse (gélatine ou bouil- lon en cultures anciennes, eau distillée de cannelle, acide borique, liqueur de Fowler, sulfate de quinine, etc.), mais ils sont exceptionnels et n’ont rien de caractéristique. e. — Formes fumagoïdes. — Ces formes sont très rares dans les cultures de C/adosporium. L'acide gallique, si remarquable par la tendance à l’enkys- tement qu'il imprime à la plupart des champignons, ne donne ici que des végétations émergées : les conditions de vie sont différentes par conséquent; l’enkystement ne se produit pas, et le semis se retrouve intact après six mois. Le liquide de Raulin (PI. HI, fig. 2) fournit par contre un type très remarquable à cetégard (1). Le champignon se déve- loppe dans ce milieu sous forme d’une végétation tout à fait. (1) M. Guéguen, en cultivant son Hormodendron sur liquide de Raulin, a obtenu des végétations différentes. Il a observé des filaments dont cer- taines cellules se divisent, contractent leur protoplasma en une masse colo- rée adhérente à la paroi, et forment au bout de quelque temps un corps intriqué, sorte de sclérote très friable, de dimensions variables. Sur des coupes, ce pseudo-parenchyme contient de grosses cellules à parois épaisses et à contenu coloré central ou latéral. Ces cellules peuvent germer en un filament dont certains éléments condensent à leur tour leur protoplasma, grossissent et reproduisent les cellules primitives. Ce sont là, pour l’auteur, des chlamydospores ou des kystes, constituant une forme de résistance. Cette descriplion se rapproche par quelques points de ce que j'ai vu, mais je n'ai jamais observé de pseudo-parenchyme. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 141 noire, sur les parois du tube, à la surface et au fond du liquide. La teinte du fond est plutôt verdâtre. Au microscope, cette végétation est en petits groupes séparables composés chacun de quelques cellules au centre, et d’un, deux ou quelquefois trois filaments très courts, à cellules plus larges que longues, en général de moins en moins cutinisées. Les cellules centrales sont à peu près noires, un peu verdâtres, laissant difficilement voir le détail du petit massif. Autour des cellules, quelques granulations mucilagineuses. Enfin, dans les préparations se trouvent quelques gouttelettes huileuses sorties des cellules, dont la cuticule est quelquefois fendillée. Toute cette végétation est complètement stérile, et les groupes d’où n'émane aucun filament mycélien sont tout à fait semblables à des /umago. La paroi des cellules est assez épaisse et le double contour s’y voit bien d’ordi- naire ; mais elle n’est pas disproportionnée comme dans les cultures d’A/{ernaria dans l'acide gallique. C’est une forme stérile, à mycélium très ramassé, très court; forme d'’ail- leurs de résistance, car la vitalité en est parfaitement con- servée après plusieurs mois, et forme non souffreteuse, car le développement des semis dans le liquide a été assez abondant, quoique peu rapide. f. — Mycélium stérile. — Il est rare que la végétation soit dépourvue de tout organe de reproduction. Le fait peut cependant se produire, soit primitivement, soit à la longue (eau distillée, eau de cannelle, acide tartrique, phosphate acide de sodium, liqueur de Fovwler, ete., etc.). Les exemples suivants offrent seuls quelques particula- rités intéressantes. Ferrocyanure de potassium. — Végétation faible et très lente. Il est rare qu'on y voie des spores ; en somme, mycélium presque stérile. Articles gros, courts et à mem- brane épaisse. On sait que ce milieu est défavorable à la cutinisation. Gélatine nutritive. — On à vu le développement rapide de l'espèce sur la gélatine nutritive. Mais ce milieu s’épuise 142 LOUIS PLANCHON. avec le temps, et la végétation prend alors une forme spé- ciale. Le mycélium est devenu stérile. En outre, il n'est pas cutinisé ou à peine. Enfin, par sa forme sinueuse et rameuse, tout à fait distincte du type, il constitue un cas tout particulier. Les cellules en sont tantôt cylindriques, tantôt plus ou moins renflées, un peu irrégulières. Le pro- Loplasma qu’elles contiennent semble être fortement hui- leux : et de plus il à subi une contraction qui le réduit à un petit disque verdâtre ou Jaune verdâtre dont la couleur tranche vivement sur la cellule incolore ou faiblement colorée, et qui s'applique contre une des parois de cette cellule. Cet aspect est particulier à cette culture, mais ce n’est là qu'une simple forme végélative, d'importance secondaire (PI. IT, fig. 1). Sous l'influence de ce champignon, la gélatine et le moût gélatiné se liquéfient. Acide borigue. — La végétation y est aussi absolument stérile et peu colorée ; la plupart des filaments sont presque blancs ou légèrement jaunâtres. lei encore le protoplasma s’est fréquemment coloré en vert ou en vert brun comme sur la gélatine et s’est quelque peu contracté, mais moins et moins fréquemment. Bien des cellules sont irrégulières, iné- sales, renflées çà et là, à double contour ordinairement bien net; paroi réfringente et brillante, protoplasma plus foncé, grisâtre ou gris jaunâtre, accompagné de nom- breuses gouttelettes huileuses. Les filaments sont ramifiés, terminés en pointe assez aiguë. En somme, mycélium sté- rile, peu ou pas cutinisé, végétant mal, et n'ayant pas pris de forme de résistance (PI. INT, fig. 8). Il faut remar- quer que le développement dans ce milieu a été très faible, mais que la vitalité est pourtant assez grande, car le semis de contrôle a donné l'espèce après plus de six mois. Le gaiacol fournit encore une végétation stérile, mais toute spéciale : la spore initiale germe en donnant un mycélium contourné, très gros, à cellules volumineuses tan- tôt arrondies, tantôt allongées, toujours épaisses, fortement INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 143 granuleuses, inégalement et en général peu cutinisées. Un autre mycélium tout différent, fin, à longues cellules très régulièrement cylindriques, abonde aussi dans la prépara- tion; 1l fait suite au premier dont il n’est que la ramifi- cation, mais le passage de l’un à l’autre est brusque (PI. I, fig. 13). _ Généralement la spore d’origine se distingue par sa cutinisation plus accentuée : elle est fortement gonflée. 2. — APPAREIL CONIDIEN. Les variations de cet appareil dans ou sur les divers mi- lieux peuvent porter : Sur la disposition des spores sur les filaments ; Sur les passages de l’article mycélien à la conidie ; Sur les caractères des conidies elles-mêmes. a. — Inflorescence.— Disposition normale.— La disposi- tion normale des spores a été souvent décrite. On admet que l’inflorescence caractérise les deux formes principales, C/a- dosporium et Hormodendron. Dans la première, il se forme- rail des étages successifs de conidies, qui elles-mêmes en produisent d’autres : on a ainsi des conidies de 1°*, 2°, 3° ordre, et même (s’il s'agit de la variété dite naine, plus prolifique) de 4° et 5° ordre. Entre ces étages de conidies, le conidiophore s’allonge beaucoup. Dans la deuxième, la formation de chapelets conidiens très abondants épuise la plante qui s’allonge peu, mais prend un aspect péni- cilloïde ou plus exactement hormodendroïde. _ Le développement des chapelets de spores est, comme on le sait, centrifuge, la spore la plus ancienne étant la plus rapprochée de l'axe; en outre, la conidie formée passe insensiblement à l’article mycélien; enfin la spore mère, c'est-à-dire celle de la base du chapelet, et l’article mycé- lien lui-même, se détachent très facilement du support. Ces trois caractères sont importants à rappeler 1c1, car ils expli- quent la variété d'aspect des préparalions. 144 LOUIS PLANCHON. Les articles mycéliens qui se séparent ainsi sponlané- ment ou au moindre contact sont très variables. Quelques- uns, vrais fragments mycéliens, cylindriques, assez longs, parfois brisés, n’ont évidemment que la valeur d’une forme de mycélium résistant. D’autres, plus courts, appartien- nent déjà à la région sporifère du rameau, aux branches de l’Hormodendron cladosnorioides. Mais ces branches elles- mêmes sont loin d’être semblables : tantôt, comme chez un vrai Penicillium, des arti- cles plus ou moins cylindriques se suivent simplement sur les rameaux; tantôt cha- que article est renflé en son milieu, atténué à ses extrémités et très faiblementarticuléavec ses voisins. Les articles de cet Aormodendron vont en diminuant de longueur de la base au sommet de l’inflores- cence (No o 0 IST gardenten même temps leur diamètre, ils arrivent à la vraie spore, et dans le liquide où flottent les corps reproducteurs détachés on trouve absolument tous les passages (fig. 36, p. 133). Toutes ces formes, depuis l'article cylindrique jusqu’à la spore sphérique, sont toujours limitées par un double contour très net. La couleur est brune, généralement assez claire, foncée en masse. Des différences peu importantes se montrent sur des milieux voisins ; sur les fragments de carottes, le m ycélium forme des filaments sporifères plus longs que sur la Fig. 39. — Hormodendron cladosporioides. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES,. 145 pomme de terre, et donne des séries de spores plus régu- lières, plus arrondies, très souvent tout à fait sphériques. Bien que les formes ovoïdes ou allongées abondent aussi sur les fragments de bois blanc, l'AÆormodendron cladospo- rioides X est encore très caractérisé : les branches sont plus serrées, quelquefois même plus verticillées, et les chai- nettes très nombreuses : mais, en somme, c’est la même forme. Ici encore prédominance manifeste des spores sphé- _riques. Spores immergées dans les milieux chimiques. — La dispo- sition normale ci-dessus décrite se rencontre surtout sur les milieux solides ou dans les végétations de surface. Dans les conditions spéciales où je me suis placé, la variabilité va plus loin. Le plus souvent, il est vrai, les spores ter- minent les rameaux en formant un chapelet plus ou moins long; mais quelquefois elles se rapprochent en un bouquet serré autour du filament mycélien ou vers l'extrémité d'un court rameau, ou encore s’espacent un peu, et forment alors une courte grappe ou plutôt une sorte d’épi, à élé- ments sessiles mais bien séparés. Enfin, les conidies peu- vent être quelquefois portées isolément sur les filaments à des distances très inégales. On en verra de fréquents exemples dans les formes submergées, car l’immersion joue ici un rôle considérable. (PL. IF, fig. 4 et 5). Les filaments sporifères ainsi disposés ressemblent sou- vent à des Sporotrichum. Les spores isolées sont toujours ovoïdes, à grosse extré- mité distale ordinairement; insérées, comme les chapelets, vers l'extrémité d’un article mycélien ; d'abord incolores, puis rapidement cutinisées, mais faiblement, comme le mycélium lui-même. Les eaux distillées nous en offrent de très nombreux exemples (oranger, roses, tilleul, mé- lisse, elc.). Par exception, je n’en ai pas trouvé dans l'eau de menthe, sans que j'aie d'explication plausible à donner de ce fait. Ces spores peuvent être assez nombreuses sur les filaments, mais jamais elles n’offrent l'aspect du Derma- ANN. SC. NAT. BOT. XI, 10 146 LOUIS PLANCHON. tium pullulans que l’on rapporte souvent à cette espèce (1). Les termes de passage entre ces spores isolées, en bou- quet ou terminales, sont nettement marquées dans la cul- ture dans l'arséniate de sodium. Les filaments portent des conidies latérales brunes {les blanches sont rares, la euti- nisation se faisant très vite), tantôt isolées, tantôt et plus souvent groupées ou rapprochées en faux verticilles ou en petit épi latéral. Cette préparation montre aussi très bien les débuts de ger- mination dans le liquide de la culture. En même temps, on trouve les filaments bien typiques de Cladosporium, mais sans forme hormodendron (fig. 40). On trouve aussi quelquefois des exemples très caractérisés de prolongements du mycélium au delà de la série des conidies. La culture dans le glycérophosphate Fig. 40. — Spores immergées. dsodique montre bien cette dispo- Végétation dans l’arséniate de :,- none sition. Les spores, avec leur forme différenciée, avec leurs caractères non douteux de conidies, prennent ici la valeur morpholo- sique de cellules mycéliennes, se ramifient ou se prolon- gent en mycélium ordinaire. S'il était besoin de démontrer que les conidies sont des articles mvcéliens modifiés, cette culture pourrait servir d'exemple (fig. 41). Les deux formes principales peuvent coexister dans un (1) Il se peut cependant que ces conidies non encore cutinisées aient donné l'illusion qu’on avait affaire au Dematium pullulans, bien que l'opinion de Laurent me paraisse explicable pour d’autres raisons dévelop- pées plus loin. Je ferai seulement remarquer que ces conidies se culi- nisent rapidement, ce que ne font pas les formes-levures de Dematium, et que Jamais elles ne végètent en levure. Dans aucune condition, je n'ai obtenu le Dematium mullulans en partant du Cladosporium. Ces deux plantes sont à mon avis deux espèces bien distinctes. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 147 même milieu. Ainsi Ja plupart des eaux distillées {sauf la cannelle, toujours à part, et la menthe) les présentent toutes deux et ordinairement à l'exclusion de l'Hormodendron cladosporisides, tandis que celui-ci est souvent seul sur les milieux solides. La coexistence des formes en Hormodendron et en bou- quets ou en spores isolées est assez rare; elle existe toutefois (eau de fleur d'oranger, soude, glycéro- Ê ; phosphate, arséniate de = — sodium, somme, etc.). Feat FR EOenE De SIpcérophos phate disodique. Spores intercalaires. L'Hormodendron se ren- contre presque toujours au contraire avec la forme C/a- dosporium ordinaire. b. — Passage de l’article mycélien à la conidie. — Les passages entre l’article mycélien et la spore formée et diffé- renciée sont, a-t-il'été dit, si nombreux que la distinction devient impossible. L'étude de quelques milieux de culture est intéressante à cet égard. Soude. — Contrairement à beaucoup d'autres espèces, le Cladosporium se développe dans la solution de soude caus- tique à 1 p. 100. Dans ce liquide se montrent lentement de nombreux points noirs, entourés d’un léger mycélium, abondant surtout vers le fond du tube. Certains de ces points de végétation adhèrent aux parois du verre, d’autres végètent au-dessus du niveau du liquide. Le mycélium prend une forme spéciale à gros articles, souvent aussi larges que longs, avec des ramifications pénicilloïdes plus ou moins nettes, et des spores en chapelets, petites, sou- vent ovoïdes. Certains filaments paraissent se diviser en grosses spores arrondies qui ne sont autre chose que des articles mycéliens renflés. La cellule mycélienne tantôt s'’arrondit avec tendance à se dissocier, tantôt 148 LOUIS PLANCHON. s'atténue aux extrémités pour prendre la forme ovoïde ou allongée ; les articles fusiformes eux-mêmes dimi- nuent peu à peu de volume et s’arrondissent en chapelets de vraies spores, légèrement hispides dans ce milieu spé- clal. J'ajoute qu'il existe aussi des ramifications d’Hor- modendron à longs chapelets au bout de filaments evlindri- ques normaux (PI. IL, fig. 9). Dans le liquide, on peut trou- ver des spores énormes (fragments mycéliens arrondis), et d’autres petites, souvent irrégulières, sphériques ou fusifor- mes, avec tous les passages. Cela explique la présence dans certains liquides de très grosses spores bien sphériques, rencontrées çà et là. Dans la solution de bromure de sodium au dixième, mi- lieu à développement moyen, le passage de l’article mycé- lien court à la spore n’est pas moins insaisissable. Une fois bien formées ou détachées, les spores sont volumi- neuses, à peu près sphériques, plus fortement cutinisées, et disposées en longs chapelets fragiles à l’extrémité de branches qui se dissocient. En somme, c’est encore une fragmentation mycélienne, mais qui se fait à l'extrémité de filaments plus ou moins tortueux, anguleux, rameux, rhi- zoïdes (PI. IE, fig. 12). Les spores détachées s'accumulent en paquets considérables autour des extrémités de rameaux, et parfois montrent un commencement de germination. Mais ici la reproduction se fait aussi par spores véri- tables, par chapelets qui constituent une sorte d’'Hormo- dendron cladosporioides au minimum de différenciation. Les extrémités sporifères restent incolores au lieu de se cuti- niser. Les branches sont peu nombreuses, très faibles, comme éliolées sur les rameaux plus vigoureux du reste de la végétation. Enfin les spores elles-mêmes sont tou- jours très petites, ovoides, incolores, en contraste frappant avec les fragments mycéliens sporiformes, plus grands et plus colorés, comme l’ensemble du champignon. Acélate de sodium. — Certaines végétations voient le mycé- lium diminuer de plus en plus, et les spores en chapeletdeve- INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 149 nir au contraire abondantes en proportion inverse. C’est le cas pour l'acétate de sodium, par exemple, quioffre, comme on l’a vu, la curieuse propriété de rendre la plupart des végétations moniliformes. [ei on ne voit presque pas de mycélium cylindrique vrai, mais de nombreux filaments, les uns cutinisés, les autres incolores, formés de spores ar- rondies, ovoïdes ou pyriformes, véritables chapelets à aecroisse- ment centrifuge dont les articles sont prêts à se détacher. Ces chapelets simples, sans ramifica- tions, diffèrent complètement non seulement de l'inflorescence de l’Hormodendron, mais encore de celle moins régulière du Cladosporium typique. Les spores C7 non cutinisées sont allongées ou Fig. 42. — Végétation dans l'acétate pyriformes à petite extrémité es Ouen distale. Les spores colorées sont d'ordinaire sphériques et dérivent des premières, bien que le filament porteur soit d'ordinaire incolore (fig. 42). Evidemment ce sont là des conidies : c'est un CVado- sporium dont les filaments se terminent par une série simple de spores. Mais les caractères du C/adosporium herbarum arrivent à manquer à peu près tous, et les appareils végé- af et sporifère finissent par se confondre. Au semis de contrôle sur pomme de terre, cette forme a comme les autres donné le Cladosporium lypique. Dans les milieux très favorables, les spores semblent se différencier plus nettement. Dans le g/ycérophosphate mono- sod'que par exemple (fig. 43), les chapelets sont d'une grande netteté. Quelquefois même les spores qui les composent sont portées sur un tout petit pédoncule. Elles varient de forme, il est vrai (pyriformes, ovoïdes ou sphériques), mais la forme sphérique domine de beaucoup. La trace de l'in- 150 LOUIS PLANCHON. sertion se voit toujours bien. Les dimensions de ces spores ne varient que dans une faible mesure, les inflorescences sont plus nettement dessinées et les formes de passage sont rares. En outre, les spores à peine séparées ont une tendance à ger- mer. L’exospore chitineuse éclate, un commencement de germina- 3 tion se produit : une petite saillie Bio 43 Necclalion dns blanche se montre dans la fente glycérophosphate monosodi- ef en sépare de plus en plus les + lèvres. Ce n'est pas là du tout le phénomène de sortie de la cellule constaté dans d’autres espèces; en effet, le contenu pousse en un tube court, quel- quefois même s’allonge en quelques cellules {assez rare- ment), mais ne se sépare pas de la coque, et ne se retrouve pas dans le liquide sous forme de sphères blanches. C'est une véritable germination, mais qui d'ordinaire ne va pas loin. Au total, et sans lenir compte des termes de passage, l'espèce forme, sur le même milieu ou sur des milieux différents, deux ordres de conidies : 1° Terminales : en chapelets; presque toujours cutini- sées fortement, allongées ou arrondies, passant au mycélium fragmenté. C'est le type ordinaire caractéristique du Cladosporium herbarum et de l’'Hormodendron ; 2° Latérales : ordinairementisolées, quelquefois par 2 ou, rarement en série, de forme aout légèrement renflées à l'extrémité distale, peu cutinisées, séparées et espacées, ou serrées en épi, ou même en bouquet {épi à axe court). Cette forme, beaucoup plus adhérente que la première, ne se détache ordinairement pas des rameaux, tandis que les chapelets de conidies sphériques se désagrègent et que les spores nagent abondamment dans le liquide ambiant. Une troisième disposition intéressante peut se présenter, mais comme un cas particulier de la seconde : exception- INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 151 nellement, les conidies sont intercalaires. Dans le glycéro- phosphate disodique, bon milieu pour cette espèce, le mycélium se développe en gros filaments à cellules courtes d'où partent des ramifications plus fines à longs articles cylindriques. Sur ces derniers naissent de nombreuses _conidies isolées et ovoïdes, ou en série, de dimensions inégales et avec des formes de transition, et le mycélium se prolonge souvent au delà de ces conidies (fig. 41, p. 147). Les spores latérales sont portées ordinairement sur des filaments plus coudés, plus minces et moins cutinisés que la forme ordinaire. Des passages entre ces deux types peuvent exister, mais le plus souvent la distinction est facile. c. — Variation des conidies. — D’après tout ce qui pré- cède, l’on comprend que l'aspect des préparations du Clado- sporium doive le plus souvent présenter une grande variété. Les conidies détachées, tantôt isolément, tantôt en courtes chaînettes inégalement mûres, modifiées par le milieu et présentant tous les passages aux articles du thalle, semblent parfois appartenir à des champignons différents, tant elles varient de forme, de dimensions, de couleur et d'aspect. a. — Forme. — Les conidies du C/adosporium herbarum sont dites partout ovoïdes : c’est en effet le cas ordinaire; mais cette forme est très variable en réalité, et cette variabilité est un des caractères de l'espèce. Au moment de leur forma- tion, elles sont d'ordinaire arrondies et peuvent conserver cet aspect, ou au contraire s’allonger avant de se cutiniser, devenir alors ovoïdes ovales, fusiformes ou s’atténuer aux extrémités, la partie moyenne restant plus ou moins cylin- drique. En général, dans les ramifications, elles sont d'autant plus allongées qu’on se rapproche plus de la base. Même dans les formes sphériques, bien plus fréquentes qu'on ne dit d'ordinaire, un petit point à chaque pôle indique l’attache de la spore précédente où suivante, dans le chapelet. On a cherché quelquefois à séparer spécifi- quement ou tout au moins à distinguer des races dans cette espèce d’après la forme des spores. Ce que Je puis dire, c’est 152 LOUIS PLANCHON. que celle forme s’est montrée essentiellement variable dans mes cultures : or, celles-ci proviennent toutes d'un point de départ unique. La variation se rencontre, ai-je dit, sur le mème rameau, mais dans certains milieux la prédominance d'un type s'accentue nettement. Ainsi dans le bromure de sodium les spores sont à peu près toutes sphériques. Les fragments mycéliens sont en bâtonnets de toutes dimensions, qui se séparent aussi et se répandent dans le liquide. Ces bâtonnets, quelquefois très longs, jouent le rôle de spores, celles-ci n'étant en définitive qu'une forme perfectionnée et régulière de cette fragmentation. [Ils peuvent être le point de départ de filaments nouveaux et germer en cellule. Cependant, ce mycélium fragmenté n'existe jamais seul : des spores plus ou moins bien formées l'accompagnent toujours, tandis que la réciproque n'est pas vraie. La diversité obtenue en semant ainsi une spore unique ne signifie point d’ailleurs qu'il n'y ait pas pour cette plante des variétés ; d’après de Janczewski (1), elles se reproduisent Jidèlement par les conidies; mais ce ne sont certainement pas là de vraies races, ainsi que l’auteur le dit lui-même, car «on les a oblenues toutes en semant des sclérotes développés dans les tissus de nos céréales et souvent formés sur le mére mycélium ». Je suis parti, non du même sclérote, mais de a même moisissure, et toutes les variétés ici décrites pro- viennent en somme d’une seule spore. La sphéricité est plus ou moins parfaite. Lane quelques cullures, cerlaines chaînettes ressemblaient à des Aspergillus (eau glycérinée). 6. — Dimensions. — La difficulté de tracer exactement la limite entre une spore allongée et un article mycélien court empêche de donner les dimensions maxima de ces éléments. D'ailleurs, les auteurs qui distinguent les variétés admettent à cet égard une différence allant du simple au double : de Jancezewski indique 25 # sur 10 (1) De Janczewski, loc. cit. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 153 dans les variétés géantes et la moitié dans la variété naine. Les spores sphériques (ou à peu près) ont dans mes cul- tures de 4 à 5 w en moyenne. Les spores allongées ont varié surtout de longueur : 5 à 7 p d'épaisseur sur 6 à 9 y de long. Mais dans les cultures où les passages abondent, les spores, même différenciées, sont très variées de dimensions (fig. 44); 1l en est de fort petites (3 uv), de très grosses (10y), sans parler bien entendu de l’article fusiforme carac- térisé qui atteint souvent8 » sur 15, ni de l’article mycélien, toujours beaucoup plus étroit, beaucoup plus long, et souvent pluricellulaire. La taille peut être modifiée aussi par la tendance à Fig. 41. — Végétation dans le chlorure de sodiuin. — Hormodendron et formes de passage. Spores de dimensions variées. germer. Dans l’eau distillée de menthe, par exemple, la plupart des spores sont sphériques, surtout les plus grosses, dont le diamètre est souvent doublé. Celles-ei sont des conidies détachées qui ont grossi sur place, soit en courtes chaînettes, soit le plus souvent isolément. Leur augmen- tation de volume peut être attribuée à une tendance à la germination, car, d'une façon générale, les spores qui vont germer: 1° grossissent ; 2° tendent à devenir sphéri- 154 LOUIS PLANCHON. ques ; 3° ont une couleur plus claire ; 4° fendillent leur cuticule ou la rompent sur un point et laissent aperce- voir une région blanche sous-jacente. Or, tous ces caractères se retrouvent ici. | y. — Surface. — La surface des spores (et d’ailleurs aussi celle du mycélium) est le plus souvent lisse, mais avec l’âge, et sans doute aussi dans certains milieux, elle peut paraître légèrement échinulée {cultures très anciennes, avec forte cutinisation). L'eau glycérinée, l’eau distillée, la mannite en offrent des exemples. Parfois certaines parties d'une prépa- ration présentent seules cet aspect. Mais ce n’est là, semble- t-1l, qu'une apparence due à de fines parcelles de la cuticule fendillée et soulevée. Ô. — Couleur. —La couleur des spores est le plus souvent celle du mycélium lui-même et varie du brun clair au brun verdâtre-olive, et au brun rouge. Teinte générale ordinai- rement peu foncée. Jeunes, les spores sont incolores. Lors- 3 elles vont germer, elles pâlissent. — Cloisons. — Ces conidies sont normalement: simples. Mae lorsqu'elles s’allongent elles peuvent se cloisonner et former ainsi deux ou plusieurs cellules, qui restent toujours unies au moment de la séparation des spores et ne présen- tent pas entre elles d’étranglement. Dans le type étudié 1e1, les spores pluricellulaires, sans être rares, sont l'exception : deux ou trois cellules tout au > plus, germant chacune en un Le © tube identique ; quelquefois un seul tube de germination 2 por l’ensemble. €. — Spores initiales. — Pour terminer ce qui à trait aux Pi 6, Végéton danle shlrre spores, faut ajouter que dans la végétation des solutions on les retrouve parfois à l’origine des filaments qu elles ont donnés. Elles ont conservé leur forme et seulement augmenté de volume {chlorure de baryum, etc.) (fig. 45). Mais le fait NS INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 155 est loin d'être général et le plus souvent la spore initiale disparaît assez vite dans le développement. VII. — ASSIMILATION A D'AUTRES ESPÈCES On a voulu plus d'une fois identifier spécifiquement le Cladosporium herbarum, non seulement avec l'Hormodendron cladosporioides qui n’en peut être séparé, mais encore avec d’autres Dématiées. Les cultures pures de cette espèce, faites en milieux variés, permettent d'émettre un avis sur ces rapprochements, et de séparer spécitiquement et même génériquement des champignons considérés d'ordinaire comme de simples formes. Il est certain que la variabilité même des espèces de Dématiées voisines, la malléabilité de leur appareil végétalif et sporifère, la difficulté d'obtenir Les périthèces qui seraient un ceritérium absolu, doit amener souvent à considérer comme identiques des formes végéta- tives simplement analogues, mais il faut, semble-t-il, se montrer 1c1 plus exigeant, à cause même de ces multiples ressemblances, et ne réunir que les plantes rapprochées par leur fruetification, et qui, mises dans des conditions identiques, se comportent identiquement. J'examinerai seulement ici l'assimilation faite entre le Cladosporium herbarum et l’Hormodendron cladosporioides, — l’Aliernaria tenus, — le Pencillium glaucuim. 1. — CLADOSPORIUM ET HORMODENDRON _ Il n’est pas douteux que ces deux espèces n'en doivent former qu'une. L’Hormodendron cladosporioides Sace. à été décrit par Frésénius (1) sous le nom de Penicillium clado- sporioides et étudié par Lœw (2), qui le considéra comme une espèce et y rapporta les P. olivaceumn Corda, #igrovuens Fré- (1) Frésénius, Beiträge zur Mykologie, p. 24. 2) Lœw, Zur Entwickelungsgeschichte von Penicillium (Jahrbücher fur J Wissensch. Botanik, 1870). 156 LOUIS PLANCHON. sén., wride Frésén., chlorinum Frésén. Par la forme des spores, la croissance centrifuge des chapelets, ete., cette plante s’écarte des Penicillium et il faut la désigner sous le nom donné par Saccardo, tout en n’en faisant qu'un simple aspect plus conidifère du Cladosporium. C'est Laurent (1) qui, dans son intéressante étude du polymorphisme du C/adosporium, a indiqué le premier cette identité. II à trouvé toutes les formes de transition, et a altribué la différence à une question de nutrition, l'Hor- modendron ne se montrant que sur des milieux riches. Inversement, 1l a obtenu le C/adosporium par des cultures appropriées en partant de l’Æormodendron, résultat acquis également par Massart. Les diverses variétés de cette der- nière plante correspondent, pour lui, aux races du Cladospo- ram herbarum, races qu'il indique comme paraissant se maintenir et différant surtout par les dimensions des diverses parties. Les conditions spéciales où Je me suis placé ne me per- mettent pas de discuter iei cette question des races, car toutes mes cultures ont eu un point de départ unique; mais l’action du milieu s’est fait sentir très profondément et la morphologie à varié dans des limites plus grandes que celles indiquées, assez vaguement d'ailleurs, par les auteurs (race géante, race naine, etc., etc.) ; en sorte que l’exis- tence de races fixes me paraît assez douteuse. En tout cas, Jai observé aussi tous les passages du C{adosporium à l’'Hormodendron. Pour caractériser ces deux formes, on admet que l’axe principal du C/adospcrium s’allonge beaucoup après la pro- duction de conidies peu nombreuses, portées latéralement par élages successifs, en groupes ramifiés. Dans l’Aormoden- dron, au contraire, l'axe principal reste très court; les branches conidifères latérales se ramifient davantage et portent des chapelets de spores beaucoup plus nombreux et (4) Laurent, Recherches sur le polymorphisme du Cladosporium herbarum (Ann. de l’Inst. Pasteur, t. IT, p. 558). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES,. 157 plus fournis : c’est donc une question de plus ou de moins. Les auteurs admettent encore une race naine dont les coni- dies, au lieu de rester de 1”, de 2°, ou au plus de 3° ordre, comme chez le type, arrivent au 5° ordre, sont donc beau- coup plus nombreuses et passent ainsi à l’Aormodendron dont les ramifications, plus nombreuses encore, portent des conidies de 10° ordre quelquefois (de Janczewski) (1). Le mycélium est identique dans les deux, et les conidies ne dif- fèrent pas non plus; en tout cas, les différences ne sont pas plus grandes qu'entre deux races de Cladospo- rium. On vient de voir combien sur la même plante, sur le même chapelet, la forme et les dimensions sont variables. En général, l’Hormodendron est décrit comme ayant un axe très court et des chapelets de spores très grands. Mais ceci non plus n'a rien d’absolu, et j'ai trouvé des ramifications franchement hormodendroïdes portées sur des filaments de longueur normale. Tous les auteurs, en étudiant cette espèce, se sont rappro- chés autant que faire s’est pu des conditions de la nature et ont cultivé la plante en saprophyte ou en parasite. Au con- traire, dans les cultures dont il est 1e1 question, l'espèce végé- tant en surface et en profondeur dans des liquides variés à fourni non seulement les types extrêmes, mais quantité de formes intermédiaires, et dans bien des cas il serait tout à fait impossible de décider de quel type, C/adosporium ou Hormodendron, elle se rapproche surtout. Mais 1l y à plus : Berlese a fait sur ce point des observations très inté- ressantes : il conclut que la véritable espèce type est l’ÆHor- modendron cladosporioides, conclusions que j'accepte d'autant plus volontiers que j'y étais arrivé de mon côté avant d’avoir lu l’important mémoire de ce savant. Berlese est frappé des faits suivants : (1) De Janczewski, Recherches sur le Cladosporium herbarum et ses compu- gnons habituels sur les céréales (Acad. des Sc. de Cracovie, 1894). 158 LOUIS PLANCHON. Les conidies de Aormodendron et celles du Cladosporium sont identiques. Les conidies se détachent avec la plus grande facilité. Les hyphes sont identiques aussi dans les deux espèces. Les conidies détachées dans les préparations du C/ado- sporium sont extrèmement variées de forme. À tous ces faits très nets, il faut ajouter que j'ai rencontré dans les préparations tous les termes de passage entre les deux types. L'Hormodendron cladosporioides n’est donc probablement pas une forme spéciale développée en milieu riche, ainsi qu’on le dit d'ordinaire depuis les expériences et observa- tions de Laurent, et dans laquelle la partie végétative est restée courte, tandis que les chapelets de spores devenaient très abondants: c'est, comme le pense Berlese, Le type nor- mal du champignon. Grâce au vent, aux légers contacts, ou au cours de la préparation, les chapelets conidiens se déta- chent : ce sont naturellement les conidies les plus mûres, c’est-à-dire celles de la base, qui se séparent les premières ; le liquide contient donc des spores de toutes les grandeurs, et dont beaucoup refusent de germer parce qu'elles sont trop jeunes. Dans la nature, les filaments mycéliens apparaissent à peu près dépouillés de leurs chapelets, et l’aspect consi- déré comme normal chez le C/adosporium apparaît. 2, — CLADOSPORIUM ET ALTÉRNARIA L'histoire des rapports entre le C/adosporium herbarum et l'Alternaria tenuis peut être rapidement résumée. Tulasne (1) rattachait ces deux formes conidiennes au Pieospora herbarum, en même temps d’ailleurs que le Ma- rosporium Surcinula et qu'un autre appareil reproducteur donnant des stylospores. (1) Tulasne, Selecta fungorum carp ologia. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 1959 Les recherches de Gibelli et Griffini (1) (1873) séparent ces plantes ; ces auteurs admettent deux ?/eospora: l'un ayant comme forme conidienne un A/{ernaria (P. Allernariæ), l’autre ayant comme forme conidienne un Macrosporium (P. Sarcinula) qui donne des pycenides. Ils n'ont pu en ob- tenir le Cladosporium. Les auteurs qui ont ensuite étudié la question des À /{ernaria [Bauke (2), Kohl (3), Mattirolo (4)] ne paraissent pas rattacher le Cladosporium aux Alternaria. Laurent (5), dans son étude sur le Cladosporaun, ne le réunit qu à l’Aormodendron cladosporioides et au Dematium pullulans. Costantin (6) a repris ces recherches et a étudié l’A/ter- naria tenus et le Cladosporium. Il remarque que certains dessins de Tulasne paraissent offrir des ressemblances avec l'aspect que prend parfois le Cladosporium. 1 rappelle que si Bauke et Kohl admettent quun ÀA/fernaria se reproduit toujours sans variations, Mattirolo, au contraire, pense que dans des conditions dé- favorables, l’A/fernaria peut produire des spores qui diminuent de volume jusqu'à simuler un Cladosporium (ce n'est donc, d’après Mattirolo, qu’une apparence). Costantin a cultivé l’A/ternaria tenuis sur divers milieux, en prenant toutes les précautions nécessaires contre les impuretés. Sur gélose et bouillon de veau neutre, 1la obtenu des passages vers une forme présentant les caractères du Cladosporium. L'appareil reproducteur dégénère peu à peu, la première spore de la série tend à se confondre avec les articles supérieurs du filament fructifère, augmentant la (1) Gibelli et Griffini, Sul polimorfismo della Pleospora herbarum (Arch. del lab. di bot. crittog. in Pavia, t. LI). (2) Bauke, loc. cit. (3) Kohl, Ueber Polymorphismus von Pleospora herbarum (Bot. Centralbl., 1883). (4) Mattirolo, Sul polimorfismo della Pleospora herbarum, ete... (Malpi- _ghia, 1888). (5) Laurent, loc. cit. (6) Costantin, Sur les variations des Alternaria et «les Cladosporium (Rev. “én. de Bot. t 1). 160 LOUIS PLANCHON. partie stérile du champignon, aux dépens de l’autre, comme cela est constant chez le Cl/adosporium. Ces spores, sur cer- lains points, finissent par être uni- ou bicellulaires, en tout cas à cloisons parallèles, bien plus petites que la forme typique de l’A/{ernaria. : Dans l'étude d’un champignon spontanément développé sur acide picrique, il observe des variations analogues. Des Alternaria se trouvent à la périphérie de la culture, des formes intermédiaires venant ensuite ; sur quelques points du mycélium se forme alors un tubercule qui grossit, donne des filaments dressés, incolores, puis colorés, avec, à l’ex- trémité, de petites spores uni- ou bicellulaires dont la ressemblance paraît frappante avec celles du C/adosporium ; enfin, vers le centre se dressent des Cladosporium d'aspect un peu spécial et dont les spores semées ont donné des lormes plus caractéristiques, sur la nature desquelles il n°v a pas, dit l’auteur, à hésiter. En cultivant et en étudiant une forme de C/adosporium recueillie sur un fruit de Cucurbitacée, Costantin a encore observé des chapelets de spores 1-2-3-cellulaires, et, à la base des tubercules, des cellules renflées rappelant un peu les spores des Alfernaria; or, il en a obtenu l’Æormoden- dron (c'est-à-dire le Cladosporium) : c’est donc bien du C{a- dosporium qu'il s’agit. En somme, Costantin a observé et obtenu en cultivant l’'Allernaria lenuis des formes cladosporioides, en cultivant le Cladosporium desformes alternarioïdes, et semble admettre entre les deux les rapports les plus étroits. Sans doute, les diverses Dématiées dont Je m'occupe dans cette étude ont entre elles des ressemblances et des affinités. L'appareil végétatif de ces diverses espèces, et, on peut le dire, des Dématiées en général, a des caractères communs, et la distinction, d’après le seul mycélium, apparail comme tout à fait impossible, surtout si l’on cultive ces plantes sur des milieux spéciaux qui en modifient souvent les caractères, et qui les rapprochent parfois, par des phénomènes de INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 161 convergence. Aussi rencontre-t-on fréquemment des formes qui tendent vers une autre. J'ai montré à propos de la pre- mière espèce, par exemple, quon trouvait chez elle des formes macrosporioïdes, alternarioïdes, cladosporioïdes ; cet aspect cladosporioïde, je l’ai rencontré un peu partout, et avec des caractères très analogues. Les végétations souffre- teuses que l’on obtient dans des milieux artificiels, même nutritifs, modifient en effet la forme, la couleur, la disposi- tion du filament jusqu’à les rendre méconnaissables. Dans ces conditions, pour admettre le passage d’une espèce à une autre, il semble nécessaire que l’on ait obtenu nettement le type de l’une en partant de la forme typique de l’autre. Que par exemple, en semant, dans l'espèce, des conidies d’un Cladosporium bien caractérisé, et après en avoir obtenu les végétations dégénérées ci-dessus indiquées, on ait pu, en cultivant ces formes de dégénérescence sur un milieu bien favorable à l’A/{ernaria, observer les files de spores caracté- ristiques de ce dernier. Je n’ai, pour ma part, rien vu de pareil. Sans doute, en partant des deux types conidiens, j'ai obtenu par régres- sion ou tout autrement des formes dégénérées qui se res- semblent; sans doute il existe des dégradations, des dimi- nulions de la puissance reproductrice : le nombre, les dimensions, les cloisons des spores d’A/{ernaria, par exem- ple, se modifient ; ces spores tendent à passer au filament mycélien; la partie stérile augmente, un aspect c/adospo- rioide se montre alors, mais je n'ai vu nulle part un vrai C/a- dosporium avec ses caractères, l'insertion spéciale de ses spores, son mode de ramification et son développement sur certains milieux. Costantin à obtenu dans une culture l’Hormodendron cladosporioides ; mais il était parti, d'après sa propre observation, non de l’A/fernaria, mais d'un C/a- dosporium dont les tubercules offraient à la base certaines cellules renflées, « rappelant un peu les spores d’'Alternaria ». Reste l'hypothèse, toujours possible, que, comme le pense Berlese, le Cladosporium est une forme de conver- ANN. SC. NAT. BOT. XI dUL 162 LOUIS PLANCHON. sence de plusieurs espèces, et que les divers observateurs ont cultivé des choses distinctes. Ces observations, fort intéressantes d’ailleurs, montrent une fois de plus combien ces champignons sont voisins, et combien il est difficile de distinguer les unes des autres leurs formes dégénérées et presque stériles. Mais la distinction spécifique paraîtra nécessaire si l’on compare entre elles les cultures dont il a été question depuis le commencement de cette étude. En effet, s'il est vrai que deux formes bien distinctes, d'une même espèce, cultivées sur un même milieu, donnent parfois au début des végéta- tions différentes, 1l est vrai aussi que des cultures succes- sives les modifient peu à peu : chaque milieu étant plus favorable à l’une des deux formes, la plante finit par prendre, quelle qu'en soit l’origine primitive, les caractères normaux qu'elle doit avoir sur ce milieu donné. En d’autres termes, si le C/adosporium et l'A lernaria sont deux simples formes, el si on les sème tous deux sur un milieu où le premier prend normalement son aspect ty- pique, le Cladosporium S'Y maintiendra avec ses caractères et l’Alfernaria (sinon tout de suite, du moins au bout d'un certain nombre de générations) y deviendra un C/adosporium. En prenant une série de milieux parfaitement identiques, et en y semant ces deux formes typiques dans des condi- tions identiques aussi, on doit voir les deux cultures paral- lèles se ressembler et même se confondre souvent. Or, c’est précisément ce qui n’a pas lieu. J'ai cultivé, comme on l’a vu, dans les mêmes conditions, deux espèces d'A/fernaria et le Cladosporium herbarum, et je ne puis ici répéter, même en résumé, les résultats donnés ci-dessus. Mais 1l suffira de les comparer pour voir qu'’au- cun rapprochement ne se fait. Les végétations stériles, les parties purement végétatives se ressemblent parfois, mais jamais on n’a trouvé un seul passage véritable. Je ne suis d’ailleurs et ne puis être affirmatif que pour les espèces étudiées. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 163 3. — HORMODENDRON ET PENICILLIUM Dans ses recherches sur le Pernicillium glaucum, M. Gué- guen déerit un Æormodendron qu'il a trouvé très fréquem- - ment associé au Pemcillium pour former les Fygrocrocis. Ces Hormodendron, dit l'auteur dans ses conclusions « ne sont peut-être que des états évolutifs du Penicillium glaucum. Nous n'avons pu, il est vrai, observer d’une manière cons- tante et irréfutable la continuité de ces deux organismes ; mais nous avons obtenu des formes de passage de l’un à l’autre. Notre insuccès n'étonnera point ceux qui savent combien sont capricieux ces organismes inférieurs d'un polymorphisme si déconcertant ». Je pense que M. Guéguen a obtenu et cultivé l’Hormoden- dron cladosporioides, si commun dans les solutés, et qui se développe constamment côte à côte avec le Pemcillium, quand on ensemence sur milieu solide les végétations des flacons de laboratoire. J'ai cultivé aussi de nombreux Peni- culium, dans les milieux les plus divers, et je n’ai jamais obtenu de forme hormodendroïde. Inversement, le C/ado- sporium herbarum, ni sa forme Hormodendron, ne m'ont jamais offert de Penicillium. Les descriptions que M. Gué- guen donne de son Âormodendron dans divers milieux où j'ai moi-même cultivé le C/adosporium, el certaines de ses figures, se rapportent bien à l’Æormodendron cladospo- rioides. La culture en cellule que i’auteur représente est identique à celles que j'ai obtenues dans les mêmes condi- tions, en cultivant le C/adosporium herbarum, et les formes intermédiaires dessinées ne me paraissent pas convaincantes ; ce sont des ramifications, peut-être un peu anormales, de Cladosporium ou d’Hormodendron à développement conidien centrifuge, qui seraient réellement intéressantes et pro- bantes si l’auteur les avait obtenues en partant du Penicil- lium, mais qui sont assez normales, étant donné qu'il a semé l’'Hormodendron. La ramification à trois branches verticillées 164 LOUIS PLANCHON. de l’une des figures est le seul point qui rappelle le Pericil- lium ; mais c'est une disposition que l’on rencontre parfois, quoique exceptionnellement, chez l’Hormodendron. J'ajouterai que la technique générale exposée par M. Gué- guen, au début de son mémoire, ne le met pas à l'abri de la culture simultanée des deux espèces; les semis étaient faits suivant les règles et sur des milieux stérilisés, mais c’étaient des semis directs, provenant du flacon d'origine, et par conséquent l’on pouvait fort bien semer ensemble les fila- ments ou les conidies des deux espèces ; cela suffit à expli- quer qu'on les ait obtenues simultanément ou successive- ment sur les cultures. La séparation est souvent fort longue, sinon difficile, et j'ai dû parfois faire jusqu’à huit ou dixcul- tures successives pour débarrasser tout à fait Le C/adosporium des spores de Penicallium : l'inverse était beaucoup plus facile. En résumé, l'hypothèse de M. Guéguen, sur laquelle, je m'empresse de le reconnaître, il fait toutes ses réserves, ne saurait être acceptée. Il résulte de ses expériences que le Penicillium glaucum et le Cladosporium herbarum sont les deux plus fréquentes parmi les moisissures que l’on confond sous le nom d’Hy- grocrocis. | IX. — RÉSUMÉ Le Cladosporium herbarum est très fréquent dans les milieux chimiques (p. 116). Cette plante est peut-être une forme de convergence com- mune à plusieurs champignons, ce qui expliquerait la dif- férence des résultats obtenus par les auteurs ‘p. 117). Le type étudié 1ei paraît cependant bien caractérisé; c’est celui dont l'étude a été faite par divers auteurs {p. 119). La forme AÆormodendron cladosporioides semble devoir constituer le type même de l'espèce (p. 119). Le passage insensible de l’article mycélien à la conidie INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 165 différenciée est le caractère principal, très net dans la plu- part des cultures (p. 119). La variabilité de l'espèce est d’ailleurs très grande, soit dans la nature, soit dans les cultures artificielles (p. 120). Le parasitisme est encore discuté (p. 120). Le nombre actuel des espèces paraît beaucoup trop grand (p- 121). L'espèce est très sensible aux acides (p. 124). Sur le milieu-type, elle ne pousse que très lentement, mais elle acquiert ses caractères normaux (p. 132). Elle s’accommode assez bien de la plupart des milieux non acides (p. 125). Les végétations varient d'aspect. Très souvent, un petit tubercule noirâtre sert de centre aux ramifications (p. 125;. _ En effet, les premiers filaments, çà et là renflés, s’en- chevêtrent souvent en une sorte de tubercule qui ne devient jamais un vrai sclérote (p. 135). L'espèce, tout en poussant de préférence à l'air, peut ‘ vivre immergée (p. 126). _ L'aspect des filaments immergés est d'ordinaire spécial (bp 1501 La germination en cellule sur eau de pomme de terre donne rapidement des spores. Dans la gélatine, on obtient aussi des formations analogues, et bientôt (sur des branches sortant du milieu) des ramifications d'Aormodendron(p. 127, 129). La cutinisation varie beaucoup, et parfois sur le même filament. Elle est souvent assez faible (p. 134). Les chlamydospores se rencontrent sous divers aspects, mais sont relativement peu fréquentes (p. 137). Les formes fumagoides sont plus rares que dans les au- tres espèces étudiées, etsurtout que dans la suivante (p. 140). Le mycélium se montre souvent stérile, avec des carac- tères spéciaux suivant le milieu considéré (p. 141). L'appareil conidien varie dans les divers milieux, soit par l’inflorescence, soit par les caractères des conidies (p. 143). 166 LOUIS PLANCHON. Les régions immergées du champignon ont souvent des spores disposées en épis ou en bouquets serrés, ou isolées çà et Là (p. 145). Dans quelques cas, on peut trouver des conidies interca- laires dont la série se continue en un vrai filament mycélien (p. 146). Le passage de l’article mycélien à la conidie est inté- ressant à étudier dans quelques milieux, soit que la spore se différencie plus nettement, soit qu'elle se confonde, au contraire, de plus en plus avec le mycélium (p. 147). Les conidies varient aussi dans les divers milieux, par la forme, par les dimensions, par l'aspect de la surface, par la couleur, par le cloisonnement, etc. (p. 151). On doit réunir le C/adosporium herbarum à l’'Hormoden- don cladosporioides (p. 155). Il faut le séparer (au moins celui qui a été l’objet de cette étude) des À /ternaria et du Dematium pullulans (p.158et211). Il est tout à fait distinct des Penicillium. que l’on trouve parfois avec lui (p. 163). DEMATIUM PULLULANS de Bary. Le Dematium pullulans de Bary est très commun dans la nature, à la surface des fruits à épiderme mince, sur les organes divers des plantes malades, plus ou moins mêlé à d’autres espèces, et en particulier au C/adosporium herbarum. On le rencontre aussi dans les liquides des laboratoires, où il constitue une des moisissures les plus fréquentes. [. — HISTORIQUE. — LIMITES DE L'ESPÉCE Le seul mode de reproduction qu'on fui connaisse bien (conidies formes-levures) ne permet pas de rapporter le Dematium pullulans à un type déterminé d’Ascomycète, car des bourgeons de même aspect ont été rencontrés au cours du développement de champignons très divers. Bre- feld (1), en particulier, a représenté de ces formes bourgeon- nantes chez les Sphærulina intermixta Berk. et Br., Nectria cinnabarina Tode, ÆRosellinia velutina FkI., Dothidea ribesia Pers., polyspora Bref., etc., Bulgaria inguinans Pers., etc., en sorte qu'il est encore très difficile de présumer à quel périthèce aboutit l'évolution complète de cette espèce. Cependant, diverses hypothèses ont été émises. Pas- teur (2) assure que les cellules brunes de la surface des fruits sucrés peuvent être rajeunies et faire fermenter le sucre. Mais, ainsi que le fait remarquer Berlese (3), il ne paraît pas (1) O. Brefeld, Untersuchungen aus dem Gesammtgebiete der Mykologie, Heft X (Ascomycelen, Il), 1891. (2) Pasteur, Études sur la bière. (3) Berlese, Première contribution à l'étude de la morphologie et de la biologie de Cladosporium et Dematium (Bull. de la Soc. mycol. de France, 1895, p. 35 à 74). 168 LOUIS PLANCHON. avoir séparé de cette espèce les vraies levures qui se trouvent toujours à la surface des fruits. Plus récemment, Cuboni (1) a décrit un Dematium pullulans qui amènerait la fermenta- tion par ses cellules saccharomycétiformes. Berlese, qui n’a jamais vu de fermentation se produire dans ces conditions, se demande si, malgré les précautions rigoureuses prises par Cuboni, il n'a pas été semé, en même temps que les formes-levures du DJematium, des levures véritables toujours abondantes sur les points où l’auteur a pris ses semences (gouttes de sève de la vigne). Aussi, la parenté admise par Pasteur et par Cuboni du PDemalium avec les Saccharo- myces est-elle plus que douteuse. Berlese, sans la nier d'une facon formelle, refuse au Dematium la possibilité d'amener la fermentation. C'est aussi le résultat de mes cultures sur les liquides sucrés, qui n'ont jamais montré la moindre bulle gazeuse. Lœw (2) a fait de cette espèce une étude approfondie, et a obtenu, en cultivant des cellules saccharomycétiformes, des formes bourgeonnantes et des formes à chlamydospores: il en a étudié la germination qui se fait par les deux pôles, le cloisonnement, le bourgeonnement, d’abord sur la cel- lule mère, puis sur les autres, enfin l’enkystement. En com- parant les observations de Lœw et les siennes, Berlese pense qu’il y a là deux espèces distinctes. Il a, lui aussi, étudié dans leurs plus grands détails les phases du bour- geonnement,; cependant, la distinction spécifique avec la plante de Lœw ne semble pas évidente, autant qu'on peut en juger d’après deux descriptions. En tout cas, ainsi qu'on le verra plus loin, la germination des formes-levures varie dans d'assez grandes limites, suivant le milieu ; et dans le même liquide on voit, par exemple, les cellules pousser tantôt un seul, tantôt deux tubes mycéliens. Berlese conclut, des publications faites et de ses pro- pres observations, que le Dematium pullulans ne représente (1) Cuboni, Sulla probabile origine dei Saccharomiceti, 1885 (ex Berlese). (2) Lœw, Ueber Dematium pullulans (Pringsheim’s Jahrbuch., II). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 169 pas une entité, mais est une forme collective, un état spé- clal de plusieurs champignons, Sphæriacées ou autres (1). Il croit très possible que, par une adaptation complète au milieu, ces espèces aient perdu la faculté de reproduire les formes d’où elles proviennent, ce qui explique la rareté des modes élevés de reproduction. L'espèce étudiée par Berlese est, en effet, inapte à donner autre chose que des bourgeons, et s’enkyste dès qu'elle arrive à l'air libre; il en a trouvé d’autres qui lui ont paru un peu différentes, en sorte que, d’après lui, les Dematium pourraient bien former un petit groupe isolé comme les Saccharomycètes. Le fait que la forme bourgeonnante du mycélium est commune à plusieurs champignons n'est pas contestable. La ressemblance très fréquente des formes mycéliennes suffit à expliquer que l’on ait pu décrire sous le nom de Dematium pullulans des végétations bourgeonnantes di- verses. Mais, de ce qu'il y a ressemblance d'aspect, comme dans les figures de Brefeld, il ne s'ensuit pas forcé- ment que le Dematium pullulans n'existe pas, c’est-à-dire qu une de ses formes [celle sans doute décrite par De Bary (2), Lœw (3), Laurent (4), etc.] ne réponde pas à une espèce par- ticulière de Dematiée bourgeonnante et dépourvue jusqu'ici de forme reproductrice différenciée. En d’autres termes, je puis continuer à donner le nom de Dematium pullulans à un champignon dont le mode de reproduction sur certains milieux est absolument identique à celui qu'indiquent et représentent les auteurs qui l'ont étudié. J'aurai tout à l'heure à discuter l'assimilation faite par Laurent du Dema- hum pullulans avec le Cladosporium herbarum ; or, l'espèce que Jai eue entre les mains est tout à fait la même que celle de Laurent : cultivée sur gélatine, par exemple, elle (4) C'est aussi l’avis de Brefeld, loc. cit., p. 267. (2) De Bary, Morphologie und Biologie der Pilze. (3) Læœw, loc. cit. (4) Laurent, loc. cit. 170 LOUIS PLANCHON. m'a donné des végélations identiques à celle que dessine l’auteur, etc. Je puis donc la considérer comme une forme Hoi et faire reposer sur elle mon argumentation. Bien entendu, cela ne signifie pas que d’autres champi- gnons, connus ou non à l'état parfait, ne puissent donner ‘ des formessemblables. Zopf(1),parexemple, a montré queles stylospores et les conidies des /umago, qu'il a très bien étudiés, peuvent bourgeonner dans les liquides sucrés, et que les microstylospores, si le milieu s'épuise, s'enkystent parfois soit directement, soit aprèss être divisées transver- salement en deux cellules ou en un court chapelet. Ce sont là des caractères communs avec le Dematium pullulans, aux- quels J'ajouterai que celui-ci peut avoir des formes tout à fait fumagoïdes. Mais Zopf n’assimile pas pour cela les deux espèces, et les distingue au contraire nettement, malgré la ressemblance. Je maintiendrai donc le nom de Dematium pullulans de Bary pour l'espèce primitivement décrite sous ce nom, qui me paraîl être aussi celle étudiée par Lœw et qui est cer- tainement celle dont Laurent fait une forme du C/adospo- rum. C'est encore celle dont parle de Janczewski (2) dans son étude du C/adosporium. J'ajoute que les différences de la description de Berlese ne me paraissent pas dépasser celles que j'ai vues dans une même culture, et que mon espèce doit être aussi celle de ce dernier auteur. Il n'existe pour caractériser ce champignon aucun organe tout à fait typique, puisque les trois modes de En décion (formation de conidies formes-levures sur fila- ments — bourgonnement en levure de ces conidies — enkystement en fumago de diverses parties) ne lui sont pas spéciaux, et se rencontrent tous chez plusieurs plantes voisines. Mais ce qui le caractérise véritablement, lui (1) Zopf, Die Conidienfrüchte von Fumago (Nov. Act. der K. Leop. carol. Deutsch. Akad. d. Naturf. Halle, 1878). (2) De Janczewski, Recherches sur le Cladosporium herbarum et sur ses com- pagnons habituels sur les Céréales (Acad. des Sc. de Cracovie, 1894). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 171 donne une entité réelle, et permet de le décrire comme espèce en attendant la découverte probable des périthèces, c'est la coexistence, la succession dans des conditions déter- minées de ces trois états dont aucun n’est spécifique par lui-même, et qui le deviennent par leur ensemble, Îles autres plantes ayant l’une ou l’autre de ces formes, mais non les trois ensemble. La production de conidies et leur multiplication en levures est, dans certains milieux, véritablement prodi- gieuse, en sorte que le nom de pullulans est tout à fait exact, et cela permet aussi de distinguer cette espèce de celles qui produisent simplement çà et là quelques bour- geons conidiens. On verra plus loin que les oi on morphologiques obtenues sont nombreuses et intéressantes ; mais la produc- tion abondante de formes-levures est restée le seul mode bien caractérisé de reproduction. Cette espèce pourrait donc être de celles dont Berlese suppose quelles ont pu perdre par adaptation la possibilité de revenir au type primitif, aucun des auteurs qui l’ont cultivée n'ayant pu obtenir de fructification, malgré la variété des cultures tentées par eux. IE. — ORIGINE DES CULTURES L'espèce est fréquente dans les milieux chimiques. Je lai trouvée à maintes reprises (chlorure d'ammonium, sulfate de magnésium, carbonate de sodium, lactophosphate de calcium, etc.). Cela indique à la fois son abondance dans l'air ou l’eau des villes, et sa résistance à l’action des milieux, résistance que l’étude du mycélium expliquera très bien. La forme sous laquelle on obtient l'espèce en semant les végétations de la solution chimique sur le milieu-type est, comme pour l'A/ternaria polymorpha, une sorte de forme- levure qui produit sur la pomme de terre une tache un peu 172 LOUIS PLANCHON. cireuse, luisante, d'aspect bactérien, et de couleur crème, café au lait, ou quelquefois très légèrement rosée. Ce cham- pignon à été trouvé mêlé à bien d’autres espèces : Pemicil- lun glaucum, Aspergillus, Cladosporium herbarum, levures rouges, roses et blanches, etc., etc. On voit que le Clado- sportum est un de ses compagnons ordinaires ; je les ai plu- sieurs fois rencontrés ensemble, et comme certaines parties de leur mycélium et quelques formes végétatives les rappro- chent, on s'explique très bien la confusion établie parfois entre les deux espèces, que des cultures et des semis mul- tipliés peuvent seuls séparer d’une façon définitive. III. — RÉSISTANCE AU MILIEU L'espèce s’est montrée très résistante. Le semis de con- trôle a reproduit le type sur plus des trois quarts des .cul- tures après huit mois de conservation. Beaucoup d'autres semis se sont développés, mais ont péri à la longue. Dans la plupart des milieux chimiques, la végétation a été moyenne, plutôt faible. Il est à remarquer que les milieux acides, si défavorables à d’autres espèces, et particulièrement au C/adosporium her- barum type, réussissent bien mieux ici : la végétation s'y développe assez bien (acides citrique, sulfurique, etc.), ou même très bien (acides gallique, tartrique, glycérophospho- rique). Cette résistance aux acides, déjà remarquée par Laurent, est une des nombreuses différences à noter avec le Cladosporium. La soude à 1 p.100 entrave, d’après Laurent, le dévelop- pement de cette espèce dans le moût. Dans mes essais, des doses moindres (en solution pure) ont suffi à empêcher tout développement. Cela n'a d'ailleurs d'intérêt que par comparaison avec le Cladosporium, dont les préférences sont absolument inverses. Toutes les eaux distillées donnent une végétation faible, ainsi que la plupart des milieux chimiques, tandis que INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 173 quelques solutions, d'ordinaire peu propices, ont au con- traire fourni d'assez bons résultats (arséniate de soude à l p. 1000). IV. — ASPECT GÉNÉRAL DES CULTURES Le Dematium pullulans se présente dans les tubes de culture avec des aspects assez divers. La coloration varie du blanc au noir. Il est très fréquent que la simple multi- plication des formes-levures semées produise seulement un dépôt dissocié blanchâtre (acétate de sodium): ou bien la végétation incolore devient membraneuse (bromure de potassium) ou floconneuse cocaïne), se mêle de points noirs (arséniate de sodium) ou de petits flocons noirâtres facide citrique). Il se peut que la végétation colorée se montre seule, soit sous forme d'un dépôt plus ou moins abondant (acides gallique, glycérophosphorique, elc.), soit sous forme de petits points noirs immergés (acide tartrique) ou émergés (acide sulfurique, sucrate de chaux). Mais de tout cela les exemples sont rares, et la forme ordinaire, vigoureuse, sous laquelle se présente l’espèce, est celle de points noirs sur la paroi du tube avec flocons bruns ou gris dans le liquide (lactophosphate de calcium, eau distillée, etc.), ou plus sou- vent encore d’une membrane noire ou verdâtre, épaisse, végétant à la surface (gomme, glycérophosphates, moût, liquide de Raulin, dextrine, glucose, eau glycérinée, ete., etc.), et coexistant souvent avec des flocons ou un dépôt d'abondance variable. Cette végétation superficielle est fréquemment assez épaisse et assez adhérente pour qu'on puisse renverser le tube de culture sans faire couler le li- quide {mannite). IL est rare que la couleur des solutions soit modifiée. Berlese a étudié le développement de cette espèce sur le moût de raisin et a vu se former à la surface, par enkvs- tement des cellules, la membrane noiràtre normale dans ces conditions. 174 LOUIS PLANCHON. D'après ses observations, la végétation est d'abord comme cotonneuse, s'étale à la surface en filaments souvent entor- tillés et immergés, mais jamais jusqu’au fond : après quoi la surface brunit, forme lentement une croûte résistante et noire par enkystement hors du liquide à mesure que celui-ci s’évapore. Entre les filaments est une gelée qui per- met le renversement du tube. Des coupes dans cette membrane lui ont montré trois zones principales, qui diffèrent par l'abondance variable du mycélium blanc, de la gelée intercellulaire, la désar- ticulation plus ou moins grande des filaments, etc. Au- dessous on ne trouve plus que du mycélium incolore en flocons. Le brunissement est dû à la privation d'aliments et à l’émersion. La gelée se produit sur les filaments qui n'épaississent pas leur paroi. Elle est aussi en rapport avec la pénurie de matières nutritives, et indique le passage du mycélium à l’état de repos. Le développement indiqué par Berlese est en effet celui que lon observe sur les liquides nutritifs, comme le moût, les liquides sucrés, le bouillon, le liquide de Rau- lin, etc. Mais on vient de voir que ces caractères peuvent varier beaucoup, même comme aspect extérieur. Il est très exact que la cutinisation est plus abondante et plus forte à la surface : elle est aussi en rapport avec la diminution de la nutrition. Mais il n’y a là rien d’absolu, et les liquides contiennent souvent des filaments immergés plus ou moins colorés et des dépôts de cellules cutinisées (en dehors, bien entendu, des membranes développées à la surface et tombées ensuite au fond). V. — GERMINATION ET DÉVELOPPEMENT Cutinisés ou non, enkystés ou minces, colorés ou inco- lores, chlamydospores ou conidies, les divers éléments sont susceptibles de germer. Berlese, qui a pu, lui aussi, le constater, a décrit minutieusement quelques-unes des INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 179 phases du développement et en a conclu, en comparant ses germinations à celles de Lœw et de De Bary, qu'il avait vu une forme différente, répondant à une espèce distincte. Ses observations ont porté sur les éléments cuti- nisés et sur les formes-levures (gemmations), qui sont en somme des conidies. Il montre que si les éléments sont peu ou pas cutinisés la germination se fait par amincissement et décoloration de la membrane et formation directe des filaments : la paroi reste simple. Si, au contraire, l’élé- ment est fortement cutinisé, la cuticule extérieure éclate par le gonflement du protoplasma {et j'ajoute du mucilage sous-jacent), et la cellule apparaît avee sa paroi interne mince et incolore, émettant aussitôt des tubes de germi- nation qui bourgeonnentrapidement. Et cela semble mettre d'accord de Bary, disant que la membrane cellulaire à deux couches, et Lœw, admettant qu'elle n’en a qu'une seule. Fig. 46. — Germination sur eau de pomme de terre : 1, après trois heures ; — 9, six heures ; — 3, neuf heures; — 4, douze heures; — 5, deux jours. a. — Germination sur eau de pomme de terre. — La germination de ces formes-levures ou de ces conidies peut s’observer facilement dans les cultures en cellule sur eau de pomme de terre. 176 LOUIS PLANCHON. La conidie se gonfle, devient granuleuse, puis aux deux pôles ou à un seul et souvent latéralement se montre un petit bourgeon qui grandit rapidement (fig. 46). La cellule s'est quelquefois cloisonnée : si le bourgeon ne se sépare pas, le point de contact avec la cellule mère s'élargit; une deuxième cellule se forme à la suite, et bientôt se constitue un petit filament à éléments assez épaissis, et qui, dès le premier jour, commence à bour- geonner latéralement, en donnant des conidies qui se déta- chent au fur et à mesure de leur formation. Si bien que, dès le deuxième jour, autour du filament ramifié se trouvent des groupes considérables de ces conidies. On conçoit avec quelle rapidité une pareille production épuise un milieu de culture. Berlese dit qu'une génération ne se produit que lorsque l’autre est tombée. Je nai pas observé ce fait nettement. Si au lieu d’une forme-levure c'est une cellule de fumago qui à été semée, les phénomènes sont fort analogues. Les groupes bi- ou tricellulaires germent parfois comme une seule cellule, et donnent un seul tube. Les éléments qui doivent se séparer poussent séparément. La cellule euti- nisée se gonfle beaucoup : la couleur brun noir ou brun- chocolat pâlit, devient verdâtre, quelquefois même dispa- rait presque. Puis, sur un point, généralement à une extrémité, la membrane s'amincit et il apparaît un petit bourgeon, qui dès lors se comporte comme celui de la forme-levure :ilestseulement plus gros; le filament qu'ilpro- duit est d’abord peu rameux, assez irrégulier quelquefois, rarement droit, mais d'ordinaire se contourne plus ou moins. La formation de conidies est la même que plus haut. Ces conidies sont surtout fournies ici par les premiers arti- cles et les groupes en sont réunis autour du centre de ger- mination. Elles se forment parfois dès que le tube apparaît, el restent très peu de temps attachées aux filaments pro- ducteurs. Aussitôt détachées, ces conidies germent en levure. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 177 En réalité, c'est cette végétation en levure qui est la règle dansles cultures sur pomme de terre. Au début, et si la substance n’est pas trop acide, aucun filament ne se constitue et chaque bourgeon formé se détache pour en produire à son tour un ou plusieurs autres ; mais, en somme, si l'on examine de près ce phénomène, on y voit seulement un cas particulier de l’accroissement en fila- Fig. 47. — Forme-levure germant et bourgeonnant. ments. La forme-levure semée porte d'ordinaire plusieurs bourgeons très diversement placés (fig. 47). Ce sont, en somme, des Demaltium pullulans dont les articles se séparent au lieu de former une série, des Dematium à filaments unicellulaires, si l’on peut s'exprimer ainsi. La forme, les dimensions, la vie ultérieure des conidies est identique dans les deux cas. Si les bourgeons iormés se réduisent à un, ou plus rarement à deux, c’est la végétation ordinaire des levures. Les conidies sont portées sur les parties latérales des cellules mycéliennes, de préférence vers le sommet, près de l’attache de l’article suivant, mais sans règle absolue. Sur la dernière cellule, si la spore est unique, la conidie est par- fois terminale ; s’il y en a deux, elles sont placées le plus souvent de chaque côté du sommet, et très près de lui. Sur les rameaux, la forme est fréquemment un peu atténuée à l'insertion et la largeur un peu plus grande à Pextrémité distale. Une fois détachées, les levures sont ordinairement ovales ou plutôt subevylindriques à extrémités arrondies (PI. EV, ho et 4m Les conidies formes-levures se séparent avec une si grande rapidité qu'on les voit rarement en place, même NN. SC. NAT, BOT. x 2 178 _ LOUIS PLANCHON. dans les cultures sur gélatine. On peut suivre au micro- scope celte séparation. Le temps que met une forme-levure en milieu nutritif et à la température de 20 à 25° pour apparaître, se former et se détacher, est d'environ une heure (1). Dans les filaments à développement rapide, les conidies forment des groupes le long des filaments, ou se couchent parallèlement à leur direction. Comme elles sont à leur tour le point de départ d'une multiplication en progression géo- métrique, 1l se forme des amas sphériques et allongés, transformant l’ensemble du filament en une sorte de cha- pelet (culture sur gélatine en cellule) (fig. 50, p. 181). Dans les liquides ordinaires, elles se répandent partout. La formation sur le mycélium est si rapide que, contrai- rement à ce que l’on a dit, les levures ont toutes à peu près les mêmes dimensions, tant à la pointe du filament que sur son trajet. Au moment où elles se détachent, elles ont environ 6 à 8 s sur 3 ou #. Puis elles se gonflent souvent et deviennent plus ou moins arrondies, quand elles vont germer en levures ou si elles commencent à se colorer. Bientôt en effet, surtout s'il se produit un commencement de dessiccation, les levures ou les premières cellules des filaments tendent à se cutiniser. Le phénomène débute fréquemment par une augmenta- Lion de volume et par un léger étranglement de la cellule en son milieu; la teinte devient grisâtre, très pâle, puis de plus en plus foncé, un peu verdâtre. La dessiccation rela- tive diminue aussi la végétation en levure, et multiplie la forme filamenteuse grêle. A la fin même, les branches les plus fines deviennent souvent irrégulières et portent des formes-levures mal venues, plus petites et plus arrondies. Si le liquide reste abondant, les filaments ont, au contraire, une tendance à se dissocier. Au bout de quelques jours, les cellules assez lâchement unies se sé- (4) C’est le résultat exact auquel est arrivé Berlese de son côté. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 179 parent et continuent d’ailleurs à bourgeonner latérale- ment, réalisant ainsi la forme de Dematium unicellulaire indiquée ci-dessus comme primitive. Les articles et les levures restent plus gros, plus vigoureux : leur double contour se détache nettement, et des granulations proto- plasmiques abondantes s’v montrent dès le début. Sur le tissu émergé de la pomme de terre, les phénomènes sont analogues. Mais certaines formes-levures cessent de bour- geonner au bout de quelques Jours, grossissent démesurément, d'abord en conservant leur forme, puis en tendant à devenir sphéri- pig. 48. — Culture sur pomme de ques, et constituent des sortes de As ÉRONSIES CE VRE kystes granuleux, volumineux, qui restent longtemps incolores (fig. 48). Puis la cutinisation se produit, et la pomme de terre noircit. Enfin, la végétation filamenteuse à cellules renflées et diversement cutinisées recouvre complètement la pomme de terre, toujours mêlée d’ailleurs aux diverses formes précédentes. C’est la végéta- tion sur »w/ieu-ty pe que je décrirai plus loin. Lorsque la cellule à l’étude est conservée hors de la chambre humide et subit, par conséquent, un commence- ment de dessiccation, les phénomènes changent. La cutini- sation des membranes tend à se faire beaucoup plus rapide- ment, et au lieu de continuer à végéter en levure, ou en Dematium pullulans, les cellules, cutinisées ou non, germent en filaments fins : l'aspect de cette germination est tout diffé- rent. Lorsque la cellule pousse en levure, le bourgeon qu'elle forme est renflé, arrondi dès le début comme une petite sphère, ou un petit corps ovalaire, appliqué par un point sur la cellule productrice. Quand celle-ci doit germer en filaments fins, elle se hérisse de petites aspérités cvlin- driques généralement assez nombreuses qui la déforment et ne se renflent jamais. Certaines cellules des filaments se différencient d'une façon identique (fig. 49). Dans les 180 LOUIS PLANCHON. conditions de dessiccation relative ci-dessus indiquées, les filaments en question s’allongent beaucoup, mais restent grêles et très irréguliers, présentant sur tout leur trajet Fig. 49. — Culture sur pomme de terre en cellule. Filaments en voie de dessiccation. des débuts de ramification qui leur donnent une surface inégale. Au centre d’une goutte de liquide en cellule, mais hors de la chambre humide, la végétation est en levure et des fumago se produisent lentement, mais sur le bord de la gouttelette s’allongent des filaments fins et irréguliers. Si l’on remet cette préparation dans la chambre humide, on voit souvent ces filaments se dissocier en cellules isolées qui végètent dès lors en levure. Pendant ce temps, des éléments identiques conservés dans la chambre humide continuent à végéter en levure, et don- nent seulement quelques rares filaments dont les cellules initiales offrent un double contour, mais ne sont pas encore nettement cutinisées. En tout cas, la cutinisation est beau- coup plus lente, comme sur le tissu même de la pomme de terre: En somme, les variations portent surtout sur la cutini- sation plus ou moins rapide et sur la production de fila- ments. [Il est certain que la question de l'humidité est ici prépondérante. b. — Germination sur gélatine nutritive. — Les cultures en cellule sur gélatine nutritive poussent avec une très grande rapidité. Les formes-levures germent en longs filaments sur lesquels on voit, dès le début, se former de petites conidies, isolées d’abord, ou en petits groupes, puis se mul- tipliant rapidement sur place en amas volumineux autour INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 181 des ramifications du filament primitif. À ce moment (dès le lendemain du semis parfois), ces amas font littéralement disparaître dans leur masse de longues régions des fila- Fig, 50. — Germination en cellule sur gélatine nutritive: 1, après quatre heures; — 2, après huit heures ; — 3, après treize heures ; — 4, après deux Jours. ments et la culture à tout à fait l'aspect représenté par Laurent dans son mémoire (1). Chaque conidie a pris l'aspect d’une forme-levure ovoïde (fig. 50). (4) Laurent, Loc. cit. 182 LOUIS PLANCHON. Il est fréquent, après quelques jours (une semaine environ) de voir le Dematium cesser de bourgeonner et se frägmenter, chaque article continuant à donner des levures : celles-ei poussant à leur tour, la culture sur géla- tine prend alors un aspect différent du premier : au lieu de quelques filaments assez longs, chargés de formes-levures, elle est remplie de fragments courts et tortueux souvent irréguliers, conidifères aussi, mais moins abondamment (fig.51). Bientôt la division ne se fait plus qu’en levure. Fig. 51.— Fragmentation lettes Ruileuses apparaissent dans les NASA cellules dont quelques-unes commen- cent à se cutiniser. Les filaments qui persistent s’épaissis- sent fortement : les levures grossissent et se colorent : elles existent seules sur les bords de la culture. Quelques- unes se déforment comme sur la pomme de terre, et devien- nent volumineuses, granuleuses, plus ou moins sphéri- ques, épaisses, s’enkystent en un mot. Dans les milieux où la cutinisation est énergique et rapide, elles forment les kystes noirs, isolés, ou développés sur le parcours des lilaments, et que l’on rencontre si fréquemment chez cette espèce. On retrouve ces deux formes, Dematium pullulans et levures, dans les cultures sur gélatine en boîte de Pétri. À la longue, le milieu nutritif s'appauvrissant, les cellules se Fig. 52. — Dégénérescence des déforment souvent au lieu de Der se cutiniser, constituent de vagues filaments, ou végètent isolément. Elles sont irréguhière- ment arrondies, pleines de gouttelettes huileuses, ont ‘double contour, une cutinisation faible ou nulle; quel- ques filaments, dont les cellules granuleuses sont séparées À ce moment, de nombreuses goutte- INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 1533 par des intervalles incolores et vides, y sont mêlés. C’est une forme de dégénérescence (fig. 52): à ce moment, la gouttelette de gélatine à disparu à peu près (15 jours). D’autres fois, les cellules très granuleuses se désagrègent et les granulations sorties s’agglomèrent en amas irréguliers ; il n’y à plus aucun filament; c'est une autre forme de dégé- nérescence. c. — Germination sur acide gallique. — Faisons main- tenant germer les formes-levures sous le couvre-objet, dans une gouttelette de la solution d'acide gallique à 1 p. 100, c'est-à-dire dans un milieu à végétation anormale. La germi- nation commence bientôt, en courts filainents, ou en levure, mais d'ordinaire les cellules se dichotomisent presque régulièrement en donnant un double bourgeon à l'extrémité supérieure, bourgeon qui se dichotomise à son tour : les cellules ainsi formées seséparent, maisaprès être assez longtemps restées dans leur po- sition caractéristique. La croissance estlente. Il se produit quelques filaments assez mai- gres donnant parfois des conidies de Dema- tium pullulans qui vé- sou “a levure hi Fig. 53. — Germination sur acide gallique : 4, après s'être détachées. Ces un jour; — b, trois jours ; — c, quatre jours ; — filaments sont eranu- d, vingt jours; —e, vingt-deux jours. leux et semblent bientôt en voie de dégénérescence. Au bout de quelques jours (4 ou 5), si la dessiccation se fait sentir, ils deviennent irréguliers, anguleux, tout en continuant à porter quelques spores. En même lemps, la cutinisalion commence avec ses caractères normaux, soit sur les levures, soit sur la base des filaments. Le contenu des cellules est granuleux et tend à se colorer. La culiui- 184 LOUIS PLANCHON. sation se fait sur des végétations caractéristiques, ci-dessus indiquées, et dont la disposition générale peut être comparée à celle d’un rameau d’Opuntia (fig. 53). Ces cellules contiennent de nombreuses granulations. Enfin, si la dessiccation se produit dans la préparation, ces cellules se désagrègent et la cutinisation continue souvent très forte. Les cellules sont alors sphériques, avec de gros globules, et mêlées d’ailleurs à des levures ordinaires mais riches aussi en globules intérieurs. Cellules initiales. — Les cellules initiales (conidies formes-levures gonflées et cutinisées, ayant germé dans le liquide) restent parfois très nettes et faciles à retrouver même après assez longtemps (eau distillée de tilleul). Dans ce cas, elles sont plus grosses et plus colorées que les cellules qui en partent, et d'ordinaire divisées en deux par une cloison transversale. Elles paraissent terminales ou interca- laires suivant qu’un ou deux filaments en sont partis. Sou- vent, avant de s’allonger, la cellule primitive donne un court chapelet de grosses cellules arrondies ou ovoides for- tement cutinisées. Dans les cultures, on retrouve ces cellules initiales fréquemment mêlées à des levures grossies et cutinisées. VI — CULTURE SUR LE MILIEU-TYPE Il faut maintenant étudier la culture entièrement déve- loppée sur le milieu-type, après un temps assez long, afin de se rendre compte de la variété des formes obtenues. a.— Aspect extérieur.— Quelle que soit l’origine du semis, il se développe d’abord, ainsi que je l’aidit, une végétation de couleur calé au lait, un peu rosée ou saumonée, humide, d'aspect cireux, constituée par la forme-levure. SL l’ ne Le du tube reste fortement chargée d’ Bu dité (capuchon de caoutchouc), la végétation s'étend peu à peu sans changement et se conserve à cet état. Mais, nor- INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 189 malement, on voit certains points, dans les parties les plus sèches, devenir blanchâtres et porter un petit flocon laineux blanc se distinguant en somme de la végétation ordinaire par une différenciation plus nette dans le sens mycélien. Dans les cultures-contrôle, il semble que cette forme flocon- neuse ou étalée, blanche, soit plus fréquente, et surtout plus prompte à venir que dans les cultures primitives. Mais la modification la plus importante est la production de formes fumagoïdes et la eutinisation du mycélium. On voit bientôt des taches verdûtres, puis noirâtres, se montrer sur les parties couvertes par la végétation primitive et aussi dans les régions du tube contenant du liquide. Lorsqu'un tampon de coton existe au-dessous de la pomme de terre, il est toujours parcouru par des filaments verts ou vert brun, visibles à l’œil nu, et les diverses formes du cham- pignon s'y montrent abondamment. Les parties noires de la pomme de terre n'offrent ni filaments, ni tomentum : c'est une sorte de tache d’encre qui s'étale en surface et se substitue à la végétation primitive. Si l’on ressème sur le même milieu cette tache noire, ou les filaments blancs, on obtient invariablement la végétation café au lait. La tache noire est due à la transformation directe et à la culinisation des levures. À la longue, tout devient noir. b.— Caractères microscopiques.— On trouve d’abord seules, puis mêlées aux autres éléments, les formes-levures dont je ferai l'étude plus loin. On trouve aussi des filaments à grandes cellules, faiblement articulées et conidifères. Bientôt les conidies formes-levures se modifient, grossissent, s’arron- dissent et se colorent de plus en plus : on peut suivre cette transformation pas à pas. Mais tandis que certaines des cellules formées se cutinisent simplement en conservant leur formeetdonnent ainsi dessortes d’hypnospores, d’autres se cloisonnent transversalement une ou deux fois, d’autres encore subissent une division dans deux ou trois directions et restent ainsi à l’état de véritables /xmago ; d’autres, enfin, continuent leur division transversale, et donnent 186 LOUIS PLANCHON. de vrais filaments. Mais ces filaments eux-mêmes varient beaucoup. D’ordinaire les cellules restent courtes, isodia- métriques, et souvent arrondies, agencées en un cha- pelet dont les articles peuvent aussi se séparer, s’égrener en grosses cellules rondes. D’autres filaments sont plus réguliers, plus cylindriques, colorés, d’autres enfin cylin- driques aussi, délicats, et tout à fait incolores. En somme, sur une culture sur pomme de terre datant de quelques jours, on trouve (PI. IV, fig. 2) : 1° Des formes-levures (conidies) germant, de taille normale. 2° Des formes-levures incolores arrondies et grossies, de dimensions très variables. 3° Des cellules cutinisées, arrondies ou ovoïdes, très diffé- rentes de taille et de couleur, avec tous les passages aux précédentes d'où elles proviennent. 4° Des filaments bruns, cylindriques, à cellules longues ou courtes, souvent avec des parties non eutinisées ou moins cutinisées, et des cellules intercalaires plus brunes. 5° Des filaments bruns moniliformes à cellules arrondies avec des passages à la forme précédente. 6° De grosses cellules arrondies brunes, analogues à 3°, mais résultant de la fragmentation des filaments. 7° Des cellules cutinisées divisées suivant plusieurs plans, en forme de fumago. 8° Des filaments composés de ces cellules en fumago (rares ici, plus fréquents dans les cultures sur carotte) (PLV en 0) 9° Des filaments mycéliens blancs très fins. 10° Des filaments blanes plus volumineux formés par la germination des levures. Entre tous ces termes existent de nombreux passages. La plupart de ces éléments sont, ai-je dit, susceptibles degermer. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 187 VIE. — MODIFICATIONS MORPHOLOGIQUES DE L'ESPÉCE Le Dematium pullulans offre à étudier : 1° Les formes-levures ; 2° Le mycélium avec ses modifications; 3° Les conidies et chlamydospores; 4° Les formes fumagoïdes. 1. — FORMES-LEVURES Les formes-levures sont incolores, allongées, ovoiïdes, souvent à double contour net, à protoplasma finement granuleux. Elles bourgeonnent à une ou aux deux extrémités, et de la même façon, si le bourgeon se détache ou s’il reste en place pour se développer en mycélium. a. — Dimensions. — Les formes-levures m'ont paru assez variables suivant le milieu de culture et dans la même préparation. En tout cas, les chiffres maxima indiqués par Berlese (16 à 18 w sur # à 5) sont bien plus forts que ceux que J'ai obtenus : 6 à 9 vw sur 3-4 sont une dimension normale. Mais les conidies qui vont germer grossissent beaucoup et, la multiplication en levure étant très rapide, il est fort difficile de donner des dimensions précises. Le changement de forme et de volume se pro- duit également pour les cellules qui vont s’enkyster. Enfin, l'épuisement du milieu modifie aussi les mesures. _b. — Végétation. — La forme-levure végète, comme on l'a vu (germination sur l’eau de pomme de terre), de deux façons : 1° en levure; 2° en mycélium; celui-ci est formé d'articles assez gros, très faiblement attachés les uns aux autres, ramifiés et s'étendant en tous sens, mais se dissociant très facilement et donnant, eux aussi, des bourgeons qui se séparent et peuvent à leur tour végéter en levure ou devenir le point de départ d’un nouveau filament mycélien. Si l’on comprime la préparation, les segments du filament 188 LOUIS PLANCHON. se dissocient et l'on n’aperçoit plus que des levures. Cependant, les filaments sont assez nombreux et assez enchevêtrés à la surface de la pomme de terre pour former une sorte de membrane épaisse et dont on peut soulever de larges fragments. Les conidies formes-levures se produisent à la surface des cellules mycéliennes jeunes non cutinisées (1). Plus tard, il ne s’en forme plus. Mais comme elles se cutinisent bien après la cellule productrice, il arrive que des conidies incolores sont portées sur des cellules colorées (glycéro- phosphate monosodique, ete.) (PI. IV, fig. 11). Je n'ai pas étudié cette levure au point de vue physiolo- gique, volontairement laissé de côté par moi dans ce travail. Laurent s’est assuré qu'elle n'a pas le caractère ferment, mais qu'elle intervertit le saccharose et qu'à la longue, cependant, elle produit un peu d'alcool, jusquà 1 p. 100. Il la sépare des vraies levures avec beaucoup de raison, car elle n’ena ni les endospores, niles caractères physiologiques. On à vu plus haut l'opinion de Pasteur, de Cuboni et de Berlese à cet égard (p. 167). Laurent a aussi déterminé la température optimum qui est de 26 à 30°; à 6°, le semis se développe déjà ; — dans l’eau à 45° pendant cinq minutes, la faculté germinative s’affaiblit ; elle disparaît dans l’eau à 48° (cinq minutes), tandis qu'à sec 100° sont nécessaires pendant le même temps pour tuer la levure. On comprend que celle-ci résiste fort bien à la surface des fruits. c. — Races. — Laurent est parvenu à créer des races de ces formes-levures. 1] montre que des tubes conservés à l’obseu- rité donnent par le semis sur gélatine des colonies blanches rayonnantes. Des semis identiques insolés pendant quatre Jours au moins donnaient des colonies devenant peu à peu roses comme la levure rose de l'atmosphère, différente (1) Voy., pour d’autres détails, la germination des levures sur la pomme de LENTESp- AO: INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 189 cependant. Il pense que les races des levures atmosphé- riques et la coloration rose de beaucoup de mycéliums doivent être dues à l’action du soleil. Dans le cas particulier, la levure rose obtenue ainsi par Laurent ne revient plus au type ; elle semble rester stable. Il est certain que dans les tubes exposés au soleil, les végétalions ont une teinte rosée plus accentuée, mais il y à bien des nuances, et souvent entre des tubes placés dans des conditions identiques. d.—Æésistance.—Ilest intéressant de constater que,malgré leur apparente délicatesse, les formes-levures ordinaires de cette espèce résistent en somme assez bien. On les retrouve avec leur forme conservée où à peu près dans divers milieux : alors même qu'elles ont perdu leur vitalité après quelques mois, elles gardent encore longtemps leur aspect primitif avant d'arriver à la dégénérescence, à côté même de formes fumagoïdes (liquide de Raulin). e.— Culinisation.— Très souvent aussi elles modifient leur aspect et se cutinisent pour constituer des formes de résistance, susceptibles d’ailleurs de germer en filaments (1). Cette cutinisation des levures se fait rarement sans chan- gement de forme. La levure grossit d'abord, montre une tendance à devenir plus arrondie, tout en restant toujours plus ou moins ovoïde. Le plus souvent, les deux extrémités grossissent davantage et la levure a la forme d’un biseuit. Elle devient légèrement gris brunâtre, puis peu à peu brune, quelquefois très fortement : ilest fréquent alors de voir en même temps une diminution de volume et souvent (4) La formation des fumago par cette espèce, la coloration noire s’éten- dant plus tard sur les milieux, sont indiquées dans Île travail de Laurent, De Janczewski dit également que par évaporation du liquide les conidies se transforment en hypnospores colorées unicellulaires et cloisonnées. La membrane de ces spores est épaisse et a trois zones : 1° foncée, réticulée ; 20 gélatineuse, se gonflant souvent et se dissolvant dans le liquide ambiant ; 3° incolore. Ces spores supportent la dessiccation et serment avec une fer- tilité variable. Les cellules du mycélium peuvent aussi se convertir en hypnospores de même fonction. C'est, en effet, ce que j'ai constaté moi- . même. 190 LOUIS PLANCHON. une division en deux ou en trois de cette cellule primitive. Les choses peuvent en rester là, ou l'allongement en filament mycélien continue. | f. —Enkystement.— I se peut, enfin, qu'il y ait, soit pour la cellule primitive, soit pour les cellules d’un court filament émis par elle, un véritable enkystement, avec ou sans cutinisation, par épaississement de la paroi cellulaire. Ce procédé conserve très longtemps la vitalité de la plante : cet enkystement peut être total (acide gallique, etc.), ou accom- pagner d'autres formes mycéliennes. La cutinisation directe des formes-levures s’observe très bien dans l’eau distillée d'oranger. Vei les formes-levures végètent uniquement en levures: jamais de mycélium ; chaque cellule, après avoir grossi tout en conservant à peu près sa forme ovoïde, prend une coloration gris Jaunâtre avec un double contour net et ordinairement plus foncé, lorsque la cutinisation est avancée. La caractéristique est l'absence totale de toute forme filamenteuse. Les levures en germination sont très rares, parce que le bourgeon se sépare très facilement pendant la préparation (PI. IV, fig. 6). Dans l’arséniate de sodium, ordinairement peu favorable aussi, il se fait un dépôt abondant avec quelques points noirs. Au microscope, ce dépôt permet de saisir la trans- formation des levures en fumago, toujours précédée d'un épaississement considérable de la membrane, d'une sorte d'enkystement ; puis la cellule grossit, brunit et souvent se divise, quelquefois suivant deux plans (1) (fig. 54). Dans l’alun, on peut suivre aussi pas à pas la transfor- mation. Les levures grossissent moins et se colorent de plus en plus : division fréquente en deux ou en une petite série lon- gitudinale de cellules, quelquefois en un vrai filament cylin- drique coloré. Quelquefois aussi des régions filamenteuses incolores semblent se détruire entre des parties cutinisées, (1) La formation de filaments fumagoïdes est le dernier terme du déve- loppement dans ce milieu. Ces filaments sont d'ailleurs formés de cellules très faiblement unies les unes aux autres. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 191 donnant à celles-ci la valeur morphologique de chlamydo- spores. Dans le bromure de sodium, la vitalité est faible. Le cham- pignon forme une petite végétation membraneuse blanchâtre à centre légèrement brun. Les levures s’accroissent sans se multiplier beaucoup, quelques-unes poussent des filaments grêles qui dégénèrent bientôt sans donner aucune forme- levure, la plupart s'enkystent en grosses cellules arrondies irrégulièrement, à double contour épais et à granulations Fig. 54. — Culture dans l’arséniate de Fig. 55. — Culture dans le bromure sodium. de sodium. internes. Une légère coloration grise indique chez quelques- unes un commencement de cutinisation (fig. 55). | Le chlorure d'ammonium n'offre même que des cellules enkvystées sans aucun filament. Inversement, dans le ferrocyanure de potassium les formes- levures grossissent peu, conservent leur aspect et poussent ensuite en filaments assez abondants, relativement courts, assez gros, dépourvus de toute espèce de cutinisation, et stériles, enchevêtrés en une membrane blanche qui reste au fond du tube. Dans le chlorure de baryum, le mycélium se développe un peu en un léger flocon, mais ses filaments très fins dégé- nèrent assez vite, deviennent granuleux, et les formes- levures disparaissent presque. La vitalité est conservée pendant six mois au moins, contrairement aux précédentes cultures (sauf celles du bromure de sodium et du chlorure ammonique). 1192 LOUIS PLANCHON. La liqueur de Forwler normale ne donne aucune végétation. Si on l’étend de moitié d’eau, les formes-levures s'y multi- plient sans grossir et se remplissent de fines granulations noires. À cet état, elles meurent, et le semis de contrôle reste stérile. Enfin, parfois les levures dégénèrent au bout de quelque temps sans s'être multipliées, sans avoir poussé de filaments, sans cutinisation ni augmentation de volume. C'est ce qui se passe dans le cAlorure et l'iodure de sodium par exemple. 92. — MYCÉLIUM Les cellules incolores du mycélium, lorsqu'elles existent, peuvent être, on l’a vu, très [âchement unies entre elles, et former des filaments rameux de dimensions variées, mais sans caractère spécial. Elles restent souvent comme moyen d'union entre des cellules cutinisées. a.— Cutinisation. — Elle donne des formes spéciales plus intéressantes. Normalement, le mycélium ecutinisé est formé d'articles cylindriques ou courts, à parois assez épaisses, d'un brun uniforme plus ou moins foncé. Il n'est pas rare de voir ce mycélium, lorsque les filaments en sont raides et cylindriques, à articulations nettes, prendre une certaine ressemblance avec celui du Cladosporium, être en un mot clasdosporioïde. Mais ce n’est là qu'une ressemblance d'organes végétatifs, qui d’ailleurs n'arrive pas à l'identité, et jamais Je n'ai trouvé sur des filaments de Demaitium aucune spore de Cladosporium, pas plus que les cultures pures de Cladosporiun n'avaient donné de conidies de Dematium. Quelquefois les filaments mycéliens prennent une forme géniculée (eau distillée, etc.) ou tortueuse, sans intérêt spécial. Très souvent, au contraire, les cellules se renflent et s'arrondissent en tonnelet ou en sphère, formant un fila- ment toruleux si toutes les cellules prennent part à cette INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 193 modification, un chapelet irrégulier si des parties normales séparent les articles renflés (acide tartrique, etc.). Le ferrocyanure de potassium, l’acétate de sodium, les chlorures de barvum et d'’ammonium n’ont donné qu’un mycélium incolore. Dans quelques autres milieux, au contraire, la cutinisation a été totale ou à peu près [acide tartrique (PI. IV, fig. 10), ac. sulfurique, lactophosphate de calcium, sulfate de magné- sium, etc.|. Mais presque partout le mycélium coloré très abondant est accompagné de parties non cutinisées. b.— Mucilage.— La présence du mucilage estici très inté- ressante : auréole transparente autour des éléments; légers grumeaux très fins donnant l'aspect hispide aux cellules ; partie sous-cuticulaire de la membrane, gélifiée, gonflée et amenant l'éclatement de la cuticule et souvent le dépouille- ment du filament tout entier ; tout cela a déjà été vu pour les trois premières Dématiées, mais prend ici une fréquence et une intensité plus grandes. Enfin, phénomène déjà vu aussi dans la plupart des espèces étudiées, mais surtout dans l'A lfernaria varians, l'enveloppe extérieure, fendue ou brisée, laisse échapper au dehors une sphère formée par la cellule elle-même, entourée de la partie interne de la mem- brane et d’une atmosphère gélatineuse qui n’est autre que la membrane moyenne gélifiée. La gélification est poussée à l'extrême dans certains milieux, comme le biphosphate de calcium par exemple. Ici, la végétation est stérile et les filaments, après s'être déve- loppés, dégénèrent. Les files de cellules reposent sur une sorte de membrane gélatineuse et semblent, comme cette membrane elle-même, percillées de petits trous très fins, dus à la rétraction du mucilage. Cet aspect se rencontre assez souvent chez les champignons dans les milieux défavorables. Dans le cas particulier, le mycélium était mort. En somme, la gélification est normale. Elle se fait aux dépens de la membrane. Si celle-ci est restée mince, inco- lore, ou peu cutinisée, le mucilage est extérieur et ANN. SC. NAT. BOT. XI143 194 LOUIS PLANCHON. entoure simplement la cellule avec plus ou moins d'abondance et d'épaisseur. Si la cutinisation est très forte, la cuticule résiste, puis se fend ou se brise sous l'effort du mucilage sous-jacent et du protoplasma central. La membrane alors a trois zones, cuticulaire, mucilagineuse, normale, amsi qu’on l’a vu dans les généralités. c. — Mycélium stérile. — Cutinisé ou non, le mycélium peut être stérile, c’est-à-dire ne porter ni forme-levure, ni conidie d'aucune sorte (au moins après son développement complet, car les formes-levures ont pu se montrer au début, puis disparaître). Mais, comme on va le voir, certaines formes enkystées, fumagoïdes, se rapprochent beaucoup des chlamydospores, et en tout cas, il semble difficile d'appeler stérile un mycélium qui se fragmente en sphères ou en élé- ments susceptibles de germer et de se développer. Au total, les conidies ne sont pas autre chose qu’une fragmentation mycélienne différenciée, et l’on trouve tant de passages entre une forme nettement conidienne et un mycélium frag- menté, que l’on ne peut vraiment pas indiquer de limite. Les articles mycéliens germant dans le liquide sont un mode de reproduction véritable, et, par conséquent, les formes réellement stériles de ce champignon deviennent assez rares, même dans les filaments immergés. Il en existe cepen- dant quelques types. D’autre part, les formes conidiennes nettes sont rares aussi, il faut bien le dire, ainsi que la reproduction en levure, sur les végétations anciennes, en sorte que l'intérêt se concentre beaucoup sur les formes enkystées. | 3. — CONIDIES ET CHLAMYDOSPORES Les formes variées du mycélium peuvent amener soit à la formation de bourgeons latéraux qui se détachent, soit à la séparation d'articles intercalaires entre lesquels le mycélium se détruit. La définition des conidies et des chla- mydospores n’est pas si nettement limitée que l’on ne puisse Fe SRE PR RES Te Mipéshissonces: INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 195 donner ces noms à ces productions qui en jouent absolument le rôle. On trouve des organes de ce genre dans les cultures sur le glycérophosphate monosodique. Ce milieu donne des filaments cutinisés ou non, avec alternance de parties colorées et incolores, mais forme latéralement des coni- dies parfois assez abondantes, identiques d’ailleurs (quoique moins nombreuses) à celles du Dematium typique. On les trouve d'ordinaire sur les parties incolores des filaments, mais quelquefois sur les cellules colorées. Les filaments bruns ont également une grande tendance à la forma- lion des cellules latérales qui deviennent beaucoup plus volumineuses que les formes-levures blanches, se cuti- nisent, se détachent et ont la valeur morphologique de conidies (PI. IV, fig. 11). Examinons aussi la culture de Demalium dans de l’eau dishillée de roses. Le mycélium est assez particulier, très tortueux, les cellules qui le composent elles-mêmes très souvent sinueuses. En outre, il est fréquent de voir des cellules cutinisées et blanches alterner sur le même fila- ment (PI. IV, fig. 7). Enfin, on trouve dans la préparalion de très nombreuses cellules ovoïdes, cutinisées, brun clair, destinées à conserver et à propager l'espèce. Mais ces cellules peuvent provenir de trois origines et sont par conséquent distinctes au début. 1° Les unes proviennent de la cutinisation de formes- levures, comme celles de l’eau distillée d'oranger; mais 1ci, coloration plus brune et cutinisation plus forte : tous les passages ; 2° D'autres sont des cellules terminales des filaments principaux ou des branches du mycélium : ces cellules s'arrondissent et se détachent. Elles ont la valeur mor- phologique de conidies, mais la différenciation est faible relativement ; 3° Sur le trajet des filaments, certaines cellules cutinisées s'isolent par la disparition des parties filamenteuses 196 LOUIS PLANCHON. blanches qui les séparent. On peut rapprocher ces cellules de mycélium durable, des chlamydospores. Mais, point intéressant, il devient alors impossible d'assi- gner avec certitude une de ces trois origines à une cellule isolée, brune, ovoïde, prise au hasard dans le liquide, et arrivée au dévelop- pement complet. La végétation dans l'eau de mélisse est fort analogue; les filaments sont seulement plus réguliers dans l'ensemble; on y voit quelques cellules initiales (moins que dans l’eau de tilleul). Dans l’eau distillée elle-même, la cutinisation est forte sur certains filaments, tandis que d’autres restent parfaitement incolores. [ci on trouve une masse de cellules ovoïdes 1so- lées, mais si quelques-unes proviennent sans doute de la cutinisation directe des levures, la plupart ont pour origine la fragmenta- tion ou le bourgeonnement des filaments mycéliens bruns qui sont presque toujours plus ou moins moniliformes, et dont les articles portent à peu près tous la trace de l'insertion d’une spore ou un article spori- forme arrondi (fig. 56). L'eau distillée de tilleul (fig. 57), le gly- Le D cérophosphate monosodique, etc., peuvent de tilleul. — Co- être cités comme donnant des conidies ana- nie, Celues logues, toujours cutinisées, et ordinaire- ment plus ou moins sphériques. On pour- rait d’ailleurs facilement trouver des passages entre les conidies et les formes-levures incolores, soit pour la colo- ration, soit pour la disposition sur les filaments (PI. IV, ue ct 14, etc.) Fig. 56. — Culture dans eau distillée. — Conidies. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 197 Cette formation de conidies n’est pas toujours nécessaire- ment en rapport avec une grande vigueur du végétal. Ainsi, dans la solution d'urée, le développement est à peu près nul et le microscope montre cependant quelques fila- ments blancs ou un peu teintés de gris, portant des formes- levures plus arrondies qu’à l'ordinaire. 4, — FORMES FUMAGOÏDES L'espèce ici décrite a une remarquable tendance à la production de fumago (1). Non seulement les liquides qui donnent souvent ce mode de végétation ont leur action ordinaire, mais la plupart des acides et beaucoup de milieux chimiques offrent des formes ramassées et divisées, mêlées souvent à des types différents. Du reste, ici le mot de végé- tation er fumago n’a rien de bien nettement défini; il signifie seulement végétation en groupes cellulaires courts et isolés, parfois en cellules séparées, ordinairement très cutinisées. En effet, avec cette espèce, les divers milieux ci-dessus désignés offrent des végétations qui, encore qu'elles répondent à la définition vague qui vient d'être donnée, ne sont pas du tout identiques, ainsi qu'il sera facile de le voir, et ne sont pas susceptibles d’une description d'ensemble. L'origine des cellules fumagoïdes est très diverse : cel- lules de Demaltium (articles terminaux, latéraux ou interca- laires) cutinisées et séparées ; formes-levures développées, septées ou non et cutinisées, etc. Laurent y ajoute les conidies du Cladosporium typique et de l'Hormodendron cladosporioides, qui ont en effet un aspect fumagoïde aussi, mais appartiennent à une autre espèce. Ces formes peuvent donner de véritables kystes à paroi épalssies. (1) L'existence des formes-levures dans le cycle évolutif des famago a déjà été indiquée par Zopf, Laurent et d’autres observateurs, qui ont décrit les formes-levures comme un stade ou un aspect particulier des Dema- . tium. 198 LOUIS PLANCHON. Dans le C/adosporium, 1 n'y a pas de formes-levures; on ne voit pas les spores se gonfler et se diviser en plusieurs plans après leur séparation, mais seulement des articles mycéliens se renfler çà et là, isolément ou en séries, et passer plutôt à la chlamvydospore qu’au fumago véri- table. Celui-ei se produit pourtant quelquefois, mais seule- ment par transformation de filaments mycéliens, qui restent courts, stériles, à cellules renflées, arrondies, fortement cutinisées (liquide de Raulin, voy. p. 140). La formation des fumago de Dematium s’est montrée fréquente et abondante sur les milieux acides (acides gal- lique, tartrique, glycérophosphorique,-etc., etc.). Mais on la rencontre aussi sur d’autres (glycérophosphate disodique, dextrine, etc.), en sorte que l’on ne peut donner de conclu- sion générale. La cutinisation des formes fumagoïdes atteint iei un degré très considérable (le plus haut que j'aie constaté chez les Dématiées). Il existe tous les passages, cela est certain, mais le degré maximum des autres espèces est souvent dépassé. Dans une forme fréquente de végétation fumagoïde où les éléments sont très volumineux et sphériques, la paroi cellulaire devient à peu près noire. Ces gros éléments noirs qui vont être décrits se rencontrent souvent dans les solu- tions acides ({citrique, glycérophosphorique, tartrique), et aussi dans quelques autres milieux (eau glycérinée, lacto- phosphate de calcium, gomme, etc.). La surface des cellules cutinisées est quelquefois recouverte de mucilage ; parfois aussi (liquide de Raulin, etc.) elle est entourée de fins débris amorphes colorés, provenant de la cuticule brisée ou fendillée par la pression intérieure du mucilage et du protoplasma. La combinaison des divers modes de cutinisation, d’enkys- tement et de gélification, suffit à expliquer la grande variété d'aspect de cette espèce. La même préparation, du type général fumagoïde, peut offrir les formes végétatives les plus diverses. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 199 On ne peut évidemment passer en revue tous les milieux expérimentés, mais 1l faut choisir quelques exemples plus précis de ces divers ordres de végélations fumagoïdes d'origine mycélienne. (On a vu plus haut la formation des _hypnospores par cutinisation de formes-levures.) a. — Liquide de Raulin. — La forme fumagoïde du liquide de Raulin est spéciale (PI. IV, fig. 5). A côté de formes- levures bien conservées et granuleuses, se trouvent des masses noires formées de cellules ordinairement isolées, ovoides, plus rarement réunies en courts filaments irrégu- liers, et dont la paroi fortement eutinisée tend à se disso- cier, en sorte que ces cellules paraissent couvertes de fins débris noirâtres. La membrane est épaissie en même temps et semble laisser sortir quelquefois son contenu [moins net- tement qu'ailleurs). En somme, végétation très abondante, mais forte tendance aux fumago. L'épaississement assez grand de la paroi dans certaines cellules de cette préparation les rapproche des fumago de l’acide gallique ; mais la forte cutinisation les sépare. b. — Arséniate de sodium.— Ordinairement peu propre au développement des champignons, il a donné iei un dépôt abondant avec de petits points noirs. Au microscope, on trouve, à côté de nombreuses cellules incolores (levures plus ou moins enkystées), une végétation du type fumagoïde. Ce sont des filaments formés de gros éléments arrondis fort peu cohérents, plus ou moins foncés, enkystés, à paroi souvent épaisse (Voy. fig. 54, p. 191). €. — Âcide citrique.—Le fumago est très net dans l'acide citrique. Presque pas de filaments : la plupart des cel- lules sont isolées ou en groupes plus ou moins arrondis, formés de gros éléments sphériques très foncés, à peu près noirs. D'autres sont en groupes plus petits, pauci cellulaires, ordinairement à 3 cellules, à éléments de moin- dres dimensions et moins colorés. Enfin, la plupart des cellules sont isolées ou très fréquemment segmentées en deux par une cloison transversale : cutinisation inégale, mais 200 LOUIS PLANCHON. souvent très forte. Les filaments sont peu nombreux et courts, quelquefois un peu plus développés, mais à éléments rarement bien colorés. Enfin, on voit dans ce milieu des cellules sortant de leur cuticule. Quelques-unes (rares) ont un commencement de germination (PI. IV, fig. 8). d.—Acide tartrique. — Dans l'acide tartrique, les fumago forment de petits groupes centraux à grosses cellules arrondies, en paquets, d'où divergent des filaments assez réguliers avec quelques hétérocystes bruns de loin en loin, assez souvent divisés en quatre par deux cloisons perpendiculaires. En somme, type à la fois filamenteux et fumagoïde. Il contient aussi des levures cutinisées (PI. IV, fig. 10). e.— Eau glycérinée.— Dansl’eauglycérinée, la variété des formes est encore assez grande : il existe des filaments bruns avec cellules intercalaires, plus foncées ou au contraire incolores et fines. Mais il existe surtout de très gros éléments arrondis, dont la cuticule foncée se rompt pour laisser sortir le contenu sphérique entouré par la membrane interne à double contour et renfermant d'ordinaire un gros globule huileux.Ces cellules fumagoïdes sont en paquets plus ou moins gros, petits groupes, courtes chaînes, ou enfin en éléments isolés. Dans le liquide nagent souvent des sphères blanches, tantôt granuleuses, tantôt contenant une grosse masse réfringente centrale (huileuse), qui peut même les remplir complètement. Aucune forme-levure intacte, mais quel- ques-unes cutinisées brunes. Des granulations protoplas- miques abondantes se trouvent aussi dans le liquide, par destruction, sans doute, des grosses sphères envahies par l'huile (PL. IV, fig. 4). L'acide glycérophosphorique, le lactophosphate de cal- cium et bien d’autres milieux montrent aussi ce phénomène curieux de la sortie des éléments hors de leur cuticule. /.—Garotte.—La culturesurfragmentsdecarotteoffrebien des points de ressemblance avec la végétation sur pomme de terre. Pourtant, il faut noter ici une tendance des cellules is À ae 7 INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 201 à se segmenter suivant plusieurs plans, et à donner ainsi des formes fumagoïdes; mais très souvent ces cellules ainsi divisées restent unies en files et l’on a des sortes de filaments fumagoïdes, bien que ces deux mots semblent peu compa- tibles (PI. IV, fig. 3). Cette disposition peut se montrer avant ou pendant la cutinisation. On trouve d’ailleurs tous les intermédiaires entre ces filaments, le petit groupe fuma- goïide et les cellules isolées, blanches et brunes, qui abondent dans la préparation. g. — Glycérophosphate monosodique. — On à vu que dans ce milieu les filaments donnaient des conidies latérales qui se cutinisent et se détachent. Les cellules mycéliennes ont de plus tendance à la division suivant deux plans : si elles se séparent alors des autres par groupes, on à de vrais /umago. Ces caractères se rencontrent tout spécia- lement sur le bois imprégné de glycérophosphate mono- sodique. Dans le liquide, les gros chapelets de cellules arrondies, dont beaucoup laissent sortir leur sphère cen- trale, sont mêlés aux filaments bruns et blancs et aux nom- breux petits éléments fumagoïdes. Les filaments conidifères sont toujours de faible diamètre (PI. IV, fig. 11). h.—Glycérophosphate disodique.— Dansleglycérophos- phate disodique, les phéno- mènes sont très sensible- ment différents, chose rare, car ces deux milieux ont ordinairement une influence très analogue. Ici, presque pas de mycélium, même {o- ruleux, mais seulement des amas de cellules fumagoïdes variant d'ailleurs de dimen- sions et de cutinisation, divi- sées souvent selon plusieurs plans. Assez grand nombre de levures incolores de dimensions normales où augmentées et germant (fig. 58). Fig. 58. — Culture dans le glycérophos- phate disodique. 202 LOUIS PLANCHON. En somme, ici la proportion plus grande de soude sem- ble avoir empêché le développement en longueur des fila- ments et augmenté la tendance à la formation de fumago par des cellules isolées ou en petits groupes arrondis. Dans les deux milieux, la cutinisation est très forte, la cuticule se rompt facilement sous la pression intérieure, et la sortie de la cellule hors de son enveloppe est fréquente. En même temps, des gouttelettes d'huile de toutes dimensions se mon- trent dans la préparation : elles sortent des cellules où on les voit très nettement. i. —— Lactophosphate de calcium.— Au début, filaments en voie de cutinisation et dont les régions incolores portent des formes-levures de Demalium parfois abondantes. Plus tard, dans les cultures âgées, on trouve des filaments volumineux et irréguliers formés de grosses cellules, arron- dies, foncées, presque noires, laissant sortir la sphère cen- trale très souvent, et portant à la surface de petits débris brunâtres (PI. IV, fig. 17). Dans le liquide flottent aussi des filaments normaux à articles allongés, alternativement colo- rés et incolores. .—Dextrine.—La culture sur dextrineest caractérisée sur- tout par deux faits : 1°gélification abondante, avec formation d'une large membrane mucilagineuse et fendillement de la plupart des cellules cutinisées ; 2° tendance prononcée à la végétation en cellules séparées, fortement colorées. Mais ce milieu peut offrir d’assez grandes différences. En solution faible {5 p. 100), les filaments sont plus nombreux, plus nets, et se renflent de loin en loin en cellules sphéri- ques, vrai chapelet à grains inégaux et diversement cuti- nisés. Sur d’autres points, des cellules fumagoïdes sont répandues sur une membrane mucilagineuse amorphe. Plus tard, les filaments intercellulaires disparaissent et la végé- talion se rapproche de celle que l’on obtient plus vite avec les solulions concentrées. Les cellules isolées, comme piquées sur du mucilage, existent seules dans les solutions plus épaisses (à 20 p. 100 par exemple) : mais ces cellules isolées, INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 203 au lieu de rester petites, sont alors très inégales et devien- nent souvent démesurées (45 w de diamètre), les filaments restant fort rares. Ces énormes kystes fendent leur cuticule et laissent sortir une grosse sphère granuleuse, un peu cuti- nisée elle-même et légèrement jaunâtre. L'enveloppe vide et flasque reste dans le liquide comme une sorte de ballon dégonflé (PI. IV, fig. 15). Elle répond, semble-t-1l,à certains corps fréquemment trouvés dans les solutions, eaux dis- üllées, etc., envahies par des champignons. On peut, dans ce milieu, suivre pas à pas la transformation des levures en grosses cellules blanches, puis colorées, enkystées, enfin émettant leur contenu. La plupart des cellules colorées proviennent ainsi direc- tement de formes-levures modifiées. S1 l’on imprègne de dextrine des corps divers, on observe une tendance à la végétation ci-dessus décrite, mais avec mycélum moniliforme (bois), ou nombreux filaments blancs fins produisant des conidies de Demalium pullulans qui végètent en levure (éponge), ou enfin avec une cutinisation beaucoup plus faible (pomme de terre). La culture dans la dextrine donne d’abord une sorte de dépôt blanchâtre par multiplication des levures semées ; bientôt ce dépôt devient floconneux, grisâtre, etune zone de plus en plus foncée s'étale à la surface du liquide. Cette végétation s'épaissit beaucoup et peut devenir très vigou- reuse. Le liquide est trouble (levures) et prend une coloration rougeâtre. Il reste limpide et de teinte claire avec le C/a- dosporium. Du reste, ce milieu est beaucoup plus favorable au Dematium qu'au Cladosporium ; la végétation du premier est plus abondante et plus rapide. La même observation s'applique à la mannite, au glycérophosphate monosodique, à la gomme, au glucose, etc. k.