85 ANNÉE. —IX° SÉRIE. : T.IX, N°1 ANNALES DES | || SCIENCES NATURELLES NEUVIÈME SÉRIE be. BOTANIQUE COMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION DES VÉGETAUX VIVANTS ET FOSSILES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. PH. VAN TIEGHEM TOME IX. — N°1 [Ce cahier commence l'abonnement aux tomes IX et X] en LEA te PS a A5: EU > LA PARIS MASSON ET Ce, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain 1909 Paris, 30 FR. — DÉPARTEMENTS ET ÉTRANGER, 32 FR. Ce cahier a été publié en février 1909 Les Annales dse Sciences naturelles paraissent par cahiers mensuels. Conditions de la publication des Annales des Sciences naturelles NEUVIEME SERIE BOTANIQUE Publiée sous la direction de M. Pu. VAN TIEGREM. L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 400 pages, avec les planches et les figures dans le texte correspondant aux mémoires. Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle d’une année. Les tomes I à XX de la Huitième série et les tomes I à VIII de la Neuvième série sont complets. ZOOLOGIE Publiée sous la direction de M. Epmonn PERRIER. L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 400 pages, avec les planches correspondant aux mémoires. Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle d'une année. Les tomes I à XX de la Huitième série et les tomes I à VI de la Neuvième série sont complets. Prix de l'abonnement à 2 volumes : Paris : 30 francs. — Départements et Union postale : 32 francs. ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES Dirigées, pour la partie géologique, par M. HÉBERT, et pour la partie paléontologique, par M. A. MILNE-EDWARDS. Tomes I à XXII (1879 à 1891). Chaque volume .......... 15 fr. Cette publication est désormais confondue avec celle des Annales des Sciences naturelles. Prix des collections. PREMIÈRE SÉRIE (Zoologie et Botanique réunies, 30 vol. (are) DEUXIÈME SÉRIE (1834-1843). Chaque partie 20 vol. 9250 fr. TROISIÈME SÉRIE (1844-1853 ). Chaque partie 20 vol. 250 fr. QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. CINQUIÈME SÉRIE (1864-1874). Chaque partie 20 vol. 250 fr. SIXIÈME SÉRIE (1875 à 1884). Chaque partie 20 vol. 950 fr. SEPTIÈME SÉRIE (1885 à 1894). Chaque partie 20 vol. 300 fr. GÉOLOGIE, 22 volumes. . . NEA ARS ESS DAFT ANNALES SCIENCES NATURELLES NEUVIÈME SÉRIE BOTANIQUE CORBEIL. — IMPRIMERIE CRÈTE. 7à ANNALES DES SCIENCES NATURELLES NEUVIÈME SÉRIE BOTANIQUE COMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. PH. VAN TIEGHEM TOME IX PARIS MASSON ET C*, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE l 20, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 1909 PRÉ RER | = Rene F { Î An, i F Û H ! Vel 1 À 4 ü n \ î È } ; CRE: £ ; ee j ! DCR | L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE LES ORCHIDÉES ET LEURS CHAMPIGNONS COMMENSAUX. Par M. Noel BERNARD INTRODUCTION (1) On sait depuis les recherches de Wahrlich [57] que les Orchi- dées hébergent des champignons dans les cellules de leurs racines. La généralité de cette règle a suffi pour qu’on recon- naisse là un cas de « symbiose » et ce mot implique souvent la croyance à une « association mutualistique » entre des commen- saux capables de s’entr'aider. En fait, dans ce cas de symbiose, comme dans la plupart des autres, on sait seulement d’une façon positive que l’association des champignons et des plantes adultes est intime et habituelle. IL faut partir de là, et si l'on veut comprendre par quels moyens la symbiose subsiste ou décou- vrir les secrets de son apparente harmonie, le plus utile est de chercher ses origines et de retracer son histoire. Cette idée évolutionniste a dominé mes études; elle me permettra d'établir des rapports suggestifs entre Les faits examinés dans ce mémoire. LES ORIGINES DE LA SYMBIOSE. La première question qui se pose est de savoir comment la symbiose s'établit à chaque génération ; c’est un problème directement accessible à l'expérience. (1) Les numéros entre | ] renvoient à l'index bibliographique. Afin de rendre plus facile la lecture de ce mémoire, la plupart des détails relatifs aux tech- niques expérimentales ont été réunis dans les notes d’un Appendice placé à la fin. En dehors même du cas où l'indication expresse en est donnée, le lecteur pourra se reporter à ces notes quand il ne trouvera dans le texte même du mémoire que des indications générales sur les méthodes d'observation et d'expérience ou sur la nature précise des plantes étudiées. ANN. SC. NAT. BOT., 9% série. D ml LC] 19 NOEL BERNARD Les champignons des Orchidées, extraits des cellules où ils vivent, peuvent se développer d’une façon autonome; ce sont, comme on le verra dans le chapitre, des Rhizoctonia apparte- nant à diverses espèces. Les graines d’Orchidées semées pure- ment (1) sur des milieux nutritifs pauvres, comparables aux milieux de culture naturels, sont au contraire généralement incapables de se développer d’elles-mêmes, mais elles peuvent germer lorsqu'on inocule les semis avec des Rhizoctones con- venables [6]. En principe donc : la germination des Orchidées : ne se fail pas sans le concours de champignons, la symbiose s'éta- blit nécessairement dès le début de la vie, c'est pourquoi elle reste ensuite la règle. Au laboratoire, la culture des champignons est aisément réalisable, l’inertie des graines semées purement est facile à constater, mais leur germination par l’action des Rhizoctones ne s'obtient pas sans difficultés. Depuis cinq ans, j'ai semé les graines de diverses espèces d'Orchidées dans des tubes de culture qui contenaient chacun en moyenne une centaine de graines, et j'ai inoculé ensuite chaque série de semis avec des Rhizoctones extraits de racines. Dans les cas les plus favorables les graines germaient en nombre plus ou moins grand (fig. 1), mais les insuccès n'ont pas été rares. Tout compte fait, j'ai réussi à obte- nir quelques centaines de plantules viables, mais je reste au- dessous de la réalité en estimant à cinquante mille le nombre total des graines sur lesquelles mes expériences ont porté. Pour une majorité de ces graines, l'association avec les champignons que je mettais en leur présence a été passagère et sans effet, ou impossible, ou rapidement nuisible aux embryons. Les horticulteurs les plus expérimentés ont toujours considéré de même le semis d'Orchidées comme une opération de réussite incertaine. Ils ne voient souvent pas une graine germer sur mille, malgré que dans leurs serres les Rhizoctones pullulent. Dans la nature enfin les Orchidées restent rares, bien qu'elles prodiguent leurs semences, chaque plante pouvant produire par milliers ou par millions des graines impalpables. (1) J'entends par « semis purs » des semis de grainés faits dans des tubes de culture stérilisés, à l'abri de toute concurrence avec des microorganismes, par les méthodes indiquées dans la note 11 de l’Appendice. L ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE En réalité, les rares Orchidées qui attei- gnent l'état adulte ont été sélectionnées par les champignons dans des conditions minutieusement précises. Pour les em- bryons même, à qui les hasards de la dis- sémination des graines ont permis de ren- contrer des Rhizoctones, la mort préma- turée est la règle et la vie en symbiose est une exception. L’harmonie des asso- ciations d’Orchidées et de Rhizoctones n’est pas à beaucoup près une loi univer- selle. Il n’est pas moins admirable que des milliers d'espèces de plantes, sujettes aux atteintes de champignons depuis l’origine de leur famille, présentent encore des in- dividus capables de résister à ces hôtes tout en vivant avec eux dans un état d’inti- milé extrême, et il reste à savoir comment cet état de symbiose a pu s'établir et a évo- lué chez les ancêtres des Orchidées ac- tuelles. Cela ne peut qu'être un sujet de réflexions théoriques, mais ces réflexions sont utiles à faire et susceptibles de quel- que précision. La famille des Orchidées est l’une des plus riches en espèces de tout le règne vé- gétal ; la conformation complexe des fleurs y offre beaucoup de variété et l’organogra- phie florale comparée rend moins illusoire dans ce cas que dans d’autres la tentative de reconstituer un arbre généalogique. Les recherches si justement estimées aux- quelles Pfizer a consacré sa vie, peuvent donner aujourd’hui à ce genre de spécu- lations une précision et une sûreté rare- ment atteintes ailleurs. On à donc un moyen indépendant de toute considéra- , un lacis de fins filaments, invisibles sur la figure. D'après nature, ’action d'un Rhizoctone capable de symbiose avec cette Orchidée ; les embryons ; le champignon forme, sur le milieu gélosé ‘une Cattléyée germant par 1 se développent inégalement Fig. 1. — Semis de graines d légèrement réduit. 4 NOEL BERNARD tion relative à la symbiose pour apprécier le degré d’évolu- tion des espèces actuelles. Partant de là, j'ai cherché comment l’état de symbiose se modifie quand on passe d'Orchidées simples et primitives à d’autres qui atteignentun plus haut degré decomplexité. J’estime avoir ainsi apprécié les étapes successives de l'adaptation des Orchidées à leurs hôtes avec autant de certitude qu’on en puisse espérer en semblable malière. On trouvera dans le chapitre II une discussion précise des faits réunis à ce point de vue, mais je puis faire état ici des conclusions auxquelles cette discussion amène. Au degré le plus inférieur, chez de rares Orchidées comme Bletilla hyacintina, la symbiose ne s'établit pas nécessairement dès le début de la vie, les plantules peuvent avoir un dévelop- pement autonome plus ou moins prolongé. L'association une fois réalisée reste d’ailleurs intermittente : chaque année des racines se développent et s’infestent, pendant que poussent les tiges aériennes fugaces ; puis les racines meurent, comme les tiges mêmes, et la plante reste pendant plusieurs mois réduite à un rhizome indemne de champignons. Dans ce cas même, l’infes- tation des racines chez les plantes adultes est la règle et l’on peut parler de symbiose. Mais l’état d’un Bletilla est en réalité bien proche de celui d’une plante sujette à une maladie cryptogamique bénigne, capable de récidiver. Chez la plupart des Orchidées, la symbiose reste intermittente à l’état adulte; mais, comme je l’ai dit, il est de règle au moins qu'elle s’établisse dès la germination. On ne peut pas, dans les conditions ordinaires de culture, obtenir des plantules un tant soit peu développées sans le concours de champignons. Sous sa forme la plus parfaite, dont l'étude du Neottia Nidus- avis fournit un des meilleurs exemples, la symbiose devient continue. Non seulement les graines ne germent pas sans le concours d'un champignon, mais encore ce champignon ne cesse pas de se propager dans la plante qu'ila dès l’abord envahie, jusqu’au moment où elle meurt. Quand on arrive à ce cas ultime d’une plante incapable de vivre à aucun moment sans son hôte, la notion de l’individualité perd son sens habituel. L'association du Rhizoctone et de l’Orchi- L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 5) dée mérite plus que l'Orchidée même d’être considérée comme un individu. Un Neottia Nidus-avis n’est pas plus comparable à une plante autonome qu'un Lichen ne l’est à une algue. Cependant, dans le cas même où la symbiose atteint ce haut degré de perfection, son maintien de génération en génération reste soumis plus que jamais à une grande incertitude. Les graines des Orchidées adaptées à la symbiose continue sont parmi celles dont la germination s'obtient le plus malaisément : sans doute elles ne germent dans la nature qu’au prix de circons- tances infiniment particulières, dont j'aurai à rappeler un exemple remarquable dans le cours de ce mémoire en étudiant le Neottia Nidus-avis. Sous sa forme primitive, la symbiose est manifestement à la frontière de la maladie; sous ses formes les plus parfaites, elle reste un élat exceptionnellement réalisé, pour des graines privilégiées parmi la foule de celles qui ne surmontent pas les difficultés de la vie autonome, ou qui ne résistent pas à l'atteinte de champignons imparfaitement préparés à la vie commune. LA MALADIE ET SYMBIOSE. La question de l'adaptation des microorganismes aux êtres supérieurs capables de les héberger touche au domaine clas- sique des expériences pasteuriennes ; mais ces expériences ont été faites dans des cas particuliers et, à plusieurs points de vue, l'étude de la symbiose paraît devoir offrir un terrain de recher- ches plus favorable. En inoculant des bactéries charbonneuses atténuées succes- sivement à divers animaux de moins en moins sensibles au charbon, Pasteur, Chamberland et Roux [32] ont rendu ces bacté- ries capables de vivre dans l'organisme d’animaux comme les moutons qui étaient d’abord réfractaires ; mais, dès que l'adaptation était assez complète, les inoculations de bactéries entraînaient la mort des moutons. Quand on tente inversement d'habituer des moutons à vivre avec les bactéries, en inocu- lant à un même animal des cultures de plus en plus viru- lentes, on obtient en définitive des moutons vaccinés, capables de détruire rapidement les bactéries qu’on leur inocule. Dans 6 NOEL BERNARD ces expériences, comme dans la plupart de celles qui servent à fonder l'édifice entier de la pathologie, on n'arrive à saisir que les deux conditions extrêmes de la maladie mortelle ou de l'immunité, mais non la condition intermédiaire où les deux organismes antagonistes arriveraient, en équilibrantleurs forces, à tolérer la vie en commun prolongée. Cette condition intermédiaire s’est pourtant réalisée parfois dans la nature, et l’on ne peut guère douter qu’il y ait eu chez les Orchidées une évolution progressive, depuis la maladie intermittente jusqu'à la symbiose continue. Nous ne savons pas réaliser par une expérience courte le passage d’un de ces états à l’autre, mais il s’est fait, et il reste possible d'en recon- naître et d'en étudier les étapes. N°y a-t-il pas là une expérience naturelle plus suggestive que celle de nos laboratoires et ne peut-on pas.espérer que l’étude de la symbiose, entre des orga- nismes arrivés aux limites de la tolérance mutuelle, donnerait des ressources nouvelles pour comprendre les lois de l’immunité ou de la maladie? Dans ce mémoire j'étudierai les conditions qui règlent l’équi- libre dans la symbiose. On trouvera là mis en œuvre les mêmes moyens d'attaque ou de défense qui s’exercent dans le cas de maladies microbiennes. On verra dans le chapitre II que l'aptitude des Rhizoctones à vivre avec les Orchidées est variable ; elle se perd peu à peu s’ ces champignons mènent la vie autonome et ils deviennent assez rapidement incapables de faire germer les graines ; elle s'accroît au contraire quand ils vivent avec leurs hôtes et ils prennent le pouvoir de déterminer chez ceux-ci des réactions de plus en plus manifestes. Cette aptitude physiologique à la symbiose, cette activité des champignons, comme je dirai, paraît de tous points comparable à la virulence des microorganismes pathogènes. Elle varie, comme la virulence, d'une façon gra- duelle et, dans des limites assez étendues, ces variations ne se traduisent par aucun caractère morphologique nouveau des champignons qui les présentent. J'analyserai inversement, dans le chapitre V, les moyens par lesquels un embryon d'Orchidée peut éviter l'invasion des Rhizoctones, arrêter leur progression si l'infestation se réalise L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 7 ou limiter enfin la rapidité de leur marche dans le cas de la symbiose. La résistance des membranes épidermiques à la péné- tration, la digestion par « phagocytose » des champignons qui envahissent les cellules, et aussi les réactions de la sève cellu- laire, les propriétés humorales comme on dirait dans le cas de maladies animales, fournissent à la plante des moyens de défense dont l'intervention est certaine et dont je tenterai de montrer l'importance relative. Cet examen détaillé des faits contribuera à démontrer la légitimité de la position que J'ai prise en abordant l'étude de la symbiose avec les points de vue de la pathologie générale. SYMBIOSE ET ÉVOLUTION. Les faits généraux que Je viens d'indiquer impliquent deux conséquences essentielles. D'une part, les Orchidées, incapables de se développer sans champignons dans les conditions naturelles de semis, sont astreintes à la symbiose de génération en génération. Ce mode de vie étant d’ailleurs constant, aussi bien pour les Orchidées les plus primitives que pour les plus élevées en organisation, on doit nécessairement y voir un trait de mœurs très ancien, antérieur même, selon toute apparence, à l’époque reculée où sont apparus les premiers représentants de cette grande famille de plantes. | D'autre part, la perte du pouvoir de faire germer les graines chez les Rhizoctones soumis à la vie autonome tend à montrer qu'il existe dans la nature, pour chaque espèce de ces champi- gnons, deux séries de races distinctes. L’une de ces séries com- prend les Rhizoctones commensaux qui sont passés sans cesse d'une Orchidée à une autre, sans intervalles de vie autonome assez longs pour que l’activité nécessaire à l'établissement de chaque association nouvelle ait été perdue. L'autre série, qui a pu se constituer et qui doit s'enrichir aux dépens de la pre- mière, comprend les Rhizoctones saprophytes, ayant perdu toute activité, incapables de contracter la vie commune avec des graines. | Si nous envisageons donc soit les Orchidées, soit les races 8 NOEL BERNARD actives des Rhizoctones qu’elles hébergent, il apparaît que ces deux catégories d'organismes ont dû subir la symbiose depuis une époque très reculée. C’est dans cette condition constante de vie qu'ont dû se différencier les espèces actuelles d'Orchidées ou de Rhizoctones commensaux. Il Y a eu en un mot une évolu- tion dans la symbiose, qu’on ne doit pas pouvoir étudier ou comprendre en faisant abstraction des conditions imposées par ce mode particulier d'existence. La réalité d’une évolution continue des champignons dans la symbiose est mise plus directement en évidence par le fait que les commensaux des Orchidées les plus diverses appartien- nent à des espèces voisines d’un même groupe naturel, ayant entre elles des ressemblances étroites au point de vue morpho- logique comme au point de vue physiologique. Ces espèces de Rhizoctones commensaux étant d’ailleurs peu nombreuses, on doit conclure que la symbiose a imposé à ces champignons une évolution de peu d'amplitude. Le problème est plus complexe en ce qui concerne les Orchidées, puisque cette famille comprend plusieurs milliers d'espèces étonnamment variées. Je montrerai dans le chapitreIl, en étudiant diverses séries phylétiques de ces plantes, que leur évolution à concordé avec cette adaptation de plus en plus par- faite à la symbiose dont j'ai précédemment indiqué les étapes. Cela rend hautement vraisemblable que les deux phénomènes ont été intimement liés et que l’action continue des champi- gnons à eu un rôle essentiel pour la formation des espèces d'Orchidées. : On comprendrait mal d’ailleurs qu'un champignon indispen- sable au développementmême d’une plante n’aitaucuneinfluence sur le mode de ce développement. Alors que les végétaux atteints accidentellement par des parasites montrent communément des déformations caractéristiques, il est invraisemblable que des plantes infestées par des champignons à chaque génération dès l’état embryonnaire aient continué à évoluer comme si ces champignons n'avaient pas existé. En fait, les Orchidées les plus hautement adaptées à la sym- biose continue, comme les Epipogon, Corallorhiza, Neottia ou Tæniophyllum, présentent par rapport à la plupartdes plantes un L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 9 aspect aussi étrange pour le moins que celui d’un chou atteint de «hernie » par rapport à un chou normal, ou que celui d’un « balai de sorcière » par rapport à une branche d’arbre indemne de parasites. Les déformations caractéristiques de l'appareil végétatif chez ces Orchidées se retrouvent d’ailleurs chez des végétaux appar- tenant aux familles les plus diverses, partout où la symbiose a pu atteindre le même degré de perfection. La griffe coralloïde d'un Psilotum, qui héberge des champignons pendant tout son développement, rappelle le rhizome richement ramifié d’un Corallorhiza ; les prothalles ou les plantules des Lycopodes ou des Ophioglosses, communément infestés dès le début de leur vie, sont plus exactement comparables à des plantules d'Orchi- dées qu’à n'importe quels jeunes végétaux. L'examen des étranges phénomènes de développement qui succèdent chez les Orchidées à l’infestation des embryons, la répétition de phénomènes du même ordre chez les plantes sou- mises de même à la nécessité de la symbiose m'ont fermement convaincu que l'association intime avec des champignons entraine partout, suivant des lois constantes, certains types d'évolution. Envisagé à ce point de vue, le problème de l'adaptation mutuelle d’un microorganisme et de ses hôtes est lié à celui de l'origine des espèces. Dans une étude de la symbiose les expé- riences de Pasteur doivent servir à éclairer les théories de Lamarck et de Darwin. LES MODES DE DÉVELOPPEMENT DES ORCHIDÉES. Parmi les faits ayant un rapport avec la vie en symbiose, j'étudierai spécialement l’évolution des modes de germination chez les Orchidées. Les jeunes plantules ont dans cette famille un aspect caractéristique : elles se réduisent à un corps de forme générale conique, largement infesté par des champignons el ne produisant que tardivement des feuilles ou des racines. Treub [51] à créé le nom de protocorme pour désigner une forme juvénile toute semblable observée chez des Lycopodes el il est commode de se servir de ce mot. 10 NOEL BERNARD En fait, chez les Orchidées à rhizome le protocorme est le début de cet organe et, chez les Orchidées à bulbes, le proto- corme tubérisé mérite d’être considéré comme le premier des bulbes produit par la plante. Par cette précocité de l'apparition du rhizome ou d’un bulbe, les Orchidées montrent un degré d'évolution supérieur à celui de l'immense majorité des plantes vivaces dont les rhizomes, bulbes ou tubercules apparaissent tardivement, bien après que les plantules ont développé des racines, des tiges et des feuilles d'apparence normale. En étudiant la germination du PBletilla hyacinthina dans diverses conditions, j'ai reconnu que la formation d’un proto- corme est restée facultative chez cette Orchidée primitive. Il se forme un protocorme quandles graines germent avec le concours de Rhizoctones suffisamment actifs; mais en l'absence de champignons les jeunes plantules dressées et grêles ne rap- pellent en rien un tubercule ou un rhizome; le premier bulbe, origine du rhizome tubérisé de la plante adulte, ne se forme alors que plus tard. Cette manière d’être actuelle du Pletilla hyacinthina suggère avec force que les ancêtres directs des Orchidées étaient des plantes vivaces, à germination normale, et que la formation d’un protocorme est un caractère acquis par suite des progrès de la vie en symbiose. L'apparition du protocorme marque pour ainsi dire la plus récente étape de l’évolution accomplie par l'influence des Rhizoctones, mais assurément des étapes antérieures nous échappent, car même les Pletilla vivent déjà avec leurs champignons dans un état de symbiose bien carac- térisé. Il y a lieu de chercher quelles ont pu être les transfor- malions initiales des ancêtres des Orchidées, aussi éloignés soient-ils, quand ils ont pour la première fois hébergé des champignons. Sachant que l’état de symbiose dans ses progrès ultimes a entrainé la formation de plus en plus précoce des rhizomes ou des bulbes, le plus naturel est de penser que l'établissement de la symbiose à son début a provoqué la première apparition de ces organes. En mettant cette hypothèse sous une forme claire, J'admettrais volontiers que des plantes annuelles atteintes, d'abord accidentellement, par des champignons ont cessé de L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 11 fleurir dans leur première année et que par compensation des bourgeons latéraux de leurs tiges ont donné naissance à des organes pérennants, bulbes ou branches de rhizomes. La formation de ces organes serait ensuite devenue de plus en plus précoce en même temps que l’association avec les champi- gnons devenait à chaque génération plus prolongée et plus intime. Pfitzer, quelques jours avant sa mort, a exposé ses vues sur l'origine probable des Orchidées [87] ; il cherche leurs ancêtres parmi des plantes semblables aux Liliacées où Amaryllidées de notre temps. Celles-ci sont vivaces, elles germent sans former de protocorme et sans avoir besoin du concours de champignons ; mais elles sont communément infestées à l’état adulte (1); elles correspondent donc bien à l’état ancestral que mon hypo- thèse suppose. En remontant jusqu'aux Joncées, généralement considérées comme voisines de la souche de toutes les Liluflores, on rencontrerait des plantes comme les Luzules, annuelles, dépourvues de champignons (2), donnant l’image précise d'un type primitif antérieur à l'établissement de la vie en symbiose. Mais à tout prendre, les modes de végétation des Orchidées, et plus encore ceux des Liliacées ou Amaryllidées, ont des équivalents exacts dans bien d’autres groupes naturels de végétaux. Si l’on admet que la vie en symbiose à pu entraîner l'état vivace chez quelques Monocotylédones, faudra-t-1il penser que des champignons sont en cause partout où l’on rencontre des bulbes, rhizomes ou tubercules ? L'hypothèse est considé- rable, mais elle vaut d’être examinée. Je chercherai d’abord ici à en faire une critique générale qui m'est inspirée par diverses objections particulières. Je discuterai ensuite divers problèmes que cette hypothèse me paraît pouvoir éclairer. DIVERSES CONDITIONS ÉQUIVALENTES A LA SYMBIOSE. Le développement d’une Orchidée, avee tous les faits qu'il (1) Schlicht [46], Janse[18], Stahl [48], Gallaud [13] ont signalé de nombreux exemples de Liliacées ou Amaryllidés hébergeant des champignons dans leurs racines ; à ma connaissance, on n'a pas encore rencontré dans ces familles des plantes sauvages qui vivent d’une façon autonome. (2) Stahl [48] cite diverses espèces de Jones et de Luzules parmi les plantes régulièrement dépourvues de champignons. 12 NOEL BERNARD comporte — croissance où multiplication des cellules, différen- ciation des tissus, etc., — apparaît à première vue comme une réaction de l'embryon entraînée par la pénétration des champi- gnons qui l'infestent. Dans le dernier chapitre de ce mémoire, je montrerai que l'établissement d’un mode spécial de croissance « par épaississement » a dû être la réaction initiale des plantules chez les espèces les moins adaptées à la symbiose. Mais ce mode de croissance même s’observe communément au début de la formation de tubercules chez des plantes diverses et aussi dans bien d’autres cas; il est, en somme, d’une nature banaleaumêmetitre que d’autresphénomènes du développement. L’infestation pardeschampignons apparaîtcomme une condition très particulière, mais les réactions qu’elle entraîne, envisagées en elles-mêmes, n’ont rien de spécial au cas des Orchidées. Au reste, les phénomènes de développement provoqués par un champignon chez les Orchidées, sont ailleurs sous la dépen- dance de conditions bien différentes. Des réactions comparables à celles que montre un embryon d'Orchidée pénétré par un Rhizoctone peuvent être entraînées, pour un œuf vierge, par la pénétration d’un spermatozoïde, par l’action de solutions hypertoniques, de substances chimiques spécifiques, ou en général par la foule de ces actions variées qu'on sait aujourd'hui capables de suppléer à la fécondation. Le mode particulier de croissance par épaississement, si caractéristique des débuts de la germination chez beaucoup d'Orchidées, peut être lui-même, comme je le montrerai, sous la dépendance de facteurs mul- tiples : une simple augmentation de concentration de la sève qui baigne les cellules, une modification de sa composition chimique, un abaissement de température peuvent parfois suffire à le déterminer. I m'importait tout spécialement de savoir si, dans le cas des Orchidées même, l’action des champignons est bien simplement équivalente à ces actions physico-chimiques variées qui sont efficaces dans d’autres cas soit pour provoquer le développement de germes pris à un état de vie ralentie ou d'inertie apparente, soit pour entraîner la croissance par épaississement. Jé n'ai pas essayé de substituer aux champignons toutes les conditions imaginables, mais j'ai parfaitement réussi à faire germer des L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 13 Orchidées, semées purement, par la seule action de solutions de substances organiques plus concentrées que celles dont je me suis servi communément pour les cultures. Il n’est pas douteux que la germination des Orchidées pourrait être obtenue sans champignons dans des conditions physico-chimiques appropriées, sans doute assez diverses. La germination par l’action de solutions concentrées est lente, mais très régulière : les protocormes ont leur aspect ordinaire, les plantules obtenues, quand elles sont assez déve- loppées, peuvent vivre en serre après transplantation. Dans les conditions de mes expériences, faites avec les techniques de culture pasteuriennes, 1l est devenu en somme plus sûr et plus facile de fairegermer certaines Orchidées par l’action de solutions concentrées que d’avoir recours à l'action de Rhizoctones dont il est souvent difficile de se procurer des races suffisamment actives. Sans doute, bien que la recherche doive nécessiter de longs tâtonnements, il ne serait pas impossible de fixer une technique permettant d'obtenir en serre, dans des conditions pratiquement applicables, des plantules d'Orchidées affranchies de champignons et gardant d’ailleurs, au début du moins, leur apparence habituelle. En résumé donc, les champignons ne font rien qui leur soit spécial; on peut substituer à la symbiose diverses conditions aisément réalisables qui entraînent des résultats équivalents. Pour provoquer la formation d’un protocorme, d’un rhizome ou d’un tubercule, il peut théoriquement suffire que la tempé- rature s’abaisse, ou encore que la teneur en substances dissoutes de la sève d’une plante augmente par suite d’une assimilation chlorophyllienne plus intense, d’un excès de transpiration ou d’un peu de sécheresse. N°y a-t-1l pas autant de vraisemblance à attribuer l’origine des plantes vivaces à quelqu'une de ces circonstances apparemment banales qu'à la condition si parti- culière d’une symbiose avec des champignons ? J'ai mis de mon mieux l’objection sous la forme générale qui me paraît la plus troublante. Pour lui donner toute sa valeur il faut ajouter qu'on connaît des plantes vivaces capables de garder leurs caractères quand elles vivent sans champignons, non seulement au laboratoire, dans des conditions expérimen- 4 NOEL BERNARD tales convenables, mais même dans la nature, à l’état sauvage ou cultivé. Mais on connaît de même, dirai-je volontiers, de multiples moyens pour faire développer des œufs Yierges au laboratoire et aussi des cas de plus en plus nombreux de parthé- nogenèse naturelle. Toutes les découvertes modernes faites à ce sujet ont-elles enlevé sa valeur à la théorie qui voit dans la fécondation la condition essentielle du développement des œufs ? Assurément l'étude critique dont je viens de résumer les ten- dances mène à des points de vue intéressants. La notion que les plantes les mieux adaptées à la symbiose puissent s’en affranchir pour mener dans des conditions nouvelles l'existence autonome, est d’une grande importance pour comprendre le rôle de la symbiose dans l’évolution des végétaux en général. Mais la connaissance de conditions équivalentes à la symbiose et capables de s’y substituer n’a qu'une portée restreinte pour décider si la symbiose a eu dans la nature une importance con- sidérable ou minime comme facteur d'évolution. Dans le cas des Orchidées au moins, malgré la possibilité de germination autonome, malgré l'existence rarement constatée de plantes adultes n’hébergeant pas de champignons, il reste évi- dent que la symbiose a été une condition normale d'existence et une condition prépondérante de l’évolution. Pour fixer la valeur d’une théorie de l'évolution des végétaux par la symbiose, l’essen- tiel est de chercher si chez les plantes supérieures en général, comme chez les Orchidées, la vie avec des champignons a été dans là nature une règle commune, ou si elle n’est restée qu’une rare exceplion. IMPORTANCE DE LA SYMBIOSE DANS L'ÉVOLUTION DES VÉGÉTAUX. Dans l'exposé général et forcément sommaire que j'entre- prends, il faudrait sans doute partir du cas des Lichens. On sait que ces organismes complexes peuvent renfermer des algues assez diverses, depuis les Protococcacées les plus simples jus- qu'aux Chroolépidacées. On sait aussi que ces algues peuvent abandonner l'association lichénique pour mener la vie auto- nome. La réflexion sur ces faits pose la question de savoir si PS PT PP ON RES L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 15 certaines espèces d'algues vertes, même parmi celles qui vivent isolément, n’ont pas pris naissance dans la symbiose. Mais pour que cette question vaille d’être posée, il faudrait d’abord savoir s'il y a pour les algues une évolution continue dans la symbiose, comme il y en a une pour les Orchidées, ou si les Lichens sont en général constitués, à chaque génération, suivant le hasard des rencontres entre les champignons convenables et des algues quelconques ayant pu indifféremment vivre jusque-là isolément ou en symbiose. Après ce que j'ai dit de la permanence des associations entre Orchidées et Rhizoctones, on me permettra de penser que ce problème pourrait mériter de nouvelles recher- ches expérimentales. Le cas des Hépatiques à thalle doit aussi être signalé ; on sait que le gamétophyte chez beaucoup de ces plantes héberge des champignons. La chose est depuis longtemps connue pour le Fegatella conica ; d’après Cavers [9] les spores de cette espèce germent en plus grand nombre et mieux avec des champignons que sur un sol stérilisé. Il serait très intéressant de savoir s'il y à quelque rapport entre la symbiose et la production des « tubercules » connus non seulement chez le Fegatella conica, mais encore chez des Fossombria, Anthoceros et autres (1). L’attention n'a pas été attirée sur cette question, mais elle mériterait de l'être ; une étude monographique des Hépatiques entreprise à ce point de vue pourrait utilement servir à con- irôler la valeur des idées que je soutiens. Pour s’en tenir aux faits acquis, je remarquerai que si les gamétophytes des Mus- cinées ont pu évoluer dans la symbiose et acquérir l’état vivace, les sporophytes de ces plantes sont au contraire toujours annuels et normalement soustraits à l'atteinte de cham- pignons (2). Lés faits qui concernent les plantes vasculaires sont mieux connus et par suite plus utiles à commenter. Parmi celles de ces plantes qui vivent actuellement, on s'accorde à considérer comme les plus primitives soit les Lycopodiacées et Psilotacées d’une part, soit les Ophioglossées de l’autre ; ces Cryptogames (1) La question des Hépatiques à tubercules est traitée par Gœbel [45]. (2) A l'exception près du sporophyte de Buxbaumia aphylla dont Peklo [33] a signalé l’infestation par des champignons. 16 NOEL BERNARD vasculaires inférieures hébergent régulièrement des champi- gnons et, chez toutes, la symbiose atteint un haut degré de perfection. J'ai été, je crois, le premier à suggérer que les spores des Lycopodiacées ou des Ophioglossées ne pouvaient pas germer sans le concours de champignons [3]. On manque encore sur ce point d'expériences décisives, mais depuis l'examen que j'ai fait du sujet en m'appuyant sur les travaux de Treub et de Bruchmann, les observations de Lang [20], Thomas [49] et Campbell{8]| ont apporté de nouveaux appuis à ma façon de voir. On ne dépasse pas la portée des faits acquis en donnant comme règle générale que les prothalles des Cryptogames vasculaires inférieures hébergent des champignons dès le début de leur développement, exactement comme les plantules d'Orchidées. Dès à présent, on est en droit d'assurer que les exceptions à celte règle ne sont pas plus fréquentes et pas plus importantes dans un cas que dans l’autre (1). Les prothalles des Lycopodiacées et Ophioglossées sont tubé- risés et souvent vivaces, ils prennent à l’état adulte des formes diverses parfois fort étranges, mais à l’état jeune ils ont la forme « en toupie » des plantules d'Orchidées ; la localisation et le degré d'extension des champignons sont exactement com- parables dans les deux cas. D’après cela, 1l est fort raisonnable de penser que la symbiose a eu un rôle dans l’évolution du gamétophyte des plantes vas- culaires inférieures. Les prothalles éphémères et autonomes des Sélaginelles, des Zsoetes, des Equisetum, des Fougères sont des formes très particulières et secondairement acquises. Selon toute vraisemblance, le gamétophyte des plantes vasculaires dérive par une adaptation parfaite à la symbiose du thalle vivace el infesté de quelque forme disparue d'Hépatique ou d’Anthocé- rotale à tubercules. L'évolution primitive du sporophyte des plantes vasculaires peut aussi être considérée comme ayant un rapport avec la symbiose ; les idées que je soutiens permettent sur ce point de (1) Je ne donne pas ici la bibliographie des travaux relativement anciens sur ce sujet; on en trouverait l'indication et le résumé dans le Pflanzen familien d'Engler et Prantl. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 17 préciser la « théorie du protocorme » proposée par Treub [51] en lui donnant, je crois, une forme plus satisfaisante. Cette théorie a élé suggérée par l'étude du développement des plantules chez le Lycopodium cernuum, mais il serait mieux aujourd'hui de la déduire des faits concordants observés par Thomas {49} chez le Phylloglossum Drummondi qui peut à bien des titres être considéré comme la plus simple des Lyco- podiacées et de toutes les plantes vasculaires. Chez le Lycopo- dium cernuum, non seulement les spores donnent naissance à un prothalle infesté dès son origine, mais encore la jeune plantule issue de l'œuf forme précocement, vers son sommet, un petit tubercule infesté, appliqué sur le sol, le protocorme de Treub, qui porte les premières feuilles et produit tardivement la pre- mière racine exogène. N'y at-il pas lieu de considérer l'existence de ce protocorme comme un caractère primitif du sporophyte des plantes vasculaires; ces plantes n’auraient-eiles pas été des plantes à tubercules, avant même d’être des plantes à racines? C’est le sens de la question posée par Treub. L'existence d’un protocorme chez les Orchidées comme chez les Lycopodes a pu fournir un argument apparemment défavo- rable à cette théorie. Les Orchidées sont en effet parmi les plus évoluées des plantes vasculaires et nullement parmi les plus pri- mitives. Il faut donc croire qu'un protocorme à pu apparaître chez des plantes diverses, par suite de certaines conditions de vie; ce protocorme ne caractériserait pas plutôt des plantes anciennes que des plantes modernes et 1l ne conviendrait pas de lui attribuer une signification phylétique particulière. C’est, si je comprends bien, ce que pense Gœbel 151. Je reproduis ce raisonnement, queje crois familier à plus d’un naturaliste, mais il ne me convainc pas. Je démontrerai claire- ment dans ce mémoire que l'apparition et l’évolution du pro- tocorme chez les Orchidées sont des événements dus aux pro- grès de la symbiose ; après cela, il ne pourra guère être douteux qu'il en est de même chez les Lycopodiacées, où la vie en sym- biose atteint aussi un remarquable degré de perfection. C'est donc bien par suite d'une convergence, due à la condition com- mune de la symbiose, qu'un protocorme est apparu dans les deux cas; cela me semble incontestable ; je complète volontiers, ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX, 2 18 NOEL BERNARD pour ma part, la théorie de Treub par cette affirmation. Mais le fait que l'adaptation à la symbiose ait pu se répéter à diverses reprises, avec des résultats comparables, au cours de l'évolution des plantes, doit-il empêcher de croire que cette adaptation ait eu de l'importance et que les résultats réguliè- rement acquis grâce à elle soient à considérer ? Il y a en vérité presque autant de chemin à franchir pour passer d’une Luzule à quelqu'une des Orchidées les plus différenciées que pour passer d’un sporogone monopodial et annuel de Muscinée à un sporophyte à protocorme comme le PAylloglossum Drum- mondii. On ne voit pas pourquoi des raisons du même ordre ne pourraient pas expliquer aussi bien l’une que l’autre de ces évolutions, dont la comparaison est largement possible. A mon sens done, l’idée que le sporophyte annuel des Mus- cinées s’est affranchi tout d’abord en se couchant sur le sol et s’y fixant par un « protocorme », en devenant une plante vivace à tubercules, n’est pas une idée insoutenable. Mais si l’on veut l’adopter, elle implique comme une conséquence nécessaire que l'apparition des plantes vasculaires a été la conséquence d’une haute adaptation de certaines Muscinées à la vie en symbiose avec des champignons (1). Si l’on veut maintenant comprendre l'évolution du sporo- phyte chez les plantes vasculaires en général, il faut partir de ce fait que chez les plus simples représentants de tout ce groupe (Phylloglossum, Lycopodes, Psilotum, Ophioglosses) on ren- contre uniquement des modes de végétation ayant des équi- valents exacts chez les Orchidées. L'état vivace si parfaitement caractérisé que j'étudierai chez les Orchidées donne une image de l’état initial du sporophyte chez les plantes vasculaires. Je ne chercherai pas longuement ici comment l’état arbores- cent à pu dériver de cet état vivace de plantes herbacées de petite taille — bien que la manière dont s’établit chez les Orchi- dées le mode de végétation des Vanda puisse donner à ce sujet (1) L'ancienneté de la symbiose chez les plantes vasculaires est surtout suggérée par le fait que les plus inférieures des plantes actuelles de ce groupe sont soumises à ce mode de vie. II convient cependant de rappeler que Weiss (58 | a observé dans les racines de certaines plantes carbonifères des champignons apparemment semblables à ceux des Psilotum ou des Orchidées. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 19 une indication — mais il m'importe de faire quelques remar- ques sur l’origine des plantes annuelles. L'état annuel du sporophyte est exceptionnel chezles Crypto- games vasculaires ; on le trouve chez quelques Fougères comme les Anogramme, où il est manifestement secondaire. Chez les Gymnospermes il est tout à fait inconnu. Chez les Angiospermes enfin, l’état annuel est réalisé par des plantes appartenant à des familles fort diverses, mais qui ne sont pas généralement parmi les familles à caractères floraux primitifs; ici encore, il faut considérer l’état annuel comme tardivement acquis et chercher l'origine des Angiospermes parmi des plantes vivaces herbacées ou arborescentes, la première alternative me paraissant plus probable. Quand on consulte les statistiques données par Schlicht [46], Janse [18], Stahl [48]|, Gallaud [18] ou d’autres sur les cas de symbiose chez les végétaux supérieurs, les meilleures règles générales qu'on arrive à dégager sont les suivantes : la presque totalité des plantes herbacées vivaces et le plus grand nombre des plantes arborescenteshébergent des champignons; les plantes annuelles au contraire sont régulièrement indemnes. Ce sont là, je m'empresse de le dire, des règles approximalives sujettes à des exceptions. Mais si l'on fait abstraction déjà du cas des plantes transplantées dans des jardins botaniques ou des plantes cultivées, ces exceptions sont relativement peu nombreuses. Comme Je l’ai dit, on rencontre de ces cas exceptionnels même chez les Orchidées et l’affranchissement de quelques-unes de ces plantes ne doit pas empêcher de croire au rôle de la sym- biose dans leur évolution naturelle. Sans doute donc, dans l'état où sont nos connaissances, il ne faut pas mépriser les règles approximatives de répartition des endophytes qui peu- vent seules servir provisoirement à diriger les recherches. En m'appuyant sur ces règles et sur ce que J'ai dit de l’évo- lution des modes de végétation des plantes vasculaires, je pro- poserai en définitive la conception d'ensemble suivante : Le sporophyte des plantes vasculaires dérive d’un sporogone monopodial et annuel, qui s’est affranchi en prenant l’étal vivace par suite d’une haute adaptation à la symbiose avec des champignons. L'état vivace ainsi acquis à persisté longtemps, 20 NOEL BERNARD sous des modalités diverses, comme d’ailleurs en général la symbiose elle-même. Cependant quelques plantes ont pu s'affranchir des champignons et c'est parmi elles qu'il faut chercher l’origine des plantes annuelles indemnes. Il à pu arriver secondairement que de semblables plantes annuelles, de nouveau attaquées par des champignons, aient répété lévo- lution primitive et donné les types les plus parfaits et les plus évolués de plantes vivaces; c’est de ce cas que les Orchidées seraient un exemple. Je n’accorde naturellement qu'une valeur suggestive à des idées aussi largement théoriques. Mon but n’est pas d’en faire admettre la vérité littérale, mais simplement de montrer que la question de la symbiose peut avoir des rapports multiples et étroits avec celle de l’évolution des plantes. EVOLUTION ET ADAPTATION. J'ai parlé 1ei de l’évolution par adaptation à la symbiose sans paraître mettre en doute que l'adaptation à une condition par- ticulière de vie puisse entraîner la transformation des espèces. En posant ainsi le problème dans un esprit lamarckien, Je n'ignore pas les difficultés générales qu'on rencontre si l’on veut expliquer l’évolution des plantes par une adaptation à leurs modes de vie. Dans le cas actuel au moins, ces difficultés ne paraissent pas insurmontables ; je voudrais expliquer pour- quoi, en me limitant cependant à ce que je puis faire de remar- ques claires et sans prétention de discuter complètement une question aussi propice à d’amples controverses. On ne conteste pas que l’action de facteurs extérieurs à une plante puisse la modifier; on s'accorde aussi à penser que l'action continue de conditions particulières, renforcée au besoin par la sélection des individus les plus sensibles à cette action, peut permettre d'obtenir des races de plantes visible- ment différentes de leur souche primitive. Il faut concéder, par exemple, que les races de betteraves sucrières ont été pro- duites grâce à des soins spéciaux de culture et aux continuels efforts des sélectionneurs. Mais, ceci une fois admis, il reste possible et logique de nier que les progrès accomplis grâce à L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 21 la réalisation de conditions exceptionnelles et grâce à la sélec- tion aient quelque chose de commun avec ceux qui marquent dans la nature le passage d'une espèce à une autre plus évoluée. Les espèces naturelles paraissent en effet stables, de généra- tion en génération, en l'absence de soins spéciaux ; même si on les abrite en quelque mesure de la lutte pour la vie et de la sélection naturelle, par exemple en réalisant la culture isolé- ment dans un enclos, les caractères spécifiques restent inva- riables. Au contraire, les races dont l'amélioration est due à des conditions artificielles de vie et à la sélection humaine ne doivent généralement leur stabilité et leur uniformité appa- rentes qu'au maintien des pratiques grâce auxquelleselles ont été obtenues. Les races de betteraves sucrières de nos grandes cul- tures sont une élite isolée parmi toutes les betteraves possibles qu'auraient pu donner leurs ancêtres. Cette élite (1) est main- tenue grâce à une sélection constante, grâce au soin qu'on à de réaliser pour elle à chaque génération les conditions les meilleures, mais les caractères qui la distinguent n’ont pas acquis malgré cela de véritable fixité. Si l’on supprimait les soins de sélection et de culture. on ne tarderait pas à voir cette élite dégénérer ; ou, plus exactement, les rares individus dans sa descendance qui mériteraient encore d'y être rangés seraient noyés dans une foule d'individus quelconques, dont les carac- tères moyens, seuls stables sans soins spéciaux, pourraient seuls aussi servir à définir l'espèce. En un mot, — et je crois reproduire ici fidèlement le sens d’une des objections essentielles qu’on oppose fréquemment aux théories lamarckiennes, — les races d'élite obtenues par les soins que des expériences humaines peuvent réaliser, les races adaptées si l’on veut à des conditions expérimentales, ne seraient en rien comparables aux espèces dont elles n’ont pas la véri- table stabilité. Le problème de l’origine de ces races serait entièrement distinct du problème de l’origine des espèces natu- relles. (1) J'emprunte le mot élite appliqué dans ce sens à Hugo de Vries [56], qui propose avec juste raison de distinguer de la sélection, dans son sens le plus large, l'élection qui aboutit à l'isolement des races instables. 