—Gomme.—Les cultures ontété faites dans des solutions à 3 degrés de concentration et présentent des différences à côté de caractères communs. Ainsi la disposition en fila- 204 LOUIS PLANCHON. ments est d'autant plus rare que la concentration est plus grande et la gélification est, au contraire, en raison de la viscosité. a. — La solution claire contient de nombreux filaments cutinisés bruns ou jaunâtres avec intercalation de cellules arrondies plus foncées. Une membrane flottant dans le liquide est formée par un mycélium à innombrables conidies brunes. Mais déjà la préparation contient nombre de ces éléments isolés, si abondants dans les solutions épaisses. B.— Dans Ia gomme de viscosité moyenne: filaments plus rares; un peu de mycélium blanc avec quelques conidies qui n'ont jamais l'abondance du type Dematium pullulans. Cellules colorées, isolées ou en petits groupes ou en courtes files de trois ou quatre, rappelant certaines formes de mvcé- lium durable. y. — Enfin, sur la gomme très épaisse, la végétation devient à peu près identique à celle de la dextrine à 20 p. 100, ce qui montre que la viscosité, l’état physique, est pour beau- coup dans la disposition fragmentée. lei encore les cellules sont isolées, étendues d'ordinaire sur une lame de mucilage. Certaines d’entre elles grossis- sent d'une façon démesurée, sortant (comme d’ailleurs beau- coup de cellules moins volumineuses) de leur cuticule dé- chirée, et les coques cuticulaires vidées se rencontrent souvent dans le liquide. Dans les cultures très anciennes sur gomme, on trouve la plupart des formes de cutinisation, et en particulier les gros kystes arrondis et noirs isolés ou groupés que pré- sente celte espèce dans d'assez nombreux milieux. C’est le résultat de la cutinisation extrême des cellules volumineuses ci-dessus mentionnées. Le champignon cultivé sur gomme ne tarde pas à former à la surface du liquide un disque noir dont l'épaisseur est en rapport avec la concentration de la solution. Au-dessous de la végétation superficielle, une sorte de nuage rougeûtre flotte dans la masse visqueuse épaisse ou INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 205 demi-épaisse. Malgré son aspect membraniforme, il est constitué uniquement par du mucilage. (Ce flocon ne se forme pas dans les cultures parallèles du C/adosnorium. Plus tard, surtout si l’on agite le tube, la végétation su- perficielle du liquide plonge au fond sous forme d’un disque et entraine avec elle ce dépôt floconneux. Le liquide supé- rieur redevient alors limpide. [.—Glucose.— Dans cette solution, comme dans la gomme d'épaisseur moyenne, on trouve à la fois une grande abon- dance de cellules isolées et gélifiées et des filaments nom- breux, très cutinisés aussi ou incolores, les uns monili- formes, les autres cylindriques avec cellules arrondies inter- calaires. m.— Mannite.— Sur la mannite, le développement se fait sous forme de filaments toruleux à cellules bien arrondies ou ovoïdes, de coloration un peu variée, ordinairement brun jaune, mais avec quelques cellules brun foncé. Assez souvent, il y a division suivant deux plans. Très nom- breuses cellules ovoïdes provenant, soit du développement des levures, soit de la fragmentation des fila- ments. Dans les solutions à 9 p. 100, les filaments sont plus régulièrement moni- liformes, el les cellules plus égales que dans celle à 1 p. 100. De plus, l’é- = clatement de la cuticule F8 de om est plus marqué, mais il n y à pas réellement de sortie du contenu. Dans la solu- tion à 10 p. 100, il y a de nombreuses intercalations de mycélium blanc et formation de vraies chlamydospores (fig. 59). Des filaments tout à fait moniliformes terminent d'ordinaire des parties plus cylindriques. Mais le plus intéressant est la végétation sur bois im- 206 LOUIS PLANCHON. prégné de mannite. Ici, sauf quelques points filamenteux, le végétal est uniquement composé de cellules brunes ovoides, régulières, isolées ou divisées en deux; c'est en somme la végétation de la mannite, mais à cellules séparées, dissociées en groupes fumagoïdes. Rarement elles restent unies en fila- Fig-60.— Gulturesurbois nents. Beaucoup de ces cellules pro- imprégné de mannite. viennent aussi de levures développées, et l’on trouve tous les degrés de cutinisation et de dimen- sions (fig. 60). Le champignon forme dans la solution de mannite une végétation membraneuse noire superficielle et un dépôt légèrement coloré au fond du tube. La première augmente d'épaisseur en raison de la concentration : le second diminue au contraire à mesure que la proportion de man- nite augmente. n.— Acide gallique.— Par sa faible cutinisation, la végé- tation dans l'acide gallique s’écarte, semble-t-il, ee formes fumagoïdes. Mais elle y peut rentrer cependant par son aspect ramassé, fragmenté, peu cohérent, enkysté et coloré dans son ensemble. Cette végétation mérite d’être examinée de près. Le carac- ière général que le milieu 1m- prime à a plupart des cham- pignons se montre nettement. On constate bientôt l'épais- sissement anormal des parois. Fig. 61. — Culture dans solution Dans Ja solution 1 0,5 p- 100 d'acide gailique. — À gauche, solu- (Hg. 61), cet épaississement est nr a 100 ; à droite, solution déjà bien marqué au moins pour quelques cellules qui se rapprochent encore des fumago ordinaires de cette espèce. Dans la solution à 1 p.100 (fig. 61 et PI. IV, fig. 9), la paroi cellulaire devient considérable, surtout dans la partie émergée de la culture, sur le tube. Au milieu des cellules INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 207 épaissies s’en trouvent un grand nombre qui continuent à végéler en levures, et gardent une paroi mince et un contenu coloré en vert foncé. La membrane des autres cellules est d’un brun très clair ou jaunâtre, elle finit par s'épaissir démesurément, d'abord sans se rompre, formant une zone d'enkystement souvent plus épaisse que le dia- mètre de la cavité centrale. Le phénomène spécial de la sortie des cellules hors de leur enveloppe extérieure se produit alors, malgré la faiblesse de la cutinisation. Une sphère, formée du contenu cellulaire et d’une forte propor- tion de la membrane, fait saillie hors de la zone externe qui l'entoure comme une capsule, mais ne s’en sépare tout à fait que lentement et tardivement (PI. IV, fig. 9). Les cellules peuvent d’ailleurs rester unies en chapelets. Mais par le développement anormal et quelquefois excen- trique des parois, par la tendance à la sortie des éléments, les cellules sont rejetées de côté par rapport à l'axe et l’ensemble est souvent irrégulier. Dans les tubes de culture, la végétation constitue un dépôt floconneux, brunâtre, dissocié. En même temps, la solution devient brune et même noirâtre.Les objets impré- gnés de ce liquide (bois, pomme de terre) brunissent aussi. Il est intéressant de noter que la couleur est toute différente suivant qu'il s’agit du Pematium (rouge et plus ou moins trouble) ou du Cladosporium fjaune et limpide). Cette diffé- rence se retrouve avec d’autres milieux. Du reste, l'influence directe de l'acide gallique peut être modifiée. Sur un fragment de pomme de terre stérilisé dans une solution d'acide gallique, l’action de la substance nutri- tive modifie tout à fait l'aspect. Les levures immergées sont souvent déformées, agrandies fortement, jaunâtres et gra- nuleuses. Sur la pomme de terre elle-même, les déforma- tions sont plus grandes encore, et les levures sont presque toutes très grossies et arrondies : l'influence de l'acide gallique à presque disparu. Sur du bois imprégné d'acide, il n’en reste plus rien et le champignon se développe en 208 LOUIS PLANCHON. longs filaments moniliformes bruns avec, parfois, des cellules cylindriques intercalaires. Le point intéressant est la ten- dance à la séparation de la cuticule par gélification de la mésospore: la paroi cellulaire semble alors formée de trois où quatre couches et sur quelques points les cellules sont élalées sur un lit de mucilage. Enfin, la division cellulaire se fait souvent à l’intérieur de la cuticule qui reste comme une enveloppe commune aux deux cellules formées, bien distinctes au dedans. Dans quelques cas, cette division a été plus loin et l'enveloppe générale entoure trois ou même (très rarement) Fig. 62. — Culture sur bois im- prégné de solution d'acide galli- quatre cellules qui peuvent com-. que. : ; mencer à germer sans se SEpPa- rer, à la manière des spores en massif (fig. 62). Un phénomène analogue se rencontre dans les filaments développés sur du bois imprégné de dextrine ou de mannite, mais la marche de la végétation est très différente. o.—Acidepyrogallique.—Serapprochedel’acide gallique, car ilamène l’enkystementdeslevures, la cutinisation restant très faible. Les levures, qui d’ailleurs s’y développent fort peu, grossissent légèrement, ont un contenu verdâtre ou brun, et épaississent aussi leur paroi qui prend une teinte grisätre. Mais elles restent toujours régulières et ne donnent aucun filament (PI. IV, fig. 13). Ces levures et les petites cellules que l’on trouve dans l'acide gallique sont agitées, lorsqu'on les examine dans l’eau, d’un léger mou- vement brownien, dû probablement à D. autour d'elles d’une mince zone mucilagineuse. La végétation dans l’acide pyrogallique est toujours très faible et consiste en un léger dépôt brunâtre au fond du tube. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 209 D. — INFLUENCE COMBINÉE DU LIQUIDE CHIMIQUE ET DU SUBSTRATUM SOLIDE. Avant de terminer l'étude morphologique spéciale de cette espèce, Je voudrais rappeler que l’action des milieux chimiques peut être modifiée quelquefois profondément par l'influence inverse d’autres facteurs. On sait que dans l’espoir (d'ailleurs déçu) d'obtenir des périthèces, j'ai imprégné de divers liquides des substances solides, les unes riches en matières nutritives (pomme de \ terre), d’autres au contraire pauvres (bois), ou même inertes (éponge) ; J'ai pu remarquer que le substratum exerce certainement une action sur le développement. C'est ainsi que sur le bois, le Demalium a une tendance à diviser certaines de ses cellules suivant deux plans, quelle que soit la substance imprégnante. C’est ainsi encore que sur l'éponge les formes-levures normales se multiplient tou- jours en abondance à côté d’autres modes de végétation. C'est ainsi enfin que la pomme de terre diminue sensible- ment partout l'intensité de la cutinisation, indépendamment du liquide employé, et que les cellules y augmentent de vo- lume jusqu à devenir énormes. Le liquide d’ailleurs exerce sa grande part d'influence sur la culture, et lui imprime souvent des caractères spéciaux, mais l’action du substratum reste intéressante. Les diverses cultures sur pomme de terre, par exemple, sont à peu près identiques : partout sont des cellules arrondies, blanches, à double contour; d’autres plus ou moins cutinisées (toujours faiblement, malgré l'aspect noir de l’ensemble de la culture); quelques-unes très développées, énormes relativement, sphériques et granu- leuses ; beaucoup en vrais fumago parfois avec sortie de la cellule hors de l'enveloppe externe; ce sont [à des caractères communs que la substance imprégnante n’efface pas. Mais on remarquera qu'il s’agit ici d'une végétation émergée et c'est là que le substratum agit Le plus. | ANN. SC. NAT. BOT. XI, 14 210 LOUIS PLANCHON. Cette action du substratum, quand il constitue une substance alimentaire, était certaine à priori. On peut faci- lement la mettre en évidence tout en montrant qu’elle se combine avec celle du milieu même. Ainsi la 'eulture du Dematium ne donne à peu près rien dans l’acétate de soude. Les levures se multiplient lentement, parviennent à peine à donner quelques filaments Phuchottes très fins et d'aspect malingre, puis tout reste en l'état et la vitalité disparaît bientôt. Si la solution d’acétate contient de l’eau de pomme de terre, il s'y développe une vraie membrane, flottant au fond du tube et dont les cellu- les constituantes sont simplement accolées, volumineuses, arrondies, d'aspect flasque, el peu granuleuses, rappelant beaucoup les Fig. 63. — Culture 5" A . : Sur pomme de 8108ses levures déformées qui se dévelop- fe rene pent sur la pomme de terre et qui s y fuma- d'acétate de so- ginisent à sec (fig. 63). La végétation n'est tar Le pas celle que présente normalement le tube de pomme de terre, mais le Dematium se montre plus vigoureux et résistant, bien qu'avec une forme spéciale. Le type fumagoïde ne se produit pas ici : on le trouve sur l'éponge ou le bois imprégnés d’acétate et sur lesquels la forme filamenteuse réapparaît aussi (PL. IV, fig. 16). En la cultivant sur un substratum inerte ou peu nutritif, on soustrait en somme la plante : 1° en grande partie à l’action du liquide ; 2° tout à fait à l'influence de l’immer- sion. Aussi, dans ces conditions, le champignon tend-il à se rapprocher du type primitif, sans y revenir complètement. C'est un résultat auquel il fallait s'attendre. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. SA Pa VII. — CLADOSPORICUM HERBARUM ET DEMATIUM PULLULANS. Je dois maintenant examiner l'identification de ces deux espèces (1). Chose assez singulière, on discute encore sur ces champignons, si répandus dans la nature que l’on ne peut regarder la moindre brindille sèche ou le moindre épicarpe sans rencontrer l’un ou l’autre et souvent l’un et l’autre. Le Dematium pullulans est une forme conidienne qui paraît commune à plusieurs espèces, ainsi que le montrent les dessins de Brefeld (2); mais le champignon dont je me suis occupé sous ce nom reproduit dans les cultures sur gélatine les figures de Laurent d’une facon si parfaite que J'ai la conviction que nous avons eu la même plante sous (1) La discussion qui va suivre était écrite déjà lorsque j'ai lu l’intéres- sant mémoire de Berlese (*) sur cette question, et j'ai été très heureux de me trouver sur ce point en parfait accord avec ce savant dont les tra- vaux font autorité en mycologie. Berlese avait remarqué que le Dematium s’enkystait à l'air et en avait conçu des doutes sur l'identité admise avec le Cladosporium. Il a donc fait des cultures pures de Cladosporium et constaté, lui aussi, que dans la gouttelette suspendue il obtenait presque toujours du Dematium en mélange, tant la séparation était difficile. Mais il a eu l’idée de semer cette espèce en recueillant seulement les conidies d'Hormodendron cladosporioides développées en pinceaux hors de la gouttelette de culture. Dans ces conditions, jamais le Cladosporium n’a donné de Dematium pullu- lans. L'auteur fait aussi remarquer que les cellules de Dematium sont très fréquentes sur une foule d'autres champignons dans la nature, et doivent ètre semées avec eux. On a vu que, d’après Berlese,le Cladosporium herbarum, tel qu’on le décrit, est probablement une forme commune répondant à plusieurs espèces. Aussi croit-il qu’à la rigueur quelque Cladospurium étudié sous le nom d’herba- rum à pu donner des générations de Dematium. La chose est évidemment possible ; mais comme je crois, d’après les excellentes descriptions de Lau- rent (**), avoir eu affaire au même Cladosporium et au même Dematium que lui, je suis plus affirmatif et pense qu'il y à eu simplement mélange des deux champignons. Lœw déclare aussi n'avoir jamais pu passer de lune à l’autre de ces deux espèces. (2) Brefeld, loc. cit. (*) Berlese, loc. cit. (**) Laurent, loc. cit. 212 .. : LOUIS PLANCHON. les yeux. Seulement, Laurent la considère comme une forme submergée du Cladosporium herbarum, et ses conelu- sions ont été très généralement adoptées. De Janczewski les accepte, bien qu'il fasse des réserves et qu'il donne des résultats personnels d'expériences qui ne concordent pas avec ceux de Laurent. Il importe donc d'examiner de très près cette question, que la comparaison des cultures pures des deux espèces permettra de résoudre dans le sens de la distinction spéei- fique. Laurent à consacré un mémoire de grand intérêt au Cladosporium (1). I l’a, comme on le sait, rapproché très justement du Penicillium (Hormodendron) cladosporioides, à cultivé l'espèce sur divers milieux et a pensé que le Dematium pullulans devait être identifié avec elle. Déjà Saccardo, d’après la ressemblance des filaments mycéliens, avait émis cette opinion (2) et plusieurs auteurs après lui avaient accepté le rapprochement sans en donner la preuve. Laurent décrit fort exactement certaines formes des deux plantes : il pense que dans quelques conditions kes spores du Cladosporium ou du Penicillium cladosporioides peuvent donner une forme affaiblie qui est le Dematium, sans que d’ailleurs la réciproque soit possible. Le premier point à examiner est la question de la pureté des cultures. I ne faut pas oublier que le Cladosporium her- barum et le Dematium pullulans se rencontrent partout. Pour ma part, je les ai pour ainsi dire constamment trouvés ensemble dans les liquides que j'examinais et j'ai eu beau- coup de peine à les séparer et à les cultiver à l’état pur: des semis multiples et fréquents ont été nécessaires, mais chaque fois que la culture est bien pure, les deux espèces se maintiennent distinctes. Or les cultures de Laurent ont été faites sur verres de (1) Laurent, loc. cit. (2) Lœw avait été frappé de cette ressemblance (1868), sans conclure pour cela à une identification des deux espèces. 3 INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 213 montre placés dans des godets de porcelaine empilés. Le procédé, dit l’auteur, est très commode et permet d'observer facilement la croissance des mycéliums sous le microscope. Mais ce procédé a le grave inconvénient de permettre les contaminations, surtout dans les laboratoires. dont l’atmo- sphère est remplie de spores. Il se peut fort bien que le Dematium pullulans et le Cladosporium herbarum, que l'on rencontre si souvent ensemble dans les liquides, se soient trouvés mêlés. De plus, 1l n'est dit nulle part que des précautions de stérilisation aient été prises rigoureusement pour éviter la présence de spores d’autres espèces dans les tubes. En parlant de la formation du Penicillium cladosporioides sur des filaments de Dematium, Laurent dit encore: « J'ai eu la bonne fortune de constater le même fait dans des cul- tures de pollen faites dans des solutions de saccharose con- centrées, et avec lesquelles il n'était pas possible d'éviter l'envahissement des chambres humides placées sous le microscope. Plusieurs mycéliums produisirent des filaments aériens de Penicillium cladosporioides. » On remarquera que dans ces cultures, le Dematium était là comme impureté. Rien n'empêche que le C/adosporium Y fût aussi au même titre. Donc, un premier fait reste acquis : c’est que les cultures en question n'étaient pas à l'abri d'une contamination possible. Mais, de plus {et je cite ici le texte de l’auteur), «il con- vient de faire une remarque qui n’est pas sans importance dans cette question de polymorphisme. Le C/adospo- run donne sûrement du Penicillium cladosporioides, mais toutes les conidies de ces deux moisissures ne sont pas aptes à prendre l'aspect Demalium. J'ai pu le constater dans des centaines de cultures. [ y à plus : parmi les formes de Dematium, on rencontre toutes les transitions entre les mycéliums vigoureux, dépourvus de formes-levures, et des mycéliums réduits à quelques-unes de ces cellules. 214 LOUIS PLANCHON. Les premiers cultivés sur gélatine produisent le Penicillium cladosporioides : ils ne sont pas encore dégénérés aussi pro- fondément que les formes Dematium avec formes-levures, qui, elles, sont absolument incapables de reprendre l’état conidifère aérien. Tous les artifices de culture que j'ai employés : cultures sur tiges, sur fruits stérilisés, dans les milieux organiques les plus variés, ne m ‘ont jamais donné trace de retour au type originei ». Il faut rappeler d’abord que les filaments purement mycéliens de la plupart de ces Dématiées voisines se res- semblent ou peuvent se ressembler étonnamment. J'ai pour ma part, dans mes cultures en milieux variés, obtenu des for- mes cladosporioïdes fréquentes, et des formes dématioïdes avec la plupart des espèces cultivées, et en particulier avec le Cladosporium. Dans ces conditions, et dans des cultures où des espèces peuvent être mêlées (on a vu que c’est ici le cas), on ne peut admettre comme appartenant réellement au Dematium que les filaments conidifères caractéristiques, les filaments à formes-levures. Ceci dit, il résulte du paragraphe ei-dessus eité : 1° Qu'on n'obtient le Penicillium cladosporioides (c'est- à-dire le C/adosporium) qu'en partant de filaments sans formes-levures, c’est-à-dire de filaments non caractéristiques et qui peuvent être aussi bien des filaments de Cladosporium stériles, dématioïdes ; 2° Que lorsqu'un filament porte des formes-levures, c’est- à-dire quand il est caractérisé comme Demarium A il ne donne Jamais de Cladosporium. Et à propos des kystes formés par cette espèce, Laurent revient sur ce point : en germant, ces kystes donnent des filaments avec formes-levures; les plus volumineux, nés de formes affaiblies, n’ont jamais reproduit l’état C/a- dosporium. « Voilà donc, dit-il, un champignon qui peut donner un Dematium par dégénérescence {[1) sans que (1) Il semble assez difficile d'appliquer le mot de dégénérescence ou de furme affaiblie, ete., à un champignon qui parait ordinairement très vigou- Le. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. AN LES la transformation inverse paraisse possible à réaliser. » Donc, on ne peut passer du Dematium au Cladosporium. Mais peut-on, en effet, passer du C/adosporium au Dema- tium? Voici ce que dit Laurent (1) : « Dans les cultures du Cladosporium sur les milieux liquides, on rencontre parfois, je l'ai déjà dit, des formes Dematium en levures. Mais elles sont peu favorables à l'examen. Il n’en est plus ainsi dans les cultures sur milieux solides, principalement sur gélatine. On voit alors les filaments mrycéliens produire latéralement des formes-levures, qui par bourgeonnement constituent des colonies analogues à celles des levures cul- tivées sur gélatine. » Ces cultures sur gélatine quand on part du Dematium sont très remarquables, en effet, et d’une rare vigueur; la prolifération est vraiment extraordinaire, ainsi qu’on à pu le voir : une vraie pu/lulation, comme le nom l'indique. Mais il faut semer le Dematium. Or, Laurent dit être parti du Cladosporium. Et dans le même mémoire (2) il dit, à propos du Cladosporium cultivé sur gélatine : « Quand les conidies semées proviennent d’une forme typique, c’est-à-dire non dématioïde, on voitlesfilaments mycéliens envahirlagélatine, puis atteindre la surface, se dresser dans Pair », et donner (j'abrège la citation) des rameaux de P. cladosporioides. En sorte que, semée sur un milieu identique, la même plante, suivant qu'on prendrait une de ses formes ou l’autre, donnerait deux choses absolument différentes, et cela d'une façon définitive, car, d'après l’auteur lui-même, reux, qui pousse sur tous les milieux avec une rapidité extrême, s’intro- duit dans les cultures comme impureté fréquente, et, quand il est semé sur milieu convenable (gélatine par exemple), y prolifère avec une grande intensité, donnant par milliers des conidies qui, à peine détachées, proli- fèrent à leur tour et bourgeonnent abondamment, une seule remplissant parfois en vingt-quatre heures le champ du microscope dans les culiures en cellule. | Le mot s'applique sans doute au mode de multiplication en levure, con- sidéré comme inférieur. Mais ici ce n’est pas, on l’a vu, une vraie végéta- tion en levure. HisLaurent; loc. cit: p::983.- @) Id, 1bid., p. 562, 216 | LOUIS PLANCHON. les formes-levures ressemées à l'infini donnent toujours le Dematium pullulans, et les spores de Cladosporium bien typiques donnent, on vient de le voir, la forme la plus différenciée du Cladosporium, c'est-à-dire le Penicillium (Hormodendron) cladosporioides. N'est-il pas plus vraisemblable d'admettre que, comme dans mes propres cultures au début, et comme le modus faciendi de l’auteur permet de le penser, il y a eu parfois mé- lange de quelques formes-levures avec les filaments ou les conidies du C/adosporium, ou encore qu'en semant, en bouturant si l’on veut, sur la gélatine, un fragment non conidifère de mycélium, on a semé du Dematium véri- table, dont le développement ultérieur s'explique dès lors parfaitement? L'hypothèse est en tout cas vraisem- blable. Une autre sorte de démonstration qui semble péremptoire est la transformation directe d’une des plantes dans l'autre, sous l'influence de certains agents physiques. Laurent à vainement essayé des cultures en milieux très pauvres (acétates), qui auraient dù, semble-t-il, agir effi- cacement, si, en effet, le Dematium était une forme affai- blie du Cladosporium. La chaleur n’a rien changé non plus. Mais il aurait réussi par l’insolation prolongée. Dans des tubes de moût, on sème des spores de C/adospo- rium, et, après exposition au soleil, en serre, pendant un temps plus ou moins long, suivant la saison, on ajoute du moût sucré : l’on voit bientôt les tubes restés longtemps au soleil donner du Dematium en flocons dans le liquide, tandis que les tubes peu ou pas insolés montrent du C/a- dosporium en couche épaisse à la surface. En prolongeant longtemps l’insolation, on arrive à des colonies de Dema- hum de plus en plus faibles, presque sans filaments, unique- ment en levures, analogues à la levure de bière, et enfin la plante meurt après un temps variable, suivant l'intensité des rayons. | L'obscurité prolongée (six mois) aurait aussi donné, dans rx: INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 217 certaines cultures de C/adosporium, du Demalium avec formes-levures. Il est regrettable que l’auteur n’ait pas ici indiqué nette- ment les précautions prises pour s'assurer de la pureté des semis, le mélange accidentel des deux champignons étant à craindre. On sait que le Cladosporium, malgré sa forte cutinisation, perd assez vite sa vitalité : de Janczewski dit que la faculté germinative est déjà très affaiblie au bout de trois mois et presque perdue après six mois. L'action de la lumière solaire accélère peut-être cette altération, et l’on s'explique bien qu'au bout de six mois à l'obscurité et de quelques jours au grand soleil le Demalium seul se soit développé, si l’on accepte l'hypothèse d’un mélange, et sur- tout s'il s'était produit des formes kvystiques. Les kystes sont, en effet, très résistants chez cette espèce, puisque Laurent les à trouvés vigoureux après dix mois, et Je crois que ce chiffre doit être augmenté (1). Remarquons, à ce sujet, que dans la nature l'auteur à observé que le C/adosporiun se trouve surtout à l'ombre et les formes-levures au soleil. I conclut à une transforma- tion de l’un dans l'autre. Il paraît plus probable que les conditions de vitalité diffèrent chez les deux espèces. Et l’on voit en même temps que le Dematium pullulans, déjà trouvé par Pasteur sur les grains de raisin et qu'on ren- contre ainsi sur tous les fruits au soleil, n'est point une forme immergée d’un autre champignon. En réalité, le Cladosporium ne résiste pas à une action prolongée du soleil. Le Dematium est une autre espèce plus résistante, et la chose est assez singulière, car à considérer les deux ordres de conidies, les unes épaisses et dures, cuti- nisées, brunes, les autres incolores et délicates, au moins avant leur transformation en hypnospores, on serait tenté d'affirmer une résistance inverse. (1) Cependant le Dematium, qui résiste bien aux agents physiques, comme on le voit, perd quelquefois sa vitalité dans les milieux chimiques dans lesquels il s’est développé. 218 LOUIS PLANCHON. En tout cas, de Janczewski (1) dit en propres termes à cet égard : « En répétant les expériences de E. Laurent, nous n avons Jamais vu cette forme (Dematium) se dévelop- per dans les cultures pures du C/adosporium. Conservées pendant un an à l'obscurité, ou soumises pendant un mois à l'influence de la lumière, les conidies du C/adosporium ne reproduisaient autre chose que la forme et la variété mère. » À ce témoignage, il me sera permis d'ajouter le mien. J'ai également répété les expériences de Laurent. J'ai le Cladosporium en culture depuis environ deux ans. Les tubes conservés dans de hautes boîtes de carton, ouvertes seule- ment en haut, peuvent être considérés comme à l'obscurité ou à peu près. D'autre part, j'ai insolé des cultures de Cladosporium enfermées dans un haut bocal de verre à couvercle, durant plusieurs semaines; ces cultures dans le moût de raisin, le moût de bière, etc., n’ont donné au semis que du C/adosporium ou bien se sont montrées stériles, si la faculté germinative était déjà perdue. Déjà donc, d’après la critique qui précède, il semble qu'on ait le droit de conclure à un mélange accidentel dans les cul- tures. Cela s'explique d’ailleurs fort bien par la coexis- tence ordinaire des deux plantes dans la nature et parce que l’une et l’autre peuvent avoir une forme dématioïde stérile très analogue, difficile à distinguer en l'absence des organes conidiens caractéristiques. Le Dematiumse présente très souvent sans formes-levures : il devait se trouver à cet état de mvcélium banal dans les cultures. Il reste maintenant à examiner le point le plus délicat de cette question. Si l'on peut montrer des fructifications de Cladosporium où d'Hormodendron cladosporioides en con- tinuité avec un filament de Dematium pullulans pourvu de formes-levures, il est évident que l'on aura affaire à (1) De Janczewski, loc. cit. INFLUENCE DES: MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 219 la même plante. Or, Laurent donne une figure où cette con- tinuité est indiquée, et dans le texte l’auteur dit : « En 1886, j avais fortuitement observé, dans une solution d’acétate de potassium, un Pematium dont les filaments se prolongeaient par des appareils conidifères de Penicillium cladosporioides. J'étais done porté à admettre la même origine pour ces deux mucédinées... » (Cette dernière phrase indique que la chose n'était point évidente.) Et plus loin, dans un pas- sage cité déjà, à propos d’un Dematium envahissant des cultures de pollen: « Plusieurs mycéliums produisirent des filaments aériens de Penicillium cladosporioides. » Mais il n'est pas dit si ces filaments portaient des formes-levures ; ils pouvaient n'être que « dématioïdes » et appartenir au Cladosporium. Reste la figure (fig. 8 du mémoire), figure demi-schéma- tique représentant un rameau avec formes-levures dans une culture sur gélatine, et terminée par un petit bouquet d'Aormodendron. Je pense qu'il a dû v avoir là seulement une apparence de continuité, et cela pour plusieurs raisons: 1° L'auteur déclare lui-même le cas très rare : il dit même plus loin que « les formes Dematium avec formes-levures sont absolument incapables de reprendre l’état conidifère aérien », et on à vu (p. 214-215) que d’après lui on ne peut passer du Dematium au Cladosporium : 2° J'ai vainement cherché dans les cultures sur gélatine ce terme de passage; 3° De Janczewski, en étudiant l'espèce à son tour, ne signale aucune forme de ce genre ; 4° Je n'ai jamais rien vu dans les cultures de Dematium qui rappelât le Cladosporium, mais la réciproque n'est pas vraie. Dans certaines cultures de Cladosporium (eaux distl- lées d'oranger, de roses, de tilleul, arséniate de sodium, etc.) la disposition régulière des conidies se modifie (PI. I, fig. 4 et 5). À côté ou à la place des conidies normales, il en est de latérales plus rares, qui naissent diversement sur les filaments sans former de chapelets, et qui, lorsqu'elles sont 220 LOUIS PLANCHON. jeunes et blanches, ressemblent quelquefois aux formes- levures du DMematium (Voy. p. 146). Elles en diffèrent d’ail- leurs profondément par leur taille un peu plus grande, leur nombre toujours beaucoup moindre, leur cutinisation assez rapide et sur place. Enfin, elles ne végètent pas en levure. Peut-être est-ce là une cause de confusion ? J'en doute tou- tefois, parce que les conidies anormales ne se sont jamais montrées sur gélatine et parce que la figure discutée repré- sente nettement des formes-levures. Il me paraît probable qu’il y a eu pour ces cultures, quel- quefois très enchevêtrées, un mélange accidentel des deux espèces el une apparence de continuité. De Janezewski, bien qu'il n'ait pas obtenu les mêmes résultats que Laurent en répétant ses expériences, admet cependant l'identification des deux espèces, sans en donner des preuves personnelles. Il dit, entre autres choses, à propos des spores : « À pre- mière vue, les conidies du Dematium sont tout autres que celles du C/adosporium ou de l’Hormodendron. Cette diffé- rence, tenant au milieu dans lequel elles se développent, s'efface presque entièrement si l’on compare d’un côté les conidies incolores à peine ébauchées du Cl/adosporium à celles du Dematiun, et de l’autre les conidies complètement mûres aux hypnospores. » Il est certain que les unes et les autres sont d’abord incolores, puis se cutinisent. Mais c’est là le cas d’une foule de conidies qu’on ne songe pas à rap- procher. Et alors même que la forme et les dimensions réuniraient ces deux ordres de conidies {ce qui n'est pas tout à fait exact, la plupart des spores de Cladosporium ayant un aspect tout différent), le mode de formation et sur- tout le sort ultérieur de ces spores les différencient comple- tement. Dans les germinations, par exemple, on a vu la spore terminer l’axe du C/adosporium jeune, tandis qu'elle est presque toujours plus ou moins latérale dans le Derna- lium: le développement est normalement symétrique chez le premier et irrégulier dans les autres. Enfin, la végétation INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 221 en levure du Dematium est un point capital qui mänque absolument chez le C/adosporium. Et, pour s’en tenir à la cultinisation, elle n’est chez les Dematium qu'un moven de défense contre la dessiccation, lorsque la multiplication en levure n’est plus possible. Elle est normale presque en tout milieu, et presque immédiate chez le C/adosporium. De Janezewski a fait de très intéressantes expériences sur l'inoculation du C/adosporium sur les végétaux, expé- riences qui lui ont fait découvrir les périthèces de la plante, longtemps rapportée à tort au Pleospora herbarum et qui, en réalité, constitue une espèce nouvelle, le Sphærella Tulasnéi Jancz. Sans entrer dans le détail de ces expériences qui sortent tout à fait de mon cadre, je ferai remarquer qu'elles n'ont réussi qu'avec les spores de Cladosporium dans certaines conditions, et non avec le Demalium, cependant beaucoup plus fortement et plus rapidement prolifique. Cette différence nouvelle devait être notée. Mais il importe surtout de comparer les modifications apportées par les milieux. Dans des expériences comparatives avec chiffres très précis, Laurent montre que dans deux liquides nutritifs iden- tiques, mais où l'azote est fourni en même quantité, dans l’un par du nitrate de soude et dans l’autre par du sulfate d'ammoniaque, le C/adosporium préfère les nitrates, la forme-levure le sulfate d’'ammoniaque. En semant cette dernière sur les deux milieux, il obtient: sur le milieu nitri- que, des filaments dématioïides dominants; dans la solution ammoniacale, des levures presque seules. Ces modifica- tions ne sont pas surprenantes, et j'en ai trouvé bien d'au- ires au cours de ces recherches; mais s'il n'y avait là que deux formes de la même espèce, chacune préférant un des milieux, elles passeraient de lune à l’autre, suivant le semis : le Cladosporium semé dans la solution ammoniacale sv serait développé en levure, et inversementles levures dans la solution nitrique auraient dû donner du C/adosporium. Or, il est dit seulement qu'ils végètent mal dans le milieu qu'ils 222 LOUIS PLANCHON. aiment moins, mais il n’est pas question de transformation morphologique. | Il me semble qu'un argument essentiel contre l'identifica- tion des deux espèces doit être tiré de cette comparaison de l’ensemble et du détail des cultures. Les deux plantes que j'ai étudiées répondent chacune à la description donnée par Laurent pour ses deux formes. Je les ai cultivées à l'état de pureté dans les conditions les plus diverses. Sur certains milieux nutritifs, et particulièrement sur le milieu-type (pomme de terre acide), les ensemencements ont été mul- tiples et successifs, de sorte que si l’une des deux espèces eût été une forme af/aiblie, elle aurait pu, au bout de quel- ques générations, se modifier et reprendre ses caractères de vigueur primitive. Si donc les deux plantes n’en font qu'une, elles doivent, sur des milieux identiques et dans des conditions identiques, prendre des caractères identiques. Tel milieu, semé avec les deux formes, devra, par exemple, donner du Dematium, tel autre du Cladosporium, ete. Or, c'est ce qui n'arrive point. Chaque espèce a sur chaque milieu sa manière d'être, profondément distincte, tant par la structure microscopique que par l'aspect exté- rieur lui-même. Je ne puis revenir ici sur le détail de ces différences, mais l'étude faite plus haut avec soin de ces deux espèces montre amplement combien elles diffèrent. Dans aucun des liquides employés il n'y à identité, ni même ressemblance ; dans aucun des quatre-vingt-dix milieux, le Cladosporium ne s’est transformé en Dematium; dans aucun, le Demalium n'a montré la moindre spore de C/adosporium. Quelques phénomènes de même ordre se sont produits, comme la formation de fumago, par exemple, et ont pu s'effectuer sous l'influence d’un milieu analogue (liquide de Raulin, etc.), mais c'est là un phénomène de convergence, sans aucune identité. Presque toujours, dès le premier regard sur les tubes, on constate des différences profondes; et si l'aspect se rapproche, si, par exemple, les deux champi- gnons ont recouvert avec le temps la surface du liquide ou INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 293 de la pomme de terre d’une couche noire mince uniforme, ou ont développé dans le tube quelques flocons blanes ou noirâtres, il suffira d'un coup d'œil au microscope pour constater la distinction absolue. On trouve aussi quelques différences plus générales : par exemple, les semis de Dematium se développent volontiers dans des milieux acides, ceux du Cladosporium préfèrent les milieux neutres et basiques. L'examen des cultures dans les acides glycérophosphorique, gallique, tartrique, etc., et dans la soude, par exemple, donne à cet égard des rensei- gnements remarquables. [l semble difficile que deux formes de la même plante offrent dans le même milieu un déve- loppement aussi différent. À la surface de la gélose, l’un donne immédiatement une végétation noire, l’autre une cul- ture blanche ou blanc rosé, humide, ayant l'aspect d’une colonie bactérienne, etc. On peut ainsi passer en revue tous les milieux employés; les uns ne présentent même pas de végétation avec une espèce, tandis que l’autre y prospère (acides sulfurique, tartrique, glycérophosphorique, cocaïne) : d'autres ont un aspect tout différent, soit d'une façon constante, soit pendant les premiers temps du développe- ment; d’autres, enfin, finissent sans doute par se ressem- bler un peu (eau distillée, gomme, etc.); mais le micro- scope les sépare aussitôt sans difficulté, à moins toutefois qu'il ne s'agisse de formes stériles à filaments purement dématioïdes. Et, même dans ce cas, la confusion est rare, et les semis sur milieu-type décident toujours faci- lement. En somme, pour Laurent, le Cladosporium herbarum offre les formes suivantes : 1° Cladosporium herbarum (type naturel); 2 Penicillium cladosporioides (Hormodendron actuel) ; 3° Dematium pullulans sans forme-levure; 4° Dematium pullulans avec forme-levure : 5° Forme-levure blanche et torulacée de Pasteur ; 6° Forme-levure rose ; 22% LOUIS PLANCHON. 7° Fumago : état d'enkysitement commun aux cinq pre- mières formes. Et il ajoute que les n* 1, 2, 3 constituent un premier groupe à conidies aériennes; celui-ci ne peut donner le deuxième groupe (4, 5, 6) que si l'organisme est affaibli; le deuxième groupe ne peut revenir au premier. Je crois plus exact de dire : les n°® 1 et 2 constituent une espèce : le Cladosporium herbarum; les n° 4, 5, 6 en forment une autre : le Dematium pullulans ; les n° 3 et 7 sont des formes stériles, qui peuvent se ressembler dans les deux espèces, et qu'on classera dans l’une ou dans l’autre, suivant que les cultures y auront fait développer tel ou tel ordre de conidies. IX. — RÉSUMÉ Les formes mycéliennes bourgeonnantes paraissent être communes à plusieurs champignons (p. 167). L'espèce étudiée 1e1 semble être celle décrite par Lœw, Laurent et de Janczewski (p. 169). Aucun des modes de reproduction (formes-levures, coni- dies, chlamydospores, etc.) n’est suffisant pour indiquer la place exacte dans la classification (p. 170). L'espèce est fréquente dans les solutions (p. 171). Elle est très résistante, et conserve sa vitalité dans la plu- part des milieux. Dans les solutions chimiques, la végéta- tion est plutôt faible (p. 172). Les milieux acides lui sont favorables (p. 172). L'aspect des cultures varie depuis le dépôt dissocié, blanc ou coloré, jusqu à la membrane noire, épaisse, émergée, ou au flocon brun ou gris flottant dans le liquide (p. 173). La germination sur eau de pomme de terre se fait rapide- ment, et amène la formation d'un filament qui donne aus- sitôt des conidies formes-levures; celles-ci bourgeonnent immédiatement en levure. Sur gélatine nutritive, ce bour- geonnement est d'une activité remarquable (p. 175, 180). INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 295 La cutinisation arrive plus tard : elle est d'ordinaire en rapport avec la dessiceation (p. 178). Les formes-levures bourgeonnantes peuvent être considé- rées comme des mycéliums unicellulaires (p. 177). Sur le tissu de la pomme de terre, la reproduction se fait d'abord en levure, puis ces levures grossissent et s’enkys- tent, ou noircissent en se transformant en une végétation fumagoïde (p. 179). Les filaments formés peuvent se désagréger et végéter dès lors en levure (p. 178). Des modifications à ces germinations sont parfois obte- nues en employant divers milieux (p. 180, etc.). Sur le milieu-type, après un temps assez long, les formes produites sont très diverses, et se rencontrent alors simul- tanément. Ce sont des levures, des filaments mycéliens, des végétations fumagoïdes, des chlamydospores, avec de très nombreux intermédiaires (p. 186). Les modifications morphologiques portent sur toutes les parties de la plante (p. 187). Les conidies formes-levures peuvent abonder ou manquer totalement. On ne les trouve parfois qu'au début du déve- loppement. Elles germent en levures ou en mycélium (p.187). Cette levure n’amène aucune fermentation du glucose (ne ISS Elle résiste quelquefois très bien aux milieux (p. 189). Elle est parfois le seul procédé de multiplication. Elle se cutinise généralement au bout de quelque temps (p. 189). Le mycélium cutinisé peut prendre l'aspect cladospo- rioïde : mais il ne donne pas de C/adosporium vrai (p. 192). Le mycélium peut être entièrement incolore (ferro- cyanure, etc.) (p. 193). La gélification est fréquente et se présente sous des formes variées. Elle est parfois poussée à l'extrême (p. 195). Le mycélium cutinisé ou non est quelquefois tout à fait stérile (p. 194). ANN. SG. NAT. BOT. x, 19 ne 226 LOUIS PLANCHON. D'autres fois, il présente des bourgeons ou des éléments qui font passer à la conidie et à la chlamydospore (p. 194). L'espèce étudiée est particulièrement remarquable par l'abondance et la variété des formes fumagoïdes qu’elle pré- sente (p. 197). i - L’aspectfumagoïde peutêtre donnéauxcultures par(p.197): a. La culinisation des levures ou des conidies ; : b. La séparation des articles terminaux ou intercalaires des filaments cutinisés ; c. Le développement en petits groupes courts ou sphéri- ques cloisonnés dans deux directions. Dans les formes fumagoïdes, la cutinisation atteint sou- vent un degré considérable (p. 198). La sortie de la sphère cellulaire intérieure est très fré- quente (p. 193). À Les éléments fumagoïdes peuvent attendre une grande taille (p. 198). | Les végétations fumagoïdes sont fournies par des milieux très divers, et avec des caractères spéciaux à chacun d’eux (liquide de Raulin, arséniate de sodium, acides gallique, c1- trique, tartrique, eau glycérinée, glycérophosphates, dex- trine, gomme, etc.) (p. 199). En imprégnant de divers liquides des milieux solides nu- triifs ou non, on voit que ces milieux agissent en modifiant l’action du liquide lui-même (p. 209). Le Cladosporium herbarum, réuni d'ordinaire au Dema- lium pullulans, doit en être séparé : les deux espèces se sont montrées différentes et d'ordinaire profondément, dans toutes les cultures pures et dans tous les milieux (p. 211). Il existe seulement de nombreuses formes stériles très analogues d'aspect et appartenant soit à l’une, soit à l’autre. Le Cladosporium, en particulier, a souvent des formes dé- matioides (p. 214). Toutes les tentatives pour passer directement de l’une à l'autre de ces deux espèces ont complètement échoué (p. 214 et suiv.). | ACTION GÉNÉRALE DES MILIEUX EMPLOYÉS Résumons maintenant l’action des milieux employés dans cette étude, sur les Dématiées spécialement observées, ou sur l’ensemble des champignons mis en expérience, en recherchant soit les faits généraux, soit la caractéristique particulière de chacun de ces milieux. Pomme de terre acide. — Le meilleur milieu pour l’en- semble des champignons. Le Cladosporium herbarum, très sensible aux acides, y vient mal. Les autres y prennent tous leurs caractères et fructifient bien. Formes d'ordinaire multiples. : Carotte. — Très analogue. Toutes les espèces y poussent. Bois. — Les Dématiées surtout s’y développent bien. . Les autres milieux nutritifs solides, tels que la gélose, la gélatine, etc., donnent des résultats rapides, mais semblent en général s’épuiser vite. Les filaments mycéliens y sont souvent pâles ; les cultures anciennes perdent assez rapi- dement leur vitalité {surtout sur la gélose), et ne con- tiennent guère de spores ; on y trouve plutôt des renflements mycéliens abondants ou des chlamydospores. Les espèces qui produisent des levures y végètent volontiers sous cette forme. En somme, cutinisation faible, bien que l’ensemble paraisse fréquemment noirâtre ou brun dans les cultures âgées. Bouillon peptonisé. — Résultats analogues. Mannite (1). — Bon milieu pour la plupart des champi- gnons qui y forment d'habitude des flocons incolores ou colorés en suspension dans le liquide, ou plus rarement en (1) Pour les doses des solutions, voy. p. 12 et 13. 228 LOUIS PLANCHON. partie émergés. Certaines levures colorées s'y conservent très bien et s’y multiplient sous forme d’un abondant dépôt au fond du liquide limpide. Les mycéliums y sont souvent irrégulièrement toruleux. Le Cladosporium herbarum S'V développe moins bien que les autres Dématiées, et d'autant moins que la solution est plus riche. Les autres poussent bien et semblent au con- traire préférer les solutions concentrées. Partout le champignon est noir ou gris foncé et forme une membrane superficielle et des flocons suspendus. Le liquide est toujours limpide. Au microscope, les filaments mycéliens ont souvent sur ce milieu des caractères spé- ciaux indiqués à propos des diverses espèces. Dextrine. — Surtout en solutions concentrées, elle donne de bons résultats. La plupart des champignons y conservent leurs couleurs et y forment des végétations abondantes. Plusieurs levures s'y multiplient en un dépôt épais et coloré. Souvent, grosses gouttes d'huile (Wucor, Cephalothe- cium, elc.). Toutes les espèces semées sont restées vivantes après plusieurs mois. Les Dématiées y poussent avec vigueur en membranes épaisses remontant sur les parois et en points noirs immer- gés appliqués sur le verre. La teneur en dextrine influe beaucoup. Le champignon est plus abondant dans la solution à 20 p. 100 que dans celle à 5 p. 100. Cutinisation très forte, membrane épaisse et résistante ; éclatement fré- quent avec sortie de la cellule hors de la cuticule. Gomme.— Se rapproche beaucoup de la dextrine : végé- tation abondante; vitalité longue: cutinisation un peu variable, moindre qu'avec la dextrine à temps égal. Les solutions moyennes paraissent les plus favorables, mais toutes donnent de bons résultats. Organes reproducteurs d'ordinaire bien développés. Sortie de la cellule fréquente. Liquide de Raulin. — En général, les champignons y prospèrent. Les Dématiées, cependant, bien qu’elles forment quelquefois des membranes épaisses, végètent peut-être INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 299 moins vigoureusement que d’autres. Le Cladosporium (1) et le Dematium pullulans Y prennent de curieuses formes fumagoïdes. Eau glycérinée. — Bon milieu aussi. Tendance à la pro- duction de végélations fumagoïdes chez les A/ternaria et le Dematium pullulans. En général, épaisses membranes et flocons dans le liquide. Eau pure.— L'eau distillée semble dépourvue de tout pou- voir nutritif. L'on est surpris pourtant de voir que presque toutes les espèces y poussent. D'ordinaire, la croissance s’ar- rête bientôt. Chez les Dématiées, il se forme des flocons, abondants surtout pour le Cladosporium, mais assez déve- loppés aussi pour les À /fernaria. Ces flocons sont légère- ment brunâtres et les cellules mycéliennes souvent cuti- nisées. Il se produit mème presque partout des spores caractéristiques. Eaux distillées. — On sait avec quelle facilité les cham- pignons envahissent les essences connues sous le nom d’ «eaux distillées » ; les pharmaciens ont d'ordinaire grand peine àlesgarderintactes. Les propriétés antiseptiques que l’on attribue aux essences se font done faiblement sentir à cette dose (2). Il faut mettre à part l’eau de laurier- cerise, que je n'ai pas employée, et l’eau de cannelle : chez celle-ci, aucun champignon ne s’est maintenu vivant; quel- ques-uns (C/adosporium, Dematium, un Alternaria, Sterig- matocyshs nidulans, Trichoderma viride) ontun peu poussé, puis ont rapidement péri. Les autres sont morts immédia- tement. C’est un résultat à retenir au point de vue de l’antisepsie. Du reste, l’eau de cannelle n’est presque jamais envahie dans les pharmacies (3). (1) Laurent dit cependant (loc. cit.), que le Cladosporium y croit assez bien sans présenter de caractère particulier. J’indique, sans l'expliquer, cette différence dans nos résultats. . (2) Pourtant, Soubeiran avait déjà fait la remarque que les eaux distil- lées inodores s’altéraient beaucoup plus rapidement que les autres. (3) Une eau de cannelle m'a cependant donné au semis le Penicillium glaucum, un Mucor et une forme-levure. 230 LOUIS PLANCHON. La cannelle mise à part, les eaux distillées ont toutes présenté une certaine analogie d'aspect : flocons plus ou moins abondants, immergés dans le liquide ou au fond, rarement étalés à la surface et dans ce cas plus fertiles. Ensemble des végétations plutôt faible. En général, mycé- lium assez régulier, pâle : les Dématiées elles-mêmes sont souvent d'apparence blanchâtre, toujours un peu plus foncées que les autres cependant. L'eau de rose, de menthe, colorent peu. Dans le tilleul, la cutinisation est souvent plus forte. En général, le Cladosporium est iei plus résistant et plus déve- loppé que le Dematium. Dans l'eau de tilleul, par exemple, il est le seul qui soit cutinisé un peu fortement. Dans l’eau de menthe, la chose est plus nette encore. On a vu que la formation des spores de celte espèce est modifiée par cet ordre de milieux. Milieux acides. — D'une façon très générale, les champi- snons préfèrent les milieux légèrementacides, mais on trouve des exceptions; des genres ou même des espèces voisines paraissent avoir des préférences fort diverses à cet égard. La réaction acide au tournesol est une cause importante de variation. La plupart des espèces ont refusé de pousser dans les solutions franchement acides ; d’autres y sont mortes après v avoir plus ou moins végété; d’autres enfin s’y sont bien développées. À la condition que l’acidité ne dépasse pas une certaine limite, ces milieux conviennenten général aux Dématiées.On trouve à cet égard pourtantdes différences très nettes. Ainsi, le Cladosporium herbarum et le Dematium pullulans que l’on a voulu identifier, se comportent d’une façon tout à fait opposée. Le premier ne pousse dans aucun acide, ou, s'il y pousse, périt rapidement ; il s’accommode au contraire de la soude à 1 p. 100, fatale à la plupart des espèces. Le second se développe dans tous les milieux acides (acide sul- furique à 1 p. 100, etc.) et s’y conserve très vivant après plusieurs mois. Les A/ternaria n’acceptent que des doses faibles. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 2341 J'ai cherché à me rendre compte de l'influence de la proportion d'acide sur le développement des Dématiées. Pour cela, j'ai suivi, en même temps et dans des conditions tout à fait identiques, les quatre espèces étudiées sur des pommes de terre inégalement acides, et stérilisées, soit après avoir séjourné dans de l’eau contenant une proportion d'acide variable, soit après être restées plus où moins longtemps dans un liquide à proportion fixe d'acide (1). SaVOIr : | 1/4 d'heure dans une solution à 1 p. 100 d'acide sulfurique pur. 1/2 heure — 4 p. 100 — 1 heure — 4 p. 100 — 2 heures —— 4 p:400 — 1/4 d'heure —- 2 p. 100 _ AN Si = 5 p. 100 = En résumant les résultats de cette expérience, on peut dire que : Ï. — Le Dematium pullulans n’est aucunement gêné par l'acidité. C'est la seule des quatre espèces qui ait poussé partout tout de suite. Le champignon croît en levure d’abord, puis la cutinisa- tion des levures se produit et la culture devient d’un noir verdàtre. Cette transformation est d'autant plus rapide et d'autant plus complète que l'acidité est plus forte (sauf une seule exception, où la présence fortuite d’une bactérie à semblé hâter beaucoup la transformation en fumago). Sur les fragments très acides, le noircissement commence au bout de quarante-huit heures. Chez les autres, il demande plusieurs jours (8 à 10). La levure fonce même quelquefois sans noireir. nd Sur le fragment acidifié par 5 p. 100 d’acide, végétation (4) J'avais craint que la saccharification de l’amidon ne se produisit, dans ces conditions, en proportions diverses et ne troublât l'expérience. La recherche du glucose sur la pomme de terre ainsi traitée a été négative. Seule, la pomme de terre ayant séjourné dans la solution à 5 p. 100 a pré- senté des traces de glucose. D'ailleurs, la saccharification par les acides n'étant qu'un phénomène d’hydratation, l’acidilé du milieu serait restée la même : mais le glucose produit aurait pu agir comme milieu favorable. DZ LOUIS PLANCHON. retardée : les levures se montrent au bout de trois Jours et en même temps apparaît le fumago jaune verdâtre, qui bientôt forme de petits grains vert noirâtre, ayant sur la pomme de terre l'apparence de petits Nostocs. Au microscope, on aperçoit quantité de levures, mais celles-ci ont grande tendance à former des filaments courts et épais dont les cellules, d’abord blanches, deviennent rapidement jaunes, puis verdâtres, et constituent la végéta- tion nostocoïde. IT. — L'A/ternaria polymorpha supporte moins bien FPaci- dité. Il ne pousse bien ni sur le milieu à 5 p. 100, ni sur celui qui a séjourné deux heures dans l’acide à 1 p. 100. Il semble même n’y pas pousser du tout. Cependant, au bout de plu- sieurs semaines (3 ou 4, suivant la saison), il se développe sur la pomme de terre une végétation rouge ou rose uni- forme, constituée par des levures grossies et germant en un mycélium incolore et stérile, qui parfois forme un tomentum blanc superficiel. Les autres milieux donnent bien le type avec ses caractères et sa variété de couleur. Mais le séjour d’une heure dans l'acide à 1 p. 100 affaiblit la végétation. Des pycnides, blanches, puis jaunes, puis noirâtres, se for- ment bientôt partout où le champignon pousse bien, mais les formes du mycélium durable ne se montrent, même tar- divement, que si l’acidité est faible (1 p. 100 un quart d'heure, et déjà moins dans 1 p. 100 une demi-heure). HE. — L’A /ternaria varians semble aussi diminuer de vita- lité quand l’acidité augmente. Sur la pomme de terre ayant séjourné un quart d'heure ou une demi-heure dans l'acide à 1 p. 100, la vigueur est très grande (au point que dans un tube contaminé fortuitement par un Penicillium, l'Alter- naria à complètement submergé celui-ci). Mais le séjour d'une heure dans l'acide arrête absolument la végétation de celte espèce; 4 fortiori deux heures, et plus encore la solu- tion à 5 p. 100. | Si la plante pousse, elle offre les caractères extérieurs qu'elle a normalement sur le milieu. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 233 IV. — Enfin le C/adosporium herbarum, que l'on sait déjà être sensible aux acides, n'a poussé que dans les milieux peu acides et {rès lentement (12 ou 15 jours après, sans étuve). L'expérience montre que la pomme de terre ayant sé- journé un quart d'heure dans une solution à 2 p. 100 d'acide est tout à fait comparable à celle qui a macéré une demi- heure à 1 p. 100. Pour les quatre espèces, la ressemblance est complète. L’acidité des deux milieux doit être identique. { p. 100 pendant deux heures donne plus d’acidité que 2 p. 100 pendant un quart d'heure, et moins que 5 p. 100 pendant un quart d'heure. Si, maintenant, on examine certains milieux acides en particulier, on pourra constater quelques faits intéressants : c'est d’abord la tendance du Dematium à prendre sur les acides des formes fumagoïdes; c’est la propriété spéciale de l'acide gallique de produire des cellules enkvystées avec les espèces les plus diverses ; c’est la difficulté que les champi- gnons éprouvent à se développer dans l'acide glycérophos- phorique, tandis que les glycérophosphates sont pour eux des milieux excellents, etc. Acide tartrique. — Résultats médiocres : tartrates non essayés : 1ls doivent constituer de bons milieux, car les solu- tions d'émétique sont, malgré leur toxicité, très facilement envahies par les végétations. Acide citrique. — Donne, lui aussi, à plusieurs champi- gnons des formes enkystées fumagoïdes. Acide borique. — Il contient souvent des végétations. Récemment M. Guéguen a montré de nouveau que son pou- voir antiseptique était absolument nul, ainsi qu'on le pensait depuis déjà longtemps, et que le développement des champi- gnons sur des milieux boriqués est à peu près normal, quelle que soil la proportion employée. Cependant, je dois dire que la plupart des espèces semées sur ce milieu y sont mal venues. Le Sterigmatocystis nigra, le Penicillium, ete., Y poussent, mais médiocrement, les Dématiées bien moins que dans les autres acides. Les végétations y sont faibles ou nulles, ou 234 LOUIS PLANCHON. souvent stériles. Évidemment, ce n’est pas un toxique puissant, mais ce n'est pas non plus un milieu favorable. Mêlé à un substratum nutritif, il n’en empêche pas sensi- blement l’action, mais les semis dans la solution pure périssent d'ordinaire assez vite (9 espèces sur 1# essayées), ce qui n a pas lieu dans l’eau distillée. En semant les végétations de l'acide borique des phar- macies, j'ai obtenu chaque fois le Penicillium, assez souvent des levures colorées, et enfin un Cephalosporium. Acide gallique. — Un des milieux des plus intéressants à cause des formes de convergence qu'il détermine chez les champignons les plus divers et qui se traduisent par : fragmentation du mycélium, ou plutôt végétation en cel- lules séparées ou en courts filaments ; épaississement de la paroi, coloration du contenu. Le liquide brunit souvent aussi avec certaines espèces (Slerigmatocystis nidulans, Dematium pullulans), tandis qu'il reste clair avec d’autres très voi- sines (Sterigm. nigra, etc.). L'enkvstement est un phénomène commun, dans ce milieu, aux espèces les plus diverses : ainsi le Sferigmato- cystis nidulans en offre une forme très curieuse; ainsi les chlarmydospores que forme le Trichoderma viride ont leur paroi très épaissie, ete., etc. Pour les Dématiées, l'acide gallique a été essayé à diverses doses et en imprégnation sur milieux solides. À l'exception du Cladosporium, ces plantes donnent, comme on le sait, une végélation enkystée, souvent fumagoïde, formant d’or- dinaire un dépôt peu abondant au fond du tube de eul- ture. Elles poussent d’ailleurs assez mal, mais à peu près toutes conservent leur vitalité, grâce à cet enkystement. L'A/ternaria varians et le Dematium pullulans sont les plus vigoureux. Le développement est plus grand pour les faibles doses (0,5 p.100) que pour les autres (1 p. 100, etc.). Le liquide est toujours coloré, mais la culture du Dema- hum donne une solution foncée, brune ; la teinte est jaune chez les autres. | INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 239 Sur les milieux solides imprégnés, le Cladosporium est aussi le moins vigoureux des quatre, et l’on observe des différences dans la coloration du liquide et du bois. L’Alternaria varians forme sur le bois un tomentum gris qui manque chez les autres, mais est assez normal chez cette espèce. J'ai essayé plusieurs milieux contenant de l’acide phos- phorique sous diverses formes (/actophosphate de calcium, phosphate acide de sodium, glycérophosphates monosodique el disodique, ete.). Toutes ces solutions ont donné d'excellents résultats, et tout spécialement les deux dernières, qui con- trastent par la vigueur ordinaire de leur végétation avec l'acide glycérophosphorique seul. Les champignons y con- servent d'ordinaire leurs caractères de colorätion, tandis que dans le /actophosphate Ta teinte (sauf pour les Dématiées) est plus ou moins blanche. Le phosphate acide de sodium est déjà moins bon, les végétations v sont médiocres, quelques-unes malingres et décolorées, même les Dématiées, qui sont pourtant mieux traitées. Les plus intéressants des milieux à acide phosphorique sont les glycérophosphales mono- et disodique. Tous deux sont très favorables aux Dématiées, qui v poussent abon- damment avec une couleur foncée. Du reste, les quatre espèces étudiées se ressemblent beaucoup comme aspect extérieur dans ces milieux: la végétation est immergée, colorée, le liquide limpide et incolore, les filaments en flocons ou en membranes, géné- ralement très fertiles. Peut-être le sel monosodique est-il plus favorable que le disodique. C'est une différence peu sensible. Comme partout, la végétation de l’A/fernaria poly- morpha est moins colorée que les autres; c'est ce que mon- trent en particulier les corps solides (bois, éponge) impré- gnés de glycérophosphate monosodique. Par opposition aux milieux acides, la soude à 1 p. 100, milieu évidemment très mauvais, a confirmé la diffé- rence entre le Cladosporium herbarum, une des rares 236 LOUIS PLANCHON. espèces qui y ont poussé, etle Dematium pullulans, bientôt disparu. Les Alfernaria n'ont même pas commencé à végéter : même à 0,25 p. 100, aucun développement ne se fait. Acétate de sodium.— Milieu pauvre, et,en somme, défa- vorable. 11 a cependant donné quelques résultats intéres- sants. D'abord les champignons y poussent mal, il est vrai, mais ils y poussent, et d'ordinaire y conservent assez longtemps leur vitalité. De plus, nombre d'espèces s’y déve- loppent en un mycélium moniliforme, toruleux. La plu- part des cellules sont renflées, souvent sphériques, gonflées ou non par de gros globules graisseux. Il existe pourtant quelques différences : ainsi le Dematium pullulans S'y mul- tiplie seulement en levure et ne se colore pas. Les autres Dématiées sont colorées, mais assez faiblement, surtout le Cladosporium. L’Alternaria varians paraît le plus vigoureux partout. Les cultures ont été faites sur des solutions à trois titres : 1 p. 100, 5 p. 100, 10 p. 100. L’acétate de sodium ne s’est opposé à la végétation à aucune de ces doses, mais la proportion moyenne de 5 p. 100 a été préférée par toutes les espèces. Les cultures sur milieux solides im- prégnés d’acétate ont confirmé les résultats ci-dessus. Maximum de vigueur pour les A//ernaria, puis vient le Cladosporium et, enfin, le Dematium, toujours faible et en levure. | Sullate de magnésium. — Flocons blancs pour diverses Mucédinées (Sterigmatocystis, Acrostalagmus, Cephalospo- rium, etc.); bruns ou gris pour les Dématiées, qui y pros- pèrent mieux en général. Cependant, le Dematium v vient mal. Alun. — Quelques végétations nuageuses blanches (Ste- rigmatocystis nigra, Cephalosporium, Acrostalagmus, etc.). Les Dématiées ne s’y cutinisent pas. C’est l’Alernaria poly- morpla qui s'en accommode le mieux. Chlorure de baryum. — Le Cephalosporium, l'A crosta- INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. DO lagmus, et quelques Dématiées entourent le semis d’un petit flocon blanc stérile. Souvent formes de dégénérescence. Ferrocyanure de potassium. — Milieu très défavorable : les Mucédinées n’y donnent rien ou un faible dépôt dis- socié. Les Dématiées y poussent quelquefois, mais restent stériles et incolores : ce sont là les deux caractères prin- CIPAUX. Chlorure d’ammonium. — Lorsque les semis y poussent, les filaments ne se cutinisent pas et restent stériles. Les Alternaria sont seulement un peu plus vigoureux. Chlorure, bromure, iodure de sodium. — Il était inléres- sant de faire varier l'acide dans trois sels halogénés de la même base, afin de voir le rôle de l'acide. Sur les mêmes champignons, ces solutions offrent à dose égale des diffé- rences très nettes. Le Oromure s'est montré le meilleur milieu pour les Dématiées: la plupart v sont brunes, sauf le Dematium resté incolore et l’Alfernaria polymorpha, qui s’est peu coloré. Le chlorure est venu ensuite : le CZado- sporium seul y est brun, les autres ont des flocons immergés blancs, et se colorent seulement hors du liquide ; le Dema- tium y pousse en levure. Enfin, l'iodure est le plus mau- vais des trois : le C/adosporium Îorme quelques granula- tions sur la paroi du tube, l’A/fernaria polymorpha donne un flocon immergé blanc sale, le Dematium et les autres ne poussent plus du tout (1). Les mêmes différences se trouvent pour les Mucédinées et les formes-levures cultivées dans ces trois milieux. Chlorures de sodium, d’ammonium, de baryum. — Si l’on fait maintenant varier la base, les modifications parais- sent moindres. Des trois sels essayés ici, et qui, je le re- connais, sont insuffisants pour concelure et pour généraliser, c'est le sel de barvum qui a donné les solutions les moins favorables : c'était du reste un résultat à prévoir. (1) M. Guéguen vient de constater que le bichlorure de mercure était quatre fois moins toxique que le biiodure pour le Penicillium glaucum (loc. cit.). 238 LOUIS PLANCHON. Les liqueurs arsenicales devaient être essayées, car c’est chez elles qu'on trouve le fameux Âygrocrocis arsenicus, point de départ de divers travaux sur la question. J'ai pris l'arséniate de sodium à 1 p. 1000 et l’arsénite de potassium (liqueur de Fowler), ce dernier sel à plusieurs doses. L’arsé- niate de sodium est un mauvais milieu, mais à cette dose faible quelques espèces (Cephalosporium, Acroslalagmus, Cla- dosporium, Dematium, etc.) y donnent un flocon blanc ou gris, d’autres un dépôt granuleux. La Zqueur de Fowler ne forme de végétation appréciable qu'avec trois ou quatre espèces. En outre, tandis que dans l’arséniale de sodium huit es- pèces ont conservé leur vitalité et ent reproduit le type au semis de contrôle, le fait ne s’est pas produit une seule fois pour l’arsénite de potassium : les champignons qui s’y sont un peu développés y sont morts au bout de quelque temps. En ce qui concerne les Dématiées semées dans la liqueur de Fowler, quelques rares flocons très petits et stériles, ou quelques nuages de levure, sont tout ce que l’on observe, même après un temps très long : encore ces éléments sont- ils sans vie. Si l’on diminue la teneur du liquide en arsénite de potassium (dilution à 1/2), les semis s’entourent de quel- ques filaments blancs. Si l’on augmente au contraire cette teneur, on n obtient plus aucune végétation. Il est à remarquer que le Cladosporium ne se développe pas du tout dans ce milieu. Cest ce qu'a aussi indiqué M. Guéguen, quand il a dit que dans la liqueur de Fowler le Penicillium avait poussé quelques filaments, tandis que les spores d'AHormodendron ne donnaient rien. En somme, je n'ai pu faire développer artificiellement d'Aygrocrocis sur la liqueur de Fowler, avec aucune des espèces essayées. Ce résultat peut paraître singulier, étant donné que l'Hygrocrocis classique est une Dématiée et sans doute une forme du C{adosporium (1). Mais je ne puis que le consigner ici (4) Voy. p. 124. Voy. aussi la figure donnée par Marchand dans sa Bota- nique cryptogamique. Lu INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 239 sans l'expliquer.D’ailleurs,j'attrouvé partoutdanslesliqueurs de Fowler des pharmacies des filaments blancs avec quel- ques fragments de Dématiées peu reconnaissables, mais j'avoue n'avoir jamais pu voir une végétation bien caracté- risée, bien cutinisée, typique. Alcaloïdes. — Je n’en ai employé que deux: le sulfate de quinine à 1 p. 100 et le cLlorhydrate de cocaïne à 1 p. 100. En général, les moisissures s'y développent assez bien; les levures y forment un dépôt, les autres des flocons; la cuti- nisation y est faible, et les végétations d'ordinaire blanchà- tres ou peu colorées. Bien des champignons n’y forment qu'un mycélium stérile. Le Cladosporium est une des espèces les plus réfractaires, qui s'est mal développée dans la quinine et presque pas dans la cocaïne. Le Dematiun est plus abondant, l'A/fernaria polymorpha paraît être le plus vigoureux des quatre, surtout dans la quinine, où il a des caractères intéressants. Créosote et Gaïacol. — Ces milieux, donnés comme de bons antiseptiques, ne se sont pas opposés en général au déve- loppement des champignons. Mais la couleur manque sou- vent el les végétations sont ordinairement stériles. Des expériences de M. Guéguen sur le gaïacol, avec le Penicillium glaucum, il résulte que 1 p. 2000 empêche tout à fait la ger- mination des spores et que ! p.8 000 permet une croissance lente et la formation de spores grises. Un Penicillium qui produit des sclérotes très facilement, et pour lequel je ne trouve guère d'autre différence avec le glaucum, a donné un flocon assez abondant dans la solution employée, qui était aussi à 1 p. 2000. Le Sierigmatocystis nigra et le Tricho- derma viride ont mieux poussé que la plupart des autres espèces dans la solution. Partout le liquide s’est coloré en brun. Les Dématiées ont aussi donné un mycélium, mais d'ordinaire stérile et peu coloré, quelquefois même en dégénérescence. CONCLUSIONS Le nombre et la variété des espèces cultivées et des milieux employés, le contrôle rigoureux des expériences, permettent de tirer de l’étude détaillée qui précède quel- ques conclusions générales. La Flore des solutions chimiques est beaucoup plus riche qu'on ne pense et comprend toutes les espèces communes de champignons dont les spores ou le mycélium résistent plus ou moins longtemps à l'air, à l’eau et aux milieux chi- miques. Deux des champignons étudiés semblent cependant nouveaux. La diversité des types apparaîtra sans doute d'autant plus que les cultures seront multipliées davantage. Quelques espèces, particulièrement résistantes sous une forme ou sous une autre, dominent de beaucoup dans les semis. La plupart des espèces mises en expérience se sont mon- trées remarquablement résistantes : leur présence dans les solutions d’origine l’indiquait déjà. Mais beaucoup ont poussé, parfois abondamment, dans des milieux à propriétés toxiques, ou se sont contentées des liquides Les plus pau- vres, de l’eau distillée pure, par exemple, ou encore se sont développées sur les parois du tube hors du liquide. Certaines espèces ou certains groupes de champignons ont une variabilité, une plasticité naturelle très remarquable. Dans ce cas, la culture en milieux chimiques exagère cette tendance, et l’on obtient, chez les Dématiées par exemple, une diversité morphologique que les Mucédinées n'offrent qu'à un degré beaucoup moindre, et qui sans doute aurait pu être encore augmentée par des cultures plus variées. INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 241 Les modifications ont porté surtout sur l'appareil végé- tatif, bien moins sur le système reproducteur, dont les formes différenciées sont rares dans ces conditions toutes spéciales (aucun périthèce n’a été obtenu). Les formes reproductrices observées dérivent d’ailleurs toutes plus ou moins directement du mycélium. Les variations morphologiques des champignons appa- raissent ici comme des moyens de défense contre des mi- lieux nocifs ou contre la dessiccation. Si les formes obtenues sont très diverses, les moyens employés par la plante sont assez simples : 1° C'est, d’abord, une longue résistance passive, une conservation de la vitalité sans aucun développement, une vie latente qui peut se prolonger beaucoup, même pour des cellules en apparence délicates (formes-levures, etc.). 2° C’est aussi une modification de structure de la paroi cellulaire : — par épaississement et enkystement ; — par cutinisation à des degrés très divers; — par gélification des régions externe ou moyenne de la paroi; — par la com- binaison fréquente de ces trois moyens. 3° C'est enfin le changement dans la forme : — par trans- formation des filaments dans leur ensemble; — par diffé- renciation de certaines cellules, isolées ou en séries, arri- vant à la spore en massif ou à la chlamydospore, qui paraît être la forme de résistance la plus commune; — par sépa- ration des articles mycéliens donnant, suivant qu'il y a ou non cutinisalion, des formes fumagoïdes ou des cellules incolores et isolées, susceptibles de germer (oïdies) ; — par végétation en levure : dans ce dernier cas, et dans quel- ques formes de végétations fumagoïdes, on peut observer l'absence totale de tout filament mycélien. Cette végétalion en levure semble être très fréquente dans les cultures provenant des milieux chimiques. Aucune de ces levures n'amène de fermentation : mais les unes se reproduisent indéfiniment sous cette forme, quel que soit le milieu, les autres ne sont qu'une phase évolutive de cer- ANN. SC. NAT. BOT. XI, 16 DS LOUIS PLANCHON. as LE taines espèces de champignons. Dans ce cas, l'on n’a pas affaire à une vraie végétation en levure, mais à un mycé- lium bourgeonnant qui reste unicellulaire, et peut très aisément s'allonger en un mycélium normal. La distinction des formes-levures et des conidies est parfois très difficile. Leur multiplication sur le mycélium pluri- ou unicellulaire est souvent prodigieuse. | Les mots de /ormes fumagoïdes doivent être entendus dans le sens le plus large. En elfet, les aspects de famago peuvent avoir des origines diverses (cutinisation de conidies, de formes-levures, de cellules mycéliennes, avec ou sans cloi- sonnement dans les diverses directions de l’espace; fragmen- tations mycéliennes, ete.), et l'on doit suivre ces modifica- Lions pas à pas pour pouvoir affirmer ces origines, tant les termes ullimes de la transformation sont identiques. Un mode spécial de reproduction à été observé, et se rattache aux modifications précédentes ; c'est une véritable mue par sortie de la cellule hors de son enveloppe externe fendue,cutinisée ou très épaissie. Cette sortie a lieu sous lin- fluence du gonflement cellulaire et de la gélification de la membrane moyenne; les enveloppes cellulaires cutinisées se fragmentent ou se retrouvent dans le liquide sous forme de coques vides ; la membrane interne conservée peut s’allon- ger en filament, mais, d'ordinaire, senkyste de nouveau, le milieu étant épuisé ou défavorable. | Ce mode de reproduction se rencontre sur des milieux fort divers, dont quelques-uns le présentent presque cons- tamment, et chez toutes les Dématiées étudiées: il parait donc très général. Les modifications sont dues surtout à l’action du milieu. L'influence de limmersion, de l'absence plus ou moins complète d'oxygène, celle du liquide lui-même (toxique, nutrilif, etc.), de la dessiccation, de la concentration, de l'épuisement du substratum, etc., se combinent d'ordinaire pour modifier les formes. Aussi, trouve-t-on de nombreuses différences non seulement entre diverses cultures de Ia INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. LES même espèce, mais encore entre les parties d’une même culture (fond et surface, début et fin de l'expérience, ete.). Les spores immergées ou émergées de la même espèce sont parfois tout à fait différentes. La dose joue un grand rôle ainsi qu'on pouvait s’y at- tendre. La durée des cultures est essentielle à considérer aussi: - certaines formes ne se développent qu'à la longue. L'acidité du milieu a une action très réelle : certaines espèces y sont fort sensibles, d’autres beaucoup moins : mais, pour un même champignon, l'aspect peut être très dif- férent suivant le degré d’acidité {mycélium durable rare dans les milieux très acides, etc.). Dans des sels de compo- sition voisine, le changement d'acide semble agir plus for- tement que celui de la base. L'action du milieu n’est d’ailleurs point la seule : chaque espèce imprime, en effet, aux cultures un caractère spécial. Sans doute la tendance à la variation leur est commune, mais l’une formera de préférence des pycnides, l’autre du mycélium durable, l'autre des formes fumagoïdes ou fragmentées. Certains milieux donnentune végétation très polymorphe, tandis que sur d’autres on observe une spécialisation des formes : en général, cependant, les cultures sont plutôt caractérisées par la prédominance d'un type que par sa présence exclusive. Un des points intéressants est l'abondance des formes de passage. Depuis la cellule mycélienne la plus simple jusqu à la pycnide complexe, on trouve tous les termes. Aucune ligne de démarcation nette entre : cellule mycé- lienne, cellule cutinisée, chlamydospore, conidie, fumago, mycélium durable, spore en massif, pycenide, etc. Les filaments mvycéliens fragmentés germent comme les spores. Les fumago ont, comme on l’a vu, les origines les plus diverses. 241 LOUIS PLANCHON. Les chlamydospores ne sont que du mycélium frag- menté. La spore en massif se dégage peu à peu du simple ren- flement mycélien. Elle apparaît, d'autre part, comme une pycnide arrêtée dans son développement. Les formes qu'elle offre sont si diverses dans la même espèce, que l’on peut en rapprocher successivement celle de plusieurs autres genres, et que la plupart des Hyphomycètes ayant pour organe reproducteur normal cette spore en massif semblent pouvoir passer très facilement des uns aux autres. Quant aux pyenides observées chez une espèce, elles ont offert, suivant le milieu, de très nombreuses différences, portant sur les caractères essentiels des pyenides {mode de développement, existence de filaments extérieurs, taille, couleur, déhiscence, etc., ete.) : on ne peut donc baser sur ces organes une distinction spécifique. Les pycnides se relient intimement à la spore en massif ; les deux peuvent se développer directement aux dépens d’une forme-levure ou d’une conidie semée. Le mycélium lui aussi se modifie beaucoup et prend des aspects trompeurs, qui ont pu amener à fusionner des espèces différentes (formes dématioïdes, cladosporioïdes, alternarioïdes, etc.). {I faut donc, pour la réunion ou la sépa- ration des espèces, exiger un contrôle sévère, et considérer les apparences extérieures comme tout à fait insuffisantes, les formes de passage reliant entre eux des types parfois très nets et qui, considérés isolément, paraissent fort diffé- rents. | L'identité des conditions de cullure pour les diverses plantes (milieu, âge, température, etc.) permet aussi de dis- cuter la valeur et les limites de l'espèce étudiée. Pour deux d’entre elles, les rapprochements ou la distinction avec des champignons voisins ont pu être examinés avec d'autant plus de certitude que le point de départ de toutes les cul- tures élait pour chacun une spore unique. Il semble que la plupart des caractères invoqués pour la INFLUENCE DES MILIEUX SUR LES DÉMATIÉES. 249 distinction des genres et surtout des espèces du groupe étudié perdent beaucoup de leur valeur dans les conditions spéciales de ce travail. Les espèces décrites sont probable- ment beaucoup trop nombreuses, car des modifications morphologiques doivent se produire dans la nature sous l'influence des conditions extérieures. Le nombre se ré- duira à mesure que l’on connaîtra mieux les modes élevés de reproduction. Pour les deux espèces nouvelles étudiées, la variété des caractères est telle que l’on ne pouvait les rapporter à au- cune des formes décrites et spécifiquement limitées. En tout cas, ces deux champignons sont certainement distincts l'un de l’autre. L'action complexe du milieu et la plasticité de l'espèce, en un mot les diverses causes de variation, amènent à deux résultats inverses, et également importants : 1° La divergence des formes dans les cultures d'une même espèce ou quelquefois dans une même culture ; 2° La convergence des caractères pour des espèces diffé- rentes, qui arrivent, dans les mêmes milieux, à se ressembler si complètement {surtout pour les formes mycéliennes) que la distinction en devient difficile. EXPLICATION DES PLANCHES Pour toutes les figures des planches, comme pour toutes les figures dans le texte, les dessins ont élé faits à la chambre claire et, pour faciliter les comparaisons, à un grossissement uniforme d'environ 600 diamètres. — Nachet, oc. 1, obj. 7. Pour les doses des solutions, voy. p. 11, 12, 13. PLANCHE I Allernaria polymorpha sp. nov. Fig. 1. — Cult. dans solut. de chlorhydrate de cocaïne. Forme macrospo- rioïde et fragmentation mycélienne. Fig. 2. — Cult. sur pomme de terre. Passage du mycélium durable aux pycnides. Fig. 3. — Cult. ancienue sur pomme de terre. Pycnides. Formes macro- sporioïides. Levures et stylospores enkystées, etc. Fig. &. — Cult. dans solul. de bromure de sodium. Mycélium toruleux, chlamydospores, amas irréguliers. Fig. 5. — Cult. en cellule dans solut. de glycérophosphate disodique. Formes diverses amenant à la spore en massif. Fig. 6. — Cult. dans solut. de dextrine. Alternaria différenciés, prolongés en filament. Fig. 7. — Cult. dans solut. de cocaïne. Formes diverses. Passages entre le mycélium durable, la macrospore et l’Alternaria. Fig. 8. — Cult. en cellule dans solut. de glycérophosphatle disodique. Gé- lification des membranes. Fig. 9. — Cult. dans solut. de mannite. Forme spéciale de mycélium durable. Fig. 10. — Cult. dans solut. d’acélate de sodium. Sortie des cellules hors de la cuticule. : Fig. 11. — Cult. ancienne dans solut. faible d’acétale de sodium. Stylo- spores enkystées, pycnides noires, formes macrosporioïdes. Fig. 12. — Cult. dans solut. d'acide citrique. Formes fumagoides. Fig. 13. — Cult. dans solut. d'acide gallique. Cellules enkystées. Fig. 14. — Cult. dans solut. de gomme. Passage aux Allernaria. Fig. 15. — Cult. sur pomme de terre. Passages entre le mycélium durable et les Alfernaria. PLANCHE IT Alternaria varians sp. nov. Fig. 1. — Cult. sur gélatine nutritive. Tendance à la végétalion toru- leuse. EXPLICATION DES PLANCHES. 247 Fig. 2. — Cult. dans solut. d’acétate de sodium. Filaments loruleux (huile); sorlie de l'huile. Fig. 3. — Cult. dans solut. de glycérophosphate monosodique. Macrospo- rium à forme longue; sortie des cellules. Fig. 4. — Cult. dans eau glycérinée. Massif fumagoïide. Fig. 5. — Cult. dans eau glycérinée. Formes macrosporioïdes et mycélium durable. Fig. 6. — Cult. sur bois de peuplier. Passage des macrospores aux Alter- nari«. Fig. 7. — Cult. dans solut. de mannite. Filaments moniliformes (huile). Fig. 8 — Germination dans solut. de carbonate de sodium. Fig. 9. — Cult. dans solut. de dextrine. Macrospores à divers états. Fig. 40. — Cult. dans liqueur de Fowler. Forme longue de spores en massif. Fig. 411. — Cult. en cellule dans eau distillée de menthe. Alternuria, série prolongée en filament. Anastomoses. Fig. 12. — Cult. en cellule dans solut. de glycérophosphate disodique. Fig. 143. — Cult. dans solut. d'acide gallique. «4, b, c, germinations sur ce même milieu. PLANCHE NI Cladosporium herbarum Link. Fig. 1. — Cult. ancienne sur gélatine nutritive (mycélium stérile). Fig. 2. — Forme fumagoïde dans hHquide de Raulin. Fig. 3. — Cult. dans eau glycérinée : chlamydospores et conidies. Germi- nation. Fig. 4. — Cult. dans eau üistillée d'oranger. Conidies en bouquet. Formes immergées. Fig. 5. — Cult. dans eau distillée de mélisse. Conidies en épi ou isolées. Formes immergées. Fig. 6. — Cul. jeune dans solut. de dextrine. Tubercules. Fig. 7. — Cult. jeune dans solut. d’acétate de sodium. Tubercules et chla- mydospores. Fig. 8. — Cult. dans solut. d'acide borique. Mycélium stérile. Fig. 9. — Cult. dans solut. de soude à 1 p. 100. Formes diverses de co- nidies. Fig. 10. — Cult. ancienne dans solut. de dextrine. Chlamydospores, etc. Fig. 411. — Cult. dans solut. de mannite. Tubercules, chlamydospores, conidies. Fig. 12, — Cult. dans solut. de bromure de sodium. Passage du mycélium aux conidies. Fig. 13. — Cult. dans solut. de gaïacol. Forme spéciale de mycélium stérile. PLANCHE IV Dematium pullulans de Bary. Fig. 1. — Végétation ancienne dans le fond d'un tube de cull. sur pomme de terre. — a, chlamydospores ; b, conidies cutinisées sur les filaments ; e, levures culinisées ; d, formes fumagoïdes; e, mycélium toruleux ; f, mycélium stérile. 248 LOUIS PLANCHON. Fig. 2. — Cull. ancienne sur pomme de terre. Fig. 3. — Cult. sur carotte. Filaments fumagoïdes. Fig. 4. — Cult. dans eau glycérinée. Formes fumagoïdes à gros éléments. Stades divers de sortie des cellules. Fig. 5. — Cult. dans liquide de Raulin. Chlamydospores et formes fuma- goides. Fig. 6. — Cult. dans eau distillée de fleurs d'oranger. Levures cutinisées. Fig. 7. — Cult. dans eau distillée de roses. a, chlamydospores : b, levures cutinisées ; c, fragmentalion du mycélium. Fig. 8. — Cult. dans solut. d'acide citrique. Forme fumagoïde spéciale : sortie des cellules, germination, etc. Fig. 9. — Cult. dans solut. d'acide gallique. Enkystement SES cellules. Fig. 10. — Cult. dans solut. d'acide tartrique. Fig. 14. — Cult. dans solut. de glycérophosphate … Fig. 12. — Cult. dans solut. d'acide glycérophosphorique. Fumago typique, sortie des cellules. Fig. 43. — Cult. dans solut. d'acide pyrogallique. Levures enkystées. Fig. 4%. — Cult. dans solut. de glycérophosphate monosodique. Conidies. Fig. 15. — Cult. dans solut. de dextrine à 20 p. 100. Formes fumagoiïdes. a, culicule vidée. Fig. 16..— Cult. sur éponge, imprégnée d'acétate de sodium. Fig. 17. — Cult. dans solut. de glycérophosphate de calcium. Pot. le ÏT] 21 À. 2. des Se na. Ê° Serre. 1 r £ RS Deer ont ni —— —— lanchor, de. 1 LithL. Combes. Monivellier. AE CPTÉCTLCX poly/107 Oct Sp. 1109. Bot. lorne AT 1. 17. Anr.aes Sc.nat. ° Serre. MES F 7 54 LR) RER V4 È s £ À. ÿ 4 A ÿ (y AL Jà. lortrellier. Lith. TI. Comées.' Sp. 200. OUTILS terra dr. Hanchor, del. | Pre = a} VE Goya il ‘ Pot. lome x] P]. / LE. Ann .'aes Se. nat. 8° Se à Ÿ À Ÿ ot $ à S e $ N Cladosporrunr Lerbarurr Lin. UE F / Pot. TomeAT À: 1" Lith. I. Comées._ Honéoellier. ernatiune pulls de Bary. ÆAnn.aes Sc. nat. Ê° Serce. ] U .Hanchon, del. | | PE 4 A6? RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES Par M. A. MAIGE. INTRODUCTION Alors que les plantes grimpantes, les plantes parasites, saprophytes, épiphvtes, etc., ont fait l’objet de travaux nombreux relatifs à leur biologie générale, les végétaux dont les rameaux rampent à la surface du sol n'ont été jus- qu'à présent l'objet d'aucun travail d'ensemble. Il est à présumer cependant qu à un mode de vie aussi spécial doi- vent correspondre des caractères adaptatifs particuliers et une biologie distincte. Le seul travail un peu général qui ait été publié sur cette question est un résumé très suceinet des différents modes de végétation de ces plantes dû à Kerner von Marilaun (1). Cet auteur divise les plantes rampantes en plusieurs catégories : 1° Les plantes dont la tige, couchée sur le sol, se conserve pendant plusieurs années, et se détruit en arrière à mesure que son extrémité se développe vers l'avant. À cette catégorie apparliennent les 7rifolium repens et fragiferum, diverses espèces du genre TAymus et beaucoup de plantes alpines (A :alea procumbens, Dryas octopetala, ele.). (1) Kerner von Marilaun, Pflanzenlteben, 1888. 290 ; A. MAIGE. 2° Les plantes dont les rameaux se détruisent après avoir produit des bourgeons qui s’enracinent. Dans cette caté- gorie on distingue deux types : a. Les stolons. b. Les sarments. a. Les stolons sont des tiges à entre-nœuds courts, dont les bourgeons latéraux ne se développent pas, et dont l’ex- trémité s'enracine (A7uga reptans, Hieracium Pilosella, Vinca major et minor, Lysimachia Nuinmularia, ete). b. Les sarments se distinguent des stolons par leurs entre-nœuds allongés et effilés. À l’aisselle de leurs feuilles se forment des bourgeons donnant naissance soit à des rameaux identiques, soit à des rosettes. Leurs entre- nœuds se détruisent à la fin de l’année de leur formation (Fragaria vesca, Potentilla replans, Glechoma hederacea, Saxifraga sarmentosa, elc.). 3° Un dernier groupe est formé par les plantes dans les- quelles la tige aérienne avec toutes ses ramifications péril après la période végétative; les plantes de cette calégorie sont annuelles ou se propagent par organes souterrains (Polygonum aviculare, Portulara oleracea, Veronica hederæ- folia, etc.). | Sans me préoccuper de la classification précédente, je me suis attaché à réunir des plantes présentant un en- semble de caractères communs, au point de vue de l'adap- lation à la vie rampante, et j'en ai étudié la biologie et la morphologie. Cette étude forme le premier chapitre de ce travail. Dans le deuxième j'ai étudié l'influence de la lumière sur la production des rameaux rampants ainsi que sur leur forme et leur structure, et enfin dans le troisième j'ai re- cherché comment se comportent les rameaux rampants, vis-à-vis de la pesanteur et de la lumière, et auquel de ces facteurs on doit attribuer la cause de la reptation. Les conclusions générales énoncent les résultats que l'on peut tirer des divers chapitres de ce travail. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 291 Chacun d'eux est subdivisé lui-même en deux parties : I. Historique. Il. Observations ou expériences. CHAPITRE PREMIER BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE DES PLANTES RAMPANTES Pr HisToRIQUE À part le travail de Kerner von Marilaun 1), dont il été question plus haut, les travaux relatifs à la biologie, à la morphologie et à l'anatomie des plantes rampantes, con- sistent soit en des mémoires spéciaux relatifs à une plante déterminée, soit en des renseignements que l’on trouve çà et là dans les flores ou dans des travaux portant sur des sujets variés. MORPHOLOGIE EXTERNE. — Grenier (2) signale la différence qui existe entre le Aanunculus repens et le Trifolium repens : les stolons de fanunculus repens sont définis, ils se termi- nent par une fleur et se prolongent sympodiquement par un rameau rampant; ceux de 7rifolium repens sont, au con- traire, indéfinis. Irmisch (3) décrit dans ses grands traits le mode de végé- tation de Fragaria vesca et la disposition sympodique de Ia tige dressée et du stolon. Dans le même article, 1l donne également un résumé suceincet de la végétation de Potentilla Fragarastrum et de Potentilla reptans. Le même auteur, dans son travail sur la végétation des Labiées (4), donne une courte description du développement de la graine à la floraison des G/echoma hederacea, Ajuqa (1) Kerner vou Marilaun, loc. cit. (2) Grenier, Bull. Soc. Bot. Fr., 1855. (3) Irmisih, Einige Bemer kungen über die krautartigen Rosaceen (Bot. Zeit, 1850). (4) Irmmisch, Beiträge zur vergleichenden Morphologie der Pflanzen (Halle, 1856). 20 A. MAIGE. replans, Lamiumn Galeobdolon; 1 signale la transformation possible de la Lige florale en tige rampante chez les Gle- choma hederacea, Lamium Galeobdolon, la présence de stolons florifères chez l'A juga reptans et chez le Lamium Galeobdolon de chicots formés par la base des vieilles tiges détruites. Dans un autre mémoire (1), il étudie le développement de Convolvulus sepium,et signale la présence chez cette plante, de rameaux rampants qui enfoncent leur extrémité dans le sol et se transforment en rhizomes. | Gay (2), étudie l’organisation des stolons des Fraisiers. Ces stolons sont sympodiques dans toutes les espèces, sauf dans le Fraqaria collina. Germain de Saint-Pierre (3) étudie l’organisation de la tige rampante de Potentilla reptans; l'axe de cette tige, suivant cet auteur, se prolonge indéfiniment en tige couchée dont les bourgeons axillaires s’enracinent; 1l signale aussi le mode de végétation de la Ronce par arcades successives. Royer (4), dans sa Flore de la Côte-d'Or, compare la végé- lation des tiges rampantes de Lamium (raleobdolon, d'Ajuga reptans, de Glechoma hederacea, et les distingue de la manière suivante : Les rameaux rampants de (Glechoma hederacea sont radi- cants à tous les nœuds. | Les rameaux rampants de Lamuum Galeobdolon sont radi- cants aux nœuds du milieu. Les rameaux rampants d'A juga reptans sont eee seulement à l’extrémilé qui forme rosette. Le même auteur donne également quelques renseigne- ments sur la morphologie des stolons de Æanunculus repens et des Potentilla replans el Anserina. Ces stolons sont sympodiques aux nœuds floriferes, indéfinis aux nœuds stériles. (1) Irmisch, Ucber die Keimung und die Erneuerungsweise von Convoloulus sepium, etc. (Bot. Zeit., 1857). (2) Gay, Bull. Soc. Bot. Fr., 1858. (3) Germain de Saint-Pierre, Bull. Soc. Bot. Fr., 1875. (#) Royer, Flore de lu Côte-d'Or, 1881. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES, 953 Enfin, il signale la présence de chicots dans le Vinrca mi- nor et le Lamium Galeohdolon, la transformation possible des rameaux rampants souterrains en rameaux rampants aériens chez le Stachys silvatica, et des rameaux florifères en rameaux rampants dans le Vinca minor. MORPHOLOGIE INTERNE. — Au point de vue anatomique, un certain nombre des particularités dont je parle ont été signalées individuellement par les auteurs qui se sont occupés de l'anatomie des végétaux. M. Ad. Chatin (1), a signalé de nombreuses différences existant entre les différentes parties de la tige des végé- taux. M. Costantin (2) a montré les différences qui existent entre la tige florale et le stolon d’AHieracium Pilosella, entre le rhizome et la tige aérienne de Convoloulus sepium, entre le tubercule et [a tige aérienne de Æubus. Chalon (3) a signalé les différences existant entre les tiges stériles radicantes et les tiges dressées florifères de Hedera Helix. Laborie (4) a montré quil existait des différences profondes entre les axes d'inflorescence et les axes végé- tatifs. Dans les premiers, les vaisseaux sont moins nom- breux et moins larges, le collenchyme moins développé ; l'écorce est aussi en général plus épaisse et la moelle plus étroite, mais les cas opposés peuvent parfois se présenter ; souvent les rayons médullaires sont sclérifiés, isolant les faisceaux libéro-ligneux dans une gaine de sclérenchyme.Les rameaux de divers ordres ne sont pas semblables entre eux et une même inflorescence offre divers termes de passage entre la structure de la tige et celle des pédon- cules qui portent les fleurs. (1) Ad. Chatin, Anatomie comparée des végétaux (Paris, 1856-1886). (2) Costantin, Étude comparée des tiges aériennes et souterraines des Dico- tylédones (Ann. Sc. nat. Bot., 1883). (3) Chalon, Anatomie comparée des tiges ligneuses des Dicotylédones (Bull. Soc. Roy. Bot. de Belgique, 1867). (4) Laborie, Recherches sur l'anatomie des axes floraux (Thèse, 1888). 294 A. MAIGE. Ces faits sont confirmés par les travaux de Nanke (1) et de Klein (2). IT. — OBSERVATIONS - Il me semble nécessaire, avant d'aborder cette étude, d'énoncer les principaux points sur lesquels j'ai cru devoir porter plus spécialement mon attention, les difficultés qui se sont présentées dans leur étude, et la méthode que j'ai employée pour les résoudre. Les problèmes que je me suis posés principalement sont les suivants : 1° Quels sont les caractères d'adaptation à la vie ram- pante ? 2° Y a-t-1l des bourgeons différenciés spécialement en rameaux rampants, ou un même bourgeon peut-il, suivant les conditions de son développement, émettre soit un rameau dressé, soit un rameau rampant? 3° Y a-t-1l dans une même plante des rameaux adaptés plus ou moins profondément à la reptation ? 4° Quelle est la durée des rameaux rampants ? Les trois dernières questions relèvent de l'observation pure et simple, la première de la morphologie et de l’ana- tomie comparées. Il semble «& priori que pour déterminer les caractères adaptatifs, il suffise de comparer dans une même plante la tige rampante, en général stérile, à la tige dressée, en général florifère ; mais pour que cette comparaison soit valable 1l est nécessaire qu’elle porte sur des organes d'une équivalence morphologique absolue. Or trois cas peuvent se présenter : 1° L'organe dressé équivalent à l'organe rampant existe. 2° Cet organe existe, mais il a subi lui-même une adap- (4) Nanke, Vergl. anat. Unters. über Bau von Blüthen und vegetaliven Achsen dicotyler Holzpfanzen, 1886. (2) Klein, Inaug. Dissert., 1886. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 253 tation secondaire et par suite perdu en partie les caractères de la tige dressée. 3° Cet organe n'existe pas. Dans le premier cas, la comparaison est facile; je eiterai comme exemple les ZLamiuum Galeobdolon, Glechoma hederacea, Vinca major, Convolvulus sepium, etc. Comme exemple du second, je citerai le Fragaria vesca. Les entre- nœuds du stolon, ainsi que je le montrerai, sont équiva- lents aux entre-nœuds de la rosette qui forme la base de Ja tige florale; or ces derniers entre-nœuds ont subi eux- mêmes une adaptation secondaire aux fonctions de rhizome et d'organe de réserve. Comme exemple du troisième, je citerai le Trifolium repens ; les axes florifères situés à l’aisselle des feuilles ne sont nullement équivalents mor- phologiquement. aux rameaux rampants. D'autres plantes, comme les Potentilla reptans, Duchesnea indica, rentrent aussi dans ce dernier cas. Comment déterminer alors les caractères adaptatifs? Ce qui domine la morphologie, ce sont les deux grandes lois de l’unité de plan et de l'adaptation. Si nous considérons les rameaux rampants comme provenant d’une adaptation, c'est-à-dire comme étant le résultat de l’évolution de rameaux primitivement dressés, cette évolution aura intro- duit dans leur morphologie et leur anatomie, des modi- fications adaptatives, sans changer la constitution fonda- mentale de l'organe. Si nous comparons donc les divers organes d’une plante rampante, aux divers organes d'une plante dressée d'une espèce voisine, nous devrons trouver dans cette dernière un organe homologue à l'organe rampant de la précé- dente. Les différences qui existeront entre ces deux organes homologues, et qui ne pourront être sûrement pas attribuables à des différences d'espèce à espèce, seront par suite des caractères adaptatifs. En opérant ainsi nous ne risquons qu'une chose, c'est d'omettre quelque caractère adaptatif; mais nous aurons pour nous venir en aïde Îles 2560 A. MAIGE. cas où la comparaison sur la même plante est possible et où les caractères d'adaptation ne sont pas douteux. J'ai pu de cette manière résoudre les cas où la compa- raison directe sur la même plante était impossible. Les coupes ont été faites dans des parties suffisamment âgées pour que leurs éléments aient atteint leur structure définitive. J'ai réuni les plantes étudiées en trois groupes, chacun d'eux étant déterminé par un ensemble de caractères adaptatlifs. PREMIER GROUPE Lamium Galeobdolon. BIoLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — À la reprise de la végétation, se développent à la fois des tiges dressées flori- fères et des tiges dressées stériles ; elles proviennent toutes soit du redressement des stolons de l'année précé- dente ou du développement de leurs bourgeons latéraux, soit des chicots formés par les bases des anciennes tiges détruites (fig. 1, PI. V). La tige florifère présente à sa base quelques nœuds à bourgeons, puis viennent les nœuds floraux, dont le nombre peut aller jusqu'à 10, mais peut aussi descendre à 4, 3, 2. 1: dans ce cas, la tige dressée porte souvent à son som- met des nœuds stériles à bourgeons et se transforme presque toujours après floraison en tige rampante (FR, fig. 2, PI. V). Cette transformation est au contraire des plus rares lorsque le nombre des nœuds florifères est consi- dérable. Les fleurs sont disposées en glomérules à l’aisselle des bractées florales. Chaque glomérule peut comprendre jusqu’à 6 à 8 fleurs, mais ce nombre peut varier beaucoup par suite de l'avortement d'un nombre de fleurs plus ou moins grand; 1l tombe souvent à 4, 3, 2, 1, ou même à 0, toutes les fleurs avortant. | ONE NES et 6 SCIENCES NATURELLES HUITIÈME SÉRIE BOTANIQUE COMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. PH. VAN TIEGHEM TOME XL_— N°5 et 6. MASSON ET C*, -ÉDITEURS LIBRAIRES DE LACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAÏNT-GERMAIN 1900 Paris, 30 FR. — DÉPARTEMENTS ET ÉTRANGER, 32 FR. _ Ce cahier a été publié en avril 1900. Les Annales des Sciences naturelles paraissent par cahiers mensuels. HUITIÈME SÉRIE BOTANIQUE Publiée sous la direction de M. Pa. VAN TIEGHEM L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 400 pages, avec les planches et les figures dans ‘le texte correspondant aux mémoires. Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules ie l'internet d'une année. Les tomes I à XI sont ornplete ZOOLOGIE Publiée sous la direction de M. A. MILNE-EDwaARDS. L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 409 pages, : avec les planches correspondant aux mémoires. Ces volumes PRRNESERL en plusieurs fascicules dans l'intervalle d’une année. Les tomes I à IX sont complets. Prix de l'abonnement à 2 volumes :. Paris : 30 francs. — Départements et Union postale : 32 francs. ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES Dirigées, pour la partie géologique, par M. HésEerr, et pour la partie paléontologique, par M. A. MILNE-EDWwARDS. Tomes 1 à XXII (1879 à 1891). Chaque volume .......... 15 fr. Cette publication est désormais confondue avec celle des Annales des Sciences naturelles. | Prix des collections. PREMIÈRE SÉRIE (Zoologie et Botanique réunies), 30 vol. (are). DEUXIÈME SÉRIE (1834-1843). Chaque partie 20 vol. 9250 fr. TROISIÈME SÉRIE (1844-1853). Chaque partie 20 vol. 950 fr. QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. CINQUIÈME SÉRIE (1864-1874). Chaque partie 20 vol. 250 fr. SIXIÈME SÉRIE (1875 à 1884). Chaque partie 20 vol. 9250 fr. SEPTIÈME SÉRIE (1885 à 1894). Chaque partie 20 vol. 300 fr. GÉoroeré, 22. volumes, 42h ne ie SR OA RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 257 Cette réduction a lieu surtout dans les nœuds situés à la base ou au sommet de la tige florifère. D'autres fois il peut arriver que le nombre des nœuds végétatifs de la base devienne considérable, ce qui diminue par un autre procédé le nombre des nœuds fertiles. Ces divers rameaux à fécondité atténuée forment transition entre les rameaux florifères normaux et les rameaux dressés stériles. Ces derniers se développent, comme il a été dit, en même temps que les rameaux florifères ; au début, ils présentent et gardent pendant plusieurs mois l’aspect normal de rameaux dressés (SD, fig. 1, PI. V), ils ressemblent tout à fait aux rameaux dressés stériles que l’on trouve dans des espèces voisines, le Lamium album, par exemple ; puis, à un moment donné, on voit leur extrémité terminale s’in- fléchir, passer par une série de positions obliques (SO, fig. 2, PL V) et devenir finalement horizontale (SR, fig. 2, PI. V); en même temps la croissance intercalaire des entre- - nœuds voisins du sommet augmente considérablement, les feuilles qui recouvraient le bourgeon terminal s’écartent les unes des autres, et ce bourgeon prend un aspect parti- culier que l'on rencontre fréquemment chez les rameaux rampants et auquel je donnerai le nom de owrgeon dis- SOCté. Après avoir pris la position horizontale, la tige continue à croître et retombe à terre en formant arcade au-dessus du sol (1) Ses premiers nœuds ne présentent pas de racines adventives, mais celles-ci apparaissent aux suivants (SR, fig. 3, PI V). La tige ne garde d’ail- leurs pas longtemps cette position et ne tarde pas à se redresser de nouveau (SD, fig. 3, PI. V). Dans mes observations de 1899, Ia transformation en (4) Si l'extrémité de la tige vient à s’atrophier au début de la période rampante, elle est, en général, remplacée par les bourgeons situés sur la partie horizontale, les plus voisins du sommet de ia lige. Ces bourgeons se développent directement en rameaux horizontaux. ANN. SC. NAT. BOT. XI, 27 258 A. MAIGE. tige rampante s'est accomplie au milieu de mai, et dès le commencement de juillet, certains rameaux rampants se redressaient de nouveau. Il se forme ainsi une nouvelle période dressée, à laquelle peuvent prendre part des rameaux issus des chicots situés à la base des tiges, ou provenant du développement des bourgeons situés sur la partie rampante des rameaux pré- cédents. Les tiges dressées, qui se développent pendant cette seconde période, se transforment en général assez rapide- ment en tiges rampantes (SO, fig. 3, PI. V). Elles sont de deux sortes; les unes sont des tiges stériles, les autres des tiges florales, mais dont toutes les fleurs sans exception avortent à l’aisselle de leurs bractées. La tige florifère se détruit en général après la floraison ; mais, comme il à été dit plus haut, elle peut parfois conti- nuer à croître el se transformer en tige rampante. Cette transformation s’accomplit de la manière suivante : les entre-nœuds supérieurs s’allongent, les fleurs s'ils en possé- daient avortent et les bractées à l’aisselle desquelles elles se trouvaient reprennent plus ou moins les caractères de la feuille normale ; les entre-nœuds suivants portent des bourgeons et se comportent comme les entre-nœuds supé- rieurs d'une tige dressée stérile (fig. 4, PI. V). La même transformation peut se faire sur les rameaux latéraux flo- rifères de la tige dressée fertile, quand par exception ils se développent. Pendant l'hiver se détruisent, en général, la partie des rameaux rampants qui ne s’est pas enracinée, ainsi que celle qui forme arcade au-dessus du sol; j'ai trouvé cependant, au printemps, quelques-unes de ces arcades encore vivantes dont les bourgeons se développaient en rameaux dressés. Il ne persiste que les entre-nœuds enracinés et la base du stolon ou de la tige florale, dans laquelle se sont accu- mulées des réserves d’amidon:; cette base est formée d’un ou deux entre-nœuds très courts, les bourgeons qu'elle porte se développent en nouvelles branches, dont la base RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 299 subsistera de même l’année suivante et ainsi de suite, On peut ainsi trouver réunies entre elles les bases des tiges de sept années consécutives ; le tout forme un chicot, organe de réserve et de conservation de la plante (CH, fig. 1 et 2, PI. V). Quant aux entre-nœuds rampants qui réu- nissent les différents nœuds radicants, ils se détruisent, en général, dans le courant de l’année qui suit leur formation. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. Tige florifère. — La tige florifère comprend deux parties : 1° La base qui porte des bourgeons et constitue la par- he vésétative (BV; fig. 1, PI. V). 2° La hampe florale qui porte des fleurs et forme la par- tie florifere (HF, fig. 1, PL. V). La partie végétative présente à la base un ou deux entre-nœuds très courts, munis d'écailles, qui serviront à augmenter plus tard le chicot ; puis viennent deux ou trois entre-nœuds plus allongés portant des feuilles à pétiole dé- veloppé, non aplati, à limbe peu allongé, arrondi à la base, légèrement aigu au sommet ; la tige est quadrangulaire et porte des poils également répartis sur toutes ses faces. Sa structure est la suivante : L'écorce, formée de cellules arrondies, présente aux quatre angles un îlot de collenchyme. Le cylindre central renferme quatre grands faisceaux aux angles et quatre petits dans l'intervalle. Les formations secondaires bien développées font tout le tour de la tige. Le bois est formé de vaisseaux peu nombreux et d’un sclérenchyme abondant. La hampe florifère présente des caractères nettement distincts de la partie végétative, les entre-nœuds sont plus courts et presque glabres, leurs angles sont plus accen- tués ; leurs feuilles, munies de pétioles aplatis et courts, s'insèrent sur la tige par une large gaine à l’aisselle de la- quelle se trouvent les glomérules de fleurs ; le limbe de ces feuilles est rétréci et très allongé. Au point de vue anatomique, l'écorce est formée de cellules relativement 260 A. MAIGE. plus larges et moins nombreuses que dans la partie végé- tative, les quatre îlots de collenchyme situés aux angles sont moins développés. Le cylindre central reste à un état de faible différenciation; aux angles se trouvent quatre faisceaux dont le bois est formé de quelques rangées de vaisseaux plongés dans un parenchyme non lignifié. Dans l'intervalle de ces quatre faisceaux se trouvent des faisceaux plus petits. Le péricycle est générateur en des points isolés, mais il ne se forme pas d’assise génératrice continue autour de la tige. Tige stérile. — La tige stérile comprend deux parties : 1° La partie dressée. 2° La partie rampante. La tige stérile dressée présente tout à fait les carac- tères morphologiques et anatomiques de la partie végéta- tive de la tige florifère. La tige stérile rampante présente par rapport à la tige stérile dressée les différences suivantes : 1° Le bourgeon terminal est dissocié. 2° Les feuilles se redressent vers le haut par torsion des pétioles. 3° I se développe aux nœuds des racines adventives ; ces racines se développent en nombre variable et suivant les quatre angles un peu au-dessous de l'insertion des feuilles. 4 Le diamètre de la tige rampante est moindre que celui de la tige dressée ; on ne peut objecter là qu'il s'agisse d’une question d'âge, car le diamètre de la tige rampante est souvent moindre que celui de la tige dressée plus jeune qui provient du redressement de son extrémité. 5° Les entre-nœuds sont en moyenne plus allongés. Au point de vue anatomique la tige rampante ne pré- sente que peu de différence avec la tige dressée. L’écorce renferme le même nombre d'assises de cellules et garde la même épaisseur absolue,ce qui rend son épaisseur relative plus considérable. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 201 Le cylindre centralest identique, mais de plus faible diamètre. Tiges florifères intermédiaires. — IL existe deux types principaux de ces tiges : 1° Les tiges à nœuds fertiles peu nombreux qui après flo- raison se transforment en tiges rampantes(FR, fig. 2, PL. V). 2° Les tiges à fleurs avortées de la seconde période qui se transforment presque immédiatement en liges rampantes. Les tiges du premier groupe présentent une tendance vers l’état végétalif, elles conservent certains caractères de la tige florifère comme les angles saillants, l'absence de poils, mais les bractées florales présentent un retour très net vers l’état de feuilles ordinaires ; leur pétiole a une longueur intermédiaire, il est peu aplati, leur limbe une forme moins allongée. Si la tige ne présente qu'un petit nombre de nœuds florifères, deux ou trois par exemple, ses entre-nœuds, au lieu de rester courts, s’allongent comme ceux d’une tige dressée stérile au moment où elle se trans- forme en tige rampante ; la tige florifère ressemble alors tout à fait à une tige stérile rampante à l’aisselle de deux ou trois nœuds de laquelle se trouveraient des fleurs (FR, one PLV). Au point de vue anatomique, il y a également retour des caractères végétatifs ; si l’on fait une coupe dans la partie fertile d’une tige n'ayant que deux ou trois nœuds flori- fères, on peut constater que le cylindre central présente une assise génératrice continue et un bois bien développé et bien sclérifié. L'écorce, par la dimension et le nombre de ses cellules, rappelle encore cependant la tige florifère. ‘Les tiges à fleurs toutes avortées de la seconde période présentent aussi un retour à l’état végétalif ; leurs entre- nœuds sont complètement recouverts de poils comme ceux d’une tige stérile, leurs bractées fiorales présentent une forme intermédiaire entre la feuille normale et la bractée typique. Ces tiges se transforment de bonne heure en tiges 262 | A. MAIGE. rampantes et les racines adventives se développent aussi bien aux nœuds à fleurs avortées qu'aux autres. Au point de vue anatomique, le retour à l'état ue est complet. Résumé. — Les résultats les plus saillants de cette étude peuvent être énoncés ainsi : 1° L'évolution d'un rameau destiné à devenir rampant comprend trois phases : a. Une phase dressée. b. Une phase horizontale sans racines adventives. c. Une phase horizontale avec racines advenlives. 2° Les bourgeons stériles situés sur la base dressée ou sur les chicots passent par ces différentes phases ; ceux qui se trouvent sur la partie rampante se développent en rameaux rampants si leur développement à lieu pendant la période rampante, en rameaux dressés si leur développement a lieu pendant la période dressée qui vient ensuite. 3° Les caractères d’adaplalion à la reptation sont les suivants : a. Dissociation du bourgeon terminal. b. Amincissement de la tige et allongement des entre- nœuds. c. Développement de racines adventives aux nœuds. à Réduction du cylindre central. ° Entre la tige florifère et la tige stérile on trouve des “si à fécondité atténuée soit par avortement des fleurs, soit par diminution du nombre des nœuds florifères. Ces tiges se transforment plus tard en rameaux rampants. La transformation est d'autant plus précoce que la fécondité est moindre. Au point de vue morphologique et anato- mique, ces rameaux présentent un retour plus ou moins accentué des caractères végétatifs. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 263 Ajuga reptans. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — Au printemps, le bourgeon central de la rosette se développe en tige dres- sée florifère, les bourgeons latéraux en rameaux stériles ; ces derniers paraissent se développer en même temps que la tige florifère centrale, mais, en réalité, celle-ci avec toute sa grappe florale est depuis longtemps différen- ciée au sein de la rosette, quand les bourgeons latéraux commencent à se développer. Ces bourgeons ne se déve- loppent pas tous horizontalement, un certain nombre se développent d’abord en rameaux obliques qui gardent un certain temps cette position, puis se courbent à leur extrémité pour prendre la position horizontale. A ce stade les nœuds de la tige rampante ne portent pas de racines adventives, celles-ci apparaissent quand le stolon a atteint ses dimen- sions définitives; elles se montrent presque en même temps à tous les nœuds, mais le premier et souvent le second, à partir de la base, en sont dépourvus. L'extrémité terminale du stolon s’'épanouit en formant une nouvelle rosette qui émet à sa base des racines adventives, s’enraeine, et au printemps suivant se comporte comme il a été dit. Souvent le dernier et même l'avant-dernier entre-nœuds du stolon sont courts et forment ainsi transi- tion entre les entre-nœuds allongés du stolon et ceux de la rosette. Certains stolons peuvent même être réduits à ces entre-nœuds courts. Il peut enfin arriver que ces entre- nœuds eux-mêmes n'existent pas et que quelques-uns des bourgeons latéraux se développent directement en rosettes, qui restent rattachées à la base de la rosette mère et se comportent l’année suivante comme d'ordinaire. C'est là un mode de multiplication accidentel chez l’Ajuga replans, mais commun chez l’Ajuga genevensis. Les bourgeons latéraux du stolon peuvent se comporter comme le stolon lui-même, c’est-à-dire émettre un rameau 264 A. MAIGE. allongé terminé en rosette, ou un rameau formé d'un ou deux entre-nœuds courts, ou immédiatement une rosette. La tige florifère centrale porte à sa base un ou deux nœuds végétalifs pourvus de bourgeons, puis viennent les nœuds floraux dont l’ensemble forme une grappe compacte. Acci- dentellement, certains bourgeons latéraux de la rosette, au lieu d'émettre un rameau stérile, se développent en une Lige dressée, florifère, identique à la tige centrale, avec cette différence cependant, que la hampe florale présente en général un nombre moindre de nœuds florifères. Il peut même arriver que le nombre de ces nœuds florifères diminue considérablement et se réduise à 4,3,2,1, et la tige se termine alors par une partie végétative stérile. La réduction dans la fécondité de ces hampes à nœuds florifères peu nombreux est encore accentuée par ce fait que les glomérules sont formés d’un très petit nombre de fleurs et que souvent toutes les fleurs situées à l’aisselle d’une des deux bractées opposées avortent ou sont remplacées par un bourgeon sté- rile. Ces rameaux à fécondité atténuée se transforment après la floraison en rameaux rampants d'une manière analogue à celle qui a été indiquée pour le Lamium Galeobdolon,le bour- geon terminal se dissocie en même temps que la tige se courbe de plus en plus à son extrémité pour prendre Îa position horizontale. Cette transformation de la tige après floraison en tige rampante ne se produit pas dans les hampes florales à étages florifères nombreux. Je ne l'ai jamais rencontrée sur la tige florifère centrale, mais je dois mentionner ce fait qu'elle à été constatée une fois sur une tige centrale à étages floraux peu nombreux et considérée comme un cas tératologique (1). Je dois enfin mentionner que j'ai trouvé un pied d'Ayuga reptans, où la rosette centrale s'était développée en stolon. Ces rameaux à fécondité atténuée peuvent être considérés (4) Moquin-Tandon, Éléments de tératologie végétale (Paris, 1841). RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 209 comme formant transition entre la tige florifère centrale et le stolon stérile. Dans les lieux bien éclairés, certaines rosettes provenant des stolons du printemps peuvent fleurir dès l'automne ; dans les lieux fortement ombragés, au contraire, une rosette peut rester plusieurs années sans fleurir; chaque année, elle émet des stolons latéraux, et développe à son extrémité des entre-nœuds courts, qui s'ajoutent à ceux des années précé- dentes en formant une sorte de rhizome à la surface duquel on distingue les cicatrices des feuilles tombées. Les stolons se détruisent, en général, vers la fin de l’année de leur formation ou au commencement de l'année suivante. La rosette qui leur a donné naissance disparait en même temps, et les roseltes issues d’un même pied sont isolées les unes des autres; cependant, dans les endroits humides, la base de la tige florifère et les stolons qu’elle porte peuvent conserver leur vitalité jusqu'à la formation des stolons de l’année suivante, et comme la base de l’ancienne rosette conserve souvent avec elle le dernier entre-nœud du stolon qui lui à donné naissance, on à ainsi rattachés les uns aux autres les stolons de trois années consécutives. Dans d'autres cas, toujours dans les lieux humides, les sto- lons se détruisent après la floraison, à l'exception de leur base qui reste rattachée à la rosette-mère décapitée par la destruc- tion de sa hampe florale ; les bourgeons situés à l’aisselle des premiers nœuds des bases subsistantes de ces stolons se développent alors en rosettes qui, l’année suivante, donnent des hampes florales et des stolons ; on a ainsi un grand nombre de rosettes réunies à la rosette-mère par une série d'articles courts. L'ensemble forme une sorte de chicot analogue à ceux que l’on rencontre chez le Lamium Galeobdolon; mais, tandis que chez cette plante le chicot est la règle et dure plusieurs années, ici il est l’excep- tion et dure une seule année. 266 A. MAIGE. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. Tige florifère. — La tige florifère, latérale ou terminale, comprend deux parties : 1° La base végétative. 2° La hampe florale. La base végétative comprend en général deux entre- nœuds ; ces entre-nœuds sont glabres, ils ne présentent pas la forme carrée, mais une forme de carène, ils offrent deux grandes faces convexes et deux petites concaves; ces faces sont séparées par quatre angles peu accentués, rapprochés deux par deux, et correspondant aux angles de la tige des Labiées. Les feuilles que portent ces entre-nœuds ont une forme allongée rappelant celle des feuilles de la rosette. Une coupe transversale montre une écorce épaisse avec quatre îlots très peu développés de collenchyme aux angles: le cylindre central a une forme ovalaire, il possède quatre grands faisceaux très surbaissés correspondant aux angles et, dans l'intervalle, des faisceaux plus petits. L’assise géné- ratrice fait tout le tour de la tige, mais fonctionne peu. L'anneau ligneux est peu épais, le bois est formé de vais- seaux peu nombreux et de selérenchyme abondant. La hampe florale présente des caractères nettement différents de la base végétative : elle est carrée et forte- ment poilue sur deux faces, les feuilles qu'elle porte se réduisent et présentent une forme arrondie en devenant des bractées florales, leur limbe s’insère directement sur la tige, sans se rétrécir en une sorte de pétiole comme celles de la base végétative et de la rosette; au point de vue anato- mique, la hampe florale reste à un état de différenciation peu avancé, l'écorce possède aux angles quatre petits îlots de collenchyme, et comprend un nombre moindre d'as- sises de cellules que la base végétative, mais ces cellules ont des dimensions relatives plus grandes ; le cylindre cen- tral est carré, il présente aux angles quatre faisceaux plus développés, et dans l'intervalle de plus petits. Les faisceaux sont peu différenciés, ils comprennent quelques vaisseaux RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 267 séparés par du parenchyme non lignifié. I ne se forme pas d'assise génératrice continue, mais seulement de petits ilots libéro-ligneux par division du péricycle. Stolon. — Le stolon possède des entre-nœuds de même forme carénée que les entre-nœuds végétatifs de la base de la tige florale. Les feuilles présentent aussi la même forme, mais une torsion de leur base ramène leur limbe vers le haut. La tige est également dépourvue de poils. Si l'on compare le bourgeon terminal à celui qui termine une tige dressée intermédiaire à floraison atténuée, on constate que ce bourgeon est nettement dissocié; l'épaisseur du stolon est en moyenne plus mince que celle de la tige cen- trale ou des tiges latérales florifères, la longueur des entre- nœuds un peu plus grande. Les racines adventives naissent aux nœuds en traversant la gaine de la feuille; 1l y en a deux aux nœuds antérieurs ; le 1* et le 2° nœud en sont souvent dépourvus; aux dernier et avant-dernier nœuds elles sont au contraire plus développées et plus nombreuses ; il peut s'en envelopper quatre ou cinq. Au point de vue ana- tomique, la structure est la même que celle de la base végélative, avec cette différence que le diamètre total étant moindre et l'écorce gardant à peu près la même épaisseur, le cylindre central présente un diamètre plus petit; l’assise génératrice possède une activité plus grande, ce qui se conçoit facilement, si l’on considère que, dans la hampe flo- rale, le développement des fleurs et des graines absorbe une quantité considérable de matières nutritives, qui peuvent être utilisées dans le second cas pour le développement des tissus. Tiges florifères intermédiaires. — La base et le sommet de ces tiges présentent les caractères végétatifs morpholo- giques et anatomiques généraux du stolon. La partie flo- rifère intermédiaire présente les caractères de la tige florifère; cependant, elle est plus mince et possède des entre-nœuds souvent plus allongés. Au point de vue anato- mique, le tissu ligneux est plus différencié que celui d'une 268 A. MAIGE. tige florifère ordinaire et il y a tendance à la formation d’une assise génératrice continue autour de la tige. Ces caractères la rapprochent du stolon, c'est-à-dire de l’état végétatif. RÉsuMÉ. — Les principaux résultats d celte étude sont les suivants : 1° Un rameau rampant est un rameau qui garde les caractères végétatifs et présente quelques modifications adaptatives, à savoir : a. Dissociation du bourgeon terminal. Amincissement et allongement faibles des entre- nœuds. Développement de racines adventives aux nœuds. d. Réduction du diamètre du cylindre central. 2° L'évolution la plus complète d’un rameau rampant comprend trois phases : a. Une phase oblique. b. Une phase horizontale sans racines adventives. c. Une phase horizontale avec racines adventives. 3° Les différents bourgeons dela rosette sont équivalents en puissance au point de vue morphologique, c'est-à-dire peuvent donner soit une tige florifère, soit une tige à flo- raison atténuée, soit un stolon, soit une rosette stérile ; mais il y a une spécificité très accentuée, le bourgeon central donne toujours pour ainsi dire une hampe florale, les bour- geons latéraux des stolons stériles. 4° Entre la tige florifère et le stolon stérile, on trouve des rameaux à fécondité atténuée par an du nom- bre des étages floraux et avortement des fleurs ; ces ra- meaux se transforment plus tard en rameaux rampants. Au point de vue morphologique et anatomique, ils présentent un retour plus ou moins accusé vers l'état végétatif. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 269 Stachys silvatica. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — Au printemps se développent les rameaux dressés ; ces rameaux présentent à leur base plusieurs entre-nœuds végétatifs, etse terminent à leur partie supérieure par une hampeflorale (fig. 2, PI. VIT. Si quelques-uns se développent tardivement ils restent à l’état végétatif. Les bourgeons situés à l’aisselle des feuilles qui avoi- sinent la hampe florale donnent une hampe identique ; les autres se développent après la floraison en rameaux stériles qui se redressent verticalement (SD, fig. 2, PI VID. Les bourgeons situés tout à fait à la base de la tige dressée sur la partie enterrée se développentaprès la floraison enrameaux rampants souterrains pourvus d’écailles ; mais parfois ces rameaux s échappent du sol en donnant des rameaux ram- pants aériens munis de feuilles (1). Ces rameaux rampants (fig. 8, PI. V) portent aux nœuds des racines adventives ; au printemps leur extrémité se redresse pour donner les ra- meauxflorifères. Leurs bourgeons latéraux ne se développent pas en général à cette époque, mais si par hasard l'extré- mité du rameau rampant vient à se détruire, c’est le bour- geon latéral Le plus voisin de cette extrémité qui se développe au printemps en rameau dressé. Les rameaux rampants peu- ventégalement provenir du développement après la floraison de ces mêmes bourgeons situés sur l'ancienne tige rampante. Il en résulte que la différenciation de ces bourgeons est une question de temps. Quant aux bourgeons situés sur la tige dressée, nous avons vu qu'ils se développent en rameaux rampants s'ils sont sur la partie basilaire souterraine de cette tige, et en rameaux dressés s’ils sont sur sa partie aérienne. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. Tige dressée. — La tige dressée présente deux parties : (1) J'ai observé le même fait sur les rameaux rampants de Veronica Cha- mædrys. 270 A. MAIGE. 1° La base végétative. 2° La hampe florale. La partie végétative présente au début des feuilles ova- laires, arrondies au sommet ; à mesure que l’on se rappro- che de Ia hampe florale, la forme des feuilles varie, elles deviennent plus allongées, plus aiguës au sommet, et posse- dent des pétioles relativement plus courts. En même temps les angles de la tige deviennent plus accentués. Si la tige reste stérile, elle garde constamment les caractères végétatifs de la base. Tige rampante. — Les rameaux rampants présentent les caractères morphologiques généraux de la base végétative; mais la croissance intercalaire de leurs premiers entre- nœuds étant plus considérable, le bourgeon terminal, com- paré à celui d'une tige dressée stérile est nettement disso- cié (fig. 7 et 8, PI. V); les pétioles des feuilles se redressent verticalement, les nœuds portent des racines adventives ; celles-ci se développent suivant les angles de la tige au- dessous du point d'insertion des feuilles. Au point de vue anatomique, la structure est la même de part et d'autre. Veronica officinalis. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — Au printemps les rameaux rampants de l’année précédente se redressent et les bourgeons qu'ils portent à l’aisselle de leurs feuilles se développent en tiges dressées (FD, fig. 5, PL. V). Chacune de ces tiges porte d'abord plusieurs nœuds végétatifs, puis viennent un ou deux nœuds à l’aisselle desquels se différen- cient les axes floraux (HF, fig. 5, PI. V). Le nombre de ces axes est variable : j'ai trouvé des rameaux pourvus de quatre axes floraux, d'autres d’un seul, et enfin d'autres complètement stériles. Il arrive aussi assez fréquemment dans ces axes que la partie supérieure de la grappe florale avorte et même que toutela grappe avorte complètement au sein de la feuille qui la produit. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 271 Le stade dressé dure un certain temps, puis la tige s’in- cline peu à peu et prend la position horizontale en formant parfois une sorte d'arcade au-dessus du sol. Au début, cette tige ne présente aucune racine adventive, où quelques-unes seulement sur les entre-nœuds âgés, mais celles-ci ne tar- dent pas à se développer, et pendant toute la période ram- pante qui suit, elles apparais- sent d’une manière très pré- coce (Oh, fig..6, PI. V). L'année suivante, le même cycle recommence et la plante progresse ainsi d'année en année. Elle se détruit en gé- néral dans le courant de l’an- née qui suit sa formation. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. -— Si l'on compare la tige pendant la période rampante à la même tige pendant la période dressée, on peut constaler qu'elle pré- sente par rapport à la seconde un bourgeon légèrement dis- _ socié. Si l’on fait une coupe dans la Lige à sa période dressée ou à sa période rampante, on irouve une structure ana- logue à celle de la tige dressée d'espèces voisines non ram- pantes, comme les Veronica spicata, Teucrium, le cylindre _central présente une symétrie Fig. 1. — Veronica officinalis. Bois de la partie dressée d’une tige dont l’extré- mité est devenue rampante. — Br, bois qui s’est formé pendant la période dressée; Br, bois qui s’est formé pendant la période rampante; V, vais- seau ligneux; SC, sclérenchyme. bilatérale en rapport avec l'insertion des feuilles ; le bois est formé de vaisseaux peu nombreux et de selérenchyme abondant. 272 A. MAIGE. Si l’on fait une coupe dans une tige âgée dont l’extré- mité est transformée depuis quelque temps en tige rampante, on trouve superposé au bois qui s’est différencié pendantla période dressée un bois formé de vaisseaux larges et de sclé- renchyme réduit qui sest formé pendant la période rampante (fig. 1} Ün peut expliquer ainsi cette particu- larité anatomique intéressante. La partie dressée de la tige traverse, comme je l'ai dit plus haut, deux périodes : pendant la première, elle produit des fleurs et des graines comme la tige des autres Véroniques ; pendant la seconde, elle n'est plus qu’un organe conducteur entre la partie enracinée et l'extrémité rampante. Il n’y a rien d'étonnant qu’à ces deux rôles physiologiques différents corresponde la formation de tissus ligneux de constitution différente. Résumé. — Les rameaux rampants sont des rameaux végé- tatifs ordinaires qui présentent comme caractères adap- tatifs : 1° Un bourgeon dissocié. 2° Des racines adventives aux nœuds. Ces rameaux passent par trois phases : 1° Une phase dressée. 2° Une phase horizontale sans racines ou à racines peu développées. 3° Une phase horizontale à racines précoces bien déve- loppées. Ranunculus repens. B10LOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — La rosette centrale se termine en tige florifère, landis que les bourgeons laté- raux se développent en même temps en stolons stériles horizontaux, radicants, à entre-nœuds allongés et à bour- geon terminal fortement dissocié (fig. 1, PI. VI). Les bour- seons latéraux situés à chaque nœud du stolon, se dévelop- pent eux-mêmes en rameaux stoloniformes, ou donnent naissance à une nouvelle rosette qui s’enracine et reproduit RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 279 l’année suivante le même cycle de végétation. Parfois ces bourgeons commencent à donner un, deux, ou trois entre- nœuds courts formant rosette, puis s allongent ensuite en rameaux stoloniformes. La rosette centrale ne donne pas toujours une tige immé- diatement florifère ; il peut arriver, en effet, que la tige dres- sée, au lieu de porter à l’aisselle de son premier nœud un bourgeon floral, porte un bourgeon stoloniforme ou un bourgeon à rosette. Ce premier entre-nœud végétatif peut se coucher et pro- duire des racines adventives ; la tige présente alors, avant de se redresser pour devenir florifère, un entre-nœud rampant. Entre ces deux positions dressée et rampante on trouve des stades obliques intermédiaires. Le même phéno- mène peut se répéter sur cette nouvelle tige, et nous arri- vons au stade suivant, où la plante présente deux entre- nœuds rampants avant de donner une hampe florale, et ainsi de suite. On trouve ainsi des tiges présentant un nombre variable d’entre-nœuds végétatifs rampants précé- dant la floraison. Jen ai trouvé ayant jusqu'à six entre- nœuds. Les tiges florifères, qui proviennent de ce redresse- ment plus ou moins tardif du rameau rampant, sont de moins en moins fertiles à mesure que la plante pré- sente davantage de nœuds stériles précédant la floraison du rameau. Celles qui ne sont précédées que d'un seul entre-nœud végétalif, sont fréquemment aussi fécondes que la tige centrale; mais lorsque la plante présente un nombre assez grand, trois à six nœuds stériles, la tige dres- sée ne porte que deux ou une fleurs. Allons plus loin, et supposons que le rameau ne se redresse jamais pour fleurir, et nous aurons un stolon stérile. | Les rameaux stoloniformes, quise développent aux dépens des bourgeons qui précèdent la tige florifère, se com- portent comme celle-ci, c'est-à-dire peuvent fleurir après ANN. SC. NAT. BOT. XI, 18 274 A. MAIGE. un ou plusieurs entre-nœuds rampants, ou rester complète- ment stériles. Ces rameaux stoloniformes peuvent être, comme je l'ai dit, remplacés par une rosette de feuilles; cette rosette est en général stérile ; mais j'ai trouvé, rarement il est vrai, des cas où la rosette portait quelques feuilles, puis se termi- nait par une hampe florale. Cette substitution à une tige florifère, d’une rosette à fécondité retardée, est tout à fait analogue à celle que nous rencontrerons chez le Fraisier. Les bourgeons latéraux de la rosette, au lieu de donner des rameaux rampantis complètement stériles, donnent fréquem- ment des rameaux reproduisant l’un quelconque des stades précédents, depuis la tige immédiatement florifère jusqu au stolon complètement stérile (fig. 1, PI. VE). Il en résulte que le /tanunculus repens présente une grande variété dans sa fécondité. Les pieds les plus fertiles possè- dent, outre leur tige dressée centrale, deux ou trois bourgeons latéraux développés en tiges florifères identiques, les autres stolons étant à des stades intermédiaires ou complètement stériles. Les pieds les moins féconds, et ils ne sont pas rares, sont complètement stériles, la tige centrale et tous ses bourgeons latéraux s'étant développés en rameaux stériles. Entre ces deux stades extrêmes, on trouve naturellement toutes les transitions. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. — La tige dressée présente la morphologie générale de toutes les Renoncules;: elle possède des feuilles plus ou moins réduites à l’état de bractées florales. Les rameaux rampants présentent des entre-nœuds de la longueur moyenne de l’entre-nœud de base de la tige dressée ; leur épaisseur maximum est aussi à peu près celle de Ia base de cette tige; 1ls portent des feuilles qui gardent la forme végétative, des racines adven- lives qui naissent sur la base des bourgeons latéraux. Les deux premières traversent latéralement la gaine foliaire, elles subsistent seules si le bourgeon latéral se développe ‘en stolon; 1l s'en forme d’autres si ce bourgeon donne une RECHERCHES BIOLOGIQUES. SUR LES PLANTES RAMPANTES. 275 rosette. Au point de vue anatomique, les rameaux rampants présentent la structure végétative, c'est-à-dire celle de l’entre-nœud végétatif dressé qui se trouve parfois à la base de certaines tiges florifères (BVD, fig. 1, PL. VI). RÉSUMÉ. — En résumé : 1 Les rameaux rampants sont des rameaux végélatifs à floraison indéfiniment retardée, et qui présentent comme caractères adaptatifs : a. Dissociation accentuée du bourgeon terminal (1). _b. Présence de racines adventives aux nœuds. 2° Entre la tige dressée florifère et la tige rampante sté- rile, on trouve des rameaux rampants à fécondité atténuée par diminution du nombre des fleurs, et à floraison plus ou moins retardée. 3° Les bourgeons de la rosette possèdent tous la même puissance morphologique, c’est-à-dire peuvent tous donner soit une hampe florale, soit un rameau rampant à floraison retardée, soit un rameau rampant stérile; 11 y a cependant une certaine spécificité des bourgeons, le bourgeon central donnant plutôt une tige florifère, les latéraux des stolons stériles ou des rameaux rampants à fertilité retardée. Les plantes que nous venons d'étudier forment un pre- mier groupe que l’on peut caractériser par le peu d’accen- _tuation des caractères adaptatifs. Les rameaux rampants des plantes appartenant à ce groupe sont en somme des rameaux végétalifs qui, à part la dissociation du bourgeon terminal et la présence de racines adventives aux nœuds, diffèrent assez peu morphologiquement et anatomiquement des rameaux végétalifs ordinaires. Dans les deux groupes (4) Pour montrer rigoureusement que ce caractère est adaptatif, il serait nécessaire de comparer la tige rampante stérile à la tige dressée stérile. La comparaison est impossible, puisque cette dernière n’exisle ni dans le Ranunculus repens, ni dans les espèces voisines. J’admets cependant l’exis- tence de ce caractère chez le Hianunculus repens, en me fondant sur la généralité complète qu'il présente dans des cas où la comparaison est pos- sible, et sur la ressemblance entière qui existe entre le bourgeon terminal des rameaux rampants de Ranunculus repens et les bourgeons dissociés les plus typiques. 276 A. MAIGE. qu'il nous reste à étudier, les caractères adaptatifs seront au contraire beaucoup plus accentués. DEUXIÈME GROUPE Vinca major. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — Au printemps se développent les tiges dressées, florifères ou stériles ; ces tiges présentent un bourgeon normal {fig. 9, PI. V). Au bout d'un certain temps leur extrémité terminale s’infléchit obli- quement, puis horizontalement, en même temps que leur bourgeon terminal se dissocie. La tige croît ainsi un cer- tain temps sans présenter de racines adventives (fig 10, PI. V), celles-ci apparaissent seulement aux derniers nœuds (fig. 11, PL V). Si, pour un motif quelconque, l'extrémité de cette tige vient à s’atrophier, les bourgeons latéraux qu’elle porle se développent pour la remplacer. Sur la partie dressée, les bourgeons se développent en rameaux dressés, qui se transforment plus ou moins rapidement en rameaux rampants, de la même manière que la tige principale. Sur la partie rampante, les bourgeons se développent directe- ment en rameaux horizontaux. Sur la partie enracinée de la lige rampante se développent, l’année suivante, les nouvelles tiges dressées, par redressement de son extrémité terminale et de ses bourgeons latéraux. L’arcade formée au-dessus du sol disparaît dans le cours de l’année qui suit sa formation. Il peut arriver parfois que quelques-uns de ses bourgeons se développent au printemps en rameaux dressés. Il se forme également chez cette plante des chicots: les tiges dressées, qui naissent aux nœuds radicants, por- tent en effet à leur base un ou deux entre-nœuds très courts, qui s'enracinent et conservent leur vitalité après que la partie aérienne s'est détruite. Les bourgeons qu'ils por- tent peuvent alors se développer en nouveaux rameaux dont la base se comporte de même. L'ensemble de ces articles RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 277 d'âge différent constitue un chicot, centre radicant d’où partent chaque année de nouveaux rameaux. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. Tige dressée. — La tige dressée possède un bourgeon normal et des feuilles de grandes dimensions (fig. 9, PE. V). Elle présente quatre angles rapprochés deux par deux déterminant deux faces convexes et deux faces concaves. Au-dessous de lépiderme on trouve une écorce dont les angles sont remplis de quelques cellules collenchymateuses ; le cylindre central présente une symétrie bilatérale, les formations secondaires étant plus épaisses sur les faces concaves. Dans le péricycle sont disposés çà et là des paquets de fibres. Tige rampante. — La tige rampante (fig. 11, PL V) pré- sente un bourgeon dissocié, des feuilles de petites dimen- sions presque réduites à des écailles et de forme ovalaire. Les racines adventives qu'elle porte se développent à chaque nœud au-dessous de l'insertion de la feuille, elles sortent latéralement vers le haut et vers le bas. Les racines de la face supérieure restent en général rudimentaires. Le diamètre de la tige rampante est enfin plus grand que celui de la tige dressée. Au point de vue anatomique, l'écorce est relativement plus épaisse pour deux raisons : le diamètre relatif des cel- Jules est plus considérable et le nombre d'assises plus grand. Les angles disparaissent presque complètement ainsi que le collenchyme qu'ils renferment. Les cellules de l'écorce renferment peu de chlorophylle. Les fibres péricycliques sont moins nombreuses et moins épaisses. En un mot, la partie rampante présente vis-à-vis de la partie dressée des différences de rhizome. Résumé. — On peut résumer ainsi cette étude : 1° Les rameaux rampants sont des rameaux végétatifs dont l’extrémité se transforme en r#/:0me. Y 2° L'évolution d’un rameau destiné à devenir rampant comprend trois phases : 278 R À. MAIGE. a. Une phase dressée. X b. Une phase horizontale sans racines adventives. Une phase horizontale avec racines adventives. Les deux dernières phases sont accompagnées de la dissociation du bourgeon terminal. 3° Les bourgeons situés sur les rameaux dressés se déve- loppent toujours en rameaux dressés ou obliques ; ceux qui sont situés sur les rameaux rampants, se développent en rameaux rampants si le rameau qui les porte est au début d’une période rampante, et en rameaux dressés si ce rameau est au début d’une période dressée. es Vinca minor. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — À la reprise de la végétation se développent des rameaux dressés florifères ou stériles. Leur bourgeon terminal est un bourgeon normal. Au bout d'un certain temps il peut se produire deux faits différents : ou Ia croissance terminale s'arrête brusque- ment, il se forme encore deux entre-nœuds très courts et la tige se termine par une rosette de quatre feuilles; ou la tige continue à s’allonger et prend une position oblique, puis horizontale, en même temps que son bourgeon terminal se dissocie. La tige continue à se développer dans cette position horizontale sans porter au début de raeines adventives ; celles-ci se développent seulement aux derniers nœuds. Les tiges dressées, qui se forment au printemps, pro- viennent soit du redressement du bourgeon terminal et des bourgeons latéraux de la partie enracinée, soit du déve- loppement des bourgeons situés au milieu des rosettes pré- cédentes, soit du développement des bourgeons situés sur les chicots qui se forment à la base des tiges de la même manière que dans le Vinca major. Durant le cours de la végétation la tige emmagasine dans ses cellules des réserves considérables d’amidon ; c’est là RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 279 une première différence avec le Vinca major. Une deuxième différence réside dans ce fait, que les arcades de Vinca minor étant très peu élevées, la tige tout entière se trouve enfouie pendant l'automne sous l'humus; il se développe par suite des racines adventives même aux nœuds qui n’en portent pas d'ordinaire; la chlorophylle qu’elle renferme disparaît, et toute la tige se transforme en une sorte de rhizome qui dure plusieurs années. On trouve ainsi des tiges de quatre où cinq années consécutives réunies les unes aux autres, l’ensemble avant une longueur qui peut atteindre 2 mètres. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. Tige dressée. — Les rameaux dressés ont un bourgeon terminal normal ; ils portent des feuilles de grandes dimensions; au point de vue anatomique, leur constitution est la même que celle de Vinca major, avec cette différence que les cellules de l'écorce sont remplies de grains d'amidon. Tige rampante. — Les rameaux rampants présentent un bourgeon dissocié ; l'extrémité terminale porte des racines _adventives, et des feuilles réduites à de simples écailles. Les entre-nœuds diminuent progressivement, à partir du nœud qui porte des racines ; leur couleur est moins verte et leur épaisseur plus grande. Les racines adventives se dévelop- _pent sur la face inférieure de la tige, latéralement, en tra- versant la base de la feuille. Au point de vue anatomique, on trouve avec la tige dressée les mêmes différences que dans le Vinca major, avec cette différence supplémentaire que l’épiderme se subérifie de bonne heure et se cloisonne transversalement dans la tige rampante. Rubus cæsius. La biologie de cette plante est bien connue. Je voudrais insister cependant sur quelques points particuliers. Au début toutes les tiges stériles sont dressées, elles ressem- blent alors tout à fait aux tiges florales qui commencent 280 A. MAIGE. à se développer sur les rameaux de l’année précédente; leur bourgeon terminal est un bourgeon normal nullement dissocié. Puis la tige passe lentement par une série de positions obliques, et prend peu à peu la position horizon- tale en même temps que son bourgeon terminal se dissocie de plus en plus. Elle retombe alors vers le sol où elle enra- cine son extrémité qui se tubereulise et porte seule des racines adventives. Si l'extrémité terminale vient à être rompue ou à s'atrophier pendant la période où elle est rampante, les bourgeons latéraux se développent pour la remplacer, ceux qui sont situés sur la partie rampante se développent horizontalement, ceux qui sont situés sur la partie dressée passent auparavant par un stade dressé ou oblique analogue à ceux que traverse la tige principale. Il est à remarquer que ces mêmes bourgeons, s'ils se dé- veloppaient au printemps suivant, donneraient des ra- meaux florifères. Hieracium Pilosella. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — Au printemps le bourgeon central de la rosette se développe en tige flori- fère, les bourgeons latéraux en tiges stériles. Ces derniers rameaux se développent, soit horizontalement, soit en fai- sant un angle assez faible, de 20° au plus, avec l'horizon: à ce stade les nœuds de la tige rampante ne portent pas de racines adventives ; celles-ci apparaissent plus tard, quand le stolon à atteint sa dimension définitive ; elles se montrent alors à tous les nœuds, mais manquent en général aux premiers, tandis qu'elles sont très abondantes aux derniers. L’extrémité terminale du stolon se redresse et s’'épanouit en roselte. Cette rosette émet à sa base de nombreuses racines adventives, s’enracine, et l’année suivante se comporte comme il à été dit. Souvent le dernier et l’avant-dernier entre-nœuds du stolon sont plus courts, plus épais, for- RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 281 mant transition vers les entre-nœuds de la rosette. Certains stolons peuvent même être réduits à ces entre-nœuds courts. Il peut arriver enfin que certains bourgeons de la rosette se développent directement en rosettes qui restent alors rat- tachées par de courts entre-nœuds à la base de la rosette- mère, l'ensemble formant un petit chicot. _ Les bourgeons latéraux du stolon se comportent comme ceux de la rosette, ils peuvent émettre soit un rameau sto- loniforme allongé se terminant en rosette, soit un ou deux entre-nœuds courts terminés par une roselle, soit directe- ment une rosette. Nous avons rencontré des faits tout à fait semblables dans l'Ayuga reptans. La tige florifère centrale porte immédiatement le capitule floral sans présenter auparavant aucun nœud végétatif. J'ai trouvé des pieds chez lesquels, avant de se terminer ainsi, elle portait une ou deux feuilles, d’autres où elle présentait d'abord une partie couchée végétative, puis se redressait ensuite à l'extrémité pour former la hampe florale, et enfin, mais très rarement, des pieds où le bourgeon central de la rosette se prolongeait horizontalement en stolon stérile. Il y à ainsi toutes les transitions entre la tige florifère nor- male et le stolon stérile, et ce stolon n'est autre chose qu'un rameau qui conserve indéfiniment les caractères végétatifs. Les bourgeons latéraux peuvent se comporter absolu- ment de la même manière que la tige florifère centrale, c'est-à-dire donner soit une tige florifère, soit un rameau identique à toute la série des transitions qui viennent d'être énumérées (fig. 6, PI. VF. Dans les lieux bien éclairés, les rosetles issues des stolons du printemps fleurissent la même année, ce qui n'arrive pas dans les lieux ombragés. Il n’est pas rare non plus dans le premier cas que les rosettes-mères possèdent, outre la hampe florifère centrale, une ou deux hampes latérales ; dans le second, au contraire, la hampe florifère avorte souvent au sein de la rosette lerminale ou ne se développe pas. La rosette dans ce dernier cas passe l’année 282 A. MAIGE. à produire de nouvelles feuilles et des entre-nœuds courts dont l’ensemble forme un court rhizome. Les stolons se détruisent, en général, vers la fin de l’année de leur formation ou dans le commencement de l’année suivante. MOoRPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. Tige florifère. — La tige florifère, terminale ou latérale, présente les caractères suivants : au point de vue morpho- logique elle peut être caractérisée par ce fait qu'elle sup- porte directement le capitule sans présenter d’entre-nœuds végétatifs. Au point de vue anatomique, l’écorce est peu développée, et les faisceaux libéro-ligneux, coiffés d’une calotte de sclérenchyme, sont isolés par une gaine seléreuse qui va jusqu’à l’endoderme. Il en résulte que les formations secondaires, d’ailleurs peu épaisses, ne se produisent que vis-à-vis des faisceaux. Tige rampante. — La tige rampante présente des entre- nœuds peu allongés, les feuilles par une torsion de leur base sont tournées vers le haut, les racines adventives, dont les premiers nœuds sont ordinairement dépourvus, appa- raissent aux nœuds suivants, au-dessus de l'insertion de la feuille. Le bourgeon terminal, comparé à celui d’'Hieracium umbellalum, est légèrement dissocié (1). Aux entre-nœuds qui précèdent la rosette, les racines sont beaucoup plus abondantes et se développent en tous les points de l’entre- nœud. : La structure du stolon jeune diffère de celle de la tige florale en ce que l’écorce v est relativement plus épaisse. De plus, les faisceaux libéro-ligneux sont dépourvus de leur calotte de sclérenchyme, ils sont encore englobés dans un anneau scléreux, mais cet anneau respecte l’assise péricvy- clique ; cette assise devient plus tard génératrice, et dans (1) La tige dressée d’Hieracium umbellatum présente, avant de fleurir, une période végétative assez longue. C’est à ce stade que je la prends pour faire la comparaison. La même remarque s'applique aux Potentilla argentea, Trifolium pratense, qui servent plus loin de termes de comparaison. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 283 le stolon âgé les formations secondaires ont une grande épaisseur, mais la lignification est irrégulière et ne se fait que vis-à-vis des faisceaux primaires ; dans l’intervalle le bois reste à l’état de parenchyme non lignitié. Comparons les différentes parties d’Aieracium Pilosella à celles d’un Hieracium à üige dressée comme l’Hreracium umbellatum. La partie supérieure de la hampe florale d’AHieracium umbellatum présente les mêmes caractères de structure que la tige florale d’Aieracium Pilosella ; la partie végélative de la base présente les mêmes caractères que le stolon avec les différences suivantes : 1° Les faisceaux sont coiffés de sclérenchyme comme dans la hampe florale. 2° Le bois secondaire est lignifié dans l'intervalle des faisceaux. En un mot, le stolon d’Aieracium Prilosella pré- sente par rapport à la tige dressée végétative d'Hieractum umbellutum des différences de 7iz0me. Nous devons done considérer les stolons d’Æieracium Pilosella comme des tiges végétatives transformées en rhizomes. Cette transformation est d’ailleurs plus accusée pour les entre-nœuds qui précèdent [a rosette, qui possè- dent un nombre beaucoup plus grand de racines adventives, et souvent une écorce plus épaisse que Îles premiers entre- nœuds. Résumé. — Nous pouvons résumer ainsi les principaux résultats de cette étude : 1° Les rameaux rampants sont des rameaux végétatifs à bourgeon légèrement dissocié qui présentent les caractères adaptatifs d’un rhizome. 2° L'évolution d’un rameau rampant comprend trois stades : a. Un stade oblique. b. Un stade horizontal sans racines adventives. ce. Un stade horizontal avec racines adventives. Beaucoup de rameaux débutent au deuxième stade. 3° Les bourgeons latéraux et le bourgeon central de la 200 A. MAIGE. roselte sont équivalents morphologiquement, c’est-à-dire peuvent donner soit une rosette stérile, soit une tige florale, soit un stolon ; mais il y a une spécificité assez accentuée de ces différents bourgeons, le bourgeon central donnant normalement une hampe florale, les bourgeons latéraux donnant des stolons stériles. Potentilla Fragariastrum BiOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — La rosette de feuilles que l’on rencontre au printemps possède une crois- sance indéfinie; ses bourgeons latéraux se développent, Les uns en rameaux florifères, les autres en rameaux rampants Les premiers sont, en général, situés aux nœuds supé- rieurs de la rosette, les seconds aux nœuds inférieurs. Ces derniers portent à leurs deux ou trois premiers nœuds des tiges florifères identiques à celles de la rosette, et aux nœuds suivants des bourgeons. Entre la rosette et le stolon on trouve toutes les transitions. Il arrive, par exemple, que lestolon de l’année précédente donne une rosette possédant un petit nombre de feuilles et d'axes florifères, et continue ensuite à se développer en stolon. IL peut même arriver que le stade rosette disparaisse, et que le stolon de l’année précédente continue sa croissance directement, en donnant des tiges florifères à ses deux ou trois premiers nœuds. Le stolon ne porte pas au début de racines ‘adventives:; celles-e1 se développent plus tard aux nœuds. Il continue sa croissante pendant un certain temps et son extrémité se développe en général en rosette qui, l’année suivante, se com- porte comme il a été dit. Les bourgeons latéraux du stolon se développent rare- ment; quand ils le font ils peuvent donner soit une rosette, soit un stolon dont l'extrémité donnera une rosette. À l'automne, tous les stolons s’enfouissent sous l’humus, RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES, 285 prennent une coloration brune et ‘présentent une surface déchiquetée ; les racines adventives se développent aux nœuds et en des points variables de la tige, les nœuds où elles sont bien développées se renflent et se gonflent de réserves d’amidon ; ces renflements sont parfois tellement accentués qu'il se forme tout le long du rameau rampant un chapelet de tubercules. Parfois quelques-uns des bourgeons latéraux de la rosette ne se développent ni en stolons, ni en tiges florifères, mais en rosettes qui restent rattachées à la roselte-mère ou à sa base non détruite. I se forme ainsi des sortes de chicots. La durée des roseltes-mères est variable; certaines se détruisent à la fin de l’année de leur floraison, d’autres peuvent durer plusieurs années. Elles se comportent alors chaque année au printemps comme il à été dit. Le stolon se détruit en général à sa base l’année même de sa formation ; mais il en reste toujours une grande partie qui se conserve pendant l'année suivante. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. Tige florifère. — La tige florifère est mince et porte 2 ou 3 fleurs ; ses feuilles sont réduites à l'état de bractées florales. Au point de vue ana- tomique, elle présente une écorce assez épaisse formée de 7 à 8 assises de cellules. Les fais- ceaux libéro-ligneux coif- fés d’une calotte de sclé- . ’ Fig. 2. — Potentilla Fragariastrum. Coupe renchyme sont isolés par transversale schématique d’une tige flori- une caine fibreuse qui fère. — EC, écorce ; SC, sclérenchyme ; »4 . pe à LB, liber; B, bois ; M, moelle. s'étend jusquà l'endo- | derme; les cellules de l'écorce renferment de [a chloro- phylle et sont dépourvues d’amidon (fig. 2). Tige rampante. — La tige rampante est beaucoup plus 286 > A. MAIGE. épaisse, elle porte des feuilles bien développées et présente par rapport à la tige dressée de Potentilla argentea un bour- geon légèrement dissocié. L’écorce comprend 8 à 10 assises de cellules ; l’endo- derme est subérisé et, repoussé par le développement des formations secondaires, présente de nombreuses divisions radiales. Le bois et le liber forment un anneau continu autour de la tige. [Il n°v a pas de fibres péricyeliques. Le liège apparaît de bonne heure, il se forme aux dépens du péri- evele et se développe d’une manière plus précoce sur la face supérieure plus éclairée; toutes les cellules de l'écorce Fig. 3. — Potentilla Fragariastrum. Coupe transversale schématique d’une tige rampante. — EC, écorce; LG, liège; LB, liber: B, bois ; M, moelle. et du cylindre central sont bourrées de grains d’amidon et presque dépourvues de chlorophylle (fig. 3). _ La structure de la rosette ressemble tout à fait à celle de la tige rampante. Comparons la structure des différentes parties de cette plante, à celle des parties correspondantes d’une poten- bille à tige dressée, le Potentilla argentea par exemple. :’ Cette plante présente à la base une rosette de feuilles. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 287 munie de racines adventives, puis la tige porte un certain nombre de nœuds à feuilles bien développées, et se termine à la partie supérieure par une hampe florale, en cyme, dont les nœuds portent des feuilles plus où moins réduites en bractées. La tige s’amincit à mesure que l’on se rapproche du sommet. = Au point de vueanatomiqueil ya à distinguer trois parties: 1° La rosette de base (fig. 3, PL VI. - 2° La partie moyenne de la üge (fig. 3, PI. VE). 3° La partie supérieure de la tige (fig. 2, PL. VT). La base présente la structure suivante : lécorce est dépourvue de collenchyme, le péricycle dépourvu de fibres est de bonne heure générateur de liège ; les formations secondaires libéro-ligneuses font tout le tour de la tige, elles sont épaisses, mais une grande partie du bois reste non lignifiée, La partie moyenne présente les caractères suivants : NN FOR VÉ 4 il ES LR" Fig. 4 — Potentilla argentea. Coupe transversale schématique de la partie moyenne de la tige. — EC, écorce; SC, sclérenchyme; LB, liber; B, bois; M. moelle. (2) l'écorce présente 2 ou 3 assises collenchymateuses, le péricycle est lignifié et forme un anneau fibreux continu 288 A. MAIGE. autour de la tige. Le liber et le bois forment deux anneaux continus ; le bois est complètement lignifié, le liège ne se forme pas (fig. #). : La partie supérieure de la tige présente déjà, plusieurs entre-nœuds avant la fleur, la structure suivante : L'écorce présente 1 ou 2 assises collenchymateuses et un nombre moindre d'assises de cellules que dans la partie moyenne ; l'anneau de scléren- chyme péricyclique est très déve- loppé,les faisceaux libéro-ligneux sont englobés dans une gaine scléreuse qui va jusqu à lendo- derme (fig. 5). La base de la tige présente, par rapport à la partie moyenne, Fig. 5. — Potentilla argentea. des caractères de rhizome. mr que Si nous comparons Les diffé tige. — EC, écorce; SC, selé- rentes parties des deux poten- nn FE, Aer, 08, Do} piles nous voyons que lee deux roselles se correspondent, les rameaux florifères de Potentilla Fragariastrum eorres- pondent à la partie supérieure florifère de la tige de Poten- lilla argentca, enfin les stolons correspondent à la partie moyenne, mais ils présentent vis-à-vis de cette partie des différences de rhizome. RésumÉé.— Nous pouvons résumer ainsi l'étude précédente : 1° Les rameaux rampants sont des rameaux végélatifs, à bourgeon légèrement dissocié, adaptés en 7Aiz0me. 2° L'évolution d’un rameau comprend deux stades: a. Un stade horizontal sans racines ; b. Un stade horizontal avec racines. 3° Il y à toutes les transitions entre la forme rosette et la forme stolon. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 289 Lysimachia Nummularia. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. -— Au printemps les rameaux rampants, ainsi que les bourgeons qu'ils portent, se développent en rameaux dressés. Ces rameaux portent des feuilles opposées, disposées normalement sur la fige, aucune torsion des pétioles ne tend à les ramener dans un même plan. Leur bourgeon terminal n’est nullement disso- cié. La tige conserve cette position pendant un temps variable, mais qui va rarement Jusqu'à la floraison; elle prend ensuite une position oblique, qui s’accentue peu à peu, et se couche complètement sur le sol; les pétioles des feuilles se tordent et tournent leur limbe vers Le haut. Au début cette tige horizontale ne présente pas de racines adventives, mais bientôt celles-ci apparaissent, et pendant la période ram- pante qui suit, elles sont très précoces, et se développent dès le deuxième nœud. De nombreux rameaux, au lieu de passer par le stade dressé, débutent directement à un stade oblique. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. — La tige dressée et la tige rampante présentent dans leur morphologie peu de différences; la tige rampante présente un bourgeon dissocié, les racines adventives qu'elle porte se développent aux nœuds sur la face inférieure de la tige. Cette tige présente quatre angles,quidéterminent deux grandes faces convexes el deux petites faces concaves, symétrie en rapport avec la dis- position des feuilles. Si c'est une face convexe qui regarde le sol, les racines sortent en traversant symétriquement la base d’une seule feuille ; si c’est une face concave, elles naissent en traversant la base des deux feuilles insérées au nœud. Au point de vue anatomique la structure est la même de part et d'autre; elle est caractérisée par une écorce consi- dérable, dont les cellules sont bourrées d’amidon, entou- rant un cylindre central extrèmement réduit; par ces deux caractères la tige de Lysimachia Nummularia se rapproche ANN. SC. NAT. BOT. XI, 19 290 A. MAIGE. des rhizomes, car on ne les rencontre pas chez les Lysi- maques à tige dressée comme le Lysimacha vulgaris. Si la tige dans sa période dressée ne présente pas de caractères analtomi- ques différents de la tige dans sa période rampante, : 1l faut sans doute attribuer ce fait au peu d’accentuation du stade dressé. Fig. 6. — Lysimachia Nummularia. Coupe trans- Résumé. — En ré- versale schématique de la tige. — EC, écorce; na Ÿo, LB, liber : B, bois: M, moelle. SUMme : 1° La Uige rampante n’est autre chose qu'un rameau à bourgeon dissocié et présentant les caractères d'un rhizome. 2° L'évolution la plus complète d’un rameau rampant comprend trois phases : a. Une phase dressée. b. Une phase horizontale sans racines adventives. c. Une phase horizontale avec racines adventives. Par suite d’une abréviation de développement, de nom- breux rameaux débutent à un stade oblique. Triiolium repens. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — Chez cette plante le premier etle deuxième stade disparaissentcomplètement, la plante reste constamment au troisième, c'est-à-dire que ses rameaux rampent indéfiniment à la surface du sol, en portant à leur face inférieure des racines adventives. Chaque année le rameau rampant développe de nouveaux entre- nœuds, et émet latéralement des rameaux rampants et des tiges terminées par un capitule de fleurs. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. — La tige florifère ne RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 291! porte aucune feuille et se termine directement par le capi- tule floral. Elle possède une écorce peu épaisse formée de 4 assises de cellules et renfermant de nombreux grains de chloro- phylle ; les faisceaux du cylindre central sont coiffés de sclérenchyme et isolés par une gaine scléreuse. _ La tige rampante présente des feuilles disposées d’une manière distique sur les deux faces latérales de la tige. Le bourgeôdn terminal comparé à celui de 77/olèum pratense est légèrement dissocié. Il naît à chaque nœud une racine adventive qui se développe latéralement vers le bas en perçant la gaine de la feuille; parfois, il commence à sen développer une autre symétriquement sur la face supérieure, mais cette racine avorte toujours. L'écorce, assez épaisse, comprend 7 à 9 assises de cel- lules; le cylindre central possède un certain nombre de faisceaux disposés régulièrement autour de la tige; ces faisceaux sont coiffés de sclérenchyme. Les formations pe \D di AZ À (| (2 Z Es. Enr 4 Fig. 7. — Trifolium repens. Coupe transversale schématique de la tige rampante. EP, épiderme;, LG, liège; SC, sclérenchyme; Z, assise génératrice. secondaires font le tour de la tige, le liège sous-épider- mique se développe de bonne heure. 292 A. MAIGE. Cette plante est intéressante en ce qu’elle présente deux faces bien accusées. La face supérieure, dépourvue de racines, possède un liège plus précoce et plus développé, des forma- tions lbéro-ligneuses plus épaisses, une chlorophylle plus Fig. 8. — Trifolium repens. Développe- Fig. 9. — Trifolium repens. Développe- ment du liège à la face supérieure de ment du liège à la face inférieure de la tige rampante. — EP, épiderme ; la tige rampante. — EP, épiderme; LG, liège ; EC, écorce. LG, liège; EC, écorce. abondante, que la face inférieure. Ces caractères doivent être attribués à l’éclairement plus considérable de cette face (1). | Si l’on compare la tige florifère et la tige rampante de Trifolium repens aux différentes parties de la tige d’un trèfle dressé, le 7r1folium pratense par exemple, on recon- naît immédiatement que, morphologiquement et anatomi- quement, la tige florifère de Tri/olium repens correspond à la partie supérieure florifère de T71/olium pratense, la tige rampante correspond à la base végétative de cette tige avec laquelle elle présente les différences suivantes : 1° L’écorce de la tige rampante est beaucoup plus déve- loppée. 2° Eile est, ainsi que la moelle, bourrée d’amidon. 3° La sclérification du bois y est moins grande. Ce sont là les caractères qui différencient les rhizomes. En résumé, la tige rampante de 772/olium repens est une (1) Ces caractères se voient nettement sur les tiges rampantes que leurs racines adventives bien développées maintiennent fortement appliquées contre le sol. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 293 tige végétative adaptée en rhizome, qui reste constamment au stade horizontal à racines adventives. Convolvulus sepium. _ BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — À la reprise de la végétation se développent des rameaux grimpants; ces rameaux présentent à la base un nombre assez grand de nœuds végétatifs, et à la partie supérieure des nœuds flo- rifères, entre lesquels se trouvent souvent intercalés des nœuds à bourgeons. La longueur des entre-nœuds diminue à mesure que l’on se rapproche du sommet. Outre la tor- sion générale autour du support, ils présentent une torsion sur eux-mêmes très accentuée. Les rameaux rampants stériles apparaissent plus tard, leur bourgeon est dissocié comme celui de la tige grimpante. Ils se développent, soit d'abord obliquement, puis horizon- talement, soit directement horizontalement; ils proviennent des bourgeons inférieurs de la tige, ils ne sont pas volubiles, ne présentent aucune torsion sur eux-mêmes el ne s’en- roulent pas si on leur présente un support (fig. 12, PI V): la longueur de leurs entre-nœuds est celle des entre-nœuds inférieurs végétatifs de la tige grimpante. J'ai trouvé cependant dans la nature des rameaux ram- pants qui, après être restés couchés sur un espace d’un mètre, étaient devenus grimpants à leur extrémité. J'ai également rencontré, mais assez rarement, des rameaux qui, après avoir grimpé dans l'intervalle de quatre ou cinq entre- nœuds jusqu'à 50 centimètres environ au-dessus du sol, étaient retombés en devenant rampants. Ces faits montrent qu'entre les rameaux grimpants et les rameaux rampants 1l n'y à pas de différence fonda- mentale. J'ai trouvé d’ailleurs, entre ces deux sortes de rameaux, toutes les transitions, sous forme de rameaux rampants présentant un nombre variable (5, 4, 3, 2, 1), de nœuds 294 A. MAIGE. florifères, et dont les entre-nœuds correspondants pos- sédaient une légère torsion sur eux-mêmes comme Îles rameaux grimpants. Au début les rameaux rampants ne présentent pas de racines adventives (fig. 12, PI. V); celles-ci apparaissent aux derniers nœuds (fig. 13, PI. V); puis l'extrémité de la tige pénètre dans le sol et devient un rhizome. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. — Les rameaux dressés présentent à leur base plusieurs entre-nœuds végétatifs non tordus, puis viennent des entre-nœuds tordus, d’abord sté- riles, puis florifères ; la longueur des entre-nœuds ainsi que leur épaisseur diminue à mesure que l’on se rapproche du sommet. Les feuilles sont bien développées de la base au sommet. Les rameaux rampants présentent dans leur partie anté- rieure des feuilles semblables à celles de la tige dressée Mig. 12, PI. V); plus loin les feuilles se réduisent, de plus en plus, à de simples écailles (fig. 13, PI. V). En même temps la tige s'épaissit progressivement, et prend la couleur blanche des rhizomes; les racines adventives se développent déjà à des nœuds pourvus de feuilles bien développées, mais à ces nœuds elles restent rudimentaires, elles naissent au nombre de deux, symétriquement et latéralement, en traversant la base de la feuille. Au point de vue anatomique, la partie sans racines de la tige rampante présente la même structure que la base véaétatise de la tige; la partie aérienne épaissie de l’ex- trémité radicante présente avec une partie de même âge d'une lige rampante sans racines les différences suivantes : l'écorce dans l'extrémité épaissie est relativement plus épaisse, formée de cellules plus nombreuses et plus grandes bourrées de grains d'amidon, l’épiderme est subérifié et cloi- sonné transversalement,le bois est moins différencié et moins sclérifié (fig. 10 et 11). Ce sont là les mêmes différences de rlizome qui ont été signalées par M. Costantin entre la lige aérienne et la lige souterraine de cette même plante. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 295 Les bourgeons situés sur la tige rampante se dévelop- pent quelquefois en rameaux grimpants, mais dans la orande généralité des cas en rameaux rampants. Si ces bourgeons appartiennent à la partie antérieure sans racines de la tige, ils donnent en géné- ral des rameaux assez allongés dont la base présente des feuilles bien développées, et des nœuds dépourvus de racl- nes, comme dans le rameau principal ; si ces bourgeons appartiennent à la partie pos- térieure radicante, 1ls donnent Fig. 10. — Convolvulus sepium. Coupe Fig. 11. — Convolvulus sepium. Coupe transversale de l'extrémité épaissie transversale de Ja tige rampante radicante. — EP, épiderme ; EC, au début de son développement (stade écorce; ED, endoderme; LB, liber ; horizontal sans racines). — EP, épi- B, bois. derme ; EC, écorce : ED, endoderme ; LB, liber ; B, bois. en général des rameaux pourvus immédiatement de racines adventives, et se transformant rapidement en rhizomes. Résumé. — Nous pouvons résumer ainsi cette étude : 1° Les rameaux rampants peuvent être considérés comme des rameaux grimpants adaptés secondairement à la reptation (1), ces rameaux gardent les caractères végé- (4) J'ai rencontré sur le Lonicera Periclymenum qui possède également 296 A. MAIGE. talfs de la base de la tige et se transforment à leur extré- mité en 7hizomes. 2° L'évolution la plus complète d'un rameau destiné à devenir rampant, comprend trois stades : a. Un stade dressé grimpant. b. Un stade horizontal sans racines. c. Un stade horizontal avec racines. | Les plantes précédentes forment un second groupe que l'on peut caractériser par ce fait que les plantes qu'il ren- ferme ont des rameaux rampants transformés en rizomes an moins à leur extrémité. TROISIÈME GROUPE Glechoma hederacea. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — À la reprise de la végétation se développent les tiges dressées florifères (fig. 4, PI. VI); elles proviennent soit du redressement des stolons de l’année précédente, soit du développement de leurs bour- geons latéraux. Chaque stolon en se redressant donne un seul rameau florifère, mais 1l n’en est pas de même de ses bour- geons latéraux. À l’aisselle de chaque feuille du stolon se trouve en effet un bourgeon double ; le deuxième bourgeon est situé entre le bourgeon principal et la feuille et provient de sa ramification précoce; ces deux bourgeons peuvent dans certains cas se développer, de sorte que l’on a deux tiges florifères à l’aisselle d’une même feuille; mais la plupart du temps le bourgeon principal se développe seul en rameau dressé. Enfin le long d'un même stolon il peut arriver qu à cerlains nœuds aucun bourgeon ne se déve- loppe. La tige florifère présente à sa base quelques nœuds, deux ou trois en général, portant des bourgeons, puis des rameaux rampants, des stades de transition me conduisant à la même conclusion. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 297 viennent les nœuds floraux entre lesquels peuvent s’inter- caler des nœuds à bourgeons, et à la partie supérieure de nouveaux nœuds à bourgeons. Cette plante présente un grand polymorphisme dans sa fécondité ; le nombre des nœuds fertiles est en général de cinq à six, mais il peut varier de zéro à dix. J'ai rencontré, vivant à côté l’un de l’autre, à quelques centimètres de distance, dans des conditions de milieu identiques, des pieds de fécondité très différente, les uns ayant jusqu'à huit et neuf nœuds florifères, les autres n’en possédant qu'un ou deux, ou même absolument stériles. Il n'est pas rare non plus de rencontrer des rameaux ayant seulement deux ou trois nœuds fertiles, à fleurs com- plètement avortées. Chez certains pieds la fécondité peut être également atténuée par la diminution du nombre des fleurs situées à l’aisselle d’une feuille ; le nombre de ces fleurs est en général de trois à six, dans les cas les plus favorables, 1l peut atteindre huit ou neuf, mais fréquemment il peut des- cendre à une ou deux. Hermann Müller (1) à signalé chez le Glechoma hede- racea la présence de deux sortes de pieds : les uns ont des fleurs normales, les autres ont des fleurs à corolle petite et à élamines avortées. Jai trouvé dans chaque sorte de pieds, prise individuellement, les variations dans la fécon- dilé, que je viens de signaler plus haut d'une manière générale. Les différents pieds issus d’un même stolon possèdent en général une fécondité à peu près égale, et une seule espèce de fleurs. Quand [a plante continue à se propager au même endroit, les tiges florifères de l’année suivante conservent sensiblement les mêmes caractères de fécondité que les pieds qui leur ont donné naissance, de sorte que les diffé- rences de fécondité constatées entre deux individus voi- (4) Hermann Müller, Befruchtung der Blumen, 1873. 298 A. MAIGE. sins, de souche différente, se maintiennent d'une année à l’autre. Les rameaux rampants n'apparaissent que longtemps après les tiges dressées, vers le milieu ou la fin de la florai- son. Îls proviennent du développement des bourgeons situés tout à fait à la base des tiges dressées, ou de ceux des bourgeons situés sur le stolon de l’année précédente, qui ne se sont pas développés, à la reprise de la végétation, en tiges florifères (fig. 4, PI. VI). La nature du rameau émis par tous ces bourgeons dépend donc exclusivement de l’époque à laquelle ils se développent. Tous les stolons n'ont pas cette origine; ils peuvent encore, mais plus rarement, provenir de la transformation après floraisou de la tige dressée et de ses ramifications en tiges rampantes. Cette transformation se fait en passant par une série de positions obliques accompagnées de disso- ciation progressive du bourgeon terminal; si ce bourgeon renferme des fleurs, elles avortent en général. Les premiers nœuds de la tige devenue horizontale sont dépourvus de racines adventives, ou pourvus de racines avortées, et présentent des caractères intermédiaires entre la tige florifère et le stolon. Les caractères de ce dernier s’accen- tuent à mesure que l'on passe d'un entre-nœud au suivant, et bientôt la tige présente lous les caractères du stolon. Son extrémité retombe peu à peu sur le sol, s'enracine et continue à se développer comme une tige rampante ordi- naire. Cette transformation de la tige florifère en tige rampante s’accomplit surtout, et d’une manière plus précoce, chez les individus possédant des nœuds florifères peu nombreux. Dans la nature on la rencontre principalement dans les endroits ombragés où elle peut donner naissance à des aspects assez curieux. J'ai rencontré par exemple à plu- sieurs reprises, des pieds de Lierre terrestre qui s'étaient développés sous un arbuste, et chez lesquels l'extrémité de la Lige dressée, après s’être transformée en tige rampante, RECHERCHES BIOLOGIQUES. SUR LES PLANTES RAMPANTES,. 299 était retombée sur le sol, en restant soutenue par une des branches de l’arbuste à une hauteur qui pouvait atteindre parfois 50 centimètres. Les deux ou trois entre-nœuds de l'extrémité terminale avaient seuls atteint le sol et s'étaient enracinés. Pendant l'hiver la partie florifère de la tige se détruisit et il ne resta plus que la partie rampante soutenue presque en totalité au-dessus du sol. Au printemps, à l’aisselle de tous les nœuds se développèrent des rameaux dressés flori- fères, qui se trouvaient ainsi suspendus au-dessus du sol et nourris par les racines de la partie antérieure du stolon. Le parcours de la sève se faisait en sens inverse du sens primitif. Quelle que soit leur origine, les stolons continuent à se développer pendant l'été et l'automne en se ramifiant fré- quemment par développement des bourgeons situés à l’aisselle de leurs feuilles. Ces bourgeons se développent en rameaux immédiatement rampants. Quant aux bourgeons situés sur la tige dressée, soit dans l'intervalle des nœuds florifères, soit à la base immédia- tement au-dessous des nœuds florifères, soit sur la partie supérieure de la tige, ils se développent rarement ; dans ce cas, is émettent des rameaux dressés quand le développe- ment se produit de bonne heure, pendant la période dres- sée ; si le développement se produit pendant la période rampante, ils émettent soit des rameaux dressés qui se transforment ou non en rameaux rampants, soit des rameaux à développement abrégé, c'est-à-dire dressés ou obliques à (ransformation rapide en rameaux rampants, ou parfois même immédiatement rampants. Entre les rameaux dressés florifères et les rameaux ram- pants stériles on trouve une série de transitions. Ces rameaux intermédiaires ont une fécondité atténuée par diminution du nombre des nœuds florifères accompagnée généralement de diminution du nombre des fleurs à chaque nœud et d'avortement des fleurs. Ils présentent dès le 300 A. MAIGE. début de leur développement un bourgeon terminal plus ou moins dissocié ; les uns se développent presque verti- caux, d’autres sont plus ou moins inclinés sur lhorizon, d’autres enfin peuvent se développer immédiatement hori- zontalement. Ceux de ces rameaux qui se développent ver- ticalement ou obliquement conservent cette position un certain temps, puis se transforment en tiges rampantes comme une tige dressée ordinaire. | Je donne ici quelques exemples pour montrer l’atténua- tion de la fécondité de ces rameaux. Tige dressée normale. Tige oblique ou couchée. 7 nœuds florifères avec 7 à 9 fleurs 5 nœuds florifères, # ont 5 fleurs, développées à chaque nœud. le 5° a des fleurs avortées. 4 nœuds florifères avec 3 à 6 fleurs 2 nœuds florifères avec 2 fleurs à développées. à chaque nœud. chaque nœud. 6 nœuds florifères avec 6 fleurs à 2 nœuds florifères, l’un a des chaque nœud. fleurs avortées, l’autre 2 fleurs. 6 nœuds florifères, 4 à 6 fleurs à 4 nœuds florifères avec 2 à 3 fleurs chaque nœud (FD, fig. 4, PI. VE). à chaque nœud (FO, fig. 4, PL VI). 2 nœuds florifères avec 1 fleur à chaque nœud (FR, fig. 4, PI. VE. La tige dressée se détruit en général après la floraison, les stolons dans le courant de l’année suivante. J'ai trouvé cependant quelques stolons qui passaient encore toute l'année, et persistaient jusqu'au printemps suivant, en gar- dant avec eux la base de la tige dressée. Toutes ces parties avaient conservé leur vitalité, et les bourgeons non déve- loppés qu'elles portaient encore s'étaient développés en rameaux dressés. Pareil fait de conservation de la base de la tige se pro- duit rarement chez le Glechoma hederacea, mais c’est un fait constant, comme nous l'avons vu chez le L'nium Graleobdolon, par exemple, où il détermine la formation de chicots. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. Tige dressée. — Il y a à distinguer deux parties dans la tige dressée : la base végétative et la partie florifère. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 301 La base végétative (BV, fig. 4, PI. VI) présente des entre- nœuds courts, quadrangulaires, à angles à peine accentués, couverts de poils peu abondants et peu saillants; les nœuds portent un bouquet de poils peu nombreux et peu allongés et des feuilles présentant à la base deux lobes arrondis accentués. Au point de vue anatomique, l'écorce est assez épaisse, ses angles sont remplis par un collenchyme formé de cel- lules nombreuses et dont les piliers présentent des contre- forts épais. Le eylindre central est formé de quatre grands faisceaux situés aux angles et dans l'intervalle desquels on trouve quatre faisceaux plus petits. Le bois est formé de vaisseaux peu abondants et de fibres nombreuses et très épaisses (fig. 1, PI. VII), le péricycle est générateur de formations secondaires; celles-ei font tout le tour de la tige mais sont surtout développées aux angles ; la compression qu'elles exercent peut amener des eloison- nements radiaires de l’endoderme, ces cloisonnements étant plus abondants aux angles où Îa pression est plus forte. Les assises périphériques de la moelle sont sclérifiées. La partie florifère présente des entre-nœuds à angles bien accentués et couverts de poils nombreux; les nœuds portent un bouquet de poils abondants et allongés, des feuilles chez lesquelles les lobes de la base du limbe sont souvent peu accentués; la forme générale de la feuille est un peu plus allongée que dans la partie végétative, le diamètre maximum de la tige est plus grand. Au point de vue anatomique, la structure générale est la même que celle de la base végétative ; mais le collenchyme qui remplit les angles est formé de cellules moins épaissies, ne présentant pas les piliers accentués du collenchyme de la partie végétative; l'écorce possède une épaisseur absolue et relative moindre; le nombre d'assises de cellules v est moindre ainsi que leur diamètre relatif. Le cylindre central, de diamètre beaucoup plus grand, présente la même cons- 302 A. MAIGE. Utulion {ypique, mais le péricyele est complètement lignifié, de sorte que les formations secondaires se développent seu- lement vis-à-vis des faisceaux. Tige rampante. — La tige rampante (SR. fo, 49 PeONbL possède les caractères morphologiques et anatomiques géné- raux de la base végétative.Comme cette dernière, elle présente des angles à peine accentués, munis de poils peu nombreux ; les nœuds sont pourvus d’un bouquet de poils peu abondants, et les feuilles, quoique avant en général de plus grandes dimensions, présentent la même forme; mais cette tige présente avec la base végétative les différences morpholo- giques suivantes : les entre-nœuds sont plus allongés et de diamètre moindre; les nœuds portent des racines adventives au nombre de quatre, à développement très précoce, car elles apparaissent dès le premier nœud : les deux premières se développent sur les deux faces dépourvues de feuilles, les deux autres au-dessous de l’in- sertion des feuilles. La croissance intercalaire de premiers entre-nœuds de cette tige rampante est très forte et le bourgeon terminal est, par suite, très dissocié. Au point de vue anatomique, l'écorce présente la même épaisseur absolue et les cellules du parenchyme, qui la com- pose, présentent également à peu près les mêmes dimen- sions. Les cellules du collenchyme présentent la même forme que celles de la base végétative, c’est-à-dire ont des piliers très épais, mais elles sont plus petites. Souvent elles offrent comme nombre el épaisseur une différence sensible avec les cellules de la base végétative ; mais c'est là un caractère qui doit être attribué aux conditions de lumière dans lesquelles végète Ie rameau. Au soleil le collenchyme du rameau rampant est sensiblement aussi développé que celui de la base végétative de la tige. Le cylindre central présente la même constitution; il possède des formations secondaires faisant le tour de la tige, mais il est notoirement plus petit. De plus, le bois RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 303 (fig. 2, PI. VIH) est formé de vaisseaux larges et de sclé- renchyme peu épaissi. Quand les stolons se développent dans une ombre assez épaisse, comme il arrive d'ordinaire dans la nature, les feuilles sont portées par des pélioles très allongés; c’est là également un caractère d'adaptation actuelle qui n’existe pas quand la tige rampante se développe, ainsi que la tige dressée, en pleine lumière. Ce caractère a d’ailleurs une grande utilité pour la plante, car la tige restant fixée contre le sol, ses feuilles peuvent cependant atteindre la lumière et remplir leur fonction assimilatrice. Quand, après la floraison, la tige dressée se transforme en tige rampante, sa structure anatomique présente des varia- tions correspondantes: au bois qui se différencie pendant la période dressée se superpose le bois qui se forme pendant Fig. 12. — Glechoma hederacea. Coupe transversale de la partie florifère d’une tige dressée dont l’extrémité est devenue rampante. — CL, collenchyme ; EC, écorce ; ED, endoderme,; LB, liber; SC, sclérenchyme; Br, bois qui s’est formé pendant la période dressée ; Br, bois qui s’est formé pendant la période rampante ; M, moelle. la période rampante, et qui est formé de larges vaisseaux et de fibres peu épaisses (1) (fig. 3, PL VI). Dans la partie florifère de la tige ‘fig. 12), l'écorce est repoussée par le Crune ) (1) L'explication de cette particularité intéressante est la même que celle qui a été donnée pour le Veronica officinalis. 204 A. MAIGE. développement de ce bois secondaire, et 1l en résulte deux faits intéressants : 1° L'endoderme est distendu vis-à-vis des faisceaux. Fig. 13. — Glechoma hederacea. Coupe trans- versale dans la partie florifère d'une tige dressée dont l’extrémité est devenue ram- pante, montrant l’endoderme étiré et cloi- sonné. — ED, endoderme; EC, écorce; SC, sclérenchyme péricyclique. 2° Il est étiré dans leur intervalle entre l’assise de l'écorce qui le surmonte et le péricycle lignifié qui reste immobile. Dans le premier cas, il se produit des cloisonsradiales. Dans le deuxième, des cloisons tangentielles el quelques cloisons radiales (fig. 12 el 13). Tiges florifères intermé- aires. — Ces rameaux présentent dans leur mor- phologie et leur anatomie des caractères de transi- tion entre la tige florifère et le stolon. La longueur des entre-nœuds estinter- médiaire ainsi que l’as- pect du bourgeon termi- -nal {comparer FO et FR à FD et SR, fig. 4, PI. VI), etilen est de même des autres caractères morphologiques comme l'abondance des poils sur les angles et aux nœuds et l’ac- centuation des angles. À des nœuds même florifères peuvent apparaître des racines adventives, mais ces racines sont rudimentaires, parfois même à peine visibles et très peu nombreuses, une ou deux à chaque nœud. Je donne ci- joint un tableau où sont indiquées les longueurs des trois premiers entre-nœuds chez différents rameaux pris sur un même pied. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 930 1° Tige dressée 20 Tige oblique 3° Tige rampante 4° Tige rampante florifère. florifère. florifère. stérile. 3 millimètres. 5 millimètres. 5 millimètres. 9 millimètres. 6 — 21 — 23 — 52 — 18 — 20 — d8 — 102 — 6nœuds à fleurs, 4 nœuds à fleurs, 2 nœuds à fleurs, 0 nœud à fleurs, 0 racine. aux 3,4°,5e nœuds, | aux 2e, 3e, 4e, 5e, Ge, | 4 racines bien dé- 1 ou 2? racines à | nœuds, ? à 3 raci- | veloppées à chaque peine visibles. nes plus visibles. | nœud. Au point de vue anatomique, les rameaux précédents présentent également des caractères intermédiaires; le collenchyme des angles est formé de cellules petites et épaisses semblables à celles de la tige rampante; l'écorce possède une épaisseur qui varie entre celle de la tige florifère et de la tige rampante ; le cylindre central présente aussi des dimensions intermédiaires ; le bois des faisceaux a la constitution de celui du stolon, mais le périeyele est, en général, sclérifié comme dans la tige florifère. Résumé. — Nous pouvons résumer ainsi les résultats de cette étude. 1° Les rameaux rampants sont des rameaux qui ont gardé les caractères végétatifs généraux de la base de la tige et qui possèdent en outre un certain nombre de caractères adap- talifs, à savoir : a. Bourgeon terminal dissocié. bd. Allongement très accentué et amincissement des entre- nœuds. c. Développement de racines adventives aux nœuds. d. Réduction du cylindre central. e. Augmentation du diamètre des vaisseaux, réduction du sclérenchyme des faisceaux. 2° L'évolution la plus complète d’un rameau rampant comprend trois stades : a. Un stade dressé florifère. b. Un stade horizontal sans racines adventives ou à racines peu développées. û c. Un stade horizontal avec racines adventives bien développées. ANN. SC. NAT. BOT. xI, 20 306 A. MAIGE. 3° Beaucoup de rameaux restent au stade dressé et ne se transforment pas en rameaux rampants. Cette transforma- tion est, en général, d'autant plus facile et plus précoce, que la tige présente une fécondité moindre. 4° Entre la tige dressée florifère et la tige rampante stérile on trouve comme transition des Liges obliques ou horizon- tales, à caractères morphologiques et anatomiques intermé- diaires, et à fécondité atténuée par diminution du nombre des nœuds florifères, du nombre des fleurs situées à chaque nœud, et avortement des fleurs. 5° Les bourgeons situés sur la tige dressée, se développent en tiges dressées, si le développement se produit au début de la végétation ; si le développement se produit vers la fin de la floraison, ces tiges se transforment plus ou moins rapidement en rameaux rampants. Certains bourgeons pré- sentent un développement abrégé et débutent directement à un stade oblique ou même à un stade horizontal avec ou sans racines. 6° Les bourgeons situés sur le rameau rampant, se déve- loppent en rameaux dressés, si le développement se produit au début de la végétation, en rameaux obliques à fécondité atténuée ou en rameaux rampants, si le développement se produit au milieu ou à la fin de la floraison. Potentilla reptans. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — À l’aisselle des feuilles de la rosette se développent au printemps des rameaux. Ces rameaux sont au début dressés et dans cette position ne portent aucune racine adventive; puis ils deviennent peu à peu obliques et horizontaux. Les racines adventives commencent à apparaître aux nœuds dès la position oblique, mais elles sont encore peu développées, et il en est de même au début lorsque la tige atteintla position horizontale. La tige continue à se développer dans cette position, en portant des racines adventives, quise développent RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES,. 307 rapidement et s’enracinent fortement à chaque nœud, où se développe une rosette, qui l’année suivante reproduit le même cycle de végétation. _ Les premiers nœuds de ces rameaux sont stériles et por- tent des bourgeons, puis viennent les nœuds à fleurs qui occupent tout le reste de la tige ; les premiers de ces nœuds portent seuls des fleurs bien développées, les suivants por- tent des fleurs plus ou moins avortées (fig. 5, PI. VI); dans le cas extrême elles sont réduites à un petit pédicelle d'une longueur de ! millimètre. Entre ce cas et celui des fleurs bien: développées, on trouve, comme transition, des fleurs à pédicelle un peu plus allongé et terminé par le bourgeon floral avorté. L'avortement des fleurs se produit plus ou moins tôt sur la tige rampante ; il en résulte que cette tige possède une fécondité très variable. J'ai trouvé des rameaux rampants ayant sept à huit fleurs bien développées, d’autres ayant toutes les fleurs avortées. Les stolons se détruisent vers la fin de l’année ou au com- mencement du printemps suivant en laissant libres les rosettes qu'ils portent. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. — Les premiers nœuds _végélalifs sont munis de feuilles à cinq lobes bien développés, identiques aux feuilles de la rosette; les nœuds florifères portent des feuilles réduites en bractées, formées de trois petits lobes qui embrassent la tige. Le dernier nœud végé- tatif et le premier nœud florifère sont séparés par un court entre-nœud. Le premier nœud florifère porte une seule bractée. Aux nœuds florifères suivants le rameau, avant de se terminer par une hampe florale, porte deux bractées. A l’ais- selle de l’une se trouve un bourgeon stoloniforme qui pro- longe la tige et à l’aisselle de l’autre une rosette. Les racines adventives se développent exclusivement sur la base de cette rosette ; les deux premières apparaissent symétriquement én perçant lagaine de la feuille, les autres sans aucun ordre. 308 A. MAIGE. Les deux ou trois premiers nœuds végétatifs en sont fréquem- ment dépourvus. Le premier nœud floral qui ne possède pas de rosette ne présente pas non plus de racines adventives. Comparons cette tige rampante à la partie supérieure de la tige florifère dressée de Potentilla argentea (fig. 2, PI. VI). Cette tige présente une inflorescence en cyme bipare. Imaginons que nous remplacions à chaque étage florifère de la cyme un des deux rameaux florifères latéraux par une rosette stérile radicante. Nous aurons identiquement Ja partie rampante florifère de Potentilla reptans. Quant aux nœuds végétalifs ainsi qu'au premier nœud florifère, ils se correspondent de part et d'autre, avec celte différence que ces nœuds portent dans le Potentilla argentea des tiges flo- rales et chez le Potentilla reptans des rosettes stériles. Il ya jusqu'aux moindres détails que l’on peut comparer d'une tige à l’autre. Ainsi le premier nœud florifère de Potentil'a reptans est séparé du dernier nœud végétauf par un court entre-nœud. Le même fait se rencontre identi- quement chez le Polentilla argentea. Nous pouvons donc considérer la tige rampante de Potentilla reptans comme étant une tige florifère à inflores- cence en cyme bipare, dans laquelle 1l y a, à chaque nœud, substitution d'un bourgeon stérile à rosette à un bourgeon floral. L’étude anatomique vient confirmer cette manière de voir. Si l’on fait une coupe, soit dans la partie végétative de la base, soit dans la partie florifère, on trouve, au-dessous d'une écorce assez épaisse, dépourvue de collenchyme, un périeycle sclérifié, contre lequel viennent s'appuyer les rayons médullaires lignifiés qui séparent les faisceaux les uns des autres. Or celte structure est exac- tement celle que nous avons trouvée dans la partie supé- rieure florifère de la tige dressée de Potentilla argentea (fig. 5, p. 288); Pour déterminer les caractères adaptatifs de cette tige rampante, nous la comparerons à la partie correspondante RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 309 de Potentilla argentea. Nous observons alors les différences suivantes: les entre-nœuds de Potentilla r'eptans sont allongés et de faible diamètre, relativement à leur longueur ; l'écorce de Potentilla reptans est plus épaisse, dépourvue de collenchyme, les vais- seaux sont beaucoup plus larges (fig. 14 et 15), l’an- neau de sclérenchyme péricyclique est d'une épaisseur parfois moindre. Quels sont les carac- Fig. 14. — Poltentilla reptans. Bois de la Fig. 15. — Potentilla argentea. tige rampante: V, vaisseau ligneux; SC, Bois de la partie supérieure flo- sclérenchyme. rifère de la tige: V, vaisseau ligneux ; SC, sclérenchyme. ières que nous devons considérer comme adaptatifs ? Les caractères communs avec le Glechoma hederacea sont les suivants : 1° Entre-nœuds allongés et de faible diamètre (1). 2° Réduction du cylindre central corrélative du faible dia- mètre de la tige (2). 3° Augmentation du diamètre des vaisseaux (3). (1) La croissance intercalaire des premiers entre-nœuds est très rapide, de sorte que l'extrémité terminale a l’aspect d’un bourgeon très dissocié. Cet aspect n'existe pas quand le rameau est au stade dressé. (2) Ce caractère découle du premier par comparaison avec ce qui se passe chez les Lamium Galeobdolon, Glechoma hederacea. (3) Il est à remarquer que : 1° les vaisseaux des tiges florifères des diverses Potentilles dressées (Potentilla argentea, nepalensis, Fragarias- trum, verna, etc.), ont un diamètre peu différent ; 2° les vaisseaux 310 A. MAIGE. Nous retrouvons ces trois caractères si nous comparons à la partie supérieure florifère de Potentilla argentea les tiges rampantes des Potentilla Anserina, Duchesnea indica, qui présentent la même constitution morphologique que celle de Potentilla reptans, et de même, si nous comparons à la partie movenne de la tige de Potentilla argentea, la tige rampante de Fragaria vesca qui, comme nous le verrons, lui est équivalente morphologiquement (fig. 4 et 5, PI. VII. Nous pouvons donc les considérer comme étant des caractères adaptatifs d’une manière sûre. Quant aux autres caractères fondés sur le collenchyme, l'anneau fibreux péricyclique, l'épaisseur de l'écorce, ils ne se retrouvent pas dans toutes les plantes précédentes pas plus que dans le Glechoma hede- racea.Ce sont d’ailleurs des caractères qui varient facilement d'une espèce dressée à une autre espèce dressée el à ce point de vue la tige florifère de Potentilla Fragariastrum présente avec la tige florifère de Potentilla argentea des différences considérables (fig. 2, p. 285 et fig. 5, p. 28). Nous écarterons donc ces derniers caractères. Résumé. — La tige rampante de Potentilla reptans n’est autre chose qu'une tige florifère à inflorescence en cyme bipare, qui présente les caractères adaptatifs suivants : 1° Substitution à chaque nœud d’une rosette stérile à base radicante à un rameau florifère. 2° Avortement des fleurs. 3° Allongement des entre-nœuds et diminution du dia- mètre de la tige. 4° Réduction du diamètre du cylindre central. 5° Augmentation du diamètre des vaisseaux. La tige rampante passe par trois stades : 1° Un stade dressé sans racines. des tiges florifèeres des diverses Potentilles rampantes (Polentilla reptans, Anserina) ou des genres voisins (Duchesnea indica), ont un diamètre peu différent ; 3° il y a une différence considérable entre le diamètre des vaisseaux de ces deux groupes de plantes. Il s'agit donc bien ici d’un carac- tère tenant au mode de vie et non à l'espèce étudiée. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES,. 311 2° Un stade horizontal à racines peu développées. 3° Un stade horizontal à racines bien développées. Potentilla Anserina. La biologie el la morphologie générale de cette plante sont les mêmes que celles de Potentilla reptans, avec cette différence que cette plante s'adapte d’une manière plus pré- coce à la vie rampante. La tige rampante issue d'un bourgeon latéral de la rosette se développe immédiatement horizontalement et porte un ou deux nœuds végétatifs munis de feuilles identiques à celles de la rosette ; le nœud suivant est florifère, séparé du précédent par un très court entre-nœud et muni d’une feuille déjà réduite ; les autres nœuds présentent la même constitution que les nœuds de la evme de Potentilla reptans et portent des bractées florales et des fleurs normales ou avortées. Les racines adventives se développent sur les rosettes, elles ne se montrent pas ou peu aux premiers nœuds végétalifs. Les entre-nœuds sont encore plus allongés et plus amineis, relativement à leur longueur, les vaisseaux encore plus larges que dans le Potentilla replans. En résumé, cette plante présente une adaptation encore plus précoce, elle débute directement au stade horizontal sans racines et les caractères adaptatifs v sont plus accen- tués que dans la précédente. Duchesnea indica. Celte plante passe par les mêmes stades et présente les mêmes caractères morphologiques et anatomiques d'adapta- tion que le Potentilla reptans. J'ai tenu à la signaler parce que cette espèce, qui a été rangée longtemps dans le genre #ragaria, présente un mode d'adaptation tout différent de celui que l’on ren- 312 A. MAIGE. contre d'ordinaire chez les Fraisiers et que nous allons étudier. Fragaria vesca. BIOLOGIE ET MORPHOLOGIE GÉNÉRALE. — La tige du Fraisier est formée d'une rosette de feuilles dont l'extrémité se termine par une hampe florale ; le bourgeon situé à l’aisselle de la dernière feuille de la rosette se développe ensuite et donne un rameau qui porte à sa base deux entre-nœuds identiques à ceux de la rosette et se termine ensuite par une hampe florale ; le bourgeon situé sur ce rameau à laisselle du deuxième nœud à partir de la base se comporte de même, et ainsi de suite. Il peut ainsi se produire plusieurs hampes florales au moment de la floraison; c’est ce qui arrive en particulier quand le Fraisier se trouve dans des conditions favorables, en plein soleil par exemple; à l'ombre il ne se produit en général qu'une seule hampe florale et encore souvent très pauvre en fleurs, n'ayant même parfois qu'une seule fleur. Il arrive même assez fréquemment que la rosette dans ces conditions reste complètement stérile. | L'ensemble des différentes tiges florales, qui se déve- loppent dans la même année, forme ainsi un sympode dont chaque article est constilué par deux entre-nœuds courts. Les stolons ont un bourgeon terminal très dissocié par rapport à celui de Potenhilla argentea (1). Us naissent aux dépens des bourgeons latéraux de la rosette de base ou des bourgeons inférieurs des articles du sympode floral. Ils présentent également Ia forme d'un sympode dont chaque article est formé de deux entre-nœuds, mais chacun de ces articles, au lieu de se Lerminer par une hampe florale, se termine par une rosette stérile munie à sa base de racines adventives, el possède une grande longueur. (1) Nous verrons, en effet, plus loin, que la comparaison directe sur le Fraisier est impossible. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 313 Le stolon présente donc la même constitution sympo- dique typique que la tige dressée, et nous sommes conduits à homologuer les deux entre-nœuds de chaque article du stolon aux deux entre-nœuds de chaque article du sympode florifère. Cette homologie devient certaine par suite de ce fait que j'ai trouvé, très rarement 1l est vrai, des stolons dont l'extrémité, au lieu de porter une rosette, se termine par une hampe florale. Nous pouvons alors considérer le rameau rampant comme un sympode florifère à longs entre-nœuds dans lequel cha- que hampe florifère serait remplacée par une rosette sté- rile. Des formes transitoires montrent comment s’est faite cette substitution. J’ai trouvé, en effet, des stolons dans lesquels les articles du sympode se terminaient par une rosette qui portait une, deux, trois feuilles, puis se prolon- geait par une hampe florale. Supposons que la floraison de Fig. 16. — Fragaria vesca. Figure monirant la constitution morphologique du stolon ; le premier article du sympode se redresse en tige florifère, le deuxième et le troisième en tiges florifères présentant à la base une rosette formée d’un ou deux entre-nœuds, le quatrième en rosette stérile (figure légèrement sché- matique, les divers stades ont été réunis sur un même stolon, et les entre-nœuds du stolon ont été très raccourcis). ceite rosette soit retardée encore davantage, et nous aurons la rosette stérile normale (fig. 16). Nous sommes ainsi conduits à regarder les stolons de _fragaria vesca comme étant des tiges florifères, dont les deux entre-nœuds végétatifs basilaires sont très longs, et dont la fécondité est atténuée par substitution aux hampes florales de rosettes à floraison retardée. Il est d’ailleurs à remarquer que l’on trouve parfois sur 314 A. MAIGE. les hampes florifères elles-mêmes des exemples analogues de substitution à des rameaux normalement florifères de rosettes à fécondité plus ou moins retardée. J'ai trouvé des pieds de Fraisier où la première feuille de la hampe flori- fère, au lieu de porter à son aisselle un rameau floral, Fig. 17. — Fragaria vesca. Tige florifère dans laquelle le rameau floral du premier nœud est remplacé par une rosette radicante fertile. portait une rosette, munie à sa base de racines adven- tives, et formée d’un nombre variable de feuilles (fig. 17). Cette rosette peut rester stérile, mais, en général, se ter- mine par une hampe florale, laquelle, à son tour, peut se comporter de même à son premier nœud florifère. Les stolons se détruisent vers la fin de l’année même de leur formation en laissant libres les rosettes qu'ils por- RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 319 tent et qui se comportent l’année suivante comme il à été dit plus haut. MORPHOLOGIE EXTERNE ET INTERNE. Tige dressée. — Comparons la tige dressée du Fraisier à celle d’une plante voisine dressée, le Potentilla argentea par exemple. La roselte de base du Fraisier correspond par sa morphologie et son anatomie à la roselte de base de cette dernière plante. La hampe florale, par ses feuilles réduites en bractées et par son cylindre central formé de faisceaux isolés, par une gaine de sclérenchyme, corres- pond à la partie supérieure florifère de Potentilla argentea. Les entre-nœuds du sympode possèdent la morphologie et Ia structure de la rosette. Nous ne trouvons donc aucun organe homologue à la partie moyenne de Polentilla argentea, nous devons, par conséquent, admettre que toute cette partie moyenne rentre dans la rosette basilaire, c’est-à-dire qu’elle s’est adaptée elle-même à la fonction de rhizome et d’organe de ré- Seive 1). Tige rampante. — Les deux entre-nœuds allongés de chaque . article du sympode présentent exacte- ment la structure tv- pique de la partie moyenne végétalive de Potentilla argen- ) 1 | à] = ? lea,c est-à-dire qu au- Fig. 18. — Fragaria vesca. Section transversale dessous de l'écorce se du stolon; EC, écorce ; SC,-sclérenchyme ; ) LB, liber ; B, bois ; M, moelle. trouve une gaine con- tinue de sclérenchyme et qu'il existe une assise géné- ratrice continue autour de la tige (fig. 18, comparer à la fig. 4, page 287); comme ces organes sont homologues (1} Les cellules des entre-nœuds de la rosette renferment en effet de nombreux grains d’amidon. 316 A. MAIGE. aux deux entre-nœuds inférieurs de chaque article du sympode, nous devons donc considérer que les rameaux du Fraisier présentent deux sortes d'adaptation : les uns florifères ont leurs deux premiers entre-nœuds végétatifs adaptés en rhizomes, les autres stériles ont leurs deux premiers entre-nœuds végétatifs adaptés à la vie ram- pante. | Pour obtenir les caractères adaptatifs, nous ne devons donc pas comparer la tige rampante à la tige dressée, mais à l'organe homologue de Potentilla argentea. Dans le Potentilla argentea les entre-nœuds de la partie moyenne sont à peine plus allongés que l’entre-nœud de base de la hampe florale; ils sont plus épais, l'écorce a une faible épaisseur et possède un collenchyme assez développé; l’anneau de sclérenchyme est assez épais, le bois est formé de vaisseaux étroits et de selérenchyme abon- dantuifie.5, PET 000 Dans le Fragaria vesca les entre-nœuds du stolon sont beaucoup plus allongés que l’entre-nœud de base de la hampe florale ; ils sont moins épais, l'écorce possède une épaisseur plus grande que dans le Potenthilla argentea, le cylindre central est réduit, l'anneau de sclérenchyme est moins épais, les vaisseaux sont beaucoup plus larges et le bois est presque dépourvu de sclérenchyme (fig. 4, PI. VII), l'écorce présente un collenchyme moins développé. Pour des raisons analogues à celles qui ont élé exposées plus haut à propos de Potentilla reptans, nous ne retien- drons comme adaptatifs, outre la dissocialion du bourgeon terminal et la présence de racines adventives, que les caractères suivants : 1° Allongement et amincissement des entre-nœuds. 2° Réduction du cylindre central. 3° Bois formé de vaisseaux larges et de sclérenchyme réduit. | Les plantes qui forment le groupe précédent sont déter- minées par ce fait que par leurs caractères adaptatifs elles RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 317 tendent vers les plantes grimpantes. Nous terminerons leur étude en faisant cette comparaison. Les caractères adaptalifs communs que présentent les plantes du groupe précédent sont les suivants : 1° Bourgeon terminal fortement dissocié. 2° Allongement et faible diamètre des entre-nœuds. 3° Présence de racines adventives aux nœuds. 4° Réduction du cylindre central, augmentation du dia- mètre des vaisseaux, réduction du sclérenchyme des fais- CeEAUX. Les trois caractères suivants : 1° dissociation du bourgeon terminal; 2° allongement et faible diamètre des entre-nœuds; 3° augmentation du diamètre des vaisseaux et réduction du sclérenchyme des faisceaux, sont des caractères communs avec les plantes grimpantes; ce sont des convergences adaptatives entre ces deux groupes de plantes. Il y en à d'ailleurs d’autres. On sait que les plantes grimpantes possèdent une nutation accentuée s’accusant souvent par une courbure de l'extrémité terminale en forme de cro- chet. Darwin (1) a montré que l'on retrouve également celte nutation accentuée chez les plantes rampantes à longs entre-nœuds comme les Fragaria, Saxifragasarmentosa. J'ai _frouvé d’ailleurs assez fréquemment des rameaux de fra- garia vesca et de Potentilla reptans dont l'extrémité était recourbée en forme de crochet comme chez les plantes grimpantes. On peut même, dans certains cas, pousser la comparaison plus loin, et comparer une plante rampante déterminée à une plante grimpante déterminée. Je compa- rerai, par exemple, le Glechoma hederucea et l’'Ampelopsis hederacea. Le Glechoma hederacea possède des rameaux dressés flo- rifères à entre-nœuds courts et bourgeon non dissocié. L'Ampelopsis hederacea, de même. Le Glechoma hederacea possède des rameaux rampants (1) Darwin, la Faculté motrice dans les plantes. Traduction francaise, pase 217 page 217. 2180. A. MAIGE. stériles à entre-nœuds allongés et à bourgeon terminal dissocié. L'Ampelopsis hederacea possède des rameaux grimpants Fig. 19. — Ampelopsis hederacea. Aspect d’un rameau grimpant intermédiaire entre les rameaux florifères et les rameaux à vrilles. stériles à vrilles, à entre-nœuds allongés et à bourgeon terminal dissocié. | Chez le Glechoma hederacea, entre les rameaux rampants stériles et les tiges dressées florifères, on trouve des rameaux intermédiaires à fécondité atténuée, par diminu- RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 319 tion du nombre des nœuds florifères et avortement des fleurs. Dans l'Ampelopsis hederacea on trouve également, entre les rameaux florifères el les rameaux grimpants stériles, des rameaux grimpants intermédiaires (fig. 19). Les plus fertiles portent d'abord une ou deux grappes florales bien développées, puis une ou deux grappes florales dont les pédoncules contournés portent des fleurs avortées et peu nombreuses et enfin des vrilles. Comme les grappes à fleurs avortées peuvent présenter différents slades d’avortement. et de torsion des pédoncules, il existe toutes les transitions entre la grappe florale et la vrille stérile. D’autres rameaux ont une fécondité moindre et débutent directement avec des grappes florifères avortées. Enfin, au point de vue anatomique, les rameaux grim- pants d'Armpelopsis hederacea et les rameaux rampants de Grlechoma hederacea présentent, par rapport aux rameaux florifères correspondants, ce caractère commun d’avoir des vaisseaux plus larges et un sclérenchyme réduit (fig. 1 et 2, 6 et 7, PI. VIT. CHAPITRE Il INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LES PLANTES RAMPANTES OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. — L'étude morphologique qui précède montre que l'adaptation à la vie rampante se fait par retour à l’état végétalif et atténuation de la fécondité. Ce sont là des caractères que produit l’action de la lumière diffuse. Tout un groupe de plantes rampantes présente, comme nous l'avons vu, des caractères de convergence adaptative avec les plantes grimpantes. Or, il est admis généralement que les plantes grimpantes sont des plantes qui se sont développées à la lumière atténuée des forêts. 320 A. MAIGE. J'ai été conduit ainsi naturellement à étudier l’action de la lumière diffuse sur les plantes rampantes. Je disposais à cet effet plusieurs plantes, provenant autant que possible du même pied, dans des conditions aussi comparables que possible, les unes à la lumière du soleil, les autres à des lumières diffuses d'intensité variable. Quand la plante présente, par rapport à son port normal, des différences consistant dans une adaptation plus profonde à la vie rampante, nous pouvons exprimer ce fait en disant qu'il y a suradaptation; quand ce sera le contraire, nous dirons qu'il y à désadaptation. Ï. — HISTORIQUE. Les travaux relatifs à l’action de la lumière sur les végé- taux sont très nombreux. Je n'ai pas l'intention de les mentionner tous. Je résumerai seulement ceux où il est question de l’action comparée de la lumière directe et de la lumière diffuse sur la forme et la structure des plantes. Stahl (1) a montré que dans les plantes vivant exelu- sivement à l'ombre, le mésophyvlle ne présente guère que du tissu lacuneux, tandis que les végétaux qui croissent dans des endroits très éclairés présentent un tissu en palissade très développé. En ce qui concerne les dimensions de la feuille, Stahl (2) indique comme un fait général qu'à l'ombre les feuilles ont une surface plus grande qu’au soleil. Pick (3) confirme les résultats anatomiques de Stahl sur la structure comparée des feuilles à l'ombre et au soleil. M. Dufour (4), à la suite d'expériences comparatives entre (4) Stahl, Ueber den Einfluss der Lichtintensität auf Structur und Anordnung des Assimilationsparenchym (Bot. Zeit., Bd XXXVIII, 1880). (2) Stahl, Ueber den Einfiuss des sonnigen oder schattigen Standortes auf die Ausbildung der Blätter (lenaische Zeitschr. f. naturw., Bd XVI, 1883). (3) Pick, Ueber den Einfluss des Lichtes auf die Gestalt und Orientüung der Zellen des Assimilationsgewebes (Botan. Centralblatt, Bd XI, n°‘ 37 et 38, 1882). (4) Dufour, Influence de lu lumière sur la forme et lu structure des végétaux (Ann. des Sc. nat., 7° série, t. V, 1887). RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 321 des plantes ayant poussé les unes au soleil, les autres à l'ombre, énonce les conclusions suivantes : la plante prend un développement bien plus considérable au soleil qu'à l'ombre ; les tiges sont plus grandes, plus grosses, les feuilles plus développées, la floraison plus hâtive, les fleurs plus abondantes. Au point de vue anatomique, dans les feuilles développées au soleil l’épiderme est formé de cellules plus hautes, à cuticule plus épaisse; les palissades sont mieux caractérisées et la chlorophylle plus abondante; les vaisseaux sont plus nombreux et plus larges, le sclérenchyme et Île collenchyme plus développés, les canaux sécréteurs plus grands. Kerner von Marilaun (1) signale ce fait que l'ombre favo- rise la production des rameaux végétatifs et des stolons, tandis que la lumière favorise la formation des fleurs et des fruits. À l'appui de cette opinion 1l énonce les observations qui ont été faites sur les pieds d'Æpulobium angustifolium qui se développent dans la nature. Vüchting (2) a étudié l’action de la lumière diffuse et montré qu’elle exerce une influence profonde sur le port de la plante. En exposant le Münulus Tilinqi à des éclaire- ments décroissants, il a vu l'appareil floral se réduire de plus en plus, et au-dessous d’un certain minimum la plante rester stérile. Mais en revanche, l'appareil végétatif prend un développement considérable. Les rameaux végétatifs de cette plante élant des rameaux rampants, la formation de ces rameaux est donc favorisée par l’action de la lumière atténuée. J'ai étudié (3) l’action comparative du soleil et de la lumière diffuse sur l'Ampelopsis hederacea et le Glechoma hederacea et montré que la lumière diffuse pouvait produire (1) Kerner von Marilaun, Pflanzenleben, 1885. (2) Vôchting, Ueber den Einfluss des Lichtes auf die Gestaltung und Anlage der Blüthen (Jahrb. fur wiss. Bot., Bd XXV, 1893). (3) Maige, Influence de la lumière sur la forme et la structure des rameaux de la Vigne-vierge et du Lierre terrestre (Comptes rendus de l’Acad. des Sc., 1898). ANN. SC. NAT. BOT. x1, 21 322 A. MAIGE. la transformation de bourgeons florifères dressés en bour- geons grimpants ou rampants, tandis que la lumière directe pouvait, dans certaines limites, favoriser la transformation inverse; J'ai montré sur les mêmes plantes que la lumière diffuse, en agissant sur les rameaux grimpants ou rampants, exagérait en eux les caractères adaptatifs à la vie grimpante ou rampante. | M. Curtel (1) à étudié l'action comparée de la lumière directe et diffuse sur les fleurs, il a observé que la lumière diffuse provoquait un retard de la floraison et une diminu- tion souvent considérable du nombre des fleurs; celles-ci sont également moins colorées, moins volumineuses; les fruits sont moins nombreux, moins riches en graines; en revanche, l'appareil végétatif devient souvent exubérant, les bourgeons floraux sont remplacés par des bourgeons végé- tatifs; chez certaines plantes la tige s’allonge énormément et, trop frêle pour rester dressée, se couche sur le sol. Les travaux précédents établissent que chez les Phanéro- games la lumière directe favorise la reproduction sexuée, la lumière diffuse, la multiplication végétative; l’étude comparée de l’action des lumières diffuse et directe sur les plantes inférieures, conduit au même résultat. Rostafinski et Woronin (2) ont montré que la lumière directe favorisait la formation des œufs chez le Botrydium. Klebs (3) a pu faire apparaître à volonté chez le Vau- cheria la reproduction sexuée par l’action d'une lumière intense, et la reproduction asexuée par l’action d’une lumière faible. (1) Curtel, Recherches physiologiques sur la fleur (Thèse de Paris, 1899,. (2) Rostafinski, A., und Woronin, M., Ueber Botrydium granulatum (Bot. Zeit., 1877). (3) Klebs, G., Zur Physiologie der Fortpflanzung von Vaucheria sessilis (Verh. d. naturforsch. Gesellschaît zu Basel, Bd X, 1892). | RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR’ LES PLANTES RAMPANTES. 323 Il. — EXPÉRIENCES. Hieracium Pilosella. Les pieds développés à la lumière diffuse donnèrent en général une tige centrale florifère et des rameaux latéraux stériles allongés en stolons; dans plusieurs pieds le capitule central avorta au sein de la rosette terminale, ou ne se diffé- rencia pas, dans d’autres le bourgeon central de la rosette donna une tige florifère présentant, avant de se redresser pour fleurir, plusieurs entre-nœuds végétatifs rampants Mo PLV): C’est là un stade intermédiaire entre la tige dressée et la tige rampante. D’ordinaire dans la nature, la hampe florale issue de la rosette est immédiatement florifère. Il y a là un phénomène de suradaptation. Les pieds exposés en plein soleil donnèrent, outre la hampe centrale, plusieurs hampes latérales florifères. Certaines de ces hampes présentaient avant la fleur plusieurs entre- nœuds végétatifs rampants (fig. 6, PI. VI). En d’autres termes, les bourgeons latéraux se sont désadaptés plus ou moins complètement. [l est à remarquer que les stades de désa- daptation sont les mêmes que ceux de suradaptation. J'ai trouvé jusqu'à huit à neuf hampes florales produites par une seule rosette. Les rosettes provenant des stolons des pieds au soleil, fleurirent déjà dans le cours de l’année, ce qui n’arriva pas à la lumière diffuse. Stachys silvatica. Si l’on oblige les bourgeons stoloniformes de la base de la tige à se développer à la lumière du soleil, ils ne tardent pas à se redresser en passant par des positions obliques et à donner des rameaux dressés stériles; ces bourgeons don- 324 A. MAIGE. nent des rameaux d'ordinaire rampants dans la nature ou à la lumière diffuse, il y à donc là un phénomène de désa- daptation. À la lumière diffuse très atténuée se produisent de pro- fondes modifications, certains des rameaux supérieurs flori- fères latéraux possèdent seulement deux ou trois nœuds à fleurs, d’ailleurs avortées, et se terminent par un rameau végétatif (FO, fig. 1, PI. VID; les entre-nœuds florifères de ces rameaux s'allongent, et les bractées qu'ils portent pré- sentent un retour très accentué vers la forme végétative (fig. 3'et 4, PI. VIE. Au point de vue anatomique, il y a égale- ment une transformation très nette du rameau. La structure de la hampe florale présente en effet, par rapport à celle de la tige végétative, les différences suivantes : l'écorce renferme 3 ou 4 assises de cellules au lieu de 7 à 9 ; les faisceaux sont coiffés d’une gaine continue de fibres, et le péricyele estsclé- rifié de sorte que les formations secondaires se forment seulement vis-à-vis des faisceaux, tandis que dans la tige végétative les fibres sont éparses dans le péricycele et il existe une assise génératrice continue autour de la tige. Dans la tige florifère à fleurs avortées, l'écorce est formée de 5 à 6 assises de cellules, c'est-à-dire possède une épaisseur intermédiaire; le cylindre central présente une assise géné- ratrice continue; les faisceaux sont coiffés de fibres éparses dans le péricyele, caractères tous végétatifs. L'extrémité de cette tige à floraison atténuée se comporte comme les rameaux végétatifs latéraux de la tige. Ces ra- meaux se développent dans des positions plus ou. moins obliques (fig. 1, pl. VI); quelques-uns sont horizontaux sans racines, d’autres horizontaux avec racines. Les rameaux obliques, en continuant à se développer, se recourbent et prennent à leur tour la position horizontale, ils passent ainsi par une position horizontale sans racines, à laquelle succède une position horizontale avec racines adventives. Ces différents rameaux sont comparables aux divers stades obliques et horizontaux d’adaptation à la vie ram- RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 9329 pante que nous avons rencontrés chez beaucoup de plantes rampantes. Si l'on transporte à la lumière diffuse faible un pied déve- loppé au soleil dans lequel les rameaux stériles latéraux sont verticaux, on voit peu à peu l'extrémité terminale de ces rameaux s incliner et prendre une position horizontale d’abord sans racines, ensuite avec racines. L'adaptation complète demande environ un mois. Le même fait se produit sur les rameaux dressés stériles qui naissent parfois tardivement sur la partie souterraine. Dans la nature et au soleil, les rameaux latéraux de Sfa- chys sûlvatica sont soit des rameaux dressés végétatifs, soit des rameaux florifères à fleurs développées ou avortées (fig. 2, PI VID). Dans tous les cas, l'avortement ne va jamais à ce point que l'extrémité se transforme en rameau végétatif, et de plus jamais les rameaux végétatifs latéraux ne sont horizontaux et rampantis. Tous ces phénomènes obtenus à la lumière atténuée doivent donc être considérés comme des phéno- mènes de suradaptation produits par l’action de ce facteur. Les rameaux à fécondité atténuée obtenus à la lumière diffuse faible sont tout à fait comparables par leur forme et leur structure aux rameaux à fécondité atténuée de Lamium Galeobdolon ; de même les rameaux stériles sont dans leurs transformations à la lumière diffuse tout à fait semblables aux rameaux dressés végétatifs de Lamium Galeobdolon. Nous avons donc réalisé expérimentalement sur le Stachys silvatica, les différents stades d'adaptation à la vie rampante, ainsi que les deux modes d'adaptation : 1° Par rameaux végétatifs stériles. 2° Par rameaux à fécondité atlénuée. Ajuga reptans. Les pieds développés à la lumière diffuse présentaient l'aspect que l’on rencontre d'ordinaire dans la nature, c'est- 320 A. MAIGE. à-dire possédaient un axe central florifère et des rameaux latéraux stériles; sur certains pieds les fleurs de l'axe cen- tral avortèrent complètement, dans d’autres l'axe floral ne se différencia pas et la rosette resta stérile. Les rosettes qui se formèrent à l'extrémité des stolons se comportèrent de même l’année suivante, soit à la lumière diffuse, soit dans les conditions moyennes de lumière dans lesquelles ces plantes vivent dans la nature. Les pieds développés àla lumière directe possédaientoutre la tige centrale florifère, plusieurs tiges latérales, de une à cinq,également florifères, avec un nombre de nœuds floraux plus ou moins grand ; les moins florifères se transformèrent, après floraison, en tiges rampantes. Les rosettes qui se formèrent à l'extrémité des stolons se développèrent abondamment et quelques-unes même fleu- rirent au mois d'août ; plusieurs de leurs bourgeons latéraux s'épanouirent en rosettes qui se comportèrent l’année sui- vante comme la rosette terminale, c’est-à-dire donnèrent un axe florifère dans les conditions ordinaires de lumière de la nature (1). La lumière directe produit donc,en agissant sur l'Ayuga replans, des phénomènes de désadaptation ; 1l y a de plus à remarquer 1c1 l'influence de l’état antérieur de la plante sur ces phénomènes. Deux rosettes provenant de deux pieds, d'une même souche, qui se sont développés l’un au soleil, l’autre à la lumière diffuse, sont différentes au point de vue adaptalif; la première est plus désadaptée que la seconde, puisqu'elle donne des rameaux latéraux florifères dans les conditions moyennes de lumière de la nature, tandis que l’autre donne des rameaux latéraux stériles. Je n'ai pu obtenir par l’action de la lumière diffuse 1 phé- (1) Au soleil les bourgeons latéraux de ces rosettes latérales et de la rosette terminale donnent en partie des hampes florales, de sorte qu'une rosetle qui à passé l’année précédente au soleil peut donner, exposée encore au soleil, l’année suivante, jusqu’à quinze hampes florales. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 327 nomènes de suradaptation sur la hampe florale terminale d'Ayuga reptans; le fait décrit par Moquin-Tandon doit être considéré comme un phénomène de suradaptation aceiden- telle ; il faut probablement attribuer cet insuccès à une spé- cialisation extrême du bourgeon terminal chez cette plante et au grand nombre d'étages floraux de la grappe ; ce nombre, quoique étant diminué par l’action de la lumière diffuse, ne l’est pas suffisamment pour que la hampe florale puisse à son extrémité terminale se transformer en tige rampante. Lamium Galeobdoilon. Les pieds que je cultivais à une lumière diffuse assez faible ne donnèrent que des tiges stériles. Au soleil se produisirent des tiges fertiles; de plus un certain nombre de tiges stériles présentèrent une désadaptation partielle en ce sens qu'elles ne passèrent que par deux stades, un stade dressé et un stade horizontal sans racines, et se redressèrent immédiatement après. Au soleil les entre-nœuds de la tige rampante étaient moins allongés qu’à la lumière diffuse. Convolvulus sepium. J'ai transporté au soleil des rameaux rampants qui se dé- veloppaient dans la nature à une ombre épaisse ; leur extré- mité était au stade rampant avec racines adventives, mais n'était pas encore épaissie et transformée en rhizome. Au soleil lextrémité rampante de ces rameaux se redressa et redevint grimpante ; de même les bourgeons latéraux,qui se seraient développés en rameaux rampants dans les condi- tions primitives, se développèrent en rameaux grimpants. Potentilla Fragariastrum. À la lumière diffuse rien de particulier. Au soleil il se produisit vers la fin de septembre une 325 A. MAIGE. deuxième floraison, mais les rameaux florifères qui se déve- loppèrent étaient beaucoup plus épais que ceux du prin- temps, leur base possédait l'épaisseur du stolon, et en pré- sentait d’ailleurs les caractères de structure. Il faut donc considérer ces rameaux comme étant des stolons devenus florifères, analogues aux stolons latéraux d’Ayuga reptans. Potentilla reptans. À une lumière diffuse assez faible, il y a abaissement de la fécondité par avortement d'un grand nombre et même parfois de toutes les fleurs. Le même fait se présente égale- ment dans le Lysimachia Nummularia. Les fleurs avortées sont beaucoup plus nombreuses à la lumière diffuse qu'au soleil. Glechoma hederacea. Les pieds développés à la lumière directe possédaient de nombreux nœuds florifères, six ou plus, à fleurs bien déve- loppées ; leur extrémité terminale se détruisit pour la plupart sans se transformer en tige rampante. Dans les quelques tiges qui subirent cette évolution, les bourgeons latéraux situés sur la partie dressée se développèrent, soiten rameaux dres- sés dont l'extrémité se détruisit, soit en rameaux dressés qui se transformèrent ensuite mais tardivement en rameaux rampants. J'ai trouvé au soleil plusieurs stolons qui, après avoir rampé pendant cinq à six entre-nœuds, se redressaient en rameaux intermédiaires entre les rameaux florifères et les rameaux rampants ; ils possédaient un bourgeon terminal peu dissocié, des fleurs avortées, des angles saillants, des racines adventives peu développées. On peut considérer ces rameaux comme étant des rameaux rampants désadaptés (1). Les pieds développés à la lumière diffuse renfermaient (1) Ces rameaux désadaptés sont excessivement rares, je n’en ai trouvé que 3 sur un total de 60 stolons environ qui se développaient au soleil. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 929 des nœuds florifères en moyenne moins nombreux, un cer- lain nombre n’en avaient que deux ou trois; de plus, chez plusieurs, les fleurs étaient complètement avortées, l’extré- milé de presque tous ces rameaux se transforma en tige rampante; les bourgeons latéraux de la partie dressée de la tige, qui sesont d’ailleurs rarement développés, présentèrent une évolution abrégée et donnèrent, soit une tige dressée se transformant rapidement en tige rampante, soit un rameau de suite oblique ou horizontal. La lumière diffuse produit ainsi sur le Glechoma hederacea des phénomènes de suradaptation. Il est à remarquer que les stades de suradaptation ou de désadaptation sont les mêmes stades intermédiaires entre la tige dressée et la tige rampante que nous avons décrits. Cette plante fait parue du groupe des plantes rampantes qui tendent vers les plantes grimpantes. Nous avons vu plus haut quelles analogies morphologiques on pouvait établir entre ces deux catégories de plantes, et nous avons com- paré en particulier le (rlechoma hederacea et l’'Ampelopsis hederacea. Nous sommes ainsi conduits par cette analogie à voir si la lumière diffuse n'aurait pas une action analogue sur cette dernière plante. - Je disposais quatre plants d’Ampelopsis hederacea, Vun en plein soleil, un deuxième dans un endroit où 1i recevait le soleil pendant une partie de la journée seulement, les deux autres à une lumière diffuse faible. Les quatre plants se trouvaient auparavant au soleil, et quelques-uns de leurs bourgeons commençaient à se développer quand le trans- port fut effectué. Le pied situé au soleil émit 9 rameaux florifères et 6 rameaux grimpants; le pied situé à la lumière moyenne émit 3 rameaux de chaque espèce, les deux pieds à la lumière diffuse faible donnèrent chacun 5 rameaux grim- pants (1), ceux de leurs bourgeons qui renfermaient des (1) Les rameaux grimpants développés à la lumière diffuse faible étaient retombés sur le sol, où ils trainaient sur une grande longueur; à tous leurs 390 A. MAIGE. fleurs en voie de différenciation quand le transport eut lieu, et dont une partie aurait donné des rameaux florifères si le pied était resté au soleil, donnèrent, par un phénomène de suradaptation, des rameaux grimpants intermédiaires, à pédoncule contourné et à fleurs avortées. À la fin de l’année, je transportai l’un des pieds de la lumière diffuse faible au soleil, et je laissai les trois autres en place. L'année suivante, le pied au soleil avait 17 rameaux florifères et 8 grimpants, le pied à Ia lumière moyenne, 3 rameaux florifères et 4 grimpants, le pied à la lumière faible, 3 rameaux grimpants. Le pied qui avait passé l'année précédente à la lumière diffuse, émit 6 rameaux florifères et 7 grimpants. On voit que l’action de la lumière directe sement la quantité totale des rameaux et la proportion relative des rameaux florifères, c'est-à-dire produit des phénomènes de désadaptation. L’inverse a lieu pour la lumière diffuse qui produit des phénomènes de suradaptation. I y a lieu de remarquer aussi que les deux pieds placés la seconde année dans les mêmes conditions de lumière, mais qui ont un passé différent, sont également différents au point de vue adaptatif: le pied qui avait passé un an à la lumière directe, à fourni 2 rameaux florifères pour 1 grimpant, celui qui avait passé l'année précédente à la lumière diffuse n'a fourni que 1 rameau florifère pour 1 grim- pant. La seconde année, j'examinai, non seulement la nature des rameaux, mais aussi la forme des rameaux grimpants: les rameaux grimpants du pied situé au soleil, compre- paient 6 rameaux intermédiaires et 2 à vrilles; le pied situé à la lumière moyenne, présentait 2 rameaux intermé- diaires et 2 à vrilles ; le pied à la lumière diffuse faible avait 3 rameaux à vrilles ; le pied qui avait passé un an à la nœuds, même à ceux qui ne touchaient pas terre, s'étaient développées des racines adventives. Il y a là évidemment un début d'adaptation à la vie rampante. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 391 lumière diffuse et qui était exposé au soleil, avait 4 rameaux à vrilles et 3 rameaux intermédiaires. On peut ainsi dire que, aussi bien au point de vue de la forme que du nombre des rameaux, la lumière diffuse pro- duit une suradaptation, la lumière directe une désadapta- tion; de plus, les stades de suradaptalion sont les mêmes que ceux de désadaptation. L'observation directe des pieds d’Ampelopsis hederacea qui se développent dans la nature, confirme ces résultats. Aux endroits bien éclairés les rameaux florifères prédo- minent el les rameaux grimpants sont formés presque uniquement de rameaux intermédiaires ; aux endroits très ombragés, les rameaux florifères sont rares, même absents complètement, et les rameaux grimpants sont formés sur- tout et parfois uniquement de rameaux à vrilles. La lumière diffuse exerce ainsi,sur l’'Ampelopsis hederacea, une action tout à fait analogue à celle qu'elle exerce sur le Glechoma hederacea. Or ces deux plantes, comme nous l'avons vu, font partie de deux groupes biologiques qui pré- sentent les convergences adaptatives suivantes : 1° Nutation accentuée. 2° Dissociation du bourgeon terminal. 3° Allongement et faible diamètre des entre-nœuds. 4 Augmentation du diamètre des vaisseaux, réduction du selérenchyme des faisceaux. Il était intéressant de voir comment la lumière diffuse se comportait vis-à-vis de ces caractères. Influence de la lumière diffuse sur les caractères de conver- gence adaptative entre les plantes rampantes el les plantes grimpantes. — Ces caractères sont les quatre que nous avons énumérés plus haut. _ En ce qui concerne le premier, on sait, d’après les expé- de Noll, que la nutation des plantes est plus accentuée à l'obscurité qu'à la lumiere. J'ai constaté le même fait sur les plantes que je cultivais comparativement à la lumière diffuse et au soleil (Stachys palustris, Mentha arvensis, ete.). r J02 A. MAIGE. Chez le Solanum Dulcamara qui est une plante faiblement adaptée à la vie grimpante, la nutation devient très faible au soleil, les rameaux restent peu allongés, et c’est par suite de ces deux causes probablement, que les rameaux du pied cultivé au soleil ne se sont pas enroulés autour des supports qu'ils ont rencontrés, tandis que ceux du pied cultivé à la lumière diffuse se sont très bien enroulés. En ce qui concerne la dissociation du bourgeon terminal, les plantes grimpantes et les plantes rampantes ayant un bourgeon très dissocié, aussi bien au soleil qu'à la lumière diffuse, il en résulte que l’aspect de ce bourgeon diffère assez peu dans les deux cas, quoique les entre- nœuds soient plus allongés à la lumière diffuse, mais il est possible, par l’action de ce facteur, de faire apparaître ce caractère ainsi que les suivants chez des plantes ordinaires. Le Stachys palustris présente à ce point de vue un exemple très net. Le bourgeon termi- nal des rameaux développés à la lumière diffuse (fig. 20), comparé au bourgeon termi- nal des rameaux développés au soleil(fig. 21)estnettement Fig. 20. — S{achys palustris. Bourgeon Fig. 21. — Stachys palustris. Bour- terminal d’un rameau développé à la geon terminal d'un rameau déve- lumière diffuse. loppé au soleil. Les numéros 1, 2, 3, indiquent les nœuds correspondants des deux figures dissocié ; de plus, à la lumière atténuée les entre-nœuds sont plus allongés et de diamètre plus faible, ils présentent une tendance à s'enrouler autour d'un support (1), et quelques- (1) La tendance à l’enroulement des entre-nœuds, très accentuée chez le RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 999 uns sont tordus sur eux-mêmes. Ils possèdent done à l’état d'ébauche, les caractères morphologiques de convergence adaptative que l’on trouve chez les rameaux grimpants et rampants, avec en plus des caractères que l’on trouve uniquement chez les rameaux grimpants (fig. 5 et 6, PI. VIT. Au point de vue anatomique, on voit égalementapparaitre, dans le pied exposé à la lumière diffuse, les caractères de convergence adaptative des plantes grimpantes et des plantes rampantes. Les rameaux de ce pied présentent en effet, par rapport à ceux du pied développé au soleil, un bois renfermant des vaisseaux plus larges et un sclérenchyme réduit (fig. 8 et 9, PI. VIN). En ce qui concerne les caractères morphologiques et ana- tomiques d'adaptation, nous venons de les voir apparaître chez le Stachys palustris sous l’action de Ia lumière diffuse, nous les étudierons encore sur le Glechoma hederacea el l'Ampelopsis hederacea. Les rameaux rampants et les rameaux grimpants qui se développent à la lumière diffuse présentent des entre-nœuds plus allongés, les feuilles ont également une dimension plus grande. Il semble y avoir pour la dimension de ces feuilles un optimum de lumière, car au soleil et à la lumière diffuse faible, elles sont de dimension moindre qu'à une lumière diffuse moyenne. Les rameaux de Glechoma hederacea avaient atteint une longueur de 1 mètre au soleil et de 1 m. 80 à la lumière diffuse ; chez l'Ampelopsis hederacea, la longeur au soleil était de 1 mètre et à la lumière diffuse de 3 mètres. Au point de vue anatomique, les rameaux des pieds déve- loppés à la lumière diffuse présentent par rapport à ceux des pieds développés au soleil des vaisseaux plus larges et un sclérenchyme réduit. En résumé, la lumière diffuse, en agissant sur les rameaux Stachys palustris, se retrouve, mais à un degré beaucoup moindre, chez les Calamintha Clinopodium, Ballota fœtida. 294 A. MAIGE. grimpants et rampants, exagère les caractères de conver- sence adaptative entre les plantes grimpantes et les plantes rampantes ; en agissant sur des rameaux dressés ordinaires, elle peul faire apparaître jusqu'à un cerlain point ces caractères. | CHAPITRE UD GÉOTROPISME, HÉLIOTROPISME, ÉPINASTIE DES RAMEAUX RAMPANTS [. — fiSToRIQUE. Cause de la reptation. — Plusieurs auteurs se sont déjà préoccupés de rechercher à quelle cause on doit attri- buer la position horizontale des rameaux rampants aériens. Frank (1) attribue à l’héliotropisme négatif la cause de la reptation de Lysimacha Nummularia, ear cette plante, d'après cet auteur, se redresse si on la protège contre l’ac- tion d’une lumière trop forte. Pour d’autres plantes, comme le Polygonum ariculare, Frank attribue la reptation à une sensibilité héliotropique particulière qu'il appelle l’héliotro- pisme transversal; ces plantes possèdent, d’après le même auteur ,au même titre que les plantes dressées ordinaires un géotropisme négatif, car elles se redressent si on les sous- trait à l’action directrice de Ia lumière en les plaçant à l'obscurité. Enfin Frank attribue à une sensibilité géotropique parti- culière, qu’il appelle le géotropisme transversal, la reptation de plantes comme le Fragaria lucida qui restent horizontales aussi bien à l’obscurité qu'à la lumière, et qui reprennent cette position si on vient à les en écarter. De Vries (2) a constaté que les stolons de Fragaria cana- (1) Frank, Die natürliche wagerechte Richtung der Pflanzentheile, 1870. (2) De Vries, jUeber einige Ursachen der Richtung bilateralsymetrischer Pfianzentheile (Arbeiten des Botan. Instit. in Würzburg. Bd I, heft n, 1872). RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 999 densis se redressent nettement à l'obscurité ; il attribue par suite la reptation à l'héliotropisme négatif; 1l attribue à cette même cause l’horizontalité de la tige de Polygonum aviculare. Wiesner (1) a observé les rameaux rampants des Fra- garia vesca, Glechoma hederacea, 11 attribue également leur horizontalité à l’action de l'héliotropisme négatif. _ Czapeck (2) considère le géotropisme transversal comme étant la cause de la reptation. En éclairant par-dessous des rameaux rampants de Aubus el de Fragaria placés dans une caisse noire, 11 n'a constaté aucun éloignement de la lumière, quoique les conditions soient les meilleures pour la mani- festation de l’héliotropisme négatif. En plaçant d’ailleurs des rameaux rampants de Lysimachix Nummularia et de Fragaria sur un clinostateten les éclatrant unilatéralement, il a constaté que ces rameaux possédaient un héliotropisme positif. Le redressement de certains rameaux rampants à l’obs- curité serait alors attribuable, d’après Czapeck, à une va- riation du géotropisme. Cette opinion de Czapeck sur la cause de la reptation des rameaux rampants aériens est d’ailleurs en conformité avec celle des différents auteurs qui se sont occupés de la cause de la position horizontale des rameaux rampants souter- rains. Ces deux sortes d'organes présentant une grande analogie, 1l est vraisemblable & priori que la cause de la reptation doit être la même de part et d'autre. Dutrochet (3),le premier, attribua au géotropisme [a posi- tion horizontale des rhizomes de certaines plantes submer- gées, Typha, Sparganium, Sagittaria. Hofmeister (4) émit plus tard la même opinion. (4) Wiesner, Die heliotropischen Erscheinungen in Pflanzenreiche, 1878. (2) Czapeck, Ueber die Richtungursachen der Seitenwurzeln und einiger plagiotroper Pflanzentheile (Aus den Sitz. der kaiserl. Akad. der Wissens- chaften in Wien, 1895). (3) Dutrochet, Mémoires pour servir, etce., tome Il, p. 6 et 9, 1837. (#) Hofmeister, Ueber die durch die Schwerkraft Lbestimmten Richtungen von 3930 A. MAIGE. Elfving (1) étudia la question expérimentalement, :l montra que si l’on vient à écarter les rhizomes de leur po- sition horizontale, ils reprennent en se courbant cette même position. Cette réaction de la plante ne peut être attribuée qu'au géotropisme. Ces résultats ont été confirmés par les travaux ultérieurs de Gœbel (2) et de Stahl (3) qui ont opéré sur des plantes nombreuses. Action de la lumière sur le géotropisme des râmeaux ram- pants. — Les travaux concernant l'action des facteurs extérieurs et en particulier de la lumière sur le géotropisme sont peu nombreux. Stabl (4) a étudié l'influence de la lumière sur le géotro- pisme des radicelles de premier ordre et des rhizomes. Il a constaté que dans les deux cas il y avait courbure vers le bas, c'est-à-dire transformation du géotropisme en un géotropisme plus voisin du géotropisme positif. D'ailleurs tous les rhizomes ou stolons souterrains ne se comportent pas ainsi,et c'est un fait connu que de nombreux rameaux de cette espèce se transforment à la lumière en rameaux feuillés à géotropisme négatif. Le fait a encore été signalé dernièrement par Briquet (5) sur les stolons souterrains de Mentha arvensis. En déterrant l'extrémité de ces stolons, cet auteur l’a vue se recouvrir de feuilles et se transformer en rameau dressé. De même que la lumière produit une variation de la sensibilité géotropique et le retour à une sensibilité plus voisine du géotropisme positif, dans les rameaux souterrains Pflanzentheilen (Jahrbücher für wissenchaïtl. Botanik, herausgegeben von Pringsheim, Bd IT, 1863). (4) Elfving, Ueber einige horizontal wachsende Rhizome (Arbeiten des Botan. Iostit. in Würzburg, Bd Il, heft 111, 1880). (2) Gœbel, Bot. Zeit., 1880. (3) Stahl, Berichte der deutschen botan. Gesellsch., Bd IE, 1884. (4) Stahl, Einfluss des Lichtes auf den Geotropismus einiger Pflanzenorgane (Berichte der deutsch botan. Gesellsch., 1884). (5) Briquet, Modifications produites par la lumière dans le géotropisme des stolons des menthes (Arch. phys. Nat. Genève, 4 période, I, 54). RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 337 horizontaux et dans les radicelles de premier ordre, de même l'obscurité produit une variation de la sensibilité géotropique dans les rameaux rampants et le retour à un géotropisme plus voisin du géotropisme négatif. C’est ainsi que Czapeck explique le redressement à l'obscurité des rameaux d'un certain nombre de plantes rampantes comme les Ranunculus repens, Vincaniajor, Rubus cæsius, Polygonum aviculare, ete. D’autres plantes rampantes ne présentent pas cette sensi- bilité spéciale à l’obscurité, et restent horizontales; tels sont les Potentilla replans, Glechoma hederacea, Linaria C'ymba- lama. etc. (li. Cette explication est tout à fait conforme à la conception actuelle des phénomènes géotropiques comme étant des phénomènes d'irritabilité, analogues aux phénomènes de sensibilité chez les animaux (2). Mais avant de la formuler dans son dernier mémoire (3), Czapeck dans un travail précédent (4) avait formulé une autre hypothèse. [1 supposait que, outre le géotropisme transversal, les rameaux horizon- taux hypogés et épigés renfermaient les premiers du géo- tropisme positif, les seconds du géotropisme négatif, ce géotropisme restant de part et d'autre à l’état latent. La lumière d’une part, l'obseurité de l’autre, permettraient à ce géotropisme latent de se manifester en produisant les phénomènes observés. C’est dans un mémoire ultérieur que Czapeck donne l'explication que j'ai indiquée plus haut. Épinastie. — Je parlerai seulement des travaux relatifs à l'épinastie des rameaux rampants. Le mot épinastie fut introduit pour la première fois par Schimper, qui appela épinastiques les organes dont le côté supérieur possède un anneau ligneux plus épais que le côté inférieur. Wiesner (5) remplacça cette expression par le terme de « épitrophie » pour (1) Czapeck, Richtungursachen, etc., loc. cit. (2) Czapeck, Weitere Beiträge zur Kenntniss der geotropischen Reizbewe- gungen (Jahrbücher für wissenschaîft. Botanik., 1898). (3) Czapeck, Weitere Beiträge, ete., loc. cit. (4) Czapeck, Richtungursachen, ete., loc. cit. (5) Wiesner, Bivlogie (Wien, 1889). ANN. SG. NAT. BOT. x1, 22 398 A. MAIGE. éviler la confusion avec des phénomènes d’un autre ordre, et on désigne maintenant sous le nom de nastie Les cour- bures produites dans un organe sous l’action d’un facteur extérieur, qui n’ont pas pour effet d'orienter cet organe par rapport à la cause agissante (1). C'est ce qui distingue ces courbures des éropismes qui ont au contraire pour effet de donner à l'organe une direction déterminée par rapport au facteur qui les produit (1). De Vries (2) a montré que les tiges horizontales de nom- breuses plantes sont épinastiques; parmi les plantes sur lesquelles 1l à opéré se trouvent les Fragaria elatior, Poten- tlla replans, Ajuga reptans, Lysimacha Nummularia. WU attribue l’épinastie à des causes internes de croissance. Sachs (3) a montré que le Lierre est épinastique; la face éclairée est convexe et possède une croissance plus grande que la face d'ombre; 1l en est de même des rameaux d'Atropa Belladona qui sont horizontaux par suite d’une forte épinastie. Sachs ne spécifie pas d’ailleurs dans son travail à quelle cause doivent être attribués ces phénomènes épinas- tiques. Czapeck dans un premier mémoire (4) considère l'épi- nastie des rameaux d'Atwopa Belladona comme purement géogène, et celle des rameaux d’Aedera Helix comme à la fois géogène et photogène ; 1l dénie toute épinastie aux rameaux rampants d’autres plantes comme les Lysimachia Nummula- ria, Fragaria, contrairement au travail précédent de de Vries. Dans un deuxième mémoire (5), 11 revient sur son opinion en ce qui concerne l’ÆJedera Helir, et l'Atropa Belladona; \l attribue au géotropisme transversal certaines courbures qu'il considérait auparavant comme géoépinastiques et (1) Czapeck, Weitere Beilräge, etc., loc. cit. (2) De Vries, Ueber einige Ursachen der Richtung bilateralsymetrischer Pflan- zentheile (Arbeiten des Botan. Institut. in Würzburg, Bd L, p. 253, 1872). (3) Sachs, Arbeiten des Botan. Instit. in Würzburg, Bd IT, heft 11, 1879. (4) Czapeck, Richtungursachen, etc., loc. cit. (5) Czapeck, Weitere Beiträge, etc., loc. cit. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 339 considère les rameaux de ces deux plantes comme doués en outre de photoépinastie. Ces différences d'opinion montrent que la question des courbures épinastiques est une question complexe et qu'il est souvent difficile de les distinguer des courbures dues aux tropismes: je me suis cependant efforcé de le faire autant que possible dans le cours de ce travail. Il. — EXPÉRIENCES. Je m'occuperai d'abord du géotropisme, de l'héliotro- pisme, et de l’épinastie des rameaux rampants, j'étudierai ensuite comment se fait le passage au point de vue géotro- pique du stade dressé au stade horizontal; enfin j'étudierai l’action des diverses intensités lumineuses sur le géotropisme des rameaux rampants. Géotropisme. J'ai expérimenté sur les (r/echoma hederacea, Ajuga rep- tans, Mentha aquafica, Hieracium Pilosella, Ranunculus repens, Rubus cæstius, Potentilla reptans, Potentilla Anserina, Trifolium repens. Je redressais les rameaux rampants de toutes ces plantes en tournant leur extrémité, soit vers le haut, soit vers le bas; au bout d’un temps variable, mais qui pouvait dans certains cas aller jusqu’à une semaine, les rameaux reprirent la position horizontale: les rameaux redressés vers le haut reprenaient rigoureusement cette position, ceux qui étaient tournés vers le bas revenaient, soit à cette position, soit à une position voisine légèrement oblique. - D'ailleurs, les rameaux précédents placés dans une caisse noircie, et éclairés en dessous, ne se redressaient pas vers le haut, ce qui aurait dû arriver s'ils avaient possédé un géotropisme négatif et un héliotropisme négatif. Cette hy- pothèse est donc à rejeter. 340 A. MAIGE. J'ai d'ailleurs recommencé la première expérience sur plusieurs des plantes précédentes en entourant le rameau vertical de glaces de manière à égaliser les conditions d'éclairement, et les courbures se sont produites de même. La lumière n'entre donc pour rien dans leur formation. Les courbures précédentes sont donc de nature purement géotropique et la reptation doit être attribuée au géotro- pisme transversal. Quant au redressement de certains ra- meaux rampants à l'obscurité, il ne peut être attribué qu à une variation sous cette influence de la sensibilité géotropique. Héliotropisme. Pour étudier la nature de l’héliotropisme des plantes pré- cédentes, je les disposais horizontalement dans une boîte noircie dont une face latérale était ouverte et recevait la lumière du jour. Je constatai que ces plantes avaient les unes un héliotropisme positif comme les Lysimachia Num- mularia, Hieracium Pilosella, Mentha aquatica, les autres un héliotropisme négatif comme les G/echoma hederacea, Con- volvulus sepium, Potentilla reptans. KW est à remarquer que les Glechoma hederacea, Potentilla reptans, possèdent dans leurs stades dressés et obliques un héliotropisme nettement positif, l'adaptation à la vie rampante entraîne done chez ces plantes un changement de la sensibilité héliotropique. Épinastie. Si l’on observe les plantes rampant à la surface du sol, on constate que leur tige ne présente pas une rectitude absolue mais possède une face supérieure nettement con- vexe; dans certains cas cette convexité s'étend à un grand nombre d’entre-nœuds comme dans les Æieracium Prilosella, Mentha aquatica, dans d’autres elle atteint séparément chaque entre-nœud qui forme ainsi une sorte d'arcade, comme RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 941 dans les ÆRanunculus repens, Potentilla replans, Glechoma Haderacea (hex4,4:5;PIL:VL. On ne saurait voir là une action de l’héliotropisme négatif, puisque certaines des plantes précédentes comme les Wen- 1ha aquatica, Hieraciumn Pilosella possèdent un héliotropisme positif. Si d'ailleurs on éclaire les rameaux rampants laté- ralement, on voit nettement les courbures en question coexister avec les courbures héliotropiques. Un rameau d'Aeracium Pilosella placé horizontalement et éclairé d’un seul côté prend une forte convexité vers le haut dans ses _entre-nœuds âgés, tandis que son extrémité terminale se courbe légèrement vers la lumière. Un rameau de G/echoma hederacea, de Potentilla replans, éclairé de même, se dirige vers le fond de la caisse par une série d’arcades successives. Ce qui caractérise les courbures en question, c’est qu'elles se font dans un plan vertical quelle que soit la direction d’où vienne la lumière, qu'elle vienne de haut ou latéralement, comme Je l'ai vérifié sur les G/echoma hederacea, Potentilla replans, Hieracium Pilosella, Mentha aqualica, ete. (1). Elles sont done de nature géogène et comme elles n'ont pas pour effet d'orienter la plante par rapport à la direction du facteur agissant, elles rentrent dans la catégorie des courbures désignées par la terminaison naslie, nous avons affaire ici à une géoépinaslie. Ces courbures géoépinastiques se distinguent, comme il à été dit, des courbures héliotropiques par l’éclairement laté- ral ; on peut encore varier l'expérience de la manière sui- vante. On prend un rameau rampant de Glechoma hederacea, el on le coupe au-dessus d’un nœud en enlevant en même temps les deux feuilles attenantes à ce nœud, de manière (4) Quand on éclaire la plante par en bas, les courbures vers le bas peu- vent être attribuées à l’héliotropisme positif que possèdent la plupart des plantes rampantes et l'expérience ne prouverien, sauf dans le cas de plantes comme le Potentilla reptans dout les rameaux possèdent un héliotropisme négatif et cependant s’incurvent vers la lumière sous l'influence de l'épi- nastie. 342 A. MAIGE. à laisser s'effectuer librement le développement des bour- seons situés à leur aisselle; on place le rameau ainsi pré- paré horizontalement, dans une caisse noircie au fond el ouverte sur une de ses faces, en le tournant de manière que le plan formé par les deux bourgeons ei le rameau soit hori- zonlal. Les deux bourgeons en se développant donnent des rameaux au début horizontaux, mais qui ne tardent pas à s’incliner obliquement vers le bas, d'un angle de 30° environ; en même temps leur face tournée vers la lumière devient convexe el les rameaux se dirigent peu à peu vers le fond de la caisse. Cette dernière courbure est de nature héliotropique. La première courbure qui tient à une crois- sance plus grande de la face supérieure est une courbure épinaslique. L'existence de ces courbures épinastiques permet d'ex- pliquer certaines particularités qui se présentent dans les expériences relatives au géotropisme des rameaux rampants. Si l'on redresse vers le haut une tige rampante, comme dans les expériences dont j'ai parlé au début, la tige se courbe et reprend la position horizontale en vertu de la courbure géotropique, puis la courbure épinastique inter- venant, elle dépasse cette position et prend une position oblique. Le premier entre-nœud qui se développe ensuite débute à une position horizontale ou presque horizontale, puis prend également une position oblique par suite de la courbure épinastique, et ainsi de suite. Il en résulte que seul le dernier entre-nœud est horizontal ou voisin de cette posi- lion; tous les autres forment par leur ensemble une sorte de ligne brisée. Quand l’épinastie est accentuée comme dans les Poten- lilla replans, Anserina, les côtés de cette ligne brisée peuvent devenir convexes et former une série d’arcades successives. De Les courbures géoépinastiques, que l’on observe sur les rameaux qui se développent au soleil, sont plus accentuées que celles qui se produisent à la lumière diffuse. Le fait est RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 343 net sur les Ayuga reptans, Trifolium repens, Hieracium Pilosella. Si l'on transporte au soleil un pied d’Ayuga reptans qui s'est développé à la lumière diffuse, les cour- bures épinastiques deviennent plus accentuées. Cette remarque présente une certaine importance, car il peut arriver que la courbure géoépinastique très accentuée au soleil masque la véritable sensibilité géotropique du rameau. Chez le Potentillareptans les rameaux d’un pied situé au soleil semblent se développer directement horizontale- ment, tandis que les rameaux d’un pied situé à la lumière diffuse passent par un stade nettement dressé, Si on trans- porte un pied du soleil à la lumière diffuse, les nouveaux entre-nœuds se redressent, et l'inverse se produit si l’on transporte un pied de la lumière diffuse au soleil. Si l’on observe attentivement ce qui se passe au soleil, on voit que le rameau commence à se développer verticalement ou obli- quement, puis 1l se courbe en formant un coude, le même phénomène peut ensuite se reproduire et l’on peut avoir deux coudes successifs. L’explication de ce fait me paraît être la suivante : lerameau se développe avec un géotropisme négatif, puis l’épinastie intervient et lui fait reprendre en se coudant la position horizontale ; le rameau tend à se redresser de nouveau, mais l'épinastie intervientpour lui faire reprendre de nouveau cette position, d’où un nouveau coude. A la lumière difuse, l’épinastie étant moins accentuée, le rameau se développe librement suivant la position verticale. J'ai observé des phénomènes analogues sur le Durchesnea indica. Chez l'Aieracuun Pilosella, à la lumière diffuse, certains stolons passent par un stade oblique faisant un angle de 20° environ avec l'horizon, stade qui passe inaperçu à la lumière directe à cause de l'augmentation de l'épi- _naslie. | On ne peut invoquer comme cause de ces phénomènes l'héliotropisme, puisque l'héliotropisme est positif à ce stade chez ces plantes ; on ne peut invoquer non plus une action de la lumière sur le géotropisme, car alors la formation de 344 A. MAIGE. coudes est inexplicable; l'interprétation que je donne plus haut me semble donc la seule possible. De ce qui précède, on peut tirer les conclusions suivantes. Les plantes rampantes possèdent : 1° Un géotropisme transversal. 2° Un héliotropisme positif ou négatif. 3° Une géoépinastie plus accentuée au soleil qu'à la lu- mière diffuse. Évolution géotropique des rameaux rampants. Dans la première partie de ce travail, nous avons vu qu'un certain nombre de rameaux rampants passaient par trois stades. 1° Un stade dressé. 2° Un stade horizontal sans racines ou à racines peu développées. 3° Un stade horizontal à racines bien développées. Entre le premier et le deuxième stade, on a toutes les positions obliques intermédiaires. Pendant la première phase, les rameaux ont l'aspect ordinaire des rameaux dressés; ils en ont également le géotropisme, c’est-à-dire possèdent un géotropisme négatif. Si l’on vient en effet à les déranger de la position verticale, ils la reprennent par une courbure. J'ai fait l’expérience sur les Glechoma hederacea, Poten- tilla reptans, Rubus cæsius, Lysimachia Nummularia. Pour expliquer les positions obliques successives que prennent ensuite les rameaux, deux hypothèses se pré- sentent. 1° Le géotropisme du rameau change brusquement en devenant transversal, et les positions obliques sont alors dues à la courbure géotropique qui en résulte, en d’autres termes, ces positions sont équivalentes à celles que prend un rameau rampant redressé vers le haut pour revenir à Sa position normale. RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES,. 34) 2° La sensibilité géotropique de la plante varie d’une manière continue et chaque position oblique correspond à une sensibilité géotropique déterminée. L'expérience montre que c’est cette dernière hypothèse qui est exacte. Si en effet on prend des rameaux obliques de Rubus cæsrus, Glechoma hederacea, Potentilla reptans, Lyst- machia Nummularia, ete., et qu'on les détourne de leur position en les courbant soit vers le haut soit vers le bas, ces rameaux, par une courbure inverse, reprennent leur situation primitive dans l’espace. S1 de plus on expose ces rameaux obliques à l'obscurité, ils se comportent comme les rameaux horizontaux, c'est-à- dire se redressentet prennent une position plus voisine de la position verticale. La sensibilité géotropique oblique de ces rameaux est donc tout à fait analogue à la sensibilité géotro- pique transversale. Il y a ainsi, dans le passage du stade dressé au stade rampant, variation continue de la sensibilité géotropique, le terme initial est le géotropisme négatif et le terme final est le géotropisme transversal. Action des diverses intensités lumineuses sur le géotropisme chez les plantes rampantes. J'étudierai successivement : 1° L'action de l'obscurité. 2° L'action de la lumière diffuse. 3° L'action de la lumière directe. {° Action de l'obscurité. — J'ai cité plus haut les expé- riences de Czapeck et indiqué qu'il divisait les plantes rampantes en deux catégories, celles qui se redressaient et celles qui ne se redressaient pas à l'obscurité. A la première catégorie 1l faut encore ajouter les Aieracium Pilosella, Mentha sativa, Slachys suvalica, Ajuçga reptans. que Czapeck ne signale pas dans son mémoire et sur lesquelles j'ai expérimenté. J'ai expérimenté également sur les Potentilla reptans, 340 A. MAIGE. Glechoma hederacea que Czapeck range parmi les plantes ne se relevant pas à l’obscurité. On sait que ces plantes pré- sentent dans la position horizontale deux stades : un stade peu adapté à racines adventives nulles ou à peine déve- loppées et un stade très adapté à racines adventives précoces et bien développées. Ces deux stades différents au point de vue morphologique sont également différents au point de vue géotropique. Si en effet l’on transporte à l’obscurité deux groupes de rameaux horizontaux, les uns peu adaptés, les autres très adaptés, on constate que les rameaux de chacun de ces groupes se redressent. Les angles dont ils se relèvent peuvent varier beaucoup dans un même groupe et même sur un même pied, mais on peut dire qu'en moyenne les rameaux du premier groupe se redressent plus vite, sont plus sensibles à l’action de l'obscurité que ceux du second groupe. Dans une expérience des plus favorables, deux rameaux horizontaux peu adaptés de (Glechomu hederacea se sont redressés de 70° au bout de quatre heures d'exposition à l'obscurité, deux rameaux rampants horizontaux peu adaptés de Potenthilla reptans se sont relevés au bout de six heures de 60°. Je n'ai jamais obtenu de pareils résultats sur les rameaux très adaptés de ces deux plantes; chez le Glechoma hederacea, en général, une faible réaction a commencé à se manifester après vingt-quatre heures; après quarante-huit heures, les stolons s'étaient relevés de 25 à 40°; chez le Potentilla reptans, au bout de six heures, aucune réaction ne s'était produite ; au bout de vingt-quatre heures, quelques rameaux s'étaient redressés de 20 à 30°, d’autres étaient restés hori- zontaux. Les rameaux obliques paraissent se comporter comme les rameaux horizontaux peu adaptés, ils se relèvent d'angles très variables et ne paraissant avoir aucun rapport avec leur obliquité, mais ils se redressent en général en RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 9341 même temps que les rameaux horizontaux peu adaptés. Sans vouloir généraliser trop hàâtivement, les expériences précédentes nous permettent cependant de préciser la ma- nière dont s'accomplit au moins chez certaines plantes l’évolution géotropique qui suit parallèlement l’évolution morphologique du rameau. Le rameau passe par une série de positions obliques et par une position horizontale peu adaptée, auxquelles correspondent des sensibilités géotro- piques déterminées réagissant rapidement à l'obscurité, et enfin par une position horizontale très adaptée où la réaction à l'obscurité est beaucoup plus lente. 2° Action de la lumière diffuse. — Je rappellerai à ce sujet l'expérience sur le S/achys silvatica : si l'on transporte un pied de Stachys sûlvatica du soleil à la lumière diffuse, les rameaux dressés de cette plante se courbent lentement à leur extré- mité, passent par une série de positions obliques et atteignent la position horizontale. Il v a variation continue du géotro- pisme, car ces rameaux dans leurs différentes positions ont toutes les propriétés géotropiques des rameaux qui pas- sent par des stades analogues chez les plantes où ce phéno- mène de transformation est normal; ils reprennent leur position dans l’espace si on les en écarte, et ils se redressent à l'obscurité. Nous pouvons donc conclure de cette expérience que : 1° [a lumière diffuse peut transformer le géotro- pisme négatif d'un rameau en géotropisme transversal; 2° cette transformation s'accomplit en passant par des stades géotropiques identiques à ceux que traversent les rameaux dressés en se transformant dans la nature en rameaux rampants. À l'appui de ces conclusions, on peut rappeler l’action de la lumière diffuse sur le G/echoma hederacea; au soleil les rameaux dressés et latéraux de cette plante se transforment rarement en rameaux rampants ; à la lumière diffuse la transformation est très fréquente. 3° Action de la lumière directe. — Nous avons vu dans l’ac- tion de la lumière directe sur le S/achys silvatica que sous 948 A. MAIGE. cette influence les rameaux rampants de la base de la tige se relèvent progressivement pour prendre la position et la forme des rameaux dressés. Il y a en même temps trans- formation du géotropisme de ces rameaux qui de transversal redevient négatif. La lumière directe peut donc trans- former un rameau à géotropisme transversal en rameau à géotropisme négatif. Comme autre exemple de cette transfor- mation, Je citerai les rameaux rampants de Convolvulus sepium qui, transportés de la lumière diffuse où ils se déve- loppent, au soleil, deviennent grimpants. Pour voir de plus près comment se fait cette transfor- mation, j'ai transporté au soleil un pied de Stachys silvatica possédant des rameaux obliques et horizontaux, développés à la lumière diffuse; au bout de deux jours d'exposition à la lumière directe, les rameaux de cette plante s'étaient redressés ainsi : | Un rameau oblique faisant un angle de 40° était devenu vertical. | | Ün rameau horizontal sans racines, s'était relevé de 50°. Un rameau horizontal avec racines, s'était relevé de 15°. Si l’on considère qu’un rameau dressé de Stachys silva- lica passe par ces trois stades dans sa transformation à la lumière diffuse en rameau rampant, on voit que l’on peut dire que sa sensibilité géotropique vis-à-vis de la lumière directe subit une évolution analogue à celle que nous avons constatée plus haut sur la sensibilité géotropique des ra- meaux des Glechoma hederacea, Potentilla replans, relatuve- ment à l'obscurité, c'est-à-dire qu'elle passe par un stade où elle réagit facilement et qui correspond au stade oblique et au stade horizontal sans racines, pour aboutir à un stade où elle réagit difficilement et qui correspond au stade horizontal avec racines. | Si d’ailleurs on retransporte de nouveau le pied de Stachys s'lvatica à la lumière diffuse, Les rameaux qui se sont redressés reprennent peu à peu leur position horizontale; le retour se fait d'autant plus vite que le rameau primitif était plus RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 949 adapté ; ainsi le rameau horizontal avec racines avait repris au bout d’un jour la position horizontale, le rameau hori- zontal sans racines la reprit au bout de cinq jours, quant au rameau oblique qui s'était redressé verticalement, il avait encore la même position huit jours après. Les rameaux de Sfachys silvatica sont des plus commodes pour les expériences relatives à la lumière directe, et cela pour deux raisons : 1° étant accidentellement adaptés, ils se désadaptent plus facilement ; 2° leur épinastie est inappré- ciable. Si l’on opère sur les rameaux rampants naturels d’autres plantes, le phénomène est plus complexe, car à l’action de la lumière sur le géotropisme du rameau vient s'ajouter l'action de la lumière sur l’épinastie qui tend à produire des courbures inverses ; la courbure résultante sera dirigée vers le haut ou vers le bas, suivant celle des deux courbures qui l’emportera. En opérant sur de Jeunes stolons d'A }uga reptans cultivés à la lumière diffuse où les courbures épi- _nastiques ne se manifestaient pas encore, j'ai obtenu au bout d'un jour d'exposition à la lumière directe un relève- ment qui pour quelques stolons a atteint 70°; en opérant sur des stolons âgés 11 se produit au contraire une forte courbure épinastique vers le bas. Des tiges obliques de Lysimachia Nummularia faisant, l’une 40°, l’autre 50° avec l'horizon se sont relevées de 10° à 20° après une Journée d'exposition au soleil. Des tiges de Aubus cæsius faisant des angles de 20° et 40° avec l'horizon, se sont relevées après le même temps de 10° ÉEMo Des stolons horizontaux peu adaptés de Glechoma hederacea se sont relevés après le même temps de 30°; des stolons très adaptés se sont au contraire incurvés vers le bas par suite de l’augmentation de l’épinastie. Il semble donc que la lumière directe possède une action générale sur le géotropisme des rameaux rampants et que cette action soit analogue à celle de l'obscurité. La lumière 390 A. MAIGE. X directe et l'obscurité complète favorisent le retour à un géotropisme plus voisin du géotropisme négatif; seule la lumière diffuse favorise le géotropisme transversal. CONCLUSIONS. Ï. — BioLOGIE ET MORPHOLOGIE DES PLANTES RAMPANTES. a. Biologie et morphologie générale. — Les plantes ram- pantes étudiées dans ce travail présentent un ensemble de caractères communs qui permettent de les comprendre dans un même groupe biologique. Ce sont des rameaux végé- talifs ou des rameaux florifères à fécondité atténuée, dont les nœuds portent des racines adventives, et dont le bour- geon terminal présente un aspect particulier (dissocié) par suite de l'allongement des premiers entre-nœuds. Les rameaux rampants (raversent en général plusieurs stades; dans le cas où leur évolution est la plus complète (Lamiun Galeobdolon, Vinca major, Potentilla reptans, ete.), elle comprend trois stades : 1° un stade dressé à bourgeon terminal ordinaire ; 2° un stade horizontal sans racines ou à racines peu développées et à bourgeon terminal dissocté ; 3° un stade horizontal à racines précoces bien développées et à bourgeon terminal dissocié. Entre les deux premiers stades se trouvent des positions obliques intermédiaires. Tous les rameaux rampants ne passent pas par ces trois stades, 1l y a fréquemment abréviation dans le développe- ment. Le rameau débute alors à un stade oblique, ou hori- zontal avec ou sans racines (G/echoma hederacea, Ajuga replans, Lysimachia Numimularia). | Ces variations, limitées à certains rameaux dans les plantes précédentes, deviennent la règle chez d’autres plantes ram- pantes qui ne présentent jamais de stade dressé et débutent directement soit au deuxième (Potentilla Anserina, Fraqga- RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 991 riastrum), soit au troisième stade ({771/folèum repens, Stachys silvalica). Entre les rameaux dressés et les rameaux rampants (Glechoma hederacea, Lamium Galeobdolon. Ajuga reptans, Hieracium Pilosella, Ranunculus repens, elc.) on trouve des rameaux intermédiaires, qui montrent que l'adaptation à la vie rampante se fait par atténuation et même suppression de la fécondité de différentes manières : 1° Substitution de bourgeons végétatifs aux bourgeons florifères (Glechoma hederacea, Ajuqa reptans, Lamium (raleobdolon). 2° [ntercalation de nœuds végétatifs précédant les nœuds florifères (Ranunculus repens, Hierarium Pilosella). 3° Diminution du nombre des fleurs à chaque nœud (Glechoma hederacea, Lamium Galeobdolon, Ajuga reptans). 4° Avortement des fleurs (Grlechoma hederacea, À juga rep- tans, Lamium Galeobdolon). Ces modifications permettent d'expliquer la morphologie de certaines plantes rampantes comme Îles Potentilla reptans, Potentilla Anserina, Duchesnea indica, Fragaria vesca. Les rameaux rampants des lrois premières de ces plantes sont des inflorescences en cymes bipares, à chaque étage floral desquelles 11 v à substitution d’un bourgeon stérile à rosetlte à un bourgeon florifère. Les rameaux rampants de Fragaria vesca sont des rameaux flori- fères sympodiques identiques à l’inflorescence sympodique de la tige dressée, mais où chaque hampe florale est rem- placée par une rosette à fécondité retardée et en général stérile. De pareils phénomènes de substitution peuvent d'ailleurs se rencontrer accidentellement chez des tiges dressées flori- fères (Ranunculus repens, Fragaria vesca). ILexiste une sorte de balancement entre la reproduction sexuée el la multiplication végétative par rameaux rampants. Chez certaines plantes en effet (G/echonra hederacea, Lamium Galeobdolon, A juga reptans) où la tige dressée se transforme 392 A. MAIGE. parfois après floraison en lige rampanle, cette transforma- tion se fait surtout chez les rameaux présentant des nœuds florifères peu nombreux. De même chezle Ranunculus repens les rameaux rampants qui se redressent en devenant florifères, portent d'autant moins de fleurs qu'ils présentent davantage d'entre-nœuds rampants végélalifs précédant la floraison. b. Morphologie externe et interne. — À ce point de vue, on peut diviser les rameaux rampants en trois groupes. Le premier groupe renferme des rameaux rampants à caractères adaptatifs peu accentués. Ces rameaux, en dehors des caractères généraux que nous avons indiqués, et qu ils possèdent naturellement, sont de simples rameaux végé- tatifs. Cependant chez certains d’entre eux s’indiquent des caractères que l’on retrouve dans le troisième groupe. Le Lamium Galeobdolon présente par exemple une réduetion du cylindre central et un léger allongement et amincissement de la tige, le Ranunculus repens présente un bourgeon ter- minal fortement dissocié. Le deuxième groupe renferme des plantes dont les rameaux rampants possèdent des caractères morphologiques et ana- tomiques les rapprochant des rhizomes : réduction plus ou moins aceusée des feuilles en écailles ({Vinca major, minor, Convolvulus sepium), augmentation du rapport de l'écorce au cylindre central {Virca major, minor, Lysimachia Num- mularia, etc.), développement précoce du liège (Potentilla Fragariastrum, Vinca minor), réduction du selérenchyme (Potentilla Fragariastrum), présence d’amidon (7rifolium repens, Lystnachia Nummularia, etc), disparition plus ou moins complète de la chlorophylle {Convolvulus sepium, Vinca major, etc). Ce groupe comprend deux sortes de plantes; chez les unes toute la tige est transformée en rhizome {Potentilla Fragariastrum, Trifolium repens, Hiera- cum Pilosella, etc), chez les autres l'extrémité seule se trans- forme en rhizome ( Vinca major, minor, Rubus cæsius, ete.). Chez certaines de ces plantes (Potentilla Fragariastrum) 4 RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 93)3 peut y avoir accumulation de réserves d’amidon aux nœuds et formation de sortes de tubercules. Le troisième groupe renferme des plantes présentant des caractères adaptatifs qui les rapprochent des plantes grimpantes. Ces caractères de convergence sont les suivants : 1° allongement des entre-nœuds et faible diamètre de la tige ; 2° dissocialion accentuée du bourgeon terminal: 3° augmentation du diamètre des vaisseaux et réduction du sclérenchyme des faisceaux; 4° nutation très accusée de l'extrémité terminale. On peut même établir une comparaison intéressante entre les rameaux d'une plante grimpante (Ampelopsis hederacea) et ceux d'une plante rampante (Glechoma hederacea) déterminée. c. Différenciation du bourgeon. — En général les rameaux dressés et les rameaux rampants se développent pendant deux périodes successives de la vie de la plante, la période dressée précédant la période rampante ; ces deux périodes ne se distinguent quelquefois pas du tout dans les plantes. à rosette (Ranunculus repens, Hieracium Pilosella, ete.). La nature du rameau émis par un bourgeon dépend de la position de ce bourgeon sur la plante et des conditions dans lesquelles 1l se développe. Si le bourgeon est situé sur la tige dressée et se déve- loppe pendant la période dressée, 1l donne une tige dressée. Si le bourgeon est sur là tige rampante et se développe pendant la période rampante, 1l donne un rameau rampant. Si le bourgeon est situé sur la tige dressée et se déve- _loppe pendant la période rampante, 1l donne un rameau dressé qui se transforme { Vinca major, Rubus cæsius, etc.) ou non (Stachys silvatica, etc.) suivant le cas en rameau rampant ; chez le Glechoma hederacea il peut y avoir déve- loppement abrégé et le bourgeon peut s'allonger directe- ment en rameau oblique ou horizontal avec ou sans | racines. Si le bourgeon est situé sur le rameau rampant et se ANN. SC. NAT. BOT. XI, 29 99 4 A. MAIGE. développe pendant la période dressée qui suit, il se déve- loppe en rameau dressé. Le cas des plantes à rosette est à examiner d’une manière spéciale. Tous les bourgeons de la rosette (ARanunculus repens, Ajuga replans, Hieracium Pülosella) sont équivalents en puissance, c’est-à-dire peuvent donner tous soit un rameau florifère, soit un rameau rampant stérile. Il ÿy à cependant une spécificité plus où moins accusée de ces bourgeons, le bourgeon central donne plutôt une tige florifère, les bour- geons latéraux un rameau rampant stérile. Cette spécificité des bourgeons est peu accentuée dans le Æanunculus repens où le bourgeon central se développe fréquemment en un stolon stérile ou à floraison retardée, elle l’est déjà beau- coup plus dans l'Hieracium Pilosella où ce fait se produit assez rarement, elle atteint son maximum dans l’Ayuga reptans où le fait ne se produit presque jamais. De même les stolons latéraux de Ranunculus repens sont dans la nature fréquemment fertiles, ceux d’Aieracium Pilosella plus rarement, ceux d'Ayuga reptans encore davantage. Il est d’ailleurs à remarquer que lorsque les bourgeons latéraux deviennent florifères, ce sont ceux qui avoisinent le bour- geon terminal; il y a donc encore une certaine différence spécifique entre les bourgeons du sommet et ceux de la base de la rosette. Les bourgeons latéraux du stolon peuvent se développer soit en rosettes soit en stolon; il y a toutes les transitions entre les entre-nœuds allongés du stolon et ceux de la rosette (Ayuga reptans, Hieracium Piloselia, ele.) ; ces deux organes peuvent même se transformer l’un dans l’autre (Potentilla Fragarastrum, Ranunculus repens), et l’on doit considérer dans les plantes précédentes une rosette et un stolon stériles, comme deux formes végétatives différem- ment adaptées de la plante. Les plantes précédentes représentent des formes peu spécialisées morphologiquement, il en est tout autrement RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES 399 chez d’autres plantes à rosette comme les Porentilla rep- lans, Fragaria vesca, ete., où la différenciation du bourgeon est déterminée d'une manière absolue. d. Aacines adventives. — Les racines adventives naissent aux nœuds, les deux premières en général symétriquement en traversant en haut et en bas la base de la feuille. Chez un certain nombre de plantes comme les Ranunculus repens, Potentilla reptans, elles se développent sur le bourgeon qui nait à l’aisselle de la feuille. Les racines qui naissent posté- rieurement, dans le cas où elles se produisent, se déve- loppent en nombre plus ou moins grand et sans ordre apparent; chez les plantes à rosette elles se développent sur la base de la rosette. Chez certaines plantes, il arrive fréquemment que la racine supérieure avorte ou ne se développe pas (Lysimachia Nummularia, Veronica officinalis, Trifolium repens, etc). Toutes les parties de la tige rampante ne sont pas égale- ment adaptées au point de vue de la présence des racines adventives; celles-ci manquent la plupart du temps aux premiers nœuds, elles naissent au contraire en plus grande abondance aux derniers (Ayuga reptans, Hieracium Pilosella, Potentilla reptans, etce.). Les racines adventives apparaissent d’une manière très précoce quand Îa tige est au troisième stade; dans le Glechoma hederacea,elles apparaissent dès le premier nœud ; il en est de même dans les Potentilla reptans, Anserina, etc. Dans certains stolons (Ayuga reptans, Hieracium Pilo- sella, etc.) elles apparaissent tout d’un coup quand le stolon a terminé sa croissance. e. Purée des rameaux rampanis. — La durée des stolons _est variable, les uns se détruisent pendant l'hiver qui suit leur formation (Fragaria vesca, Potentilla reptans); d’autres se conservent encore pendant une partie de l’année suivante Glechoma hederacea, Stachys silvatica, Veronica officina- hs, etc.); il v en a enfin qui durent plusieurs années après s'être enfouis plus ou moins sous le sol; le fait arrive acci- 290 A. MAIGE. dentellement chez les G/echoma hederacea, Ajuga reptans, il est la règle chez le Vinca minor. La base des tiges dressées peut également se conserver plus ou moins longtemps etilen résulte alors la formation de chicots; ces chicots, accidentels chez l’Ayuga reptans, sont la règle chez les Lamium (Galeobdolon, Vinca major, minor, ete. : ils forment des organes de conservation de la plante qui émettent chaque année de nouveaux rameaux. Il. — INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LES PLANTES RAMPANTES. Quand l'influence de Ia lumière à pour effet d'adapter la plante à la vie rampante plus profondément qu’elle ne l’est d'ordinaire dans la nature, 1l y a suradaptation; dans le cas contraire, où l’adaptation devient moins profonde, il y a désadaptation. La lumière diffuse produit des phénomènes de suradapta- tion (Géechoma hederacea, Stachys silvatica, Hieracium Pilo- sella). La lumière directe produit des phénomènes de désadap- lation (ieracium Pilosella, Ajuga reptans, Glechoma hede- racea, ele). L'état antérieur de la plante influe dans sa réaction vis-à-vis de la lumière ; si par exemple la plante a été exposée aupa- ravant au soleil, elle se désadapte plus facilement que si elle avait été exposée à la lumière diffuse (Ayuwga reptans). IL en résulte que deux stolons issus d’un même pied, qui se sont trouvés à travers un grand nombre de générations successives dans des conditions différentes de lumière, ne réagiront pas ensuite de la même manière, s'ils se trouvent exposés à une même intensité lumineuse; celui qui aura un. passé de lumière plus intense, donnera des pieds plus flori- fères, plus désadaptés à la vie rampante; celui qui aura un passé de lumière plus atténuée donnera des pieds moins florifères, plus adaptés à la reptation. C'est ainsi qu'il faut expliquer, je pense, les différences RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 397 dans l'adaptation que l’on trouve souvent entre deux pieds voisins d’une même plante rampante, placés dans des conditions de milieu identiques. Les stades intermédiaires par lesquels un rameau florifère dressé s'adapte en devenant rampant stérile, sont ana- logues aux stades intermédiaires par lesquels un rameau rampant stérile se désadapte en devenant florifère dressé (Glechoma hederacea, Hieracium Pilosella). Les conclusions précédentes s'appliquent, en tous points, en ce qui concerne l'adaptation à la vie grimpante (Ampe- lopsis hederacea), ce qui justifie encore la comparaison qui a été faite entre ces plantes et tout un groupe de plantes rampantes. : La lumière diffuse peut produire, en agissant sur des rameaux dressés végétatifs et florifères (Stachys silvatica), les deux modes d'adaptation que l’on observe chez les plantes rampantes, à savoir : 41° Adaptation par rameaux rampants stériles végétatifs. 2° Adaptation par rameaux à fécondité atténuée. L'adaptation se fait en passant par les mêmes stades qui se produisent naturellement chez les plantes rampantes ordinaires, à savoir : 1° Ün stade dressé. 2° Un stade horizontal sans racines ou à racines peu développées. | 3° Un stade horizontal avec racines bien développées. La lumière diffuse, en agissant sur les rameaux grimpants et vampants (Ampelopsis hederacea, Glechoma hederacea), exagère en eux les caractères convergents d'adaptation à la vie grimpante et rampante; en agissant sur les rameaux dressés elle provoque en partie l'apparition de ces caractères (Stachys palustris). La lumière diffuse produit également l'avortement plus ou moins grand des fleurs (Lysimaclia Nummularia, Potentilla reptans). she A. MAIGE. ILE. — GÉOTROPISME, HÉLIOTROPISME, ÉPINASTIE. On doit considérer la cause de la reptation comme étant de nature purement géotropique (géotropisme transversal). Les expériences qui ontété faites n'ont porté, il est vrai, que sur un certain nombre de plantes, mais il ne faut pas oublier que toutes les plantes étudiées dans ce travail présentent des caractères qui conduisent à les classer dans un même groupe biologique, et à ce litre, la généralisation est légitime. Les rameaux rampants possèdent un héliotropisme soit positif (Hieracium Pilosella, Lysimachia Nummularia, ete. ), soit négatif (Glechoma hederacea, Potentilla reptans, ete.); certains d’entre eux (Glechoma hederacea, Potentilla reptans) possèdent, au stade dressé ou oblique, un héliotropisme positif, l'adaptation à la reptation entraîne done chez ces plantes un changement de la sensibilité héliotropique. Les rameaux rampants possèdent une géoépinastie qui détermine une convexité plus ou moins grande du rameau ; celte géoépinastie est plus accentuée à la lumière directe qu'à la lumière diffuse. Quand un rameau dressé se transforme en rameau rampant, 1l passe par une série de positions obliques à chacune desquelles correspond une sensibilité géotropique oblique déterminée. La lumière directe (Stachys silvatca) et l'obscurité (Gle- choma hederacea, Potentilla reptans) produisent en agissant sur des rameaux à géotropisme oblique ou transversal, une variation de la sensibilité géotropique, et le retour à un géotropisme plus voisin du géotropisme négatif. Deux rameaux horizontaux différemment adaptés d'une mème plante sont différents au point de vue géotropique : le moins adapté est plus sensible à l’action de la lumière directe et de l'obscurité. Les rameaux obliquesse comportent comme les rameaux horizontaux peu adaptés. La lumière diffuse en agissant sur des rameaux à géo- RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 93)9 tropisme négatif peut les transformer en rameaux à géotro- pisme transversal ; cette transformation s'accomplit en pas- sant par des stades géotropiques identiques à ceux qui se produisent dans la transformation naturelle des tiges dres- sées en tiges rampantes. IV. —— RÉSULTATS GÉNÉRAUX. Les plantes qui ont fait l'objet de ce travail forment un groupe biologique que l’on peut déterminer par les carac- tères suivants : 1° Les rameaux rampants sont des rameaux végétatifs ou des rameaux florifères à fécondité atténuée. 2° Les premiers entre-nœuds possèdent une croissance intercalaire rapide; le Bourgeon terminal présente par suite un aspect caractéristique (4ourgeon dissocié). 3 Les nœuds sont munis de racines adventives. La production de ces racines est un caractère héréditaire, c’est- à-dire que les racines adventives se développent même si la tige ne repose pas sur le sol. 4° La cause de la reptation est due au géotropisme transversal. L'étude de l’action de la lumière diffuse sur les plantes montre que ce facteur favorise la production de rameaux rampants, et peut faire apparaître jusqu’à un certain point les différents caractères qui déterminent ces plantes, chez des rameaux qui ne les présentent pas d'ordinaire. Je suis donc conduit à émettre cette hypothèse que les plantes à rameaux rampants du groupe étudié dans ce travail ont dû se for- mer primitivement sous l’action d’une lumière atténuée. Ces plantes posséderaient ainsi une origine analogue à celle que l’on attribue d'ordinaire aux plantes grimpantes (1). Dans le groupe des plantes rampantes délimité comme il a élé dit, on peut distinguer plusieurs degrés d'adaptation. (1) Cette hypothèse a été exposée récemment d’une manière très inté- ressante dans le livre de M. Costantin, intitulé {a Nature tropicale. 