22 NOEL BERNARD Je suis porté à admettre l'exactitude des raisonnements et des faits que je viens de réunir, mais à contester la valeur absolue de la conclusion qu'on en tire. J'entends bien qu'il y a une certaine distinction théorique à faire entre les caractères ayant le plus haut degré de stabilité et les caractères largement variables que les conditions de vie ou la sélection peuvent main- tenir. On pourra dire des premiers qu’ils tiennent surtout à la nature des individus de l'espèce, à la nature de leurs germes, ou plus précisément encore à la nature de leurs chromosomes ; on leur opposera les seconds qui dépendent dans une mesure plus large de conditions particulières auxquelles des individus de l'espèce peuvent être momentanément adaptés. Mais peut-on être parfaitement assuré qu'on ne fera jamais de confusion entre les uns et les autres ? Peut-on affirmer que des carac- tères constants dans les conditions naturelles de la vie, appa- remment capables de servir à la définition des espèces, ne sont pas en réalité des caractères adaptatifs persistant grâce au maintien de conditions de vie constantes bien qu’encore incon- nues ou trop mal définies, comme persistent les caractères propres des betteraves sucrières grâce aux soins constants et bien connus du cultivateur? Je voudrais montrer, pour le cas des Orchidées, combien la confusion sur ce point est possible et suggérer que les espèces généralement reconnues de ces plantes n’ont peut-être pas, malgré les apparences, une stabilité d’un autre ordre que celle des races d'élite dont j'ai parlé tout à l'heure. Si l’on sème les graines d’un Cattleya, on constate qu’elles donnent dès la germination un protocorme tubérisé, ayant la forme d’un disque épais adhérent au support par sa face infé- rieure et portant le bouquet des premières feuilles au centre de la face opposée. C’est là pour une jeune plante une forme des plus particulières ; elle s’observe ici avec une constance absolue, comme le montre l'examen de semis faits dans les serres où l’on fait germer des Cattleya par milliers. Selon toute apparence, il y aurait donc là un caractère du plus haut degré de stabilité, capable d'être utilisé en systématique. Je pense cependant que c’est là un des caractères les plus nets qui tra- duise l'adaptation à la symbiose et je considère son apparition comme due à l’action des champignons. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 29 Les graines d’Orchidées, comme je l'ai montré, sont sélec- tionnées par les champignons qu’elles rencontrent et la symbiose est une condition naturelle nécessairement imposée à toutes celles de ces graines qui parviennent à germer. Il n’est nulle- ment exagéré de comparer l'importance qu'ont les champignons pour les Orchidées à l'importance qu'ont les agriculteurs pour le maintien des races d'élite qu’ils cultivent. Pour savoir quels sont chez une espèce d'Orchidée les caractères indépendants de la symbiose, il faudrait éviter l'intervention des champignons, comme on peut supprimer l’action de l’agriculteur quand on se propose de découvrir chez des races améliorées les caractères indépendants de la culture. Pour les Orchidées, l'expérience n’est en général pas immé- diatement réalisable. Si l’on supprime le Rhizoctone qui fait germer un Cattleya, sans modifier d'ailleurs aucune autre des conditions du semis, la germination ne se fait plus. On peut bien en vérité réaliser, comme j'ai dit, des conditions particulières et nouvelles, équivalentes à la symbiose, dans lesquelles la germination se produira, sans que d’ailleurs le protocorme discoïde cesse de se former; mais l'expérience ainsi faite n'a plus de valeur démonstrative, car la substitution d’une condition à une autre n'équivaut pas à sa suppression. Parmi les Orchidées que j'ai étudiées, le Bletilla hyacinthina seulement s’est prêté à une expérience directe. Pour cette espèce primilive, la culture comparative, sur des milieux dilués, avec ou sans champignons, est possible et l'expérience montre clairement que la formation d’un protocorme est sous la dépen- dance de l’action des Rhizoctones commensaux. Pour les Orchidées comme les Cattleya dont l’asservissement à la symbiose est plus strict, on pourrait tenter, une fois la germi- nation autonome réalisée par l’action d’une solution concentrée, de poursuivre la culture de génération en génération sur des milieux de plus en plus dilués et toujours sans champignons. L'expérience n’est pas faite et sans doute elle serait longue ; mais on peut au moins penser, d’après les faits acquis pour le cas du Pletilla, qu'elle aboutirait à donner des Cattleya germant sans former de protocorme. Quelques-uns au moins des caractères apparemment fixes 24 NOEL BERNARD des Orchidées, peuvent donc dépendre plutôt de la symbiose, condition constante de vie, que de la constitution héréditaire des chromosomes apportés par les germes. Une dégénérescence plus ou moins complète de ces caractères serait sans doute possible si le mode de vie des Orchidées changeait. En tout cas, cette dégénérescence est prévenue depuis des temps lointains par la permanence de la symbiose ; cette condition, pour avoir été ignorée de ceux qui ont distingué la famille ou qui l'ont divisée en genres eten espèces, ne reste pas moins essentielle. Le problème de l’adaptation à la symbiose peut encore se prêter à l'expérience par une voie différente de celle que je viens de suggérer. Je montrerai dans les chapitres IT et IV de ce mémoire que des Orchidées adaptées à vivre avecun champignon d'un certain degré d'activité peuvent tolérer la symbiose avec des champignons d'activité plus grande. Elles réagissent alors en se développant avec plus d’exubérance et en présentant parfois des modes de germination anormaux. Quelques-uns des semis obtenus ainsi dans ces conditions exceptionnelles ont présenté le polymorphisme que Hugo de Vries a noté dans les semis de plantes en voie de mutation [55]. L'extrême lenteur du développement des Orchidées, qui ne fleurissent jamais avant plusieurs années de vie, rendrait par malheur particu- lièrement laborieux d’apprécierle degré de fixité de ces caractères brusquement acquis. Quel que soit le degré d’imperfection auquel des difficultés matérielles ont limité mes expériences, il m'a paru qu'une inter- prétation lamarckienne des faits pouvait au mieux leur donner une cohésion suggestive. C’est là en définitive une raison valable pour adopter une doctrine, tant que la réflexion la plus attentive n'a pas fourni contre elle d'argument décisif. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 25 CHAPITRE I LES CHAMPIGNONS ENDOPHYTES DES ORCHIDÉES (1). $ !. — Modes de végétation. Les champignons qui vivent en symbiose avec les Orchidées ont un mode de végétation caractéristique pendant leur vie dans les tissus des racines ou des plantules : ils envahissent les cellules de proche en proche en formant dans chacune, avant de gagner la voisine, un peloton de filaments contournés, ramifiés et enchevêtrés d’une facon fort complexe. Dans les cellules envahies depuis longtemps les filaments pelotonnés demeurent parfois reconnaissables; plus fréquemment le peloton entier est digéré par la cellule hôte et se réduit à une masse de dégénérescence amorphe. Jamais le champignon ne forme de spores ni d'organes reproducteurs d'aucune sorte dans les tissus de plantes en bon état. Les jeunes pelotons extraits de cellules où ils viennent de se former peuvent se développer en donnant du mycélium libre quand on les sème sur un milieu nutritif approprié (fig. 2). On peut en particulier obtenir, en toute sûreté, des cultures pures de ce mycélium, par semis d’un seul peloton pris comme germe initial. La méthode à employer pour cela est décrite dans la note II de l’Appendice joint à ce mémoire. Par cette méthode ou par d’autres, j'ai obtenu des cultures pures de champignons hébergés par diverses Orchidées, Tous ces champignons, bien qu'ils soient de plusieurs espèces, ont en commun, pendant leur vie libre dans les cultures, un même mode général d'évo- (1) Je crois inutile de reprendre ici une discussion des opinions émises sur la nature des champignons endophytes des Orchidées; je l’ai fait ailleurs [6]. L'identité des champignons que j'ai cultivés avec le mycélium intracellulaire des racines ne peut plus faire de doute. Je dois cependant signaler que la Centralstelle für Pilzculturen d'Utrecht met en vente et annonce dans le Bota- nisches Centralblatt, sous la désignation Wurzelpilz (Symbiont) von Cattleya Bei- jerinck, un mycélium qui n’a rien de commun avec ceux que j'ai obtenus el étudiés. Je me suis procuré ce champignon par achat; semé avec des graines de Cattléyées, il ne les a pas fait germer et n’a contracté avec les embryons aucune symbiose. 26 NOEL BERNARD lution dont je m'attache d'abord à dégager les caractères essentiels. Les filaments nés d'un peloton Fig. 2. — Germination en chambre humide d’un peloton de mycélium intracellulaire extrait d’une racine de Phalænopsis. qui germe s’accroissent autour de lui, se rami- fient et forment bientôt un voile de filaments rayonnants qui s'étend peu à peu sur tout le mi- lieu de culture. La crois- sance de chaque filament est alors localisée dans son article terminal qui se cloisonne périodique- ment et isole en arrière de lui des articles suc- cessifs. Des rameaux naissent isolément sur les filaments de premier or- dre, chacun apparaissant un peu en arrière de la cloison la plus récemment formée de l’article qui le porte. La Fig. 3. — Portion d’un voile de Rhizoctonia repens (série C), développé en culture pure sur la paroi du tube de culture. texture du voile se complique de bonne heure par suite d’anas- tomoses entre les filaments de diversordres, mais tous ces fila- ments restent d’abord semblables, de calibre constant, sensi- L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE . 97 blement rectilignes ou ne présentant du moins que des cour- bures de grand rayon. _ Au moment où le voile cesse de s'étendre, on voit souvent apparaître çà et là, à quelque distance de son pourtour, des pelotons de mycélium assez semblables à ceux qui se forment dans les cellules des racines. Ces pelotons se produisent par enroulement de l'extrémité de jeunes filaments en voie de croissance (fig. 4, A); ils peuvent quelquefois devenir assez serrés (fig. 3) ; ils donnent souvent naissance de bonne heure à des filaments mycéliens qui rayonnent autour d'eux en gardant un mode de croissance normal. Dans les cultures ces pelotons sont assez rares; j'ai été longtemps sans les remarquer ; mais, depuis que mon attention a été attirée sur ce point, j'ai souvent regardé au microscope les voiles formés sur le verre de tubes de culture et j'y ai toujours observé quelques pelotons. Ilne s’agit pas là d’un fait accidentel, mais d’une circonstance parfaitement régulière. Autrefois J'ai cru que le pelotonnement était un mode de végétation caractéristique de la vie dans les cellules et direc- tement entraîné par elle. Il n’en est rien puisque des pelotons peuvent se former sur des milieux de culture où ils n'ont à subir aucune des contraintes que la vie intracellulaire peut leur imposer. La propriété de former des pelotons est-elle du moins un caractère acquis par suite de la vie intracellulaire et devenu secondairement capable de persister dans la vie libre? Je ne le crois pas, car, d’après ce que j'ai vu, un assez bon nombre de Mucédinées, des Fusarium et d’autres, qui ne sont pas connues pour mener la vie intracellulaire, sont capables tout autant que les endophytes d’Orchidées de produire, dans les cultures pures, des pelotons mycéliens plus ou moins développés. En somme, cette propriété du pelotonnement est assez banale ; les champignons qui m'occupent ici ne sont pas les seuls à la présenter ; ils la possédaient peut-être avant de vivre avec les Orchidées ; elle a dû, en tout cas, être très favorable pour l’adaptation à la symbiose dont le maintien paraît lié à l’exis- tence de ce singulier mode de végétation des champignons endo- phytes, comme je le dirai à la fin du chapitre V. Sur les voiles âgés, il naît des filaments moniliformes à 28 NOEL BERNARD articles courts et renflés, riches en glycogène à l’état jeune, comme le montre la couleur acajou qu'ils prennent dans les solutions iodées. Ces filaments naissent et se développent dans tous les cas de la même manière ; ils se ramifient toujours assez abondamment. Comme on le verra plus loin, ils restent libres chez une des espèces d’endophytes (fig. 3), tandis que chez les autres espèces ils s’anastomosent entre eux et forment ainsi des selérotes (fig. 4, A et fig. 5). La formation des filaments moniliformes marque la dernière phase de l’évolution des endophytes d’Orchidéesdansles cultures ; malgré divers essais, je n’ai Jamais réussi à obtenir les formes fructifères parfaites de ces champignons. Comme caractère général, je puis encore signaler la propriété qu'ils ont de digérer la cellulose. À de nombreuses reprises, j'ai fait des cultures soit de champignons seuls, soit de champignons et de graines sur des plaques de coton hydrophile imbibées de décoctions de salep. Ces plaques de coton deviennent assez rapidement fragiles et se dissocient aisément ; au bout de plusieurs mois, elles peuvent même tout à fait disparaître. $ 2. — Comparaison avec le Rhizoctonia violacea (Tul.). Les clefs dichotomiqnes ou les diagnoses des flores de champignons tiennent peu compte de caractères ayant trait au mode de végétation du mycélium, tels que ceux dont je viens de me servir pour définir en général les endophytes d'Orchidées. Aussi serais-Je resté incertain de la place systématique à donner à ces champignons, si je n'avais eu antérieurement l’occasion d'étudier par moi-même un champignon bien connu qui présente avec eux une indiscutable ressemblance. Il s’agit du Rhizoctonia Solani de Kühn, très commun sur les tubercules de Pommes de terre où il forme de petits sclérotes noirâtres, irréguliers, qu'on distingue facilement des parcelles de terre desséchées par leur résistance aux lavages. Le Sylloge fungorum de Saccardo donne ce champignon comme identique au Rhizoctonia violacea de Tulasne observé sur les racines de Luzernes, de Safrans et d’autres végétaux. Cette identité est affirmée par divers observateurs M6]; je l'admettrai ici sans 9 L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE (e] m'en porter garant, bien qu’elle me paraisse fort vraisem- blable. Pour éviter toute incertitude, je dois dire seulement que mes observations ont porté sur des cultures de Rhizoctonia violacea provenant de sclérotes pris sur des pommes de terre. J\ 3: Fig. 4. — À, portion d’un voile de Rhizoctonia mucoroïdes (série P), à un endroit où un sclérote commence à se former; en haut, début de formation d’un peloton en un autre point du voile. — B, portion d'un voile de Rhizoctonia violacea à un endroit où un sclérote commence à se former. J'ai cultivé ce Rhizoctone dans les mêmes conditions que les endophytes d’Orchidées. Il donne alors un voile de filaments cylindriques, rampants, à croissance terminale, unis bientôt par des rameaux d’anastomose. Après quelques jours, des filaments moniliformes, riches en glycogène, apparaissent en divers points de ce voile, s’anastomosent entre eux et forment ainsi les sclérotes qui brunissent en vieillissant. Ces deux périodes de végétation ont été en particulier bien distinguées par Rolfs [44] qui en donne des figures ; elles sont exactement comparables aux périodes correspondantes de la formation du voile chez les endophytes d'Orchidées. La ressemblance est surtout frappante entre le Rhizoctone de 30 NOEL BERNARD la Pomme de terre et les endophytes de Phalænopsis ou Vanda, comme la figure 4 le met en évidence. L'examen de cette figure, et, mieux encore, la comparaison des préparations, ne laisse pas en doute qu'il s'agisse bien là de deux espèces très voisines dont la différence la plus notable est le diamètre des filaments moniliformes, toujours beaucoup plus grand chez le Rhizoctonia violacea que chez les endophytes d'Orchidées. Ma conviction d’une étroite parenté entre ces espèces a été affermie par la découverte de pelotons de mycélium dans les cultures de Rhizoctonia violacea. Ces pelotons sont relativement rares et cela explique qu'ils n'aient pas été remarqués ni décrits; leur présence dans les cultures est cependant constante, tous les voiles étudiés par moi en ont présenté quelques-uns, et cela aussi bien pour des cultures récemment obtenues de sclérotes que pour un mycélium gardé à mon laboratoire par réensemen- cements successifs depuis plus de cinq ans. Ces pelotons sont normalement assez peu fournis et deviennent rapidement mé- connaissables par suite du flétrissement des filaments qui les forment; ils rappellent par là exactement ceux qu’on observe dans les cultures des endophytes de Phalænopsis ou Vanda. Cette ressemblance étroite et certaine doit évidemment être traduiteenréunissantles endophytes d’'Orchidéesetle Rhizoctonia violacea dans un même groupe naturel. On n’a jusqu’à présent rangé dans le genre Rhizoctonia que des champignons formant des sclérotes, et une espèce au moins d'endophytes d’Orchidées n’en donne jamais. Mais je tiens pour assuré que la similitude complète des modes de végétation indique beaucoup plus sûrement la parenté de ces espèces que la présence ou l'absence de sclérotes. Je crois donc pouvoir ranger les champignons d'Orchidées dans le genre ARhizoctonia d’après la simple assurance de leur proche parenté avec le ÆRhuizoctonia violacea. Celte manière de faire aura pour le moment l'avantage de ne pas compliquer la nomenclature existante. Une révision générale des espèces du genre fhizoctonia permettrait seule d'aboutir à une définition correcte du genre entier ou des subdivisions qu'il conviendrait d'y faire. Mais c’est là un travail qu'il m'a été actuellement impossible d'entreprendre, L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 31 $ 3. — Trois espèces de Rhizoctones d’Orchidées. J'ai conservé depuis plusieurs années au laboratoire, par réensemencements successifs, des cultures d’endophytes isolés à diverses dates et provenant d’une vingtaine d'espèces d'Orchi- dées réparties dans onze genres différents. Pour la compréhension des expériences rapportées dans ce mémoire, il est indispensable de distinguer chacune des séries de cultures définie par son origine et par la date d'isolement du mycélium dont elle provient. Afin de simplifier, je désignerai ici chaque série de culture par une lettre particulière. Au point de vue de la classification des endophytes les choses sont plus simples. Ces champignons sont moins variés que les plantes desquelles ils proviennent; j'ai pu sans ambiguïté les répartir en trois espèces dont les caractères distinctifs sont très nets et d’une grande constance. Je donne ici les diagnoses de ces espèces d’après les caractères observés dans mes cultures. Quand ces cultures sont faites sur les milieux nutritifs au salep que j'ai constamment employés pour les semis de graines (voir Appendice, note I) le mycélium ne forme qu'un voile mince sur le milieu de culture et sur les parois humides des tubes. Sur des milieux nutritifs plus riches, tels que des morceaux de carotte stérilisés, ce voile peut devenir beaucoup plus épais et produire des filaments aériens. Mais, quelles que soient les conditions de culture, la distinction des trois espèces est toujours facile, aussi bien par l'aspect macroscopique que par l'étude au micro- scope. 1° Rhizoctonia repens (fig. 3). Mycélium toujours rampant, formant sur les milieux nutritifs riches un voile épais, blanc jaunâtre, qui peut devenir brun claw tardivement. Filaments moniliformes ramifiés, groupés en petits amas granuleux, jamais anastomosés. Pelotons formés par l'enrou- lement de filaments mycéliens sur eux-mêmes pendant denombreuwr lours. Le plus grand nombre des champignons que j'ai isolés se 32 NOEL BERNARD rattachent à cette espèce : elle est donc très répandue; dans l'exposé de mes premières recherches [6], j'en ai donné déjà une description. Les séries suivantes du Rhizoctonia repens ont servi à mes expériences : Série L. — Mycélium isolé en Juin 1903; provenant de jeunes plantules de Cattleya Mossie << Læla purpurata obtenues par semis dans les serres de M. Magne, à Boulogne-sur-Seine. Série L. — Mycélium isolé en novembre 1907; provenant des racines d’un Lælia crispa adulte cultivé dans les serres du Jardin des plantes de Caen. Série S. — Mycélium isolé en septembre 1903; provenant des grosses racines d’un Spiranthes autumnalis récolté aux environs d'Alençon. Série C. — Mycélium isolé en décembre 1903 ; provenant des racines d’un Paphiopedilum insigne cultivé dans une serre du Jardin des plantes de Caen (1). Série C’. — Mycélium isolé en décembre 1905 ; provenant des racines du même Paphiopedilum insigne. Série C,. — Mycélium isolé en décembre 1905 ; provenant des racines d’un Phragmopedilum hybride (P. Schlimi var. albi- florum> > L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 39 gros dans mes cultures atteignaient la grosseur d'un pois. L’enroulement du mycélium en pelotons peut se prolonger pendant de nombreux tours. J'ai obtenu plusieurs séries de cultures de cette espèce à partir des racines d’une même plante d'Odonto- glossum grande cultivé dans les serres du Jardin des plantes de Caen : Série O. — Mycélium isolé de jeunes racines en novembre 1904. Série 0’. — Mycélium a À ae £ Fig. 5. — Portion d'un voile de Rhizoctonia lanu- isolé de vieilles racines ginosa (série 0), à un endroit où un sclérote en juillet 1905. commence à se former. Série 0", — Mycélium isolé de vieilles racines en juillet 1906. Mes recherches ont été trop peu étendues pour que j'aie l'am- _bition d’en déduire une idée générale précise de la répartition naturelle des endophytes d’Orchidées. Cependant, à titre provi- soire, je puis faire les remarques suivantes : Les espèces d’un même genre d'Orchidées, quels que soient leur origine et le lieu actuel de leur culture, m'ont toujours fourni la même espèce de Rhizoctones ; il y a donc une certaine régularité dans le choix fait par les Orchidées de leurs champi- gnons commensaux. Le Rhizoctonia repens habite des Orchidées fort diverses appar- tenant à des branches nettement séparées de l'arbre généalogique de la famille. Les Rhizoctonia mucoroïdes et lanuginosa n'ont au contraire été rencontrés que dans de rares Orchidées qui sont parmi les plus évoluées de la famille, comme on le verra dans le chapitre IL. La symbiose étant un mode de vie très ancien des Orchidées, il est raisonnable de croire que l’évolution des champignons endophytes s’est faite en même temps que celle des plantes qui les hébergent. Je suis porté à croire d’après cela que le Rhaizoctonia repens est une espèce primitive dont les Æ/izoclonin 30 NOEL BERNARD mucoroïdes et lanuginosa seraient tardivement dérivés. Dans ces conditions on pourrait considérer les sclérotes des deux dernières espèces comme provenant des filaments moniliformes isolés du Rhizoctonia repens; ceux-ci seraient peut-être à leur tour une forme dégradée d'appareil conidien. S 4. — Rhizoctonia et Hypochnus. Au cours de recherches sur certaines maladies de la Pomme de terre, Rolfs [43, 44] a eu l’occasion de compléter les connais- sances précédemment acquises sur le cycle évolutif du Rhizoc- tonia violacen; Güssow [16] à déjà attiré l'attention sur ces recherches qui présentent à mon point de vue un grand intérêt. À la base de tiges aériennes de Pomme de terre, provenant de tubercules infestés par des sclérotes du Rhizoctonia violacea, Rolfs a vu se développer un lacis de filaments bruns donnant naissance à des hyphes dressés terminés par des basides à deux ou quatre basidiospores. L’hyménium fructifère ainsi formé est lâche et floconneux, il représente l’une des formes les plus simples et sans doute les plus primitives de fructification dans le groupe des Basidio- mycètes à hyménium. Cette forme fructifère avait été observée antérieurement par Prillieux et Delacroix qui l’ont décrite sous le nom d'ÆHypochnus Solani [41], mais n’ont pas soupçonné son origine. Rolfs a montré que les basidiospores de cet Æypo- chnus reproduisent en germant la forme Rhizoctonia. L'évolu- ion du Rhizoctone de la Pomme de terre se trouve ainsi connue d'une manière complète et sa place systématique fixée sans incertitude (1). Malgré divers essais de culture dans des conditions variées, je n’ai jamais obtenu la forme fructifère parfaite des Rhizoc- tones d’Orchidées. Mais, comme je l'ai dit, ces champignons, (4) Une question de synonymie reste seule en litige. Rolfs, tout en consta- tant expressément l'identité du champignon qu'il décrit avec l'Hypochnus Solani (Pr. et Del.) en fait, d’après l'avis de E. A. Burt, une variété du Corti- cium vagum (B. et C.). La distinction des Hypochnus et de certains Corticium peut aisément donner matière à des controverses que je n’ai nulle compétence pour trancher; je conserve le nom donné par Prillieux et Delacroix qui est actuellement admis dans les traités et dans les flores d'un usage courant. | L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE SE spécialement le Rhizoctonia mucoroïdes, se rapprochent du Rhi- zoctone de la Pomme de terre d'une manière évidente. Cette ressemblance ne porte pas uniquement sur tel ou tel détail d’or- ganisation, mais sur le mode général même de l’évolution ; elle paraît ainsi un indice assuré de proche parenté et non un fait de convergence accidentelle ; elle autorise par suite à penser que les endophytes d’Orchidées sont des formes stériles de Basidio- mycèles appartenant au genre Hypochnus ou à des genres très voisins. Les formes fructifères parfaites de ces champignons pourront sans doute être trouvées un jour ou l’autre. Si j'en juge par l’insuceès de mes recherches, elles ne doivent pas exister communément dans les serres où l’on cultive les Orchidées exo- tiques et l’on doit considérer comme une règle générale que les endophytes s'y maintiennent le plus souvent sous leurs formes stériles. Il est intéressant de rappeler ici que dans un autre cas déjà une forme Ahizoctona à pu être identifiée avec un Wypo- chnus. U s’agit d’un champignon décrit par Léveillé [22] sous le nom de ÆRhizoctonia centrifuga, qui forme sur les écorces d'arbres des voiles aranéeux circulaires parsemés de petits sclé- rotes bruns. Les frères Tulasne [521 ont observé et décrit sous le nom d’'Hypochnus centrifuqus la forme fructifère de ce Rhi- zoctone; elle apparaît sur les voiles développés à l'abri de la lumière, qui deviennent plus denses et produisent un hyménium blanc de filaments terminés par des basides (1). Les filaments de ce champignon présentent des boucles d’anastomose (Schnallenverbindungen) entre les articles con- tigus d’un même filament. C’est une particularité bien connue dans ce cas, la figure du traité de À. de Bary [4] qui s’y rap- porte étant reproduite dans de nombreux ouvrages relatifs aux champignons. J'ai observé de semblables boucles d’anastomose sur les filaments d’un mycélium remplissant les vieilles liges creuses du Neottia Nidus-avis et aussi les fruits souterrains de cette espèce où des graines étaient en germination [4|. (1) Une question de synonymie semblable à celle que soulève la classification de l’'Hypochnus Solani pourrait se poser ici, puisque d’après l'opinion de Broom — rapportée par les frères Tulasne — l’Hypochnus centrifugus peut être rattaché au Corlicium arachnoideum de Berkeley. $ NOEL BERNARD Schacht {45} à décrit une particularité semblable pour un mycélium observé à la surface ou même dans les cellules externes du rhizome de l'£pipoqium Gmelini. H s’agit peut-être dans les deux cas de formes libres d’endophytes d'Orchidées, différentes de celles que j'ai décrites dans ce chapitre, mais appartenant au même groupe et se rapprochant par un trait de l'Hypochnus centrifuqus. CHAPITRE II LES PHÉNOMÈNES DU DÉVELOPPEMENT CHEZ LES ORCHIDEES Je décrirai dans ce chapitre les phénomènes normaux de la germination chez diverses Orchidées qui ont servi à mes expé- riences (1) et j'essairai en partant de là de retracer l’évolution qu'ont dû subir les modes de développement dans toute la famille. Pour diriger sûrement cette étude, il faut tenir un grand compte des rapports établis entre les diverses Orchidées par les classifications naturelles fondées sur l'examen des plantes adultes ; on doit évidemment rechercher les modes de germina- lion les plus primitifs chez les Orchidées qui sont à tous points de vue les plus simples et considérer comme des modes dérivés ceux qu'on observe chez les plantes les plus complexes de Ia famille. Il est donc utile, afin de limiter dès l’abord le domaine des faits accessibles à ma tentative, d'acquérir une idée sur la phylogénie des Orchidées en général ; cela est devenu possible grâce aux documents patiemment réunis et coordonnés par Pfitzer. Un examen de la classification naturelle proposée par ce 35] suggère que, dans une large mesure, l’évo- lution des Orchidées épiphytes a été indépendante de celle des Orchidées terrestres, l'un ou l’autre des modes de vie pouvant, à quelques exceptions près, caractériser les grandes subdivisions de la famille. savant spécialiste (4) Les détails relatifs aux modes de culture ou à l’origine des graines employées sont donnés dans les notes 1, IT et IV de l’Appendice. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 39 Les Orchidées épiphytes se rattachent presque exclusivement à une grande série naturelle correspondant à peu près à l’en- semble des Épidendrées et Vandées de Bentham. Cette série est définie par l'existence d’une élamine unique, la position des pollinies dont le sommet est tourné vers le rostellum, la cadu- cité de l’anthère qui tombe après l'enlèvement du pollen et l'existence d’articulations aux feuilles. Presque toutes les Orchidées de serre appartiennent à ce grand groupe. Dans la première partie de ce chapitre je comparerai les modes de ger- minaltion de plusieurs d’entre elles en les énumérant à peu près dans l’ordre adopté par Pfitzer pour leur classification. Ces diverses Orchidées présentent à de nombreux points de vue des degrés croissants de complexité ; leurs modes de germination variés s’enchainent d’une façon assez graduelle pour qu'on puisse penser qu'ils représentent des étapes de l’évolution natu- relle. Les Orchidées terrestres appartiennent à plusieurs séries bien distinctes qui sont comme autant de branches séparées d’un arbre généalogique. Ce sont d'abord les Orchidées diandres, à deux ou trois étamines fertiles, parmi lesquelles les deux genres d'Apostasiées occupent un rang inférieur, tandis que les Cypripédiées atteignent le plus haut degré d'évolution. Il faut mettre à part ensuite les Ophrydées, groupe très homogène d'Orchidées à bulbes, dont l'étamine unique renferme des polli- nies attachées au rostellum par leur base. On doit distinguer enfin des séries précédentes la grande tribu assez variée des Néottiées dont les pollinies tournent leur sommet vers le ros- tellum, mais dont l’anthère est persistante après la chute du pollen et dont les feuilles sont dépourvues d’articulation. Dans la seconde partie de ce chapitre j'étudierai, autant que cela est possible, l’évolution des modes de germination dans chacune de ces séries naturelles. PREMIÈRE PARTIE L'ÉVOLUTION DES ÉPIDENDRÉES ET VANDÉES. Dans le grand groupe d'Orchidées généralement épiphytes dont j'entreprends l’élude, l'évolution parait avoir été plus 40 NOEL BERNARD accentuée que dans aucun autre. La série des genres que j'exa- minerai part de formes relativement primitives, pour aboutir à d’autres qui présentent le plus haut degré de complexité réalisé dans toute la famille. Le Bletilla hyacinthina, une Orchidée d'Extrème-Orient dont je parlerai d’abord, occupe incontestablement dans tout le groupe un rang des plus inférieurs. On trouve réunis chez cette espèce un ensemble de caractères communs à toutes les Orchi- dées primitives en général, tels que l'habitat terrestre, le mode de végétation sympodial, la préfoliation convolutive, la position terminale des inflorescences, l’indépendance des masses polli- niques par rapport au rostellum. Pfitzer a clairement mis en évidence la valeur de ces caractères ancestraux ; j'aurai à noter leur disparition progressive chez les divers genres de plus en plus évolués que j'étudierai ensuite. $ 1. — Bletilla hyacinthina (Reich.) (1). MODE DE VÉGÉTATION A L'ÉTAT ADULTE J'examinerai tout d'abord la manière dont végète le Bletilla hyacinthina à son état adulte, surtout afin de bien fixer le mode de symbiose auquel cette plante est soumise. A des différences de détail ou de degré près, les remarques que J'aurai à faire à ce sujet s’appliqueraient en général aux Orchi- dées à végétation sympodiale produisant des rhizomes articulés ou des bulbes. L'examen que j'ai fait autrefois [4] du cas des Ophrydées le montrerait au mieux. Une plante de PBletilla à l'état de repos, telle qu’on peut la voir en décembre, est réduite à un rhizome articulé, souvent ramifié, toujours vert et superficiel. Chaque article du rhizome est constitué par un tubercule discoïde montrant les cicatrices circulaires de feuilles tombées et relié à l’article suivant par (1) Cette espèce est souvent encore désignée sous le nom de Bletia hyacin- thina (R. Br.) et j'ai moi-même eu le tort d'adopter précédemment [6] cette désignation fautive. La position de l’inflorescence qui est latérale chez les Bletia est une raison suffisante pour légitimer la distinction, mais je pourrai en donner une raison nouvelle. En effet, d'après une figure de Beer [2], le Bletia verecunda germe en donnant un protocorme discoïde, du type cattléven, c’est-à-dire tout autrement que le Bletilla. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 41 une courte digitation horizontale (fig. 1, PL. I) ; là où le rhizome se ramifie, un même article est relié par deux digitations à deux tubereules voisins. A l’époque dont je parle, ce rhizome ne porte que des débris de racines plus ou moins désorganisées el aucune racine vivante. Quand on suit la marche de la végétation annuelle, à partir de l’état queJe viens de décrire, on peut y distinguer deux séries de phénomènes correspondant à deux périodes successives. La première période est caractérisée par le développement de pousses feuillues qui se dressent à l'extrémité des digitations libres portées par les articles terminaux du rhizome (fig. 1, pl. 1). Cette période est par excellence celle de la végétation active : l'apparition des bourgeons floraux au dehors, qui se produit en mars, peut être considérée comme marquant sa fin. La poussée de Jeunes racines qui commencent à s’accroître dans le cours de mars et d'avril précède de très peu le début de la seconde période. Peu après cette sortie des racines, les entre-nœuds basilaires de chaque tige aérienne commencent à s'épaissir et un ou deux des bourgeons situés à l’aisselle des pre- mières feuilles de ces tiges se développent en courtes pousses horizontales. Ainsi se forme chaque article du rhizome avec son tubercule el ses digitations; il acquerra son aspect défi- nitif en automne, au moment oùles tiges aériennes se flétriront. L'épisode essentiel qu'est la tubérisation des articles du rhizome peut, mieux que tout autre, caractériser cette seconde période de la végétation annuelle ; elle correspond aussi à l'époque de la formation des fruits qui mürissent en octobre. Les champignons n’infestent jamais le rhizome ; tant que la plante y est réduite, elle est tout à fait indemne. La première période de végétation active est donc une période d'autonomie. La seconde période au contraire devient presque dès son début une période de commensalisme ; les jeunes racines sont en effel régulièrement infestées dès qu'elles atteignent une longueur de quelques centimètres. Comme à lordinaire, les champignons pénètrent les racines en voie de développement dans la région située en arrière de la zone de croissance; ils végètent quelque temps dans l'écorce formant des pelotons dans les cellules, jusqu’au moment où ils y sont digérés. Les racines qui ont cessé 49 NOEL BERNARD de s’accroître ne sont plus sujettes à des infestations nouvelles et, bien avant leur désorganisation, elles ne renferment plus que des pelotons digérés, à l'exclusion de mycélium vivant. De ces constatations il résulte deux conséquences qui contri- buent à faire comprendre la nature des rapports existant entre la plante et son champignon commensal. La plante, au cours de sa période de végétation active, diffé- rencie ses principaux organes sans avoir à subir l’action des champignons. Elle est soumise à cette action seulement à partir du début de la seconde période, pendant un temps difficile à limiter exactement mais qui ne doit pas dépasser six mois. C'est pendant ce temps qu'elle forme son rhizome et qu'elle mürit ses fruits. Les champignons sont assujettis à un régime analogue. Pendant quelques mois chaque année, ils peuvent vivre en symbiose, entrer dans les racines, y rester quelque temps et sans doute en sortir parfois, pour retourner au sol, avant d’être intégralement détruits par digestion (1). Mais pendant une longue période ensuite la plante ne leur offre plus aucune porte d'entrée accessible et ils doivent uniquement végéter dans le sol. Cette seconde constatation prend toute son importance si l'on songe au fait, établi plus loin, que la vie en symbiose est pour les champignons le moyen d'acquérir une sorte de viru- lence, un pouvoir d'actionsur leurs hôtes, etque la vie autonome entraîne au contraire l’atténuation de cette activité particulière. Dans ce cas donc la plante est en définitive soustraite pendant au moins la moitié de sa vie à toute action de ses commensaux. Ceux-ci, d'autre part, à cause du régime même que cet état de chose leur impose, se trouvent empèchés d'accroître d’une façon continue leur pouvoir d'action sur leur hôte. Il s’agit là, à mon sens, d'une forme primitive de symbiose ; l'examen des phéno- mènes de la germination chez le Bletilla permettra mieux encore d'apprécier son imperfection. (1) Les conditions de l'entrée et de la sortie des champignons seront étudiées d'une manière générale dans le chapitre IV. US Co L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE LES GRAINES ET LEUR GERMINATION. Chez les Monocotylédones en général, les graines mûres ont un albumen et un embryon normalement différencié; il devait en être ainsi chez les ancêtres des Orchidées. Mais chez la plupart des représentants actuels de cette famille, l’albumen disparaît de très bonne heure dans la jeune graine, ou ne s'y forme pas du tout; l'embryon reste indiffé- rencié, sans cotylédon ni radicule; souvent il porte encore un suspenseur à sa maturité. Le tégument de la gramne est mince, réliculé, et d'ordinaire transparent. Fig.6.— Blelilla hyacinthina. — À, embryon avec son suspenseur ramifié, deux mois avant la maturité de la graine. — B, coupe longitudinale dans l'embryon d’une graine müre, montrant à la partie inférieure le reste du suspenseur flétri et à la partie supérieure le cotylédon. L'étude des graines de £letilla fournit une nouvelle raison pour considérer cette plante comme une Orchidée primitive. J'ignore s'il y a ou non début de formation d’un albumen ; 44 NOEL BERNARD la graine müre en est dépourvue, elle ne comprend comme à l'ordinaire qu'un embryon etun tégumentmince, maisl'embryon atteint un état exceptionnel. Deux mois avant la maturité de la graine il est encore indifférencié et porte à son pôle postérieur un suspenseur ramifié (fig. 6, À) ; il est alors comparable, par sa taille et son degré de différenciation, aux embryons mûrs du plus grand nombre desOrchidées. Avant la maturitéle suspen- seur se flétrit et un cotylédon commence visiblement à se déve- lopper à la partie antérieure du corps embryonnaire (fig.6,B). Ces embryons de Bletilla sont donc plus volumineux et mieux organisés que ceux des Orchidées dont je m’'occuperai par la suite. Ils montrent aussi une vitalité plus grande, car ils peu- vent se développer sans le concours de champignons, même sur des milieux de culture dilués, dans des conditions compa- rables à celles de la vie normale. La symbiose, qui est pour les Orchidées en général une condition nécessaire du premier développement, n’est encore ici qu'une condition facultative. C'est là un fait exceptionnel, mais d'un grand intérêt, car il rend possible d'étudier l’action des champignons en comparant directement le développement de plantules autonomes et de plantules infestées. Pendant cinq années successives, j'ai fait des semis de Bletilla en m'efforçant de réaliser des conditions où cette com- paraison puisse se faire d'une façon instructive. Les premières expériences, déjàrapportées ailleurs [6], m'avaient simplement démontré que lasymbiose est facultative. Plus tard, j'ai reconnu que le développement peut se faire suivant différents modes. Instruit enfin par la critique de ces essais préliminaires, lors- que j'ai eu par ailleurs constaté l’existence de variations d’ac- tivité chez les champignons, j'ai pu réaliser des expériences qui précisaient les conditions d’où dépendent les divers modes du développement. Ces expériences seront décrites et commentées dans les chapitres IT et VI; pour le moment j'anticiperai sur leurs résultats par mes affirmations, mon seul dessein actuel étant de faire connaître les modes de symbiose chez le Bletilla et les modes de développement qui leur correspondent. Les graines semées sans champignons sur les milieux nutritifs dilués germentlentement et donnent des plantules frêles, dont | L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 45 l'élevage prolongé est difficile, mais qui présentent un mode très réguliér de croissance (fig. 7, À à D). Après que l'embryon s’est fixé au sol par quelques toulfes de poils absorbants, le cotylédon s'accroît en une petite feuille verte et l'axe hypocotylé s'allonge en formant une tigelle cylindrique et grêle. Les entre-nœuds de la tige qui se développe ensuite au-dessus du cotylédon sont en tout semblables à l'axe hypocotylé et de même les feuilles successives ressemblent au cotylédon. L'élongation régulière de la tige résulte surtout, comme il est normal, de l'allongement individuel des cellules de chaque entre-nœud. Les phénomènes du développement sont au début les mêmes quand on inocule les semis avec un mycélium de Æhizoctonia repens suffisamment atténué par la vie en culture pure. La chose n'est pas surprenante car les plantules jouissent tout d’abord dans ce cas d’une immunité remarquable : le mycélium pénètre bien immédiatement quelques cellules du pôle embryonnaire où le suspenseur s’attachait — c’est toujours chez les Orchidées la première région vulnérable — mais il est rapidement digéré par ces cellules, et ne produit ainsi qu'une infestation très res- treinte et presque sans effet (fig. 7, E). Plus tard seulement, après plus de deux mois de culture, linfestation peut récidiver au moment où l'axe hypocotylé à terminé sa croissance. Le champignon peut alors pénétrer la tigelle par la base des touffes de poils absorbants qu'elle porte et il forme dans sa partie moyenne une plage infestée plus ou moins étendue. Jamais cette infestation secondaire ne s'étend jusqu’au nœud cotylédonaire, mais plus tard les entre-nœuds supérieurs, dès qu'ils ont leur taille définitive, peuvent être infestés tour à tour directement et d’une façon assez irrégulière (fig. 7, G, H) (1). Ces infestations répétées et tardives, au moins si Pactivité du champignon n’est pas tout à fait disparue, ont pour effet d'activer la croissance sans changer d’abord son mode. Mais en (1) J'ai donné ailleurs [6] de plus amples détails sur les premières expériences, faites au début de 1904, qui m'ont permis de comparer le développement des plantules soit sans champignons, soitavec un mycélium atténué de Rhizoctonia repens. La figure 7 résume les faits constatés dans ces expériences. Les semis avaient été faits sur des plaques de coton imbibées d’une décoction de salep dont la concentration était inférieure à 1. Le mycélium utilisé pour les ino- culations était celui de la série L, âgé de huit mois au moment de son emploi. 46 NOEL BERNARD définitive les entre-nœuds qui naissent à la partie supérieure de la tige restent courts, les nœuds correspondants produisent Fig. 7. — Bletilla hyacinthina. — À à D, étapes successives du développement sans champignons, depuis l'embryon de la graine mûre jusqu'à une plantule de cinq mois et demi. — E, coupe longitudinale dans une plantule de un mois, inoculée avec un mycélium atténué de lthizoctonia repens; dans quelques cellules de la région inférieure, on voit du mycélium digéré à côté du noyau. — F à H, étapes suivantes du développement pour des plantules inoculées de même, jusqu’à l’âge de cinq mois et demi; les régions infestées, vues par transparence, sont ombrées. L’échelle pour 100 y se rapporte à la figure E, l'échelle pour 2 millimètres à toutes les autres figures. des feuilles plus larges, serréesles unes contreles autres(fig.7,H), et il se constitue ainsi un jeune bulbe qui n’est jamais pénétré par les champignons; les premières racines sortent de sa base et s'infestent au contact du milieu de culture. Jusqu'à l'appari- üon de ce bulbe le développement se fait avec les champignons atténués comme sans champignons et, dans l’un comme dans L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 47 l’autre cas, ce premier développement ne présente pas de caractères orchidéens accentués. L'absence de racine primaire, Fig. 8. — Blelilla hyacinthina. — À, B, C, trois plantules obtenues avec un mycélium actif de Rhizoclonia repens; la plantule C est âgée de quatre mois; le grossissement indiqué par l'échelle de 2 millimètres est le même que pour les plantules de la figure 7. — D, coupe longitudinale dans une plantule du même semis, à un grossis- sement un peu plus fort; la région infestée par les champignons est ombrée. qui est sans doute une conséquence directe de l'état rudimentaire des embryons, est le seul fait important qui se retrouvera constamment par la suite ; mais chezles jeunes plantules élancées et grêles de Bletilla rien encore ne fait pressentir les formes juvéniles si particulières des Orchidées à protocorme. IL en est tout autrement quand on inocule les jeunes semis avec du mycélium de ÆRhizoctonia repens ayant acquis un haut 48 NOEL BERNARD degré d'activité par séjour dans des plantules d'Orchidées. Dans ce cas le mycéllum pénètre aussi tout d'abord l'embryon par la région où s'attachait le suspenseur, mais au lieu d’être prématu- rément digéré, 1l s'étend largement (fig. 8, D) ; il s’'institue ainsi dès le début de la vie libre un état de symbiose qui se pro- longera pendant tout le cours du premier développement sans discontinuité. Ce nouvel état de chose parait favorable aux plantules, dont la végétation devient plus rapide et plus vigoureuse ; il entraîne deux conséquences importantes en ce qui concerne le mode de leur développement. D'une part l'axe hypocotylé, au lieu de rester grêle, se développe en un organe de forme conique et relativement massive, couvert sur toute sa surface de touffes de poils absorbants et envahi par les champignons dans toute la longueur de son écorce, comme le montre la figure 8. Cet organe, qui prend en définitive lappa- rence d'une racine et qui sans doute en a les fonctions, est évi- demment homologue du protocorme des Orchidées en général et en représente à mon sens la forme primitive. D'autre part, le premier bulbe dont on a noté tout à l'heure la naissance tardive apparail ici précocement et présente un aspect plus caractéristique. C'est directement au-dessus du protocorme que les premiers entre-nœuds courts se forment et ils constituent l'axe d’un jeune bulbe portant des feuilles à large gaine et bientôt des racines (fig. 8, C). Ici encore le bulbe reste indemne de champignons et, après le protocorme, ce sont seulement les racines qui s'infestent (1). Quel qu’ait été au début le mode du développement, le premier bulbe une fois formé et enraciné s’isole; il doit constituer plus tard, en s’épaississant, l’article initial du rhizome après que la première pousse feuillue dressée, et bien entendu pas florifère, a (4) Les plantules représentées dans la figure 8 appartenaient à un semis fait en février 1906, sur du coton imbibé de décoction de salep à la concentration 3. L'inoculation avait été faite avec le mycélium C' de Rhizoctonia repens, récem- ment isolé et d'activité assez grande. La concentration relativement élevée de la solution nutritive employée et le haut degré d'activité du champignon ont agi simultanément pour imposer aux plantules la formation d’un protocorme, mais on verra plus loin qu’une seule de ces conditions peut suffire pour amener ce résultat. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 49 émergé de son centre (fig. 8, C). J'ai vu moi-même dans un semis horticole, où les graines avaient germé sans former de proto- corme, les bulbes se former comme dans mes semis expéri- mentaux et s'isoler ensuite. Les deux Jeunes plantules de Bletilla figurées par Pfitzer [35], sont réduites à leur premier bulbe, encore grêle ou déjà épaissi. Entre les cas extrêmes de l’infestation tardive sans formation de protocorme et de la symbiose précoce avec protocorme bien caractérisé, il y a des intermédiaires; un examen des figures de la planche I peut suffire à en révéler l’existence. Il est vraisem- blable aussi qu'on pourrait obtenir un protocorme et un bulbe mieux caractérisés encore par l’action de champignons d'activité exceptionnelle. Mais les faits que J'ai observés suffisent à établir la dépendance étroite du mode de développement et du mode d’infestation et à indiquer la direction primitive qu'a pu prendre l’évolution des Orchidées par suite des progrès de la vie en sym- biose avec leurs commensaux. L'examen des documents imparfaits qu'on possède sur la germination des Orchidées en général permet de supposer que le cas du Pletilla hyacinthina, assurément exceptionnel, n’est pas tout à fait unique. Chez le Sobraliu macrantha, Treub [50} à signalé l'existence d'un embryon à cotylédon différencié. Irmisch [47] à figuré la coupe longitudinale d’une jeune plantule de la même espèce et il y représente des cellules toutes semblables les unes aux autres et à contenu transparent. Or cet admirable observateur, bien qu'il n'ait généralement pas reconnu l'existence de champignons dans les plantules d’Orchidées, ne manque jamais de signaler quand il les rencontre des cellules à contenu opaque ou brunâtre qui sont évidemment des cellules infestées; le fait qu'iln'indique rien de semblable pour le Sobralia macrantha lend à prouver la possibilité pour les embryons de cette Orchidée de se déve-- lopper assez notablement sans le concours de champignons. Enfin, à en croire une figure de Beer [2}, il paraît que les jeunes plantules de ce Sobralia peuvent prendre au début une forme allongée. D'après Pfitzer [84], on observe des faits analogues chez le Platyclinis glumacea : l'embryon a déjà un cotylédon ANN. SC. NAT. BOT:., 9e série. IX, 4 50 NOEL BERNARD différencié dans la graine mûre et il présente au début de Ia germination une période d’élongation bien marquée. Les Platyclinis appartiennent à une des tribus les plus infé- rieures du grand groupe d'Orchidées qui m'occupent et ont autant de droits que le Bletilla d'y être considérés comme des types primitifs. On peut d'autre part considérer les genres Sobra- lia et Bletilla comme assez proches parents (1). Il se peut donc que, parmi les Orchidées qui m'occupent 1ci, plusieurs types primitifs présentent des embryons mieux diffé- renciés qu'à l'ordinaire, pouvant facultativement se développer sans donner naissance à un protocorme infesté. On ne connaît en tout cas rien de semblable chez les Orchidées épiphytes plus hautement évoluées, ni chez les Orchidées terrestres que j'étudierai à la fin de ce chapitre. Ainsi il apparaît bien que les caractères du premier développement chez Bletilla hyacinthina sont des vestiges, rarement conservés, d’un état ancestral. $ 2. — Cattléyées. Les genres Cattleya, Lælia et Brassavola de la tribu des Cat- tlévées comprennent un assez grand nombre d'espèces commu- nément cultivées en serre et fréquemment hybridées. C’est de ces plantes qu'il m'a toujours été le plus facile de me procurer des fruits ; ces fruits sont généralement de grande taille et leurs graines très nombreuses peuvent garder plusieurs mois leur pouvoir germinatif. Toutes ces facilités réunies m'ont amené à me servir de graines de Cattléyées pour mes expériences, chaque fois qu'un problème nouveau se posait par l’enchaînement de mes recherches. On trouvera dans la note IV de l'Appendice une énumération des diverses Cattléyées hybrides dont j'ai fait des semis et les dénominations abrégées que j'emploierai pour les distinguer dans la suite de ce mémoire. D’après ce que j'en ai vu, les graines de ces Cattléyées germent à bien peu près de mème. J'ai fait connaître déjà [6] les conditions et les modes de (1) Le Pflanzen familien [85] répartit ces deux genres dans les tribus diffé- rentes des Sobraliinées et des Thuniinées, mais les représentants de ces deux tribus ont d’incontestables ressemblances que Pfitzer rappelait déjà [34] alors qu'il classait encore les Bletilla avec les Sobralia dans la première. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 1 cette germination ; il me suffira ici d'en rappeler sommaire- | ment les faits essentiels, dans le seul but de bien marquer la transition naturelle entre le Pletilla hyacinthina et les Orchi- dées que j'étudierai ensuite. Bien que les Cattléyées soient épiphytes, leur mode de végé- tation à l’état adulte diffère assez peu de celui du Pletilla hya- cinthina. Ce sont aussi des plantes à rhizome sympodique dont les branches dressées sont souvent tubérisées à leur base. Elles perdent leurs racines tous les ans et vivent par conséquent en | symbiose avecle Rhizoctoniarepens d’une manière intermittente. | Comme caractère ancestral ces Orchidées ont encore conservé | la position terminale des inflorescences. La parfaite différencia- tion de caudicules aux pollinies, la préfoliation duplicative sont au contraire des traits plus modernes indiquant que les. Cattléyées ont dépassé le degré d'évolution où est resté Le Ple- tilla. L'étude des graines et de leur germination confirme en ce | sens les conclusions tirées de l'examen des plantes adultes. Les graines renferment un embryon ovoïde, indifférencié, | dont la longueur ne dépasse pas 230 , et qui porte encore à maturité un suspenseur filiforme (fig. 9, A). Sur les milieux | nutritifs dilués la germination de ces graines sans champignons | est impossible. Cependant dans ces conditions l'embryon verdit, | après plusieurs mis de culture il forme même des stomates et | des rudiments de poils absorbants qui ne s’allongent pas, mais | il garde une forme ovoïde et n'arrive même pas par son faible accroissement à déchirer tout à fait le tégument de la graine. Je conserverai le terme de « sphérules » que j'ai employé ail- leurs pour désigner ces embryons verdis et quelque peu accrus en l’absence de champignons {fig. 9, B). L'infestation des sphérules par du mycélium actif de /?hizoc- | {onia repens est immédiatement suivie d'une véritable crise de croissance qui entraîne en définitive la transformation du corps embryonnaire en un protocorme caractéristique. Tout d'abord l'embryon s'accroît en longueur et s'élargit en même temps dans sa partie antérieure ; le Jeune protocorme prend ainsi la forme d’une toupie, exactement symétrique par rapport à un axe, ayant le suspenseur à sa pointe, tandis que le méristème terminal occupe le fond d’une légère dépression 52 NOEL BERNARD diamétralement opposée (fig. 9, C). À ce premier état, la plan- tule fixée au substratum par des touffes de poils absorbants, qui se sont accrus aussitôt après l’infestation, n’est pas sans ana- logie avec un protocorme de Bletilla. Dans la suite, à partir du moment où un bourgeon terminal Fig. 9. — Diagrammes montrant les étapes du développement d'une Cattléyée. — À, embryon d'une graine müre, avec son suspenseur ; le tégument de la graine est représenté par son contour apparent. — B, embryon développé en « sphérule » après plusieurs mois de culture pure. — C, jeune protocorme provenant d’une sphérule comparable à B, deux semaines après l’infestation. — D, plantule plus âgée, montrant le protocorme tubérisé discoïde et le bourgeon terminal. Les régions infestées, vues par transparence, sont ombrées. est apparu, la croissance en longueur du protocorme s'arrête, mais 1l continue à s’élargir transversalement et, dans les cas les plus typiques, il arrive ainsi à prendre la forme d’un disque épais portant le bouquet serré des premières feuilles au centre de sa face supérieure (fig. 9, D). Cette transformation du proto- corme en un tubercule discoïde correspond, si je ne me trompe, à la formation du premier bulbe chez le Bletilla. Mais tandis que chez cette Orchidée primitive l'apparition du protocorme, la formation du premier bulbe et son épaississement marquaient des étapes bien distinctes du développement, chez les Cattlévées, au contraire, ces phénomènes se succèdent immédiatement et L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 99 se confondent presque, puisque c’est le protocorme lui-même qui s'épaissit et mérite le nom de tubercule embryonnaire. Le mode initial de la symbiose chez les Cattlévées est assez exactement comparable à celui qu'on observe dans le second mode de germination du PBletilla hyacinthina. Le mycélium pénètre par le suspenseur près de son point d'attache ; linfes- tation s'étend d’abord dans la pointe du protocorme, puis pro- gresse continûment de proche en proche. Comme chez le Ple- tilla la partie centrale du protocorme reste indemne, les cham- pignons élant localisés dans quelques assises de cellules sous- épidermiques. La zone infestée, dont la forme théorique est toujours celle d’une cloche, est ici très élargie ; elle reste loca- lisée à la face inférieure du tubercule embryonnaire discoïde et ne s'étend Jamais à la face supérieure du disque, ni, à plus forte raison, jusqu'au bourgeon terminal; les champignons finissent par être complètement digérés dans les cellules après que le tubercule embryonnaire a achevé sa croissance. Les pre- | mières racines qui sortent de la base de la pousse feuillue, ou | parfois même des flancs du protocorme, s’infestent directement au contact du milieu de culture. Du Pletilla hyacinthina aux Cattlévées, le chemin parcouru peut en définitive s’apprécier par des signes assez nombreux. Les embryons des graines ont régressé et ne présentent plus de | différenciation morphologique, ils ont en même temps perdu la | faculté de se développer d'une manière autonome. La symbiose | est nécessaire et non plus facultative; en conséquence il n'y à plus qu’un seul mode de développement possible et l'existence | d'un protocorme estconstante. Au lieu enfin qu'il y ait formation plus où moins tardive d’un bulbe distinct du protocorme, c'est ce protocorme même qui se transforme précocement en tubercule | embryonnaire. Malgré ces conditions et ces formes nouvelles | des phénomènes initiaux du développement, le mode de végé- | tation à l’état adulte n’a pas sensiblement varié. Le mode de germination cattléyen peut être caractérisé | par la formation constante d’un prolocorme à symétrie axiale, tubérisé précocement, d’une façon plus où moins intense, au dessous de la tige primaire unique qu’il produit. Ce mode de germination doit être assez répandu chezles Orchidées épiphytes. 54 NOEL BERNARD D’après les documents réunis par Pfitzer [84}, il paraît se ren- contrer non seulement chez les Epidendrum, qui sont des Cat- tléyées voisines de celles dont je viens de faire l'étude, mais encore chez d’autres Épidendrées comme les Bletia ou les Masdevalin et même chez des Vandées comme les Zygopetalum. Chez les Vandées les plus hautement évoluées, dont j'étudierai mainte- nant divers genres, on rencontre des types plus différenciés de protocorme, apparemment dérivés du type cattléyen, mais par une évolution qui s’est faite au moins dans deux directions dif- férentes. $ 3. — Cymbidium. J'ai semé une seule fois des graines hybrides de C'ymbidium el j'ai obtenu quelques plantules avec le mycélium de RAizoc- tonia repens que j'avais trouvé vivant en commensal dans les racines du Cymbidium Lowianum. On trouvera dans la note IV de l'Appendice quelques détails sur ces semis ; ils ont été peu prospères, mais au moins ils m'ont permis de connaître les pre- miers phénomènes de la germination et c’est iei tout ce qui importe. Les embryons indifférenciés des graines mûres étaient presque sphériques avec leur suspenseur partiellement flétri ; les cellules de l'embryon contenaient toutes en abondance des granules de réserve se colorant en jaune foncé dans les solutions iodées. Ces embryons plus volumineux et mieux fournis de réserve que ceux des Cattléyées ont été aussi capables d’un développe- ment autonome plus considérable. Quelques jours après le semis ils se gonflent et il apparaît de l’amidon dans toutes leurs cel- lules en assez grande quantité; cet amidon disparait peu à peu ensuite tandis que l’embryon se développe et verdit. En quel- ques semaines, il se forme alors des sphérules comparables à celles des Cattléyées, mais le développement peut ne pas s’ar- rêter là. Après quatre mois de culture pure, j'ai vu un grand nombre d’embryons arrivés à l’état que représente la figure 10 (B) ; ils avaient pris déjà la forme en toupie et montraient net- tement la dépression de leur région méristématique terminale : de nombreux poils absorbants s'étaient différenciés, mais, L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 29 comme chez les Cattlévées, ils ne s’allongeaient que rarement et très peu. Je ne sais si les embryons auraient été capables de se développer davantage sans champignons ; assurément leur développement devenait trèslent, quand des causes accidentelles m'ont empêché de poursuivre leur culture. La pénétration du champignon se fait comme à l'ordinaire par le suspenseur, elle est aussitôt suivie d’une crise générale Fig. 10. — Cymbidium. — À, embryon à maturité, enfermé dans le tégument de la graine qui est figuré par son contour apparent. — B, embryon après quatre mois de culture sans champignons, même grossissement indiqué par l'échelle de 100 y; le même embryon est figuré au-dessous, au grossissement plus faible adopté pour toutes les figures suivantes et indiqué par l'échelle de 1 millimètre. — C, D, coupes dans de jeunes protocormes, la région infestée est ombrée. — E, F, aspect exté- rieur de plantules plus âgées. de croissance dont l'allongement des poils est un des premiers signes. L’accroissement du jeune protocorme se fait en largeur aussi bien qu’en longueur et la forme en toupie s'exagère jus- qu'au moment où apparaît le bourgeon terminal (fig. 10, Cet D). En somme, ces premiers phénomènes du développement sont exactement comparables à ceux des Catilévées. Une tendance qui est nouvelle se manifeste seulement à partir du moment où le bourgeonterminals’est bien différeneié. Au lieu que ce bourgeon prenne un développement normal, landis que le protocorme s'épaissirait au-dessous de lui, la tubérisation gagne la base du bourgeon même dont les premières feuilles fort réduites se trouvent écartées. Ainsi il se constitue un protocorme en forme de poire qui ne dérive pas seulement de l'axe hypocotylé, mais qui comprend aussi les premiers enlre- 10 NOEL BERNARD nœuds fortement épaissis de la tige primaire (fig. 10, E). Ce protocorme garde toujours très nettement sa symétrie primitive par rapport à un axe et en définitive le bourgeon qui le ter- mine prend une apparence normale (fig. 10, F). Les rares plantules assez développées que j'ai pu obtenir ne sont pas arrivées à produire de racines. Je n'ai pas vu l’infestation s'étendre dansleur protocorme au-dessus de la première feuille, mais 1l est possible que cet arrêt assez précoce de la progression de l’endophyte, bientôt suivi de l'arrêt de développement de mes plantules, ait été dû à un défaut d'activité du mycélium dont je me servais. Quoi qu'il en soit, la tubérisation de la base du bourgeon terminal marque une tendance nouvelle dans l'évolution des Cymbidium par comparaison avec celle des Cattlévées. Cette tendance s’exagère, comme on va le voir, dans le cas de l'£Ewlophidium maculatum. Il faut rappeler que les Cymbidium dépassent de beaucoup les Cattléyées par la complexité de leurs fleurs, dont les pollinies sont unies à la masse adhésive par un stylet détaché du gynos- ième, par la position latérale de leurs inflorescences et sans doute aussi par leur mode de végétation. Chez toutes les Cym- bidiinées la végétation reste du type sympodial, mais il est bien connu pour diverses plantes de ce groupe, comme les Cymbi- dium, Cyperorchis où Grammatophyllum, que les pousses aériennes peuvent s’accroître pendant plusieurs années succes- sives el atteindre parfois une grande taille, qui est de deux ou trois mètres dans le cas du Grammatophyllum speciostum. Plitzer (37) voit là une tendance à la végétation monopo- diale, réalisée sous une forme plus parfaite, chez les Sarcan- thinées arborescentes, comme je le rappellerai bientôt. Au moins chez le Cymbidium aloïfolium que j'ai examiné à ce point de vue, la végétation sympodiale des tiges concorde avec des poussées successives de racines qui meurent tous les ans, el on n'y observe pas de racines persistantes, à croissance pro- longée, comme c’est le cas pour les Sarcanthinées. Une étude des phénomènes du développement qui suivent la constitution du protocorme permettrait seule, à ce qu'il me semble, de décider si la comparaison entre les deux cas est valable, le point essentiel étant de savoir si le sympode chez les Cymbiduun, L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 97 s'établit de bonne heure ou tardivement ; mais le peu que j'ai vu de la germination ne m'a pas permis d’élucider ce point. $ 4. — Eulophidium maculatum (Pfitz.). La germination de l'£rdophidium maculatum à été étudiée par Prillieux et Rivière [88]. Elle débute, comme chez les Cattléyées, par la formation d'un protocorme conique (fig. 41, A) portant des poils absorbants sur tout son pourtour, qui s'élargit précocément et prend la forme discoïde (fig. 11, B). Mais au lieu d’un bourgeon unique, il se forme à la partie antérieure , du protocorme deux ou trois bourgeons qui peuvent se déve- O lopper presque simultanément (1). Le premier développement de chacun de ces bourgeons 8 rappelle celui du bourgeon terminal chez C'ymbidium, car leurs bases s’épaississent, mais cette phase de lubérisation va ici 1 Fig. 11. — Eulophidium maculalum.— À, coupe longitudinale dans un jeune proto- corme, la région infestée est ombrée. — B, aspect extérieur d'un protocorme plus âgé, montrant le développement de deux bourgeons. — C, jeune griffe coralloïde, dérivant d'un protocorme discoïde, dont le contour apparent approximatif est limité par un trait pointillé. D'après Prillieux et Rivière ; la figure A est simplifiée, la figure C réunit les indications de deux des figures originales. beaucoup plus loin et chacun des bourgeons arrive à donner une sorte de tubercule ramifié, à feuilles rudimentaires, de l'aspect le plus étrange. La jeune plantule, avec son prolocorme et les tubercules qu'il porte, prend ainsi l'apparence d’une griffe coralloïde (fig. 11, C) ; c’est seulement d’une façon tar- dive et assez irrégulière qu'un bourgeon de cette griffe forme une pousse feuilée normale, et que la végétation s'établit à la manière ordinaire suivant le mode sympodial. (1) Malgré l'opinion de Prillieux et Rivière, il ne me parail pas assuré que ces bourgeons soient {tous adventifs et je serais porté à distinguer dans plusieurs de leurs figures un bourgeon terminal et des bourgeons de second ordre précocement écartés les uns des autres, comme dans le cas du Cymbidium, par suite de la {ubérisation du protocorme. 58 NOEL BERNARD Il y a donc ici une phase de développement juvénile plus pro- longée encore que chezle Cymbidium étudié par mot. I paraît très vraisemblable que cela doit correspondre à une prolongation dans la durée et l'étendue de l'infestation primaire. Les auteurs du mémoire que j'analyse ici ne signalent pas expressément l'existence de champignons dans les plantules, mais, dans plu- sieurs figures représentant en coupe de jeunes protocormes, ils distinguent les cellules infestées par leur contenu opaque. L'examen de ces figures révèle que le protocorme est de bonne heure largement infesté (fig. 11, A). Pour apprécier l'extension de l’infestation par la suite, le mémoire ne donne aucune indi- calion utile. Il est probable que le champignon passe directe- ment du protocorme dans les premières branches tubérisées et que la griffe coralloïde juvénile de l'Euwlophidium est habitée par les champignons, comme l’est le rhizome adulte des Coral- lorhiza avec lequel elle a une incontestable ressemblance (1). $ 5. — Odontoglossum (Planche IT). Mes tentatives pour obtenir la germination des Odonto- glossum sont restées infructueuses jusqu’au jour où j'ai isolé l'espèce particulière de champignon (Rhizoctonia lanuginosa) qui convient à ce cas. Depuis ce temps j'ai réussi des ger- minations à deux reprises, en semant les graines dans des con- ditions identiques à celles qui conviennent pour les Cattléyées. Les deux sortes de graines qui m'ont servi, bien qu’elles fussent d'origines différentes (Appendice, note IV), se ressemblaient et ont germé de même. Les embryons sont apparemment semblables à ceux des Cattléyées, bien que leur suspenseur soit plus réduit, mais ils ontdes facultés de développement autonome beaucoupmoindres. Dans les semis aseptiques, ils verdissent et se gonflent un peu, mais ils ne forment ni stomates ni poils et je n’y ai même noté aucun indice de multiphication cellulaire. C’est ce qu'on voit par les figures 1 et 2 (PL IT), où sont représentés compara- tivement l'embryon d’une graine mûre, prise au sortir du fruit (1) Pour le Corallorhiza innata, l’existence de champignons dans le rhizome est expressément signalée par Irmisch [17]. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 59 et celui d'une graine semée sans champignons depuis quatre mois. Il y a ici à peine une indication du phénomène cor- respondant à la formation des sphérules chez les Cattlévées. Le développement de l'embryon commence bientôt après la pénétration du champignon par le suspenseur ; un de ses pre - miers signes est la croissance de la plupart des cellules qui doublent à peu près leur diamètre; quelques cellules situées au pôle antérieur de l'embryon restent seules de petite taille, et forment en se multipliant un méristème terminal bien individualisé. La différenciation des poils absorbants et leur croissance se produisent aussi dès les premiers jours. Les poils sont groupés en louffes et chaque touffe se forme à partir d’un petit disque de cellules épidermiques précocement divisées par des cloisons tangentielles en cellules basilaires et cellules exté- rieures, allongées en poils (fig, 3, p, p', PL IT). La crise de crois- sance consécutive à l’infestation aboutit dans la suite, comme chez les Cattléyées, à la formation d'un protocorme d'abord conique, plus tard élargi en disque, portant un bourgeon unique el d'apparence normale au centre de sa face supérieure. Il y a pourtant ici une particularité nouvelle et remarquable, c’est la dorsiventralité du protocorme, qui apparaît dès le début du développement et s'accentue par la suite (fig. 3,7 et8, PI. Il). L’embryon originairement couché sur le milieu de culture développe d’abord des poils absorbants à son contact, tandis que les premiers stomates apparaissent toujours du côté exposé à la lumière. De plus, la croissance étant plus grande sur la face ventrale du jeune protocorme que sur sa face dor- sale, le méristème terminal est de bonne heure dévié de sa position axiale (fig. 3,7, PI. ID). La dorsiventralité qui s’indique ainsi très précocement est plus ou moins nette suivant les plantules, mais toujours reconnais- sable. 11 est possible qu'elle soit dans une certaine mesure facul- tative et dépende soit du degré de virulence des champignons, soit de l'intensité ou de la direction des rayons lumineux, mais Je n’en ai pas de preuves. Toujours est-il que chez les Cattléyées cul- livées de la même facon cette dorsiventralité ne se constate pas: les protocormes portent aussi souvent des poils dressés en Pair que des poils appliqués sur le milieu de culture et il n'y à pas non 60 NOEL BERNARD plus d’inégalités notables dans la répartition des stomates (1). Il s’agit donc bien [à pour les Odontoglossum d’un caractère nouveau, qui marque une tendance d'évolution particulière, bien distincte de celle des C'ymbidium et Eulophidium ; on la retrouvera tout à l'heure, mieux marquée, chezles Sarcanthinées. Bien que dans la suite du développement la dorsiventralité primitive tende à s’effacer, les protocormes complètement déve- loppés d’Odontoglossum gardent manifestement un plan de symétrie qui est aussi celui de la tige feuillée primaire. On sait que les pseudobulbes situés à la base des tiges chez les plantes adultes sont toujours de même plus ou moins comprimés; le protocorme leur est donc comparable par son type de symétrie aussi bien que par sa tubérisation. Pendant que le protocorme se développe, le champignon endophyte s’y étend peu à peu, sans dépasser jamais la limite marquée à chaque moment par les cellules encore en voie de croissance. Les plages superficielles où des groupes de poils se différencient semblent attirer le champignon; il atteint de bonne heure les cellules situées au-dessous des poils, pénètre souvent dansles poils eux-mêmes et de là peut sortir au dehors. Partout ailleurs les cellules épidermiques restent indemnes et l’'endophyte n’occupe qu'une assez grande épaisseur de tissus sous-épidermiques. La région infestée s'étend relativement peu du côté dorsal et elle a dans l'ensemble la symétrie du proto- corme même (fig. 8, PL IT). Un fait notable lorsqu'on compare les Odontoglossum aux Cattlévées est la longue durée etla large extension de l’infestation primaire. Comme le montre la figure 9 (PI IT), le champignon après avoir en grande partie envahi le protocorme, finit par atteindre la base de la tige primaire. Quand les premières racines sortent de la base de celte tige ou des flancs du proto- corme, les champignons qui avaient dès l’abord envahi le corps de l'embryon y vivent encore: il n’y a donc au début de la vie aucune période d'autonomie, puisque l'infestation des racines se fait avant que la plantule ait complètement détruit par (4) D'après les observations de Prillieux [40], les Miltonia, très prochement apparentés aux Odontoglossum germent comme eux en formant un protocorme dorsiventral au début. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 61 phagocytose les champignons hébergés dans son protocorme. A l’état adulte, les Odontogiossum ont un mode de végétation sympodial et des poussées successives de racines. Mais si j'en Juge par ce que j'ai vu pour l'Odontoglossum grande, ces racines ont une longue durée et il est possible, alors que de jeunes racines viennent de sorür et se sont infestées, de trouver encore dans celles de l’année précédente des pelotons de champignons vivants qu’on peut en extraire pour les cultiver. Si ce fait est général, 1l n°y à pas, pour les Odontoglossum, de période d’au- tonomie complète à l’état adulte, mais seulement des périodes où l’extension des champignons dans le corps de la plante est plus ou moins grande et où ils peuvent exercer sur elle une action plus où moins intense. Quoi qu'il en soit, au moins par la large étendue de l'infesta- lion primaire, les Odontoglossum se.montrent plus hautement adaptés à la symbiose que les Cattléyées. Ils sont aussi à tous points de vue plus hautement évolués; la position latérale des inflorescences, l'existence d’un stylet sont, entre autres, des caractères qui en témoigent. $ 6. — L'évolution des Sarcanthinées. Deux raisons d'ordre différent, mais qui sans doute ne sont pas sans rapports, m'ont amené à tenter des semis de Phalæno- psis et de Vanda. D'une part, ces Orchidées sont parmi celles dont la reproduction par graines passe auprès des horticulteurs pour la plus malaisée ; d'autre part, ces deux genres voisins appartiennent au groupe des Sarcanthinées que Pfitzer consi- dère « comme atteignant le plus haut degré d'évolution parmi les Orchidées et représentant l’autre bout de la série dont les Apostasiées sont le premier terme » [87]. On ne retrouve plus en effet chez ces plantes aucun des caractères primitifs que j'ai signalés chez le Blelilla et non seulement, comme on va le voir, leur protocorme est hautement différencié, mais encore leur mode de végétation à l’état adulte à subi une transformation profonde, dont je m'’efforcerai de montrer tout l'intérêt à la fin de ce paragraphe. Les difficultés bien connues de la germination liennent assu- 62 NOEL BERNARD rément pour une part au fait que les Phalænopsis et Vanda vivent en symbiose avec une espèce particulière de champi- gnons (/hizoctonia mucoroïdes) qu'ilest fort difficile de conserver à un état de virulence convenable. J'ai possédé pendant quel- que temps des cultures actives de ce champignon et elles m'ont permis de réussir dans des conditions excellentes lagermination d'un Phalænopsis el d'obtenir avec plus d'irrégularité et de peine des plantules de Vanda. Les conditions de culture un peu parti- culières où j'ai dù me placer et qui sont rapportées dans la note IV de l'Appendice ont sans doute contribué dans une mesure plus restreinte au succès de ces expériences. Quant au mode de germination, il est presque identique pour les deux genres et il me suffira de décrire en détail ce que j'ai observé pour les graines de Phalænopsis semées dans des tubes de culture sur du coton imbibé d’une solution nutritive. GERMINATION D'UN Phalænopsis (Planche I). L'embryon dans la graine mûre est ovoïde et indifférencié, il ne porte plus de suspenseur mais seulement, à son pôle infé- rieur, une strophiole qui en est le reste (fig. 1 et 2, PI. IT). Dans mes semis, avant lintroduction des champignons, ces embryons ont pu verdir et s’allonger, en quatre mois, jusqu'à plus du triple de leur longueur primitive. Ce premier dévelop- pement n'est pas un simple gonfiement de l'embryon par imbibition, 1l résulte aussi en partie d’une multiplication des cellules au sommet végétatif et s'accompagne de la production de stomates (fig. 3, PL IT). Malgré ce début assez notable de développement autonome, il ne s’est Jamais développé sur ces embryons de poils d'aucune sorte et ils ont toujours conservé une forme ovoïde et une parfaite symétrie par rapport à leur grand axe. Je n'ai vu aucune exception à ces règles pour quel- ques centaines d’embryons gardés quatre mois en culture pure et qui, au bout de ce temps, commençaient à brunir etne parais- saient pas devoir se développer davantage. L'introduction du champignon dans des semis faits depuis peu et où les graines ont simplement verdi, a des conséquences remarquables : d’une part, les embryons font en quelques L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 63 jours plus de progrès qu'ils n’en faisaient sans champignon en plusieurs mois, et d'autre part ils montrent dès l’abord des phénomènes de développement d’une allure toute différente. Un des premiers symptômes de la crise rapide qui suit l’in- festation est l'apparition de poils épidermiques tout autour du sommet végétatif (fig. 4, PL ID. Ces poils, qui manquent tout à fait sur les plantules aseptiques, apparaissent chez les plan- tules infestées dès la première semaine après l’inoculation des tubes de culture. Ce sont des poils épidermiques courts, bientôt incurvés et cloisonnés en deux cellules dont l’une forme un pédicelle grêle et l’autre une tête renflée recourbée vers le sommet végétatif. Cette tète globuleuse est le plus souvent adhérente à l’épiderme par suite de la sécrétion d’une substance adhésive. L'apparition précoce de semblables poils glanduleux est un premier fait remarquable de l'évolution des Phalænopsis ou Vanda. Chez les autres Orchidées dont j'ai vu la germination le sommet végétatif du protocorme est toujours parfaitement lisse au début et ce sont les jeunes feuilles qui assurent un peu plus tard sa protection. Cependant dans le bourgeon de la tige primaire de Cattlévées j'ai vu des poils glanduleux nés à la base des feuilles, comme il est représenté dans les figures 11 et 12 (PL. IV). Des poils multicellulaires existent aussi au centre du bourgeon primaire d'un Cypripedium dont j'ai décrit ailleurs la germination sans signaler ce détail |6} (fig. 14, page 74). Mais dans l’un comme dans l’autre cas ces poils appa- raissent seulement après que la plante a déjà produit deux ou trois feuilles. Chez les Phalænopsis l'apparition des feuilles est tardive et c’est par la formation très précoce de poils que la protection dusommet végétatif se trouve assurée de bonne heure. De suite après l’infestation ilse manifeste aussi un changement de mode dans l’activité du sommet végétatif : la partie anté- rieure de la plantule, qui restait effilée pendant la croissance aseptique (fig. 3, PI. HT), s’épaissit et devient sensiblement sphé- rique dès que la symbiose est réalisée (fig. 4 et 5, PL IT). En même temps le protocorme s’incurve, sa partie antérieure glo- buleuse vient s'appliquer sur le milieu de culture et il prend dans l’ensemble la forme d’un cornichon. Dans son évolution S CS Fig. 12. — Phalænopsis. — Plantule de dix-huit mois, dans le tube de culture où elle à été obtenue. A la partie inférieure de la plaque de coton, on voit les petits sclérotes du Rhizoctonia mucoroïdes et, dans le liquide au-dessous, du mycélium, D’après nature, légèrement réduit. NOEL BERNARD ultérieure, non seulement il gardera un plan de symétrie, mais encore il montrera une dorsiventralité de plus en plus accentuée. Un signe précoce de cette dorsiventralité est la localisation des poils absorbants, aisément distinguables des poils glanduleux, qui poussent isolés ou en groupes, mais seulementsur la face ventrale du protocorme où ils couvriront en définitive une plage bien limitée (fig. 9, 10 et 13, PI. II). Dès le second mois, bien avant que les premières feuilles n'apparaissent, il se forme une erète sur la face dorsale convexe du protocormé, comme le montrent les figures 8 à 13 (PI III). À ce moment le protocorme est en- core formé d’un tissu entièrement parenchy- mateux et on n'y voit aucune trace de fais- ceau procambial (fig. 5, PI. HT). Avant de suivre l’évolution ultérieure des plantules, il convient de dire quelques mots sur la facon dont le champignon endophyte envahit le protocorme. La pénétration se fait comme dans tous les autres cas par le pôle inférieur de l’embryon, au voisinage de la strophiole qui marque la place du suspen- seur. L'invasion est au début particulière- ment rapide. Les minuscules embryons verts et translucides que le champignon atteint sont en quelques jours envahis complète- ment, à l'exception de l’épiderme et du petit groupe terminal de cellules méristéma- tiques ; ils deviennent grisâtres et on les croirait perdus au moment où leur vitalité va justement commencer à se manifester par un développement rapide. Je ne connais aucun cas où la crise qu'entraine l’établisse- ment de la symbiose s'accompagne de symp- tômesplus impressionnants. À parür du mo- 13 M2 AK 1909 85° ANNÉE. — IX° SÉRIE. T. IX. N°52 ct 3. | ANNALES SCIENCES NATURELLES NEUVIÈME SÉRIE BOTANIQUE COMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. PH. VAN TIEGHEM TOME IX. — N°2 et 3. : PARIS MASSON ET Cr, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L' ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain 1909 PARIS, 30 FR. — DÉPARTEMENTS ET ÉTRANGER, 32 FR. Ce cahier a été publié en Avril 1909 Les Annales des Sciences naturelles paraissent par cahiers mensuels. Conditions de la publication des Annales des Sciences naturelles NEUVIÈME SÉRIE BOTANIQUE Publiée sous la direction de M. Pu. van TrecHem. L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 400 pages, avec les planches et les figures dans le texte correspondant aux mémoires. Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle d'une année. Les tomes I à XX de la Huitième série et les tomes I à VIIL de la Neuvième série sont complets. ZOOLOGIE Publiée sous la direction de M. EnMoND PERRIER. L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 409 pages, avec les planches correspondant aux mémoires. Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle d'une année. Les tomes T à XX de la Huitième série et les tomes I à VI de la Neuvième série sont complets. Prix de l'abonnement à 2 volumes : Paris : 30 francs. — Départements et Union postale : 32 francs. ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES Dirigées, pour la parlie géologique, par M. HÉBERT, et pour la partie paléontologique, par M. A. MIiLNE-EDwaRps. Tomes I à XXII (1879 à 1891). Chaque volume .......... 15 fr. Cette publication est désormais confondue avec celle des Annales des Sciences naturelles. Prix des collections. PREMIÈRE SÉRIE (Zoologie et Botanique réunies, 30 vol. (are) DEUXIÈME SÉRIE (1834-1843). Chaque partie 20 vol. 250 fr. TROISIÈME SÉRIE (1844-1853). Chaque partie 20 vol. 9250 fr. QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. CINQUIÈME SÉRIE (1864-1874). Chaque partie 20 vol. 250 fr. SIXIÈME SÉRIE (1875 à 1884). Chaque partie 20 vol. 250 fr. SEPTIÈME SÉRIE (1885 à 1894) Chaque partie 20 vol. 300 fr. GÉOLOGIE, 22 volumes. . . PCR HE (A Me a RU SUR L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 65 ment où le méristème terminal à commencé à réagir, le cham- pignon règles à marche sur celle du développement, et je puis dire en un mot que les choses se passent alors comme chez les Odontoglossum, à ceci près que la zone infestée à une dissymé- trie plus accusée : elle est bientôt localisée exclusivement à la face ventrale du protocorme (fig. 10, PE. IN). Le bourgeon terminal ne se différencie pas avant la fin du lroisième mois, 1l a le plan de symétrie du protocorme ; deux premières feuilles sont réduites ; avant que la troisième mieux développée se déploie, une première racine endogène s’est formée sur un flanc du protocorme à sa partie antérieure. Cette première racine se développe et s'infeste alors que le protocorme est encore en voie de croissance el contient des champignons vivants: elle se substitue à lui pour ainsi dire car, d’une part, ilmeurtbientôt après qu'elle s'est développée, d'autre part, elle à à peu près sa taille (fig. 11, PI. HIT) et elle est comme lui verte à sa face dorsale et infestée ventralement. Les racines suivantes naissent de la base de la tige primaire, elles sont constituées de même; plus allongées et quelque peu aplaties (fig. 12). Par leur grosseur considérable, leur développement précoce et leur position elles contribuent à donner aux jeunes plantules un aspect fort singulier (fig. 12, PI. ITT). DIS) LES PROTOCORMES DORSIVENTRAUX ET LEUR ORIGINE. Le tvpe de protocorme dont je viens de décrire l’évolution chez les Phalænopsis n’est pas particulier à ce genre. Chez un Vanda j'ai vu le développement se faire presque exactement de même ; les figures { et 2 de la planche IV montreront assez la ressemblance entre les deux cas. La crête dorsale des pro- locormes de Vanda est moins aiguë que celle des protocormes de Phalænopsis ; la région infestée prend dès le début une coloration orangée caractéristique. Gœbel [44] a figuré l'aspect extérieur des Jeunes plantules du T'æniophyllum Zollingeri el J'ai pu moi-même observer ces plantules singulières, grâce à l'obligeance du professeur Janse qui m'a communiqué des matériaux récoltés par lui à Java. Le protocorme est encore essentiellement du même {ype, mais sa ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX 0 66 NOEL BERNARD crête dorsale est beaucoup plus aiguë et sa base couverte de poils beaucoup moins large (fig. 13, D); les jeunes protocormes (fig. 13, A) sont tellement aplatis dans leur plan de symétrie, qu'on peut facilement les faire tenir dans une goutte d’eau, entre Fig. 13. — Tæniophyllum Zollingeri. — À, jeune protocorme.— B, jeune plantule dont le protocorme p a produit un bourgeon terminal b et la première racine r. — C, plantule plus âgée, montrant un fragment du protocorme p, dont la partie postérieure manque et deux racines >, 7. — D, coupe transversale d'un jeune protocorme; f, faisceau ; t, région infestée. — KE, coupe transversale d’une racine ; f, faisceau; t, région infestée: v, voile. L'échelle de 2 millimètres indique le grossissement des figures À, B et C: les figures D et E sont dessinées à un grossis- sement plus fort. une lame et une lamelle, sans les écraser. Les protocormes s’allongent plus tard considérablement et en même temps il se contournent, tout en gardant leur face ventrale poilue appliquée contre le support. Gœbel à signalé les poils glanduleux pro- tecteurs du sommet végétatif et Je les ai revus. J’ai constaté de plus linfestation régulière des jeunes protocormes que j'ai pu examiner. La zone infestée est, comme à l’ordinaire, localisée du côté ventral. Contrairement à ce qui se passe chez les Phalienopsis un petit faisceau procambial se différencie de très bonne heure (fig. 13, D). I y a chez le Tæniophyllum Zollingeri deux particularités très intéressantes : l'extrême réduction des feuilles et le grand développementdes racines ; la figure 13 met ces faits en évidence. Gœbel à considéré comme un rudiment de cotylédon la partie L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 67 saillante antérieure de la crête dorsale, mais cette interprétation me paraît inexacte ; ici en effet, comme chez les Phalænopsis, la première feuille, au lieu d’être opposée à ce prétendu coty- lédon, se développe du même côté que lui par rapport au som- met végétatif. Comme chez les Phalænopsis et Vanda, cette première feuille est une simple écaille, mais les suivantes ne sont pas plus développées. Les racines au contraire prennent un grand développement, elles sont, comme on sait, aplaties, vertes à leur face supérieure et elles suppléent en somme les feuilles absentes. Un mémoire de Raciborski [42] a donné quelques détails sur les jeunesplantules dedivers Phalænopsis, Vanda et Æridesrécol- tées dans leurs stations naturelles. L'auteur n’a pas observé les débuts de la germination et il ne donne que peu de figures, fort schématiques. Sa description montre toutefois que les proto- cormes de Phalænopsis et Vanda dans la nature sont sembla- bles à ceux que j'ai obtenus; leur infestation précoce par un champignon endophyte est expressément signalée, ainsi que l'existence des poils glanduleux qui protègent le sommet végé- tatif. La plus intéressante des Orchidées, étudiée par Raciborski, l_Ærides minimum, est une plante naine dont les tiges adultes | n’atteignent pas un centimètre ; le protocorme, souvent encore attaché à la base de ces tiges, paraît assez exactement compa- rable à celui du T'æntophyllum Zollingeri; 1 à une longue | période de croissance et peut en définitive atteindre jusqu'à 4 centimètres de longueur; on peut donc dire qu'il est, de la | plante entière, la partie la plus développée. D'après Fritz Muller {30}, une autre Orchidée naine, du genre Phymatidium, qui vit sur les branches et parfoissur les feuilles des arbres, pré- sente une constitution comparable et un protocorme du même type quoique moins allongé. On voit par ces deux cas l'importance | que peut prendre la phase juvénile consacrée au développement | du protocorme chez les Orchidées les plus différenciées. Une | évolution considérable à été accomplie pour arriver là, en par- tant de cas comme celui du Bletilla où la phase juvénile peut | n'avoir rien qui lui soit très particulier. 68 NOEL BERNARD Il conviendrait de chercher ici l'origine de la forme si spéciale et si différenciée de protocorme que je viens d'étudier. Mais pour une part, cette question touche à celle de l'origine de la tribu des Sarcanthinées, à laquelle appartiennent la plupart des plantes citées dans ce paragraphe, et je n'ai pas les connais- sances nécessaires pour discuter complètement cette question. Il me paraît cependant qu'il y a deux hypothèses possibles. On peut, d'une part, penser que le protocorme dorsiventral des Phalænopsis dérive d’un protocorme comparable à celui des Odontoglossum où lon rencontrait déjà une dorsi- ventralité manifeste En vérité, dans des cas comme celui du Tæniophyllum Zollingerr, rien ne rappelle plus l'élargissement discoïde du protocorme, assez bien marqué chez les Odonto- glossum ; mais déjà dans le cas des Phalænopsis et des Vanda il y a bien un élargissement du protocorme consécutif à l’infes- tation, et d'autre part, chez le Sarcanthus rostratus, d'après les figures qu'en a données Beer |2}, le protocorme est manifeste- ment tubérisé et de forme générale globuleuse ; sa dorsiventra- lité ne peut être assurément que très peu marquée, les figures imparfaites auxquelles je fais allusion laissent même son exis- tence douteuse. Ilne paraît pas y avoir en général d’affinités bien évidentes et bien étroites entre latribu des Oncidiinées à laquelle appartiennent les Odontoglossum et celle des Sarcanthinées, mais du moins ces affinités, autant qu'on en juge par l’organo- graphie florale, peuvent exister dans le cas spécial du Phyma- tidium puisque Pfizer [85] rattache provisoirement ce genre aux Oncidunées. Il est possible que, chez certaines Oncidiinées au moins, la dorsiventralité, à peine indiquée pour les Odonto- glossum, sesoit exagérée jusqu’au point de donner au protocorme les caractères extrêmes qui se voient communément chez les Sarcanthinées. Pfitzer [87 | est porté, d'autre part, à admettre que les Sarcan- thinées sont un rameau très développé des Cymbidinées. Si cela est, on pourrait voir dans le protocorme des Cymbidium, une forme ancestrale du protocorme des Sarcanthinées. Pour expliquer le passage de l’un à l’autre, on devrait admettre que les premières feuilles déjà très réduites des Cymbidium ont disparu tout à fait chez les Sarcanthinées ; il faudrait croire L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 69 alors que la dorsiventralité à pu être acquise dans plusieurs séries phylétiques distinctes, où il y aurait eu, à ce point de vue, une évolution parallèle. Je n'ose pas absolument adopter l'une de ces manières de voir à l'exclusion de l’autre ; elles ne sont d’ailleurs ni l'une ni l’autre pleinement satisfaisantes. Quoi qu'il en soit, il parait assuré que l'acquisition d'un protocorme dorsiventral marque chez les Orchidées épiphytes un terme final de l’évolution. SYMBIOSE CONTINUE ET VÉGÉTATION MONOPODIALE Les Sarcanthinées ne diffèrent pas seulement des Orchidées que j'ai étudiées Jusqu'ici par la singulière conformation de | leur protocorme, mais elless’en séparent aussi par leur mode de végétation à l'état adulte et il y à là, à mon avis, un second sym- | _ptôme important de leur haut degré d'adaptation à la symbiose. | Je dirai donc en quelques mots, comment ce mode de végéta- tation définitif s'établit et ce qui le caractérise. | Chez ces Orchidées hautement évoluées, non seulement les [racines se forment de très bonne heure, mais de plus elles prennent en général une importance inaccoutumée et à l’état adulte le système radical atteint un degré de développement Let de persistance qu’on ne constate pas chez d’autres Orchidées |épiphytes. Ce caractère s'observe sous sa forme extrême la plus frappante chez les Tæriophyllum où chez d’autres Sarcanthi- nées comme les Polyrrluza, les Chiloschista, dont l'appareil végétatif adulte est réduit à une griffe de racines portées par lune courte tige à feuilles rudimentaires. Mais mème parexemple chez les grands Vanda qui présentent une apparence plus normale, la tige porte sans cesse de longues racines dont la icroissance dure plusieurs années ; la chose est bien facile à constater pour les racines aériennes des Vanda tricolor où suaris lcommunément cultivés dans les serres, el elle est vraie aussi pour les racines enfoncées dans le compost des s paniers où l'on lcultive ces plantes. Autant que je sache, il existe ainsi chez les Sarcanthinées en général des racinesremarquables par la longue durée de leur développement, par leur persistance et leur vita- lité dans toutes les saisons. 