300 A. MAIGE. Un certain nombre de plantes (Lamium (Galeobdolon, Ajuga reptans, Veronica officinalis, etc.) ont gardé simple- ment, en dehors des caractères généraux du groupe, les carac- tères végétatifs. Ce sont des plantes faiblement adaptées. En partant de ce groupe la différenciation s’accentue dans deux voies différentes; un certain nombre de plantes (Potentilla Fragariastrum, Vinca major, ete.) ont subi sans doute profondément l’action du sol, à la surface duquel elles se développent et qui les recouvre souvent partielle- ment; elles ont acquis des caractères analogues à ceux des tiges souterraines. D’autres (Glechoma hederacea, Potentilla replans, ete.) ont subi plutôt l'influence profonde de la lumière diffuse, elles ont donné des rameaux étiolés, allon- gés et amincis, dont la forme et la structure se rapprochent de celles des rameaux grimpants. Cette ressemblance mor- phologique et anatomique entre tout un groupe de plantes rampantes et les plantes grimpantes, semble indiquer une communauté d'origine, et c'est là encore un fait à l'appui de l'hypothèse que j'ai énoncée, car on s'accorde généralement à attribuer à l’action de la lumière diffuse la formation des rameaux grimpants. Certaines plantes, comme les Stachys silvatica, Veronica Chamaædrys, ont des rameaux horizontaux, en général souter- rains, mais qui parfois sortent du sol en donnant des rameaux rampants aériens. D’autres plantes, comme les Convoloulus sepium, Rubus cæsius, ont des rameaux rampants aériens qui se transforment en rameaux souterrains, Ces plantes forment transition vers le groupe des plantes à drageons. Elles montrent qu'il y a une étroite analogie entre ces dernières et les plantes rampantes; il est très vraisem- blable de supposer que ces deux groupes ont la même origine, et proviennent du grand développement des organes végétatifs, résultant de l’affaiblissement de la fécondité sous l’action de la lumière diffuse. La lumière atténuée à donc pu constituer un facteur puissant de transformation, et jouer dans l'évolution des RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES. 301 végétaux un rôle beaucoup plus considérable que celui qui lui est attribué généralement. Ce travail a été fait au laboratoire de Botanique de la Sorbonne, et au laboratoire de Biologie végétale de Fontai- nebleau sous la direction de M. Gaston Bonnier, à qui je témoigne ici toute ma reconnaissance pour les excellents conseils et les encouragements qu'il m'a prodigués. EXPLICATION DES PLANCHES LETTRES COMMUNES FD, tige florifère dressée. — FDC, tige florifère dressée centrale. — FDL, tige florifère dressée latérale. — FO, tige florifère oblique. — FR, tige florifère rampante. — SD, tige stérile dressée. — SO, tige stérile oblique. — SR, tige stérile rampante. — BV, base végétative. — BVD, base végétative dressée. — BVR, base végétative rampante. — HF, hampe florale. — NV, nœud végétatif. — NFA, nœud florifère à fleurs avortées. — CH, chicot. — V, vaisseaux. — SC, sclérenchyme. PLANCHE V Fig. 4. — Aspect extérieur d’une tige dressée florifère et d’une tige dressée stérile de Lamium Galeobdolon. Fig. 2. — Rameaux florifères et stériles de Lamium Galeobdolon, trans- formés plus ou moins complètement en rameaux rampants, un des rameaux est au stade oblique, les deux autres au stade horizontal sans racines. Fig. 3. — Partie terminale radicante d’un rameau rampant de Lamium Galeobdolon, dont l'extrémité s’est redressée, et dont un des bourgeons latéraux s’est développé en rameau stérile qui commence à se transfor- mer en rameau rampant. Fig. #. — Extrémilé supérieure d’une tige florifère de Lamium Galeobdo- lon se transformant en rameau végétatif qui évoluera ensuite en rameau rampant. Fig. 5. — Aspect extérieur de rameaux dressés de Veronica officinalis ; la tige rampante de l’anrmée précédente s’est redressée en un rameau portant latéralement des axes florifères, les bourgeons latéraux de cette tige se sont comportés de même. Fig. 6. — Aspect extérieur d’une tige de Veronica officinalis dont l’extré- mité s’est transformée en tige rampante radicante. Fig. 7. — Extrémité terminale d’une tige dressée stérile de Sfachys silua- tica. Fig. 8. — Extrémité terminale d'une tige rampante stérile de Stachys silvatica. Fig. 9. — Extrémité terminale d’une tige dressée de Vinca major. Fig. 10. — Extrémité terminale d’une tige rampante de Vinca major (stade horizontal sans racines). Fig. 11. — Extrémilé terminale d’une tige rampante de Vinca major (stade horizontal avec racines). Fig. 12. — Extrémité terminale d’une tige rampante de Convolvulus sepium (stade horizontal sans racines). RECHERCHES BIOLOGIQUES SUR LES PLANTES RAMPANTES,. 363 Fig. 13. — Extrémité terminale d’une tige rampante de Convolvulus sepium (stade horizontal avec racines). PLANCHE VI Fig. 1. — Aspect extérieur d’un pied de Ranunculus repens montrant les diverses transitions entre la tige florifère et le stolon stérile ; la tige centrale est une tige florifère normale, un premier rameau latéral s’est développé en une tige dressée florifère dont l’entre-nœud de base est resté végétatif, un second rameau florifère latéral présente à sa base un entre-nœud végétatif rampant et radicant, enfin un troisième rameau ee a avant de fleurir 5 entre- nœuds végétatifs rampants. Fig. 2. — Partie supérieure florifère de Potentilla ar Dented, les numéros 1, 2, 3, #, désignent les nœuds correspondant aux nœuds de Potentilla reptans, marqués du même numéro. Fig. 3. — Tige de Potentilla argentea, comprenant la rosette de base dont les feuilles Sont détruites et la portion inférieure de la partie végétalive moyenne. Fig. 4. — Aspect extérieur d’un pied de Glechoma hederacea montrant les diverses transitions entre la tige dressée florifère et le stolon stérile; la tige dressée présente 6 nœuds florifères avec # à 6 fleurs, la tige oblique présente 4 nœuds florifères avec 2 à 3 fleurs, la tige rampante florifère présente 2 nœuds florifères avec 1 fleur. Fig. 5. — Tige rampante de Potentilla reptans, les numéros indiquent les - nœuds correspondant à ceux de Potentilla argenteu. Fig. 6. — Pied d’Hieracium Pilosella développé au soleil; la figure montre en même temps deux stades intermédiaires entre la tige florifère et le stolon stérile, une des hampes florales latérales FDL présente à sa base deux petites feuilles, deux autres rameaux florifères latéraux présentent une base végétative rampante. Fig. 7. — Pied d’Hieracium Pilosella développé à la lumière diffuse, la tige _florifère centrale présente avant de se redresser une base végétative rampante. PLANCHE VII Fig. 1. — Pied développé à la lumière diffuse de Stachys silvatica. SR,, tige rampante stérile sans racines. SR2, tige rampante stérile avec racines. La tige florifère FO présente trois nœuds à fleurs avortées et son extré- mité végétative, qui se transforme en tige rampante, se trouve à un stade oblique. Fig. 2. — Pied de Sfachys silvatica développé dans la nature. Fig. 3. — Cette figure représente les trois nœuds à fleurs avortées de la tige FO de la fisure 1, elle montre le retour partiel des bractées florales à la forme végétative, les numéros 1, 2, 3, représentent les nœuds corres- pondant à ceux de la figure 4. Fig. 4. — Figure On A les bractées des trois nœuds d’une hampe florale latérale qui correspondent aux nœuds à fleurs avortées de la tige FO, la correspondance est indiquée par les chiffres 1, 2, 3. Fig. 5. — Pied de Stachys palustris développé à la lumière diffuse; le support autour duquel un des rameaux s'enroule a été introduit après 304 A. MAIGE. que les entre-nœuds du rameau se sont tordus naturellement sous l’ac- tion de la lumière atténuée. Fig. 6. — Pied de Stachys palustris développé à la lumière directe. PLANCHE VII. Fig. 1. — Bois de la base végétative d’une tige dressée de Glechoma hede- racea. Fig. 2. — Bois d’un rameau rampant stérile de Glechoma hederacea. Fig. 3. — Bois d’une tige dressée de Glechoma hederacea dont l'extrémité s’est transformée en tige rampante. Fig. 4. — Bois d’une tige rampante de Fragaria vesca. Fig. 5. — Bois de la partie moyenne végétalive de la tige de Potentilla argentea. Fig. 6. — Bois de la tige florifère d'Ampelopsis hederacea. Fig. 7. — Bois de la tige grimpante d'Ampelopsis hederacea. Fig. 8. — Bois de la tige développée au soleil de Sfachys palustris. Fig. 9. — Bois de la lige développée à la lumière diffuse de Stachys palustris. Ann, des-.Sc: nat. 6°, Série. Pot. Tome:Xl,; P15. A. Maïqge del. Ierinca se. Lamium Galeobdolon 1, ?, 3, 4. — Veronica officinalis 5, 6. 5 Stachys silvatica 7, 8. — Vinca major 9, 10, 11. Convolvulus sepium 12, 13. = #f re 1 = El ) É ÿ1 j Te li ; ) ( f { ‘ 30 à L ‘ D r te Éd l Î ae ] Ù \ k v EUX PAL es - L PE a à = Te = é Sa S) É | z ; 5 à û - ÿ CES fe ie 5 3j & Ê © o J ART 3 : x = e SE 1 Le É { = Î , ï ; > I BA - 2? j r 7 = à Fe € ’ ar TEe ess ee ÿ j » = : e AD (Ér 2 5 RS EURE ? l =: - - s He ?, ; f : qi di 2 1 tee D À (Le MER Lo L À à à : Me PRRE: b, - s 1e x x g = 5 TRES AA = Gr pet A) a ï | ë € û à F ARTE + Doi ÿ : EME = Le CR ) 1 S & f AE À = f GE USERS ( TS S x Anh. dCS:SC. nal. SE Série. Bot. Tome X1, P1. 6. (at LENS . se A. Maïge del. Herin q see Ranunculus repens 1. — Potentilla argentea ?, 5. Glechoma hederacea 4. — Potentilla reptans 5. Hieracium Pilosella 6, 7. AN Serie ° Ann, des Se. nat. Herineq SC. A. Muige del. ? Au J Stachys silvatica 1,2, 5, 4. — Stachys palustris Ann. des Se. nat. & Série TT : SC Série. Bot. Tome XI, PI & POTOO RCI DSi 00 (€ - \Ÿ © à 1% VAS Le DDSSON0 6 STONE 010 < ol se à (6 Fs LC 1 © 0 ) Da S y 2) \ oO Ne (oY S 0 F € € 7! , 1e s\Ÿ 210 ne Glechoma hederacea 1, 9, 3, — Fragaria vesca 4. NT _ - re Potentilla argentea 5. — Ampelopsis hederacea 6, 7. Stachys palustris 8, 9. L'APPAREIL SEXUEL ET LA DOUBLE FÉCONDATION DANS LES -PULIPES Par L. GUIGNARD Quand j'ai fait connaître, au commencement de l’année dernière, les résultats de mes recherches sur la double fécon- dation dans le genre Lilium (1), les observations compara- Lives que j'avais entreprises sur d’autres plantes n'étaient pas encore terminées, soit en raison des difficultés mêmes de cette étude, soit à cause de l'insuffisance des matériaux que J'avais pu réunir pendant les années précédentes. Un peu plus tard, dans une note rédigée à l’occasion du cinquantenaire de la Société de biologie (2), j'ai décrit, avec figures à l'appui, la double fécondation dans l'Endymion nutans ou Jacinthe des bois. J'avais étudié aussi le Frivil- laria Meleagris; mais comme cette plante présente, pour ainsi dire jusque dans les détails, les mêmes phénomènes que le Zilium Martagon, qui m'avait servi d'exemple dans ma première communication, il suffisait de men- tionner simplement leur analogie. Ces résultats sont d'ailleurs en parfait accord avec ceux de M. Nawaschine sur (1) L. Guignard, Sur les anthérozoïdes et la double copulation sexuelle chez les Végélaux angiospermes (C. R. Acad. des Sc., 4 avril 1899). (2) Id., Les découvertes récentes sur la fécondation chez les Végétaux angio- spermes (Volume jubilaire du cinquantenaire de la Société de biologie, p.189, 1899). 366 L. GUIGNARD. une autre espèce du même genre, le Fritillaria tenella (1). Dans la note indiquée, je n'ai pas non plus fait mention de mes observations sur le Lilium candidum. était à prévoir qu'il devait offrir les mêmes phénomènes que le Lilium Martagon et le L. pyrenaicum, étudiés dans mon premier travail. Bien que le peu de fertilité de cette espèce cultivée en rendit l'étude plus difficile, la pollinisation d’un grand nombre de fleurs m'avait permis néanmoins de suivre toutes les phases de la double copulation sexuelle et de constater qu'elle présente effectivement les mêmes caractères que dans ces deux dernières espèces. [I m'a paru seulement que les différents stades du phénomène s y accomplissent encore plus lentement. Par contre, leur rapidité est très grande dans l'Zndymion. Cette Jacinthe offre d’ailleurs, au point de vue de la consti- tution de l'appareil sexuel femelle, certaines différences par rapport aux plantes précédentes. La principale consiste en ce que les deux noyaux polaires, dont l'union produit le noyau secondaire du sac embryonnaire, s’accoient lun à l'autre longtemps avant la pénétration du tube pollinique dans l’ovule, tandis que, dans le Lis et la Fritllaire, ils restent presque toujours séparés jusqu'au moment de la fécondation. Mais, quoique aplatis à la surface de contact, ils ne se fusionnent pas; leur contour reste distinet et leurs éléments figurés, charpente chromatique et nucléoles, con- servent les caractères qu'ils présentaient avant leur accole- ment. Ces deux noyaux polaires soudés sont plus rapprochés de la base que du centre du sac, dans lequel les cellules antipodes s’atrophient de bonne heure. Le sac forme une erande cavité, traversée verticalement par un cordon proto- plasmique épais, qui relie ces noyaux à l'oosphère, et dans lequel lun des deux anthérozoïdes sortis du tube pollinique chemine pour venir les rejoindre. Le noyau de cet anthé- (1) J, Nawaschine, Resultate einer Revision der Befruchtungsvorgange bei Li- lium Martagon und Fritillaria tenella (Bull. de l'Acad. imp. des Sc. de Saint-Pétersbourg, t. IX, n° 4). L APPAREIL SEXUEL DANS LES TULIPES. 367 rozoïde s’unit aux noyaux polaires au niveau de leur surface de contact; puis il grossit, mais reste toujours beaucoup plus petit que chacun d'eux. La même différence de grosseur s observe entre le noyau de l'autre anthérozoïde et celui de l’oosphère. Par l’accolement constant des deux noyaux polaires, qui ne se fusionnent pas en une masse nucléaire unique avant la fécondation, la Jacinthe des bois se montre intermédiaire entre le Lis et la Fritillaire, chez lesquels ces noyaux restent le plus souvent isolés avant l’arrivée du tube pollinique, et les plantes beaucoup plus nombreuses où leur fusion est complète, parfois assez longtemps avant le moment de la fécondation. On sait d’ailleurs, par les observations déjà anciennes qui ont fait connaître le développement du sac embryonnaire (1), que la fusion des noyaux polaires avant la fécondation est le cas ordinaire. En raison de son importance, l'étude de la double copu- lation devait nécessairement être étendue à d’autres plantes que les Monocotylédones dont il vient d être question; car, si son existence peut, dès aujourd’hui, être considérée comme générale chez les Angiospermes, 1l était à croire qu'elle donnerait lieu sur plus d'un point à des remarques intéressantes. C’est ce qu’il me serait déjà possible de mon- trer en relatant mes observations sur plusieurs Dicotylédones, en particulier les Renonculacées, chez lesquelles j'ai suivi aussi cette double fécondation; mais je me réserve de les publier plus tard et, pour le moment, je me propose seule- ment d'exposer les faits que j'ai constatés en étudiant les Tulipes. Les nombreuses variétés de Tulipes que l’on cultive dans Les jardins, et qui dérivent pour la plupart du Tulipa Gesne- riana, sont fréquemment stériles ou ne donnent qu un petit nombre de graines. Quand la pollinisation naturelle ou arti- (4) E. Strasburger, Ueber Befruchtung und Zelltheilung (Jen. Zeitschr., 1877). — L. Guignard, Recherches sur le sac embryonnaire des Phanérogames angiospermes (Ann. des Sc. nat. Bot.. 1882). 308 L. GUIGNARD. ficielle a réussi, on ne rencontre ordinairement que très peu d'ovules fertiles parmi tous ceux que renferme l'ovaire. Or, au début, c'est-à-dire au moment où les phénomènes de la fécondation doivent être étudiés, rien ne distingue extérieu-. rement les ovules fécondés de ceux qui ne l'ont pas été. Il en résulte que, même en examinant un nombre considérable d'ovules, je ne suis pas arrivé à suivre sans discontinuité tous les stades des phénomènes qu'il était intéressant d’ob- server. 11 semblait donc préférable de s'adresser à des espèces sauvages, telles que le Tulipa Celsiana et le T. syl- vestris (1). Cependant, ils’en faut que, même dans ces espèces, les ovules fécondés dans chaque loge ovarienne soient en majorité; mais leur nombre est en tout cas suffisant pour permettre d'atteindre le but désiré. En outre, les ovaires, plus petits que dans la Tulipe des Jardins, peuvent être fixés par fragments ou même en entier au moyen de l’alcool absolu, du liquide de Flemming ou d'autres réactifs, puis soumis aux manipulations ordinaires (montage et coupes dans la paraffine, etc.) (2). En examinant d’abord le sac embryonnaire dans l’ovule adulte, mais non fécondé, je constatai que l'appareil sexuel ne présente pas la même constilution dansle Tulipa Celsiana et le 7”. sylvestris que dans le T. Gesneriana, ce qui peut paraître assez étonnant pour des espèces d’un même genre. Pour s'expliquer cette différence, il devenait nécessaire de suivre le développement du sac et de son contenu à partir du jeune âge jusqu’à la fécondation. J'ai reconnu ainsi que dans les deux premières espèces, les caractères de l'appareil sexuel sont assez différents de ceux qu'on observe chez les (1) J'ai récolté, il y a plusieurs années, en Algérie, un grand nombre d'ovaires de Tulipa Celsiana, que j'avais lieu de croire en majeure partie fécondés, mais la plupart ne l'étaient pas encore. Grâce à l'obligeance de M. Granel, directeur du Jardin des plantes de Montpellier, et de M. Gaillard, conservateur de l’herbier de Lloyd, à Angers, j'ai recu des matériaux suf- fisants pour mes recherches. Le Tulipa sylvestris a été récolté en abon- dance dans les environs de Saint-Quentin par mon préparateur, M. Guérin. (2) Pour les colorations, j'ai employé de préférence la méthode de Hei- denhain. "À | | L'APPAREIL SEXUEL DANS LES TULIPES. 309 autres plantes pour mériter une étude spéciale. Dans la der- nière espèce, au contraire, ils ressemblent à ceux du Lis ou de la Fritillaire, et il serait superflu de les décrire en détail. Par conséquent, on examinera d’abord le développement de l'appareil sexuel dans le Tulipa Celsiana et le T. sylves- tris (1), puis les phénomènes de la fécondation; il suffira ensuite d'indiquer brièvement, par comparaison, ce qui se passe dans la Tulipe des jardins. On sail depuis longtemps (2) que, dans le genre Tulipa, comme dans le genre ZLilium, le sac embryonnaire tire directement son origine d’une cellule sous-épidermique du nucelle ovulaire. L’épiderme du nucelle reste simple; il est recouvert, au sommet, par les bords très épais du tégument ovulaire interne (PI. IX. fig. 1 et 2). Le protoplasme remplit toute la cavité du sac jusqu’au moment où le noyau se divise; puis une vacuole appa- _ raît, soit sur le côté (fig. 3), soit à la base. En tout cas, à partir de ces premières phases, la vacuole occupe toujours la base du sac et persiste jusqu'à la fécondation; il en résulte que la situation des noyaux et des cellules sera diffé- rente de celle qu'on observe d'ordinaire chez les autres plantes, où les antipodes occupent presque toujours la partie inférieure du sac embryonnaire. Les trois divisions nucléaires, qui doivent fournir les huit noyaux du sac, n'ont pas lieu dans des plans déterminés et constants; tantôt l'orientation des fuseaux nucléaires est celle desfiguresÆet 6, par exemple; tantôt elle estdifférente. Ce qui paraît plus régulier, c'est, à la troisième bipartition, la direction parallèle des deux fuseäux qui dérivent de la même paire de noyaux (fig.6). Après la seconde bipartition, \es quatre noyaux formés simultanément ne sont ordinai- (1) Ces deux espèces se ressemblent beaucoup sous le rapport des ovules et du sac embryonnaire. Ces organes sont seulement un peu plus gros dans la seconde que dans la première. (2) Treub et Mellink, Notice sur le développement du sac embryonnaire dans quelques Angiospermes (Arch. néerland., t, XV, 1880). ANN. SC. NAT. BOT. XI: 24 370 L. GUIGNARD. rement égaux et semblables que par paire, comme le montre la figure 5, où les deux plus gros sont situés au premier plan. Après la troisième bipartition, les huit noyaux quien résultent, au lieu de constituer deux tétrades distinctes l'une de l’autre et occupant l’une le sommet, l’autre la base du sac, comme c’est le cas ordinaire chezles Angiospermes, restent d'abord groupés indistinctement dans le proto- plasme qui surmonte la vacuole. Mais, bientôt, l’un d'eux se sépare des sept autres et se place sur le côté, à un niveau inférieur (fig: 7, 9, 10, 12); en même temps, il se différencie d’une façon très nette de ses congénères par l'aspect de ses éléments chromatiques fins et serrés et par la multiplicité de ses nucléoles. En raison de la position qu'il prend de bonne heure vers la base du sac, nous l’appellerons « novau basilaire ». Presque aussitôt après la dernière bipartition, et avant même que le noyau basilaire ne revête des caractères par- ticuliers, on remarque que les deux noyaux ordinairement les plus rapprochés du sommet du sac embryonnaire se dis- ünguent aussi de tous les autres par leur dimension plus faible et l'aspect spécial de leur contenu (fig. 7 à 12). Leurs éléments chromatiques étant plus serrés et pelotonnés dans toute Ia cavité nucléaire, ces noyaux paraissent plus colorés après l’action des réactifs. À en juger par la place qu'ils occupent au sommet du sac où on les retrouve pendant un certain temps après la fécondation, ces « noyaux apici- laires » appartiennent évidemment à la tétrade nucléaire supérieure et représentent les noyaux des synergides. Les autres noyaux deviennent beaucoup plus volumineux, et, si l’on fait abstraction du noyau basilaire, qui se dis- tingue de bonne heure par sa position, comme on l’a dit, et par ses caractères internes, comme on le verra tout à l'heure, les cinq noyaux que l’on peut appeler «centraux », uniquement pour les distinguer des trois autres, car ils ne sont pas tous situés exactement dans la partie centrale du sac, présentent un aspect particulier, lequel persiste pen- L'APPAREIL SEXUEL DANS LES TULIPES. 911 dant toute la durée de l'accroissement du sac et le temps qui s écoule avant la fécondation. Cet aspect est dû à ce que leurs éléments chromatiques sont disposés sous forme de filaments droits ou ondulés, accolés ou très rapprochés de la membrane nucléaire. Le noyau ressemble à une vacuole dont la majeure partie est occupée par le sue nucléaire. Entre les ondulations des fila- ments, se trouvent un ou deux nucléoles, toujours assez petits par rapport à la taille du novau. Les filaments sont multiples, souvent nettement distincts les uns des autres. On peut parfois les suivre dans toute leur longueur d’une extrémité à l’autre; mais, comme tous ne se présentent pas, dans le même noyau, d'une façon aussi favorable, il est difficile d'en apprécier le nombre avec certitude. Toutefois, je crois pouvoir dire qu il y en à une douzaine, et pour cela, je m'appuie en partie sur l'observation, en partie sur les raisons suivantes. Dans les tubes polliniques de Tulipe développés en ger- mination artificielle, j'ai trouvé douze chromosomes au moment de la division du noyau de la cellule génératrice primitive du grain de pollen. Or, on sait que dans les noyaux générateurs mâles et femelles d’une même plante, le nombre des chromosomes est non seulement réduit de moitié par rapport à celui qui caractérise les noyaux pure- ment végélatifs, mais encore égal et fixe dans les deux sortes de noyaux sexuels. Il est vrai que, dans le sac embryonnaire, cette fixité de nombre n'existe pas ou ne se maintient pas nécessairement dans chacun des huit noyaux du sac embryonnaire : le Lis en fournit la preuve, puisque, comme Je l’ai fait remarquer à plusieurs reprises dans divers travaux (1), le noyau polaire inférieur et les noyaux des antipodes ont ordinaire- ment un nombre de chromosomes plus élevé que celui qu'on observe dans l'oosphère. Mais J'ai des raisons de croire que, (4) Nouvelles Études sur la fécondation, p. 24% (Ann. des Sc. nat. Bot., 1891). 372 L. GUIGNARD. dans d’autres plantes, l'égalité numérique des chromo- somes peut se rencontrer dans tous les noyaux du sac embryonnaire. Malgré les différences de grosseur que l’on observe entre les noyaux du sac embryonnaire de la Tulipe, il est possible que chacun d'eux reçoive douze chromo- somes au moment de sa formation et les conserve ultérieu- rement. Peut-être ce nombre change-t-il dans le noyau basilaire, dont les caractères sont différents de ceux des autres noyaux. | Quoi qu'il en soit sous ce rapport, dans les cinq noyaux centraux, les filaments libres à leurs deux extrémités repré- sentent vraisemblablement les chromosomes des divisions antérieures restés distincts. Par ce caractère, ces noyaux ressemblent à ceux qu'on rencontre dans certains cas, où la rapidité des divisions successives ne permet pas la re- constitution d’un filament unique ou d’une charpente chro- matique réticulée. Mais, dans le cas qui nous occupe, et c’est là ce qui le rend curieux, les divisions nucléaires du sac sont achevées, et pourtant les noyaux conservent presque les mêmes caractères que s'ils venaient de prendre naissance ou s'ils étaient sur le point de se diviser encore. Cette particularité, jointe à d’autres raisons, pourrait donner à penser, au premier abord, qu’ils sont équivalents au point de vue de la fécondation et également aptes à rem- plir le rôle qui est dévolu ordinairement au seul noyau de l’oosphère. Ces noyaux ne sont pourtant pas constamment semblables sous tous les rapports; en effet, au voisinage des petits noyaux apicilaires, il y en a deux qui restent ordinairement un peu moins gros que les autres (fig. 8, 10, 12); ce sont deux noyaux frères dont l’un représente, à n’en pas douter, le noyau de l’oosphère, mais ne montre pas de caractères distinctifs par rapport à l’autre, qui correspondrait au noyau polaire supérieur. Quand l’un d'eux reste plus petit et que son congénère présente la même dimension que les autres noyaux centraux, 1l peut être considéré avec plus de L'APPAREIL SEXUEL DANS LES TULIPES. 313 probabilité comme le noyau de l’oosphère (fig. 11, noyau situé à gauche, vers le haut). Les trois autres noyaux cen- traux sont presque toujours sensiblement plus gros (fig. 10 et 12); avec le noyau basilaire, ils représentent ensemble le noyau polaire inférieur et les noyaux antipodes. Mais comme, à part les noyaux apicilaires et basilaires, les autres n'ont pas de position fixe, et que, de plus, le caractère tiré de leur dimension est inconstant, il est en général impos- sible, à un certain âge, de reconnaître ceux qui sont frères. Quelquefois, cependant, la direction des filaments chroma- tiques rend la chose possible, comme dans la figure 10, où les mêmes lettres désignent les noyaux qui ont une origine commune. À aucun moment, pas plus à l’état adulte que dans le jeune âge, il ne se forme de membrane véritable autour des huit noyaux du sac embryonnaire dans le Tulipa Celsiana et le T. sylvestris. Dans le Jeune âge, le protoplasme se montre également réparti et sans indice de démarcation entre les noyaux (fig. 7 et 8). Plus tard, il apparaît dansle protoplasme des lignes granuleuses excessivement fines, qui délimitent le territoire protoplasmique appartenant à chaque noyau; et, sous l'influence des réactifs durcissants, tels que l'alcool ou le liquide de Flemming, les cellules ainsi délimitéess'isolent quelque peu les unes des autres sur tout ou partie de leur périphérie (fig. 11). Autour des noyaux, le protroplasme offre une disposition radiaire, et le contour des cellules est représenté par une ligne de granulations très ténues. En général, le noyau basilaire n’a pas un protoplasme nettement délimité, sauf du côté des noyaux les plus rappro- chés. Les stries protoplasmiques radiaires s'étendent beau- coup plus loin et vont pour ainsi dire se perdre à une assez grande distance sur la paroi du sac embryonnaire (fig. 9, 10, 12); dans la figure 9, ce noyau est au premier plan. Par l’ensemble de ses caractères, le noyau basilaire, avec son territoire protoplasmique, forme une cellule spéciale, 374 L. GUIGNARD. qui représente en quelque sorte [a partie végétative du sac embryonnaire. Examinons maintenant les phénomènes qui accompagnent la fécondation. Dans l’angle interne de chaque loge ovarienne, les cellules épidermiques de la paroi présentent au voisinage des ovules l'aspect de papilles et jouent le rôle de tissu conducteur. Dans les Tulipes, le sommet du tégument ovulaire interne n'est pas recouvert par Île tégument externe (fig. 1) et s’avance presque au contact de ces papilles épidermiques. Le tube pollinique pénètre dans le micropyle et chemine en se dilatant ordinairement d’une facon très marquée. Sou- vent aussi, 1l se rétrécit et se dilate çà et là, en refoulant les cellules qui bordent le canal micropylaire, ou même en formant entre elles des sortes de hernies. Ce canal, plutôt virtuel que réel, est plus long dans le Tulipa Celsiana que dans le 7”. sylvestris. Je ne connais pas de cas où le tube pollinique soit aussi facile à suivre que chez ces plantes etse renfle au même degré durant son parcours, Souvent, après la fécondation et même après les premiers stades du déve- loppement de l'embryon, on le retrouve avec les mêmes caractères extérieurs. Arrivé sur l’épiderme du nucelle, le tube pollinique en écarte et refoule les cellules sur les côtés et pousse son sommet à l’intérieur du sac embryonnaire (PI. X, fig. 16, 20, 22; — PI. XI, fig. 24, 25). Parfois, 1l s'étale d'abord sur l’'épiderme nucellaire avant d’en dissocier les cellules (fig. 24), et même les écarte en plus d’un endroit en formant des protubérances dont l’une se vide et laisse sortir son contenu (fig. 25). Sa pénétration dans la partie supérieure du sac embryonnaire est plus ou moins profonde; en général, il forme simplement au sommet un renflement ovoïde; par- fois aussi il s'avance davantage après avoir dépassé l’assise épidermique, au niveau de laquelle 1l présente un étrangle- ment (fig. 22). 1! m'est arrivé même de voir un tube avec L'APPAREIL SEXUEL DANS LES TULIPES. 319 ses deux noyaux mâles accolés l’un à l’autre au sommet, qui s'était avancé presque jusqu'au milieu du sac embryon- naire ; la paroi du tube, qui est en général épaisse et gonflée vers son extrémité quand celle-e1 a atteint le sommet du sac, s'était distendue et amincie, mais restait parfaitement reconnaissable. Mais c’est là un cas tout à fait exceptionnel. Comme chez les autres plantes où l’on a étudié la fécon- dation, l'expulsion du contenu du tube est très rapide. Il est rare de pouvoir l’observer au momentoù l'extrémité du tube, déjà parvenue dans le sac embryonnaire, ne s’est pas encore vidée, comme on le voit dans la figure 13, où cette extrémité close par une paroi épaissie montre les deux noyaux mâles courbés et placés transversalement l’un au-dessus de l’autre. Le protoplasme qui les entourait s'était lui-même coloré d'une façon assez marquée par l’hématoxyline, et, bien qu'il ne fût pas nettement distinct du reste du contenu du tube pollinique, il représentait sans doute le protoplasme propre des cellules mâles. Quand le sommet du tube vient de laisser sortir son contenu, les noyaux mâles sont entourés d’une substance dense et finement granuleuse, formant un amas diffus ou une traînée plus ou moins limitée (fig. 14, 15, 16, 17, 18). Cette substance doit être formée, en partie, par le proto- plasme propre aux noyaux mâles, mais la coloration par l'hématoxyline ne permettait pas de Le différencier. Au début le tube paraît ouvert à son extrémité (fig. 14, 16, 18); plus tard, il est fermé sa paroi, épaisse et réfringente, le sépare nettement du contenu qui s’en est échappé (fig. 17). Arrivés dans le sac embryonnaire, les éléments mâles, ou anthérozoïdes (1), se présentent sous la forme de noyaux (1) Dans ma première communication sur la double copulation sexuelle, j'ai cru pouvoir désigner les corps reproducteurs mâles sous le nom d’anthé- rozoïdes, bien qu'ils soient dépourvus de cils et qu'ils n'offrent pas d’enve- loppe protoplasmique distincte après leur arrivée dans le sac embryon- naire, comme c’est d’ailleurs le cas pour les anthérozoïdes des Cryptogames, quand ils ont pénétré dans le protoplasme de l’archégone. Les aspects très divers que leur corps vermiforme, parfois nettement tordu en spirale, pré- 316 L. GUIGNARD. allongés, ordinairement incurvés, mais sans la torsion par- fois nettement spiralée que j'ai décrite et figurée dans le Lis. Parfois aussi, leur forme est presque arrondie ou même irrégulière, peut-être à cause de l’action des réactifs fixateurs. Leur substance chromatique est si condensée qu'elle paraît presque toujours entièrement homogène. La pénétration des éléments mâles avec la cibèes qui les accompagne dansle sacembryonnaire semble déterminer parfois dans ce dernier un léger déplacement des cellules de l'appareil femelle au voisinage desquelles elle a lieu. J'avais pensé que, peut-être, à ce moment, l’oosphère pourrait être plus facilement Re qu'aux F antérieurs; mais il n’en est rien, tout au moins dans la majorité des cas. Dans la figure 14, par exemple, il n’est pas possible de reconnaître celle des cellules qui remplira le rôle d’oosphère. Toutefois, dans la figure 13, où les anthérozoïdes ne sont pas encore libres, il semble que la cellule femelle soit celle qu'on voit au premier plan, à gauche et vers le haut, un peu au-dessous de l’une des cellules apicilaires ou synergides; mais elle ne se distingue des autres que par la limite plus nette de son protoplasme, encore dépourvu de membrane à la périphérie. Dans la figure 16, où les anthérozoïdes viennent de sortir du tube pollinique, l’oosphère est située au-dessous de la traînée protoplasmique qui les entoure et qui se déverse en partie dans l’oosphère. L'un des anthérozoïdes va s'unir au noyau de la cellule qui joue le rôle d'oosphère, et dont le protoplasme s’entoure sente dans le Lis et la Fritillaire, donnent l’idée qu’ils pourraient bien être doués de mouvement pendant la vie. Si, dans les autres cas, la forme est moins caracléristique, si même elle ne diffère parfois que fort peu, comme j'aurai l’occasion de le montrer plus tard, de celle d’un noyau condensé et presque globuleux, il n’en est pas moins bon d'uniformiser la nomen- clature et d'employer, pour plus de commodité, le nom d’anthérozoïde pour désigner le corps nucléaire mâle des Angiospermes, alors même qu'il nest plus entouré d’un protoplasme propre. On sait d’ailleurs que chez les Fioridées les éléments mâles, quoique privés de cils et immobiles, portent plutôt cette désignation que celle de « pollinides » qu'on leur a parfois donnée et qui, si elle n’avait été employée pour ces Algues, aurait pu mieux convenir pour les Angiospermes que pour les Floridées. L'APPAREIL SEXUEL DANS LES TULIPES. DT alors d'une membrane excessivement délicate (fig. 18); l’autre rejoint ensuite l’un des noyaux polaires, ou bien, comme on le verra tout à l’heure, deux noyaux accolés, représentant le noyau secondaire du sac. Dans le cas actuel, la copulation m'a toujours paru se faire en premier lieu dans l’'oosphère, sans doute en raison de la plus grande proxi- mité des noyaux qui entrent en jeu; tandis que dans le Lis, 1l peut arriver, comme Je l’ai fait remarquer, que l’un des anthérozoïdes rejoigne le noyau palaire inférieur, avant que l'autre ne s’unisse au noyau de l’oosphère. Les deux anthé- rozoïdes sont d’ailleurs équivalents. Aussitôt que l’un des anthérozoïdes s’est soudé au novau _ femelle, il grossit et laisse voir à son intérieur des granu- lations chromatiques distinctes, comme on peut le remar- quer dans la figure 18, où le second anthérozoïde, encore libre dans la traînée protoplasmique plus sombre qui l’en- toure, n’a pas encore changé d'aspect. La formation du noyau secondaire du sac m'a toujours paru ne se produire qu'après l’entrée du tube pollinique dans le micropyle. Elle est donc fort tardive, quand toute- fois elle a lieu avant la copulation. C’est ainsi que dans la figure 13, où le tube pollinique est déjà parvenu au sommet du sac embryonnaire, le noyau secondaire n’est pas encore formé. Dans les figures 14, 16, 18, les deux noyaux qui le constituent sont au contraire accolés l’un à l’autre, mais bien distincts. Ces deux noyaux sont, l’un le noyau basilaire toujours facile à reconnaitre à l’aspect spécial de son contenu et malgré les différences de grosseur et de forme qu'il peut offrir, l’autre l’un des noyaux centraux avec ses filaments chromatiques distincts et ses nucléoles pelits et - peu nombreux. Si l’on s’en rapporte à ce qui se passe chez les autres plantes, on considérera ici le noyau basilaire comme représentant le polaire inférieur, tandis que l’autre noyau doit représenter le polaire supérieur. Dans le Lis, la formation du noyau secondaire n’a souvent pas encore eu lieu au moment de la pénétration du tube pollinique dans 378 | L. GUIGNARD. le sac embryonnaire, et alors l’un des deux anthérozoïdes va s'unir d’abord au noyau polaire supérieur, après quoi l’union se fait avec le polaire inférieur. Il peut en être de même dans la Tulipe, à en juger par les cas, d'ailleurs assez rares, tels que celui de la figure 19, oùles deux noyaux mâles ont déjà grossi d’une façon très prononcée, l'un au contact du noyau de l’oosphère, l’autre au contact de l’un des noyaux centraux correspondant au polaire supérieur, tandis que le noyau basilaire ou polaire inférieur est encore isolé. À moins de supposer qu’on se trouve ici en présence d'une exception, il est à croire que l'union des noyaux polaires avait subi un retard, mais qu'elle ne s’en serait pas moins effectuée. Une chose qui prouve que l'accolement des deux noyaux polaires n'a pas lieu normalement avant l'entrée du tube pollinique dans le micropyle, c'est la remarque suivante : quand on examine tous les ovules d'une même loge ova- rienne, parmi lesquels les uns sont en voie de fécondation, les autres au contraire n'offrent pas de tube pollinique à leur intérieur, on constate que ces derniers, tout en étant du même âge queles premiers, ont encore tous leurs noyaux isolés les uns des autres dans le sac embryonnaire. Pareille chose s’observe encore à un âge plus avancé, quand les ovules fécondés renferment déjà des embryons rudi- mentaires. Ce qu'on peut remarquer aussi, au sujet de cette union, c'est la différence de structure des deux noyaux entre lesquels elle se produit. Le noyau basilaire du sac est, en effet, tout différent de l’autre sous ce rapport. Si l’on jugeait de l’analogie des propriétés par celle de lastructure, on pourrait dire que les propriétés du noyau polaire supérieur sont semblables à celles du noyau de l’oosphère, et qu'il en est de même pour les autres noyaux centraux, puisque tous ont des caractères morphologiques identiques; tandis que le noyau basilaire doit avoir des propriétés différentes. Les premiers posséderaient des caractères purement sexuels; L'APPAREIL SEXUEL DANS LES TULIPES. 379 ce dernier, au contraire, les aurait perdus, tout au moins en partie, par suite du changement de constitution quil présente de bonne heure et qui est en rapportavec ce fait, que le protoplasme auquel ilappartient a lui-même des caractères particuliers. On pourraitégalement supposer que, parmi les premiers, il n’y a pas de noyau et, par suite, pas de cellule prédestinée au point de vue de la fécondation, l’un quel- conque des noyaux centraux pouvant s'unir à l’un des anthé- rozoïdes.L’absence à peu près complète, dans le cas actuel, d'une différenciation analogue à celle qui caractérise l’'oosphère chez les autres plantes semble favorable à cette hypothèse. D'autre part, en ce qui concerne le noyau basilaire, qui joue le rôle de noyau polaire inférieur, les caractères parti- culiers qu'il possède ne sont pas sans rappeler, à certains égards, ceux que J'ai signalés dans le noyau polaire inférieur du Lis. Dans cette plante, en effet, ce noyau diffère des noyaux sexuels proprement dits par le nombre plus élevé de ses chromosomes, qui se rapproche plus ou moins de celui des noyaux végétatfs ; ce qui m'a permis de dire, avec raison, je crois, que la copulation qui porte sur le noyau secondaire, à la formation duquel concourt le noyau en question, et qui donne naissance à l’albumen, ne peut être complètement assimilée à celle qui donne l'embryon. Celle-ci est la seule, en effet, dans laquelle les deux noyaux qui s'unissent possèdent chacun un nombre égal de chromo- somes, nombre qui caractérise précisément les noyaux sexuels. Cette copulation est une vraie fécondation, tandis que l’autre est pour ainsi dire une pseudo-fécondation. Dans le Tulipa Celsiana et le T'.sylvestris, l'observation ne m'a pas permis, il est vrai, de compter le nombre des chromosomes que le noyau basilaire renferme au moment de la division du noyau secondaire fécondé, de sorte que Ia comparaison avec le Lis peut n’être pas fondée. Il n’en est pas moins curieux de constater que les deux noyaux du sac qui entrent dans la formation de ce noyau secondaire 380 L. GUIGNARD. possèdent des caractères morphologiques tout différents. Lorsque les deux copulations ont eu lieu, les noyaux mâles grossissent, comme on sait, au contact des noyaux femelles et prennent peu à peu les caractères ordinaires de l'état de repos. Dans l’oosphère, le noyau mâle soudé au noyau femelle se distingue assez longtemps de ce dernier par sa taille plus petite et sa colorabilité plus prononcée; finalement les deux noyaux présentent sensiblement la même dimension et renferment l’un et l’autre des nucléoles multiples de gros- seur variable (fig. 18, 20, 23, 24, 25). Avant la copulation, le noyau femelle ne possède ordinairement qu'un nueléole unique ou quelques nucléoles assez réduits. Même quand le noyau mâle a atteint sa dimension presque définitive et ne se colore guère plus que le noyau femelle, il est parfois possible de le reconnaître encore à sa forme spéciale, comme dans la figure 21, où il est situé au-dessous du noyau de l’oosphère (1). La fusion de ces deux noyaux n’a lieu réellement qu'aux premières phases de la division, après que les chromosomes sont déjà devenus distincts dans chacun d’eux (fig. 29). Ces chromosomes sont semblables et présentent les mêmes réactions colorées dans l’un et l’autre noyau; les nueléoles disparaissent avant la résorption des membranesnucléaires. Les choses se passent donc ici comme dans le Lis ou la Fritillaire. Autour des noyaux, le protoplasme offre une siriation radiaire encore plus marquée qu'aux stades antérieurs. | Le fuseau nucléaire de l'œuf dirige son axe verticalement ou obliquement dans Le protoplasme. Dansla figure 31, le pôle supérieur offre un amas de granulations; le pôle inférieur est occupé par un corpuscule entouré d’unezone réfringente qui détermine une légère saillie à la surface du protoplasme. Les chromosomes de la plaque nucléaire sont formés de deux (1) Je n'ai rencontré aucun cas de polyembryonie dans les Tulipes. L'APPAREIL SEXUEL DANS LES TULIPES. 381 moitiés parallèles, qui commencent à se séparer l’une de l’autre aux extrémités tournées vers le centre. Au moment où cette division se produit, il y a déjà, dans la plupart des cas, quatre noyaux d’albumen dans le sac embryonnaire. Au même stade, dans le Lis et la Fritillaire, on en trouve ordinairement huit. La copulation qui précède la formation de l’albumen pré- sente les mêmes caractères essentiels que dans ces dernières plantes, où je l'ai décrite en prenant pour exemple le Lis Martagon. Mais dans les deux espèces de Tulipes qui nous occupent, le noyau mâle et les deux noyaux polaires qui s'unissent forment une masse dans laquelle, très peu de temps après leur copulation, 1l devient en général difficile de les distinguer. Les figures 23 et 24 permettent pourtant de les reconnaître sans peine à un stade avancé, précédant de très peu leur division commune. Ilen est de même dans la figure 26 où, comme dans les précédentes, le noyau mâle, plus petit, est situé au premier plan sur les deux noyaux polaires. Dans la figure 27, les trois noyaux sont plus intimement sou- dés. Quand les premières phases de la division se sont manifestées par l’apparition de chromosomes distincts et la résorption des nucléoles, ils cessent ordinairement d’être reconnaissables. La figure 28 représente pourtant un cas où, au début de la contraction des chromosomes, leur contour était encore visible. Le sac embryonnaire étant élargi dans sa partie inférieure, le fuseau se place horizontalement ou obliquement au centre du protoplasme, qui s'était déjà accumulé avant la division, autour de la masse nucléaire (fig. 23 et 24). Les deux pre- miers noyaux de l'albumen occupent le voisinage de la paroi -du sac embryonnaire (fig. 25). Pendant son jeune âge, l'embryon est relativement volu- mineux par rapportà la dimension du sac. Dans la figure 32, il se compose de deux cellules, dont la supérieure était sur le point de se cloisonner; l’albumen comprenait huit gros noyaux libres, dont £inq ont été représentés; les deux petits 282 L. GUIGNARD. noyaux situés vers le haut, à droite, ne sont autre chose que les derniers vestiges des noyaux qui existaient dans le sac embryonnaire avant la fécondation et qui n’avaient aucun rôle à Jouer dans le phénomène. Ces noyaux sans emploi, au nombre de cinq, puisque les trois autres interviennent dans la double copulation, se résorbent plus ou moins rapi- dement; ils sont encore tous visibles dans la figure 31, au voi- sinage de la paroi du sac, ceux qui paraissent englobés dans l'œuf étant, en réalité, situés à l'extérieur de sa membrane d'enveloppe. Comme je l'ai fait remarquer au début de cet exposé, les caractères du sac embryonnaire et de l’appareil sexuel du Tulipa Gesneriana diffèrent de ceux dont il vient d'être question. À cet égard, les diverses variétés de Tulipes culti- vées paraissent ressembler aux autres plantes et en parti- culier au Lis et à la Fritillaire. Leur sac embryonnaire, au lieu d’être ovoïde-élargi, s'allonge et se rétrécit à la base en un cul-de-sac cylindrique. Les deux tétrades nucléaires formées avant que le sac n'ait atteint sa longueur défi- nitive, s'écartent de bonne heure l’une de l’autre. Au sommet, les synergides et l’oosphère sont généralement bien distinctes du noyau polaire supérieur situé plus bas sur le côté. Les trois cellules antipodes occupent le cul-de-sac, dans lequel elles sont ordinairement super- posées; le noyau polaire inférieur se trouve à l'entrée du rétrécissement et se reconnaît facilement à sa taille plus grande que celle des noyaux des antipodes. La fusion des deux noyaux polaires paraît toujours se faire à cet endroit, et, par conséquent, c'est Le noyau polaire supé- rieur qui descend pour rejoindre l’autre, soit avant la copu- lation, soit après son union avec l’un des noyaux mâles. En raison des difficultés que présente l'étude du Tulipa Ges- neriana, je ne saurais dire quel est le plus fréquent de ces deux cas. Au stade où l’on observe ce noyau mâle au contact des deux noyaux polaires, les noyaux des antipodes sont L'APPAREIL SEXUEL DANS LES TULIPES. 383 déjà, le plus souvent, en voie de résorption. Par ces divers caractères, les variétés de Fulipes cultivées que j'ai examinées différaient donc sensiblement des deux espèces sauvages étudiées précédemment. En résumé, tandis que le Tulipa Gesneriana paraît offrir, au point de vue de l'appareil sexuel, des caractères analogues à ceux du Lis ou de la Fritillaire, le Tulipa Celsiana et le T. sylvestris présentent plusieurs particularités curieuses qui n'ont pas encore été rencontrées chez d'autres plantes. La principale consiste dans la faible différenciation des cellules nées dans le sac embryonnaire avant la fécon- dation. À aucun moment, en effet, les huit noyaux destinés à former, chez les autres plantes, l'appareil femelle au som- met, les antipodes à la base, et le noyau secondaire vers le centre, ne se disposent en deux groupes opposés. Trois d’entre eux seulement se distinguent des autres par leurs caractères morphologiques : deux occupent le sommet du sac et restent toujours plus petits et en apparence plus chro- matiques, parce que leurs éléments figurés sont plus serrés dans la cavité nucléaire; ils représentent les noyaux des synergides. Le troisième, situé vers le bas, et tantôt de même grosseur, tantôt plus volumineux ou parfois moins gros que les cinq autres groupés vers le centre du sac, dif- fère de très bonne heure de ces derniers par la structure de sa charpente chromatique, formée d'éléments plus fins et plus condensés, accompagnés de nucléoles multiples. Les noyaux centraux, au contraire, offrent des filaments chroma- tiques distincts, pour la plupart disposés à la périphérie de la cavité nucléaire, et entre lesquels il n'existe ordinairement qu'un ou deux nucléoles. Bien que tous les noyaux possèdent chacun son territoire protoplasmique propre, limité par un contour granuleux, il n'apparaît pas de membrane véritable autour de leur proto- plasme. Le plus souvent, même à l’état adulte, et au moment où le tube pollinique déverse son contenu dans le sac 384 L. GUIGNARD. embryonnaire, rien ne permet de distinguer l’oosphère, non plus que le noyau polaire supérieur. C’est le noyau basi- laire, situé au-dessous de tous les autres et par suite de ceux qui correspondent aux antipodes chez les autres plantes, qui joue le rôle de polaire inférieur. L'union des deux noyaux polaires ne s’effectue que fort tar- divement, au moment où le tube pollinique a pénétré dans l’ovule, quand toutefois elle à lieu avant la copulation de l’un des anthérozoïdes avec le noyau polaire supérieur. La copulation de l’autre anthérozoïde avec l’oosphère pré- sente des caractères semblables à ceux que j'ai signalés dans le Lis et la Fritillaire; le noyau mâle grossit au contact du noyau femelle, dont il revêt peu à peu la forme et la struc- ture, et tous deuxrestent distincts jusqu'aux premiersstades de la division de l'œuf. Comme dans le Lis, la Fritillaire, la Jacinthe et d’autres plantes dont je compte publier ultérieurement l'étude, la première division de l’œuf, qui forme l'embryon, est toujours précédée par celle du noyau secondaire fécondé, qui donne naissance à l’albumen. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE 1X Fig. 1 à 8, Tulipa Celsianu; 9 à 12, Tulipa sylvestris. — Gross. : 70 pour la figure 1 ; 450 pour les figures 2 à 12. Fig. 1. — Ovule adulte coupé dans le plan de symétrie, pour montrer la dimension relative du sac embryonnaire au sommet du nucelle. Fig. 2. — Sommet du nucelle avec le sac embryonnaire encore jeune et situé immédiatement sous l’épiderme. Fig. 3. — Première bipartition du noyau du sac embryonnaire, dans lequel la vacuole est latérale, Fig. 4. — Seconde bipartition nucléaire. À ce stade, la vacuole occupe la base du sac, comme dans les stades ultérieurs. Fig. 5. — Noyaux dérivés de la seconde bipartition ; les deux noyaux situés au premier plan sont un peu plus gros que les deux autres situés au se- cond plan. Fig. 6. — Troisième et dernière bipartition nucléaire; la direction des fuseaux permet de reconnaître la position occupée antérieurement par les deux paires de noyaux dont ils dérivent. Fig. 7. — Commencement de différenciation des huit noyaux peu de temps après leur formation : au sommet du sac, deux d’entre eux sont restés plus petits; les six autres sont à peu près semblables, mais l’un d'eux, qui se différenciera nettement plus tard par l’aspect de son contenu, est déjà descendu sur le côté du sac embryonnaire. Fig. 8. — Sac embryonnaire plus âgé, dans lequel la différence de gros- seur entre les deux noyaux frères du sommet et les autres est beaucoup plus marquée. Les deux noyaux apicilaires représentent les syner- gides. Fig. 9. — Sac embryonnaire adulte. Les deux noyaux du sommet, plus petits, conservent l’aspect qu'ils avaient déjà aux stades antérieurs; parmi les autres, celui du bas se distingue par la multiplicité des nucléoles et par la structure de sa charpente chromatique; il joue le rôle de noyau polaire inférieur. Fig. 10. — Sac adulte. Les lettres a et a’, betb',c et c',det d' correspondent aux noyaux frères formés dans les bipartitions. La direction des filaments chromatiques qu'ils renferment permet de reconnaître les deux noyaux issus du même noyau antérieur. Fig. 11. — Sac adulte, dans lequel le protoplasma s’est délimité autour des noyaux d’une facon distincte et rendue plus visible par une légère con- traction due au réactif fixateur. Fig. 12. — Même stade, avec noyau basilaire occupant une position un peu différente de la précédente. ANN. SC. NAT. BOT. xI, 25 380 L. GUIGNARD. PLANCHE X Fig. 14, Tulipa Celsiana; autres figures, Tulipa sylvestris. — Gross. : 500 pour toutes les figures, sauf la figure 22, gross. : 100. Fig. 13. — Pénétration du tube pollinique au sommet du sac embryon- naire. Dans son extrémité renflée se trouvent les deux anthérozoïdes sous forme de noyaux .allongés et courbés entourés d’un protoplasme dense. L'’oosphère parait être la cellule à contour protoplasmique bien délimité, située vers le haut au premier plan à gauche. Fig. 44. — L'extrémité renflée du tube pollinique a laissé sortir dans le sac son contenu sous forme de traînée protoplasmique englobant les deux anthérozoïdes. Cette pénétration a déterminé un déplacement des cellules au sommet. Des deux noyaux accolés vers la base du sac, l’un est le noyau basilaire du sac. Fig. 15. — Les deux anthérozoïdes encore entourés de protoplasme comme dans la figure précédente, après leur pénétration dans le sac embryon- naire. Fig. 16. — Tube pollinique largement ouvert à son extrémité, dont le con- tenu surmonte directement l’oosphère. Fig. 17. — Tube pollinique refermé à son extrémité après la sortie des anthérozoïdes. L’amas de substance sombre qu'il contient encore repré- sente peut-être le noyau végétatif. Fig. 18. — L'un des noyaux mâles s’est accolé à celui de l’oosphère et a déjà grossi, l’autre est encore libre, à distance du noyau secondaire du sac. Fig. 19. — Les deux anthérozoïdes ont copulé, l’un avec l’oosphière à droite vers le haut, l’autre avec le noyau polaire supérieur à quelque distance du noyau basilaire. Fig. 20. — Copulation plus avancée dans l'oosphère, en dehors de laquelle on voit encore, sur les côtés, les deux synergides en voie de résorption; sur la ligne médiane, se trouve un petit amas de substance dense et ré- fringente représentant vraisemblablement les vestiges du noyau végétatif du tube pollinique. Fis. 21. — Oosphère dans laquelle le noyau mâle contourné est encore reconnaissable au contact et au-dessous du noyau femelle. Fig. 22, — L'un des aspects que peut offrir le tube pollinique dans le mi- cropyle et au sommet du sac embryonnaire. PLANCHE XI Fig. 23-32, Tulipa sylvestris. — Gross. : 500. Fig. 23. — Sac embryonnaire après la fécondation. L’œuf est entouré d’une membrane cellulaire et renferme les deux noyaux sexuels soutlés. Vers le haut, il y a quatre noyaux en voie de résorption.Dans la partie élargie du sac, se trouvent les deux noyaux polaires avec un noyau mâle devenu déjà très volumineux après la copulation. Fig. 24. — Stade analogue au précédent, montrant un exemple de la péné- tralion latérale du tube pollinique entre les cellules épidermiques du nucelle. Dans l'œuf les deux noyaux sexuels se distinguent facilement lun de lautre par la différence d’aspect de leur contenu chroma- tique. ine) farne (Sei Bou. Fome. X1:-PlL TX ampigny-s/à Sohier. Ch LA D = = pi + [®) 7 © lan Cy a Q ms A SE CA = #) * ee ES - . = ps : ; | . y : T © : x 72) = je = % É LB) : | . —/ | 16 | ë ms pe & 5 y Î Abe ee De FANS A D t FREE PS 70 Cl RE re HI x Den Tomé XI: Pl: Bot. Série rie Nat. des Se. Ann. Champigny-s/Marne (Seine) Phololypie Sohier. L.' Guignard Del, Ann. des Se, Nat. 8" re adCerTL( DO. ‘ One L. Guignard Del. L'APPAREIL SEXUEL DANS LES TULIPES. 387 Fig. 25. — Stade plus avancé. Les deux noyaux sexuels dans l’œuf ont atteint leur taille à peu près définitive ; l'aspect de leur contenu est sem- blable. La division du noyau secondaire a déjà fourni deux noyaux d’al- bumen. Fig. 26. — Groupe formé par la copulation d’un noyau mâle avec les deux noyaux polaires. Le noyau mâle, qui a déjà pris les caractères de l’état de repos, se trouve au premier plan. Fig. 27. — Mêmes noyaux, moins distincts les uns des autres. Fig. 28. — Entrée en division de la masse nucléaire formée par les noyaux polaires et le noyau mâle. On apercoit encore le contour des trois noyaux. Fig. 29. — OEuf avec les deux noyaux sexuels à contours encore distincts après leur entrée en division. Fig. 30. — Formation du fuseau de l’œuf. Fig. 31. — Fuseau de l’œuf au stade de la plaque nucléaire. Contre la paroi du sac, on aperçoit encore les vestiges de cinq noyaux en voie de résorp- tion. Fig. 32. — Sac embryonnaire renfermant un embryon bicellulaire, avec cellule supérieure sur le point de se cloisonner. Il y avait huit noyaux d’albumen, dont cinq sont représentés.A côté de l’oosphère, à droite, se trouvent encore les restes de deux des noyaux primitifs du sac embryon- naire. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME Influence des divers milieux chimiques sur quelques Champignons du srouperdes Dématiées, pareMe Le ÆPEANCEON Recherches biologiques sur les plantes rampantes, par M. A. Maice. 249 L'appareil sexuel et la double fécondation dans les Tulipes, par M. L. GuicxarD TABLE DES PLANCHES ET DES FIGURES DANS LE TEXTE CONTENUES DANS CE VOLUME Planches 1 à IV. — Dématiées diverses. Planches V à VIII. — Plantes rampantes. Planches IX à XI. — Appareil sexuel des Tulipes. Figures dans le texte 1 à 63. — Dématiées diverses. Figures dans le texte 1 à 21. — Plantes rainpantes. TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS GuicnarD (L.). — L'appareil sexuel et la double fécondation dans les LULIPÈS PTE ne Rene TN A SRE Sr er NE RE TNe 30ù Ma1cr (A.). — Recherches biologiques sur les plantes rampantes.... 249 PLancHoON ({L.). — Influence des divers milieux chimiques sur quelques Champisnonsiduerouperdes DÉMAtÉes EEE RE 1 1401-95. — Corzeir. Imprimerie Evo. Créré. DOVE es CU Ex Us 24 LE Dex = Le fe PS fn ;; : VE 2 5 s ce 3 Fe NT = = LEE AB PSS RS PR PS CS ep à % ip C + À 4 RE Te En te Te 7 7 Len À - LE 0 à TS RE AS - à x PO 4 ER > AP 4 NP DR PP IPS PRÉ PA | PA ARR RAP RP TR NT PRE DES CPAS. PE À PR à PAPA PA AN: A | PRET | ENLER een Ë ) ZA . A À à = 7 6 dar mn AR = RS De PR es. A NE DE PA PA PNA PE à PA nn En eenae Enr mnired trs a en nm unie orme mn hear Be me él pif méme mt a