70 NOEL BERNARD Par ce caractère, qui est essentiel à mes yeux, les Sarcan- thinées diffèrent de la plupart des Orchidées, chez lesquelles, comme Je l'ai dit à plusieurs reprises, il y a des poussées suc- cessives bien distinctes de racines qui vivent en général moins d'un an. Or, au point de vue de la symbiose, le grand dévelop- pement et la persistance des racines entraînent de notables conséquences. D'une part, en effet, le tissu infesté chez les Sarcanthinées prend une importance considérable par rapport à l'ensemble des tissus sains de la plante. Chez un T'æniophyllum, c’est la griffe des racines infestées qui constitue presque à elle seule le corps du végétal, la courte tige et l'inflorescence, autant qu'on puisse supposer, sont les seules parties du corps qui soient indemnes. Chez les Ærides ou les Phymatidium nains, le protocorme et les racines infestées ont de même un développement important par rapport aux organes sains. Chez les Phalænopsis ou les Vanda de nos serres, l'ensemble des grosses racines charnues qui hébergent des champignons n’est pas encore hors de pro- portion par sa masse avec l’ensemble des tiges feuillues ou florifères qui sont indemnes. Il y a là assurément une prem ièr constatation capable de faire supposer que ces Orchidées ont à subir plus intensément que d’autres l’action de leurs com- mensaux. D'autre part, 1! résulte de la croissance prolongée et de la persistance des racines que la plante héberge des champignons vivants pendant tout le cours de sa vie. L'état de symbiose devient pour elle une condition de vie continue au lieu de n’être, comme chez les Orchidées à poussées successives de racines fugaces, qu'une condition périodique. Il est pratiquement facile, par exemple, de trouver en toute saison des racines de Vanda abondamment infestées et d’en extraire des pelo- tons de mycélium capables de développement. Cette continuité de l'infestation témoigne assurément d’une adaptation à la symbiose approchant de la perfection. Il faut remarquer cependant que si la plante subit continüment l’action de ses commensaux, ceux-ci, du moins, ne vivent pas encore sans discontinuité dans le corps de leur hôte. Chez les Phalænopsis où les Vanda, d’après ce que j'ai vu, les pre- L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 71 mières racines ne s'infestent pas au contact des lissus du proto- corme quand elles en sortent, mais sont seulement envahies par les champignons qu'elles rencontrent dans le compost et qui y ont vécu plus ou moins longtemps librement. Chez les Tæniophyllum mème, bien que la zone infestée du protocorme s'étende presque jusqu’au bourgeon terminal, je n'ai pas vu qu'il yaitcontinuité entre elle et la région infestée des premières racines. Sans doute chez ces plantes, comme chez les Vandu, où j'ai vérifié le fait, la tige adulte reste indemne de champi- gnons et chacune des racines qu'elle produit doit s’'infester au contact du substratum d’une manière indépendante. À ce point de vue donc, malgré le progrès qu'elles présentent par rapport aux autres Orchidées épiphytes, les Sarcanthinées réalisent une adaptation à la symbiose continue moins parfaite que celle dont certaines Orchidées terrestres, comme le Veottia Nidus-aris, donneront tout à l'heure un exemple. La continuité de l’état de symbiose s'accompagne chez les Sarcanthinées d’un mode de végétation exceptionnel chez les Orchidées, mais manifestement secondaire et non primitif puisqu'on le rencontre chez les plantes les plus évoluées de la famille. Au lieu qu'il pousse des tiges aériennes successives, enchaînées en sympode par l'intermédiaire de portions de rhizomes, il y a ici une lige unique à croissance indéfinie, qui naît du premier bourgeon différencié sur le protocorme et qui produit seulement des inflorescences latérales. La végétation est, comme on dit, devenue « monopodiale ». Cette végétation monopodiale, bien qu'elle soit toujours essentiellement du même type, peut cependant présenter des modalités diverses. Tantôt, comme chez les Phalænopsis ou les T'æniophyllum, elle aboutit à la constitution d’une tige courte el bulbeuse, dans d’autres cas il se forme une tige rampante, mais chez quelques Sarcanthinées au moins la tige dressée s'accroît assez considérablement, devient ligneuse, et la plante prend ainsi un aspect presque arborescent. Les Vanda suavis el tricolor, dont on voit souvent dans les serres des exemplaires assez vigoureux, donnent une idée de ce mode de végétation, mais il s’observe sous une forme plus typique chez de rares espèces comme l'Angræcum eburneum où le Vandopsis lisso- 12 NOEL BERNARD chiloides (Pfitz). D'après le Manual de Veitch [58|, cette der- nière Orchidée peut produire des tiges ligneuses robustes de rois à quatre mètres de haut. Dans les îles Philippines, où elle vit à l'état spontané, on la rencontre tout près de la mer, attachée par ses solides racines à des rochers exposés au plein vent. Elle atteint, en somme, un état arborescent qui est com- parable à celui de plus d’un palmier. La substitution d’une végétation monopodiale, par dévelop- pement continu d’un même bourgeon, à une végétation sym- podiale par développement périodique de bourgeons successifs est un des plus intéressants épisodes de l’histoire des Orchidées. Dans la seconde partie de ce chapitre, je donnerai les raisons qui me portent à croire que cet événement à été dù aux progrès de la symbiose et s'est réalisé justement quand l'état de symbiose continue s’est substitué à l’état de symbiose périodique. La tendance à la végétation arborescente, que manifestent certaines Sarcanthinées chez lesquelles ce mode de végétation monopodial s’est institué, est un fait des plus suggestifs, dont l'existence me porte à croire qu'on pourra un Jour découvrir un lien entre les progrès de l’évolution en symbiose etl'apparition des plantesarborescentes. Mais assurémentl’étude desOrchidées ne peut fournir que des documents imparfaits pour la solution de ce problème général, et ce que J'en déduisici n’est qu'à tre de suggestion. DEUXIÈME PARTIE LES MODES DE DÉVELOPPEMENT CHEZ LES ORCHIDÉES TERRESTRES. Les Orchidées terrestres se rattachent pour la plupart, comme je l'ai dit au débutde ce chapitre, aux trois séries bien distinctes des Orchidées diandres, des Ophrydées et des Néottiées. Avant d'examiner les modes de germination dans chacune de ces séries, il convient d'indiquer brièvement les limites que notre ignorance actuelle impose à cette étude. Parmi les Orchidées diandres, la germination des Apostasiées serait des plus intéressantes à connaître, puisque ces Orchidées passent à bon droit pour les plus voisines de la souche commune à toute la famille. Les graines d’Apostasix Wallichn, que j'ai L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 73 trouvées dans un fruit d’une plante conservée en herbier, ont déjà tout à fait le Lype orchidéen, mais leurs embryons attei- gnent ou dépassent la taille de ceux du Zletilla hyacinthina, qui est, comme j'ai dit, une taille exceptionnelle. Ces embryons m'ont cependant paru tout à fait indifférenciés. On ne sait malheureusement rien de leur germination. On connaît au con- traire la germination de quelques Cypripédiées, el comme ces plantes forment un groupe très homogène, il ny a guère à espérer que l'étude d'un plus grand nombre de cas soit beaucoup plus instructive. | L'ensemble des Ophrydées est aussi assez homogène. Les phénomènes de la germination sont fort analogues chez les espèces où on les connaît et on peut ainsi estimer avoir une idée suffisante de ce que doit être le premier développement dans tout le groupe. La série des Néottiées est beaucoup plus variée, et cela rend | plus regrettables les lacunes de nos connaissances à leur sujet. Les Thélémytrées et Diuridées australiennes que Pfitzer place à la base de tout ce groupe sont sans doute les plus simpies de | toutes les Orchidées monandres, et l’on pourraitespérer trouver parmi elles des modes de germination plus primitifs encore que ceux du Bletilla. D'autre part, il y aurait un intérêt tout par- ticulier à connaître la première évolution des Néottiées lianoïaes comme les Vanilles et les Galeola. Si je ne me trompe, notre ignorance est complète sur l’un comme sur l'autre de ces deux points. Les faits les plus intéressants qu'on possède sur la ger- |mination des Néottiées sont relatifs à l’évolution de deux a pes très spécialisés de saprophytes, l'Æpipogon aphyllus et le Neottia LNidus-avis: mais grâce surtout aux observations d'Irmisch sur Les Epipactis el les Zistera, on peut acquérir une idée de Pévo- bution qui a conduit au mode remarquable de végétation réalisé par la seconde de ces espèces. Dans l’ensemble, ces connaissances incomplètes ont comme intérêt essentiel de révéler un parallélisme étroitentre les modes d'évolution des Orchidées terrestres el eeux des Orchidées lépiphytes. C'est ce que je me propose surtout de faire remar- quer, en essayant d'exposer un sujet sur lequel jai appoint de quelques observations personnelles. 14 | NOEL BERNARD S 1. — CGypripédiées. Les Orchidées communément désignées sous le nom de Cypripedium, réparties par Pfitzer [86] dans quatre genres, ont un mode de végétation très uniforme : ce sont toutes des plantes à rhizome constitué suivant le mode sympodial. Leurs graines ont le type général de celles des Orchidées ; les embryons indif- férenciés qu'elles renferment sont toujours notablement plus petits que ceux des Apostasia. J'ai semé à plusieurs reprises des graines d’hÿbrides variés des Paphiopedilum, communément cultivés en serre, et J'ai étu- dié ailleurs [6] les conditions et les modes de la germination dans un cas concordant avec tous ceux que Jai vus depuis. Les embryons ne semblent capables d'aucun développement auto- nome. Avec des cultures actives de ARhizoctonia repens, on peut au contraire obtenirleurgermina- lion. Le protocorme est conique, symétrique par rapport à un axe, largement infesté et couvert de poils absorbants; il verdit à sa partie supérieure après les Fig. 14. — Paphiopedilum. — À, aspect premières semaines el produit exlérieur d’une plantule de trois ensuite un bourgeon terminal mois. — B, coupe longitudinale dans : ù une plantule semblable, montrant unique (fig. 14). En un mot, il eu de le pme née en Gt assez exactement comparable tocorme, qui est ombrée. — C,som- au protocorme que le Bletilla met végétatif avec un poil protecteur - Ê : pluricellulaire. L'échelle de 1 mil /4@Cinthina peut produire quand Re LE grossissement des ün le cultive avec des races | suffisamment actives de Ahizoc- toria repens. La différence essentielle est que la formation de ce protocorme chez les Paphiopedilum est assurément constante et non facultative. Irmisch [17] a observé la germination du Cypripedilum C'al- ceolus dans la nature ; elle ne diffère pas profondément de celle 1 mil LS c =} L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 19 des Paphiopedilum. Le protocorme est dépourvu de poils et, à cause du recourbement de sa pointe, il montre une très légère tendance à la dissymétrie. Il est cependant souvent vertical dans le sol et la tige primaire continue alors la direction de son grand axe. La végétation en sympode s'établit dès la fin de la première année, un bourgeon placé à l’aisselle d’une des feuilles inférieures de la tige primaire commençant alors à se dévelop- per en une seconde pousse feuillue. $ 8. — Ophrydées. L'origine dugroupedes Ophrydées est incertaine, mais ce sont assurément des plantes assez hautement évoluées. On peut en juger par la complexité bien connue des conformations florales qui assurent chez elles la fécondation par les insectes. La végé- tation des Ophrydées adultes est du type sympodial, avec ceci de spécial que chaque bourgeon du sympode, avant de se déve- lopper, produit latéralement un bulbe formé par la concrescence de racines charnues. J'ai étudié ailleurs [4] ce type de végétation pour montrer qu'il correspond à une symbiose périodique, les périodes d’infestation étant celles pendant lesquelles se forment les bulbes, et les périodes d'autonomie celles où se différencient les pousses feuillues ou florifères. Je n'ai pas réussi à isoler le champignon commensal des Ophrydées, ni observé la germination de ces plantes dans des conditions expérimentales précises. J'ai cependant semé les graines de plusieurs Orchis, sans champignons, sur du coton imbibé de solutions nutritives diluées et je n'ai constaté dans cesconditions aucun développementdesembryons indifférenciés. La germination dans les conditions naturelles a été observée par Fabre pour Ophrys apifera AA}, par Irmisch pour l'Orchis mi- hitaris [17], et par moi-même pour le Platanthera montana |4|. Elle se fait dans ces trois cas grâce à une infestation précoce des embryons par leurs champignons endophytes |4. Par deux caractères au moins le premier développement de ces Ophrydées se montre d'un type plus hautement évolué que celui des Cypripédiées ; il est plutôt à mettre en parallèle avec le développement des Cymbhidium qu'avec celui du Bletilla. 16 NOEL BERNARD Un premier fait à noter est la tubérisation précoce du proto- corme, qui s'élargit à sa partie antérieure de façon à prendre une forme renflée comparable à celles qu'ont communément Fig.15. — Germination des Ophrydées. — À, coupe dans un jeune protocorme d'Orchis militaris ; à, région infestée. — B, jeune plantule de la même espèce; p, proto- corme; ?, racine. — C, coupe dans la base d'une jeune plantule d’'Ophrys apifera ; ;, région infestée du protocorme; {,, premier bulbe; f', jeune racine. — D, dia- gramme montrant là constitution d’une plantule de Plalanthera montana vers la fin de sa deuxième année; p, position qu'occupait le protocorme disparu ; #,, pre- mier bulbe; e, e, écailles de la tige primaire née de ce bulbe ; 4, deuxième bulbe inséré latéralement sur le bourgeon lerminal ; à, région infestée : 7, racine. — A et B, d'après Irmisch. — C, d'après Fabre, modifié. — D, original. les bulbes d'Ophrydées adultes. Cette tubérisation ne va pas jusqu'à l'acquisition d’une forme discoïde, mais elle atteint bien le degré que J'ai constaté chez un Cymbidium. Le protocorme tubérisé de Ophrys aranifera est parfaitement symétrique par rapport à un axe, d’après les figures de Fabre, il est cependant couché horizontalement dans le sol et la tige primaire qu'il porte doit se recourber à angle droit avec l’axe du protocorme pour se dresser verticalement (fig. 15, C). Chezl Orchis nalitaris el à un moindre degré chez le Platanthera montana, À existe communément un recourbement de Ja pointe du proto- corme qui doit lui faire attribuer plutôt un plan qu'un axe de L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE vil symétrie (fig. 15, À, B). La symétrie bilatérale est en lout cas peu accentuée et moins nette assurément que chez les Odonto- glossum. Une seconde particularité intéressante du développement des Ophrydées, dans tous les cas connus, est l'établissement tardif du mode de végétation sympodial. A la fin de la première année le bourgeon terminal du protocorme produit latérale- ment un premier bulbe (fig. 15, C)et, plus tard, il s’isole avec lui. Dans la seconde année ce bourgeon donne d'abord un court rhizome épaissi, à feuilles rudimentaires et ensuite il produit latéralementun second bulbe (fig. 15, D). C’est seulement dans la troisième année que le sympode s'élablira par développement d’un bourgeon latéral de la pousse feuillue portée par ce second bulbe. D'une part done, 11 y a ici développement prolongé du premier bourgeon et deux premières années de végétation mo- nopodiale. D'autre part, la tige primaire qui se développe dans la seconde année (fig. 15, D) est tubérisée à sa base comme le protocorme. Cela rappelle d'assez près ce qui se produisait chez les Cymbhidium, à la complication près qu'entraine la substitution du premier bulbe au protocorme. Ce développement monopodial prolongé d’un axe primaire tubérisé correspond manifestement à un assez haut degré d’adap- tation à la symbiose. Non seulement, en effet, le protocorme et les racines normales insérées sur lui ou sur le rhizome hébergent le champignon endophyte, mais encore le premier bulbe quand il est complètement accru peut s'infester au contact du sol, eten tout cas il en est ainsi pour le rhizome inséré sur ce bulbe (1). (4) Ni Fabre ni Irmisch ne signalent expressément des champignons dans es plantules, mais ils décrivent l'aspect et la répartition des cellules infestées avec une précision qui ne laisse pas place au doute. Les protocormes sont toujours infestés de la mème manière ; j'ai cru pouvoir compléter un dessin de Fabre (fig. 15, C) en indiquant approximativement les limites de la région infestée qu'il décrit d'une facon précise. Le premier tubercule n’est jamais habité par les champignons pendant qu'il se forme; chez l'Orchis militaris, | d'après Irmisch, il reste encore uniquement formé de parenchyme amylacé, après son isolement, quand il commence à se développer en un rhizome qui, | lui du moins, s'infeste. Au contraire, chez l'Ophrys apifera, d’après la description de Fabre, le premier tubercule s'infeste comme le court rhizome qui lui fait suite. Chez le Platanthera montana, on trouve aussi chez de jeunes plantules le tubercule et le rhizome infestés sans discontinué, comme je l'ai figuré dans le diagramme D de la figure 15 qui résume mes observations. Cependant il arrive aussi que de petits tubercules, détachés de la base de plantes adultes, 18 NOEL BERNARD La symbiose est ainsi réalisée d’une façon plus continue et plus parfaite pendant le premier développement des Ophrydées que dans la suite de leur vie. $ 9. — Épipogon aphyllus. On connait, grâce aux observations d’Irmisch [17], le très intéressant mode de développement de l'£pipogon aphyllus. Le protocorme de cette Orchidée a la forme d’une corne recourbée à sa pointe ; c’est manifestement par rapport à un plan et non Fig. 16. — Epipogon aphyllus. — À et B, jeunes protocormes. — C, jeune plantule, montrant le développement de deux bourgeons latéraux en branches tubérisées. — D, plantule plus avancée chez laquelle la tige primaire, f, ne s’est pas développée. — KE, jeune rhizome coralloïde. — F, coupe transversale dans une branche du rhizome, montrant la région infestée qui à été ombrée. D'après Frmisch. par rapport à un axe qu'il estsymétrique. Le bourgeon terminal de ce protocorme peut rester rudimentaire ou se développer en un stolon grêle, mais en tout cas, des bourgeons latéraux situés à sa base se développent précocement en branches tubéri- sées, aplaties dans le plan de symétrie, qui se ramifient abon- damment, de manière à former la griffe coralleïde dont l’appa- rence remarquable est bien connue (fig. 16). sinon de leur protocorme, produisent un rhizome infesté tout en restant indemnes [4]. ILest donc possible que les modes d’infestation comme les modes de végétation soient légèrement variables dans des espèces voisines ou dans une mème espèce d'Ophrydées. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 79 Il y a là évidemment un processus de développement compa- rable à celui dontl £rwlophidium maculatum à donné un exem- ple. Mais tandis que chez l'£uwlophidium la griffe coralloïde née du protocorme n’était qu'une forme juvénile à laquelle succé- dait en définitive une forme adulte d'apparence plus ordinaire, chez l'Epipogon au contraire le mode de développement coral- loïde se prolonge pendant presque toute la vie. I ne se forme jamais de racines et on voit seulement réapparaitre une con- formation voisine de la normale dans les stolons grèles, qui servent sans doute à marcotter la plante, ou dans les inflores- cences. La description d’Irmisch est assez explicite pour qu'on puisse en conclure que la griffe coralloïde est tout entière largement infestée comme le protocorme même, à l'exception des régions méristématiques. Il est donc entièrement vraisemblable que l'apparence singulière de cette Orchidée holosaprophyte, au- tant que celle non moins étrange du Neottin Nidus-anis, est simplement la conséquence d’une adaptation à la symbiose continue. $ 10. — Neottia Nidus-avis. Après Irmisch {17}, Prillieux 39! et Drude {40}, j'ai contribué à faire connaître le mode de développement du Meottia Nidus- avis; une étude critique de ce sujet à été publiée dans ma thèse de doctorat [4]. Actuellement, il m'importe surtout de montrer l'étroite ressemblance qui existe entre le Neoftiu et les Sarcanthinées. Le protocorme est de forme générale conique, mais toujours nettement recourbé à sa pointe ; il à done un plan de symé- trie comme le protocorme des Sarcanthinées ; 11 lui ressemble aussi par sa forme générale, à ceci près toutefois qu'il n'a pas de poils, pas de crête dorsale, et pas de chlorophylle. En même temps que le bourgeon terminal se différencie, 11 apparait laté- ralement à la partie antérieure du protocorme des mamelons qui se développent en racines (fig. 17, B). Le bourgecon terminal se développe ensuite en un rhizome horizontal, un peu plus épais que le protocorme, riche comme lui en amidon, 80 NOEL BERNARD portant à ses nœuds des feuilles rudimentaires et sur chaque entre-nœud un assez grand nombre de racines serrées les unes contre les autres. Chez les plantes les plus vigoureuses ces racines s’enche- vêétrent et. elles forment dans l'ensemble une griffe compacte ayant parfois la forme en « nid d'oiseau » que sugoère le nom de l'espèce. En définitive, 1l peut arriver que le bourgeon termi- nal du rhizome se développe en Fig. 17. — Neoltia Nidus-avis. — À, coupe dans un jeune : ue * protocorme, montrant la région infestée ombrée. — B, üuige florifère (fig. apparence extérieure d’un protocorme plus développé, 17 C) ou qu’il avec trois jeunes racines insérées latéralement à sa DEN I partie antérieure, — C, coupe diagrammatique d'en- avorte, des bour- semble dans une plante prête à fleurir; les régions infestées sont ombrées. geons situés peu en arrière de lui donnant alors des inflorescences latérales [4]. Très com- munément la plante meurt après avoir fleuri et sa multipli- cation est assurée par les bourgeons adventifs qui se forment à la pointe de ses racines. La végétation est donc monopodiale, soit au sens le plus strict du terme quand l’inflorescence est terminale, soit d’une manière exactement comparable à celle des Sarcanthinées quand les inflorescences se développent latéralement ; elle reste d’ailleurs fort lente : d’après mon estimation, il peut falloir jusqu'à dix ans pour qu'une plante issue de graine arrive à sa floraison. Si l'on songe à la lenteur et au mode de ce développement, à la forme du protocorme, au développement précoce et abon- dant des racines, à la réduction des feuilles, on ne pourra manquer d’être vivement frappé par l'étroite ressemblance qu'il y a entre un Neottia et un T'æniophyllum. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE S1 Dans un cas comme dans l’autre la symbiose est d’ailleurs continue, mais chez le Neottia cette continuité est assurée d’une manière plus complète encore que chez les Sarcanthinées, et elle atteint, Je crois, le plus haut degré de perfection qu'on puisse imaginer. En effet, non seulement le protocorme est largement infesté dès la germination de la graine (fig. 17, A), mais encore cette infestation, progressant de proche en proche dans le corps de la plante, gagne le rhizome et à partir de lui les racines succes- sives dont la contamination commence par la base (fig. 17, C). La zone à champignons est ainsi parfaitement continue dans tout le corps, depuis la pointe du protocorme jusqu'à la base de l'inflorescence ; selon toute évidence, tout le mycélium hébergé par un MNeotthia à pour origine unique le filament qui à primiti- vement pénétré l'embryon de sa graine. Il y à plus, car dans ce cas remarquable la continuité de l'infestation peut être assurée même entre une génération et une autre. Il arrive en effet, comme je lai observé !4], que les hampes florales n'aient pas la force de percer les couches d’'humus qui les couvrent ; elles semblent alors n'avoir qu'une faible tur- gescence, et, molles comme des tiges fanées, elles s’enroulent irrégulièrement dans le sol, parfois même au-dessous des griffes qui les produisent. Cependant la floraison, la féconda- tion des fleurs et la maturation des fruits s’accomplissent d'une manière normale ; des champignons, qui proviennent selon toute apparence du rhizome de la plante, se propagent par la cavité centrale de sa tige jusqu'aux fruits souterrains où les graines s’infestent et germent en grand nombre au milieu d’un lacis de filaments mycéliens. Il est exact de dire que dans ces conditions l'association formée par le champignon et la plante a pris plus d'autonomie que n’en ont chacun des deux com- mensaux considérés isolément. Pour trouver dans les cas connus un exemple de symbiose aussi parfaite, il faudrait remonter Jusqu'à celui de Lichens comme les Endocarpon chez lesquels les ascospores entraînent en se disséminant des gonidies du thalle sur lequel elles se sont produites. Mais sans doute ce ne sont pas là des exemples uni- ques et il est vraisemblable qu'on pourrait rencontrer des adap- ANN. SC. NAT. BOT., 9 série. IX 10 82 NOEL BERNARD tations à la symbiose d’un type comparable soit chez les Lyco- podes comme je l'ai suggéré [4], soit chez les Monotropa ou d’autres plantes de lhumus. $ 11. — Origine de la végétation monopodiale chez les Néottiées. Plusieurs raisons portent à croire que le type de végétation monopodial du Neotthia Nidus-anis s’est réalisé à partir du type sympodial ordinaire des Orchidées à rhizome. D'une part, il arrive, assez rarement, chez le Neotfia même, qu'après le développement d’une inflorescence terminale une seconde inflorescence enchainée en sympode à la première se forme l’année suivante [39,4]. Cela rappelle un peu la manière d'être habituelle d’une espèce très voisine, le Lastera ovata où cependant le sympode s'établit toujours et beaucoup plus précocement. D'autre part, Irmisch [47] à observé, dans le seul genre Epi- pactis, chez des espèces voisines, soit la végétation sympodiale Lypique du Listera, soit un établissement tardif du sympode comparable à celui que montre exceptionnellement le Neottia. Dans ce cas du moins, que Je veux rappeler, la proche parenté des deux types de développement devient indiscutable. Les observations d’Irmisch ont porté sur l'£Epipactis rubi- ginosa et sur P'Epipactis nacrophylla, qu'il faut sans doute con- sidérer comme des espèces distinctes, bien qu’on ait pu souvent en faire de simples variétés de l'£pipactis latifolia. La première de ces espèces végète comme le Listera ovata. Elle a un protocorme recourbé plus fortement encore à sa pointe que celui du Neottia, mais d’ailleurs du même type. Le bourgeon terminal de ce protocorme produit une première pousse feuillue stérile, à laquelle s'enchaine l’année suivante une pousse latérale, dont la base horizontale forme le premier article d’un rhizome sympodique qui se continuera d'année en année, par un procédé comparable, jusqu'à l'apparition des hampes florifères. C’est le mode de végétation ordinaire des Orchidées à rhizome. Il y a cependant ceci de remarquable que les racines L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 83 longues et assez grêles produites par le protocorme d’abord et par le rhizome ensuite persistent durant plusieurs années successives. Cela ne doit pas nécessairement signifier que la symbiose est continue, car il se peut que linfestation des racines se réalise seulement pour une saison, et que les cham- pignons y soient détruits ensuite, les jeunes racines de chaque poussée annuelle permettant seules l'entrée du champignon pendant leur période de croissance (1). Mais, quoi qu'il en soit, cette persistance des racines chez les Epipactis et Listera cest un fait suggestif, rare chez les Orchidées à végétation sym- podiale et qui peut éventuellement permettre l'établissement d'une symbiose plus parfaite. La description même d'Irmisch suggère que l'éventualité favo- rable à l’apparition d'un mode plus évolué de symbiose s’est produite pour les Æpipactis microphylla dont il à fait l'étude. | Ceux-c1 vivaient dans l’humus et se distinguaient dès le pre- :mier abord des autres espèces du genre par le diamètre excep- tionnel de leurs racines charnues, où l’on voyait, même dans les vieilles racines, non seulement des corps de dégénérescence | témoignant d’une infestation ancienne, maisencore des pelotons de filaments mycéliens reconnaissables. Ces caractères sont exceptionnels pour un Æpipactis et Irmisch les signale, avec sa | précision habituelle, dès le début de la monographie qu'il donne de cette espèce. Ils s’accompagnent de létablissement d’une | végétation monopodiale prolongée jusqu’à la floraison. Irmisch n’a en effet jamais vu hors du sol des pousses feuillues stériles de l'£pipactis microphylla, mais seulement des inflorescences, et l'étude qu'il a faite de quelques plantes adultes a démontré que leur rhizome, jusqu’à la base de la première hampe florale, |résultait du développement prolongé du bourgeon de premier ordre formé sur le protocorme. Il y a là sans nul doute une tendance nettement accusée vers | (1) Je n'ai pas pu acquérir en temps utile une conviction formelle sur Ice point. D’après des observations faites avant que l'intérêt de cette question m'apparaisse, et qu'il faudrait reprendre, l'infestation des racines chez le Listera ovata et l’'Epipactis latifolia est irrégulière et relativement faible, les rhizomes des plantes adultes n’hébergent pas de champignons et, par conséquent, les racines doivent s'infester dans chaque période annuelle indépendamment les unes des autres, au contact du sol. 84 NOEL BERNARD le mode de végétation du Neottiu Nidus-avis. Pour la préciser davantage il faut encore indiquer que l'Epipactis microphylla est remarquable par la réduction relative de ses feuilles, comme l'indique son nom, et par la faible pilosité de ses racines, à ce que dit Irmisch. Cette variabilité remarquable des modes de végétation dans un même genre pourrait devenir au plus haut point instructive pour qui s'appliquerait à observer, dans des conditions expéri- mentales précises, les rapports du mode de développement avec le degré d'activité des champignons endophytes. D’après ce que j'ai vu de la variabilité des modes de germination du Bletilla dans des conditions semblables, et sachant ce qu'on observe encore de diversité dans les modes de végétation naturels du Neottia |4|, il ne parait pas illégitime de penser que l’origine de la végétation monopodiale chez les Orchidées peut devenir un problème susceptible de solution expérimentale. $ 12. — Symbiose, Épiphytisme, Saprophytisme. Il résulte clairement des faits exposés dans ce chapitre que les mêmes tendances se sont manifestées d’une manière indé- pendante dans l’évolution des Orchidées épiphytes et dans celle des Orchidées terrestres. L'apparition d’une phase juvénile de développement, distincte de la phase adulte, à sans doute coïn- cidé, dans un cas comme dans l’autre, avec le moment où les graines sont devenues incapables de germer sans le concours des champignons commensaux que les ancêtres des Orchidées héber- geaient depuis longtemps ; cette phase juvénile à pris ensuite des caractères de plus en plus spéciaux en même temps qu’elle tendait à se prolonger davantage. La différenciation progressive du protocorme est marquée soit par sa tubérisalion, soit par la substitution d’une symétrie bilatérale à la symétrie par rapport à son axe, soit par ces deux faits ensemble. Le développement prématuré de bourgeons en branches épaissies de rhizome est un des moyens par lesquels la phase juvénile a pu se prolonger. Il s'indique chez les Cymbidium comme chez les Ophrydées, il prend chez l'£ulophidium une : « L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 89 forme plus parfaite, et arrive chez les Epipogon où Corallorhiza à caractériser non plus seulement une phase juvénile, mais le mode du développement tout entier. La formation de plus en plus précoce de racines charnues et persistantes caractérise une autre direction que l’évolution à pu suivre ; elle concorde dans tous les cas avec la substitution du mode monopodial de végétation au mode sympodial primitif. | Une des formes les plus typiques d'appareil végétatif qui lui | doive son origine est réalisée pour les griffes de racines issues d’un rhizome à feuilles rudimentaires qui s'observent chez le | Tæniophyllum Zollingeri comme chez le Neottia Nidus-avis. | L'apparition de la stature arborescente chez quelques-unes des Orchidées dont l’évolution s’est faite dans cette direction est | sans doute aussi un fait remarquable. | En étudiant dans ce chapitre les modes de symbiose corres- | pondant à chacun des modes de développement, j'ai entendu | suggérer que l'apparition des divers caractères dont je viens de donner une énumération à un rapport étroit avec l'adaptation | de plus en plus parfaite des Orchidées à la symbiose. En com- mentant dans les prochains chapitres les résultats de mes expé- |riences, J'aurai à préciser ma pensée à ce sujet. Mais indépen- | damment même du recours à l'expérience, la constatation d'un | parallélisme étroit entre l’évolution des Orchidées épiphytes et celle des Orchidées terrestres me parait donner beaucoup de | force à cette manière de voir. | Les conditions de la vie terrestre sont assurément bien diffé- rentes de celles de la vie épiphyte ; il doit falloir pour chacun | de ces modes d'existence des aptitudes particulières, puisqu'on | ne voit pascommunément les plantes d'une même espèce adopter | indifféremment l'un oul’autre. Chez les Orchidées, on rencontre des exemples d’adaptations extrêmes à ces deux modes de vie, soit pour les plantes vivant à la couronne des forêts tropicales exposées à une 1illumination intense ou à la dessiceation, soit pour les espèces holosaprophytes comme le Neottia Nidus-avis acclimatées à la vie souterraine dans l’humus des forêts. IL pourrait certainement paraître vraisemblable, à première |vue, d'attribuer aux conditions de ces modes de vie si spéciaux jet si différents l'apparence si particulière des Orchidées épi- 2 —————————— 86 NOEL BERNARD phytes ou saprophytes les plus typiques. Je ne nie pas que des conditions diverses impliquées par ces modes de vie aient pu avoir une action sur l’évolution des végétaux qui les acceptent: quelques traits de leur organisation peuvent sans doute s’expli- quer ainsi. Pour préciser par un exemple, ilest peut-être admis- sible que la dorsiventralité du protocorme chez beaucoup de Sarcanthinées épiphytes ait un rapport avec leurexposition à la lumière, puisque cette dorsiventralité n'existe pas pour les pro- tocormes simplement bilatéraux des Néottiées à évolution sou- terraine. Mais ce sont là des faits de détail. Si un T'æniophyllum ressemble à un Meottia non seulement par son apparence à l’état adulte, mais encore par son mode de développement et aussi par l’histoire des ancêtres quiont évolué jusqu'à lui, il faut cher- cher, pour expliquer une homologie si parfaite, l’action d’une condition d'existence qui ait été commune à ces plantes et à leurs deux séries d’ancêtres malgré la diversité d'habitat. On ne trouve alors, ilme semble, aucune condition commune autre que la symbiose qui puisse suggérer une explication satisfaisante du parallélisme des deux évolutions. On peut aller plus loin et penser que l'aptitude à lépi- phytisme ou au saprophytisme à pu se développer chez les Orchidées, originairement terrestres et non saprophytes, Jus- tement par suite de l’action sur ces plantes de leurs champignons commensaux, la symbiose ayant entrainé à la fois l'apparition de caractères morphologiques nouveaux et de dispositions phy- siologiques particulières. Sans sortir du domaine de l'observation comparée, on peut assurément trouver des arguments sérieux à l'appui de cette manière de voir. Le plus notable me paraît fourni par l'étude des Cryptogames vasculaires inférieures dont l'évolution est parallèle à celle des Orchidées aux divers points de vue que je viens d'indiquer. L'adaptation de ces plantes à la symbiose avec des champignons endophytes s'accompagne de modes de déve- loppement étroitement comparables à ceux des Orchidées. La végétation sympodiale avec bulbes successifs dont le premier naît du protocorme se trouve chez le Phylloglossum Drum- mondi comme chez les Ophrydées ; la végétation coralloïde se retrouve chez les Psilotum, la végétation monopodiale avec L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 87 racines persistantes chez les Ophioglosses; l'apparition enfin de Lycopodinées ou de Filicinées arborescentes paraît avoir plus d’un rapport avec l’évolution qui amène au cas des Vanda. I est d'autre part remarquable que le mode de vie saprophy- tique ait été adopté par les Psilotum comme la végétation épiphyte par un nombre notable d'Ophioglosses et de Lyco- podes. Ces homologies, qu’on à peine à croire fortuites, s'expliquent au mieux, il me semble, par la théorie proposée dans l’introduc- tion de ce mémoire qui voit dans la symbiose un facteur d’évo- lution ayant une importance dominante. CHAPITRE HI VARIATIONS D'ACTIVITÉ DES CHAMPIGNONS + ENDOPHYTES On à vu dans le chapitre 1 que des Orchidées fort diverses peuvent héberger des champignons ayant les mêmes caractères spécifiques ; ilpeutexister aussi entre ces champignons, différents par leurs origines, une certaine similitude de propriétés physio- logiques. Ainsi, il m'a été possible de faire germer des graines de Cattléyées non seulement avec le mycélium de ARhizoctonia repens provenant de ces plantes, mais encore avec celui que j'ai retré de Paphiopedilum, de Spiranthes, où de Cymbidium. De même, des graines de Cypripédiées ont pu germer avec des cul- tures de ce mycélium ayant les origines les plus diverses. Pas plus au point de vue physiologique qu’au point de vue morpho- logique, 1ln°y à en général d’étroite adaptation de chaque endo- phyte à son hôte. L'importance de cette constatation m'est apparue dès le début de mes recherches expérimentales ; elle n'est nullement dimi- | nuée par les précisions que je donnerai ici; mais, tout d'abord cette similitude d'action de champignons ayant des origines différentes m'a porté à croire que les propriétés physiologiques | d’une même espèce d’endophyte étaient aussi constantes et aussi | fixes que ses caractères morphologiques [6]. Prise sous cette | forme extrême, la conclusion était erronée, et fondée d’ailleurs | 88 NOEL BERNARD sur un examen trop imprécis des faits. Il est utile de dire com- ment j'ai été amené à le reconnaitre. La découverte du rôle essentiel qu'ont des champignons pour la germination des Orchidées m'a paru de bonne heure pouvoir entrainer des conséquences utiles au point de vue de la pratique horticole. Les horticulteurs ne soupçonnaient rien de semblable: il était raisonnable de penser qu'ils ne réalisaient pas toujours leurs semis de facon à assurer l’infestation des graines; les difficultés parfois considérables qu'ils rencontraient pouvaient. provenir en grande partie de cela. Je pensai donc qu’on leur rendrait service en leur distribuant des cultures de mycélium obtenues au laboratoire pour infester leurs semis. Je fis de premiers essais dans cette voie en 1903, au moment même où Je venais de réaliser des cultures de AÆRhizoctonia repens (séries L, S, C) qui m’avaient donné de bons résultats au laboratoire pour la germination des Cattléyvées et des Cypri- pedium. Quelques amateurs d'Orchidées voulurent bien sur mon conseil mêler le mycélium que je leur envoyai, au compost où ils semaient leurs graines ; ils obtinrent, en particulier pour les semis de Cattléyées, des résultats nettement supérieurs à ceux que leur donnait l'emploi des méthodes traditionnelles. La question commença dès lors à intéresser les praticiens; elle fut posée en 1905, au congrès international d’horticulture de Paris, où Je me crus en droit d'exprimer mon espoir d'améliorer les conditions d’une opération horticole qui passe à bon titre pour assez difficile. Cet espoir a été en partie déçu quand j'ai cherché, en 1905 et 1906, à étendre le champ de ces expériences pratiques que plusieurs amateurs d'Orchidées s'étaient offerts à poursuivre avec moi. J’envoyai alors à ces collaborateurs les mêmes cham- pignons, gardés en culture pures au laboratoire, qui avaient donné auparavant de bons résultats. La réussite fut cette fois médiocre ou nulle, aussi bien pour les semis de Cattlévées que pour ceux de C'ypripedium. Cependant, j'ai visité alors quelques- unes des serres où des essais se poursuivaient et J'ai pu vérifier le soin qu'on y mettait à suivre mes indications. Il a donc fallu admettre que les champignons avaient perdu avec le temps leurs propriétés physiologiques primitives et L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 89 que leur activité pour faire germer les graines ne doit pas être un caractère permanent. Des expériences plus précises faites au laboratoire ont montré, en effet, que cette activité est très variable, et m'ont conduit aux études qui font l'objet de ce chapitre. Û $ 1. — Activités inégales des diverses cultures de chaque Rhizoctone. La plupart des expériences que j'ai entreprises pour apprécier l’activité des champignons endophytes ont été faites avec des cultures de Rhizoctonia repens, dont j'étudiais Paction sur des semis des Cattlévées. Il importe d'indiquer tout d’abord com- ment ces semis se comportent et de quelle manière on doit Les comparer. Dans les semis faits sans champignons, les embryons verdis- sent au bout de quelques jours, et commencent presque simul- tanément à se développer en sphérules ; tous paraissent égale- ment viablesetrien d’apparent ne révèle entre eux de différences essentielles. Cependant l'introduction d’un champignon ne provoque jamais qu'une germination plus ou moins irrégulière : certains embryons se développent rapidement en plantules, d’autres évoluent plus lentement ou même restent stationnaires après d'insignifiants progrès. Ces différences s'accentuent avec le temps et tandis que les plantules les plus vigoureuses conti- nuent à progresser, les plus retardataires finissent par brunir après quelques mois, sans changements notables. Cette irrégularité de la germination est générale pour les semis d'Orchidées, aussi bien dans la nature ou dans les serres que dans des tubes de culture, les figures 1 (page 3) et 18 (page 102) en donnent une idée ; elle révèle chez les graines une diversité d’aptitudes individuelles que rien ne faisait soupconner | au premier abord. Chaque champignon sélectionne en défini- | tive dans le semis où il se trouve un nombre plus où moins grand d’embryons qui peuvent seuls se développer en symbiose avec | Jui. | Les graines n'étant pas individuellement comparables, il faut toujours, pour étudier l'influence de champignons divers sur là 90 NOEL BERNARD germination, comparer des semis de graines nombreuses. La chose est heureusement facile, puisqu'un même fruit d'Orchidée contient des milliers de semences. Pour les Cattléyées en par- ticulier, dont les gousses sont volumineuses, j'ai généralement préparé, avec les graines d’un même fruit, des tubes de culture contenant chacun, pour le moins, une centaine de graines. Quand plusieurs semis préparés ainsi sont inoculés, dans des conditions identiques, avec le même champignon, ils se com- portent d’une manière comparable; les statistiques données à ce sujet pour l'expérience Ill (page 100) le montreront avec pré- cision. Il n’en est plus de même quand l’inoculation est faite avec des champignons appartenant aux différentes séries dont l'énumération a été donnée dans le chapitre 1; Ia comparaison des tubes de cultures montre alors sans ambiguïté que certains semis réussissent mieux et d’autres moins bien ; il peut arriver, comme cas extrêmes, soit que presque tous les embryons se développent plus ou moins vite, soit qu'aucune graine ne germe. J'ai considéré comme les plus actifs les champignons qui donnent, toutes choses égales d’ailleurs, la germination la plus rapide, le plus grand nombre de plantules ou les plantules les mieux développées dans un temps donné. Ces trois indices con- duisent à des appréciations concordantes (1). Afin de donner une idée précise des différences d'activité que peuvent présenter les champignons d'une même espèce, Je résume ici les résultats d'une expérience comparative, faite en inoculant des semis de Lælia avec diverses cultures de Rhzoc- tonia repens. Ces cultures, dont j'ai rappelé l'origine, sont énumérées par ordre d'activité décroissante. J'entends par âge (1) En général, dans les semis les mieux réussis la mortalité est nulle, ou faible et tardive, elle est plus grande dans les semis qui progressent moins bien et les plantules retardataires meurent alors les premières, Mais il y a des exceptions à ces règles. On verra en particutier, au chapitre [V, que, dans des semis d’abord prospères, il peut y avoir à un moment donné une crise de mortalité subite et générale. La nocivité d'un champignon pour un semis n'est done pas invariablement liée à son activité. La mort tardive de plantules bien-développées estcependant un fait exceptionnel. Pour toutes les expériences au moins dont il sera question dans ce chapitre, la mortalité était faible ou nulle dans les semis prospères et notable seulement dans ceux où la germination se faisait très mal. L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 91 d'une culture le temps écoulé depuis que le mycélium a été isolé d'une racine pour être cultivé au laboratoire. Pour rendre compte des différences observées, j'ai distingué el dénombré dans chaque semis deux catégories de plantules, suivant qu'elles montraient des feuilles plus ou moins dévelop- pées ou qu'elles n’en montraient pas. Les semis où l’on observait le plus grand nombre de plantules feuillues contenaient aussi, comme à l'ordinaire, les plantules les plus avancées, qui avaient commencé à germer les premières. EXPÉRIENCE Î. Semis de Lælia du 9 avril 1906. Inoculés le 2 mai 1906. Statistique faite le 4 septembre 1906. ORIGINE DES CULTURES AGE PLANTULES| PLANTULES | NOMBRE de de plantules RÉ Sctoniairépens des cultures. | feuillues. |sans feuilles. |feuillues pour F _— û D : | . C ' L : | - à _ n : E ci | ï Û « | 0 n 5 ‘ : e M : | _" È | ! 1 “ - Û , + Li, lu = Ds L à Û s : 1. . . nn 1 : *t : 4 n (Os ji ue 1 RUE &